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MÉDKCmii: ET HYGIÈNE
DES ARABES.
DU MIME AUTEUR :
Clinique cbirurf^'icalr de l'hôpital du Gros-Caillou {(.azctit des llôpiîaui, i84a).
Cydotôiiic crAnien, nouvelle scie pour les autopsies Idem.
Recherches sur les luuicur* sublinguales (Strasbourg, »845).
Sur la syture des tendons (Gazette Médicale de Paris, i845\
Considérât ionii cliniques sur les kyftte-s Idem.
fionvel appareil pour !•* tmitoinrnt dr l'intor^o llbio tarMi-niu- (Casette Médicale de
Paris, i84-).
Du sulfate de cuivre danii le tr.tiifmenl de l'uréthriti* 'Abeille Médicale, 1847^.
Du traitement médical de l'h^drocèlc du testicule Idem, 1848.
^^otice riiinatologique sur Téniet-iMIàd (yAkhbav, journal de l'Algérie, 1848).
^ ^^t. la création des h'^pitaux :ir;ibts Idem.
do azotique dans la gingivite ulcéreuse épidcinîque (Paris, >8.i9).
'^ïe la (
>^
".onsidérrftions pratiques sur les maladies de l'Afrique (Journal de la Société des Sciences
médicales et naturelles de Bruxelles, 1849; et Abeille Médicale, t85oj.
Du niai de nier comme moyen curatif (Société de Médecin» d' Alger , iSi^.
Du traitement de la fièvre intermittente en Algérie (Alger, 1849 * -JVipiBioirr couronné par
la Société de Médecine d'Alger),
De l'hypérémie des sinus froataun (Abeilla Médicaie, f85oj.
De l'emploi thérapeutique àt» eaux forrufinenses de Téniet-d-Ilid (Paris. i85o).
Relation d'nne névralgie oculaire épidémique obMrvée k Téuiet-el-Hàd (Alger, i85o).
l'exii^tencc réelle de la névralgie oculaire épidcmique (Annales d'oeulistique du docteur
Florbut Cubikb« t85i^.
Du traitement de la dysenterie cl de la ièrr» iotennittente par U poadre du docteur
Fava (Société de Médeeim d'Alger, x8St^.
Variole et roug«>oles consécutives à la vaccine (Société Médicale d'Amient, i85aj.
Le choléra en Algérie, 1849, i85o et t8&i (Alger, i85aj.
De l'insalubrité de la viande de porc en Algérie (VAkhbmr» journal d'Alger, i85a}.
Compte-rendu des travaux du la Société de Médecine d'Alger Idem.
Conseils d'hygiène aux populations musulmanes de l'Algérie (Alger, i853; et dans 1«
yl/o6arAer, journal arabe officiel).
De l'ophlbabnie en Algérie et de «on traitement chex 'les Arabes (Annale^ médicales de la
Flandre Occidentale i854: et Lille, i854).
Du chancre du Sahar.i (Lille, i854-, et Annales médicales de la Flandre Occidentale, ijj54).
^
?
MËDECmE ET HYGIÈNE
DES ARABES
ETUDES
.SUR l'exercice de LA^MÉOEGINE ET DE LA CHIRURGIE
CHEZ LES MUSULMANS DE L^ALGÉRIE,
LEURS COfINAISSANCES
E!l AN ATOMIB» HISTOIRE NATURELLE» PHARMACIE, MÉDECINE LÉ6ALB> ETC. ,
LEURS CONDITIONS CLIMATÉRIQUES GÉNÉRALES,
LEURS PRATIQUES HYGIÉNIQUES PUBLIQUES ET TRIVÉES, LEURS MALADIES,
LEURiT TRAITEMENTS LES PLUS USITÉS,
•
re '^.jiiàdêrat-nns nr l'éiM péraî de ia Médecin? chez les finDciPâl's îiMions Mahomélanes,
rAK LK DOCIBt. H
E-Ii. ÇERTHERAm»
Ancien Médecin de l'Hospice Mosolinan d'Alger
et de* Bureau des Affaires Arabes de Téniet-el-HAd, Milianab, Alger, Batna, etc.:
Profraseor d'Hygiène industrielle à l'École professionnelle du Nord;
Lauréat et ancien Président de la Sodélé de Médecine d'Alger;
Membre des Sociétés médicales d'émniation de Paris et de la Flandre occidentale,
de la Société des Sdences médicales et naturelles de Bruxelles,
de la Société analomiqac de Paris, etc.
PARIS.
GERMER BÂILLIÈRE, UBRAIRE-ÉDITEUR
17, RUE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE.
LONDRES I MADRID
11. Bailliëre, 219, Regent-Street | Ch. Bailly-Bailliëre.
New-York, On. BAiLLiinE.
1855
It:
IpI^IS'
."^
^3
DAUMAS
E.-L. BERTHERANI).
•^
-*•■
PRÉFACE.
S'il est vrai que la vie physique de Thomme ne soit
qu'une chaîne non interrompue d'actions et de réactions
constantes, ayant pour objet ou sujet tout ce qui est
soumis à ses organes et les affecte, il est incontestable
que le moyen de rftcftvoir, de diriger ces impressions de
la manière la plus profitable à l'individu comme à l'es-
pèce, consiste dans l'étude de la nature intime, des lois
constitutives, des propriétés générales et particulières,
des corps qui produisent ou subissent ces phénomènes.
— Telle est la source des Arts et des Sciences dont le
progrès importe si vivement au bien-être matériel de
l'individu et des masses.
De même, quant à la vie morale de l'homme, l'exa-
men et l'appréciation des conditions sociales, mœurs»
caractère, pratiques et croyances religieuses, organisation,
préjugés, degré scientifique et social, etc., deviennent
d'une absolue nécessité et do plus haut intérêt pour le
peuple qui impose son contact à un autre peuple, quels
que soient la cause de leur rapprochement et le mobile
des actions et réactions réciproques, — eu d'autres
— 10 —
termes, de rinlluence et des relations, — qui doivent
s'exercer enlr'eux. L'étude du degré intellectuel et moral
des nations décèle aux législateurs, aux conquérants, aux
pouvoirs gouvernementaux, aux administrateurs de tous
les degrés, la qualité des moyens qui conviennent le
mieux pour guider et entraîner les sentiments et les fa-
cultés dans la voie du perfectionnement organique et
social.
Ces vérités sont très-applicables à toutes les colonies
naissantes, en particulier à l'Algérie, où depuis vingt ans
la France s'évertue à pénétrer de plus en plus la vie in-
time de la population indigène, à étudier ses besoins, ses
tendances, en un mot, son tempérament national, dans
le but d'améliorer, de modifier, sans cependant froisser
trop péniblement les idées et les errements qui lui sont
propres.
Sous ce point de vue^ première condition du succès
dans cette vaste entreprise de glorieuse rénovation so-
ciale, le champ de l'exploration est immense.
D'importants travaux ont déjà paru concernant la lé-
gislation, l'histoire, la géographie, le commerce, l'agri-
culture, la justice, les mœurs générales du pays, etc., etc.;
mais, plus le contact s'épanouit entre les vainqueur» et
les vaincus, plus la domination s'infiltre au sein des tri-
bus, plus aussi l'exploration devient multiple et entrevoit
de nouveaux épis d'étude à glaner.
C'est aux Bureaux Arabes — sorte de trait-d'union
précieux et nécessaire entre l'autorité gouvernementale et
— 44 —
ie peuple soumis — qu'est dévolue la laborieuse tâche
de renseigner sur tout ce qui caractérise les institutions
sociales des Indigènes; et, nul doute que les observations
récoltées patiemment sur tous les points et dans chaque
spécialité de ce vaste réseau administratif, ne dictent le
choix convenable et Tappréciation rationnelle des moyens
d'action les plus appropriés aux tempéraments de ce peu-
ple, et par conséquent les plus capables de l'initier sûre-
ment et promptement aux bienfaits de la civilisation.
Un peuple, en effet, — et le peuple arabe surtout, —
ne peut être connu et jugé au premier coup-d'œil. Il faut
rechercher avec patience le mobile principal de son carac-
tère, s^assimiler en quelque sorte à sa propre pensée,
analyser le cœur de sa fibre nationale, et sonder son idio-
syncrasie politique dans tous les sens : anatomie morale
d'autant plus difficile pour un observateur consciencieux,
qu'elle rencontre ici des obstacles sans nombre qu'oppo-
sent à chaque pas des préjugés séculaires, une aveugle
superstition, une existence individuelle toute mystérieuse,
la routine invétérée des principes fatalistes, etc.
C'est alors qu'une sage et prudente politique doit faire
tourner à son profit quelques-unes des tendances particu^
lières du sentiment populaire, et utiliser avec empresse-
ment les dispositions bienveillantes de l'Arabe à l'égard
de certaines institutions, ses sympathies non équivoques à
l'égard de certains arts, de certaines sciences. De ce nom-
bre est la Médecine, levier puissant qui permettra tout à
la fois de satisfaire aux intérêts physiques des masses,
— 12 -
de saper insensiblement leur superstitieuse apathie, de
détruire peu k peu la torpeur rétrograde, Tinimobilité
intellectuelle de ce peuple musulman.
Le Prophète a dit (Koran, ch. 5, v. 35) :
« Celai qui aura rendu la rie à un homme sera regarde comme s'il avait
M rendu la Tie à tout le genre humain. »
C'est là, sans doute, un des germes de la haute véné-
ration de toutes les castes mahométanes pour quiconque
se présente à elles avec le titre de Médecin.
Voilà donc une influence dont l'utilité et l'importance
sont incontestables et incontestées. Pourquoi la néglige-
rait-on?
Les résultats qu'il est pemiis d'attendre de son inter-
vention dépendent évidemment de l'intelligence de son
application : il est donc nécessaire de bien connaître au
préalable les notions et pratiques médicales qui ont cours
chez les Arabes, la manière en un mot dont la Médecine
est, doit être, et peut être exercée chez eux.
Tel est le but de ce travail.
Ayant fait un séjour de plus de six ans en Algérie,
employé près de différents Bureaux Arabes de 1848 à
1853, chargé de la création du service médical de l'Asile
musulman d'Alger, je crois avoir trouvé dans toutes ces
positions bien des occasions de récolter des renseigne-
ments sur les connaissances médicales des Indigènes
Arabes, Kabiles et Sahariens.
En coordonnant aujourd'hui les notes que m'ont four-
nies ces conslantes études doublement précieuses à mes
— i3 —
yeux et par leur attrait et par leur utilité, ma modeste
prétention est bien moins de produire une œuvre com-
plète, que d'appeler une fois encore l'attention générale
sur les services immenses que doit rendre à la civilisation
musulmane et à l'art de guérir en particulier, une sérieuse
et convenable institution médicale en faveur des Indi-
gènes de l'Algérie.
LIVRE I.
DU MEDECIN ARABE.
CHAPITRE I.
DE L'ÉTAT M U lÉDEailB CIBZ LES NATIONS ET POPULATIONS
MAHOMÉTANES.
En étudiant aujourd'hui l'état de la Médecine chez les
populations musulmanes en général, on ne se douterait
guère qu'^y a six siècles environ, quand TOrientet l'Occident
tremblaient encore sous les coups réformateurs du Mahon^-
tisme, la nation arabe inscrivait avec orgueil au rang de ses
illustrations, les Rhazès, les Àvicenney les Àlbucasis, les
Avenzoar, les Àverrhoës, lesAboiUabbaSj les Aben-Bitary
etc. A peine les noms de ces habiles commentateurs d'Hippo-
crate et de Galien, et les ouvrages Arabes qui régnèrent cepen-
dant dans nos écoles durant plusieurs siècles (du 43"^ au 16*),
sont-ils connus des' tolbas (savants) actuels; à peine la
tradition a-t-elle transmis de siècle en siècle les souvenirs
isolés, des lambeaux épars de quelques-unes des principales-
pratiques ou des importants découvertes de cette ancienne»
mais glorieuse époque.
— 16 —
C'est que les sciences médicales et naturelles ont subi le
sort de toutes les connaibsances d'un peuple, qui à la voix
encourageante de puissants khalifes, avait su créer les biblio-
thèques et académies fameuses de Bagdag, de Cordoue, de
Séville, de Bosrah, mais chez lequel Texcitalion fébrile qui
enfanta rapidemenllant de merveilles, vint bientôt s'éteindre,
moins dans les spéculations stériles d'un mysticisme exagéré,
que sous le souffle d'un pouvoir exclusivement Ihéocratique,
sous l'influence dissolvante de querelles intestines, entre des
chefs rivaux, entre sectes schismatiques ennemies.
Ce n'est point que depuis ce brusque temps d'arrêt général
dans révolution nationale, le peuple musulman, en retombant
dans les ténèbres de Timpuissance inlellecluellè, ait cessé
d'entourer d'une haute vénération l'homme qui pratique l'art
de guérir; mais c'est que la médecine, considérée soit comme
art, soit comme science, est essentiellement emprunteuse de sa
nature. Elle n'existe, ne se développe, n'acquiert d'importance
et d'utilité, qu'on raison proportionnelle des vérités qu'elle
glane chaque jour dans le champ des découvertes générales, et
des secours de toute sorte que lui prêtent l'industrie, les autres
arts, afind'en faire l'application immédiate maisrationnelleaux
conditionsphysiqucset morales des individus commedes masses.
En un mol, elle exige pour son institution, son étude, des élé-
menls suffisants delapart du milieu intellectuel et matériel delà
nation, qui veut profiler de ses lumières, de ses bienfaits.
Toutes les sciences sont sœurs à titre commun de filles de
la civilisation, de mères du Progrès; et l'histoire est là pour
jirr.'ivr r «pio jamais, h niicun-^ époque, les sciences médicales
n*!. ni |)ri ; liir ti'iin i\:lat supérieur hez un peuple dont les
lUïlres c.»nnaissanc;^s, i'é^a; iniclleclu''!, ^»' trouvaient à un
degré (rinférionté générale.
Or, sans aborder ici un exame» approfondi de l'instruc-
tion publique chez les Musulmans, il nous est nécessaire de
— 17 —
rappeler en quelques mots qu'elle est fort peu avancée, qu'elle
comprend trois degrés assez distincts : — d'abord, les petites
et noraireuses écoles prioiaires [messid) dans lesquelles les
enfants vont apprendre quelques prières etgazouiller quelques
versets du Koran; — ensuite, les écoles secondaires [medressa)
analogues à nos pensionnats; on y enseigne à lire, à écrire,
à réciter le Koran : après un certain nombre d'années, elles
fournissent les tolbas^ qui, sous le nom de mouadeb (qui ins-
truit), tiennent les établissements primaires, ou sous le nom
d'imam, récitent les prières à la Mosquée, ou sous le titre de
khoudja, serventde secrétaires auxfonctionnaires publics; —
enfin, IdLzaouïa, dont la double constitution universitaire et
hospitalière rappelle nos monastères du moyen-âge, pourrait
correspondre à nos lycées: son école, dirigée par un marabout
(prêtre), qui prend alors le titre AemoudarèSj donne le degré
supérieur d'instruction, c'est-à-dire psalmodialion du Koran,
étude de ses commentaires, jurisprudence musulmane, gram-
maire, versification, arithmétique, très incomplètes notions
en astronomie, etc. Les élèves qui possèdent ces diverses con-
naissances s'appellent uléma (de ale7n, science).
Quel contingent suffisant de notions générales, l'art mé-
dical pourrait-il puiser dans un tel programme, surtout quand
ceux qui sont chargés de le développer ne considèrent l'ins-
truction publique que comme un pur et simple accessoire de
la religion, quand, loin d'encourager les études et Inobser-
vation réfléchie des phénomènes de la nature, ils ne permet-
tent à l'intelligence, à l'esprit de leurs élèves que de retenir
la lettre du dogme religieux? Eux-mêmes, ces rigides tolbaSt
n'ignorent-ils pas la plupart des minimes choses indiquées
dans letexlo de ces lois à l'appréciation, à Tinterprétation, à
l'application desquelles ils passent leur tie? En est-il un qui
connaisse quelques pages- de l'hisloire do l'Islamisme, du
peuple musulman ? Faut-il s'élonner ensuite devoir le peuple
— 18 —
mahométan aveuglé par le fanatisme, par la plus supers-
titieuse crédulité, enfin, par une ignorance des plus grossières?
Etant constaté un tel abaissement intellectuel chez les peu-
plades vouées au Mahométisme, il suffit d'interroger toutes les
relations des voyageurs pour se convaincre en particulier de
la triste situation de la Médecine et de son exercice chez cha-
cune d'elles. En Arabie (à Djeddah], quatre barbiers tenant
boutique sont tout à la fois les chirurgiens et les médecins du
pays : ils savent saigner et composer différents médicaments
apéritifs (1). Ce ne sont que des empiriques d'une ignorance
remarquable, dit M. Tamisier (2), bons tout au plus à vous
tirer quelques gouttes de sang, à employer au hasard quelques
drogues dont l'usage se conserve par la tradition, et à vous ap-
pliquer à tout propos sur le corps des plaques de fer rougies
au feu.
Quant au royaume de Tunis (3), la médecine dans leDjerrid
est exercée par des barbiers maures et juifs qui sont à la fois
chirurgiens, dentistes et médecins. La chirurgie chez eux ne
consiste qu'en trois opérations : la saignée, les ventouses sca-
rifiées et le cautère actuel qu'ils appliquent très fréquemment
contre toute espèce de douleurs. Quant à leurs connaissances
en médecine, elles se bornent en général à la possession de
quelques recettes qu'ils se transmettent par héritage de père
en fils.
A Tunis, dit le D' Brandin (4), il n'y a qu'un seul hôpital
pour les indigènes Arabes et Bédouins : il est si misérable et
tellement dépourvu de secours, qu'il doit être plutôt considéré
comme un tombeau anticipé, que comme un lieu où la douleur
doit tjrouver quelque soulagement L'exercice de la méde-
(i) Notgi du yojageur BoAc&iàftor, Revuê d'Orient, i843.
(s) Voyait «n Arahi; i84o, t. j, p. 85.
(3) yàjrag*dan$ h Sahara tunitient par Loia-MoiioAxoir, Revut d'Orimi, l844>
(4) Du Bffjraimt de Jïmii dans set rt^ports aree VAlgme, i85o.
— 19 —
cine en Orient n'est qu'un métier, qu'une spéculation mer-
cantile ; le premier venu qui a été quelques mois domestique
ou interprète d'un médecin, exerce aussitôt la médecine pour
son propre compte, le plus souvent aux dépens de son patron,
toujours, à coup sûr, aux dépens du public ignorant ou mes-
quin. A Tunis, tous les médecinsontdespharmaciespubliques.
Les médecins du Darfour sont presque toujoursdes hommes
d'un âge avancé; les principaux moyens thérapeutiques em-
ployés sont les scarifications et les cautérisations par le feu.
En fait de médicamens, ils ne prescrivent guère en général
que le tamarin, le miel et le beurre de vache. On attache une
grande importance et une grande attention à la science des
esprits et de ta magie. La médecine est pour les Foriens une
branche de la magie : ceux qui ont acquis une certaine re*
nommée par leur habileté magique appliquée à Tart médical,
reçoivent le nom ie tabbaby, mot dérivé de Tarabe Tabib^
jDÀiecin (1).
L'école de Médecine et de Chirurgie deSolimanièb (Turquie)
avait autrefois une grande réputation en Orient; mais Tartde
guérir ne s'y enseigne que par des traditions et des préceptes.
Les élèves apprennent Tanatomie, à peu près comme nous
apprenons l'histoire ancienne, et jamais leurs regards n'ont
pénétré l'intérieur du corps humain... Dans un pays qui ne
peut former des gens habiles, il faut bien prendre les médecins
comme ils se présentent; aussi sufïit-il du diplôme ou de la
patente délivrée par VHakim-Bachi (médecin en chef) qu'on
accorde sans examen et qu'on achète pourquelques piastres....
Les idées de la fatalité ont prévalu de plus en plus, et les
médecins ne sont que les instruments de la volonté divine....
Si on voulait faire un dénombrement complet des gens de la
faculté, il faudrait mentionner ceux qui préparent les drogues
(i) f^o/ag* «H Darfour, par le cheikh Mohammed EbkOmai it Too»»», Réviienr en «kef
à l'Bcole de médecine du Caire, i545.
— 20 —
^t les vendent, les barbiers chargés de la saignée on de
l'applicalion des sangsues, enfin les inlerprèles des médecins
francs qu'on peut considérer comme des élèves en médecine,
et qui, après avoir tous les malins,' pendant quelques mois,
traversé la corne d'or avec leur maître, ne manquent pas de
dire à leur tour : « Et nous aussi, nous sommes docteurs. »....
La maladie d'un homme puissant est toujours un grand
événement parmi les médecins de Stamboul ; la maison d'un
vizir ou d'un ministre gisant sur son lit de douleur, devient
tout-à-coup le rendez-vous de tous ceux qui s'occupent de
l'art de guérir. On y trouve des docteurs juifs, des Grecs, dcg
Arméniens, des Francs; dans cette foule, il se rencontre
totijours quelques derviches qui viennent avec leur magie,
et c'est ordinairement entre les mains de ces derniers que
le malade expire, lorsque la nature ne vient pas à son
secours, etc. (1).
Ce que Ton nomme hôpitaux, dans la capitale des Sultans,
n'offre à peu près que le couvert aux individus que Ton y
transporte... Ces hôpitaux sont dépourvus de médecins cl de
médicaments. Personne ne constate les décès; on ne s'assure
même pas s'ils sont réels. Combien de malheureux sont
enterrés qui vivent encore (2) !
Il n'y a pas de médecine nationale à Constantinople,
écrivait plus récemment le docteur Monneret (3) ; celle qu'on
y trouve se compose de lambeaux épars empruntés aux écoles
étrangères et importées par les médecins Italiens, Allemands,
Anglais. Au milieu de cette confusion étrange, l'empirisme et
surtout la polypharmacie ignorante prédominent sur tous les
autres systèmes.... La religion défend de toucher aux cadavres
(t) MicMAVD et PoiJoi'LAT, Correffondattce U'Orient» t. Ml, p- »&2 cl suir.
(2) La Turquie Nomelle, p.ir D'Ao»ni«osc, 1839, I. U p. nb.
(3) Çuelqttcs mots mu- l'état de la Médecine à Comtantinnplr, 1849, ('as€4tf Médicale <Ic
Paris.
— 2i —
qui doivent être immédiatement ensevelis, dès que l*on
suppose que la vie a abandonné le corps. La physiologie n'est
pas étudiée avec plus de succès. Une interprétation trop
rigoureuse et peu éclairée du dogme religieux s'oppose à ce
qu'on soumette les animaux aux vivisections. L'étude des
maladies des femmes et des enfants, ainsi que l'obstétrique, ne
sont enseignées que théoriquement; il n'existe point d'hôpital
consacré à ce genre d'affection ; etc.
La Médecine des Persans n'étant fondée aujourd'hui ni sur
Tanatomie, ni sur la physique, on peut la regarder comme une
science purement conjecturale et routinière, peu propre à
obtenir des résultats certains... Toute la science du médecin
Persan se borne à reconnaître la cause prétendue d'une
maladie, et à la combattre par son contraire.... Dans la plu-
part des maladies chroniques, et dans presque toutes celles
qui dépendent de la lésion d'un viscère, le hasard conduit la
main des médecins; ou, s'ils procèdent, se rendant raison de ce
qu'ils font, le diagnostic se trouvant erroné faute de
connaissances anatomiques, le traitement auquel ils ont
recours ne peut être que vicieux... Quant à la Chirurgie, elle
se borne à saigner, à appliquer des emplâtres sur les plaies,
à mettre des ventouses ou le moxa sur les parties douloureuses,
à faire des cautères, à réduire une luxation, à ouvrir un abcès
extérieur, et c'est tout ce qu'on peut en attendre.... La
médecine est exercée dans les campagnes par des hommes qui
se transportent d'un village à l'autre, et qui ne manquent
jamais de se faire payer d'avance les remèdes qu'ils adminis-
trent... On voit aussi paraître dans les campagnes et même
dans les villes, une autre classe de charlatans non moins
adroits, je veux parler des derviches, imans, mollahs et
autres religieux : ceux-ci n'ont jamais recours qu'à des
pratiques superstitieuses, etc. (I).
(«) Olivivr, l'iniifn PiHnrf<i/nf ; la Pcr^e, p. .\ii.
— fi-
chez les Nubiens, les remèdes les plus communément
employés sont Tapplication du feu et les scariGcations sur
toutes les parties du corps et principalement au creux de
l'estomac. C'est presque là, avec la diète, Feau et quelques
pratiques superstitieuses, leurs seuls moyens de guérison.
Du reste, nul n'exerçant en titre la médecine ni la chirurgie,
c'est dans Texpérience d'un parent ou d'un ami que les
Nubiens placent leur confiance en cas de besoin (1).
Au Caire, la seule institution qui attire aujourd'hui
l'attention des voyageurs, est le Moristan. Cet hôpital remonte,
pour sa fondation, au moyen-âge; pendant plusieurs siècles,
sa renommée avait rempli l'Orient. On m'y a conduit; je suis
entré dans un grand bâtiment qui menace ruine ; là, dans
deux ou trois chambres sans meubles, j'ai vu de pauvres gens
couchés sur des nattes ou des coussins, couverts de vermine
et de lambeaux, qui paraissaient plus souffrir encore de leur
misère que de leurs maladies. Comme dans tous les hôpitaux
musulmans, il n'y a là ni remèdes ni médecins.... J'ai vu les
aliénés dans une des cours ; je n'ai trouvé auprès des
malheureux enfermés au Moristan, qu'un barbier qui leur
tient lieu de médecin. Pour tout remède, il leur donne à
chaque renouvellement de la lune un bouillon de vipère. Il
avait à la main une clef et en donnait des coups sur la tête de
chacun de ses malades : il m'a répondu que l'équilibre dans
les idées ne pouvait se rétablir que par quelques secousses....
Le premier médecin du Pacha est comme YHakimrBachi du
sérail impérial de Constantinople, lequel ne sait pas un mot
de médecine et n'en préside pas moins à l'art de guérir. La
médecine de ce pays n'est pas plus avancée que tout le reste.
L'ophthalmio, par exemple, est une maladie très commune;
on ne manque pas ici de médecins oculistes, mais ils n'ont
pas encore pu connaître la nature et la source du mal I La
(i) L'F.grpif ft h Turquie, par .MM. oi Cadai.tiv> et »■ Babvtut, t. II, p. i6>.
— 23 -
plupart des malades se lavent les yeux avec TeauduNil, et
la providence fait le reste (1).
Il est juste de dire que de nobles et glorieuses tentatives
ont été faites dans ces dernières années par le viçe-roi
d'Egypte, pour initier son peuple aux bienfaits de la
civilisation. Les résultats obtenus en ce qui concerne les
écoles médicales ayant été rapportés avec quelqu'exagération,
nous croyons devoir nous borner à citer quelques passages
d'un auteur aussi impartial que judicieux (2) : « Tandis que
d'un coté, comme une tempête, le monopole ravage les champs,
enlève la population, dessèche cette fertile contrée ; de l'autre,
celui qui l'a fait naître se montre toul-à-coup comme un
météore brillant qui va éclairer l'Egypte. Il fonde des écoles
pour l'étude des sciences, des ateliers, des usines pour les arts,
* pour l'industrie, et ses créations lui attirent l'admiration de
l'Europe. Le météore pâlit, la tempête grandit toujours,
rompt plus lard le premier ouvrage d'une civilisation qui ne
peut s'implanter là où le monopole a détruit la propriété.
L'Egypte voit ses villages s'écrouler; des maladies meurtrières
enlèvent ce qui reste d'une population chétive; l'administra-
tion ne prescrit aucune mesure hygiénique; des fumiers
encombrent les villages; et, dans les rues, dans les champs,
sur les marchés, aux bords du Nil, partout on ne rencontre
qiie des êtres amaigris, portant sur la figure l'annonce d'une
misère effroyable... L'Egypte, d'opulente qu'elle était, n'a
que des chifltkes, la peste et une flotte qui consomme sans
rien produire L'homme naît dans l'ordure, végète en
tremblant, dans un milieu destructeur, et expire sur un
fumier. En Egypte, pour vivre, l'homme fuit ses semblables
et se cache dans un trou humide, dans un terrier dégoûtant.
Des maladies affreuses se développent sur la terre qu'il habite,
et ces maladies peuvent envahir le monde, etc. »
(t) MiCBAOD et Tovsovvkx, CorrespomlaHee d'Orient, t. VI, p. ix «t stiiv.
* (t) VBgrpte IMM MAmet-JU, par P.M. IUmokt. i8.i3, t. II, p. 63» et rniv.
— 24 —
Rappelons entiii que dans la seule ville de Tunis, on
compte aujourd'hui cent-vingt barbiers uniquement occupés
àventouser (ils se nomment alors lladjama], à saigner, à
faire des pansements. Que reste-t-il donc à faire aux autres
individus qui exercent Tart de guérir ?
Et cependant la médecine est tombée à un td degré d'infé-
riorité, dans oc mêmeOrientqui fut jadis son célèbre berceau,
ténioinsles noms immortels d'Esculape,d'Uippocrate,deGalien,
— chez ce même peuple Arabe dont les illustrations médicales
régnèrent si longtemps sur la médecine européenne (1),
— chez cette même nation dont le prophète avait dit aVec
autant de vérité que d'éloquence : « Enseignez la science ;
qui l'enseigne, craint Dieu ; qui la désire, adore Dieu ;
qui en parle, loue Dieu; qui dispute pour elle, combat pour
Dieu; qui la répand, distribue l'aumône; qui la possède,
devient un objet de vénération et de bienveillance. La science
sauve de l'erreur et du péché ; elle éclaire le chemin du paradis,
elle est notre compagne dans le voyage, notre confidente dans
le désert, notre société dans la solitude; elle nous guide à
travers les plaisirs et les peines de la vie, nous sert de parure
auprès de nos amis, et de bouclier contre l'ennemi; c'est par
elle que le Tout-Puissant élève les hommes qu'il a destinés à
prononcer 5wr ce qui est vrai, sur ce qui est bon. Les anges
briguent leur amitié et les couvrent de leurs ailes. Les monu-
ments de ces hommes sont les seuls qui restent, car leurs
hauts faits servent de modèles et sont répétés pdr de grandes
âmes qui les imitent.
« La science est le remède aux infirmités de l'ignorance,
un fanal consolateur dans la nuit de l'injustice. L'étude des
lettres vaut le jeune, leur enseignement vaut la prière ; à un
(i) Fabrice d'Aqaapeuih'iile disait, il y a deux tiècfes : u Ci-lsc clicï les Latius, Paul
d'Eçync chez les Grecs, Albucnsis chez les Arabes, forment un triumvirat ouquoi je confesse
aroir les pins jrraudes obligations. »
- 2?S -
cœur noble elles iospirenl des sontimeals plus élevés, elles
corrigent el humanisent le pervers (1). »
Yoici un proverbe musulman très-connu :
M Les lytim méa qAd mat oaalidlhou, bel lytim dindi la fllemlhou
» (m la Âdeb. u
« L'orphelin n'est pas celai dont le père est mort, mab c*ie5i celui tpA
» n'a ni science ni éducation, n
Le Prophète Mohammed a dit aussi :
« Les sarants «ont comme les eaux minérales, parce que, do même qu'elle»,
» ils iittirent une foule de gens de près comme de loin, qui viennent y
n diereber la gnérison. n
Je cite toutes ces belles et profondes paroles de ce Réforma-
teur, parce que Ton s'évertue généralement à faire peser
exclusivement sur Tesprit du.Koran la responsabilité de
l'inaction, pour ne pas dire de la dégradation intellectuelle,
qui caractérise aujourd'hui les populations musulmanes. Que
ceux«ià lisent et méditent ce Koran, — « cette seconde
édition de l'Evangile,» selon l'expression de M. Cousin (2);
ils y trouveront, à chaque page, des préceptes sur l'hospita-
lité, la charité, l'aumône, — l'attaque constante de l'idolâtrie
et du matérialisme parles armes supérieures du spiritualisme,
— de fréquentes exhortations aux bons procédés à l'égard des
femmes et des esclaves, à Taccomplissement quotidien des
devoirs hygiéniques, des obligations du jeûne, de la prière, —
des détails minutieux sur la jurisprudence; — ils y enten-
dront le Prophète appeler à chaque instant l'attention, la
méditation de son peuple sur les merveilles splendides, sur
les phénomènes mystérieux de la Création. Et les incrédules
pourront alors se convaincre que la portée de ce livre et de sa
doctrine n'était point de jeter un jour les facultés intellec-
tuelles et morales de toute une vaste nation dans le repos
(i> HA»fTs, (Conwt9tioiu) du prophèt* Mohammed.
(i) Fn^ment fhil9$9phiqutt, t. Il, page 44>>
— 26 —
stérile, dans une immobilité dégradante : non, certes. Produit
hybride des principes du Christianisme et du Mosaïsme,
appropriés au caractère oriental, Tœuvre de Mohammed ne
devait point, — après avoir conduit ses adeptes à la tête de
la civilisation en Occident et en Orient, — se trouver promp-
tement dénaturée par des interprétations aussi fatales qu'ab-
surdes dans leurs conséquences.
C'est qu'en tr'au très grandes fautes, les successeurs de ce
guerrier-réformateur ne comprirent point que l'esprit , la
raison d'une nation ne peuvent être impunément retenus
dans les chaînes de l'oppression, par ceux-là nrême qui ont
mission de conduire moralement dans la voie du progrès, et
qui, dans le sens contraire, n'aboutissent alors qu'à les vouer
à l'asservissement le plus funeste.
« Il n'y a que nous autres Pachas, s'écriait Moktar (Pacha
deDjénîna), qui devrions savoir lire et écrire. Si j'avais un
Voltaire dans mes Etats, je le ferais pendre, et si je connaissais
quelqu'un de plus puissant que moi, je l'immolerais à
l'instant »
De nos jours, « les Ulémas, dans leur orgueil, condamnent
comme irréligieux et profane quiconque s'occupe d'autre
chose que de tout ce qui regarde la religion et la théologie (1 ) . »
Cette profonde et constante altération des véritables senti-
mens religieux, par l'ignorance, la fourberie, — sa dangereuse
transformation en aveugle fanatisme et en passions haineuses,
— d'incessants désaccords théologiques (2), telles senties plus
grandes causes du dépérissement intellectuel du peuple musul-
man; rtil y aplus-que de l'injustice à en faire remonter la
source à l'influence même du Koran. Evidemment, les tristes
résultats que nous constations plus haut dans le degré général
(i) ro/ag» an Darfour, par Bik-Omaa bl Toohitî trâduct. da O' PtmoK, p. 44^-
(a) Il y • p1a« de soixAntcdix Mclcs KhiMnaiiqnrs qai interprètent le Koran chacune à
M façon.
^ il — ■
d'instruction des peuples soumis à rislamisme, sont tout
opposés à ceux qu'on Qevait attendre d'une religion dont le
premier titre est d'avoir détruit Tidolâtrie et semé dans l'esprit
araifi beaucoup d'idées chrétiennes. Rendons-lui justice, car
elle seule sut réussir là où la Grèce et Rome avaient échoué,
— fonder l'unité sociale, la nationalité de peuplades intolé-
rantes et vagabondes en les fusionnant par le développement
et la communauté intime des sentimens, des intérêts, des
mœurs publiqiMes et privées. Elle réveilla plus d'un pays
assoupi dans l'ignorance, inspira la création de plus d'une
institution célèbre et glorieuse.
Etudions avec soin les motifs de la cri^e dissolvante qui,
depuis quatre siècles, dégrade la nation musulmane, et
sachons utiliser les mobiles de cette même influence reli-
gieuse ramenée à son véritable principe, pour la faire tourner
au profit de la réhabilitation morale du peuple arabe et des
intérêts de la cause Européenne. La France ne peut vouloir
détruire comme les Vandales, asservir comme les Turcs, Elle
ne saurait perdre de vue Rome triomphant de la Grèce par la
valeur de ses armes, et la Grèce triomphant de Rome par les
sciences, les lettres et les arts.
En résumé, la chute musulmane doit être attribuée aux
fautes, aux erreurs des gouvernemens nationaux qui, s'écar-
tant des voies tracées par le Prophète, ne surent plus diriger
leurs peuples et continuer à donner satisfaction égale aux
besoins de l'intelligence comme à ceux du climat et des
mœurs. Les Turcs n'ont-ils pas suivi cet absurde système
d'administration publique en traquant les Arabes algériens
avec la plus odieuse tyrannie, en tourmentant leur repos par
les vexations et les caprices les plus injustes? Les sciences, la
propriété, l'industrie, le commerce, pouvaient-ils se dévelop-
per sous le règne de la force brutale, sous une main constam-
ment armée de fer et teinte de sang? Est-ce sous ce régime de
— ÏH ~
spoliation et de contrainte que les Arabes ont fait de l'Anda-
lousie une des plus riches contrées de TEspagnc, — que,
gardiens fidèles et intelligents des connaissances humaines-
sous leurs khalifes, ilsx)nt pu compter avec orgueil de grandes
et nombreuses célébrités nationales ? Ainsi :
En mathématiques (Abou-Hassan en trigonométrie ,.
Ben-Haïtem en géométrie, Aboul-Féda en astronomie) : Lés
Arabes ont fait marcher d'un pas rapide rarilhmélique et
l'algèbre, appliqué la trigonomélrie aux phénomènes célestes,-
donné un catalogue des étoiles fixes, créé l'astrologie judi-
ciaire, les observatoires astronomiques de Bagdad etdeGiralda;
Dans le commerce, l'industrie, les arts, ils développèrent
en Espagne la culture du riz, du safran, <iu mûrier, de la
canne à sucre, du gingembre, du dattier, du bananier, de la
myrrhe; y importèrent Tart des irrigations, les norias, etc.,
les tapis de Perse, les lainages de Cachemire, les soieries de
Bagdad (Valence etGrenade devinrent célèbres dans ce genre);
y créèrent les riches tissus de laine et soie entremêlés d*or et
d'argent ; produisirent d'habiles corroyeurs (au Maroc),
d'excellents fourbisseurs d'armes de toute sorte (Damas,
Tolède, Cordoue) ; poussèrent l'architecture à un haut degré
de réputation, témoins leurs aqueducs, fontaines nombreuses,
ponts solides, palais de TAlhambra, mosquées de Jérusalem,
Damas, Cordoue, Vieux-Caire, etc.; donnèrent enfin naissance
à de bons traités sur les élémens de la musique et les règles
de la composition ;
Dans la littérature, on leur doit cette muse islamique
si justement renommée, la traduction et la transmission
d^œuvres précieuses de Tanliquité perdues dans leurs idiomes
propres, la production de nombreux dictionnaires en diverses
langues, d'innombrables contes, proverbes, romans, annales,
chroniques, histoires de khalifes et hommes illustres, de judi-
cieuses interprétations du Koran, et de remarquables ouvrages
- 29 —
sur le droit [Ibn Khaldoun) et la rhétat*ique; de beaux mor-
ceaux d'éloquence sacrée et académique, des métaphysiciens
célèbres; en un mot, les collèges, bibliothèques et académies
célèbres du Gaire, d'Alexandrie, deCordoue, de Grenade, de
Bosrah, de Koufa, de Sévîlle, Valence, etc. ;
. Quant aux sciences, il faut ajouter, à ce que nous en
avons dit dans ce chapitre, des géographes fameux (Ibn
Haucal, Ibn Batouta, Edrisi], Tinvention delà chimie et de la
pharmacie, de nombreux traités de médecine, chirurgie,
sciences naturelles, la découverte du séton, de la lithotritie,
de la distillation, des minoratifs, etc.; enfin, c*est à Bagdad
qu'eut lieu la première organisation d'un service d'hôpitaux
réguliers; et n'oublions pas que ce sont les savants arabes
qui, dégageant les sciences médicales de tout le fatras de
Tnagie et de pratiques superstitieuses dans lesquelles elles
étaient tombées depuis Celse et Galien, nous les ont transmises
avec de remarquables développemens.
Aujourd'hui même, pour celui qui étudie à fond et impar-
tialement la population arabe, il y a dans son caractère des
forces vives d'intelligence, d'aptitude à l'étude, de conception
très déliée. C'est au pouvoir à les développer, à les diriger ea
dehors des préoccupations religieuses, car Rome fut grande et
forte avant l'ère chrétienne... .
« Les hommes étant faits pour se conserver, pour se nour*
nir, pour se vêtir, et faire toutes les actions de la société, la
religion ne doit pas leur donner une vie trop contempla-
tive (J). »
Toutes les considérations précédentes, suggérées par Tétude
des populations musulmanes au point de vue intellectuel en
général, au point de vue scientifique en particulier, nousper*
V •) Mo»tMn,.i.i., Di l'Esprit tle< Los. lir. XXIV, ch. Il-
— 3i> —
meilroDl maÎDte&aiit d'abtjnler les détails «Ji» la médecine
arabe, avec Tespoir qu'ils seroot accueillis arec moins d'éton-
nement, pour ne paâ dire d'incrédulité.
CHAPITRK 11.
miciCE m LA lÉficanK chez us hsclia^s dk lwlgérie. —unis
C0.1?f\KS.\KES El S€1E\€ES lÉDlCUES k ^KATCRELLES.
Le docteur Scliaw dit (I), à propos des Maures algériens :
« Je n'ai vu que fort peu de leurs tebeebs ou médecins qui
connaiss^înt Rhazh, Averrhoës, ou les autres médecins
arabes. Le médecin du Dey, qui est en même temps ami7i ou
président des autres médecins, me demandait un jour si les
Chrétiens connaissaient bien Boukrait (c'est ainsi qu'il appe-
lait, soit par ignorance, soit par afTectation, le grand Hippo-
cratc), ajoutant qu'il était le premier des hakim ou docteurs
orabes, et qu'il vivait un peu avant Avicenne. »
En 1830, lors de l'occupation française, le bach-djerrha
(chirurgien en chef) de l'armée turque, cumulant avec ses
fonctions celles de bourreau, était chargé de couper le poignet
aux condamnés pour vol.
Il y a, chez les Arabes actuels de l'Algérie, beaucoup de
(i) f'n/0gt tinnt (n Out^i€ et U Jj€ranl, t. I, \\. 34u.
— 31 —
médecins, ou, pour mieux dire, beaucoujp d'individus exer-
çant Tart de guérir. On les distingue par deux dénominations
principales, basées sur leur apparent degré d'instruction. Le
ibubibe [detobba, remède), c*est le praticien ordinaire; le
hakem {de hakem, prescrire], c'est le médecin savant, celui
qui joint, à une grande réputation acquise par des connais-
sances étendues, le mérite particulier d'écrire sur les remèdes.
On donne encore le nom de mdaouï (de doua, médicament)
au médecin qui dirige un traitement interne ou chirurgical.
C'est une expression qui indique que le toubibe fournit et
applique lui-même les médicaments qu'il prescrit; qualifica-
tion, du reste, peu employée.
Le chirurgien esl quelquefois appelé djerrha (de djerrha,
plaie).
Dans le Sahara algérien, « le khebir (conducteur d'une
caravane) connaît Thygiène à suivre selon le pays, les remèdes
contre les maladies, les fractures, la morsure des serpents et
la piqûre des scorpions (1). »
En thèse générale, on doit dire que chez les Arabes il y a
bien plutôt des empiriques que des charlatans [zraqti].
Partout l'ignorance, l'absence d'études suffisantes, font les
premiers; la cupidité la plus éhonlée et la plus immorale
produit les seconds. Sous ces rapports, rendons justice à nos
Indigènes. Les charlatans n'étant d'ordinaire que des indivi-
dus sans dignité professionnelle qui exploitent audacieusement
quelques vérités de la science, le grand nombre de ces gens
sans pudeur est nécessairement proportionnel aux progrès de
celle-ci. Or, on ne voit réellement pas ce que la médecine
arabe, dans sa nudité presque complète d'éléments positifs,
pourrait offrir à d'indignes exploitateurs. Si l'impuissance de
l'art enfante les empiriques, les charlatans ne sauraient exister
(i) Minwtet Coutumes J0 CAIçfiic, p.ir le lieattQant-|;énér«l Dacjias, p. 33o
— 38 —
qu'à la condition de trouver, dans son degré de notions prati-
ques, matière à commerce auprès des ignorants.
Les Maures (habitans des villes) pratiquent la médecine
avec une ignorance profonde. À vrai dire, dans ces localités,
il n'y a aucune trace de médecine sérieuse, les Indigènes y
ayant perdu et perdant constamment le cadiet typique des
connaissances et mœurs nationales, au contact incessant des
racesdiverses au milieu desquelles ils vivent. Malheureuse-
ment, ils ne savent pas modifier avantageusement leurs
préjugés et leurs coutumes.
Chez les Arabes et les Kabyles, ce sont généralemenf des
individus d'un âge avancé, vénérés dans chaque tribu ou
village, comme devant à une longue expérience de la vie une
certaine réputation de sagesse et un vernis présumé de savoir,
qui forment la majeure partie des ioubibes (4). Leur science
se compose d'un mélange très hétérogène de conseils transmis
parla tradition, par les voyageurs qui viennent de contrées
plus ou moins éloignées, par les gens qui émigrent de temps
à autre à Tunis, au Maroc, etc., ou enfin par la lecture de
formulaires de médecine magique, sortes de recueils pratiques
sans suite aucune, sans ordre, sans rationnai ité, recommandés
par le Prophète Afo/mmmed ou des savants en haute réputation
dans chaque localité.
Il y a, dans ccrlaines circonscriptions, des toubibes qui
ont acquis do la célébrité dans le pays, et dont la clientèle est
fréquentée par déjeunes tolbas (savants). Ces derniers, en
quelque sorte élèves en médecine [çana], suivent pendant un
certain temps la pratique de ces maîtres improvisés, moyen-
nant une rétribution proportionnée à leurs propres resso«irces.
Celui qui est riche prolonge son séjour et paie deux ou trois
cents francs; cdui qui a peu d'aisance s'acquitte en nature ou
(i) Toubib* fait au pluriel foubba. Mous avons préféré cotaserrcr le mot toubibe au pluriel,
parce que crtteexprcwion, plas conanc co Alg«*rir, peut t^tre francités sans inconvéïdtnt.
— 33 —
par rbospitalité, et s'empresse d'aller faire Tapplicatiion des
quelques formules qu*il a pu apprendre.
La chirurgie des Maures est des plus ignorantes : leur
arsenal opératoire se compose d'une ventouse, d'un morceau
de pierre infernale, d'amadou, de charpie, auxquels il convient
d'ajouter une paire de ciseaux, une lancette et un bistouri, le
toot essentiellement malpropre et rouillé (1 ).
La petite chirurgie, dans les villes, est abandonnée aux
barbiers [haffef]. Le ioubibe citadin regarde au-dessous de
lui de faire une saignée ou d'extraire une molaire.
Contrairement à cet usage, la médecine et la chirurgie se
réunissent généralement dans la4)ratique des toubibes des
tribus et villages. Leurs instruments de chirurgie sont en très
petit nombre : une espèce de clef à dents [qoullab], ou, pour
parler plus justement, des tenailles fort grossières, souvent
employées comme tire-balles; un couteau à lame courbe, très
eJflSIée, servant habituellement de rasoir et destiné aux cauté-
risations». aux scarifications; une corne avec laquelle on
ventouse en aspirant par la petite extrémité ; et, quelquefois,
des anneaux de fer de diverses grandeurs, que Ton rougit
pour cautériser l'orifice des plaies d'armes à feu, etc.
Ces diverses pièces se confectionnent d'ordinaire dans 1^
pays; toutefois, les instruments de chirurgie sont rares chez les
Arabes, principalement parce que la manipulation du fer et
des métaux, peu en honneur chez les Musulmans, se trouve
(excepté chez les Kabyles) abandonnée aux juifs, aux ouvriers
des villes. C'est, en effet, à ces sources que les Arabes achètent
leurs armes, leurs outils^ etc. Tout au contraire, chez les
Kabyles qui, plus industrieux, possèdent des forgerons, des
armuriers, Tétai du toubibe, dans un marché, par exemple,
se iait toujours remarquer par un assez grand nombre de
ft) yfvftt dans le Mvniteur migtritn de férrlcr i84o : ht Mtdêcim Maurrs, par MM Roww»
»s Bewt et ALrao:rsB I^ov«sC4v.
— 34 -
pièces de ferrailles qui représentent, plus ou moins, des ins-
truments de chirurgie. Plus on s'éloigne des montagnes pour
aller vers le Sahara, plus la quantité de ces objets à opérations
diminue; mais, en revanche, plus la liste des remèdes externes
destinés à les suppléer augmente.
Le toubibe rural se rend assez exactement aux divers
marchés tenus chaque semaine sur différents points du cercle.
Il y tient boutique en plein vent. Vous le trouvez, gravement
assis à la mode arabe, devant quelques pièces d'étoffe, le plus
souvent un bernouss, un haïk, sur lesquels sont étalés çà et là
de grossiers instruments négligemment disposés au milieu de
substances minérales et végétales, en tête desquelles figurent
le sulfate de cuivre, le bleu de Prusse, le piment, le safran, le
miel, la canelle, Torpiment, les canlharides, le henna (lawso-
nia inermis), Tambre, le gingembre, l'alun, des parfums,
quelquefois du hachich (cannabis indica), des benjoins, etc.
Du reste, la chirurgie proprement dite n'a jamais été en
honneur chez les Musulmans. Rhazès se plaignait du peu de
considération attaché à la médecine opératoire, de son temps
entièrement délaissée aux esclaves. Une défaveur si marquée,
au sujet d'un art qui avait toujours dû produire des résultats
palpables et au moins supérieurs à ceux de la médecine interne
alors obscure et toute empirique, ne tenait-elle pas aux pré-
jugés, à l'horreur pour toute effusion de sang ? Avenzoar m
refusa-t-il pas d'extraire la pierre, parce que les manœuvres
qu'il aurait fallu exercer sur les parties réputées sacrées ou
honteuses, pouvaient blesser les principes de pudeur inculqués
par la religion ? Il déclare même que les médecins de soc
époque avaient quelque honte à exécuter les opérations. Leî
hommes ne devaient jamais découvrir les parties génitales di
sexe féminin, chez lequel les femmes seules pouvaient prati-
quer la lithotomie, la réduction de la chutede matrice, etc. (1).
(i) Aicfc' Kacem, chirurg. lib. Il, sec!. 60, p. j84; »««*• C"> P* •5®'
— 35 —
Toutefois, constaton&<le en passant, si la chirurgie a été peu
en honneur chez les apciens médecins arabes, ils n'en ont pas
moins pratiqué un assez grand nombre d'opérations, quoi-
qu'avec crainte et timidité. Ce fait, tout singulier qu'il peut
paraître chez un peuple si fataliste, ne doit pas être négligé
par lès toubibes fradbiîs qui voudront faire comprendre aux
Indigènes la nécessité absolue d'une mutilation de membre,
ci la possibilité d'altérer ainsi la création divine dans un but
de|[uérison.
Les Arabes, en effet, répugnent aux grandes opérations san-
glantes. Us préfèrent une mort certaine et prochaine à quel-
ques années d'existence achetées au prix de la mutilation du
corps. Cette horreur pour toute effusion de sang est à noter,
car elle explique pourquoi la chirurgie arabe paraît aujour-
d'hui si conservatrice. En réalité, ce n'est point que l'expérience
ait appris aux toubibes le peu de dangers de certains accidents
considérés dans d'autres pays comme très graves et entraînant,
par exemple, la nécessité de l'amputation, en principe; l'igno-
rance, principale cause bien certainement de Téloignement
des Arabes pour les mutilations chirurgicales, inspire cette
antipathie et la nécessité de respecter des lésions fort graves.
L'impuissance de leurs connaissances très bornées les y
condamne.
L'état de la chirurgie arabe laisse donc beaucoup à désirer.
Les querelles constantes entre tribus, les luttes guerrières avec
les Français depuis 24 ans, auraient cependant dû les amener
à reconnaître le besoin des opérations, les occasions ne leur
en ayant jamais manqué. Il est étonnant qu'on ne retrouve
point, chez un peuple aussi belliqueux par nature et par posi-
*'ûn, des connaissances chirurgicales plus étendues.
^ toubibes n'ont aucune idée des indications et contr'in-
*cations des opérations, des conditions constitutionnelles,
"^^ Saisons favorables ou non à la gucrison. Ils ne soumettent
— 36 —
jamais le» malanki, les blessés à om n^gine paiticiilier, ei
B'obterteot, pendant Faete cbiroigicd, aacone règle fixe^
iiabiUieUe eo principe, pro«nant qu'ils aient connaissance des
accidents sosceptiblesde âepfései^r dans teloo tel cas donné;
de la lenr inhabileté à prétenir et à combattre ces derniers.
Arrivent nne sntcope, nne bémorrliagieflis conTnlsions, que
feraient-ils? D faat retrooTer là Torigine de la posiUanimilé
énorme qui forme le fond du caractère arabe ; on n'obtient
jamais d'un Indigène l'ablation d'nne tumenr, leitradiott
d'on corps étranger, si ces accidents ne gênent point les mon-
vemeots, ne causent pas une douleur insupportable, ne mena*
cent poÎDt l'existence d'un membre. U ne consent à répandre
un peu de sang que dans le^ cas d'une absolue nécessilé,
nécessité dont il n'apprécie que très rarement l'urgence.
L'art des pansemens est peu avancé ; aucun ordre, aucun
soin méthodique ne guide dans l'emploi et le nombre des
pièces uniformes qui ser^eut à recouvrir une plaie. De là, des
compressions exagérées, intolérables, source d'aggravations
constantes ; des appareils placés sans raison et peu susceptibles
d'assurer un but curatif.
Dans les pansemens des toubibes ruraux, la charpie est
remplacée par de la laine de mouton, du poil de chameau, des
herbes fMiches; le linge, par des morceaux de bemouss, de
/uiik (vêlement on laine); les bandes, par des cordes en poils
de cfiarneau, en poils de chèvre, en palmier, des tresses en
Jonc, etc.
L'ignorance complète de la position des membres pendant
le traitement de leurs affections, celle des avantages que Ton
peut tirer d'une compression intelligente, de la dilatation, du
tamponnement, du selon, de la ligature, de la saignée géné-
rale, des héinoHlaliqnes, l'ignorance, en un mot, des principa-
les opéralioiis les plus importantes et les plus fréquemment
inihes H conlrihulion dans notre pratique journalière, indique
— :«7 —
imeni m irisie étal de la cbirnrgie arabe, qui se résume
los des applications topiques ei Temploi de la
Oiulérîsalion.
La grande base de la thérapeulique, en eOti^ c*e$t le feu.
Pèrtatir^ cconomi] mode, d'une puissance facile à gra-
Joer, cel agent »c ^ i^.^^Lait naturellement aux Arables, comme
aux premiers peuples» comme à toute nation retoinbiie dao5
tViifaoce lie la civilisation. D'après Hippocrate, les Scythes
I c*/iip/ojaient même pour tonifier hygiëniquf'ment le corps.
De lom temps, les Egyptiens el tes iiabitant^ Je KArabie en
ont fait grand u&age^ au dite de Prospev Alpin. LHIustre baron
Lirrejr rapporte que les premiers lui accordent encore de mer-
veilleuses propriétés dans un grand nombrede maladies. Tous
Ifô médecins arabes, du redite, recommandaient le feu ; les
compiUiii^urs cl sectateurs de Galien pouvaient-ils ne pas
l>rd>oef an moyen aussi puissant pour condenser les solides
relâches, et dégorger les humeurs pecennêes f
€ Èe feu ôtc le poison des mrfs^ 10 dit encore le proverbe
^H La cautérisation se pratique avec un couteau ordinaire
^H^etît^ à lame large et courbe] bien rougi au feu; le lùuhibe
^HlUKi-ciite légèrement, et à plusieurs reprises, la région ou
^^^anc malade. D'autres fois, il trace avec ce singulier cau-
lèf^ des lignes extrêmement fines et à peine profondes. La lé-
gèreté des caulénsations» leur multiplication sur une jietitc
surfaa^ paraissent être deux principes sinon généralement
commandés, du moins très souvent suivis. L'eiïet de ce feu-
pique est extrêmement puissant, et il a produit plu^ d'une
cure désespérée, malgré Taveugle abus qu on en fait,
Quelques îoxibibes possèdent de petits cautères très ronds ;
ans la province de Conslantine, on s'en sert pour dissiper le»
-engorgements abdomioaux.
L'emploi des couteaux rougis à blanc iKuir ouvrir les abcès»
— 38 —
les tumeurs, pour inciser en général, a pour but de prévenir
les hémorrhagies et Teffusion de toute gouttelette de sang : on
a vu plus haul combien TArabe les redoute. Cette coutume
est, du reste, fort ancienne. Abul' Xacem conseillait de prati-
quer les amputations avec un fer bien rqugiaufeu.
La saignée des grandes veines parait fort peu pratiquée,
faute, sans doute, de connaissances anatomiques suffisantes
pour prévenir des accidents formidables. Les toubibcs n'inci-
sent guère que la veine de la racine du nez, préalablement
gonflée par la constriclion circulaire de la tête. Les Arabes
préfèrent les mouchetures à Taidede leurs couteaux aussi bien
affilés que des rasoirs. Les scarifications, toujours très courtes,
très rapprochées et peu profondes, se pratiquent à Tocciput,
au front, au tiers inférieur de la jambe, et sur toutes les ré-
gions correspondant à des organes malades. La partie doitêtre
d'abord tuméfiée par une compression supérieure suffisante.
Ainsi, rindividu que Ton veut scarifier à la tête se laisse
presqu*enlièrement étrangler, etc.; pour activer récouftmenl
du sang, on roule un bâton, un corps rond, sur les mouchetu-
res. Pour l'arrêter, il suffit d'un peu de terre dont on couvre
les plaies.
L'orthopédie semble ignorée. Quant aux moyens prothéti-
ques, « il est permis, dit le législateur Sidi-Khelil, de se faire
en or ou en argent, comme étant un moyen de médication, un
nez, des attaches ou liens pour les dents. » Je n'ai jamais ouï
dire que semblable innovation ait eu cours chez les Arabes de
l'Algérie.
Ils connaissent, mais pratiquent peu la suture. Dans Vlti-
néraire d*une caravane du Sahara au pays des nègres (1),
il est question d'un prisonnier plongé d'abord dans un profond
sommeil au moyen d'une décoction de ciguë (cikhane), et
— 39 —
auquel on fend ensuite le ventre pour le remplir de cailloux.
Oo recout ensuite la plaie à l'aide d'une aiguille à raccommo-
der les outres. Remarquons, en passant, le moyen anestl^ésique
employé avant l'opération.
Le général Daumas dit ailleurs ^1] : « Les maladies du pied
les plus connues sont les cheggag, gerçures que l'on guérit en
oignant la partie de graisse, et en la cautérisant avec un fer
rouge. Quelquefois, ces gerçures sont tellement larges et pro-
fondes qu'on est obligé de les coudre. Les fils sont des nerfs de
chameaux desséchés au soleil et divisés en parties aussi fines'
que la soie, ou bien encore des poils de chameau filés. »
Au Dar-Four, les médecins appliquent des sutures aux
grandes plaies, aux éventralions, aux larges blessures du
crâne, etc.
On peut lire dans Sidi-Khelil (2) : « Celui qui refuserait
de fournir ce que d'autres fidèles, près de lui, n'ont pas à leur
disposition, ne fût-ce qu'un fil, qu'une aiguille, nécessaires
pour coudre et fermer une plaie pénétrante des cavités du
corps, à un individu blessé, serait responsable de la mort de
cet individu. »
Malgré ce renseignement formel, il est plus que douteux
que la suture soit en honneur chez les Arabes.
Quelques Indigènes fabriquent des moxas avec un morceau
de coton qu'ils bleuissent à l'aide du pastel [isatis tinctoria),
auquel ils attribuent la propriété de favoriser la combustion :
le cylindre a de 3 à 5 centimètres de long. Ils feraient peut-
être mieux d'utiliser un produit cotonneux très abondant en
Algérie, fourni par l'artemisia judaïca [chiah'), et que les
habitants des hauts-plateaux emploient comme amadou.
A litre de vésicatoîre, les Arabes appliquent sur la peau,
loeo dolenii, des morceaux de racine fraîche de tapsia garga-
(i) Les Cketaux du Sahara, p. 34o.
(t"^! Chttpitrt dti Retponrallfitrf, p. iS;.
— 40 —
nica [boiMiefa). Au bout de quelques heures, l'irritation
cutanée est assez marquée pour opérer une révulsion avanta-
geuse. L'effet de cette ombellifère paraît analogue à celui du
garou. Le gonflement érysipélateux qui succède à l'application
prolongée, et la desquammatioti ultérieure, ont lieu du
deuxième au cinquième jour.
On prétend que quelques médecins maures pratiquent la
trépanation dans le cas de plaie du crâne avec fracture. Les
renseignements que j'ai pris à cet égard ne confirmeraient
-point cette assertion.
Quant au traitement des fractures et des plaies d'armes à
feu, qui a fait accorder aux toubibes arabes une réputation
plus qu'exagérée, il en sera ultérieurement question.
* En résumé, la chirurgie arabe paraît très restreinte dans ses
moyens; son nom même, àlem el djerrha (la science des
plaies), indique suffisamment les limites étroites da'ns lesquelles
la coutume, Tignorance peut-êlre, l'ont circonscrite.
EXERCICE LÉGAL DE U HÉDEGIKE.
Le devoir de solidarité, dont une société ne peut se passer,
dit la loi (1), oblige les fidèles à exercer les arts, métiers et
industries indispensables à la vie de cette société, tels que le
métier de ventouseurs.
Malheureusement, à de si beaux principes d'organisation
sociale ne répond, dans les coutumes arabes, aucune formalité
pour le droit d'exercer l'art de guérir. Médicamente et drogue
qui veut. L'ignorance générale enlève toute possibilité de
'%) StM-KiBUL, t.n.chap. Il, p. a4S.
— in-
contrôlé et abandonne chaque malade au premier venu,
médecin de nom, mais à coup sâr triste empirique de fait ; et,
la dignité de l'art, à défaut d'honorabilité conquise par les
GOBBiissanoes positives de chaque praticien, ne trouve, à titre
de sauvegarde, que la piofoide et inaltérable véaération'dont
les Indigènes entourent quiconque s'occupe du soulagement
de leurs souffrances physiques.
l\ n'en a pas toujours été ainsi dans la nation musulmane.
Bjédùwtt ben Mohammed, Émir de Gordoue au XP siècle,
bannit les médecins empiriques qui, sans expérience ni
savoir, pratiquaient l'art de guérir, et forma un collée de
savans pour examiner ceux qui prétendraient exercer la
médecine et servir dans les hôpitaux (1).
Avant 4830, les médecins arabes étaient exemptés de
cerleâns impots par le Kaïd de chaque circonscription.
Plus heureux que nos confrères les toubibes, les vétérinaires
arabes ont une ébauche de corporation. Les tribus qui s'occu-
pent beaucoup de l'élève des chevaux, dans le Sud notamment,
comptent un certain nombre d'individus versés dans l'hippia-
trique : il faut subir des épreuves pour être admis dans le
corps de ces khiala (de Kheil, cheval) .
Yojex, plus loin, au paragraphe Médecine légale, ce qui
a trait à la responsabilité des toubibes.
ipiciAUîis.
Il existe des spécialités parmi les toubibes des tribus.
Le dentiste [toubibe drouss, médecin des dents) arrache les
(i) KoMET, Hi$tHr9 d'Eêfmfm, ^1. V, p. S*.
— 42 —
dents pour cinquante centimes, un franc, etc. Il est obligé de
ramasser toutes les ostéîdes qu'il enlève, afin que, dans le cas
d'une réclamation portée contre lui. pour arrachement simul-
tané d'une portion d'alvéole ou de gencive, il puisse prouver
devant le Kadi^ par l'exhibition d^ la dent, que sa forme ou sa
maladie avancée devait réellement, déterminer l'enlèvement
involontaire de ces parties accessoires.-
Dans le Sahara algérien, « quand une dent est gâtée tout-
à-fait, c'est aux armuriers et avx maréchaux qu'il faut aydîr
recoure. Ce sont eux qui sont en. possession de martyriser le
patient, de lui briser la mâchoire avec une pince, et d'enlever
les gencives, en même temps que la dent douloureuse ;(4). » .
Les dentistes arabes ignorent la possibilite.de remplacer
les dents pard'autres artificielles. Les toubibes savants ne se
doutent pas qu'Àbul^-Kacem le premier a proposé cette subs^
titution, et conseillé de les maintenir fixées aux dents voisines
avec des fils d'argent ou d'or. .
Les dentistes sont, du reste, peu adroits : l'imperfection de
leurs instruments grossiers, l'absence d'études suffisantes sur
la forme et l'altération des dents, leur font souvent déchirer
les gencives, casser des ostéîdes voisines, causer des dégâts
énormes dans la cavité buccale.. C'est ainsi qu'on a cité une
gangrène de la lèvre supérieure et des ailes du- nez consécutive
à une extirpation malheureuse de dent chez un jeune enfant ;
c'est ainsi que j'ai plusieurs fois constaté des suppurations
gingivales interminables, causées par des fractures partielles
etcomminutivesdu maxillaireàla suited'avulsion de dents, etc.
Il n'y a point de médeoins^vAecinateurs. Quand la petite-
vérole (djidri) a été signalée, les parents de l'enfant à
inoculer achètent, moyennant un petit cadeau au jeune
variole, un ou deux bpp tons, que lé prçmi^rvenu coupe,, et
(i) Le Sahara Algérien, par le Général Daomai, pdge 17.
— 43 —
dont il frolle le contenu contre la région préalablement incisée
qui sépare le pouce de la racine de l'index de Tindividu non
encore préservé. L'inocalation, sur laquelle nous reviendrons
plaskin, est généralement précédée de prières et d'une quête
dont le produit revient de droit à Topérateur.
D'habitude, le toubibe ne traite les femmes qu'après l'Jm-
poissanoe constatée du traitement des sages4emmes et sur la
demande du mari. Ces dernières s'appellent toubiba, quand
elles s'occupent des maladies des femmes en général, et kabela
lorsqu'elles exercent spécialement l'art des accouchemens.
Les sages^ferames arabes n'ont aucune idée du forceps ou
d'instruments auxiliaires des manœuvres obstétricales. Elles
peuvent être requises par la justice pour éclairer toutes les
questions médico-légales qui concernent l'état pathologique
ou physique de la femme.
Ces matrones sont de vieilles malheureuses, fort pauvres,
fesantde l'empirisme le plus aveugle, sous prétexte que le
grand nombre d'enfants qu'elles ont mis au monde pour leur
propre compte, a dû leur concéder une dose confortable d'ex-
périence concernant la pathologie du sexe féminin. Nous
aurons occasion de parler de leur barbares pratiques. Pour les
acooncbements, elles demandent aux riches 20 à S5 francs^
aux gens peu aisés de 2 à 6 francs, aux pauvres de l'orge, etc.
On remarquera que du temps des célèbres médecins arabes,
l'obstétrique était aussi, comme aujourd'hui, dans un état
déplorable ; abandonnée aux femmes, aux barbiers, elle ne
put jamais réaliser le moindre progrès.
De tout temps, les individus adonnés spécialement au
traitement des affections des yeux ont pullulé en Orient, dans
les pays chauds. La raison en est simple, ces maladies y
tiennent la première place peut-être dans le cadre nosologique,
par leur fréquence et leur ténacité.
Les oculistes [touèibe laïniuy médecin dos yeux^ voyagent
— 44 —
généralement de tribu en tribu. Us sont les mieux payés de
tous les médecins, car les Arabes fréquemment atteints d'affec-
tions chroniques ou grates de l'appareil ooulaire, se résignent
à de grands sacrifices pécuniaires peur tacher de recouvrer la
Tue en totalité ou en partie. Il n*est pas rare de voir donner
jusqu'à 200 et même 300 francs pour un traitement.
Au Dar-Four, il existe des occulistes (ckellan) dont
l'adresse & opérer la cataracte est, dii-on, fort remarquable.
Il y a quelques années, j'eus occasion de Toir, à Alger, tm
Musulman venant du Maroc, nommé El Hadj Saïd ben
Abderrhaman, Il avait fait quatre années d'études kDadiSf
pris des leçons de Sidi Mohammed Hadjeli de Soutx, pro-
fesseur de médecine, et de Sidi Mohammed ou Mohammed^
professeur d'oculistique. Cet Indigène, qui paraissait assez
lettré, annonçait avoir obtenu de nombreuses et brillantes
cures aux environs dé Tunis, et guéri en particulier la fille du
kaid de Tebessa d'un albugo considérable, à l'aide d'uD
mélange de bile (mrara) d'un bœuf noir, de miel (dcel) et
A'aïixn noir (chebb lekhal) [i). La cure, disait-il, aurait été
complète en cinq jours, grâce à ce merveilleux topique.
Ce toubibe, dont la spécialité était Tcculistique, déclara
savoir saigner, raccommoder les fractures, traiter les plaies,
arracher les dents (mais il n'avait point d'instruments), guérir
la fièvre par la si{nple combustion autour du malade de quel-
ques feuilles d'ail (Uoum) préalablement barbouillées de
mots arabes; la diarrhée, par le café aromatisé avec du eitrou
{kareuss); la goutte, en frottant le pied avec du sucrehcandi
pulvérisé; la jaunisse, en mettant des pointes de feu sur
rhypochondre droit; la petite^vérole en vingt- quatre heurta
avec une pommade de soufre (kebrit), de citron et d'huile, etc.
Il ne possédait aucune notion d'anatomie, et n'avait jamitis
rien vu, rien étudié de l'organisation du corps. Il voy^^eait
(i) Combinaison d'alno ri de charbon «Hrité, à «a fea Uh roaft.
— *s —
pour le traitement particulier des maladies des yeux, et se
dispoasâi à parcourir les tribus de l'Est.
Nous n'avions plus entendu parler de cet oculiste» lorsqu'en
voyageant quelque temps après dans le Sébaô, nous apprîmes
qu'il avait complètement aveuglé des deux yeux un des
proches parents du Bach-^gha, qui lui avait imprudemment
confié une kératite chronique.
Les opérations ophthalmologiques ne semblent pas avoir
toujours été bien vues, bien appréciées par les tolbas (savants
musulmans), si l'on en juge par le passage suivant de la loi (1) :
« Il est permis au fidèle de se faire traiter chirurgicale-
mont ou médicamenter l'œil, pour se débarasser de la goutte
sereine qui obscurcit la vue ou entretient des maux de tête,
à condition toutefois que le traitement n'oblige le fidèle qui
s'y soumet, qu'à se tenir assis et accroupi pour prier (cela dût-
il durer U) jours) ; mais si le traitement oblige à rester couché
sur le dos, il n'est pas permis, car il n'est jamais permis de
rien faire qui puisse entraîner la nécessité de prier en supi-
nation... Néanmoins, selon d'autres légistes, si la circonstance
oblige le fidèle à rester en supination, la loi l'excuse. »
Celte disposition légale est remarquable par sa singnlarité,
en ce qu elle exposerait un Musulman à perdre un ou deux
yeux pour le simple motif de prier dans une position sans
doote plus agréable à Dieul
Le médecin spécial [tahar) qui pratique la circoncision
(khettana) exerce la profession la plus achalandée, l'opération
étant toujours en outre l'occasion solennelle d'une fête à
laquelle se trouvent de nombreux invités. Avant l'opération,
le tahar a la coutume de raser le pourtour de la tête de
Tenfant, et aussitôt cette cérémonie terminée, les personnes
présentes font pleuvoir dans le plateau du toubibe une grêle
de pièces de monnaie. L'opération, dont toutes les particula-
(•; Wi KMi/, chapitre 11, section 7'.
— 46 _
rites seront exposées plus loiD, est quelquefois suivie, non pas
d'accidents immédiats, mais de cicatrisations vicieuses, faute
du chirurgien, ou par le fait de pansemens peu méthodiques.
On a rencontré l'oblitération du méat urinaire déterminée par
une légère atteinte du gland pendant la section.
Il existe encore d'autres spécialités médicales, telles : le
hakem el sefra (médecin de la jaunisse), etc. C'est ainsi que
chez les anciens, on*trouvait à l'époque de Catien, autant de
médecins spécialistes qu'il y avait d'organes connus.
On se demandera, avec raison, comment le peuple arabe»
dont la vie constamment agitée, aété si longtempset est encore
marquée par les luttes de l'indépendance et des dissensions
intestines, — dont l'histoire n'est qu'un long résumé de
combats incessants pour la défense de ses conquêtes, de sa
liberté, de ses principes religieux, — on se demandera, disons-
nous, comment ce peuple si souvent éprouvé dans la paix et
dans la guerre, n'a point à offrir des connaissances médicales,
traditionnelles, plus ou moins exactes, sur la chirurgie des
camps. On verra, dans le chapitre consacré à la pathologie,
combien pauvres sont les ressources chirurgicales des arabes.
A peine compte-t-on quelques ipubibes qui accompagnent les
troupes à Tennemi. Chez les Kabyles et les Ârtbs du Hamza,
il n'est pas rare de voir les femmes courir sur le champ de
bataille pour panser les plaies et porter des secours.
L'histoire d'Espagne (1) nous montre cependant dans le
personnel qui accompagnait en 1184 l'émir Youssuf, le
médecin Eben-Zohr et les Al Kaïdes, « qui marchaient partie
devant lui et partie derrière son camp, pour prendre soin des
malades qui ne pouvaient suivre l'armée. » N'est-ce point là
une sorte de service médico-administratif analogue à nos
ambulances?
(i) Rouit, t. VI, paçc 146.
— 47 —
Vémir Àbd-el-Kaderanit, du reste, parfaitement compris
la nécessité et l'importance d'une institution médicale sérieuse»
au service de ses tribus militantes. Il est probable que sod
ébauche suivante d'organisation de loHiéo^ lasâker (médecins
des soldats) aurait ultérieurement germé avec fruit par ses
soins intelligents, au bénéfice surtout de la profession médicale
dansles centres principaux de son royaume. On lit dans le
ré^ement des troupes régulières à'Abd-tl-Kader, article 24
du7»r^lement(<).
« Le sultan aime sa troupe et veut la rendre heureuse. Il a
désigné un chirurgien qui est éclairé et a les connaissances
nécessaires pour remplir les conditions de son état. Il lui a
donné tous les instruments et tous les médicaments nécessaires.
Les fukars (soldats] malades seront transportés dans une
m^Q désignée par notre maître et sultan, où ils trouveront
les soins dûs à leur position; il y aura de quoi manger, boire,
se coucher et se couvrir. Il y aura des askars qui serviront
les malades et qui se nommeront canna (infirmiers ou
étudiants en médecine]. Ils devront être intelligents, gais avec
les malades, respectueux et empressés. Ils devront étudier la
médecine, et quand les chirurgiens jugeront qu'ils sont assez
forts pour professer leur état, ilî seront nommés par le sultan.
Ils rempliront ces fonctions en garnison comme en campagne;
leurs émoluments, leur nourriture et leur boisson, leur seront
<lonnés par le gouvernement. S'ils avaient en sus besoin de
quelque chose, ils le recevraient du gouvernement. Le toubibe
^' ^bir (médecin en chef) aura des habits de drap; il aura 1 2
nais (2)*paT mois; il aura le lundi un quart de mouton, et un
Mtre quart le jeudi; deux pains blancs tous les matins et
deux livres de biscuit : tous les soirs il touchera deux livres
y) Kxtrait da réglemenl obtcna par le général Maakv d'un Agha do Sébad : Monitnr
-'^•«..«44.
' ^ '"'nlUwiJou Taat i francs S6 cenliines.
— *8 —
de farine et deux onces de beurre ou de l'huite. Il faut absolu-
ment qu'il fasse son état avec conscience; alors Dieu l'aidera
à rétablir le malade, et le sultan récompensera le toubibe. »
Si, bien éloignée, aujourd'hui de cette belle perspective à
laquelle elle aurait pu prétendre sous de tels auspices, la
médecine humaine laissé tant à désirer chez les Arabes, il faut
avouer que leur médecine vétérinaire comporte des connais-
sances bien plus étendues, sérieuses, fort exactes souvent sur
l'hygiène et les affections des principaux animaux. Sans doute,
le cheval, le chameau se trouvent si intimement liés au bien-
être matériel de ce peuple que les soinsdont il a dû lesentourer
de tout temps, auront conduit forcément à des observations
intéressantes et fructueuses. (Voyez, à ce sujet, l'ouvrage de
H. le général Daumas sur les Chevaux du Sahara.)
MS AMULBmS.
Nous venons d'entrevoir jusqu'ici la profession médicale
exercée par des individus s'y adonnant d'une manière exclu-
sive; maison ne saurait passer sous silence la concurrence
qui leur est faite sur la plus vaste échelle par la caste prépon-
dérante des marabouts (prêtres) et par les tolbas (savants).
. Les premiers,' sous le prétexte que la conduite des âmes leur
donne la science infuse pour guérir le corps par le prestige
de Tamulelte, exploitent impitoyablement la crédulité sans
bornes d'un peuple déjà trop porté aux idées superstitieuses.
Tout le secret gît dans une grande force d'intimidation
religieuse.
La théorie du marabout, partagée et mise en pratique
- 49 —
^^ment par le tatebj consistd à persuader au malade qu'un
djùm ^éoie, esprit iovisible) est Tunique auteur de ses souf-
frances, et qu'il n'y a qu'une amulette qui peut lui offrir le
mo/ea de combattre énergiquement cette mauvaise influence.
L'amoletle se dit hajeb, quand on remploie contre toute
espèce d'influence tendant à empêcher un succàs ; hêrx, quand
elle doit préserver d'une maladie ; et khaiem, lorsqn^elle se
compose de lettres ou de mots qui n'ont aucun sens.
liés que le crédule Arabe se sent indisposé, il court au
marabout. Celui-ci ouvre le ketab (livre), y cherdie gravement
le passage correspondant au mal accusé, et délivre moyennant
Doe rétribution légère en principe, mais toujours propor-
tionnée aux ressources financières du postulant, -* un petit
papier écrit, qui, porté sur le corps, de préférence sur la
partie malade, doit infailliblement neutraliser les efforts, les
maléfices du ^tnn, et éloigner son mat^vais ceiL
€ Allah ichefek, Allah itaïebek » (que Dieu te guérisse),
ou bien « ïatek stMia » (qu'il te donne la santé), dit le tnara-
bout ou le taUb au superstitieux client, qui répond, en rece-
Tant le pli mystérieux : « Ineh' Allah » (s'il plait à Dieu) I
Puis, plein de confiance dans la puissance de l'écrit, il va
s'étendre sur sa natte, une cruche d'eau à ses cotés, attendant
avec la résignation la plus édifiante que le Très-Haut, dont il
invoque plus que jamais le bienveillant secours, daigne le
débarrasser du malicieux auteur de son mal.
St la maladie est légère, elle disparait bientôt, grâce au
repos, au ealme moral ; mais Tbonneur de la cure n'en revient
pas moins invariablement au petit carré de papier.
4iMectoub » (c'était écrit) I (1) dit-il dans son enthousiasme
fataliste.
(i) A caoM da T«s«t Bt da ch. S7 du Kon» : « AaeaiM calamité m frappe aoit la tarra,
Mit Toa panonnaa, qui m'ait M étritt dana le Wrxt avant que nooa les ayon» créées. — Um
••ifVesdMMtioA arabe aat aMaietlU-d:«i7«Ai^«fo«/*/oaitf^Miéifn/i> C'tflà-din >
▼oiH W dît-on, nuit Dieu Mit tout.
4&
— so -
Si, au Goniraire, le système médical de la savante cdn-
suliation lï'a pu , comme cela arrive presque toujours ,
être favorable qu'à la marche progressive du mal, le patient
se traîne de nouveau chez son marabout ou son taleb.
a Mectoubf » soupire-t-il de nouveau^ d'un air résigné;
et un autre talisman, plus compliqué que le premier, est
encore acheté et appliqué loco dolenti (1).
Quand, enfin, la résignation la plus accomplie se trouTe
vaincue par l'acuité des souffrances, c'est aux commères, aux
voisins, que la cure est confiée; puis, si le mal empire,
malgré, ou plu loi à cause de la fourberie des uns et de l'igno-
rance éhontée de la plupart des autres, on mande le toubibe^
on lui donne un corps affaibli à tourmenter imperturbable-
ment par des drogues dont les propriétés ne sont que trop
inconnues.
Au milieu des progrès de la maladie, le patient, qui souvent
n'aperçoit plus d'espoir qu'en Dieu, se console de son mieux
avec des « mectoub, » des a^ inch*Allak^ sans fin, jusqu^à ce
que la période chronique, la dégénérescence du mal le con-
duisent lentement au tombeau, ou que l'affection laissée
maîtresse absolue d'organes altérés , termine promptement
son œuvre destructrice. Et, en fermant la paupière pour la
dernière fois, Tinfortuné Musulman reconnaît encore la
volonté suprême du Tout-Puissant, murmure une fois encore
le mot de la résignation à ses décrets immuables I Singulière
série de tristes et énervantes consolations d'une âme énergi-
quement fanatisée, puis forcée de subir une intelligencepara^
lysée par le fatalisme I
Outre les amulettes, les marabouts^ les tolbas s'occupent
d'une foule de pratiques devinatoires, à l'aide desquelles ils
donnent des indications précises sur la demeure^ le caractère,
(i) Avteinirs disait i «c La foi, et TaipéranM du mtUde enren le médecin, conftfMfiit U
plus ^«nde pailto du poproir de guérir. >•
— SI —
les mœurs du malade, son affection, ses causes, le traitement
qai loi conyient, etc.; c'est une espèce de bonne aventure que
roQ Bepent exercer qu'après avoir obtenu du maître une sorte
de diplôme particulier (tesriha).
Cette science prend divers noms, entr'autres : dlem el kef
(la science de la main, la chiromancie) ; dlem el rummel (la
science du sable, sur lequel on écrit des points qui servent à
la àevination) ; dlem el djedouel (la science des tableaux
dans lesquels on distribue selon un ordre régulier, mais sous
des formes variables, de petits membres de phrases religieuses);
àUm el xeïrdja (la science des cercles concentriques, auxquels
on affecte des lettres, et dont on étudie les rapports après qu'on
les a mis en mouvement), etc. Il existe de nombreux manus-
crits arabes traitant de toutes ces sciences. Un savant arabe,
AUBouni, a fait un ouvrage très répandu sur les amulettes.
L'une des plus usitées de» ces pratiques devinatoires, est
celle dite hasseb eqch (le calcul de Teqch) inventé par Arouf
Ennediata. Le but de notre travail ne permet guère une lon-
gue digression sur ce sujet ; bornons-nous à rapporter un
passage de VHasseb eqch :
On prend le nom du malade, celui de sa mère : on les
décompose par lettres ; chaque lettre a sa valeur exprimée en
chiffres dans un tableau à 9 colonnes : additionner les valeurs
numériques de chacune des lettres; retrancher du total un ou
plusieurs multiples de 7 (ou de 12, il y a deux méthodes);
tout ce qui reste au-delà de 7 (ou de 12) ou de leurs produits
multiples, correspond à des paragraphes du grand livre de la
devination, lesquels renferment tous les renseignements
possibles sur les causes, la nature, le traitement de la maladie.
Prenons un exemple :
Celui qui est tombé malade le samedi, doit souffrir de tout
le corps, surtout de la tête et des membres, du ventre et du
cœur. Le djinn, auteur de toutes les souffrances de ce jour.
— 52 —
s'appelle nûmotme. Pour calmer sa colère paihogéaique, oa
lui écrit, sur ^ep^ morceaux de papier ou sur une assiette» une
certaine phrase obligatoire (elle n'a aucun sens) ; on remplit
ensuite d'eau la même assiette dans laquelle on réduit les
sept papiers en morceaux les plus petits possible ; puis on se
frotte le corps, pendant sept jours, avec un mélange d'huile
(xUe), de rue puante (harmel), à*anis [sanoudj) et de sésame
(djiljelane). La guérison est certaine.
La maladie vient-^lle un vendredi? on doit l'attribuer à
l'eau froide, ou à une sortie pendant la nuit, étant mal
couvert, ou à l'ingestion d'un met froid : on souffre particuliè*
rement des yeux, de la tête, des articulations, des tendons.
Le hakem a ordonné de boire du bouillon de poulet, et de
porter sur le corps une amulette, dont voici la traduction :
« La raison du Tout-Puissant, de celui à qui toutappar^
tient, a parlé aux Musulmans: Au nom de Dieu miséricor-
dieux et bon. Il conserve wn regard protecteur sur les
Musulmans, » etc.
Faut-il parler maintenant des chiffons de toute couleor
dont les malades désespérés surchargent les abords des
houbbas ou les tumulus des tombeaux, pour invoquer le
secours du saint marabout ou l'âme des parents, contre la
persistance d'un djinn dans un corps languissant?
Quittons ces tristes cérémonies mystiques, pour dire quel-
ques mots encore de l'amulette, qui joue un rôle constant dans
la vie de l'Arabe, principalement dans tout ce qui a trait à sa
santé. II n*y a que la foi qui sauve. Montesquieu l'a fait remar-
quer arec raison : «Une religion chargée de beaucoup de prati-
ques attache plus à elle qu'une autre qui l'est moins. On tient
beaucoup aux choses dont on est continuellement occupé (1). »
L'amulette est généralement un carré de papier de 3 cen-
(t) JDf l'B$fHt Jh Lm$, U?re XXV, chapitre II.
— 53 —
tiraètres de coté, contenant des lettres ou des phrases
religieuses, le tout enveloppé d'une plaque de cuir, et suspendu
au COQ ou après les membres, ou porté par les gens riches
dans de petits sachets brodés en or.
Oo peut faire remonter au Prophète lui-même la coutume
de porter l'amulette au cou, car c'est principalement à cette
région que les Arabes l'attachent, même à tous leurs
animaux. Mohammed dit, en effet, dans le Koran (1) :
« /Vous avons attaché au cou de chaque homme son oiseau
{sa destinée). » L'amulette, qui doit être écrite de préférence
le vendredi un peu avant le coucher du soleil, avec une encre
dont le musc [mesk] et le safran [xafrané) font partie autant
que possible, a la propriété de préserver des maladies. Dès
rage le plus tendre, les enfants en portent au moins une, afin
de protéger leur croissance. C'est l'histoire de nos scapulaires.
Dès que les jeunes filles ont acquis les caractères complets de
la nubilité, le talisman qu'elles portaient est déchiré.
D'autrefois, le papier écrit est tout simplement mis au fond
d'un vase, ou bien la phrase sacramentelle tracée dans un
plat : dans les deux cas, on les couvre d'une certaine quantité
d'eau qui dissout les caractères, fournit un liquide sacré,
analogue i notre eau bénite, et sert de boisson préservatrice
ou eurative.
Parfois, c'est sur la peau même du Hahométan que les
paroles magiques sont tracées, c*est un Mach* Allah tout sim-
plement, ou bien un verset du Koran tout entier. Assez souvent
on trouve tatouée sur le bras une portion quelconque de
la phrase suivante (2) :
« Dieu est le seul Dieu ; il n'y a point d'autre Dieu que lui,
» le vivant, l'immuable. Ni l'assoupissement, ni le sommeil
» n'ont de prise sur lui. Tout ce qui est dans les cieux et sur
CO Ch. XVII, TCTMt XIV.
(») ir«r«ii. ch. n, T. »56.
— 64 —
>^ la lerre lui appartient. Qui peut intercéder auprès de lui sans
» sa permission ? Il connaît ce qui est devant eux et ce qui est
» derrière eux, et les hommes n'embrassent de sa science que
» ce qu*il a voulu leur apprendre. Son trône s'étend sur les
» cieux et sur la terre, et leur garde ne lui coûte aucune
» peine. Il est le Trèsr-Haut, le Grand. )»
La phrase que les Arabes portent au cou, à titre préventif,
est le plus ordinairement celle-ci (1) :
a kouange à Dieu, maître de l'tJnirers, le dément, le mûèrioordieaXt
M MNiTerain «a joar de U tétribnUon. »
« Les anges ont deux missions spéciales dans ce monde,
disent les Arabes : présider à la course des chevaux et à
l'union de l'homme cl de la femme. Ce sont eux qui préservent
cavaliers et montures de tout accident, et veillent à ce que la
conception soit heureuse. > (2).
Privés de connaissances anatomiques même superficielles,
imbus de la plus déplorablet superstition qui leur fait rapporter
la cause de presque tous les phénomènes à l'action incessante
d'Êtres malins d'un ordre surnaturel, les Arabes ont les idées
les plus bizarres sur l'origine des maladies. Par exemple, ils
disent quela loupe est produite par un petit ver [douida) qui,
une fois logé sous la peau, y procrée une génération des plus
formidables. C'est sans doute la présence du bourbillon aa
cœur des furoncles, la fréquente apparition des vers dans les
tumeurs ulcérées et les plaies, qui ont servi de point de départ
à cette singulière théorie.
Un aliéné [mahbeï) est pour eux un favori de Dieu, un
individu que le Tout-Puissant a pris sous sa protection, par
cela même que la raison qui lui fait défaut ne saurait, disent-
ils, lui être rendue par le pouvoir trop faible de l'homme.
(0 V. I, II. m, dn chap. I da Konm.
(t) lAtt cAtfrmx /frf Saktirnt par le général pArNAi.
— 55 —
Ils Toient dans un chancre, un ulcère des parlies génilalas,
une excroissance syphilitique, une pure et simple émanation
de la terre.
La légende qui explique les diverses lésions graves et les
divers modes de terminaison du choléra est fort curieuse. Cette
affreuse maladie serait l'œuvre de cinq djenoune^ :■
Le premier (son nom est ayaïl} tient une liste sur laquelle
ont été inscrits tous ceux qu'il condamne â mourir ;
Ceux qui meurent, à peine atteints par le fléau, sont frappés
par le canon du second djinn, y ail ;
S'ils succombent promptemcnt ou dans la première journée,
c'est que le troisième djinn (haihail) les a frappés au cœur ;
Le quatrième [grihaïl) tue de suite en frappant au coeur
avec une flèche, ou lentement en frappant d*autres endroits
du corps, ce qui détermine des abcès toujours mortels ;
Le cinquième (chekhmij, armé d'une fronde et d'une pierre,
lue de suite en frappant au cœur, ou bien altère la raison en
frappant à la tête (un deuxième coup à la tête fait rendre le
sang par la bouche, et l'on meurt un ou deux jours après) ; ou
bien il frappe au ventre (ce qui cause le mutisme jusqu a la
mort}; ou bien il frappe ailleurs qu'à la tête et au ventre, ce
qui explique les souffrances très aiguës, la prolongation du
mal H la terminaison mortelle.
Ceux qui ne meurent pas,, quoiqu'ayant été malades et non
inscris ^r la liste d'ayaï/,. le doivent au hasard qui place,
entre les prédestinés et celui qui doit être frappé, un autre
înditidn qui reçoit le coup, mais sans y succomber; c'est là
ce qui explique les cas de guérison.
D*aiIIeur^s, il y a encore une raison d'après ce même djinn,
c*est que « personne ne peut lui échapper que ceux auxquels
il reste des jours à vivre avant d^être frappés. »
Et, si la localité ne reçoit pas la visite du fléau, c'est que « le
— 56 —
camp des djenounes n'a pas reçu ordre de venir dans le
pays (1). »
II est à remarquer qu'au milieu de tout ce fatras d'idées
fatalistes, il y a une lueur d'observation médicale, relative-
ment aux terminaisons mortelles du choléra par le cerveau,
tantôt par les intestins, etc.
Sidi^Khelil {i) dit que « la phlyctène de la peste est pro-
duite par la piqûre des traits que lancent les djinns oa
lutins. »
Les anciens médecins arabes avaient cependant des affections
pestilentielles une idée plus exacte. Ainsi, dans sesSubtilités
de la Médecine, le chikh Daoud el Antaki (3) dit :
c Le caractère de la pesie est d^empoisonûer Tair dans les coa-
» ches élevées, lors de la conjonction de deux planètes à branches,
» et, dans les couches Inférieures, lorsque la ehalr des cadavres
» se gonfle au sein des tombeaux et qu*une vapeur vlc!ée 8*ea
» élève. Les causes que nous venons d^lndlqucr pervertissent les
» saisons, les élémens, et bouleversent leurs essences. Les sjmp-
» tomes de la peste sont : la fièvre, la petite- vérole, le coryza, le
» prurit de la peau, et la maladie appelée e/ootireum, dans laquelle
» le corps s^enfle, se crevasse et laisse échapper une eau Jaune. M
» 0^ maladies, lorsqu'elles «ont régnantes, dérive la peste. Peut-
» être, dans les années de pesté, ces maladies atteignent-^ès
» jusqu^aux animaux^ les vaches, les chevaux, avec une force pro-
». pôrtionnée à Paltération de rair. Peut-être même les pruUsea
» sont-ils susceptibles, ainsi que les grains. Quant aux gens, ils
ji sont plus ou moins malades, selon le degré de Paltératlon de
» ralr. Pour éviter la contagion, si celle-ei arrive an printemps où
» le sang abonde dans le corps humain. Il faut pratiquer la saignée.
» Remède : On se débarrasse, par un vomitif» de Phûmeur qui est
» en excès ; on respire des fumigations de styrax (ma saSb) et de
m myrrhe {morr ou semagh) ; on arrose la chambre avec de Ta
(i) T07. Jkmt d'Orimudi i8Si, relaUoa U M. 0' BfAooAAnr.
(a) T. m, cfa. IX, p. 90.
(3) Page 49 dn manoMxit 67 de U biUiotliè^M d'Alger. V07. aoifi \» Vf^ d'£&
AUcar, trad. par M. Biaiavoeia.
— 57 —
• fœiida (kaniiie)^ de la menthe (flifum)^ et on respire des oignons
• (ùçoO ou autres plantes analogues : on respire aussi de la mentiie
9 et des coings {sferdjel). Il ne faut pas aller beaucoup aux bains;
m ttliat8*abstenir de viande et de choses sucrées: Gela serait
m mauTais en toute saison, mais surtout lorsque la peste arrive au
• printemps, o
J'ai cru devoir rapporter en entier ce paragraphe, parce
que les observations médicales qu'il renferme, sont marquées
au coin d'une sagacité très remarquable.
Les Egyptiens attribuent à Tune des cinq comètes de 1825
la terrible épizootie qui leur enleva celte même année-là, bes-
tiaux, chevaux, ânes, etc.
Toutes les mauvaises odeurs, les gaz infects so&t pour les
Arabes des diables mâles et femelles : aussi dès qu'ils pénètrent
dans des latrines, par exemple, ils prient Dieu de les protéger
contre tous ces derniers.
Les maladies nerveuses [convulsions, épilepsie, syncopes
eto.) résultent des émotions produites par l'union sexuelle des
djenounes mâles avec les filles des hommes, et celle des dje-
nauines femelles avec les fils des hommes.
Les taches blanches cutanées sont attribuées i des coups
de lune (boqlat el quemar).
Voici ce que dit le Roran, concernant Torigine des maladies :
Ch. 2, V. 150. « Nous vous éprouverons par la terreur et par la
9 faim, par tes pertes dans vos biens et dans vos hommes, par les
9 dégâts dans vos récoltes ; mais toi, 6 Mohammed, annonce d*heu-
9 reuses nouvelles à ceux qui souffrent avec patience. »
Ch. 8, T. 189. « L^homme ne meurt que par la volonté de Dieu,
9 d*^prè8 le livre qui fixe le terme de la vie. »
Ch. lu v. 8i. « SMl t'arrive quelque bien, il t'arrive de Dieu. Le
9 mal vient de toi. «
Ch. 6, V. 2. « G*est lui (Dieu) qui vous a créés de limon et ûxé
9 on terme à votre vie. »
Ch. 6, V. 17. « Si Dieu f atteint d*un mal, lui seul pourra Ven
» délivrer; 8*11 t'accorde un bien, c'est quMl est tout-puissant »
— 58 —
du 6, V. h^. « NOUS avions déjà envoyé des apôtres vers les
9 peuples; nous les avions visités par des'moua; et des adversités,
» 8Û0 qu*iis 8*humiliassent »
Ch. 6, V. â6. « Si Dieu vous privait de Touîe et de la vue, quelle
• antre divinité que Dieu vous les rendrait? »
Gh* 6, V. 61. « Dieu est le maître absolu de ses serviteurs; il
• envoie des anges qui vous surveillent ; lorsque la mort s'approche
■ de Ton d'entre vous, les messagers reçoivent son soufQe •
Gb. 7, V. 188. « Dis-leur : Je n'ai aucun pouvoir soit de me pro-
» curer ce qui m'est utile, soit d'éloigner ce qui m'est nuisible,
» qu*autant que Dieu le veut. »
Gh. 10, V. 13. « Qu^un mal atteigne l'homme, il nous invoque
0 couché de coté, ou assis, ou debout; mais aussitôt que nous Cen
» avons délivré^ le voilà qui marche à sou aise, comme s'il ne nous
» avait pas appelé pendant le mal. »
Gh. 10, V. 32. « Dis-leur : qui est-ce qui dispose de la vue et de
0 l'ouïe? qui est-ce qui produit l'être vivant de l'être mort? qui
9 est-ce qui gouverne tout? Ils répondront : c'est Dieu, etc. n
Gb. 10, V. 107. « Si Dieu te visite d'un mal, nul autre que lui ne
9 peut t'en délivrer, m
Gb. 11, V, 59. c J'ai mis ma confiance en Dieu; il n'est pas une
9 seule créature qu'il ne tienne par le bout de la cbevelure. •
Gh. 13, V. 9. « Dieu sait ce que la femme porte dans son seint de
9 combien la matrice se resserre ou s'élargit. »
Gh. 36, V. 80. « Il n'y a qu'un Dieu qui me guérit quand Je suis
» malade. »
Gb. 35, V. 12. « Bien n'est ajouté à l'âge d'un être qui vit long-
9 temps, et rien n'en est retranché qui ne soit consigné dans le
9 Livre ; ce n'est facile qu'à Dieu. »
Gh. 8, V. 183. « Vous serez éprouvés dans vos biens et dans vas
9 personnes; toutes ces choses sont dans les décrets étemels. » ^
Le savant El Syouti a ajouté :
« Lorsque le serviteur de Dieu est malade, Dieu lui garde nue
» récompense proportionnée aux bonnes actions qu'il a faites
B étant bien portant;
» Lorsque l'homme est malade pendant ^ro// Jours, il est déchargé
— 39 —
1 doses fautes» et il redevient pur comme au jour où sa mèro le
• mit au monde;
• Qaaod vous entrez auprès d*un malade, recommandez-lui
• dloroquer Dieu pour vous, car ses vœux sont exaucés comme
1 ceux des anges. »
L'idée que la maladie vient de Dieu devait naturellement
conduire à une exemption de souffrances en faveur des hom-
mes spécialement aimés de Dieu et de ses missionnaires par-
ticuliers sur terre. C'est ainsi que pour les Husufmans, les
prophètes, les apôtres, les marabouts jouissent du privilège
de ne jamais être atteints par les maléfices des djenounes,(ïes
affections graves, cutanées ou autres. De là leur grand pou-
voir de faire, de donner des talismans préservateurs et
curalifs.
l'^amulette était connue, du reste, dès la plus haute antiquité.
Qui n*a ouï parler du mot cabalistique ^lAracadaftra? Les
J"'&,du temps de Moïse, portaient constamment des talismans
contenant la figure du mauvais esprit dont on avait à se pré-
scrrer. Les Grecspossédaient leurs amulettes médicales^ (Bas-
^■^a); les Romains, leurs Phallus, leurs dieux Lares, leurs
^'^^x Mânes. Les Persans ont toujours sur eux des lambeaux
du Koran; les Musulmans de rindoustan, un c^m (nom) et
^^ charme pour chaque âge, chaque sexe, contre chaque raa-
'^ie. Dans niede Ceylan, les parties du corps où siège le
°^^l> sont couvertr's de figurines de démons. Partout, en un
"^ot) chez les Chinois, les Tarlares, les Brahmanistes, mêmes
'^^ges lalismaniques préservateurs des souffrances physiques.
^^ même titre, le Chrétien ne possède-t-il passes objets bénis,
les morceaux de la vraie croix, les médailles miraculeuses, le
vœu au ^J|g^ ^j ^^ blanc, Thistoirc des convulsionnaires de
Saint-Médard guérissant de toutes les maladies par Tatlouche*
"^^ntou ringeslion, sous forme de boisson, de la poussière qui
^^vironnait la sépulture du diacre Paris? Des moines, des
— 60 —
prêtres n'onl-ijs pas longtemps prétendu guérir par le moyen
des prières, des conjurations, du toucher des reliqucsdcs mar-
tyrs, les saintes huiles? A-t-on oublié les frères de Saint-An-
toine à Vienne en Dauphiné, les Alexiens, les Béguines, les
sœurs noires, les miracles au tombeau de sainte Ida, de saint
Martin de Tours, les cendres de saint Deusdedit à Bénévent^
les cures du pape Etienne III au couvent de saint Denis par
la simpleintercession de saint Paul et saint Pierre, les cures
merveilleuses de saint Guî, etc? Et les pèlerinages? Est-ce
q.u*en 1 656 la sainte épine de la couronne du Christ ne procu-
rait pas dans Tabbaye du Fort-Royal des guérisons miracu-
leuses, jusqu'à celle de la fistule lacrymale ? Et Philippe P'
fesant disparaître les goitres par le seul attouchement; Saint-
Louis guérissant avec un simple signe de croix, et baisant
publiquement les ulcères des /ejprewar pour confirmer Topinion
générale que la lèpre était lYorigine divine, et que lécher les
ulcères était le meilleur moyen de se rendre agréable au Tout-
Puissant? Robert I®*" ne lavait-il pas, de ses royales'lèvres, les
plaies lépreuses tous les jeudis gras? au 13® siècle, Gilbert
d'Angleterre ne professait-il pas que pour guérir l'impuissance,
il suffisait de porter au cou un talisman dont récriture tracée
avec du suc de grande consoude, signifiait : « Le seigneur a
dit : croissez, uthitoth; — et multipliez, thabechay; et rem-
plissez la terre, amath? »
Ce même siècle ne vit-il pas un pape, Innocent III, défendre
sous peine d^excommunication à tout médecin d'entreprendre
le moindre traitement avant d'avoir fait appeler un prêtre?
Enfin, pour parler de notre siècle, de notre pays qui se dit
toujours à la tête de la civilisation, qui n'a pas lu dans un
livre récent, très élégamment écrit (1), à propos de la mort de
Madame : « Dieu aveuglait les médecins, et ^ne voulait pas
(i) Hittoirt dt Madamt Hinriette d'AngUterrt, par Madame la Coaitesw dv L , JPari»
t<55.
— 64 —
même qu'ils tentassent des remèdes capables de retarder une
mort qu il voulait rendre terrible t )»
flecite-t-on pas également de grands hommes qui ne purent
se défendre de cette manie de profonde inquiétude, de ce symp-
tomed'une véritable infirmité de l'esprit? « S. A. S. le prince
^Hetternich (1) possède une amulette que Lord Byron portait
toujours à son cou et qui prouve combien le noble Lord était
superstitieux. L'amulette dont les inscriptions ont été récem-
meot traduites par le célèbre orientaliste Nommer Burgstale,
contient un traité de Salomon avec un diable féminin, en
vertu duquel, rien de mal ne peut arriver à celui qui porte ce
talisman. Ce traité est moitié turc, moitié arabe. Il contient
^ outre des prières d'Adam, de Noë, de Job, de Jonas,
d'Abraham. Le premier porteur de'cette amulette était/éra^m^
fils de Muitapha, en 4763. Salomon est, comme oi\ le sait,
<leparle£ûran, le dominateur des hommes et des diables. »
< Il parait encore évident, dit Walter-Scott (2), que chaque
(àiération humaine doit avaler une certaine mesure de non-
^^^ les hommes les plus sages ont caressé l'idée que
quelque influence surnaturelle planait sur eux et les guidait. »
L'idée colminante, dans toutes ces pratiques ridiculement
^uses, a toujours été de se rendre propices ou d^apaiser
<ltt êtres imaginaires, supposés ministres des volontés divines,
2u nom desquelles ils distribueraient le plaisir ou la souffrance,
^Qiême que ces créations toutes gratuites tenaient le milieu
^^^^ les mortels et les dieux olympiques chez les anciens,
^^ les démons et les héros chez les Grecs, de même chez, les
Arabes, ies djenounes forment une classe intermédiaire entre
^ mauvais esprits et les anges. Analogues aux fées et aux
lotins de nos ancêtres, ils séjournent de préférence sur les
wrds des ruisseaux ou de la mer, sur la lisière des bois, pren-
^*' C««r<» J0 yitMe, mal iS&i.
— 62 —
Denl, à volonté, — tantôt la figure des animaux ou des insectes
pour se présenter plus facilement aux regards de l'homme, et
répandre à loisir, sous ces diverses transformations, les plus
malignes influences sur les moissons, sur les sources; —
tantôt le sexe masculin, le sexe féminin de l'espèce humaine,
pour jeter sur elles la stérilité, la sécheresse, toutes sortes de
calamités physiques, d'épidémies meuririères, etc. Ils en
admettent même une certaine catégorie qui a le pouvoir de se
reproduire par la voie de la génération ; ceux-ci expliqueraient
les maladies héréditaires ; les premiers occasionneraient, par
la persistance de leur présence dans le corps, toute la série
des maladies nerveuses : folie, épilepsie, hystérie, etc.; et, par
leur apparition momentanée, les phénomènes de l'éternue-
ment, du vomissement, du bâillement, etc.
Les hensala, un des nombreux ordres de khouans (frèr^),
prétendent posséder des secrets infaillibles pour invoquer les
djenounes, se les rendre à volonté propices, les asservir à
leurs ordres, à leurs caprices, les chasser des corps humains
qu'ils tourmentent de maladies, etc.; ils disent avoir la mer-
veilleuse faculté de devination, et fascinent très habilement
les ignorants par les belles promesses de leurs talismans. On
rapporte, d'un des leurs, un tour qui ne manque pas d'une
certaine adresse en cas d'embarras : Un poissant chef arabe,
étant indisposé, se confia à un kensali qui prétendit que, pour
le guérir, il lui suffirait de réunir à l'instant une armée de
djenounes qui emporteraient le mal; mais que, pource faire,
il faudrait laisser toutes les portes ouvertes. Effectivement, la
maison resta complètement ouverte jusqu'au lendemain matin;
et le puissant malade s'aperçut, mais un peu tard, que l'ha-
bile jongleur l'avait entièrement dévalisé.
L'état arriéré des connaissances générales d'un peuple,
concernant les phénomènes souvent les plus simples, le porte
donc à admettre l'influence constante de la divinité ou de ses
— 63 —
ministres supposés. De là la source divine des maladies, de li
les prières, les sacriGces, les pratiques superstitieuses, les ten-
tatives d'enchantements de ces délégués des punitions venge-
resses. Les Grecs avaient cette croyance et voyaient aussi
rinfluence des djmounes dans les affections nerveuses ; les
Juifs, dans la production de l'hydrophobie; Aristophane, dans
le délire. Les Romains n'appelaienl-ilspas l'épilepsic le mal
sacré? De là la célébrité des pythonisses épileptiques, les
démons, les ensorcelés, les aiguillettes nouées ; et, par contre,
les exorcismes, les philtres, les somnambules, les sibylles de
toute nature, les pèlerinages, toutes les prétentions ridicules
de la magie, de Tastrologie, etc.
« Durant que les royaumes Maures subsistaient en Espagne,
on supposait qu'il y avait au Toboso une école ouverte pour
rétude, ditron, de la magie, mais plus vraisem1>lablement de
la chimie, de l'algèbre et d'autres sciences qui, méconnues par
les ignorants et le vulgaire, et imparfaitement comprises de
ceux même qui les étudiaient, étaient supposées alliées à la
nécromancie, ou du moins à la magie naturelle (1). ))
En Chine, il existe une secte composée d'individus exclusr-
vement chargés de chasser du corps les mauvais génies.
Près d'Alger, au-dessus du jardin du Dey, aux sources dites
Àiaune beniMenad^ il y a, dans le but d'apaiser les djenounes
malfaisants, des sacriGces hebdomadai(;es après lesquels les
malades se laissent marquer au front, ou sur la région malade,
avec du sang des victimes, ou boivent de l'eau de la fontaine
dans laquelle on a plongé le vase des parfums de la cérémonie.
Chez les Kabyles, les pèlerinages aux Zaouïas (chapelles
des Mosquées) sont en usage contre la stérilité. « La Mosquée
de Koukou est la plus renommée par les miracles de ce dernier
genre. On les attribue au bâton de Sidi Ali Taleb, que la
— 64 —
femme stérile doit agiter en tous sens dans un trou pratiqué
au milieu même de la Mosquée. On en frotte également le dos
des malades pour les guérir. Les malades emploient aussi
comme remède la pierre du tombeau sacré, qu'ils broient et
qu'ils avalent. Les croyances superstitieuses varient pour
chaque Zaouïa (1). »
Dans tous les pays, nous retrouvons cette même idée de
l'existence d'esprits patbogéniques. Heureux encore quand tous
ces égarements de l'intelligence ne conduisent pas aux erreurs
les plus funestes, aux crimes les plus odieux I Avant 1717,
les habitants d'Alger avaient coutume d'étrangler le Dey
pour conjurer les tremblements de terre I Sans aller demander
à l'histoire les pages sanglantes que lui ont fournies les idées
désordonnées du moyen-âge, et pour ne point quitter le sol
africain, bornons-nous à dire qu'au Sénégal les nègres sont
fréquemment victimes de leur crédulité dans les amulettes
médicales, et que « dans leurs conversations habituelles, la
vertu de ces talismans est très souvent le sujet choisi par les
causeurs. De là des vanteries sur la supériorité du grù-^rit
de tel ou tel, puis des défis, et enfin des expériences.
Celles-ci ont véritablement de funestes suites, et il n'est pas
rare de voir des nègres se faire de graves blessures et même se
donner la mort en voulant prouver la bonté del&acsgrii-gris.
Leur bonne foi à la croyance dans l'invulnérabilité par te
contact du gris-gris, est réellement prodigieuse et résiste à
toutes les épreuves (2). »
Les amulettes arabes varient à l'infini. Il y en a de grandes»
de petites, de longues, de courtes, de préservatrices, de cura-
tives, pour toutes les maladies, tous les accidents inimagina-
bles. Voici quelques spécimens de ces écrits, parmi ceux qui
me sont tombés entre les mains :
(x) La gutnit Kabjriit, par le général Davmac, p, 65.
(a) ^'•jrmg* dtmi VÂfriqu* OttH9H(9te, par M. lUrrxRBL, p. 90.
— 66 —
4^ Powr préserver au guérir du mal de iéte. La forme
suivante-est celle que lui a donnée l'écriture du taleb :
clans la sonlTrance
Aaioardliû
Ce
de ▼ainqoeur
il n'f a
qoelMeo.
de ses nom».
mcke
C'est à dire, premier grand carré : « Pour le guérir dmis
la souffrance, il (Dieu) a donné à l'homme un de ses
noms, y^
A rinterscction des deux perpendiculaires médianes :
€ C'est Mohammed. » Dans les petits carrés intérieurs :
« Aujourd'hui il ny a de vainqueur que Dieu. »
Aux quatre -angles de la figure : <i Par sa puissance, cette
chose est une arche sacrée. »
SP Amulette pour se préserver d'une grande maladie :
t La Yie de tous lea hommes eât dans la main de Dieu ; lorsque
le moment est venu, Il faut qu*Il meure. »
3® Pour se préserver contre le retour de la fièvre tierce,
il suffit de mettre pendant trois jours sur le feu, à l'heure
habituelle de l'accès, un carré de papier contenant les paroles
suivantes :
. — 66 —
« II a parlé, le Dieu qui te soulage et connaît tout ce qui t*ap-
partieot. Il te rend le mal et te pardonne par trois fois. Il dit : « Je
te préserve du froid ; le salut sur (ici le nom du fiévreux). »
4** Talisman contre la morsure de scorpion. Perler au
cou, enveloppés dans un morceau de chiffon, des cheveux
d*un petit enfant [sabi) ayant quatre mois et dix jours.
5** Craignez-vous Tinvasion épidémique des saïUerelles f
enterrez dans votre champ une omoplate {louhhet el qtef) sur
laquelle vous aurez écrit :
« Ceci est le nom du Tout-Puissant, créateur de tous les êtres et
animaux ; il les fait rester longtemps dans des endroits, comme il
les chasse par son pouvoir, ainsi que leurs petits qui attendent En
prononçant ce nom, vous restez dans la sécurité ; car ce nom, chez
vous, fait s*éloigner les sauterelles de cet endroit »
6° Pour se préserver de toute maladie, porter sur soi un
papier d'abord passé dans la fumée de cascarille [ahoud el
/fomaW), el sur lequel on écrira ensuite un Khatem, c'est à
dire un talisman n'ayant aucun sens, et composé de dix signes
disposés dans un tableau carré, dont voici la forme :
I
5
7
a
8
3
9
4
6
xo
Les «bifilrc* aarqoéc
à •contre lont remplacés,
dans le uUsmaa arabe.-
par ^Ica «&g«e* oui n'ont
pas même la forme de
leltret.
7® Contre la fièvre, on écrit sur un œuf de poule :
a Qouch ma qouch chelmouch cheqtnouch qeich itnakha
itnakh. i^ (Ces mots n'ont aucun sens.)
— 67 —
On met ensuite l'œuf sur les cendres ; une fois cuit, on le
mange. Les écailles sont recueillies et renfermées dans un
chiffon bleu que l'on portera constamment sur soi.
8^ Contre les pertes utérines. Porter dans sa ceinture une
petite plaque de ferblane sur laquelle on aura écrit :
« Daça H raha adjaha alaoua maghal la la ahm lahou
ahar lahou. y^ (Ces roots ne signifient rien.)
Les six premiers étaient disposés sur une ligne verticale
que coupaient ensuite à angle droit, vers ses deux tiers supé-
rieurs, les autres mots inscrits en courbe. Ainsi :
é^ ^' ^
ahm la « houoi^^^
Si
3
et
9® Contre h fièvre intermittente , écrire, en lignes toutes
égales, sur un papier carré :
« BlHamdauUHahîOuassal Allah ou Ala Sidi Mohammed ou
Hammadi Maéktebou Iheumma biasmillah chafi bismiUahi lafi bis^
miUah-elladi lahia dmh mahaasmihi chehi ftlhardoua laflssameiou
ahoua samia (aalim lahoum iachaflh fa afieheliamet hadi ouarqata
— 68 —
minelheumma. » — Ce qulsigcifie : t Grâces à Dieul le salut de
Dieu sur Mohammed ou Hammadi (le nom du malade). Cet écrit e^t
pour la fièvre ; au nom de Dieu qui guérit, au nom de Dieu qui
bénit, au nom de Dieu, celui qui n*aurait point fait de mal n*aura
point de mal avec son nom. Sur terre, dans le ciel, dans l'air, il
sait tout et devine tout ; il donne& tous la santé et la paix ; il guérit
de la fièvre celui qui porte cette feuille (cette amulette). »
10^ Autre talisman contre la fièvre intermittente. Le pro*
phète Mohammed a dit : « Prenez cent feuilles fraîches d'oli-
vier {zitoun) ; écrivez sur chacune ces mots :
« Au nom de Dieu, tout ce qui existe, existe par sa volonté :
il guérit de la fièvre quand il veut, celui qui radorera. »
Placez ensuite toutes ces feuilles dans un linge bien propre,
et attachez-le tout autour de la tête ; la guérisôn sera
prompte. »
4 i** Le Prophète a dit encore : « Le jour où vient l'accès de
fièvre, prenez ^roi> feuilles d*oignon (Aepo/^; dans la pre-
mière, écrivez : « Grâces à Dieu t » dans la secondé : « Mon
Dieu est le Tout-Puissant I » dans la troisième : y> il est bon et
miséricordieux I » puis mettez ces trois feuilles dans l'eau,
écrasez-les; buvez-en une gorgée au moment oîi la fièvre se
déclare, et ablutionncz-vous le corps avec le reste du liquide. »
Cette friction générale avec de Teau froide serait-elle un
moyen perturbateur du système nerveux, comme le bain froid
conseillé par les Italiens en pareil cas ?
12® Contre la fièvre quarte. Porter sur soi un papier con-
tenant cette phrase : « Ceci est le nom de Dieu ; lui seul, rien
que lui me guérira. »
Le Prophète a également recommandé de lire sept fois le
fatha (1 " chapitre du Koran),
1 3® Contre la fièvre intermittente quotidienne. « Pren-
dre trois noyaux de dattes [tamr) de [qsebba) f écrire sur le
premier, ^ Karoim » ; sur le secoad, « Àroun » ; sur le troi**
— «9 —
€Airroiiii»;eiijeferiuil4>Kle»joon4aKk lm\
moment où la fièvre doit Tenir.
14^ Pour ne plus faire femfmmi^ ok feiwwr m% fuz
porter sur la tête an kajfb eompmant dniX(<4îu canéfim
les aogles sont bouclés, et ao-4essQi uk 7>»y&K«t > JhntP» <fci
n*ont aucun sens et que les tolhv prâeidtst elr? 4^ ugK(
de d/enoune^ :
* Sr™
-»
.^
-£
H
/
Si la femnîe Tient à olrr Je la tète r^e pn^ i^r. tJk c^iendra
de suite enceinte.
15* Celui qui a la A^^''^ ÇMrr^ btJà ^^12% eu portant
sur le oorp», et suspendu à on fil. on c*? adeum de coq d^\
ou bien en s*atlacfaaDt au couuoe&cix iiaUfica^Je djom: et
tàïth:.
Tontes ces pratique» sufier^tieuâes yiM pcu^sées à on td
degré dhez les Ankrs, qu'avec Taide de c^rlaîoes ocoditions
de débilité consécolÎTe à d anciennes affections, et sous Fin-
floence de* hallucinations passagères dont le cerreau ne pent
manquer d'être le siège arec un tel régime moral, ils appor-
tent la plus grande indécision dans l'usage des traitements
•]ui lenr soot ensuite proposés. A [n-ine s<?rlis des mains de»
— 70 —
toubibes arabes ou français, ils relournent avec empressement
près des marabouts, des tolbas, tourmentés qu^ils sont par
cette constante préoccupation que le djinn ne saurait être
conjuré avec de simpla substances, surtout sans le secours de
Texorcisme.
Je proposais un jour Tablalion d'une petite tumeur l}'po-
mateuse à un isseri, et à toutes ses objections et hésitations,
j'opposais les sombres couleurs d*un pronostic d'autant plus
grave que le mal résistantopiniâtrement aux belles promesses
des marabouts et aux absurdes pratiques d'ignorants empiri-
ques du lieu, menaçait sérieusement Texistcnce d'un œil. L'A-
rabe paraissant céder à l'évidence du raisonnement, demanda
jusqu'au lendemain pour laisser faire l'opération; puis je ne
le revis plus. Deux mois après, en faisantunenouvelle tournée
dans le pays, je retrouve enfln mon client, mais cette fois avec
un œil entièrement perdu. Sur ma demande des motifs de son
peu de parole, il me répondit : « Quand je l'ai quitté, il y a
deux mois, j'étais assez décidé à ajouter foi à ton moyen de me
guérir, mais j'ai voulu, avant tout, savoir si l'opération serait
couronnée de succès. Pour cela, en rentrant sous ma tente,
j'ai fait Vistikha (purification cl prières obligatoires) et j'ai
attendu que le sommeil m'apportât la nouvelle, La nuit j'eus
un cauchemar [bou tellis) épouvantable, et je m'aperçus, en
songe, la tête tout ensanglantée et les yeux privés de la faculté
de voir. A mon réveil, cette vision me parut un avertissement
de Dieu, et comme tu le penses bien, je n'ai pu me résoudre à
suivre ton conseil, car ^ Allah idlem (Dieu sait tout). »
Très souvent, les Arabes remettent aussi à des époques plus
ou moins éloignéeslemomentd'uneopéralion,d'untrailement,
d'une exécution de projet quelconque. Dans l'intervalle, ils
consultent leurs rêves, les présages, les jours néfastes, pour
connaître la décision qu'ils doivent prendre. La médecine est
peu facile à faire avec de tels éléments : c'est le sentiment
— 71 —
religieux poussé a Texagération la plus funeste. 4(Les hommes
sont bien malheureux, remarque Montesquieu (4) ; ils flottent
sans cesse entre de fausses espérances et des craintes ridicules,
et, au lieu de s'appuyer sur la raison, ils se font des monstres
qui les intimident ou des fantômes qui les séduisent. Ce qu'il
j a d'extraordinaire, c'est que ceux qui fatiguent leur raison
pour lui faire rapporter certains événements à des vertus
occultes, n'ont pas un moindre effort à faire pour s'empêcher
d'euToir la véritable cause. »
La supertition arabe a mille sources; mais celles auxquelles
on accorde, peutrêtre à tort, le moins d'influence, résultent,
sftns contredit, de l'ensemble de cette vie errante, sauvage,
monotone, isolée dans la plaine comme dans la montagne, de
ce fond mélancolique du caractère national, et de ces varia-
tions de température si constamment brusques, que nous
▼errons plus loin caractériser la climature algérienne.
I«e Kabyle, d'après M. le général Daumas (2), serait plus
superstitieux que l'Arabe, sous le rapport des dénions.
On n'ose réellement point penser aux terribles conséquences
<lc toutes ces extravagances de l'imagination. Un fléau épidé-
^^^t Tient-il à sévir? l'explication de son invasion est faci-
'cmem trouvée : c'est tout uniment une volonté de Dieu qui
^Jl devoir diminuer la population, éprouver les hommes,
punir les mécréants, etc.; cette théorie semble commode pour
'ignorante nation qui n'a plus, dès lors, à s'occuper de la
'^cherche d'un traitement, car, aux yeux de tous, qui oserait
elpourriV^ s'opposer aux décrets de l'Être-Suprêmc? L'heure
^® chacun n'est-elle pas marquée sur le Grand-Livre ?
I^u moment où le Musulman ne voit dans la maladie
?"' « une punition du Tout-Puissant. » il ne lui reste plus
l"'à s'incliner. Aussi s'occupc-t-il très secondairement de ses
tO ^trt,p^tM0s, Irttre CXLIÎI.
^'^ ^r«W« Knérhf, p. a».
— 72 —
souffrances; il faut qu'elles JevicDDent Irès aiguës ou V
cheol Je vaquer à ses affaires, de se livrer à ses plaisirs, pour ,
qu'il s'en plaigne au savanl ou au ioubibe de sa localilc. CoH
ne serait guère, du reste, la peine de s en passer, car, pour
quelques poignées d*orge, ou vingt-cinq centimes, on a d*UD
chikh (vieillard), d'un marabout, un kajeb qui vous attirera
une bénédiction [bareka] divine, ou vous vaudra une préser-
vation complète. ^^B
Enfin, chez les Arabes, dans le Sud principalement, urt^
lalisman qui jouit Je propriétés héroïques pour éloigner toute
maladie, toute tentative de la part des rfjeîiotmcj, cest une
peau de lion* Quiconque en fait son lit peut dormir et vivre
tranquille.
I1()^:0UAIH£5.
Il est d'usage que le malade paie d*avance une certaine
partie [la moitié environ) de la somme fixée par le toubibe
auquel il confie saguérison. Cette manière de faire est motivée
sur le cumul de la médecineet de la pharmacie dans les tribus
et villages. Le toubibe ne demande un à-compte que pour les
dépenses premières des médicaments. ^M
Si le malade guérit, il doit intégralement payer les lionorai-
res promis; si les soins du médecin ne sont suivis d'aucun
résultat avantageux, le client n*eât tenu qu'à lui rembourser le
coût des remèdes, D'habitude, au contraire, il y ajoute quel-
qu*indemnité, soit en nature, soit en argent.
C'est aiin d'éviter, à cet égard, des contestations coosécutivësl
aux condamnations judiciaires pour accidents ayant motivel
73
QQ traitement naédical, que la loi a prescrit les dispositions
suiTantes :
« le salaire du médecin, ainsi que le prix des médicaments,
doit-il itfe à la charge du coupable qui a blessé intention-
nellemenlun individu? Le principe à suivre est, que le salaire
do médecin et le prix des médicaments sont à la charge du
coupable (4). »
Avant l'occupation française, le bach-djerrha (chirurgien
en chef] de l'armée touchait, outre sa solde et ses prestations,
une indemnité prélevée sur les amendes [haqq el demm, prix
du sang) pour rixès suivies de blessures.
Dans les villes, les médecins maures se font toujours payer
d'avance les remèdes et les visites.
ï^'aprèsla loi musulmane (2), « le mari n'est obligé de
fournir à sa femme ni les médicaments en nature, ni le prix
de médicaments, en cas de maladie (mais il doit payer le
'"médecin), ni le salaire d'une application de ventouses. »
^Moniteur Algérien a publié récemment (3) des notes
historiques, fort intéressantes, sur l'administration de l'an-
cienne régence d'Alger. J'en ai extrait plusieurs détails curieux
^^ les impôts et droits réservés aux divers fonctionnaires.
Ou voit entr'autres renseignement, que :
''* A l'occasion des droits perçus par les chefs de la colonne
^^fittery, au retour des tournées, le barbier de Vagha et les
cnirargigpg touchaient chacun une somme de cinq rial
(environ 8 francs 40 centimes) ; or, l'agha touchait 43 francs.
^ barbiers et médecins recevaient la somme la plus minime
^compagnie du Kébakdji (chargé de garder les chiens),
* f^armurier, du cafetier, du maréchal-ferrant, etc. ;
^*) «uw Khsiil. t. IV. p. 397 du ch. XXVII.
^') Id. l. lie, cb. XI, p. i33.
' ) Voir U dcnikr trimestre de rannée i85i.
— 74 —
2^ La désignation du nombre de pains alloués à chacun
des fonctionnaires de Voudjak d'Alger, en raison de sonrang,
ne fait nullement mention des barbiers ou chirurgiens.
Et cependant les portiers des divers forts, le cuisinier de
Vagha, etc., sont compris dans la répartition I
3^ Les toubibes ne sont pas non plus comptés parmi les
personnages (surveillants du palais, secrétaires, soldats d'es-
corte, etc.), qui percevaient une part sur la rançon payée par
les mécréants pour obtenir Taulorisalion de sortir du palais,
ni parmi les étrenncs payées en diverses circonstances ou fêtes
religieuses, ou à l'occasion de la perception des impôts, etc.
Ces divers faits semblent prouver qu'avant l'occupation
française, les toubibes n'étaient guères considérés de l'autorité
gouvernementale même de l'ancienne régence.
RECONNAISSANCE DES ARABES ENVERS LES MÉDECINS.
Outre l'honoraire matériel, il existe encore l'honoraire
moral, c'est-à-dire la reconnaissance. Sous ce point de vue,
l'Arabe qui vénère beaucoup le médecin, lui conserve souvenir
des soins qu'il en a reçus. Les toubibes français qui ont pra-
tiqué chez les indigènes de l'Algérie, leur rendront cette
justice, car les individus dont ils ont soulagé les souffrances
leur ont toujours réservé une hospitalité particiUièrement
démonstrative, empressée, plus ou moins splendide selon la
position pécuniaire. Que de progrès l'autorité supérieure
aurait pu réaliser dans la conquête morale des Indigènes^ si
— 75 -
elle avait profité de ces bonnes disposilions en organisant
convenablement les secours médicaux en leur faveur I
les Arabes détenus en France (île S'*-Marguerite) n'ont
jamais manqué, au retour dans la tribu, de mêler au récit des
choses et des événements qui les ont le plus frappés durant la
captivité, le souvenir du toubibe français. Tous se plaisent à
rappeler la manière bienveillante dont il les accueillait, son
empressement à soulager leurs douleurs. Ces germes de recon-
naissance, déposés ainsi dans le cœur de l'Arabe, ne sauraient-
ils à la longue détruire l'antipathie qui existe entre les deux
races? Cette pensée d'affection pour Thomme qui a pansé ses ,
plaies, calmé promptement, dissipé sûrement ses souffrances,
e^t encore différente du respect dont l'Arabe entoure ses
savants.
Quiconque lui apporte un soulagement sanitaire, passe à
ses yeux pour un inspiré de Dieu, un dispensateur dfs grâces
du ciel ; à ce point de vue, c'est un marabout, il jouit de toute
la considération, de tout le crédit, de toule la haute réputation
d'un personnage influent. Tout cela est parfaitement vrai,
mais quelle différence profonde entre la vénération accordée
à ce taleby à ce chikh, — et les sentiments intimes de sym-
pathie durable qu'inspirent les bons procédés, la douceur
persuasive, les attentions, la bienveillance, la sollicitude,
l'empressement, le dévouement des médecins français, choses
parfaitement inconnues dans la profession médicale arabe?
En janvier 1847, d'anciens prisonniers indigènes, sortant
de la Casbah d'Alger, demandèrent spontanément à être reçus
par le docteur Bosio qui les avait précédemment traités à l'île
S^-Marguerite.
Peu de temps après, des familles arabes, débarquant de
Toulon, reconnaissent le docteur Bosio dans les rues d'Alger,
et tous lui baisent les mains, le cœur plein de gratitude.
— 76 —
La même année, à Bâne, un Kabyle sort de l'h$piial où il
venait d'être soigné des suites d'une noyade dont Tavait sauvé»
dans le BQi^Djemda, le procureur du roi. Sa première idée
est d'aller voir ce magistrat, et de lui témoigner toute sa
gratitude pour son bienfait. Les notables Musulmans (le la
localité ayant eu connaissance de ce fait, vinrent ajouter
rhomioage de leurs félicitations à celles de leur corréligion-
naire.
En 4848, les cbiFurgiens de VAsmodée donnèrent leurs
soins aux compagnons de captivité d'iiM-e/-£ader, et dont
^ quelques-uns étaient blessés. L*émir les remercia par la lettre
suivante :
« Lonanges à Diea seul et unique I
» Cet écrit, de la part à'Jbd-el-Kader ben Mûkki Eidtitf, est
• adressé aux chirurgiens français ;
»> Que Dieu les farorise de sa bonté et les' contente, ainsi
M quHIs le méritent ;
» Vons avez agi arec bonté eurers laes comp^gnona qui acmi
» blessés i que Dieu vons accorde sa grâce et tous récompense.
» II est paissant en toutes dxoses. »
J'ai donné des soins à des malades de plusieurs tribus a^sez
éloignées de nos cantonnements, écrivait le docteur Giscard,
médecin-major des zouaves, en 1834 [1), ce qui m'a permis
de voyager avec/^/ii^ de sécurité qu'aucun autre.
En 4835, le docteur Pouzin, qui avait été-soigoer beaucoup
d'arabes au marché de BoulTarik, reçut à dîner le grand
marabout Sidi Mohammed Embarek de Goléah. Pendant le
repas, ce dernier dit en parlant de l'endroit de la plaii^ de la
ilf/lû(/a, témoin delà bienveillance française et du dévouement
médical : « Les Arabes respecteront ce lieu comme sacré ; ils
béniront celui qui veut leur bien et qui soulage leur miser»;
pour moi, je le bénirai à la tête des tribus, et jamais ni le fer
ni le feu ne le toucheront. »
(0 T. XXXVII, dts Mémoires dt méd. et de ekirurg. militafrt.
~ 77 —
Je l'ai dit (4) et je le répète plus que jamais : <t Les
Indigènes, en retournant guéris dans leurs tribus, deviendront
les anneaux épars de la chaîne sympathique qui doit insensi-
blement lier les vaincus aux vainqueurs. »
eêPiTâtJX.
L'Arabe se fait généralement traiter à doinicile, dès que son
état maladif ne lui permet plus d'aller consulter le toubibe ou
le tMirabouL
11 n'existe point, chez les indigènes, d'hôpital destiné
spéciaiement au traitement des malades en commun.. Aux
mosquées sont seulement annexés des espèces d'hospices, ou
pour parler plus justement, des asiles pour les infirmes, les
vieillards, les mendiants, etc.
Cette coutume de réunir les souffrances physiques et les
peines morales sous la protection religieuse, paraît remonter
aux premiers âges du monde. Ainsi, d'après M. Liltré de
l'Institut (2), il a existé de haute antiquité des asclépions (ou
temples d'Esculapes) dans lesquels on honorait Dieu et traitait
les malades en commençant par les pratiques religieuses
(jeûnes, ablutions, etc.).
La charité, si bien recommandée à chaque ligne du Koran
à la hauteur même d'un précepte obligatoire, semble, chez les
populations musulmanes, bornée en général aux devoirs de
Phospi^lité. Le prophète a dit : « Vous n'atteindrez à la vertu
(i) De hcn'mtiondés hàpUmxwrabest dan» l'JUéar (journal de rAlg^i«) do 17 octoM* i84i-
C>) Tradaclion d'Hippocrate.
— 78 -^
parfaite que lorsque vous aurez fait raumooe de ce que vous
chérissez le plus (1 ) ; » et ailleurs, dans ses hadits (conversa-
tions) : « Point de grâce pour celui qui meurt rassasié, laissant
à côté de lui son voisin affamé. »
Les Musulmans ont cependant eu de tout temps des hôpitaux
publics. El Manzor en fondait à Bagdad en 765. D'après M.
Viardot (2), Mohammed eén JB/-iîamar fonda des hôpitaux
pour les malades, des hospices pour les vieillards et les indi-
gents; et Cordoue seule, au dire des géographes arabes,
renfermait 600 mosquées, 50 hôpitaux, 800 écoles publiques
et 900 bains, etc.
Au 10® îÀhcle, Abd-el-Meleh faisait construire un hospice
dans le plus beau quartier de Fèz; et le fournit d'eau au
moyen d'un canal alimenté par Y Oued-el-Hassan, qui coule
en dehors de la ville, près de la porte de fer {Bab-el-Hadid\ (3) .
M'oublions pas que les Khalifes établirent à Bagdad les
premiers hôpitaux et des pharmacies publiques pour aider le
développement des sciences médicales.
D'autre part, nous avons déjà vu le célèbre hôpital Moristan^
surnommé El Kébir (le grand), que fit construire JtfbAammcd
ibn Kalaôv/ne, avec un luxe et dans des proportions énormes.
Ahmed ibn Toulôune consacra également d'immenses trésors
à l'érection d'un hôpital au Caire.
Les indigènes du Nord de l'Afrique ont eu des hôpitaux.
Ainsi Delacroix, qui écrivait vers 1688, dit positivement que
Tlemcen possédait à cette époque deux hôpitaux, celui des
Vénitiens et celui des Génois, quatre pour les Maures et six
pour les étrangers ; que, lorsqu'Oran était dans son plus
grand lustre, il y avait 6,000 maisons, sanscompter un grand
(i) Koran, ch. III, y. LXVIII.
(s) Hûtoirt de* jérohet tt des Maures d'Espagne, f. I, p. 3o8.
(3) RoMBY, hijt. d'Espagne, t. IV, p. 4ia.
— 79 —
nombre de mosquées, à' hôpUatus, de bains et d'auberges.... ;
qu'à Bougie, il y avait plusieurs mosquées, collèges, cloîtres,
hôpitaux, etc. (1).
Avant l'occupatioD française (1830), il n'existait dans les
troupes algériennes aucun système administratif pour le
service des hôpitaux. Les soldats non mariés étaient envoyés
dans les hospices dépendant des mosquées, lorsque les maladies
semblaient graves. Dans les cas ordinaires, ils étaient traités
dans les casernes, au milieu de leurs camarades. Les militaires
mariés étaient soignés par leurs familles. Le gouvernement
fournissait aux malades les rations ordinaires de vivres et
payait pour tout salaire, aux médeeins et aux empiriques, le
prix des médicaments (2).
Jusqu'en 4850, les Maures, pauvres, vieux ou infirmes,
étaient réunis et soignés, à Alger, dans une dépendance de
Tasile Sidi ouali Dada (marabout turc), rue du Divan.
On verra plus loin comment l'administration française a
remplacé cette incomplète institution, par l'hospice musulman
de la rue Zama,
Abd-el-Kader avait pensé à fonder des établissements
hospitaliers. « Les askars malades, dit-il, dans l'organisation
du service médical citée dans son règlement (3), seront
transportés dans une maison désignée par notre maître et
sultan, oii ils trouveront les soins dûs à leur position, etc. »
Espérons que le sens significatif de cette intention de l'Émir
sera apprécié à sa juste valeur, et contribuera puissamment à
Inorganisation d'un service de santé régulier en faveur des
tribus et villages arabes.
(i) Rtlution UHivtrselt^ de l'Jfrique anciennt tt moderne, t. II.
(a) Considérations sur fa régence d'.étger, par le baron JvciiE&SAti nx Si.iVT'Dsiiiii tMt.
(3) Voyez ci-drwus.
— 80 —
OUVRAGES I^E lÉDCCIllB
Le D' Furnari prétend (1 ) — mais je n'ai pu arriver à
constater l'exactitude de ce fait — que les médecins maures
possèdent la traduction espagnole de Dioscoride, et s'amusent
plutôt à regarder les planches qu'à méditer le texte.
Les livres de méde<;ine proprement dite sont excessivement
rares chez les Arabes; on ne leur trouve guère entre les
mains que des cahiers manuscrits de quelques feuilles, conte-
nant soit des amulettes, des talismans, comme celui de Sidi
Kala Mouça, un des plus répandus, — soit des formulés de
traitement jetées sans ordre les unes à la suite des aatœs» et
dues aux conseils de toubibesen renom, tels en particulier :
Sidi Ali ben Slimane — Sidi Abdallah ben Batou — Sidi
Abdallah ben Elaci — Brahim ben Mohammed ben Mehou
— Ben Ouaqed — Ben Cefianc — Ben Djabbar^-Djalinoûs
(Galien, sans doute) — Djalouçoune — Djahema — Djabbar
ben Abdallah — Djinous — El Hadj ben Saïd — Fattous —
Karmali — Korasain — Laniss — Laciqoune — Mazri
— Ouoqdi — Radouane ben Sdq el Melki — Raqad -^
Rhaxi ben Amrane — Saïd ben Brahim — Saïd benAoune
— Smaït — Tabrani — Taïeb — Yayïa — Ya ben Smatï
— etc., etc.
£n tête des ouvrages de médecine les plus estimés par led
Musulmans, il faut placer les Hadits Sidna Mohammed (les
Conversations de notre Seigneur Mohammed) y dans lesquelles
on trouve de nombreux conseils donnés par le Prophète pour
rhygiène et le traitement des maladies.
(i) Foya^ dans r Âfriqat septentrionale, page 189. *
— 81 —
Viennent ensuite leKetab Harounia (le livre A'Haroim).
mélanges de préceptes thérapeutiques ;
Un manuscrit du même genre, par Chikh Daoud el Masri
(le téûérable David l'Egyptien) .
A la prise de Constantine (4837), on a trouvé plusieurs
livres de médecine destinés par l'ancien gouverneur de la
proVmce, Sa/aA-Bey, à quelques Zaouïa^ (mosquées).
Là bibliottièque d* Alger ne possède que les manuscrits
winiits, dont je dois la liste à la bienveillance de son savant
directeur, M. Berbrugger :
^* S2li Commentaire des aphorismes dHIppocrate, par AbouH
^^^cmAbd-er-Rkaman Ebn^ AU Ett^apoi^Sadik. Ce même auteur a
cflBunentft BoHera/ (HIppocrate) erDjalinous (Galien), dont Uonaïn
^^ Ukak a traduit presqcfë tous les ouvrages.
M* %2S. A9fre commentaire sur les aphorismes d'Hippocrate, par
AbùuHFaradjEbn el Koufi.
^^1 Le Kanoun d'Ebn Sinna (Avicenne); seulement la W partie
"vlecœur, la circulation du sang, etc ; et la il' sur la fièvre.
^*i95. Mélanges de médecine, extraits de deux ouvrages de
médecine célèbres : El Harounia et El Tarsî, le premier par Haroun,
l'autre par Jî6ii Hobal^ ou AbouU Hassan AU Ebn Mohammed.
^'30bi Traité de médecine extrait du Tedkerat de Chikh Daoud
^*67. Des subtilités de la médecine par Chikh Daoud el Antaki^
^^bre médecin du Caire, qui mourut à la Mecque dans le 17« siècle,
^ *ï»l^ plusieurs ouvrages très estimés des Indigènes.
^* 30 A. Traité de médecine par Moutafa Ebn Ahmed el Taroudi.
^''^Bw Autre traité par El-Bouni. Les Arabes en font grand cas.
^* *A5. Ouvrage de médecine et de chirurgie, par AU
^**40. Médecine et chirurgie, par El Kaliouni.
*A3 A. Poème anonyme sur la médecine.
^* ^^. Poème technique sur la médecine, par Sid Ahmed elBouni.
^' ^5. Ouvrage de médecine (anonyme).
~ 83
W* 873 B. Traité de médecine, par Sid Âluned et Chikh Zerroq et
^° ihh* Mélanges sur les médicaments simples, par Ismaii Be
cl Uassan et flassaïn*
N" lAf»C, Beroèdes divers; valeur médicalede quelques substance
NO 533. Matîëre médicalG, chimie*
Les plus instruits des toubibes actuels ignorcDl complcl
ment les nonjs des médecins arabes les plus renommés
DjaUnous (Galien) est le seul nom céTebre que Ton retrouve
d'ordinaire dans les manuscrits (|ui leur servent de formulaire
usuel
Cependant, la réputation des médecins Arabes, la célébrité
de leurs écoles, donnent le droit de croire que leurs ouvrages
ont dû être assez nombreux. Mohammed avait expressément
dit : « La science est un gibier, et récriture est le lien f]ui
sert à la retenir. » Sous l'in/luence de Téian général donné
par l'entliousiasme de rislamisme naissant, les productions
littéraires et scientifiques se multiplièrent jusqu'au moment
où les encouragements cessèrent dï'tre jMXxligués aux savants
par des Khalifes inbabiles a gouverner, et plus soucieux de
leurs propres intérêls que de ceux de leurs populations.
Une des autres causes de la rareté des livres scicntifiquei
musulmans tient aussi à ce que Timprimerie fut proliibée^ en
Turquie, par exemple, sous peine de mort, en 1515, par le
sultan Sélim. puis persécutée de nouveau en 1698 par les
Janissaires qui s'opposèrent à Tinlroduction d'une près:
arménienne, et enfin sévèrement défendue *Ie nouveau au m
lieu du 18*-* siècle après la mort dlbrahim Effcndi,
En 1816, il UY avait que ftiarre presses dans tout lempire
Ottoman, I
Ce furent les Français qui inlroduisirenl rimprimerie en
Egypte, en 1798.
H
1
e
4
— 83 —
Dans son récent voyage en Afrique et en Asie, M. Du Courel
dit [\] que Vimprimerie est encore interdite à la Mecque.
Ce qui frappe le plus quand on examine les quelques ou-
Ttagcs de médecine qui sont entre les mains des Arabes, c'est
TabseDcede toute gravure représentant diverses parties du
I corps.EUe tient, chez les Musulmans, à la proscription absolue
1 des images figurant des êtres animés. Mohammed exagérant
I IcbntdOvSystème religieux qu'il venait opposer à Tordre de
choses âabli, préférait pour le moment un peuple iconoclaste
I par pore et simple horreur de Tidolâtrie dont il s'agissait
f de détniire les moindres manifestations. Qu'en résulta-t-il ?
' lanollité complète des beaux-arts. Toutefois, cette proscription
atn)iné quelques dissidentsaux préceptes du Xoran : des sul-
. taososmanlis ont placé leurs portraits dans leurs sérails (2).
:• Chei presque tous les perruquiers et cafetiers maures ou
: arabes, les murailles sont ornées de tableaux, de gravures dont
les sujets assez variés ne paraissent nullement choquer l'or-
Aodoxie mahométane. On voit dans le café de la Fontaine, à
CoBstantinople, la polka nationale, des études d'animaux, Na-
^ poleonàla bataille de Ratisbonne, des vaisseaux turcs, le
combat de 22 Français contre 200 Arabes, des costumes de
femmes turques, des vues, un Turc se faisant saigner, etc. (3).
Ces infractions à la loi religieuse se multiplient insensible-
D^enten Algérie. 11 est bon d'en prendre note pour répandre
dwsles tribus, d'ici à quelque temps, des gravures représen-
tent divers sujets, soit d'histoire naturelle générale, soit de nos
*rts,dc nos connaissances usuelles, etc.
Comme le Koran fait en toutes choses texte de loi chez les
Arabes dont il forme, avec ses commentaires, l'unique biblio-
(0 ^tmd'Onent, décembre 1 848, p. 34 1
W ▼lAiDOT, toco titnto» t. II, p. 69.
0) C«i>untinople, chap. Hl d»n» le journal /« Pretst, 19 décembre i85«.
— 84 —
thèque^ sa leLlure, sa rnéJitalioii iionnont évidemment tii
idée assez exacte de Télat social An peuple musulman de V
géric, au poinl de ?uo de ses rapports avec la morale^
justice, les sciences, les coutumes liygiénitjues, elc. Le medecU
dont le inruistèrc soit public^ soît privée s'adresse autant ,
1 état moral qu'à rétal physique de l'individu et dos massesJ
besoin, plus que tout autre peut-être, d^approfondîr Télii
du Koran et de ses commenlaires. 11 puisera dans la conna
sance des principes» conseils et dispositions adminislratii
qui s y trouvent consignés, de précieuses ressources d aclic
pour modifier, avec le plus de succès possible, la conduîi
des malades, et retirera de la citation ou de TappliciEi
lion même des textes» la plupart gravés en proverbes da
la mémoire de chacun, une grande force d'autorité mora|
dans Texercice de ses Ibnclions. Au rappel de la lettre inêjx
du i|t>re de tneeriisifement, le caractère sacré des paroles
Prophète sulhni pour qu<? la recommandation médical
acquiert aussitôt toute son énergie de raison detre» toute sa|
eflicacilé possible, toutes ses chances de succès dans unj
prompte réalisation.
C*est donc non seulement comme appui autoritaire, maîj
encore comme indicateur principal des mœurs arabes, que
connaissance du Koran devient de première nccessiïé ai
médecin. Pourrait-il s'exempter de cette importante élude, luj
qui, en toute circonstance, appelé près d'un malade, conmienc
par un complet interrogatoire sur les coutumes, le mod
d*cxistence, les conditions morales habituelles, le genre d<^'
vie, les occupations journalières, les usages, etc., alin de biea
saisir le lien de la cause pathologique avec ses elTets^
rechercher les véritables indications du traitement?
Une des plus grandes vérités qui soit sortie de Tctudc de la
législation des nations comparéQ dans ses connexions avec
— 86 —
ieors besoins, leurs aptitudes physiques, le milieu goographi-
qnedans lequel elles vivent, se développent et se perpétuent,
c'est que les institutions d'un peuple sont toujours une
émanation de son tempérament.
Cette conviction nous a fait rechercher dans le Koran et les
cofflmentaires de jurisprudence, les passages qui peuvent avoir
toiitanx connaissances médicales, à leur application sociale.
Toici le dépouillement de nos notes à cet égard :
Sar 6,200 et quelques versets que contient le Koran,
4S0 environ (1] concernent l'hygiène publitiuc et privée,
il médecine morale, etc. : l'occasion se présentera de les citer
textuellement dans le cours de cet ouvrage,
Dans le traité de jurisprudence musulmane de Sidi Khelil
^teiiioA (2), se trouvent des interprétations et des documens
Nirles coûtâmes arabes, d'autant plusprécieux que ce célèbre
commentateur (duritc Malékite) écrivait ainsi, an 8*" siècle de
ll^re (15* de Tcre chrétienne), pour ce qui concerne la
Médecine :
Utomei". Traité des purifications, des prailques relatives aux
^^>oliis naturels, des lotions, de la madéfaction, do la purification
Ptthérale, des purifications dans les maladies, les blessures ; des
■Wnstrues, leur durée légale, leur incomptabilité avec certains
^'olrB; des suites de couches, etc.; — des conditions sanitaires
fBl Invalident la prière : des pratiques funéraires (inhumations,
«ikomiUona, autopsiei», etc.); — du jeûne.
(*) Ctt*«it point qae Mohammed n'eat aitcone estiim; f)our les ccieuces hjgiéniqaes et
*^**'<*i «I foxkt ceax t{uirxcrrairnt r*rt fie (guérir. D'après d'flerbrlot (p. 43o), il recua-
**'''**' tOMcst» k caote de se» talcnu, de sa haute renommée, le wûdrctn mcctiuois Harttk
■•■'•«Wl.de Takif.
('/ Ui coumiralateurs du Koram e t da lu IrgUIation masulniane sont nombreux t .^k/i
'^f ^1 Boukwi, Sid* Sjoutif Sidt yibJcrrkama/i , Ben Seliman, Jtcn FerrhftUH, Sidi Brahim,
^ ""mmi. Mnhammed Ben Smnuasi, etc. Nous avona pri-fëré utiliHT. pour noire travail,
'•*'«J»de Sidi Khelil, d'une part, parce que la tratluctiou m est oriiriellnnent exécutée
**vma de» ordres du guuTerneuicnt, et lui assure la prééminence; d'un autre côté, parce
^^ H» diipo»itions légales sont génvraleuwnt suiries par les ladig^nea de l'Algérie.
— m —
Le tome 2', Alimens permis (mode de tuerie) ; — joutes, exercic
et jeux militaires; — du mariage (conditioas ; clioses permises <
dé rendues pendant le mariage; grossesse; avortemeut; lodîvitlu
malades; de rirapuissaoce ; traitement des maladies deii' organe
gétiltaux; fréquentations conjugales; divorce, répudiation, etc.).
Le tome 3*. Serment de conlineoce. -* Adultère. — Négation de
paternité.— Retraite légale de ta feuime (expertises, consultations,
etc.); parenté par allaitement commun; copulation pendant l allaite-
ment. -~ De Teotretien do la femme pendant Je mariai^'e et la
grossesse j — de l'aliaiteniant, soins et entretien de i'cnfanU —
Bu degré de maturité des fruits mis en vente, etc.
Le tome li\ lignes légaux de la puberté; — de rinterdiction
pour les malades. — Voie publique. — De la paternité, dea témoi-
gnages, etc. — Location des nourrices.
Le tome 5*. Miitilaiîonâ et blessures ; du médecin exécuteur
talion; — du prix du sang pour ravortement, etc.
Le tome 6% — De la coiiabltation illicite (Inceste^ sodomie) ; — ^
preuves de Tadultère d'après la grossesse, — Mutilations comme
peine du vol, amputations des diverses portions de membres; —
des liqueurs enivrantes, cas permis, preuves judiciaires de leur
usage ; — liermaplirodisme, cas d'Incertitude, droits ù, la successi*
bjlité, etc.
C^GSt surtout avec le secours de la subâlaece de toutes le
paroles sacrées contenues dans ces ouvrages religieux que
nous pouvons porter dans 1 esprit arabe la conviction de notre^
supériorité îiitellecluelle et morale.
« La loi musulmane, aécritM. Richard (I), peul^ habilemei!
emplovôe, servir à rémancipation et à la civilisation du penpii
qui la subit. î*
Ou sait, en efTet, que pour les Musulmans^ il n'y a de vr
et d'admissible que ce qui est contenu dans leurs livres sacrés.
Mohammed a dit : m. P) 'innovez rien après ma mort, tenez-
vous slrictcmentàtout ce que je vous ai recommandé et imitez
les actions de ma vie. »
(t) DsVtêprii ilr J4 1^fi«iUi»on Mniulmàiit, 1^144), p, b.
— 87 —
Dans une série d'articles d'hygiène publiés en 1 851 -1 852
parle journal arabe officiel, j*ai mis à profit toutes les citations
possibles du Koran, tout en m'efforçant de donner au dévelop-
peroenldu texte religieux Tinlerprétation que demande Tétat
aclaclde nos connaissances. Ce travail, pour lequel j*ai reçu
les'encoaragemenls les plus flatteurs de la part du Directeur
si reprellé des affaires politiquesarabes, M. le colonel Durrieu,
devait être ultérieurement répandu dans les tribus, et nul
doate qu'il eut été accueilli avec faveur, comme tout ouvrage
ayant pour bases indispensables le texte du Koran et une uti-
lilé pratique. Malheureusement la publication, déjà très avan-
cée et presqu'entièrement terminée, a été arrêtée pour des
motifs dont je n'ai pas à juger ici la valeur.
HÉDEUNE LÉGALE.
^précédent aperçu sur les questions médicales et hygiénî-
Qoes traitées dans le Koran et les commentateurs, a sufli sans
^oute pour donner une idée de la grande part que prenait jadis
' Witorité religieuse dans la prescription des règlements con-
^JTïantla santé publique et privée. Toutefois, il convient de
'^"^ connaître à part quelques-unes de ces dispositions consi-
^^dans leurs rapports avec le droit civil, criminel et
•^^ministratif.
Cç qui frappe souvent dans leur examen, c'est la minutie
des détails, la diversité des circonstances que la loi a su
Pi'évoir.
- 88 -
Le toubihe et la malrone peuvent être requis par rautorit4
judiciaire à litre d'experts. Ils donnent leurs avis de vive voîxJ
Mille questions délicates soulevées par la polj^gamie, 1^
mariage, Tachât des femmes esclaves, les parentés de lait, les
devoirs à l*égard des femmes répudiées, les Lérilages, le
eonditionsdc divorce légal, etc, ont donné lieu a bien dfi
lextes de commentaires, a Lûen des parlicnlarités de décision^
qui décÈlcnl quelquefois, dans la législation musulmane, des
traces d'observation précise.
On doit, toutefois, se demander comment les prétendues
malrôîies indigènes peuvent sérieusement se livrer à des exper
lises médico-légales, si souvent délicates, et juger en définilii
avec quelque connaissance de cause !
Nous nous bornerons à citer les termes de la loi, laissant al
chacun leur apprécialion critique, à laquelle le but du présent
travail ne permet point de donner ici quelque développement,
d'autant plus que certaines de ces dispositions judiciaires ne
sont guère usitées dans la population arabe algérienne.
Responsabiliîf' df's médecins, — Le médecin exécuteur du
laiton pour le cas de blessures, lorsqu^il dépasse, avec inten
lion, les limites de la blessun*qu*il lui est permis de produire,
est condamné à subir une blessure égale à l'excédant de la
blessure qull a faite. Si cet exécuteur est resté intentionnelle^
ment ou non, au-dessous de la blessure qui lui était detuandée,
par la justice, il ny a plus lieu à rien exiger; on n'ajouté^
rien au supplice. Si l'exécuteur a opéré sur le lieu voulu delà
partie vivante et que la mort s'en suive, il n'est responsable de
rien ; s'il a un peu dépassé la limite, le fait est considéré
comme iûvolonlaire. Lorsqu'il y a lîcu de soupçonner que
Texécuteur ait dépassé intentionnellement l'étendue de lu
-.89 -
blessure qu*il avait à produire, on lui inflige une peine
séîère^ï).
On oe confie l'exécution du talion qu^à un individu qui aie
la connaissance ou Texpérience nécessaire pour cela; la rétri-
bution est à la charge de celui qui a revendiqué le sang du
coupable (2).
Pour les cas de blessures, le talion est plus dour que Tacte
du coupable, car si le coupable a par une pierre ou par un
coup de bâton fait une blessure dénudante, par exemple, la
peine du talion s'applique par le moyen du rasoir (3).
Un médecin ignorant et qui a nui à la personne médica-
ittentée, est responsable du mal qu'il a causé, et Vakila
(y compris le médecin) doit payer une réparation pécuniaire
Ndidfc'], car le mal a été un résultat amené volontairement.
C'est la même responsabilité qui incombe à un médecin
instruit qui est arrivé à un résultat inattendu et nuisible, qui
^produit, par exemple, un effet plus énergique qu'il ne le
^<>ulait, ou qui, ayant l'attention d'arracher telle dent, en a
*^ché une autre; ou au médecin qui, bien qu'il ait réussi
dans son fait et selon son intention, a traité ou médicamenté
^^ personne sans avoir reçu de qui de droit l'autorisation
c<>ûvenable, quand même il a traité ou saigné ou ventouse ou
C'fconcis un esclave ou un mineur ou un aliéné, dont il a eu
^'^llenrs le consentement; car alors, ce consentement n'est
P^ une autorisation convenable, c'est-à-dire valable et donnée
P^i'quide droit. Le médecin doit donc être responsable des
^oltats fâcheux de son œuvre en traitement ou opération (4).
Nous avons dit plus haut quelques mots de la responsabilité
(>) Sidi KMil, t. V, ch. XXXX, p. 374.
(>) Id. p. 391.
Ci) Id. p. 407.
(4) Id. t. VI, ch. XXXXVm, p. iio.
^ 90 —
ries (lenlîstes. A propos ih la toxicologie, on verra plus loin !e1
degré de celle qui pèse sur les Jébitanls de drogues.
Aptitude à témoigner, — Pour qu'un individu soit Iiabile^
cl acceptable à léinoigner, il faut, lorsqu'il va déposer en
juslicei qu'il ne soit pas excentrique dans ses croyances, soit
par ignorance, soil par système ou de propos délibérô, fût-cej
même par suite de raisonncinens e* par esprit philosophique ;î
il ne doit pas être, par exemple, un Kharitlji (proteslanl) ou
un //acfan (falalistc), c'est à dire un sectaire ou un partisan
de la doctrine de la Don-prédesU nation ou fatalité des actes-^
Cetie doctrine implique Tignorance des rapports descauses aux''
effets; les doctrines des sectaires ou schismatîques impliquent,
la tendance à expliquer les choses par les discussions (1).
La défense de coïter pendant les règles est telle que la loi
dit : « Est inacceptable le témoignage judiciaire de relui qui
a cohabité avec sa femme pendant les menstrues (2). i^
Opérations judiciaires. — Tout individu coupable de vol,
doit subir la mutilation de la main droite ou ampiilalion du
poignet droit ; aussitôt après, on cautérise la plaie, afin d*ar-
rêter lecoulemcnt du sang et de prévenir la mort du patient.
L'application du feu n*est point un complément do la peine
judiciairei c'est un devoir que rautoritc est tenue de remplir
envet^s le condamné, dans le but de lui conserver la vie, [Si la
main droite est parai vsée, s'il y manque Icplusgrand nombre
de doigts, on ampute le pied gauche.) Après que la main
droite a déjà été mutilée, le coupable commet-il un autre vol ?
on auipule le pied gauche, lorsque rauiputalion précédente
est guérie, et après un nouveau vol, on ampute la main gaii-
clie; puis pour un autre vol encore, on ampute le pied droit. ^
— *»1 —
L'amputation du pied se pratique de haut en bas, au pli arti-
culaire ou point de jonction, à angle du pied et de la jambe;
on laisse ainsi le talon cernme point d'appui pour la locomo-
tion ou la station. Il est entendu qu'après l'amputation' du
pied, on arrête aussi le sang par la cautérisation (1).
Les diverses opérations sanglantes à exécuter sur les mem-
bres d'un coupable ne doivent se pratiquer qu'à intervalles de
temps éloignés, lorsque le coupable ne pourrait les subir à la
suite immédiate l'une de l'autre, sans être exposé à une mort
cerl^ne. Tel serait le cas où l'on amputerait immédiatement,
Tun après l'autre, deux membres. Du reste, on commence par
la plus forte, ou la plus pénible, s'il n'y a rien àcraindrepour
la vie du patient. S'il y a à craindre d'occasionner la mort,
on attend que le coupable ou puisse supporter la peine, ou
meure (2).
Attentats à la pudeur. Les outrages à la pudeur peuvent
être considérés comme pratiqués en public, devant plusieurs
témoins, ou dans les rapports intimes entre époux. A propos de
ces derniers, le Koran comporte les prescriptions suivantes (3) :
«Les femmes sont votre champ. Allez à votre champ commç
vous voudrez. » Voici, d'après M, Kasimirski, comment les
docteurs de la loi entendent ce passage : « Venite ad œgrum
v€Sirum,qféomodo^unque volueritis, ideststandOtSedendo,
jaeendo^ à parte anteriori seu posteriori ; judœi enim
dicebaiU : qui coierit cum uxore sud in vase quideni
(t) T* VI, cb. 4Sp p. 63. — I. Serait-M cette habitode de mutilation» jadiciaire» tt la honte
dMrt dlcs frappaient pour tovjoan un coupable, qui ont %i fort décrié Ica amputation* ches
1« Arabes 7 a. Les chirurgiens remarqueront ci-dcMus un singulier procédé d'amputation.
Urso-ursienne. 3 . Les mutilations judiciaires sont aujourd'hui remplacées en Algérie par
U bastonnade, la prison, etc.
fa) T. V.cb. XXXX,p. 394. '^
(1) Cb. Il, T. >s3.
\^
— 92 ^
(mtériori, sed àpart$posticâ, procreabii fiUumsagaciorem
et ingeniosiorem. »
La cohabitation illicite (union charnelle que la loi punit
d'une peine afflictive déterminée) est Tacle intentionnel de
l'individu pubère, doué de raison, musulman, qui introduit
le gland du pénis dans les parties naturelles d'une personne
sur laquelle il n'a, au point de vue viril, aucun droit légal
reconnu par la loi (1).
Les époux ont le droit de jouir l'un de l'autre, de toutes les
manières de jouissance, excepté par la sodomie. Il a été dit :
Les femmes sont nos terres labourables; à vous d'y semor, à
Dieu d'y faire germer (2).
« Si deux individus parmi vous commeltcnt une action
infâme, faites-leur du mal à tous deux Abusercz-vous des
hommes au lieu de femmes pour assouvir vos appétits
charnels? En vérilé, vous êtes un peuple livré aux excès (3). »
L*œuvre de pédérastie ou sodomie est l'équivalent de cohabi-
tation illicite, et encourt la peine légale ou lapidation (^y .
La question du viol implique nécessairement l'examen de
l'état matériel des organes de la génération. « L'hymen ou
caractère de virginité, dit Si Khelil, peut avoir été détruit soit
par l'approche virile, soit par accident comme à la suite d'un
mouvement violent, d'un saut, soit par voie illicite (inceste,
viol). » Il dit ailleurs : « Le sperme d'un homme s'échappe
par jets ; il a l'odeur de la fleur du dattier ou de la pâle. Ces
caractères le distinguent de la liqueur limpide, séminiforme,
qui s'échappe lentement et peu à peu, lorsque des idées volup-
tueuses remuent et animent l'homme. »
(i) T. VI, de Si Khetif, ch. XXXXill, p. 3.
(a) T. II, p. 3x7.
(3) Kormn, ch. IV, v. 20, etcfa. VII, t. 79.
(4) SiKhrlil, \. Vf, ch. XXXXIII, p. 6.
— 93 —
iirfi*/^r^.— L'anathèmeconjugal, ou adultère, est prononcé
lorsqu'il y aeu vérification de la grossesse par des matrones,
avant raccouchement.... Il faut que six mois au moins,
intervalle qui est le minimum fixé par la loi, aient séparé les
deux enfantements, sinon les secondes couches ne seront que
lu 501(0 et le complément des premières (4 ).
Mariage. — D'après l'opinion la plus générale, il n'est pas
permis à l'individu gravement malade de se marier, à moins
que le mariage ne soit jugé nécessaire à cet individu ou sous
le rapport des soins qu'il peut recevoir de la femme, ou sous
d*aalres rapports On se hâtera de rompre et d'annuler le
mariage du malade, dès que l'on en aura connaissance, la
femme fut-elle en menstrues, à moins que celui qui était
malade ne soit guéri. Alors le mariage est maintenu; car le
mariage n'est défendu aux malades que dans la crainte qu'il
ne soit une cause de mort. Les circonstances qui établissent le
droit d'option (ou droit de consentir au maintien du mariage
ou d'en exiger la dissolution) sont : i® Le taras ou colorations
cutanées blanches (vitiligo, leifcé) ou brunes (taches primor-
diales de la lèçre ou eléphantiasis des grecs) ; 2* dans ces
décolorations qui comportent le cas d'option sont également
rangées les grandes cphélides hépatiques ou grandes taches de
rou^ur; 3** une maladie telle que celui qui en est atteint
laisse échapper par l'anus, pendant l'œuvre du coït, des
matières stercorales ; 4^ la lèpre déclarée ; non pas, si la mère
ou le père de Tun des conjoints en est atteint; B° la castration
du pénis ou des testicules ; mais quand le pénis existe et que
réjaculalion séminale peut avoir lieu, il n'y a plus de cause
d'option, car alors le but principal et véritable de l'union des
sexes, c'est-à-dire le plaisir y peut être atteint par les époux;
si la tête du pénis manque, il y a motif d'option ; 6° Tinappé-
•
(0 T. III, ch. VI, p. 47
— 94 —
tence véDérienne dans Tuû et l'autre conjoint; ou l'inaptitude
de l'homme à pratiquer le coït, à cause de la -brièveté du
pénis; 7** un membre viril bien conformé, mais incapable
d'érection; 8® une excroissance, ou charnue, ce qui est le plus
ordinaire, ou osseuse, émergeant des parties génitales de la
femme; 9^ l'imperforation congéniale ou rétrécissement
adventice du conduit vaginal ; iO** la gravéolence du puden-
dum dans la femme; H^ une protubérance à la partie anté-
rieure de la vulve présentant l'aspect d'une hernie chez
l'homme et laissant suinter une certaine humidité; 12** la
communication du vagin avec l'urêlrc ou avec l'anus, de
manière-à ne présenter qu'une seule voie. Toutes ces causes,
qui autorisent l'option, doivent avoir existé avant la contrac-
tation définitive du mariage (excefplé dans le cas d'une lèpre
évidente ou d'un éarfiw repoussant) . Du reste, on fixera Tinter-
valle d'une année lunaire pour la guérison de la folie ou du
baras et de la lèpre, lorsqu'on pourra espérer la guérison de
ces trois sortes de maladies. Cet intervalle de tenips écoule, le
conjoint non malade optera. S'il a été stipulé, en contractant le
mariage, que les conjoints devront être sains et exempts de
ces divers motifs d'option, la couleur trop foncée des individus,
la teigne avec calvitie, l'âge ou trop jeune ou trop avancé, etc.,
rentrent dans la catégorie de ces causes d'option. Ccpend^t le
mariage ne sera point révoque, si la femme est chauve (le mari
croyant le contraire), si elle a l'haleine forte et mauvaise, ou
la bouche fétide. Au mari accusé d'impuissance, on accordera
un délai d'une année complète; après ce temps, pendant lequel
l'individu se sera traité de son impuissance et aura reçu les
influences des quatre saisons, si l'élat^viril n'est pas au point
désirable, la femme sera libre d'exiger la dissolution du
mariage. Le mari peut obliger sa femme à faire traiter toutes
les maladies de ses parties génitales, en particulier l'oblitéra-
tion ou la coarctation vaginale accidentelle ; les dépenses
— 9S —
nécessaires sont à la charge du mari. Il en est de même pour
toutes les autres maladies des parties génitales de la femme (1).
Lajurisprudence musulmane admet des maladies à réci-
dives, pouvant être invoquées pour annulation de contrats,
pour incapacité civile, etc. Elle considère telles: «L'évacuation
involontaire de Turinc pendant le sommeil, l'incontinence
tf urine, la toux déjà prolongée, Thematurie, les irrégularités
des menstrues^^tc. La fièvre, les taies ne sont pas des maladies
qui reparaissent, par la raison qu'elles ont déjà existé chez
l'individu. »
Le père a droit d'imposer un mariage à sa fille atteinte de
folie, à sa fille encore vierg^, fût-elle même déjà âgée et éman-
cipée, à moins cependant qu'il ne s'agisse d'unir cette fille,
pat exemple, à un eunuque de nature telle qu'il ne puisse
fournir de liquide spermatique, ou bien à un individu impuis-
sant ou difforme, ou à un fou, etc.; — à sa fille jeune encore,
n'étant plus vierge, c'est à dire dont l'hymen ou caractère de
la virginité a été détruit soit par l'approche virile, soit par
accident (mouvement violent, saut), soit par voie illicite (in-
ceste, viol, s'en fût-il suivi une grossesse] (2).
Avant Mohammed, les femmes d'une môme famille passaient
indistinctement dans les bras du père, du fils, de l'oncle, du
frère, etc.! Le Koran dit à ce sujet : « N'épodsez pas les femmes
qui ont été les épouses de vos pères, c'est une turpitude
tl vous eit interdit d'épouser vos filles, vos sœurs, vos tantes
paternelles et maternelles, vos nièces, vos nourrices, vos sœurs
de lait, les mères de vos femmes, les filles confiée^ à votre
tutelle et issues de femmes avec lesquelles vous auriez coha-
bité, les filles de vos fils, ni deux sœurs il vous est défendu
(0 T. Il, ch. V, p. 4u3.
f»; T. ll,cb. V, p. ai6.
— 96 —
n
d'épouser des femmes mariées, excopié celles qui seraient
tombées entre vos mains, comme esclaves (I).
Lorsque le lait d'une femme est arrivé dans le corps d'un
enfant, fût-ce en versant dans la bouche ou par le moyen d*uo
biberon, ou par instillatioo dans le nez, ou par introduclion
dans Taous, fût-ce encore à Tétai delail mélangé avec d^autrqs
nourritures ou avec des substances médicamenteuses, ou avec
de Teau, etc., il s'est opéré une parenté qui interdit toute
union conjugale entre Tenfant et tous ceux qui auront usé ou
sucé du lait de cette même femme. Il est, sous ce point de vue^
l'enfant de cette femme, Tenfautdo lait, le frère ou la sœur de
lait des nourrissons et des enfants de cette femme.... Mais
cette parenté n'est point établie, si le lait de la femme est ins-
tillé ou versé dans les yeux de Fenfant, ou dans les oreilles, -.
on sur la tête, etc..... Pour que s'établisse la parenté de lait, ■
il faut que Tintroduction du lait dans l'enfant ait eu lieu dans
les deux premières années de la vie (â).
Il est défendu à tout Musulman d'être marié avec cinq
femmes ensemble (3).
Tout mari fera à ses femmes, même à celle qui serait en
état d'aliénation mentale ou toute autre nmladie, un partage
égal de ses nuits, et il ajoutera à chaque nuit la journée qui
la suivra (4). Le mari agira toujours ainsi, quand même la
Cûliabitation conjugale ne devra pas avoir lieu, soit par empê-
chement légal (femme malade, ou en menstrues, ou en suites
de couches), soit par motif matériel ou pernianent (conduit
vaginal impraticable). -« Le mari n'est pt>rut obligé à un
partage égal des copulations. — Quand un fidèle déjà mari©
épouse un€ vierge, il doit lui accorder sept nuits coûséculives;
I
I
(t) K«hiiit cil. JV* v> t$, 37 ei >t.
(m) Si irA#H t. nu ch. 10. p. lio,
0) là. u n, ï». 361.
f4) T. ILch. V, p. 5o3,
— 97 —
ooeiOQfeUe femme non vierge, il ne lui doit que trois nuits
GOBsécotives. Le mari peut accorder à une femme le tour des
fréquentations dues à une autre, avec le consentement de cette
dernière, et gratuitement ou non; de même, une femme peut
acheter de sa compagne son tour de relations conjugales, etc.
C'est uo péché de ne pas terminer une copulation commen-
cée.{1).
H est défendn d'approcher maritalement de la femme en
menstroes, de se permettre de la toucher même par dessus les
Têtements, à partir de la ceinture jusqu'aux genoux. Le
Prophète a dit : « La femme en menstrues doit serrer sa cein-
te; mais, ce qui est plus haut, est à ta disposition. » Ces
défenses durent jusqu'à la cessation légale des menstrues, car
Dieu a dit; 4( N'approchez de vos femmes que lorsqu'elles se
sont purifiées par l'eau. »
Divorce, — L'anathème conjugal n'est établi sur l'accusa-
tion d'adultère portée par le mari contre sa femme, que si
celtedernière est accusée d'avoir cédé à une copulation illicite
naturelle ou sodomique. Par suite de l'anathème positivement
^^bli, le fruit développé et complet auquel la femme donnera
'^ jour, i partir de six mois^omptés depuis le jour où la femme
^û'te' trouvée en adultère, ne sera point attribué au mari. —
S* l'accouchement normal a eu lieu avant les six mois écoulés
^i» la cohabitation illicite, le fruit est attribué au mari, à
"ûoinsqu'il n'oppose qu'il était en état de continence l^ale.
■^ i'anathème conjugal est seulement prononcé, lorsque le
^^^^ nie sa participation à la grossesse de la femme, à con-
^^n qu'il y ait eu vérification de la grossesse par des
*Wroûes, bien avant l'accouchement. Daq^ tous les cas
P^ibles, lorsque deux femmes appelées en témoignage ou
r»)T.
III; Ch. VI, p. -.
I
— 98 —
[cbargées J'cxamineret visiter les parliesgénilales^ do la femine
|témoigneril en faveur du îimri contre hi femme qtii même
y'aura démenti par serment, leur déposititDn fera foî* Le^
oatrones sont chargées de constater Tétat de grossesse che
les femmes qui se séparent de leurs maris. La grossesse ne peut'
"pas se constater avant le troisième mots, et les mouvement&j
de l'enfant ne sont pas sensitjles avant le quatrième mois<|
— L'attente de continence est imposée, lorsque la femme i
soixante ans et au delà, c est à dire qu^elle est assez âgée pour
ne plus devenir enceinte; ou lorsqu\'!!e est vierge, car il e$t_
possible que celui qui la possédait, n'ait eu de rapprochement!
sexuel avec elle qu'à l'oxlérieur des parties génitales^ et qu'il
en soit résulté cependant une conception (11. ^
Le divorce était d'autant plus fréquent et plus facile, avant
Mohammed, que chacun prenait autant de femmes qu'il vou-
lait et les quittait àvolonlé. Pour éviter lesabus, Tinconslance,
le dérèglement des mœurs et surloot la dégradation de la race
qu'auraient produits de trop grandes facilités dans la répudia-
tion, le Prophète établit certaines lois destinées à la régiemen-]
1er, Nous lisons à ce sujet dans le Roran :
<i Les femmes répudiées laîâseront écouler le temps de trois mens
trues avant de se remarier. Eî les 00 doivent point cacher ce que
Dieu a créé dans leur sein, si elles croient en Dieu et au jour der-
nier. Il est plus équitable que les maris les reprennent quand elles
sont dans cet état, s*ils désirent la paix La répudiation peut se
faire deux fois. Gardez-vous votre femme, traitez-la honnêtement;
Ja renvoyez- vous, renvoye«4a avec générosité..., Si un mari répudie
sa femme trois fois, il ne Jui est permis de la reprendre que lors-
qu'elle aura épousé un autre mari, et que celui-ci i'aura répudiée
à son tour.,,. Le« mères répudiées allaiteront leurs enfants deux
ans complets, si le père veut que le temps soU complet. Iq père de
(i) T, U, ciiftp. V. t«5tt. XV 11. />wi,v
— 99 -
reafiuit est tenu de pourvoir à ia pourriture et aux vôtemeots de la
lèmme dTune manière honnête (1).
la répudiation d'une femme enceinte pouvait, en effet,
avoir des inconvéniens pour elle-même et pour le produit de
la conception -j aussi la loi a-t-elle eu raison d'exiger qu'elle
attende chez le mari jusqu'à sa délivrance, entretenue à ses
frais; et que le père de l'enfant soit obligé de les nourir et de
ponrvoir à leurs besoins jusqu'au sevrage. « Ayez soin des
femmes répudiées qui sont enceintes; tâchez de pourvoir à
leurs besoins jusqu'à ce qu'elles aient accouché; si elles allai-
tent vos enfants, donnez-leur une récompense (2).
Serment de continence^ — L'abus des plaisirs vénériens,
surtout quand ils sont précoces, énervant de bonne heure l'in-
Anidiu et la race, n'a pas échappé aux législateurs musulmans ;
aussi ont-ils cherché un frein aux passions sexuelles, en
étiklissant un serment de continence.
Tout Mahométan doué de raison et d'intelligence, jugé
^pable d'arriver à accomplir la copulation, peut s'engager,
fficme quand il deviendrait malade, à ne pas cohabiter avec sa
femme (3). La continence jurée doit toujours être de plus de
quatre mois pour le mari de condition libre.
Ï^Koran dit : « Ceux qui font vœu de s'abstenir de leurs
feoimes auront un délai de quatre mois pour réfléchir, afin de
**^^pas8eséparer de leurs femmes inconsidérément. Si, pendant
^ temps là, ils reviennent à elles. Dieu est indulgent et
miséricordieux (4). »
^ossesse. — La femme en âge de nubililé ou de copula-
(0 (^p. n, T. a»l, aag, i3o et a33.
(") Korm, ehap. LXV, v. 6.
(^SiKkeii/,l.in, ch. VI, p. 3.
(4)(4. II.V. 2iC.
— 100 —
lion est celle qui, seloD Topinion générale, a dépassé Tige
de neu/*ans : avant la nubilité, la conception est impossible (4 ] .
Les menstrues sont un écoulement de sang et aussi de
liquide jaunâtre ou trouble, sortant de lui-même, non jpar
influence médicamenteuse, des parties génitales de la femme
qui peut dans Tétat ordinaire des choses, devenir enceinte, et
quand même il ne s'échapperait qu'une seule jetée de sang,
La plus longue durée légale des menstrues chez la femme
menstruée pour la première fois, est de quinze jours, et, par
conséquentalors, la plus courte durée légale de la pureté, après
la menstruation, est de quinze jours. Après chaque menstrua-
tion, le plus long délai pendant lequel la femme menstruée
doive attendre si ses menstrues reparaîtront, est de trois jours
au-delà de la plus longue durée de jours que les mefisCfues
ont présentée dans Tétat ordinaire et habituel; maison ne
doit pas, y compris le délai et le temps des règles, dépasser la
moitié du mois. Pour la femme enceinte, à p^^ir du troisîmhe
mois jusqu'à la fin du sixième, les règles peuvent durer de
quinze à vingt jours; depuis le sixième mois et au-delà, elles
peuvent durer vingt à vingt-cinq jours, car plus la grossesse
avance, plus le sang abonde. La cessation de l'impureté
menstruelle ordinaire se reconnaîlà la disparition de tout écou-
lement du liquide sanguin, ou jaunâtre, ou opaque, ou bien à
récoulement d'un liquide blanc comme de l'eau blanchie par
la chaux ou du plâtre. Ce dernier écoulement est le caractère
le plus décisif chez la fetnme menstruée, elle doit en attendre-
l'apparition, jusqu^au dernier moment, avant de vaquer à ses
devoirs religieux. Aussi, c'est au moment d'aller se livrer au
sommeil et vers le malin que la femme en menstrues doit
examiner si elle est arrivée au terme de son impureté périodi-
que (2). Selon les pays et les climats, l'écoulement des mens-
CO Si KhtlU, t. III,[ch. IX, p. 6i,
(a) Id. t. I, ch. I, scct. X2.
— nu ^
[ est plus cm moins prolongé (i). Avant l'âge der cinquante
u ' tng qui s*écoule ties parties géottalei» est sam aucun
[il. ..: „ sang mcnstrud ; à soi^anlonlix an^, cp snnu n*» peut
[)loi être iiienstmel (2).
Celui qui touche avec une iniention de plaisir, jsa femoie en
i( de menstrues, perd la Taleur de la retraite spirituei!e. —
t'apparitioTi des menstrues, en rendant la femme impure, IV
lipcàsuspendre tout devoir religieux (3).
A propos delà durée de larelraile ou attente légale imposée
i Va îtmme, la loi veut que cetledurée se compte l4>ujour* par
lertodoâ menstruelles, quand rnémela femme a unécoutement
Henstruiforme, et lorsqu'elle peut distinguer par la couleur,
leur et la quantité, le sang raenstruitormc du sang mens^
riie\TériiaWeii},
Qoaol au ierme de cinq ao5 pour le ma^iimum de durée
siblede h gestation, il a été contesté par nombre de 1^
rbien qu'il soildonné comme le terme indiqué par Dieu ;
oc de quatre ans est accepté comme le plus général (5).
Dafi5l6 mariage légal, la femme, une fois veuve, doit subir
une retraite de quatre mois, plus dix jours complets ; le* dix
^ors sùût ajoutée pour remplir les cléficitd de» mois lunaire*
i durée de quatre mois est ainsi fixée, parce que c'est vers
^Gc4(e époque que se font sentir les mouvemens de leofant
le^ein maternel (6).
Ia femme de soixante ans et au delà est asses âgén^or ne
lus deveilîr enceinte (7),
I (t; Si MhȈt t* I, i^p. t, Mftt, lau ^ 6$.
m y id. p. 7t.
— un —
i puisse refuser les dépenses alimenlaires
femme, il faut que cclle-d ne soit pas enceinte. De même,
isi la femme est enceinte et séparée par répudialion définitive,
telle recevra un vêtement complet et une valeur en argent
freprésentant ce dont clic pourrait avoir besoin après que se
sont écoulés quelques mois de gestation (1 ) .
Si la durée des quatre mois et dix jours de retraite légale
ne s'achtve pas avant que reparaissent les menstrues, si la
femme est menslruée tous les quatre mois soit naturellement,
soit pour cause de maladie, — ou si les quatre mois et dix
jours étant passés, les matrones» après !e toucber et l'examen
des parties génitales, déclarent que les menstrues ont été
retardées, si par le toucher et Fexamen de la femme il est
indiqué que les règles sont retardées et suspendues, la durée
de la retraite sera prolongée jusqu'à neuf mois [Sidi Khelil],
Au point de vue légal, une période menstruelle ne suffit
point pour décider si la femme est ou non enceinte, il en faut
deux; et si une femme a été répudiée pendant les menstrues
ou pendant les suites de couches, elle n'est libérée qu*au
commencement de la quatrième menstruation suivante. *—
Relativement au fait de durée des menstrues, on en référera à
des matrones ou femmes expérimentées, afin de savoir si cette
durée doit être d'un jour ou d'une partie d'un jour Le fait
suppose que si les menslrues ont duré deux jours, il n*cst pas
nécessaire de consuller des nmtrones* Si la tlurée est moindre,
on doit consulter, parce que, selon Ic^ pays et les climats,
récoulcmentdes menstrues est plus ou moins prolongé. —
Tout ce qu'iine femme pourrait voir à l'ilgc de sept ans, en
fait d^écoulcment vaginal sanguin, est un incident patliologi-
quc anormal, et la loi le considère comme nuL — On consul
lera des matrones pour savoir si le sang qui s*écoule
(i) s* xhtUi, i. m, <hii]i IX, I» «18
— »o:î —
1res gèniioieft 9ê ta remints an tvé^.' à répoquc de ia méno- i
ause [par exemple à cinquante ans), est ou non du saog
ieuslrut*J [Sidi-hhelil)*
itortemenl, — Il est défendu à la femme de chercher, par
ique uiojen que ce soit, à se faire arorler, même avant les
lie premiers jours de la grossesse, et lors mêtiie que le
y const^nlinuL La défense concerne également les femmes
^veoQeâ eoceinles à la suite d*une cohabitalion illicite (I).
Quiconque a été la cause d'un avortement qui a amené un
élus non viable, ou même à Télal d*embryoo [atak\^ doit
ijrer une valeur équivalente au dixième du prix qui serait
itgé pour le meurtre de la mère. Dans aucun cas, la lot ne
oosiJère si ravortemenl a été dclerminé par un coup, par
ine iul\m\<hUtm^ par une querelle m\ par i|uelque odeur forte
lue Von a donné*^ à respirer. Mais il faut la preuve que telle
f ces causes a provoqué lavortement, que parlVIÏel 'lesdeuï
ernières cauiHîs précitées la mère a été obligée de se tenir
rr '-' ' irs^iua ravurlernL'nt. D'aali'c part, il est nécessaire
bi dier si le fruit du ravcrtementcst une môle ou est un
^ à l'état d'embryon. L*embryon> disent les commenta-
ÈUfS, est une masse concrète, héinatoïde ou sanguine, qui
dissout pas dans Tcau chaude. La môle est une
sanguine qui se dissout dans Feau, parce que celle
liasse n*a rien en elle Lorsqu'il y a eu inlention
bnnelle de provoquer Tavortement en frappant lu mère
^wr lu ventre ou sur le dos ou sur la tête» et que l'enfant
st venu vivant et viable, puis est niorl, le principe est qu'il
pya lieu à prononc^er la peine de mort contre le coupable,
|«e lorsque la mère a été frappée par lui sur h* ventre, ou sur
! dos.... La raison pour laquelh^ la loi piirle ici des coups
— 104 —
portés sur lalêté comme causes provocalrices de ravorlemenl
c'est quf les gros vaisseaux qui de la tête vantaucœur sonl
rîïilermédiaire par lequel les ébranlemeBts de la lêteébraTilea|j
aussi le cœur (1).
Accouchement. — ^ Lorsqu*une femme eDceinle vient
mourir, si ToQ peut extraire l'enfaiït par les Toies Datiirdi
orrlinaires, c'est k dire par les parlles génitales, on l'ex-
traira (2).
n
On n'ouvre point le ventre d'une femme morte enceinte pour
en retirer lenfant, lors même, dit le moudûoneneh* (3), qu^
l'enfant s'agiterait encore dans le sein de sa mère, et que Yo
pourrait espérer de lui conserver ia vie : seulement on n*e
terrera pas la mère avant que le fœtus ne soit mort, leciidavre
de la fcmmeconuoençat-il à se déeom poser. Cependant des
autorités de la plus liauie considération assurent qu'il est per-
mis d'ouvrir le ventre d'une femme morte enceinte, mais à la
condition qu'il Y ail espoir desauver la vie à l'enfant. Alors, ♦
dit Et'Lakhmi, ainsi que d*autreslégistes, il faut que la femme
soit enceinte de sept mois, ou de neufj ou de dix. De Tavis
des juristes, il faut pratiquer Touverturc d'après le procédé
indiqué par les haules autorités médicales, c'est à dire ouvrir
le ventre au niveau des Ijanches, sur le mié gauchBf si l'enfant
est du sexe féminin^ et sur le côté droit, si Tenfant est
ma le (4). i^Ê
Les lochies ou suites de couches sont un écoulement de
4
{i) Si KMiL U V, diap. XXXX, p, 416.
{») iâ. 1. 1. diap. XX» p, 3» 5.
(i) ArtktH A hi* rtHtiù m Çeét.
(4) Aioft (reAAr({u« ajcc riiaon le traducteur), rrl«t{Y«iii«j]t à l'oaverUire^ilci c«i«rr«
d'une méi-e jiour fcaoTv la vit h reiifaot, il y * dJHidfinrc, cl U y b pr»qu*uu»niiïiité pour
ouvrir U cadavre d"an individu, fetnuie, mère oa aolrc. doiu ou vetit Ttûiti un ol^et
lirédtfUA, nue iierW. tu.l
1
— lOS —
00 de liquide jaunâtre ou opaque, flétennioé par Yê/c-
xïïtv^U même entre la venue plus ou moins espacée dé
i^x jumeaux. La plus longue durée de I écoulement des lo-
ies est de 60 jours ; et s'il s*e5t passé 60 jour» eoire l'aceott-
meut d*un premier jumeau et racc(wicbeoigiitil*Btt leeaai,
j a alors deux couches, par cottéqueat deu éaniiiWBliée
îes,ec la femmeadeuxfobfiO jottrsd'fiiipcirelé.L*aWMiaB
d*obl]gaiion canonique pour la firamle encei jUe. kmqa'M
'échappe des parties génitales un liquide ihlrtljHi (Sî
Paîtmiié. — On rejdera lo^e préleiitîea du naît éÊÊm-
«oaanl sa paternité, lorsqo'il s'appuieta ; i* sar ce q«e
Penfanl ressemble à un autre qu'à son pèra; — ^ mttm n
Teofant est de couleur noire ei qw la fite sela Haïr, d ite
rer#d; — 3^ on sar ce que lacalttbifaiiM» #ailk«f» acoiai-
^ pagoée d ejacolation Àpe^llal^lM^ n'a eu fies qo'aiAfe Ica
Hbi^w^ de la fetume, c^ le Hqaîde sfawaéqfmpmiâ'mmtêiSÊr,
^Blter Irra rer t entrée dea pftHiaa ysitalfa» d ifieMirr; —
Bl* ou sur ca que, avant d'atail eobtMlé mee Ma âchwa as
i?ec Ml fecame, et ajrant eu alixs T^aoïIalÎM fftnaai(|Be^ il
atniaiieaobabiié, mais aaas éjacsief avec la fieflNae a« ai«a
l'eâcbie. Il ae pe4il arguer da ceila rifooila^r» pasr iéémn
hpaiefiaia, s'O n'a paé orné peadtaul l'hUmalla te den
œhibîtaiioiis ; car il est très probable qu'il cal reilé daM le
aaal de rurètre quelque peu de liquide ipennataqoe qa^
ti\\\ux pas été èipulié, paiâqa'il n'j a pas eu ' ioo
d'unof*, a pu â'êcbapper dans la seconde cnpulaïkru ^ ^^c la
caoie de la conception (1).
Tqrez page 113 un para^grapbe conceraajil la palafiiîté.
AUaiUment. — L*allaiteflieiit de l'enfant est oUigaloJre
0
— «06 —
pour la mère, qu'elle soii mariée au père ou répudiée impar-
faitement, et sans qu'elle exige aucune rétribution
L'allaitement n'est pas obligatoire pour la mère qui est malade
ou qui a peu de lait ; alors elle doit prendre à ses frais une
nourrice à gages, et elle n'a rien à réclamer en retour soil du
père, soit de l'enfant. — On résume les soins à donner à
l'enfant dans ceci : être attentif ù l'abri ou demeure, à
l'alimentation, au vêtement, au coucher, à la propreté;
ces soins appartiennent de préférence à la femme (1 ) .
Voici ce que dit le Koran : « Le temps que la mère porte
Tenfant, et Tallaitement jusqu'au sevrage, durent trente
mois ; si les femmes répudiées allaitent vos enfants,
donnez-leur une récompense; s'il se trouve des obstacles,
qu'une autre femme allaite l'enfant (2).
La durée de deux ans et deux ou trois mois est le temps
pendant lequel Tenfant se nourrit d'abord exclusivement de
lait ; à cette limite, il ne peut pas encore s'en passer entière-
ment. — Les soins de première éducation sont obligatoires pour
la mère, pour l'enfant mâle jusqu'à la puberté, pour la fille
jusqu'à ce qu'elle soit mise en relations matrimoniales, pour
l'hermaphrodite jusqu'à ce que la prédominance de tels or-
ganes génitaux permette de le classer homme ou femme. —
A la femme qui allaite, les aliments seront augmentés comme
confort pour sa position [Si Khelil).
Identité, âge, — La limite légale de la vie est de 70 ans.
Selon les chikhs Àbou Abdallah Ebn Abi Zeid el Kairouani
et Aboxilhaçan Alilkabeci, elle est de 80 ans; d'autres l'ont
fixée à 75 ans (3). "'
Dans le sein de la mère, l'enfant ne vit pas.... le fœtus se
(i) Si Khein, t. III. ch. XII. p. i57 et i5g.
(i) Ch.XXXXVI, V. XIV etch. LXV. t. 6.
(3) Si Khelil» T. 111. ch. IX, p. 88.
— <07 —
méat dans lë sein de sa mère et n'est pas pour cela vivant de
la vie ordinaire... Il faut, pour que la lotion et la prière funè-
bres soient légales, que la vie se soit démontrée par des signes
positifs et évidents, par les cris, parla succion prolongée du
mamelon en tétant, et par la persistance suffisante de ces
signes (1).
La longueurde la taille humaine est de sept fois la longueur
du pied de Thommc, ou de g^ua^re fois sa coudée, bien entendu
chez l'homme fait et bien conformé (2).
Lapuberté est confirmée lorsque la 18® année ^ la 16® et
même là 1 5® selon d'autres légistes) de la vie est accomplie
entièrement. A cela s'ajoutent : 1** le prolongement du nez;
^ 2* Vodeur désagréable des aisselles; 3^ le renforcement de la
voi^; 4** de plus, les juristes moghebins assurent que si Ton
prend un fil, qu'on le passe appliqué derrière le cou de ma-
nière à réunir cl faire saisir ensuite les deux extrémités entre
les dents de l'individu soumis à l'expérience, et qu'ensuite la
te^ de cet individu puisse traverser le cercle fourni par le fil,
la puberté est réelle ; sinon, non ; 5** ou bien lorsque l'indi-
^^Qaeu des pollutions pendant le sommeil; 6** ou bien
^^'^Ue la femme a vu apparaître les menstrues naturellement
^^ est devenue enceinte; 7^ ou bien lorsque le pubis com-
™^ûce à se garnir de poils réels, non d'une villosité folle et
'^^gineuse. L'apparition des poils aux aisselles, au menton,
* '^ ^^illie des mamelles, ne sont pas des signes à mettre en
*pie ^^ certitude, car elles sont posiéritv/res à la puberté
^'^fiï-^ée(3).
^^^^sures. -:— La législation musulmane établit en principe
"^^> I>our toute blessure, le coupable doit avoir une blessure
^ ' « 'i[hlH, !'• partie, ch. II, »ccl. »o, loel ii.
^*^ W. 1. 1, ch. II, p. 88.
^' W. l. IV, ch. XVU, p. 6o.
— 408 —
semblable en nalure et en.élendue à celle qu'il a faite, et sans
considérer la différence du volume du membre. Cette iégisla*
lion prouve, au pointdevuedudangcr deslésions traumatiqoes,
combien peu les juristes ont fait d'observations saines sur la
gravité des plaies, puisqu'ils ne proportionnent cette même
valeur de gravité qu*à la grandeur des blessures, etc.; enfin,
ils ne tenaient aucun cas des impossibilités qui se pouvaient
présenter, de prendre souvent telle partie qui maiiquait pour
la partie analogue enlevée par le coupable.
« Le genre de blessure dont Teffet va jusqu'à mettre à
découvert une portion ou un point d'os, est dit moudiha (qui
découvre]. En pratique jurisprudentiellc, il spécifie les
blessures qui mettent à découvert un endroit du crâne ou du ^
front, ou de la mâchoire supérieure; on exclut donc ainsi les
os du nez, le maxillaire inférieur et tous les os do reste du
corps. Aux yeux de la loi, la blessure est dite moudiha,
quelque minime que soit la partie de Tes mise à découvert,
cette partie fût-elle seulement du diamètre d'une pointe
d'aiguille. Lorsqu'une blessure ne va pas jusqu'au degré de
gravite de la moudiha, la peine réparatoire est déterminée
par appréciation. Jamais un diah' (ou piaculum) d'aucune
blessure ne se paie qu'après la guérison; car si la blessure
est suivie d'accidenls, il y a à fixer une amende nouvelle. *
(Notes du traducteur) (I).
La dure-mère ou enveloppe membraneuse et résistante qni
renferme le cerveau, est dite oumm cl demagh' (mère du
cerveau) ; lorsque cette membrane est ouverte, la mort est
inévitable. 5* Khelil ajoute (2) les dénominations suivantes
appliquées à diverses espèces de plaies en jurisprudence ;
(0 T. IV, ch. XVII, p. 6iy.
(>) T. V, ch. XXXX, p. 376.
- «09 —
!• Djaifa (de djaaf, venlre), plaie pénélranl^ du ventre
au du doà ;
il* JbmoÉma (de oumm, nierez eaveloppo), plaie péné-
iraiiie du crâne et allanl jui^qu a lenveloppe du cerveau ;
3^ Damigha, blessure pénélranledu cerveau;
4* Damiitk\ conlusion laissant suinter lesang, sans plaie;
5^ Hariçn, blessure intéressant la peau ;
6^ Simhak^ plaie excoriante de la peau ;
7* Bûdia, plaie profonde atteignant la chair;
8** Moutelâhêma, plaie pénétrant la chair en différenles
directions;
9^ Mtlià, blessure profonde jusqu a Tos;
10® Ckadjdjay pénétrant jusqu'au péricràne;
11® Mounakkita, entraînant des esquilles ;
1Ï* Kûchema, brisant un os en morœaux.
Casiraiion.^^ Que ia malédiction do Dieu soit sur Satan ;
a dit : Je mVmparerai d'une certaine portion de tes
vtteurs, je les égarerai, jo leur ordonnerai d'altérer la
Ltionde Dieu (la castration des esclaves) ({]. »
On condamne au diah' (prix du sang) complet celui qui,
iflfentiônnellement ou non, a fait perdre enlièrenient à un
Ddividu la faculté de copuler ou la faculté de procréer ou
itail perdre de quelque façon que ce soit, coupé ou enlevé,
arraché, ou écrasé les deux testicules (2).
i^Topùéde la retraite imposée à la femme, on consultera
fmairones afin de savoir si l'individu dont le pénis a été
coupé en totalité ou en partie, ou dont les testicules seuls ont
té retranchés, peut ou ne peut pas engendrer [Si Kheiii).
(s) i»ni«, cb. 4« V i>t.
— no —
Empoisonnement, — Dans le cas où la mort a eu lieu par
empoisonnement, examinera-t-on quelle est la dose de poison
nécessaire pour faire mourir le coupable (à cause de la loi
du talion) ? Vimdm consul tera-t-il des experts aGn de savoir
quelle est la quantité nécessaire de tel poison pour tuer un
homme tel qu'est le coupable? A cet égard, deux opinions
opposées ont été émises, Tune affirmative, l'autre négative.
Mais le principe est de soumettre le coupable à la décollation
parle sabre (1).
On ne pouvait, en effet, mieux trancher une question inso-
luble dans l'état actuel des connaissances arabes en toxicologie.
Altérations, sophistications, — Il n'existe aucune sur-
veillance de la part de l'autorité indigène sur le ^débit des
drogues et leur emploi par des mains si souvent Ignorantes.
Les Arabes d'aujourd'hui sont plus arriérés que leurs corréli-
gionnaires du XIP siècle, dont les apothicaires étaient contrôlés
par le gouvernement, qui s'inquiétait de raltéràtion de leurs
remèdes et de leurs prix trop élevés. La loi musulmane regarde
comme une fraude et une tromperie susceptibles de punitions
légales, de souffler et gonfler la viande après avoir dépouillé
la peau de Tanimal, pour donner à penser que la chair est
plus grasse et plus pleine. Cependant, avant le dépouillement
de la peau, on souffle l'animal tué, afin de rendre la chair plus
légère et meilleure. La loi défend de mêler des substances
étrangères et inutiles, les parfums et aromates; mais on peut
mettre del'eau dansdu laitpour aider à l'extraction du beurre,
dans le jus de raisin pour en hâter l'acidification et Ja trans-
formation acétique (2).
Signes delà mort, inhumations, exhumations, autopsies.
— Les preuves de la mort sont au nombre de quatre : 1** la
(i) Si KhfiU, t. V, chap. XXXX, p. 407.
(>) id. t. m, p. i^^.
— m —
I
cessation de la respiration; 3^ la fixation et l'immoblité des
yeux; 3M*écarteraent des lèvres qui ne peuvent plus se tenir
rapprochées et se toucher; 4^ la chute en dehors des deux
pieds sans qu'ils puissent se replacer perpendiculairement sur
leslàlons(l).
Nous ne voyons pas figurer ici quelques autres signes gé-
néralement admis, tels que la rigidité cadavérique, l'absence
des battements du cœur, la décomposition putride» etc.
On retardera toujours Tinhumation d'un noyé jusqu*à
ce que Ton soit parfaitement assuré de sa mort et qu'il com-
mence à se putréfier. On différera encore l'inhumation d'un
individu pris sous des décombres, des éboulements, ou mort
subitement, ou frappé d^apoplexie, jusqu'à l'apparition de
signes de décomposition. — On ne doit point donner trop de
profondeur aox fosses et aux tombeaux. La meilleure limite
eton( d'une coudée, le maximum de profondeur à donner aux
fosses et aux tombeaux des morts doit être au degré qui suffit
P^ïur empêcher les émanations nuisibles de s'échapper au de-
"Ors, et pour préserver le cadavre de la voracité des betes sau-
^H^i des loups, lions, etc. — Il est permis de transporter un
"'Ortfavant ou après rinhumation) d'un lieu de sépulture à
un autre. Pour ces transports, il faut des raisons graves, telles
^^^'es circonstances où l'eau d'un fleuve, d'une, rivière, d'un
^'"''ent, de la mer, etc., menace de détruire ou d'envahir la
sépuliufe- mais il est nécessaire de prendre toutes les précau-
tionspos5ii)i(»s pour que nulle partie du cadavre ne paraisse
*^^ yeux du public; déplus, il faut choisir un temps sec et
^^^ température modérée, quand même le cadavre serait des-
^"é et qu'il n'en resterait plus que les ossements. — On
P^^^ sans contrevenir à la loi, réunir plusieurs morts dans
^'^ ^ Khdil, t. I, ch. Il, $cct. 20, \y >y5
— H2 —
un même linceul, dans une même fosse, quand il y a nécessité;
par exemple, dans les grandes mortalités, quand on manque
d'objets d'ensevelissement, de fossoyeurs, etc. — Il est défendu
de fouiller les sépultures, tant qu'il y reste des débris ou des
ossements de morts, et quelle que soit la durée du temps passé
depuis l'inhumation. Il n'est licile d'ouvrir un tombeau que
dans le cas où les objets d'ensevelissement seraient réclamés
par suite de leur injuste emploi, dans le cas où le lieu de la
sépulture aurait été pris sans autorisation directe ou du pro-
priétaire, et dans le cas où des objets de prix auraient été
oubliés dans l'enterrement. — On peut, sur la simple déposi-
tion, avec serment, d'un témoin, ouvrir un cadavre pour
extraire un objet précieux qui aura été avalé; d'autres sou-
tiennent qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture d'un cadavre dans
le cas où l'individu- aurait avalé l'objet précieux par peur ou
sans le vouloir, ou comme médicament, tel une perie pré-
cieuse (4).
Je dois à la vérité de dire que j'ai été plusieurs fois chargé
de faire des autopsies et leWes de cadavre chez les Arabes, et
que jamais les habitants des oasis ou des douairs n*ént semblé
manifester le moindre mécontentement à l'occasion de ces per-
quisitions qui répugnent cependant à leurs principes religieux.
Recrutement militaire. — Chaque année, une force mili-
taire suffisante pour combattre doit être mise en disposition
sur le point des états musulmans le plus exposé. Sont dispensés
de prendre les armes : les malades atteints de maladies sérieu-
ses, les garçons non pubères, les aliénés, les aveugles, les
boiteux, les femmes, etc. (2). — Le Prophète avait dit : « Les
faibles, les malades ne seront point tenus d'aller à la guerre,
(i) Si KMil, t. 1, chap. II, sect. ao, p. a8S cl »uiv.
(i) Si KMi/, t. Il, chap. III, p. 944.
— 113 —
ÎTs sôîëOt smcères envers Dieu elson apalre. On ne
-ler ceux qui foni le bien; Dieu est indulgent et
misérfcordieux (<). » « Si Taveugle, le botteux, Tin firme ne
vûol point à la guerre^ on ne leur imputera psu» à crime (i). »
P!n'sm:<osio?iiL
Chez un peuple superstitieux, fataliste, et d'une nature
inquiète comme le peuple musulman, il n'y a rien d'étonnant
que son ignonmce le poosse à chercher des renseignements
dans des cifTCsonstances dont rinterprétation souvent hasar-
Jeuse sourît facilement à sa vive imagination» à son amour
du raerveilleux. La physiognomonie est du nombre de ses
frojances^ et la législation elle-même ne dédaigne pas dVn
I tirer parti, dans le cas, par exemple, ou il y a douu^ sur la
^A'ériiable paternité.
« Si la femme d'un individu et l'esclave d'un aulre, ou la
I femme et Tesclave du même individu accouchent ensemble et
les deux enfants se trouvent ensuite confondus, on s'en
Me ^ux physiofwniistes {kafeh\ pluriel de katf) pour
déterminer la fdiation ; car la pliysiognomonie est une science
wraie et positive. On s'en rapporte donc au jugenrent des
ipliysionomisles sur la ressemblance de l'enfant avec le père, si
Ile père n*est pas enterré, ou si, étant inhumé, il était parfai-
tement connu d'eux. Le jugement d'un seul physionomiste
(t) Mono, cliap. XXXXVtll, ▼; 17.
— 114 —
sa£Bt, car il prononce sur une similitude, c'est à dire sur un
fait saisissable pour touê. Si Tenfant est mort-né, il n'y a
plus lieu à la consultation physiognomonique ; la science ne
peut rien prononcer sur un mort qui n*a pas vécu de la vie
ordinaire. — Si deux propriétaires ont copule avec leur esclave
communale pendant la même période de pureté menstruelle,
et si cette esclave a accouché ensuite à un intervalle d'au
moins six mois à partir de la dernière des deux copulations
et que chacun des deux associés prétende être le père de Pen-
fant, on a recours aux physionomistes, lesquels prononcent
alors du droit de paternité en faveur de tel des deux préten-
dants. Un des deux meurt-il avant que Ton ait consulté le^
physionomistes, et a-t-il été parfaitement connu d'eux, la
déclaration de ceux-ci a la même valeur que s'il était vi-
vant (1). »
Qu'opposer à de pareilles prétentions lavatériennes? Sans
doute, les juristes arabes n'ont pas eu connaissance du juge-
ment de Salomon
El Kyafat el Bâcher est une science physiognomonique,
habituelle aux habitants du désert,' et par laquelle ils recon-
naissent facilement à quelle race et de quelle localité est un
voyageur, et cela d'après l'examen seul des os et saillies osseu-
ses. Il paraît que celle perspicacité est extrême et étonnante
dans le désert (2) .
Si les Arabes n'ont aucune notion des proportions harmo-
nieuses du corps, ils ont cependant conservé quelques tradi-
tions qui ne manquent pas d'exactitude. Aussi les prétendants
au mariage doivent, autant que possible, voir les mains et la
figure de l'un et de l'autre, mais surtout les mains : « La
(i) Si Kkelil, t. IV, diap. XXIV, p. 3o5, cl l. VI. chap. Ml, v. a33.
(a) Voyez Itinrrairt du Sahara au pajs dts nègres, parle géucral DkVHXs, p. a3J.
— H5 —
figure est le siège de la beauté, et les mains indiquent la santé
et la conformation du corps (4). »
Quand vous désirez obtenir un bienfait, a dit Sidi Syouii,
adressez-vous aux personnes dont la figure est aimable.
41«ilT0NIB, PHTSIOLOGIC.
Les connaissances des Indigènes algériens, pour ce qui
concerne la composition du corps humain et la disposition de
SCS parties intégrantes, sont à peu près nulles, par suite prin-
cipalemenldu préjugé musulman à Tendroit des vivisections
et de J'ouverture des cadavres, même de leur simple examen,
alors que des circonstances graves Texigeraient au nom de
l'humanité et de la justice.
C^esl là une transmission très probable des anciennes cou-
tumes des Hébreux, chez lesquels tout individu touchant un
cadavre était tellement regardé comme impur, que les embau-
meurs^ dont toute la besogne se bornait à quelques incisions,
étaient en horreur au peuple.
Les Musulmans sont convaincus, du reste, que le cadavre
devra se tenir debout à l'heure du jugement dernier (2), et que
Vame souffre horriblement quand on porte le couteau sur les
chairs vivantes ou inanimées.
(i) Si KMil, I. II, chap. V, p. 3x7.
(a) A tel point que lonqa'nii cadarre musalinaii a é%é déroré par les flammei, acciden-
teDemeot oa en vertu d'une condamnation judiciaire, dans les pays étranger», tous les
eorrélifîonnaires entrent en jeûne public et cherchent, par des prièresmultiplices, à implorer
U démence du Très-Haut en faveur d'une âme qui sera privée do son corps au jugement
dernier.
— 416 —
Tout le monde connaît les dangers courus par le docteur
Pariset, qui faillit périr victime de son dévouement à la science
et du respect exagéré des Mahométans pour les tombeaux. En
4 829, il étudiait en Syrie les ravages de la peste, et désiraQt
se rendre compte des lésions organiques générales ou parti-
culières déterminées par ce fléau, il fit ouvrir la sépulture de
deux Indigènes. A cette nouvelle, la population de la ville,
indignée d*une telle profanation, se porta furieuse au domicile
du docteur, qui échappa à grand'peine aux suites d'une
démonstration fort peu rassurante.
MM. Michaud et Poujoulat font t)bserver avec raison que
Ton a vu des sultans faire ouvrir le ventre d'un page ou d'un
esclave pour savoir s'il avait bu du lait ou mangé du melon,
mais que la loi religieuse défend formellement d'ouvrir un
cadavre, quand même ce cadavre renfermerait une pierre
précieuse qui ne serait point la propriété du défunt On doit
juger par là des progrès de l'anatomie ou de la médecine dans
les écoles turques (1).
Il faut aussi rappeler qu'alors même que les sciences
florissaient chez les Arabes de la manière la plus brillante,
leurs connaissances anatomiques se bornèrent à peu près à
celles dont Galien leur offrait le contingent. L'embaumement
était regardé comme ne portant pas trop atteinte aux idées
religieuses sur les cadavres; et malgré les perfectionnements
et procédés divers que cette pratique dicta à plusieurs
médecins arabes [Rhaxès, AlbucasiSy Mesué), il ne paraît
pas qu'ils aient profité de ces occasions pour étudier plus à
fond la structure du corps humain.
Toutefois, on a peut-être trop souvent répété que la cour
tumc des embaumements aurait dû mettre les peuples en
(i) Corrc^ponttnncc d'Onenl. l.III, p. i5a.
— 117 —
possession de quelques notions anatomiques. Il suffit de lire
dans Hérodote le procédé employé en pareil cas, pouf se
comaincre qu'il n'était nul besoin de connaissances profondes
pour réussir. En effet, soutirer par les narines toute la masse
encéphalique à l'aide d'un fer recourbé, pénétrer par une
grossière incision jusqu'aux entrailles, pour enlever le paquet
intestinal, — bourrer d'aromates la cavité abdominale,
msdntenir le cadavre dans l'eau fortement salée pendant
quelques mois, — enfin le couvrir exactement de bandelettes
gommées, tels étaient les principaux détails de l'embaume-
ment, et, comme on le voit, la science ne pouvait guère
gagner ou prêter à de semblables pratiques.
Quoique les successeurs de Mohammed aient peu favorisé
rétnde de Tanatomie, Abdallatif rapporte que quelques
Arabes étudiaient les os dans les cimetières ; c'est de cette
façon que.ce médecin reconnut que la mâchoire inférieure
est formée d'an seul os.
On dit que Rhazès perdit la vue dans un âge très avancé, et
ne voulut point se laisser opérer de la cataracte parce que le
chirurgien qui devait l'en débarasser ne put lui dire combien
rœil renferme de membranes (1).
Du reste, si l'autorité encourageait très peu les recherches
sur la structure du corps humain, elle n'osa jamais, à cette
époque brillante de la médecine arabe, fulminer contre ceux
qui s'en occupaient. Au IV® siècle au contraire, un pape,
Boniface VIII, lançait une bulle défendant la préparation des
squelettes.
Voici l'exposé des quelques notions anatomiques usitées
chez les Arabes algériens :
s) BUtoir^Jt U midt€ine, par 9f%nttQMt., t. II, p. a86,
— 118 -
Aucune division du corps en régions bien délimitées. —
Le moi galb (cœur) s'applique souvent à restomac.
Les intestins sont considérés en masse ; aucune distinction
entre les petits, les gros, etc.
Les membres et les articulations portent le même nom
[mefçol).
Les diverses parties du corps sont principalement dénom-
mées d'après leur forme, leur ressemblance ; par exemple,
ce qui est allongé et rond se dit tamr (datte) ; ainsi tamr el
ouden, le lobule de Toreille; tamr, le gland du pénis.
En général, aucune dénomination emportant avec elle
l'idée d'un tissu élémentaire spécial, d'une organisation diffé-
rente, particulière.
Les Arabes ne connaissent guère du squelette que les os ex->
térieurs, saillants. Leur dénomination a lieu généralement :
1** D'après la forme ; ainsi :
Aïnroqba (l'œil du genou), la rotule;
Rewnmane el q te fila grenade de l'épaule), l'acromion ;
Louhhet el qtef(h planche de Tépaule), l'omoplate;
2° Ou d'après la position :
Asfel el drâ (l'os le plus bas de l'avant-bras), le cubitus ;
3° Quelquefois d'après Tusage :
Korsi eldin (la chaise de l'œil), l'orbite;
Bit cl ouleda (la chambre de l'accouchement), le bassin;
4° Rarement d'après la région :
Adetim djebha (os du front), le frontal.
5° Ou d'après la fonction :
Adeum tehoutehou (l'os du tehoutehou, par harmonie imî-
tative), le coccyx, c'eslà dire l'os qui, fixant l'attache des par-
— <19 —
ties charnues de Tanus, causeraitle bruit des vents intestinaux
à leur sortie.
6** D'après la ressemblance :
Ketibet ras (les écriluresde la tête), les sutures du crâne.
Mohammed, qui très probablement n'avait pas de grandes
connaissances anatomiques, a dit que tous les os du cadavre
sont consumés dans la terre, à Texception d'un seul, le coccyx.
Cet os, le premier créé par Dieu pour la construction de
chaque squelette, est également le seul- qui résiste à toutes
les causes de destruction, afin de servir, an jugement der-
Dier, à la réédification de chaque corps. Les pluies de qua-
rante jours qui précéderont ce grand jour, fertiliseront tous ces
coccyx, sortes de germes osseux destinés à Ja reproduction de
toutes les autres parties du corps, comme le grain qui contient
en lui tous les éléments de la plante à laquelle il doit donner
naissance. C'est, du reste, une idée que Mohammed prît aux
croyances hébraïques, d*après lesquelles cet os prétendu inalté-
rable s'appellerait luz.
Les Arabes s'imaginent que la moelle (mokh) sécrète les
éléments de la substance osseuse; aussi, qu'une solution de
continuité atteigne un os privé de canal médullaire, la conso-
lidation des fragments ne leur paraît pas possible, du moins
facile à obtenir.
Les connaissances en angiologie se résument dans quelques
vaisseaux [areug] les plus apparents à l'extérieur du corps;
ainsi :
La veine jugulaire (dont il est parlé dans le Koran) (i) se
dit areug zour (veine de la force), sans doute parce qu'elle est
(i) Chap. L, V. tS : «( Nous avons créé riiouime; Dons savons ce qao son Ame lai dit à son
orcilW ; noos sommes plus pr^ de lui que sa rtine Juguhirw.
— 420 —
visible dans un état de plénitude constante diez les individus
très robustes, très sanguins;
Les artères carotides [bahhour tl demagh, les mers de la
tête), parce qu'à Touverture des animaux, ces vaisseaux lais-i
sent échapper une grande quantité de sang ;
La saignée du bras, quoique n*étant pas en honneur chez
les Musulmans algériens, a fait donner à la veine basilique le
nom à*areug el batt, veine du percement.
Les Arabes confondent, sous le nom d^areug, les vaisseaux
artériels, veineux, lymphatiques, souvent même les nerfs, les
tendons et les muscles très grêles.
' En splanchnologie, c'est encore la forme de Torgane qui
dicte généralement s^ dénomination ; ainsi :
Asfour (petit oiseau), la luette ;
Kasbet riiha (roseau des poumons), la trachée-artère;
Lésant (langue) ou alfa (noyau), c'est le clitoris;
Teurtouch (crêtes de coq), les grandes lèvres chez la femme.
Le foie [kebda) cl la rate {tehhal), deux foyers importants
de maladies, consisteraient en un simple amas de sang très
fluide.
On a déjà vu que les Arabes appellent oumm (mère) les
membranes enveloppantes des organes.
En névrologie, mokh signifie tout à la fois moelle des os,
moelle épi nière, cerveau, cervelet. On ne sait pas distinguer le
moindre, ou, pour mieux dire, le plus gros filet nerveux.
En myologie règne la plus profonde ignorance. Beaucoup
d'Arabes prennent le muscle pour un vaisseau; quelques
autres y voient un organe spécial indéterminé dans son
organisation et ses fonctions, et l'appellent sloiiq; la plupart
disent lahm (chair).
— 4«l —
N'ajfikDt aucQoe cennaissanoe de chaque muscle en p^t^
calierj les Arabes les désignent en paquets sous un nom
commua à la région : ainsi^ la masse charnue qui forme le
moignon de Tépaule; se dit ladela foukania; les muscles
fessiers se nomment de/ou Ifekhed, c'est-à-dire la portion
balançante de la cuisse; le muscle pectqraU souïda sedr,
la viande noirâtre de là poitrine.
Dans le Sud principalement, ils distinguent quelquefois
dans le muscle la portion tendineuse [argoub), à tel point
qmh appliquent ce nom à certaines montées très raides ; ainsi
Vargtmb el bghal (le tendon des mulets), endroit rapide chez
les Ouled'Brahim (dans la subdivision de Batna); aussi
Vargaub Beni-Mezab (le tendon des Mozabites), descente
escarpée dans h Djebel Bellout du Sahara el Guebli, etc.
Quant à la physiologie, les Arabes croient que dans Tagonie
J^ame se retire en dernier lieu dans la poitrine. Un Prophète
musulman schismatique(5i(^i-Jlfo^ei7ma,delasecte des Sekii-
tes, IV* siècle) a professé que le siège de Tâme était entre le
péritoine et les intestins.
Les Arabes pensent que le produit de la conception passe
par quatre phases distinctes; d'abord, Tétat de mucosité
(nétfa); puis l'organisation de cette mucosité en parties,
constitutives du fœtus, c'est alaka; ensuite le travail d'ébauche
du fœtus (medgha); enfin sa formation complète [khalka).
Ces idées, les seules actuellement en cours, se retrouvent
asses fidèlement dans le Koran :
« Nous avons créé Thomme d*argiiefioe;en8Bite nous Tavonâ
Ikii une goutte de sperme fixée dans un réceptacle loUde; de sperme,
nous t^avons fait grumeau de saig ; le grumeau de saog devient un
morceau de chair que nous avons formé en Os, et nous revêtîmes
k
— 122 —
les 06 de cbaip ; ensuite nous Tavons formé par une seconde créa-
tion. BéjQl soit Dieu, le plus habile des créateurs (1). »
La croyance suivante, inscrite dans le même livre sacré (2),
existe encore aujourd'hui :
« il vous a créé dans les entrailles de vos mères, eu vous faisant
passer d*une forma à une autre, dans les ténèbres d'une triple en-
veloppe. »
Seulement, ces meinbranes ne sont nullement distinguées
entr'elles; on les confond sous le titre commun de khlas (fin
de l'accouchement), le délivre, avec le placenta, les caillots
de sang, etc.
Les reins (qelouah) passent pour le siège oii réside là plus
grande partie de la force virile pour le coït (3) .
La préexistence des germes serait-elle implicitement
indiquée dans ces paroles du Koran (4) :
m Nous avons créé Thomme du sperme contenant le mélange
de deux sexes. »
11 est des toubibes qui admettent, comme Averrhoës le
pensait, qu'une femme peut concevoir pour s'être plongée
dans un bain dans lequel peu de temps avant un homme a
eu une pollution. Du reste, on a vu plus iiaul que Tintrorais-
sion du pénis dans la vulve n'est point regardée comme
nécessaire pour que la conception ait lieu.
La digestion et la respiration sont deux fonctions coofon-
dues; pour digérer on dit tenefess (respirer).
ri) ch. xxni, ▼. t>, i3ct i4.
(a) Ch. XfXIX, T. 8,
(3) Si KM,/, t. V. ch. \XX\, p- 44».
(4) Ch. LXXVi, va.
— 123 —
La naasée est lâb el qalb (le jeu du cœur).
Ces expressions indiquent suffisamment d'elles-mêmes
combien les fonctions de Testomac sont inconnues.
£n résumé, le mécanisme des fonctions organiques est
entièrement rapporté à des causes occultes, aujourd'hui
comme aux premiers temps de la médecine arabe. Les savants
indigènes croient encore que la disposition des parties inté-
grantes du corps dérive de Tinfluence particulière des astres
qui président à la naissance de chaque être. Ils admettent
aussi Faction physiologique et pathologique de la lune et du
soleil; la première détermine tout ce qui a trait à l'humidité;
le second cause le sec ; et les combinaisons variées de ces
deux principes forment le froid humide, le chaud humide, le
froid sec, etc. Le soleil préside à la bile ; la planète de Jupiter
[Moschteri) a pour constitution un mélange de chaud et
d'humide; chez Saturne [Zohdl), c'est le froid et le sec;
Mars [Mourrikh] préside au sec et chaud, etc.
PHYSIQUE, CHIMIE, MATIÈRE MÉDICALE.
La physique est nulle; les Arabes les plus instruits ont à
peine connaissance de l'aimant [maghnetis],
Kimia (c'est de al kimia, la chimie, que vient le mot
alchimie) indique particulièrement la chimie animale,
végétale; eisimia, la chimie minéralogique.
Aucune idée de la composition générale des corps simples
ou composés I
— 424 —
Les combinaisons des corps métalloïdes s'indiquent tout
simplement, en mettant Tune d'elles sous la forme adjective.
Ainsi : Rsasê mkebret (plomb soufré), Talquifoux.
Quand les Arabes ne connaissent qu'un des corps d'une,
combinaison saline, ils expriment d'abord le moi générique
de sel [melh\ sel ordinaire), et font suivre du nom de l'autre
substance. Ainsi : Sel de quinine, melh' mtà kina, c'est-àrdire
sel avec du kina ; un acétate, melk* mtà kkall, c'est-à-dire
ne sel avec du vinaigre ; mais ces noms-ci sont à peine
connus des tolbas eux-mêmes.
Cependant les substances médicamenteuses se caractérisent
en général d'après :
i^ L'usage ordinaire : salpêtre, melh' el baroud (sel
de la poudre) ; carbonate de soude, djemed chnine (caille-
lait) ;
2^ D*après la couleur : carbonate de chaux, thine beïdha»
(terre blanche); orpiment, radj lasfar (arsenic jaune);
3® Diaprés l'origine présumée : cobalt, hadjaret iokhedjou
menha xeurniq, c'est-àr-dire pierre dont on tire l'arsenic;
4® D'après l'odeur : copahu, xU Vhar (Phuile forte) ;
5* D'après la saveur : la noix vomique, bon xaqa (père
de l'amertume) ;
6* D'après les propriétés : pavot, bou-noum (père du
sommeil); nitrate d'argent fondu, hadjar el kéi (la pierre du
feu).
Ne connaissant pas la cause, la nature des feux follets, ils
leur donnent le nom très peu scientifique de nar baxrough
(feu qui fait peur).
Ma (eau) indique toute humeur normale ou pathologique.
— 425 —
animale cm ?^ét^e; ainsi le suc des plantés, la sérosité, les
flaeuis blanches, etc. .
Ce triste état des connaissances doit paraître d'autant plus
regrettable que la chimie est un des plus beaux fleurons de la
couronne scientifique de l'ancienne école arabe, à laquelle
nous devons beaucoup de découyertes en ce genre et de termes
actuellement employés. Ainsi :
L'alambic («/ Aaniof , la marmite par excellence);
le ki^rmès {el kermèz, Técarlate) ;
L'alcool {tl kohol, le produit noir);
Alcali [al kali, la potasse)^;
Le bédéguar, excroissance des rosiers (66ï(f&a oueurd, rose
blancbe) ;
ElixÎT (el kcir, extraction) ;
Bobb (de rob, sirop) ;
Arsenic [el xeumiq, arsenic) ;
Goudron [quetrane, résine du Liban) ;
Jtia:ç[djaleb, attirer) ; ^
lûlep [djalap, eau de rose, en persan) ;
Lilas [Klaq, le lilas) ;
Safran [xafrane, safran) ;
Sirop [cheroby boisson) ;
Cramoisi [kermezi, écarlate) ;
Alhandal, nom de la coloquinte [el khantal, coloquinte) ;
Et très probablement aussi les mots aloës (puisqu'il est
originaire de T Arabie), alquifoux, etc.
Pour les Arabistes, Talchimie était une sorte de pathologie
minérale; ainsi, dans Tétain ils voyaient de l'argent lépreux;
dans le mercure, de l'argent paralysé; dans le plomb, de l'or
brûlé et lépreux; dans le cuivre, de l'or cru, etc. C'était au
— 126 —
taleot, à la science de ralchiiniste à guérir ces prétendues
maladies par des moyens assimilés ou contraires. Si ces rêves
n'existent pas chez nos savants arabes, leurs corréligionnaires
de l'Egypte passent encore pour très habiles dans cette science
d'alchimie magicienne.
Le Koran repousse les sciences divinatoires; ce n'est que
quand les docteurs eurent besoin* de défendre llslamisme et
se jetèrent dans Tétude de la dialectique, qu'ils prirent le
goût de la philosophie d'Alexandrie; c'est à cette source qu'ils
puisèrentlesidéesd'émanation; l'imagination arabe fécondant,
le délire des images el des sensations énergiques, de pluç un
vaste, un profond instinct poétique suffirent pour exagérer
l'influence directe de la volonté divine sur tous les phénomènes
et les actions. Ces spéculations poussèrent à l'étude de l'univers,
des corps, à la recherche du principe de toute chose. Du reste,
au XIII^ siècle, les médecins français ne saignaient, ne pur-
geaient pas sans interroger les astres qu'on croyait avoir des
liaisons avec l'économie humaine.
* D'après Sprengel, on ne trouve pas chez les Arabes
d'alliance de l'astrologie el de la médecine, mais bien l'exis-
tence siraullanée de ces deux sciences.
Pour d'autres, au contraire, l'astrologie, l'uroscopie, la
sphygmomancie étaient des auxiliaires puissants pour l'art de
guérir; à part quelques traces de l'influence accordée aux
astres dans la production des maladies, il n'est rien parvenu
de toutes ces connaissances divinatoires à nos Arabes actuels.
Leur ignorance en fait de minéralogie lesempêche d'exploiter
convenablement les mines riches du pays, celles de plomb^ de
cuivre, etc. Les Kabyles seuls tirent parti des mines de fer; ils
forgent le métal et l'apportent sûr les marchés. Les Béni-
Yani entr'autres fabriquent de la fausse monnaie; les Reboula
— tu —
font de la poudre avec du soufre, du charboode laurier-rose
et ^u salpêtre tiré de mines locales. Près de Sétif, on exploite
des mines de plomb ; dans la grande Kabylie, quelques mines
de fer et de cuivre (4).
La chimie, appliquée à la teinturerie, paraît pi us heureuse;
les couleurs qu'obtiennent les Arabes, il faut Tavouer, sont
excessivement belles et bien fixes. Pour blanchir les tissus,
d^raisser les laines, ils les soumettent à l'action d'une
solution alcaline (là soude d ordinaire), c^ les font bouillir
dans de l'eau très chargée de savon. Dans le Sahara (2), on
£aît cuire le plâtre, on le pile et on le met dans l'eau froide
avec la laine filée qu'on veut dégraisser; elle blanchit comme
da lait.
Pour fixer les matières colorantes, les Arabes emploient le
plus ordinairement de l'alun {chebb) ; mais ce produit, pas
plus que les premières, n'est pas toujours d'une pureté irrépro-
chable. Ils laissent ensuite reposer longtemps le tissu dans la
solution 4^1orante plus ou moins chauffée et maintenue aa
degré voulu de température, suivant les nuances à obtenir. Ce
sontlesfemmesauxquelles incombent les soinsde la teinturerie.
Quelques Indigènes m'ont assuré que le suc d'aloës servait
adonner une couleurjàune orangé; je n'ai pu savoir par quel
procédé d'application et de préparation.
En général, la couleur verte s'obtient avec du bois jaune
{ah(yud las far, le morus tinctoria] et de l'indigo (nila);
Le jaune, avec Yahoud lasfar, la gaude (réséda Ipleola) ;
Le rouge, avec la garance (foua), le bois du brésil (boqqom);
(t) r»/ag0S» MaiP-t it Cmtum9t Jt VAlgirit, par le génial Davmas, p. 176.
(1) L$ Sahva jétgérien, par le général Davka*, p. a43v
— MB —
Le blea, àvecrindigo (nila) ou le pastel (isatis tinctoria) ;
en leur ajoutant de Talun [ohebb) et de la crème de tartre
{tartar), on a le violet,;
Le noir, avec de l'indigo [nila), du bois jaune [ahoudlasfar\
de la noix de galle [afsa), du sulfate de fer [sebgha], de la
crème de tartre [tartar] et quelquefois du sumac {iommaq) ;
Le marron foncé, avec de la garance (/bua), du suniac
[iommaq) et du sulfate de fer (sebgha);
Le pi&t en traitant d'abord par le carbonate de soude
{tratma^f puis par Talnn (chebb).
Les Indigènes n'ont qu'un principe dans les empoisonne-
ments : c'est de faire vomir la substance toxique, par exemple,
en ingérant de l'huile dans laquelle on a pilé de la graine de
celhem (mimosa flava) et de la graine d'ail [tsoum). D'autres
administrent un mélange de ihériaq (?) et de miel (dcel). —
Quand les chameaux ont mangé du bou-nefa (laserpitium},
que les Indigènes regardent comme un poison violent, onlear
fait avaler un mélange refroidi de blé frit dans du beurre
salé, ou bien de l'eau dans laquelle on a jeté de la bouse de
vache, ou bien encore du pain pétri avec du beurre salé (I).
Les empoisonnements sont d'autant plus rares chez les
Arabes, que les propriétés particulières des substances leur
sont ignorées. On a cependant cité quelques cas d'empoisonne-
ment par l'acide arsénieux [zeurniq] mêlé à du sucre.
Les jeunes Arabes qui font métier de bergers connaissent
bien les herbes que les bestiaux, les chameaux préfèrent ou
évitent. Ces simples notions de botanique, qui rappellent
tout à fait les premiers jours de la science, jointes au cata-
logue d'un certain nombre de plantes vendues par les cara-
(i) Voye» le roj»ge J0 JHouh Ahm$é, trad. pur M. Buitcooit, p. 3iS «t 3i5.
129
WMBf iee voyageurs, forment le répertoire du toubibe, dont
ruDique souci est de conoaitre la série des végétaux indiquer
dans tes auteurs ou popularisés par la tradition. Manque-t-il
des plantes oécessaîres à la pratique 7 il 8n x^ chercher chez
le droguiste [dans les villes), chez les vieilles femmes (dans
les campagnes), qui en fonldhabitude provision lors du pas-
sage des vo}rageurs.
Niiuiimiks» la botanique existe à peine de nom cbe2 les
Arilies : ils n'admettent point les variétés d'une même espèce.
Pour peu qu'une fleur, une herbe diffèrent d'une autre, ils
en fûnt de suite deux êtres complètement distincts. Ils dénom-
menlles plantes d'après :
l*L*usage des animaux: Fastragalus lutœus, karoub el
moia (\a caroube de la chèvre) ; la belladone, haehich$i Iha-
ma? [la plante de l'âne) ;
S° Les inconvénients : Taubépine , sadjarei làhhda
(l'arbre de la morsure) ;
3* Li qualité de certains personnages : le gayaci khacheb
el nthia (bois des prophètes) ;
*'U ressemblance ; la bardane, ras Ikammama (tête de
P'g^oû); le chardon-pannicaut, lahhiai el musa [barbe de
la dièrre) ;
S' L'odeur : géranium, hachichei elatr (herbe de Tessence);
6* L'extérieur : chèvre-feuille, solthan el raba (roi de la
troussai Ile) :
î* OtJelques propriétés médicinales : la dictame, 6o^/cï êi
Shexala (folie des gazelles).
Tout ce qui fleurit au printemps s*appelle rbiha (printemps).
Unom pompeux de bou-ncfa (père du bien-être), analogue
i notre ievme panacée, est accordé au lascrpiliora, une des
t^'^ntes les plus employées dans la thérapeutique indierèni*
— 130 —
contre la stérilité, les douleurs rhumatismales, comme pur*
gatif, révulsiC cutané, etc.
Après ce végétal, le plus estimé est le harmel (ruta graveo-
lens). Le Prophète a dit que cette plante fournissait soixante-
treize médecines, et qu'on l'employait avec avantage dans
toutes les indispositions, mal de cœur, maladies de foie, dou-
leurs générales dans le corps, douleurs dans les membres,
toux opiniâtre, céphalalgies, etc, etc. Rien ne peut résister à
Taction curative de cette infecte panacée:
Les plantes employées par les Arabes sont sauvages; il n'y
a pas d'espèces cultivées dans un but purement pharmaceu-
tique. En général, les remèdes se trouvent composés des espèces
que l'on a sous la main ou qui existent dans la localité, en
approvisionnement, etc.
Les toubibes, fournissant généralement eux-mêmes les
remèdes, il n'y a pas de pharmaciens proprement dits. Dans
les villes seulement et sur les marchés, on trouve deà droguis-
tes, épicieris, marchands d'aromates, connus sous le. nom
d'attar (pour les essences), débita eddoua (pour les vendeurs
de remèdes).
Pour les Arabes, pharmacien, parfumeur, épicier, droguiste,
herboriste, apothicaire, c'est tout un. La plupai*t du temps,
les malades achètent eux-mêmes les matières premières qui
composent les remèdes, et les préparent chez eux. .
Ce n'est pas que la pharmacie soit simple, restreinte dans
ses ressources; nous en aurons la preuve dans les formules
variées et nombreuses, en exposant les traitements internes et
externes en usage; mais l'absence de tout dosage facilite à
chacun la manipulation d'un médicament plus ou moins com-
pliqué. Que les substances soient très énergiques ou peu
r.
- 131 —
actives, qu'importe; elles so débitent et s'emploient, à la poi
gnée, te plus souvent suivantia somme dont dispose l'acheteur
Eld'wlleurs, pourquoi le toubibe ou le malade s'inquiéteraient-
ils d'ooe question posologique, d'une limite à donner à la
quantité d'un médicament, puisqu'ils en ignorent la compo-
sition, les propriétés, et qu'ils ne tiennent aucun compte du
sexe, de l'âge, du tempérament, du degré de la maladie, etc.?
Demandez pourquoi dans telle affection on applique tel remède
plutôt que tout autre ; la réponse est aussi simple que cons-
tante : « Dn tel (le Prophète, un savant) Ta dit ; » ou bien :
« Mon père, mon maître faisaient comme çà. » Une telle igno-
rance n'est-elle pas seulement déplorable, mais encore une
porte ouverte à tous les abus, à tous les dangers imaginables ?
Ilesltrèsrare, dans les manuscrits des plus savants ^oi^iiie*,
que Von trouve indiqués l'once [ouquïa], la livre {rethal) elle
drachme.
fi* puis, l'intelligence de lacompositionvautcelledu dosage.
Plus y a de substances intégrantes dans le remède, mieux il
*pra; absolument comme en chirurgie, plus y a de chiffons
autour d'une plaie, plus les parties du pansement sont multi-
pliées, plus laguérison sera prompte. C'est, en un mot, tou-
jours la quantité qui semble décider de la maladie, et non la
qualité des choses employées pour la combattre.
Ce que remarquait le D' Schaw (1), il y a un siècle, est
encore plein d'à-propos. Les Arabes, qui inventèrent la dis-
tillalion, les malras, etc., bornent leur science de laboratoire à
distiller de Teau de rose.
II est de fait que le parfum, les essences tiennent dans les
(îoutumes arabes une place aussi grande que celle promise
par leKoran (2) dans les splendeurs du paradis. Ainsi : « Les
(i) 9^af0get dans la Barbarie et le LcsanI, t. I, chap. III ■
(a; aap. LXXVI, V. 5, 17, 83.
— 132 —
justes boiront des coupes remplies d'un mélange de camphre ;
ils seront désaltérés avec des coupes remplies d*un mélange
de gingembre; on leur présentera à boire du vin exquis, ca-
cheté; le cachet sera de musc. » Quelques commentateofs
prétendent même que les filles du paradis seront de musc purl
Les Arabes distinguent des essences mâles et des esseûcei
femelles : les premières comprennent les odeurs fugitivesi
non persistantes (jasmin, basilic) ; les essences femelles sont
pénétrantes, à odeur persistante (ambre, safran, musc, GanH
phre), etc.
Les médecins, comme les auteurs, désignent rarement la
partie active des plantes qu'il convient d'utiliser; ils se bornent
à citer le végétal en entier.
A la suite de la formule, ils terminent toujours pfiar ces
mots écrits :
labra bi ebn Allah, il guérira par Tordre de Dieu ;
Ou bien : nefa incK Allah, le bien-être (viendra) s'il plaît
à Dieu ;
Ou : ntfa hou, le bien-être sur lui ;
Ou : sahha djesmahou, la santé (sera) dans son corps, etc.
C'est là un double et commode moyen d'expliquer, par
l'influence divine, la guérison du malade et le mode d'action
de remèdes dont les propriétés réelles sont ignorées.
Quand on examine, en effet, leur kyrielle de formules, on
remarque aisément que si la tradition en a conservé quelques
bonnes, si le hasard a dicté le choix dans bien des cas, — les
Indigènes ont eu Tidée, en désespoir de cause sans doute,
d'accorder parfois la préférence à des matières, à des corps
dont la composition paraissait semblable à celle des organes
malades ; c'est une sorte d'homooopathie instinctive dont ils
offrent d'assez nombreuses applications. Ainsi la rate de
— 433 —
hérisson guérit les affections chroniques de la rate; la tête
de corbeau fait repousser les cheveux noirs; le foie d'un
animal appelé saffata (?) dissipe le point de coté qui suit
d'oriioaire une course violente, etc.
Contrairement aux anciens médecins qui employaient
taneonp la manne, le séné, le tamarin, etc., les toubibes
actit^ donnent bien rarement les purgatif» et les vomitifs.
Uidioa du climat, qui en augmente Fénergie, l'ignorance
nMk des propriétés des remèdes en général, celle des indica-
tions et conlr'indications de leur emploi, tels sont les motifs
qui les auront sans doute fait proscrire d'une manière si
aUoIae.
Les épispasliques se bornent à des principes acres, irritants
fc quelques végétaux, dont on utilise ainsi les propriétés
rubéfiantes (palpe d'oignon, mélange de vinaigre et d'ocre
rouge, mauves mêlées de poivre ou de racines broyées de
pyrèthw), etc.
Lcmoxa est à peu près, comme le séton, complètement
inconnu.
^ riïHièdes hémostatiques se résument dans la terre
^'giltuse, ou la laine ou l'amadou, ou des chiffons dont on
^^^^ les plaies. Les sangsues ne paraissent en usage que
^k& villes ? encore l'emploi en est-il fort restreint.
**8 préparations ordinaires des remèdes comportent :
**U dessication (tiebis) : les plantes sont généralement
^'««échées au soleil;
2* La pulvérisation {hars), opération très commune,
obtenue aussi complète que possible à l'aide d'un pilon et
d'an mortier, dans les tribus, au moyen du petit moulin dont
on se sert pour avoir la farine et qui consiste en deux rondelles
de pierre épaisses et larges placées horizontalement, la
— 134 —
supérieure armée d'un manche et mise en rolalion. Une foi
suffisamment triturés, les végétaux sont ordinairemen
recouverts d'une couche d'eau qui se charge des principe
médicamenfeux ;
3® La fillration {teurchiha) : très rare ;
4® La fumigation (tebkhir) : on place directement la r^cia
souffrante au-<le?sus de vapeurs résultant de la combustion de
certaines substances : mauvais procédé qui expose eh mêine
temps l'organe malade à l'action directe du feu ; ainsi dans les
maux de tête ;
5® La forme pâte (madjoun) : remplacée par l'inçorporatioD
du médicament dans le pain ou les aliments ;
6^ Le sirop (robb) : on triture le miel [acel) ou les dattëe
{tamr) tout simplement avec les matières médicamenteuses,
et on ajoute un peu d'eau ;
7^ Le gargarisme (tmezmiz) : raremement employé. Li
mot gargarisme, remarquons-le en passant, vient cependani
du mot arabe gargour, gueradjoum, gosier;
8** La décoction [mateboukh) : le plus souvent dans l'huile,
le vinaigre, le lait aigre, souvent aussi avec les aliments. On
fait généralement bouillir pendant trois jours. Ce nombre trou
est presque constant dans la thérapeutique arabe; ainsi on
prend le remède pendant trois jours; s'il faut le renouvefcr,
c'est encore pendant trois jours et par trois fois, etc. — Il est
certaines plantes (la rue, l'ail), certains fruits (grenade) que
les toubibes recommandent toujours de faire bouillir dans
des marmites neuves.
Le savon noir {saboun akhaJ), qui joue un si grand rôle
dans le traitement des affections. cutanées, est fabriqué avec
de l'huile d'olives et du bois do laurier rose (rfe/ïa) réduilen
— 135 —
Gendres. Dans le Sud, on substitue à cette dernière la plante
appelée kali (soude) ou djiL
Les remèdes s'administrent presque toujours peu de temps
avant le repas du matin. Les Arabes ne trouvent aucun incon-
fénienl à faire suivre leur ingestion de Tingurgitadon
immédiate des aliments. Leur ^o/icfi^e de tempérament, leur
tourriture simpîe, qui donne peu d'excitabilité et de suscepti-
Ulîli à l'estomac, enfin la placidité de leur système nerveux
eipligoeot sans doute Tinnocuité dé cette coutume.
En général, les toubibes commencent parles médications
externes; ce n'eslqu'après leur insuccès que quelques remèdes
à rintérieur sont essayés. La raison en est simple : un Arabe
^ comprend pas comment une substance qui va à l'estomac
ou qui dérange les fonctions intestinales peut guérir un mal
d'jenx, une céphalalgie, etc.
^^n, les alcools étant prohibés par la loi musulmane, les
Arabes se gardent bien de les administrer comme véhicules
dun médicament, et nous avons toujours éprouvé les plus
JT^ï^es difficultés à obtenir de quelques Indigènes intelligenls,
en coniacl cependant depuis longtemps avec les Français,
•'iï^tion du vin de quinquina, par exemple, malgré leur
confiance énorme dans les vertus positives de cet anlipério-
^'<!ue. Voici le texte delà jurisprudence :
•n n^estpas permisd'user de liquides enivrants comme un moyen
■Wcamenteux, fût-ce comme médication à l'extérieur du corps.
^niqQl,même pour éviter la mort, s'est médicamenté à rintérieur
M moyen du vin ou d'autres liquides fermentes et enivrants, est
iMble de la peine afflictive, mais seulement dans le cas où il s'est
tfonvé enivré ou 8'est enivré. Tous médicaments internes ou
externes, qu'ils contiennent peu ou beaucoup de liquide enivrant,
^n'Ib aolent ou non dénaturés et éteints par la coction ou l'action
da fea,8onl réprouvés par la loi. Cependant l'emploi de médicamens
de cette espèce n'est pas prohibé, lorsqu'il s'agit de maladies gravei
— 136 —
el dADgereuMi. Dieu D*a Biswcune verta médicatrice dans le
vin (i). »
Une autre réprobation qui, pour exister chez tous les Arabes,
n'est cependant prescrite par aucun législateur ou hakem^
atteint le lavement [troumba). C'est un véritable objd
d'horreur pour un Musulman, au point qu'il préférerût ta
mort à la plus minime injection intestinale. L'origine^ Il
motif de cette répulsion extrême seraient-ils dans laréprabatiM
dont le Koran flétrit constamment les malheureux qu
s'adonnent à la sodomie? Il n'en fût cependant pas toujours
ainsi; on sait que huit lavements contenant du poivre long
donnèrent à Avicenne une violente attaque épileptiforme.
B y aurait à rechercher si les lavements sont ainsi en
horreur dans tous les climats chauds. On dit que les Hindodl
les ont également en grande aversion.
(i) Si KMil, t. TI, cbap. XXXXVU» p. loa.
LIVRE II.
P^GIENE DES ARABES
DE li'AEiCiÉlftli:.
-<« >»
CHAPITRE I.
^^«KISlrtKATiaNS GÉNÉRALSS SUR LE CLIIAT DE L'ALGÉRIE ET SUR
L'MfiiNISATlON PHYSIOUE ET MORALE DES ARARES.
Après avoir jeté ua coup-d'œil sur les connaissances des
*'*^bes.au point de vue des principes de la médecine, il nous
'^^^ à examiner l'application qu'ils en peuvent faire à Thy-
f éncpabliquc et privée, puis au traitement des maladies.
^vant de procéder à cette intéressante élude, il est non
■ "^^tiement convenable, mais encore utile do dire quelques
"^^^Isdes causes qui influent le plus directement sur le choix
^ leurs pratiques prophylactiques, de leurs moyens ciiratifs.
^^ effet, le tempérament, la constitution organique et morale,
^ différence des zones cl imatériques, etc., imposent le plus
^Uvent telle ou telle coutume à un peuple.
« C'est le climat qui forme les mœurs, le caractère, la cou-i
^^ijr et lA tempéraments des liommes (Polybe). »
Evidemment^r^ucationeflesloisnemodifienipuissammeot
— 138 —
e( avantageusement les individus et les peuples qu'autac^
qu'elles s'adoptent parfaitement aux exigences des climats
des constitutions.
Comment donc pourrions-nous appréciera leur juste valeur
les habitudes hygiéniques et thérapeutiques des Arabes, si
nous'n'avions préalablement pris un aperçu au moins général
des conditions multiples dans lesquelles ils naissent, sa
développent, vivent en un mot, — et si nous n'avions suffi-
samment étudié les imminences morbides sous rinflueooe
desquelles ils sont constamment placés ?
S 1". - Dl) CLIMAT DE L*ALGÉftlE.
Des sept climats admis par système isothermique, TArabe
nous semble habiter le second, dit climat chaud, d'une tempé-
rature de 20 à 25°. C'est une zone intermédiaire enlre la
torride et la tempérée. Nous espérons que les quelques
détails météorologiques suivants modifieront les idées géné-
ralement émises sur le climat de nos possessions algériennes,
que l'on a beaucoup trop jugé d'après les observations
premières prises sur le littoral, vl qu'elles prouveront que.lieg .
Indigènes vivent réellement dans un milieu chaud et humide.
Quand on examine la configuration générale du sol algé-
rien, on aperçoit sa longue bande «le territoire surmontée, de
l'est à l'ouest, à peu de distance du littoral, par une échine
élevée (l'atlas) de plus en plus élagée, mamelonnée en beau-
coup de points, et sillonnée par une multitude de vallées, de
ravins. Il y a donc à considérer d'abord un lillorali ensuite
une région des plateaux, enfin la plaine du sud.
— 439 —
Sur le littoral, étroite bordure de terrains assez bas, plus
o\i moins homides, vit l'Arabe avec ses chevaux, ses mœurs
nomades et paresseuses, sa tendance au lymphatismc, sa
pbysioDomie fiévreuse. — Sol généralement marneux, calcaire,
reposant sur les couches argileuses épaisses; à l'est, prédomi-
nent les terrains argileux et marneux ; à l'ouest, les calcaires.
le littoral monte par de nombreuses vallées et de nom-
breiueschaines de monticules, pendant quatre-vingts kilomè-
tres eaviron ; le calcaire et lé grès dominent, et le peu de
pennéabilité du terrain fournit presque toutes les eaux aux
roisseaux de la plaine et aux rivières, puis entretient Thumi-
dilé des villages suspendus aux flancs des montagnes. L'ctroi-
lesse des coupures qui séparent les monticules, et leur état
profondément raviné, nécessitent de grands détours par les
cols; de là une grande perte de temps pour les communications
et un surcroît de fatigues.
Far des pentes généralement faibles (puisque celle de la
CAfjfa est évaluée à 0'",008, celles de la Seybouse à 0,0027,
du Rwnmel de Constantine à 0,0025, du Mazafran à 0,001 3,
derflarrac/i à 0,001, etc.), on arrive à des plateaux d'une
moyenne de 12 et 1,400 mètres, à sol calcaire ; leur profon-
deur va jusqu'à 400 kilomètres. Apparaissent ici de nombreu-
ses plaines plus gaies que sur le littoral, et qui atteignent
jutqu'à 1,000 mètres au-dessusdu niveau de la nier ; l'air y est
plus vif, plus tonique, la température plus élevée en été, plus
froide en hiver; elles ont généralement peu d'inclinaison.
Voici quelques données sur l'altitude graduée des plaines,
lacs, marais et montagnes :
Le lac Fezzara (prèsBône) etqiielques points de la plaine
de Bône se trouvent au niveau de la mer.
La plaine de la Metidjà^ entre Vllarrach et le Khemis, s*élève
d 13 m.
— 140 —
LapUdoe dQÏAMetktià à la Maison-Carrée, à
Id. ^ h BoU'Farikf à.
Le Sebkha (lac salé; d'Oran, à
La plaioe de la Melidjà à Beni-Mered^ à.
Id. de Ylsseï' (au N. de Tlemcen), à.
Id. des Backem^Reris (près Mas-
cra), à • ...
La plaine des Haractas^ à
Id. de la Medjana, à •
Les colIioeSf près d* Alger, ont de.
lADjebeiDarah.
L&NifenNser,
Le Sidi^Reiss.
Le Djebel Afroun.
hBJurjurcu
Le Djebel Mellia.
Les Aurès, • •
VOitanseris^ d'après M. Fournel.
« n^senleBeiit.
A3 m.
60 m. .
168 m.
Î50 m.
350 m. ,.,
800 m.
1,000 m.
30 à 160 m^
1,160 m.
l,5dA m.
1,628 n.
1,900 IQ.
2,100 m.
2,126 m.
2,€63 m.
3^500 m.
Ce puté montagneux abrite les habitations du littoral contre
la fréquence et rintensifé des vents du sud. Dans les noonta-
gnes abruptes gît la race kabyle, vive, robuste, défendant en
simple fantassin ses institutions républicaines. La salubrité
plus grande de ces lieux élevés est telle, que son occupation a
été proposée comme moyen de diminuer la mortalité euro-
péenne (1).
Les flancs de ces plateaux sont riches en minerais de diverses
natures; le terrain semble volcanique en beaucoup d'endroits,
si Ton en juge d'après le grand nombre d'eaux thermales
signalées.
Les grands choits (ou lacs salés) atteignent à une hauteur
qur ne dépasserait pas 500 ni., d'après M. Renou.
Le versant méridional de ces plateaux, pente vers le Sahara,
a peu d abri contre les vents du S.; aussi y. fait-il très chaud :
(i) P»F M. le D' Ilot'iHir, Annmlci d'ffygiènf pMiqut df i4li»
— 1« —
>eti de pluies, d*oii la rareté de Teau. La ceinture montagneuse
protège contre les brises du N. On tombe bientôt dans la
plaine, mouchetée de quelques oasis peu humides, situées fort
basses, a couches argilo-calcaires ; plus loin, on ne trouve plus
ffaedes dunes de sables mouTants, que leur configuration en
aréCes tortueuses fait nommer ureug (Teines) ou ckebkhm
(filets) par les Indigènes. Dans certaines zones de cette eontréOf
le sol est au-dessous du niveau de la mer ; à Mghaïer, par
exemple, à 70 m. au-dessous de ce niveau, d'après H.Dubocq,
iogebîeur en che/de la province de Constantine. À Texpédi»
tion du printemps dernier, nous avons remarqué tous ces
farrains sablonneux très imprégnés de sel marin et d'azotate
de potasse. Près de El-Aghouat, le sable paraît riche en oxyde
de fer, ce qui donne aux mottes de terre, dont on fait les murs
des habitations, une dureté extrême (1).
On croit généralement que le Sahara, cette mer sans eau,
selon l'expression arabe, n'offre qu'une vaste étendue de
sables; ce serait une erreur, puisque, d'après M. Renou, on y
tronve plus d'espaces sans sable que de terrains sablonneux ;
et, le plus souvent, ils sont couverts de terre végétale.
Indiquer les points principaux occupés par des établisse-
ments français, c'est dire à quelles sources différentes auront
été généralement puisés les renseignements ultérieurement
donnés sur les conditions topologiques des localités indigènes.
Hous citerons donc :
Sur le versant N. du petit atlas : — • Nemours, Oran, Mostaghanem,
Ténèf, Gherchell, Alger, Dellys, Bougie, DJicUelU, PhiUppeviUe,
B6Qe»LaGane;
Sur le versant S. du petit atlas : — Sidl-bel-Âbbès, Masora,
MUianah» Médéab, Sétif, GonsUntioe ;
Dans les vallées : — Lella-Maghnfa, Tlemcen, OrléansvlUo ;
(0 r^xn* < Bl-Jg^ou9t, parle V Bâtots», i85i
— U2 —
SurltiYerAaai »^. u«i 6f And atias : — Sebdou, Tiaret* Teniet-ei-
Hàdt Boghar» Aumale ;
Sur le versant S. du grand atlas : — Batna, et plus bas Biskra.
La vaste étendue des trois zones algériennes comprend une
superficie totale de 47 raillions d'hectares, égalant la Fraoce
à Vio* près,]|mais dont le V3 à peine [le Tell] est susceptible
de livrer quelques parties à notre colonisation (4). À ces trois
zones distinctes correspondent trois climats :
La zone et le climat du littoral, des plaines basses, où
Jirédominent les affections scorbutiques, les fièvres inter-
mittentes;
La zone et le climat des montagnes (affections cutanées
prédominantes) ;
La zone et le climat des versants montagneux et des plaines
du sud (ophthalmies, affections cérébrales).
Disons un mot des hauteurs de différents points occupés
au milieu des populations indigènes :
DjidjelIL .... 15 mètres au-dessus du nlveatt de la mer.
Cherchell .... 20 id.
Alger 20 id.
_ ., (16 mètres en quelques endroits.
Bou-Farik. ' ^
(16 1
U7i
' mètres sur d'autres points.
Oran 50 m.
Biskra 75 m.
Mostaghanem. . . ilA m.
Coléah 150 m.
Mascara .... SOC m.
Blidah 25A m.
Sidibel Abbës . . 600 m.
Milah û78m. '
Bougie 670 m.
Gonstaotine ... 720 m.
(i) ro/. en Aigehe, par le doctenr Th. Lbstiiooiiou, en i85o, dans /es Mt'mêires de U
Société de Sciences, de l'jégriculuux et des Arts de Lille, i853, p. 3x8.
— U3 —
ElAghOUit .
• • 7^0 m.
Miliaii&h . .
. . 1,000 m.
M6â6ab. . .
• . i9l(K)lD.
TenniDons ce court aperçu topologique par quelques lignes
sur les ressources particulières offertes par Thistotre naturelle.
La botanique comprend un grand nombre des plantes que
Ton Yoit en Europe, en France surtout ; leur origine se rattache
probablement à des importations faites par les divers domina*
teors du pays (Romains, Vandales, Grecs du Bas-Empir^
Maures refoulés de TEspagne], par divers conquérants (les
Espagnols), par le commerce français dans le siècle dernier:
Ce qui frappe tout d'abord, c'est Tactivité permanente de la
végétation. D'assez nombreuses forêts et des bois (évalués à
un million d'hectares) sont utilisés par les Arabes pour les
besoins domestiques et alimentaires; mais, généralement
clairsemés, ils n'olîrent point assez d'abris contre l'ardeur du
soleil ; de là la rareté des cryptogames. Le déboisement de
l'Algérie paraît une conséquence naturelle de son climat ;
d'après M. Hardy (1), là cause en est bien plus dans l'in-
fluence pernicieuse de deux vents contraires et dans la mau-
Taise répartition des pluies, que dans le pâturage des bestiaux
et l'incendie des pasteurs, où Ton s'est toujours efforcé de le
' découvrir. — Les céréales viennent très bien, fournissent de
8 à 12 avec les méthodes indigènes.
Les bestiaux, généralement obligés de se nourrir de plantes
aromatiques, 'offrent une bonne qualité de viande.
La constance d'une forte chaleur et d'une grande humidité
combinées acquiert à certains végétaux (fenouil, ciguë) des
dimensions remarquables ; j'ai cité ailleurs (2) les cèdres de
(i) Nûtê cUmatclùgiqu» sur l'Algérie, p. 8.
(*) Ifotice t9p9grapMqu» sur TemUt'tl'Hdd, dan» 1« journal VÀkhkmr, t3 jaill«t it4^>
- u* -
Teniet-el-Hddj atteignant une eirconférence de 5 i 7 mètr^,
et une hauteur de 18 à 25 mètre».
Dans le Sahara, la végétation est presque nulle, réduite au
y*taf (atriplex) et au chiah' [absinthium judaïcum) : lesoBsis
conser?ent le privilège des palmiers-dattiers, cette céréale dtt
désert, dont le reboi&ement « n'est sans doute pas impossible
à réaliser ; il y existe des broussailles et même des bois (M;
Renou). » L'énumération des fruits produits par l'Algérie ooq-
duirait à cette conviction qu'ils sonf nombreux et dt fort belle
qualité (oranges de Blidah, de Sidi-Okha; pastèques à»
lisser, etc.).
La zoologie offre de grandes ressources aux Indigènes. La
Tache donne peu de lait, faute de bons et suffisants pâturages,
mais en revanche la qualité en est délicieuse. Les chèvres
foarnissent d'excellents fromages. Parmi les nombreuses
espèces qui servent à Talimentation, signalons, en passant, le
chameau, la gazelle, la sauterelle, qui exerce cependant de
si cruels ravages dans les campagnes cultivées (en 1824, les
plaines de la Hétidjà et du Chcliff furent littéralement
dépouillées), etc.
Les sangsues paraissent abondantes dans certaines régions
des hauts plaleaux (Tiarel, Ghelma] ; mais elles ne peuvent se
conserver dans les eaux du Sud.
L'air étant très transparent en Algérie, laisse passer beaiJK
coup de rayons lumineux; aussi les étoiles apparaissent-elles
très éclatantes, et la voûte céleste très pure et d'un bleu foncé.
On ne peut la considérer une dizaine de minutes sans aperce-
voir une étoile filante. — Il n'existe point de crépuscule. — La
limpidité presque constante de l'atmosphère est très avanta-
geuse dans un pays aussi chaud, en ce sens que des nuages,
s'opposant au rayonnement libre du calorique, occasionne-
raient une température étouffante à peine supportable. D'aulre
— U5 —
pRrt, la libre et large transmission des rayons solaires lelive
Iz Tégéiakfcn, lui conserve celle luxuriance carâcléristique,
cette nugBifique verdure qui décorent si richement les cam-
p^g^A^ pres(]ue toute l'année ; elle est, de plui^, bienfaisante
pouf l'Indigène en purifiant abondamment la masse almos-
phérique par une facile di^coni position do Tacide carbonique.
Il faut tenir compte, dans la qualité de 1 air respiré par les
Arabes, d*UD fait important : c'est que nulle industrie n en
altère chez eux la pureté comme dans nos grandes ailles
iMaofacturïères et commerciales.
Le baromètre offre d*assez fortes variations ; par exemple :
A Oran (de 1841 à 1853)» le maximum obseriré est 778,60»
— minimum — 736,80*
A Moâtaghaoein (de 1850 & 1853], le maxlm. observé est 7^,70.
tninim. — 736.
A Pjidjelli — maxlm. — 772,
— minioL ^- 755.
A Biskf^ (de 18^6 à 18^9), maxlm. — 766.
K — mioim, — 749.
» La colonne barométrique éprouve une cerlaine mobililc
aûDuelle dans la même localité, mais d*aulant plus faible
qn'oû s'approche du sud. Ainâi :
PA Alger, OQ constate en 1832. . . 750,25 à 771»15.
-• 1334. . . 748,20 t 770,35.
iABiakra, <^ 1846. . . 752,20 à 758,90.
— 1847, . , 753,00 à 756,50.
BAflMral, le baromètre monte bien par les vents du nord,
sur fe littoral, et par les vents S,-E, dans le Sud ; il monte peu
_|par hs vents du S. et de TO.; il baisse brusquement de quel-
Rues Jignes par les vents du S,'E. et par le vent H-0. dans le
Sahara.
La moyenne barométrique peulêtre évaluée à 787,90 milli-
ttiètres pour TAlgérid.
— U6 —
m
Quant à la chaleur, il ne faut pas perdre de vue qu'elle
varie avec les hauteurs topologiques; que plus Ton s'élève
dans les pays chauds, plus Talmosphère se refroidit prompte-
inent (Kabylie, par exemple). Le maximum de la température
diurne, variable, selon les localités, d'après rinclinaison du
sol, est généralement avancé sur le littoral. Il a lieu :
A Sidi bel-Abbès» eotre 2 et 3 heures ;
A Alger, à 11 heures du matin ;
A Millaoah, à 2 heures ;
A Médéah» à midi ;
A TlemcoD» vers une heure ;
A Blldah, à onze heures ;
A fiiskra, à i heure 1/2, d*après nos observatioiit. .
On sait que la température moyenne aiuiuelle de Tunis est
do 20^,30; voyons ce qu'elle est dans un certain nombre de
localités algériennes de zones différentes :
A SéUf, ....
10" G.
A Médéah. . . .
13\
A Milianah. . .
i6o.
A Mascara. » .
16".
A Coostantine.
17*.
A TéDiet-el-Uâd. .
17%18.
A Orau
170,50.
A Sidi-bel-Abbès.
17%50.
A Tlemcen. . .
18%0A.
A Bougie. . . .
18S20.
A Bône. . . .
20*.
A Alger (1). . . .
21".
A Mostaghanem. . .
21%7l.
A Blskra. . .. . .
22%27.
Supposons maintenant Tannée divisée en deux saisons,
l'hiver et l'été; examinons les moyennes de température
qu'elles offrent :
(i) La 4empératare moyenne d'Alger a été de 17^,16 en 183;; de tS^^og en i838; en
i833, le D' Foorqurron l'avait trouvée de aio,63. M. Lévy lui tsnf&e le chifljre de t^fi^
U7 —
• d'aprÀM k O' Fourrittcron. (io»a« i6'',4o, r^t<!', ■6^tl
IL CaU^* '
4 XUmK^m*
A T4«i«»-tMlid,
A 1l4«ufbaaeai»
i4Ai5-.
f-la
^h Sar le littoral, le thermomètre mont^ en été de ^6 à 32^ ; à
^ Alger, jusqu'à 40 et 50**; mais les brises de mer modèrent
beaucoup celte tenipéraliire et amcncnl des nuits luimides,
des rosées. — A Tlemcen, le thermotuctrc offrirait un mini-
niuiii annuel de 5 à 6^ au-dessous de xéro, et un maximum
annuel de 40 et k\^. — Sur les hauts plateaux, les larges val-
lée&« 1res encaissées, trouvent, dans les parois montagneuses
très bauteip des écrans, seit au N. suit au S,, qui les protègent
ojfllre certains vents dominants; il en résulte cet inconvénient
que les chaleurs de l'été et les rîgneurs de l'hiver se font
crueMemenl sentir dans ces lias-fonds ainsi privés des brises
qui pourraient mitiger, modifier la température.
La température des nuits mérite aussi queUiu' attention :
aiosi, clans la plaine de la Métidjà, le docteur Fourqueroii n'a
jamais vu Tinslrument descendre à 0**, mais il cons(a(ait une
moyenne de 4 à 8°. A Biskra, en été, nous n'avions jamais
moins do 35** vers minuit, — La différence générale entre la
température du jour et de la nuit est très variable, mais
ojours plus forte dans le Sud, Au Bordj de Sâda (S, de
iskra], où je visitais plusieurs fois par semaine un détaclie-
ment de la légion étrangère, j'ai souvent trouvé 17" de
différence entre la température de 9 heui^^s du soir et celle de
heures du malin,
La plus haute température ne se présente pas dans le même
— U8 —
mois ; c'est en août, à Bône, à Oran, à Alger; c*e6t €d juillet
à Hammam-Mcskoutioe, à Sidi-bel-Abbès, à Hostaghanem, à
Teniet-el-Hâd ; c'est en juin à Tlemcen, à Biskra,^à Blidah.
Décembre et janvier sont les mois les plus froids. A Alger,
le maximum de froid fut en janvier, en 1833; en février,
Tannée suivante.
Les lempéralures extrêmes observées dans diverses localités,
méritent d'être signalées. Ainsi :
Lé »«»np^«wim obsenré k BdiM a été de 3<> au-dessus de zéro ; le max. 4a* (iB xi|^>
— Alger 4»,85 id. 4S«
— llemeen ©• 34**
dans le torr. de TiemceB i" id. H*'^
pUine de la Mitidjà i» 4:^ («« «tS^-
litt. delà jpror. d'Ortn » 36*
SéUf 4o.5o id. 3«'>
Médéah a» id. 3^
Miliaiiali •• A*^ («A «S4|}.
Constantine o» (D' Rulh); 4**
Mascara «o jd. ^ 5t*,So (ett xMf)*
Blidah 70 id. H^fi*
Biskra i» id. &ao(entft44).
Coleah 10'' id. U^.
à LeUaMaghoia » «4^ (D'B«n«l>
àHammam-Meskoutine i* au-dessous de zéro; 4o* (ça xM4)-
Oran 5*,a5 id. S6*,a5
Sidi-bel-Abbés S'' id. At^
, Balna 3° (i85o) id. 39» (en i«$o).
Bouçada » 48"* (« iiio>
OrlëaasTille » entre AS et So?*
La température la plus basse que j'aie éprouvée à Oocrgla,
dil le savant conservateur du musée et de la bibliothèque
d'Alger (1), a été de 7® C. aundessus de zéro, le 18 février, à
8 heures du matin : sous les palmiers, le thermomètre est
monté à 33** le même jour, k 2 heures après midi.
A Biskra et àBordj Sâda, j'ai vu le thermomètre atteindre
72° au soleil.
(0 Oufrgta, (dMsleiouraair.<tfMé«r,jaavier t854), par M. Bjubaqqq&a.
f
\
— U9 -
Sons le climat de Ghelma, les extrêmes de température
annuelle l'emportent de beaucoup sur les extrêmes de tempé-
rature journalière; ainsi la plus grande différence diurne ne
dépasse pas 20®, et les différences annuelles ?ont jusqu'à 41^.
En général, les températures semblent assez variées dans
îa £ône des hauts plateaux. D'après M. Aimé, le thermomètre,
dans le Sud, oscille en un jour de 22** à 44®, et selon M.
ï''t>umel, les variations diurnes y seraient de 6^ à 33**
(différence : 27*^). Il est des localités où Ton a vu la moyenne
des inaiima s'élever en août à 40*, et celle des minima n'être
dans le même mois que de 25*^.
ï^ans un bivouac, aux toumiet de l'O. Bou-Sellam, le 26
*^^i 1840,à6heurcs du matin, écrit M. le docteur Perrier(<),
"^oii^ trouvâmes la rosée de la nuit congelée sur l'herbe,
^U lourde la lente : atmosphère à ~|— 2*^; 5 heures après, 25*
* Vombre; 3 heures plus tard, 32*',50. Le ijuin suivant, au
^^T^p d'AinrTurck, à l'ouest de Sétif, 34® à 4 heure après
'^•^î : sur la terre, au soleil, 58** ; survient un orage, de la
^•^'èl^^ le mercure tombe à 42^
A. Mostaghanem, les maxima et minima mensuels, observés
* O heures du matin et à 4 heures du soir, donnent en mars
^^ ^n octobre une différence de 15* environ. A Oran, cette
*^<6rence a été de plus de 18* dans les mois de mars, juillet
^^ Octobre. A Zurick, colonie agricole près de Cherchell, le
^^^leur Fontcz a vu le thermomètre centigrade monter à midi
'l^s<ju'à 60^, et n'en marquer que 16 ou 20^ à 5 heures du
^^tin(2).
A Biskra, noqs avons constaté, dans une même journée
^*éié, plus de 20^ de tempcralnrc entre le minimum de 8
b) Dt riijgiint en Âlf^rit, t. II. p. «t.
{.^) 7hite Inuuptralg, i85a, p. ii-
— 150 —
heures du malin et le maximum de 4 à 2 heures; et le docteur
Verdalle (1) a évalué de 30 à 32^ le changement de tempéra-
turc que Ton y supporte dans un espace de 12 heures, en mai
et juin, de 3 heures de Taprès midi à 3 heures du matin.
On tiendra grand compte de la température au soleil et à
l'ombre à un même moment donné. Ainsi, à Djidjelli par
exemple, le thermomètre qui marque 30** C. à l'ombre, en
donne 55 à 60^ au soleil, dans un lieu abrité (2).
Dans la plaine de la Mitidjà, on a vu (3] le thermomètre au
soleil à 56®; et, pendant les nuits les plus chaudes, c'est loul
au plus s'il se maintenait à 18**, 24** : différence en quelques
heures de 30 à 35°.
Sur les hauts plateaux, à Milianah par exemple, les varia-
tions de température sont extrêmes ; souvent le mercure, qui est
à — |- 3 et 4® le malin et le soir, atteint 25*^ dans le jour.
Dans les oasis, les journées sont chaudes, les nuits assez
fraîches.
On remarquera aussi combien les variations de température
se montrent brusques dans un même jour, d'après le ther-
momètre ; car si on l'observe dans la môme journée et à toutes
les heures, on le voit monter do plusieurs degrés en une heure
et plusieurs fois de suite jusqu*au maximum, puis redescendre
très lentement, à raison d'un degré environ par heure. On
comprend la grande influence qui doit en résulter sur les
systèmes cutané et nerveux. Généralement, la température du
matin, à 5 ou 6 heures, est à peu près la même que celle du
soir, à 5 ou 6 heures. Avec des variations de température
(i) Tfiisê inaigunU, i85x, p. 4i.
(a) 7?irie //ia«^rcr/e, du docteur PtiKhiw, xBSs, p. lo.
(3) Topographie médic. de la Miiidjà, parle docteur Vilictts, roi. Ul\ ùcs Mémoiret et
médecine miliiaire. ^
f
— 154
aussi fortes et aussi fréquentes, les vêtements de laine cens-»
lacnineat portés devenaient réellement indispensables pour
rindigène.
JLà saison hibernale semble plus rigoureuse dans le Sahara
gu« sur les eôtes; les gelées blanches, en effet, y seraient
fré<]uentes. De même dans tous les endroits oii le rayonnement
nocturne se trouve favorisé par la pureté des nuits. Ainsi, le
2 j uin 1850, au milieu des bois des plateaux supérieurs chez
les^ Béni'Snouss (près Tlemcen), M. Mac-Carthy a trouvé la
DYB.it — 4** : Teau gelait dans les vases. « C'est, dit-il, la
ccft. m^se des gelées blanches, qui ont presque toujours lieu à
r^^fmsin Asins les belles matinées d'hiver (1). »
^ans l'expédition de mars 1853, aux environs de Tuggurt,
ï^^>^8avons eu des nuits extrêmement fraîches (jusqu'à — 3®),
et en même temps notre thermomètre montait dans le jour
j^asqu'a plus 52^, à Tombrc.
ZeSmars 1846, M. Fournei trouvait à Sidi-Okba, près
'^■stra, 32®,6 à une heure après midi, à Tombre.
On comprend les conséquences d'un tel état météorologique.
^^ août 1836, dans une petite expédition du maréchal
^^geaud, on signale près de 200 hommes atteints de conges-
^'OQ cérébraFe etonze suicides! Des faits analogues ont été cités
^^ <830, en 1835, à l'expédition de Blidah, etc.
Suivant les Arabes, les quarante jours dont une moitié
^^ine novembre et l'autre commence décembre, sont les
P« Us froids de l'année.
Si la saison des pluies est longue en général, celle des cha-
^Urs lui ressemble, et, de plus, ces dernières sont fortes ; de là
^ï^e grande susceptibilité dans la sensibilité cutanée des
^Migènes, de là la nécessité toute naturelle de ne voir que
\
(«) BiftUtst Jr gêogmpAie ph/sique et e'conomi'/ue vr h suMniiion d* Thmctn, p. li.
— 153 —
deux grandes saisons dans les phénomènes almoipliériques
annuels.
Pour expliquer le caractère de la température Irèd moj>il^
, de janvier, les Arabes disent :
j-^ ^ ; lennar nqh bon seba galbât fel nar ; \j^
I c'est-à-dire : janvier est le père de sept renversements par Jour.
a Ce sont les changements du tout au tout qui, éveillant
rintelligencc humaine, la tirent de Timmobilité, a ditHippo-
crate (1) ; telles sont les causes d'où dépend, ce mé semJble, la
pusillanimité des Asiatiques. » C*estaussilà qu'il faut chercher
l'origine réelle de la différence constitutionnelle et monde des
Arabes et des Kabyles ; ces derniers sont plus vifs, plus,
intelligents, à cause des températures brusquement mobiles
de leurs n\ontagnes.
Sur le littoral, les Arabes appellent le mois de novembre
nouenbir bou en-7ioua, c'est-à-dire novembre, le père de la
tempête; ou bien meyrjowm, le nuageux.
La haute température qui règne dans les plaines du Sahara
n'est supportée qu'au moyen de la prompte vaporisation de
l'eau expirée par les poumons et de celle contenue dans la
transpiration. Il faut, du reste, que la chaleur extrême soit un
supplice assez grand pour les Indigènes même, puisque la
religion leur en fait un instrument de- torture destiné aux
méchants dans l'autre vie. Ceux-ci, en effet, sont menacés
«d'une siieur étonnante cl incroyable qui fermera leur bouche,
et dans laquelle ils seronl plongés selon la proportion et la
grandeur des crimes. Celle sueur viendra non seulement du
concours de toutes les créatures qui se marcheront sur les
pieds, mais encore du voisinage du soleil, qui ne sera éloigné
que de la longueur d'un poinçon. »
;i) Tiafluciion de M. I.ttthi. t. II. p. 6».
— 163 —
kâ dire des Indigènes, le moment le plus chaud^de Tannée
comprend quarante jours, comptés de fin mai au début de
juilWl. Ils ont, depuis longtemps, très bien remarqué que les
Européens supportent moins facilement qu'eux les grandes
chaleurs du pays. Aussi Abd-el-Kader, montrant le soleil à
ses fanatiques corréligionnaires, s'écriait en juillet 1836 :
«Voilà le plus fatal ennemi des chrétiens. »
Le développement de J'électricité doit êlre d'autant plus
grand en Algérie qu'il est favorisé, sous l'influence d'une
^péralare élevée et très variée, par les modifications conti-
nuelles opérées dans les vapeurs atmosphériques. Les orages
se sigaàlent généralement, par leur fréquence, au printemps,
^les plaines surtout. Dans le Sud, à Biskra par exemple,
c'est en automne; sur le littoral, ils paraissent plus rares. On
<>l>8enre des éclairs plus forts dans les vallées.
La foudre tombe rarement. On a signalé des accidents de ce
fieoiB à Bougie, où elle renversa un factionnaire au fort de
^Taya, et tua un caporal du génie. Si le tonnerre apparaît
P^ fréquemment, on l'entend cependant plus souvent dans le
^iùnagedes hautes montagnes (1). Dans la zone saharienne,
noua Tavons toujours trouvé trè^ faible. A Oran, il gronde en
'^^yenne sept fois par an, d'après les observations de M.l'ingé-
"^'eutenchcf Aucour.
Quant à la fréquence des secousses de tremblemcntde terre,
'^ suffirait, pour la prouver, de rappeler, entr'autres, les
^^«aatres qu'elles ont commis dans lïi seule ville de Blidah en
'*^59,I770, 1825 (les Va de la ville ruinés), 1840, etc.;
^•dah a été également très maltraitée en 1801 . En 1847, j'ai
^^staté de fréquentes secousses à Cherchell ; elles ont généra-
lement lieu vers la fin de Tété. A Milianah, plusieurs se font
(0 Voyet dan» l*anoé« iS4a des Mémoires th médecin* militaire, tmpogrmpkie de
l^f «>H« frire, le H' A- BB»r»«A»fi.
— 154 —
également sentir daBs Taonée; à Alger, on en a constaté le 1^
avril 1853, et le 23 novembre de la même année à Médéah,^
Orléansville, Alger^ Bogliar, Milianah, etc. D'après les Arabe^^f
ces Irembleriïents de terre &e prodaisetu toutes les fois que* '
remue la grenouille, sur le dos de laquelle Dieu a posé notr^
globe,
La grêle tombe assez souvent encore, sur le littoral surtout.
ATéniet-^l-Hud j'ai ramassé, en mai 1848, des grêlons du
poids de 15 grammes, truand les grains sont volumineux, les
Arabes tes appellent //adj/ a r (pierres). A Oran, il grèle ei^j
moyenne quatre fois par an. ^Ê
La neige, rare sur le littoral, plus fréquente sur les platcaui
et dans les villes de l'intérieur, tombe, dans certaines localités»
plusieurs mois de suite (à Sétif, de novembre k fin février; 55
centimèlres le i8 novembre dernier) et reste gelée pendant
une quinzaine de jours (Tlenicen, en 1836; le 17 février 1853, j
on y voyait plus de 30 centimètres de neige). En 1692, il
I tomba tellement de neige a Blidah, que dans la plaine on en
avait jusqu'à bauteur dliomme, A Gran, il ne neige qu'urtj
fuis tous les ans environ; à Balna, il neige en abondance*
23 mars 1853, il y avait 15 à Iti pouces Je neige à Constan-
tine, A Biskru, on a vu de la giace une seule fois, le 3 février
4814; dans le luênie mois il tomlia de la neige, mais elle
ïondaii avant de toucber le sol, A Boucada, on signalait
neige en janvier 1850 (1), Des bautes montagnes de TAlgérif
leDjurjura reste couvert Je neige presque toute l'année. Nour
en avons vu sur les cîmes les plus élevées, en juin et juillet.
On se rappelle sans doute combien les grands froids qij
accompagnent ces phénomènes aluiosphériques ont été funesl
à nos troupes. A la retraite du Bou-Tlialeù, en janvier 184<|
plus de MO bommcs offraient des congélations locales:
an-]
ier
lie I
(t) IHftRlftMtfT, TU tf /tour hd«rf^ût» riSa*
— ISo —
liiioo de Consianline, en octobre 1836, 100 et quelques'
hummes offrirent les pieds» les mains, les lèvres gelés ; l'année
£nivan(€, dans le même mouvement des troupes» grand nom-
lLt ' ' lîcs furent ulcérées par ic froid. Un fait i remarquer,
k ! HS6 le tliermomètre ne descendit pas jusqu'à xéro;
I resta a un demi degré au-de!%sus de xéra dans le milieu de
iQuitoii les Beiges tombèrent (21 novembre); et, en 4837,
c^lViistntmeot n'a été quejiisqua — |— 2°50. CVstque, ainsi
que l'explique très bien M. le D'' Guvon (i), ^ la lempéralure
doiukéc par le therniomèlre n'était que celle de l'atmosphère,
DouGetledu sol qui, dans la première campagne par exemple,
î(|iï*il était tout à fait couvert de neige fondante, était
iàO**t opérant, sur les corps avec lesquels il était en
conlact, une déperdition de calorique dont l'action incessante
ne dura pas moins d'une nuit tout entière. )»
Le D' Gandflhon a également prouvé (2) qu'en Algérie
l'ImmiJité. aidée par lovent et un froid modérés, suffit pour
congeler les orteils.
Ce que les vents offrent de plus important à considérer se
rapporte aux. brises de mer et au sirocco. Les premières coin-
ciuealavec les instants de la journée où la toiupéraiure est la
plus élevée, et leur fréquence avec les mois les plus chauds.
EUesse font sentir jusque sur les hauts plateaux. — Le sirocco,
^^^i du S.-E. que les Arabes appellent ijuelili (sud), lire
*^<jualités particulières de ce quMl vient des plaines du Sou-
"^^, extrêmement éloignées de la mer et de tout cours d'eau,
^privea^par conséquent, de toute caust' de rafraîcliissement
'P^'^siWe. Un brusque abaissement du baromètre trahit son
approche. Il dure depuis quel(|ues heures jusqu'à 3 jours; il
^t Mlemenl anhydre que l*hygromètrc a été vu descendre à
(^T XX3CXIV «le» Mim. d» m^i. mlftt.
15€
20** au-dessous de zéro (Biskra). 11 abaisse généralemenl cel
inslrumeni de 1 o à 20*' en un cliD-d'œlK Quand celte haleine
de feu sQuflle, Tair est embrasé, pulvérulent, desséchant,
énervant : elle se fait généralement senlir pendant l'été, et
durant presque tout miû et juin à Biskra et dans le Sahara.
Ce vent, que l'on supporte plus facilement dans les plaines du
Sud que sur les montagnes voisines parcequ'il est plus sec que
dans ces dernières condiiions où Thumidilé raccompagne,
aggrave immédiatement les maladies et exerce une influence
bien marquée sur les rechutes et la mortalité ; aussi les Arabes
rappellent-ils également semoun^ de semm poison. Ladisposi-
lion du sol fait singulièrement varier les qualités du sirocco ;
ainsi le même vent qui anxvnerail une chaleur éieufTante en
été, n*apporte en hiver qu'une brise fraîche quand il a dû passer
sur des crêtes couvertes de neige. Lorsque le semoun se tait
sentir, les Indigènes se couchent immédiatement sur place etse
blotissent dans leurs beroouss pendant toute &a durée. Cette |
I coutume n*en est pas moins dangereuse, car évidemment Tair '
qui est eu contact immédiat avec ie sol est beaucoup plus
chaud qu*à une certaine hauteur. Us feraient mieux de mar-
cher ou de gagner les endroits proches plus élevés. ^B
Les pluies sont peu fréquentes dans le Sud (à Biskra, quel-^^
quefois en février ou mars], mais cependant moins rares qu ui^i
ne le croit, car, d'après M. Renou, il gèle et pleut dans t^^
Sahara. Sur le littoral et les plateaux, elles ont le grave incon-
vénient, au point de vue liygiéuique, de transformer le^
plaines en marécages. Généralement elles commencent e^j
octobre, augmentent en novembre et décembre, se ralenlissci^B
un peu en janvier et février, deviennent plus fortes en mars
et avril. Il arrive très souvent qu'on ne voit pas tomber une
goutte d>au de mai à octobre ; par contre, les pluies aulom-
iiales sont souvient forrentielles. Ainsi, à Alger, à leur débuten_
1853j il en tomba 12 milliutèlres le premier jour. Oi
I
I
— 151 —
^^S^iî pleut benoûiip flm dans b pcOTiiic€ de Coa*-
laiitine, a dus celle d*Alpr plus que dans cdle d'Onui.
Dans U fUUfiiice de OmsUitioe, il pleul peadftil réê^ m
que l'm ne rraiarque que très rarenieit dus celle d'Alger.
Quand raloës fleurît de bouoe heuxt, \m Afalies discal qti*il
{ilemrra beaucoup et qu'il j auim use gnadt quaalité de
maladies,
Lair d'ilHqae ëunt d^uue séebenae prepenioiiiée m aa
leoperalnre géoéralemeol életéa, reafeme uie asseï gtaiiée
quantité d'humidité diïQl tes vapeuis se eoodcaaeal au sommât
plus ffoid de$ ukoutagoes; c*est œ que les ladigèaes sppellait
BOe tnaDlafn& qui a mis iom cnfu^hom^ ^fu^ ^ p^u près
certain pour eux qu'il existe de grandie chanceâ pour que la
plaie arrive. Voici quelques miotma et masima obserrés daas
les différentes zèaes algériennes :
«6* cft j«îa iti^ i
■59 (Viwi ^ f^^h
S6t
H9
HA
Sfti
4S4
La moyenne de rhygroraèlre pour toute l'Algérie serait de
^à50^
Les brouillards, rares sur le littoral, sont très fréquents
iQsles plaines, les vallées, le long des rivières, à lel point
U «J •••• tUm^mhiti^a nr rw/jr«r'f, |Mir N^ lU&»v !•• >•
— 158
\n% 1100 Cf*fteif!ê distance ils simulcDi des lacs. Dissipés pe
peu par Tachon du soleil, ils s^élèvent sous forme de nuagcï
[qui se résoudront le soir sous forme d'une rosée fine et [téii^
yranle. Dans le Sahara^ au contraire, la température n*e«
jénéralement pas assez Lasse la nuit pour condenser la vapeur
^â*eau déterminée par la forte chaleur do jour; aussi dans
re\pédilioa fail« au printemps dernier près de Tuggurt^
n'avons-nous jamais observé de rosées, A Bîskra, nous avons
ifcmarqué, ainsi que M. le docteur Verdalle (4)» que « le plu
fTÎomèlre marquait epielques tle^rcs, malgré qu*il n'eut pa
plu, ce qui s'explique facilement par les rosées très abondant
liquelquefois pendant les froides nuits d'été, » C'est au voisî
|liage de hautes montagnes qui forment ceinture à Biskra que
nous rapportons cette humidité des nuits exceptionnelle pour
celte localité et les oasis voisines.
Les rosées^ après le coucher du soleil, plus fréquentes sui
le littoral, ont Tavanlage d'y rafraîchir Tair. Les Arabes possàj
dent une singulière théorie sur la formation des pluies, de
brouillards, {.'\c. Wmi relieîit toutes les eaux au-delà de la terre'
dans une enveloppe solide, que représente Fazur de la voûte
céleste, et qui est percée d'un certain nombre d'ouvertures
correspondant à tous les points cardinaux, O^andil veut que
la pluie tombe de tel coté, il ordonne à un djinn d'ouvrir lel^
orifice. Maiscomme cette enveloppe qui renferme les eaux esf^
extrêmement line et surchargée du grand poids de toutes les
eaux du monde, elle en laisse toujours suintei: une certaine
quanlité, ce qtii donne naissance à la rosée, à rhumidit^
atmos[diérique, aux nuages, aux brouillards, etc.
Le climat algérien n offre, à proprement parler, que deui
saisons, cai'aclérLsées Tune par les pluies, 1 uulre par les dia^^
leurs. Le printemps et l'automne n'existent pour ainsi dir
sM
'4
fi) Ihitt i» tt cltmin /ri Z^hh, iH5t. p. i0
— 159 —
pas, i titre de saisons nettement tranchées ; de là le petit nom-
bre, »non la rareté des afTeclions catarrhales. Une autre divi-
sion a élé proposée, celle de Tannée en :
i' SaJsoo à température douce et tempérée (mars à Juin);
^ Période des chaleurs (juin à novembre);
^ Epoque des Aroids et des pluies (décembre & mars).
Ces distinctions doiven t évidemment varier selon les grandes
.20Qes dimatériques qui ont été reconnues plus haut : le litto-
^h les hauts plateaux, le Sud.
A.U point de vue de la pathologie, une division qui appar-
^^t â M. le D' Catteloup, comprendrait :
^* JuiD^]aillet,août,=ssummum de la saison endemo-épidémique;
^* X)ctobfe à mars inclusivement, ^=3 affections consécutives ;
. ^ avril et mal, » courte période à maladies firanches sans
^ttneoce endemo-épidémique.
t^es Arabes reconnaissent non pas quatre saisons fixes comme
nôtres, mais quatre époques qui partagent inégalement
^ ^ïiiiée, savoir :
^^ Chelta Ces ploies), de mi-novembre à mars ;
^ Rebiâ (fleurs du printemps), de mars à mi-mai ;
^ Ssif(yété), de mi-mai à septembre ;
4* jCto-^ (fruits), de septembre à mi-novembre.
Cette division prend pour base l'état de la végétation.
Le sol de l'Algérie, très accidenté, très tourmenté, explique
*^ peu de grands cours d'eau qu'on y rencontre ; on compte
^^^pendant 28 bassins dans les trois provinces. D'autre part,
*C8 rivières, réduites à de simples filets d'eau en été, grossis-
^Qt énormément pendant la saison des pluies et répandent
leurs eaux torrentielles dans les abords des plaines, ainsi
transformées en marécages. Cet inconvénient acquiert des
proportions d'autant plus funestes que les terrains ont un fond
ai^leux ou marneux, et rinsahibrilé des marais de Bône, de
— 160 —
la Metidjà, derembouchure des rivières n'a point d'autre ori-
gine principale. Voici les hauteurs de quelques cours d'eau :
L'Oued-bou-Sellam (près SétlQ. • ^••^^ "•
L*Ooed-el-Hammam (ConstantiHe) 800
. Le Rummeî. 481 . .
L'Oued-Saf-Saf (Tlemcen) AOO
LaSejbouse (confl. flèro. Gheorf etde TO. Zenati). 380
La Gblffa (sortie de la coupure) 150
Ooqflaent de rissèr et de la Tafoâ. ..... 8a
VO. Khemisde la Mitidijà (au sortir des montagnes). 71
On évalue à 40,000 hectares, c'est à dire à un millième de
toute la superficie de TAlgérie, la quantité des terres submer-
gées et marécageuses.
Il existe un assez grand nombre de lacs salés {sebkha) ; il
en est d'intarissables (celui de Fezzara), d'autres qui dessè-
chent en été (grands chotts de la province d'Oran, ceux du
^odna, les sebkba des plateaux de Constaotine]. On rencontre
des Is^cs d'eau douce près de La Galle.
Dans les oasis, on trouve de l'eau à quelques mètres au-
dessous de la croûte du sol. Dans le Sahara, il existe de6 cours
d'eau souterrains, bahar thdt el ard (la mer sous terre), disent
les Arabes. Ces eaux sont saumâtres, salées. Ainsi, à Biskra,
où elles arrivent échaufTées par un long trajet dans la plaine,
elles abondent en chlorure de sodium et déterminent des sali-
vations intestinales presque continuelles. Les bords de ces filets
d'eau sont tout blanchis par les dépôts salins à la suite de Té-
vaporation. — On trouve cette mauvaise qualité d'eau sur plu-
sieurs points; ainsi àl'O. bou Ketoun, près des portes de
fer; ainsi dans plusieurs ravins de Philippeville et de Constao-
tine (l'O. Melh'); ainsi au Rio-Salado, campement habituel
des troupes qui vont d'Oran à Tlemcen, etc. Ces eaux sont
blanchâtres et occasionnent une soif dont on se fart peu d'idée.
« La mortalité et les fréquentes maladies qui désolent les
— 161 —
1^ dotiars sur VO. d MeW (province d'Oran), écrivait en ma"
» I8W M.. Duponchelle, daiv^nt élre attribuées à l'usage
* Viabilud des eaux de ccUc rbière, qui contient beaucoup
» déiels purgatirs, et aux exhalaisons miasmatiques causées
» par la décomposition des détritus abaudonnéâ par le courant
y^ des eaux. »
Le* eaux des rivières se signalent, en efîet, non seulemeul
par Vabondance des débris orgauiquos et inorganiques qu'elles
charrieût» mais encore par leur mauvaise odeur {V0\ ma
Zafrm], par une quantité considérable d'aluniine [VO, bou
Djtmi);YO. Mckerra accuse une température assez élevée
(16*en janvier < 846] (1); ÏO, Sctjbome n*esl potable en
iir?er qu'assez loin de son emboucbure, et en été son ëlat sau-
infure la renîl impropre à tout usage domestique; chez les '
, Bent-ThQur, auprès de Dellys, nous avons souvenl remarqué
m les eauï fangeuses, saumùtres, troubles; VO. Saf-Saf (2)
I contient du sulfate d'alumine en quantité notable, des carbo-
I nates calcaires et une matière blancfie pseu<lo-organique
I analogue à de la barégine, elc. Nous insistons sur ces quelques
I fieaiplei, parce (|uo, comme il sera dit plus loin, leau des
I rÎTOresconstilue Tunique boisson de la plus grande partie des
^ ludigéoes. Esl-on plus heureux dans les villes? D'après
' î'eiatnen comparatif fait par M. le docteur Marseilhan (3),
^^ H eaux de rAlgéric (Orari, Mostaghancm, Le Figuier,
Misergbin, Alger, LeFondouck, Fort-Mouca, Bougie, Arxcw)'
r<>tiiieQDeiit toutes» surtout dans la province d'Oran, plus de
lelsgoeleau de la Seine; i'* les sels de soude existent dans
toutes {Mostagbanem excepté) et dominent dans celles d'Oran ;
3* toutes ont des sels magnésiens, en (juanlité supérieure dans'
la prttvince d'Oran ; 4^ la plupart des eaux d*Oran tiennent en
f»y 'Bf^^^ipku de SiéU*i*JèbU, par m. Ur IK RoBu, dao» tes Mm. de mêd. mtTtu
Pi T' LU éç% Mtmpttn t(« mtiitttttt mtttt^trvx.
— 162 -
solution du carbonate de soude, qui est remplacé dans les eaux
potables et pures d'Alger par du sous-carbonate .de chaux ;
5^ les eaux d'Alger et de Bougie contiennent du nitre prove-
nant de matériaux salpêtres; 6^ Veau du fondouk possède une
matière organique très azotée. M. Harseilhan conclut à radion
purgative des eaux d*Oran, chez les nouveaux arrivants.
D'après les analyses de l'eau d'Alger, par M. Riffault (1 ), elle
serait moins pure que celle de la Seine, presqu'autant que
celle d'Arcueil, plus que celle de Belleville.
MU. De Mortain et Laprcvotte, qui ont analysé les eaux de
Bône (2), disent que l'eau du puits de la rue d'Alger /est
impropre aux usages domestiques, qu'on ne Tutilise que dans
les bains maures et en élc quand les sources sont4aries ; plus
chargée de matières salines que celle des puits de Pa^ris, elle
abonde en carbonates et sulfate calciques, azotate de chaux et
matière organique. L'eau des fontaines de Bône serait pure,
potable, mais une matière organique jaune y prédomine; celte
eau paraît aussi riche en matières salines que celle du canal
de rOurcq. L'eau du lavoir, près du quartier de cavalerie,
est limpide, fade au goût et contient beaucoup de sels de
potasse.
Les eaux de Batna sont légèrement ferrugineuses, dit M. lo
docteur Quesnoy (3), ce qui expliquerait le peu d'affections
intestinales propres à la localité
A Philippeville, l'eau des puits est bourbeuse; celle de Stora
renferme des traces de fer (4).
Les eaux de Mascara (5) contiennent beaucoup de sels de
(i) Ânmtaif de l'État d'Àlgtr, i83a.
(a) T. LXV des Mimoirtt Je médtcint mUitaire.
(3) T. LXVII id.
(4) T. LU id.
(5) T. VIII, a» sërif, id.
— 163 —
chaux; troublées facilement par les pluies, d'une saveur fade,
eUes forment quelques grumeaux avec le savon, et, pendant
l'été, se puiréfienl par un repos de 24 heures.
Ce dernier et grave inconvénient est constant dans le Sahara.
A Biskra, le repos de quinze heures suffisait pour rendre
infecte l'eau placée dans nos bidons. Aussi, au cercle de MM.
les Officiers, fut-on obligé de recourir au filtrage quotidien à
tra?ers des couches de charbon et de sable.
D'après les recherches de M. l'ingénieur Dubocq (1), les
eaux du Zâb sont lourdes, très chargées de sels surtout en été,
d'une densité supérieure à celle de Teau ordinaire, riches en
chlorures de sodium et de magnésium, sulfate de soude et de
chaux, carbonates de chaux, et principalement en matières
organiques. A Biskra prédominerait le chlorure de sodium :
à Tolgaei Sidi Salah, le sulfate de soude; à Oumach, le
sulfate de magnésie ; à Chetma, les chlorures alcalins.
L'analyse de l'eau des oasis de Biskra par M. Tripier (2), a
prouvé qu'elle est très inférieure aux eaux potables, par la
quantité plutôt que par la qualité des éléments salins.
D'après les recherches fort intéressantes (3) qu'il a faites
dans le Sahara en 1846, M. l'ingénieur Fournel, se basant
sur Tinclinaison des couches de terrains vers le sud, la pente
générale du Sahara de l'ouest vers l'est, et la porosilé des
marnes intercalées dans les bancs supérieurs dont le calcaire
est très compact, — pense qu'il serait très facile de percer des
puits artésiens dans le désert. En attendant, les Indigènes se
bornent à fouiller le terrain sablonneux : ainsi, dans l'expé-
dition du printemps dernier, nous en avons vu creuser instan-
(i) Xémairessur la Constitution Céohgiqite <Us Zibaiu et dt l'Oued Rtr, i8S3.
(a) T. II d« la a* «éri^ des Mémoires de médecine militaire.
(i) Confinnées par M. Itr.RiiiroaKii, Ion de son exciirNuo daw» le Sahara; voycx «a bro»
cfaurc lar \9»puit* artêsiem du dètert, p. a5 tt a-.
— <64 —
tanément des puits à un mètre environ de profondeur sur
YOwd'IeP-Tel eiVOuedrOuar.
La constance de la température de certaines eaux explicjiie
comment elles paraissent chaudes ou froides suivant les saisons;
ainsi à Milah, une fontaine dont Peau est chaude en hiver,
fraîche en été. J'ai de même trouvé Chez les BéniSliem
(cercle de Dellys) une source abondante, Aïn tl Àrbdt très
fraîche pendant les chaleurs, chaude en décembre; et chez les
Àmraonas, à Aïn el Mixab, une source entourée de quelques
ruines, et dont la température très basse en juillet est assez
élevée pendant la saison des pluies. M. Carette (1) rapporte un
curieux renseignement sur les eaux qui se trouvent en KabyKe
chez les Béni-Sliman, auprès des trois villages des Ouled-
Tizi : « Il y a une source dont les eaux conservent en toiite
saison une fraîcheur remarquable ; on l'appelle, pour cette
raison, Tala Somia (la source froide). On fait quelqiiefois le
pari d'enlever successivement et sans s'arrêter sept objets
déposés au fond de la source ; il est difficile, dit-on, d'y par-
venir, à cause du froid ; à la quatrième ou cinquième immer-
sion, la main est glacée. »
L'examen de l'hydrographie algérienne amène tout natu-
rellement rétude de ses ressources en eaux minérales.
Quand les eaux sont chaudes, les Arabes les appellent hamr
mam, de hamm, chauffer. Ignorant les effets des eaux miné-
rales, en général, leurs propriétés, indications et contr'indi-
cations suivant les constitutions et les maladies, ils ne. les
prennent jamais à l'intérieur, et bornent leur emploi à l'usage
externe. Les sources minérales qu'ils fréquentent sont rare-
ment protégées par un abri, par une construction quelconque;
ordinairement, des koubha (sépultures de marabouts) se trou-
vent tout à côté. 11 est est cependant qui conservent encore des
;<) tludcj tur U Adfyftc, t. Il, p. 4ia.
— 166 —
débris de ruines romaines, traces de Tantique réputation dont
elles ont toujours joui.
C*est an saint, dont la source porte assez souvent le nom,
ou bien à quelque djinn ou être mystérieux dont l'histoire
révèle la légende proverbiale de la localité, que l'Indigène
rapporte toute l'efficacité des eaux minérales ; leur variété de
couleur, leur température, leur action thérapeutique lui
paraissent incompréhensibles, ou du moins inexplicables. T
a-4-ii des élévations rocheuses ou calcaires au milieu du bain?
œ sont, d'après la tradition, des tentes d'ancêtres qui ont été
pétrifiées. Y a-t-il des figures irrégulières? ce sont des trans*
forinalions animales ou humaines. Les abords de la source
résonnent-ils bruyamment, ou la chute des eaux produit-elle
des murmures singuliers? c*est la musique des (^fenounes
(génies) qui les habitent, etc. A Hammam-Meskoutine, la
superstilioo arabe raconte qu'un riche, voulant épouser sa
propre sœur, convola à ses noces près do l'endroit même de
ces bains, etqu'au milieu du festin, amis et autorités, tout le
monde fut foudroyé par Dieu ; de là la naissance de blocs ro-
cheux. Le peuple fuyant est figuré par un rocher qui serpente
ddLUsYO.Meskoutine; le bouillonnement deTeau représente
la cuisson des aliments du repas sacrilège; lIMeur sulfureuse
indique la malédiction divine, clc.
Voici une indication très sommaire des principales eaux
minérales signalées jusqu'à ce jour en Algérie, et fréquentées
par les Indigènes :
A. Eaux sulfureuses :
4® Dans le cercle de Ghelma, chez les Ouled-Messaoud ;
V Dans le cercle de La Cal le, cinq ou six sources thermales
sulfureuses ;
3^ Dans le cercle de Biskra, deux sources : Pune à 6 kilo-
mètres N.-O. do cette ville, se nomme Hammam Sidel Hadj;
— 166 —
en décembre 1852, je l'ai trouvée de 48*" C, Ses propriétés et
sa composition Tassimilent aux eaux de Barèges; les Arabes
rappellent aussi Hammam Mkebrit (le bain soufré). — L'au-
tre source, à mi-chemin d'El-Kantra à El-Outaïa, sert aux
habitants voisins du Koudiat Kourbazet ; également chaude
(39** C.)f d'une odeur sulfureuse et d'une saveur saline très
prononcées» elle offre les vestiges d'une ancienne piscine
romaine ; . .
4^ Dans le cercle de Ghelma, Hammam MeskouHne^ 05®
C. Les Arabes y lavent le linge, y plongent les végétaux dbht
ils veulent n'obtenir que la fibre ligneuse pour en faire des
cordes et des nattes, y font cuire des fèves, du blé, du gibw,
des œufs, etc.;
5^ AïnelBaroud (fontaine de la poudre, à cause de. son
odeur sulfureuse); source froide sur le bord de l'O. bou Roumi,
à 4 kilomètres de Mouzaïa-Ies-Mines ; donne 1 litre 60 par 1'.
6® A 25 kilom, S. de Médeah, Hammam Bemmaguia ;
source chaude sulfureuse abondante, 45"^; très usitée Contre
les affections du foie et la gale ;
7® Chez les Beni-Mehessen, près la frontière tunisienne,
à côté d'un grand établissement romain, Hammum Ouled
Mdellem; thermale sulfureuse ; trois sources ;
8" A 90 kilom. S. de Bône, à 24 kilom. E. de Souk Haras,
la source thermale (45'^) sulfureuse et gazeuse, dite Khang el
Hammam ;
9° A 45 kilom. E. S.-E. de Bône, Hammam-Chafla ; 35»,
sulfureuse el gazeuse; établissement romain encore conservé.
10** Au sud des bibaiis (grande porte), source très sulfu-
reuse ;
1 1® Entre Alger et le cap Caxine, une source sulfureuse ;
1 2*" Près de Milianah, eaux très chaudes et sulfureuses ;
13** Plusieurs sources de 50 à 60°^ sur le plateau qui
— 167 —
domine VO. Sémor chezlesHaractiis, et surtout à la rencontre
de ro. Sémor et de VO. Surff ;
44® Eau thermale sulfureuse près de VOued-Zaïan, dans
la ?aUëe de TO. Sahel [prov. d'Alger) ;
15® A rentrée de la vallée de la Châfia, entre La Calle et
Bdne, ^urce thermale, gazeuse et sulfureuse de 35®.
B. Eaux ferrugineuses :
f'' Dans le cercle de La Calle; à Hammam Sidi-Labrak
(35 à 38®), à 12 kilom. S.-E. de La Calle ;
2* Près de Dahla, une source très renommée dans le trai-
tement des fièvres intermittentes anciennes ;
3® Dans le cercle de Bou-Çada, plaine de Dréat;
4® Près de Téniel-el-Hdd, une source abondante dont j*ai
expérimenté les propriétés en 1848 (1) ;
5® Vrès^Hammam-Meskoutine, source ferrugineuse de
75®;
6* Près de Stora, au pied de la montagne des Kabyles,
deux sources froides ;
7* Entre Alger et le cap Caxine, une source très fréquentée
par les Indigènes ;
8® Plusieurs sources ferrugineuses et gazeuses, abondantes,
à une lieue de Bordj-Bouïra (cercle d'Aumalc), puis chez les
Ouled'Aziz, àBcn-i4rown(Kahylie delaprov. d'Alger), puis
an Djebel Dirah, etc.
C. Eaux acidulés :
4® A Test A*Hammam-nigka, chez les Beni-Menad, on
trouve Aïn Karsa (fontaine acide), dont les eaux sont comme
celles de seltz.
2® A 2 kilom. d'Arcole, prov. d'Oran, une autre source
(t) D* l'fm/tioi thèrapetiliqut det eaux ferrugineu-ei dt Ttniet-tl-UiJ, Poxi*, i849» >«»-••.
— 168 —
également acidulée, donnant 850 litres en 24 heures, et
vendue à Oran comme de l'eau de seltz.
D. Ëaiix thermales salines :
1^ Dans le cercle de Ghelma, Hammam-Berda, 29®5,
légèrement gazeuse ;
2** Dans le cercle de Ghelma, ifammam-iVéaï/*; \
a*» Id. , Hammam des B.-Foughal; | (■)
i"" Id., HammammtàelHaclmchij
5** Hammam^si-Yacoub, sur le Ruramel, 26**;
6^ Dans le cercle de Sidi-bel-Abbès, Hammam ^bou^
Hadjar ; . _
7® Id. , Hammam des O, I
Sidi-AbdelH: ^^**
8^ Id., Hammam siAli^
ben Youb ;
9° Plusieurs autres sources (58°) à TO: el-Hammam', sur
la route de Sidi-bel-Àbbès à Mascara ;
10° Cercle de Lella-Maghnia, plusieurs sources, entr'auCres
celles de la Mouia, celle de la Tafna, sur la route deTÎemcen
à Lella-Maghnia ;
11** En Kabylie, chez les Béni-Aidel, une source que les
montagnards ont entouré de constructions ;
<2° Hammam-Melouaney près d'Alger;
43° Hammam-Righa, chez les Béni-Ménad, 46** ; fréquen-
tée pour les dermatoses ;
14° Haminam-Oued-Alala, près du vieux Tén&5, 30?; il
y a un bain maure tout près ;
45° Au N.-E. du Djebel-Amour, Hammain-el-Rorfa,. 40
à 45° ;
(i) Employées contre lesdouleors rhumatijiiiales syphilitiques, l«s anectiooscaun^.
(i) Yaalée» tlitnsla 5ypUilù iaféiétée.
~ 16» —
16"^ A3 kîl. 0. d'Oraii, bains iiiâ de ta Berne; IV i
quatre sources donnent 250 litres à la minute. Les Arabes les
préconisent dans les en^porgements abdominaux et les affec-
lions^rhumatismales anciennes ;
iTHammam bour-Hadjar, à 50 kil. S. 0. d'Oran;'50^Cr
Six sources donnant 13 à 45 litiges cliaeunè par minute: Un
bain maure tout à cdté;
18^ A 6 lieues de Mascara, Hammam Sidi ben en Nefia,
63 à 65^; très renommé dans les affections cutanées, sjfphi-
Mques, les engorgements abdominaux;
49^ Sur le bord du Cbélif, à une lieue au-dessus de son
affluent avec la Mina, Hammam Sidi bou abd Allah; consi-
dérable, bouillante, car les Arabes y font cuire des OBufs» des
poules, etc.;
20^ Au.coofluent de la Mina et du Ghélif, Hammam Sidi
èou Zid; SO"* : considérable ; .
24^ Au nord des précédentes, dans les ruines de Techa,
Eammam Sidi ben Chda, 35 à 10"";
SS? Près des ruines d'Aquœ Ccssaris, un Hammam^ à 48
icil. deTébessa;
93r Hammam Djebel Nadoun, prèsGhelma, 32''; près de
ruines romaines;
24^ Séniowr, au S. S.-O. de Ghelma» plusieurs sources de
80 kW^ ; vestiges romains ;
25"^ Ghellaïa, entre Philippeville et Bône, trois sources de
44à5g^
26'' Grùu$s, au S.-O. de Constantine, sur la rive droite du
RumBoel;35\
S?"* SidinMimoun, au pied de Constantine, sous une
voûte, 34^.
28^ Au N.-O. de Constantine, El-Hamma, d6f: très riwiH
danle ; près de la roule de PhilippeviUe à Constantine ;
— in
Bou^Taleb, à 60 kil. S. de Sétif; source '
et très abondante;
30^ Barai, m pied de l'Auress; GO à 7t)°.
31** BùVrSellam, 20 kil. S.O. de Sétif; plusieurs sources ;
41 à 49^
32** Hammam béni Kecha, k mi*cheniin de Constanline
Sétif; 45°; renommée dans les alTeclions des os et de la peau ]
33** Gueurgour, à 40 kil, N.-O. de Sétif, près la route de
Bougie. Très chaude et très abondante;
34° Btni'Sermen, chez les Bcrbacha, près Bougie; très
chaudes ;
35^ Mansoura^ sur la route de la Mcdjana à Aumale, dansj
un ravin;
36*^ Une source très chaude sur la rire gauche de Tisser,
territoire de TienKen ;
37** Une autre sur la rive gaucfic de la Tafna;
SS** Près de Zaatcha, sources de 28^; très chargées en sehj
magnésiens;
31F Près de Salah-Bey, aux environs de Conslanline, un'
grand bassin flanqué de cinq petites loges, couvert en briques
rouges; 27** c,
40'' Entre El^Kanlhara et El-Outaïa (cercle de Biskra),^
Uammam-Salahïn, 44**,
4i *• Près d'Uammam-Merkoutine, plusieurs eaux thermales
salines de 64** c; l'arsenic a été démontré dans leor com^
position;
42° Enfin, dans le Djerid et le Sahara» il existe, dit-on,^
plusieurs eaux salines d'une température assez élevée ;
43* En Kahylie, chez les Béni-AzKOUZ, chez lesBéni-AbbèsJ
les Béni-Ourtilane, les Béni-^Khaleb, les Béni-Smaïl, des eauxi
thermales tt^llement salées que Ton en extrait par évaporalton^
d€ grandes quantités de sel blanc.
Il existe des eaux minérales frérpientées par les Indigènes i
1
— I7t —
dans le ccrcte de Colla, dans le cercle de Baina, etc.; muïi
les renseignements m'onl complètement manqué conœrnanl
leur emplacemenl, leurs propriétés, leurs qualités, etc. Tou^
Utm, dans rénuraération qui vient d'êlre faite des ricbe^se^
principales de l'Algérie en hydrologie minérale, des inexacti-
tudes ont très bien pu se glisser, car les indications provien-
^^eni de renseignements pris soit directement auprès d*arabes
^He chaque province, soit dans les diverses publications de la
^■Bofonie. On consultera du reste, avec intérêt, tine notice pu*
^îiliée dans le journal VÀkhbar de juillet 1853, concernaDt les
lui ibermales de l'Algérie.
§% — H vnamkms (*insi(»iJE n i<»aAii ils mlh
M L ili.iltli.
Les Arabes algériens appartiennent à la nuMî sAmiliq^eM
ivrYHarai)e. Pour quelques aotbropologislei, ib deuenâmî
TAbraham (comme lesJoifc); pour d'autres, de bluill^ie
llsmoèl. H. rinspecleur médical Gnyon, considérant It min-
^ardes os de tair crâne, lear assign*» one origine penaoe.
Le docteiir Bodichon (I) a établi un carieiii nppfodiMieol
eolre /es caractères physiques et moraui dei Aiabrs ti de«
^m^ et leur a donné une communaaté d'origine, celle des
Iles (tribus africaines), les premiers oarigaletirs cobou».
NNdbis» d'après Topinion générale, la KaiyUêf préeé-
Il désignés sous le nom de Berben^ ieseenâmt det
»M^r&fr^^
— 172 —
el-
1
Fhénicieûs, et du pays de Chaoaan. Le temt, les traits, T<
' formes, etc., trahissent chez eux le type caucasien. D'autres
naturalistes les veulent issus des Gétulos ei de$ Libyens. O5
-ï-elrouve dans leurs gourbis les magalia des Numides. Q^^'-
^que&-uos parlent encore le chaouïa que I Vn regarde com
|hd dial*^cte de la langue lybienne. Il semb^-: prouvé aujou
i'hui que la race des Touareuf/ (dans le ^iéserl) est la mè\
[que celle des Berbères. 0<i*iiitaux Jlfaur^,?, habitants des vill
[ils offrent une race mélangée de divers éléments conquérants»
• tels qu'anciens Mauritaniens, Numides, Phéniciens, Romains,
Arabes, elc, M. le docteur Guyon (î) pense que cetïe popula-
tion actuelle est un croisement des races Européennes avec lei^^
Berbères el les Arabes ; il serait disposé à retrouver dans l^^Ê
Haures du bord du Sénégal et du Sahara, les anciens Maures
du nord de TAfrique qui auraient été refoulés dans les pre^
mières coolrées par les nombreuses émigrations faites, dès les
temps les plus reculés, du Nord et de TOrient sur rancienne
Mauritanie. De par le langage et les mœurs surtout, lesSahari^Ê
sont des Arabes, Les liabilants des oasis du sud ne paraissent
pas être des Kabyles, comme on Vn prétendu; seulement la
zone clîmatérique particulière dans laquelle ils vivent, et
leur mélange avec les gens du désert, ont altéré le
originel (2).
(■) D«ni Iti cour» die cet oarrage, nouA •voui mdo|ïté le mol araU cainioe îu^Iqaanl m
g^néril h populnlion MusuImMiKi de l'Algérii* ; iout«j les (int que dt<« ftiti >eront |Mrti««ll«t
— 173 —
Il convient de placer ici un court parallèle entre les trois
peuplades précitées, car dles constituent, pour Thygiénisle
principalement, trois sections bien distinctes. Ainsi :
a^feit* I* T^» ks plaines
l^ort«à dp Bombraox mar-
^^Mat poiièdcdcafoadooka;
imi< lét oirMaii a âm
T«rié«s« café.
Oee^« ■■fT* pea boisé.
td'aaa.
A dtt chaviBz, des trou-
I ê§ è— ft, de Tadiet,
U tente.
>iKaee4yiaphatîqae ; fem*
'«a à froe Teatree.
ÀfricolUnr ; traTaine la
l'Uvcr et Tété.
^«•Oifiiee fort ordinaire.
liE KABYLB
Habite les mootagaci.
Bea«coQp de mets à l'huile
et de firoits.
Pas de fioadoiiksi Tient
sartont aox mardiëe arabes
faire des échanges, n'ayant
qoe très pea de céréales ;
exploite les mines ; fait da
miel ; eommerce de froits.
Crimes nombreux.
Contrées très beisées.
A toii\io«rs de Teaui
Possède surtout des mu*
leto.
Le gourbi ; des
Klioso>sanguin ;
grandes et bien faites.
Arboriculteur ; travaille à
la récolte des fruitt.
Intelligence appliquée aux
artsy à riadostrie.
LE SAHÀRAOUI
Habite les oasisi les ta
rains sablonneux dm Sud.
Des dattes et da Icit.
Tocyours en course dans
le Tell ; pas de Ibndouks i
Tend des dattes ; est gteé-
ralemant panvre.
Surtout pillard.
H'a de bois qae dans lei
oasis.
Asseasale} manque son-
▼ent d'eau, même pour les
ablutions légales.
A des hameaux et des
dMTanx.
Tentes en poil de cha-
meau ; misons en terre dans
Bilioso • nerreux ; jolies
Horticulteur; récolte les
dattes } passe sa Tie en câ*
rayanes.
Grande fadKté de con«
ception ; imagiattioa très
vive»
nt
Oiiûiqu'il CD soit de ces nuances différcnlielles, la race
iniiigèûe est belle. L'illustre Larrey la regardait même comme
le type parfait. Néanmoins, quand on considère la richessaj
physique, intellectuelle de l'Arabe et son état inférieur dé"
civiljsalion, on ne trouve plus que les débris sauvages et
esclaves de ces maîtres des sciences et des arts. Il est à remar-
quer que les Koulouqklis, produit d'unions entre femmes
Indigènes et Turcs^ soûl plus forts, plus iulelligents : question
impurtanle de la fusion, de laquelle dépend eertaîuenient
Vimplantation de la nation française en Algérie. On aura sans
doute déjà remarqué que les Maures tiennent peu de place
dans la description des coutumes et des faits dont nous nom
occupons; c'est que par un contact consîant avec d'autrei
, races, par la permanence de rexistence urbaine, ils se sont
dépouillés en grande partie du cachet national arabe propre-
ment dit, au point de vue surtout des conditions hygiéniques
et des errements thérapeutiques, __
Le docteur Broussais fils, dont la médecine militaire et lt^|
cience pleurent encore la mort prématurée, avait proposé de
distinguer les Arabes en deux catégories dislincles : d'une
part les indigènes qui ne sont soumis qu'à la chaleur, à
rhumidité et au\ émanations marécageuses, c'est-à-dire les
montagnards; —d'un autre côté, ceux qui» soustraits à c^^
îivers phénomènes, passent par des conditions de chaleur et de
troid semblables à celles de l'Europe centrale, c'est-à-dire les
iabilants des villes et les nomades. Pour nous, qui avons
pbservé Flndigène dans les provinces de Constan tine et d'Alger,
lu littoral aux limites sud de nos possessions, il a semblé
préférable, au point de vue médical, de le considérer sous trois
aspects plus nettement caractérisés par la situation géograpbi-
Itjue, par les conditions physiques et les mœurs, savoir le Tell,
Ha Kabylie et le Saliara.
— n» —
I
^
Lcdocleur GuyoQ croit avoir remarqué (1) que ïe& accon^
chemenls monstrueux sont plus communs chez les euro-
pécnne^ établies en Algérie qnlïs ne le sont dans nos pays, et
qu€€e$cas sont aus^i assez fréquents chez les femmes arabes.
Il rapporte le fait il*une Mahonnaise accouchée à Alger de
deux filles unies par le thorax, et celui d*un Kabyle des envi-
rons de Deliys qui avait une conformation particulière do
crine et surtout un maxillaire supérieur prolongé en forme de
grooinau devant Je l'implantation des dents. — Un fait toute-
im irrécusable, c'e^l la transmission de certains vices physi-
ques par Ijérédité; par exemple, chez les multidigilaires, dans
te tec-Je-lièvre, etc. J*aî vu un Indigène de la province de
ConsUnline qui avait, comme son père et son grand-père, les
cinq orteils disposés de telle façon que quatre seulement lerrai-
îiaien\ Vextrémité du pied, et que le cinquième se trouvait
placé au bord interne du métatarse, vers la région moyenne
i^ premier mélatarsien. Mon frère, le D' A. Berlherand,
âob^né à Blidali (î) un sexlidigitaire chez lequel !a phalan-
g^t(e do pouce était bifurquéeol biungulaire. M, Jorret^ méde-
dtt militaire, a adressé à la Société de médecine d*Alger (3)
l'obs^mtion et le dessin d'un enfant musulman ayant six
^l^^i^àcbaque main elsix orteils à chaque pied. Il est certain,
^P^flànt, que la vie au grand air, à la lumière, doit prévenhr
les difformités, en touiffant Tenvcioppe cutanée et ^'opposant
»ttî exagérations du lymphalisrae; M. de Humboldt (4) avait
^^ji remarqué que les difformités sont rares chez les peuples
*Peau colorée. Toutefois, il est à noter que les difformités con-
P^irfales [guebeuh saura ^ mauvais portrait) se rencontrent
*S8C2 fréquentes chez les Indigènes de l'Algérie, et leur nom-
(i) 4eidéiiu# «Ut iciateet* 17 dérembiv il3B et a déccmbrs tB4i<
(i) ABbée 1 B4ï« des Mé'moi^t éé méJèetn* miiitttiff,
fJ) Vo]r*j moDcottiple^rcndq dtt Tnvaot d« cette $«cîif^'r A*|er, liSi, pa^c *»'
176
bre en devrait paraitre plas considérable, si Ton songe que la
civilisaLion inférieure de ces pays chauds rend la mortalité
plus forte, fait disparaître de bonne heure beauc^iup de défatJlji^
Datifs dans les proporlions
d'une coaslituàon chétive.
du corps, soyvi?iil inséparable»"
On ne trouve point chez les Arabes ces conditions altérantei
' 3e travail prématuré et exagéré^ d^industrle manuracturière
qui violentent si profondément la taille humaine et la consli
tution dans nos grandes fabriques européennes, La croissancdj
pour ces divers motifs et grâce à Tinfluence climatérique,
s'opère librement et'promptement. On pourrait assigner au
divers âges les époques suivantes :
V Enfance (les enfants marchent de 6 à 9 mois) : de la naUsan^
à 10 aD3«
2* Adolescence, puberté : de 10 ans à 16 pour les femmes» à 18
pour les liommes;
T Jeunesse : de 16 à 25, pour lea femmes, de IS à 30 pour les
hommes;
4^ Virilité conarmée ; 30 à ^5 poar les hommes (35 à â(^ pour lea
femmes).
6- Vieillesse : de iiO et ù5 à 60, 70, etc.
1
lîde
La précocité do la taille, qui est le fait le plus saillant
cette échelle comparative, ne devient très probablement UDd«
cause de maladies et de mortalité, que parce qu'à Tépoque d^H
là puberté naissante les mœurs arabes (polygamie) appellent
les jeunes gens des deux sexes à des actes trop graves. — Y a-
t'il peu de vieillards en Algérie, comme on Fa prétendu? Au
Soudan (1), il n'est pas rare de rencontrer des individus plus
U) P^cjragê CM Dmrfow, (jjtdall pu k D' Pujlvf» p« 196.
— 477 —
leeûteiiaires, arrivés même jusqu'à (20 ans; les nouage^
^ireSi les octogéoairos el les septuagénaires s'y soient pres^
\i% chagae pas, tant its sont nombreux, et cela malgré les
fedres, les querellas inlestines et les giit*rreH êtiungères*
.absence ilô tout élat-civil diez tes musulmans rend la ques-
tion très didJcile; toutefois, en recourant au témoignage de
oones estimées, inlelUgeote^, en ratiadiant la naissance
divtdus à des faits historiques connus de part et irautre,
iBctarfe pas à acquérir la conviction qu'il y a bon nombre
Ide vieiJJanJs des deux sexes parmi les Arabes^ et que la limite
liriûjeooe de la vie y est très probablement de 70 à 80 ans.
iBâûdes villes, les Maures sembleDl fournir une carrière moins
llûûgue, les mauvaises conditions d'hygiène publique pour-
î»ieût Texpliquer au besoin. C'est ainsi qu'à Biidah, mon
frère, le B' A, Berlherand (1), remarquait dès 1840 que les
Septuagénaires étaient raresi el las sexagénaires en petit nom-
bre. Cependant, PAffique n*a jamais eu si mauvaise réputation
sous le rapport de la longévité de ses habitants, D après M. le
D^ (luyon (2), on aurait trouvé, à Philippeville, une pierre
■ t^fiiulaire disant qu'un de ses anciens habitants avait vécu
jiisqij'i 105 ans. Rappelons-nous que Rhazès mourut à 130
ans. A^enxoar à 130, ete* Si Ton croit Thistoirc d'Egypte et
^^ 'afirècei on y vit vieux. Les créoles de TAmériquo el les
■'^atufebdu Pérou meurent très âgés. « Au Sahara, dit Abd-
^^^-Kader (3), celui que le fer n'a point moissonné, voit des
^joufissans limite; nos vieillards sont les aînés de tous les
^pomtnes. > — * En Asie, les Indous, les Arabes» les Perses
^P ie$ Turcs, écrit M. Tinspecleur médical Lcvy, paraissent
^feceux qui poussent le plus loin leur carrière. En Afrique,
t») OfciftvafKMM méiiic. tnr r«rpéUi(, mut Pwtri ée/tr^ ilïg ? t. XXXXYUI, émMémpùti i«
(*)l
t lOA HOf « du SaIuu'A.
- 478 -
les Egyptiens, les Maures, le^ Marocains atUîignenl
plus avancé que les habitants de la Guinée, do Congo et Ju
Mozambique (i), » ■
Comment donc le D^ Prilchard (2) peut-il admettre <|ue « là
durée de la vie humaine est à peu près la même chez les diffé-
rentes races d*homnies ; qu'elle varie seulement, parce que
les causes extérieures qui amènent des catastrophes acciden-
telles et prématurées, ou celles qui nuisent à la santé et altè-
rent Torganisation, sont plus communes et plus puissantes
dans un climat que dans un autre? i^ Nous ne saurions être
non plus de son avis, brsqull dit : « Toute rargumenlalioï
à Faidc de laquelle on a cherclié à excuser la morale déprayé
des nations orientales, en s'appuyant sur l'époque prématuré
du développement et de la vieillesse, s'écroule faute de fonde-
ment, )* Et, plus bas : « La différence du climat n'a que peu
ou point d^effet pour produire des diversités importantes danl
les époques de.s changemi^nts physiques auxquels la constitu-
tion huniaiueesl assnjélie [3), » — Il semble bien prouvé, au
contraire» que les conditions de localité et d'existences parti-
culières amènent des modifications organiques dans le type
la race.
Le Kabyle, de taille moyenne, trapu, a des muscles bielî
nourris et saillants; chez FArabe, on observe plutôt une dis
position harmonieuse de toutes les parties intégrantes du
corps. D'après M, le D^ Grellois (i), les Kabyles d7/ammam-
Meskoutine sont, en général, moins beaux que les Arabes,
leur physionomie moins noble, ils manquent de dignité ^dans
le maintien. C'est à torique Ton a prétendu que les bommei^^
ont une plus haute stature dans les pays froids; voyez le
{%) Min. mmim-tlU é* VUommtt tMae U, p- M?-
<3) T. Il» page i&» «t «aiviuttea.
trc
réé*
c-
ÏU
rti-
— 179 —
liamouî, grand, élancé, rigoureux, agilo, bien proportionné,
[^ Le miiîlre de la dalté est toujours mince et fort, dit le pro- j
"ïerk arabe, )► '
Il (aille générale, chez les Indigènes, est un pen plus que
moyenne (la moyenne étant de 1°'62}. Les femmes, les Mau-
resques surtout, sont proportionnellement plus petites; les
fatigues de là yie domestique, la précocité du mariage et de la
^ Ibterûtté en donnent une explication sudisante. Le D' Finot
a troofé, che^ les femmes du dispensaire de Blidah (1), une
taille moyenne de l"49f"", —^ D'un autre côté cependant,
'es Indigènes paraissent très bien proportionnées, belles
femmes, généralement grasses, ce qui prouverait une grande
^ûfpgie Je plasticité. La croissance, a-t-il été dit plus haut,
^ï^pideen Algérie; on en trouve la preuve dans les signes
*^3^imtnt reconnus de la puberté, de la nubilité, de la
'"^'ïjilmaliôn, etc., ce qui confirme complètement, du reste,
^^Phùon de Haller sur l'influence des climats chauds.
^n peut affirmer, d'une manière générale, que la popula-
*'^^ arabe est composée d'éléments robustes, malgré les
^^*^^iles pertes qu'elle a éprouvées depuis vingt ans dans le»
^'■^Cis entre tribus et contre la dominalion frammis^^; c'est
^^. il faut bien le répéter, la misère, les privations de toute
^^, l'instiffisancc des vêtemenùi et des habitations peu con-
^^bles, etc., frappent dès les premières années de la vie
•^ les êtres qui ne peuvent résister, et dépouillent ainsi la
pVvihtion de tous les produits chétils ou malingres. — La '
P^^stiiution de l'Arabe reste cependant plus ou moins
Mifiée par rbé redite des affcclions; c'est ainsi que le^ alTec-
^^s dartreuses, la syphilis, entr'autres maladies, sont cous-
Unent léguées de génération en génération, sous rinflueace
^^\ t^LTl, âm Jlfr^. </f MtJéaiiê miiitf» y* ii*
— 480 —
sartout de la trop grande disproportion d'âge des parents doot
l'an n'est souTent encore qu'une enCant, et l'autre approcha
des limites de Tâge mûr.
La peau n'est basanée que dans les tribus où l'Indigène ne
se protège pas suffisamment contre l'action solaire, qui déve-
loppe alors la sécrétion du pigmentum. Les indiiidus, en
effet, auxquels une aisance particulière, une éducation moins
bornée permettent de se mieux vêtir et de se soustraire phis
fréquemment à cette influence, conservent une enveloppe
cutanée très blanche. Dans les villes, l'usage presque quoti-
dien des bains et une protection constante [babitafions, rues)
contre l'action atmosphérique, assurent au derme des Mau-
resques un blanc satiné. Les femmes des Tùuareug passent
aussi pour très blanches ; on sait que leurs vêtements se com*
posent de pièces multipliées. Or, H. Flourens a démontré (1),
dans ses recherches anatomiques sur les structures composées
de la membrane cutanée et de la membrane muqueuse, que
^raltération déterminée dans les peaux blanches par l'action
des rayons solaires, siège dans la lame interne de l'^iderme.
— Les Kabyles, généralement peu couverts, sont les plus ba-
sanés. La peau, qui joue en Afrique un rôle des plus impor-
tants, celui d'éliminer beaucoup de carbone au bénéfice des
poumons moins actifs et moins amples, se trouve naturelle-
ment couverte d*un enduit visqueux qui a pour effet d'amortir
la sensibilité cutanée. Les sueurs ne sont pas trop fortes chez
les naturels, maigre leurs excès vénériens, et grâce sans doute
à !a simplicité de l'alimentalion; mais le défaut général de
(i) Àiwhi du Scifncfs notuftiles, %• »éric, t. IX.
— <8< —
proprolé, malgré les abtutioDs légales, se joiât aux iitégnla-
rités menstruelles, aux négligeuces et aux suites de Tatlaite-
ment pour déterminer et entretenir de nombreuses dermatoses
héréditaires à la longue, et des ulcères désespérants.
Le tissu cellulaire paraît généralement bien fourni, chez
les habitants des villes surtout. La vie sédentaire, cette sorte
de réclusion domestique permanente, Téquitation presque
toujours au pas, le calme de l'esprit fataliste, un régime fécu-
lent, rhuroidité d'habitations privées de lumière suffisante,
elC;, SGût sans doute les principales causes de cet embonpoint,
tpDJoiirs plus prononcé chez les femmes; il contribue évi-
demment à engourdir Fintelligence, semblé porter le stigmate
d^mie insaffisimoe d'Hématose, et a*est certes pas sans influence
SUT \eft irrégolarités menstruelles et les afTections utérines/
"Les câvaliors arabes chaussant beaucoup l'étfiér, ont &
supporter la constante pi'Bssion de son anneau supérieur;
anssi se reconnaissent-ils tous à une tumeur endermîque
située au-devant et un peu au-dessus de Tarticulation tibio-
tarsienne. La peau de la plante des pieds acquiert, chez les
Saharis «urtout, une dureté et une épaisseur extraordinaires,
^par l'habitude de marcher pieds nus sur un sol généralement
in^I et sablonneux.
Les muqueuses extérieures sont d'ordinaire très colorées.
Système pileux peu fourni; chevelure seule épaisse (1). Les
Arabes sont généralement bruns, les Saharis blonds ou mieux
cbâtain-clair, les Kabyles châtain : quelques-unes de leurs
tribus comptent des familles entièrement blondes. Serait-ce à
la température plus froide cl plus humide des montagnes, ou
bien à des conditions organiques de race particulière que les
tribus blondes et blanches de VÀtirPss devraient celle excep-
( i) BLvvmusACH a ^is l'opinion que la coutume de l'épilation pendant un certain nombr*
de génëraUonf, pourraii bien- aroir alt<ré la quantité des produlu da lyst^e pïkox.
_ 182 —
tion? Oo les regarde comme issues des Vandales qui dominè-
rent dans le nord de l'Afrique quelques siècles après TÈre
chrétienne.
La grosseur des os mérite d'être signalée, surtout aux points
d'insertions musculaires, ce qui pourrait bien tenir non seules
ment au type constitutionnel de la race, à l'énergie des organe
actifs du mouvement, mais encore à l'usage ordinaire et pr
qu'exclusif des aliments farineux qui renferment, comme ocr :si
le sait, une notable quantité de phosphate calcaire. N'y a-t-^c=K I
pas lieu de faire une observation analogue à propos du volun
différentiel des diverses pièces osseuses des habitants de ne
campagnes et de nos villes? Toutefois, la densité osseuse (
les Arabes est parfaitement combinée avec le peu d'épaisseui
Chez les Arabes, on trouve dans la forme de la tête beat
coup d'analogie avec la deuxième variété admise par le
Pritchard (1 ), propre aux races nomades, et caractérisée surtoi
par une face large, un crâne pyramidal. Le crâne très ovoic^K ^
d'avant en arrière, surtout chez les Arabes, plus ample chez ^^. ^
Saharaoui, plus globuleux chez le Kabyle ; le front plusétroT ^ ^
et la voûte syncipitale très développée chez le Saharaoui ; ^ ^
front plus épais, moins bombé, moins étroit chez le Kabyles ^
l'arcade sourcilière très saillante et très arquée, en génér^^^ *
chez les Indigènes; Tocciput moins développé chez le Kaby."* ^
(0 iéOfç çHato, t. I, ]>. i4S.
— 183 —
qu0 chez l*Arabc el le Saliaraoui. L^îHustre baron Larrey (1)
A ob^îrvé que chez \e$ Arabes le trou auditif était parfaitement
parallèle avec la cummissure externe ou temporale des pau-
pières. L'examen d*un assez grand nombre d'Indigènes ne
Qouft» a point paru permettre d'appliquer cette remarque aux
'tabi tants de rAlgérie. Los Nègres du Sahara et du Soudan ont
'*»• U*tc large et do belles denL< horizontales, par opposition à
**ux du Burnou 4ont l'obliquité des dents et du front en
arrière est bien évidente.
\^^ forme globuleuse du crâne arabe proviendrait-elle de
* tiaf . : ^ L^énéralo, surtout dans les familles nobles, de cora-
P^'îi* L_. .„ lete du nouveau-né en pétrissant de bas en haut, à
^*Usieiir^ repri^s, avec la paume de la main, les régions laié-
^^^^fe^coirei^pondantes aux joues cl aux tempes? Cette coutume,
®Ka.l émeut usitée dans l'Amérique méridionalo, au Pérou, en
^^"^*e, aux Antilles, dans la Polvnesiep etc., procéderait-elle
^n intiment d'orgueil de rac« dont on voudrait sauvegarder
^ ^ypû par Gerlé et indépendance nationale ? ou bien tiendrait-
Il uniment au besoin de donner au crâne une confor-
* , plus convenable pour l'assiette et le maintien des
*'^i3i';i4.'S pièces de la coiffure? «( Les Orientaux préfèrent la
^•*njeque fait prendre une bandelette dont on entoure forle-
*^^i\l la l^te, parce qu'alors, disent-ils, le turban se place
^^icM-% ^ « M. 1*5 D' Foville (3) a signalé à l'opinion publique
^ Ml . liabilanis de Normandie qui déforment la boîte du
^•'îVtvc dallèrent la position respective de chacun des os, en
^^^JfnHtant la tête de leurs nouveaux-nés à une constriction
^*rc*Tr" ;-, ^,r I -..;,. Ce savant physiologiste attribue à coite
*^*i I uis quarts des aliénés qu'il examina dans
^^ileile Rouen. Cette singulière et, on peut le dire, barbare
^ ^^) thnà, hUrtÀ BtumtnUth, i-«8
— 184 —
cautnme, a été observée daos d'autres déparlemenis françaîs, à
Toulouse, dans la Charente, en Vendée, etc. M. iuuier (i) Vmd
également trouvée dans les Deux-Sèvres, et 11 conclut de sdH
recherches que Tidiotie et Tépilepsie coïncident beaucoup plus
liréquemmenl avec la déformation que la folie proprement dite,
que rallongenient du crâne se remarque surtout chez les
I femmes érotomanes. Or, l'érotisme est déjà très c^jmmun chcî
[les individus atteints d'idiotisme. En attendant la solution de
t cette inléressante question pour ce qui concerne les Indigènes
de l'Algérie, il est convenable Je rappeler que Tinfluence de
la déformation du crâne sur les fonctions cérébrales a ét^_
Ll'objet de quelques doutes. Morton (â) a fait remarquer qui^|
les Espagnols arrivant au Pérou trouvèrent cependant un étal
de civilisation fort avancée, alti:îstée par de beaux et nombreux
•monuments, etc.; et il a prouvé par des recherches curieuses
que toutes ces manœuvres do déformation ne diminuent ni la
Ivcapacité intérieure du crâne, ni le volume entier du cerveau,
^par suite d'une sorte d'accommodement de toutes les partie
|.ll aurait observé, du reste, que chez les peuples qui pratique
î4>s coutumes, les têtes les plus déformées, les plus aplati*
[appartiennent aux individus les plus intclligenls, aux chc
ken particulier. Enfin, avant d'abandonner ce sujet, faisan
Lît^marquer que si rhéréililé nv transmet point la nou?eliij
fcConCguration donnée au crâne, elle lègue souvent, au con-
[traire, des qualités morales et intellectuelles dans certaines
familles indigènes.
L'impassibilité est le type de la physionomie de nos Aral
^a ligure ile l'Ajabe et du Saharaoui respire la douceur; celle
iu Kabyle, la force et la décision, la vivacité. Face ovale chez
ih Kabylo; plus large chez l'Arabe; plug elliptique et plus
unes
cell^
h) Ct«m* •mH-a^na ; Pktkd§îfki*^ 18J9, pa^e tt6 «t loir.
— 185 —
déprimée laléralement, mais peu anguleuse chez Tliomme du
sod. Le Kabyle présente la face ft k front plus ridés qu^ le
Sahai'aom et leTellien, parce que sa coiffure très peu complète
ne le garantit guère contre le soleil et les intempéries atmos-
phériques, >'ez long, aquilin, arqué cliex l'Arabe; tonget épais
chez le Saliaraoui. Généralement Tlndigène a Todorul aus&i
subtil que louïe.
■l
^H Les Indigènes ont IVxil vif, bien fendu (les femmes surtout),
^Keo saillant, généralement brun. Dans le Sahara et quelq^ues
^Bûotilagnes de rAurcss^ on rencontre beaucoup d*yeux bleus,
^^D«e$ Kabjrles offrent la cornée petite et bombée : delà leur état
■^pne^by tique habituel et leur grande portée de vision. La lon-
gueur de la paupière supérieure, chez les Arabes en général,
eslk noter; elle explique la fréquence de Tentropion et du Iri-
cbiasis. De plus, la sclérotique présente une teinte d'autant
plus jaunâfre qu'on s'approche du littoral. Pupille plus rétrécie
chez len Montagnards et les Arabes : uvée très noire chez les
^î^byles. 41 Lé cristallin chez les Arabes, d*après les belles
études de M. Furnari (I), est en rapport avec la cornée, Tiris
^' I^ " le plus souvent petit et très convexe. Ne pourrait-
^^^ l»ti „..._;uer au petit volume et à la forme de ces moyens
'^^' rjéfraclîon» de convergence et de transmission de rayons
'"''Vineux, une concentration plus forte de ces rayons et par
^^ftséquent le regard perçant des Arabes et la faculté quils ont
-distinguer les objets de très loin? » Il nous semble qu*il
^**ûrait tenir compte ici de la vie au grand air, de Tabsence
K' ^ufe étude qui fatigue les yeux dès le jeune âge, elc;
"Gemment, le fait est fort complexe, ie pigmentiïm très épais
^' *J<* couleur bien foncée, ménage aussi la sensibilité de la
''*'!' >icso«s rinlluence d'une lumière constamment vive. — Eu
— 186 —
général» les AralH)s ont nonualemenl les yeux peu humecii
de larni
es.
Qes
Lasaîllieplusou moins prononcée des mâchoires différencie
TArabe glouton et Thommc sobre* du sud. Les Indigènes
salivent fort peu, quoiquo grands fumeurs. Lèvres grandes
épaisses, dents verticales, bien plantées, comlcs, ivh blanch
La dentition est précoce; les deux premières incisives vers cinq
mois Jes quatre incisives supérieures du huitième au neuvième '
mois ; les quatre premières molaires et deux incisives latérales ■
inférieures de onze à quatorze mois; les quatrcs canines ver^^
vingt mois ; enfin les quatre dernières molaires vrrs vinglnleUaH
ou vingt-cinq tuois. — La deuxième dentition est déjà fort
avancée à sept ans; aussi la loi ordonne-t-e!!e à renftml « qui
est entré dans sa septième année, iige de la seconde deolilion,
de faire la prière (I), » — Cette précocité de roJonlogéni^
la rend généralement plus régulière. L'ivoire des dents aral
est serré, non pas d'un blanc de lait, mais d'un blanc mat i
un peu jaunâtre. On sait que Berzélius a trouvé que le^ déni
contiennent t}4,3 de pliosphate de cluiux eto»3 de carbont
de cliaux : or, M. Lassaîgnc anal}sant les dents d^une moiiij
d'Egjpte, les a reconnues moins riches en pbosphato de chat
(55,5), et bien plus fournies en carbonate de chaux (15,51
Est-ce à une composition chimique identique on analogu^
qu'il faut rapporter la beauté, la blancheur^ la densité d^
dents chez les Arabes ? Ne tiendraient-elles pas hûm
l'absence des alcooliques? L'alcool, en effei, en se coinbînar
avec Teau de la salive, déleruiinc de la chaleur et favoris
les incrustations de phosphate de chaux , tarlrc denlair^
d'après leD' Dessaignes.
Notons Tangle facial, plus ouvert chez le Saharaoui. — L^
os iuaxillaires se ilistinguent par leur étendue considérable,
i%) §i KK*hK t. h cH«p. II. p <>3.
en;
«
— \S1 —
et la perpendîcularilé de leurs branches se conserve bien dans
un âge 1res avancé, parce qu'il y a à celte époque générale-
ment peu de dents gâtées (D' Cuvellier) (1^.
Cou long cliez le Tellien et le Saharaoui ; court chez le
Kabjje. — Thorax généralement assez développé, mais pa-
raissant rétréci, quand on le compare à la cavité abdominale
toujours amplifiée par le volume du foie et de la rate. — Du
vit:' \ 'feste, voix généralement très forte. — On ne devra pas perdre
7 -i I de vue, dans les investigations pathologiques, que les viscères
abdominaux sont normalement très développés, surtout dans
le jeune âge et chez rArabe nomade.
Bassin naturellement très ouvert ; trois motifs : le premier,
^^l que les nouveaux-nés sont portés à dos, par leurs mères,
presque tout le temps de l'allaitement; le deuxième, c*esl que
^^ Indigènes montent à cheval de très bonne heure; le troi-
^leaie tient à la manière particulière de s'asseoir des Arabes,
^'^Ui, exactement semblable à celle de nos tailleurs, a pour
^"^^ de tendre à écarter les plans coxaux l'un de l'autre, sous
"''^'luencede tout le poids de la portion supérieure du tronc.
^^ode du siège sur le sol, nécessité par l'absence de meubles
"**tîués à supporter le tronc à un«î certaine hauteur, a pour
8[^Tid inconvénient de faciliter la compression des vésicules
seiiî inales^ l'engorgement des arlères pcrinéales, des vaisseaux
P^PÎités, et devient ainsi une cause prédisposante aux excès
^^^êriens, aux hcmorrhoïdcs, aux tuméfactions des membres
^"^ominaux (éléphanliasis, ulcères incurables des jambes,
^^^0. — D'autre part, s'il est vrai qu'il existe un rapport de
— 188 —
é- I
simililiide conslanie entre les conibrinations du crâne et du
bassin, cerlaioemeut le bassin ai^abe est parfaiteniont constitué ,,
pour raccoucbcment. .^H
La question du déveioppcmcnl prononce de l'abdomon nou^^
amène à cxplkpier pourquoi, contrairement à Topriiion géné-
rale actuelle qui rétluit les lempéramenls à trois^ le sanguin, 1
le lymphatique, le nerveux, nous avons dû admettre un tempé-
rament bilieux ch<;z les Indigènes de rAlgéne* Dans ce climat^
en effet, Fair élant plus rare, plus dilaté, lorgane respiratoire
oxygène moins; le j^aûg veineux est donc proportionnellement
en plus grande quantité. Alors le système bépatiqite possède
normalement une si souveraine intluencc sur l 'économie
imprime à ses parties directes et à tous ses actes fonctionne
nn C'àchei physiologique si particulier, qu'il nV'Slpas posaiA
l>le de ne lui attribuer que la valeur d'une simple réaclic
prédominante suit par fonction, soit par sympathie, conséci
tive dans Fétat morbide. La disposition organique dont iT
s'agit n'est pas seulement individuelle, elle constitue uiiej
variété généralisée dans toute la race. En effet, dans le^ clt|B
mats chauds, et particulièrement en Algérie dont Tatmosphère
est chaude et humide» conditions peu favorables aux exhale
lions pulmonaires et cutanées, tout augmente énormémei
réliminalion sécrétoire du foie (matières hydrogénées, carhc
«ées, grasses, colorantes) sans la moindre lésion; comme nous
le remarquions tout-à-rheiirc, le liquide veineux prédonni
surFarlériei ; l'état congestionnel de la circulation abdominal
devient habituel, tellement normal qu'il entraine plus qu'ut
idio^yncrasie, plus qu'une surexcitation morbide. €*est réell«
Lpent un type spécial d'organisation, une modalité congéniafè"
[organique. Ainsi, la pléthore bilieuse colore les tissus, le
htonjonclives, etc., et ses corrélations avec le caractère nationa
}nt évidentes. En un mot, ce véritable tempérament bilieui
trahit une forme régulière de la santé chez Tlndigène algérien;
ère
n;
d
— 180
blrouve seulement iiiodilié par tlL'siafluenciîs climatériipies
Bî?, c esl-à-dire que l'Arabe tcllien, notiiaJe, liabitanl des
^laincs^ est bilioso-lvmphatique ; le Kabyle, montûgnardt
bilioso-sangutn: le Sahariwîui, ce marin du déseri, bilioso-
ILa croissance hâtive danâ ua climat aussi chaud fait para!-
les membres grêles chez les eafants et les adultes. Les
appendices inférieurs sont plus jetés en dehors^ sans doute à
^L^u^ de Thabitude signalée plus haut qu*ont toutes les fenimeâ
^»de porter à dos les nourrissons.
Les Kabyles paraissenl les mieux musclés» cl d'une agililé
fremîtrquaUc.Les Arabes, en général, supportent parfaitement
la fatigue prolongée. On voit conslanimont des individus faire
, le commerce entre les tribus ou les oasis, parcourir une
I moyenne de 80 kilom. en dix à douze heures, et cclajournel-
lemi*nt. Ceci rappelle les Troglodytes des Anciens, « Dans le
Sahara, il y a des marcht^urs intrépides qui se sanglent bien
'^ lattle, se reposeot rarement et parcourent des dislances
"ïcnoyables. Ils font en quala* jours la course que les cou-
Y^^t% ordinaires font en dix (1). »
^^ contraste différencie les extrémités des membres; les
'^tis ^nt généralement belles, bien effilées ; mais les pieds
Ss et un peu plats. — Le système musculaire est fort
Il ,'^'*^^n}qable par ses apparences plus ou moins sculptées, et
^B^'^nsité de sa libre. En résumé, tout chez les Arabes respire
i^^^ti la force, du moins l'énergie.
ANffW«ikt 4u Smfmrit, |t«if U g4tt«rAl I>Ar«Aa« p. 1|(»
— 190 —
Par suite ik la prococilé — cliuis la piiliiTlç hiiiée par iincr
vil* scdenlaire el !c cUmati — tlaiis la ilépravalion Jes mœurs
favorisée par la polygamie et les unions conjugales préinatti-
rées, les organes génitaux acquièrent un dûveloppemcnl trèsVl
prononcé. Chez les femmes surtout, l'exulicrauce des grande
lèvres explique parfailemerU !a nécessité de leur excision daag
les régions plus rapprochées des tropiques. Le clitoris es
volumineux et très proéminetiti le vagin très ample. Quand le
prépuce est tellement peu marque qu'il seuikle ne pas exister,
les Arabes prétendent que Dieu a envoyé, pendant la concep-
lion, des djenmmes circoncire le fœtus. — Le D"" Lalle-
mand (1) pense qne Fétat de prédominance des parties
sexuelles sur le cerveau est l'état qui dispose le moins aux
excès vénériens. Si nous devions juger d après l'observalion
directe de ce qui se passe chez les Arabes, nous serions tout
disposé h croire le contraire. ^Ê
La femme arabe est nubile de neuf à dix ans. Grâce à la
précocité et à la multiplicité des unions sexuelles, grâce au^
métier d'esclave, partage continuel de son existencA\ elle ar^'
rive vieille à 25 ou 30 ans. La plus belle moitié du genre
humain est, en effet, regardée comme une marchandise, ni
plus ni moins. Ecoulez plutôt la lui k projios du paiement du
don rmptiaî : « La femme *f reitd, el tout vendeur est en
droit de ne livrer /a marrAa«{/ûtî que lorsqu'il en a touché
\tprix (2). )» ^
La menstruation, précoce comme l'expansion organique
^pdc*nt elle est la plus haute expression, paraît abondante, sou-^
-^ vent irrégulicre, et suppléée par des héniorrhagies utérines,
desdyssenteries, etc. La ménopause, queFoissac fixe à trente
ans, serait en Algérie à peu près comme en Egypte, de 35 à
II
19!
W> ans. Lapolyméûorrliée doit exercer une ioiluence salulairc
sur la samé en général, f^n particulier sur Tappareil respim-
toire dont an a signalé la rareté (?) des maladies cliez les Indi-
gènes. Ceiie influena* paraîtra plus accrpLible, si Von réHécliil
que U menstruation a élc con.sidérce ooïuine une sorle de res-
Ipiralion supplémentaire, chargée ausM de Télimination d'un
lexcès de carbone. Or» nous Tavon^dit plus liant, les poumons
arabes sont peu développée : le théâtre restreint de la respira-
H tion arait donc besoin d'un organe auxiliaire, et la matrice
Hehez la femme, l'intestin chez Thomme (de là fréquence de»
H liémorrbotdes), ont été chargés de ce rôle.
" ^ir a prétendu que dans les pays chauds le pouls éiait
plus accéléré; assertion erronée pour les Arabes. Le sang
liodigene a une couleur très foncée, ce qui s'eiplicjue par un
[excès de carbone et la surcharge qu'en éprouve l'appareil hé-
utique. C'est à cette coloration particulière du liquide circu-
latoire que les plaies doivent leur aspect bronàirc. Les rapports
Fréeîproques entre le sang et rinnervalion, en d*aulres termes,
[la réactioD, sont faibles. Est-il permis d*en induire que le
pang est peu riche en globules, de là rinsuffisance nerveuse,
spathie du caractère, la dépression intellectuelle, le passage
ez rapide de la maladie à la santé ? Les convalescence», en
&ffct, existent à peine chez TArabe ; à défaut de soins enten-
lus, d'un régime convenable et mélbodique, il trou?e dans sa
snstitution robuste, dans la placidité de son système ncr-
^reux, des éléments énergiques qui abrègent considérablement
la daré€ de l'état transitoire du retour aux conditions nor-
|inale$. Le calme des sensations lui évite ces perpétuelles oscil-
lations entre Timminence morbide et Tétat physiologi<imv Le
— 19i —
grand air active les absorptions ; aussi voitron moios souvent»
à la soite des maladies graves, les œdèmes des membres infé-
rieuis, les sueurs prolongées, etc. L'hypersécrétion bilieuae,
ce cachet constant du tempérament arabe, facilite les digea-
tiens renaissantes ; le peu d'usage des saignées générales ne
dépouille point la constitution d'une partie de forces générales
qu'il faudrait ultérieurement réparer avec patience. Et puis,
l'Indigène ne recourt à une diète plus ou moins absolue que
dans les cas les plus graves; son peu de réaction physlblofi-
que autorise et explique cette manière de faire. L'innocuité do
ce système, dans une foule de cas où l'interpréttlioB des
enduits et de la coloration de la langue ferait prescrire à un
médecin français la sévère défense de toute alimcntatioD» frap-
pera plus d'un toubibe appelé à traiter les Indigènes ; elle
contribuera puissamment à décrier cette pernicieuse théorie
de l'abstinence absolue qui n'a plus autant de raison d^itre,
comme principe général, pour quiconque tient compte des
influences cHmatériques nouvelles.
D'après ce qui vient d*être expliqué, on comprend le peu
d'irritabilité da système nerveux chez TArabe, ce qui Uènt
aussi, — dans la jeunesse, à rabsence de toute excitabilité
par application à Télude, et de cette faiblesse constitutionnelle
inhérente aux travaux des grandes industries, — enfin, pen-
dant toute la vie, à cette placidité morale qu'imprime au
caractère le dogme de la fatalité. Néanmoins, on croirait res-
saisir dans l'intelligence assez vive de l'Arabe, dans sa facilité
d'imitation, une trace d'influence de la civilisation ancienne.
Il ne faut pas l'oublier, les passions, les systèmes religieux,
etc., agissent profondément sur les races humaines, et impri-
ment à chaque nation, à chaque individualité, un cachet
spécial bien évident. — Toutefois, l'Indigène possède des
sens très délicats, entr'autres une vue perçante. Une existence
— t93 —
presque constamment champêtre, au milieu de plantes odori-
fératties de toute espèce, contribue sans doute à lui conserver
un odorat subtil. Sa nourriture, très épicée, n'a certainement
point l'influence qu'on lui prête généralement d'affecter sa
sensibilité gustative.
Xe cerveau semble plus pesant et d'une densité très notable;
les nerfs très fermes, et les circonvolutions encéphaliques plus
en relief que chez l'Européen. Nous avons déjà parlé des motifs
probables de l'engourdissement intellectuel général; il tient
beracoup à l'influence du climat, à la faiblesse par transpira-
tion, par atonie musculaire, à l'alimentation, etc.; cependant,
le sens génital paraît plus éveille. Serait-ce à cause de corré-
lations sympathiques entre la peau et le système sexuel, ou
par suite du mode de civilisation? — Personne n'ignore qu'il
existe chez les Arabes une secte d'individus, les Aïssaoua
(du marabout Aïssa, chef de la secte dans le gharb) (l'est),
qui prétendent jouir de la faculté d'acquérir au système nerveux
une insensibilité complète. Ces espèces de convulsionnaires
cataleptiques, qui exploitent la crédulité publique sur les
marchis ou dans les réunions particulières, commencent par
danser, se balancer en tous sens, vociférant le nom d* Allah
(Dieu), puis se frappant différentes parties du corps à grands
coups; ils se balancent de nouveau avec une violence toujours
croissante qu'anime une musique assourdissante de tambou-
rins, entrent bientôt en convulsions, les uns riant, les autres
pleurant, ceux-ci pâles, ceux-là le visage animé, en proie au
plus cruel malaise; alors nouveau mouvement accéléré de la
musique ; les convulsions épilepliques arrivent à leur summum
d'intensité; les hurleurs ne poussent plus que des gémisse-
ments sourds et plaintifs, se soutiennent à peine ; c'est à ce
moment de paroxysme extatique, de délire maniaque où les
bouches se garnissent d'écume, que le chef de lu corporation
— <94 —
leur applique impunément sur la langue des fers rougis à
blanc, ou qu'eux-mêmes se percent les flancs avec des épées,
sautent à pieds-joinls sur des tranchants très bien effilés de
sabres, se mettent dans la bouche des scorpions, des. serpents,
des charbons embrasés, mâchent des couleuvres, livrent lears
corps en toute liberté aux morsures et aux piqûres de ces ani-
maux, etc.l comble de Tengourdissement magnétique, dont le
chef de la bande les retire en leur comprimant de temps en
temps les parois du thorax, etc. Ces Aïssaoua, que Ton
nomme nomme aussi Djeddebin (de djeddeb, mal catalepti-
que), rappellent les Psylles anciens; ils se rendent dans les
maisons où leur présence est jugée nécessaire pour obtenir de
Dieu la guérison d'un mal invétéré, et c'est alors une occasion
de grandes réjouissances pour toute la famille et les amis
qu'elle a invités.
Les phrénologistes trouveront dans l'appareil nerveujt de
l'Arabe ample matière pour expliquer certaines facultés prédo-
minantes par le développement des régions antérieures et supé-
rieures de Pencéphale : ils démontreront de même, sans doute,
comment les instincts semblent remporter sur TintelUgence
chez les Indigènes. Tout ce qu'il convient de dire ici, c'est
qu'une placidité nerveuse naturelle leur permet de supporter
très bien la douleur dans les maladies, les blessures graves,
les accouchements ; pendant les opérations, ils montrent une
impassibilité surprenante, et se bornent à réciter des prières,
à invoquer l'appui du Tout-Puissant.
Quelquefois le despotisme, une discipline autoritaire sévère,
rendent l'Arabe nostalgique : son fanatisme, sa résignation ne
sont qu'apparentes. Son esprit peu cultivé ne lui offre guère
de sujets de réflexion, de résistance morale. Habitué à une vie
libre, mais restreinte, simple et se prêtant à peine aux distrac-
tions, il songe à ses instincts qu'il ne peut plus satisfaire, à
— 19S —
son foyer polygynique, à ses propriétés, à ses chevaux, etc.
Kous en avons observé des exemples chez les chefs indigènes
malades qui venaient passer quelques jours dans un bureau
arabe pour s'y faire soigner.
«Inquiet et remuant, dit M. le D'^ Furnari (1), l'Arabe
porte néanmoins, plus loin que tout autre peuple, l'amour du
sol natal ; et lorsque les suites de la guerre le forcent à s'expa-
trier, la nostalgie s'empare des fugitifs ou des exilés. Cette
maladie est le-plus souvent incurable et même mortelle, si on
laisse l'Arabe dans les mêmes conditions d'existence ; nous
pouvons citer pour exemple ce qui s'est passé cette année à
l'île Ste-Harguerile, dans reffcctif du dépôt des prisonniers
Arabes, la pluspart ex-réguliers de l'émir, et quelques notables
delà tribu des Hachera, Plusieurs individus sont morts de
nostalgie, d'autres ont dû être transférés à la Casbah d'Alger,
dans l'espoir que le voyage, le changement d'air et la possi-
bilité de communiquer avec leurs familles, les rendraient à la
santé. »
Les rapports réciproques du moral et du physique sont trop
importants à considérer, pour qu'un mot paraisse ici déplacé
sur les passions générales de l'Arabe. Examinons donc rapide-
ment ses principaux besoins animaux, intellectuels et sociaux.
D'après le Koran, le cœur serait regardé chez les Musulmans
comme le siège de la conviction religieuse, de la foi, des pas-
sions ; ainsi :
Gb. 11, T. 6. « Dlea a apposé un sceau sur leurs cœurs (aux
infidèles) •
(i) f»)«iye midival dnm l'Jfriqut septentnêfin/r, i845. p. 5.
y
— 496 —
Ch. Il, V. 9. « une Infirmité siège dans lears cœurs et Dieu
ne fera que l'accroître « etc.
1*» Besoins animaux. — Si Ton jugeait le peuple arabe
d'après la plupart de ceux qui, depuis vingt ans, croientécrire
son histoire réelle en se bornant à rexamen des Maures (les
habitants des villes), Tlndigène serait digne, par sa sobriété,
de prendre place parmi les stoïciens et les pylhagoriens. C'est
là une grande erreur qu*il importe de détruire. Un proverbe
arabe dit bien que :
« L'homme a quatre grands ennemis : le diable (M ibUs)^ le
monde (el dénia), Tamour {et acheûq) et Tappétit {et qùbetia). »
Hais la manière de satisfaire ce dernier ne tient guère
compte de cet aphorisme plein de sagesse. Il est, en effeti
généralement admis qu'on mange peu dans les pays. chauds.
Montesquieu pensait que les solides s'y dissipant moins que
les liquides, les iSbres s'usaient moins et demandaient peu de
réparation. Il faut bien aussi remarquer que si dans les climats
chauds le poumon exhale moins d'acide carbonique, la surac-
tivité physiologique du foie produit une sorte de pléthore de
bile décarbonisante qu'il est naturellement indispensable
d'utiliser avec une alimentation suffisante et convenable.
N'oublions pas non plus l'activité fonctionnelle de l'enveloppe
cutanée, les conditions atmosphériques assez mauvaises dans
lesquelles se trouvent l'habitant des plaines et le montagnard.
La sobriété dont on a fait une vertu arabe, n'existe réelleinent
pas el ne saurait exister. « Dans le royaume de Tunis, le Mu-
sulman mange à gogo quand on lui donne (1).i> C'est la même
chose pour l'Arabe algérien. S'il mange peu d'ordinaire, c'eet
que sa paresse, l'état peu avancé de la culture, lu vie nomade,
etc., l'obligent à avoir peu pour se nourrir. Mais dès qu'il
f rouve le moyen de s'ingurgiter des masses «Ife comcows avec
r
(t) Du RoYtuitntdç i'nnti dans iti rapports a*€C VJfgcmt par U U'BaA*Di5 , iSSo.
— 497 —
ane goinfrerie dégoûtanto , il se garde bien de laisser échap-
per l'occasion. Ceux qui ont vécu au milieu des Arabes, des
Kabyles, des habitante dn Sud, ont pu être témoins de ces
accès <kpolyphagie. Il en est de même chez les Touareug :
« Très sobres au besoin, ile resteront deux ou trois jours sans
boire ni manger, plutôt que de manquer un coup de main ;
mais, très gloutons à l'occaaion, ils se dédommageront large-
nient après hraxxia (4). » Les médecins qui ont traite des
Indigènes soit dans les tribus, soit dans les hôpitaux, savent
bien aree quelle difficulté on les soumet à une alimentation
restreinte, et combien il est impossible de leur faire endurer la
diUe : ils préfèrent se sauver de rétablissement ou se sous-
traire à la continuation du traitement chez eux ; et, comme
I*a parfaitement observé aussi le D' Deleau (2], « c*est une
remarque qne chacun a pu faire, l'Arabe pourra impunément
manger dans des cas qui nécessiteraient la diète même pour
nos iwldats. »
On serait porté à penser que le Saharaoui mène une vie
plus sobre; li la nécessité des circonstances le force à rester
queli^aes jours sans nourriture et semble devoir l'habituer
ainn à une grande modération dans la quantité de ses ali-
ments, il prend sa revanche pleinement à l'occasion. Il y a un
fait certain, c'est que les indigestions, les affections gastro-
hépatiques, led diarrhées, qui leur succèdent, sont très fré-
quentes dans la population musultnanc de l'Algérie. Le
Prophète cependant, avait dit :
Gb. in, V. 29. « Mangez et buvez, mais sans excès, car Dieu
ti^aime point ceux qui commettent des excès. »
Nous le demandons maintenant, oii donc est cette sobriété
de l'Arabe? 11 n'a jamais compris le besoin d'une modération
(t) Mimn 9t e^uMMtdt l*Alçrri§, par le général Dakma». p. S63.
(>) T. LU def Mrmoirtt ^eméttçd^ militwrt, i%!^.
— 198 —
volontaire dans la quantité tki mets, au point ih vue de l'hy-
giène; il n'a jamais su rcsisler auv aiguillons bnitanx île J
gourmandise. Où donc alors est sa sobriété? On avouera que
Si elle existe, ce n'est qu'à titre de vertu de nécessité. Quant
la sobriété des liquides, il en sera longueineut question dans
l'hygiène privée.
Le libertinage tire sa source du tempérament bilieux, dé
roisiveté, de la pluralité des femmes, de leur infériorité
sociale, do la prompte efflorescence des organes génitaux, de
Tabus des aptïrodisiaques, etc. La précocité des unionsse\uel-^j
les, dès que les sensations voluptueuses se fout sentir, une vii^^|
toujours en commun qui permet aux jeunes enfants des deux
sexes d'être complaisants entr'eux, éloignent beaucoup les
tendances a Tonanisme; ensuite, ils ne connaissent ni U*ê
occupations professionnelles ni la réclusion dans des ôcolei'
où, livrés à eux-mêmes et privés d'une suffisante surveillance,
ils se sentiraient poussés de bonne heure à ces dispositions.
On a pu le dire avec raison, la femme arabe fait volontiers
commerce do son corps. Habituée dès un âge tendre à se voi
abaissée au rôle d esclave et de simple instrument de pbisii's,
livrée prénialuréinent à des hommes d<!spotes qui la Iraitenl
conuae une marchandise, n'ayant à son aide aucun principe
d'éducalion morale qui la soutienne dans cette série de péni*
blcs épreuves et lui inculque Taversion pour le tice, elle cèdo
prompteuient ti facilement à ses caprices, à ses instincts, à la
possibilité de fuir une existence de mauvais traitement et
d'avoir quelques distractions en dédommagement. Aussi la
prostitution est-elle largement exercée chez Jes Arabes; elle g
se iX'crule généralement parmi les femmes répudiées, — Lofl
grand nombre de filles piihli^fues (]ui exislaient à Alger (3,000, ™
d*a[)rès le capitaine Rozel) lors de la conquête en Î830, l*ba-
hitiidê des janissaires de vivre avec des prostituées, c^le du
hey vi de ses principaux fonctionnaires ifavoir «onstaînment
— 199 —
à leur service de jeunes mignons, prouvent suffisamment à
quel degré le libertinage est poussé en Algérie. Dans les villes,
la fréquentation quotidienne des étuvcs publiques constitue un
prétexte habituel pour les Mauresques, qui ne perdent aucune
occasion de se venger de maris jaFoux et tyranniques. La
iNsauté des jeunes Musulmans, tandis que celle des jeunes
filles et des femmes est masquée parle voile, constitue peut-
être un des principaux motifs des goûts arabes pour la pédé-
i^^e. La dissolution des mœurs allait même, jusqu'en ces
dernières années, à assister avec plaisir au spectacle de
^^rugouis, représentation des plus ignobles et des plus dé-
Sautantes. Les Arabes se bornent aujourd'hui à la contem-
P*Wioii des danseuses mauresques, plus couvertes de parures
f e de vêtements, et qui exécutent, au son monotone du der-
^^^ka (tambourin), des poses et des mouvements lubriques,
^^^t les principaux rappellent diverses phases du rapproche-
'^eniseioel.
Si l'on réfléchit que dans les tribus el chez les Kabyles la
^'^tïie va toujours la figure découverte, la pédérastie paraîtra
'^n plutôt déterminée par la satiété des femmes à laquelle
^^*^cluîl trop facilement la polygynie. Ce serait un nouvel exci-
J^^t pour des imaginations prématurément blasées et pour des
^^'^s qui traitent déjà la femme avec tant de mépris. Le Pro-
^^^e a dit, ch. XII, v. 28 : « Les hommes sont supérieurs
^ femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé
^^X-là au-dessus de celles-ci Les femmes vertueuses sont
hissantes el soumises; elles conserveront soigneusement,
■^^clant l'absence de leurs maris, ce que Dieu a ordonne de
*^^rver intact. Vous réprimanderez celles dont vous aurez à
^^itidre rinobéissancc; vous les reléguerez dans des lits à
*^»*l, vous les battrez, etc. » Un commentateur a d'ailleurs
^^ à propos de la sodomie :
^Cardez-vous de forniquer, car la foralcatlon a quatre résultats:
— il)0 —
elle fait disparaître la beauté du visage, elle prive des moyens <
vivre, elte irrite le Très-Clémeni et entraiiie au feu éterneL »
Mais c*eM encore là une « fox clamantts in déserta, n^
9, Les Musulmans ne considèreol pas les filles pubUqui
comme des êlres dégradés, puisqu'elles fréqtientent les nieil
leures maisons et vont uu\ bains piiiilics iivec leurs propr
femmes. Ils les croieni folles oo frappées d'un mauvaîj
e^pril (1), 1* Les habitants des villes les fournissent dlmbitiKJ
en majorité, les femmes mariées surtout, A Blidah, le doclet
Finot a trouvé, sur 37 prostituées, ai femmes mariées et
filles ; 48 aiaienlëté poussées par la misère, 42 par les mail
vais traitemeiiu. Généralement, elles se prostituent à dater de
H ans, Sur 4,300 filles publiques inscrites en moyeni
annuelle à Alger, de 1838 à 185â, nous comploos i,b\
Musulmanes, savoir : ^,331 Mauresques et femmes arabe!
51 Mulâtresses, 137 Négresses.— A l'exemple des Bédouine
de Djnldali, les fillès des Oultd-Naïls (sud de Médéab) for
de bonne lieuro profession de prostituées. Beaucoup d'indi
gènes préfèrent même pour épouses des femmes qui se soûl
livrées à cette exislena' dépravée» A Tugguri, les jeunes filles
des Oulcd-Naïls ont un endroit particulier pour leur coir
merce, c'est le Drad cl Giiemel (mamelou des poux) (2). Au3(
environs d*Ouerf/la, on Irouve de nombreux lupanars dont
recrutement ^ fait parmi les belles fdles du Sud. Grand nom-*
dre de pédérastes y exercent également leur ilégoùtanlméliei
Los Bém-Amiir (près Sétif), les Ouledou lUbah' (près Bou-1
gîe), les Arazlia (Saliura), etc., se distinguent encore par
leur grande dissolution de mœurs. «(Dans certaines tribusij
noiamriïenl chez les Yt/nifsat, les femmes et les fdles livrée
à la proslitulion payent chaque année, au jour de l'an, unfl
espèce de pulenle qui ne s'élève pas à moins de cinq douros j
fi) T. »,Vr dn Mem, ,/e mtJ, m*tiL, p. 3i» D' FilfOi.
t%) iUruÊ 4« VOfifM, i. il, p. i»ï|.
^=^o! —
■Iprgeiit c4 viirsé m ivé^v {)ublic. Elles cessùui ilc pa)
«jviuiiiV elles se niaricul; mais cet usage n'est pas général
kaljvlie (!].)» Dans le désort, dt^s Arabes ne craigoer>t poin
d'exploiter leors propres l'cmmes pour augmenler leur avoir «
{lart^rAiIâsoccessités pécuûiaia^s. L^aspeclinfundihuiiformec
l'anus chez quelques prostiluécs Arabes, prouve suflisatinneor
qucksoilomic est également usitée chez les deux sexe*. On
trouve cependant dans quelques tribus des traces de (noralilë
sévère* Ainsi à Ghadamès [Sahara), quand une femme a
^■fdi^orcé, elle ne peut se remarier^ et toute femme prostituée est
^Rimniêdiatemeui cbtssée de h ville i^K Le proverbe arahe dit
^Bbien :
r '
I ce
Ei khciU oublafu outneça ma ieiseifoucfC,
Les c^evatiic, les armes, les femmes do se prêtent pas.
Mais si les Arabes ne prêtent point génoralemenl leurs femmes.
ce n'est pas qu'ils y liennent beauatup. Un motif qui a du
la proslituiion chez les Musulmans, c est le peu de
. de ta loi au sujet des esclaves : « Ne forcez point, dit
k* Koran (S), vos servantes a se prostituer pour vous gagner
les bifim de ce monde, si elles désirent garder leur pudiciltf.
Si quelqu'un les y forrait, Dieu leur pardonnerait à cause de
ï') contrainte. ^ Il sullUdouc que ces esclaves ne désirtut pas
ier leur pudicilcs pour que la prostitution se trouve établie
>ar une vaste échelle : or, chaque Musulman peut avoir autant
Je concubines qu'il en peut nourrir! I — Eu résumé, o*esl à
1' ''- •■^■< '^ 'i libertinage public el privé qu*il faut rapparier la
■:■ la stérilité, désaffections utérines» de Timpuis-
sance, des malailies des voies urjnaires, la propagation et
l'ifiTétéralion de la syphilis, le grand nombre d\idultère>,
; 15
— 302 —
rd^VôTtcmc^nls, clc., cHie profonde imlôleiice acquise à la co
liltilion arabe par de (rnp fréquentes déperdilions séminal
, et îierveuses.
Que dire des besoins intellectuels de rArabeî II est Musu
[iïian, en d'autres termes résigné (de islam, résignation)
[mot résuoie parfaitement le fond du caractère national» un
ilacilc et stérilisante souniissioo absolue aux faits que l
rcroyances de la prédestinalion lui imposent c^mnie de co
plantes émanations des décrets du Tout-Puissant. Quelle serait
^donc la nécessilé de scruter la nature, dVUudier ses phcn
^inènes, de tenter un développement quelconque de rintelli{
jence, puisque rintervention de la volonté divine est perm
[nento? Quel faible humain aurait la témérité de songer seulc-
lent à lutter contre une telle influence céleste î « On ne secoue
[pas facilement la croyance qui nous a servi de lange ai
Uberceau, surtout quand celte croyance vous suit dans la virilil
Cet préside à tous les développements de votre intelligence
iCette permanence de conviction chez TArabe est néanmoins h"
Iconséquence des conditions dans lesquelles il vit. Chez lui, I
[idées de renfance sont celles qu'il retrouve dans le monde
[chaque âge de la vie; et Tinstruction qu'il acquiert dans T:
lûr ne fait que les fortifier. Aucune lumière obliqua et
Inattendue ne vient éclairer ses erreurs; et il meurt vieillard
Tavecses convictions déjeune liomme [I). >>
Ce fatalisme, sorte de monomanie superstitieuse, v
tellement enraciné dans le caractère musulman^ qu'un Ara
ne saurait se lever, se coucher, s'asseoir, manger, faire n'iw
porte quoi, sans dire : a Bùm'illak (au nom de Dieu). » E
est-il pour cela plus religieux (2)? non ; il sait h peine quel-
(t) Ucomii»«Ji^ant A< RicnAROt étwln tur rtnâumctt^n dm Dkûrt, iS46«
(a) De lout«s le» scctea mibiulinMm^, quatre «cutritiem ionl orUiodo^vc». d'actord twev 1
Sonnit et 1« Korû», ei «n ileburt <l«*qndle» ou i»t lior^iiquc. Nous n'avoiu en Ji1|éri« t|iie 1
Matikitwt f il« ^m\t\, VI H* sikln); In Tartt tout ttantjttts / il jr a encorv 1m Gmfntê» ^ I
:>niH
ait
'1
c-
ie
I
ta
i
_ 203 —
cjues prières, suit mal et ne comprend pas davantage sa
religion. « On dit qu'il y a des tribus kabyles où les gens
p^auvres ne craignent point de manger du sanglier. Ils boivent
;K^resque tous de l'cau-de-vie de figue fabriquée par les juifs,
<~fiii sont en grand nombre dans le pays (1). »
Nous avons, au début de cet ouvrage, esquissé en peu de
'Kidots Vétat de Tinstruction publique musulmane : encore
ï 'avons-nous présentée sous le jour le plus favorable. C'est ici
B e lieo d'avouer que l'éducation intellectuelle de TArabc est à
^u près nulle. A Alger, sur beaucoup d^écolcs indigènes, une
seulement est destinée aux jeunes filles mauresques, encore est-
«lle d'institution française et dirigée par une Française. Que
doit-ce être dans les autres villes, à plus forte raison dans les
tribus, les campagnes I La polygamie, la précocité des unions
sexuelles, l'absence de toute éducation réduisent les femmes à
rétat de brutes, d'esclaves qui font des enfants, mais ne savent
pas les élever. Aucune d'elles ne connaît la lecture ni récri-
ture. Les occupations domestiques, la cuisine, le tissage de la
laine, la confection des vêtements, le soin des animaux, voilà
toutelenr existence II Cette rouille générale de rintclligence
n'est-elle point la source de toutes les misères, de toutes les
soufihtnces physiques, de tous les vices les plus dégradants?
Elle détruit les aiguillons de Tespérance, elle paralyse toute
idée d'entreprises, d'harmonisation des devoirs avec les besoins ;
elle tarit tout élan de conception. Alors l'esprit, forcé de
s'exercer sans but utile et convenable, s'arrête aux choses les
plus futiles, les première^enues : s'il n'en trouve pas à son
gré, il les invente; delà le fond rêveur, poétique, imaginatif,
désordonné de l'esprit Arabe, dont la finesse ne peut être niée,
mais auquel il manque de l'étoffe, en un mot, de la pénétra-
lion. Au début de cet ouvrage, nous avons rapporté les élo-
'i) /.« straujf h'afi./if. p.ir !•> i;éiiAral I)*rit*t, p. S'»
- ifOl — I
qnentes purules du Proplit'Us àos bellcb exliurlalions a &cj-s
corrcligionnaircs pour les encourager au iravail, à Téluilc?.
Parmi tous les savants qui ont réitéré les mêmes conseils, no^jms
citerons avec plaisir El-Syouù (t). « Rechercher la scien&€3,
dit-il, est une obligation imposée à tout Musulman.... CcL «ai
qui, ayant pu se livrer à Téludc de la science, ne s*y sera poi Kit
livré, et celui qui aura enseigné une science dont ses auditeik t$
auront profité lui exceptéj gémiront au jour dernier.... Lors-
que l'homme meurt, ce qui \ienlde lui périt avec lui, Irois^
choses exceptées : {^ Taumône qu'il a faite; 2^ la seicace
dont on retire de l'utilité ; 3*^ un enfant vertueux pour lequel
on adresse des vœux à Dieu Lorsque les Arabes seront dstus
l'abaissement, l'islamisme y sera également » — On ^*^
saurait en douter, c'est l'absence de toute force morale, infuse
par une éducation solide, qui donne de la pusillanimiié ^^
caractère arabe : manquant de base, d'appui, il flotte constaJ^'
ment dans les incertitudes de l'ignorance, et se jette aveugla'
ment dans les dédales de la superstition. Cette vacillali^^
permanentede lacrainte des châtiments célestes détermine u^^
forte perturbation dans l'économie, elle débilite profondcnticï^*
et aboutit à l'égoïsme, à un individualisme exagéré d'o^i naît ^^
despotisme. M. le D'Baudens (2) a rapporté le fait d'un chef d^^^
Iladjoutes qui, dans une dispute, avait menacé du bras un vieiF ^
marabout de Koléah; ce dernier lui dit qu'il allait prierDieud "*^
lui faire perdre ce même membre. Quelques jours après, dan -^
une faniazzia, le chef arabe a la main abîmée par l'éclat dtf
son fusil trop chargé. Pendant soi#.traitement, le marabou
meurt subitement. Changeant de figure à celte nouvelle, le^^
blessé s'écria devant son docteur : « Le ciel, en punissant
l'auteur d'un vœu cabalistique, t'a choisi pour en réparer le
mal. » — C'est toujours le mcktoub (écrit) I — On le comprend
(i) ('.oiiiiiHMil.-itciir ilu Kor.iii, mort en K};\|itc rii iTinj.
im
uiMîiiieii^ c^mi à railiance de atic igtionmce [iruioDiJe hhc
une Mipenlilion facile que le touhibe doit d^rdiioeinmit la
Imulc vénérallon que lut pro^Kgue FArabe en toutes ctrcoos-
r inent de ^ $ouif*nr
.,. , ..VM.... a».., .43 qui flaii. .-. 1-U1.-. riédecius,
le /)A>raod respect du Muîîulman pour 1* i le* fous
l*apaa d'autre origine — Daiutre part, u rioattion inleU
luciuelle répoud rinncUon musculaire* L'Arabe est indolent,
(laresseux : il trouve dans la mollesse d*un r^--^ - t "tant une
jtiuiÀ."^nce toute êpicnriennc, e( dans la vie cl ^ r, au sein
iV une nature toujours riche, toutes les âatiâfaction^ faciles de
l'esprit. Le prophète ^tfoAammerf, comprenant tout le danger
de cette indolenc^^ accrne par Tinfluence du climat, avait
prescrit : « Dans les forles chaleurs, rafraîchissez-vous par ta
prAte. >» Lc« comTnentaieurs répetcrenl : « La prière est
mcjH le sommeit.... Beaucoup de Musulmans perdent,
en se i.ii7>ajii dominer par le sommeil, le mérite et les bénéfices
de la prière da malin^ faite ail moment canonique, h (C^est à-
diredepuiis rapparilion réelle de Tau rore jusqu'au degré le
pins aYancé du crépuscule mafinaK) Et malgré ces pres-
cripVi "* T oà au ^in d'une crïarïde sagesse hygiéuiciue,
les A f (bitudc de faire la sieste, de dormir quelque:^
heures de méridienne. Serait-ce le peu de moyens i|tj'jls oui
de résister convenablemenl à la chaleur, Tabsena^ d ombrages
-^ "^ ^ chez \gs nomades, par exemple, qui leur auraient
u.i , _ I ire et continuer cette coutume? C'est peu probable,
c%ar dans les villages voisins des forêts, des bois, ou pourvus
dliflWlallons suflisantes, dans les oasis parsemées de palmiersj
nodîgêne ne manque point de se livrer ati sommeil ilans le
lilieu et h plusieurs in^iaiits Ju jour Un/.
îlant du jugement detnier (1) :
'i >ti ut l'tf
llli l^ll
Kh \%V.r.»»ï
— 2«»6 —
■ Ce joor-là les botes da i>aradls auront un beau lieu de reim et
un endroit délicieux pour prendre la méndieÊÊme..... Gélébrei Uea
à rentrée de la nuit, et quand tous tous repoeex à midi.... (1), •
Ce qui semblerait indiquer que le besoin d'un repos.plos oa
moins prolongé pour réparer les forces, est nécessité par le
climat lui-même. Cette indolence, pour ainsi dire nationtle,
se trouve encore entretenue par la défense des mou?eiKDt&
actifs de la danse. Outre que le Prophète défend aux femma
de montrer leurs jambes,
c Que les femmes D*agftent point les pieds de manière IOUtb voir
leurs ornements cachés (3), ■
outre que la réclusion ordinaire des femmes, par suite de U
jalousie maritale, les éloigne de toute distraction prise en
commun dans la société, le Koran ne parle ni des plaisirs de
la musique ni de ceux de la danse. Ces pratiques étaient cdpG^^'
danl mêlées par les Egyptiens et les Juifs aux cérémofûc^
religieuses; et l'art des accords et la chorégraphie eussent ^^
d'excellents moyens pour entretenir la souplesse, Ténerg^*
musculaire, réagir conlrc la paresse instinctive que donao *®
climat, cl forcer rindigcnc à jouir, par Faction même» de ^^
plaisirs qu'il ne goûte rarement que par la vue et Touïe» To*^
la musique arabe se résume dans le derbouka (tambourin) ^
le kosba (roseau à plusieurs trous); et Tart chorégraphia^
n'est traditionnellement conserve que par quelques bayadè^^
prostituées dans les cafés publics ou dans des réunions tou^^
particulières. Aussi, dans les fêtes, dont l'institution génér^^
a pour but de procurer au corps comme à l'esprit un rej^^
nécessité par les fatigues et les occupations quotidiennes, ' ^
Arabes sont assez avares de divertissements. Le vendr^^
(djcmda. r'ost-à-dire assemblerai se trouve affecte aux prière
^i) Kiir.iii. (II. \\ V. \ . 17.
»> hl. ih. WIV. \. .î|
— 207 —
3l, dans les villes, à de simples visites de polilesse, soU dans les
laroilles, soit dans les cimetières. Presque jamais do distrac-
tions publiques le samedi {sebty c'est-à-dire septième, sabbat
Jes Juib)y jour consacré au repos. Le mercredi, les écoles sont
rennées l'après-midi. Les fêtes principales comprennent : 4^
rAid el Kebir (la fête grande), qui dure troisjours au douzième
Bois ; chaque famille immole ordinairement un mouton, un
txBuf ou un chameau pour la rémission des péchés; — 2?
VAïd el Seghir (la fêle petite) : trois jours pendant lesquels
)n consacre la rupture du jeûne par de grandes réjouissances
publiques et privées, poussées souvent jusqu'aux excès les
plus funestes. L'influence de ces deux fêtes sur la santé publi-
^ est on ne peut plus pernicieuse. C'est ainsi qu'en 1849 la
iolncidence de.la première avec le choléra a été marquée sur
Ausîeurs points par une recrudescence dans la mortalité ; —
1^ rAïd tl Mùuloud, anniversaire de la naissance du Prophète :
e joor-là on s'asperge dans les rues avec de l'eau de senteur;
» Arabes des campagnes font beaucoup parler la poudre, et
» Nègres parcourent les localités avec une musique des plus
saourdissantes de derboukas et de khakheub (énormes
asiagneties), et en dansant comme des fous.
Parmi les fêtes traditionnelles, il faut compter : 1® le jour
e I>n, Aid cl Achour (fête de la dîme, des aumônes); 2° Aid
r Ribid (fête du printemps), marquée jadis che^ les Nègres
'Oran par la promenade d'un bœuf gras; 3** V Aid el Foui
fête des fèves, dont on consacre la récolte par des réjouissances
lubliques), au printemps; 4^ TAidelLeben (fêtedu laitaigre),
igalement au printemps, pour célébrer Tabondance du laitage
i cette époque, etc. — M. Bâche (1) a signalé la coutume
rallumer de grands feux et de brûler des parfums sur les
«nusses, les jours du commencement derélo; les processions
^i} Du :atcruintt arnfn mn'ufman, [>• a?.
— 208 —
faîles pour ap|)L*ler lu bénéiliclion do Dieu, ol, dans les épcx^u^s ,
de sécllLTesse, les jH^!crinagesi]ansclia(|Lir iribii aux koubinui
(chapelles) qui renfcrinout la déponiMi' (run hiamlinni fîi
— Mohammed a dit :
t Tôt) te espèce d'amusement doit être interdite comme flrlvote, ^
excepté rexercice de Parc, le maniement du cheval et les plafâlrt]
pris en famille. Les eofants ont le droit de demander à leurs paroaU \
qu^on leur enseigne à lire, à nager et à tirer de rare..*. O croyants,
les jeux du hasard sont une abûmiuatlon ïuventée par S&taii ;
abstenez- vous-en, et vous serez heureux (1). »
Le Prophète, en bornant aux assemblées religieuses le$
réunions plus ou moins aonibrcuses des Ûdèles, aurait-il voulu
éviter les querelles, les dissensions et leurs conséquences aux*^
quelies ne manqueraient pas de pri'dis[)oser rinfluenc^î clima-
lêrique, le tempérament bilieux, et l'absence de toute éduca-
tion moitiie'? Nous verrons plu$ loin comment r«xerciw m\
actuel lement compris cbcz les Arabes. Bornons-nous à dire ieii]
que leurs goûts sonl exlromes; ou le repos complet avec loj
sommeil, le^ enivrements du ^rtcAirA, du tabac, le café, les!
purfums, lopium, les contes, etc.; ou bien les courses agitées!
et fougueuses des faniazxias, des chasses, des ôimulalionsdft^
la guerre. Pas de terme moyen, pas de promenades tTanquilles.
Les Indigènes algéiû^ns pratiquent celle devise dos Indiens :]
« Le repos c.^t \r but de toutes clioses, lu félicité suprême ;
riuaclion est l'état parfait à atteindre. y> Ne nous étonnons pasj
alors que la terre soit peu collivée, et que les derwichcs, k
moines les marabouts pullulent dans de telles contrées, oii'
lorguci! devient le tik nalurel de la paresse.
Somme toute, rindolence nationale, poussée jasqu*à l'im-
mutabilité en matière de coutumes, de moajrs, engeîidro uf
^at slalionnaire qui entretient loiëîveté, n'aboutit qu*^
i
régne des^ ^us ci Ac$ vcilupies briilale^. Tai u't**! jJuâ uiu^ %ie
eonime les lois oatu relient, muralos, la pcmiL*t(enL el la vculeni :
.'est uDicpnrem siojple végétait an. « La tnfilk^iie el Totsivcié
UtiESsaflt égaleiîjent les règles de la pieté el les devoirs tte la
vjodvtte, et le citosej» inulilc iiVsi pus moins proscril par
i^fiangile que {lar la Société (Ua^^illoo). i^ Les facultés, les
^*iiUiii»l£t sm\% ctH^e àiteinis dans Icâ lourdes chaînes des
pféîofE^, ne saaraicnt être gouvernes par Tindividu qui ubcil
À une direction despotique, car le cri de la misoD est sao^
cmae étouttù par le cii de riiabitude el de ia Iradîlion. Che^
iMft les peuples^ tes mœurs^ les usages, h$ coutumes préoè-
dent Ic^ lais^ et ces dernières ne sauraieal éta* progreâsivp-
mCQl modîflr ' : ' n tout entière au climat el aux
pusiots. Lu . in»J«>lcncii elimalérique sur U
moirulilé ne «aurait éatt récusée, « La mortalilô parmi tes
Mmnrm, écrinit on 1834 leur chirurgieo-inajar (1), est
Tuoimlra pm|)ûrtionnellement que parmi le$ autres corps cfc
VBTméc^ Ce que j attribue à la vie active *|ue mènent ces honi-
tnes, ainsi qu'à Tiisage du café. ^»
3** Rejoins ^eiaux. — L*Arabe, a-t-il été dit pitts haut, mi
et» fourbe, hypncritef menteur,
.Miii'.Aiu -, iiKx.utul, nalleur, porlé au vol et à la
Éon. Comment serait-il susceptible d amilié, d*amour t
Obligé do surveiller de^ femmes c^instainuient en querelle,^ de
faire régiKT la iranqutllîlé dans ce tit»upeau polvgvnique qu'il
r ": -nde d'autant plu:i en diîspote que lu lente» le gourbi,
se baraque en lent' ^onl insuffisants pour ciaîtrcrlexis-
ience ilpmesliquc, il osl naturellement jaloux! Visitez le$
lillfs, totîs jû') trauverciî pas une $eule Mauresque tenant
boutique, fesaot un commerce public. Dans les iribusp rjndi-
«I
\r^Ur>k itiMfii t|iit lr« ti9bK<ijtU jUi Sahara ijoivcm» l*i»rmédiaiM<lé H Io«kf eriMiiU
ilf ta«lMU 4« vl»«iii«*«i. «ujwt <ini |kum pont Uti^tK rt ir^ itelit»*
lÉ
— 210 —
gène se rend-il au marché avec uoe de ses femmes il choisit
la plus vieille, la plus décrépie, de crainte qo*UDe autre n'ins-
pire des désirs. Cette jalousie, cet orgueil despotique, qui ont
créé les gynécées des Grecs, les harems et Jes sérails dans
rOrient, maintiennent la femme dans la condition la pins
abjecte, et contrastent singulièrement avec la liberté modelée
qu'elle obtient dans d'autres contrées, oii elle se tixrafe par
cela même plus respectée. Mal élevé, peu galant, puisqu'il ne
voit qne le côté physique de l'amour et qu'il donne tout a la
sensation au détriment du sentiment, l'Arabe accorde à sa
passion toute la bnilalité et Tégoïsme de son caractère ; c'est
de la fureur génitale proprement dite, aiguillonnée par un
farouche amour-propre. Certainement il se montre plus fier
de ses chevaux que de la jeune et la belle fille qu*îl vient
d'acheter. Il est permis de donner cours à toute admiralion
pour quelques vestiges de poésie très riche, très colorée, que
l'on retrouve dans les chants arabes; mais, outre que de telles
œuvres ne sortent guère plus du cerveau de nos Indigènes
actuels, ils n'en sentent réellement point le même charme, ils
ne leur accordent point la même valeur passionnée que nos
mœurs, nos goûts nous y font trouver. Ne faisons pas, ne
voyons pas les Indigènes plus poétiques qu'ils le sont, et ils
le sont fort peu en réalité.
Est-ce à la vanité ou à la paresse qu'il faut rapporter le peu
de soins de l'Arabe pour la propreté du corps, des vêtements,
de l'habitation, etc.? A peine trouve-t-on des cuillères en bois
pour manger le couscouss ; les Indigènes riches et les étran-
gers s'en servent seuls. La viande se déchire avec les doigts de
chacun. La fourchette n'a pas encore reçu ses lettres de natu-
ralisation chez les Arabes. L'eau à boire se sert dans un vase
commun, etc. ^
— 211 —
CHAPITRE II.
HYfiliNE PUBLIQUE.
Il semble bien diiBcilc, bien délicat surtout, de juger
impartialement les pratiques d*hygiène d'un autre peuple, car
quelque soin, quciqu'attenlion soutenue qu'on y apporte, il
n'est pas toujours aisé de se rendre un compte scrupuleuse-
ment exact des nécessités, des motifs de tel ou tel précepte, et
Ton doit regarder comme presqu*impossible de se mettre com-
plètement à la place d'une population dont la situation clima-
térique, les croyances religieuses, les habitudes offrent tant de
contrastes avec celles dans lesquelles nous avons été élevés et
Jans lesquelles nous avons grandi. « Ce qui est hors des
gonds de la coustume, a ditBloutaignc, on le croit hors des
gonds de la raison. » — m Tous les étrangers ne sont point
barbares, observe Labruyère (1), et tous nos compatriotes ne
sont pas civilisés Avec un langage si pur, une si grande
recherche dans nos babils, des mœurs si cultivées, de si belles
loi» et un visage blanc, nous sommes barbares pour quelques
peuples. Si nous entendions dire dos Orientaux qu'ils boivent
ordinairement d'une liqueur qui leur monte à la tête, leur
•; Ca'aiU'tt el »frt,i, du ^ihlf, ch. \il
— H2 —
fait perdre la raism et les l'ail vomir, nous dirions : Cela est
bien barbare. » C'est pénétre de telles grandes vérités que
nous avons abordé l'examen des coutumes hygiéniques des
Indigènes musulmans de l'Algérie.
Dès l'origine des nations, l'on a senti la nécessité de placer
dans les attributions d'une autorité forte, pure, et, par consé-
quent, respectable aux yeux do tous, Tinitiative et la surveil-
lance des devoirs que les intérêts sanitaires publics et privés
exigeaient impérieusement de cliaque membre de la société.
Tout naturellement, le pouvoir religieux se trouva chargé de
ce soin, et ses premiers préceptes n'en furent que plus légiti-
mes aux yeux des masses par le caractère sacré, divin, qu'ils
empruntaient à cette origine (l). Mohammed le comprit par-
faitement, et agit avec une profonde sagesse lorsqu'ea donnant
des conseils et des obligations à un peuple entraîné vers les
excès par rîgnorance et sans doute aussi par un climat brû-
lant, il fusionna intimement la loi civile et religieuse dans un
code unitaire, présenté comme une révélation céleste. A vrai
dire, leKoran, c'est la matrice physique et morale du Musul-
man envisagé soit comme peuple, soit comme individu; de là,
répétons-le, l'utilité de sa méditation. Seulement, on devra
remarquer que le fond de toutes les mesures d'hygiène qu'il
renferme sont moins le produit des nécessités clîmatériqoos
réelles que celui de la position particulière sociale, commer-
ciale, misérable, des habilanls de l'Arabie. Comme Ta fait
observer avec justesse M. Carelte (2), la religion musulmane
est l'ouvrage d'un chamelier.
Il ne suffit cependant pas à un peuple d'avoir des lois, de
leur obéir : il faut encore qu'il comprenne l'importance, la
(i) Si MiilsK «t MoMàMMEit invmiuôrciti riiiflurjur «Uviuc. Lvut.tL parla au nom JalA
j>atrie, Him-oi-katk au Udiii fie la itnliirc.
(ï) Commune -U l'Jh'>-e mcutih'inir, Y> i^J
— 213 —
valeur, le but, la raison de ces lois, sans quof il Tes exécutera
•on aveugle, par pure forme, et rintention du légiglateur se
trouvera manquée. C'est Tinconvénient des codes civil et reli-
gieux mélangés cntr'eux : là où h foi domine tout, il n') a
plus de part pour la raison et l'intelligence des actes; on
Q*obéit plus qu'automatiquement à la tradition, qu'aux ordres
de Dieu. La fatalité a tellement faussé le regard qu'on ne
sent plus le côté rationnel ou opportun des choses. On a dit
que les religions étaient faites pour les climats; c'est une
question. La religion doit être adaptée aux mœurs, au progrès
de la civilisation des peuples. Le Christianisme en effet, dont
le berceau fut la Palestine, régna longtemps en Asie et règne
aujourd'hui en Russie.
Nous examinerons aussi complètement que possible toutes
les dispositions d'hygiène publique et privée que contient la
loi musulmane. On remarquera le minutieux des détails dans
lesquels elle est entrée, et nous ne pouvons en donner une
meilleure preuve qu'en citant le passage relatif aux prières en
commun :
«Pour la prière du midi, si les fidèles réunis attendent
encore 'd'autres (idèlcs, ils feront mieux de retailler la prière
jusqu'à ee'que l'ombre dos objets en ait égalé le quart de la
longueur et même davantafgo, surtout quand on veut éviter la
grande chaleur du jour Excepté les cas de chaleur ou de
froid, ou de trop grandes inégalités du sol, laloi blâme dé faire
les prosternations sur un vêlement étalé pour cela par terre....
Il csl blâmable encore on cas de froid, par exemple, dé faire
les prosternations on appuyant la lote sur les rcHefs ou tours
du turban, ou sur rextrémifo de la manche on de toute autre
partie du vêtement (1). »
De telles recommandations pouvonl paraîlre puériles ; niair^
— 214 —
pour les esprits sérieux, qui liendront compte de HgDorance
générale du peuple musulmaD et des influences climatériques
variées dans lesquelles il vit, certainement les circoDstances
détaillées prévues par Tautorité religieuse méritent des éloges.
Un fait irrécusable, c'est que l'hygiène publique révèle, dans
tout réclat de la vérité, le degré de civilisation d'un peuple.
Vue dans le Koran et le^ commentateurs, c'est-à-dire dans àes
détails officiels, celle de la nation arabe est admirable ; mjûs,
vue en pratique, dans l'application, quel contraste I Ce que les
coutumes indigènes offrent aujourd'hui à notre examieii ne
répond guère aux institutions d'un passé peu éloigné. Ainsi,
pour ne citer qu'un fait, il n'y a pas deux siècles on comptait
à Alger 62 bains, dont les deux plus beaux avaient des cbamr-
bres garnies pavées de marbre, avec des tuyaux par où l'on
fesait couler de l'eau chaude cl de l'eau froide (1). On trouve-
rait à peine aujourd'hui, dans cette capitale, quelques échan-
tillons convenables de ces utiles établissements, et encore dans
quel état III — Il ne faut donc point s'attendre à rencontrer
chez les Arabes cette organisation tutélaire et toute naturelle
d'une autorité qui s'occupe de pensée ou de fait, de la qualité
des denrées alimentaires, des conditions de salubrité de la
voierie et des édifices publics, de la disparition *des foyers
d'émanations dangereuses, de l'atténuation des ravages annuels
des épidémies, de la variole, par des moyens prophylactiques,
de l'emplacement convenable des tribus, des villages, de Vad-
ministration des premiers secours destinés à arrêter les progrès
d'affections désastreuses et à calmer en même temps le moral
de populations facilement effrayées (2), etc. Quelques-unes de
ces graves questions, indiquées et résolues dans la loi musul-
(i) Relation uairgrselie de l'Afrique anc. et moj., par Db Là Caoïx, i6€8. t. H, p. 5o.
(a) Aiuri rAfriqae septentrionale a-t-elle tonjonn on ta large part dans la pathogénie «les
épidémies. Voyez, h ce si^'et, D' Gutoh. Histoire chronologique des épidémies Jm nord de
l'Àfnque, depuis les temps le i plus rrculr't Jusqu'à not jours, Alfcer, iSSj.
— 2<5 —
mane, n*ont actuellement aucune ressource d^application
précise, de solution réalisable.
Quand on examine les idées qui ont dominé les civilisations
antique et moderne, on découvre aisément deux principes bien
trancbés. Le Paganisme, prenant pour point de départ le per-
fectionnement physique, s'imprégnait d'un cachet matérialiste
qui se reflétait dans l'éducation presque spéciale du corps. Le
Chri^aoisme, au contraire, cherchant à subordonner d'une
manière assez exclusive la matière à Tesprit, a imposé comme
devoir la lutte constante contre le corps au moyen des jeûnes,
des mortifications variées, de la vie monastique, etc. Et,
cependant, la santé morale et la santé physique combinées,
peuvent seules engendrer cette harmonie fonctionnelle, base
du bonheur réel et de la vertu. Entre les deux systèmes pré-
cités, et dont l'exagération des tendances serait tout-à-fait
contraîire aox vœux de la création, la vérité et la raison ne
feraient-elles pas un devoir de placer le Mahométisme, qui a
cherché de son mieux à concilier les droits et les devoirs du
corps avec les droits et les devoirs de l'esprit ? Les pages qui
vont suivre prouveront peut-être que le Prophète Mohammed
sut, avec une merveilleuse sagesse, imposer à son peuple un
système d'éducation dans lequel les appétits matériels et intel-
lectuels devaient trouver une égale satisfaction, telles que
l'organisation complète de l'homme l'exige, telle surtout que
les temps, les lieux, les hommes le comportaient et l'exigeaient
à Vépoque de Vhigyre, La glorieuse page, que conquit bientôt
la nation arabe dans l'histoire du monde, en serait la preuve
la plus éclatante. On ne devra donc pas attribuer à l'influence
du dogme religieux le triste état actuel de l'hygiène chez les
Arabes. Le Musulman, abandonné par des princes ambitieux
et inhabiles, a dû oublier que si Dieu a créé des lois qui pré-
sident en particulier aux diverses fonctions de l'économie
humaine, il a donné en même temps à l'homme une intelli-
genct» pour les inoililier, It's tlirigcM convenablemonl ^^orm. \^
intérêts <le la race, <l(» la nafioD et do rindiviilii.
\
Toutes lesqueslions de chiilVes, de .slatisli(]uos, si inte^^véres-
santés et si utiles pour le législateur qui leur denianL wilc le
critérium des institutions sociales, ont été jusqu'ici con^^up'c*
tement insolubles chez les populations musulmanes. Le
fervent disciple du Koran est trop jaloux du profond niyss- stère
dans lequel il enfouit les secrets de son existence et de sg^m v/e
domestique, poui' permettre la moindre investigation don^^^'ri-
licre, le moindre renseignement, môme oral, sur sa lam — ^Ho,
C'est un moyen pour lui d'échapper à l'autorité despol^^Qt'*'^
qui a toujours pesé si lourdement sur ses intérêts, elsi sou '^'cni
au simple titre de caprice et de vexation. Aussi venl-il que J*oi\
respecte son fover, qu'aucun regard étranger ne parvie^^^^^
jusqu'à ses femmes, que son intérieur soit comme un sm^^^^
sacré dans lequel il puisse méditer et iuaver en sûreté
vengeance d'un chef abhoirc, ou aiguiser de nouveaux trfl-^**
contre ses injustices. Tout dénombrement lui répugne, en ^ -^*^
mot. L'étîit-civil e.^t donc tout i importer dans les mœu^^^^
musulmanes. L'Arabe iw sait même pas le tem ps écoulé dcpuc
sa naissance, il y apeul-rin' uni' aulro raison qui fait que le -^^^^
recherches statistiques uni toujours répugné aux Slahométaus ''
c'est un préjugé i|ui aura bien pu leur être transmis paiJ^ ^
les Hébreux. Ce dernier peuple ne fiil-il pas, d'après l'histoire, -^
frappé d'une |)esle di^s plu.s nieurlrières'iKirce que David avait ^
fait son dénombremenr ? i.ejii.laïsnie a très .souvent in.spirc
Mahomet, il ne faut pas i'uuhlicr. On lit dans une relation
sur les établissements hollandais en Asie (1), par le capitaine
s
'l^ Mnnn'.;
— an —
eortette Dïïbôuzel : k On n'a pas o&é jusqu'ici. danT
raintc de trop froisser les préjugés du peuple, élaWir i
î. Les Javanais* comme tous les
Mabométans, ignorent donc leur ige, et le gooTernemeui a<ï
trouve ainsi privé du meilleur moyen qu'il aurait pour établir
un recensemcnl exact de la population. )> Les Arabes et Iw
Kabyles, comme l'a fort bien dil M. Carette (t), nai^isent et
meurent sans cpie la société à laquelle il^ appartiennent
ëproore» en aucune façon, le besoin d'ouvrir un compte ik<
profits et perles.
La naissance d'il a cnlaui ♦Maie r>^ un j^ir de f^le pour la
famille chez les Arabes, et pour toute la tribu cbez les Kabyles.
La venue d'une fille semble à peine remarquée. Celte coutume
f!iL\staU aussi ebC2 les Hébreux, qui prélendaienl que la femme
qui met i î ' un garçon reste impure trente-trois jours,
et sûixan:. -... j iirs si elle fait une fille. Du reste, JtfoA(7mmerf,
qui abolit Tusage de sacrifier les enfants aux idoles, défendit
aussi Taneienne habitude d'enterrer vivantes les jeunes filles,
coutume amenée par la crainte de la misère, du dérèglement
moral ou de la captivité. ^ Nous vous avuns délivrés, dit le
Koran(î),de la famille dePharaon^qui vous infligeait de cruels
siipplices ; on immolait vos enfants et Ton n'épargnait que
^«s filles.... » Si l'on se rappelle, ajouta M. Kasiiiiîrski dans
'a traduction du Korau, que les Arabes idolâtres regardaient
^<>iiime une calamilé la naissance d'une fille, ou avouera
9**'oa ne pouvait jeter plus de défaveur sur un prince idolâtre
^' ^«Tipie (dont Pharaon est le type), qu'en insistant sur celte
^•*P^ce de préférence donnée aux filles sur les garçons.
l-a diminution de la population musulmane, en Algérie,
P^^^ît un fait certain. Ainsi, Alger avait 75,000 habitants au
^nCIl U. % 46
— 848
>mmfncomen( du \YUV siècle, et 35,0()0 seulemoii
1830, En 1838, ties invesligaLions, forcénienl inromplèles
st vrai, en évaluaient le cliiffre à 12,300; au 31 deccmlir
liSly% il se réduit ii 10,675, — La seule ville de Blidali,
d'après Sclia\\, avait, en 1710, 20,000 liabitans ! — La ville
deTleincen a eu. dil-on, 200^000 habilants; on y a niêmo^
compté au X*' siècle 160,000 maisons liabitécs, et il y exislailH
un grantl marché pour la poudi'e d'or. D*après le docteur
Catïibay (1), cette ville aurait aujourd'hui de 7 à 8,000 Indi-^H
{^ènes, — Mascara et ses faubourgs renferu^aienl autrefois,^
disent les Arabes» autant de familles ([u'on compte de grains
de raisin dans les vignes qui renvironnenl. Le docteur
Haspel (2) ajoute que sa population actuelle est de 2,6Hè
Indigènes. — On trouve k peine 800 Musulmans àHilianah l
etc. Ainsi done^ la population indigène est loin d être conden
sée en Algérie, D'après M, Renou, en y comprenant les vil
lagcs d*El Goléa, iVOuatân et la tribu des Ckamia, ell
aurait une superficie de 4,700 myriamètres carrés, et serait
moindre d'un dixième seulemeol que la France. La popula-
non indigène de TAlgéne, au 1" janvier 1852, était d
2,4-jO,00O âmes. Le Sahara comprendrait, d'après M, O,
Maccarthy, 500,000 liabitanls environ, et le Tel! 2,000,000
ce qui donnerait un peu plus de 14 individus par kiloinclrc
carré. Or, le département de France le moins peuplé en a
U\ (3) L'Algénc serait donc huit fois moins peuplée que la
France 1 En Turquie, la proportion est de 3âi individus par
lieue carrée de 25 au degré; dans TAmériqui^ méridionale, de
21 seulement; en Chine, de 1,172; dans FEgvpUi cultivée,
de 1,767.
Dans l'impossibilité iVim calcul complet concernant
(ïXT. XXXXU âr\ AUm. dt méd. Htittt,
• (i) T V[U di U 1" t^rie <lo Mtm, à* méd. mtUt.
(J) Jim******* *f* /'J!ftff(f ftO*,r »»5.|i, p -1.
I
— 219 —
rapports des naissances aux mariages, des décès à la popula-
tion, etc., puisque d'autre pari nulle trace d*élat-civil n'existe
encore daas les tribus et villages, nous allons tenter un aperçu
restreint du même travail pour ce qui concerne seuleniefit les
Arabes habitant les territoires occupés par les Européens.
>àinsî«.au 31 décembre 1852, le nombre des Musulmans
^citadins et population flottante) existant dans les cercles et
<iîstricts français de TAlgérie, comprenait 100,344 individus,
Savoir :
Province d*Oran 21 ,585.
Id. d'Alger 35,133.
Id. deÇonslantine... 43,626.
Ces 400,344 Arabes, décomposés par sexe, donnent :
( J3eWi(1)... 25,077. ) ^^ ^^^
Hommes.} ^ \\^. ^' ,, 31,388.
t Berram(2). 6,311. ) .
( Beldi 20,298. ) ^^ ^^^ ^ ^*'*^
( Beldi 27,593. \ ^^ ,„,
Femmes. „ i koa 1 29,173.
( Berram — 1,580. j i c « oog
( Beldi. 15,801^ ) ,',,
B'dù l'on conclurait qu'en général il y a plus d'individus
du sexe masculin que du sexe féminin dans la population
arabe. En séparant les Berrani des Beldi, et ne calculant que
d*après ces derniers dont la position fixe rend les chiffres plus
positifs, on arrive à un résultat identique. Ainsi :
(i) BêUi» eVst-àdire delà rillr, citadias.
(a) Btrrttnf, c'est-à-dire dn dehors popalntion Bottante. ^
:ii
— *fii —
r^^^m. M MQ . Tolal. . 4o,3T5 du sexe Diasc.
2 i Peffiri;€s. . ?7.593. -, , ^ o«. • e-
^ f r ., . . ^. . Total. . 43.394 du sexe fém.
Fille=. . . . I5,%iil. »
Gomfiarant enfin les cljîflfires dos gardons et des filles daos
le* 'îrcx 5taltstî'{Qe5 précédente, s-iil les Beldi isolés, soit les
BeMi el Bfrrani mis en parallèle, on obtiendrait encore un
chiffre supérieur pour les garçons. Ainsi :
Garçons 20,i98.
'FillJs 15,801.
Garçons 2.770.
BeNi.
Berram.
'Filles 914.
. Belili. . . 20.298. ^.„ . Beldi. . . 15,804 .
•larron- ) ^ ^ Filles} „ ^. .
^Berratii. 2,7 iO. ^B^rrani. 944.
Total.. 23,068. Total.. 16,715.
La difTérencc pourrait être évaluée à un dixicnfie environ
en faveur du sexe masculin; or, en France, elle est d'un sei-
zième, d'après TAnnuaire du bureau des longitudes.
Inlerrogeons d'aulres sources plus restreintes encore, il esl
vrai, mais aussi plus irréprocliables. Depuis le commencement
de 1844 (1) au l*"^ janvier 1854, il est né i Alger, sur 2,828
enfants, 1,449 garçons et 1,379 filles, c'est-à-dire que le
cliilTn» du sexe mâle est toujours supérieur.
Par identité de conditions climatériques, examinons Tétat-
civil des Israélites de la même ville (2). Ilsont eu depuis 1836
au 1®' janvier 1S;)1, sur 3,069 naissances, 1,583 garons et
1,4Sfi tilles. Même résultat (|ue ri-dessus. — En définitive,
il naîtrait donc plus de garçons que de tilles dans la population
musulmane de l'Algérie, soit du»/ |,»s citadins, soit chez les
(i) l^|wi4U«< A bi|iirll» l'iUl rivii^étt «ubli ih«c Wf utu»aliu4U^ d'Alfer.
— 224 —
gens du dehors. — D-un autre côté, M. Thévenot (<) est arrivé
à des résultats cootraires pour la population indigène du
Sénégal, et MM. Martin et Foley (2) ont conclu de leurs re-
cberebessur la population européenne d'Alger : « Alger plus
queliTFrance est favorable à la procréation des enfants du sexe
faminlo. » — Ces désaccords ne pourront trouver d'explication
et de solution définitive que dans une statistique {dus étendue,
plus exacte dans ses éléments. Toutefois, d'après les chiffres
ci-dessus, pn peut, ce nous semble, penser avec M. le docteur
Lévy (8) : « C'est à tort que l'on a considéré la polygamie des
Oneniaux comme une cause d'accroissement des naissances
Céminines. »
11 serait sans doute bien intéressant de rechercher quelle a
pu être ici l'influence* de Tâge des parents, du nombre de
leurs mariages, sur le sexe de l'enfant, — d'examiner quel
sexe domine dans les plaines, dans les pays montagneux, dans
les r8gi<ws-du littoral ou du Sahara, quelle est la proportion
des Daissaôices et des sexes dans les diverses phases de Fâge
de la fécondité, etc. Mais les éléments d'un tel travail man-
quent-complètement et manqueront probablement d'ici long^
temps enoare, malgré tout le soin et l'intelligence qu'appor-
tent dans ks détails de l'état-civil musulman les diverses
autorités chargées de l'administration des Indigènes. Nous
poufons toutefois reconnaître que la proportion, indiquée plus
haut dans les deux sexes, se retrouve formulée dans le même
sens quand on les examine dans chacune des trois provinces.
Ainsi :
Garçons... 10,261. ) **''^*-
j 46,432.
Hommes.. 8,440.
Garçons... 10,261.
Femmes. . 9,815.
Filles.. .. 6,617.
Pr. d'Alger.... < ^ * ^ ooj-
^ l Femmes. . 9,81 o
'i) IV«i/« Jws maMies européenutt dmnt h$ payi thaxul».
(a) Uittûirt statùiitjue tU /« coloninnion aifétitnne, p. 64-
.J) Trnitt d'fiYfiene pi-h/iquc tt priver, t. Il, p. à 17.
gjf
Hommes.. 16,473. , _
, Garçons... 8,077. ♦ •**^^^-
de Constaotioe. { u^JL^, 13001
Femme.... 12,831. Hgo^g.
V Pilles.... 6,245.^ ' ^
1^ Hommes. . 6,475. ^
Garçons... 4,i30. '
Femmes... 6,52i. .
, Filles.... 3,853. ^ '
Quelle est la part des saisons dans les naissances arabes ?
L'examen des 1,199 naissances signalées dans la populalion
musulmane d'Alger, pendant les quatre années 1850| 1851,
1852, 1853,.fait tout d'abord constater que l'année se troure-
rail nettement tranchée en deux saisons au point de vue des
conceptions. Ainsi, d'octobre à mai, les naissances seraient
bien plus fréquentes. On obtient, en effet, en :
Octobre, — norembre, — décembre. — janTier, — février, — mart» -* anH,
113naiss. 107. 102. 137. 123. 143. 109.
Total, 804 naissances sur 1,199, c'est-à-dire les 2/3, tandis
que les autres mois ne présentent que 395 naissances, savoir :
Mai, ^- juin. >- jaillet, — août, -> septenbN,
82. 68. 92. 73. 80.
Ce qui revient à dire que le maximum des conceptions aurait
lieu depuis février jusqu'à la fîn d'août. Ces faits semblent
concorder avec les observations de MM. Martin et Foley (loc.
cit. p. 68), et d'aprçs lesquelles, à Alger, le maximum des
naissances aurait lieu en hiver et janvier (d^oii le maximum
des conceptions au printemps et au mois de mai), et le mini-
mum des naissances en été, au mois d'août, d'où le minimum
des conceptions en hiver. D'autre part, des différences assez
curieuses résultent de la comparaison de ces 1 ,1 99 naissances
au point do vuo du sexe. Do mai à octobre, les naissances que
nous venons do signalor conuno moins fréquentes comprennent
— 223 —
un nombre à peu près égal d*individus des deux sexes
202 naissances mâles contre 4 93 du sexe féminin ; tandis que
Tautre époque, d'octobre à fin avril, se remarque par de
grandes inégalités dans les naissances de tel ou tel sexe. Ainsi,
les enfants mâles naîtraient de préférence en janvier (84) et
février (76); ceux du sexe féminin, en mars (63), avril (59) et
novembre (64). En d'autres termes, les mois les plus favora-
bles à la clonception des individus mâles seraient mai et juin ;
ef,'poarle sexe féminin, ceux de juillet, août et mars
La question des mariages dans leurs rapports avec les nai&-
«anoes, les décès et les divorces, ne saurait être encore suscep-
tible d'un examen sérieux. Il est certain que la mortalité
extrême qui sévit sur la population arabe nomade et celle
qtii hftbite les montagnes, notamment par suite d'épidémies
désastreuses et d'absence complète de traitements convena-
bles, doit pousser les Indigènes à augmenter le nombre des
unions conjugales, et, par suite, celui des naissances. Ce sera
une étude bien intéressante que Pexamen de Tinfluence pro-
gressive de la civilisation sur les mariages musulmans, et, par
conséquent, sur la population. On ne peut douter, en effet,
que le bien-être, soit privé, soit public, moral et matériel,
que le contact français prolongé infiltrera dans les coutumes,
habitudes, éducation, idées, en un mot dans l'existence des
Arabes, réformera peu à peu les usages polygyniques. Il est
permis de le piévoir, si l'on en juge d'après des résultats de
ce genre signalés dans la classe israélite d'Alger. Depuis 4 844
jusqu'à ces derniers temps, les naissances ont toujours diminué
checles Juifs, et MM. Martin et Foley (loc. cit. p. 76) n'hési-
tent pas à en rapporter la cause à l'extinction lente, puis
complète, du divorce. Voici, toutefois, ce que les chiffres offi-
ciels nous apprennent concernant les mariages et les divorces,
de 4847 à 1852, pour la population musulmane des trois
provinros do l'Alporir :
— m —
f rcTiLM d'iljir.
F:ûi.deCc!:!a:!!E.
Pmcs d'Oas. 1
Annéo.
Mariages
Divorce».
Mariaga
Dîrorecs.
»
Muiaco
DiTons.
<847
443
471
412
375
115
69
1848
424
409
533
247
97
40
1849
320
349;
834
275
502
241
1850
462
360
968
411
400
259
1851
409
339
1,928
858
523
295
2S9
Totaux.
2,058
3,605
1,831
1,409
831
D'autre pari, si nous consultons les chiffres offerts parles
Musulmans d'Alger en particulier, nous ne voyons guère qj^e
dans ces quatre dernières années il y ail eu tendance à dimi-
nulion. Les divorces et mariages en 4850, 1851, 1852 et
1853, donnent, en effet, les résultats suivants :
é
%
1;
'5
S
-^
c.
'*
S,
à
.a
7"^
Mariage;». ....
88
'95
115
99
103
68
57
94
»1
84
94
Divorces
79I
61
m
68
m
49
64
m
73
70
97
49
Ce rapprochenïenl statistique semblerait prouver : '
1** Que les mariages sonl plus fréquents au prinferops,
précisément à Tépoque à laquelle a été rapporté plus haut le
maximum des conceptions ;
2^ Que la période de l'été, qui donne le inoins de divorces,
donne aussi le moins de mariages ;
— 325 —
. 3^* Que plus on se rapproche de Thiver, plus les dirorces et
les mariages s'opèrent dans des proportions égales.
Nous manquons de bases convenables pour établir le rap-
port des décès à la population ; nous savons seulement qu*en
4844 il était, pour les Musulmans de toute TAlgérie, de 3,24,
et, pour lesEuropéens, de 4,29 ; en 1 845, id . , 4,08,
id., 4,55.
Il convient de faire remarquer que dans la première de ces
lUQOees (4844), la mortalité a frappé de préférence les jeunes
sujets. Ainsi, à Constantine, les enfants musulmans figuraient
jpour les deux tiers des décès de la ville. MM. Martin et Foley
(lococit., p. 170) ont prouvé, du reste, que chez les enfants
mabométans d'Alger, les six premiers mois de la vie absorbent
plus du septième des décès; Tâge de six mois à deux ans et
demi en absorbe 1res près do la moitié ; de deux ans et demi à
huit ans, la mortalité décroît sensiblement, et celte décrois-
sance s'observe jusqu'à là vingtième année.
Voici un petit tableau qui, bien incomplet sans doute, mais
comprenant à peu près tous les documents ofTicieilement
publiés (I) sur la mortalité de la population musulmane des
trois, provinces, démontrera siilTisamment combien le chiffre
des enfants des deux sexes est élevé comparativement aux
décès des âges plus avancés :
(i) Tableau dt\ etahln^cmcnti finn^tii en Hgnir, \m\}\'\i> [iwt le miiiislvrc delà gucrrr.
— i26 —
j LOTAUTt •• P10VI5CE.
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— 227 —
Si nous éludions maintenant le nécrologe des Musulmans
d'Alger pendant les^ quatre dernières années (1850, 1851,
1858, 1853] au point de vue des saisons et du sexe, nous
observons que : 1^ les chiffres de mortalité étant, pour ces
années réunies, de :
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238
tes décès sont plus nombreux en octobre, novembre et dé-
cembre, époque correspondante à la saison des pluies; puis,
qu'ils diminuent en janvier et février, reprennent de la fré-
quence en mars et avril, et diminuent de nouveau en mai,
juin, juillet et août ;
2^ Que ces mêmes chiffres, comparés à ceux des naissances,
sembleraient établir que la même époque hibernalese remarque
par une plus grande fréquence dans les naissances et la mor-
talité, et que la période de mai à octobre comporte moins de
naissances et moins de décès ;
3** Que, pour ce qui concerne le sexe, les 2,593 décès cons-
tatés pendant ces quatre dernières années atteignent 1 ,396
individus du sexe masculin, et 1,197 du sexe féminin, savoir:
624 garçons, 508 filles, 772 hommes et 689 femmes.
Les mauvais traitements que subit la femme arabe sous la
férule conjugale, les avortcments si fréquemment déterminés
par la jalousie, les maladies aggravées par les privations de
tonte espèce, doivent rendre assez élevé le chiffre des
morts-nés.
La question de la morlalité amène naturellement celle des
é[ûdémios,ù h\ présoncc (los(|uolles la nécrologie doit des nom-
— im —
iresacoidçolelloment considérdbles. Si l^Arabe n'a point la,
pellagre des Italiens, le dragonneau du littoral de la Her-Uouge
se voit plus mal partagé par des affections etidémiriues
)ijveiU très létiiifères: les affecltuns intoslinales et hépaliqut
la dyssenlerie, lesrhuiuatisnies, la grippe, la coqueluche, l'éJ^
[ïhanliasis, la variole, les fièvres tjphoïJes, les maladies s)
phililiqiies et cutanées, les fièvres interiuiltentes» le chaucr
de Biskra, etc. Peut-on oublier que la peste, et très probable
ment sous ce nom le cliolora, a sévi sur le uorJ de TAfrigi
dans les années 151 avant J.*-C., 16i après FÈre chit^liennii
269, 542, 1348, 1650,1560, 1678, 1705, 1752, 1784,178?
1799, et le dmlera-niorbus en 1835, 1849, 1850, 1851 [1)
Je faïU-il pas mcntioDiier aussi les alIecUons opiuhatmique
'si nombreuses, dégénérant avec tant de facilité, par défaut
soins surtout, en maladies incurables, en infirmités ausa
graves que dégoûtantes, et devant avoir également une iialluenc
marquée sur la mortalité de tous les âges ?
Les causes principales de tous ces accidenls eridéajo*épid^
niiques seront indiquées, autant que possible, aux divers para
graphes consacrés plus loin à Tétude nosologique des organe
qu'elles atteignejit le plus particulièrement. Toutefois» nouj
pourrions les examinerici sous des points de vuelrèsgénéraui
Ainsi : Les Indigènes de FAIgérie sont-ils dans des coudititui^
favorables an développement des maladies épidémique^? Cer
taioemenl oui, si l'on remarque que leur hygiène générale
est pres<iue nulle; ils ne fout rien pour éviter et éloigner le
amas de matières végétales et animales; leur alimentaiioB
est insullîsanle; leiH-s Imbitations mauvaises, liumide$ ; If
précocité des mariages et les excès vénériens Élébiliti'nt pro-
fondément, etc. — (lerlainement nott, m Von observe quil
|,t) Voyez Vtltttvi^* , hfouuU^njiHf ths t^miftHiti Jw jV. fU i'jjnijuf ft*p\in U> frmp> tu fh
>«r i€ thtkrtê «4 Jf^éi^ cit iU^É if î>» i< li^^s Al|«r, tUi,
399
Vonl pas d'inLinstrîefï manufacturières ; que h^ur r%imc est
simple, leur vie généralement peu acli?e ; que I Viustence au
grand air et par petites agglomérations dijipensc les masses
Oes inconvénieuls et dangers àc$ grandes et populeuses cités ;
91/0 fc triste élal de réducalion publique et privée ii*éuerve
Point Je bûuno heure les jeunes inlelligences, et ne gêne en
'^iai:^ U libre évolution des divers organes; enfin, fjue les
^'o.^ii^ciei^ religieux du Mahométi>me impoH ni au sv^tème ner-
31 une placidité dont J'iieureuse influence sur 1 etiologic, la
relie et l'issue de^ maladies^ ne saurait être contestée, etc.
Sd, j>our terminer celte rapide esquisse des conditions
virales favorables ou défavorables aux épidémies, et, par
cor^^qQÇQj^ ^xiu surcroît momenianc de mortalité» il convient
de ^^<;uir compte de ce fait essentiel : que tous les êtres faibles,
chm^ %\k^ peti robîîstes, ou violemment attaqués par des acci-
dc»'^ ts graves, succombent dans le premier âge, soit par défaut
d^ soins convenables, soit par la permanence des causes
pa^l-^ogéniques elles-mêmes; et que, par coni^équenl, les ëpidé-
^^^^sqni sévissent ultérieurement sur une population dont
tûi^^^tç^ éléments robustes ont été conservée, trouvent évideni-
"^^^^3t une *rcsislance plus énergique à leurs ravages, et
ilo»> ïi^^t^ gu jpaulres termes, une morlaUté en apparence bien
^' ^ ^ ' [uVIle ne le sérail chez uit peuple plus avancé ^n
r -
^™ An point tie vue des soin.^ de propreté générale, le Mahomé-
I Û^Uiea eu l'avantage sur d'autres religionjî, celui de ne point
I |>^Ôdier le mépris de la matière, et ainsi do ne pas faire aban-
I i^Hmer les préraiilions de bonne hvgiène du eorps nécessitées
— 230 —
par l'enlieticn de la saïUé. Le Fropiiôte, i ce sujet, s'i
résumé dans les prescripUoas suivantes (1) :
«( 0 croyants I qoand vous vous disposez à faire la prlèf
)avez-voos le visage et les mains jusqu'au coude; essuyez-vous
la tête et les pieds jusqu'aux (alons : purifiez-vous après la
cohabitation avec vos épouses; mais lorsque vous êtes malarles
ou en voyage, lorsque vous aurez satisfais vos besoins naturels,
et lorsque vous aurez eu conïnierce avec une femme, si vous
trouvez pas d*eau» frottez-vous le visage et les mains avec
sable fin et pur. Dieu ne veut vous imposer aucune charge
ruais il veut vous rendre, plus purs et mettre le comble à
bienfaits, afin que vous lui soyez i-econnaissants. i^
t Dieu hait la malpropreté et le désordre, w a dit le savai
commentateur El Syouti^
On trouve dans presque tous les auteurs arabes des préce|
tes hygiéniques. Ainsi, le Ketab el Adker (livre de souveaii
rd'£/ Merioumi conseille de s'abstenir: 1** de brûler des pelu-^
res d'ognon ou d'ail ; 2** de dormir sur la face ; 3** de laiss^
dans l'habitation les ordures qu'on a balayées ; 4** dt s'assea^
sous l'arcado d'une porte, soit de chambre, soit de maisoaf
S** de s'essuyer la figure avec ses vêtements ; 6** d'urinfl
étant nu ; 1° de laisser la vaisselle sale ; 8" de se déshabille
au soleil ou à la lune. Il termine ainsi : « Celui qui contre
viendrai ce qui précède héritera le malheur. )>
Lalûi musulmane, dit un de nos plus spirituels feuillet
nistes deTépoque, élève la propreté à la liauteur d'une vcrlu,
et longtemps, en Espagne, les gens qui usaient fréquemmeH
du bain furent soupçonnés d'hérésie et regardes plutôt mu
den Maures que comme des Chrétiens (2).
Ï3I —
D'après h \ùi mnsulmanc, celui qui nie et rejette la oéces-
itlé et la règle des ablniinns et d'autres pratiques purificaloi-
5, elc, est coupable du crime d'infidélité... Est inacceptable
tncme le témoignage judiciaire de celui qui met peudatt^ntioni
|ou d'importance ou de soin, à ses ablutions ou a ses lotions
^nérales ou locales en cas dlinpurctê, etc.... (I). ^ — Ainsi
ionc, le principe de la propreté a acquis un haut degré de va-
leur dans les mœurs nuisulmanes : une preuve convaincante
lu scnipuleux intérêt que lepeuple y apportait, c^eslque This-
[>irc nous montre les Maliométans refusant de prendre Viinise
[parce qu'ils ny auraient pas trouvé Teau nécessaire à leurs
Ipurillcations. Halheureusement, le peu de soins que donne
luîounrbui l'Arabe algérien à la propreté du* corps autorise
rbicn de dire avec le poète : *( Quantiim mutatusabillo! w Abd-
i el-Rader, qui avait rêvé la régénération physique et morale de
{ses corréljgjonoaircs, comprit parfailement Timpérieuse néces-
iiédeles ramener à TeTtécution de la loi, et, dans le règlement
loi^anisation de ses réguliers, il avait formulé cet ordre :
heKhùUrdja el Kebir (soeréiaire en chef, sorte desergcnt-
jor) fera battre aiiv fourriers pour les rassembler autounie
|iit, pour leur enscigi^r à faire lablution et la prière. »
L*Ambe est sale, non seulement parce qu'il néglige les soins
ï propreté, mais encore parce qu'après avoir exécuté les pres-
prîptfan:^ ablulionnelles, il continue à se couvrir de vêtements
légoiitants, imprégnés de mauvaise odeur et d'impuretés,
fré(|uemmeni garnis de vermine, etc. C'est tout le contraire
jetiez d*aulres peuples civilisés, dont toute la propreté consiste
lans une mise plus ou moins soignée qui cache un corps peu
labîlué au contact de Feau.
De toutes les prescriptions sî sagement formulées gar la
législation, nous ne croyons devoir nous arrêter ici qu a œlles
ftj ^ Kh*Ut, t. V, eh, XXXIX. p, ii«. «I •" p^fli*'. *l» \\r *#«:i*oift^
— an -
(le la propreté ^u géoérai; It-s aulros irouveroot leur examen '
à propos des organes particuliers qu'elles ci^ncerneat.
Les Musulman? étant, parles habituJes religieuses, appelés
d des réunions publi'jues fr&]uentes, à une existence en corn*
mun, il importait do prévenir tous les incidents qui auraient
pu les rendre désagréables eu on troubler le silence imposant.
On ne s'étonnera tionc pas de lire dans la loi quelques dé-
positions formelles à ce sujet. Ainsi, la loi ordonne, à titre
d'obligation imitative, une lotion générale ^un baio) comme
préparation spéciale, peu de temps avant d'aller à la prière {\).
— Il est de convenance méritoire de vivitier la nuit qui précède
chacune des deux grandes fêles (celle de la rupture da jeÛDe,
celle des sacrifices par «les pratii|ue5 pieuses, de foire une
lotion générale ou prendre un bain, do s«^ parfumer, dé se^êlir
d'habits neufs et très propres. On recommande encore d'an-
tres soins corporels, rarrangeinenl tie la barbe, des moasta-
ches, la taille des ongles, l'éj^ilalion des aisselles (2). La
prière d'obligation divine peut se faire <lans une étable, même
dans un lieu de sépulture, dans un lieu où l'on jette et amasse
le fumier et les balayures, dans un lieu où l'on égorge les
animaux, ou encore sur un chemin, po2irr?e ^uedans tous ces
lieux on soit assuré de ne rien toucher d'impur, et qite pour
prier on puisse s'y placer sur quelque élévation, sur une
grande pierre, un banc de pierre, etc., sur lesquelles les matiè-
res impures n'arrivent pas. Si l'on n'est pas absolument sûr
d'avoir évité tout contact d'impuretés, on ne recommence la
prièro, disent certains juristes, (jue lorsque l'on a parfaitement
reconnu et vérifié que Ton a été atteint de quelque souillure (3).
Si un saignement de n(?z survient au fidèle avant sa prière
et quQ le sang continue à couler, le fidèle devra la différer jus-
Ci) Si Khtlil, I. F. «h. II.MTt. î5, jÇ ^.
(>.■ H-, N.d. 17, j). j-4.
— 233 —
que vers la fiD du temps canonique, puis il pri^a. Si le sai*
gnement de 'ûex survient pendant la prière et que le fidàle
pense qu'il continuera jusqu'à la fin ou au-delà de la prière»
ce fidèle terminera sa prière, mais à la condition expresse qu'il
n'y ail pas à craindre que le sang coule en assez grande abon-
dance pour salir la natte ou le tapis ou l'aire de la mosquée;
et, en cet état, le priant indique seulement par d^ mou«
vements ou signes leâ inclinations et les prosternations, de
peur que ces salutations et prosternations ne lui nuisent, ne
lui causent quelque mal ou ne lui fassent salir ou souiller ses
vêtements, mais non de peur de se salir quelque partie du
corps; car les vêtements salis par le sang pourraient se dégra-
der ensuite au nettoyage Si le fidèle ne pense pas que le
saignement de nez continue jusque vers la fin du temps cano*
nique, et si le sang ne coule qu'en suintant, il l'essuie avep la
main gauche en le roulant entre les doigts. Pour cela faire, on
introduit un des doigts, excepté le pouce, dans la narine, on
le tourne et retourne, on le retire, et, à l'aide du pouce,
on roule et sèche le sang amené ainsi du nez. On continue de la
même manière successivement avec chacun des trois derniers
doigts. Si le sang recueilli alors par les doigts vient à dépasser
le poids d'une drachme, le fidèle interrompt sa prière qui est
alors invalidée, de même que dans le cas où une quantité de
plus d'une drachme de sang a souillé les vctemens ou le corps,
ou quand il y a à craindre qu'il ne salisse le sol ou la natte
de la mosquée La voiniturilion légère {c.-a.-d. un renvoi
nauséeux qui survient malgré le fidèle), et aussi la pituite en
petite quantité et dont l'individu ne ravale rien exprès, n'in-
vdSident pas la prière (1 ] .
Il est répréhensiblc dans une mosquée de tiior, par exemple,
ivne i^uce ou une punaise, ou un pou, ou une mouche, ou un
(i) .V/W» KKetif, 1. 1, rlij»]). Il, siii. 3, I». i.ij. ,.
— 234 —
moucheron, de jeter un pou vivant, non une puce. D'après le
Moudaouéneh\ il est permis d'aller jeter le pou vivant hors
de la mosquée; toutefois, à cet égard, il y a discnssions et
conflits : les uns veulent qu'il soit mieux de le tuer, car étant
jeté vivant, il ira s'attacher à un autre fidèle et le tourmenter.
Selon d'autres, il se transformera en scorpion s'il est jeté sur
terre friable et salée D'autres prétendent qu'il vautmieqx
tuer le pou dans la mosquée, mais le fidèle doit sortir aussitôt,
jeter les restes de l'insecte et se purifier convenablement (4).
Plusieurs excuses ou motifs de dispense permettent de ne
pas assister à la solennité du vendredi, et aux cinq prières
habituelles en assemblée ; ce sont : l'abondance d*une boue
presque liquide et rendant impraticables les chemins et les
voies publiques; — l'abondance de la pluie ; — la lèpre par-
venue à un degré de développemont avancé, et surtout si elle
a pour les yeux et Todorat des autres quelque chose de repou^
sant; — toute maladie qui oblige au repos; — l'état de fai-
blesse ou de langueur ; — un élat de maladie voisin de la mort
et autres cas graves; — un repas dans lequel on a mangé de
Fail ou toute autre nourriture qui laisse à l'individu une
odeur désagréable, comme Poignon et le poireau crus; — un
vent d'orage et pluvieux ou humide (2).
Quiconque fait sa prière dans la dernière limite du temps
forcé (moment jusqu'auquel on peut à la rigueur retarder de
faire la prière qui n'a pas été faile pendant la durée rigou-
reusement canonique qui lui a été assignée), est répréhensible
aux yeux de la loi, à moins qu'il n'ait des motifs graves ; tels
sont : une syncope prolongée; — une folie qui ne s'est inter-
rompue que fort tard ; — la suspension retardée des menstrues
ou des lochies; — excepté l'ivresse (3). — Il est d'obligation
(i) Sidi Kfitfit, l. I, cbap. II, grcf. la", p. jo;.
(») iHtm. 9ICI. i5«, p. 2fi5.
(i) lilem. MCI. i'", p. 01.
V — 235 —
canonique d*être debout pour différentes pratiques dans la
prière de préccplc divin, à moins que Ton ait à craindre quel-
ques inconvénients comme un élourdisscment, un évanouisse-
ment, laugmenlation d'une maladie, de sofuffranccs, etc. ; de
inêmesile fidèle a à craindre qu'étant debout, il ne lui échappe,
par exemple, un vent (<), Le commentateur Sidi Syouti a
dît : «Lorsqu'un de vous éternue, qu'il pose les deux mains
sur son visage, et qu'il étouffe sa voix. »
Il est recommandé de cracher sous les nattes, dans la mos-
quée comme dans les habitations : si la matière expectorée
doit rester visible, parce que le sol est dépourvu de natte, tapis,
etc., ou de sable, de poussière, leMusulman doit la cacher aux
regards en la couvrant du pied.
Quant aux ablutions, si nécessaires pour combattre avanta-
geusement l'engourdissement général facilement déterminé
par la hante température du climat, pour dégager aussi la
surface cutanée de toutes les impuretés qu'occasionnent les
fonctions actives de lapcau, les vents chargés de poussière, etc.,
voici comment elles sont recommandées par la législation
musulmane (2) :
Les souillures matérielles et impuretés s'enlèvent au rtioyen
de Teaunon adultérée, eau pure ordinaire (soit de mer, soit
provenant de la rosée, glace, grêle, neige, etc., soit minérale
etc.). — Suivent des tlétails sur les substances qui peuvent
altérer la pureté de l'eau et la rendre impropre aux ablutions ;
puis de nombreuses considérations sur la propreté pour toutes
les espèces de souillures du corps et des vêtements, dans toutes
les positions de la vie, en état de maladie, etc. On s'étonne
réellement qu'avec tant d'éléments de propreté officielle, les
Indigènes soient si sales I — A défaut d'eau, la madéfaction et
(i) Sidi Khelil, t. I. ch. II. «cet. 7, p. 13;.
(2) Idciu. cliap. I ùu premier tnine.
— 236 —
la purification pvlférale sont admises. La seclion quatrième
de ce chapitre concerne la pratique des ablutions. Les détails
rigoureusement obligatoires et de précepte divin, y est-4l dît,
sont les suivants : 1^ Se laver la £ace depuis une oreille a
l'autre jusqu'à l'origine des cheveux; puis le menton, la sur-
face de la barbe et ses poils jusqu'à l'épiderme; ensuite la
cloison du nez, les plis du front, reiîérieurdes lèvres. Il n'est
point obligatoire de faire arriver l'eau au fond d*un creui
résultant de la guérison d'une plaie profonde, ou aux cavités
naturelles de la face [fosses nasales, conduits auriculaires] ;
— Pourquoi donc? — 2^ se laver les mains (ou les moignons]
jusqu'au coude; se frotter entr'eux les doigts préalablement
débarassés de tout objet; 3^ passer les mains mouillées (madé-
faction) depuis le haut du crâne, sur les tempes, sans qu'il
soit besoin de défaire les nattes des cheveux, sous lesquelles on
passe seulement la main humectée. — Pourquoi encore cette
demi propreté? — 4** se laver les deux pieds jusqu'aux cbcrilles
et se frotter les doigts et leurs intervalles avec les mains. On
n'est pas d'accord s'il faut recommencer l'ablution de Ja ftce
quand on s'est rasé le crâne ou la figure; o*^ passer les mains
en frottant sur les parties ablulionnécs; 6® pour quelques
juristes, la succession non interrompue de ces opérations
lustrales est d'obligation canonique; pour d'autres, d'obliga-
tion simplement imilativo. Elles doivent toujours être faites
assez vite pour que le dernier organe lavé ne se sèche pas.
Les circonstances d'obligation iinilalive, pour une ablution
entière et parfaite, sont : P se laver les mains jusqu^à
trois repi'ises consécutives ; 2** se rincer la boudic et se gai^-
riser le plus loin possible, et trois fois de suite ; 3* aspirer de
l'eau dans le nez par trois fois consécutives et le plus profon-
dément possible ; 4^ expulser du nez, par une forte expiration
et en pinçant le nez avec le pouce et l'index droit, tout ce qui
aélé aspiré de liquide; 5" passerla main mouillée sur la face
— 237 --
de chaque oreille, ea changeant d'eau '^ur chaque oreille ;
6^ répéter la madéfaction de la tête, surtout si les cheveux ne
sont poinfrasés.
Il est bon et méritoire 1^ d'employer le moins d'eau possi-*
ble, afin d^éviter les éclaboussures ; 2^ de se nettoyer les det^ts
et la bouche avec le miçouaq (cure-dent) avant de se gai;gt-
riser; à défaut de mï^ouagr^ de se servir d'un doigt. Il n'est
point d'obligation de passer avec la main de l'eau sur le cou ;
d'essuyer avec un linge, pour les sécher, les organes quis l'oa
vient d'abluer (la rareté du linge peut expliquer cette derni^
faculté, mais la première De se comprend guère). — Il est da
convenance et selon l'esprit de la religion que le Musulman,
pour satisfaire à ses besoins naturels, se tienne accroupi, ne
fût-ce que pour uriner : le Prophète n'urina debout qu'une
fois dans sa vie. On doit se laver les pudenda, la verge et l'anus
avec la main gaache préalablement remplie d'eau, puis ensuite
essuyée contre quelque substance sèche (terre, sable). L'eau
est spécialement indiquée et indispensable pour se purifier
défi^stes de sperme, de menstrues, de lochies, des restes de
rurinc chez la femme, des matières urinales ou fécales qui se
sont répandues en plus grande abondance que d'habitude^
pour se purifier de la liqueur limpide qui s'échappe de la
vei^e dans les moments de préoccupation ou, d'obsessions ou
d'excitation erotique sans éjàculalion.
II est de convenance religieuse, avant la prièreT de se layçr
et rincer la bouehe lorsqu'on a mangé de la viande ou bu du
-lait, afin d'enlever les restes de graisse ou de viande ou de
lait qui demeurent attachés à l'intérieur des joues, sur les
gencives, aux dents, etc. Il est d'obligation canonique de laver
l'extérieur du corps en entier après une effusion voluptueuse
de sperme, et pour l'individu pubère qui a eu des rapports
charnels avec une femme. La lotion ou l'ablution n'est pas
nécessaire pour la femme, lorsque dans k cohabitation le
— 338 —
liquide séminal a entièrement pénétré dans l'utérus. Il faut,
pour qu'elle soit obligée à la lotion, que le liquide viril s'é-
chappe des parties sexuelles de la femme. La lotion est d'obli-
gation après la cessation des menstrues, des lochies sangui-
nolentes qui précèdent et suivent l'accouchement.
Les choses d'obligation imitative dans la lotion, sont : 4® Se
laver les mains avant toute chose; 2* se laver avec le doigt les
conduits auditifs ; 3^ se rincer la bouche ; i® aspirer de l'eau
dans le nez. Ensuite, il est de convenance religieuse : 4^ de
faire disparaître les souillures des parties génitales; 2** de
laver une fois toutes les parties du corps que la loi ordonne j
d'ablutionner ; 3° de laver les premières les parties antérieures I
et supérieures des membres et du corps, en commençant par
le cote droit ; 4° de laver trois fois la tête; 5** de laver lesp&r-
ties génitales pour l'homme et la femme atteints de souillure^
spermaliques, lorsqu'ils veulent de nouveau copuler ; 6' ^^^
s'abluer avant de se livrer au sommeil, soit pendant le joi»^ ^^
soit durant la nuit.
Le fidèle ne doit mettre les chaussures, sur lesquelles il *
propose défaire plus tard la madéfaction, qu'après unepni^^'
fication au moyen de l'eau. La madéfaction (tTie^Aa) est u^^^
concession de bienveillance de la part* de la loi pour les c-*J^
constances gênantes. La loi désapprouve celui qui, dans A
madéfaction, suivrait et humecterait tous les plis de la chaii^*
sure, car il amènerait promptement la dégradation de GAto
cliaussura.
La lustratioi pulvérale [ieiemmoum) concerne le malade, ;
lorsqu'on craint que l'usage de l'eau pour la purification ne
cause quelque mal, n'aggrave une maladie ou n'en retarde la
guérison ; lorsqu'on a à craindre la soif pour soi-même, pour
les compagnons de voyage ou pour les animaux d'usage
permis. On doit se servir, pour pratiquer cette lustration,- de
matière terreuse prise i la sarfaco du sol, sans impuretti ni
i*îl va danger ou imprudence à laver une blesstire, lonle
pa^rlk malade ou souffrante, on pratique Ja madeïaction en
p2i.ssaot la main humectée d*eau sur Tendroit malade. Si cette
Qt^i^tléfaction immédiate peut avoir des inconvénients, on la
f£m.\lsur des attelles que Ion place sur l'endroit malade ; et si
erkcoreofl a à se mellre en garde contre rhumidité que dépo-
^r^û la main, on pratique la madéfaction par-dessus des bandes
Ving« recouvrant les attelles. On opère aussi la madéfaction
•IVndroitoîi a été faite une saignée, sur le morceau de
sicule biliaire que l'on applique sur un ongle blessé, sur le
^aginenl de papier que l'on se pose aux tempes en cas do
^'^grAuic ou d'application de ventouses scarifiées, sur des
^ ^telles à l'état inipur qui se sont déplacées, et sur les bandes
Jl'ii se sont détachées et éloignées les unes des au très. Le fidèle
est oI»ligé qu'à la lustralion pulvérale lorsqu'il n'a qu'une
^^ minime partie du corps eîtempte de douleurs ou de plaies,
est impossible de loucher les plaies ou blessures ou par-
^^^ soufflantes, et qu'elles occupent les organes sur lesquels
accomplit la lustration pulvérale, on laisse ces organes sans
y 'uire nt madéfaction ni lavage. On fait la lustration pulvérale
*i^ae les blessures ou plaies occupent la plus grande partie
^ organes que l'on doit purifier ; ou bien on fait le lavage à
^^u sur les parties saines et la lustration pulvérale sur les
Parties œalades.
Après le coït, Tablution obligatoire s'appelle djenaba;
P*ïe après les menstrues, hnïda. A Ain-Madhi^ « les femmes
*^ font pas l'ablution appelée djenalm, ni celle connue sous
^ ïiom iVhaïda, non plus que l'aldulion qui est de rigueur
^^^h renfantement. Comnic je les en réprimandais, ils (les
— S4« —
habitarUs] s'excusèrent en disant que qù$ ablulions donnaient
de^ coliques k leurs feoimes {\]. »
L'ablution des parties génitales après avoir urine est
ùtibra; celle de l'anus se dit istedjemer.
u La purification du corps des Maures nomades de l'Afrique
transatlantique, écrit RalTcnel, a Heu au moyen do frottement
de quelques poignées de sable (à défaut d'eau] ou plulôl
d*un simulacre de frottement. Or, Ion ctmcoit, quand on n'
point marabout du dé$ert toutefois, que si la lettre du Kora;
est satisfaite, la pensée? délcrminanle du Prophète ne VbôI p;
do tout, et que le corps du croyant est parfaitement impui
lorsqu'il adresse sa prière au Dieu clément et miséricordievi
J*ai vu des Maures âgés qui ne ^étaient jamais lams, et la
force de rhabilude et la servile obéissance à une routine so
chez eux tellement puissantes qu'ils continuent, jtisque s
les bords du fleuve, à donner celte bizarre interprétation
l'une des pratiques les plus utiles de leur religion. Us so!
oonstamment couverts de vermine, et ils s'y sont tellemeni
accûulomus qu'ils ne paraissent pas s'en apercevoir (2). »
Fratiquées en général dans l'Orient et dans quelques pa;
du Nordj prescrites par Moïse aux Hébreux, consacrées pa:
Jésus-Christ dans le Baptême comme signe de purification
corporelle et spirituelle , exécutées généralement au rooven de
Teau (les Indiens emploient, dit-on, l'urjuc de vache), les
ablutions, scrupuleusemenJ mises en usage, ont le précieux
avantage de diminuer le nombre des maladies cutanéa^ &i
fréquentes dans les pays chauds. L'on sait aussi que les
Croisés, ayant négligé les soins de propreté en PalestinCi
ramenèrent en Europe tes germes d'une alleclion épidémi
que l'on dit être la peste.
.1
* — 244 —
L'imprudente insouciance des Indigènes et quelquefois les
nécessités et commodités de la vie, se révèlent dans le mau-
vais emplacement qu'ils choisissent pour l'assiette des habi^
tatioDfi. Le Nomade, le Tellien établissent leurs tentes dans les
plaines humides, ordinairement à proximité d'un cours d'eau,
parfois à peu de distance de la mer. Les pâturages, les récoltes
décident surtout de cet emplacement, quel qu'en puisse être
l*iDsalubrilé. — - Les gourbis kabyles apparaissent comme
pendus aux flancs des montagnes, au voisinage de quelque
source ; mais il importe peu aux habitants qu'ils soient placés
dans le bas-fond d'une gorge, dans le courant de vents humi-
des ou au sommet des monticules élevés. — La demeure en
terre du. Saharaoui souiïre moins de tous ces inconvénients,
parce que le terrain sur lequel on Ta construite est plus sec et
sablonneux.
En général, aucune précaution pour l'orientation : la tente
seule a l'avantage de s'ouvrir dans la journée du côté oii le
soleil en visite les diverses faces. La disposition des demeures
Ijl^use toujours peu de régularité : les douairs arabes se com-
posent d*un certain nombre de tentes disposées d'habitude en
cercle. Quelques deaheras kahy\e5 offrent une ou deux artères
principales et droites de circulation. Quant aux oasiSf les murs
en terre qui séparent les vergers et jardins de chaque proprié-
taire donnent naissance obligée à des rues plus ou moins
tortueuses, mais dont l'influence sur la propreté générale et
la salubrité est incontestablement avantageuse. Le Tellien
apprécie peu l'avantage des plantations publiques au sein ou
aux environs des habitations; la mobilité de son existence en
est probablement le principal motif. Dans les villages arabes
et les oasis, la casbah (forteresse), la zaouïa (mosquée) domi-
nent seules les autres habitations; de là une grande facilité du
renouvellement de l'air. Parlerons-nous des rues, des villes
mauresques? Transformées, par la crainte des tremblements
m
de iertè et par le besoi© de la fraîcheur, eti passages étroitSt
àiimiiks, infects, jrréguliers, rendus obscurs par suite ileF^
vancemeDt de Tctagc supérieur des maisons ainsi presque
;cûuligui's de'face el soutenues en vis-à-vis par des baloixs mul
i elles offrenl les plus grandes condiLions d^insalubritd
n sait qu'à l'occupation deMédéaÎj, les soldats ignoranl Vu-'^
sage de ces traverses, les cuiipèrenl pour les iniliser au chauf-
fage : peu à peu un granil nombre de maisons^ privées de leurs
appuis, se lézardèrent,
€ La zone brùlanle sous laqiu^lle Tf damés est située, la
nécessité de se garantir et des vents du désert et des rayonn
incandescents du soleil, expli<iucnt le caractère particulier
des constructions qui distingue cette ville. Les Uiaisoûs, cou-
vertes eu terrasses, sont toutes réunies à leur sommet, et
brment ainsi une voûte continue à travers laquelle, de dis-
nce en distance, sont ménagées des ouvertures pour donner
^ée l'air et de la lumière aux rues intérieures; ces rues ne sont
que de véritables corridors où ne pénètre jamais lo soleil (<).»
Nos Indigènes devraient savoir qu'à Tripoli deBarbaffl^
es Musulmans ont des rues moins sombres et plus larges,
el pour la plupart ornées d*arcades qui, tout en préservant
des intempéries atmospliériques , permeflent aux rayons
solaires d'approcher des rez-de-chaussée-
Le peu de régiilarilé dans la disposition des maisons iodi-
nés ne nécessite guère la réserve d'un emplacement commun,
désigné so!ïs le nom de place publique ; on nVn trouve que
dans les oasis et dans les localités oii la présence d'une mos-
quée exige plus de liberté pour la circulation et la réunion
dos fidèles.
La propreté des voies publiques de relations esl une chose
Q) JCit iiAtf» Jv^ffi'M^^tf 1^ |éûér«l DàvuAt, p. 169.
— 243 —
1 ncoQnue chez les arabes. Ici, cloaijues mfecls; là, énormes
^tiias de boues ; plus loin, contre ce» maisons^ tas de fumiers,
cr^^tix crou pissantes, dépots d^imniondiccs; par là, sol défoncé,
m stfgal, chemins vicinaux (les seuls qui existent) abandonnés
^ft.ux pluies, aux débordements de rivières, elc ; absence de
mii^eaux, de ponls, de rigoles desiinées à récouleraent d'eaux
■Quliles et souvent insalubres, telles sont les conditions cons-
Qlesdes voies publiques. Inutile d'en apprécier les funestes
'na'(|uences, en n'omettant cependant point de tenir compte
--^ la TÎe en plein air qui caractérise la population dont nous
figeons ici les coutumes.
Pourquoi Tauloritê n'obligerai Kdle point les chefs indigènes
feiller sur la salubrité et la propreté des urlères de circnla-
lon, et n'apprendrail-elle pas aux Arabes à utiliser les boues
litre d'engrais, comme l'a proposé dès 1832 M. Chevallier?
La légfslaîion musulmane est, du reste, entrée dans certains
^fétai/s Je salubrité [mbiique dont l'autorité pourrait s'élayer
avantageusement, quoiqu'ils ne soient pas liabiluellenient
^ïbservés par les Arabes, Ainsi, à propos des servitudes publi-
ques et particulièreti, le commentateur Si Khclil indique
Jes dispositions légales suivantes :jOn coulraindra (par voie
^ 'udiciaire] le propriétaire du bas de tenir libres les fosses et
"voies par m le propriélaire du haut jette ses ordures et eaux
inéoagères, — L'autorité ordonnera de détruire toutes cons-
^mclions qui s<:*raienl élevées sur une voie publique, quand
même elles ne nuiraient à personne, car il s'agit alors d'ardre
JuWic et d'intérêt général. — La loi prescrite celui qui établit
uae maison de bains, par exemple, ou un four, etc., de disposer
les constructions do manière à détourner et diriger convena-
blement la fumée, afin qu elle ne cause ni dommage ni g^ne à
personne; à celui qui établit un tannerie (ou une corroirie)
de combiner ses dispositions de faron à détourner les mauvaises
<Hlears ; de jnême pour rétablissement d^g s mairies, abaUoUs»^
\
A
— 244
Iriperi», froDiageries, elc. ; car les émanations putrides irri-
tenl les organes respiratoires, pénétrent jusqu'aux entrailles^
et caus4:rit â*:s maladies. Les fumées proprement dites répii-
gneoi à l'oil<»rat gèn* ni la respiration, etc. — li est inlerdif
à tout indi\î'Ju de secouer les nattes ou tapis à la porte de sa
propre maison, car la poussière vient s attacher el nuira aax
passants; de disposer une écurie nourelle on une étable défaut
ou contre la porte d'un autre individu ; l'urine des aoimaQX,
leur fumier, leurs mouvements, sont des causes permanentes
de mauvaises odeurs, etc. On peut tégalcmeut arrêter ou faire
abattre une construction, un mur qui s'élève assez haut pour
intercepter à la demeure du voisin la lumière, le soleil et la
vent. — Une voie est considérée comme rue lorsqu'elle a sept
coudées de large. Si la voie n*est pas livrée a la cirenlation
publique, une nouvelle porte ne peut s'y ouvrir que du consen-
tement de tous les voisins, sans exception. — Où peut légale-
ment empêcher un individu de construire une raûchent série
de saillie en forme de cage à grillage serré, fesant office de
fenêtre avancée en guise de petit balcon sur la rue. La raûcàem
doit être placée assez haut pour ne pas gêner la circulation sur
la voie publique, ni le passage des individus à monture ; etCw,
etc. (1).
Les édifices ou habitations publiques ne comprenhentguère,
chez les. Arabes, que les mosquées, les bains, les cafés, les
caravansérails, les bazars. — Les mosquées sont généralement
trop petites, à part celles de quelques villes mauresques elles
constructions faites par l'autorité française. L'église arabe,
(•) T. IV, duip. XXI, p. 194 ctsair.
— 245 —
dans les campagnes, participi^ à tous les ioconvénienU de la
demeure indigène. Bâtie en terre, peu élevée, humide el
infecte à cause de Tétroitesse des ouvertures qui laissent
passer trop peu d*air et de rayons solaires, elle n'est jamais
assez isolée des habitations environnante^; et, autre danger,
aile sert de lieu de sépulture pour les grands marabouts
(analogues à nos saints, u nos évoques). L'éclairage, à l'aide
d'une huile d'olives mal épurée ou souvent. mal exprimée des
fruits du pistachier lentisque [darou), toujours contenue dans
des lampes en terre grossières et malpropres, y répand une
odeur des plus infectes.
Les Arabes, ignorant en général la natation, usent peu des
bains de rivières, d'eau courante, si ce n'est pour se nettoyer
les extrémités seulement : ils se plongent volontiers dans le»
eaux minérales. Leur prédilection est très prononcée pour le
bain de vapeur. Les établissements publics destinés à cet
usage sont fort nombreux. Rarement des particuliers en pos-
sèdent chez eux. Ce système d'étuves, — importées de TOrient
cbe^nous à la suite des croisades, et tellement multipliées
jusqu'au XVI* siècle qu'elles existaient dans tous les couvents
à l'usage des habitants, — constitue les bains maures. Com-
posés en général de deux pièces, l'étuvc et Tendroit de repos,
ilsêxhalent d'ordinaire une affreuse odeur, à cause du peu
d'écoulement donné aux eaux de lavages qui stagnent et
croupissent. La masse d*air gazeux, altérée déjà par les pro-.
duîts de la respiration et de la transpiration des baigneurs
souvent nombreux, n'est pas renouvelée, faute d'un mécanisme
convenable de soupapes ; la nuit, les émanalions fétides des
lampes, chargées d'une huile très impure, y ajoutent leur
contingent de puanteur.
^ Il serait bien à désirer que Tautorité exigeât la construction
de piscines, pour les ablutions religieuses, dans tous les
clablissemenls et lieux publics, marchés, cafés, fondouks,
^-
— 246 —
mosquées, écoles, etc. Outre que la distribulion régulière des
eaux assainirait ces divers points de réunion, cette création
deviendrait un moyen d'influence morale incontestable ani
yeux des Indigènes, qui y trouveraient la preuve de notre
tolérance religieuse la plus complète.
Dans les cafés constamment obscurcis par la fumée de tabac,
l'air est d'autant plus altéré par la présence prolongée des
amateurs, que. le foyer de confection de la boisson occupe le
fond de la salle généralement dépourvue de tout moyen de
ventilation et de cheminée. De là son peu de clarté intérieure
et sa permanente malpropreté. El que dire des fondouks, des
caravansérails arabes, où hébergent hommes et bêtes I vastes
écuries, mal tenues, jamais balayées, jamais débarassées des
matières animales, etc. 1
L'indiiïérence générale des Musulmans de T Algérie pour
tout ce qui tient aux inlcréls généraux et particuliers de la
salubrité, peut paraître bien étrange àcelui qui, en parcourant
le pays arabe du nord au sud et de Test à l'ouest, retrouve a
chaque pas des ruines antiques, des débris de constructions,
d*aqueducs, de thermes, etc., qui accusent tout Je soin que
prirent jadis les dominateurs du sol pour multiplier le plus
possible les quantités d'eau d'approvisionnement à divers
usages. L'eau, en effet, est un liquide de première importance
dans un climat chaud, surtout pour un peuple auquel la re-
ligion défend le vin et les boissons fermentées, et ordonne de
fréquentes ablutions. Probablement, les Arabes auraient mis
enpratiqucrenseigncineptqueleur donnaient tout ces vestiges
grandioses, toutes ces ruines rospoclcos par tant de siècles,' si
— 247 —
le despotisme capricieux de Tautorité gouvernementale ne les
a¥aîU jusqu'en. 4830, éloignés de toute culture des arts les
plus utiles. Est-ce à dire cependant que, si la distribution ré-
gulière et suffisante des eaux se trouve très négligée chez les
Indigènes, ces derniers ne s'occupent en aucune façon de leur
quantité dont ils ont besoin ? Non, certes : dans ces plaines
verdoyantes et malheureusement trop fréquemment maréca-
geuses, vous trouverez un arbre, d'habitude un olivier ou un
tremble, abritant une eau de source. C'est renseigne publique
qui appelle le voyageur à venir se désaltérer au passage. Mal-
heureusement ces sources, d'un liquide si limpide, ne sont pas
soumises à une surveillance qui en protège les abords; et les
cavaliers, les bergers en altèrent constamment la propreté, la
salubrité, en y laissant les animaux boire en troupeaux, y
mêler leurs déjections, et transformer le terrain d'approche
en cloaques infects. Ensuite, beaucoup de ces sources vont se
perdre dans des bas-fonds, et laissent à nu, par l'évaporation,
beaucoup de détritus végétaux et animaux.
D'autres villages, mieux partagés, ont quelquefois des puits
creusés par les anciens dominateurs du pays. Les bordj (forts)
en sont presque toujours pourvus. Mais, comme dans les
sources dont nous venons de parler, l'eau est sale, saumâtre,
rendue insalubre par la présence d'une masse de détritus orga:
niques. « Je n'ai connaissance, dit M. Renou, que d'un très
petit nombre d'essais qui aient été faits pour avoir de l'eau
par les puits, mais je suis convaincu qu'on en trouverait sans
difficulté, à de faibles profondeurs, dans toutes les parties de
l'Algérie. Quand on considère la situation de toutes ces
plaines qui, malgré leur hauteur au-dessus de la mer, ne sont
que des bassins entourés de montagnes, et qu'on voit la quan-
tité de ruisseaux qui s'y perdent, on demeure convaincu qu'il
serait impossible d'y creuser un puits sans trouver de l'eau. »
Les Indigènes ne s'en doutent probablement pas, ou bien leur
— 248 —
coupable paresse éclate encore ici dans tout son jour. A Cens*
tantine, « la ville est entièrement dépourvue d'eau, et i*eaa des
citernes est tellement mauvaise, et par sa saveur et par sa
composition chimique, qu'elle ne peut être employée sana
inconvénient (1 ]. » Les fontaines et les puits paraissent cqiea^
dant nombreux à TIemcen, etc.
Le paresseux nomade utilise de préférence la distrH>ntioQ
naturelle des eaux courantes à la surface du sol ; mais, comme
je l'ai dit ailleurs (2) : « Le lit des rivières un peu considéra'-
y> blés, tourmenté par Tafflux incessant et Timpétoosité des
y^ torrents fournis par les montagnes voisines, né tardant pas
» à perdre sa configuration habituelle, variant annuellement,
» s'élendant ici, se resserrant là, plus loin s'élargissanL^iL
» point de laisser à nu, à la fin de la saison des plnl^ de
» nombreuses nappes d*eau chargées de détritus organiques
» somment en contact prolongé avec des matières salines,
» devient un vaste foyer d'insalubrité permanente, soit à litre
» de voisinage, soit à litre d'eau de boisson, etc. )> Ajoutons
que l'action pernicieuse de ces mauvaises et sales boissons,
faute de puils, est augmentée parla chaleur qui diminue leur
volume et fait prédominer les éléments salins et les principes
végéto-animaux des matières décomposées. Et quand l'Arabe
ne peut utiliser que l'eau stagnante des plaines marécageuses,
que doit-ce être?
Les rivières sont toujours peu encaissées par des rampes ;
aussi, en 1G72, la Chiffa débordait après quelques jours de
pluie et inondait toute la plaine de la Metidjà,
L'habitant du Zab, auquel la température constamment
élevée de son ciel fait plus vivement sentir la valeur d'une
eau abondanle et convenable, oblige, parle moyen de souagui
(i) MM. DtLiAi- et Feui j, I. LU, dos Memoirrt ,U médecine milUeire.
(i) àlèmoiif utrif faifenriitt/i'^finrei inlcmftte-itet tu Jl-jèrir ; AlpT, i85o, pap*» i-.
— U9 —
IfUnni^l Ac saguia, fosse peu profond) infînimenl noaibreiix
ei mteUigemmenl disïribués, la rivière vuisine a fouroir dans
|le§ champs» dans les rues dos oasi^^ Jnns les cours nieiue do»
liabitaiiof)s,ii)ille artères déliécsquî, aBsuranl tout à la fois les
besoiDâ domestiques ot Tirrigalion des palmiers, des céréales,
etc., portent à chacun un liquide d'autant plus frais et moins
trouble qu*il a parcouru un assez lo«g chemin à lombre et
dans un terrain sablonneux^ Un individu est spécialement
charge d'assurer, un sablier en main, une n^parlition égale,
proportionnée, de Teau (l'irrigation, à chaque propriétaire.
Nous avons vu plus haut de quelle faeon les voyageurs du
Sahara se procurent de Teau dans des puits temporaires.
Les Arabes Qomades mettent également en pratique cet in-
leUigcnt système dMrrigaiion, à Taide de barrages grossiers»
mais seulement pour llurmcctation des terres cultivées. QïieU
ques piqueis, branchages en travers, moellons et cailloux jetés
par^dessus, constituent ces barrages qui ont souvent de grands
et funestes inconvénienlâ pour la santé, quand les terrains
I sont argileux.
\ Ouargla, à Agouca, dit M. Berbrugger (0, « les eaux
artésiennes ne jaillissant pas, elles s*épanchent; si on laissait
Isur le sol le sable que les vents y amènenl, les puits seraient
bientôt comblés: on l'amoncèle donc sur les sentiers et les
routes, ce qui les ex^hausse continuellement et rend très diflî-
^ ciles le passage d'un jardin dans un autre et lecoulenjcut des
eaux, tl résulte de ceci que Teau des irrigations séjourne en
grande partie à la surface du sol où elle reçoit une foule de
[détritus qui la corrompent. De làlexlremc insalubrité d'Ouar-
jla et de tsgouça. t> — Dans le territoire de Tlemcen et aux
|cnvirons surtout de cette ville, il y a des bassins échelonnés
le&runs au-dessus des autres, et lesArabes les utilisaient jadis
(i) Jmf»iial V Hhhitr, it«»*rf i85.l
— 2SÛ —
mm *«
pour leurs irrigalions. Lorsqu'ea 1840 on arriva à Blidati,
on trouva les aqualucs dans un otal iléiiluralilc, la plupart
rompus, brisés, obstrues; delà une infection indiscible. A Ko
ïéalj, les eaux des sources onl toujours paru assoz bien améot
gées du Ipnip^ des Arabes, A Médéali, il exist^iil un aquedi
pour renlraîneineritdesimrïiomlices et desproduilsde latrines^
Des conduits en poterie se déversaient çà et là dans des rêser-»!
roirs, et ceux-ci, suivant une pente, allaient tous se rejoindrai
au deborsde la ville ; ils servaient aussi à dégorger les maisontl
pendant les pluies torrentielles. Cliez les Kabyles qui placenll
d'ordinaire leurs villages à proximité do quelque source, vous!
voyez de belles eaux se perdre à profusion, sur les flancs des]
montagnes. Dans les villes mauresques, les mauvais matériaux 1
qui servent à faire les citernes, altèrent la qualité do leati]
qu y conduit en abondance la forme plate et légèrement incli-
née des terrasses*
Ainsi donc, la science liydraulique se trouve aujourd'hui
peu près nulle cliez les Indigènes, si l'on ctinsidère le peaî
d'application qu'ils en savent faire au clioix et à la conduite
des eaux dans des vues sanitaires, il faut toutefois remarquer :
♦'^Queles eaux généralement troubles^ chargées de partw|
cule^s terreuses ou de matières étrangères, reprennent quelque
peu de limpidité lors de l'usage, parce que les Arabes ont soin
de les laisser reposer dans tes i/uerùa (peaux de bouc). Mal-
heureusement, ils u ont pas assez soin de nettoyer tous les jours
ces réservoirs portatifs» pour les débarrasser des substances
qui s'y sont rassemblées ;
2** Que la conservation presque générale de Feau dans ce* j
outres lui enlève toujours une grande partie de sa fraîcheur,
inconvénient grave en été, où l'on éprouve d'autant plus le J
besoin de buire que le liquide ingéré ne désaltère plus, faute ^|
d'une basse températuiw D'un autre cok% les eaux reçoiveiU '
à
~ »61 —
SDUTentleur mauvais goût el leur mauvaise odeur it^gigét^
même, dont l'intérieur est enduit d'un mélange de tan [debm-
^ha) et de goudron (kitrane). Or, les caravanes du désert s'ap-
"provisionnent ainsi quelquefois pour dix jours; et, sous Hn-
fluenoe de la chaleur, cette eau doit acquérir une odeur et
un goût peu. agréables, les voyageurs préfèrent en général
une peau de chevreau bien goudronnée à l'intérieur, et préten-
dent que le liquide s'y conserve longtemps sans altération
aucune;
»
3^ Que dans les villes, dans les localités fixes, on est obligé
de recourir aux gargoulettes (sorte d'alcarazas) pkcées daUis
UD courant d'air, à Tombre, pour obtenir un liquide aussi
frais que possible;
4® Que Tabsence d'abri pour les sources et les puits favo-
rise le contact prolongé de matières organiques et inorganiques
avec les sulfates qui abondent généralement dans les eaux de
TAlgérie : de là une cause permanente d'insalubrité qui ne
saurait être sans influence puissante sur le grand nombre d'af-
fections gastro-intestinales;
5* Que dans les oasis, Thabitude de garnir les parois des
puits avec des morceaux de palmiers, a l'inconvénient de pro-
voquerle mauvais goût et une détestable odeur de Teau dont
les qualités salubres deviennent promptement altérées;
6*^ Enfin, que l'approvisionnement constantdes eaux domes-
tiques, n'importe le temps, la saison, les distance^ des eaux,
et plusieurs fois par jour, ne manque pas de faire peser sur
les femmes et les jeunes filles qui en sont toujours chargées,
un surcroît de fatigues, de maladies, d'accidents et une grande
perte de temps.
La pureté des eaux n'est pas seulement altérée chez l'insou-
ciant Arabe par leur mélange avec des herbages, des détritus
animaux, des particules terreuses ou sablonneuses, etc., par
— iryi —
leur défaut iVécoDlement, leur stagnation, le mode vicieux de
conservation, clc. ; elles acquièrent encore des propriétés insa-
lubres par leur rencontre avec les produits d'excrétions ani-
males, d autant plus que les Indigènes ruraux n'ont point de
latrines, et ne prennent aucune précaution de destiner des
•ndroits éloignés au dépôt des résidus de toute sorte. Ainsi,
toutes les eaux pluviales qui détrempent toutes les matières de
remplacement d'un douair placé sur une pente, conduisent
au ravin inférieur où TArabc puise souvent sa boisson, un
mélange de matières impures dont une grande partie est
fournie par les animaux attachés au pied des tentes ou des
gourbis, faute d'écuries. C'est indiquer l'absence complète
d'égoûts, de ruisseaux, de fosses à immondices, etc. Toutefois,
lors du débarquement des Français en 1830, il existait dans
quelques villes mauresques, à Alger entr'autres, des latrines
publiques balayées sans cesse par des filets d'eau. L'autorité
devrait bien engager et obliger même les chefs indigènes à
faire disséminer, ou réunir dans un endroit désigné, les
matières infectes. Pourquoi n'apprendrail-on pas aux Arabes
à les utiliser au profil de ragricullure, puisque, d'après les
calculs de M. Chevallier, le million d'habitants de Paris four-
nirait annuellement près de 274 millions de kilogrammes de
matières excrémentiticlles solides et liquides, offrant de quoi
fumer 17 millions d'hectares do terre ? Certainement ces
desiderata de l'hygiène publique sont moins regretlables en
ce que, dans la vie au grand air, dans des réunions d'habita-
tions sans encombrement, la dissémination des matières
délétères ou infectes empêche leur action par trop pernicieuse;
mais celle moindre innocuité scra-t-elle applicable également
aux émanalions que des coulumes ])ubliques obligent à garder
dans le voisinage des demeures? Je veux parler des cimetières
et des aballoirs. ^ Il esl répréhensihie, dit la loi, de laisser
tuer h»s animaux dans les niarolu's ou sur les places publiques
— 2Ô3 —
ou dans les maisons particulières : l'autorité doit disposer ou
faire disposer des tueries dans des endroits séparés. » Pré-
cepte important, s*il en fût, mais complètement inusité, ea
pratique chez nos Arabes.
Il en est de même de la pernicieuse habitude d'abandonner
aux alentours des demeures, des centres de population, les
cadavres des animaux. Viendrait-elle d'une ancienne coutume
desYandales et des Maures qui, pour réduire les villes assiégées*
exposaient sous leurs murs les corps de leurs prisonniers
égorgés, afin que l'infection générale forçàtl'ennemi à demander
capitulation? ou aurait-elle pour but, chez les Arabes, de tenir
les bêtes et animaux féroces éloignés de leurs habitations
pendant la nuit? Quoiqu'il en soit, c'est un foyer d'infection
permanente auprès des villages, et qui surtout ne devrait
point rester impuni. De même pour les sauterelles qu'ils
laissent, pendant les invasions épidémiques, se putréfier en
tas au lieu de les enfouir profondément. Ainsi, en 1845, sur
plusieurs points du littoral, à Bougie notamment, la mer
rejeta sur la côte des quantités considérables de ces acridiens
qui répandaient au loin une odeur des plus insupportables.
Que de choses il y aurait à dire sur les marchés, à propos des
matières animales et végétales abondonnées à toute l'ardeur
du soleil et aux pluies I Les Arabes agissent plus sagement
lorsqu'ils brûlent, après chaque récolte, les herbeset tiges qui
fatiguent inutilement la fécondité du sol. €es incendies ont un
grand avantage, celui de faire disparaître une myriades
d'insectes et une foule de petits végétaux, que Fépoque des
grandes chaleurs n'aurait pas manqué de sécher et de réduire
en putréfaction. C'est là un fait dont la critique sbtivèttt
irréfléchie des coutumes Arabes n*a pas jusqu'ici tenu un juste
GOinpte. Malgré l'opinion généralement inculquée aux popula-
tions musulmanes que le cadavre est impur, afin de l'engager
à l'éloigner le plus possible des lieux habités, les Arab<^ imi-
- «4 —
irat géiiéraleaieot la coutume 5oine dans dos campagnes,
celle d'inhumer auprès de leurs mosquées, au milieu de la
localité même. Les marabouts sont ent4?rrés dans rîniérieur
même de l'église. Dans les villages un peu étendus, les oa3ia
par exemple, chaque quartier a son cimetière. Les Indigènes
leqiectent beaucoup les deroenres mortuaires. La conTÎclion
que chaqte défunt doit, au jour du jugement dernier, revraîr
i la vie, est sans doute le motif de cette vénération. « Malheur
dians ce jour aux incrédules ! ce sera le jour où noos rous
rassemblerons, vous et vos devanciers.... un jour on sonnera
la trompette et vous viendrez en foule 1\ »
Aucune règle ne dirige dans l'exposition des cimetières
arabes. Quand un champ funéraire est comblé, c'est-à-dîre
qu*il n y a plus de places pour de nouvelles inhumations, on
choisit un autre emplacement, jusqu'à ce que le temps, les
intempéries atmosphériques aient complètement détruit le petit
tertre qui indique chaque ensevelissement. On ne s'inquiète
pas, comme dans d'autres pavs, si le sol est assez saturé de
matières animales pour empêcher la décomposition putride.
Nous avons exposé dans un des paragraphes consacrés à la
médecine légale, le nombre et la valeur des preuves de lamort
généralement admises. L'enterrement a toujours lieu peu de
temps après le dernier soupir : ««Il est de convenance reli-
gieuse de se hâter de tout disposer pour l'inhumation [i], »^
Les Musulmans croient en effet que sitôt la cessation de la vie,
le corps souffre d'autant plus qu'il tarde à être déposé dans la
tombe où l'attendent les deux anges de la mort pour l'inter-
n^ersur ses actions dans ce monde! Pendantles maladiesépi-
démiques, c'est à peine si les Arabes donnent au cadavre le
temps de tiédir. Ainsi, en 1837, époque à laquelle le choléra
CO Ktrmn, rk. I.IXVII, t 38; rh. I.XXVm, v. i8.
(>} .fi K^rM, Hiiiir I. th. Il, srrt. lo, |i. i8G.
— 255 —
^ fit de grands ravages en Algérie, des médecins français char-
gée de constater la réalité des décès furent contraints de re-
courir à Tautorîté indigène locale pour visiter des cadavres
que les Maures avaient confiés à la terre quelques heures à
peine après la mort. Dieu a dit :
c Hâtes- vOQfl dMnhumer vos morts, afin qa*ils Jouissent promple-
wuBùi de la félicité éternelle, sMlssont morts vertueax, et afin d'é-
lolgnar de vous des créatures condamnées au feu, si leur vie a fini
dans le mal et dans le péché. »
«Inàumez les martjrs, comme Ils sont morts, avec leur vêtement,
leurs blessures et leur sang : ne les lavez pas, car leurs blessures*
au Jour du Jugement dernier, auront Todeur du musc. »
C'est vraisemblablement à la température propre au climat
et à rignorance des moyens propres à prévenir ou à dissiper
les miasmes putrides si facilement et promptement produits,
qu'il faut rapporter Thabilude des inhumations précipitées.
On peut toutefois s'étonner avec quelque raison que Tinciné-
ntioji ne soit point venue à l'idée du peuple arabe, car les
Juifs, auxquels ils ont emprunté tant de coutumes, la met-
laîeBt en pratique.
Chaque cadavre, à moins de circonstances majeures, possède
sa fosse isolée. Dans les villes, presque tous les tombeaux sont
recouverts par une plaque de marbre et souvent entourés de
fleurs, d'arbustes. Chez les Arabes, un simple tertre s'élève à
quarante centimètres environ du sol ; sa longueur représente
exactement celle de la fosse, et une ou deux petites éminences
couronnent la partie la plus élevée du tumulus, selon que
rinhumé appartient au sexe maie ou au féminin. Les mara-
bouts ont le privilège d'une maçonnerie extérieure assez vaste,
comprenant une sorte de chambre surmontée d'une koubba
(coupole). — Toujours, la fosse a juste lesdimensions du corps
qu'elle recevra : à la tête existe généralement une ouverture
asst'z large, destinée à pcrnictti'c au mort d'entendre les san-
— i.j6 —
glots de ceux qui viendront Idî donner qucrlques larmes de
regret. Ce Irou, dont le grave inconrénient est de laisser les
gaz de la putréfaction se lépandre au dehoi^, se trouTe presque
oontinuellernent exploité la nuit par les chacals et aatresanî-
maux qui usont largement de la faculté depénétrer. Ou a tu,
du reste, dans un des paragraphes de la mêdecioe l^ale. Je
peu de profondeur donnée aux fosses : nous n^avons pas besoin
d'insister sur les dangers de cette dernière réglementation. H
suffît de demander ce que doivent devenir tous ces corps
enterrés a la surface du sol, lorsque les pluies torrentielles de
l'hiver ont détrempé ce dernier et bouleversé sa configuration,
et que hfs chaleurs Tauront crevassé aussitôt après? Ces! ainsi
qu'à Constantine, HM. Deleau et Ferrus (1) ont signalé les
graves inconvénients de cette pratique, lorsque vient à souffler
le \ent brûlant du désert; les cadavres mis facilement à
découvert par les hyènes, empoisonnaient l'atmosphère par
les érnanalions les plus fétides. Tous ceux, du reste, qui ont
habile une localité française séparée de villages Arabes voisins
par leurs terrains funéraires, ont pu constater que sous
l'influence de vents quelque peu violents, ces derniers cédaient
alors des miasmes infects. Si vous demandez à un Arabe pour-
quoi il n'inhume pas plus profondément ses morts, ii vous
exp|i(|uera (|u'il a un avantage à suivre sa coutume; car, si au
bout de quelque temps, le linceuil parait à la surface du sol,
c'est un signe que Dieu indique le défunt comme un homme
bien accueilli par lui, et digne de l'estime et du respect de
Ions ctîux r[u'il a laissés sur lern? I... — Voici les pratiques
funéraires recommandées par la législation :
Heauroup de légistes des plus distingués établissent Tobli-
gatinn, les uns comme canonique, les autres comme imitative:
1** De laver le corps du Musulman mort avec une eau sans
— i57 —
impureié ; 2^ de l'enlerrer et aussi de Tensevelir. — Pour la
lotion/oa commence par laveries mains du mort, puis on
enlève les souillures excrémentilielles, s'il y en a, puis on
opère l'ablulioD ; ensuite on lave la tête; après cela, on verse
à grands flots de Teau sur le coté droit du corps qu'on a
toorné sur le côté gauche ; ensuite, de la même manière sur
le coté gauche après l'avoir retourné sur le côté droit. On
pratiquerait la lustration pulvéraie si l'on n'avait pas d'eau, si
l'on craignait qu'en versant l'eau ou en lavant il ne se déta-
chât quelque lambeau de chair ou de peau (cadavre déjà
dédiiré ou en partie écrasé, etc.). On verse l'eau doucement
et avec précaution, sans frotter, sur un cadavre qui présente
des plaies, des blessures, quand on peut verser ainsi l'eau sans
crainte de détacher des chairs ou de la peau, mais non lorsque
Von a à craindre ces inconvénients, comme dans le cas de'
mort parla variole, par écrasement, par la chute d'un mur
sur l'individu, etc.; on ix^mplace alors Taffusion par la lustra-
tion pulvéraie. -— Le fidèle sera enseveli dans des vêtements
tels que ceux dont il s'habillait ordinairement pour la prière
solennelle du vendredi. Pour le malheureux dénué de toute
ressource, les dépenses de ses funérailles (lotion, transport,
etc.) seront aux frais du trésor public. — Il est de convenance
religieuse de fermer les yeux au fidèle qui expire, de lui sou-
tenir le menton par un bandeau, un mouchoir que l'on noue
sur la tête; de lui assouplir, par des flexions et extensions
modérées, les articulations des membres, afin qu'il soit plus
facile de procéder à la lotion ; d'éloigner du sol le corps en le
plaçant sur quelque chose d'élevé, afin que les insectes n'ail->
lent pas le trouver ; do lui poser sur le ventre quelque chose de
pesant, afin de prévenir le gonflement. — Pour pratiquer la
lotion d'un mort, il est dans les convenances religieuses
d'employer la décoction de feuilles de sedra (xizyphus), ojJ^^
lorsqu'on peut se procurer de ces feuilles', oii se sert aussi,
— 258 —
pour la lotion, J'one décoclion de feuilles de zizyphus nabeca,
et, le plus ordinairement, d*eau pure, d*eau safonneuse, d'eau
mêlée de natron, d'une décoction de roses trêmières. Le
nombre préféré, pour les lotions, est de trois à cinq ; on ne
pratique jamais au-delà de sept. — On a soin, mais seulement
en opérant la lotion, de presser doucement sur le ventre, afln
de provoquer la sortie des matières, des souillures qui, peut-
être, ne s'échapperaient qu'au moment de l'ensevelissement.
— Il est licite de débarrasser et nettoyer les dents et le nez du
mort avec un linge mouillé; de pencher la tête de colë et de
la secouer par légères secousses, afin de rincer la bouche et de
faciliter la sortie de l'eau et des souillures ; — d'aromatiser le
corps avec du camphre, aCn de retarder la décomposition et de
prévenir ainsi les émanations désagréables pour ceux qui vont
accompagner les funérailles. Enfin, le laveur doit prendre un
bain général, avec la simple intention de se nettoyer, immé-
diatement après qu'il a terminé les lotions du mort. — Il est
dans l'esprit de la religion de brûler des parfums ou aromates
(bois d'aloës, ambre, myrrhe), d'en parfumer les linceuls. 11
faut : 1® mettre au mort une chemise; 2^ envelopper la lête
de quelques tours d'un turban ; 3^ placer autour des reins du
mort un izra ou meizar, pièce de toile qui couvre depuis les
flancs ju$<iu'à mi-jambes; 4^ l'envelopper dans deux lefafeh'
(suaires), des pieds à la tête, et nouer les deux bouts. On
répand des aromates ou substances d'odeur forte et agréable
(musc, ambre, plantes odorantes, etc.) entre les lefafeV et sur
le coton que l'on applique sur h?s ouvertures naturelles (géni-
tale, anale, buccale, nasale) du corps. Aux aromates cités, il
convient d'ajouter du camphre, le meilleur des aromates
ccnsereateurs. On met aussi des aromates sur les autres
organes des sens, aux aisselles, aux plis des coudes, aux
jarrets, aux côtés du ventre, aux plis des aînés, etc. — Par
convenance religieuse, on doit ue pas conduire le convoi à
— 259 —
pas trop ralentis, et couvrir la bière d'un couvercle bombé, afin
de mieux cacher le cadavre. — On élablit une construction
murée pour y déposer le corps du défunt, ce qui est préférable
à la simple fosse. On fermb l'ouverture du tombeau avec des
briques crues ou avec des planches, ou avec des tuiles à
forme mi-cylindrique, ou à défaut avec des briques cuites, ou
enfin avec des pierres, des tiges de plantes arundinées ; enfin,
en Tabseace de tout cela, on comble la fosse, ou bien on ferme
reuvertore du tombeau en y j^nt ou amassant de la terre.
Ces manières de procéder sont préférables à l'emploi du cer-
cueil. — Il est permis de se dispenser de frotter les corps
lorsqu'il y a un grand nombre de morts; c'est-à-dire que Pon
se borne, dans les grandes mortalités, dans une épidémie, à
onderles cadavres, et, dès lors, on les enterre immédiatement.
Il est permis d'ensevelir les morts dans une étoffe teinte avec
le safran on avec le otuirs (onbancha tinctoria], parce que
ces substances colorantes sont aussi datis la catégorie des aro-
mates. — Il est blâmable aux yeux de la loi de raser au mort
les cheveux et les poils (ce sont autant de parties du mort), de
lui tiûller les ongles, d*enlever les escarres, ou de presser les
bords des plaies ou des blessures (1).
Lorsque les Arabes n'ont à leur disposition ni parfums ni
aromates, ils pilent des feuilles de sedra (jujubier sauvage)
avec du henna (lausonia inermis) et répandent cette poudre
composée sur la surface du corps. — Généralement, une fois
que l'individu a rendu le dernier soupir, ils le lavent à l'eau
tiède, lui mettent dans toutes les ouvertures naturelles du
colon et du camphre et l'enferment dans une pièce de coton,
an halk ou des morceaux de bernouss. On a pu remarquer ci-
dessus que les Arabes ue se servent point de cercueils; de
même chez les Kabyles, qui se bornent à laver les morts, les
(i) Si KktHI. l. \, cb. Il, secl. »o, p. i85 cl suit.
"ÉÉÉËloppem dans un Imik en laîae el les couûeQt ensuite à il
terre, placés sur le côté d roi L Des bières de diverses natiire
ont cependant été en usage dans l*Afrique septentrionale
Ainsi, à Djidjellj, à Tenez, à Tiarel, on trouve des cercueil
tailles^ dans le roc. Les anciens occupateurs de ce pays cher
chaient-ils, par ce moyen, à se conserver une plus grand
étendue de Icrrains cultivables, déjà restreiuls naturellement
par l'abondance d'un sol très calcaire? ou bien était-ce l|^d
une mesure liygiénique» en cusd'i*pidémie ? Le docteur tiuyoïi^
« également vu à Stora (prov. de Coostanline) un cimetière oîi I
l^es cadavres étaient disposés dans de grandes jarres toutes
ju\tà-placées. A Philippe^ille, des poteries semblables ont
découvertes reiifermanl des osscmens. L'étroitesse de leu
ouvertures a fait penser qu'on les cimentait ullérieureme
par la portion ventrale.— La pratique de rembaumemenl ii*e
pas usitée cliez les Arabes. Au Dar-Four, les Indigènes enlève
les intestins et les remplacent par des paquets d'aloës*
Au Sénégal, les Nègres musulmans entourent les cîraelièn
d'épines mortes, y entretiennent beaucoup d'arbres àfeuillagi
épais, en interdisent l'entrée aux Européens, n'indiquent l
place des morts (|ue par un tracé rectangulaire sur le sàWo c
la terre, alhimentdes feux surchaque tombe les premiers jou
delà sépulture, et placent ensuite sur le lieu de rinbumatioi
dt^s morceaux d'étofle pour éloigner les oiseaux, de proie. «
profonde vénération des Nègres musulmans pour leurs diam
de repos, ajoute Raffenel (1), et les soins excessifs qu'ils pren-
nenldes restes humains tant pour les parer avant rinhumati
que pour les conserver après, prouvent que le respect des loa
beaux et des dépouilles des morts n'est pas toujours en raisi
directe du développcjuenlde la civilisation. N'y a-t-il pas
un sujet ih' bien sérieuses mé^tilations î Du reste, dans iQ
\î) f^ofagt f/ii'M CAJrnjHt tfnidfhftfi., |v i\4,
— 501 —
lès Côfitré<»s de rintle ou du Sindoii il se irouve dos Musulmans,
ceu\-ci ensevelissent leurs morts secrètement, de nuit et dans
leurs maisons; mais ils ne se livrent pas à de longues lamen-
tations (I).
Avanl exposé les pratiques de rinhumaLion chez les Arabes
avec tout le détail possible, il nous semble convenable de n'y
ajouter aucun commentaire, nous bornant k dire que cette
partie de Thygiène publique est peut-être la plus digne de la
soUicitudederautorité, â cause de ses rapports intimes avec
la salubrité du pays en général, et de la colonie française» eii*
particulier.
Chez une nation dont Findustrie et l'agrieultiire laissent
riant à désirer, il est naturel que la condition presque générale
[de peuple pasteur inilue considérablement sur la qualité des
tnalières premières destinées aux vêtements. L'élève de nom-
|l>reu\ bestiaux fournit le poil et la lai tic dont les tentes et les
[costumes tirent leur tissu. Ces divers produits animaux, dont
hn qualité est fort belle et la quanlilé abondante, ont Tavantage
[sanitaire de garantir parfaitement en vertu d*un faible pouvoir
inducteur et d'un grand pouvoir émissîf, eld être peu péné-
[li^blea à l'air à cause de leur richesse; on ne saurait leur
[n^procher qu'une chose^ c'est d*être idio-électriqoes, rie [irédis-
poser par leurs stimulations conslan tes aux afiVclrons culanées,
réveiller sympatliiquement des instincts brutaux (2), enfin de
[*) Qu^tici «iitecunt M< Du^'vi.rr cii(i:*Buti'n, ont |jréiendii qvte 1d Jjun« |;rtt«ii^r<r, rou»'
'fflQinenl porter. êmoiuMe' lu» passions en torv^cllinl Li jneAm, Co filt nou* «cmbltf coff»T**WT*
|tAr ee<(u» l'on ohmcrve dir> \e% krnh**
— m2 —
mal absorber les iiialières delà Li^anspi ration et tle retenir Iro]^
facilement les ëinaoations. rS'oubljoQs pas que l'influe
pernicieuse des vêtements de laine sur la propagation de
lèpre, fut incontestable à l'époque des croisades. La plup;
de ces inconvénients disparaissent, il est vrai, lorsque la lai
n*est pas directement appliquée sur la peau, Malheureusemea
le linge de coton se trouve très peu répandu chez les Arab»
La culture du cotonnier sur une vaste éclielle en Algéi
intéresse an plus haut degré rhjgîène publique des Indigèn
! tissu, mauvais conducteur du calorique, conserve mieux
"corps sa température propre, L'immotabililé arabe se retrou
k jusque dans son costume* Le bernouss national, très i
I malgré sou au^pleur^ a presque partout la même couleu
toujours la même forme, La chaussure partout large, décou*
Hferte, sans talon, se confectionne avec des peaux dont
tannage laisse beaucoup a désirer.
Les moyens de couclïage sont on ne peut plus vicieux; if e]
3ra question, ainsi que des diverses pièces de rhabillemenj
^dans riiygierie privée. Contentons-nous de remarquer que
qui frappe le plus dans le costume ^dht5, c'est son ampleui
générale et la liberté complète de certaines régions que da
nos climats septentrionaux on ne se contente pas de couvrtl
soigneusement, mais que Ton soumet à des constructions pi
ou moins dangereuses. Ainsi, chea l'Indigène, cou libre cl
toute cravate, poitrine libre de tout corset, de tout vêleraen
serré, abdomen libre de ceintures comprimant et dessinant I
taille, articulations du bras, du genou, du coude-pied, libn
de toute constriction pur emmanchures, jarretières, botle^
bottines, etc.
Les diverses pièces du costume arabe sont généralemen
longues et peu multijdiées, c'est pourquoi elles garanlisseo
mieux centre les variations brusques de température et dansj
les circonstances diverses de It vie Roirmde. Chez la femme.
iC3 —
rappelée par la condilion sociale au rôle viager de domoslîque,
le btnnouss qui gênerait trop les uiouvemenU est rempbcc
par un assemblage de pièces d elolTes agencées, qui iaisseot
trop à nii les parties latérales de la poitrine et des membres
inférieurs : de là une influence évidente sur la production des
douleurs rhumalismales et des aiTectiuns culanées. En général,
le se\e féminin paraît moins bien vêtu que le sexe masculin.
Il faut tenir compte de tous ces détails dans les rapports du
bêtement arec la pathologie et la mortalité. Qutxni à Tenfance,
la coutume de laisser aller les petits Arabes dans un étal de
nudité presque complète, n*est pas sans inconvénients pour
un jeune âge qui résiste si difficilement aux exlrumes^^de tem-
pérature.
L'Indigène, guidé par sa malpropreté habituelle, porte
généralemenl te même vêtement jusqu'à ce que l'usage perma-
nent mette ce dernier hors d'état : de là une condition avan-
lageusepourraggravationdes aiïections cutanées et un obstacle
aux bonnes fonctions de la peau. Il ne prend jamais la précau-
tion de laver ou de purifier le bemouss qu'il possède par
héritage ou qu*il achète à une vente; celle pratiijue, que
raulorilédevmitbien surveiller, n'est certainement pas étran-
gère à la transmission et k rincurabilité par invétératîon^ de
certaines affections contagieuses du derme. Sans doute, la
pénurie générale do linge empêche la distribution de certains
effeUdans les mosquées à titre de bienfaisance et de charité
publiques. Nous avons vu qu A bd-cl-Kader tente d'importer,
dans les habillements arabes, un changement d'étoffe.
Dans le costume des Indigènes, nos Zouaves ont utilisé la
calotte, le pantalon à nombreux plis^ le capuchon du collet,
i'ab^nce de col et de cravattc. Le D' Cuvallicr voudrait que le
capuchon en drap de soldai trop léger, fût en poil de cliameau.
N'y aurait-il pas à craindre qu'il ne devint trop lourd? mieux
— 26* —
voMfai^îeiiMtre le confection ner touL simplement en laïf
blanche, absolu nienf cnmine le tissu du henious^ arabe*
Ji&s habitudes al imentairoâ d'un peuple ne tiennent pas seii
lement à la nature végélale ou animale des produits bromalâ
li)gi(|ucs que lui olTre naiyrellement âon climat; il faut tûiuij
couiptfj aussi deâ influences que la civilisation fait interveni
sur son régime des choses e5S43nlielles à la nutrition, $oit ei
forçant le sol à produire de nouvelles espèces, à nourrir
riôuvelle.s variétés végétales et animales apportées d*uneautr<
zone. Cette vérité d'économie politique, en même temps d'hy-
giène publique, ne nous ptM'met donc pas d'être de Tavis dt
ceux qui prétendent que la su rabondancedes produits végéiaui
comparés aux espèces animales, dicte naturellement la nature
de l'alimentutïon qui con vient aux pays chauds. Ortcs, une
nourriture toute composée de céréales et de fruits a ravantage,
dans ces contrées, de ne point déranger le calme des passion^
et de rinlelligence, d'abaisser la t<Miipératurè du corps, de]
moins tourmenter le foie normalement suractivé, de rijoioi
globuliser le sang et de prévenir les inllammatioas, etc.
est encore vrai que Fulimentation végétale a été et est pres-i
qu exclusive chez les peuples peu civilisés et dans les clirnatâl
chauds : ainsi Moïse défendant uu certain nombre de viandes,]
obligeait au régime végétal ; ainsi Pythagore vantait ce dernier^
en Grèce; ainsi les Indiens vivent exclusivement de fruits, de
légumes, de hiit et de riz; etc. — Mais, d'un autre c^îlé, nou
B*en hommes plus à discuter avec Plularque, si Thomme
violé la nature en se nourrissant de la chair des animaux, ave
Helvétius s'il ne doit èuv que Carnivore : les progrès de I
>
^ 265 —
I gont fort lhn»reu.seinent venus prouver que ceffST
^té qu^dû mangts mais bien ce qu on digère, qui s<?ul nourril
rhomme. Mais, en Algérie, au milieu d'une températiiiT gé-
néralement rnobil?, et souvent extrême entre le jour cl la nuit^
sur «nsol presque constamment humide (Tell et montagnes),
avec de si tristes et imparfaites ressources de protection contre
leâ intempéries, au sein de toutes ces causes d'atteintes mala-
dives que donnent la vie nomade et Triicurie de tout ce qui
concerne la salobrité publique et privée» quelle force salutaire
de réaction l'alimenlation végétale peut-elle offrir 1 D'ailleurs,
quelle grave influence celle nourrîhin^ particulière n'a-t-elle
pas sur le moral, en lentraînant dans les fatales délices de la
Ivresse et de Tignorance, dans les stériles spéculations du
nnslicisme, dans Péuervation Je toutes ces facultés données k
riiomroe pour augmenter constamment la sphère de son hicn-
étre 7 Et tes industries, les arts, les sciences, florissent^iU dans
ces contrées cl^audes où régnent, grâce cerlaînement à cette
alimentation débilitanie, le de^ipotisme le plus absolu et k
torpeor sociale la plus dégradante ? D'autre pari, au point de
vue physiologique, si le foie est moins activé par la nourriture
végétale cl le sang moins enrichi de globules, les intestins ne
Tnanifestent-ils point par la constipation habituelle ou de pério-
diques débâcles, la fatigue que causent des substances généra-
lement pauvres d'éléments azotés î Dans les convalescences,
[dans te cours des maladies, quand il s'agit de rendre à la
[constitution des forces suffisantes, de réveiller les puissances
[vitales ponr lutter avantageusement contre les causes patho-
jéniques asthénisantes ou autres, que trouver d'cflîcace» di
onvenable, dans une nourriture peu réparatrice, inapte à
ippeler rénergie dans les voies digestives? Dans les épidé-
ïie^ causées par maladies des végétaux (les Arabes n*en font
lucune étude particulière), dans leur destruction par fies in-
fectes (^aufere Iles) et les incendies, dans Ir^ Irisles épof[Hes
— ^60 —
Jes JÎM:tt*::s et -It: cbtrrié Jes graîDs, quelle affreQ^e condilioi^
pijur les imprudentes pC'puiations qui n'ont point su, par un^
égale s^'IlicitU'Je donnée aux troupeaux, secréer des ressource^
complémentaires suffisantes d'alimentalion en cas de nécessités
Les matériaux accessoires que l'habitant méridional va d^F?
mander aux végétaux acidulés, sucrés, aromatiques, à d^^s
degrés divers, pour stimuler les oignes digestifs, sont-i75
sans inconvénients par leur dose et la fréquence de leur usage;
pourraient-ils être mis en comparaison avec les avantages de
l'ailjiinclîon de quelques substances animales au régime fécu-
lent liabituel ? N'y aurait-il pas un avantage multiple au point
de vue et du goût et du volume des matières à digérer? Les
intestins ne seraient-ils point déchargés d'une partie de ce
poids de matières inertes dont, pendant toute Texisleace, ils
sont lestés sans profit ? Si vous voulez introduire le goût dn
travail chez les populations d'un pays chaud, et les faire béné-
ficier du bien-être qu'amènent toujours les progrès de l'indu»-
trie et de l'agriculture, une nourriture végétale suffira-trille
pour entretenir les forces de tous les bras producteurs ? Croît-
on que si le commerce est peu étendu, peu actif dans l'Orient,
le défaut d'activité générale ne reconnaît pas parmi ses causes
l'influence de la nourriture ?
Ce n'est point par instinct et par rareté des espèces animales
que les Indigènes mangent peu ou point de viandes : l'histoire
nous apprend qu'à Timbecktou on se nourrit beaucoup de
chair d'animaux, que les Abyssiniens utilisent quotidienne-
ment dans leur nourriture le sanglier, les bestiaux ordinaires,
le rhinoctTOs, le lion, les oiseaux, etc. El pour ce qui concerne
l'Algérie, la zoologie y est largement représentée. La chair des
animaux, des oiseaux y serait-elle naturellement moins savou-
reuse, comme on Ta prétendu? Des expériences pourront
seules lever les doutes à ce sujet, tout en tenant compte des
mauvaises conditions hygiéniques dans lesquelles s'y trouve
- 267 —
généralement le bétail sous le rapport de l'abri et des aliments.
Epizoûiies, malheureuses conséquences de la guerre, privations
de pâturages et de protection en été comme en hiver, surtout
dans les nuits froides et humides d'automne, tout a contribué
à diminuer les troupeaux arabes; aussi llndigène mange-l-il
à peine de la viande le vendredi de chaque semaine I. Ainsi
donc, sans parler des caractères d'organisation (nombre et
forme des dents, forme des mâchoires) communs aux races du
Nord et des pays chauds, l'examen comparatif des inconvé-
nients et des avantages de la nourriture végétale exclusive
saffit pour démontrer la nécesj^ité de leur alliance dans
Talimentation générale. C'est do cette façon, du reste, que le
Prophète musulman l'avait compris :
€ O ctoyants» H vous est permis de vous nourrir de la chair des
bestiaux qoi oomposent vos troupeaux.... . €*est Dieu qui a créé les
jardins de Tisoes, quia créé les palmiers et les blés de tant d'espècesit
J(00 olires et les grenades ; 11 a dit : nourrissez- vous de leurs fruits...
Je ne trouve dans ce qui m*a été révélé d'autre défense, pour celui
qui veut se nourrir, que les animaux morts, le sang qui a coulé et
la chair de pora... (i). »
Ces préceptes ne sont pas également mis en pratique par
nos Indigènes : soit misère, soit paresse, soit ignorance des
moyens convenables pour assurer et favoriser l'élève des bes-
tiaux, la généralité de la population mange très rarement de
leàr chair, et se contente de quelques préparations farineuses,
de quelques fruits. Cependant la boucherie est libre et le droit
des marchés minime. L'élat général de l'agriculture prouve
que l'étendue des terrains utilisés par les Arabes est moindre
qu'on ne serait porté à le croire : beaucoup de plaines restent
incultes. Chez les Kabyles, l'aridité des montagnes les forcent
à ne récolter que quelques légumes et des fruits. Quant au
Sud, le palmier y fait presque tous les frais de la végétation.
(r) K»rn», ch«|». V. r. i«', rh. VI. r. i4« «l i4«.
i
— i08 —
Ce que [.roduil le territoire indigène peut être évalué d'après
Vachour 'dixième des récollesV, or, si on admet une moyenne
de quatre millions payés parcet impôt annuel, ce serait omiron
cinq millions d'hectares seulement ensemencés pour les
céréales !
La nécessité d'une nourriture, dans laquelle les viandes et ;zs
les farineux auraient une part convenable, avait été appréciée =^^
par Ahd-el'Kader ; il réglait ainsi la nourriture de ses régn
îiers : Chaque askar prendra un pain par jour, pesant encon^ e
en pâte vingt onces et dix-huit onces après la cuisson; plns,.^- t
trois quarts de livre de blé moulu [chicha). Il aura du biscuit t
si le pain manque, de la farine seulement si le pain et k
biscuit font défaut. Chaque tonte premlra tous les soira tii
cinq livres de farine, une livre de beurre (l'été)* oa d'huile
(rhiver), si le beurre manque. La compagnie [méiai, dt
nombre mia, cent) recevra tous les jours cinq moulons <^»t
qu'on partagera entre les trois t4?nles. Si la compagnie n'éiù ^'^
pas au complet^ on retrancherait de la nourriture suivant I^ ^^
nombre d'hoininos manquant, excepté la viande, Desdisposi^ •"
tions analogues étaient prises pour la cavalerie.
La question des viandes nous amène à l'examen du procéd^^^^
de la tuerie, et de la nature des animaux qui sont regarder ^^^
comme permis ou défendus. L'opération delà tuerie, ditia loi ^ ^*>
est une opération qui doit être faite par une personne jouîssan-^^"*^
de toute sa raison, et pouvant contracter une union conjugale ^'^
selon la loi musulmane, — qui consiste à couper complètement '.^ ^^'
et sur le (levant (lu cou, la trachée-artère de l'animal et les ^^^
deux veines jugulaires, sans enlever le couteau avant l'entière ""^^^
section de ces [larties,— ou qui consiste à plonger l'instrumen.^^^^
îi la partie inf(Mi(Mire. et moyenne du cou, sans qu'il soit néces— '^^
sairc de diviser la trachée-artère et les jugulaires. Il est d^ '^^
règle canonique de tuer le chameau, le dromadaire, l'cléphant-::^'
la^irafe. etc., en plongi^nl rinstnimonlà rendroit d'olectior"*^
— 269 —
eUe faisant pénétrer dans le cœur; de tuer les autres anÛMaux
{méin bétail, volatiles, autruche) par entaille tran&viersale du
eoQ. Pour le bœuf ou la vache ou le buffle, it est également
conlbmie à Tesprit de la loi de tuer par ^liaille transveive ;
mm il est permis de tuer ces animaux en plongeant le cou-
teau Aiv-dessous du cou jusqu'au cœur et aux gros vaisseaux
q\À y aboutissent ou en partent. La règle ordonne de tuer les
«nhnaux avec un instrument en fer très tranchant, afin de
^miumt la souffrance et de bâter la mort de l'animal ; de
Gooper les deux veines jugulaires d'une pièce de gibier blessé
a mort et encore vivant, afin d'abréger les souffrances. U est
Uâiaablededécapiter^xprès l'animal, après lui avoir coupé la
Iracbée^artèr-eet les jugulaires : c'est une torture gratuite.
Loragufi mains de la moitié d'une pièce de gibier aura été
arrachée et séparée, et que l'animal qui n'était pas d'abond
J)}atséà mort aura «xpiré avant d'être saigné par le chasseur,
1% jwrtie arrachée et séparée sera considérée comme chair morte
d'elle-même et ne sera pas mangée ; il n'en sera polai aiASi
4e la tête. Il est permis de manger Paninaal qui a été tué selon
la loif eut-il été tué parce qu'il paraissait être ou était réelle-
ment en danger de perdre la vie, mais à la condition :
4® Que cet animal, quel qu'ait été son état (sain, malade oii
bimé^, ait fait, au moment où le couteau allait le pénétrer,
des mouvcmens évidents. et assez forts des membres, de ia
qneue ou des yeux ;
8'' Mais on ne soumettra pas au couteau, et ensuite on ne
mangera pas l'animal qui a été blessé à mort par un coup
yji>]ent (de pierre, de corne) et de tout autre façon (chute,
élranglcment, lacération par bêtes Téroces], ou par la rupture
de la moelle épinière ou par la sortie du cerveau chassé du
crioe, ou par un déplacement herniaire des entrailles; ou
psLT la déchirure ou la section d'une des veines jugulaires, ou
par la perforation mécanique ou la rupture de quelqu'inlestin.
— i70 —
:ei«etusarac(nâmûrt piir le fait môme qaî a tué la mère;
il est donc permis de le manger pourvu ([u'ii soit développé
au point que le ironc commeace à être velu et laineux. Si le
fœtus sort ou est extrait (vivant et déjà velu) de la mère égor-
gée, il doit être lue, à moins que sa mort ne prévienne Tem-
pressement de celui qui va lui enfoncer le couteau. En mourant
proraptement, il est considéré comme étant mort du même
coup qui a âlé la vie à la uière< Le foetus abortif sera tué s*it H
est à un développement tel qu'un fœtus semblable à lui puisse ~
vivre : il pourra alors être mangé. — Il est nécessaire, d'après
la loi, de faire subir aux sauterelles et autres insectes analo-
gues (privés de circulation sanguine) quelque pratique ou
traitement qui leur ol^ la vie : les parties enlevées avant la
mort ne doivent pas être mangées, — I! est de nécessité «jue
ranimai sauvage (vivant par nature en liberté) soil frappé et
blessé par un instrument tranchant ou soit pris et arrêté par
un animal dressé à la chasse ; le gibier qui a été pris ne doit
pas être mangé si Fanimal atteint tombe dans l'eau et meurt
sans qu'on sache s'il est mort àe la blessure ou noyé, si le
gibier est mort de coups ou de contusions même avec meur-
trissures et cnhymoses, mais sans blessure réelle qui ait divisé
la peau et les chairs et fait couler le sang.
^ Les aliments permis sont : l*' Tous les animaux aquatiques ;
tous les oiseaux ou volatiles, même ceux qui se nourrissent de
matières impures, même les oiseaux de proie armés de serres
ou d'ongles crochus et forts (faucon, vautour, aigle, épervier) ;
tous les animaux de bétail (chameau, bœuf, boflle, menu
bétail], les animaux sauvages non carnassiers (gerboise, taupe,
lièvre, lapin, hérisson, porc-épi c, ophidiens dont on a rejeté
les parties qui portent le venin}, les insectes rampants et ne
volant pas (scorpions, chenilles, fourmis, vers, sauriens) ; 2** en
cas de nécessité pressante (danger de faim (rop prolongée), on
peut user des choses défendues, mais seulement autant qu'il
À
— il\ —
en faut pour conserver assez de forces et s'empêcher de mourir.
ToutefoiSyil n'est jamais permis de manger de la chair humaine,
à moins, par exemple, de souffrances suffocantes et lorsque
l'on n'a rien autre chose qui puisse soulager. — Laloi condamne
Fusage des animaux à un seul ongle, les solipèdes, l'autruche.
II esl répréhensible de manger les portions uniquement grais-
seuse des animaux (tels qu'épiplom du bœuf ou du mouton,
ou delà chèvre). — Sont encore défendus : tous les aliments
irapura ou souillés ; la loi prohibe le porc et le sanglier (la
chair'du porc est impure de sa nature), le mulet, le cheval,
râae domestique; il est blâmable de manger la chair du lion,
de Phyène, du renard, du loup, du chat, de l'éléphant, du
diien-marin, du porc^marip, du guépard, du léopard, du
tigre, de Tours, de la mangouste, du chien (1).
Les diverses recommandations précédentes ne sauraient être
dépourvues d'utilité réelle. L'effusion plus ou moins complète
du sang de l'animal, avant qu'il ne rende le dernier soupir, a
certainement pour avantage de dégorger plus profondément
les chairs d'une grande quantité de liquide, dont la présence
combinée avec une haute température climatérique favoriserait
nalurellement la prompte putréfaction. Moins garnies d'hu-
meurs sanguines, les viandes se sèchent plus facilement et se
conservent mieux. \e législateur a donc été sage de prévenir
les circonstances qui pouvaient activer l'altération de leur
qualité. Quant aux aliments permis et défendus, pour que des
▼iandes prohibées ne fussent point involontairement, par igno-
rance, choisies pour nourriture, le Prophète a eu soin de placer
la surveillance de la proscription sous les auspices du pouvoir
religieux : « 11 vous est interdit de manger tout animal sur | ^
lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu (2). »
Il est vrai que, de tout temps, les interdictions officielles n'ont
(t) SiKketi/, t. II. chap. I. p. i43 et i6t.
(m) A'eran, chap. Il, v. if>$.
X^
V
— 272 —
pas loujours été ratiaonelles. « Porrum et cepi ne fa*
riolare et framgere morm, » disait Juvénal; or, en quoi celle
proLibiiioD de i'ogooDetdu poireau pouvait-elle être reçoD&ue
aïantageuse, surtout à l'hygiène alimeotaire('l}? JfoAommctf
ÎDsisle avec raison sur certaines conditions dans lesquelles on
poovait oser de la viande du chameau, par exemple, à eau^e
de la race qu'il fallait protéger et des profits que les Arabes en
tiraient pour leurs exploitalions et relations commerciales (8).
De même, pour b plupart des espèces animales défeadues
dans le but de garantir les ressources multiples qu'elles o0!roDt
El empêcher rabàlaidissement, la disparition d'espèces $î
■liles: mais rintenliction qui pèse spécialement sur la viande
de porc ^3 et qui, du reste, était déjà en vigueur eD Afibîe
avant JfoAammed, tient-elle :
f * A un préjugé? Dans la dix-huitième lettre persane de
■ontesquieu, il est dit que la tradition musulmane accuse
l'éléphant d'avoir commis sur l'arche sainte du déluge tant
d'ordures qu'il en naquit un cochon : ce dernier animal, en
les remuant continuellement, détermina une telle puanteur
qu'il finit par éternuer et laisser en même temps sortir de ses
cavités nasales un gros rat ! Est-ce dans ceUe allégorie qu'il
faut chercher le motif de l'antipathie pour un animal aussi
bien réputé et représenté immonde? Le Prophète ne le traitait
guère mieux : « Vous annoncerai-jc quelque rétribution plus
terrible que celle que Dieu réser\c aux impies? Ceux que Dieu
a maudits, ceux contre lesquels il est courroucé, qu'il a trans-
formés en singes et en porcs, auront une détestable place et
seront bien loin du droit chemin (4). » Un chroniqueur du
(i) Yojci Rtrm Briimimifu» de mm i65» : Du hue d* la tMê Jmut »e$ r^ftrts «w im
(a) Koran, diap. V.
(3) Id. chap. II, Y. iG8: chap. V, t. 4 et 5; chap. VI, ▼. 146; chap. XVI, t. u6, eU.
(4) Id. chap. V, v. Ci.
— 273 —
Xir moh, <iiuibart do Nogent, rapporte que « Mohammed
était sujet à des attaques d'épilepsie : un jour qu'il se promenait
seu), il tomba frappéxle l'une de ces convulsions, et, tandisqu'il
en étojttouf mente, des pourceaux qui survinrent le dévorèrent
si Cûmplèiteod^ent qu'on ne trouva plus que ses talon$ pour débris
ide lovt son corps. » Les Arabes croient aussi que parmi le^
transfigurations qne subiront les hommi^s au rassemblemenX
do jaur4erpier, les Marabouts feront paraître aous la form^
de pûDPi tout ceux qui auront commis des gains illicites et des
coscofisioos sur le peuple. Tout ceci n'est encore qu'image,
^Iuiîm; mais quel en serait le véritable motif? car la m^l-
jiropreté babitaelle du cochon se trouve bien partagée par
d*auireft animaux dont la chair n'encoure cependant pas la
foame proscription.
2* A la rareté de cet animal î De Boulainvîllers (vie de Mo-
hammed) prétend que le cochon doit être très rare en Arabie,
« où il n'y a presque point de bois et presque rien de propre à
la nourritore de ces animaux. » On peut objecter à cela que
les porcs abondent en Chine, dans l'Amérique méridionale, et
font les détices de leurs habitants; le porc est encore très commun
anjourdliui en Egypte, dans les écuries des Turcs et des natu-
rels du pays, qui le considèrent comme doué de la propriété
de préserver du farcîn ; mais la viande ne s'en débite qu'aux
Chrétiens (4).
3® A une raison générale d'hygiène ? Mohammed, guidé
par l'intention de faire prodominer dans un climat chaud la
nourriture végétale comme tempérant davantage les appétits
charnels et brutaux, aurait-il compris de préférence la chair
de porc au nombre des viandes ou produits d'animaux défen-
dus? Cela est peu probable, puisque ce Rélormateur permit
(i) L'Egjrpti toM Mrkimct-Ali, par le D' Uamuht, i8i3.
— m —
complètement Tusago des viandes, ainsi qu'on la pu VL>ir plu»]
haut.
4** A des propriétés particulières d'insalubrité ? Telle senij
ble, très probablement, la véritable cause de la proscription^
Les Hébreux, en elTel, lui reprochaieni d'occasionner la lèpreJ
Un savant arabe du X*' siècle, Iskak ben Solcïman^ a bieil|
vanté la cliair de porc, coiume un aliment très sain ; mais sans
refuser à cette viande de très réelles qualités nutritives (^y^
Topinion générale Taccuse, et avec raison, d'être difficile
digérer dans les pays cbauds, et d'y faire naître aisément deg
affections cutanées. Sanctorius (2) a prouvé que celle chair
transpire peu, et diminue même d^un tiers la Iranspiration
des autres aliments. Les anciens athlètes, qui se nourrissaienlS
surtout de chair de porc pour développer leurs forces, étaient
usés avant l'âge (3). Pendant Texpédition d'Egypte, lessoldaleij
qui mangèrent quelque temps du poisson salé et de la viandd
de porc furent incommodés, et un grand nombre atteints d*é
ruptions lépreuses qui se manifestaient à la face d'abord, puis]
aux extrémités (4). Ainsi que je lai dernièrement soutenu (a)J
la fréquence de ta ladrerie dans les pays chauds (6) chez les porcs,]
les indisposnions fréquentes dues à l'usage de leur viande du-l
rant les chaleurs, la prédisposition si grande des voies gaslri-j
quesa l'irritalion pendant 1 été, l'opinion générale qui, de tout
temps, a proclamé cette chair lourde, indigeste, etc., expliquent
parfaitement lantipalhie des Indigènes de l'Algérie pour ce%
(i)D'iprès l«« dcn»ièr«* f«oh«rcliâ tmiit» à ce tv^H par M. Marduiî dm ÇmM^ 1« j
ttndriit, «w pAint de ra* du degri di» iiurritivité, k luilieii entre le boruf *l le j»oul«l.
■DOotoB H le Yrâii>
(») Midmctnii ttutitliquet trct- ï*.
(î) Etttu d'h/gitne gtnéraU, par le D' Morinf», 1. 1, p, Hi
(4) B«ron Lauikt, M*m0ir*i H enmfmgtuft.
(%) Yoyct âatt» Ujonmnl VMkbw Acm t» juillet, S ei 3i «nûf, 9 nopt- »*S».
(fi) L;i ehiaiie déictontrcra »ait>douieii In ladrerie innut- sur InrpiAntiié ri \* rtnnliti
prirtdpck nulriliit de la tltair 4c cmiiiuti. Chi s^ii ipic le iîju^u cellobire de cet «tiînial renfcril
«<mf «Ht dr» efiiicerqoci.
— Î75 —
aliment. C'est sans doute Tabondance des oialières grasses et
la dureté fibrillaire qui les en a éloignés.
La crainte de faire dégénérer les races et la nécessité d'em-
ployer les bestiaux aux travaux des champs, auxlransports. ne
permeltenl pas de destiner les plus jeuues aux besoins de IV
limentalion. D'ailleurs, le mauvais état des voies publif]ues,
Tabsence presque complète d'abris convenables, font peser sur
les troupeaux une mortalité annuelle effrayante. Il en résulte
aussi que les marcbés sont généralement approvisionnés de
besUaux vieux, maladifs et fatigués. — Nous n*avons jamais
entendu dire que les Arabes usent de viandes fumées, salées:
quelques citadins en conservent cependant en couvrant les
chairs avec un mélange de felfel (poivre), de mehr (sel) et de
tabel (cortandrum sativum). — Quant aux produits de la pê-
che, les Indigènes du littoral en mangent peu : les Maures les
[■Utilisent peut-être davantage.
Les magasins pour les céréales consistent en excavations
ondes, de différentes grandeurs, pratiquées dans la terre et
('ouvrant à sa surface; c'est ce qu'on appelle des silos. Ces
orles de greniers souterrains, qui ont la forme d*une vaste
irafe,n*ODt qu'une petite ouverlure que Ton recouvre d^abord
Id'une grosse pierre, puis de terre et de broussailles. La capa-
Ile de^ plus petits est de 3 à 400 boisseaux. Qnmd ils sont
creusés dans le roc, les céréales se conservent bien. Cette habi-
tude d*ensilolement parait fort ancienne : «C'est une coutume
dans presque toutes les fermes d'Afrique, écrivait César, d'avoir
ins les champs des cachettes souterraines pour mettre le blé,
irtout en raison des guerres et des incursions subites de
Tennemi, »
Presque toujours humides dans le Tell et les régions mon-
I tagneuses, ces magasins altèrent facilement les grains, sous
. A'#f /^
- 27A
complètement Tusage des V , uS Indigènes conser\eDt les
haut. ..//'•5 rondes dont les parois sont
4** A des proprîétr ,.•: épineux. Ces moyens imparfaits
ble, très probableir ,.^i/es de s'altéier et d'être envahies par-:^^
Les Hébreux, en j plus que le cbaulage, le vannage et It» e
Un savant arr juas. Les légumes, les fruits, géncralcn)ca^p-it
vanté la dr > le coin des habitations, ont également beao^cu-
refuser :' je' à se conserver quelque temps. Ignorant Ic^^m^ es
l'opini ^ ^ftîserver les œulis, les Arabes se contentent de Jt^ es
digr jWi/uefois dans de l'orge ou de les faire cuii-e jusqu' ^'à
^wti, qui fournit la boisson générale, est approvisionna éc
j^s des cruches malpropres ou dans les gueurha (peaux t^ de
jtfiic), qui communiquent une odeur fort désagréable et p: '^ûl
/'inconvénient de s'échauffer pendant les mai-ches. De là -l^
proverbe :
« Cherob men foum el lefad, ou (a tctierob men foitmel gueurba^^^^^
G*est-&-dIre : « Bois à la bouche de la vipère, et ne bois pas à 1^
bouche de Toutre. »
De là aussi la recomniandalinn de faire toujours prend ^"^^
l'air quelques instants au liquide longlemps renfermé, ava. -^nl
de s'eja servir.
Quoifjiie très paresseux et insouciants alors qu'il s'agir5=^^ '**^
de maintenir l'eau dans un élat de propreté et de salubrii *'^
constantes, les Indigènes ne sont pas toujours indifférents à -*^
bonne qualité. Ainsi, dans chaque localité, il en est qui co: -^^w-
naissent parfailomoiU h\s sources meilleures les unes que 1^ '^
autres, et ne manquent jamais de les indiquer de préférences^ ^^
celui qui voyage avec eux. On en trouve même qui, à la pr^ ^^
senc4' de certaines espèces il'herhages, reconnaissent l'endr ''''^
où il faut creuser pour trouver de l'eau. On raconte que ''*
Pacha llnsscin-IJeif, désirant faire bàlir une fontaine, app^^-'^**'
— ^r? —
RTcSfîsfnnfmSpfemï homme qui avait la réputation d'être
! Ireâ cTtperinienté dans la iTchorclie <le^ eaux de bonne r|ualité.
'Il conduisil cet expert près de fiuatiiî snurccâ, pai-mi lesquelles
il Tdtrtait porter un choix* Le Turc prit un mouton, le coupa
Le» çaairfl portion*, s*assura de leor« ditTérents poids, et en
■ne dans chaque réservoir. Le lendemain, il pe&a de
nmifeâti les quatre morceaux ; un seul n'avait pas changé de
poids : IVau dans laquelle il avait séjourné lut désigr*re au
Fadia comme la meilleure des quatre sources. Plein de con-
fiance dans les lumières d*un tel savant, Hussein-Dcy fit de
suite fonj^truire sa frm laine à la léte même de celle eau* —
Moins adroits qtieee corréligionnaire, noj Arabes n*cntemlent
rica aux moyens Je constater la qualité des eaux.
Les Arabes accordent au laitage, dont ils font un grand
usage, de gramles propriétés avantageuses à la santé, entr au-
tres ceHf de conscrter au corps ses fcH'ees, sans trop le nourrir
[et augmenter son volume.
nombre des boissons permises par la religion, la loi
?eiïrt : 1** Le jus de raisin fraîchetnenl extrait et ne pou-
I vtnl encore enivrer ; 2** le fouqqa, macération a<]ueuse de
b(é oti d'orge, ou de dattes sècties, ou de raisin sec, jusqu'à
saveur piquante; ï* le soubieh\ digeslion aqueuse dVge
^concassée avec du levain ou pâle de dalles, jusqu'à acidité ;
4° le jus de raisin cuit et devenu plus que sirupeux,, er rob
essamil, e'est-à-dire le sirop tranquille. En cas de nécessité
p«»â8aûtf , danger de soif trop prolongée^ on peut user des-
choses défendues, seulement autant qu'il en faut pour conser-
wr assez de forces et s'ejnpeclier de mourir. Toutefois, il n'est
[jamais permis de boire de vin ou de liqueurs spiritueuses, à
[moins» par exemple, de souffrances suffocantes et lorsqu'on
n'a rien autre chose qui puisse soulager. — Il est blâmable
de faire usage de boissons composées, c'esl-à-tlire préparées au
moyen de plusieurs ingrédienls fermeiitescibles, raisiû soe.
4
— 278 —
blé, orgo, miel, ilattos ; mais il o'y a pas i!e blâme à meî
i]\\ niicJ dans une boisson d»? dattes, ou dtrs dattes dans du !ait||
car alors il n'y a pas de cause de vinitlcalioih II est blamabU
de conserver les boissons (de dalles ou autres) dans des citroutl
les allongées; par exemple, dans des jnrres vernissées, aï
elles pourraient devenir enivrantes. — Le Musulman pubère
sain de raison, r|ui, volontairement sans nécessité forcée, a bu
une substance enivrante et qu'il savait elre telle, lors mèml
qn'étanl attaché au rite hancfite il a bu du nebid ou vin
faible obtenu de raisins secs, lequel est considéré dans ce rit
con)mc d*usage toléré, ce Musulman doit, après qu'il es
revenu à la raison, être condamne à la fustigation et puni d€
quatre-vingts coups de courroie L'ivresse est plus dange
reuse, plus nuisible, dans ses conséquences sociales, que]
Tadultèrc même et la fornication. L*ivresse est la mère detoua
les vices (oiimm et khabaïs); elle conduit trop souvent
Tadultère, au vol, au meurtre, et elle est si commune dans lô\
monde !,,,. Il est permis de boire une liqueur enivrante lors-
qu'on est obligé de déterminer la déglulilion de nourritures^
arrêtées dans le gosier et menaçant de sulToquer, et que Vouj
n'a sous la main aucun autre liquide.,,., La fermentation!
acide ou acétique détruit la nature première de la substance,|
etc* (1). — Cotte proscription bien précise des liqueurs fer*J
mentées et enivrantes nous conduit àexamincr trois questions:'*
Le Prophète a-t-il défendu le vin? Ses successeurs Tont-ils
prohibé? Y a-t-il convenance à le proscrire dans les pays
chauds? — Le Propliète a dit dans le Koran (2) :
<i Le vin est une abomination inventée par Satan ; abstenez -
vous-en..., Satan désire exciter la haine et i*lnlniitié entre voua
parle vin, et vous éloigner du souvenir do FUeu et de la prière î
ne vous en abstloudrez-vous donc pas 7 »
(t) Si KAtfHp l. Vh ch. j^XXXVUï H I
ULik \m
— 279 —
Cependant, cette recommandation, dictée sans aucun doute
(Mir une haute sagesse, a été diversement interprêtée par quel-
ques commentateurs. Il est certain, pour celui qui médite
attentivement le Koran dans tous les passages relatifs au vii>,
que Mohammed n'a pas voulu le proscrire d'une manière
absolue, mais qu'il a seulement blâmé, avec toute la sévérité
possible, les excès déplorables et dégoûtants auxquels son
abus conduit inévitablement chez tous Jes peuples. Ainsi ,
iUdit(4):
■ Parmi les fruits, vous avez le palmier et la vigne, d^où vous |
retires une boisson enivrante et une nourriture agréable. Il y a
dans eeçl des signes pour ceux qui entendent.. Us t'interrogeront I u
«or le vin et le Jeu; dis-leur : Dans l'un comme dans Tautre, il y a [
da mal el des avantages pour les hommes ; mais leur mal remporte j
eor les avMntages quMls procurent. • ^
Ce n'est donc que contre les conséquences funestes pour la
sanlè, honteuses pour la morale, que Mohammed songeait à
s'élever. En signalant à ses fidèles croyants les divers végétaux
que Dieu avait créés pour l'alimentation et la boisson des
hommes, il n'oubliait pas de faire remarquer que leurs pro-
duits ne devaient être employés qu'à ja condition d'apporter
dans leur usage toute la prudence, loulc la sobriété convena-
bles ponr éviter les funestes conséquences de l'abus.
■ Rangez et buvez, mais sans excès, car Dieu n'aime point ceux | D
qui commettent des excès (2). »
C'est de cette seule manière qu'il nous semble rationnel
d'interpréter ces mots du verset 216 du chap. II : « Dans Tun
comme dans l'autre, il y a du mal et des avantages, etc. »
LeProphète avait besoin d'un peuple guerrier; il était tout
naturel qu'il lui défendît tout ce qui pouvait le ramollir parla
(i) KerûH, diap. Il, r. ti6; chap. XVI, t. 69.
(a) Id. chap. Vil. r. 29.
- 280 -
débauche; mais, entre Tabus et l'usage modéré, il j a une
différence tellement grande qu'un esprit aussi juste, aussi
éclairé que celui de Mohammed, ne pouvait la négliger, la
réduire à néant. Soutenir Tenthousiasme belliqueux par le
fanatisme, les forces physiques des combattants par aine
liqueuraussi toniqne, devaient être la pensée de ce législateur;
et peut-être, comme on Ta déjà fait remarquer, sans une
ridicule abstinence complète du vin, tes Mahométans seraient
aujourd'hui les maîtres de l'univers. Et d'ailleurs, à preuve
que le but du Prophète n'était guère de proscrire le vin d'une
manière absolue, c'est qu'il le range au nombre des jouissances
promises aux croyants vertueux dans le paradis.
« Autour d'eux circuleront des enfants éternellement jeunes»
avec des gobelets, des aiguières et des coupes remplies d'un
vin exquis dont ils n'éprouveront ni maux de tête ni étourdisse-
ments Annonce à ceux qui croient et qui pratiquent les
bonnes œuvres qu'ils auront pour demeure des jardins arrosés
de courants d'eau. Toutesles fois qu'ils recevront des fruits de
ces jardins, ils s'écrieront : Voilà les fruits dont nous nous
nourrissions autrefois ! mais ils n'en auront que Vappa-
rence [i]. »
C'est-à-dire, ajoute le traducteur, M. Kasimirsfci, que ces
fruits seront d'un goût bien plus exquis que ceux de la lerrc,
quoique semblables en apparence à ces derniers, et ce pour
causer aux bienheureux une surprise agréable.
Ce fameux vin du paradis s'appelle rhiq el mekhtoume.
Comment un liquide réputé abominable sur terre serait-il
devenu un objet de convoitise près de l'éternel? On sait, du
reste, que le^ Arabes buvaient beaucoup de vin avant Moha^nr-
med, et que le Prophète ne pensa à leur en défendre l'abus
qu'après sa victoire sur les Juifs madhirites qui l'avaient invité
(i) Koran, rhap. >, v. aJ ; rhnp. LVI, v. i-».
— S8< —
à un dîtter sooiptueuai'pour l^assassiner ptus aisément. Les
tolha9 préieodent que du temps de Mohammed, un Arabe
venant de faire sa prière rencontra en chemin line femme de
connaissance, qui l'engagea à entrer chez elle. A peine eût-il
pénétré dans la demeure, celle-ci lui dit de choisir entre elle,
un enfant et du vin. Après avoir bien réfléchi sur les incon-^
vénienta et les avantages de ces trois objets, il se décida pour
le vin; mais dès qu*il en eut goûté, il se livra à toutes sortes
d*excès sur la femme, et ne tarda pas à tuer Tenfant. Dès lors,
le Prophète aurait défendu le vin, comme une liqueur qui
engendrait à la fois la luxure et le crime. Ce n'est là probable^
ment qu'une ingénieuse parabole, correspondant à cette
maxime bien connue : « La vigne porte trois fruits : le plaisir,
Pivresseetle repentir (Anacharsis). )> — Le vin a-t-il toujours
été défendu chez les Musulmans ? Les Arabes du temps du
Prophète s'étaient bien difficilement amendés dans l'usage de
ce liquide. Les Persans le continuèrent et le transmirent même
en Espagne, où l'abondance et l'excellente qualité des vind
d'Andalousie excita bientôt à très médiocrement obéir aux
prescriptions du Koran. Plusieurs Émirs favorisèrent même de
leur exemple l'usage général du vin : « Au commencement du
règne i'El Hakem, rapporte M. Viardot (1), tous les Musul-
mans de l'Espagne jusqu'aux desservants des mosquées,
buvaient non seulement le sahbah ou vin clair et doux, mais
ausB^le ghamar ou vin rouge et fermenté, et même des eaux-
de-vie faites avec les dattes, les figues ou les raisins. L'ivresse
était devenue fréquente et commune parmi les croyants de
VIslam. En rigide observateur de la loi, El Hakem réunit en
un ooncile les principaux imdms et fakyrs de l'empire, et
leur demanda d'oti pouvait venir un si général abus. Ils répon-
dirent, que depuis le règne du Khalife Mohammed (852),
(l) Hiiloire tlwt .tinèfs et itts Maurti d'Espnt^ne, I. I, p. 171-
— 282 —
l'opinion s était introduite que les Muiulmans d'Espagne
étant toujours en guerre atec les ennemis de la foi, il était
bon quils fissent usage du tin comme leurs ennemis, parce
que cette boisson augmente la force des hommes et le eq^i^
rage des guerriers. El Ilakèmy (raccord avec l'assemblée
religieuse, fil arracher dans toute l'Espagne les 2/3 des vignes,
et ordonna que de celles qui restaient les croyants mangeassent
le fruit frais ou sec, ou qu'on en fît seulement du miel, des
sirops et des conserves. » Et, cependant, à ce ri^e d*£/
Hakem //correspond le plus haut degré de civilisation arabe en
tous genres! — Un des plus célèbres toubibes arabes» Aticenne,
a exprimé l'opinion suivante sur le vin : « C'est une liqueur
aussi âpre, mais non moins salutaire que les conseils d'un père
à son fils. L'homme de bon sens ne se fait pas un scrupule
d'en boire, l'hypocrite seul la proscrit. La raison en autorise
l'usage, la loi ne la défend qu'aux sots. » D'autre part, un
commentateur arabe du Koran, Sidi Djelaleddine, pense que
le Prophète a tout uniment voulu défendse l'excès du vin, et
qu'il est permis d'en boire, pourvu qu'on ne s'enivre pas. Les
poètes musulmans, et ils ont été nombreux, chantent en parts
égales le vin et l'amour, preuve qu'il a été de tout temps fré-
queRiment et abondamment dégusté, malgré la sévérité reli-
gieuse. Voici ce que l'on raconte d'un des plus anciens
d'entr'eux, Adscha Maimoune : « Quand on lui eut appris
que le nouveau Prophète avait proscrit le vin, il répondit : Il
ne m'en reste plus que quelques cruches de ma provision de
cette année, que j'irai vider avant de me ranger sous les
bannières de la sainte croyance (1). »
On a vu, dans les paragraphesde médecine légale et de phar-
macie, les dispositions judiciaires et autres prises à l'égard do
(i) Parnatie oriental, par M. te Iiarnn Rovmvad. Cet ialëressant oavrag^ eoalient beau-
coup de fragment» de poètes turc*, persans, arabe», ({uî célèbrent arec dialenr lot libation»
durin.
— 283 —
•
l^QSigedes boissons enivranios et alcooliques, et les tolérancos
itorisées en faveur des malades. Celte sévérité pouvait avoir
pour butilVolever même jusqu'au prétexte de leur emploi, E^le
fa été poussée assez loin pour que Sidi Khelil (4) ait dit : « Il
[est défendu de vendre du raisin, si l'on sait que rinfidèle en
extraira du vin!» Singulière nianièrede moraliser en frappant
lie commerce I Mais ce rigorisme ridicule, que certains tbéolo-
Lgiens ont attaché aux paroles du PropAè-^e concernant les in-
iConvénients du vin, a été tel que beaucoup di3 Musulmans
[ revenantdu pélerinagede la Mecque^ pensentque non seulement
il est défendu de goûter du vin, de cueillir ou de presser les
[raisins pour en tirer un liquide fermentescible, d'acheter ou
tde vendre de ces raisins, mais encore de s'entretenir at^ec
\ tarifent qui proviendrait de ce commercù. On comprend
qu^avec des commentateurs aussi intelligents, la lettre du
koran soit facilement dénaturée au point d'en faire un code
absurde. Tristes disciples, dangereux prosélytes que ceux qui
Tencljërissent de celte façon sur la parole du maître, surtout
en matière de religion I En résumé, qu est-il résulté, que pou*
► Tait-il rés^ulter de toutes ct^s défenses d'une sévérité outrée et
contre nature? L*excès en sens opposé à celui qu'on voulait
'atteindre. On désirait empêcher rabus,et on prohibait Tusage
[il*une manière absolue ; c'était provoquer la débauche et forci^r
' à éluder hypocritement le texte rigoureux de la loi. Les contra^.
dictions sont innées dans Tesprit humain. Ainsi, les Turcs
f boivent lous du vin» sans le moindre scrupule. Les théologiens,
disent-its» entendent par vin uih3 liqueur ciiivrante et rouge,
nfiais ils ne désignent pas sous celte dénomination les vins
blancâ, les composés divers d'eau-de-vie, le Champagne, etc.
— Dans le pays de Sotus, les habitants font usage d'une
boisson agré.'d'l^' mi goût et plus iiiivriinre que te vin* le^
(ft T niéi inii.r n»
— 284.—
substances inlégrantes étant plus concentrées : c'est une décoc-
tion, réduite jusqu'au tiers, de moût de raisin doux (1). — Les
Musulmans de Tunis qui, pour la plupart, boifent du vin et
de Feau-de-Tie, s pensent de cotte façon : « Ce n'est pas ce
qui entre dans la bouche qui fait du mal à autrui, mais ee qui
en sort ; donc le péché peut être dans le second cas et non dans
le premier. » Et tous les Maures de la régence, même les plus
scrupuleux en fait de religion, boivent du ?in arec beaucoup
de plaisir, mais seulement quand ils sont seuls (8). — Les
nègres de la cote d'Afrique sont très portés sur les alcooliques.
Au Dar-Four, l'ivrognerie est devenu un besoin; à la Mecque
même (3), beaucoup de Mahométans se livrent en secret à
l'abus du vin et commettent sous son influence de complètes
orgies. Pour ce qui concerne l'Algérie, beaucoup dlndîgènes
recherchent avidement le vin et les liqueurs alcooliques,
et en abusent même de la façon la plus déplorable. L'influence
pernicieuse en a été surtout palpable sur plusieurs biskris
(portefaix indigènes), à Alger, pendant l'épidémie dernière do
choléra. Les sectateurs de Mahomet qui suivent le rite banéfite
boivent une espèce de vin fabriqué avec des raisins secs, etc.
Toilà oii conduit l'interprétation absurde et tyranoique des
préceptes les plus sages, quand il s'agit de lasantédes masses
et des individus. C'est toujours une excitation aux réactions
dans les idées, réactions pires que les maux qu'une compression
maladroite et exagérée croyait prévenir. Et, chose singulière,
le peuple chez lequel les liqueurs enivrantes (alcool, vin) ont
été le plus sévèrement proscrites, se trouve celui-là même qui
découvrit le moyen de séparer Talcool des matières fermentéesl
Nous l'avons déjà dit, l'alcool [el kohot) est en effet dû à des
alchimistes arabes. Rhaxès en parle le premier en 940.
(i) Voypi iitogruphie d'El EUritt, \. \, p. aog.
(») Retuf tl'Oiirnf, i844 ; f'orapc dam h Sahara tunisien, par Loxa>Movt«ai(k« .
(3) Artm- d'Onrnt, i84'* . f'nrage ù h Mecque, pnr l>icui»tT
— 285 ~
Examinons maintenant ce point important de salubrité
publiq¥ie:le fin convient-il aux Indigènes de l'Afrique? Sans
doute, les liquides alcooliques excitent beaucoup, daus les pays
cbaudsy l'énergie fonctionnelle du foie, ce grand éliminateur
du carbone, déjà si actif par le fait même de la température
éiefée; mais, en opposition aux excès dégradants pour Tbuma*
nité et la race, l'usage modéré d'une liqueur tonifiante dans
cette tMd ne serait-il pas avantageux? H y a beaucoup de
vignes en Algérie ; du temps de Toccupation romaine, les vins
d* Afrique étaient fort renommés, et le D^ Schaw pensait que si
la TÎgne y devenait sérieusement cultivée, elle produirait des
vins susceptibles de rivaliser avec les meilleurs produits de
rCspagne. M. leD'' Foucqueron (1) prétend que le vio d'Alger,
avant les ravages que firent les sauterelles en 4733 et 1794,
passait poar aussi bon que le meilleur Hermitage. D'après
M. l'inspecteur médical Baudens (2), on fait d^excellcnt vin de
raisin avec le produitdes vignes de £/i^Aoual. En 4842,1e D'
Cambay a obtenu à Tlemcen du vin blanc sec se rapprochaat
de celui de Grave, et du bon vin rouge foncé en couleur et
3uffisamment fort. Qui n'a bu en Algérie du vin de Médéah 7
Sansimiter les sociétés anglaises et américaines de tempérance,
qui ont le grand tort de proscrire, au lieu de réglementer,
Tusaî^d'un liquide aussi éminemment utile aux ouvriers et
aux constitutions souffreteuses, il sera toujours facile de sur-
veiller en Algérie les débits et cafés dans lesquels les Indigènes
pourraient abuser des vins et liqueurs alcooliques.
Le triste état des sources, des puits non maçonnés, a été
«xposé plus haut; il n'y a donc pas lieu de revenir sur la
qualité généralement mauvaise des eaux qu'ils fournissent à
la boisson. Les toits en poil de chameau chez les Nomades, en
(t) T XXXIV i/ej Mémoires ti* médecine milita tre.
(a) Vo)ag« î» El .4^houat. «n novembre t853.
— 286 —
chaume ou en branchages chez les Arabes fixes, ne permettent
point de récolter des eaux de pluie. Les Kabyles n^utilisent
nullement à ce point de vue leurs toits en tuile. Dans les TiUes
seules, la terrasse plane conduit les eaux dans des citernes ou
des puisards. La coutume de blanchir ces platesr-formès phi-
sieurs fois par an à la chaux, leur exposition à tous Tents, leur
fréquentation quotidienne par les femmes et les filles de chaque
demeure, ne laissent pas que d'influer défavorablement sur la
nature et la propreté des eaux récoltées. — Les fontaines publi-
ques n'existent guère que dans les villes mauresques : la
distribution des eaux, qu'elles, devraient assurer sur. divers
points de la cité, laisse beaucoup à désirer.
Tout ce qui a été dit jusqu'ici en divers endroits de notre
travail, relativement à l'alimentation, prouva suffisamment
qu'envisagée à un point de vue général, elle est évideinment
insuffisante sous le double rapport de la quantité^ et de la
qualité*. Wolney dit que les Bédouins n'ingérant par jour que
480 grammes de substance alimentaire I Ne taxera-l-K)n pas
alors de bien ridicule l'existence actuelle d'un caretne chez un
peuple que la misère et la paresse forcent à jeûner presque
tonte l'année? Que l'impuissance industrielle, une coupable
indolence nécessitant aux Arabes une existence frugale, sobre,
cela se comprend à la rigueur; mais ajouter au dénûment
général et aux privations qui pèsent lourdement sur tout ce
peuple d'autres privations officielles, prolongées, contraires
aux lois naturelles, c'est de la pure et simple cruauté^ c'est
i^ouloir violenter le corps sans motif excusable, alors surtout
qu'il a bien plutôt besoin d-êlre tonifié. Les Abyssins, dit
Uontesquieu (1), ont un carême de cinquante jours, très rude,
Qi qui les aflaiblit tellement que de longtemps ils ne peuvent
agir; les Turcs ne manquent pas de les attaquer après leur
(0 Bsp,itJcfi0is,\iy.XX\t, cU. \"II.
— 287 —
oarême. -^ Certes, le principe de rabstinence peut avoir des
bases très naturelles, émineinmentnécessaires,maisil faut que
l^appIicatioB^ soit réglementée dans des limites proportionnées
au clioiat et aux besoins de chaque population. Si la religion
doit s'adresser au cœur par des conseilset des recommandations»
les lois ne doivent parler à la raison que par des préceptes,. des
obligations que celle-ci ne réprouve pas. Un fait certain,
irréfutable, c'est qu^ dans les oasis, dans le Sahara, où règne
une température moyenne de 40^, le carême arabe devient un
Téritable supplice. Une aussi singulière institution, originaire
des pays chauds, a inspiré à un poète musulman le quatrain
suivant :
■ Le jeune sacré a commencé, et me voilà sans clairet !
• La f^lin a fait perdre à mon visage ses coaleurs ;
» PoisquMl n*y a plus dans ma maison de quoi maoger et boire,
» Hatd^tol, 6 triste ramadhan ! d*en déguerpir, car je pourrais
t>va]er toi-même l »
AvaQt Mohammed, les Arabes, comptant par années sotai-
Fes, avaient constamment leur carême au mois le plus chaud
de rannée ; de là son nom de ramadhan (de ramad
brûîant) (1), Celte époque, peu hygiénique sans doute, a
cessé, puisqu'avec le oalendrier actuel, basé sur Tannée lu-
naire,, le mois de Tabstincnce avance chaque année et se
tfouvé avoir passé par toutes les saisons après une révolution
de trente-deux années. Le ramadhan n'a donc pas la même
^eur que le nôtre, qui est prmtannier. Quand il coïncide
avec réppque des.fortes chaleurs, il devient tellement difficile
à supporter, funeste pour la santé, que le délire s'empare des
uns, que les autres se voient obligés d'y renoncer. — :Ce
carême, que le Prophète appelle « la porte de la religion, >
et dont il exaltait toute l'importance en disant que^ Vhaleine
(i) D'autre» prétendent qu'arant le Prophète, le inoM de rammikun, qui Mrrefpoadliit
au kttitièine et neuvifinc mois, était copiiÉré & la débaoche-
— 288 —
de celui t^ai jeûne est plus agréable à Dieu que Codeur du
musc, » commeBce avec la nouvelle lune ; il coaiprend qu(>-
tidiennement depuis le fedjer, moment oii Ton peut distimuer
Un fil blancd*un fil noir, jusqu'au coucher du soleil {mogkeb)^
Pendant tout ce temps diurne, défense expresse de rien avaler,
mêroe la saline, de priser, de fumer» d'introduire la iocândre
substance dans la boucbe, de respirer l'odeur d^s fleurs pour
quelques rigoristes. La moindre chose» dit la loi, qu'uoi Musiil-
nma sent arriver à ses lèvres, il doit la cracher de^snile. Il est
blâttiaMede mâcher quoi que ce soit ; de prendre, pendant la
j&Bmée, des médicaments contre la stomacace» le scorbut, à
moins qu'on ne craigne l'aggravation du mal ; de se livrer à
toute pensée, parole ou action voluptueuses ; d'appliquer des
ventouses ou de pratiquer ane saignée à un malade pendant
la journée, à moins de nécessité absolue et prouvée. On doit
même éloigner toute provocation au vomissement, aux renvois
et régurgitations, et ne laisser arriver aucune substance solu-
biè ou absorbable dans l'intérieur du corps par le mo]^n du
lavement ou de TiDjecMon dans les parties génitales, ou voies
auriculaires, nasales ou oculaires. La loi n'inflige pas de
jeûne satisfactoire à celui qui est soumis à l'introduction d*uii
liquide ou d'un corps solide dans le mAtt urinaire (ï'injectioi^
vulvaire oblige au jeûne satisfactoire], ni à celui auquel on
pratique des onctions médicamenteuses sur une plaîf^ profonde
occupa)if>t un point du ventre ou du dos, car l'onguent ou la
matière de l'onction ne peut alors pénétrer dans les organes
digestifs (1), ni à celui qui est atteint d'une maladie occasion-
nant un écoulement continuel de liquide spermatiforme^ ou
«R flux transparent ou opaque; ce dernier cas s'applique
aussi à la femme et parait indiquer l'état Uucorrhéïque (3). —
(i) L'ignoraocr romplèlc <lo& Arabes en physiologie rxrasv (ootrs cc\ erreurs,
(i) Si Kheftf, t. I, ch. II, T. i83.
— 289 —
Oèe le coucber du sgleîl, oo rompt le jeûne. Les dattes, au
iiombrede trois, observe la jurisprudence niusulmaue» sont
préférables à toute autre nourriture pour rompre le jeûn^»
car elles font cesser plus facilement les éblouissemenU ei les
étaurdissements csiusésf^v le jeûne. D'ailleurs^cesnourritures
léffères, des amandes, du raisin sec, etc., ne sont qu*uoe pré-
paration au repas qui se prend peu après. D'ordinaire, si la
soif . eM YiTe, il faut boire peu et doucement, par gorgées
moyennes^ ei avaler, entre ces gorgées, quelque peu de nour-
ritpre. Mohammed avait dit :
« n ist permis de vous approcher de vos femmes dans la nuit ûti lu
jeûne-M- il vous est permis de boire et de manger Jusqu'à ce que
vous pourrez distinguer un fil blanc d'un fil noir (1). »
Les Arabes mettent peu à profil les précédentes recomman-
dttioBS do Commentateur, et usent au contraire, te plus
laifieoMot possible, des autorisations données par le Prophète.
Aussi, dès que le soleil a disparu de Thorizon, la débauche
commraoe; à une nuit d'abstinence complète en toutes choses
soocède une nuit de plaisirs et d'orgies en toutes choses. Excès
dam le manger et dans le rapprochement des sexes, voilà ce
qui se répète pendant trente nuits consécutives l La santé ne
pe«t que subir de funestes atteintes d'un tel régime. L^expé*
rieiee prouve que le ramadhan est toujours suivi de rixes
plus ou moins sanglantes, de querelles, d*a(Tcctions cérébrales,
{E^tstriques, hépatiques, intestinales nombreuses et graves, et
marqué par unfe mortalité plus considérable. Voilà donc un
moia employé à une espèce de carnaval nocturne, perdu pour
les affaires, le travail, le commerce, et, qui pis est, forcément
préjudiciable au corps et au moral ; voilà ce ramadhan que
les Musulmans considèrent comme une des cinq colonnes de
TédiGce musulman! Certains savants vont jusqu'à prétendre
(i) Koraii, rb. Il, t. i^).
- 290 -
qu'a la fête de la rupture déïînilive du carême (Aid el Fifr),
il convient de maogor de préférence, ce jour-là, au foie,
comme aliment plys facile à cuire que toute autre partie de
ranimai !!
Le régime d'abstinence mensuelle, assez sévère pour que le
proverbe arabe dise : « Etre à jf'àn comme une lune de
ramadhan, » ne pouvait elre impunément imposé dans des
ûaj'S chauds à toutes les constilulioiis, à touti^s les conditions
luilaires; aussi la loi a-t-elle prévu des cas de dispenses. Le
Ifîdèle malade a le droit de ne pas jeûner lorsqu'il y a à craindre
que par le jeune il n'augmente ou ne prolonge la maladie ;
mais, dans toute autre circonstance de mabtlie, on doit se
conduire en cela d'après Tavis d*un mé^lecin consciencieux ou
de gens prudents el éclairés ; de même, si la femme enccinle
oa qui allaite redoute rjuelquc maladie pour elle ou son nour^
risson, elle doit rompre le jeune ou ne pas jeûner. Si le fidèle
a été obligé, [>our cause de maladie, de se dispenser déjeuner
pendant tout le ramadhan, il jtùncra un autre mois tout
enlier. Les vieillards, lésions, sont également exemptés. Les
personnes en voyage jeûneront dans ia siute un nombre égal
de jours. La loi a prévu également l'influence pernicieuse de
Tabus de rabstinencc : « Le jeûne au-delà d*unjour, sans
hoire ni manger pendant la m^ii, est ùldmable paur tout
Musulman, y^
Par ana'ogie avec nos jeùnesdissétiiiués dans rannée, cor-
respondauls en général au renouvellement des saisons, les
Musulmans ont aussi des jours d'abstinence religieuse» Il csl
mériloirr de jeûnrr depuis le premier jour inclusivement du
mois de zilhtddjehû lu^(\u\ii dixième exclusiveaient; le jour
de Vachouru (dixième jour de Mokarrem, premier mois do
Tan], le taçoua (ou neuvième jour de Moharrem). La loi
considère les jeûnes comme une sorle de punition, car il est
à
— 5894 —
ajouté : « Tout Musulman peut jeâner, à la suite les uns des
autres et sans interruption, les jeûnes pour lesquels la loi
n'impose pas l'obligation de les jeûner à la suite les uns des
autres, tels que trois jours de jeûne expiatoire pour un ser-
ment non accompli, les jours manques involontairement dans
le ramadhan, etc.; il est méritoire de jeûner trois jours, au
choiXtdaDS chaque mois de l'année. » La loi admet également
des jennfts Yotifs, dont l'accomplissement est d'obligation
canonique. Toutes ces abstinences plus ou moins prolongées,
doDtrinfluence est si grave sur des individus soumis toute
l'année à des privations de toute nature, ont-elles été insti-
tuées dans un but vraiment hygiénique? Cela paraît peu
admissible. Si l'on consulte l'histoire, «lie nous apprend que
dans Tantiqûité, certains peuples jeûnaient à la suite des
grandes calamités publiques, des épidémies, etc.; et la trans-
nHssionde cette superstition, qui croyait fléchir le courroux
céleste, auteur de tous les maux terrestres, aura très proba-
blement fait adopter chez toutes les nations une institution
religieuse régulière, basée sur la macération expiatoire du
corps. Bemarquons-le en passant, les Indous ont un carême
bien moins ridicule que nos Musulmans ; ils emploient la
journée à lire, à méditer, à s'ablutionner, cl ne mangent
qu'après le coucher du soleil des aliments légers, riz, fruits,
herbages, légumes, légèrement assaisonnés au beurre ou à
l'huile. Ce régime mensuel, qui a lieu en décembre (<), a au
moins une portée hygiénique, l'exclusion des viandes, ce que
l'on ne retrouve pas chez nos Arabes, si sobres dans les récits
des voyageurs, et si polyphages quand l'occasion s'en présente.
En résumé, diminuer la force de réaction au milieu de tant
de causes d'insalubrité générale, telle est la plus funeste
influence du ramadhan chez Ips Indigènes algériens; delà la
(•; M/tkohgie inditiwe, pu Jooaoaih, Rtwdt r Orient, i%\f>, t. VIII, p. i»4-
— Î9i —
grave prédisposition aux maladies qu'il exerce sur la santé
publique et individuelle.
On ncdoit guère s'étonner de trouver, soitdans la législation,
soit dans les coutumes du peuple arabe, fort peu de documents
concernant Taltération et la folsification des substances tliinen-
taires, des médicaments et des denrées commerciales. La
simplicité et le peu de variété de Talimentation, la difficulté
d'avoir des approvisionnements un peu considérables dans les
tribus à cause de la vie nomade, dans les villes par soite du
peu d*aisance des commerçants en général, l'absence de toute
industrie alimentaire ou médicamenteuse sur une échelle
importante, eoQn la facilité avec laquelle les substances
agglomérées s'altèrent dans un climat aussi chaud et l'igno-
rance des maladies des céréales, des moyens pr(^res i les
garantir, à les conserver, telles sont très probablement les
principaux motifs du silence des lois et règlements sur les
falsifications en général. Et, pour le dire en passant, si l'Arabe
est obligé, par son état inférieur de la civilisation, de se borner
à la culture et à la récolte pure et simple pour ses besoins
personnels, ou à remploi des matières nutritives et médicamen-
teuses qu'il trouve sous la main partout oii il va, campe ou
voyage, c'est là sans contredit un avantage incontestable sous
le rapport de leur qualité, puisque cet usage des choses au
nari^re/Texemptc de tous les graves et funestes inconvénients
inhérents cliez les nations plus civilisées, aux erreurs volon-
taires des fabricants, aux falsifications, aux fraudes de toute
nature de la part des vendeurs. La santé des Indigènes et les
intérêts de leurs commerçants ne courent au moins aucun de
cesdangersqui, au contraire, semblent se multiplier ailleurs en
proportion même du progrès des sciences et de l'inefficacité
des dispositions législatives.
Outre les effets toxiques des ustensiles en cuivrée employés
dans la conscrvalion des mets, il est d'autres inconvénients
— 893 —
qu'il c5onviendrûit de faire connaître aux Arabes, à cause
surtout delà fréquence des altérations : ainsi la datte, base
d'un commerce si répandu en Algérie, se pique, se creuse, ea
se desséchant par Tancienneté de séjour dans les sacs en peau
iûdigènes. La farine, quoique moulue en général, jour par jour,
selon les besoins domestiques, n'est pas assez garantie par les
Arabes contre Thumidité qui, en altérant le gluten et facilitant
l'apparition des sporules, expose à une mauvaise qualité de
pain, i'v ^u, sur les marchés arabes, des figues trop vieilles et
véreuses offertes à la vente. Les caïds chargés de la police de
ces marchés devraient empêcher le commerce des fruits non
mars, gâtés ou altérés dans leur poids (tabac, par exemple)
par l'bumidité. Mal conservées et à Tabri du contact de Tair,
les huiles, qui remplacent si souvent la graisse et le beurre,
rancissent et acquièrent une saveur désagréable. La haute
température fait promptement acidifier le lait; les Arabes
ignorent ies moyens de s'opposer à ce résultat. Le miel, impar-
faitement dégage de sa cire et de parcelles d'insectes, aigrit et
fermente facilement. Les Arabes ne garantissent pas assez
contre rbumidité le safran, dont ils font un usage journalier.
Leur sd n'est jamais débaras&é des matières étrangères (argile,
sable) ou salines (sels magnésiens surtout) qu'il contient en
assez forte quantité. Les farines obtenues par les femmes, dans
chaque famille, à Taide du petit moulin à bras, renferment
toujours une proportion assez notable de poussière de grès, qui
croque sous la dent quand on mange le couscouss ou le pain.
Les Juifs de Sidi-bel-Abbès ont falsifié les pommes de terre
avec des tubercules d'asphodèle rameuse (D' Rodes).
- 294 —
Il y aurait à examiner maintenant Tinfluence de l'éducation
morale et intellectuelle, des institutions politiques et reli-
gieuses sur ht mortalité, la durée moyenne de la vie, les
unions sexuelles, la population, etc. Les matériaux manquent
encore à la solution de tous ces importants problèmes ; un
contact plus intime avec les Indigènes pourra seul les glaner
avec la patience et la maturité que méritent de telles questions.
Il nous paraît possible, toutefois, de résumer ce que la fré-*
quentation du peuple arabe nous a fait entrevoir sur quelques-
uns de ces sujets. Ainsi, la statistique confirmera certainement
le.^ graves atteintes portées à la fécondité par la précocité des
mariages, la fréquence des avortements par la misère géné-
rale, par les passions purement brutales, par les vicâ contre
nature, par la syphilis héréditaire, par le divorce si facile, par
les mœurs si relâchées, les mauvais traitements ; en un mot^
par cette triste moralité des populations indigènes, si bien
caractérisée dans les phrases suivantes d'un des officiers les
plus distingués des Affaires arabes :
« Le peuple arabe est un peuple dans un état de dégradation
morale et physique qui dépasse toutes nos idées de civilisés.
Le vol et le meurtre dans l'ordre moral, la syphilis et la
teigne dans l'ordre matériel, sont les larges plaies qui le
rongent jusqu'à le rendre méconnaissable dans la grande
famille humaine. Il est impossible que ses Chefs et ses Grands
ne participent pas un peu de xetle dégradation, quelle que
soit la richesse des vêtements qui les recouvrent et la beauté
des chevaux qui le« portent La polygamie, en couvrant
du manteau de la légalité l'immoralité la plus honteuse et
donnant un aliment constant à la jalousie et aux haines ron-
geuses, fait de la tente un enfer. La jalousie et les haines pro-
duisent des disputes intestines, et, quand le maître rentre, le
bâton est le seul moyen qu'il emploie pour les calmer. Il
serait affreux de raconl«»r fout co qno la brutalité arabe fail
— 295 —
supporter au sexe qui â produit Aspasie et Jeanne d'Arc, led
deux faces de la beauté dont il rayonne Le contre-coup
de ces airpcités, qui rappellent les jours des premières cala-
mités humaines, c*est un dévergondage de mœurs, une
débauche dont nulle orgie ne peut donner la mesure. La
pudeur, qui est le parfum de la femme civilisée, est inconnue
à la femme arabe, et elle se livre, sans honte comme sans
remords, au premier qui la veut, etc. (1). » Cette triste situa-
tioD, dont la multiplication de l'espèce reçoit certainement un
terrible contre-coup, se trouve cependant atténuée par des
conditions favorables et spéciales à la femme arabe, telles que
la simplicité de Talimentation, la bonne constitution du bassin,
l'ampleur des vêtements, etc.
La mortalité est évidemment accrue par le défaut de pré-
voyance, d'industries suffisantes, la paresse, le manque d'éduca-
tion et d'instruction, la vie nomade et au jour le jour, le peu
d'extension du commerce et des échanges, les privations
nombreuses et le manque du nécessaire sous tous les rapports,
l'ignôraDce des mesures hygiéniques générales et particulières,
l'absence de toute surveillance de l'autorité arabe pour tout
ce qui concerne la santé, et surtout par la prostitution et le
dérèglement général des mœurs, par la pénurie de dispen-
saires et d'hôpitaux, d'institutions convenables de bienfai-
sance, etc. Avouons, d'autre part, que le calme fataliste
imprimé au caractère national par le dogme religieux contre-
balance singulièrement toutes ces mauvaises chancos.
Le mariage prolonge la vie, s'il faut en croire l'irréfutable
résultat des statistiques générales; mais chez les Indigènes
algériens, si l'on rencontre fort peu de célibataires des deux
sexes, si c'est là une prédisposiiign de moins à certains crimes,'
(f ) Voy. StiuUt sur riasuiTtetion Ju Dklwa, et De l'esprit Je la légitlmtjim musulmane, par
le commandant C- Richaed.
— Î96 •
à certains genres de folie, que doit-on penser de ces unions
sexuelles presqu'enfantines, si Ton peut s'exprimer ainsi?
C'est vouer de jeunes constitutions à un rsqpide épuisement,
à l'abâtardissement de la race; c'est dégoûter prématurément
de jeunes caractères des relations conjugales; c'est créer foro^
ment de tristes ménages et provoquer de trop faciles divorces,
surtout quand les engagements conjugaux ont été décidés par
simple procuration, sans que les contractants intéressés se
soient appréciés même au physique I
La prostitution, si intimement répandue chez les Arabes
qu'elle y constitue en quelque sorte l'hérédité du libertinage,
pratiquée avec l'impudeur la plus inouïe, favorisée par la
paresse, le défaut d'éducation, la vie sédentaire et recluse des
femmes, qui ne peuvent participer publiquement k aucune
industrie, à aucun commerce, sévit avec d'autant plus d'audaœ
et de terrible gravité qu'elle ne rencontre aucun obstacle dans
les mesures autoritaires et aucun moyen d'atténuation patbogé-
nique dans des établissements médicaux (dispensaires); de là
ces nombreuses affections des voies génito-urinaires,lastérilité,
la syphilis sous ses formes les plus hideuses et les plus invé-
térées, l'impuissance, les infanticides, les avortements, l'adul^
tère, etc.
Pourquoi Mohammed rendit-il le divorce si facile? Etait-ce
pour donner plus de force, plus d'union aux liens du mariage?
Mais rinfériorilé, dans laquelle il maintenait légalement la
femme, n'élait-elle pas un obstacle immense à la dignité réci-
proque des relations conjugales? La loi religieuse ne disait-
elle pas à répoux de ne voir dans la femme qu'une esclave,
qu'un être dégradé? Il n'avaitdoncaucunmcnagementà garder,
du moment où, trouvant la miîhdrc difficulté à vivre avec elle,
il pouvait la répudier ou divorcer avec une facilité toute despo-
tique. Montesquieu regarde le divorce corumc conforme a la
— 297 —
nature, el d'une grande utilité politique; il serait plus vrai de
dire que la polygamie et le divorce ont leur nécessité à un
certain degré de civilisation des peuples, mais qu'ils doivent
tendre à disparaître de leurs coutumes à mesure qu'ils avancent
dans la voie réelle du progrès moral. Du reste, on compte déjà
quelques Indigènes qui ont marié leurs enfants sous les con-
ditions civiles de la loi française.
•*
La paresse physique entraîne forcément la paresse intellec-
tuelle; au peu d'exercice corporel répond le peu d'exercice des
facultés physchologiques. Education morale nulle, voilà la
triste conséquence : dès lors, absence complète de principes
moralisateurs sufiSsamment inculqués et gravés dans le cœur
et Te^rit, pour lutter avantageusement contre la prédominance
des instincts matériels. On y trouve peut-être un avantage,
c'estuneprédispositionde moins aux altérations de Tencéphale,
à la folie, par exemple. Ainsi, la statistique donne à Londres
1 aliéné sur 200habitanu, et au Caire i sur23,570 seulemcnti
Mais cette immunité morbide à l'occasion des excès intellect
Uiels, du fâcheux résultat des contentions d'esprit, des maladies
nerveuses en général, se trouve douloureusement payée par
l'impuissance et la stérilité auxquelles sont vouées les facultés
lesj)lus nobles et les plus utiles au bien-être de l'homme. Le
peu de développement intellectuel, l'absence de besoins nom-
breux et des jouissances de luxe à satisfaire, l'inconstance,
rendent les passions moins énergiques, moins multipliées:
l'Arabe vit plus, mais se sent moins vivre. Point de discussions
sur les intérêts généraux, point de lu|^s de l'esprit, point de
concurrence industrielle, point de professions libérales, point
d'études laborieuses, point de conséquences funestes du jeu,
peu de chagrins domestiques profonds, point d'ambitions
déçues, point de motifs de désespoir par atteinte publique à la
considération (faillites) ; en un mot, existence monotone et
toute végclativc. Quoiqu'on en aie dit, les instincts les çlus
— 298 ~
nobles roslent engourdie, faute dexciLaiU convoDable. PaaJ
même un rayon d'amour dans ce^ cœurs apathi(|ues, car la
poésie du scultment ne saurait croîlre là où règne conslammcnli
I* idée cliarnelle. Triomphe du calme fataliste i\yû éteint de son^
souffle glacial les impressions les plus tendres, les plus natu^j
Pelles I
Il convient» Jil la lui musulmane, que le fidèle se marîéi*
lorsqu'il en éprouve le besoin^ soil pour les jouissances de lai
chair, soit dans le désir d'avoir des enfants. Le mieu\ est rie
préférer la fille vierge- On doil marier l'orplieline, s'il y a à|
craindre quelqu'inconvénienl pour elle (misère ou débauche);*]
encore faul-il que cette fille ait atteint l'âge de 1 0 ans accompli* j
an moins. Xe mariage est un devoir religieux {Si Khelil). — |
Mohammed disait que Dieu avait créé deux choses pour le 1
bonheur des hommes : les femmes et les parfums. Peut-êlrefl
ce réformateur donna-t-il lui-même le mauvais exemple de
Tabus de Fun de ces dons célestes, puisque tout en recomman-
dant à ses fidèles de limiter le plus possible le nombre de leurs
femmes, il en épousa douze. Peut-être aussi agissait-il de la H
sorte pour prêter, par Tcxceprion divine dont il se disait atorsi ^
Tobjel, plus de véracité a sa mission et à ses relations directes"'!
avec rÊtre-Supréme.
Dès les temps les plus antiques, le célibat était regarddl
comme une offense à la Société. L'histoire nous montre les
célibataires de Sparte voués à l'infamie et abandonnée à laj
vengeance des femmes, ceux de Rome privés du droit de dé-l
poser en témoignage. Le célibat imposé aux prêtres et ma-
gistrats juifs, aux ministres du cuUe dlsis chez les Egyptiens,^!
aux filles du soleil chez les Perses, aux vestales chez les Ro-J
ûiains, etc., prouvequ^en le restreignant aux fonctionnaires du;-
sacerdoce, les législateurs n'en voulaient faire qu'un signe de)
pureté et de chasteté oxem|daires chez ceux qui parlaiem
— 29» —
constamment au nom des Dieux. Il serait hors de propos d'exa-
miner ici si le célibat, si le vœu de continence ne sont pas
contraire aux vues de la nature, aux décrets de la providence,
puisqu'ils imposent une lutte constante avec les besoins du
cœur et les instincts générateurs, et qu'ils ne sont que trop
souvent la cause de troubles domestiques, de vices cachés et de
crimes épouvantables. Remarquons seulement que la Religion
musulmane est plus conforme avec le vœu du Créateur, en
n'admettant que des continences temporaires, sacrifice qu'elle
croit plus méritoire par le silence momentanément imposé aux
sens que le silence complet trop péniblement acheté de sens
irritables et la plupart du temps au détriment de la santé
générale et de la morale. Entre ces écarts extrêmes d'absti-
nence ocmîugale, — cette vertu dont il ne résulte rien (1), et
les lois lacédémoniennes qui permettaient d'intenter des accu-
sations contre tout célibataire, et à toute femme sans enfans
de cohabiter avec un autre homme, — Mohammed prit le
parti le plus sage, le plus modéré, en recommandant simple-
ment à son peuple l'union conjugale comme une œuvre méri-
toire aux yeux de Dieu. Les adeptes de son dogme, entraînés
par le climat sans doute, ont peut-être été au-delà des inten-
tions formelles du Koran, car chez les Musulmans, l'union
légale des sexes semble moins un mariage qu'une sorte de con-
cubinage autorisé par la jurisprudence. Il est certain que le
Pn^hète, conséquent avec lui-même et préconisant le mariage
comme une chose sainte, ne pouvait présenter le célibat sous
le même titre. Toutefois, en reconnaissant avec lui que Pabus
des plaisirs vénériens dans les pays chauds énerve de bonne
heure l'individu et la race au physique comme au moral, les
législateurs musulmans ont cherché un frein aux passions
sexuelles ej\ établissant une sorte de serment de continence.
'l' Mtirp^oiiRB, t.Hht^ per^ttue* (.XVIII.
— 300 —
Ainsi, toQt fidèle doué de raison et d'intelligeDce, jugé ca-
pable d'arriver à accomplir la copulation, peut s'engager,
même quand il deviendrait malade, à ne pas cohabiter avec sa
temmeiSiKhelil).
Les mœurs publiques cl privées, les conditions sanitaires
des époux et de la famille, en un mot, les lok de la nature ne
sont-elles pas plus sagement sauvegardées par ces institutions
laissées à Topportunité et à la libre volonté de Tindividu?
L'influence de la polygamie est telle que les pays musulmans
se trouvent les moins peuplés, a D'ordinaire, les familles sont
moins nombreuses en Perse qu^en France (1). » En Asie-
Mineure, la population qui excédait 30 millions d'habitants
lors de la conquête par les Mahométans, en compte aujourd'hui
dix à peine. Les femmes musulmanes n'enfantent guère plus
vers 35 ans en général. Peut-être ce triste résultât tient-il
moins à l'institution polygynique en elle-même qu'aux mau-
vaises conditions dans lesquelles elle est organisée. Cn effets
la fécondité doit être gravement compromise par la précocité
de l'union légale : les fatigues si nombreuses de la maternité
à un âge trop tendre dans lequel les couches se multiplient
encoro trop facilement, ont aussi une double influence perni-
cieuse sur la mère et le produit. Les résultats des conceptions
ultérieures ne peuvent devenir que chétifs et sont à peine doués
de Ténergic suffisante pour réagir contre toutes les causes de
destruclion dans lesquelles vit l'Arabe. On ne saurait plus arguer
en faveur de la pluralité des femmes que leur nombre soit
supérieur à celui des hommes dans les pays orientaux. Et
d'ailleurs, le fait existerait-il, que la proportion ne serait pas
assez forte pour légitimer une telle inslilution. « J avance, dit
Montesquieu, que si à Bantam (Indes) il y a 10 femmes pour
un homme, ce serait un cas bien particulier pour la poly-
^l'j CnàHDiy, forage ft Verse, i-liap. XII
— 304 —
gami(. » Le dernier receosement de la population arabe vivant
dfliiB les territoires européens en Algérie (31 décembre 1852)
a doniié les chiffres suivants :
■dopmi» 3iAU« .faKÇ««s, «3,0684 total povr le «CM i9a*c«liii, &4*4&6. V
Fcmcs, 39,173; fiUes. i6,7x5; id. féminin. 45.888.1 *»^ •"•»'*< '
ia polygynie n'a pu avoir, dans certains pays chauds,
qu'une seule valeur tout à la fois politique et amélioratrice de
la race, c'était de favoriser la fusion des éléments noir, blanc
et cuivré. Il est àr remarquer que la monogynie fut toujours
en honneur chez les nations plus septentrionales. Grecs, Gau-
lois, Romains^ Bretons, Espagnols, Germains; et qu'au con-
traire les habitants des climats chauds parurent spécialement
portés vers la multiplicité des femmes, témoin les Assyriens,
Ji^ersans, Tartares, Egyptiens, Juifs, Turcs, etc. Les défenseurs
de la polygynie lui accordent l'avantage de prévenir hygiéni-
qoement les fureurs de Tamour dans un climat où les désirs
Toot jiisqu*à la passion, de mettre par conséquent un frein aux
ardeurs génitales, et de préserver l'homme des conséquences
funestes de l'empire tyrannique de la femme. Il y a beaucoup
d*exagération dans celte opinion : Tinfluence de ce même
-climat excite autant les passions haineuses que les fureurs
sexuelles, et le meilleur moyen d'apaiser ces dernières n'est
point de les fomenter, en multipliant les motifs des premières.
Il en paraît bien autrement de la modération qu'apporte dans
le caractère des époux la vie régulière et plus complète en
relations aflédives des peuples monogames. Et d'ailleurs, la
précocité sexuelle marche-elle constamment dans les climats
chauds fivec la maturité de l'esprit? certainement non. La
polygamie n'y est que l'infériorité comparative de la femme
dans sa condition sociale et sa faiblesse physique; c'est là
Punique raison de cet abu^ officiel de l'union conjugale, qui
n'est autre chose pour le Musulman qu'un commerce, un achat
d'une marchandise particulière qu'il repousse dès qu'il s'en
— 30» —
est suffisamment servi, et que lo caprice de ses sens s'en est
repu. Or, toutes ses lois qui régissent les rapports conjugaux
sont à l'avantage du mari, c'est-à-dire de la force. Faut-il
s'étonner dès lors qu'un Arabe dise : « Baehak (sauf ton
respect), » en commençant sa réponse à toute demande de ren-
seignements sur sa femme? — Avec la polygamie, on prévient
et on détruit l'amour...
On accuse constamment la Religion musulmane d être très
sensuelle; mais on oublie que David avait^ dit-on, 18 femmes,
Salemon 700 et 300 concubines, et que ces rois buvaient du ^în
avecleurs compagnes. Or, Mohammed était bien loin de ces excès
israélites, quand il entreprit de réformer l'Arabie en proie au
sabisme, au judaïsme et à de mauvaises sectes chrétiennes. Il
est bon de rappeler 4es paroles de Salluste : a Les Numides et
les Maures prennent plusieurs épouses, chacun selon ses fa-
cultés, les unsdix,les autres davantage, les rois encore plus...
Le cœur de l'époux, ainsi partagé entre un grand nombre de
femmes, fait qu'il ne traite aucune d'elles comme sa compagne :
toutes lui sont également indifférentes. » On s'évertue cepen-
dant à ne pas tenir compte du langage du Prophète contre les
excès des plaisirs des sens :
« Vous agissez comme ceux qui vous ent précédés : ils étaient
plus forts que vous ot plus riches, et avaient plus d'enfants que voue;
ils se contentaient d*en jouir. Vous aussi, vous vous cpotentei
de Jouir de ce qui vous est échu en partage, comme le faisaient
ves devanciers ; vous tenez des discours pareils & ceux quMIs te*
naient. Leurs actions ont été vaines dans ce monde et dans Tantre;
ils sont perdus..... Les richesses et les enfants sont les omemeos
de la vie mondaine, mais les bonnes œuvres qui restent obtiennent
auprès de ton seigneur une meilleure récompense et donnent de
plus belles espérances (1). »
Etait-ce là une exhortation aux dérèglements sexuels?
f i) K0raii, eh. IX, r. :«, «h. XVIII, v. 44.
— 303 —
« N^ôpooaei qu'une femme ou uoe esclave, si vous craigoez d'être
iojoelee envers lesorphelios : cette couduite vous aidera plus faci-
lement à être Justes. Vous ne pourrez jamais traiter également
toutes vos femmes, quand môme vous le désireriez ardemment,
Gardes^votts donc de suivre entièrement la pente^ et d'en laisser
une ooama en suspens, etc. (i). '
La polygamie n'est donc poînt une pre^mprton du Koran.
Le Propbèle qui cherchait à réformer les mœurs dissolues d'un
peuple habitué à compter huit à dix femmes pour chaque
familTe, tentait une innovation déjà bien hardie en réduisant
considérablement ce nombre, sans toutefois le fixer. II dit du
reste à ses prosélytes : « En toute chose nous avons créé un
eoiiphy afin que vous réfléchissiez (2). » — Les Kabyles
B*épousent généralement qu'une femme.
L'influence hygiénique du système politique suivi par les
Arabes dans leurs relations amène des questions bien multiples.
Guerres fréquentes entre tribus, exploitations et productions
presque nulles; salubrité publique e]t police médicale nulles;
absence complète de la surveillance des chefs indigènes et par
ignorance des totibibes; éducation nationale existant à peine
de nom; point de journaux, point de livres pour propager la
vérité, combattre Terreur et les préjugés ; bienfaisance publi-
que, bornée à quelques aumônes dans les Zaouïas, voilà en
peu de mots les tristes conditions politiques de nos Arabes. Ne
sont-elles pas évidemment du nombre de celles qui, suivant les
éloquentes paroles d'un de nos inspecteurs médicaux (3),.
« tuent rémulation, refoulent Tintelligence, compriment les
passions les plus nobles et réduisent toute une population aux
langueurs de la vie végétative.... Elles ralentissent le jeu des
organes et dépriment leur vitalité.... La torpeur de la société
(i) Koran, ch. IV, v. 3, ft r. laS.
(i) Id. ch. M, V. 49V
■3) 'fraitr fi'hrf,'irw fmhlij. et p-i*-, par M. W dinteur .M. I.rv», 1. Il, p. ~in.
— 30i —
et i abseoce de stimulation politique coniribueDi à privor l'O-
riental, même au sein des richesses, du ressort que possède
TEuropéeD industrieux et libre. » Inflrmité de Tétat social
arabe! tâche immense, mais glorieuse, de civilisation pour le
peuple dominateur !
L'examen de la politique arabe, au point de vue de la santé
publique, ne saurait nous occuper plus longtemps ici. Bor-
nons-nous à répéter avec M. Pcrrier [1) : « Les formes du
pouvoir sont principalement démocratiques au nord, aristo-
cratiques au sud, plutôt politiques à l'est, plutôt théocratiques
à l'ouest. »
Enfin, que pouvons-nous dire de la Religion musulmane
dans ses rapports avec la santé publique? Chaque citation de
notre travail accuse la sage prévoyance du législateur sur bien
des points importants. Ce génie, qu'un médecin (S) n'a pas
craint de considérer comme aliéné, avait parfaitement com-
pris, pour son époque, l'hygiène des pays chauds et la
conservation de la race. La part qu'il fit à la vie nmtérielle ot
la vie psychique est marquée au coin d'un sage éclectisme qui
satisfaisait très bien la dualité humaine, ses devoirs, ses
besoins. Si la polygamie et le divorce nous apparaissent comme
entachés de graves conséquences pour la race et la moralité,
le Prophète eut au moins raison de présenter le mariage
comme un devoir religieux, car les statistiques démontrent
que la fréquentation des sexes est favorable à la longévité.
Nous ne retrouvons point, en général, chez nos Indigènes, ce
célibat religieux, ces existences monacales, cloîtrées, qui
semblent si peu harmonisés avec les vœux de la natuVe. On
doit regretter que des prosélytes d'un zèle imprudent, renché-
rissant sur la parole du maître, aient excité et encouragé le
développement des théories fatalistes, qui paralysent toutes
(t) Hjrgièiu en Algérie, t. I, p. (i.
(3) Voir le travail du \^^ n»*r jir^riiK' » l'Arad. dr in#d. m i84i.
•—sos-
ies aroélîoraiions sociales, nuisent au bien-être public et
prifé, el conduisent, d'iliusions en illusions, au scopticisrh<>!
le plus coupable et le plus contraitx' ai:\ lois do la créadon,
puisqu'elles aboutissent à la négation du seul principe qui
nous fait iBftuvais ou vertueux: la liberté de consci^nro. *^
Il existe cependant, chez les Kab>los, une cîrKrnantîniM* do
couvents jnonastiqucs, dit-on, dans lesqiuds le ivgi«4i«' It: plus
sévère est imposé. Chez les Béni-Raien, le marabout El
Cheikh el Madhy renferme ses disciples dans des cellules très
étn^ites^ et isolées. La nourriture est graduellement diminuée,
pendant quarante jours, jusqu'au volume d'une figue. Dès
que la vue mystique succède à ces privations, l'investiture du
bemouss est accordée et le nouveau disciple peut voyager
piour faire des prosélytes. La solitude cellulaire, la défense
permanente des mouvements, l'abstinence prolongée, enfin
l'extase mystique, voilà les bases principales de cette institu-
tion [i). —.De telles pratiques, heureusement peu communes
en Algérie, y seraient contre nature. Que Thomme amortisse ses
passions et croie trouver, dans certaines privations et ja souf-
france morale qui en est la suite, un châtiment tout à la fois
pbysioo-psychiquc mérité par des Infractions commises aux
lois naturelles, cela paraîtrait encore acceptable, pourvu qu'il
agît avec toute la modération et la raison possibles ; mais
penser se sanctifier, se rendre plus digne aux yeux de Dieu en
tortnrant des organes dont les fonctions parfaitement définies
répugnent à un tel régime de supplice dans les pays chauds,
▼oilàoiweraientl'cxtravagance, la violation desloisdivines, alors
qu'on â*imagine faire de la vertu. Terminons ce paragraphe
sur la Religion au point de vue sanitaire, en disant que Tin-
fluence du fatalisme sur la production et la fâcheuse termi-
naison des maladies sporadiques, surtout épidémiques, est un
(i) Vojr* Ln grande Kaby/ie, pirM. Daim*», p- rtp.
— 306 — •
fait irrécusable. II pose les bornes les plus étroites à toute
activité de Tesprit ; il paralyse d'une manière déplorable toutes
les forces vives que celui-ci déploierait pour repousser et
prévenir bien des dangers physiques et moraux; et, d'un autre
côté, il livre les facultés les plus nobles au triomphe constant
de la matière et de la sensualité.
C'est ici le lieu de parler de la circoncision, pratique dont
le Koran ne dit pas un mot, mais dont le Musulmanisme a fait
une obligation tellement inévitable, qu' « est inacceptable le
témoignage judiciaire de celui qui n'est pas circoncis, bien
qu'aucune raison n'ait empêché qu'il le fût (Sir-Khelil). »
Pour mettre d'accord leur obéissance actuelle à cette cou-
tume avec le silence du Prophète à son sujet, les Arabes disent
que Mohammed naquit tout circoncis ; quelques-uns préten-
dent qu'il n'avait pas même de traces de prépucel Obligatoire
pour l'homme, la circoncision se dit khettana; facultative
pour la femme, elle s'appelle khifad. }« On ne doit pas laisser
passer Tâge de dix ans (1) sans circo>)cire le garçon et sans
exciser la jeune fille. Quant à la circoncision ou à l'excision
de l'hermaphrodite incertain, le mieux est d'attendre que les
organes de l'un ou de l'autre sexe prennent leur prédomi-
nance, afin de pratiquer Topération sur ceux qui auront acquis
le plus de développement (2). » 1
Les Indigènes de l'Algérie pratiquent la circoncision avant
l'âge de sept ans; vers la cinquième année en général, et de
six à huit ans chez les Kabyles. Cet âge est sans doute préféré,
parceque le prépuce se trouve alors plus long,etque l'opération
(i) Les Ismaélites cirronckaieut de donxe à treize ans. Moïse a fixé l'opératioB da septième
ao huitième jour, pnrco qu'à an ftf c plus arancé les souffrances de l'opération augmentent
eonsidérablement et que celle-d parait ^os sonvent saiTÎe d'acridents. Det Indifènca os'oat
affirmé, en effel, que la posthotourie est fort doalooreusej et qu'après la première nnit,
l'énrisaion de l'urine cause des souffraoces extrêmes.
(s) Si Kkelit, t. Il, p, 179.
— 307 —
faite peu après la naissance exposerait le gland à être plus
recourert à l'époque adulte. Les Arabes n'ont point l'habitude
d'exciaerles femmes.
Pour circoncire, l'opérateur [thdkar), après avoir préparé
une grande gamelle en bois (djefna) remplie de sable pour
recevoir le sang, se place sous un haïk (grande pièce de toile)
avec un on deux assistants dont l'un tient l'enfant les cuisses
bien écartées. Le thahar ramène le prépuce en avant le plus
potttbie et le lie fortement avec un fil ordinaire contre le gland.
Il prend aussitôt un disque de bois (auewrgha) un peu plus
fort et plus large qu'une pièce cinq francs et au centre duquel
existe un trou circulaire assez grand pour admettre à peine le
bout du doigt auriculaire. C'est à travers cette ouverture que le
thahar passe d'abord le fil, puis tout le prépuce fortement lié:
en un din d'œil, il presse fortement le disque contre le gland,
tire légèrement^ur le fil pour tendre le prépuce, et détournant
babiUement l'attention de l'enfant ea lui faisant regarder le
plafond, un objet quelconque, il profite de ce moment pour
couper le djelda (prépuce) à l'aide de forts ciseaux, quelque-
fois avec un rasoir, le plus souvent avec le couteau arabe
couriie^t si bien effilé. Un des assistants présente alors un oeuf
bien frais, ouvert avant l'opération et dans lequel est entière-
ment plongée la verge de l'opéré. Au bout de deux ou trois
minutes, le thahar couvre la plaie avec de la fine poudre de
feuilles é'aghar (thuya articulé) à titre d'hémostatique, et
entoure la verge d'une petite bande ou d'un morceau de chiffon.
Le jeune enfant est couché sur le dos et doit rester plusieurs
jours dans cette position autant que possible. L'opérateur le
visite pendant sept jours : la première fois, il enduit la plaie
avec un mélange de beurre chaud et de graine pilée de seroual
(cyprès) ; les jours suivants, il fait un pansement consistant en
cataplasmes d'ognons, de chiah* (absinthium judaicum) et de
beurre piles ensemble, dans le but de prévenir et de diminuer
— 308 —
la suppuration. Si ft^lasepiièfloe visite, la plaie n'est pas eoUère-
oient guérie, Topéré doit prendre un bain de verge dans du
sabl«' l»i"n ciiaud. Les héiiiorrhagies sont très rares^ et d*babir-
tude le patient se trouve guéri au septième jour. Des accidents
conbéculifs pt^uvenl cependant survenir : c*est ainsi qu'en
f»cu»bre 4847, à Batna, un jeune Arabe, mal circracis-sans
doute, présenta un méat urinaire obli&éré : unesimple incision
suffit pour rétablir l'orifice normal.
Quand le djelda a été séparé par le tkahar, un des assistants
l'enveloppe aussitôt dans un chiffon. Après l'opératios, ce
morceau de prépuce est exposé et abandonné sur nn objet
quelconque, soit un arbre, un palmier ; dans un endroit quel-
conque, un jardin, soit par exemple sur un animai, un bcMif,
eitc., et le père du circoncis lui fait cadeau de Tobjet, ou de la
propriété ou de l'animal, sur lequel le djelda Biéié placé. —
Telle est, en peu de mots, €èUe opération que j'ai surtout
décrite d'après la manière dont je l'ai vu pratiquer dans le
Sud. Inutile de parler des cris, du bruit que fait la fouie <les
assistants pour couvrir les pleurs de Peofant pendant la sec-
tion, etc.
Le D^ Nogucs (1) a décrit le procédé suivant, dé l'applica-
tion duquel il a été témoin chez les Arabes : « L'appareil
consiste en deux bouts de ficelle ordinaire et un couteau com-
mun, mais bien effilé L'opérateur saisit, avec le pouce et
rindex de chaque main, le limbe du prépuce, qu'il attire
fortement à lui en s'assuraut que la muqueuse ne reste point
en arrière de la peau. Un aide fait alors, avec l'un des mor-
ceaux de ficelle, un nœud qui rase le sommet du gland. Un
second nœud est fait de la même manière un peu en avant du
premier, et l'opérateur coupe d'un seul coup de couteau entre
les deux. Le premier nœud engourdit la sensibilité au point
(i) Thèse inaugurale, PacU, i8^f, p. 39.
~ 309 —
de rendre ropération pnesqu 'indolore ; tous èeux s'opposent
an glissement de la muqueuse, qui estdÎTÎséod'one manière
frèé nèfle et an même niveau que la peau. L'opérateur a» dad»
nne enqnille d'œuf, un mélange fait avee de la cendre de lan--
rier-Toee, des fduilies de lentisqne pilées et du mieL II en
recouvre la plaie, après avoir renversé la portion de moqnense
rettanti^ et il abandonne à la nature le soin de la réunion. »
Qntf peut donc avoir été le but de cette circoncision? 4* S'a-
gissait^I d*une manfOe particulière de race, de nationalité t
On comprend mieux, à ce poînl de vue, rutililé des tatouages,
dria déformation du crâne ou de certains organes, les taillades
sur divers points de la face et des membres; les Nubiens de
rtle de Tangos ont, par principe religieux, l'habitude de
s'arracher deux incisives à la mâchoire supérieure ; dans la
mer do Sod, des insulaires respectent traditionnellement la
eemtume de s'amputer nne phalange; chez les Hottentots, les
Cafres; usages analogues. Mais la circoncision atteignait un
organe trop peu visible pour tous, trop habituellement caché,
pour que les peuples en aient adopté l'usage par pur et simple
besoin d'isolement national ou de cachet généalogique. Cepen-
dant, saint Jérôme et saint Cbrysostome ont cru y voir un
ffiojeo de distinguer \o» Hébreux des nations non alliées au
Christ.
' 2* Etait-<^e une mesure d'hjgiène locale qui fit instituer la
circoncision? On remarque, en e&et, que cette pratique n'a
exhté que chez des peuples habitant des climats analogues et
souvent inconnus les uns aux autres. Etait-ce pour obliger à
la propreté préputiale dans les pays chauds? Hérodote (1)
BOUS montre les Egyptiens, dans l'antiquité, obligés de se laver
doux fois par jour et par nuit, et de se faire circoncire dan»
un but unique de propreté. — Voulait-on aussi prévenir les
(0 l'ib. Il, cap.XXWll.
— 340 —
eotuéquences funestes de eertaioes affections nombreuses des
organes génitaux, telles que les chancres, les posthites, la
blennorrbagie, les maladies du gland, etc., et s'opposer à
l'aggravalion et à la propagation d'autant plus faciles de ces
accidents, que les moyens curatifs et l'hygiène publique lais-
saient alors beaucoup à désirer 7
8^ La circoncisiQO était-elle motivée par des considérations
intéressant les fonctions génitales, et, par suite, la propagation
.de l'espècef Philon prétend, par exempl«, que cette opération
favorise la génération ; que les nations, chez lesquelles elle
est en usage, sont plus fécondes et plus populeuses. Les
Anciens regardaient la longueur du prépuce comme une des
causes prédisposantesdela stérilité. « D'après nos connaissan-
ces physiologiques actuelles, dit le D' Cohen (4), nous sommes
porté, avec plusieurs auteurs recommandables, à l'attribuer
(k fécondité des Juifs) à i ablation du prépuce, qui rend l'acte
du coït plus susceptible de fécondité en permettant librement
la sortie de la liqueur séminale, qu'un trop long prépuce
pourrait arrêter. » — En tout cas, cet avantage ne saurait être
réel et opportun que pour le phimosis congénial.
4^ La posthotomie aurait-elle été instituée comme moyen
de moralisalion? Saint Jérôme, par exemple, avance que la
diminution du prépuce émousse les sensations voluptueuses
du coït. Moïse avait recommandé de faire cette opération au
huitième jour de la naissance, afin de prévenir les habitudes
funestes de la manustupration chez les jeunes enfantSi et les
écarts d'une imagination ardente chez les adultes.
S"* Une idée exclusivement religieuse aurait-^lle présidée à
cette coutume? Les apôtres chrétiens y ont vu une sorte de
baptême rédempteur. D'après saint Augustin et saint Grégoire-
le-Grand, enlr'aulres, la circoncision remet le péché originel.
— 3M —
Celte manière de voir aurait pu avoir quelque vraisemblance»
si les femmes n'avaient pas été exclues de la circoncision, ou
mieux de l'excision des parties exubérantes dans leurs organes
génitaux.
6* S*esl-il agi, dans roriginc de cette opération, d'une ques-
tion de caste? Les prêtres voulaient-ils, en s'attribuantle privi-
lège de la circoncision, consolider la prépondérance de leur
ordre^de leur haute condition sociale? Trouvaicnl-ils là, ainsi
que dans la castration que quelques-uns y adjoignaient, un
moyen de paraître plus purs aux yeux de la multitude, en
s&crifiant la portion du corps la plus impure dans ces temps
d'ignorance profonde en moyens thérapeutiques? Cette coutume
se seraii-elle ensuite peu à peu introduite, par imitation, dans le
peuple? Ce qui tiendrait à le faire croire, c'est que les Ethio-
piens et les anciens Arabes avaient pour habitude d'exciser les
jeunes filles et d'oiïrir aux dieux les portions détachées comme
un emblème de la pureté, delà virginité. Les prêtres égyptiens
qui, primitivement, étaient seuls circoncis, transmirent cette
opération aux Israélites. Le célibat des prêtres d'aujourd'hui
n'offre-t-il pas une analogie frappante, du moins quant au
bat, avec la circoncision et la castration pratiquées par les
anciens ministres de la religion? Ne s'agit-il pas dans les deux
coDtumes, d'une sorte de symbole, de consécration de la puri-
fication, de la renonciation aux plaisirs des sens,* pour se
rendre plus agréable à la divinité?
Les défenseurs de la circoncision ont singulièrement
exagéré les inconvénients inhérents aux dimensions ordinaires
du prépuce et à sa disposilmn normale. L'un d'eux (<) s'ex-
prime ainsi : « La pellicule légère [à stpi ans!) sacrifiée dans
l'opération est une cause permanente de malpropreté : elle
donne lieu à des dépôts de matière sébacée qui occasionnent
— 342 —
de fréquentes inflammattofis et lavoriseût le développemeaC
d'antres maladies. De? vers même (1) s'y engendrent comme
soiiê récorce des arbres, et le gonfhmenî des chairs rend
difficile et i^tielquefois impossible toul moyen curatif. Sa lon-
gueur, souvent démesurée, ajoute encore aux dangers dont
nous n'avons énumérc qt$'un petit nombre. La circoncision,
qui met l'homme à l'abri de tant de maladies, est donc, dans
les pays chauds, une institution éminemment utife,,., les
dimensions extraordinaires du tégument prœputial produi-
sent un autre inconvénient qui, chez les peuples anciens, était
regardé non seulement comme une grande calamité, mats
aussi comme une, honte : elles peuvent priver de postérité
Esl-ce payer trop cher le remède que do sacrifier, par mesure
préventive, un accessoire si dangereux ? » Nous avons sous-
ligné et marqué entre parenthèses toutes les exagérations que
présente un tel plaidoyer en faveur de la posthotomie religieuse.
Nous n'avons riep à ajouter, si ce n'est ceci : De pelle humdna
agitur. Les moralistes ne pourraient-ils en tenir compte ?
En résumé, 1*^ la circoncision religieuse est une opération
contre nature, parce qu'elle altère la sensibilité el diminue
Teuduit sébacé, nécessaires au gland pour l'excitation à Fap-
pétit vénérien et pour la fonction du coU. D'ailleurs, tout
organe a sa raison d*ëlre, toute fonction a une activité en rap-
port aveo Torgane auquel elle correspond. Une partie sans
uUlite ne peut avoir été créée par Celui dont les grandioses et
harmonieuses combinaisons, la sublime organisation du corps
humain en particulier, ne sauraient tarir l'admiratian de tout
Tu Divers ;
2° C'est une opération contre la pudeur cl contre la chas-
teté, dont elle enlève tout le mérite, toute la vertu ;
3" Elle est inutile d*une part, parce que dans les pays chauds
on aies ablutions, qui, en ellVl, ont précédé la circoncision,
4
I
T
— 343 —
'%•
laquelle ne dale que des Egyptiens, des Arabes, des Juifs ;
d'un autre côté, parce que les procédés opératoires suivis daos
ces nièaies contrées sacrifient beaucoup plus de peau et
méoagent une grande partie de la muqueuse préputiale, juste-
ment le théâtre ordinaire des lésions que Ton cherche à
{prévenir ;
4® Le Prophète Ta en quelque sorte condamnée, puisqu'il
n'en parle point, et qu'il dit qu'au jugement dernier les
bommes ressusciteront nuds et incirconcis ;
5® Enfin, elle a été singulièrement interprétée par certaines
aiatorités musulmanes. Lors de l'expédition d'Egypte, les
Cheikhs de la grande Mosquée proposèrent à Napoléon de
faire musulmaniser toute son armée : « Il leur objecta la
circoncision et la prohibitionde boire du vin, boisson nécessaire
au soldat français ; les disputes furent vives, elles durèrent
trois semaines. Quand, les Ulémas furent d'accord, les quatre
Muphtis rendirent un fetam par lequel ils déclarèrent que la
circbnéisiôn n'étant qu'une perfection, n'était pas indispensa-
ble pour être musulman ; qu'on pouvait être Musulman
et "boire du vin, pourvu que Ton employât le 1/5* de son
revenu, au lieu du 10®, en oeuvres de bienfaisance (Mémoires
de Napoléon, notes et mélanges), »
Ihi reste, la circoncision comme moyen moralisateur n'a
pii être inventée que par des hommes qui ignoraient les sym-
pathies intimes qui existent entre le système nerveux et les
organes génitaux (1). Celui qui est très nerveux, qui a des
sens très exaltables, se livrera-t-il moins au coït parce quil
sera circoncis? Sera-ce l'excision d'un petit lambeau de peau
(t) Il s'est formé depuis quelques année» m Allemagne, parmi les Juifs, une s«cte qui a
renoncé à la pratique de la circoncision. — En i843. le consistoire de Paris a aupprimé la
«accion de la plaie par le mohhtl (circonciscnr) -, on a demande aussi la suppression de la
dilaeération p.ir 1e« onglrs (iS44'^-
-3ii -
qui (léshérilcra la pensée et ses mille aiguillons du pouvoir
de stimuler les parties sexuelles, de les influencer? On Tonblie
trop, le véritable remède des maux qui afiligènt Thumanité,
c'est la sagesse, la modération, la moralité, la tempérance en
toutes choses. Au lieu de pratiquer gravement la section d'un
bout de prépuce, comme une panacée contre les écarts géoési-
que>s, apprenez plutôt aux hommes à se rendre maîtres des
passions, et non à éviter, par un procédé qui oserait refaire
Tœuvre de la nature, la peine de devenir vertueux. La médecine
doit éclairer la Religion et la législation sur les institutions
sociales : elle seule connaît Torganisation physiologique de
l'homme. C'est ù elle à dissiper les préjugés, à détruire les
pratiques ridicules. Prévenez les écarts de l'imagination,
occupez les masses indolentes et paresseuses à l'aide du travail,
de l'amour des arts; développez les intérêts de l'industrie, car
l'abus du coït tient surtout aux dispositions du système
nerveux, à sa prédominance sur le système musculaire, et non
à une action localisée dans un centimètre de prépuce. Cultivez
'les facultés morales, modifiez l'alimentation par les progrès de
l'agriculture; vous rendrez alors l'Iiomme moins vicieux. Hais
ne comptez pas y parvenir en le martyrisant mal à propos.
Vouloir retoucher, perfectionner l'œuvre de la création, c'est
la plus grande impiété possible; et, ce qu'il y a de plus curieux,
c*es(de voir une Religion couvrir cette profanation deson appui
et de ses textes obligatoires. Concluons donc avec le fabuliste :
n Que la Providence
Sait mieux ce qu'ail nous faut que nous, » (Jupiter et le métayer).
V Dieu fait bien ce qu'il fait. » (Ls gland et la citrouille).
« Dieu ne Pa pas voulu, sans doute il eut raison, » (ïd.)
— 315 —
▲ peine est-il besoin de citer le mot profession, après avoif
répété plusieurs fois que Tindustrie et lé commerce, en général^
bornés à des échanges de tribu à tribu et aux besoins journa-^
liers des familles, sont fort peu développés. Cependant, par
cela môme que les arts se trouvent peu exercés par les
spécialités, chacun se voit obligé d'y suppléer pour ses propres
nécessités. On peut donc dire qu'en Algérie chaque classe
participe plus ou moins aux professions, sans en avoir les
graves inconvénients. L'absence de culture intellectuelle, pour
l^apprentissage et l'exercice des métiers, devient une immunité
contre les névroses, les affections de poitrine, les maladies
scrofuleuses, les infirmités, les faiblesses constitutionnelles,
qui résulteraient de la réclusion prolongée, à un âge précoce,
dans les manufactures, les fabriques; d'autre part, le triste
état de l'industrie, exempte, les Arabes de la débauche morale»
des mauvais exemples inhérents aux grandes agglomérations
d'ouvriers. Les femmes, avons-nous vu, sont épuisées par des
occupations constantes, les pénibles corvées, des travaux
domestiques (aller au bois, à l'eau, moudre les grains, traire
les vaches, battre le beurre, nourrir et soigner les chevaux,
préparer le couscouss et les aliments, etc.), par les exigences
de la culture (moissons), par la fabrication des vêtements
(tissage des laines, des bernouss, haïks; confection des gan-
doura; teintures), etc. Il en est de même des jeunes filles qui,
de bonne heure, aident leurs mères, et que Ion voit, par
exemple, revenir des fontaines^ fléchissant de maigres jambes
sous le poids de la lourde cruche d'eau maintenue sur lu tête.
La fécondité surtout doit évidemment subir de fortes atteintes
d'un tel métier, qui dure la vie presqu'entière.
Dans les villes, les demeures des artisans (teinturiers,
selliers) sont toujours petites, sales, humides, infectes, obscures;
l'air s'y renouvelle dilBcilement; de là les engorgements et
ulcères chroniques des jambes, les éléphantiasis, lesdouleuN
(^
— 3t« —
rhumatismales, etc. La profession militaire est exercée par
tout indiTidu en état de porter les armes : point d'&ge ^si ce
n'est chez les Kabyles, quinze ans d*après ie général Daumas),
point de taille exigés. La nature du pajfs et la fortune font
seules un piéton ou un cayalier. .Oéoéndement, l'Indigène
gaenroie dans son district, dans sa plaine, sa montagne ou son
oasis : la nostalgie a donc moins de ch'ances pour se développer
chez lui. Le laboureur, qui travaille beaucoup des bras, mais
peu de la tête, se trouve exposé à la chaleur, à rhumidilë, aux
émanations palustres. Il ne les quitte guère que pour respirer
Tair de ses étables, partie intégrante de son habitation. Son
métier entraîne des fatigues et des attitudes vicieuses, mais
aussi il vit en plein air, au milieu des émanations florales; il
connaît donc peu les affections nerveuses, les maladies par
encombrement, les lésions pulmonaiiTes. En revanche, fré-
quents érysipèles, congestions cérébrales, méningites, dyssen-
teries, fièvres intermittentes^ etc. La longévité semble
fécompenser une vie frugale et moins inquiétée, parce que le
champ occupe chaque semestre et fournit à peu près le néces-
saire ; mais, au moral, égoisme, méfiance, jalousie, fainéantise
outrée en dehors des travaux rustiques. Quelle triste part pour
l'Arabe, en comparaison du Kabyle industrieux et du Saha-
raoui, toujours en course pour les échanges commerciaQx /
Dans les tribus, les bouchers, les tanneurs, les corroyeurs
travaillent en plein air, ce qui annihilé presque complètement
les inconvénients inhérents à leur profession. Dans les villes,
lesNègres sont employés au curage dcségoûts, des latrines, au
blanchîmenl des maisons, aux corvées domestiques, m trans*
port des fardeaux, etc. En général, la profession *n'a guère
d'influence sur le vêtement. Le Kabyle use peu du bemoiéss,
qui gênerait trop les mouvements ; dans les villes, les ouvriers
V le remplacent par le gilet et la veste.
l \ ^« Les Indigènes qui font métier de porïe-faix {biskris, Nègres
— 317 —
priDcipalemeni), se remarquent à de nombreux durillons
épidermiques, à des callosités scapulaires et sus-acromiales, à
une déformation de la portion supérieure du tronc, consistant
en une voussure antérieure de la colonne cervicale et Télar-
gissemeot des épaules; Toedême chronique des jambes tour-
mente surtout les cordonniers maures.
Nous ne pouvions nous étendre davantage sur les rapports
des professions avec la santé individuelle, sans répéter des faits
communs à toutes les spécialités industrielles ; il ne reste plus
qu'à énoncer un fait caractéristique pour toutes, c'est Tigno^
rance profonde qui favorise la précocité du libertinage et
l'exploitation des masses, toujours trop crédules, par la supers-
tition et le fanatisme.
CHAPITRE ïï.
1IY<;IÈNE PRIVil.
». V
les prescriptions religieuses, concernant Thygiène du corps,
sont au nombre de dix : 1^ Subir la circoncision ; 2^ et 3® faire
la grande ablution pour l'homme et la femme ; 4^ usage du v . , \--
koheul (pour les yeux); 5"* du henna (pour la peau); 6^ du ,. ^ ;,!^
s(mag (pour la bouche); 7* se couper les çngles; 8** se raser ' ^'^
les parties que la nature a voilées; 9^ s'arracber les poils des i* «' ^'
'^'
l\
— 3*8 —
aisselles; 10** se couper les moustaches à lahauleur de la lèvre
supérieure.
M II faut que chaque vendredi Phommo accompli.sse les dix choses
révélées à notre seigneur Ibrahifti ^t recommandées par El Syottti
le savant, ou quelques-unes, du moins^ sMl ne peut les accomf.Iir
toutes (5î Khelil, chap. du Djemda), »
De toutes ces prescriptions, les deux premières ont été
examinées dans rhygiènc publique ; les autres vont trouver
place dans les paragraphes suivants, consacrés à Thygiène
de la peau et des organes qu'elles concernent.
On serait tenté de se demander si la loi a réellement bien
compris toute la portée des prescriptions de la propreté indivi-
duelle, puisqu'elle en fruste la femme veuve. Les soins cosmé-
tiques lui sont défendus; elle doit s'habiller tout eu noir,
s'abstenir d'ornements et de parures, de tout parfum, de pré-
parations aromatiques, du /tenne et du katam; elle ne peut
prendre de bain, user du koheul que la nuit, encore dans le
cas d'absolue nécessité; elle peut se servir d'huiles simples, se
raser le pubis, se tailler les ongles et s'épiler les aisselles (4).
— C'est dire, en d'autres termes, que la femme veuve doit
rester sale ; et tout cela, sans doute, peur éviter de trop parler
aux regards des hommes et d'exciter leurs désirs, pendant tout
le temps légal que sa retraite viduaire exige qu'elle s'abstienne
de tout rapprochement sexuel. Pour obtenir un tel résultat, il
n^est certainement pas nécessaire de mettre la santé de la
femme en danger, ou tout du moins de lui imposer la priva-
(i) Si Kl^m, II* partie, Hiap. IX.
~ 319 —
tiôn de coutumes hygiéniques qui ont leur grande importance
dans les pays chauds.
Nous avons dit qu'en outre des ablutions, les Arabes se
montrent très amateurs de bains complets. Les bains froids
sont peu usités, par cette raison sans doute que la réaction
consécutive s'ajouterait à l'action du climat sur la peau, et
déterminerait des accidents, soit dans le tissu, soit dans les
fonctions de l'enveloppe cutanée. Toutes les pratiques des pays
chauds consistent, au contraire, à mitiger,àcombattre l'énergie
des réactions si fréquemment violentes vers la peau, et à la
mainCenir dans des limites compatibles avec la santé. Le bain
maure a pour principale condition de présenter le corps à une
Chaleur de 40 à 50** cent., dans une vaste salle dont l'air est
convenablement entretenu à cette température à l'aide d'un
lambonr en pierre, central, correspondant à un foyer sou-
terrain (4). On est ensuite étendu sur des linges mouillés qui
recouvrent les dalles, puis abandonné au dellaq (masseur), qui
pétrit et répétrit avec soin toute la surface du corps, fait
craquer à diverses reprises toutes les articulations des mem-
bres et du tronc, puis frictionne toute la périphérie cutanée
avec un gant en poil de chameau. Une fois de nombreux ^
copeaux de cr^se facilement obtenus par ce moyen énei^ique, ^y ^ -î
tout le corps est savonné et lavé à grande eau ; on termine par
une douche froide générale, afin de neutraliser la débilitation
produite par TaiBux du sang dans l'enveloppe cutanée. Le
dellaq essuie alors le baigneur, le recouvre d'une masse de
grands haïks secs et chauds, et le reconduit dans une autre
pièce où il trouve un lit de repos et du chorbet (limonade), ou
(i) J'ai toiqoan obeenré» aprè« an léjour pro'ongé daiu ces étuTet, une aagnientation
notable 4« 1VUip4raliire aninafe ; «ne fois eatr'aatras, à Biskra, aprèa^étre rcaté près d'nna
ktnre et demie dans on bain inaure auMÎ fortetnent cbanfTé qoe je piu le «npporter, le tbcr-
momètn place sous la langue marqoait 3 degré* aS cent. aa>deMus de la température qu'il
m'avait nfTuie av^ni de pénétrer dan» 1c bain ; n j'avaia i3a pul»a»ioni par minai*'.
— 3Î0 —
du gahoua{cBfé)y à son choix, sans oublier le ^i6«i(pipe). Au
bout d'une demi-heure, d'une heure au plus, on est complète-
ment séciié, et l'on éprouve un bien-être général vraiment
indicible, dont l'élément principal consiste en une souplesse
inusitée dans tous les mouvements, un profond sentiment de
légèreté, de débarras. — Tout ce système de friclions, d'attou-
chements, de malaxations hygiéniques, curatives et surtout
préventives, qui suppléent au défaut d'exercice chez un peuple
si sédentaire, ne rappel le-t-il pas le sudatorium et le frigi--
dariim des Romains, leurs frictions avec les strigiUés (sorie
de spatule) ? les bains russes ? les étuves de Pergame où l'on
frottait avec le xystref les bains de vapeur usités chez les
Indiens? etc. — Au printemps, les Mauresques ont l'habitude de
se frotter, après le bain, avec de la racine de bovr^efa (laser-
pitium)^ à titre de révulsif, de dépuratif cutané. — Dans le
désert, du côté d'Ouchdah, <i les femmes du Kbalifa prenaient
des bains maures de la façon suivante : En arrivant au campe-
ment, nos deux soldats creusaient un trou dans le sabler ; ils
dressaient la tente sur ce trou, dans lequel ils allumaient un
grand feu qu'il fallait entretenir pendant deux heures. On
fermait la tente hermétiquement, on chassait la fumée» et les
femmes se précipitaient dans cette brûlante étuve (4). »
Le bain maure a tant d'importance dans la vie arabe, que
l'autorité française devrait multiplier les étuves, aux frais des
Indigènes de chaque localité bien entendu. Un très bon exem-
ple a été donné à ce sujet par le bureau arabe d'Orléanstille,
qui a fait construire un bel établissement dans le style maures-
que. « Les bains, rapporte le Tableau de l'Algérie (2), sont
fournis indistinctement à tous les Indigènes, par suite d'un
abonnement pris en commun et par tribus : il en résulte qu'ils
(i) Capti¥ii9 du trompettt EteoJStr, t. I, p. 117.
'» ÀnnH€tirt pour iSS4. par M* J- Di^râL, p. i»o.
— 3J4 —
sont à peu près gratuits. Ils le sool tout-à-fait pour les pauvres
qui, un jovr de la semaine, peuvent y aller, et même se faire
servir une (asse de café, dont la dépense ost supportée par la
caisse de rétablissement. Excellente manière de donner des
habitudes de propreté aux plus infimes du peuple, dont pour-
raient profiler les villes les plus civilisées d'Europe I Cet
établissement a encore un caractère plus élevé, en ce sens qu'il
résout le premier problème d'association des capitaux indigènes
qui ait été tenté. »
Tendre à augmenter la beauté et à assurer la santé, tel est
le double but des cosmétiques chez les Arabes. Presque toutes
les femmes (chez les Kabyles surtout), et grand nombre dlndi-
gènes des deux sexes appartenant aux grandes familles ou
i la caste des Savants, se teignent les mains, les pieds, avec le
henna. Cette substance, qui n'est que la feuille bien pulvérisée
du lawsônia inermis (troënc) et délayée dans un peu d'eau, x^ao^
s*étend avant le coucher sur les extrémités des membres; puis
un linge entoure les parties enduites. Le lendemain, on trouve
ces dernières teintes en jaune-brunâtre, et celte coloration
dure assez longtemps (une vingtaine de jours) pour qu'on ne
soit pas obligé de la renouveler souvent, malgré les lavages
répétés. Le henna, en resserrant la peau par une sorte de
tannage, la tonifie, diminue de beaucoup la transpiration et
préserve sa sensibilité exquise contre les brusques variations
atmosphériques. Ces avantages sont tellement réels, que les
Arabes enduisent de henna toutes leurs blessures, même les
plaies des animaux. Le lawsônia inermis passera certaine-
ment, avec de grands succès, dans notre matière médicale
française. J'en ai maintes fois constaté les excellents effets en
Algérie, notamment dans des cas de sueur fétide des pieds,
que cette application hebdomadaire a seule pu modifier avan-
tageusement. Lescosmétiqkesont, du reste, une importance
telle chez les Musulmans, que la loi s^nplique ainsi :,« Par
— 3«« —
devoir obligatoire, le niarr fournit à la femme les cosmétiques
dont Tutilité est reconnue et acceptée dans la coulume, tels
le koheul pour les yeux ; la pommade ou Thuile pour les
cheveux ; le henna pour la tête, les mains, les pieds, etc.; les
objets nécessaires pour oindre la chevelure, etc. (1). » Le henna
possètlo encore une précieuse destination : ses fleurs servent à
parfumer les vétemeulset les habitations, et les uns commaies
autres en ont toujours grand besoin.
Dans les villes, les femmes se fardent avec le carthàme
[added) ou avec un composé [rusma) dont la base arseniàilc
fait tout le danger. Elles teignent aussi et réunissent les sour-
cils à la base du front à Taide d*un enduit qui n'est autre
chose qu'une forte décoction d*afsa (noix de galle) pulvérisée,
puis desséchée. Il suffit de retendre dans un peu d'eau avant
de l'appliquer. La coloration obtenue est d'un châtain foncé.
— D'autres fois, celle teinture se compose de mine de plomb;
d'aulres fois, d'un mélange d'iiuile et de cendres decartbamns
tinclorius {added). Des feuilles de celte dernière plante, cultivée
d'abord pour ses propriétés tincloriales, on retire deux prin-
cipes colorants, l'iinjauneelsolubledans l'eau, l'autre résineux,
rouge et soluble dans les alcalis, et utilisée particulièrement
dans les arls et la cosmétique. Les filles publiques se barbouil-
lent les joues avec du carmin.
Il est fort remarquable que la plupart des peuplades des
pavs chauds se couvrent la peau d'une couche grasse. Les
Caffresse poigut^nt tout le corps avec de l'ocre rouge et l'endui-
sent ensuite de mœlle ou de graisse d'animaux. Les Chingulais
(île de Cc\lan) se frottent avec de l'huile de coco. Nos Kabyles,
que le peu de troupeaux prive de laines suffisantes, ont
l'habitude d'étendre de l'huile à la surface du corps : cette
couche additionnelle devient une espèce de vêtement et rend
(t) Si KMii, i. Ilf.ehap. ».>. i3i. De renfrttitn Jt Imftmm* dmm h mmrimgt.
— 323 — .
la peftu moins sensible au froid. C'est ainsi que dans la grande
expédition d*Annibal (plus de 200 ans avant J.-C), les Cartha-
ginois, surpris tout à la fois et par la faim et par les rigueurs
d'une basse température, s'enduisaient d'huile Tenveloppe
eutanée. Outre une proleclion contre le froid, les variations
atmosphériques, contre les insectes et l'action des vapeurs
miasmatiques, ces onctions ont le précieux avantage de
tempérer les transpirations et entretiennent convenablement
répiderme, à Tinstar des qualités particulières de la peau du
Nègre. On ne saurait leur trouver qu'un double inconvénient,
e'est-Ia rancidilé de Thuile qui s'altère promptement par la
disléur et le mélange des sécrétions; puis la malpropreté
générale inévitable.
Le tatouage est en honneur surtout chez les Kabyles. Leurs
femmes portent généralement une petite croix Jbleuâtre, faite
avec de la poudre à canon ou avec de l'oxyde d'antimoine, soit
à la base du front entre les sourcils, soit sur une narine, soit
snr une des joues. Quand la jeune fille vient à se marier, le
taleb fait ordinairement disparaître ce signe par' l'application
d'un mélange de djir (chaux vivo) et de sahoun akhnl (savnn
noir). Presque toutes les prostituées arabes, portent aussi des
croix ou des fleurs bleues sur les joues, sur les bras. D'ordi-
naire, les filles publiques mauresques offrent sur les seins
des points rouges ou des plaques de carmin, — Les Nèp:res
ont, en général, des tatouages profonds, onlinairofnent (1«^-
incisions dans les joues. Ces scarifications, faites avec un cou-
teau rougi dès Ip bn^-âge, seraient-elles une sorte de prévention
hygiénique? Le général Daumas ajoute (i) : « Les Lybiens,
repoussés du côté de la mer par les conquérants, et qui sont
les pères dés Touareug, selon Heeren, auraient-ils transmis
cette méthode hygiénique aux Nègres? )> On lit dans Héro-
(i) tunéfirt Ai Smhmrm mu pmys J03 Nègrtt, p. s A3.
— 384 —
dote (4) : « Quand les enfants des Ly biens nomades ont atteint
rage de quatre ans, ils leurs brûlent les veines du haut de ht
tête et celles des tempes. Us prétendent que cet usage les em«-
pêche, par la suite, d'être incommodés de la pituite qui coule
du cerveau, et leur procure une santé parfaite. » Le but deces
incisions hygiéniques serait-il analogue au feu de précaution
que les Arabes mettent de bonne heure aux jambes de leurs
jeunes chevaux? Le tatouage est, du reste, défendu par la
Religion, qui traite ces marques particulières de ketibet ech
cfUtan (signes du diable). Hais les Indigènes se tirent d*afiEaire
en prétendant qu'avant d'entrer au paradis, chacun doit subir
nne purification de feu qui enlèvera toutes les impuretés ter-»
restresl!
Les femmes ont les oreilles percées de plusieurs trous pour
recevoir de grands anneaux très minces ; elles portent, aux
poignets et au bas de la jambe, des cercles plus ou moins
épais en corne, en argent ou en cuivre, comme lesprécédents,
et que leur bruit particulier, lors du moindre mouvement, fait
appeler khalkhaL Serait--ce là une coutume destinée seulement
à rappeler sans cesse à c^ sexe son infériorité sociale et son
permanent esclavage ?
Une pratique hygiénique aussi répandue que le Amna^
c'est le A^oAei//. Plusieurs personnes affirment que cette ex-
pression et l'usage particulier de cette substance se retrouvent
dans le langage comme dans les mœurs de tous les peuples
orientaux. Le fait est que Musulmans de diverses nationalités.
Indiens, Persans, Nègres, Turcs, etc., se servent beaucoup de
(») IJTre IV, ch. (iJLXXVll.
■^ 325 —
ce coëoiétique. — L'usage de s'enduire Jes paupières d'une
substance an ti-oph thaï m ique remonte à la plushaute antiquité.
Jérémie, Esaie, Ezéchiel, saint Jérôme, Clément d'Alexandrie
en pilent ; les Grecs et les Romains en faisaient usage. Pline
s'exprime ainsi : « Vis stibiiprincipalis circà oculo^, nam
qkœ ideo etiam plérique platyophthalmon id appellavére
quoniamincalliblepharis muUerum dilatet oculus; » c'estr«u
dire,.le principal effet de Tantimoine se concentre autour des
yeux, car la plupart l'ont appelé platyophthalmos, parce que,
purmilesonguentsophthalmiquesdes femmes, c'est celuiquidi-
lateles yeux. —Chez les Arabes, on trouve le kokeulusité parmi
les femmes et les hommes appartenant à la classe instruite ou
autoritaire. Lekoheul (dont lenom signifie sulfure d'antimoine,
partie principale de sa composition ordinaire), ordonné par le
Prophète, a été recommandé par tous les toubibes arabes, et
jotiit d'une réputation populaire justement méritée.- Cette
préparation a la merveilleuse propriété de prévenir les affecr
lionsoculairesen absorbant, parsa couleur noirâtre, unegrande
portion des rayons lumineux, en donnant aux paupières des
conditions toniques qui les empêche de se gonfler et de se re-
lâcher trop facilement, et en prévenant Texcrétion surabon-
dante de larmes, ce qui procure ainsi à la vueplus de limpidité
et d*assurance. Sa composition est variable ; d'ordinaire, le
koheul se trouve uniquement formé de fine poudre de sulfure
d'antimoine, que l'on mêle à un peu d'eau ou à un corps gras.
On met le tout dans une fiole très étroite [mkhalèl] en métal
plus ou moins précieux. Quand on veut s'en servir, on plonge y
dans celle petite bouloille un stylet très effilé et bien poli >'//^
[miroued]^ puis on le presse, ainsi chargé de koheul, entre les
paupières préalablement rapprochées. Le bord de ces dernières
prend une teinte très foncée, bleuâtre si le sulfure est seul, et
noirâtre si on lui a adjoint du noir de fumée. La première de
ces colorations se rencoptresurtouichoilcs Nègres, qui n'ajou-
— 3«6 —
tent jamais ce dernier ingrédient. Dans les tribus où le sulfure
d*antiiTioine est parfois difTicile à se procurer, le koheul se
compose de charbon de rff/?a (laurier-rose) et de felfel akhal
(poivre noir) très finement pulvérisés ensemble. D'autres fois,
pour donn(»r plus de force tonifiante à la préparation, on pile
dans un mortier, en proportions égales, du sulfure d'antimoine,
du toutia (sulfate do cuivre), du chebb (alun calciné), du
zendjar (carbonate de cuivre), quelques qrounefel (clous de
girofle), un peu de noir de fumée; on passe dès que le niélange
est entièrement fuit. Les prostituées font leur koheul ^yec une
poudre de feuilles desséchées de henna, que Ton mêle avec du
suc de /mm (limon). Cette préparation, qu'il faut laisser ap-
pliquer plusieurs heures, dure beaucoup plus longtemps.
Souvent on adjoint au koheul ordinaire, du safrane (safran),
du cembel (jonc odorant, andropogon nardus), du djaom
(benj(;in), pour activer Tcni^rgie de la vue. L'emploi du koheul,
dans tonte espèce d'oplithalmie, m*a toujours rendu les plos
grands s<»rvices.
Au premier abord, les pratiques hygiéniques, en usage chez
certains peuples pour conserver aux différentes parties de la
bouche leur inlégrilé niatérielle et fonctionnelle, peuvent
paraître le pur effet du hasard ou du caprice. Ainsi, tous les
Barmans des deux sexes se teignent les dents en noir(1); à
Madagascar, les femmes se servent d'une plante colorante pour
arriver au même but; les Sénégîimbiennes, qui ont de fort
belles dents, remarquables surtout par leur blancheur, se
piquent* continuellement les gencives pour les entretenir
(i) Empirr tirt Barmans. ]>;:r Lico!«ti. iî^.«# d'Orient, \. VIII, p. 5,
— :W7 —
saignantes et bleuâtres. Les femmes arabes se colorent la bou- )
che en rouge avec du souaq (écorce de la racine du noyer) ; •
elles ont aussi la constante habitude des mastications,
soit ftvec Toliban, soit la myrrhe, la résinc'dV/ ar^ (cedrus
atlanticus) dans Taures, soit avec le suc li({uide qui s'écoule
des incisions du darou (pistacliiiM* leiiliMjue). Toutes ces j
substances auraient en outre le privilègo do fortifier les gencives, 1
de parfumer l'haleine, et de conserver aux deiHs une éclatante *
blancheur. Toute femme, dit le proverbe arabe, qui enduit ses \
paupières de koheul, ses mains et ses pieds de henna, se
parfume Thaleine, est plus agréable à Dieu et à son mari.
N'est-ce point là de l'hygiène bien entendue ? Il n'en est peut-
être pas tout-à-fait de même de la prescription suivante, qui
seot un peu trop le despotisme conjugal : <( Le mari a le droit \ -p —
d'empêcher sa femme de manger de Tail, par exemple, de y^
manger ou boire toute chose ayant ou laissant une odeur forte I
et désagréable (1 ] . »
On dit communément que les acides altèrent rapidement la
structure des dents. Que penser de a^tte opinion, quand on
voit les Arabes ne vivre la moitié de Tannée qu'avec des fruits,
la plupart du temps fort peu mûrs, et conserver cependant de
belles dentures? ï a-t-il donc une qualité particulière d'orga-
nisation de ces ostéides chez TArabc î — L(îs Indigènes ontTex- •
cellente coutume, après les repas, de se rincer la bouche et de • J^
se frotter les arcades dentaires avec l'index de chaque main,
ordinairement chargé d'une légère couche de savon noir. On •
use ensuite du cure-dent {miçouaq), qui est d'ordinaire •
une tige d'arak (bois odorant) ; cette tige est grosse comme
le petit doigt, longue de quelques pouces, et tailladée à une
extrémité de manière à présenter une sorte de bn^ssc ou de
pinceau, (|ue Ton promène horizontalement sur les dents, les
— 388 —
gencives, dans la bouche. Il est bon d*avaler sa salive lorsqu'on
commence la manœuvre du miçouaq ; cela est utile contre la
lèpre, le leucé, contre toute maladie : c'est Tavis des Savants
de Vhldm. Le bois de grenadier ou de basilic provoque la
lèpre; la tige de blé, ou d*orge ou d'alfa, occasionne des dé-
mangeaisons ou prurits, le leucé (ou lèpre blanche). Le bois
A'arak, dit Ibn-Àbbas, a encore la vertu de guérir de la
stomatite scorbutique, d*éclaircir la vue, de raffermir les gen-
cives, de faciliter Texpulsion. de la pituite, d'assainir le corps,
etc.; il fait même pousser les cheveux et éclaircit le teint (1).»
Quelles vertus dans un simple cure-dent I Lcsavant£l Syouti
a dit :
m Lorsque vous vous nettoyez les dents avec un miçouaq, net-
toyez-les en large. Le diable se' le frotte en long: »
Dans le Sud, les pèlerins, les voyageurs ramassent de gran-
des provisions de jrMe^a/'(atripIe\ balimus, pourpier de mer) ;
filandreuse de sa nature, la racine prend facilement la tour-
nure d'une petite brosse; de plus, elle possède, comme toutes
les parties de la plante, un goût très salé. Ces sortes de cure-
dents sont un objet d'importation considérable pour Alexan-
drie. Le cure-dent le plus commun chez- les Arabes est le
pédoncule desséché du daucus [xroudia). Son principe aro-
matique passe pour 1res favorable aux gencives. Outre le cure-
dent considéré comme un moyen religieux de propreté, les
Arabes ont l'habitude de mâcher, comme dans tout l'Orient,
► des feuilles de taneiou/ (espèce de bétel), afin de resserrer
les gencives, embaumer l'haleine, amener l'appétit, exciter
lamour, rendre gai, et fortifier Tesprit et le corps. Les dents
en prennent une teinte légèrement rosée.
(i) Sitii Kfirfi/. Notrs ?•* <hi livr»- I : trad. par le D' Pimti»^.
— 3S9 —
Le Français se découvre toujours la tête, et TArabe les pieds. i
Cette différence tient à ce que ce dernier se rase toute la tête, ;
sauf une touffe syncipitale appelée kaitaïa, et qu'il conserve !
plus ou moins longue : c'est par là que Tange de la mort doit
saisir leç Musulmans pour les traîner devant Dieu au jugement
dernier.
m O mon Dieol que ta miséricorde soit pour ceux qui soraseat !
UtètàetfN>ar ceux aussi qui se taillent les cheveux J*tl mis
ma confiaDce en Dieu ; il n'est pas une seule créature qu*il ne tienne
par le bout de la chevelure (1). »
Dans la Sénégambie occidentale, les Maures ont la tête nue,
les cheveux épais et flottants. Les Persans conservent une
pvtie de.leurs cheveux pour couvrir tes tempes et les bouclent
devant et derrière les oreilles. Les Touareug, habitants de Ja
partie moyenne du Sahara, portent les cheveux tellement longs
qu'ils sont quelquefois obligés de les tresser. Les habitants du
Touat se rasent un seul côté de la tête chaque mois (2). C'est
sans aucun doute la difficulté de tenir dans un état convenable
de propreté et de préserver de la vermine une chevelure longue
et toujours humectée par les produits de la sueur, qui a
engagé les Arabes à se raser constamment la tête. Cette cou-
tume a le grave inconvénient de développer dans les tégumens
épicrâniens une sensibilité qui rend plus impressionnable aux
variations atmosphériques (ainsi que le prouve la fréquence
des otites, des coryzas, des ophthalmies, des odontalgies), et
qui expose à des arrêts de transpiration plusfaciles. Les Kabyles
qui vont généralement tête nue on couverte d'un simple calot
en feutre, portent les cheveux courts.
« La parole et les cheveux font le charme et la grâce de la
femme, dit Si Khelil (3), et sont des sources de jouis^sances
(i) MomM, cb. XI. V. 59.
(a) ItfmérmirtJ^ Smkarm mpuyt dês l^f» par MM- flAUMAt el oa Cb4iicil, p. 6a »t 166.
(S) T. II, ch. V. p. 5-5.
'^
— 330 —
toujours présentes. » Aussi les femmes conservenl-^Ues toute
leur chevelure; même en revenant du pèlerinage (alors que
rhommè est obligé de se raser la tête), elles ne doivent couper
qu'un petit bout de leurs cheveux. Dans les tribus, elles ajou-
tent des paquets de tresses en laine : malheureusement, leur
propreté laisse beaucoup à désirer. — Les Mauresques s'en-
duisent les cheveux avec de Thuile dans laquelle on a (ait
bouillir des fleurs de cembel (jonc odorant). Dans le Sabara,
on parfume celte huileavec du djaom (benjoin) et du xafrane
(safran). La loi permet de teindre la chevelure; le Aenna^
ajoute le cemmentateur (1), teint en rouge-vitulin assez foncé.
LB'Kûtam est une sorte de composition, ainsi nommée d'une
plante qui en forme la base avec une préparation de cuivre.
Le Katam fait disparaître la couleur rousse des cheveux sans
les faire virer au noir. Sans doute faut-il ici tenir compte éga-
lement d'une action médicamenteuse locale, modératrice de la
transpiration. Les vieilles gens se teignent les cheveux ou la
barbe avec le henna.
Les femmes étendent sur leurs sourcils, de manière à les
confondre dans une seule ligne, une sorte d*enduit brunâtre
composé d'huile et de cendres de coques de noix, ou bien de
fumée de charbon. C'est, avec le koheul, un double moyen de
relever l'éclat des yeux.
Les Arabes laissent croître leur barbe, et ne la coupent que
dans toute la région sous maxillaire. Le Kabyle ne se rase que
jusqu'à 25 ans. Il est d'usage général, une fois la barbe
poussée, (le ne plus la retrancher en totalité. Toutes ces cou-
tumes sont avantageuses en ce sens qu'elles assurent aux
organes intrà-buccaux une protection contre les vicissitudes
atmosphériques.
(i) II' partît, p. 70-
— 331 —
Les deux sexes se rasent le pubis, regardant comme une
honte et laideur d'avoir cette région viileuse. Le vrai motif est
sans doute le besoin d'une propreté constante et Tidée d'éviter
les parasites. Aucun poil ne doit également rester dans
l'aisselle. Les femmes s'épilent à l'aide d'un composé ("nouraj
de ebaux blanche, de savon et de sulfure d'arsenic (dahoik
nuti^outa), II suffit d'étendre quelques minutes sur la peau,
prim^Stèment sur les régions chargées de duvet; un coup
sec-jqwèneet la composition et les filamens pileux. Les Maures-
ques passent une partie de la journée à cette occupation. Quaud
on veut enlever le poil et sa racine, on enduit la région d'un
mélange fondant de résine jaune etdecire, préalablement bien
malaxées et passées au feu à diverses reprises. Dès qu'il s'est
refroidi sur la peau, on l'enlève brusquement, et les poils
restent attachés à cet emplâtre.
Chez les Arabes, les exercices militaires, les fantazzias, l'art
équestre étaient plus en honneur avant Mohammed, à cause
de l'indépendance des tribus toujours en guerre. « Leur jeu-
nesse se plaisait à nourrir et à élever des chevau\, à tirer de
Tare avec dextérité, à manier avec aisance la lance el l'épée ;
ils aimaient à faire tourner leurs chevaux avec adresse et agilité,
et cherchaient à se surpasser à l'envi les uns des autres dans
ce genre d'exercice (1). » Toutefois, ces divertissements, ces
jeux ayant amené des combats, des rixes, furent défendus. Des
commentateurs ridicules poussèrent ces prohibitions jusqu'au
tir à la flèche, puis jusqu'aux jeux de hasard, de cartes, de
trictrac. Les échecs ont pu seuls échapper à cette excommupi-
Ci) tininirf J'KtpafH^, p^rRoioT, itlp, 111* toL, p. t.
— 33J —
cation, parce qu'auiyeuxdeqtielques théologiens plus modérés,
plus sages, ils constituent une distraction dans laquelle l'atten-
tion, la réflexion, Thabileté font tous les frais. Toutefois, il est
bien recommandé de ne pas y jouer d'argent.
« La meilleure place dans ce monde, est la selle d'un cour-
sier rapide, )> dit encore le proverbe arabe. L'indolent Indigène
a donc aussi de temps en temps ses combats du cirque, ses
jeux olympiques, ses tournois; ce sont les fantazxitu dans
lesquelles on entretient l'adresse et la vigueur.uLa loi permet
« à la condition d'une récompense pour le concurrent vain-
queur, les courses do chevaux entr'eux, des chameaux entr'eux,
et de chameaux conlrc des chevaux. Les exercices et jeux de
rivalité (joutes sur mer, course à pied, jet des pierres, lutte
corps à corps) pratiqués dans l'unique intention d'en retirer
avantage pour la guerre, sont permis, mais gratuitement et
sans prix ou récompense pour les vainqueursTi). )► — C*est
dans ces fêtes que les femmes se mettent on cercle [mdfcPj
autour des cavaliers, les animant par leurs cris (you you you)
continuels.
Nous avons dit que l'Indigène marche généralement très
vite; il saute rarement, el ne danse jamais. Le cheval, dont
l'Arabe use beaucoup pour la chasse, va rarement au trot,
presque toujours au pas, ce qui fatigue peu et dérange moins
le centre de gravité. Il porte les étriers courts, delà son maintien
solide. Quand il chante, le rythme est toujours lent et assez
monotone. La voiture lui est inconnue, remplacée par le mulet
de bru : quelquefois la femme s'asseoit avec ses enfants au
milieu de grands lapis roulés en boudins; d'autrefois la jalousie
ou les circonstances (noces) veulent qu'elle soit renfermée dans
un palanquin, sorte de cage recouverte d'un baïk blanc ou
rouge, et posée sur le dos d'un cheval ou d'un chameau.
'i) W A^*,7/. t. II. p. ?...f.
— 333 —
C'est très probablement à une alimentation trop peu répara-
trice que l'Arabe doit le défaut d'exercice. Il lui faudrait une
nourriture plus substantielle pour refaire les pertes causées
par desefibrts prolongés et par l'augmentation consécutive de
la transpiration. Cependant le repos exagéré doit user consi-
dérablement l'influx nerveux, rendre languissantes les sécré-
tions; en assurant la prééminence des matériaux nutritifs au
détriment du système musculaire, il donne une suractivité
constante aux organes de la génération.
* t Dieu vous a créé des bardes et des ustensiles, pour un usage
temporaire, de la Jaine, du \x>\\ et du crïû de votrebétaiL.... 11 vous
a procarét dans les objets de sa création, des ombrages, il vous a ^ ^^
donné des montagnes pour retraites, des vôtem^nts qui vous abri- .
tent contre les chaleurs^ et des vêtements qui vous garantissent |
contre la violence des coups que vous vous portez les uns les
autres (1). »
Dans un pays où les vicissitudes atmosphériques et les ex-
trêmes de température se succèdent avec tant de rapidité en
une même journée et en des espaces de temps assez courts, le
problême important à résoudre dans la forme des vêtements ne
pouvait être mieux résolu que par le bernouss arabe, sorte de
manteau assez long, à capuchon, et pièce fondamentale du
costume national. Il réunit, en effet, les trois conditions prin-
cipales pour ce climat chaud et capricieux, en protégeant par sa
forme supérieure toute la bœte]crânienne, le cou et la lace; par
son ctroitcsse moyenne la surface thoracique; par son ampleur
inférieure, la région abdominale au devant de laquelle ses
nombreux plis permettent d'établir un rempartsuffisant contre
'() K'*r0n, V. Kitt 8) (luch. WI.
— 334 —
toutes les violences extérieures, de quelque nature qu'elles
soient. Enfin, son extrême dimension facilite la libre circulation
de Tair, en même temps que sa qualité laineuse et sa couleur
d'un blanc jaunâtre (4), s'oppose aux refroidissemens comme
à réchauffement trop brusque de la surface cutanée. — Les
Arabes portent un ou plusieurs bemouss, selon les saisons»
soit en voyage, soit pendant la nuit où ce vêtement sert de
couverture et de lit. Il est-même à remarquer que plus la cha-
leur se fait fortement sentir, plus l'Indigène multiplie ces
écrans isolateurs. Dans le Sahara, les towireug portent trois
blouses du même tissu et de même forme, serrées au corps par
une ceinture, un pantalon à larges plis, descendant jusqu'au
coude-pied, un énorme turban en coton bleu dont les extrémités
se roulent autour du cou, des souliers-brodequins; quand ils
sont en marche, ils se garantissent contre le sable et la chaleur
en s enveloppant la tête et le corps d'une longue pièce d'étoffe
gommée. Les Arabes qui ont quelqu'aisance joignent au 6er-
nouss une gandoura [longue chemise en coton) à manches
courtes, sans col, et un hdik, grande pièce rectangulaire en
colon, laine ou soie, dont on s'enloure la tête, le bas de la
figure, le cou et le tront. Cette précaution de cacher une partie
de la face est excellente, à cause de la grande réverbération
du soleil, principalement dans les contrées sablonneuses. Peut-
être a-t-elle son origine dans la nécessité où les populations
orientales étaient de dérober aux regards certaines parties du
visage affectées surtout de l'infirmité dégoûlante delà lèpre.
Les fcmincs des tribus Kabyles et des Oasis ne se voilent
jamais. L'habillement ordinaire des mauresques et des filles
publiques consiste en une chemise transparente jusqu'au
milieu de l'abdomen, très ouverte du devant, maintenue contre
(t) r^ coolean osiië«s chez les Arabes sont le hianc et Itnrage. «n ^érftl lc« Boaiicts
le» plas éclatantes qu'îh regardent comme hturtuses. La plu? respectée est le rert, celle An
rr»ph«tr.
— 335 —
les reios avee des étoffes de soie ; joigoez-y un foulard à la tête,
des pantoufBes brodées en or pour Tintérieur, ou des paits
souliers très décolletés pour les sorties, des fleurs dans les che-
veux, et pour aller au dehors, des bas blancs, un vaste panta-
lon en coton blanc, un voile blanc sur la figura, et tout le
tronc enveloppé d*un grand drap encore blanc en laine ou en
cotonnade. ..
Le s&rtmal (pantalon en coton, à plis norabreux) n'est en
usage que chez les Maures, les gens aisés et les cavaliers.
Maintenu par une coulisse supérieure et par une longue cein-
ture rouge (hhezame) en laine, coton ou soie (1), il ne descend
pas plus bas que le genou. Si ce vêtement, introduit dans
Taitnée française (zouaves, tirailleurs indigènes), a l'avantage
de bien garantir la surface abdominale, il accumule inutile-
ment une grande quantité de chaleur dans les régions posté-
rieures toujours abondamment fournies de tissu graisseux, et
surtout il rend la marche bien moins libre, par conséquent
fatiguante. Dans le Sud, chez les Toudty les hommes ont des
pantalons longs, sans chemises ni ceintures. Les Touareûg,
voyageurs du Sahara, préviennent les nausées que produisent
les mouvements du dromadaire, en serrant la poitrine et le
ventre par les spirales d'une longue étoffe bleu-foncé. Leif
Maures ajoutent au seroual, un sscdri (gilet boutonné droit),
et une djebdeli (veslc ronde à manches).
La grande fréquence des hernies tiendrait-elle à ce que le pan-
talon arabe étant trop large, et alors ne soutenant plus le bas-
ventre, ne prévient pas la tendance des intestins à s'échapper?
Les femmes arabes ne portant point de chemises ne s'entou-
^i) Le marfchal Buoxaud, qui à aoo hante intelligence joignait un grand bon mm prati>
qne« arait ordonnée par arrêté du 8 août f S4t, d« remplacer dans l'armée ta petite et étroite
ceinture de flanelle blanche par la longue et large ceinture rouge arabe. Il mH bien à regrettV*
que relt<> henreiw: ni>Mlîri<Ntinii <]jii<> Ir costume de la tronpe n'ait pas été conserrée.
— 336 —
«
rent qoe d*uiie sorte de drap carré («arma) en laine ou en toile
dont elles agraffent les extrémités an devant des épaules.
Les en&ns font généralement nus ou à peine couverts d'nn
chiffon jusqu'à l'âge de 5 ou 6 ans.
L -habillement des Kabyles consiste simplement en une large
diemise en laine [ehlaukka) serrée aux reins par une ceinture
de cuir, et une paire de guêtres [bougherous] sans pieds, en
peau de bête ou en chiffons de tente. La tête est toujours dé-
couverte ou simplement munie d'une cAacAïa (calotte) fort sale.
On remarquera avec curiosité que les parties nues (jambes) et
couvertes (la tête) chez l'Arabe, sont au contraire protégées ou
libres chez le Kabyle. Les habitans du Touat (dans le Sahara)
se oouvrenl-avec une robe en laine {kabaia); un haik sert de
par-'dessHs (4).
Mohammed recommande partout la décence : les Arabes,
avant lui, se dépouillaient de tous leurs vêtemens pour faire
le tour de la Kdaba (édifice sacré à la Mecque). Il ordonna
que les pèlerins n'accompliraient cette cérémonie qu'étant
vêtus, eV même il institua un costume (deux pièces de laine
sans couture, Tune couvrant les épaules et le tronc, l'autre
ceignant les reins et tombant sur les jambes) pour toutela durée
de la cérémonie religieuse. Ces précautions étaient bonnes
non seulement au point de vue de la décence, mais encore pour
empêcher la propagation des maladies cutanées contagieuses.
De plus, le pèlerin doit laisser pousser la barbe, les cheveux
et les ongles; puis il va boire de l'eau du puits de zemzem,
et termine son œuvre pieuse en lançant des pierres au diable.
11 serait curieux d'observer les modifications que toutes ces
pratiques importent dans la santé de l'Arabe.
Toat Musulman quihabiUeraun Musulman dépourvu de vôtemeos,
a dit^t^t Syouti, sera vôtu par Dieu, en Fautre monde, des habits
I du paradis.
(i) thnémir* Mu SnktMi «" T'»' '''' N^i^fu p. 6a.
I
- 337 —
L'Arabe a. toujours la tête couverte d'une caloUe (ehachia)
rouge OQ blanche, solide (araguia) ou molle avec gland, sur
laquelle le haïk est maintenu par les nombreux tours d'une
corde (krima) en poils de chameaux (1), quelquefois par un
riobe cachemire. L'absence complète et permanente des che-
veux oblige à les suppléer par cet ensemble de pièces plus ou
nu)ins dures, plus ou moins compliquées, par conséquent très
échauffantes, et dont le moindre désagrément est d'appeler le
sang vers la tête, d'accumuler une grande quantité de chaleur
à la surface du crâne. De là les nombreuses variétés de dartres,
les migraines, la prédisposition aux affections des yeux. Re-
marquons cependant que malgré tous ces inconvéniens, la
calotte turbanée protège beaucoup mieux que nos coiffures
françaises, la nuque et les régions latérales de la tête, contre
le froid humide et les chaleurs extrêmes. L'illustre Larrey (2)
a prétendu que le turban détermine une élévation de la voûte
crâiiienne. Jamais, en Algérie, les Indigènes n'exercent avec
le lien du haïk une construction assez forte pour gêner la cir-
culation épicrânienne, à plus forte raison pour déformer la
ceinture osseuse de Tencéphale. Il faut aussi remarquer que
lecalot arabe ne pose pas horizontalement comme nos coiffures,
mais qu'il emboîte le crâne par son extrémité ovoïde dont \t
synciput est le sommet.
En été; un chapeau, étroit, haut, à bords larges, confec-
tionné avec de Valfa (sparte) ou des feuilles (^aaf) de palmier,
couronné souvent de plumes d'autruche, est assez usité parmi
les voyageurs, les cavaliers, et les gens qui travaillent aux
champs.
Nous avons vu qu'il existe une singulière manie chez la
femme Arabe, c'est d'accroître le volume des cheveux par la
(x) Oo pNuad qat ctiie cord« «eri wmA dans le» combau à rntralairr les ctdaTff 91^
I« Arabes ue veulent pas laisser k la discrétion del'ennenii.
(a^ Relntiôn mtéitnh <k Cnmpmgnts et F'^^gt* de 181 5 k t84o-
— 338 -
superposition de plusieurs rangées de tresses de laine, sur les
parties latérales, et rehaussées de plusieurs pièces d'étoffe, ce
qui donne à cet échafaudage la forme d*un chapeau à cornes.
Les Négresses ont l'habitude de s'envelopper la tête avec un
mouchoir en coton .ployé en triangle, appelé azba ou chembir.
Les jambes de l'Arabe n'étant point couvertes comme chez
le Maure, par exemple, par l'usage des bas, sont constamment
exposées à Pair, à toutes les causes de malpropreté ; de là sans
aucun doute le grand nombre d'ulcérations, d'affections
dartreuses dont elles sont le siège. La chaussette en laine n'est
usitée que chez les gens qui ont quelqu'aisance. Les cavaliers
ont des espèces de bottes hautes {êenuui) en marocain rouge,
et qui» s'imprégnant facilement dé la transpiration, à cause de
la minceur du cuir, entretiennent la mauvaise odeur et la
malpropreté des pieds. Les Arabes, surtout les femmes et les
Nomades, marchent généralement pieds nus. La chaussure la
plus ordinairement en usage est le sabbat, sorte de soulier
très découvert, masquant à peine Textrémilé digitale, «bords
peu élevés, à semelle plane et large. Sur la limite du Sahara,
les Indigènes emploient de préférence la babouche, petite
bottine en marocain jaune. — Dans les pays montagneux, en
Kabylie surtout, on se sert, pendant la saison des pluies, d'une
chaussure en bois appelée gdbqdb, et qui a tout à fait la
forme d'un petit banc assez élevé et sur lequel le pied est main-
tenu par une bride en cuir ou en corde de palmier-nain. —
Il est certainement curieux que la forme de Tétrier arabe si
bien courbé pour s'adapter exactement à la voûte tarsienne,
n'ait pas clé imitée dans la semelle de la chaussure ordinaire,
laquelle est toute plate et même relevée à ses deux extrémités
dans un sens tout invei-se. — Les peaux qui servent à la
confection des souliers sont d'abord traitées par la chaux, puis
enfermées dans des terrines en poterie avec de l'écorce de chêne
bien pilce. Néanmoins, le tannage en est très imparfait. Les
— 339 —
Kabyles ne se servent que de peaun sèches de mouton, de
bœuf, — les Sahari, de peaux de chameau,— d*une largeur un
peu plus grande que la surface plantaire et dont les bords sont
ramenés autour du pied à Taide de cordes en palmier. En
hi?er, les Nomades du désert s'entourent les pieds et les jambes
jusqu'au genou avec des morceaux de bernouss maintenus
aTee des ficelles. L'absence de chaussures est d'autant plus
pénible que les voyageurs arabes parcourent des terrains
rocailleux, cailloutés, des sables souvent assez chauds pour
brâler la plante des pieds, parfois des portions de pays où les
lefda (vipères), les açraA (scorpions) se montrent fort dange-
reux. C'est pourquoi le proverbe dit avec raison : ^
Elàaffm ikolhul 0t h^mr. €l éjthoud, ùuetmfftt. \\o K^J^^ J^y [^
La marche pieds DUS affaiblit lu Tiie, les forcca et la re^ratloD.
Dans le désert, celle mer sans eau, selon l'expression du
pays, Malte-Brun dit que la plante des pieds européens s'ci^e
horriblement par la chaleur des sables brûlants que l'Arabe
peut traverser sans inconvénient.
Abd-el-Kader avait assuré à ses troupes un costume assez
complet; en 1839, il habillait son infanterie avec une veste en
serge grise, un capuchon pardessus, un gilet également en
serge, mais bleu, un pantalon de serge bleue, une calotte
rouge; tous les trois mois, chaque soldat recevait une chemise
en toile et une paire de souliers en cuir jaune. Chacun y ajou-
tait de ses deniers un bernouss et un ha:%k.
Les gants sont inconnus chez les Arabes. Je me rappelle
avoir lu, mais je ne sais dans quel journal, qu'à l'époque de
nos hostilités avec i46rf-£/-iïad6r aux environs de Tlemcen,
la mère de l'Emir, souffrant beaucoup d'engelures ulcérées
aux mains et aux pieds, se décida à faire demander un remède
au Médecin françaisdu poste voisin. Celui-ci lui ayant répondu
par IVnvoi d'une paire de gants ot d'une paire de bas, avec la
^
— 340 —
recommaodation de les porter constamment jusqu'à complète
guerison, la mère de TEmir n'aurait, dit-on, fait aucune diffi.
culte de suivre ce conseil, et de tenter ainsi une innovation
dans les mœurs musulmanes. Je ne crois pas, toutefois, qu'elle
ait'Ou beaucoup d'imitateurs, pour ce qui concerne les gants,
bien entendu.
Une bonne coutume usitée dans certaines Oasis, empêche
la propagation des maladies de la peau qui pourraient être
contagieuses : à Ouargla, par exemple, il est habituel de
jeter à un endroit fixé en dehors de la ville, les vêtemens dans
lesquels tout individu a décédé, et personne n'y touche (4).
En résumé, le costume indigène a de grands avantages, au
point de vue surtout de la liberté des mouvemens : de là, sans
doute, la beauté des formesetdu corps arabe. Napoléon l'avoue
dans ses mémoires sur l'expédition d'Egypte : k Nos chapeaux*
nq^ culottes étroites, nos habits pinces, nos cols qui nous
éu*àoglent, étaient pour eux un objet de risée et d'aversion. »
Et les Egyptiens n'avaient par tort. — Toutefois, le vêtement
arabe pêche par rinsufiisancepour le temps rigoureux de l'hi-
ver et les nuits toujours fraîches de la belle saison, surtout
chez les femmes généralement couvertes de haillons. Abd-El-
Kader avait adopté la laine blanche pour ses fantassins, le
drap cramoisi pour les cavaliers, et le drap noir pour les ar-
tilleurs. — Les vêtemens de soie ne sont point usités chez les
Mahométans : dans la Jurisprudence musulmane, ils se trou-
vent taxés d'objets de vanité. « Il est contraire au vœu de la
loi d'ensevelir un mort avec des étoffes de soie, c'est la vanité
jusque dans la mort (2). »
(i) ro/age eTEUittchi, p. bb.
(f) SiKhm* 1. 1, cil. Il, p. 3i4.
— 344 —
lilodigène est d'une malpropretécxtrêmedans sesvètemensi
dont la Termine et les poux composent les parasites habituels.
Si son grand respect pour les prescriptions hygiéniques
du Koran lui fait exécuter ces dernières avec quelque précision,
sa Ténération non moins extrême pour lés coutumes de sesan^
eêtres est aussi scrupuleuse. II reste sale, parce que son père,
son grand-père étaient sales, voilà son unique raison, et il
croirait cesser d'être bon musulman, s'il n'imitait pas exacte-
ment Texemple traditionnel. Qu'on ne s'étonne plus alors si
les maladies cutanées se montrent non seulement si fréquentes,
mais encore si tenaces, si sujettes à récidive; avec une cause
permanente comme la malpropreté habituelle des vêtcmens, il
n'en saurait être autrement, d'autant plus que si par leur
forme qui laisse à découvert les extrémités supérieures et infé-
rieures, la liberté des mouvemens y trouve son avantage, I^
fonctions de la peau constamment garnie d'impuretés, de pous-
sière, ou soumise à l'action du froid, de l'humidité, de la
chaleur, n'en retirent que de graves inconvéniens.
La Jurisprudence musulmane consacre un long chapitre à
la manière dont doivent être vêtus le.<( Hahométans des deux
sexes qui veulent se livrer à la prière. Par convenance reli-
gieuse, dit-elle, le fidèle se préparera à la prière solennelle du
vendredi par les soins et l'arrangement de sa personne; il doit
se tailler les moustaches, la barbe, les ongles, s'épiler les ais-
selles, le pubis, se vêtir de ses habits les plus propres et les
meilleurs, se parfumer, s'il le peut, de qoelqu'aromate, tel
que l'eau de rose. — « Deux vêtemens par an seront donnés à I
la femme, un vêtement d'hiver et un vêtement d'été, pourvu 1 X^ '
cependant que ceux qui ont déjà été accordés ne puissent plus I
convenablement servir (<). » — Enfin, la superstition qui dé- I
teint si facilement sur chaque phrase et sur chaque acte du
(.r SiKhehl.X. III». »li. XI. p. i36.
— 342 —
peuple arabe, ne pouvail manquer de figurer aussi à propos
de rhabillement. Elle va jusqu'à prétendre que le vêtement
qu'on met pour la première fois le samedi, rend le propriétaire
malade tant qu'il le porte, le vêtement fût-il vieux ou neuf. Se-
rait-ce plutôt pour empêcher les Musulmans de faire lesamedi
(dimanche des Juifs qu'ils poursuivent d'un profond mépris]
la moindre démonstration de fête T
u Le lit desÀrabes et des Kabyles est le plus souvent la terre
L ] nue. « C'est Dieu qui vous a donné la terre pour lit (4} »
Quelquefois une mince natte en palmier. Les riches ajoutent
un tapis en laine assez bien fourni, analogue à nos descentes
de lit, et remplacent le sol par un système de planches montées
sur des tréteaux fort élevés. Los Maures couchent sur un ex-
haussement du sol ménagé exprès à l'extrémité de leurs ion-
g[ues chambres. En résumé, l'Indigène couche fort à la dure.
lÀns les Oasis, les habitants confectionnent des lits fort écono-
miques en branches de palmier; très élevés et fort larges, ils
ressemblent à des berceaux dont toutes le^ parties intégrantes
se trouvent assez éloignées entr'elles, ce qui donne de l'élas-
ticité à l'ensemble ; d'autre part, ils ont l'avantage de ne point
donner asile aux insectes qui pullulent dans une zone aussi
chaude.
Les enfants n'ont point de berceaux analogues aux nôtres.
Chez les Nomades, on les couche tout simplement dans un
haxk dont les exlrémilés sont attachées aux bâtons de la tente;
c'est une espèce de hamac. Dans les maisons kabyles et ziba-
niennes, une sorte de boëte en branches d'arbre ou de palmier
est suspendue au plafond par des cordes végétales. — Les
femmes arabes bercent très peu leurs nourrissons, elles n'impri-
ment que de légers mouvements à leurs petits lits mobiles; et
généralement pendant tout le jour, les petits enfants sont
fi) Kormn, rh. XI, T. »o.
- :U3 —
portés au dos de leurs mères, enveloppés dans de grandes
pièces d*éloffes.
Si les Arabes se livrent au sommeil en plein air, ils ont soin
de tourner le dos aux astres du jour et de la nuit, afin d'éviter,
ce qu'ils appellent, les coups de soleil (boqlat ech ehems), les
conpsdelune [boqlat tl quemar) qu'ils accusent de déterminer
des céphalalgies intenses et des rhumes opiniâtres.
Les Indigènes couchent tout habillés, tout vêtus; ils n'ôtent
que les chaussures et se couvrent de hdik, de bernouss.
Nous venons de voir le costume indigène approprié. aux
trois existences bien nettement tranchées de TArabe pasteur,
dcTindustrieux et commerçant Kabyle, du Saharaoui voyageur;
le^ mêmes causes permanentes différencieront l'habitation de
chacun d'eux. Un seul point de vue leur est commun, c'est
rinsalubrité, car le choix du terrain et de la position fixe ou
mobile n'est jamais guidé que par les intérêts, les besoins, les
nécessités de la vie; aucune raison hygiénique ne dirige Tins-
tallatîon. L'Arabe se rapproche de ses cultures, des pâturages
les plus avantageux à ses troupeaux ; le Kabyle se fixe près
d'une source ou au sommet du monticule dont il a pénible-
ment sillonné çà et là les flancs, ou au milieu de ses vergers,
de ses jardins; l'habitant de l'oasis, lui, n'a pas le choix de son
emplacement, le palmier lui donne son ombre et sa nourriture,
en même temps qu'il protège le modeste abri du Nègre, vaste
cône en feuillages, en branches, percé d'un trou à son sommet
pour le passage de la fumée.
« Dieu vous procure vos tentes pour demeures ; il vous donne
des peaax de bestiaux pour des tentes que vous pouves porter facl-
~ 34* -
leaieDk qumd TOUS ?ou8 meUeien marche ou qaajsd toub vous
arrêtes (1). »
La tente en poil de chameau [bit ech char, chambre de poil)
a tous les înconvéDients possibles. L'Arabe y étouffe eu été, y
grelotte en hiver. C'est un mauvais abri. Toute la famille et les
jeunes animaux y vivent pêle-mêle, en font un foyer de mias*
mes infects de toute nature; le moindre feu qu'on y allume la
remplit d'une fumée insupportable. — Les tentes sont gêné-
ralement soutenues par des perches de différentes grandeurs
(les plus longues à peine de la hauteur de l'homme), après
lesquelles l'Arabe accroche ses effets, ses armes, et dont il
abaisse les plus extérieures à la nuit tombante, pour empêcher
le libre accès des gens mal intentionnés, des animaux et des
courants atmosphériques; mais il a soin de ne pas laisser arri-
ver le bord de la tente jusqu'à terre , afin que le renouvelle-
ment de l'air puisse s'opérer.
La nécessité de camper ainsi près des pâturages, des récoltes
ou des rivières pour les besoins domestiques, expose l'habitant
de ces tentes à toutes les conditions d'humidité possibles ; de
là la coloration jaune-paille habituelle de PArabè, les physio-
nomies étiolées et la proéminence de l'abdomen chez tous les
jeunes enfanLs ; de là, enfin, ces fièvres intermittentes endémi-
ques dans le Tell et les plaines. On pourrait même se deman-
deir si ces changements continuels d'installation, dans la vie
nomade, n'ont pas de graves conséquences pour la santé, en
soumettant fréquemment des constitutions déjà chétives à tous
les inconvénients d'acclimatations réitérées et successives, dans
des conditions toujours assez mauvaises.
Ce n'est point sans surprise que nous lisons, dans un traité
d'hygiène publique assez récent (2), la phrase suivante :
CO Koran. di. XVI. r. 8a.
(i) Par M. U D' A. C»Ar>vi.t, tl5o.
- 345 —
•
« Instruits par rexpérience, ies Arabes ne bâtissent de villes,
ne plantent leurs douars que sur les hauteurs ou derrière une
arête de montagne qui les protège contre les sources d'infection
palustre. » 11 suiBt d'avoir visité quelques tribus pour se con-
vaincre de tout le contraire, et reconnaître toute ladangeri^use
insouciance des Arabes au sujet de Tassiette dé leurs campe^
ments*
Le gourbi (decheràjy système de longs bâtons recouverts do
broussaille, de chaume, de diss (arundo festucoides) et de ^z-*
terre glaise, est préférable à la tente, parce qu'on peut y mé- ^^.^^
nz%&t quelques petits espaces. pour la fumée et le renouvelle*
ment de Tair; mais il lui devient inférieur, en ce que la pluie
le pénètre plus facilement. D'un autre coté, la pénurie de ma*
tériaiu^ de construction et de ressources de consolidation con-
venables empêche de donner aux gourbis la grandeur en tou^
aens nécessaire au nombre de ses habitants. Cette demeure est
particulière au Kabyle; quelque peu riche, il préfère lamaisojp.
— Cette dernière rappelle assez bien , quant k l'aspect du moins»
l'babitation de nos paysans ; mais la composition, l'arrange*
ment intérieur en sont bien différents. Les murs se font tout
uniment avec une carcasse de roseaux ou de menues branches,
enduits d'un mélange de boue et d'excrémens de vache, rare-
ment recouverts d'une couche de plâtre. Quelquefois les
pierres sèches (chez les fieni-Af an^our, par ex.), des briques
non cuites, entrent dans la composition de ces parois. Toits
généralement en tuiles superposées ou en terre. Nous avons
vu à Boghni, au pied du Jurjura, des tuiles en liège. Tout près
de ce dernier point, chez les Guei^chtoulas, les maisons, ex-
trêmement basses, sont constituées par quelques solives d'oli-
vier sur lesquelles on appuie simplement des couches épaisses
de terre ; ce mode de construction est nécessitée par la proxi-
mité de hautes montagnes presque toujours couvertes de mon-
— 346 —
eeaux de neiges, de renvahissement subit desquelles il devient
sauvent nécessaire de débarrasser promptement ces sortes de
terrasses.
Dans le Sahara, on établit les constructions à Faide d*un
calcaire propre à ces régions méridionales, nommé timchemt,
surtout dans TOued-ACrafr. Ce calcaire, qui diflere du plâtre et
de la chaux, est assez tendre et jouit de la précieusa propriété
de beaucoup durcir ea séchant.
La porte, unique ouverture des maisons en terre, est exces-
sivement petite en général. Chez les Ttmareug, on en trouve
toujours quatre, regardant les points cardinaux : la direction
mobile des vents violents et chargés de poussière qui règàent
dans cette montrée saharienne, nécessite cette disposition.
Les rares fenêtres des maisons urbaines et de quelques ha-
bitations rurales sont fort étroites et sans vitres ; elles ont juste
la dimension voulue pour laisser passer Tair et ne point per^
mettre à la chaleur solaire de pénétrer. Ce sont plutôt des fentes
murales que des fenêtres proprement dites. Du reste, le mystère
qui doit régner dans Tintérieur arabe a dû exiger qu'elles ne
soient pas plus grandes. Il résulte de cette étroitesse des ou-
vertures l'inutilité des draperies, des rideaux; aussi les appar-
temens indigènes sont-ils entièrement nus, au grand avantage
de la circulation de l'air.
Les maisons kabyles sont généralement basses, parce que
les habitants, occupés aux travaux des récoltes de fruits, restent
peu chez eux dans le jour, et préfèrent même se réunir sur
la place pour causer de leurs affaires. Ensuite, il se pourrait
que les rigueurs atmosphériques qui régnent pendant les mau-
vaises saisons dans ce pays montagneux, aient engagé à cons-
truire des habitations peu spacieuses.
L'Arabe ne vit pas comme le Kabyle dans des endroits boisés,
et ses ressources de chauffage n'en sont que plus minimes; les
— 3i7 —
femmes glanent à grand'peine quelques débris de végétaux,
quelques racines, pour suffire à la cuisson des alimens. Il est
même permis de penser qu'ei) conservant nuit et jour de jeunes
animaux sous la tente et le gourbi, le malheureux Indigène
spécule sur la chaleur que dégagent ces hôtes infects, pour
élever la température de sa chétive habitation.
En général, rhabitation arabe n'a que le rez-de-chaussée.
, |îous avons cependant aperçu, en traversant les Maatkas, en
1851, des maisons kabyles à un étage avec galerie. La
demeure du montagnard offre presque toujours deux com-
partiments, celui de droite destiné à la famille, celui de gauche
affecté aux écuries.
Les Indigènes ne prennent aucun souci des matériaux par-
ticuliers, qu'il convient de placer, à titre de fondations, dans
le sol qui sert d'assiette aux habitations. Dans un pays] géné-
ralement humide comme l'Algérie, cette bonne précaution ne
serait cependant pas à dédaigner.
Dans les Oasis, les maisons faites de pâtés de terre séchés au
soleil, se construisent plus grandes, plus aérées. Les terrasses
sont faites avec des poutrelles de palmier recouvertes de palmes,
puis d'une couche de terre. Les Indigènes ont la mauvaise
habitude de coucher sur ces terrasses pendant les nuits fraî-
ches de l'été ; de là des ophthalmies et des fièvres sans nombre.
Sur certaines parties du Sahara, dans VOued^Souf, par
exemple, oii le palmier est rare, on remplace les terrasses par
de^ coupoles. A BoihÇada, pour la même raison, on construit
exclusivement avec de Vaghar (thuya articulata).
A El A ghouat, on trouve des maisons blanchies à l'intérieur
mais rarement à l'extérieur. C'est du reste avec exagération
que l'on a accusé la forte réverbération de la couleur blanche
des maisons mauresques d'occasionner les ophthalmies si
nombreuses dans ce pays, car cette affection et toutes ses
— 34« -
variétés se retrouTent aussi bien sous la tente arabe que dans
la demeure kabyle, que dans les oasis; et cependant, dans looteè
ces positions diTerses, la cause précitée est généralement
absente. En juillet 483$, d'après un rapport des officiers de
santé en chef de l'armée d'Afrique sur les inconvénients du
blanchiment extérieur des maisons, l'intendant civil d'Alger
prescrivit de les enduire en septembre et en avril d'un mélange
de chaux (quarante parties) et de noir de fumée (une partie^,
la couleur blanche habituellement employée réfléchissant tro^
la lumière et la chaleur. Cette mesure pouvait avoir son bon
coté ; malheureusement^ on ne la mit pas à exécution.
Dans les villes, Tarchîtecture est plus avancée. Un porche
avec des bancs, une grande cour à ciel ouvert, pavée, entourée
d'un cloître avec galerie supérieure qui conduit à des chambres
séparées, oblongues, ornées de tapis ou de nattes couvrant un sol
eh briques; uneestradecirculaireen maçonnerie servant de litet
de sièges ; une terrasse utilisée pour la récolte des eaux et pour
le linge et autres objets à sécher, voilà en peu de mots l'habi-
talion du Maure. Cependant, toutes les maisons des villes n'ont
point des terrasses ; à Milianah, nous n'avons vu que des toits
en tuile ; à Médéah de même, les toits ont beaucoup de pente.
La question de l'habitation, peut-être une des plus impor-
tantes pour la population indigène, est réellement digne de
toute la sollicitude de l'autorité qui s'en occupe beaucoup.
Toutefois, il faudrait non seulement améliorer le mode de
construction indigène, mais encore forcer les tribus i changer
de campements quand ilest reconnu que leur tnstallalîon com-
porte de mauvaises conditions hygiéniques. Ce n'est point par
pauvreté, par ignorance, mais bien par paresse simplement,
que l'Arabe ne construit pas dans la plupart des cas. Il suffira
de rappeler que dans les villes, le biskri, le nègre, le portefaix
se contentent d'un pan de muraille, d'un seuil de porte, d'un
— 349 —
flanc d'arcades, pour s'abriter la nuit. L'hygiène individuelle
et la sécurité publique deyraient faire défendre de tels usages.
II y aurait beaucoup à dire sur l'éclairage et le chauffage.
L'impureté des huiles employées dans le premier donne beau-
coup de fumée, de matières grasses, d'acide carbonique, de
charbon et d'hydrogène carboné. L'air est promptement devenu
infect, et tous ces produits désagréables tiennent la place
^'éléments plus propres à la respiration. Evidemment, ils ont
aussi une grande influence sur la muqueuse oculaire et sur
rhématosequi, moins complète, doit déterminer de Taffaiblis-'
sèment général. — Même observation pour le chauffage, car il
y a absence complète de cheminées. Dans les villes, on brûle
du charbon dans des petits fourneaux en poterie. Sous la tente,
dans Ie|;ourbi, dans la maison en terre, un trou au milieu de
l'espace habité reçoit les matières combustibles ; une épaisse
lùmée envahit promplement'la demeure où l'air a déjà tant de
pçine à se renouveler. Généralement, dans les tribus et les
villages» les branches, péniblement ramassées çà et là pour les
besoins quotidiens, sont presque toujours humides et fournis-
sent peu de chaleur, mais beaucoup de vapeurs. On peut
penser quelle doit être, sur les poumons en particulier, l'in-
fluence combinée d'un tel éclairage et d'un tel chauffage I
La quantité d'animaux venimeux, d'insectes incommodes
ou dangereux.dont les demeures anciennes et malpropres sont
infestées, a obligé les Arabes à s'ingénier pour trouver les
RK)yens eiBcaces de les détruire ou de prévenir leur appari-
tion. Parmi les pratiques les plus accréditées à ce sujet, nous
THentionneroas les suivantes :
— 350 —
En brûianl dans une chambre hermétiquement fermée de
la racine et de la feuille de grenadier (roummane), on fait
immédiatement sortir de leur cachette toutes sorte^ de bêtes et
insectes malfaisants.
Mettez dans le trou des rats et souris un mélange de miel, de
farined'orgeou de blé et Aeghebaretl hhadid (limaille de fer);
tous ces animaux mourront peu de temps après.
Jetez dans le feu du kebda (foie) de firane (souris) ; la
fumée suffira pour faire sauver toutes les souris.
Quand des nuées de djerada (sauterelles) viennent dévaster
les champs, on n*a qu'à arroser les cultures et les arbres avec
une décoction de el henda (l'éphédra ordinaire); l'odeur de
cette plante chasse les acridiens.
Pour se débarrasser des puces (braghit), il faut prendre une
branche de palmier [djerid], la frotter avec de la graisse de
rj^\'>'^ chèvre (mdzq) sans sel [messous), et la piquer dans le mur;
on répète ensuite trois fois ou sept fois une prière, el, pendant
ce temps, les puces s'assemblent sur le bâton. Il ne reste plus
qu'à brûler ce dernier, dès qu'il en est suffisamment garni.
Un jeudi, avant que le soleil ne paraisse à l'horizon, placez
dans l'endroit où sont les punaises [beqq)y trois feuilles d'oli-
vier [zitouné] sur lesquelles vous aurez écrit : «Dieu n'écoute
personne; il n'y a que ce qu'il a dit; et celui qui le reconnaît
en lisant le fatha (premier verset du Koran), chasse, par son
pouvoir, les punaises. » Effectivement, disent les Arabes avec
leur impassibilité ordinaire, les insectes disparaissent de suite
et ne se montrent jamais plus
L'humidilé habituelle aux habitations arabes, peu éclairées
et peu ventilées, surtout la malpropreté générale, y font pul-
luler les souris. Pour les chasser, il faut répandre dans l'ap-
partement de la cendre de bois de chêne à glands (balloutk);
l'odeur suflil pour les éloigner.
— 351 —
La piqûre des fourmis (nemel) est souvent fort désagréable,
surtoutpour des individusobligés de coucher sur le sol, sous les
tentes, etc. On conseille, pour s'en débarrasser, de jeter dans
les trous qu'elles habitent un mélange d*eau, d*huile et de sel,
et d'arroser avec ce liquide un assez grand espace du terrain
sur lequel on doit reposer.
Celui qui veut éloigner les punaises, se frottera le corps
avec un mélange d'écorce finement pulvérisée de ce^^a/ (scille)>
de chair centrale [djouf) de melon (betikh), de poudre de
hantit (assa-fœtida), après que ce composé aura été quelque
temps exposé au soleil.
L'alimentation de Tlndigène se compose généralement des
matières végétales ou animales qu'il a sous la main, qu'il
trouve dans le pays qu'il occupe ou traverse. Nous avons déjà
vu que le triste état du commerce, des arts, de l'agriculture
avaient la plus grande influence sur la quantité et la qualité
des aliments que l'Arabe ne peut guère choisir et approprier à
certaines conditions de santé ou de maladie. Nous avons
d'abord à examiner les substances nutritives.qu'il emprunte
au règne animal. Les poissons (hhout) comprendraient parti-
culièrement Tanguille (6ou m^AAio^^, le barbeau que l'on
trouve dans presque tous les cours d'eau, le mugil capito, etc.
Les Indigènes des tribus en mangent très rarement, sans doute
à cause des diflicultés de la préparation et de la conservation
à l'état frais, surtout à de grandes distances de la mer.
Les ophidiens, les sauriens, les chéloniens (tortues d'eau
douce, fekhoun) sont assez utilisés comme aliments. Les sau-
terelles [djerada] dont saint Jean-Baptiste se nourrissait dans
— 353 —
le déserl, forment une partie des mets du Sahtraoui : il les bit
sécher d abord au soleil, les réduit eu pondre très fine, et les
mêle au couscouss. Ces acridiens, dans le Sud, ont, diC-oD,iiBe
chair très grasse. On les mange également bouillis, on
arrangés soit à la graisse, soit au beurre et avec du sel.
D'après Schaw (4), salées et frites, les sauterelles ont un goût
qui approche des écrevisses d'eau douce.
Parmi les oiseaux, la poule (djadja), le coq [serdoug]^ les
'''''^. cailles {ssemmana), perdrix (hhadjcUi, bécasses {ahhmarZl^
.^•v^* el khadjela), etc., produisent une nourriture assez habi-
tuelle, à l'étal cuit ou grillé. Quant aux viandes, celle de l'au-
truche [name], très employée dans le Sud, est froide et sèche.
r Le bœuf (feurd, begguer) se mange bouilli; le mouton
. jj ^^ ' [l^oufjy rôti en plein air au-dessus d'un feu très flamboyant
et arrosé fréquemment avec de l'huile, est promptement rous-
sole à la surface, et sa chair conserve ainsi tout son jus et un
parfum exquis. La chair du chameau [djemel) est fort estimée
dans le Sahara, où avec le lait, les dattes, elle constitue pres-
que toute la nourriture habituelle. Sa chair semble savoureuse,
V<^ . J surtout celle de la bosse [derotui) qui passe pour un morceau
exquis. Nous l'avons déjà dit, les Arabes prétendent que le
chameau est un animal excessivement malin, rusé, méchant,
et que l'usage de sa viande donne aux habitants du désert un
caractère aussi vindicatif, aussi cruel. — Les Arabes mangent
aussi de la hyène (dhebad) et du lion {sbd); leur chair passe
pour très mauvaise. Le porc-épic [dorbane] et le hérisson
[ganfout) se mangent en ragoût ou cuits sous la cendre. Outre
le lapin [guenine), le lièvre [emeh)y la gazelle (ghezj^a), àoni Jj-
la chair est délicieuse, les Arabes utilisent la viande de chien
(kelb). Cette nourriture, fort répandue dans le sud de nos pos-
sessions, a été l'objet d'un doute qui me paraît complètement
— 3ë3 —
levé, d'après les renseignements que j'ai pris à Biskra. On
sait» du reste, que les habitants de File de Djerby, près des
côtes de Tripoli, ont un goût passionné pour la viande de
ehien (4). Dans le Bled-el-Djerid (pays des dattes), de temps
immémorial, les habitants, surtout les Ben-Ouaçad, les Pok-
haçan, mangent du chien. A ce sujet, El Frozdok a dit : «Si
un Açadi a faim pendant un jour dans la ville, et qu'il ait un
chien gras, il le mange nécessairement. » El Meçouar ben
Hind a dit aussi : « Quand une femme des Açad enfante un
garçon, on lui dit : Pourquoi as-tu enfanté un garçon ? et c'est ^
pour se dispenser de lui offrir un plat de couches [el kherss^ >U**j
Ce plat de couches est très probablement du chien )> Le
même auteur ajoute : «Les Ben-Ouaçad, quand leurs femmes
accouchent, ainsi que les Fokhaçani, disent : Ce sera Tannée
WX chiens. » Haçan ben Tsabet, après s'être moqué de leur
goût pour cette viande et même pour la chair humaine, conti-
Me en ces termes : «Ceux de cette tribu qui passent pour pol-
trons, quand un voisin meurt, ils le mangent s'ils peuvent; et,
peureux, la chair de mouton, celle du chien et celle d'homme,
c'est tout un (2). » — Il ne nous appartient pas de décider si
ces derniers renseignements sont bien dignes de foi; toujours
^tril que l'habitude de manger du chien paraît commune
dans, les pays a dattes. L'abus de ce fruit détermine une sorte
depyrosis, compliquée d'urticaire, et appelée tséma, que les
Indigènes de Biskra, de Tuggurt, etc., combattent soit en.
tnangeant du chien préalablement engraissé à cet effet, soit en
buvant du bouillon de cette même viande. A Tuggurt, on a la
coutume de griller sous la cendre du poivre rouge (felfel
oMmar); on en retire ensuite les graines, et on mange l'en-
veloppe. Ce remède est, dit-on, très efficace. L'usage de manger
des chiens se continue dans Tintérieur, d'après M. le docteur
(i) Tunis, par le D' Frauc» et J. Ma»c».l ; f'/iiV«r* pittorrsqut, i»5o.
,3) rofagt de MmttaJhmtJ, p. ago.
— 354 —
GDyon (1), et il n'<^t pas rare de ?oir des lodigènes s'en
nourrir aussi sur la côte.
Je ne sache pas que des cas d'anthropophagisme aienl été
signalés chez nos Arabes. Toutefois, la loi musulnoane (2)
contient à ce sujet les dispositions suivantes :
« Les autorités les p.lud respectables défeadent de manger la
chair des morts, la chair humaine, dans quelque cas de nécessité
que ce soit Cependant, des légistes Font permis, et avec raifloo,
lors de nécessité absolue. QuelquesHins de ces légistes ont défendu
de faire cuire la chair humaine, en quelque circonstance que qb
puisse être. »
De toutes les parties des animaux, l'Arabe ne mange que la
chair. Le sang est défendu par la religion, pal* imitation du
précepte de Moïse, qui voyait dans ce liquide le si^e de
rame (3). — Les viscères principaux, les intestins, les parties
blanches (cervelle, pieds), sont exclus de Talirtientalion, peutr
être à cause des nombreuses altérations qu'ils présentent dans
ce climat chaud, et par suite des fatiguer du travail, du défaut
général de soins et de nourriture suffisante.
L'usage du lait [hhalih] est très répandu; celui de vache, de
chèvre, de chamelle (dans le Sud) : on le boit frais. Dans les
oasis sahariennes, on nourrit les chèvres principalement avec
des dattes, ce qui, d'après les Indigènes, contribue beaucoup
à leur faire produire un lait abondant et exquis. Le lait fournit
généralement de bons fromages [djeben), obtenus soit en fai-
sant dessécher au feu du lait préalablement écrémé ; ils l'ap-
pellent alors akit, — soit en coagulant le lait à l'aide des
fleurs de chardon ou du pinguicula vulgaris. Ces fromages
sont presque toujours alcalescents, et acquièrent alors des
propriétés stimulantes. En ce cas, on les laisse sécher au
(i) Histoitt ehronotogique d9S épidémies du nord dt l'Afrique, i%\%.
(a) Si Khetit, 1. 1, ch. 11, sect. ao, p. 3a S.
(3) Deutéronome, cfa. XII-
— 355 —
grand air. -^ Le beurre (zebda), mal ou très peu battu, con-
serve toujours une grande quantité de caséum qui le fait
proinptement rancir. — Le lait de chamelle n'a pas de crème
et De- peut donner de beurre.
Quoique le commentateur Si Khelil ait dit : « L'absence
des testicules tourne à l'avantage de la chair de Tanimal et la
rend meilleure, plus grasse, y> la castration ne paraît point
usitée. — n y a peu de variétés dans les modes de préparation
des aliments. Point de salaisons, de marinades à l'huile, de
fumaisons, de viandes sèches. La fermentation des gibiers est
sï)îgneusement évitée. On appelle kefta ou dolma, un mélange
de riz et de viande divisée en très petits morceaux, et
enveloppés dans des feuilles de choux. Le sfiria consiste dans
la réunion d'œufs, d'ognons et de viande. Des raisins secs, des
marrons, fle la viande, le tout préparé avec une sauce au miel,
s'appellent tadjin el qastal. Ces diverses préparations n'appar-
tiennent, dans les tribus, qu'à la cuisine des gens riches, des
chefs. Les Maures sont très friands de confitures ; les Arabes
et tes Kabyles les remplacent par le miel dont ils font, du reste,
uir usage considérable, sans même se donner la peine de le
débâirasser de la cire et des impuretés. Le Prophète en avait
fait réloge suivant :
« ton Seigneur a fait cette révélation à rabeille : cherche UHsiles
maifions dans les montagnes, dans les arbres et dans les construc-
tlODs des hommes. Nourris-toi de tous les fruits et voltige dans les
efaeiniDs nrayés par ton seigneur. De leurs entrailles (des abeilles)
sort une liqueur de différentes espèces (miel rouge Jaune ou blanc) ;
elle ooQtient un remède pour les hommes (1). »
Dans le Sud, on confectionne de la confiture et du miel de
dattes. La grande quantité de sucre que contient ce fruit,
jointe à l'amidon et au gluten qui s'y trouvent en proportion
(i) Xomn, diap. XVI. ▼. 70.
— 356 —
notable, en font un aliment très nourrissant et fort agréable
au goût.
Ce qui marque le plus dans la préparation des mets arabes,
c'est Tabondance des condimens. Tenir en éveil les fonctions
des grands viscères digestifs pour modérer le transport de la
circulation à la surface du corps ; combattre ainsi la prostra-
tion générale; stimuler le système nerveux; acquérir au travail
de la chymification une puissance dynamique suffisante et
plutôt énergique que modérée ; activer la sécrétion des sucs
gastriques et intestinaux, tels sont les principaux avantagés
de cette coutume d*autant plus rationnelle que le vin et les
boissons stimulantes sont sévèrement proscrites. Le seul incotk-
yénient de ces condimens, du poivre surtout, est peut-être de
trop stimuler l'appareil génital.
Les Arabes usent très modérément du sel. Le jtis^e citron,
Toseille (kammaïda) beaucoup moins acide que la nôtre eiqui
croît partout, excitent convenablement les glandes salivaires,
tempèrent la soif et favorisent la digestion. — La formation de
la graisse trouve ses éléments dans les matières sucrées, miel
[dcel], dattes {tamr), raisins secs [zbib)^ dont on accommode
très souvent les mets. L*huile (zit) remplace le beurre et les
graisses, mais elle est rarement bonne, presque toujours
rance. Les Arabes prétendent que le safran [zafrafie) pousse
beaucoup au rapprochement sexuel. Le coriandre {kosbara)^
le fenouil (6e^&a^), le carvi (AAoma), Tapis [sanoudj], les
graines de cresson alénois, le cumin (qiiemmoum) Manc et
noir, la cardamome (hhabb el aïat), l'ail, l'ognon, le poireau,
le poivre rouge, le piment (felfel ahmar), le clou de girofle, le
gingembre [skendjebir], le safran, etc., figurent presque tou-
jours dans l'assaisonnement des aliments. Dans le Sahara,
l'apprêt ordinaire des viandes est la graisse de chameau. —
Une espèce de truffe sauvage (teurfas) paraît très recherchée,
dans le Sud parliculièromeni, où, cuite sous la cendre et
~ 357 —
pétrie ensuite avec du beurre, elle constitue un mets déli--
cieux.
Les fruits se mangent frais ou secs, triturés ou non. Gêné*
ralemeiit, ils ne sont jamais assez mûrs, ei l'Arabe, peu
modéré dans kur usage, en engloutit volontiers des quantités
énormes; de là des diarrhées, des dysscnteries fréquentes. En
Kabylii^ k l'approche de la maturité des fruits, lautorité me-
nace d'amendes sévères quiconque en cueillera avant une cer-
taine époque fixée (15 à 20 jours). — Parmi les huiles, il
faut citer celle d'olives [zit hhalou), qui laisse beaucoup i
désirer pour sa pureté ; celle de palmier, etc. — Parmi les
fruits sucrés, aqueux, les raisins (dne6),les pêches (khoukha)^
les abricots (mecAmacA), les oranges [tchina)^ les jujubes
[annaha, zefzef), les figues (^rmoit*^), forment la nourriture
d'une grande partie des Kabyles. Les figues dites de Barbarie
{kermoiiss ennsara) se mangent avec leurs nombreuses grai-
nes, et déterminent des constipations formidables^ accompa**
gnées de dysurie et de gonflement des parois du rectum. On
est souvent obligé (je Tai pratiqué plusieurs fois] de recourir
à une curette, à une spatule, pour déboucher l'intestin comblé
par ces petites graines accumulées. Ces phénomènes divers
OBt-ils leur point de départ dans une action spéciale, chimi-
que, due à quelque principe particulier, ou iiennent-ils à la
grande quantité de matières sucrées renfermées dans le frint
du cactus opuntia? On sait qu'en 4837, M. Furnari en a ex-
trait un sucre concret et cristalUssabie, pouvant remplacer
avantageusement le sucre d'Inde et de betteraves. Huit figues
ordinaires donnent 275 à 300 grammes de jus, et des écorces
dont on peut tirer de l'alcool. Le &ucre du premier essai était
blanc, concret; le terrage a dû le modifier avantageusement.
Il y a là une question d'économie et de grandes ressources lo-
cales à exploiter.
Le palmier (nakhla) ce cocotier de l'Algérie, produit d'ex-
— 358 —
celleotes dattes de différences qualités; les Arabes en distin-
goent deux espèces bien tranchées : P Celles à pulpe molle,
appelées ksebba, kariri, khodri, guettar^ etc ; V celles à
pulpe consistante et fort estimées, dénommées degVet nour,
hhalaoua, tsoun, msaref, etc. Alimentation presqu*boiqoe
du Sabaraoui, ce Truit, soit influence d'une température tou-
jours éle?ée, soit qualité particulière du produit végétal, soit
abus de son* emploi, détermine desinaladies intestinales assez
graves. Pour les prévenir, outre l'emploi de la chair et du
bouillon de chien dont nous avons parlé, les habitants ont la
coutume de joindre à la datte un mélange de bouillie de^rine
et de graisse (ou de beurre). Quelques-uns se contentent de
boire après ringestion des dattes, du lait de chamelle, car on
lui îi!»ril)iîf !a pn priéfé spéciale de rafraîchir \b, datte. Sur
d'autns p«>ints du Saliara, il suflit de mêlera ce fruit du fro-
mage' ou d(^ la galetie, poitr éviter ses inconvéniens. Les Indi-
gènes du Sud tirent un excellent parti des dattes en en faisant
une sorte de pain (gharès). Us soumettent à une forte pression
des dattes fraîches préalablement privées de leurs uoyaux,
pétrissent cette pâte avec de l'huile, et la divisent en cylindres
ou galettes plates, que Pexposition de quelques jours au soleil
suffit pour bien sécher. C'est le pain, Funique aliment, des ca-
ravanes, qui lui reconnaissent des propriétés certaines d'inal-
térabilité et de nutritivité sous un petit volume. Seulement,
pour éviter les aigreurs d'estomac et Taltération des dents
auxquelles ce pain donnerait lieu comme aliment exclusif, on
y doit joindre des épices, des aromates, du lait, etc. Ne pour-
rait-on pas Tutiliscr pour nos expéditions dans le Sud 7
M. Subtil (1) a parfaitement fait ressortir les avantages qu'il
aurait sur la farine si facilement altérable, sur le biscuit, trop
dur et souvent indigeste, moins nourrissant à volume égal,
moins agréable à manger, enfin d'un prix plus élevé.
(i) Rttuf d'Orient, 1846, t. VIll, p. 49-
— 359 —
Lé bananier (mouza) produit un fruit populaire dont ia
pulpe fondante et légèrement sucrée, d'un goût fin, se mange
fraîche ou grillée sur les charbons, ou bien encore couverte de
miel. Cet aliment, très riche en principes nutritifs, sert égale-
ment à faire une espèce de pain que Ton obtient en écrasant,
triturant des fruits bien mûrs, les tamisant ensuite pour
écarler.les portions purement fibreuses ; puis on forme une
pâte avec la première substance bien finement pulvérisée.
D'après les calculs de H. de Humboldt, le produit des bananes
serait à celui du froment comme 133 : 1, et à celui de la
pomme de terre comme 44 : <. Ce fruit, ajoute l'un de nos
inspecteurs médicaux, M. le IKLévy (1), produirait, suivant
M. de Humboldt, « par plantation de 50 toises carrées, 4000
livres d'aliments. » La culture du bananier ne mérite-t-elle
pas d être encouragée chez nos Indigènes ?
Les limons {limm), les citrons (qareuss), les grenades,
les tomates [toumaiich]^ constituent les principaux fruits
sucrés acides employés à profusion par les Arabes. Parmi les
fruits astringents, signalons comme très usités, le coing
(ssferdjel), l'arbouse (sasnou), la caroube [karôub], l'azerole
(xarough), le sorbier domestique (Ighebira), etc.
Les légumes cuits, grillés, ou préparés à Teau, à la vapeur,
quelquefois au gras et en salades, possèdent l'avantage de
nourrir l'Indigène algérien san^ trop exciter les organes diges-
tifs, et de ralentir ainsi l'activité moléculaire tout en appor-
tant une quantité suffisante d'éléments réparateurs. Le poirean
[bibrass], Tail {tsoum), l'oignon [bessol] sont mangés crus :
les salsifis (gaboul), Icr carotte [zroudia), les choux (kroumb),
les asperges (seqqoum), les haricots verts {loubia) et les pois
(djelbana) ne paraissent guères que sur la table des citadins.
Dans les tribus et les villages, on utilise le cardon (yuernine)^
(i) Tr. J'hgUne puMque tt pri¥te, t. II, p. »e.
— 360 —
lartichact saoTtge kkorehep,^ qoelqBefois Taube^pne
{badimdjdl , souveel le cressoD sauvage ^ueununmeeh) et
celui lies fontaines zaharei el ma], les jeunes feuilles crues
ou bouillies du pourpier {rejelai ; les aspeiges sauTages si
nombreuses au pied des jujubier»; lecTnaraacaults(lEttnioiMi);
crus, en ragoût ou en sauces blancbes, soal très usitée les
feuilles se mangent cuites an beurre. Tient ensuite toute la
série des cucurbitacées, concombres^' (Mtar], melons (betikhm)^
pastèques [delda], courges [gara), si renommés -dans la plu-
part des basses plaines, et dont l'Arabe se nourrit presqu'excln-
sivement pendantia saison des chaleurs. € Le melon, avant le
repas, lave le ventre et se digèie très bien.» Malheureusement,
ce proverbe du pays est rarement suivi, et la débilitation des
organes digestifs par l'ingurgitation de grandes quantités de
ces aliments, détermine et entretient à la fin de Télé beaucoup
de flux intestinaux.
Ouoique la rareté des champignons (fougga)Bii été signalée
plus haut dans les forêts et bois arabes, les Indigènes s'en
nourrissent sur quelques points, près de Sidi bel Àbbès
surtout, cil il s*en rencontre pendant la saison des pluies»
notamment Tagaricus edulis, d'un blanc jaunâtre, brunâtre
en dessous. Jamais il n*a été, dit-on, observé d'accidents à la
suite de leur ingestion.
En tête des légumes féculents devrait figurer la pomme de
terre [bataia), ce précieux tubercule qui « donne boit fois
plus que le blé ; dont un arpent rend 25 mille livres ei^uffit a
à la subsistance de 24 personnes par an; qui, fermentée et
distillée, fourniH2 pintes d'alcool environ par 2001ivres{<). »
Malheureusement, cette plante est inconnue aux Indi-
gènes, ainsi que la lentille. Dans les villes, on les remplace
par la fève bouillie avec de l'huile et de l'ail.
(i^ Trmttr d'hy^i^f, dr M. I.i'vy. t. II. p. i6
— 361 —
L'habitant des plaines est très amateur du cœur des jeunes
pousses du doum (palmier nain, chamœrops humilis), et en
automne de la pulpe de la baie qui constitua le fruit mielleux
et succulent de ce végétal. Le centre des bourgeons est très
féculeux, assez agréable au goût (1).
Les Indigènes du Sud utilisetit comme alin^ëht h moelle
du jeune dattier (phénix dactyli fera) ainsi que ses bourgeons;
les feuilles se mangent aussi bouillies ou en salade.
Les Kabyles conservent dans le sel et mangent les olives
qu'ils ont pétries pour la fabrication de Thuile.
Les bulbes de phélypée [denous) séchés au soleil, puis pul-
vérisés, sont mêlés par le Saharaoui, en temps de disette, au
couscouss ou aux dattes ou avec des sauterelles également ré-
duites en poudre. Les Indigènes de Tintérieur mangent de lÀ
même façon la racine crue, cuite ou pulvérisée du bunium
bulbo-castanum [talghouda]. D'après les recherches faites
par MM. Pallas et Judas (2), ce tubercule charnu dont l'odeur
rappelle la carotte, acquiert par la cuisson une saveur sucrée,
un peu aromatique : sa pulpe se digère très facilement, et, en
cas de nécessité, pourrait fournir un aliment léger et très
nourrissant.
En 4840, nos troupes tourmentées par la disette qui se fit
sentir sous les mors de Médéah, celles qui soutinrent, dans
d'aussi tristes conditions, le blocus de Tlemcen en 1837, s'a-
limentèrent bien volontiers avec ce tubercule. Les habitants
du Zab le mêlent finement pulvérisé, avec la farine des céréales
(i) Un léger degré d'amertame m'uTait aatorité à penser qoe l'écoto» finenent palvériiée
de* jeunes poa«sc$ da ikaocerops pourrait être administrée arec «rMIage dans le» fièvrta
interailttentet. Qoelqua ettalf, iattrrckmpai par mon départ d'Alger, m'ont donnée à U
dose de deux et trois grammes de ptttdre obligeamment pMparée par l'honorable pharma-
cien M. Qoéoet, nraf goértoons compMtee »nt treize tfrrit f4ciodiq«M «oufatéeë diet die .
Indigènes. M. Gnénet a de pins décoorert dans Fécorce de cet pooiMt une matière colorant*
très riche, et d'un magnifique rottge amarante»
(i)M*m. de ilëJuiae et de Cliirwgte milttuirts, tSi».
— 362 —
peu abondaDtes chez eux. Le soldat français Ta baptisé du
nom de pomme de terre arabe.
Les racines de cartbamus gummiferus que 1 on mâche pour
en avoir le suc fort nourrissant, dit-on ; — les jeunes pousses
crues ou cuites du chrysanthenum coronarjum; — le lichen
{kherat et ardk); — les jeunes feuilles du phénix dactylifera;
— celles de la mâche (valerianella olitaria), de la fédia cornu-
copiœ; — le cresson de fontaine; les jeunes tiges de fenouil
[besbas]'y\cs jeunes feuilles crues ou bouillies du pourpier
[redjela); les jeunes pousses et jeunes racines des daucus; —
les fleurs du dattier accommodées au citron; — le fruit du
nitraria tridentata (darmoms) ; celui du sorbier (leghebira);
— les baies du myrtus comraunis; — les jeunes feuilles du
pistachia atlantica {b'toum)] le fruit du micocoulier (guigba);
le tubercule si féculeux de l'asphodèle rameuse, et dont la
cuisson fait disparaître le goût légèrement amer; — l'écorce
du pin dans le petit atlas ; les mauves [Valthœa, la lavatera)
qui, pour le dire en passant, ont rendu de si grands services
en 1840, pourTalimentation dés troupes bloquées à Médéahct
Milianàh ; le siippa barbata (drine) dont les Sahariens pulvé-
risent et utilisent les semences à titre de farine pour fabriquer
du pain, etc.,— constituent des ressources alimentaircsavanta-
gcusement appropriées par l'Indigène : mais leur usage est
loin d*être aussi étendu que celui du gland (bfMoute), cette
céréale du Kabyle, comme la datte constitue la céréale du Sud.
Le montagnard préfère le gland du chêne h feuiHes de châtai-
gnier (quercus mirbeckii). On mange ces fruits féculents,
bouillis ou torréfiés. Les glands du quercus ballotta rôtis sont
également très usités. —Lorsque Tinsuffisance des récolles
oblige à se servir du gland sauvage, les Kabyles le dépouillent
de son amertume en jetant de Teau sur sa farine, étendue sur
un tamis, jusqu'à ce que le liquide qui se colore en rouge par
ce contact devienne incolore. ^
— 363 —
Dans les IsserSy les Indigèoes mangent quelquefois de la
terre ; de même, à El Aghouat Cherguiy dans le Sud, les
femmes se nourrissent d'une terre argileuse et crayeuse. Il est
à remarquer que ce ^sexe use beaucoup plus de cette triste
ressource alimentaire, que les hommes.
Les céréales dont les espèces sont assez restreintes en Algérie,
comprennent les blés durs plus riches en principes nutritifs,
Torge, le maïs, le millet. L*orge entre généralement dans la
confection du pain, si toutefois on peut appeler de ce nom un
peu de farine grossièrement pilée par le petit moulin à bras,
travaillée quelques instants avec de Teau, et appliquée ain^
en larges feuilles sur des vases en terre fortement chauffés et
enduits d'un corps gras (huile en général). Cette préparation,
qui ressemble plutôt à des galettes molles, ne contient jamais
de levain ; ainsi privée de ce précieux élément de digestibiliié
et de nutritivité, de ce principe nécessaire pour la fermentation
et le développement des matières sucrées, elle est pesante,
lourde, massive, indigeste, peu savoureuse. Dans quelques
tribus, on met dans la pâte, à titre de ferment, un peu de lait
aigre. Afin de combattre l'inertie intestinale qui résulte de
l'usage du pain sans levain, les habitants des villes le recou-
vrent, avant de le passer au four, avec des grains d*anis
(hkaOb el halaoua) ou de fenouil.
Nous avons vu que l'insuffisance des récoltes et la nature
ingrate de certains terrains obligent à suppléer à la farine
d'orge par de la poudre de diverses plantes, de glands doux,
broyés à la meule, de sauterelles, etc. La racine de Tarum
(begouga)y séchée au soleil pour lui ôter son âcreté, ensuite
bien pulvérisée, a été utilisée en 1847 par les Arabes des
environs de Tenez et du Dahra, dépourvus de grains: ils
mélangeaient un cinquième de farine d*orge avec quatre
cinquièmes <le poudre de cette plante ; mais ce pain particulier
aurait Tinc^nvénient de provoquer des colique.s, de IVmbarras
?l
- 364 —
Intestinal, l'empâtement des membres. Le& Mxabites pulvé-
risent la graine de drine (stippabarbata) et en font du pain.
les bouillies Itères ($aouiq) sont assez usitées ; on les
eompose d'orge cuite et de viande hachée, le tout pilé ensemble;
c'est Vériceha, Dans le désert, Vhaeida est formée de Carine
de millet bouillie a?ec du beurre. Très souvent, dans les
voyages, dans les expéditions, l'Indigène n'a que quelques
grains d'ocge pour satisfaire sa faim. Cette triste nécessité
nous a rappelé plusieurs fois les soldats romains portant un
petit sac de farine et la mangeant aux étapes, ^)rès l'avoir
délayée dans un peu d'eau. Les gens riches, les chefs, se
pennettent des galettes (meiqobba) de fleurs de froment.
Mettre dans un grand plat de bois (Mfa) quelques poignée»
de farine ; Thumecter avec un peu d'eau ; i^uer le tout avec
kl paume de la main en tournant, jusqu'à ce que le mélange
se réduise en petits grains sans trop de consistance ; passer
alors dans un crible ; mettre de coté toutes les granulations
.qui ont pu traverser; remanier dans le safa les parties trop
grosses restées sur le crible; recommencer ainsi les opérations,
jusqu'à ce que toute la pâte ait été épuisée e(. tamisée ; laisser
sécher au soleil, et conserver pour les besoins du jour, tels
sont, en résumé, les divers temps de la préparation du mets
national, le couscouss. Quand on veut s'en servir, il suffit
d'en humecter une quantité proportionnée au nombre des
convives, de l'asperger d'un peu d'eau et de la mettre dans
xme passoire que l'on place au-dessns de la marmite ea terre
dans laquelle cuisent à gros bouillons la viande et les condi-
ments. Une petite heure après, le conscouss a été bien p^étré
de toute la vapeur du bouillon et des différents principes de
la viande. Une fois retiré, il est versé dans un plateau en bois,
puis additionné de lait, de beurre, de fiusrqa (bouillon); alors
on le sert chaud, et on recommande bien de le manger avant
qu'il ne refroidisse. « Le couscouss froid, dit le proverbe» c*est
— 365 —
une balle de plomb. » Od confit, en eflfet, combien doit 8ti«
indigeste une grande, quantité de ces granules farineux qui
forment Talimentation quotidienne exclussive des quatre-
vingt-dix-neuf centièmesde la population indigène de rAlgérie.
Les ingrédients et les condiments placés dans la marmite
varient suivant la fortune des individus ; ceux qui sont riches
mettent de la viande, du poulet, des oignons, des volailles
hachées, du mouton;. les pauvres, et c'est le cas général, se
contentent d^un peu de piment, d*huile et d'eau. — Toutefois»,
la pâte n*affecte pas toujours la forme granulée ; elle est quel-
quefois en morceaux plus ou moins carrés (hamza), en vermi-
celle [douda, c'est-à-dire petits vers). Ensuite, le couscôusâ ,
ne se prépare pas seulement à la vapeur, on l'apprête aussi k
la sauce, il se dit alors itrïeha. Avant de servir le couscouss
ordinaire, on le farcit parfois avec des raisins secs [xbibel;
c'est alors un mesfouf, — Le Kabyle fait entrer dans son cous-
couss du bechena (millet) torréfié ou pulvérisé, quelquefois
aussi des glands préparés de la même manière. Dans les oasis,
on fait cuire des morceaux de pâte dans du beurre avec des
ognons, des abricots secs, des dattes, du piment, puis on
mélange cette préparation (tchertchoi^kha) avec de la viande
ou du poulet. C'est un mets délicieux. Les farines de céréales
servent encore de base à plusieurs préparations culinaires
sucrées; ici mélangées avec du miel et de la graine de
djiljelane (sésame), elles constituent une sorte de nouga; là,
c'est du mcthlbif gelée de farine de riz sucrée, aromatisée avec
de Teaii de fleurs d'ocanger (md zahar) ; très souvent, c'est de
la pâte très ferme et très compacte [kak), farcie au sucre
{khachiinané). Les Kabyles se contentent de faire frire des
morceaux épais de pâte dans de l'huile et de les tremper dans
le miel.— Dans le Sud, l'élément principal est la datte, surtout
son sirop qui s'obtient en pressurant fortement les fruits de la
belle espèce préalaMomenl bouillis. %
— 366 —
Pourquoi ne pas pousser les Arabes à la culture du riz, au
double point de vue de rassainissemenl des plaines ci de
l'apport d'un aliment aussi précieux ?
Nous avons déjà parlé des moyens très imparfaits de conser-
vation des aliments. Les poteries vernissées sont inconnues; le
cuivre domine dans la confection des vases; rarement étamé
et facilement attaqué par les corps gras et acides que la mal-
propreté habituelle laisse séjourner, il a produit plus d'un ac-
cident.
Tout ce qui vient d*être succinctement exposé suffit pour
prouver que la nourriture arabe est généralement très simple :
peu de mélange des matières alimentaires, un plat unique (le
couscouss) et quelques fruits, voilà pour la masse de la popu-
lation ; les gens aisés y ajoutent de la viande, du poulet, quel-
quefois du potage aux pâles. En 1839, l'émir Abd-el-&ader
accordait à chaque soldat, pour sa nourriture quotidienne, une
livre 1/2 dA galettes, et une livre de farine pour le couscouss :
deux fois par semaine, un mouton pour 20 hommes.
Les repasse prennent ordinairement, l'un de 11 heures à
midi, l'autre le soir après le coucher du soleil.
Les Arabes mangent très vite et très salement; pas de four-
chettes, pas de cuillères (si ce n'est chez les riches), pas de
verres, pas de linge, fbs de sièges, pas de tables (chez les gens
^ aisés seulement). « Lorsque la nourriture est servie, a dit El
Syouti, prenez autour du plal et laissez-en le milieu, car la
bénédiction du ciel y descendra. » Le Législateur dit : « Il
fut défendu au Prophète de manger accroupi et appuyé sur
: lui-même, car cette position dispose à trop manger. Le Pro-
\ phète, à ses repas, était assis de manière qu'il paraissait tou-
Mours prêt à se lever debout (1). » Les Arabes ne boivent géné-
(\) Si Kketil.X. II. p. 3i?.
- 367 —
ralement qu^unefois, après le refait un vase convinjjD ou une
guerba circule parmi les convives. Après avoir mangé, le riche
fume et boit le café, le pauvre s'endort sur place ou à peu de
distance.
Le tabac, a dit un poète musulman, est un moyen sûr pour
rhomme de dissiper ses ciiagrins et de chasser des nuées de
soucis avec des nuées de fumée. — Une pipe de tabac le matin, t o
suivant un proverbe saharien, vaut mieux que cent chamelle^
dans lewra (milieu du douar). — Les Persans diseat que 1 ^
« du café sans tabac, c'est de la viande sans sel. i^ [ ^
Le fait est que le tabac constitue une forte partie intégrante
de la vie musulmane; TArabè en consomme avec un véritable
abus. Cela tiendrait-il au besoin qu'il éprouve constamment
au sein de son indolence, de se procurer de faciles sensations?
Vindigènc n'a ni journaux ni livres; il ne croit pouvoir se
distraire, se désennuyer, que par les excitations enivrantes de
la feuille brûlée du nicotiane. Son moral n'y gagne pas
grand" chose, très probablement; mais au moins il n'y perd
pas non plus, a Chose singulière t remarque avec raison un
des plus spirituels écrivains de notre époque, le tabac, aujour-
d'hui d'un usage si universel dans l'Orient, a été, de la part
de certains sultans» l'objet des interdictions les plus rigou-
reuses. Plus d'un Turc a payé de la vie le plaisir de fumer, et
le féroce Amurat IV a fait plus d'une fois tomber la tête du
fumeur avec la pipe. Le café a eu des débuts non moins san-
glants à Constantinople; il a fait des fanatiques et des mar-
tyrs (4). » — Si le code civil et religieux des Musulmans, si le
(i) ConstunUnoplt, ^ IV ; foAeton de la Vrtiu, »S novembre xSSa.
— 368 —
Koranne parle pas du tabac, le zèle des Ibéologiena D*a po
maoquer de faire à ce sujet, à Mohammed, rboBueor d'uiie
prophétie, et ils lui ont osé nieUre dans la bouche ks paroles
suivantes : <( Il y aura, dans les derniers jours, de faux ou
mauvais Musulmans qui fumeront une certaine herbe appelée
tabac. » Toutes ces' mesquines oppressions n'ont servi que la
cause de cette plante : à preuve, les Arabes l'appellent
ahhiadjet er-radjel, c'est-à-dire, le besoin de l'homme. —
{«es Arabes fument immédiatement après les repas, sans que
les fonctions digestives en paraissent troublées. Il est vrai que
l'aspiration de la fumée s'opère fort doucement, à cause de la
longueur des tuyaux en bois et de la largeur du conduit. Ils
n'avaient jamais cett^ fumée, et ne la conservent pas habi-
tuellement en contact avec la muqueuse buccale et les glandes
s^livaires. Nous ne parlons pas de la qualité particulière de
leur tabac qui paraît fort doux. Les femmes, les personnes
délicates, qui craignent l'action des éléments acres contenus
dans le tabac, l'aspirent à travers de minces tuyaux flexibles,
longs de plusieurs pieds, traversant un vase assez haut,
rempli d'eau. La fumée doit passer à travers la couche de
liquide à chaque aspiration, et se dépouille en ce moment de
toute qualilc irritante. C'est là ce qu'on appelle fumeir le
nar^uilèK (1).
Lea ÀriH do l'Est, du Hamza, les Zena/a dans le Sahara,
mai^eot des pelotes de tabac à priser. Ce dernier est très usité
chea tes Arabes qui le prennent très parfumé et le conservent
généralement dans des tubes de roseau.
Quoiqu'il en soit, l'abus du tabac à fumer ne semble pas
influer défavorablement sur la santé de l'Indigène : faudrait-
il voir, dans son constant emploi, dans une action particulière
sur les organes de la respiration, la rareté de la phthisie signalée
r) D'tiu Hi«t piT>.iii, (|ut kisuiR'* lunx dr uko .\yr*i iaquvUv r«t dxhrU^u^ le récipient.
— 369 —
en général chez les Arabes? D'apAs M. RuefT, de Strasbourg,
qui a scrupuleusement examiné tes conditions sanitaires de la
manufacture de cette ville et de ses employés, le tabac serait
non seulement complètement innocent, mais encore doué de
la propriété d*empêçher Tapparition des tubercules pulmon^i-
res, et d'arrêter leur développement et leur marche.— On sait
que le café et le tabac sont interdits ^ixx, Mzabites, habitants
d'une zone saharienne, qui appartiennent à une secte reli^
gieuse particulière et sont appelés pour cela khouaredj (c'est-
à-dire sortants).
Les fumeurs d'opium étant fort rares en Algérie, contentons^
nous de dire i|ue, d'après les renseignements fournis par
quelques Arabes, les sensations éprouvées ne seraient guère
agréables, et qu'ils préfèrent de beaucoup hhachieh. Passons
donc à l'examen de ces Indigènes au teint livide, aux yeux
ternes, à la marche .lente, au maintien voûté, à la physionomie
extatique, hébétée ; ce sont les amateurs de ce hachich, du
kif, — J^i/'veut dire,. en arabe, disposition normale et calme
d'esprit ; ainsi, ma andiche kif...., c'est-à-dire je ne suis pas
disposé à —Ceux qui abusât des propriétés du ktxchichse
nommant hachichia. Le mot haehich, qui signifie herbe en
généra), est spécialement employé pour désigner le cannabis
indica. Cette plante, qu'on appelle aussi herbe aux fakirs
(pauvres), a été chantée par grand nombre de poètes. L'un
d'eux a dit :
■ Le pauvre, quand il en prend seulement le poids d*un drachme,
lève une tête superbe au-dessus des Emirs (Princes). »
Un autre lui donne l'épitlièfe, plus consolante que poétique,
d'herbe de la joie. Les sectaires syriens du trop célèbre ir(w«an
en abusaii^nt jusqu'à la frénésie : c'est de leur dénomination
(Vhachichins que. la corruption du langage a fait, dit-on, celui
d'assassins. — Le général Menou, voulant proléger les soldats
— 370 —
français contre les terribles effets de cette substance qHÎ pou-
vait en rendre un grand nombre victime de Texcitation éner-
gique qu'elle procure, prohiba sa liqueur et son usage comme
tabac (arrêté du 17 vendémiaire an DL). Lors de l'arrivée des
Français en 1830, il y avait encore un établissement spécial a
Alger pour les fumeurs de hachieh. On trouve encore dans
celte ville et plusieurs autres cités mauresques, des cafés ou
on le débite, où Ton en peut user. Pendant le seul trimestre
d'août, septembre et octobre 1851, on a arrêté et enfermé
pour démence, à Constantine, onjre Musulmans presque tous
jeunes et de bonne famille, ayant perdu la raison par abus
de celte plante. Les Beys turcs Favaient cependant proscrite
très sévèrement dans cette province. Dans la même année
(1851), on comptait à Constantine vingt-deux cafés ou bouti-
ques oii ce dangereux produit se consommait (1). — Le hachik^
appelé encore tekrouri, est très cultivé en Algérie, dans le
Zab, à Tolga, à Bouchagroun ; à Zaatcha, il y avait un café
spécial pour les hachichia. Les extrémités, les fleurs et les
graines sont principalement recherchées par les fumeurs,
comme les parties les plus éniv(antes. — Voici le procédé or-
dinaire de préparation : on fait bouillir pendant très lonelemps
les feuilles cl les fleurs avec du beurre frais qui s'empare des
principes actifs et sert de ba§e aux diverses préparations de
/(i/'. Les fleurs, les feuilles, les graines se fument seules ou
mêlées à du tabac ordinaire, dans des petites pipes qu'on ne
saurait mieux comparer qu*3uxdés des couturières. Le beurre
dans lequel ont bouilli les parties choisies de la plante, doit
être bien pétri, puis séché : il foraie alors des pastilles ou des
pilules. Bien finement pulvérisées, elles sont parfois aussi
mêlées au sucre ou au miel ; on les appelle alors madjoun
(pâte, onguent). A Biskra, Ton m^a assuré que les habitants
(i) 6'o:. Médicale dr Paris, s'» or t. i85i.
_ 374 —
4e Tuggurt ciiUiveDt beaucoup udo espèce particulière de
tekrùurh sorte de chanvre bâtard dont l'actioa est moins
énergique sur le fumeur.
On ne doit pas Toublier, les effets ordinaires du Ai/diffèrent
suivant les doses et les tenipéraments. Chez les uns, il déter-
mine de l'extase, des rêves erotiques, et, à la longue, un affai-
blissement des facultés intellectuelles, une sorte de démence
chronique et intermittente ; chez d'autres, au contraire, i)
amène soit une gaieté folle, des rires homériques, une loqua-
cité inimaginable, soit une tristesse profonde, de Tanxiété, de
la frayeur, de sinistres préoccupations, un sommeil de plomb,
etc. Un' de mes amis d'Alger, peu habitué à l'influence du
hachich, se croyait toujours perdu, près de mourir, et se livrait
à toutes les démonstrations d^un désespoir sans remède. En
général, cependant, pris à des doses modérées, prudentes, le'
kifne produit point des effets aussi extrêmes ; c'est un doux
accablement nerveux, une agréable lassitude, une oppression
de forces pleine de charmes, et qu'il faut avoir éprouvés pour
bien les comprendre. Dans le far-niente, daQs la paresse cra-
puleuse, il y a un vice brutal ; dans le calme que donne Tabus
immodéré des liqueurs forles, il y a un honteux engourdisse-
ment; mais, dans le travail du hachich, il s'agit d'une eni-
vrante et profonde jouissance, d'une béatitude infinie, qui
n'exclut point la libre action de Tintelligence, des conceptions
passionnées; c'est un suave délire qui s'obtient plus complète-
tement en plaçant le système nerveux dans de certaines condi-
tions, telles que la position du corps bien étendu sur de
moelleux tapis, l'aspiration courte et à longs intervalles de
quelques bouffées de tabac maure, l'ingestion intermittente
tantôt de petites gorgées de bon café indigène bien chaud»
tantôt de petites quantités de liquides parfumés, glacés ; et,
pendant cette épreuve dil voluptueuse insensibilité croissante,
une étourdissante musique arabe, le bruit saccade descasla-
— 371 —
gneties, le timbre nisillard de toutes ces voix moDolOMB et
criardes^, Toilà ce qu'il faut savoir combiner pour délerttiiiier
ces émotions mystérieuses de lame, faire naître ces rêves exta-
tiques, créer enfin cette série de bizarres halludiiations dont
l'ensemble constitue une famiazxia, et dans lesquelles la foUê
du logii a le merveilleux privil^e de ccmserver toute son inté-
grité psychologique. On sait que les phénomènes particuliers,
qui suivent l'ingestion du kachich, l'ont fait utiliser déjà en
médecine. Dès 4835, H. Aubert-Roche l'employait dans le
traitement de la peste ; en 1 841 , M. Moreau, de Tôok, dans la
curation de la folie. Les Arabes lui accordent une grande vertu
aphrodisiaque. Très probablement, la médecine algérienne lui
trouvera une utile application dans les maladies de l'Indigène,
dont le système nerveux, moins sensible, est, par cela même,
"^lus susceptible d en recevoir les influences modifioalrices
avec tout l'avantage désirable. Des accidents ne manquent pas
d'être déterminés par les imprudents qui fument ou avalent
de trop grandes quantités de i»/*. Les Arabes ont pour principe
de faire aussitôt vomir à l'aide de l'eau chaude ; d'autres admi-
nistrent de suite des chorbet (limonades) peu sucrés ; dans les
cafés maures, on se contente de faire approcher du patient la
musique bruyante, qui monte promptement ses effets étourdis-
sants au summum d'intensité, et, la plupart du temps, l'im-
pression transmise au cerveau par un tel vacarme suffit pour
dissiper tout malaise. Dans plusieurs cas, j'ai administré avec
avantage de Tinfusion de café prise abondamment et par gor-
gées. — Il est encore des Arabes qui se procurent un certain
degré d'ivresse extatique en avalant des pilules confectionnées
avec des feuilles de bendj (jusquiamc) bien pilées ; la poudre,
légèrement humectée, est roulée on globules. Les effets de
cette préparation se rapprocheraient, dit-on, du sommeil
lourd do l'opium. Quelques Indigènes usent aussi d'un mad-
joun (pàlo) dans leijïjel entre le howzaqa («trychnps nux
— 373 —
vomica). Od retrouve encore, dans cette coutume plus grave<
le besoin particulier aux peuples orientaux de rechercher
activement toutes les substances capables de déterminer une
insensibilité plus ou moins complète et des modifications pro-
fondes dans rétat habituel du système nerveux. On n'oubliera
pas, du reste, qu& c'est aux Arabes que remonte le premier
emploi de la noix vomique à litre de médicament. La tradition
musulmane aurait-elle conservé à Tusage de cette substance
une v(^ue ancienne et méritée ?
Ikmii,' Mohanmed, trouvant l'ivrognerie trop répandue^
inspire à ses prosélytes de Tàversion pour le vin et les liqueurs
fermentées ; puis les docteurs musulmans les proscrivent d'une
manière absolue. Qu'y ont-ils gagné? Lé besoin national
d'un stimulant quelconque remplace ces substances enivran-
tes par Topium, le tabac, le hachïch; ces matières, en effet,
devinrent très en vogue dans les premiers siècles de l'bégyre.
La soif est tellement pénible dans un pays chaud, que le
Koran en a fait un des supplices réservés aux méchants qui
peupleront l'enfer :
« Ils n*y goûteront ni la fraîcheur, ni aucune bolssou, s! ce n*est
Feau bouillante et le pus... ; vous boirez de Teau bouillante comme
boit un chameau altéré par \^ loif (1). t
Si elle est littéralement dévorante, surtout quand TArabe
doit supporter la chaleur extrême de l'été et dans le Sud, elle
a cependant une condition de moins pour se faire sentir dans
les autres saisons, c'est que le mauvais mode de chaufiage
(O Ch. LVI, y. 54 ; ch. LXXVm, ▼. a4.
- 374 —
habituel ne permet jamais à Tair intérieur des habitations
peu closes de se dessécher au point d*exciter la soif. L'ali-
mentation épicée de llndigène ne lui cause poini un. vif
besoin de boisson, comme on pourrait le penser; c'est qua les
condiments activant la digestion dans les contrées chaudes,
l'estomac ne demande pas autant de liquides pour les impré-
gner. D'ailleurs, grand nombre d'Arabes mangent beaucoup
ûe fruits aqueux à leurs repas. Tenons compte Clément du
peu d'activité, de l'indolence de la vie sédentaire, du peu
d'abus que l'Indigène fait généralement de la parole : toutes
circonstances qui rendent les occasions de boire moins nom-
breuses, bien moins impérieuses. Les Arabes redoutent les
eaux glacées, celles qui résultent de la fonte des neiges. L'état
de grande transpiration est pour eux une contr'indîcalion à
86 gorger d'eau : ils se contentent de se rincer la bouche et
de s'ablutionner le visage en entier. Ils supportent cependant
moins bien la soif que la faim. Dans TAtlas, les.habitants pré-
viennent et combattent la soif en mangeant les fruits du
prunus insititia. Dans le désert, on a coutume de sucer un
oignon et d'avaler un peu de beurre fondu. Le Saharoui boit
beaucoup moins que le Kabyle et le Tellien. Le proverbe
arabe dit :
o Geluf qui boit ne doit pas respirer dans Jo vase où est la
boisson ; il doit l'ôter de ses lèvres pour reprendre haleioe» et
ensuite il peut recommencer à boira... Lorsque vous buvez de
Teàu, buvez-Ià à petits traits, p
Ce sont là de bons conseils de propreté et d'hygiène.
L'Arabe paraît friand de nos liqueurs alcooliques, l'absinthe
principalement. L'eau-de-vie qu'il fabrique avec les dattes, îi
El Aghaouat, passe pour avoir un goût exquis. Dans le Sud,
le palmier, vieux, improductif, qu'on appelle alors djebbar,
dont les branches supci'ieures ont été coupées et la tête
(djonmar) percée d'un trou latéral dans lequel on introduit
3MW
/o —
ensuite un roseâu en guise de robinel, produit 42 à 45 litres
par jour d'une sève appelée agmi; le goût en paraît agréable,
un peu acide, analogue à celui de notre orgeat. Douée de
propriétés très rafraîchissantes quand elle est récente, elle
devient enivrante pour peu qu'on la laisse fermenter, et cette
liqueur capiteuse [kichem) rappdle alors assez bien notrccidre.
Les Indigènes poussent la fermentation assez loin pour obtenir
du vinaigre. — Lorsque les habitants des oasis veulent obtenir
toutes les jouissances de Tivresse, ils mettent quelques heures
dans Vagmi plusieurs graines de harmel (rue) nouées dans
unpetitchiffon. La liqueur devient tellement forte, mousseuse,
que souvent elle casse les vases qui la contiennent. J^ai vu
plusieurs cas de cette ivresse qui n'est nullement malfaisante,
et consiste plutôt en une grande gaieté, que dans une atteinte
profonde aux fondions cérébrales. •
Les Arabes broyenl la pulpe sucrée du fruit du jujubier
(*«rfr'^ après en avoir enlevé les noyaux; puis ils ajoutent de
l'eau en quantité suffisante, ce qui produit une boisson assez
désaltérante, mais très difficile à conserver fraîche.
L'habitant des plaines, outre l'eau des sources, des rivières,
consomme beaucoup de lait aigre, après le repas surtout. Cette
boisson facilite beaucoup la digestion desèsalimens farineux.
La recherche instinctive de ces divers liquides stimulants,
malgré la défense religieuse de leur emploi, prouve assez leur
nécessité dans un climat chaud et humide; les Arabes préten-
' dent que la jusquiame a l'avantage d'exciter les désirs véné-
riens. — Nous avons déjà parlé de leur habitude d'user du
hachich, produit bien moins cïter pour le peuple que l'opium
et les liqueurs alcooliques. Quant à la noix vomique, voici ce
que nous venons de lire, dans l'ouvrage de M. Olivier : «On a
souvent distribué dans ces mêmes cafés [en Perse) un breuvage
beaucoup plus fort, beaucoup plus enivrant (que le chanvre) ;
il était fait ar<c Ua k^iihi H l^ âiKnimi» do chanfre onin
naire, aoqoel mi aj>utaii aa pra -if n:ii r^^îqîje. La loi qui
permet ou tolère les aatrrsbf^QTaçes. a tonjoarsdéfenda odai-
d, en pQBUsaDt da J^niiersapplioe cea\ qoi le di$tribvaîeot
et enii qoi le prvfQaieDt I . »
I>ï calé, mot tiré da toic iaoH ^. fat défeodo par qoelqoes
l^isles ma^ulmans, à caase de Fabui qu*on en fit après sa
découverte ; il o'a été définitivement toléré dans les mœurs
pq>alaire3 que sons Sélim 1^ 17* siècle). Des manoscrits de
la bibliothèque impériale indiqueraient qu*il éSaiten usage en
Orient dès 875. -* En 95i de Thégyre (4538 de J.-C.), àii on
écrirain arabe, pendant que beaucoup de gens étaient assem-
blés au mois de Ramâdhan et qu'ils prenaient le café, le com-
mandant du gué les surprit et les chassa des boutiques igno-
minieusement. Ils passèrent la nuit dans la maison du sous
bachi, et le lendemain matin, ils furent relâchés, après avoir
reçu chacun dix-sept coups de bâton. » — Le café [qahoua),
cette universelle boisson musulmane, compagne inséparable
du tabac avec lequel elle constitue deux puissantes distrac-
tions et jouissances de TArabe (2], est très riche en principes
alimentaires, par conséquent très saine dans un pajs aussi
chaud où il éveille le sens génital et nourrit tout en combattant
la stupeur et la congestion cérébrale déterminées par la nico-
tine et une haute température. Une fois torréfié, TArabe se
conU.»nle de concasser le café, ce qui conserve aux petits mor-
ceaux leurs molécules huileuses et aromatiques : il le fait en-
suite bouillir, cl lu verse dans une petite tasse où il repose et
laisse tomber son marc. A peine Tlndigène le sucre-t-il. 11 en
prend d'habiludr plusieurs fois de suite, mais à des intervalles
f\ I (0 ^V*** **"*' f'^'^P''^ Ottoman, t. fil', p. iSg.
! j (t) « ffif téif* de eaffet «ne pipt de ta^/ontmn r/gat eamptft {Pnrêrhe TàÈit). « « £r
r^f» 0it U bpiiiomdti amis de Dieu, te *in gui diitipa lot ht chagri$u, et /• gardiamit de A».
i*#i#r a*9K son parfum mnfjHc et ta imifrur d'enrrt fiftfin). i.
10
- 377 -
plus ou moins longs. Celte manière de préparer le café par
décoction, ne parait pas lui ôter beaucoup de son parfum habi-
tuel. Cette boisson est un excellent remède contre Tinappér
tence et les embarras gastriques ; avec la diète, elle constitue
Tun des premiers moyens auxquels recourt l'Arabe Ao» qu'il
se sent un peu gravement indisposé.
Les Indigènes usent, dans les villes principalement, de
rinfusion de quelques plantes aromatiques, d'une petite herbe
a fleur blanche qu'ils appellent thëy, etc.
L'Arabe ignore les moyens de purifier, de désinfecter les
eaux. J*ai indiqué, dans mon Rapport sur le choléra (4),
l'emploi de Teau chez certaines tribus du Sud, sous la forme
hydrothérapique.
Soit par insouciancci soit plutôt par généralisation de la
malpropreté qui entache si fortement les mœurs de Tindolent
Arabe, les parties génito-urinaires sont chez la plupart,
surtout chez les femmes, privées des soins particuliers que
réclame la santé et qu'ordonne la religion. Si la barbare pra-
tique de la circoncision a pu dipainuer Tamas des matières
sébacées entre le prépuce et le gland, les impuretés sécrétées
par la muqueuse ou déposées à la surface et dans les replis du
filet à la suite du coït, ne laissent pas que de provoquer, par la
négligence apportée à leur disparition, une odeur souvent
infecte. Il n'est pas rare de trouver, principalement chez le
sexe féminin, l'état le plus repoussant des organes de }a
génération. Sans rappeler les ablutions lé{;ales,^>disons que
mille formules semblent en vogue pour assurer à ces parties cm
(i) LethoUru en jélgérie^ an»4es 1849, rSSoct 18S1. — Âlgmr, 1S6». page to3.
— 3TH —
<^al «le propreté eilrèuie. t.-ar IVau froide De*lécra$se pas
toujours coriTenablemeDl; dans certains cas, le fidèle peut en
^ manquer, et n'aYt>îr qu'un liquide saumÂlrepourla remplacer.
Le plus Udité lie ces oio^ens consiste à faire un mélange de
^ *;_/ miel et de bile de bœuf finrarat-^l-t^jnr); on en frictionne
légèrement tout i organe. Les Arabes prétendent que celle
composition empêche les parties de retenir aussi facileniênt
que de coutume les impuretés de tonte nature.
>'ous avons déjà parlé de Tonanisme : ajoutons que la fré-
quence des vers intestinaux est peut-être une cause prédispo-
sante aux escès pernicieux de cette habitude» dont les effets
se trouvent prévenus en partie par la précocité des mariages.
y /A. Quant à la pression exercée sur le con tiet par les rebords du
calot souvent épais el endurcis par la crasse, pression qui,
jointeaupoidsdetoute la coiffure, s'exercerait particulièrement
sur l'occiput et provoquerait ainsi la Tréquence des érections,
c'esl une question difficile à résoudre. — k Mariez-vous jeunes,
disait Mohammed, la femme fuit la barbe blanche, comme la
brebis le chacal. » Mais quVnlenJre par le mot jeunes ?
• Une tradition du Prophète, d'après il. Sale, traducteur du
Koran, aurait fi\é l'âge des unions sexuelles légales, ou de
maturité nuptiale, à 15 ans; et Ahou-Hanefah, un com-
mentateur, pensait que 18 ans était le moment convenable.
Combien alors nos Arabes sont loin de l'application de ces
sages préceples ! Il fant avouer que le Prophèli» lui-même, en
épousant la fille d'Abou-Rekh qui n'avait pas encore atteint
sa septième année (I), donna le premier le mauvais exemple,
quoiqu'il efil soin de légiliiniT ses écaris de conduite par des
révélations parlicnli«''r( s de la divinité à litre de privilèges en
sa faveur. Les Arabos de rAlgérie épousent souvent de jeunes
filles non rét/lées, ou ayant de 8 à 9 ans à peine. « Selon IV
^'i) Pndexux, f'/> de Mnhomti, p. Tf et S5.
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pinion générale, dit la loi musulmane, râgeiie copulalion où
de nubîHlé est celui de neuf ans ; avant celte époque, la con-
ception est légalement impossible. » Ainsi lalégislalion confond
deux choses : Tapparition de la nubilitéet le moment opportun
dé la copulation et de la gestation. Elle implique la nécessité,
la convenance de ces actes coïneidcmment avec les premiers
signes du développement des organes aptes à les consommer:
Il en résulte, comme Montesquieu Tobservc fort bien, que
les femmes « nubiles à dix ans sont vieilles à vingt : quand là
beauté demande Tempire, la raison la fait refuser; quand la
raison pourrait Tobtenir, la beaut(; n'est plus. Il est donc très
simple qu'un homme quitte sa femme pour en prendre une
autre. » Les funestes conséquences de la précocité des unions"
sexuelles, surtout avant Taptitude complète des organes géni-
taux et du corps à en supporter les fatigues sans danger pour
la san!é, ont été exposées plus haut avec assez de détails pour
qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir. Contentons-nous de
faire remarquer que cette pratique paraît commune aux pays
chauds (1). En Arabie, quoique les filles ne soient guère nu-
biles qu'à douze ans, on en voit quelquefois que l*on marie à
l'âge de six ans, et elles demeurent dans le harem du mari
jusqu'à ce qu'elles puissent accomplir l'acte du mariage (2).
— Les Coptes, p\i Egypte, épousent souvent des filles de six à
sept ans. — Dans leslndes, il en serait de même, car les jeunes
filles sont nubiles à huit ans, et accouchent généralement
l'année suivante. — A la Mecque, il n'est pas rare de voir un
jeune homme de quatorze à quinze ans épouser une jeune
(i; Il faut bien rcmarqQcr aussi qnr dans les pays insalubres, occupa par des popvla-
lions diétivM. malingres, p«u civilisées, la mort-ilité étant jplas grande, les anariagM doivti^
être non seolemcni pins nombreux, mais plu» précoces. C'est ce qui explique, en partie,
pciurquoi TArabe de la plaine a toujours une plus forte quantité de femmes, comparatif e*
ment au citadin maure placé dans des conditions de reasotarcea dVxisteac» bien di£Mre«tes«
( a) Kf/age en Jr^kh, i»ar Tâ^isisa, t. I, p. 99.
— 380 —
ftlledehuità dix an»; les femmes sont vieilles à viogt-ciQq
ans, et presque décrépites à treole-cinq (4). — Aux Maldives,
les filles se marient à dix et onze ans (2). — Aux Indes, à
BûDtam, c*est à treize ou quatorze ans (3). — On se rappelle
sans doute que les Romains ne permettaient point les fian-
çailles avec de jeune& filles ayant moins de dix ans révolus.
La douzième année était con^dérée comme l'époque de la pu-
berté et du mariage. — Après tous ces faits, quelques auteurs
persisteront-ils à croire que les climats chauds n'avaneeni
point rage de la nubilité ?
Dans tous les pays, les motifs qui guident Thenime dans le
choix d*une épouse n*ont point généralement pour base
principale la convenance des caractères, la proportionnalité
des âges, des tempéraments, etc., toutes circonstances qui ont
cependant la plus grande influence sur la race et le bien-être
domestique, r^hez les peuples Orientaux, où la femme, ne
participant point à la vie publique, offre bien moins d'occa-
sions d'exciter des passions personnelles, c'est aux talismans,
à l'imagination^ à toutes tes facettes de l'illusion qxre Thomme
demande la révélation de son futur bonheur. L'Arabe ¥a
trouver le tahb réputé pour tirer de bons horoscopes, il
l'interroge sur sa bien-aimée encore inconnue, sur la nature
de son bordj (c'est-à-dire fort, maison do zodiaque). Le devin
fait, en sa présence, un hhaseb (compte) particulier, sorte de
tableau à sept cases dont chacune correspond à une prophétie
particulière. Ainsi, par exemple, si le produit de toutes les
lettres de certains noms, chiffrées suivant une valeur de con-
vention, dépasse le nombre 7 d'une unité, c'est dans le bordj
n® \ que le taleb puise les éléinenls de ses révélations. Or, ce
bord) n° 1 est bordj mtà chems, c'est-à-dire le bordj du
(a) Rt^.dafOnMt, décembre i838» p. ^l^.
(9^ r^jrmg»! Je F^mMf. Picaré, eh. XII.
Ci) Rec:ieii des vojnges q .-/ »at s<r>i à f'étaMsttmeiit dt tm Cotyi. dts Imd»t.
~ 381 —
soleil, ce qui signifie femme jolie, brave femme, aimant
beaucoup les hommes qui, en revanche, ne Taimeroni guère ;
elle rendra son mari heiNreux; ses cheveux sont longs; sa
peau est blanche comme du lait; sa bouche presque trop
petite; ses jambes grosses; sa figure belle; son menton
allongé ; elle est et sera sage, fera beaucoup de bien k sou
mari qui ne la paiera pas de i^our. Elle sera aimée des
étrangers, et très peu ou point par sa famille... elle sera
«lordue par un chien, etc. — Telle est la substance princi*^
f aie de Thoroscope dont le tcUtb énumère emphatiquement
chaque particularité avec tout le coloris brillant dv langage
oriental ; et pour donner i sa communication plus ou moins
hasardée la consécration irréfutable aux yeux de tout musul-
man, il termine gravement : « Allak ialem l )» c'est-à-dire,
Dieu sait tout. — Le futur époux, qui n'a dès lors rien i
répliquer, se retire le cœur épanoui, rêvant déjà à tous tes
tréèors physiques d'une compagne qu'il n'a jamais vue, qu'il
connaît à peine par ouï dire, et il s'empresse de conclure....
toujours par procuration,.... une union que la justice légalise
aujourd'hui, quitte à la défaire demain.
Les excès vénériens entraînent de grandes pertes nerveuses»
moins graves au défaut pour l'Arabe dont le système aerveur
«st moins sensible, mais quj, trop souvent répétées, détermi^
nent à la longue chez lui des spermatorrhées incurables, des
affections organiques de la vessie et des reins. Les nombreuses
maladies de Tappareil génital de la femme reconnaissent sans
aucun doute pour cause principale la fréquence des rappro-
chements sexuels qui exalte si rapidement la sensibilité des
organes de la reproduction. La misère qui sévit généralement
sur la population ne pousse déjà que trop les Indigènes i
chercher dans le coït leur unique distraction à des privations
continuelles. Il est utile toutefois de remarquer un fait qui
frappera tous ceux qui questionneront à ce sujet les femmes
— 382 —
Arabes, les Mauresques, etc. ; c'est la chasteté, si Too peut
s'exprimer ainsi, ffue les ^ndlcjènes ^les deux sexes apportent
dans les relations génitales. Ces rapports sont extrêmement
réservés : ni Thomme ni la femme ne font descendre leur
intelligence jusqu'aux calculs honteux de la débauche qui
signalent les habitudes des nations plfês civilisées. Ce raffine-
ment de corruption qui pervertit vilement les lois et les
instincts naturels, ne dégrade point les mœurs arabes, n'altère
point la pureté du sentiment sympathique, irrésistible, qui
rapproche les sexes; el, d'autre part, la santé individuelle n'a
point généralement, chez nos Indigènes, à supporter pénible-
ment les fatigues nerveuses, les terribles secousses qui suivent
toujours de coupables manœuvres. La femme arabe, il faut le
dire à sa louange, qu'elle soit fille, ou épouse, ou prostituée,
fait commerce de son corps, mais sa pensée ne calcule point
un raffînement de volupté, son intelligence ne se rend point
coupable Je la lubricité dépravée d'un travail charnel. S'il
faut en croire Nieburh (1), c< la pudeur des Arabes ne leur
permet pas, de nos jours encore, de parler des organe:>
génitaux tuême en se servant des expressions les moins propres
à choquer l'oreille. » — Lorsque l'opération de la taille est
nécessaire chez les femmes, disait Aburkascnij il faut appeler
une matrone, parce qu'il n'est, dans aucun pays, permis à un
homme de jeter les yeux sur les organes génitaux du sexe. —
Nous avons toujours remarqué, ontr'autres localités à Biskra,
où la prostitution se recrutait de quelques belles filles du Sud,
que les Arabes qui les visitaient séjournaient chez elles juste
le temps d'accomplir Tacte matériel. Rarement on voit les
Indigènes • chercher à stimuler les organes génitaux par des
orgies, des débauches, des excès de boissons fermentées ou
alcooliques; si des fails contraires sont signalés, ils se passent
— 383 —
sous des ÎDspiralioDs isolées, en cadielle, comuie nous le
verrons plus loin ; et, pour ce qui concerne les femmes, c*esl
une dépravation exceptionnelle que le contact d'Européennes,
plus malheureusement expérimentées, a pu apprendre à
qu6lq4]es Mauresques.
. Il a été dit ailleurs que la passion réelle de Tamour tour-
mente peu les Arabes ; malgré toutes les poésies colorées et
ardentes qu'on trouve dans quelques-uns de leurs chants, et
qui remontent en général à une époque plus ou moins reculée
ou ont été importées de contrées musulmanes moins illettrées,
les considérations précédentes nous semblent venir à Tappui
de cette opinion. L'habitude de la sodomie, que les Ar^ibes
pratiquent absolument avec le même instinct, le même besoin
que le coït, n'en serait-elle pas une autre preuve?
Le rapide examen du texte de la loi, en ce qui concerne la
médecine dans ses rapports avec les dispositions judiciaires, a
faitégalement voir que toute copulation commencée doit être
terminée, sous peine de péché. En effet, Tacte incomplet du
coït fatigue bien davantage en empêchant l'accomplissement
régulier, normal, de la fonction. Mais, d'un autre côté, cette
sage recommandation de l'autorité religieuse n'aurait-elle pas
eu pour but également de modérer la fréquence des rappro-
chements sexuels en favorisant, par la copulation complète,
la naissance d'un plus grand nombre d'enfants? Evidemment,
la multiplicité des naissances, dans ce dernier cas, doit enga-
ger les Arabes à mettre un frein à cette fureur charnelle, que
M. Devay a si bien dépeinte par le nom d'onanisme conjugal.
■:*- * Il vous est permis, a dit le Prophète, de vous procurer,
avec de l'argent, des épouses que vous maintiendrez dans les
bonnes mœurs et en évitant la débauche.... Ceux qui se main-
tiennent dans la chasteté et n'ont de commerce qu'avec leurs
femmes, seront dans les jardins du paradis.... Il vous est
permis d'épouser les filles honnêtes des croyants ; vivez chas-
i4
— 384 —
tement avec elles, ne commetlez point de fornication, et ne Ie9
prenez point pour concubines, etc (4). » Outre ces exhor-
tations à la chasteté conjugale, Mohammed s'est fortement
élevé contre radnllèrc : « Si vos femmes commettent l'action
infâme, appelez quatre témoins ; si leurs témoignages se réu-
nissent contre elles, enfermez-les dans des maisons jusqu'à ce
que la mort les visite ou que Dieu leur procure un moyen de
salut.... Evitez l'adultère, car c'est une turpitude et une mau-
vaise route.... Les femmes impudiques sont faites pour les
hommes impudiques ; les hommes impudiques sont faits pour
les femmes impudiques.... Heureux sont les croyants qui
évitent toute parole déshonnête, qui savent commander à
leurs appétits charnels et qui bornent leur jouissance k leurs
femmes ; mais celui qui porte ses désirs au-delà est transgrès-
seur.... (2). » Sous le gouvernement du dernier Dey d'Alger,
c'est au cap Matifoux, près de cette dernière ville, que les
fçmmes convaincues d'adultère, les filles publiques surprises
en relation avec un Juif ou un Chrétien, étaient renfermées
dans un sac et jetées à la mer par les agents du mixouard
(chef de police).
Quant aux mesures sanitaires à prendre pendant l'époque
menstruelle, elles se trouvent résumées dans les ablutions
légales et le verset suivant : « Ils t'interrogeront sur les règles
des femmes; dis-leur : c'est un inconvénient. SépareE-vous de
vo$ épouses pendant ce temps, et n'en approchez que lors-
qu*elles seront purifiées (3). »
Les tristes conditions du mariage n'amènent que trop faci-
lement de gr«s nuages dans les rapports des époux ; les coups,
les contusions sont le partage quotidien de jeunes femmes que
le despotisme le plus barbare traite en esclaves dégradées. La
(i) Koran.ch. IV, v. a8 j ch. LXX, v. 19 ; ck. V» r. 7.
(«) Id., ch. IV, r. 19 ; ch. XVII, r. 34 ; ch. XXIV, v. 16 ; ch. XXIII, y. i, 3, 5, ele.
(3) Id., ch. II. V. SX».
— 38» —
loi, qui prévoyait bren cette douloureuse mais inériiable cou-*
séquence de la polygynie, a pris les dispositions suivantes :
« Lorsqu'une femme méconnaît ce qu'elle doit de respect, dfe
soumission à son mari, le mari lui fera des exhortations et des
remontrances ; quand il n'obtiendra pas d'amendement, il
exclura cette femme du lit marital ; à défaut de succès encore,
il la battra, s1l pense que ce moyen violent puisse être utile et
la ramener au bien. Les coups ne doivent produire ni fracture,
ni blessure, ni contusion sérietise [\).i^ Tout commentaire
devient inutile en présente de droits aussi violents, aussi
injustes ; on conçoit toute l'influence pernicieuse qu'ils doi-
vent exercer sur la santé de la femme en particulier.
La polygynie a le grave inconvénient d'amener une vieil-
lesse précoce et un degré, plus ou moins complet, d'impuis-
sance prématurée. Aussi les Indigènes fatiguent-ilsles médecins
français de demandes constantes de substances qui puissent
réveiller l'énergie des organes générateurs. La loi musulmane
indique elle-même le but de l'ablution avant le coït, à titre
d'agent tonique et devant prévenir l'épuisement consécutif,
d'autant plus sensible ou certain que l'acte est plus souvent
répété.l« A défaut d'eau, la lustration pulvérale (sable ou
terre) avant la copulation n'est point indiquée, car cette o-j>
lustration n'a pas l'effet qu'on se propose par la lustration par
l'eau, c'est-à-dire quelle ne produit pas Vexcitation co»r
venable pour le coït (2). » Voilà donc clairement expliqués,^
d'une part le but essentiel ^s ablutions qui à titre de tonique
général tiennent tant de place dans la loi religieuse des
Arabes, et de l'autre, l'effet bien positif de l'eau sur l'énergie
des organes générateurs affaiblis par la polygamie.
Il y a, dit-on, en Egypte, à Assouân, un hospice spécial
(i) Si Kktiili du Mariage, ch. V. »ect. i5«.
(>) Si KMil : du Mariage, vbap. I, ftccUon 8*.
— 386 —
pour la castration des petits eofants dont le vice-roi fait des
cadeaux. « Ce ne sont point, affirme H. Hamont (4), les
Musulmans qui ôtent aux enfants des Abyssins ou des Nègres,
les attributs de Thomme ; les châtreurs sont des Coptes;
et des Européens, dans le Soudan, ont fait concurrence
à ces misérables. » — Et cependant, « de Tavis général, la
^iîi,- I castration de l'homme est défendue dans l'islamisme (2). »
Ces paroles du commentateur sont l'écho du 148* verset du
chapitre lY du Koran :
« Que la malédiction de Dieu soit sur lui. Il a dit: Je m*empare
d^une certaine portion de tes serviteurs; je les égarerai, je leur
iDJ^pirerai des désirs, je leur ordonnerai de couper les oreilles de
certains animaux ; je leur ordonnerai cValtérer la création de
Dieu. »
Il est évident, d'après les expressions employées dans celle
sourate, que Mohammed entend parler de la castration des
esclaves que pratiquaient les Arabes idolâlres. Cette affreuse
coutume, née dans 4es sables de l'Afrique, en Ethiopie, en
Lybie, considérée par quelques personnes comme analogue à
la circoncision des adultes, fut certainement inspirée par la
jalousie à l'égard de ceux qui avaient mission de garder et de
surveiller les femmes. Il est peu probable qu'elle ait eu pour
but d'empêcher les hommes faibles et malsains de faire dégé-
nérer les races. Elle pouvait tout au plus être, chez les prêtres,
un moyen de supporter plus facilement le célibat. Quoique
condamnée par le Koran, les anciens chirurgiens Arabes la
pratiquaient, mais seulement dans les cas de maladies. Je ne
sache point qu'aucun fait de castration, n'importe dans quel
but, ait été signalé chez les Arabes depuis l'occupation fran-
çaise de 1830.
La stérilité est un cas de divorce. Il en était de même chez
(i) L'Egjpt€ tous Méhemet- Ali, \. I. p. 36o.
(i; Sidi Khrfif, ck. V. Du mariagt, spcl. lo, p. 4o6.
— 387 —
les anciens, à Sparte par exemple. La position sociale des
femmes arabes se tj^ouve réellement malheureuse et pénible. Si
d'un côtéelles tardent à manifester l'aptitude à concevoir, elles
ont la répudiation en perspective; si, d'autre part, elles devien-
nent enceintes, elles se voient spectatrices obligées, pendant
plusieurs mois, des caresses conjugales adressées de préférence
à une de leurs rivales. Entre ces deux situations, elles ne trou-
vent qu'une planche de salut, Tavorlement I
Dès que le fœtus a été séparé de la mère par la déchirure du
cordon, on l'enveloppe dans un haïk, dans des morceaux de
bernouss, puis on lui malaxe le crâne. Le sein lui est immé-
diatement présenté. Les femmesarabesnourrissent elles-mêmes
leurs enfans; mais les fatigues et les travaux domestiques les
empêchant souvent de les alimenter d'une manière régulière,
elles chargent temporairement de ce soin une voisine ou une
amie. De cette façon, le jeune Indigène se trouve avoir sucé le
lait de plusieurs femmes du douair, de la dechera, et il n'en
appartient que plus complètement, il n'en reste que plus
attaché à sa tribu natale. « La durée de deux ans et deux ou \ _.
trois mois est le temps pendant lequel Penfant se nourrit \^^}^
d'abord exclusivement de lait ; à cette limite, il ne peut pas ;
encore s*en passer entièrement (1). y^ La misère, la privation '
des choses nécessaires à la vie, qui pèsent si lourdement sur
la population Arabe, expliquent sans doute la longue durée de
rallailement. L'ignorance dos remèdes propres à guérir les
Dorobreuses indispositions qui attaquent les jeunes enfants
presque tous élevés dans les conditions d'insalubrité et de
malpropreté les plus graves, peut également faire penser aux
mères comme aux législateurs que le lait est sinon l'unique,
du nioins le meilleur moyen de calmer les souffrances de ces
petits êtres. Mais les femmes arabes ne réfléchissent guère
(0 SiJi Khèlît, t. III» chap. X.p. m.
- 388 —
qu'un peu de bouillie avec de la farine sérail moins nuisible
aux nourrissons, qu'un lait si sou?ent altéré dans sa qualité et
saquantitépar lespéniblesconréesdomestiqueset la satisfaction
des brulales passions d'un mari despote. L'insuffisante nutri'^
tivité (le ce lait appauvri par tant de causes a sa large part
dans la pathologie et la mortalité de la première enfance, et
doit singulièrement, parla faiblesse organique qull entraine,
aider au développement des maladies héréditaires. Et, d'autre
part, cette lactation prolongée sans motifs, pratiquée sans
principes de modération, selon les caprices de Tenfant et les
exigences de la condition sociale de la femme, ne sera pas
sans action pernicieuse sur la santé de celle-ci qui ne prend
du reste aucune précaution pour elle-même à l'époque du
^_,^ sevrage. Il faut aussi tenir compte de l'influence d'un aussi
mauvais allaitementsur lessuitesde l'accouchement; beaucoup
d'affections de matrice, d'bémorrhagies utérines, n'ont point
d'autre origine.
if Si le nouveau-né est tourmenté de coliques trop fortes, on
[^ / *^>* ' le gorge d'huile, ou bien on lui fait prendre le sein d'une
voisine. On comprendqu'avecde semblables remèdes, l'intestin
se débarrasse difficilement du méconium. Si dans les premiers
mois de la vie, le nourrisson ne recherche pas volontiers le
^^*' sein, on le purge en lui administrant de la résine de hantit
(ierula assa-fœtida), gros comme un grain de blé I
Les femmes Arabes ont une médiocre quantité de lait. Pour
en ranimer ou stimuler la sécrétion, elles frictionnent les
mamelles avec de l'huile bien fraîche; elles boivent le matin
^ du suc de krats (laitue) dans lequel on a pilé dn bois de
àenedoq (noisetier) et des feuilles d'aWaty (ronce). — Dans le
voyage à' El Aiachi (1), on voit El Kahina, femme qui
commandait dans le djebel Aurefs et se faisait craindre des
(0 P«g« >35.
-A.A
ce I
..jj
— 389 —
Berbères et des Chréliens, se couvrir les seins d'un cataplasme
de farine d'orge cuite dans de l'huile ; le lait, qui avait subi-
tement tari, ne tarda pas à reparaître. — Dans le Sahara, on
sèvre beaucoup plus tôt que dans le Tell. £n général, pour
déshabituer Tenfant de la mamelle, on lui fait boire un
mélange d'huile et de miel. Il en résulte une diarrhée qui a
l'inconvénient de beaucoup Taffaiblir. ^
/ i( Le coït avec ou sans éjaculation séminale régulière est
permis avec la femme qui allaite. Le Prophète a dit : « J'eus
rinteiitioû de défendre le coU avec la femme pecidanl Tallai- y<
temenl, jusqu'à ce que j'appris que les Grecs et les Perses
pratiquent ce coït sans qu'il en résulte rien de nuisible pour
leurs e^AuMs. » Le Prophète jugeait dans sa pensée que ce
coït n'était pas exempt d'inconvénients pour le nourrison (1 ).
Et il n'avait point tort ; mais nos Ai*^bes sont d'un avis tout''
différent; et ce qui prouve bien qu'ils s'occupent fort peu de la
double influence du rapprochement sexuel sur la grossesse et
sur Tallaîtement, c'est que les couches coup-sur-coup sont
assez fréquentes chez les femmes indigènes. Do reste, les
dërangemenrtsqui apparaissent si souvent dans lamenstniatioo,
dans la sécrétion laiteuse ou lochiale et deviennent le germe
de beaucoup d'affections utérines, indiquent suffisamment
combien la femme arabe néglige d'habitude tout ce qui con-
eeme l'hygiène de ces diverses fonctions. Elles ont de bien
singulières coutumes à ce sujet. Ainsi, dans les villes, quand
elles ont leurs règles, elles vont au bain maure, et à la fin de
la séance, elles s'ablutionnent vivement et copieusement les
parties sexuelles avec de l'eau très froide ; cette pratique aurait
pour but d'activer l'écoulement menstruel. Les femmes des
tribus connaissent également cette propriété des liquides
froids.
(0 SiKMil, t. m, clMp.X,p. i>9.
LIVRE IIL
MÂLA.DIES ET MÉDECINE
OES ARABES OE Ij'AL«ÉlftIE.
. La palhologie du toubibe Arabe se ressent profondément de
son ignorance complète en anatomie et en physiologie. Toute
maladie se trouve, pour lui, localisée dans un symptôme
apparent, qu'elle aie un point de départ éloigné ou non. Le
traitement est dirigé selon les mêmes erremeos : au lieu d'at-
taquer la cause du mal, TArabeen poursuit obstinément les
effets. Tout ici accuse la pénurie complète de la plus vulgaire
observation. C'est de Tempirisme brut.au premier chef^ Peu
importent la nature particulière de l'affection, son origine
réelle, sa cause déterminante, son alliance avec un principe
généralisé, spécifique, etc.; il n'y a jamais qu'une formule de
traitement invariable pour tous les cas donnés, et transmise
parla fidèleetimmuable tradition, ou conseillée par l'expérience
de quelques vieillards de la localité ou savants du pays. Pas un
toubibe n'a observé la marche des maladies, les phénomènes
di^-ers qu'elles peuvent présenter dans leur développement.
- 394 —
leur terminaisoD, leurs complications, suivaol telle ou telle
circonstance; aussi point de pronostic. D'ailleurs, les médecins
d^un peuple fataliste pourraient-ils logiquement s'occuper
d'un jugement quelconque sur le cours et l'issue d'une affec-
tion? « Allah ialem (Dieu sait tout) I )> Voilà leur manière
moins embarrassante et peu compromettante de porter un
pronostic, a Incli a//a/e (s'il plaît à Dieu), » constitue une
autre formule habituellement employée, et qui offre du moins
quelque consolation au patient.
Toute épidémie, toute maladie qui attaque on même temps
dans une localité ou dans une certaine zone topologique un
grand nombre d'individus, se dit AaAouAa (peste) : telle, la
petite vérole» la coqueluche, le choléra, etc. — Un nom gêné-'
rique désigne d'habitude les affections variées d'une même
région; ainsi : meurdk es-sala (maladie de la toux) caractérise
les affections de poitrine; oudjà Ibethen (douleur de ventre)
indique toute souffrance abdominale, n'importe à quelle
cause, à quel organe elle se rapporte ; oudjà rass (douleur de
tête), la céphalalgie, qu'ellesoit hemi-crânienne, névralgique,
qu'elle affecte le cerveau, les tégumens épicrâniens, elc. —
Elbeurd (le froid) se rapporte à toute douleur générale soit
rhumatismale, soit syphilitique, soit causée par un état plétho-
rique, et% — Toute affection de peau sans tumeur, se dit
hazaza (dartre) ; — Toute tumeur se dénomme hhabb si elle'
est petite, deumla si elle parait grosse, mais sans autre indi-
cation sur sa nature, son contenu, son siège. — L'urine ne -
coulc-t-iîUe plus parles voies ordinaires? c'est un tsaqqaf $1 .
bout (mot-à-mot : bouchement de l'urine), n'importe la cause,
cystite, rétrécissemenlurcthral,paralysiedelavessie, calcul, etc.
Bou, qui signifie mal, père, précède souvent le nom de la
région souffrante; ainsi bou-djeneb (mal de côté) indique le
point pleurétique. Ce mode de dénomination semble le plus
généralement employé; cependant les Ard>e8 dooneol aum''
- 392 —
quelques expressions particulières aux affections les plus
communes, cKaprèsles circonstances suivantes. 1^ La région :
oudjà ceqla (douleur des flancs) se rapporte à toute maladie
localisable dans les hypocliondres ; — i? l'harmonie imitative:
ainsi ielesles indique la grenouillette, ce mot rappelant asses
bien le caractère particulier de Tarticulation des sons dans
cette affection; lecroup sedit€(;a((/(i (poule) ou /aroui(; (coq),
selon rintensité de la maladie qui donne à la voix de la
ressemblance avec le cri de ces volatiles; — 39 l'idée générale
de la lésion de Torgane : Tasthmeja dyspnée se Aiîenidhiqet
tl nefs (rétrécissement de la respiration) ; Tapoplexie est
appelée noqta (goutte), parce que l'on suppose qu'une goutte
de sang montant subitement au cerveau suffit pour déterminer
la mort; Thypochondrie, gkachïet el qalb (les syncopes du
cœur) ; — 4® la ressemblance avec certains objets : les vers
ascarides, doud el kara, c'est-à-dire les vers de la courge; —
le bec de lièvre, foumm el djemel, c'est-à-dire la bouche du
chameau; — 5^ l'analogie avec une maladie de certains
animaux : la variole confluente de l'enfant se nomme djidri
Ighenami (c'est-à-dire variole de mouton), et la variole diaciéte
djidri beuggri (c'est-à-dire variole de vache), parceque les
Arabes prétendent avoir observé que ces animaux sont plus
spécialement attaqués de l'une ou de l'autre de c$f variétés;
6^ le symplome le plus constant : le squirrhe ourmÊm
mohadjar (l'enflure pierreuse); — la phthisie, meurdh
requiqa (la maladie de la minceur); l'angio-leucite, bou
êbahha (le père du chapelet), à cause des nodosités sous-
cutanées; — 7*" rage des malades : l'acné, hhabb el chebab
(le bouton du jeune garçon); la phthisie, meurdh ex xcine (la
maladie du joli garçon); — 8** enfin la couleur : la cyanose,
jneurdh laxreug (la maladie bleue); hhamoura (rougeur) tou-
tes les éruptions rubéoleuses de iapeau; dot^Jd/ra (mal jaune)»
mturdk ssafra (la maladie jaune), ssfar (la jaunisse),
- 393 —
s^appliquent à toute affection qui s'accompagne de teinte
paille de Tipiderme, ictère, syphilis, choléra, etc.
Toutes les connaissances d*anatomie pathologique se résu-
ment en ce mot : façad (gâlemcol); il indique que Torgane ne jX^^
fonctionnait plus parce qu'il était gâté, L'Arabe n'en sait pas
plus long....
Toute humeur, toute sécrétion morbide se dit : ma (eau), à
moins que ce ne soit du pus [keihh], — L'accès d'une ^
maladie est, littéralement, un coup(rfAeria). Celui qui tombe V^^
promptement malade s'appelle medhrob bi... (frappé par....).
L'ignorance complète en névrologie se décèle en pathologie ;
la paralysie d'un organe s'exprime par le mot mat (il est
mort) ; ainsi l'hémiplégie, nousshou mat (sa moitié est
morte), etc.
Inutile de nous étendre davantage sur le spécimen d'une
si pauvre nomenclature nosologique ; mais il était important ,
d'en avoir une idée, parce que quand un Arabe, interrogé sur
sa mltladie, aura répondu : « Oudjd Ibethen (mal de ventre)» ,
piKl^tnf>p)ç^quelies que soient les mille questions que vous
luifnressîëz sur le siège précis de sa souffrance, sur son
inteniité, «ur son caractère, etc., il vous redira toujours
« Xhuljd Ibethen, » ne comprenant pas que vous, toubibe^
ynmê'^jez besoin d'explications pour connaître la nature de sa \ ,.
maladie. Aux yeux de l'Indigène, vous êtes un homme inspiré ^'
de Dieu, un devin ; les interrogations doivent donc être inutiles ■':
de votre part. Une fois la région de la souffrance dénommée, ^
«vous devez savoir et indiquer de suite le remède. Avec de tels
éléments, M médecine chez les Arabes n'est pas chose facile.
Il m est de même quand ils demandent un médicament;, ils le %^
, font delà même façon qu'ils achètent un objet à un marchand.
, ils ne covjprenneatfoint que le toubibe puisse demander Tu- l
sage qu'ils comptenl^lui donner, encore moiàs qucle médecin.
- 3Ôt -
et Te vendeur se permettent la moindre explication sur le but
de remploi. <( J'ai tel mal, » dans la bouche de l'Arabe, signi-
fie : « Indique-moi mon remède ; » et réciproquement :
« Donne-moi tel médicament y> veut dire : « J'ai telle mala-
die, » parce qu*il est convaincu que le seul énoncé d'une
maladie ou d'une substance suflilau médecin pour indiquer el
délivrer le médicament, ou pour avoir une idée neUe de l'af-
fection à laquelle il s'appliquera. Si, sans mot dire, l'homme
de l'art donne de suite le remède ou s'empresse de soulager les
souffrances, il gagne toute l'estime, toute la confiance de son
client indigène; si, au contraire, parle peu d'habitude du
commerce des Arabes ou par un scrupule de conscience pour
bien connaître le mal dont il s'agit, il entre dans quelques
détails, qu'il soit bien certain de faire naître dans Tesprit de
l'Arabe un doute rapide sur son propre savoir, sur son mérite,
sur son véritable caractère de toubibe. Celui-ci, d'ailleurs,
• dont l'intelligence est peu habituée à l'examen des influences
qui peuvent modifier la santé, s'obstinera à ne point satisfaire
sa curiosité, à répéter incessamment le même nom de maladie,
à toujours montrer le même endroit douloureux, à solliciter
le même remède, etc.
Avec de l'habitude, du coup-d'œil, une certaine pratique de
la médecine chez les Arabes, une certaine connaissance de
leurs mœurs, de leurs préjuges, les difficultés réelles, îirtié-
renles à d'aussi mauvaises conditions pour connaître les
causes et la nature des maladies, se trouvent de beaucoup
diminuées; et comme il faut avant tout, du moins nous le
croyons fermement, faire de la médecine politique et non
exclusivement de la médecine individuelle, il est toujours
facile de satisfaire ces trop discrets clients en distribuant
quelques drogues inoffensives, en cas, bien entendu, de doufè
réel sur l'affection dont ils demandent'a être débarrassé»;
L'esRPntiH, cVst Àe contenter celte nature inquiète el bornée.
— 3^0 —
c'est de lui prouver que les Français coonaissenl et possèdent
des médicaments pour toutes les maladies. Nos compositions
pharmaceutiques, quelles qu'insignifiantes qu'elles puissent
être parfois, ont toujours au moins autant de valeur et cer-
tainement plus d'innocuité que les amulettes et pratiques peu
rationnelles de leurs guérisseurs. Et d'ailleurs, en les distri-
buant, n'avez-vous pas, comme eux, la commodité de vous
retrancher, en cas d'insuccès, derrière un « in^h' Allah (s'il
plaît à Dieu), » et de vous défendre ultérieurement avec un
<f mekioub (c'était écrit) (i). »
N'espérez jamais, non pins, qu^un Arabe comprenne l'uti-
lité de se mettre à un régime quelconque tant que l'appétit est
ooDservé et la déambulation possible. Médicamentez-le tant
qne vous voudrez, ou, plutôt, tant qu'il voudra, mais ne pensez
point l'empêcher de manger à son aise. Quand l'instinct ou
l'acuité de la souffrance ne le lui indiquent point, ce serait
impossible. Mis à la diète dans nos hôpitaux, sans que le mal
l'oblige absolument à cette nécessité, il sollicite immédiate-
ment sasortie, et il se sauvera plutôt que de subir Tordonnance
de la faim permanente. Traité à domicile avec les mêmes
errements médicaux, il courra consulter un autre toubibe.Ces
détails sont importants à connaître pour quiconque est appelé
à soigner les maladies des Indigènes.
N'oubliez pas que vous ne devez jamais proposer ni exécuter
aucune opération sanglante, chez un Musulman, le mardi, à
moins d'une extrême nécessité. L'Arabe croirait ses jours com-
plètement compromis, s'il osait la subir un pareil jour. Plus
d*une fois, des Indigènes m'ont refusé de laisser renouveler le
pansement de leurs plaies, à ce sujet.
(i) On ne «aurait croire la profonde influence qu'u sur la TÎe entière du Mutolnuin celte
expreniou, d'oM cfacoce tonte faUliste. — Ua u/mm (Mraat), ooqoel Boiuparte detaandaiC
si le Koren parlait de U p<mdre à canoo, répondit : Certaioement, le Prophète a dA en
parler; et, û noos ne Vj trovfMis pas, c'est que nou« ne «avons pas intwpréter couvnia^
Mreieat le livr« ào» llTrtt....
— 396 —
Un autre fait, saillant dans les relations des Arabes avec les
médecins français, et qui se rattache à ce qui a été dit plus^
haut, c'est l'habitude de demander un remède pour un ami^
un frère, un parent ateents. « Mais, penserez-vous ou direz-
TOUS de suite, il faudrait voir ce malade, juger de la gravité de
son affection, de sa nature, m'éclairer sur son tempérament,
son âge, ses maladies* antérieures, etc.; je ne puis faire de la
bonne médecine par procuration, etc., etc.; » ce sera tout>à-
fait inutile. L'Arabe, lui, croit que la médecine est une pure
et simple connaissance de quelques drogues applicables à tort
et à travers dans un certain nombre de dérangements plus ou
moins graves de la santé. Demandez plutôt à ses marabouts
(prêtres], à ses tolbas (savants), à ses toubibtê (médecins),
aux nombreuses commères de chaque endroit, aux charlatans
et aux empiriques qui exploitent si bien la crédulité et l'igno-
rance musulmanes. Ontr-ils jamais besoin de voir, de constater,
d'apprécier le mal, eux dont la science est infuse, toute devi-
natoire, et procède des inspirgliins, des révélations de Dieu ?
L'ignorance de l'Arabe, dans les propriétés des substances
médicamenteuses, constitue encore un grand obstacle à la
curabilité de ses affections. Il vous présentera une mdadie
externe, et, ne pouvant comprendre que vous arriviez à la
guérir par des remèdes intérieurs, il vous retirera sa confiance.
Ce qu'il fa nt, cVst un médicament palpable, attaquant visi-
blement le mal. — - Autre fait : Lui accordez-vous un remède,
il le prend volontiers ; mais si, à ladeuxièmeou à la troisième
dose, sa maladie n'a point disparu, l'incrédulité la plus soup-
çonneuse s'empare de votre client, et, persuadé que Dieu, ne
voulant point encore qu'il guérisse, n^a rien inspiré aux ton-
bibes pour son rétablissement, il vousqnille pour retourner à
ses amulettes, à son marabout. Cette considération n'est pas
de mince importance ; elle indique la nécessité de traiter les
affections des Arabes par des moyens énergiques et prompts
— 397 —
tout à la fois. Leur confiance illiùiilée dans le kina (nom
qu'ils donnent au sulfate de quinine) n'a pas d'autre origine
que la merveilleuse propriété, qu'ils lui ont unanimement
reconnue, de couper rapidement la fièvre. — « Ikheredj
Ihheumtnafi reumchet el aine (il chasse la fièvre en un clin-
d'œil), » suivant leur expression. C*estle même motif qui leur
fait si fréquemment recourir à l'application du feu dans près*-
que toules leurs maladies. Le chloroforme fera révolution dans
leurs idées.
Nous avons déjà vu que le fatalisme outré des Musulmans
les entraine forcément à attribuer un grand rôle au djinn
(génie, esprit malfaisant] dans la production des maladies. li
faut y ajouter une autre cause, parfaitement admise chez eux :
c'est le vent (er-rihh), analogue à notre froid et chaud dans
certains cas; dans d'autres, à des influences de constitution
atmosphérique particulière.
Les maladies héréditaires sont assez nombreuses. On objec-
tera peut-être que toute constitution, née malingre ou devenue
chétive dans les premières années de la vie, s'éteint prompte-
ment sous le coup des privations de toute nature et par
l'absence de soins ra4ionnels ; mais, si la rareté de laphthisie,
de la scrofule, du rachitisme, peuvent tenir à cette cause d'é-
mondation constante de la population, d'autres affections doi«
vent leur paisible propagation, leur silencieux développement,
à la subtilité de leur virus occasionnel ou à leur peu d'in-
fluence grave sur la santé des jeunes enfants : telles sont la
syphilis, les affections cutanées, etc. Ce n'est guère qu'àTépo-
que des unions sexuelles que la précocité de ces dernières, le
peu de proportionnalité d'âge des époux et les fatigues inhé-
rentes à cette nouvelle condition favorisent l'actif développe-
ment des conditions pathologiques transmises par l'hérédité.
« Lti maladie vient à cheval et s'en retourna à pied, » dit
— 398 —
TArabe; mais il ne f^itrien de logique pour empêcher que ce
proverbe n*ait constamment raison. Prières, supplications à
rÊlre-Suprême pour qu'il daigne mettre un terme àTinfluence
morbifique des djenounes, rien ne lui coûte et ne saurait
fatiguer sa patience. Il n'est cependant pas insouciant de ses
souffrances; Tinstinct de conservation, qui veille chez tous les
êtres, le mène droit au traitement par les amulettes. Vous le
trouverez sloîque, apathique, soit ; mais n*oubliez pas son ex-
trême ignorance. La superstition n'est qu'un moyen commode
pour lui de la déguiser et de se faire des illusions. La preuve,
c'est que, pour les maladies externes, il suitavecempressement
les médications les plus en vogue dans la localité ou chez ses
voisins; pour les affections internes, ne sachant pas où siège
le mal, quelles sont les doses et les propriétés des médicaments
à lui opposer, il est obligé de se jeter à corps perdu dansTex-
pectalion déguisée en résignation aux décrets du Tout-Puis-
sant. «Dieu est meilleur médecin que les hommes, » répète-t-il
alors, suivant un de ses proverbes consolateurs.
De telles dispositions morales et nationales (4) sont fort re-
grettables, en cas d'épidémie par exemple, et il conviendrait,
pour les combattre efficacement, de mettre souvent sous les
yeux de la population musulmane l'exemple et les paroles de
quelques-uns de ses princes, ramenés, par le bon sens et le
progrès de la civilisation, à de tout autres sentiments. Voici,
par exemple, ce qu'écrivait publiquement, en 183S, le Pacha
d'Egypte à J. Effendi, à l'occasion des ravages de la peste au
Caire et à Alexandrie :
(i) Lors de l'invasion du choléra à la Mecque, en t83i» la première peoaée qui se pré-
venu fui que celte maladie était la pcsic; mais les u/émas, les cheikhs, et m*mc les médtcins
musufmans re))oassèrrnl noanimement cette idée, en se rappelant cet article da Koran qui
dit que la pestt a été pour toyourt exilé* des tainU lieux per te Prophète» et pt'eUe m*/ pourro
Jmmais rentrer (Lettre de M. Mimait, consul-général de France en B^rpte. t. VI Ae»Jmmmiei
tl'kjrgiine piiblijuet i83r, page 477)-
— 399 —
« Le méconteDtement des habitants d^AIexandrie contre les
mesures sanitaires provient de l€^ur ignorance.*.. L^adoptlon de ces
mesures, que les préceptes de notre Religion nous permettent,
n'ont pour but que le bien-être général. Puisque la peste est une
calamité provenant de la volonté divine, fuir la colère du Seigneur
pour recourir ^ sa miséricorde n'est pas contraire à notre noble
Religion; et, comme notre situation actuelle est au nombre des
périls, rhomme, en les évitant, ne transgresse en rien les ordres
de la Providence.... S'il fallait transcrire toutes les prophéties et
|outes les traditions qui se rapportent aux précautions légitimes
dans ces circonstances, le recueil en serait trop grand. Des hommes
simples, en suivant leurs notions vulgaires, sans savoir distinguer
le bien du mal, veulent abandonner aux ravages de ^la peste une
ville aussi grande qu'Alexandrie 1 L'escadre^ les hôpitaux, les arse-
naux, qui ont su s'en garantir en observant les règles sanitaires,
ne sont-ils pas une preuve évidente de leur efficacité ?... Bien que
certains individus, dépourvus d'intelligence et incapables de com-
prendre la clémence divine, affectent de mépriser les précautions
nécessaires à leur conservation,, il n'en est pas moins vrai qui]
serait inhumain de les abandonner à leurs égarements, et il est du
devoir du gouvernement de veiller, autant qu'il est en son pouvoir,
à leur. salut...., etc. »
le médecin des Affaires larabes, qu'il se trouve en tournée
chez les Indigènes, ou que ceux-ci viennent le consulter au
chef-lieu du Cercle, sera étonné de constater bien plus de
maladies chroniques que d'affections aiguës. C'est que, pour
l'Arabe, toute indisposition, de quelque nature qu^eHe soit,
peut et doit être négligée quand elle ne cause aucune douleur
par trop insupportable, et qu'elle ne met aucun obstacle aux
principales fonctions de l'économie, résumées surtout, à ses
yeux, dans l'important acte de la digestion. Il ne se dérange
donc d'habitude, pour venir demander un conseil médical,
qu'autant que des affaires d'intérêt l'amènent dans votre loca-
lité. Cette négligence au début des indispositions a une in-
fluence immense sur la santé publique, en ce qu'elle favorise
puissamment la propagation des affections contagieuses, leur
— AOO —
tendance à rbérédilé, qu'il eut été parfois facile d'arrêter et
de conjurer à la première apparition symptomattque. Elle
forme ensuite une preuve évidente et irréfutable que si la
médecine est reconnue apte à modifier intimement la triste
civilisation actuelle du peuple arabe, elle n'y parviendra qu'en
allant directement à lui : attendre qu'il vienne à nous, oe se-
rait perdre un temps précieux.
Il faut bien tenir compte, dans le traitement des Arabes,
qu'ils ont besoin de doses de médicaments qui nous paraî-
traient énormes pour un Européen. Ils les supportent d'ail-
leurs fort bien ; les qualités particulières de leur système
nerveux, moins sensible, en donnent une suffisante explica-
tion. J^ai vu nombre d'Indigènes, au sortir de la saignée,
manger, se promener, monter à cheval, vaquer à leurs affaires
et occupations, sans le moindre inconvénient. Plusieurs fois,
des Arabes auxquels j'avais donné des pilules d'opium pour
se soigner chez eux, en ont, volontairement ou non, avalé
quatre, cinq et même sept ensemble, sans que leur santé s'en
soit le moins du monde trouvée dérangée.
On s'est demandé, avec raison, si la promptitude d'action
de nos remèdes en général, chez les Arabes, ne s'expliquerait
point par la simplicité habituelle et la nature peu excitante
de leur alimentation, par les conditions favorables dans les-
quelles se trouvent des constitutions vierges de tout traitement
antérieur, par une placidité morale inséparable de leurs idées
fatalistes et dont l'eiFet principal serait de ne point troubler
l'action des médicaments, comme cela se passe sous Tinfluence
du système nerveux, si mobile, si tourmenté des nations plus
civilisées. On a enfin pensé que la rapidité de cicatrisation de
leurs plaies tenait ù une réaction plus forte, à un jeu pour
ainsi dire plus compact, plus énergique des forces vitales.
Certes, le peu de sensibilité de l'Arabe est démontrée par la
— 404 —
facilité avec laquelle il supporie, longtemps^ même, U dou»*
leur, la faim, les privations, les fatigues les plus rude^. Vous
en rencontrez couverts de plaies ulcéreuses énormes, envahit^
sant des portions considérables de membre ou du tronc, on
cruellement atteints d'affections oculaires aiguës et chroni-
ques; eh bien, ils ne disent noot et n*en continuent pas moins
leurs travaux, leurs courses, avec toutes les apparences d'une
insensibilité complète. Que cette impressionnabilité peu déve-
loppée, que nous avons déjà signalée dans le précédent livre,
soit due à une organisation morale et à un état particulier de
la fibre nerveuse peu irritable, à une tranquillité d'âme po^Sr
sée dans ses dernières limites par le dogme religieux,, toujours
est-il que l'Arabe sent moins la dQuIeur que l*£uropéen. Cette
condition d*anasthésie physiologique constitue sans doute la
principale cause de la grande facilité avec laquelle ses blés*
sures guérissent (4), et de la résistance plus prolongée qu'il
oppose à Vactioo des principes délétères, épidémiques, par
exemple. La réaction se trouvant maintenue en général dans
d'étroite$ limites, Tinflammation traumatique et ses accidents
consécutifs se montrent rarement : de là une promptitude
remarquable dans la guérison d'un grand nombre de lésions
chirurgicales qui, chez nous autres, au contraire, nécessite-
raient des opérations plus ou moins graves. Dans les fracas
des membres par armes à feu, par exemple, vous rencontre-
rez rarement ces complications du coté du tube digestif et des
organes encéphaliques qui d'ordinaire trahissent une pro-
fonde atteinte de l'énergie vitale; la constitution de l'Arabe
s'épuise moins facilement. La facilité de guérison des Indi-
gènes est un fait reconnu par tous les médecins militaires
français. Dans les Hémoires de médecine et de chirurgie de
(tj Nous Terrons plus Ioîd, à propos du Ckaner* du StJtwm» que \$% pUiec ne guérissent
plus aossi raciicment dans les conditions clinwtiriqaes particulières «a Sud de nos postes*
sions alg<^nei
— 402 —
Tannée de terre, de nombreux exemples en ont été rappelés
par HH. Bagré (1830), Debourges (4835), Giscard (1836),
Guyon (4836), Cuvellier (48i1), Yillamur (4853), etc. ISous-
même en avons observé de très intéressants cas chez les
Arabes des provinces d*Alger et de Gonslantine.
Considérées à un point de vue général et comparatif, les
maladies des Indigènes, surtout les affections dites endémo-
épidémiques, nécessiteraient une étude du sol, de la topogra-
phie proprement dite, de la population, de Torographio, de
l'hydrographie, suivant chaque point du territoire occupé par
notre domination. Mais de tels documcns n'existent point,
faute d'une centralisation, soit à Alger, sôit à Paris, de tous
les renseignemens qu'ont pu et que pourraient fournir les
médecins détachés prèsdes Bureaux arabes, militaires et civils.
Cette institution, dont j'ai déjà fait ressortir toute la nécessité
et l'importante utilité dans plusieurs rapports, notamment
dans un travail officiel sur l'organisation de la Médecine fran-
çaise chez les Arabes, a été plusieurs fois réclamée par l'autorité
compétente. La scienceetrhumanitéenattendenlimpatîemment
la création. — On comprendra donc nos regretsde ne pouvoir
présenter ici quelques aperçus statistiques sur la fréquence
ou la rareté des maladies de la race musulmane de TAIgérre.
Nous n'avons trouvé que dans le Tableau des élablisscmens
français dans la colonie, annuellement publié par le Ministère
de la Guerre, quelques renseignemens qui, tout incomplets
qu'ils soient, pourront être utilisés çà et là pour les paragra-
phes suivants. Voici ce que le Nécrologe d'Alger nous a offert
pendant les années 4839, 4844, 4842 et 4846, en ce qui con-
cerne la population musulmane :
— 403 —
ssissiÊSÊBss^aB
MALADIES.
Gastro-céphallte* • . .
Encéphalite. . . • . .
Fièvre cérébrala . . .
Anichaûîdite
Congestion cérébrale. .
Apoplexie;
Fièvre pernicieuse. . .
Tétanos.
Epilepsie.
Paralysie.
Convulsions.
Accidents dd dentition.
Névraîgîes
Fièvre ataiique
— adynamiqae. . .
-T typhoïde. . . . .
— mésentérique. .
— bilieuse
— intermittente. .
— catarrhale. . •
— hectique. . . . .
Marasme
Muguet
Aphtes. ........
Hépatites.
Ictères
Gastro^hépatites. . . .
Gastrites
Fièvre gastrique. . . .
Carreau
Hydropiaies.
Péritonites
Hernies étranglées. . .
Dyssenteries. ......
Diarrbéeti
Colites. .
1839
1841
1842
184
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59
61
- 404 -
bialadus.
Doodénites.
Eotérites.
Gastro-entérite^'* ....
— splénites. ....
— doodéoites. . • .
— colHes.
Affecliotïs abdominales Doo
désignées -
Péricardftes.
Angine
Croup
Bronchite. '
Pleurésie
Hydrothorax
Pneumonie
]ngripneuinonie.
Phtbisie.
Asthme. ..•.•• ....
Pétite-vérola
Rougeole
Erysipèle
Gangrène
OËdême
Anasarque
Scrofules.
Rhumatismes
Rachitisme
Syphilis
Néphrite
Cystite
Métrite.
Métrô-ménîïiglte
Métrorrhagîe*
Avortement8
Morts-nés
Non-Yiabilité.'T'
1839 laa ^842
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»
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A
9
»
8
30
18
— 406 —
Quoique ces chiffres soieot fort restreints, puisqu'ils ne
s'appliquentqo'àprès de 4,000décès, ils démontrentcependafti
que dan^ la mortalité des Musulmans, les affections cérébrales,
intestinales et pulmonaires, tiennent une grande part. On
remarquera également les décès par variole, rougeole, les
avortements et les mort&-nés. Mais le fait le plus curieux
qu'offre cette bieq incomplète statistique, c'est la grande inor-
lalité par maladiesde poitrine : 442 décèsdonti 39 par phtbisiel
Si l'on réfléchit que les fièvres intermittentes, simples et per-
nicieuses, entrent dans celte nécrographie, pour le chiffre de
31 3, on se demandera sans doute avec quelque raison, si l'an-
tagonisme pathologique entre la phthisie et ces fièvres, habile-
ment soutenu par M. le D' Boudin, doit être aujourd'hui
accepté comme une loi bien démontrée par les faits.
Les Arabes aiment beaucoup l'embonpoint. Chez la femme^
ils recherchent la rotondité et le volume des formes, qu'ils
considèrent comme le privilège de la beauté. Aussi, que la
maigreur tienne à des causes pathologiques, i une convales-
cence difficile, ou à un état normal peu riche en substance
graisseuse, peu leur importe, ils appliquent une des formules
suivantes :
« Manger de la pâte de temar (dattes) molles, nouvelles,
mélangées avec des feuilles à'aghar (genévrier de Phénicie)
finement pilées;
» Faire chauffer du hettrf (cresson alenois) avec du leben,
Oail aigre) de vach*e, ajouter, un peu de suc de kareuss
(citronj, avant de manger cette composition; — ou bien mêler
au kouskouês de la graine bien pilée de lotibia (haricots).»
Les filles publiques dont l'embonpoint forme le plus vif
désir et l'objet d'une constante sollicitude, mangent constam-
ment, à cet effet, dos graines de drour* (millet). On dit que
— 406 —
les habitants de Sedjelmaça niaDgent du Chien et du lézard :
le» femmes supposent que c'est à cette nourriture qu'elles
doivent Tembonpoint qui les caractérise (1). — Cette forte
corpulence que les Arabes recherchent et s'efforcent d'obtenir
chez leurs épouses, tiendrait-elle à ce que l'observation leur
aurait fait remarquer la (écondilé moindre des femmes très
grasses? Ce serait pour eux-mêmes un double moyen et de
rendre leurs familles moins nombreuses, et de multiplier les
occasions du rapprochement sexuel sans en retirer d'aussi fré-
quents inconvénients pour la femme, et d'aussi lourdes
charges pour la paternité.
Quand un jeune enfant est faible de complexion, d'une
constitution chétive, c'est-à^ire mouzxel, il faut : !• Faire
cuire une fekhotm (tortue) avec du harmel (rue); ajouter en-
suite quelques graines de tafarfarat (?),.un peu de bois de
quemmoune (cumin). Le petit malade mangera de ce mélange
pendant trois jours : on aura soin de lui renouveler la prépa-
ration chaque matin. — 2® Ou bien, on lui donnera pour
toute nourriture, pendant trois ou six jours, un œuf de poule
qui aura préalablement cuit, une nuit entière, dans du khall
(vinaigre).
Un individu, sentit-il ses forces diminuer, n*importe pour
quelle cause, il doit : 1^ Boire tous les matins, pendant trois
jours, un mélange de hhalib (lait), d'dcel (miel) et de farine
de semsem (sésame), le tout bien bouilli cl filtré. Si, au bout
de trois jours, il ne se trouve pas plus fort, il recommencera
encore trois jours, et ainsi de suite jusqu'à ce que la vigueur
du corps soit revenue. — 2® On recommandera également de
ifnanger chaque matin du miel auquel on aura incorporé de la
poudre de chenedegoura (ivette).
(■) Geofrupkie d'Biriti\ t. I, p. 307.
_ 407 —
Celui qui a des faiblesses extrêmes fréquentes, des syncopés
[dliiget el kalb, c'est-à-dire rétrécissement du cœur) réitérées^
guérira par l'un des moyens suivants :
1** Prendre des poils de dib (chacal) et des poils de tsâleb
(renard), les brûler; mêler leurs cendres avec du melhh
aëdrane (chlorure de sodium) ; réduire le tout en fine poudre;
en avaler chaque matin une petite quantité délayée dans uil
peu d'eau. — 2** Mélanger du bouillon de chacal et du bouillon
de renard; exposer au clair de lune pendant trois nuits; puis
en boire tous les matins à jeun. Non seulement ce remède dis-
sipe toute faiblesse, mais il fait en même temps disparaître
tous les germes de maladie possibles. — 3^ Piler du besbas
(fenouil); boire, dans le jour, trois ouquia (onces) de son suc.
— 4® Faire bouillir du fenouil et du miel dans une petite
quantité d'eau ; en boire dans la journée. — 6** Préparer une
décoction de zit (huile), de krafeuss (céleri) et de denezouli (?);
incorporer à du miel le liquide amené à certaine consistance;
en manger pendant neuf jours, soit le matin, soit au moment
du coucher. Dès que le traitement sera termine, manger du
céleri mélangé avec du miel, durant cinq jours; boire ensuite
pendant sept jours de Teau de denezouli (?); finir la médica-
tion en buvant de l'eau de pluie [methar) pendant cinqjours.
— 6® Ou bien, faire sécher du léritogh (?) devant le feu; le
mettre ensuite macérer pendant plusieurs jours dans l'eau ;
boire le liquide pendant (rois jours.
L'insomnie se dissipe par les moyens suivants : 4® Piler de
la graine de céleri; l'incorporer à du semen (beurre); se
frotter avec celte pommade toute la surface du crâne el Tinté-
rieur du nez. — 2^ Ou prendre de la graine de ben naman
(coquelicot), de la graine de céleri; les piler; y ajouter du
miel, un peu d'eau et du beurre ; manger de ce mélange
— 408 —
plusieurs fois dans la journée. — 3^ Les Maures font uoc eau
sédative avec de la décoctiou de aklil (romarin), du kaf<mr
(camphre] et de Teau à'iasmine (jasmin], ou bien de l'eau de
de fleurs d*oranger [ma lahar) ; et s'en froltent les iempes.
Pour arrêter les sueurs trop considérables et faire tomber
en même temps les poils des régions axillaires» se frotter les
aisselles et la surface du corps avec des feuilles fraîches de
Bouaq ennebi (inule) ; — ou bien porter dans le creux axil-
laire du chebb (alun) bien finement pulvérisé. On conseille
également de se froller les aisselles et les pieds avec un mé-
lange d'alun et à'aoud el qomari (bois d'aloès) bien broyés
ensemble. — Il est encore bon de se faire frotter tout le corps,
au sortir du bain maure, avec des feuilles mâchées ou bouilies
àetafieboul{heiel).
Le cancer se montre assez souvent chez l'Arabe, soit à la
face et aux lèvres, .«uile de carie des os maxillaires; soit dans
l'appareil oculaire, consécutivement à des dégénérescences
d'ophthalmies négligées; soit surtout dans le système osseux,
au voisinage principalement des articulations, sous l'influence
particulière des ravages de la syphilis invétérée, et souvent
aussi à cause de fractures et de luxations mal traitées. Les
toubibes arabes ne savent opposer à cette affreuse maladie
que l'usage des eaux minérales ; mais l'ignorance des indica-
tions et contr'indications, du choix des bains qui conviennent
à telle ou telle variété de maladie, les empêche d'en tirer tout
le parti convenable. — Ainsi que le conseillaient du reste
Avicenne et AburKacem, quelques toubibes couvrent les tu-
meurs cancéreuses de cataplasmes de feuilles de harmel (rue),
après les avoir entourées d'une multitude de pointes de feu.
— 409 —
Les Arabes voient dans le farcin et la morve de très grandes
analogies avec la petite vérole, et leur donnent également le
nom de djidri (variole).
Les engorgements idiopathiques des glandes paraissent asse2
rares chez les Arabes, notamment au cou ; l'absence de toute
compression dans le costume indigène en est sans doute Tex-
plication la plus rationnelle.
Pline et Vitrave disent avoir observé le goitre (khold, hand-
joura) à Zama. Cette affection, endémique danscertaines parties
de TAmérique, de l'Asie, a cependant été regardée comme peu
commune en Algérie. D'après Cailliaud, voyageur français
dans le Sennar (Nubie), Youreum (engorgement glandulaire)
et le khenajsir (scrofules) y surviennent en différentes régions
du corps, principalement au cou. La première espèce serait peu
grave, et l'on se contente d'y mettre du beurre; la deuxième
est plus sérieuse, et l'on y remédie souvent par l'application
du fer rouge. Rien, toutefois, n'indique clairement que le
goître, comme quelques personnes Font pensé, soit indiqué
dans le mot oureum. Les auteurs Arabes appliquent en général
cette expression à une tumeur glandulaire survenant dans le
cours d'une maladie grave, épidémique, dénature pestilen-=^
tielle. — Une remarque généralement faite, et avec plus de
raison peut-être, c'est la rareté du goître chez les peuples
d'origine sémitique. Cette immunité tiendrait-elle aux pra-
tiques religieuses d'hygiène? — On observe assez fréquemment
le goître chez les Juifs des villes mauresques ; la constitution
de ce peuple est, du reste, profondément entachée de lyrapha-
tisme et de scrofule. — Le toubibe que nous avons consulté au
Bureau arabe d'Alger (voir l'article Oculistes, page 44 de cet
ouvrage), affirmait que les goitres étaient nombreux au
Maroc. Quant à l'Algérie, voicr quelques faits :
— 4*0 —
En 1839, àCoDstantine, le goîlre a été obsem sur des Ka-
byles venus des montagnes voisioes. — En i 838, un Kabyle
goitreux s'est présenté à Bougie (1). — En 4840, mon frère,
le D^ A. Bertherand, constatait (2) rendémicîté des goitres à
Blidah; les plus volumineux embrassaient toute la circonfé-
rence du col en avant et sur les côtés; ils étaient compliqués
d'engorgements glandulaires chroniques. — Dans la même
localité, H. le D' Finot (3) a signalé deux Arabes, Tbomme et
la femme, affectés de goitre; ces deux Indigènes appartenaient
à une tribu où le mal est endémique, et leurs enfants en étaient
cependant exempts. Plusieurs cas, chez des femmes desdpuàirs
de l'Atlas, ont été également cités par ce même médecin, qui
rattache l'affection à des causes purement locales, rhabitation
des vallées, la disposition des cours d'eau, la qualitédes eaux,
etc. M. le D*" Guyon a fait connaître, d'une part (4), la pré-
sence du goitre dans le Sahara (dans le Zab, à Ouergla, à Met-
lili, etc.], et, d'un autre côté (5), il a émis cette opinion que les
causes de cette maladie sont, non pas une température ha|i;-
tuellement basse, l'humidité atmosphérique, la crudité des
eaux, etc., mais bien uniquement le court séjour du soleil
dans certaines contrées, les vallées par exemple. Enfin, d'après
Iqi encore (6), le goitre s'observait surdos Arabes venant des
montagnes de Bougie, de Constantinc ; de toutes les villes algé-
riennes, Blidah avait des goitreux, et ses habitants se faisaient
remarquer par l'empâtement cl le développement du cou, les
femmes surtout. — On peut cependant se demander quelle
est la valeur de la courte apparition du soleil dans les vallées
sur la production du goitre, si on le retrouve également dani>
(i) D' GoTox, t. XXXXVIII «les Mèm. dt méd. etJechirwg. militairts.
\%) Idtm, t. LU (i84a).
(i) Idem, l. LVI,
(4) Moniteur Mgf^rien, i836.
(h) ÂCÊd^mie des Sci§ne*s, séaace da a o octobre 1 84 5.
(6) Fdfm, Idem, 3 ooTembrc i84&«
_ 4H —
le déserl (Ouergia, Mellili). Serait-ce, dans ce dernier cas, à
rinflueoce des eaux salées, riches surtout en sels niagné^
siens (1), qu'il faudrait, d'accord avec la théorie proposée parle
D'Grange(2), accorder rorigineduthyrocèleîS'ilm'étailpermis
de citer ici mon expérience personnelle, j'avouerais n'avoir
jamais rencontré un seul goitreux dans des courses assez fré-
quentes en itabylie. Les renseignements que j'ai souvent
demandés à ce sujet n'ont produit que des réponses négatives.
Admettra-t-on, avec te D' Furnari (3), que « leKabyle, tantqu'il
ne sort pas des montagnes, constitue une belle race ; mais
quelques voyageurs ont remarqué qu'il est sujet au goitre, et,
par saite, au crétinisme, lorsqu'il descend dans les vallées? »
Nous répondrions alors que la plupart des vallées de laRabylie
(prov. d'Alger) nous ont toujours paru larges, assez bien ven-
tilées, peu profondes, possédant des eaux saines, abondantes,
bien aérées. Nous avons plusieurs fois visité des populations
campées au pied du Jurjura aux neiges permanentes; pas un
seul goitreux n'a été signalé dans le pays.
L'illustre Larrey avait remarqué que l'habitude de porter
sur la tête de lourds fardeaux dès la plus tendre enfance^ dans
les Pyrénées et les Alpes, pourrait bien disposer au goitre.
Dès le jeune âge, les femmes des douairs, des dechcras, des
oasis, ont la coutume d'aller aux sources voisines chercher de
Teau dans de grandes cruches et de rapporter ces dernières
appuyées sur la voûte crânienne ; jamais nous n'avons
observe l'augmentation du volume du cou chez elles.
Quant au crétinisme, un seul cas a été vu à Bougie, en 1 838.
M. Guyon, à qui l'on doit la communication de ce fait, prétend
que cotte affection et le goîtrc ne sont point rares en Kabvlic.
Dans son opinion, le goîtrc ne serait que le premier degré
(i) Vojes plas baot. pago i6o.
(a) jéeajèmie Jet Scienrtt, séance du lo déc«iubrff 18I9.
(3) forage Vni. dans l\4^rif/ut septenlrioan/*,p. 11.
— 412 —
d'un mal dont le crétinisme est rexagération. r— Je n'ai jamais
pu arriver à connailre un seul trailement usité chez les
Indigènes contre ces deux afTections ; les toubibes paraissent
les ignorer complètement.
On observe les scrofules dans la population arabe, mais à
un degré de fréquence bien moindre qu'on ne l'a cru de prime-
abord. Cette hideuse maladie se rencontre surtout chez les
Maures, habitants des villes, dont les rues étroites et sombres,
les demeures humides, malpropres, obscures, entassées les
nnes contre les autres, laissent tant. à. désirer sons le rapport
de rhygiène publique. Ainsi, à Alger, les conjonctivites scrofu-
leuses, les abcès scrofuleùx se voient presqu'à chaque pas. A
Constantine, M. le docteur Deleau (4) traitait, dans une çeute
année, 147 Musulmans scrofuleùx, pour la plupart d'un
jeune âge. A Tlemcen, M. le docteur Cambay (2) dit que les
habitants sont bouiBs, an teint terreux, et que les affections
scrofuleuses des jeu)L dominent parmi eux.
Les Arabes des plaines présentent rarement des cas de ce
genre ; ceux que Ton rapporte, au premier coup-d'œîl, à
l'élément scrofuleùx, appartiennent d'ordinaire à des manifes-
tations syphilitiques, lorsqu'on les examine de plus près. C'est
ainsi que dans certaines vallées de l'Atlas, on rencontre
souvent des engorgements prœarticulaires, indolents^ parfois
suivis d'ulcères atoniques mettant a nu des portions d'os assez
considérables; mais ce n'est point de la scrofule véritable, ces
terribles désordres portent un cachet vénérien indélébile.
Quant aux Kabyles et aux Zibâniens, ils paraissent complè-
tement exempts de scrofules. Habitués à. vivre, les uns au grand
air des montagnes, les autres dans une atmosphère chaude et
sèche, ils ont peu de chances d'offrir des constitutions enta-
chées d'adénopalhie, surtout dans le bas-âge. Quelques indi-
(i) T. LU des Mémoires de meJeein* «t de chirurgie mihteùres.
(?) Id^m, I.LVH.
— 413 —
vidus peuvent apparaître çà et là avec une apparence de
Ijmphatisme exagéré; mais, de deux choses Tune, ou ces ché-
tives santés seront de bonne heure décîniées par les privations
de toute^rte et les influences délétères de toute nature, ou
bien, avec la croissance, elles se raffermissent et se modifient
avantageusement. Dans toutes les villes mauresques, au coa-
trair«, l'influence des écrouclles, comme prédisposition à la
phthisie, est à noter. Les Arabes donnent à cette affection le
nom de khenazir, c'est-à-dire cochon. Le mot scrofules vient
lui-même de scrofa, truie ; les Grecs avaient une expression
koiyras qui voulait dire également truie et scrofules. Ces
divers termes, qu'il est très curieux de trouver avec un sens et
une application analogues dans ces divers pays, indiqueraient-
ils qu'on les a choisis pour désigner une affection dégoûtante
comme le cochon même, ou bien offrant quelque ressemblance
avec la forme engorgée du cou de cet animal, ou avec le
développement glandulaire qui apparaît souvent chez la truie?
Quoiqu'il en soit, les Arabes et les Maures combattent cette
maladie en entourant le cou avec des feuilles A'allaiq (ronce)
bien pilées, ou avec un mélange d'écorces de roummane
(grenade) aigre et de chair (orge) montée, le tout bien pilé et
bouilli ensemble. Aucune autre médication n'est indiquée
contre les autres manifestations scrofuleuses, soit dans les
yeux, soit dans les os. Nous avons déjà dit que les Arabes
n'ont aucune idée des altérations de l'organisme par un prin-
cipe général; ils ne voient donc les écrouelles que dans
l'engorgement isolé des glandes cervicales et sous-maxillaires
ulcérées.
Les affections de la glande mammaire sont fréquentes :
malpropreté, peu de précautions pendant l'allaitement et
lors du sevrage, absence de protection suffisante du sein
contre les violences extérieures, tout concourt à rendre com-
munes les crevasses du mamelon, les indurations de la glande
— 414 --
mammaire et surtout ses terribles dégénérescences. Les nialro-
nes ont pour principe de faire cesser immédiatement raliaî-
tement, dès que le sein paraît malade. Les crevasses sont trai-
tées avec de la poudre très-fine de henna (lawsonia inermis)
ou de la poudre dechebb (alun). Dans les villes, les Mau-
resques ajoutent à cette dernière substance quelques gouttes
de ma zahar (eau de fleurs d'oranger), prétendant que ce
liquide amortit Tenergique slyptie du sel.
A propos des maladies vénériennes, M. le D' Motard [i]
s'exprime ainsi : « On connaît les prescriptions rigoureuses de
TAlcoran à cet égard, et le Husulman doit sans douté au
soin religieux avec lequel il les pratique, le peu d'aptitude
qu'il présente à contracter certaines maladies, la syphilis
entr'aulres. » C'est un devoir de le dire, voilà une des erreurs
les plus grossières pour quiconque a obseiTé de près les
Arabes de l'Algérie. Us naissent et meurent avec la vérole,
offrant à toutes les périodes de la vie les manifestations syphi-
litiques les plus affreuses, les plus dégoûtantes. Joignez à
cela que par suite de diverses causes déjà signalées dans le
cours de ce travail, la maladie vénérienne est pour ainsi dire
endémique chez cette population musulmane. Ici, ce sont des
femmes âgées réduites au dernier degré de maigreur, ayant
perdu les os propres du nez, la voûte palatine, ou dont tous
les os des membres supérieurs et inférieurs sont courbés et
doublés de volume (2); là, de malheureux enfants à la ma-
melle, souvent aveugles, couverts de pustules et de végétations,
la membrane muqueuse de la bouche presqu'entièrement
détruite, offrant en un mot des ulcérations croûteuses et pha-
(i) B4$«i tt'Ajrgiiitê générale , t. II p. 197.
(a) M. Gavbimsav, l. UI de* JHém. de méd. et de cMritrg. miiit.
— 415 -
gédéniqucs dégoûtantes (1) ; d'ua aulre côté, des cas de
diathèse syphilitique amenant la mort après avoir mis à nu un
certain nombre de côtes (2); plus loin, des ulcères de toute
forme, de toute t^randeur, df»s oxosîosi'g, des caries épou-
vantables, toute ia serit torniidableJes accidents tertiaires, etc.
Dans les vallées, la forme chronique est la plus commune (3) ;
à Mascara, en avril 1849, on observe la vaginite syphilitique
chez une petite arabe de cinq ansi Par ici, c'est un
malheureux adulte dont la verge est entièrement rongée et
le scrotum unigoement représenté par deux petits lambeaux
qui cachent à peine un reste de testicule à moitié fondu par
Vulcération, etc. Et que Ton ne croie point que ces faits sont
rares, loin de là; mais c'est sous la tente, c'est au fond de ces ^
demeures mystérieuses qu'il faut les découvrir. Il est commun
devoir des familles entières infectées, et le fait paraîtra moins
extraordinaire, si l'on songe au peu de précautions prophy-
lactiques prises par les Indigènes des deux sexes, et à la fré-
quencedes rapprochements conjugaux, un Arabe pouvant ainsi
communiquer le principe vénérien à toutes ses femmes et
concubines. Ce n'est donc point sans étonnement qu'on lira
dans Desfontaines (4) : (( Cette maladie n'est pas dangereuse
eu Afrique; les Maures vivent et vieillissent avec elle sans y
faire beaucoup attention. )> Bien au contraire : voici d'ailleurs
quelques chiffres concernant la fréquence des affections syphi-
litiques chez les Musulmanes prostituées :
A Alger, par exemple : -
4 838, pour 375 inscrites, il y a eu 553 entrées au dispensaire.
1839, 413 — 451 —
1840, 446 — 431 —
(t) M. Dklbav, à Ctfiutantinc, fft'in. Je mcd. milit.
(ft) Le D' YiLL&MUA, à MilUniili. idem.
(3) M. lluTAE. idm, t. VIII de U a« >érie, iSii.
ik) D9tutièm9 Itllrt n M. Lemonnier. 1784.
1841.
512
1842.
510
1849.
269
1850,
299
1851,
256
— 416 —
— 446 —
— 462 —
— 313 —
— 280 —
— 249 —
Ce qui revient à dire que sur uoe moyenne de 385 inscrites
à Alger de 1838 à 1851, il y aurait eu 398 entrées annuelles
en moyenne. Est-ce Ht peu d'aptitude à contracter la syphilis T
Sur 909 maladies vénériennes traitées dans les dispensaires
deBlidah (en 1844] et d'Alger (2* semestre lS49, année 1850
et 1*' semestre 1851), nous comptons :
286 vaginites, — 160 chancres, — 151 ulcérations du col
de l'utérus, — 129 urétrites, — 29 tubercules plats, — 29
végétations, — 27 ulcérations à Tanus, — 25 ulcères buc-
caux, — 25 ulcérations du vagin, — 21 syphilis constitu-
tionnelles,— 13 syphilides, — 10 bubons, — 4 blénnorrhagies
utérines.
Ces chiffres n*ont pas besoin de commentaires; mais que
doivent'ils être dans les tribus, dans les douairs, dans les
nombreu xvillages oii il n'y a aucune trace de police méflicalcl
Si l'Arabe néglige, par insouciance et ignorance la plupart
du temps, les premiers accidents vénériens, il sort de son apa-
thie quand il voit sa santé, un organe important compromis
par le développement du mal, d'autant plus que ce dernier
attaque généralement une partie dont l'intégrité fonctionnelle
importe beaucoup au Musulman pour son plaisir particulier et
un certain nombre je femmes légitimes à satisfaire au pointde
vue légal. 11 court vite alors au taleby au toubibe, et demande
un grand remède pourle meurrfA c/ AaAir (la grande maladie),
ou le meurdh en nsa (la maladie des femmes), expressions par
lesquelles il désigne la syphilis. — Malheureusement, iln'enest
pas de même de la chaude-pi^se (temfïa) ; beaucoup d'Indi-
— 417 — .^
gènes n'éprouvant point de souffrances trop fortes pendant le
coït, continuent à s'approcher de leurs femmes. Quelques sy^
philiographes, M. Desruelles entr'autres, ont appelé Tattention
sur rbabitudivité particulière, l'espèce d'acclimatement des
organes génitaux qui, malgré l'infection dont elles sont le
siège, peuvent impunément se trouver en contact, dans de
fréquents rapprochements sexuels, sans .pour cela que la ma-
ladie devienne commune aux deux individus. Le Roran dit (4)
en parlant des bienheureux qui auront le paradis en partage:
« Là, ils trouveront des femmes exemptes de toute soaillura. »
Le Prophète a-t-il voulu désigner ici les impuretés acciden-
telles propres à lafemme, ou lesaffections syphilitiques ? Quoi-'
qu'il en soit, les Arabes, qui reconnaissent une sorte d'élément
particulier dans la vérole, prétendent que iahiar est le non!
du djinn, auteur de cette affreuse maladie. Il est un moyen
vulgaire de se préserver de l'influence de ce génie morbifique ;
il consiste à faire avec du rssass (plomb) un portrait plus ou
moins grossi'er de sa femme; écrire au bas son nom, celui de
sa mère, et celui du terrible tahiar. Cet objet est ensuite laissé
quelque temps près du feu, puis on l'enterre dans un vieux
cimetière. Le djinn ne peut plus alors syphilitiser ni vous-"
même, ni votre compagne....
Les affections syphilitiques paraissent plus fréquentes à
l'époque des grandes chaleurs. La réclusion et la vie séden-
taire, obligatoires à ce moment dans les tribus, les parties de
plaisir et de campagnes, que rendent plus nombreuses dans les
villes les belles journées, expliquent facilement la multiplicité
des rapprochements sexuels dans cette période de Tannée.
Nous n'avons rien de particulier à dire sur les diverses
phénoménisations de la syphilis ; les plus communes sont la
syphilide papuleuse, pustuleuse (chez les prostituées surtout],
(i) Chjp. îl, V i3.
— 418 —
ropltlhalinie el TaDgioe syphilitique, les tubercules plais, les
végétations à l'anus et à la vulve, les chancres, la blennoirba-
ii'ie. M. Clot-Bey I c^'n-tî^Jp, au '«^ntraîr*». nn«* la c norrhw»
♦'St mît! rT: K^'".|-^-. — Lt I»: «i:i'-!- -•- j iv-*".t»:' t^^^z dé-
qii»'iiii\h'i*' c. : fr;i <* .»:j«'«c liiori ♦1r là i». !.r.. 'j . :- L^'s
c«>ni..riiji.s; un lai: ivii-ar-juabl^ cl iJonl ùd a la preuve dans
le tableau précédent, c'est la rareté des bubons, même chez les
prostituées.
Quant au traitement, la fréquence des accidents les plus
graves prouve assez combien les Arabes sont ignorants. Ce ne
peut être un sentiment de pndeur qui les empêche de recourir
de bonne heure au toubibe ou au médecin français, car le
meurdh el kebir n'est point regardé chez eux comme une
maladie honteuse. Quoiqu'ils lui reconnaissent une malicieuse
origine, ils n'en déduisent point la présence d'un principe
morbifique à coifibattre par une médication générale et
appropriée. Les plaies, les tumeurs, les ulcérations sont
traitées comme dans les cas ordinaires. Ainsi, les chancres,
les ulcérations doivent être recouverts avec de la poudre de
henna (lawsooia inerniis) ; Vanezerah (coride maritime) est
quelquefois employée en décoction. Les Arabes connaissent
peu le zaouoq (mercure) et ses préparations diverses; aussi le
petit nombre qui en font usage (dans les villes) s'en trouvent
promptement dégoûtés par les salivations abondantes qui
surviennent. On prétend que quelques médecins maures
pratiquent la boutonnière dans les cas de rétrécissement : je
n'en ai jamais entendu parler.
La bien norrhagie, généralemen t abandonnée à elle-même (2] ,
est quelquefois attaquée, dans les villes, par les purgatifs.
(i) CompU'fendu de l'ècoU d*j4tou-ZaM, iSit.
(a) Une opinion UMtez accréditée diez le» Arabe*, c'est que le rapprochement sexacl arec
une ffégretie lunit pour faire disparaître tout ccoolement blcnnorrhagiqne. M. le docteur
— i\9 —
tes plus employés des traitemenls de toutes les formes aiguës,
invétérées et chroniques du meurdh el kebir, consistent géné-
ralement dans Tusage de Vacheba (salsepareille) et la diète
sèche. La plante acheta, que l'on, retrouve sur presque tous
les marchés indigènes, doit èvfé bien pulvérisée, puis mêlée
aux aliments; cette médication doit durer très longtemps,
jusqu a ce que le malade éprouve de ramclioralion dans son
état. Quant au traitement par la diète sèche, on ne saurait le^
connaître plus complètement qu'après la lecture du passage
suivant (1) :
« El bariz est le grand moyen employé par les tolba contre
les maladies rebelles du genre de eeWeAoni El Hadj Tifour
était atteint : les rlnimatismes, la goutte, la sciatique, la tens-
fia invétérée et le mord el kebir. Il consiste à faire suer au
malade tout le venin qu'il a dans les nerfs. — Prendre une
livre d'acheba (salsepareille), la faire dessécher au soleil,
la piler et la tamiser ensuite ; pétrir la partie fine obtenue
avec une demi-ltvre de kheurf (graine semblable à la moa«
tarde), quatre onces de cassonnade et deux onces àe skenr
djebir (gingembre) pilé : en mettre une certaine quantité
dans un pot neuf de la contenance de deux litres rempli d'eau,
et faire bouillir jusqu'à ce que celte eau devienne rouge.
Les préparatifs achevés, le malaJde commence le traitement,
qui durera quarante jours. Matin et soir, il mange une
grande cuillerée kle la pâte indiquée plus haut et boit de la
tisane; ce liquide est le seul dont il doive user, de même qu'il
ne peut manger qu'un peu de pain sans sel et quelques rai-
sins secs pendant dix jours. Une sueur abondante, et ce
Ravii» a fait conmftre an préjugé analogu*, aotU faneste et atusi absurde, et qui règne
^tu le peuple en France, «avoir qu'on homme affecté de blennorrfaagie s'en guérit en U
communiquant à une jeune fille impubère!.. (Voyez son Mémoire tw Us mesures de pottcê
médicales U* pins propres à mrréter Im propagation Je la maladie vénérienne, i836.)
(0 Itinéraire du Sahara au pa/s des Nègres, par M. le général Davkas, p. 334.
^ 420 —
régime l'ont bientôt maigri, rendu méconnaissable. Après
dix jours, il mange un peu de beurre très-frais arec son
pain. Sept jours après, un peu de kouskuessou tiède, mais
également sans sel. Le sel est absolument prohibé jusqu'à
parfaite guérison. ''^^^
Le vingt- deuxième jour enfin, on ]u\ dorme un peu àe
viande de mouton bouilli ou rôti sans sel, et plutôt froid
que chaud. II continue ainsi jusqu'au quarantième jour. A
partir de ce moment, sa santé est celle d'un homme bien por-
tant ; mais il a beaucoup maigri, et il se refera peu à peu en
reprenant son régime ordinaire.
Il est important que la tisane soit prise irès-fratche ; on la
fera toujours la veille pour le lendemain matin. Pendant qu'il
est dans le bariz, le malade doit éviter le vent, ne pas sortir le
matin, rentrer de bonne heure le soir, ne point fumer, ne
point habiter avec sa femme, ce serait sa mort »
Celte médication et ce bariz (régime) sont assez fréquem-
ment employés, par les Maures notamment ; mais ils n'amè-
nent ordinairement dans la manifestation syphilitique qu'un
amendement passager.Quelques^oi«6t66^ des villes prescrivent,
jpendant ce traitement, des pilules mcrcurielles et une sorte
d'opiat à base de salseparçill%ç
Le pian ou frambœsia a été observé en Algérie. Les
toubibes arabes le considèrent comme une forme de la
syphilis, et lejs Indigènes lui donnent le même nom, meurdh el
kebir, meurdh en nsa, ou bien meurdh el douni (la mauvaise
maladie). On sait, du reste, que l'illustre Larrey ne voyait dans
le pian qu'une syphilis dégénérée. M. le docteur Guyon (i)
a observé cette singulière affection sur des Kabyles, des
Nègres, des Maures, des Arabes. On la dit fréquente dans
(i) Académie des scignctt, séasct du vj luin i853.
— 424 —
TAtlas et le Bled el Djerid (pays des dattes), et transmissible
par voie de génération, peut-être même contagieuse. — Ainsi,
un Maure de Bône, atteint de pian, assura à M. Guyoo
qu'U connaissait un Musulman également porteur de cette
affection et avec lequel il avait couché plusieurs (ois avant
l'apparition du mat. Le même observateur a constaté le fram-
bœsiaàAt|[er chezuneMauresque en traitementau dispensaire.
Le docteur Deleau en a cité deux cas, chez un Turc et un
Maure à Constantine. Le docteur Vital en vit également qua-
tre dans cette dernière localité. Les ioubibts traitent cette
affection comme une. syphilis; mais le bariz n'amène qu'un
soulagement de courte durée. Peu de temps après la cessation
de la diète de 40 jours, les granulations tuberculeuses repren-
nent leur aspect el leur degré de gravité antérieurs.
L'eiéphantiasis [djedam] attaque en Algérie toutes les
parties du corps, par des tuméfactions énormes, des gonfle-
ments très inégaux. On a remarqué que le sirocco aggrave
beaucoup son développement. D'après M. le docteur Deleau,
cette affection serait commune à Constantine : il a cité parti-
culièrement un Maure chez lequel la tumeur descendait
jusqu'au jarret. Le scrotum qui en était le siège se trouvait
épaissi, ulcéré en plusieurs endroits; la verge, quoique peu
apparente, servait encore convenablement pour le coït.
L'éléphaniiasis a été égalenhent observé à Ghelma chez une
Kabyle, à Bougie, en 1847, chez un montagnard. M. Giscard,
chirurgien-major des Zouaves, a vu (1) chez un Arabe de
quarante-quatre ans une tumeur tellement volumineuse, que
le pénis était caché dans les replis du scrotum et le canal
urcthral très comprimé. — M. Giiyon a publié en 1854
(i) Mémoires Je m/Jftine et de ehinirgie mttttatres, t83»<
riiisloire d'un Arabe des Béni-Mouça (près Alger), porteur
(Vim éléplmïUiasis des bourses de neuf kilograniriïes et Jer
opéré et giion. M. le docteur Mestre en a enlevé avec f^uci
deux du iiiPme genre en 1814; les Indigènes appartenaient
la vallée du Chêlif, près d^Orléaosvi Ile (1). M, Dufay a
un cas d'étéphanliasis du scrotum amélioré après un Irail
ment à l'hôpital de Cherchell, par les bains sulfureux, 1^
frictions lodurées, le sous-carbonate de potasse à J'iotériei
et une compression à l'aide de bandelettes de vigo : le malade
était un Kabyte des environs. — L eliologie de c^tle affection
laisse beaucoup à désirer. Il est à remarquer qu'ici elle a été
observée cliez les habitants des villes, des vallées et des moa^_
tagnes. L'humidité, comlition la plus vaillante de cesdivei^slB
circonstances, ne serait peut-être pas moins étrangère à son
apparition que lu syphilis. Eu effet, un des malades de M.
Mestre avait eu une vérole avant d être atteint d'élépliautiasis,
el rindtgène, signalé par M. Dufay, accusait des douleur^*
osléocopes, articulaires, antérieures à la présence de la tumei
Efî Egypte, les médecins Fattribuent à Tusage exclusif de
nourriture végétale. M. Guyon, reoiarquanl que les Arab
sont complètement exempts de la lèpre et de l'éléphantias
tandis que ces maladies semblent très communes chez les
Kabyles ou habitants des montagnes, attribue cette difîérené^É
à ce que les premiers passant leur existence sous la tente, ^^
trouvent constamment exposés à la lumière et à Tair, el les
seconds ayant des demeures fixes, plus ou moins creusées dans
le sol, vivent dans une atmosphère humide, altérée par toutes
sortes d'émanatiens végétales et animales. 11 a vu une famille
Arabe complètement à labri de ces afïectinns, comnu* c'est la
règle dans sa tribu, présenter un cas d eléphantiusis scrolal
dès qu'abandonnant la vie notnade elle se Tixu dans des habila-
(i) 4Vtm^*f^* 4»méiUein* et 4* thirtirgiê militmtrHt ilir.
eur:*
i
- 423 —
lions ccmstruitesde boue, de pierres et de branchages. On soit^
d*ailleurs, que celte maladie exisle dans la Nouvelle-Calé^
donie (1), qa'elle est commune à la Nouvelle-Zélande (2), en-
Grèce, dans le royaume de Tunis, en Afrique. Toutefois, elle
n*apas, dans ces derniers pays, le même siège de prédilection. À
Tunis, en Egypte et en Algérie, elle affecterait de préférence le
scrotum ; dans les villes mauresques de l'Algérie, les jambes ;
en Grèce, la figure. Le traitement des toubibes est h barix.
Les Persans et les habitants de Kerman prétendent que la
chair d'un poisson [defcinef) à tête carrée, ornée de deux
petites cornes, est très salutaire aux personnes attiaquées
d'éléphanliasis (3). Les Arabes appellent aussi cette maladie
dà Ifil (le mal de Téléphant), ou, dans les villes surtout,
meurdh qoum el-Iazid{\e mal des gens du pays A'El-laxid).
La loi musulmane considère la lèpre (baras) comme une
cause matérielle de divorce (4). Le commentateur cite à ce
titre :
V Le barcu ou les colorations cutanées blanches (vitiligo, leucé)
brunes (taches primordiales de la lèpre ou éléphantiasis des Grecs).
— Les colorations brunes sont les plus graves, car elles sont les
prodromes de la lèpre. — Les cheveux ou poils qui se trouvent sur
lesjparties de la peau atteinte de baras brun, prennent la couleur
brune; sur les parties atteintes de baras blanc, les cheveux ou pofis
sont de couleur blanche »
Cette hideuse maladie, qui ne fut pas un triste présent de
l'Orient, puisqu'elle s'observait en France et en Italie anté-
rieuremenlaux Croisades, et que Rotharic, roi des Lombards,
publia un décret concernant les Lépreux, — paraît assez
fréquentes en Algérie, chez les Kabyles. M. Guyon (5) en a vu
(t) Btrut d'Orient, t. VUI. t846. pagr 84-
(a) Idem, t. V, 1S46. p. aSo.
(3) (JèogrupMe d'EJrisi\ traduit par A. Jaubert^ I. I, p. 159.
( î) Sidi KMit» t. U. p. 4o5.
(S) T. \ XXX VIII drs Mem. de médrc. et de ehir. milii.
- 424 —
un cas à Bougie, chez un Kabyle des environs de Sétif,
et a constaté l'hérédité de cette affection. La lèpre tuberculeuse
s'observe quelquefois à Philippevillé. M. le D^ GaudineaQ (4)
a rencontré un cas de lèpre des Juifs (taches cutanées blan-
châtres, écailleuses) chez un chamelier venant du désert.
Deux Kabyles lépreux ont été traités à Constantine par M.
Deleau.
La lèpre est très commune en Chine où Ton mange beaucoup
de chair de cochon. — Cette maladie se perpétue dans les
familles, dit SiKhélil (i), même par delà quarante f^énénr
tiens; et, ajoute-t-il (3):
« Il convient d'empêcher le mari atteint de la lèpre déjà avancée
de cohabiter conjugalement avec ses femmes et ses esclaves, et à
plus forte raison avec les femmes de condition libre. »
Les Arabes prétendent que les cure-dents en bois de habbaq
(basilic) ou de sadjar et roummane (grenadier) ou bien en
tige de qraahh (blé), de chaiir (orge), à'halfa (arundoépigéïos),
occasionnent des prurits et parfois la lèpre blanche. Un toih
bibe du Sahara m'a dit que \ekhenazir (scrofule) ne lui sem-
blait pas étranger à l'apparition de la lèpre. Les Indigènes
distinguent deux variétés dans cette maladie, le ghénamia
(lèpre de mouton) et la heugria (lèpre de vache) ; ce sont
sans doute des diversités dans la coloration qui motivent ces
dénominations.
On le comprend d'avance, le traitement arabe est nul ; après
avoir épuisé la série des amulettes, l'Indigène meurt avec un
terrible mal que Tignorance seule l'empêche de combattre.
D'après M. Guyon (4), le baras des Algériens serait un albi-
nisme partiel, congénial ou accidentel, et la race nègre en est
(i) T. MI de« l^le'm. de mèdec. tt de ehir. milit.
{%) T. III de la Lrgisi. musulmane, ch. XIII, p. 3o>.
(3) T. II, ch. V, p. 4ï3.
(4) jérademiê des Sciences, séance d'octobre (i83y).
— 425 —
egalemenUu8ceptible.il a constaté un cas d'albinisme à Jlfi/a/^
en 4839 (l'Arabe avait 15 à16 ans et paraissait du reste bien
conformé), et cite trois femmes israélites ayant la peau d'un
blanc mat, les yeux très rouges, les cheveux et les cils d'un
gris de lin. Près de mon domicile, à Alger, habitait également
une jeune juive dans les mêmes conditions physiques. D'après
les renseignements que j'ai obtenus dans le Zab, Talbinisme
se rencontrerait quelquefois dans le Sahara, chez les Ouled-
Nails, dans le Souf ; et des Nègres m*ont affirmé à Biskra que
dans le centre du Sahara, les 'Albinos se font principalement
remarquer chez des individus nés de père et mère nègres.
D'après Roulin, l'albinisme et le mélanisme sont communs
sous les Tropiques. Caillié a vu des Albinos en Sénégambie.
Un cas d'ichtyose blanche s'est présenté àConstantinecbez
une femme Arabe d'une cinquantaine d'années (1).
Le D' Deleau a rapporté deux cas de mélasma-pityriasis ;
chez une femme Arabe, âgée de 45 à 60 ans, la peau des mains
et des avant-bras d'un noir brun était plus épaisse, fendillée
en losanges, parsemée de quelques taches blanchâtres, et
l'apparition semblait antérieure à la menstruation. L'homme»
également Arabe, de 50 ans environ, présentait les membres
supérieurs et inférieurs, le dos et la poitrine, couverts de
grandes taches noires, très^ouces au toucher.
Les Indigènes font disparaître les (acbesde rousseur (bon klef)
de la face, en la frictionnant : 4 ^ Avec des /oui (amendesjftoioti
(douces) et morr (amères) bien pilées ensemble; 2^ ou avec
de Thuile de khaouda (ricin); 3* arec un mélange de riihha
(poumons) de djemel (chameau) et de meM'(sel) convenablement
broyés; 4** avec du demm (sang) extrait de la tête d'un grdab
(corbeau) ; 5^ avec des feuilles Aesadjar et loute(raûrier) broyées
dans du miel ; on doit en enduire les taches, pendant que l'on est
(i) t. XXXXVIIl dM mim. et méd. t i» tAintt. miHtmrti.
- 426 -
dans le bain maure; 6^ avec du khall (vinaigre) dans leqœl
on a pilé un bçol (ognon); 7** il est également conseillé de
manger tous les matins, de trois en trois jours, de la graine de
Ma^^ (laitue). .
Les taches jaunes, sseffrat el oudj (le jaune de la face),
qui surviennent à la figure à la suite d'une forte insolation
ou autres circonstances, disparaissent après une friction avec
du vinaigre dans lequel on a broyé des hamtmt (petîla poîs
noirs).
L'introduction, sons la peau, d'un entozoaire du genre fi-
laire, assez commun dans les eaux stagnantes des contre
intertropicales, d'après M. le D' Chambolle (4), a été constatée
par M. le D' Guyon (2] sur un Maure d'Alger revenant du pè-
lerinage de la Mecque. On m'a afiSrmé à Biskra que le dra-
gonneau (areug el medine, c'est-à-<lire la veine de médine)
se constatait fréquemment à Tuggurt (dans le Sahara). Les
ioubibes du pays se bornent à faire une incision à la peau, de
manière à couper le ver en deux portions; ils attachent ensuite
l'extrémité de chacune d*olles sur un petit bâton, et les deux
rouleaux sont maintenus en place. Tous les deux ou trois jours,
on enroule un peu et très doucement ledragonneau de chaque
côté, en même temps on couvre le membre de cataplasmes
bien chauds pour faciliter la sortie du ver. La guérisoq serait,
dit-on, obtenue ainsi eq quelques mois. Nous lisons d'autre
part (3) des renseignements qui corroborent l'exactitude des
précédents : « Nous n'achetons jamais les esclaves qui sont
attaqués d'une maladie singulière que l'on appelle seghem-
mou. Le seghemmou est un bouton qui vient aux jambes, au
bras et au cou, et qui se termine par une espèce de cordon
(i) T. XXill des Afem. tU mtd. tt de cftir. milit.
(a) Gazette dé médecine, de Paris, i836.
(3) Itinéraire du Sahara au pajt de$ Nègres, p. a4a.
— 427 —
filamenteux, qu'il faut retirer avec précaution, en le roulant
sur un morceau de bois comme du fil sur une bobine, car s'il
casse dans Topération, le nègre meurt ou ne guérit jamais, ou
reste estropié. Ces cordons ont quelquefois douze ou quinze
pieds de longueur. » La présence du dragoneau serait due»
d'après les Indigènes algériens, à la mauvaise qualité des
eaux. Galandat prétend que ceux qui ne boivent pas d'eau en
Guinée, ne sont jamais attaqués par ce ver (1). Vareug el
medine est, du reste, commun en Guinée, dans la Haute-
Egypte» l'Abyssinie, la Perse, l'Arabie pétrée, et même en-
démique au Sénégal.
Les épidémies ont toujours fait de fréquentes apparitions
dans le nord de l'Afrique. Pour ne parler que du siècle présent,
on se rappelle sans doute les grands ravages de la peste dans
la régence d'Alger, .de 1817 à 1822. Les Arabes confondent
sous le nom de habouba (peste), de meurdh lassfar (la maladie
jaune), rthh lassfar (le vent jaune], les affections épidémiques
qui déciment énergiquemént une certaine étenduede localités.
Le commentateur musulman a ainsi (2) défini la peste :
« La peste se caractérise par la pblyctène renfermant un liquide
empoisonné accompagné d'inflammation et de lividités environ-
nantes, produites par la piqûre de traits que lancent les djinns
ou lutins, par les gonflements ou bubons qui manquent r^ement de
se développer sur les parties du corps où la cbair est plus làcbe et
plus molle, aux aines, aux aisselles, au-dessous des oreiHes. »
Cette étiologie se trouve admise par les Arabes pour toute
épidémie. Ils prétendent également que la peste est toujours
venue du levant au couchant. Kabès est sujet à la peste, lit-on
dans Moula Ahmed (3); ses habitants son! toujours malades,
(i) Bkimsib, Truite dês rert inttstiHmu Jt l'kewm*, p. ai S.
(a) SI KMit, t. III, cb, IX, p. 90.
(3) Forage 4$ Mn^m Ahmti, induit par M. B»a»vao«R. p. a^n-
— «28 —
et les gens du pays prétendent que la cause en est dans la
grande quantité de lauriers-roses. En respirant sans cesse
l'amertume de cette plante^ ils deviennent malades, disent-ils,
et c'est pour cela qu'ils ont tous le teint jaune. Il y a encore
un antre inconvénient dans cette ville, Teau y est mauvaise ei
semble croupie, etc.... M. Berbrugger ajoute en note : « Quel-
ques personnes ont attribué l'extrême insalubrttédu canton où
on avait établi le camp de VHarrach (près Alger), à la même
cause. La quantité d'arbustes de ce genre qui se trouvent aux
environs est inimaginable. On sait quel caractère de malignité
avaient les fièvres contractées en cet endroit. » Rappelons que
cette cause n'a plus été citée lors de la dernière épidémie cho-
lérique qui a sévi trois années consécutives en Algérie (1);
l'on a plus spécialement observé que, chez les Arabes, la durée
du fléau avait été moins longue dans les montagnes, plus
longue dans beaucoup de localités indigènes situées sur les
affluents des rivières. Les Arabes des plaiifies, du littoral et des
terrains humides, ont généralement offert le plus de victimes.
Les guérisons ont semblé rares chez les Indigènes, sans doute
à cause de leur peu d'observance des précautions hygiénique*
recommandées et de leurs mauvaises conditions sanitaires
habituelles. Sur grand nombre de points, ils laissaient leurs
tentes à l'approche du fléau, abandonnaient les cholériques,
et l'intervention de l'autorité a souvent* été nécessaire pour les
obliger à ensevelir les morts. -— Lors de l'épidémie de 1835,
dans la seule ville de Blidah, il est mort, en vingt-deux^
jours, 1,600 habitants de tout sexe et de tout âge. En 1849,
1850 et 1851, le chiffre de la mortalité chez les Arabes, tout
difficile et impossible même qu'il soit à obtenir approximati-
vement, peut être évalué, en nombres ronds, pour les trois
provinces :
(i) Voyesmon Rapport sur h cAo/érm m Jiférie, Alger, i85a.
429
En i849, à 21,000
£û 1850, à 48,000
En 1851, à ?....
j 39,000 Indigènes (1)1
Un fait digne de remarque dans l'histoire du choléra, dit
H. Guyon (2], c^est que dans répidémie de Gonstantine (en
1837), la population Indigène paraîtrait en avoir été entière-
ment respectée. Est-ce que les organisations susceptibles de la
contracter en auraient été toutes atteintes en 18357 On saii
^u'il y exer^ les. plus grands ravages, et que, sur une popu-
lation d'environ 50,000 âmes, il en périt 14,000. Du reste,
Alger et Bone en 4 837 font naître la même question ; car, dans
toutes les deux, cette année, la population civile a été si peu
touchée, qu'on pourrait dire que la maladie y a été entière-
ment concentrée parmi les troupes. Et, en effet, que sont
vingt décès pour Bône et cent pour Alger, qui eurent lieu
pendant les dernières épidémies de ces deux villes? — H. le
docteur Guyon fait en outre observer qu'en 1835 et en 1837,
Bougie^ placée entre Bône et Alger infectées, fut épargnée,
qiioique les habitants fussent presque tous val^tudiBaires;
(i) On Mit qoe d'après les calcub de M. Mobbao sa Joviiàt (Rapport au eomseil supéiêur
de tpmiitur h cAoUrm-morbus pestiUHtiel, Paris. i83t), U mortaKU prod«ite p«f le AoUft
de 1S17 à i8ai, a iié éralaëe en Arabie aa TIEBS, et en PrrM au SIXIÈME des habiUnts
des Tilles !... — D'antre part, dans son Mémoirt sur U ehoi^-morku (t. VI des jinnmhi
é'Âjrgiim p*AHtpÊt et Jt médetiM Ugmiê» i8Sr» page 3^9), le IK La»»» rapporte que» M i8it
à i83o, ledtoléra a raragé la Perse pendaaj daq irruptions ; <iim, da Midi an Nord, il a
traTersé cet empire dans nue étendne de 3oo lieues...; qne de la Sjria» il s'est propifé à
Tripoli, à Damas i qne, dans laMétopoUnile et la Syrie» il a raragtf vingt-linit ville» pria*
cipales et bcancoop de lieux qni sont dans le roieinaf e on an milien de déserts pierreux et
sous l'influenre d'une atmosphère privée dlininidité, etc. — n'est-ce donc pas un deroir,
pour les nations placera à la tète de la OTilisatioa, de faire tout ce qui dépend d'elfes pour
assainir tout de contrrcs insalubres, et détruire ainsi les germes de toutes ces pestes spon-
tanées? M. WiLLasKS a /turabondéuiment prouré {Dts epiJemits sous les rapports dt i'hjrgiint
ptAèiqm, </# /a Uatistique mêdieuh et de r économie po/itiquef t. Vlll des Jnnaler d'hjrgièi** jtt-
hti^u», p. S5,) que les ^pidcmirs dîoiinnent At fréquence et d'intensité dans tous 1rs pays qui,
de I4 barbarie on de l'ignorance, passent h l'état de eiYilisatlon, ou d'une ciTilisation impar>
faite à une ciTilisation perfectionnée.
(a) Relat. dt l'espéd. de CmstemHna $n t^f, t. XXXXIV des Mém. de mtd. et de chir. milit.
— 430 —
et (le plus qu'Alger et Bôoe se trouvèrent visitées deux fois par
le fléau, tandis qu'Oran, la seule de ces villes où il éclata
en 4834, eut le privilège d'une immunité complète en 4837.
L'illustre baron Larrey avait remarqué (4) que les individus
qui habitent près des sources thermales sulfureuses étaient
préservés des épidémies régnantes, et que les bestiaux placés
dans les mêmes conditions échappaient également aux
épizooties contagieuses. Cette observation n'a pas été confirmée
en Algérie. D'autres immunités qui ont paru plus évidentes,
c'est, par exemple, que les Arabes porteurs d'huiles fournirent
beaucoup moins de victimes. Desgenettes (2) a cité des faits
analogues pour l'Egypte et Tunis. D'autre part, alors que le
choléra ravageait le Sahara en 4835, des tribus (Soaf,
Arazelia, entr'autres) vivant presqu'exclusivement de lait de
chamelle, auraient été complètement épargnées.
Le choléra qui en 4 849 comme en 4 835 succède en Algérie,
ainsi que dans le Djerid Tunisien, à une épidémie de variole, a
été remarquable chez les Arabes en ce que les crampes furent
généralement peu marquées. — En 4 849, le redoublement du
fléau à Constantine a été attribué à la coïncidence de VÀïd el
Kebir, fête publique pendant laquelle les Indigènes se livrent
à beaucoup d'excès.
Dieu envoie la peste, pense l'Arabe (3), donc il y aurait
impiété à la combattre. C'est, en effet, pour éviter d'avoir à
lutter contre un si terrible ennemi qu'ils se sauvent a toutes
(i) T. XXXI des Mimoiret d* médecin* et d» ekirurgU mthtatrtt.
{%) Histoire Médicale d* formée d'Orient, i^ partie, p. a48.
(3) iMs qae I« dioléra parat à la Mecque en t83z» les tambours et la mosiqo* nuliulre
eeasèrent de se fuira entendre; la raison qa'on en donna était que ces instmments, in^eatés
par les infidèles, araient trouble trop longtemps, par leur bruit importun, le repos des
saints lieux et violé la maison de Dieu qui, dans sa colère, arait enroyé, non pas U peeie
parce qu'il gardait la promesse donnée par son Prophète, mais une maladie dont Jas rarag es
n'étaient pas moins grands.... (Lettre de M. Mimant, consul général de France en Efypte ;
t. Vf des Ânwehi d'hygiène publique ^ i83f, p. 478).
— 431 —
jambes dès qu'il s'aperçoit de son arrivée. D'ailleurs, les
savants commentateurs Musulmans admettent généralement
qu'il est permis et même avantageux de s'éloigner des lieux
infectés de la peste! Quelques tribus ont cependant eu le bon
sens philantropique de ne point obéira une si cruelle coutume.
En 4835, les Kabyles du Sebaô et de Tiziouxou (province
d* Alger) voulant empêcher le choléra de se propager parmi
eux, établirent dans leurs cimetières une sorte d'ambulance
dans laquelle ils portaient les malades dès Tinvasion du fléau.
Dans la province d'Oran, le déplacement officiel des tribus
infectées par la dernière épidémie a paru suivi d'excellents
résultats.
Les toubibes arabes emploient contre le choléra la chêne-
degoura (ivette) à Tîntérieur, le xit fialou (l'huile d'olives) et
l'eau très salée concurremment ingurgitées en abondance (4).
Ils couvrent l'abdomen de larges pierres ou de grands plats en
terre, préalablement élevés à une très haute température. Le
massage avec les pieds sur les parties où siégeaient les crampes,
a toujours été employé avec succès. — Dans les oasis du Zab,
les cholériques étaient maintenus dans un courant d'air cons-
tamment entretenu frais au moyen du jeu des éventails, et en-
veloppés dans des bcmotus mouillés, puis gorgés d'eau fraîche
ou chargée de quethrane (goudron). Est^e que les Saharis
s'occuperaient d'bydrdsudopathie?.... Quand les malades ne
succombent pas dès le premier jour, les Arabes tentent quelque-
fois de combattre les progrès du mal par de nombreuses appli-
cationsdefeu sur différentspointsdesmembreset de l'abdomen.
Cette méthode paraît être également en usage dans le Sud d'une
régence voisine. M. le D' Loir-Montgazon (2) nous apprend
qu'en 4836, le choléra éclata dans le Sahara tunisien : les
^1^ llatitrAscarieax d« retroarer cfa«i le* Chinoia l'auploi da mI marin à l'intérievr
ditMMU dam I'mu on Tarine d'oD j^one cafaot, pour le txaitnMnt do ckoléra.
(») Vojrmgtimnt U DjtHà, Rcme d'Orient, i844-
— 432 —
toubibes ^ commençaient par appliquer le fer rouge sur Tépi-
ga$tre, à plusieurs reprises; ensuite ils enveloppaient le malade
dans des couvertures de laine bien chaudes, et enfin ils lui
faisaient boire souvent une infusion chaude de fleurs d'une
espèce de vipérine bâtarde (borraginées) qui croît en abondance
dans le pays. Je dois avouer que les cautérisations sur Tépi-
gastre produisirent devant moi de si heureux effets, que j'en
continuai souvent Tusage. L'application de ce puissant dérivatif
arrêtait les vomissemens presqu'instantanément, et palliait
d'une manière sensible les douleurs épigastriques. »
Les épidémies de Rougeole (bou-hhamroun) ne sont pas
rares chez les Indigènes de rAlgérie, s'il faut en juger d'après
les quelque^ documens suivants :
En 4 694, épidémie très meurtrière àBlidah et dans la plaine
de la Mitidjà : — en 4841 (fin de l'année), épidémie à Alger.
L'hiver fut froid et pluvieux. Les 434 décès comprennent 45
européens, 35 juifs et 54 musulmans. — En septembre 4849,
épidémie dans les montagnes voisines de Cherchell (chez les
BènirMénasser) ; — en juin 4 849, épidémie dans le cercle de
Mostaghaoem; — àMédéah, des cas de rougeole sont souvent
signalés dans les mois de juin et d'août; etc. On voit donc que
l'apparition de cette maladie a lieu dans presque toutes les
saisons, — Le traitement arabe consiste tout simplement à
tenir le malade chaudement, aussi bien couvert que possible,
et à pratiquer sur presque toute la surface du corps de fré-
quentes embrocalions huileuses : cette médication est la même
que pour la petite vérole.
Dans le nord de TAlgérie, depuis l'occupation française,
que de nombreuses apparitions épidémiques él endémiques
de la variole I Celle de 4832 qui sévit cruellement sur les
Maures et les Juifs d'Alger; celle de 4839, qui, dans la même
— 433 —
ville, causa 78 décès musulmans sur 4 45 décès généraux pour
la population civile ; celle de 1840 à Constantine, tellement
grave que le docteur Vital (1) a observé plus de 400 cas en
ville et évalue à plus de 2,000 le nombre des varioleux de
tou)e la province; l'année précédente, une épidémie de petite
vérole avait également décimé Conslantine en avril, mai, juin.
— Rien de plus commun, écrit le docteur Finot (2), que de
rencontrer dans les rues de Blidah et sur les grands chemins,
des hommes et des enfants atteints de variole en pleine suppu-
ration, couchés dans la boue et à peine couverts de quelques
lambeaux de bemotASS. — Dans une inspection des écoles
d'Alger, le D' Agnély, directeur de la vaccination publique (3),
a trouvé en 4 849, sur 528 enfants musulmans, 452 varioles I
Les prisonniers indigènes de la kasbah de la même ville lai
offraient 41 varioles. — D'après MM. Bouffar et Laprévotte.
la petite-vérole exerce souvent de grands ravages à Koléah ;
aussi y rencontre-t-ori beaucoup de borgnes et d'aveugles. — ^
A tous ces renseignements, bien incomplets, il est vrai, je puis
joindre quelques autres détails sur les épidémies varioliques
récemment signalées dans les tribus et villages arabes :
Eo i838, dans les enriroas de DjidjelU.
Bo iS46, épidémie à Médéah ; plus de 5oo enfants morts dans Taghalik d*nn seul dief.
. — -en oct. et noT., grands ravages de variole «lies le* IndifAoes de Nedroma (o«d«
de Nemours).
Bh 1847, en férrier, épidémie désastr. ches les KabyTes de Cherchell, enfants et adultes.
— en mai» -*• dus les Bayrédooras (eerde de Ténèt).
—. en juin, — dans le cercle de Téniet>el-HAd; 3|4 despopql. atteint.
— en jainet, ^ dans les enTirons de Sétif.
— en aodt» — ■ dan* le Zab (9*0 tnfanu de 6 mois à 5 «00 enlerés »
à Biskra« sur a 10 attdnu, 9$ enfants morts.
— en aoAl, — à Constantine.
'— en aodl, — à Tlemeen.
~ en décembre, — i Batna, dans la firison indigène.
— — — dans les montagnes de Chercliell.
( I ) T. LU des Mém, 4$ mM. t d9 thir, mtUu
(s) C^mpf^ndu du /«T. méd. d» BUd^, t. LVI des Mim, de méd. 9t dt ckk. nUUu
(S) laslitnét en Algérie par décrtt da fto joio i848.
— 434 —
Bn 1647* *^ décembre, -> chas les Lakhdart, oerde àt Lacalle.
— — — à Nédroma (cercle de Nemoon).
Bb i848, en janTÎer, épidémie de Tarioles et rarioloîdes dans le cerele de Biskra.
_ ^ ». MiliaiMh.
— — — — Médéah.
— • — •— très nteortriires dans 1c district <ic Cherckell.
— en férrier, ~> *» ches les Kabjles, près de PhilippeTille.
•— en avril, — dans le cercle de Tiaret.
•— - en arrileimai, — •— Chelma.
^^ en juillet, •— — > Nenoort.
Ba 1S49» ? — à Oran.
— en férrier» — dans le sud de Bi^Har.
«M en man, — très intense chex les B. Meaioad (c. de BBdab).
— en mai, — —
» eamars, -» désastr. dansleeerde deB0|har-, à Garuaia^
il monrait plus de ao iadiTidoi par jour.
— en arril, — dans le cercle d'Ammi'Monça.
— • en mai, — •— d'Oran.
— enjoillet, — — d«Tlemcen.
Bn fSSo, en nuut, — -- à Nedroma. .
— enjain, — — de Sidi-bel-Abbèe (cfaaqoe an-
née, des cas de Tarieles si^alés & cette époq.).
^^ î — dans le cercle de Mostagbanem.
Bn iSSi, an cooun. de Tannée, — — Tenez.
— è la fin de l'année, — — • —
— 7 _ _ Blidah. — Bic., etOi.»elo.
Un fait qui domine la pathologie varioleuse chez les
Indigènes de TAIgérie, c*est la profondeur générale des
stigmates. Faudrait-il l'attribuer à rintensité du mal? D'un
autre côté, la forme discrète est la plus ordinaire : la can-
fluente paraît peu fréquente. Ces deux phénomènes, profon-
deur des cicatrices et nature discrète, peuvent être rapprochés
comme cause et effet. On a vu dans les prolégomènes de ce
livre (page 3931] la différence que les Arabes établissent entre
les formes de la variole.. Inutile sans doute d'insister sur le
haut degré meurtrier de ces épidémies parmi les Indigènes :
l'appareil oculaire souffre principalement de ces ravages si
multipliés; de là aussi cette innombrable série de taches
coméales, d'ophthalmies incurables, de slaphylômes que Ton
rencontre de tous côtés dans les tribus.
— 435 —
Les médecins qui ont pratiqué des vaccinatiops sur des
Arabes et sur des Européens, auront très certainement reroar^
que que chez les premiers, les boutons sont bien moins
développés que chez les seconds. La cause en est sans doute le
degré plus faible de réaction, de fièvre, chez les Arabes.
Néanmoins, cette observation doit avoir de l'importance dans
le traitement, afin de sauvegarder davantage les organes
internes contre les accidents dont ils pourraient par cela
même être plus facilement le siège. D'autre part, il -conr-
viendra de s'enquérir si les phénomènes qu'amènent dans le
développement de la vaccine les conditions anatomiques
particulières au tissu cutané et au système nerveux chez
l'Arabe, n'indiquent pas la nécessité de recourir à un plps
grand nombre de piqûres vaccinales. Peut-être l'influence du
climat joue-t-elle ici un rôle dont il faut également tenir
compte; il est certain, en effet, que le trouble fonctionnel de
l'enveloppe cutanée par les variations atmosphériques, si
fréquentes dans ce pays, doit empêcher Faction du virus
inoculé d'être aussi complète, de s'épanouir aussi facilement
à l'extérieur.
La période de suppuration varioleuse dure assez longtemps
chez l'Arabe : l'absence de soins, de propreté, de linge^ en
constitue sans doute la cause particulière.
Les Arabes prétendent que dans les localités où il y a des
eaux salées, magnésiennes, la variole sévit peu chez l'homme
et chez les animaux (clavelée), et attribuent à l'action de ces
eaux cette immunité particulière. Une telle opinion mérite
examen attentif. Nous avons cependant remarqué que dans le
Zab, à Biskara et aux environs, les affections de peau sont
fréquentes ; mais ce ne serait point une raison pour que les
eaux saumâtres, chargées de principes salins dans ce pays,
n'eussent point un priWlège à TendrcNlt des affections épidémi-
- 436 —
ques cm endémiques, par exemple en diminuant les causes
prédisposantes, par une action constante sur le tube intes*
tinal. — Quoique très respectée par un grand nombre d'Arabes
qui lui prêtent des propriétés dépuratives très avantageuses,
la variole (djidri) est généralement, chez les Indigènes, l'objet
d'une pratique prophylactique, l'inoculation. Avant d'en
parler, faisons remarquer que la dangereuse habitude de ne
pas isoler les malades pendant l'épidémie, rend chez eux la
contagion plus facile. L'impossibilité de tenir les demeures
(tentes, gourbis, maisons en terre) a un d^ré de température
convenable et nécessaire même, l'inconvénient inhérent à la
nature générale (laine) de leurs vêtemens qui conserve davan-
tage le miasme infectieux, telles sont encore les conditions
d'aggravation dans le développement individuel ou public de
I*affection (4).
LMnoculation [qwthdel 4; tefri, couper la yariole), qui paraît
être une pratique très ancienne chez les peuples orientaux, et
que l'on prétend avoir été introduite au seizième siècle à Cons-
tantinople par des voyageurs témoins de ses bienfaits en Asie,
consiste, lorsque des cas de variole se manifestent dans une
localité, à profiter de l'état de maturité des boutons, à les
crever ou les inciser; on récolte le pus sur un chiffon, sur une
touffe de laine, et on en frotte quelques instants une incision
préalablement pratiquée sur le jeune sujet que l'on veut pré-
server de la maladie. L'endroit où l'on fait cette petite plaie qui
recevra le virus, varie beaucoup : chez les uns, c'est la face
dorsale de la main, à la base-pouce ; chez les Maures, c'est la
partie postérieure du lobule de l'oreille ; chez d'autres, le pli
du coude, ou bien la région supérieure du bras, sur le dei-
(f) Oa attrilme géttéMiemmt à r Amlne, à rj^bystinie, à VElhiopie, rorigine «tcarfoot
U propagation de la rariola, ch« tous les peaple» que I« fanatisme religieux dos Mosnlmana
itageait sons leon lob. Quant à l'origine, le fiiit garait dooteux, il l'on en croit M. UM ;
lla«lat,.évéqMd*ATraBehe, aorail (Ut mantioii de oatia maladie daoi «a Gkrooi^M dft S70.
{Dhu Je Méd. et de Chir. prmtiq. t. XV, p. 596),
— 4a7 —
to]ide,^it encore la région scapulaire, soit la face interne de
la cuisse. Le plus généralement, dans l'Atlas, comme dans la
plaine et le Sahara, on incise. entre le méduis et l'index, profr-
qu-entre les deux métacarpiens, à la face dorsale de la main
gauche. — Les frictions avec le chiffon imprégné de virus va*
rioleux se répètent ordinairement le troisième jour. Toujours
ce nombre Iroif....
Dans le Sahara, « il existe, touchant le succès de l'opération,
un pronostic superstitieux. On donne des pois à Penfant
malade, et on l'engage à en offrir à l'enfant inoculé. Celui-ci
aura un nombre de boutons correspondant au nombre de pois
que le malade lui aura donné (4). i» A Tripoli de Barbarie,
l'incision est faite sur le dos du carpe entre l'indicateur et le
pouce. Dans les Indes-Orientalefs, c'est sur le bras préalable*
ment bien frictionné, bien échauffé par des manipulations
actives, que Ton applique le coton imbibé de liquide vario-
leux. En Arabie, le virus, dont on fait un débit ou commerce
public, s'inocule au moyen d'une aiguille ordinaire. En
Géorgie, le sang qui résulte des piqâres multiples du corps
par ce même moyen, est mélangé sur place avec le pus
varioleux, et on se contente de recouvrir exactement les petites
plaies. En Grèce, les piqûres se pratiquent en croix sur la
figure (front, joues, menton). En Ecosse, on écorche légère-
ment la peau du poignet par des frictions prolongées, et l'on
entoure l'articulation radio-carpienne de fils trempés dans le
virus varioleux. En Chine, le liquide infectieux est directement
appliqué sur la muqueuse nasale à l'aide des croûtes même
des pustules, ou d'un petit tampon de linge baigné dans leur
contenu, etc.
Une fois l'inoculation pratiquée, l'Arabe tient chaudement
le malade, et lui fait boire une sorte d'hydromel ; il atte»d
(0 âfttu d'Wtm, février 1849 - Âigtrit Miridi^mmh, par M. Pm*».
~ 438 —
Téruption pustuleuse générale, dont le traitement sera identi^
que à celui de la variole spontanée. Dès que les pustules se
déclarent, on couvre tout le corps (les yeux, la bouche et les
narines exceptés) avec des plaques de laine bien imbibées
d'huile; quelquefois on frotte tous les boutons avec un
mélange d'huile et de miel, ou bien^implement avec du
beurre. — L'Indigène fait peu d'attention si les pustules sont
plus nombreuses à la tête ; l'observation ne lui a pas encore
appris les avantages, en pareil cas^ de révulser sur les extré-
mités inférieures. Il s'occupe encore moins des complications
qui peuvent survenir du coté de l'intestin, des voies respira-
toires, etc., — Une fois la suppuration bien établie, le malade
est entièrement ablutionné, puis recouvert de nouvelles
plaques de laine trempées dans l'hurle. Ce eorps gras qui
domine dans le traitement, a l'avantage, d'après les Arabes,
de rendre les cicatrices moins difformes et la maladie moins
douloureuse. Ajoutons qu'à Tinstar d'une couche épidermique
supplémentaire, il forme un écran salutaire contre les
variations atmosphériques dont l'influence ne serait pas sans
danger, car l'enveloppe de laine laisse toujours beaucoup à
désirer sous le rapport de l'épaisseur, de la quantité, chez une
classe aussi malheureuse, et s y trouve le plus généralement
remplacée par de mauvais chiffons de bemouss usés.
Pour préserver les yeux de la petite vérole inoculée, on a
soin d'enduire de koheul toute la surface des paupières, et
d'en faire parvenir quelque peu sur la conjonctive.
La pratique de l'inoculation nous suggère une réflexion qui
prouverait combien la snperstition de l'Arabe est aveugle, et
comment elle reçoit souvent de cruels démentis de la part de
ses propres actes. Dans la peste, dans les épidémies, dans
toute affection incurable, le fatalisme pousse l'Indigène à voir
la volonté divine déchaînant la maladie ou prolongeant les
souffrances physiques; au contraire, dans la petite vérole, il
— 439 —
he croit plus autant à rinterventiou du Tout-Puissaot, il
détruit, de par le fait de TinoculatioD, cet ouvrage pathologique
dont il prête cependant toute l'intention créatrice aux colères
célestes. Ce qui revient à démontrer une fois de plus que la
superstition a Tignorance pour mère et souvent pour com-
pagne fidèle. — La généralisation de cette pratique de l'ino-
culation résulte de l'observation faite chez un grand nombre de
nations, à savoir, que la variole inoculée a toujours moins de
gravité que la variole spontanée ; les Arabes y voient un
avantage particulier, c>st qu'elle s'accompagne de pustules
bien moins nombreuses dans l'infection artificielle. Il faut
ajouter aussi que chez les Arabes, les varioloïdes, les varicelles
affectent très rarement les individus déjà inoculés. Ce fait
tiendrait-il à ce que le viras, puisé à une source consiamment
fraîche, ne subit point, comme notre vaccin, des altérations
particulières par l'ancienneté de conservation et la haute
température du climat algérien.
Ce n'est point ici le lieu de discuter si, comme le croit M.
Bayard (1), l'inoculation vaccinale a déplacé la variole dans
Page et dans l'organe; si la population, d'après M. Carnot (2),
augmente graduellement dans certains départements oii la
vaccine n'a jamais pu fleurir, etdiminuedans d*autres où elle
a été favorablement acueillie; si, comme pense l'avoir statisti-
quement démontré H. Grégory (3), l'action préservatrice de la
vaccine s'opère dans des limites très restreintes, et s*il n'y
aurait point dans la pratique de l'inoculation variolique un
moyen plus sûr, une garantie plus efficace. Les médecins des
Bureaux Arabes diront un jour si l'inoculation, pratiquée
surtout dans les conditions atmosphériques qui déterminent
(i) Cauftu mtdifie it Parit, da 4 septembre i85a.
(s; idem. idem.
(3) , IfUm. du 9 anil iS53-
— uo —
Péclosioû de la variole épidémique, l'emporte ou non sur la
vaccination, chez les Indigènes.
Bornons-nous à dire un moi sur l'apparition de notre vaccine
chez les Indigènes algériens. Introduite à Alger dans le com-
mencement de ce siècle par quelques Ck)n8uls et Chargés
d'Affaires effrayés des ravages des épidémies varioliques dans le
nord de l'Afrique ; pratiquée ultérieurement, sous le règne du
dernier Dey, par un médecin piémontais, la vaccine a toujours
éprouvé de grandes difficultés à recevoir dans ce pays ses lettres
de naturalisation. Depuis l'occupation française, le chirurgien
en chef de Tarmée en 1 832, le D' Chevreau a le premier pra-
tiqué cette opération prophylactique, à l'occasion d'une épi-
démie des plus désastreuses. Il fut imité, dans la même ville
d'Alger, parles médecins militaires, notammentlIH.BonnafoQt,
Flescbut, etc. En 4834, M. Giscard, chirurgiennnajor des
Zouaves, introduisait les bienfaits de la vaccine chez les Indi-
gènes de ce régiment et chez quelques Arabes des tribus par-
courues parles colonnes expédionnaires (au marché de Bou
Farik notamment). En avriH835, l'intendant civil autorisait
le D^ Pouzin à faire, chaque jeudi, à la mairie d'Alger, une
vaccination publique et gratuite pour toutes les nationalités.
Quelques notabilités musulmanes et israëlites, pénétrées de
rinlérêt sérieux de cette mesure préventive, firent même affi-
cher dans les mosquées et synagogues un avis destiné à engager
leurs corrcligionnaires à y soumeltrc leurs enfants. Quelques
mois après, les vaccinations officielles furent faites à la mairie
par le D' Baudens. A partir de mars 4837, le D' Renaut s'en
-trouva chargé. Sur d'autres points de l'Algérie, Bône, Bougie,
Hostaghanem, Oran, etc., la vaccine s'implantait insensible-
ment en même temps que la civilisation, grâce au dévouement
des médecins de l'année qui la propageaient partout où le
sort de la guerre appelait nos troupes victorieuses. En 4844,
le D' Santi, médecin en chef de l'hôpital de Koléah, vadbinait
9
— U1 —
227 Arabes de la ville etdes douai rs on vironDants. Le Moniteur
Algérien du 14 avril en rend compte sous le titre d7n^roduc*
tion de la Vaccine chez les Arabes ; l'auteur de l'article
ignorait sans doute les faits propres à M. Giscard (1832 à
1834). — La propagation vaccinale, jusque là limitée aux
localités occupées ou parcourues par l'armée, trouva un nouvel
clément d'activité dans la création des Bureaux Arabes. Mais,
que de difficultés inouies, que de dégoûts incessants atten-
daient le zèle de tous les médecins attachés àcenouveauservicel
Les Indigènes, sollicités soit par l'exemple donné par les cheb
Arabes qui faisaient vacciner leurs enfants, soit par des circu-
laires, soit par des exhortations directes dans toutes les occa-
sions oii l'autorité et la médecine française pénétraient jusqu'à
eux, opposaient une répugnance extrême à échanger leur mode
d'inoculation. Les services de santé de Koléah, Blidab, les Af-
faires Arabes de Cherchell, Boghar, Médéah, Orléansville,
Tlemcen, Nemours, Bône, Djidjelli, etc., entassez retenti, de
1848 à 1851, des difficultéftpresqu'invincibles inhérentes à
toutes les tentatives employées pour convaincre les Musulmans
de la supériorité de la méthode française. — Les Arabes s'é-
criaient ici, que la vaccine ne servait qu'à marquer leurs
enfants; là, refusaient ouvertement de répondre aux proposi-
tions réitérées d'inoculation préserji^lrice ; d'un autre coté,
redoutaient une opération qui leur paraissait destinée à impri-
mer le chiQredes conquérants, en traits indélébiles, sur leurs
jeunes enfants; par ici, envoyaient leurs kaïds protester et
déclarer qu'ils jeteraient plutôt leurs enfants à la mer que de
leur laisser imposer un signe dont le but était de les reconnaf*
tre un jour, de les enlever aux familles et les forcer au baptême
chrétien; d'autres faisaient courir le bruit qu'on voulait mar-
quer les enfants pour la conscription ; ceux-ci repoussaient
^ avec horreur le mélange du sang arabe et du sang chrétien ;
ceux-là disaient qu'un remède puisé chez riiommc, chez un ^
— 442 —
Musulman surloul, devait être plus salutaire que celui que
fournit un pauvre animal tel que la vache, etc. Bref, la popu-
lation Arabe se montrait partout énergiquemeat réfractaire à
la vaccination. C'est alors que le Mobacher, journal arabe
rédigé par le Bureau politique d'Alger et distribué dans les
donairs, crut devoir intervenir et calmer cette effervescence
d'opposition :
« A roccaslon de la pratique de la vaccine (dîsalt-il le 30 mars
18à9), ce remède que la bénédiction de Dieu a donoé aux hommes
pour les délivrer d*an iléau q.i^i a fait tant de victimes, les menson-
ges le^ plus absurdes, les calomnies les plus graves ont été pro-
férés. Des hommes crédules y ont ajouté foi, et Ton a été obligé de
suspendre remploi de cette utile méthode. Ainsi, quand partout
les souverains Musulmans, tels que TEmpereur de Constantinople,
le Pacha d*£gypte, quand sur la terre môme du pèlerinage, dans
THyémen, tous les hommes respectables par leur science et leur
religion se font un devoir de propager remploi de la vaccine, par
snite des nombreuses expériences qu'ils en ont faites sur toutes
leurs populations, des malintentionnés parviendront à faire triom-
pher Terreur et le mensonge? Go n'est pas par des paroles que
nous chercherons à vous détromper, mais par des faits. Saches
qu^avant Tlntroduction de la vaccine en France, sur cent personnes
attaquées de la petite-vérole, environ quatre-vingts en mouraient;
et depuis que Dieu, inspirant une de ses créatures, a fait connaître
ce bienfait merveilleux, à peine un dixième y succombe aujour-
d'hui. Comparez ces résultats, et décidez si les hommes qui vous
détournent d*employer la vaccine sont inspirés par le génie du bien
ou du mal. »
Hais ces justes réflexions ne suffisaient évidemment pas : à
coté du conseil, il eut fallu l'action. L'unique et véritable
motif qui empêchait la vaccination de s'implanter dans les
mœurs arabes, c'est la vicieuse et incomplète organisation du
service médical indigène. Faute de pouvoir sortir de la loca-
lité, faute de moyens de transport et de fourrages, les médecins,
détachés tout simplement quelques heures par jour de J'hôpi-
— lis-
tai du lieu près du Bureau Arabe, ne pouvaient parcourir libre-
ment les tribus, y suivre les progrès des épidémies, les prévenir,
le plus souvent, par de bonnes mesures hygiéniques, profiter
enfin d'une invasion de petite-vérole pour offrir le spécifique
vaccinal et démontrer sur place, aux incrédules et aux im-
posteurs, que le bénéfice de la guérison et de Timmunité était
en faveur des vaccinés» dès le début de la maladie épidémique.
Un Arabe, se rendant à des sollicitations réitérées ou à la
pression directe de Tautorité dont il dépend comme chef indi-
gène, amène-t-il un enfant à vacciner? Une fois Topération
terminée, le jeune malade retourne dans la tribu, au sein de^
toutes les mauvaises conditions hygiéniques inimaginables ;
les soins entendus, indispensables, manquent complètement
au développement régulier de l'éruption vaccinale ; la plu-
part du temps, elle ne réussit pas, et la vaccine finit par avoir
tout-à-fait tort aux yeux de Tlndigène, qui maudit Tentête-
ment et l'ignorance des iloumi^ (Chrétiens). Voilà, cependant,
toute la vérité Pourquoi, ensuite, n'avoir pas abandonné
aux enfants Arabes vaccinés les cinquante centimes qui for-
ment la modeste rétribution accordée par le gouvernement à
tout médecin qui justifie d'une opération inoculatrice ? — Le
Mobacher a fait connaître aux populations indigènes que tout
propriétaire et éleveur de bestiaux, sur lesquels le médecin du
Bureau Arabe aurait reconnu la pustule varioleuse, avait droit
à une prime de 250 fr. Qu'est-il arrivé T Alléché par cette
perspective de toucher quelques douros, l'Arabe a souvent im-
posé des corvées fort peu agréables et très inutiles au médecin
qu'il appelait trop volontiers pour constater une éruption qui
n'avait rien de commun avec le cow-pox. Ces inconvénients
n'existeraient point, si le médecin du service indigène pouvait
parcourir librement et fréquemment les tribus de son cercle.
— Pourquoi, enfin, ne pas avoir inoculé du vaccin à un cer-
tain nombre de vaches arabes, çà et là dans le pays, ot ne
^ _ 444 _
s'être point décidé à faire parcourir les tribus par les médecios
pour utiliser «ur;?/a(?eteliquide préservatif? Les Arabes, alors,
n'auraient plus redouté le mélange du sang chrétien, et n'eus-
sent pas eu la fréquente occasion de rejeter sur la fauté'des
ioubibes français des insuccès assez nombreux, dûs, en grande
partie, à l'altération quesubit le vaccin conservé en Algérie.
Il n'y a pas d'autres moyens — et je les ai proposés, mais
en vain, plusieurs fois.*— d'implanter des innovations chez un
peuple ignorantet entêté dans sa routine. Frappez ses sens par
un résultat palpable, instantané, et^ surtout, provoqué en
temps opportvn. On s'étonnera donc peu de Tanllpathie des
Arabes pour notre vaccination, surtout si l'on veut bien réflé-
chir à tous les obstacles, à toutes les difficultés que rencontre
encore de nos jours l'importation de cette mesure dans certai-
nes contrées de la France. Toutefois, la vaccine tend à se pro-
pager fructueusement dans les États musulmans. En Egypte,
d'après le journal du Caire, on à vacciné, en 4shoual 1848, 90
garçons et 49 filles, à l'hôpital d'Ezbekia; En Turquie, les
bureaux de vaccine^ nouvellemeat institués, ont pratiqué plus
de 7,000 opérations dans la seule année 4849-1850. On dit la
vaccination très populaire dans la Régence de Tunis, etc.
Dans le Sahara, le dromadaire âgé de deux ans est sujet à
une éruption pustuleuse autour de la bouche (1). Les chame-
liers du désert, que j'ai pu consulter à Biskra sur la prétendue
utilisation du contenu de ces boulons à titre de vaccin par les
naturels du pays, m'ont toujours affirmé n'en avoir jaumis
entendu parler.
Terminons, enfin, ce chapitre, en signalant une croyance
partagée par grand nombre d'Arabes : c'est que les épidémies
de varioles apparaissent chez eux à des époques périodiques
assez fixes, trois ans selon les uns, quatre ans selon les autres.
(i) Voyez Revut iTOrieal, ii\.\.
- 445 —
On a vu jusqu'ici que tes affections cutanées sonl très nom-
breuses chez les Arabes, — facilement transmises par la géné-
ration, — déterminées parle climatqui surexcite lasensibilité
elles fonctions . cutanées, *— entretenues d'ailleurs par les
excès vénériens^ par Vabus des condiments stimulants et par
une malpropreté constante dans les vêtements parla nature
laineuse de ces derniers, par Thumidité habituelle des maisons
et des tentes, etc. On ne s'étonnera pas dès lors d'apprendre
que les dartres et la gale sont fort communes dans la population
indigène de l'Algérie. Comme nous Pavons déjà dit, hazaxa
est le nom de toute dartre : Aa^araia me/Ai (dartre des princes)
indique Peczéma chronique ; hazaza akla (dartre rongeante),
le lupus; hazaza elliiokhedj menhou elma (dartre d'hall sort
de l'eau], la dartre squammeuse humide. Ces diverses variétés,
peu connues du reste de la masse de la population, ont à peu
près toutes le même traitement lacal, qui consiste en frictions
avec du mokh beugri (moelle de bœuf) ; — avec un onguent
composéde^a^ouna^Ma/ (savon noir] et de khmira (plante?)
(ce dernier mot signifie aussi du levain, mais nous avons tu
que les ferments sont inusités chez les Arabes, dans la panifi-
cation) ; — avec un mélange de kebrit (soufre] et d'huile, —
ou bien avec de la graisse de dib (chacal), après avoir lotionné
la peau à Taide d'une décoction de choAr (orge) et de jus de
/ei/'e/ (raifort).
A Biskra, on commence par laver la dartre avec du savon
noir, et on la frictionne avec un mélange de zatr' (thym^ et
de cervelle de bœuf broyés ensemble.
Pour l'eczéma chronique, il faut prendre du vieux cuir de
souliers [djeld qiiedim essabbath), du poil de chèvre [chahar
el maza), du coton (quethene), du son d'orge [nekkala ech
chair); incinérer toutes ces substances ; incorporer les cendres
dans de l'huile, et se frictionner avec ce limincnt.
- 446 —
La dartre squammeuse humide doit céder à un mélange
d'huile et de saffar béidha (jaune d'œuf) dont on enduit la
région malade i il est bon de manger en même temps tous les
jours un peu de cette même composition.
Dans l'Afrique occidentale, dit le géographe arabe Edrisi (4),
certains habitants sont sujets à la gale, en sorte qu'à ce
signe, dans tout le pays et dans toutes les tribus du Soudan,
on reconnaît un zaghououi ; s'ils s'abstenaient de manger du
serpent, ils en seraient totalement exempts, — Ce n'est pas à
coup sûr cette alimentation particulière qui rend la gale [dje-
reb) presqu'endémique dans la population indigène de nos
possessions actuelles. Les Arabes la guérissent en frictionnant le
corps avec du goudron (quethrane) ; ou du suc de harmel
(rue puante) ; soit avec un mélange d'huile, de vinaigre et de
cendres de bois de defla ^laurier-rose). On conseille également
de laisser de la poudre fine de henna (lawsonia inermis) plu-
sieurs jours sur le corps.
Quand l'affection psorique est ancienne, invétérée, on doit
boire pendant trois jours de l'eau et de la bile de vache
(merarat tl beugri) dans lesquelles on a pilé du habbtn
(graine du laurier rose), et on fera bien de manger en même
temps une galette composée de farine (dequiq)^ de blanc
d'œuf (ii'adA el beïdha), de soufre (kebrit) et d'huile. — Un
autre remède, également très en vogue, consiste à couvrir tous
les boutons psoriques avec un mélange de vinaigre et de
cendres de bois de safsaf (peuplier blanc de Hollande). —
Du kebrit soufre, du tartar (tartre), de l'alun {chebb), du
savon et de l'huile, bien mêlés ensemble, forment aussi une
excellente pommade. — Il est des toubibes imprudents qui
conseillent de manger pendant quelques jours du habben
(graine de laurier rose).
(i; Trad. it A< Aubert, t. I, p. ni.
- i47 -
U existe une variété de gaie appelée souldly dont les bou-
tons extrêmeitient nombreux sont très durs et d'un noir très
foncé. Pour la guérir, on pile ensemble du beurre frais de
chèvre [maza), du sel et du skendjebir (gingembre) : le tout
est mêlé à un peu d'alimcnls el placé sur le feu dans une
marmite n^ttf^e. L*ébullition prolongée détermine unera^Aoua
(écume) très abondante dont on devra recouvrir chaque
bouton.
Dans la gale, comme dans toute affection dartreuse, les
Indigènes à proximité des eaux thermales et sulfureuses
utilisent ces dernières comme médication principale et externe,
en désespoir de cause.
Les Européens désignent en Algérie, sous le nom de* gale
bédouine [hhàbb lareug, bouton de la sueur), une éruption
vésiculeuse qui se manifeste surtout dans les premiers jours
des fortes chaleurs : elle n*est nullement contagieuse et n'a
rien de commun avec la gale que le nom. Pour la guérir, les
Arabes qui la connaissent parfaitement bien, prennentun bain
maure ou font une ablution générale dans l'eau courante, et
se frictionnent aussitôt après avec un mélange de jus de
grenade (roummane) et de henna (lawsonia inermis). Le
lendemain seulement on retourne au bain pour se nettoyer.
Dans les abcès, les phlegmons^,' frictions avec de l'huile, ca-
taplasmes [lezqà) de bouse de vache, pour hâter la suppura-
tion. Quelquefois, scarifications^ur la tumeur avecle fer rouge.
— Le D' Giscard a publié, en <835, l'histoire d'abcès mul-
tiples et considérables, spontanément développés chez une
femme arabe de 24 ans, à la suite de la descente des montagnes
pour venir habiter la plaine. — La malpropreté, le peu de
protection suffisante de la peau contre les vicissitudes atmos-
— 448 —
phériques, expliqucnl le grand nombre d'abcès (det^m/a) que
1*00 rencontre généralement cbez les Indigènes. .
Les loupes (ghobghobeha) sont respectées par les Arabes,
qui les attribuent à la présence d'un ver (doUda) qui aurait
engendré beaucoup de petits, tous logés dans la tumeur. C'est
sans doute le passage de quelques matières concrétées, filifor-
mes, à travers les ouvertures spontanées de ces kystes qui aura
donné lieu à cette croyance.
L'Indigène n'a point l'habitude de traiter la tumeur xouaë^
erkeb (la tumeur de l'étrier] que produisent près du coude-
pied la pression constante et le frottement de l'étrier.
Les tumeurs sont généralement combattues avec des féuilies
de kermotASs ennsara (figuier des Chrétiens, le cactus opun-
tia), préalablement chauffées sous les cendres, puis ouvertes
avant d'être appliquées.
Les pustules diverses qui se montrent an visage disparaissent,
d'après les À'rabes,au moyen de frictions avec le suc des feuilles
de khaoua (ricin) broyées et fortement exprimées.
Les jeunes enfants sont sujets à un gros bouton, unique ou
multiple, qui vient à la tête et qu'on appelle groheu (?) ou
simplement deumla. On le fiictionne avec de l'huile qui a
bouilli avec de Vafsa (noix de galle) ; on peut aussi le couvrir
avec des cendres de coquilles de vieilles noix (djouz), ou bien
avec un cataplasme de racines de khaoua (ricin) écrasées dans
de l'huile. — 11 est également conseillé de piler très fin du
/ei/e/ (raifort) avec du lait de femme, et d'appliquer cette com-
position sur la tête préalablement rasée :ce topique y restera
trois ou six jours.
Plusieurs médecins militaires, enlr'autres MM. les docteurs
Beylot, Massjp, Quesnoy (1), Poggioli (2), ont décrit avec soin
^i) Voir leu« traraox dans le Recueil des mémoires Je mette cira et de chirurgie mi/itaires.
{%) Tkite inaugurale, Paris, jniïlcl 1847.
— 449 —
une affection cutanée que l'on observe à Biskra (4), et par cela
même appelée bouton dé Biskra. H. le docteur Guyon, méde-
cin inspecteur de Tarmée d'Afrique, remarquant la présence
de cette maladie dans les oasis du Zab, a prop(^ de lui donner
le nom de bouton des Zibans (2). Pour les Arabes du pays,
c'est tout simplement hhabb (un bouton).
Après d'assez fortes et longues démangeaisons, un point de
la peau rougit, se tuméfie peu à peu; un petit bouton, un
petit tubercule se développe très lentement dans Tépaisseur
du^ derme. Au bout d'un certain temps, ce dernier, desséché
par plaques et par couches, donne passage à quelques goutte-
lettes de sérosité citrine ou de pus. Une croûte se forme; sa
chute met à nu une ulcération d'un rouge assez vif, à bords
frangés et à pic, dont le fond, séro-purulent, tapissé d'une
pellicule blanchâtre, sécrète constamment une sanie abôn-
dante» àodeur particulière.
Cet ulcère, généralement circulaire, se développe lentement
en tous sens, causant non de fortes douleurs, mais plutôt de
la gêne et du picotement. La grandeur de cette plaie chan-
creuse, qui peut être unique ou multiple sur différents points
du corps, varie beaucoup; elle ne dépasse guère 6 à 7
centimètres. Son siège de prédilection est sur les membres et
la face (oreilles, aîles du nez) ; M. Beylot en a observé une sur
le gland, une sur la langue et une autre sur le synciput.
J'ai vu de très volumineuses croûtes occupant le périnée
d'un Arabe souvent à cheval par sa condition de courrier,
et d'autres affectant les seins d'une jeune Indigène. Des
Arabes des deux sexes m'ont également présenté d'assez nom-
breuses ulcérations siégeant sur le tronc et surtout dans la
région dorsale. Les formes papuleuse et tuberculeuse ont
semblé moins fréquentes.
(i) Capitale de» oefit detZIbao», «n nord du Sahara.
(>) Pluriel de Zab.
— 450 —
Cette ulcération opiniâtrement rongeante attaque aussi bien
la population civile et militaire que les Indigène de Biskra*
Les hommes et les adultes paraissent prédisposés. On en a vu
quelques cas à Batna (à 120 kilom. environ plus au N., dans
les Monts Auress), mais sur des personnes qui avaient récem-
ment habité le Zab.
La marche très lente, en quelque sorte chronique, varie de
plusieurs mois à un an, dix-huit mois même; elle ne paraît
pas avoir d'influence fâcheuse sur la santé générale. II arrive
cependant que dans certaines parties, aux environs des arti-
culations, par exemple, elle détermine l'engorgement des
glandes voisines. Je ne sache pas qu'aucun décès ait été direc-
tement causé par cette affection.
' Quand les croûtes, d'ordinaire larges, épaisses, jaunâtres
ou brunâtres qui ont recouvert l'ulcération, viennent à tomber
d'elles-mêmes au bout d'un tempà plus ou moins long, elles
mettent à nu une cicatrice livide, d*un rouge lie de vin,
violacée, gaufrée, ou, mieux, chagrinée, mais indélébile. Le
derme est déprimé plus ou moins fortement par une véritable
perte de substance.
Quelles peuvent donc être les causes d'une telle affection
qui sévit à toulc époque de l'année, mais de préférence en
automne? Serait-ce l'abus des dattes, fruit principal du pays?
Les Turcs, comme on Ta déjà fait remarquer, appelaient cette
maladie mal des dattes; mais cette dermatose sévit aussi bien
sur les civils et les militaires qui ne font point, comme les
Indigènes, un usage presque exclusif de cet aliment. — Serait-
ce la syphilis? Mais l'ulcère du Zab attaque aussi facilement
ceux qui n'ont eu aucun accident vénérien et ne semble pas
apparaître de préférence chez les syphilitisés soit à l'hôpital
de Biskra, soit au dispensaire de la localité, etc. — Serait-ce
la qualité de l'eau saumâtre, salée, qui forme l'unique
— *f>l
)
boisson du pays ! C'est peu probable, d'abord parce gac des
officiers et des habitants qui ont bu très peu de C€tte eau, et y
ajoutaient beaucoup Je vin el une nourriture aussi conforia- '
ble que possible, ont été tout de même atteints de cette
dermatose; ensuite parce que des personnes qui ne buvaient
que de l*eau prise à El-Kanthra, c esl-à-dirc avant qu'elle ail
parcouru les terrains salins de la plaine pour arriver à Biskra,
B^ont point pour cela acquis rimmunité contre Faitaque de
cette ulcération.
Pour nous, txinsîdërant que ce nnal n'est point propre à la
localité de Biskra, dont on lui a donné le nom, que sa marche
est chronique» souvent stationnaire, nous croyons devoir lat-
trîbuer aux conditions climalériques, principalement météoro-
logiques, en un mot, à la constitution médicale atmosphérique
du Sahara (1). On 1 observe, en effet, non seulement dans le
Zab, mais à Tougourt, à Ouargla, dans le désert même, nous
ont affirmé des Saharis. Aussi, aux divers titres de sa nature, de
son aspect, de son caractère rongeant, de son indolence, de sa
résistance à tout traitement, de son origine topographique,
préférons-nous 1 appeler chancre du Sahara.
Il y a dix ans, lors de l'occupation du Vieux-Biskra, cette
affection était, au dire des Indigènes, beaucoup plus fréquente
qu'aujourd'hui. À cette époque, en eiïet, l'oasis avait une
ceinture inéphiiique de vastes nappes d'eau salée dans laquelle
"'îes liabiiants lavaient, fais^aient leurs ablutions, jetaient leurs
immondices, puisaient même leur boisson, etc.; mais, depuis
l'arrivée des Français (1844), tout cela a changé; la localité
s'est promplement assainie. Les Arabes avouent eux--memes
qu'ils respirent un air plus salubre et que le nombre des
bmunnx fie Biskra a diminué d'un quart au moins.
,U,^ h"
mm
— 452 —
Encore un fait qui senïblc venir à Tappui îles conâittotis
Tnéléorologiqoes spéciales dans Icârfiiclles je vois l'origine M
cet ulcère, c'c^l qu'îiBisLra, conirne Jans toutes les oûMit,, la
cicatrisalion générale dm plaiesi de la plus petite soiutian de]
continuité^ est lente, beaucoup plus lenle que dans les autrei]
parties de TAlgêrie que nous avons parcourues du Nord aiij
Sud. M. le docteur Giard faisait égaleineiil» en <8l8, UDfltj
observation analogue. <( Un fait que nous n'avons pas encore
osé affirmer, disait-il dans un de SOS rapports» mais auquel sa
fréquence donne un caractère de certilude, c'est la lenteur
avec laquelle les moindres écorchures guérissent. 11 est pres-
que impossible d*obtenir la réuniou par première intentionJ
des plaies par instrumenb tranchants; les vésicatoires volant
eux-riiénics ne sèchcnl guère qu'après une (juinzaine de jour
A quoi alU'ibuer cette suppuration qui se pruduit partout 1
Ceci est très diflicile à dire, etc. »
M. le docteur Quesnoy n*a vu dans celte afïeotioû que
bouton d*Alep. M. le docteur Cabasse (1), qui pense l*avoii
observée aux environs de TIemcen et dans le Maroc» sembk
lui adtoettre une nature svphililique. M. le docteur Valette (S
dit tjue c'est le rupîa simplex le nipia proéminent de
Anglais, que cette affection ne serait point rare à Pliilippeville
{sur le littoral), et que les Maltais y offrent souvent des ulcère
qui ont celte même origine. La description que donne
médecin militaire permet, en effet, de rapprocber sur certaine
points les deux phénoménisations patliologiques, mais eUt
diiïère trop sous d'antres caractères du chancre Saharien,
Quant au bouton dMlep, d'après M, le docteur Guyon (3), h
cicatrice en serait petite, blanche, adhérente aux os» partît
larîtés que nous n'avons point observées dans le boulon
(t) Rrfmt.^h e^fthMdêi fHntmmt frmm^vài thtthi Ar^i , il49* p, l3.
(«) T. XI dfl U a* lérît àtt Mm. é* met. H 4* ekttittg, mSUiûMf.
(I) T. XXXIX id.
— 453 -
Biskra. Enfin, un ei-médecin sanitaire, ledocteur Wiilemin (4],
n'a jamais vu un seul boulon d'Alep développé sur le tronc,
siège assez fréquent de la tumeur chancreuse qui nous occupe
ici.
Un fait curieux, c'est Texistence de cet ulcère chez les
chevaux, surtout pendant et après les fortes chaleurs. Nous
l'avons souvent observé à Biskra. av^c un vétérinaire prussien
fort instruit que des raisons de famille avaient forcé à s'engager
dans le V régiment de la légion étrangère. Toutes les régions
du cheval peuvent en être le siège. Cet habile vétérinaire, qui
attribuait en partie cette maladie à l'action de^ eaux qui
saleraient trop la boisson et les fourrages (paille, foin) à l'usage
des animaux, faisait abcéder les tumeurs avec des cataplasmes
de mauve. A l'ouverture, nous trouvions constamment un gros
bourbillon visqueux, très infect, exempt du ver que présentent
en été les autres boutons; puis la nature chancreuse de l'affec-
tion se dessinait immédiatement, et lui faisait prendre des
proportions de plus en plus grandes. Lorsque l'ulcère n'était
pas très profond, le cérat simple et l'essence de térébenthine
suiSsaient; dans les autres cas, une pommade composée de
cérat et de sulfure rouge de mercure parvenait, après un temps
plus ou moins long, à amener la cicatrisation. La pierre infer-
nale réprimait durant quelques jours les bourgeons charnus
exubérants, et il restait une marque indélébile aussi grande
que la tumeur, et recouverte de poils blancs. En même temps
que ces ulcères de Biskra, cet habile vétérinaire m'affirmait
avoir toujours rencontré des maladies du foie ou du cerveau,
des hydropisies principalement. Il considérait cette ulcération,
plus ou moins multipliée sur chaque animal, comme une sorte
de vaccin, de virus particulier destiné à préserrer les organes
intérieurs dans une zone climatérique aussi chaude. Il ne
l'avait, du reste, observée que sur les chevaux.
(i) Mtm'ùrt sur le bouton tf^tep t 6'ar. médîctj* lit Paris, avril i854>
ië4
Tous les remèdes possiWesontcl^épuisés sans grand suc
contre le chancre Saharien, Les caustiques au début
semblé diminuer l'intensilé du mal. Les Indigènes et plusieul
militaires et civils se sont bien trouvés de bains généraux
locaux dans les eaux thermales salines et sulfureuses voisine
de Biskra. J'ai obtenu plusieurs guérisons assez promptes
alftai|uanl les croûtes par des cataplasmes ordinaires très
chauds, souvent répétés dans la journée, et en recouvrai
ensuite les ulcérations de plumasseaux enduits de pommad
composée de ijuantilés égales de soufre et d'iodure de pots
sium ; la liberté du ventre doit être rigoureusemeol observé
Le changement de localitéa toujours été suivi de bonsrésullalj
en général.
Les habitants de Toasis de Biskra emploient, ontr'autre
remèdes, récume que forme Teau avec laquelle on fabriqti
le savon noir. Cette matière 1res caustique aurail, disent-ils, 1
propriété de hrûler le bouton et de le faire cicatriser de suitj
Les cicatrices indélébiles ont toujours lieu, mais la durée
raflection serait bien moindre (1)*
On rencontre, dans hi villes comme dans les campa
arabes, beaucoup cFcngorgements des membres inférieur
compliqués de dégoûtantes et vastes ulcérations. Les Indigène
ne savent nulteinent différencier leurs causes délcrminaiitc
et les traitent comme les plaies ordinaires; ou, pour dire plul
(f) A u uintarnl 'QÛ cc( nrlirtrtur le Ckoncr* Jtt S^ûiara ulllaii élrn imprimé, ti<tU4 4fi»Qi. «u
oanA«i«iiincc d'un f^nfni dt tupogmphit médicvU tur Bùifv, pair M. le IV Hèûlé (thèA« intu^^
raU, it49}« C« ii»éd«cii« miliialrr, qm regarde le Aiufww ée Bakra ooiuinf •» îd(!ntJi4i|u«> #«
bouton â'hîep, h M9<ifiaân(](T(pA^P 33) s « Crltr friiptîon De «rrtiit-rll« pju p*rHenl«4»r# i
dirait* €i av trmfUcer*ii-cïlv pm \a vatMû, donl noiu a^avi^d» patob^err^un *mul i
fftnAuRÎ nottf «^jour ? Ifoa? émettons critr lappoittinn a\ ce louie la înct\'t du doate. n
que nooi Ji?*m* rapporta jmfe 433. à pmpo» âc IVpîHi^mie rtrioTviu» d« il 47 * Bt«àr«, ni
ctvmUtaiion (jita omu avnnf r«ite ilu ctiducre Siilinriri] cb#7 drti liittigi^ncJ varinW», d«
— 455 ~
vrai, ils ni les trailentpas du tout Les ulcères sont extrême-
ment communs par origine scorbutique, sypbylitique et dar--
treuse surtout. La malpropreté et la négligence les entretien-
nent principalement aux jambes. Les habitants des plaines
marécageuses en présentent un grand nombre. L'absence de
tout soin entendu laisse l'ulcération désorganiser a son aise le
tissu cutané et produire d'interminables et profondes plaies.
Le hefma (lawsonia inermis), le zenejar (vert-de-gris) pulvé-
rises, sont employés comme topiques. Quand l'ulcère affecte
une tumeur, il ne prend pas de dénomination particulière, .
c'^st toujours une deumla (tumeur) ; si cette condition n'exista
pas, rulcération.s*appelle aWa (c.-à-d. qui ronge).
Dans les brûlures (hherqua)/\l faut recouvrir la partieavec
un cataplasme de farine (dequiq) saupoudré de felfel (poivre),
ou bien avec des kcrmous (figues) bien cuites.
La congélation [djemad) atteint aussi pafKois les Arabes.
En janvier 1848, à Sélif, à la suite de froids rigoureux, plu-
sieurs Indigènes se présentèrent au Bureau Arabe, les pieds
com'plètement gelés. Leurs toubibes sont impuissants contre
cet accident.
Les maladies des os doivent leur fréquence à la syphilis,
aux lésions traumatiques que l'art des médecins arabes ne
peut combattre ou traiter convenablement. Carie des os du
nez, du tibia principalement, des surfaces articulaires, exos-
toses nombreuses, nécroses, etc., tous ces redoutables accidents
poursuivent impunément leur marche et leur travail de dégé-
nérescence organique, l'Arabe n'ayant que le feu (nar) à leur
opposer. Les difformités articulaires que présentent à chaque
pas les Indigènes, sont une preuve évidente de leur ignorance
et de leur inhabileté dans la réduction des luxations. Ils se
bornent dans Tenlorse ^(feuss), la diastasis (rtowa) et le dé-
im
1
placeiîieiil grave, cuiupliqué (dreuss el m/a^sol, pilement
irune articulation) des pièces osseuses, à pratiquer un mas-
sage [tedeliq) doux et prolongé sur rendroit même et IH
parties environnâmes, afm de ramener peu à peu, dans leur
position normale, les organes disjoints. Ces frictions répété
sur les cordes ïniisculaiiv^s, à leurs insertions surtout, peuvt
évidemment combattre puissamment leur tension, leur cou
traction consécutives à raccident; mais, loin de calmer
douleurs, elles ne contribuent souvent qu'à les augmente
L'absence de notions anatomiques empêche, d'ailleurs,
bien coaptcr les fragments articulaires : les frictions huileu-
ses, des scarifications avec le fer rouge sur différents pointsde
la jointuitî, de la poudre de henna comme topique, complète!
un Iraitemenl dont on coniie bien plutôt le succès aux soins <
la nature.
Les mêmes moyens s'appliquent exactement aux fractures
[tekessir]^ depuis le massage jusqu'aux divers topiques. 1^1
membre est, en outre, tiré plusieurs fois dans le sens de S^
longueur» afin de combattre le raccourcissement musculaire,
pratique extrêmement douloureuse, au dire même dc6
Indigènes. Leurs touhibes se gardent bien d^onblier le feil
car ce remède liéroique, cette panacée chirurgico-mcdicale qll
Ole, disenl-ils, h poison des nerfs, doit prévenir aussi oï
foule d'accidents ultérieurs. Dans les fractures du tronc» ofi y
joint quelquefois une large et longue pièce en laine en guise
de bandage de corps. ^U
Le maintien des fragments osseux est obtenu, aux membrc^ïB
à Taîde d'une djebira [appareil) qui varie quelque peu suivant
les localités, mais dont le principe reste toujours le mêmi^H
Il comprend trois choses à considérer : les matières q^E^^
recouvrent le siège de la fracture, la pièce qui maintiendra le
membre, les moyens d'immobilisation. I**0n recouvre d'abord
une assez grande étendue du utembfe avec des touffes de
des
I
— 467 —
de chameau, de laine de mouton, ou d*herbes fines et^bes,
ou de vieux morceaux de bernouss, de haik ; on 1^ imbibe
préalablement d'huile, ou de miel (acel), de résine (goudron)
ou d'un mélange de blancs d*œufs et de henna en poudre.
— 2'' Le membre est ensuite enveloppé d'une ou plusieurs
pièces solides assez larges pour en faire au moins le tour :
ce sont des morceaux do vêtement, quelquefois des peaux
de mouton, de chameau, etc. — 3^ L'immobilité de ces diverses
pièces et du membre s obtient en passant dans les ouvertures
pratiquées aux bords des tissus de laine ou des peaux, des
espèces d attelles (chelig, aoud, khelha) en djerid (branche
de palmier], en joncs [ssemar), en petites branches, le plus
ordinairement en fragments de roseau [quas$ba) : leur nom-
bre varie suivant la longeur et le volume du membre» le plus
souvent de six à dix. Leurs extrémités sont presqyè toujours
maintenues en regard des extrémités de l'os fracturé» et à égale
distance les unes des autres, par un lien [rboth] qui les serre
toutes, soit en haut, soit en bas. Néanmoins, ces ligatures
(cordes en palmier, en poil de chameau) peuvent être également
répétées çà et là sur divers points de l'étendue de l'appareil.
Leur striction se gradue parfois à Taide d'un petit bâton qui
fait office de tourniquet et dont ou attache une extrémité après
une des attelles. — J'ai vu en Kabylie des Indigènes, au lieu
de tous ces moyens de contention, se borner à coudre les
bords de la plaque de cuir, du morceau de peau, de manière
à enfermer le membre dans une sorte de guêtre, d'étui assez
serré. À Biskra, on trempe des morceaux de bemouss dans de
la résine bouillante, on en enveloppe le membre et l'on se
contente de superposer quelques attelles. —D'après M. le
docteur Lacger, les Arabes ménageraient dans les diverses
pièces de l'appareil des ouvertures pour observer et panser
les plaies dont les fractures seraient compliquées. J'ai vu et
examiné uji assez grand nombœ de djebira dans les provinces
— 458 —
I
J'Alger et de ConsUntine, jamais je u*ai remarqué cetli
motltliculion. M. Giiyon dit également avoir vu à Conslaoli
chez tin kuJiyle de Kollo, un bandage à fracture avec deux
ouvertures pour le pansemeni des plaies.
Est-il besoin de parler des accidents qui ne lardent pas à
déclarer quelques jours après Fapplication de ces appareil
Des gonnernents énormes par arrêt de circulation, des do
leurs intolérables, ta gangrène assez souvent, des abcès au
au lieu même delà fracture et sur les points les plus violent6^H
par la compression, des difformités hideuses, des cariet"
osseuses consécutives, des pliéiiomènes fort graves, en un mat,
qui prouvent irréfragablement les inconvénients el les dangers
inhérents, non pas à ces bandages, à ces djtbira, mais bien à
la manière dont on les applique sans méthode, sans soins,
dont on surveille peu leur maintien prolongé, à Tignoran
enfin du toubihe qui n'a pas l'observation pour guide daoi
leur emploi et n'est en réalité qu'un mauvais et triste rebo^
teur. Fûderé, en effet, remarque (1) avec justesse que le boi
reboiileur ne peut réussir que par la connaissance parfaite
la forme el de la connexion des parties sur lesquelles il opëri
et que son habileté gît surtout dans la connaissance d'ui
ordre, d'un arrangement qui est immuable, etc. Or, de Icli
conditions manquent conjplètemenl au médecin Arabe I
Le docteur Lacger avance que le mol rebouteur tire
origine du mot arabe rebaîk (lien); il y aurait peut-être
objecter que les moyens employés par le rebouteur consiste
bien plus en manipulations qu*eu applicatioîi de bandages.
Quand les douleurs cl le gonflement augmentent cl
deviennent insupportables, les Arabes se décident parfi
k lever l'appareil, et à recouvrir le membre d'un mélange
miel et de chenedegoura (teucrium chamœpitys), plante c
(i) J>/«rl««Mfrff 4rJ rdfflcw midkAlti, u XXXXTIl.p. «79.
— i59 —
passe à leurs yeux pour très antispasmodique. — Quant au
régime du blessé, il est généralement nul, comme d'habitude
dans le cours de toutes les autres maladies. Quelques toubibes
conseillent cependant une diminution dans les aliments, des
bouillons de poule et permettent des fruits (dalles), un peu de
miel, etc. ; ce semblant de dièlo paraît plutôt inspiré par
l'instiact et les souffrances aiguës du patient que par Texpç-
rience et la raison.
Le docteur Gabasse (1) a décrit un appareil employé par les
Arabes dans les fractures de la clavicule ; il consiste en ub
coussin axillaire, retenu par une lanière de peau passant ^ sur
répaule opposée; ils entourent ensuite le bras jusqu'au coude,
de peau molle et douce; des courroies cousues à celle-ci
servent à maintenir d'une manière fixe le bras contre le
corps. » — Dans quelques tribus, on se contente de tamponner
la cavité axillaire avec de la laine, à peine le bras e&t*il
immobilisé par quelques tours de corde en poils de chameau.
Les fractures des articulations ont aux yeux deTArabe une
gravité extrême ; ignorant les dispositions anatoniiques les
plus élémentaires, il ne se rend pas compte des accidents qui
les compliquent.
En résumé, l'amaigrissement complet et rapide des appen-
dices, — les claudications, — les raccourcissements extrêmes,
— les directions vicieuses dans les membres, — les paralysies
consécutives, — les cicatrices les plus irrégulières, — etc., —
accusent malheureusement trop fréquemment l'inhabileté com-
plète des Arabes dans le traitement des luxations et des frac-
tures. - Leur appareil, dont on a fait l'éloge avec un
véritable enthousiasme de collège, remonte du reste à la plus
haute antiquité. L'instinct a toujours, en effet, indiqué la né-
cessité d'immobiliser avec des corps longs et durs, ainsi qu'avec
(i) Ae/iy. «W. ehirwg. d« la eaptintédet priionniers français ck«s Ut jérmbti, p. 8&
— 460 —
des liens, les membres acciJentellemenl
X, à propos
On Ht dans Ezécliiel, ch.
isjoints ou rompe
d*Lmc fraclure
bras du fils de Pharaon
ents
u ut restitueretur ci sanitas, tit llgaretur panols, ut fasclaretur
Hnreolis »
M. Deleau avoue, du reste, avoir asseiî observé les appareil
à fractures des Arabes pour être revenu de préventions fav<
râbles ; il a vu, nombre de fols, des gangrènes consécutives
leur emploi. — Ce qui manque évidemment aux empiriqu
Indigènes^ c'est de savoir modérer la compression, de n'appi
quer Pappareil définitif qu'après avoir combattu le» accidenta
inséparables de la violence tramatîque, de connaître la néi
silé des ganlelels» de savoir tout le danger de Toubli des
quilles complètement libres et des corps étrangers, etc.;
un mot, ce qui leur manque, c'est.... Tobservalion. Rien que
cela,... Les moyens douloureux auxquels ils recourent pour
obtenir la coaptaiion d*?sfragmenlsrappellentassezla pmtiq
à'Albucasis qui, non content de multiplier les tractions d'e:
tension et de contr'extension, emplcvait ena^rc de violen
machines pour -ramener les os dans leur position normale.
Oii donc des esprits judicieux (I) se son l-ils convaincus qii
\estoubibes • excellent dans la réduction des luxations etd
fractures et dans Y application à^s, appareils et des bandages?
et que <t le système de déligation des plaies que H. Ma) or a
sans doute perfectionné est depuis longtemps connu et m
enpratiquep^iY les Indigènes de rAlgériel » et que « rAlgéri
sans doute modifiera nos idées sur la reducHon des luxaUa
et des fractures II *>
L*arthrile rhumatismale se traite par les mêmes tnùje
que les douleurs rliumatismales (voy. ci-dessous),
L artlirile blennorrhagique n'est pas rare. M. le docte
0) fintr'
U Qf fmttiMrlt Vcy, mMit. d»fu CÂ^^» t^pt* p* «II* 3f| «l li«.
— 461 —
Colonna (1) en a cité un cas intéressant chez un Arabe
employé dans les Spahis : la jointure malade était le genou.
M. Reviel a publié (2) une observation d'arthrite urêtrc-sym-
pathique chez un tirailleur Indigène, à la suite du passage de
sondes dans Turêlre atteint de rétrécissement.
La goutte est pour ainsi dire inconnue en Algérie : la
nature peu excitante de l'alimentation en donne sans doute la
meilleure explication. Aussi les Arabes Tappellent-ils dà el
melouq (le mal des princes). Le remède usité chez les Maures
consiste en cataplasmes de djir (chaux) intimement mélangée
à du savon noir.
L'hydrarthrose, surtout celle de nature syphilitique, se
rencontre encore assez souvent ; les topiques ordinaires
employés contre les tumeurs (voy. plus haut) et les pointes de
feu autour de l'article, sont les principaux remèdes.
Insuifisance des vêtements, surtout sur les membres, cou-
tume de coucher sur le sol frais, humide, ou de ne s'en isoler
que très imparfaitement (nattes), mauvaise confection des
tentes donnant trop librement accès aux courants d*air nuit
et jour, température extérieure généralement inférieure à
celle de la peau à laquelle la nécessité de l'équilibre oblige à
enlever l'excédant, d'où tendance permanente au refroidisse-
ment, telles sont les causes cooimunes des douleurs rhumatis-
males qu'accusent un si grand nombre d'Arabes. Les parties
les plus ordinairement atteintes comprennent les articulations
de l'épaule, les reins et les membres inférieurs. Pour l'Arabe,
lahham ister alita (la chair me fait mal) signifie une douleur
rhumatismale : il l'appelle aussi quelquefois el beurd (le
froid, la fraîcheur), er-rihh (le vent), elc. Le rhumatisme
intestinal consécutif à un refroidissement, le corps étant tout
en sueur, se dit ghadda\ le lumbago, iiahallal dhahar; la
v'i) tt (aj i853, t. Il, df la »• série de* Mémêirtt tU mééttinê et tit chirurgit mihfir§i.
— *62 —
sciatiqùe, areug el sa (le nerf ou la veine de la caisse). Les
névralgies paraissent très fréquentes,' la faciale (cheguiga)
surtout. Voici la liste (Jes principaux remèdes employés pat
les Arabes contre toute espèce de douleur :
Pierres (hadjera) ordinaires, ou bien briques (ladjour), ou
bien tuiles [karmoud], très fortement chauffées, puis frictions
d'huile bouillante, sur la partie ou la région. endolorie; —
application locale de morceaux de racine bien fraîche de bon-
ne fa ^Ihapsia garganica) ; Taction de celte plante a été exposée
livre I, page 129 ; frictions avcclagraissedenàwie (autruche),
suivies d'un bain de sable [reumel] très chaud. — ' Lorsque la
douleur s'étend à toute une région assez étendue, on soumet
cette dernière à un véritable bain de vapeur local, en l'expo-
sant au-dessus d'un vase rempli d'eau dans laquelle on projette
une pierre fortement chauffée. Le malade doit avoir soin de se
couvrir assez exactement le corps entier, pour que l'évapora-
tion se concentre entre l'appareil et la partie. souffrante. —
Saignées locales avec les ventouses scarifiées ; les Arabes pré-
fèrent la saignée générale, toutes les fois qu'ils s'adressent à
un médecin français; — on conseille encore de preadre un
œuf de poule [oulad el djadj), d'en ôter seulement le blanc,
de le remplir ensuite de graine fraîche de karmel (rue), de le
bien remuer pour mélanger entièrement le contenu, et d'a-
valer. — Faire bouillir des petits pois chiches (hamous) bien
écrasés jusqu'à ce que le liquide réduise d'un tiers ; ajouter
du quetnmoune (cumin), du khounfel (clou de girofle) et une
grosse noix (djouz el kebiYa) ; laisser encore rrposer en sor-
tant du feu ; puis manger le mélange; — boire de Teau dans
laquelle on aura pilé du tsoum deker (ail mâle (4) ; ou bien
des fcusteqa (pistaches). — Frictions avec de l'huile dans
laquelle on aura broyé du harmel (rue).
(i) Lm Arabes Appellent ainsi l'ail h grosso» graines.
— 463 —.
Le massage du bain maure est certainemeni ua des moyens
les plus (Blficacps et les plus fréquemment employés : il jouit à
un haut degré de la propriété de ranimer les fonctions delà
peau. A la Nouvelle-Zélande, quand une personne éprouve
des douleurs externes, elle se couche sur la terre, et un insu-
laire marche siir le membre souffrant pour le guérir (<).
Quand le rhumatisme a fixé son siège dans la région dor-
sale, il faut mettre dans une marmite : une livre d'ail [tsoum)
mkachcheur (mondé de toute pelure) et pulvérisé; une livre
de leben (lait aigre) ; une livre dUacel (miel) ; une livre de
smen beugri (beurre de vache) ; et faire bouillir le tout jusqu'à
mélange intime et consistance pâteuse. Tous les matins le
malade en mangera un peu avant ses repas. Il aura soin ijue
le mélange complet des ingrédiens s'opère seul, spontanément,
sans qu'on y touche, et que la marmite soit chauffée avec du
charbon, et non du bois qui donnerait à la composition une
odeur de fumée désagréable.
La scialique est le plus souvent attaquée comme il suit :
Appliquersurletrajetdouloureuxdelaracinegrilléed'erfrw
(thapsia foliis coronopi); — ou bien prendre des Kahhar (câ-
pres), de Tanis [habbet halaoua); faire bouillir avec une cer-
taine quantité d'eau dans une marmite neuve, boire de cette
décoction tou^ les matins. Ensuite on écrit la phrase duivante
sur un morceau de linge que l'on mouille et dont on entoure
la jambe malade : — « Dieu a dit : je te fet*ai mourir; il est
le tout-puissant dans ta création; il a fait tout ce qui sort de
terre ; tout est égal devant lui; tout retournera à lui.. » — On
peut également ramasser trois pierres, écrire sur la première,
taïcem; sur la deuxième, sicem; sur la troisième, aïcem; on
les met ensuite toutes troisdans lefeu. Dès qu^elles seront rou-
gies, on les jettera dans l'eau, et on recevra la vapeur sur le
membre malade. — Il est encore bon d'exposer la partie
(i) Renie d'Orient, 1846, t. V, p. aSi.
— 464 —
douloureuse à la vapeur qui se dégage quand ou jette sur des
charbons ardents de grandes quantités de poils d'un chien noir
{kelb akhhaf), — Le Prophète a dit : pour guérir la sciatiquo,
prenez de la graisse des fesses d'un vieux mouton, faites-la
fondre; mangez-en un peu tous les jours; frictionnez-vous en
même temps la cuisse avec de la même graisse que vous aure2
fait cuire avec un kraffech (chauve-souris)*
L'épilepsie [skina) a été observée cliez les Indigènes. Le
h* Delcau Ta rencontrée à Constantine sur quelques filles
publiques.
Celui qui a perdu la mémoire doit boire le matin du
bouillon de dzeubb (agame) mêlé avec de la bile de coq
[mourarat el diq); et <i Allah ou anahou anesiane (Dieu lui
donnera un commandement sur son oubli). »
Le tremblement continu, la chorée {rechefa), se guérit en
avalant tous les matins de la graine de rajraj (?).
Quand les enfants ont des convulsions [terrahid], on place
dans les plis de leur ôernou^^ trois graines d'à; Aar (4); ou
bien du dahab el brize (or pur). Si c'est une petite fille, ces
substances seront suspendues après ses boucles d'oreille.
Lorsque les jeunes enrants tourmentés par FagitatioD
nerveuse pendant le sommeil se lèvent en sursaut la nuit, il
convient, avant qu'ils ne s*endorment, de mettre dans leurs
vêlements, du côté droit, des excrémens de faqt (animal?); il
est bon aussi de placer sous leur tête une dent canine de
chacal ({nah eddib).
Le tétanos a été observé : le docteur Marseilhan (2) en cite
(i) Les Arabes confondent tous ce nom, le gttuyHtr de Phenicie, le gêrmrier « ftmlks dt
•idrt et le Mu/a articulé.
(2) T. UI dfs Mém. d* méd. «t êMrurg. milUaint,
— 466 -
un cas chez ud Arabe des Gharabas, qui, pour éviter un châti-
menl aurait été se cacher et s'exposer plusieurs nuits en plein
air, assez peu vêtu ; il guérit néanmoins. D'après le docteur
Guyon (4), le tétanos a régné épidémiquement à Oran ; son
développement spontané avait été observé en avril, après une
élévation subite de température, chez un Indigène qui guérit
également. L'épidémie que ce médecin rapporte à un passage
subit du froid au chaud, s'est montrée à Oran, Alger, Bône,
Bougie, etc. La rareté du tétanos {louana) chez les blessés
Arabes, donne à penser que ces épidémies se rapporteraient
plutôt peut-être à des méningites cérébro-spinales. — En
Egypte, jamais M. CIot-Bey n'a vu le tétanos survenir à la
suite de blessures ou d'opérations (2).
Les idiots {bêla el dquel, sans la raison),, les fotis [mahbel),
les aliénés [medjenouney avec un génie) ne sont pas rares en
Algérie. Les hommes paraissent beaucoup plus prédisposés
quelesCemmes.LeD'A.Bertherand(3),monfrère,disaiteni840
avoir compte 2 à 300 crétins et fous de naissance dans la seule
ville de Blidah. M. Guyon a vu à Hilah une jeune folle^ de 16
à 18 ans, s'amusant à manger des insectes et des mouches. Le
fanatisme religieux n'est point en Algérie une condition
prédisposante; les Indigènes ne voient dans le dérangement
des facultés intellectuelles que l'influence malicieuse des
djenounes qui auraient joué à l'individu le mauvais tour
d'emporter son esprit au ciel. Comme dans t(Hit l'Orient,
TArabe a un profond respect pour les fous; de là son empresse-
ment à satisfaire tous leurs caprices^ à pourvoir à tous leurs
besoins, à leur baiser la main pour s'attirer la bénédiction du
Très-Haut, etc. Les Maures ^ les laissent dans les villes que
(t) Gaz. mtdic. d* Paris, lo noTemlirc 1839.
(>) Comptt-r»ndu de l'École de médecine d'ÂbowZiAel» Cas. de* hôpitaux, décembre x83a'
(3) Me'm. deméd.et chirurg. militairtt d« i94a.
— 466 —
(les circonslanees de la guerre les forcenl à abandoBner, dans
la persuasion où ils sont que leur séjour dans ces lieux est un
gage assuré de leur retour. Delà, ajoute M. Guyon,les fous et
les idiots que nous avons trouvés à notre entrée à Cherchell, a
Médéah.... Il est vraisemblable que les Arabes reportent sur
les crélinsles mêmes sentiments d'affection (1). » — On sait,
du reste, que les idiots elles aliénés pullulent en Egypte.où ils
sont également honorés comme des saints [2], Inutile de dire
qu^avecde semblables idées, les Musulmans se gardent bien
de combattre une maladie aussi sacrée. — Tout ee que nous
devons remarquer ici, c'est qu'en Algérie, la"' corrélation du
tempérament bilieux des Indigènes avec la fréquence des
dérangements intellectuels, appuie les statistiques diverses
dont les aliénés ont fourni le sujet (3).
Toute la population Musulmane de rAlgérie souffre de la
fièvre intermittenlc,Aeufnma skhana, fièvre cliaude; heumma
bareda, fièvre froide. Dans les villes, elle se rencontre
fréquemment; M. le docteur Pinot dit même (4) qu'à Blidah
les Indigènes y sont infiniment plus sujets que les Européens.
A Alger, sur 3,398 Musulmans décédés pendant les années
1839, 1841, 4842 et 1845, on compte 313 morts par fièvres
intermittentes, dont 59 pernicieuses : c'est donc un dizième à
peu près des décès. — Dans les tribus, celles surtout qui
campent dans les vallées se trouvent littéralement décimées ;
je n'oublierai jamais les Arabes de la vallée du Chéliff, de
risser, du Sebaô, etc.; les habitants des deux sexes inspiraient
véritablement la pitié. Dans les montagnes, les fièvres in ter-
niittentes ne semblent plus rares que sur les plateaux, mais
(i) Gai. médic. de Paris, i84i« p- 8o5.
(a) Rbvxu d' Orient , x%\(î, t. VI, p. 3io. Esquisse de la civilisation ég/ptienne, par Lcsaov
x>« Vbxcla.
(3) Voir, en partîcnliisr, le' Rapport statistique sur ta maison des aliénés de Caen, par M.
VA.trsL(t. Vlll dajinnatesd'k/giène publique, p. a3o).
(4) T. LVI des Mémoires de méd. tt de chirurg. militaires.
— 467 —
elles font néanmditiâ de grands ravages. Dans le Sud même,
les accès s'observ^nl assez fréquemment. En résumé, quaiM
on considère les mauvaises conditions dans lesquelles tout
Arabe vit, soit la nourriture, soit le vêlemenl, soit le coucher,
soit l'habitation, soit l'exposition permanente à des variations
extrêmes de température et aux caprices météorologiques, oh
peut remarquer que les Indigènes n*offrent point, d'une
manière générale, encore autant de fiévreux qu'on le croirait
à priori. C'est que l'organisation normale se montre cheveux
plus réfractaire à l'action des causes qui produiseifit la fièvre,
la circulation sanguine et l'influx nerveux ayant moins
d'énergie. Mais que fois que la lutte prolongée entre l'orgar-
nisme et les influences pathogéniques se termine par le
triomphe de ces dernières, alors la flèvre, ou mieux à moa
avis (1) la névropathie intermittente, revêt un cachet parti-
culier que Ton rencontre à chaque pas. Une profonde
altération de l'hématose détermine une coloration chlorotique
prononcée: l'Indigène, plus rapidement affaibli non seulement
par une nutrition languissante, par des ébranlements nerveux
successifs, mais encore par une alimentation habituellement
insuffisante et peu réparatrice, prend un air prématuré de
vieillesse. L'hydropisie se manifeste d'autant plus prompte-
mentquc des viscères normalement volumineux compriment
énergiquement sous l'action d'un engorgement morbide, les
rameaux du système veineux abdominal. Cette cause est
surtout fréquente chez les petits enfants, que vous voyez
fréquemment courir tout nus autour des tentes, avec des
ventres énormément distendus par Tépanchement. Les autres
faits les plus saillants chez les fébricitanls Arabes, sont : 1^ le
peu de fréquence des complications, du côté de la portion
supérieure du tube digestif (vomissements) ; 2^ la multiplicité
(i) Voy. page 1 1, da Ji-aitement Jet /lèvres inttrmUuntts «n Âigéri»^ ménioire
1849 P'*!' ^* Sociëti dt médecine d'Alg*r.
— *68 —
des accès pernicieux dans le Sud; 3® la prédomiaaocedu type
tierce (hey,mma tseltsia) dans les montagnes, et quotidien
(heumma tagelioum) dans les plaines. M. le docteur Finot Q*a
jamais vu un seul accès de fièvre quarte [heumma mrebba)
sur plus de 600 Indigènes de Blidah ou des environs. Pour
ma part, je Tai rarement observée ; 4^ le stade de froid semble
peu marqué.
Ces maladies paraissent bien plus fréquentes sur le bord
des rivières [Sey bouse, 5e&(!to'),dans les plaines marécageuses
(à la Calle, THabra (Mascara), la Métidjà), etc. ; on les observe
alors non seulement fi l'état endémique, mais encore sous la
forme épidémique. Ainsi, nous citerons, entr'autres, les
ravages exercés en septembre i 8*9 par la névropathie inter-
mittente chez les Béni-Oudjena (cercle de Batna] campés sur
les chaînons de TAuress; dix et vingt morts étaient comptés
par jour. En même temps, les Ouled-Aouf, au centre des
Ouled-Soltane, perdaient cent cinquante individus en dix
jours (<). Ces recrudescences atinuelles ne sont pas rares, sur-
tout à Tautomne, principalement dans les localités dont le
terrain est argileux.
Les nombreux jardins qui entourent les oasis déterminent,
notamment à Tuggurt, à Ouargla, des affections intermittentes
très meurtrières au cœur de l'été et en automne, à tel point
que l'autorité locale prévient annuellement les étrangers et les
engage à se retirer dans les oasis voisines. Celle de TOued-
(x) Le maréchal Bogeand oe maiMiiiaU jamaÏB de reconuxiandcr aux 'heb de ecnrp*
d'éviter, poar faire camper les troupes, le Tobinage des cours d'eau, Irs bas-fonds qui, pcn>
dant le jour, prirés d'air, ofTrent une température pins Haute que les cdteanx enrironnants,
et rapidement plus Craiehe. pins hamide la nuit, ce qui, dit- il (circulaire de son camp de
Sidi'Aïckoun, aa mai it46), «suffit quelquefois pour donner une centaine de malades sor
on effectif de 3,ooo hommes. » L'illustre maréchal, en insistant sur la nécessité de camper
rar lea hauteurs, les cdteaux, toutes les fois que le terrain le permettait, ajonlait que la
forme plus ou moins régulière d'un bivouac importait peu, et qu'il valait beaucoup mieux
imposer qodques correct aux hommes et aux chevatix pour les aonstraire aux influeuces
morbides.
~ 469 —
Souf, bien connue par sa salubrité, est ordinairementchoi8ie(l).
Ouargla, située dans une plaine marécageuse, se trouye
infectée de fièvres en mai et octobre ; de même Témacin, à
cause d'un immense fossé extérieur que les chaleurs œstivales
dessèchent promptement. Les apparitions constantes de ces
épidémies à l'automne leur ont valu, de la part des Indigènes
du pays, le nom de ktoubria,
• SMl t'arrive de rencontrer visage p&le et enflé, dis : voilà un
de ces chiens d*babitants de farfar (oasis du Zab). » (Dicton
populaire dans le Sahara.)
La mauvaise qualité des fruits (pastèques, figues, melons»
etc.] tient évidemment un des premiers rangs parmi les causes
prédisposantes de toutes ces fièvres.
La grande variété des traitements remporte sur leut*
efficacité : aussi les Arabes ont-ils vite appris et reconnu les
merveilleuses propriétés de la quinine (kina). Voici leurs
principaux remèdes :
Dans les fièvres intermittentes compliquées de céphalalgie,
se frotter le front avec de la racine de bot^^efa (thapsia
garganica); vingt à vingt-cinq heures après, un gonflement
érysipéiateux se manifeste, puis des vésicules : la guérison est
assurée. — Il est recommandé de manger beaucoup de pastè-
ques (delda), cequi guérit les premiers accès de fièvre. C'est de
rhomœopathie pure, car c'est à l'abus de ce cucurbitacé que
la maladie doit spécialement son origine. — Boire une décoc-
tion de Ucelgah (turbith, globularia fructicosa], ou une dé-
coction de qtttal (scabiosa frutescens) (2). — Faire courir le
malade jusqu'à épursement de forces ; traitement sudôrifique.
— Soumettre le cou à une forte constriction, puis frictionner
(i) Rtvtiê d'Ori^ni, i844> t> VI, p. i56 ; Tugguri et tfs oasù, par M. Avmvi »i CiiAVcsi..«M
Voy. aussi Commerce dt l'Algérie méridionale, par M. Caaitts, p. «37.
(s) « J^ii m que la scabieuse comnrane de ce pays, mangée en salade 00 pMrise en d4co«-
tion bien forte, fnérit les fièrres tierces et quartes (D'Scbaw, t. I, p. 34»). »
— 470 -
iorleDieat le cou et les épaules ; méthode perturbatrice qui
agit évidemment sur l'hématose. — On conseille souvent une
tisane de fruits [houmar] de tamarin (tamarinhdy) ; usitée
également dans la Sénégambie.— Manger une langue [lesane]
de chameau [djemel) coupée par très petits morceaux et bien
bouillie. — Piler ensemble de Vafsa (noix de galle) et de Vas-
far (carthame); ajouter un peu d'eau; boire le tout. —
Décoction de chair de dorbane (porc-épic) pour tisane, ou
bien de hhachichet chouq (scrofulaire).
Contre la fièvre tierce, boire une décoction de graines de
feijel (raifort sauvage) dans laquelle on aura fait, macérer du
skendjebir (gingembre).
Contre la fièvre quarte, manger, trois samedis de suite, du
pain [khobz) uniquement composé d'orge et de blé [qmahh);
— ou piler de l'écorce et de la Jeuille de roummane (grena-
dier); mêler le suc qu'on en extraira avec du siic de zenzebil
(germandrée) fraîche et fortement pulvérisée : boire cette com-
position. — Projeter sur des charbons ardents des feuilles
et de.très petites branches tendres de safsaf (saule); respirer
les vapeurs et remplir l'habitation de cette fumée; — ou bien,
faire bouillir Aes hamous (petits pois) açoued (noirs) avec du
mettsteqa (suc du lentisque); faire bouillir une seconde fois
en ajoutant du tremass (lupin), puis une troisième fois avec
une certaine quantité d'eau : tisane quotidienne. — On peut
aussi prendre trois morceaux d'alun [chebb) : écrire sur l'un,
laligh; sur l'autre, baligh ; sur le troisième, taloughk (trois
noms de djenounes qui causent la fièvre) ; mettre chaque jour
un de ces morceaux sur des cliarbons ardents, à l'heure habi-
tuelle à laquelle l'accès arrive.
La fréquence désaffections du foie et de la rate consécutives
aux névropathies intermittentes chez les Indigènes est un fait
hors de doute. Dès 1844, le D' Perrier(l) signalait chez les
(i) D0 l'infettion jfludéennf en .Afrique, in Joiirn. tle Mcdgcint, mars i844, p. 7».
— 474 ~
Arabes de, tout âge et de toutse;Leet n'ayant jamais pris de
sulfate de quinine, les rates volumineuses, les foies engorgés|^
le&hydropisies rebelles, comme affections déterminées par des
fièvres périodiques anciennes. Les Arabes appellent ces engor-
gemens, oudjà ceqla (mal des flancs). Dans l'Afrique occiden-
tale, ils seraient (1) menaçants dès le début, et complètement
incurables. Nous n'avons point fait la même remarque : d'une
part, les splénocèles et hépatocèlés ne nous ont que très rare-
ment paru développés dès l'origine des fièvres ; ensuite, le sul-
fate de quinine à l'intérieur et en frictions nous a constamment
semblé procurer de l'amélioration très notable, nous ne disons
pas une guérison complète, parce que il est fort difficile, si
ce n'est parfois impossible, avec l'organisation actuelle du
service de santé indigène, de faire suivre aux Arabes un trai-
tement prolongé. Leurs toubibes se bornent à des pointes de
feu plus ou moins multipliées sur les régions abdominale,
splénique ou hépatique, dans les cas d'hydropisie ou d'engor-
gemens viscéraux.
Quant à la forme pernicieuse, qu'ils appellent sellema (il a
obéi T], elle se montre fréquemment pendant les fortes chaleurs,
au début de l'automne. On la voit même régner épidémique-
ïnent : ainsi en mars 1847, parmi les douairs de VOued-el-
Melh, on l'attribua à la double influence d*exhalaisons mé-
phitiques et d'eaux rendues plus saumâtres par une tempéra-
ture élevée; ainsi en octobre 1847, à Sebdou, chez les Ouled-
Ouriach; en septembre 1848, dans le cercle d'Au maie; à la
même époque, chez les Zarbâa (district de Boghar), on comptait
plusieurs morts par jour. Le traitement arabe consiste, au début
de l'accès, en boisson d'huile fortement salée ; on applique
ensuite des pointes de feu ou des scarifications avec le fer rouge,
à la nuque, d'autrefois au synciput.
(i) KafTenel, f^o/. dam t' Afrique occid. p. 3ii
— 472 —
Exprimons le regret que dans un but autant hygiénique
que commercial, les Indigènes algériens n'aient point encore
été, par les soins de Tautorité, initiés à la culture du riz dans
les plaines marécageuses (1).
Les Arabes tiennent généralement les plaies dans un état de
malpropreté extrême : ils ne les lavent jamais; n*en lotionoent
jamais les contours, prétextant que te contact de l'eau ]es
fait couler. Cependant, les blessures que j'ai eu occasion de
traiter chez eux par la méthode réfrigérante, ne m'ont jamais
semblé contrariées dans leur guérison : loin delà. C'est sans
doute à l'ignorance, à l'inhabileté dans le maniement d'un
(i) Ba i844, le directev d« la pépini^rt d'Alg«r »'«zprimftit aiMi à ce fojct :
« Les colliVAUnn devraient l'enlrepreodre dans les lieux-bas (delà Hiticyàj q[ai rotieimeat
asses d'hamiditë pendant Tétë... qu'ils ne crai(pneiit pas d'entretenir par la coltore de œltc
espèee de riz (le rix de monUgoes), les miaimes qne font Aiir les risières ordiaitirea o(m»-
tamment couvertes de plusieurs centimètres d'eau. Du reste, c'est pent4tr« de riiyntice qae
d'attribuer nnicpiement aux rizières les conséquences funestes de l'air qui les enriroaae. EUea
iont établies pour la plepart dans des marais qui* fana ello^ n'en répandraient pu nsotos
des miasmeaplns pernicieux encore. La quantité de substances végétalre en décomposition
se trouvant diminuée, et l'ran restant plus stagnante, les rizières ordinaires poarrisieiit en
quelque sorte être considérées comme moyen d'assainissement. Mais ici, l'ean s^oumam
peu à la surface du sol, il n'j aura donc pas de décomposition à redouter, rien n'jyootcra
aux miasmes déjà existants des marais ; au contraire, c'est un moyen de marcher rera l'as-
sainissement, tout en exerçant «ne industrie qui indemnisera iranédiatement lea pmni«fs
sacrifices { l'eau stagnante étant ainsi peu à peu déplacée et le sol qu'elle découvre, renaoé
et exposé il l'action de l'air, la salubrité naîtra insensiblement dans les localités maréca-
geuses, etc.
M. Voisin* missionnaire qui a résidé récemment huit années en Chine, oo les rinircs nom
très communes, donne les ren^gnements suivants :
« Les ouvriers qui travaillent an milieu d'une eau fétide et sous un ciel brAlant, ne aônt
pas plus malades que ceux qui ne se livrent pas à la cultore du ris. Dès le matin, ils bosTent
du thé : à déjeuner, À dîner, à souper, entre les repas, ils en boivent encore, ils ont de la
viande au moins une fois par jour. Le tbé qu'ib prennent entre les repas est toujours accom»
pagné d'herbes salées et sèches. Ib fument leur pipe à plusieurs reprises. Enfin» epMa le
souper, ils se lavent tout le corps avec de l'eau bien chaude, et ib évitent aTcc le plos
grand soin de boire de l'ran froide. Ce régime suivi avec rigueur et persévénuice permet
aux ouvriers d^ travailler impunément des journées entières avec de l'eau jusqu'aux genoux
{Magatin Ptttor*tque, i84o, p. a6o).»
— 4-3 —
agent thSS^inîque aussi pnîcieux, aussi important, qu'il
faut rapporter le peu de réputation dont il jouit chez les
Indigènes, Peut-être remploi habituel de l'eau, h titre
religieux dans les ablutions légales des lisâus sains, leur fait-il
craindre d'en profaner Tusage en l'utilisant à lotionner des
parties chargées d'impuretés njorbides. Nous renvoyons a ce
sujet au chapitre II de VHyyiène publique, page 239. — Les
plaies, en général, a-t-il été dit plus haut, guérissent avec une
promptitude et une facilite merveilleuses chez TArabe, à
fortiori quniïA elles sont convenablement traitées. L*illustre
Larrey et Clot-Bey ont fait la même remarque en Egypte. M,
Baudens [i) observait en 1830, lors du débarquement des
Français en Algérie, que « dans ce pays où la chaleur est très
forte, la cicatrisation des plaies s*opère avec une très grande
rapidité. » Tout médecin militaire appelé â soigner des Arabes
aura certainement fait la raême réflexion. Un exemple des
plus saillants à ma connaissance serait le suivant : Un des
Ariba campés dans la plaine de Tisser, reçut dans un engage-
ment avec des Kabyles (1851) une balle qui lui traversa de
part en part la cuisse droite, la peau du scrotum en deux
endroits et la cuisse gauche. Malgré ces six blessures, il ne
m offrit jamais le moindre .symptôme de fièvre pendant le
traitement, et au treizième jour, il se trouvait complètement
guéri ; ses plaies entièrement cicatrisées, cet Indigène de 45 à
SO ans remontait parfaitement à chevaL
Les traitements usités chez les Arabes consistent à recouvrir
les plaies (djerrha] de cataplasmes faits avec des excréments
d'animaux (bœufs, chameaux) délayes dans un peu d'eau. Us
appliquentégalementdeiî feuilles \\'aUaïq (églantier) broyées
dans de rhuilc. Dans le Sahara, on remplace ces feuilles par
celles du bou-menquar (ccaluurœa sulfurœa, centaurée
(tj CH^fMgnê ^dift^* It XXXI 4#» ^Um, 4* m*4. *t à* ikUw^. mititmir»*.
AdI
— 474 —
d'Orient). — D'autres préfèrent un onguent fait avec du tfnen
(beurre) et de l'alun ; ou bien un mélange de felfel (poivre) et
de miel ; soit encore de la terre (thine) saupoudrée de piment
(felfel ahhmar). — Ordinairement on recouvre toute espèce de
plaie avec plusieurs couches de poudre de henna; la partie en
contact immédiat avec la blessure absorbe les humidités (sang,
pus), elle est remplacée quelques heares après par une
nouvelle quantité de la même substance. Cette pratique a
l'avantage de débarrasser facilenïehtetconstamlnent la surface
ou les lèvres traumatiques dès matières étrangères qui les
encombrent et les irritent parfois ; elle permet ensuite à la
cicatrisation de se faire pour ainsi dire sans obstacles, à Fabri
du contact de l'air, la qualité astringente et tonique du henna
y aidant beaucoup (1). En général, du reste, les matières
employées dans le traitement des plaies sont de nature exci-
tante, stimulante. Les cataplasmes de mauve (moudjir)^ de
khohbeiz (malva sylvestris) sont plus usités dans les villes. —
Les plaies avec grande perte de substance se traitent aussi avec
des amas de henna, seulement on ne les renouvelle que tous
les trois jours.
On rencontre quelques Indigènes qui poussent les soins
pour la guérison de leurs blessures au point de chercher à les
préserver contre toute violence extérieure, et souvent aussi
contre le contact de Tair et de Teau que la disette de linge et
la misère ne leur permettent point d'éviter. Ceux-là, que
rinlcUigence distingue danj, la masse, rarinantes ingurgite
vasto, garantissent leurs plaies avec des morceaux de nattes,
des herbes ou des joncs tressés, etc., maintenus avec quelques
tours de cordes de palmier ou de poils de chameau.
Les plaies contuscs, les contusions se guérissent avec un
(t) La rareté des pansemenls est le résultat non pas d'iui principe chirargicul reconnu
Atz les Arabes, mais plutôt de Icnr ignorance géaéralo dans U marche et le traitement des
— 475 —
mélange de queihrane (goudroD) et de smen (beurre), ou bien
avec des feuilles de henna bien broyées et délayées danis ulk
peu d'eau.
Les Indigènes ne débarrassent jamais les régions du corps
des poils qui peuvent gêner Taction des remèdes et devenir
une cause de douleurs, etc.; ils n'entendent rien à la compli-
cation organique, constitutionnelle, des solutions de continuité.
Les mêmes moyens curatifs s'appliquent dans des cas souvent
très différents, et sans égard pour la cause spéciale qui a pnK
duit la plaie ou l'entretient. Quand la cicatrisation se fait trop
attendre, on cautérise avec le feu, on applique du miel, on
saupoudre avec du sulfate de cuivre, etc. Les Arabes se trou*
vent fort embarrassés en présence d'autres accidents qui
compliquent les plaies. Survient-il une hémorrhagie {radfyt
La principale ressource est d'étreindre fortement le membre;
mais il ne tarde pas alors à tomber en gangrène [meslem).
Les Montagnards inondent, dans ces mêmes cas, les plaies
avec du suc d'amiante (?], à titre d'hémostatique; d'autres les
enduisent de résines, de goudron, de corps gras,"etc. — Chez
un grand nombre de blessés gravement atteints, chez les indi*
vidus affaiblis par de longues maladies, chez les paralysés, le
décubitus dorsal amène d'autant plus fréquemment des es-
carrhes que la natte ou le sol ne constituent jamais un lit fort
doux : les Arabes ne savent point prévenir cet accident. Quand
les escarrhes deviennent par trop douloureuses, ils les endui-
sent de graisse ou les saupoudrent de henna. — ^Enfîn,un autre
phénomène commun, ce sont les vers {douida) produits par
une mouche bleue, musea vomiiaria, d'après le docteur
Cabasse (1), et que la chaleur du climat, augmentée de celle
qu'occasionnent de nombreuses pièces et matières de pan-
sement, et surtout la' malpropreté, font naître avec une
(\) Jteimtion meJit. ehirurg. Jt h captivité des pri^^nnitr* Français, p, Ï6.
- 476 —
inconcevable facilité dans les plaies. Yoict deux moyens
généralement usités pour les détruire, car les Indigènes ne
considèrent point, comme le baron Larrey, la présence de ces
larves favorable à la cicatrisation :
Faites chauffer un mélange de soufre et d'urine [batU) d'an
jeune enfant (sabi, c.-à-d. n'étant pas encore pubère) ; ajou-
tez-y ensuite de l'ail ; mêlez très intimement, et recoavrez avec
cette composition la plaie infectée de vers. — Ou bien^ recoin
vrez-là de de/la (laurier-rose) bien pulvérisé, soit avec du
towiia [sulfate de cuivre). — Prenez sept baguettes d'olivier
(xitoun); frappez sept fois avec chacune d'elle séparément la
partie qu'occupent les larves, mais d'une manière assez doace
pour ne point faire de mal. JRéunissez ensuite les sept ba-
guettes avec un fil noir, et laissez-les quelque temps sur la
tête du malade: les vers ne reparaîtront plus sur la plaie
La plaie qui résulte de l'opération dé la posthotomie est
l'objet de traitements variés suivant les localités. Ceux-ci
recherchent dans le bois du Une (figuier) les portions dont les
plaques rouges indiquent la pourriture, ils les pulvérisent
finement et ejà saupoudrent la blessure. Ceux-là ont plus de
confiance dans les graines du cyprès (hhabb serouel) bien
broyées. Dans le Zab, on pile des feuilles de romarin (aazir)
et de thuya articulé (aghar), et la poudre est utilisée cboime
topique.
Les Arabes ne pratiquant point d'amputation, nous nous
contenterons de rappeler qu'avant 1830, le bach-djtrhha
(chirurgien en chef) de l'armée turque, qui cumulait les
fonctions de bourreau, plongeait dans du goudron bouillant
les membres saignants officiellement mutilés. Quelquefois le
goudron était remplacé par de la graisse ou de l'huile bouil-
lantes ; si l'hémorrhagie ne cessait pas, on cautérisait la plaie
avec le fer rouge.
— vn -
lelBcîëîî^urnari a prétendu (I), a propos i
}, que les Maures pn^édaient un mervei lieux rooyeo d'en
réunir les bord^^ à Taide <f'une suture dont les niaiulibules de
eerlains iusecles (scariies pyracuion) auraient fourni les
éléments actifs. Je n'ai jamais entendu parler de ce fait en
Algérie, Voici du reste ce qu'en dit Sprengel (2) ; « Albucasis»
le meilleur chirurgien qu'aient possé<lé les Arabes, raconte (3)
que les empiriques traitaient les grandes plaies du bas-ventre
en appliquant sur les lèvres de la plaie de grosses fourmis
dont la morsure devait en procurer l'agglutination, el aux-
quelles ils coupaient ensuite Tabdomen. Cette fable fut copiée
par tous les auteurs jusque dans le XVI* siècle, temps où
enfin Massa révoqua en doute la possibilité de ce procédé* )»
Ajoutons que Fabrice d'Aquapcndente rejette ce moyen, parce
qu'aussitôt après la mort, les mâchoires se relâchent, el que
d'ailleurs on ne pouvait se procurer de ces insectes que Thiver
Quoiqu'il en soit, c'est ce fait, possible ou non, vrai ou faux,
qui a inspiré la création des serres-fines de M. Furnari el de
quelques autres chirurgiens de Tépoque actuelle.
Quelques mots maintenant sur les plaies d'armes à feu,
dans le traitement desquelles on a fait aux Arabes une réputa-
tion si usurpée, — Les projectiles dont se servent les Indigènes
dans leurs guerres de tribus à tribus, les attaques individuelles,
leurs combats avec les Musuluians engagés au service français,
sont grossièrement faits, de calibre très variable,- généralement
^H chagrinés : tanti3t de petites pierres, des noyaux de dattes
^^ enveloppés de plomp» des clous, des morceaux de bois très
I pointu*; tantôt <le petites masses de fer, de plomb^ de formes
I extrêmement diverses. Le docteur Baudens a remarqué (A)
H (0
w *'^
{0 r'»/, médit. démtVdftî^. S^fi^nma». |i. ,li«.
— 478 —
« quelques balles divisées par le milieu, représentant deux
demi-sphères, réunies par une petite chaîne de laiton, à la
manière des boulets rames. > Même observation avait été Taite
par le baron Larrey sur les projectiles des Egyptiens.
Les Arabes se hâtent de couler dans les plaies d'armes à feu
du beurre fondut ou bien de les cautériser avec un fer rooga,
de les couvrir d*un mélauge soit de graisse de chèvre et de
réglisse, soit de graisse de mouton et de miel. D'autres se con-
tentent d'une application de terre ou de bouse de vache, oa de
gâteaux de laine ou de poils de chameau enduits debeurre ou
d'huile. Le grand nombre d^ndigènes qui conservent des pro-
jecliles souvent sous cutanés, longtemps après la guérison
des plaies d'armes à feu, prouve suffisamment que l'extraction
des corps étrangers est à peu près inconnue aux toubibes^ où
tout au moins qu'elle ne constitue pas à leurs yeux un prin-
cipe rigoureux dans le traitement des blessures par armes de
guerre. Quand la balle ou l'objet qui en tient lieu se trouve k
très peu de distance de l'entrée de la plaie, quand surtout il
est aisé d'y parvenir soit par la vue, soit par le toucher, quel-
ques Arabes en sollicitent la sortie avec la pointe du petit cou-
teau courbe qu'ils portent toujours à la ceinture. II en est qui
se bornent à placer sur l'ouverture de la blessure un jeune
chien, une jeune gerboise (djerboh'), dans l'espoir sans doute
que ces animaux rapporteront le projectile! La plupart du
temps, quand les Indigènes s'adressent aux tolbas, aux ma-
rabouts, pour l'extraction des corpsétrangersdevenusgênanis
ou occasionnant de trop fortes douleurs, ils sont victimes des
plus audacieux tours do charlatanisme et d'escamotage, et
finalement les projectiles n'ont pas le moins du monde bougé
de place.
Pour enlever les escarrhes qui bordent les ouvertures de la
plaie, quelques toubibes appliquent le feu au moyen d'un an-
neau de fer rougi à blanc. — On favorise ordinairement la
— 479 —
cicatrisation (ielhhim) en introduisant dans le trajet de la
blessure de Talun, dn sulfate de cuivre ou une sorte de ba-
guellede miel bien bouilli. Cette espèce de sonde [mousmar)
informe,- doit être diminuée de volume au fureta mesura
que la perte de substance causée par le passage de labailesera
remplacée par des bourgeonscharnus. La tige de miel se trouve
parfois chargée de benjoin [djaoui], de poudre A'afsa (noix
de galle), de corps gras ou résineux. Les esquilles ^ (Mar/*
ddhem, morceau d'os) détachées ou adhérentes sont générale-
ment respectées.— La pbie vient-elle à s'enflammer, la partie
est-elle le siège d'un engorgement? On met en usage les divers
moyens indiqués plus haut au sujet des tumeurs. — Dans les
coups de feu avec fractures^ FArabe traite la plaie comme
d'ordinaire, et la lésion osseuse aveclad;>6tradécrite ci-dessus^
Assez souvent, il enduit ces blessures compliquées avec un
mélange de tigesdereiem (genêt), de chemda (cire),depomme
de pin (s^ioubera), le tout bien broyé et pilé dans de lliuile,
puis bouilli.
Que l'on songe maintenant à tous les accidents qui peuvent
survenir dans ce traitement des plaies d'armes à feu, suivant
les régions, les organes qu'elles inléressertl, et que l'on dise
si les connaissances chirurgicales des toubibes feront face à
toutes les nécessités, à tous les cas graves I Pour n'en citer
qu'un exemple, les plaies des articulations se tcrminj^nt
rarement par aukylose, presque constamment pnr la morll
Comment dotic un observateur aussi distingué que M. le
docteur Furnari a-l-il pu écrire (1) « que les Indigènes et
surtout les toubibes Arabes sont d'une supériorité ineontes-
table dans le traitement des blessures par armes à feu ? »
d'autant plus qu'il dit trois pages plus loin : « Les toubibes
n'ayant pas les connaissances suilisantes ni les. instruments
(i) /«««o r//, page 3ia.
— 480 —
nécessaires poor débrider les plaies d'armes à feu et poorpra-
tiquer des contr'ouvertures, il eu résulte que rexlradioii des
balles, de la bourre et des autres projectiles qui se troaveat
dans la plaie devient difficile ; aussi, dans le plus grand nom-
bre des cas, ou les balles restent logées dans les chairs, ou la
nature se charge par le travail suppuratif de lesentraîneraD
dehors,... Il arrive souvent que le blessé, voulant se débft-
rasser du corps étranger qui le gêne, tombe dans les roaîns de
quelque mduowi qui, au lieu d'en &ire l'extraoUon par daa
moyens chirurgicaux, emploie des emplâtres el des cnoyetts
mystérieux. » Tout cela constttue-tr*il une chirurgie iii«onl«f-
tablemeni supérieure? a Espérons, ajouta M-Fumari (4),
qiie la pratique et la sage réserve des toubibes Arabes seront
prises en considération par nos chirurgiens de l'armée. » Nous
n'avons rien à répliquer, si ce n'est que les toubibes seront
probablement les plus flattés dans ce parallèléi et que lenr
sage réserve n'est autre chose que l'ignorance la plus profonde
et l'absence de la plus minime notion de l'observation médi-
cale. Qu'est-ce enfin que cette science dont on a doté les
chirurgiens Arabes de l'Algérie? Amas confus de formules
traditionnelles appliquées sans indications particulières, sans
intelligence, sans raisons théoriques ; c'est de l'empirisme au
plus haut degré, et quel empirisme encore I De l'empirisme
aveugle, ignorant, dont toutes les ressources se résument en
deux mots : topiques (et quels topiquesl), feu (2). Si au moins
le discernement et l'opportunité guidaient l'emploi de ces
moyens I Quiconque a visité quelque temps les populations
Arabes et Kabyles, n^a pu remarquer sans étonnement le grand
nombre de difformités (et quelles difformités le plus souvent I)
(i) Page 3a6.
fa) Carieiuc rapprochement entre la Médecine Arabe et la Médecine de Coe. « Qimeumfmi
aoff imtmnt mêdh^mentm «a igmis sanut i fum ignis nên $«nut, inekrêHtiûJuJietre op^tH. »
(HJppocvate, sert. V, aph. ip.)
- 481
consécutives à aës coups de feo, à des fractures, etc. lps
piéte^dus guérisseurs du pays, s'ils eussent roellemenl
possédé quelques coonaissances chirurgicales, o 'au raient-ils
pas empêché le développement, tout au mains conjuré la
gravité de la plupart de ces accidents dont leurs moyens
intempestifs, insuffisants, impuissants parfois, routiniers
toujoui's, n'ont que trop provoqué rincurabililé, sauvent aussi
la terminaison funeste? Vainement quelques enthousiastes de
tout ce qui est nouveau, et basant leur opinion prématurée
sur un superficiel examen des faits, ont-ils cherché à répandre
en Algérie, ei même à y soutenir cette idée que les toubibex
sont plus conservateurs que les chirurgiens français, en
matière de màlecine opératoire. Vainement se sont-ils appuyés
sur des exemples de fractures consécutives à des coups de feu
et qui ont cependant guéri après l'obstinaiion des Indigènes à
ne point se laisser amputer par les médecins de Tarmée fran-
çaise. Sans nous arrêter à ce fait irréfutable que les errements
conservateurs des toufnhes tiennent exclusivemeni à leur
ignorance complète en pratique opératoire, aux préjugés
nationaux sur la mutilation du corps humain, il est une
réponse bien simple à adresser aux détracteurs de la chirurgie
française et à ces admirateurs de la chirurgie arabe, c*est que
leur iJjéorie, si nettement formulée sous les aspects d'un
axiome, manque de base, de la base essentielle, à savoir de la
statistique à peu près exacte :
i" Des Arabes qui, ayant repoussé le conseilou la nécessité
de Tamputalion, ont survécu et guéri ;
2*> De ceux qui, dans les mêmes condilJons«ont succombée
leurs blessures ;
3** De ceux qui, au contraire, ont guéri après Tampulation
suivant avis des médecins de Tarmée;
i** De ceux qui, dans ces mêmes conditions, sont morts après
l'opération.
— 482 —
Les résultats obtenus sur ce terrain, comparés à la pratique
des médecins civilsetmilitaires en Algérie depuis vingt-quatre
ans, auront ^eu/emen^ alors une- valeur. Seuleipent alors ii
sera permis de se prononcer, tout en tenant laidement compte
du tempérament propre à la race arabe, des avantages de leur
complet acclimatement, de leur placidité moi*ale dans les cas
de maladie, de l'influence de leur alimentation, de la rareté
des accidents consécutifs ^Gèvre traumatique, gangrène, téta-
nos, etc.). -La complexité d'une telle question doitévidemmoot
faire réfléchir ceux qui en ont décidé la solution avec une
inqualifiable légèreté. En attendant, il faut bien Tavouer,
beaucoup d'Indigènes, qui ont préféré conserver des membres
condamnés à l'amputation par les chirurgiens des ambulances
françaises, ont acheté bien chèrement leur guérison- par des
suppurations interminables, des souffrances inouies, au prix
de difformités très irrégulières, très incomplètes, désavanta-
geuses en résumé, bien plus gênantes et graves pour les
conditions diverses de la vie qu'un simple tronçon de membre
et une Cicatrice convenable, solide, acquise par un traitement
rationnel. Combien ne voit-on pas, chez les Indigènes, de
plaies ulcérées, de mauvais aspect, dans le fond desquelles des
monceaux de pojudres ou d'herbages emprisonnent depuis
longtemps la sécrétion purulente ou de nombreuses esquilles ;
puis des phalanges, des portions de membres tomber en gan-
grène sous la pression immodérée d'un appareil appliqué sans
méthode, sans réserve médicale, ou faute d'une opération abso-
lument nécessaire pour sauver cette même portion d'appendice
et souvent le malade en même temps? Peut-on appeler de
pareilles pratiques de la science chirurgicale? Partout, en
médecine, en chirurgie, on ne trouve chez les Arabes que de
la routine aveugle, des faits isolés, sans lien, l'absence pres-
que complète de traces de doctrine. L'art précède la science,
comme l'instinct la réflexion, c'est 1res vrai ; mais l'état actuel
— 483 —
. de la Médecine Arabe en Algérie n'est pas même encore celui
d'un art. Un mélange obscur d'erreurs, de préjugés, éloigne
toute idée de préceptes, de règles, d'études, d'expérience
réelle, d'observation, en un mot. Or, comme l'a dit Baglivi :
« Qui bénè judicat, bénè curai. » Celui-là seul a quelques
droits au titre de médecin. •
Les blessés atteints de fractures, de coups de feu, sont l'ob-
jet de quelques soins particuliers, relativement à la position
durant les transports, durant les traitements. Le lit arabe,
résumé généralement dans la surface du sol parfois garnie
d'une natte, nécessite quelques améliorations dans la dureté
ordinaire et la disposition trop uniforme de ce plan horizontal.
Les Indigènes creusent alors le sol, l'exhaussent du coté delà
tête, le façonnent, en un mot, de manière à ce que les blessés
puissenty trouver un décubitus moins fatiguant, moinsgênant,
et surtout moins douloureux. Le fond de cette espèce de fossé,
peu profond, est parfois rembourré d'herbages et de tapis, de
bemouss, de haïk, etc. — Quand il s'agit de transporter un
blessé, les Arabes roulent des tapis dans le sens de leur lon-
gueur, et les disposent en couronne sur le bât des mulets, des
chameaux, des chevaux ; le malade est placé au milieu. Si la
blessure paraît grave,, si son siège aux membres inférieurs
exige la position horizontale permanente, de longs bâtons de
tente sont attachés sur des sacs bourrés d'herbages et liés aux
parties latérales du bât, sur lequel le malade se couche alors
en long, quelquefois en traver%. S'agil-il d'emporter les bles-
sés, quand on n'a point d'animaux à sadisposition?LesbâtoDs
de tente, disposés horizontalement, sont retenus a égale dis-
tance par des traverses et des cordages en jonc ou en poils de
chameau; des bemouss, haïk, lapis, solidement attachés sur
les cotés, reçoivent le corps du blessé (<). Le plus ordinaire-
(i) Vovffi, |»o|ir plus do dctail*. !«•« noirs du docteur Kacobb dans le t. LX de» Mfe'm, dt
mrd. H éi tkir. m/lit.
- 484 —
ment, les cavaliers recueillent sur leur selle les individus .
atteints de coups de feu dans les combats» et l'on prétend
même que l'habitude de mainiénir par une cordé en- poils de
chameau les différentes pièces de la coiffure, n'a eu primiti-
?ement d'autre but, nous lavons déjà dit, que de perooetUe
d'entraîner et d'enlever à l'ennemi les Musulmans blessés ou
d^ tués.
Occupons-nous maintenant des plaies par animaux veni-
meux. Les Arabes prétendent que la piqûre ou morsure de ces
animaux entraine d'autant plifs de dangers que ceux-ci éiai«al
restés plus longtemps sans boire. Dans le cas contraire, disenl-
ils, « Teau aurait lavé leur venin [semm), et l'aurait rendu
plus innocent. » Ils voient, du reste, dans tout être venimeux
un esprit, un être malicieux, un djinn méchant envoyé par
Dieu pour punir les pervers ; aussi le respectent-ils beaucoup,
uniquement par crainte de déplaire au Tout-Puissant- et de
s'opposer à ses décrets. Néanmoins, ainsi qu'on en aura plus
loin la preuve, les moyens qu'ils emploient contre leurs dan-
gereuses atteintes paraissent d'une efficacité prompte, sâre, et
répondent assez bien à la première indication du traitement»
celle de détruire le venin le plus rapidement possible.
Je ne mé rappelle plus dans quel hôpital de l'Algérie fut
traité un Arabe tellement mordu par un cochon (khallouf) que
les blessuresnécessitèrentcinquantèou cinquante quatre points
de suture.
La tarentule (retila, quand elle est grisâtre; celle du désert,
bou-laqqax est noire et fort dangereuse), sorte d'araignée que
l'on rencontre assez souvent dans le Sahara et même dans la
Mitidjah (près de Koléah, d'après MM. Bouffar et Laprévotte),
détermine par sa morsure des accidents graves. Les habitants
du Sud mettent immédiatement le blessé dans un bain de sable
brûlant, jusqu'au cou, quelquefois dans une fosse que Ton
remplit de terre bien chauffée. Les plaies sont ensuite couvertes
— 485 —
ie centfres chaudes, ou de poudre de henna pilée avec des'
ognoos.
Le scorpion {aqrab) est tellement commun en Algérie que
plusieurs bivouac» habiiueb dos troupes ont pris le nom de
camp des scorpions : ainsi à Mouzajn, ainsi près de Téniet-el-
Hâd, etc.; dans ce dernier point, nous ne pouvions lever litté-
ralement une seule pierre sans découvrir plusieurs de ces
arachnides. On en rencontre également beaucoup dans les
oasis du Sud, où ils habitent volontiers les encoignures des
demeures* Ceux que j*ai vus à Biskra et dans le Sahara offraient
une' coloration d'un jaune rougeàlre, Le scorpion d'Afrique
esl d'une grandeur assez remarquable* A El-Ouar, lors de Tex-
pédiliondu colonel Desvaux aux environs deTuggurt, au prin-
temps 1853, nous en trouvâmes de gris-noirâtres et de di-
mensions vniimenteMraoril inaires; ce senties plus dangereuïL,
dU*OD. — Les Arabes redoutent d'autant plus cette arachnide
qu'elle s'insinue facilement et volontiers dans les plis de leurs
larges vêtements, quand ils couchent sur le soL Le scorpion
paraît un hole favuri des pays chauds ; en Arabie, ses piqûres
passent pour fort dangereuses. En Ëgjpte» les rues fourmillent
d'individus munis de paniers renfermant des talismans et des
remèdes u vendre contre ses bles,sures et celles des serpents.
— En Algérie, la pKjûre de Vuqraà offre plus dedangersdans
Je Sud» où il cause souvent la mort, d'après les recherches de
H. le docteur Gujon et d*après ce qu'on m'a assuré à Biskra*
Cependant, pendant mon j^éjour dans ce dernier poste, j*ai
soigné plus <le cinquante militaires civils ou Indigènes atteints
par ces arachnides, et jamais je n'ai obcrvé d'accidents graves
$i ce n'est parfois des vomissemeiis et une forte prostration
qu'il faut plutôt attribuera la t^^rreur qu'éprouvent en pareil
cas les individus blessés. — En parlant de la province de
Conslantine, le Géographe Arabe Edrisi (1) rapporte que «i le
^ im -
pays est infecté de scorpions grands, noirs et dont la morsure
est mortelle. Les habitants font usage pour se préserver de
leur venin, d*une infusion de la plante dite el-folion al ha-
-ranii^). IlsuflRi, à ce que Ton dit, d*en prendre deux drachmes
pour se garantir de toute douleur durant une année. «La per-
sonne qui m*a raconté cette particularité, ajoute-t-il, avait ëfé
dans le cas de faire elle-même l'épreuve du remède. Elle me
dit qu'ayant été piquée par un scorpion, elle but une infusion
de cette plante, et ne ressentit qu'une douleur passagère, et
que le même accident lui étant arrivé trois fois dans Ae cours
de l'année, elle n'en fut nullement incommodée. Vel foîùm
croît abondamment dans les environs de Kalat Béni-Haraed,
une des villes les plus considérables de la contrée, éloignée
de Msilah de douze milles, i» Il serait intéressantde rechercher
ce végétal. — En Arabie, à Djâa, les habitants appliquent sur
la blessure les entrailles fumantes d'un agneau : on comprime
le membre en dessus de la plaie, et on le scarifie profondé-
ment (1). — Le Prophète Mohammed a conseillé de boire une
décoction faite avec du chenedegoura (teucvium chamœpytis^.
Les Arabes frottent la plaie avec de la vieille huile pendant
que rougissent les cautères, c'estr-à-dire les lames de couteau^
qui bientôt labourent et incisent les lèvres de la blessure.
Evidemment, c'est le moyen le plus sûr et le plus expéditif.
La fréquence des Serpents [hhamch) et des vipères {lefad)
dans les pays chauds a donné naissance aux Psylles, secte
d'individus qui mangent de ces reptiles, les mordent sur les
places publiques et les abandonnent ensuite en pleine liberté
sur leur propre corps, autour de leurs têtes, etc. Nous en avons
parlé (p. 193) à propos des Àissaoua. D'après MM. Bouffar et
Laprévotte (2), on rencontre près de Douera et dans les forets
(i^ ^"0/. «M ArMe, par TamlAÎAr, l. II, p. «t
(%) Mtm. immèd. et dtthinu-g. mHilairet, igV
— 487 —
voisines de Koléah « une espèce de vipère dont les crochets
mobiles, à venin, au lieu d'être situés de chaque coté de la
tête, au-dessous de Toeil, se trouvent placés dans la partie
supérieure de la bouche. » — Les vipères à cornes ou cérastes
sont très nombreuses dans le Sahara : elles ont la couleur du
sable et de très petites dimensions. Le docteur Thierry de
Haugras (1) en a observé dans le sud de la province d*Oran.
J'en ai vu une à Biskra, de soixante-dix centimètres de long,
et des Indigènes de la localité m'ont affirmé que cet ophidien
causait souvent la mort, que Tunique moyen d'échapper à
cette terminaison funeste consistait à cautériser très profondé-
ment la plaie avec le fer rouge et à la mettre immédiatement
après en contact avec les entrailles d'un animal tué à l'instant
même. — La vipère Redi a été signalée par un naturaliste
Allemand dans les environs d'Alger (M. Guyon).
Les Indigènes du Sahara combattent les eiTets de la blessure
des lefaâ en liant immédiatement et fortement le membre
au-dessus de la plaie, incisant cette dernière avec un fer
rouge, la recouvrant ensuite d'un cataplasme de tiges de reiem
(genista caiulicans) bien pilées et bien bouillies, puis plaçant
le membre dans un bain de sable chaud.
Les Arabes conseillent en général : — de mettre sur la plaie
un mélange de vinaigre, de cendres de bois de kerma (figuier)
ot de cendres de bois à'annaba (jujubier) ; — ou de boire de
l'eau dans laquelle on apilédu/^/ian^a/e (coloquinte) et de l'ail
débarrassé de ses premières feuilles extérieures; -^ ou de
frotter la plaie avec de l'huile qui aura bouilli avec un jaune
d'œuf ; — soit de manger du beurre de vache et d'en frotter
en même temps la blessure. — Dans le désert, une fois la
ligature placée au-dessus do la morsure, on pose des pointes
de feu à quelque distance de loute sa circonférence, et on fait
.'1 j T. I.XIV lie» Mfm. de mèd. tt de tkinirg. mifituhtt, 1147.
— 488 —
boire au malade du beurre fondu et bouillant, en même temps
que le membre est frictionné avec un mélange d'ail, d'oignon
et de zebed (musc). .
Contre la morsure des serpens, les Arabes se louent beau-
coup du suc d'une euphorbe, qu'ils appellent leben (euphorbia
guyoma) . Cet usage doit remonter à une époque bien ancienne,
si l'on en juge d'après le chapitre suivant de Pline (4) :
« Juba, père de Ptolémée, parle d'une plante qui croît dans
l'Atlas, et qu'il appelle euphorbia, du nom du médecin qui
s'en est servi le premier. Il a fait un traité exprès où il exalte
beaucoup les admirables propriétés de son suc qui parent
comme du lait, et la vertu qu'il a de rendre la vue claire, de
même que contre la morsure des serpents et contre toutes
sortes de poisons. »
Tous les ans, notamment à Tépoque des premières chaleurs,
la presse algérienne signale un certain nombre de cas de rage
canine. Il est cependant des personnes, notamment en France,
qui ne croient point à là présence de la rage dans les pays
chauds, en Afrique en particulier. L'instruction médicale
pour la Commission scientifique de l'Algérie (2) contenait cette
question : m Est-il vrai que la rage chez les chiens soit très
rare dans les pays chauds, particulièrement chez les Musul-
mans? » — Le sujet est assez grave au point de vue de
l'hygiène publique, pour que chacun considère comme un
devoir de faire part des renseignements et observations
recueillis à cet égard. On ne trouve au 'premier abord que
contradictions sur l'existence de la rage dans les contrées
chaudes. Les Latins la connaissaient de visu. Homère apostro-
phe Teucer avec l'épithète caractéristique de chien enragé.
Plutarque, Polybe, Pline l'ancien parlent de la rage. Celse a
(t) Dtseripthndêrjfnque, lirre V, U Mauritanie, diap. I.
(a; Lm à VAtadèmif des ScieiHes, le %6 u^n i93f .
— 489 —
dit : « Miserrimum genus morbi, in quo simùl 0Bg6r et dîti et
aquœ metu cruciatur. » On a présenté la rage comme
généralement rare en Syrie (1) et en Egypte (2) où, comme en
Afrique, les chiens sont cependant très nombreux et aban«
donnés sans aucun soin à toute liberté. Parmi les médecins
Arabes, Yahïa ebn Serapio'n, Rhaxès, Avicenne^ l'ont
observée. Van Swieten (3) la dit inconnue en Amérique méri-
dionale. L'Écriture sainte n'en parie point. Elle paraît très
rare dans Tlnde, assez commune aux Antilles. On lit dans le
législateur musulman Sidi Kkelil (i) ;
« Le Prophète a défendu de mettre un prix quelconque à on
cbieo, bien que cet aaimal soit d^usage utile ; du reste, le chien ne
doit pas être laissé dans les maisons, à moins quMl n^y soit utile
comme gardien. »
Le D' Hamont, vétérinaire en chef de Tarmée d'Egypte» a
constaté la rage dans ce pays (5). D'un autre côté, pendant
quatorze ans qu'il a passés au Caire, le D' Perron (6) n'a ja-
mais entendu dire qu'un chien fût devenu enragé en Egy^^te.
Cependant, « un de nos médecins sanitaires, leD*^ Amâtein,en
signalant plusieurs cas de rage observés à Alexandrie et dans
les environs, a montré que l'hydrophobie était beaucoup plus
fréquente en Egypte qu'on ne le pense généralement (7). »
L'oculiste tunisien, qui fut interrogé au Bureau Arabe d'Alger
(voy . page 44) , nousaf&rmaitque les chiens étaient fréquemment
atteints de rage au Maroc. — Pour ce qui concerne l'Algérie,
ce serait une grave erreur de penser que la rage canine y ^t
inconnue. Voici quelques notes que j'ai glanées sur ce sujet :
(i) VoLHBv, F'ojTMgt en Sjrrie, t. I.
(a) Le baron Lab&b-i, Mrm.dtchir. mi/it, I. Il, p. it6.
(3) Commemtairts sur lu aphorismes Je Baènàwve^
(4) T. UI, ch. XIII, p. 179.
(5) L'Écrpte sous Mékémet-JUi» 1. 1, p. Sg*.
(6) Notes sur SiM-Mheiii, t. liU p. (67.
(7) annales li'hrgièM, jantirr if 54« !>• »»»•
— 490 —
Eo 1844, cinq cas de ragé dans la province de Constantioe.
— Un en janvier 1846, dans celle d'Oran. — Deux autres cas
chea des chevaux (1). — Le D*" Lclouis, médecin-major, a va
un chef arabe, mordu par un chien enragé, mourir avec tous
les symptômes de la rage. — Le D' Lacger (2) a rapporté un
cas de rage chez un cheval arabe. — Le D' Dussourt, médecin
en chef de l'hôpital d'Orléansville, a cité (3) deux cas de rage
chez une Négresse et une Française, causés par un chien ei un
chat. — En 1844, à Sétif, un soldat du 19® léger est mort à
l'hôpital, par suite de la rage, « plus de quarante jours après
avoir été mordu à la main par un chien arabe. Ses derniers
moments ont été précédés de convulsions si violentes et si
effrayantes pour les autres malades, qu'on a été obligé de Pat-
tacher. Il n'y a pas longtemps qu*un fait à peu près semblable
a été observé, à Constantine, sur un sous-ofiicier du train des
équipages (4J. » — La même année, M. Rndier, médecin-vété-
rinaire, disait (5) avoir vu deux fois en Afrique des chiens
enragés, et dû les faire abattre. Le rédacteur du journal ajoute
à ce sujet : « Les Arabes n'auraient pas, d'ailleurs, un terme
dans leur langue pour exprimer la rage, si cette maladie
n'existait pas parmi eux. Ils appellent meklonb un individu
enragé, et il esta remarquer que la racine de ce mol est préci-
ment kelb, qui signifie chien. Les Kbaïls connaissent égale-
ment la rage ; ils nomment içath, damarhlouts, celui qui en
est atteint, expressions dans lesquelles on ne retrouve pas,
comme en arabe, le nom de l'animal le plus sujet à celte
maladie. » — A Orléansville (6), des chiens venus des douairs
en ville ont bientôt mordu d'abord une négresse, puis un
(i) D'GtrYov» Âcadémit dts sciêncti, 6 avril 1846.
(2) T. LX des MèM. dt mid. et Je chir. mitit.
(3) jicodèmie de mêdecint de Paris, iSnian i85i.
(4) Akkbar, journal de l'Algérie, n* da ai décembre 1844.
(&) Idem, iSnovemlire 1844.
(6) Idem, x mars i85f.
- 494 —
colon : ces animaux avaient toUs les symptômes de la rage.
Deux chevaux également mordus par eux ont dû être abattus,
et plusieurs soldats atteints par ces chiens sont entrés à
rhôpilal. — La même année (1), dans la province d'Alger, un
brigadier de gendarmerie fut mordu par un cliien niragé. —
A Médéah (2), un Spahis indigène et le garç«)n de cantine du
même régiment ont été mordus par un chien urahi* alU'int
d'hydrophobie; Tanimal a été tué et de proiiipL> secours
administrés aux deux victimes. — En automne 1844, deux
cas, suivis de mort, furent observés à Constantinc (docteur
Henry) ; un des chiens était arabe. — Pendant Tété 4848,
j'ai été témoin, à Téoiet-el-Hâd, de deux cas de rage : dans
l'un, morsure faite par un chien indigène; chez l'autre, rage
évidente, bien caractérisée, chez une petite chienne de Tunis
qui m'appartenait. — En août 1849, il a été traité à Téniel-
el-Hâd un Arabe' porteur d'un ulcère chronique à hi jambe,
suite de plaie dégénérée faite par la morsure d'un chien
indigène enragé. — EnTin, le docteur Guyon a publié que
depuis l'occupation de l'Algérie jusqu'en 4851, il avait eu
connaissance d'une vingtaine de cas de rage communiquée à
des Européens.
Quelles peuvent-être les causes probables de cette affection
dans les pays chauds? On a observé la rage également fré-
quente dans des latitudes extrêmes, sous la zone torride comme
dans les contrées très froides. De même on la voit se développer
de préférence pendant les fortes chaleurs et dans les hivers
rigoureux.
Serait-ce la condition domestique du chien? Ainsi, M. Mor-
purgo disait, en 1845 (3), qu'à Smyrne et à Constantinople,
(t) jékkbm', journal d« l' Algérie, n* da ai scptnmbre t85t.
(•) Idmi, la avril i8J3
M) Sotifte fki^ntah A» France, «^aiirr du m JAOTÎrr.
des milliers de chienscrraient dans le&rues, et que pas un cas
rage ne se manifestait parmi eux, tandis qu*il â*en présc
chez les chiens domestiques, ce que h^s Turcs attribuent à
difficulté d'accoupler, A celte occasion, M. de la Rodi
Pouchin citait que 40 à 30 cas de rage s étant présentés dans
une seule année à Bologne, rautorité ordonna de maintenir
la porie de chaque habitation un petit bassin en pierre con
tamnient rempli d*eau, et que depuis ce moment aueum
observation de rage ne se réitéra. M. Hamonl répliqua q«
d*une part, rexpérience l'avait prouvé, des chiens pouvaien
impunéniciit rester longtemps sans boire, que d*un autre co'
les Bédouins du désert ont des chiens qui boivent peu, rdP
ment même, et sans être pour cela enclins à la rage. !
Vaillant ajouta qu'en Valachie, où il y a beaucoup d^ chieii
erranis, des ruisseaux desséchés pendant Tété ou gelés pendani
rhiver, Hijdrophebie canine est inconnue. De telles diff*
rences dans les observalioas tirent penser a M. Aubert-Hoch»
que les chiens errants d'Orient étant de rcspèce particulière
des chiens-loups, n'ont aucune aptitude au développenjent é
la rage. — Tout ce qu*il nous est peruiis d*afllrmer, c*
qu*en Algérie, des chions de races ditîérentcs, appartenant
des Européens et des Miisuliuan^, ont él^ pris de rage ; qui
dans les tribus, les chiens sont toujours errants; que d ailleurs
les cas de rage signalés n'ont pas toujours coïncidé avec les^
époques où ces animaux sunt d'habitude en chaleur. Le
Arabes attribuent la fréfjuence de la rage à la méctianceti
naturelleque lechien indigène aurait héritée de son croisemcn
avec te chacal (dib); ils disent en outre que ce dernier lui a;
transmis beaucoup de sa ruse, car lorsque leurs chiens so
curages, ils se jettent à rimproviste sur les personnes ou su
d'autres animaux, sans avoir manifesté auparavant le moindn
symptôme de modificatiim dans leur habitude ordinaire. Le
chien arabe que j'ai vu a Téniet-el-IIad se précipiter sur un
I
I
— 493 —
soldat du 2?* bataillon d'Afrique, était également fort tran-
quille au moment de son attaque. H. Delafond, professeur à
récole d'Alfort, a fait des remarques analogues : « Contraire-
ment à beaucoup d'opinions répandues eS accréditées parim
les personnes qui possèdent des chiens et qui les aiment, nous
devons assurer, dit-il, que le chien déjà enragé et pouvant
transmettre la rage aux hommes et aux animaux, mange, boit,
obéit à son maître, le caresse même, ne bave point, et n'aban-
donne point la maison ou les lieux qu'il habite. Seulement, il
est inquiet, etc. )> — La nourriture aurait-elle quelqu'influence
sur le développement de la rage ? Si les chiens arabes sont
plutôt nourris de coups de bâton et de coups de pierre que de
quelques os ou charognes qu'ils trouvent çà et là, les chiens
européens en Algérie ont, au contraire, une aKmenlation
suffisante.
Les Bureaux Arabes ont souvent recommandé aux Indigènes
d'attacher les chiens au piquet de leurs tentes ou dans les
demeures; on les a même menacés de fortes amendes, en cas
d'infraction. Il est prouvé, en effet, de par les statistiques (4),
que les mesures de police ont de beaucoup diminué les cas de
rage en diverses Ci ntrées.
jR/mzé« prescrivait d'appliquer le feu sur la plaie et de
détruire, au moyen de médicaments évacuants ou autres, la
bile noire nécessairement produite dans ces cas. Grand nom-
bre d'Arabes ont conservé ces préceptes. On trouve les traces
(i) Les Regittres de U prtftctvn d» polict de Pmrit ont dâmontré à M. T&iacoaa* qae, d«
ti3o à i849> il y «eu sa mortt par rage à donidla, et 17 daaa les hôpitaux, d« i838 à
1849* Ka ADgIeterro, les décès par hydropbobie canioe ont beanconp dtminaé. A Bade, en
i83a, les chiens, imposés à 6 fr. 4^ c, étaient au nombre de a6,oooi la taxe ayant diminué
de moitié en i833, leur nombre doubla rapidement; le premier impôt ayait été féCahU en
i84St on n'en comptait pins que a6,ooo. — Ces taxes existent eu BaTÎ^re, en Belgique, en
Angtsterre, etc. — D'après les rerherches de H. Remill-i (jtisembUe nationale de juin i8bo),
il y aurait trois milHoas de chiens en France, c.-à>d. un chiru par drnxr hiibtlants; cee
animaux dépenseraient enriron quatre TÎngt millions par an. Une loi fiscale réduirait évi-
demment le nombre exorbitant de ces animaux.
— W4 —
de la seconde indication dans les renseignements qui YonI
suivre ; quant à la première, il est bien rare qu'on y manque^
Chez les Cheurfas, dès qu'un Arabe est mordu pur unchii^Q
enrage, on met dans une dalle [tamr] ou dans un peu de pain j
quelques gonltes du sang qui s'échappe de la plaie, et on îel
fait immédiatement avaler au blessé.
Les Zâfia (provîuee de Bône) font boire du lail de femme,
Lestoubibes conseillent de piler, avec du miel ou derhnile, \
une herbe dite djada (pouliot de montagne)» de mander de ca|
mélange quatre jours ctmséculifs, le malin à jeun, puis Je 1
couvrir la plaie avec du mehah (?).
Dans le Sud, on force pendant quarante jours» tout individu]
mordu par une bêle enragée, à boire au moven d'un roseau, à
ne point se laver, à ne rien toucher avec les mains, à manger]
avec une cuillère. S'il passe le quarantième jour, il est sauvé.
On traite la plaie comme une plaie simple. Si Tindividu de-]
vient fou, on lui jelle de Teau bien froide a la figure, el il
meurt de suite.
Inutile de dire que les amulettes jouent un grand rôle pour
se préserver ou se gug-ir de la rage.
Plusieurs de ces pratiques paraîtront sans doute bien ridi-
cules et marquées au coin d'une superslilion insensée dans un I
.cas aussi gravr», dans un moment où Texistence dépend de laj
promptitude et de l'énergie des moyens curatifs. Mais notrel
médecine européenne est-elle plus positive à l'égard do traite-
ment de la rage? Jusqu'à la lin du siècle dernier, des moines]
îralliniiaienl-ils pas qtje les reliques de saint Hubert, inbuméj
dans leur cloître, guérissaient celle ofTreuse maladie? Est-
que nous n'uvous pas encore la liante renommée des clefs de
saint Roch, de saint Bellîni, de saint Gutlirie, de saint Pierre^
de Bruges, eicî
— 495 —
Quand on veut ne plus avoir de cheveux blancs, ii suffit de
se frotter la surface épicrânienne avec une.... têle de cori>eau
(gràtib) : elle deviendra immédiatement noire! Ce moyen, très
sérieusement conseillé par le savant Hakem Sidi Mekli^ ne
vaut pas mieux sans doute que les frictions avec du kethTa<(M
(goudron) pendant trois ou six jours. — Il est encore recom-
mandé de frotter la tête avec un mélange de bile de mouton et
de suc de khasi (laitue), ou bien avec un liniment composé de
bonne builo et de poudre du bois ainsi que des feuilles d'un
arbuste appelé mermar (?). Ces moyens auraient le privilège
non seulement d'empêcher les cheveux de repousser blancs,
mais encore de leur faire promptement acquérir une longueur
surprenante
L'alopécie est combattue par les remèdes suivants : —
Avoir soin de se frotter la tête avec du miel dans lequel on
on aura préalablement broyé des navets [left) et de la cendre
de chair de ganfoute (hérisson). Les cheveux deviendront
longs, et de plus ils repousseront noirs (asQued)\ La pommade
du lion est définitivement dépassée!....- — Brûler des poils de
ganfoute (hérisson) ; incorporer les cendres dans de la vieille
huile; faire bouillir le tout et passer un peu de ce liquide
tiède sur la tête pendant trois ou sept jours. — Frictionner les
places chauves avec du miel dans lequel on aura broyé de la
graine (zarréa) de le fi ^navet).
Celui qui désire augmenter la quantité de ses cheveux,
doit prendre le kebda (foie) d'une jeune jument (fersa), le
couper on morceaux très menus, et le mélanger avecdu sel fin.
Il fera sécher le tout au soleil, puis incinérer complètement :
la cendre sera incorporée à de Thuile. II se fera raser la tête
et la maintiendra couverte d'une couche épaisse de cette
composition, jusqu'à ce que les cheveux aient suffisamment
repoussé. Chose encore merveilleuse! la chevelure deviendra
longue, épaisse et.... noire!....
— M6 —
4
Oû peut éprouver quelque surprix en trouvaul daas
coutumes des Arabes, comme dans les écrits de médecine
répandus chez eux, un certain nombre de formules médica*
menteuses dcslinées à modifier la couleur, la quanUté c*t la
longueur des cheveux, puisque les Indigènes ont rbabilude
de se raser la tête, moins la louffe syncipilale. Il en est pour-
tant ainsi : ce peuple, qui a le crâne constamment couvert, —
chez lequel l'ini mutabilité, dans Hiabillement surtout, est telle-
ment invétérée qu'elle exclue toute idée de modes, tout caprice
d*innovatïûn; — ce peuple, dont l'habitude extérieure paraît
généralement très simple, grave et très sale tout à la fois, a
cependant éprouvé le besoin de troubler celle austétiuS de
mœurs par quelques velléités de semblant de coquetterie. Il
faut bien que son imagination, inoccupée par les sciences, les
arts, rindostrie, se berce de toutes les illusions de réparer les
outrages du temps et de la maladie.
Très fréquente chez les enfants en bas-àge etchez le^ femmes
dont la tête selrouve toujours très malpropre, la teigne [feurUa)
est généralement combattue par des lotions d'eau frafcbe, ou
des frictions do savon noir. Voici d'autres formules :
Pilez très fin un mélange de vé^in^ de snouber (pin mari-
time), de kethrane (goudron) et de morceaux de verre ordinaire;
faites ensuite chauffer fortement le tout et appliquez-le bien
chaud sur la région teigneuse. On couvrira bien la tête, et le
cataplasme précédent sera renouvelé trois fois à quatre jouiv
de distance.
Faites bouillir dans une marmite neuve de Thuile avec du
Itarmel (rue puante), O^ai^d 'f* décoction sera devenue bien
épaisse, appliquez-en une certaine quantité sur la parfrV
malade. .
Une indication fort importante manque dans ces médications ^Ê
diverses, c estlesoin de raser préalablement les parties atteintes
parleruption faveuse, tout au moins leur pourtour. Il a*cit
— 497 —
pas rare de trouver des femmes s'obstiner à couvrir dp cata-
plasmes leur chevelure épaisse conservée intacte : on comprend
facilement Tinefficacité d'une telle médication et la saleté dé*
goûtante qu'elle entraîne.
L'apparition des éruptions de la face et du cuir chevelu
(gourmes que les Arabes appellent kazaxa beugri; dartre de
la vache) chez les enfans à la mamelle, est commune. Les cra-
brocations d'huile ou de beurreiconstitûentleseul traitement;
d'habitude même les Arabes les respectent, parfois aussi ils
les attaquent avec une pommade dont le minium fait la base.
D'énormes boutons dont nous avons parlé plus haut, et que
la facile tendance à s'ulcérer a sans doute fait appeler groheuh'
(c'est-à-dire ulcération), compliquent assez souvent ces érup-
tions exanthématiques chez les jeunes sujets : on les enduit
de miel et d'huile.
Un cas de plique en lanière a été observé en mars 1848 à
Ghelma, sur un Kabyle de neuf ans, par leD'Colau. Cette
affection existe dans le désert, et elle se trouve au nombre
des cas redhibitoires admis légalement dans les ventes d'es-
claves dans le pays des nègres (1). — La plique endémique,
dans certaines régions septentrionales, tient sans doute à des
conditions locales tout-à-fait spéciales, car depuis l'émigration
polonaise qui dure depuis plus de vingt ans, des cas isolés de
cette affection ont été plus rarement observés.
On se préserve de la vermine en se frottant le corps avec de
l'huile de djouz (noix). Un autre moyen consiste à broyer des
feuilles sèches d'olivier, puis à les mélanger intimement avec
de la cendre de bois de tamarin ; le tout est ensuite délayé dans
une certaine quantité d'eau, de telle sorte que toute la surrace
cutanée puisse être facilement et suffisamment humectée de
cette composition. — D'autres s'ablutionnent avec de l'eau
(i) tUHirmH et MUrw m fjt dti Jfigrtt, po M. Davmat, p. a4a*
— 498 —
clans laqofilleont macéré dos feuilles fraîches de defla (laitrie
|.0^)^ — Pour ^e Jébarrasser des paux [gutmd]^ il suflil iks :
frotter, lu nuil siurloui, avec un mélunge d'iiuile cl de fiDl
poudre dt' feuilles de laurier rose préalablement sécliées an
soleil; ou bien on se scrl, de la même manière, d'un linimenS
composé de poudre de hmma el de meu9ltqa (suc du lentiâ
que). Si raffection pédiculaire esl ancienne el que les irait*:
ments exlerncs aient eu peu de succès, il faut boire, pendan
trois matins consécutifs, une décoction de lait aigre {leb€n)t\
d'huile elde kahbar (câpres). — D*après Ebn-BatouU (I), la
vermine fourmille chez les liabilanïs du Soudan, au poinl
qu'on est obligé de porter autour du cou des fic4.'lles iutpré-^
gnées de mercure [zaouoq), — Les Arabes disiîng,uenl Irè
exactement une espèce de pou très petit, qui siège ordinaire
ment dans la barbe, et dont la rapidité de multiplication seraijj
inouïe. Ils l'appellent lahhia hty bouche [c-ànl. pou de barbe)
Pour faire disparaître ces parasites, on enferme une touffe d^
poils de la barbe dans un petU morceau de berno\u$ qui
coniienl un mélange de mercure et d1)uile, puis on serre *.r
exaclemenl avec nu lien quelconque. Les poux ne tardent pu
à mourir. On répète la même opération sur plusieurs région
de la barbe, s*il est nécessaire.
Les affections cérébrales doivent leur peu de fréquence, ch«
les Arabes, à la nnundre serisibililé de rencéphale, à TabëCnc
de toute surexcitation ou fatigue inlelleciuelle et morale,
rexislence individuelle généraii^nient paisible, Néanuioins
l'action des fortes chaleurs, du siroeco notamment^ d'un âok
frappant d'aplomb la léte souvent mal protégée, détermine 1I0
irritations cérébrales, des congestion? intrii-cràniennej&» doi
la gravité se mesure depuis la simple céptmlalgio jusqua
{1) Fnfîigt J0rtf It S'inénn, trail. par M. ot Sl4«ii) itmmktminti^t**, «S'il, t* I4
— 499 —
méningite. Différentes variétés de céphalalgies sont admises ;
celle dite sadà ras (c.-à-d. tête fendue), dans laquelle U seiiA-
ble qu'on fende la tête, paraît êlre Thypérémie cérébrale, et se
guérit a?ec des cataplasmes épicrâniens composés de farine
d'oi^e que Pon Tait bouillir dans de la décoction de rue puante
{harmel); avant de les appliquer, on doit avoir soin de bien
huiler le crâne. On conseille également de s'introduire dans
les cavités nasales des graines de harmel bien pilées dans de
rhuile. La céphalalgiese nomme cAfutga quand elle s'accom-
pagne de battements violents aux (cmpes et d'une douleur
vive dans l'intérieur du crâne au moindre mouvement. Trai-
tement : diriger sur la tête de la vapeur à'ambar (ambre)
projeté sur des charbons ardents, ou frotter le crâne avec un
mélange de henna et de feuilles sèches de khoukh (pêcher).
On peut reconnaître dans Voudjàras (mal de tête) la forme
de céphalée vulgairement appelée migraine. Les Arabes la
dissipent par les moyens suivants : — Appliquer sur le crâne
des feuilles de salélandar (une jusquiame?); — ou des feuilles
àemaçaça (plantain); — ou sur le front des feuilles fraîches
de harmel; — ou de petites bandes d'écorce de souaq (racine
de noyer), puissant révulsif déterminant des rougeurs cutanées
qui durent une huitaine de jours. — Exposer la tête quelques
instants au-dessus des vapeurs d'un mélange que Ton jette sur
le feu et gai est composé de inékah (?) bien frais, de metisteqa
(suc du lentisque) et de krafeuss (céleri). — Faire sécher des
feuilles de khaouàa (ricin), les moudre finement, en saupou-
drer toute la calotte crânienne. — Piler ensemble des graines
de cresson [habb reyehdd), des petits pois noirs (hamous
asoued), des petits pois (djelbana)^ du bois de campêche
(doud Ihammara); mêler toute cette poudre avec du jaune
d'œuf (saffra bidha), placer ensuite le tout sur la tête du
malade et l'y maintenir avec des liens et des chiffons ; trois
jours apn>s, «^nhîver l'appareil et le mélange ; en réappliquer
— mo —
de nouveau peDitant trois jours si la migraine n*a point diû
paru. — Enduire tout le crâne d'une forle couche d'huiU»
appliquer un cataplasme de raciue d*orge et de farine d*org
bouillies ensemble et réduites jusqu'à consistance pâteuse.
Application loco dolenti d'une drachme de poivre [fdfel
d'une once de miel, d'une once de vinaigre, bien mélangés
ensemble. — Il est encore bon d'appliquer un cataplasnil
de xafrane (sarran), de ieôa ne {cassis), mêlés avec du vioaîj
grc; — de maintenir toute une nuit un composé de vinaigp
dans lequel on aura délayé des cendres de iarfa (lamarix afril
cana) et de rcfcw (genêt); — d^appliquer tiède unedécoclioi|
très concentrée, jusqu'à consistance de colle, de farine d'org
et de sel; ou bien un cataplasme de graines de henna, d*aiii
noir (sanoudj)^ piles ensemble avec un peu d*eau (4); — de
sentir assez fortement, et plusieurs fois avant d'entrer
bain, du beurre, de l'anis vert [hhabh kalaoua), de Tanis noîl
{sanoudj], bien piles ensemble et renfermés dans un pet^
chiffon; — de s'introduire dans les narines un pelil Ifng
mouillé, contenant de la poudre de graine d'anis noir ; — de
se frotter trois jotirs la tête avec de la rue pilée très fin^moi
dansim mélange de bile de chèvre et de vieille huile;
maintenir quelque temps sur le crâne un cataplasme av€
farine d'orge et son (nekkala), délayés dans une décoction
rue (feuilles et tige); — de sentir, à plusieurs reprises, de
feuille fraîche de krafeuss (céleri) bien écrasée.
Le Prophète, dit Sidi Raqad, avait l'habitude, pour dis
per sa migraine, de piler de la chair de chat (lehhame €l qatt)
d'Inde [henedi] avec du beurre et du lait : Fintroduction d*uo
peu de cette composition dans les narines, suffisait pour
guérir promptement.
On assure qu'il existe au Sénégal une céphalalgie nerveufi
fi) Celt« eouluinr de traiter \r$ «^pfadUIf ir« par des iiilMtanfet kroinatiques <ip|ili<
mai l« «rftt* éuft fr/qoeauMBt Unl4« di«« !«• Uid«M i lAmoin U tal^tlt «#>Aa/fftt«
p«rfr*Bd Aonibre de Itur» mtdvdii*. Ce tuojtn e»l crrtaiaeuiciii lrr>p ni^^^^Viiçé de nnj
— 604 ~
causée par la forte odoratioD des fleurs de racaciasénégaleosig;
la fièvre nerveuse qui accompagne ces accidents serait des plus
dangereuses. Cette maladie est connue de quelques Indigènes
algériens. — J'ai publié (1) une observation d'hypérémie des
sinus frontaux, observée chez un Arabe du cercle de Téniet-el-
Had, qui avait passé la nuit à la belle étoile, la figure toute
découverte. Cette variété de céphalalgie n'est point rare chez
les Musulmans voyageurs; ils la désignent sous le nom de
hoqlat et quemar (délire de la lune).
L'hydrocéphalie atteint assez fréquemment les enfants à la
suite de la variole et de la rougeole : les Arabes ne cherchent
parfois à la combaitre que par les topiques les plus actifs
énumérés ci-dessus contre la migraine.
Ils désignent sous le nom de boqla (délire) la méningite,
i*encéphalitc : cette expression s applique aussi aux fièvres
typhoïdes, qui se montrent si communes en juin. Une gastro-
céphalile épidémique a régné dans le cercle de Sebdou à la fin
de Tété, en 1847; les. deux tiers au moins d'une tribu furent
malades. — Les documents envoyés au Conseil de santé et
résumés par H. le docteur Boudin (2) concernant la méningite
cérébro-spinale épidémique, font connaître qu'en Algérie
celte terrible maladie fit son apparition en 1840, qu'elle sévit
plus particulièrement dans les provinces de l'est et du centre
de nos possessions, que ses ravages ont été constatés depuis le
niveau delà mer jusqu'à 8étif, c'est-à-dire, au delà de 1,000
mètres de hauteur. Elle se manifesta à Douera, Batna et Sétif,
en 1840, en 1844 à Constanline, en 1845 à Philippeville, à
Douera, Batna, et Sétif, en 1846 à Alger (dans la population
musulmane); à Hédéah, Orléansville, Stora, EIArouch; en
1847 à Ghelma, à Alger, Constantine, Douera et Hédéah. Il
(i) JUiUê Médicule, 1849. ii*da 1" jain.
(») T. IX Ae la »• «éric de» M4m. </# mèdet. et rMurg. militmiret.
est bien probable qnp les Arabes n*ool pas été épargnés daij
cette visite de répidémic sur des poinls assez éloignés. —
afTections des méninges et de Pencéphale sont du reste fn
queintnenl observées chez eux pendant les furies chaleurs,
constituent alors ce qu'ils appellent éogiafccA ckems (le délire
do soleil). Dans tous ces cas, frotter le front et le crâne avec 1
mélange de graisse, de pourpier (hammaqa), d^oignons^
sel, de lait aigre; appliquer le feu sur différents points
crâne; frotter la tête avec du goudron bien chauffé; eofi^
maintenir sur le crâne un topique composé de vinaigre et d'
piles ensemble, tels sont les principaux moyens ciiratUs.
L*ozène [qarhejm ImÊnakher, ulcère des narines), le^ SI
rations surtout syphilitiques si communes, se guérissent
introduisant dans les cavités na^iales une mèche de laine ouj
«ne touffe de poîK enduites de miel mêlé avec du zadj {^f^i^Ê
ftriol), ou bien de miel bouilli avec une grenade aigre (roum-^^
imanc qarsa) dans une marmite neuve. D'autres préfèrent u
[chiffon humeclédesuc degrenade douce (roummane hhalou
fûhaulTé dansune marmite de cuivre, soil un mélange de beii
le vaclie et de berrnmq (asphodèle) dont on se graisse av
fie doigt l'intérieur des narines.
Le meilleur remède contre le coryza (nezla) conaisfeà re
^Toyer par le conduit nasal la fumée de labac : les Arabes n
gardent comme pluseflîcace la fumée produite par le papier i
cigarettes. Il est également ban de s'appliquer à la base di
front un mélange d*ail éiimndé des enveloppes externes^
tête de bœuf {demagh fsour), piles dans de l'htiile.
La fréquence des congestions cérébrales, des dérangemei
dans la menstruation, l'insolation, la constipation, délerminei
des épislaxis. Loin de les respecter, rindigènc s'empresse lo
jours de les combattre; ainsi :
— 503 —
Renifler de l'eau très chargée de poudre fine de cumin
(quemmoun); — ou bien priser du labac mélangé avec du
méhah (?); — sentir à plusieurs reprises un mélange de pain,
de vinaigre, de zebel (fumier de cheval), hamra (salade sau-
vage) bien broyés ensemble; — introduire dans les narines de
rhuile à laquelle on a incorporé de la poudre bien fine de
coque d'œuf ; — aspirer par le nez du vinaigre dans lequel on
a pilé du son, de l'orge, du blé, des graines d*anis vert et du
lebane (cassis). — Sentir avec force delà croûte de pain frottée
avec de la rue puante.
Si le fatalisme et l'insouciance font négliger aux Arabes
bon nombre d'afîections légères au début, mais facilement et
promplement aggravées par les mauvaises conditions de toute
nature dans lesquelles ils vivent, c'est surtout dans les maladies
des yeux que cette vérité est incontestable. Les ophthalmies
chroniques, toutes leurs complications et dégénérescences or-
ganiques se présentent, en effet, chez eux, avec une déplorable
fréquence. L'Indigène les confond à peu près toutes sous la
dénomination de meurdh laïniriy c'est-à-dire maladie des
yeux. Considéréesaupointde vue de leur influence étiologique,
l'intensité de la lumière solaire, surtout sa réfleclion par la
couleur blanche des habitations, ont été singulièrement exa-
gérées; car dans les tribus, chez les Kabyles, chez les Saharis
(habitants du désert), où cette dernière condition n'existe pas,
les ophthalmies apparaissent aussi fréquentes, aussi graves
que dans les villes mauresques du littoral. — La fraîcheur
humide des nuits semble une cause plus évidente : dans
toutes les vallées, les plaines, en automne principalement,
les affections oculaires sévissent cruellement sous la tente. A
Biskra (au sud de la provinco deConstantine), de mai à sep-
tembre, nous en avons vu un grand nombre déterni"
— 504 —
la mauvaise coutume des Indigènes de coucher peu coûter
et à la belle i3toile» sur les terrasses, une chaleur moyenne ^
0 à 4*2 c. rendant les demeures inliabitablrs. Joignons
'cett*.' circonstance les vents violents du Sud, chargés de in
poussière; ainsi àBou-4/ada, on a souvent signalé cette fâcheua
incidence, « Les maux d'yeux ont fort incommodé Tarmé
irançaise en Eg:ypte, lit-on dans les mémoires de Napoléo
{{Expédition d'Eyypte); plus de la moitié des soldats en a éU
iteiûte. Cette maladie provient, dit-on, de deux causes : des
;ls qui se trouvent dans le sable et la poussière et aiTecteii|H
""îiécessaircment la vue, et de l'irritation que produit le défauî
de transpiration pendant des nuits très fraîches qui succèdent
à des jours brûlants Saint Louis, lors de sou retour de
l'expédition du Levant, ramena une foule d*aveugles, et c*i
foequidonna lieuàrétablîssemtMildes QuÎTize-Vingts, àParis.
w- — A Tripoli, où le vent du dési^rt apporte le sable jusi[Ui
|j5ontre les murs de la ville, les ophthalmies sont très fréquentes
Une grande partie des personnes d'un âge encore vert sont
Dtalement aveugles [{).» — Le vent du Sud n'a pas seul le
privilège de causer et d'aggraver les ophthalmies : il faut
^joindre le vent d'est qui souffle parfois avec assez de violen
en août. Dans T'étéde 4847, il détermina uTénèzdesaffeclioti!
oculaires en grand nombre. On peut égaleniemt attribuer u
certaine influente à rabsence de toute verdure, conibin
avec les fortes chaleurs, pendant la période estivale, dans le
lud de nos possessions algériennes.
Ne devons-nous pas mettre au nombre des causes prédis
mtes, Fabus des plaisirs vénériens chez le Musulomn pol
ime, et la nature de son alimentation presqu'excUisiveme
bégélale et généralement insuffisante? M. Magendie a prou
à
. — 805 —
que Tabus de cette nourriture exclusivement végétale chez les
animaux finit par les rendre aveugles.
On n'oubliera pas les variations extrêmes de température
qui régnent en Algérie, et le passage brusque de la chaleur au
froid, surtout au froid humide, chez un peuple si mal
protégé contre les vicissitudes atmosphériques. — Une autre
cause à signaler, parce qu'elle s'observe assez fréquemment,
c'est l'introduction, entre les paupières, d'épines très fines que
le vent détache des figues de Barbarie et porte sur la surface
si sensible du globe oculaire. Cet accident paraît fort doulou-
reux. — D'autre part, le peu de protection de la face et de la
vue en particulier, par la coiffure arabe, et l'absence, dans les
tentes et habitations, de cheminées, de tuyaux conducteurs de
la fumée, nous semblent deux causes des plus puissantes,
surtout quand les Indigènes brûlent des branches peu sèches,
et principalement la racine du chiaK (artemisia judalca}.
Celle-ci provoque un dégagement de vapeurs tellement acres,
irritantes, qu*en 4846, une colonne expéditionnaire qui se
servit de ce moyen de chauffage, compta en peu d'instants un
grand nombre d'ophthalmies. On doit tenir aussi grand compte
de la mauvaise habitude arabe de raser complètement la tête
(sauf une touffe de cheveux à la région syncipitale). Voici une
preuve évidente de cette funeste coutume : il y a quelques
années, des ophthalmies ayant apparu assez nombreuses en
Algérie chez des condamnés au boulet, dont la tête est entière-
ment rasée par mesure disciplinaire, le médecin réclama pour
qu'on leurlaissât croître les cheveux. Effectivement, la maladie
oculaire devint immédiatement beaucoup plus rare (4).
Chez les Arabes l'ophthalmie revêt différentes formes, ainsi :
4® la eatarrhalcy fréquente en hiver, presque toujours com-
pliquée d'un large chémosis; 2° la varioleuse, toujours fré-
(0 U' Rollit; 7Mi# de Stratiowg, ilSi. p. (n
— 506 ~ e
quenle pendant et après les épidémies de petite-vérole; c'est
une des origines les plus ordinaires des affections chroniques
de rœil, au dire même des Indigènes; 3® L^ purulente, signa-
lée épidémiquement dans le cercle.de Blidah, en juillet 4850;
en août et septembre 1847, dans le cercle d'Orléansville ; en
août 1849; dans celui de TIemccn; en août 4850, dans le
district do Nemours; en novembre 4847, dans le cercle de
Constantine; en octobre 4847, dans lesHribus des environs de
Sétif; en juin 4850, dans le cercle de Dellys, etc. La marche
de cette ophthalmie est extrêmement rapide; en quelques
jours, des Arabes ont eu un œil ou les deux yeux complète-
ment vidés; 4° la forme syphilitique, très rré([ueDte.
Quant aux autres épidémies d'ophthalmies, sur lesquelles
je n'ai pu avoir de détails, il faut citer : celle de septembre
4850, chez les Nègres Zmélas et Douairs d'Oran; celles de
Ghel ma, pendant IHiiver; celle de juillet 4849, dans le cercle
de Hédéah; de juillet, habituelle dans le cercle de Tenez; de
septembre 4 849, dans le cercle de Mostaghanem ; de juillet
4849, chez les Arabes de Hilah; d'août 4849, dans le cercle
de Philippeville; celle de 4839, à Constantine, etc.
Reste une forme qui n'a pas encore été bien nettement
caractérisée et qui me paraît devoir être rapportée au genre
névralgique dont j'ai décrit l'histoire à propos d'une épidémie
observée à Téniet-el-Hâd en 4847 (i). En effet, dans le^
épidémies de Biskra, par exemple, et qui ont été terribles
puisque, d'après le docteur Beylot, en 4844, sur 600 hom-
mes de garnison, 400 eurent des ophthalmies; — et que,
d'après le docteur Hassip, en juillet et août 4846, par une
température de 43 et 44^ C. à l'ombre, 68 et 70** au soleil,
la moitié de la garnison fut atteinte, et près d'un tiers des
(t) Néfralfit oeulairf épldémique ohstnée àTémitt-tl-Hàd {Vtor. d'Alger); Al^er, brocfa.
in %*t i85o. Et daiu les AiMuitt d'ocu/àtiqm dudtttur F/onnt Ctuiitr, n* du 3* noT«inbi«
lis*, p. at3, et du 3i nui ifSt, p. i85.
— 507 —
Arabes perdirent un œil, et plusieurs complètement la vue, -^
dans ces épidémies, dis-je, on voyait la conjonctive devenir
écarlate en peu d'heures; Taffectiori se compliquait d'exacer-
bâtions revenant le soir, et les paupières se tuméfiaient très
rapidement; en un mot, le début était fort douloureux et
très alarmant. Évidem.met)t^ il.y. a là, .dans cette pbénomé-
jiisation particulière, et dans les conditions météorologiques
de rétiologie, un fond et une cause névropathiques, que ne
désignent pas les noms de blépharophthalmie, ophthalmie
purulente, etc., sous lesquels on décrit généralement cette
forme d'affection. ' .
Les ophthalmies, mal soignées chez les Arabes, sont fré-
quemment suivies d'ulcérations, d'adhérences palpébrales,
d'adhérences de l'iris avec le cristallin ou la cornée. Les
toubibes (médecins) restent impuissants devant de tels désor-
dres. La cécité est aussi commune en Afrique que dans les
régions inlertropicales (i). On rencontre souvent Tliypopyon.
Les toubibes renouvelant la pratique d'Ali-Abbas, le laissent
ouvrir de lui-même. On voit communément l'inflammation
oculaire augmentée par des remèdes véritablement incen-
diaires^ g&gner le fissu du, globe de l'œil, déterminer un
phlegmon de l'organe, sa suppuration, sa fonte. — Ati^Abbas
conseillait la compression contre le staphylôme; les Arabes
n'ont guère d'autre ressource. — Dans l'ophthalmie, en général,
l'Indigène s'empresse toujours de soustraire l'œil à la lumière^
de le lolionner avec divers liquides, par exemple, avec du
teben (lait aigre), qui détermine une irritation suppurative
dont la guérison est ordinairement la conséquence. D'autre
part, la coutume de couvrir les yeux malades avec une masse
de chiffons qui les compriment, a le grand avantage de pré-
venir les hernies de l'iris dans les ophthalmies purulentes. —
(i) P^êjrmgf dan$ l'Jfriq^t occiJeittmte. par A. Rirnsit, e« i843 «t zf44.
— 508 —
Mascara, on se sert d'une pommade composée d*acel
de résine de tarfa (lamarix). — Dans le désert, on si
; ou phiLôt on scarifie aux pieds et à la têti5, et on se conteste
'd*endoire les paupières de koheul (pommade dont le suifu^l
d'antimoine forme la base). ^^
Uno décoction de hhabbet cl ain (graine du cassia npsuA
passe encore pour un excellcnl collyre. En Egypte on se se
[ée la mémo substance sous forme d'onguent. — Les Aral
font aussi chanlTer de Vain certane (œil d ecrevisse), Je coti
hpenl en deux, en meltent une moitié dans un chiffon ave
I lequel ils bandent Tœil malade. — D'aulres pilent ensemble
de la lige de krafeuss (céleri), de la tige de habbaq (basUic}|
I ajoutent ensuite du jus de kareuss (citron) et du smen beugf
If beurre de vaclie} ; on applique le mélange sur les organu
souITrants. A Constanline» on eujploie des cataplasmes de bçt
I (ognon) pité, et la saignée k la racine du nez. Je dcmandail
Lun jour au fils d'une famille de marabouts (prêtres), poni
juoî il se frolfait avec de la salive les yeux passablemei
Irrités, « Le Prophète Mohammed, me dit-il, guérit de ceU
flttÇOD un de ses parents. » Savary (1), dans ler|uel j'ai reche
fibé le fait, rapporle eiïectivement qu'avant la prise de
\ citadelle de Khaïbar (près Médine), les troupes de Mohammed
I avaient fail^ mais en vain, deux tentatives énergiques d agrès
Iflion. <i Depuis plusieurs jours, Tinvincibie .4/^ gémbsâit d|
|iiroir son courage inutile : un mal d'yeux le forçait àdemeurel
f. Il parut le front ceint d'un bandeau ; Mohammed Tayai
fait approcher, lui frotta les veux de sa salive, et le mal M
tiJissipa. » Savary ajoute avec raison : « l! est bien probabl
juc cette cure merveilleuse, si célèbre parmi les auteuf
mabométans, était concertée entre le beau-père et le gendre.
Ce qu'il y a de plus positif, c'est que le jeune marabout» qi
f i) JkMgé d» /• rtê dt MûàÊtmtt^ f . 1 1 $.
— 609 —
m'avait mis sur la voie de cette histoire, me demandait quel-* .
ques jours après un remède plus efficace pour sa conjonctiyite.
Il avait sans doute reconnu que la salive du Prophète avait
d'autres propriétés que la sienne.
Quand Tophthalmie dure depuis longtemps, les Arabes con-
seillent de prendre le premier ou te dernier jeudi (4) du
mois é'avril, un kat (chat), de lui brûler la tête, de recueillir
les cendres, et de s*en introduire un peu dans l'œil, à l'aide
d'un petit pinceau mouillé. Un de mes amis à Alger, porteur
d'une très ancienne ophthalmie, et grand amateur du Kif
(extrémités du cannabis indica), a remarqué que l'affection
oculaire s'était beaucoup améliorée sous l'influence réitéréo
de ses vapeurs, et surtout que les douleurs disparaissaient
entièrement les jours oii il fumait cette substance, Ce fait
curieux doit être rapproché des expériences de MM; Wolf et
Binard (2), qui ont reconnu au cannabis indica une action
sédative et calmante, comme l'opium et la morphine, et une
grande efficacité contre l'ophthalmie rhumatismale. Il y aurait
à rechercher en Algérie si les funieurs de ft»/ jouissent d'une
immunité contre les affections oculaires, ou si chez eux elles
ont moins de durée et sont réellement moins douloureuses.
' Un corps étranger pénètre-t-il dans les yeux ? A l'imitation
de Rhazès, les médecins arabes le retirent à l'aiJe d'un mor-
ceau de résine quelconque, auquel il vient s'attacher. Si c'est
un cheveu, un poil, un cil, on se frottera l'œil avec de la bile
de vache noire, — Contre le ptérygion, on emploie le totuim
(sulfaté de cuivre) en poudre. — Le larmoiement continuel,
d'autant plus fréquent qu'on s'approche du littoral, et qu'on
observe dans les plaines et les vallées, est combattu par un
mélange de koheul (voy. page 324) et de xebed (musc). ^^
(i) Joar coniidéré par les Arabw eômme très heureux pour tôole entrefirise.
(b) JnMia é'oeuitalifut du docteur Ft. CuAiVr ••janvitr i85o.
— S10 ^
On remarque la rareté de la fisliile lacrymale. La sécher
liabituclle de l'œil des Indigènes en serait-elle ta principale!
cause? — On conscilleencore contre répiphorade se bassiner le
yeux avec de Teau contenant unedraclimede meîlC (sel ordh
naire) et une demi-dractjme de zafrane (safran), ou dlntro
duire entre les paupières un mélange de miel et de bile d'uni
coq noir, ou bien encore du miel trituré avec du handte (assaj
fœtida). — Contre rentropion, quelques toubthes se decidenl
à cautériser au fer rouge le bord de la paupière, pratique pro- j
posée par Rkazès.
Le tricîiiasis, bien fréquent dans les pays cliauds, — puisquel
sur un total de 935 opérations faites en 18i3, à V École d«]
médecine du Caire (1), on en trouve 257 pour cette seule*
affection,— est guéri cbezles Arabes du Sud par rarrachemeol
des cils. Quelques-uns se rapprochant des con.>eils de Rkasès
maintiennent les cils collés aux paupières, a raide de goudron,
— La ovclalopieet rhéméralopie s'observent sur les lodig^ncsj
du littoral et dans les montagnes, surtout en mars ; cette der
nière, d'après ce que j'ai vu, sévit assez fréquemment àBiskra,
en avriL Les Indigènes iraiient ce^ affections comme uDej
ophlliulmie ordinaire, — Quand la vue est trouble, ou faible;
usée par la maladie ou par Tàge, les Arabes se frottent le
yeuxavecun mélange de miel et d'ail, ou bien avec du kohen
dans lequel on a incorporé du safran, du cemlfel (andropogon
nardus), du djaoui (benjoin). On conseille également dù^
s'enduire tes paupières et légèrement le globe de rœil, avec di
miel pilé avec des cendres de tête de khattmfa (hirondelle)]
— de se laver les yeux avec de la bile de ifhozlanc (gazelle);
— de piler ensemble du sulfate de cuivre, du felfel aAW
(poivre noir), du safran, du nechader (carbonate d*ammo«|
niaque), du zendjar (carbonate de cuivre), du ckebb (aluo)J^
(0 MttM0 rOritnl, «841,
— 5H -
di] koheulfdn ;ret«miik (sulfure d'arsenic), de Vasfer (car-
tharoc), du ferbiov/ne (cévàdille), du melhh miaàm (sel à
manger] ; un peu de cette poudre étant mis daDs un chiffon et
introduit dans ut roseau dont les deux extrémités sont bien
bouchées avec de la pâte de pain, on met ce cylindre dans une
passoire placée au-dessus de la vapeur d'eau bouillante, on l'y
laisse jusqu'à ce que tout le liquide soit évaporé. Quand le
roseau est complètement refroidi, on l'ouvre : son contenu sera
devenu dur comme de la pierre. On le repile de nouveau, on
répète l'expérience dans un autre roseau ; la nouvellesubstance
sera finement broyée, et on s'en introduira quelque peu dans
les yeux chaque jour. On peut encore mélanger dans une
boële, de la bile d'un hajel (jeune veau), du zadj (de l'huile
de vitriol), du miel (récolté sans le contact de la fumée) et du
safran. Si l'on est au cœur de l'été, la boëte restera exposée
sept jours au soleil; si l'on est au printemps, elle y séjournera
quarante jours. Au bout de ces laps de temps, le mélange est
incorporé à de l'huile, et on s'en sert comme d'une pommade.
Les amau roses sont beaucoup plus rares qqe le strabisme,
dont j'ai vu quelques cas dans le Sud. Aucun traitement de la
part des Arabes, si ce n'est quelques boutons de feu aux
tempes.
Quoiqu'on en aitpudirc,lescataractes paraissent communes,
et reconnaissent généralement pour cause les affections ocu-
laires négligées ou mal traitées. M. le docteur Deleau en a
signalé un grand nombre à Constantine, où il les a opérées,
ainsi que M. le docteur Vital, par la méthode d'abaissement.
En 1840, mon frère, le docteur A. Beriherand, a également
remarqué beaucoup de cataractes chez les Indigènes de Bli-
dah (1). Pour mon compte, j'en ai souvent rencontré dans la
population kabyle et surtout dans les oasis de la province de
(f) Année i84a des Mém»irtt df Méd. miUt.
— SIS —
Constanline. Les Arabes ne les opèrent que sur les animaui*
M» le docteur Guyon a décrit (<) le proccilé suivi par !e& ka-
byles, « noCammeat sur les clièvres, en traversant l'œil avec
un fil dont on laisse quelque temps les exlrémilcs au dehors.
Un Kabyle a opéré aiusi à Alger, en 1836, un bouc alleint d'une
double cataracte ; il s'est parfailemânt rétabli. %
Les aUératioQs de la cornée transparente succèdent asje?
promptementauxconjonclivitesrson inflammation, son ramol-
lissement, les épanchemens de lymplie entre ses lames, s'ob-
servent 1res fréquemment. Les biadk el ain (albugos] ont seul»
un traitement particulier; voici quelques formules des plus
usitées :
Ajouter au ÀaAeî*/de la fine poudre de werd/ane ^corail);
— introduire entre les paupières un mélange de bile de bœuf,
de babas (fenouil) et de beustaqqel (?) bien piles ensemble;
— ou bien un mélange d'œufs, de khall (vinaigre) et de qiêetn-
moun (cumin), bien fincmerit broyés; —soit une poudre com-
posée de zebeà el bahhar (musc de mer, probablement la
sèche), de êoqqor (sucre) (2) et de coque dVouf d*autruche, le
tout bien finement iriLuré; — ou de la poudre de safran» mêlée
à la cendre de morceaux de vieilles chaussures en cuir; — on
bienduiaowoç (mercure), de Vhadida (peroyide de fer), du
sulfate de cuivre, du poivre^ du safran, de Talun, du zenzebil
(gingembre) ; le tout bien pulvérisé ensemble et broyé ensuite
avccde Thuile; il suffit de s*en froller les paupières légèrenienl
entrouvertes. Los Arabes nVmploicnl aucun traitement par-
ticulier dans rophthalmie syphilitique*
4
4
Les douleurs d oreilles {oudjà oudnine), si communes ehe
rhabitantde tentes mal closes, se traitent en introduisant dans
(*) L'emploi dn «ocre candi e»l tr'tleitii<'nt u^ii^ dans J«g t«î«s de la coraie, qnt etit* flulM'
IIM« **»pj»*ne ans» *9f9*>r hknik (e-à*4- t'- su^iff fouf Vtïïiï).
à
— 6«3 —
le conduit -auditif, de Thuile mêlée avec de la fine poudre de
rendd (laurier), — ou une décoction de bile de bœuf, d*huile
et de khiiss (laitue), — ou de Thuile chauffée dans un.ognon,
ou dans laquelle on aura broyé de la graine defeijel (raifort).
Contre Totorrhée, on fait couler dans le conduit auriculaire
de Teau dekosber (coriandre) dans laquelle on pile préalable-
ment du hendeba (chicorée) et des feuilles A*aghar (thuya
articulé). Lorsque Técoulement et les douleurs sont considéra*
blés, on met quelques pointes de feu autour des oreilles,
conseil déjà donné par AbiW Kacem.
Les Arabes parlent souvent de vers qui sortent des oreilles
des jeunes enfants {doud ladi fi oudnine sbiené); ils combat-
tent leur production en mettant dans le conduit auditif une
décoction de hhzama (lavande) avec du vinaigre très fort
[khall kouaui), et bien filtrée en sortant du feu.
Quant à la surdité, les moyens curatifs varient depuis les
amulettes, Tingeslion quotidienne d*une boisson composée
d'eau dans laquelle on a laissé séjourner quelque temps une
tête de ^an/bu^ (hérisson), jusqu'aux topiques parmi lesquels
on cite particulièrement : une forte décoction A'allaïq akhdar
(ronce verte), dont on introduit quelques gouttes jusqu'à ce
que le malade sente le liquide pénétrer dans la cavité auricu-
laire ; ou bien de la bile de poule blanche ; soit encore de
Teau d'ognon dans laquelle on aura broyé du chenedegoura
(ivette).
Presque toujours déterminés par un mauvais état intestinal,
la stomatite, la gingivite et le scorbut se rencontrent très sou-
vent chez les Arabes. L*humidité, surtout l'hiver, n'en est pas
non plus la moindre cause. D'après M. leD' Deleau, la stoma-
tite gangreneuse serait endémique à Constantine, notamment
chez les enfants, et il en accuse l'entassement dans des lieux
— 514 —
malsaïDs. Les Indigènes confondent tontes ces affeciiOM Mc-^
cales, Y compris les apliles, et recoimoandent les gargarismcs^
fréquents avec uno déctiction cûuceatrée de rehkanc (basJlic}J
ou avec du suc de maçaça (plantain) bien vert, soit avec ui
mélange d'eau et de sel que Ton remuera sept fois (1) en pro-^
nonçant le mot bismillah (au nom de Dieu), et dont on s^i
rincera la bouclie trois fois et (rois jours, avant chaquerepas.
Les gencives son t*elles très malades? mangez de la viande rôtie
de djerboheu (gerboise), que vous aurez soin de mâcher tr
longtemps avant d*avaler. Les ulcérations gingivalesserontcou-^
vertes de poudre de zô?icjar (suif, de cuivre). Si rhaleineeât par
trop fétide, les dents gâtées et les gencives gonflées, on mâcher
de ta résine extraite par incision du darou (pistachier lentis
que), on bien pendant ^roû jours on se rincera la bouche ave<s
une décoction comprenant quantités égales d'huile cl
feuilles de najouz (?) ou de daililane (T). Dans le Sahara, on
se contente de garder pendant /roi^ jours, dans lacavilébuccalOpl
un morceau de bkhour (substance lésineuse) (2).
Aucun iraiLement contre la grenouillette (ieleslcs); celiêl
alTecliondont j*ai observé un seul cas, chez un Kub)/le, a étjJ
également rencontrée sur plusieurs autres points de rAlgérjev|
dans le cercle de IHilianali, de Bogliar, etc.
La mauvaise Ijabilude de boire à la surface même iies ram
et des sources, et de ne point entretenir ces dernières dans ni
élat de propreiê convenable, fait souvent avaler dessangsued
[âleq] fort petites, noires ou jaiinâlres. En mettant sur df
charbons ardents des fèves (foui) sèches et soufflant letu
(]) Oo rateod fén'r^lcinenl par MA^ur. Hhâr, toaic ilm|;ur A nàtur pârfuAkrfr» I
t^tn^ tout •rYkinàUi. Lp 6à/ioitr du So«i4ttn est tmo espace ûe bcrjttin très cnoc«fitr4 bu t*i
Diiiu le Sahara, on brûle, ^ tiirp de p«r}uin, une Héiat^ une «or(v d*c$»4i*ucn qur X'oii lifj
û'nn arbrr âp|<c1é aianm tu nat (lu inÂrc Ue* hoiiuiict) . Ci'^ deux c£&c4îc^»t celle du i
«lu StbâTti p«rtii%rQl ^trc U» «néinv» ; t'est d'elle» Uoni il l'ûgiikî cDinnie «at>-Korl^li
— 815 —
cendre à Taide d'un roseau dans la gorge du patient, on reit
aussitôt la sangsue se détacher, et le malade n'a qu'à la cracher.
Si rhémopisvorax a gagné les fosses nasales, on doit se rincer
la bouche avec de l'eau d'ognon dans laquelle on a pilé de
Tanis noir, et renifler également de ce liquide : le malade
éternuera aussitôt et la sangsue tombera. Quand Tannélide
s'est fixée dans le pharynx et qu'il est impossible de l'aperce-
voir, il convient de se gargariser avec une décoction de felfel
(poivre). Rhazès conseillait un gargarisme avec de la mou-
tarde : encore un rapprochement traditionnel.
Le bec de lièvre, que les Arabes appellent foum el djemel
(boyuche de chameau), ne paraît l'objet d'aucun traitement
parliculier.
Quand on considère chez les Indigènes la beauté des dents,
leur égalité, leur régulière implantation, leur volume bien
proportionné à celui des inaxillaires, on éloigne généralement
toute idée d'affections possibles, chez un système si parfaite-
ment harmonisé avec ses importantes fonctions. C'est une
grave erreur : ces ostéides sont fréquemment le siège de
douleurs et de carie. On pourrait objecter que la carie
dentaire a été rarement observée chez les momies égyptiennes ;
mais des différences, soit de climat, soit d'habitudes alimen-
taires, suiSraient pour expliquer cette singularité. Tous les
médecins des Bureaux Arabes savent fort bien ce qu'il faut
penser de la prétendue inaltérabilité des dents des Indigènes,
par le nombre d'ostéïdes qu'ils sont souvent appelés à arracher,
procédé, entre parenthèses, dont la rapidité et la sûreté d'exé-
cution se trouvent très goûtées et très recherchées par les
Arabes.
L'odontalgie {oudjà el snine, mal des dents canines; otKljà
dersa, mal des grosses \ients) se guérit comme il suit : se
rincer la bouche avec de l'eau dans laquelle on a pilé de la
— 516 -
"racÎ! îhë '[nmSiTôu avec du vinaigre dans lequel on a broy?
rail: — avec une forte décoction d'anis noir el de graines dl
snouber (pin us sylvcslris); — se froller les dents avec de Vtkiî
brûlé; — appliquer sur la dent un mélange tiède de vinaigre
sept graines de poivre, de la graine de réhkane (basilic), dq
la pelure de nedjass (poire), le tout bouilli avec une grenadi
aigre bien brovée. Quand un souffre habituelleme&t des denls,i
on doit se gargariser tous les mois avec de l'eau de feuille!
bien pilées de de fia (laurier rose).
Les Arabes rapportenl rodonialgie, ragac+?meni et la carit:^
des dents, à la présence d'un ver dans leur iniéricor: Us pré-J
tendent nième trouver de ces petits animaux dans les ostélde
gâtées, et en voir quelquefois sortir; on les appelle a\or
sùussat-el'foum (vers de ta bouche). Il est probable qu*il y i
ici confusion avec quelques produits path<>logi(iues, quelque
concrolions de lymphe ou de pus ; toutefois, nous ren>arqu€
rons que cette croyance avait cours au moyen-àge. Martin Six
au XV1I« siècle, et Scbultz, affirmaient avoir retiré des verst
plusieurs dents gâtées ou arrachées. J'ai cité ailleurs (1) de
faits analogues, appartenant à Goulin el Dolceus. Bremseï!
pense que les prétendus vers des dents ne sont autre chose qui
les germes des graines avec lesquelles on prépare les fumiga^j
lions anii-odontalgiques (2). SchaëlTer a démontré, au cor
mencenient de ce siècle, qu'il s'agissait ici d'une afTcctioal
purement imaginaire. Quoiqu'il en soit, les toubibcs cons^iU
lent à celui qui a des vers dans les dents [doud sninau)
prendre un morceau de fer, de le mettre dans un roseau doii|
une extrémité plongera dans le feu, et de porter rautreboii
sur la dent dès que la vapeur commencera à s m dégager;
ver doit immédiatement sortir. Un autre moyen consiste
(i) ittthrekêt 4iir ffs tvm»iéfj iubhnfuttUi, Thèse pùttr h Jottotat, StrAsbourf, «S4&» |»» 1141
- 617 -
exposer la bouche ouverte au-dessus de la fumée que produira
de la ciguë (cikhane) projetée sur le feu ; le contact de cette
vapeur chasse de suite le ver hors de sa demeure.
La pusillanimité, propre au caractère arabe, se représente
à l'occasion de l'avulsion des dents ; les Indigènes cherchent
donc tous les moyens de rendre cette opération aussi indolore
que possible, et même à les faire tomber d'elles-mêmes. Pour
empêcher la douleur d'être forte pendant Ts^rrachement, il
suffirait de recouvrir la dent gâtée d'un mélange de miel et de
poudre de feuilles sèches de touts (mûrier), ou bien de cendres
de roseau et de graisse de dxafdd (grenouille) bien pilées
ensemble. Chasser la dent de son alvéole sans y loucher est la
moindre des choses, au dire de quelques charlatans indigènes ;
pour ce, broyez ensemble de la viande de grenouille, de l'ail,
du goneteuss (pyrêlhre); une heure après que vous aurez re-
couvert de celle composition la dent douloureuse, teneqalaha
biennelèh' (elle tombera d'elle-même)! Du resle, des pratiqués
analogues étaient conseillées par Rkazès (l'arsenic en fric-
tions; un peu de poix sur la dent), par Àli'Abbas (du lait
d'ânesse ou de Tassa-foclida sur la dent), par Mésué (toucher
la dent avec des noix brûlées ou un grain d'oliban), par
Avicenne, qui vantait également la graisse de rainette pour
opérer la chute spontanée. Ces rapprochements sont assez cu-
rieux. — Malheureusement, les choses ne se passent point
toujours selon les désirs et l'imagination du patient, et il faut
bien recourir a quelques autres pratiques pour calmer les
dents cariées ; ainsi :
Se gargariser la bouche, en ayant^in de conserver la dent
remplie du remède, avec le jus qu'on obtiendra en pilant
ensemble des feuilles fraîches de jujubier {sedr') el de cAcne-
dcjfoura (ivette). — Appliquer sur la dent un mélange de
quantités égales et bien pilées de graisse de grenouille, de
hantite (assa-fœlîda), do racine de céleri {krafeusi); la dou*
— 518 —
leiir 8*apaisera sur-le-champ. — Mettre dans la dent un peu
de miel et de henna bien mélangés ; ou bien un peu d'afion
(opium), ou du goudron auquel on a incorporé du sel, de
Talun et du thym (zdier); soit encore un peu d'une décoction
amenée à consistance pâteuse, de feuilles de tine (figuier), de
tamarin, (lar/a), de feuilles de kharoub (caroubier), de'farJae
d'orge et de vinaigre.
Quand toute cette kyrielle de remèdes est épuisée sans suc-
cès, on se confie au toitbibe drouss (médecin des dents). Si
l'bémorrhagie qui succède à Tavulsion de la dent ne s^arrête
pas promplement, il faut combler Talvéole avec de la cire
{chemâa) ou bien mâcher des noisettes (Aeneoto^), soit se rincer
la bouche avec un mélange de vinaigre et de sel.
Le relâchement de la luette {tenetelah ou asfour^ petit
oiseau] est attaqué par des insufflations d'alun à Taide d'un
roseau. Rhazès avait déjà conseillé, pour dissiper cet accident,
de toucher cet appendice charnu avec une cuillère rempHe de
cette même substance saline. '
J)ans Tangine {oudjà gueur ajourna, mal du gosier) fré-
quente en hiver surtout chez les femmes et les jeunes enfants,
qui présentent souvent à titre de complication des engorge-
ments sous-maxillaires, on suit de préférence un traitement
interne. Boire pendant trois jours du vinaigre dans lequel on
a pilé de Tassa-fœlida (haniite), ou prendre pendant trois
jours une décoction de feuilles de kroumbt (chou), de rsdsins
(dneb), de vinaigre et trois tamazedj (?), bien mélangés
ensemble. La poudre de toutia (sulfate de cuivre) est employée
en topique dans Tangine chronique et ulcéreuse.
Pour guérir Taphonie {bahha, par harmonie imitative), on
mange avec un peu de pain des mechmacha (abricots)
— 549—
desséchés, privés de leurs noyaux et bien cuits dans un peu
d'eau. Il est aussi recommandé de boire le liquide obtenu en
écrasant ensemble du kroumbt (chou) et du raifort (feijel).
Une espèce de pigeon, feurq hamama, bien cuit et mangé à
titre d'alimentation exclusive, passe aussi pour très efiScace.
Mâcher tout le jour du bois de réglisse {doud souss) et du bois
de girofle [khounfel) broyés ensemble, constitue un autre
remède très vanté.
Dans les oasis du Sahara, le croup (djadja ou faroudj\
voyez ci-dessus page 392) des enfants est combattu par la
peur. On dit au malade qu'on va Tégorger, on lui lie pieds et
poings ; on Tétend. Un individu armé d'un rasoir se présente :
il applique d'abord le tranchant, ensuite le dos de la lame
qu'il fait agir sur le cou de l'enfant, comme s'il lui coupait
la gorge. On pense que les efforts, les cris, les pleurs et l'effroi
du malade amènent une crise favorable (1).
La coqueluche [teuouiche, par harmonie imitative), que les
Indigènes attribuent aux brouillards épais et humides, atteint
assez fréquemment les jeunes enfants. Elle a sévi épidémique-
ment plusieurs fois : à Alger au commencement de 4839, sur
dix décès on compte quatre Musulmans; en juin 4839, dans
le cercle de Milianah; en 4849, au village arabe de Djalis de
Saint-André, près d'Oran, etc.
La grippe (mriahh, c'est-à-dire le coup de vent) dont
l'apparition en hiver a presque toujours suivi quelques jours
de gelée ou de refroidissement subit de Tatmosphère, a régné
épidémiquement en janvier 4848, chez les Kabyles de Cher-
chell en nnême temps que la petite vérole ; la mortalité fut
considérable; — en novembre 4847, dans les cercles de Tenez
et de Sétif; — en novembre 4847, dans le cercle d'Alger; —
(0 Kent* d'Orient, révricr i849> V jilgerie mériJionate, ^»t M. Pkax.
320 —
en janvier <848. chez les iribus de Tiarei; — en noteml
1847, à Canslaotine, etc.
Les toubibes paraissent impuissants dans ces trois aiïec-^]
lions : ils se bornent à quelques-uns des traitements qui vont j
être indiqués à propos de la bronchite.
Les affections do poitrine sont généralement confondues!
sous le nom de sdta (toux). On oppose à ce syniptôme quij
forme pour les Arabes toute Timportanc^ et le diagnostic de laj
maladie, les moyens suivants ;
Prendre de la graine de navet [left], de la graine de radis]
(feijel); avaler une graine de chacune de ces espèces» pUefJ
toutes les autres ensemble avec de riiuilo; ajouter ensuite uni
peu de vinaigre ; en manger une petite quantité avant le repas J
— Manger de la galette composée de farine, de graine
chanvre (ketfane (1), de la graine de poivre et du miel bien'
clair. — Introduire dans tou&ses aliments une petite quantité^
d'un mélange à doses égales {otiquïa, once) de racine de
réglisse (areug es-sous)^ de geruiandrée (senexebil), dfl
poivre, de kit aigre (leben), de sucre^ de meusteqa (suc do '
lentisque), de fleurs de pavùt {nouar el khachkhaek]. — ^
Boire pendant trois jours consécutifs de Thuile bouillie aiec^
delà rue puante; — avaler Iroîs (toujours te nombre trois)
malins consécutifs le contenu d'un œuf que Ton aura mis
quelques instants dans les cendres d*un feu très actiX —
Manger tous les jours une certaine quantité d'un mélange
d'ail prive de sa pelure extérieure, de miel, de beurre, bamlUi
jusqu'à consistance de gelée dans une marmite neuve el bien
heroiétiqueiiient fermée; — manger le UJatin, au réveil» dH
miel auquel on aura incorporé de Teau de rose [ma oueurdÙ
du sé&iimç(djiljelane), de la racine de tamarix {(arfa) et de M
racine de laouchiche (T); — ou bien un mélange de lait, de"
(«) 0« 4 pli r#tiiar(rafr« |>»g* io^, t*t prrtpriél^ raliu«iitM At e«Hte ptAnto.
1
— »24 —
beurre et de cassis (bane); — manger le matio du miel bêoilli
avec des feuilles de céleri #t des feuilles de romarin (Mil) ;
— frotter toute la poitrine avec un mélange de miel nouveau,
de beurre frais et de vinaigre ; — manger trois jours de suite
un œuf dans lequel on aura fait chauffer des graines de har^
mel (rue).
La bronchite règne parfois épidémiquement, témoin celle
d'octobre 4847 à Constantrne, qui aggrava beaucoup les ma-
ladies régnantes et éleva considérablement le chiffre de.la mo^
talité. Elle parut avoir été déterminée par une température
^che très prolongée.
Quand la toux est violente et accompagnée d'oppression
extrême, état que les Arabes appellent sala ou ghomma el
galb (toux et étourdissement du cœur), il faut boire pendant
trois jours du suc de feuilles très fraîches de krombi (chou)
bien pilées; ou bien une décoction de feuilles de irtmij (cé-
drat). En même temps, on fera des frictions avec le bou-nefa
(thapsia garganica).
Le malade crache-t-il du sang [ibezoq ed demm) T il man-
gera, avant le coucher, une cuillerée à café d'un mélange de
fèves (foui) écossées, pilées très fin, de beurre et de miel, le
tout bien cuit.
Conire la pleurésie [botindjeneb, le mal du cô(é), on doit
boire une décoction de chenedegaura (tvette). Dans l'épanché-
ment pleurétique, nombreuses applications de feu par bandes
ou par points, ie long des côtés. Le bow^soufouf (h mal des
lignes, le point pleurétique) est assez commun au Darfour : on
l'y traite par des scarifications sur la poitrine, ensuite on les
Trictionne légèrement avec du n'atron (carbonate de soude), ce
qui provoque un écoulement considérable de sang. Par ce
moyen on guérit le plus grand nombre de malades (1).
(■) D' Perron, trad.du P^ojrwgÊom Dm/^w, p. «86.
— 822 —
V^\hme[dhiqqetenneffs, rétrécissement de la respiration)
guérit par les moyens suivants :
1 * Avaler chaque jour une once d'amandes douces (lata
hhalou) et de sucre, bien broyés ensemble; 2^ manger du miel
auquel on aura incorporé une once de poivre et deux onces de
vbiâ (fleurs du printemps] ; 3^ piler de la poudre de chasse
(6arf>utf)avec du heu^rf (cresson de jardin) et du cumin {quemr
moune) ; en mettre chaque jour une petite quantité dans an
œuf jde poulexuit à la coque,. et manger cette préparalfoo «npf
matins consécutifs;— 4^ J)oire le matin àjeundusocâelirnoo
sauvage [lim beldi) dans lequel on aura pilé de Vmkdm (l). *
Ëa question des affections de poitrine en Algérie constitue
un des plus importants sujets d*hygiène et de thérapeutique.
Une constante et impartiale observation, au sein des tribus,
des populations indigènes^ peut seule apporter de précieux élé-
ments pour hâter lasolutiop de cet intéressant problême. Nous
devons toutefois affirmer que les maladies du poumon ne sont
pas rares chez les Arabes. Le docteur Finol, qui les attribue
aux ablutions répétées et à Thabitude de coucher en plein air «
ajoute : «Les Arabes meurent par le poumon bien plus fréquem-
ment que les Européens, à Blidah du moins (1). » Sur les
hauts plateaux, à Milianah, à Tonietr-el-Hâd, à Batna, j'ai vu
de nombreuses pieu ro-pneumonies chez les Indigènes, par suite
de la mobilité extrême de la température dans la journée; et
par contre, à Biskra, à rentrée du Sahara, je constatai égale-
ment de fréquente affections pulmonaires par suite du con-
traste des journées chaudes avec les nuits très fraîches, que
les habitants ont coutume de passer sur les terrasses, à la belle
étoile. Il faut espérer qu'une sérieuse élude des conditions
géographico-pathologiques de nos possessions algériennes
prouvera bientôt d'une manière irréfragable que les climats
(t) t. LVI dn Mcmoktt d* JfcV. r/ rfe Ckèr. mUitmim.
— 523 —
les plus favorables aux personnes alleintes d'affectious chroni-
ques des organes respiratoires sont, non pas d'une manière
absolue les pays chauds, mais bien les localités dont la tem-
pérature constante, la plus égale possible, jette le moins de pro^
fonds troubles dans les fonctions de la peau. — La phthisio
(meiMrdh ti(Aa/',maladiederaffaiblissement) s*observe également
chez les Arabes. Si elle paraît presqu'inconnue au Darfour (1 ],
elle se trouve au nombre des maladies qui régnent à Tunis (2).
En 4831 (3), le docteur Clot-Bey fleiisait remarquer qu'ea
Egypte on observe rarement la pleurésie, la pneumonie, en
ccnséquence, presque pas de phthisiques ; mais le docteur Ha-
mont déclare au contraire (4) « queles maladies tuberculeuses
sont communes en Egypte sur les hommes et les animaux
Pour Fespèce humaine, on rencontre généralement la phthisie
chez les habitants pauvres, mal nourris et vivant d'un travail
forcé dans des maisons basses et humides.... Les étrangers qui
arrivent des pays septentrionaux, en Egypte, sont rarement
affectés de phthisie pulmonaire, tandis que les hommes qui
viennent des contrées méridionales, y sont très exposés. » On
a cependant remarqué que durant Texpédition d'Egypte, pas
un seul militaire français ne succomba à la phthisie pulmo-
naire (6). D après M. Lautour, médecin sanitaire à Damas, la
maladie la plus fréquente de l'espèce bovine est la phthisie
pulmonaire; sur cent bœufs ou vaches malades, on peut en
compter au moins 75 attaqués de cette terrible affection (6).
La phthisie est assez répandue aux Antilles et sous Péquateur,
où elle affecte un caractère très aigu, et très promptement
(i) F'ajrag» auDm/ouTt trad. par le D' Perron» p. >t8.
(a) M Parmi les afTectionf qui te remarquent à TanU, on cite la phthisie el rhémoptinc »
(D' Brandin, da Ho/eiMif tit Tunis dans tu r^porU •McVÂtgérir, i85o).
(3) Compit^nJu d» l'écott d'jHou-ZûM. •
(4) L'Egxpu tous MftAéBut'jéH, 1. 1, p 49>- — >843.
(5) Société ds Mttd. prat. dm Pmrit, séance da a arril ii3S.
(H) Retued'a-ient, t, IV, p. 39.
— 524 —
mortel (1). A Conslanline, le docteur Deleau (2) a constaté
plusieurs cas dephthisiechez desfeDimes arabes; il lesattribue
auyice scrofuleux, aux gestations prématurées, aux variations
brusques de température. Dans les poumons de plusieurs
arabes et dans ceux de deux nègres, M. Ferrus a trouvé des
cavernes et de nombreux tubercules (3). D'après le docteur
Catteloup (i), « l'état graisseux du foie est fréquent en Algérie,
tandis que la phthisie pulmonaire y est excessivement rare,
même dans la province d'Oran, où lesphlegmasies du poumon
s'observent souvent pendant Tbiver. » Le docteur Grellois n'a
observé aucun cas de phthisie chez les Arabes du cercle de
Ghelma et d'Hammam-Meskoutine.
La race Nègre succombe très facilement à la phthisie en
Algérie; et àBiskra, oii les Nègres sont assez nombreux, jeles
ai bien rarement vus atteints de fièvre intermittente, quoiqu'ils
habitent sous la tente ou dans de mauvais gourbis en palmes,
dans des jardins humides ; ce qui serait du reste d'accord avec
cette remarque de M. Boudin : « La race nègre montre très peu
d'impressionnabilité pathologique pour la cause productrice
des maladies de marais (5). » — En 1836, l'Académie de
Médecine de Paris, saisie de la question de la phthisie à propos
de la demande du D^ Costallat de fonder à Alger un établisse-
ment pour les phthisiques, se livra à une discussion qui, faute
d'éléments statistiques suffisants, se termina par ce vote : 4'1\
est douteux que le climat d'Alger puisse favoriser la guérison
delà phthisie.» — En 1843, le docteur Casimir Broussais
exposait devant cette même assemblée qu'en Algérie, l'armée
compte un phthisiquc sur cent deux morts; et à Paris, un sur
(i) Foitoac, De rhtfluenc* dut cltmmlt sur rkamme, p. 199.
(a) LU vol. des JUe'm. de Méd. et de C/tir. miUluiret.
(3) Sëunre du 6 août i844 «le Wicad, de Méd. de Paris.
l'4) P. 219 du t. LVIII des Mem. de mcd. et deehir. militaiits.
(5) Htnde dr génlu^W médirah, «845» p- ^'o.
— 525 —
cinq. Les seuls docuoients que j'aie pu récolter sur la phthisie
chez les Arabes, se rapportent aux décès de la ville d'Alger :
ils montrent
Qa'en i83t» «or S71 décès diei 1«> MaralmaiM, il y a ca i3 phthtn^iMt.
— 1839, swStS — 17 .^ <
— i84o, Mir857 — i4 —
— i84i* tur ^t — M —
— 184&, nu'44a détiètparairections palmoiudres 4a —
— i849> tnr ? — 36 —
Ces chiffres indiquent suffisamment que la race arabe est
sujette à la phthisie, maladie du reste observée et signalée sur
différents points habités par les Indigènes, dans les cercles de
Blidah, Hilianah, Dellys, Tenez, Oran, Sidi-bèl-Abbès,
Mostaghanem, Ammi-Mouçâ, etc. Les citadins des villes mau-
resques attribuent cette maladie à Teau fraîche et crue des
citernes et la croient susceptible d'être transmise par conta-
gion. — On pourrait se demander si les Arabes des tribus, des
plaines, des vallées humides, ne trouvent point une certaine
immunité à fa phthisie plus rare chez eux, dans la fréquence
des affections épidémiques de la peau (variole, rougeole, etc.).
Chez eux, la syphilis ne serait-elle pas au contraire un élément
provocateur, cause particulière admise par M. Gamberini (4) ?
En tout cas, la grande mortalité qui sévit sur les enfants
Indigènes, don^t la faible organisation ne saurait lutter avec
succès contre tant de causes de maladies et de privations, doit
rendre l'hérédité de la phthisie fort difficile. — Des points de
feu sur le thorax; des applications réitérées de racine fraîche
debounefa;àe% bains maures; l'exposition aux vapeurs
résineuses (goudron, pistachier-lentisque) ; divers emplâtres
irritants; dans le Sahara, bains de sable chaud ; constituent
à peu près toute la médication arabe contre la phthisie et les
affections graves de la poitrine.
(t) fini, mtdir. Ht l'nrit, juin i853.
- 326 —
Les maladies du cœur (oudjà lyalb] sont assee rares dth
un peuple doat le système nervoux, p«u excitable (1), trou*
si peu 4e stiftiulaiions rnoralcs et sociales. D'après Sirfi Tmtlii
k^s palpitations [khafaqan] viennent de ce que la Tatigue d
corps gagne le jeu du cœur; aussi quand un individu, «tjjel
cette maladie, vient de faire une courge ou dee nfiouvements
violents et quelque peu prolongés, il doit immédiatement se
bien couvrir, rester en repos et déterminer une abondante^
transpiration; alors seulement les palpitations et la dvspoé^l
disparaîtront* Les Arabes conseillent encore de manger du
foie de saffata (?) pilé avec ànjeham (î); ou bien de Wire un^
décoclion composée de trois onces d« besbas (fenouil) etd*ian^
drachme de kelba (fenugrec).
Celui qui éprouve un malaise douloureux dans la régioi
pr<Bcordiale, la frictionnera avec du miel auquel on a încoi
pore des poudres de cembel [jonc odorant), de canelli
{qarfa), de lebane (?), *^t du meiisteqa (suc de lentisque).
Contre l'inappétence, les remèdes ne manquent pas> Ofl
jnseille principalement d# manger avant le repas une cui^
Icréc de raiel contenant une pincée de sanaudj (anis noîr),oa
[Uu quemmoune akhhal (nigella saliva); — de mâcher les
feuilles ou le jeune fruit du souaq-beiel (espèce de poivrier),
Jjdont les propriétés toniques et stimulantes sont unanimement
reconnues chez les Arabes; — défaire bouillir du harm^i(tnt)
[avec de l'huile, dans une marmite toute neuve; pendant l*é-
t»ul|ition, ajouter de la farine d'orge jusqu'à coosisiance
(i) J'iuî»tv pBoore ki tur oelt» luitur* {Mirticoliérc du syitàinv ucjrraoa de TArab», p'V*"
P que rvtle ({oektiou «tt fort ttfiporUutrf au poiai d« tuf* «nrtoul dr l'^tjologin «t é» i/iiu
[•^'i ««fie qq» ïeik itlténét oppotcal pcatUnt ionftem|ii 4 racUon de toutei !«& c«tta«« »«llk*
loKii:|t,e« îfitiiienlif > ticiu Ici deux eti, U màrtlie <Im luoliiil» til filu» leetr, loudifUM-
— 527 —
pâteuse; alors, retirer du feu, ajouter un pend^buile: boire de
ce liquide onctueux chaque matin, avant le repas; — de |>iler
ensemble trois onces de besbas (fenouil), quatre onces de
habbet hhalaoua (anis vert] , demi-once de eembel (andropogon
iMirdus), une once de me/A* (sel commun); incorporer le tout
a du miel et en manger un peu tous les matins, pendant trois
jours ; — de mâcher de la résine du cedrus atlanticus [arx).
La gastralgie se guérit en mangeant du miel mêlé avec de la
poudre de cktnedegowra (teucrium iva). Si la gastralgie est
compliquée d'étouffements {ghewmna), incinérez du chebet
(fenouil puant), du chenedegaura, de Vaklil (romarin) bien
sec, du bois et de la feuille de ghaghat (7); mélangez intime-
ment toutes ces cendres, ajoutez-y de l'eau de fleurs d'oranger
(ma zahar)y filtrez et buvez-en chaque matin.
Leià gastrites aiguës se remarquent fréquemment pendant
ou sitôt après le Ramadhan (mois du jeûne), tant à cause de
Tabstinence forcée pendant tout le jour, que des excès de toute
nature qui lui succèdent la nuit, surtout si ce carême particu-
lier coïncide avec les fortes chaleurs de l'été. Les Arabes pren-
nent des bains maures, boivent de la décoction de fenouil,
mangent des tchina (oranges), ou appliquent sur Tépigastre
des racines bien fraîches d^ bou-nefa. D'autres avalent, matin
et soir^ une pincée de kerouyak (carvi), ou quelques gorgées
d'eau dans laquelle on a jeté des fleurs de xdter (thym) bien
fraîches et bien pilées.
Toute aSection de l'estomac s'appelle dd Imdda (mal de
l'estomac) : les affections du bas-ventre, hella, -^ La consti-
pation [qabd el bethen, bouchementdu ventre) doit céder à
l'usage des fruits, figues, pastèques, oranges, grenades, etc.;
dans les villes, les Maures connaissent la poulga (la purge),
nous avons vu à la fin du premier livre que les Musulmans
ont les lavements (throumba) en horreur.
— 528 —
On traite les coliques (meghis) en mangeant des feuilles de
moudjir (mauve), ou de la racine de borostrum, ou do miel
très frais bouilli avec de Técorce de irundj (cédrat) sec, jusqu'à
consistance de colle. On conseille également de boire une
décoction composée de persil (madenotu), de beurre ranœ
{gmen qououi), de meusteqa (suc de lentisque), d'écorce de
grenade et de lait (hhalib).
Les hernies se distinguent en inguinales (beu^j) et en scro-
taies [fteuq). M. Daremberg considérant que les ouvragées des
médecins Arabes parlent les premiers du bandage herniaire
inguinal, pense qu'ils en sont inventeurs. — Le D'.Gabasse (4)
cit0 un marabout atteint d'une hernie inguinale et qui lui
montra un bandage grossièrement fait. Quelques Maures, dans
les villes, connaissent les bandages et les appellent ftikejsrome el
beuiHj. En général, à l'exemple d^Àvicenne, les toubibes
attaquent les déplacements intestinaux avec le cautère actuel.
L'inertie intestinale, favorisée par une alimentation presque
toujours farineuse, la vie sédentaire et l'humidité, détermine
beaucoup de gaz abdominaux ; outre la décoction d'anis noir
{ianoudj)y les Indigènes emploient de la même façon la racine
de Taristolochia rotunda [zraounde mouhahardj). Quand la
pneumatose s'accompagne d'empâtement douloureux de
l'abdomen, ils mahgent du miel dans lequel on a pilé de l'anis
noir, el boivent du suc de céleri [krafetiSi); ou bien, ils se
nourrissent exclusivement de glands (bellouth) cuits. On
applique également sur l'abdomen un cataplasme composé de
tranches de coing [sferdjet] cru.
Quelles que soient les causes de la diarrhée [djerian el
beihen^ écoulement du ventre) on fait prendre une décoction
d'orge et de racines de qaroub (caroubier) bien pilées.
(i) Pûg»! 86 (l« sa Brhn'on mcdif-thinirgUnU de In eaptHtt dtt pritomdtrt frmnrmh tJkes U$
— 529 —
D'autres mangent de la poudre de tertxous (orobancha mau-
ritanica) , ou des bulbes desséchés de dénouas (phœlipœa
lutœa), soit encore une poudre composée de poivre et de clous
de girofle. Quelques remèdes égaleuient vantés sont : une
décoction concentrée de datura stramonium (7), — mâcher
des feuilles de souaq-beUl (espèce de poivrier). Les Nègres se
guérissent avec du irotma (carbonate de soude) à l'intérieur.
Si la diarrhée provient d'une indigestion prise à une peau de
bouc échauffée par le voyage et au contenu' de laquelle on
n*aura point préalablement fait prendre l'air, le malade
avalera une légère décoction de henna.
Excès dans l'alimentation dès que l'occasion s'en présente,
abus de fruits peu murs, eaux saumâtres pour boisson, fré-
quentes variations de température et chaleurs intenses, telles
sont les principales causes de la dysenterie [djerian ed demm
écoulement de sang) qui s'observe parfois à l'état épidémique
(ainsi dans le Zab, à Nemours en mai 1850, aux environs de
Djdjelli en juillet 4849, etc.). 11 est à noter que les Arabes se
plaignent peu de ténesme et que les selles paraissent plutôt
complètement sanguinolentes que puriformes. Ils ont peu de
remèdes pour se débarrasser d'une aussi terrible affection :
décoctions miellées de marjolaine (meurdqouch), de thym, de
racines de myrte (a^], etc. Les Indigènes du cercle de Lacalle
se guérissent, dit-on, en prenant pour toute nourriture une
grande quantité de fèves de marais réduites en purée.
La fièvre typhoïde (AAeumma mkhareuga, fièvre brûlante),
complication fréquente des dysenteries et des fièvres inter-
mittentes, a régné épidémiquement en septembre 1848 dans
le cercle d'Aumale, en septembre 1850 dans le cercle de
Hilianah, surtout chez les Shabias, les Béni-Hamed et les
Fghalias; dans cette dernière épidémie, sur plus de 300
individus atteints, on compta 154 décès en moins de huit
jours (0' Courboulis). Les pointes de feu sur différentes
— 53« —
régions de l'abdomen, quelques-uns des remèdes précûnisi
ci-dessus dans la diarrhée, conslituent les seules resso!
thérapeutiques des Arabes,
i'hydropisie générale se dit eusieqa (imbibilion) et neu^
SI elle est partielln, L'hydropérilonie {eusieqa fil bethe
paraît commune dans les villes, à Consiantinc notainmenr L
Indigènes ignorent la ponction. € D*après Bon-Sin
[Ancenne), pour guérir l'hydropisie, on prend douze saute-
relles, on leur enlève la lète et les jambes; on les assaîsooni
avec un peu d'à* sec; on les fait bouillir et on en boit
décoction (I). )> Dans le Sahara, le lait de chamelle [nag
jouit de la réputation d'être bien efficace contre toute espèce
dTiydropisie. Les Arabes sont du reste peu avancés dans le
traitement de cette affection ; un de leurs moyens les plui
usuels consiste à maintenir contre le feu, pendant trots 'ym
une feuille de cuivre rouge, de manière à Tavoir la pt
chaude possible; alors on k jette dans de Veau que Ton ex
ensuite au soleil ; puis on s'ablutionne le corps entier plusieui
fois par jour avec ce liquide, et le reste en sera jeté.... à
cimetière..*.
Lafréquence des hémorrhoïdes(//owa^jîfMr/lient sansauctji
doute aux dérangemens apportés parla nourriture et rhuroi
dite dans les mœurs intestinales. Les Arabes ne les respecte!
jamais, et se hâtent de les faire disparaître; pour ce» ils reco
vrent les tumeurs avec un morceau de viande de ganefo
^hérisson) brûlé sur des charbons ardents ; — ils se frolle
aussi la tête et les hémonhoides pendant trois jours au moy
d'huile très vieille bouillie avec de la graisse dliérisson ; CH\
composition ne doit être employée que tiède. D'après la d
nomination doud bouasseur (c'est-à-dire, ver de rhémoi
rhoïde) qu'ils donnent au tœnia, les Arabes paraissent êl
I
- 53i —
domplèteroent dans Terreur quant au mécaBÎ&me de la forma-
tion et de la nature de ces tumeurs anales.
^ L'affection de la muqueuse anale, consistant en une irrita-
tion toujours douloureuse, accompagnée parfois d'ulcérations,
de vésicules, maladie communément désignée sous le nom de
cristalline, est d'autant mieux connue des Arabes que la fré-
quence de la pédérastie en fournit d'assez nombreux exemples
chez eux (les prostituées surtout). Ils l'appellent bo%irqr%g (le
mal du trou), et ne lui opposent aucun traitement.
Les affections vermineuses seprésentent assez souvent anssi.
Sur quinze cas de tœnia observés en Afrique, de 1843 à
1 847 (1 ), on compte sept Arabes et un prisonnier de la Smala,
à Alger. En Abyssinie (2); les vers intestinaux sont très com-
muns chez 'les Chrétiens, tandis que chez les naturels du pays,
auxquels les viandes non cuites sont défendues par la religion,
s'en trouvent rarement atteints. « On rencontre souvent, dit
le D' Hamont (3), dans les cadavres des Egyptiens malheu-
reux, jeunes ou vieux, des masses de vers lombricoides. »
Seraitnce l'action combinée d'une haute température, de l'hu-
midité (4] et d'une alimentation farineuse et lactée, qui déve-
lopperait cette affection chez les Indigènes de l'Algérie î Les
fièvres intermittentes et lesaffections intestinales, si nombreuses
chez eux, joueraient-elles ici un rôle important ? « Il paraît,
d'après M. de Blainville (5), que le tœnia ne.peut rester dans
le canal intestinal des personnes affectées de fièvre intermit-
tente, et que les ascarides lombricoides sortent de celui des
enfants atteints de fièvre intermittente ou plutôt encore de
(i) MA»éin$ é0 mid. #f et chir. mititmins, i848 : Mofet nr t'tniémicitééi tmUmw Jfriqw,
par le IK Boadia.
(a) JtfTM 9H9utmh» t. II, iS5a, p. aSr.
(3) VBgyptt sous Mel^mêt-Âtt, t. I. p. 5o5.
(4) On «ait que Im moatona i|ai paincat dana 1« plaines marécagtnaaa «ont av^ata aux
doavaa do foie.
(5) ffot0$ MU Irmitf it Bnmttr sur hi «vn inMtinmiM, p. S36.
- 532 —
lus, ce qui a porlé r|ijdqiiefois ii penser que c'éiaienl
vers qui avaieiU occasionoé ces maladies, » Voici les vemè
usilés chez nos Intligènes : prendre un melon {feuggouts}
vert, c'est-à-dire non encore arrivé à raatnrilé, le laisser lou
une nuit flans l'eau, boire cette eau le lendemain ; le raalade
ne tardera pas à éprouver des mouvemens assez vifs dans Tab*
doracn, ei les vers sorliront bientôt après. Quand les matières
fécales sont remplies de petits vers, il faut piler ensemble du
djada ("poiiHol) et du chenedegourat et en manger ; on peut
cgalemenl mélanger ces deux substances avec de la farine
d'orge, délayer le loul dans une (pianUté sulTisanted^eau, et
en boire souvent.
I
Noos avons déjà vu que les affections du foie et de la ra
surviennent assez souvent chez les Arabes à la suite de nom-]
brcux accès de névropathies interni iLtentesXes organes offrent
aussi des maladies spontanées, sous rinfluence surtout de I&
forme bilieuse du tempérament et des conditions climatéri-
ques. Les fatigues, cliez les Indigènes, que les nécessités du
commerce obligent à parcourir de grandes distances, la difiî»
culte de trouver des s talions de repos durant les voyages, laJ
constipation assez habituelle, les changements brusquer de
température, déterminent facilement les hépatites aiguës ou 1
clïroniques, les abcès du foie. Moyens curatifs : pointes ele feu
dans rh) pocliondre droit, cataplasmes de bouse de vache pour
calmer les douleurs, etc. Les diverses affections du foie sont]
confondues sous le nom de tneukboud, dàtcl kebda,
La jaunisse (iou-5/far, le mal jaune) aurait, pour quelques j
tonbibes, sa source entre lo pouce et rindicaleur; aussi, pour i
la guérir, appliquent-ils le feu en cet endroit. Le traitement
est complété par des saignées locales, des scarifications, aux
jambes. D'autres conseillent de manger tous les matins» pcn-j
— 533 —
dant quatre à cinq jours, un peu d'un rnélange coni)x)sé de
graines de semsem (sésame), de clous de girofle {ras khotm-
fel), de klef (?), de nokha (?), de zeurniq (arsenic), de
celq (bette), le tout pilé ensemble et incorporé dans du miel.
On peut aussi faire bouillir les deux tiers de Técorce d'une
grenade, et laisser ensuite infuser dans cette décoction l'autre
tiers; puis on boira le liquide. — Manger, le matin à jeun,
de Taîl débarrassé de ses pelures extérieures et briilé sous la
cendre. — Boire, en entrant dans le bain, de Teau dans la-
quelle on a broyé du feijel (raifort) privé de toutes ses feuilles.
— Manger, le matin, des petits pois noirs (hamoiM asoued).
— Il est des toubibes qui ne voient dans Tictère qu'une affec-
tion pure et simple de la peau ; ceux-là conseillent les médi-
cations suivantes : Faire bouillir, dans une marmite neuve et
bien close, du harmel (rue) avec de Thuile, jusqu'à réduction
sirupeuse ; en boire pendant trois jours, et s'en frotter en
même temps toute la surface du corps. — Se frictionner entiè-
rement avec un mélange de goudron, d'huile, et une égale
quantité de cendres do poils de chèvre, de cendres d'un mor-
ceau de musette dans laquelle mangent les chevaux, de cendres
de cuir de vieux souliers, toutes ces substances brûlées d'abord
séparément. Frictions générales avec de la bile de jeune mou-
ton, et, dans la nuit du samedi (1), avec un mélange obtenu
comme il suit : Bien piler ensemble du zenejar (vert-de^ris),
du poivre, du hhabb reyckdd (cresson des jardins), du tartar
(tartre); ajouter ensuite du soufre (kebrit) et du quemamine
(involucre des fleurs de palmier); mêler le tout avec du gou-
dron, de l'huile et du beurre de vache.— Dans le Sahara, quand
la bile tourmente un individu, quand une lésion du foieparait
évidente, on lui fait boire de la graisse d'autruche liquéfiée et
salée. L'effet purgatif, très violent, dit-on, serait on ne peut
(i) 1.9 samedi, Ivji>adi«t Ir lundi tout coinidérés par les Arabes comme jonn hctureiu.
— 534 —
plus salutaire. En général, tout Arabe qui se sent du mal dans
la région hépatique ou qui a la bouche amère, bilieuse,
commence par avaler delà graine bien pilée de hhabb reychâd
et du rehhane (basilic) ; il aura soin de s'abstenir de choses
saléas, et mangera de préférence des mets accommodés a
l'huile. Quand Taifection du foie est compliquée d'un point
pleurétique, il faut prendre du goneteuss (pyrêtre) et du
eoucète (salvia sylvestris^, piler ces substances» puis les
mêler aux aliments; il est encore expressément recommaDde
de ne rien manger de salé.
Les maladies de la rate [oudjà iehhat) sont peu connues
des Arabes, qui se bornent à manger du safran, et préconisent
beaucoup la rate de hérisson bien salée comme aliment ; ou
bien boivent uniquement de Teau dans laquelle a séjourné
trois jours du bois de tamarin {tarfa), et ne mangent que
de Tail et du miel piles ensemble. L'engorgement du foie et
de la rate, surtout chez les enfants, se guérit en mangeant des
pommes {tefah*) broyées a\'ec du miel ; on prend pour boisson
une décoction de lait aigre (leben), de lait doux (hhalib), de
lait de chèvre {maza) et de beurre de vache.
D'autant plus intéressantes à étudier chez la population
musulmane qu'elle se trouve, de par les lois et de par les cou-
tumes, soumise à des influences particulières (circoncision»
polygamie, etc.) dont il importe d'examiner le degré de nocuité
et d'apprécier l'influence au point de vue des conséquences
pathologiques, les maladies des organes génito-urinaires
reconnaissent pour causes principales, chez les Arabes» la
malpropreté chez les femmes surtout, le dérèglement des
mœurs, l'incurie générale pour tout accident vénérien dès
son début, etc.
— 535 -
Le$ reins (keloua) qui Rormalemeni fonctionnent peu dans
les pays chauds, offrent cependant des altérations pathologi-
ques que l'ignorance des taubibes ne leur permet ni de recon-
naître ni de différencier. — Dans les affections de la vessie, on
retrouve Tinfluence d*une vie trop sédentaire et de Fabus des
jouissance vénériennes. La cystite, dont la cause la plus
commune est Tabus des cantbarides {debbaiMt el hindd^
mouche de l'Inde) et autres préparations aphrodisiaque;», n'a
guère de traitement particulier : on se borne à boire pendant
trois jours une forte décoction de hhabb reychdd (cresson des
jardins). Pour guérir la rétention d'urine (toa^^a/e/éou/, bou-
chôment de l'urine), on prend à tiire de nourriture e^iclusivoi
pendant trois jours, du pain composé de farine ordinaire,
d'huile et d*ail ; ou bien l'on mange de la farine d'orge mêlée
à du sang d'aigle (nser) ; ou l'on se nourrit de miel auquel a
été incorporée de ja cendre de peuplier (safsaf). Dans le
désert, les Indigènes font des frictions sur Thypogastre avçc
des sauterelles salées et bien bouillies. — L'incontinence
d'urine, commune chez les jeunes enfants, se dissipe par
l'usage d'une boisson composée d'eau dans laquelle a
séjourné du fumier de lièvre {eumeb) ; on recommande
aussi, comme tisane, de l'eau chargée de poudre de viande
pilée d'une épaule de bouc {tkis) grillée sur le feu. Quand un
enfant a la mauvaise habitude de pisser au lit, on lui fait
manger une mamelle {drah) de brebis {nàdja) cuite avec de
la rue puante. La mamelle de brebis est parfois remplacée par
un testicule (bidha) de mouton (kebek). Il suffit également de
placer dans la demeure du petit malade un morceau à^aghar
(thuya articulé), pour qu'il se lève la nuit dès que le besoin
d'uriner se fera sentir....
L'usage habituel d'eaux malpropres, chargées de matières
terreuses, le mélange constant d'une certaine quantité de
poussière de gré aux farines moulues dans les tribus, enfin
_ 536 —
l*abus des plaisirs vénériens, expliquent bien comment les
calculs {hdça, pierre) vésicaux se rencontrent assez souvent
chez les Indigènes. Dans le désert, le fait est plus rare; des
Indigènes m'ont affirmé devoir l'attribuer à ralimentation par
les datMs; or, remarquons qu' Àvenzoar recommandai! à
rintérieur Thuile de dattes pour résoudre les engoi^ments
consécutifs à la présence de la pierre dans la vessie. En 4843,
le D*^ Philippe (1) a extrait un calcul multiple, pesant cin-
quante grammes, du prépuce d'un jeune Arabe de sept à baii
ans ; il pense que le phimosis naturel amenant une discor-
dance entre l'orifice très large du méat urinaire et celui très
petit du prépuce, aura fait séjourner près du gland l'urine
dont les éléments salins se seraient accumulés, dist^idant
ainsi peu à peu leur réservoir artificiel. — Les Indigènes
emploient contre la pierre une décoction de kegouga (pied de
veau) ; et mangent du miel mélangé de fine poudre de cassis
{qaroub el qleb), ou bien de Tail écrasé dans de Thuile et du
vinaigre (2).
L'bydrocèle (devra) qui figure au nombre des maladies les
( I ) T. LV des Mémoirts de méd. «f diirurg. militaires.
{%) A Tunis, les Ar«b«s ignorent 1« lithotritie, mais pratiquent, dit-on, U \
«tux de l'Algérie ne connaissent ni l'une ni l'autre. L'inrention de U premiÀrtt parait c
dont remonter À Albucasist puisqu'il dit {Lifre de théorie et de jx^tique, p. ^) t
« On prend un instrument appeK moshabarebiUa, on l'introduit doae«Be*t daaa 1« tctik,
on retourne la pierre dans le milieu de la TMsie, et ai «lie est moU«, «Ua M briaa «t sort «n
morceaux ; mais, si ePe ne sort pas à l'aide des moyens que nous avons iadiqaés, U fa«t
inciser selon les règles de la diirurgie. »
Ce mémo médecin Irabe s'exprime encore ainsi à propos des calculs engagés dam l'urètre
(2Vai7ecb chirurgie » a* partie, chap. LX) :
H 11 faut prendre un instrument perforant en acier, triangulaire, terminé en pointe, et
emmanché dans du bois ; on prend ensuite du fil arec lequel on fait uns lignUuv m ifcssnoi
du calcul pour empêcher qu'il ne rentre dans la vessie. On introduit ensuite 1« 1er d« fis»,
trnment avec précaution jusqu'à ce qu'on arrive à la pierre : on fait alors momr^ù- l'instroniait
en tournant et en tâchant de percer la pierre peu à peu. jusqu'à ce q«|'on l'ell trnT^ de
part en part. Les urines s'échappent aussitôt, et avec la main, on aide U sortie de ce ^ reste
de la pierre, car elle est brisée, et les frsgments s'écoulanl par les urines, l'organe «on&ant
est soulagt^, s' 1 pbtt h Dieu ! »
— 537 —
pluscommunes dans les payschaùds, tiendrait-elle aux fatigues
des organes génitaux par suite d'excès vénériens ? Aurait-elle
une cause prédisposante dans le peu de soutien ordinaire des
testicules, les Indigènes ne portant point de pantalons pour la
plupart ou les portant tellement larges que Porgaae séminal
n*èst plus maintenu T — En sept ans, dit le docteur Clot-Bey
(loco citato), plus de deux cents individus hydrocélés ont été
opérés à Thôpital A'Abou-Zabel. — Volney prétend qu'éa
Egypte Tusage de Teau-de-vie de figues détermine 6ette aSec^
tion. — Ainsi que le pratiquaient les anciens médecins Arabes
{Avicenne), uos Arabes recourentà des applications astringentes
(semences grillées de staphysaigre, xM el djebel, raisins secs
de la montagnej, à des embrocations de miel broyé avec du
cumin, à des cataplasmes de bouse.de vache, ou de grains
4'orge rôtis et placés brûlants sur la tumeur.
On ne saurait trop direcequi contribue le plus k déterminer
les affections utérines, ou de la précocité du mariage et la po-»
lygamie et ses conséquences, ou de l^gnorance des matrones
dont les manœuvres et conseils sont aussi aveugles qu'impru-
dents. La leucorrhée, si fréquemment amenée par les déran-
gemens de la menstruation et le peu de soins avec les quels
l'allaitement est arrêté, doit aussi à la syphilis une bonne part
de sa ténacité : les femmes Arabes n'y font du reste aucune
attention. Les chutes de matrice semblent facilitées par de
fréquens avortemens et de dangereuses pratiques d'accou-^
chement.
Pour avoir leurs règles {haïda)^ les femmes indigènes em-
ploient mille recettes, quoiqu'on général elles se préoccupent
d'un retard, bien moins pour elles-mêmes, que pour éviter les
querelles et les mauvais traitemens des maris despotes et jaloux.
Les unes jettent sur le feu du nchader (sel ammoniac) et se
placent immédiatement au-dessus des vapeurs; d'autres font
34
— KW —
M'abord les ablutions prescrites par la loi, et immédtalemt
[après dirigent vers les parlies génitales la fumée de tiombreus
[touffes deharmel projetées sur des cliarbons ardents. Celles
[s'inlroduisenl dans le vagin (meusieja) une touffe de latl
[non lavée et saupoudrée de koheul [sulfure d'antimotne}<
celles-là écrivent sur quatre à cin(] feuilles de safsaf (sauU
Lpcuplier) le nom de It^ur père, de leur mère ei le leur : ce
ifeuilles sont ensuite placées dans un étui en cuivre près d'ul
bon feu» Desque cetobjet se couvrira de gouttelellesde vapeur
ties règles commeuceront à couler et nes'arrêteront quequand oi
I éloignera rétui fin fover de ciialeur...^ Quand les menslnies^
Iquoiqu apparues à Tépoque périodique, coulent lentement
\ difficilement, on conseille de boire unedécoction de qii4mmùune
\akhhal (nigellasativa).
Malgré les ilisposilions légales qui défendent le coit pendaH
I la période menstruelle ou locliiale, dans le but sans doute dj
iprévenir les hcoîorrhagies utérines, ces dernières sont aus
fréquentes que les affections du sein chez les femmes qn
^liourrissenl. Pour arrêter la perte de sang, on introduit dan
rie vagin un mélange de vinaigre et de zadj[\\iv'u)\)^ oa demii
I que Ton a broyé avec du zadj et de l'écorce de grenade.
Pendant les grandes clialeurs surtout, on observe chez la
f iproslituées les abcès des grandes lèvres. Du reste, à cet éghv^
* at au sujet de la sypliilis, nous sommes entrés dans le$ détail
les plus complets possibles, page il 6.
Les Arabes rapportent la stérilité (adtjuer) k rinfluenc
I divine» sans doute à cause de ces paroles du Koran :
*i IB royaume des cieux et de la terre appariieiU h DJeu, Il eréi
ce qu'il veut« il accorde aux uns Ces fîUcs, il donne aujc autres dei
' tnfans miles, à d'autres îl accorde des enfantt des deux sexe»»
des 6ÎS et des filles; il rend stérile aussi celui qu'il veuL «
xxxxrt, v. A8et 400
- 539 —
Les totébibes disent que la stérilité chez une femme qui n'a
pas ses règles, tient à ce que la matrice (otAalda) est fermée
{meflouta),ei qu'il n'existe point de remédia cet état. nÀhou
dlemf il (Dieu) le sait, » c*est leur unique réponse; en d'autres
termes, il n'y a rien à faire. — Le Prophète a dit :
« Préférez la femme à peau brune» car elle est féconde, à la
femme trop blanche qui peut être stérile^ »
Quand après avoir eu un premier enfant, la femme reste
longtemps sans concevoir et comme frappée de stérilité, elle
doit boire de l'urine de mouton, et de l'eau dans laquelle on a
laissé macérer du cérumen du conduit auditif (loussaq
oudnine) et de la crasse, qui se trouvent entre les oreilles, d'un
bouricot.... On emploiera aussi trois ou quatre tranches de
racine de bou-nefa que l'on aura fait bouillir jusqu'à consis-
tance convenable; ce remède, pris à l'intérieur, détermine une
purgation efficace. Voici d'autres remèdes, dont le nombre
n'étonnera plus, si l'on réfléchit que la femme stérile est mal
vue chez les Musulmans et que cette condition devient même
un cas de divorce :
Sentir souvent les fleurs blanches dq henna, — Faire
cuire ses aliments dans une décoction de bou^efa, — Manger
du gigot et de Pépaule de mouton jeune, recouverts de cresson
bien pilé. — Boire du lait de jument ifersa), mais il faut que
la femme ignore cette origine. — La femme mettra dans sa
chambre, une nuit entière, une grenouille (dzafdâ) vivante;
le lendemain matin, elle crachera sept fois dans la bouche de
cet animal, avant de manger, et elle le replacera à l'endroit
où elle l'avait pris. La grossesse commencera aussitôt. Toute-
fois, la femme ne doit user de ce moyen qu'après avoir été au
bain et rempli toutes les pratiques légales relatives à ia pro-
preté. Dès qu'elle a ses règles, elle se place aussi au^essus
de la vapeur produite par la combustion du chêmdegourM :
— 540 —
cette fumigation détruit la stérilité. *— Prendre un peu de
toutia (sulfate de cuivre), le piler, le faire bouillir dans une
petite quantité d'eau, puis s'en frotter pendant trois jours
d^uis la ceinture jusqu'au bas du ventre. Pendant trois jours
encore, la femme prendra un peu de cette même décoction,
la mêlera à de la farine et du poivre, et exposera le tout sur le
feu jusqu'à réduction pâteuse ; alors elle ajoutera un peu de
skendjbir (gingembre], de Vafsa (noix de galle) : elle mangera
de cette composition trois matins de suite, avant le repas. —
Manger, trois jours, du miel auquel on a incorporé de la poudre
de racines de tfarfarat (?), et porter à sa ceinture une amulette
ainsi conçue : « J'ai à me plaindre à vous de ce que je suis
chagrine dans mon ventre : je rêve sans rien voir. Celui qui
veut une chose, n*a qu'à direqu'elle soit, et elle est. Ne me refn-
séz pas,ô mon Dieu, ne me causez pas de douleur. Selonr votre
volonté, faites du bien à ceux qui recourent à vous. Celui qui fait
le jour, qui fait toutes les heures, qui fait la graine des navets,
sa parole est grande. » — Ou bien, faire cuire un oiseau
appelé heded (?) avec du beurre, du djiljelane (sésame) ; en
boire le bouillon pendant plusieurs matins consécutifs. —
Prendre une certaine quantité d'eau de pluie [ma matkar)
bien fraîche; lire dessus ce liquide le fatha (!•' verset du
Koran); ajouter sept fois de suite : « Celui qui est Dieu, est le
seul Dieu ; sans lui, il n'est ni force ni bien, son nom est
noble. » La femme boit ensuite cette eau de pluie, et répète
cette cérémonie sept nuits consécutives.
A Biskra et dans le Zab en général, les Arabes disent que
ia viande de nemr (panthère) jouit de la merveilleuse propriété
de combattre la stérilité. Nous avons parlé, dans ht première
partie de cet ouvrage (page 63), du célèbre bâton de la mos-
quée de Koukou. Dans un canton du cercle de Bougie, chez les
Beni-Mimoune, il existe dans le Djebel-Djoua, près de la
koubba d'un marabout, une fontaine avec les eaux de laquelle
i\ —
les femmes sienieâ Tonl certaines ablutîoQs pour
recouvrer la fécooJiliî. Dans les villes, les Mauresques mangeât
le matin du miel très clair mélangé avêc de rhuile et de la
graine broyée de dzrenf(^),
La précocité de rimpuissaiice {dqim) chez les Arabes po-
lygames, les force également à recourir à mille moyens aphro-
disiaques; par exemple, à mettre beaucoup de poivre et dû
piment dans les aliments; à Oran, des cantbarides; à Alger,
du cardamome {hhabb tl heile, la graine du parent). — A
Alger et àTunis, on inonde les parties génitales de plusieurs
jets successifs d'eau bleji fraîche» et on applique les verges
sur les régions fessières avec des branches fines et souples. —
Manger des graines d*arachide ou des fleurs de dattier, soit
seules, soit imprégnées de suc de citron ; ou bien, le matin à
jeun» dtï la noix verte pilée avec du demkour (T) ; — boire»
chaque matin avant le repas, de Teau dans laquelle on aura
conservé pendant trois jours un fer rougi à blanc ; — manger
à jeun de rartichaut {jttmoune) cuit avecdu beurre de vache ;
— se frotter le pénis avec de la graisse d*Qurane (lézard) ;
avec de Teau de fenouil ; avec un mélange d*huile et de suc de
céleri ; avec du beurre frais broyé dans du lait aigre de brebisi
de récrevisse (rerrfanf) et de» ronces {aUaïq):^\ec un mélange
de miel et de bile d'une poule noire ; avec un geuf bien sèche
et réduit en poudre très fine; avec un mélange de blanc d'œuf
et de feuilles de chou {kroumbt) ; avec un mélange de beurre
et de cendres de bois de figuier (keurma), etc. ^
JI ne suffit pointa TArabc de rechercher tous les moyens de
combattre une impuissance regardée comme honteuse dans
lopinion publique, il faut quil pousse parfois le raffinement
du salacisme jusqu'aux limites les plus dégoûtantes. Ainsi»
quand on veut rester longtemps en érection pendant l'acte de
la copulation, on doit s enduire le pénis plusieurs jour* avec
de la biie de bouc, et boire trois niatins consécutifs de re^iu
— 5W —
dans laquelle on aura pilé du quir (goudroa); — ou se mettre
sous laplante des pieds des noix broyées avec de Vouazani (T);
— ou se graisser les parties génitales avec un mélange de
miel et de bile de corbeau. Sidi DjalinouseiSidi ben Cefiane,
qui préconisent ce remède, ajoutent que la femme ne brûle
plus d'amour que pour celui qui a fait usage de cette précau-
tion.— L'individu qui cherche un renforcement de vigueur
copulatrice, mangera deux fois par jour un composé de miel,
de quemmoune (cumin), de poivre et de beldar (?). Son éner-
gie sera telle qu'il pourra satisfaire quarante femmes dans la
même nuit, fussent-elles vierges [atkkan). Bien pins, l'Arabe
possède même des recettes pour refroidir ou exciter à volonté
Tardeur d'une maîtresse ou d'une épouse. Arroser une femme
avec du sang de khetidifa (hirondelle) passe pour un moyen
certain de s'assurer non seulement sa fidélité, mais encore son
assiduité dans les rapprochements sexuels. Si le mari désire
frustrer sa compagne de tout plaisir dans l'acte vénérien, et lui
enlever ainsi tout désir de le rechercher, il suffit de lui faire
ablutionner les parties génitales avec de l'eau de graines d«
kkass (laitue). L'influence de cette plante est telle que si la
femme a seulement reposé quelques instants sur une de ses
moindres parcelles, elle fuit à tout jamais les caresses conju-
gales. — On comprendra parfaitement que nous n'insistions
pas davantage sur toutes ces pratiques.
La femme Arabe, la Mauresque surtout, fatiguée souvent
par des caches précipitées, ou plutôt craignant que des gros-
sesses réitérées ne l'empêchent de donner un libre cours à
son dévergondage, s'occupe de provoquer la stérilité. Les
moyens les plus ordinaires consistent àboire pendant quelques
jours de l'eau dans laquelle on aura pilé de la feuillede djU
(salsola) avec de la feuile de khouhk (pêcher) ; ou bien à boire
de la sève de figuier ^/c^wrma^ n\ile(deker).
Par coïncidence avec notre aura hysterica, les Arabes ap-
- 543 —
pellent habouba (yeni, émanation) Thystérie, et la considèrent
comme contagieuse. Véroiomsime (meurdhtedouid, la maladie
du petit ver) serait produite par la présence d'un ver qui tour-
menterait constamment Tindividu. Quelques pincées de feuilles
de henna, jetées dans quelques tasses d'eau bouillante, forment
une boisson qui conjure tous les accidents consécutifs à Ta-
vortement [saqqat Idjeniane, chute de l'enfant^, crime teUe-
lement passé dans les mœurs musulmanes, qu'àConstantinople
on voit (4) des boutiques publiques tenues par des juives pour
sa pratique opératoire.
Les Arabes supportent les douleurs de la parturition avec
un courage vraiment extraordinaire : elles affectent même de
ne pas souffrir et de ne proférer aucune plainte. Ce n*était
point assez pour elles d'être déchues au dernier rang social,
traitées comme des esclaves et des brutes, il fallait encore que
les pratiques les plus barbares, les plus cruelles vinssent com-
pliquer les souffrances de la maternité. De tout temps du
reste, Tart des accouchemens (ouilada), abandonné aux
femmes, a présenté les procédés les plus insensés et les plus
terribles. On ne sauraits'imaginer les tortures que les matrones
font subir pendant l'expulsion du fœtus. Les unes, ne voyant
dans le produit de la conception qu'une masse inerte qui tarde
toujours trop à quitter la cavité utérine, suspendent la femme
par les bras à l'un des bâtons de la tente, et lui étreignent
la taille avec des haïks de manière à forcer le fœtus, quelle que
soit sa position, à s'engager dans le détroit périnéal. D'autres
massent fortement le ventre de haut en bas pour solliciter les
contractions et la prompte sortie de l'enfant. Ici on place une
planche ou un grand et large plateau en bois (pour faire le
c(mscouss) sur la région ombilicale de la mère, et des femmes
montent dessus afin d'exercer une pression suffisante pour
II) rojragt Jah4 ht Etat» Musulmans, i»ar M. Texiw (i8.<7).
- 6*4 -
détermiaer Texpulsion. Là, ce sont des peliU moulins portatib
pour moudre l'orge, sorte de deux grosses rondelles en grès,
que Ton place dans le même but sur le ventre de la malheu-
reuse. La présentalion de Tenfant parait-elle mauvaise 7 la
mère est soulevée par les pieds ou bien roulée à terre dans
tous les sens. Dans le Sud, et à Biskra on m'a assuré le fait,
les matrones brûlent sous le nez de la femme en couche des
poils pris à la région occipitale du lion ; et Todeur de cette
substance est tellement infecte que les nausées surviennent
aussitôt avec une violence qui favorise la sortie du fœtus. Des
marabouts profitent largement des vertus infaillibles de ce
remède, et parcourent les tribus avec déjeunes lions au moyen
desquels ils exploitent, avantageusement pour eux, la confiance
et la crédulité publiques. Dans les tribus, on provoque le
vomissement en présentant brusquement des matières fécales
ou des substances en putréfaction. Certain nombre de gabeh
(accoucheuses) se permettent la manœuvre des versions (Uglib);
elles les pratiquent quand les eaux de Tamnios (seier) se sont
échappées, et lorsque l'enfant se présente mal ou tarde à pa*
raitre. La femme reste-t-elle longtemps dans les douleurs l on
jettera du fumier de vache sur des charbons ardents, et elle
exposera les parties génitales au^essus de ces vapeurs.
Quand la femme, instruite parles couches antérieures, pense
qu'elle enfantera avec difficulté (la dystocie se àiiacirahhia
enneffes, c*est-à--dire difficulté pour elle d'accoucher), elle
doit, trois jours avant l'époque de la parturition, porter dans
les plis de son haik un mélange d'huile et de cendres de 6e/-
louth (glands), ou bien s'attacher sur Tune des cuisses une
pierre à fusil (hadjar zenète) enveloppée dans un chiffon, soit
encore sur la cuisse droite son propre peigne sur lequel on
aura écrit ces mots :
a Celui dont le nom est véritable, a parié en faveur de celui qui
— 5*5 —
eatdaof ton ventre, et toat sera promptement floL Salut sar,.—
(ici le nom de la mère), »
Quand on suppose que Tenfant est mort {djenine raqad
filbethen oummahou, fœtus mort dans le ventre de sa mère),
on fera boire à la mère un mélange de miel et de lait de vache
bien chaud, dans lequel on aura pulvérisé du zadj (vitriol) ;
alors, si le fœtus est réellement mort, il ne tardera pas à sortir;
s'il n*est pas complètement mort, il se tournera de côté et sera
promptement expulsé; enfin, s'il ne tombe pas après ce
remède, c'est.... que la femme n'est pas enceinte. — On peut
encore essayer de l'un des moyens suivants :
Faire boire à la mère du lait aigre de chienne (kelba) dans
lequel on a pilé des coings {sferdjel) préalablement débara&-
sés de leur écorce ; — ou bien lui faire prendre pendant trois
jours une décoction de racines de sekkoum (asperges) et de
racines de fououa (garance). Le taleb écrira au fond d'une
tasse en bois deux mots du Koran ; on lavera l'écriture avec
un mélange d'eau, d'huile, de cumio, de rue puante et de
raifort, substances que la mère devra piler elle-même dans la
tasse. Elle boira de ce liquide pendant ^roi^ jours, et ce qu'elle
porte dans son sein reprendra de suite une position normale
qui en facilitera la sortie. — Prendre de la racine de tafar-
farat (?), de la racine de sekkoum (asperge) ; les bien moudre;
ajouter un peu de farine, et faire cuire avec un peu d'eau ; en
manger pendant trois jours, durant lesquels on boira simul-
tanément de l'eau qui aura dissous les mots suivants écrits au
fond d'un plat, d'une assiette : « Par Dieu, Djbrahil (nom
d'un ange) ! par Dieu, mon ange (ici le nom de Tange de la
femme)! par Dieu, Srafil (nom d'un ange)l par Dieu, Azraïl
(nom d'un ange) I par Dieu, Mohammed (le Prophète) t salut
sur lui, deux fois salut I c'est lui qui ressuscite, qui par sa
puissance rappelle encore de la mort. Il a dit : il vivra, celui
— 546 —
qu'elle a conçu la première fois, il Ta dit, si elle boit pendant
trois jours la coulmr mise dans Tassiette. »
La femme doil boire pendant dix jours entiers, et cinq fois
par jour, un mélange de lait et de sel : si Tenfant n'est pas
descendu au bout de cette époque, elle boira du lait aigre et
du lait doux de deux vaches, mêlés avec du vinaigre ; dès
qu'elle en aura avalé une gorgée, le fœtus sera expulsé spon-
tanément.
Ces nombreuses et bizarres recettes prouvent suffisamment
combien sont douloureux ei parfois difficiles les accouche-
ments chez les femmes Arabes. Quand le fœtus a enfin franchi
la vulve {ferdj)y on déchire le cordon assez près de l'insertion
ombilicale; on roule Tenfaot dans un morceau de haïk, et la
femme se couvre Tabdomen avec des chiffons en laine, dans
quelques tribus avec une peau de mouton. On ne s'occupe pas
le moins du monde de la sortie du délivre [khelass) ; elle est
toujours abandonnée à la nature.
CONCLUSION
M La politique d'an géaéral en chef chargé de
» soumettre une grande masse d'hommes» doit
M tirer parti de toutes choses, dana l'intérêt d«
» la conquéU. » (Napoléon è M. de L4U-Cases,
à propos de l'Égjrpte.)
La France n'a pas seulement en Algérie une conquête à
accomplir par les armes, un sol plus ou moins étendu à
dominer, à parcourir victorieusement, de nombreuses tribus à
forcer au silence, à soumettre à la tranquillité. Elle a égale-
ment une conquête morale à entreprendre, des préjugés à
modifier, des erreurs à redresser, Tignorance à dissiper, la
misère et l'apathie à détruire, des coutumes à métamorphoser,
des conditions intellectuelles et morales à conserver ou à
réprimer, des idées nouvelles à faire germer, des besoins
nouveaux à créer, des bienfaits à répandre, des cœurs à
gagner. « Nous devons, répétait souvent le maréchal Bugeaud,
tendre par tous les moyens possibles à nous assimrler les
Arabes, à modifier graduellement leurs mœurs... nous ne
pouvons ni ne voulons les exterminer, ni les refouler, il faut
donc les administrer, c'est-à-dire veiller à leurs intérêts, les
rapprocher de nous par de bons procédés. » Il s'agit, en effet,
non pas d'une pression mécanique, matérielle à continuer
d'une manière exclusive, mais bien d'attractions, de sympa-
thies à faire naître simultanément. C'est à une trame sensible
qu'il faut s'adresser; c'est une greffe morale qu'il faut tenter
par tous les moyens les plus susceptibles d'être bien accueillis
et appréciés par le peuple à régénérer.
Nousensommesintimcmentconvaincu, la Médecine française
— 54» —
peut jouer un rôle des plus puissants et des plus complets
dans ce grand œuvre de la civilisation d*un peuple, dont le
présent ouvrage a cherché à esquisser les tristes conditions
physiques et morales.
Quand on voit les Indigènes algériens accepter avec facilité
certaines modifications que notre contact, encore peu prolongé,
a imprimées à leurs mœurs, à leurs idées, pourvu que leurs
intérêts physiques y trouvent une large part, il est permis de
se demander pourquoi la Médecine n'interviendrait pas effica-
cement dans le même but civilisateur, pour apporter aussi son
contingent de bien-être. Est-ce que T Arabe ne reconnaît pas
aujourd'hui Téquité supérieure de nos lois? Est-ce qu'il ne
préfère pas cultiver son champ sous la protection immédiate
de notre autorité? Est-ce que beaucoup dlndigènes n'ont pas
abandonné la chambre de poils pour occuper une maison à
la française, plus commode, plus sûre, plus salubre? Est-ce
que les Spahis, les Arabes qui vivent plusieurs années dans
les rangs de l'armée, les chefs indigènes qui ont de fréquentes
relations avec nos autorités, ne finissent point par accueillir
quelques-unes de nos coutumes et les faire passer dans le
mouvement ordinaire de leur existence quotidienne ?
Partout, d'ailleurs, l'on trouve l'Arabe disposé à biea
recevoir, à bien traiter ceux qui viennent au nom de la France
soulager ses souffrances et sauvegarder les intérêts sanitaires
publics. Tout ce que Ton sait (1) de sa haute vénération et de
sa reconnaissance pour les Médecins, nous dispense d'entrer
ici dans d^autres détailsà ce sujet. C'est que, comme Taforthien
dit le D^ Guyon (2), « de toutes les branches de nos connais-
sances, la Médecine est celle qui travaille le plus directement
au bonheur de l'homme, à son bonheur le plus positif, puis-
(i) Voyez plus haat pafc 74<
(a) Diseoun pronoDo^ à TScoif it MMecin« MiUuire d'Aller, le 9 février ■(•54.
— 549 —
qu'après avoir reçu l'existence, notre plus grand bien sur la
terre est de ne pas souffrir. » Or, en observant de près le fond
du caractère de l'Arabe, on le trouve très sensible à tout ce
qui peut impressionner avantageusement, flatter des instincts
matériels, satisfaire son bien-être physique. « Utiliser, e*esi
civiliser, » devient donc ici une maxime politique très oppor^
tune à appliquer.
Dans une des séances les plus solennelles du Congrès médi-
cal de 1845, que disait le Ministre de l'instruction publique?
« LeGouvernementduRoi compte beaucoup sur le dévouement
professfonnel, sur Yinfluence morale des médecins de TAl-
gérie, pour la civilisation des Arabes, pour l'affermissement
de la domination française en Afrique. » Et, l'année suivante
(4 juillet 1846), en visitant l'hôpital du Dey, à Alger, le même
Ministre disait aux Médecins militaires :
« Vous rendez de grands services dans ce pays } mais votre
dévouement^ les fatigues et les privations que vous supportez, les
soins que vous prodiguez aux soldats malades ou blessés, ne sont
pas les seuls mérites que vous ayez aux yeux du gouvernement.
Vous avez encore une autre mission aussi importante à remplir^
c^est de concourir pour une grande part à faire pénétrer notre
civilisation au milieu des tribus arabes et kabyles. Votre prosély*
tisme est le >eul, peut-être^ qui paisse réussir d'ici à de longues
années. Ceux d'entre vous qui seront appelés, à cause de vos
ressources médicales, à soulager les Indigènes souffrants, arriveront
sans nul doute à faire pénétrer et fructifier chez eux quelques-unes
des idées de notre civilisation européenne. Nous espérons que le
gouvernement vous donnera bientôt dans ce but des moyens plus
étendus et plus efficaces. De notre côté, nous ferons nos efforts pour
vous mettre en mesure de propager parmi les Indigènes Tinstruc-
tlon médicale qui sera utile à la fois à Chumanité et à Rétablissement
de notre puissance dans ce pays. »
L'utilfléde l'intervention de notre Médecine comme puissant
moyen d'action sur le caractère arabe, est un fait irrécusable
— 550 —
;aiix >eux fie tous. Nous nous contonierons de cilcr «!ncort|
U cesujet,ropiiiioïï d'un des hommes les plus considérables de
; l'époque (1) :
« L*armée possède une classe d'hommes qui» avec un peu d'aide,
.s'auarhet'a beaucoup tVîndigimes : cesoDtles médecins. Les Arabes
et ks Kabyles ont en leur talent une confiance illimitée, et recoo*
naissent les soins qu'ils reçoivent d'eux, par les de?ûîrs de Tho^j-
talité les plus sacrés parmi ces peuples. Un médecin connu pour tel,
parcourt les tribus ennemiesavec la certitude d'être partout recher-
, ché et protégé.,., faire du bien aux hommes, c'est les préparer* à
reconnaUre une supériorité ei à revemir une direction.,. LesMusuI*
maus n'ont jamais répugné à accepter le bien que leur apportaieni
des m lins chrétien nos, et Tobblacle qui nous sépare est bien plus
dans les mceurs que dans les cultes, w
Sans exagérer en aucune façon le^» résultats ceriains qu'il
est permis d'obtenir avec rinducnce delà Médecine comme
moyen civilisateur, je crois pouvoir les résumer comme il suif,
'au triple poinl de vue delà Politique, de l'Humanité et de la
Science.
\° Au point de vue politique, -^VveAiVi' palpable de
tiaule sollidUuIe du gouvernement français pour un peupll
vaincu dont il cherche à améliorer le sorl physique et lucra
— Moyen de convaincre le» tribus insoumises, de nos boni
intentions a leur égard, en meltanl à leur disposition un medi
ctn chargé, avant comme après la vicloirc, de panser leur
blessés, soigner leurs malados, — Possibilité de conserver
raulorité française lappui et Tinfluence des chefs Arabeij
auxquels la liberté d'action et dé surveillance, si sérieusemei
liées à la tranquillilé du pays, sera d'aufant plus proniptemen
rendue qu'ils auront été traités par des médecins bien au coK
rant des mœurs, habitudes, coutumes du pays. — Les acti
ptiiiantropiques qui marquent sr profondément les secours <
(t) T,p li'iruu Bcantl* t* 4ffMf,\. If.
- S5i ~
la Médecine» impressionneront certainement Tâme instinctive*
ment égoïste de l'Arabe; Tart de guérir contribuera donc au
rapprochement des deux peuples. — Le Médecin parlera vive-
ment aux imaginations, se montrera avec tout le prestige que
donne Tautorilé d'une instruction variée ; il attirera l'attention
publique sur les merveilles d'une science utile et humanitaire
avant tout, et constituera évidemment le missionnaire le plus
sensible de la civilisation. — Les Arabes, en effet, voient dans
tout savant un illuminé, un grand personnage en rapport
constant avec Dieu et les Génies. Or,%'est-il pas d'une bonne
politique d'opposer àla prétendue omni-science des mara^ou^
et des tolbas, Tinfluence, non pas religieuse, mais positive,
pratique, d'hommes capables et forts de leurs connaissances?
L'Indigène est bien moins esclave du mahométisme que de ses
guides fanatiques auxquels il reste attaché par habitude, igno-
rance, paresse et surtout par déGance à notre égard. Levez
donc celte barrière entre son intelligence et nos bienveillantes
intentions; permettez aux yeux et à la portée de son esprit de
voir, de comprendre de quel côté sont réellement le bien-être
et la vérilé. Laissez au Médecin, apôtre de charité et d'assis-
tance, la délicate tâche de pénétrer, de remuer le cœur indi-
gène, d'y faire éclore les éJans secrets d'une sympathie spon-
tanée. — Chaque page du Koran respire les exhortations les
plus pressantes à de charitables procédés envers ceux qui
souffrent ou végètent dans la misère. Que le médecin, bien
instruit de tant de ressources em^c* d'influence (4), proOte
habilement de ces dispositions officielles de philantropie pour
les transporter de la pratique individuelle dans la pratique
sociale. C'est ainsi que, par une conduite adroite, la Médecine
française amoindrira, sapera insensiblement l'influence sacer-
dotale qui, contrairement même à la lettre du Livre de
(i) Voyn d'dcMOA, pa^e 84.
552 —
t Avertissement, retient dans l'oppression et rignoranre,
vives intelligences, de fécoodcsimaginations* Alaforce physiq
doit s'allier la domination parles idées, — L'Arabe vit dans
une indicible incurie des choses les plus nécessaires à la
matérielle ; le Médecin fera naître el imposera par ses conseil!
SCS exhortations, ses discours éclairés et toujours bien inte
tionnés, des idées pratiques qui modifieront insensiblement
les errements traditionnels. — Il est cerlain que le contact des
deux peuples peut \y€u/ entraîner des modifications durables
dans les coutumes du vaincu ; mais qui mieux que le Médaci
peut pénétrer facilement dans Texistence mystérieuse
l'Arabe, s'asseoir à son foyer, y répandre des idées nouvell
faire naître des sentiments sympathiques? Qui peut, mieux qai
lui, entraîner la population Indigène à nous connaître de f>i
80US un jour tout autre que celui sous lequel nous représeï
tent constamment les fanatiques et \cè mnraboutsf — L'admi
nistrateur des affaires Arabes d*un cercle, quelles que soiei
la douceur, Faménité, la bienveillance qu'il apporte dans
relations avec les Indigènes, est toujours à leurs yeux un ch
un délégué du pouvoir, chargé d'assurer l'ordre, la iranquilli
la justice, de contrôler les actes de chaque autorité inférieure
aussi le vaincu ne néglige ni paroles ni actes pour capter
satisfaction, éviter un reproche, conserver à tout prix u
position si ambitieusement convoitée par des fauitlles pur
santés, f/est une situation forl délicate qui force VArabe
mentir souvent a sa conscience, a ses habitudes, à sa reVigioi
— Le Médecin, au contraire, c'est tout simplement un a
que le riche comme le pauvre accueille sans arrière-pensée
sein delà famille; il a hprmlège de voir et d'entendre bien
des choses, car il ne vient pas avec un pouvoir autoritaire q«ji
froissera des sentiments enracinés par la tradition et le carao-
1ère national ; non, il n^apporte que des consolations et ile«
secours, il vient rendre la sanlé et les forces à ceux que la
ms
i
— :}53 ^
misère et la maladie étreigneol de leurs cruelles douleurs. Il
laisse au moins, au départ, le souvenir d'un bienfait; il donne
l'exemple des sentiments de fraternité, de solidarité humaine,
des plus beaux sentiments religieux; il porte silencieusement
le coup le pïus rude aux croyances superstitieuses, absurdes ;
il développe dans l'esprit indigène celle indépendant* fermeté
qui oblige à apprécier les faits et à juger leurs corrélations. —
Apprenant alors à donner satisfaction à leurs plus impérieux
besoins de bien-être, les Arabes subiront, à leur insu, une
ébauche d'éducation qui les poussera insensiblement dans la
voie du progrès.-— Un autre avantage de Pinfluence médicale
est celle qui a été résumée ainsi par un oflScier des Bureaux :
« Bien des renseignements, que ne peuvent avoir les chefs des
Bureaux Arabes, seraient recueillis par jes^docteurs,*^bien des
nouvelles apprises par eux. ^ Cette question, trop délicate pour
être discutée ici, mérite toutefois rattenlion de Taulorilé gou-
vernementale. — En résumé, l'intervention de la Médecine
aura pour efl^t immédiat et certain, d'amortir la haineuse
impatience de notre joug, et d'être une preuve éclatante do
notre supériorité intellectuelle et morale.
2** Au point de vue humanitaire, — Détruire peu à peu
un certain nombre de pratiques barbares, notamment dans les
accouchemens; — surveiller les graves questions d'hygiène
publique auxquelles se rattachent si intimement les moindres
conditions du bien-être individuel; — prêter à l'autorilé soit
française, soit indigène, le concours prompt et intelligent de
la médecine légale, pour tout ce qui concerne (dans ce climat
particulier) les délits et les crimes (infanticides, avortemens,
blessures, etc.); — diminuerla panacée ridicule, mensongère
et surtout dangereuse des amulettes, dont le moindre inconvé-
nient est d'endormir dans une funeste sécurité uniquement
profitable à la marche de la maladie; — porter, en cas d'épi-
démie surtout, des secours énergiques qui frapperont les incré-
— 55i —
dulcs et les empiriques par l'évidence des résultats rapidemeDt
obtenus; — propager des avis et des conseils rationnels, dont
Tignoranceetla pénurie laissent se perpétuer et se transmettre,
par héritage, d'horribles affections soit de la peau, des yeux,
soit des intestins, etc.; — s'assurer de Texaclitude et du degré
de salubrité apportées dans les inhumations (1); surveiller
l'emplacement convenable des cimetières, des lieux choisis
pour l'assiette des campements et des installations; -— discré-
diter insensiblement les prétendus guérisseurs du pays, qui
exploitent avec la plus audacieuse effronlerie la crédulité et
les ressources pécuniaires des malheureux réduits à les con-
sulter; -*- la prescription et la surveillance d'exécution des
mesures hygiéniques les plus urgentes diminueront les causes
des maladies épidémiques, contagieuses, etc.
3^ Àupoint de mi^e scientifique. — Chaque médecin étu-
diant, dans son cercle respectif, l'influence de la polygamie et
des prescriptions du Koran sur la durée de la vie et principa-
lemenlau point de vue de la pathologie du sexe féminin, l'action
réelle du climat sur laphlhisie, les sources minérales dont le
pays abonde et le parti que les Indigènes en tirent, les maladies
plus ou moins fréquentes, spéciales aux populations musul-
manes, la valeur des (raitemens empiriquesqueles naturels du
pays leur opposent, etc., chaque médecin, disons-nous, étudiant
ces diverses questions et tant d'autres non moins importantes,
fournira des documens précieux dont ledépouiilementetragen-
ôement méthodique (2) enrichiront la science, en même temps
qu'ils tourneront au profit du traitement raliannel des affec-
tions propres à cette zone et contre lesquelles lutte également
l'implantation Européenne. — ' L'appréciation raisonnée des
(i) Pendant la dernière épidémie de choiera, n'a-t-il pas falla« sar p1ati«ars points, Pia*
Wrrmllon des officiers idas Bureaux Arabes pour obliger les Indigèoea à ifthomer les
MUavrts, abandonnés le plus sourtnt dans les tentes où «fonisaitnt d'«alre« indiridus
l^appés par le flëau f
(>) Toyes ci'dessospafe 4t>>
— 555 —
habitudes, des mœui*s, basées sur les nécessités du climat, peut
certainement nous servir de guide dans les modifications qu'il
convient d'apporter aux coutumes que chaque immigrant
amène de sa contrée et conserve trop opiniâtrement au détri-
ment de sa santé (1).
Voilà, d'une manière sommaire, ce que promet l'intervention
de la Médecine française. Il nous reste à savoir comment elle
aélé jusqu'à ce jour, et comment elle devrait être, introduite
au sein des populations Arabes.
Toutes les fois que nos troupes ont été en contact avec les
Indigènes, dès les premiers moments qui suivirent l'occupa-
tion d'Alger, les Arabes ont toujours reçu les soins empressés
des Médecins français. En juillet 1834, le D' Giscard, chirur-
gien-major des Zouaves, prodiguait les secours de son art à
des Indigènes venus au marché de Bou-Farik, Quelques mois
après (janvier 4835), le médecin du Gouverneur, le D'Pouzin,
établissait une tente sur le même emplacement, et, avec le
concours d'un interprète, distribuait aux Arabes des consulta-
tions et des remèdes gratuits. Au mois d'avril de la même
(i) Aa doable point de Toe de l'arcHiiiatenif nt de* Europë«u* et de la civiliMlion des
Indigènes, la fuaion dest deoji races constitue une des plus paUiantes cnnditim» d« sacc^s.
Qo'il nons Kaftiaa de rappeler à rc s^jet que les oaiona de Tara et de Mauresques en Algérie
(f. ti-étisus, p. fji), de CrÂoleset de Nègres aux Antilles, les accoupicmens de fcinmrs Indi-
gènes at ec des Européens & Taïli, dans la NouTelle-Zélande, d«n« a Noa?ellr-Hollandr, elr.,
ont psirtont donne des produits remarquables parleur fécondité etleurAneilIeurc* conditions
physiques et iotcllectueUes. La transuiitsion des caractères saillants des races p.ir la puij-
^ante rohs de lliéréHité est une des plus belles lois dr l'hconomie naturrllr. I.e D' Viul
{Cmi. méJ.éê Paris, norcmbre i8Sa) a déjà remarqué, à Coastantine, cfuc les enfants proro-
nant de mère Indigène et de père Enropceo^ de mémo que les MulAirrs pro^rnanl de femme
Nègre et de père Arabe, virent irès bien « Dans le cercle rie mes observation*, ajiiute-i-il,
res deux genres d'union donnent en mortalité r sur i3 et i sur iS. » La fusion (tr« r.Kr^.
beaucoup plus facile à oblt-nir en Algérie qu'on ne parait généralimmt dirpi ■: n !• <-. i.r,
est «ne nécessité de U loi de perfectibilité htimaine : elle engendre une ami*lir>raii<>ii |ili>«ii|nt
et morale dans les produit* dn crolfm en t, favorise Kaptitude à r.iKcIimntrmeul. et tourne,
en définitirr, au bénéfice de la nourelU Société en donnant plu» de forc^* ans lien* in»er
nationaux. Elle pirlera uucoup décisif au. \ deux grandes plaies de la soeiéié uiusuImMie,
la polygamie et lu proftlitution.
— 556 —
snnée, le Roi fit reœeUre au Goavefoeur une somme de mille
francs pour l'ambulaDce de la Mitidjà; la Beîoes*a&sociail à
ceUe boune cMivre par au don de cinq cents francs. Un mois
après, près de la fontaine du petit marabova, une ambulance
était eflEectiremeot établie, commode, spacieuse, entourée de
palissades, et précédée d'un jardin et de deux pavillons des-
tinés au médecin et à ses aides. Quinze Arabes s*y trouvaient
en traitement. Malheureusement, cette installation, prématu-
rée peut-être à cette époque, ne subsista pas longtemps. En
février 1838, les docteurs Méardi, Trolliet et Bodichon, méde-
cins d'Alger, établirent à Thôpital Caraline des consultations
gratuites pour les Indigènes; les médicaments y étaient
également fournis. La création (février 1844) des Bureaux
Arabes attacha un officier de santé aux trois directions divi-
sionnaires seulement. En 1847, après l'intention manifestée
par les Chambres d'instituer un service de santé qu'assure-
raient des médecins civils, il futdécidé (29 juin) par le Ministre
de la guerre que les Indigènes seraient gratuitement traités
« par l'officier de santé militaire de l'hôpital, de l'ambulance,
du corps le plus voisin de chaque Bureau, ou, à défaut, requis
par le commandant supérieur, sans toutefois que cet officier
soit attaché d'une manière permanente au, Bureau, » En
même temps, les hôpitaux français étaient ouverts aux Arabes.
De toutes parts, des plaiotes très fondées ont démontré les
inconvénients d'une telle organisation. Ainsi, à cause de la
mutation fréquente des médecins des hôpitaux ou des corps, à
cause du service quotidien auxquels ils étaient astreints dans
ces diverses positions, jamais les Bureaux Arabes n'ont pu
constituer une organisation médicale régulière. Au lieu d'at-
tendre les malades à des heures fixées, le médecin aurait dû
aller à eux, se montrer souvent aux populations, s'en faire
connaître et désirer, glaner des prosélytes, étudier les mœurs
et la langue du pays. Mais comment r|urail-il pu ? Pas marne
— 557 —
une ration ^e fourrages (i)t Pas de moyens de transport I Pas
de liberté de ses mouvements, de son temps, puisque le service
de santé indigène se trouve cumulé avec «elui de Thôpital ou
d'un régiment I C'est donc, surtout dans les occasions d'ur-
gence, dans ces cas où TArabe attacherait un prix incalcula-
ble aux soins et aux succès d'un traitement, que le médecin
français lui fait forcément le plus défaut I Où donc est la portée
humanitaire et politique d'un tel système ?
Ensuite, dans les hôpitaux militaires, les Indigènes ont^éné-
ralement refusé de séjourner. Ceux qui y entrent le plus vo-
lontiers sont surtout des étrangers sans asile^ des musulmans
citadins, ou des Arabes entièrement abandonnés par leurs
empiriques et n'ayant plus guère d'espoir de guérison. Les
habitants des tribus, ceux évidemment qui sont le plus
dépourvus de tout secours médical, ont toujours montré une
antipathie profonde et un dégoût invincible à l'endroit de nos
salles hospitalières; les différences de coutumes, de pratiques
religieuses, de langage, de mœurs, la privation de la liberté,
l'imposition d'une discipline, une alimentation toujours sus-
pecte parce que des mains chrétiennes l'ont préparée, le con-
tact européen, une existence cloîtrée bien différente de la vie
nomade et au grand air, etc., tout enfin répugne à des indi-
vidus élevés et nourris dans la prévention et l'hostilité contre
les Roumis.
Les Indigènes qui demandent çà et là des remèdes dans les
Bureaux, n'y viennent que par occasion : le médecin ne peut
donc suivre, surveiller le traiternent; de là des abus, des dé-
penses regrettables, des distributions de médicamens souvent
(t) M. le général Tusuf écrirait dernièrement encore, dant 'son remarquable onTrafe
•or /« CiMfr* en jéfriqut : « Les chirurgiens militaires détachés dans !•« Boréaux Arabes n'ont
jpaa même droit à une ration de cheval, et pourtant ils rendent des senrices incessants,
répandent partout leurs bienfaits, tl vont sour^it soigner de* Arabes dan» les tribus éloi-
gnées et juwju'm Kabjlie m ...
— Sî>8 -
actifs el iloiit les prapriélés seront certaineuieiit ignor
D'aill(^.Lirs, les malades qu'il aurait le plus importé Je soulager
et de guérir, sont justement ceux qtie la souffrance el la fai-
blesse relienneiU dans les douairs; aussi esl-on venu souvent
deinaruler des remèdes pour des parcnls, des amis absents. Si
on les refnsaii, ou se mettait en coniradiction avec les avisr
publiés parle journal oiTiciel Arabe; si on les accordait, on
le faisait au hasard, en aveuj^de, et quels résuUals pouvait^on
en obtenir, ou plulot ne devait-on pas craindre 1 — Ensuite,
les modicamens» mis à la di^position des Bu i^eauit Arabes, oui
toujours été restreints à la nomenclature du forra^ulaitc des
liopiïaux mililaires, et ne peuvent des lors cotnj^renJre ceux
que les maladies des femmes et des eufauts réclament si sou-
vent ; d'autre part, la somme affectée à celte dépense est tout-
à-fait hors de proportion avec les exigences des besoins de
populations très nombreuses.
Evidemment, le résultait de tous ces traitefnents incomplets,
irréguliers, trop souvent insignilianls, n*a pu donner à beau-
coup d'Arabes qu'une triste idée de notre Médecine, cisiogu-
lièrement diminuer la confiance générale. Due si chélive
organisalioïJySiius laquelle copeiidanlleschirurgîens militaires
ont rendu, avec un zèle et un dévouemonl Irop restés sans
encouragement et sans récompense, tous les services dont ib
étaient capables, ne saurait jamais conduire à faire Je la
Médecine de propagande, celle que Ton doit avoir surtouleti
vue, en Algérie.
C'est ainsi que l'un des officiers les plus distingués des
Affaires Arabes [() écrivait récemment avec raison : « LaJ
création du service de santé auprès des Bureaux Arabes est
d'une importance immense ; le Ministre qui en a eu Tidéc
l'avait bien conipris ; des dcfnils, des lesîneries de fonds ont I
(>} La vttmuiaail.i:
•rj'^mt'f^it^n d*} intifgtit*', f.
— 559 —
empêché dans son entier développement la réalisation d'une
pensée qui, pour nous attacher les Indigènes, a une bien
grande portée. »
Les inconvénients et les résultats négatifs, signalés dans
l'organisation de ce service, m'avaient fait penser, en 1848,
que le meilleur moyen d'appliquer utilement, convenablement
et rationnellement Tinfluence médicale aux populations Indi-
gènes, sérail la création d'hôpitaux exclusivement consacrés
aux Arabes. J'ai démontré (1) tous les avantages de ces^éta-
blisseinenls dont Tinstallation au sein des tribus devait être
d'une extrême simplicité. Les frais du service et les dépenses
premières auraient été coiiferts par un impôt annuel de dix à
quinze centimes \iîiT zouidjà ou djebda, proportionnellement
à l'ac/ioMr. Des essais, tentés dans plusieurs cercles, ont con-
firmé pleinement le point de départ d*un tel système. Partout,
en effet, où les Indigènes. ont pu être traités dans des locaux
(tentes, infirmeries, asiles) particuliers, et dans lesquels ils
n'étaient réunis qu'à des corréligionnaires, ils ont cessé de
manifester des craintes, de la méfiance, de la répulsion contre
un séjour plus ou moins prolongé, et le nombre des malades a
augmenté rapidement. Des nattes et des couvertures ont suffi
à leur couchage ; pour nourriture, des galettes arabes, de
l'huile, du piment, des dattes, du café, du laitage, du
kouskouss, parfois de la viande. Dans l'hospice musulman
d'Alger (2) dont j'ai créé le service médical en 1850, le calcul
(i) De la rrnathn des Hôpitaux Jrabes, dans le jouraal VÂhhbar du 17 octobre i848'
(a) Daus un remarquable article sur V Assistance publique en .■élge'ric, la R^t'ue Orieutuie
d'ortobm 1 85a «'exprime dans les trmirs suiTants, que je rnppcllr prinripalcinrnt au litre
delà Médecine militaire, qui adonné sur la terre d'Afrique t.iut d'exemples de dévonoiucnt
tt d'abnégation absolue. « Dan* l'asile d'Al-jer, le service médirai a été organisé p.ir un
chirurgien aide-m.ijor, M. Borthrrand ; depuis peu, M. Donellu, do leur de la Faculté de
Malle, lui a sacc«>dé. L'intelligence de cc^ doux pra^icirn -, Irur dc\ c.irmeut à une œuvre dont
lia ont« dès l'origine, compris la double importance bienfaisante et )>oliiiqne, ont rendu ht
■otre cause, à l'humanité, des servirez qu'un ne sanrait trop hautement signaler. Nous
voudrions pouvoir citer aussi 1« nom du médvcin de la uiai9<m de OmManline, «eux df»
— 560 —
Jes dépenses «le l*alimcnlaïion et d** Pameullement n*aitei-|
gnait pas vingt centimes par homme et par jour- On conoait^J
irautre part, la siiuplicilé, la solidité^ la durée, le prix peul
élevé d'oii veleraent arabe. L*asile de Cinislunljne n'a pas*
coulé plus de 3,500 francs d'iDslallatiou. Or, nVt-uD pas^
trouvé chez les Arabes de quoi leur faire bâtir plus ilii 2,000
Qiajsons en quelijues années? Ej, d 'ailleurs, leurs marabouts,
leurs empiriques ignorants, ne se font-ils pas paver assex cher,
sans guérir davantage pour cela? L'Arabe comprendra donc!
facilementqu'ily va de son intérêt^ sanitaire et pécuniaire» de \
coopérer à la création d établi bsements où il trouvera ua sou-
lagement confortable à ses soutTraices et les conseils éclairés j
d'un ioubibc français.
Les Hôpitaux Arabes permettront seuls de bien propager lai
vaccine, parce que les enfants inoculés pourront au moins yl
séjourner le temps convenable puur assurer le développementi
du virus préservateur ; ils constitueront ensuite de vériiaWe.^
dispensaires oii celte alFreuse syphilis, qui ronge le peuf
indigène sous toutes les formes, pourra être combattue dès leJ
début des symptômes avec plus d'elBcacité et de succès. Bel
ces établissements, placés a proxinulé et sous la responsabilité^
d'un chef indigène, le médecin rayonnera sur tout le Cercle,.]
y fera de nombreuses tournées selon les besoins, se porter
fréquemment sur les marchés^ soumettra aux atjtorilés locales,]
et fera exécuter par leur exemple et leur appui, toutes J^
niesnrt*s d'hygiène publique convenables, encouragera la
construction et lentretien des puits, routes, caravansérails,
bains maures» plantations, conduites d'eau, etc.> recevra desj
Caids^X Cheikhs de chaque fraction la déclaration des naissan»
ces, âéchy mariages, de: furmiTa, vu uti mol. le novau del
«turqrgirm'nidjvratliti, ^iUiiéj j»u|<m dr rh«*|tic Buri'au Ar^bi», r4?|>untln4 J«.s lii«ijC*irt «l* l
df cm maux afllipr«ni»f{i>î «orroin|t#iit t« |vrtfiçipe Hp Li rît Omu ut »uM»tt. •
561
^ ^.urJL%.«*
l'adaûnislralion de l'État-Civil, qu'il importe tant d'établir
dans les mœurs musulmaoes. C'est seulement alors qu'habi-
tant, séjournant au milieu des Arabes, vivant de leur vie
intime, s'initiant à tous les mystères de leur existence (1), le
médecin saura capter leur conGance, convaincre les incrédules
et confondre les imposteurs. On oublie trop que l'existence
toute particulière de la tente et les occupations de la femme
dans la tribu, ne permettent pas aux Indigènesde courir après
le toubibe, au chef-lieu du Bureau.
Un excellent moyen d'entraîner Tesprit arabe, c'est de faire
servir grand nombre de leurs propres croyance^u bénéfice
de notre cause. C'est par une adroite propagande de bons
livres contenant des préceptes sur l'hygiène (2), l'agriculture,
les arts les plus usuels, c'est par une habile interprétation de
leurs dispositions législatives et de Jeurs proverbes, qu'il faut
secouer et agiter la pensée engourdie et stationnaire du Mu-
sulman. La lecture des faits historiques les plus capables d'é-
mouvoir son imagination, d'opuscules traitant de passages
intéressants d'histoire naturelle accompagnés de gravures
représentant les êtres, les substances les plus usités, éveillera
le goût de l'étude, et dissipera bien des préjugés. La traduction
française des Médecins Arabes les plus célèbres (3) nous fera,
(i) 11 jparricudra aisëmcnt de» que la langue du pay» lui iera devcouc familière. U
prix élcré de l'impreuion arabe m'a einpéché, jusqu'à ce jour, de publier un dictionnaire
de 3.700 mots enriron, comprenant tons les tern^ de médecine, chirurgie, pharmacie,
histoire naturelle, botanique, zoologie, etc., ontés ^ez 1rs Arabes dc^ prof inces de ÇcuM-
tantine et d'Alger.
(s) -f-'or. ci«dessus. p. S;.
(3^ Les prindpaux Mi'dedns et Natui^listes Arabes, sont : i • Bbàxbs {Ab»u-Btkh Mokamm9d
btn Ztikariak ml Baiy)^ médecin en chef de l'hâpital de Bagdad, mort en gai : auteur de
pandectcs delà méderine, d'un traité de la petlte-Térolc et de la rou^'rolc, d'une histoire d«
toutes Ii-s connaissances médicales de son temps, etc. ; on loi doit le séloB il U pr^mi^
dottription du larynx. -*^a. Avsaaaoxs (Abou- al- Ozalid Mohammtd htn RotchJ) dé Cordoot,
mort en 1198 : a fait nu grand uuTraga de médecin* {Kalijet). -• S. Avicsvva {jtim^U»
ûllJoa^miit 6en JbdaUak ben Cinna), né en 980 à Bonkhara, mort en io36, Wlsir du sulun
Maodal : il écrivit une métaphysique et des lois de la médecine qui furanl pendant sIb
siècles l'unique code médical de TEorope, da l'Asie, de l'Afriqat. — 4- AtiecAHs {dhwl^l
— 562 "
en mênii' temps» retrouver des idées scientifiques toutes appro-
priées aux erremens nalioûaux, et ries doctrines qui, pour
n'être plus de Dutro époque, pourront cependant modilier les i
opinions actuelles sur les phénomènes cliiuatériques, phvsio- 1
logiques et pathologiques, auxquels elles ont été jadis udoplée« j
avec quelque raison. L'intelligente étude de lu juriâprudenec^j
musulmane conduira évidemment à adupïer une législation
parliculière plus en Itarftionie avec le climat africain cl le
tetiipêruTOeut indigène, et, par suite, la niédecine légale s>j
consli tuera avec des exigences plus rationnelles.
Il estccDcndant juste de convenir que» malgré toutes ses |
imperfecli^, malgré tous les obstacles apportés à sa facile
exécution par une vicieuse et incomplète ébauche d'organisa-
tion, le service ujédical,créé en 1847 en faveur des Indtgènestj
aproiluit des résultâtes irrécusables etd*une certaine iaipor'-
iance. Ain^i, des que le passage ou la venue d'un médcsîiiij
français sont connus des Arabes, graud nombre de ceux-ci, j
fatigués des décevantes illusions des amulettes, accourenil
Mav*m Khahfb^n ji&àat),aé |»rèi du rofdoac, mu rt en 1106 : u |tiiU1U Wiké oiéth^dn û» Vm
âe guérir^ décrit un mnex gr«ti(l Doiubra d'(u«Lruiiieii», parlé I* prenûer dr laiilliotrilie»
— 5. Avs»»aA* {jfh<fu MtrmaH é*tt a&d al M^fek tttn ZoAf)^ iitéduciQ du Klialiiv du MAr^i^
lié pri;* dt* Scvtllo, mort fiiJ.xiji j fouddlcurdc lu pb^ii-^iuaçi, n laljfiv ua vUTfage c^iwA» U J
BiclificiiUoni de I« M<'idfdnc, — 6. At Kt!(i»t, qui virAll u Li cour d'Ai Wi^ut»»» mort «»J
tSo : oiiJol do»l un trailé lur bt^ouiposîtiondcj» inèdîcaiucn*^ uno ib^^rî» di« â» l* »i»4gî<
<tc. — 7> Af» FiK4ti, ne en Afi«, mort en g&o; cluit pf^iiilu&ité parlv prïkcr d« Sy^ri» ^ •
publia Qoe eucTctopédip, un traité »ar 1m scicnc»* rlc — ». A»ou 0««*>»a« (M^m/ ^Um$
Mtmafttà eJ Jtnr Jhm^ti)^ tnort «n ïiCt» ! a rait «tic htjilrviri! do !:> wiédwnne drpni* «ou origlua 1
jttaqu'Au XOl* ri^dc^ç). Mtio» {YnyU), ué prèj ût Nînivê.iuori tu 855 ; prtHrjt' d'H^»»**!
AL Il44ctttu pi d'At MâHOLir : 00 luidoit uue pbNnnaca|i«v, de* Iraitéi *uf V»tMïo«ni** 11*
fièvre», !m liaînsjrs uUmt.ut, <?lc. — to. Ait* Btitn^ii (JbéûUak b*n ltmm€4 «f Otitkmr\ ufl
pria d» MdLtgj^ tuort vtx 134^ ; céUhro boltiQiiictjui ■ Uisté un »r«jt* J<* Siw>pt**- — Ita^
Ak K*«wi*i (Jf«A.i^/<»A Af»» M9humm*<t htn MttAmauif}, mort à KAiirîtti ci» iiiJ c^lAUf# ■*!«•]
nliste ; tt laîui; un traité de trol» r^g;jir> de In ontar^?, — 11. U*< (heu AU n( S^tiitm), «« VIV*
ùixUt A Gr»iiad« ï niotiurv fUiiiir(rMi< ût^ Aniua^ux. — i3. Ai. V.ouit fTaltf Ji^u Zdttn^l 1^1
M«àaMM0jtt Utomiij, X* tMaU i «i ptiblté an ïrait^ do botanic^ur, on ouvrage d« pbj>iul«>t^l
|»fttbolo|fit|ti«i —14. Tia^t.iutn {&*» Ahmtd Jhmtt Kt^ctm et .Var^uf tt MtigftiUi). ii^ort e«
11**7* tmil* d<rCku«i1* — t5.G«t<» f//«è«M Jlfôwça DjfA^/^ra/ J«/iJ,dc lT*rfiMiî VlII*i**ri#^
cAl^br» dumiflo. ~- «e. A*e Att^Tir, m^dceiB Ar«b«t wè en itfîi, i Bagdad \ liî*t'iri<«l fft
I^Cépâf te iiilun 5At,4Btv i fie, — (f'«r*î, ddoag» p*f«i tto ri 81; ,
— m;\ —
réclamer des soins et des remèdes; très rarement les chirur-
giens français n*ont pas obtenu de pénétrer dans leurs mys-
térieuses existences, de voir, de traiter leurs femmes, leurs
filles, ete. Pendant les années 1847, 1848, 1849 et 1850,
près de 45,000 Arabes ont été traités par les médecins des
Bureaux Arabes, savoir: 10,775 dans la province d*Oran;
46,061 dans celle de Constantine; et 17,382 dans celle
d'Alger. —Les Arabes sont convaincus aujourd'hui de l'efli-
cacité du sulfate de quinine dans les fièvres intermittentes (1),
de l'opium dans les dysenteries et diarrhées, de nos traitements
anti-syphilitiques, de Tammoniaque contre les piqûres d'ani-
maux venimeux ; la gale a complètement disparu de plusieurs
tribus entières; grand nombre d'ophthalmies ont été guéries, et
beaucoup d'Indigènes, encouragés par les succès de quelques-
uns de nos collyres énergiques, ne manquent jamais de venir
en demander dès les premières atteintes du mal. Enfin, je ne
parle pas de l'influence toute morale qu'ont suscitée les rela-
tions des Médecins français avec les Indigènes ; les malades
sensibles aux bons soins qu'ils ont reçus, manifestent partout
une profonde reconnaissance et une sympathique confiance.
Que n'aurait-on donc pas obtenu avec une organisation ration-
nelle du Service de santé (2) ! Tous ceux que la captivité a
retenus chez les Arabes, ont relate des impressions qui ne
permettent pas d'en douter. L'un d'eux (3) a dit : « Les
Arabes apprécient le bien-être matériel que nous leur appor-
tons. »
(i) f "o/tf^ plus haut, page 397.
(s) Les observations recaeiUies par les Médecins des Bureaax n'ayant pas encore été cen-
trt^Iisées, il est impossible de signaler ce que les pratiques du toubi/te Indigène "ont pu leur
jofTrir d'arantageux et do profituLlc à la science. Si j'en jngo d'après ce qae j'ai vu et expc-
rimcntc, l'emploi méthodique du kofitui, du htnna, du bain maure, du feu, du massage, etc.,
rendra de grands services à la médecine et à la chirurgie françaises.
(3) M. D« raA»t«, enseigne de vaiucau, i83- : Les juisonnitrs d'.iliH-tlKndtr, cinq mon
iê taftivif cht: Us Jrabts.
— 564 —
Les tentatives de rénovation sociale failes en Egypte
Turquie, dans ces Jerniers lempA, et surtout Jes beaux résu
obtenus par rinlervenlion de l'art médical, doivent d'autant
plus nous encourager, que nous n^avons pas en Algérie m
constilulion politique consolidée par l'unité d*un pouvoti
musulman et d'une assemblée de Savants Mahométans, dont
il faudrait vaincre rinfluence émincnleet gagner l'adhésion à
des errements nouveaux ; la dissémination des tribus et i
multiplicité des chefs Indigènes, les placent Ions dans ur
existence isolée, moins indépendante, ce qui rend notre aclioil
plus. forte et noire tâche de civilisation plus facile. C'est aune
persévérance réfléchie, à rinlelligent emploi des instruments
sociaux qui agissent le mieux dans Tin térêt général, que
France doit, sans aucun doute» confier le soin d'apporter dao^
les mœurs et les conditions physiques des Arabes les amélior
tions et les reclifications dont elles ont tant besoin. On n'im-
provise pas, on n'importe pas d^un seut coup, on n*irnp06e
jamais la civilisation : on y prépare progressivement en
lant aux sens, à l'intelligence et à la raison des masses, et sui
tout en augmentant le bien-elre individuel.
FIN.
I
TABLE DES MATIÈRES.
DédicJicc .
Préface .
LIVRE I. — OU MÉDECIN ARABE.
CH4PITR£ I. De l'ttmt dt la Médecine chez les nations et populations mahometanes . i5
Etat de rinstrnction publique chez Iw Mosulmans i6
Eut de la Médecine en Arabie i8
— daus le royaume de Tunis id.
— an Darfonr 19
— en Turquie id.
— en Perae ai
— en Nubie 22
— en Egypte id.
On ne doit pas attribuer au Koran la dégradation intellectuelle du
peuple Qusnlnian a4
CHAPITRE II. Exercic» dt la Médoein» chez les Musulmans dt l'Algérie. — Leurs
connaissances en sciences médicales et naturelles 3o
Médecins 3a
Chirurgiens 33
Triste état de la chirurgie 34
Pansearats 36
Feu, cautérisations J7
Saignées, scarifications 38
Orthopédie t id.
Suture. . id.
Moxas. 3c>
Vésicatoire id.
Trépanation 4o
Exercice légal de la Médecine id.
Spécialités médicales 4i
Dentistes id.
Vacdnatenrs. . . , 4a
Sages-remines 4)
Ocnlisten 44
Circonciscurs 45
Médedns de la jauniase 46
— militaire* id.
- 566 -
Mrdectfis mililaire-s orgauis»'* par Abd-el-K«drr 4-
— Télériiiaircs 48
Des ÂmnUttes id.
Diverses praliqurs drvînaloires 5o
Forme et contenu des aiimlctlcs Sa
Idées superstitiruscs snr Us causes des inaladiM ^4
Spécimens d'ainaleltes, de talismans. 64
Honoraires 71
Reconnais sanc« des arabes envers ies Médecin* -4
Hôpitaux 77
Ouvrages de Médecine 80
Nécessité de l'étude du Koran 83
De la jurisprudence Musulmane dans ses rapporta av«c U Médecine . 85
Médecine légale 87
Responsabilité des médecins 88
Aptitude i témoigner * 90
Opérations médico-judiciaires id-
Attentats à la pudeur 91
Adultère ^S
Blariage id.
Divorce 9^
Serment de contineoee 97
Grossesse id.
Avortement io5
AMoudiemaDt 104
Paternité loj
Allaitement id
Identité. Age 106
Blessures , n,-
Castration ,o<j
Empoisonnement |,o
Sophistications, altérations . . . , id
Signes de la mort i j.
Inhumations, exhumations m
Autopsies ^ jjj
Recrutement militaire jj
Phjrsiognononiê ,,j
Connaissance* en Anatomie ^^^
— Physiologie. , . . . 121
— Physique ,,3
— Chimie jj^
— Toxicologie ,j^
— Botauiquc jj.
— Pharmacie ,3^
— Mati(>re ntédiia'e j^j.
— 567 —
LIVRE II. — HYGIENE DES ARABES.
CnAPITRE I. Considérations générales sur le climat de FJlgfrie «t sur l'organisntinn
ph/iiqut et morale des Crabes ii«
$ l. Du climat de r Algérie i38
Sol iU.
Végétation i43
Zoologie 1 i4i
jktmosphêrr id.
Baromélrici i45
Thermométrie i46
Electricité i53
Neige i54
Vents i55
Hygrométrie i56
Saisons i58
Hydrographie " i5<)
Eaax minérales i64
%\\, De Inorganisation physique et morale des jérabes l'ji
Races id.
Caractères distioctirs drs populations indigènes de l'Algérie. . . i-)
Difformités, vices physiques s^5
Epoques direrses des âges , i^G
Taille »... i^g
Système cutané. - , , . . . ibo
— P>1'« , i8i
— o»«"« i8j
Conformation du crâne id.
— de la face ig^
Apparril oculaire i85
D«nu, 'mâchoires ig6
Thora» ,8^
Bassin ij,
Teropérament arabe i88
Système musculaire , . i8q
— géuito>urinaire iqt,
— circulatoire ,y,
— nenreux , . . . ipS
Besoins i* animaux i^g
sobriété id.
libertinage 198
— a* iolellertueb aos
fatalisme iU.
BMperslilion iil.
— 368 —
Beif>iiis a* instruction publique ïo3
indolence , apathir >oS
fêtes publi^oe«. . ^ au6
— 3* sociaux 309
CHAPITRE II. H/gièn» publique lit
Des prière» eti commun si3
EUt-ciril ai6
Population 217
— niiTant le« proTinres 219
— - dans les rillt» et dans le* campagnes id.
— iiuirant le sexe sio
Naiiitances selon les saisons aaa
Mariages et dirorres selon les saisona. a24
Décès par rapport ù la population ai5
— au sexe et i l'âge. id
— aux saisons 227
Epidémies aaS
Propreté du corps 229
Ablutions légales aJt
Habitations 241
Voies publiques 242
Serritudes 243
KdiicM publics. 244
Eaux publiques «49
Voierie s&a
<jmetières 2S3
Inhumations 2S4
Vêlements. 261
Alimentation «64
Mode de tuerie s54
Aliments permis ^.^
— défendus. ,-,
Motifj de l'interdiction de la viultde de porc a-^
ConscrYation des riandc».
des fruits,
de l'eau. ,
27»
— des grains jj
276
id.
Buissons permises j»,
— défendues jj
Le Koran ne priscril pas le vin ,.g
Des jeânes 7 ,|fi
Altérations et faltiScations des substances alimentaires. ... 19a
De l'influence de l'éducation morale et intellectuelle , des insti-
tutions politiques et religieuses dos Arabes ,^
Mariage ^
Prostitution ,j^
— 569 —
DtTorce ijU
CélU»a». agt
Polj^amie. . . , 3oo
D« U wiifioa wwnl— • <a— mwppftt «ygc là iCTté publiipw. 3«4
CircoadHOD. 3o6
Protettoas. 3iS
OBAPITBE m. Uxfièmt priait 3i7
H jgiint fU U peM 3il
— bain nuore 319
— *»•»•'. 3«i
— > oosmétiqncs divcn 3s»
— tatoiufe 3a3
HjfièMdeU vue 3a4
— kokfml. \é.
Hj^iA— de la bovdie Sa€
— *«wy 3*7
— mifommf. td.
Hyfiènedii •yctèau pitoax 319
— kaimm 33o
— épilaioircs 33g
Hygiène du êjttème mmcnUiff. id.
Vètemena en paiticnlier 313
Goacher 34»
Diren modes dliabitatien (tentes, goorbb, maieoM) 343
Edairafe 349
Cbanflafe id.
Des moyens propres à dusserles inseetas el ks iaimawi dangereux. id.
AUmens les plos nsitës. 3Si
— dn ^en comme oonrrilore. 3Sa
— da eomseoiué, 364
Dn tabac 367
ï>nh/(km€ki(Â) 369
Direrscs boissons 373
Café 376
' n^rgiène des organes de la génération 377
-— de l'âge dn mariage 37!
— des rapports seauelf . 3tt
— de l'allaitenient 3*7
LIVRE III.— MALADIES «■EDECINE DES ARABES.
De la pjtholngie au {•niot de me des jkrabes 390
Uénominalion des m. ladics 391
Dnrégfane 39$
Des opérations id.
Ignorance des propriétés des remèdes* . » • 396
— 570 —
Causes des maladies. . 397
Maladies héréditaires. id.
Doses médicameatenses 4«o
Prompte action des ronêdes et facilité de fuérison des blcssares
chrz les Indigènes. id'
Statistique noaologiqne 40 3
Kmboopoint -. 4o5
Faiblesse do complexion. 406
Jléublisseuient dea forces _ M,
Syncopes 407
In&omaie id.
Sueurs cxcastlTes 404)
Cancer id.
Farcin, morre 409
EnforgeoieDS glandulairck id.
Goitre id.
— crétinismc 4is
Scrofules 4ta
affections de la glande Diaœiuaire 4i3
.SypbiUs 4i4
Pian 4ao
Eléphantiasis 4a>
J^prc 4a4
albinisme 4aS
JchtyMse id.
Méla$ma pityriasis id.
Taches de i^ousseur id.
Ëphélides 4a6
Dragouncau id
Peste. . 4,-
Choléra 4,U
Rougeole 43,
Vaiiole -. . . . id.
Dartres.
Gale. .
44s
446
— bédouine ti.
Abcès, phlegmoub jj
ïoupea ""^ 448
Tumeurs, pustules ^j
Chancre du Sahara. . ...
l^gorgcmeiis des membres. «^
L'icèrw iti
Brûlure.» j^j
Congélation j^
Maladies des o> ^j
>:iIIoVM'. . .^j
\
— 57« —
Luzationt. . . . • i<i.
Fractvrcs 456
— i^Viîra id.
Arthrite rlmmatifaM]* 4€o
•^ blaiiionliafiiioe 46i
— «rétro-syapathiqat id.
Goutte. id.
Hjdarlhrote id*
Rbainaticines id.
Lombafo id.
Sciatii|ae 46a
Nérralgies id.
Bpilepaie 464
Perte de mioMiire id.
Chorée id.
ConTalsiosu id.
Tétanos id.
Aliénation mentale» idiotiane 46S
Fièrre inttnnittente 466
— conqplieatioM dn cdté dn foie et de la rate. . 470
— pemideiMe 4^1
— iofloance de* rixières 47a
Plaies id.
— compliqnées d'hémorriiafie 47S
— . — de rere id*
— dcatriaation 476
— > d'ampotatioQ id.
— da bec d« lierre 477
— > par armes à feu id.
Transport des blessés 48'
Plaiet par animanz rhAimmx 484
— tarentule id.
— scorpion 4*5
— serpenU 4i6
— rage canine 4t8
Cbeveuz blancs 49$
Alopécie iid.
Teigne 49^
Gourmes . . ■ 497
Pbqne id.
Vermine id.
— pou de barbe 49*
Affections cérébrales. id.
— céphalalgies 4^99
— — q^rreoscs *©•
— hypér^mie des yinis frontamx ^1
— 872 —
— hydrocéphalie. Soi
— méningite id.
— «ttcéphalite . id.
— méainfite oértibro<4péwde id.
OEène So»
Corju id.
Eptsuxif id.
▲fiectioBS ocvlairet. SoS
— ophthalmies. 5o4
— — caUit^alek 5o5
— — TariolenM. id.
— — parolente 5«6
*- — syphilitiqn*. fd.
—> — • némigitfw id.
— corps étranger* S09
— ftérypon id.
— épipliora id.
<— fiatnie iMryaik Sio
«- entropion id.
— tricfaladft. id.
^ njrculopie id.
— - liéraér«lop4« id.
— faibItsM de la rue id.
— amnaroae 5it
— strabisoM id.
— cataracte H.
-» affections de la eomée. Sx»
— — alliagos i4,
Otalgies ij.
— otorrhée 5,3
— rers daM les oreilles j^
— snrdité j^_
Stomatites Ij
— scorbatiqae j^^
— gangreneuse ^
aphteuse j^^
ulcéreuse.
id.
id.
GrenouiUette
Sangsues avalées -^
Bec de HèTre j^j
Odontalgie 1^
— carie dentaire • • . . id
— vers dans les dents 5 ^^
ReU^enent delà luette ^^g
^^^ id.
Al*«w> id.
- 673 —
Croap 519
Coqueluche id.
Grippe id.
JkfTectioiis de poitrine 5ao
— bronchito 5ai
— htooptysie id.
— pleurésie ' id.
— - Mthme S»
•— Dréqamce de* maladie* de poitrine id.
— phUûrie Sa3.
Maladies da cœor 5*6
Affections da tobe digestif id.
— inappétence
— gastralgie i*^
. — gastrite id.
— constipation id.
— coliques 5at
— hernies id.
-— tympanite id.
— diarrhée id.
— > dysenterie 5*9
— fiérre typhoïde Id.
— hydropisie asdte 53o
— hémorrhoides. id*
— cristalline S3i
— Ters intestinaux id.
Affections du foie 53a
— jaunisse id.
— embarras bilieuz S3S
MaUdies de la rate 534
Affections des organes génito-urinaire*. id.
— des reins 535
— de la Tessie Id.
— — cystite id.
— — rétention d'urine id.
•— — incontinence d'urine • id*
— — calculs id.
— des testicules. 536
— — hydrocèle id.
— de l'utérus 537
— — leucorrhée id*
— — chutes de matrice M.
— — dysménorrhée M.
— — hénM>rrhagies 53S
— — abcès des grandes lèrres^ idL
— — itérililé id.
— 574 —
— impuiasance 54c
~ ^ hjstérie ' 54a
— — a«eoadiem«nto 541
CONCLUSION.
Du r^le ciTilisatcnr de U Médecine 54i
•— aa point de ma politiqoe . • 55o
— hnmanifaire . 5S3
— — sdentifiqac S54
Historiqae du service médical indigène 555
Néceaaité de la création d'hâpitaux arabes 559
Utilité de la propagande par des litres d'hygiène, dliiatoira nata-
relle, etc 56k
Réaoltatt obtenus dans le sarrice médical indigène 56 s
ERRATA.
Page i5, ligne 7 : Aboalabbas, listz Aboul-Àbbas.
A 39, i> ax : pouvoir, /wm PonToir.
'> 43, » 3 : Doos r«TiendroD9, tistM nous nous étendrons.
" 44i » 7 '• occulitftes, Use» ocoliâtes.
» 5s, i> S : les plus petits, iûe» le pins petits.
» id. >, Il : d'un met froid, iùts d'nn mets froid.
6«, n 3a : dattes d« qsêbàa (.^), titn dattes dites qttbha (qualité particulière, i
pulpe moUe, et très estimée).
M 76, vu note : militaire, litti militaires.
» 96, ligue ai : ou toute autre maladie, Utes ou atteinte de toute autre maladie.
•• 106, » i4 : allaite l'enfant (a), /!im2 allaite l'enfant (a): »
•• III, >• I : immoblité, Uui immobilité.
» ii3, » la : ou il y a, iitti où il 7 a.
» 14 j, » le : Sidi-Okba, Uu* Sidi-Okba.
M 17U, » a4 '• Merkoutine, £i<«s Meskontine.
>■ tSi, » a6 : rbàtain, h$ei châtains.
> aoa . »• 4 : Que dire drs besoins intellectuels, Ustx a* Que dire des besoins inttUectueis.
» zog, » i5 : ne saurait rtrc. /fies ne pourrait être,
t a34. ** 7 : terre friable. Usez une terre friable,
n a5o, » 3 : indisdble, /isex indieiblr.
n 260, » 3o : drilisation, iùts civilisation. »
it a6a, » a3 : constructions, itsêz constrlctions.
>i 170, M ai : unhymoses, iittz ecchymoses.
>• a 80, » 6 : devaient, lises devait.
» aya, » i5 : telles sont, liiez tel» sont.
t> a93, » ai : debaraaaé, Usez débarrassé.
» a97, M lo : phjiichologiqucs, liir: {isychologiques.
.> jiu, .1 7 : a o la circoncision, lit*: 3° la circoncision.
>' iib, » 3o : ordonnée, lisez ordonné.
M 401, '> i4 : anaslhésie,//jrs ani>s(héikic.
w 4o5, n 3o : coostantr, /f<«i pi-rmanente.
n 4 14. » 8 : rénergiqae stjptie, //j«3 l'énergie stypiiqne.
,1 419, »> 9 : qu'après la.., lisez que parla.
» 4a a, » li : la plus vaillante, lisez la plos saillante.
" 4 a 3, M ag : fréfjucntes, /f if a fréquente.
» 438, » a8 : superstition, lises superstition.
> 439, » 17 : Algérien, lisez Algérien.'
» 44 !i, n 3a : liiuiurut, ttsez liiiiiueiit.
•• 4''a, » 10 : page laç, liiez pJgK 3().
>■ i)<'>, I- i- : militnircs rivils ou indifri'-ii'", lite: lllilitai^e^. cîvih, i»u iiidigruM.
K.
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