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Full text of "Médecine et hygiène des arabes : études sur l'exercice de la médecine et de la chirurgie chez les musulmans de l'Algérie ... précédées de considérations sur l'état général de la médecine chez les principales nations mahométanes"

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MÉDKCmii:  ET  HYGIÈNE 


DES  ARABES. 


DU  MIME  AUTEUR  : 

Clinique  cbirurf^'icalr  de  l'hôpital  du  Gros-Caillou  {(.azctit  des  llôpiîaui,  i84a). 

Cydotôiiic  crAnien,  nouvelle  scie  pour  les  autopsies  Idem. 

Recherches  sur  les  luuicur*  sublinguales  (Strasbourg, »845). 

Sur  la  syture  des  tendons  (Gazette  Médicale  de  Paris,  i845\ 

Considérât ionii  cliniques  sur  les  kyftte-s  Idem. 

fionvel    appareil    pour   !•*     tmitoinrnt   dr    l'intor^o   llbio  tarMi-niu-   (Casette    Médicale  de 

Paris,  i84-). 
Du  sulfate  de  cuivre  danii  le  tr.tiifmenl  de  l'uréthriti*  'Abeille  Médicale,  1847^. 
Du  traitement  médical  de  l'h^drocèlc  du  testicule  Idem,  1848. 


^^otice  riiinatologique  sur  Téniet-iMIàd  (yAkhbav,  journal  de  l'Algérie,  1848). 
^ ^^t.  la  création  des  h'^pitaux  :ir;ibts  Idem. 

do  azotique  dans  la  gingivite  ulcéreuse  épidcinîque  (Paris,  >8.i9). 


'^ïe  la  ( 


>^ 


".onsidérrftions   pratiques   sur  les   maladies  de  l'Afrique    (Journal  de  la  Société  des  Sciences 

médicales  et  naturelles  de  Bruxelles,  1849;  et  Abeille  Médicale,  t85oj. 
Du  niai  de  nier  comme  moyen  curatif  (Société  de  Médecin»  d' Alger ,  iSi^. 
Du  traitement  de  la  fièvre  intermittente  en   Algérie   (Alger,  1849  *    -JVipiBioirr  couronné  par 

la  Société  de  Médecine  d'Alger), 
De  l'hypérémie  des  sinus  froataun  (Abeilla  Médicaie,  f85oj. 
De  l'emploi  thérapeutique  àt»  eaux  forrufinenses  de  Téniet-d-Ilid  (Paris.  i85o). 
Relation  d'nne  névralgie  oculaire  épidémique  obMrvée  k  Téuiet-el-Hàd  (Alger,  i85o). 

l'exii^tencc   réelle  de  la  névralgie  oculaire  épidcmique   (Annales  d'oeulistique  du  docteur 

Florbut  Cubikb«  t85i^. 
Du  traitement   de  la   dysenterie  cl  de  la  ièrr»  iotennittente  par  U  poadre  du    docteur 

Fava  (Société  de  Médeeim  d'Alger,  x8St^. 
Variole  et  roug«>oles  consécutives  à  la  vaccine  (Société  Médicale  d'Amient,  i85aj. 
Le  choléra  en  Algérie,  1849,  i85o  et  t8&i  (Alger,  i85aj. 

De  l'insalubrité  de  la  viande  de  porc  en  Algérie  (VAkhbmr»  journal  d'Alger,  i85a}. 
Compte-rendu  des  travaux  du  la  Société  de  Médecine  d'Alger  Idem. 

Conseils  d'hygiène  aux   populations    musulmanes  de  l'Algérie    (Alger,    i853;    et  dans  1« 

yl/o6arAer,  journal  arabe  officiel). 
De  l'ophlbabnie  en  Algérie  et  de  «on  traitement  chex 'les    Arabes   (Annale^    médicales  de  la 

Flandre  Occidentale  i854:  et  Lille,  i854). 
Du  chancre  du  Sahar.i  (Lille,  i854-,  et  Annales  médicales  de  la  Flandre  Occidentale,  ijj54). 


^ 


? 


MËDECmE  ET  HYGIÈNE 

DES  ARABES 


ETUDES 

.SUR    l'exercice    de    LA^MÉOEGINE    ET    DE    LA    CHIRURGIE 

CHEZ   LES  MUSULMANS  DE   L^ALGÉRIE, 

LEURS  COfINAISSANCES 

E!l  AN ATOMIB»  HISTOIRE  NATURELLE»  PHARMACIE,  MÉDECINE  LÉ6ALB>  ETC. , 

LEURS  CONDITIONS  CLIMATÉRIQUES  GÉNÉRALES, 

LEURS  PRATIQUES  HYGIÉNIQUES  PUBLIQUES  ET  TRIVÉES,  LEURS  MALADIES, 

LEURiT  TRAITEMENTS  LES  PLUS   USITÉS, 

• 

re '^.jiiàdêrat-nns  nr  l'éiM  péraî  de  ia  Médecin?  chez  les  finDciPâl's  îiMions  Mahomélanes, 

rAK    LK    DOCIBt.  H 

E-Ii.  ÇERTHERAm» 

Ancien  Médecin  de  l'Hospice  Mosolinan  d'Alger 

et  de*  Bureau  des  Affaires    Arabes  de  Téniet-el-HAd,    Milianab,   Alger,   Batna,    etc.: 

Profraseor  d'Hygiène   industrielle  à  l'École   professionnelle    du    Nord; 

Lauréat  et  ancien  Président  de  la  Sodélé  de  Médecine  d'Alger; 

Membre  des  Sociétés  médicales  d'émniation  de  Paris  et  de  la  Flandre  occidentale, 

de  la  Société  des  Sdences  médicales  et  naturelles  de  Bruxelles, 

de  la  Société   analomiqac  de  Paris,   etc. 


PARIS. 
GERMER  BÂILLIÈRE,  UBRAIRE-ÉDITEUR 

17,  RUE  DE  L'ÉCOLE  DE  MÉDECINE. 

LONDRES  I  MADRID 

11.  Bailliëre,  219,  Regent-Street  |         Ch.  Bailly-Bailliëre. 

New-York,  On.  BAiLLiinE. 

1855 

It: 


IpI^IS' 


."^ 


^3 


DAUMAS 


E.-L.  BERTHERANI). 


•^ 


-*•■ 


PRÉFACE. 


S'il  est  vrai  que  la  vie  physique  de  Thomme  ne  soit 
qu'une  chaîne  non  interrompue  d'actions  et  de  réactions 
constantes,  ayant  pour  objet  ou  sujet  tout  ce  qui  est 
soumis  à  ses  organes  et  les  affecte,  il  est  incontestable 
que  le  moyen  de  rftcftvoir,  de  diriger  ces  impressions  de 
la  manière  la  plus  profitable  à  l'individu  comme  à  l'es- 
pèce, consiste  dans  l'étude  de  la  nature  intime,  des  lois 
constitutives,  des  propriétés  générales  et  particulières, 
des  corps  qui  produisent  ou  subissent  ces  phénomènes. 
—  Telle  est  la  source  des  Arts  et  des  Sciences  dont  le 
progrès  importe  si  vivement  au  bien-être  matériel  de 
l'individu  et  des  masses. 

De  même,  quant  à  la  vie  morale  de  l'homme,  l'exa- 
men et  l'appréciation  des  conditions  sociales,  mœurs» 
caractère,  pratiques  et  croyances  religieuses,  organisation, 
préjugés,  degré  scientifique  et  social,  etc.,  deviennent 
d'une  absolue  nécessité  et  do  plus  haut  intérêt  pour  le 
peuple  qui  impose  son  contact  à  un  autre  peuple,  quels 
que  soient  la  cause  de  leur  rapprochement  et  le  mobile 
des   actions  et  réactions  réciproques,   —  eu  d'autres 


—  10   — 

termes,  de  rinlluence  et  des  relations,  —  qui  doivent 
s'exercer  enlr'eux.  L'étude  du  degré  intellectuel  et  moral 
des  nations  décèle  aux  législateurs,  aux  conquérants,  aux 
pouvoirs  gouvernementaux,  aux  administrateurs  de  tous 
les  degrés,  la  qualité  des  moyens  qui  conviennent  le 
mieux  pour  guider  et  entraîner  les  sentiments  et  les  fa- 
cultés dans  la  voie  du  perfectionnement  organique  et 
social. 

Ces  vérités  sont  très-applicables  à  toutes  les  colonies 
naissantes,  en  particulier  à  l'Algérie,  où  depuis  vingt  ans 
la  France  s'évertue  à  pénétrer  de  plus  en  plus  la  vie  in- 
time de  la  population  indigène,  à  étudier  ses  besoins,  ses 
tendances,  en  un  mot,  son  tempérament  national,  dans 
le  but  d'améliorer,  de  modifier,  sans  cependant  froisser 
trop  péniblement  les  idées  et  les  errements  qui  lui  sont 
propres. 

Sous  ce  point  de  vue^  première  condition  du  succès 
dans  cette  vaste  entreprise  de  glorieuse  rénovation  so- 
ciale, le  champ  de  l'exploration  est  immense. 

D'importants  travaux  ont  déjà  paru  concernant  la  lé- 
gislation, l'histoire,  la  géographie,  le  commerce,  l'agri- 
culture, la  justice,  les  mœurs  générales  du  pays,  etc.,  etc.; 
mais,  plus  le  contact  s'épanouit  entre  les  vainqueur»  et 
les  vaincus,  plus  la  domination  s'infiltre  au  sein  des  tri- 
bus, plus  aussi  l'exploration  devient  multiple  et  entrevoit 
de  nouveaux  épis  d'étude  à  glaner. 

C'est  aux  Bureaux  Arabes  —  sorte  de  trait-d'union 
précieux  et  nécessaire  entre  l'autorité  gouvernementale  et 


—  44  — 

ie  peuple  soumis  —  qu'est  dévolue  la  laborieuse  tâche 
de  renseigner  sur  tout  ce  qui  caractérise  les  institutions 
sociales  des  Indigènes;  et,  nul  doute  que  les  observations 
récoltées  patiemment  sur  tous  les  points  et  dans  chaque 
spécialité  de  ce  vaste  réseau  administratif,  ne  dictent  le 
choix  convenable  et  Tappréciation  rationnelle  des  moyens 
d'action  les  plus  appropriés  aux  tempéraments  de  ce  peu- 
ple, et  par  conséquent  les  plus  capables  de  l'initier  sûre- 
ment et  promptement  aux  bienfaits  de  la  civilisation. 

Un  peuple,  en  effet,  —  et  le  peuple  arabe  surtout,  — 
ne  peut  être  connu  et  jugé  au  premier  coup-d'œil.  Il  faut 
rechercher  avec  patience  le  mobile  principal  de  son  carac- 
tère, s^assimiler  en  quelque  sorte  à  sa  propre  pensée, 
analyser  le  cœur  de  sa  fibre  nationale,  et  sonder  son  idio- 
syncrasie  politique  dans  tous  les  sens  :  anatomie  morale 
d'autant  plus  difficile  pour  un  observateur  consciencieux, 
qu'elle  rencontre  ici  des  obstacles  sans  nombre  qu'oppo- 
sent à  chaque  pas  des  préjugés  séculaires,  une  aveugle 
superstition,  une  existence  individuelle  toute  mystérieuse, 
la  routine  invétérée  des  principes  fatalistes,  etc. 

C'est  alors  qu'une  sage  et  prudente  politique  doit  faire 
tourner  à  son  profit  quelques-unes  des  tendances  particu^ 
lières  du  sentiment  populaire,  et  utiliser  avec  empresse- 
ment les  dispositions  bienveillantes  de  l'Arabe  à  l'égard 
de  certaines  institutions,  ses  sympathies  non  équivoques  à 
l'égard  de  certains  arts,  de  certaines  sciences.  De  ce  nom- 
bre est  la  Médecine,  levier  puissant  qui  permettra  tout  à 
la  fois  de  satisfaire  aux  intérêts  physiques  des  masses, 


—  12  - 

de  saper  insensiblement  leur  superstitieuse  apathie,  de 
détruire  peu  k  peu  la  torpeur  rétrograde,  Tinimobilité 
intellectuelle  de  ce  peuple  musulman. 

Le  Prophète  a  dit  (Koran,  ch.  5,  v.  35)  : 

«  Celai  qui  aura  rendu  la  rie  à  un  homme  sera  regarde  comme  s'il  avait 
M  rendu  la  Tie  à  tout  le  genre  humain.  » 

C'est  là,  sans  doute,  un  des  germes  de  la  haute  véné- 
ration de  toutes  les  castes  mahométanes  pour  quiconque 
se  présente  à  elles  avec  le  titre  de  Médecin. 

Voilà  donc  une  influence  dont  l'utilité  et  l'importance 
sont  incontestables  et  incontestées.  Pourquoi  la  néglige- 
rait-on? 

Les  résultats  qu'il  est  pemiis  d'attendre  de  son  inter- 
vention dépendent  évidemment  de  l'intelligence  de  son 
application  :  il  est  donc  nécessaire  de  bien  connaître  au 
préalable  les  notions  et  pratiques  médicales  qui  ont  cours 
chez  les  Arabes,  la  manière  en  un  mot  dont  la  Médecine 
est,  doit  être,  et  peut  être  exercée  chez  eux. 

Tel  est  le  but  de  ce  travail. 

Ayant  fait  un  séjour  de  plus  de  six  ans  en  Algérie, 
employé  près  de  différents  Bureaux  Arabes  de  1848  à 
1853,  chargé  de  la  création  du  service  médical  de  l'Asile 
musulman  d'Alger,  je  crois  avoir  trouvé  dans  toutes  ces 
positions  bien  des  occasions  de  récolter  des  renseigne- 
ments sur  les  connaissances  médicales  des  Indigènes 
Arabes,  Kabiles  et  Sahariens. 

En  coordonnant  aujourd'hui  les  notes  que  m'ont  four- 
nies ces  conslantes  études  doublement  précieuses  à  mes 


—  i3  — 

yeux  et  par  leur  attrait  et  par  leur  utilité,  ma  modeste 
prétention  est  bien  moins  de  produire  une  œuvre  com- 
plète, que  d'appeler  une  fois  encore  l'attention  générale 
sur  les  services  immenses  que  doit  rendre  à  la  civilisation 
musulmane  et  à  l'art  de  guérir  en  particulier,  une  sérieuse 
et  convenable  institution  médicale  en  faveur  des  Indi- 
gènes de  l'Algérie. 


LIVRE  I. 


DU  MEDECIN  ARABE. 


CHAPITRE   I. 

DE  L'ÉTAT  M  U  lÉDEailB  CIBZ  LES  NATIONS  ET  POPULATIONS 
MAHOMÉTANES. 


En  étudiant  aujourd'hui  l'état  de  la  Médecine  chez  les 
populations  musulmanes  en  général,  on  ne  se  douterait 
guère  qu'^y  a  six  siècles  environ,  quand  TOrientet  l'Occident 
tremblaient  encore  sous  les  coups  réformateurs  du  Mahon^- 
tisme,  la  nation  arabe  inscrivait  avec  orgueil  au  rang  de  ses 
illustrations,  les  Rhazès,  les  Àvicenney  les  Àlbucasis,  les 
Avenzoar,  les  Àverrhoës,  lesAboiUabbaSj  les  Aben-Bitary 
etc.  A  peine  les  noms  de  ces  habiles  commentateurs  d'Hippo- 
crate  et  de  Galien,  et  les  ouvrages  Arabes  qui  régnèrent  cepen- 
dant dans  nos  écoles  durant  plusieurs  siècles  (du  43"^  au  16*), 
sont-ils  connus  des'  tolbas  (savants)  actuels;  à  peine  la 
tradition  a-t-elle  transmis  de  siècle  en  siècle  les  souvenirs 
isolés,  des  lambeaux  épars  de  quelques-unes  des  principales- 
pratiques  ou  des  importants  découvertes  de  cette  ancienne» 
mais  glorieuse  époque. 


—   16  — 

C'est  que  les  sciences  médicales  et  naturelles  ont  subi  le 
sort  de  toutes  les  connaibsances  d'un  peuple,  qui  à  la  voix 
encourageante  de  puissants  khalifes,  avait  su  créer  les  biblio- 
thèques et  académies  fameuses  de  Bagdag,  de  Cordoue,  de 
Séville,  de  Bosrah,  mais  chez  lequel  Texcitalion  fébrile  qui 
enfanta  rapidemenllant  de  merveilles,  vint  bientôt  s'éteindre, 
moins  dans  les  spéculations  stériles  d'un  mysticisme  exagéré, 
que  sous  le  souffle  d'un  pouvoir  exclusivement  Ihéocratique, 
sous  l'influence  dissolvante  de  querelles  intestines,  entre  des 
chefs  rivaux,  entre  sectes  schismatiques  ennemies. 

Ce  n'est  point  que  depuis  ce  brusque  temps  d'arrêt  général 
dans  révolution  nationale,  le  peuple  musulman,  en  retombant 
dans  les  ténèbres  de  Timpuissance  inlellecluellè,  ait  cessé 
d'entourer  d'une  haute  vénération  l'homme  qui  pratique  l'art 
de  guérir;  mais  c'est  que  la  médecine,  considérée  soit  comme 
art,  soit  comme  science,  est  essentiellement  emprunteuse  de  sa 
nature.  Elle  n'existe,  ne  se  développe,  n'acquiert  d'importance 
et  d'utilité,  qu'on  raison  proportionnelle  des  vérités  qu'elle 
glane  chaque  jour  dans  le  champ  des  découvertes  générales,  et 
des  secours  de  toute  sorte  que  lui  prêtent  l'industrie,  les  autres 
arts,  afind'en  faire  l'application  immédiate  maisrationnelleaux 
conditionsphysiqucset  morales  des  individus  commedes  masses. 
En  un  mol,  elle  exige  pour  son  institution,  son  étude,  des  élé- 
menls  suffisants  delapart  du  milieu  intellectuel  et  matériel  delà 
nation,  qui  veut  profiler  de  ses  lumières,  de  ses  bienfaits. 

Toutes  les  sciences  sont  sœurs  à  titre  commun  de  filles  de 
la  civilisation,  de  mères  du  Progrès;  et  l'histoire  est  là  pour 
jirr.'ivr  r  «pio  jamais,  h  niicun-^  époque,  les  sciences  médicales 
n*!. ni  |)ri  ;  liir  ti'iin  i\:lat  supérieur  hez  un  peuple  dont  les 
lUïlres  c.»nnaissanc;^s,  i'é^a;  iniclleclu''!,  ^»'  trouvaient  à  un 
degré  (rinférionté  générale. 

Or,  sans  aborder  ici  un  exame»  approfondi  de  l'instruc- 
tion publique  chez  les  Musulmans,  il  nous  est  nécessaire  de 


—  17  — 

rappeler  en  quelques  mots  qu'elle  est  fort  peu  avancée,  qu'elle 
comprend  trois  degrés  assez  distincts  :  —  d'abord,  les  petites 
et  noraireuses  écoles  prioiaires  [messid)  dans  lesquelles  les 
enfants  vont  apprendre  quelques  prières  etgazouiller  quelques 
versets  du  Koran; — ensuite,  les  écoles  secondaires  [medressa) 
analogues  à  nos  pensionnats;  on  y  enseigne  à  lire,  à  écrire, 
à  réciter  le  Koran  :  après  un  certain  nombre  d'années,  elles 
fournissent  les  tolbas^  qui,  sous  le  nom  de  mouadeb  (qui  ins- 
truit), tiennent  les  établissements  primaires,  ou  sous  le  nom 
d'imam,  récitent  les  prières  à  la  Mosquée,  ou  sous  le  titre  de 
khoudja,  serventde  secrétaires  auxfonctionnaires  publics;  — 
enfin,  IdLzaouïa,  dont  la  double  constitution  universitaire  et 
hospitalière  rappelle  nos  monastères  du  moyen-âge,  pourrait 
correspondre  à  nos  lycées:  son  école,  dirigée  par  un  marabout 
(prêtre),  qui  prend  alors  le  titre  AemoudarèSj  donne  le  degré 
supérieur  d'instruction,  c'est-à-dire  psalmodialion  du  Koran, 
étude  de  ses  commentaires,  jurisprudence  musulmane,  gram- 
maire, versification,  arithmétique,  très  incomplètes  notions 
en  astronomie,  etc.  Les  élèves  qui  possèdent  ces  diverses  con- 
naissances s'appellent  uléma  (de  ale7n,  science). 

Quel  contingent  suffisant  de  notions  générales,  l'art  mé- 
dical pourrait-il  puiser  dans  un  tel  programme,  surtout  quand 
ceux  qui  sont  chargés  de  le  développer  ne  considèrent  l'ins- 
truction publique  que  comme  un  pur  et  simple  accessoire  de 
la  religion,  quand,  loin  d'encourager  les  études  et  Inobser- 
vation réfléchie  des  phénomènes  de  la  nature,  ils  ne  permet- 
tent à  l'intelligence,  à  l'esprit  de  leurs  élèves  que  de  retenir 
la  lettre  du  dogme  religieux?  Eux-mêmes,  ces  rigides  tolbaSt 
n'ignorent-ils  pas  la  plupart  des  minimes  choses  indiquées 
dans  letexlo  de  ces  lois  à  l'appréciation,  à  Tinterprétation,  à 
l'application  desquelles  ils  passent  leur  tie?  En  est-il  un  qui 
connaisse  quelques  pages-  de  l'hisloire  do  l'Islamisme,  du 
peuple  musulman  ?  Faut-il  s'élonner  ensuite  devoir  le  peuple 


—  18  — 

mahométan  aveuglé  par  le  fanatisme,  par  la  plus  supers- 
titieuse crédulité,  enfin,  par  une  ignorance  des  plus  grossières? 

Etant  constaté  un  tel  abaissement  intellectuel  chez  les  peu- 
plades vouées  au  Mahométisme,  il  suffit  d'interroger  toutes  les 
relations  des  voyageurs  pour  se  convaincre  en  particulier  de 
la  triste  situation  de  la  Médecine  et  de  son  exercice  chez  cha- 
cune d'elles.  En  Arabie  (à  Djeddah],  quatre  barbiers  tenant 
boutique  sont  tout  à  la  fois  les  chirurgiens  et  les  médecins  du 
pays  :  ils  savent  saigner  et  composer  différents  médicaments 
apéritifs  (1).  Ce  ne  sont  que  des  empiriques  d'une  ignorance 
remarquable,  dit  M.  Tamisier  (2),  bons  tout  au  plus  à  vous 
tirer  quelques  gouttes  de  sang,  à  employer  au  hasard  quelques 
drogues  dont  l'usage  se  conserve  par  la  tradition,  et  à  vous  ap- 
pliquer à  tout  propos  sur  le  corps  des  plaques  de  fer  rougies 
au  feu. 

Quant  au  royaume  de  Tunis  (3),  la  médecine  dans  leDjerrid 
est  exercée  par  des  barbiers  maures  et  juifs  qui  sont  à  la  fois 
chirurgiens,  dentistes  et  médecins.  La  chirurgie  chez  eux  ne 
consiste  qu'en  trois  opérations  :  la  saignée,  les  ventouses  sca- 
rifiées et  le  cautère  actuel  qu'ils  appliquent  très  fréquemment 
contre  toute  espèce  de  douleurs.  Quant  à  leurs  connaissances 
en  médecine,  elles  se  bornent  en  général  à  la  possession  de 
quelques  recettes  qu'ils  se  transmettent  par  héritage  de  père 
en  fils. 

A  Tunis,  dit  le  D'  Brandin  (4),  il  n'y  a  qu'un  seul  hôpital 
pour  les  indigènes  Arabes  et  Bédouins  :  il  est  si  misérable  et 
tellement  dépourvu  de  secours,  qu'il  doit  être  plutôt  considéré 
comme  un  tombeau  anticipé,  que  comme  un  lieu  où  la  douleur 
doit  tjrouver  quelque  soulagement L'exercice  de  la  méde- 

(i)  Notgi  du  yojageur  BoAc&iàftor,  Revuê  d'Orient,  i843. 
(s)  Voyait  «n  Arahi;  i84o,  t.  j,  p.  85. 

(3)  yàjrag*dan$  h  Sahara  tunitient  par  Loia-MoiioAxoir,  Revut  d'Orimi,  l844> 

(4)  Du  Bffjraimt  de  Jïmii  dans  set  rt^ports  aree  VAlgme,  i85o. 


—  19  — 

cine  en  Orient  n'est  qu'un  métier,  qu'une  spéculation  mer- 
cantile ;  le  premier  venu  qui  a  été  quelques  mois  domestique 
ou  interprète  d'un  médecin,  exerce  aussitôt  la  médecine  pour 
son  propre  compte,  le  plus  souvent  aux  dépens  de  son  patron, 
toujours,  à  coup  sûr,  aux  dépens  du  public  ignorant  ou  mes- 
quin. A  Tunis,  tous  les  médecinsontdespharmaciespubliques. 

Les  médecins  du  Darfour  sont  presque  toujoursdes  hommes 
d'un  âge  avancé;  les  principaux  moyens  thérapeutiques  em- 
ployés sont  les  scarifications  et  les  cautérisations  par  le  feu. 
En  fait  de  médicamens,  ils  ne  prescrivent  guère  en  général 
que  le  tamarin,  le  miel  et  le  beurre  de  vache.  On  attache  une 
grande  importance  et  une  grande  attention  à  la  science  des 
esprits  et  de  ta  magie.  La  médecine  est  pour  les  Foriens  une 
branche  de  la  magie  :  ceux  qui  ont  acquis  une  certaine  re* 
nommée  par  leur  habileté  magique  appliquée  à  Tart  médical, 
reçoivent  le  nom  ie  tabbaby,  mot  dérivé  de  Tarabe  Tabib^ 
jDÀiecin  (1). 

L'école  de  Médecine  et  de  Chirurgie  deSolimanièb  (Turquie) 
avait  autrefois  une  grande  réputation  en  Orient;  mais  Tartde 
guérir  ne  s'y  enseigne  que  par  des  traditions  et  des  préceptes. 
Les  élèves  apprennent  Tanatomie,  à  peu  près  comme  nous 
apprenons  l'histoire  ancienne,  et  jamais  leurs  regards  n'ont 
pénétré  l'intérieur  du  corps  humain...  Dans  un  pays  qui  ne 
peut  former  des  gens  habiles,  il  faut  bien  prendre  les  médecins 
comme  ils  se  présentent;  aussi  sufïit-il  du  diplôme  ou  de  la 
patente  délivrée  par  VHakim-Bachi  (médecin  en  chef)  qu'on 
accorde  sans  examen  et  qu'on  achète  pourquelques  piastres.... 
Les  idées  de  la  fatalité  ont  prévalu  de  plus  en  plus,  et  les 
médecins  ne  sont  que  les  instruments  de  la  volonté  divine.... 
Si  on  voulait  faire  un  dénombrement  complet  des  gens  de  la 
faculté,  il  faudrait  mentionner  ceux  qui  préparent  les  drogues 

(i)  f^o/ag*  «H  Darfour,  par  le  cheikh  Mohammed  EbkOmai  it  Too»»»,  Réviienr  en  «kef 
à  l'Bcole  de  médecine  du  Caire,  i545. 


—  20  — 

^t  les  vendent,  les  barbiers  chargés  de  la  saignée  on  de 
l'applicalion  des  sangsues,  enfin  les  inlerprèles  des  médecins 
francs  qu'on  peut  considérer  comme  des  élèves  en  médecine, 
et  qui,  après  avoir  tous  les  malins,'  pendant  quelques  mois, 
traversé  la  corne  d'or  avec  leur  maître,  ne  manquent  pas  de 
dire  à  leur  tour  :  «  Et  nous  aussi,  nous  sommes  docteurs.  ».... 
La  maladie  d'un  homme  puissant  est  toujours  un  grand 
événement  parmi  les  médecins  de  Stamboul  ;  la  maison  d'un 
vizir  ou  d'un  ministre  gisant  sur  son  lit  de  douleur,  devient 
tout-à-coup  le  rendez-vous  de  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'art  de  guérir.  On  y  trouve  des  docteurs  juifs,  des  Grecs,  dcg 
Arméniens,  des  Francs;  dans  cette  foule,  il  se  rencontre 
totijours  quelques  derviches  qui  viennent  avec  leur  magie, 
et  c'est  ordinairement  entre  les  mains  de  ces  derniers  que 
le  malade  expire,  lorsque  la  nature  ne  vient  pas  à  son 
secours,  etc.  (1). 

Ce  que  Ton  nomme  hôpitaux,  dans  la  capitale  des  Sultans, 
n'offre  à  peu  près  que  le  couvert  aux  individus  que  Ton  y 
transporte...  Ces  hôpitaux  sont  dépourvus  de  médecins  cl  de 
médicaments.  Personne  ne  constate  les  décès;  on  ne  s'assure 
même  pas  s'ils  sont  réels.  Combien  de  malheureux  sont 
enterrés  qui  vivent  encore  (2)  ! 

Il  n'y  a  pas  de  médecine  nationale  à  Constantinople, 
écrivait  plus  récemment  le  docteur  Monneret  (3)  ;  celle  qu'on 
y  trouve  se  compose  de  lambeaux  épars  empruntés  aux  écoles 
étrangères  et  importées  par  les  médecins  Italiens,  Allemands, 
Anglais.  Au  milieu  de  cette  confusion  étrange,  l'empirisme  et 
surtout  la  polypharmacie  ignorante  prédominent  sur  tous  les 
autres  systèmes....  La  religion  défend  de  toucher  aux  cadavres 

(t)  MicMAVD  et  PoiJoi'LAT,  Correffondattce  U'Orient»  t.  Ml,  p-  »&2  cl  suir. 

(2)  La  Turquie  Nomelle,  p.ir  D'Ao»ni«osc,  1839,  I.  U  p.  nb. 

(3)  Çuelqttcs  mots  mu- l'état  de  la  Médecine  à   Comtantinnplr,  1849,    ('as€4tf  Médicale   <Ic 
Paris. 


—  2i   — 

qui  doivent  être  immédiatement  ensevelis,  dès  que  l*on 
suppose  que  la  vie  a  abandonné  le  corps.  La  physiologie  n'est 
pas  étudiée  avec  plus  de  succès.  Une  interprétation  trop 
rigoureuse  et  peu  éclairée  du  dogme  religieux  s'oppose  à  ce 
qu'on  soumette  les  animaux  aux  vivisections.  L'étude  des 
maladies  des  femmes  et  des  enfants,  ainsi  que  l'obstétrique,  ne 
sont  enseignées  que  théoriquement;  il  n'existe  point  d'hôpital 
consacré  à  ce  genre  d'affection  ;  etc. 

La  Médecine  des  Persans  n'étant  fondée  aujourd'hui  ni  sur 
Tanatomie,  ni  sur  la  physique,  on  peut  la  regarder  comme  une 
science  purement  conjecturale  et  routinière,  peu  propre  à 
obtenir  des  résultats  certains...  Toute  la  science  du  médecin 
Persan  se  borne  à  reconnaître  la  cause  prétendue  d'une 
maladie,  et  à  la  combattre  par  son  contraire....  Dans  la  plu- 
part des  maladies  chroniques,  et  dans  presque  toutes  celles 
qui  dépendent  de  la  lésion  d'un  viscère,  le  hasard  conduit  la 
main  des  médecins;  ou,  s'ils  procèdent,  se  rendant  raison  de  ce 
qu'ils  font,  le  diagnostic  se  trouvant  erroné  faute  de 
connaissances  anatomiques,  le  traitement  auquel  ils  ont 
recours  ne  peut  être  que  vicieux...  Quant  à  la  Chirurgie,  elle 
se  borne  à  saigner,  à  appliquer  des  emplâtres  sur  les  plaies, 
à  mettre  des  ventouses  ou  le  moxa  sur  les  parties  douloureuses, 
à  faire  des  cautères,  à  réduire  une  luxation,  à  ouvrir  un  abcès 
extérieur,  et  c'est  tout  ce  qu'on  peut  en  attendre....  La 
médecine  est  exercée  dans  les  campagnes  par  des  hommes  qui 
se  transportent  d'un  village  à  l'autre,  et  qui  ne  manquent 
jamais  de  se  faire  payer  d'avance  les  remèdes  qu'ils  adminis- 
trent... On  voit  aussi  paraître  dans  les  campagnes  et  même 
dans  les  villes,  une  autre  classe  de  charlatans  non  moins 
adroits,  je  veux  parler  des  derviches,  imans,  mollahs  et 
autres  religieux  :  ceux-ci  n'ont  jamais  recours  qu'à  des 
pratiques  superstitieuses,  etc.  (I). 

(«)  Olivivr,  l'iniifn  PiHnrf<i/nf  ;  la  Pcr^e,  p.  .\ii. 


—  fi- 
chez les  Nubiens,  les  remèdes  les  plus  communément 
employés  sont  Tapplication  du  feu  et  les  scariGcations  sur 
toutes  les  parties  du  corps  et  principalement  au  creux  de 
l'estomac.  C'est  presque  là,  avec  la  diète,  Feau  et  quelques 
pratiques  superstitieuses,  leurs  seuls  moyens  de  guérison. 
Du  reste,  nul  n'exerçant  en  titre  la  médecine  ni  la  chirurgie, 
c'est  dans  Texpérience  d'un  parent  ou  d'un  ami  que  les 
Nubiens  placent  leur  confiance  en  cas  de  besoin  (1). 

Au  Caire,  la  seule  institution  qui  attire  aujourd'hui 
l'attention  des  voyageurs,  est  le  Moristan.  Cet  hôpital  remonte, 
pour  sa  fondation,  au  moyen-âge;  pendant  plusieurs  siècles, 
sa  renommée  avait  rempli  l'Orient.  On  m'y  a  conduit;  je  suis 
entré  dans  un  grand  bâtiment  qui  menace  ruine  ;  là,  dans 
deux  ou  trois  chambres  sans  meubles,  j'ai  vu  de  pauvres  gens 
couchés  sur  des  nattes  ou  des  coussins,  couverts  de  vermine 
et  de  lambeaux,  qui  paraissaient  plus  souffrir  encore  de  leur 
misère  que  de  leurs  maladies.  Comme  dans  tous  les  hôpitaux 
musulmans,  il  n'y  a  là  ni  remèdes  ni  médecins....  J'ai  vu  les 
aliénés  dans  une  des  cours  ;  je  n'ai  trouvé  auprès  des 
malheureux  enfermés  au  Moristan,  qu'un  barbier  qui  leur 
tient  lieu  de  médecin.  Pour  tout  remède,  il  leur  donne  à 
chaque  renouvellement  de  la  lune  un  bouillon  de  vipère.  Il 
avait  à  la  main  une  clef  et  en  donnait  des  coups  sur  la  tête  de 
chacun  de  ses  malades  :  il  m'a  répondu  que  l'équilibre  dans 
les  idées  ne  pouvait  se  rétablir  que  par  quelques  secousses.... 
Le  premier  médecin  du  Pacha  est  comme  YHakimrBachi  du 
sérail  impérial  de  Constantinople,  lequel  ne  sait  pas  un  mot 
de  médecine  et  n'en  préside  pas  moins  à  l'art  de  guérir.  La 
médecine  de  ce  pays  n'est  pas  plus  avancée  que  tout  le  reste. 
L'ophthalmio,  par  exemple,  est  une  maladie  très  commune; 
on  ne  manque  pas  ici  de  médecins  oculistes,  mais  ils  n'ont 
pas  encore  pu  connaître  la  nature  et  la  source  du  mal  I  La 

(i)  L'F.grpif  ft  h  Turquie,  par  .MM.  oi  Cadai.tiv>  et  »■  Babvtut,  t.  II,  p.  i6>. 


—  23  - 

plupart  des  malades  se  lavent  les  yeux  avec  TeauduNil,  et 
la  providence  fait  le  reste  (1). 

Il  est  juste  de  dire  que  de  nobles  et  glorieuses  tentatives 
ont  été  faites  dans  ces  dernières  années  par  le  viçe-roi 
d'Egypte,  pour  initier  son  peuple  aux  bienfaits  de  la 
civilisation.  Les  résultats  obtenus  en  ce  qui  concerne  les 
écoles  médicales  ayant  été  rapportés  avec  quelqu'exagération, 
nous  croyons  devoir  nous  borner  à  citer  quelques  passages 
d'un  auteur  aussi  impartial  que  judicieux  (2)  :  «  Tandis  que 
d'un  coté,  comme  une  tempête,  le  monopole  ravage  les  champs, 
enlève  la  population,  dessèche  cette  fertile  contrée  ;  de  l'autre, 
celui  qui  l'a  fait  naître  se  montre  toul-à-coup  comme  un 
météore  brillant  qui  va  éclairer  l'Egypte.  Il  fonde  des  écoles 
pour  l'étude  des  sciences,  des  ateliers,  des  usines  pour  les  arts, 
*  pour  l'industrie,  et  ses  créations  lui  attirent  l'admiration  de 
l'Europe.  Le  météore  pâlit,  la  tempête  grandit  toujours, 
rompt  plus  lard  le  premier  ouvrage  d'une  civilisation  qui  ne 
peut  s'implanter  là  où  le  monopole  a  détruit  la  propriété. 
L'Egypte  voit  ses  villages  s'écrouler;  des  maladies  meurtrières 
enlèvent  ce  qui  reste  d'une  population  chétive;  l'administra- 
tion ne  prescrit  aucune  mesure  hygiénique;  des  fumiers 
encombrent  les  villages;  et,  dans  les  rues,  dans  les  champs, 
sur  les  marchés,  aux  bords  du  Nil,  partout  on  ne  rencontre 
qiie  des  êtres  amaigris,  portant  sur  la  figure  l'annonce  d'une 
misère  effroyable...  L'Egypte,  d'opulente  qu'elle  était,  n'a 
que  des  chifltkes,  la  peste  et  une  flotte  qui  consomme  sans 

rien  produire L'homme  naît  dans  l'ordure,  végète  en 

tremblant,  dans  un  milieu  destructeur,  et  expire  sur  un 
fumier.  En  Egypte,  pour  vivre,  l'homme  fuit  ses  semblables 
et  se  cache  dans  un  trou  humide,  dans  un  terrier  dégoûtant. 
Des  maladies  affreuses  se  développent  sur  la  terre  qu'il  habite, 
et  ces  maladies  peuvent  envahir  le  monde,  etc.  » 

(t)  MiCBAOD  et  Tovsovvkx,  CorrespomlaHee  d'Orient,  t.  VI,  p.  ix  «t  stiiv. 
*  (t)  VBgrpte  IMM  MAmet-JU,  par  P.M.  IUmokt.  i8.i3,  t.  II,  p.  63»  et  rniv. 


—  24  — 

Rappelons  entiii  que  dans  la  seule  ville  de  Tunis,  on 
compte  aujourd'hui  cent-vingt  barbiers  uniquement  occupés 
àventouser  (ils  se  nomment  alors  lladjama],  à  saigner,  à 
faire  des  pansements.  Que  reste-t-il  donc  à  faire  aux  autres 
individus  qui  exercent  Tart  de  guérir  ? 

Et  cependant  la  médecine  est  tombée  à  un  td  degré  d'infé- 
riorité, dans  oc  mêmeOrientqui  fut  jadis  son  célèbre  berceau, 
ténioinsles  noms  immortels d'Esculape,d'Uippocrate,deGalien, 

—  chez  ce  même  peuple  Arabe  dont  les  illustrations  médicales 
régnèrent  si   longtemps  sur  la  médecine  européenne  (1), 

—  chez  cette  même  nation  dont  le  prophète  avait  dit  aVec 
autant  de  vérité  que  d'éloquence  :  «  Enseignez  la  science  ; 
qui  l'enseigne,  craint  Dieu  ;  qui  la  désire,  adore  Dieu  ; 
qui  en  parle,  loue  Dieu;  qui  dispute  pour  elle,  combat  pour 
Dieu;  qui  la  répand,  distribue  l'aumône;  qui  la  possède, 
devient  un  objet  de  vénération  et  de  bienveillance.  La  science 
sauve  de  l'erreur  et  du  péché  ;  elle  éclaire  le  chemin  du  paradis, 
elle  est  notre  compagne  dans  le  voyage,  notre  confidente  dans 
le  désert,  notre  société  dans  la  solitude;  elle  nous  guide  à 
travers  les  plaisirs  et  les  peines  de  la  vie,  nous  sert  de  parure 
auprès  de  nos  amis,  et  de  bouclier  contre  l'ennemi;  c'est  par 
elle  que  le  Tout-Puissant  élève  les  hommes  qu'il  a  destinés  à 
prononcer  5wr  ce  qui  est  vrai,  sur  ce  qui  est  bon.  Les  anges 
briguent  leur  amitié  et  les  couvrent  de  leurs  ailes.  Les  monu- 
ments de  ces  hommes  sont  les  seuls  qui  restent,  car  leurs 
hauts  faits  servent  de  modèles  et  sont  répétés  pdr  de  grandes 
âmes  qui  les  imitent. 

«  La  science  est  le  remède  aux  infirmités  de  l'ignorance, 
un  fanal  consolateur  dans  la  nuit  de  l'injustice.  L'étude  des 
lettres  vaut  le  jeune,  leur  enseignement  vaut  la  prière  ;  à  un 

(i)  Fabrice  d'Aqaapeuih'iile  disait,  il  y  a  deux  tiècfes  :  u  Ci-lsc  clicï  les  Latius,  Paul 
d'Eçync  chez  les  Grecs,  Albucnsis  chez  les  Arabes,  forment  un  triumvirat  ouquoi  je  confesse 
aroir  les  pins  jrraudes  obligations.  » 


-  2?S  - 

cœur  noble  elles  iospirenl  des  sontimeals  plus  élevés,  elles 
corrigent  el  humanisent  le  pervers  (1).  » 
Yoici  un  proverbe  musulman  très-connu  : 

M    Les  lytim   méa   qAd  mat    oaalidlhou,    bel  lytim    dindi   la    fllemlhou 
»  (m  la  Âdeb.  u 

«  L'orphelin  n'est  pas  celai  dont  le  père  est  mort,  mab  c*ie5i  celui  tpA 
»  n'a  ni  science  ni  éducation,  n 

Le  Prophète  Mohammed  a  dit  aussi  : 

«  Les  sarants  «ont  comme  les  eaux  minérales,  parce  que,  do  même  qu'elle», 
»  ils  iittirent  une  foule  de  gens  de  près  comme  de  loin,  qui  viennent  y 
n  diereber  la   gnérison.  n 

Je  cite  toutes  ces  belles  et  profondes  paroles  de  ce  Réforma- 
teur, parce  que  Ton  s'évertue  généralement  à  faire  peser 
exclusivement  sur  Tesprit  du.Koran  la  responsabilité  de 
l'inaction,  pour  ne  pas  dire  de  la  dégradation  intellectuelle, 
qui  caractérise  aujourd'hui  les  populations  musulmanes.  Que 
ceux«ià  lisent  et  méditent  ce  Koran,  —  «  cette  seconde 
édition  de  l'Evangile,»  selon  l'expression  de  M.  Cousin  (2); 
ils  y  trouveront,  à  chaque  page,  des  préceptes  sur  l'hospita- 
lité, la  charité,  l'aumône,  —  l'attaque  constante  de  l'idolâtrie 
et  du  matérialisme  parles  armes  supérieures  du  spiritualisme, 
—  de  fréquentes  exhortations  aux  bons  procédés  à  l'égard  des 
femmes  et  des  esclaves,  à  Taccomplissement  quotidien  des 
devoirs  hygiéniques,  des  obligations  du  jeûne,  de  la  prière, — 
des  détails  minutieux  sur  la  jurisprudence;  —  ils  y  enten- 
dront le  Prophète  appeler  à  chaque  instant  l'attention,  la 
méditation  de  son  peuple  sur  les  merveilles  splendides,  sur 
les  phénomènes  mystérieux  de  la  Création.  Et  les  incrédules 
pourront  alors  se  convaincre  que  la  portée  de  ce  livre  et  de  sa 
doctrine  n'était  point  de  jeter  un  jour  les  facultés  intellec- 
tuelles et  morales  de  toute  une  vaste  nation  dans  le  repos 

(i>  HA»fTs,  (Conwt9tioiu)  du  prophèt*  Mohammed. 
(i)  Fn^ment  fhil9$9phiqutt,  t.  Il,  page  44>> 


—  26  — 

stérile,  dans  une  immobilité  dégradante  :  non,  certes.  Produit 
hybride  des  principes  du  Christianisme  et  du  Mosaïsme, 
appropriés  au  caractère  oriental,  Tœuvre  de  Mohammed  ne 
devait  point,  — après  avoir  conduit  ses  adeptes  à  la  tête  de 
la  civilisation  en  Occident  et  en  Orient,  —  se  trouver  promp- 
tement  dénaturée  par  des  interprétations  aussi  fatales  qu'ab- 
surdes dans  leurs  conséquences. 

C'est  qu'en tr'au très  grandes  fautes,  les  successeurs  de  ce 
guerrier-réformateur  ne  comprirent  point  que  l'esprit ,  la 
raison  d'une  nation  ne  peuvent  être  impunément  retenus 
dans  les  chaînes  de  l'oppression,  par  ceux-là  nrême  qui  ont 
mission  de  conduire  moralement  dans  la  voie  du  progrès,  et 
qui,  dans  le  sens  contraire,  n'aboutissent  alors  qu'à  les  vouer 
à  l'asservissement  le  plus  funeste. 

«  Il  n'y  a  que  nous  autres  Pachas,  s'écriait  Moktar  (Pacha 
deDjénîna),  qui  devrions  savoir  lire  et  écrire.  Si  j'avais  un 
Voltaire  dans  mes  Etats,  je  le  ferais  pendre,  et  si  je  connaissais 
quelqu'un  de  plus  puissant  que  moi,  je  l'immolerais  à 
l'instant  » 

De  nos  jours,  «  les  Ulémas,  dans  leur  orgueil,  condamnent 
comme  irréligieux  et  profane  quiconque  s'occupe  d'autre 
chose  que  de  tout  ce  qui  regarde  la  religion  et  la  théologie  (1  ) .  » 

Cette  profonde  et  constante  altération  des  véritables  senti- 
mens  religieux,  par  l'ignorance,  la  fourberie,  —  sa  dangereuse 
transformation  en  aveugle  fanatisme  et  en  passions  haineuses, 
—  d'incessants  désaccords  théologiques  (2),  telles  senties  plus 
grandes  causes  du  dépérissement  intellectuel  du  peuple  musul- 
man; rtil  y  aplus-que  de  l'injustice  à  en  faire  remonter  la 
source  à  l'influence  même  du  Koran.  Evidemment,  les  tristes 
résultats  que  nous  constations  plus  haut  dans  le  degré  général 

(i)  ro/ag»  an  Darfour,  par  Bik-Omaa  bl  Toohitî  trâduct.  da  O'  PtmoK,  p.  44^- 
(a)  Il  y  •  p1a«  de  soixAntcdix  Mclcs  KhiMnaiiqnrs  qai  interprètent   le  Koran  chacune  à 
M  façon. 


^  il  —    ■ 

d'instruction  des  peuples  soumis  à  rislamisme,  sont  tout 
opposés  à  ceux  qu'on  Qevait  attendre  d'une  religion  dont  le 
premier  titre  est  d'avoir  détruit  Tidolâtrie  et  semé  dans  l'esprit 
araifi  beaucoup  d'idées  chrétiennes.  Rendons-lui  justice,  car 
elle  seule  sut  réussir  là  où  la  Grèce  et  Rome  avaient  échoué, 
—  fonder  l'unité  sociale,  la  nationalité  de  peuplades  intolé- 
rantes et  vagabondes  en  les  fusionnant  par  le  développement 
et  la  communauté  intime  des  sentimens,  des  intérêts,  des 
mœurs  publiqiMes  et  privées.  Elle  réveilla  plus  d'un  pays 
assoupi  dans  l'ignorance,  inspira  la  création  de  plus  d'une 
institution  célèbre  et  glorieuse. 

Etudions  avec  soin  les  motifs  de  la  cri^e  dissolvante  qui, 
depuis  quatre  siècles,  dégrade  la  nation  musulmane,  et 
sachons  utiliser  les  mobiles  de  cette  même  influence  reli- 
gieuse ramenée  à  son  véritable  principe,  pour  la  faire  tourner 
au  profit  de  la  réhabilitation  morale  du  peuple  arabe  et  des 
intérêts  de  la  cause  Européenne.  La  France  ne  peut  vouloir 
détruire  comme  les  Vandales,  asservir  comme  les  Turcs,  Elle 
ne  saurait  perdre  de  vue  Rome  triomphant  de  la  Grèce  par  la 
valeur  de  ses  armes,  et  la  Grèce  triomphant  de  Rome  par  les 
sciences,  les  lettres  et  les  arts. 

En  résumé,  la  chute  musulmane  doit  être  attribuée  aux 
fautes,  aux  erreurs  des  gouvernemens  nationaux  qui,  s'écar- 
tant  des  voies  tracées  par  le  Prophète,  ne  surent  plus  diriger 
leurs  peuples  et  continuer  à  donner  satisfaction  égale  aux 
besoins  de  l'intelligence  comme  à  ceux  du  climat  et  des 
mœurs.  Les  Turcs  n'ont-ils  pas  suivi  cet  absurde  système 
d'administration  publique  en  traquant  les  Arabes  algériens 
avec  la  plus  odieuse  tyrannie,  en  tourmentant  leur  repos  par 
les  vexations  et  les  caprices  les  plus  injustes?  Les  sciences,  la 
propriété,  l'industrie,  le  commerce,  pouvaient-ils  se  dévelop- 
per sous  le  règne  de  la  force  brutale,  sous  une  main  constam- 
ment armée  de  fer  et  teinte  de  sang?  Est-ce  sous  ce  régime  de 


—  ÏH  ~ 

spoliation  et  de  contrainte  que  les  Arabes  ont  fait  de  l'Anda- 
lousie une  des  plus  riches  contrées  de  TEspagnc,  —  que, 
gardiens  fidèles  et  intelligents  des  connaissances  humaines- 
sous  leurs  khalifes,  ilsx)nt  pu  compter  avec  orgueil  de  grandes 
et  nombreuses  célébrités  nationales  ?  Ainsi  : 

En  mathématiques  (Abou-Hassan  en  trigonométrie ,. 
Ben-Haïtem  en  géométrie,  Aboul-Féda  en  astronomie)  :  Lés 
Arabes  ont  fait  marcher  d'un  pas  rapide  rarilhmélique  et 
l'algèbre,  appliqué  la  trigonomélrie  aux  phénomènes  célestes,- 
donné  un  catalogue  des  étoiles  fixes,  créé  l'astrologie  judi- 
ciaire, les  observatoires  astronomiques  de  Bagdad  etdeGiralda; 
Dans  le  commerce,  l'industrie,  les  arts,  ils  développèrent 
en  Espagne  la  culture  du  riz,  du  safran,  <iu  mûrier,  de  la 
canne  à  sucre,  du  gingembre,  du  dattier,  du  bananier,  de  la 
myrrhe;  y  importèrent  Tart  des  irrigations,  les  norias,  etc., 
les  tapis  de  Perse,  les  lainages  de  Cachemire,  les  soieries  de 
Bagdad  (Valence  etGrenade  devinrent  célèbres  dans  ce  genre); 
y  créèrent  les  riches  tissus  de  laine  et  soie  entremêlés  d*or  et 
d'argent  ;  produisirent  d'habiles  corroyeurs  (au  Maroc), 
d'excellents  fourbisseurs  d'armes  de  toute  sorte  (Damas, 
Tolède,  Cordoue)  ;  poussèrent  l'architecture  à  un  haut  degré 
de  réputation,  témoins  leurs  aqueducs,  fontaines  nombreuses, 
ponts  solides,  palais  de  TAlhambra,  mosquées  de  Jérusalem, 
Damas,  Cordoue,  Vieux-Caire,  etc.;  donnèrent  enfin  naissance 
à  de  bons  traités  sur  les  élémens  de  la  musique  et  les  règles 
de  la  composition  ; 

Dans  la  littérature,  on  leur  doit  cette  muse  islamique 
si  justement  renommée,  la  traduction  et  la  transmission 
d^œuvres  précieuses  de  Tanliquité  perdues  dans  leurs  idiomes 
propres,  la  production  de  nombreux  dictionnaires  en  diverses 
langues,  d'innombrables  contes,  proverbes,  romans,  annales, 
chroniques,  histoires  de  khalifes  et  hommes  illustres,  de  judi- 
cieuses interprétations  du  Koran,  et  de  remarquables  ouvrages 


-  29  — 

sur  le  droit  [Ibn  Khaldoun)  et  la  rhétat*ique;  de  beaux  mor- 
ceaux d'éloquence  sacrée  et  académique,  des  métaphysiciens 
célèbres;  en  un  mot,  les  collèges,  bibliothèques  et  académies 
célèbres  du  Gaire,  d'Alexandrie,  deCordoue,  de  Grenade,  de 
Bosrah,  de  Koufa,  de  Sévîlle,  Valence,  etc.  ; 

.  Quant  aux  sciences,  il  faut  ajouter,  à  ce  que  nous  en 
avons  dit  dans  ce  chapitre,  des  géographes  fameux  (Ibn 
Haucal,  Ibn  Batouta,  Edrisi],  Tinvention  delà  chimie  et  de  la 
pharmacie,  de  nombreux  traités  de  médecine,  chirurgie, 
sciences  naturelles,  la  découverte  du  séton,  de  la  lithotritie, 
de  la  distillation,  des  minoratifs,  etc.;  enfin,  c*est  à  Bagdad 
qu'eut  lieu  la  première  organisation  d'un  service  d'hôpitaux 
réguliers;  et  n'oublions  pas  que  ce  sont  les  savants  arabes 
qui,  dégageant  les  sciences  médicales  de  tout  le  fatras  de 
Tnagie  et  de  pratiques  superstitieuses  dans  lesquelles  elles 
étaient  tombées  depuis  Celse  et  Galien,  nous  les  ont  transmises 
avec  de  remarquables  développemens. 

Aujourd'hui  même,  pour  celui  qui  étudie  à  fond  et  impar- 
tialement la  population  arabe,  il  y  a  dans  son  caractère  des 
forces  vives  d'intelligence,  d'aptitude  à  l'étude,  de  conception 
très  déliée.  C'est  au  pouvoir  à  les  développer,  à  les  diriger  ea 
dehors  des  préoccupations  religieuses,  car  Rome  fut  grande  et 
forte  avant  l'ère  chrétienne... . 

«  Les  hommes  étant  faits  pour  se  conserver,  pour  se  nour* 
nir,  pour  se  vêtir,  et  faire  toutes  les  actions  de  la  société,  la 
religion  ne  doit  pas  leur  donner  une  vie  trop  contempla- 
tive (J).  » 

Toutes  les  considérations  précédentes,  suggérées  par  Tétude 
des  populations  musulmanes  au  point  de  vue  intellectuel  en 
général,  au  point  de  vue  scientifique  en  particulier,  nousper* 

V  •)  Mo»tMn,.i.i.,  Di  l'Esprit  tle<  Los.  lir.  XXIV,  ch.  Il- 


—  3i>  — 

meilroDl  maÎDte&aiit  d'abtjnler  les  détails  «Ji»  la  médecine 
arabe,  avec  Tespoir  qu'ils  seroot  accueillis  arec  moins  d'éton- 
nement,  pour  ne  paâ  dire  d'incrédulité. 


CHAPITRK    11. 
miciCE  m  LA  lÉficanK  chez  us  hsclia^s  dk  lwlgérie.  —unis 

C0.1?f\KS.\KES  El  S€1E\€ES  lÉDlCUES  k  ^KATCRELLES. 


Le  docteur  Scliaw  dit  (I),  à  propos  des  Maures  algériens  : 
«  Je  n'ai  vu  que  fort  peu  de  leurs  tebeebs  ou  médecins  qui 
connaiss^înt  Rhazh,  Averrhoës,  ou  les  autres  médecins 
arabes.  Le  médecin  du  Dey,  qui  est  en  même  temps  ami7i  ou 
président  des  autres  médecins,  me  demandait  un  jour  si  les 
Chrétiens  connaissaient  bien  Boukrait  (c'est  ainsi  qu'il  appe- 
lait, soit  par  ignorance,  soit  par  afTectation,  le  grand  Hippo- 
cratc),  ajoutant  qu'il  était  le  premier  des  hakim  ou  docteurs 
orabes,  et  qu'il  vivait  un  peu  avant  Avicenne.  » 

En  1830,  lors  de  l'occupation  française,  le  bach-djerrha 
(chirurgien  en  chef)  de  l'armée  turque,  cumulant  avec  ses 
fonctions  celles  de  bourreau,  était  chargé  de  couper  le  poignet 
aux  condamnés  pour  vol. 

Il  y  a,  chez  les  Arabes  actuels  de  l'Algérie,  beaucoup  de 

(i)   f'n/0gt  tinnt  (n  Out^i€  et  U  Jj€ranl,  t.  I,  \\.  34u. 


—  31  — 

médecins,  ou,  pour  mieux  dire,  beaucoujp  d'individus  exer- 
çant Tart  de  guérir.  On  les  distingue  par  deux  dénominations 
principales,  basées  sur  leur  apparent  degré  d'instruction.  Le 
ibubibe  [detobba,  remède),  c*est  le  praticien  ordinaire;  le 
hakem  {de  hakem,  prescrire],  c'est  le  médecin  savant,  celui 
qui  joint,  à  une  grande  réputation  acquise  par  des  connais- 
sances étendues,  le  mérite  particulier  d'écrire  sur  les  remèdes. 

On  donne  encore  le  nom  de  mdaouï  (de  doua,  médicament) 
au  médecin  qui  dirige  un  traitement  interne  ou  chirurgical. 
C'est  une  expression  qui  indique  que  le  toubibe  fournit  et 
applique  lui-même  les  médicaments  qu'il  prescrit;  qualifica- 
tion, du  reste,  peu  employée. 

Le  chirurgien  esl  quelquefois  appelé  djerrha  (de  djerrha, 
plaie). 

Dans  le  Sahara  algérien,  «  le  khebir  (conducteur  d'une 
caravane)  connaît  Thygiène  à  suivre  selon  le  pays,  les  remèdes 
contre  les  maladies,  les  fractures,  la  morsure  des  serpents  et 
la  piqûre  des  scorpions  (1).  » 

En  thèse  générale,  on  doit  dire  que  chez  les  Arabes  il  y  a 
bien  plutôt  des  empiriques  que  des  charlatans  [zraqti]. 
Partout  l'ignorance,  l'absence  d'études  suffisantes,  font  les 
premiers;  la  cupidité  la  plus  éhonlée  et  la  plus  immorale 
produit  les  seconds.  Sous  ces  rapports,  rendons  justice  à  nos 
Indigènes.  Les  charlatans  n'étant  d'ordinaire  que  des  indivi- 
dus sans  dignité  professionnelle  qui  exploitent  audacieusement 
quelques  vérités  de  la  science,  le  grand  nombre  de  ces  gens 
sans  pudeur  est  nécessairement  proportionnel  aux  progrès  de 
celle-ci.  Or,  on  ne  voit  réellement  pas  ce  que  la  médecine 
arabe,  dans  sa  nudité  presque  complète  d'éléments  positifs, 
pourrait  offrir  à  d'indignes  exploitateurs.  Si  l'impuissance  de 
l'art  enfante  les  empiriques,  les  charlatans  ne  sauraient  exister 

(i)  Minwtet  Coutumes  J0  CAIçfiic,  p.ir  le  lieattQant-|;énér«l  Dacjias,  p.  33o 


—  38  — 

qu'à  la  condition  de  trouver,  dans  son  degré  de  notions  prati- 
ques, matière  à  commerce  auprès  des  ignorants. 

Les  Maures  (habitans  des  villes)  pratiquent  la  médecine 
avec  une  ignorance  profonde.  À  vrai  dire,  dans  ces  localités, 
il  n'y  a  aucune  trace  de  médecine  sérieuse,  les  Indigènes  y 
ayant  perdu  et  perdant  constamment  le  cadiet  typique  des 
connaissances  et  mœurs  nationales,  au  contact  incessant  des 
racesdiverses  au  milieu  desquelles  ils  vivent.  Malheureuse- 
ment, ils  ne  savent  pas  modifier  avantageusement  leurs 
préjugés  et  leurs  coutumes. 

Chez  les  Arabes  et  les  Kabyles,  ce  sont  généralemenf  des 
individus  d'un  âge  avancé,  vénérés  dans  chaque  tribu  ou 
village,  comme  devant  à  une  longue  expérience  de  la  vie  une 
certaine  réputation  de  sagesse  et  un  vernis  présumé  de  savoir, 
qui  forment  la  majeure  partie  des  ioubibes  (4).  Leur  science 
se  compose  d'un  mélange  très  hétérogène  de  conseils  transmis 
parla  tradition,  par  les  voyageurs  qui  viennent  de  contrées 
plus  ou  moins  éloignées,  par  les  gens  qui  émigrent  de  temps 
à  autre  à  Tunis,  au  Maroc,  etc.,  ou  enfin  par  la  lecture  de 
formulaires  de  médecine  magique,  sortes  de  recueils  pratiques 
sans  suite  aucune,  sans  ordre,  sans  rationnai ité,  recommandés 
par  le  Prophète  Afo/mmmed  ou  des  savants  en  haute  réputation 
dans  chaque  localité. 

Il  y  a,  dans  ccrlaines  circonscriptions,  des  toubibes  qui 
ont  acquis  do  la  célébrité  dans  le  pays,  et  dont  la  clientèle  est 
fréquentée  par  déjeunes  tolbas  (savants).  Ces  derniers,  en 
quelque  sorte  élèves  en  médecine  [çana],  suivent  pendant  un 
certain  temps  la  pratique  de  ces  maîtres  improvisés,  moyen- 
nant une  rétribution  proportionnée  à  leurs  propres  resso«irces. 
Celui  qui  est  riche  prolonge  son  séjour  et  paie  deux  ou  trois 
cents  francs;  cdui  qui  a  peu  d'aisance  s'acquitte  en  nature  ou 

(i)   Toubib*  fait  au  pluriel  foubba.  Mous  avons  préféré  cotaserrcr  le  mot  toubibe  au  pluriel, 
parce  que  crtteexprcwion,  plas  conanc  co  Alg«*rir,  peut  t^tre  francités  sans  inconvéïdtnt. 


—  33  — 

par  rbospitalité,  et  s'empresse  d'aller  faire  Tapplicatiion  des 
quelques  formules  qu*il  a  pu  apprendre. 

La  chirurgie  des  Maures  est  des  plus  ignorantes  :  leur 
arsenal  opératoire  se  compose  d'une  ventouse,  d'un  morceau 
de  pierre  infernale,  d'amadou,  de  charpie,  auxquels  il  convient 
d'ajouter  une  paire  de  ciseaux,  une  lancette  et  un  bistouri,  le 
toot  essentiellement  malpropre  et  rouillé  (1  ). 

La  petite  chirurgie,  dans  les  villes,  est  abandonnée  aux 
barbiers  [haffef].  Le  ioubibe  citadin  regarde  au-dessous  de 
lui  de  faire  une  saignée  ou  d'extraire  une  molaire. 

Contrairement  à  cet  usage,  la  médecine  et  la  chirurgie  se 
réunissent  généralement  dans  la4)ratique  des  toubibes  des 
tribus  et  villages.  Leurs  instruments  de  chirurgie  sont  en  très 
petit  nombre  :  une  espèce  de  clef  à  dents  [qoullab],  ou,  pour 
parler  plus  justement,  des  tenailles  fort  grossières,  souvent 
employées  comme  tire-balles;  un  couteau  à  lame  courbe,  très 
eJflSIée,  servant  habituellement  de  rasoir  et  destiné  aux  cauté- 
risations».  aux  scarifications;  une  corne  avec  laquelle  on 
ventouse  en  aspirant  par  la  petite  extrémité  ;  et,  quelquefois, 
des  anneaux  de  fer  de  diverses  grandeurs,  que  Ton  rougit 
pour  cautériser  l'orifice  des  plaies  d'armes  à  feu,  etc. 

Ces  diverses  pièces  se  confectionnent  d'ordinaire  dans  1^ 
pays;  toutefois,  les  instruments  de  chirurgie  sont  rares  chez  les 
Arabes,  principalement  parce  que  la  manipulation  du  fer  et 
des  métaux,  peu  en  honneur  chez  les  Musulmans,  se  trouve 
(excepté  chez  les  Kabyles)  abandonnée  aux  juifs,  aux  ouvriers 
des  villes.  C'est,  en  effet,  à  ces  sources  que  les  Arabes  achètent 
leurs  armes,  leurs  outils^  etc.  Tout  au  contraire,  chez  les 
Kabyles  qui,  plus  industrieux,  possèdent  des  forgerons,  des 
armuriers,  Tétai  du  toubibe,  dans  un  marché,  par  exemple, 
se  iait  toujours  remarquer  par  un  assez  grand  nombre  de 

ft)  yfvftt  dans  le  Mvniteur  migtritn  de  férrlcr  i84o  :  ht  Mtdêcim  Maurrs,  par  MM  Roww» 
»s  Bewt  et  ALrao:rsB  I^ov«sC4v. 


—  34  - 

pièces  de  ferrailles  qui  représentent,  plus  ou  moins,  des  ins- 
truments de  chirurgie.  Plus  on  s'éloigne  des  montagnes  pour 
aller  vers  le  Sahara,  plus  la  quantité  de  ces  objets  à  opérations 
diminue;  mais,  en  revanche,  plus  la  liste  des  remèdes  externes 
destinés  à  les  suppléer  augmente. 

Le  toubibe  rural  se  rend  assez  exactement  aux  divers 
marchés  tenus  chaque  semaine  sur  différents  points  du  cercle. 
Il  y  tient  boutique  en  plein  vent.  Vous  le  trouvez,  gravement 
assis  à  la  mode  arabe,  devant  quelques  pièces  d'étoffe,  le  plus 
souvent  un  bernouss,  un  haïk,  sur  lesquels  sont  étalés  çà  et  là 
de  grossiers  instruments  négligemment  disposés  au  milieu  de 
substances  minérales  et  végétales,  en  tête  desquelles  figurent 
le  sulfate  de  cuivre,  le  bleu  de  Prusse,  le  piment,  le  safran,  le 
miel,  la  canelle,  Torpiment,  les  canlharides,  le  henna  (lawso- 
nia  inermis),  Tambre,  le  gingembre,  l'alun,  des  parfums, 
quelquefois  du  hachich  (cannabis  indica),  des  benjoins,  etc. 

Du  reste,  la  chirurgie  proprement  dite  n'a  jamais  été  en 
honneur  chez  les  Musulmans.  Rhazès  se  plaignait  du  peu  de 
considération  attaché  à  la  médecine  opératoire,  de  son  temps 
entièrement  délaissée  aux  esclaves.  Une  défaveur  si  marquée, 
au  sujet  d'un  art  qui  avait  toujours  dû  produire  des  résultats 
palpables  et  au  moins  supérieurs  à  ceux  de  la  médecine  interne 
alors  obscure  et  toute  empirique,  ne  tenait-elle  pas  aux  pré- 
jugés, à  l'horreur  pour  toute  effusion  de  sang  ?  Avenzoar  m 
refusa-t-il  pas  d'extraire  la  pierre,  parce  que  les  manœuvres 
qu'il  aurait  fallu  exercer  sur  les  parties  réputées  sacrées  ou 
honteuses,  pouvaient  blesser  les  principes  de  pudeur  inculqués 
par  la  religion  ?  Il  déclare  même  que  les  médecins  de  soc 
époque  avaient  quelque  honte  à  exécuter  les  opérations.  Leî 
hommes  ne  devaient  jamais  découvrir  les  parties  génitales  di 
sexe  féminin,  chez  lequel  les  femmes  seules  pouvaient  prati- 
quer la  lithotomie,  la  réduction  de  la  chutede  matrice,  etc.  (1). 

(i)  Aicfc'  Kacem,  chirurg.  lib.  Il,  sec!.  60,  p.  j84;  »««*•  C">  P*  •5®' 


—  35  — 

Toutefois,  constaton&<le  en  passant,  si  la  chirurgie  a  été  peu 
en  honneur  chez  les  apciens  médecins  arabes,  ils  n'en  ont  pas 
moins  pratiqué  un  assez  grand  nombre  d'opérations,  quoi- 
qu'avec  crainte  et  timidité.  Ce  fait,  tout  singulier  qu'il  peut 
paraître  chez  un  peuple  si  fataliste,  ne  doit  pas  être  négligé 
par  lès  toubibes  fradbiîs  qui  voudront  faire  comprendre  aux 
Indigènes  la  nécessité  absolue  d'une  mutilation  de  membre, 
ci  la  possibilité  d'altérer  ainsi  la  création  divine  dans  un  but 
de|[uérison. 

Les  Arabes,  en  effet,  répugnent  aux  grandes  opérations  san- 
glantes. Us  préfèrent  une  mort  certaine  et  prochaine  à  quel- 
ques années  d'existence  achetées  au  prix  de  la  mutilation  du 
corps.  Cette  horreur  pour  toute  effusion  de  sang  est  à  noter, 
car  elle  explique  pourquoi  la  chirurgie  arabe  paraît  aujour- 
d'hui si  conservatrice.  En  réalité,  ce  n'est  point  que  l'expérience 
ait  appris  aux  toubibes  le  peu  de  dangers  de  certains  accidents 
considérés  dans  d'autres  pays  comme  très  graves  et  entraînant, 
par  exemple,  la  nécessité  de  l'amputation,  en  principe;  l'igno- 
rance, principale  cause  bien  certainement  de  Téloignement 
des  Arabes  pour  les  mutilations  chirurgicales,  inspire  cette 
antipathie  et  la  nécessité  de  respecter  des  lésions  fort  graves. 
L'impuissance  de  leurs  connaissances  très  bornées  les  y 
condamne. 

L'état  de  la  chirurgie  arabe  laisse  donc  beaucoup  à  désirer. 
Les  querelles  constantes  entre  tribus,  les  luttes  guerrières  avec 
les  Français  depuis  24  ans,  auraient  cependant  dû  les  amener 
à  reconnaître  le  besoin  des  opérations,  les  occasions  ne  leur 
en  ayant  jamais  manqué.  Il  est  étonnant  qu'on  ne  retrouve 
point,  chez  un  peuple  aussi  belliqueux  par  nature  et  par  posi- 
*'ûn,  des  connaissances  chirurgicales  plus  étendues. 

^  toubibes  n'ont  aucune  idée  des  indications  et  contr'in- 
*cations  des  opérations,  des  conditions  constitutionnelles, 
"^^  Saisons  favorables  ou  non  à  la  gucrison.  Ils  ne  soumettent 


—  36  — 

jamais  le»  malanki,  les  blessés  à  om  n^gine  paiticiilier,  ei 
B'obterteot,  pendant  Faete  cbiroigicd,  aacone  règle  fixe^ 
iiabiUieUe  eo  principe,  pro«nant  qu'ils  aient  connaissance  des 
accidents  sosceptiblesde  âepfései^r  dans  teloo  tel  cas  donné; 
de  la  lenr  inhabileté  à  prétenir  et  à  combattre  ces  derniers. 
Arrivent  nne  sntcope,  nne  bémorrliagieflis  conTnlsions,  que 
feraient-ils?  D  faat  retrooTer  là  Torigine  de  la  posiUanimilé 
énorme  qui  forme  le  fond  du  caractère  arabe  ;  on  n'obtient 
jamais  d'un  Indigène  l'ablation  d'nne  tumenr,  leitradiott 
d'on  corps  étranger,  si  ces  accidents  ne  gênent  point  les  mon- 
vemeots,  ne  causent  pas  une  douleur  insupportable,  ne  mena* 
cent  poÎDt  l'existence  d'un  membre.  U  ne  consent  à  répandre 
un  peu  de  sang  que  dans  le^  cas  d'une  absolue  nécessilé, 
nécessité  dont  il  n'apprécie  que  très  rarement  l'urgence. 

L'art  des  pansemens  est  peu  avancé  ;  aucun  ordre,  aucun 
soin  méthodique  ne  guide  dans  l'emploi  et  le  nombre  des 
pièces  uniformes  qui  ser^eut  à  recouvrir  une  plaie.  De  là,  des 
compressions  exagérées,  intolérables,  source  d'aggravations 
constantes  ;  des  appareils  placés  sans  raison  et  peu  susceptibles 
d'assurer  un  but  curatif. 

Dans  les  pansemens  des  toubibes  ruraux,  la  charpie  est 
remplacée  par  de  la  laine  de  mouton,  du  poil  de  chameau,  des 
herbes  fMiches;  le  linge,  par  des  morceaux  de  bemouss,  de 
/uiik  (vêlement  on  laine);  les  bandes,  par  des  cordes  en  poils 
de  cfiarneau,  en  poils  de  chèvre,  en  palmier,  des  tresses  en 
Jonc,  etc. 

L'ignorance  complète  de  la  position  des  membres  pendant 
le  traitement  de  leurs  affections,  celle  des  avantages  que  Ton 
peut  tirer  d'une  compression  intelligente,  de  la  dilatation,  du 
tamponnement,  du  selon,  de  la  ligature,  de  la  saignée  géné- 
rale, des  héinoHlaliqnes,  l'ignorance,  en  un  mot,  des  principa- 
les opéralioiis  les  plus  importantes  et  les  plus  fréquemment 
inihes  H  conlrihulion  dans  notre  pratique  journalière,  indique 


—  :«7  — 


imeni  m  irisie  étal  de  la  cbirnrgie  arabe,  qui  se  résume 
los  des  applications  topiques  ei  Temploi  de  la 
Oiulérîsalion. 

La  grande  base  de  la  thérapeulique,  en  eOti^  c*e$t  le  feu. 
Pèrtatir^  cconomi]  mode,  d'une  puissance  facile  à  gra- 

Joer,  cel  agent  »c  ^  i^.^^Lait  naturellement  aux  Arables,  comme 
aux  premiers  peuples»  comme  à  toute  nation  retoinbiie  dao5 
tViifaoce  lie  la  civilisation.  D'après  Hippocrate,  les  Scythes 
I  c*/iip/ojaient  même  pour  tonifier  hygiëniquf'ment  le  corps. 
De  lom  temps,  les  Egyptiens  el  tes  iiabitant^  Je  KArabie  en 
ont  fait  grand  u&age^  au  dite  de  Prospev  Alpin.  LHIustre  baron 
Lirrejr  rapporte  que  les  premiers  lui  accordent  encore  de  mer- 
veilleuses propriétés  dans  un  grand  nombrede  maladies.  Tous 
Ifô  médecins  arabes,  du  redite,  recommandaient  le  feu  ;  les 
compiUiii^urs  cl  sectateurs  de  Galien  pouvaient-ils  ne  pas 
l>rd>oef  an  moyen  aussi  puissant  pour  condenser  les  solides 
relâches,  et  dégorger  les  humeurs  pecennêes  f 

€  Èe  feu  ôtc  le  poison  des  mrfs^  10  dit  encore  le  proverbe 

^H    La  cautérisation  se  pratique  avec  un  couteau  ordinaire 
^H^etît^  à  lame  large  et  courbe]  bien  rougi  au  feu;  le  lùuhibe 
^HlUKi-ciite  légèrement,  et  à  plusieurs  reprises,  la  région  ou 
^^^anc  malade.  D'autres  fois,  il  trace  avec  ce  singulier  cau- 
lèf^  des  lignes  extrêmement  fines  et  à  peine  profondes.  La  lé- 
gèreté des  caulénsations»  leur  multiplication  sur  une  jietitc 
surfaa^  paraissent  être  deux  principes  sinon  généralement 
commandés,  du  moins  très  souvent  suivis.  L'eiïet  de  ce  feu- 
pique  est  extrêmement  puissant,  et  il  a  produit  plu^  d'une 
cure  désespérée,  malgré  Taveugle  abus  qu  on  en  fait, 

Quelques  îoxibibes  possèdent  de  petits  cautères  très  ronds  ; 
ans  la  province  de  Conslantine,  on  s'en  sert  pour  dissiper  le» 
-engorgements  abdomioaux. 

L'emploi  des  couteaux  rougis  à  blanc  iKuir  ouvrir  les  abcès» 


—  38  — 

les  tumeurs,  pour  inciser  en  général,  a  pour  but  de  prévenir 
les  hémorrhagies  et  Teffusion  de  toute  gouttelette  de  sang  :  on 
a  vu  plus  haul  combien  TArabe  les  redoute.  Cette  coutume 
est,  du  reste,  fort  ancienne.  Abul'  Xacem  conseillait  de  prati- 
quer les  amputations  avec  un  fer  bien  rqugiaufeu. 

La  saignée  des  grandes  veines  parait  fort  peu  pratiquée, 
faute,  sans  doute,  de  connaissances  anatomiques  suffisantes 
pour  prévenir  des  accidents  formidables.  Les  toubibcs  n'inci- 
sent guère  que  la  veine  de  la  racine  du  nez,  préalablement 
gonflée  par  la  constriclion  circulaire  de  la  tête.  Les  Arabes 
préfèrent  les  mouchetures  à  Taidede  leurs  couteaux  aussi  bien 
affilés  que  des  rasoirs.  Les  scarifications,  toujours  très  courtes, 
très  rapprochées  et  peu  profondes,  se  pratiquent  à  Tocciput, 
au  front,  au  tiers  inférieur  de  la  jambe,  et  sur  toutes  les  ré- 
gions correspondant  à  des  organes  malades.  La  partie  doitêtre 
d'abord  tuméfiée  par  une  compression  supérieure  suffisante. 
Ainsi,  rindividu  que  Ton  veut  scarifier  à  la  tête  se  laisse 
presqu*enlièrement  étrangler,  etc.;  pour  activer  récouftmenl 
du  sang,  on  roule  un  bâton,  un  corps  rond,  sur  les  mouchetu- 
res. Pour  l'arrêter,  il  suffit  d'un  peu  de  terre  dont  on  couvre 
les  plaies. 

L'orthopédie  semble  ignorée.  Quant  aux  moyens  prothéti- 
ques,  «  il  est  permis,  dit  le  législateur  Sidi-Khelil,  de  se  faire 
en  or  ou  en  argent,  comme  étant  un  moyen  de  médication,  un 
nez,  des  attaches  ou  liens  pour  les  dents.  »  Je  n'ai  jamais  ouï 
dire  que  semblable  innovation  ait  eu  cours  chez  les  Arabes  de 
l'Algérie. 

Ils  connaissent,  mais  pratiquent  peu  la  suture.  Dans  Vlti- 
néraire  d*une  caravane  du  Sahara  au  pays  des  nègres  (1), 
il  est  question  d'un  prisonnier  plongé  d'abord  dans  un  profond 
sommeil  au  moyen  d'une  décoction  de  ciguë  (cikhane),  et 


—  39  — 

auquel  on  fend  ensuite  le  ventre  pour  le  remplir  de  cailloux. 
Oo  recout  ensuite  la  plaie  à  l'aide  d'une  aiguille  à  raccommo- 
der les  outres.  Remarquons,  en  passant,  le  moyen  anestl^ésique 
employé  avant  l'opération. 

Le  général  Daumas  dit  ailleurs  ^1]  :  «  Les  maladies  du  pied 
les  plus  connues  sont  les  cheggag,  gerçures  que  l'on  guérit  en 
oignant  la  partie  de  graisse,  et  en  la  cautérisant  avec  un  fer 
rouge.  Quelquefois,  ces  gerçures  sont  tellement  larges  et  pro- 
fondes qu'on  est  obligé  de  les  coudre.  Les  fils  sont  des  nerfs  de 
chameaux  desséchés  au  soleil  et  divisés  en  parties  aussi  fines' 
que  la  soie,  ou  bien  encore  des  poils  de  chameau  filés.  » 

Au  Dar-Four,  les  médecins  appliquent  des  sutures  aux 
grandes  plaies,  aux  éventralions,  aux  larges  blessures  du 
crâne,  etc. 

On  peut  lire  dans  Sidi-Khelil  (2)  :  «  Celui  qui  refuserait 
de  fournir  ce  que  d'autres  fidèles,  près  de  lui,  n'ont  pas  à  leur 
disposition,  ne  fût-ce  qu'un  fil,  qu'une  aiguille,  nécessaires 
pour  coudre  et  fermer  une  plaie  pénétrante  des  cavités  du 
corps,  à  un  individu  blessé,  serait  responsable  de  la  mort  de 
cet  individu.  » 

Malgré  ce  renseignement  formel,  il  est  plus  que  douteux 
que  la  suture  soit  en  honneur  chez  les  Arabes. 

Quelques  Indigènes  fabriquent  des  moxas  avec  un  morceau 
de  coton  qu'ils  bleuissent  à  l'aide  du  pastel  [isatis  tinctoria), 
auquel  ils  attribuent  la  propriété  de  favoriser  la  combustion  : 
le  cylindre  a  de  3  à  5  centimètres  de  long.  Ils  feraient  peut- 
être  mieux  d'utiliser  un  produit  cotonneux  très  abondant  en 
Algérie,  fourni  par  l'artemisia  judaïca  [chiah'),  et  que  les 
habitants  des  hauts-plateaux  emploient  comme  amadou. 

A  litre  de  vésicatoîre,  les  Arabes  appliquent  sur  la  peau, 
loeo  dolenii,  des  morceaux  de  racine  fraîche  de  tapsia  garga- 

(i)  Les  Cketaux  du  Sahara,  p.  34o. 

(t"^!    Chttpitrt  dti  Retponrallfitrf,  p.  iS;. 


—  40   — 

nica  [boiMiefa).  Au  bout  de  quelques  heures,  l'irritation 
cutanée  est  assez  marquée  pour  opérer  une  révulsion  avanta- 
geuse. L'effet  de  cette  ombellifère  paraît  analogue  à  celui  du 
garou.  Le  gonflement  érysipélateux  qui  succède  à  l'application 
prolongée,  et  la  desquammatioti  ultérieure,  ont  lieu  du 
deuxième  au  cinquième  jour. 

On  prétend  que  quelques  médecins  maures  pratiquent  la 
trépanation  dans  le  cas  de  plaie  du  crâne  avec  fracture.  Les 
renseignements  que  j'ai  pris  à  cet  égard  ne  confirmeraient 
-point  cette  assertion. 

Quant  au  traitement  des  fractures  et  des  plaies  d'armes  à 
feu,  qui  a  fait  accorder  aux  toubibes  arabes  une  réputation 
plus  qu'exagérée,  il  en  sera  ultérieurement  question. 
*  En  résumé,  la  chirurgie  arabe  paraît  très  restreinte  dans  ses 
moyens;  son  nom  même,  àlem  el  djerrha  (la  science  des 
plaies),  indique  suffisamment  les  limites  étroites  da'ns  lesquelles 
la  coutume,  Tignorance  peut-êlre,  l'ont  circonscrite. 


EXERCICE  LÉGAL  DE  U  HÉDEGIKE. 

Le  devoir  de  solidarité,  dont  une  société  ne  peut  se  passer, 
dit  la  loi  (1),  oblige  les  fidèles  à  exercer  les  arts,  métiers  et 
industries  indispensables  à  la  vie  de  cette  société,  tels  que  le 
métier  de  ventouseurs. 

Malheureusement,  à  de  si  beaux  principes  d'organisation 
sociale  ne  répond,  dans  les  coutumes  arabes,  aucune  formalité 
pour  le  droit  d'exercer  l'art  de  guérir.  Médicamente  et  drogue 
qui  veut.  L'ignorance  générale  enlève  toute  possibilité  de 

'%)  StM-KiBUL,  t.n.chap.  Il,  p.  a4S. 


—  in- 
contrôlé et  abandonne  chaque  malade  au  premier  venu, 
médecin  de  nom,  mais  à  coup  sâr  triste  empirique  de  fait  ;  et, 
la  dignité  de  l'art,  à  défaut  d'honorabilité  conquise  par  les 
GOBBiissanoes  positives  de  chaque  praticien,  ne  trouve,  à  titre 
de  sauvegarde,  que  la  piofoide  et  inaltérable  véaération'dont 
les  Indigènes  entourent  quiconque  s'occupe  du  soulagement 
de  leurs  souffrances  physiques. 

l\  n'en  a  pas  toujours  été  ainsi  dans  la  nation  musulmane. 
Bjédùwtt  ben  Mohammed,  Émir  de  Gordoue  au  XP  siècle, 
bannit  les  médecins  empiriques  qui,  sans  expérience  ni 
savoir,  pratiquaient  l'art  de  guérir,  et  forma  un  collée  de 
savans  pour  examiner  ceux  qui  prétendraient  exercer  la 
médecine  et  servir  dans  les  hôpitaux  (1). 

Avant  4830,  les  médecins  arabes  étaient  exemptés  de 
cerleâns  impots  par  le  Kaïd  de  chaque  circonscription. 

Plus  heureux  que  nos  confrères  les  toubibes,  les  vétérinaires 
arabes  ont  une  ébauche  de  corporation.  Les  tribus  qui  s'occu- 
pent beaucoup  de  l'élève  des  chevaux,  dans  le  Sud  notamment, 
comptent  un  certain  nombre  d'individus  versés  dans  l'hippia- 
trique  :  il  faut  subir  des  épreuves  pour  être  admis  dans  le 
corps  de  ces  khiala  (de  Kheil,  cheval) . 

Yojex,  plus  loin,  au  paragraphe  Médecine  légale,  ce  qui 
a  trait  à  la  responsabilité  des  toubibes. 


ipiciAUîis. 


Il  existe  des  spécialités  parmi  les  toubibes  des  tribus. 
Le  dentiste  [toubibe  drouss,  médecin  des  dents)  arrache  les 

(i)  KoMET,  Hi$tHr9  d'Eêfmfm,  ^1.  V,  p.  S*. 


—  42  — 

dents  pour  cinquante  centimes,  un  franc,  etc.  Il  est  obligé  de 
ramasser  toutes  les  ostéîdes  qu'il  enlève,  afin  que,  dans  le  cas 
d'une  réclamation  portée  contre  lui.  pour  arrachement  simul- 
tané d'une  portion  d'alvéole  ou  de  gencive,  il  puisse  prouver 
devant  le  Kadi^  par  l'exhibition  d^  la  dent,  que  sa  forme  ou  sa 
maladie  avancée  devait  réellement,  déterminer  l'enlèvement 
involontaire  de  ces  parties  accessoires.- 

Dans  le  Sahara  algérien,  «  quand  une  dent  est  gâtée  tout- 
à-fait,  c'est  aux  armuriers  et  avx  maréchaux  qu'il  faut  aydîr 
recoure.  Ce  sont  eux  qui  sont  en.  possession  de  martyriser  le 
patient,  de  lui  briser  la  mâchoire  avec  une  pince,  et  d'enlever 
les  gencives,  en  même  temps  que  la  dent  douloureuse  ;(4).  »  . 

Les  dentistes  arabes  ignorent  la  possibilite.de  remplacer 
les  dents  pard'autres  artificielles.  Les  toubibes  savants  ne  se 
doutent  pas  qu'Àbul^-Kacem  le  premier  a  proposé  cette  subs^ 
titution,  et  conseillé  de  les  maintenir  fixées  aux  dents  voisines 
avec  des  fils  d'argent  ou  d'or. . 

Les  dentistes  sont,  du  reste,  peu  adroits  :  l'imperfection  de 
leurs  instruments  grossiers,  l'absence  d'études  suffisantes  sur 
la  forme  et  l'altération  des  dents,  leur  font  souvent  déchirer 
les  gencives,  casser  des  ostéîdes  voisines,  causer  des  dégâts 
énormes  dans  la  cavité  buccale..  C'est  ainsi  qu'on  a  cité  une 
gangrène  de  la  lèvre  supérieure  et  des  ailes  du- nez  consécutive 
à  une  extirpation  malheureuse  de  dent  chez  un  jeune  enfant  ; 
c'est  ainsi  que  j'ai  plusieurs  fois  constaté  des  suppurations 
gingivales  interminables,  causées  par  des  fractures  partielles 
etcomminutivesdu  maxillaireàla  suited'avulsion  de  dents,  etc. 

Il  n'y  a  point  de  médeoins^vAecinateurs.  Quand  la  petite- 
vérole  (djidri)  a  été  signalée,  les  parents  de  l'enfant  à 
inoculer  achètent,  moyennant  un  petit  cadeau  au  jeune 
variole,  un  ou  deux  bpp tons, que  lé  prçmi^rvenu  coupe,,  et 

(i)  Le  Sahara  Algérien,  par  le  Général  Daomai,  pdge  17. 


—  43  — 

dont  il  frolle  le  contenu  contre  la  région  préalablement  incisée 
qui  sépare  le  pouce  de  la  racine  de  l'index  de  Tindividu  non 
encore  préservé.  L'inocalation,  sur  laquelle  nous  reviendrons 
plaskin,  est  généralement  précédée  de  prières  et  d'une  quête 
dont  le  produit  revient  de  droit  à  Topérateur. 

D'habitude,  le  toubibe  ne  traite  les  femmes  qu'après  l'Jm- 
poissanoe  constatée  du  traitement  des  sages4emmes  et  sur  la 
demande  du  mari.  Ces  dernières  s'appellent  toubiba,  quand 
elles  s'occupent  des  maladies  des  femmes  en  général,  et  kabela 
lorsqu'elles  exercent  spécialement  l'art  des  accouchemens. 

Les  sages^ferames  arabes  n'ont  aucune  idée  du  forceps  ou 
d'instruments  auxiliaires  des  manœuvres  obstétricales.  Elles 
peuvent  être  requises  par  la  justice  pour  éclairer  toutes  les 
questions  médico-légales  qui  concernent  l'état  pathologique 
ou  physique  de  la  femme. 

Ces  matrones  sont  de  vieilles  malheureuses,  fort  pauvres, 
fesantde  l'empirisme  le  plus  aveugle,  sous  prétexte  que  le 
grand  nombre  d'enfants  qu'elles  ont  mis  au  monde  pour  leur 
propre  compte,  a  dû  leur  concéder  une  dose  confortable  d'ex- 
périence concernant  la  pathologie  du  sexe  féminin.  Nous 
aurons  occasion  de  parler  de  leur  barbares  pratiques.  Pour  les 
acooncbements,  elles  demandent  aux  riches  20  à  S5  francs^ 
aux  gens  peu  aisés  de  2  à  6  francs,  aux  pauvres  de  l'orge,  etc. 

On  remarquera  que  du  temps  des  célèbres  médecins  arabes, 
l'obstétrique  était  aussi,  comme  aujourd'hui,  dans  un  état 
déplorable  ;  abandonnée  aux  femmes,  aux  barbiers,  elle  ne 
put  jamais  réaliser  le  moindre  progrès. 

De  tout  temps,  les  individus  adonnés  spécialement  au 
traitement  des  affections  des  yeux  ont  pullulé  en  Orient,  dans 
les  pays  chauds.  La  raison  en  est  simple,  ces  maladies  y 
tiennent  la  première  place  peut-être  dans  le  cadre  nosologique, 
par  leur  fréquence  et  leur  ténacité. 

Les  oculistes  [touèibe  laïniuy  médecin  dos  yeux^  voyagent 


—  44  — 

généralement  de  tribu  en  tribu.  Us  sont  les  mieux  payés  de 
tous  les  médecins,  car  les  Arabes  fréquemment  atteints  d'affec- 
tions chroniques  ou  grates  de  l'appareil  ooulaire,  se  résignent 
à  de  grands  sacrifices  pécuniaires  peur  tacher  de  recouvrer  la 
Tue  en  totalité  ou  en  partie.  Il  n*est  pas  rare  de  voir  donner 
jusqu'à  200  et  même  300  francs  pour  un  traitement. 

Au  Dar-Four,  il  existe  des  occulistes  (ckellan)  dont 
l'adresse  &  opérer  la  cataracte  est,  dii-on,  fort  remarquable. 

Il  y  a  quelques  années,  j'eus  occasion  de  Toir,  à  Alger,  tm 
Musulman  venant  du  Maroc,  nommé  El  Hadj  Saïd  ben 
Abderrhaman,  Il  avait  fait  quatre  années  d'études  kDadiSf 
pris  des  leçons  de  Sidi  Mohammed  Hadjeli  de  Soutx,  pro- 
fesseur de  médecine,  et  de  Sidi  Mohammed  ou  Mohammed^ 
professeur  d'oculistique.  Cet  Indigène,  qui  paraissait  assez 
lettré,  annonçait  avoir  obtenu  de  nombreuses  et  brillantes 
cures  aux  environs  dé  Tunis,  et  guéri  en  particulier  la  fille  du 
kaid  de  Tebessa  d'un  albugo  considérable,  à  l'aide  d'uD 
mélange  de  bile  (mrara)  d'un  bœuf  noir,  de  miel  (dcel)  et 
A'aïixn  noir  (chebb  lekhal)  [i).  La  cure,  disait-il,  aurait  été 
complète  en  cinq  jours,  grâce  à  ce  merveilleux  topique. 

Ce  toubibe,  dont  la  spécialité  était  Tcculistique,  déclara 
savoir  saigner,  raccommoder  les  fractures,  traiter  les  plaies, 
arracher  les  dents  (mais  il  n'avait  point  d'instruments),  guérir 
la  fièvre  par  la  si{nple  combustion  autour  du  malade  de  quel- 
ques feuilles  d'ail  (Uoum)  préalablement  barbouillées  de 
mots  arabes;  la  diarrhée,  par  le  café  aromatisé  avec  du  eitrou 
{kareuss);  la  goutte,  en  frottant  le  pied  avec  du  sucrehcandi 
pulvérisé;  la  jaunisse,  en  mettant  des  pointes  de  feu  sur 
rhypochondre  droit;  la  petite^vérole  en  vingt- quatre  heurta 
avec  une  pommade  de  soufre  (kebrit),  de  citron  et  d'huile,  etc. 
Il  ne  possédait  aucune  notion  d'anatomie,  et  n'avait  jamitis 
rien  vu,  rien  étudié  de  l'organisation  du  corps.  Il  voy^^eait 

(i)  Combinaison  d'alno  ri  de  charbon  «Hrité,  à  «a  fea  Uh  roaft. 


—  *s  — 

pour  le  traitement  particulier  des  maladies  des  yeux,  et  se 
dispoasâi  à  parcourir  les  tribus  de  l'Est. 

Nous  n'avions  plus  entendu  parler  de  cet  oculiste»  lorsqu'en 
voyageant  quelque  temps  après  dans  le  Sébaô,  nous  apprîmes 
qu'il  avait  complètement  aveuglé  des  deux  yeux  un  des 
proches  parents  du  Bach-^gha,  qui  lui  avait  imprudemment 
confié  une  kératite  chronique. 

Les  opérations  ophthalmologiques  ne  semblent  pas  avoir 
toujours  été  bien  vues,  bien  appréciées  par  les  tolbas  (savants 
musulmans),  si  l'on  en  juge  par  le  passage  suivant  de  la  loi  (1)  : 
«  Il  est  permis  au  fidèle  de  se  faire  traiter  chirurgicale- 
mont  ou  médicamenter  l'œil,  pour  se  débarasser  de  la  goutte 
sereine  qui  obscurcit  la  vue  ou  entretient  des  maux  de  tête, 
à  condition  toutefois  que  le  traitement  n'oblige  le  fidèle  qui 
s'y  soumet,  qu'à  se  tenir  assis  et  accroupi  pour  prier  (cela  dût- 
il  durer  U)  jours)  ;  mais  si  le  traitement  oblige  à  rester  couché 
sur  le  dos,  il  n'est  pas  permis,  car  il  n'est  jamais  permis  de 
rien  faire  qui  puisse  entraîner  la  nécessité  de  prier  en  supi- 
nation... Néanmoins,  selon  d'autres  légistes,  si  la  circonstance 
oblige  le  fidèle  à  rester  en  supination,  la  loi  l'excuse.  » 

Celte  disposition  légale  est  remarquable  par  sa  singnlarité, 
en  ce  qu  elle  exposerait  un  Musulman  à  perdre  un  ou  deux 
yeux  pour  le  simple  motif  de  prier  dans  une  position  sans 
doote  plus  agréable à  Dieul 

Le  médecin  spécial  [tahar)  qui  pratique  la  circoncision 
(khettana)  exerce  la  profession  la  plus  achalandée,  l'opération 
étant  toujours  en  outre  l'occasion  solennelle  d'une  fête  à 
laquelle  se  trouvent  de  nombreux  invités.  Avant  l'opération, 
le  tahar  a  la  coutume  de  raser  le  pourtour  de  la  tête  de 
Tenfant,  et  aussitôt  cette  cérémonie  terminée,  les  personnes 
présentes  font  pleuvoir  dans  le  plateau  du  toubibe  une  grêle 
de  pièces  de  monnaie.  L'opération,  dont  toutes  les  particula- 

(•;   Wi  KMi/,  chapitre  11,  section  7'. 


—  46  _ 

rites  seront  exposées  plus  loiD,  est  quelquefois  suivie,  non  pas 
d'accidents  immédiats,  mais  de  cicatrisations  vicieuses,  faute 
du  chirurgien,  ou  par  le  fait  de  pansemens  peu  méthodiques. 
On  a  rencontré  l'oblitération  du  méat  urinaire  déterminée  par 
une  légère  atteinte  du  gland  pendant  la  section. 

Il  existe  encore  d'autres  spécialités  médicales,  telles  :  le 
hakem  el  sefra  (médecin  de  la  jaunisse),  etc.  C'est  ainsi  que 
chez  les  anciens,  on*trouvait  à  l'époque  de  Catien,  autant  de 
médecins  spécialistes  qu'il  y  avait  d'organes  connus. 

On  se  demandera,  avec  raison,  comment  le  peuple  arabe» 
dont  la  vie  constamment  agitée,  aété  si  longtempset est  encore 
marquée  par  les  luttes  de  l'indépendance  et  des  dissensions 
intestines,  —  dont  l'histoire  n'est  qu'un  long  résumé  de 
combats  incessants  pour  la  défense  de  ses  conquêtes,  de  sa 
liberté,  de  ses  principes  religieux,  —  on  se  demandera,  disons- 
nous,  comment  ce  peuple  si  souvent  éprouvé  dans  la  paix  et 
dans  la  guerre,  n'a  point  à  offrir  des  connaissances  médicales, 
traditionnelles,  plus  ou  moins  exactes,  sur  la  chirurgie  des 
camps.  On  verra,  dans  le  chapitre  consacré  à  la  pathologie, 
combien  pauvres  sont  les  ressources  chirurgicales  des  arabes. 
A  peine  compte-t-on  quelques  ipubibes  qui  accompagnent  les 
troupes  à  Tennemi.  Chez  les  Kabyles  et  les  Ârtbs  du  Hamza, 
il  n'est  pas  rare  de  voir  les  femmes  courir  sur  le  champ  de 
bataille  pour  panser  les  plaies  et  porter  des  secours. 

L'histoire  d'Espagne  (1)  nous  montre  cependant  dans  le 
personnel  qui  accompagnait  en  1184  l'émir  Youssuf,  le 
médecin  Eben-Zohr  et  les  Al  Kaïdes,  «  qui  marchaient  partie 
devant  lui  et  partie  derrière  son  camp,  pour  prendre  soin  des 
malades  qui  ne  pouvaient  suivre  l'armée.  »  N'est-ce  point  là 
une  sorte  de  service  médico-administratif  analogue  à  nos 
ambulances? 

(i)  Rouit,  t.  VI,  paçc  146. 


—  47  — 

Vémir  Àbd-el-Kaderanit,  du  reste,  parfaitement  compris 

la  nécessité  et  l'importance  d'une  institution  médicale  sérieuse» 

au  service  de  ses  tribus  militantes.  Il  est  probable  que  sod 

ébauche  suivante  d'organisation  de  loHiéo^  lasâker  (médecins 

des  soldats)  aurait  ultérieurement  germé  avec  fruit  par  ses 

soins  intelligents,  au  bénéfice  surtout  de  la  profession  médicale 

dansles  centres  principaux  de  son  royaume.  On  lit  dans  le 

ré^ement  des  troupes  régulières  à'Abd-tl-Kader,  article  24 

du7»r^lement(<). 

«  Le  sultan  aime  sa  troupe  et  veut  la  rendre  heureuse.  Il  a 

désigné  un  chirurgien  qui  est  éclairé  et  a  les  connaissances 

nécessaires  pour  remplir  les  conditions  de  son  état.  Il  lui  a 

donné  tous  les  instruments  et  tous  les  médicaments  nécessaires. 

Les  fukars  (soldats]  malades  seront  transportés  dans  une 

m^Q  désignée  par  notre  maître  et  sultan,  où  ils  trouveront 

les  soins  dûs  à  leur  position;  il  y  aura  de  quoi  manger,  boire, 

se  coucher  et  se  couvrir.  Il  y  aura  des  askars  qui  serviront 

les  malades  et  qui  se   nommeront  canna  (infirmiers  ou 

étudiants  en  médecine].  Ils  devront  être  intelligents,  gais  avec 

les  malades,  respectueux  et  empressés.  Ils  devront  étudier  la 

médecine,  et  quand  les  chirurgiens  jugeront  qu'ils  sont  assez 

forts  pour  professer  leur  état,  ilî  seront  nommés  par  le  sultan. 

Ils  rempliront  ces  fonctions  en  garnison  comme  en  campagne; 

leurs  émoluments,  leur  nourriture  et  leur  boisson,  leur  seront 

<lonnés  par  le  gouvernement.  S'ils  avaient  en  sus  besoin  de 

quelque  chose,  ils  le  recevraient  du  gouvernement.  Le  toubibe 

^'  ^bir  (médecin  en  chef)  aura  des  habits  de  drap;  il  aura  1 2 

nais  (2)*paT  mois;  il  aura  le  lundi  un  quart  de  mouton,  et  un 

Mtre  quart  le  jeudi;  deux  pains  blancs  tous  les  matins  et 

deux  livres  de  biscuit  :  tous  les  soirs  il  touchera  deux  livres 

y)  Kxtrait  da  réglemenl  obtcna  par  le  général  Maakv  d'un  Agha  do  Sébad  :  Monitnr 
-'^•«..«44. 

'  ^  '"'nlUwiJou  Taat  i  francs  S6  cenliines. 


—  *8  — 

de  farine  et  deux  onces  de  beurre  ou  de  l'huite.  Il  faut  absolu- 
ment qu'il  fasse  son  état  avec  conscience;  alors  Dieu  l'aidera 
à  rétablir  le  malade,  et  le  sultan  récompensera  le  toubibe.  » 

Si,  bien  éloignée,  aujourd'hui  de  cette  belle  perspective  à 
laquelle  elle  aurait  pu  prétendre  sous  de  tels  auspices,  la 
médecine  humaine  laissé  tant  à  désirer  chez  les  Arabes,  il  faut 
avouer  que  leur  médecine  vétérinaire  comporte  des  connais- 
sances bien  plus  étendues,  sérieuses,  fort  exactes  souvent  sur 
l'hygiène  et  les  affections  des  principaux  animaux.  Sans  doute, 
le  cheval,  le  chameau  se  trouvent  si  intimement  liés  au  bien- 
être  matériel  de  ce  peuple  que  les  soinsdont  il  a  dû  lesentourer 
de  tout  temps,  auront  conduit  forcément  à  des  observations 
intéressantes  et  fructueuses.  (Voyez,  à  ce  sujet,  l'ouvrage  de 
H.  le  général  Daumas  sur  les  Chevaux  du  Sahara.) 


MS  AMULBmS. 

Nous  venons  d'entrevoir  jusqu'ici  la  profession  médicale 
exercée  par  des  individus  s'y  adonnant  d'une  manière  exclu- 
sive; maison  ne  saurait  passer  sous  silence  la  concurrence 
qui  leur  est  faite  sur  la  plus  vaste  échelle  par  la  caste  prépon- 
dérante des  marabouts  (prêtres)  et  par  les  tolbas  (savants). 
.  Les  premiers,'  sous  le  prétexte  que  la  conduite  des  âmes  leur 
donne  la  science  infuse  pour  guérir  le  corps  par  le  prestige 
de  Tamulelte,  exploitent  impitoyablement  la  crédulité  sans 
bornes  d'un  peuple  déjà  trop  porté  aux  idées  superstitieuses. 
Tout  le  secret  gît  dans  une  grande  force  d'intimidation 
religieuse. 
La  théorie  du  marabout,  partagée  et  mise  en  pratique 


-  49  — 

^^ment  par  le  tatebj  consistd  à  persuader  au  malade  qu'un 
djùm  ^éoie,  esprit  iovisible)  est  Tunique  auteur  de  ses  souf- 
frances, et  qu'il  n'y  a  qu'une  amulette  qui  peut  lui  offrir  le 
mo/ea  de  combattre  énergiquement  cette  mauvaise  influence. 

L'amoletle  se  dit  hajeb,  quand  on  remploie  contre  toute 
espèce  d'influence  tendant  à  empêcher  un  succàs  ;  hêrx,  quand 
elle  doit  préserver  d'une  maladie  ;  et  khaiem,  lorsqn^elle  se 
compose  de  lettres  ou  de  mots  qui  n'ont  aucun  sens. 

liés  que  le  crédule  Arabe  se  sent  indisposé,  il  court  au 
marabout.  Celui-ci  ouvre  le  ketab  (livre),  y  cherdie  gravement 
le  passage  correspondant  au  mal  accusé,  et  délivre  moyennant 
Doe  rétribution  légère  en  principe,  mais  toujours  propor- 
tionnée aux  ressources  financières  du  postulant,  -*  un  petit 
papier  écrit,  qui,  porté  sur  le  corps,  de  préférence  sur  la 
partie  malade,  doit  infailliblement  neutraliser  les  efforts,  les 
maléfices  du  ^tnn,  et  éloigner  son  mat^vais  ceiL 

€  Allah  ichefek,  Allah  itaïebek  »  (que  Dieu  te  guérisse), 
ou  bien  «  ïatek  stMia  »  (qu'il  te  donne  la  santé),  dit  le  tnara- 
bout  ou  le  taUb  au  superstitieux  client,  qui  répond,  en  rece- 
Tant  le  pli  mystérieux  :  «  Ineh'  Allah  »  (s'il  plait  à  Dieu)  I 
Puis,  plein  de  confiance  dans  la  puissance  de  l'écrit,  il  va 
s'étendre  sur  sa  natte,  une  cruche  d'eau  à  ses  cotés,  attendant 
avec  la  résignation  la  plus  édifiante  que  le  Très-Haut,  dont  il 
invoque  plus  que  jamais  le  bienveillant  secours,  daigne  le 
débarrasser  du  malicieux  auteur  de  son  mal. 

St  la  maladie  est  légère,  elle  disparait  bientôt,  grâce  au 
repos,  au  ealme  moral  ;  mais  Tbonneur  de  la  cure  n'en  revient 
pas  moins  invariablement  au  petit  carré  de  papier. 

4iMectoub  »  (c'était  écrit)  I  (1)  dit-il  dans  son  enthousiasme 
fataliste. 

(i)  A  caoM  da  T«s«t  Bt  da  ch.  S7  du  Kon»  :  «  AaeaiM  calamité  m  frappe  aoit  la  tarra, 
Mit  Toa  panonnaa,  qui  m'ait  M  étritt  dana  le  Wrxt  avant  que  nooa  les  ayon»  créées.  —  Um 
••ifVesdMMtioA  arabe  aat  aMaietlU-d:«i7«Ai^«fo«/*/oaitf^Miéifn/i>  C'tflà-din  > 
▼oiH  W  dît-on,  nuit  Dieu  Mit  tout. 

4& 


—  so  - 

Si,  au  Goniraire,  le  système  médical  de  la  savante  cdn- 
suliation  lï'a  pu ,  comme  cela  arrive  presque  toujours , 
être  favorable  qu'à  la  marche  progressive  du  mal,  le  patient 
se  traîne  de  nouveau  chez  son  marabout  ou  son  taleb. 
a  Mectoubf  »  soupire-t-il  de  nouveau^  d'un  air  résigné; 
et  un  autre  talisman,  plus  compliqué  que  le  premier,  est 
encore  acheté  et  appliqué  loco  dolenti  (1). 

Quand,  enfin,  la  résignation  la  plus  accomplie  se  trouTe 
vaincue  par  l'acuité  des  souffrances,  c'est  aux  commères,  aux 
voisins,  que  la  cure  est  confiée;  puis,  si  le  mal  empire, 
malgré,  ou  plu  loi  à  cause  de  la  fourberie  des  uns  et  de  l'igno- 
rance éhontée  de  la  plupart  des  autres,  on  mande  le  toubibe^ 
on  lui  donne  un  corps  affaibli  à  tourmenter  imperturbable- 
ment par  des  drogues  dont  les  propriétés  ne  sont  que  trop 
inconnues. 

Au  milieu  des  progrès  de  la  maladie,  le  patient,  qui  souvent 
n'aperçoit  plus  d'espoir  qu'en  Dieu,  se  console  de  son  mieux 
avec  des  «  mectoub,  »  des  a^  inch*Allak^  sans  fin,  jusqu^à  ce 
que  la  période  chronique,  la  dégénérescence  du  mal  le  con- 
duisent lentement  au  tombeau,  ou  que  l'affection  laissée 
maîtresse  absolue  d'organes  altérés ,  termine  promptement 
son  œuvre  destructrice.  Et,  en  fermant  la  paupière  pour  la 
dernière  fois,  Tinfortuné  Musulman  reconnaît  encore  la 
volonté  suprême  du  Tout-Puissant,  murmure  une  fois  encore 
le  mot  de  la  résignation  à  ses  décrets  immuables  I  Singulière 
série  de  tristes  et  énervantes  consolations  d'une  âme  énergi- 
quement  fanatisée,  puis  forcée  de  subir  une  intelligencepara^ 
lysée  par  le  fatalisme  I 

Outre  les  amulettes,  les  marabouts^  les  tolbas  s'occupent 
d'une  foule  de  pratiques  devinatoires,  à  l'aide  desquelles  ils 
donnent  des  indications  précises  sur  la  demeure^  le  caractère, 

(i)  Avteinirs  disait  i  «c  La  foi,  et  TaipéranM  du  mtUde  enren  le  médecin,  conftfMfiit  U 
plus  ^«nde  pailto  du  poproir  de  guérir.  >• 


—  SI   — 

les  mœurs  du  malade,  son  affection,  ses  causes,  le  traitement 
qai  loi  conyient,  etc.;  c'est  une  espèce  de  bonne  aventure  que 
roQ  Bepent  exercer  qu'après  avoir  obtenu  du  maître  une  sorte 
de  diplôme  particulier  (tesriha). 

Cette  science  prend  divers  noms,  entr'autres  :  dlem  el  kef 
(la  science  de  la  main,  la  chiromancie)  ;  dlem  el  rummel  (la 
science  du  sable,  sur  lequel  on  écrit  des  points  qui  servent  à 
la  àevination)  ;  dlem  el  djedouel  (la  science  des  tableaux 
dans  lesquels  on  distribue  selon  un  ordre  régulier,  mais  sous 
des  formes  variables,  de  petits  membres  de  phrases  religieuses); 
àUm  el  xeïrdja  (la  science  des  cercles  concentriques,  auxquels 
on  affecte  des  lettres,  et  dont  on  étudie  les  rapports  après  qu'on 
les  a  mis  en  mouvement),  etc.  Il  existe  de  nombreux  manus- 
crits arabes  traitant  de  toutes  ces  sciences.  Un  savant  arabe, 
AUBouni,  a  fait  un  ouvrage  très  répandu  sur  les  amulettes. 

L'une  des  plus  usitées  de»  ces  pratiques  devinatoires,  est 
celle  dite  hasseb  eqch  (le  calcul  de  Teqch)  inventé  par  Arouf 
Ennediata.  Le  but  de  notre  travail  ne  permet  guère  une  lon- 
gue digression  sur  ce  sujet  ;  bornons-nous  à  rapporter  un 
passage  de  VHasseb  eqch  : 

On  prend  le  nom  du  malade,  celui  de  sa  mère  :  on  les 
décompose  par  lettres  ;  chaque  lettre  a  sa  valeur  exprimée  en 
chiffres  dans  un  tableau  à  9  colonnes  :  additionner  les  valeurs 
numériques  de  chacune  des  lettres;  retrancher  du  total  un  ou 
plusieurs  multiples  de  7  (ou  de  12,  il  y  a  deux  méthodes); 
tout  ce  qui  reste  au-delà  de  7  (ou  de  12)  ou  de  leurs  produits 
multiples,  correspond  à  des  paragraphes  du  grand  livre  de  la 
devination,  lesquels  renferment  tous  les  renseignements 
possibles  sur  les  causes,  la  nature,  le  traitement  de  la  maladie. 
Prenons  un  exemple  : 

Celui  qui  est  tombé  malade  le  samedi,  doit  souffrir  de  tout 
le  corps,  surtout  de  la  tête  et  des  membres,  du  ventre  et  du 
cœur.  Le  djinn,  auteur  de  toutes  les  souffrances  de  ce  jour. 


—  52  — 

s'appelle  nûmotme.  Pour  calmer  sa  colère  paihogéaique,  oa 
lui  écrit,  sur  ^ep^  morceaux  de  papier  ou  sur  une  assiette»  une 
certaine  phrase  obligatoire  (elle  n'a  aucun  sens)  ;  on  remplit 
ensuite  d'eau  la  même  assiette  dans  laquelle  on  réduit  les 
sept  papiers  en  morceaux  les  plus  petits  possible  ;  puis  on  se 
frotte  le  corps,  pendant  sept  jours,  avec  un  mélange  d'huile 
(xUe),  de  rue  puante  (harmel),  à*anis  [sanoudj)  et  de  sésame 
(djiljelane).  La  guérison  est  certaine. 

La  maladie  vient-^lle  un  vendredi?  on  doit  l'attribuer  à 
l'eau  froide,  ou  à  une  sortie  pendant  la  nuit,  étant  mal 
couvert,  ou  à  l'ingestion  d'un  met  froid  :  on  souffre  particuliè* 
rement  des  yeux,  de  la  tête,  des  articulations,  des  tendons. 
Le  hakem  a  ordonné  de  boire  du  bouillon  de  poulet,  et  de 
porter  sur  le  corps  une  amulette,  dont  voici  la  traduction  : 

«  La  raison  du  Tout-Puissant,  de  celui  à  qui  toutappar^ 
tient,  a  parlé  aux  Musulmans:  Au  nom  de  Dieu  miséricor- 
dieux et  bon.  Il  conserve  wn  regard  protecteur  sur  les 
Musulmans,  »  etc. 

Faut-il  parler  maintenant  des  chiffons  de  toute  couleor 
dont  les  malades  désespérés  surchargent  les  abords  des 
houbbas  ou  les  tumulus  des  tombeaux,  pour  invoquer  le 
secours  du  saint  marabout  ou  l'âme  des  parents,  contre  la 
persistance  d'un  djinn  dans  un  corps  languissant? 

Quittons  ces  tristes  cérémonies  mystiques,  pour  dire  quel- 
ques mots  encore  de  l'amulette,  qui  joue  un  rôle  constant  dans 
la  vie  de  l'Arabe,  principalement  dans  tout  ce  qui  a  trait  à  sa 
santé.  II  n*y  a  que  la  foi  qui  sauve.  Montesquieu  l'a  fait  remar- 
quer arec  raison  :  «Une  religion  chargée  de  beaucoup  de  prati- 
ques attache  plus  à  elle  qu'une  autre  qui  l'est  moins.  On  tient 
beaucoup  aux  choses  dont  on  est  continuellement  occupé  (1).  » 

L'amulette  est  généralement  un  carré  de  papier  de  3  cen- 

(t)  JDf  l'B$fHt  Jh  Lm$,  U?re  XXV,  chapitre  II. 


—  53  — 

tiraètres  de  coté,  contenant  des  lettres  ou  des  phrases 
religieuses,  le  tout  enveloppé  d'une  plaque  de  cuir,  et  suspendu 
au  COQ  ou  après  les  membres,  ou  porté  par  les  gens  riches 
dans  de  petits  sachets  brodés  en  or. 

Oo  peut  faire  remonter  au  Prophète  lui-même  la  coutume 
de  porter  l'amulette  au  cou,  car  c'est  principalement  à  cette 
région  que  les  Arabes  l'attachent,  même  à  tous  leurs 
animaux.  Mohammed  dit,  en  effet,  dans  le  Koran  (1)  : 

«  /Vous  avons  attaché  au  cou  de  chaque  homme  son  oiseau 
{sa  destinée).  »  L'amulette,  qui  doit  être  écrite  de  préférence 
le  vendredi  un  peu  avant  le  coucher  du  soleil,  avec  une  encre 
dont  le  musc  [mesk]  et  le  safran  [xafrané)  font  partie  autant 
que  possible,  a  la  propriété  de  préserver  des  maladies.  Dès 
rage  le  plus  tendre,  les  enfants  en  portent  au  moins  une,  afin 
de  protéger  leur  croissance.  C'est  l'histoire  de  nos  scapulaires. 
Dès  que  les  jeunes  filles  ont  acquis  les  caractères  complets  de 
la  nubilité,  le  talisman  qu'elles  portaient  est  déchiré. 

D'autrefois,  le  papier  écrit  est  tout  simplement  mis  au  fond 
d'un  vase,  ou  bien  la  phrase  sacramentelle  tracée  dans  un 
plat  :  dans  les  deux  cas,  on  les  couvre  d'une  certaine  quantité 
d'eau  qui  dissout  les  caractères,  fournit  un  liquide  sacré, 
analogue  i  notre  eau  bénite,  et  sert  de  boisson  préservatrice 
ou  eurative. 

Parfois,  c'est  sur  la  peau  même  du  Hahométan  que  les 
paroles  magiques  sont  tracées,  c*est  un  Mach* Allah  tout  sim- 
plement, ou  bien  un  verset  du  Koran  tout  entier.  Assez  souvent 
on  trouve  tatouée  sur  le  bras  une  portion  quelconque  de 
la  phrase  suivante  (2)  : 

«  Dieu  est  le  seul  Dieu  ;  il  n'y  a  point  d'autre  Dieu  que  lui, 
»  le  vivant,  l'immuable.  Ni  l'assoupissement,  ni  le  sommeil 
»  n'ont  de  prise  sur  lui.  Tout  ce  qui  est  dans  les  cieux  et  sur 

CO  Ch.  XVII,  TCTMt  XIV. 
(»)  ir«r«ii.  ch.  n,  T.  »56. 


—  64  — 

>^  la  lerre  lui  appartient.  Qui  peut  intercéder  auprès  de  lui  sans 
»  sa  permission  ?  Il  connaît  ce  qui  est  devant  eux  et  ce  qui  est 
»  derrière  eux,  et  les  hommes  n'embrassent  de  sa  science  que 
»  ce  qu*il  a  voulu  leur  apprendre.  Son  trône  s'étend  sur  les 
»  cieux  et  sur  la  terre,  et  leur  garde  ne  lui  coûte  aucune 
»  peine.  Il  est  le  Trèsr-Haut,  le  Grand.  )» 

La  phrase  que  les  Arabes  portent  au  cou,  à  titre  préventif, 
est  le  plus  ordinairement  celle-ci  (1)  : 

a  kouange  à  Dieu,  maître  de  l'tJnirers,  le  dément,  le  mûèrioordieaXt 
M  MNiTerain  «a  joar  de  U  tétribnUon.  » 

«  Les  anges  ont  deux  missions  spéciales  dans  ce  monde, 
disent  les  Arabes  :  présider  à  la  course  des  chevaux  et  à 
l'union  de  l'homme  cl  de  la  femme.  Ce  sont  eux  qui  préservent 
cavaliers  et  montures  de  tout  accident,  et  veillent  à  ce  que  la 
conception  soit  heureuse.  >  (2). 

Privés  de  connaissances  anatomiques  même  superficielles, 
imbus  de  la  plus  déplorablet  superstition  qui  leur  fait  rapporter 
la  cause  de  presque  tous  les  phénomènes  à  l'action  incessante 
d'Êtres  malins  d'un  ordre  surnaturel,  les  Arabes  ont  les  idées 
les  plus  bizarres  sur  l'origine  des  maladies.  Par  exemple,  ils 
disent  quela  loupe  est  produite  par  un  petit  ver  [douida)  qui, 
une  fois  logé  sous  la  peau,  y  procrée  une  génération  des  plus 
formidables.  C'est  sans  doute  la  présence  du  bourbillon  aa 
cœur  des  furoncles,  la  fréquente  apparition  des  vers  dans  les 
tumeurs  ulcérées  et  les  plaies,  qui  ont  servi  de  point  de  départ 
à  cette  singulière  théorie. 

Un  aliéné  [mahbeï)  est  pour  eux  un  favori  de  Dieu,  un 
individu  que  le  Tout-Puissant  a  pris  sous  sa  protection,  par 
cela  même  que  la  raison  qui  lui  fait  défaut  ne  saurait,  disent- 
ils,  lui  être  rendue  par  le  pouvoir  trop  faible  de  l'homme. 

(0  V.  I,  II.  m,  dn  chap.  I  da  Konm. 

(t)  lAtt  cAtfrmx  /frf  Saktirnt  par  le  général  pArNAi. 


—  55  — 

Ils  Toient  dans  un  chancre,  un  ulcère  des  parlies  génilalas, 
une  excroissance  syphilitique,  une  pure  et  simple  émanation 
de  la  terre. 

La  légende  qui  explique  les  diverses  lésions  graves  et  les 
divers  modes  de  terminaison  du  choléra  est  fort  curieuse.  Cette 
affreuse  maladie  serait  l'œuvre  de  cinq  djenoune^  :■ 

Le  premier  (son  nom  est  ayaïl}  tient  une  liste  sur  laquelle 
ont  été  inscrits  tous  ceux  qu'il  condamne  â  mourir  ; 

Ceux  qui  meurent,  à  peine  atteints  par  le  fléau,  sont  frappés 
par  le  canon  du  second  djinn,  y  ail  ; 

S'ils  succombent  promptemcnt  ou  dans  la  première  journée, 
c'est  que  le  troisième  djinn  (haihail)  les  a  frappés  au  cœur  ; 

Le  quatrième  [grihaïl)  tue  de  suite  en  frappant  au  coeur 
avec  une  flèche,  ou  lentement  en  frappant  d*autres  endroits 
du  corps,  ce  qui  détermine  des  abcès  toujours  mortels  ; 

Le  cinquième  (chekhmij,  armé  d'une  fronde  et  d'une  pierre, 
lue  de  suite  en  frappant  au  cœur,  ou  bien  altère  la  raison  en 
frappant  à  la  tête  (un  deuxième  coup  à  la  tête  fait  rendre  le 
sang  par  la  bouche,  et  l'on  meurt  un  ou  deux  jours  après)  ;  ou 
bien  il  frappe  au  ventre  (ce  qui  cause  le  mutisme  jusqu  a  la 
mort};  ou  bien  il  frappe  ailleurs  qu'à  la  tête  et  au  ventre,  ce 
qui  explique  les  souffrances  très  aiguës,  la  prolongation  du 
mal  H  la  terminaison  mortelle. 

Ceux  qui  ne  meurent  pas,,  quoiqu'ayant  été  malades  et  non 
inscris  ^r  la  liste  d'ayaï/,.  le  doivent  au  hasard  qui  place, 
entre  les  prédestinés  et  celui  qui  doit  être  frappé,  un  autre 
înditidn  qui  reçoit  le  coup,  mais  sans  y  succomber;  c'est  là 
ce  qui  explique  les  cas  de  guérison. 

D*aiIIeur^s,  il  y  a  encore  une  raison  d'après  ce  même  djinn, 
c*est  que  «  personne  ne  peut  lui  échapper  que  ceux  auxquels 
il  reste  des  jours  à  vivre  avant  d^être  frappés.  » 

Et,  si  la  localité  ne  reçoit  pas  la  visite  du  fléau,  c'est  que  «  le 


—  56   — 

camp  des  djenounes  n'a  pas  reçu  ordre  de  venir  dans  le 
pays  (1).  » 

II  est  à  remarquer  qu'au  milieu  de  tout  ce  fatras  d'idées 
fatalistes,  il  y  a  une  lueur  d'observation  médicale,  relative- 
ment aux  terminaisons  mortelles  du  choléra  par  le  cerveau, 
tantôt  par  les  intestins,  etc. 

Sidi^Khelil  {i)  dit  que  «  la  phlyctène  de  la  peste  est  pro- 
duite par  la  piqûre  des  traits  que  lancent  les  djinns  oa 
lutins.  » 

Les  anciens  médecins  arabes  avaient  cependant  des  affections 
pestilentielles  une  idée  plus  exacte.  Ainsi,  dans  sesSubtilités 
de  la  Médecine,  le  chikh  Daoud  el  Antaki  (3)  dit  : 

c  Le  caractère  de  la  pesie  est  d^empoisonûer  Tair  dans  les  coa- 
»  ches  élevées,  lors  de  la  conjonction  de  deux  planètes  à  branches, 
»  et,  dans  les  couches  Inférieures,  lorsque  la  ehalr  des  cadavres 
»  se  gonfle  au  sein  des  tombeaux  et  qu*une  vapeur  vlc!ée  8*ea 
»  élève.  Les  causes  que  nous  venons  d^lndlqucr  pervertissent  les 
»  saisons,  les  élémens,  et  bouleversent  leurs  essences.  Les  sjmp- 
»  tomes  de  la  peste  sont  :  la  fièvre,  la  petite- vérole,  le  coryza,  le 
»  prurit  de  la  peau,  et  la  maladie  appelée e/ootireum,  dans  laquelle 
»  le  corps  s^enfle,  se  crevasse  et  laisse  échapper  une  eau  Jaune.  M 
»  0^  maladies,  lorsqu'elles  «ont  régnantes,  dérive  la  peste.  Peut- 
»  être,  dans  les  années  de  pesté,  ces  maladies  atteignent-^ès 
»  jusqu^aux  animaux^  les  vaches,  les  chevaux,  avec  une  force  pro- 
».  pôrtionnée  à  Paltération  de  rair.  Peut-être  même  les  pruUsea 
»  sont-ils  susceptibles,  ainsi  que  les  grains.  Quant  aux  gens,  ils 
ji  sont  plus  ou  moins  malades,  selon  le  degré  de  Paltératlon  de 
»  ralr.  Pour  éviter  la  contagion,  si  celle-ei  arrive  an  printemps  où 
»  le  sang  abonde  dans  le  corps  humain.  Il  faut  pratiquer  la  saignée. 
»  Remède  :  On  se  débarrasse,  par  un  vomitif»  de  Phûmeur  qui  est 
»  en  excès  ;  on  respire  des  fumigations  de  styrax  (ma  saSb)  et  de 
m  myrrhe  {morr  ou  semagh)  ;  on  arrose  la  chambre  avec  de  Ta 


(i)  T07.  Jkmt  d'Orimudi  i8Si,  relaUoa  U  M.  0'  BfAooAAnr. 
(a)  T.  m,  cfa.  IX,  p.  90. 

(3)  Page  49  dn  manoMxit  67  de  U  biUiotliè^M  d'Alger.  V07.  aoifi  \»  Vf^  d'£& 
AUcar,  trad.  par  M.  Biaiavoeia. 


—  57  — 

•  fœiida  (kaniiie)^  de  la  menthe  (flifum)^  et  on  respire  des  oignons 

•  (ùçoO  ou  autres  plantes  analogues  :  on  respire  aussi  de  la  mentiie 
9  et  des  coings  {sferdjel).  Il  ne  faut  pas  aller  beaucoup  aux  bains; 
m  ttliat8*abstenir  de  viande  et  de  choses  sucrées:  Gela  serait 
m  mauTais  en  toute  saison,  mais  surtout  lorsque  la  peste  arrive  au 

•  printemps,  o 

J'ai  cru  devoir  rapporter  en  entier  ce  paragraphe,  parce 
que  les  observations  médicales  qu'il  renferme,  sont  marquées 
au  coin  d'une  sagacité  très  remarquable. 

Les  Egyptiens  attribuent  à  Tune  des  cinq  comètes  de  1825 
la  terrible  épizootie  qui  leur  enleva  celte  même  année-là,  bes- 
tiaux, chevaux,  ânes,  etc. 

Toutes  les  mauvaises  odeurs,  les  gaz  infects  so&t  pour  les 
Arabes  des  diables  mâles  et  femelles  :  aussi  dès  qu'ils  pénètrent 
dans  des  latrines,  par  exemple,  ils  prient  Dieu  de  les  protéger 
contre  tous  ces  derniers. 

Les  maladies  nerveuses  [convulsions,  épilepsie,  syncopes 
eto.)  résultent  des  émotions  produites  par  l'union  sexuelle  des 
djenounes  mâles  avec  les  filles  des  hommes,  et  celle  des  dje- 
nauines  femelles  avec  les  fils  des  hommes. 

Les  taches  blanches  cutanées  sont  attribuées  i  des  coups 
de  lune  (boqlat  el  quemar). 

Voici  ce  que  dit  le  Roran,  concernant  Torigine  des  maladies  : 

Ch.  2,  V.  150.  «  Nous  vous  éprouverons  par  la  terreur  et  par  la 
9  faim,  par  tes  pertes  dans  vos  biens  et  dans  vos  hommes,  par  les 
9  dégâts  dans  vos  récoltes  ;  mais  toi,  6  Mohammed,  annonce  d*heu- 
9  reuses  nouvelles  à  ceux  qui  souffrent  avec  patience.  » 

Ch.  8,  T.  189.  «  L^homme  ne  meurt  que  par  la  volonté  de  Dieu, 
9  d*^prè8  le  livre  qui  fixe  le  terme  de  la  vie.  » 

Ch.  lu  v.  8i.  «  SMl  t'arrive  quelque  bien,  il  t'arrive  de  Dieu.  Le 
9  mal  vient  de  toi.  « 

Ch.  6,  V.  2.  «  G*est  lui  (Dieu)  qui  vous  a  créés  de  limon  et  ûxé 
9  on  terme  à  votre  vie.  » 

Ch.  6,  V.  17.  «  Si  Dieu  f  atteint  d*un  mal,  lui  seul  pourra  Ven 
»  délivrer;  8*11  t'accorde  un  bien,  c'est  quMl  est  tout-puissant  » 


—  58  — 

du  6,  V.  h^.  «  NOUS  avions  déjà  envoyé  des  apôtres  vers  les 
9  peuples;  nous  les  avions  visités  par  des'moua;  et  des  adversités, 
»  8Û0  qu*iis  8*humiliassent  » 

Ch.  6,  V.  â6.  «  Si  Dieu  vous  privait  de  Touîe  et  de  la  vue,  quelle 

•  antre  divinité  que  Dieu  vous  les  rendrait?  » 

Gh*  6,  V.  61.  «  Dieu  est  le  maître  absolu  de  ses  serviteurs;  il 

•  envoie  des  anges  qui  vous  surveillent  ;  lorsque  la  mort  s'approche 
■  de  Ton  d'entre  vous,  les  messagers  reçoivent  son  soufQe • 

Gb.  7,  V.  188.  «  Dis-leur  :  Je  n'ai  aucun  pouvoir  soit  de  me  pro- 
»  curer  ce  qui  m'est  utile,  soit  d'éloigner  ce  qui  m'est  nuisible, 
»  qu*autant  que  Dieu  le  veut.  » 

Gh.  10,  V.  13.  «  Qu^un  mal  atteigne  l'homme,  il  nous  invoque 
0  couché  de  coté,  ou  assis,  ou  debout;  mais  aussitôt  que  nous  Cen 
»  avons  délivré^  le  voilà  qui  marche  à  sou  aise,  comme  s'il  ne  nous 
»  avait  pas  appelé  pendant  le  mal.  » 

Gh.  10,  V.  32.  «  Dis-leur  :  qui  est-ce  qui  dispose  de  la  vue  et  de 
0  l'ouïe?  qui  est-ce  qui  produit  l'être  vivant  de  l'être  mort?  qui 
9  est-ce  qui  gouverne  tout?  Ils  répondront  :  c'est  Dieu,  etc.  n 

Gb.  10,  V.  107.  «  Si  Dieu  te  visite  d'un  mal,  nul  autre  que  lui  ne 
9  peut  t'en  délivrer,  m 

Gb.  11,  V,  59.  c  J'ai  mis  ma  confiance  en  Dieu;  il  n'est  pas  une 
9  seule  créature  qu'il  ne  tienne  par  le  bout  de  la  cbevelure.  • 

Gh.  13,  V.  9.  «  Dieu  sait  ce  que  la  femme  porte  dans  son  seint  de 
9  combien  la  matrice  se  resserre  ou  s'élargit.  » 

Gh.  36,  V.  80.  «  Il  n'y  a  qu'un  Dieu  qui  me  guérit  quand  Je  suis 
»  malade.  » 

Gb.  35,  V.  12.  «  Bien  n'est  ajouté  à  l'âge  d'un  être  qui  vit  long- 
9  temps,  et  rien  n'en  est  retranché  qui  ne  soit  consigné  dans  le 
9  Livre  ;  ce  n'est  facile  qu'à  Dieu.  » 

Gh.  8,  V.  183.  «  Vous  serez  éprouvés  dans  vos  biens  et  dans  vas 
9  personnes;  toutes  ces  choses  sont  dans  les  décrets  étemels.  »     ^ 

Le  savant  El  Syouti  a  ajouté  : 

«  Lorsque  le  serviteur  de  Dieu  est  malade,  Dieu  lui  garde  nue 
»  récompense  proportionnée  aux  bonnes  actions  qu'il  a  faites 
B  étant  bien  portant; 

»  Lorsque  l'homme  est  malade  pendant  ^ro// Jours,  il  est  déchargé 


—  39  — 

1  doses  fautes»  et  il  redevient  pur  comme  au  jour  où  sa  mèro  le 

•  mit  au  monde; 

•  Qaaod  vous  entrez  auprès  d*un  malade,    recommandez-lui 

•  dloroquer  Dieu  pour  vous,  car  ses  vœux  sont  exaucés  comme 
1  ceux  des  anges.  » 

L'idée  que  la  maladie  vient  de  Dieu  devait  naturellement 
conduire  à  une  exemption  de  souffrances  en  faveur  des  hom- 
mes spécialement  aimés  de  Dieu  et  de  ses  missionnaires  par- 
ticuliers sur  terre.  C'est  ainsi  que  pour  les  Husufmans,  les 
prophètes,  les  apôtres,  les  marabouts  jouissent  du  privilège 
de  ne  jamais  être  atteints  par  les  maléfices  des  djenounes,(ïes 
affections  graves,  cutanées  ou  autres.  De  là  leur  grand  pou- 
voir de  faire,  de  donner  des  talismans  préservateurs  et 
curalifs. 

l'^amulette  était  connue,  du  reste,  dès  la  plus  haute  antiquité. 

Qui  n*a  ouï  parler  du  mot  cabalistique  ^lAracadaftra?  Les 

J"'&,du  temps  de  Moïse,  portaient  constamment  des  talismans 

contenant  la  figure  du  mauvais  esprit  dont  on  avait  à  se  pré- 

scrrer.  Les  Grecspossédaient  leurs  amulettes  médicales^  (Bas- 

^■^a);  les  Romains,  leurs  Phallus,  leurs  dieux  Lares,   leurs 

^'^^x  Mânes.  Les  Persans  ont  toujours  sur  eux  des  lambeaux 

du  Koran;  les  Musulmans  de  rindoustan,   un  c^m   (nom)   et 

^^  charme  pour  chaque  âge,  chaque  sexe,  contre  chaque  raa- 

'^ie.  Dans  niede  Ceylan,  les  parties  du  corps  où  siège  le 

°^^l>  sont  couvertr's  de  figurines  de  démons.   Partout,  en  un 

"^ot)  chez  les  Chinois,  les  Tarlares,  les  Brahmanistes,  mêmes 

'^^ges  lalismaniques  préservateurs  des  souffrances  physiques. 

^^  même  titre,  le  Chrétien  ne  possède-t-il  passes  objets  bénis, 

les  morceaux  de  la  vraie  croix,  les  médailles  miraculeuses,  le 

vœu  au  ^J|g^  ^j  ^^  blanc,    Thistoirc  des  convulsionnaires  de 

Saint-Médard  guérissant  de  toutes  les  maladies  par  Tatlouche* 

"^^ntou  ringeslion,  sous  forme  de  boisson,  de  la  poussière  qui 

^^vironnait la  sépulture  du  diacre  Paris?  Des  moines,  des 


—  60  — 

prêtres  n'onl-ijs  pas  longtemps  prétendu  guérir  par  le  moyen 
des  prières,  des  conjurations,  du  toucher  des  reliqucsdcs  mar- 
tyrs, les  saintes  huiles?  A-t-on  oublié  les  frères  de  Saint-An- 
toine à  Vienne  en  Dauphiné,  les  Alexiens,  les  Béguines,  les 
sœurs  noires,  les  miracles  au  tombeau  de  sainte  Ida,  de  saint 
Martin  de  Tours,  les  cendres  de  saint  Deusdedit  à  Bénévent^ 
les  cures  du  pape  Etienne  III  au  couvent  de  saint  Denis  par 
la  simpleintercession  de  saint  Paul  et  saint  Pierre,  les  cures 
merveilleuses  de  saint  Guî,  etc?  Et  les  pèlerinages?  Est-ce 
q.u*en  1 656  la  sainte  épine  de  la  couronne  du  Christ  ne  procu- 
rait pas  dans  Tabbaye  du  Fort-Royal  des  guérisons  miracu- 
leuses, jusqu'à  celle  de  la  fistule  lacrymale  ?  Et  Philippe  P' 
fesant  disparaître  les  goitres  par  le  seul  attouchement;  Saint- 
Louis  guérissant  avec  un  simple  signe  de  croix,  et  baisant 
publiquement  les  ulcères  des  /ejprewar  pour  confirmer  Topinion 
générale  que  la  lèpre  était  lYorigine  divine,  et  que  lécher  les 
ulcères  était  le  meilleur  moyen  de  se  rendre  agréable  au  Tout- 
Puissant?  Robert  I®*"  ne  lavait-il  pas,  de  ses  royales'lèvres,  les 
plaies  lépreuses  tous  les  jeudis  gras?  au  13®  siècle,  Gilbert 
d'Angleterre  ne  professait-il  pas  que  pour  guérir  l'impuissance, 
il  suffisait  de  porter  au  cou  un  talisman  dont  récriture  tracée 
avec  du  suc  de  grande  consoude,  signifiait  :  «  Le  seigneur  a 
dit  :  croissez,  uthitoth;  —  et  multipliez,  thabechay;  et  rem- 
plissez la  terre,  amath?  » 

Ce  même  siècle  ne  vit-il  pas  un  pape,  Innocent III,  défendre 
sous  peine  d^excommunication  à  tout  médecin  d'entreprendre 
le  moindre  traitement  avant  d'avoir  fait  appeler  un  prêtre? 
Enfin,  pour  parler  de  notre  siècle,  de  notre  pays  qui  se  dit 
toujours  à  la  tête  de  la  civilisation,  qui  n'a  pas  lu  dans  un 
livre  récent,  très  élégamment  écrit  (1),  à  propos  de  la  mort  de 
Madame  :  «  Dieu  aveuglait  les  médecins,  et  ^ne  voulait  pas 

(i)  Hittoirt  dt  Madamt  Hinriette  d'AngUterrt,  par  Madame  la  Coaitesw  dv  L ,  JPari» 

t<55. 


—  64   — 

même  qu'ils  tentassent  des  remèdes  capables  de  retarder  une 
mort  qu  il  voulait  rendre  terrible  t  )» 

flecite-t-on  pas  également  de  grands  hommes  qui  ne  purent 
se  défendre  de  cette  manie  de  profonde  inquiétude,  de  ce  symp- 
tomed'une  véritable  infirmité  de  l'esprit?  «  S.  A.  S.  le  prince 
^Hetternich  (1)  possède  une  amulette  que  Lord  Byron  portait 
toujours  à  son  cou  et  qui  prouve  combien  le  noble  Lord  était 
superstitieux.  L'amulette  dont  les  inscriptions  ont  été  récem- 
meot  traduites  par  le  célèbre  orientaliste  Nommer  Burgstale, 
contient  un  traité  de  Salomon  avec  un  diable  féminin,  en 
vertu  duquel,  rien  de  mal  ne  peut  arriver  à  celui  qui  porte  ce 
talisman.  Ce  traité  est  moitié  turc,  moitié  arabe.  Il  contient 
^  outre  des  prières  d'Adam,  de  Noë,  de  Job,  de  Jonas, 
d'Abraham.  Le  premier  porteur  de'cette  amulette était/éra^m^ 
fils  de  Muitapha,  en  4763.  Salomon  est,  comme  oi\  le  sait, 
<leparle£ûran,  le  dominateur  des  hommes  et  des  diables.  » 

<  Il  parait  encore  évident,  dit  Walter-Scott  (2),  que  chaque 
(àiération  humaine  doit  avaler  une  certaine  mesure  de  non- 

^^^ les  hommes  les  plus  sages  ont  caressé  l'idée  que 

quelque  influence  surnaturelle  planait  sur  eux  et  les  guidait.  » 

L'idée  colminante,  dans  toutes  ces  pratiques  ridiculement 
^uses,  a  toujours  été  de  se  rendre  propices  ou  d^apaiser 
<ltt  êtres  imaginaires,  supposés  ministres  des  volontés  divines, 
2u  nom  desquelles  ils  distribueraient  le  plaisir  ou  la  souffrance, 
^Qiême  que  ces  créations  toutes  gratuites  tenaient  le  milieu 
^^^^  les  mortels  et  les  dieux  olympiques  chez  les  anciens, 
^^  les  démons  et  les  héros  chez  les  Grecs,  de  même  chez,  les 
Arabes,  ies  djenounes  forment  une  classe  intermédiaire  entre 
^  mauvais  esprits  et  les  anges.  Analogues  aux  fées  et  aux 
lotins  de  nos  ancêtres,  ils  séjournent  de  préférence  sur  les 
wrds  des  ruisseaux  ou  de  la  mer,  sur  la  lisière  des  bois,  pren- 

^*'  C««r<»  J0  yitMe,  mal  iS&i. 


—  62  — 

Denl,  à  volonté, —  tantôt  la  figure  des  animaux  ou  des  insectes 
pour  se  présenter  plus  facilement  aux  regards  de  l'homme,  et 
répandre  à  loisir,  sous  ces  diverses  transformations,  les  plus 
malignes  influences  sur  les  moissons,  sur  les  sources;  — 
tantôt  le  sexe  masculin,  le  sexe  féminin  de  l'espèce  humaine, 
pour  jeter  sur  elles  la  stérilité,  la  sécheresse,  toutes  sortes  de 
calamités  physiques,  d'épidémies  meuririères,  etc.  Ils  en 
admettent  même  une  certaine  catégorie  qui  a  le  pouvoir  de  se 
reproduire  par  la  voie  de  la  génération  ;  ceux-ci  expliqueraient 
les  maladies  héréditaires  ;  les  premiers  occasionneraient,  par 
la  persistance  de  leur  présence  dans  le  corps,  toute  la  série 
des  maladies  nerveuses  :  folie,  épilepsie,  hystérie,  etc.;  et,  par 
leur  apparition  momentanée,  les  phénomènes  de  l'éternue- 
ment,  du  vomissement,  du  bâillement,  etc. 

Les  hensala,  un  des  nombreux  ordres  de  khouans  (frèr^), 
prétendent  posséder  des  secrets  infaillibles  pour  invoquer  les 
djenounes,  se  les  rendre  à  volonté  propices,  les  asservir  à 
leurs  ordres,  à  leurs  caprices,  les  chasser  des  corps  humains 
qu'ils  tourmentent  de  maladies,  etc.;  ils  disent  avoir  la  mer- 
veilleuse faculté  de  devination,  et  fascinent  très  habilement 
les  ignorants  par  les  belles  promesses  de  leurs  talismans.  On 
rapporte,  d'un  des  leurs,  un  tour  qui  ne  manque  pas  d'une 
certaine  adresse  en  cas  d'embarras  :  Un  poissant  chef  arabe, 
étant  indisposé,  se  confia  à  un  kensali  qui  prétendit  que,  pour 
le  guérir,  il  lui  suffirait  de  réunir  à  l'instant  une  armée  de 
djenounes  qui  emporteraient  le  mal;  mais  que,  pource  faire, 
il  faudrait  laisser  toutes  les  portes  ouvertes.  Effectivement,  la 
maison  resta  complètement  ouverte  jusqu'au  lendemain  matin; 
et  le  puissant  malade  s'aperçut,  mais  un  peu  tard,  que  l'ha- 
bile jongleur  l'avait  entièrement dévalisé. 

L'état  arriéré  des  connaissances  générales  d'un  peuple, 
concernant  les  phénomènes  souvent  les  plus  simples,  le  porte 
donc  à  admettre  l'influence  constante  de  la  divinité  ou  de  ses 


—  63  — 

ministres  supposés.  De  là  la  source  divine  des  maladies,  de  li 
les  prières,  les  sacriGces,  les  pratiques  superstitieuses,  les  ten- 
tatives d'enchantements  de  ces  délégués  des  punitions  venge- 
resses. Les  Grecs  avaient  cette  croyance  et  voyaient  aussi 
rinfluence  des  djmounes  dans  les  affections  nerveuses  ;  les 
Juifs,  dans  la  production  de  l'hydrophobie;  Aristophane,  dans 
le  délire.  Les  Romains  n'appelaienl-ilspas  l'épilepsic  le  mal 
sacré?  De  là  la  célébrité  des  pythonisses  épileptiques,  les 
démons,  les  ensorcelés,  les  aiguillettes  nouées  ;  et,  par  contre, 
les  exorcismes,  les  philtres,  les  somnambules,  les  sibylles  de 
toute  nature,  les  pèlerinages,  toutes  les  prétentions  ridicules 
de  la  magie,  de  Tastrologie,  etc. 

«  Durant  que  les  royaumes  Maures  subsistaient  en  Espagne, 
on  supposait  qu'il  y  avait  au  Toboso  une  école  ouverte  pour 
rétude,  ditron,  de  la  magie,  mais  plus  vraisem1>lablement  de 
la  chimie,  de  l'algèbre  et  d'autres  sciences  qui,  méconnues  par 
les  ignorants  et  le  vulgaire,  et  imparfaitement  comprises  de 
ceux  même  qui  les  étudiaient,  étaient  supposées  alliées  à  la 
nécromancie,  ou  du  moins  à  la  magie  naturelle  (1).  )) 

En  Chine,  il  existe  une  secte  composée  d'individus  exclusr- 
vement  chargés  de  chasser  du  corps  les  mauvais  génies. 

Près  d'Alger,  au-dessus  du  jardin  du  Dey,  aux  sources  dites 
Àiaune  beniMenad^  il  y  a,  dans  le  but  d'apaiser  les  djenounes 
malfaisants,  des  sacriGces  hebdomadai(;es  après  lesquels  les 
malades  se  laissent  marquer  au  front,  ou  sur  la  région  malade, 
avec  du  sang  des  victimes,  ou  boivent  de  l'eau  de  la  fontaine 
dans  laquelle  on  a  plongé  le  vase  des  parfums  de  la  cérémonie. 

Chez  les  Kabyles,  les  pèlerinages  aux  Zaouïas  (chapelles 
des  Mosquées)  sont  en  usage  contre  la  stérilité.  «  La  Mosquée 
de  Koukou  est  la  plus  renommée  par  les  miracles  de  ce  dernier 
genre.  On  les  attribue  au  bâton  de  Sidi  Ali  Taleb,  que  la 


—  64  — 

femme  stérile  doit  agiter  en  tous  sens  dans  un  trou  pratiqué 
au  milieu  même  de  la  Mosquée.  On  en  frotte  également  le  dos 
des  malades  pour  les  guérir.  Les  malades  emploient  aussi 
comme  remède  la  pierre  du  tombeau  sacré,  qu'ils  broient  et 
qu'ils  avalent.  Les  croyances  superstitieuses  varient  pour 
chaque  Zaouïa  (1).  » 

Dans  tous  les  pays,  nous  retrouvons  cette  même  idée  de 
l'existence  d'esprits  patbogéniques.  Heureux  encore  quand  tous 
ces  égarements  de  l'intelligence  ne  conduisent  pas  aux  erreurs 
les  plus  funestes,  aux  crimes  les  plus  odieux  I  Avant  1717, 
les  habitants  d'Alger  avaient  coutume  d'étrangler  le  Dey 
pour  conjurer  les  tremblements  de  terre  I  Sans  aller  demander 
à  l'histoire  les  pages  sanglantes  que  lui  ont  fournies  les  idées 
désordonnées  du  moyen-âge,  et  pour  ne  point  quitter  le  sol 
africain,  bornons-nous  à  dire  qu'au  Sénégal  les  nègres  sont 
fréquemment  victimes  de  leur  crédulité  dans  les  amulettes 
médicales,  et  que  «  dans  leurs  conversations  habituelles,  la 
vertu  de  ces  talismans  est  très  souvent  le  sujet  choisi  par  les 
causeurs.  De  là  des  vanteries  sur  la  supériorité  du  grù-^rit 
de  tel  ou  tel,  puis  des  défis,  et  enfin  des  expériences. 
Celles-ci  ont  véritablement  de  funestes  suites,  et  il  n'est  pas 
rare  de  voir  des  nègres  se  faire  de  graves  blessures  et  même  se 
donner  la  mort  en  voulant  prouver  la  bonté  del&acsgrii-gris. 
Leur  bonne  foi  à  la  croyance  dans  l'invulnérabilité  par  te 
contact  du  gris-gris,  est  réellement  prodigieuse  et  résiste  à 
toutes  les  épreuves  (2).  » 

Les  amulettes  arabes  varient  à  l'infini.  Il  y  en  a  de  grandes» 
de  petites,  de  longues,  de  courtes,  de  préservatrices,  de  cura- 
tives,  pour  toutes  les  maladies,  tous  les  accidents  inimagina- 
bles. Voici  quelques  spécimens  de  ces  écrits,  parmi  ceux  qui 
me  sont  tombés  entre  les  mains  : 

(x)  La  gutnit  Kabjriit,  par  le  général  Davmac,  p,  65. 

(a)  ^'•jrmg*  dtmi  VÂfriqu*  OttH9H(9te,  par  M.  lUrrxRBL,  p.  90. 


—  66  — 

4^  Powr  préserver  au  guérir  du  mal  de  iéte.  La  forme 
suivante-est  celle  que  lui  a  donnée  l'écriture  du  taleb  : 


clans  la  sonlTrance 


Aaioardliû 


Ce 


de  ▼ainqoeur 


il  n'f  a 


qoelMeo. 


de  ses  nom». 


mcke 


C'est  à  dire,  premier  grand  carré  :  «  Pour  le  guérir  dmis 
la  souffrance,  il  (Dieu)  a  donné  à  l'homme  un  de  ses 
noms,  y^ 

A  rinterscction  des  deux  perpendiculaires  médianes  : 
€  C'est  Mohammed.  »  Dans  les  petits  carrés  intérieurs  : 
«  Aujourd'hui  il  ny  a  de  vainqueur  que  Dieu.  » 

Aux  quatre -angles  de  la  figure  :  <i  Par  sa  puissance,  cette 
chose  est  une  arche  sacrée.  » 

SP  Amulette  pour  se  préserver  d'une  grande  maladie  : 

t  La  Yie  de  tous  lea  hommes  eât  dans  la  main  de  Dieu  ;  lorsque 
le  moment  est  venu,  Il  faut  qu*Il  meure.  » 

3®  Pour  se  préserver  contre  le  retour  de  la  fièvre  tierce, 
il  suffit  de  mettre  pendant  trois  jours  sur  le  feu,  à  l'heure 
habituelle  de  l'accès,  un  carré  de  papier  contenant  les  paroles 
suivantes  : 


.       —  66  — 

«  II  a  parlé,  le  Dieu  qui  te  soulage  et  connaît  tout  ce  qui  t*ap- 
partieot.  Il  te  rend  le  mal  et  te  pardonne  par  trois  fois.  Il  dit  :  «  Je 
te  préserve  du  froid  ;  le  salut  sur (ici  le  nom  du  fiévreux).  » 

4**  Talisman  contre  la  morsure  de  scorpion.  Perler  au 
cou,  enveloppés  dans  un  morceau  de  chiffon,  des  cheveux 
d*un  petit  enfant  [sabi)  ayant  quatre  mois  et  dix  jours. 

5**  Craignez-vous  Tinvasion  épidémique  des  saïUerelles  f 
enterrez  dans  votre  champ  une  omoplate  {louhhet  el  qtef)  sur 
laquelle  vous  aurez  écrit  : 

«  Ceci  est  le  nom  du  Tout-Puissant,  créateur  de  tous  les  êtres  et 
animaux  ;  il  les  fait  rester  longtemps  dans  des  endroits,  comme  il 
les  chasse  par  son  pouvoir,  ainsi  que  leurs  petits  qui  attendent  En 
prononçant  ce  nom,  vous  restez  dans  la  sécurité  ;  car  ce  nom,  chez 
vous,  fait  s*éloigner  les  sauterelles  de  cet  endroit  » 

6°  Pour  se  préserver  de  toute  maladie,  porter  sur  soi  un 
papier  d'abord  passé  dans  la  fumée  de  cascarille  [ahoud  el 
/fomaW),  el  sur  lequel  on  écrira  ensuite  un  Khatem,  c'est  à 
dire  un  talisman  n'ayant  aucun  sens,  et  composé  de  dix  signes 
disposés  dans  un  tableau  carré,  dont  voici  la  forme  : 


I 

5 

7 

a 

8 

3 

9 

4 

6 

xo 

Les  «bifilrc*  aarqoéc 
à  •contre  lont  remplacés, 
dans  le  uUsmaa  arabe.- 
par  ^Ica  «&g«e*  oui  n'ont 
pas  même  la  forme  de 
leltret. 


7®  Contre  la  fièvre,  on  écrit  sur  un  œuf  de  poule  : 
a  Qouch  ma  qouch  chelmouch  cheqtnouch  qeich  itnakha 
itnakh.  i^  (Ces  mots  n'ont  aucun  sens.) 


—  67   — 

On  met  ensuite  l'œuf  sur  les  cendres  ;  une  fois  cuit,  on  le 
mange.  Les  écailles  sont  recueillies  et  renfermées  dans  un 
chiffon  bleu  que  l'on  portera  constamment  sur  soi. 

8^  Contre  les  pertes  utérines.  Porter  dans  sa  ceinture  une 
petite  plaque  de  ferblane  sur  laquelle  on  aura  écrit  : 

«  Daça  H  raha  adjaha  alaoua  maghal  la  la  ahm  lahou 
ahar  lahou.  y^  (Ces  roots  ne  signifient  rien.) 

Les  six  premiers  étaient  disposés  sur  une  ligne  verticale 
que  coupaient  ensuite  à  angle  droit,  vers  ses  deux  tiers  supé- 
rieurs, les  autres  mots  inscrits  en  courbe.  Ainsi  : 


é^  ^'  ^ 

ahm   la    «  houoi^^^ 

Si 


3 
et 


9®  Contre  h  fièvre  intermittente ,  écrire,  en  lignes  toutes 
égales,  sur  un  papier  carré  : 

«  BlHamdauUHahîOuassal  Allah  ou  Ala  Sidi  Mohammed  ou 
Hammadi  Maéktebou  Iheumma  biasmillah  chafi  bismiUahi  lafi  bis^ 
miUah-elladi  lahia  dmh  mahaasmihi  chehi  ftlhardoua  laflssameiou 
ahoua  samia  (aalim  lahoum  iachaflh  fa  afieheliamet  hadi  ouarqata 


—  68  — 

minelheumma.  »  —  Ce  qulsigcifie  :  t  Grâces  à Dieul  le  salut  de 
Dieu  sur  Mohammed  ou  Hammadi  (le  nom  du  malade).  Cet  écrit  e^t 
pour  la  fièvre  ;  au  nom  de  Dieu  qui  guérit,  au  nom  de  Dieu  qui 
bénit,  au  nom  de  Dieu,  celui  qui  n*aurait  point  fait  de  mal  n*aura 
point  de  mal  avec  son  nom.  Sur  terre,  dans  le  ciel,  dans  l'air,  il 
sait  tout  et  devine  tout  ;  il  donne&  tous  la  santé  et  la  paix  ;  il  guérit 
de  la  fièvre  celui  qui  porte  cette  feuille  (cette  amulette).  » 

10^  Autre  talisman  contre  la  fièvre  intermittente.  Le  pro* 
phète  Mohammed  a  dit  :  «  Prenez  cent  feuilles  fraîches  d'oli- 
vier {zitoun)  ;  écrivez  sur  chacune  ces  mots  : 

«  Au  nom  de  Dieu,  tout  ce  qui  existe,  existe  par  sa  volonté  : 
il  guérit  de  la  fièvre  quand  il  veut,  celui  qui  radorera.  » 

Placez  ensuite  toutes  ces  feuilles  dans  un  linge  bien  propre, 
et  attachez-le  tout  autour  de  la  tête  ;  la  guérisôn  sera 
prompte.  » 

4  i**  Le  Prophète  a  dit  encore  :  «  Le  jour  où  vient  l'accès  de 
fièvre,  prenez  ^roi>  feuilles  d*oignon  (Aepo/^;  dans  la  pre- 
mière, écrivez  :  «  Grâces  à  Dieu  t  »  dans  la  secondé  :  «  Mon 
Dieu  est  le  Tout-Puissant  I  »  dans  la  troisième  :  y>  il  est  bon  et 
miséricordieux  I  »  puis  mettez  ces  trois  feuilles  dans  l'eau, 
écrasez-les;  buvez-en  une  gorgée  au  moment  oîi  la  fièvre  se 
déclare,  et  ablutionncz-vous  le  corps  avec  le  reste  du  liquide.  » 

Cette  friction  générale  avec  de  Teau  froide  serait-elle  un 
moyen  perturbateur  du  système  nerveux,  comme  le  bain  froid 
conseillé  par  les  Italiens  en  pareil  cas  ? 

12®  Contre  la  fièvre  quarte.  Porter  sur  soi  un  papier  con- 
tenant cette  phrase  :  «  Ceci  est  le  nom  de  Dieu  ;  lui  seul,  rien 
que  lui  me  guérira.  » 

Le  Prophète  a  également  recommandé  de  lire  sept  fois  le 
fatha  (1  "  chapitre  du  Koran), 

1 3®  Contre  la  fièvre  intermittente  quotidienne.  «  Pren- 
dre trois  noyaux  de  dattes  [tamr)  de  [qsebba)  f  écrire  sur  le 
premier,  ^  Karoim  »  ;  sur  le  secoad,  «  Àroun  »  ;  sur  le  troi** 


—  «9  — 


€Airroiiii»;eiijeferiuil4>Kle»joon4aKk  lm\ 
moment  où  la  fièvre  doit  Tenir. 


14^  Pour  ne  plus  faire  femfmmi^  ok  feiwwr  m%  fuz 
porter  sur  la  tête  an  kajfb  eompmant  dniX(<4îu  canéfim 
les  aogles  sont  bouclés,  et  ao-4essQi  uk  7>»y&K«t  >  JhntP»  <fci 
n*ont  aucun  sens  et  que  les  tolhv  prâeidtst  elr?  4^  ugK( 
de  d/enoune^  : 


*  Sr™ 


-» 


.^ 


-£ 


H 


/ 


Si  la  femnîe  Tient  à  olrr  Je  la  tète  r^e  pn^  i^r.  tJk  c^iendra 
de  suite  enceinte. 

15*  Celui  qui  a  la  A^^''^  ÇMrr^  btJà  ^^12%  eu  portant 
sur  le  oorp»,  et  suspendu  à  on  fil.  on  c*?  adeum  de  coq  d^\ 
ou  bien  en  s*atlacfaaDt  au  couuoe&cix  iiaUfica^Je  djom:  et 
tàïth:. 

Tontes  ces  pratique»  sufier^tieuâes  yiM  pcu^sées  à  on  td 
degré dhez  les  Ankrs,  qu'avec  Taide  de  c^rlaîoes  ocoditions 
de  débilité  consécolÎTe  à  d  anciennes  affections,  et  sous  Fin- 
floence  de*  hallucinations  passagères  dont  le  cerreau  ne  pent 
manquer  d'être  le  siège  arec  un  tel  régime  moral,  ils  appor- 
tent la  plus  grande  indécision  dans  l'usage  des  traitements 
•]ui  lenr  soot  ensuite  proposés.  A  [n-ine  s<?rlis  des  mains  de» 


—  70  — 

toubibes  arabes  ou  français,  ils  relournent  avec  empressement 
près  des  marabouts,  des  tolbas,  tourmentés  qu^ils  sont  par 
cette  constante  préoccupation  que  le  djinn  ne  saurait  être 
conjuré  avec  de  simpla  substances,  surtout  sans  le  secours  de 
Texorcisme. 

Je  proposais  un  jour  Tablalion  d'une  petite  tumeur  l}'po- 
mateuse  à  un  isseri,  et  à  toutes  ses  objections  et  hésitations, 
j'opposais  les  sombres  couleurs  d*un  pronostic  d'autant  plus 
grave  que  le  mal  résistantopiniâtrement  aux  belles  promesses 
des  marabouts  et  aux  absurdes  pratiques  d'ignorants  empiri- 
ques du  lieu,  menaçait  sérieusement  Texistcnce  d'un  œil.  L'A- 
rabe paraissant  céder  à  l'évidence  du  raisonnement,  demanda 
jusqu'au  lendemain  pour  laisser  faire  l'opération;  puis  je  ne 
le  revis  plus.  Deux  mois  après,  en  faisantunenouvelle  tournée 
dans  le  pays,  je  retrouve  enfln  mon  client,  mais  cette  fois  avec 
un  œil  entièrement  perdu.  Sur  ma  demande  des  motifs  de  son 
peu  de  parole,  il  me  répondit  :  «  Quand  je  l'ai  quitté,  il  y  a 
deux  mois,  j'étais  assez  décidé  à  ajouter  foi  à  ton  moyen  de  me 
guérir,  mais  j'ai  voulu,  avant  tout,  savoir  si  l'opération  serait 
couronnée  de  succès.  Pour  cela,  en  rentrant  sous  ma  tente, 
j'ai  fait  Vistikha  (purification  cl  prières  obligatoires)  et  j'ai 
attendu  que  le  sommeil  m'apportât  la  nouvelle,  La  nuit  j'eus 
un  cauchemar  [bou  tellis)  épouvantable,  et  je  m'aperçus,  en 
songe,  la  tête  tout  ensanglantée  et  les  yeux  privés  de  la  faculté 
de  voir.  A  mon  réveil,  cette  vision  me  parut  un  avertissement 
de  Dieu,  et  comme  tu  le  penses  bien,  je  n'ai  pu  me  résoudre  à 
suivre  ton  conseil,  car  ^  Allah  idlem  (Dieu  sait  tout).  » 

Très  souvent,  les  Arabes  remettent  aussi  à  des  époques  plus 
ou  moins éloignéeslemomentd'uneopéralion,d'untrailement, 
d'une  exécution  de  projet  quelconque.  Dans  l'intervalle,  ils 
consultent  leurs  rêves,  les  présages,  les  jours  néfastes,  pour 
connaître  la  décision  qu'ils  doivent  prendre.  La  médecine  est 
peu  facile  à  faire  avec  de  tels  éléments  :  c'est  le  sentiment 


—  71   — 

religieux  poussé  a  Texagération  la  plus  funeste.  4(Les  hommes 
sont  bien  malheureux,  remarque  Montesquieu  (4)  ;  ils  flottent 
sans  cesse  entre  de  fausses  espérances  et  des  craintes  ridicules, 
et,  au  lieu  de  s'appuyer  sur  la  raison,  ils  se  font  des  monstres 
qui  les  intimident  ou  des  fantômes  qui  les  séduisent.  Ce  qu'il 
j  a  d'extraordinaire,  c'est  que  ceux  qui  fatiguent  leur  raison 
pour  lui  faire  rapporter  certains  événements  à  des  vertus 
occultes,  n'ont  pas  un  moindre  effort  à  faire  pour  s'empêcher 
d'euToir  la  véritable  cause.  » 

La  supertition  arabe  a  mille  sources;  mais  celles  auxquelles 
on  accorde,  peutrêtre  à  tort,  le  moins  d'influence,  résultent, 
sftns  contredit,  de  l'ensemble  de  cette  vie  errante,  sauvage, 
monotone,  isolée  dans  la  plaine  comme  dans  la  montagne,  de 
ce  fond  mélancolique  du  caractère  national,  et  de  ces  varia- 
tions de  température  si  constamment  brusques,  que  nous 
▼errons  plus  loin  caractériser  la  climature  algérienne. 

I«e  Kabyle,  d'après  M.  le  général  Daumas  (2),  serait  plus 
superstitieux  que  l'Arabe,  sous  le  rapport  des  dénions. 

On  n'ose  réellement  point  penser  aux  terribles  conséquences 
<lc  toutes  ces  extravagances  de  l'imagination.  Un  fléau  épidé- 
^^^t  Tient-il  à  sévir?  l'explication  de  son  invasion  est  faci- 
'cmem  trouvée  :  c'est  tout  uniment  une  volonté  de  Dieu  qui 
^Jl  devoir  diminuer  la  population,  éprouver  les  hommes, 
punir  les  mécréants,  etc.;  cette  théorie  semble  commode  pour 
'ignorante  nation  qui  n'a  plus,  dès  lors,  à  s'occuper  de  la 
'^cherche  d'un  traitement,  car,  aux  yeux  de  tous,  qui  oserait 
elpourriV^  s'opposer  aux  décrets  de  l'Être-Suprêmc?  L'heure 
^®  chacun  n'est-elle  pas  marquée  sur  le  Grand-Livre  ? 

I^u  moment  où  le  Musulman  ne  voit  dans  la  maladie 
?"'  «  une  punition  du  Tout-Puissant.  »  il  ne  lui  reste  plus 
l"'à  s'incliner.  Aussi  s'occupc-t-il  très  secondairement  de  ses 

tO  ^trt,p^tM0s,  Irttre  CXLIÎI. 
^'^  ^r«W«  Knérhf,  p.  a». 


—  72  — 

souffrances;  il  faut  qu'elles  JevicDDent  Irès  aiguës  ou  V 
cheol  Je  vaquer  à  ses  affaires,  de  se  livrer  à  ses  plaisirs,  pour     , 
qu'il  s'en  plaigne  au  savanl  ou  au  ioubibe  de  sa  localilc.  CoH 
ne  serait  guère,  du  reste,  la  peine  de  s  en  passer,  car,  pour 
quelques  poignées  d*orge,  ou  vingt-cinq  centimes,  on  a  d*UD 
chikh  (vieillard),  d'un  marabout,  un  kajeb  qui  vous  attirera 
une  bénédiction  [bareka]  divine,  ou  vous  vaudra  une  préser- 
vation complète.  ^^B 
Enfin,  chez  les  Arabes,  dans  le  Sud  principalement,  urt^ 
lalisman  qui  jouit  Je  propriétés  héroïques  pour  éloigner  toute 

maladie,  toute  tentative  de  la  part  des  rfjeîiotmcj,  cest une 

peau  de  lion*  Quiconque  en  fait  son  lit  peut  dormir  et  vivre 
tranquille. 


I1()^:0UAIH£5. 


Il  est  d'usage  que  le  malade  paie  d*avance  une  certaine 
partie  [la  moitié  environ)  de  la  somme  fixée  par  le  toubibe 
auquel  il  confie  saguérison.  Cette  manière  de  faire  est  motivée 
sur  le  cumul  de  la  médecineet  de  la  pharmacie  dans  les  tribus 
et  villages.  Le  toubibe  ne  demande  un  à-compte  que  pour  les 
dépenses  premières  des  médicaments.  ^M 

Si  le  malade  guérit,  il  doit  intégralement  payer  les  lionorai- 
res  promis;  si  les  soins  du  médecin  ne  sont  suivis  d'aucun 
résultat  avantageux,  le  client  n*eât  tenu  qu'à  lui  rembourser  le 
coût  des  remèdes,  D'habitude,  au  contraire,  il  y  ajoute  quel- 
qu*indemnité,  soit  en  nature,  soit  en  argent. 

C'est  aiin  d'éviter,  à  cet  égard,  des  contestations  coosécutivësl 
aux  condamnations  judiciaires  pour  accidents  ayant  motivel 


73 


QQ  traitement  naédical,  que  la  loi  a  prescrit  les  dispositions 
suiTantes  : 

«  le  salaire  du  médecin,  ainsi  que  le  prix  des  médicaments, 
doit-il  itfe  à  la  charge  du  coupable  qui  a  blessé  intention- 
nellemenlun  individu?  Le  principe  à  suivre  est,  que  le  salaire 
do  médecin  et  le  prix  des  médicaments  sont  à  la  charge  du 
coupable  (4).  » 

Avant  l'occupation  française,  le  bach-djerrha  (chirurgien 
en  chef]  de  l'armée  touchait,  outre  sa  solde  et  ses  prestations, 
une  indemnité  prélevée  sur  les  amendes  [haqq  el  demm,  prix 
du  sang)  pour  rixès  suivies  de  blessures. 

Dans  les  villes,  les  médecins  maures  se  font  toujours  payer 
d'avance  les  remèdes  et  les  visites. 

ï^'aprèsla  loi  musulmane  (2),  «  le  mari  n'est  obligé  de 
fournir  à  sa  femme  ni  les  médicaments  en  nature,  ni  le  prix 
de  médicaments,  en  cas  de  maladie  (mais  il  doit  payer  le 
'"médecin),  ni  le  salaire  d'une  application  de  ventouses.  » 

^Moniteur  Algérien  a  publié  récemment  (3)  des  notes 
historiques,  fort  intéressantes,  sur  l'administration  de  l'an- 
cienne régence  d'Alger.  J'en  ai  extrait  plusieurs  détails  curieux 
^^  les  impôts  et  droits  réservés  aux  divers  fonctionnaires. 
Ou  voit  entr'autres  renseignement,  que  : 
''*  A  l'occasion  des  droits  perçus  par  les  chefs  de  la  colonne 
^^fittery,  au  retour  des  tournées,  le  barbier  de  Vagha  et  les 
cnirargigpg  touchaient  chacun  une  somme  de  cinq  rial 
(environ  8  francs  40  centimes)  ;  or,  l'agha  touchait 43  francs. 
^  barbiers  et  médecins  recevaient  la  somme  la  plus  minime 
^compagnie  du  Kébakdji  (chargé  de  garder  les  chiens), 
*  f^armurier,  du  cafetier,  du  maréchal-ferrant,  etc.  ; 

^*)  «uw  Khsiil.  t.  IV.  p.  397  du  ch.  XXVII. 

^')         Id.  l.  lie,  cb.  XI,  p.   i33. 

'  )  Voir  U  dcnikr  trimestre  de  rannée  i85i. 


—  74  — 

2^  La  désignation  du  nombre  de  pains  alloués  à  chacun 
des  fonctionnaires  de  Voudjak  d'Alger,  en  raison  de  sonrang, 
ne  fait  nullement  mention  des  barbiers  ou  chirurgiens. 
Et  cependant  les  portiers  des  divers  forts,  le  cuisinier  de 
Vagha,  etc.,  sont  compris  dans  la  répartition  I 

3^  Les  toubibes  ne  sont  pas  non  plus  comptés  parmi  les 
personnages  (surveillants  du  palais,  secrétaires,  soldats  d'es- 
corte, etc.),  qui  percevaient  une  part  sur  la  rançon  payée  par 
les  mécréants  pour  obtenir  Taulorisalion  de  sortir  du  palais, 
ni  parmi  les  étrenncs  payées  en  diverses  circonstances  ou  fêtes 
religieuses,  ou  à  l'occasion  de  la  perception  des  impôts,  etc. 

Ces  divers  faits  semblent  prouver  qu'avant  l'occupation 
française,  les  toubibes  n'étaient  guères  considérés  de  l'autorité 
gouvernementale  même  de  l'ancienne  régence. 


RECONNAISSANCE  DES  ARABES  ENVERS  LES  MÉDECINS. 


Outre  l'honoraire  matériel,  il  existe  encore  l'honoraire 
moral,  c'est-à-dire  la  reconnaissance.  Sous  ce  point  de  vue, 
l'Arabe  qui  vénère  beaucoup  le  médecin,  lui  conserve  souvenir 
des  soins  qu'il  en  a  reçus.  Les  toubibes  français  qui  ont  pra- 
tiqué chez  les  indigènes  de  l'Algérie,  leur  rendront  cette 
justice,  car  les  individus  dont  ils  ont  soulagé  les  souffrances 
leur  ont  toujours  réservé  une  hospitalité  particiUièrement 
démonstrative,  empressée,  plus  ou  moins  splendide  selon  la 
position  pécuniaire.  Que  de  progrès  l'autorité  supérieure 
aurait  pu  réaliser  dans  la  conquête  morale  des  Indigènes^  si 


—  75  - 

elle  avait  profité  de  ces  bonnes  disposilions  en  organisant 
convenablement  les  secours  médicaux  en  leur  faveur  I 

les  Arabes  détenus  en  France  (île  S'*-Marguerite)  n'ont 
jamais  manqué,  au  retour  dans  la  tribu,  de  mêler  au  récit  des 
choses  et  des  événements  qui  les  ont  le  plus  frappés  durant  la 
captivité,  le  souvenir  du  toubibe  français.  Tous  se  plaisent  à 
rappeler  la  manière  bienveillante  dont  il  les  accueillait,  son 
empressement  à  soulager  leurs  douleurs.  Ces  germes  de  recon- 
naissance, déposés  ainsi  dans  le  cœur  de  l'Arabe,  ne  sauraient- 
ils  à  la  longue  détruire  l'antipathie  qui  existe  entre  les  deux 
races?  Cette  pensée  d'affection  pour  Thomme  qui  a  pansé  ses  , 
plaies,  calmé  promptement,  dissipé  sûrement  ses  souffrances, 
e^t  encore  différente  du  respect  dont  l'Arabe  entoure  ses 
savants. 

Quiconque  lui  apporte  un  soulagement  sanitaire,  passe  à 
ses  yeux  pour  un  inspiré  de  Dieu,  un  dispensateur  dfs  grâces 
du  ciel  ;  à  ce  point  de  vue,  c'est  un  marabout,  il  jouit  de  toute 
la  considération,  de  tout  le  crédit,  de  toule  la  haute  réputation 
d'un  personnage  influent.  Tout  cela  est  parfaitement  vrai, 
mais  quelle  différence  profonde  entre  la  vénération  accordée 
à  ce  taleby  à  ce  chikh,  —  et  les  sentiments  intimes  de  sym- 
pathie durable  qu'inspirent  les  bons  procédés,  la  douceur 
persuasive,  les  attentions,  la  bienveillance,  la  sollicitude, 
l'empressement,  le  dévouement  des  médecins  français,  choses 
parfaitement  inconnues  dans  la  profession  médicale  arabe? 

En  janvier  1847,  d'anciens  prisonniers  indigènes,  sortant 
de  la  Casbah  d'Alger,  demandèrent  spontanément  à  être  reçus 
par  le  docteur  Bosio  qui  les  avait  précédemment  traités  à  l'île 
S^-Marguerite. 

Peu  de  temps  après,  des  familles  arabes,  débarquant  de 
Toulon,  reconnaissent  le  docteur  Bosio  dans  les  rues  d'Alger, 
et  tous  lui  baisent  les  mains,  le  cœur  plein  de  gratitude. 


—  76  — 

La  même  année,  à  Bâne,  un  Kabyle  sort  de  l'h$piial  où  il 
venait  d'être  soigné  des  suites  d'une  noyade  dont  Tavait  sauvé» 
dans  le  BQi^Djemda,  le  procureur  du  roi.  Sa  première  idée 
est  d'aller  voir  ce  magistrat,  et  de  lui  témoigner  toute  sa 
gratitude  pour  son  bienfait.  Les  notables  Musulmans  (le  la 
localité  ayant  eu  connaissance  de  ce  fait,  vinrent  ajouter 
rhomioage  de  leurs  félicitations  à  celles  de  leur  corréligion- 
naire. 

En  4848,  les  cbiFurgiens  de  VAsmodée  donnèrent  leurs 
soins  aux  compagnons  de  captivité  d'iiM-e/-£ader,  et  dont 
^  quelques-uns  étaient  blessés.  L*émir  les  remercia  par  la  lettre 
suivante  : 

«  Lonanges  à  Diea  seul  et  unique  I 

»  Cet  écrit,  de  la  part  à'Jbd-el-Kader  ben  Mûkki  Eidtitf,  est 
•  adressé  aux  chirurgiens  français  ; 

»>  Que  Dieu  les  farorise  de  sa  bonté  et  les'  contente,  ainsi 
M  quHIs  le  méritent  ; 

»  Vons  avez  agi  arec  bonté  eurers  laes  comp^gnona  qui  acmi 
»  blessés  i  que  Dieu  vons  accorde  sa  grâce  et  tous  récompense. 
»  II  est  paissant  en  toutes  dxoses.  » 

J'ai  donné  des  soins  à  des  malades  de  plusieurs  tribus  a^sez 
éloignées  de  nos  cantonnements,  écrivait  le  docteur  Giscard, 
médecin-major  des  zouaves,  en  1834  [1),  ce  qui  m'a  permis 
de  voyager  avec/^/ii^  de  sécurité  qu'aucun  autre. 

En  4835,  le  docteur  Pouzin,  qui  avait  été-soigoer  beaucoup 
d'arabes  au  marché  de  BoulTarik,  reçut  à  dîner  le  grand 
marabout  Sidi  Mohammed  Embarek  de  Goléah.  Pendant  le 
repas,  ce  dernier  dit  en  parlant  de  l'endroit  de  la  plaii^  de  la 
ilf/lû(/a,  témoin  delà  bienveillance  française  et  du  dévouement 
médical  :  «  Les  Arabes  respecteront  ce  lieu  comme  sacré  ;  ils 
béniront  celui  qui  veut  leur  bien  et  qui  soulage  leur  miser»; 
pour  moi,  je  le  bénirai  à  la  tête  des  tribus,  et  jamais  ni  le  fer 
ni  le  feu  ne  le  toucheront.  » 

(0  T.  XXXVII,  dts  Mémoires  dt  méd.  et  de  ekirurg.  militafrt. 


~  77  — 

Je  l'ai  dit  (4)  et  je  le  répète  plus  que  jamais  :  <t  Les 
Indigènes,  en  retournant  guéris  dans  leurs  tribus,  deviendront 
les  anneaux  épars  de  la  chaîne  sympathique  qui  doit  insensi- 
blement lier  les  vaincus  aux  vainqueurs.  » 


eêPiTâtJX. 


L'Arabe  se  fait  généralement  traiter  à  doinicile,  dès  que  son 
état  maladif  ne  lui  permet  plus  d'aller  consulter  le  toubibe  ou 
le  tMirabouL 

11  n'existe  point,  chez  les  indigènes,  d'hôpital  destiné 
spéciaiement  au  traitement  des  malades  en  commun.. Aux 
mosquées  sont  seulement  annexés  des  espèces  d'hospices,  ou 
pour  parler  plus  justement,  des  asiles  pour  les  infirmes,  les 
vieillards,  les  mendiants,  etc. 

Cette  coutume  de  réunir  les  souffrances  physiques  et  les 
peines  morales  sous  la  protection  religieuse,  paraît  remonter 
aux  premiers  âges  du  monde.  Ainsi,  d'après  M.  Liltré  de 
l'Institut  (2),  il  a  existé  de  haute  antiquité  des  asclépions  (ou 
temples  d'Esculapes)  dans  lesquels  on  honorait  Dieu  et  traitait 
les  malades  en  commençant  par  les  pratiques  religieuses 
(jeûnes,  ablutions,  etc.). 

La  charité,  si  bien  recommandée  à  chaque  ligne  du  Koran 
à  la  hauteur  même  d'un  précepte  obligatoire,  semble,  chez  les 
populations  musulmanes,  bornée  en  général  aux  devoirs  de 
Phospi^lité.  Le  prophète  a  dit  :  «  Vous  n'atteindrez  à  la  vertu 

(i)  De  hcn'mtiondés  hàpUmxwrabest  dan»  l'JUéar  (journal de rAlg^i«)  do  17  octoM*  i84i- 
C>)  Tradaclion  d'Hippocrate. 


—  78  -^ 

parfaite  que  lorsque  vous  aurez  fait  raumooe  de  ce  que  vous 
chérissez  le  plus  (1  )  ;  »  et  ailleurs,  dans  ses  hadits  (conversa- 
tions) :  «  Point  de  grâce  pour  celui  qui  meurt  rassasié,  laissant 
à  côté  de  lui  son  voisin  affamé.  » 

Les  Musulmans  ont  cependant  eu  de  tout  temps  des  hôpitaux 
publics.  El  Manzor  en  fondait  à  Bagdad  en  765.  D'après  M. 
Viardot  (2),  Mohammed  eén  JB/-iîamar  fonda  des  hôpitaux 
pour  les  malades,  des  hospices  pour  les  vieillards  et  les  indi- 
gents; et  Cordoue  seule,  au  dire  des  géographes  arabes, 
renfermait  600  mosquées,  50  hôpitaux,  800  écoles  publiques 
et  900  bains,  etc. 

Au  10®  îÀhcle,  Abd-el-Meleh  faisait  construire  un  hospice 
dans  le  plus  beau  quartier  de  Fèz;  et  le  fournit  d'eau  au 
moyen  d'un  canal  alimenté  par  Y Oued-el-Hassan,  qui  coule 
en  dehors  de  la  ville,  près  de  la  porte  de  fer  {Bab-el-Hadid\  (3) . 

M'oublions  pas  que  les  Khalifes  établirent  à  Bagdad  les 
premiers  hôpitaux  et  des  pharmacies  publiques  pour  aider  le 
développement  des  sciences  médicales. 

D'autre  part,  nous  avons  déjà  vu  le  célèbre  hôpital  Moristan^ 
surnommé  El  Kébir  (le  grand),  que  fit  construire  JtfbAammcd 
ibn  Kalaôv/ne,  avec  un  luxe  et  dans  des  proportions  énormes. 
Ahmed  ibn  Toulôune  consacra  également  d'immenses  trésors 
à  l'érection  d'un  hôpital  au  Caire. 

Les  indigènes  du  Nord  de  l'Afrique  ont  eu  des  hôpitaux. 
Ainsi  Delacroix,  qui  écrivait  vers  1688,  dit  positivement  que 
Tlemcen  possédait  à  cette  époque  deux  hôpitaux,  celui  des 
Vénitiens  et  celui  des  Génois,  quatre  pour  les  Maures  et  six 

pour  les  étrangers ;  que,  lorsqu'Oran  était  dans  son  plus 

grand  lustre,  il  y  avait  6,000  maisons,  sanscompter  un  grand 

(i)  Koran,  ch.  III,  y.  LXVIII. 

(s)  Hûtoirt  de*  jérohet  tt  des  Maures  d'Espagne,  f.  I,  p.  3o8. 

(3)  RoMBY,  hijt.  d'Espagne,  t.  IV,  p.  4ia. 


—  79  — 

nombre  de  mosquées,  à' hôpUatus,  de  bains  et  d'auberges....  ; 
qu'à  Bougie,  il  y  avait  plusieurs  mosquées,  collèges,  cloîtres, 
hôpitaux,  etc.  (1). 

Avant  l'occupatioD  française  (1830),  il  n'existait  dans  les 
troupes  algériennes  aucun  système  administratif  pour  le 
service  des  hôpitaux.  Les  soldats  non  mariés  étaient  envoyés 
dans  les  hospices  dépendant  des  mosquées,  lorsque  les  maladies 
semblaient  graves.  Dans  les  cas  ordinaires,  ils  étaient  traités 
dans  les  casernes,  au  milieu  de  leurs  camarades.  Les  militaires 
mariés  étaient  soignés  par  leurs  familles.  Le  gouvernement 
fournissait  aux  malades  les  rations  ordinaires  de  vivres  et 
payait  pour  tout  salaire,  aux  médeeins  et  aux  empiriques,  le 
prix  des  médicaments  (2). 

Jusqu'en  4850,  les  Maures,  pauvres,  vieux  ou  infirmes, 
étaient  réunis  et  soignés,  à  Alger,  dans  une  dépendance  de 
Tasile  Sidi  ouali  Dada  (marabout  turc),  rue  du  Divan. 
On  verra  plus  loin  comment  l'administration  française  a 
remplacé  cette  incomplète  institution,  par  l'hospice  musulman 
de  la  rue  Zama, 

Abd-el-Kader  avait  pensé  à  fonder  des  établissements 
hospitaliers.  «  Les  askars  malades,  dit-il,  dans  l'organisation 
du  service  médical  citée  dans  son  règlement  (3),  seront 
transportés  dans  une  maison  désignée  par  notre  maître  et 
sultan,  oii  ils  trouveront  les  soins  dûs  à  leur  position,  etc.  » 

Espérons  que  le  sens  significatif  de  cette  intention  de  l'Émir 
sera  apprécié  à  sa  juste  valeur,  et  contribuera  puissamment  à 
Inorganisation  d'un  service  de  santé  régulier  en  faveur  des 
tribus  et  villages  arabes. 


(i)  Rtlution  UHivtrselt^  de  l'Jfrique  anciennt  tt  moderne,  t.  II. 

(a)   Considérations  sur  fa  régence  d'.étger,  par  le  baron  JvciiE&SAti  nx  Si.iVT'Dsiiiii  tMt. 

(3)  Voyez  ci-drwus. 


—  80  — 
OUVRAGES  I^E  lÉDCCIllB 

Le  D'  Furnari  prétend  (1  )  —  mais  je  n'ai  pu  arriver  à 
constater  l'exactitude  de  ce  fait — que  les  médecins  maures 
possèdent  la  traduction  espagnole  de  Dioscoride,  et  s'amusent 
plutôt  à  regarder  les  planches  qu'à  méditer  le  texte. 

Les  livres  de  méde<;ine  proprement  dite  sont  excessivement 
rares  chez  les  Arabes;  on  ne  leur  trouve  guère  entre  les 
mains  que  des  cahiers  manuscrits  de  quelques  feuilles,  conte- 
nant soit  des  amulettes,  des  talismans,  comme  celui  de  Sidi 
Kala  Mouça,  un  des  plus  répandus,  —  soit  des  formulés  de 
traitement  jetées  sans  ordre  les  unes  à  la  suite  des  aatœs»  et 
dues  aux  conseils  de  toubibesen  renom,  tels  en  particulier  : 

Sidi  Ali  ben  Slimane  —  Sidi  Abdallah  ben  Batou — Sidi 
Abdallah  ben  Elaci  —  Brahim  ben  Mohammed  ben  Mehou 

—  Ben  Ouaqed  —  Ben  Cefianc —  Ben  Djabbar^-Djalinoûs 
(Galien,  sans  doute)  —  Djalouçoune  —  Djahema — Djabbar 
ben  Abdallah  —  Djinous  —  El  Hadj  ben  Saïd — Fattous  — 
Karmali  —  Korasain  —  Laniss  —  Laciqoune  —  Mazri 

—  Ouoqdi  —  Radouane  ben  Sdq  el  Melki  —  Raqad  -^ 
Rhaxi  ben  Amrane  —  Saïd  ben  Brahim  —  Saïd  benAoune 

—  Smaït  —  Tabrani  —  Taïeb  —  Yayïa  —  Ya  ben  Smatï 

—  etc.,  etc. 

£n  tête  des  ouvrages  de  médecine  les  plus  estimés  par  led 
Musulmans,  il  faut  placer  les  Hadits  Sidna  Mohammed  (les 
Conversations  de  notre  Seigneur  Mohammed) y  dans  lesquelles 
on  trouve  de  nombreux  conseils  donnés  par  le  Prophète  pour 
rhygiène  et  le  traitement  des  maladies. 

(i)  Foya^  dans  r Âfriqat  septentrionale,  page  189.  * 


—  81  — 

Viennent  ensuite  leKetab  Harounia  (le  livre  A'Haroim). 
mélanges  de  préceptes  thérapeutiques  ; 

Un  manuscrit  du  même  genre,  par  Chikh  Daoud  el  Masri 
(le  téûérable  David  l'Egyptien) . 

A  la  prise  de  Constantine  (4837),  on  a  trouvé  plusieurs 
livres  de  médecine  destinés  par  l'ancien  gouverneur  de  la 
proVmce,  Sa/aA-Bey,  à  quelques  Zaouïa^  (mosquées). 

Là  bibliottièque  d* Alger  ne  possède  que  les  manuscrits 
winiits,  dont  je  dois  la  liste  à  la  bienveillance  de  son  savant 
directeur,  M.  Berbrugger  : 

^*  S2li  Commentaire  des  aphorismes  dHIppocrate,  par  AbouH 
^^^cmAbd-er-Rkaman  Ebn^  AU  Ett^apoi^Sadik.  Ce  même  auteur  a 
cflBunentft  BoHera/  (HIppocrate)  erDjalinous  (Galien),  dont  Uonaïn 
^^  Ukak  a  traduit  presqcfë  tous  les  ouvrages. 

M*  %2S.  A9fre  commentaire  sur  les  aphorismes  d'Hippocrate,  par 
AbùuHFaradjEbn  el  Koufi. 

^^1  Le  Kanoun  d'Ebn  Sinna  (Avicenne);  seulement  la  W  partie 
"vlecœur,  la  circulation  du  sang,  etc  ;  et  la  il'  sur  la  fièvre. 

^*i95.  Mélanges  de  médecine,  extraits  de  deux  ouvrages  de 
médecine  célèbres  :  El  Harounia  et  El  Tarsî,  le  premier  par  Haroun, 
l'autre  par  Jî6ii  Hobal^  ou  AbouU  Hassan  AU  Ebn  Mohammed. 

^'30bi  Traité  de  médecine  extrait  du  Tedkerat  de  Chikh  Daoud 

^*67.  Des  subtilités  de  la  médecine  par  Chikh  Daoud  el  Antaki^ 
^^bre  médecin  du  Caire,  qui  mourut  à  la  Mecque  dans  le  17«  siècle, 
^  *ï»l^  plusieurs  ouvrages  très  estimés  des  Indigènes. 

^*  30  A.  Traité  de  médecine  par  Moutafa  Ebn  Ahmed  el  Taroudi. 

^''^Bw  Autre  traité  par  El-Bouni.  Les  Arabes  en  font  grand  cas. 

^*  *A5.  Ouvrage  de  médecine  et  de  chirurgie,  par  AU 

^**40.  Médecine  et  chirurgie,  par  El  Kaliouni. 
*A3  A.  Poème  anonyme  sur  la  médecine. 

^*  ^^.  Poème  technique  sur  la  médecine,  par  Sid  Ahmed  elBouni. 

^'  ^5.  Ouvrage  de  médecine  (anonyme). 


~  83 


W*  873  B.  Traité  de  médecine,  par  Sid  Âluned  et  Chikh  Zerroq  et 

^°  ihh*  Mélanges  sur  les  médicaments  simples,  par  Ismaii  Be 
cl  Uassan  et  flassaïn* 
N"  lAf»C,  Beroèdes  divers;  valeur  médicalede  quelques  substance 
NO  533.  Matîëre  médicalG,  chimie* 

Les  plus  instruits  des  toubibes  actuels  ignorcDl  complcl 
ment  les  nonjs  des   médecins  arabes   les  plus   renommés 
DjaUnous  (Galien)  est  le  seul  nom  céTebre  que  Ton  retrouve 
d'ordinaire  dans  les  manuscrits  (|ui  leur  servent  de  formulaire 
usuel 

Cependant,  la  réputation  des  médecins  Arabes,  la  célébrité 
de  leurs  écoles,  donnent  le  droit  de  croire  que  leurs  ouvrages 
ont  dû  être  assez  nombreux.  Mohammed  avait  expressément 
dit  :  «  La  science  est  un  gibier,  et  récriture  est  le  lien  f]ui 
sert  à  la  retenir.  »  Sous  l'in/luence  de  Téian  général  donné 
par  l'entliousiasme  de  rislamisme  naissant,  les  productions 
littéraires  et  scientifiques  se  multiplièrent  jusqu'au  moment 
où  les  encouragements  cessèrent  dï'tre  jMXxligués  aux  savants 
par  des  Khalifes  inbabiles  a  gouverner,  et  plus  soucieux  de 
leurs  propres  intérêls  que  de  ceux  de  leurs  populations. 

Une  des  autres  causes  de  la  rareté  des  livres  scicntifiquei 
musulmans  tient  aussi  à  ce  que  Timprimerie  fut  proliibée^  en 
Turquie,  par  exemple,  sous  peine  de  mort,   en    1515,  par  le 
sultan  Sélim.  puis  persécutée  de  nouveau  en  1698  par  les 
Janissaires  qui  s'opposèrent   à   Tinlroduction  d'une  près: 
arménienne,  et  enfin  sévèrement  défendue  *Ie  nouveau  au  m 
lieu  du  18*-*  siècle  après  la  mort  dlbrahim  Effcndi, 

En  1816,  il  UY  avait  que  ftiarre  presses  dans  tout  lempire 
Ottoman,  I 

Ce  furent  les  Français  qui  inlroduisirenl  rimprimerie  en 
Egypte,  en  1798. 


H 


1 

e 

4 


—  83  — 

Dans  son  récent  voyage  en  Afrique  et  en  Asie,  M.  Du  Courel 
dit  [\]  que  Vimprimerie  est  encore  interdite  à  la  Mecque. 

Ce  qui  frappe  le  plus  quand  on  examine   les  quelques  ou- 

Ttagcs  de  médecine  qui  sont  entre  les  mains  des  Arabes,  c'est 

TabseDcede  toute  gravure  représentant  diverses  parties  du 

I    corps.EUe  tient,  chez  les  Musulmans,  à  la  proscription  absolue 

1    des  images  figurant  des  êtres  animés.  Mohammed  exagérant 

I    IcbntdOvSystème  religieux  qu'il  venait  opposer  à  Tordre  de 

choses  âabli,  préférait  pour  le  moment  un  peuple  iconoclaste 

I    par  pore  et  simple  horreur  de  Tidolâtrie  dont  il  s'agissait 

f    de  détniire  les  moindres  manifestations.  Qu'en  résulta-t-il  ? 

'    lanollité  complète  des  beaux-arts.  Toutefois,  cette  proscription 

atn)iné  quelques  dissidentsaux  préceptes  du  Xoran  :  des  sul- 

.    taososmanlis  ont  placé  leurs  portraits  dans  leurs  sérails  (2). 

:•    Chei  presque  tous  les  perruquiers  et  cafetiers  maures  ou 

:    arabes,  les  murailles  sont  ornées  de  tableaux,  de  gravures  dont 

les  sujets  assez  variés  ne  paraissent  nullement  choquer  l'or- 

Aodoxie  mahométane.  On  voit  dans  le  café  de  la  Fontaine,  à 

CoBstantinople,  la  polka  nationale,  des  études  d'animaux,  Na- 

^  poleonàla  bataille  de  Ratisbonne,  des  vaisseaux  turcs,  le 

combat  de  22  Français  contre  200  Arabes,  des  costumes  de 

femmes  turques,  des  vues,  un  Turc  se  faisant  saigner,  etc.  (3). 

Ces  infractions  à  la  loi  religieuse  se  multiplient  insensible- 
D^enten  Algérie.  11  est  bon  d'en  prendre  note  pour  répandre 
dwsles  tribus,  d'ici  à  quelque  temps,  des  gravures  représen- 
tent divers  sujets,  soit  d'histoire  naturelle  générale,  soit  de  nos 
*rts,dc  nos  connaissances  usuelles,  etc. 

Comme  le  Koran  fait  en  toutes  choses  texte  de  loi  chez  les 
Arabes  dont  il  forme,  avec  ses  commentaires,  l'unique  biblio- 

(0  ^tmd'Onent,  décembre  1 848,  p.  34 1 

W  ▼lAiDOT,  toco  titnto»  t.  II,  p.  69. 

0)  C«i>untinople,  chap.  Hl  d»n»  le  journal  /«  Pretst,  19  décembre  i85«. 


—  84   — 


thèque^  sa  leLlure,  sa  rnéJitalioii  iionnont  évidemment  tii 
idée  assez  exacte  de  Télat  social  An  peuple  musulman  de  V 
géric,  au  poinl  de  ?uo  de  ses  rapports  avec  la  morale^ 
justice,  les  sciences,  les  coutumes  liygiénitjues,  elc.  Le  medecU 
dont  le  inruistèrc  soit  public^  soît  privée  s'adresse  autant , 
1  état  moral  qu'à  rétal  physique  de  l'individu  et  dos  massesJ 
besoin,  plus  que  tout  autre  peut-être,  d^approfondîr  Télii 
du  Koran  et  de  ses  commenlaires.  11  puisera  dans  la  conna 
sance  des  principes»  conseils  et  dispositions  adminislratii 
qui  s  y  trouvent  consignés,  de  précieuses  ressources  d  aclic 
pour  modifier,  avec  le  plus  de  succès  possible,  la  conduîi 
des  malades,  et   retirera   de  la  citation   ou   de   TappliciEi 
lion  même  des  textes»  la  plupart  gravés  en  proverbes  da 
la  mémoire  de  chacun,  une  grande  force  d'autorité  mora| 
dans  Texercice  de  ses  Ibnclions.  Au  rappel  de  la  lettre  inêjx 
du  i|t>re  de  tneeriisifement,  le  caractère  sacré  des  paroles 
Prophète    sulhni    pour    qu<?   la    recommandation    médical 
acquiert  aussitôt  toute  son  énergie  de  raison  detre»  toute  sa| 
eflicacilé   possible,   toutes  ses  chances  de  succès  dans  unj 
prompte  réalisation. 

C*est  donc  non  seulement  comme  appui  autoritaire,  maîj 
encore  comme  indicateur  principal  des  mœurs  arabes,  que 
connaissance  du   Koran  devient  de  première    nccessiïé  ai 
médecin.  Pourrait-il  s'exempter  de  cette  importante  élude,  luj 
qui,  en  toute  circonstance,  appelé  près  d'un  malade,  conmienc 
par  un  complet  interrogatoire  sur  les  coutumes,  le  mod 
d*cxistence,  les  conditions  morales  habituelles,  le  genre  d<^' 
vie,  les  occupations  journalières,  les  usages,  etc.,  alin  de  biea 
saisir  le  lien  de  la  cause  pathologique  avec  ses  elTets^ 
rechercher  les  véritables  indications  du  traitement? 

Une  des  plus  grandes  vérités  qui  soit  sortie  de  Tctudc  de  la 
législation  des  nations  comparéQ  dans  ses  connexions  avec 


—  86  — 

ieors  besoins,  leurs  aptitudes  physiques,  le  milieu  goographi- 
qnedans  lequel  elles  vivent,  se  développent  et  se  perpétuent, 
c'est  que  les  institutions  d'un  peuple  sont  toujours  une 
émanation  de  son  tempérament. 

Cette  conviction  nous  a  fait  rechercher  dans  le  Koran  et  les 
cofflmentaires  de  jurisprudence,  les  passages  qui  peuvent  avoir 
toiitanx  connaissances  médicales,  à  leur  application  sociale. 
Toici  le  dépouillement  de  nos  notes  à  cet  égard  : 

Sar  6,200  et  quelques  versets  que  contient  le  Koran, 
4S0  environ  (1]  concernent  l'hygiène  publitiuc  et  privée, 
il  médecine  morale,  etc.  :  l'occasion  se  présentera  de  les  citer 
textuellement  dans  le  cours  de  cet  ouvrage, 

Dans  le  traité  de  jurisprudence  musulmane  de  Sidi  Khelil 
^teiiioA  (2),  se  trouvent  des  interprétations  et  des  documens 
Nirles  coûtâmes  arabes,  d'autant  plusprécieux  que  ce  célèbre 
commentateur  (duritc  Malékite)  écrivait  ainsi,  an  8*"  siècle  de 
ll^re  (15*  de  Tcre  chrétienne),  pour  ce  qui  concerne  la 
Médecine  : 

Utomei".  Traité  des  purifications,  des  prailques  relatives  aux 
^^>oliis  naturels,  des  lotions,  de  la  madéfaction,  do  la  purification 
Ptthérale,  des  purifications  dans  les  maladies,  les  blessures  ;  des 
■Wnstrues,  leur  durée  légale,  leur  incomptabilité  avec  certains 
^'olrB;  des  suites  de  couches,  etc.;  —  des  conditions  sanitaires 
fBl  Invalident  la  prière  :  des  pratiques  funéraires  (inhumations, 
«ikomiUona,  autopsiei»,  etc.);  —  du  jeûne. 

(*)  Ctt*«it  point  qae  Mohammed  n'eat  aitcone  estiim;  f)our  les  ccieuces  hjgiéniqaes  et 
*^**'<*i  «I  foxkt  ceax  t{uirxcrrairnt  r*rt  fie  (guérir.  D'après  d'flerbrlot  (p.  43o),  il  recua- 
**'''**' tOMcst»  k  caote  de  se»  talcnu,  de  sa  haute  renommée,  le  wûdrctn  mcctiuois  Harttk 
■•■'•«Wl.de  Takif. 

('/ Ui  coumiralateurs  du  Koram  e  t  da  lu  IrgUIation  masulniane  sont  nombreux  t  .^k/i 
'^f  ^1  Boukwi,  Sid*  Sjoutif  Sidt  yibJcrrkama/i ,  Ben  Seliman,  Jtcn  FerrhftUH,  Sidi  Brahim, 
^  ""mmi.  Mnhammed  Ben  Smnuasi,  etc.  Nous  avona  pri-fëré  utiliHT.  pour  noire  travail, 
'•*'«J»de  Sidi  Khelil,  d'une  part,  parce  que  la  tratluctiou  m  est  oriiriellnnent  exécutée 
**vma  de»  ordres  du  guuTerneuicnt,  et  lui  assure  la  prééminence;  d'un  autre  côté,  parce 
^^  H»  diipo»itions  légales  sont  génvraleuwnt  suiries  par  les  ladig^nea  de  l'Algérie. 


—  m  — 

Le  tome  2',  Alimens  permis  (mode  de  tuerie)  ;  —  joutes,  exercic 
et  jeux  militaires;  —  du  mariage  (conditioas  ;  clioses  permises  < 
dé  rendues  pendant  le  mariage;  grossesse;  avortemeut;  lodîvitlu 
malades;  de  rirapuissaoce  ;  traitement  des  maladies  deii' organe 
gétiltaux;  fréquentations  conjugales;  divorce,  répudiation,  etc.). 

Le  tome  3*.  Serment  de  conlineoce.  -*  Adultère.  —  Négation  de 
paternité.— Retraite  légale  de  ta  feuime  (expertises,  consultations, 
etc.);  parenté  par  allaitement  commun;  copulation  pendant  l  allaite- 
ment. -~  De  Teotretien  do  la  femme  pendant  Je  mariai^'e  et  la 
grossesse  j  —  de  l'aliaiteniant,  soins  et  entretien  de  i'cnfanU  — 
Bu  degré  de  maturité  des  fruits  mis  en  vente,  etc. 

Le  tome  li\  lignes  légaux  de  la  puberté;  — de  rinterdiction 
pour  les  malades.  —  Voie  publique.  —  De  la  paternité,  dea  témoi- 
gnages, etc.  —  Location  des  nourrices. 

Le  tome  5*.  Miitilaiîonâ  et  blessures  ;  du  médecin  exécuteur 
talion;  —  du  prix  du  sang  pour  ravortement,  etc. 

Le  tome  6%  —  De  la  coiiabltation  illicite  (Inceste^  sodomie)  ;  — ^ 
preuves  de  Tadultère  d'après  la  grossesse,  —  Mutilations  comme 
peine  du  vol,  amputations  des  diverses  portions  de  membres;  — 
des  liqueurs  enivrantes,  cas  permis,  preuves  judiciaires  de  leur 
usage  ;  —  liermaplirodisme,  cas  d'Incertitude,  droits  ù,  la  successi* 
bjlité,  etc. 

C^GSt  surtout  avec  le  secours  de  la  subâlaece  de  toutes  le 
paroles  sacrées  contenues  dans  ces  ouvrages  religieux  que 
nous  pouvons  porter  dans  1  esprit  arabe  la  conviction  de  notre^ 
supériorité  îiitellecluelle  et  morale. 

«  La  loi  musulmane,  aécritM.  Richard  (I),  peul^  habilemei! 
emplovôe,  servir  à  rémancipation  et  à  la  civilisation  du  penpii 
qui  la  subit.  î* 

Ou  sait,  en  efTet,  que  pour  les  Musulmans^  il  n'y  a  de  vr 
et  d'admissible  que  ce  qui  est  contenu  dans  leurs  livres  sacrés. 

Mohammed  a  dit  :  m.  P) 'innovez  rien  après  ma  mort,  tenez- 
vous  slrictcmentàtout  ce  que  je  vous  ai  recommandé  et  imitez 
les  actions  de  ma  vie.  » 


(t)  DsVtêprii  ilr  J4  1^fi«iUi»on  Mniulmàiit,  1^144),  p,  b. 


—  87  — 

Dans  une  série  d'articles  d'hygiène  publiés  en  1 851  -1 852 
parle  journal  arabe  officiel,  j*ai  mis  à  profit  toutes  les  citations 
possibles  du  Koran,  tout  en  m'efforçant  de  donner  au  dévelop- 
peroenldu  texte  religieux  Tinlerprétation  que  demande  Tétat 
aclaclde  nos  connaissances.  Ce  travail,  pour  lequel  j*ai  reçu 
les'encoaragemenls  les  plus  flatteurs  de  la  part  du  Directeur 
si  reprellé  des  affaires  politiquesarabes,  M.  le  colonel  Durrieu, 
devait  être  ultérieurement  répandu  dans  les  tribus,  et  nul 
doate qu'il  eut  été  accueilli  avec  faveur,  comme  tout  ouvrage 
ayant  pour  bases  indispensables  le  texte  du  Koran  et  une  uti- 
lilé  pratique.  Malheureusement  la  publication,  déjà  très  avan- 
cée et  presqu'entièrement  terminée,  a  été  arrêtée  pour  des 
motifs  dont  je  n'ai  pas  à  juger  ici  la  valeur. 


HÉDEUNE  LÉGALE. 


^précédent  aperçu  sur  les  questions  médicales  et  hygiénî- 
Qoes  traitées  dans  le  Koran  et  les  commentateurs,  a  sufli  sans 
^oute  pour  donner  une  idée  de  la  grande  part  que  prenait  jadis 
'  Witorité  religieuse  dans  la  prescription  des  règlements  con- 
^JTïantla  santé  publique  et  privée.  Toutefois,  il  convient  de 
'^"^  connaître  à  part  quelques-unes  de  ces  dispositions  consi- 
^^dans  leurs  rapports  avec  le  droit  civil,  criminel  et 
•^^ministratif. 

Cç  qui  frappe  souvent  dans  leur  examen,  c'est  la  minutie 
des  détails,  la  diversité  des  circonstances  que  la  loi  a  su 
Pi'évoir. 


-  88  - 


Le  toubihe  et  la  malrone  peuvent  être  requis  par  rautorit4 
judiciaire  à  litre  d'experts.  Ils  donnent  leurs  avis  de  vive  voîxJ 

Mille  questions  délicates  soulevées  par  la  polj^gamie,  1^ 
mariage,  Tachât  des  femmes  esclaves,  les  parentés  de  lait,  les 
devoirs  à  l*égard  des  femmes  répudiées,  les  Lérilages,  le 
eonditionsdc  divorce  légal,  etc,  ont  donné  lieu  a  bien  dfi 
lextes  de  commentaires,  a  Lûen  des  parlicnlarités  de  décision^ 
qui  décÈlcnl  quelquefois,  dans  la  législation  musulmane,  des 
traces  d'observation  précise. 

On  doit,  toutefois,  se  demander  comment  les  prétendues 
malrôîies  indigènes  peuvent  sérieusement  se  livrer  à  des  exper 
lises  médico-légales,  si  souvent  délicates,  et  juger  en  définilii 
avec  quelque  connaissance  de  cause  ! 

Nous  nous  bornerons  à  citer  les  termes  de  la  loi,  laissant  al 
chacun  leur  apprécialion  critique,  à  laquelle  le  but  du  présent 
travail  ne  permet  point  de  donner  ici  quelque  développement, 
d'autant  plus  que  certaines  de  ces  dispositions  judiciaires  ne 
sont  guère  usitées  dans  la  population  arabe  algérienne. 

Responsabiliîf'  df's  médecins,  —  Le  médecin  exécuteur  du 
laiton  pour  le  cas  de  blessures,  lorsqu^il  dépasse,  avec  inten 
lion,  les  limites  de  la  blessun*qu*il  lui  est  permis  de  produire, 
est  condamné  à  subir  une  blessure  égale  à  l'excédant  de  la 
blessure  qull  a  faite.  Si  cet  exécuteur  est  resté  intentionnelle^ 
ment  ou  non,  au-dessous  de  la  blessure  qui  lui  était detuandée, 
par  la  justice,  il  ny  a  plus  lieu  à  rien  exiger;  on  n'ajouté^ 
rien  au  supplice.  Si  l'exécuteur  a  opéré  sur  le  lieu  voulu  delà 
partie  vivante  et  que  la  mort  s'en  suive,  il  n'est  responsable  de 
rien  ;  s'il  a  un  peu  dépassé  la  limite,  le  fait  est  considéré 
comme  iûvolonlaire.  Lorsqu'il  y  a  lîcu  de  soupçonner  que 
Texécuteur  ait  dépassé  intentionnellement  l'étendue  de   lu 


-.89  - 

blessure  qu*il  avait  à  produire,  on  lui  inflige  une  peine 

séîère^ï). 

On  oe  confie  l'exécution  du  talion  qu^à  un  individu  qui  aie 
la  connaissance  ou  Texpérience  nécessaire  pour  cela;  la  rétri- 
bution est  à  la  charge  de  celui  qui  a  revendiqué  le  sang  du 

coupable  (2). 

Pour  les  cas  de  blessures,  le  talion  est  plus  dour  que  Tacte 
du  coupable,  car  si  le  coupable  a  par  une  pierre  ou  par  un 
coup  de  bâton  fait  une  blessure  dénudante,  par  exemple,  la 
peine  du  talion  s'applique  par  le  moyen  du  rasoir  (3). 

Un  médecin  ignorant  et  qui  a  nui  à  la  personne  médica- 
ittentée,  est  responsable  du  mal  qu'il  a  causé,  et  Vakila 
(y  compris  le  médecin)  doit  payer  une  réparation  pécuniaire 
Ndidfc'],  car  le  mal  a  été  un  résultat  amené  volontairement. 
C'est  la  même  responsabilité  qui  incombe  à  un  médecin 
instruit  qui  est  arrivé  à  un  résultat  inattendu  et  nuisible,  qui 
^produit,  par  exemple,  un  effet  plus  énergique  qu'il  ne  le 
^<>ulait,  ou  qui,  ayant  l'attention  d'arracher  telle  dent,  en  a 
*^ché  une  autre;  ou  au  médecin  qui,  bien  qu'il  ait  réussi 
dans  son  fait  et  selon  son  intention,  a  traité  ou  médicamenté 
^^  personne  sans  avoir  reçu  de  qui  de  droit  l'autorisation 
c<>ûvenable,  quand  même  il  a  traité  ou  saigné  ou  ventouse  ou 
C'fconcis  un  esclave  ou  un  mineur  ou  un  aliéné,  dont  il  a  eu 
^'^llenrs  le  consentement;  car  alors,  ce  consentement  n'est 
P^  une  autorisation  convenable,  c'est-à-dire  valable  et  donnée 
P^i'quide  droit.  Le  médecin  doit  donc  être  responsable  des 
^oltats  fâcheux  de  son  œuvre  en  traitement  ou  opération  (4). 

Nous  avons  dit  plus  haut  quelques  mots  de  la  responsabilité 

(>)  Sidi  KMil,  t.  V,  ch.  XXXX,  p.  374. 
(>)       Id.  p.  391. 

Ci)       Id.  p.  407. 

(4)       Id.  t.  VI,  ch.  XXXXVm,  p.  iio. 


^  90  — 

ries  (lenlîstes.  A  propos  ih  la  toxicologie,  on  verra  plus  loin  !e1 
degré  de  celle  qui  pèse  sur  les  Jébitanls  de  drogues. 

Aptitude  à  témoigner,  —  Pour  qu'un  individu  soit  Iiabile^ 
cl  acceptable  à  léinoigner,  il  faut,  lorsqu'il  va  déposer  en 
juslicei  qu'il  ne  soit  pas  excentrique  dans  ses  croyances,  soit 
par  ignorance,  soil  par  système  ou  de  propos  délibérô,  fût-cej 
même  par  suite  de  raisonncinens  e*  par  esprit  philosophique  ;î 
il  ne  doit  pas  être,  par  exemple,  un  Kharitlji  (proteslanl)   ou 
un //acfan  (falalistc),  c'est  à  dire  un  sectaire  ou  un  partisan 
de  la  doctrine  de  la  Don-prédesU nation  ou  fatalité  des  actes-^ 
Cetie doctrine  implique  Tignorance  des  rapports  descauses  aux'' 
effets;  les  doctrines  des  sectaires  ou  schismatîques  impliquent, 
la  tendance  à  expliquer  les  choses  par  les  discussions  (1). 

La  défense  de  coïter  pendant  les  règles  est  telle  que  la  loi 
dit  :  «  Est  inacceptable  le  témoignage  judiciaire  de  relui  qui 
a  cohabité  avec  sa  femme  pendant  les  menstrues  (2).  i^ 

Opérations  judiciaires. —  Tout  individu  coupable  de  vol, 
doit  subir  la  mutilation  de  la  main  droite  ou  ampiilalion  du 
poignet  droit  ;  aussitôt  après,  on  cautérise  la  plaie,  afin  d*ar- 
rêter  lecoulemcnt  du  sang  et  de  prévenir  la  mort  du  patient. 
L'application  du  feu  n*est  point  un  complément  do  la  peine 
judiciairei  c'est  un  devoir  que  rautoritc  est  tenue  de  remplir 
envet^s  le  condamné,  dans  le  but  de  lui  conserver  la  vie,  [Si  la 
main  droite  est  parai vsée,  s'il  y  manque  Icplusgrand  nombre 
de  doigts,  on  ampute  le  pied  gauche.)  Après  que  la  main 
droite  a  déjà  été  mutilée,  le  coupable  commet-il  un  autre  vol  ? 
on  auipule  le  pied  gauche,  lorsque  rauiputalion  précédente 
est  guérie,  et  après  un  nouveau  vol,  on  ampute  la  main  gaii- 
clie;  puis  pour  un  autre  vol  encore,  on  ampute  le  pied  droit.  ^ 


— *»1  — 

L'amputation  du  pied  se  pratique  de  haut  en  bas,  au  pli  arti- 
culaire ou  point  de  jonction,  à  angle  du  pied  et  de  la  jambe; 
on  laisse  ainsi  le  talon  cernme  point  d'appui  pour  la  locomo- 
tion ou  la  station.  Il  est  entendu  qu'après  l'amputation'  du 
pied,  on  arrête  aussi  le  sang  par  la  cautérisation  (1). 

Les  diverses  opérations  sanglantes  à  exécuter  sur  les  mem- 
bres d'un  coupable  ne  doivent  se  pratiquer  qu'à  intervalles  de 
temps  éloignés,  lorsque  le  coupable  ne  pourrait  les  subir  à  la 
suite  immédiate  l'une  de  l'autre,  sans  être  exposé  à  une  mort 
cerl^ne.  Tel  serait  le  cas  où  l'on  amputerait  immédiatement, 
Tun  après  l'autre,  deux  membres.  Du  reste,  on  commence  par 
la  plus  forte,  ou  la  plus  pénible,  s'il  n'y  a  rien  àcraindrepour 
la  vie  du  patient.  S'il  y  a  à  craindre  d'occasionner  la  mort, 
on  attend  que  le  coupable  ou  puisse  supporter  la  peine,  ou 
meure  (2). 

Attentats  à  la  pudeur.  Les  outrages  à  la  pudeur  peuvent 
être  considérés  comme  pratiqués  en  public,  devant  plusieurs 
témoins,  ou  dans  les  rapports  intimes  entre  époux.  A  propos  de 
ces  derniers,  le  Koran  comporte  les  prescriptions  suivantes  (3)  : 

«Les femmes  sont  votre  champ.  Allez  à  votre  champ  commç 
vous  voudrez.  »  Voici,  d'après  M,  Kasimirski,  comment  les 
docteurs  de  la  loi  entendent  ce  passage  :  «  Venite  ad  œgrum 
v€Sirum,qféomodo^unque  volueritis,  ideststandOtSedendo, 
jaeendo^  à  parte  anteriori  seu  posteriori  ;  judœi  enim 
dicebaiU  :   qui  coierit  cum  uxore  sud  in  vase  quideni 

(t)  T*  VI,  cb.  4Sp  p.  63.  —  I.  Serait-M  cette  habitode  de  mutilation»  jadiciaire»  tt  la  honte 
dMrt  dlcs  frappaient  pour  tovjoan  un  coupable,  qui  ont  %i  fort  décrié  Ica  amputation*  ches 
1«  Arabes  7  a.  Les  chirurgiens  remarqueront  ci-dcMus  un  singulier  procédé  d'amputation. 
Urso-ursienne.  3 .  Les  mutilations  judiciaires  sont  aujourd'hui  remplacées  en  Algérie  par 
U  bastonnade,  la  prison,  etc. 

fa)  T.  V.cb.  XXXX,p.  394.  '^ 

(1)  Cb.  Il,  T.  >s3. 


\^ 


—  92  ^ 

(mtériori,  sed  àpart$posticâ,  procreabii  fiUumsagaciorem 
et  ingeniosiorem.  » 

La  cohabitation  illicite  (union  charnelle  que  la  loi  punit 
d'une  peine  afflictive  déterminée)  est  Tacle  intentionnel  de 
l'individu  pubère,  doué  de  raison,  musulman,  qui  introduit 
le  gland  du  pénis  dans  les  parties  naturelles  d'une  personne 
sur  laquelle  il  n'a,  au  point  de  vue  viril,  aucun  droit  légal 
reconnu  par  la  loi  (1). 

Les  époux  ont  le  droit  de  jouir  l'un  de  l'autre,  de  toutes  les 
manières  de  jouissance,  excepté  par  la  sodomie.  Il  a  été  dit  : 
Les  femmes  sont  nos  terres  labourables;  à  vous  d'y  semor,  à 
Dieu  d'y  faire  germer  (2). 

«  Si  deux  individus  parmi   vous  commeltcnt  une  action 

infâme,  faites-leur  du  mal  à  tous  deux Abusercz-vous  des 

hommes  au  lieu  de  femmes  pour  assouvir  vos  appétits 
charnels?  En  vérilé,  vous  êtes  un  peuple  livré  aux  excès  (3).  » 
L*œuvre  de  pédérastie  ou  sodomie  est  l'équivalent  de  cohabi- 
tation illicite,  et  encourt  la  peine  légale  ou  lapidation  (^y . 

La  question  du  viol  implique  nécessairement  l'examen  de 
l'état  matériel  des  organes  de  la  génération.  «  L'hymen  ou 
caractère  de  virginité,  dit  Si  Khelil,  peut  avoir  été  détruit  soit 
par  l'approche  virile,  soit  par  accident  comme  à  la  suite  d'un 
mouvement  violent,  d'un  saut,  soit  par  voie  illicite  (inceste, 
viol).  »  Il  dit  ailleurs  :  «  Le  sperme  d'un  homme  s'échappe 
par  jets  ;  il  a  l'odeur  de  la  fleur  du  dattier  ou  de  la  pâle.  Ces 
caractères  le  distinguent  de  la  liqueur  limpide,  séminiforme, 
qui  s'échappe  lentement  et  peu  à  peu,  lorsque  des  idées  volup- 
tueuses remuent  et  animent  l'homme.  » 

(i)  T.  VI,  de  Si  Khetif,  ch.  XXXXill,  p.  3. 
(a)  T.  II,  p.  3x7. 

(3)  Kormn,  ch.  IV,  v.  20,  etcfa.  VII,  t.  79. 

(4)  SiKhrlil,  \.  Vf,  ch.  XXXXIII,  p.  6. 


—  93  — 

iirfi*/^r^.— L'anathèmeconjugal,  ou  adultère,  est  prononcé 
lorsqu'il  y  aeu  vérification  de  la  grossesse  par  des  matrones, 
avant  raccouchement....  Il  faut  que  six  mois  au  moins, 
intervalle  qui  est  le  minimum  fixé  par  la  loi,  aient  séparé  les 
deux  enfantements,  sinon  les  secondes  couches  ne  seront  que 
lu  501(0  et  le  complément  des  premières  (4  ). 

Mariage.  —  D'après  l'opinion  la  plus  générale,  il  n'est  pas 
permis  à  l'individu  gravement  malade  de  se  marier,  à  moins 
que  le  mariage  ne  soit  jugé  nécessaire  à  cet  individu  ou  sous 
le  rapport  des  soins  qu'il  peut  recevoir  de  la  femme,  ou  sous 

d*aalres  rapports On  se  hâtera  de  rompre  et  d'annuler  le 

mariage  du  malade,  dès  que  l'on  en  aura  connaissance,  la 
femme  fut-elle  en  menstrues,  à  moins  que  celui  qui  était 
malade  ne  soit  guéri.  Alors  le  mariage  est  maintenu;  car  le 
mariage  n'est  défendu  aux  malades  que  dans  la  crainte  qu'il 
ne  soit  une  cause  de  mort.  Les  circonstances  qui  établissent  le 
droit  d'option  (ou  droit  de  consentir  au  maintien  du  mariage 
ou  d'en  exiger  la  dissolution)  sont  :  i®  Le  taras  ou  colorations 
cutanées  blanches  (vitiligo,  leifcé)  ou  brunes  (taches  primor- 
diales de  la  lèçre  ou  eléphantiasis  des  grecs)  ;  2*  dans  ces 
décolorations  qui  comportent  le  cas  d'option  sont  également 
rangées  les  grandes  cphélides  hépatiques  ou  grandes  taches  de 
rou^ur;  3**  une  maladie  telle  que  celui  qui  en  est  atteint 
laisse  échapper  par  l'anus,  pendant  l'œuvre  du  coït,  des 
matières  stercorales  ;  4^  la  lèpre  déclarée  ;  non  pas,  si  la  mère 
ou  le  père  de  Tun  des  conjoints  en  est  atteint;  B°  la  castration 
du  pénis  ou  des  testicules  ;  mais  quand  le  pénis  existe  et  que 
réjaculalion  séminale  peut  avoir  lieu,  il  n'y  a  plus  de  cause 
d'option,  car  alors  le  but  principal  et  véritable  de  l'union  des 
sexes,  c'est-à-dire  le  plaisir  y  peut  être  atteint  par  les  époux; 
si  la  tête  du  pénis  manque,  il  y  a  motif  d'option  ;  6°  Tinappé- 
• 

(0  T.  III,  ch.  VI,  p.  47 


—  94  — 

tence  véDérienne  dans  Tuû  et  l'autre  conjoint;  ou  l'inaptitude 
de  l'homme  à  pratiquer  le  coït,  à  cause  de  la -brièveté  du 
pénis;  7**  un  membre  viril  bien  conformé,  mais  incapable 
d'érection;  8®  une  excroissance,  ou  charnue,  ce  qui  est  le  plus 
ordinaire,  ou  osseuse,  émergeant  des  parties  génitales  de  la 
femme;  9^  l'imperforation  congéniale  ou  rétrécissement 
adventice  du  conduit  vaginal  ;  iO**  la  gravéolence  du  puden- 
dum  dans  la  femme;  H^  une  protubérance  à  la  partie  anté- 
rieure de  la  vulve  présentant  l'aspect  d'une  hernie  chez 
l'homme  et  laissant  suinter  une  certaine  humidité;  12**  la 
communication  du  vagin  avec  l'urêlrc  ou  avec  l'anus,  de 
manière-à  ne  présenter  qu'une  seule  voie.  Toutes  ces  causes, 
qui  autorisent  l'option,  doivent  avoir  existé  avant  la  contrac- 
tation  définitive  du  mariage  (excefplé  dans  le  cas  d'une  lèpre 
évidente  ou  d'un  éarfiw  repoussant) .  Du  reste,  on  fixera  Tinter- 
valle  d'une  année  lunaire  pour  la  guérison  de  la  folie  ou  du 
baras  et  de  la  lèpre,  lorsqu'on  pourra  espérer  la  guérison  de 
ces  trois  sortes  de  maladies.  Cet  intervalle  de  tenips  écoule,  le 
conjoint  non  malade  optera.  S'il  a  été  stipulé,  en  contractant  le 
mariage,  que  les  conjoints  devront  être  sains  et  exempts  de 
ces  divers  motifs  d'option,  la  couleur  trop  foncée  des  individus, 
la  teigne  avec  calvitie,  l'âge  ou  trop  jeune  ou  trop  avancé,  etc., 
rentrent  dans  la  catégorie  de  ces  causes  d'option.  Ccpend^t  le 
mariage  ne  sera  point  révoque,  si  la  femme  est  chauve  (le  mari 
croyant  le  contraire),  si  elle  a  l'haleine  forte  et  mauvaise,  ou 
la  bouche  fétide.  Au  mari  accusé  d'impuissance,  on  accordera 
un  délai  d'une  année  complète;  après  ce  temps,  pendant  lequel 
l'individu  se  sera  traité  de  son  impuissance  et  aura  reçu  les 
influences  des  quatre  saisons,  si  l'élat^viril  n'est  pas  au  point 
désirable,  la  femme  sera  libre  d'exiger  la  dissolution  du 
mariage.  Le  mari  peut  obliger  sa  femme  à  faire  traiter  toutes 
les  maladies  de  ses  parties  génitales,  en  particulier  l'oblitéra- 
tion ou  la  coarctation  vaginale  accidentelle  ;   les  dépenses 


—  9S  — 

nécessaires  sont  à  la  charge  du  mari.  Il  en  est  de  même  pour 
toutes  les  autres  maladies  des  parties  génitales  de  la  femme  (1). 

Lajurisprudence  musulmane  admet  des  maladies  à  réci- 
dives, pouvant  être  invoquées  pour  annulation  de  contrats, 
pour  incapacité  civile,  etc.  Elle  considère  telles:  «L'évacuation 
involontaire  de  Turinc  pendant  le  sommeil,  l'incontinence 
tf  urine,  la  toux  déjà  prolongée,  Thematurie,  les  irrégularités 
des  menstrues^^tc.  La  fièvre,  les  taies  ne  sont  pas  des  maladies 
qui  reparaissent,  par  la  raison  qu'elles  ont  déjà  existé  chez 
l'individu.  » 

Le  père  a  droit  d'imposer  un  mariage  à  sa  fille  atteinte  de 
folie,  à  sa  fille  encore  vierg^,  fût-elle  même  déjà  âgée  et  éman- 
cipée, à  moins  cependant  qu'il  ne  s'agisse  d'unir  cette  fille, 
pat  exemple,  à  un  eunuque  de  nature  telle  qu'il  ne  puisse 
fournir  de  liquide  spermatique,  ou  bien  à  un  individu  impuis- 
sant ou  difforme,  ou  à  un  fou,  etc.;  —  à  sa  fille  jeune  encore, 
n'étant  plus  vierge,  c'est  à  dire  dont  l'hymen  ou  caractère  de 
la  virginité  a  été  détruit  soit  par  l'approche  virile,  soit  par 
accident  (mouvement  violent,  saut),  soit  par  voie  illicite  (in- 
ceste, viol,  s'en  fût-il  suivi  une  grossesse]  (2). 

Avant  Mohammed,  les  femmes  d'une  môme  famille  passaient 
indistinctement  dans  les  bras  du  père,  du  fils,  de  l'oncle,  du 
frère,  etc.!  Le  Koran  dit  à  ce  sujet  :  «  N'épodsez  pas  les  femmes 

qui  ont  été  les  épouses  de  vos  pères,  c'est  une  turpitude 

tl  vous  eit  interdit  d'épouser  vos  filles,  vos  sœurs,  vos  tantes 
paternelles  et  maternelles,  vos  nièces,  vos  nourrices,  vos  sœurs 
de  lait,  les  mères  de  vos  femmes,  les  filles  confiée^  à  votre 
tutelle  et  issues  de  femmes  avec  lesquelles  vous  auriez  coha- 
bité, les  filles  de  vos  fils,  ni  deux  sœurs il  vous  est  défendu 


(0  T.  Il,  ch.  V,  p.  4u3. 
f»;  T.  ll,cb.  V,  p.  ai6. 


—  96  — 


n 


d'épouser  des  femmes  mariées,  excopié  celles  qui  seraient 

tombées  entre  vos  mains,  comme  esclaves  (I). 

Lorsque  le  lait  d'une  femme  est  arrivé  dans  le  corps  d'un 
enfant,  fût-ce  en  versant  dans  la  bouche  ou  par  le  moyen  d*uo 
biberon,  ou  par  instillatioo  dans  le  nez,  ou  par  introduclion 
dans  Taous, fût-ce  encore  à  Tétai  delail  mélangé  avec  d^autrqs 
nourritures  ou  avec  des  substances  médicamenteuses,  ou  avec 
de  Teau,  etc.,  il  s'est  opéré  une  parenté  qui  interdit  toute 
union  conjugale  entre  Tenfant  et  tous  ceux  qui  auront  usé  ou 
sucé  du  lait  de  cette  même  femme.  Il  est,  sous  ce  point  de  vue^ 
l'enfant  de  cette  femme,  Tenfautdo  lait,  le  frère  ou  la  sœur  de 
lait  des  nourrissons  et  des  enfants  de  cette  femme....  Mais 
cette  parenté  n'est  point  établie,  si  le  lait  de  la  femme  est  ins- 
tillé ou  versé  dans  les  yeux  de  Fenfant,  ou  dans  les  oreilles,  -. 
on  sur  la  tête,  etc.....  Pour  que  s'établisse  la  parenté  de  lait,  ■ 
il  faut  que  Tintroduction  du  lait  dans  l'enfant  ait  eu  lieu  dans 
les  deux  premières  années  de  la  vie  (â). 

Il  est  défendu  à  tout  Musulman  d'être  marié  avec  cinq 
femmes  ensemble  (3). 

Tout  mari  fera  à  ses  femmes,  même  à  celle  qui  serait  en 
état  d'aliénation  mentale  ou  toute  autre  nmladie,  un  partage 
égal  de  ses  nuits,  et  il  ajoutera  à  chaque  nuit  la  journée  qui 
la  suivra  (4).  Le  mari  agira  toujours  ainsi,  quand  même  la 
Cûliabitation  conjugale  ne  devra  pas  avoir  lieu,  soit  par  empê- 
chement légal  (femme  malade,  ou  en  menstrues,  ou  en  suites 
de  couches),  soit  par  motif  matériel  ou  pernianent  (conduit 
vaginal  impraticable).  -«  Le  mari  n'est  pt>rut  obligé  à  un 
partage  égal  des  copulations.  —  Quand  un  fidèle  déjà  mari© 
épouse  un€  vierge,  il  doit  lui  accorder  sept  nuits  coûséculives; 


I 
I 


(t)  K«hiiit  cil.  JV*  v>  t$,  37  ei  >t. 
(m)  Si  irA#H  t.  nu  ch.  10.  p.  lio, 
0)        là.       u  n,  ï».  361. 
f4)  T.  ILch.  V,  p.  5o3, 


—  97  — 

ooeiOQfeUe  femme  non  vierge,  il  ne  lui  doit  que  trois  nuits 
GOBsécotives.  Le  mari  peut  accorder  à  une  femme  le  tour  des 
fréquentations  dues  à  une  autre,  avec  le  consentement  de  cette 
dernière,  et  gratuitement  ou  non;  de  même,  une  femme  peut 
acheter  de  sa  compagne  son  tour  de  relations  conjugales,  etc. 
C'est  uo  péché  de  ne  pas  terminer  une  copulation  commen- 
cée.{1). 

H  est  défendn  d'approcher  maritalement  de  la  femme  en 
menstroes,  de  se  permettre  de  la  toucher  même  par  dessus  les 
Têtements,  à  partir  de  la  ceinture  jusqu'aux  genoux.  Le 
Prophète  a  dit  :  «  La  femme  en  menstrues  doit  serrer  sa  cein- 
te; mais,  ce  qui  est  plus  haut,  est  à  ta  disposition.  »  Ces 
défenses  durent  jusqu'à  la  cessation  légale  des  menstrues,  car 
Dieu  a  dit;  4(  N'approchez  de  vos  femmes  que  lorsqu'elles  se 
sont  purifiées  par  l'eau.  » 

Divorce,  — L'anathème  conjugal  n'est  établi  sur  l'accusa- 
tion d'adultère  portée  par  le  mari  contre  sa  femme,  que  si 
celtedernière  est  accusée  d'avoir  cédé  à  une  copulation  illicite 
naturelle  ou  sodomique.  Par  suite  de  l'anathème  positivement 
^^bli,  le  fruit  développé  et  complet  auquel  la  femme  donnera 
'^  jour,  i  partir  de  six  mois^omptés  depuis  le  jour  où  la  femme 
^û'te' trouvée  en  adultère,  ne  sera  point  attribué  au  mari.  — 
S* l'accouchement  normal  a  eu  lieu  avant  les  six  mois  écoulés 
^i»  la  cohabitation  illicite,  le  fruit  est  attribué  au  mari,  à 
"ûoinsqu'il  n'oppose  qu'il  était  en  état  de  continence  l^ale. 
■^  i'anathème  conjugal  est  seulement  prononcé,  lorsque  le 
^^^^  nie  sa  participation  à  la  grossesse  de  la  femme,  à  con- 
^^n  qu'il  y  ait  eu  vérification  de  la  grossesse  par  des 
*Wroûes,   bien  avant  l'accouchement.   Daq^  tous  les  cas 
P^ibles,  lorsque  deux  femmes  appelées  en  témoignage  ou 


r»)T. 


III;   Ch.  VI,   p.    -. 


I 


—  98  — 

[cbargées  J'cxamineret  visiter  les  parliesgénilales^  do  la  femine 
|témoigneril  en  faveur  du  îimri   contre  hi  femme  qtii  même 
y'aura  démenti  par  serment,  leur  déposititDn  fera  foî*   Le^ 
oatrones  sont  chargées  de  constater  Tétat  de  grossesse  che 
les  femmes  qui  se  séparent  de  leurs  maris.  La  grossesse  ne  peut' 
"pas  se  constater  avant  le  troisième  mots,  et  les  mouvement&j 
de  l'enfant  ne  sont  pas  sensitjles  avant  le  quatrième  mois<| 
—  L'attente  de  continence  est  imposée,  lorsque  la  femme  i 
soixante  ans  et  au  delà,  c  est  à  dire  qu^elle  est  assez  âgée  pour 
ne  plus  devenir  enceinte;  ou  lorsqu\'!!e  est  vierge,  car  il  e$t_ 
possible  que  celui  qui  la  possédait,  n'ait  eu  de  rapprochement! 
sexuel  avec  elle  qu'à  l'oxlérieur  des  parties  génitales^  et  qu'il 
en  soit  résulté  cependant  une  conception  (11.  ^ 

Le  divorce  était  d'autant  plus  fréquent  et  plus  facile,  avant 
Mohammed,  que  chacun  prenait  autant  de  femmes  qu'il  vou- 
lait et  les  quittait  àvolonlé.  Pour  éviter  lesabus,  Tinconslance, 
le  dérèglement  des  mœurs  et  surloot  la  dégradation  de  la  race 
qu'auraient  produits  de  trop  grandes  facilités  dans  la  répudia- 
tion, le  Prophète  établit  certaines  lois  destinées  à  la  régiemen-] 
1er,  Nous  lisons  à  ce  sujet  dans  le  Roran  : 


<i  Les  femmes  répudiées  laîâseront  écouler  le  temps  de  trois  mens 
trues  avant  de  se  remarier.  Eî les  00  doivent   point  cacher  ce  que 
Dieu  a  créé  dans  leur  sein,  si  elles  croient  en  Dieu  et  au  jour  der- 
nier. Il  est  plus  équitable  que  les  maris  les  reprennent  quand  elles 

sont  dans  cet  état,  s*ils  désirent  la  paix La  répudiation  peut  se 

faire  deux  fois.  Gardez-vous  votre  femme,  traitez-la  honnêtement; 
Ja renvoyez- vous, renvoye«4a avec  générosité...,  Si  un  mari  répudie 
sa  femme  trois  fois,  il  ne  Jui  est  permis  de  la  reprendre  que  lors- 
qu'elle aura  épousé  un  autre  mari,  et  que  celui-ci  i'aura  répudiée 
à  son  tour.,,.  Le«  mères  répudiées  allaiteront  leurs  enfants  deux 
ans  complets,  si  le  père  veut  que  le  temps  soU  complet.  Iq  père  de 


(i)  T,  U,  ciiftp.  V.  t«5tt.  XV 11.  />wi,v 


—  99  - 

reafiuit  est  tenu  de  pourvoir  à  ia  pourriture  et  aux  vôtemeots  de  la 
lèmme  dTune  manière  honnête  (1). 

la  répudiation  d'une  femme  enceinte  pouvait,  en  effet, 
avoir  des  inconvéniens  pour  elle-même  et  pour  le  produit  de 
la  conception -j  aussi  la  loi  a-t-elle  eu  raison  d'exiger  qu'elle 
attende  chez  le  mari  jusqu'à  sa  délivrance,  entretenue  à  ses 
frais;  et  que  le  père  de  l'enfant  soit  obligé  de  les  nourir  et  de 
ponrvoir  à  leurs  besoins  jusqu'au  sevrage.  «  Ayez  soin  des 
femmes  répudiées  qui  sont  enceintes;  tâchez  de  pourvoir  à 
leurs  besoins  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  accouché;  si  elles  allai- 
tent vos  enfants,  donnez-leur  une  récompense  (2). 

Serment  de  continence^  —  L'abus  des  plaisirs  vénériens, 
surtout  quand  ils  sont  précoces,  énervant  de  bonne  heure  l'in- 
Anidiu  et  la  race,  n'a  pas  échappé  aux  législateurs  musulmans  ; 
aussi  ont-ils  cherché  un  frein  aux  passions  sexuelles,  en 
étiklissant  un  serment  de  continence. 

Tout  Mahométan  doué  de  raison  et  d'intelligence,  jugé 
^pable  d'arriver  à  accomplir  la  copulation,  peut  s'engager, 
fficme  quand  il  deviendrait  malade,  à  ne  pas  cohabiter  avec  sa 
femme  (3).  La  continence  jurée  doit  toujours  être  de  plus  de 
quatre  mois  pour  le  mari  de  condition  libre. 

Ï^Koran  dit  :  «  Ceux  qui  font  vœu  de  s'abstenir  de  leurs 

feoimes  auront  un  délai  de  quatre  mois  pour  réfléchir,  afin  de 

**^^pas8eséparer  de  leurs  femmes  inconsidérément.  Si,  pendant 

^  temps  là,  ils  reviennent  à  elles.  Dieu  est  indulgent  et 

miséricordieux  (4).  » 

^ossesse.  —  La  femme  en  âge  de  nubililé  ou  de  copula- 


(0  (^p.  n,  T.  a»l,  aag,  i3o  et  a33. 
(")  Korm,  ehap.  LXV,  v.  6. 
(^SiKkeii/,l.in,  ch.  VI,  p.  3. 
(4)(4.  II.V.  2iC. 


—  100  — 

lion  est  celle  qui,  seloD  Topinion  générale,  a  dépassé  Tige 
de  neu/*ans  :  avant  la  nubilité,  la  conception  est  impossible  (4  ] . 
Les  menstrues  sont  un  écoulement  de  sang  et  aussi  de 
liquide  jaunâtre  ou  trouble,  sortant  de  lui-même,  non  jpar 
influence  médicamenteuse,  des  parties  génitales  de  la  femme 
qui  peut  dans  Tétat  ordinaire  des  choses,  devenir  enceinte,  et 
quand  même  il  ne  s'échapperait  qu'une  seule  jetée  de  sang, 
La  plus  longue  durée  légale  des  menstrues  chez  la  femme 
menstruée  pour  la  première  fois,  est  de  quinze  jours,  et,  par 
conséquentalors,  la  plus  courte  durée  légale  de  la  pureté,  après 
la  menstruation,  est  de  quinze  jours.  Après  chaque  menstrua- 
tion, le  plus  long  délai  pendant  lequel  la  femme  menstruée 
doive  attendre  si  ses  menstrues  reparaîtront,  est  de  trois  jours 
au-delà  de  la  plus  longue  durée  de  jours  que  les  mefisCfues 
ont  présentée  dans  Tétat  ordinaire  et  habituel;  maison  ne 
doit  pas,  y  compris  le  délai  et  le  temps  des  règles,  dépasser  la 
moitié  du  mois.  Pour  la  femme  enceinte,  à  p^^ir  du  troisîmhe 
mois  jusqu'à  la  fin  du  sixième,  les  règles  peuvent  durer  de 
quinze  à  vingt  jours;  depuis  le  sixième  mois  et  au-delà,  elles 
peuvent  durer  vingt  à  vingt-cinq  jours,  car  plus  la  grossesse 
avance,  plus  le  sang  abonde.  La  cessation  de  l'impureté 
menstruelle  ordinaire  se  reconnaîlà  la  disparition  de  tout  écou- 
lement du  liquide  sanguin,  ou  jaunâtre,  ou  opaque,  ou  bien  à 
récoulement  d'un  liquide  blanc  comme  de  l'eau  blanchie  par 
la  chaux  ou  du  plâtre.  Ce  dernier  écoulement  est  le  caractère 
le  plus  décisif  chez  la  fetnme  menstruée,  elle  doit  en  attendre- 
l'apparition,  jusqu^au  dernier  moment,  avant  de  vaquer  à  ses 
devoirs  religieux.  Aussi,  c'est  au  moment  d'aller  se  livrer  au 
sommeil  et  vers  le  malin  que  la  femme  en  menstrues  doit 
examiner  si  elle  est  arrivée  au  terme  de  son  impureté  périodi- 
que (2).  Selon  les  pays  et  les  climats,  l'écoulement  des  mens- 

CO  Si  KhtlU,  t.  III,[ch.  IX,  p.  6i, 
(a)        Id.       t.  I,  ch.  I,  scct.  X2. 


—  nu  ^ 

[  est  plus  cm  moins  prolongé  (i).  Avant  l'âge  der cinquante 

u      '       tng  qui  s*écoule  ties  parties  géottalei»  est  sam  aucun 
[il. ..:     „  sang  mcnstrud  ;  à  soi^anlonlix  an^,  cp  snnu  n*»  peut 
[)loi  être  iiienstmel  (2). 

Celui  qui  touche  avec  une  iniention  de  plaisir,  jsa  femoie  en 
i(  de  menstrues,  perd  la  Taleur  de  la  retraite  spirituei!e.  — 
t'apparitioTi  des  menstrues,  en  rendant  la  femme  impure,  IV 
lipcàsuspendre  tout  devoir  religieux  (3). 

A  propos  delà  durée  de  larelraile  ou  attente  légale  imposée 
i  Va  îtmme,  la  loi  veut  que  cetledurée  se  compte  l4>ujour*  par 
lertodoâ  menstruelles,  quand  rnémela  femme  a  unécoutement 
Henstruiforme,  et  lorsqu'elle  peut  distinguer  par  la  couleur, 

leur  et  la  quantité,  le  sang  raenstruitormc  du  sang  mens^ 
riie\TériiaWeii}, 

Qoaol  au  ierme  de  cinq  ao5  pour  le  ma^iimum  de  durée 
siblede  h  gestation,  il  a  été  contesté  par  nombre  de  1^ 

rbien  qu'il  soildonné  comme  le  terme  indiqué  par  Dieu  ; 

oc  de  quatre  ans  est  accepté  comme  le  plus  général  (5). 

Dafi5l6  mariage  légal,  la  femme,  une  fois  veuve,  doit  subir 

une  retraite  de  quatre  mois,  plus  dix  jours  complets  ;  le*  dix 

^ors  sùût  ajoutée  pour  remplir  les  cléficitd  de»  mois  lunaire* 

i  durée  de  quatre  mois  est  ainsi  fixée,  parce  que  c'est  vers 

^Gc4(e  époque  que  se  font  sentir  les  mouvemens  de  leofant 

le^ein  maternel  (6). 

Ia  femme  de  soixante  ans  et  au  delà  est  asses  âgén^or  ne 

lus  deveilîr  enceinte  (7), 


I  (t;  Si  MhȈt  t*  I,  i^p.  t,  Mftt,  lau  ^  6$. 

m     y  id.        p.  7t. 


—  un  — 


i  puisse  refuser  les  dépenses  alimenlaires 

femme,  il  faut  que  cclle-d  ne  soit  pas  enceinte.  De  même, 

isi  la  femme  est  enceinte  et  séparée  par  répudialion  définitive, 

telle  recevra  un  vêtement  complet  et  une  valeur  en  argent 

freprésentant  ce  dont  clic  pourrait  avoir  besoin  après  que  se 

sont  écoulés  quelques  mois  de  gestation  (1  ) . 

Si  la  durée  des  quatre  mois  et  dix  jours  de  retraite  légale 
ne  s'achtve  pas  avant  que  reparaissent  les  menstrues,  si  la 
femme  est  menslruée  tous  les  quatre  mois  soit  naturellement, 
soit  pour  cause  de  maladie,  —  ou  si  les  quatre  mois  et  dix 
jours  étant  passés,  les  matrones»  après  !e  toucber  et  l'examen 
des  parties  génitales,  déclarent  que  les  menstrues  ont  été 
retardées,  si  par  le  toucher  et  Fexamen  de  la  femme  il  est 
indiqué  que  les  règles  sont  retardées  et  suspendues,  la  durée 
de  la  retraite  sera  prolongée  jusqu'à  neuf  mois  [Sidi  Khelil], 

Au  point  de  vue  légal,  une  période  menstruelle  ne  suffit 
point  pour  décider  si  la  femme  est  ou  non  enceinte,  il  en  faut 
deux;  et  si  une  femme  a  été  répudiée  pendant  les  menstrues 
ou  pendant  les  suites  de  couches,  elle  n'est  libérée  qu*au 
commencement  de  la  quatrième  menstruation  suivante.  *— 
Relativement  au  fait  de  durée  des  menstrues,  on  en  référera  à 
des  matrones  ou  femmes  expérimentées,  afin  de  savoir  si  cette 
durée  doit  être  d'un  jour  ou  d'une  partie  d'un  jour  Le  fait 
suppose  que  si  les  menslrues  ont  duré  deux  jours,  il  n*cst  pas 
nécessaire  de  consuller  des  nmtrones*  Si  la  tlurée  est  moindre, 
on  doit  consulter,  parce  que,  selon  Ic^  pays  et  les  climats, 
récoulcmentdes  menstrues  est  plus  ou  moins  prolongé.  — 
Tout  ce  qu'iine  femme  pourrait  voir  à  l'ilgc  de  sept  ans,  en 
fait  d^écoulcment  vaginal  sanguin,  est  un  incident  patliologi- 
quc  anormal,  et  la  loi  le  considère  comme  nuL  — On  consul 
lera  des  matrones  pour  savoir  si  le  sang  qui  s*écoule 


(i)  s*  xhtUi,  i.  m,  <hii]i  IX,  I»  «18 


—  »o:î  — 

1res  gèniioieft  9ê  ta  remints  an  tvé^.'  à  répoquc  de  ia  méno-  i 
ause   [par  exemple  à  cinquante  ans),  est  ou  non  du  saog 
ieuslrut*J  [Sidi-hhelil)* 

itortemenl,  —  Il  est  défendu  à  la  femme  de  chercher,  par 

ique  uiojen  que  ce  soit,  à  se  faire  arorler,  même  avant  les 

lie  premiers  jours  de  la  grossesse,  et  lors  mêtiie  que  le 

y  const^nlinuL  La  défense  concerne  également  les  femmes 

^veoQeâ  eoceinles  à  la  suite  d*une  cohabitalion  illicite  (I). 

Quiconque  a  été  la  cause  d'un  avortement  qui  a  amené  un 

élus  non  viable,  ou  même  à  Télal  d*embryoo   [atak\^  doit 

ijrer  une  valeur  équivalente  au  dixième  du  prix  qui  serait 

itgé  pour  le  meurtre  de  la  mère.  Dans  aucun  cas,  la  lot  ne 

oosiJère  si  ravortemenl  a  été  dclerminé  par  un  coup,  par 

ine  iul\m\<hUtm^  par  une  querelle  m\  par  i|uelque  odeur  forte 

lue  Von  a  donné*^  à  respirer.  Mais  il  faut  la  preuve  que  telle 

f  ces  causes  a  provoqué  lavortement,  que  parlVIÏel  'lesdeuï 

ernières  cauiHîs  précitées  la  mère  a  été  obligée  de  se  tenir 

rr  '-'  '     irs^iua  ravurlernL'nt.  D'aali'c  part,  il  est  nécessaire 

bi  dier  si  le  fruit  du  ravcrtementcst  une  môle  ou  est  un 

^ à  l'état  d'embryon.  L*embryon>  disent  les  commenta- 

ÈUfS,  est  une  masse  concrète,   héinatoïde  ou  sanguine,  qui 

dissout    pas  dans   Tcau   chaude.   La  môle  est  une 

sanguine  qui  se  dissout  dans  Feau,  parce  que  celle 

liasse  n*a  rien   en   elle Lorsqu'il   y  a  eu    inlention 

bnnelle  de  provoquer  Tavortement  en  frappant  lu  mère 
^wr  lu  ventre  ou  sur  le  dos  ou  sur  la  tête»  et  que  l'enfant 
st  venu  vivant  et  viable,  puis  est  niorl,  le  principe  est  qu'il 
pya  lieu  à  prononc^er  la  peine  de  mort  contre  le  coupable, 
|«e  lorsque  la  mère  a  été  frappée  par  lui  sur  h*  ventre,  ou  sur 
!  dos....  La  raison  pour  laquelh^  la   loi  piirle  ici   des  coups 


—   104  — 


portés  sur  lalêté  comme  causes  provocalrices  de  ravorlemenl 
c'est  quf  les  gros  vaisseaux  qui  de  la  tête  vantaucœur  sonl 
rîïilermédiaire  par  lequel  les  ébranlemeBts  de  la  lêteébraTilea|j 
aussi  le  cœur  (1). 

Accouchement. — ^  Lorsqu*une  femme  eDceinle  vient 
mourir,  si  ToQ  peut  extraire  l'enfaiït  par  les  Toies  Datiirdi 
orrlinaires,  c'est  k  dire  par  les  parlles  génitales,  on   l'ex- 
traira (2). 


n 


On  n'ouvre  point  le  ventre  d'une  femme  morte  enceinte  pour 
en  retirer  lenfant,  lors  même,  dit  le  moudûoneneh*  (3),  qu^ 
l'enfant  s'agiterait  encore  dans  le  sein  de  sa  mère,  et  que  Yo 
pourrait  espérer  de  lui  conserver  ia  vie  :  seulement  on  n*e 
terrera  pas  la  mère  avant  que  le  fœtus  ne  soit  mort,  leciidavre 
de  la  fcmmeconuoençat-il  à  se  déeom poser.  Cependant  des 
autorités  de  la  plus  liauie  considération  assurent  qu'il  est  per- 
mis d'ouvrir  le  ventre  d'une  femme  morte  enceinte,  mais  à  la 
condition  qu'il  Y  ail  espoir  desauver  la  vie  à  l'enfant.  Alors,  ♦ 
dit  Et'Lakhmi,  ainsi  que  d*autreslégistes,  il  faut  que  la  femme 
soit  enceinte  de  sept  mois,  ou  de  neufj  ou  de  dix.  De  Tavis 
des  juristes,  il  faut  pratiquer  Touverturc  d'après  le  procédé 
indiqué  par  les  haules  autorités  médicales,  c'est  à  dire  ouvrir 
le  ventre  au  niveau  des  Ijanches,  sur  le  mié  gauchBf  si  l'enfant 
est  du  sexe  féminin^  et  sur  le  côté  droit,  si  Tenfant  est 
ma  le  (4).  i^Ê 

Les  lochies  ou  suites  de  couches  sont  un  écoulement  de 


4 


{i)  Si  KMiL  U  V,  diap.  XXXX,  p,  416. 

{»)        iâ.  1. 1.  diap.  XX»  p,  3» 5. 

(i)  ArtktH  A  hi*  rtHtiù  m  Çeét. 

(4)  Aioft  (reAAr({u«  ajcc  riiaon  le  traducteur),  rrl«t{Y«iii«j]t  à  l'oaverUire^ilci  c«i«rr« 
d'une  méi-e  jiour  fcaoTv  la  vit  h  reiifaot,  il  y  *  dJHidfinrc,  cl  U  y  b  pr»qu*uu»niiïiité  pour 
ouvrir  U  cadavre  d"an  individu,  fetnuie,  mère  oa  aolrc.  doiu  ou  vetit  Ttûiti  un  ol^et 
lirédtfUA,  nue  iierW.  tu.l 


1 


—  lOS  — 


00  de  liquide  jaunâtre  ou  opaque,  flétennioé  par  Yê/c- 

xïïtv^U  même  entre  la  venue  plus  ou  moins  espacée  dé 

i^x  jumeaux.  La  plus  longue  durée  de  I  écoulement  des  lo- 

ies  est  de  60  jours  ;  et  s'il  s*e5t  passé  60  jour»  eoire  l'aceott- 

meut  d*un  premier  jumeau  et  racc(wicbeoigiitil*Btt  leeaai, 

j  a  alors  deux  couches,  par  cottéqueat  deu  éaniiiWBliée 

îes,ec  la  femmeadeuxfobfiO  jottrsd'fiiipcirelé.L*aWMiaB 

d*obl]gaiion  canonique  pour  la  firamle  encei jUe.  kmqa'M 

'échappe  des  parties  génitales  un  liquide  ihlrtljHi  (Sî 

Paîtmiié.  —  On  rejdera  lo^e  préleiitîea  du  naît  éÊÊm- 
«oaanl  sa  paternité,  lorsqo'il  s'appuieta  ;  i*  sar  ce  q«e 
Penfanl  ressemble  à  un  autre  qu'à  son  pèra;  —  ^  mttm  n 
Teofant  est  de  couleur  noire  ei  qw  la  fite  sela  Haïr,  d  ite 
rer#d;  —  3^  on  sar  ce  que  lacalttbifaiiM»  #ailk«f» acoiai- 
^  pagoée  d  ejacolation  Àpe^llal^lM^  n'a  eu  fies  qo'aiAfe  Ica 
Hbi^w^  de  la  fetume,  c^  le  Hqaîde  sfawaéqfmpmiâ'mmtêiSÊr, 
^Blter  Irra rer  t entrée  dea  pftHiaa  ysitalfa»  d  ifieMirr;  — 
Bl*  ou  sur  ca  que,  avant  d'atail  eobtMlé  mee  Ma  âchwa  as 
i?ec  Ml  fecame,  et  ajrant  eu  alixs  T^aoïIalÎM  fftnaai(|Be^  il 
atniaiieaobabiié,  mais  aaas  éjacsief  avec  la  fieflNae  a«  ai«a 
l'eâcbie.  Il  ae  pe4il  arguer  da  ceila  rifooila^r»  pasr  iéémn 
hpaiefiaia,  s'O  n'a  paé  orné  peadtaul  l'hUmalla  te  den 
œhibîtaiioiis  ;  car  il  est  très  probable  qu'il  cal  reilé  daM  le 
aaal  de  rurètre  quelque  peu  de  liquide  ipennataqoe  qa^ 
ti\\\ux  pas  été  èipulié,  paiâqa'il  n'j  a  pas  eu  '  ioo 

d'unof*,  a  pu  â'êcbapper  dans  la  seconde  cnpulaïkru  ^  ^^c  la 
caoie  de  la  conception  (1). 

Tqrez  page  113  un  para^grapbe  conceraajil  la  palafiiîté. 

AUaiUment.  —  L*allaiteflieiit  de  l'enfant  est  oUigaloJre 


0 


—  «06  — 

pour  la  mère,  qu'elle  soii  mariée  au  père  ou  répudiée  impar- 
faitement,   et    sans  qu'elle    exige    aucune  rétribution 

L'allaitement  n'est  pas  obligatoire  pour  la  mère  qui  est  malade 
ou  qui  a  peu  de  lait  ;  alors  elle  doit  prendre  à  ses  frais  une 
nourrice  à  gages,  et  elle  n'a  rien  à  réclamer  en  retour  soil  du 
père,  soit  de  l'enfant.  —  On  résume  les  soins  à  donner  à 
l'enfant  dans  ceci  :  être  attentif  ù  l'abri  ou  demeure,  à 
l'alimentation,  au  vêtement,  au  coucher,  à  la  propreté; 
ces  soins  appartiennent  de  préférence  à  la  femme  (1  ) . 

Voici  ce  que  dit  le  Koran  :  «  Le  temps  que  la  mère  porte 
Tenfant,   et   Tallaitement  jusqu'au   sevrage,  durent  trente 

mois ;  si  les  femmes  répudiées  allaitent  vos   enfants, 

donnez-leur  une  récompense;  s'il  se  trouve  des  obstacles, 
qu'une  autre  femme  allaite  l'enfant  (2). 

La  durée  de  deux  ans  et  deux  ou  trois  mois  est  le  temps 
pendant  lequel  Tenfant  se  nourrit  d'abord  exclusivement  de 
lait  ;  à  cette  limite,  il  ne  peut  pas  encore  s'en  passer  entière- 
ment. — Les  soins  de  première  éducation  sont  obligatoires  pour 
la  mère,  pour  l'enfant  mâle  jusqu'à  la  puberté,  pour  la  fille 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  mise  en  relations  matrimoniales,  pour 
l'hermaphrodite  jusqu'à  ce  que  la  prédominance  de  tels  or- 
ganes génitaux  permette  de  le  classer  homme  ou  femme.  — 
A  la  femme  qui  allaite,  les  aliments  seront  augmentés  comme 
confort  pour  sa  position  [Si  Khelil). 

Identité,  âge,  —  La  limite  légale  de  la  vie  est  de  70  ans. 
Selon  les  chikhs  Àbou  Abdallah  Ebn  Abi  Zeid  el  Kairouani 
et  Aboxilhaçan  Alilkabeci,  elle  est  de  80  ans;  d'autres  l'ont 
fixée  à  75  ans  (3).  "' 

Dans  le  sein  de  la  mère,  l'enfant  ne  vit  pas....  le  fœtus  se 

(i)  Si  Khein,  t.  III.  ch.  XII.  p.  i57  et  i5g. 
(i)  Ch.XXXXVI,  V.  XIV  etch.  LXV.  t.  6. 
(3)  Si  Khelil»  T.  111.  ch.  IX,  p.  88. 


—  <07  — 

méat  dans  lë  sein  de  sa  mère  et  n'est  pas  pour  cela  vivant  de 
la  vie  ordinaire...  Il  faut,  pour  que  la  lotion  et  la  prière  funè- 
bres soient  légales,  que  la  vie  se  soit  démontrée  par  des  signes 
positifs  et  évidents,  par  les  cris,  parla  succion  prolongée  du 
mamelon  en  tétant,  et  par  la  persistance  suffisante  de  ces 
signes  (1). 

La  longueurde  la  taille  humaine  est  de  sept  fois  la  longueur 
du  pied  de  Thommc,  ou  de  g^ua^re fois  sa  coudée,  bien  entendu 
chez  l'homme  fait  et  bien  conformé  (2). 

Lapuberté  est  confirmée  lorsque  la  18®  année  ^  la  16®  et 
même  là  1 5®  selon  d'autres  légistes)  de  la  vie  est  accomplie 
entièrement.  A  cela  s'ajoutent  :  1**  le  prolongement  du  nez; 

^  2*  Vodeur  désagréable  des  aisselles;  3^  le  renforcement  de  la 
voi^;  4**  de  plus,  les  juristes  moghebins  assurent  que  si  Ton 
prend  un  fil,  qu'on  le  passe  appliqué  derrière  le  cou  de  ma- 
nière à  réunir  cl  faire  saisir  ensuite  les  deux  extrémités  entre 
les  dents  de  l'individu  soumis  à  l'expérience,  et  qu'ensuite  la 
te^  de  cet  individu  puisse  traverser  le  cercle  fourni  par  le  fil, 
la  puberté  est  réelle  ;  sinon,  non  ;  5**  ou  bien  lorsque  l'indi- 
^^Qaeu  des  pollutions  pendant  le  sommeil;  6**  ou  bien 
^^'^Ue  la  femme  a  vu  apparaître  les  menstrues  naturellement 
^^  est  devenue  enceinte;  7^  ou  bien  lorsque  le  pubis  com- 
™^ûce  à  se  garnir  de  poils  réels,  non  d'une  villosité  folle  et 
'^^gineuse.  L'apparition  des  poils  aux  aisselles,  au  menton, 

*  '^  ^^illie  des  mamelles,  ne  sont  pas  des  signes  à  mettre  en 
*pie    ^^  certitude,  car  elles  sont  posiéritv/res  à  la  puberté 

^'^fiï-^ée(3). 

^^^^sures.  -:—  La  législation  musulmane  établit  en  principe 
"^^>  I>our  toute  blessure,  le  coupable  doit  avoir  une  blessure 

^  '      «    'i[hlH,  !'•  partie,  ch.  II,  »ccl.  »o,  loel  ii. 
^*^  W.      1. 1,  ch.  II,  p.  88. 

^'  W.      l.  IV,  ch.  XVU,  p.  6o. 


—  408  — 

semblable  en  nalure  et  en.élendue  à  celle  qu'il  a  faite,  et  sans 
considérer  la  différence  du  volume  du  membre.  Cette  iégisla* 
lion  prouve,  au  pointdevuedudangcr deslésions traumatiqoes, 
combien  peu  les  juristes  ont  fait  d'observations  saines  sur  la 
gravité  des  plaies,  puisqu'ils  ne  proportionnent  cette  même 
valeur  de  gravité  qu*à  la  grandeur  des  blessures,  etc.;  enfin, 
ils  ne  tenaient  aucun  cas  des  impossibilités  qui  se  pouvaient 
présenter,  de  prendre  souvent  telle  partie  qui  maiiquait  pour 
la  partie  analogue  enlevée  par  le  coupable. 

«  Le  genre  de  blessure  dont  Teffet  va  jusqu'à  mettre  à 
découvert  une  portion  ou  un  point  d'os,  est  dit  moudiha  (qui 
découvre].  En  pratique  jurisprudentiellc,  il  spécifie  les 
blessures  qui  mettent  à  découvert  un  endroit  du  crâne  ou  du  ^ 
front,  ou  de  la  mâchoire  supérieure;  on  exclut  donc  ainsi  les 
os  du  nez,  le  maxillaire  inférieur  et  tous  les  os  do  reste  du 
corps.  Aux  yeux  de  la  loi,  la  blessure  est  dite  moudiha, 
quelque  minime  que  soit  la  partie  de  Tes  mise  à  découvert, 
cette  partie  fût-elle  seulement  du  diamètre  d'une  pointe 
d'aiguille.  Lorsqu'une  blessure  ne  va  pas  jusqu'au  degré  de 
gravite  de  la  moudiha,  la  peine  réparatoire  est  déterminée 
par  appréciation.  Jamais  un  diah'  (ou  piaculum)  d'aucune 
blessure  ne  se  paie  qu'après  la  guérison;  car  si  la  blessure 
est  suivie  d'accidenls,  il  y  a  à  fixer  une  amende  nouvelle.  * 
(Notes  du  traducteur)  (I). 

La  dure-mère  ou  enveloppe  membraneuse  et  résistante  qni 
renferme  le  cerveau,  est  dite  oumm  cl  demagh'  (mère  du 
cerveau)  ;  lorsque  cette  membrane  est  ouverte,  la  mort  est 
inévitable.  5*  Khelil  ajoute  (2)  les  dénominations  suivantes 
appliquées  à  diverses  espèces  de  plaies  en  jurisprudence  ; 

(0  T.  IV,  ch.  XVII,  p.  6iy. 
(>)  T.  V,  ch.  XXXX,  p.  376. 


-  «09  — 

!•  Djaifa  (de  djaaf,  venlre),  plaie  pénélranl^  du  ventre 
au  du  doà  ; 

il*  JbmoÉma  (de  oumm,  nierez  eaveloppo),  plaie  péné- 
iraiiie  du  crâne  et  allanl  jui^qu a  lenveloppe  du  cerveau  ; 

3^  Damigha,  blessure  pénélranledu  cerveau; 

4*  Damiitk\  conlusion  laissant  suinter lesang,  sans  plaie; 

5^  Hariçn,  blessure  intéressant  la  peau  ; 

6^  Simhak^  plaie  excoriante  de  la  peau  ; 

7*  Bûdia,  plaie  profonde  atteignant  la  chair; 

8**  Moutelâhêma,  plaie  pénétrant  la  chair  en  différenles 
directions; 

9^  Mtlià,  blessure  profonde  jusqu  a  Tos; 

10®  Ckadjdjay  pénétrant  jusqu'au  péricràne; 

11®  Mounakkita,  entraînant  des  esquilles  ; 

1Ï*  Kûchema,  brisant  un  os  en  morœaux. 


Casiraiion.^^  Que  ia  malédiction  do  Dieu  soit  sur  Satan  ; 
a  dit  :  Je  mVmparerai  d'une  certaine  portion  de  tes 
vtteurs,  je  les  égarerai,  jo  leur  ordonnerai  d'altérer  la 
Ltionde  Dieu  (la  castration  des  esclaves)  ({].  » 

On  condamne  au  diah'  (prix  du  sang)  complet  celui  qui, 
iflfentiônnellement  ou  non,  a  fait  perdre  enlièrenient  à  un 

Ddividu  la  faculté  de  copuler  ou  la  faculté  de  procréer ou 

itail  perdre  de  quelque  façon  que  ce  soit,  coupé  ou  enlevé, 
arraché,  ou  écrasé  les  deux  testicules  (2). 

i^Topùéde  la  retraite  imposée  à  la  femme,  on  consultera 
fmairones  afin  de  savoir  si  l'individu  dont  le  pénis  a  été 
coupé  en  totalité  ou  en  partie,  ou  dont  les  testicules  seuls  ont 
té  retranchés,  peut  ou  ne  peut  pas  engendrer  [Si  Kheiii). 

(s)  i»ni«,  cb.  4«  V   i>t. 


—  no  — 

Empoisonnement,  —  Dans  le  cas  où  la  mort  a  eu  lieu  par 
empoisonnement,  examinera-t-on  quelle  est  la  dose  de  poison 
nécessaire  pour  faire  mourir  le  coupable  (à  cause  de  la  loi 
du  talion)  ?  Vimdm  consul tera-t-il  des  experts  aGn  de  savoir 
quelle  est  la  quantité  nécessaire  de  tel  poison  pour  tuer  un 
homme  tel  qu'est  le  coupable?  A  cet  égard,  deux  opinions 
opposées  ont  été  émises,  Tune  affirmative,  l'autre  négative. 
Mais  le  principe  est  de  soumettre  le  coupable  à  la  décollation 
parle  sabre  (1). 

On  ne  pouvait,  en  effet,  mieux  trancher  une  question  inso- 
luble dans  l'état  actuel  des  connaissances  arabes  en  toxicologie. 

Altérations,  sophistications,  —  Il  n'existe  aucune  sur- 
veillance de  la  part  de  l'autorité  indigène  sur  le  ^débit  des 
drogues  et  leur  emploi  par  des  mains  si  souvent  Ignorantes. 
Les  Arabes  d'aujourd'hui  sont  plus  arriérés  que  leurs  corréli- 
gionnaires  du  XIP  siècle,  dont  les  apothicaires  étaient  contrôlés 
par  le  gouvernement,  qui  s'inquiétait  de  raltéràtion  de  leurs 
remèdes  et  de  leurs  prix  trop  élevés.  La  loi  musulmane  regarde 
comme  une  fraude  et  une  tromperie  susceptibles  de  punitions 
légales,  de  souffler  et  gonfler  la  viande  après  avoir  dépouillé 
la  peau  de  Tanimal,  pour  donner  à  penser  que  la  chair  est 
plus  grasse  et  plus  pleine.  Cependant,  avant  le  dépouillement 
de  la  peau,  on  souffle  l'animal  tué,  afin  de  rendre  la  chair  plus 
légère  et  meilleure.  La  loi  défend  de  mêler  des  substances 
étrangères  et  inutiles,  les  parfums  et  aromates;  mais  on  peut 
mettre del'eau  dansdu  laitpour  aider  à  l'extraction  du  beurre, 
dans  le  jus  de  raisin  pour  en  hâter  l'acidification  et  Ja  trans- 
formation acétique  (2). 

Signes  delà  mort,  inhumations,  exhumations,  autopsies. 
—  Les  preuves  de  la  mort  sont  au  nombre  de  quatre  :  1**  la 

(i)  Si  KhfiU,  t.  V,  chap.  XXXX,  p.  407. 

(>)      id.     t.  m,  p.  i^^. 


—  m  — 

I 

cessation  de  la  respiration;  3^  la  fixation  et  l'immoblité  des 
yeux;  3M*écarteraent  des  lèvres  qui  ne  peuvent  plus  se  tenir 
rapprochées  et  se  toucher;  4^  la  chute  en  dehors  des  deux 
pieds  sans  qu'ils  puissent  se  replacer  perpendiculairement  sur 

leslàlons(l). 

Nous  ne  voyons  pas  figurer  ici  quelques  autres  signes  gé- 
néralement admis,  tels  que  la  rigidité  cadavérique,  l'absence 
des  battements  du  cœur,  la  décomposition  putride»  etc. 

On  retardera  toujours  Tinhumation  d'un  noyé  jusqu*à 
ce  que  Ton  soit  parfaitement  assuré  de  sa  mort  et  qu'il  com- 
mence à  se  putréfier.  On  différera  encore  l'inhumation  d'un 
individu  pris  sous  des  décombres,  des  éboulements,  ou  mort 
subitement,  ou  frappé  d^apoplexie,  jusqu'à  l'apparition  de 
signes  de  décomposition.  — On  ne  doit  point  donner  trop  de 
profondeur  aox  fosses  et  aux  tombeaux.  La  meilleure  limite 
eton( d'une  coudée,  le  maximum  de  profondeur  à  donner  aux 
fosses  et  aux  tombeaux  des  morts  doit  être  au  degré  qui  suffit 
P^ïur  empêcher  les  émanations  nuisibles  de  s'échapper  au  de- 
"Ors,  et  pour  préserver  le  cadavre  de  la  voracité  des  betes  sau- 
^H^i  des  loups,  lions,  etc.  —  Il  est  permis  de  transporter  un 
"'Ortfavant  ou  après  rinhumation)  d'un  lieu  de  sépulture  à 
un  autre.  Pour  ces  transports,  il  faut  des  raisons  graves,  telles 
^^^'es  circonstances  où  l'eau  d'un  fleuve,  d'une,  rivière,  d'un 
^'"''ent,  de  la  mer,  etc.,  menace  de  détruire  ou  d'envahir  la 
sépuliufe-  mais  il  est  nécessaire  de  prendre  toutes  les  précau- 
tionspos5ii)i(»s  pour  que  nulle  partie  du  cadavre  ne  paraisse 
*^^  yeux  du  public;  déplus,  il  faut  choisir  un  temps  sec  et 
^^^  température  modérée,  quand  même  le  cadavre  serait  des- 
^"é  et  qu'il  n'en  resterait  plus  que  les  ossements.  —  On 
P^^^  sans  contrevenir  à  la  loi,  réunir  plusieurs  morts  dans 

^'^  ^  Khdil,  t.  I,  ch.  Il,  $cct.  20,  \y  >y5 


—  H2  — 

un  même  linceul,  dans  une  même  fosse,  quand  il  y  a  nécessité; 
par  exemple,  dans  les  grandes  mortalités,  quand  on  manque 
d'objets  d'ensevelissement,  de  fossoyeurs,  etc. — Il  est  défendu 
de  fouiller  les  sépultures,  tant  qu'il  y  reste  des  débris  ou  des 
ossements  de  morts,  et  quelle  que  soit  la  durée  du  temps  passé 
depuis  l'inhumation.  Il  n'est  licile  d'ouvrir  un  tombeau  que 
dans  le  cas  où  les  objets  d'ensevelissement  seraient  réclamés 
par  suite  de  leur  injuste  emploi,  dans  le  cas  où  le  lieu  de  la 
sépulture  aurait  été  pris  sans  autorisation  directe  ou  du  pro- 
priétaire, et  dans  le  cas  où  des  objets  de  prix  auraient  été 
oubliés  dans  l'enterrement.  —  On  peut,  sur  la  simple  déposi- 
tion, avec  serment,  d'un  témoin,  ouvrir  un  cadavre  pour 
extraire  un  objet  précieux  qui  aura  été  avalé;  d'autres  sou- 
tiennent qu'il  n'y  a  pas  lieu  à  l'ouverture  d'un  cadavre  dans 
le  cas  où  l'individu- aurait  avalé  l'objet  précieux  par  peur  ou 
sans  le  vouloir,  ou  comme  médicament,  tel  une  perie  pré- 
cieuse (4). 

Je  dois  à  la  vérité  de  dire  que  j'ai  été  plusieurs  fois  chargé 
de  faire  des  autopsies  et  leWes  de  cadavre  chez  les  Arabes,  et 
que  jamais  les  habitants  des  oasis  ou  des  douairs  n*ént  semblé 
manifester  le  moindre  mécontentement  à  l'occasion  de  ces  per- 
quisitions qui  répugnent  cependant  à  leurs  principes  religieux. 

Recrutement  militaire.  —  Chaque  année,  une  force  mili- 
taire suffisante  pour  combattre  doit  être  mise  en  disposition 
sur  le  point  des  états  musulmans  le  plus  exposé.  Sont  dispensés 
de  prendre  les  armes  :  les  malades  atteints  de  maladies  sérieu- 
ses, les  garçons  non  pubères,  les  aliénés,  les  aveugles,  les 
boiteux,  les  femmes,  etc.  (2).  —  Le  Prophète  avait  dit  :  «  Les 
faibles,  les  malades  ne  seront  point  tenus  d'aller  à  la  guerre, 

(i)  Si  KMil,  t.  1,  chap.  II,  sect.  ao,  p.  a8S  cl  »uiv. 
(i)  Si  KMi/,  t.  Il,  chap.  III,  p.  944. 


—  113  — 

ÎTs  sôîëOt  smcères  envers  Dieu  elson  apalre.  On  ne 
-ler  ceux  qui  foni  le  bien;  Dieu  est  indulgent  et 
misérfcordieux  (<).  »  «  Si  Taveugle,  le  botteux,  Tin  firme  ne 
vûol  point  à  la  guerre^  on  ne  leur  imputera  psu»  à  crime  (i).  » 


P!n'sm:<osio?iiL 


Chez  un  peuple  superstitieux,  fataliste,  et  d'une  nature 
inquiète  comme  le  peuple  musulman,  il  n'y  a  rien  d'étonnant 
que  son  ignonmce  le  poosse  à  chercher  des  renseignements 
dans  des  cifTCsonstances  dont  rinterprétation  souvent  hasar- 
Jeuse  sourît  facilement  à  sa  vive  imagination»  à  son  amour 
du  raerveilleux.  La  physiognomonie  est  du  nombre  de  ses 
frojances^  et  la  législation  elle-même  ne  dédaigne  pas  dVn 
I  tirer  parti,  dans  le  cas,  par  exemple,  ou  il  y  a  douu^  sur  la 
^A'ériiable  paternité. 

«  Si  la  femme  d'un  individu  et  l'esclave  d'un  aulre,  ou  la 
I  femme  et  Tesclave  du  même  individu  accouchent  ensemble  et 
les  deux  enfants  se  trouvent  ensuite  confondus,  on  s'en 
Me  ^ux  physiofwniistes  {kafeh\  pluriel  de  katf)  pour 
déterminer  la  fdiation  ;  car  la  pliysiognomonie  est  une  science 
wraie  et  positive.  On  s'en  rapporte  donc  au  jugenrent  des 
ipliysionomisles  sur  la  ressemblance  de  l'enfant  avec  le  père,  si 
Ile  père  n*est  pas  enterré,  ou  si,  étant  inhumé,  il  était  parfai- 
tement connu  d'eux.  Le  jugement  d'un  seul  physionomiste 


(t)  Mono,  cliap.  XXXXVtll,  ▼;  17. 


—  114  — 

sa£Bt,  car  il  prononce  sur  une  similitude,  c'est  à  dire  sur  un 
fait  saisissable  pour  touê.  Si  Tenfant  est  mort-né,  il  n'y  a 
plus  lieu  à  la  consultation  physiognomonique  ;  la  science  ne 
peut  rien  prononcer  sur  un  mort  qui  n*a  pas  vécu  de  la  vie 
ordinaire.  —  Si  deux  propriétaires  ont  copule  avec  leur  esclave 
communale  pendant  la  même  période  de  pureté  menstruelle, 
et  si  cette  esclave  a  accouché  ensuite  à  un  intervalle  d'au 
moins  six  mois  à  partir  de  la  dernière  des  deux  copulations 
et  que  chacun  des  deux  associés  prétende  être  le  père  de  Pen- 
fant,  on  a  recours  aux  physionomistes,  lesquels  prononcent 
alors  du  droit  de  paternité  en  faveur  de  tel  des  deux  préten- 
dants. Un  des  deux  meurt-il  avant  que  Ton  ait  consulté  le^ 
physionomistes,  et  a-t-il  été  parfaitement  connu  d'eux,  la 
déclaration  de  ceux-ci  a  la  même  valeur  que  s'il  était  vi- 
vant (1).  » 

Qu'opposer  à  de  pareilles  prétentions  lavatériennes?  Sans 
doute,  les  juristes  arabes  n'ont  pas  eu  connaissance  du  juge- 
ment de  Salomon 

El  Kyafat  el  Bâcher  est  une  science  physiognomonique, 
habituelle  aux  habitants  du  désert,'  et  par  laquelle  ils  recon- 
naissent facilement  à  quelle  race  et  de  quelle  localité  est  un 
voyageur,  et  cela  d'après  l'examen  seul  des  os  et  saillies  osseu- 
ses. Il  paraît  que  celle  perspicacité  est  extrême  et  étonnante 
dans  le  désert  (2) . 

Si  les  Arabes  n'ont  aucune  notion  des  proportions  harmo- 
nieuses du  corps,  ils  ont  cependant  conservé  quelques  tradi- 
tions qui  ne  manquent  pas  d'exactitude.  Aussi  les  prétendants 
au  mariage  doivent,  autant  que  possible,  voir  les  mains  et  la 
figure  de  l'un  et  de  l'autre,  mais  surtout  les  mains  :  «  La 

(i)  Si  Kkelil,  t.  IV,  diap.  XXIV,  p.  3o5,  cl  l.  VI.  chap.  Ml,  v.  a33. 

(a)  Voyez  Itinrrairt  du  Sahara  au  pajs  dts  nègres,  parle  géucral  DkVHXs,  p.  a3J. 


—  H5  — 

figure  est  le  siège  de  la  beauté,  et  les  mains  indiquent  la  santé 
et  la  conformation  du  corps  (4).  » 

Quand  vous  désirez  obtenir  un  bienfait,  a  dit  Sidi  Syouii, 
adressez-vous  aux  personnes  dont  la  figure  est  aimable. 


41«ilT0NIB,  PHTSIOLOGIC. 


Les  connaissances  des  Indigènes  algériens,  pour  ce  qui 
concerne  la  composition  du  corps  humain  et  la  disposition  de 
SCS  parties  intégrantes,  sont  à  peu  près  nulles,  par  suite  prin- 
cipalemenldu  préjugé  musulman  à  Tendroit  des  vivisections 
et  de  J'ouverture  des  cadavres,  même  de  leur  simple  examen, 
alors  que  des  circonstances  graves  Texigeraient  au  nom  de 
l'humanité  et  de  la  justice. 

C^esl  là  une  transmission  très  probable  des  anciennes  cou- 
tumes des  Hébreux,  chez  lesquels  tout  individu  touchant  un 
cadavre  était  tellement  regardé  comme  impur,  que  les  embau- 
meurs^ dont  toute  la  besogne  se  bornait  à  quelques  incisions, 
étaient  en  horreur  au  peuple. 

Les  Musulmans  sont  convaincus,  du  reste,  que  le  cadavre 
devra  se  tenir  debout  à  l'heure  du  jugement  dernier  (2),  et  que 
Vame souffre  horriblement  quand  on  porte  le  couteau  sur  les 
chairs  vivantes  ou  inanimées. 


(i)  Si  KMil,  I.  II,  chap.  V,  p.  3x7. 

(a)  A  tel  point  que  lonqa'nii  cadarre  musalinaii  a  é%é  déroré  par  les  flammei,  acciden- 
teDemeot  oa  en  vertu  d'une  condamnation  judiciaire,  dans  les  pays  étranger»,  tous  les 
eorrélifîonnaires  entrent  en  jeûne  public  et  cherchent,  par  des  prièresmultiplices,  à  implorer 
U  démence  du  Très-Haut  en  faveur  d'une  âme  qui  sera  privée  do  son  corps  au  jugement 
dernier. 


—  416  — 

Tout  le  monde  connaît  les  dangers  courus  par  le  docteur 
Pariset,  qui  faillit  périr  victime  de  son  dévouement  à  la  science 
et  du  respect  exagéré  des  Mahométans  pour  les  tombeaux.  En 
4  829,  il  étudiait  en  Syrie  les  ravages  de  la  peste,  et  désiraQt 
se  rendre  compte  des  lésions  organiques  générales  ou  parti- 
culières déterminées  par  ce  fléau,  il  fit  ouvrir  la  sépulture  de 
deux  Indigènes.  A  cette  nouvelle,  la  population  de  la  ville, 
indignée  d*une  telle  profanation,  se  porta  furieuse  au  domicile 
du  docteur,  qui  échappa  à  grand'peine  aux  suites  d'une 
démonstration  fort  peu  rassurante. 

MM.  Michaud  et  Poujoulat  font  t)bserver  avec  raison  que 
Ton  a  vu  des  sultans  faire  ouvrir  le  ventre  d'un  page  ou  d'un 
esclave  pour  savoir  s'il  avait  bu  du  lait  ou  mangé  du  melon, 
mais  que  la  loi  religieuse  défend  formellement  d'ouvrir  un 
cadavre,  quand  même  ce  cadavre  renfermerait  une  pierre 
précieuse  qui  ne  serait  point  la  propriété  du  défunt  On  doit 
juger  par  là  des  progrès  de  l'anatomie  ou  de  la  médecine  dans 
les  écoles  turques  (1). 

Il  faut  aussi  rappeler  qu'alors  même  que  les  sciences 
florissaient  chez  les  Arabes  de  la  manière  la  plus  brillante, 
leurs  connaissances  anatomiques  se  bornèrent  à  peu  près  à 
celles  dont  Galien  leur  offrait  le  contingent.  L'embaumement 
était  regardé  comme  ne  portant  pas  trop  atteinte  aux  idées 
religieuses  sur  les  cadavres;  et  malgré  les  perfectionnements 
et  procédés  divers  que  cette  pratique  dicta  à  plusieurs 
médecins  arabes  [Rhaxès,  AlbucasiSy  Mesué),  il  ne  paraît 
pas  qu'ils  aient  profité  de  ces  occasions  pour  étudier  plus  à 
fond  la  structure  du  corps  humain. 

Toutefois,  on  a  peut-être  trop  souvent  répété  que  la  cour 
tumc  des  embaumements  aurait  dû  mettre  les  peuples  en 

(i)   Corrc^ponttnncc  d'Onenl.  l.III,  p.  i5a. 


—  117  — 

possession  de  quelques  notions  anatomiques.  Il  suffit  de  lire 
dans  Hérodote  le  procédé  employé  en  pareil  cas,  pouf  se 
comaincre  qu'il  n'était  nul  besoin  de  connaissances  profondes 
pour  réussir.  En  effet,  soutirer  par  les  narines  toute  la  masse 
encéphalique  à  l'aide  d'un  fer  recourbé,  pénétrer  par  une 
grossière  incision  jusqu'aux  entrailles,  pour  enlever  le  paquet 

intestinal,  —  bourrer  d'aromates  la  cavité  abdominale, 

msdntenir  le  cadavre  dans  l'eau  fortement  salée  pendant 
quelques  mois,  —  enfin  le  couvrir  exactement  de  bandelettes 
gommées,  tels  étaient  les  principaux  détails  de  l'embaume- 
ment, et,  comme  on  le  voit,  la  science  ne  pouvait  guère 
gagner  ou  prêter  à  de  semblables  pratiques. 

Quoique  les  successeurs  de  Mohammed  aient  peu  favorisé 
rétnde  de  Tanatomie,  Abdallatif  rapporte  que  quelques 
Arabes  étudiaient  les  os  dans  les  cimetières  ;  c'est  de  cette 
façon  que.ce  médecin  reconnut  que  la  mâchoire  inférieure 
est  formée  d'an  seul  os. 

On  dit  que  Rhazès  perdit  la  vue  dans  un  âge  très  avancé,  et 
ne  voulut  point  se  laisser  opérer  de  la  cataracte  parce  que  le 
chirurgien  qui  devait  l'en  débarasser  ne  put  lui  dire  combien 
rœil  renferme  de  membranes  (1). 

Du  reste,  si  l'autorité  encourageait  très  peu  les  recherches 
sur  la  structure  du  corps  humain,  elle  n'osa  jamais,  à  cette 
époque  brillante  de  la  médecine  arabe,  fulminer  contre  ceux 
qui  s'en  occupaient.  Au  IV®  siècle  au  contraire,  un  pape, 
Boniface  VIII,  lançait  une  bulle  défendant  la  préparation  des 
squelettes. 

Voici  l'exposé  des  quelques  notions  anatomiques  usitées 
chez  les  Arabes  algériens  : 

s)  BUtoir^Jt  U  midt€ine,  par  9f%nttQMt.,  t.  II,  p.  a86, 


—  118  - 

Aucune  division  du  corps  en  régions  bien  délimitées.  — 
Le  moi  galb  (cœur)  s'applique  souvent  à  restomac. 

Les  intestins  sont  considérés  en  masse  ;  aucune  distinction 
entre  les  petits,  les  gros,  etc. 

Les  membres  et  les  articulations  portent  le  même  nom 
[mefçol). 

Les  diverses  parties  du  corps  sont  principalement  dénom- 
mées d'après  leur  forme,  leur  ressemblance  ;  par  exemple, 
ce  qui  est  allongé  et  rond  se  dit  tamr  (datte)  ;  ainsi  tamr  el 
ouden,  le  lobule  de  Toreille;  tamr,  le  gland  du  pénis. 

En  général,  aucune  dénomination  emportant  avec  elle 
l'idée  d'un  tissu  élémentaire  spécial,  d'une  organisation  diffé- 
rente, particulière. 

Les  Arabes  ne  connaissent  guère  du  squelette  que  les  os  ex-> 
térieurs,  saillants.  Leur  dénomination  a  lieu  généralement  : 

1**  D'après  la  forme  ;  ainsi  : 

Aïnroqba  (l'œil  du  genou),  la  rotule; 

Rewnmane  el  q  te  fila  grenade  de  l'épaule),  l'acromion  ; 

Louhhet  el  qtef(h  planche  de  Tépaule),  l'omoplate; 

2°  Ou  d'après  la  position  : 

Asfel  el  drâ  (l'os  le  plus  bas  de  l'avant-bras),  le  cubitus  ; 

3°  Quelquefois  d'après  Tusage  : 

Korsi  eldin  (la  chaise  de  l'œil),  l'orbite; 

Bit  cl ouleda  (la  chambre  de  l'accouchement),  le  bassin; 

4°  Rarement  d'après  la  région  : 

Adetim  djebha  (os  du  front),  le  frontal. 

5°  Ou  d'après  la  fonction  : 

Adeum  tehoutehou  (l'os du  tehoutehou,  par  harmonie  imî- 
tative),  le  coccyx,  c'eslà  dire  l'os  qui,  fixant  l'attache  des  par- 


—  <19  — 

ties  charnues  de  Tanus,  causeraitle  bruit  des  vents  intestinaux 
à  leur  sortie. 

6**  D'après  la  ressemblance  : 

Ketibet  ras  (les  écriluresde  la  tête),  les  sutures  du  crâne. 

Mohammed,  qui  très  probablement  n'avait  pas  de  grandes 
connaissances  anatomiques,  a  dit  que  tous  les  os  du  cadavre 
sont  consumés  dans  la  terre,  à  Texception  d'un  seul,  le  coccyx. 
Cet  os,  le  premier  créé  par  Dieu  pour  la  construction  de 
chaque  squelette,  est  également  le  seul-  qui  résiste  à  toutes 
les  causes  de  destruction,  afin  de  servir,  an  jugement  der- 
Dier,  à  la  réédification  de  chaque  corps.  Les  pluies  de  qua- 
rante jours  qui  précéderont  ce  grand  jour,  fertiliseront  tous  ces 
coccyx,  sortes  de  germes  osseux  destinés  à  Ja  reproduction  de 
toutes  les  autres  parties  du  corps,  comme  le  grain  qui  contient 
en  lui  tous  les  éléments  de  la  plante  à  laquelle  il  doit  donner 
naissance.  C'est,  du  reste,  une  idée  que  Mohammed  prît  aux 
croyances  hébraïques,  d*après  lesquelles  cet  os  prétendu  inalté- 
rable s'appellerait  luz. 

Les  Arabes  s'imaginent  que  la  moelle  (mokh)  sécrète  les 
éléments  de  la  substance  osseuse;  aussi,  qu'une  solution  de 
continuité  atteigne  un  os  privé  de  canal  médullaire,  la  conso- 
lidation des  fragments  ne  leur  paraît  pas  possible,  du  moins 
facile  à  obtenir. 

Les  connaissances  en  angiologie  se  résument  dans  quelques 
vaisseaux  [areug]  les  plus  apparents  à  l'extérieur  du  corps; 
ainsi  : 

La  veine  jugulaire  (dont  il  est  parlé  dans  le  Koran)  (i)  se 
dit  areug  zour  (veine  de  la  force),  sans  doute  parce  qu'elle  est 

(i)  Chap.  L,  V.  tS  :  «(  Nous  avons  créé  riiouime;  Dons  savons  ce  qao  son  Ame  lai  dit  à  son 
orcilW  ;  noos  sommes  plus  pr^  de  lui  que  sa  rtine  Juguhirw. 


—  420  — 

visible  dans  un  état  de  plénitude  constante  diez  les  individus 
très  robustes,  très  sanguins; 

Les  artères  carotides  [bahhour  tl  demagh,  les  mers  de  la 
tête),  parce  qu'à  Touverture  des  animaux,  ces  vaisseaux  lais-i 
sent  échapper  une  grande  quantité  de  sang  ; 

La  saignée  du  bras,  quoique  n*étant  pas  en  honneur  chez 
les  Musulmans  algériens,  a  fait  donner  à  la  veine  basilique  le 
nom  à*areug  el  batt,  veine  du  percement. 

Les  Arabes  confondent,  sous  le  nom  d^areug,  les  vaisseaux 
artériels,  veineux,  lymphatiques,  souvent  même  les  nerfs,  les 
tendons  et  les  muscles  très  grêles. 

'  En  splanchnologie,  c'est  encore  la  forme  de  Torgane  qui 
dicte  généralement  s^  dénomination  ;  ainsi  : 

Asfour  (petit  oiseau),  la  luette  ; 
Kasbet  riiha  (roseau  des  poumons),  la  trachée-artère; 
Lésant  (langue)  ou  alfa  (noyau),  c'est  le  clitoris; 
Teurtouch  (crêtes  de  coq),  les  grandes  lèvres  chez  la  femme. 

Le  foie  [kebda)  cl  la  rate  {tehhal),  deux  foyers  importants 
de  maladies,  consisteraient  en  un  simple  amas  de  sang  très 
fluide. 

On  a  déjà  vu  que  les  Arabes  appellent  oumm  (mère)  les 
membranes  enveloppantes  des  organes. 

En  névrologie,  mokh  signifie  tout  à  la  fois  moelle  des  os, 
moelle  épi nière,  cerveau,  cervelet.  On  ne  sait  pas  distinguer  le 
moindre,  ou,  pour  mieux  dire,  le  plus  gros  filet  nerveux. 

En  myologie  règne  la  plus  profonde  ignorance.  Beaucoup 
d'Arabes  prennent  le  muscle  pour  un  vaisseau;  quelques 
autres  y  voient  un  organe  spécial  indéterminé  dans  son 
organisation  et  ses  fonctions,  et  l'appellent  sloiiq;  la  plupart 
disent  lahm  (chair). 


—  4«l  — 

N'ajfikDt  aucQoe  cennaissanoe  de  chaque  muscle  en  p^t^ 
calierj  les  Arabes  les  désignent  en  paquets  sous  un  nom 
commua  à  la  région  :  ainsi^  la  masse  charnue  qui  forme  le 
moignon  de  Tépaule;  se  dit  ladela  foukania;  les  muscles 
fessiers  se  nomment  de/ou  Ifekhed,  c'est-à-dire  la  portion 
balançante  de  la  cuisse;  le  muscle  pectqraU  souïda  sedr, 
la  viande  noirâtre  de  là  poitrine. 

Dans  le  Sud  principalement,  ils  distinguent  quelquefois 
dans  le  muscle  la  portion  tendineuse  [argoub),  à  tel  point 
qmh  appliquent  ce  nom  à  certaines  montées  très  raides  ;  ainsi 
Vargtmb  el  bghal  (le  tendon  des  mulets),  endroit  rapide  chez 
les  Ouled'Brahim  (dans  la  subdivision  de  Batna);  aussi 
Vargaub  Beni-Mezab  (le  tendon  des  Mozabites),  descente 
escarpée  dans  h  Djebel  Bellout  du  Sahara  el  Guebli,  etc. 

Quant  à  la  physiologie,  les  Arabes  croient  que  dans  Tagonie 
J^ame  se  retire  en  dernier  lieu  dans  la  poitrine.  Un  Prophète 
musulman  schismatique(5i(^i-Jlfo^ei7ma,delasecte  des  Sekii- 
tes,  IV*  siècle)  a  professé  que  le  siège  de  Tâme  était  entre  le 
péritoine  et  les  intestins. 

Les  Arabes  pensent  que  le  produit  de  la  conception  passe 
par  quatre  phases  distinctes;  d'abord,  Tétat  de  mucosité 
(nétfa);  puis  l'organisation  de  cette  mucosité  en  parties, 
constitutives  du  fœtus,  c'est  alaka;  ensuite  le  travail  d'ébauche 
du  fœtus  (medgha);  enfin  sa  formation  complète  [khalka). 

Ces  idées,  les  seules  actuellement  en  cours,  se  retrouvent 
asses  fidèlement  dans  le  Koran  : 

«  Nous  avons  créé  Thomme  d*argiiefioe;en8Bite  nous  Tavonâ 
Ikii  une  goutte  de  sperme  fixée  dans  un  réceptacle  loUde;  de  sperme, 
nous  t^avons  fait  grumeau  de  saig  ;  le  grumeau  de  saog  devient  un 
morceau  de  chair  que  nous  avons  formé  en  Os,  et  nous  revêtîmes 


k 


—  122  — 

les  06  de  cbaip  ;  ensuite  nous  Tavons  formé  par  une  seconde  créa- 
tion. BéjQl  soit  Dieu,  le  plus  habile  des  créateurs  (1).  » 

La  croyance  suivante,  inscrite  dans  le  même  livre  sacré  (2), 
existe  encore  aujourd'hui  : 

«  il  vous  a  créé  dans  les  entrailles  de  vos  mères,  eu  vous  faisant 
passer  d*une  forma  à  une  autre,  dans  les  ténèbres  d'une  triple  en- 
veloppe. » 

Seulement,  ces  meinbranes  ne  sont  nullement  distinguées 
entr'elles;  on  les  confond  sous  le  titre  commun  de  khlas  (fin 
de  l'accouchement),  le  délivre,  avec  le  placenta,  les  caillots 
de  sang,  etc. 

Les  reins  (qelouah)  passent  pour  le  siège  oii  réside  là  plus 
grande  partie  de  la  force  virile  pour  le  coït  (3) . 

La  préexistence  des  germes  serait-elle  implicitement 
indiquée  dans  ces  paroles  du  Koran  (4)  : 

m  Nous  avons  créé  Thomme  du  sperme  contenant  le  mélange 
de  deux  sexes.  » 

11  est  des  toubibes  qui  admettent,  comme  Averrhoës  le 
pensait,  qu'une  femme  peut  concevoir  pour  s'être  plongée 
dans  un  bain  dans  lequel  peu  de  temps  avant  un  homme  a 
eu  une  pollution.  Du  reste,  on  a  vu  plus iiaul que  Tintrorais- 
sion  du  pénis  dans  la  vulve  n'est  point  regardée  comme 
nécessaire  pour  que  la  conception  ait  lieu. 

La  digestion  et  la  respiration  sont  deux  fonctions  coofon- 
dues;  pour  digérer  on  dit  tenefess  (respirer). 

ri)  ch.  xxni,  ▼.  t>,  i3ct  i4. 

(a)  Ch.  XfXIX,  T.  8, 

(3)  Si  KM,/,  t.  V.  ch.  \XX\,  p-  44». 

(4)  Ch.  LXXVi,  va. 


—  123  — 

La  naasée  est  lâb  el  qalb  (le  jeu  du  cœur). 

Ces  expressions  indiquent  suffisamment  d'elles-mêmes 
combien  les  fonctions  de  Testomac  sont  inconnues. 

£n  résumé,  le  mécanisme  des  fonctions  organiques  est 
entièrement  rapporté  à  des  causes  occultes,  aujourd'hui 
comme  aux  premiers  temps  de  la  médecine  arabe.  Les  savants 
indigènes  croient  encore  que  la  disposition  des  parties  inté- 
grantes du  corps  dérive  de  Tinfluence  particulière  des  astres 
qui  président  à  la  naissance  de  chaque  être.  Ils  admettent 
aussi  Faction  physiologique  et  pathologique  de  la  lune  et  du 
soleil;  la  première  détermine  tout  ce  qui  a  trait  à  l'humidité; 
le  second  cause  le  sec  ;  et  les  combinaisons  variées  de  ces 
deux  principes  forment  le  froid  humide,  le  chaud  humide,  le 
froid  sec,  etc.  Le  soleil  préside  à  la  bile  ;  la  planète  de  Jupiter 
[Moschteri)  a  pour  constitution  un  mélange  de  chaud  et 
d'humide;  chez  Saturne  [Zohdl),  c'est  le  froid  et  le  sec; 
Mars  [Mourrikh]  préside  au  sec  et  chaud,  etc. 


PHYSIQUE,  CHIMIE,  MATIÈRE  MÉDICALE. 

La  physique  est  nulle;  les  Arabes  les  plus  instruits  ont  à 
peine  connaissance  de  l'aimant  [maghnetis], 

Kimia  (c'est  de  al  kimia,  la  chimie,  que  vient  le  mot 
alchimie)  indique  particulièrement  la  chimie  animale, 
végétale;  eisimia,  la  chimie  minéralogique. 

Aucune  idée  de  la  composition  générale  des  corps  simples 
ou  composés  I 


—  424  — 

Les  combinaisons  des  corps  métalloïdes  s'indiquent  tout 
simplement,  en  mettant  Tune  d'elles  sous  la  forme  adjective. 
Ainsi  :  Rsasê  mkebret  (plomb  soufré),  Talquifoux. 

Quand  les  Arabes  ne  connaissent  qu'un  des  corps  d'une, 
combinaison  saline,  ils  expriment  d'abord  le  moi  générique 
de  sel  [melh\  sel  ordinaire),  et  font  suivre  du  nom  de  l'autre 
substance.  Ainsi  :  Sel  de  quinine,  melh'  mtà  kina,  c'est-àrdire 
sel  avec  du  kina  ;  un  acétate,  melk*  mtà  kkall,  c'est-à-dire 
ne  sel  avec  du  vinaigre  ;  mais  ces  noms-ci  sont  à  peine 
connus  des  tolbas  eux-mêmes. 

Cependant  les  substances  médicamenteuses  se  caractérisent 
en  général  d'après  : 

i^  L'usage  ordinaire  :  salpêtre,  melh'  el  baroud  (sel 
de  la  poudre)  ;  carbonate  de  soude,  djemed  chnine  (caille- 
lait)  ; 

2^  D*après  la  couleur  :  carbonate  de  chaux,  thine  beïdha» 
(terre  blanche);  orpiment,  radj  lasfar  (arsenic  jaune); 

3®  Diaprés  l'origine  présumée  :  cobalt,  hadjaret  iokhedjou 
menha  xeurniq,  c'est-àr-dire  pierre  dont  on  tire  l'arsenic; 

4®  D'après  l'odeur  :  copahu,  xU  Vhar  (Phuile  forte)  ; 
5*  D'après  la  saveur  :  la  noix  vomique,  bon  xaqa  (père 
de  l'amertume)  ; 

6*  D'après  les  propriétés  :  pavot,  bou-noum  (père  du 
sommeil);  nitrate  d'argent  fondu,  hadjar  el  kéi  (la  pierre  du 
feu). 

Ne  connaissant  pas  la  cause,  la  nature  des  feux  follets,  ils 
leur  donnent  le  nom  très  peu  scientifique  de  nar  baxrough 
(feu  qui  fait  peur). 

Ma  (eau)  indique  toute  humeur  normale  ou  pathologique. 


—  425  — 

animale  cm  ?^ét^e;  ainsi  le  suc  des  plantés,  la  sérosité,  les 
flaeuis  blanches,  etc.  . 

Ce  triste  état  des  connaissances  doit  paraître  d'autant  plus 
regrettable  que  la  chimie  est  un  des  plus  beaux  fleurons  de  la 
couronne  scientifique  de  l'ancienne  école  arabe,  à  laquelle 
nous  devons  beaucoup  de  découyertes  en  ce  genre  et  de  termes 
actuellement  employés.  Ainsi  : 

L'alambic  («/  Aaniof ,  la  marmite  par  excellence); 

le  ki^rmès  {el  kermèz,  Técarlate)  ; 

L'alcool  {tl  kohol,  le  produit  noir); 

Alcali  [al  kali,  la  potasse)^; 

Le  bédéguar,  excroissance  des  rosiers  (66ï(f&a  oueurd,  rose 
blancbe)  ; 

ElixÎT  (el  kcir,  extraction)  ; 

Bobb  (de  rob,  sirop)  ; 

Arsenic  [el  xeumiq,  arsenic)  ; 

Goudron  [quetrane,  résine  du  Liban)  ; 

Jtia:ç[djaleb,  attirer)  ;  ^ 

lûlep  [djalap,  eau  de  rose,  en  persan)  ; 

Lilas  [Klaq,  le  lilas)  ; 

Safran  [xafrane,  safran)  ; 

Sirop  [cheroby  boisson)  ; 

Cramoisi  [kermezi,  écarlate)  ; 

Alhandal,  nom  de  la  coloquinte  [el  khantal,  coloquinte)  ; 

Et  très  probablement  aussi  les  mots  aloës  (puisqu'il  est 
originaire  de  T Arabie),  alquifoux,  etc. 

Pour  les  Arabistes,  Talchimie  était  une  sorte  de  pathologie 
minérale;  ainsi,  dans  Tétain  ils  voyaient  de  l'argent  lépreux; 
dans  le  mercure,  de  l'argent  paralysé;  dans  le  plomb,  de  l'or 
brûlé  et  lépreux;  dans  le  cuivre,  de  l'or  cru,  etc.  C'était  au 


—  126  — 

taleot,  à  la  science  de  ralchiiniste  à  guérir  ces  prétendues 
maladies  par  des  moyens  assimilés  ou  contraires.  Si  ces  rêves 
n'existent  pas  chez  nos  savants  arabes,  leurs  corréligionnaires 
de  l'Egypte  passent  encore  pour  très  habiles  dans  cette  science 
d'alchimie  magicienne. 

Le  Koran  repousse  les  sciences  divinatoires;  ce  n'est  que 
quand  les  docteurs  eurent  besoin*  de  défendre  llslamisme  et 
se  jetèrent  dans  Tétude  de  la  dialectique,  qu'ils  prirent  le 
goût  de  la  philosophie  d'Alexandrie;  c'est  à  cette  source  qu'ils 
puisèrentlesidéesd'émanation;  l'imagination  arabe  fécondant, 
le  délire  des  images  el  des  sensations  énergiques,  de  pluç  un 
vaste,  un  profond  instinct  poétique  suffirent  pour  exagérer 
l'influence  directe  de  la  volonté  divine  sur  tous  les  phénomènes 
et  les  actions.  Ces  spéculations  poussèrent  à  l'étude  de  l'univers, 
des  corps,  à  la  recherche  du  principe  de  toute  chose.  Du  reste, 
au  XIII^  siècle,  les  médecins  français  ne  saignaient,  ne  pur- 
geaient pas  sans  interroger  les  astres  qu'on  croyait  avoir  des 
liaisons  avec  l'économie  humaine. 

*  D'après  Sprengel,  on  ne  trouve  pas  chez  les  Arabes 
d'alliance  de  l'astrologie  el  de  la  médecine,  mais  bien  l'exis- 
tence siraullanée  de  ces  deux  sciences. 

Pour  d'autres,  au  contraire,  l'astrologie,  l'uroscopie,  la 
sphygmomancie  étaient  des  auxiliaires  puissants  pour  l'art  de 
guérir;  à  part  quelques  traces  de  l'influence  accordée  aux 
astres  dans  la  production  des  maladies,  il  n'est  rien  parvenu 
de  toutes  ces  connaissances  divinatoires  à  nos  Arabes  actuels. 

Leur  ignorance  en  fait  de  minéralogie  lesempêche  d'exploiter 
convenablement  les  mines  riches  du  pays,  celles  de  plomb^  de 
cuivre,  etc.  Les  Kabyles  seuls  tirent  parti  des  mines  de  fer;  ils 
forgent  le  métal  et  l'apportent  sûr  les  marchés.  Les  Béni- 
Yani  entr'autres  fabriquent  de  la  fausse  monnaie;  les  Reboula 


—  tu  — 

font  de  la  poudre  avec  du  soufre,  du  charboode  laurier-rose 
et  ^u  salpêtre  tiré  de  mines  locales.  Près  de  Sétif,  on  exploite 
des  mines  de  plomb  ;  dans  la  grande  Kabylie,  quelques  mines 
de  fer  et  de  cuivre  (4). 

La  chimie,  appliquée  à  la  teinturerie,  paraît  pi  us  heureuse; 
les  couleurs  qu'obtiennent  les  Arabes,  il  faut  Tavouer,  sont 
excessivement  belles  et  bien  fixes.  Pour  blanchir  les  tissus, 
d^raisser  les  laines,  ils  les  soumettent  à  l'action  d'une 
solution  alcaline  (là  soude  d  ordinaire),  c^  les  font  bouillir 
dans  de  l'eau  très  chargée  de  savon.  Dans  le  Sahara  (2),  on 
£aît  cuire  le  plâtre,  on  le  pile  et  on  le  met  dans  l'eau  froide 
avec  la  laine  filée  qu'on  veut  dégraisser;  elle  blanchit  comme 
da  lait. 

Pour  fixer  les  matières  colorantes,  les  Arabes  emploient  le 
plus  ordinairement  de  l'alun  {chebb)  ;  mais  ce  produit,  pas 
plus  que  les  premières,  n'est  pas  toujours  d'une  pureté  irrépro- 
chable. Ils  laissent  ensuite  reposer  longtemps  le  tissu  dans  la 
solution  4^1orante  plus  ou  moins  chauffée  et  maintenue  aa 
degré  voulu  de  température,  suivant  les  nuances  à  obtenir.  Ce 
sontlesfemmesauxquelles  incombent  les  soinsde  la  teinturerie. 

Quelques  Indigènes  m'ont  assuré  que  le  suc  d'aloës  servait 
adonner  une  couleurjàune  orangé;  je  n'ai  pu  savoir  par  quel 
procédé  d'application  et  de  préparation. 

En  général,  la  couleur  verte  s'obtient  avec  du  bois  jaune 
{ah(yud  las  far,  le  morus  tinctoria]  et  de  l'indigo  (nila); 

Le  jaune,  avec  Yahoud  lasfar,  la  gaude  (réséda  Ipleola)  ; 
Le  rouge,  avec  la  garance  (foua),  le  bois  du  brésil  (boqqom); 

(t)  r»/ag0S»  MaiP-t  it  Cmtum9t  Jt  VAlgirit,  par  le  génial  Davmas,  p.  176. 
(1)  L$  Sahva  jétgérien,  par  le  général  Davka*,  p.  a43v 


—  MB  — 

Le  blea,  àvecrindigo  (nila)  ou  le  pastel  (isatis  tinctoria)  ; 
en  leur  ajoutant  de  Talun  [ohebb)  et  de  la  crème  de  tartre 
{tartar),  on  a  le  violet,; 

Le  noir,  avec  de  l'indigo  [nila),  du  bois  jaune  [ahoudlasfar\ 
de  la  noix  de  galle  [afsa),  du  sulfate  de  fer  [sebgha],  de  la 
crème  de  tartre  [tartar]  et  quelquefois  du  sumac  {iommaq)  ; 

Le  marron  foncé,  avec  de  la  garance  (/bua),  du  suniac 
[iommaq)  et  du  sulfate  de  fer  (sebgha); 

Le  pi&t  en  traitant  d'abord  par  le  carbonate  de  soude 
{tratma^f  puis  par  Talnn  (chebb). 

Les  Indigènes  n'ont  qu'un  principe  dans  les  empoisonne- 
ments :  c'est  de  faire  vomir  la  substance  toxique,  par  exemple, 
en  ingérant  de  l'huile  dans  laquelle  on  a  pilé  de  la  graine  de 
celhem  (mimosa  flava)  et  de  la  graine  d'ail  [tsoum).  D'autres 
administrent  un  mélange  de  ihériaq  (?)  et  de  miel  (dcel).  — 
Quand  les  chameaux  ont  mangé  du  bou-nefa  (laserpitium}, 
que  les  Indigènes  regardent  comme  un  poison  violent,  onlear 
fait  avaler  un  mélange  refroidi  de  blé  frit  dans  du  beurre 
salé,  ou  bien  de  l'eau  dans  laquelle  on  a  jeté  de  la  bouse  de 
vache,  ou  bien  encore  du  pain  pétri  avec  du  beurre  salé  (I). 

Les  empoisonnements  sont  d'autant  plus  rares  chez  les 
Arabes,  que  les  propriétés  particulières  des  substances  leur 
sont  ignorées.  On  a  cependant  cité  quelques  cas  d'empoisonne- 
ment par  l'acide  arsénieux  [zeurniq]  mêlé  à  du  sucre. 

Les  jeunes  Arabes  qui  font  métier  de  bergers  connaissent 
bien  les  herbes  que  les  bestiaux,  les  chameaux  préfèrent  ou 
évitent.  Ces  simples  notions  de  botanique,  qui  rappellent 
tout  à  fait  les  premiers  jours  de  la  science,  jointes  au  cata- 
logue d'un  certain  nombre  de  plantes  vendues  par  les  cara- 

(i)  Voye»  le  roj»ge  J0  JHouh  Ahm$é,  trad.  pur  M.  Buitcooit,  p.  3iS  «t  3i5. 


129 


WMBf  iee  voyageurs,  forment  le  répertoire  du  toubibe,  dont 
ruDique  souci  est  de  conoaitre  la  série  des  végétaux  indiquer 
dans  tes  auteurs  ou  popularisés  par  la  tradition.  Manque-t-il 
des  plantes  oécessaîres  à  la  pratique  7  il  8n  x^  chercher  chez 
le  droguiste  [dans  les  villes),  chez  les  vieilles  femmes  (dans 
les  campagnes),  qui  en  fonldhabitude provision  lors  du  pas- 
sage des  vo}rageurs. 

Niiuiimiks»  la  botanique  existe  à  peine  de  nom  cbe2  les 
Arilies  :  ils  n'admettent  point  les  variétés  d'une  même  espèce. 
Pour  peu  qu'une  fleur,  une  herbe  diffèrent  d'une  autre,  ils 
en  fûnt  de  suite  deux  êtres  complètement  distincts.  Ils  dénom- 
menlles  plantes  d'après  : 

l*L*usage  des  animaux:  Fastragalus  lutœus,  karoub  el 
moia  (\a  caroube  de  la  chèvre)  ;  la  belladone,  haehich$i  Iha- 
ma?  [la  plante  de  l'âne)  ; 

S°  Les  inconvénients  :  Taubépine ,  sadjarei  làhhda 
(l'arbre  de  la  morsure)  ; 

3*  Li  qualité  de  certains  personnages  :  le  gayaci  khacheb 
el  nthia  (bois  des  prophètes)  ; 

*'U  ressemblance  ;  la  bardane,  ras  Ikammama  (tête  de 
P'g^oû);  le  chardon-pannicaut,  lahhiai  el  musa  [barbe  de 
la  dièrre)  ; 

S' L'odeur  :  géranium,  hachichei elatr  (herbe de  Tessence); 

6*  L'extérieur  :  chèvre-feuille,  solthan  el  raba  (roi  de  la 
troussai  Ile)  : 

î*  OtJelques  propriétés  médicinales  :  la  dictame,  6o^/cï  êi 
Shexala  (folie  des  gazelles). 

Tout  ce  qui  fleurit  au  printemps  s*appelle  rbiha  (printemps). 

Unom  pompeux  de  bou-ncfa  (père  du  bien-être),  analogue 
i  notre  ievme  panacée,  est  accordé  au  lascrpiliora,  une  des 
t^'^ntes  les  plus  employées  dans  la  thérapeutique  indierèni* 


—  130  — 

contre  la  stérilité,  les  douleurs  rhumatismales,  comme  pur* 
gatif,  révulsiC cutané,  etc. 

Après  ce  végétal,  le  plus  estimé  est  le  harmel  (ruta  graveo- 
lens).  Le  Prophète  a  dit  que  cette  plante  fournissait  soixante- 
treize  médecines,  et  qu'on  l'employait  avec  avantage  dans 
toutes  les  indispositions,  mal  de  cœur,  maladies  de  foie,  dou- 
leurs générales  dans  le  corps,  douleurs  dans  les  membres, 
toux  opiniâtre,  céphalalgies,  etc,  etc.  Rien  ne  peut  résister  à 
Taction  curative  de  cette  infecte  panacée: 

Les  plantes  employées  par  les  Arabes  sont  sauvages;  il  n'y 
a  pas  d'espèces  cultivées  dans  un  but  purement  pharmaceu- 
tique. En  général,  les  remèdes  se  trouvent  composés  des  espèces 
que  l'on  a  sous  la  main  ou  qui  existent  dans  la  localité,  en 
approvisionnement,  etc. 

Les  toubibes,  fournissant  généralement  eux-mêmes  les 
remèdes,  il  n'y  a  pas  de  pharmaciens  proprement  dits.  Dans 
les  villes  seulement  et  sur  les  marchés,  on  trouve  deà  droguis- 
tes, épicieris,  marchands  d'aromates,  connus  sous  le.  nom 
d'attar  (pour  les  essences),  débita  eddoua  (pour  les  vendeurs 
de  remèdes). 

Pour  les  Arabes,  pharmacien,  parfumeur,  épicier,  droguiste, 
herboriste,  apothicaire,  c'est  tout  un.  La  plupai*t  du  temps, 
les  malades  achètent  eux-mêmes  les  matières  premières  qui 
composent  les  remèdes,  et  les  préparent  chez  eux. . 

Ce  n'est  pas  que  la  pharmacie  soit  simple,  restreinte  dans 
ses  ressources;  nous  en  aurons  la  preuve  dans  les  formules 
variées  et  nombreuses,  en  exposant  les  traitements  internes  et 
externes  en  usage;  mais  l'absence  de  tout  dosage  facilite  à 
chacun  la  manipulation  d'un  médicament  plus  ou  moins  com- 
pliqué.  Que  les  substances  soient  très  énergiques  ou  peu 


r. 


-  131  — 

actives,  qu'importe;  elles  so  débitent  et  s'emploient,  à  la  poi 
gnée,  te  plus  souvent  suivantia  somme  dont  dispose  l'acheteur 
Eld'wlleurs,  pourquoi  le  toubibe  ou  le  malade  s'inquiéteraient- 
ils  d'ooe  question  posologique,  d'une  limite  à  donner  à  la 
quantité  d'un  médicament,  puisqu'ils  en  ignorent  la  compo- 
sition, les  propriétés,  et  qu'ils  ne  tiennent  aucun  compte  du 
sexe,  de  l'âge,  du  tempérament,  du  degré  de  la  maladie,  etc.? 
Demandez  pourquoi  dans  telle  affection  on  applique  tel  remède 
plutôt  que  tout  autre  ;  la  réponse  est  aussi  simple  que  cons- 
tante :  «  Dn  tel  (le  Prophète,  un  savant)  Ta  dit  ;  »  ou  bien  : 
«  Mon  père,  mon  maître  faisaient  comme  çà.  »  Une  telle  igno- 
rance n'est-elle  pas  seulement  déplorable,  mais  encore  une 
porte  ouverte  à  tous  les  abus,  à  tous  les  dangers  imaginables  ? 
Ilesltrèsrare,  dans  les  manuscrits  des  plus  savants  ^oi^iiie*, 
que  Von  trouve  indiqués  l'once  [ouquïa],  la  livre  {rethal)  elle 
drachme. 

fi* puis,  l'intelligence  de  lacompositionvautcelledu  dosage. 
Plus  y  a  de  substances  intégrantes  dans  le  remède,  mieux  il 
*pra;  absolument  comme  en  chirurgie,  plus  y  a  de  chiffons 
autour  d'une  plaie,  plus  les  parties  du  pansement  sont  multi- 
pliées, plus  laguérison  sera  prompte.  C'est,  en  un  mot,  tou- 
jours la  quantité  qui  semble  décider  de  la  maladie,  et  non  la 
qualité  des  choses  employées  pour  la  combattre. 

Ce  que  remarquait  le  D'  Schaw  (1),  il  y  a  un  siècle,  est 
encore  plein  d'à-propos.  Les  Arabes,  qui  inventèrent  la  dis- 
tillalion,  les  malras,  etc.,  bornent  leur  science  de  laboratoire  à 
distiller  de  Teau  de  rose. 

II  est  de  fait  que  le  parfum,  les  essences  tiennent  dans  les 
(îoutumes  arabes  une  place  aussi  grande  que  celle  promise 
par  leKoran  (2)  dans  les  splendeurs  du  paradis.  Ainsi  :  «  Les 

(i)  9^af0get  dans  la  Barbarie  et  le  LcsanI,  t.  I,  chap.  III ■ 
(a;  aap.  LXXVI,  V.  5,  17,  83. 


—  132  — 

justes  boiront  des  coupes  remplies  d'un  mélange  de  camphre  ; 
ils  seront  désaltérés  avec  des  coupes  remplies  d*un  mélange 
de  gingembre;  on  leur  présentera  à  boire  du  vin  exquis,  ca- 
cheté; le  cachet  sera  de  musc.  »  Quelques  commentateofs 
prétendent  même  que  les  filles  du  paradis  seront  de  musc  purl 

Les  Arabes  distinguent  des  essences  mâles  et  des  esseûcei 
femelles  :  les  premières  comprennent  les  odeurs  fugitivesi 
non  persistantes  (jasmin,  basilic)  ;  les  essences  femelles  sont 
pénétrantes,  à  odeur  persistante  (ambre,  safran,  musc,  GanH 
phre),  etc. 

Les  médecins,  comme  les  auteurs,  désignent  rarement  la 
partie  active  des  plantes  qu'il  convient  d'utiliser;  ils  se  bornent 
à  citer  le  végétal  en  entier. 

A  la  suite  de  la  formule,  ils  terminent  toujours  pfiar  ces 
mots  écrits  : 

labra  bi  ebn  Allah,  il  guérira  par  Tordre  de  Dieu  ; 
Ou  bien  :  nefa  incK Allah,  le  bien-être  (viendra)  s'il  plaît 
à  Dieu  ; 
Ou  :  ntfa  hou,  le  bien-être  sur  lui  ; 
Ou  :  sahha  djesmahou,  la  santé  (sera)  dans  son  corps,  etc. 

C'est  là  un  double  et  commode  moyen  d'expliquer,  par 
l'influence  divine,  la  guérison  du  malade  et  le  mode  d'action 
de  remèdes  dont  les  propriétés  réelles  sont  ignorées. 

Quand  on  examine,  en  effet,  leur  kyrielle  de  formules,  on 
remarque  aisément  que  si  la  tradition  en  a  conservé  quelques 
bonnes,  si  le  hasard  a  dicté  le  choix  dans  bien  des  cas,  —  les 
Indigènes  ont  eu  Tidée,  en  désespoir  de  cause  sans  doute, 
d'accorder  parfois  la  préférence  à  des  matières,  à  des  corps 
dont  la  composition  paraissait  semblable  à  celle  des  organes 
malades  ;  c'est  une  sorte  d'homooopathie  instinctive  dont  ils 
offrent  d'assez  nombreuses  applications.  Ainsi  la  rate  de 


—  433  — 

hérisson  guérit  les  affections  chroniques  de  la  rate;  la  tête 
de  corbeau  fait  repousser  les  cheveux  noirs;  le  foie  d'un 
animal  appelé  saffata  (?)  dissipe  le  point  de  coté  qui  suit 
d'oriioaire  une  course  violente,  etc. 

Contrairement  aux  anciens  médecins  qui  employaient 
taneonp  la  manne,  le  séné,  le  tamarin,  etc.,  les  toubibes 
actit^  donnent  bien  rarement  les  purgatif»  et  les  vomitifs. 
Uidioa  du  climat,  qui  en  augmente  Fénergie,  l'ignorance 
nMk des  propriétés  des  remèdes  en  général,  celle  des  indica- 
tions et  conlr'indications  de  leur  emploi,  tels  sont  les  motifs 
qui  les  auront  sans  doute  fait  proscrire  d'une  manière  si 
aUoIae. 

Les  épispasliques  se  bornent  à  des  principes  acres,  irritants 
fc  quelques  végétaux,  dont  on  utilise  ainsi  les  propriétés 
rubéfiantes  (palpe  d'oignon,  mélange  de  vinaigre  et  d'ocre 
rouge,  mauves  mêlées  de  poivre  ou  de  racines  broyées  de 
pyrèthw),  etc. 

Lcmoxa  est  à  peu  près,  comme  le  séton,  complètement 
inconnu. 

^  riïHièdes  hémostatiques  se  résument  dans  la  terre 
^'giltuse,  ou  la  laine  ou  l'amadou,  ou  des  chiffons  dont  on 
^^^^  les  plaies.  Les  sangsues  ne  paraissent  en  usage  que 
^k&  villes  ?  encore  l'emploi  en  est-il  fort  restreint. 

**8  préparations  ordinaires  des  remèdes  comportent  : 

**U  dessication  (tiebis)  :  les  plantes  sont  généralement 
^'««échées  au  soleil; 

2*  La   pulvérisation    {hars),  opération  très  commune, 

obtenue  aussi  complète  que  possible  à  l'aide  d'un  pilon  et 

d'an  mortier,  dans  les  tribus,  au  moyen  du  petit  moulin  dont 

on  se  sert  pour  avoir  la  farine  et  qui  consiste  en  deux  rondelles 

de  pierre   épaisses  et  larges  placées  horizontalement,  la 


—  134  — 

supérieure  armée  d'un  manche  et  mise  en  rolalion.  Une  foi 
suffisamment  triturés,  les  végétaux  sont  ordinairemen 
recouverts  d'une  couche  d'eau  qui  se  charge  des  principe 
médicamenfeux  ; 

3®  La  fillration  {teurchiha)  :  très  rare  ; 

4®  La  fumigation  (tebkhir)  :  on  place  directement  la  r^cia 
souffrante  au-<le?sus  de  vapeurs  résultant  de  la  combustion  de 
certaines  substances  :  mauvais  procédé  qui  expose  eh  mêine 
temps  l'organe  malade  à  l'action  directe  du  feu  ;  ainsi  dans  les 
maux  de  tête  ; 

5®  La  forme  pâte  (madjoun)  :  remplacée  par  l'inçorporatioD 
du  médicament  dans  le  pain  ou  les  aliments  ; 

6^  Le  sirop  (robb)  :  on  triture  le  miel  [acel)  ou  les  dattëe 
{tamr)  tout  simplement  avec  les  matières  médicamenteuses, 
et  on  ajoute  un  peu  d'eau  ; 

7^  Le  gargarisme  (tmezmiz)  :  raremement  employé.  Li 
mot  gargarisme,  remarquons-le  en  passant,  vient  cependani 
du  mot  arabe  gargour,  gueradjoum,  gosier; 

8**  La  décoction  [mateboukh)  :  le  plus  souvent  dans  l'huile, 
le  vinaigre,  le  lait  aigre,  souvent  aussi  avec  les  aliments.  On 
fait  généralement  bouillir  pendant  trois  jours.  Ce  nombre  trou 
est  presque  constant  dans  la  thérapeutique  arabe;  ainsi  on 
prend  le  remède  pendant  trois  jours;  s'il  faut  le  renouvefcr, 
c'est  encore  pendant  trois  jours  et  par  trois  fois,  etc.  —  Il  est 
certaines  plantes  (la  rue,  l'ail),  certains  fruits  (grenade)  que 
les  toubibes  recommandent  toujours  de  faire  bouillir  dans 
des  marmites  neuves. 

Le  savon  noir  {saboun  akhaJ),  qui  joue  un  si  grand  rôle 
dans  le  traitement  des  affections. cutanées,  est  fabriqué  avec 
de  l'huile  d'olives  et  du  bois  do  laurier  rose  (rfe/ïa)  réduilen 


—  135  — 

Gendres.  Dans  le  Sud,  on  substitue  à  cette  dernière  la  plante 
appelée  kali  (soude)  ou  djiL 

Les  remèdes  s'administrent  presque  toujours  peu  de  temps 
avant  le  repas  du  matin.  Les  Arabes  ne  trouvent  aucun  incon- 
fénienl  à  faire  suivre  leur  ingestion  de  Tingurgitadon 
immédiate  des  aliments.  Leur  ^o/icfi^e  de  tempérament,  leur 
tourriture  simpîe,  qui  donne  peu  d'excitabilité  et  de  suscepti- 
Ulîli  à  l'estomac,  enfin  la  placidité  de  leur  système  nerveux 
eipligoeot  sans  doute  Tinnocuité  dé  cette  coutume. 

En  général,  les  toubibes  commencent  parles  médications 
externes;  ce  n'eslqu'après  leur  insuccès  que  quelques  remèdes 
à  rintérieur  sont  essayés.  La  raison  en  est  simple  :  un  Arabe 
^  comprend  pas  comment  une  substance  qui  va  à  l'estomac 
ou  qui  dérange  les  fonctions  intestinales  peut  guérir  un  mal 
d'jenx,  une  céphalalgie,  etc. 

^^n,  les  alcools  étant  prohibés  par  la  loi  musulmane,  les 
Arabes  se  gardent  bien  de  les  administrer  comme  véhicules 
dun  médicament,  et  nous  avons  toujours  éprouvé  les  plus 
JT^ï^es difficultés  à  obtenir  de  quelques  Indigènes  intelligenls, 
en  coniacl  cependant  depuis  longtemps  avec  les  Français, 
•'iï^tion  du  vin  de  quinquina,  par  exemple,  malgré  leur 
confiance  énorme  dans  les  vertus  positives  de  cet  anlipério- 
^'<!ue.  Voici  le  texte  delà  jurisprudence  : 

•n  n^estpas  permisd'user  de  liquides  enivrants  comme  un  moyen 

■Wcamenteux,  fût-ce  comme  médication  à  l'extérieur  du  corps. 

^niqQl,même  pour  éviter  la  mort,  s'est  médicamenté  à  rintérieur 

M  moyen  du  vin  ou  d'autres  liquides  fermentes  et  enivrants,  est 

iMble  de  la  peine  afflictive,  mais  seulement  dans  le  cas  où  il  s'est 

tfonvé  enivré  ou  8'est  enivré.   Tous  médicaments  internes  ou 

externes,  qu'ils  contiennent  peu  ou  beaucoup  de  liquide  enivrant, 

^n'Ib  aolent  ou  non  dénaturés  et  éteints  par  la  coction  ou  l'action 

da  fea,8onl  réprouvés  par  la  loi.  Cependant  l'emploi  de  médicamens 

de  cette  espèce  n'est  pas  prohibé,  lorsqu'il  s'agit  de  maladies  gravei 


—  136  — 

el  dADgereuMi.  Dieu  D*a  Biswcune  verta  médicatrice  dans  le 
vin  (i).  » 

Une  autre  réprobation  qui,  pour  exister  chez  tous  les  Arabes, 
n'est  cependant  prescrite  par  aucun  législateur  ou  hakem^ 
atteint  le  lavement  [troumba).  C'est  un  véritable  objd 
d'horreur  pour  un  Musulman,  au  point  qu'il  préférerût  ta 
mort  à  la  plus  minime  injection  intestinale.  L'origine^  Il 
motif  de  cette  répulsion  extrême  seraient-ils  dans  laréprabatiM 
dont  le  Koran  flétrit  constamment  les  malheureux  qu 
s'adonnent  à  la  sodomie?  Il  n'en  fût  cependant  pas  toujours 
ainsi;  on  sait  que  huit  lavements  contenant  du  poivre  long 
donnèrent  à  Avicenne  une  violente  attaque  épileptiforme. 

B  y  aurait  à  rechercher  si  les  lavements  sont  ainsi  en 
horreur  dans  tous  les  climats  chauds.  On  dit  que  les  Hindodl 
les  ont  également  en  grande  aversion. 

(i)  Si  KMil,  t.  TI,  cbap.  XXXXVU»  p.  loa. 


LIVRE  II. 


P^GIENE  DES  ARABES 

DE  li'AEiCiÉlftli:. 


-<«  >» 


CHAPITRE  I. 

^^«KISlrtKATiaNS  GÉNÉRALSS  SUR  LE  CLIIAT  DE   L'ALGÉRIE  ET  SUR 
L'MfiiNISATlON  PHYSIOUE  ET  MORALE  DES  ARARES. 


Après  avoir  jeté  ua  coup-d'œil  sur  les  connaissances  des 
*'*^bes.au  point  de  vue  des  principes  de  la  médecine,  il  nous 
'^^^  à  examiner  l'application  qu'ils  en  peuvent  faire  à  Thy- 
f  éncpabliquc  et  privée,  puis  au  traitement  des  maladies. 

^vant  de  procéder  à  cette  intéressante  élude,  il  est  non 
■  "^^tiement  convenable,  mais  encore  utile  do  dire  quelques 
"^^^Isdes  causes  qui  influent  le  plus  directement  sur  le  choix 
^  leurs  pratiques  prophylactiques,  de  leurs  moyens  ciiratifs. 
^^  effet,  le  tempérament,  la  constitution  organique  et  morale, 
^  différence  des  zones  cl imatériques,  etc.,  imposent  le  plus 
^Uvent  telle  ou  telle  coutume  à  un  peuple. 

«  C'est  le  climat  qui  forme  les  mœurs,  le  caractère,  la  cou-i 
^^ijr  et  lA  tempéraments  des  liommes  (Polybe).  » 

Evidemment^r^ucationeflesloisnemodifienipuissammeot 


—  138  — 

e(  avantageusement  les  individus  et  les  peuples  qu'autac^ 
qu'elles  s'adoptent  parfaitement  aux  exigences  des  climats 
des  constitutions. 

Comment  donc  pourrions-nous  appréciera  leur  juste  valeur 
les  habitudes  hygiéniques  et  thérapeutiques  des  Arabes,  si 
nous'n'avions  préalablement  pris  un  aperçu  au  moins  général 
des  conditions  multiples  dans  lesquelles  ils  naissent,  sa 
développent,  vivent  en  un  mot,  —  et  si  nous  n'avions  suffi- 
samment étudié  les  imminences  morbides  sous  rinflueooe 
desquelles  ils  sont  constamment  placés  ? 


S  1".  -  Dl)  CLIMAT  DE  L*ALGÉftlE. 

Des  sept  climats  admis  par  système  isothermique,  TArabe 
nous  semble  habiter  le  second,  dit  climat  chaud,  d'une  tempé- 
rature de  20  à  25°.  C'est  une  zone  intermédiaire  enlre  la 
torride  et  la  tempérée.  Nous  espérons  que  les  quelques 
détails  météorologiques  suivants  modifieront  les  idées  géné- 
ralement émises  sur  le  climat  de  nos  possessions  algériennes, 
que  l'on  a  beaucoup  trop  jugé  d'après  les  observations 
premières  prises  sur  le  littoral,  vl  qu'elles  prouveront  que.lieg . 
Indigènes  vivent  réellement  dans  un  milieu  chaud  et  humide. 

Quand  on  examine  la  configuration  générale  du  sol  algé- 
rien, on  aperçoit  sa  longue  bande  «le  territoire  surmontée,  de 
l'est  à  l'ouest,  à  peu  de  distance  du  littoral,  par  une  échine 
élevée  (l'atlas)  de  plus  en  plus  élagée,  mamelonnée  en  beau- 
coup de  points,  et  sillonnée  par  une  multitude  de  vallées,  de 
ravins.  Il  y  a  donc  à  considérer  d'abord  un  lillorali  ensuite 
une  région  des  plateaux,  enfin  la  plaine  du  sud. 


—  439  — 

Sur  le  littoral,  étroite  bordure  de  terrains  assez  bas,  plus 
o\i  moins  homides,  vit  l'Arabe  avec  ses  chevaux,  ses  mœurs 
nomades  et  paresseuses,  sa  tendance  au  lymphatismc,  sa 
pbysioDomie  fiévreuse. —  Sol  généralement  marneux,  calcaire, 
reposant  sur  les  couches  argileuses  épaisses;  à  l'est,  prédomi- 
nent les  terrains  argileux  et  marneux  ;  à  l'ouest,  les  calcaires. 

le  littoral  monte  par  de  nombreuses  vallées  et  de  nom- 
breiueschaines  de  monticules,  pendant  quatre-vingts  kilomè- 
tres eaviron  ;  le  calcaire  et  lé  grès  dominent,  et  le  peu  de 
pennéabilité  du  terrain  fournit  presque  toutes  les  eaux  aux 
roisseaux  de  la  plaine  et  aux  rivières,  puis  entretient  Thumi- 
dilé  des  villages  suspendus  aux  flancs  des  montagnes.  L'ctroi- 
lesse  des  coupures  qui  séparent  les  monticules,  et  leur  état 
profondément  raviné,  nécessitent  de  grands  détours  par  les 
cols;  de  là  une  grande  perte  de  temps  pour  les  communications 
et  un  surcroît  de  fatigues. 

Far  des  pentes  généralement  faibles  (puisque  celle  de  la 
CAfjfa  est  évaluée  à  0'",008,  celles  de  la  Seybouse  à  0,0027, 
du  Rwnmel  de  Constantine  à  0,0025,  du  Mazafran  à  0,001 3, 
derflarrac/i  à  0,001,  etc.),  on  arrive  à  des  plateaux  d'une 
moyenne  de  12  et  1,400  mètres,  à  sol  calcaire  ;  leur  profon- 
deur va  jusqu'à  400  kilomètres.  Apparaissent  ici  de  nombreu- 
ses plaines  plus  gaies  que  sur  le  littoral,  et  qui  atteignent 
jutqu'à  1,000 mètres  au-dessusdu  niveau  de  la  nier  ;  l'air  y  est 
plus  vif,  plus  tonique,  la  température  plus  élevée  en  été,  plus 
froide  en  hiver;  elles  ont  généralement  peu  d'inclinaison. 
Voici  quelques  données  sur  l'altitude  graduée  des  plaines, 
lacs,  marais  et  montagnes  : 

Le  lac  Fezzara  (prèsBône)  etqiielques  points  de  la  plaine 
de  Bône  se  trouvent  au  niveau  de  la  mer. 

La  plaine  de  la  Metidjà^  entre  Vllarrach  et  le  Khemis,  s*élève 
d 13  m. 


—  140  — 

LapUdoe  dQÏAMetktià  à  la  Maison-Carrée,  à 

Id.  ^  h  BoU'Farikf  à. 

Le  Sebkha  (lac  salé;  d'Oran,  à 
La  plaioe  de  la  Melidjà  à  Beni-Mered^  à. 

Id.      de  Ylsseï'  (au  N.  de  Tlemcen),  à. 

Id.      des  Backem^Reris    (près  Mas- 
cra),  à         •  ... 

La  plaine  des  Haractas^  à 

Id.      de  la  Medjana,  à    • 
Les  colIioeSf  près  d* Alger,  ont  de. 
lADjebeiDarah. 
L&NifenNser, 
Le  Sidi^Reiss. 
Le  Djebel  Afroun. 
hBJurjurcu 
Le  Djebel  Mellia. 
Les  Aurès,         •        • 
VOitanseris^  d'après  M.  Fournel. 


«  n^senleBeiit. 

A3  m. 

60  m.     . 
168  m. 
Î50  m. 

350  m.  ,., 

800  m. 

1,000  m. 
30  à  160  m^ 

1,160  m. 

l,5dA  m. 

1,628  n. 

1,900  IQ. 

2,100  m. 

2,126  m. 

2,€63  m. 

3^500  m. 

Ce  puté  montagneux  abrite  les  habitations  du  littoral  contre 
la  fréquence  et  rintensifé  des  vents  du  sud.  Dans  les  noonta- 
gnes  abruptes  gît  la  race  kabyle,  vive,  robuste,  défendant  en 
simple  fantassin  ses  institutions  républicaines.  La  salubrité 
plus  grande  de  ces  lieux  élevés  est  telle,  que  son  occupation  a 
été  proposée  comme  moyen  de  diminuer  la  mortalité  euro- 
péenne (1). 

Les  flancs  de  ces  plateaux  sont  riches  en  minerais  de  diverses 
natures;  le  terrain  semble  volcanique  en  beaucoup  d'endroits, 
si  Ton  en  juge  d'après  le  grand  nombre  d'eaux  thermales 
signalées. 

Les  grands  choits  (ou  lacs  salés)  atteignent  à  une  hauteur 
qur  ne  dépasserait  pas  500  ni.,  d'après  M.  Renou. 

Le  versant  méridional  de  ces  plateaux,  pente  vers  le  Sahara, 
a  peu  d  abri  contre  les  vents  du  S.;  aussi  y. fait-il  très  chaud  : 


(i)  P»F  M.  le  D'  Ilot'iHir,  Annmlci  d'ffygiènf  pMiqut  df  i4li» 


—  1«  — 

>eti  de  pluies,  d*oii  la  rareté  de  Teau.  La  ceinture  montagneuse 

protège  contre  les  brises  du  N.  On  tombe  bientôt  dans  la 

plaine,  mouchetée  de  quelques  oasis  peu  humides,  situées  fort 

basses,  a  couches  argilo-calcaires  ;  plus  loin,  on  ne  trouve  plus 

ffaedes  dunes  de  sables  mouTants,  que  leur  configuration  en 

aréCes  tortueuses  fait  nommer  ureug  (Teines)  ou  ckebkhm 

(filets)  par  les  Indigènes.  Dans  certaines  zones  de  cette  eontréOf 

le  sol  est  au-dessous  du  niveau  de  la  mer  ;  à  Mghaïer,  par 

exemple,  à  70  m.  au-dessous  de  ce  niveau, d'après  H.Dubocq, 

iogebîeur  en  che/de  la  province  de  Constantine.  À  Texpédi» 

tion  du  printemps  dernier,  nous  avons  remarqué  tous  ces 

farrains  sablonneux  très  imprégnés  de  sel  marin  et  d'azotate 

de  potasse.  Près  de  El-Aghouat,  le  sable  paraît  riche  en  oxyde 

de  fer,  ce  qui  donne  aux  mottes  de  terre,  dont  on  fait  les  murs 

des  habitations,  une  dureté  extrême  (1). 

On  croit  généralement  que  le  Sahara,  cette  mer  sans  eau, 
selon  l'expression  arabe,  n'offre  qu'une  vaste  étendue  de 
sables;  ce  serait  une  erreur,  puisque,  d'après  M.  Renou,  on  y 
tronve  plus  d'espaces  sans  sable  que  de  terrains  sablonneux  ; 
et,  le  plus  souvent,  ils  sont  couverts  de  terre  végétale. 

Indiquer  les  points  principaux  occupés  par  des  établisse- 
ments français,  c'est  dire  à  quelles  sources  différentes  auront 
été  généralement  puisés  les  renseignements  ultérieurement 
donnés  sur  les  conditions  topologiques  des  localités  indigènes. 
Hous  citerons  donc  : 

Sur  le  versant  N.  du  petit  atlas  :  — •  Nemours,  Oran,  Mostaghanem, 
Ténèf,  Gherchell,  Alger,  Dellys,  Bougie,  DJicUelU,  PhiUppeviUe, 
B6Qe»LaGane; 

Sur  le  versant  S.  du  petit  atlas  :  —  Sidl-bel-Âbbès,  Masora, 
MUianah»  Médéab,  Sétif,  GonsUntioe  ; 

Dans  les  vallées  :  —  Lella-Maghnfa,  Tlemcen,  OrléansvlUo  ; 

(0  r^xn*  <  Bl-Jg^ou9t,  parle  V  Bâtots»,  i85i 


—  U2  — 

SurltiYerAaai  »^.  u«i  6f And  atias  :  —  Sebdou,  Tiaret*  Teniet-ei- 
Hàdt  Boghar»  Aumale  ; 
Sur  le  versant  S.  du  grand  atlas  :  —  Batna,  et  plus  bas  Biskra. 

La  vaste  étendue  des  trois  zones  algériennes  comprend  une 
superficie  totale  de  47  raillions  d'hectares,  égalant  la  Fraoce 
à  Vio*  près,]|mais  dont  le  V3  à  peine  [le  Tell]  est  susceptible 
de  livrer  quelques  parties  à  notre  colonisation  (4).  À  ces  trois 
zones  distinctes  correspondent  trois  climats  : 

La  zone  et  le  climat  du  littoral,  des  plaines  basses,  où 
Jirédominent  les  affections  scorbutiques,  les  fièvres  inter- 
mittentes; 

La  zone  et  le  climat  des  montagnes  (affections  cutanées 
prédominantes)  ; 

La  zone  et  le  climat  des  versants  montagneux  et  des  plaines 
du  sud  (ophthalmies,  affections  cérébrales). 

Disons  un  mot  des  hauteurs  de  différents  points  occupés 
au  milieu  des  populations  indigènes  : 

DjidjelIL    ....    15  mètres  au-dessus  du  nlveatt  de  la  mer. 

Cherchell  ....    20  id. 

Alger 20  id. 

_  .,  (16  mètres  en  quelques  endroits. 

Bou-Farik.  '  ^ 


(16  1 
U7i 


'  mètres  sur  d'autres  points. 

Oran 50  m. 

Biskra 75  m. 

Mostaghanem.    .    .  ilA  m. 

Coléah 150  m. 

Mascara    ....  SOC  m. 

Blidah 25A  m. 

Sidibel  Abbës    .    .  600  m. 

Milah û78m.  ' 

Bougie 670  m. 

Gonstaotine  ...  720  m. 

(i)  ro/.  en  Aigehe,  par  le  doctenr  Th.  Lbstiiooiiou,  en  i85o,  dans  /es  Mt'mêires  de  U 
Société  de  Sciences,  de  l'jégriculuux  et  des  Arts  de  Lille,  i853,  p.  3x8. 


—  U3  — 


ElAghOUit     . 

•    •     7^0  m. 

Miliaii&h    .    . 

.    .  1,000  m. 

M6â6ab.    .    . 

•        .    i9l(K)lD. 

TenniDons  ce  court  aperçu  topologique  par  quelques  lignes 
sur  les  ressources  particulières  offertes  par  Thistotre  naturelle. 

La  botanique  comprend  un  grand  nombre  des  plantes  que 
Ton  Yoit  en  Europe,  en  France  surtout  ;  leur  origine  se  rattache 
probablement  à  des  importations  faites  par  les  divers  domina* 
teors  du  pays  (Romains,  Vandales,  Grecs  du  Bas-Empir^ 
Maures  refoulés  de  TEspagne],  par  divers  conquérants  (les 
Espagnols),  par  le  commerce  français  dans  le  siècle  dernier: 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord,  c'est  Tactivité  permanente  de  la 
végétation.  D'assez  nombreuses  forêts  et  des  bois  (évalués  à 
un  million  d'hectares)  sont  utilisés  par  les  Arabes  pour  les 
besoins  domestiques  et  alimentaires;  mais,  généralement 
clairsemés,  ils  n'olîrent  point  assez  d'abris  contre  l'ardeur  du 
soleil  ;  de  là  la  rareté  des  cryptogames.  Le  déboisement  de 
l'Algérie  paraît  une  conséquence  naturelle  de  son  climat  ; 
d'après  M.  Hardy  (1),  là  cause  en  est  bien  plus  dans  l'in- 
fluence pernicieuse  de  deux  vents  contraires  et  dans  la  mau- 
Taise  répartition  des  pluies,  que  dans  le  pâturage  des  bestiaux 
et  l'incendie  des  pasteurs,  où  Ton  s'est  toujours  efforcé  de  le 
'  découvrir.  —  Les  céréales  viennent  très  bien,  fournissent  de 
8  à  12  avec  les  méthodes  indigènes. 

Les  bestiaux,  généralement  obligés  de  se  nourrir  de  plantes 
aromatiques,  'offrent  une  bonne  qualité  de  viande. 

La  constance  d'une  forte  chaleur  et  d'une  grande  humidité 
combinées  acquiert  à  certains  végétaux  (fenouil,  ciguë)  des 
dimensions  remarquables  ;  j'ai  cité  ailleurs  (2)  les  cèdres  de 

(i)  Nûtê  cUmatclùgiqu»  sur  l'Algérie,  p.  8. 

(*)  Ifotice  t9p9grapMqu»  sur  TemUt'tl'Hdd,  dan»  1«  journal  VÀkhkmr,  t3  jaill«t  it4^> 


-  u*  - 

Teniet-el-Hddj  atteignant  une  eirconférence  de  5  i  7  mètr^, 
et  une  hauteur  de  18  à  25  mètre». 

Dans  le  Sahara,  la  végétation  est  presque  nulle,  réduite  au 
y*taf  (atriplex)  et  au  chiah'  [absinthium  judaïcum)  :  lesoBsis 
conser?ent  le  privilège  des  palmiers-dattiers,  cette  céréale  dtt 
désert,  dont  le  reboi&ement  «  n'est  sans  doute  pas  impossible 
à  réaliser  ;  il  y  existe  des  broussailles  et  même  des  bois  (M; 
Renou).  »  L'énumération  des  fruits  produits  par  l'Algérie  ooq- 
duirait  à  cette  conviction  qu'ils  sonf  nombreux  et  dt  fort  belle 
qualité  (oranges  de  Blidah,  de  Sidi-Okha;  pastèques  à» 
lisser,  etc.). 

La  zoologie  offre  de  grandes  ressources  aux  Indigènes.  La 
Tache  donne  peu  de  lait,  faute  de  bons  et  suffisants  pâturages, 
mais  en  revanche  la  qualité  en  est  délicieuse.  Les  chèvres 
foarnissent  d'excellents  fromages.  Parmi  les  nombreuses 
espèces  qui  servent  à  Talimentation,  signalons,  en  passant,  le 
chameau,  la  gazelle,  la  sauterelle,  qui  exerce  cependant  de 
si  cruels  ravages  dans  les  campagnes  cultivées  (en  1824,  les 
plaines  de  la  Hétidjà  et  du  Chcliff  furent  littéralement 
dépouillées),  etc. 

Les  sangsues  paraissent  abondantes  dans  certaines  régions 
des  hauts  plaleaux  (Tiarel,  Ghelma]  ;  mais  elles  ne  peuvent  se 
conserver  dans  les  eaux  du  Sud. 

L'air  étant  très  transparent  en  Algérie,  laisse  passer  beaiJK 
coup  de  rayons  lumineux;  aussi  les  étoiles  apparaissent-elles 
très  éclatantes,  et  la  voûte  céleste  très  pure  et  d'un  bleu  foncé. 
On  ne  peut  la  considérer  une  dizaine  de  minutes  sans  aperce- 
voir une  étoile  filante.  — Il  n'existe  point  de  crépuscule. —  La 
limpidité  presque  constante  de  l'atmosphère  est  très  avanta- 
geuse dans  un  pays  aussi  chaud,  en  ce  sens  que  des  nuages, 
s'opposant  au  rayonnement  libre  du  calorique,  occasionne- 
raient une  température  étouffante  à  peine  supportable.  D'aulre 


—  U5  — 


pRrt,  la  libre  et  large  transmission  des  rayons  solaires  lelive 

Iz  Tégéiakfcn,  lui  conserve  celle  luxuriance  carâcléristique, 

cette  nugBifique  verdure  qui  décorent  si  richement  les  cam- 

p^g^A^ pres(]ue  toute  l'année  ;  elle  est,  de  plui^,  bienfaisante 

pouf  l'Indigène  en  purifiant  abondamment  la  masse  almos- 

phérique  par  une  facile  di^coni position  do  Tacide  carbonique. 

Il  faut  tenir  compte,  dans  la  qualité  de  1  air  respiré  par  les 

Arabes,  d*UD  fait  important  :  c'est  que  nulle  industrie  n  en 

altère  chez  eux  la  pureté  comme  dans  nos  grandes  ailles 

iMaofacturïères  et  commerciales. 

Le  baromètre  offre  d*assez  fortes  variations  ;  par  exemple  : 

A  Oran  (de  1841  à  1853)»  le  maximum  obseriré  est    778,60» 

—  minimum  —  736,80* 
A  Moâtaghaoein  (de  1850  &  1853],  le  maxlm.  observé  est    7^,70. 

tninim.  —  736. 

A  Pjidjelli         —  maxlm.  —  772, 

—  minioL  ^-  755. 
A  Biskf^  (de  18^6  à  18^9),                maxlm.  —  766. 

K  —  mioim,        —  749. 

»  La  colonne  barométrique  éprouve  une  cerlaine  mobililc 
aûDuelle  dans  la  même  localité,  mais  d*aulant  plus  faible 
qn'oû  s'approche  du  sud.  Ainâi  : 

PA  Alger,  OQ  constate  en  1832.    .    .  750,25    à    771»15. 

-•  1334.     .     .  748,20     t    770,35. 

iABiakra,        <^  1846.    .    .  752,20    à    758,90. 

—  1847,     .     ,  753,00    à    756,50. 

BAflMral,  le  baromètre  monte  bien  par  les  vents  du  nord, 
sur  fe  littoral,  et  par  les  vents  S,-E,  dans  le  Sud  ;  il  monte  peu 
_|par  hs  vents  du  S.  et  de  TO.;  il  baisse  brusquement  de  quel- 
Rues  Jignes  par  les  vents  du  S,'E.  et  par  le  vent  H-0.  dans  le 
Sahara. 

La  moyenne  barométrique  peulêtre  évaluée  à  787,90  milli- 
ttiètres  pour  TAlgérid. 


—  U6  — 

m 
Quant  à  la  chaleur,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'elle 
varie  avec  les  hauteurs  topologiques;  que  plus  Ton  s'élève 
dans  les  pays  chauds,  plus  Talmosphère  se  refroidit  prompte- 
inent  (Kabylie,  par  exemple).  Le  maximum  de  la  température 
diurne,  variable,  selon  les  localités,  d'après  rinclinaison  du 
sol,  est  généralement  avancé  sur  le  littoral.  Il  a  lieu  : 

A  Sidi  bel-Abbès»  eotre  2  et  3  heures  ; 

A  Alger,  à  11  heures  du  matin  ; 

A  Millaoah,  à    2  heures  ; 

A  Médéah»  à  midi  ; 

A  TlemcoD»  vers  une  heure  ; 

A  Blldah,  à  onze  heures  ; 

A  fiiskra,  à  i  heure  1/2,  d*après  nos  observatioiit.  . 

On  sait  que  la  température  moyenne  aiuiuelle  de  Tunis  est 
do  20^,30;  voyons  ce  qu'elle  est  dans  un  certain  nombre  de 
localités  algériennes  de  zones  différentes  : 


A  SéUf,     .... 

10"  G. 

A  Médéah.     .    .    . 

13\ 

A  Milianah.        .     . 

i6o. 

A  Mascara.       »    . 

16". 

A  Coostantine. 

17*. 

A  TéDiet-el-Uâd.    . 

17%18. 

A  Orau 

170,50. 

A  Sidi-bel-Abbès. 

17%50. 

A  Tlemcen.      .     . 

18%0A. 

A  Bougie.    .    .      . 

18S20. 

A  Bône.       .    .     . 

20*. 

A  Alger  (1).    .     .    . 

21". 

A  Mostaghanem.    .    . 

21%7l. 

A  Blskra.    .    ..    .    . 

22%27. 

Supposons  maintenant  Tannée  divisée  en  deux  saisons, 
l'hiver  et  l'été;  examinons  les  moyennes  de  température 
qu'elles  offrent  : 


(i)  La  4empératare  moyenne  d'Alger  a  été  de   17^,16  en  183;;  de   tS^^og  en  i838;  en 
i833,  le  D' Foorqurron  l'avait  trouvée  de  aio,63.  M.  Lévy  lui  tsnf&e  le  chifljre  de  t^fi^ 


U7  — 


•  d'aprÀM  k  O'  Fourrittcron.  (io»a«     i6'',4o,       r^t<!',     ■6^tl 


IL  CaU^*  ' 


4  XUmK^m* 

A  T4«i«»-tMlid, 

A  1l4«ufbaaeai» 


i4Ai5-. 


f-la 


^h  Sar  le  littoral,  le  thermomètre  mont^  en  été  de  ^6  à  32^  ;  à 
^  Alger,  jusqu'à  40  et  50**;  mais  les  brises  de  mer  modèrent 
beaucoup  celte  tenipéraliire  et  amcncnl  des  nuits  luimides, 
des  rosées.  —  A  Tlemcen,  le  thermotuctrc  offrirait  un  mini- 
niuiii  annuel  de  5  à  6^  au-dessous  de  xéro,  et  un  maximum 
annuel  de  40  et  k\^.  —  Sur  les  hauts  plateaux,  les  larges  val- 
lée&«  1res  encaissées,  trouvent,  dans  les  parois  montagneuses 
très  bauteip  des  écrans,  seit  au  N.  suit  au  S,,  qui  les  protègent 
ojfllre  certains  vents  dominants;  il  en  résulte  cet  inconvénient 
que  les  chaleurs  de  l'été  et  les  rîgneurs  de  l'hiver  se  font 
crueMemenl  sentir  dans  ces  lias-fonds  ainsi  privés  des  brises 
qui  pourraient  mitiger,  modifier  la  température. 

La  température  des  nuits  mérite  aussi  queUiu' attention  : 
aiosi,  clans  la  plaine  de  la  Métidjà,  le  docteur  Fourqueroii  n'a 
jamais  vu  Tinslrument  descendre  à  0**,  mais  il  cons(a(ait  une 
moyenne  de  4  à  8°.  A  Biskra,  en  été,  nous  n'avions  jamais 
moins  do  35**  vers  minuit,  —  La  différence  générale  entre  la 
température  du  jour  et  de  la  nuit  est  très  variable,  mais 

ojours  plus  forte  dans  le  Sud,  Au  Bordj  de  Sâda  (S,  de 

iskra],  où  je  visitais  plusieurs  fois  par  semaine  un  détaclie- 
ment  de  la  légion  étrangère,  j'ai  souvent  trouvé  17"  de 
différence  entre  la  température  de  9  heui^^s  du  soir  et  celle  de 

heures  du  malin, 

La  plus  haute  température  ne  se  présente  pas  dans  le  même 


—  U8  — 

mois  ;  c'est  en  août,  à  Bône,  à  Oran,  à  Alger;  c*e6t  €d  juillet 
à  Hammam-Mcskoutioe,  à  Sidi-bel-Abbès,  à  Hostaghanem,  à 
Teniet-el-Hâd  ;  c'est  en  juin  à  Tlemcen,  à  Biskra,^à  Blidah. 

Décembre  et  janvier  sont  les  mois  les  plus  froids.  A  Alger, 
le  maximum  de  froid  fut  en  janvier,  en  1833;  en  février, 
Tannée  suivante. 

Les  lempéralures  extrêmes  observées  dans  diverses  localités, 
méritent  d'être  signalées.  Ainsi  : 

Lé  »«»np^«wim  obsenré  k  BdiM  a  été  de  3<>  au-dessus  de  zéro  ;  le  max.  4a*  (iB  xi|^> 

—  Alger  4»,85  id.  4S« 

—  llemeen  ©•  34** 
dans  le  torr.  de  TiemceB  i"                 id.  H*'^ 
pUine  de  la  Mitidjà  i»                                               4:^  (««  «tS^- 
litt.  delà  jpror.  d'Ortn  »                                             36* 

SéUf  4o.5o  id.  3«'> 

Médéah  a»  id.  3^ 

Miliaiiali  ••  A*^  («A  «S4|}. 

Constantine  o»  (D' Rulh);  4** 

Mascara  «o  jd.  ^   5t*,So  (ett  xMf)* 

Blidah  70  id.  H^fi* 

Biskra  i»  id.  &ao(entft44). 

Coleah  10''  id.  U^. 

à  LeUaMaghoia  »  «4^  (D'B«n«l> 

àHammam-Meskoutine  i*  au-dessous  de  zéro;  4o*  (ça  xM4)- 

Oran  5*,a5  id.  S6*,a5 

Sidi-bel-Abbés  S''  id.  At^ 

,  Balna  3°  (i85o)  id.  39»  (en  i«$o). 

Bouçada  »  48"*  («  iiio> 

OrlëaasTille  »  entre  AS  et  So?* 

La  température  la  plus  basse  que  j'aie  éprouvée  à  Oocrgla, 
dil  le  savant  conservateur  du  musée  et  de  la  bibliothèque 
d'Alger  (1),  a  été  de  7®  C.  aundessus  de  zéro,  le  18  février,  à 
8  heures  du  matin  :  sous  les  palmiers,  le  thermomètre  est 
monté  à  33**  le  même  jour,  k  2  heures  après  midi. 

A  Biskra  et  àBordj  Sâda,  j'ai  vu  le  thermomètre  atteindre 
72°  au  soleil. 

(0  Oufrgta,  (dMsleiouraair.<tfMé«r,jaavier  t854),  par  M.  Bjubaqqq&a. 


f 


\ 


—  U9  - 

Sons  le  climat  de  Ghelma,  les  extrêmes  de  température 
annuelle  l'emportent  de  beaucoup  sur  les  extrêmes  de  tempé- 
rature journalière;  ainsi  la  plus  grande  différence  diurne  ne 
dépasse  pas  20®,  et  les  différences  annuelles  ?ont  jusqu'à  41^. 

En  général,  les  températures  semblent  assez  variées  dans 
îa  £ône  des  hauts  plateaux.  D'après  M.  Aimé,  le  thermomètre, 
dans  le  Sud,  oscille  en  un  jour  de  22**  à  44®,  et  selon  M. 
ï''t>umel,  les  variations  diurnes  y  seraient  de  6^  à  33** 
(différence  :  27*^).  Il  est  des  localités  où  Ton  a  vu  la  moyenne 
des  inaiima  s'élever  en  août  à  40*,  et  celle  des  minima  n'être 
dans  le  même  mois  que  de  25*^. 

ï^ans  un  bivouac,  aux  toumiet  de  l'O.  Bou-Sellam,  le  26 
*^^i  1840,à6heurcs  du  matin, écrit  M.  le  docteur  Perrier(<), 
"^oii^  trouvâmes  la  rosée  de  la  nuit  congelée  sur  l'herbe, 
^U  lourde  la  lente  :  atmosphère  à  ~|—  2*^;  5  heures  après,  25* 
*  Vombre;  3  heures  plus  tard,  32*',50.  Le  ijuin  suivant,  au 
^^T^p  d'AinrTurck,  à  l'ouest  de  Sétif,  34®  à  4  heure  après 
'^•^î  :  sur  la  terre,  au  soleil,  58**  ;  survient  un  orage,  de  la 
^•^'èl^^  le  mercure  tombe  à  42^ 

A.  Mostaghanem,  les  maxima  et  minima  mensuels,  observés 

*  O  heures  du  matin  et  à  4  heures  du  soir,  donnent  en  mars 

^^    ^n  octobre  une  différence  de  15*  environ.  A  Oran,  cette 

*^<6rence  a  été  de  plus  de  18*  dans  les  mois  de  mars,  juillet 

^^  Octobre.  A  Zurick,  colonie  agricole  près  de  Cherchell,  le 

^^^leur  Fontcz  a  vu  le  thermomètre  centigrade  monter  à  midi 

'l^s<ju'à  60^,  et  n'en  marquer  que  16  ou  20^  à  5  heures  du 

^^tin(2). 

A  Biskra,  noqs  avons  constaté,   dans  une  même  journée 
^*éié,  plus  de  20^  de  tempcralnrc  entre  le  minimum  de  8 

b)  Dt  riijgiint  en  Âlf^rit,  t.  II.  p.  «t. 
{.^)  7hite  Inuuptralg,  i85a,  p.  ii- 


—  150  — 

heures  du  malin  et  le  maximum  de  4  à  2  heures;  et  le  docteur 
Verdalle  (1)  a  évalué  de  30  à  32^  le  changement  de  tempéra- 
turc  que  Ton  y  supporte  dans  un  espace  de  12  heures,  en  mai 
et  juin,  de  3  heures  de  Taprès  midi  à  3  heures  du  matin. 

On  tiendra  grand  compte  de  la  température  au  soleil  et  à 
l'ombre  à  un  même  moment  donné.  Ainsi,  à  Djidjelli  par 
exemple,  le  thermomètre  qui  marque  30**  C.  à  l'ombre,  en 
donne  55  à  60^  au  soleil,  dans  un  lieu  abrité  (2). 

Dans  la  plaine  de  la  Mitidjà,  on  a  vu  (3]  le  thermomètre  au 
soleil  à  56®;  et,  pendant  les  nuits  les  plus  chaudes,  c'est  loul 
au  plus  s'il  se  maintenait  à  18**,  24**  :  différence  en  quelques 
heures  de  30  à  35°. 

Sur  les  hauts  plateaux,  à  Milianah  par  exemple,  les  varia- 
tions de  température  sont  extrêmes  ;  souvent  le  mercure, qui  est 
à  — |-  3  et  4®  le  malin  et  le  soir,  atteint  25*^  dans  le  jour. 

Dans  les  oasis,  les  journées  sont  chaudes,  les  nuits  assez 
fraîches. 

On  remarquera  aussi  combien  les  variations  de  température 
se  montrent  brusques  dans  un  même  jour,  d'après  le  ther- 
momètre ;  car  si  on  l'observe  dans  la  môme  journée  et  à  toutes 
les  heures,  on  le  voit  monter  do  plusieurs  degrés  en  une  heure 
et  plusieurs  fois  de  suite  jusqu*au  maximum,  puis  redescendre 
très  lentement,  à  raison  d'un  degré  environ  par  heure.  On 
comprend  la  grande  influence  qui  doit  en  résulter  sur  les 
systèmes  cutané  et  nerveux.  Généralement,  la  température  du 
matin,  à  5  ou  6  heures,  est  à  peu  près  la  même  que  celle  du 
soir,  à  5  ou  6  heures.  Avec  des  variations  de  température 

(i)   Tfiisê  inaigunU,  i85x,  p.  4i. 
(a)   7?irie //ia«^rcr/e,  du  docteur  PtiKhiw,  xBSs,  p.  lo. 

(3)   Topographie  médic.  de  la   Miiidjà,  parle  docteur    Vilictts,   roi.  Ul\  ùcs  Mémoiret  et 
médecine  miliiaire.  ^ 


f 


—  154 


aussi  fortes  et  aussi  fréquentes,  les  vêtements  de  laine  cens-» 
lacnineat  portés  devenaient  réellement  indispensables  pour 
rindigène. 

JLà  saison  hibernale  semble  plus  rigoureuse  dans  le  Sahara 
gu«  sur  les  eôtes;  les  gelées  blanches,  en  effet,  y  seraient 
fré<]uentes.  De  même  dans  tous  les  endroits  oii  le  rayonnement 
nocturne  se  trouve  favorisé  par  la  pureté  des  nuits.  Ainsi,  le 
2  j  uin  1850,  au  milieu  des  bois  des  plateaux  supérieurs  chez 
les^  Béni'Snouss  (près  Tlemcen),  M.  Mac-Carthy  a  trouvé  la 
DYB.it  —  4**  :  Teau  gelait  dans  les  vases.  «  C'est,  dit-il,  la 
ccft. m^se  des  gelées  blanches,  qui  ont  presque  toujours  lieu  à 
r^^fmsin  Asins  les  belles  matinées  d'hiver  (1).  » 

^ans  l'expédition  de  mars  1853,  aux  environs  de  Tuggurt, 
ï^^>^8avons  eu  des  nuits  extrêmement  fraîches  (jusqu'à  —  3®), 
et  en  même  temps  notre  thermomètre  montait  dans  le  jour 
j^asqu'a  plus  52^,  à  Tombrc. 

ZeSmars  1846,  M.  Fournei  trouvait  à  Sidi-Okba,  près 
'^■stra,  32®,6  à  une  heure  après  midi,  à  Tombre. 

On  comprend  les  conséquences  d'un  tel  état  météorologique. 
^^  août  1836,  dans  une  petite  expédition  du  maréchal 
^^geaud,  on  signale  près  de  200  hommes  atteints  de  conges- 
^'OQ  cérébraFe  etonze  suicides!  Des  faits  analogues  ont  été  cités 
^^  <830,  en  1835,  à  l'expédition  de  Blidah,  etc. 

Suivant  les  Arabes,  les  quarante  jours  dont  une  moitié 
^^ine  novembre  et  l'autre  commence  décembre,  sont  les 
P«  Us  froids  de  l'année. 

Si  la  saison  des  pluies  est  longue  en  général,  celle  des  cha- 
^Urs  lui  ressemble,  et,  de  plus,  ces  dernières  sont  fortes  ;  de  là 
^ï^e  grande  susceptibilité  dans  la  sensibilité  cutanée  des 
^Migènes,  de  là  la  nécessité  toute  naturelle  de  ne  voir  que 


\ 


(«)  BiftUtst  Jr  gêogmpAie ph/sique  et  e'conomi'/ue  vr  h  suMniiion  d*  Thmctn,  p.  li. 


—  153  — 

deux  grandes  saisons  dans  les  phénomènes  almoipliériques 
annuels. 
Pour  expliquer  le  caractère  de  la  température  Irèd  moj>il^ 
,    de  janvier,  les  Arabes  disent  : 
j-^     ^  ;  lennar  nqh  bon  seba  galbât  fel  nar  ;        \j^ 

I  c'est-à-dire  :  janvier  est  le  père  de  sept  renversements  par  Jour. 

a  Ce  sont  les  changements  du  tout  au  tout  qui,  éveillant 
rintelligencc  humaine,  la  tirent  de  Timmobilité,  a  ditHippo- 
crate  (1)  ;  telles  sont  les  causes  d'où  dépend,  ce  mé  semJble,  la 
pusillanimité  des  Asiatiques.  »  C*estaussilà  qu'il  faut  chercher 
l'origine  réelle  de  la  différence  constitutionnelle  et  monde  des 
Arabes  et  des  Kabyles  ;  ces  derniers  sont  plus  vifs,  plus, 
intelligents,  à  cause  des  températures  brusquement  mobiles 
de  leurs  n\ontagnes. 

Sur  le  littoral,  les  Arabes  appellent  le  mois  de  novembre 
nouenbir  bou  en-7ioua,  c'est-à-dire  novembre,  le  père  de  la 
tempête;  ou  bien  meyrjowm,  le  nuageux. 

La  haute  température  qui  règne  dans  les  plaines  du  Sahara 
n'est  supportée  qu'au  moyen  de  la  prompte  vaporisation  de 
l'eau  expirée  par  les  poumons  et  de  celle  contenue  dans  la 
transpiration.  Il  faut,  du  reste,  que  la  chaleur  extrême  soit  un 
supplice  assez  grand  pour  les  Indigènes  même,  puisque  la 
religion  leur  en  fait  un  instrument  de-  torture  destiné  aux 
méchants  dans  l'autre  vie.  Ceux-ci,  en  effet,  sont  menacés 
«d'une  siieur  étonnante  cl  incroyable  qui  fermera  leur  bouche, 
et  dans  laquelle  ils  seronl  plongés  selon  la  proportion  et  la 
grandeur  des  crimes.  Celle  sueur  viendra  non  seulement  du 
concours  de  toutes  les  créatures  qui  se  marcheront  sur  les 
pieds,  mais  encore  du  voisinage  du  soleil,  qui  ne  sera  éloigné 
que  de  la  longueur  d'un  poinçon.  » 

;i)  Tiafluciion  de  M.  I.ttthi.  t.  II.  p.  6». 


—  163  — 

kâ  dire  des  Indigènes,  le  moment  le  plus  chaud^de  Tannée 
comprend  quarante  jours,  comptés  de  fin  mai  au  début  de 
juilWl.  Ils  ont,  depuis  longtemps,  très  bien  remarqué  que  les 
Européens  supportent  moins  facilement  qu'eux  les  grandes 
chaleurs  du  pays.  Aussi  Abd-el-Kader,  montrant  le  soleil  à 
ses  fanatiques  corréligionnaires,  s'écriait  en  juillet  1836  : 
«Voilà  le  plus  fatal  ennemi  des  chrétiens.  » 

Le  développement  de  J'électricité  doit  êlre  d'autant  plus 
grand  en  Algérie  qu'il  est  favorisé,  sous  l'influence  d'une 
^péralare  élevée  et  très  variée,  par  les  modifications  conti- 
nuelles opérées  dans  les  vapeurs  atmosphériques.  Les  orages 
se  sigaàlent  généralement,  par  leur  fréquence,  au  printemps, 
^les  plaines  surtout.  Dans  le  Sud,  à  Biskra  par  exemple, 
c'est  en  automne;  sur  le  littoral,  ils  paraissent  plus  rares.  On 
<>l>8enre  des  éclairs  plus  forts  dans  les  vallées. 

La  foudre  tombe  rarement.  On  a  signalé  des  accidents  de  ce 

fieoiB  à  Bougie,  où  elle  renversa  un  factionnaire  au  fort  de 

^Taya,  et  tua  un  caporal  du  génie.  Si  le  tonnerre  apparaît 

P^  fréquemment,  on  l'entend  cependant  plus  souvent  dans  le 

^iùnagedes  hautes  montagnes  (1).  Dans  la  zone  saharienne, 

noua  Tavons  toujours  trouvé  trè^  faible.  A  Oran,  il  gronde  en 

'^^yenne  sept  fois  par  an,  d'après  les  observations  de  M.l'ingé- 

"^'eutenchcf  Aucour. 

Quant  à  la  fréquence  des  secousses  de  tremblemcntde  terre, 
'^  suffirait,  pour  la  prouver,  de  rappeler,  entr'autres,  les 
^^«aatres  qu'elles  ont  commis  dans  lïi  seule  ville  de  Blidah  en 
'*^59,I770,  1825  (les  Va  de  la  ville  ruinés),  1840,  etc.; 
^•dah  a  été  également  très  maltraitée  en  1801 .  En  1847,  j'ai 
^^staté  de  fréquentes  secousses  à  Cherchell  ;  elles  ont  généra- 
lement lieu  vers  la  fin  de  Tété.  A  Milianah,  plusieurs  se  font 

(0  Voyet  dan»  l*anoé«  iS4a  des  Mémoires  th  médecin*  militaire,   tmpogrmpkie  de 
l^f  «>H«  frire,  le  H'  A-  BB»r»«A»fi. 


—  154  — 


également  sentir  daBs  Taonée;  à  Alger,  on  en  a  constaté  le  1^ 
avril  1853,  et  le  23  novembre  de  la  même  année  à  Médéah,^ 
Orléansville,  Alger^  Bogliar,  Milianah,  etc.  D'après  les  Arabe^^f 
ces  Irembleriïents  de  terre  &e  prodaisetu  toutes  les  fois  que*     ' 
remue  la  grenouille,  sur  le  dos  de  laquelle  Dieu  a  posé  notr^ 
globe, 

La  grêle  tombe  assez  souvent  encore,  sur  le  littoral  surtout. 
ATéniet-^l-Hud  j'ai  ramassé,  en  mai  1848,  des  grêlons  du 
poids  de  15  grammes,  truand  les  grains  sont  volumineux,  les 
Arabes  tes  appellent //adj/ a r  (pierres).   A  Oran,  il  grèle  ei^j 
moyenne  quatre  fois  par  an.  ^Ê 

La  neige,  rare  sur  le  littoral,  plus  fréquente  sur  les  platcaui 
et  dans  les  villes  de  l'intérieur,  tombe,  dans  certaines  localités» 
plusieurs  mois  de  suite  (à  Sétif,  de  novembre  k  fin  février;  55 
centimèlres  le  i8  novembre  dernier)  et  reste  gelée  pendant 
une  quinzaine  de  jours  (Tlenicen,  en  1836;  le  17  février  1853,  j 
on  y  voyait  plus  de  30  centimètres  de  neige).  En  1692,  il 
I  tomba  tellement  de  neige  a  Blidah,  que  dans  la  plaine  on  en 
avait  jusqu'à  bauteur  dliomme,  A  Gran,  il  ne  neige  qu'urtj 
fuis  tous  les  ans  environ;  à  Balna,  il  neige  en  abondance* 
23  mars  1853,  il  y  avait  15  à  Iti  pouces  Je  neige  à  Constan- 
tine,  A  Biskru,  on  a  vu  de  la  giace  une  seule  fois,  le  3  février 
4814;  dans  le  luênie  mois  il  tomlia  de  la  neige,  mais  elle 
ïondaii  avant  de  toucber  le  sol,  A  Boucada,  on  signalait 
neige  en  janvier  1850  (1),  Des  bautes  montagnes  de  TAlgérif 
leDjurjura  reste  couvert  Je  neige  presque  toute  l'année.  Nour 
en  avons  vu  sur  les  cîmes  les  plus  élevées,  en  juin  et  juillet. 

On  se  rappelle  sans  doute  combien  les  grands  froids  qij 
accompagnent  ces  phénomènes  aluiosphériques  ont  été  funesl 
à  nos  troupes.  A  la  retraite  du  Bou-Tlialeù,  en  janvier  184<| 
plus  de  MO  bommcs   offraient  des  congélations  locales: 


an-] 

ier 
lie    I 


(t)  IHftRlftMtfT,  TU tf /tour  hd«rf^ût»  riSa* 


—  ISo  — 

liiioo  de  Consianline,  en  octobre  1836, 100  et  quelques' 

hummes  offrirent  les  pieds»  les  mains,  les  lèvres  gelés  ;  l'année 

£nivan(€,  dans  le  même  mouvement  des  troupes»  grand  nom- 

lLt    '     '  lîcs  furent  ulcérées  par  ic  froid.  Un  fait  i  remarquer, 

k  !  HS6  le  tliermomètre  ne  descendit  pas  jusqu'à  xéro; 

I  resta  a  un  demi  degré  au-de!%sus  de  xéra  dans  le  milieu  de 

iQuitoii  les  Beiges  tombèrent  (21  novembre);  et,  en  4837, 

c^lViistntmeot  n'a  été  quejiisqua  — |—  2°50.  CVstque,  ainsi 

que  l'explique  très  bien  M.  le  D''  Guvon  (i),  ^  la  lempéralure 

doiukéc  par  le  therniomèlre  n'était  que  celle  de  l'atmosphère, 

DouGetledu  sol  qui,  dans  la  première  campagne  par  exemple, 

î(|iï*il  était  tout  à  fait  couvert  de  neige  fondante,  était 

iàO**t  opérant,  sur  les  corps  avec  lesquels  il    était  en 

conlact,  une  déperdition  de  calorique  dont  l'action  incessante 

ne  dura  pas  moins  d'une  nuit  tout  entière.  )» 

Le  D'  Gandflhon  a  également  prouvé  (2)  qu'en  Algérie 
l'ImmiJité.  aidée  par  lovent  et  un  froid  modérés,  suffit  pour 
congeler  les  orteils. 

Ce  que  les  vents  offrent  de  plus  important  à  considérer  se 
rapporte  aux.  brises  de  mer  et  au  sirocco.  Les  premières  coin- 
ciuealavec  les  instants  de  la  journée  où  la  toiupéraiure  est  la 
plus  élevée,  et  leur  fréquence  avec  les  mois  les  plus  chauds. 
EUesse  font  sentir  jusque  sur  les  hauts  plateaux. — Le  sirocco, 
^^^i  du  S.-E.  que  les  Arabes  appellent  ijuelili  (sud),  lire 
*^<jualités  particulières  de  ce  quMl  vient  des  plaines  du  Sou- 
"^^,  extrêmement  éloignées  de  la  mer  et  de  tout  cours  d'eau, 
^privea^par  conséquent,  de  toute  caust'  de  rafraîcliissement 
'P^'^siWe.  Un  brusque  abaissement  du  baromètre  trahit  son 
approche.  Il  dure  depuis  quel(|ues  heures  jusqu'à  3  jours;  il 
^t  Mlemenl  anhydre  que  l*hygromètrc  a  été  vu  descendre  à 


(^T  XX3CXIV  «le»  Mim.  d»  m^i.  mlftt. 


15€ 


20**  au-dessous  de  zéro  (Biskra).  11  abaisse  généralemenl  cel 
inslrumeni  de  1  o  à  20*'  en  un  cliD-d'œlK  Quand  celte  haleine 
de  feu  sQuflle,  Tair  est  embrasé,  pulvérulent,  desséchant, 
énervant  :  elle  se  fait  généralement  senlir  pendant  l'été,  et 
durant  presque  tout  miû  et  juin  à  Biskra  et  dans  le  Sahara. 
Ce  vent,  que  l'on  supporte  plus  facilement  dans  les  plaines  du 
Sud  que  sur  les  montagnes  voisines  parcequ'il  est  plus  sec  que 
dans  ces  dernières  condiiions  où  Thumidilé  raccompagne, 
aggrave  immédiatement  les  maladies  et  exerce  une  influence 
bien  marquée  sur  les  rechutes  et  la  mortalité  ;  aussi  les  Arabes 
rappellent-ils  également  semoun^  de  semm  poison.  Ladisposi- 
lion  du  sol  fait  singulièrement  varier  les  qualités  du  sirocco  ; 
ainsi  le  même  vent  qui  anxvnerail  une  chaleur  éieufTante  en 
été,  n*apporte  en  hiver  qu'une  brise  fraîche  quand  il  a  dû  passer 
sur  des  crêtes  couvertes  de  neige.  Lorsque  le  semoun  se  tait 
sentir,  les  Indigènes  se  couchent  immédiatement  sur  place  etse 
blotissent  dans  leurs  beroouss  pendant  toute  &a  durée.  Cette     | 
I  coutume  n*en  est  pas  moins  dangereuse,  car  évidemment  Tair     ' 
qui  est  eu  contact  immédiat  avec  ie  sol  est  beaucoup  plus 
chaud  qu*à  une  certaine  hauteur.  Us  feraient  mieux  de  mar- 
cher ou  de  gagner  les  endroits  proches  plus  élevés.  ^B 
Les  pluies  sont  peu  fréquentes  dans  le  Sud  (à  Biskra,  quel-^^ 
quefois  en  février  ou  mars],  mais  cependant  moins  rares  qu  ui^i 
ne  le  croit,  car,  d'après  M.  Renou,  il  gèle  et  pleut  dans  t^^ 
Sahara.  Sur  le  littoral  et  les  plateaux,  elles  ont  le  grave  incon- 
vénient, au  point  de   vue  liygiéuique,   de  transformer  le^ 
plaines  en  marécages.  Généralement  elles  commencent  e^j 
octobre,  augmentent  en  novembre  et  décembre,  se  ralenlissci^B 
un  peu  en  janvier  et  février,  deviennent  plus  fortes  en  mars 
et  avril.  Il  arrive  très  souvent  qu'on  ne  voit  pas  tomber  une 
goutte  d>au  de  mai  à  octobre  ;   par  contre,  les  pluies  aulom- 
iiales  sont  souvient  forrentielles.  Ainsi,  à  Alger,  à  leur  débuten_ 
1853j  il  en  tomba  12  milliutèlres  le  premier  jour.  Oi 


I 

I 


—  151  — 

^^S^iî  pleut  benoûiip  flm  dans  b  pcOTiiic€  de  Coa*- 
laiitine,  a  dus  celle  d*Alpr  plus  que  dans  cdle  d'Onui. 
Dans  U  fUUfiiice  de  OmsUitioe,  il  pleul  peadftil  réê^  m 
que  l'm  ne  rraiarque  que  très  rarenieit  dus  celle  d'Alger. 
Quand  raloës  fleurît  de  bouoe  heuxt,  \m  Afalies  discal  qti*il 
{ilemrra  beaucoup  et  qu'il  j  auim  use  gnadt  quaalité  de 
maladies, 

Lair  d'ilHqae  ëunt  d^uue  séebenae  prepenioiiiée  m  aa 
leoperalnre  géoéralemeol  életéa,  reafeme  uie  asseï  gtaiiée 
quantité  d'humidité  diïQl  tes  vapeuis  se  eoodcaaeal  au  sommât 
plus  ffoid  de$  ukoutagoes;  c*est  œ  que  les  ladigèaes  sppellait 
BOe  tnaDlafn&  qui  a  mis  iom  cnfu^hom^  ^fu^  ^  p^u  près 
certain  pour  eux  qu'il  existe  de  grandie  chanceâ  pour  que  la 
plaie  arrive.  Voici  quelques  miotma  et  masima  obserrés  daas 
les  différentes  zèaes  algériennes  : 


«6*  cft  j«îa  iti^  i 


■59  (Viwi  ^  f^^h 
S6t 


H9 


HA 
Sfti 


4S4 


La  moyenne  de  rhygroraèlre  pour  toute  l'Algérie  serait  de 
^à50^ 

Les  brouillards,  rares  sur  le  littoral,  sont  très  fréquents 
iQsles  plaines,  les  vallées,  le  long  des  rivières,  à  lel  point 


U  «J  ••••  tUm^mhiti^a  nr  rw/jr«r'f,  |Mir  N^  lU&»v  !••  >• 


—   158 


\n%  1100  Cf*fteif!ê  distance  ils  simulcDi  des  lacs.  Dissipés  pe 
peu  par  Tachon  du  soleil,  ils  s^élèvent  sous  forme  de  nuagcï 
[qui  se  résoudront  le  soir  sous  forme  d'une  rosée  fine  et  [téii^ 
yranle.  Dans  le  Sahara^  au  contraire,  la  température  n*e« 

jénéralement  pas  assez  Lasse  la  nuit  pour  condenser  la  vapeur 
^â*eau  déterminée  par  la  forte  chaleur  do  jour;  aussi  dans 

re\pédilioa  fail«  au  printemps  dernier  près  de  Tuggurt^ 

n'avons-nous  jamais  observé  de  rosées,  A  Bîskra,  nous  avons 
ifcmarqué,  ainsi  que  M.  le  docteur  Verdalle  (4)»  que  «  le  plu 
fTÎomèlre  marquait  epielques  tle^rcs,  malgré  qu*il  n'eut  pa 

plu,  ce  qui  s'explique  facilement  par  les  rosées  très  abondant 
liquelquefois  pendant  les  froides  nuits  d'été,  »  C'est  au  voisî 
|liage  de  hautes  montagnes  qui  forment  ceinture  à  Biskra  que 

nous  rapportons  cette  humidité  des  nuits  exceptionnelle  pour 

celte  localité  et  les  oasis  voisines. 

Les  rosées^  après  le  coucher  du  soleil,  plus  fréquentes  sui 
le  littoral,  ont  Tavanlage  d'y  rafraîchir  Tair.  Les  Arabes  possàj 
dent  une  singulière  théorie  sur  la  formation  des  pluies,  de 
brouillards,  {.'\c.  Wmi  relieîit  toutes  les  eaux  au-delà  de  la  terre' 
dans  une  enveloppe  solide,  que  représente  Fazur  de  la  voûte 
céleste,  et  qui  est  percée  d'un  certain  nombre  d'ouvertures 
correspondant  à  tous  les  points  cardinaux,  O^andil  veut  que 
la  pluie  tombe  de  tel  coté,  il  ordonne  à  un  djinn  d'ouvrir  lel^ 
orifice.  Maiscomme  cette  enveloppe  qui  renferme  les  eaux  esf^ 
extrêmement  line  et  surchargée  du  grand  poids  de  toutes  les 
eaux  du  monde,  elle  en  laisse  toujours  suintei:  une  certaine 
quanlité,  ce  qtii  donne  naissance  à  la  rosée,  à  rhumidit^ 
atmos[diérique,  aux  nuages,  aux  brouillards,  etc. 

Le  climat  algérien  n  offre,  à  proprement  parler,  que  deui 
saisons,  cai'aclérLsées  Tune  par  les  pluies,  1  uulre  par  les  dia^^ 
leurs.  Le  printemps  et  l'automne  n'existent  pour  ainsi  dir 


sM 

'4 


fi)  Ihitt  i»  tt  cltmin  /ri  Z^hh,  iH5t.  p.  i0 


—  159  — 

pas,  i  titre  de  saisons  nettement  tranchées  ;  de  là  le  petit  nom- 
bre, »non  la  rareté  des  afTeclions  catarrhales.  Une  autre  divi- 
sion a  élé  proposée,  celle  de  Tannée  en  : 

i'  SaJsoo  à  température  douce  et  tempérée  (mars  à  Juin); 

^  Période  des  chaleurs  (juin  à  novembre); 

^  Epoque  des  Aroids  et  des  pluies  (décembre  &  mars). 

Ces  distinctions  doiven  t  évidemment  varier  selon  les  grandes 
.20Qes  dimatériques  qui  ont  été  reconnues  plus  haut  :  le  litto- 
^h  les  hauts  plateaux,  le  Sud. 

A.U  point  de  vue  de  la  pathologie,  une  division  qui  appar- 
^^t  â  M.  le  D' Catteloup,  comprendrait  : 

^*  JuiD^]aillet,août,=ssummum  de  la  saison  endemo-épidémique; 
^*  X)ctobfe  à  mars  inclusivement,  ^=3  affections  consécutives  ; 
.    ^  avril  et  mal,  »  courte  période  à  maladies  firanches  sans 
^ttneoce  endemo-épidémique. 

t^es  Arabes  reconnaissent  non  pas  quatre  saisons  fixes  comme 
nôtres,  mais  quatre  époques  qui  partagent  inégalement 
^  ^ïiiiée,  savoir  : 

^^  Chelta  Ces  ploies),  de  mi-novembre  à  mars  ; 
^  Rebiâ  (fleurs  du  printemps),  de  mars  à  mi-mai  ; 
^  Ssif(yété),  de  mi-mai  à  septembre  ; 
4*  jCto-^  (fruits),  de  septembre  à  mi-novembre. 

Cette  division  prend  pour  base  l'état  de  la  végétation. 

Le  sol  de  l'Algérie,  très  accidenté,  très  tourmenté,  explique 

*^  peu  de  grands  cours  d'eau  qu'on  y  rencontre  ;  on  compte 

^^^pendant  28  bassins  dans  les  trois  provinces.  D'autre  part, 

*C8  rivières,  réduites  à  de  simples  filets  d'eau  en  été,  grossis- 

^Qt  énormément  pendant  la  saison  des  pluies  et  répandent 

leurs  eaux  torrentielles  dans  les  abords  des  plaines,  ainsi 

transformées  en  marécages.  Cet  inconvénient  acquiert  des 

proportions  d'autant  plus  funestes  que  les  terrains  ont  un  fond 

ai^leux  ou  marneux,  et  rinsahibrilé  des  marais  de  Bône,  de 


—  160  — 

la  Metidjà,  derembouchure  des  rivières  n'a  point  d'autre  ori- 
gine principale.  Voici  les  hauteurs  de  quelques  cours  d'eau  : 

L'Oued-bou-Sellam  (près  SétlQ.    • ^••^^  "• 

L*Ooed-el-Hammam  (ConstantiHe) 800 

.  Le  Rummeî. 481  .  . 

L'Oued-Saf-Saf  (Tlemcen) AOO 

LaSejbouse (confl.  flèro.  Gheorf etde  TO.  Zenati).  380 

La  Gblffa  (sortie  de  la  coupure) 150 

Ooqflaent  de  rissèr  et  de  la  Tafoâ.    .....  8a 

VO.  Khemisde  la  Mitidijà  (au  sortir  des  montagnes).  71 

On  évalue  à  40,000  hectares,  c'est  à  dire  à  un  millième  de 
toute  la  superficie  de  TAlgérie,  la  quantité  des  terres  submer- 
gées et  marécageuses. 

Il  existe  un  assez  grand  nombre  de  lacs  salés  {sebkha)  ;  il 
en  est  d'intarissables  (celui  de  Fezzara),  d'autres  qui  dessè- 
chent en  été  (grands  chotts  de  la  province  d'Oran,  ceux  du 
^odna,  les  sebkba  des  plateaux  de  Constaotine].  On  rencontre 
des  Is^cs  d'eau  douce  près  de  La  Galle. 

Dans  les  oasis,  on  trouve  de  l'eau  à  quelques  mètres  au- 
dessous  de  la  croûte  du  sol.  Dans  le  Sahara,  il  existe  de6  cours 
d'eau  souterrains,  bahar  thdt  el  ard  (la  mer  sous  terre), disent 
les  Arabes.  Ces  eaux  sont  saumâtres,  salées.  Ainsi,  à  Biskra, 
où  elles  arrivent  échaufTées  par  un  long  trajet  dans  la  plaine, 
elles  abondent  en  chlorure  de  sodium  et  déterminent  des  sali- 
vations intestinales  presque  continuelles.  Les  bords  de  ces  filets 
d'eau  sont  tout  blanchis  par  les  dépôts  salins  à  la  suite  de  Té- 
vaporation. — On  trouve  cette  mauvaise  qualité  d'eau  sur  plu- 
sieurs points;  ainsi  àl'O.  bou  Ketoun,  près  des  portes  de 
fer;  ainsi  dans  plusieurs  ravins  de  Philippeville  et  de  Constao- 
tine (l'O.  Melh');  ainsi  au  Rio-Salado,  campement  habituel 
des  troupes  qui  vont  d'Oran  à  Tlemcen,  etc.  Ces  eaux  sont 
blanchâtres  et  occasionnent  une  soif  dont  on  se  fart  peu  d'idée. 
«  La  mortalité  et  les  fréquentes  maladies  qui  désolent  les 


—  161   — 

1^  dotiars  sur  VO.  d  MeW  (province  d'Oran),  écrivait  en  ma" 
»  I8W  M.. Duponchelle,  daiv^nt  élre  attribuées  à  l'usage 
*  Viabilud  des  eaux  de  ccUc  rbière,  qui  contient  beaucoup 
»  déiels  purgatirs,  et  aux  exhalaisons  miasmatiques  causées 
»  par  la  décomposition  des  détritus  abaudonnéâ  par  le  courant 
y^  des  eaux.  » 

Le*  eaux  des  rivières  se  signalent,  en  efîet,  non  seulemeul 
par  Vabondance  des  débris  orgauiquos  et  inorganiques  qu'elles 
charrieût»  mais  encore  par  leur  mauvaise  odeur  {V0\  ma 
Zafrm],  par  une  quantité  considérable  d'aluniine  [VO,  bou 
Djtmi);YO.  Mckerra  accuse  une  température  assez  élevée 
(16*en  janvier  < 846]  (1);  ÏO,  Sctjbome  n*esl  potable  en 
iir?er qu'assez  loin  de  son  emboucbure,  et  en  été  son  ëlat  sau- 
infure la renîl  impropre  à  tout  usage  domestique;  chez  les  ' 
,  Bent-ThQur,  auprès  de  Dellys,  nous  avons  souvenl  remarqué 
m  les  eauï  fangeuses,  saumùtres,  troubles;  VO.  Saf-Saf  (2) 
I  contient  du  sulfate  d'alumine  en  quantité  notable,  des  carbo- 
I  nates  calcaires  et  une  matière  blancfie  pseu<lo-organique 
I  analogue  à  de  la  barégine,  elc.  Nous  insistons  sur  ces  quelques 
I  fieaiplei,  parce  (|uo,  comme  il  sera  dit  plus  loin,  leau  des 
I  rÎTOresconstilue  Tunique  boisson  de  la  plus  grande  partie  des 
^  ludigéoes.  Esl-on  plus  heureux  dans  les  villes?  D'après 
'  î'eiatnen  comparatif  fait  par  M.  le  docteur  Marseilhan  (3), 
^^  H  eaux  de  rAlgéric  (Orari,  Mostaghancm,  Le  Figuier, 
Misergbin,  Alger,  LeFondouck,  Fort-Mouca,  Bougie,  Arxcw)' 
r<>tiiieQDeiit  toutes»  surtout  dans  la  province  d'Oran,  plus  de 
lelsgoeleau  de  la  Seine;  i'*  les  sels  de  soude  existent  dans 
toutes  {Mostagbanem  excepté)  et  dominent  dans  celles  d'Oran  ; 
3*  toutes  ont  des  sels  magnésiens,  en  (juanlité  supérieure  dans' 
la  prttvince  d'Oran  ;  4^  la  plupart  des  eaux  d*Oran  tiennent  en 


f»y 'Bf^^^ipku  de  SiéU*i*JèbU,  par  m.  Ur  IK  RoBu,  dao»  tes  Mm.  de  mêd.  mtTtu 
Pi  T'  LU  éç%  Mtmpttn  t(«  mtiitttttt  mtttt^trvx. 


—  162  - 

solution  du  carbonate  de  soude,  qui  est  remplacé  dans  les  eaux 
potables  et  pures  d'Alger  par  du  sous-carbonate  .de  chaux  ; 
5^  les  eaux  d'Alger  et  de  Bougie  contiennent  du  nitre  prove- 
nant de  matériaux  salpêtres;  6^  Veau  du  fondouk  possède  une 
matière  organique  très  azotée.  M.  Harseilhan  conclut  à  radion 
purgative  des  eaux  d*Oran,  chez  les  nouveaux  arrivants. 

D'après  les  analyses  de  l'eau  d'Alger,  par  M.  Riffault  (1  ),  elle 
serait  moins  pure  que  celle  de  la  Seine,  presqu'autant  que 
celle  d'Arcueil,  plus  que  celle  de  Belleville. 

MU.  De  Mortain  et  Laprcvotte,  qui  ont  analysé  les  eaux  de 
Bône  (2),  disent  que  l'eau  du  puits  de  la  rue  d'Alger  /est 
impropre  aux  usages  domestiques,  qu'on  ne  Tutilise  que  dans 
les  bains  maures  et  en  élc  quand  les  sources  sont4aries  ;  plus 
chargée  de  matières  salines  que  celle  des  puits  de  Pa^ris,  elle 
abonde  en  carbonates  et  sulfate  calciques,  azotate  de  chaux  et 
matière  organique.  L'eau  des  fontaines  de  Bône  serait  pure, 
potable,  mais  une  matière  organique  jaune  y  prédomine;  celte 
eau  paraît  aussi  riche  en  matières  salines  que  celle  du  canal 
de  rOurcq.  L'eau  du  lavoir,  près  du  quartier  de  cavalerie, 
est  limpide,  fade  au  goût  et  contient  beaucoup  de  sels  de 
potasse. 

Les  eaux  de  Batna  sont  légèrement  ferrugineuses,  dit  M.  lo 
docteur  Quesnoy  (3),  ce  qui  expliquerait  le  peu  d'affections 
intestinales  propres  à  la  localité 

A  Philippeville,  l'eau  des  puits  est  bourbeuse;  celle  de  Stora 
renferme  des  traces  de  fer  (4). 

Les  eaux  de  Mascara  (5)  contiennent  beaucoup  de  sels  de 

(i)  Ânmtaif  de  l'État  d'Àlgtr,  i83a. 

(a)  T.  LXV  des  Mimoirtt  Je  médtcint  mUitaire. 

(3)  T.  LXVII  id. 

(4)  T.  LU  id. 

(5)  T.  VIII,  a»  sërif,  id. 


—  163  — 

chaux;  troublées  facilement  par  les  pluies,  d'une  saveur  fade, 
eUes  forment  quelques  grumeaux  avec  le  savon,  et,  pendant 
l'été,  se  puiréfienl  par  un  repos  de  24  heures. 

Ce  dernier  et  grave  inconvénient  est  constant  dans  le  Sahara. 
A  Biskra,  le  repos  de  quinze  heures  suffisait  pour  rendre 
infecte  l'eau  placée  dans  nos  bidons.  Aussi,  au  cercle  de  MM. 
les  Officiers,  fut-on  obligé  de  recourir  au  filtrage  quotidien  à 
tra?ers  des  couches  de  charbon  et  de  sable. 

D'après  les  recherches  de  M.  l'ingénieur  Dubocq  (1),  les 
eaux  du  Zâb  sont  lourdes,  très  chargées  de  sels  surtout  en  été, 
d'une  densité  supérieure  à  celle  de  Teau  ordinaire,  riches  en 
chlorures  de  sodium  et  de  magnésium,  sulfate  de  soude  et  de 
chaux,  carbonates  de  chaux,  et  principalement  en  matières 
organiques.  A  Biskra  prédominerait  le  chlorure  de  sodium  : 
à  Tolgaei  Sidi  Salah,  le  sulfate  de  soude;  à  Oumach,  le 
sulfate  de  magnésie  ;  à  Chetma,  les  chlorures  alcalins. 
L'analyse  de  l'eau  des  oasis  de  Biskra  par  M.  Tripier  (2),  a 
prouvé  qu'elle  est  très  inférieure  aux  eaux  potables,  par  la 
quantité  plutôt  que  par  la  qualité  des  éléments  salins. 

D'après  les  recherches  fort  intéressantes  (3)  qu'il  a  faites 
dans  le  Sahara  en  1846,  M.  l'ingénieur  Fournel,  se  basant 
sur  Tinclinaison  des  couches  de  terrains  vers  le  sud,  la  pente 
générale  du  Sahara  de  l'ouest  vers  l'est,  et  la  porosilé  des 
marnes  intercalées  dans  les  bancs  supérieurs  dont  le  calcaire 
est  très  compact,  —  pense  qu'il  serait  très  facile  de  percer  des 
puits  artésiens  dans  le  désert.  En  attendant,  les  Indigènes  se 
bornent  à  fouiller  le  terrain  sablonneux  :  ainsi,  dans  l'expé- 
dition du  printemps  dernier,  nous  en  avons  vu  creuser  instan- 

(i)  Xémairessur  la  Constitution  Céohgiqite  <Us  Zibaiu  et  dt  l'Oued  Rtr,  i8S3. 
(a)  T.  II  d«  la  a*  «éri^  des  Mémoires  de  médecine  militaire. 

(i)  Confinnées  par  M.  Itr.RiiiroaKii,  Ion  de  son  exciirNuo  daw»  le  Sahara;  voycx  «a  bro» 
cfaurc  lar  \9»puit*  artêsiem  du  dètert,  p.  a5  tt  a-. 


—  <64  — 

tanément  des  puits  à  un  mètre  environ  de  profondeur  sur 
YOwd'IeP-Tel  eiVOuedrOuar. 

La  constance  de  la  température  de  certaines  eaux  explicjiie 
comment  elles  paraissent  chaudes  ou  froides  suivant  les  saisons; 
ainsi  à  Milah,  une  fontaine  dont  Peau  est  chaude  en  hiver, 
fraîche  en  été.  J'ai  de  même  trouvé  Chez  les  BéniSliem 
(cercle  de  Dellys)  une  source  abondante,  Aïn  tl  Àrbdt  très 
fraîche  pendant  les  chaleurs,  chaude  en  décembre;  et  chez  les 
Àmraonas,  à  Aïn  el  Mixab,  une  source  entourée  de  quelques 
ruines,  et  dont  la  température  très  basse  en  juillet  est  assez 
élevée  pendant  la  saison  des  pluies.  M.  Carette  (1)  rapporte  un 
curieux  renseignement  sur  les  eaux  qui  se  trouvent  en  KabyKe 
chez  les  Béni-Sliman,  auprès  des  trois  villages  des  Ouled- 
Tizi  :  «  Il  y  a  une  source  dont  les  eaux  conservent  en  toiite 
saison  une  fraîcheur  remarquable  ;  on  l'appelle,  pour  cette 
raison,  Tala  Somia  (la  source  froide).  On  fait  quelqiiefois  le 
pari  d'enlever  successivement  et  sans  s'arrêter  sept  objets 
déposés  au  fond  de  la  source  ;  il  est  difficile,  dit-on,  d'y  par- 
venir, à  cause  du  froid  ;  à  la  quatrième  ou  cinquième  immer- 
sion, la  main  est  glacée.  » 

L'examen  de  l'hydrographie  algérienne  amène  tout  natu- 
rellement rétude  de  ses  ressources  en  eaux  minérales. 

Quand  les  eaux  sont  chaudes,  les  Arabes  les  appellent  hamr 
mam,  de  hamm,  chauffer.  Ignorant  les  effets  des  eaux  miné- 
rales, en  général,  leurs  propriétés,  indications  et  contr'indi- 
cations  suivant  les  constitutions  et  les  maladies,  ils  ne.  les 
prennent  jamais  à  l'intérieur,  et  bornent  leur  emploi  à  l'usage 
externe.  Les  sources  minérales  qu'ils  fréquentent  sont  rare- 
ment protégées  par  un  abri,  par  une  construction  quelconque; 
ordinairement,  des  koubha  (sépultures  de  marabouts)  se  trou- 
vent tout  à  côté.  11  est  est  cependant  qui  conservent  encore  des 

;<)  tludcj  tur  U  Adfyftc,  t.  Il,  p.  4ia. 


—  166  — 

débris  de  ruines  romaines,  traces  de  Tantique  réputation  dont 
elles  ont  toujours  joui. 

C*est  an  saint,  dont  la  source  porte  assez  souvent  le  nom, 
ou  bien  à  quelque  djinn  ou  être  mystérieux  dont  l'histoire 
révèle  la  légende  proverbiale  de  la  localité,  que  l'Indigène 
rapporte  toute  l'efficacité  des  eaux  minérales  ;  leur  variété  de 
couleur,  leur  température,  leur  action  thérapeutique  lui 
paraissent  incompréhensibles,  ou  du  moins  inexplicables.  T 
a-4-ii  des  élévations  rocheuses  ou  calcaires  au  milieu  du  bain? 
œ  sont,  d'après  la  tradition,  des  tentes  d'ancêtres  qui  ont  été 
pétrifiées.  Y  a-t-il  des  figures  irrégulières?  ce  sont  des  trans* 
forinalions  animales  ou  humaines.  Les  abords  de  la  source 
résonnent-ils  bruyamment,  ou  la  chute  des  eaux  produit-elle 
des  murmures  singuliers?  c*est  la  musique  des  (^fenounes 
(génies)  qui  les  habitent,  etc.  A  Hammam-Meskoutine,  la 
superstilioo  arabe  raconte  qu'un  riche,  voulant  épouser  sa 
propre  sœur,  convola  à  ses  noces  près  do  l'endroit  même  de 
ces  bains,  etqu'au  milieu  du  festin,  amis  et  autorités,  tout  le 
monde  fut  foudroyé  par  Dieu  ;  de  là  la  naissance  de  blocs  ro- 
cheux. Le  peuple  fuyant  est  figuré  par  un  rocher  qui  serpente 
ddLUsYO.Meskoutine;  le  bouillonnement  deTeau  représente 
la  cuisson  des  aliments  du  repas  sacrilège;  lIMeur  sulfureuse 
indique  la  malédiction  divine,  clc. 

Voici  une  indication  très  sommaire  des  principales  eaux 
minérales  signalées  jusqu'à  ce  jour  en  Algérie,  et  fréquentées 
par  les  Indigènes  : 

A.  Eaux  sulfureuses  : 

4®  Dans  le  cercle  de  Ghelma,  chez  les  Ouled-Messaoud  ; 

V  Dans  le  cercle  de  La  Cal  le,  cinq  ou  six  sources  thermales 
sulfureuses  ; 

3^  Dans  le  cercle  de  Biskra,  deux  sources  :  Pune  à  6  kilo- 
mètres N.-O.  do  cette  ville,  se  nomme  Hammam  Sidel  Hadj; 


—  166  — 

en  décembre  1852,  je  l'ai  trouvée  de  48*"  C,  Ses  propriétés  et 
sa  composition  Tassimilent  aux  eaux  de  Barèges;  les  Arabes 
rappellent  aussi  Hammam  Mkebrit  (le  bain  soufré).  —  L'au- 
tre source,  à  mi-chemin  d'El-Kantra  à  El-Outaïa,  sert  aux 
habitants  voisins  du  Koudiat  Kourbazet  ;  également  chaude 
(39**  C.)f  d'une  odeur  sulfureuse  et  d'une  saveur  saline  très 
prononcées»  elle  offre  les  vestiges  d'une  ancienne  piscine 
romaine  ;  .    . 

4^  Dans  le  cercle  de  Ghelma,  Hammam  MeskouHne^  05® 
C.  Les  Arabes  y  lavent  le  linge,  y  plongent  les  végétaux  dbht 
ils  veulent  n'obtenir  que  la  fibre  ligneuse  pour  en  faire  des 
cordes  et  des  nattes,  y  font  cuire  des  fèves,  du  blé,  du  gibw, 
des  œufs,  etc.; 

5^  AïnelBaroud  (fontaine  de  la  poudre,  à  cause  de.  son 
odeur  sulfureuse);  source  froide  sur  le  bord  de  l'O.  bou  Roumi, 
à  4  kilomètres  de  Mouzaïa-Ies-Mines  ;  donne  1  litre  60  par  1'. 

6®  A  25  kilom,  S.  de  Médeah,  Hammam  Bemmaguia ; 
source  chaude  sulfureuse  abondante,  45"^;  très  usitée  Contre 
les  affections  du  foie  et  la  gale  ; 

7®  Chez  les  Beni-Mehessen,  près  la  frontière  tunisienne, 
à  côté  d'un  grand  établissement  romain,  Hammum  Ouled 
Mdellem;  thermale  sulfureuse  ;  trois  sources  ; 

8"  A  90  kilom.  S.  de  Bône,  à  24  kilom.  E.  de  Souk  Haras, 
la  source  thermale  (45'^)  sulfureuse  et  gazeuse,  dite  Khang  el 
Hammam  ; 

9°  A  45  kilom.  E.  S.-E.  de  Bône,  Hammam-Chafla ;  35», 
sulfureuse  el  gazeuse;  établissement  romain  encore  conservé. 

10**  Au  sud  des  bibaiis  (grande  porte),  source  très  sulfu- 
reuse ; 

1 1®  Entre  Alger  et  le  cap  Caxine,  une  source  sulfureuse  ; 

1 2*"  Près  de  Milianah,  eaux  très  chaudes  et  sulfureuses  ; 

13**  Plusieurs  sources  de  50  à  60°^  sur  le  plateau  qui 


—  167  — 

domine  VO.  Sémor  chezlesHaractiis,  et  surtout  à  la  rencontre 
de  ro.  Sémor  et  de  VO.  Surff  ; 

44®  Eau  thermale  sulfureuse  près  de  VOued-Zaïan,  dans 
la  ?aUëe  de  TO.  Sahel  [prov.  d'Alger)  ; 

15®  A  rentrée  de  la  vallée  de  la  Châfia,  entre  La  Calle  et 
Bdne,  ^urce  thermale,  gazeuse  et  sulfureuse  de  35®. 

B.  Eaux  ferrugineuses  : 

f''  Dans  le  cercle  de  La  Calle;  à  Hammam  Sidi-Labrak 
(35  à  38®),  à  12  kilom.  S.-E.  de  La  Calle  ; 

2*  Près  de  Dahla,  une  source  très  renommée  dans  le  trai- 
tement des  fièvres  intermittentes  anciennes  ; 

3®  Dans  le  cercle  de  Bou-Çada,  plaine  de  Dréat; 

4®  Près  de  Téniel-el-Hdd,  une  source  abondante  dont  j*ai 
expérimenté  les  propriétés  en  1848  (1)  ; 

5®  Vrès^Hammam-Meskoutine,  source  ferrugineuse  de 
75®; 

6*  Près  de  Stora,  au  pied  de  la  montagne  des  Kabyles, 
deux  sources  froides  ; 

7*  Entre  Alger  et  le  cap  Caxine,  une  source  très  fréquentée 
par  les  Indigènes  ; 

8®  Plusieurs  sources  ferrugineuses  et  gazeuses,  abondantes, 
à  une  lieue  de  Bordj-Bouïra  (cercle  d'Aumalc),  puis  chez  les 
Ouled'Aziz,  àBcn-i4rown(Kahylie  delaprov.  d'Alger),  puis 
an  Djebel  Dirah,  etc. 

C.  Eaux  acidulés  : 

4®  A  Test  A*Hammam-nigka,  chez  les  Beni-Menad,  on 
trouve  Aïn  Karsa  (fontaine  acide),  dont  les  eaux  sont  comme 
celles  de  seltz. 

2®  A  2  kilom.  d'Arcole,  prov.  d'Oran,   une  autre  source 

(t)  D*  l'fm/tioi  thèrapetiliqut  det  eaux  ferrugineu-ei  dt  Ttniet-tl-UiJ,  Poxi*,  i849»  >«»-••. 


—  168  — 

également  acidulée,  donnant  850  litres  en  24  heures,  et 
vendue  à  Oran  comme  de  l'eau  de  seltz. 

D.  Ëaiix  thermales  salines  : 

1^  Dans  le  cercle  de  Ghelma,  Hammam-Berda,  29®5, 
légèrement  gazeuse  ; 

2**  Dans  le  cercle  de  Ghelma,  ifammam-iVéaï/*;  \ 

a*»  Id. ,  Hammam  des  B.-Foughal;  |  (■) 

i""  Id.,  HammammtàelHaclmchij 

5**  Hammam^si-Yacoub,  sur  le  Ruramel,  26**; 

6^  Dans  le  cercle  de  Sidi-bel-Abbès,  Hammam  ^bou^ 
Hadjar  ;  .  _ 

7®  Id. ,  Hammam  des  O,  I 

Sidi-AbdelH:  ^^** 

8^  Id.,  Hammam  siAli^ 

ben  Youb  ; 

9°  Plusieurs  autres  sources  (58°)  à  TO:  el-Hammam',  sur 
la  route  de  Sidi-bel-Àbbès  à  Mascara  ; 

10°  Cercle  de  Lella-Maghnia,  plusieurs  sources,  entr'auCres 
celles  de  la  Mouia,  celle  de  la  Tafna,  sur  la  route  deTÎemcen 
à  Lella-Maghnia  ; 

11**  En  Kabylie,  chez  les  Béni-Aidel,  une  source  que  les 
montagnards  ont  entouré  de  constructions  ; 

<2°  Hammam-Melouaney  près  d'Alger; 

43°  Hammam-Righa,  chez  les  Béni-Ménad,  46**  ;  fréquen- 
tée pour  les  dermatoses  ; 

14°  Haminam-Oued-Alala,  près  du  vieux  Tén&5,  30?;  il 
y  a  un  bain  maure  tout  près  ; 

45°  Au  N.-E.  du  Djebel-Amour,  Hammain-el-Rorfa,.  40 
à  45°  ; 

(i)  Employées  contre  lesdouleors  rhumatijiiiales  syphilitiques,  l«s  anectiooscaun^. 
(i)  Yaalée»  tlitnsla  5ypUilù  iaféiétée. 


~  16»  — 

16"^  A3  kîl.  0.  d'Oraii,  bains  iiiâ  de  ta  Berne;  IV i 
quatre  sources  donnent  250  litres  à  la  minute.  Les  Arabes  les 
préconisent  dans  les  en^porgements  abdominaux  et  les  affec- 
lions^rhumatismales  anciennes  ; 

iTHammam  bour-Hadjar,  à  50  kil.  S.  0.  d'Oran;'50^Cr 
Six  sources  donnant  13  à  45  litiges  cliaeunè  par  minute:  Un 
bain  maure  tout  à  cdté; 

18^  A  6  lieues  de  Mascara,  Hammam  Sidi  ben  en  Nefia, 
63  à  65^;  très  renommé  dans  les  affections  cutanées,  sjfphi- 
Mques,  les  engorgements  abdominaux; 

49^  Sur  le  bord  du  Cbélif,  à  une  lieue  au-dessus  de  son 
affluent  avec  la  Mina,  Hammam  Sidi  bou  abd  Allah;  consi- 
dérable, bouillante,  car  les  Arabes  y  font  cuire  des  OBufs»  des 
poules,  etc.; 

20^  Au.coofluent  de  la  Mina  et  du  Ghélif,  Hammam  Sidi 
èou  Zid;  SO"*  :  considérable  ;       . 

24^  Au  nord  des  précédentes,  dans  les  ruines  de  Techa, 
Eammam  Sidi  ben  Chda,  35  à  10""; 

SS?  Près  des  ruines  d'Aquœ  Ccssaris,  un  Hammam^  à  48 
icil.  deTébessa; 

93r  Hammam  Djebel  Nadoun,  prèsGhelma,  32'';  près  de 
ruines  romaines; 

24^  Séniowr,  au  S.  S.-O.  de  Ghelma»  plusieurs  sources  de 
80  kW^  ;  vestiges  romains  ; 

25"^  Ghellaïa,  entre  Philippeville  et  Bône,  trois  sources  de 
44à5g^ 

26''  Grùu$s,  au  S.-O.  de  Constantine,  sur  la  rive  droite  du 
RumBoel;35\ 

S?"*  SidinMimoun,  au  pied  de  Constantine,  sous  une 
voûte,  34^. 

28^  Au  N.-O.  de  Constantine,  El-Hamma,  d6f:  très  riwiH 
danle  ;  près  de  la  roule  de  PhilippeviUe  à  Constantine  ; 


—  in 


Bou^Taleb,  à  60  kil.  S.  de  Sétif;  source  ' 
et  très  abondante; 

30^  Barai,  m  pied  de  l'Auress;  GO  à  7t)°. 

31**  BùVrSellam,  20  kil.  S.O.  de  Sétif;  plusieurs  sources  ; 
41  à  49^ 

32**  Hammam  béni  Kecha,  k  mi*cheniin  de  Constanline 
Sétif;  45°;  renommée  dans  les  alTeclions  des  os  et  de  la  peau  ] 

33**  Gueurgour,  à  40  kil,  N.-O.  de  Sétif,  près  la  route  de 
Bougie.  Très  chaude  et  très  abondante; 

34°  Btni'Sermen,  chez  les  Bcrbacha,  près  Bougie;  très 
chaudes  ; 

35^  Mansoura^  sur  la  route  de  la  Mcdjana  à  Aumale,  dansj 
un  ravin; 

36*^  Une  source  très  chaude  sur  la  rire  gauche  de  Tisser, 
territoire  de  TienKen  ; 

37**  Une  autre  sur  la  rive  gaucfic  de  la  Tafna; 

SS**  Près  de  Zaatcha,  sources  de  28^;  très  chargées  en  sehj 
magnésiens; 

31F  Près  de  Salah-Bey,  aux  environs  de  Conslanline,  un' 
grand  bassin  flanqué  de  cinq  petites  loges,  couvert  en  briques 
rouges;  27**  c, 

40''  Entre  El^Kanlhara  et  El-Outaïa  (cercle  de  Biskra),^ 
Uammam-Salahïn,  44**, 

4i  *•  Près  d'Uammam-Merkoutine,  plusieurs  eaux  thermales 
salines  de  64**  c;  l'arsenic  a  été  démontré  dans  leor  com^ 
position; 

42°  Enfin,  dans  le  Djerid  et  le  Sahara»  il  existe,  dit-on,^ 
plusieurs  eaux  salines  d'une  température  assez  élevée  ; 

43*  En  Kahylie,  chez  les  Béni-AzKOUZ,  chez  lesBéni-AbbèsJ 
les  Béni-Ourtilane,  les  Béni-^Khaleb,  les  Béni-Smaïl,  des  eauxi 
thermales  tt^llement  salées  que  Ton  en  extrait  par  évaporalton^ 
d€  grandes  quantités  de  sel  blanc. 

Il  existe  des  eaux  minérales  frérpientées  par  les  Indigènes  i 


1 


—  I7t   — 

dans  le  ccrcte  de  Colla,  dans  le  cercle  de  Baina,  etc.;  muïi 
les  renseignements  m'onl  complètement  manqué  conœrnanl 
leur  emplacemenl,  leurs  propriétés,  leurs  qualités,  etc.  Tou^ 
Utm,  dans  rénuraération  qui  vient  d'êlre  faite  des  ricbe^se^ 
principales  de  l'Algérie  en  hydrologie  minérale,  des  inexacti- 
tudes ont  très  bien  pu  se  glisser,  car  les  indications  provien- 
^^eni  de  renseignements  pris  soit  directement  auprès  d*arabes 
^He  chaque  province,  soit  dans  les  diverses  publications  de  la 
^■Bofonie.  On  consultera  du  reste,  avec  intérêt,  tine  notice  pu* 
^îiliée  dans  le  journal  VÀkhbar  de  juillet  1853,  concernaDt  les 
lui  ibermales  de  l'Algérie. 


§%  —  H  vnamkms  (*insi(»iJE  n  i<»aAii  ils  mlh 

M  L  ili.iltli. 


Les  Arabes  algériens  appartiennent  à  la  nuMî  sAmiliq^eM 
ivrYHarai)e.  Pour  quelques  aotbropologislei,  ib  deuenâmî 
TAbraham  (comme  lesJoifc);  pour  d'autres,  de  bluill^ie 
llsmoèl.  H.  rinspecleur  médical  Gnyon,  considérant  It  min- 
^ardes  os  de  tair  crâne,  lear  assign*»  one  origine  penaoe. 
Le  docteiir  Bodichon  (I)  a  établi  un  carieiii  nppfodiMieol 
eolre  /es  caractères  physiques  et  moraui  dei  Aiabrs  ti  de« 
^m^  et  leur  a  donné  une  communaaté  d'origine,  celle  des 
Iles  (tribus  africaines),  les  premiers  oarigaletirs  cobou». 
NNdbis»  d'après  Topinion  générale,  la  KaiyUêf  préeé- 
Il  désignés  sous  le  nom  de  Berben^  ieseenâmt  det 


»M^r&fr^^ 


—  172  — 


el- 

1 


Fhénicieûs,  et  du  pays  de  Chaoaan.  Le  temt,  les  traits,  T< 
'  formes,  etc.,  trahissent  chez  eux  le  type  caucasien.  D'autres 
naturalistes  les  veulent  issus  des  Gétulos  ei  de$  Libyens.  O5 
-ï-elrouve  dans  leurs  gourbis  les  magalia  des  Numides.  Q^^'- 
^que&-uos  parlent  encore  le  chaouïa  que  I  Vn  regarde  com 
|hd  dial*^cte  de  la  langue  lybienne.  Il  semb^-:  prouvé  aujou 
i'hui  que  la  race  des  Touareuf/  (dans  le  ^iéserl)  est  la  mè\ 
[que celle  des  Berbères.  0<i*iiitaux  Jlfaur^,?,  habitants  des  vill 
[ils  offrent  une  race  mélangée  de  divers  éléments  conquérants» 
•  tels  qu'anciens  Mauritaniens,  Numides,  Phéniciens,  Romains, 
Arabes,  elc,  M.  le  docteur  Guyon  (î)  pense  que  cetïe  popula- 
tion actuelle  est  un  croisement  des  races  Européennes  avec  lei^^ 
Berbères  el  les  Arabes  ;   il  serait  disposé  à  retrouver  dans  l^^Ê 
Haures  du  bord  du  Sénégal  et  du  Sahara,  les  anciens  Maures 
du  nord  de  TAfrique  qui  auraient  été  refoulés  dans  les  pre^ 
mières  coolrées  par  les  nombreuses  émigrations  faites,  dès  les 
temps  les  plus  reculés,  du  Nord  et  de  TOrient  sur  rancienne 
Mauritanie.  De  par  le  langage  et  les  mœurs  surtout,  lesSahari^Ê 
sont  des  Arabes,  Les  liabilants  des  oasis  du  sud  ne  paraissent 
pas  être  des  Kabyles,  comme  on  Vn  prétendu;  seulement  la 
zone  clîmatérique  particulière  dans  laquelle  ils  vivent,  et 
leur  mélange  avec  les  gens  du  désert,  ont  altéré  le 
originel  (2). 


(■)  D«ni  Iti  cour»  die  cet  oarrage,  nouA  •voui  mdo|ïté  le   mol  araU  cainioe  îu^Iqaanl  m 
g^néril  h  populnlion  MusuImMiKi  de  l'Algérii*  ;  iout«j  les  (int  que  dt<«  ftiti  >eront  |Mrti««ll«t 


—  173  — 


Il  convient  de  placer  ici  un  court  parallèle  entre  les  trois 
peuplades  précitées,  car  dles  constituent,  pour  Thygiénisle 
principalement,  trois  sections  bien  distinctes.  Ainsi  : 


a^feit*  I*  T^»  ks  plaines 


l^ort«à  dp  Bombraox  mar- 
^^Mat  poiièdcdcafoadooka; 
imi<  lét  oirMaii  a  âm 
T«rié«s«  café. 


Oee^«  ■■fT*  pea  boisé. 


td'aaa. 


A  dtt  chaviBz,  des  trou- 
I  ê§  è— ft,  de  Tadiet, 


U  tente. 


>iKaee4yiaphatîqae  ;  fem* 
'«a  à  froe  Teatree. 

ÀfricolUnr  ;   traTaine  la 
l'Uvcr  et  Tété. 


^«•Oifiiee  fort  ordinaire. 


liE  KABYLB 
Habite  les  mootagaci. 


Bea«coQp  de  mets  à  l'huile 
et  de  firoits. 


Pas  de  fioadoiiksi  Tient 
sartont  aox  mardiëe  arabes 
faire  des  échanges,  n'ayant 
qoe  très  pea  de  céréales  ; 
exploite  les  mines  ;  fait  da 
miel  ;  eommerce  de  froits. 

Crimes  nombreux. 

Contrées  très  beisées. 


A  toii\io«rs  de  Teaui 


Possède  surtout  des  mu* 
leto. 


Le  gourbi  ;  des 


Klioso>sanguin  ; 
grandes  et  bien  faites. 

Arboriculteur  ;  travaille  à 
la  récolte  des  fruitt. 


Intelligence  appliquée  aux 
artsy  à  riadostrie. 


LE  SAHÀRAOUI 

Habite  les  oasisi  les  ta 
rains  sablonneux  dm  Sud. 

Des  dattes  et  da  Icit. 


Tocyours  en  course  dans 
le  Tell  ;  pas  de  Ibndouks  i 
Tend  des  dattes  ;  est  gteé- 
ralemant  panvre. 


Surtout  pillard. 

H'a  de  bois  qae  dans  lei 
oasis. 

Asseasale}  manque  son- 
▼ent  d'eau,  même  pour  les 
ablutions  légales. 

A  des  hameaux  et  des 
dMTanx. 


Tentes  en  poil  de  cha- 
meau ;  misons  en  terre  dans 


Bilioso  •  nerreux  ;   jolies 


Horticulteur;  récolte  les 
dattes }  passe  sa  Tie  en  câ* 
rayanes. 

Grande  fadKté  de  con« 
ception  ;  imagiattioa  très 
vive» 


nt 


Oiiûiqu'il  CD  soit  de  ces  nuances  différcnlielles,  la  race 
iniiigèûe  est  belle.  L'illustre  Larrey  la  regardait  même  comme 
le  type  parfait.  Néanmoins,  quand  on  considère  la  richessaj 
physique,  intellectuelle  de  l'Arabe  et  son  état  inférieur  dé" 
civiljsalion,  on  ne  trouve  plus  que  les  débris  sauvages  et 
esclaves  de  ces  maîtres  des  sciences  et  des  arts.  Il  est  à  remar- 
quer que  les  Koulouqklis,  produit  d'unions  entre  femmes 
Indigènes  et  Turcs^  soûl  plus  forts,  plus  iulelligents  :  question 
impurtanle  de  la  fusion,  de  laquelle  dépend  eertaîuenient 
Vimplantation  de  la  nation  française  en  Algérie.  On  aura  sans 
doute  déjà  remarqué  que  les  Maures  tiennent  peu  de  place 
dans  la  description  des  coutumes  et  des  faits  dont  nous  nom 
occupons;  c'est  que  par  un  contact  consîant  avec  d'autrei 

,  races,  par  la  permanence  de  rexistence  urbaine,  ils  se  sont 
dépouillés  en  grande  partie  du  cachet  national  arabe  propre- 
ment dit,  au  point  de  vue  surtout  des  conditions  hygiéniques 
et  des  errements  thérapeutiques,  __ 

Le  docteur  Broussais  fils,  dont  la  médecine  militaire  et  lt^| 
cience  pleurent  encore  la  mort  prématurée,  avait  proposé  de 
distinguer  les  Arabes  en  deux  catégories  dislincles  :  d'une 
part  les  indigènes  qui  ne  sont  soumis  qu'à  la  chaleur,  à 
rhumidité  et  au\  émanations  marécageuses,  c'est-à-dire  les 
montagnards;  —d'un  autre  côté,  ceux  qui»  soustraits  à  c^^ 
îivers  phénomènes,  passent  par  des  conditions  de  chaleur  et  de 
troid  semblables  à  celles  de  l'Europe  centrale,  c'est-à-dire  les 
iabilants  des  villes  et  les  nomades.  Pour  nous,  qui  avons 
pbservé  Flndigène  dans  les  provinces  de  Constan  tine  et  d'Alger, 
lu  littoral  aux  limites  sud  de  nos  possessions,  il  a  semblé 
préférable,  au  point  de  vue  médical,  de  le  considérer  sous  trois 
aspects  plus  nettement  caractérisés  par  la  situation  géograpbi- 

Itjue,  par  les  conditions  physiques  et  les  mœurs,  savoir  le  Tell, 

Ha  Kabylie  et  le  Saliara. 


—  n»  — 


I 


^ 


Lcdocleur  GuyoQ  croit  avoir  remarqué  (1)  que  ïe&  accon^ 
chemenls  monstrueux  sont  plus  communs  chez  les  euro- 
pécnne^  établies  en  Algérie  qnlïs  ne  le  sont  dans  nos  pays,  et 
qu€€e$cas  sont  aus^i  assez  fréquents  chez  les  femmes  arabes. 
Il  rapporte  le  fait  il*une  Mahonnaise  accouchée  à  Alger  de 
deux  filles  unies  par  le  thorax,  et  celui  d*un  Kabyle  des  envi- 
rons de  Deliys  qui  avait  une  conformation  particulière  do 
crine  et  surtout  un  maxillaire  supérieur  prolongé  en  forme  de 
grooinau  devant  Je  l'implantation  des  dents.  —  Un  fait  toute- 
im  irrécusable,  c'e^l  la  transmission  de  certains  vices  physi- 
ques par  Ijérédité;  par  exemple,  chez  les  multidigilaires,  dans 
te  tec-Je-lièvre,  etc.  J*aî  vu  un  Indigène  de  la  province  de 
ConsUnline  qui  avait,  comme  son  père  et  son  grand-père,  les 
cinq  orteils  disposés  de  telle  façon  que  quatre  seulement  lerrai- 
îiaien\  Vextrémité  du  pied,  et  que  le  cinquième  se  trouvait 
placé  au  bord  interne  du  métatarse,  vers  la  région  moyenne 
i^  premier  mélatarsien.  Mon  frère,  le  D'  A.  Berlherand, 
âob^né  à  Blidali  (î)  un  sexlidigitaire  chez  lequel  !a  phalan- 
g^t(e  do  pouce  était  bifurquéeol  biungulaire.  M,  Jorret^  méde- 
dtt  militaire,  a  adressé  à  la  Société  de  médecine  d*Alger  (3) 
l'obs^mtion  et  le  dessin  d'un  enfant  musulman  ayant  six 
^l^^i^àcbaque  main  elsix  orteils  à  chaque  pied.  Il  est  certain, 
^P^flànt,  que  la  vie  au  grand  air,  à  la  lumière,  doit  prévenhr 
les  difformités,  en  touiffant  Tenvcioppe  cutanée  et  ^'opposant 
»ttî  exagérations  du  lymphalisrae;  M.  de  Humboldt  (4)  avait 
^^ji  remarqué  que  les  difformités  sont  rares  chez  les  peuples 
*Peau  colorée.  Toutefois,  il  est  à  noter  que  les  difformités  con- 
P^irfales  [guebeuh  saura ^   mauvais  portrait)  se  rencontrent 
*S8C2  fréquentes  chez  les  Indigènes  de  l'Algérie,  et  leur  nom- 

(i)  4eidéiiu#  «Ut  iciateet*  17  dérembiv  il3B  et  a  déccmbrs  tB4i< 

(i)  ABbée  1  B4ï«  des  Mé'moi^t  éé  méJèetn*  miiitttiff, 

fJ)  Vo]r*j  moDcottiple^rcndq  dtt  Tnvaot  d«  cette  $«cîif^'r  A*|er,  liSi,  pa^c  *»' 


176 


bre  en  devrait  paraitre  plas  considérable,  si  Ton  songe  que  la 
civilisaLion  inférieure  de  ces  pays  chauds  rend  la  mortalité 

plus  forte,  fait  disparaître  de  bonne  heure  beauc^iup  de  défatJlji^ 


Datifs  dans  les  proporlions 
d'une  coaslituàon  chétive. 


du  corps,  soyvi?iil  inséparable»" 


On  ne  trouve  point  chez  les  Arabes  ces  conditions  altérantei 
'  3e  travail  prématuré  et  exagéré^  d^industrle  manuracturière 
qui  violentent  si  profondément  la  taille  humaine  et  la  consli 
tution  dans  nos  grandes  fabriques  européennes,  La  croissancdj 
pour  ces  divers  motifs  et  grâce  à  Tinfluence  climatérique, 
s'opère  librement  et'promptement.  On  pourrait  assigner  au 
divers  âges  les  époques  suivantes  : 


V  Enfance  (les  enfants  marchent  de  6  à  9  mois)  :  de  la  naUsan^ 
à  10  aD3« 

2*  Adolescence,  puberté  :  de  10  ans  à  16  pour  les  femmes»  à  18 
pour  les  liommes; 

T  Jeunesse  :  de  16  à  25,  pour  lea  femmes,  de  IS  à  30  pour  les 
hommes; 

4^  Virilité  conarmée  ;  30  à  ^5  poar  les  hommes  (35  à  â(^  pour  lea 
femmes). 

6-  Vieillesse  :  de  iiO  et  ù5  à  60, 70,  etc. 


1 


lîde 


La  précocité  do  la  taille,  qui  est  le  fait  le  plus  saillant 
cette  échelle  comparative,  ne  devient  très  probablement  UDd« 
cause  de  maladies  et  de  mortalité,  que  parce  qu'à  Tépoque  d^H 
là  puberté  naissante  les  mœurs  arabes  (polygamie)  appellent 
les  jeunes  gens  des  deux  sexes  à  des  actes  trop  graves.  —  Y  a- 
t'il  peu  de  vieillards  en  Algérie,  comme  on  Fa  prétendu?  Au 
Soudan  (1),  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  individus  plus 


U)  P^cjragê  CM  Dmrfow,  (jjtdall  pu  k  D'  Pujlvf»  p«  196. 


—  477  — 


leeûteiiaires,  arrivés  même  jusqu'à  (20  ans;  les  nouage^ 
^ireSi  les  octogéoairos  el  les  septuagénaires  s'y  soient  pres^ 
\i%  chagae  pas,  tant  its  sont  nombreux,  et  cela  malgré  les 

fedres,  les  querellas  inlestines  et  les  giit*rreH  êtiungères* 
.absence  ilô  tout  élat-civil  diez  tes  musulmans  rend  la  ques- 
tion très  didJcile;  toutefois,  en  recourant  au  témoignage  de 
oones  estimées,  inlelUgeote^,  en  ratiadiant  la  naissance 
divtdus  à  des  faits  historiques  connus  de  part  et  irautre, 
iBctarfe  pas  à  acquérir  la  conviction  qu'il  y  a  bon  nombre 
Ide  vieiJJanJs  des  deux  sexes  parmi  les  Arabes^  et  que  la  limite 
liriûjeooe  de  la  vie  y  est  très  probablement  de  70  à  80  ans. 
iBâûdes  villes,  les  Maures  sembleDl  fournir  une  carrière  moins 
llûûgue,  les  mauvaises  conditions  d'hygiène  publique  pour- 
î»ieût  Texpliquer  au  besoin.  C'est  ainsi  qu'à  Biidah,  mon 
frère,  le  B'  A,  Berlherand  (1),  remarquait  dès  1840  que  les 
Septuagénaires  étaient  raresi  el  las  sexagénaires  en  petit  nom- 
bre. Cependant,  PAffique  n*a  jamais  eu  si  mauvaise  réputation 
sous  le  rapport  de  la  longévité  de  ses  habitants,  D  après  M.  le 
D^  (luyon  (2),  on  aurait  trouvé,  à  Philippeville,  une  pierre 
■  t^fiiulaire  disant  qu'un  de  ses  anciens  habitants  avait  vécu 
jiisqij'i  105  ans.  Rappelons-nous  que  Rhazès  mourut  à  130 
ans.  A^enxoar  à  130,  ete*  Si  Ton  croit  Thistoirc  d'Egypte  et 
^^  'afirècei  on  y  vit  vieux.  Les  créoles  de  TAmériquo  el  les 
■'^atufebdu  Pérou  meurent  très  âgés.  «  Au  Sahara,  dit  Abd- 
^^^-Kader  (3),  celui  que  le  fer  n'a  point  moissonné,  voit  des 
^joufissans  limite;  nos  vieillards  sont  les  aînés  de  tous  les 
^pomtnes.  >  —  *  En  Asie,  les  Indous,  les  Arabes»  les  Perses 
^P  ie$  Turcs,  écrit  M.  Tinspecleur  médical  Lcvy,  paraissent 
^feceux  qui  poussent  le  plus  loin  leur  carrière.  En  Afrique, 

t»)  OfciftvafKMM  méiiic.  tnr  r«rpéUi(,  mut  Pwtri  ée/tr^  ilïg  ?  t.  XXXXYUI,  émMémpùti  i« 


(*)l 


t  lOA  HOf  «  du  SaIuu'A. 


-  478  - 


les  Egyptiens,  les  Maures,  le^  Marocains  atUîignenl 

plus  avancé  que  les  habitants  de  la  Guinée,  do  Congo  et  Ju 

Mozambique  (i),  »  ■ 

Comment  donc  le  D^  Prilchard  (2)  peut-il  admettre  <|ue  «  là 
durée  de  la  vie  humaine  est  à  peu  près  la  même  chez  les  diffé- 
rentes races  d*homnies  ;  qu'elle  varie  seulement,  parce  que 
les  causes  extérieures  qui  amènent  des  catastrophes  acciden- 
telles et  prématurées,  ou  celles  qui  nuisent  à  la  santé  et  altè- 
rent Torganisation,  sont  plus  communes  et  plus  puissantes 
dans  un  climat  que  dans  un  autre? i^  Nous  ne  saurions  être 
non  plus  de  son  avis,  brsqull  dit  :  «  Toute  rargumenlalioï 
à  Faidc  de  laquelle  on  a  cherclié  à  excuser  la  morale  déprayé 
des  nations  orientales,  en  s'appuyant  sur  l'époque  prématuré 
du  développement  et  de  la  vieillesse,  s'écroule  faute  de  fonde- 
ment, )*  Et,  plus  bas  :  «  La  différence  du  climat  n'a  que  peu 
ou  point  d^effet  pour  produire  des  diversités  importantes  danl 
les  époques  de.s  changemi^nts  physiques  auxquels  la  constitu- 
tion huniaiueesl  assnjélie  [3),  »  — Il  semble  bien  prouvé,  au 
contraire»  que  les  conditions  de  localité  et  d'existences  parti- 
culières amènent  des  modifications  organiques  dans  le  type 
la  race. 

Le  Kabyle,  de  taille  moyenne,  trapu,  a  des  muscles  bielî 
nourris  et  saillants;  chez  FArabe,  on  observe  plutôt  une  dis 
position  harmonieuse  de  toutes  les  parties  intégrantes  du 
corps.  D'après  M,  le  D^  Grellois  (i),  les  Kabyles  d7/ammam- 
Meskoutine  sont,  en  général,  moins  beaux  que  les  Arabes, 
leur  physionomie  moins  noble,  ils  manquent  de  dignité ^dans 
le  maintien.  C'est  à  torique  Ton  a  prétendu  que  les  bommei^^ 
ont  une  plus  haute  stature  dans  les  pays  froids;  voyez  le 

{%)  Min.  mmim-tlU  é*  VUommtt  tMae  U,  p-  M?- 
<3)  T.  Il»  page  i&»  «t  «aiviuttea. 


trc 

réé* 
c- 

ÏU 

rti- 


—  179  — 

liamouî,  grand,  élancé,  rigoureux,  agilo,  bien  proportionné, 
[^  Le  miiîlre  de  la  dalté  est  toujours  mince  et  fort,  dit  le  pro-   j 
"ïerk  arabe,  )►  ' 

Il  (aille  générale,  chez  les  Indigènes,  est  un  pen  plus  que 
moyenne  (la  moyenne  étant  de  1°'62}.  Les  femmes,  les  Mau- 
resques surtout,  sont  proportionnellement  plus  petites;  les 
fatigues  de  là  yie  domestique,  la  précocité  du  mariage  et  de  la 
^  Ibterûtté en  donnent  une  explication  sudisante.  Le  D'  Finot 
a  troofé,  che^  les  femmes  du  dispensaire  de  Blidah  (1),  une 
taille  moyenne  de  l"49f"",  —^  D'un  autre  côté  cependant, 
'es  Indigènes  paraissent  très  bien  proportionnées,  belles 
femmes,  généralement  grasses,  ce  qui  prouverait  une  grande 
^ûfpgie  Je  plasticité.  La  croissance,  a-t-il  été  dit  plus  haut, 
^ï^pideen  Algérie;  on  en  trouve  la  preuve  dans  les  signes 
*^3^imtnt  reconnus  de  la  puberté,  de  la  nubilité,  de  la 
'"^'ïjilmaliôn,  etc.,  ce  qui  confirme  complètement,  du  reste, 
^^Phùon  de  Haller  sur  l'influence  des  climats  chauds. 

^n  peut  affirmer,  d'une  manière  générale,  que  la  popula- 
*'^^  arabe  est  composée  d'éléments  robustes,  malgré  les 
^^*^^iles  pertes  qu'elle  a  éprouvées  depuis  vingt  ans  dans  le» 
^'■^Cis  entre  tribus  et  contre  la  dominalion  frammis^^;  c'est 
^^.  il  faut  bien  le  répéter,  la  misère,  les  privations  de  toute 
^^,  l'instiffisancc  des  vêtemenùi  et  des  habitations  peu  con- 

^^bles,  etc.,  frappent  dès  les  premières  années  de  la  vie 
•^  les  êtres  qui  ne  peuvent  résister,  et  dépouillent  ainsi  la 
pVvihtion  de  tous  les  produits  chétils  ou  malingres.  —  La  ' 
P^^stiiution   de   l'Arabe   reste    cependant    plus  ou   moins 

Mifiée  par  rbé redite  des  affcclions;  c'est  ainsi  que  le^  alTec- 

^^s  dartreuses,  la  syphilis,  entr'autres  maladies,  sont  cous- 

Unent  léguées  de  génération  en  génération,  sous  rinflueace 


^^\  t^LTl,  âm  Jlfr^.  </f  MtJéaiiê  miiitf»  y*  ii* 


—  480  — 


sartout  de  la  trop  grande  disproportion  d'âge  des  parents  doot 
l'an  n'est  souTent  encore  qu'une  enCant,  et  l'autre  approcha 

des  limites  de  Tâge  mûr. 


La  peau  n'est  basanée  que  dans  les  tribus  où  l'Indigène  ne 
se  protège  pas  suffisamment  contre  l'action  solaire,  qui  déve- 
loppe alors  la  sécrétion  du  pigmentum.  Les  indiiidus,  en 
effet,  auxquels  une  aisance  particulière,  une  éducation  moins 
bornée  permettent  de  se  mieux  vêtir  et  de  se  soustraire  phis 
fréquemment  à  cette  influence,  conservent  une  enveloppe 
cutanée  très  blanche.  Dans  les  villes,  l'usage  presque  quoti- 
dien des  bains  et  une  protection  constante  [babitafions,  rues) 
contre  l'action  atmosphérique,  assurent  au  derme  des  Mau- 
resques un  blanc  satiné.  Les  femmes  des  Tùuareug  passent 
aussi  pour  très  blanches  ;  on  sait  que  leurs  vêtements  se  com* 
posent  de  pièces  multipliées.  Or,  H.  Flourens  a  démontré  (1), 
dans  ses  recherches  anatomiques  sur  les  structures  composées 
de  la  membrane  cutanée  et  de  la  membrane  muqueuse,  que 
^raltération  déterminée  dans  les  peaux  blanches  par  l'action 
des  rayons  solaires,  siège  dans  la  lame  interne  de  l'^iderme. 
—  Les  Kabyles,  généralement  peu  couverts,  sont  les  plus  ba- 
sanés. La  peau,  qui  joue  en  Afrique  un  rôle  des  plus  impor- 
tants, celui  d'éliminer  beaucoup  de  carbone  au  bénéfice  des 
poumons  moins  actifs  et  moins  amples,  se  trouve  naturelle- 
ment couverte  d*un  enduit  visqueux  qui  a  pour  effet  d'amortir 
la  sensibilité  cutanée.  Les  sueurs  ne  sont  pas  trop  fortes  chez 
les  naturels,  maigre  leurs  excès  vénériens,  et  grâce  sans  doute 
à  !a  simplicité  de  l'alimentalion;  mais  le  défaut  général  de 

(i)  Àiwhi  du  Scifncfs  notuftiles,  %•  »éric,  t.  IX. 


—  <8<  — 

proprolé,  malgré  les  abtutioDs  légales,  se  joiât  aux  iitégnla- 
rités  menstruelles,  aux  négligeuces  et  aux  suites  de  Tatlaite- 
ment  pour  déterminer  et  entretenir  de  nombreuses  dermatoses 
héréditaires  à  la  longue,  et  des  ulcères  désespérants. 

Le  tissu  cellulaire  paraît  généralement  bien  fourni,  chez 
les  habitants  des  villes  surtout.  La  vie  sédentaire,  cette  sorte 
de  réclusion  domestique  permanente,  Téquitation  presque 
toujours  au  pas,  le  calme  de  l'esprit  fataliste,  un  régime  fécu- 
lent, rhuroidité  d'habitations  privées  de  lumière  suffisante, 
elC;,  SGût  sans  doute  les  principales  causes  de  cet  embonpoint, 
tpDJoiirs  plus  prononcé  chez  les  femmes;  il  contribue  évi- 
demment à  engourdir  Fintelligence,  semblé  porter  le  stigmate 
d^mie  insaffisimoe  d'Hématose,  et  a*est  certes  pas  sans  influence 
SUT  \eft  irrégolarités  menstruelles  et  les  afTections  utérines/ 
"Les  câvaliors  arabes  chaussant  beaucoup  l'étfiér,  ont  & 
supporter  la  constante  pi'Bssion  de  son  anneau  supérieur; 
anssi  se  reconnaissent-ils  tous  à  une  tumeur  endermîque 
située  au-devant  et  un  peu  au-dessus  de  Tarticulation  tibio- 
tarsienne.  La  peau  de  la  plante  des  pieds  acquiert,  chez  les 
Saharis  «urtout,  une  dureté  et  une  épaisseur  extraordinaires, 
^par  l'habitude  de  marcher  pieds  nus  sur  un  sol  généralement 
in^I  et  sablonneux. 

Les  muqueuses  extérieures  sont  d'ordinaire  très  colorées. 

Système  pileux  peu  fourni;  chevelure  seule  épaisse  (1).  Les 
Arabes  sont  généralement  bruns,  les  Saharis  blonds  ou  mieux 
cbâtain-clair,  les  Kabyles  châtain  :  quelques-unes  de  leurs 
tribus  comptent  des  familles  entièrement  blondes.  Serait-ce  à 
la  température  plus  froide  cl  plus  humide  des  montagnes,  ou 
bien  à  des  conditions  organiques  de  race  particulière  que  les 
tribus  blondes  et  blanches  de  VÀtirPss  devraient  celle  excep- 

(  i)  BLvvmusACH  a  ^is  l'opinion  que  la  coutume  de  l'épilation  pendant  un  certain  nombr* 
de  génëraUonf,  pourraii  bien-  aroir  alt<ré  la  quantité  des  produlu  da  lyst^e  pïkox. 


_  182  — 

tion?  Oo  les  regarde  comme  issues  des  Vandales  qui  dominè- 
rent dans  le  nord  de  l'Afrique  quelques  siècles  après  TÈre 
chrétienne. 


La  grosseur  des  os  mérite  d'être  signalée,  surtout  aux  points 
d'insertions  musculaires,  ce  qui  pourrait  bien  tenir  non  seules 
ment  au  type  constitutionnel  de  la  race,  à  l'énergie  des  organe 
actifs  du  mouvement,  mais  encore  à  l'usage  ordinaire  et  pr 
qu'exclusif  des  aliments  farineux  qui  renferment,  comme  ocr  :si 
le  sait,  une  notable  quantité  de  phosphate  calcaire.  N'y  a-t-^c=K  I 
pas  lieu  de  faire  une  observation  analogue  à  propos  du  volun 
différentiel  des  diverses  pièces  osseuses  des  habitants  de  ne 
campagnes  et  de  nos  villes?  Toutefois,  la  densité  osseuse  ( 
les  Arabes  est  parfaitement  combinée  avec  le  peu  d'épaisseui 


Chez  les  Arabes,  on  trouve  dans  la  forme  de  la  tête  beat 
coup  d'analogie  avec  la  deuxième  variété  admise  par  le 
Pritchard  (1  ),  propre  aux  races  nomades,  et  caractérisée surtoi 
par  une  face  large,  un  crâne  pyramidal.  Le  crâne  très  ovoic^K  ^ 
d'avant  en  arrière,  surtout  chez  les  Arabes,  plus  ample  chez  ^^.  ^ 
Saharaoui,  plus  globuleux  chez  le  Kabyle  ;  le  front  plusétroT  ^  ^ 
et  la  voûte  syncipitale  très  développée  chez  le  Saharaoui  ;  ^  ^ 
front  plus  épais,  moins  bombé,  moins  étroit  chez  le  Kabyles  ^ 
l'arcade  sourcilière  très  saillante  et  très  arquée,  en  génér^^^  * 
chez  les  Indigènes;  Tocciput  moins  développé  chez  le  Kaby."*  ^ 

(0  iéOfç  çHato,  t.  I,  ]>.  i4S. 


—  183  — 


qu0  chez  l*Arabc  el  le  Saliaraoui.  L^îHustre  baron  Larrey  (1) 
A  ob^îrvé  que  chez  \e$  Arabes  le  trou  auditif  était  parfaitement 
parallèle  avec  la  cummissure  externe  ou  temporale  des  pau- 
pières. L'examen  d*un  assez  grand  nombre  d'Indigènes  ne 
Qouft»  a  point  paru  permettre  d'appliquer  cette  remarque  aux 
'tabi  tants  de  rAlgérie.  Los  Nègres  du  Sahara  et  du  Soudan  ont 
'*»•  U*tc  large  et  do  belles  denL<  horizontales,  par  opposition  à 
**ux  du  Burnou  4ont  l'obliquité  des  dents  et  du  front  en 
arrière  est  bien  évidente. 

\^^  forme  globuleuse  du  crâne  arabe  proviendrait-elle  de 

*  tiaf .  :    ^  L^énéralo,  surtout  dans  les  familles  nobles,  de  cora- 

P^'îi*  L_.  .„  lete  du  nouveau-né  en  pétrissant  de  bas  en  haut,  à 

^*Usieiir^  repri^s,  avec  la  paume  de  la  main,  les  régions  laié- 

^^^^fe^coirei^pondantes  aux  joues  cl  aux  tempes?  Cette  coutume, 

®Ka.l émeut  usitée  dans  l'Amérique  méridionalo,  au  Pérou,  en 

^^"^*e,  aux  Antilles,  dans  la  Polvnesiep  etc.,  procéderait-elle 

^n  intiment  d'orgueil  de  rac«  dont  on  voudrait  sauvegarder 

^  ^ypû  par  Gerlé  et  indépendance  nationale  ?  ou  bien  tiendrait- 

Il  uniment  au  besoin  de  donner  au  crâne  une  confor- 

*      ,   plus  convenable  pour  l'assiette  et  le  maintien  des 

*'^i3i';i4.'S  pièces  de  la  coiffure?  «(  Les  Orientaux  préfèrent  la 

^•*njeque  fait  prendre  une  bandelette  dont  on  entoure  forle- 

*^^i\l  la  l^te,  parce  qu'alors,  disent-ils,  le  turban  se  place 

^^icM-%   ^    «  M.  1*5  D'  Foville  (3)  a  signalé  à  l'opinion  publique 

^  Ml  .  liabilanis  de  Normandie  qui  déforment  la  boîte  du 

^•'îVtvc  dallèrent  la  position  respective  de  chacun  des  os,  en 

^^^JfnHtant  la  tête  de  leurs  nouveaux-nés  à  une  constriction 

^*rc*Tr"  ;-,  ^,r  I  -..;,.    Ce  savant  physiologiste  attribue  à  coite 

*^*i  I  uis  quarts  des  aliénés  qu'il  examina  dans 

^^ileile  Rouen.  Cette  singulière  et,  on  peut  le  dire,  barbare 

^    ^^)    thnà,  hUrtÀ  BtumtnUth,  i-«8 


—  184  — 


cautnme,  a  été  observée  daos  d'autres  déparlemenis  françaîs,  à 
Toulouse,  dans  la  Charente,  en  Vendée,  etc.  M.  iuuier  (i)  Vmd 
également  trouvée  dans  les  Deux-Sèvres,  et  11  conclut  de  sdH 
recherches  que  Tidiotie  et  Tépilepsie  coïncident  beaucoup  plus 
liréquemmenl  avec  la  déformation  que  la  folie  proprement  dite, 
que  rallongenient  du  crâne  se  remarque  surtout  chez  les 
I  femmes  érotomanes.  Or,  l'érotisme  est  déjà  très  c^jmmun  chcî 
[les  individus  atteints  d'idiotisme.  En  attendant  la  solution  de 
t  cette  inléressante  question  pour  ce  qui  concerne  les  Indigènes 
de  l'Algérie,  il  est  convenable  Je  rappeler  que  Tinfluence  de 
la  déformation  du  crâne  sur  les  fonctions  cérébrales  a  ét^_ 
Ll'objet  de  quelques  doutes.  Morton  (â)  a  fait  remarquer  qui^| 
les  Espagnols  arrivant  au  Pérou  trouvèrent  cependant  un  étal 
de  civilisation  fort  avancée,  alti:îstée  par  de  beaux  et  nombreux 
•monuments,  etc.;  et  il  a  prouvé  par  des  recherches  curieuses 
que  toutes  ces  manœuvres  do  déformation  ne  diminuent  ni  la 
Ivcapacité  intérieure  du  crâne,  ni  le  volume  entier  du  cerveau, 
^par  suite  d'une  sorte  d'accommodement  de  toutes  les  partie 
|.ll  aurait  observé,  du  reste,  que  chez  les  peuples  qui  pratique 

î4>s  coutumes,  les  têtes  les  plus  déformées,  les  plus  aplati* 
[appartiennent  aux  individus  les  plus  intclligenls,  aux  chc 
ken  particulier.  Enfin,  avant  d'abandonner  ce  sujet,  faisan 
Lît^marquer  que  si  rhéréililé  nv  transmet  point  la  nou?eliij 
fcConCguration  donnée  au  crâne,  elle  lègue  souvent,  au  con- 
[traire,  des  qualités  morales  et  intellectuelles  dans  certaines 
familles  indigènes. 

L'impassibilité  est  le  type  de  la  physionomie  de  nos  Aral 
^a  ligure  ile  l'Ajabe  et  du  Saharaoui  respire  la  douceur;  celle 
iu  Kabyle,  la  force  et  la  décision,  la  vivacité.  Face  ovale  chez 
ih  Kabylo;  plus  large  chez  l'Arabe;  plug  elliptique  et  plus 


unes 
cell^ 


h)  Ct«m*  •mH-a^na  ;  Pktkd§îfki*^  18J9,  pa^e  tt6  «t  loir. 


—  185  — 

déprimée  laléralement,  mais  peu  anguleuse  chez  Tliomme  du 
sod.  Le  Kabyle  présente  la  face  ft  k  front  plus  ridés  qu^  le 
Sahai'aom  et  leTellien,  parce  que  sa  coiffure  très  peu  complète 
ne  le  garantit  guère  contre  le  soleil  et  les  intempéries  atmos- 
phériques, >'ez  long,  aquilin,  arqué  cliex  l'Arabe;  tonget  épais 
chez  le  Saliaraoui.  Généralement  Tlndigène  a  Todorul  aus&i 
subtil  que  louïe. 

■l 

^H  Les  Indigènes  ont  IVxil  vif,  bien  fendu  (les  femmes  surtout), 
^Keo  saillant,  généralement  brun.  Dans  le  Sahara  et  quelq^ues 
^Bûotilagnes  de  rAurcss^  on  rencontre  beaucoup  d*yeux  bleus, 
^^D«e$  Kabjrles  offrent  la  cornée  petite  et  bombée  :  delà  leur  état 
■^pne^by tique  habituel  et  leur  grande  portée  de  vision.  La  lon- 
gueur de  la  paupière  supérieure,  chez  les  Arabes  en  général, 
eslk  noter;  elle  explique  la  fréquence  de  Tentropion  et  du  Iri- 
cbiasis.  De  plus,  la  sclérotique  présente  une  teinte  d'autant 
plus jaunâfre  qu'on  s'approche  du  littoral.  Pupille  plus  rétrécie 
chez  len  Montagnards  et  les  Arabes  :  uvée  très  noire  chez  les 
^î^byles.  41  Lé  cristallin  chez  les  Arabes,  d*après  les  belles 
études  de  M.  Furnari  (I),  est  en  rapport  avec  la  cornée,  Tiris 
^'  I^  "  le  plus  souvent  petit  et  très  convexe.  Ne  pourrait- 
^^^  l»ti  „..._;uer  au  petit  volume  et  à  la  forme  de  ces  moyens 
'^^'  rjéfraclîon»  de  convergence  et  de  transmission  de  rayons 
'"''Vineux,  une  concentration  plus  forte  de  ces  rayons  et  par 
^^ftséquent  le  regard  perçant  des  Arabes  et  la  faculté  quils  ont 
-distinguer  les  objets  de  très  loin?  »  Il  nous  semble  qu*il 
^**ûrait  tenir  compte  ici  de  la  vie  au  grand  air,  de  Tabsence 

K'  ^ufe  étude  qui  fatigue  les  yeux  dès  le  jeune  âge,  elc; 
"Gemment,  le  fait  est  fort  complexe,  ie  pigmentiïm  très  épais 
^'  *J<*  couleur  bien  foncée,  ménage  aussi  la  sensibilité  de  la 
''*'!'  >icso«s  rinlluence  d'une  lumière  constamment  vive.  —  Eu 


—  186  — 


général»  les  AralH)s  ont  nonualemenl  les  yeux  peu  humecii 


de  larni 


es. 


Qes 


Lasaîllieplusou  moins  prononcée  des  mâchoires  différencie 
TArabe  glouton  et  Thommc  sobre*  du  sud.   Les  Indigènes 
salivent  fort  peu,  quoiquo  grands  fumeurs.  Lèvres  grandes 
épaisses,  dents  verticales,  bien  plantées,  comlcs,  ivh  blanch 
La  dentition  est  précoce;  les  deux  premières  incisives  vers  cinq 
mois  Jes  quatre  incisives  supérieures  du  huitième  au  neuvième    ' 
mois  ;  les  quatre  premières  molaires  et  deux  incisives  latérales    ■ 
inférieures  de  onze  à  quatorze  mois;  les  quatrcs  canines  ver^^ 
vingt  mois  ;  enfin  les  quatre  dernières  molaires  vrrs  vinglnleUaH 
ou  vingt-cinq  tuois.  — La  deuxième  dentition  est  déjà  fort 
avancée  à  sept  ans;  aussi  la  loi  ordonne-t-e!!e  à  renftml  «  qui 
est  entré  dans  sa  septième  année,  iige  de  la  seconde  deolilion, 
de  faire  la  prière  (I),  »  —  Cette  précocité  de  roJonlogéni^ 
la  rend  généralement  plus  régulière.  L'ivoire  des  dents  aral 
est  serré,  non  pas  d'un  blanc  de  lait,  mais  d'un  blanc  mat  i 
un  peu  jaunâtre.  On  sait  que  Berzélius  a  trouvé  que  le^  déni 
contiennent  t}4,3  de  pliosphate  de  cluiux  eto»3  de  carbont 
de  cliaux  :  or,  M.  Lassaîgnc  anal}sant  les  dents  d^une  moiiij 
d'Egjpte,  les  a  reconnues  moins  riches  en  pbosphato  de  chat 
(55,5),  et  bien  plus  fournies  en  carbonate  de  chaux  (15,51 
Est-ce  à  une  composition  chimique  identique  on  analogu^ 
qu'il  faut  rapporter  la  beauté,  la  blancheur^  la  densité  d^ 
dents  chez  les    Arabes  ?  Ne  tiendraient-elles  pas  hûm 
l'absence  des  alcooliques?  L'alcool,  en  effei,  en  se  coinbînar 
avec  Teau  de  la  salive,  déleruiinc  de  la  chaleur  et  favoris 
les  incrustations  de  phosphate  de  chaux  ,   tarlrc  denlair^ 
d'après  leD'  Dessaignes. 

Notons  Tangle  facial,  plus  ouvert  chez  le  Saharaoui.  —  L^ 
os  iuaxillaires  se  ilistinguent  par  leur  étendue  considérable, 


i%)  §i  KK*hK  t.  h  cH«p.  II.  p  <>3. 


en; 

« 


—  \S1  — 

et  la  perpendîcularilé  de  leurs  branches  se  conserve  bien  dans 
un  âge  1res  avancé,  parce  qu'il  y  a  à  celte  époque  générale- 
ment peu  de  dents  gâtées  (D'  Cuvellier)  (1^. 


Cou  long  cliez  le  Tellien  et  le  Saharaoui  ;  court  chez  le 
Kabjje.  —  Thorax  généralement  assez  développé,  mais  pa- 
raissant rétréci,  quand  on  le  compare  à  la  cavité  abdominale 
toujours  amplifiée  par  le  volume  du  foie  et  de  la  rate.  —  Du 
vit:'  \        'feste,  voix  généralement  très  forte.  —  On  ne  devra  pas  perdre 
7  -i  I        de  vue,  dans  les  investigations  pathologiques,  que  les  viscères 
abdominaux  sont  normalement  très  développés,  surtout  dans 
le  jeune  âge  et  chez  rArabe  nomade. 

Bassin  naturellement  très  ouvert  ;  trois  motifs  :  le  premier, 

^^l  que  les  nouveaux-nés  sont  portés  à  dos,  par  leurs  mères, 

presque  tout  le  temps  de  l'allaitement;  le  deuxième,  c*esl  que 

^^  Indigènes  montent  à  cheval  de  très  bonne  heure;  le  troi- 

^leaie  tient  à  la  manière  particulière  de  s'asseoir  des  Arabes, 

^'^Ui,  exactement  semblable  à  celle  de  nos  tailleurs,  a  pour 

^"^^  de  tendre  à  écarter  les  plans  coxaux  l'un  de  l'autre,  sous 

"''^'luencede  tout  le  poids  de  la  portion  supérieure  du  tronc. 

^^ode  du  siège  sur  le  sol,  nécessité  par  l'absence  de  meubles 

"**tîués  à  supporter  le  tronc  à  un«î  certaine  hauteur,  a  pour 

8[^Tid  inconvénient  de  faciliter  la  compression  des  vésicules 

seiiî  inales^  l'engorgement  des  arlères  pcrinéales,  des  vaisseaux 

P^PÎités,  et  devient  ainsi  une  cause  prédisposante  aux  excès 

^^^êriens,  aux  hcmorrhoïdcs,  aux  tuméfactions  des  membres 

^"^ominaux  (éléphanliasis,  ulcères  incurables  des  jambes, 

^^^0.  —  D'autre  part,  s'il  est  vrai  qu'il  existe  un  rapport  de 


—  188   — 


é-    I 


simililiide  conslanie  entre  les  conibrinations  du  crâne  et  du 
bassin,  cerlaioemeut  le  bassin  ai^abe  est parfaiteniont  constitué   ,, 

pour  raccoucbcment.  .^H 

La  question  du  déveioppcmcnl  prononce  de  l'abdomon  nou^^ 
amène  à  cxplkpier  pourquoi,  contrairement  à  Topriiion  géné- 
rale actuelle  qui  rétluit  les  lempéramenls  à  trois^  le  sanguin,    1 
le  lymphatique,  le  nerveux,  nous  avons  dû  admettre  un  tempé- 
rament bilieux  ch<;z  les  Indigènes  de  rAlgéne*  Dans  ce  climat^ 
en  effet,  Fair  élant  plus  rare,  plus  dilaté,  lorgane  respiratoire 
oxygène  moins;  le  j^aûg  veineux  est  donc  proportionnellement 
en  plus  grande  quantité.  Alors  le  système  bépatiqite  possède 
normalement  une  si  souveraine  intluencc  sur  l 'économie 
imprime  à  ses  parties  directes  et  à  tous  ses  actes  fonctionne 
nn  C'àchei  physiologique  si  particulier,  qu'il  nV'Slpas  posaiA 
l>le  de  ne  lui  attribuer  que  la  valeur  d'une  simple  réaclic 
prédominante  suit  par  fonction,  soit  par  sympathie,  conséci 
tive  dans  Fétat  morbide.  La  disposition   organique  dont  iT 
s'agit  n'est  pas  seulement  individuelle,  elle  constitue  uiiej 
variété  généralisée  dans  toute  la  race.  En  effet,  dans  le^  clt|B 
mats  chauds,  et  particulièrement  en  Algérie  dont  Tatmosphère 
est  chaude  et  humide»  conditions  peu  favorables  aux  exhale 
lions  pulmonaires  et  cutanées,  tout  augmente  énormémei 
réliminalion  sécrétoire  du  foie  (matières  hydrogénées,  carhc 
«ées,  grasses,  colorantes)  sans  la  moindre  lésion;  comme  nous 
le  remarquions  tout-à-rheiirc,  le  liquide  veineux  prédonni 
surFarlériei  ;  l'état  congestionnel  de  la  circulation  abdominal 
devient  habituel,  tellement  normal  qu'il  entraine  plus  qu'ut 
idio^yncrasie,  plus  qu'une  surexcitation  morbide.  €*est  réell« 
Lpent  un  type  spécial  d'organisation,  une  modalité  congéniafè" 
[organique.  Ainsi,  la  pléthore  bilieuse  colore  les  tissus,   le 
htonjonclives,  etc.,  et  ses  corrélations  avec  le  caractère  nationa 
}nt  évidentes.  En  un  mot,  ce  véritable  tempérament  bilieui 
trahit  une  forme  régulière  de  la  santé  chez  Tlndigène  algérien; 


ère 


n; 

d 


—   180 


blrouve  seulement  iiiodilié  par  tlL'siafluenciîs  climatériipies 

Bî?,  c  esl-à-dire  que  l'Arabe  tcllien,  notiiaJe,  liabitanl  des 

^laincs^  est  bilioso-lvmphatique  ;    le    Kabyle,    montûgnardt 

bilioso-sangutn:  le  Sahariwîui,  ce  marin  du  déseri,  bilioso- 

ILa  croissance  hâtive  danâ  ua  climat  aussi  chaud  fait  para!- 
les  membres  grêles  chez  les  eafants  et  les  adultes.  Les 
appendices  inférieurs  sont  plus  jetés  en  dehors^  sans  doute  à 
^L^u^  de  Thabitude  signalée  plus  haut  qu*ont  toutes  les  fenimeâ 
^»de  porter  à  dos  les  nourrissons. 

Les  Kabyles  paraissenl  les  mieux  musclés»  cl  d'une  agililé 
fremîtrquaUc.Les  Arabes,  en  général,  supportent  parfaitement 
la  fatigue  prolongée.  On  voit  conslanimont  des  individus  faire 
,  le  commerce  entre  les  tribus  ou  les  oasis,  parcourir  une 
I  moyenne  de  80  kilom.  en  dix  à  douze  heures,  et  cclajournel- 
lemi*nt.  Ceci  rappelle  les  Troglodytes  des  Anciens,  «  Dans  le 
Sahara,  il  y  a  des  marcht^urs  intrépides  qui  se  sanglent  bien 
'^  lattle,  se  reposeot  rarement  et  parcourent  des  dislances 
"ïcnoyables.  Ils  font  en  quala*  jours  la  course  que  les  cou- 
Y^^t%  ordinaires  font  en  dix  (1).  » 
^^  contraste  différencie  les  extrémités  des  membres;  les 
'^tis  ^nt  généralement  belles,  bien  effilées  ;  mais  les  pieds 
Ss  et  un  peu  plats.  —  Le  système  musculaire  est  fort 
Il  ,'^'*^^n}qable  par  ses  apparences  plus  ou  moins  sculptées,  et 
^B^'^nsité  de  sa  libre.  En  résumé,  tout  chez  les  Arabes  respire 
i^^^ti  la  force,  du  moins  l'énergie. 


ANffW«ikt  4u  Smfmrit,  |t«if  U  g4tt«rAl  I>Ar«Aa«  p.  1|(» 


—   190  — 

Par  suite  ik  la  prococilé  —  cliuis  la  piiliiTlç  hiiiée  par  iincr 
vil*  scdenlaire  el  !c  cUmati  —  tlaiis  la  ilépravalion  Jes  mœurs 
favorisée  par  la  polygamie  et  les  unions  conjugales  préinatti- 
rées,  les  organes  génitaux  acquièrent  un  dûveloppemcnl  trèsVl 
prononcé.  Chez  les  femmes  surtout,  l'exulicrauce  des  grande 
lèvres  explique  parfailemerU  !a  nécessité  de  leur  excision  daag 
les  régions  plus  rapprochées  des  tropiques.  Le  clitoris  es 
volumineux  et  très  proéminetiti  le  vagin  très  ample.  Quand  le 
prépuce  est  tellement  peu  marque  qu'il  seuikle  ne  pas  exister, 
les  Arabes  prétendent  que  Dieu  a  envoyé,  pendant  la  concep- 
lion,  des  djenmmes  circoncire  le  fœtus.  —  Le  D""  Lalle- 
mand  (1)  pense  qne  Fétat  de  prédominance  des  parties 
sexuelles  sur  le  cerveau  est  l'état  qui  dispose  le  moins  aux 
excès  vénériens.  Si  nous  devions  juger  d  après  l'observalion 
directe  de  ce  qui  se  passe  chez  les  Arabes,  nous  serions  tout 
disposé  h  croire  le  contraire.  ^Ê 

La  femme  arabe  est  nubile  de  neuf  à  dix  ans.  Grâce  à  la 
précocité  et  à  la  multiplicité  des  unions  sexuelles,  grâce  au^ 
métier  d'esclave,  partage  continuel  de  son  existencA\  elle  ar^' 
rive  vieille  à  25  ou  30  ans.  La  plus  belle  moitié  du  genre 
humain  est,  en  effet,  regardée  comme  une  marchandise,  ni 
plus  ni  moins.  Ecoulez  plutôt  la  lui  k  projios  du  paiement  du 
don  rmptiaî  :  «  La  femme  *f  reitd,  el  tout  vendeur  est  en 
droit  de  ne  livrer /a  marrAa«{/ûtî  que  lorsqu'il  en  a  touché 
\tprix  (2).  )»  ^ 

La  menstruation,   précoce  comme  l'expansion  organique 

^pdc*nt  elle  est  la  plus  haute  expression,  paraît  abondante,  sou-^ 

-^  vent  irrégulicre,  et  suppléée  par  des  héniorrhagies  utérines, 

desdyssenteries,  etc.  La  ménopause,  queFoissac  fixe  à  trente 

ans,  serait  en  Algérie  à  peu  près  comme  en  Egypte,  de  35  à 


II 


19! 


W>  ans.  Lapolyméûorrliée  doit  exercer  une  ioiluence  salulairc 
sur  la  samé  en  général,  f^n  particulier  sur  Tappareil  respim- 
toire  dont  an  a  signalé  la  rareté  (?)  des  maladies  cliez  les  Indi- 
gènes. Ceiie  influena*  paraîtra  plus  accrpLible,  si  Von  réHécliil 
que  U  menstruation  a  élc  con.sidérce  ooïuine  une  sorle  de  res- 
Ipiralion  supplémentaire,  chargée  ausM  de  Télimination  d'un 
lexcès  de  carbone.  Or»  nous  Tavon^dit  plus  liant,  les  poumons 
arabes  sont  peu  développée  :  le  théâtre  restreint  de  la  respira- 
H  tion  arait  donc  besoin  d'un  organe  auxiliaire,  et  la  matrice 
Hehez  la  femme,  l'intestin  chez  Thomme  (de  là  fréquence  de» 
H  liémorrbotdes),  ont  été  chargés  de  ce  rôle. 

"  ^ir  a  prétendu  que  dans  les  pays  chauds  le  pouls  éiait 

plus  accéléré;   assertion  erronée  pour  les  Arabes.  Le  sang 
liodigene  a  une  couleur  très  foncée,  ce  qui  s'eiplicjue  par  un 
[excès  de  carbone  et  la  surcharge  qu'en  éprouve  l'appareil  hé- 
utique.  C'est  à  cette  coloration  particulière  du  liquide  circu- 
latoire que  les  plaies  doivent  leur  aspect  bronàirc.  Les  rapports 
Fréeîproques  entre  le  sang  et  rinnervalion,  en  d*aulres  termes, 
[la  réactioD,  sont  faibles.  Est-il  permis  d*en  induire  que  le 
pang  est  peu  riche  en  globules,  de  là  rinsuffisance  nerveuse, 
spathie  du  caractère,  la  dépression  intellectuelle,  le  passage 
ez  rapide  de  la  maladie  à  la  santé  ?  Les  convalescence»,  en 
&ffct,  existent  à  peine  chez  TArabe  ;  à  défaut  de  soins  enten- 
lus,  d'un  régime  convenable  et  mélbodique,  il  trou?e  dans  sa 
snstitution  robuste,  dans  la  placidité  de  son  système  ncr- 
^reux,  des  éléments  énergiques  qui  abrègent  considérablement 
la  daré€  de  l'état  transitoire  du  retour  aux  conditions  nor- 
|inale$.  Le  calme  des  sensations  lui  évite  ces  perpétuelles  oscil- 
lations entre  Timminence  morbide  et  Tétat  physiologi<imv  Le 


—  19i  — 

grand  air  active  les  absorptions  ;  aussi  voitron  moios  souvent» 
à  la  soite  des  maladies  graves,  les  œdèmes  des  membres  infé- 
rieuis,  les  sueurs  prolongées,  etc.  L'hypersécrétion  bilieuae, 
ce  cachet  constant  du  tempérament  arabe,  facilite  les  digea- 
tiens  renaissantes  ;  le  peu  d'usage  des  saignées  générales  ne 
dépouille  point  la  constitution  d'une  partie  de  forces  générales 
qu'il  faudrait  ultérieurement  réparer  avec  patience.  Et  puis, 
l'Indigène  ne  recourt  à  une  diète  plus  ou  moins  absolue  que 
dans  les  cas  les  plus  graves;  son  peu  de  réaction  physlblofi- 
que  autorise  et  explique  cette  manière  de  faire.  L'innocuité  do 
ce  système,  dans  une  foule  de  cas  où  l'interpréttlioB  des 
enduits  et  de  la  coloration  de  la  langue  ferait  prescrire  à  un 
médecin  français  la  sévère  défense  de  toute  alimcntatioD»  frap- 
pera plus  d'un  toubibe  appelé  à  traiter  les  Indigènes  ;  elle 
contribuera  puissamment  à  décrier  cette  pernicieuse  théorie 
de  l'abstinence  absolue  qui  n'a  plus  autant  de  raison  d^itre, 
comme  principe  général,  pour  quiconque  tient  compte  des 
influences  cHmatériques  nouvelles. 

D'après  ce  qui  vient  d*être  expliqué,  on  comprend  le  peu 
d'irritabilité  da  système  nerveux  chez  TArabe,  ce  qui  Uènt 
aussi,  —  dans  la  jeunesse,  à  rabsence  de  toute  excitabilité 
par  application  à  Télude,  et  de  cette  faiblesse  constitutionnelle 
inhérente  aux  travaux  des  grandes  industries,  —  enfin,  pen- 
dant toute  la  vie,  à  cette  placidité  morale  qu'imprime  au 
caractère  le  dogme  de  la  fatalité.  Néanmoins,  on  croirait  res- 
saisir dans  l'intelligence  assez  vive  de  l'Arabe,  dans  sa  facilité 
d'imitation,  une  trace  d'influence  de  la  civilisation  ancienne. 
Il  ne  faut  pas  l'oublier,  les  passions,  les  systèmes  religieux, 
etc.,  agissent  profondément  sur  les  races  humaines,  et  impri- 
ment à  chaque  nation,  à  chaque  individualité,  un  cachet 
spécial  bien  évident.  —  Toutefois,  l'Indigène  possède  des 
sens  très  délicats,  entr'autres  une  vue  perçante.  Une  existence 


—  t93  — 

presque  constamment  champêtre,  au  milieu  de  plantes  odori- 
fératties  de  toute  espèce,  contribue  sans  doute  à  lui  conserver 
un  odorat  subtil.  Sa  nourriture,  très  épicée,  n'a  certainement 
point  l'influence  qu'on  lui  prête  généralement  d'affecter  sa 
sensibilité  gustative. 

Xe  cerveau  semble  plus  pesant  et  d'une  densité  très  notable; 
les  nerfs  très  fermes,  et  les  circonvolutions  encéphaliques  plus 
en  relief  que  chez  l'Européen.  Nous  avons  déjà  parlé  des  motifs 
probables  de  l'engourdissement  intellectuel  général;  il  tient 
beracoup  à  l'influence  du  climat,  à  la  faiblesse  par  transpira- 
tion, par  atonie  musculaire,  à  l'alimentation,  etc.;  cependant, 
le  sens  génital  paraît  plus  éveille.  Serait-ce  à  cause  de  corré- 
lations sympathiques  entre  la  peau  et  le  système  sexuel,  ou 
par  suite  du  mode  de  civilisation?  —  Personne  n'ignore  qu'il 
existe  chez  les  Arabes  une  secte  d'individus,  les  Aïssaoua 
(du  marabout  Aïssa,  chef  de  la  secte  dans  le  gharb)  (l'est), 
qui  prétendent  jouir  de  la  faculté  d'acquérir  au  système  nerveux 
une  insensibilité  complète.  Ces  espèces  de  convulsionnaires 
cataleptiques,  qui  exploitent  la  crédulité  publique  sur  les 
marchis  ou  dans  les  réunions  particulières,  commencent  par 
danser,  se  balancer  en  tous  sens,  vociférant  le  nom  d* Allah 
(Dieu),  puis  se  frappant  différentes  parties  du  corps  à  grands 
coups;  ils  se  balancent  de  nouveau  avec  une  violence  toujours 
croissante  qu'anime  une  musique  assourdissante  de  tambou- 
rins, entrent  bientôt  en  convulsions,  les  uns  riant,  les  autres 
pleurant,  ceux-ci  pâles,  ceux-là  le  visage  animé,  en  proie  au 
plus  cruel  malaise;  alors  nouveau  mouvement  accéléré  de  la 
musique  ;  les  convulsions  épilepliques  arrivent  à  leur  summum 
d'intensité;  les  hurleurs  ne  poussent  plus  que  des  gémisse- 
ments sourds  et  plaintifs,  se  soutiennent  à  peine  ;  c'est  à  ce 
moment  de  paroxysme  extatique,  de  délire  maniaque  où  les 
bouches  se  garnissent  d'écume,  que  le  chef  de  lu  corporation 


—  <94  — 

leur  applique  impunément  sur  la  langue  des  fers  rougis  à 
blanc,  ou  qu'eux-mêmes  se  percent  les  flancs  avec  des  épées, 
sautent  à  pieds-joinls  sur  des  tranchants  très  bien  effilés  de 
sabres,  se  mettent  dans  la  bouche  des  scorpions,  des.  serpents, 
des  charbons  embrasés,  mâchent  des  couleuvres,  livrent  lears 
corps  en  toute  liberté  aux  morsures  et  aux  piqûres  de  ces  ani- 
maux, etc.l  comble  de  Tengourdissement  magnétique,  dont  le 
chef  de  la  bande  les  retire  en  leur  comprimant  de  temps  en 
temps  les  parois  du  thorax,  etc.  Ces  Aïssaoua,  que  Ton 
nomme  nomme  aussi  Djeddebin  (de  djeddeb,  mal  catalepti- 
que), rappellent  les  Psylles  anciens;  ils  se  rendent  dans  les 
maisons  où  leur  présence  est  jugée  nécessaire  pour  obtenir  de 
Dieu  la  guérison  d'un  mal  invétéré,  et  c'est  alors  une  occasion 
de  grandes  réjouissances  pour  toute  la  famille  et  les  amis 
qu'elle  a  invités. 

Les  phrénologistes  trouveront  dans  l'appareil  nerveujt  de 
l'Arabe  ample  matière  pour  expliquer  certaines  facultés  prédo- 
minantes par  le  développement  des  régions  antérieures  et  supé- 
rieures de  Pencéphale  :  ils  démontreront  de  même,  sans  doute, 
comment  les  instincts  semblent  remporter  sur  TintelUgence 
chez  les  Indigènes.  Tout  ce  qu'il  convient  de  dire  ici,  c'est 
qu'une  placidité  nerveuse  naturelle  leur  permet  de  supporter 
très  bien  la  douleur  dans  les  maladies,  les  blessures  graves, 
les  accouchements  ;  pendant  les  opérations,  ils  montrent  une 
impassibilité  surprenante,  et  se  bornent  à  réciter  des  prières, 
à  invoquer  l'appui  du  Tout-Puissant. 

Quelquefois  le  despotisme,  une  discipline  autoritaire  sévère, 
rendent  l'Arabe  nostalgique  :  son  fanatisme,  sa  résignation  ne 
sont  qu'apparentes.  Son  esprit  peu  cultivé  ne  lui  offre  guère 
de  sujets  de  réflexion,  de  résistance  morale.  Habitué  à  une  vie 
libre,  mais  restreinte,  simple  et  se  prêtant  à  peine  aux  distrac- 
tions, il  songe  à  ses  instincts  qu'il  ne  peut  plus  satisfaire,  à 


—  19S  — 

son  foyer  polygynique,  à  ses  propriétés,  à  ses  chevaux,  etc. 
Kous  en  avons  observé  des  exemples  chez  les  chefs  indigènes 
malades  qui  venaient  passer  quelques  jours  dans  un  bureau 
arabe  pour  s'y  faire  soigner. 

«Inquiet  et  remuant,  dit  M.  le  D'^  Furnari  (1),  l'Arabe 
porte  néanmoins,  plus  loin  que  tout  autre  peuple,  l'amour  du 
sol  natal  ;  et  lorsque  les  suites  de  la  guerre  le  forcent  à  s'expa- 
trier, la  nostalgie  s'empare  des  fugitifs  ou  des  exilés.  Cette 
maladie  est  le-plus  souvent  incurable  et  même  mortelle,  si  on 
laisse  l'Arabe  dans  les  mêmes  conditions  d'existence  ;  nous 
pouvons  citer  pour  exemple  ce  qui  s'est  passé  cette  année  à 
l'île  Ste-Harguerile,  dans  reffcctif  du  dépôt  des  prisonniers 
Arabes,  la  pluspart  ex-réguliers  de  l'émir,  et  quelques  notables 
delà  tribu  des  Hachera,  Plusieurs  individus  sont  morts  de 
nostalgie,  d'autres  ont  dû  être  transférés  à  la  Casbah  d'Alger, 
dans  l'espoir  que  le  voyage,  le  changement  d'air  et  la  possi- 
bilité de  communiquer  avec  leurs  familles,  les  rendraient  à  la 
santé.  » 


Les  rapports  réciproques  du  moral  et  du  physique  sont  trop 
importants  à  considérer,  pour  qu'un  mot  paraisse  ici  déplacé 
sur  les  passions  générales  de  l'Arabe.  Examinons  donc  rapide- 
ment ses  principaux  besoins  animaux,  intellectuels  et  sociaux. 
D'après  le  Koran,  le  cœur  serait  regardé  chez  les  Musulmans 
comme  le  siège  de  la  conviction  religieuse,  de  la  foi,  des  pas- 
sions ;  ainsi  : 

Gb.  11,  T.  6.  «  Dlea  a  apposé  un  sceau  sur  leurs  cœurs  (aux 
infidèles) • 

(i)  f»)«iye  midival  dnm  l'Jfriqut  septentnêfin/r,   i845.  p.  5. 


y 


—  496  — 

Ch.  Il,  V.  9.  « une  Infirmité  siège  dans  lears  cœurs  et  Dieu 

ne  fera  que  l'accroître «  etc. 

1*»  Besoins  animaux.  —  Si  Ton  jugeait  le  peuple  arabe 
d'après  la  plupart  de  ceux  qui,  depuis  vingt  ans,  croientécrire 
son  histoire  réelle  en  se  bornant  à  rexamen  des  Maures  (les 
habitants  des  villes),  Tlndigène  serait  digne,  par  sa  sobriété, 
de  prendre  place  parmi  les  stoïciens  et  les  pylhagoriens.  C'est 
là  une  grande  erreur  qu*il  importe  de  détruire.  Un  proverbe 
arabe  dit  bien  que  : 

«  L'homme  a  quatre  grands  ennemis  :  le  diable  (M  ibUs)^  le 
monde  (el  dénia),  Tamour  {et  acheûq)  et  Tappétit  {et  qùbetia).  » 

Hais  la  manière  de  satisfaire  ce  dernier  ne  tient  guère 
compte  de  cet  aphorisme  plein  de  sagesse.  Il  est,  en  effeti 
généralement  admis  qu'on  mange  peu  dans  les  pays. chauds. 
Montesquieu  pensait  que  les  solides  s'y  dissipant  moins  que 
les  liquides,  les  iSbres  s'usaient  moins  et  demandaient  peu  de 
réparation.  Il  faut  bien  aussi  remarquer  que  si  dans  les  climats 
chauds  le  poumon  exhale  moins  d'acide  carbonique,  la  surac- 
tivité physiologique  du  foie  produit  une  sorte  de  pléthore  de 
bile  décarbonisante  qu'il  est  naturellement  indispensable 
d'utiliser  avec  une  alimentation  suffisante  et  convenable. 
N'oublions  pas  non  plus  l'activité  fonctionnelle  de  l'enveloppe 
cutanée,  les  conditions  atmosphériques  assez  mauvaises  dans 
lesquelles  se  trouvent  l'habitant  des  plaines  et  le  montagnard. 
La  sobriété  dont  on  a  fait  une  vertu  arabe,  n'existe  réelleinent 
pas  el  ne  saurait  exister.  «  Dans  le  royaume  de  Tunis,  le  Mu- 
sulman mange  à  gogo  quand  on  lui  donne  (1).i>  C'est  la  même 
chose  pour  l'Arabe  algérien.  S'il  mange  peu  d'ordinaire,  c'eet 
que  sa  paresse,  l'état  peu  avancé  de  la  culture,  lu  vie  nomade, 
etc.,  l'obligent  à  avoir  peu  pour  se  nourrir.  Mais  dès  qu'il 
f  rouve  le  moyen  de  s'ingurgiter  des  masses  «Ife  comcows  avec 

r 
(t)  Du  RoYtuitntdç  i'nnti  dans  iti  rapports  a*€C  VJfgcmt  par  U  U'BaA*Di5  ,  iSSo. 


—  497  — 

ane  goinfrerie  dégoûtanto ,  il  se  garde  bien  de  laisser  échap- 
per l'occasion.  Ceux  qui  ont  vécu  au  milieu  des  Arabes,  des 
Kabyles,  des  habitante  dn  Sud,  ont  pu  être  témoins  de  ces 
accès  <kpolyphagie.  Il  en  est  de  même  chez  les  Touareug  : 
«  Très  sobres  au  besoin,  ile  resteront  deux  ou  trois  jours  sans 
boire  ni  manger,  plutôt  que  de  manquer  un  coup  de  main  ; 
mais,  très  gloutons  à  l'occaaion,  ils  se  dédommageront  large- 
nient  après  hraxxia  (4).  »  Les  médecins  qui  ont  traite  des 
Indigènes  soit  dans  les  tribus,  soit  dans  les  hôpitaux,  savent 
bien  aree  quelle  difficulté  on  les  soumet  à  une  alimentation 
restreinte,  et  combien  il  est  impossible  de  leur  faire  endurer  la 
diUe  :  ils  préfèrent  se  sauver  de  rétablissement  ou  se  sous- 
traire à  la  continuation  du  traitement  chez  eux  ;  et,  comme 
I*a  parfaitement  observé  aussi  le  D'  Deleau  (2],  «  c*est  une 
remarque  qne  chacun  a  pu  faire,  l'Arabe  pourra  impunément 
manger  dans  des  cas  qui  nécessiteraient  la  diète  même  pour 
nos  iwldats.  » 

On  serait  porté  à  penser  que  le  Saharaoui  mène  une  vie 
plus  sobre;  li  la  nécessité  des  circonstances  le  force  à  rester 
queli^aes  jours  sans  nourriture  et  semble  devoir  l'habituer 
ainn  à  une  grande  modération  dans  la  quantité  de  ses  ali- 
ments, il  prend  sa  revanche  pleinement  à  l'occasion.  Il  y  a  un 
fait  certain,  c'est  que  les  indigestions,  les  affections  gastro- 
hépatiques,  led  diarrhées,  qui  leur  succèdent,  sont  très  fré- 
quentes dans  la  population  musultnanc  de  l'Algérie.  Le 
Prophète  cependant,  avait  dit  : 

Gb.  in,  V.  29.  «  Mangez  et  buvez,  mais  sans  excès,  car  Dieu 
ti^aime  point  ceux  qui  commettent  des  excès.  » 

Nous  le  demandons  maintenant,  oii  donc  est  cette  sobriété 
de  l'Arabe?  11  n'a  jamais  compris  le  besoin  d'une  modération 

(t)  Mimn  9t  e^uMMtdt  l*Alçrri§,  par  le  général  Dakma».  p.  S63. 
(>)  T.  LU  def  Mrmoirtt  ^eméttçd^  militwrt,  i%!^. 


—  198  — 


volontaire  dans  la  quantité  tki  mets,  au  point  ih  vue  de  l'hy- 
giène; il  n'a  jamais  su  rcsisler  auv  aiguillons  bnitanx  île  J 
gourmandise.  Où  donc  alors  est  sa  sobriété?  On  avouera  que 
Si  elle  existe,  ce  n'est  qu'à  titre  de  vertu  de  nécessité.  Quant 
la  sobriété  des  liquides,  il  en  sera  longueineut  question  dans 
l'hygiène  privée. 

Le  libertinage  tire  sa  source  du  tempérament  bilieux,  dé 
roisiveté,  de  la  pluralité  des   femmes,  de  leur  infériorité 
sociale,  do  la  prompte  efflorescence  des  organes  génitaux,  de 
Tabus  des  aptïrodisiaques,  etc.  La  précocité  des  unionsse\uel-^j 
les,  dès  que  les  sensations  voluptueuses  se  fout  sentir,  une  vii^^| 
toujours  en  commun  qui  permet  aux  jeunes  enfants  des  deux 
sexes  d'être  complaisants  entr'eux,  éloignent  beaucoup  les 
tendances  a  Tonanisme;   ensuite,  ils  ne  connaissent  ni  U*ê 
occupations  professionnelles  ni  la  réclusion  dans  des  ôcolei' 
où,  livrés  à  eux-mêmes  et  privés  d'une  suffisante  surveillance, 
ils  se  sentiraient  poussés  de  bonne  heure  à  ces  dispositions. 
On  a  pu  le   dire  avec  raison,  la  femme  arabe  fait  volontiers 
commerce  do  son  corps.  Habituée  dès  un  âge  tendre  à  se  voi 
abaissée  au  rôle  d  esclave  et  de  simple  instrument  de  pbisii's, 
livrée  prénialuréinent  à  des  hommes  d<!spotes  qui  la  Iraitenl 
conuae  une  marchandise,  n'ayant  à  son  aide  aucun  principe 
d'éducalion  morale  qui  la  soutienne  dans  cette  série  de  péni* 
blcs  épreuves  et  lui  inculque  Taversion  pour  le  tice,  elle  cèdo 
prompteuient  ti  facilement  à  ses  caprices,  à  ses  instincts,  à  la 
possibilité  de  fuir  une  existence  de  mauvais  traitement  et 
d'avoir  quelques  distractions  en  dédommagement.  Aussi  la 
prostitution  est-elle  largement  exercée  chez  Jes  Arabes;  elle      g 
se  iX'crule  généralement  parmi  les  femmes  répudiées,  —  Lofl 
grand  nombre  de  filles  piihli^fues  (]ui  exislaient  à  Alger  (3,000,  ™ 
d*a[)rès  le  capitaine  Rozel)  lors  de  la  conquête  en  Î830,  l*ba- 
hitiidê  des  janissaires  de  vivre  avec  des  prostituées,  c^le  du 
hey  vi  de  ses  principaux  fonctionnaires  ifavoir  «onstaînment 


—  199  — 

à  leur  service  de  jeunes  mignons,  prouvent  suffisamment  à 
quel  degré  le  libertinage  est  poussé  en  Algérie.  Dans  les  villes, 
la  fréquentation  quotidienne  des  étuvcs  publiques  constitue  un 
prétexte  habituel  pour  les  Mauresques,  qui  ne  perdent  aucune 
occasion  de  se  venger  de  maris  jaFoux  et  tyranniques.  La 
iNsauté  des  jeunes  Musulmans,  tandis  que  celle  des  jeunes 
filles  et  des  femmes  est  masquée  parle  voile,  constitue  peut- 
être  un  des  principaux  motifs  des  goûts  arabes  pour  la  pédé- 
i^^e.  La  dissolution  des  mœurs  allait  même,  jusqu'en  ces 
dernières  années,  à  assister  avec  plaisir  au  spectacle  de 
^^rugouis,  représentation  des  plus  ignobles  et  des  plus  dé- 
Sautantes.  Les  Arabes  se  bornent  aujourd'hui  à  la  contem- 
P*Wioii  des  danseuses  mauresques,  plus  couvertes  de  parures 
f  e  de  vêtements,  et  qui  exécutent,  au  son  monotone  du  der- 
^^^ka  (tambourin),  des  poses  et  des  mouvements  lubriques, 
^^^t  les  principaux  rappellent  diverses  phases  du  rapproche- 
'^eniseioel. 

Si  l'on  réfléchit  que  dans  les  tribus  el  chez  les  Kabyles  la 

^'^tïie  va  toujours  la  figure  découverte,  la  pédérastie  paraîtra 

'^n    plutôt  déterminée  par  la  satiété  des  femmes  à  laquelle 

^^*^cluîl  trop  facilement  la  polygynie.  Ce  serait  un  nouvel  exci- 

J^^t  pour  des  imaginations  prématurément  blasées  et  pour  des 

^^'^s  qui  traitent  déjà  la  femme  avec  tant  de  mépris.  Le  Pro- 

^^^e  a  dit,  ch.  XII,  v.  28  :  «  Les  hommes  sont  supérieurs 

^  femmes  à  cause  des  qualités  par  lesquelles  Dieu  a  élevé 

^^X-là  au-dessus  de  celles-ci Les  femmes  vertueuses  sont 

hissantes  el  soumises;  elles  conserveront  soigneusement, 

■^^clant  l'absence  de  leurs  maris,  ce  que  Dieu  a  ordonne  de 

*^^rver  intact.  Vous  réprimanderez  celles  dont  vous  aurez  à 

^^itidre  rinobéissancc;  vous  les  reléguerez  dans  des  lits  à 

*^»*l,  vous  les  battrez,  etc.  »  Un  commentateur  a  d'ailleurs 

^^  à  propos  de  la  sodomie  : 

^Cardez-vous  de  forniquer,  car  la  foralcatlon  a  quatre  résultats: 


—  il)0  — 


elle  fait  disparaître  la  beauté  du  visage,  elle  prive  des  moyens  < 
vivre,  elte  irrite  le  Très-Clémeni  et  entraiiie  au  feu  éterneL  » 

Mais  c*eM  encore  là  une  «  fox  clamantts  in  déserta,  n^ 
9,  Les  Musulmans  ne  considèreol  pas  les  filles  pubUqui 
comme  des  êlres  dégradés,  puisqu'elles  fréqtientent  les  nieil 
leures  maisons  et  vont  uu\  bains  piiiilics  iivec  leurs  propr 
femmes.   Ils   les  croieni  folles  oo   frappées   d'un    mauvaîj 
e^pril  (1),  1*  Les  habitants  des  villes  les  fournissent  dlmbitiKJ 
en  majorité,  les  femmes  mariées  surtout,  A  Blidah,  le  doclet 
Finot  a  trouvé,  sur  37  prostituées,  ai  femmes  mariées  et 
filles  ;  48  aiaienlëté  poussées  par  la  misère,  42  par  les  mail 
vais  traitemeiiu.  Généralement,  elles  se  prostituent  à  dater  de 
H  ans,  Sur  4,300   filles  publiques  inscrites  en   moyeni 
annuelle  à  Alger,  de  1838  à   185â,  nous  comploos  i,b\ 
Musulmanes,  savoir  :  ^,331  Mauresques  et  femmes  arabe! 
51  Mulâtresses,  137  Négresses.—  A  l'exemple  des  Bédouine 
de  Djnldali,  les  fillès  des  Oultd-Naïls   (sud  de  Médéab)  for 
de  bonne  lieuro  profession  de  prostituées.  Beaucoup  d'indi 
gènes  préfèrent  même  pour  épouses  des  femmes  qui  se  soûl 
livrées  à  cette  exislena'  dépravée»  A  Tugguri,  les  jeunes  filles 
des  Oulcd-Naïls  ont  un  endroit  particulier  pour  leur  coir 
merce,  c'est  le  Drad  cl  Giiemel  (mamelou  des  poux)  (2).  Au3( 
environs  d*Ouerf/la,  on  Irouve  de  nombreux  lupanars  dont 
recrutement  ^  fait  parmi  les  belles  fdles  du  Sud.  Grand  nom-* 
dre  de  pédérastes  y  exercent  également  leur  ilégoùtanlméliei 
Los  Bém-Amiir  (près  Sétif),  les  Ouledou  lUbah'  (près  Bou-1 
gîe),  les  Arazlia  (Saliura),  etc.,  se  distinguent  encore  par 
leur  grande  dissolution  de  mœurs.   «(Dans  certaines  tribusij 
noiamriïenl  chez  les  Yt/nifsat,  les  femmes  et  les  fdles  livrée 
à  la  proslitulion  payent  chaque  année,  au  jour  de  l'an,  unfl 
espèce  de  pulenle  qui  ne  s'élève  pas  à  moins  de  cinq  douros  j 

fi)  T.  »,Vr  dn  Mem,  ,/e  mtJ,  m*tiL,  p.  3i»  D'  FilfOi. 
t%)  iUruÊ  4«  VOfifM,  i.  il,  p.  i»ï|. 


^=^o!  — 


■Iprgeiit  c4  viirsé  m  ivé^v  {)ublic.  Elles  cessùui  ilc  pa) 
«jviuiiiV  elles  se  niaricul;  mais  cet  usage  n'est  pas  général 
kaljvlie  (!].)»  Dans  le  désort,  dt^s  Arabes  ne  craigoer>t  poin 
d'exploiter  leors  propres  l'cmmes  pour  augmenler  leur  avoir  « 
{lart^rAiIâsoccessités  pécuûiaia^s.  L^aspeclinfundihuiiformec 
l'anus  chez  quelques  prostiluécs  Arabes,  prouve  suflisatinneor 
qucksoilomic  est  également  usitée  chez  les  deux  sexe*.  On 
trouve  cependant  dans  quelques  tribus  des  traces  de  (noralilë 
sévère*  Ainsi  à  Ghadamès  [Sahara),  quand  une  femme  a 
^■fdi^orcé,  elle  ne  peut  se  remarier^  et  toute  femme  prostituée  est 
^Rimniêdiatemeui  cbtssée  de  h  ville  i^K  Le  proverbe  arahe  dit 
^Bbien  : 

r  ' 

I      ce 


Ei  khciU  oublafu  outneça  ma  ieiseifoucfC, 

Les  c^evatiic,  les  armes,  les  femmes  do  se  prêtent  pas. 


Mais  si  les  Arabes  ne  prêtent  point  génoralemenl  leurs  femmes. 
ce  n'est  pas  qu'ils  y  liennent  beauatup.  Un  motif  qui  a  du 
la  proslituiion  chez  les  Musulmans,  c  est  le  peu  de 
.  de  ta  loi  au  sujet  des  esclaves  :  «  Ne  forcez  point,  dit 
k*  Koran  (S),  vos  servantes  a  se  prostituer  pour  vous  gagner 
les  bifim  de  ce  monde,  si  elles  désirent  garder  leur  pudiciltf. 
Si  quelqu'un  les  y  forrait,  Dieu  leur  pardonnerait  à  cause  de 
ï')  contrainte.  ^  Il  sullUdouc  que  ces  esclaves  ne  désirtut  pas 
ier  leur  pudicilcs  pour  que  la  prostitution  se  trouve  établie 
>ar  une  vaste  échelle  :  or,  chaque  Musulman  peut  avoir  autant 
Je  concubines  qu'il  en  peut  nourrir!  I  —  Eu  résumé,  o*esl  à 
1'  ''-  •■^■<  '^  'i  libertinage  public  el  privé  qu*il  faut  rapparier  la 
■:■  la  stérilité,  désaffections  utérines»  de  Timpuis- 

sance,  des  malailies  des  voies  urjnaires,  la  propagation  et 
l'ifiTétéralion  de  la  syphilis,  le  grand  nombre  d\idultère>, 


;   15 


—  302  — 


rd^VôTtcmc^nls,  clc.,  cHie  profonde  imlôleiice  acquise  à  la  co 
liltilion  arabe  par  de  (rnp  fréquentes  déperdilions  séminal 
,  et  îierveuses. 

Que  dire  des  besoins  intellectuels  de  rArabeî  II  est  Musu 
[iïian,  en  d'autres  termes  résigné  (de  islam,  résignation) 
[mot  résuoie  parfaitement  le  fond  du  caractère  national»  un 
ilacilc  et  stérilisante  souniissioo   absolue  aux   faits  que   l 
rcroyances  de  la  prédestinalion  lui  imposent  c^mnie  de  co 
plantes  émanations  des  décrets  du  Tout-Puissant.  Quelle  serait 
^donc  la  nécessilé  de  scruter  la  nature,  dVUudier  ses  phcn 
^inènes,  de  tenter  un  développement  quelconque  de  rintelli{ 
jence,  puisque  rintervention  de  la  volonté  divine  est  perm 
[nento?  Quel  faible  humain  aurait  la  témérité  de  songer  seulc- 
lent  à  lutter  contre  une  telle  influence  céleste  î  «  On  ne  secoue 
[pas  facilement  la  croyance  qui  nous  a  servi  de  lange  ai 
Uberceau,  surtout  quand  celte  croyance  vous  suit  dans  la  virilil 
Cet  préside  à  tous  les  développements  de  votre  intelligence 
iCette  permanence  de  conviction  chez  TArabe  est  néanmoins  h" 
Iconséquence  des  conditions  dans  lesquelles  il  vit.  Chez  lui,  I 
[idées  de  renfance  sont  celles  qu'il  retrouve  dans  le  monde 
[chaque  âge  de  la  vie;  et  Tinstruction  qu'il  acquiert  dans  T: 
lûr  ne  fait  que  les  fortifier.  Aucune  lumière  obliqua  et 
Inattendue  ne  vient  éclairer  ses  erreurs;  et  il  meurt  vieillard 
Tavecses  convictions  déjeune  liomme  [I).  >> 

Ce  fatalisme,  sorte  de  monomanie  superstitieuse,  v 
tellement  enraciné  dans  le  caractère  musulman^  qu'un  Ara 
ne  saurait  se  lever,  se  coucher,  s'asseoir,  manger,  faire  n'iw 
porte  quoi,  sans  dire  :  a  Bùm'illak  (au  nom  de  Dieu).  »  E 
est-il  pour  cela  plus  religieux  (2)?  non  ;  il  sait  h  peine  quel- 

(t)  Ucomii»«Ji^ant  A<  RicnAROt  étwln  tur  rtnâumctt^n  dm  Dkûrt,  iS46« 
(a)  De  lout«s  le»  scctea  mibiulinMm^,  quatre  «cutritiem  ionl  orUiodo^vc».  d'actord  twev  1 
Sonnit  et  1«  Korû»,  ei  «n  ileburt  <l«*qndle»  ou  i»t  lior^iiquc.  Nous  n'avoiu  en  Ji1|éri«  t|iie  1 
Matikitwt  f  il«  ^m\t\,  VI H*  sikln);  In  Tartt  tout  ttantjttts  /  il  jr  a  encorv  1m  Gmfntê»  ^  I 


:>niH 
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_  203  — 

cjues  prières,  suit  mal  et  ne  comprend  pas  davantage  sa 
religion.  «  On  dit  qu'il  y  a  des  tribus  kabyles  où  les  gens 
p^auvres  ne  craignent  point  de  manger  du  sanglier.  Ils  boivent 
;K^resque  tous  de  l'cau-de-vie  de  figue  fabriquée  par  les  juifs, 
<~fiii  sont  en  grand  nombre  dans  le  pays  (1).  » 

Nous  avons,  au  début  de  cet  ouvrage,  esquissé  en  peu  de 
'Kidots  Vétat  de  Tinstruction   publique  musulmane  :  encore 
ï  'avons-nous  présentée  sous  le  jour  le  plus  favorable.  C'est  ici 
B  e  lieo  d'avouer  que  l'éducation  intellectuelle  de  TArabc  est  à 
^u  près  nulle.  A  Alger,  sur  beaucoup  d^écolcs  indigènes,  une 
seulement  est  destinée  aux  jeunes  filles  mauresques,  encore  est- 
«lle  d'institution  française  et  dirigée  par  une  Française.  Que 
doit-ce  être  dans  les  autres  villes,  à  plus  forte  raison  dans  les 
tribus,  les  campagnes  I  La  polygamie,  la  précocité  des  unions 
sexuelles,  l'absence  de  toute  éducation  réduisent  les  femmes  à 
rétat  de  brutes,  d'esclaves  qui  font  des  enfants,  mais  ne  savent 
pas  les  élever.  Aucune  d'elles  ne  connaît  la  lecture  ni  récri- 
ture. Les  occupations  domestiques,  la  cuisine,  le  tissage  de  la 
laine,  la  confection  des  vêtements,  le  soin  des  animaux,  voilà 
toutelenr  existence  II  Cette  rouille  générale  de  rintclligence 
n'est-elle  point  la  source  de  toutes  les  misères,  de  toutes  les 
soufihtnces  physiques,  de  tous  les  vices  les  plus  dégradants? 
Elle  détruit  les  aiguillons  de  Tespérance,  elle  paralyse  toute 
idée  d'entreprises,  d'harmonisation  des  devoirs  avec  les  besoins  ; 
elle  tarit  tout  élan  de  conception.  Alors  l'esprit,  forcé  de 
s'exercer  sans  but  utile  et  convenable,  s'arrête  aux  choses  les 
plus  futiles,  les  première^enues  :  s'il  n'en  trouve  pas  à  son 
gré,  il  les  invente;  delà  le  fond  rêveur,  poétique,  imaginatif, 
désordonné  de  l'esprit  Arabe,  dont  la  finesse  ne  peut  être  niée, 
mais  auquel  il  manque  de  l'étoffe,  en  un  mot,  de  la  pénétra- 
lion.  Au  début  de  cet  ouvrage,  nous  avons  rapporté  les  élo- 

'i)  /.«  straujf  h'afi./if.  p.ir  !•>  i;éiiAral  I)*rit*t,  p.  S'» 


-   ifOl  —  I 

qnentes  purules  du  Proplit'Us  àos  bellcb  exliurlalions  a  &cj-s 
corrcligionnaircs  pour  les  encourager  au  iravail,  à  Téluilc?. 
Parmi  tous  les  savants  qui  ont  réitéré  les  mêmes  conseils,  no^jms 
citerons  avec  plaisir  El-Syouù  (t).  «  Rechercher  la  scien&€3, 
dit-il,  est  une  obligation  imposée  à  tout  Musulman....  CcL  «ai 
qui,  ayant  pu  se  livrer  à  Téludc  de  la  science,  ne  s*y  sera  poi  Kit 
livré,  et  celui  qui  aura  enseigné  une  science  dont  ses  auditeik  t$ 
auront  profité  lui  exceptéj  gémiront  au  jour  dernier....  Lors- 
que l'homme  meurt,  ce  qui  \ienlde  lui  périt  avec  lui,  Irois^ 
choses  exceptées  :  {^  Taumône  qu'il  a  faite;  2^  la  seicace 
dont  on  retire  de  l'utilité  ;  3*^  un  enfant  vertueux  pour  lequel 

on  adresse  des  vœux  à  Dieu Lorsque  les  Arabes  seront  dstus 

l'abaissement,  l'islamisme  y  sera  également »  —  On  ^*^ 

saurait  en  douter,  c'est  l'absence  de  toute  force  morale,  infuse 
par  une  éducation  solide,  qui  donne  de  la  pusillanimiié  ^^ 
caractère  arabe  :  manquant  de  base,  d'appui,  il  flotte  constaJ^' 
ment  dans  les  incertitudes  de  l'ignorance,  et  se  jette  aveugla' 
ment  dans  les  dédales  de  la  superstition.  Cette  vacillali^^ 
permanentede  lacrainte  des  châtiments  célestes  détermine  u^^ 
forte  perturbation  dans  l'économie,  elle  débilite  profondcnticï^* 
et  aboutit  à  l'égoïsme,  à  un  individualisme  exagéré  d'o^i  naît  ^^ 
despotisme.  M.  le  D'Baudens  (2)  a  rapporté  le  fait  d'un  chef  d^^^ 
Iladjoutes qui,  dans  une  dispute,  avait  menacé  du  bras  un  vieiF  ^ 
marabout  de  Koléah;  ce  dernier  lui  dit  qu'il  allait  prierDieud  "*^ 
lui  faire  perdre  ce  même  membre.  Quelques  jours  après,  dan   -^ 
une  faniazzia,  le  chef  arabe  a  la  main  abîmée  par  l'éclat  dtf 
son  fusil  trop  chargé.  Pendant  soi#.traitement,  le  marabou 
meurt  subitement.  Changeant  de  figure  à  celte  nouvelle,  le^^ 
blessé  s'écria  devant  son  docteur  :  «  Le  ciel,  en  punissant 
l'auteur  d'un  vœu  cabalistique,  t'a  choisi  pour  en  réparer  le 
mal.  »  —  C'est  toujours  le  mcktoub  (écrit)  I  —  On  le  comprend 

(i)  ('.oiiiiiHMil.-itciir  ilu  Kor.iii,  mort  en  K};\|itc  rii  iTinj. 


im 


uiMîiiieii^  c^mi  à  railiance  de  atic  igtionmce  [iruioDiJe  hhc 
une  Mipenlilion  facile  que  le  touhibe  doit  d^rdiioeinmit  la 
Imulc  vénérallon  que  lut  pro^Kgue  FArabe  en  toutes  ctrcoos- 
r  inent  de  ^  $ouif*nr 

.,.  ,  ..VM....     a»..,  .43  qui  flaii.  .-.  1-U1.-.  riédecius, 

le  /)A>raod  respect  du  Muîîulman  pour  1*  i  le*  fous 

l*apaa  d'autre  origine —  Daiutre  part,  u  rioattion  inleU 

luciuelle  répoud  rinncUon  musculaire*  L'Arabe  est  indolent, 
(laresseux  :  il  trouve  dans  la  mollesse d*un  r^--^  -  t "tant  une 
jtiuiÀ."^nce  toute  êpicnriennc,  e(  dans  la  vie  cl  ^  r,  au  sein 
iV une  nature  toujours  riche,  toutes  les  âatiâfaction^  faciles  de 
l'esprit.  Le  prophète  ^tfoAammerf,  comprenant  tout  le  danger 
de  cette  indolenc^^  accrne  par  Tinfluence  du  climat,  avait 
prescrit  :  «  Dans  les  forles  chaleurs,  rafraîchissez-vous  par  ta 
prAte.  >»  Lc«  comTnentaieurs  répetcrenl  :  «  La  prière  est 
mcjH  le  sommeit....  Beaucoup  de  Musulmans  perdent, 

en  se  i.ii7>ajii  dominer  par  le  sommeil,  le  mérite  et  les  bénéfices 
de  la  prière  da  malin^  faite  ail  moment  canonique,  h  (C^est  à- 
diredepuiis  rapparilion  réelle  de  Tau rore  jusqu'au  degré  le 
pins  aYancé  du  crépuscule  mafinaK)  Et  malgré  ces  pres- 
cripVi  "*  T  oà  au  ^in  d'une  crïarïde  sagesse  hygiéuiciue, 
les  A  f  (bitudc  de  faire  la  sieste,  de  dormir  quelque:^ 

heures  de  méridienne.  Serait-ce  le  peu  de  moyens  i|tj'jls  oui 
de  résister  convenablemenl  à  la  chaleur,  Tabsena^  d  ombrages 
-^  "^  ^  chez  \gs  nomades,  par  exemple,  qui  leur  auraient 
u.i ,  _  I  ire  et  continuer  cette  coutume?  C'est  peu  probable, 
c%ar  dans  les  villages  voisins  des  forêts,  des  bois,  ou  pourvus 
dliflWlallons  suflisantes,  dans  les  oasis  parsemées  de  palmiersj 
nodîgêne  ne  manque  point  de  se  livrer  ati  sommeil  ilans  le 
lilieu  et  h  plusieurs  in^iaiits  Ju  jour  Un/. 
îlant  du  jugement  detnier  (1)  : 


'i  >ti  ut  l'tf 


llli  l^ll 


Kh    \%V.r.»»ï 


—  2«»6  — 

■  Ce  joor-là  les  botes  da  i>aradls  auront  un  beau  lieu  de  reim  et 
un  endroit  délicieux  pour  prendre  la  méndieÊÊme.....  Gélébrei  Uea 
à  rentrée  de  la  nuit,  et  quand  tous  tous  repoeex  à  midi....  (1),  • 

Ce  qui  semblerait  indiquer  que  le  besoin  d'un  repos.plos  oa 
moins  prolongé  pour  réparer  les  forces,  est  nécessité  par  le 
climat  lui-même.  Cette  indolence,  pour  ainsi  dire  nationtle, 
se  trouve  encore  entretenue  par  la  défense  des  mou?eiKDt& 
actifs  de  la  danse.  Outre  que  le  Prophète  défend  aux  femma 
de  montrer  leurs  jambes, 

c  Que  les  femmes  D*agftent  point  les  pieds  de  manière  IOUtb  voir 
leurs  ornements  cachés  (3),  ■ 

outre  que  la  réclusion  ordinaire  des  femmes,  par  suite  de  U 
jalousie  maritale,  les  éloigne  de  toute  distraction  prise  en 
commun  dans  la  société,  le  Koran  ne  parle  ni  des  plaisirs  de 
la  musique  ni  de  ceux  de  la  danse.  Ces  pratiques  étaient cdpG^^' 
danl  mêlées  par  les  Egyptiens  et  les  Juifs  aux  cérémofûc^ 
religieuses;  et  l'art  des  accords  et  la  chorégraphie  eussent  ^^ 
d'excellents  moyens  pour  entretenir  la  souplesse,  Ténerg^* 
musculaire,  réagir  conlrc  la  paresse  instinctive  que  donao  *® 
climat,  cl  forcer  rindigcnc  à  jouir,  par  Faction  même»  de  ^^ 
plaisirs  qu'il  ne  goûte  rarement  que  par  la  vue  et  Touïe»  To*^ 
la  musique  arabe  se  résume  dans  le  derbouka  (tambourin)    ^ 
le  kosba  (roseau  à  plusieurs  trous);  et  Tart  chorégraphia^ 
n'est  traditionnellement  conserve  que  par  quelques  bayadè^^ 
prostituées  dans  les  cafés  publics  ou  dans  des  réunions  tou^^ 
particulières.  Aussi,  dans  les  fêtes,  dont  l'institution  génér^^ 
a  pour  but  de  procurer  au  corps  comme  à  l'esprit  un  rej^^ 
nécessité  par  les  fatigues  et  les  occupations  quotidiennes,  '  ^ 
Arabes  sont  assez  avares  de  divertissements.   Le  vendr^^ 
(djcmda.  r'ost-à-dire  assemblerai  se  trouve  affecte  aux  prière 

^i)  Kiir.iii.  (II.  \\  V.  \ .  17. 
»>      hl.     ih.  WIV.  \.  .î| 


—  207  — 

3l,  dans  les  villes,  à  de  simples  visites  de  polilesse,  soU  dans  les 
laroilles,  soit  dans  les  cimetières.  Presque  jamais  do  distrac- 
tions publiques  le  samedi  {sebty  c'est-à-dire  septième,  sabbat 
Jes  Juib)y  jour  consacré  au  repos.  Le  mercredi,  les  écoles  sont 
rennées  l'après-midi.  Les  fêtes  principales  comprennent  :  4^ 
rAid  el  Kebir  (la  fête  grande), qui  dure  troisjours  au  douzième 
Bois  ;  chaque  famille  immole  ordinairement  un  mouton,  un 
txBuf  ou  un  chameau  pour  la  rémission  des  péchés;  —  2? 
VAïd  el  Seghir  (la  fêle  petite)  :  trois  jours  pendant  lesquels 
)n  consacre  la  rupture  du  jeûne  par  de  grandes  réjouissances 
publiques  et  privées,  poussées  souvent  jusqu'aux  excès  les 
plus  funestes.  L'influence  de  ces  deux  fêtes  sur  la  santé  publi- 
^  est  on  ne  peut  plus  pernicieuse.  C'est  ainsi  qu'en  1849  la 
iolncidence  de.la  première  avec  le  choléra  a  été  marquée  sur 
Ausîeurs  points  par  une  recrudescence  dans  la  mortalité  ; — 
1^  rAïd  tl  Mùuloud,  anniversaire  de  la  naissance  du  Prophète  : 
e  joor-là  on  s'asperge  dans  les  rues  avec  de  l'eau  de  senteur; 
»  Arabes  des  campagnes  font  beaucoup  parler  la  poudre,  et 
»  Nègres  parcourent  les  localités  avec  une  musique  des  plus 
saourdissantes  de  derboukas  et  de  khakheub  (énormes 
asiagneties),  et  en  dansant  comme  des  fous. 

Parmi  les  fêtes  traditionnelles,  il  faut  compter  :  1®  le  jour 
e  I>n,  Aid  cl  Achour  (fête  de  la  dîme,  des  aumônes);  2°  Aid 
r  Ribid  (fête  du  printemps),  marquée  jadis  che^  les  Nègres 
'Oran  par  la  promenade  d'un  bœuf  gras;  3**  V Aid  el  Foui 
fête  des  fèves,  dont  on  consacre  la  récolte  par  des  réjouissances 
lubliques),  au  printemps;  4^  TAidelLeben (fêtedu  laitaigre), 
igalement  au  printemps,  pour  célébrer  Tabondance  du  laitage 
i  cette  époque,  etc.  —  M.  Bâche  (1)  a  signalé  la  coutume 
rallumer  de  grands  feux  et  de  brûler  des  parfums  sur  les 
«nusses,  les  jours  du  commencement  derélo;  les  processions 

^i}  Du  :atcruintt  arnfn  mn'ufman,  [>•  a?. 


—  208  — 

faîles  pour  ap|)L*ler  lu  bénéiliclion  do  Dieu,  ol,  dans  les  épcx^u^s  , 
de  sécllLTesse,  les  jH^!crinagesi]ansclia(|Lir  iribii  aux  koubinui 
(chapelles)  qui  renfcrinout  la  déponiMi'  (run  hiamlinni    fîi 
—  Mohammed  a  dit  : 

t  Tôt) te  espèce  d'amusement  doit  être  interdite  comme  flrlvote,  ^ 
excepté  rexercice  de  Parc,  le  maniement  du  cheval  et  les  plafâlrt] 
pris  en  famille.  Les  eofants  ont  le  droit  de  demander  à  leurs  paroaU  \ 
qu^on  leur  enseigne  à  lire,  à  nager  et  à  tirer  de  rare..*.  O  croyants, 
les  jeux  du  hasard  sont  une  abûmiuatlon  ïuventée  par  S&taii  ; 
abstenez- vous-en,  et  vous  serez  heureux  (1).  » 

Le  Prophète,  en  bornant  aux  assemblées  religieuses  le$ 
réunions  plus  ou  moins  aonibrcuses  des  Ûdèles,  aurait-il  voulu 
éviter  les  querelles,  les  dissensions  et  leurs  conséquences  aux*^ 
quelies  ne  manqueraient  pas  de  pri'dis[)oser  rinfluenc^î  clima- 
lêrique,  le  tempérament  bilieux,  et  l'absence  de  toute  éduca- 
tion moitiie'?  Nous  verrons  plu$  loin  comment  r«xerciw  m\ 
actuel lement  compris  cbcz  les  Arabes.  Bornons-nous  à  dire  ieii] 
que  leurs  goûts  sonl  exlromes;  ou  le  repos  complet  avec  loj 
sommeil,  le^  enivrements  du  ^rtcAirA,  du  tabac,  le  café,  les! 
purfums,  lopium,  les  contes,  etc.;  ou  bien  les  courses  agitées! 
et  fougueuses  des  faniazxias,  des  chasses,  des  ôimulalionsdft^ 
la  guerre.  Pas  de  terme  moyen,  pas  de  promenades  tTanquilles. 
Les  Indigènes  algéiû^ns  pratiquent  celle  devise  dos  Indiens  :] 
«  Le  repos  c.^t  \r  but  de  toutes  clioses,  lu  félicité  suprême  ; 
riuaclion  est  l'état  parfait  à  atteindre.  y>  Ne  nous  étonnons  pasj 
alors  que  la  terre  soit  peu  collivée,  et  que  les  derwichcs,  k 
moines  les  marabouts  pullulent  dans  de  telles  contrées,  oii' 
lorguci!  devient  le  tik  nalurel  de  la  paresse. 

Somme  toute,  rindolence  nationale,  poussée  jasqu*à  l'im- 
mutabilité  en  matière  de  coutumes,  de  moajrs,  engeîidro  uf 
^at  slalionnaire   qui  entretient  loiëîveté,   n'aboutit  qu*^ 


i 


régne  des^  ^us  ci  Ac$  vcilupies  briilale^.  Tai  u't**!  jJuâ  uiu^  %ie 
eonime  les  lois  oatu relient,  muralos,  la  pcmiL*t(enL  el  la  vculeni  : 
.'est  uDicpnrem  siojple  végétait  an.  «  La  tnfilk^iie  el  Totsivcié 
UtiESsaflt  égaleiîjent  les  règles  de  la  pieté  el  les  devoirs  tte  la 
vjodvtte,  et  le  citosej»  inulilc  iiVsi  pus  moins  proscril  par 
i^fiangile  que  {lar  la  Société  (Ua^^illoo).  i^  Les  facultés,  les 
^*iiUiii»l£t  sm\%  ctH^e  àiteinis  dans  Icâ  lourdes  chaînes  des 
pféîofE^,  ne  saaraicnt  être  gouvernes  par  Tindividu  qui  ubcil 
À  une  direction  despotique,  car  le  cri  de  la  misoD  est  sao^ 
cmae  étouttù  par  le  cii  de  riiabitude  el  de  ia  Iradîlion.  Che^ 
iMft  les  peuples^  tes  mœurs^  les  usages,  h$  coutumes  préoè- 
dent  Ic^  lais^  et  ces  dernières  ne  sauraieal  éta*  progreâsivp- 
mCQl  modîflr       '  :   '    n  tout  entière  au  climat  el  aux 

pusiots.  Lu  .   in»J«>lcncii  elimalérique  sur  U 

moirulilé  ne  «aurait  éatt  récusée,  «  La  mortalilô  parmi  tes 
Mmnrm,  écrinit  on  1834  leur  chirurgieo-inajar  (1),  est 
Tuoimlra  pm|)ûrtionnellement  que  parmi  le$  autres  corps  cfc 
VBTméc^  Ce  que  j  attribue  à  la  vie  active  *|ue  mènent  ces  honi- 
tnes,  ainsi  qu'à  Tiisage  du  café.  ^» 

3**  Rejoins  ^eiaux.  —  L*Arabe,  a-t-il  été  dit  pitts  haut,  mi 

et»  fourbe,  hypncritef  menteur, 

.Miii'.Aiu  -,  iiKx.utul,  nalleur,  porlé  au  vol  et  à  la 

Éon.  Comment  serait-il  susceptible  d  amilié,  d*amour  t 

Obligé  do  surveiller  de^  femmes  c^instainuient  en  querelle,^  de 

faire  régiKT  la  iranqutllîlé  dans  ce  tit»upeau  polvgvnique  qu'il 

r   ":  -nde  d'autant  plu:i  en  diîspote  que  lu  lente»  le  gourbi, 

se  baraque  en  lent' ^onl  insuffisants  pour  ciaîtrcrlexis- 

ience  ilpmesliquc,  il  osl  naturellement  jaloux!   Visitez  le$ 

lillfs,  totîs  jû')  trauverciî  pas  une  $eule  Mauresque  tenant 

boutique,  fesaot  un  commerce  public.  Dans  les  iribusp  rjndi- 


«I 


\r^Ur>k  itiMfii  t|iit  lr«  ti9bK<ijtU jUi  Sahara  ijoivcm»  l*i»rmédiaiM<lé  H  Io«kf  eriMiiU 
ilf  ta«lMU  4«  vl»«iii«*«i.  «ujwt  <ini  |kum  pont  Uti^tK  rt  ir^  itelit»* 


lÉ 


—  210  — 

gène  se  rend-il  au  marché  avec  uoe  de  ses  femmes  il  choisit 
la  plus  vieille,  la  plus  décrépie,  de  crainte  qo*UDe  autre  n'ins- 
pire des  désirs.  Cette  jalousie,  cet  orgueil  despotique,  qui  ont 
créé  les  gynécées  des  Grecs,  les  harems  et  Jes  sérails  dans 
rOrient,  maintiennent  la  femme  dans  la  condition  la  pins 
abjecte,  et  contrastent  singulièrement  avec  la  liberté  modelée 
qu'elle  obtient  dans  d'autres  contrées,  oii  elle  se  tixrafe  par 
cela  même  plus  respectée.  Mal  élevé,  peu  galant,  puisqu'il  ne 
voit  qne  le  côté  physique  de  l'amour  et  qu'il  donne  tout  a  la 
sensation  au  détriment  du  sentiment,  l'Arabe  accorde  à  sa 
passion  toute  la  bnilalité  et  Tégoïsme  de  son  caractère  ;  c'est 
de  la  fureur  génitale  proprement  dite,  aiguillonnée  par  un 
farouche  amour-propre.  Certainement  il  se  montre  plus  fier 
de  ses  chevaux  que  de  la  jeune  et  la  belle  fille  qu*îl  vient 
d'acheter.  Il  est  permis  de  donner  cours  à  toute  admiralion 
pour  quelques  vestiges  de  poésie  très  riche,  très  colorée,  que 
l'on  retrouve  dans  les  chants  arabes;  mais,  outre  que  de  telles 
œuvres  ne  sortent  guère  plus  du  cerveau  de  nos  Indigènes 
actuels,  ils  n'en  sentent  réellement  point  le  même  charme,  ils 
ne  leur  accordent  point  la  même  valeur  passionnée  que  nos 
mœurs,  nos  goûts  nous  y  font  trouver.  Ne  faisons  pas,  ne 
voyons  pas  les  Indigènes  plus  poétiques  qu'ils  le  sont,  et  ils 
le  sont  fort  peu  en  réalité. 

Est-ce  à  la  vanité  ou  à  la  paresse  qu'il  faut  rapporter  le  peu 
de  soins  de  l'Arabe  pour  la  propreté  du  corps,  des  vêtements, 
de  l'habitation,  etc.?  A  peine  trouve-t-on  des  cuillères  en  bois 
pour  manger  le  couscouss  ;  les  Indigènes  riches  et  les  étran- 
gers s'en  servent  seuls.  La  viande  se  déchire  avec  les  doigts  de 
chacun.  La  fourchette  n'a  pas  encore  reçu  ses  lettres  de  natu- 
ralisation chez  les  Arabes.  L'eau  à  boire  se  sert  dans  un  vase 
commun,  etc.  ^ 


—  211  — 


CHAPITRE  II. 

HYfiliNE    PUBLIQUE. 


Il  semble  bien  diiBcilc,  bien  délicat  surtout,  de  juger 
impartialement  les  pratiques  d*hygiène  d'un  autre  peuple,  car 
quelque  soin,  quciqu'attenlion  soutenue  qu'on  y  apporte,  il 
n'est  pas  toujours  aisé  de  se  rendre  un  compte  scrupuleuse- 
ment exact  des  nécessités,  des  motifs  de  tel  ou  tel  précepte,  et 
Ton  doit  regarder  comme  presqu*impossible  de  se  mettre  com- 
plètement à  la  place  d'une  population  dont  la  situation  clima- 
térique,  les  croyances  religieuses,  les  habitudes  offrent  tant  de 
contrastes  avec  celles  dans  lesquelles  nous  avons  été  élevés  et 
Jans  lesquelles  nous  avons  grandi.  «  Ce  qui  est  hors  des 
gonds  de  la  coustume,  a  ditBloutaignc,  on  le  croit  hors  des 
gonds  de  la  raison.  »  —  m  Tous  les  étrangers  ne  sont  point 
barbares,  observe  Labruyère  (1),  et  tous  nos  compatriotes  ne 

sont  pas  civilisés Avec  un  langage  si  pur,  une  si  grande 

recherche  dans  nos  babils,  des  mœurs  si  cultivées,  de  si  belles 
loi»  et  un  visage  blanc,  nous  sommes  barbares  pour  quelques 
peuples.  Si  nous  entendions  dire  dos  Orientaux  qu'ils  boivent 
ordinairement  d'une  liqueur  qui  leur  monte  à  la  tête,  leur 


•;   Ca'aiU'tt  el  »frt,i,  du  ^ihlf,  ch.  \il 


—  H2  — 

fait  perdre  la  raism  et  les  l'ail  vomir,  nous  dirions  :  Cela  est 
bien  barbare.  »  C'est  pénétre  de  telles  grandes  vérités  que 
nous  avons  abordé  l'examen  des  coutumes  hygiéniques  des 
Indigènes  musulmans  de  l'Algérie. 

Dès  l'origine  des  nations,  l'on  a  senti  la  nécessité  de  placer 
dans  les  attributions  d'une  autorité  forte,  pure,  et,  par  consé- 
quent, respectable  aux  yeux  do  tous,  Tinitiative  et  la  surveil- 
lance des  devoirs  que  les  intérêts  sanitaires  publics  et  privés 
exigeaient  impérieusement  de  cliaque  membre  de  la  société. 
Tout  naturellement,  le  pouvoir  religieux  se  trouva  chargé  de 
ce  soin,  et  ses  premiers  préceptes  n'en  furent  que  plus  légiti- 
mes aux  yeux  des  masses  par  le  caractère  sacré,  divin,  qu'ils 
empruntaient  à  cette  origine  (l).  Mohammed  le  comprit  par- 
faitement, et  agit  avec  une  profonde  sagesse  lorsqu'ea  donnant 
des  conseils  et  des  obligations  à  un  peuple  entraîné  vers  les 
excès  par  rîgnorance  et  sans  doute  aussi  par  un  climat  brû- 
lant, il  fusionna  intimement  la  loi  civile  et  religieuse  dans  un 
code  unitaire,  présenté  comme  une  révélation  céleste.  A  vrai 
dire,  leKoran,  c'est  la  matrice  physique  et  morale  du  Musul- 
man envisagé  soit  comme  peuple,  soit  comme  individu;  de  là, 
répétons-le,  l'utilité  de  sa  méditation.  Seulement,  on  devra 
remarquer  que  le  fond  de  toutes  les  mesures  d'hygiène  qu'il 
renferme  sont  moins  le  produit  des  nécessités  clîmatériqoos 
réelles  que  celui  de  la  position  particulière  sociale,  commer- 
ciale, misérable,  des  habilanls  de  l'Arabie.  Comme  Ta  fait 
observer  avec  justesse  M.  Carelte  (2),  la  religion  musulmane 
est  l'ouvrage  d'un  chamelier. 

Il  ne  suffit  cependant  pas  à  un  peuple  d'avoir  des  lois,  de 
leur  obéir  :  il  faut  encore  qu'il  comprenne  l'importance,  la 

(i)  Si  MiilsK  «t  MoMàMMEit  invmiuôrciti  riiiflurjur  «Uviuc.  Lvut.tL   parla  au    nom  JalA 
j>atrie,  Him-oi-katk  au  Udiii  fie  la  itnliirc. 

(ï)    Commune  -U  l'Jh'>-e  mcutih'inir,  Y>    i^J 


—  213  — 

valeur,  le  but,  la  raison  de  ces  lois,  sans  quof  il  Tes  exécutera 
•on  aveugle,  par  pure  forme,  et  rintention  du  légiglateur  se 
trouvera  manquée.  C'est  Tinconvénient  des  codes  civil  et  reli- 
gieux mélangés  cntr'eux  :  là  où  h  foi  domine  tout,  il  n')  a 
plus  de  part  pour  la  raison  et  l'intelligence  des  actes;  on 
Q*obéit  plus  qu'automatiquement  à  la  tradition,  qu'aux  ordres 
de  Dieu.  La  fatalité  a  tellement  faussé  le  regard  qu'on  ne 
sent  plus  le  côté  rationnel  ou  opportun  des  choses.  On  a  dit 
que  les  religions  étaient  faites  pour  les  climats;  c'est  une 
question.  La  religion  doit  être  adaptée  aux  mœurs,  au  progrès 
de  la  civilisation  des  peuples.  Le  Christianisme  en  effet,  dont 
le  berceau  fut  la  Palestine,  régna  longtemps  en  Asie  et  règne 
aujourd'hui  en  Russie. 

Nous  examinerons  aussi  complètement  que  possible  toutes 
les  dispositions  d'hygiène  publique  et  privée  que  contient  la 
loi  musulmane.  On  remarquera  le  minutieux  des  détails  dans 
lesquels  elle  est  entrée,  et  nous  ne  pouvons  en  donner  une 
meilleure  preuve  qu'en  citant  le  passage  relatif  aux  prières  en 
commun  : 

«Pour  la  prière  du  midi,  si  les  fidèles  réunis  attendent 
encore  'd'autres  (idèlcs,  ils  feront  mieux  de  retailler  la  prière 
jusqu'à  ee'que  l'ombre  dos  objets  en  ait  égalé  le  quart  de  la 
longueur  et  même  davantafgo,  surtout  quand  on  veut  éviter  la 

grande  chaleur  du  jour Excepté  les  cas  de  chaleur  ou  de 

froid,  ou  de  trop  grandes  inégalités  du  sol,  laloi  blâme  dé  faire 
les  prosternations  sur  un  vêlement  étalé  pour  cela  par  terre.... 
Il  csl  blâmable  encore  on  cas  de  froid,  par  exemple,  dé  faire 
les  prosternations  on  appuyant  la  lote  sur  les  rcHefs  ou  tours 
du  turban,  ou  sur  rextrémifo  de  la  manche  on  de  toute  autre 
partie  du  vêtement  (1).  » 

De  telles  recommandations  pouvonl  paraîlre  puériles  ;  niair^ 


—  214  — 

pour  les  esprits  sérieux,  qui  liendront  compte  de  HgDorance 
générale  du  peuple  musulmaD  et  des  influences  climatériques 
variées  dans  lesquelles  il  vit,  certainement  les  circoDstances 
détaillées  prévues  par  Tautorité  religieuse  méritent  des  éloges. 
Un  fait  irrécusable,  c'est  que  l'hygiène  publique  révèle,  dans 
tout  réclat  de  la  vérité,  le  degré  de  civilisation  d'un  peuple. 
Vue  dans  le  Koran  et  le^  commentateurs,  c'est-à-dire  dans  àes 
détails  officiels,  celle  de  la  nation  arabe  est  admirable  ;  mjûs, 
vue  en  pratique,  dans  l'application,  quel  contraste  I  Ce  que  les 
coutumes  indigènes  offrent  aujourd'hui  à  notre  examieii  ne 
répond  guère  aux  institutions  d'un  passé  peu  éloigné.  Ainsi, 
pour  ne  citer  qu'un  fait,  il  n'y  a  pas  deux  siècles  on  comptait 
à  Alger  62  bains,  dont  les  deux  plus  beaux  avaient  des  cbamr- 
bres  garnies  pavées  de  marbre,  avec  des  tuyaux  par  où  l'on 
fesait  couler  de  l'eau  chaude  cl  de  l'eau  froide  (1).  On  trouve- 
rait à  peine  aujourd'hui,  dans  cette  capitale,  quelques  échan- 
tillons convenables  de  ces  utiles  établissements,  et  encore  dans 
quel  état  III  —  Il  ne  faut  donc  point  s'attendre  à  rencontrer 
chez  les  Arabes  cette  organisation  tutélaire  et  toute  naturelle 
d'une  autorité  qui  s'occupe  de  pensée  ou  de  fait,  de  la  qualité 
des  denrées  alimentaires,  des  conditions  de  salubrité  de  la 
voierie  et  des  édifices  publics,  de  la  disparition  *des  foyers 
d'émanations  dangereuses,  de  l'atténuation  des  ravages  annuels 
des  épidémies,  de  la  variole,  par  des  moyens  prophylactiques, 
de  l'emplacement  convenable  des  tribus,  des  villages,  de  Vad- 
ministration  des  premiers  secours  destinés  à  arrêter  les  progrès 
d'affections  désastreuses  et  à  calmer  en  même  temps  le  moral 
de  populations  facilement  effrayées  (2),  etc.  Quelques-unes  de 
ces  graves  questions,  indiquées  et  résolues  dans  la  loi  musul- 


(i)  Relation  uairgrselie  de  l'Afrique  anc.  et  moj.,  par  Db  Là  Caoïx,  i6€8.  t.  H,  p.  5o. 

(a)  Aiuri  rAfriqae  septentrionale  a-t-elle  tonjonn  on  ta  large  part  dans  la  pathogénie  «les 
épidémies.  Voyez,  h  ce  si^'et,  D'  Gutoh.  Histoire  chronologique  des  épidémies  Jm  nord  de 
l'Àfnque,  depuis  les  temps  le i  plus  rrculr't  Jusqu'à  not  jours,  Alfcer,  iSSj. 


—  2<5  — 

mane,  n*ont  actuellement  aucune  ressource   d^application 
précise,  de  solution  réalisable. 

Quand  on  examine  les  idées  qui  ont  dominé  les  civilisations 
antique  et  moderne,  on  découvre  aisément  deux  principes  bien 
trancbés.  Le  Paganisme,  prenant  pour  point  de  départ  le  per- 
fectionnement physique,  s'imprégnait  d'un  cachet  matérialiste 
qui  se  reflétait  dans  l'éducation  presque  spéciale  du  corps.  Le 
Chri^aoisme,  au  contraire,  cherchant  à  subordonner  d'une 
manière  assez  exclusive  la  matière  à  Tesprit,  a  imposé  comme 
devoir  la  lutte  constante  contre  le  corps  au  moyen  des  jeûnes, 
des  mortifications  variées,  de  la  vie  monastique,  etc.  Et, 
cependant,  la  santé  morale  et  la  santé  physique  combinées, 
peuvent  seules  engendrer  cette  harmonie  fonctionnelle,  base 
du  bonheur  réel  et  de  la  vertu.  Entre  les  deux  systèmes  pré- 
cités, et  dont  l'exagération  des  tendances  serait  tout-à-fait 
contraîire  aox  vœux  de  la  création,  la  vérité  et  la  raison  ne 
feraient-elles  pas  un  devoir  de  placer  le  Mahométisme,  qui  a 
cherché  de  son  mieux  à  concilier  les  droits  et  les  devoirs  du 
corps  avec  les  droits  et  les  devoirs  de  l'esprit  ?  Les  pages  qui 
vont  suivre  prouveront  peut-être  que  le  Prophète  Mohammed 
sut,  avec  une  merveilleuse  sagesse,  imposer  à  son  peuple  un 
système  d'éducation  dans  lequel  les  appétits  matériels  et  intel- 
lectuels devaient  trouver  une  égale  satisfaction,  telles  que 
l'organisation  complète  de  l'homme  l'exige,  telle  surtout  que 
les  temps,  les  lieux,  les  hommes  le  comportaient  et  l'exigeaient 
à  Vépoque  de  Vhigyre,  La  glorieuse  page,  que  conquit  bientôt 
la  nation  arabe  dans  l'histoire  du  monde,  en  serait  la  preuve 
la  plus  éclatante.  On  ne  devra  donc  pas  attribuer  à  l'influence 
du  dogme  religieux  le  triste  état  actuel  de  l'hygiène  chez  les 
Arabes.  Le  Musulman,  abandonné  par  des  princes  ambitieux 
et  inhabiles,  a  dû  oublier  que  si  Dieu  a  créé  des  lois  qui  pré- 
sident en  particulier  aux  diverses  fonctions  de  l'économie 
humaine,  il  a  donné  en  même  temps  à  l'homme  une  intelli- 


genct»  pour  les  inoililier,  It's  tlirigcM   convenablemonl  ^^orm.   \^ 
intérêts  <le  la  race,  <l(»  la  nafioD  et  do  rindiviilii. 


\ 


Toutes  lesqueslions  de  chiilVes,  de  .slatisli(]uos,  si  inte^^véres- 
santés  et  si  utiles  pour  le  législateur  qui  leur  denianL  wilc  le 
critérium  des  institutions  sociales,  ont  été  jusqu'ici  con^^up'c* 

tement  insolubles  chez    les   populations   musulmanes. Le 

fervent  disciple  du  Koran  est  trop  jaloux  du  profond  niyss-  stère 
dans  lequel  il  enfouit  les  secrets  de  son  existence  et  de  sg^m  v/e 
domestique,  poui'  permettre  la  moindre  investigation  don^^^'ri- 
licre,  le  moindre  renseignement,  môme  oral,  sur  sa  lam —  ^Ho, 
C'est  un  moyen  pour  lui  d'échapper  à  l'autorité  despol^^Qt'*'^ 
qui  a  toujours  pesé  si  lourdement  sur  ses  intérêts,  elsi  sou   '^'cni 
au  simple  titre  de  caprice  et  de  vexation.  Aussi  venl-il  que    J*oi\ 
respecte  son  fover,  qu'aucun  regard  étranger  ne  parvie^^^^^ 
jusqu'à  ses  femmes,  que  son  intérieur  soit  comme  un  sm^^^^ 
sacré  dans  lequel   il  puisse  méditer  et  iuaver  en  sûreté 
vengeance  d'un  chef  abhoirc,  ou  aiguiser  de  nouveaux  trfl-^** 
contre  ses  injustices.  Tout  dénombrement  lui  répugne,  en   ^  -^*^ 
mot.  L'étîit-civil  e.^t  donc  tout  i  importer  dans  les  mœu^^^^ 
musulmanes.  L'Arabe  iw  sait  même  pas  le  tem ps écoulé  dcpuc 
sa  naissance,  il  y  apeul-rin'  uni'  aulro  raison  qui  fait  que  le  -^^^^ 
recherches  statistiques  uni  toujours  répugné  aux  Slahométaus        '' 
c'est  un    préjugé  i|ui   aura  bien  pu  leur  être  transmis  paiJ^  ^ 
les  Hébreux.  Ce  dernier  peuple  ne  fiil-il  pas,  d'après  l'histoire,    -^ 
frappé  d'une  |)esle  di^s  plu.s  nieurlrières'iKirce  que  David  avait    ^ 
fait  son  dénombremenr  ?  i.ejii.laïsnie  a  très  .souvent  in.spirc 
Mahomet,  il  ne  faut  pas  i'uuhlicr.  On  lit  dans  une  relation 
sur  les  établissements  hollandais  en  Asie  (1),  par  le  capitaine 


s 


'l^    Mnnn'.; 


—  an  — 


eortette  Dïïbôuzel  :  k  On  n'a  pas  o&é  jusqu'ici.  danT 
raintc  de  trop  froisser  les  préjugés  du  peuple,  élaWir  i 

î.  Les  Javanais*  comme  tous  les 
Mabométans,  ignorent  donc  leur  ige,  et  le  gooTernemeui  a<ï 
trouve  ainsi  privé  du  meilleur  moyen  qu'il  aurait  pour  établir 
un  recensemcnl  exact  de  la  population.  )>  Les  Arabes  et  Iw 
Kabyles,  comme  l'a  fort  bien  dil  M.  Carette  (t),  nai^isent  et 
meurent  sans  cpie  la  société  à  laquelle  il^  appartiennent 
ëproore»  en  aucune  façon,  le  besoin  d'ouvrir  un  compte  ik< 
profits  et  perles. 

La  naissance  d'il  a  cnlaui  ♦Maie  r>^  un  j^ir  de  f^le  pour  la 

famille  chez  les  Arabes,  et  pour  toute  la  tribu  cbez  les  Kabyles. 

La  venue  d'une  fille  semble  à  peine  remarquée.  Celte  coutume 

f!iL\staU  aussi  ebC2  les  Hébreux,  qui  prélendaienl  que  la  femme 

qui  met  i  î  '  un  garçon  reste  impure  trente-trois  jours, 

et  sûixan:.  -...  j  iirs  si  elle  fait  une  fille.  Du  reste,  JtfoA(7mmerf, 

qui  abolit  Tusage  de  sacrifier  les  enfants  aux  idoles,  défendit 

aussi  Taneienne  habitude  d'enterrer  vivantes  les  jeunes  filles, 

coutume  amenée  par  la  crainte  de  la  misère,  du  dérèglement 

moral  ou  de  la  captivité.   ^  Nous  vous  avuns  délivrés,  dit  le 

Koran(î),de la  famille  dePharaon^qui  vous  infligeait  de  cruels 

siipplices  ;  on  immolait  vos  enfants  et  Ton  n'épargnait  que 

^«s  filles....  »  Si  l'on  se  rappelle,  ajouta  M.  Kasiiiiîrski  dans 

'a  traduction  du  Korau,  que  les  Arabes  idolâtres  regardaient 

^<>iiime  une  calamilé  la  naissance  d'une  fille,  ou  avouera 

9**'oa  ne  pouvait  jeter  plus  de  défaveur  sur  un  prince  idolâtre 

^'  ^«Tipie  (dont  Pharaon  est  le  type),  qu'en  insistant  sur  celte 

^•*P^ce  de  préférence  donnée  aux  filles  sur  les  garçons. 

l-a  diminution  de  la  population  musulmane,  en  Algérie, 
P^^^ît  un  fait  certain.  Ainsi,  Alger  avait  75,000  habitants  au 


^nCIl   U.  %    46 


—  848 


>mmfncomen(  du  \YUV  siècle,  et  35,0()0  seulemoii 
1830,  En  1838,  ties  invesligaLions,  forcénienl  inromplèles 

st  vrai,  en  évaluaient  le  cliiffre  à  12,300;  au  31   deccmlir 
liSly%  il  se  réduit  ii  10,675,  —  La  seule  ville  de  Blidali, 
d'après  Sclia\\,  avait,  en  1710,  20,000  liabitans  !  —  La  ville 
deTleincen   a  eu.  dil-on,  200^000  habilants;  on  y  a  niêmo^ 
compté  au  X*'  siècle  160,000  maisons  liabitécs,  et  il  y  exislailH 
un  grantl   marché  pour  la  poudi'e  d'or.  D*après  le  docteur 
Catïibay  (1),  cette  ville  aurait  aujourd'hui  de  7  à  8,000  Indi-^H 
{^ènes,  —  Mascara  et  ses  faubourgs  renferu^aienl  autrefois,^ 
disent  les  Arabes»  autant  de  familles  ([u'on  compte  de  grains 
de   raisin  dans  les  vignes  qui    renvironnenl.    Le  docteur 
Haspel  (2)  ajoute  que  sa  population  actuelle  est  de  2,6Hè 
Indigènes.  —  On  trouve  k  peine  800  Musulmans  àHilianah  l 
etc.  Ainsi  done^  la  population  indigène  est  loin  d  être  conden 
sée  en  Algérie,  D'après  M,  Renou,  en  y  comprenant  les  vil 
lagcs  d*El  Goléa,   iVOuatân  et  la  tribu  des  Ckamia,  ell 
aurait  une  superficie  de  4,700  myriamètres  carrés,  et  serait 
moindre  d'un  dixième  seulemeol  que  la  France.  La  popula- 
non  indigène  de  TAlgéne,   au   1"  janvier  1852,  était  d 
2,4-jO,00O  âmes.   Le  Sahara  comprendrait,  d'après  M,   O, 
Maccarthy,  500,000  liabitanls  environ,  et  le  Tel!  2,000,000 
ce  qui  donnerait  un  peu  plus  de  14  individus  par  kiloinclrc 
carré.  Or,  le  département  de  France  le  moins  peuplé  en  a 
U\  (3)  L'Algénc  serait  donc  huit  fois  moins  peuplée  que  la 
France  1  En  Turquie,  la  proportion  est  de  3âi  individus  par 
lieue  carrée  de  25  au  degré;  dans  TAmériqui^  méridionale,  de 

21  seulement;  en  Chine,  de  1,172;  dans  FEgvpUi  cultivée, 

de  1,767. 

Dans   l'impossibilité  iVim  calcul  complet  concernant 

(ïXT.  XXXXU  âr\  AUm.  dt  méd.  Htittt, 
•      (i)  T   V[U  di  U  1"  t^rie  <lo  Mtm,  à*  méd.  mtUt. 

(J)    Jim*******  *f*  /'J!ftff(f  ftO*,r  »»5.|i,  p     -1. 


I 


—  219  — 

rapports  des  naissances  aux  mariages,  des  décès  à  la  popula- 
tion, etc.,  puisque  d'autre  pari  nulle  trace  d*élat-civil  n'existe 
encore  daas  les  tribus  et  villages,  nous  allons  tenter  un  aperçu 
restreint  du  même  travail  pour  ce  qui  concerne  seuleniefit  les 
Arabes  habitant  les  territoires  occupés  par  les  Européens. 
>àinsî«.au  31  décembre  1852,   le  nombre  des  Musulmans 
^citadins  et  population  flottante)  existant  dans  les  cercles  et 
<iîstricts  français  de  TAlgérie,  comprenait  100,344  individus, 
Savoir  : 

Province  d*Oran 21 ,585. 

Id.       d'Alger 35,133. 

Id.       deÇonslantine...     43,626. 

Ces  400,344  Arabes,  décomposés  par  sexe,  donnent  : 

(  J3eWi(1)...     25,077.   )  ^^  ^^^ 
Hommes.}   ^        \\^.        ^'  ,,       31,388. 
t  Berram(2).       6,311.   )  . 

(   Beldi 20,298.   )  ^^  ^^^    ^  ^*'*^ 

(   Beldi 27,593.  \  ^^  ,„, 

Femmes.      „  i  koa    1  29,173. 

(   Berram —       1,580.   j  i    c  «  oog 

(   Beldi. 15,801^  )  ,',, 

B'dù  l'on  conclurait  qu'en  général  il  y  a  plus  d'individus 
du  sexe  masculin  que  du  sexe  féminin  dans  la  population 
arabe.  En  séparant  les  Berrani  des  Beldi,  et  ne  calculant  que 
d*après  ces  derniers  dont  la  position  fixe  rend  les  chiffres  plus 
positifs,  on  arrive  à  un  résultat  identique.  Ainsi  : 

(i)  BêUi»  eVst-àdire  delà  rillr,  citadias. 

(a)  Btrrttnf,  c'est-à-dire  dn  dehors  popalntion  Bottante.  ^ 


:ii 


—  *fii  — 

r^^^m.  M  MQ  .     Tolal.  .     4o,3T5  du  sexe  Diasc. 

2  i  Peffiri;€s.  .     ?7.593.       -,        ,  ^  o«.    •  e- 

^  f  r  .,  . .  ^. .        Total. .     43.394  du  sexe  fém. 

Fille=. .  . .     I5,%iil.  » 

Gomfiarant  enfin  les  cljîflfires  dos  gardons  et  des  filles  daos 
le*  'îrcx  5taltstî'{Qe5  précédente,  s-iil  les  Beldi  isolés,  soit  les 
BeMi  el  Bfrrani  mis  en  parallèle,  on  obtiendrait  encore  un 
chiffre  supérieur  pour  les  garçons.  Ainsi  : 

Garçons 20,i98. 

'FillJs 15,801. 

Garçons 2.770. 


BeNi. 


Berram. 


'Filles 914. 


.  Belili.  . .     20.298.       ^.„    .  Beldi.  . .     15,804 . 

•larron-  )  ^ ^        Filles}  „  ^.  . 

^Berratii.       2,7  iO.  ^B^rrani.  944. 


Total..     23,068.  Total..     16,715. 

La  difTérencc  pourrait  être  évaluée  à  un  dixicnfie  environ 
en  faveur  du  sexe  masculin;  or,  en  France,  elle  est  d'un  sei- 
zième, d'après  TAnnuaire  du  bureau  des  longitudes. 

Inlerrogeons  d'aulres  sources  plus  restreintes  encore,  il  esl 
vrai,  mais  aussi  plus  irréprocliables.  Depuis  le  commencement 
de  1844  (1)  au  l*"^  janvier  1854,  il  est  né  i  Alger,  sur  2,828 
enfants,  1,449  garçons  et  1,379  filles,  c'est-à-dire  que  le 
cliilTn»  du  sexe  mâle  est  toujours  supérieur. 

Par  identité  de  conditions  climatériques,  examinons  Tétat- 
civil  des  Israélites  de  la  même  ville  (2).  Ilsont  eu  depuis  1836 
au  1®' janvier  1S;)1,  sur  3,069  naissances,  1,583  garons  et 
1,4Sfi  tilles.  Même  résultat  (|ue  ri-dessus.  —  En  définitive, 
il  naîtrait  donc  plus  de  garçons  que  de  tilles  dans  la  population 
musulmane  de  l'Algérie,  soit  du»/  |,»s  citadins,  soit  chez  les 

(i)  l^|wi4U«<  A  bi|iirll»  l'iUl  rivii^étt  «ubli  ih«c  Wf  utu»aliu4U^  d'Alfer. 


—  224   — 

gens  du  dehors.  —  D-un  autre  côté,  M.  Thévenot  (<)  est  arrivé 
à  des  résultats  cootraires  pour  la  population  indigène  du 
Sénégal,  et  MM.  Martin  et  Foley  (2)  ont  conclu  de  leurs  re- 
cberebessur  la  population  européenne  d'Alger  :  «  Alger  plus 
queliTFrance  est  favorable  à  la  procréation  des  enfants  du  sexe 
faminlo.  »  —  Ces  désaccords  ne  pourront  trouver  d'explication 
et  de  solution  définitive  que  dans  une  statistique  {dus  étendue, 
plus  exacte  dans  ses  éléments.  Toutefois,  d'après  les  chiffres 
ci-dessus,  pn  peut,  ce  nous  semble,  penser  avec  M.  le  docteur 
Lévy  (8)  :  «  C'est  à  tort  que  l'on  a  considéré  la  polygamie  des 
Oneniaux  comme  une  cause  d'accroissement  des  naissances 
Céminines.  » 

11  serait  sans  doute  bien  intéressant  de  rechercher  quelle  a 
pu  être  ici  l'influence*  de  Tâge  des  parents,  du  nombre  de 
leurs  mariages,  sur  le  sexe  de  l'enfant,  —  d'examiner  quel 
sexe  domine  dans  les  plaines,  dans  les  pays  montagneux,  dans 
les  r8gi<ws-du  littoral  ou  du  Sahara,  quelle  est  la  proportion 
des  Daissaôices  et  des  sexes  dans  les  diverses  phases  de  Fâge 
de  la  fécondité,  etc.  Mais  les  éléments  d'un  tel  travail  man- 
quent-complètement  et  manqueront  probablement  d'ici  long^ 
temps  enoare,  malgré  tout  le  soin  et  l'intelligence  qu'appor- 
tent dans  ks  détails  de  l'état-civil  musulman  les  diverses 
autorités  chargées  de  l'administration  des  Indigènes.  Nous 
poufons  toutefois  reconnaître  que  la  proportion,  indiquée  plus 
haut  dans  les  deux  sexes,  se  retrouve  formulée  dans  le  même 
sens  quand  on  les  examine  dans  chacune  des  trois  provinces. 
Ainsi  : 

Garçons...     10,261.  )  **''^*- 
j  46,432. 


Hommes..  8,440. 

Garçons...  10,261. 

Femmes.  .  9,815. 

Filles..  ..  6,617. 


Pr.  d'Alger....  <  ^    *    ^  ooj- 

^  l  Femmes.  .       9,81  o 


'i)  IV«i/«  Jws  maMies  européenutt  dmnt  h$  payi  thaxul». 
(a)  Uittûirt  statùiitjue  tU  /«  coloninnion  aifétitnne,  p.  64- 
.J)   Trnitt  d'fiYfiene  pi-h/iquc  tt  priver,  t.  Il,  p.  à  17. 


gjf  

Hommes..      16,473.  ,        _ 

,  Garçons...       8,077.  ♦  •**^^^- 
de  Constaotioe.  {  u^JL^,         13001 

Femme....     12,831.  Hgo^g. 

V  Pilles....       6,245.^      '     ^ 

1^  Hommes. .  6,475.  ^ 

Garçons...  4,i30.  ' 

Femmes...  6,52i.  . 

,  Filles....  3,853.  ^      ' 

Quelle  est  la  part  des  saisons  dans  les  naissances  arabes  ? 
L'examen  des  1,199  naissances  signalées  dans  la  populalion 
musulmane  d'Alger,  pendant  les  quatre  années  1850|  1851, 
1852, 1853,.fait  tout  d'abord  constater  que  l'année  se  troure- 
rail  nettement  tranchée  en  deux  saisons  au  point  de  vue  des 
conceptions.  Ainsi,  d'octobre  à  mai,  les  naissances  seraient 
bien  plus  fréquentes.  On  obtient,  en  effet,  en  : 

Octobre,    —     norembre,  —  décembre.  —  janTier,  —  février,  —  mart»  -*  anH, 

113naiss.     107.       102.       137.      123.     143.     109. 
Total,  804  naissances  sur  1,199,  c'est-à-dire  les  2/3,  tandis 
que  les  autres  mois  ne  présentent  que  395  naissances,  savoir  : 

Mai,    ^-    juin.     >-    jaillet,     —     août,     ->    septenbN, 

82.        68.        92.  73.  80. 

Ce  qui  revient  à  dire  que  le  maximum  des  conceptions  aurait 
lieu  depuis  février  jusqu'à  la  fîn  d'août.  Ces  faits  semblent 
concorder  avec  les  observations  de  MM.  Martin  et  Foley  (loc. 
cit.  p.  68),  et  d'aprçs  lesquelles,  à  Alger,  le  maximum  des 
naissances  aurait  lieu  en  hiver  et  janvier  (d^oii  le  maximum 
des  conceptions  au  printemps  et  au  mois  de  mai),  et  le  mini- 
mum des  naissances  en  été,  au  mois  d'août,  d'où  le  minimum 
des  conceptions  en  hiver.  D'autre  part,  des  différences  assez 
curieuses  résultent  de  la  comparaison  de  ces  1 ,1 99  naissances 
au  point  do  vuo  du  sexe.  Do  mai  à  octobre,  les  naissances  que 
nous  venons  do  signalor  conuno  moins  fréquentes  comprennent 


—  223  — 

un  nombre  à  peu  près  égal  d*individus  des  deux  sexes 

202  naissances  mâles  contre  4  93  du  sexe  féminin  ;  tandis  que 
Tautre  époque,  d'octobre  à  fin  avril,  se  remarque  par  de 
grandes  inégalités  dans  les  naissances  de  tel  ou  tel  sexe.  Ainsi, 
les  enfants  mâles  naîtraient  de  préférence  en  janvier  (84)  et 
février  (76);  ceux  du  sexe  féminin,  en  mars  (63),  avril  (59)  et 
novembre  (64).  En  d'autres  termes,  les  mois  les  plus  favora- 
bles à  la  clonception  des  individus  mâles  seraient  mai  et  juin  ; 

ef,'poarle  sexe  féminin,  ceux  de  juillet,  août  et  mars 

La  question  des  mariages  dans  leurs  rapports  avec  les  nai&- 
«anoes,  les  décès  et  les  divorces,  ne  saurait  être  encore  suscep- 
tible d'un  examen  sérieux.  Il  est  certain  que  la  mortalité 
extrême  qui  sévit  sur  la  population  arabe  nomade  et  celle 
qtii  hftbite  les  montagnes,  notamment  par  suite  d'épidémies 
désastreuses  et  d'absence  complète  de  traitements  convena- 
bles, doit  pousser  les  Indigènes  à  augmenter  le  nombre  des 
unions  conjugales,  et,  par  suite,  celui  des  naissances.  Ce  sera 
une  étude  bien  intéressante  que  Pexamen  de  Tinfluence  pro- 
gressive de  la  civilisation  sur  les  mariages  musulmans,  et,  par 
conséquent,  sur  la  population.  On  ne  peut  douter,  en  effet, 
que  le  bien-être,  soit  privé,  soit  public,  moral  et  matériel, 
que  le  contact  français  prolongé  infiltrera  dans  les  coutumes, 
habitudes,  éducation,  idées,  en  un  mot  dans  l'existence  des 
Arabes,  réformera  peu  à  peu  les  usages  polygyniques.  Il  est 
permis  de  le  piévoir,  si  l'on  en  juge  d'après  des  résultats  de 
ce  genre  signalés  dans  la  classe  israélite  d'Alger.  Depuis  4  844 
jusqu'à  ces  derniers  temps,  les  naissances  ont  toujours  diminué 
checles  Juifs,  et  MM.  Martin  et  Foley  (loc.  cit.  p.  76)  n'hési- 
tent pas  à  en  rapporter  la  cause  à  l'extinction  lente,  puis 
complète,  du  divorce.  Voici,  toutefois,  ce  que  les  chiffres  offi- 
ciels nous  apprennent  concernant  les  mariages  et  les  divorces, 
de  4847  à  1852,  pour  la  population  musulmane  des  trois 
provinros  do  l'Alporir  : 


—  m  — 


f  rcTiLM  d'iljir. 

F:ûi.deCc!:!a:!!E. 

Pmcs  d'Oas.     1 

Annéo. 

Mariages 

Divorce». 

Mariaga 

Dîrorecs. 

» 

Muiaco 

DiTons. 

<847 

443 

471 

412 

375 

115 

69 

1848 

424 

409 

533 

247 

97 

40 

1849 

320 

349; 

834 

275 

502 

241 

1850 

462 

360 

968 

411 

400 

259 

1851 

409 

339 
1,928 

858 

523 

295 

2S9 

Totaux. 

2,058 

3,605 

1,831 

1,409 

831 

D'autre  pari,  si  nous  consultons  les  chiffres  offerts  parles 
Musulmans  d'Alger  en  particulier,  nous  ne  voyons  guère  qj^e 
dans  ces  quatre  dernières  années  il  y  ail  eu  tendance  à  dimi- 
nulion.  Les  divorces  et  mariages  en  4850,  1851,  1852  et 
1853,  donnent,  en  effet,  les  résultats  suivants  : 


é 

% 

1; 

'5 

S 
-^ 

c. 

'* 

S, 

à 

.a 

7"^ 

Mariage;».  .... 

88 

'95 

115 

99 

103 

68 

57 

94 

»1 

84 

94 

Divorces 

79I 

61 

m 

68 

m 

49 

64 

m 

73 

70 

97 

49 

Ce  rapprochenïenl  statistique  semblerait  prouver  :  ' 

1**  Que  les  mariages  sonl  plus  fréquents  au  prinferops, 

précisément  à  Tépoque  à  laquelle  a  été  rapporté  plus  haut  le 

maximum  des  conceptions  ; 

2^  Que  la  période  de  l'été,  qui  donne  le  inoins  de  divorces, 
donne  aussi  le  moins  de  mariages  ; 


—  325  — 

.    3^*  Que  plus  on  se  rapproche  de  Thiver,  plus  les  dirorces  et 
les  mariages  s'opèrent  dans  des  proportions  égales. 

Nous  manquons  de  bases  convenables  pour  établir  le  rap- 
port des  décès  à  la  population  ;  nous  savons  seulement  qu*en 
4844  il  était,  pour  les  Musulmans  de  toute  TAlgérie,  de  3,24, 
et,  pour  lesEuropéens,  de  4,29  ;  en  1 845,  id . ,  4,08, 

id.,  4,55. 

Il  convient  de  faire  remarquer  que  dans  la  première  de  ces 
lUQOees  (4844),  la  mortalité  a  frappé  de  préférence  les  jeunes 
sujets.  Ainsi,  à  Constantine,  les  enfants  musulmans  figuraient 
jpour  les  deux  tiers  des  décès  de  la  ville.  MM.  Martin  et  Foley 
(lococit.,  p.  170)  ont  prouvé,  du  reste,  que  chez  les  enfants 
mabométans  d'Alger,  les  six  premiers  mois  de  la  vie  absorbent 
plus  du  septième  des  décès;  Tâge  de  six  mois  à  deux  ans  et 
demi  en  absorbe  1res  près  do  la  moitié  ;  de  deux  ans  et  demi  à 
huit  ans,  la  mortalité  décroît  sensiblement,  et  celte  décrois- 
sance s'observe  jusqu'à  là  vingtième  année. 

Voici  un  petit  tableau  qui,  bien  incomplet  sans  doute,  mais 
comprenant  à  peu  près  tous  les  documents  ofTicieilement 
publiés  (I)  sur  la  mortalité  de  la  population  musulmane  des 
trois,  provinces,  démontrera  siilTisamment  combien  le  chiffre 
des  enfants  des  deux  sexes  est  élevé  comparativement  aux 
décès  des  âges  plus  avancés  : 


(i)   Tableau  dt\  etahln^cmcnti  finn^tii  en  Hgnir,  \m\}\'\i>  [iwt  le  miiiislvrc  delà  gucrrr. 


—  i26  — 


j   LOTAUTt  ••  P10VI5CE. 

MO&TAUTÉ  DI 

S 

^^"^ 

HOMNBS. 

FEMMES. 

EHFOn 

; 

TiU«  dOruk 

i83i 

t3 

aa 

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47 

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i»45 

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10 

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1831 

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14 

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1844 

9 

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433 

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i«77 

Ville  dr  Boa» 

.839 

48 

3i 

19 

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71 

»7 

49 

i84i 

75 

aa 

47 

i84s 

84 

5- 

\%i 

1843 

48 

a6 

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1844 

73 

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18 

Vill«  d'Alg«r 

k83S 

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19* 

1839 

.96 

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389 

184 1 

a66 

»»7 

4M 

1843 

iSo 

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333 

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Provinn»  d'AlgiT 

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0.46J 

—  227  — 

Si  nous  éludions  maintenant  le  nécrologe  des  Musulmans 
d'Alger  pendant  les^  quatre  dernières  années  (1850,  1851, 
1858,  1853]  au  point  de  vue  des  saisons  et  du  sexe,  nous 
observons  que  :  1^  les  chiffres  de  mortalité  étant,  pour  ces 
années  réunies,  de  : 


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1 

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243 

327 

g  1  Dec.       Il 

<96 

238 

tes  décès  sont  plus  nombreux  en  octobre,  novembre  et  dé- 
cembre, époque  correspondante  à  la  saison  des  pluies;  puis, 
qu'ils  diminuent  en  janvier  et  février,  reprennent  de  la  fré- 
quence en  mars  et  avril,  et  diminuent  de  nouveau  en  mai, 
juin,  juillet  et  août  ; 

2^  Que  ces  mêmes  chiffres,  comparés  à  ceux  des  naissances, 
sembleraient  établir  que  la  même  époque  hibernalese  remarque 
par  une  plus  grande  fréquence  dans  les  naissances  et  la  mor- 
talité, et  que  la  période  de  mai  à  octobre  comporte  moins  de 
naissances  et  moins  de  décès  ; 

3**  Que,  pour  ce  qui  concerne  le  sexe,  les  2,593  décès  cons- 
tatés pendant  ces  quatre  dernières  années  atteignent  1 ,396 
individus  du  sexe  masculin,  et  1,197  du  sexe  féminin, savoir: 
624  garçons,  508  filles,  772  hommes  et  689  femmes. 

Les  mauvais  traitements  que  subit  la  femme  arabe  sous  la 
férule  conjugale,  les  avortcments  si  fréquemment  déterminés 
par  la  jalousie,  les  maladies  aggravées  par  les  privations  de 
tonte  espèce,  doivent  rendre  assez  élevé  le  chiffre  des 
morts-nés. 

La  question  de  la  morlalité  amène  naturellement  celle  des 
é[ûdémios,ù  h\  présoncc  (los(|uolles  la  nécrologie  doit  des  nom- 


—  im  — 


iresacoidçolelloment  considérdbles.  Si  l^Arabe  n'a  point  la, 
pellagre  des  Italiens,  le  dragonneau  du  littoral  de  la  Her-Uouge 
se  voit  plus  mal  partagé  par  des  affections  etidémiriues 
)ijveiU  très  létiiifères:  les  affecltuns  intoslinales  et  hépaliqut 
la  dyssenlerie,  lesrhuiuatisnies,  la  grippe,  la  coqueluche,  l'éJ^ 
[ïhanliasis,  la  variole,  les  fièvres  tjphoïJes,  les  maladies  s) 
phililiqiies  et  cutanées,  les  fièvres  interiuiltentes»  le  chaucr 
de  Biskra,  etc.  Peut-on  oublier  que  la  peste,  et  très  probable 
ment  sous  ce  nom  le  cliolora,  a  sévi  sur  le  uorJ  de  TAfrigi 
dans  les  années  151  avant  J.*-C.,  16i  après  FÈre  chit^liennii 
269,  542, 1348,  1650,1560, 1678, 1705,  1752, 1784,178? 
1799,  et  le  dmlera-niorbus  en  1835,  1849,  1850, 1851  [1) 
Je  faïU-il  pas  mcntioDiier  aussi  les  alIecUons  opiuhatmique 
'si  nombreuses,  dégénérant  avec  tant  de  facilité,  par  défaut 
soins  surtout,  en  maladies  incurables,  en  infirmités  ausa 
graves  que  dégoûtantes,  et  devant  avoir  également  une  iialluenc 
marquée  sur  la  mortalité  de  tous  les  âges  ? 

Les  causes  principales  de  tous  ces  accidenls  eridéajo*épid^ 
niiques  seront  indiquées,  autant  que  possible,  aux  divers  para 
graphes  consacrés  plus  loin  à  Tétude  nosologique  des  organe 
qu'elles  atteignejit  le  plus  particulièrement.  Toutefois»  nouj 
pourrions  les  examinerici  sous  des  points  de  vuelrèsgénéraui 
Ainsi  :  Les  Indigènes  de  FAIgérie  sont-ils  dans  des  coudititui^ 
favorables  an  développement  des  maladies  épidémique^?  Cer 
taioemenl  oui,  si  l'on  remarque  que  leur  hygiène  générale 
est  pres<iue  nulle;  ils  ne  fout  rien  pour  éviter  et  éloigner  le 
amas  de  matières  végétales  et  animales;  leur  alimentaiioB 
est  insullîsanle;  leiH-s  Imbitations  mauvaises,  liumide$  ;  If 
précocité  des  mariages  et  les  excès  vénériens  Élébiliti'nt  pro- 
fondément, etc.  —  (lerlainement  nott,  m  Von  observe  quil 

|,t)   Voyez  Vtltttvi^*  , hfouuU^njiHf  ths  t^miftHiti  Jw   jV.   fU  i'jjnijuf  ft*p\in  U>  frmp>  tu   fh 
>«r  i€  thtkrtê  «4  Jf^éi^  cit  iU^É  if  î>»  i<  li^^s  Al|«r,  tUi, 


399  


Vonl  pas  d'inLinstrîefï  manufacturières  ;  que  h^ur  r%imc  est 

simple,  leur  vie  généralement  peu  acli?e  ;  que  I  Viustence  au 

grand  air  et  par  petites  agglomérations  dijipensc  les  masses 

Oes  inconvénieuls  et  dangers  àc$  grandes  et  populeuses  cités  ; 

91/0  fc  triste  élal  de  réducalion  publique  et  privée  ii*éuerve 

Point  Je  bûuno  heure  les  jeunes  inlelligences,  et  ne  gêne  en 

'^iai:^  U  libre  évolution  des  divers  organes;   enfin,  fjue  les 

^'o.^ii^ciei^  religieux  du  Mahométi>me  impoH ni  au  sv^tème  ner- 

31  une  placidité  dont  J'iieureuse  influence  sur  1  etiologic,  la 

relie  et  l'issue  de^  maladies^  ne  saurait  être  contestée,  etc. 

Sd,  j>our  terminer  celte  rapide  esquisse  des  conditions 

virales  favorables  ou  défavorables  aux  épidémies,  et,  par 

cor^^qQÇQj^  ^xiu  surcroît  momenianc  de  mortalité»  il  convient 

de   ^^<;uir  compte  de  ce  fait  essentiel  :  que  tous  les  êtres  faibles, 

chm^  %\k^  peti  robîîstes,  ou  violemment  attaqués  par  des  acci- 

dc»'^  ts  graves,  succombent  dans  le  premier  âge,  soit  par  défaut 

d^         soins  convenables,  soit  par  la  permanence  des  causes 

pa^l-^ogéniques  elles-mêmes;  et  que,  par  coni^équenl,  les  ëpidé- 

^^^^sqni  sévissent  ultérieurement  sur  une  population  dont 

tûi^^^tç^  éléments  robustes  ont  été  conservée,  trouvent  évideni- 

"^^^^3t  une  *rcsislance    plus  énergique   à   leurs  ravages,  et 

ilo»>  ïi^^t^  gu  jpaulres  termes,  une  morlaUté  en  apparence  bien 

^'  ^  ^     '      [uVIle  ne  le  sérail  chez  uit  peuple  plus  avancé  ^n 

r  - 

^™  An  point  tie  vue  des  soin.^  de  propreté  générale,  le  Mahomé- 

I  Û^Uiea  eu  l'avantage  sur  d'autres  religionjî,  celui  de  ne  point 

I  |>^Ôdier  le  mépris  de  la  matière, et  ainsi  do  ne  pas  faire  aban- 

I  i^Hmer  les  préraiilions  de  bonne  hvgiène  du  eorps  nécessitées 


—  230  — 


par  l'enlieticn  de  la  saïUé.  Le  Fropiiôte,  i  ce  sujet,  s'i 
résumé  dans  les  prescripUoas  suivantes  (1)  : 

«(  0  croyants  I  qoand  vous  vous  disposez  à  faire  la  prlèf 
)avez-voos  le  visage  et  les  mains  jusqu'au  coude;  essuyez-vous 
la  tête  et  les  pieds  jusqu'aux  (alons  :  purifiez-vous  après  la 
cohabitation  avec  vos  épouses;  mais  lorsque  vous  êtes  malarles 
ou  en  voyage,  lorsque  vous  aurez  satisfais  vos  besoins  naturels, 
et  lorsque  vous  aurez  eu  conïnierce  avec  une  femme,  si  vous 
trouvez  pas  d*eau»  frottez-vous  le  visage  et  les  mains  avec 
sable  fin  et  pur.  Dieu  ne  veut  vous  imposer  aucune  charge 
ruais  il  veut  vous  rendre,  plus  purs  et  mettre  le  comble  à 
bienfaits,  afin  que  vous  lui  soyez  i-econnaissants.  i^ 

t  Dieu  hait  la  malpropreté  et  le  désordre,  w  a  dit  le  savai 

commentateur  El  Syouti^ 

On  trouve  dans  presque  tous  les  auteurs  arabes  des  préce| 
tes  hygiéniques.  Ainsi,  le  Ketab  el  Adker  (livre  de  souveaii 

rd'£/  Merioumi  conseille  de  s'abstenir:  1**  de  brûler  des  pelu-^ 
res  d'ognon  ou  d'ail  ;  2**  de  dormir  sur  la  face  ;  3**  de  laiss^ 
dans  l'habitation  les  ordures  qu'on  a  balayées  ;  4**  dt  s'assea^ 
sous  l'arcado  d'une  porte,  soit  de  chambre,  soit  de  maisoaf 
S**  de  s'essuyer   la  figure  avec  ses  vêtements  ;  6**  d'urinfl 
étant  nu  ;  1°  de  laisser  la  vaisselle  sale  ;  8"  de  se  déshabille 
au  soleil  ou  à  la  lune.  Il  termine  ainsi  :  «  Celui  qui  contre 
viendrai  ce  qui  précède  héritera  le  malheur.  )> 

Lalûi  musulmane,  dit  un  de  nos  plus  spirituels  feuillet 
nistes  deTépoque,  élève  la  propreté  à  la  liauteur  d'une  vcrlu, 
et  longtemps,  en  Espagne,  les  gens  qui  usaient  fréquemmeH 
du  bain  furent  soupçonnés  d'hérésie  et  regardes  plutôt  mu 
den  Maures  que  comme  des  Chrétiens  (2). 


Ï3I  — 


D'après  h  \ùi  mnsulmanc,  celui  qui  nie  et  rejette  la  oéces- 
itlé  et  la  règle  des  ablniinns  et  d'autres  pratiques  purificaloi- 
5,  elc,  est  coupable  du  crime  d'infidélité...  Est  inacceptable 
tncme  le  témoignage  judiciaire  de  celui  qui  met  peudatt^ntioni 
|ou  d'importance  ou  de  soin,  à  ses  ablutions  ou  a  ses  lotions 
^nérales  ou  locales  en  cas  dlinpurctê,  etc....  (I).  ^ — Ainsi 
ionc,  le  principe  de  la  propreté  a  acquis  un  haut  degré  de  va- 
leur dans  les  mœurs  nuisulmanes  :  une  preuve  convaincante 
lu  scnipuleux  intérêt  que  lepeuple  y  apportait,  c^eslque  This- 
[>irc  nous  montre  les  Maliométans  refusant  de  prendre  Viinise 
[parce qu'ils  ny  auraient  pas  trouvé  Teau  nécessaire  à  leurs 
Ipurillcations.  Halheureusement,  le  peu  de  soins  que  donne 
luîounrbui  l'Arabe  algérien  à  la  propreté  du*  corps  autorise 
rbicn  de  dire  avec  le  poète  :  *(  Quantiim  mutatusabillo!  w  Abd- 
i  el-Rader,  qui  avait  rêvé  la  régénération  physique  et  morale  de 
{ses  corréljgjonoaircs,  comprit  parfailement  Timpérieuse  néces- 
iiédeles  ramener  à  TeTtécution  de  la  loi,  et,  dans  le  règlement 
loi^anisation  de  ses  réguliers,  il  avait  formulé  cet  ordre  : 
heKhùUrdja  el  Kebir  (soeréiaire  en  chef,  sorte  desergcnt- 
jor)  fera  battre  aiiv  fourriers  pour  les  rassembler  autounie 
|iit,  pour  leur  enscigi^r  à  faire  lablution  et  la  prière.  » 

L*Ambe  est  sale,  non  seulement  parce  qu'il  néglige  les  soins 
ï  propreté,  mais  encore  parce  qu'après  avoir  exécuté  les  pres- 
prîptfan:^  ablulionnelles,  il  continue  à  se  couvrir  de  vêtements 
légoiitants,  imprégnés  de  mauvaise  odeur  et  d'impuretés, 
fré(|uemmeni  garnis  de  vermine,  etc.  C'est  tout  le  contraire 
jetiez  d*aulres  peuples  civilisés,  dont  toute  la  propreté  consiste 
lans  une  mise  plus  ou  moins  soignée  qui  cache  un  corps  peu 
labîlué  au  contact  de  Feau. 

De  toutes  les  prescriptions  sî  sagement  formulées  gar  la 
législation,  nous  ne  croyons  devoir  nous  arrêter  ici  qu  a  œlles 

ftj  ^  Kh*Ut,  t.  V,  eh,  XXXIX.  p,  ii«.  «I  •"  p^fli*'.  *l»  \\r  *#«:i*oift^ 


—  an  - 

(le  la  propreté  ^u  géoérai;  It-s  aulros  irouveroot  leur  examen  ' 
à  propos  des  organes  particuliers  qu'elles  ci^ncerneat. 

Les  Musulman?  étant,  parles  habituJes  religieuses,  appelés 
d  des  réunions  publi'jues  fr&]uentes,  à  une  existence  en  corn* 
mun,  il  importait  do  prévenir  tous  les  incidents  qui  auraient 
pu  les  rendre  désagréables  eu  on  troubler  le  silence  imposant. 
On  ne  s'étonnera  tionc  pas  de  lire  dans  la  loi  quelques  dé- 
positions formelles  à  ce  sujet.  Ainsi,  la  loi  ordonne,  à  titre 
d'obligation  imitative,  une  lotion  générale  ^un  baio)  comme 
préparation  spéciale,  peu  de  temps  avant  d'aller  à  la  prière  {\). 
— Il  est  de  convenance  méritoire  de  vivitier  la  nuit  qui  précède 
chacune  des  deux  grandes  fêles  (celle  de  la  rupture  da  jeÛDe, 
celle  des  sacrifices  par  «les  pratii|ue5  pieuses,  de  foire  une 
lotion  générale  ou  prendre  un  bain,  do  s«^  parfumer,  dé  se^êlir 
d'habits  neufs  et  très  propres.  On  recommande  encore  d'an- 
tres soins  corporels,  rarrangeinenl  tie  la  barbe,  des  moasta- 
ches,  la  taille  des  ongles,  l'éj^ilalion  des  aisselles  (2).  La 
prière  d'obligation  divine  peut  se  faire  <lans  une  étable,  même 
dans  un  lieu  de  sépulture,  dans  un  lieu  où  l'on  jette  et  amasse 
le  fumier  et  les  balayures,  dans  un  lieu  où  l'on  égorge  les 
animaux,  ou  encore  sur  un  chemin,  po2irr?e  ^uedans  tous  ces 
lieux  on  soit  assuré  de  ne  rien  toucher  d'impur,  et  qite  pour 
prier  on  puisse  s'y  placer  sur  quelque  élévation,  sur  une 
grande  pierre,  un  banc  de  pierre,  etc.,  sur  lesquelles  les  matiè- 
res impures  n'arrivent  pas.  Si  l'on  n'est  pas  absolument  sûr 
d'avoir  évité  tout  contact  d'impuretés,  on  ne  recommence  la 
prièro,  disent  certains  juristes,  (jue  lorsque  l'on  a  parfaitement 
reconnu  et  vérifié  que  Ton  a  été  atteint  de  quelque  souillure  (3). 
Si  un  saignement  de  n(?z  survient  au  fidèle  avant  sa  prière 
et  quQ  le  sang  continue  à  couler,  le  fidèle  devra  la  différer  jus- 
Ci)  Si  Khtlil,  I.  F.  «h.  II.MTt.  î5,  jÇ  ^. 
(>.■  H-,  N.d.  17,  j).  j-4. 


—  233  — 

que  vers  la  fiD  du  temps  canonique,  puis  il  pri^a.  Si  le  sai* 
gnement  de  'ûex  survient  pendant  la  prière  et  que  le  fidàle 
pense  qu'il  continuera  jusqu'à  la  fin  ou  au-delà  de  la  prière» 
ce  fidèle  terminera  sa  prière,  mais  à  la  condition  expresse  qu'il 
n'y  ail  pas  à  craindre  que  le  sang  coule  en  assez  grande  abon- 
dance pour  salir  la  natte  ou  le  tapis  ou  l'aire  de  la  mosquée; 
et,  en  cet  état,  le  priant  indique  seulement  par  d^  mou« 
vements  ou  signes  leâ  inclinations  et  les  prosternations,  de 
peur  que  ces  salutations  et  prosternations  ne  lui  nuisent,  ne 
lui  causent  quelque  mal  ou  ne  lui  fassent  salir  ou  souiller  ses 
vêtements,  mais  non  de  peur  de  se  salir  quelque  partie  du 
corps;  car  les  vêtements  salis  par  le  sang  pourraient  se  dégra- 
der ensuite  au  nettoyage Si  le  fidèle  ne  pense  pas  que  le 

saignement  de  nez  continue  jusque  vers  la  fin  du  temps  cano* 
nique,  et  si  le  sang  ne  coule  qu'en  suintant,  il  l'essuie  avep  la 
main  gauche  en  le  roulant  entre  les  doigts.  Pour  cela  faire,  on 
introduit  un  des  doigts,  excepté  le  pouce,  dans  la  narine,  on 
le  tourne  et  retourne,  on  le  retire,  et,  à  l'aide  du  pouce, 
on  roule  et  sèche  le  sang  amené  ainsi  du  nez.  On  continue  de  la 
même  manière  successivement  avec  chacun  des  trois  derniers 
doigts.  Si  le  sang  recueilli  alors  par  les  doigts  vient  à  dépasser 
le  poids  d'une  drachme,  le  fidèle  interrompt  sa  prière  qui  est 
alors  invalidée,  de  même  que  dans  le  cas  où  une  quantité  de 
plus  d'une  drachme  de  sang  a  souillé  les  vctemens  ou  le  corps, 
ou  quand  il  y  a  à  craindre  qu'il  ne  salisse  le  sol  ou  la  natte 

de  la  mosquée La  voiniturilion  légère  {c.-a.-d.  un  renvoi 

nauséeux  qui  survient  malgré  le  fidèle),  et  aussi  la  pituite  en 
petite  quantité  et  dont  l'individu  ne  ravale  rien  exprès,  n'in- 
vdSident  pas  la  prière  (1  ] . 

Il  est  répréhensiblc  dans  une  mosquée  de  tiior,  par  exemple, 
ivne  i^uce  ou  une  punaise,  ou  un  pou,  ou  une  mouche,  ou  un 

(i)  .V/W»  KKetif,  1. 1,  rlij»]).  Il,  siii.  3,  I».  i.ij.  ,. 


—  234  — 

moucheron,  de  jeter  un  pou  vivant,  non  une  puce.  D'après  le 
Moudaouéneh\  il  est  permis  d'aller  jeter  le  pou  vivant  hors 
de  la  mosquée;  toutefois,  à  cet  égard,  il  y  a  discnssions  et 
conflits  :  les  uns  veulent  qu'il  soit  mieux  de  le  tuer,  car  étant 
jeté  vivant,  il  ira  s'attacher  à  un  autre  fidèle  et  le  tourmenter. 
Selon  d'autres,  il  se  transformera  en  scorpion  s'il  est  jeté  sur 

terre  friable  et  salée D'autres  prétendent  qu'il  vautmieqx 

tuer  le  pou  dans  la  mosquée,  mais  le  fidèle  doit  sortir  aussitôt, 
jeter  les  restes  de  l'insecte  et  se  purifier  convenablement  (4). 

Plusieurs  excuses  ou  motifs  de  dispense  permettent  de  ne 
pas  assister  à  la  solennité  du  vendredi,  et  aux  cinq  prières 
habituelles  en  assemblée  ;  ce  sont  :  l'abondance  d*une  boue 
presque  liquide  et  rendant  impraticables  les  chemins  et  les 
voies  publiques;  —  l'abondance  de  la  pluie  ;  —  la  lèpre  par- 
venue à  un  degré  de  développemont  avancé,  et  surtout  si  elle 
a  pour  les  yeux  et  Todorat  des  autres  quelque  chose  de  repou^ 
sant;  —  toute  maladie  qui  oblige  au  repos;  —  l'état  de  fai- 
blesse ou  de  langueur  ;  —  un  élat  de  maladie  voisin  de  la  mort 
et  autres  cas  graves;  —  un  repas  dans  lequel  on  a  mangé  de 
Fail  ou  toute  autre  nourriture  qui  laisse  à  l'individu  une 
odeur  désagréable,  comme  Poignon  et  le  poireau  crus;  —  un 
vent  d'orage  et  pluvieux  ou  humide  (2). 

Quiconque  fait  sa  prière  dans  la  dernière  limite  du  temps 
forcé  (moment  jusqu'auquel  on  peut  à  la  rigueur  retarder  de 
faire  la  prière  qui  n'a  pas  été  faile  pendant  la  durée  rigou- 
reusement canonique  qui  lui  a  été  assignée), est  répréhensible 
aux  yeux  de  la  loi,  à  moins  qu'il  n'ait  des  motifs  graves  ;  tels 
sont  :  une  syncope  prolongée;  —  une  folie  qui  ne  s'est  inter- 
rompue que  fort  tard  ;  —  la  suspension  retardée  des  menstrues 
ou  des  lochies;  —  excepté  l'ivresse  (3).  —  Il  est  d'obligation 

(i)  Sidi  Kfitfit,  l.  I,  cbap.  II,  grcf.  la",  p.  jo;. 
(»)         iHtm.  9ICI.  i5«,  p.  2fi5. 

(i)         lilem.  MCI.  i'",  p.  01. 


V  —  235  — 

canonique  d*être  debout  pour  différentes  pratiques  dans  la 
prière  de  préccplc  divin,  à  moins  que  Ton  ait  à  craindre  quel- 
ques inconvénients  comme  un  élourdisscment,  un  évanouisse- 
ment, laugmenlation  d'une  maladie,  de  sofuffranccs,  etc. ;  de 
inêmesile  fidèle  a  à  craindre  qu'étant  debout,  il  ne  lui  échappe, 
par  exemple,  un  vent  (<),  Le  commentateur  Sidi  Syouti  a 
dît  :  «Lorsqu'un  de  vous  éternue,  qu'il  pose  les  deux  mains 
sur  son  visage,  et  qu'il  étouffe  sa  voix.  » 

Il  est  recommandé  de  cracher  sous  les  nattes,  dans  la  mos- 
quée comme  dans  les  habitations  :  si  la  matière  expectorée 
doit  rester  visible,  parce  que  le  sol  est  dépourvu  de  natte,  tapis, 
etc., ou  de  sable,  de  poussière,  leMusulman  doit  la  cacher  aux 
regards  en  la  couvrant  du  pied. 

Quant  aux  ablutions,  si  nécessaires  pour  combattre  avanta- 
geusement l'engourdissement  général  facilement  déterminé 
par  la  hante  température  du  climat,  pour  dégager  aussi  la 
surface  cutanée  de  toutes  les  impuretés  qu'occasionnent  les 
fonctions  actives  de  lapcau,  les  vents  chargés  de  poussière,  etc., 
voici  comment  elles  sont  recommandées  par  la  législation 
musulmane  (2)  : 

Les  souillures  matérielles  et  impuretés  s'enlèvent  au  rtioyen 
de  Teaunon  adultérée,  eau  pure  ordinaire  (soit  de  mer,  soit 
provenant  de  la  rosée,  glace,  grêle,  neige,  etc.,  soit  minérale 
etc.).  —  Suivent  des  tlétails  sur  les  substances  qui  peuvent 
altérer  la  pureté  de  l'eau  et  la  rendre  impropre  aux  ablutions  ; 
puis  de  nombreuses  considérations  sur  la  propreté  pour  toutes 
les  espèces  de  souillures  du  corps  et  des  vêtements,  dans  toutes 
les  positions  de  la  vie,  en  état  de  maladie,  etc.  On  s'étonne 
réellement  qu'avec  tant  d'éléments  de  propreté  officielle,  les 
Indigènes  soient  si  sales  I  —  A  défaut  d'eau,  la  madéfaction  et 

(i)  Sidi  Khelil,  t.  I.  ch.  II.  «cet.  7,  p.  13;. 
(2)         Idciu.       cliap.  I  ùu  premier  tnine. 


—  236  — 

la  purification  pvlférale  sont  admises.  La  seclion  quatrième 
de  ce  chapitre  concerne  la  pratique  des  ablutions.  Les  détails 
rigoureusement  obligatoires  et  de  précepte  divin,  y  est-4l  dît, 
sont  les  suivants  :  1^  Se  laver  la  £ace  depuis  une  oreille  a 
l'autre  jusqu'à  l'origine  des  cheveux;  puis  le  menton,  la  sur- 
face de  la  barbe  et  ses  poils  jusqu'à  l'épiderme;  ensuite  la 
cloison  du  nez,  les  plis  du  front,  reiîérieurdes  lèvres.  Il  n'est 
point  obligatoire  de  faire  arriver  l'eau  au  fond  d*un  creui 
résultant  de  la  guérison  d'une  plaie  profonde,  ou  aux  cavités 
naturelles  de  la  face  [fosses  nasales,  conduits  auriculaires]  ; 
—  Pourquoi  donc?  —  2^  se  laver  les  mains  (ou  les  moignons] 
jusqu'au  coude;  se  frotter  entr'eux  les  doigts  préalablement 
débarassés  de  tout  objet;  3^  passer  les  mains  mouillées  (madé- 
faction)  depuis  le  haut  du  crâne,  sur  les  tempes,  sans  qu'il 
soit  besoin  de  défaire  les  nattes  des  cheveux,  sous  lesquelles  on 
passe  seulement  la  main  humectée.  —  Pourquoi  encore  cette 
demi  propreté? — 4**  se  laver  les  deux  pieds  jusqu'aux  cbcrilles 
et  se  frotter  les  doigts  et  leurs  intervalles  avec  les  mains.  On 
n'est  pas  d'accord  s'il  faut  recommencer  l'ablution  de  Ja  ftce 
quand  on  s'est  rasé  le  crâne  ou  la  figure;  o*^  passer  les  mains 
en  frottant  sur  les  parties  ablulionnécs;  6®  pour  quelques 
juristes,  la  succession  non  interrompue  de  ces  opérations 
lustrales  est  d'obligation  canonique;  pour  d'autres,  d'obliga- 
tion simplement  imilativo.  Elles  doivent  toujours  être  faites 
assez  vite  pour  que  le  dernier  organe  lavé  ne  se  sèche  pas. 

Les  circonstances  d'obligation  iinilalive,  pour  une  ablution 
entière  et  parfaite,  sont  :  P  se  laver  les  mains  jusqu^à 
trois  repi'ises  consécutives  ;  2**  se  rincer  la  boudic  et  se  gai^- 
riser  le  plus  loin  possible,  et  trois  fois  de  suite  ;  3*  aspirer  de 
l'eau  dans  le  nez  par  trois  fois  consécutives  et  le  plus  profon- 
dément possible  ;  4^  expulser  du  nez,  par  une  forte  expiration 
et  en  pinçant  le  nez  avec  le  pouce  et  l'index  droit,  tout  ce  qui 
aélé  aspiré  de  liquide;  5"  passerla  main  mouillée  sur  la  face 


—  237  -- 

de  chaque  oreille,  ea  changeant  d'eau  '^ur  chaque  oreille  ; 
6^  répéter  la  madéfaction  de  la  tête,  surtout  si  les  cheveux  ne 
sont  poinfrasés. 

Il  est  bon  et  méritoire  1^  d'employer  le  moins  d'eau  possi-* 
ble,  afin  d^éviter  les  éclaboussures  ;  2^  de  se  nettoyer  les  det^ts 
et  la  bouche  avec  le  miçouaq  (cure-dent)  avant  de  se  gai;gt- 
riser;  à  défaut  de  mï^ouagr^  de  se  servir  d'un  doigt.  Il  n'est 
point  d'obligation  de  passer  avec  la  main  de  l'eau  sur  le  cou  ; 
d'essuyer  avec  un  linge,  pour  les  sécher,  les  organes  quis  l'oa 
vient  d'abluer  (la  rareté  du  linge  peut  expliquer  cette  derni^ 
faculté,  mais  la  première  De  se  comprend  guère).  —  Il  est  da 
convenance  et  selon  l'esprit  de  la  religion  que  le  Musulman, 
pour  satisfaire  à  ses  besoins  naturels,  se  tienne  accroupi,  ne 
fût-ce  que  pour  uriner  :  le  Prophète  n'urina  debout  qu'une 
fois  dans  sa  vie.  On  doit  se  laver  les  pudenda,  la  verge  et  l'anus 
avec  la  main  gaache  préalablement  remplie  d'eau,  puis  ensuite 
essuyée  contre  quelque  substance  sèche  (terre,  sable).  L'eau 
est  spécialement  indiquée  et  indispensable  pour  se  purifier 
défi^stes  de  sperme,  de  menstrues,  de  lochies,  des  restes  de 
rurinc  chez  la  femme,  des  matières  urinales  ou  fécales  qui  se 
sont  répandues  en  plus  grande  abondance  que  d'habitude^ 
pour  se  purifier  de  la  liqueur  limpide  qui  s'échappe  de  la 
vei^e  dans  les  moments  de  préoccupation  ou,  d'obsessions  ou 
d'excitation  erotique  sans  éjàculalion. 

II  est  de  convenance  religieuse,  avant  la  prièreT  de  se  layçr 
et  rincer  la  bouehe  lorsqu'on  a  mangé  de  la  viande  ou  bu  du 
-lait,  afin  d'enlever  les  restes  de  graisse  ou  de  viande  ou  de 
lait  qui  demeurent  attachés  à  l'intérieur  des  joues,  sur  les 
gencives,  aux  dents,  etc.  Il  est  d'obligation  canonique  de  laver 
l'extérieur  du  corps  en  entier  après  une  effusion  voluptueuse 
de  sperme,  et  pour  l'individu  pubère  qui  a  eu  des  rapports 
charnels  avec  une  femme.  La  lotion  ou  l'ablution  n'est  pas 
nécessaire  pour  la  femme,  lorsque  dans  k  cohabitation  le 


—  338  — 

liquide  séminal  a  entièrement  pénétré  dans  l'utérus.  Il  faut, 
pour  qu'elle  soit  obligée  à  la  lotion,  que  le  liquide  viril  s'é- 
chappe des  parties  sexuelles  de  la  femme.  La  lotion  est  d'obli- 
gation après  la  cessation  des  menstrues,  des  lochies  sangui- 
nolentes qui  précèdent  et  suivent  l'accouchement. 

Les  choses  d'obligation  imitative  dans  la  lotion,  sont  :  4®  Se 
laver  les  mains  avant  toute  chose;  2*  se  laver  avec  le  doigt  les 
conduits  auditifs  ;  3^  se  rincer  la  bouche  ;  i®  aspirer  de  l'eau 
dans  le  nez.  Ensuite,  il  est  de  convenance  religieuse  :  4^  de 
faire  disparaître  les  souillures  des  parties  génitales;  2**  de 
laver  une  fois  toutes  les  parties  du  corps  que  la  loi  ordonne     j 
d'ablutionner  ;  3°  de  laver  les  premières  les  parties  antérieures     I 
et  supérieures  des  membres  et  du  corps,  en  commençant  par 
le  cote  droit  ;  4°  de  laver  trois  fois  la  tête;  5**  de  laver  lesp&r- 
ties  génitales  pour  l'homme  et  la  femme  atteints  de  souillure^ 
spermaliques,  lorsqu'ils  veulent  de  nouveau  copuler  ;  6'  ^^^ 
s'abluer  avant  de  se  livrer  au  sommeil,  soit  pendant  le  joi»^  ^^ 
soit  durant  la  nuit. 

Le  fidèle  ne  doit  mettre  les  chaussures,  sur  lesquelles  il        * 
propose  défaire  plus  tard  la  madéfaction,  qu'après  unepni^^' 
fication  au  moyen  de  l'eau.  La  madéfaction  (tTie^Aa)  est  u^^^ 
concession  de  bienveillance  de  la  part*  de  la  loi  pour  les  c-*J^ 
constances  gênantes.  La  loi  désapprouve  celui  qui,  dans     A 
madéfaction,  suivrait  et  humecterait  tous  les  plis  de  la  chaii^* 
sure,  car  il  amènerait  promptement  la  dégradation  de  GAto 
cliaussura. 

La  lustratioi  pulvérale  [ieiemmoum)  concerne  le  malade,  ; 
lorsqu'on  craint  que  l'usage  de  l'eau  pour  la  purification  ne 
cause  quelque  mal,  n'aggrave  une  maladie  ou  n'en  retarde  la 
guérison  ;  lorsqu'on  a  à  craindre  la  soif  pour  soi-même,  pour 
les  compagnons  de  voyage  ou  pour  les  animaux  d'usage 
permis.  On  doit  se  servir,  pour  pratiquer  cette  lustration,- de 


matière  terreuse  prise  i  la  sarfaco  du  sol,  sans  impuretti  ni 

i*îl  va  danger  ou  imprudence  à  laver  une  blesstire,  lonle 
pa^rlk  malade  ou  souffrante,  on  pratique  Ja  madeïaction  en 
p2i.ssaot  la  main  humectée  d*eau  sur  Tendroit  malade.  Si  cette 
Qt^i^tléfaction  immédiate  peut  avoir  des  inconvénients,  on  la 
f£m.\lsur  des  attelles  que  Ion  place  sur  l'endroit  malade  ;  et  si 
erkcoreofl  a  à  se  mellre  en  garde  contre  rhumidité  que  dépo- 
^r^û  la  main,  on  pratique  la  madéfaction  par-dessus  des  bandes 
Ving«  recouvrant  les  attelles.  On  opère  aussi  la  madéfaction 
•IVndroitoîi  a  été  faite  une  saignée,  sur  le  morceau  de 
sicule  biliaire  que  l'on  applique  sur  un  ongle  blessé,  sur  le 
^aginenl  de  papier  que  l'on  se  pose  aux  tempes  en  cas  do 
^'^grAuic  ou  d'application  de  ventouses  scarifiées,  sur  des 
^  ^telles  à  l'état  inipur  qui  se  sont  déplacées,  et  sur  les  bandes 
Jl'ii  se  sont  détachées  et  éloignées  les  unes  des  au  très.  Le  fidèle 
est  oI»ligé  qu'à  la  lustralion  pulvérale  lorsqu'il  n'a  qu'une 
^^  minime  partie  du  corps  eîtempte  de  douleurs  ou  de  plaies, 
est  impossible  de  loucher  les  plaies  ou  blessures  ou  par- 
^^^  soufflantes,  et  qu'elles  occupent  les  organes  sur  lesquels 
accomplit  la  lustration  pulvérale,  on  laisse  ces  organes  sans 
y  'uire  nt  madéfaction  ni  lavage.  On  fait  la  lustration  pulvérale 
*i^ae  les  blessures  ou  plaies  occupent  la  plus  grande  partie 
^  organes  que  l'on  doit  purifier  ;  ou  bien  on  fait  le  lavage  à 
^^u  sur  les  parties  saines  et  la  lustration  pulvérale  sur  les 
Parties  œalades. 


Après  le  coït,   Tablution  obligatoire  s'appelle  djenaba; 

P*ïe  après  les  menstrues,  hnïda.  A  Ain-Madhi^  «  les  femmes 

*^   font  pas  l'ablution  appelée  djenalm,  ni  celle  connue  sous 

^  ïiom  iVhaïda,  non  plus  que  l'aldulion  qui  est  de  rigueur 

^^^h  renfantement.  Comnic  je  les  en  réprimandais,  ils  (les 


—  S4«  — 


habitarUs]  s'excusèrent  en  disant  que  qù$  ablulions  donnaient 
de^  coliques k  leurs  feoimes  {\].  » 

L'ablution  des  parties   génitales   après  avoir   urine   est 
ùtibra;  celle  de  l'anus  se  dit  istedjemer. 

u  La  purification  du  corps  des  Maures  nomades  de  l'Afrique 
transatlantique,  écrit  RalTcnel,  a  Heu  au  moyen  do  frottement 
de  quelques  poignées  de  sable  (à  défaut  d'eau]  ou  plulôl 
d*un  simulacre  de  frottement.  Or,  Ion  ctmcoit,  quand  on  n' 
point  marabout  du  dé$ert  toutefois,  que  si  la  lettre  du  Kora; 
est  satisfaite,  la  pensée?  délcrminanle  du  Prophète  ne  VbôI  p; 
do  tout,  et  que  le  corps  du  croyant  est  parfaitement  impui 
lorsqu'il  adresse  sa  prière  au  Dieu  clément  et  miséricordievi 
J*ai  vu  des  Maures  âgés  qui  ne  ^étaient  jamais  lams,  et  la 
force  de  rhabilude  et  la  servile  obéissance  à  une  routine  so 
chez  eux  tellement  puissantes  qu'ils  continuent,  jtisque  s 
les  bords  du  fleuve,  à  donner  celte  bizarre  interprétation 
l'une  des  pratiques  les  plus  utiles  de  leur  religion.  Us  so! 
oonstamment  couverts  de  vermine,  et  ils  s'y  sont  tellemeni 
accûulomus  qu'ils  ne  paraissent  pas  s'en  apercevoir  (2).  » 

Fratiquées  en  général  dans  l'Orient  et  dans  quelques  pa; 
du  Nordj  prescrites  par  Moïse  aux  Hébreux,  consacrées  pa: 
Jésus-Christ  dans  le  Baptême  comme  signe  de  purification 
corporelle  et  spirituelle  ,  exécutées  généralement  au  rooven  de 
Teau  (les  Indiens  emploient,  dit-on,  l'urjuc  de  vache),  les 
ablutions,  scrupuleusemenJ  mises  en  usage,  ont  le  précieux 
avantage  de  diminuer  le  nombre  des  maladies  cutanéa^  &i 
fréquentes  dans  les  pays  chauds.  L'on  sait  aussi  que  les 
Croisés,  ayant  négligé  les  soins  de  propreté  en  PalestinCi 
ramenèrent  en  Europe  tes  germes  d'une  alleclion  épidémi 
que  l'on  dit  être  la  peste. 


.1 


*      —  244  — 

L'imprudente  insouciance  des  Indigènes  et  quelquefois  les 
nécessités  et  commodités  de  la  vie,  se  révèlent  dans  le  mau- 
vais emplacement  qu'ils  choisissent  pour  l'assiette  des  habi^ 
tatioDfi.  Le  Nomade,  le  Tellien  établissent  leurs  tentes  dans  les 
plaines  humides,  ordinairement  à  proximité  d'un  cours  d'eau, 
parfois  à  peu  de  distance  de  la  mer.  Les  pâturages,  les  récoltes 
décident  surtout  de  cet  emplacement,  quel  qu'en  puisse  être 
l*iDsalubrilé.  — -  Les  gourbis  kabyles  apparaissent  comme 
pendus  aux  flancs  des  montagnes,  au  voisinage  de  quelque 
source  ;  mais  il  importe  peu  aux  habitants  qu'ils  soient  placés 
dans  le  bas-fond  d'une  gorge,  dans  le  courant  de  vents  humi- 
des ou  au  sommet  des  monticules  élevés.  —  La  demeure  en 
terre  du. Saharaoui  souiïre  moins  de  tous  ces  inconvénients, 
parce  que  le  terrain  sur  lequel  on  Ta  construite  est  plus  sec  et 
sablonneux. 

En  général,  aucune  précaution  pour  l'orientation  :  la  tente 
seule  a  l'avantage  de  s'ouvrir  dans  la  journée  du  côté  oii  le 
soleil  en  visite  les  diverses  faces.  La  disposition  des  demeures 
Ijl^use  toujours  peu  de  régularité  :  les  douairs  arabes  se  com- 
posent d*un  certain  nombre  de  tentes  disposées  d'habitude  en 
cercle.  Quelques  deaheras  kahy\e5  offrent  une  ou  deux  artères 
principales  et  droites  de  circulation.  Quant  aux  oasiSf  les  murs 
en  terre  qui  séparent  les  vergers  et  jardins  de  chaque  proprié- 
taire donnent  naissance  obligée  à  des  rues  plus  ou  moins 
tortueuses,  mais  dont  l'influence  sur  la  propreté  générale  et 
la  salubrité  est  incontestablement  avantageuse.  Le  Tellien 
apprécie  peu  l'avantage  des  plantations  publiques  au  sein  ou 
aux  environs  des  habitations;  la  mobilité  de  son  existence  en 
est  probablement  le  principal  motif.  Dans  les  villages  arabes 
et  les  oasis,  la  casbah  (forteresse),  la  zaouïa  (mosquée)  domi- 
nent seules  les  autres  habitations;  de  là  une  grande  facilité  du 
renouvellement  de  l'air.  Parlerons-nous  des  rues,  des  villes 
mauresques?  Transformées,  par  la  crainte  des  tremblements 


m 


de  iertè  et  par  le  besoi©  de  la  fraîcheur,  eti  passages  étroitSt 
àiimiiks,  infects,  jrréguliers,  rendus  obscurs  par  suite  ileF^ 
vancemeDt  de  Tctagc  supérieur  des  maisons  ainsi  presque 
;cûuligui's  de'face  el  soutenues  en  vis-à-vis  par  des  baloixs  mul 
i  elles  offrenl  les  plus  grandes  condiLions  d^insalubritd 
n  sait  qu'à  l'occupation  deMédéaÎj,  les  soldats  ignoranl  Vu-'^ 
sage  de  ces  traverses,  les  cuiipèrenl  pour  les  iniliser  au  chauf- 
fage :  peu  à  peu  un  granil  nombre  de  maisons^  privées  de  leurs 
appuis,  se  lézardèrent, 

€  La  zone  brùlanle  sous  laqiu^lle  Tf  damés  est  située,  la 
nécessité  de  se  garantir  et  des  vents  du  désert  et  des  rayonn 
incandescents  du  soleil,  expli<iucnt  le  caractère  particulier 
des  constructions  qui  distingue  cette  ville.  Les  Uiaisoûs,  cou- 
vertes eu  terrasses,  sont  toutes  réunies  à  leur  sommet,  et 
brment  ainsi  une  voûte  continue  à  travers  laquelle,  de  dis- 

nce  en  distance,  sont  ménagées  des  ouvertures  pour  donner 
^ée  l'air  et  de  la  lumière  aux  rues  intérieures;  ces  rues  ne  sont 
que  de  véritables  corridors  où  ne  pénètre  jamais  lo  soleil  (<).» 

Nos  Indigènes  devraient  savoir  qu'à  Tripoli  deBarbaffl^ 
es  Musulmans  ont  des  rues  moins  sombres  et  plus  larges, 
el  pour  la  plupart  ornées  d*arcades  qui,  tout  en  préservant 
des  intempéries   atmospliériques ,    permeflent    aux  rayons 
solaires  d'approcher  des  rez-de-chaussée- 

Le  peu  de  régiilarilé  dans  la  disposition  des  maisons  iodi- 
nés  ne  nécessite  guère  la  réserve  d'un  emplacement  commun, 
désigné  so!ïs  le  nom  de  place  publique  ;  on  nVn  trouve  que 
dans  les  oasis  et  dans  les  localités  oii  la  présence  d'une  mos- 
quée exige  plus  de  liberté  pour  la  circulation  et  la  réunion 
dos  fidèles. 

La  propreté  des  voies  publiques  de  relations  esl  une  chose 


Q)  JCit  iiAtf»  Jv^ffi'M^^tf  1^  |éûér«l  DàvuAt,  p.  169. 


—  243  — 


1  ncoQnue  chez  les  arabes.  Ici,  cloaijues  mfecls;  là,  énormes 

^tiias  de  boues  ;  plus  loin,  contre  ce»  maisons^  tas  de  fumiers, 

cr^^tix  crou pissantes,  dépots  d^imniondiccs;  par  là,  sol  défoncé, 

m  stfgal,  chemins  vicinaux  (les  seuls  qui  existent)  abandonnés 

^ft.ux  pluies,  aux  débordements  de  rivières,  elc  ;  absence  de 

mii^eaux,  de  ponls,  de  rigoles  desiinées  à  récouleraent  d'eaux 

■Quliles  et  souvent  insalubres,  telles  sont  les  conditions  cons- 

Qlesdes  voies  publiques.  Inutile  d'en  apprécier  les  funestes 

'na'(|uences,  en  n'omettant  cependant  point  de  tenir  compte 

--^  la  TÎe  en  plein  air  qui  caractérise  la  population  dont  nous 

figeons  ici  les  coutumes. 

Pourquoi  Tauloritê  n'obligerai  Kdle  point  les  chefs  indigènes 
feiller  sur  la  salubrité  et  la  propreté  des  urlères  de  circnla- 
lon,  et  n'apprendrail-elle  pas  aux  Arabes  à  utiliser  les  boues 
litre  d'engrais,  comme  l'a  proposé  dès  1832  M.  Chevallier? 
La  légfslaîion  musulmane  est,  du  reste,  entrée  dans  certains 
^fétai/s  Je  salubrité  [mbiique  dont  l'autorité  pourrait  s'élayer 
avantageusement,  quoiqu'ils  ne  soient  pas  liabiluellenient 
^ïbservés  par  les  Arabes,  Ainsi,  à  propos  des  servitudes  publi- 
ques et  particulièreti,    le   commentateur  Si  Khclil  indique 
Jes  dispositions  légales  suivantes  :jOn  coulraindra  (par  voie 
^  'udiciaire]  le  propriétaire  du  bas  de  tenir  libres  les  fosses  et 
"voies  par  m  le  propriélaire  du  haut  jette  ses  ordures  et  eaux 
inéoagères,  —  L'autorité  ordonnera  de  détruire  toutes  cons- 
^mclions  qui  s<:*raienl  élevées  sur  une  voie  publique,  quand 
même  elles  ne  nuiraient  à  personne,  car  il  s'agit  alors  d'ardre 
JuWic  et  d'intérêt  général.  —  La  loi  prescrite  celui  qui  établit 
uae  maison  de  bains,  par  exemple,  ou  un  four,  etc.,  de  disposer 
les  constructions  do  manière  à  détourner  et  diriger  convena- 
blement la  fumée,  afin  qu  elle  ne  cause  ni  dommage  ni  g^ne  à 
personne;  à  celui  qui  établit  un  tannerie  (ou  une  corroirie) 
de  combiner  ses  dispositions  de  faron  à  détourner  les  mauvaises 
<Hlears  ;  de  jnême  pour  rétablissement  d^g s  mairies,  abaUoUs»^ 


\ 


A 


—  244 


Iriperi»,  froDiageries,  elc.  ;  car  les  émanations  putrides  irri- 
tenl  les  organes  respiratoires,  pénétrent  jusqu'aux  entrailles^ 
et  caus4:rit  â*:s  maladies.  Les  fumées  proprement  dites  répii- 
gneoi  à  l'oil<»rat  gèn*  ni  la  respiration,  etc.  —  li  est  inlerdif 
à  tout  indi\î'Ju  de  secouer  les  nattes  ou  tapis  à  la  porte  de  sa 
propre  maison,  car  la  poussière  vient  s  attacher  el  nuira  aax 
passants;  de  disposer  une  écurie  nourelle  on  une  étable  défaut 
ou  contre  la  porte  d'un  autre  individu  ;  l'urine  des  aoimaQX, 
leur  fumier,  leurs  mouvements,  sont  des  causes  permanentes 
de  mauvaises  odeurs,  etc.  On  peut  tégalcmeut  arrêter  ou  faire 
abattre  une  construction,  un  mur  qui  s'élève  assez  haut  pour 
intercepter  à  la  demeure  du  voisin  la  lumière,  le  soleil  et  la 
vent.  —  Une  voie  est  considérée  comme  rue  lorsqu'elle  a  sept 
coudées  de  large.  Si  la  voie  n*est  pas  livrée  a  la  cirenlation 
publique,  une  nouvelle  porte  ne  peut  s'y  ouvrir  que  du  consen- 
tement de  tous  les  voisins,  sans  exception.  —  Où  peut  légale- 
ment empêcher  un  individu  de  construire  une  raûchent  série 
de  saillie  en  forme  de  cage  à  grillage  serré,  fesant  office  de 
fenêtre  avancée  en  guise  de  petit  balcon  sur  la  rue.  La  raûcàem 
doit  être  placée  assez  haut  pour  ne  pas  gêner  la  circulation  sur 
la  voie  publique,  ni  le  passage  des  individus  à  monture  ;  etCw, 
etc.  (1). 


Les  édifices  ou  habitations  publiques  ne  comprenhentguère, 
chez  les.  Arabes,  que  les  mosquées,  les  bains,  les  cafés,  les 
caravansérails,  les  bazars. — Les  mosquées  sont  généralement 
trop  petites,  à  part  celles  de  quelques  villes  mauresques  elles 
constructions  faites  par  l'autorité  française.  L'église  arabe, 


(•)  T.  IV,  duip.  XXI,  p.  194  ctsair. 


—  245  — 

dans  les  campagnes,  participi^  à  tous  les  ioconvénienU  de  la 
demeure  indigène.  Bâtie  en  terre,  peu  élevée,  humide  el 
infecte  à  cause  de  Tétroitesse  des  ouvertures  qui  laissent 
passer  trop  peu  d*air  et  de  rayons  solaires,  elle  n'est  jamais 
assez  isolée  des  habitations  environnante^;  et,  autre  danger, 
aile  sert  de  lieu  de  sépulture  pour  les  grands  marabouts 
(analogues  à  nos  saints,  u  nos  évoques).  L'éclairage,  à  l'aide 
d'une  huile  d'olives  mal  épurée  ou  souvent. mal  exprimée  des 
fruits  du  pistachier  lentisque  [darou),  toujours  contenue  dans 
des  lampes  en  terre  grossières  et  malpropres,  y  répand  une 
odeur  des  plus  infectes. 

Les  Arabes,  ignorant  en  général  la  natation,  usent  peu  des 
bains  de  rivières,  d'eau  courante,  si  ce  n'est  pour  se  nettoyer 
les  extrémités  seulement  :  ils  se  plongent  volontiers  dans  le» 
eaux  minérales.  Leur  prédilection  est  très  prononcée  pour  le 
bain  de  vapeur.  Les  établissements  publics  destinés  à  cet 
usage  sont  fort  nombreux.  Rarement  des  particuliers  en  pos- 
sèdent chez  eux.  Ce  système  d'étuves, —  importées  de  TOrient 
cbe^nous  à  la  suite  des  croisades,  et  tellement  multipliées 
jusqu'au  XVI*  siècle  qu'elles  existaient  dans  tous  les  couvents 
à  l'usage  des  habitants,  —  constitue  les  bains  maures.  Com- 
posés en  général  de  deux  pièces,  l'étuvc  et  Tendroit  de  repos, 
ilsêxhalent  d'ordinaire  une  affreuse  odeur,  à  cause  du  peu 
d'écoulement  donné  aux  eaux  de  lavages  qui  stagnent  et 
croupissent.  La  masse  d*air  gazeux,  altérée  déjà  par  les  pro-. 
duîts  de  la  respiration  et  de  la  transpiration  des  baigneurs 
souvent  nombreux,  n'est  pas  renouvelée,  faute  d'un  mécanisme 
convenable  de  soupapes  ;  la  nuit,  les  émanalions  fétides  des 
lampes,  chargées  d'une  huile  très  impure,  y  ajoutent  leur 
contingent  de  puanteur. 

^  Il  serait  bien  à  désirer  que  Tautorité  exigeât  la  construction 
de  piscines,  pour  les  ablutions  religieuses,  dans  tous  les 
clablissemenls  et  lieux  publics,  marchés,  cafés,  fondouks, 


^- 


—  246  — 

mosquées,  écoles,  etc.  Outre  que  la  distribulion  régulière  des 
eaux  assainirait  ces  divers  points  de  réunion,  cette  création 
deviendrait  un  moyen  d'influence  morale  incontestable  ani 
yeux  des  Indigènes,  qui  y  trouveraient  la  preuve  de  notre 
tolérance  religieuse  la  plus  complète. 

Dans  les  cafés  constamment  obscurcis  par  la  fumée  de  tabac, 
l'air  est  d'autant  plus  altéré  par  la  présence  prolongée  des 
amateurs,  que. le  foyer  de  confection  de  la  boisson  occupe  le 
fond  de  la  salle  généralement  dépourvue  de  tout  moyen  de 
ventilation  et  de  cheminée.  De  là  son  peu  de  clarté  intérieure 
et  sa  permanente  malpropreté.  El  que  dire  des  fondouks,  des 
caravansérails  arabes,  où  hébergent  hommes  et  bêtes I  vastes 
écuries,  mal  tenues,  jamais  balayées,  jamais  débarassées  des 
matières  animales,  etc.  1 


L'indiiïérence  générale  des  Musulmans  de  T Algérie  pour 
tout  ce  qui  tient  aux  inlcréls  généraux  et  particuliers  de  la 
salubrité,  peut  paraître  bien  étrange  àcelui  qui,  en  parcourant 
le  pays  arabe  du  nord  au  sud  et  de  Test  à  l'ouest,  retrouve  a 
chaque  pas  des  ruines  antiques,  des  débris  de  constructions, 
d*aqueducs,  de  thermes,  etc.,  qui  accusent  tout  Je  soin  que 
prirent  jadis  les  dominateurs  du  sol  pour  multiplier  le  plus 
possible  les  quantités  d'eau  d'approvisionnement  à  divers 
usages.  L'eau,  en  effet,  est  un  liquide  de  première  importance 
dans  un  climat  chaud,  surtout  pour  un  peuple  auquel  la  re- 
ligion défend  le  vin  et  les  boissons  fermentées,  et  ordonne  de 
fréquentes  ablutions.  Probablement,  les  Arabes  auraient  mis 
enpratiqucrenseigncineptqueleur  donnaient  tout  ces  vestiges 
grandioses,  toutes  ces  ruines  rospoclcos  par  tant  de  siècles,'  si 


—  247  — 

le  despotisme  capricieux  de  Tautorité  gouvernementale  ne  les 
a¥aîU  jusqu'en.  4830,  éloignés  de  toute  culture  des  arts  les 
plus  utiles.  Est-ce  à  dire  cependant  que,  si  la  distribution  ré- 
gulière et  suffisante  des  eaux  se  trouve  très  négligée  chez  les 
Indigènes,  ces  derniers  ne  s'occupent  en  aucune  façon  de  leur 
quantité  dont  ils  ont  besoin  ?  Non,  certes  :  dans  ces  plaines 
verdoyantes  et  malheureusement  trop  fréquemment  maréca- 
geuses, vous  trouverez  un  arbre,  d'habitude  un  olivier  ou  un 
tremble,  abritant  une  eau  de  source.  C'est  renseigne  publique 
qui  appelle  le  voyageur  à  venir  se  désaltérer  au  passage.  Mal- 
heureusement ces  sources,  d'un  liquide  si  limpide,  ne  sont  pas 
soumises  à  une  surveillance  qui  en  protège  les  abords;  et  les 
cavaliers,  les  bergers  en  altèrent  constamment  la  propreté,  la 
salubrité,  en  y  laissant  les  animaux  boire  en  troupeaux,  y 
mêler  leurs  déjections,  et  transformer  le  terrain  d'approche 
en  cloaques  infects.  Ensuite,  beaucoup  de  ces  sources  vont  se 
perdre  dans  des  bas-fonds,  et  laissent  à  nu,  par  l'évaporation, 
beaucoup  de  détritus  végétaux  et  animaux. 

D'autres  villages,  mieux  partagés,  ont  quelquefois  des  puits 
creusés  par  les  anciens  dominateurs  du  pays.  Les  bordj  (forts) 
en  sont  presque  toujours  pourvus.  Mais,  comme  dans  les 
sources  dont  nous  venons  de  parler,  l'eau  est  sale,  saumâtre, 
rendue  insalubre  par  la  présence  d'une  masse  de  détritus  orga: 
niques.  «  Je  n'ai  connaissance,  dit  M.  Renou,  que  d'un  très 
petit  nombre  d'essais  qui  aient  été  faits  pour  avoir  de  l'eau 
par  les  puits,  mais  je  suis  convaincu  qu'on  en  trouverait  sans 
difficulté,  à  de  faibles  profondeurs,  dans  toutes  les  parties  de 
l'Algérie.  Quand  on  considère  la  situation  de  toutes  ces 
plaines  qui,  malgré  leur  hauteur  au-dessus  de  la  mer,  ne  sont 
que  des  bassins  entourés  de  montagnes,  et  qu'on  voit  la  quan- 
tité de  ruisseaux  qui  s'y  perdent,  on  demeure  convaincu  qu'il 
serait  impossible  d'y  creuser  un  puits  sans  trouver  de  l'eau.  » 
Les  Indigènes  ne  s'en  doutent  probablement  pas,  ou  bien  leur 


—  248  — 

coupable  paresse  éclate  encore  ici  dans  tout  son  jour.  A  Cens* 
tantine,  «  la  ville  est  entièrement  dépourvue  d'eau,  et  i*eaa  des 
citernes  est  tellement  mauvaise,  et  par  sa  saveur  et  par  sa 
composition  chimique,  qu'elle  ne  peut  être  employée  sana 
inconvénient  (1  ]. »  Les  fontaines  et  les  puits  paraissent  cqiea^ 
dant  nombreux  à  TIemcen,  etc. 

Le  paresseux  nomade  utilise  de  préférence  la  distrH>ntioQ 
naturelle  des  eaux  courantes  à  la  surface  du  sol  ;  mais,  comme 
je  l'ai  dit  ailleurs  (2)  :  «  Le  lit  des  rivières  un  peu  considéra'- 
y>  blés,  tourmenté  par  Tafflux  incessant  et  Timpétoosité  des 
y^  torrents  fournis  par  les  montagnes  voisines,  né  tardant  pas 
»  à  perdre  sa  configuration  habituelle,  variant  annuellement, 
»  s'élendant  ici,  se  resserrant  là,  plus  loin  s'élargissanL^iL 
»  point  de  laisser  à  nu,  à  la  fin  de  la  saison  des  plnl^  de 
»  nombreuses  nappes  d*eau  chargées  de  détritus  organiques 
»  somment  en  contact  prolongé  avec  des  matières  salines, 
»  devient  un  vaste  foyer  d'insalubrité  permanente,  soit  à  litre 
»  de  voisinage,  soit  à  litre  d'eau  de  boisson,  etc.  )>  Ajoutons 
que  l'action  pernicieuse  de  ces  mauvaises  et  sales  boissons, 
faute  de  puils,  est  augmentée  parla  chaleur  qui  diminue  leur 
volume  et  fait  prédominer  les  éléments  salins  et  les  principes 
végéto-animaux  des  matières  décomposées.  Et  quand  l'Arabe 
ne  peut  utiliser  que  l'eau  stagnante  des  plaines  marécageuses, 
que  doit-ce  être? 

Les  rivières  sont  toujours  peu  encaissées  par  des  rampes  ; 
aussi,  en  1G72,  la  Chiffa  débordait  après  quelques  jours  de 
pluie  et  inondait  toute  la  plaine  de  la  Metidjà, 

L'habitant  du  Zab,  auquel  la  température  constamment 
élevée  de  son  ciel  fait  plus  vivement  sentir  la  valeur  d'une 
eau  abondanle  et  convenable,  oblige,  parle  moyen  de  souagui 

(i)  MM.  DtLiAi-  et  Feui  j,  I.  LU,  dos  Memoirrt  ,U  médecine  milUeire. 

(i)  àlèmoiif  utrif  faifenriitt/i'^finrei  inlcmftte-itet  tu  Jl-jèrir  ;  AlpT,  i85o,  pap*»  i-. 


—  U9   — 

IfUnni^l  Ac  saguia,  fosse  peu  profond)  infînimenl  noaibreiix 
ei  mteUigemmenl  disïribués,  la  rivière  vuisine  a  fouroir  dans 
|le§  champs»  dans  les  rues  dos  oasi^^  Jnns  les  cours  nieiue  do» 
liabitaiiof)s,ii)ille  artères  déliécsquî,  aBsuranl  tout  à  la  fois  les 
besoiDâ  domestiques  ot  Tirrigalion  des  palmiers,  des  céréales, 
etc.,  portent  à  chacun  un  liquide  d'autant  plus  frais  et  moins 
trouble  qu*il  a  parcouru  un  assez  lo«g  chemin  à  lombre  et 
dans  un  terrain  sablonneux^  Un  individu  est  spécialement 
charge  d'assurer,  un  sablier  en  main,  une  n^parlition  égale, 
proportionnée,  de  Teau  (l'irrigation,  à  chaque  propriétaire. 
Nous  avons  vu  plus  haut  de  quelle  faeon  les  voyageurs  du 
Sahara  se  procurent  de  Teau  dans  des  puits  temporaires. 

Les  Arabes  Qomades  mettent  également  en  pratique  cet  in- 
leUigcnt  système  dMrrigaiion,  à  Taide  de  barrages  grossiers» 
mais  seulement  pour  llurmcctation  des  terres  cultivées.  QïieU 
ques  piqueis,  branchages  en  travers,  moellons  et  cailloux  jetés 
par^dessus,  constituent  ces  barrages  qui  ont  souvent  de  grands 
et  funestes  inconvénienlâ  pour  la  santé,  quand  les  terrains 
I  sont  argileux. 

\  Ouargla,  à  Agouca,  dit  M.  Berbrugger  (0,  «  les  eaux 
artésiennes  ne  jaillissant  pas,  elles  s*épanchent;  si  on  laissait 

Isur  le  sol  le  sable  que  les  vents  y  amènenl,  les  puits  seraient 
bientôt  comblés:  on  l'amoncèle  donc  sur  les  sentiers  et  les 
routes,  ce  qui  les  ex^hausse  continuellement  et  rend  très  diflî- 

^  ciles  le  passage  d'un  jardin  dans  un  autre  et  lecoulenjcut  des 

eaux,  tl  résulte  de  ceci  que  Teau  des  irrigations  séjourne  en 

grande  partie  à  la  surface  du  sol  où  elle  reçoit  une  foule  de 

[détritus  qui  la  corrompent.  De  làlexlremc  insalubrité  d'Ouar- 
jla  et  de  tsgouça.  t>  —  Dans  le  territoire  de  Tlemcen  et  aux 

|cnvirons  surtout  de  cette  ville,  il  y  a  des  bassins  échelonnés 
le&runs  au-dessus  des  autres,  et  lesArabes  les  utilisaient  jadis 


(i)  Jmf»iial  V  Hhhitr,  it«»*rf  i85.l 


—  2SÛ  — 


mm         *« 


pour  leurs  irrigalions.   Lorsqu'ea  1840  on  arriva  à  Blidati, 
on   trouva  les  aqualucs  dans  un  otal  iléiiluralilc,  la  plupart 
rompus,  brisés,  obstrues;  delà  une  infection  indiscible.  A  Ko 
ïéalj,  les  eaux  des  sources onl  toujours  paru  assoz  bien  améot 
gées  du  Ipnip^  des  Arabes,  A  Médéali,  il  exist^iil  un  aquedi 
pour  renlraîneineritdesimrïiomlices  et  desproduilsde  latrines^ 
Des  conduits  en  poterie  se  déversaient  çà  et  là  dans  des  rêser-»! 
roirs,  et  ceux-ci,  suivant  une  pente,  allaient  tous  se  rejoindrai 
au  deborsde  la  ville  ;  ils  servaient  aussi  à  dégorger  les  maisontl 
pendant  les  pluies  torrentielles.  Cliez  les  Kabyles  qui  placenll 
d'ordinaire  leurs  villages  à  proximité  do  quelque  source,  vous! 
voyez  de  belles  eaux  se  perdre  à  profusion,  sur  les  flancs  des] 
montagnes.  Dans  les  villes  mauresques,  les  mauvais  matériaux  1 
qui  servent  à  faire  les  citernes,  altèrent  la  qualité  do  leati] 
qu  y  conduit  en  abondance  la  forme  plate  et  légèrement  incli- 
née des  terrasses* 

Ainsi  donc,  la  science  liydraulique  se  trouve  aujourd'hui 
peu  près  nulle  cliez  les  Indigènes,  si  l'on  ctinsidère  le  peaî 
d'application  qu'ils  en  savent  faire  au  clioix  et  à  la  conduite 
des  eaux  dans  des  vues  sanitaires,  il  faut  toutefois  remarquer  : 

♦'^Queles  eaux  généralement  troubles^  chargées  de  partw| 
cule^s  terreuses  ou  de  matières  étrangères,  reprennent  quelque 
peu  de  limpidité  lors  de  l'usage,  parce  que  les  Arabes  ont  soin 
de  les  laisser  reposer  dans  tes  i/uerùa  (peaux  de  bouc).  Mal- 
heureusement, ils  u  ont  pas  assez  soin  de  nettoyer  tous  les  jours 
ces  réservoirs  portatifs»  pour  les  débarrasser  des  substances 
qui  s'y  sont  rassemblées  ; 

2**  Que  la  conservation  presque  générale  de  Feau  dans  ce*  j 
outres  lui  enlève  toujours  une  grande  partie  de  sa  fraîcheur, 
inconvénient  grave  en  été,  où  l'on  éprouve  d'autant  plus  le  J 
besoin  de  buire  que  le  liquide  ingéré  ne  désaltère  plus,  faute  ^| 
d'une  basse  températuiw  D'un  autre  cok%  les  eaux  reçoiveiU       ' 


à 


~  »61  — 

SDUTentleur  mauvais  goût  el  leur  mauvaise  odeur  it^gigét^ 
même,  dont  l'intérieur  est  enduit  d'un  mélange  de  tan  [debm- 
^ha)  et  de  goudron  (kitrane).  Or,  les  caravanes  du  désert  s'ap- 
"provisionnent  ainsi  quelquefois  pour  dix  jours;  et,  sous  Hn- 
fluenoe  de  la  chaleur,  cette  eau  doit  acquérir  une  odeur  et 
un  goût  peu.  agréables,  les  voyageurs  préfèrent  en  général 
une  peau  de  chevreau  bien  goudronnée  à  l'intérieur,  et  préten- 
dent que  le  liquide  s'y  conserve  longtemps  sans  altération 

aucune; 

» 

3^  Que  dans  les  villes,  dans  les  localités  fixes,  on  est  obligé 
de  recourir  aux  gargoulettes  (sorte  d'alcarazas)  pkcées  daUis 
UD  courant  d'air,  à  Tombre,  pour  obtenir  un  liquide  aussi 
frais  que  possible; 

4®  Que  Tabsence  d'abri  pour  les  sources  et  les  puits  favo- 
rise le  contact  prolongé  de  matières  organiques  et  inorganiques 
avec  les  sulfates  qui  abondent  généralement  dans  les  eaux  de 
TAlgérie  :  de  là  une  cause  permanente  d'insalubrité  qui  ne 
saurait  être  sans  influence  puissante  sur  le  grand  nombre  d'af- 
fections gastro-intestinales; 

5*  Que  dans  les  oasis,  Thabitude  de  garnir  les  parois  des 
puits  avec  des  morceaux  de  palmiers,  a  l'inconvénient  de  pro- 
voquerle  mauvais  goût  et  une  détestable  odeur  de  Teau  dont 
les  qualités  salubres  deviennent  promptement  altérées; 

6*^  Enfin,  que  l'approvisionnement  constantdes  eaux  domes- 
tiques, n'importe  le  temps,  la  saison,  les  distance^  des  eaux, 
et  plusieurs  fois  par  jour,  ne  manque  pas  de  faire  peser  sur 
les  femmes  et  les  jeunes  filles  qui  en  sont  toujours  chargées, 
un  surcroît  de  fatigues,  de  maladies,  d'accidents  et  une  grande 
perte  de  temps. 

La  pureté  des  eaux  n'est  pas  seulement  altérée  chez  l'insou- 
ciant Arabe  par  leur  mélange  avec  des  herbages,  des  détritus 
animaux,  des  particules  terreuses  ou  sablonneuses,  etc.,  par 


—  iryi  — 

leur  défaut  iVécoDlement,  leur  stagnation,  le  mode  vicieux  de 
conservation,  clc.  ;  elles  acquièrent  encore  des  propriétés  insa- 
lubres par  leur  rencontre  avec  les  produits  d'excrétions  ani- 
males, d  autant  plus  que  les  Indigènes  ruraux  n'ont  point  de 
latrines,  et  ne  prennent  aucune  précaution  de  destiner  des 
•ndroits  éloignés  au  dépôt  des  résidus  de  toute  sorte.  Ainsi, 
toutes  les  eaux  pluviales  qui  détrempent  toutes  les  matières  de 
remplacement  d'un  douair  placé  sur  une  pente,  conduisent 
au  ravin  inférieur  où  TArabc  puise  souvent  sa  boisson,  un 
mélange  de  matières  impures  dont  une  grande  partie  est 
fournie  par  les  animaux  attachés  au  pied  des  tentes  ou  des 
gourbis,  faute  d'écuries.  C'est  indiquer  l'absence  complète 
d'égoûts,  de  ruisseaux,  de  fosses  à  immondices,  etc.  Toutefois, 
lors  du  débarquement  des  Français  en  1830,  il  existait  dans 
quelques  villes  mauresques,  à  Alger  entr'autres,  des  latrines 
publiques  balayées  sans  cesse  par  des  filets  d'eau.  L'autorité 
devrait  bien  engager  et  obliger  même  les  chefs  indigènes  à 
faire  disséminer,  ou  réunir  dans  un  endroit  désigné,   les 
matières  infectes.  Pourquoi  n'apprendrail-on  pas  aux  Arabes 
à  les  utiliser  au  profil  de  ragricullure,  puisque,  d'après  les 
calculs  de  M.  Chevallier,  le  million  d'habitants  de  Paris  four- 
nirait annuellement  près  de  274  millions  de  kilogrammes  de 
matières  excrémentiticlles  solides  et  liquides,  offrant  de  quoi 
fumer  17  millions  d'hectares  do  terre  ?  Certainement   ces 
desiderata  de  l'hygiène  publique  sont  moins  regretlables  en 
ce  que,  dans  la  vie  au  grand  air,  dans  des  réunions  d'habita- 
tions sans  encombrement,    la  dissémination   des  matières 
délétères  ou  infectes  empêche  leur  action  par  trop  pernicieuse; 
mais  celle  moindre  innocuité  scra-t-elle  applicable  également 
aux  émanalions  que  des  coulumes  ])ubliques  obligent  à  garder 
dans  le  voisinage  des  demeures?  Je  veux  parler  des  cimetières 
et  des  aballoirs.  ^  Il  esl  répréhensihie,  dit  la  loi,  de  laisser 
tuer  h»s  animaux  dans  les  niarolu's  ou  sur  les  places  publiques 


—  2Ô3  — 

ou  dans  les  maisons  particulières  :  l'autorité  doit  disposer  ou 
faire  disposer  des  tueries  dans  des  endroits  séparés.  »  Pré- 
cepte important,  s*il  en  fût,  mais  complètement  inusité,  ea 
pratique  chez  nos  Arabes. 

Il  en  est  de  même  de  la  pernicieuse  habitude  d'abandonner 
aux  alentours  des  demeures,  des  centres  de  population,  les 
cadavres  des  animaux.  Viendrait-elle  d'une  ancienne  coutume 
desYandales  et  des  Maures  qui,  pour  réduire  les  villes  assiégées* 
exposaient  sous  leurs  murs  les  corps  de  leurs  prisonniers 
égorgés,  afin  que  l'infection  générale  forçàtl'ennemi  à  demander 
capitulation?  ou  aurait-elle  pour  but,  chez  les  Arabes,  de  tenir 
les  bêtes  et  animaux  féroces  éloignés  de  leurs  habitations 
pendant  la  nuit?  Quoiqu'il  en  soit,  c'est  un  foyer  d'infection 
permanente  auprès  des  villages,  et  qui  surtout  ne  devrait 
point  rester  impuni.  De  même  pour  les  sauterelles  qu'ils 
laissent,  pendant  les  invasions  épidémiques,  se  putréfier  en 
tas  au  lieu  de  les  enfouir  profondément.  Ainsi,  en  1845,  sur 
plusieurs  points  du  littoral,  à  Bougie  notamment,  la  mer 
rejeta  sur  la  côte  des  quantités  considérables  de  ces  acridiens 
qui  répandaient  au  loin  une  odeur  des  plus  insupportables. 
Que  de  choses  il  y  aurait  à  dire  sur  les  marchés,  à  propos  des 
matières  animales  et  végétales  abondonnées  à  toute  l'ardeur 
du  soleil  et  aux  pluies  I  Les  Arabes  agissent  plus  sagement 
lorsqu'ils  brûlent,  après  chaque  récolte,  les  herbeset  tiges  qui 
fatiguent  inutilement  la  fécondité  du  sol.  €es  incendies  ont  un 
grand  avantage,  celui  de  faire  disparaître  une  myriades 
d'insectes  et  une  foule  de  petits  végétaux,  que  Fépoque  des 
grandes  chaleurs  n'aurait  pas  manqué  de  sécher  et  de  réduire 
en  putréfaction.  C'est  là  un  fait  dont  la  critique  sbtivèttt 
irréfléchie  des  coutumes  Arabes  n*a  pas  jusqu'ici  tenu  un  juste 
GOinpte.  Malgré  l'opinion  généralement  inculquée  aux  popula- 
tions musulmanes  que  le  cadavre  est  impur,  afin  de  l'engager 
à  l'éloigner  le  plus  possible  des  lieux  habités,  les  Arab<^  imi- 


-  «4  — 

irat  géiiéraleaieot  la  coutume  5oine  dans  dos  campagnes, 
celle  d'inhumer  auprès  de  leurs  mosquées,  au  milieu  de  la 
localité  même.  Les  marabouts  sont  ent4?rrés  dans  rîniérieur 
même  de  l'église.  Dans  les  villages  un  peu  étendus,  les  oa3ia 
par  exemple,  chaque  quartier  a  son  cimetière.  Les  Indigènes 
leqiectent  beaucoup  les  deroenres  mortuaires.  La  conTÎclion 
que  chaqte  défunt  doit,  au  jour  du  jugement  dernier,  revraîr 
i  la  vie,  est  sans  doute  le  motif  de  cette  vénération.  «  Malheur 
dians  ce  jour  aux  incrédules  !  ce  sera  le  jour  où  noos  rous 
rassemblerons,  vous  et  vos  devanciers....  un  jour  on  sonnera 
la  trompette  et  vous  viendrez  en  foule  1\  » 

Aucune  règle  ne  dirige  dans  l'exposition  des  cimetières 
arabes.  Quand  un  champ  funéraire  est  comblé,  c'est-à-dîre 
qu*il  n  y  a  plus  de  places  pour  de  nouvelles  inhumations,  on 
choisit  un  autre  emplacement,  jusqu'à  ce  que  le  temps,  les 
intempéries  atmosphériques  aient  complètement  détruit  le  petit 
tertre  qui  indique  chaque  ensevelissement.  On  ne  s'inquiète 
pas,  comme  dans  d'autres  pavs,  si  le  sol  est  assez  saturé  de 
matières  animales  pour  empêcher  la  décomposition  putride. 

Nous  avons  exposé  dans  un  des  paragraphes  consacrés  à  la 
médecine  légale,  le  nombre  et  la  valeur  des  preuves  de  lamort 
généralement  admises.  L'enterrement  a  toujours  lieu  peu  de 
temps  après  le  dernier  soupir  :  ««Il  est  de  convenance  reli- 
gieuse de  se  hâter  de  tout  disposer  pour  l'inhumation  [i],  »^ 
Les  Musulmans  croient  en  effet  que  sitôt  la  cessation  de  la  vie, 
le  corps  souffre  d'autant  plus  qu'il  tarde  à  être  déposé  dans  la 
tombe  où  l'attendent  les  deux  anges  de  la  mort  pour  l'inter- 
n^ersur  ses  actions  dans  ce  monde!  Pendantles  maladiesépi- 
démiques,  c'est  à  peine  si  les  Arabes  donnent  au  cadavre  le 
temps  de  tiédir.  Ainsi,  en  1837,  époque  à  laquelle  le  choléra 

CO  Ktrmn,  rk.  I.IXVII,  t   38;  rh.  I.XXVm,  v.  i8. 
(>}  .fi  K^rM,  Hiiiir  I.  th.  Il,  srrt.  lo,  |i.  i8G. 


—  255  — 

^  fit  de  grands  ravages  en  Algérie,  des  médecins  français  char- 
gée de  constater  la  réalité  des  décès  furent  contraints  de  re- 
courir à  Tautorîté  indigène  locale  pour  visiter  des  cadavres 
que  les  Maures  avaient  confiés  à  la  terre  quelques  heures  à 
peine  après  la  mort.  Dieu  a  dit  : 

c  Hâtes- vOQfl  dMnhumer  vos  morts,  afin  qa*ils  Jouissent  promple- 
wuBùi  de  la  félicité  éternelle,  sMlssont  morts  vertueax,  et  afin  d'é- 
lolgnar  de  vous  des  créatures  condamnées  au  feu,  si  leur  vie  a  fini 
dans  le  mal  et  dans  le  péché.  » 

«Inàumez  les  martjrs,  comme  Ils  sont  morts,  avec  leur  vêtement, 
leurs  blessures  et  leur  sang  :  ne  les  lavez  pas,  car  leurs  blessures* 
au  Jour  du  Jugement  dernier,  auront  Todeur  du  musc.  » 

C'est  vraisemblablement  à  la  température  propre  au  climat 
et  à  rignorance  des  moyens  propres  à  prévenir  ou  à  dissiper 
les  miasmes  putrides  si  facilement  et  promptement  produits, 
qu'il  faut  rapporter  Thabilude  des  inhumations  précipitées. 
On  peut  toutefois  s'étonner  avec  quelque  raison  que  Tinciné- 
ntioji  ne  soit  point  venue  à  l'idée  du  peuple  arabe,  car  les 
Juifs,  auxquels  ils  ont  emprunté  tant  de  coutumes,  la  met- 
laîeBt  en  pratique. 

Chaque  cadavre,  à  moins  de  circonstances  majeures,  possède 
sa  fosse  isolée.  Dans  les  villes,  presque  tous  les  tombeaux  sont 
recouverts  par  une  plaque  de  marbre  et  souvent  entourés  de 
fleurs,  d'arbustes.  Chez  les  Arabes,  un  simple  tertre  s'élève  à 
quarante  centimètres  environ  du  sol  ;  sa  longueur  représente 
exactement  celle  de  la  fosse,  et  une  ou  deux  petites  éminences 
couronnent  la  partie  la  plus  élevée  du  tumulus,  selon  que 
rinhumé  appartient  au  sexe  maie  ou  au  féminin.  Les  mara- 
bouts ont  le  privilège  d'une  maçonnerie  extérieure  assez  vaste, 
comprenant  une  sorte  de  chambre  surmontée  d'une  koubba 
(coupole).  —  Toujours,  la  fosse  a  juste  lesdimensions  du  corps 
qu'elle  recevra  :  à  la  tête  existe  généralement  une  ouverture 
asst'z  large,  destinée  à  pcrnictti'c  au  mort  d'entendre  les  san- 


—  i.j6  — 

glots  de  ceux  qui  viendront  Idî  donner  qucrlques  larmes  de 
regret.  Ce  Irou,  dont  le  grave  inconrénient  est  de  laisser  les 
gaz  de  la  putréfaction  se  lépandre  au  dehoi^,  se  trouTe  presque 
oontinuellernent  exploité  la  nuit  par  les  chacals  et  aatresanî- 
maux  qui  usont  largement  de  la  faculté  depénétrer.  Ou  a  tu, 
du  reste,  dans  un  des  paragraphes  de  la  mêdecioe  l^ale.  Je 
peu  de  profondeur  donnée  aux  fosses  :  nous  n^avons  pas  besoin 
d'insister  sur  les  dangers  de  cette  dernière  réglementation.  H 
suffît  de  demander  ce  que  doivent  devenir  tous  ces  corps 
enterrés  a  la  surface  du  sol,  lorsque  les  pluies  torrentielles  de 
l'hiver  ont  détrempé  ce  dernier  et  bouleversé  sa  configuration, 
et  que  hfs  chaleurs  Tauront  crevassé  aussitôt  après?  Ces!  ainsi 
qu'à  Constantine,  HM.  Deleau  et  Ferrus  (1)  ont  signalé  les 
graves  inconvénients  de  cette  pratique,  lorsque  vient  à  souffler 
le  \ent  brûlant  du  désert;  les  cadavres  mis  facilement  à 
découvert  par  les  hyènes,  empoisonnaient  l'atmosphère  par 
les  érnanalions  les  plus  fétides.  Tous  ceux,  du  reste,  qui  ont 
habile  une  localité  française  séparée  de  villages  Arabes  voisins 
par  leurs  terrains  funéraires,  ont  pu  constater  que  sous 
l'influence  de  vents  quelque  peu  violents,  ces  derniers  cédaient 
alors  des  miasmes  infects.  Si  vous  demandez  à  un  Arabe  pour- 
quoi il  n'inhume  pas  plus  profondément  ses  morts,  ii  vous 
exp|i(|uera  (|u'il  a  un  avantage  à  suivre  sa  coutume; car,  si  au 
bout  de  quelque  temps,  le  linceuil  parait  à  la  surface  du  sol, 
c'est  un  signe  que  Dieu  indique  le  défunt  comme  un  homme 
bien  accueilli  par  lui,  et  digne  de  l'estime  et  du  respect  de 
Ions  ctîux  r[u'il  a  laissés  sur  lern?  I...  —  Voici  les  pratiques 
funéraires  recommandées  par  la  législation  : 

Heauroup  de  légistes  des  plus  distingués  établissent  Tobli- 
gatinn,  les  uns  comme  canonique,  les  autres  comme  imitative: 
1**  De  laver  le  corps  du  Musulman  mort  avec  une  eau  sans 


—  i57  — 

impureié  ;  2^  de  l'enlerrer  et  aussi  de  Tensevelir.  —  Pour  la 
lotion/oa commence  par  laveries  mains  du  mort,  puis  on 
enlève  les  souillures  excrémentilielles,  s'il  y  en  a,  puis  on 
opère l'ablulioD ;  ensuite  on  lave  la  tête;  après  cela,  on  verse 
à  grands  flots  de  Teau  sur  le  coté  droit  du  corps  qu'on  a 
toorné  sur  le  côté  gauche  ;  ensuite,  de  la  même  manière  sur 
le  coté  gauche  après  l'avoir  retourné  sur  le  côté  droit.  On 
pratiquerait  la  lustration  pulvéraie  si  l'on  n'avait  pas  d'eau,  si 
l'on  craignait  qu'en  versant  l'eau  ou  en  lavant  il  ne  se  déta- 
chât quelque  lambeau  de  chair  ou  de  peau  (cadavre  déjà 
dédiiré  ou  en  partie  écrasé,  etc.).  On  verse  l'eau  doucement 
et  avec  précaution,  sans  frotter,  sur  un  cadavre  qui  présente 
des  plaies,  des  blessures,  quand  on  peut  verser  ainsi  l'eau  sans 
crainte  de  détacher  des  chairs  ou  de  la  peau,  mais  non  lorsque 
Von  a  à  craindre  ces  inconvénients,  comme  dans  le  cas  de' 
mort  parla  variole,  par  écrasement,  par  la  chute  d'un  mur 
sur  l'individu,  etc.;  on  ix^mplace  alors  Taffusion  par  la  lustra- 
tion pulvéraie.  -—  Le  fidèle  sera  enseveli  dans  des  vêtements 
tels  que  ceux  dont  il  s'habillait  ordinairement  pour  la  prière 
solennelle  du  vendredi.  Pour  le  malheureux  dénué  de  toute 
ressource,  les  dépenses  de  ses  funérailles  (lotion,  transport, 
etc.)  seront  aux  frais  du  trésor  public.  —  Il  est  de  convenance 
religieuse  de  fermer  les  yeux  au  fidèle  qui  expire,  de  lui  sou- 
tenir le  menton  par  un  bandeau,  un  mouchoir  que  l'on  noue 
sur  la  tête;  de  lui  assouplir,  par  des  flexions  et  extensions 
modérées,  les  articulations  des  membres,  afin  qu'il  soit  plus 
facile  de  procéder  à  la  lotion  ;  d'éloigner  du  sol  le  corps  en  le 
plaçant  sur  quelque  chose  d'élevé,  afin  que  les  insectes  n'ail-> 
lent  pas  le  trouver  ;  do  lui  poser  sur  le  ventre  quelque  chose  de 
pesant,  afin  de  prévenir  le  gonflement.  —  Pour  pratiquer  la 
lotion  d'un  mort,  il  est  dans  les  convenances  religieuses 
d'employer  la  décoction  de  feuilles  de  sedra  (xizyphus),  ojJ^^ 
lorsqu'on  peut  se  procurer  de  ces  feuilles',  oii  se  sert  aussi, 


—  258  — 

pour  la  lotion,  J'one  décoclion  de  feuilles  de  zizyphus  nabeca, 
et,  le  plus  ordinairement,  d*eau  pure,  d*eau  safonneuse,  d'eau 
mêlée  de  natron,  d'une  décoction  de  roses  trêmières.  Le 
nombre  préféré,  pour  les  lotions,  est  de  trois  à  cinq  ;  on  ne 
pratique  jamais  au-delà  de  sept. — On  a  soin,  mais  seulement 
en  opérant  la  lotion,  de  presser  doucement  sur  le  ventre,  afln 
de  provoquer  la  sortie  des  matières,  des  souillures  qui,  peut- 
être,  ne  s'échapperaient  qu'au  moment  de  l'ensevelissement. 
—  Il  est  licite  de  débarrasser  et  nettoyer  les  dents  et  le  nez  du 
mort  avec  un  linge  mouillé;  de  pencher  la  tête  de  colë  et  de 
la  secouer  par  légères  secousses,  afin  de  rincer  la  bouche  et  de 
faciliter  la  sortie  de  l'eau  et  des  souillures  ;  —  d'aromatiser  le 
corps  avec  du  camphre,  aCn  de  retarder  la  décomposition  et  de 
prévenir  ainsi  les  émanations  désagréables  pour  ceux  qui  vont 
accompagner  les  funérailles.  Enfin,  le  laveur  doit  prendre  un 
bain  général,  avec  la  simple  intention  de  se  nettoyer,  immé- 
diatement après  qu'il  a  terminé  les  lotions  du  mort.  —  Il  est 
dans  l'esprit  de  la  religion  de  brûler  des  parfums  ou  aromates 
(bois  d'aloës,  ambre,  myrrhe),  d'en  parfumer  les  linceuls.  11 
faut  :  1®  mettre  au  mort  une  chemise;  2^  envelopper  la  lête 
de  quelques  tours  d'un  turban  ;  3^  placer  autour  des  reins  du 
mort  un  izra  ou  meizar,  pièce  de  toile  qui  couvre  depuis  les 
flancs  ju$<iu'à  mi-jambes;  4^  l'envelopper  dans  deux  lefafeh' 
(suaires),  des  pieds  à  la  tête,  et  nouer  les  deux  bouts.  On 
répand  des  aromates  ou  substances  d'odeur  forte  et  agréable 
(musc,  ambre,  plantes  odorantes,  etc.)  entre  les  lefafeV  et  sur 
le  coton  que  l'on  applique  sur  h?s  ouvertures  naturelles  (géni- 
tale, anale,  buccale,  nasale)  du  corps.  Aux  aromates  cités,  il 
convient  d'ajouter  du  camphre,  le  meilleur  des  aromates 
ccnsereateurs.  On  met  aussi  des  aromates  sur  les  autres 
organes  des  sens,  aux  aisselles,  aux  plis  des  coudes,  aux 
jarrets,  aux  côtés  du  ventre,  aux  plis  des  aînés,  etc.  —  Par 
convenance  religieuse,  on  doit  ue  pas  conduire  le  convoi  à 


—  259  — 

pas  trop  ralentis,  et  couvrir  la  bière  d'un  couvercle  bombé,  afin 
de  mieux  cacher  le  cadavre.  — On  élablit  une  construction 
murée  pour  y  déposer  le  corps  du  défunt,  ce  qui  est  préférable 
à  la  simple  fosse.  On  fermb  l'ouverture  du  tombeau  avec  des 
briques  crues  ou  avec  des  planches,  ou  avec  des  tuiles  à 
forme  mi-cylindrique,  ou  à  défaut  avec  des  briques  cuites,  ou 
enfin  avec  des  pierres,  des  tiges  de  plantes  arundinées  ;  enfin, 
en  Tabseace  de  tout  cela,  on  comble  la  fosse,  ou  bien  on  ferme 
reuvertore  du  tombeau  en  y  j^nt  ou  amassant  de  la  terre. 
Ces  manières  de  procéder  sont  préférables  à  l'emploi  du  cer- 
cueil. —  Il  est  permis  de  se  dispenser  de  frotter  les  corps 
lorsqu'il  y  a  un  grand  nombre  de  morts;  c'est-à-dire  que  Pon 
se  borne,  dans  les  grandes  mortalités,  dans  une  épidémie,  à 
onderles  cadavres,  et,  dès  lors,  on  les  enterre  immédiatement. 
Il  est  permis  d'ensevelir  les  morts  dans  une  étoffe  teinte  avec 
le  safran  on  avec  le  otuirs  (onbancha  tinctoria],  parce  que 
ces  substances  colorantes  sont  aussi  datis  la  catégorie  des  aro- 
mates. —  Il  est  blâmable  aux  yeux  de  la  loi  de  raser  au  mort 
les  cheveux  et  les  poils  (ce  sont  autant  de  parties  du  mort),  de 
lui  tiûller  les  ongles,  d*enlever  les  escarres,  ou  de  presser  les 
bords  des  plaies  ou  des  blessures  (1). 

Lorsque  les  Arabes  n'ont  à  leur  disposition  ni  parfums  ni 
aromates,  ils  pilent  des  feuilles  de  sedra  (jujubier  sauvage) 
avec  du  henna  (lausonia  inermis)  et  répandent  cette  poudre 
composée  sur  la  surface  du  corps.  —  Généralement,  une  fois 
que  l'individu  a  rendu  le  dernier  soupir,  ils  le  lavent  à  l'eau 
tiède,  lui  mettent  dans  toutes  les  ouvertures  naturelles  du 
colon  et  du  camphre  et  l'enferment  dans  une  pièce  de  coton, 
an  halk  ou  des  morceaux  de  bernouss.  On  a  pu  remarquer  ci- 
dessus  que  les  Arabes  ue  se  servent  point  de  cercueils;  de 
même  chez  les  Kabyles,  qui  se  bornent  à  laver  les  morts,  les 

(i)  Si  KktHI.  l.  \,  cb.  Il,  secl.  »o,  p.  i85  cl  suit. 


"ÉÉÉËloppem  dans  un  Imik  en  laîae  el  les  couûeQt  ensuite  à  il 
terre,  placés  sur  le  côté  d roi L Des  bières  de  diverses  natiire 
ont  cependant  été  en  usage  dans  l*Afrique  septentrionale 
Ainsi,  à  Djidjellj,  à  Tenez,  à  Tiarel,  on  trouve  des  cercueil 
tailles^  dans  le  roc.  Les  anciens  occupateurs  de  ce  pays  cher 
chaient-ils,  par  ce  moyen,  à  se  conserver  une  plus  grand 
étendue  de  Icrrains  cultivables,  déjà  restreiuls  naturellement 
par  l'abondance  d'un  sol  très  calcaire?  ou  bien  était-ce  l|^d 
une  mesure  liygiénique»  en  cusd'i*pidémie  ?  Le  docteur  tiuyoïi^ 
«  également  vu  à  Stora  (prov.  de  Coostanline)  un  cimetière  oîi     I 
l^es  cadavres  étaient  disposés  dans  de  grandes  jarres  toutes 
ju\tà-placées.  A  Philippe^ille,  des  poteries  semblables  ont 
découvertes  reiifermanl  des  osscmens.    L'étroitesse  de  leu 
ouvertures  a  fait  penser  qu'on  les  cimentait  ullérieureme 
par  la  portion  ventrale.— La  pratique  de  rembaumemenl  ii*e 
pas  usitée  cliez  les  Arabes.  Au  Dar-Four,  les  Indigènes  enlève 
les  intestins  et  les  remplacent  par  des  paquets  d'aloës* 

Au  Sénégal,  les  Nègres  musulmans  entourent  les  cîraelièn 
d'épines  mortes,  y  entretiennent  beaucoup  d'arbres  àfeuillagi 
épais,  en  interdisent  l'entrée  aux  Européens,  n'indiquent  l 
place  des  morts  (|ue  par  un  tracé  rectangulaire  sur  le  sàWo  c 
la  terre,  alhimentdes  feux  surchaque  tombe  les  premiers  jou 
delà  sépulture,  et  placent  ensuite  sur  le  lieu  de  rinbumatioi 
dt^s  morceaux  d'étofle  pour  éloigner  les  oiseaux,  de  proie.  « 
profonde  vénération  des  Nègres  musulmans  pour  leurs  diam 
de  repos,  ajoute  Raffenel  (1),  et  les  soins  excessifs  qu'ils  pren- 
nenldes  restes  humains  tant  pour  les  parer  avant  rinhumati 
que  pour  les  conserver  après,  prouvent  que  le  respect  des  loa 
beaux  et  des  dépouilles  des  morts  n'est  pas  toujours  en  raisi 
directe  du  développcjuenlde  la  civilisation.  N'y  a-t-il  pas 
un  sujet  ih'  bien  sérieuses  mé^tilations  î  Du  reste,  dans  iQ 


\î)  f^ofagt  f/ii'M   CAJrnjHt  tfnidfhftfi.,  |v   i\4, 


—  501    — 

lès  Côfitré<»s de  rintle  ou  du  Sindoii  il  se  irouve dos  Musulmans, 
ceu\-ci  ensevelissent  leurs  morts  secrètement,  de  nuit  et  dans 
leurs  maisons;  mais  ils  ne  se  livrent  pas  à  de  longues  lamen- 
tations (I). 

Avanl  exposé  les  pratiques  de  rinhumaLion  chez  les  Arabes 
avec  tout  le  détail  possible,  il  nous  semble  convenable  de  n'y 
ajouter  aucun  commentaire,  nous  bornant  k  dire  que  cette 
partie  de  Thygiène  publique  est  peut-être  la  plus  digne  de  la 
soUicitudederautorité,  â  cause  de  ses  rapports  intimes  avec 
la  salubrité  du  pays  en  général,  et  de  la  colonie  française»  eii* 
particulier. 


Chez  une  nation  dont  Findustrie  et  l'agrieultiire  laissent 

riant  à  désirer,  il  est  naturel  que  la  condition  presque  générale 

[de  peuple  pasteur  inilue  considérablement  sur  la  qualité  des 

tnalières  premières  destinées  aux  vêtements.  L'élève  de  nom- 

|l>reu\  bestiaux  fournit  le  poil  et  la  lai  tic  dont  les  tentes  et  les 

[costumes  tirent  leur  tissu.  Ces  divers  produits  animaux,  dont 

hn  qualité  est  fort  belle  et  la  quanlilé  abondante,  ont  Tavantage 

[sanitaire  de  garantir  parfaitement  en  vertu  d*un  faible  pouvoir 

inducteur  et  d'un  grand  pouvoir  émissîf,  eld  être  peu  péné- 

[li^blea  à  l'air  à  cause  de  leur  richesse;  on  ne  saurait  leur 

[n^procher  qu'une  chose^  c'est  d*être  idio-électriqoes,  rie  [irédis- 

poser  par  leurs  stimulations  conslan tes  aux  afiVclrons  culanées, 

réveiller  sympatliiquement  des  instincts  brutaux  (2),  enfin  de 


[*)  Qu^tici  «iitecunt  M<  Du^'vi.rr  cii(i:*Buti'n,  ont  |jréiendii  qvte  1d  Jjun«  |;rtt«ii^r<r,  rou»' 
'fflQinenl  porter.  êmoiuMe'  lu»  passions  en  torv^cllinl  Li  jneAm,  Co  filt  nou*  «cmbltf  coff»T**WT* 
|tAr  ee<(u»  l'on  ohmcrve  dir>  \e%  krnh** 


—  m2  — 


mal  absorber  les  iiialières  delà  Li^anspi ration  et  tle  retenir  Iro]^ 

facilement  les  ëinaoations.   rS'oubljoQs  pas   que  l'influe 

pernicieuse  des  vêtements  de  laine  sur  la  propagation  de 

lèpre,  fut  incontestable  à  l'époque  des  croisades.  La  plup; 

de  ces  inconvénients  disparaissent,  il  est  vrai,  lorsque  la  lai 

n*est  pas  directement  appliquée  sur  la  peau,  Malheureusemea 

le  linge  de  coton  se  trouve  très  peu  répandu  chez  les  Arab» 

La  culture  du  cotonnier  sur  une  vaste  éclielle  en  Algéi 

intéresse  an  plus  haut  degré  rhjgîène  publique  des  Indigèn 

!  tissu,  mauvais  conducteur  du  calorique,  conserve  mieux 

"corps  sa  température  propre,  L'immotabililé  arabe  se  retrou 

k  jusque  dans  son  costume*  Le  bernouss  national,  très  i 

I  malgré  sou  au^pleur^  a  presque  partout  la  même  couleu 

toujours  la  même  forme,  La  chaussure  partout  large,  décou* 

Hferte,  sans  talon,  se  confectionne  avec  des  peaux  dont 

tannage  laisse  beaucoup  a  désirer. 

Les  moyens  de  couclïage  sont  on  ne  peut  plus  vicieux;  if  e] 

3ra  question,  ainsi  que  des  diverses  pièces  de  rhabillemenj 

^dans  riiygierie  privée.  Contentons-nous  de  remarquer  que 

qui  frappe  le  plus  dans  le  costume  ^dht5,  c'est  son  ampleui 

générale  et  la  liberté  complète  de  certaines  régions  que  da 

nos  climats  septentrionaux  on  ne  se  contente  pas  de  couvrtl 

soigneusement,  mais  que  Ton  soumet  à  des  constructions  pi 

ou  moins  dangereuses.   Ainsi,  chea  l'Indigène,  cou  libre  cl 

toute  cravate,  poitrine  libre  de  tout  corset,  de  tout  vêleraen 

serré,  abdomen  libre  de  ceintures  comprimant  et  dessinant  I 

taille,  articulations  du  bras,  du  genou,  du  coude-pied,  libn 

de  toute  constriction  pur  emmanchures,  jarretières,  botle^ 
bottines,  etc. 

Les  diverses  pièces  du  costume  arabe  sont  généralemen 
longues  et  peu  multijdiées,  c'est  pourquoi  elles  garanlisseo 
mieux  centre  les  variations  brusques  de  température  et  dansj 
les  circonstances  diverses  de  It  vie  Roirmde.  Chez  la  femme. 


iC3  — 


rappelée  par  la  condilion  sociale  au  rôle  viager  de  domoslîque, 
le  btnnouss  qui  gênerait  trop  les  uiouvemenU  est  rempbcc 
par  un  assemblage  de  pièces  d  elolTes  agencées,  qui  iaisseot 
trop  à  nii  les  parties  latérales  de  la  poitrine  et  des  membres 
inférieurs  :  de  là  une  influence  évidente  sur  la  production  des 
douleurs  rhumalismales  et  des  aiTectiuns  culanées.  En  général, 
le  se\e  féminin  paraît  moins  bien  vêtu  que  le  sexe  masculin. 
Il  faut  tenir  compte  de  tous  ces  détails  dans  les  rapports  du 
bêtement  arec  la  pathologie  et  la  mortalité.  Qutxni  à  Tenfance, 
la  coutume  de  laisser  aller  les  petits  Arabes  dans  un  étal  de 
nudité  presque  complète,  n*est  pas  sans  inconvénients  pour 
un  jeune  âge  qui  résiste  si  difficilement  aux  exlrumes^^de  tem- 
pérature. 

L'Indigène,  guidé  par  sa  malpropreté  habituelle,  porte 
généralemenl  te  même  vêtement  jusqu'à  ce  que  l'usage  perma- 
nent mette  ce  dernier  hors  d'état  :  de  là  une  condition  avan- 
lageusepourraggravationdes  aiïections cutanées  et  un  obstacle 
aux  bonnes  fonctions  de  la  peau.  Il  ne  prend  jamais  la  précau- 
tion de  laver  ou  de  purifier  le  bemouss  qu'il  possède  par 
héritage  ou  qu*il  achète  à  une  vente;  celle  pratiijue,  que 
raulorilédevmitbien  surveiller,  n'est  certainement  pas  étran- 
gère à  la  transmission  et  k  rincurabilité  par  invétératîon^  de 
certaines  affections  contagieuses  du  derme.  Sans  doute,  la 
pénurie  générale  do  linge  empêche  la  distribution  de  certains 
effeUdans  les  mosquées  à  titre  de  bienfaisance  et  de  charité 
publiques.  Nous  avons  vu  qu  A  bd-cl-Kader  tente  d'importer, 
dans  les  habillements  arabes,  un  changement  d'étoffe. 

Dans  le  costume  des  Indigènes,  nos  Zouaves  ont  utilisé  la 
calotte,  le  pantalon  à  nombreux  plis^  le  capuchon  du  collet, 
i'ab^nce  de  col  et  de  cravattc.  Le  D'  Cuvallicr  voudrait  que  le 
capuchon  en  drap  de  soldai  trop  léger,  fût  en  poil  de  cliameau. 
N'y  aurait-il  pas  à  craindre  qu'il  ne  devint  trop  lourd?  mieux 


—  26*  — 

voMfai^îeiiMtre  le  confection ner  touL  simplement  en  laïf 
blanche,  absolu nienf  cnmine  le  tissu  du  henious^  arabe* 


Ji&s  habitudes  al imentairoâ  d'un  peuple  ne  tiennent  pas  seii 
lement  à  la  nature  végélale  ou  animale  des  produits  bromalâ 
li)gi(|ucs  que  lui  olTre  naiyrellement  âon  climat;  il  faut  tûiuij 
couiptfj  aussi  deâ  influences  que  la  civilisation  fait  interveni 
sur  son  régime  des  choses  e5S43nlielles  à  la  nutrition,  $oit  ei 
forçant  le  sol  à  produire  de  nouvelles  espèces,  à   nourrir 
riôuvelle.s  variétés  végétales  et  animales  apportées  d*uneautr< 
zone.  Cette  vérité  d'économie  politique,  en  même  temps  d'hy- 
giène publique,  ne  nous  ptM'met  donc  pas  d'être  de  Tavis  dt 
ceux  qui  prétendent  que  la  su rabondancedes  produits  végéiaui 
comparés  aux  espèces  animales,  dicte  naturellement  la  nature 
de  l'alimentutïon  qui  con vient  aux  pays  chauds.  Ortcs,  une 
nourriture  toute  composée  de  céréales  et  de  fruits  a  ravantage, 
dans  ces  contrées,  de  ne  point  déranger  le  calme  des  passion^ 
et  de  rinlelligence,  d'abaisser  la  t<Miipératurè  du  corps,  de] 
moins  tourmenter  le  foie  normalement  suractivé,  de  rijoioi 
globuliser  le  sang  et  de  prévenir  les  inllammatioas,  etc. 
est  encore  vrai  que  Fulimentation  végétale  a  été  et  est  pres-i 
qu  exclusive  chez  les  peuples  peu  civilisés  et  dans  les  clirnatâl 
chauds  :  ainsi  Moïse  défendant  uu  certain  nombre  de  viandes,] 
obligeait  au  régime  végétal  ;  ainsi  Pythagore  vantait  ce  dernier^ 
en  Grèce;  ainsi  les  Indiens  vivent  exclusivement  de  fruits,  de 
légumes,  de  hiit  et  de  riz;  etc.  —  Mais,  d'un  autre  c^îlé,  nou 
B*en   hommes  plus  à  discuter  avec  Plularque,  si   Thomme 
violé  la  nature  en  se  nourrissant  de  la  chair  des  animaux,  ave 
Helvétius  s'il  ne  doit  èuv  que  Carnivore  :  les  progrès  de  I 


> 


^  265  — 

I  gont  fort  lhn»reu.seinent  venus  prouver  que  ceffST 
^té  qu^dû  mangts  mais  bien  ce  qu  on  digère,  qui  s<?ul  nourril 
rhomme.  Mais,  en  Algérie,  au  milieu  d'une  températiiiT  gé- 
néralement rnobil?,  et  souvent  extrême  entre  le  jour  cl  la  nuit^ 
sur  «nsol  presque  constamment  humide  (Tell  et  montagnes), 
avec  de  si  tristes  et  imparfaites  ressources  de  protection  contre 
leâ  intempéries,  au  sein  de  toutes  ces  causes  d'atteintes  mala- 
dives que  donnent  la  vie  nomade  et  Triicurie  de  tout  ce  qui 
concerne  la  salobrité publique  et  privée»  quelle  force  salutaire 
de  réaction  l'alimenlation  végétale  peut-elle  offrir  1  D'ailleurs, 
quelle  grave  influence  celle  nourrîhin^  particulière  n'a-t-elle 
pas  sur  le  moral,  en  lentraînant  dans  les  fatales  délices  de  la 
Ivresse  et  de  Tignorance,  dans  les  stériles  spéculations  du 
nnslicisme,  dans  Péuervation  Je  toutes  ces  facultés  données  k 
riiomroe  pour  augmenter  constamment  la  sphère  de  son  hicn- 
étre  7  Et  tes  industries,  les  arts,  les  sciences,  florissent^iU  dans 
ces  contrées  cl^audes  où  régnent,  grâce  cerlaînement  à  cette 
alimentation  débilitanie,  le  de^ipotisme  le  plus  absolu  et  k 
torpeor  sociale  la  plus  dégradante  ?  D'autre  pari,  au  point  de 
vue  physiologique,  si  le  foie  est  moins  activé  par  la  nourriture 
végétale  cl  le  sang  moins  enrichi  de  globules,  les  intestins  ne 
Tnanifestent-ils  point  par  la  constipation  habituelle  ou  de  pério- 
diques débâcles,  la  fatigue  que  causent  des  substances  généra- 
lement pauvres  d'éléments  azotés  î  Dans  les  convalescences, 
[dans  te  cours  des  maladies,  quand  il  s'agit  de  rendre  à  la 
[constitution  des  forces  suffisantes,  de  réveiller  les  puissances 
[vitales  ponr  lutter  avantageusement  contre  les  causes  patho- 
jéniques  asthénisantes  ou  autres,  que  trouver  d'cflîcace»  di 
onvenable,  dans  une  nourriture  peu  réparatrice,  inapte  à 
ippeler  rénergie  dans  les  voies  digestives?  Dans  les  épidé- 
ïie^  causées  par  maladies  des  végétaux  (les  Arabes  n*en  font 
lucune  étude  particulière),  dans  leur  destruction  par  fies  in- 
fectes (^aufere  Iles)  et  les  incendies,  dans  Ir^  Irisles  épof[Hes 


—   ^60  — 

Jes  JÎM:tt*::s  et -It:  cbtrrié  Jes  graîDs,  quelle  affreQ^e  condilioi^ 
pijur  les  imprudentes  pC'puiations  qui  n'ont  point  su,  par  un^ 
égale  s^'IlicitU'Je  donnée  aux  troupeaux,  secréer  des  ressource^ 
complémentaires  suffisantes  d'alimentalion  en  cas  de  nécessités 
Les  matériaux  accessoires  que  l'habitant  méridional  va  d^F? 
mander  aux  végétaux  acidulés,  sucrés,  aromatiques,  à  d^^s 
degrés  divers,   pour  stimuler  les  oignes  digestifs,  sont-i75 
sans  inconvénients  par  leur  dose  et  la  fréquence  de  leur  usage; 
pourraient-ils  être  mis  en  comparaison  avec  les  avantages  de 
l'ailjiinclîon  de  quelques  substances  animales  au  régime  fécu- 
lent liabituel  ?  N'y  aurait-il  pas  un  avantage  multiple  au  point 
de  vue  et  du  goût  et  du  volume  des  matières  à  digérer?  Les 
intestins  ne  seraient-ils  point  déchargés  d'une  partie  de  ce 
poids  de  matières  inertes  dont,  pendant  toute  Texisleace,  ils 
sont  lestés  sans  profit  ?  Si  vous  voulez  introduire  le  goût  dn 
travail  chez  les  populations  d'un  pays  chaud,  et  les  faire  béné- 
ficier du  bien-être  qu'amènent  toujours  les  progrès  de  l'indu»- 
trie  et  de  l'agriculture,  une  nourriture  végétale  suffira-trille 
pour  entretenir  les  forces  de  tous  les  bras  producteurs  ?  Croît- 
on  que  si  le  commerce  est  peu  étendu,  peu  actif  dans  l'Orient, 
le  défaut  d'activité  générale  ne  reconnaît  pas  parmi  ses  causes 
l'influence  de  la  nourriture  ? 

Ce  n'est  point  par  instinct  et  par  rareté  des  espèces  animales 
que  les  Indigènes  mangent  peu  ou  point  de  viandes  :  l'histoire 
nous  apprend  qu'à  Timbecktou  on  se  nourrit  beaucoup  de 
chair  d'animaux,  que  les  Abyssiniens  utilisent  quotidienne- 
ment dans  leur  nourriture  le  sanglier,  les  bestiaux  ordinaires, 
le  rhinoctTOs,  le  lion,  les  oiseaux,  etc.  El  pour  ce  qui  concerne 
l'Algérie,  la  zoologie  y  est  largement  représentée.  La  chair  des 
animaux,  des  oiseaux  y  serait-elle  naturellement  moins  savou- 
reuse, comme  on  Ta  prétendu?  Des  expériences  pourront 
seules  lever  les  doutes  à  ce  sujet,  tout  en  tenant  compte  des 
mauvaises  conditions  hygiéniques  dans  lesquelles  s'y  trouve 


-  267  — 

généralement  le  bétail  sous  le  rapport  de  l'abri  et  des  aliments. 
Epizoûiies,  malheureuses  conséquences  de  la  guerre,  privations 
de  pâturages  et  de  protection  en  été  comme  en  hiver,  surtout 
dans  les  nuits  froides  et  humides  d'automne,  tout  a  contribué 
à  diminuer  les  troupeaux  arabes;  aussi  llndigène  mange-l-il 
à  peine  de  la  viande  le  vendredi  de  chaque  semaine  I.  Ainsi 
donc,  sans  parler  des  caractères  d'organisation  (nombre  et 
forme  des  dents,  forme  des  mâchoires)  communs  aux  races  du 
Nord  et  des  pays  chauds,  l'examen  comparatif  des  inconvé- 
nients et  des  avantages  de  la  nourriture  végétale  exclusive 
saffit  pour  démontrer  la  nécesj^ité  de  leur  alliance  dans 
Talimentation  générale.  C'est  do  cette  façon,  du  reste,  que  le 
Prophète  musulman  l'avait  compris  : 

€  O  ctoyants»  H  vous  est  permis  de  vous  nourrir  de  la  chair  des 
bestiaux  qoi  oomposent  vos  troupeaux.... .  €*est  Dieu  qui  a  créé  les 
jardins  de  Tisoes,  quia  créé  les  palmiers  et  les  blés  de  tant  d'espècesit 
J(00  olires  et  les  grenades  ;  11  a  dit  :  nourrissez- vous  de  leurs  fruits... 
Je  ne  trouve  dans  ce  qui  m*a  été  révélé  d'autre  défense,  pour  celui 
qui  veut  se  nourrir,  que  les  animaux  morts,  le  sang  qui  a  coulé  et 
la  chair  de  pora...  (i).  » 

Ces  préceptes  ne  sont  pas  également  mis  en  pratique  par 
nos  Indigènes  :  soit  misère,  soit  paresse,  soit  ignorance  des 
moyens  convenables  pour  assurer  et  favoriser  l'élève  des  bes- 
tiaux, la  généralité  de  la  population  mange  très  rarement  de 
leàr  chair,  et  se  contente  de  quelques  préparations  farineuses, 
de  quelques  fruits.  Cependant  la  boucherie  est  libre  et  le  droit 
des  marchés  minime.  L'élat  général  de  l'agriculture  prouve 
que  l'étendue  des  terrains  utilisés  par  les  Arabes  est  moindre 
qu'on  ne  serait  porté  à  le  croire  :  beaucoup  de  plaines  restent 
incultes.  Chez  les  Kabyles,  l'aridité  des  montagnes  les  forcent 
à  ne  récolter  que  quelques  légumes  et  des  fruits.  Quant  au 
Sud,  le  palmier  y  fait  presque  tous  les  frais  de  la  végétation. 

(r)  K»rn»,  ch«|».  V.  r.  i«',  rh.  VI.  r.  i4«  «l  i4«. 


i 


—  i08  — 

Ce  que  [.roduil  le  territoire  indigène  peut  être  évalué  d'après 
Vachour  'dixième  des  récollesV,  or,  si  on  admet  une  moyenne 
de  quatre  millions  payés  parcet  impôt  annuel,  ce  serait  omiron 
cinq  millions  d'hectares  seulement  ensemencés  pour  les 
céréales  ! 

La  nécessité  d'une  nourriture,  dans  laquelle  les  viandes  et      ;zs 
les  farineux  auraient  une  part  convenable,  avait  été  appréciée  =^^ 

par  Ahd-el'Kader  ;  il  réglait  ainsi  la  nourriture  de  ses  régn 

îiers  :  Chaque  askar  prendra  un  pain  par  jour,  pesant  encon^      e 
en  pâte  vingt  onces  et  dix-huit  onces  après  la  cuisson;  plns,.^-    t 
trois  quarts  de  livre  de  blé  moulu  [chicha).  Il  aura  du  biscuit      t 
si  le  pain  manque,  de  la  farine  seulement  si  le  pain  et  k 
biscuit  font  défaut.  Chaque  tonte  premlra  tous  les  soira  tii 
cinq  livres  de  farine,  une  livre  de  beurre  (l'été)*  oa  d'huile 
(rhiver),   si  le  beurre  manque.  La  compagnie  [méiai,  dt 
nombre  mia,   cent)  recevra  tous  les  jours  cinq  moulons  <^»t 
qu'on  partagera  entre  les  trois  t4?nles.  Si  la  compagnie  n'éiù  ^'^ 
pas  au  complet^  on  retrancherait  de  la  nourriture  suivant  I^  ^^ 

nombre  d'hoininos  manquant,  excepté  la  viande,  Desdisposi^ •" 

tions  analogues  étaient  prises  pour  la  cavalerie. 

La  question  des  viandes  nous  amène  à  l'examen  du  procéd^^^^ 
de  la  tuerie,  et  de  la  nature  des  animaux  qui  sont  regarder  ^^^ 
comme  permis  ou  défendus.  L'opération  delà  tuerie,  ditia  loi   ^  ^*> 
est  une  opération  qui  doit  être  faite  par  une  personne  jouîssan-^^"*^ 
de  toute  sa  raison,  et  pouvant  contracter  une  union  conjugale  ^'^ 
selon  la  loi  musulmane, — qui  consiste  à  couper  complètement  '.^  ^^' 
et  sur  le  (levant  (lu  cou,  la  trachée-artère  de  l'animal  et  les  ^^^ 
deux  veines  jugulaires,  sans  enlever  le  couteau  avant  l'entière ""^^^ 
section  de  ces  [larties,— ou  qui  consiste  à  plonger  l'instrumen.^^^^ 
îi  la  partie  inf(Mi(Mire.  et  moyenne  du  cou,  sans  qu'il  soit  néces—  '^^ 
sairc  de  diviser  la  trachée-artère  et  les  jugulaires.  Il  est  d^    '^^ 
règle  canonique  de  tuer  le  chameau,  le  dromadaire,  l'cléphant-::^' 
la^irafe.  etc.,  en  plongi^nl  rinstnimonlà  rendroit  d'olectior"*^ 


—  269  — 

eUe faisant  pénétrer  dans  le  cœur;  de  tuer  les  autres anÛMaux 
{méin  bétail,  volatiles,  autruche)  par  entaille  tran&viersale  du 
eoQ.  Pour  le  bœuf  ou  la  vache  ou  le  buffle,  it  est  également 
conlbmie  à  Tesprit  de  la  loi  de  tuer  par  ^liaille  transveive  ; 
mm  il  est  permis  de  tuer  ces  animaux  en  plongeant  le  cou- 
teau Aiv-dessous  du  cou  jusqu'au  cœur  et  aux  gros  vaisseaux 
q\À  y  aboutissent  ou  en  partent.  La  règle  ordonne  de  tuer  les 
«nhnaux  avec  un  instrument  en  fer  très  tranchant,  afin  de 
^miumt  la  souffrance  et  de  bâter  la  mort  de  l'animal  ;  de 
Gooper  les  deux  veines  jugulaires  d'une  pièce  de  gibier  blessé 
a  mort  et  encore  vivant,  afin  d'abréger  les  souffrances.  U  est 
Uâiaablededécapiter^xprès  l'animal,  après  lui  avoir  coupé  la 
Iracbée^artèr-eet  les  jugulaires  :  c'est  une  torture  gratuite. 
Loragufi  mains  de  la  moitié  d'une  pièce  de  gibier  aura  été 
arrachée  et  séparée,  et  que  l'animal  qui  n'était  pas  d'abond 
J)}atséà  mort  aura  «xpiré  avant  d'être  saigné  par  le  chasseur, 
1%  jwrtie  arrachée  et  séparée  sera  considérée  comme  chair  morte 
d'elle-même  et  ne  sera  pas  mangée  ;  il  n'en  sera  polai  aiASi 
4e  la  tête.  Il  est  permis  de  manger  Paninaal  qui  a  été  tué  selon 
la  loif  eut-il  été  tué  parce  qu'il  paraissait  être  ou  était  réelle- 
ment en  danger  de  perdre  la  vie,  mais  à  la  condition  : 

4®  Que  cet  animal,  quel  qu'ait  été  son  état  (sain,  malade  oii 
bimé^,  ait  fait,  au  moment  où  le  couteau  allait  le  pénétrer, 
des  mouvcmens  évidents. et  assez  forts  des  membres,  de  ia 
qneue  ou  des  yeux  ; 

8''  Mais  on  ne  soumettra  pas  au  couteau,  et  ensuite  on  ne 
mangera  pas  l'animal  qui  a  été  blessé  à  mort  par  un  coup 
yji>]ent  (de  pierre,  de  corne)  et  de  tout  autre  façon  (chute, 
élranglcment,  lacération  par  bêtes  Téroces],  ou  par  la  rupture 
de  la  moelle  épinière  ou  par  la  sortie  du  cerveau  chassé  du 
crioe,  ou  par  un  déplacement  herniaire  des  entrailles;  ou 
psLT  la  déchirure  ou  la  section  d'une  des  veines  jugulaires,  ou 
par  la  perforation  mécanique  ou  la  rupture  de  quelqu'inlestin. 


—  i70  — 


:ei«etusarac(nâmûrt  piir  le  fait  môme  qaî  a  tué  la  mère; 

il  est  donc  permis  de  le  manger  pourvu  ([u'ii  soit  développé 
au  point  que  le  ironc  commeace  à  être  velu  et  laineux.  Si  le 
fœtus  sort  ou  est  extrait  (vivant  et  déjà  velu)  de  la  mère  égor- 
gée, il  doit  être  lue,  à  moins  que  sa  mort  ne  prévienne  Tem- 
pressement  de  celui  qui  va  lui  enfoncer  le  couteau.  En  mourant 
proraptement,  il  est  considéré  comme  étant  mort  du  même 
coup  qui  a  âlé  la  vie  à  la  uière<  Le  foetus  abortif  sera  tué  s*it  H 
est  à  un  développement  tel  qu'un  fœtus  semblable  à  lui  puisse  ~ 
vivre  :  il  pourra  alors  être  mangé.  —  Il  est  nécessaire,  d'après 
la  loi,  de  faire  subir  aux  sauterelles  et  autres  insectes  analo- 
gues (privés  de  circulation  sanguine)  quelque  pratique  ou 
traitement  qui  leur  ol^  la  vie  :  les  parties  enlevées  avant  la 
mort  ne  doivent  pas  être  mangées,  —  I!  est  de  nécessité  «jue 
ranimai  sauvage  (vivant  par  nature  en  liberté)  soil  frappé  et 
blessé  par  un  instrument  tranchant  ou  soit  pris  et  arrêté  par 
un  animal  dressé  à  la  chasse  ;  le  gibier  qui  a  été  pris  ne  doit 
pas  être  mangé  si  Fanimal  atteint  tombe  dans  l'eau  et  meurt 
sans  qu'on  sache  s'il  est  mort  àe  la  blessure  ou  noyé,  si  le 
gibier  est  mort  de  coups  ou  de  contusions  même  avec  meur- 
trissures et  cnhymoses,  mais  sans  blessure  réelle  qui  ait  divisé 
la  peau  et  les  chairs  et  fait  couler  le  sang. 
^  Les  aliments  permis  sont  :  l*'  Tous  les  animaux  aquatiques  ; 
tous  les  oiseaux  ou  volatiles,  même  ceux  qui  se  nourrissent  de 
matières  impures,  même  les  oiseaux  de  proie  armés  de  serres 
ou  d'ongles  crochus  et  forts  (faucon,  vautour,  aigle,  épervier)  ; 
tous  les  animaux  de  bétail  (chameau,  bœuf,  boflle,  menu 
bétail],  les  animaux  sauvages  non  carnassiers  (gerboise,  taupe, 
lièvre,  lapin,  hérisson,  porc-épi c,  ophidiens  dont  on  a  rejeté 
les  parties  qui  portent  le  venin},  les  insectes  rampants  et  ne 
volant  pas  (scorpions,  chenilles,  fourmis,  vers,  sauriens)  ;  2**  en 
cas  de  nécessité  pressante  (danger  de  faim  (rop  prolongée),  on 
peut  user  des  choses  défendues,  mais  seulement  autant  qu'il 


À 


—  il\  — 

en  faut  pour  conserver  assez  de  forces  et  s'empêcher  de  mourir. 
ToutefoiSyil  n'est  jamais  permis  de  manger  de  la  chair  humaine, 
à  moins,  par  exemple,  de  souffrances  suffocantes  et  lorsque 
l'on  n'a  rien  autre  chose  qui  puisse  soulager. — Laloi  condamne 
Fusage  des  animaux  à  un  seul  ongle,  les  solipèdes,  l'autruche. 
II  esl  répréhensible  de  manger  les  portions  uniquement  grais- 
seuse des  animaux  (tels  qu'épiplom  du  bœuf  ou  du  mouton, 
ou  delà  chèvre).  —  Sont  encore  défendus  :  tous  les  aliments 
irapura  ou  souillés  ;  la  loi  prohibe  le  porc  et  le  sanglier  (la 
chair'du  porc  est  impure  de  sa  nature),  le  mulet,  le  cheval, 
râae  domestique;  il  est  blâmable  de  manger  la  chair  du  lion, 
de  Phyène,  du  renard,  du  loup,  du  chat,  de  l'éléphant,  du 
diien-marin,  du  porc^marip,  du  guépard,  du  léopard,  du 
tigre,  de  Tours,  de  la  mangouste,  du  chien  (1). 

Les  diverses  recommandations  précédentes  ne  sauraient  être 
dépourvues  d'utilité  réelle.  L'effusion  plus  ou  moins  complète 
du  sang  de  l'animal,  avant  qu'il  ne  rende  le  dernier  soupir,  a 
certainement  pour  avantage  de  dégorger  plus  profondément 
les  chairs  d'une  grande  quantité  de  liquide,  dont  la  présence 
combinée  avec  une  haute  température  climatérique  favoriserait 
nalurellement  la  prompte  putréfaction.  Moins  garnies  d'hu- 
meurs sanguines,  les  viandes  se  sèchent  plus  facilement  et  se 
conservent  mieux.  \e  législateur  a  donc  été  sage  de  prévenir 
les  circonstances  qui  pouvaient  activer  l'altération  de  leur 
qualité.  Quant  aux  aliments  permis  et  défendus,  pour  que  des 
▼iandes  prohibées  ne  fussent  point  involontairement,  par  igno- 
rance, choisies  pour  nourriture,  le  Prophète  a  eu  soin  de  placer 
la  surveillance  de  la  proscription  sous  les  auspices  du  pouvoir 
religieux  :  «  11  vous  est  interdit  de  manger  tout  animal  sur  |  ^ 
lequel  on  aura  invoqué  un  autre  nom  que  celui  de  Dieu  (2).  » 
Il  est  vrai  que,  de  tout  temps,  les  interdictions  officielles  n'ont 

(t)  SiKketi/,  t.  II.  chap.  I.  p.  i43  et  i6t. 
(m)  A'eran,  chap.  Il,  v.  if>$. 


X^ 


V 


—  272  — 

pas  loujours  été  ratiaonelles.  «  Porrum  et  cepi  ne  fa* 
riolare  et  framgere  morm,  »  disait  Juvénal;  or, en  quoi  celle 
proLibiiioD  de  i'ogooDetdu  poireau  pouvait-elle  être  reçoD&ue 
aïantageuse,  surtout  à  l'hygiène  alimeotaire('l}?  JfoAommctf 
ÎDsisle  avec  raison  sur  certaines  conditions  dans  lesquelles  on 
poovait  oser  de  la  viande  du  chameau,  par  exemple,  à  eau^e 
de  la  race  qu'il  fallait  protéger  et  des  profits  que  les  Arabes  en 
tiraient  pour  leurs  exploitalions  et  relations  commerciales  (8). 
De  même,  pour  b  plupart  des  espèces  animales  défeadues 
dans  le  but  de  garantir  les  ressources  multiples  qu'elles o0!roDt 
El  empêcher  rabàlaidissement,  la  disparition  d'espèces  $î 
■liles:  mais  rintenliction  qui  pèse  spécialement  sur  la  viande 
de  porc  ^3  et  qui,  du  reste,  était  déjà  en  vigueur  eD  Afibîe 
avant  JfoAammed,  tient-elle  : 

f  *  A  un  préjugé?  Dans  la  dix-huitième  lettre  persane  de 
■ontesquieu,  il  est  dit  que  la  tradition  musulmane  accuse 
l'éléphant  d'avoir  commis  sur  l'arche  sainte  du  déluge  tant 
d'ordures  qu'il  en  naquit  un  cochon  :  ce  dernier  animal,  en 
les  remuant  continuellement,  détermina  une  telle  puanteur 
qu'il  finit  par  éternuer  et  laisser  en  même  temps  sortir  de  ses 
cavités  nasales  un  gros  rat  !  Est-ce  dans  ceUe  allégorie  qu'il 
faut  chercher  le  motif  de  l'antipathie  pour  un  animal  aussi 
bien  réputé  et  représenté  immonde?  Le  Prophète  ne  le  traitait 
guère  mieux  :  «  Vous  annoncerai-jc  quelque  rétribution  plus 
terrible  que  celle  que  Dieu  réser\c  aux  impies?  Ceux  que  Dieu 
a  maudits,  ceux  contre  lesquels  il  est  courroucé,  qu'il  a  trans- 
formés en  singes  et  en  porcs,  auront  une  détestable  place  et 
seront  bien  loin  du  droit  chemin  (4).  »  Un  chroniqueur  du 

(i)  Yojci  Rtrm  Briimimifu»  de  mm   i65»    :   Du  hue  d*  la  tMê  Jmut  »e$  r^ftrts  «w  im 

(a)  Koran,  diap.  V. 

(3)  Id.   chap.  II,  Y.  iG8:  chap.  V,  t.  4  et  5;  chap.  VI,  ▼.  146;  chap.  XVI,  t.  u6,  eU. 

(4)  Id.   chap.  V,  v.  Ci. 


—  273  — 

Xir  moh,  <iiuibart  do  Nogent,  rapporte  que  «  Mohammed 
était  sujet  à  des  attaques  d'épilepsie  :  un  jour  qu'il  se  promenait 
seu),  il  tomba  frappéxle  l'une  de  ces  convulsions,  et,  tandisqu'il 
en  étojttouf mente,  des  pourceaux  qui  survinrent  le  dévorèrent 
si  Cûmplèiteod^ent  qu'on  ne  trouva  plus  que  ses  talon$  pour  débris 
ide  lovt  son  corps.  »  Les  Arabes  croient  aussi  que  parmi  le^ 
transfigurations  qne  subiront  les  hommi^s  au  rassemblemenX 
do  jaur4erpier,  les  Marabouts  feront  paraître  aous  la  form^ 
de  pûDPi  tout  ceux  qui  auront  commis  des  gains  illicites  et  des 
coscofisioos  sur  le  peuple.  Tout  ceci  n'est  encore  qu'image, 
^Iuiîm;  mais  quel  en  serait  le  véritable  motif?  car  la  m^l- 
jiropreté  babitaelle  du  cochon  se  trouve  bien  partagée  par 
d*auireft  animaux  dont  la  chair  n'encoure  cependant  pas  la 
foame  proscription. 

2*  A  la  rareté  de  cet  animal  î  De  Boulainvîllers  (vie  de  Mo- 
hammed) prétend  que  le  cochon  doit  être  très  rare  en  Arabie, 
«  où  il  n'y  a  presque  point  de  bois  et  presque  rien  de  propre  à 
la  nourritore  de  ces  animaux.  »  On  peut  objecter  à  cela  que 
les  porcs  abondent  en  Chine,  dans  l'Amérique  méridionale,  et 
font  les  détices  de  leurs  habitants;  le  porc  est  encore  très  commun 
anjourdliui  en  Egypte,  dans  les  écuries  des  Turcs  et  des  natu- 
rels du  pays,  qui  le  considèrent  comme  doué  de  la  propriété 
de  préserver  du  farcîn  ;  mais  la  viande  ne  s'en  débite  qu'aux 
Chrétiens  (4). 

3®  A  une  raison  générale  d'hygiène  ?  Mohammed,  guidé 
par  l'intention  de  faire  prodominer  dans  un  climat  chaud  la 
nourriture  végétale  comme  tempérant  davantage  les  appétits 
charnels  et  brutaux,  aurait-il  compris  de  préférence  la  chair 
de  porc  au  nombre  des  viandes  ou  produits  d'animaux  défen- 
dus? Cela  est  peu  probable,  puisque  ce  Rélormateur  permit 

(i)  L'Egjrpti  toM  Mrkimct-Ali,  par  le  D'  Uamuht,  i8i3. 


—  m  — 

complètement  Tusago  des  viandes,  ainsi  qu'on  la  pu  VL>ir  plu»] 
haut. 

4**  A  des  propriétés  particulières  d'insalubrité  ?  Telle  senij 
ble,  très  probablement,  la  véritable  cause  de  la  proscription^ 
Les  Hébreux,  en  elTel,  lui  reprochaieni  d'occasionner  la  lèpreJ 
Un  savant  arabe  du  X*'  siècle,  Iskak  ben  Solcïman^  a  bieil| 
vanté  la  cliair  de  porc,  coiume  un  aliment  très  sain  ;  mais  sans 
refuser  à  cette  viande  de  très  réelles  qualités  nutritives  (^y^ 
Topinion  générale  Taccuse,  et  avec  raison,  d'être  difficile 
digérer  dans  les  pays  cbauds,  et  d'y  faire  naître  aisément  deg 
affections  cutanées.  Sanctorius  (2)  a  prouvé  que  celle  chair 
transpire  peu,  et  diminue  même  d^un  tiers  la  Iranspiration 
des  autres  aliments.  Les  anciens  athlètes,  qui  se  nourrissaienlS 
surtout  de  chair  de  porc  pour  développer  leurs  forces,  étaient 
usés  avant  l'âge  (3).  Pendant  Texpédition  d'Egypte,  lessoldaleij 
qui  mangèrent  quelque  temps  du  poisson  salé  et  de  la  viandd 
de  porc  furent  incommodés,  et  un  grand  nombre  atteints  d*é 
ruptions  lépreuses  qui  se  manifestaient  à  la  face  d'abord,  puis] 
aux  extrémités  (4).  Ainsi  que  je  lai  dernièrement  soutenu  (a)J 
la  fréquence  de  ta  ladrerie  dans  les  pays  chauds  (6)  chez  les  porcs,] 
les  indisposnions  fréquentes  dues  à  l'usage  de  leur  viande  du-l 
rant  les  chaleurs,  la  prédisposition  si  grande  des  voies  gaslri-j 
quesa  l'irritalion  pendant  1  été, l'opinion  générale  qui,  de  tout 
temps,  a  proclamé  cette  chair  lourde,  indigeste,  etc.,  expliquent 
parfaitement  lantipalhie  des  Indigènes  de  l'Algérie  pour  ce% 


(i)D'iprès  l««  dcn»ièr«*  f«oh«rcliâ  tmiit»  à  ce  tv^H  par  M.  Marduiî  dm  ÇmM^  1«  j 
ttndriit,  «w  pAint  de  ra*  du  degri  di»  iiurritivité,  k  luilieii  entre  le  boruf  *l  le  j»oul«l. 
■DOotoB  H  le  Yrâii> 

(»)  Midmctnii  ttutitliquet  trct-  ï*. 

(î)  Etttu  d'h/gitne  gtnéraU,  par  le  D'  Morinf»,  1. 1,  p,  Hi 

(4)  B«ron  Lauikt,  M*m0ir*i  H  enmfmgtuft. 

(%)  Yoyct  âatt»  Ujonmnl  VMkbw  Acm  t»  juillet,  S  ei  3i  «nûf,  9  nopt-  »*S». 

(fi)  L;i  ehiaiie  déictontrcra  »ait>douieii  In  ladrerie  innut-  sur  InrpiAntiié  ri   \*  rtnnliti 
prirtdpck  nulriliit  de  la  tltair  4c  cmiiiuti.  Chi  s^ii  ipic  le  iîju^u  cellobire  de  cet  «tiînial  renfcril 
«<mf «Ht  dr»  efiiicerqoci. 


—  Î75  — 

aliment.  C'est  sans  doute  Tabondance  des  oialières  grasses  et 
la  dureté  fibrillaire  qui  les  en  a  éloignés. 

La  crainte  de  faire  dégénérer  les  races  et  la  nécessité  d'em- 
ployer les  bestiaux  aux  travaux  des  champs,  auxlransports.  ne 
permeltenl  pas  de  destiner  les  plus  jeuues  aux  besoins  de  IV 
limentalion.  D'ailleurs,  le  mauvais  état  des  voies  publif]ues, 
Tabsence  presque  complète  d'abris  convenables,  font  peser  sur 
les  troupeaux  une  mortalité  annuelle  effrayante.  Il  en  résulte 
aussi  que  les  marcbés  sont  généralement  approvisionnés  de 
besUaux  vieux,  maladifs  et  fatigués.  —  Nous  n*avons  jamais 
entendu  dire  que  les  Arabes  usent  de  viandes  fumées,  salées: 
quelques  citadins  en  conservent  cependant  en  couvrant  les 
chairs  avec  un  mélange  de  felfel  (poivre),  de  mehr  (sel)  et  de 
tabel  (cortandrum  sativum).  —  Quant  aux  produits  de  la  pê- 
che, les  Indigènes  du  littoral  en  mangent  peu  :  les  Maures  les 
[■Utilisent  peut-être  davantage. 

Les  magasins  pour  les  céréales  consistent  en  excavations 
ondes,  de  différentes  grandeurs,   pratiquées  dans  la  terre  et 
('ouvrant  à  sa  surface;  c'est  ce  qu'on  appelle  des  silos.  Ces 
orles  de  greniers  souterrains,  qui  ont  la  forme  d*une  vaste 
irafe,n*ODt  qu'une  petite  ouverlure  que  Ton  recouvre d^abord 
Id'une  grosse  pierre,  puis  de  terre  et  de  broussailles.  La  capa- 
Ile  de^  plus  petits  est  de  3  à  400  boisseaux.  Qnmd  ils  sont 
creusés  dans  le  roc,  les  céréales  se  conservent  bien.  Cette  habi- 
tude d*ensilolement  parait  fort  ancienne  :  «C'est  une  coutume 
dans  presque  toutes  les  fermes  d'Afrique,  écrivait  César,  d'avoir 
ins  les  champs  des  cachettes  souterraines  pour  mettre  le  blé, 
irtout  en  raison  des  guerres  et  des  incursions  subites  de 
Tennemi,  » 

Presque  toujours  humides  dans  le  Tell  et  les  régions  mon- 
I       tagneuses,  ces  magasins  altèrent  facilement  les  grains,  sous 


.  A'#f /^ 


-  27A 

complètement  Tusage  des  V        ,  uS  Indigènes  conser\eDt  les 
haut.  ..//'•5  rondes  dont  les  parois  sont 

4**  A  des  proprîétr  ,.•:  épineux.  Ces  moyens  imparfaits 

ble,  très  probableir  ,.^i/es  de  s'altéier  et  d'être  envahies  par-:^^ 
Les  Hébreux,  en  j  plus  que  le  cbaulage,  le  vannage  et  It»  e 
Un  savant  arr  juas.  Les  légumes,  les  fruits,  géncralcn)ca^p-it 
vanté  la  dr  >  le  coin  des  habitations,  ont  également  beao^cu- 
refuser  :'  je'  à  se  conserver  quelque  temps.  Ignorant  Ic^^m^  es 
l'opini  ^  ^ftîserver  les  œulis,  les  Arabes  se  contentent  de  Jt^  es 
digr         jWi/uefois  dans  de  l'orge  ou  de  les  faire  cuii-e  jusqu'      ^'à 

^wti,  qui  fournit  la  boisson  générale,  est  approvisionna    éc 

j^s  des  cruches  malpropres  ou  dans  les  gueurha  (peaux  t^  de 

jtfiic),  qui  communiquent  une  odeur  fort  désagréable  et  p:    '^ûl 

/'inconvénient  de  s'échauffer  pendant  les  mai-ches.  De  là        -l^ 

proverbe  : 

«  Cherob  men  foum  el  lefad,  ou  (a  tctierob  men  foitmel  gueurba^^^^^ 
G*est-&-dIre  :  «  Bois  à  la  bouche  de  la  vipère,  et  ne  bois  pas  à  1^ 

bouche  de  Toutre.  » 

De  là  aussi  la  recomniandalinn  de  faire  toujours  prend  ^"^^ 
l'air  quelques  instants  au  liquide  longlemps  renfermé,  ava.  -^nl 
de  s'eja  servir. 

Quoifjiie  très  paresseux  et  insouciants  alors  qu'il  s'agir5=^^  '**^ 
de  maintenir  l'eau  dans  un  élat  de  propreté  et  de  salubrii  *'^ 
constantes,  les  Indigènes  ne  sont  pas  toujours  indifférents  à  -*^ 
bonne  qualité.  Ainsi,  dans  chaque  localité,  il  en  est  qui  co:  -^^w- 
naissent  parfailomoiU  h\s  sources  meilleures  les  unes  que  1^  '^ 
autres,  et  ne  manquent  jamais  de  les  indiquer  de  préférences^  ^^ 
celui  qui  voyage  avec  eux.  On  en  trouve  même  qui,  à  la  pr^  ^^ 
senc4'  de  certaines  espèces  il'herhages,  reconnaissent  l'endr  ''''^ 
où  il  faut  creuser  pour  trouver  de  l'eau.  On  raconte  que  ''* 

Pacha  llnsscin-IJeif,  désirant  faire  bàlir  une  fontaine,  app^^-'^**' 


—  ^r?  — 


RTcSfîsfnnfmSpfemï  homme  qui  avait  la  réputation  d'être 

! Ireâ  cTtperinienté  dans  la  iTchorclie  <le^  eaux  de  bonne  r|ualité. 

'Il  conduisil  cet  expert  près  de  fiuatiiî  snurccâ,  pai-mi  lesquelles 
il  Tdtrtait  porter  un  choix*  Le  Turc  prit  un  mouton,  le  coupa 

Le»  çaairfl  portion*,  s*assura  de  leor«  ditTérents  poids,  et  en 
■ne  dans  chaque  réservoir.  Le  lendemain,  il  pe&a  de 
nmifeâti  les  quatre  morceaux  ;  un  seul  n'avait  pas  changé  de 
poids  :  IVau  dans  laquelle  il  avait  séjourné  lut  désigr*re  au 
Fadia  comme  la  meilleure  des  quatre  sources.  Plein  de  con- 
fiance dans  les  lumières  d*un  tel  savant,  Hussein-Dcy  fit  de 
suite  fonj^truire  sa  frm laine  à  la  léte  même  de  celle  eau*  — 
Moins  adroits  qtieee  corréligionnaire,  noj  Arabes  n*cntemlent 
rica  aux  moyens  Je  constater  la  qualité  des  eaux. 

Les  Arabes  accordent  au  laitage,  dont  ils  font  un  grand 
usage,  de  gramles  propriétés  avantageuses  à  la  santé,  entr  au- 
tres ceHf  de  conscrter  au  corps  ses  fcH'ees,  sans  trop  le  nourrir 

[et  augmenter  son  volume. 

nombre  des  boissons  permises  par  la  religion,  la  loi 
?eiïrt  :  1**  Le  jus  de  raisin  fraîchetnenl  extrait  et  ne  pou- 

I  vtnl  encore  enivrer  ;  2**  le  fouqqa,  macération  a<]ueuse  de 
b(é  oti  d'orge,  ou  de  dattes  sècties,  ou  de  raisin  sec,  jusqu'à 
saveur  piquante;  ï*  le  soubieh\  digeslion  aqueuse  dVge 

^concassée  avec  du  levain  ou  pâle  de  dalles,  jusqu'à  acidité  ; 
4°  le  jus  de  raisin  cuit  et  devenu  plus  que  sirupeux,,  er  rob 
essamil,  e'est-à-dire  le  sirop  tranquille.  En  cas  de  nécessité 
p«»â8aûtf ,  danger  de  soif  trop  prolongée^  on  peut  user  des- 
choses  défendues,  seulement  autant  qu'il  en  faut  pour  conser- 
wr  assez  de  forces  et  s'ejnpeclier  de  mourir.  Toutefois,  il  n'est 

[jamais  permis  de  boire  de  vin  ou  de  liqueurs  spiritueuses,  à 

[moins»  par  exemple,  de  souffrances  suffocantes  et  lorsqu'on 
n'a  rien  autre  chose  qui  puisse  soulager.  —  Il  est  blâmable 
de  faire  usage  de  boissons  composées,  c'esl-à-tlire  préparées  au 
moyen  de  plusieurs  ingrédienls  fermeiitescibles,   raisiû  soe. 


4 


—  278  — 

blé,  orgo,  miel,  ilattos  ;  mais  il  o'y  a  pas  i!e  blâme  à  meî 
i]\\  niicJ  dans  une  boisson  d»?  dattes,  ou  dtrs  dattes  dans  du  !ait|| 
car  alors  il  n'y  a  pas  de  cause  de  vinitlcalioih  II  est  blamabU 
de  conserver  les  boissons  (de  dalles  ou  autres)  dans  des  citroutl 
les  allongées;   par  exemple,  dans  des  jnrres  vernissées,   aï 
elles  pourraient  devenir  enivrantes.  —  Le  Musulman  pubère 
sain  de  raison,  r|ui,  volontairement  sans  nécessité  forcée,  a  bu 
une  substance  enivrante  et  qu'il  savait  elre  telle,  lors  mèml 
qn'étanl  attaché  au  rite  hancfite  il  a  bu  du  nebid  ou  vin 
faible  obtenu  de  raisins  secs,  lequel  est  considéré  dans  ce  rit 
con)mc  d*usage  toléré,  ce   Musulman   doit,  après  qu'il  es 
revenu  à  la  raison,  être  condamne  à  la  fustigation  et  puni  d€ 

quatre-vingts  coups  de  courroie L'ivresse  est  plus  dange 

reuse,   plus  nuisible,  dans  ses  conséquences  sociales,  que] 
Tadultèrc  même  et  la  fornication.  L*ivresse  est  la  mère  detoua 
les  vices  (oiimm  et  khabaïs);  elle  conduit  trop  souvent 
Tadultère,  au  vol,  au  meurtre,  et  elle  est  si  commune  dans  lô\ 
monde  !,,,.  Il  est  permis  de  boire  une  liqueur  enivrante  lors- 
qu'on est  obligé  de  déterminer  la  déglulilion  de  nourritures^ 
arrêtées  dans  le  gosier  et  menaçant  de  sulToquer,  et  que  Vouj 
n'a  sous  la  main  aucun  autre  liquide.,,.,  La  fermentation! 
acide  ou  acétique  détruit  la  nature  première  de  la  substance,| 
etc*  (1).  —  Cotte  proscription  bien  précise  des  liqueurs  fer*J 
mentées  et  enivrantes  nous  conduit  àexamincr  trois  questions:'* 
Le  Prophète  a-t-il  défendu  le  vin?  Ses  successeurs  Tont-ils 
prohibé?  Y  a-t-il  convenance  à  le  proscrire  dans  les  pays 
chauds?  —  Le  Propliète  a  dit  dans  le  Koran  (2)  : 

<i  Le  vin  est  une  abomination  inventée  par  Satan  ;  abstenez - 
vous-en...,  Satan  désire  exciter  la  haine  et  i*lnlniitié  entre  voua 
parle  vin,  et  vous  éloigner  du  souvenir  do  FUeu  et  de  la  prière  î 
ne  vous  en  abstloudrez-vous  donc  pas  7  » 


(t)  Si  KAtfHp  l.  Vh  ch.  j^XXXVUï  H  I 


ULik  \m 


—  279  — 

Cependant,  cette  recommandation,  dictée  sans  aucun  doute 
(Mir  une  haute  sagesse,  a  été  diversement  interprêtée  par  quel- 
ques commentateurs.  Il  est  certain,  pour  celui  qui  médite 
attentivement  le  Koran  dans  tous  les  passages  relatifs  au  vii>, 
que  Mohammed  n'a  pas  voulu  le  proscrire  d'une  manière 
absolue,  mais  qu'il  a  seulement  blâmé,  avec  toute  la  sévérité 
possible,  les  excès  déplorables  et  dégoûtants  auxquels  son 
abus  conduit  inévitablement  chez  tous  Jes  peuples.  Ainsi , 
iUdit(4): 

■  Parmi  les  fruits,  vous  avez  le  palmier  et  la  vigne,  d^où  vous  | 
retires  une  boisson  enivrante  et  une  nourriture  agréable.  Il  y  a 
dans  eeçl  des  signes  pour  ceux  qui  entendent..  Us  t'interrogeront   I   u 
«or  le  vin  et  le  Jeu;  dis-leur  :  Dans  l'un  comme  dans  Tautre,  il  y  a  [ 
da  mal  el  des  avantages  pour  les  hommes  ;  mais  leur  mal  remporte  j 
eor  les  avMntages  quMls  procurent.  •  ^ 

Ce  n'est  donc  que  contre  les  conséquences  funestes  pour  la 
sanlè,  honteuses  pour  la  morale,  que  Mohammed  songeait  à 
s'élever.  En  signalant  à  ses  fidèles  croyants  les  divers  végétaux 
que  Dieu  avait  créés  pour  l'alimentation  et  la  boisson  des 
hommes,  il  n'oubliait  pas  de  faire  remarquer  que  leurs  pro- 
duits ne  devaient  être  employés  qu'à  ja  condition  d'apporter 
dans  leur  usage  toute  la  prudence,  loulc  la  sobriété  convena- 
bles ponr  éviter  les  funestes  conséquences  de  l'abus. 

■  Rangez  et  buvez,  mais  sans  excès,  car  Dieu  n'aime  point  ceux     |  D 
qui  commettent  des  excès  (2).  » 

C'est  de  cette  seule  manière  qu'il  nous  semble  rationnel 
d'interpréter  ces  mots  du  verset  216  du  chap.  II  :  «  Dans  Tun 
comme  dans  l'autre,  il  y  a  du  mal  et  des  avantages,  etc.  » 

LeProphète  avait  besoin  d'un  peuple  guerrier;  il  était  tout 
naturel  qu'il  lui  défendît  tout  ce  qui  pouvait  le  ramollir  parla 

(i)  KerûH,  diap.  Il,  r.  ti6;  chap.  XVI,  t.  69. 
(a)       Id.     chap.  Vil.  r.  29. 


-  280  - 

débauche;  mais,  entre  Tabus  et  l'usage  modéré,  il  j  a  une 
différence  tellement  grande  qu'un  esprit  aussi  juste,  aussi 
éclairé  que  celui  de  Mohammed,  ne  pouvait  la  négliger,  la 
réduire  à  néant.  Soutenir  Tenthousiasme  belliqueux  par  le 
fanatisme,  les  forces  physiques  des  combattants  par  aine 
liqueuraussi  toniqne,  devaient  être  la  pensée  de  ce  législateur; 
et  peut-être,  comme  on  Ta  déjà  fait  remarquer,  sans  une 
ridicule  abstinence  complète  du  vin,  tes  Mahométans  seraient 
aujourd'hui  les  maîtres  de  l'univers.  Et  d'ailleurs,  à  preuve 
que  le  but  du  Prophète  n'était  guère  de  proscrire  le  vin  d'une 
manière  absolue,  c'est  qu'il  le  range  au  nombre  des  jouissances 
promises  aux  croyants  vertueux  dans  le  paradis. 

«  Autour  d'eux  circuleront  des  enfants  éternellement  jeunes» 
avec  des  gobelets,  des  aiguières  et  des  coupes  remplies  d'un 
vin  exquis  dont  ils  n'éprouveront  ni  maux  de  tête  ni  étourdisse- 

ments Annonce  à  ceux  qui  croient  et  qui  pratiquent  les 

bonnes  œuvres  qu'ils  auront  pour  demeure  des  jardins  arrosés 
de  courants  d'eau.  Toutesles  fois  qu'ils  recevront  des  fruits  de 
ces  jardins,  ils  s'écrieront  :  Voilà  les  fruits  dont  nous  nous 
nourrissions  autrefois  !  mais  ils  n'en  auront  que  Vappa- 
rence  [i].  » 

C'est-à-dire,  ajoute  le  traducteur,  M.  Kasimirsfci,  que  ces 
fruits  seront  d'un  goût  bien  plus  exquis  que  ceux  de  la  lerrc, 
quoique  semblables  en  apparence  à  ces  derniers,  et  ce  pour 
causer  aux  bienheureux  une  surprise  agréable. 

Ce  fameux  vin  du  paradis  s'appelle  rhiq  el  mekhtoume. 
Comment  un  liquide  réputé  abominable  sur  terre  serait-il 
devenu  un  objet  de  convoitise  près  de  l'éternel?  On  sait,  du 
reste,  que  le^  Arabes  buvaient  beaucoup  de  vin  avant  Moha^nr- 
med,  et  que  le  Prophète  ne  pensa  à  leur  en  défendre  l'abus 
qu'après  sa  victoire  sur  les  Juifs  madhirites  qui  l'avaient  invité 

(i)  Koran,  rhap.  >,  v.  aJ  ;  rhnp.  LVI,  v.  i-». 


—  S8<  — 

à  un  dîtter  sooiptueuai'pour  l^assassiner  ptus  aisément.  Les 
tolha9  préieodent  que  du  temps  de  Mohammed,  un  Arabe 
venant  de  faire  sa  prière  rencontra  en  chemin  line  femme  de 
connaissance,  qui  l'engagea  à  entrer  chez  elle.  A  peine  eût-il 
pénétré  dans  la  demeure,  celle-ci  lui  dit  de  choisir  entre  elle, 
un  enfant  et  du  vin.  Après  avoir  bien  réfléchi  sur  les  incon-^ 
vénienta  et  les  avantages  de  ces  trois  objets,  il  se  décida  pour 
le  vin;  mais  dès  qu*il  en  eut  goûté,  il  se  livra  à  toutes  sortes 
d*excès  sur  la  femme,  et  ne  tarda  pas  à  tuer  Tenfant.  Dès  lors, 
le  Prophète  aurait  défendu  le  vin,  comme  une  liqueur  qui 
engendrait  à  la  fois  la  luxure  et  le  crime.  Ce  n'est  là  probable^ 
ment  qu'une  ingénieuse  parabole,   correspondant  à  cette 
maxime  bien  connue  :  «  La  vigne  porte  trois  fruits  :  le  plaisir, 
Pivresseetle  repentir  (Anacharsis).  )>  —  Le  vin  a-t-il  toujours 
été  défendu  chez  les  Musulmans  ?  Les  Arabes  du  temps  du 
Prophète  s'étaient  bien  difficilement  amendés  dans  l'usage  de 
ce  liquide.  Les  Persans  le  continuèrent  et  le  transmirent  même 
en  Espagne,  où  l'abondance  et  l'excellente  qualité  des  vind 
d'Andalousie  excita  bientôt  à  très  médiocrement  obéir  aux 
prescriptions  du  Koran.  Plusieurs  Émirs  favorisèrent  même  de 
leur  exemple  l'usage  général  du  vin  :  «  Au  commencement  du 
règne  i'El  Hakem,  rapporte  M.  Viardot  (1),  tous  les  Musul- 
mans de  l'Espagne  jusqu'aux  desservants  des  mosquées, 
buvaient  non  seulement  le  sahbah  ou  vin  clair  et  doux,  mais 
ausB^le  ghamar  ou  vin  rouge  et  fermenté,  et  même  des  eaux- 
de-vie  faites  avec  les  dattes,  les  figues  ou  les  raisins.  L'ivresse 
était  devenue  fréquente  et  commune  parmi  les  croyants  de 
VIslam.  En  rigide  observateur  de  la  loi,  El  Hakem  réunit  en 
un  ooncile  les  principaux  imdms  et  fakyrs  de  l'empire,  et 
leur  demanda  d'oti  pouvait  venir  un  si  général  abus.  Ils  répon- 
dirent, que  depuis  le  règne  du  Khalife  Mohammed  (852), 

(l)  Hiiloire  tlwt  .tinèfs  et  itts  Maurti  d'Espnt^ne,  I.  I,  p.  171- 


—  282  — 

l'opinion  s  était  introduite  que  les  Muiulmans  d'Espagne 
étant  toujours  en  guerre  atec  les  ennemis  de  la  foi,  il  était 
bon  quils  fissent  usage  du  tin  comme  leurs  ennemis,  parce 
que  cette  boisson  augmente  la  force  des  hommes  et  le  eq^i^ 
rage  des  guerriers.  El  Ilakèmy  (raccord  avec  l'assemblée 
religieuse,  fil  arracher  dans  toute  l'Espagne  les  2/3  des  vignes, 
et  ordonna  que  de  celles  qui  restaient  les  croyants  mangeassent 
le  fruit  frais  ou  sec,  ou  qu'on  en  fît  seulement  du  miel,  des 
sirops  et  des  conserves.  »  Et,  cependant,  à  ce  ri^e  d*£/ 
Hakem  //correspond  le  plus  haut  degré  de  civilisation  arabe  en 
tous  genres!  — Un  des  plus  célèbres  toubibes  arabes»  Aticenne, 
a  exprimé  l'opinion  suivante  sur  le  vin  :  «  C'est  une  liqueur 
aussi  âpre,  mais  non  moins  salutaire  que  les  conseils  d'un  père 
à  son  fils.  L'homme  de  bon  sens  ne  se  fait  pas  un  scrupule 
d'en  boire,  l'hypocrite  seul  la  proscrit.  La  raison  en  autorise 
l'usage,  la  loi  ne  la  défend  qu'aux  sots.  »  D'autre  part,  un 
commentateur  arabe  du  Koran,  Sidi  Djelaleddine,  pense  que 
le  Prophète  a  tout  uniment  voulu  défendse  l'excès  du  vin,  et 
qu'il  est  permis  d'en  boire,  pourvu  qu'on  ne  s'enivre  pas.  Les 
poètes  musulmans,  et  ils  ont  été  nombreux,  chantent  en  parts 
égales  le  vin  et  l'amour,  preuve  qu'il  a  été  de  tout  temps  fré- 
queRiment  et  abondamment  dégusté,  malgré  la  sévérité  reli- 
gieuse. Voici  ce  que  l'on  raconte  d'un  des  plus  anciens 
d'entr'eux,  Adscha  Maimoune  :  «  Quand  on  lui  eut  appris 
que  le  nouveau  Prophète  avait  proscrit  le  vin,  il  répondit  :  Il 
ne  m'en  reste  plus  que  quelques  cruches  de  ma  provision  de 
cette  année,  que  j'irai  vider  avant  de  me  ranger  sous  les 
bannières  de  la  sainte  croyance  (1).  » 

On  a  vu,  dans  les  paragraphesde  médecine  légale  et  de  phar- 
macie, les  dispositions  judiciaires  et  autres  prises  à  l'égard  do 

(i)  Parnatie  oriental,  par  M.  te  Iiarnn  Rovmvad.  Cet  ialëressant  oavrag^  eoalient  beau- 
coup de  fragment»  de  poètes  turc*,  persans,  arabe»,  ({uî  célèbrent  arec  dialenr  lot  libation» 
durin. 


—  283  — 

• 

l^QSigedes  boissons  enivranios  et  alcooliques,  et  les  tolérancos 

itorisées  en  faveur  des  malades.  Celte  sévérité  pouvait  avoir 

pour  butilVolever  même  jusqu'au  prétexte  de  leur  emploi,  E^le 

fa  été  poussée  assez  loin  pour  que  Sidi  Khelil  (4)  ait  dit  :  «  Il 

[est  défendu  de  vendre  du  raisin,  si  l'on  sait  que  rinfidèle  en 

extraira  du  vin!»  Singulière  nianièrede  moraliser  en  frappant 

lie  commerce I  Mais  ce  rigorisme  ridicule,  que  certains  tbéolo- 

Lgiens  ont  attaché  aux  paroles  du  PropAè-^e  concernant  les  in- 

iConvénients  du  vin,  a  été  tel  que  beaucoup  di3   Musulmans 

[  revenantdu  pélerinagede  la  Mecque^  pensentque  non  seulement 

il  est  défendu  de  goûter  du  vin,  de  cueillir  ou  de  presser  les 

[raisins  pour  en  tirer  un  liquide  fermentescible,  d'acheter  ou 

tde  vendre  de  ces  raisins,  mais  encore  de  s'entretenir  at^ec 

\  tarifent  qui  proviendrait  de  ce  commercù.  On  comprend 

qu^avec  des  commentateurs  aussi   intelligents,  la  lettre  du 

koran  soit  facilement  dénaturée  au  point  d'en  faire  un  code 

absurde.  Tristes  disciples,  dangereux  prosélytes  que  ceux  qui 

Tencljërissent  de  celte  façon  sur  la  parole  du  maître,  surtout 

en  matière  de  religion  I  En  résumé,  qu  est-il  résulté,  que  pou* 

►  Tait-il  rés^ulter  de  toutes  ct^s  défenses  d'une  sévérité  outrée  et 

contre  nature?  L*excès  en  sens  opposé  à  celui  qu'on  voulait 

'atteindre.  On  désirait  empêcher  rabus,et  on  prohibait  Tusage 

[il*une  manière  absolue  ;  c'était  provoquer  la  débauche  et  forci^r 

'  à  éluder  hypocritement  le  texte  rigoureux  de  la  loi.  Les  contra^. 

dictions  sont  innées  dans  Tesprit  humain.  Ainsi,  les  Turcs 

f  boivent  lous  du  vin»  sans  le  moindre  scrupule.  Les  théologiens, 

disent-its»  entendent  par  vin  uih3  liqueur  ciiivrante  et  rouge, 

nfiais  ils  ne  désignent  pas  sous  celte  dénomination  les  vins 

blancâ,  les  composés  divers  d'eau-de-vie,  le  Champagne,  etc. 

—  Dans  le  pays  de  Sotus,  les  habitants  font  usage  d'une 

boisson  agré.'d'l^'   mi  goût    et  plus   iiiivriinre  que   te   vin*  le^ 


(ft  T  niéi  inii.r  n» 


—  284.— 

substances  inlégrantes  étant  plus  concentrées  :  c'est  une  décoc- 
tion, réduite  jusqu'au  tiers,  de  moût  de  raisin  doux  (1). —  Les 
Musulmans  de  Tunis  qui,   pour  la  plupart,  boifent  du  vin  et 
de  Feau-de-Tie,  s  pensent  de  cotte  façon  :  «  Ce  n'est  pas  ce 
qui  entre  dans  la  bouche  qui  fait  du  mal  à  autrui,  mais  ee  qui 
en  sort  ;  donc  le  péché  peut  être  dans  le  second  cas  et  non  dans 
le  premier.  »  Et  tous  les  Maures  de  la  régence,  même  les  plus 
scrupuleux  en  fait  de  religion,  boivent  du  ?in  arec  beaucoup 
de  plaisir,  mais  seulement  quand  ils  sont  seuls  (8).  —  Les 
nègres  de  la  cote  d'Afrique  sont  très  portés  sur  les  alcooliques. 
Au  Dar-Four,  l'ivrognerie  est  devenu  un  besoin;  à  la  Mecque 
même  (3),  beaucoup  de  Mahométans  se  livrent  en  secret  à 
l'abus  du  vin  et  commettent  sous  son  influence  de  complètes 
orgies.  Pour  ce  qui  concerne  l'Algérie,  beaucoup  dlndîgènes 
recherchent  avidement  le  vin  et  les  liqueurs  alcooliques, 
et  en  abusent  même  de  la  façon  la  plus  déplorable.  L'influence 
pernicieuse  en  a  été  surtout  palpable  sur  plusieurs  biskris 
(portefaix  indigènes),  à  Alger,  pendant  l'épidémie  dernière  do 
choléra.  Les  sectateurs  de  Mahomet  qui  suivent  le  rite  banéfite 
boivent  une  espèce  de  vin  fabriqué  avec  des  raisins  secs,  etc. 
Toilà  oii  conduit  l'interprétation  absurde  et  tyranoique  des 
préceptes  les  plus  sages,  quand  il  s'agit  de  lasantédes  masses 
et  des  individus.  C'est  toujours  une  excitation  aux  réactions 
dans  les  idées,  réactions  pires  que  les  maux  qu'une  compression 
maladroite  et  exagérée  croyait  prévenir.  Et,  chose  singulière, 
le  peuple  chez  lequel  les  liqueurs  enivrantes  (alcool,  vin)  ont 
été  le  plus  sévèrement  proscrites,  se  trouve  celui-là  même  qui 
découvrit  le  moyen  de  séparer  Talcool  des  matières  fermentéesl 
Nous  l'avons  déjà  dit,  l'alcool  [el  kohot)  est  en  effet  dû  à  des 
alchimistes  arabes.  Rhaxès  en  parle  le  premier  en  940. 

(i)  Voypi  iitogruphie  d'El EUritt,  \.  \,  p.  aog. 

(»)  Retuf  tl'Oiirnf,  i844  ;  f'orapc  dam  h  Sahara  tunisien,  par  Loxa>Movt«ai(k«  . 

(3)  Artm-  d'Onrnt,  i84'* .  f'nrage  ù  h  Mecque,  pnr  l>icui»tT 


—  285  ~ 

Examinons  maintenant  ce  point  important  de  salubrité 
publiq¥ie:le  fin  convient-il  aux  Indigènes  de  l'Afrique?  Sans 
doute,  les  liquides  alcooliques  excitent  beaucoup,  daus  les  pays 
cbaudsy  l'énergie  fonctionnelle  du  foie,  ce  grand  éliminateur 
du  carbone,  déjà  si  actif  par  le  fait  même  de  la  température 
éiefée;  mais,  en  opposition  aux  excès  dégradants  pour  Tbuma* 
nité  et  la  race,  l'usage  modéré  d'une  liqueur  tonifiante  dans 
cette  tMd  ne  serait-il  pas  avantageux?  H  y  a  beaucoup  de 
vignes  en  Algérie  ;  du  temps  de  Toccupation  romaine,  les  vins 
d* Afrique  étaient  fort  renommés,  et  le  D^  Schaw  pensait  que  si 
la  TÎgne  y  devenait  sérieusement  cultivée,  elle  produirait  des 
vins  susceptibles  de  rivaliser  avec  les  meilleurs  produits  de 
rCspagne.  M.  leD''  Foucqueron  (1)  prétend  que  le  vio  d'Alger, 
avant  les  ravages  que  firent  les  sauterelles  en  4733  et  1794, 
passait  poar  aussi  bon  que  le  meilleur  Hermitage.  D'après 
M.  l'inspecteur  médical  Baudens  (2),  on  fait  d^excellcnt  vin  de 
raisin  avec  le  produitdes  vignes  de  £/i^Aoual.  En  4842,1e  D' 
Cambay  a  obtenu  à  Tlemcen  du  vin  blanc  sec  se  rapprochaat 
de  celui  de  Grave,  et  du  bon  vin  rouge  foncé  en  couleur  et 
3uffisamment  fort.  Qui  n'a  bu  en  Algérie  du  vin  de  Médéah  7 
Sansimiter  les  sociétés  anglaises  et  américaines  de  tempérance, 
qui  ont  le  grand  tort  de  proscrire,  au  lieu  de  réglementer, 
Tusaî^d'un  liquide  aussi  éminemment  utile  aux  ouvriers  et 
aux  constitutions  souffreteuses,  il  sera  toujours  facile  de  sur- 
veiller en  Algérie  les  débits  et  cafés  dans  lesquels  les  Indigènes 
pourraient  abuser  des  vins  et  liqueurs  alcooliques. 

Le  triste  état  des  sources,  des  puits  non  maçonnés,  a  été 
«xposé  plus  haut;  il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  revenir  sur  la 
qualité  généralement  mauvaise  des  eaux  qu'ils  fournissent  à 
la  boisson.  Les  toits  en  poil  de  chameau  chez  les  Nomades,  en 


(t)  T    XXXIV  i/ej  Mémoires  ti*  médecine  milita tre. 
(a)  Vo)ag«  î»  El  .4^houat.  «n  novembre  t853. 


—  286  — 

chaume  ou  en  branchages  chez  les  Arabes  fixes,  ne  permettent 
point  de  récolter  des  eaux  de  pluie.  Les  Kabyles  n^utilisent 
nullement  à  ce  point  de  vue  leurs  toits  en  tuile.  Dans  les  TiUes 
seules,  la  terrasse  plane  conduit  les  eaux  dans  des  citernes  ou 
des  puisards.  La  coutume  de  blanchir  ces  platesr-formès  phi- 
sieurs  fois  par  an  à  la  chaux,  leur  exposition  à  tous  Tents,  leur 
fréquentation  quotidienne  par  les  femmes  et  les  filles  de  chaque 
demeure,  ne  laissent  pas  que  d'influer  défavorablement  sur  la 
nature  et  la  propreté  des  eaux  récoltées.  —  Les  fontaines  publi- 
ques n'existent  guère  que  dans  les  villes  mauresques  :  la 
distribution  des  eaux,  qu'elles,  devraient  assurer  sur.  divers 
points  de  la  cité,  laisse  beaucoup  à  désirer. 

Tout  ce  qui  a  été  dit  jusqu'ici  en  divers  endroits  de  notre 
travail,  relativement  à  l'alimentation,  prouva  suffisamment 
qu'envisagée  à  un  point  de  vue  général,  elle  est  évideinment 
insuffisante  sous  le  double  rapport  de  la  quantité^  et  de  la 
qualité*.  Wolney  dit  que  les  Bédouins  n'ingérant  par  jour  que 
480  grammes  de  substance  alimentaire  I  Ne  taxera-l-K)n  pas 
alors  de  bien  ridicule  l'existence  actuelle  d'un  caretne  chez  un 
peuple  que  la  misère  et  la  paresse  forcent  à  jeûner  presque 
tonte  l'année?  Que  l'impuissance  industrielle,  une  coupable 
indolence  nécessitant  aux  Arabes  une  existence  frugale,  sobre, 
cela  se  comprend  à  la  rigueur;  mais  ajouter  au  dénûment 
général  et  aux  privations  qui  pèsent  lourdement  sur  tout  ce 
peuple  d'autres  privations  officielles,  prolongées,  contraires 
aux  lois  naturelles,  c'est  de  la  pure  et  simple  cruauté^  c'est 
i^ouloir  violenter  le  corps  sans  motif  excusable,  alors  surtout 
qu'il  a  bien  plutôt  besoin  d-êlre  tonifié.  Les  Abyssins,  dit 
Uontesquieu  (1),  ont  un  carême  de  cinquante  jours,  très  rude, 
Qi  qui  les  aflaiblit  tellement  que  de  longtemps  ils  ne  peuvent 
agir;  les  Turcs  ne  manquent  pas  de  les  attaquer  après  leur 

(0  Bsp,itJcfi0is,\iy.XX\t,  cU.  \"II. 


—  287  — 

oarême. -^  Certes,  le  principe  de  rabstinence  peut  avoir  des 
bases  très  naturelles,  émineinmentnécessaires,maisil  faut  que 
l^appIicatioB^  soit  réglementée  dans  des  limites  proportionnées 
au  clioiat  et  aux  besoins  de  chaque  population.  Si  la  religion 
doit  s'adresser  au  cœur  par  des  conseilset  des  recommandations» 
les  lois  ne  doivent  parler  à  la  raison  que  par  des  préceptes,. des 
obligations  que  celle-ci  ne  réprouve  pas.  Un  fait  certain, 
irréfutable,  c'est  qu^  dans  les  oasis,  dans  le  Sahara,  où  règne 
une  température  moyenne  de  40^,  le  carême  arabe  devient  un 
Téritable  supplice.  Une  aussi  singulière  institution,  originaire 
des  pays  chauds,  a  inspiré  à  un  poète  musulman  le  quatrain 
suivant  : 

■  Le  jeune  sacré  a  commencé,  et  me  voilà  sans  clairet  ! 
•  La  f^lin  a  fait  perdre  à  mon  visage  ses  coaleurs  ; 
»  PoisquMl  n*y  a  plus  dans  ma  maison  de  quoi  maoger  et  boire, 
»  Hatd^tol,  6  triste  ramadhan  !  d*en  déguerpir,  car  je  pourrais 
t>va]er  toi-même  l  » 

AvaQt  Mohammed,  les  Arabes,  comptant  par  années  sotai- 
Fes,  avaient  constamment  leur  carême  au  mois  le  plus  chaud 
de  rannée  ;  de  là  son  nom  de  ramadhan  (de  ramad 
brûîant)  (1),  Celte  époque,  peu  hygiénique  sans  doute,  a 
cessé,  puisqu'avec  le  oalendrier  actuel,  basé  sur  Tannée  lu- 
naire,, le  mois  de  Tabstincnce  avance  chaque  année  et  se 
tfouvé  avoir  passé  par  toutes  les  saisons  après  une  révolution 
de  trente-deux  années.  Le  ramadhan  n'a  donc  pas  la  même 
^eur  que  le  nôtre,  qui  est  prmtannier.  Quand  il  coïncide 
avec  réppque  des.fortes  chaleurs,  il  devient  tellement  difficile 
à  supporter,  funeste  pour  la  santé,  que  le  délire  s'empare  des 
uns,  que  les  autres  se  voient  obligés  d'y  renoncer.  —  :Ce 
carême,  que  le  Prophète  appelle  «  la  porte  de  la  religion,  > 
et  dont  il  exaltait  toute  l'importance  en  disant  que^  Vhaleine 

(i)  D'autre»  prétendent  qu'arant  le  Prophète,  le  inoM  de  rammikun,  qui  Mrrefpoadliit 
au  kttitièine  et  neuvifinc  mois,  était  copiiÉré  &  la  débaoche- 


—  288  — 

de  celui  t^ai  jeûne  est  plus  agréable  à  Dieu  que  Codeur  du 
musc,  »  commeBce  avec  la  nouvelle  lune  ;  il  coaiprend  qu(>- 
tidiennement  depuis  le  fedjer,  moment  oii  Ton  peut  distimuer 
Un  fil  blancd*un  fil  noir,  jusqu'au  coucher  du  soleil  {mogkeb)^ 
Pendant  tout  ce  temps  diurne,  défense  expresse  de  rien  avaler, 
mêroe  la  saline,  de  priser,  de  fumer»  d'introduire  la  iocândre 
substance  dans  la  boucbe,  de  respirer  l'odeur  d^s  fleurs  pour 
quelques  rigoristes.  La  moindre  chose»  dit  la  loi,  qu'uoi  Musiil- 
nma  sent  arriver  à  ses  lèvres,  il  doit  la  cracher  de^snile.  Il  est 
blâttiaMede  mâcher  quoi  que  ce  soit  ;  de  prendre,  pendant  la 
j&Bmée,  des  médicaments  contre  la  stomacace»  le  scorbut,  à 
moins  qu'on  ne  craigne  l'aggravation  du  mal  ;  de  se  livrer  à 
toute  pensée,  parole  ou  action  voluptueuses  ;  d'appliquer  des 
ventouses  ou  de  pratiquer  ane  saignée  à  un  malade  pendant 
la  journée,  à  moins  de  nécessité  absolue  et  prouvée.  On  doit 
même  éloigner  toute  provocation  au  vomissement,  aux  renvois 
et  régurgitations,  et  ne  laisser  arriver  aucune  substance  solu- 
biè  ou  absorbable  dans  l'intérieur  du  corps  par  le  mo]^n  du 
lavement  ou  de  TiDjecMon  dans  les  parties  génitales,  ou  voies 
auriculaires,  nasales  ou  oculaires.  La  loi  n'inflige  pas  de 
jeûne  satisfactoire  à  celui  qui  est  soumis  à  l'introduction  d*uii 
liquide  ou  d'un  corps  solide  dans  le  mAtt  urinaire  (ï'injectioi^ 
vulvaire  oblige  au  jeûne  satisfactoire],  ni  à  celui  auquel  on 
pratique  des  onctions  médicamenteuses  sur  une  plaîf^ profonde 
occupa)if>t  un  point  du  ventre  ou  du  dos,  car  l'onguent  ou  la 
matière  de  l'onction  ne  peut  alors  pénétrer  dans  les  organes 
digestifs  (1),  ni  à  celui  qui  est  atteint  d'une  maladie  occasion- 
nant  un  écoulement  continuel  de  liquide  spermatiforme^  ou 
«R  flux  transparent  ou  opaque;  ce  dernier  cas  s'applique 
aussi  à  la  femme  et  parait  indiquer  l'état  Uucorrhéïque  (3). — 


(i)  L'ignoraocr  romplèlc  <lo&  Arabes  en  physiologie  rxrasv  (ootrs  cc\  erreurs, 
(i)  Si  Kheftf,  t.  I,  ch.  II,  T.  i83. 


—  289  — 

Oèe  le  coucber  du  sgleîl,  oo  rompt  le  jeûne.  Les  dattes,  au 
iiombrede  trois,  observe  la  jurisprudence  niusulmaue»  sont 
préférables  à  toute  autre  nourriture  pour  rompre  le  jeûn^» 
car  elles  font  cesser  plus  facilement  les  éblouissemenU  ei  les 
étaurdissements csiusésf^v  le  jeûne.  D'ailleurs^cesnourritures 
léffères,  des  amandes,  du  raisin  sec,  etc.,  ne  sont  qu*uoe  pré- 
paration au  repas  qui  se  prend  peu  après.  D'ordinaire,  si  la 
soif .  eM  YiTe,  il  faut  boire  peu  et  doucement,  par  gorgées 
moyennes^  ei  avaler,  entre  ces  gorgées,  quelque  peu  de  nour- 
ritpre.  Mohammed  avait  dit  : 

«  n  ist  permis  de  vous  approcher  de  vos  femmes  dans  la  nuit  ûti      lu 
jeûne-M-  il  vous  est  permis  de  boire  et  de  manger  Jusqu'à  ce  que 
vous  pourrez  distinguer  un  fil  blanc  d'un  fil  noir  (1).  » 

Les  Arabes  mettent  peu  à  profil  les  précédentes  recomman- 
dttioBS  do  Commentateur,  et  usent  au  contraire,  te  plus 
laifieoMot  possible,  des  autorisations  données  par  le  Prophète. 
Aussi,  dès  que  le  soleil  a  disparu  de  Thorizon,  la  débauche 
commraoe;  à  une  nuit  d'abstinence  complète  en  toutes  choses 
soocède  une  nuit  de  plaisirs  et  d'orgies  en  toutes  choses.  Excès 
dam  le  manger  et  dans  le  rapprochement  des  sexes,  voilà  ce 
qui  se  répète  pendant  trente  nuits  consécutives  l  La  santé  ne 
pe«t  que  subir  de  funestes  atteintes  d'un  tel  régime.  L^expé* 
rieiee  prouve  que  le  ramadhan  est  toujours  suivi  de  rixes 
plus  ou  moins  sanglantes,  de  querelles,  d*a(Tcctions  cérébrales, 
{E^tstriques,  hépatiques,  intestinales  nombreuses  et  graves,  et 
marqué  par  unfe  mortalité  plus  considérable.  Voilà  donc  un 
moia employé  à  une  espèce  de  carnaval  nocturne,  perdu  pour 
les  affaires,  le  travail,  le  commerce,  et,  qui  pis  est,  forcément 
préjudiciable  au  corps  et  au  moral  ;  voilà  ce  ramadhan  que 
les  Musulmans  considèrent  comme  une  des  cinq  colonnes  de 
TédiGce  musulman!  Certains  savants  vont  jusqu'à  prétendre 

(i)  Koraii,  rb.  Il,  t.  i^). 


-  290  - 

qu'a  la  fête  de  la  rupture  déïînilive  du  carême  (Aid  el  Fifr), 
il  convient  de  maogor  de  préférence,  ce  jour-là,  au  foie, 
comme  aliment  plys  facile  à  cuire  que  toute  autre  partie  de 
ranimai  !! 

Le  régime  d'abstinence  mensuelle,  assez  sévère  pour  que  le 
proverbe  arabe  dise  :  «  Etre  à  jf'àn  comme  une  lune  de 
ramadhan,  »  ne  pouvait  elre  impunément  imposé  dans  des 
ûaj'S  chauds  à  toutes  les  constilulioiis,  à  touti^s  les  conditions 
luilaires;  aussi  la  loi  a-t-elle  prévu  des  cas  de  dispenses.  Le 
Ifîdèle  malade  a  le  droit  de  ne  pas  jeûner  lorsqu'il  y  a  à  craindre 
que  par  le  jeune  il  n'augmente  ou  ne  prolonge  la  maladie  ; 
mais,  dans  toute  autre  circonstance  de  mabtlie,  on  doit  se 
conduire  en  cela  d'après  Tavis  d*un  mé^lecin  consciencieux  ou 
de  gens  prudents  el  éclairés  ;  de  même,  si  la  femme  enccinle 
oa  qui  allaite  redoute  rjuelquc  maladie  pour  elle  ou  son  nour^ 
risson,  elle  doit  rompre  le  jeune  ou  ne  pas  jeûner.  Si  le  fidèle 
a  été  obligé,  [>our  cause  de  maladie,  de  se  dispenser  déjeuner 
pendant  tout  le  ramadhan,  il  jtùncra  un  autre  mois  tout 
enlier.  Les  vieillards,  lésions,  sont  également  exemptés.  Les 
personnes  en  voyage  jeûneront  dans  ia  siute  un  nombre  égal 
de  jours.  La  loi  a  prévu  également  l'influence  pernicieuse  de 
Tabus  de  rabstinencc  :  «  Le  jeûne  au-delà  d*unjour,  sans 
hoire  ni  manger  pendant  la  m^ii,  est  ùldmable  paur  tout 
Musulman,  y^ 

Par  ana'ogie  avec  nos  jeùnesdissétiiiués  dans  rannée,  cor- 
respondauls  en  général  au  renouvellement  des  saisons,  les 
Musulmans  ont  aussi  des  jours  d'abstinence  religieuse»  Il  csl 
mériloirr  de  jeûnrr  depuis  le  premier  jour  inclusivement  du 
mois  de  zilhtddjehû  lu^(\u\ii  dixième  exclusiveaient;  le  jour 
de  Vachouru  (dixième  jour  de  Mokarrem,  premier  mois  do 
Tan],  le  taçoua  (ou  neuvième  jour  de  Moharrem).  La  loi 
considère  les  jeûnes  comme  une  sorle  de  punition,  car  il  est 


à 


—  5894  — 

ajouté  :  «  Tout  Musulman  peut  jeâner,  à  la  suite  les  uns  des 
autres  et  sans  interruption,  les  jeûnes  pour  lesquels  la  loi 
n'impose  pas  l'obligation  de  les  jeûner  à  la  suite  les  uns  des 
autres,  tels  que  trois  jours  de  jeûne  expiatoire  pour  un  ser- 
ment non  accompli,  les  jours  manques  involontairement  dans 
le  ramadhan,  etc.;  il  est  méritoire  de  jeûner  trois  jours,  au 
choiXtdaDS  chaque  mois  de  l'année.  »  La  loi  admet  également 
des  jennfts  Yotifs,  dont  l'accomplissement  est  d'obligation 
canonique.  Toutes  ces  abstinences  plus  ou  moins  prolongées, 
doDtrinfluence  est  si  grave  sur  des  individus  soumis  toute 
l'année  à  des  privations  de  toute  nature,  ont-elles  été  insti- 
tuées dans  un  but  vraiment  hygiénique?  Cela  paraît  peu 
admissible.  Si  l'on  consulte  l'histoire,  «lie  nous  apprend  que 
dans  Tantiqûité,  certains  peuples  jeûnaient  à  la  suite  des 
grandes  calamités  publiques,  des  épidémies,  etc.;  et  la  trans- 
nHssionde  cette  superstition,  qui  croyait  fléchir  le  courroux 
céleste,  auteur  de  tous  les  maux  terrestres,  aura  très  proba- 
blement fait  adopter  chez  toutes  les  nations  une  institution 
religieuse  régulière,  basée  sur  la  macération  expiatoire  du 
corps.  Bemarquons-le  en  passant,  les  Indous  ont  un  carême 
bien  moins  ridicule  que  nos  Musulmans  ;  ils  emploient  la 
journée  à  lire,  à  méditer,  à  s'ablutionner,  cl  ne  mangent 
qu'après  le  coucher  du  soleil  des  aliments  légers,  riz,  fruits, 
herbages,  légumes,  légèrement  assaisonnés  au  beurre  ou  à 
l'huile.  Ce  régime  mensuel,  qui  a  lieu  en  décembre  (<),  a  au 
moins  une  portée  hygiénique,  l'exclusion  des  viandes,  ce  que 
l'on  ne  retrouve  pas  chez  nos  Arabes,  si  sobres  dans  les  récits 
des  voyageurs,  et  si  polyphages  quand  l'occasion  s'en  présente. 

En  résumé,  diminuer  la  force  de  réaction  au  milieu  de  tant 
de  causes  d'insalubrité  générale,  telle  est  la  plus  funeste 
influence  du  ramadhan  chez  Ips  Indigènes  algériens;  delà  la 

(•;  M/tkohgie  inditiwe,  pu  Jooaoaih,  Rtwdt  r Orient,  i%\f>,  t.  VIII,  p.  i»4- 


—  Î9i  — 

grave  prédisposition  aux  maladies  qu'il  exerce  sur  la  santé 
publique  et  individuelle. 

On  ncdoit  guère  s'étonner  de  trouver,  soitdans  la  législation, 
soit  dans  les  coutumes  du  peuple  arabe, fort  peu  de  documents 
concernant  Taltération  et  la  folsification  des  substances  tliinen- 
taires,  des  médicaments  et  des  denrées  commerciales.  La 
simplicité  et  le  peu  de  variété  de  Talimentation,  la  difficulté 
d'avoir  des  approvisionnements  un  peu  considérables  dans  les 
tribus  à  cause  de  la  vie  nomade,  dans  les  villes  par  soite  du 
peu  d*aisance  des  commerçants  en  général,  l'absence  de  toute 
industrie  alimentaire  ou  médicamenteuse  sur  une  échelle 
importante,  eoQn  la  facilité  avec  laquelle  les  substances 
agglomérées  s'altèrent  dans  un  climat  aussi  chaud  et  l'igno- 
rance des  maladies  des  céréales,  des  moyens  pr(^res  i  les 
garantir,  à  les  conserver,  telles  sont  très  probablement  les 
principaux  motifs  du  silence  des  lois  et  règlements  sur  les 
falsifications  en  général.  Et,  pour  le  dire  en  passant,  si  l'Arabe 
est  obligé,  par  son  état  inférieur  de  la  civilisation,  de  se  borner 
à  la  culture  et  à  la  récolte  pure  et  simple  pour  ses  besoins 
personnels,  ou  à  remploi  des  matières  nutritives  et  médicamen- 
teuses qu'il  trouve  sous  la  main  partout  oii  il  va,  campe  ou 
voyage,  c'est  là  sans  contredit  un  avantage  incontestable  sous 
le  rapport  de  leur  qualité,  puisque  cet  usage  des  choses  au 
nari^re/Texemptc  de  tous  les  graves  et  funestes  inconvénients 
inhérents  cliez  les  nations  plus  civilisées,  aux  erreurs  volon- 
taires des  fabricants,  aux  falsifications,  aux  fraudes  de  toute 
nature  de  la  part  des  vendeurs.  La  santé  des  Indigènes  et  les 
intérêts  de  leurs  commerçants  ne  courent  au  moins  aucun  de 
cesdangersqui,  au  contraire,  semblent  se  multiplier  ailleurs  en 
proportion  même  du  progrès  des  sciences  et  de  l'inefficacité 
des  dispositions  législatives. 

Outre  les  effets  toxiques  des  ustensiles  en  cuivrée  employés 
dans  la  conscrvalion  des  mets,  il  est  d'autres  inconvénients 


—  893  — 

qu'il  c5onviendrûit  de  faire  connaître  aux  Arabes,  à  cause 
surtout  delà  fréquence  des  altérations  :  ainsi  la  datte,  base 
d'un  commerce  si  répandu  en  Algérie,  se  pique,  se  creuse,  ea 
se  desséchant  par  Tancienneté  de  séjour  dans  les  sacs  en  peau 
iûdigènes.  La  farine,  quoique  moulue  en  général,  jour  par  jour, 
selon  les  besoins  domestiques,  n'est  pas  assez  garantie  par  les 
Arabes  contre  Thumidité  qui,  en  altérant  le  gluten  et  facilitant 
l'apparition  des  sporules,  expose  à  une  mauvaise  qualité  de 
pain,  i'v  ^u,  sur  les  marchés  arabes,  des  figues  trop  vieilles  et 
véreuses  offertes  à  la  vente.  Les  caïds  chargés  de  la  police  de 
ces  marchés  devraient  empêcher  le  commerce  des  fruits  non 
mars,  gâtés  ou  altérés  dans  leur  poids  (tabac,  par  exemple) 
par  l'bumidité.  Mal  conservées  et  à  Tabri  du  contact  de  Tair, 
les  huiles,  qui  remplacent  si  souvent  la  graisse  et  le  beurre, 
rancissent  et  acquièrent  une  saveur  désagréable.  La  haute 
température  fait  promptement  acidifier  le  lait;  les  Arabes 
ignorent  ies  moyens  de  s'opposer  à  ce  résultat.  Le  miel,  impar- 
faitement dégage  de  sa  cire  et  de  parcelles  d'insectes,  aigrit  et 
fermente  facilement.  Les  Arabes  ne  garantissent  pas  assez 
contre  rbumidité  le  safran,  dont  ils  font  un  usage  journalier. 
Leur  sd  n'est  jamais  débaras&é  des  matières  étrangères  (argile, 
sable)  ou  salines  (sels  magnésiens  surtout)  qu'il  contient  en 
assez  forte  quantité.  Les  farines  obtenues  par  les  femmes,  dans 
chaque  famille,  à  Taide  du  petit  moulin  à  bras,  renferment 
toujours  une  proportion  assez  notable  de  poussière  de  grès,  qui 
croque  sous  la  dent  quand  on  mange  le  couscouss  ou  le  pain. 
Les  Juifs  de  Sidi-bel-Abbès  ont  falsifié  les  pommes  de  terre 
avec  des  tubercules  d'asphodèle  rameuse  (D'  Rodes). 


-  294  — 

Il  y  aurait  à  examiner  maintenant  Tinfluence  de  l'éducation 
morale  et  intellectuelle,  des  institutions  politiques  et  reli- 
gieuses sur  ht  mortalité,  la  durée  moyenne  de  la  vie,  les 
unions  sexuelles,  la  population,  etc.  Les  matériaux  manquent 
encore  à  la  solution  de  tous  ces  importants  problèmes  ;  un 
contact  plus  intime  avec  les  Indigènes  pourra  seul  les  glaner 
avec  la  patience  et  la  maturité  que  méritent  de  telles  questions. 
Il  nous  paraît  possible,  toutefois,  de  résumer  ce  que  la  fré-* 
quentation  du  peuple  arabe  nous  a  fait  entrevoir  sur  quelques- 
uns  de  ces  sujets.  Ainsi,  la  statistique  confirmera  certainement 
le.^  graves  atteintes  portées  à  la  fécondité  par  la  précocité  des 
mariages,  la  fréquence  des  avortements  par  la  misère  géné- 
rale, par  les  passions  purement  brutales,  par  les  vicâ  contre 
nature,  par  la  syphilis  héréditaire,  par  le  divorce  si  facile,  par 
les  mœurs  si  relâchées,  les  mauvais  traitements  ;  en  un  mot^ 
par  cette  triste  moralité  des  populations  indigènes,  si  bien 
caractérisée  dans  les  phrases  suivantes  d'un  des  officiers  les 
plus  distingués  des  Affaires  arabes  : 

«  Le  peuple  arabe  est  un  peuple  dans  un  état  de  dégradation 
morale  et  physique  qui  dépasse  toutes  nos  idées  de  civilisés. 
Le  vol  et  le  meurtre  dans  l'ordre  moral,  la  syphilis  et  la 
teigne  dans  l'ordre  matériel,  sont  les  larges  plaies  qui  le 
rongent  jusqu'à  le  rendre  méconnaissable  dans  la  grande 
famille  humaine.  Il  est  impossible  que  ses  Chefs  et  ses  Grands 
ne  participent  pas  un  peu  de  xetle  dégradation,  quelle  que 
soit  la  richesse  des  vêtements  qui  les  recouvrent  et  la  beauté 

des  chevaux  qui  le«  portent La  polygamie,  en  couvrant 

du  manteau  de  la  légalité  l'immoralité  la  plus  honteuse  et 
donnant  un  aliment  constant  à  la  jalousie  et  aux  haines  ron- 
geuses, fait  de  la  tente  un  enfer.  La  jalousie  et  les  haines  pro- 
duisent des  disputes  intestines,  et,  quand  le  maître  rentre,  le 
bâton  est  le  seul  moyen  qu'il  emploie  pour  les  calmer.  Il 
serait  affreux  de  raconl«»r  fout  co  qno  la  brutalité  arabe  fail 


—  295  — 

supporter  au  sexe  qui  â  produit  Aspasie  et  Jeanne  d'Arc,  led 

deux  faces  de  la  beauté  dont  il  rayonne Le  contre-coup 

de  ces  airpcités,  qui  rappellent  les  jours  des  premières  cala- 
mités humaines,  c*est  un  dévergondage  de  mœurs,  une 
débauche  dont  nulle  orgie  ne  peut  donner  la  mesure.  La 
pudeur,  qui  est  le  parfum  de  la  femme  civilisée,  est  inconnue 
à  la  femme  arabe,  et  elle  se  livre,  sans  honte  comme  sans 
remords,  au  premier  qui  la  veut,  etc.  (1).  »  Cette  triste  situa- 
tioD,  dont  la  multiplication  de  l'espèce  reçoit  certainement  un 
terrible  contre-coup,  se  trouve  cependant  atténuée  par  des 
conditions  favorables  et  spéciales  à  la  femme  arabe,  telles  que 
la  simplicité  de  Talimentation,  la  bonne  constitution  du  bassin, 
l'ampleur  des  vêtements,  etc. 

La  mortalité  est  évidemment  accrue  par  le  défaut  de  pré- 
voyance, d'industries  suffisantes,  la  paresse,  le  manque  d'éduca- 
tion et  d'instruction,  la  vie  nomade  et  au  jour  le  jour,  le  peu 
d'extension  du  commerce  et  des  échanges,  les  privations 
nombreuses  et  le  manque  du  nécessaire  sous  tous  les  rapports, 
l'ignôraDce  des  mesures  hygiéniques  générales  et  particulières, 
l'absence  de  toute  surveillance  de  l'autorité  arabe  pour  tout 
ce  qui  concerne  la  santé,  et  surtout  par  la  prostitution  et  le 
dérèglement  général  des  mœurs,  par  la  pénurie  de  dispen- 
saires et  d'hôpitaux,  d'institutions  convenables  de  bienfai- 
sance, etc.  Avouons,  d'autre  part,  que  le  calme  fataliste 
imprimé  au  caractère  national  par  le  dogme  religieux  contre- 
balance singulièrement  toutes  ces  mauvaises  chancos. 

Le  mariage  prolonge  la  vie,  s'il  faut  en  croire  l'irréfutable 
résultat  des  statistiques  générales;  mais  chez  les  Indigènes 
algériens,  si  l'on  rencontre  fort  peu  de  célibataires  des  deux 
sexes,  si  c'est  là  une  prédisposiiign  de  moins  à  certains  crimes,' 

(f  )  Voy.  StiuUt  sur  riasuiTtetion  Ju  Dklwa,  et  De  l'esprit  Je  la  légitlmtjim  musulmane,  par 
le  commandant  C-  Richaed. 


—  Î96    • 

à  certains  genres  de  folie,  que  doit-on  penser  de  ces  unions 
sexuelles  presqu'enfantines,  si  Ton  peut  s'exprimer  ainsi? 
C'est  vouer  de  jeunes  constitutions  à  un  rsqpide  épuisement, 
à  l'abâtardissement  de  la  race;  c'est  dégoûter  prématurément 
de  jeunes  caractères  des  relations  conjugales;  c'est  créer  foro^ 
ment  de  tristes  ménages  et  provoquer  de  trop  faciles  divorces, 
surtout  quand  les  engagements  conjugaux  ont  été  décidés  par 
simple  procuration,  sans  que  les  contractants  intéressés  se 
soient  appréciés  même  au  physique  I 

La  prostitution,  si  intimement  répandue  chez  les  Arabes 
qu'elle  y  constitue  en  quelque  sorte  l'hérédité  du  libertinage, 
pratiquée  avec  l'impudeur  la  plus  inouïe,  favorisée  par  la 
paresse,  le  défaut  d'éducation,  la  vie  sédentaire  et  recluse  des 
femmes,  qui  ne  peuvent  participer  publiquement  k  aucune 
industrie,  à  aucun  commerce,  sévit  avec  d'autant  plus  d'audaœ 
et  de  terrible  gravité  qu'elle  ne  rencontre  aucun  obstacle  dans 
les  mesures  autoritaires  et  aucun  moyen  d'atténuation  patbogé- 
nique  dans  des  établissements  médicaux  (dispensaires);  de  là 
ces  nombreuses  affections  des  voies génito-urinaires,lastérilité, 
la  syphilis  sous  ses  formes  les  plus  hideuses  et  les  plus  invé- 
térées, l'impuissance,  les  infanticides,  les  avortements,  l'adul^ 
tère,  etc. 

Pourquoi  Mohammed  rendit-il  le  divorce  si  facile?  Etait-ce 
pour  donner  plus  de  force,  plus  d'union  aux  liens  du  mariage? 
Mais  rinfériorilé,  dans  laquelle  il  maintenait  légalement  la 
femme,  n'élait-elle  pas  un  obstacle  immense  à  la  dignité  réci- 
proque des  relations  conjugales?  La  loi  religieuse  ne  disait- 
elle  pas  à  répoux  de  ne  voir  dans  la  femme  qu'une  esclave, 
qu'un  être  dégradé?  Il  n'avaitdoncaucunmcnagementà  garder, 
du  moment  où,  trouvant  la  miîhdrc difficulté  à  vivre  avec  elle, 
il  pouvait  la  répudier  ou  divorcer  avec  une  facilité  toute  despo- 
tique. Montesquieu  regarde  le  divorce  corumc  conforme  a  la 


—  297  — 

nature,  el  d'une  grande  utilité  politique;  il  serait  plus  vrai  de 
dire  que  la  polygamie  et  le  divorce  ont  leur  nécessité  à  un 
certain  degré  de  civilisation  des  peuples,  mais  qu'ils  doivent 
tendre  à  disparaître  de  leurs  coutumes  à  mesure  qu'ils  avancent 
dans  la  voie  réelle  du  progrès  moral.  Du  reste,  on  compte  déjà 
quelques  Indigènes  qui  ont  marié  leurs  enfants  sous  les  con- 
ditions civiles  de  la  loi  française. 

•* 

La  paresse  physique  entraîne  forcément  la  paresse  intellec- 
tuelle; au  peu  d'exercice  corporel  répond  le  peu  d'exercice  des 
facultés  physchologiques.  Education  morale  nulle,  voilà  la 
triste  conséquence  :  dès  lors,  absence  complète  de  principes 
moralisateurs  sufiSsamment  inculqués  et  gravés  dans  le  cœur 
et  Te^rit,  pour  lutter  avantageusement  contre  la  prédominance 
des  instincts  matériels.  On  y  trouve  peut-être  un  avantage, 
c'estuneprédispositionde  moins  aux  altérations  de  Tencéphale, 
à  la  folie,  par  exemple.  Ainsi,  la  statistique  donne  à  Londres 
1  aliéné  sur  200habitanu,  et  au  Caire  i  sur23,570  seulemcnti 
Mais  cette  immunité  morbide  à  l'occasion  des  excès  intellect 
Uiels,  du  fâcheux  résultat  des  contentions  d'esprit,  des  maladies 
nerveuses  en  général,  se  trouve  douloureusement  payée  par 
l'impuissance  et  la  stérilité  auxquelles  sont  vouées  les  facultés 
lesj)lus  nobles  et  les  plus  utiles  au  bien-être  de  l'homme.  Le 
peu  de  développement  intellectuel,  l'absence  de  besoins  nom- 
breux et  des  jouissances  de  luxe  à  satisfaire,  l'inconstance, 
rendent  les  passions  moins  énergiques,  moins  multipliées: 
l'Arabe  vit  plus,  mais  se  sent  moins  vivre.  Point  de  discussions 
sur  les  intérêts  généraux,  point  de  lu|^s  de  l'esprit,  point  de 
concurrence  industrielle,  point  de  professions  libérales,  point 
d'études  laborieuses,  point  de  conséquences  funestes  du  jeu, 
peu  de  chagrins  domestiques  profonds,  point  d'ambitions 
déçues,  point  de  motifs  de  désespoir  par  atteinte  publique  à  la 
considération  (faillites)  ;  en  un  mot,  existence  monotone  et 
toute  végclativc.  Quoiqu'on  en  aie  dit,  les  instincts  les  çlus 


—  298  ~ 

nobles  roslent  engourdie,   faute  dexciLaiU  convoDable.  PaaJ 
même  un  rayon  d'amour  dans  ce^  cœurs  apathi(|ues,  car  la 
poésie  du  scultment  ne  saurait  croîlre  là  où  règne  conslammcnli 
I* idée  cliarnelle.  Triomphe  du  calme  fataliste  i\yû  éteint  de  son^ 
souffle  glacial  les  impressions  les  plus  tendres,  les  plus  natu^j 
Pelles  I 

Il  convient»  Jil  la  lui  musulmane,  que  le  fidèle  se  marîéi* 
lorsqu'il  en  éprouve  le  besoin^  soil  pour  les  jouissances  de  lai 
chair,  soit  dans  le  désir  d'avoir  des  enfants.  Le  mieu\  est  rie 
préférer  la  fille  vierge-  On  doil  marier  l'orplieline,  s'il  y  a  à| 
craindre  quelqu'inconvénienl  pour  elle  (misère  ou  débauche);*] 
encore  faul-il  que  cette  fille  ait  atteint  l'âge  de  1 0  ans  accompli*  j 
an  moins.  Xe  mariage  est  un  devoir  religieux   {Si  Khelil).  —  | 
Mohammed  disait  que  Dieu  avait  créé  deux  choses  pour  le  1 
bonheur  des  hommes  :  les  femmes  et  les  parfums.  Peut-êlrefl 
ce  réformateur  donna-t-il  lui-même  le  mauvais  exemple  de 
Tabus  de  Fun  de  ces  dons  célestes,  puisque  tout  en  recomman- 
dant à  ses  fidèles  de  limiter  le  plus  possible  le  nombre  de  leurs 
femmes,  il  en  épousa  douze.  Peut-être  aussi  agissait-il  de  la  H 
sorte  pour  prêter,  par  Tcxceprion  divine  dont  il  se  disait  atorsi  ^ 
Tobjel,  plus  de  véracité  a  sa  mission  et  à  ses  relations  directes"'! 
avec  rÊtre-Supréme. 

Dès  les  temps  les  plus  antiques,  le  célibat  était  regarddl 
comme  une  offense  à  la  Société.  L'histoire  nous  montre  les 
célibataires  de  Sparte  voués  à  l'infamie  et  abandonnée  à  laj 
vengeance  des  femmes,  ceux  de  Rome  privés  du  droit  de  dé-l 
poser  en  témoignage.  Le  célibat  imposé  aux  prêtres  et  ma- 
gistrats juifs,  aux  ministres  du  cuUe  dlsis  chez  les  Egyptiens,^! 
aux  filles  du  soleil  chez  les  Perses,  aux  vestales  chez  les  Ro-J 
ûiains,  etc.,  prouvequ^en  le  restreignant  aux  fonctionnaires  du;- 
sacerdoce,  les  législateurs  n'en  voulaient  faire  qu'un  signe  de) 
pureté  et   de  chasteté  oxem|daires  chez  ceux  qui  parlaiem 


—  29»  — 

constamment  au  nom  des  Dieux.  Il  serait  hors  de  propos  d'exa- 
miner  ici  si  le  célibat,  si  le  vœu  de  continence  ne  sont  pas 
contraire  aux  vues  de  la  nature,  aux  décrets  de  la  providence, 
puisqu'ils  imposent  une  lutte  constante  avec  les  besoins  du 
cœur  et  les  instincts  générateurs,  et  qu'ils  ne  sont  que  trop 
souvent  la  cause  de  troubles  domestiques,  de  vices  cachés  et  de 
crimes  épouvantables.  Remarquons  seulement  que  la  Religion 
musulmane  est  plus  conforme  avec  le  vœu  du  Créateur,  en 
n'admettant  que  des  continences  temporaires,  sacrifice  qu'elle 
croit  plus  méritoire  par  le  silence  momentanément  imposé  aux 
sens  que  le  silence  complet  trop  péniblement  acheté  de  sens 
irritables  et  la  plupart  du  temps  au  détriment  de  la  santé 
générale  et  de  la  morale.  Entre  ces  écarts  extrêmes  d'absti- 
nence ocmîugale,  —  cette  vertu  dont  il  ne  résulte  rien  (1),  et 
les  lois  lacédémoniennes  qui  permettaient  d'intenter  des  accu- 
sations contre  tout  célibataire,  et  à  toute  femme  sans  enfans 
de  cohabiter  avec  un  autre  homme,  —  Mohammed  prit  le 
parti  le  plus  sage,  le  plus  modéré,  en  recommandant  simple- 
ment à  son  peuple  l'union  conjugale  comme  une  œuvre  méri- 
toire aux  yeux  de  Dieu.  Les  adeptes  de  son  dogme,  entraînés 
par  le  climat  sans  doute,  ont  peut-être  été  au-delà  des  inten- 
tions formelles  du  Koran,  car  chez  les  Musulmans,  l'union 
légale  des  sexes  semble  moins  un  mariage  qu'une  sorte  de  con- 
cubinage autorisé  par  la  jurisprudence.  Il  est  certain  que  le 
Pn^hète,  conséquent  avec  lui-même  et  préconisant  le  mariage 
comme  une  chose  sainte,  ne  pouvait  présenter  le  célibat  sous 
le  même  titre.  Toutefois,  en  reconnaissant  avec  lui  que  Pabus 
des  plaisirs  vénériens  dans  les  pays  chauds  énerve  de  bonne 
heure  l'individu  et  la  race  au  physique  comme  au  moral,  les 
législateurs  musulmans  ont  cherché  un  frein  aux  passions 
sexuelles  ej\  établissant  une  sorte  de  serment  de  continence. 

'l'   Mtirp^oiiRB,  t.Hht^  per^ttue*  (.XVIII. 


—  300  — 

Ainsi,  toQt  fidèle  doué  de  raison  et  d'intelligeDce,  jugé  ca- 
pable d'arriver  à  accomplir  la  copulation,  peut  s'engager, 
même  quand  il  deviendrait  malade,  à  ne  pas  cohabiter  avec  sa 
temmeiSiKhelil). 

Les  mœurs  publiques  cl  privées,  les  conditions  sanitaires 
des  époux  et  de  la  famille,  en  un  mot,  les  lok  de  la  nature  ne 
sont-elles  pas  plus  sagement  sauvegardées  par  ces  institutions 
laissées  à  Topportunité  et  à  la  libre  volonté  de  Tindividu? 

L'influence  de  la  polygamie  est  telle  que  les  pays  musulmans 
se  trouvent  les  moins  peuplés,  a  D'ordinaire,  les  familles  sont 
moins  nombreuses  en  Perse  qu^en  France  (1).  »  En  Asie- 
Mineure,  la  population  qui  excédait  30  millions  d'habitants 
lors  de  la  conquête  par  les  Mahométans,  en  compte  aujourd'hui 
dix  à  peine.  Les  femmes  musulmanes  n'enfantent  guère  plus 
vers  35  ans  en  général.  Peut-être  ce  triste  résultât  tient-il 
moins  à  l'institution  polygynique  en  elle-même  qu'aux  mau- 
vaises conditions  dans  lesquelles  elle  est  organisée.  Cn  effets 
la  fécondité  doit  être  gravement  compromise  par  la  précocité 
de  l'union  légale  :  les  fatigues  si  nombreuses  de  la  maternité 
à  un  âge  trop  tendre  dans  lequel  les  couches  se  multiplient 
encoro  trop  facilement,  ont  aussi  une  double  influence  perni- 
cieuse sur  la  mère  et  le  produit.  Les  résultats  des  conceptions 
ultérieures  ne  peuvent  devenir  que  chétifs  et  sont  à  peine  doués 
de  Ténergic  suffisante  pour  réagir  contre  toutes  les  causes  de 
destruclion  dans  lesquelles  vit  l'Arabe.  On  ne  saurait  plus  arguer 
en  faveur  de  la  pluralité  des  femmes  que  leur  nombre  soit 
supérieur  à  celui  des  hommes  dans  les  pays  orientaux.  Et 
d'ailleurs,  le  fait  existerait-il,  que  la  proportion  ne  serait  pas 
assez  forte  pour  légitimer  une  telle  inslilution.  «  J  avance,  dit 
Montesquieu,  que  si  à  Bantam  (Indes)  il  y  a  10  femmes  pour 
un  homme,  ce  serait  un  cas  bien  particulier  pour  la  poly- 

^l'j  CnàHDiy,  forage  ft  Verse,  i-liap.  XII 


—  304  — 

gami(.  »  Le  dernier  receosement  de  la  population  arabe  vivant 
dfliiB  les  territoires  européens  en  Algérie  (31  décembre  1852) 
a  doniié  les  chiffres  suivants  : 

■dopmi»  3iAU«  .faKÇ««s,  «3,0684  total  povr  le  «CM  i9a*c«liii,  &4*4&6.  V 

Fcmcs,  39,173;  fiUes.       i6,7x5;  id.  féminin.    45.888.1    *»^  •"•»'*< ' 

ia  polygynie  n'a  pu  avoir,  dans  certains  pays  chauds, 
qu'une  seule  valeur  tout  à  la  fois  politique  et  amélioratrice  de 
la  race,  c'était  de  favoriser  la  fusion  des  éléments  noir,  blanc 
et  cuivré.  Il  est  àr  remarquer  que  la  monogynie  fut  toujours 
en  honneur  chez  les  nations  plus  septentrionales.  Grecs,  Gau- 
lois, Romains^  Bretons,  Espagnols,  Germains;  et  qu'au  con- 
traire les  habitants  des  climats  chauds  parurent  spécialement 
portés  vers  la  multiplicité  des  femmes,  témoin  les  Assyriens, 
Ji^ersans,  Tartares,  Egyptiens,  Juifs,  Turcs,  etc.  Les  défenseurs 
de  la  polygynie  lui  accordent  l'avantage  de  prévenir  hygiéni- 
qoement  les  fureurs  de  Tamour  dans  un  climat  où  les  désirs 
Toot  jiisqu*à  la  passion,  de  mettre  par  conséquent  un  frein  aux 
ardeurs  génitales,  et  de  préserver  l'homme  des  conséquences 
funestes  de  l'empire  tyrannique  de  la  femme.  Il  y  a  beaucoup 
d*exagération  dans  celte  opinion  :  Tinfluence  de  ce  même 
-climat  excite  autant  les  passions  haineuses  que  les  fureurs 
sexuelles,  et  le  meilleur  moyen  d'apaiser  ces  dernières  n'est 
point  de  les  fomenter,  en  multipliant  les  motifs  des  premières. 
Il  en  paraît  bien  autrement  de  la  modération  qu'apporte  dans 
le  caractère  des  époux  la  vie  régulière  et  plus  complète  en 
relations  aflédives  des  peuples  monogames.  Et  d'ailleurs,  la 
précocité  sexuelle  marche-elle  constamment  dans  les  climats 
chauds  fivec  la  maturité  de  l'esprit?  certainement  non.  La 
polygamie  n'y  est  que  l'infériorité  comparative  de  la  femme 
dans  sa  condition  sociale  et  sa  faiblesse  physique;  c'est  là 
Punique  raison  de  cet  abu^  officiel  de  l'union  conjugale,  qui 
n'est  autre  chose  pour  le  Musulman  qu'un  commerce,  un  achat 
d'une  marchandise  particulière  qu'il  repousse  dès  qu'il  s'en 


—  30»  — 

est  suffisamment  servi,  et  que  lo  caprice  de  ses  sens  s'en  est 
repu.  Or,  toutes  ses  lois  qui  régissent  les  rapports  conjugaux 
sont  à  l'avantage  du  mari,  c'est-à-dire  de  la  force.  Faut-il 
s'étonner  dès  lors  qu'un  Arabe  dise  :  «  Baehak  (sauf  ton 
respect),  »  en  commençant  sa  réponse  à  toute  demande  de  ren- 
seignements sur  sa  femme? — Avec  la  polygamie,  on  prévient 
et  on  détruit  l'amour... 

On  accuse  constamment  la  Religion  musulmane  d  être  très 
sensuelle;  mais  on  oublie  que  David  avait^  dit-on,  18  femmes, 
Salemon  700  et  300  concubines,  et  que  ces  rois  buvaient  du  ^în 
avecleurs  compagnes.  Or,  Mohammed  était  bien  loin  de  ces  excès 
israélites,  quand  il  entreprit  de  réformer  l'Arabie  en  proie  au 
sabisme,  au  judaïsme  et  à  de  mauvaises  sectes  chrétiennes.  Il 
est  bon  de  rappeler  4es  paroles  de  Salluste  :  a  Les  Numides  et 
les  Maures  prennent  plusieurs  épouses,  chacun  selon  ses  fa- 
cultés, les  unsdix,les  autres  davantage,  les  rois  encore  plus... 
Le  cœur  de  l'époux,  ainsi  partagé  entre  un  grand  nombre  de 
femmes,  fait  qu'il  ne  traite  aucune  d'elles  comme  sa  compagne  : 
toutes  lui  sont  également  indifférentes.  »  On  s'évertue  cepen- 
dant à  ne  pas  tenir  compte  du  langage  du  Prophète  contre  les 
excès  des  plaisirs  des  sens  : 

«  Vous  agissez  comme  ceux  qui  vous  ent  précédés  :  ils  étaient 
plus  forts  que  vous  ot  plus  riches,  et  avaient  plus  d'enfants  que  voue; 
ils  se  contentaient  d*en  jouir.  Vous  aussi,  vous  vous  cpotentei 
de  Jouir  de  ce  qui  vous  est  échu  en  partage,  comme  le  faisaient 
ves  devanciers  ;  vous  tenez  des  discours  pareils  &  ceux  quMIs  te* 
naient.  Leurs  actions  ont  été  vaines  dans  ce  monde  et  dans  Tantre; 
ils  sont  perdus.....  Les  richesses  et  les  enfants  sont  les  omemeos 
de  la  vie  mondaine,  mais  les  bonnes  œuvres  qui  restent  obtiennent 
auprès  de  ton  seigneur  une  meilleure  récompense  et  donnent  de 
plus  belles  espérances  (1).  » 

Etait-ce  là  une  exhortation  aux  dérèglements  sexuels? 

f  i)  K0raii,  eh.  IX,  r.  :«,  «h.  XVIII,  v.  44. 


—  303  — 

«  N^ôpooaei  qu'une  femme  ou  uoe  esclave,  si  vous  craigoez  d'être 
iojoelee  envers  lesorphelios  :  cette  couduite  vous  aidera  plus  faci- 
lement à  être  Justes.  Vous  ne  pourrez  jamais  traiter  également 
toutes  vos  femmes,  quand  môme  vous  le  désireriez  ardemment, 
Gardes^votts  donc  de  suivre  entièrement  la  pente^  et  d'en  laisser 
une  ooama  en  suspens,  etc.  (i).  ' 

La  polygamie  n'est  donc  poînt  une  pre^mprton  du  Koran. 
Le  Propbèle  qui  cherchait  à  réformer  les  mœurs  dissolues  d'un 
peuple  habitué  à  compter  huit  à  dix  femmes  pour  chaque 
familTe,  tentait  une  innovation  déjà  bien  hardie  en  réduisant 
considérablement  ce  nombre,  sans  toutefois  le  fixer.  II  dit  du 
reste  à  ses  prosélytes  :  «  En  toute  chose  nous  avons  créé  un 
eoiiphy  afin  que  vous  réfléchissiez  (2).  »  —  Les  Kabyles 
B*épousent  généralement  qu'une  femme. 

L'influence  hygiénique  du  système  politique  suivi  par  les 
Arabes  dans  leurs  relations  amène  des  questions  bien  multiples. 
Guerres  fréquentes  entre  tribus,  exploitations  et  productions 
presque  nulles;  salubrité  publique  e]t  police  médicale  nulles; 
absence  complète  de  la  surveillance  des  chefs  indigènes  et  par 
ignorance  des  totibibes;  éducation  nationale  existant  à  peine 
de  nom;  point  de  journaux,  point  de  livres  pour  propager  la 
vérité,  combattre  Terreur  et  les  préjugés  ;  bienfaisance  publi- 
que, bornée  à  quelques  aumônes  dans  les  Zaouïas,  voilà  en 
peu  de  mots  les  tristes  conditions  politiques  de  nos  Arabes.  Ne 
sont-elles  pas  évidemment  du  nombre  de  celles  qui,  suivant  les 
éloquentes  paroles  d'un  de  nos  inspecteurs  médicaux  (3),. 
«  tuent  rémulation,  refoulent  Tintelligence,  compriment  les 
passions  les  plus  nobles  et  réduisent  toute  une  population  aux 
langueurs  de  la  vie  végétative....  Elles  ralentissent  le  jeu  des 
organes  et  dépriment  leur  vitalité....  La  torpeur  de  la  société 

(i)  Koran,  ch.  IV,  v.  3,  ft  r.  laS. 

(i)     Id.       ch.  M,  V.  49V 

■3)   'fraitr  fi'hrf,'irw fmhlij.  et  p-i*-,  par  M.  W  dinteur  .M.  I.rv»,  1.  Il,  p.  ~in. 


—  30i  — 

et  i  abseoce  de  stimulation  politique  coniribueDi  à  privor  l'O- 
riental, même  au  sein  des  richesses,  du  ressort  que  possède 
TEuropéeD  industrieux  et  libre.  »  Inflrmité  de  Tétat  social 
arabe!  tâche  immense,  mais  glorieuse,  de  civilisation  pour  le 
peuple  dominateur  ! 

L'examen  de  la  politique  arabe,  au  point  de  vue  de  la  santé 
publique,  ne  saurait  nous  occuper  plus  longtemps  ici.  Bor- 
nons-nous à  répéter  avec  M.  Pcrrier  [1)  :  «  Les  formes  du 
pouvoir  sont  principalement  démocratiques  au  nord,  aristo- 
cratiques au  sud,  plutôt  politiques  à  l'est,  plutôt  théocratiques 
à  l'ouest.  » 

Enfin,  que  pouvons-nous  dire  de  la  Religion  musulmane 
dans  ses  rapports  avec  la  santé  publique?  Chaque  citation  de 
notre  travail  accuse  la  sage  prévoyance  du  législateur  sur  bien 
des  points  importants.  Ce  génie,  qu'un  médecin  (S)  n'a  pas 
craint  de  considérer  comme  aliéné,  avait  parfaitement  com- 
pris, pour  son  époque,  l'hygiène  des  pays  chauds  et  la 
conservation  de  la  race.  La  part  qu'il  fit  à  la  vie  nmtérielle  ot 
la  vie  psychique  est  marquée  au  coin  d'un  sage  éclectisme  qui 
satisfaisait  très  bien  la  dualité  humaine,  ses  devoirs,  ses 
besoins.  Si  la  polygamie  et  le  divorce  nous  apparaissent  comme 
entachés  de  graves  conséquences  pour  la  race  et  la  moralité, 
le  Prophète  eut  au  moins  raison  de  présenter  le  mariage 
comme  un  devoir  religieux,  car  les  statistiques  démontrent 
que  la  fréquentation  des  sexes  est  favorable  à  la  longévité. 
Nous  ne  retrouvons  point,  en  général,  chez  nos  Indigènes,  ce 
célibat  religieux,  ces  existences  monacales,  cloîtrées,  qui 
semblent  si  peu  harmonisés  avec  les  vœux  de  la  natuVe.  On 
doit  regretter  que  des  prosélytes  d'un  zèle  imprudent,  renché- 
rissant sur  la  parole  du  maître,  aient  excité  et  encouragé  le 
développement  des  théories  fatalistes,  qui  paralysent  toutes 

(t)  Hjrgièiu  en  Algérie,  t.  I,  p.  (i. 

(3)  Voir  le  travail  du  \^^  n»*r  jir^riiK'  »  l'Arad.  dr  in#d.  m  i84i. 


•—sos- 
ies aroélîoraiions  sociales,  nuisent  au  bien-être  public  et 
prifé,  el  conduisent,  d'iliusions  en  illusions,  au  scopticisrh<>! 
le  plus  coupable  et  le  plus  contraitx'  ai:\  lois  do  la  créadon, 
puisqu'elles  aboutissent  à  la  négation  du  seul  principe  qui 
nous  fait  iBftuvais  ou  vertueux:  la  liberté  de  consci^nro.  *^ 
Il  existe  cependant,  chez  les  Kab>los,  une  cîrKrnantîniM*  do 
couvents  jnonastiqucs,  dit-on,  dans  lesqiuds  le  ivgi«4i«'  It:  plus 
sévère  est  imposé.  Chez  les  Béni-Raien,  le  marabout  El 
Cheikh  el  Madhy  renferme  ses  disciples  dans  des  cellules  très 
étn^ites^  et  isolées.  La  nourriture  est  graduellement  diminuée, 
pendant  quarante  jours,  jusqu'au  volume  d'une  figue.  Dès 
que  la  vue  mystique  succède  à  ces  privations,  l'investiture  du 
bemouss  est  accordée  et  le  nouveau  disciple  peut  voyager 
piour  faire  des  prosélytes.  La  solitude  cellulaire,  la  défense 
permanente  des  mouvements,  l'abstinence  prolongée,  enfin 
l'extase  mystique,  voilà  les  bases  principales  de  cette  institu- 
tion [i).  —.De  telles  pratiques,  heureusement  peu  communes 
en  Algérie,  y  seraient  contre  nature.  Que  Thomme  amortisse  ses 
passions  et  croie  trouver,  dans  certaines  privations  et  ja  souf- 
france morale  qui  en  est  la  suite,  un  châtiment  tout  à  la  fois 
pbysioo-psychiquc  mérité  par  des  Infractions  commises  aux 
lois  naturelles,  cela  paraîtrait  encore  acceptable,  pourvu  qu'il 
agît  avec  toute  la  modération  et  la  raison  possibles  ;  mais 
penser  se  sanctifier,  se  rendre  plus  digne  aux  yeux  de  Dieu  en 
tortnrant  des  organes  dont  les  fonctions  parfaitement  définies 
répugnent  à  un  tel  régime  de  supplice  dans  les  pays  chauds, 
▼oilàoiweraientl'cxtravagance,  la  violation  desloisdivines,  alors 
qu'on  â*imagine  faire  de  la  vertu.  Terminons  ce  paragraphe 
sur  la  Religion  au  point  de  vue  sanitaire,  en  disant  que  Tin- 
fluence  du  fatalisme  sur  la  production  et  la  fâcheuse  termi- 
naison des  maladies  sporadiques,  surtout  épidémiques,  est  un 

(i)  Vojr*  Ln grande  Kaby/ie,  pirM.  Daim*»,  p-  rtp. 


—  306  — • 

fait  irrécusable.  II  pose  les  bornes  les  plus  étroites  à  toute 
activité  de  Tesprit  ;  il  paralyse  d'une  manière  déplorable  toutes 
les  forces  vives  que  celui-ci  déploierait  pour  repousser  et 
prévenir  bien  des  dangers  physiques  et  moraux;  et,  d'un  autre 
côté,  il  livre  les  facultés  les  plus  nobles  au  triomphe  constant 
de  la  matière  et  de  la  sensualité. 

C'est  ici  le  lieu  de  parler  de  la  circoncision,  pratique  dont 
le  Koran  ne  dit  pas  un  mot,  mais  dont  le  Musulmanisme  a  fait 
une  obligation  tellement  inévitable,  qu'  «  est  inacceptable  le 
témoignage  judiciaire  de  celui  qui  n'est  pas  circoncis,  bien 
qu'aucune  raison  n'ait  empêché  qu'il  le  fût  (Sir-Khelil).  » 

Pour  mettre  d'accord  leur  obéissance  actuelle  à  cette  cou- 
tume avec  le  silence  du  Prophète  à  son  sujet,  les  Arabes  disent 
que  Mohammed  naquit  tout  circoncis  ;  quelques-uns  préten- 
dent qu'il  n'avait  pas  même  de  traces  de  prépucel  Obligatoire 
pour  l'homme,  la  circoncision  se  dit  khettana;  facultative 
pour  la  femme,  elle  s'appelle  khifad. }«  On  ne  doit  pas  laisser 
passer  Tâge  de  dix  ans  (1)  sans  circo>)cire  le  garçon  et  sans 
exciser  la  jeune  fille.  Quant  à  la  circoncision  ou  à  l'excision 
de  l'hermaphrodite  incertain,  le  mieux  est  d'attendre  que  les 
organes  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe  prennent  leur  prédomi- 
nance, afin  de  pratiquer  Topération  sur  ceux  qui  auront  acquis 
le  plus  de  développement  (2).  »  1 

Les  Indigènes  de  l'Algérie  pratiquent  la  circoncision  avant 
l'âge  de  sept  ans;  vers  la  cinquième  année  en  général,  et  de 
six  à  huit  ans  chez  les  Kabyles.  Cet  âge  est  sans  doute  préféré, 
parceque  le  prépuce  se  trouve  alors  plus  long,etque  l'opération 


(i)  Les  Ismaélites  cirronckaieut  de  donxe  à  treize  ans.  Moïse  a  fixé  l'opératioB  da  septième 
ao  huitième  jour,  pnrco  qu'à  an  ftf  c  plus  arancé  les  souffrances  de  l'opération  augmentent 
eonsidérablement  et  que  celle-d  parait  ^os  sonvent  saiTÎe  d'acridents.  Det  Indifènca  os'oat 
affirmé,  en  effel,  que  la  posthotourie  est  fort  doalooreusej  et  qu'après  la  première  nnit, 
l'énrisaion  de  l'urine  cause  des  souffraoces  extrêmes. 

(s)  Si  Kkelit,  t.  Il,  p,  179. 


—  307  — 

faite  peu  après  la  naissance  exposerait  le  gland  à  être  plus 
recourert  à  l'époque  adulte.  Les  Arabes  n'ont  point  l'habitude 
d'exciaerles  femmes. 

Pour  circoncire,  l'opérateur  [thdkar),  après  avoir  préparé 
une  grande  gamelle  en  bois  (djefna)  remplie  de  sable  pour 
recevoir  le  sang,  se  place  sous  un  haïk  (grande  pièce  de  toile) 
avec  un  on  deux  assistants  dont  l'un  tient  l'enfant  les  cuisses 
bien  écartées.  Le  thahar  ramène  le  prépuce  en  avant  le  plus 
potttbie  et  le  lie  fortement  avec  un  fil  ordinaire  contre  le  gland. 
Il  prend  aussitôt  un  disque  de  bois  (auewrgha)  un  peu  plus 
fort  et  plus  large  qu'une  pièce  cinq  francs  et  au  centre  duquel 
existe  un  trou  circulaire  assez  grand  pour  admettre  à  peine  le 
bout  du  doigt  auriculaire.  C'est  à  travers  cette  ouverture  que  le 
thahar  passe  d'abord  le  fil,  puis  tout  le  prépuce  fortement  lié: 
en  un  din  d'œil,  il  presse  fortement  le  disque  contre  le  gland, 
tire  légèrement^ur  le  fil  pour  tendre  le  prépuce,  et  détournant 
babiUement  l'attention  de  l'enfant  ea  lui  faisant  regarder  le 
plafond,  un  objet  quelconque,  il  profite  de  ce  moment  pour 
couper  le  djelda  (prépuce)  à  l'aide  de  forts  ciseaux,  quelque- 
fois avec  un  rasoir,  le  plus  souvent  avec  le  couteau  arabe 
couriie^t  si  bien  effilé.  Un  des  assistants  présente  alors  un  oeuf 
bien  frais,  ouvert  avant  l'opération  et  dans  lequel  est  entière- 
ment plongée  la  verge  de  l'opéré.  Au  bout  de  deux  ou  trois 
minutes,  le  thahar  couvre  la  plaie  avec  de  la  fine  poudre  de 
feuilles  é'aghar  (thuya  articulé)  à  titre  d'hémostatique,  et 
entoure  la  verge  d'une  petite  bande  ou  d'un  morceau  de  chiffon. 
Le  jeune  enfant  est  couché  sur  le  dos  et  doit  rester  plusieurs 
jours  dans  cette  position  autant  que  possible.  L'opérateur  le 
visite  pendant  sept  jours  :  la  première  fois,  il  enduit  la  plaie 
avec  un  mélange  de  beurre  chaud  et  de  graine  pilée  de  seroual 
(cyprès)  ;  les  jours  suivants,  il  fait  un  pansement  consistant  en 
cataplasmes  d'ognons,  de  chiah*  (absinthium  judaicum)  et  de 
beurre  piles  ensemble,  dans  le  but  de  prévenir  et  de  diminuer 


—  308  — 

la  suppuration.  Si  ft^lasepiièfloe  visite,  la  plaie  n'est  pas  eoUère- 
oient  guérie,  Topéré  doit  prendre  un  bain  de  verge  dans  du 
sabl«'  l»i"n  ciiaud.  Les  héiiiorrhagies  sont  très  rares^  et  d*babir- 
tude  le  patient  se  trouve  guéri  au  septième  jour.  Des  accidents 
conbéculifs  pt^uvenl  cependant  survenir  :  c*est  ainsi  qu'en 
f»cu»bre  4847,  à  Batna,  un  jeune  Arabe,  mal  circracis-sans 
doute,  présenta  un  méat  urinaire  obli&éré  :  unesimple  incision 
suffit  pour  rétablir  l'orifice  normal. 

Quand  le  djelda  a  été  séparé  par  le  tkahar,  un  des  assistants 
l'enveloppe  aussitôt  dans  un  chiffon.  Après  l'opératios,  ce 
morceau  de  prépuce  est  exposé  et  abandonné  sur  nn  objet 
quelconque,  soit  un  arbre,  un  palmier  ;  dans  un  endroit  quel- 
conque, un  jardin,  soit  par  exemple  sur  un  animai,  un  bcMif, 
eitc.,  et  le  père  du  circoncis  lui  fait  cadeau  de  Tobjet,  ou  de  la 
propriété  ou  de  l'animal,  sur  lequel  le  djelda  Biéié  placé.  — 
Telle  est,  en  peu  de  mots,  €èUe  opération  que  j'ai  surtout 
décrite  d'après  la  manière  dont  je  l'ai  vu  pratiquer  dans  le 
Sud.  Inutile  de  parler  des  cris,  du  bruit  que  fait  la  fouie  <les 
assistants  pour  couvrir  les  pleurs  de  Peofant  pendant  la  sec- 
tion, etc. 

Le  D^  Nogucs  (1)  a  décrit  le  procédé  suivant,  dé  l'applica- 
tion duquel  il  a  été  témoin  chez  les  Arabes  :  «  L'appareil 
consiste  en  deux  bouts  de  ficelle  ordinaire  et  un  couteau  com- 
mun, mais  bien  effilé L'opérateur  saisit,  avec  le  pouce  et 

rindex  de  chaque  main,  le  limbe  du  prépuce,  qu'il  attire 
fortement  à  lui  en  s'assuraut  que  la  muqueuse  ne  reste  point 
en  arrière  de  la  peau.  Un  aide  fait  alors,  avec  l'un  des  mor- 
ceaux de  ficelle,  un  nœud  qui  rase  le  sommet  du  gland.  Un 
second  nœud  est  fait  de  la  même  manière  un  peu  en  avant  du 
premier,  et  l'opérateur  coupe  d'un  seul  coup  de  couteau  entre 
les  deux.  Le  premier  nœud  engourdit  la  sensibilité  au  point 

(i)  Thèse  inaugurale,  PacU,  i8^f,  p.  39. 


~  309  — 

de  rendre  ropération  pnesqu 'indolore  ;  tous  èeux  s'opposent 
an  glissement  de  la  muqueuse,  qui  estdÎTÎséod'one  manière 
frèé  nèfle  et  an  même  niveau  que  la  peau.  L'opérateur  a»  dad» 
nne  enqnille  d'œuf,  un  mélange  fait  avee  de  la  cendre  de  lan-- 
rier-Toee,  des  fduilies  de  lentisqne  pilées  et  du  mieL  II  en 
recouvre  la  plaie,  après  avoir  renversé  la  portion  de  moqnense 
rettanti^  et  il  abandonne  à  la  nature  le  soin  de  la  réunion.  » 

Qntf  peut  donc  avoir  été  le  but  de  cette  circoncision?  4*  S'a- 
gissait^I  d*une  manfOe  particulière  de  race,  de  nationalité  t 
On  comprend  mieux,  à  ce  poînl  de  vue,  rutililé  des  tatouages, 
dria  déformation  du  crâne  ou  de  certains  organes,  les  taillades 
sur  divers  points  de  la  face  et  des  membres;  les  Nubiens  de 
rtle  de  Tangos  ont,  par  principe  religieux,  l'habitude  de 
s'arracher  deux  incisives  à  la  mâchoire  supérieure  ;  dans  la 
mer  do  Sod,  des  insulaires  respectent  traditionnellement  la 
eemtume  de  s'amputer  nne  phalange;  chez  les  Hottentots,  les 
Cafres;  usages  analogues.  Mais  la  circoncision  atteignait  un 
organe  trop  peu  visible  pour  tous,  trop  habituellement  caché, 
pour  que  les  peuples  en  aient  adopté  l'usage  par  pur  et  simple 
besoin  d'isolement  national  ou  de  cachet  généalogique.  Cepen- 
dant,  saint  Jérôme  et  saint  Cbrysostome  ont  cru  y  voir  un 
ffiojeo  de  distinguer  \o»  Hébreux  des  nations  non  alliées  au 
Christ. 

'  2*  Etait-<^e  une  mesure  d'hjgiène  locale  qui  fit  instituer  la 
circoncision?  On  remarque,  en  e&et,  que  cette  pratique  n'a 
exhté  que  chez  des  peuples  habitant  des  climats  analogues  et 
souvent  inconnus  les  uns  aux  autres.  Etait-ce  pour  obliger  à 
la  propreté  préputiale  dans  les  pays  chauds?  Hérodote  (1) 
BOUS  montre  les  Egyptiens,  dans  l'antiquité,  obligés  de  se  laver 
doux  fois  par  jour  et  par  nuit,  et  de  se  faire  circoncire  dan» 
un  but  unique  de  propreté.  —  Voulait-on  aussi  prévenir  les 

(0  l'ib.  Il,  cap.XXWll. 


—  340  — 

eotuéquences  funestes  de  eertaioes  affections  nombreuses  des 
organes  génitaux,  telles  que  les  chancres,  les  posthites,  la 
blennorrbagie,  les  maladies  du  gland,  etc.,  et  s'opposer  à 
l'aggravalion  et  à  la  propagation  d'autant  plus  faciles  de  ces 
accidents,  que  les  moyens  curatifs  et  l'hygiène  publique  lais- 
saient alors  beaucoup  à  désirer  7 

8^  La  circoncisiQO  était-elle  motivée  par  des  considérations 
intéressant  les  fonctions  génitales,  et,  par  suite,  la  propagation 
.de  l'espècef  Philon  prétend,  par  exempl«,  que  cette  opération 
favorise  la  génération  ;  que  les  nations,  chez  lesquelles  elle 
est  en  usage,  sont  plus  fécondes  et  plus  populeuses.  Les 
Anciens  regardaient  la  longueur  du  prépuce  comme  une  des 
causes  prédisposantesdela  stérilité.  «  D'après  nos  connaissan- 
ces physiologiques  actuelles,  dit  le  D'  Cohen  (4),  nous  sommes 
porté,  avec  plusieurs  auteurs  recommandables,  à  l'attribuer 
(k  fécondité  des  Juifs)  à  i  ablation  du  prépuce,  qui  rend  l'acte 
du  coït  plus  susceptible  de  fécondité  en  permettant  librement 
la  sortie  de  la  liqueur  séminale,  qu'un  trop  long  prépuce 
pourrait  arrêter.  »  —  En  tout  cas,  cet  avantage  ne  saurait  être 
réel  et  opportun  que  pour  le  phimosis  congénial. 

4^  La  posthotomie  aurait-elle  été  instituée  comme  moyen 
de  moralisalion?  Saint  Jérôme,  par  exemple,  avance  que  la 
diminution  du  prépuce  émousse  les  sensations  voluptueuses 
du  coït.  Moïse  avait  recommandé  de  faire  cette  opération  au 
huitième  jour  de  la  naissance,  afin  de  prévenir  les  habitudes 
funestes  de  la  manustupration  chez  les  jeunes  enfantSi  et  les 
écarts  d'une  imagination  ardente  chez  les  adultes. 

S"*  Une  idée  exclusivement  religieuse  aurait-^lle  présidée  à 
cette  coutume?  Les  apôtres  chrétiens  y  ont  vu  une  sorte  de 
baptême  rédempteur.  D'après  saint  Augustin  et  saint  Grégoire- 
le-Grand,  enlr'aulres,  la  circoncision  remet  le  péché  originel. 


—  3M  — 

Celte  manière  de  voir  aurait  pu  avoir  quelque  vraisemblance» 
si  les  femmes  n'avaient  pas  été  exclues  de  la  circoncision,  ou 
mieux  de  l'excision  des  parties  exubérantes  dans  leurs  organes 
génitaux. 

6*  S*esl-il  agi,  dans  roriginc  de  cette  opération,  d'une  ques- 
tion de  caste?  Les  prêtres  voulaient-ils,  en  s'attribuantle privi- 
lège de  la  circoncision,  consolider  la  prépondérance  de  leur 
ordre^de  leur  haute  condition  sociale?  Trouvaicnl-ils  là,  ainsi 
que  dans  la  castration  que  quelques-uns  y  adjoignaient,  un 
moyen  de  paraître  plus  purs  aux  yeux  de  la  multitude,  en 
s&crifiant  la  portion  du  corps  la  plus  impure  dans  ces  temps 
d'ignorance  profonde  en  moyens  thérapeutiques?  Cette  coutume 
se  seraii-elle  ensuite  peu  à  peu  introduite,  par  imitation,  dans  le 
peuple?  Ce  qui  tiendrait  à  le  faire  croire,  c'est  que  les  Ethio- 
piens et  les  anciens  Arabes  avaient  pour  habitude  d'exciser  les 
jeunes  filles  et  d'oiïrir  aux  dieux  les  portions  détachées  comme 
un  emblème  de  la  pureté,  delà  virginité.  Les  prêtres  égyptiens 
qui,  primitivement,  étaient  seuls  circoncis,  transmirent  cette 
opération  aux  Israélites.  Le  célibat  des  prêtres  d'aujourd'hui 
n'offre-t-il  pas  une  analogie  frappante,  du  moins  quant  au 
bat,  avec  la  circoncision  et  la  castration  pratiquées  par  les 
anciens  ministres  de  la  religion?  Ne  s'agit-il  pas  dans  les  deux 
coDtumes,  d'une  sorte  de  symbole,  de  consécration  de  la  puri- 
fication, de  la  renonciation  aux  plaisirs  des  sens,*  pour  se 
rendre  plus  agréable  à  la  divinité? 

Les  défenseurs  de  la  circoncision  ont  singulièrement 
exagéré  les  inconvénients  inhérents  aux  dimensions  ordinaires 
du  prépuce  et  à  sa  disposilmn  normale.  L'un  d'eux  (<)  s'ex- 
prime ainsi  :  «  La  pellicule  légère  [à  stpi  ans!)  sacrifiée  dans 
l'opération  est  une  cause  permanente  de  malpropreté  :  elle 
donne  lieu  à  des  dépôts  de  matière  sébacée  qui  occasionnent 


—  342  — 


de  fréquentes  inflammattofis  et  lavoriseût  le  développemeaC 
d'antres  maladies.  De?  vers  même  (1)  s'y  engendrent  comme 
soiiê  récorce  des  arbres,  et  le  gonfhmenî  des  chairs  rend 
difficile  et  i^tielquefois  impossible  toul  moyen  curatif.  Sa  lon- 
gueur, souvent  démesurée,  ajoute  encore  aux  dangers  dont 
nous  n'avons  énumérc  qt$'un  petit  nombre.  La  circoncision, 
qui  met  l'homme  à  l'abri  de  tant  de  maladies,  est  donc,  dans 
les  pays  chauds,  une  institution  éminemment  utife,,.,  les 
dimensions  extraordinaires  du  tégument  prœputial  produi- 
sent un  autre  inconvénient  qui,  chez  les  peuples  anciens,  était 
regardé  non  seulement  comme  une  grande  calamité,  mats 

aussi  comme  une, honte  :  elles  peuvent  priver  de  postérité 

Esl-ce  payer  trop  cher  le  remède  que  do  sacrifier,  par  mesure 
préventive,  un  accessoire  si  dangereux  ?  »  Nous  avons  sous- 
ligné  et  marqué  entre  parenthèses  toutes  les  exagérations  que 
présente  un  tel  plaidoyer  en  faveur  de  la  posthotomie  religieuse. 
Nous  n'avons  riep  à  ajouter,  si  ce  n'est  ceci  :  De  pelle  humdna 
agitur.  Les  moralistes  ne  pourraient-ils  en  tenir  compte  ? 

En  résumé,  1*^  la  circoncision  religieuse  est  une  opération 

contre  nature,  parce  qu'elle  altère  la  sensibilité  el  diminue 
Teuduit  sébacé,  nécessaires  au  gland  pour  l'excitation  à  Fap- 
pétit  vénérien  et  pour  la  fonction  du  coU.  D'ailleurs,  tout 
organe  a  sa  raison  d*ëlre,  toute  fonction  a  une  activité  en  rap- 
port aveo  Torgane  auquel  elle  correspond.  Une  partie  sans 
uUlite  ne  peut  avoir  été  créée  par  Celui  dont  les  grandioses  et 
harmonieuses  combinaisons,  la  sublime  organisation  du  corps 
humain  en  particulier,  ne  sauraient  tarir  l'admiratian  de  tout 
Tu  Divers  ; 

2°  C'est  une  opération  contre  la  pudeur  cl  contre  la  chas- 
teté, dont  elle  enlève  tout  le  mérite,  toute  la  vertu  ; 

3"  Elle  est  inutile d*une  part,  parce  que  dans  les  pays  chauds 
on  aies  ablutions,  qui,  en  ellVl,  ont  précédé  la  circoncision, 


4 
I 


T 


—  343  — 


'%• 


laquelle  ne  dale  que  des  Egyptiens,  des  Arabes,  des  Juifs  ; 
d'un  autre  côté,  parce  que  les  procédés  opératoires  suivis  daos 
ces  nièaies  contrées  sacrifient  beaucoup  plus  de  peau  et 
méoagent  une  grande  partie  de  la  muqueuse  préputiale,  juste- 
ment le  théâtre  ordinaire  des  lésions  que  Ton  cherche  à 
{prévenir  ; 

4®  Le  Prophète  Ta  en  quelque  sorte  condamnée,  puisqu'il 
n'en  parle  point,  et  qu'il  dit  qu'au  jugement  dernier  les 
bommes  ressusciteront  nuds  et  incirconcis  ; 

5®  Enfin,  elle  a  été  singulièrement  interprétée  par  certaines 
aiatorités  musulmanes.  Lors  de  l'expédition  d'Egypte,  les 
Cheikhs  de  la  grande  Mosquée  proposèrent  à  Napoléon  de 
faire  musulmaniser  toute  son  armée  :  «  Il  leur  objecta  la 
circoncision  et  la  prohibitionde  boire  du  vin,  boisson  nécessaire 
au  soldat  français  ;  les  disputes  furent  vives,  elles  durèrent 
trois  semaines.  Quand,  les  Ulémas  furent  d'accord,  les  quatre 
Muphtis  rendirent  un  fetam  par  lequel  ils  déclarèrent  que  la 
circbnéisiôn  n'étant  qu'une  perfection,  n'était  pas  indispensa- 
ble pour  être  musulman ;  qu'on  pouvait  être  Musulman 

et  "boire  du  vin,  pourvu  que  Ton  employât  le  1/5*  de  son 
revenu,  au  lieu  du  10®,  en  oeuvres  de  bienfaisance  (Mémoires 
de  Napoléon,  notes  et  mélanges),  » 

Ihi  reste,  la  circoncision  comme  moyen  moralisateur  n'a 
pii  être  inventée  que  par  des  hommes  qui  ignoraient  les  sym- 
pathies intimes  qui  existent  entre  le  système  nerveux  et  les 
organes  génitaux  (1).  Celui  qui  est  très  nerveux,  qui  a  des 
sens  très  exaltables,  se  livrera-t-il  moins  au  coït  parce  quil 
sera  circoncis?  Sera-ce  l'excision  d'un  petit  lambeau  de  peau 


(t)  Il  s'est  formé  depuis  quelques  année»  m  Allemagne,  parmi  les  Juifs,  une  s«cte  qui  a 
renoncé  à  la  pratique  de  la  circoncision.  —  En  i843.  le  consistoire  de  Paris  a  aupprimé  la 
«accion  de  la  plaie  par  le  mohhtl  (circonciscnr)  -,  on  a  demande  aussi  la  suppression  de  la 
dilaeération  p.ir  1e«  onglrs  (iS44'^- 


-3ii  - 

qui  (léshérilcra  la  pensée  et  ses  mille  aiguillons  du  pouvoir 
de  stimuler  les  parties  sexuelles,  de  les  influencer?  On  Tonblie 
trop,  le  véritable  remède  des  maux  qui  afiligènt  Thumanité, 
c'est  la  sagesse,  la  modération,  la  moralité,  la  tempérance  en 
toutes  choses.  Au  lieu  de  pratiquer  gravement  la  section  d'un 
bout  de  prépuce,  comme  une  panacée  contre  les  écarts  géoési- 
que>s,  apprenez  plutôt  aux  hommes  à  se  rendre  maîtres  des 
passions,  et  non  à  éviter,  par  un  procédé  qui  oserait  refaire 
Tœuvre  de  la  nature,  la  peine  de  devenir  vertueux.  La  médecine 
doit  éclairer  la  Religion  et  la  législation  sur  les  institutions 
sociales  :  elle  seule  connaît  Torganisation  physiologique  de 
l'homme.  C'est  ù  elle  à  dissiper  les  préjugés,  à  détruire  les 
pratiques  ridicules.  Prévenez  les  écarts  de  l'imagination, 
occupez  les  masses  indolentes  et  paresseuses  à  l'aide  du  travail, 
de  l'amour  des  arts;  développez  les  intérêts  de  l'industrie,  car 
l'abus  du  coït  tient  surtout  aux  dispositions  du  système 
nerveux,  à  sa  prédominance  sur  le  système  musculaire,  et  non 
à  une  action  localisée  dans  un  centimètre  de  prépuce.  Cultivez 
'les  facultés  morales,  modifiez  l'alimentation  par  les  progrès  de 
l'agriculture;  vous  rendrez  alors l'Iiomme  moins  vicieux.  Hais 
ne  comptez  pas  y  parvenir  en  le  martyrisant  mal  à  propos. 
Vouloir  retoucher,  perfectionner  l'œuvre  de  la  création,  c'est 
la  plus  grande  impiété  possible;  et,  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux, 
c*es(de  voir  une  Religion  couvrir  cette  profanation deson  appui 
et  de  ses  textes  obligatoires.  Concluons  donc  avec  le  fabuliste  : 

n  Que  la  Providence 

Sait  mieux  ce  qu'ail  nous  faut  que  nous,  »  (Jupiter  et  le  métayer). 
V  Dieu  fait  bien  ce  qu'il  fait.  »  (Ls  gland  et  la  citrouille). 
«  Dieu  ne  Pa  pas  voulu,  sans  doute  il  eut  raison,  »  (ïd.) 


—  315  — 

▲  peine  est-il  besoin  de  citer  le  mot  profession,  après  avoif 
répété  plusieurs  fois  que  Tindustrie  et  lé  commerce,  en  général^ 
bornés  à  des  échanges  de  tribu  à  tribu  et  aux  besoins  journa-^ 
liers  des  familles,  sont  fort  peu  développés.  Cependant,  par 
cela  môme  que  les  arts  se  trouvent  peu  exercés  par  les 
spécialités,  chacun  se  voit  obligé  d'y  suppléer  pour  ses  propres 
nécessités.  On  peut  donc  dire  qu'en  Algérie  chaque  classe 
participe  plus  ou  moins  aux  professions,  sans  en  avoir  les 
graves  inconvénients.  L'absence  de  culture  intellectuelle,  pour 
l^apprentissage  et  l'exercice  des  métiers,  devient  une  immunité 
contre  les  névroses,  les  affections  de  poitrine,  les  maladies 
scrofuleuses,  les  infirmités,  les  faiblesses  constitutionnelles, 
qui  résulteraient  de  la  réclusion  prolongée,  à  un  âge  précoce, 
dans  les  manufactures,  les  fabriques;  d'autre  part,  le  triste 
état  de  l'industrie,  exempte,  les  Arabes  de  la  débauche  morale» 
des  mauvais  exemples  inhérents  aux  grandes  agglomérations 
d'ouvriers.  Les  femmes,  avons-nous  vu,  sont  épuisées  par  des 
occupations  constantes,  les  pénibles  corvées,  des  travaux 
domestiques  (aller  au  bois,  à  l'eau,  moudre  les  grains,  traire 
les  vaches,  battre  le  beurre,  nourrir  et  soigner  les  chevaux, 
préparer  le  couscouss  et  les  aliments,  etc.),  par  les  exigences 
de  la  culture  (moissons),  par  la  fabrication  des  vêtements 
(tissage  des  laines,  des  bernouss,  haïks;  confection  des  gan- 
doura; teintures),  etc.  Il  en  est  de  même  des  jeunes  filles  qui, 
de  bonne  heure,  aident  leurs  mères,  et  que  Ion  voit,  par 
exemple,  revenir  des  fontaines^  fléchissant  de  maigres  jambes 
sous  le  poids  de  la  lourde  cruche  d'eau  maintenue  sur  lu  tête. 
La  fécondité  surtout  doit  évidemment  subir  de  fortes  atteintes 
d'un  tel  métier,  qui  dure  la  vie  presqu'entière. 

Dans  les  villes,  les  demeures  des  artisans  (teinturiers, 
selliers)  sont  toujours  petites,  sales,  humides,  infectes,  obscures; 
l'air  s'y  renouvelle  dilBcilement;  de  là  les  engorgements  et 
ulcères  chroniques  des  jambes,  les  éléphantiasis,  lesdouleuN 


(^ 


—  3t«  — 

rhumatismales,  etc.  La  profession  militaire  est  exercée  par 
tout  indiTidu  en  état  de  porter  les  armes  :  point  d'&ge  ^si  ce 
n'est  chez  les  Kabyles,  quinze  ans  d*après  ie  général  Daumas), 
point  de  taille  exigés.  La  nature  du  pajfs  et  la  fortune  font 
seules  un  piéton  ou  un  cayalier.  .Oéoéndement,  l'Indigène 
gaenroie  dans  son  district,  dans  sa  plaine,  sa  montagne  ou  son 
oasis  :  la  nostalgie  a  donc  moins  de  ch'ances  pour  se  développer 
chez  lui.  Le  laboureur,  qui  travaille  beaucoup  des  bras,  mais 
peu  de  la  tête,  se  trouve  exposé  à  la  chaleur,  à  rhumidilë,  aux 
émanations  palustres.  Il  ne  les  quitte  guère  que  pour  respirer 
Tair  de  ses  étables,  partie  intégrante  de  son  habitation.  Son 
métier  entraîne  des  fatigues  et  des  attitudes  vicieuses,  mais 
aussi  il  vit  en  plein  air,  au  milieu  des  émanations  florales;  il 
connaît  donc  peu  les  affections  nerveuses,  les  maladies  par 
encombrement,  les  lésions  pulmonaiiTes.  En  revanche,  fré- 
quents érysipèles,  congestions  cérébrales,  méningites,  dyssen- 
teries,  fièvres  intermittentes^  etc.  La  longévité  semble 
fécompenser  une  vie  frugale  et  moins  inquiétée,  parce  que  le 
champ  occupe  chaque  semestre  et  fournit  à  peu  près  le  néces- 
saire ;  mais,  au  moral,  égoisme,  méfiance,  jalousie,  fainéantise 
outrée  en  dehors  des  travaux  rustiques.  Quelle  triste  part  pour 
l'Arabe,  en  comparaison  du  Kabyle  industrieux  et  du  Saha- 
raoui,  toujours  en  course  pour  les  échanges  commerciaQx  / 

Dans  les  tribus,  les  bouchers,  les  tanneurs,  les  corroyeurs 
travaillent  en  plein  air,  ce  qui  annihilé  presque  complètement 
les  inconvénients  inhérents  à  leur  profession.  Dans  les  villes, 
lesNègres  sont  employés  au  curage  dcségoûts,  des  latrines,  au 
blanchîmenl  des  maisons,  aux  corvées  domestiques,  m  trans* 
port  des  fardeaux,  etc.  En  général,  la  profession  *n'a  guère 
d'influence  sur  le  vêtement.  Le  Kabyle  use  peu  du  bemoiéss, 
qui  gênerait  trop  les  mouvements  ;  dans  les  villes,  les  ouvriers 
V  le  remplacent  par  le  gilet  et  la  veste. 
l  \  ^«  Les  Indigènes  qui  font  métier  de  porïe-faix  {biskris,  Nègres 


—  317  — 

priDcipalemeni),  se  remarquent  à  de  nombreux  durillons 
épidermiques,  à  des  callosités  scapulaires  et  sus-acromiales,  à 
une  déformation  de  la  portion  supérieure  du  tronc,  consistant 
en  une  voussure  antérieure  de  la  colonne  cervicale  et  Télar- 
gissemeot  des  épaules;  Toedême  chronique  des  jambes  tour- 
mente surtout  les  cordonniers  maures. 

Nous  ne  pouvions  nous  étendre  davantage  sur  les  rapports 
des  professions  avec  la  santé  individuelle,  sans  répéter  des  faits 
communs  à  toutes  les  spécialités  industrielles  ;  il  ne  reste  plus 
qu'à  énoncer  un  fait  caractéristique  pour  toutes,  c'est  Tigno^ 
rance  profonde  qui  favorise  la  précocité  du  libertinage  et 
l'exploitation  des  masses,  toujours  trop  crédules,  par  la  supers- 
tition et  le  fanatisme. 


CHAPITRE  ïï. 

1IY<;IÈNE    PRIVil. 


».  V 


les  prescriptions  religieuses,  concernant  Thygiène  du  corps, 
sont  au  nombre  de  dix  :  1^  Subir  la  circoncision  ;  2^  et  3®  faire 

la  grande  ablution  pour  l'homme  et  la  femme  ;  4^  usage  du  v .    ,  \-- 

koheul  (pour  les  yeux);  5"*  du  henna  (pour  la  peau);  6^  du  ,.  ^    ;,!^ 

s(mag  (pour  la  bouche);  7*  se  couper  les  çngles;  8**  se  raser  '  ^'^ 

les  parties  que  la  nature  a  voilées;  9^  s'arracber  les  poils  des  i*  «'  ^' 


'^' 


l\ 


—  3*8  — 

aisselles;  10**  se  couper  les  moustaches  à  lahauleur  de  la  lèvre 
supérieure. 

M  II  faut  que  chaque  vendredi  Phommo  accompli.sse  les  dix  choses 
révélées  à  notre  seigneur  Ibrahifti  ^t  recommandées  par  El  Syottti 
le  savant,  ou  quelques-unes,  du  moins^  sMl  ne  peut  les  accomf.Iir 
toutes  (5î  Khelil,  chap.  du  Djemda),  » 

De  toutes  ces  prescriptions,  les  deux  premières  ont  été 
examinées  dans  rhygiènc  publique  ;  les  autres  vont  trouver 
place  dans  les  paragraphes  suivants,  consacrés  à  Thygiène 
de  la  peau  et  des  organes  qu'elles  concernent. 


On  serait  tenté  de  se  demander  si  la  loi  a  réellement  bien 
compris  toute  la  portée  des  prescriptions  de  la  propreté  indivi- 
duelle, puisqu'elle  en  fruste  la  femme  veuve.  Les  soins  cosmé- 
tiques lui  sont  défendus;  elle  doit  s'habiller  tout  eu  noir, 
s'abstenir  d'ornements  et  de  parures,  de  tout  parfum,  de  pré- 
parations aromatiques,  du  /tenne  et  du  katam;  elle  ne  peut 
prendre  de  bain,  user  du  koheul  que  la  nuit,  encore  dans  le 
cas  d'absolue  nécessité;  elle  peut  se  servir  d'huiles  simples,  se 
raser  le  pubis,  se  tailler  les  ongles  et  s'épiler  les  aisselles  (4). 
—  C'est  dire,  en  d'autres  termes,  que  la  femme  veuve  doit 
rester  sale  ;  et  tout  cela,  sans  doute,  peur  éviter  de  trop  parler 
aux  regards  des  hommes  et  d'exciter  leurs  désirs,  pendant  tout 
le  temps  légal  que  sa  retraite  viduaire  exige  qu'elle  s'abstienne 
de  tout  rapprochement  sexuel.  Pour  obtenir  un  tel  résultat,  il 
n^est  certainement  pas  nécessaire  de  mettre  la  santé  de  la 
femme  en  danger,  ou  tout  du  moins  de  lui  imposer  la  priva- 

(i)  Si  Kl^m,  II*  partie,  Hiap.  IX. 


~  319  — 

tiôn  de  coutumes  hygiéniques  qui  ont  leur  grande  importance 
dans  les  pays  chauds. 

Nous  avons  dit  qu'en  outre  des  ablutions,  les  Arabes  se 
montrent  très  amateurs  de  bains  complets.  Les  bains  froids 
sont  peu  usités,  par  cette  raison  sans  doute  que  la  réaction 
consécutive  s'ajouterait  à  l'action  du  climat  sur  la  peau,  et 
déterminerait  des  accidents,  soit  dans  le  tissu,  soit  dans  les 
fonctions  de  l'enveloppe  cutanée.  Toutes  les  pratiques  des  pays 
chauds  consistent,  au  contraire,  à  mitiger,àcombattre  l'énergie 
des  réactions  si  fréquemment  violentes  vers  la  peau,  et  à  la 
mainCenir  dans  des  limites  compatibles  avec  la  santé.  Le  bain 
maure  a  pour  principale  condition  de  présenter  le  corps  à  une 
Chaleur  de  40  à  50**  cent.,  dans  une  vaste  salle  dont  l'air  est 
convenablement  entretenu  à  cette  température  à  l'aide  d'un 
lambonr  en  pierre,  central,  correspondant  à  un  foyer  sou- 
terrain (4).  On  est  ensuite  étendu  sur  des  linges  mouillés  qui 
recouvrent  les  dalles,  puis  abandonné  au  dellaq  (masseur),  qui 
pétrit  et  répétrit  avec  soin  toute  la  surface  du  corps,  fait 
craquer  à  diverses  reprises  toutes  les  articulations  des  mem- 
bres et  du  tronc,  puis  frictionne  toute  la  périphérie  cutanée 
avec  un  gant  en  poil  de  chameau.  Une  fois  de  nombreux  ^ 

copeaux  de  cr^se  facilement  obtenus  par  ce  moyen  énei^ique,  ^y  ^  -î 
tout  le  corps  est  savonné  et  lavé  à  grande  eau  ;  on  termine  par 
une  douche  froide  générale,  afin  de  neutraliser  la  débilitation 
produite  par  TaiBux  du  sang  dans  l'enveloppe  cutanée.  Le 
dellaq  essuie  alors  le  baigneur,  le  recouvre  d'une  masse  de 
grands  haïks  secs  et  chauds,  et  le  reconduit  dans  une  autre 
pièce  où  il  trouve  un  lit  de  repos  et  du  chorbet  (limonade),  ou 

(i)  J'ai  toiqoan  obeenré»  aprè«  an  léjour  pro'ongé  daiu  ces  étuTet,  une  aagnientation 
notable  4«  1VUip4raliire  aninafe  ;  «ne  fois  eatr'aatras,  à  Biskra,  aprèa^étre  rcaté  près  d'nna 
ktnre  et  demie  dans  on  bain  inaure  auMÎ  fortetnent  cbanfTé  qoe  je  piu  le  «npporter,  le  tbcr- 
momètn  place  sous  la  langue  marqoait  3  degré*  aS  cent.  aa>deMus  de  la  température  qu'il 
m'avait  nfTuie  av^ni  de  pénétrer  dan»  1c  bain  ;  n  j'avaia  i3a  pul»a»ioni  par  minai*'. 


—  3Î0  — 

du  gahoua{cBfé)y  à  son  choix,  sans  oublier  le  ^i6«i(pipe).  Au 
bout  d'une  demi-heure,  d'une  heure  au  plus,  on  est  complète- 
ment séciié,  et  l'on  éprouve  un  bien-être  général  vraiment 
indicible,  dont  l'élément  principal  consiste  en  une  souplesse 
inusitée  dans  tous  les  mouvements,  un  profond  sentiment  de 
légèreté,  de  débarras.  —  Tout  ce  système  de  friclions,  d'attou- 
chements, de  malaxations  hygiéniques,  curatives  et  surtout 
préventives,  qui  suppléent  au  défaut  d'exercice  chez  un  peuple 
si  sédentaire,  ne  rappel le-t-il  pas  le  sudatorium  et  le  frigi-- 
dariim  des  Romains,  leurs  frictions  avec  les  strigiUés  (sorie 
de  spatule)  ?  les  bains  russes  ?  les  étuves  de  Pergame  où  l'on 
frottait  avec  le  xystref  les  bains  de  vapeur  usités  chez  les 
Indiens?  etc. — Au  printemps,  les  Mauresques  ont  l'habitude  de 
se  frotter,  après  le  bain,  avec  de  la  racine  de  bovr^efa  (laser- 
pitium)^  à  titre  de  révulsif,  de  dépuratif  cutané.  —  Dans  le 
désert,  du  côté  d'Ouchdah,  <i  les  femmes  du  Kbalifa  prenaient 
des  bains  maures  de  la  façon  suivante  :  En  arrivant  au  campe- 
ment, nos  deux  soldats  creusaient  un  trou  dans  le  sabler  ;  ils 
dressaient  la  tente  sur  ce  trou,  dans  lequel  ils  allumaient  un 
grand  feu  qu'il  fallait  entretenir  pendant  deux  heures.  On 
fermait  la  tente  hermétiquement,  on  chassait  la  fumée»  et  les 
femmes  se  précipitaient  dans  cette  brûlante  étuve  (4).  » 

Le  bain  maure  a  tant  d'importance  dans  la  vie  arabe,  que 
l'autorité  française  devrait  multiplier  les  étuves,  aux  frais  des 
Indigènes  de  chaque  localité  bien  entendu.  Un  très  bon  exem- 
ple a  été  donné  à  ce  sujet  par  le  bureau  arabe  d'Orléanstille, 
qui  a  fait  construire  un  bel  établissement  dans  le  style  maures- 
que. «  Les  bains,  rapporte  le  Tableau  de  l'Algérie  (2),  sont 
fournis  indistinctement  à  tous  les  Indigènes,  par  suite  d'un 
abonnement  pris  en  commun  et  par  tribus  :  il  en  résulte  qu'ils 

(i)  Capti¥ii9  du  trompettt  EteoJStr,  t.  I,  p.  117. 
'»  ÀnnH€tirt pour  iSS4.  par  M*  J-  Di^râL,  p.  i»o. 


—  3J4   — 

sont  à  peu  près  gratuits.  Ils  le  sool  tout-à-fait  pour  les  pauvres 
qui,  un  jovr  de  la  semaine,  peuvent  y  aller,  et  même  se  faire 
servir  une  (asse  de  café,  dont  la  dépense  ost  supportée  par  la 
caisse  de  rétablissement.  Excellente  manière  de  donner  des 
habitudes  de  propreté  aux  plus  infimes  du  peuple,  dont  pour- 
raient profiler  les  villes  les  plus  civilisées  d'Europe  I  Cet 
établissement  a  encore  un  caractère  plus  élevé,  en  ce  sens  qu'il 
résout  le  premier  problème  d'association  des  capitaux  indigènes 
qui  ait  été  tenté.  » 

Tendre  à  augmenter  la  beauté  et  à  assurer  la  santé,  tel  est 
le  double  but  des  cosmétiques  chez  les  Arabes.  Presque  toutes 
les  femmes  (chez  les  Kabyles  surtout),  et  grand  nombre  dlndi- 
gènes  des  deux  sexes  appartenant  aux  grandes  familles  ou 
i  la  caste  des  Savants,  se  teignent  les  mains,  les  pieds,  avec  le 
henna.  Cette  substance,  qui  n'est  que  la  feuille  bien  pulvérisée 
du  lawsônia  inermis  (troënc)  et  délayée  dans  un  peu  d'eau,  x^ao^ 
s*étend  avant  le  coucher  sur  les  extrémités  des  membres;  puis 
un  linge  entoure  les  parties  enduites.  Le  lendemain,  on  trouve 
ces  dernières  teintes  en  jaune-brunâtre,  et  celte  coloration 
dure  assez  longtemps  (une  vingtaine  de  jours)  pour  qu'on  ne 
soit  pas  obligé  de  la  renouveler  souvent,  malgré  les  lavages 
répétés.  Le  henna,  en  resserrant  la  peau  par  une  sorte  de 
tannage,  la  tonifie,  diminue  de  beaucoup  la  transpiration  et 
préserve  sa  sensibilité  exquise  contre  les  brusques  variations 
atmosphériques.  Ces  avantages  sont  tellement  réels,  que  les 
Arabes  enduisent  de  henna  toutes  leurs  blessures,  même  les 
plaies  des  animaux.  Le  lawsônia  inermis  passera  certaine- 
ment, avec  de  grands  succès,  dans  notre  matière  médicale 
française.  J'en  ai  maintes  fois  constaté  les  excellents  effets  en 
Algérie,  notamment  dans  des  cas  de  sueur  fétide  des  pieds, 
que  cette  application  hebdomadaire  a  seule  pu  modifier  avan- 
tageusement. Lescosmétiqkesont,  du  reste,  une  importance 
telle  chez  les  Musulmans,  que  la  loi  s^nplique  ainsi  :,«  Par 


—  3««  — 

devoir  obligatoire,  le  niarr  fournit  à  la  femme  les  cosmétiques 
dont  Tutilité  est  reconnue  et  acceptée  dans  la  coulume,  tels 
le  koheul  pour  les  yeux  ;  la  pommade  ou  Thuile  pour  les 
cheveux  ;  le  henna  pour  la  tête,  les  mains,  les  pieds,  etc.;  les 
objets  nécessaires  pour  oindre  la  chevelure,  etc.  (1).  »  Le  henna 
possètlo  encore  une  précieuse  destination  :  ses  fleurs  servent  à 
parfumer  les  vétemeulset  les  habitations,  et  les  uns  commaies 
autres  en  ont  toujours  grand  besoin. 

Dans  les  villes,  les  femmes  se  fardent  avec  le  carthàme 
[added)  ou  avec  un  composé  [rusma)  dont  la  base  arseniàilc 
fait  tout  le  danger.  Elles  teignent  aussi  et  réunissent  les  sour- 
cils à  la  base  du  front  à  Taide  d*un  enduit  qui  n'est  autre 
chose  qu'une  forte  décoction  d*afsa  (noix  de  galle)  pulvérisée, 
puis  desséchée.  Il  suffit  de  retendre  dans  un  peu  d'eau  avant 
de  l'appliquer.  La  coloration  obtenue  est  d'un  châtain  foncé. 
—  D'autres  fois,  celle  teinture  se  compose  de  mine  de  plomb; 
d'aulres  fois,  d'un  mélange  d'iiuile  et  de  cendres  decartbamns 
tinclorius  {added).  Des  feuilles  de  celte  dernière  plante,  cultivée 
d'abord  pour  ses  propriétés  tincloriales,  on  retire  deux  prin- 
cipes colorants,  l'iinjauneelsolubledans  l'eau,  l'autre  résineux, 
rouge  et  soluble  dans  les  alcalis,  et  utilisée  particulièrement 
dans  les  arls  et  la  cosmétique.  Les  filles  publiques  se  barbouil- 
lent les  joues  avec  du  carmin. 

Il  est  fort  remarquable  que  la  plupart  des  peuplades  des 
pavs  chauds  se  couvrent  la  peau  d'une  couche  grasse.  Les 
Caffresse  poigut^nt  tout  le  corps  avec  de  l'ocre  rouge  et  l'endui- 
sent ensuite  de  mœlle  ou  de  graisse  d'animaux.  Les  Chingulais 
(île  de  Cc\lan)  se  frottent  avec  de  l'huile  de  coco.  Nos  Kabyles, 
que  le  peu  de  troupeaux  prive  de  laines  suffisantes,  ont 
l'habitude  d'étendre  de  l'huile  à  la  surface  du  corps  :  cette 
couche  additionnelle  devient  une  espèce  de  vêtement  et  rend 

(t)  Si  KMii,  i.  Ilf.ehap.  ».>.  i3i.  De  renfrttitn  Jt  Imftmm*  dmm  h  mmrimgt. 


—  323  — . 

la  peftu  moins  sensible  au  froid.  C'est  ainsi  que  dans  la  grande 
expédition  d*Annibal  (plus  de  200  ans  avant  J.-C),  les  Cartha- 
ginois, surpris  tout  à  la  fois  et  par  la  faim  et  par  les  rigueurs 
d'une  basse  température,  s'enduisaient  d'huile  Tenveloppe 
eutanée.  Outre  une  proleclion  contre  le  froid,  les  variations 
atmosphériques,  contre  les  insectes  et  l'action  des  vapeurs 
miasmatiques,  ces  onctions  ont  le  précieux  avantage  de 
tempérer  les  transpirations  et  entretiennent  convenablement 
répiderme,  à  Tinstar  des  qualités  particulières  de  la  peau  du 
Nègre.  On  ne  saurait  leur  trouver  qu'un  double  inconvénient, 
e'est-Ia  rancidilé  de  Thuile  qui  s'altère  promptement  par  la 
disléur  et  le  mélange  des  sécrétions;  puis  la  malpropreté 
générale  inévitable. 

Le  tatouage  est  en  honneur  surtout  chez  les  Kabyles.  Leurs 
femmes  portent  généralement  une  petite  croix  Jbleuâtre,  faite 
avec  de  la  poudre  à  canon  ou  avec  de  l'oxyde  d'antimoine,  soit 
à  la  base  du  front  entre  les  sourcils,  soit  sur  une  narine,  soit 
snr  une  des  joues.  Quand  la  jeune  fille  vient  à  se  marier,  le 
taleb  fait  ordinairement  disparaître  ce  signe  par'  l'application 
d'un  mélange  de  djir  (chaux  vivo)  et  de  sahoun  akhnl  (savnn 
noir).  Presque  toutes  les  prostituées  arabes,  portent  aussi  des 
croix  ou  des  fleurs  bleues  sur  les  joues,  sur  les  bras.  D'ordi- 
naire, les  filles  publiques  mauresques  offrent  sur  les  seins 
des  points  rouges  ou  des  plaques  de  carmin,  —  Les  Nèp:res 
ont,  en  général,  des  tatouages  profonds,  onlinairofnent  (1«^- 
incisions  dans  les  joues.  Ces  scarifications,  faites  avec  un  cou- 
teau rougi  dès  Ip  bn^-âge,  seraient-elles  une  sorte  de  prévention 
hygiénique?  Le  général  Daumas  ajoute  (i)  :  «  Les  Lybiens, 
repoussés  du  côté  de  la  mer  par  les  conquérants,  et  qui  sont 
les  pères  dés  Touareug,  selon  Heeren,  auraient-ils  transmis 
cette  méthode  hygiénique  aux  Nègres?  )>  On  lit  dans  Héro- 

(i)  tunéfirt  Ai  Smhmrm  mu  pmys  J03  Nègrtt,  p.  s  A3. 


—  384  — 

dote  (4)  :  «  Quand  les  enfants  des  Ly biens  nomades  ont  atteint 
rage  de  quatre  ans,  ils  leurs  brûlent  les  veines  du  haut  de  ht 
tête  et  celles  des  tempes.  Us  prétendent  que  cet  usage  les  em«- 
pêche,  par  la  suite,  d'être  incommodés  de  la  pituite  qui  coule 
du  cerveau,  et  leur  procure  une  santé  parfaite.  »  Le  but  deces 
incisions  hygiéniques  serait-il  analogue  au  feu  de  précaution 
que  les  Arabes  mettent  de  bonne  heure  aux  jambes  de  leurs 
jeunes  chevaux?  Le  tatouage  est,  du  reste,  défendu  par  la 
Religion,  qui  traite  ces  marques  particulières  de  ketibet  ech 
cfUtan  (signes du  diable).  Hais  les  Indigènes  se  tirent  d*afiEaire 
en  prétendant  qu'avant  d'entrer  au  paradis,  chacun  doit  subir 
nne  purification  de  feu  qui  enlèvera  toutes  les  impuretés  ter-» 
restresl! 

Les  femmes  ont  les  oreilles  percées  de  plusieurs  trous  pour 
recevoir  de  grands  anneaux  très  minces  ;  elles  portent,  aux 
poignets  et  au  bas  de  la  jambe,  des  cercles  plus  ou  moins 
épais  en  corne,  en  argent  ou  en  cuivre,  comme  lesprécédents, 
et  que  leur  bruit  particulier,  lors  du  moindre  mouvement,  fait 
appeler  khalkhaL  Serait--ce  là  une  coutume  destinée  seulement 
à  rappeler  sans  cesse  à  c^  sexe  son  infériorité  sociale  et  son 
permanent  esclavage  ? 


Une  pratique  hygiénique  aussi  répandue  que  le  Amna^ 
c'est  le  A^oAei//.  Plusieurs  personnes  affirment  que  cette  ex- 
pression et  l'usage  particulier  de  cette  substance  se  retrouvent 
dans  le  langage  comme  dans  les  mœurs  de  tous  les  peuples 
orientaux.  Le  fait  est  que  Musulmans  de  diverses  nationalités. 
Indiens,  Persans,  Nègres,  Turcs,  etc.,  se  servent  beaucoup  de 


(»)  IJTre  IV,  ch.  (iJLXXVll. 


■^  325  — 

ce  coëoiétique.  —  L'usage  de  s'enduire  Jes  paupières  d'une 
substance  an  ti-oph  thaï  m  ique  remonte  à  la  plushaute  antiquité. 
Jérémie,  Esaie,  Ezéchiel,  saint  Jérôme,  Clément  d'Alexandrie 
en  pilent  ;  les  Grecs  et  les  Romains  en  faisaient  usage.  Pline 
s'exprime  ainsi  :  «  Vis  stibiiprincipalis  circà  oculo^,  nam 
qkœ  ideo  etiam  plérique  platyophthalmon  id  appellavére 
quoniamincalliblepharis  muUerum  dilatet  oculus;  »  c'estr«u 
dire,.le  principal  effet  de  Tantimoine  se  concentre  autour  des 
yeux,  car  la  plupart  l'ont  appelé  platyophthalmos,  parce  que, 
purmilesonguentsophthalmiquesdes  femmes,  c'est  celuiquidi- 
lateles  yeux. —Chez  les  Arabes, on  trouve  le  kokeulusité  parmi 
les  femmes  et  les  hommes  appartenant  à  la  classe  instruite  ou 
autoritaire.  Lekoheul  (dont  lenom  signifie  sulfure  d'antimoine, 
partie  principale  de  sa  composition  ordinaire),  ordonné  par  le 
Prophète,  a  été  recommandé  par  tous  les  toubibes  arabes,  et 
jotiit  d'une  réputation  populaire  justement  méritée.-  Cette 
préparation  a  la  merveilleuse  propriété  de  prévenir  les  affecr 
lionsoculairesen  absorbant,  parsa  couleur  noirâtre,  unegrande 
portion  des  rayons  lumineux,  en  donnant  aux  paupières  des 
conditions  toniques  qui  les  empêche  de  se  gonfler  et  de  se  re- 
lâcher trop  facilement,  et  en  prévenant  Texcrétion  surabon- 
dante de  larmes,  ce  qui  procure  ainsi  à  la  vueplus  de  limpidité 
et  d*assurance.  Sa  composition  est  variable  ;  d'ordinaire,  le 
koheul  se  trouve  uniquement  formé  de  fine  poudre  de  sulfure 
d'antimoine,  que  l'on  mêle  à  un  peu  d'eau  ou  à  un  corps  gras. 
On  met  le  tout  dans  une  fiole  très  étroite  [mkhalèl]  en  métal 
plus  ou  moins  précieux.  Quand  on  veut  s'en  servir,  on  plonge  y 

dans  celle  petite  bouloille  un  stylet  très  effilé  et  bien  poli  >'//^ 
[miroued]^  puis  on  le  presse,  ainsi  chargé  de  koheul,  entre  les 
paupières  préalablement  rapprochées.  Le  bord  de  ces  dernières 
prend  une  teinte  très  foncée,  bleuâtre  si  le  sulfure  est  seul,  et 
noirâtre  si  on  lui  a  adjoint  du  noir  de  fumée.  La  première  de 
ces  colorations  se  rencoptresurtouichoilcs  Nègres,  qui  n'ajou- 


—  3«6  — 

tent  jamais  ce  dernier  ingrédient.  Dans  les  tribus  où  le  sulfure 
d*antiiTioine  est  parfois  difTicile  à  se  procurer,  le  koheul  se 
compose  de  charbon  de  rff/?a  (laurier-rose)  et  de  felfel  akhal 
(poivre  noir)  très  finement  pulvérisés  ensemble.  D'autres  fois, 
pour  donn(»r  plus  de  force  tonifiante  à  la  préparation,  on  pile 
dans  un  mortier,  en  proportions  égales,  du  sulfure  d'antimoine, 
du  toutia  (sulfate  do  cuivre),  du  chebb  (alun  calciné),  du 
zendjar  (carbonate  de  cuivre),  quelques  qrounefel  (clous  de 
girofle),  un  peu  de  noir  de  fumée;  on  passe  dès  que  le  niélange 
est  entièrement  fuit.  Les  prostituées  font  leur  koheul  ^yec  une 
poudre  de  feuilles  desséchées  de  henna,  que  Ton  mêle  avec  du 
suc  de /mm  (limon).  Cette  préparation,  qu'il  faut  laisser  ap- 
pliquer plusieurs  heures,  dure  beaucoup  plus  longtemps. 

Souvent  on  adjoint  au  koheul  ordinaire,  du  safrane  (safran), 
du  cembel  (jonc  odorant,  andropogon  nardus),  du  djaom 
(benj(;in),  pour  activer  Tcni^rgie  de  la  vue.  L'emploi  du  koheul, 
dans  tonte  espèce  d'oplithalmie,  m*a  toujours  rendu  les  plos 
grands  s<»rvices. 


Au  premier  abord,  les  pratiques  hygiéniques,  en  usage  chez 
certains  peuples  pour  conserver  aux  différentes  parties  de  la 
bouche  leur  inlégrilé  niatérielle  et  fonctionnelle,  peuvent 
paraître  le  pur  effet  du  hasard  ou  du  caprice.  Ainsi,  tous  les 
Barmans  des  deux  sexes  se  teignent  les  dents  en  noir(1);  à 
Madagascar,  les  femmes  se  servent  d'une  plante  colorante  pour 
arriver  au  même  but;  les  Sénégîimbiennes,  qui  ont  de  fort 
belles  dents,  remarquables  surtout  par  leur  blancheur,  se 
piquent*  continuellement   les  gencives  pour  les  entretenir 

(i)  Empirr  tirt  Barmans.  ]>;:r  Lico!«ti.  iî^.«#  d'Orient,  \.  VIII,  p.  5, 


—  :W7  — 

saignantes  et  bleuâtres.  Les  femmes  arabes  se  colorent  la  bou-  ) 
che  en  rouge  avec  du  souaq  (écorce  de  la  racine  du  noyer)  ;  • 
elles  ont   aussi    la  constante    habitude    des  mastications, 
soit  ftvec  Toliban,  soit  la  myrrhe,  la  résinc'dV/ ar^  (cedrus 
atlanticus)  dans  Taures,  soit  avec  le  suc  li({uide  qui  s'écoule 
des  incisions  du  darou   (pistacliiiM*  leiiliMjue).    Toutes  ces    j 
substances  auraient  en  outre  le  privilègo  do  fortifier  les  gencives,    1 
de  parfumer  l'haleine,  et  de  conserver  aux  deiHs  une  éclatante    * 
blancheur.  Toute  femme,  dit  le  proverbe  arabe,  qui  enduit  ses    \ 
paupières  de  koheul,  ses  mains  et  ses  pieds  de  henna,  se 
parfume  Thaleine,  est  plus  agréable  à  Dieu  et  à  son  mari. 
N'est-ce  point  là  de  l'hygiène  bien  entendue  ?  Il  n'en  est  peut- 
être  pas  tout-à-fait  de  même  de  la  prescription  suivante,  qui 
seot  un  peu  trop  le  despotisme  conjugal  :  <(  Le  mari  a  le  droit   \  -p — 
d'empêcher  sa  femme  de  manger  de  Tail,  par  exemple,  de    y^ 
manger  ou  boire  toute  chose  ayant  ou  laissant  une  odeur  forte    I 
et  désagréable  (1  ] .  » 

On  dit  communément  que  les  acides  altèrent  rapidement  la 
structure  des  dents.  Que  penser  de  a^tte  opinion,  quand  on 
voit  les  Arabes  ne  vivre  la  moitié  de  Tannée  qu'avec  des  fruits, 
la  plupart  du  temps  fort  peu  mûrs,  et  conserver  cependant  de 
belles  dentures?  ï  a-t-il  donc  une  qualité  particulière  d'orga- 
nisation de  ces  ostéides  chez  TArabc î — L(îs  Indigènes  ontTex-    • 
cellente  coutume,  après  les  repas,  de  se  rincer  la  bouche  et  de     •    J^ 
se  frotter  les  arcades  dentaires  avec  l'index  de  chaque  main, 
ordinairement  chargé  d'une  légère  couche  de  savon  noir.  On  • 
use  ensuite  du  cure-dent   {miçouaq),   qui  est  d'ordinaire     • 
une  tige  d'arak  (bois  odorant)  ;  cette  tige  est  grosse  comme 
le  petit  doigt,  longue  de  quelques  pouces,  et  tailladée  à  une 
extrémité  de  manière  à  présenter  une  sorte  de  bn^ssc  ou  de 
pinceau,  (|ue  Ton  promène  horizontalement  sur  les  dents,  les 


—  388  — 

gencives,  dans  la  bouche.  Il  est  bon  d*avaler  sa  salive  lorsqu'on 
commence  la  manœuvre  du  miçouaq  ;  cela  est  utile  contre  la 
lèpre,  le  leucé,  contre  toute  maladie  :  c'est  Tavis  des  Savants 
de  Vhldm.  Le  bois  de  grenadier  ou  de  basilic  provoque  la 
lèpre;  la  tige  de  blé,  ou  d*orge  ou  d'alfa,  occasionne  des  dé- 
mangeaisons ou  prurits,  le  leucé  (ou  lèpre  blanche).  Le  bois 
A'arak,  dit  Ibn-Àbbas,  a  encore  la  vertu  de  guérir  de  la 
stomatite  scorbutique,  d*éclaircir  la  vue,  de  raffermir  les  gen- 
cives, de  faciliter  Texpulsion.  de  la  pituite,  d'assainir  le  corps, 
etc.;  il  fait  même  pousser  les  cheveux  et  éclaircit  le  teint  (1).» 
Quelles  vertus  dans  un  simple  cure-dent  I  Lcsavant£l  Syouti 
a  dit  : 

m  Lorsque  vous  vous  nettoyez  les  dents  avec  un  miçouaq,  net- 
toyez-les en  large.  Le  diable  se' le  frotte  en  long:  » 

Dans  le  Sud,  les  pèlerins,  les  voyageurs  ramassent  de  gran- 
des provisions  de  jrMe^a/'(atripIe\  balimus,  pourpier  de  mer)  ; 
filandreuse  de  sa  nature,  la  racine  prend  facilement  la  tour- 
nure d'une  petite  brosse;  de  plus,  elle  possède,  comme  toutes 
les  parties  de  la  plante,  un  goût  très  salé.  Ces  sortes  de  cure- 
dents  sont  un  objet  d'importation  considérable  pour  Alexan- 
drie. Le  cure-dent  le  plus  commun  chez-  les  Arabes  est  le 
pédoncule  desséché  du  daucus  [xroudia).  Son  principe  aro- 
matique passe  pour  1res  favorable  aux  gencives.  Outre  le  cure- 
dent  considéré  comme  un  moyen  religieux  de  propreté,  les 
Arabes  ont  l'habitude  de  mâcher,  comme  dans  tout  l'Orient, 
►  des  feuilles  de  taneiou/ (espèce  de  bétel),  afin  de  resserrer 
les  gencives,  embaumer  l'haleine,  amener  l'appétit,  exciter 
lamour,  rendre  gai,  et  fortifier  Tesprit  et  le  corps.  Les  dents 
en  prennent  une  teinte  légèrement  rosée. 


(i)  Sitii Kfirfi/.  Notrs  ?•*  <hi  livr»-  I  :  trad.  par  le  D'  Pimti»^. 


—  3S9  — 

Le  Français  se  découvre  toujours  la  tête,  et  TArabe  les  pieds.        i 
Cette  différence  tient  à  ce  que  ce  dernier  se  rase  toute  la  tête,        ; 
sauf  une  touffe  syncipitale  appelée  kaitaïa,  et  qu'il  conserve        ! 
plus  ou  moins  longue  :  c'est  par  là  que  Tange  de  la  mort  doit 
saisir  leç  Musulmans  pour  les  traîner  devant  Dieu  au  jugement 
dernier. 

m  O  mon  Dieol  que  ta  miséricorde  soit  pour  ceux  qui  soraseat         ! 

UtètàetfN>ar  ceux  aussi  qui  se  taillent  les  cheveux J*tl  mis 

ma  confiaDce  en  Dieu  ;  il  n'est  pas  une  seule  créature  qu*il  ne  tienne 
par  le  bout  de  la  chevelure  (1).  » 

Dans  la  Sénégambie  occidentale,  les  Maures  ont  la  tête  nue, 
les  cheveux  épais  et  flottants.  Les  Persans  conservent  une 
pvtie  de.leurs  cheveux  pour  couvrir  tes  tempes  et  les  bouclent 
devant  et  derrière  les  oreilles.  Les  Touareug,  habitants  de  Ja 
partie  moyenne  du  Sahara,  portent  les  cheveux  tellement  longs 
qu'ils  sont  quelquefois  obligés  de  les  tresser.  Les  habitants  du 
Touat  se  rasent  un  seul  côté  de  la  tête  chaque  mois  (2).  C'est 
sans  aucun  doute  la  difficulté  de  tenir  dans  un  état  convenable 
de  propreté  et  de  préserver  de  la  vermine  une  chevelure  longue 
et  toujours  humectée  par  les  produits  de  la  sueur,  qui  a 
engagé  les  Arabes  à  se  raser  constamment  la  tête.  Cette  cou- 
tume a  le  grave  inconvénient  de  développer  dans  les  tégumens 
épicrâniens  une  sensibilité  qui  rend  plus  impressionnable  aux 
variations  atmosphériques  (ainsi  que  le  prouve  la  fréquence 
des  otites,  des  coryzas,  des  ophthalmies,  des  odontalgies),  et 
qui  expose  à  des  arrêts  de  transpiration  plusfaciles.  Les  Kabyles 
qui  vont  généralement  tête  nue  on  couverte  d'un  simple  calot 
en  feutre,  portent  les  cheveux  courts. 

«  La  parole  et  les  cheveux  font  le  charme  et  la  grâce  de  la 
femme,  dit  Si  Khelil  (3),  et  sont  des  sources  de  jouis^sances 

(i)  MomM,  cb.  XI.  V.  59. 

(a)  ItfmérmirtJ^  Smkarm  mpuyt  dês  l^f»  par  MM-  flAUMAt  el  oa  Cb4iicil,  p.  6a  »t  166. 
(S)  T.  II,  ch.  V.  p.  5-5. 


'^ 


—  330  — 

toujours  présentes.  »  Aussi  les  femmes  conservenl-^Ues  toute 
leur  chevelure;  même  en  revenant  du  pèlerinage  (alors  que 
rhommè  est  obligé  de  se  raser  la  tête),  elles  ne  doivent  couper 
qu'un  petit  bout  de  leurs  cheveux.  Dans  les  tribus,  elles  ajou- 
tent des  paquets  de  tresses  en  laine  :  malheureusement,  leur 
propreté  laisse  beaucoup  à  désirer.  —  Les  Mauresques  s'en- 
duisent les  cheveux  avec  de  Thuile  dans  laquelle  on  a  (ait 
bouillir  des  fleurs  de  cembel  (jonc  odorant).  Dans  le  Sabara, 
on  parfume  celte  huileavec  du  djaom  (benjoin)  et  du  xafrane 
(safran).  La  loi  permet  de  teindre  la  chevelure;  le  Aenna^ 
ajoute  le  cemmentateur  (1),  teint  en  rouge-vitulin  assez  foncé. 
LB'Kûtam  est  une  sorte  de  composition,  ainsi  nommée  d'une 
plante  qui  en  forme  la  base  avec  une  préparation  de  cuivre. 
Le  Katam  fait  disparaître  la  couleur  rousse  des  cheveux  sans 
les  faire  virer  au  noir.  Sans  doute  faut-il  ici  tenir  compte  éga- 
lement d'une  action  médicamenteuse  locale,  modératrice  de  la 
transpiration.  Les  vieilles  gens  se  teignent  les  cheveux  ou  la 
barbe  avec  le  henna. 

Les  femmes  étendent  sur  leurs  sourcils,  de  manière  à  les 
confondre  dans  une  seule  ligne,  une  sorte  d*enduit  brunâtre 
composé  d'huile  et  de  cendres  de  coques  de  noix,  ou  bien  de 
fumée  de  charbon.  C'est,  avec  le  koheul,  un  double  moyen  de 
relever  l'éclat  des  yeux. 

Les  Arabes  laissent  croître  leur  barbe,  et  ne  la  coupent  que 
dans  toute  la  région  sous  maxillaire.  Le  Kabyle  ne  se  rase  que 
jusqu'à  25  ans.  Il  est  d'usage  général,  une  fois  la  barbe 
poussée,  (le  ne  plus  la  retrancher  en  totalité.  Toutes  ces  cou- 
tumes sont  avantageuses  en  ce  sens  qu'elles  assurent  aux 
organes  intrà-buccaux  une  protection  contre  les  vicissitudes 
atmosphériques. 

(i)  II'  partît,  p.  70- 


—  331  — 

Les  deux  sexes  se  rasent  le  pubis,  regardant  comme  une 
honte  et  laideur  d'avoir  cette  région  viileuse.  Le  vrai  motif  est 
sans  doute  le  besoin  d'une  propreté  constante  et  Tidée  d'éviter 
les  parasites.  Aucun  poil  ne  doit  également  rester  dans 
l'aisselle.  Les  femmes  s'épilent  à  l'aide  d'un  composé  ("nouraj 
de  ebaux  blanche,  de  savon  et  de  sulfure  d'arsenic  (dahoik 
nuti^outa),  II  suffit  d'étendre  quelques  minutes  sur  la  peau, 
prim^Stèment  sur  les  régions  chargées  de  duvet;  un  coup 
sec-jqwèneet  la  composition  et  les  filamens  pileux.  Les  Maures- 
ques passent  une  partie  de  la  journée  à  cette  occupation.  Quaud 
on  veut  enlever  le  poil  et  sa  racine,  on  enduit  la  région  d'un 
mélange  fondant  de  résine  jaune  etdecire,  préalablement  bien 
malaxées  et  passées  au  feu  à  diverses  reprises.  Dès  qu'il  s'est 
refroidi  sur  la  peau,  on  l'enlève  brusquement,  et  les  poils 
restent  attachés  à  cet  emplâtre. 


Chez  les  Arabes,  les  exercices  militaires,  les  fantazzias,  l'art 
équestre  étaient  plus  en  honneur  avant  Mohammed,  à  cause 
de  l'indépendance  des  tribus  toujours  en  guerre.  «  Leur  jeu- 
nesse se  plaisait  à  nourrir  et  à  élever  des  chevau\,  à  tirer  de 
Tare  avec  dextérité,  à  manier  avec  aisance  la  lance  el  l'épée  ; 
ils  aimaient  à  faire  tourner  leurs  chevaux  avec  adresse  et  agilité, 
et  cherchaient  à  se  surpasser  à  l'envi  les  uns  des  autres  dans 
ce  genre  d'exercice  (1).  »  Toutefois,  ces  divertissements,  ces 
jeux  ayant  amené  des  combats,  des  rixes,  furent  défendus.  Des 
commentateurs  ridicules  poussèrent  ces  prohibitions  jusqu'au 
tir  à  la  flèche,  puis  jusqu'aux  jeux  de  hasard,  de  cartes,  de 
trictrac.  Les  échecs  ont  pu  seuls  échapper  à  cette  excommupi- 

Ci)  tininirf  J'KtpafH^,  p^rRoioT,  itlp,  111*  toL,  p.  t. 


—  33J  — 

cation,  parce  qu'auiyeuxdeqtielques  théologiens  plus  modérés, 
plus  sages,  ils  constituent  une  distraction  dans  laquelle  l'atten- 
tion, la  réflexion,  Thabileté  font  tous  les  frais.  Toutefois,  il  est 
bien  recommandé  de  ne  pas  y  jouer  d'argent. 

«  La  meilleure  place  dans  ce  monde,  est  la  selle  d'un  cour- 
sier rapide,  )>  dit  encore  le  proverbe  arabe.  L'indolent  Indigène 
a  donc  aussi  de  temps  en  temps  ses  combats  du  cirque,  ses 
jeux  olympiques,  ses  tournois;  ce  sont  les  fantazxitu  dans 
lesquelles  on  entretient  l'adresse  et  la  vigueur.uLa  loi  permet 
«  à  la  condition  d'une  récompense  pour  le  concurrent  vain- 
queur, les  courses  do  chevaux  entr'eux,  des  chameaux  entr'eux, 
et  de  chameaux  conlrc  des  chevaux.  Les  exercices  et  jeux  de 
rivalité  (joutes  sur  mer,  course  à  pied,  jet  des  pierres,  lutte 
corps  à  corps)  pratiqués  dans  l'unique  intention  d'en  retirer 
avantage  pour  la  guerre,  sont  permis,  mais  gratuitement  et 
sans  prix  ou  récompense  pour  les  vainqueursTi).  )►  —  C*est 
dans  ces  fêtes  que  les  femmes  se  mettent  on  cercle  [mdfcPj 
autour  des  cavaliers,  les  animant  par  leurs  cris  (you  you  you) 
continuels. 

Nous  avons  dit  que  l'Indigène  marche  généralement  très 
vite;  il  saute  rarement,  el  ne  danse  jamais.  Le  cheval,  dont 
l'Arabe  use  beaucoup  pour  la  chasse,  va  rarement  au  trot, 
presque  toujours  au  pas,  ce  qui  fatigue  peu  et  dérange  moins 
le  centre  de  gravité.  Il  porte  les  étriers  courts,  delà  son  maintien 
solide.  Quand  il  chante,  le  rythme  est  toujours  lent  et  assez 
monotone.  La  voiture  lui  est  inconnue,  remplacée  par  le  mulet 
de  bru  :  quelquefois  la  femme  s'asseoit  avec  ses  enfants  au 
milieu  de  grands  lapis  roulés  en  boudins;  d'autrefois  la  jalousie 
ou  les  circonstances  (noces)  veulent  qu'elle  soit  renfermée  dans 
un  palanquin,  sorte  de  cage  recouverte  d'un  baïk  blanc  ou 
rouge,  et  posée  sur  le  dos  d'un  cheval  ou  d'un  chameau. 

'i)   W  A^*,7/.  t.  II.  p.  ?...f. 


—  333  — 

C'est  très  probablement  à  une  alimentation  trop  peu  répara- 
trice que  l'Arabe  doit  le  défaut  d'exercice.  Il  lui  faudrait  une 
nourriture  plus  substantielle  pour  refaire  les  pertes  causées 
par  desefibrts  prolongés  et  par  l'augmentation  consécutive  de 
la  transpiration.  Cependant  le  repos  exagéré  doit  user  consi- 
dérablement l'influx  nerveux,  rendre  languissantes  les  sécré- 
tions; en  assurant  la  prééminence  des  matériaux  nutritifs  au 
détriment  du  système  musculaire,  il  donne  une  suractivité 
constante  aux  organes  de  la  génération. 


*  t  Dieu  vous  a  créé  des  bardes  et  des  ustensiles,  pour  un  usage 
temporaire,  de  la  Jaine,  du  \x>\\  et  du  crïû  de  votrebétaiL....  11  vous 
a  procarét  dans  les  objets  de  sa  création,  des  ombrages,  il  vous  a    ^  ^^ 
donné  des  montagnes  pour  retraites,  des  vôtem^nts  qui  vous  abri-    . 
tent  contre  les  chaleurs^  et  des  vêtements  qui  vous  garantissent    | 
contre  la  violence  des  coups  que  vous  vous  portez  les  uns  les 
autres  (1).  » 

Dans  un  pays  où  les  vicissitudes  atmosphériques  et  les  ex- 
trêmes de  température  se  succèdent  avec  tant  de  rapidité  en 
une  même  journée  et  en  des  espaces  de  temps  assez  courts,  le 
problême  important  à  résoudre  dans  la  forme  des  vêtements  ne 
pouvait  être  mieux  résolu  que  par  le  bernouss  arabe,  sorte  de 
manteau  assez  long,  à  capuchon,  et  pièce  fondamentale  du 
costume  national.  Il  réunit,  en  effet,  les  trois  conditions  prin- 
cipales pour  ce  climat  chaud  et  capricieux,  en  protégeant  par  sa 
forme  supérieure  toute  la  bœte]crânienne,  le  cou  et  la  lace;  par 
son  ctroitcsse  moyenne  la  surface  thoracique;  par  son  ampleur 
inférieure,  la  région  abdominale  au  devant  de  laquelle  ses 
nombreux  plis  permettent  d'établir  un  rempartsuffisant  contre 

'()  K'*r0n,   V.  Kitt   8)  (luch.  WI. 


—  334  — 

toutes  les  violences  extérieures,  de  quelque  nature  qu'elles 
soient.  Enfin,  son  extrême  dimension  facilite  la  libre  circulation 
de  Tair,  en  même  temps  que  sa  qualité  laineuse  et  sa  couleur 
d'un  blanc  jaunâtre  (4),  s'oppose  aux  refroidissemens  comme 
à  réchauffement  trop  brusque  de  la  surface  cutanée.  —  Les 
Arabes  portent  un  ou  plusieurs  bemouss,  selon  les  saisons» 
soit  en  voyage,  soit  pendant  la  nuit  où  ce  vêtement  sert  de 
couverture  et  de  lit.  Il  est-même  à  remarquer  que  plus  la  cha- 
leur se  fait  fortement  sentir,  plus  l'Indigène  multiplie  ces 
écrans  isolateurs.  Dans  le  Sahara,  les  towireug  portent  trois 
blouses  du  même  tissu  et  de  même  forme,  serrées  au  corps  par 
une  ceinture,  un  pantalon  à  larges  plis,  descendant  jusqu'au 
coude-pied,  un  énorme  turban  en  coton  bleu  dont  les  extrémités 
se  roulent  autour  du  cou,  des  souliers-brodequins;  quand  ils 
sont  en  marche,  ils  se  garantissent  contre  le  sable  et  la  chaleur 
en  s  enveloppant  la  tête  et  le  corps  d'une  longue  pièce  d'étoffe 
gommée.  Les  Arabes  qui  ont  quelqu'aisance  joignent  au  6er- 
nouss  une  gandoura  [longue  chemise  en  coton)  à  manches 
courtes,  sans  col,  et  un  hdik,  grande  pièce  rectangulaire  en 
colon,  laine  ou  soie,  dont  on  s'enloure  la  tête,  le  bas  de  la 
figure,  le  cou  et  le  tront.  Cette  précaution  de  cacher  une  partie 
de  la  face  est  excellente,  à  cause  de  la  grande  réverbération 
du  soleil,  principalement  dans  les  contrées  sablonneuses.  Peut- 
être  a-t-elle  son  origine  dans  la  nécessité  où  les  populations 
orientales  étaient  de  dérober  aux  regards  certaines  parties  du 
visage  affectées  surtout  de  l'infirmité  dégoûlante  delà  lèpre. 

Les  fcmincs  des  tribus  Kabyles  et  des  Oasis  ne  se  voilent 
jamais.  L'habillement  ordinaire  des  mauresques  et  des  filles 
publiques  consiste  en  une  chemise  transparente  jusqu'au 
milieu  de  l'abdomen,  très  ouverte  du  devant,  maintenue  contre 

(t)  r^  coolean  osiië«s  chez  les  Arabes  sont  le  hianc  et  Itnrage.  «n  ^érftl  lc«  Boaiicts 
le»  plas  éclatantes  qu'îh  regardent  comme  hturtuses.  La  plu?  respectée  est  le  rert,  celle  An 
rr»ph«tr. 


—  335  — 

les  reios  avee  des  étoffes  de  soie  ;  joigoez-y  un  foulard  à  la  tête, 
des  pantoufBes  brodées  en  or  pour  Tintérieur,  ou  des  paits 
souliers  très  décolletés  pour  les  sorties,  des  fleurs  dans  les  che- 
veux, et  pour  aller  au  dehors,  des  bas  blancs,  un  vaste  panta- 
lon en  coton  blanc,  un  voile  blanc  sur  la  figura,  et  tout  le 
tronc  enveloppé  d*un  grand  drap  encore  blanc  en  laine  ou  en 
cotonnade.    .. 

Le  s&rtmal  (pantalon  en  coton,  à  plis  norabreux)  n'est  en 
usage  que  chez  les  Maures,  les  gens  aisés  et  les  cavaliers. 
Maintenu  par  une  coulisse  supérieure  et  par  une  longue  cein- 
ture rouge  (hhezame)  en  laine,  coton  ou  soie  (1),  il  ne  descend 
pas  plus  bas  que  le  genou.  Si  ce  vêtement,  introduit  dans 
Taitnée  française  (zouaves,  tirailleurs  indigènes),  a  l'avantage 
de  bien  garantir  la  surface  abdominale,  il  accumule  inutile- 
ment une  grande  quantité  de  chaleur  dans  les  régions  posté- 
rieures toujours  abondamment  fournies  de  tissu  graisseux,  et 
surtout  il  rend  la  marche  bien  moins  libre,  par  conséquent 
fatiguante.  Dans  le  Sud,  chez  les  Toudty  les  hommes  ont  des 
pantalons  longs,  sans  chemises  ni  ceintures.  Les  Touareûg, 
voyageurs  du  Sahara,  préviennent  les  nausées  que  produisent 
les  mouvements  du  dromadaire,  en  serrant  la  poitrine  et  le 
ventre  par  les  spirales  d'une  longue  étoffe  bleu-foncé.  Leif 
Maures  ajoutent  au  seroual,  un  sscdri  (gilet  boutonné  droit), 
et  une  djebdeli  (veslc  ronde  à  manches). 

La  grande  fréquence  des  hernies  tiendrait-elle  à  ce  que  le  pan- 
talon arabe  étant  trop  large,  et  alors  ne  soutenant  plus  le  bas- 
ventre,  ne  prévient  pas  la  tendance  des  intestins  à  s'échapper? 

Les  femmes  arabes  ne  portant  point  de  chemises  ne  s'entou- 


^i)  Le  marfchal  Buoxaud,  qui  à  aoo  hante  intelligence  joignait  un  grand  bon  mm  prati> 
qne«  arait  ordonnée  par  arrêté  du  8  août  f  S4t,  d«  remplacer  dans  l'armée  ta  petite  et  étroite 
ceinture  de  flanelle  blanche  par  la  longue  et  large  ceinture  rouge  arabe.  Il  mH  bien  à  regrettV* 
que  relt<>  henreiw:  ni>Mlîri<Ntinii  <]jii<>  Ir  costume  de  la  tronpe  n'ait  pas  été  conserrée. 


—  336  — 

« 

rent  qoe  d*uiie  sorte  de  drap  carré  («arma)  en  laine  ou  en  toile 
dont  elles  agraffent  les  extrémités  an  devant  des  épaules. 

Les  en&ns  font  généralement  nus  ou  à  peine  couverts  d'nn 
chiffon  jusqu'à  l'âge  de  5  ou  6  ans. 

L -habillement  des  Kabyles  consiste  simplement  en  une  large 
diemise  en  laine  [ehlaukka)  serrée  aux  reins  par  une  ceinture 
de  cuir,  et  une  paire  de  guêtres  [bougherous]  sans  pieds,  en 
peau  de  bête  ou  en  chiffons  de  tente.  La  tête  est  toujours  dé- 
couverte ou  simplement  munie  d'une  cAacAïa  (calotte)  fort  sale. 
On  remarquera  avec  curiosité  que  les  parties  nues  (jambes)  et 
couvertes  (la  tête)  chez  l'Arabe,  sont  au  contraire  protégées  ou 
libres  chez  le  Kabyle.  Les  habitans  du  Touat  (dans  le  Sahara) 
se  oouvrenl-avec  une  robe  en  laine  {kabaia);  un  haik  sert  de 
par-'dessHs  (4). 

Mohammed  recommande  partout  la  décence  :  les  Arabes, 
avant  lui,  se  dépouillaient  de  tous  leurs  vêtemens  pour  faire 
le  tour  de  la  Kdaba  (édifice  sacré  à  la  Mecque).  Il  ordonna 
que  les  pèlerins  n'accompliraient  cette  cérémonie  qu'étant 
vêtus,  eV  même  il  institua  un  costume  (deux  pièces  de  laine 
sans  couture,  Tune  couvrant  les  épaules  et  le  tronc,  l'autre 
ceignant  les  reins  et  tombant  sur  les  jambes)  pour  toutela  durée 
de  la  cérémonie  religieuse.  Ces  précautions  étaient  bonnes 
non  seulement  au  point  de  vue  de  la  décence,  mais  encore  pour 
empêcher  la  propagation  des  maladies  cutanées  contagieuses. 
De  plus,  le  pèlerin  doit  laisser  pousser  la  barbe,  les  cheveux 
et  les  ongles;  puis  il  va  boire  de  l'eau  du  puits  de  zemzem, 
et  termine  son  œuvre  pieuse  en  lançant  des  pierres  au  diable. 
11  serait  curieux  d'observer  les  modifications  que  toutes  ces 
pratiques  importent  dans  la  santé  de  l'Arabe. 

Toat  Musulman  quihabiUeraun  Musulman  dépourvu  de  vôtemeos, 
a  dit^t^t  Syouti,  sera  vôtu  par  Dieu,  en  Fautre  monde,  des  habits 
I  du  paradis. 


(i)  thnémir*  Mu  SnktMi  «"  T'»'  ''''  N^i^fu  p.  6a. 


I 


-  337  — 

L'Arabe  a. toujours  la  tête  couverte  d'une  caloUe  (ehachia) 
rouge  OQ  blanche,  solide  (araguia)  ou  molle  avec  gland,  sur 
laquelle  le  haïk  est  maintenu  par  les  nombreux  tours  d'une 
corde  (krima)  en  poils  de  chameaux  (1),  quelquefois  par  un 
riobe  cachemire.  L'absence  complète  et  permanente  des  che- 
veux oblige  à  les  suppléer  par  cet  ensemble  de  pièces  plus  ou 
nu)ins  dures,  plus  ou  moins  compliquées,  par  conséquent  très 
échauffantes,  et  dont  le  moindre  désagrément  est  d'appeler  le 
sang  vers  la  tête,  d'accumuler  une  grande  quantité  de  chaleur 
à  la  surface  du  crâne.  De  là  les  nombreuses  variétés  de  dartres, 
les  migraines,  la  prédisposition  aux  affections  des  yeux.  Re- 
marquons cependant  que  malgré  tous  ces  inconvéniens,  la 
calotte  turbanée  protège  beaucoup  mieux  que  nos  coiffures 
françaises,  la  nuque  et  les  régions  latérales  de  la  tête,  contre 
le  froid  humide  et  les  chaleurs  extrêmes.  L'illustre  Larrey  (2) 
a  prétendu  que  le  turban  détermine  une  élévation  de  la  voûte 
crâiiienne.  Jamais,  en  Algérie,  les  Indigènes  n'exercent  avec 
le  lien  du  haïk  une  construction  assez  forte  pour  gêner  la  cir- 
culation épicrânienne,  à  plus  forte  raison  pour  déformer  la 
ceinture  osseuse  de  Tencéphale.  Il  faut  aussi  remarquer  que 
lecalot  arabe  ne  pose  pas  horizontalement  comme  nos  coiffures, 
mais  qu'il  emboîte  le  crâne  par  son  extrémité  ovoïde  dont  \t 
synciput  est  le  sommet. 

En  été;  un  chapeau,  étroit,  haut,  à  bords  larges,  confec- 
tionné avec  de  Valfa  (sparte)  ou  des  feuilles  (^aaf)  de  palmier, 
couronné  souvent  de  plumes  d'autruche,  est  assez  usité  parmi 
les  voyageurs,  les  cavaliers,  et  les  gens  qui  travaillent  aux 
champs. 

Nous  avons  vu  qu'il  existe  une  singulière  manie  chez  la 
femme  Arabe,  c'est  d'accroître  le  volume  des  cheveux  par  la 

(x)  Oo  pNuad  qat  ctiie  cord«  «eri  wmA  dans  le»  combau  à  rntralairr  les  ctdaTff  91^ 
I«  Arabes  ue  veulent  pas  laisser  k  la  discrétion  del'ennenii. 
(a^  Relntiôn  mtéitnh  <k  Cnmpmgnts  et  F'^^gt*  de  181 5  k  t84o- 


—  338  - 

superposition  de  plusieurs  rangées  de  tresses  de  laine,  sur  les 
parties  latérales,  et  rehaussées  de  plusieurs  pièces  d'étoffe,  ce 
qui  donne  à  cet  échafaudage  la  forme  d*un  chapeau  à  cornes. 
Les  Négresses  ont  l'habitude  de  s'envelopper  la  tête  avec  un 
mouchoir  en  coton  .ployé  en  triangle,  appelé  azba  ou  chembir. 

Les  jambes  de  l'Arabe  n'étant  point  couvertes  comme  chez 
le  Maure,  par  exemple,  par  l'usage  des  bas,  sont  constamment 
exposées  à  Pair,  à  toutes  les  causes  de  malpropreté  ;  de  là  sans 
aucun  doute  le  grand  nombre  d'ulcérations,  d'affections 
dartreuses  dont  elles  sont  le  siège.  La  chaussette  en  laine  n'est 
usitée  que  chez  les  gens  qui  ont  quelqu'aisance.  Les  cavaliers 
ont  des  espèces  de  bottes  hautes  {êenuui)  en  marocain  rouge, 
et  qui»  s'imprégnant  facilement  dé  la  transpiration,  à  cause  de 
la  minceur  du  cuir,  entretiennent  la  mauvaise  odeur  et  la 
malpropreté  des  pieds.  Les  Arabes,  surtout  les  femmes  et  les 
Nomades,  marchent  généralement  pieds  nus.  La  chaussure  la 
plus  ordinairement  en  usage  est  le  sabbat,  sorte  de  soulier 
très  découvert,  masquant  à  peine  Textrémilé  digitale,  «bords 
peu  élevés,  à  semelle  plane  et  large.  Sur  la  limite  du  Sahara, 
les  Indigènes  emploient  de  préférence  la  babouche,  petite 
bottine  en  marocain  jaune.  —  Dans  les  pays  montagneux,  en 
Kabylie  surtout,  on  se  sert,  pendant  la  saison  des  pluies,  d'une 
chaussure  en  bois  appelée  gdbqdb,  et  qui  a  tout  à  fait  la 
forme  d'un  petit  banc  assez  élevé  et  sur  lequel  le  pied  est  main- 
tenu par  une  bride  en  cuir  ou  en  corde  de  palmier-nain.  — 
Il  est  certainement  curieux  que  la  forme  de  Tétrier  arabe  si 
bien  courbé  pour  s'adapter  exactement  à  la  voûte  tarsienne, 
n'ait  pas  clé  imitée  dans  la  semelle  de  la  chaussure  ordinaire, 
laquelle  est  toute  plate  et  même  relevée  à  ses  deux  extrémités 
dans  un  sens  tout  invei-se.  —  Les  peaux  qui  servent  à  la 
confection  des  souliers  sont  d'abord  traitées  par  la  chaux,  puis 
enfermées  dans  des  terrines  en  poterie  avec  de  l'écorce  de  chêne 
bien  pilce.  Néanmoins,  le  tannage  en  est  très  imparfait.  Les 


—  339  — 

Kabyles  ne  se  servent  que  de  peaun  sèches  de  mouton,  de 
bœuf, —  les  Sahari,  de  peaux  de  chameau,—  d*une  largeur  un 
peu  plus  grande  que  la  surface  plantaire  et  dont  les  bords  sont 
ramenés  autour  du  pied  à  Taide  de  cordes  en  palmier.  En 
hi?er,  les  Nomades  du  désert  s'entourent  les  pieds  et  les  jambes 
jusqu'au  genou  avec  des  morceaux  de  bernouss  maintenus 
aTee  des  ficelles.  L'absence  de  chaussures  est  d'autant  plus 
pénible  que  les  voyageurs  arabes  parcourent  des  terrains 
rocailleux,  cailloutés,  des  sables  souvent  assez  chauds  pour 
brâler  la  plante  des  pieds,  parfois  des  portions  de  pays  où  les 
lefda  (vipères),  les  açraA  (scorpions)  se  montrent  fort  dange- 
reux. C'est  pourquoi  le  proverbe  dit  avec  raison  :     ^ 

Elàaffm  ikolhul   0t  h^mr.  €l    éjthoud,  ùuetmfftt.       \\o  K^J^^     J^y  [^ 

La  marche  pieds  DUS  affaiblit  lu  Tiie,     les  forcca      et  la  re^ratloD. 

Dans  le  désert,  celle  mer  sans  eau,  selon  l'expression  du 
pays,  Malte-Brun  dit  que  la  plante  des  pieds  européens  s'ci^e 
horriblement  par  la  chaleur  des  sables  brûlants  que  l'Arabe 
peut  traverser  sans  inconvénient. 

Abd-el-Kader  avait  assuré  à  ses  troupes  un  costume  assez 
complet;  en  1839,  il  habillait  son  infanterie  avec  une  veste  en 
serge  grise,  un  capuchon  pardessus,  un  gilet  également  en 
serge,  mais  bleu,  un  pantalon  de  serge  bleue,  une  calotte 
rouge;  tous  les  trois  mois,  chaque  soldat  recevait  une  chemise 
en  toile  et  une  paire  de  souliers  en  cuir  jaune.  Chacun  y  ajou- 
tait de  ses  deniers  un  bernouss  et  un  ha:%k. 

Les  gants  sont  inconnus  chez  les  Arabes.  Je  me  rappelle 
avoir  lu,  mais  je  ne  sais  dans  quel  journal,  qu'à  l'époque  de 
nos  hostilités  avec  i46rf-£/-iïad6r  aux  environs  de  Tlemcen, 
la  mère  de  l'Emir,  souffrant  beaucoup  d'engelures  ulcérées 
aux  mains  et  aux  pieds,  se  décida  à  faire  demander  un  remède 
au  Médecin  françaisdu  poste  voisin.  Celui-ci  lui  ayant  répondu 
par  IVnvoi  d'une  paire  de  gants  ot  d'une  paire  de  bas,  avec  la 


^ 


—  340  — 

recommaodation  de  les  porter  constamment  jusqu'à  complète 
guerison,  la  mère  de  TEmir  n'aurait,  dit-on,  fait  aucune  diffi. 
culte  de  suivre  ce  conseil,  et  de  tenter  ainsi  une  innovation 
dans  les  mœurs  musulmanes.  Je  ne  crois  pas,  toutefois,  qu'elle 
ait'Ou  beaucoup  d'imitateurs,  pour  ce  qui  concerne  les  gants, 
bien  entendu. 

Une  bonne  coutume  usitée  dans  certaines  Oasis,  empêche 
la  propagation  des  maladies  de  la  peau  qui  pourraient  être 
contagieuses  :  à  Ouargla,  par  exemple,  il  est  habituel  de 
jeter  à  un  endroit  fixé  en  dehors  de  la  ville,  les  vêtemens  dans 
lesquels  tout  individu  a  décédé,  et  personne  n'y  touche  (4). 

En  résumé,  le  costume  indigène  a  de  grands  avantages,  au 
point  de  vue  surtout  de  la  liberté  des  mouvemens  :  de  là,  sans 
doute,  la  beauté  des  formesetdu  corps  arabe.  Napoléon  l'avoue 
dans  ses  mémoires  sur  l'expédition  d'Egypte  :  k  Nos  chapeaux* 
nq^  culottes  étroites,  nos  habits  pinces,  nos  cols  qui  nous 
éu*àoglent,  étaient  pour  eux  un  objet  de  risée  et  d'aversion.  » 
Et  les  Egyptiens  n'avaient  par  tort.  —  Toutefois,  le  vêtement 
arabe  pêche  par  rinsufiisancepour  le  temps  rigoureux  de  l'hi- 
ver et  les  nuits  toujours  fraîches  de  la  belle  saison,  surtout 
chez  les  femmes  généralement  couvertes  de  haillons.  Abd-El- 
Kader  avait  adopté  la  laine  blanche  pour  ses  fantassins,  le 
drap  cramoisi  pour  les  cavaliers,  et  le  drap  noir  pour  les  ar- 
tilleurs. —  Les  vêtemens  de  soie  ne  sont  point  usités  chez  les 
Mahométans  :  dans  la  Jurisprudence  musulmane,  ils  se  trou- 
vent taxés  d'objets  de  vanité.  «  Il  est  contraire  au  vœu  de  la 
loi  d'ensevelir  un  mort  avec  des  étoffes  de  soie,  c'est  la  vanité 
jusque  dans  la  mort  (2).  » 


(i)  ro/age  eTEUittchi,  p.  bb. 
(f)  SiKhm*  1. 1,  cil.  Il,  p.  3i4. 


—  344   — 

lilodigène  est  d'une  malpropretécxtrêmedans  sesvètemensi 
dont  la  Termine  et  les  poux  composent  les  parasites  habituels. 

Si  son  grand  respect  pour  les  prescriptions  hygiéniques 
du  Koran  lui  fait  exécuter  ces  dernières  avec  quelque  précision, 
sa  Ténération  non  moins  extrême  pour  lés  coutumes  de  sesan^ 
eêtres  est  aussi  scrupuleuse.  II  reste  sale,  parce  que  son  père, 
son  grand-père  étaient  sales,  voilà  son  unique  raison,  et  il 
croirait  cesser  d'être  bon  musulman,  s'il  n'imitait  pas  exacte- 
ment Texemple  traditionnel.  Qu'on  ne  s'étonne  plus  alors  si 
les  maladies  cutanées  se  montrent  non  seulement  si  fréquentes, 
mais  encore  si  tenaces,  si  sujettes  à  récidive;  avec  une  cause 
permanente  comme  la  malpropreté  habituelle  des  vêtcmens,  il 
n'en  saurait  être  autrement,  d'autant  plus  que  si  par  leur 
forme  qui  laisse  à  découvert  les  extrémités  supérieures  et  infé- 
rieures, la  liberté  des  mouvemens  y  trouve  son  avantage,  I^ 
fonctions  de  la  peau  constamment  garnie  d'impuretés,  de  pous- 
sière, ou  soumise  à  l'action  du  froid,  de  l'humidité,  de  la 
chaleur,  n'en  retirent  que  de  graves  inconvéniens. 

La  Jurisprudence  musulmane  consacre  un  long  chapitre  à 
la  manière  dont  doivent  être  vêtus  le.<(  Hahométans  des  deux 
sexes  qui  veulent  se  livrer  à  la  prière.  Par  convenance  reli- 
gieuse, dit-elle,  le  fidèle  se  préparera  à  la  prière  solennelle  du 
vendredi  par  les  soins  et  l'arrangement  de  sa  personne;  il  doit 
se  tailler  les  moustaches,  la  barbe,  les  ongles,  s'épiler  les  ais- 
selles, le  pubis,  se  vêtir  de  ses  habits  les  plus  propres  et  les 
meilleurs,  se  parfumer,  s'il  le  peut,  de  qoelqu'aromate,  tel 
que  l'eau  de  rose.  —  «  Deux  vêtemens  par  an  seront  donnés  à      I 
la  femme,  un  vêtement  d'hiver  et  un  vêtement  d'été,  pourvu      1  X^  ' 
cependant  que  ceux  qui  ont  déjà  été  accordés  ne  puissent  plus     I 
convenablement  servir  (<).  »  —  Enfin,  la  superstition  qui  dé-     I 
teint  si  facilement  sur  chaque  phrase  et  sur  chaque  acte  du 

(.r  SiKhehl.X.  III».  »li.  XI.  p.  i36. 


—  342  — 

peuple  arabe,  ne  pouvail  manquer  de  figurer  aussi  à  propos 
de  rhabillement.  Elle  va  jusqu'à  prétendre  que  le  vêtement 
qu'on  met  pour  la  première  fois  le  samedi,  rend  le  propriétaire 
malade  tant  qu'il  le  porte,  le  vêtement  fût-il  vieux  ou  neuf.  Se- 
rait-ce plutôt  pour  empêcher  les  Musulmans  de  faire  lesamedi 
(dimanche  des  Juifs  qu'ils  poursuivent  d'un  profond  mépris] 
la  moindre  démonstration  de  fête  T 
u  Le  lit  desÀrabes  et  des  Kabyles  est  le  plus  souvent  la  terre 

L     ]    nue.  «  C'est  Dieu  qui  vous  a  donné  la  terre  pour  lit (4}  » 

Quelquefois  une  mince  natte  en  palmier.  Les  riches  ajoutent 
un  tapis  en  laine  assez  bien  fourni,  analogue  à  nos  descentes 
de  lit,  et  remplacent  le  sol  par  un  système  de  planches  montées 
sur  des  tréteaux  fort  élevés.  Los  Maures  couchent  sur  un  ex- 
haussement du  sol  ménagé  exprès  à  l'extrémité  de  leurs  ion- 
g[ues  chambres.  En  résumé,  l'Indigène  couche  fort  à  la  dure. 
lÀns  les  Oasis,  les  habitants  confectionnent  des  lits  fort  écono- 
miques en  branches  de  palmier;  très  élevés  et  fort  larges,  ils 
ressemblent  à  des  berceaux  dont  toutes  le^  parties  intégrantes 
se  trouvent  assez  éloignées  entr'elles,  ce  qui  donne  de  l'élas- 
ticité à  l'ensemble  ;  d'autre  part,  ils  ont  l'avantage  de  ne  point 
donner  asile  aux  insectes  qui  pullulent  dans  une  zone  aussi 
chaude. 

Les  enfants  n'ont  point  de  berceaux  analogues  aux  nôtres. 
Chez  les  Nomades,  on  les  couche  tout  simplement  dans  un 
haxk  dont  les  exlrémilés  sont  attachées  aux  bâtons  de  la  tente; 
c'est  une  espèce  de  hamac.  Dans  les  maisons  kabyles  et  ziba- 
niennes,  une  sorte  de  boëte  en  branches  d'arbre  ou  de  palmier 
est  suspendue  au  plafond  par  des  cordes  végétales.  —  Les 
femmes  arabes  bercent  très  peu  leurs  nourrissons,  elles  n'impri- 
ment que  de  légers  mouvements  à  leurs  petits  lits  mobiles;  et 
généralement  pendant  tout  le  jour,  les  petits  enfants  sont 

fi)  Kormn,  rh.  XI,  T.  »o. 


-  :U3  — 

portés  au  dos  de  leurs  mères,  enveloppés  dans  de  grandes 
pièces  d*éloffes. 

Si  les  Arabes  se  livrent  au  sommeil  en  plein  air,  ils  ont  soin 
de  tourner  le  dos  aux  astres  du  jour  et  de  la  nuit,  afin  d'éviter, 
ce  qu'ils  appellent,  les  coups  de  soleil  (boqlat  ech  ehems),  les 
conpsdelune  [boqlat  tl  quemar)  qu'ils  accusent  de  déterminer 
des  céphalalgies  intenses  et  des  rhumes  opiniâtres. 

Les  Indigènes  couchent  tout  habillés,  tout  vêtus;  ils  n'ôtent 
que  les  chaussures  et  se  couvrent  de  hdik,  de  bernouss. 


Nous  venons  de  voir  le  costume  indigène  approprié. aux 
trois  existences  bien  nettement  tranchées  de  TArabe  pasteur, 
dcTindustrieux  et  commerçant  Kabyle,  du  Saharaoui  voyageur; 
le^  mêmes  causes  permanentes  différencieront  l'habitation  de 
chacun  d'eux.  Un  seul  point  de  vue  leur  est  commun,  c'est 
rinsalubrité,  car  le  choix  du  terrain  et  de  la  position  fixe  ou 
mobile  n'est  jamais  guidé  que  par  les  intérêts,  les  besoins,  les 
nécessités  de  la  vie;  aucune  raison  hygiénique  ne  dirige  Tins- 
tallatîon.  L'Arabe  se  rapproche  de  ses  cultures,  des  pâturages 
les  plus  avantageux  à  ses  troupeaux  ;  le  Kabyle  se  fixe  près 
d'une  source  ou  au  sommet  du  monticule  dont  il  a  pénible- 
ment sillonné  çà  et  là  les  flancs,  ou  au  milieu  de  ses  vergers, 
de  ses  jardins;  l'habitant  de  l'oasis,  lui,  n'a  pas  le  choix  de  son 
emplacement,  le  palmier  lui  donne  son  ombre  et  sa  nourriture, 
en  même  temps  qu'il  protège  le  modeste  abri  du  Nègre,  vaste 
cône  en  feuillages,  en  branches,  percé  d'un  trou  à  son  sommet 
pour  le  passage  de  la  fumée. 

«  Dieu  vous  procure  vos  tentes  pour  demeures  ;  il  vous  donne 
des  peaax  de  bestiaux  pour  des  tentes  que  vous  pouves  porter  facl- 


~  34*  - 

leaieDk  qumd  TOUS  ?ou8  meUeien  marche  ou  qaajsd  toub  vous 

arrêtes  (1).  » 

La  tente  en  poil  de  chameau  [bit  ech  char,  chambre  de  poil) 
a  tous  les  înconvéDients  possibles.  L'Arabe  y  étouffe  eu  été,  y 
grelotte  en  hiver.  C'est  un  mauvais  abri.  Toute  la  famille  et  les 
jeunes  animaux  y  vivent  pêle-mêle,  en  font  un  foyer  de  mias* 
mes  infects  de  toute  nature;  le  moindre  feu  qu'on  y  allume  la 
remplit  d'une  fumée  insupportable.  —  Les  tentes  sont  gêné- 
ralement  soutenues  par  des  perches  de  différentes  grandeurs 
(les  plus  longues  à  peine  de  la  hauteur  de  l'homme),  après 
lesquelles  l'Arabe  accroche  ses  effets,  ses  armes,  et  dont  il 
abaisse  les  plus  extérieures  à  la  nuit  tombante,  pour  empêcher 
le  libre  accès  des  gens  mal  intentionnés,  des  animaux  et  des 
courants  atmosphériques;  mais  il  a  soin  de  ne  pas  laisser  arri- 
ver le  bord  de  la  tente  jusqu'à  terre ,  afin  que  le  renouvelle- 
ment de  l'air  puisse  s'opérer. 

La  nécessité  de  camper  ainsi  près  des  pâturages,  des  récoltes 
ou  des  rivières  pour  les  besoins  domestiques,  expose  l'habitant 
de  ces  tentes  à  toutes  les  conditions  d'humidité  possibles  ;  de 
là  la  coloration  jaune-paille  habituelle  de  PArabè,  les  physio- 
nomies étiolées  et  la  proéminence  de  l'abdomen  chez  tous  les 
jeunes  enfanLs  ;  de  là,  enfin,  ces  fièvres  intermittentes  endémi- 
ques dans  le  Tell  et  les  plaines.  On  pourrait  même  se  deman- 
deir  si  ces  changements  continuels  d'installation,  dans  la  vie 
nomade,  n'ont  pas  de  graves  conséquences  pour  la  santé,  en 
soumettant  fréquemment  des  constitutions  déjà  chétives  à  tous 
les  inconvénients  d'acclimatations  réitérées  et  successives,  dans 
des  conditions  toujours  assez  mauvaises. 

Ce  n'est  point  sans  surprise  que  nous  lisons,  dans  un  traité 
d'hygiène  publique  assez  récent  (2),  la  phrase  suivante  : 

CO  Koran.  di.  XVI.  r.  8a. 

(i)  Par  M.  U  D'  A.  C»Ar>vi.t,  tl5o. 


-  345  — 

• 

«  Instruits  par  rexpérience,  ies  Arabes  ne  bâtissent  de  villes, 
ne  plantent  leurs  douars  que  sur  les  hauteurs  ou  derrière  une 
arête  de  montagne  qui  les  protège  contre  les  sources  d'infection 
palustre.  »  11  suiBt  d'avoir  visité  quelques  tribus  pour  se  con- 
vaincre de  tout  le  contraire,  et  reconnaître  toute  ladangeri^use 
insouciance  des  Arabes  au  sujet  de  Tassiette  dé  leurs  campe^ 
ments* 

Le  gourbi  (decheràjy  système  de  longs  bâtons  recouverts  do 
broussaille,  de  chaume,  de  diss  (arundo  festucoides)  et  de  ^z-* 
terre  glaise,  est  préférable  à  la  tente,  parce  qu'on  peut  y  mé-  ^^.^^ 
nz%&t  quelques  petits  espaces. pour  la  fumée  et  le  renouvelle* 
ment  de  Tair;  mais  il  lui  devient  inférieur,  en  ce  que  la  pluie 
le  pénètre  plus  facilement.  D'un  autre  coté,  la  pénurie  de  ma* 
tériaiu^  de  construction  et  de  ressources  de  consolidation  con- 
venables empêche  de  donner  aux  gourbis  la  grandeur  en  tou^ 
aens  nécessaire  au  nombre  de  ses  habitants.  Cette  demeure  est 
particulière  au  Kabyle;  quelque  peu  riche,  il  préfère  lamaisojp. 
— Cette  dernière  rappelle  assez  bien ,  quant  k  l'aspect  du  moins» 
l'babitation  de  nos  paysans  ;  mais  la  composition,  l'arrange* 
ment  intérieur  en  sont  bien  différents.  Les  murs  se  font  tout 
uniment  avec  une  carcasse  de  roseaux  ou  de  menues  branches, 
enduits  d'un  mélange  de  boue  et  d'excrémens  de  vache,  rare- 
ment recouverts  d'une  couche  de  plâtre.  Quelquefois  les 
pierres  sèches  (chez  les  fieni-Af an^our,  par  ex.),  des  briques 
non  cuites,  entrent  dans  la  composition  de  ces  parois.  Toits 
généralement  en  tuiles  superposées  ou  en  terre.  Nous  avons 
vu  à  Boghni,  au  pied  du  Jurjura,  des  tuiles  en  liège.  Tout  près 
de  ce  dernier  point,  chez  les  Guei^chtoulas,  les  maisons,  ex- 
trêmement basses,  sont  constituées  par  quelques  solives  d'oli- 
vier sur  lesquelles  on  appuie  simplement  des  couches  épaisses 
de  terre  ;  ce  mode  de  construction  est  nécessitée  par  la  proxi- 
mité de  hautes  montagnes  presque  toujours  couvertes  de  mon- 


—  346  — 

eeaux  de  neiges,  de  renvahissement  subit  desquelles  il  devient 
sauvent  nécessaire  de  débarrasser  promptement  ces  sortes  de 
terrasses. 

Dans  le  Sahara,  on  établit  les  constructions  à  Faide  d*un 
calcaire  propre  à  ces  régions  méridionales,  nommé  timchemt, 
surtout  dans  TOued-ACrafr.  Ce  calcaire,  qui  diflere  du  plâtre  et 
de  la  chaux,  est  assez  tendre  et  jouit  de  la  précieusa  propriété 
de  beaucoup  durcir  ea  séchant. 

La  porte,  unique  ouverture  des  maisons  en  terre,  est  exces- 
sivement petite  en  général.  Chez  les  Ttmareug,  on  en  trouve 
toujours  quatre,  regardant  les  points  cardinaux  :  la  direction 
mobile  des  vents  violents  et  chargés  de  poussière  qui  règàent 
dans  cette  montrée  saharienne,  nécessite  cette  disposition. 

Les  rares  fenêtres  des  maisons  urbaines  et  de  quelques  ha- 
bitations rurales  sont  fort  étroites  et  sans  vitres  ;  elles  ont  juste 
la  dimension  voulue  pour  laisser  passer  Tair  et  ne  point  per^ 
mettre  à  la  chaleur  solaire  de  pénétrer.  Ce  sont  plutôt  des  fentes 
murales  que  des  fenêtres  proprement  dites.  Du  reste,  le  mystère 
qui  doit  régner  dans  Tintérieur  arabe  a  dû  exiger  qu'elles  ne 
soient  pas  plus  grandes.  Il  résulte  de  cette  étroitesse  des  ou- 
vertures l'inutilité  des  draperies,  des  rideaux;  aussi  les  appar- 
temens  indigènes  sont-ils  entièrement  nus,  au  grand  avantage 
de  la  circulation  de  l'air. 

Les  maisons  kabyles  sont  généralement  basses,  parce  que 
les  habitants,  occupés  aux  travaux  des  récoltes  de  fruits,  restent 
peu  chez  eux  dans  le  jour,  et  préfèrent  même  se  réunir  sur 
la  place  pour  causer  de  leurs  affaires.  Ensuite,  il  se  pourrait 
que  les  rigueurs  atmosphériques  qui  régnent  pendant  les  mau- 
vaises saisons  dans  ce  pays  montagneux,  aient  engagé  à  cons- 
truire des  habitations  peu  spacieuses. 

L'Arabe  ne  vit  pas  comme  le  Kabyle  dans  des  endroits  boisés, 
et  ses  ressources  de  chauffage  n'en  sont  que  plus  minimes;  les 


—  3i7  — 

femmes  glanent  à  grand'peine  quelques  débris  de  végétaux, 
quelques  racines,  pour  suffire  à  la  cuisson  des  alimens.  Il  est 
même  permis  de  penser  qu'ei)  conservant  nuit  et  jour  de  jeunes 
animaux  sous  la  tente  et  le  gourbi,  le  malheureux  Indigène 
spécule  sur  la  chaleur  que  dégagent  ces  hôtes  infects,  pour 
élever  la  température  de  sa  chétive  habitation. 

En  général,  rhabitation  arabe  n'a  que  le  rez-de-chaussée. 
,  |îous  avons  cependant  aperçu,  en  traversant  les  Maatkas,  en 
1851,  des  maisons  kabyles  à  un  étage  avec  galerie.  La 
demeure  du  montagnard  offre  presque  toujours  deux  com- 
partiments, celui  de  droite  destiné  à  la  famille,  celui  de  gauche 
affecté  aux  écuries. 

Les  Indigènes  ne  prennent  aucun  souci  des  matériaux  par- 
ticuliers, qu'il  convient  de  placer,  à  titre  de  fondations,  dans 
le  sol  qui  sert  d'assiette  aux  habitations.  Dans  un  pays]  géné- 
ralement humide  comme  l'Algérie,  cette  bonne  précaution  ne 
serait  cependant  pas  à  dédaigner. 

Dans  les  Oasis,  les  maisons  faites  de  pâtés  de  terre  séchés  au 
soleil,  se  construisent  plus  grandes,  plus  aérées.  Les  terrasses 
sont  faites  avec  des  poutrelles  de  palmier  recouvertes  de  palmes, 
puis  d'une  couche  de  terre.  Les  Indigènes  ont  la  mauvaise 
habitude  de  coucher  sur  ces  terrasses  pendant  les  nuits  fraî- 
ches de  l'été  ;  de  là  des  ophthalmies  et  des  fièvres  sans  nombre. 
Sur  certaines  parties  du  Sahara,  dans  VOued^Souf,  par 
exemple,  oii  le  palmier  est  rare,  on  remplace  les  terrasses  par 
de^  coupoles.  A  BoihÇada,  pour  la  même  raison,  on  construit 
exclusivement  avec  de  Vaghar  (thuya  articulata). 

A  El  A  ghouat,  on  trouve  des  maisons  blanchies  à  l'intérieur 
mais  rarement  à  l'extérieur.  C'est  du  reste  avec  exagération 
que  l'on  a  accusé  la  forte  réverbération  de  la  couleur  blanche 
des  maisons  mauresques  d'occasionner  les  ophthalmies  si 
nombreuses  dans  ce  pays,  car  cette  affection  et  toutes  ses 


—  34«  - 

variétés  se  retrouTent  aussi  bien  sous  la  tente  arabe  que  dans 
la  demeure  kabyle,  que  dans  les  oasis;  et  cependant,  dans  looteè 
ces  positions  diTerses,  la  cause  précitée  est  généralement 
absente.  En  juillet  483$,  d'après  un  rapport  des  officiers  de 
santé  en  chef  de  l'armée  d'Afrique  sur  les  inconvénients  du 
blanchiment  extérieur  des  maisons,  l'intendant  civil  d'Alger 
prescrivit  de  les  enduire  en  septembre  et  en  avril  d'un  mélange 
de  chaux  (quarante  parties)  et  de  noir  de  fumée  (une  partie^, 
la  couleur  blanche  habituellement  employée  réfléchissant  tro^ 
la  lumière  et  la  chaleur.  Cette  mesure  pouvait  avoir  son  bon 
coté  ;  malheureusement^  on  ne  la  mit  pas  à  exécution. 

Dans  les  villes,  Tarchîtecture  est  plus  avancée.  Un  porche 
avec  des  bancs,  une  grande  cour  à  ciel  ouvert,  pavée,  entourée 
d'un  cloître  avec  galerie  supérieure  qui  conduit  à  des  chambres 
séparées,  oblongues,  ornées  de  tapis  ou  de  nattes  couvrant  un  sol 
eh  briques;  uneestradecirculaireen  maçonnerie  servant  de  litet 
de  sièges  ;  une  terrasse  utilisée  pour  la  récolte  des  eaux  et  pour 
le  linge  et  autres  objets  à  sécher,  voilà  en  peu  de  mots  l'habi- 
talion  du  Maure.  Cependant,  toutes  les  maisons  des  villes  n'ont 
point  des  terrasses  ;  à  Milianah,  nous  n'avons  vu  que  des  toits 
en  tuile  ;  à  Médéah  de  même,  les  toits  ont  beaucoup  de  pente. 

La  question  de  l'habitation,  peut-être  une  des  plus  impor- 
tantes pour  la  population  indigène,  est  réellement  digne  de 
toute  la  sollicitude  de  l'autorité  qui  s'en  occupe  beaucoup. 
Toutefois,  il  faudrait  non  seulement  améliorer  le  mode  de 
construction  indigène,  mais  encore  forcer  les  tribus  i  changer 
de  campements  quand  ilest  reconnu  que  leur  tnstallalîon  com- 
porte de  mauvaises  conditions  hygiéniques.  Ce  n'est  point  par 
pauvreté,  par  ignorance,  mais  bien  par  paresse  simplement, 
que  l'Arabe  ne  construit  pas  dans  la  plupart  des  cas.  Il  suffira 
de  rappeler  que  dans  les  villes,  le  biskri,  le  nègre,  le  portefaix 
se  contentent  d'un  pan  de  muraille,  d'un  seuil  de  porte,  d'un 


—  349  — 

flanc  d'arcades,  pour  s'abriter  la  nuit.  L'hygiène  individuelle 
et  la  sécurité  publique  deyraient  faire  défendre  de  tels  usages. 

II  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  l'éclairage  et  le  chauffage. 
L'impureté  des  huiles  employées  dans  le  premier  donne  beau- 
coup de  fumée,  de  matières  grasses,  d'acide  carbonique,  de 
charbon  et  d'hydrogène  carboné.  L'air  est  promptement  devenu 
infect,  et  tous  ces  produits  désagréables  tiennent  la  place 
^'éléments  plus  propres  à  la  respiration.  Evidemment,  ils  ont 
aussi  une  grande  influence  sur  la  muqueuse  oculaire  et  sur 
rhématosequi,  moins  complète,  doit  déterminer  de  Taffaiblis-' 
sèment  général. — Même  observation  pour  le  chauffage,  car  il 
y  a  absence  complète  de  cheminées.  Dans  les  villes,  on  brûle 
du  charbon  dans  des  petits  fourneaux  en  poterie.  Sous  la  tente, 
dans  Ie|;ourbi,  dans  la  maison  en  terre,  un  trou  au  milieu  de 
l'espace  habité  reçoit  les  matières  combustibles  ;  une  épaisse 
lùmée  envahit  promplement'la  demeure  où  l'air  a  déjà  tant  de 
pçine  à  se  renouveler.  Généralement,  dans  les  tribus  et  les 
villages»  les  branches,  péniblement  ramassées  çà  et  là  pour  les 
besoins  quotidiens,  sont  presque  toujours  humides  et  fournis- 
sent peu  de  chaleur,  mais  beaucoup  de  vapeurs.  On  peut 
penser  quelle  doit  être,  sur  les  poumons  en  particulier,  l'in- 
fluence combinée  d'un  tel  éclairage  et  d'un  tel  chauffage  I 


La  quantité  d'animaux  venimeux,  d'insectes  incommodes 
ou  dangereux.dont  les  demeures  anciennes  et  malpropres  sont 
infestées,  a  obligé  les  Arabes  à  s'ingénier  pour  trouver  les 
RK)yens  eiBcaces  de  les  détruire  ou  de  prévenir  leur  appari- 
tion. Parmi  les  pratiques  les  plus  accréditées  à  ce  sujet,  nous 
THentionneroas  les  suivantes  : 


—  350  — 

En  brûianl  dans  une  chambre  hermétiquement  fermée  de 
la  racine  et  de  la  feuille  de  grenadier  (roummane),  on  fait 
immédiatement  sortir  de  leur  cachette  toutes  sorte^  de  bêtes  et 
insectes  malfaisants. 

Mettez  dans  le  trou  des  rats  et  souris  un  mélange  de  miel,  de 
farined'orgeou  de  blé  et  Aeghebaretl  hhadid  (limaille  de  fer); 
tous  ces  animaux  mourront  peu  de  temps  après. 

Jetez  dans  le  feu  du  kebda  (foie)  de  firane  (souris)  ;  la 
fumée  suffira  pour  faire  sauver  toutes  les  souris. 

Quand  des  nuées  de  djerada  (sauterelles)  viennent  dévaster 
les  champs,  on  n*a  qu'à  arroser  les  cultures  et  les  arbres  avec 
une  décoction  de  el  henda  (l'éphédra  ordinaire);  l'odeur  de 
cette  plante  chasse  les  acridiens. 

Pour  se  débarrasser  des  puces  (braghit),  il  faut  prendre  une 
branche  de  palmier  [djerid],  la  frotter  avec  de  la  graisse  de 
rj^\'>'^  chèvre  (mdzq)  sans  sel  [messous),  et  la  piquer  dans  le  mur; 
on  répète  ensuite  trois  fois  ou  sept  fois  une  prière,  el,  pendant 
ce  temps,  les  puces  s'assemblent  sur  le  bâton.  Il  ne  reste  plus 
qu'à  brûler  ce  dernier,  dès  qu'il  en  est  suffisamment  garni. 

Un  jeudi,  avant  que  le  soleil  ne  paraisse  à  l'horizon,  placez 
dans  l'endroit  où  sont  les  punaises  [beqq)y  trois  feuilles  d'oli- 
vier [zitouné]  sur  lesquelles  vous  aurez  écrit  :  «Dieu  n'écoute 
personne;  il  n'y  a  que  ce  qu'il  a  dit;  et  celui  qui  le  reconnaît 
en  lisant  le  fatha  (premier  verset  du  Koran),  chasse,  par  son 
pouvoir,  les  punaises.  »  Effectivement,  disent  les  Arabes  avec 
leur  impassibilité  ordinaire,  les  insectes  disparaissent  de  suite 
et  ne  se  montrent  jamais  plus 

L'humidilé  habituelle  aux  habitations  arabes,  peu  éclairées 
et  peu  ventilées,  surtout  la  malpropreté  générale,  y  font  pul- 
luler les  souris.  Pour  les  chasser,  il  faut  répandre  dans  l'ap- 
partement de  la  cendre  de  bois  de  chêne  à  glands  (balloutk); 
l'odeur  suflil  pour  les  éloigner. 


—  351  — 

La  piqûre  des  fourmis  (nemel)  est  souvent  fort  désagréable, 
surtoutpour  des  individusobligés  de  coucher  sur  le  sol,  sous  les 
tentes,  etc.  On  conseille,  pour  s'en  débarrasser,  de  jeter  dans 
les  trous  qu'elles  habitent  un  mélange  d*eau,  d*huile  et  de  sel, 
et  d'arroser  avec  ce  liquide  un  assez  grand  espace  du  terrain 
sur  lequel  on  doit  reposer. 

Celui  qui  veut  éloigner  les  punaises,  se  frottera  le  corps 
avec  un  mélange  d'écorce  finement  pulvérisée  de  ce^^a/  (scille)> 
de  chair  centrale  [djouf)  de  melon  (betikh),  de  poudre  de 
hantit  (assa-fœtida),  après  que  ce  composé  aura  été  quelque 
temps  exposé  au  soleil. 


L'alimentation  de  Tlndigène  se  compose  généralement  des 
matières  végétales  ou  animales  qu'il  a  sous  la  main,  qu'il 
trouve  dans  le  pays  qu'il  occupe  ou  traverse.  Nous  avons  déjà 
vu  que  le  triste  état  du  commerce,  des  arts,  de  l'agriculture 
avaient  la  plus  grande  influence  sur  la  quantité  et  la  qualité 
des  aliments  que  l'Arabe  ne  peut  guère  choisir  et  approprier  à 
certaines  conditions  de  santé  ou  de  maladie.  Nous  avons 
d'abord  à  examiner  les  substances  nutritives.qu'il  emprunte 
au  règne  animal.  Les  poissons  (hhout)  comprendraient  parti- 
culièrement Tanguille  (6ou  m^AAio^^,  le  barbeau  que  l'on 
trouve  dans  presque  tous  les  cours  d'eau,  le  mugil  capito,  etc. 
Les  Indigènes  des  tribus  en  mangent  très  rarement,  sans  doute 
à  cause  des  diflicultés  de  la  préparation  et  de  la  conservation 
à  l'état  frais,  surtout  à  de  grandes  distances  de  la  mer. 

Les  ophidiens,  les  sauriens,  les  chéloniens  (tortues  d'eau 
douce,  fekhoun)  sont  assez  utilisés  comme  aliments.  Les  sau- 
terelles [djerada]  dont  saint  Jean-Baptiste  se  nourrissait  dans 


—  353  — 

le  déserl,  forment  une  partie  des  mets  du  Sahtraoui  :  il  les  bit 
sécher  d  abord  au  soleil,  les  réduit  eu  pondre  très  fine,  et  les 
mêle  au  couscouss.  Ces  acridiens,  dans  le  Sud,  ont,  diC-oD,iiBe 
chair  très  grasse.  On  les  mange  également  bouillis,  on 
arrangés  soit  à  la  graisse,  soit  au  beurre  et  avec  du  sel. 
D'après  Schaw  (4),  salées  et  frites,  les  sauterelles  ont  un  goût 
qui  approche  des  écrevisses  d'eau  douce. 

Parmi  les  oiseaux,  la  poule  (djadja),  le  coq  [serdoug]^  les 
'''''^.       cailles  {ssemmana),  perdrix  (hhadjcUi,  bécasses  {ahhmarZl^ 
.^•v^*  el  khadjela),  etc.,  produisent  une  nourriture  assez  habi- 

tuelle, à  l'étal  cuit  ou  grillé.  Quant  aux  viandes,  celle  de  l'au- 
truche [name],  très  employée  dans  le  Sud,  est  froide  et  sèche. 
r  Le  bœuf  (feurd,   begguer)  se  mange  bouilli;  le  mouton 

.  jj  ^^  '  [l^oufjy  rôti  en  plein  air  au-dessus  d'un  feu  très  flamboyant 
et  arrosé  fréquemment  avec  de  l'huile,  est  promptement  rous- 
sole  à  la  surface,  et  sa  chair  conserve  ainsi  tout  son  jus  et  un 
parfum  exquis.  La  chair  du  chameau  [djemel)  est  fort  estimée 
dans  le  Sahara,  où  avec  le  lait,  les  dattes,  elle  constitue  pres- 
que toute  la  nourriture  habituelle.  Sa  chair  semble  savoureuse, 
V<^ .  J  surtout  celle  de  la  bosse  [derotui)  qui  passe  pour  un  morceau 
exquis.  Nous  l'avons  déjà  dit,  les  Arabes  prétendent  que  le 
chameau  est  un  animal  excessivement  malin,  rusé,  méchant, 
et  que  l'usage  de  sa  viande  donne  aux  habitants  du  désert  un 
caractère  aussi  vindicatif,  aussi  cruel. —  Les  Arabes  mangent 
aussi  de  la  hyène  (dhebad)  et  du  lion  {sbd);  leur  chair  passe 
pour  très  mauvaise.  Le  porc-épic  [dorbane]  et  le  hérisson 
[ganfout)  se  mangent  en  ragoût  ou  cuits  sous  la  cendre.  Outre 
le  lapin  [guenine),  le  lièvre  [emeh)y  la  gazelle  (ghezj^a),  àoni  Jj- 
la  chair  est  délicieuse,  les  Arabes  utilisent  la  viande  de  chien 
(kelb).  Cette  nourriture,  fort  répandue  dans  le  sud  de  nos  pos- 
sessions, a  été  l'objet  d'un  doute  qui  me  paraît  complètement 


—  3ë3  — 

levé,  d'après  les  renseignements  que  j'ai  pris  à  Biskra.  On 
sait»  du  reste,  que  les  habitants  de  File  de  Djerby,  près  des 
côtes  de  Tripoli,  ont  un  goût  passionné  pour  la  viande  de 
ehien  (4).  Dans  le  Bled-el-Djerid  (pays  des  dattes),  de  temps 
immémorial,  les  habitants,  surtout  les  Ben-Ouaçad,  les  Pok- 
haçan,  mangent  du  chien.  A  ce  sujet,  El  Frozdok  a  dit  :  «Si 
un  Açadi  a  faim  pendant  un  jour  dans  la  ville,  et  qu'il  ait  un 
chien  gras,  il  le  mange  nécessairement.  »  El  Meçouar  ben 
Hind  a  dit  aussi  :  «  Quand  une  femme  des  Açad  enfante  un 
garçon,  on  lui  dit  :  Pourquoi  as-tu  enfanté  un  garçon  ?  et  c'est  ^ 

pour  se  dispenser  de  lui  offrir  un  plat  de  couches  [el  kherss^      >U**j 

Ce  plat  de  couches  est  très  probablement  du  chien )>  Le 

même  auteur  ajoute  :  «Les  Ben-Ouaçad,  quand  leurs  femmes 
accouchent,  ainsi  que  les  Fokhaçani,  disent  :  Ce  sera  Tannée 
WX  chiens.  »  Haçan  ben  Tsabet,  après  s'être  moqué  de  leur 
goût  pour  cette  viande  et  même  pour  la  chair  humaine,  conti- 
Me  en  ces  termes  :  «Ceux  de  cette  tribu  qui  passent  pour  pol- 
trons, quand  un  voisin  meurt,  ils  le  mangent  s'ils  peuvent;  et, 
peureux,  la  chair  de  mouton,  celle  du  chien  et  celle  d'homme, 
c'est  tout  un  (2).  »  —  Il  ne  nous  appartient  pas  de  décider  si 
ces  derniers  renseignements  sont  bien  dignes  de  foi;  toujours 
^tril  que  l'habitude  de  manger  du  chien  paraît  commune 
dans,  les  pays  a  dattes.  L'abus  de  ce  fruit  détermine  une  sorte 
depyrosis,  compliquée  d'urticaire,  et  appelée  tséma,  que  les 
Indigènes  de  Biskra,  de  Tuggurt,  etc.,  combattent  soit  en. 
tnangeant  du  chien  préalablement  engraissé  à  cet  effet,  soit  en 
buvant  du  bouillon  de  cette  même  viande.  A  Tuggurt,  on  a  la 
coutume  de  griller  sous  la  cendre  du  poivre  rouge  (felfel 
oMmar);  on  en  retire  ensuite  les  graines,  et  on  mange  l'en- 
veloppe. Ce  remède  est,  dit-on,  très  efficace.  L'usage  de  manger 
des  chiens  se  continue  dans  Tintérieur,  d'après  M.  le  docteur 

(i)   Tunis,  par  le  D'  Frauc»  et  J.  Ma»c».l  ;   f'/iiV«r*  pittorrsqut,  i»5o. 
,3)  rofagt  de  MmttaJhmtJ,  p.  ago. 


—  354  — 

GDyon  (1),  et  il  n'<^t  pas  rare  de  ?oir  des  lodigènes  s'en 
nourrir  aussi  sur  la  côte. 

Je  ne  sache  pas  que  des  cas  d'anthropophagisme  aienl  été 
signalés  chez  nos  Arabes.  Toutefois,  la  loi  musulnoane  (2) 
contient  à  ce  sujet  les  dispositions  suivantes  : 

«  Les  autorités  les  p.lud  respectables  défeadent  de  manger  la 
chair  des  morts,  la  chair  humaine,  dans  quelque  cas  de  nécessité 
que  ce  soit  Cependant,  des  légistes  Font  permis,  et  avec  raifloo, 
lors  de  nécessité  absolue.  QuelquesHins  de  ces  légistes  ont  défendu 
de  faire  cuire  la  chair  humaine,  en  quelque  circonstance  que  qb 
puisse  être.  » 

De  toutes  les  parties  des  animaux,  l'Arabe  ne  mange  que  la 
chair.  Le  sang  est  défendu  par  la  religion,  pal*  imitation  du 
précepte  de  Moïse,  qui  voyait  dans  ce  liquide  le  si^e  de 
rame  (3).  — Les  viscères  principaux,  les  intestins,  les  parties 
blanches  (cervelle,  pieds),  sont  exclus  de  Talirtientalion,  peutr 
être  à  cause  des  nombreuses  altérations  qu'ils  présentent  dans 
ce  climat  chaud,  et  par  suite  des  fatiguer  du  travail,  du  défaut 
général  de  soins  et  de  nourriture  suffisante. 

L'usage  du  lait  [hhalih]  est  très  répandu;  celui  de  vache,  de 
chèvre,  de  chamelle  (dans  le  Sud)  :  on  le  boit  frais.  Dans  les 
oasis  sahariennes,  on  nourrit  les  chèvres  principalement  avec 
des  dattes,  ce  qui,  d'après  les  Indigènes,  contribue  beaucoup 
à  leur  faire  produire  un  lait  abondant  et  exquis.  Le  lait  fournit 
généralement  de  bons  fromages  [djeben),  obtenus  soit  en  fai- 
sant dessécher  au  feu  du  lait  préalablement  écrémé  ;  ils  l'ap- 
pellent alors  akit,  —  soit  en  coagulant  le  lait  à  l'aide  des 
fleurs  de  chardon  ou  du  pinguicula  vulgaris.  Ces  fromages 
sont  presque  toujours  alcalescents,  et  acquièrent  alors  des 
propriétés  stimulantes.  En  ce  cas,  on  les  laisse  sécher  au 

(i)  Histoitt  ehronotogique  d9S  épidémies  du  nord  dt  l'Afrique,  i%\%. 
(a)  Si  Khetit,  1. 1,  ch.  11,  sect.  ao,  p.  3a S. 
(3)  Deutéronome,  cfa.  XII- 


—  355  — 

grand  air.  -^  Le  beurre  (zebda),  mal  ou  très  peu  battu,  con- 
serve toujours  une  grande  quantité  de  caséum  qui  le  fait 
proinptement  rancir.  —  Le  lait  de  chamelle  n'a  pas  de  crème 
et  De-  peut  donner  de  beurre. 

Quoique  le  commentateur  Si  Khelil  ait  dit  :  «  L'absence 
des  testicules  tourne  à  l'avantage  de  la  chair  de  Tanimal  et  la 
rend  meilleure,  plus  grasse,  y>  la  castration  ne  paraît  point 
usitée.  —  n  y  a  peu  de  variétés  dans  les  modes  de  préparation 
des  aliments.  Point  de  salaisons,  de  marinades  à  l'huile,  de 
fumaisons,  de  viandes  sèches.  La  fermentation  des  gibiers  est 
sï)îgneusement  évitée.  On  appelle  kefta  ou  dolma,  un  mélange 
de  riz  et  de  viande  divisée  en  très  petits  morceaux,  et 
enveloppés  dans  des  feuilles  de  choux.  Le  sfiria  consiste  dans 
la  réunion  d'œufs,  d'ognons  et  de  viande.  Des  raisins  secs,  des 
marrons,  fle  la  viande,  le  tout  préparé  avec  une  sauce  au  miel, 
s'appellent  tadjin  el  qastal.  Ces  diverses  préparations  n'appar- 
tiennent, dans  les  tribus,  qu'à  la  cuisine  des  gens  riches,  des 
chefs.  Les  Maures  sont  très  friands  de  confitures  ;  les  Arabes 
et  tes  Kabyles  les  remplacent  par  le  miel  dont  ils  font,  du  reste, 
uir  usage  considérable,  sans  même  se  donner  la  peine  de  le 
débâirasser  de  la  cire  et  des  impuretés.  Le  Prophète  en  avait 
fait  réloge  suivant  : 

«  ton  Seigneur  a  fait  cette  révélation  à  rabeille  :  cherche  UHsiles 
maifions  dans  les  montagnes,  dans  les  arbres  et  dans  les  construc- 
tlODs  des  hommes.  Nourris-toi  de  tous  les  fruits  et  voltige  dans  les 
efaeiniDs  nrayés  par  ton  seigneur.  De  leurs  entrailles  (des  abeilles) 
sort  une  liqueur  de  différentes  espèces  (miel  rouge  Jaune  ou  blanc)  ; 
elle  ooQtient  un  remède  pour  les  hommes  (1).  » 

Dans  le  Sud,  on  confectionne  de  la  confiture  et  du  miel  de 
dattes.  La  grande  quantité  de  sucre  que  contient  ce  fruit, 
jointe  à  l'amidon  et  au  gluten  qui  s'y  trouvent  en  proportion 

(i)  Xomn,  diap.  XVI.  ▼.  70. 


—  356  — 

notable,  en  font  un  aliment  très  nourrissant  et  fort  agréable 
au  goût. 

Ce  qui  marque  le  plus  dans  la  préparation  des  mets  arabes, 
c'est  Tabondance  des  condimens.  Tenir  en  éveil  les  fonctions 
des  grands  viscères  digestifs  pour  modérer  le  transport  de  la 
circulation  à  la  surface  du  corps  ;  combattre  ainsi  la  prostra- 
tion générale;  stimuler  le  système  nerveux;  acquérir  au  travail 
de  la  chymification  une  puissance  dynamique  suffisante  et 
plutôt  énergique  que  modérée  ;  activer  la  sécrétion  des  sucs 
gastriques  et  intestinaux,  tels  sont  les  principaux  avantagés 
de  cette  coutume  d*autant  plus  rationnelle  que  le  vin  et  les 
boissons  stimulantes  sont  sévèrement  proscrites.  Le  seul  incotk- 
yénient  de  ces  condimens,  du  poivre  surtout,  est  peut-être  de 
trop  stimuler  l'appareil  génital. 

Les  Arabes  usent  très  modérément  du  sel.  Le  jtis^e  citron, 
Toseille  (kammaïda)  beaucoup  moins  acide  que  la  nôtre  eiqui 
croît  partout,  excitent  convenablement  les  glandes  salivaires, 
tempèrent  la  soif  et  favorisent  la  digestion.  —  La  formation  de 
la  graisse  trouve  ses  éléments  dans  les  matières  sucrées,  miel 
[dcel],  dattes  {tamr),  raisins  secs  [zbib)^  dont  on  accommode 
très  souvent  les  mets.  L*huile  (zit)  remplace  le  beurre  et  les 
graisses,  mais  elle  est  rarement  bonne,  presque  toujours 
rance.  Les  Arabes  prétendent  que  le  safran  [zafrafie)  pousse 
beaucoup  au  rapprochement  sexuel.  Le  coriandre  {kosbara)^ 
le  fenouil  (6e^&a^),  le  carvi  (AAoma),  Tapis  [sanoudj],  les 
graines  de  cresson  alénois,  le  cumin  (qiiemmoum)  Manc  et 
noir,  la  cardamome  (hhabb  el  aïat),  l'ail,  l'ognon,  le  poireau, 
le  poivre  rouge,  le  piment  (felfel  ahmar),  le  clou  de  girofle,  le 
gingembre  [skendjebir],  le  safran,  etc.,  figurent  presque  tou- 
jours dans  l'assaisonnement  des  aliments.  Dans  le  Sahara, 
l'apprêt  ordinaire  des  viandes  est  la  graisse  de  chameau.  — 
Une  espèce  de  truffe  sauvage  (teurfas)  paraît  très  recherchée, 
dans  le  Sud  parliculièromeni,  où,  cuite  sous  la  cendre  et 


~  357  — 

pétrie  ensuite  avec  du  beurre,  elle  constitue  un  mets  déli-- 
cieux. 

Les  fruits  se  mangent  frais  ou  secs,  triturés  ou  non.  Gêné* 
ralemeiit,  ils  ne  sont  jamais  assez  mûrs,  ei  l'Arabe,  peu 
modéré  dans  kur  usage,  en  engloutit  volontiers  des  quantités 
énormes;  de  là  des  diarrhées,  des  dysscnteries  fréquentes.  En 
Kabylii^  k  l'approche  de  la  maturité  des  fruits,  lautorité  me- 
nace d'amendes  sévères  quiconque  en  cueillera  avant  une  cer- 
taine époque  fixée  (15  à  20  jours).  —  Parmi  les  huiles,  il 
faut  citer  celle  d'olives  [zit  hhalou),  qui  laisse  beaucoup  i 
désirer  pour  sa  pureté  ;  celle  de  palmier,  etc.  —  Parmi  les 
fruits  sucrés,  aqueux,  les  raisins  (dne6),les  pêches  (khoukha)^ 
les  abricots  (mecAmacA),  les  oranges  [tchina)^  les  jujubes 
[annaha,  zefzef),  les  figues  (^rmoit*^),  forment  la  nourriture 
d'une  grande  partie  des  Kabyles.  Les  figues  dites  de  Barbarie 
{kermoiiss  ennsara)  se  mangent  avec  leurs  nombreuses  grai- 
nes, et  déterminent  des  constipations  formidables^  accompa** 
gnées  de  dysurie  et  de  gonflement  des  parois  du  rectum.  On 
est  souvent  obligé  (je  Tai  pratiqué  plusieurs  fois]  de  recourir 
à  une  curette,  à  une  spatule,  pour  déboucher  l'intestin  comblé 
par  ces  petites  graines  accumulées.  Ces  phénomènes  divers 
OBt-ils  leur  point  de  départ  dans  une  action  spéciale,  chimi- 
que, due  à  quelque  principe  particulier,  ou  iiennent-ils  à  la 
grande  quantité  de  matières  sucrées  renfermées  dans  le  frint 
du  cactus  opuntia?  On  sait  qu'en  4837,  M.  Furnari  en  a  ex- 
trait un  sucre  concret  et  cristalUssabie,  pouvant  remplacer 
avantageusement  le  sucre  d'Inde  et  de  betteraves.  Huit  figues 
ordinaires  donnent  275  à  300  grammes  de  jus,  et  des  écorces 
dont  on  peut  tirer  de  l'alcool.  Le  &ucre  du  premier  essai  était 
blanc,  concret;  le  terrage  a  dû  le  modifier  avantageusement. 
Il  y  a  là  une  question  d'économie  et  de  grandes  ressources  lo- 
cales à  exploiter. 

Le  palmier  (nakhla)  ce  cocotier  de  l'Algérie,  produit  d'ex- 


—  358  — 

celleotes  dattes  de  différences  qualités;  les  Arabes  en  distin- 
goent  deux  espèces  bien  tranchées  :  P  Celles  à  pulpe  molle, 
appelées  ksebba,  kariri,  khodri,  guettar^  etc  ;  V  celles  à 
pulpe  consistante  et  fort  estimées,  dénommées  degVet  nour, 
hhalaoua,  tsoun,  msaref,  etc.  Alimentation  presqu*boiqoe 
du  Sabaraoui,  ce  Truit,  soit  influence  d'une  température  tou- 
jours éle?ée,  soit  qualité  particulière  du  produit  végétal,  soit 
abus  de  son*  emploi,  détermine  desinaladies  intestinales  assez 
graves.  Pour  les  prévenir,  outre  l'emploi  de  la  chair  et  du 
bouillon  de  chien  dont  nous  avons  parlé,  les  habitants  ont  la 
coutume  de  joindre  à  la  datte  un  mélange  de  bouillie  de^rine 
et  de  graisse  (ou  de  beurre).  Quelques-uns  se  contentent  de 
boire  après  ringestion  des  dattes,  du  lait  de  chamelle,  car  on 
lui  îi!»ril)iîf  !a  pn  priéfé  spéciale  de  rafraîchir  \b,  datte.  Sur 
d'autns  p«>ints  du  Saliara,  il  suflit  de  mêlera  ce  fruit  du  fro- 
mage' ou  d(^  la  galetie,  poitr  éviter  ses  inconvéniens.  Les  Indi- 
gènes du  Sud  tirent  un  excellent  parti  des  dattes  en  en  faisant 
une  sorte  de  pain  (gharès).  Us  soumettent  à  une  forte  pression 
des  dattes  fraîches  préalablement  privées  de  leurs  uoyaux, 
pétrissent  cette  pâte  avec  de  l'huile,  et  la  divisent  en  cylindres 
ou  galettes  plates,  que  Pexposition  de  quelques  jours  au  soleil 
suffit  pour  bien  sécher.  C'est  le  pain,  Funique  aliment, des  ca- 
ravanes, qui  lui  reconnaissent  des  propriétés  certaines  d'inal- 
térabilité et  de  nutritivité  sous  un  petit  volume.  Seulement, 
pour  éviter  les  aigreurs  d'estomac  et  Taltération  des  dents 
auxquelles  ce  pain  donnerait  lieu  comme  aliment  exclusif,  on 
y  doit  joindre  des  épices,  des  aromates,  du  lait,  etc.  Ne  pour- 
rait-on pas  Tutiliscr  pour  nos  expéditions  dans  le  Sud  7 
M.  Subtil  (1)  a  parfaitement  fait  ressortir  les  avantages  qu'il 
aurait  sur  la  farine  si  facilement  altérable,  sur  le  biscuit,  trop 
dur  et  souvent  indigeste,  moins  nourrissant  à  volume  égal, 
moins  agréable  à  manger,  enfin  d'un  prix  plus  élevé. 

(i)  Rttuf  d'Orient,  1846,  t.  VIll,  p.  49- 


—  359  — 

Lé  bananier  (mouza)  produit  un  fruit  populaire  dont  ia 
pulpe  fondante  et  légèrement  sucrée,  d'un  goût  fin,  se  mange 
fraîche  ou  grillée  sur  les  charbons,  ou  bien  encore  couverte  de 
miel.  Cet  aliment,  très  riche  en  principes  nutritifs,  sert  égale- 
ment à  faire  une  espèce  de  pain  que  Ton  obtient  en  écrasant, 
triturant  des  fruits  bien  mûrs,  les  tamisant  ensuite  pour 
écarler.les  portions  purement  fibreuses  ;  puis  on  forme  une 
pâte  avec  la  première  substance  bien  finement  pulvérisée. 
D'après  les  calculs  de  H.  de  Humboldt,  le  produit  des  bananes 
serait  à  celui  du  froment  comme  133  :  1,  et  à  celui  de  la 
pomme  de  terre  comme  44  :  <.  Ce  fruit,  ajoute  l'un  de  nos 
inspecteurs  médicaux,  M.  le  IKLévy  (1),  produirait,  suivant 
M.  de  Humboldt,  «  par  plantation  de  50  toises  carrées,  4000 
livres  d'aliments.  »  La  culture  du  bananier  ne  mérite-t-elle 
pas  d  être  encouragée  chez  nos  Indigènes  ? 

Les  limons  {limm),  les  citrons  (qareuss),  les  grenades, 
les  tomates  [toumaiich]^  constituent  les  principaux  fruits 
sucrés  acides  employés  à  profusion  par  les  Arabes.  Parmi  les 
fruits  astringents,  signalons  comme  très  usités,  le  coing 
(ssferdjel),  l'arbouse  (sasnou),  la  caroube  [karôub],  l'azerole 
(xarough),  le  sorbier  domestique  (Ighebira),  etc. 

Les  légumes  cuits,  grillés,  ou  préparés  à  Teau,  à  la  vapeur, 
quelquefois  au  gras  et  en  salades,  possèdent  l'avantage  de 
nourrir  l'Indigène  algérien  san^  trop  exciter  les  organes  diges- 
tifs, et  de  ralentir  ainsi  l'activité  moléculaire  tout  en  appor- 
tant une  quantité  suffisante  d'éléments  réparateurs.  Le  poirean 
[bibrass],  Tail  {tsoum),  l'oignon  [bessol]  sont  mangés  crus  : 
les  salsifis  (gaboul),  Icr  carotte  [zroudia),  les  choux  (kroumb), 
les  asperges  (seqqoum),  les  haricots  verts  {loubia)  et  les  pois 
(djelbana)  ne  paraissent  guères  que  sur  la  table  des  citadins. 
Dans  les  tribus  et  les  villages,  on  utilise  le  cardon  (yuernine)^ 

(i)   Tr.  J'hgUne  puMque  tt  pri¥te,  t.  II,  p.  »e. 


—  360  — 

lartichact  saoTtge  kkorehep,^  qoelqBefois  Taube^pne 
{badimdjdl ,  souveel  le  cressoD  sauvage  ^ueununmeeh)  et 
celui  lies  fontaines  zaharei  el  ma],  les  jeunes  feuilles  crues 
ou  bouillies  du  pourpier  {rejelai  ;  les  aspeiges  sauTages  si 
nombreuses  au  pied  des  jujubier»;  lecTnaraacaults(lEttnioiMi); 
crus,  en  ragoût  ou  en  sauces  blancbes,  soal  très  usitée  les 
feuilles  se  mangent  cuites  an  beurre.  Tient  ensuite  toute  la 
série  des  cucurbitacées,  concombres^'  (Mtar],  melons  (betikhm)^ 
pastèques  [delda],  courges  [gara),  si  renommés  -dans  la  plu- 
part des  basses  plaines,  et  dont  l'Arabe  se  nourrit  presqu'excln- 
sivement  pendantia  saison  des  chaleurs.  €  Le  melon,  avant  le 
repas,  lave  le  ventre  et  se  digèie  très  bien.»  Malheureusement, 
ce  proverbe  du  pays  est  rarement  suivi,  et  la  débilitation  des 
organes  digestifs  par  l'ingurgitation  de  grandes  quantités  de 
ces  aliments,  détermine  et  entretient  à  la  fin  de  Télé  beaucoup 
de  flux  intestinaux. 

Ouoique  la  rareté  des  champignons  (fougga)Bii  été  signalée 
plus  haut  dans  les  forêts  et  bois  arabes,  les  Indigènes  s'en 
nourrissent  sur  quelques  points,  près  de  Sidi  bel  Àbbès 
surtout,  cil  il  s*en  rencontre  pendant  la  saison  des  pluies» 
notamment  Tagaricus  edulis,  d'un  blanc  jaunâtre,  brunâtre 
en  dessous.  Jamais  il  n*a  été,  dit-on,  observé  d'accidents  à  la 
suite  de  leur  ingestion. 

En  tête  des  légumes  féculents  devrait  figurer  la  pomme  de 
terre  [bataia),  ce  précieux  tubercule  qui  «  donne  boit  fois 
plus  que  le  blé  ;  dont  un  arpent  rend  25  mille  livres  ei^uffit  a 
à  la  subsistance  de  24  personnes  par  an;  qui,  fermentée  et 
distillée,  fourniH2  pintes  d'alcool  environ  par  2001ivres{<).  » 
Malheureusement,  cette  plante  est  inconnue  aux  Indi- 
gènes, ainsi  que  la  lentille.  Dans  les  villes,  on  les  remplace 
par  la  fève  bouillie  avec  de  l'huile  et  de  l'ail. 

(i^   Trmttr  d'hy^i^f,  dr  M.  I.i'vy.  t.  II.  p.  i6 


—  361   — 

L'habitant  des  plaines  est  très  amateur  du  cœur  des  jeunes 
pousses  du  doum  (palmier  nain,  chamœrops  humilis),  et  en 
automne  de  la  pulpe  de  la  baie  qui  constitua  le  fruit  mielleux 
et  succulent  de  ce  végétal.  Le  centre  des  bourgeons  est  très 
féculeux,  assez  agréable  au  goût  (1). 

Les  Indigènes  du  Sud  utilisetit  comme  alin^ëht  h  moelle 
du  jeune  dattier  (phénix dactyli fera)  ainsi  que  ses  bourgeons; 
les  feuilles  se  mangent  aussi  bouillies  ou  en  salade. 

Les  Kabyles  conservent  dans  le  sel  et  mangent  les  olives 
qu'ils  ont  pétries  pour  la  fabrication  de  Thuile. 

Les  bulbes  de  phélypée  [denous)  séchés  au  soleil,  puis  pul- 
vérisés, sont  mêlés  par  le  Saharaoui,  en  temps  de  disette,  au 
couscouss  ou  aux  dattes  ou  avec  des  sauterelles  également  ré- 
duites en  poudre.  Les  Indigènes  de  Tintérieur  mangent  de  lÀ 
même  façon  la  racine  crue,  cuite  ou  pulvérisée  du  bunium 
bulbo-castanum  [talghouda].  D'après  les  recherches  faites 
par  MM.  Pallas  et  Judas  (2),  ce  tubercule  charnu  dont  l'odeur 
rappelle  la  carotte,  acquiert  par  la  cuisson  une  saveur  sucrée, 
un  peu  aromatique  :  sa  pulpe  se  digère  très  facilement,  et,  en 
cas  de  nécessité,  pourrait  fournir  un  aliment  léger  et  très 
nourrissant. 

En  4840,  nos  troupes  tourmentées  par  la  disette  qui  se  fit 
sentir  sous  les  mors  de  Médéah,  celles  qui  soutinrent,  dans 
d'aussi  tristes  conditions,  le  blocus  de  Tlemcen  en  1837,  s'a- 
limentèrent bien  volontiers  avec  ce  tubercule.  Les  habitants 
du  Zab  le  mêlent  finement  pulvérisé,  avec  la  farine  des  céréales 

(i)  Un  léger  degré  d'amertame  m'uTait  aatorité  à  penser  qoe  l'écoto»  finenent  palvériiée 
de*  jeunes  poa«sc$  da  ikaocerops  pourrait  être  administrée  arec  «rMIage  dans  le»  fièvrta 
interailttentet.  Qoelqua  ettalf,  iattrrckmpai  par  mon  départ  d'Alger,  m'ont  donnée  à  U 
dose  de  deux  et  trois  grammes  de  ptttdre  obligeamment  pMparée  par  l'honorable  pharma- 
cien  M.  Qoéoet,  nraf  goértoons  compMtee  »nt  treize  tfrrit  f4ciodiq«M  «oufatéeë  diet  die  . 
Indigènes.  M.  Gnénet  a  de  pins  décoorert  dans  Fécorce  de  cet  pooiMt  une  matière  colorant* 
très  riche,  et  d'un  magnifique  rottge  amarante» 

(i)M*m.  de  ilëJuiae  et  de  Cliirwgte  milttuirts,   tSi». 


—  362  — 

peu  abondaDtes  chez  eux.  Le  soldat  français  Ta  baptisé  du 
nom  de  pomme  de  terre  arabe. 

Les  racines  de  cartbamus  gummiferus  que  1  on  mâche  pour 
en  avoir  le  suc  fort  nourrissant,  dit-on  ;  —  les  jeunes  pousses 
crues  ou  cuites  du  chrysanthenum  coronarjum;  —  le  lichen 
{kherat  et  ardk);  —  les  jeunes  feuilles  du  phénix  dactylifera; 

—  celles  de  la  mâche  (valerianella  olitaria),  de  la  fédia  cornu- 
copiœ;  —  le  cresson  de  fontaine;  les  jeunes  tiges  de  fenouil 
[besbas]'y\cs  jeunes  feuilles  crues  ou  bouillies  du  pourpier 
[redjela);  les  jeunes  pousses  et  jeunes  racines  des  daucus;  — 
les  fleurs  du  dattier  accommodées  au  citron;  —  le  fruit  du 
nitraria  tridentata  (darmoms)  ;  celui  du  sorbier  (leghebira); 

—  les  baies  du  myrtus  comraunis;  —  les  jeunes  feuilles  du 
pistachia  atlantica  {b'toum)]  le  fruit  du  micocoulier  (guigba); 
le  tubercule  si  féculeux  de  l'asphodèle  rameuse,  et  dont  la 
cuisson  fait  disparaître  le  goût  légèrement  amer;  — l'écorce 
du  pin  dans  le  petit  atlas  ;  les  mauves  [Valthœa,  la  lavatera) 
qui,  pour  le  dire  en  passant,  ont  rendu  de  si  grands  services 
en  1840,  pourTalimentation  dés  troupes  bloquées  à  Médéahct 
Milianàh  ;  le  siippa  barbata  (drine)  dont  les  Sahariens  pulvé- 
risent et  utilisent  les  semences  à  titre  de  farine  pour  fabriquer 
du  pain,  etc.,— constituent  des  ressources  alimentaircsavanta- 
gcusement  appropriées  par  l'Indigène  :  mais  leur  usage  est 
loin  d*être  aussi  étendu  que  celui  du  gland  (bfMoute),  cette 
céréale  du  Kabyle,  comme  la  datte  constitue  la  céréale  du  Sud. 
Le  montagnard  préfère  le  gland  du  chêne  h  feuiHes  de  châtai- 
gnier (quercus  mirbeckii).  On  mange  ces  fruits  féculents, 
bouillis  ou  torréfiés.  Les  glands  du  quercus  ballotta  rôtis  sont 
également  très  usités.  —Lorsque  Tinsuffisance  des  récolles 
oblige  à  se  servir  du  gland  sauvage,  les  Kabyles  le  dépouillent 
de  son  amertume  en  jetant  de  Teau  sur  sa  farine,  étendue  sur 
un  tamis,  jusqu'à  ce  que  le  liquide  qui  se  colore  en  rouge  par 
ce  contact  devienne  incolore.    ^ 


—  363  — 

Dans  les  IsserSy  les  Indigèoes  mangent  quelquefois  de  la 
terre  ;  de  même,  à  El  Aghouat  Cherguiy  dans  le  Sud,  les 
femmes  se  nourrissent  d'une  terre  argileuse  et  crayeuse.  Il  est 
à  remarquer  que  ce  ^sexe  use  beaucoup  plus  de  cette  triste 
ressource  alimentaire,  que  les  hommes. 

Les  céréales  dont  les  espèces  sont  assez  restreintes  en  Algérie, 
comprennent  les  blés  durs  plus  riches  en  principes  nutritifs, 
Torge,  le  maïs,  le  millet.  L*orge  entre  généralement  dans  la 
confection  du  pain,  si  toutefois  on  peut  appeler  de  ce  nom  un 
peu  de  farine  grossièrement  pilée  par  le  petit  moulin  à  bras, 
travaillée  quelques  instants  avec  de  Teau,  et  appliquée  ain^ 
en  larges  feuilles  sur  des  vases  en  terre  fortement  chauffés  et 
enduits  d'un  corps  gras  (huile  en  général).  Cette  préparation, 
qui  ressemble  plutôt  à  des  galettes  molles,  ne  contient  jamais 
de  levain  ;  ainsi  privée  de  ce  précieux  élément  de  digestibiliié 
et  de  nutritivité,  de  ce  principe  nécessaire  pour  la  fermentation 
et  le  développement  des  matières  sucrées,  elle  est  pesante, 
lourde,  massive,  indigeste,  peu  savoureuse.  Dans  quelques 
tribus,  on  met  dans  la  pâte,  à  titre  de  ferment,  un  peu  de  lait 
aigre.  Afin  de  combattre  l'inertie  intestinale  qui  résulte  de 
l'usage  du  pain  sans  levain,  les  habitants  des  villes  le  recou- 
vrent, avant  de  le  passer  au  four,  avec  des  grains  d*anis 
(hkaOb  el  halaoua)  ou  de  fenouil. 

Nous  avons  vu  que  l'insuffisance  des  récoltes  et  la  nature 
ingrate  de  certains  terrains  obligent  à  suppléer  à  la  farine 
d'orge  par  de  la  poudre  de  diverses  plantes,  de  glands  doux, 
broyés  à  la  meule,  de  sauterelles,  etc.  La  racine  de  Tarum 
(begouga)y  séchée  au  soleil  pour  lui  ôter  son  âcreté,  ensuite 
bien  pulvérisée,  a  été  utilisée  en  1847  par  les  Arabes  des 
environs  de  Tenez  et  du  Dahra,  dépourvus  de  grains:  ils 
mélangeaient  un  cinquième  de  farine  d*orge  avec  quatre 
cinquièmes  <le  poudre  de  cette  plante  ;  mais  ce  pain  particulier 
aurait  Tinc^nvénient  de  provoquer  des  colique.s,  de  IVmbarras 


?l 


-  364  — 

Intestinal,  l'empâtement  des  membres.  Le&  Mxabites  pulvé- 
risent la  graine  de  drine  (stippabarbata)  et  en  font  du  pain. 
les  bouillies  Itères  ($aouiq)  sont  assez  usitées  ;  on  les 
eompose  d'orge  cuite  et  de  viande  hachée,  le  tout  pilé  ensemble; 
c'est  Vériceha,  Dans  le  désert,  Vhaeida  est  formée  de  Carine 
de  millet  bouillie  a?ec  du  beurre.  Très  souvent,  dans  les 
voyages,  dans  les  expéditions,  l'Indigène  n'a  que  quelques 
grains  d'ocge  pour  satisfaire  sa  faim.  Cette  triste  nécessité 
nous  a  rappelé  plusieurs  fois  les  soldats  romains  portant  un 
petit  sac  de  farine  et  la  mangeant  aux  étapes,  ^)rès  l'avoir 
délayée  dans  un  peu  d'eau.  Les  gens  riches,  les  chefs,  se 
pennettent  des  galettes  (meiqobba)  de  fleurs  de  froment. 

Mettre  dans  un  grand  plat  de  bois  (Mfa)  quelques  poignée» 
de  farine  ;  Thumecter  avec  un  peu  d'eau  ;  i^uer  le  tout  avec 
kl  paume  de  la  main  en  tournant,  jusqu'à  ce  que  le  mélange 
se  réduise  en  petits  grains  sans  trop  de  consistance  ;  passer 
alors  dans  un  crible  ;  mettre  de  coté  toutes  les  granulations 
.qui  ont  pu  traverser;  remanier  dans  le  safa  les  parties  trop 
grosses  restées  sur  le  crible;  recommencer  ainsi  les  opérations, 
jusqu'à  ce  que  toute  la  pâte  ait  été  épuisée  e(.  tamisée  ;  laisser 
sécher  au  soleil,  et  conserver  pour  les  besoins  du  jour,  tels 
sont,  en  résumé,  les  divers  temps  de  la  préparation  du  mets 
national,  le  couscouss.  Quand  on  veut  s'en  servir,  il  suffit 
d'en  humecter  une  quantité  proportionnée  au  nombre  des 
convives,  de  l'asperger  d'un  peu  d'eau  et  de  la  mettre  dans 
xme  passoire  que  l'on  place  au-dessns  de  la  marmite  ea  terre 
dans  laquelle  cuisent  à  gros  bouillons  la  viande  et  les  condi- 
ments. Une  petite  heure  après,  le  conscouss  a  été  bien  p^étré 
de  toute  la  vapeur  du  bouillon  et  des  différents  principes  de 
la  viande.  Une  fois  retiré,  il  est  versé  dans  un  plateau  en  bois, 
puis  additionné  de  lait,  de  beurre,  de  fiusrqa  (bouillon);  alors 
on  le  sert  chaud,  et  on  recommande  bien  de  le  manger  avant 
qu'il  ne  refroidisse.  «  Le  couscouss  froid,  dit  le  proverbe»  c*est 


—  365  — 

une  balle  de  plomb.  »  Od  confit,  en  eflfet,  combien  doit  8ti« 
indigeste  une  grande,  quantité  de  ces  granules  farineux  qui 
forment  Talimentation  quotidienne  exclussive  des  quatre- 
vingt-dix-neuf  centièmesde  la  population  indigène  de  rAlgérie. 
Les  ingrédients  et  les  condiments  placés  dans  la  marmite 
varient  suivant  la  fortune  des  individus  ;  ceux  qui  sont  riches 
mettent  de  la  viande,  du  poulet,  des  oignons,  des  volailles 
hachées,  du  mouton;. les  pauvres,  et  c'est  le  cas  général,  se 
contentent  d^un  peu  de  piment,  d*huile  et  d'eau.  —  Toutefois», 
la  pâte  n*affecte  pas  toujours  la  forme  granulée  ;  elle  est  quel- 
quefois en  morceaux  plus  ou  moins  carrés  (hamza),  en  vermi- 
celle [douda,  c'est-à-dire  petits  vers).  Ensuite,  le  couscôusâ , 
ne  se  prépare  pas  seulement  à  la  vapeur,  on  l'apprête  aussi  k 
la  sauce,  il  se  dit  alors  itrïeha.  Avant  de  servir  le  couscouss 
ordinaire,  on  le  farcit  parfois  avec  des  raisins  secs  [xbibel; 
c'est  alors  un  mesfouf, — Le  Kabyle  fait  entrer  dans  son  cous- 
couss du  bechena  (millet)  torréfié  ou  pulvérisé,  quelquefois 
aussi  des  glands  préparés  de  la  même  manière.  Dans  les  oasis, 
on  fait  cuire  des  morceaux  de  pâte  dans  du  beurre  avec  des 
ognons,  des  abricots  secs,  des  dattes,  du  piment,  puis  on 
mélange  cette  préparation  (tchertchoi^kha)  avec  de  la  viande 
ou  du  poulet.  C'est  un  mets  délicieux.  Les  farines  de  céréales 
servent  encore  de  base  à  plusieurs  préparations  culinaires 
sucrées;  ici  mélangées  avec  du  miel  et  de  la  graine  de 
djiljelane  (sésame),  elles  constituent  une  sorte  de  nouga;  là, 
c'est  du  mcthlbif  gelée  de  farine  de  riz  sucrée,  aromatisée  avec 
de  Teaii  de  fleurs  d'ocanger  (md  zahar)  ;  très  souvent,  c'est  de 
la  pâte  très  ferme  et  très  compacte  [kak),  farcie  au  sucre 
{khachiinané).  Les  Kabyles  se  contentent  de  faire  frire  des 
morceaux  épais  de  pâte  dans  de  l'huile  et  de  les  tremper  dans 
le  miel.— Dans  le  Sud,  l'élément  principal  est  la  datte,  surtout 
son  sirop  qui  s'obtient  en  pressurant  fortement  les  fruits  de  la 
belle  espèce  préalaMomenl  bouillis.         % 


—  366  — 

Pourquoi  ne  pas  pousser  les  Arabes  à  la  culture  du  riz,  au 
double  point  de  vue  de  rassainissemenl  des  plaines  ci  de 
l'apport  d'un  aliment  aussi  précieux  ? 

Nous  avons  déjà  parlé  des  moyens  très  imparfaits  de  conser- 
vation des  aliments.  Les  poteries  vernissées  sont  inconnues;  le 
cuivre  domine  dans  la  confection  des  vases;  rarement  étamé 
et  facilement  attaqué  par  les  corps  gras  et  acides  que  la  mal- 
propreté habituelle  laisse  séjourner,  il  a  produit  plus  d'un  ac- 
cident. 

Tout  ce  qui  vient  d*être  succinctement  exposé  suffit  pour 
prouver  que  la  nourriture  arabe  est  généralement  très  simple  : 
peu  de  mélange  des  matières  alimentaires,  un  plat  unique  (le 
couscouss)  et  quelques  fruits,  voilà  pour  la  masse  de  la  popu- 
lation ;  les  gens  aisés  y  ajoutent  de  la  viande,  du  poulet,  quel- 
quefois du  potage  aux  pâles.  En  1839,  l'émir  Abd-el-&ader 
accordait  à  chaque  soldat, pour  sa  nourriture  quotidienne,  une 
livre  1/2  dA  galettes,  et  une  livre  de  farine  pour  le  couscouss  : 
deux  fois  par  semaine,  un  mouton  pour  20  hommes. 

Les  repasse  prennent  ordinairement,  l'un  de  11  heures  à 
midi,  l'autre  le  soir  après  le  coucher  du  soleil. 

Les  Arabes  mangent  très  vite  et  très  salement;  pas  de  four- 
chettes, pas  de  cuillères  (si  ce  n'est  chez  les  riches),  pas  de 
verres,  pas  de  linge,  fbs  de  sièges,  pas  de  tables  (chez  les  gens 
^  aisés  seulement).  «  Lorsque  la  nourriture  est  servie,  a  dit  El 
Syouti,  prenez  autour  du  plal  et  laissez-en  le  milieu,  car  la 
bénédiction  du  ciel  y  descendra.  »  Le  Législateur  dit  :  «  Il 
fut  défendu  au  Prophète  de  manger  accroupi  et  appuyé  sur 
:    lui-même,  car  cette  position  dispose  à  trop  manger.  Le  Pro- 
\  phète,  à  ses  repas,  était  assis  de  manière  qu'il  paraissait  tou- 
Mours  prêt  à  se  lever  debout  (1).  »  Les  Arabes  ne  boivent  géné- 

(\)  Si  Kketil.X.  II.  p.  3i?. 


-  367  — 

ralement  qu^unefois,  après  le  refait  un  vase  convinjjD  ou  une 
guerba  circule  parmi  les  convives.  Après  avoir  mangé,  le  riche 
fume  et  boit  le  café,  le  pauvre  s'endort  sur  place  ou  à  peu  de 
distance. 


Le  tabac,  a  dit  un  poète  musulman,  est  un  moyen  sûr  pour 
rhomme  de  dissiper  ses  ciiagrins  et  de  chasser  des  nuées  de 
soucis  avec  des  nuées  de  fumée.  —  Une  pipe  de  tabac  le  matin,  t  o 
suivant  un  proverbe  saharien,  vaut  mieux  que  cent  chamelle^ 
dans  lewra  (milieu  du  douar).   —  Les  Persans  diseat  que  1  ^ 
«  du  café  sans  tabac,  c'est  de  la  viande  sans  sel.  i^  [  ^ 

Le  fait  est  que  le  tabac  constitue  une  forte  partie  intégrante 
de  la  vie  musulmane;  TArabè  en  consomme  avec  un  véritable 
abus.  Cela  tiendrait-il  au  besoin  qu'il  éprouve  constamment 
au  sein  de  son  indolence,  de  se  procurer  de  faciles  sensations? 
Vindigènc  n'a  ni  journaux  ni  livres;  il  ne  croit  pouvoir  se 
distraire,  se  désennuyer,  que  par  les  excitations  enivrantes  de 
la  feuille  brûlée  du  nicotiane.  Son  moral  n'y  gagne  pas 
grand"  chose,  très  probablement;  mais  au  moins  il  n'y  perd 
pas  non  plus,  a  Chose  singulière  t  remarque  avec  raison  un 
des  plus  spirituels  écrivains  de  notre  époque,  le  tabac,  aujour- 
d'hui d'un  usage  si  universel  dans  l'Orient,  a  été,  de  la  part 
de  certains  sultans»  l'objet  des  interdictions  les  plus  rigou- 
reuses. Plus  d'un  Turc  a  payé  de  la  vie  le  plaisir  de  fumer,  et 
le  féroce  Amurat  IV  a  fait  plus  d'une  fois  tomber  la  tête  du 
fumeur  avec  la  pipe.  Le  café  a  eu  des  débuts  non  moins  san- 
glants à  Constantinople;  il  a  fait  des  fanatiques  et  des  mar- 
tyrs (4).  »  —  Si  le  code  civil  et  religieux  des  Musulmans,  si  le 

(i)  ConstunUnoplt,  ^  IV  ;  foAeton  de  la  Vrtiu,  »S  novembre  xSSa. 


—  368  — 

Koranne  parle  pas  du  tabac,  le  zèle  des  Ibéologiena  D*a  po 
maoquer  de  faire  à  ce  sujet,  à  Mohammed,  rboBueor  d'uiie 
prophétie,  et  ils  lui  ont  osé  nieUre  dans  la  bouche  ks  paroles 
suivantes  :  <(  Il  y  aura,  dans  les  derniers  jours,  de  faux  ou 
mauvais  Musulmans  qui  fumeront  une  certaine  herbe  appelée 
tabac.  »  Toutes  ces' mesquines  oppressions  n'ont  servi  que  la 
cause  de  cette  plante  :  à  preuve,  les  Arabes  l'appellent 
ahhiadjet  er-radjel,  c'est-à-dire,  le  besoin  de  l'homme.  — 
{«es  Arabes  fument  immédiatement  après  les  repas,  sans  que 
les  fonctions  digestives  en  paraissent  troublées.  Il  est  vrai  que 
l'aspiration  de  la  fumée  s'opère  fort  doucement,  à  cause  de  la 
longueur  des  tuyaux  en  bois  et  de  la  largeur  du  conduit.  Ils 
n'avaient  jamais  cett^  fumée,  et  ne  la  conservent  pas  habi- 
tuellement en  contact  avec  la  muqueuse  buccale  et  les  glandes 
s^livaires.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  qualité  particulière  de 
leur  tabac  qui  paraît  fort  doux.  Les  femmes,  les  personnes 
délicates,  qui  craignent  l'action  des  éléments  acres  contenus 
dans  le  tabac,  l'aspirent  à  travers  de  minces  tuyaux  flexibles, 
longs  de  plusieurs  pieds,  traversant  un  vase  assez  haut, 
rempli  d'eau.  La  fumée  doit  passer  à  travers  la  couche  de 
liquide  à  chaque  aspiration,  et  se  dépouille  en  ce  moment  de 
toute  qualilc  irritante.  C'est  là  ce  qu'on  appelle  fumeir  le 
nar^uilèK  (1). 

Lea  ÀriH  do  l'Est,  du  Hamza,  les  Zena/a  dans  le  Sahara, 
mai^eot  des  pelotes  de  tabac  à  priser.  Ce  dernier  est  très  usité 
chea  tes  Arabes  qui  le  prennent  très  parfumé  et  le  conservent 
généralement  dans  des  tubes  de  roseau. 

Quoiqu'il  en  soit,  l'abus  du  tabac  à  fumer  ne  semble  pas 
influer  défavorablement  sur  la  santé  de  l'Indigène  :  faudrait- 
il  voir,  dans  son  constant  emploi,  dans  une  action  particulière 
sur  les  organes  de  la  respiration,  la  rareté  de  la  phthisie  signalée 

r)  D'tiu  Hi«t  piT>.iii,  (|ut  kisuiR'*  lunx  dr  uko  .\yr*i  iaquvUv  r«t  dxhrU^u^  le  récipient. 


—  369  — 

en  général  chez  les  Arabes?  D'apAs  M.  RuefT,  de  Strasbourg, 
qui  a  scrupuleusement  examiné  tes  conditions  sanitaires  de  la 
manufacture  de  cette  ville  et  de  ses  employés,  le  tabac  serait 
non  seulement  complètement  innocent,  mais  encore  doué  de 
la  propriété  d*empêçher  Tapparition  des  tubercules  pulmon^i- 
res,  et  d'arrêter  leur  développement  et  leur  marche.— On  sait 
que  le  café  et  le  tabac  sont  interdits  ^ixx,  Mzabites,  habitants 
d'une  zone  saharienne,  qui  appartiennent  à  une  secte  reli^ 
gieuse  particulière  et  sont  appelés  pour  cela  khouaredj  (c'est- 
à-dire  sortants). 

Les  fumeurs  d'opium  étant  fort  rares  en  Algérie,  contentons^ 
nous  de  dire  i|ue,  d'après  les  renseignements  fournis  par 
quelques  Arabes,  les  sensations  éprouvées  ne  seraient  guère 
agréables,  et  qu'ils  préfèrent  de  beaucoup  hhachieh.  Passons 
donc  à  l'examen  de  ces  Indigènes  au  teint  livide,  aux  yeux 
ternes,  à  la  marche  .lente,  au  maintien  voûté,  à  la  physionomie 
extatique,  hébétée  ;  ce  sont  les  amateurs  de  ce  hachich,  du 
kif, —  J^i/'veut  dire,. en  arabe,  disposition  normale  et  calme 
d'esprit  ;  ainsi,  ma  andiche  kif....,  c'est-à-dire  je  ne  suis  pas 

disposé  à —Ceux  qui  abusât  des  propriétés  du  ktxchichse 

nommant  hachichia.  Le  mot  haehich,  qui  signifie  herbe  en 
généra),  est  spécialement  employé  pour  désigner  le  cannabis 
indica.  Cette  plante,  qu'on  appelle  aussi  herbe  aux  fakirs 
(pauvres),  a  été  chantée  par  grand  nombre  de  poètes.  L'un 
d'eux  a  dit  : 

■  Le  pauvre,  quand  il  en  prend  seulement  le  poids  d*un  drachme, 
lève  une  tête  superbe  au-dessus  des  Emirs  (Princes).  » 

Un  autre  lui  donne  l'épitlièfe,  plus  consolante  que  poétique, 
d'herbe  de  la  joie.  Les  sectaires  syriens  du  trop  célèbre  ir(w«an 
en  abusaii^nt  jusqu'à  la  frénésie  :  c'est  de  leur  dénomination 
(Vhachichins  que. la  corruption  du  langage  a  fait,  dit-on,  celui 
d'assassins.  —  Le  général  Menou,  voulant  proléger  les  soldats 


—  370  — 

français  contre  les  terribles  effets  de  cette  substance  qHÎ  pou- 
vait en  rendre  un  grand  nombre  victime  de  Texcitation  éner- 
gique qu'elle  procure,  prohiba  sa  liqueur  et  son  usage  comme 
tabac  (arrêté  du  17  vendémiaire  an  DL).  Lors  de  l'arrivée  des 
Français  en  1830,  il  y  avait  encore  un  établissement  spécial  a 
Alger  pour  les  fumeurs  de  hachieh.  On  trouve  encore  dans 
celte  ville  et  plusieurs  autres  cités  mauresques,  des  cafés  ou 
on  le  débite,  où  Ton  en  peut  user.  Pendant  le  seul  trimestre 
d'août,  septembre  et  octobre  1851,  on  a  arrêté  et  enfermé 
pour  démence,  à  Constantine,  onjre  Musulmans  presque  tous 
jeunes  et  de  bonne  famille,  ayant  perdu  la  raison  par  abus 
de  celte  plante.  Les  Beys  turcs  Favaient  cependant  proscrite 
très  sévèrement  dans  cette  province.  Dans  la  même  année 
(1851),  on  comptait  à  Constantine  vingt-deux  cafés  ou  bouti- 
ques oii  ce  dangereux  produit  se  consommait  (1). — Le  hachik^ 
appelé  encore  tekrouri,  est  très  cultivé  en  Algérie,  dans  le 
Zab,  à  Tolga,  à  Bouchagroun  ;  à  Zaatcha,  il  y  avait  un  café 
spécial  pour  les  hachichia.  Les  extrémités,  les  fleurs  et  les 
graines  sont  principalement  recherchées  par  les  fumeurs, 
comme  les  parties  les  plus  éniv(antes.  —  Voici  le  procédé  or- 
dinaire de  préparation  :  on  fait  bouillir  pendant  très  lonelemps 
les  feuilles  cl  les  fleurs  avec  du  beurre  frais  qui  s'empare  des 
principes  actifs  et  sert  de  ba§e  aux  diverses  préparations  de 
/(i/'.  Les  fleurs,  les  feuilles,  les  graines  se  fument  seules  ou 
mêlées  à  du  tabac  ordinaire,  dans  des  petites  pipes  qu'on  ne 
saurait  mieux  comparer  qu*3uxdés  des  couturières.  Le  beurre 
dans  lequel  ont  bouilli  les  parties  choisies  de  la  plante,  doit 
être  bien  pétri,  puis  séché  :  il  foraie  alors  des  pastilles  ou  des 
pilules.  Bien  finement  pulvérisées,  elles  sont  parfois  aussi 
mêlées  au  sucre  ou  au  miel  ;  on  les  appelle  alors  madjoun 
(pâte,  onguent).  A  Biskra,  Ton  m^a  assuré  que  les  habitants 

(i)   6'o:.  Médicale  dr  Paris,  s'»  or  t.  i85i. 


_  374  — 

4e  Tuggurt  ciiUiveDt  beaucoup  udo  espèce  particulière  de 
tekrùurh  sorte  de  chanvre  bâtard  dont  l'actioa  est  moins 
énergique  sur  le  fumeur. 

On  ne  doit  pas  Toublier,  les  effets  ordinaires  du  Ai/diffèrent 
suivant  les  doses  et  les  tenipéraments.  Chez  les  uns,  il  déter- 
mine de  l'extase,  des  rêves  erotiques,  et,  à  la  longue,  un  affai- 
blissement des  facultés  intellectuelles,  une  sorte  de  démence 
chronique  et  intermittente  ;  chez  d'autres,  au  contraire,  i) 
amène  soit  une  gaieté  folle,  des  rires  homériques,  une  loqua- 
cité inimaginable,  soit  une  tristesse  profonde,  de  Tanxiété,  de 
la  frayeur,  de  sinistres  préoccupations,  un  sommeil  de  plomb, 
etc.  Un' de  mes  amis  d'Alger,  peu  habitué  à  l'influence  du 
hachich,  se  croyait  toujours  perdu,  près  de  mourir,  et  se  livrait 
à  toutes  les  démonstrations  d^un  désespoir  sans  remède.  En 
général,  cependant,  pris  à  des  doses  modérées,  prudentes,  le' 
kifne  produit  point  des  effets  aussi  extrêmes  ;  c'est  un  doux 
accablement  nerveux,  une  agréable  lassitude,  une  oppression 
de  forces  pleine  de  charmes,  et  qu'il  faut  avoir  éprouvés  pour 
bien  les  comprendre.  Dans  le  far-niente,  daQs  la  paresse  cra- 
puleuse, il  y  a  un  vice  brutal  ;  dans  le  calme  que  donne  Tabus 
immodéré  des  liqueurs  forles,  il  y  a  un  honteux  engourdisse- 
ment; mais,  dans  le  travail  du  hachich,  il  s'agit  d'une  eni- 
vrante et  profonde  jouissance,  d'une  béatitude  infinie,  qui 
n'exclut  point  la  libre  action  de  Tintelligence,  des  conceptions 
passionnées;  c'est  un  suave  délire  qui  s'obtient  plus  complète- 
tement  en  plaçant  le  système  nerveux  dans  de  certaines  condi- 
tions, telles  que  la  position  du  corps  bien  étendu  sur  de 
moelleux  tapis,  l'aspiration  courte  et  à  longs  intervalles  de 
quelques  bouffées  de  tabac  maure,  l'ingestion  intermittente 
tantôt  de  petites  gorgées  de  bon  café  indigène  bien  chaud» 
tantôt  de  petites  quantités  de  liquides  parfumés,  glacés  ;  et, 
pendant  cette  épreuve  dil  voluptueuse  insensibilité  croissante, 
une  étourdissante  musique  arabe,  le  bruit  saccade  descasla- 


—  371  — 

gneties,  le  timbre  nisillard  de  toutes  ces  voix  moDolOMB  et 
criardes^,  Toilà  ce  qu'il  faut  savoir  combiner  pour  délerttiiiier 
ces  émotions  mystérieuses  de  lame,  faire  naître  ces  rêves  exta- 
tiques, créer  enfin  cette  série  de  bizarres  halludiiations  dont 
l'ensemble  constitue  une  famiazxia,  et  dans  lesquelles  la  foUê 
du  logii  a  le  merveilleux  privil^e  de  ccmserver  toute  son  inté- 
grité psychologique.  On  sait  que  les  phénomènes  particuliers, 
qui  suivent  l'ingestion  du  kachich,  l'ont  fait  utiliser  déjà  en 
médecine.  Dès  4835,  H.  Aubert-Roche  l'employait  dans  le 
traitement  de  la  peste  ;  en  1 841 ,  M.  Moreau,  de  Tôok,  dans  la 
curation  de  la  folie.  Les  Arabes  lui  accordent  une  grande  vertu 
aphrodisiaque.  Très  probablement,  la  médecine  algérienne  lui 
trouvera  une  utile  application  dans  les  maladies  de  l'Indigène, 
dont  le  système  nerveux,  moins  sensible,  est,  par  cela  même, 
"^lus  susceptible  d  en  recevoir  les  influences  modifioalrices 
avec  tout  l'avantage  désirable.  Des  accidents  ne  manquent  pas 
d'être  déterminés  par  les  imprudents  qui  fument  ou  avalent 
de  trop  grandes  quantités  de  i»/*.  Les  Arabes  ont  pour  principe 
de  faire  aussitôt  vomir  à  l'aide  de  l'eau  chaude  ;  d'autres  admi- 
nistrent de  suite  des  chorbet  (limonades)  peu  sucrés  ;  dans  les 
cafés  maures,  on  se  contente  de  faire  approcher  du  patient  la 
musique  bruyante,  qui  monte  promptement  ses  effets  étourdis- 
sants au  summum  d'intensité,  et,  la  plupart  du  temps,  l'im- 
pression transmise  au  cerveau  par  un  tel  vacarme  suffit  pour 
dissiper  tout  malaise.  Dans  plusieurs  cas,  j'ai  administré  avec 
avantage  de  Tinfusion  de  café  prise  abondamment  et  par  gor- 
gées. —  Il  est  encore  des  Arabes  qui  se  procurent  un  certain 
degré  d'ivresse  extatique  en  avalant  des  pilules  confectionnées 
avec  des  feuilles  de  bendj  (jusquiamc)  bien  pilées  ;  la  poudre, 
légèrement  humectée,  est  roulée  on  globules.  Les  effets  de 
cette  préparation  se  rapprocheraient,  dit-on,  du  sommeil 
lourd  do  l'opium.  Quelques  Indigènes  usent  aussi  d'un  mad- 
joun  (pàlo)  dans  leijïjel  entre  le  howzaqa  («trychnps  nux 


—  373  — 

vomica).  Od  retrouve  encore,  dans  cette  coutume  plus  grave< 
le  besoin  particulier  aux  peuples  orientaux  de  rechercher 
activement  toutes  les  substances  capables  de  déterminer  une 
insensibilité  plus  ou  moins  complète  et  des  modifications  pro- 
fondes dans  rétat  habituel  du  système  nerveux.  On  n'oubliera 
pas,  du  reste,  qu&  c'est  aux  Arabes  que  remonte  le  premier 
emploi  de  la  noix  vomique  à  litre  de  médicament.  La  tradition 
musulmane  aurait-elle  conservé  à  Tusage  de  cette  substance 
une  v(^ue  ancienne  et  méritée  ? 

Ikmii,' Mohanmed,  trouvant  l'ivrognerie  trop  répandue^ 
inspire  à  ses  prosélytes  de  Tàversion  pour  le  vin  et  les  liqueurs 
fermentées  ;  puis  les  docteurs  musulmans  les  proscrivent  d'une 
manière  absolue.  Qu'y  ont-ils  gagné?  Lé  besoin  national 
d'un  stimulant  quelconque  remplace  ces  substances  enivran- 
tes par  Topium,  le  tabac,  le  hachïch;  ces  matières,  en  effet, 
devinrent  très  en  vogue  dans  les  premiers  siècles  de  l'bégyre. 


La  soif  est  tellement  pénible  dans  un  pays  chaud,  que  le 
Koran  en  a  fait  un  des  supplices  réservés  aux  méchants  qui 
peupleront  l'enfer  : 

«  Ils  n*y  goûteront  ni  la  fraîcheur,  ni  aucune  bolssou,  s!  ce  n*est 
Feau  bouillante  et  le  pus...  ;  vous  boirez  de  Teau  bouillante  comme 
boit  un  chameau  altéré  par  \^  loif  (1).  t 

Si  elle  est  littéralement  dévorante,  surtout  quand  TArabe 
doit  supporter  la  chaleur  extrême  de  l'été  et  dans  le  Sud,  elle 
a  cependant  une  condition  de  moins  pour  se  faire  sentir  dans 
les  autres  saisons,  c'est  que  le  mauvais  mode  de  chaufiage 

(O  Ch.  LVI,  y.  54  ;  ch.  LXXVm,  ▼.  a4. 


-  374  — 

habituel  ne  permet  jamais  à  Tair  intérieur  des  habitations 
peu  closes  de  se  dessécher  au  point  d*exciter  la  soif.  L'ali- 
mentation épicée  de  llndigène  ne  lui  cause  poini  un.  vif 
besoin  de  boisson,  comme  on  pourrait  le  penser;  c'est  qua  les 
condiments  activant  la  digestion  dans  les  contrées  chaudes, 
l'estomac  ne  demande  pas  autant  de  liquides  pour  les  impré- 
gner. D'ailleurs,  grand  nombre  d'Arabes  mangent  beaucoup 
ûe  fruits  aqueux  à  leurs  repas.  Tenons  compte  Clément  du 
peu  d'activité,  de  l'indolence  de  la  vie  sédentaire,  du  peu 
d'abus  que  l'Indigène  fait  généralement  de  la  parole  :  toutes 
circonstances  qui  rendent  les  occasions  de  boire  moins  nom- 
breuses, bien  moins  impérieuses.  Les  Arabes  redoutent  les 
eaux  glacées,  celles  qui  résultent  de  la  fonte  des  neiges.  L'état 
de  grande  transpiration  est  pour  eux  une  contr'indîcalion  à 
86  gorger  d'eau  :  ils  se  contentent  de  se  rincer  la  bouche  et 
de  s'ablutionner  le  visage  en  entier.  Ils  supportent  cependant 
moins  bien  la  soif  que  la  faim.  Dans  TAtlas,  les.habitants  pré- 
viennent et  combattent  la  soif  en  mangeant  les  fruits  du 
prunus  insititia.  Dans  le  désert,  on  a  coutume  de  sucer  un 
oignon  et  d'avaler  un  peu  de  beurre  fondu.  Le  Saharoui  boit 
beaucoup  moins  que  le  Kabyle  et  le  Tellien.  Le  proverbe 
arabe  dit  : 

o  Geluf  qui  boit  ne  doit  pas  respirer  dans  Jo  vase  où  est  la 
boisson  ;  il  doit  l'ôter  de  ses  lèvres  pour  reprendre  haleioe»  et 
ensuite  il  peut  recommencer  à  boira...  Lorsque  vous  buvez  de 
Teàu,  buvez-Ià  à  petits  traits,  p 

Ce  sont  là  de  bons  conseils  de  propreté  et  d'hygiène. 

L'Arabe  paraît  friand  de  nos  liqueurs  alcooliques,  l'absinthe 
principalement.  L'eau-de-vie  qu'il  fabrique  avec  les  dattes,  îi 
El  Aghaouat,  passe  pour  avoir  un  goût  exquis.  Dans  le  Sud, 
le  palmier,  vieux,  improductif,  qu'on  appelle  alors  djebbar, 
dont  les  branches  supci'ieures  ont  été  coupées  et  la  tête 
(djonmar)  percée  d'un  trou  latéral  dans  lequel  on  introduit 


3MW 
/o  — 

ensuite  un  roseâu  en  guise  de  robinel,  produit  42  à  45  litres 
par  jour  d'une  sève  appelée  agmi;  le  goût  en  paraît  agréable, 
un  peu  acide,  analogue  à  celui  de  notre  orgeat.  Douée  de 
propriétés  très  rafraîchissantes  quand  elle  est  récente,  elle 
devient  enivrante  pour  peu  qu'on  la  laisse  fermenter,  et  cette 
liqueur  capiteuse  [kichem)  rappdle  alors  assez  bien  notrccidre. 
Les  Indigènes  poussent  la  fermentation  assez  loin  pour  obtenir 
du  vinaigre.  —  Lorsque  les  habitants  des  oasis  veulent  obtenir 
toutes  les  jouissances  de  Tivresse,  ils  mettent  quelques  heures 
dans  Vagmi  plusieurs  graines  de  harmel  (rue)  nouées  dans 
unpetitchiffon.  La  liqueur  devient  tellement  forte,  mousseuse, 
que  souvent  elle  casse  les  vases  qui  la  contiennent.  J^ai  vu 
plusieurs  cas  de  cette  ivresse  qui  n'est  nullement  malfaisante, 
et  consiste  plutôt  en  une  grande  gaieté,  que  dans  une  atteinte 
profonde  aux  fondions  cérébrales.  • 

Les  Arabes  broyenl  la  pulpe  sucrée  du  fruit  du  jujubier 
(*«rfr'^ après  en  avoir  enlevé  les  noyaux;  puis  ils  ajoutent  de 
l'eau  en  quantité  suffisante,  ce  qui  produit  une  boisson  assez 
désaltérante,  mais  très  difficile  à  conserver  fraîche. 

L'habitant  des  plaines,  outre  l'eau  des  sources,  des  rivières, 
consomme  beaucoup  de  lait  aigre,  après  le  repas  surtout.  Cette 
boisson  facilite  beaucoup  la  digestion  desèsalimens  farineux. 
La  recherche  instinctive  de  ces  divers  liquides  stimulants, 
malgré  la  défense  religieuse  de  leur  emploi,  prouve  assez  leur 
nécessité  dans  un  climat  chaud  et  humide;  les  Arabes  préten- 
'  dent  que  la  jusquiame  a  l'avantage  d'exciter  les  désirs  véné- 
riens. —  Nous  avons  déjà  parlé  de  leur  habitude  d'user  du 
hachich,  produit  bien  moins  cïter  pour  le  peuple  que  l'opium 
et  les  liqueurs  alcooliques.  Quant  à  la  noix  vomique,  voici  ce 
que  nous  venons  de  lire,  dans  l'ouvrage  de  M.  Olivier  :  «On  a 
souvent  distribué  dans  ces  mêmes  cafés  [en  Perse)  un  breuvage 
beaucoup  plus  fort,  beaucoup  plus  enivrant  (que  le  chanvre)  ; 


il  était  fait  ar<c  Ua  k^iihi  H  l^  âiKnimi»  do  chanfre  onin 
naire,  aoqoel  mi  aj>utaii  aa  pra  -if  n:ii  r^^îqîje.  La  loi  qui 
permet  ou  tolère  les  aatrrsbf^QTaçes.  a  tonjoarsdéfenda  odai- 
d,  en  pQBUsaDt  da  J^niiersapplioe  cea\  qoi  le  di$tribvaîeot 
et  enii  qoi  le  prvfQaieDt  I  .  » 

I>ï  calé,  mot  tiré  da  toic  iaoH ^.  fat  défeodo  par  qoelqoes 
l^isles  ma^ulmans,  à  caase  de  Fabui  qu*on  en  fit  après  sa 
découverte  ;  il  o'a  été  définitivement  toléré  dans  les  mœurs 
pq>alaire3  que  sons  Sélim  1^  17*  siècle).  Des  manoscrits  de 
la  bibliothèque  impériale  indiqueraient  qu*il  éSaiten  usage  en 
Orient  dès  875.  -*  En  95i  de  Thégyre  (4538  de  J.-C.),  àii  on 
écrirain  arabe,  pendant  que  beaucoup  de  gens  étaient  assem- 
blés au  mois  de  Ramâdhan  et  qu'ils  prenaient  le  café,  le  com- 
mandant du  gué  les  surprit  et  les  chassa  des  boutiques  igno- 
minieusement. Ils  passèrent  la  nuit  dans  la  maison  du  sous 
bachi,  et  le  lendemain  matin,  ils  furent  relâchés,  après  avoir 
reçu  chacun  dix-sept  coups  de  bâton.  »  —  Le  café  [qahoua), 
cette  universelle  boisson  musulmane,  compagne  inséparable 
du  tabac  avec  lequel  elle  constitue  deux  puissantes  distrac- 
tions et  jouissances  de  TArabe  (2],  est  très  riche  en  principes 
alimentaires,  par  conséquent  très  saine  dans  un  pajs  aussi 
chaud  où  il  éveille  le  sens  génital  et  nourrit  tout  en  combattant 
la  stupeur  et  la  congestion  cérébrale  déterminées  par  la  nico- 
tine et  une  haute  température.  Une  fois  torréfié,  TArabe  se 
conU.»nle  de  concasser  le  café,  ce  qui  conserve  aux  petits  mor- 
ceaux leurs  molécules  huileuses  et  aromatiques  :  il  le  fait  en- 
suite bouillir,  cl  lu  verse  dans  une  petite  tasse  où  il  repose  et 
laisse  tomber  son  marc.  A  peine  Tlndigène  le  sucre-t-il.  11  en 
prend  d'habiludr  plusieurs  fois  de  suite,  mais  à  des  intervalles 

f\     I  (0  ^V***  **"*'  f'^'^P''^  Ottoman,  t.  fil',  p.  iSg. 

!     j  (t)  «  ffif  téif*  de  eaffet  «ne  pipt  de  ta^/ontmn  r/gat  eamptft {Pnrêrhe  TàÈit).  «  «  £r 

r^f»  0it  U  bpiiiomdti  amis  de  Dieu,  te  *in  gui  diitipa  lot  ht   chagri$u,  et  /•  gardiamit   de  A». 

i*#i#r  a*9K  son  parfum  mnfjHc  et  ta  imifrur  d'enrrt  fiftfin).  i. 


10 


-  377  - 

plus  ou  moins  longs.  Celte  manière  de  préparer  le  café  par 
décoction,  ne  parait  pas  lui  ôter  beaucoup  de  son  parfum  habi- 
tuel. Cette  boisson  est  un  excellent  remède  contre  Tinappér 
tence  et  les  embarras  gastriques  ;  avec  la  diète,  elle  constitue 
Tun  des  premiers  moyens  auxquels  recourt  l'Arabe  Ao»  qu'il 
se  sent  un  peu  gravement  indisposé. 

Les  Indigènes  usent,  dans  les  villes  principalement,  de 
rinfusion  de  quelques  plantes  aromatiques,  d'une  petite  herbe 
a  fleur  blanche  qu'ils  appellent  thëy,  etc. 

L'Arabe  ignore  les  moyens  de  purifier,  de  désinfecter  les 
eaux.  J*ai  indiqué,  dans  mon  Rapport  sur  le  choléra  (4), 
l'emploi  de  Teau  chez  certaines  tribus  du  Sud,  sous  la  forme 
hydrothérapique. 


Soit  par  insouciancci  soit  plutôt  par  généralisation  de  la 
malpropreté  qui  entache  si  fortement  les  mœurs  de  Tindolent 
Arabe,  les  parties  génito-urinaires  sont  chez  la  plupart, 
surtout  chez  les  femmes,  privées  des  soins  particuliers  que 
réclame  la  santé  et  qu'ordonne  la  religion.  Si  la  barbare  pra- 
tique de  la  circoncision  a  pu  dipainuer  Tamas  des  matières 
sébacées  entre  le  prépuce  et  le  gland,  les  impuretés  sécrétées 
par  la  muqueuse  ou  déposées  à  la  surface  et  dans  les  replis  du 
filet  à  la  suite  du  coït,  ne  laissent  pas  que  de  provoquer,  par  la 
négligence  apportée  à  leur  disparition,  une  odeur  souvent 
infecte.  Il  n'est  pas  rare  de  trouver,  principalement  chez  le 
sexe  féminin,  l'état  le  plus  repoussant  des  organes  de  }a 
génération.  Sans  rappeler  les  ablutions  lé{;ales,^>disons  que 
mille  formules  semblent  en  vogue  pour  assurer  à  ces  parties  cm 

(i)  LethoUru  en  jélgérie^  an»4es  1849,  rSSoct  18S1. —  Âlgmr,  1S6».  page  to3. 


—  3TH  — 

<^al  «le  propreté  eilrèuie.  t.-ar  IVau  froide  De*lécra$se  pas 
toujours  coriTenablemeDl;  dans  certains  cas,  le  fidèle  peut  en 

^  manquer,  et  n'aYt>îr  qu'un  liquide  saumÂlrepourla  remplacer. 

Le  plus  Udité  lie  ces  oio^ens  consiste  à  faire  un  mélange  de 

^  *;_/  miel  et  de  bile  de  bœuf  finrarat-^l-t^jnr);  on  en  frictionne 
légèrement  tout  i  organe.  Les  Arabes  prétendent  que  celle 
composition  empêche  les  parties  de  retenir  aussi  facileniênt 
que  de  coutume  les  impuretés  de  tonte  nature. 

>'ous  avons  déjà  parlé  de  Tonanisme  :  ajoutons  que  la  fré- 
quence des  vers  intestinaux  est  peut-être  une  cause  prédispo- 
sante aux  escès  pernicieux  de  cette  habitude»  dont  les  effets 
se  trouvent  prévenus  en  partie  par  la  précocité  des  mariages. 
y    /A.  Quant  à  la  pression  exercée  sur  le  con tiet  par  les  rebords  du 

calot  souvent  épais  el  endurcis  par  la  crasse,  pression  qui, 
jointeaupoidsdetoute  la  coiffure,  s'exercerait  particulièrement 
sur  l'occiput  et  provoquerait  ainsi  la  Tréquence  des  érections, 
c'esl  une  question  difficile  à  résoudre. — k  Mariez-vous  jeunes, 
disait  Mohammed,  la  femme  fuit  la  barbe  blanche,  comme  la 
brebis  le  chacal.  »  Mais  quVnlenJre  par  le  mot  jeunes  ? 
•  Une  tradition  du  Prophète,  d'après  il.  Sale,  traducteur  du 

Koran,  aurait  fi\é  l'âge  des  unions  sexuelles  légales,  ou  de 
maturité  nuptiale,  à  15  ans;  et  Ahou-Hanefah,  un  com- 
mentateur, pensait  que  18  ans  était  le  moment  convenable. 
Combien  alors  nos  Arabes  sont  loin  de  l'application  de  ces 
sages  préceples  !  Il  fant  avouer  que  le  Prophèli»  lui-même,  en 
épousant  la  fille  d'Abou-Rekh  qui  n'avait  pas  encore  atteint 
sa  septième  année  (I),  donna  le  premier  le  mauvais  exemple, 
quoiqu'il  efil  soin  de  légiliiniT  ses  écaris  de  conduite  par  des 
révélations  parlicnli«''r(  s  de  la  divinité  à  litre  de  privilèges  en 
sa  faveur.  Les  Arabos  de  rAlgérie  épousent  souvent  de  jeunes 
filles  non  rét/lées,  ou  ayant  de  8  à  9  ans  à  peine.  «  Selon  IV 

^'i)  Pndexux,  f'/>  de  Mnhomti,  p.  Tf  et  S5. 


—  379  — 

pinion  générale,  dit  la  loi  musulmane,  râgeiie  copulalion  où 
de  nubîHlé  est  celui  de  neuf  ans  ;  avant  celte  époque,  la  con- 
ception est  légalement  impossible.  »  Ainsi  lalégislalion  confond 
deux  choses  :  Tapparition  de  la  nubilitéet  le  moment  opportun 
dé  la  copulation  et  de  la  gestation.  Elle  implique  la  nécessité, 
la  convenance  de  ces  actes  coïneidcmment  avec  les  premiers 
signes  du  développement  des  organes  aptes  à  les  consommer: 

Il  en  résulte,  comme  Montesquieu  Tobservc  fort  bien,  que 
les  femmes  «  nubiles  à  dix  ans  sont  vieilles  à  vingt  :  quand  là 
beauté  demande  Tempire,  la  raison  la  fait  refuser;  quand  la 
raison  pourrait  Tobtenir,  la  beaut(;  n'est  plus.  Il  est  donc  très 
simple  qu'un  homme  quitte  sa  femme  pour  en  prendre  une 
autre.  »  Les  funestes  conséquences  de  la  précocité  des  unions" 
sexuelles,  surtout  avant  Taptitude  complète  des  organes  géni- 
taux et  du  corps  à  en  supporter  les  fatigues  sans  danger  pour 
la  san!é,  ont  été  exposées  plus  haut  avec  assez  de  détails  pour 
qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  d'y  revenir.  Contentons-nous  de 
faire  remarquer  que  cette  pratique  paraît  commune  aux  pays 
chauds  (1).  En  Arabie,  quoique  les  filles  ne  soient  guère  nu- 
biles qu'à  douze  ans,  on  en  voit  quelquefois  que  l*on  marie  à 
l'âge  de  six  ans,  et  elles  demeurent  dans  le  harem  du  mari 
jusqu'à  ce  qu'elles  puissent  accomplir  l'acte  du  mariage  (2). 
—  Les  Coptes,  p\i  Egypte,  épousent  souvent  des  filles  de  six  à 
sept  ans.  —  Dans  leslndes,  il  en  serait  de  même,  car  les  jeunes 
filles  sont  nubiles  à  huit  ans,  et  accouchent  généralement 
l'année  suivante.  —  A  la  Mecque,  il  n'est  pas  rare  de  voir  un 
jeune  homme  de  quatorze  à  quinze  ans  épouser  une  jeune 


(i;  Il  faut  bien  rcmarqQcr  aussi  qnr  dans  les  pays  insalubres,  occupa  par  des  popvla- 
lions  diétivM.  malingres,  p«u  civilisées,  la  mort-ilité  étant  jplas  grande,  les  anariagM  doivti^ 
être  non  seolemcni  pins  nombreux,  mais  plu»  précoces.  C'est  ce  qui  explique,  en  partie, 
pciurquoi  TArabe  de  la  plaine  a  toujours  une  plus  forte  quantité  de  femmes,  comparatif  e* 
ment  au  citadin  maure  placé  dans  des  conditions  de  reasotarcea  dVxisteac»  bien   di£Mre«tes« 

(  a)  Kf/age  en  Jr^kh,  i»ar  Tâ^isisa,  t.  I,  p.  99. 


—  380  — 

ftlledehuità  dix  an»;  les  femmes  sont  vieilles  à  viogt-ciQq 
ans,  et  presque  décrépites  à  treole-cinq  (4).  —  Aux  Maldives, 
les  filles  se  marient  à  dix  et  onze  ans  (2).  —  Aux  Indes,  à 
BûDtam,  c*est  à  treize  ou  quatorze  ans  (3).  —  On  se  rappelle 
sans  doute  que  les  Romains  ne  permettaient  point  les  fian- 
çailles avec  de  jeune&  filles  ayant  moins  de  dix  ans  révolus. 
La  douzième  année  était  con^dérée  comme  l'époque  de  la  pu- 
berté et  du  mariage.  —  Après  tous  ces  faits,  quelques  auteurs 
persisteront-ils  à  croire  que  les  climats  chauds  n'avaneeni 
point  rage  de  la  nubilité  ? 

Dans  tous  les  pays,  les  motifs  qui  guident  Thenime  dans  le 
choix  d*une  épouse  n*ont  point  généralement  pour  base 
principale  la  convenance  des  caractères,  la  proportionnalité 
des  âges,  des  tempéraments,  etc.,  toutes  circonstances  qui  ont 
cependant  la  plus  grande  influence  sur  la  race  et  le  bien-être 
domestique,  r^hez  les  peuples  Orientaux,  où  la  femme,  ne 
participant  point  à  la  vie  publique,  offre  bien  moins  d'occa- 
sions d'exciter  des  passions  personnelles,  c'est  aux  talismans, 
à  l'imagination^  à  toutes  tes  facettes  de  l'illusion  qxre  Thomme 
demande  la  révélation  de  son  futur  bonheur.  L'Arabe  ¥a 
trouver  le  tahb  réputé  pour  tirer  de  bons  horoscopes,  il 
l'interroge  sur  sa  bien-aimée  encore  inconnue,  sur  la  nature 
de  son  bordj  (c'est-à-dire  fort,  maison  do  zodiaque).  Le  devin 
fait,  en  sa  présence,  un  hhaseb  (compte)  particulier,  sorte  de 
tableau  à  sept  cases  dont  chacune  correspond  à  une  prophétie 
particulière.  Ainsi,  par  exemple,  si  le  produit  de  toutes  les 
lettres  de  certains  noms,  chiffrées  suivant  une  valeur  de  con- 
vention, dépasse  le  nombre  7  d'une  unité,  c'est  dans  le  bordj 
n®  \  que  le  taleb  puise  les  éléinenls  de  ses  révélations.  Or,  ce 
bord)  n°  1  est  bordj  mtà  chems,  c'est-à-dire  le  bordj  du 

(a)  Rt^.dafOnMt,  décembre  i838»  p.  ^l^. 

(9^  r^jrmg»!  Je  F^mMf.  Picaré,  eh.  XII. 

Ci)  Rec:ieii  des  vojnges  q .-/  »at  s<r>i  à  f'étaMsttmeiit  dt  tm  Cotyi.  dts  Imd»t. 


~  381   — 

soleil,  ce  qui  signifie  femme  jolie,  brave  femme,  aimant 
beaucoup  les  hommes  qui,  en  revanche,  ne  Taimeroni  guère  ; 
elle  rendra  son  mari  heiNreux;  ses  cheveux  sont  longs;  sa 
peau  est  blanche  comme  du  lait;  sa  bouche  presque  trop 
petite;  ses  jambes  grosses;  sa  figure  belle;  son  menton 
allongé  ;  elle  est  et  sera  sage,  fera  beaucoup  de  bien  k  sou 
mari  qui  ne  la  paiera  pas  de  i^our.  Elle  sera  aimée  des 
étrangers,  et  très  peu  ou  point  par  sa  famille...  elle  sera 
«lordue  par  un  chien,  etc.  —  Telle  est  la  substance  princi*^ 
f  aie  de  Thoroscope  dont  le  tcUtb  énumère  emphatiquement 
chaque  particularité  avec  tout  le  coloris  brillant  dv  langage 
oriental  ;  et  pour  donner  i  sa  communication  plus  ou  moins 
hasardée  la  consécration  irréfutable  aux  yeux  de  tout  musul- 
man, il  termine  gravement  :  «  Allak  ialem  l  )»  c'est-à-dire, 
Dieu  sait  tout.  —  Le  futur  époux,  qui  n'a  dès  lors  rien  i 
répliquer,  se  retire  le  cœur  épanoui,  rêvant  déjà  à  tous  tes 
tréèors  physiques  d'une  compagne  qu'il  n'a  jamais  vue,  qu'il 
connaît  à  peine  par  ouï  dire,  et  il  s'empresse  de  conclure.... 
toujours  par  procuration,....  une  union  que  la  justice  légalise 
aujourd'hui,  quitte  à  la  défaire  demain. 

Les  excès  vénériens  entraînent  de  grandes  pertes  nerveuses» 
moins  graves  au  défaut  pour  l'Arabe  dont  le  système  aerveur 
«st  moins  sensible,  mais  quj,  trop  souvent  répétées,  détermi^ 
nent  à  la  longue  chez  lui  des  spermatorrhées  incurables,  des 
affections  organiques  de  la  vessie  et  des  reins.  Les  nombreuses 
maladies  de  Tappareil  génital  de  la  femme  reconnaissent  sans 
aucun  doute  pour  cause  principale  la  fréquence  des  rappro- 
chements sexuels  qui  exalte  si  rapidement  la  sensibilité  des 
organes  de  la  reproduction.  La  misère  qui  sévit  généralement 
sur  la  population  ne  pousse  déjà  que  trop  les  Indigènes  i 
chercher  dans  le  coït  leur  unique  distraction  à  des  privations 
continuelles.  Il  est  utile  toutefois  de  remarquer  un  fait  qui 
frappera  tous  ceux  qui  questionneront  à  ce  sujet  les  femmes 


—  382  — 

Arabes,  les  Mauresques,  etc.  ;  c'est  la  chasteté,  si  Too  peut 
s'exprimer  ainsi,  ffue  les  ^ndlcjènes  ^les  deux  sexes  apportent 
dans  les  relations  génitales.  Ces  rapports  sont  extrêmement 
réservés  :  ni  Thomme  ni  la  femme  ne  font  descendre  leur 
intelligence  jusqu'aux  calculs  honteux  de  la  débauche  qui 
signalent  les  habitudes  des  nations  plfês  civilisées.  Ce  raffine- 
ment de  corruption  qui  pervertit  vilement  les  lois  et  les 
instincts  naturels,  ne  dégrade  point  les  mœurs  arabes,  n'altère 
point  la  pureté  du  sentiment  sympathique,  irrésistible,  qui 
rapproche  les  sexes;  el,  d'autre  part,  la  santé  individuelle  n'a 
point  généralement,  chez  nos  Indigènes,  à  supporter  pénible- 
ment les  fatigues  nerveuses,  les  terribles  secousses  qui  suivent 
toujours  de  coupables  manœuvres.  La  femme  arabe,  il  faut  le 
dire  à  sa  louange,  qu'elle  soit  fille,  ou  épouse,  ou  prostituée, 
fait  commerce  de  son  corps,  mais  sa  pensée  ne  calcule  point 
un  raffînement  de  volupté,  son  intelligence  ne  se  rend  point 
coupable  Je  la  lubricité  dépravée  d'un  travail  charnel.  S'il 
faut  en  croire  Nieburh  (1),  c<  la  pudeur  des  Arabes  ne  leur 
permet  pas,  de  nos  jours  encore,  de  parler  des  organe:> 
génitaux  tuême  en  se  servant  des  expressions  les  moins  propres 
à  choquer  l'oreille.  »  —  Lorsque  l'opération  de  la  taille  est 
nécessaire  chez  les  femmes,  disait  Aburkascnij  il  faut  appeler 
une  matrone,  parce  qu'il  n'est,  dans  aucun  pays,  permis  à  un 
homme  de  jeter  les  yeux  sur  les  organes  génitaux  du  sexe.  — 
Nous  avons  toujours  remarqué,  ontr'autres  localités  à  Biskra, 
où  la  prostitution  se  recrutait  de  quelques  belles  filles  du  Sud, 
que  les  Arabes  qui  les  visitaient  séjournaient  chez  elles  juste 
le  temps  d'accomplir  Tacte  matériel.  Rarement  on  voit  les 
Indigènes  •  chercher  à  stimuler  les  organes  génitaux  par  des 
orgies,  des  débauches,  des  excès  de  boissons  fermentées  ou 
alcooliques;  si  des  fails  contraires  sont  signalés,  ils  se  passent 


—  383  — 

sous  des  ÎDspiralioDs  isolées,  en  cadielle,  comuie  nous  le 
verrons  plus  loin  ;  et,  pour  ce  qui  concerne  les  femmes,  c*esl 
une  dépravation  exceptionnelle  que  le  contact  d'Européennes, 
plus  malheureusement  expérimentées,  a  pu  apprendre  à 
qu6lq4]es  Mauresques. 

.  Il  a  été  dit  ailleurs  que  la  passion  réelle  de  Tamour  tour- 
mente peu  les  Arabes  ;  malgré  toutes  les  poésies  colorées  et 
ardentes  qu'on  trouve  dans  quelques-uns  de  leurs  chants,  et 
qui  remontent  en  général  à  une  époque  plus  ou  moins  reculée 
ou  ont  été  importées  de  contrées  musulmanes  moins  illettrées, 
les  considérations  précédentes  nous  semblent  venir  à  Tappui 
de  cette  opinion.  L'habitude  de  la  sodomie,  que  les  Ar^ibes 
pratiquent  absolument  avec  le  même  instinct,  le  même  besoin 
que  le  coït,  n'en  serait-elle  pas  une  autre  preuve? 

Le  rapide  examen  du  texte  de  la  loi,  en  ce  qui  concerne  la 
médecine  dans  ses  rapports  avec  les  dispositions  judiciaires,  a 
faitégalement  voir  que  toute  copulation  commencée  doit  être 
terminée,  sous  peine  de  péché.  En  effet,  Tacte  incomplet  du 
coït  fatigue  bien  davantage  en  empêchant  l'accomplissement 
régulier,  normal,  de  la  fonction.  Mais,  d'un  autre  côté,  cette 
sage  recommandation  de  l'autorité  religieuse  n'aurait-elle  pas 
eu  pour  but  également  de  modérer  la  fréquence  des  rappro- 
chements sexuels  en  favorisant,  par  la  copulation  complète, 
la  naissance  d'un  plus  grand  nombre  d'enfants?  Evidemment, 
la  multiplicité  des  naissances,  dans  ce  dernier  cas,  doit  enga- 
ger les  Arabes  à  mettre  un  frein  à  cette  fureur  charnelle,  que 
M.  Devay  a  si  bien  dépeinte  par  le  nom  d'onanisme  conjugal. 
■:*-  *  Il  vous  est  permis,  a  dit  le  Prophète,  de  vous  procurer, 
avec  de  l'argent,  des  épouses  que  vous  maintiendrez  dans  les 
bonnes  mœurs  et  en  évitant  la  débauche....  Ceux  qui  se  main- 
tiennent dans  la  chasteté  et  n'ont  de  commerce  qu'avec  leurs 
femmes,  seront  dans  les  jardins  du  paradis....  Il  vous  est 
permis  d'épouser  les  filles  honnêtes  des  croyants  ;  vivez  chas- 


i4 


—  384  — 

tement  avec  elles,  ne  commetlez  point  de  fornication,  et  ne  Ie9 
prenez  point  pour  concubines,  etc (4).  »  Outre  ces  exhor- 
tations à  la  chasteté  conjugale,  Mohammed  s'est  fortement 
élevé  contre  radnllèrc  :  «  Si  vos  femmes  commettent  l'action 
infâme,  appelez  quatre  témoins  ;  si  leurs  témoignages  se  réu- 
nissent contre  elles,  enfermez-les  dans  des  maisons  jusqu'à  ce 
que  la  mort  les  visite  ou  que  Dieu  leur  procure  un  moyen  de 
salut....  Evitez  l'adultère,  car  c'est  une  turpitude  et  une  mau- 
vaise route....  Les  femmes  impudiques  sont  faites  pour  les 
hommes  impudiques  ;  les  hommes  impudiques  sont  faits  pour 
les  femmes  impudiques....  Heureux  sont  les  croyants  qui 
évitent  toute  parole  déshonnête,  qui  savent  commander  à 
leurs  appétits  charnels  et  qui  bornent  leur  jouissance  k  leurs 
femmes  ;  mais  celui  qui  porte  ses  désirs  au-delà  est  transgrès- 
seur....  (2).  »  Sous  le  gouvernement  du  dernier  Dey  d'Alger, 
c'est  au  cap  Matifoux,  près  de  cette  dernière  ville,  que  les 
fçmmes  convaincues  d'adultère,  les  filles  publiques  surprises 
en  relation  avec  un  Juif  ou  un  Chrétien,  étaient  renfermées 
dans  un  sac  et  jetées  à  la  mer  par  les  agents  du  mixouard 
(chef  de  police). 

Quant  aux  mesures  sanitaires  à  prendre  pendant  l'époque 
menstruelle,  elles  se  trouvent  résumées  dans  les  ablutions 
légales  et  le  verset  suivant  :  «  Ils  t'interrogeront  sur  les  règles 
des  femmes;  dis-leur  :  c'est  un  inconvénient.  SépareE-vous  de 
vo$  épouses  pendant  ce  temps,  et  n'en  approchez  que  lors- 
qu*elles  seront  purifiées  (3).  » 

Les  tristes  conditions  du  mariage  n'amènent  que  trop  faci- 
lement de  gr«s  nuages  dans  les  rapports  des  époux  ;  les  coups, 
les  contusions  sont  le  partage  quotidien  de  jeunes  femmes  que 
le  despotisme  le  plus  barbare  traite  en  esclaves  dégradées.  La 

(i)  Koran.ch.  IV,  v.  a8  j  ch.  LXX,  v.  19  ;  ck.  V»  r.  7. 

(«)     Id.,     ch.  IV,  r.  19  ;  ch.  XVII,  r.  34  ;  ch.  XXIV,  v.  16  ;  ch.  XXIII,  y.  i,  3,  5,  ele. 

(3)      Id.,     ch.  II.  V.  SX». 


—  38»  — 

loi,  qui  prévoyait  bren  cette  douloureuse  mais  inériiable  cou-* 
séquence  de  la  polygynie,  a  pris  les  dispositions  suivantes  : 
«  Lorsqu'une  femme  méconnaît  ce  qu'elle  doit  de  respect,  dfe 
soumission  à  son  mari,  le  mari  lui  fera  des  exhortations  et  des 
remontrances  ;  quand  il  n'obtiendra  pas  d'amendement,  il 
exclura  cette  femme  du  lit  marital  ;  à  défaut  de  succès  encore, 
il  la  battra,  s1l  pense  que  ce  moyen  violent  puisse  être  utile  et 
la  ramener  au  bien.  Les  coups  ne  doivent  produire  ni  fracture, 
ni  blessure,  ni  contusion  sérietise  [\).i^  Tout  commentaire 
devient  inutile  en  présente  de  droits  aussi  violents,  aussi 
injustes  ;  on  conçoit  toute  l'influence  pernicieuse  qu'ils  doi- 
vent exercer  sur  la  santé  de  la  femme  en  particulier. 

La  polygynie  a  le  grave  inconvénient  d'amener  une  vieil- 
lesse précoce  et  un  degré,  plus  ou  moins  complet,  d'impuis- 
sance prématurée.  Aussi  les  Indigènes  fatiguent-ilsles  médecins 
français  de  demandes  constantes  de  substances  qui  puissent 
réveiller  l'énergie  des  organes  générateurs.  La  loi  musulmane 
indique  elle-même  le  but  de  l'ablution  avant  le  coït,  à  titre 
d'agent  tonique  et  devant  prévenir  l'épuisement  consécutif, 
d'autant  plus  sensible  ou  certain  que  l'acte  est  plus  souvent 
répété.l«  A  défaut  d'eau,  la  lustration  pulvérale  (sable  ou 
terre)  avant  la  copulation  n'est  point  indiquée,  car  cette  o-j> 
lustration  n'a  pas  l'effet  qu'on  se  propose  par  la  lustration  par 
l'eau,  c'est-à-dire  quelle  ne  produit  pas  Vexcitation  co»r 
venable  pour  le  coït  (2).  »  Voilà  donc  clairement  expliqués,^ 
d'une  part  le  but  essentiel  ^s  ablutions  qui  à  titre  de  tonique 
général  tiennent  tant  de  place  dans  la  loi  religieuse  des 
Arabes,  et  de  l'autre,  l'effet  bien  positif  de  l'eau  sur  l'énergie 
des  organes  générateurs  affaiblis  par  la  polygamie. 

Il  y  a,  dit-on,  en  Egypte,  à  Assouân,  un  hospice  spécial 

(i)  Si  Kktiili  du  Mariage,  ch.  V.  »ect.  i5«. 
(>)  Si  KMil  :  du  Mariage,  vbap.  I,  ftccUon  8*. 


—  386  — 

pour  la  castration  des  petits  eofants  dont  le  vice-roi  fait  des 
cadeaux.  «  Ce  ne  sont  point,  affirme  H.  Hamont  (4),  les 
Musulmans  qui  ôtent  aux  enfants  des  Abyssins  ou  des  Nègres, 
les  attributs  de  Thomme  ;  les  châtreurs  sont  des  Coptes; 
et  des  Européens,  dans  le  Soudan,  ont  fait  concurrence 
à  ces  misérables.  »  —  Et  cependant,  «  de  Tavis  général,  la 
^iîi,-  I  castration  de  l'homme  est  défendue  dans  l'islamisme  (2).  » 
Ces  paroles  du  commentateur  sont  l'écho  du  148*  verset  du 
chapitre  lY  du  Koran  : 

«  Que  la  malédiction  de  Dieu  soit  sur  lui.  Il  a  dit:  Je  m*empare 
d^une  certaine  portion  de  tes  serviteurs;  je  les  égarerai,  je  leur 
iDJ^pirerai  des  désirs,  je  leur  ordonnerai  de  couper  les  oreilles  de 
certains  animaux  ;  je  leur  ordonnerai  cValtérer  la  création  de 
Dieu.  » 

Il  est  évident,  d'après  les  expressions  employées  dans  celle 
sourate,  que  Mohammed  entend  parler  de  la  castration  des 
esclaves  que  pratiquaient  les  Arabes  idolâlres.  Cette  affreuse 
coutume,  née  dans  4es  sables  de  l'Afrique,  en  Ethiopie,  en 
Lybie,  considérée  par  quelques  personnes  comme  analogue  à 
la  circoncision  des  adultes,  fut  certainement  inspirée  par  la 
jalousie  à  l'égard  de  ceux  qui  avaient  mission  de  garder  et  de 
surveiller  les  femmes.  Il  est  peu  probable  qu'elle  ait  eu  pour 
but  d'empêcher  les  hommes  faibles  et  malsains  de  faire  dégé- 
nérer les  races.  Elle  pouvait  tout  au  plus  être,  chez  les  prêtres, 
un  moyen  de  supporter  plus  facilement  le  célibat.  Quoique 
condamnée  par  le  Koran,  les  anciens  chirurgiens  Arabes  la 
pratiquaient,  mais  seulement  dans  les  cas  de  maladies.  Je  ne 
sache  point  qu'aucun  fait  de  castration,  n'importe  dans  quel 
but,  ait  été  signalé  chez  les  Arabes  depuis  l'occupation  fran- 
çaise de  1830. 

La  stérilité  est  un  cas  de  divorce.  Il  en  était  de  même  chez 

(i)  L'Egjpt€  tous  Méhemet- Ali,  \.  I.  p.  36o. 

(i;  Sidi  Khrfif,  ck.  V.  Du  mariagt,  spcl.  lo,  p.  4o6. 


—  387  — 

les  anciens,  à  Sparte  par  exemple.  La  position  sociale  des 
femmes  arabes  se  tj^ouve  réellement  malheureuse  et  pénible.  Si 
d'un  côtéelles  tardent  à  manifester  l'aptitude  à  concevoir,  elles 
ont  la  répudiation  en  perspective;  si, d'autre  part, elles  devien- 
nent enceintes,  elles  se  voient  spectatrices  obligées,  pendant 
plusieurs  mois,  des  caresses  conjugales  adressées  de  préférence 
à  une  de  leurs  rivales.  Entre  ces  deux  situations,  elles  ne  trou- 
vent qu'une  planche  de  salut,  Tavorlement  I 

Dès  que  le  fœtus  a  été  séparé  de  la  mère  par  la  déchirure  du 
cordon,  on  l'enveloppe  dans  un  haïk,  dans  des  morceaux  de 
bernouss,  puis  on  lui  malaxe  le  crâne.  Le  sein  lui  est  immé- 
diatement présenté.  Les  femmesarabesnourrissent  elles-mêmes 
leurs  enfans;  mais  les  fatigues  et  les  travaux  domestiques  les 
empêchant  souvent  de  les  alimenter  d'une  manière  régulière, 
elles  chargent  temporairement  de  ce  soin  une  voisine  ou  une 
amie.  De  cette  façon,  le  jeune  Indigène  se  trouve  avoir  sucé  le 
lait  de  plusieurs  femmes  du  douair,  de  la  dechera,  et  il  n'en 
appartient  que  plus  complètement,  il  n'en  reste  que  plus 

attaché  à  sa  tribu  natale.  «  La  durée  de  deux  ans  et  deux  ou    \ _. 

trois  mois  est  le  temps  pendant  lequel   Penfant  se  nourrit    \^^}^ 
d'abord  exclusivement  de  lait  ;  à  cette  limite,  il  ne  peut  pas     ; 
encore  s*en  passer  entièrement  (1).  y^  La  misère,  la  privation     ' 
des  choses  nécessaires  à  la  vie,  qui  pèsent  si  lourdement  sur 
la  population  Arabe,  expliquent  sans  doute  la  longue  durée  de 
rallailement.  L'ignorance  dos  remèdes  propres  à  guérir  les 
Dorobreuses  indispositions  qui  attaquent  les  jeunes  enfants 
presque  tous  élevés  dans  les  conditions  d'insalubrité  et  de 
malpropreté  les  plus  graves,  peut  également  faire  penser  aux 
mères  comme  aux  législateurs  que  le  lait  est  sinon  l'unique, 
du  nioins  le  meilleur  moyen  de  calmer  les  souffrances  de  ces 
petits  êtres.  Mais  les  femmes  arabes  ne  réfléchissent  guère 

(0  SiJi  Khèlît,  t.  III»  chap.  X.p.  m. 


-  388  — 

qu'un  peu  de  bouillie  avec  de  la  farine  sérail  moins  nuisible 
aux  nourrissons,  qu'un  lait  si  sou?ent  altéré  dans  sa  qualité  et 
saquantitépar  lespéniblesconréesdomestiqueset  la  satisfaction 
des  brulales  passions  d'un  mari  despote.  L'insuffisante  nutri'^ 
tivité  (le  ce  lait  appauvri  par  tant  de  causes  a  sa  large  part 
dans  la  pathologie  et  la  mortalité  de  la  première  enfance,  et 
doit  singulièrement,  parla  faiblesse  organique  qull  entraine, 
aider  au  développement  des  maladies  héréditaires.  Et,  d'autre 
part,  cette  lactation  prolongée  sans  motifs,  pratiquée  sans 
principes  de  modération,  selon  les  caprices  de  Tenfant  et  les 
exigences  de  la  condition  sociale  de  la  femme,  ne  sera  pas 
sans  action  pernicieuse  sur  la  santé  de  celle-ci  qui  ne  prend 
du  reste  aucune  précaution  pour  elle-même  à  l'époque  du 
^_,^  sevrage.  Il  faut  aussi  tenir  compte  de  l'influence  d'un  aussi 
mauvais allaitementsur  lessuitesde l'accouchement;  beaucoup 
d'affections  de  matrice,  d'bémorrhagies  utérines,  n'ont  point 
d'autre  origine. 

if  Si  le  nouveau-né  est  tourmenté  de  coliques  trop  fortes,  on 

[^  /  *^>*  '  le  gorge  d'huile,  ou  bien  on  lui  fait  prendre  le  sein  d'une 
voisine.  On  comprendqu'avecde  semblables  remèdes,  l'intestin 
se  débarrasse  difficilement  du  méconium.  Si  dans  les  premiers 
mois  de  la  vie,  le  nourrisson  ne  recherche  pas  volontiers  le 
^^*'  sein,  on  le  purge  en  lui  administrant  de  la  résine  de  hantit 
(ierula  assa-fœtida),  gros  comme  un  grain  de  blé  I 

Les  femmes  Arabes  ont  une  médiocre  quantité  de  lait.  Pour 
en  ranimer  ou  stimuler  la  sécrétion,  elles  frictionnent  les 
mamelles  avec  de  l'huile  bien  fraîche;  elles  boivent  le  matin 
^  du  suc  de  krats  (laitue)  dans  lequel  on  a  pilé  dn  bois  de 
àenedoq  (noisetier)  et  des  feuilles  d'aWaty  (ronce).  —  Dans  le 
voyage  à' El  Aiachi  (1),  on  voit  El  Kahina,  femme  qui 
commandait  dans  le  djebel  Aurefs  et  se  faisait  craindre  des 

(0  P«g«  >35. 


-A.A 


ce      I 

..jj 


—  389  — 

Berbères  et  des  Chréliens,  se  couvrir  les  seins  d'un  cataplasme 
de  farine  d'orge  cuite  dans  de  l'huile  ;  le  lait,  qui  avait  subi- 
tement tari,  ne  tarda  pas  à  reparaître.  —  Dans  le  Sahara,  on 
sèvre  beaucoup  plus  tôt  que  dans  le  Tell.  £n  général,  pour 
déshabituer  Tenfant  de  la  mamelle,  on  lui  fait  boire  un 
mélange  d'huile  et  de  miel.  Il  en  résulte  une  diarrhée  qui  a 
l'inconvénient  de  beaucoup  Taffaiblir.  ^ 

/  i(  Le  coït  avec  ou  sans  éjaculation  séminale  régulière  est 
permis  avec  la  femme  qui  allaite.  Le  Prophète  a  dit  :  «  J'eus 
rinteiitioû  de  défendre  le  coU  avec  la  femme  pecidanl  Tallai-  y< 

temenl,  jusqu'à  ce  que  j'appris  que  les  Grecs  et  les  Perses 
pratiquent  ce  coït  sans  qu'il  en  résulte  rien  de  nuisible  pour 
leurs  e^AuMs.  »  Le  Prophète  jugeait  dans  sa  pensée  que  ce 
coït  n'était  pas  exempt  d'inconvénients  pour  le  nourrison  (1  ). 
Et  il  n'avait  point  tort  ;  mais  nos  Ai*^bes  sont  d'un  avis  tout'' 
différent;  et  ce  qui  prouve  bien  qu'ils  s'occupent  fort  peu  de  la 
double  influence  du  rapprochement  sexuel  sur  la  grossesse  et 
sur  Tallaîtement,  c'est  que  les  couches  coup-sur-coup  sont 
assez  fréquentes  chez  les  femmes  indigènes.  Do  reste,  les 
dërangemenrtsqui  apparaissent  si  souvent  dans  lamenstniatioo, 
dans  la  sécrétion  laiteuse  ou  lochiale  et  deviennent  le  germe 
de  beaucoup  d'affections  utérines,  indiquent  suffisamment 
combien  la  femme  arabe  néglige  d'habitude  tout  ce  qui  con- 
eeme  l'hygiène  de  ces  diverses  fonctions.  Elles  ont  de  bien 
singulières  coutumes  à  ce  sujet.  Ainsi,  dans  les  villes,  quand 
elles  ont  leurs  règles,  elles  vont  au  bain  maure,  et  à  la  fin  de 
la  séance,  elles  s'ablutionnent  vivement  et  copieusement  les 
parties  sexuelles  avec  de  l'eau  très  froide  ;  cette  pratique  aurait 
pour  but  d'activer  l'écoulement  menstruel.  Les  femmes  des 
tribus  connaissent  également  cette  propriété  des  liquides 
froids. 


(0  SiKMil,  t.  m,  clMp.X,p.  i>9. 


LIVRE  IIL 

MÂLA.DIES  ET  MÉDECINE 

OES  ARABES  OE  Ij'AL«ÉlftIE. 


.  La  palhologie  du  toubibe  Arabe  se  ressent  profondément  de 
son  ignorance  complète  en  anatomie  et  en  physiologie.  Toute 
maladie  se  trouve,  pour  lui,  localisée  dans  un  symptôme 
apparent,  qu'elle  aie  un  point  de  départ  éloigné  ou  non.  Le 
traitement  est  dirigé  selon  les  mêmes  erremeos  :  au  lieu  d'at- 
taquer la  cause  du  mal,  TArabeen  poursuit  obstinément  les 
effets.  Tout  ici  accuse  la  pénurie  complète  de  la  plus  vulgaire 
observation.  C'est  de  Tempirisme  brut.au  premier  chef^  Peu 
importent  la  nature  particulière  de  l'affection,  son  origine 
réelle,  sa  cause  déterminante,  son  alliance  avec  un  principe 
généralisé,  spécifique,  etc.;  il  n'y  a  jamais  qu'une  formule  de 
traitement  invariable  pour  tous  les  cas  donnés,  et  transmise 
parla  fidèleetimmuable  tradition,  ou  conseillée  par  l'expérience 
de  quelques  vieillards  de  la  localité  ou  savants  du  pays.  Pas  un 
toubibe  n'a  observé  la  marche  des  maladies,  les  phénomènes 
di^-ers  qu'elles  peuvent  présenter  dans  leur  développement. 


-  394   — 

leur  terminaisoD,  leurs  complications,  suivaol  telle  ou  telle 
circonstance;  aussi  point  de  pronostic.  D'ailleurs,  les  médecins 
d^un  peuple  fataliste  pourraient-ils  logiquement  s'occuper 
d'un  jugement  quelconque  sur  le  cours  et  l'issue  d'une  affec- 
tion? «  Allah  ialem  (Dieu  sait  tout)  I  )>  Voilà  leur  manière 
moins  embarrassante  et  peu  compromettante  de  porter  un 
pronostic,  a  Incli  a//a/e  (s'il  plaît  à  Dieu),  »  constitue  une 
autre  formule  habituellement  employée,  et  qui  offre  du  moins 
quelque  consolation  au  patient. 

Toute  épidémie,  toute  maladie  qui  attaque  on  même  temps 
dans  une  localité  ou  dans  une  certaine  zone  topologique  un 
grand  nombre  d'individus,  se  dit  AaAouAa  (peste)  :  telle,  la 
petite  vérole»  la  coqueluche,  le  choléra,  etc.  —  Un  nom  gêné-' 
rique  désigne  d'habitude  les  affections  variées  d'une  même 
région;  ainsi  :  meurdk  es-sala  (maladie  de  la  toux)  caractérise 
les  affections  de  poitrine;  oudjà  Ibethen  (douleur  de  ventre) 
indique  toute  souffrance  abdominale,  n'importe  à  quelle 
cause,  à  quel  organe  elle  se  rapporte  ;  oudjà  rass  (douleur  de 
tête),  la  céphalalgie,  qu'ellesoit  hemi-crânienne,  névralgique, 
qu'elle  affecte  le  cerveau,  les  tégumens  épicrâniens,  elc.  — 
Elbeurd  (le  froid)  se  rapporte  à  toute  douleur  générale  soit 
rhumatismale,  soit  syphilitique,  soit  causée  par  un  état  plétho- 
rique, et%  —  Toute  affection  de  peau  sans  tumeur,  se  dit 
hazaza  (dartre)  ;  —  Toute  tumeur  se  dénomme  hhabb  si  elle' 
est  petite,  deumla  si  elle  parait  grosse,  mais  sans  autre  indi- 
cation sur  sa  nature,  son  contenu,  son  siège.  —  L'urine  ne  - 
coulc-t-iîUe  plus  parles  voies  ordinaires?  c'est  un  tsaqqaf  $1  . 
bout  (mot-à-mot  :  bouchement  de  l'urine),  n'importe  la  cause, 
cystite,  rétrécissemenlurcthral,paralysiedelavessie,  calcul,  etc. 

Bou,  qui  signifie  mal,  père,  précède  souvent  le  nom  de  la 
région  souffrante;  ainsi  bou-djeneb  (mal  de  côté)  indique  le 
point  pleurétique.  Ce  mode  de  dénomination  semble  le  plus 
généralement  employé;  cependant  les  Ard>e8 dooneol  aum'' 


-  392  — 

quelques  expressions  particulières  aux  affections  les  plus 
communes,  cKaprèsles  circonstances  suivantes.  1^  La  région  : 
oudjà  ceqla  (douleur  des  flancs)  se  rapporte  à  toute  maladie 
localisable  dans  les  hypocliondres  ;  —  i?  l'harmonie  imitative: 
ainsi  ielesles  indique  la  grenouillette,  ce  mot  rappelant  asses 
bien  le  caractère  particulier  de  Tarticulation  des  sons  dans 
cette  affection;  lecroup  sedit€(;a((/(i  (poule)  ou /aroui(;  (coq), 
selon  rintensité  de  la  maladie  qui  donne  à  la  voix  de  la 
ressemblance  avec  le  cri  de  ces  volatiles;  —  39  l'idée  générale 
de  la  lésion  de  Torgane  :  Tasthmeja  dyspnée  se  Aiîenidhiqet 
tl  nefs  (rétrécissement  de  la  respiration)  ;  Tapoplexie  est 
appelée  noqta  (goutte),  parce  que  l'on  suppose  qu'une  goutte 
de  sang  montant  subitement  au  cerveau  suffit  pour  déterminer 
la  mort;  Thypochondrie,  gkachïet  el  qalb  (les  syncopes  du 
cœur)  ;  —  4®  la  ressemblance  avec  certains  objets  :  les  vers 
ascarides,  doud  el  kara,  c'est-à-dire  les  vers  de  la  courge;  — 
le  bec  de  lièvre,  foumm  el  djemel,  c'est-à-dire  la  bouche  du 
chameau;  —  5^  l'analogie  avec  une  maladie  de  certains 
animaux  :  la  variole  confluente  de  l'enfant  se  nomme  djidri 
Ighenami  (c'est-à-dire  variole  de  mouton), et  la  variole diaciéte 
djidri  beuggri  (c'est-à-dire  variole  de  vache),  parceque  les 
Arabes  prétendent  avoir  observé  que  ces  animaux  sont  plus 
spécialement  attaqués  de  l'une  ou  de  l'autre  de  c$f  variétés; 
6^  le  symplome  le  plus  constant  :  le  squirrhe  ourmÊm 
mohadjar  (l'enflure  pierreuse);  —  la  phthisie,  meurdh 
requiqa  (la  maladie  de  la  minceur);  l'angio-leucite,  bou 
êbahha  (le  père  du  chapelet),  à  cause  des  nodosités  sous- 
cutanées;  —  7*"  rage  des  malades  :  l'acné,  hhabb  el  chebab 
(le  bouton  du  jeune  garçon);  la  phthisie,  meurdh  ex  xcine  (la 
maladie  du  joli  garçon);  —  8**  enfin  la  couleur  :  la  cyanose, 
jneurdh  laxreug  (la  maladie  bleue);  hhamoura  (rougeur)  tou- 
tes les  éruptions  rubéoleuses  de  iapeau;  dot^Jd/ra  (mal  jaune)» 
mturdk  ssafra   (la  maladie   jaune),  ssfar  (la  jaunisse), 


-  393  — 

s^appliquent  à  toute  affection  qui  s'accompagne  de  teinte 
paille  de  Tipiderme,  ictère,  syphilis,  choléra,  etc. 

Toutes  les  connaissances  d*anatomie  pathologique  se  résu- 
ment en  ce  mot  :  façad  (gâlemcol);  il  indique  que  Torgane  ne  jX^^ 
fonctionnait  plus  parce  qu'il  était  gâté,  L'Arabe  n'en  sait  pas 
plus  long.... 

Toute  humeur,  toute  sécrétion  morbide  se  dit  :  ma  (eau),  à 
moins  que  ce  ne  soit  du  pus  [keihh],  —  L'accès  d'une       ^ 
maladie  est,  littéralement,  un  coup(rfAeria).  Celui  qui  tombe    V^^ 
promptement  malade  s'appelle  medhrob  bi...  (frappé  par....). 

L'ignorance  complète  en  névrologie  se  décèle  en  pathologie  ; 
la  paralysie  d'un  organe  s'exprime  par  le  mot  mat  (il  est 
mort)  ;  ainsi  l'hémiplégie,  nousshou  mat  (sa  moitié  est 
morte),  etc. 

Inutile  de  nous  étendre  davantage  sur  le  spécimen  d'une 
si  pauvre  nomenclature  nosologique  ;  mais  il  était  important , 
d'en  avoir  une  idée,  parce  que  quand  un  Arabe,  interrogé  sur 
sa mltladie,  aura  répondu  :  «  Oudjd  Ibethen (mal  de  ventre)»  , 
piKl^tnf>p)ç^quelies  que  soient  les  mille  questions  que  vous 
luifnressîëz  sur  le  siège  précis  de  sa  souffrance,  sur  son 
inteniité,  «ur  son  caractère,  etc.,  il  vous  redira  toujours 
«  Xhuljd  Ibethen,  »  ne  comprenant  pas  que  vous,  toubibe^ 
ynmê'^jez  besoin  d'explications  pour  connaître  la  nature  de  sa   \ ,. 
maladie.  Aux  yeux  de  l'Indigène,  vous  êtes  un  homme  inspiré      ^' 
de  Dieu,  un  devin  ;  les  interrogations  doivent  donc  être  inutiles    ■': 
de  votre  part.  Une  fois  la  région  de  la  souffrance  dénommée,    ^ 
«vous  devez  savoir  et  indiquer  de  suite  le  remède.  Avec  de  tels 
éléments,  M  médecine  chez  les  Arabes  n'est  pas  chose  facile. 
Il  m  est  de  même  quand  ils  demandent  un  médicament;,  ils  le         %^ 
,  font  delà  même  façon  qu'ils  achètent  un  objet  à  un  marchand. 
,  ils  ne  covjprenneatfoint  que  le  toubibe  puisse  demander  Tu-        l 
sage  qu'ils  comptenl^lui  donner,  encore  moiàs  qucle  médecin. 


-  3Ôt  - 

et  Te  vendeur  se  permettent  la  moindre  explication  sur  le  but 
de  remploi.  <(  J'ai  tel  mal,  »  dans  la  bouche  de  l'Arabe,  signi- 
fie :  «  Indique-moi  mon  remède  ;  »  et  réciproquement  : 
«  Donne-moi  tel  médicament  y>  veut  dire  :  «  J'ai  telle  mala- 
die, »  parce  qu*il  est  convaincu  que  le  seul  énoncé  d'une 
maladie  ou  d'une  substance  suflilau  médecin  pour  indiquer  el 
délivrer  le  médicament,  ou  pour  avoir  une  idée  neUe  de  l'af- 
fection à  laquelle  il  s'appliquera.  Si,  sans  mot  dire,  l'homme 
de  l'art  donne  de  suite  le  remède  ou  s'empresse  de  soulager  les 
souffrances,  il  gagne  toute  l'estime,  toute  la  confiance  de  son 
client  indigène;  si,  au  contraire,  parle  peu  d'habitude  du 
commerce  des  Arabes  ou  par  un  scrupule  de  conscience  pour 
bien  connaître  le  mal  dont  il  s'agit,  il  entre  dans  quelques 
détails,  qu'il  soit  bien  certain  de  faire  naître  dans  Tesprit  de 
l'Arabe  un  doute  rapide  sur  son  propre  savoir,  sur  son  mérite, 
sur  son  véritable  caractère  de  toubibe.  Celui-ci,  d'ailleurs, 
•  dont  l'intelligence  est  peu  habituée  à  l'examen  des  influences 
qui  peuvent  modifier  la  santé,  s'obstinera  à  ne  point  satisfaire 
sa  curiosité,  à  répéter  incessamment  le  même  nom  de  maladie, 
à  toujours  montrer  le  même  endroit  douloureux,  à  solliciter 
le  même  remède,  etc. 

Avec  de  l'habitude,  du  coup-d'œil,  une  certaine  pratique  de 
la  médecine  chez  les  Arabes,  une  certaine  connaissance  de 
leurs  mœurs,  de  leurs  préjuges,  les  difficultés  réelles,  îirtié- 
renles  à  d'aussi  mauvaises  conditions  pour  connaître  les 
causes  et  la  nature  des  maladies,  se  trouvent  de  beaucoup 
diminuées;  et  comme  il  faut  avant  tout,  du  moins  nous  le 
croyons  fermement,  faire  de  la  médecine  politique  et  non 
exclusivement  de  la  médecine  individuelle,  il  est  toujours 
facile  de  satisfaire  ces  trop  discrets  clients  en  distribuant 
quelques  drogues  inoffensives,  en  cas,  bien  entendu,  de  doufè 
réel  sur  l'affection  dont  ils  demandent'a  être  débarrassé»; 
L'esRPntiH,  cVst  Àe  contenter  celte  nature  inquiète  el  bornée. 


—  3^0  — 

c'est  de  lui  prouver  que  les  Français  coonaissenl  et  possèdent 
des  médicaments  pour  toutes  les  maladies.  Nos  compositions 
pharmaceutiques,  quelles  qu'insignifiantes  qu'elles  puissent 
être  parfois,  ont  toujours  au  moins  autant  de  valeur  et  cer- 
tainement plus  d'innocuité  que  les  amulettes  et  pratiques  peu 
rationnelles  de  leurs  guérisseurs.  Et  d'ailleurs,  en  les  distri- 
buant, n'avez-vous  pas,  comme  eux,  la  commodité  de  vous 
retrancher,  en  cas  d'insuccès,  derrière  un  «  in^h'  Allah  (s'il 
plaît  à  Dieu),  »  et  de  vous  défendre  ultérieurement  avec  un 
<f  mekioub  (c'était  écrit)  (i).  » 

N'espérez  jamais,  non  pins,  qu^un  Arabe  comprenne  l'uti- 
lité de  se  mettre  à  un  régime  quelconque  tant  que  l'appétit  est 
ooDservé  et  la  déambulation  possible.  Médicamentez-le  tant 
qne  vous  voudrez,  ou,  plutôt,  tant  qu'il  voudra,  mais  ne  pensez 
point  l'empêcher  de  manger  à  son  aise.  Quand  l'instinct  ou 
l'acuité  de  la  souffrance  ne  le  lui  indiquent  point,  ce  serait 
impossible.  Mis  à  la  diète  dans  nos  hôpitaux,  sans  que  le  mal 
l'oblige  absolument  à  cette  nécessité,  il  sollicite  immédiate- 
ment sasortie,  et  il  se  sauvera  plutôt  que  de  subir  Tordonnance 
de  la  faim  permanente.  Traité  à  domicile  avec  les  mêmes 
errements  médicaux,  il  courra  consulter  un  autre  toubibe.Ces 
détails  sont  importants  à  connaître  pour  quiconque  est  appelé 
à  soigner  les  maladies  des  Indigènes. 

N'oubliez  pas  que  vous  ne  devez  jamais  proposer  ni  exécuter 
aucune  opération  sanglante,  chez  un  Musulman,  le  mardi,  à 
moins  d'une  extrême  nécessité.  L'Arabe  croirait  ses  jours  com- 
plètement compromis,  s'il  osait  la  subir  un  pareil  jour.  Plus 
d*une  fois,  des  Indigènes  m'ont  refusé  de  laisser  renouveler  le 
pansement  de  leurs  plaies,  à  ce  sujet. 

(i)  On  ne  «aurait  croire  la  profonde  influence  qu'u  sur  la  TÎe  entière  du  Mutolnuin  celte 
expreniou,  d'oM  cfacoce  tonte  faUliste.  —  Ua  u/mm  (Mraat),  ooqoel  Boiuparte  detaandaiC 
si  le  Koren  parlait  de  U  p<mdre  à  canoo,  répondit  :  Certaioement,  le  Prophète  a  dA  en 
parler;  et,  û  noos  ne  Vj  trovfMis  pas,  c'est  que  nou«  ne  «avons  pas  intwpréter  couvnia^ 
Mreieat  le  livr«  ào»  llTrtt.... 


—  396  — 

Un  autre  fait,  saillant  dans  les  relations  des  Arabes  avec  les 
médecins  français,  et  qui  se  rattache  à  ce  qui  a  été  dit  plus^ 
haut,  c'est  l'habitude  de  demander  un  remède  pour  un  ami^ 
un  frère,  un  parent  ateents.  «  Mais,  penserez-vous  ou  direz- 
TOUS  de  suite,  il  faudrait  voir  ce  malade,  juger  de  la  gravité  de 
son  affection,  de  sa  nature,  m'éclairer  sur  son  tempérament, 
son  âge,  ses  maladies*  antérieures,  etc.;  je  ne  puis  faire  de  la 
bonne  médecine  par  procuration,  etc.,  etc.;  »  ce  sera  tout>à- 
fait  inutile.  L'Arabe,  lui,  croit  que  la  médecine  est  une  pure 
et  simple  connaissance  de  quelques  drogues  applicables  à  tort 
et  à  travers  dans  un  certain  nombre  de  dérangements  plus  ou 
moins  graves  de  la  santé.  Demandez  plutôt  à  ses  marabouts 
(prêtres],  à  ses  tolbas  (savants),  à  ses  toubibtê  (médecins), 
aux  nombreuses  commères  de  chaque  endroit,  aux  charlatans 
et  aux  empiriques  qui  exploitent  si  bien  la  crédulité  et  l'igno- 
rance musulmanes.  Ontr-ils  jamais  besoin  de  voir, de  constater, 
d'apprécier  le  mal,  eux  dont  la  science  est  infuse,  toute  devi- 
natoire,  et  procède  des  inspirgliins,  des  révélations  de  Dieu  ? 

L'ignorance  de  l'Arabe,  dans  les  propriétés  des  substances 
médicamenteuses,  constitue  encore  un  grand  obstacle  à  la 
curabilité  de  ses  affections.  Il  vous  présentera  une  mdadie 
externe,  et,  ne  pouvant  comprendre  que  vous  arriviez  à  la 
guérir  par  des  remèdes  intérieurs,  il  vous  retirera  sa  confiance. 
Ce  qu'il  fa nt,  cVst  un  médicament  palpable,  attaquant  visi- 
blement le  mal.  — -  Autre  fait  :  Lui  accordez-vous  un  remède, 
il  le  prend  volontiers  ;  mais  si,  à  ladeuxièmeou  à  la  troisième 
dose,  sa  maladie  n'a  point  disparu,  l'incrédulité  la  plus  soup- 
çonneuse s'empare  de  votre  client,  et,  persuadé  que  Dieu,  ne 
voulant  point  encore  qu'il  guérisse,  n^a  rien  inspiré  aux  ton- 
bibes  pour  son  rétablissement,  il  vousqnille  pour  retourner  à 
ses  amulettes,  à  son  marabout.  Cette  considération  n'est  pas 
de  mince  importance  ;  elle  indique  la  nécessité  de  traiter  les 
affections  des  Arabes  par  des  moyens  énergiques  et  prompts 


—  397  — 

tout  à  la  fois.  Leur  confiance  illiùiilée  dans  le  kina  (nom 
qu'ils  donnent  au  sulfate  de  quinine)  n'a  pas  d'autre  origine 
que  la  merveilleuse  propriété,  qu'ils  lui  ont  unanimement 
reconnue,  de  couper  rapidement  la  fièvre.  —  «  Ikheredj 
Ihheumtnafi  reumchet  el  aine  (il  chasse  la  fièvre  en  un  clin- 
d'œil),  »  suivant  leur  expression.  C*estle  même  motif  qui  leur 
fait  si  fréquemment  recourir  à  l'application  du  feu  dans  près*- 
que  toules  leurs  maladies.  Le  chloroforme  fera  révolution  dans 
leurs  idées. 

Nous  avons  déjà  vu  que  le  fatalisme  outré  des  Musulmans 
les  entraine  forcément  à  attribuer  un  grand  rôle  au  djinn 
(génie,  esprit  malfaisant]  dans  la  production  des  maladies.  li 
faut  y  ajouter  une  autre  cause,  parfaitement  admise  chez  eux  : 
c'est  le  vent  (er-rihh),  analogue  à  notre  froid  et  chaud  dans 
certains  cas;  dans  d'autres,  à  des  influences  de  constitution 
atmosphérique  particulière. 

Les  maladies  héréditaires  sont  assez  nombreuses.  On  objec- 
tera peut-être  que  toute  constitution,  née  malingre  ou  devenue 
chétive  dans  les  premières  années  de  la  vie,  s'éteint  prompte- 
ment  sous  le  coup  des  privations  de  toute  nature  et  par 
l'absence  de  soins  ra4ionnels  ;  mais,  si  la  rareté  de  laphthisie, 
de  la  scrofule,  du  rachitisme,  peuvent  tenir  à  cette  cause  d'é- 
mondation  constante  de  la  population,  d'autres  affections  doi« 
vent  leur  paisible  propagation,  leur  silencieux  développement, 
à  la  subtilité  de  leur  virus  occasionnel  ou  à  leur  peu  d'in- 
fluence grave  sur  la  santé  des  jeunes  enfants  :  telles  sont  la 
syphilis,  les  affections  cutanées,  etc.  Ce  n'est  guère  qu'àTépo- 
que  des  unions  sexuelles  que  la  précocité  de  ces  dernières,  le 
peu  de  proportionnalité  d'âge  des  époux  et  les  fatigues  inhé- 
rentes à  cette  nouvelle  condition  favorisent  l'actif  développe- 
ment des  conditions  pathologiques  transmises  par  l'hérédité. 

«  Lti  maladie  vient  à  cheval  et  s'en  retourna  à  pied,  »  dit 


—  398  — 

TArabe;  mais  il  ne  f^itrien  de  logique  pour  empêcher  que  ce 
proverbe  n*ait  constamment  raison.  Prières,  supplications  à 
rÊlre-Suprême  pour  qu'il  daigne  mettre  un  terme  àTinfluence 
morbifique  des  djenounes,  rien  ne  lui  coûte  et  ne  saurait 
fatiguer  sa  patience.  Il  n'est  cependant  pas  insouciant  de  ses 
souffrances;  Tinstinct  de  conservation,  qui  veille  chez  tous  les 
êtres,  le  mène  droit  au  traitement  par  les  amulettes.  Vous  le 
trouverez  sloîque,  apathique,  soit  ;  mais  n*oubliez  pas  son  ex- 
trême ignorance.  La  superstition  n'est  qu'un  moyen  commode 
pour  lui  de  la  déguiser  et  de  se  faire  des  illusions.  La  preuve, 
c'est  que, pour  les  maladies  externes,  il  suitavecempressement 
les  médications  les  plus  en  vogue  dans  la  localité  ou  chez  ses 
voisins;  pour  les  affections  internes,  ne  sachant  pas  où  siège 
le  mal,  quelles  sont  les  doses  et  les  propriétés  des  médicaments 
à  lui  opposer,  il  est  obligé  de  se  jeter  à  corps  perdu  dansTex- 
pectalion  déguisée  en  résignation  aux  décrets  du  Tout-Puis- 
sant. «Dieu  est  meilleur  médecin  que  les  hommes,  »  répète-t-il 
alors,  suivant  un  de  ses  proverbes  consolateurs. 

De  telles  dispositions  morales  et  nationales  (4)  sont  fort  re- 
grettables, en  cas  d'épidémie  par  exemple,  et  il  conviendrait, 
pour  les  combattre  efficacement,  de  mettre  souvent  sous  les 
yeux  de  la  population  musulmane  l'exemple  et  les  paroles  de 
quelques-uns  de  ses  princes,  ramenés,  par  le  bon  sens  et  le 
progrès  de  la  civilisation,  à  de  tout  autres  sentiments.  Voici, 
par  exemple,  ce  qu'écrivait  publiquement,  en  183S,  le  Pacha 
d'Egypte  à  J.  Effendi,  à  l'occasion  des  ravages  de  la  peste  au 
Caire  et  à  Alexandrie  : 


(i)  Lors  de  l'invasion  du  choléra  à  la  Mecque,  en  t83i»  la  première  peoaée  qui  se  pré- 
venu fui  que  celte  maladie  était  la  pcsic;  mais  les  u/émas,  les  cheikhs,  et  m*mc  les  médtcins 
musufmans  re))oassèrrnl  noanimement  cette  idée,  en  se  rappelant  cet  article  da  Koran  qui 
dit  que  la  pestt  a  été  pour  toyourt  exilé*  des  tainU  lieux  per  te  Prophète»  et  pt'eUe  m*/ pourro 
Jmmais  rentrer  (Lettre  de  M.  Mimait,  consul-général  de  France  en  B^rpte.  t.  VI  Ae»Jmmmiei 
tl'kjrgiine  piiblijuet  i83r,  page  477)- 


—  399  — 

«  Le  méconteDtement  des  habitants  d^AIexandrie  contre  les 
mesures  sanitaires  provient  de  l€^ur  ignorance.*..  L^adoptlon  de  ces 
mesures,  que  les  préceptes  de  notre  Religion  nous  permettent, 
n'ont  pour  but  que  le  bien-être  général.  Puisque  la  peste  est  une 
calamité  provenant  de  la  volonté  divine,  fuir  la  colère  du  Seigneur 
pour  recourir  ^  sa  miséricorde  n'est  pas  contraire  à  notre  noble 
Religion;  et,  comme  notre  situation  actuelle  est  au  nombre  des 
périls,  rhomme,  en  les  évitant,  ne  transgresse  en  rien  les  ordres 
de  la  Providence....  S'il  fallait  transcrire  toutes  les  prophéties  et 
|outes  les  traditions  qui  se  rapportent  aux  précautions  légitimes 
dans  ces  circonstances,  le  recueil  en  serait  trop  grand.  Des  hommes 
simples,  en  suivant  leurs  notions  vulgaires,  sans  savoir  distinguer 
le  bien  du  mal,  veulent  abandonner  aux  ravages  de  ^la  peste  une 
ville  aussi  grande  qu'Alexandrie  1  L'escadre^  les  hôpitaux,  les  arse- 
naux, qui  ont  su  s'en  garantir  en  observant  les  règles  sanitaires, 
ne  sont-ils  pas  une  preuve  évidente  de  leur  efficacité  ?...  Bien  que 
certains  individus,  dépourvus  d'intelligence  et  incapables  de  com- 
prendre la  clémence  divine,  affectent  de  mépriser  les  précautions 
nécessaires  à  leur  conservation,,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qui] 
serait  inhumain  de  les  abandonner  à  leurs  égarements,  et  il  est  du 
devoir  du  gouvernement  de  veiller,  autant  qu'il  est  en  son  pouvoir, 
à  leur. salut....,  etc.  » 

le  médecin  des  Affaires  larabes,  qu'il  se  trouve  en  tournée 
chez  les  Indigènes,  ou  que  ceux-ci  viennent  le  consulter  au 
chef-lieu  du  Cercle,  sera  étonné  de  constater  bien  plus  de 
maladies  chroniques  que  d'affections  aiguës.  C'est  que,  pour 
l'Arabe,  toute  indisposition,  de  quelque  nature  qu^eHe  soit, 
peut  et  doit  être  négligée  quand  elle  ne  cause  aucune  douleur 
par  trop  insupportable,  et  qu'elle  ne  met  aucun  obstacle  aux 
principales  fonctions  de  l'économie,  résumées  surtout,  à  ses 
yeux,  dans  l'important  acte  de  la  digestion.  Il  ne  se  dérange 
donc  d'habitude,  pour  venir  demander  un  conseil  médical, 
qu'autant  que  des  affaires  d'intérêt  l'amènent  dans  votre  loca- 
lité. Cette  négligence  au  début  des  indispositions  a  une  in- 
fluence immense  sur  la  santé  publique,  en  ce  qu'elle  favorise 
puissamment  la  propagation  des  affections  contagieuses,  leur 


—  AOO  — 

tendance  à  rbérédilé,  qu'il  eut  été  parfois  facile  d'arrêter  et 
de  conjurer  à  la  première  apparition  symptomattque.  Elle 
forme  ensuite  une  preuve  évidente  et  irréfutable  que  si  la 
médecine  est  reconnue  apte  à  modifier  intimement  la  triste 
civilisation  actuelle  du  peuple  arabe,  elle  n'y  parviendra  qu'en 
allant  directement  à  lui  :  attendre  qu'il  vienne  à  nous,  oe  se- 
rait perdre  un  temps  précieux. 

Il  faut  bien  tenir  compte,  dans  le  traitement  des  Arabes, 
qu'ils  ont  besoin  de  doses  de  médicaments  qui  nous  paraî- 
traient énormes  pour  un  Européen.  Ils  les  supportent  d'ail- 
leurs fort  bien  ;  les  qualités  particulières  de  leur  système 
nerveux,  moins  sensible,  en  donnent  une  suffisante  explica- 
tion. J^ai  vu  nombre  d'Indigènes,  au  sortir  de  la  saignée, 
manger,  se  promener,  monter  à  cheval,  vaquer  à  leurs  affaires 
et  occupations,  sans  le  moindre  inconvénient.  Plusieurs  fois, 
des  Arabes  auxquels  j'avais  donné  des  pilules  d'opium  pour 
se  soigner  chez  eux,  en  ont,  volontairement  ou  non,  avalé 
quatre,  cinq  et  même  sept  ensemble,  sans  que  leur  santé  s'en 
soit  le  moins  du  monde  trouvée  dérangée. 

On  s'est  demandé,  avec  raison,  si  la  promptitude  d'action 
de  nos  remèdes  en  général,  chez  les  Arabes,  ne  s'expliquerait 
point  par  la  simplicité  habituelle  et  la  nature  peu  excitante 
de  leur  alimentation,  par  les  conditions  favorables  dans  les- 
quelles se  trouvent  des  constitutions  vierges  de  tout  traitement 
antérieur,  par  une  placidité  morale  inséparable  de  leurs  idées 
fatalistes  et  dont  l'eiFet  principal  serait  de  ne  point  troubler 
l'action  des  médicaments,  comme  cela  se  passe  sous  Tinfluence 
du  système  nerveux,  si  mobile,  si  tourmenté  des  nations  plus 
civilisées.  On  a  enfin  pensé  que  la  rapidité  de  cicatrisation  de 
leurs  plaies  tenait  ù  une  réaction  plus  forte,  à  un  jeu  pour 
ainsi  dire  plus  compact,  plus  énergique  des  forces  vitales. 
Certes,  le  peu  de  sensibilité  de  l'Arabe  est  démontrée  par  la 


—  404  — 

facilité  avec  laquelle  il  supporie,  longtemps^  même,  U  dou»* 
leur,  la  faim,  les  privations,  les  fatigues  les  plus  rude^.  Vous 
en  rencontrez  couverts  de  plaies  ulcéreuses  énormes,  envahit^ 
sant  des  portions  considérables  de  membre  ou  du  tronc,  on 
cruellement  atteints  d'affections  oculaires  aiguës  et  chroni- 
ques; eh  bien,  ils  ne  disent  noot  et  n*en  continuent  pas  moins 
leurs  travaux,  leurs  courses,  avec  toutes  les  apparences  d'une 
insensibilité  complète.  Que  cette  impressionnabilité  peu  déve- 
loppée, que  nous  avons  déjà  signalée  dans  le  précédent  livre, 
soit  due  à  une  organisation  morale  et  à  un  état  particulier  de 
la  fibre  nerveuse  peu  irritable,  à  une  tranquillité  d'âme  po^Sr 
sée  dans  ses  dernières  limites  par  le  dogme  religieux,,  toujours 
est-il  que  l'Arabe  sent  moins  la  dQuIeur  que  l*£uropéen.  Cette 
condition  d*anasthésie  physiologique  constitue  sans  doute  la 
principale  cause  de  la  grande  facilité  avec  laquelle  ses  blés* 
sures  guérissent  (4),  et  de  la  résistance  plus  prolongée  qu'il 
oppose  à  Vactioo  des  principes  délétères,  épidémiques,  par 
exemple.  La  réaction  se  trouvant  maintenue  en  général  dans 
d'étroite$  limites,  Tinflammation  traumatique  et  ses  accidents 
consécutifs  se  montrent  rarement  :  de  là  une  promptitude 
remarquable  dans  la  guérison  d'un  grand  nombre  de  lésions 
chirurgicales  qui,  chez  nous  autres,  au  contraire,  nécessite- 
raient des  opérations  plus  ou  moins  graves.  Dans  les  fracas 
des  membres  par  armes  à  feu,  par  exemple,  vous  rencontre- 
rez rarement  ces  complications  du  coté  du  tube  digestif  et  des 
organes  encéphaliques  qui  d'ordinaire  trahissent  une  pro- 
fonde atteinte  de  l'énergie  vitale;  la  constitution  de  l'Arabe 
s'épuise  moins  facilement.  La  facilité  de  guérison  des  Indi- 
gènes est  un  fait  reconnu  par  tous  les  médecins  militaires 
français.  Dans  les  Hémoires  de  médecine  et  de  chirurgie  de 


(tj  Nous  Terrons  plus  Ioîd,  à  propos  du  Ckaner*  du  StJtwm»  que  \$%  pUiec  ne  guérissent 
plus  aossi  raciicment  dans  les  conditions  clinwtiriqaes  particulières  «a  Sud  de  nos  postes* 
sions  alg<^nei 


—  402  — 

Tannée  de  terre,  de  nombreux  exemples  en  ont  été  rappelés 
par  HH.  Bagré  (1830),  Debourges  (4835),  Giscard  (1836), 
Guyon  (4836),  Cuvellier  (48i1),  Yillamur  (4853),  etc.  ISous- 
même  en  avons  observé  de  très  intéressants  cas  chez  les 
Arabes  des  provinces  d*Alger  et  de  Gonslantine. 

Considérées  à  un  point  de  vue  général  et  comparatif,  les 
maladies  des  Indigènes,  surtout  les  affections  dites  endémo- 
épidémiques,  nécessiteraient  une  étude  du  sol,  de  la  topogra- 
phie proprement  dite,  de  la  population,  de  Torographio,  de 
l'hydrographie,  suivant  chaque  point  du  territoire  occupé  par 
notre  domination.  Mais  de  tels  documcns  n'existent  point, 
faute  d'une  centralisation,  soit  à  Alger,  sôit  à  Paris,  de  tous 
les  renseignemens  qu'ont  pu  et  que  pourraient  fournir  les 
médecins  détachés  prèsdes  Bureaux  arabes,  militaires  et  civils. 
Cette  institution,  dont  j'ai  déjà  fait  ressortir  toute  la  nécessité 
et  l'importante  utilité  dans  plusieurs  rapports,  notamment 
dans  un  travail  officiel  sur  l'organisation  de  la  Médecine  fran- 
çaise chez  les  Arabes,  a  été  plusieurs  fois  réclamée  par  l'autorité 
compétente.  La  scienceetrhumanitéenattendenlimpatîemment 
la  création.  —  On  comprendra  donc  nos  regretsde  ne  pouvoir 
présenter  ici  quelques  aperçus  statistiques  sur  la  fréquence 
ou  la  rareté  des  maladies  de  la  race  musulmane  de  TAIgérre. 
Nous  n'avons  trouvé  que  dans  le  Tableau  des  élablisscmens 
français  dans  la  colonie,  annuellement  publié  par  le  Ministère 
de  la  Guerre,  quelques  renseignemens  qui,  tout  incomplets 
qu'ils  soient,  pourront  être  utilisés  çà  et  là  pour  les  paragra- 
phes suivants.  Voici  ce  que  le  Nécrologe  d'Alger  nous  a  offert 
pendant  les  années  4839,  4844, 4842  et  4846,  en  ce  qui  con- 
cerne la  population  musulmane  : 


—  403  — 


ssissiÊSÊBss^aB 
MALADIES. 


Gastro-céphallte*  •  .  . 
Encéphalite.  .  .  •  .  . 
Fièvre  cérébrala  .  .  . 

Anichaûîdite 

Congestion  cérébrale. . 

Apoplexie; 

Fièvre  pernicieuse.  .  . 

Tétanos. 

Epilepsie. 

Paralysie. 

Convulsions. 

Accidents  dd  dentition. 

Névraîgîes 

Fièvre  ataiique 

—  adynamiqae.  .  . 
-T    typhoïde.  .  .  .  . 

—  mésentérique.  . 

—  bilieuse 

—  intermittente.  . 

—  catarrhale. .  • 

—  hectique.  .  .  .  . 

Marasme 

Muguet 

Aphtes.  ........ 

Hépatites. 

Ictères 

Gastro^hépatites.  .  .  . 

Gastrites 

Fièvre  gastrique.  .  .  . 

Carreau 

Hydropiaies. 

Péritonites 

Hernies  étranglées.  .  . 
Dyssenteries.  ...... 

Diarrbéeti 

Colites.  . 


1839 

1841 

1842 

184 

57 

• 

5 

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67 

6 

13 

16 

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3 

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10 

23 

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1 

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46 

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1 

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1 

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26 

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23 

» 

» 

1845 

» 

26 

» 
8 

23 
18 


10 


12 


27 


18 


59 
61 


-  404  - 


bialadus. 


Doodénites. 

Eotérites. 

Gastro-entérite^'*   .... 

—  splénites.  .... 

—  doodéoites.  .  •  . 

—  colHes. 

Affecliotïs  abdominales  Doo 

désignées - 

Péricardftes. 

Angine 

Croup 

Bronchite. ' 

Pleurésie 

Hydrothorax 

Pneumonie 

]ngripneuinonie. 

Phtbisie. 

Asthme.  ..•.••  .... 

Pétite-vérola 

Rougeole 

Erysipèle 

Gangrène 

OËdême 

Anasarque 

Scrofules. 

Rhumatismes 

Rachitisme 

Syphilis 

Néphrite 

Cystite 

Métrite. 

Métrô-ménîïiglte 

Métrorrhagîe* 

Avortement8 

Morts-nés 

Non-Yiabilité.'T' 


1839      laa      ^842 


12 
23 

» 


23 
3 
3 

52 

» 

17 

» 

112 
1 
2 
U 

» 
6 
7 

10 

» 


»  ' 

23 

138 

3 

8 

31 

» 

» 
1 

37 
2 

23 
32 
34 
A 
A 
5A 

3 
17 
3 
2 
» 
2 
5 
2 
2 

1 
» 
22 


18&5 


» 

26 

128 

8 

8 

53 


» 
39 

la 

» 

11 

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3^ 

7 

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2 
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17 

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» 

66 

89 


2^ 

» 
» 

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» 

31 


26 

» 

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26 

A 
9 

» 
8 
30 
18 


—  406  — 

Quoique  ces  chiffres  soieot  fort  restreints,  puisqu'ils  ne 
s'appliquentqo'àprès  de  4,000décès,  ils  démontrentcependafti 
que  dan^  la  mortalité  des  Musulmans,  les  affections  cérébrales, 
intestinales  et  pulmonaires,  tiennent  une  grande  part.  On 
remarquera  également  les  décès  par  variole,  rougeole,  les 
avortements  et  les  mort&-nés.  Mais  le  fait  le  plus  curieux 
qu'offre  cette  bieq  incomplète  statistique,  c'est  la  grande  inor- 
lalité  par  maladiesde  poitrine  :  442  décèsdonti  39  par  phtbisiel 
Si  l'on  réfléchit  que  les  fièvres  intermittentes,  simples  et  per- 
nicieuses, entrent  dans  celte  nécrographie,  pour  le  chiffre  de 
31 3,  on  se  demandera  sans  doute  avec  quelque  raison,  si  l'an- 
tagonisme pathologique  entre  la  phthisie  et  ces  fièvres,  habile- 
ment soutenu  par  M.  le  D'  Boudin,  doit  être  aujourd'hui 
accepté  comme  une  loi  bien  démontrée  par  les  faits. 


Les  Arabes  aiment  beaucoup  l'embonpoint.  Chez  la  femme^ 
ils  recherchent  la  rotondité  et  le  volume  des  formes,  qu'ils 
considèrent  comme  le  privilège  de  la  beauté.  Aussi,  que  la 
maigreur  tienne  à  des  causes  pathologiques,  i  une  convales- 
cence difficile,  ou  à  un  état  normal  peu  riche  en  substance 
graisseuse,  peu  leur  importe,  ils  appliquent  une  des  formules 
suivantes  : 

«  Manger  de  la  pâte  de  temar  (dattes)  molles,  nouvelles, 
mélangées  avec  des  feuilles  à'aghar  (genévrier  de  Phénicie) 
finement  pilées; 

»  Faire  chauffer  du  hettrf  (cresson  alenois)  avec  du  leben, 
Oail  aigre)  de  vach*e,  ajouter,  un  peu  de  suc  de  kareuss 
(citronj,  avant  de  manger  cette  composition;  —  ou  bien  mêler 
au  kouskouês  de  la  graine  bien  pilée  de  lotibia  (haricots).» 

Les  filles  publiques  dont  l'embonpoint  forme  le  plus  vif 
désir  et  l'objet  d'une  constante  sollicitude,  mangent  constam- 
ment, à  cet  effet,  dos  graines  de  drour*  (millet).  On  dit  que 


—  406  — 

les  habitants  de  Sedjelmaça  niaDgent  du  Chien  et  du  lézard  : 
le»  femmes  supposent  que  c'est  à  cette  nourriture  qu'elles 
doivent  Tembonpoint  qui  les  caractérise  (1).  —  Cette  forte 
corpulence  que  les  Arabes  recherchent  et  s'efforcent  d'obtenir 
chez  leurs  épouses,  tiendrait-elle  à  ce  que  l'observation  leur 
aurait  fait  remarquer  la  (écondilé  moindre  des  femmes  très 
grasses?  Ce  serait  pour  eux-mêmes  un  double  moyen  et  de 
rendre  leurs  familles  moins  nombreuses,  et  de  multiplier  les 
occasions  du  rapprochement  sexuel  sans  en  retirer  d'aussi  fré- 
quents inconvénients  pour  la  femme,  et  d'aussi  lourdes 
charges  pour  la  paternité. 

Quand  un  jeune  enfant  est  faible  de  complexion,  d'une 
constitution  chétive,  c'est-à^ire  mouzxel,  il  faut  :  !•  Faire 
cuire  une  fekhotm  (tortue)  avec  du  harmel  (rue);  ajouter  en- 
suite quelques  graines  de  tafarfarat  (?),.un  peu  de  bois  de 
quemmoune  (cumin).  Le  petit  malade  mangera  de  ce  mélange 
pendant  trois  jours  :  on  aura  soin  de  lui  renouveler  la  prépa- 
ration chaque  matin.  —  2®  Ou  bien,  on  lui  donnera  pour 
toute  nourriture,  pendant  trois  ou  six  jours,  un  œuf  de  poule 
qui  aura  préalablement  cuit,  une  nuit  entière,  dans  du  khall 
(vinaigre). 

Un  individu,  sentit-il  ses  forces  diminuer,  n*importe  pour 
quelle  cause,  il  doit  :  1^  Boire  tous  les  matins,  pendant  trois 
jours,  un  mélange  de  hhalib  (lait),  d'dcel  (miel)  et  de  farine 
de  semsem  (sésame),  le  tout  bien  bouilli  cl  filtré.  Si,  au  bout 
de  trois  jours,  il  ne  se  trouve  pas  plus  fort,  il  recommencera 
encore  trois  jours,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  la  vigueur 
du  corps  soit  revenue.  —  2®  On  recommandera  également  de 
ifnanger  chaque  matin  du  miel  auquel  on  aura  incorporé  de  la 
poudre  de  chenedegoura  (ivette). 


(■)  Geofrupkie  d'Biriti\  t.  I,  p.  307. 


_  407  — 

Celui  qui  a  des  faiblesses  extrêmes  fréquentes,  des  syncopés 
[dliiget  el  kalb,  c'est-à-dire  rétrécissement  du  cœur)  réitérées^ 
guérira  par  l'un  des  moyens  suivants  : 

1**  Prendre  des  poils  de  dib  (chacal)  et  des  poils  de  tsâleb 
(renard),  les  brûler;  mêler  leurs  cendres  avec  du  melhh 
aëdrane  (chlorure  de  sodium)  ;  réduire  le  tout  en  fine  poudre; 
en  avaler  chaque  matin  une  petite  quantité  délayée  dans  uil 
peu  d'eau. — 2**  Mélanger  du  bouillon  de  chacal  et  du  bouillon 
de  renard;  exposer  au  clair  de  lune  pendant  trois  nuits;  puis 
en  boire  tous  les  matins  à  jeun.  Non  seulement  ce  remède  dis- 
sipe toute  faiblesse,  mais  il  fait  en  même  temps  disparaître 
tous  les  germes  de  maladie  possibles.  —  3^  Piler  du  besbas 
(fenouil);  boire,  dans  le  jour,  trois  ouquia  (onces)  de  son  suc. 

—  4®  Faire  bouillir  du  fenouil  et  du  miel  dans  une  petite 
quantité  d'eau  ;  en  boire  dans  la  journée.  —  6**  Préparer  une 
décoction  de  zit  (huile),  de  krafeuss  (céleri)  et  de  denezouli  (?); 
incorporer  à  du  miel  le  liquide  amené  à  certaine  consistance; 
en  manger  pendant  neuf  jours,  soit  le  matin,  soit  au  moment 
du  coucher.  Dès  que  le  traitement  sera  termine,  manger  du 
céleri  mélangé  avec  du  miel,  durant  cinq  jours;  boire  ensuite 
pendant  sept  jours  de  Teau  de  denezouli  (?);  finir  la  médica- 
tion en  buvant  de  l'eau  de  pluie  [methar)  pendant  cinqjours. 

—  6®  Ou  bien,  faire  sécher  du  léritogh  (?)  devant  le  feu;  le 
mettre  ensuite  macérer  pendant  plusieurs  jours  dans  l'eau  ; 
boire  le  liquide  pendant  (rois  jours. 


L'insomnie  se  dissipe  par  les  moyens  suivants  :  4®  Piler  de 
la  graine  de  céleri;  l'incorporer  à  du  semen  (beurre);  se 
frotter  avec  celte  pommade  toute  la  surface  du  crâne  el  Tinté- 
rieur  du  nez.  — 2^  Ou  prendre  de  la  graine  de  ben  naman 
(coquelicot),  de  la  graine  de  céleri;  les  piler;  y  ajouter  du 
miel,  un  peu  d'eau  et  du  beurre  ;  manger  de  ce  mélange 


—  408  — 

plusieurs  fois  dans  la  journée.  —  3^  Les  Maures  font  uoc  eau 
sédative  avec  de  la  décoctiou  de  aklil  (romarin),  du  kaf<mr 
(camphre]  et  de  Teau  à'iasmine  (jasmin],  ou  bien  de  l'eau  de 
de  fleurs  d*oranger  [ma  lahar)  ;  et  s'en  froltent  les  iempes. 


Pour  arrêter  les  sueurs  trop  considérables  et  faire  tomber 
en  même  temps  les  poils  des  régions  axillaires»  se  frotter  les 
aisselles  et  la  surface  du  corps  avec  des  feuilles  fraîches  de 
Bouaq  ennebi  (inule)  ;  —  ou  bien  porter  dans  le  creux  axil- 
laire  du  chebb  (alun)  bien  finement  pulvérisé.  On  conseille 
également  de  se  froller  les  aisselles  et  les  pieds  avec  un  mé- 
lange d'alun  et  à'aoud  el  qomari  (bois  d'aloès)  bien  broyés 
ensemble.  —  Il  est  encore  bon  de  se  faire  frotter  tout  le  corps, 
au  sortir  du  bain  maure,  avec  des  feuilles  mâchées  ou  bouilies 
àetafieboul{heiel). 


Le  cancer  se  montre  assez  souvent  chez  l'Arabe,  soit  à  la 
face  et  aux  lèvres,  .«uile  de  carie  des  os  maxillaires;  soit  dans 
l'appareil  oculaire,  consécutivement  à  des  dégénérescences 
d'ophthalmies  négligées;  soit  surtout  dans  le  système  osseux, 
au  voisinage  principalement  des  articulations,  sous  l'influence 
particulière  des  ravages  de  la  syphilis  invétérée,  et  souvent 
aussi  à  cause  de  fractures  et  de  luxations  mal  traitées.  Les 
toubibes  arabes  ne  savent  opposer  à  cette  affreuse  maladie 
que  l'usage  des  eaux  minérales  ;  mais  l'ignorance  des  indica- 
tions et  contr'indications,  du  choix  des  bains  qui  conviennent 
à  telle  ou  telle  variété  de  maladie,  les  empêche  d'en  tirer  tout 
le  parti  convenable.  —  Ainsi  que  le  conseillaient  du  reste 
Avicenne  et  AburKacem,  quelques  toubibes  couvrent  les  tu- 
meurs cancéreuses  de  cataplasmes  de  feuilles  de  harmel  (rue), 
après  les  avoir  entourées  d'une  multitude  de  pointes  de  feu. 


—  409  — 

Les  Arabes  voient  dans  le  farcin  et  la  morve  de  très  grandes 
analogies  avec  la  petite  vérole,  et  leur  donnent  également  le 
nom  de  djidri  (variole). 


Les  engorgements  idiopathiques  des  glandes  paraissent  asse2 
rares  chez  les  Arabes,  notamment  au  cou  ;  l'absence  de  toute 
compression  dans  le  costume  indigène  en  est  sans  doute  Tex- 
plication  la  plus  rationnelle. 

Pline  et  Vitrave  disent  avoir  observé  le  goitre  (khold,  hand- 
joura)  à  Zama.  Cette  affection,  endémique  danscertaines  parties 
de  TAmérique,  de  l'Asie,  a  cependant  été  regardée  comme  peu 
commune  en  Algérie.  D'après  Cailliaud,  voyageur  français 
dans  le  Sennar  (Nubie),  Youreum  (engorgement  glandulaire) 
et  le  khenajsir  (scrofules)  y  surviennent  en  différentes  régions 
du  corps,  principalement  au  cou.  La  première  espèce  serait  peu 
grave,  et  l'on  se  contente  d'y  mettre  du  beurre;  la  deuxième 
est  plus  sérieuse,  et  l'on  y  remédie  souvent  par  l'application 
du  fer  rouge.  Rien,  toutefois,  n'indique  clairement  que  le 
goître,  comme  quelques  personnes  Font  pensé,  soit  indiqué 
dans  le  mot  oureum.  Les  auteurs  Arabes  appliquent  en  général 
cette  expression  à  une  tumeur  glandulaire  survenant  dans  le 
cours  d'une  maladie  grave,  épidémique,  dénature  pestilen-=^ 
tielle.  —  Une  remarque  généralement  faite,  et  avec  plus  de 
raison  peut-être,  c'est  la  rareté  du  goître  chez  les  peuples 
d'origine  sémitique.  Cette  immunité  tiendrait-elle  aux  pra- 
tiques religieuses  d'hygiène? — On  observe  assez  fréquemment 
le  goître  chez  les  Juifs  des  villes  mauresques  ;  la  constitution 
de  ce  peuple  est,  du  reste,  profondément  entachée  de  lyrapha- 
tisme  et  de  scrofule. —  Le  toubibe  que  nous  avons  consulté  au 
Bureau  arabe  d'Alger  (voir  l'article  Oculistes,  page  44  de  cet 
ouvrage),  affirmait  que  les  goitres  étaient  nombreux  au 
Maroc.  Quant  à  l'Algérie,  voicr  quelques  faits  : 


—  4*0  — 

En  1839,  àCoDstantine,  le  goîlre  a  été  obsem  sur  des  Ka- 
byles venus  des  montagnes  voisioes. — En  i  838,  un  Kabyle 
goitreux  s'est  présenté  à  Bougie  (1).  —  En  4840,  mon  frère, 
le  D^  A.  Bertherand,  constatait  (2)  rendémicîté  des  goitres  à 
Blidah;  les  plus  volumineux  embrassaient  toute  la  circonfé- 
rence du  col  en  avant  et  sur  les  côtés;  ils  étaient  compliqués 
d'engorgements  glandulaires  chroniques.  —  Dans  la  même 
localité,  H.  le  D'  Finot  (3)  a  signalé  deux  Arabes,  Tbomme  et 
la  femme,  affectés  de  goitre;  ces  deux  Indigènes  appartenaient 
à  une  tribu  où  le  mal  est  endémique,  et  leurs  enfants  en  étaient 
cependant  exempts.  Plusieurs  cas,  chez  des  femmes  desdpuàirs 
de  l'Atlas,  ont  été  également  cités  par  ce  même  médecin,  qui 
rattache  l'affection  à  des  causes  purement  locales,  rhabitation 
des  vallées,  la  disposition  des  cours  d'eau,  la  qualitédes  eaux, 
etc.  M.  le  D*"  Guyon  a  fait  connaître,  d'une  part  (4),  la  pré- 
sence du  goitre  dans  le  Sahara  (dans  le  Zab,  à  Ouergla,  à  Met- 
lili,  etc.],  et,  d'un  autre  côté  (5),  il  a  émis  cette  opinion  que  les 
causes  de  cette  maladie  sont,  non  pas  une  température  ha|i;- 
tuellement  basse,  l'humidité  atmosphérique,  la  crudité  des 
eaux,  etc.,  mais  bien  uniquement  le  court  séjour  du  soleil 
dans  certaines  contrées,  les  vallées  par  exemple.  Enfin,  d'après 
Iqi  encore  (6),  le  goitre  s'observait  surdos  Arabes  venant  des 
montagnes  de  Bougie,  de  Constantinc  ;  de  toutes  les  villes  algé- 
riennes, Blidah  avait  des  goitreux,  et  ses  habitants  se  faisaient 
remarquer  par  l'empâtement  cl  le  développement  du  cou,  les 
femmes  surtout.  —  On  peut  cependant  se  demander  quelle 
est  la  valeur  de  la  courte  apparition  du  soleil  dans  les  vallées 
sur  la  production  du  goitre,  si  on  le  retrouve  également  dani> 

(i)  D'  GoTox,  t.  XXXXVIII  «les  Mèm.  dt  méd.  etJechirwg.  militairts. 
\%)  Idtm,  t.  LU  (i84a). 

(i)  Idem,  l.  LVI, 

(4)  Moniteur  Mgf^rien,  i836. 

(h)  ÂCÊd^mie  des  Sci§ne*s,  séaace  da  a  o  octobre  1 84  5. 
(6)  Fdfm,  Idem,        3  ooTembrc  i84&« 


_  4H  — 

le  déserl  (Ouergia,  Mellili).  Serait-ce,  dans  ce  dernier  cas,  à 
rinflueoce  des  eaux  salées,  riches  surtout  en  sels  niagné^ 
siens  (1),  qu'il  faudrait,  d'accord  avec  la  théorie  proposée  parle 
D'Grange(2),  accorder  rorigineduthyrocèleîS'ilm'étailpermis 
de  citer  ici  mon  expérience  personnelle,  j'avouerais  n'avoir 
jamais  rencontré  un  seul  goitreux  dans  des  courses  assez  fré- 
quentes en  itabylie.  Les  renseignements  que  j'ai  souvent 
demandés  à  ce  sujet  n'ont  produit  que  des  réponses  négatives. 
Admettra-t-on,  avec  te  D' Furnari  (3),  que  «  leKabyle,  tantqu'il 
ne  sort  pas  des  montagnes,  constitue  une  belle  race  ;  mais 
quelques  voyageurs  ont  remarqué  qu'il  est  sujet  au  goitre,  et, 
par  saite,  au  crétinisme,  lorsqu'il  descend  dans  les  vallées?  » 
Nous  répondrions  alors  que  la  plupart  des  vallées  de  laRabylie 
(prov.  d'Alger)  nous  ont  toujours  paru  larges,  assez  bien  ven- 
tilées, peu  profondes,  possédant  des  eaux  saines,  abondantes, 
bien  aérées.  Nous  avons  plusieurs  fois  visité  des  populations 
campées  au  pied  du  Jurjura  aux  neiges  permanentes;  pas  un 
seul  goitreux  n'a  été  signalé  dans  le  pays. 

L'illustre  Larrey  avait  remarqué  que  l'habitude  de  porter 
sur  la  tête  de  lourds  fardeaux  dès  la  plus  tendre  enfance^  dans 
les  Pyrénées  et  les  Alpes,  pourrait  bien  disposer  au  goitre. 
Dès  le  jeune  âge,  les  femmes  des  douairs,  des  dechcras,  des 
oasis,  ont  la  coutume  d'aller  aux  sources  voisines  chercher  de 
Teau  dans  de  grandes  cruches  et  de  rapporter  ces  dernières 
appuyées  sur  la  voûte  crânienne  ;  jamais  nous  n'avons 
observe  l'augmentation  du  volume  du  cou  chez  elles. 

Quant  au  crétinisme,  un  seul  cas  a  été  vu  à  Bougie,  en  1 838. 
M.  Guyon,  à  qui  l'on  doit  la  communication  de  ce  fait,  prétend 
que  cotte  affection  et  le  goîtrc  ne  sont  point  rares  en  Kabvlic. 
Dans  son  opinion,  le  goîtrc  ne  serait  que  le  premier  degré 

(i)  Vojes  plas  baot.  pago  i6o. 

(a)  jéeajèmie  Jet  Scienrtt,  séance  du  lo  déc«iubrff  18I9. 

(3)   forage  Vni.  dans  l\4^rif/ut  septenlrioan/*,p.  11. 


—  412  — 

d'un  mal  dont  le  crétinisme  est  rexagération.  r—  Je  n'ai  jamais 
pu  arriver  à  connailre  un  seul  trailement  usité  chez  les 
Indigènes  contre  ces  deux  afTections  ;  les  toubibes  paraissent 
les  ignorer  complètement. 

On  observe  les  scrofules  dans  la  population  arabe,  mais  à 
un  degré  de  fréquence  bien  moindre  qu'on  ne  l'a  cru  de  prime- 
abord.  Cette  hideuse  maladie  se  rencontre  surtout  chez  les 
Maures,  habitants  des  villes,  dont  les  rues  étroites  et  sombres, 
les  demeures  humides,  malpropres,  obscures,  entassées  les 
nnes  contre  les  autres,  laissent  tant. à. désirer  sons  le  rapport 
de  rhygiène  publique.  Ainsi,  à  Alger,  les  conjonctivites  scrofu- 
leuses,  les  abcès  scrofuleùx  se  voient  presqu'à  chaque  pas.  A 
Constantine,  M.  le  docteur  Deleau  (4)  traitait,  dans  une  çeute 
année,  147  Musulmans  scrofuleùx,  pour  la  plupart  d'un 
jeune  âge.  A  Tlemcen,  M.  le  docteur  Cambay  (2)  dit  que  les 
habitants  sont  bouiBs,  an  teint  terreux,  et  que  les  affections 
scrofuleuses  des  jeu)L  dominent  parmi  eux. 

Les  Arabes  des  plaines  présentent  rarement  des  cas  de  ce 
genre  ;  ceux  que  Ton  rapporte,  au  premier  coup-d'œîl,  à 
l'élément  scrofuleùx,  appartiennent  d'ordinaire  à  des  manifes- 
tations syphilitiques,  lorsqu'on  les  examine  de  plus  près.  C'est 
ainsi  que  dans  certaines  vallées  de  l'Atlas,  on  rencontre 
souvent  des  engorgements  prœarticulaires,  indolents^  parfois 
suivis  d'ulcères  atoniques  mettant  a  nu  des  portions  d'os  assez 
considérables;  mais  ce  n'est  point  de  la  scrofule  véritable,  ces 
terribles  désordres  portent  un  cachet  vénérien  indélébile. 
Quant  aux  Kabyles  et  aux  Zibâniens,  ils  paraissent  complè- 
tement exempts  de  scrofules.  Habitués  à. vivre,  les  uns  au  grand 
air  des  montagnes,  les  autres  dans  une  atmosphère  chaude  et 
sèche,  ils  ont  peu  de  chances  d'offrir  des  constitutions  enta- 
chées d'adénopalhie,  surtout  dans  le  bas-âge.  Quelques  indi- 

(i)  T.  LU  des  Mémoires  de  meJeein*  «t  de  chirurgie  mihteùres. 
(?)  Id^m,  I.LVH. 


—  413  — 

vidus  peuvent  apparaître  çà  et  là  avec  une  apparence  de 
Ijmphatisme exagéré;  mais,  de  deux  choses  Tune,  ou  ces  ché- 
tives  santés  seront  de  bonne  heure  décîniées  par  les  privations 
de  toute^rte  et  les  influences  délétères  de  toute  nature,  ou 
bien,  avec  la  croissance,  elles  se  raffermissent  et  se  modifient 
avantageusement.  Dans  toutes  les  villes  mauresques,  au  coa- 
trair«,  l'influence  des  écrouclles,  comme  prédisposition  à  la 
phthisie,  est  à  noter.  Les  Arabes  donnent  à  cette  affection  le 
nom  de  khenazir,  c'est-à-dire  cochon.  Le  mot  scrofules  vient 
lui-même  de  scrofa,  truie  ;  les  Grecs  avaient  une  expression 
koiyras  qui  voulait  dire  également  truie  et  scrofules.  Ces 
divers  termes,  qu'il  est  très  curieux  de  trouver  avec  un  sens  et 
une  application  analogues  dans  ces  divers  pays,  indiqueraient- 
ils  qu'on  les  a  choisis  pour  désigner  une  affection  dégoûtante 
comme  le  cochon  même,  ou  bien  offrant  quelque  ressemblance 
avec  la  forme  engorgée  du  cou  de  cet  animal,  ou  avec  le 
développement  glandulaire  qui  apparaît  souvent  chez  la  truie? 
Quoiqu'il  en  soit,  les  Arabes  et  les  Maures  combattent  cette 
maladie  en  entourant  le  cou  avec  des  feuilles  A'allaiq  (ronce) 
bien  pilées,  ou  avec  un  mélange  d'écorces  de  roummane 
(grenade)  aigre  et  de  chair  (orge)  montée,  le  tout  bien  pilé  et 
bouilli  ensemble.  Aucune  autre  médication  n'est  indiquée 
contre  les  autres  manifestations  scrofuleuses,  soit  dans  les 
yeux,  soit  dans  les  os.  Nous  avons  déjà  dit  que  les  Arabes 
n'ont  aucune  idée  des  altérations  de  l'organisme  par  un  prin- 
cipe général;  ils  ne  voient  donc  les  écrouelles  que  dans 
l'engorgement  isolé  des  glandes  cervicales  et  sous-maxillaires 
ulcérées. 

Les  affections  de  la  glande  mammaire  sont  fréquentes  : 
malpropreté,  peu  de  précautions  pendant  l'allaitement  et 
lors  du  sevrage,  absence  de  protection  suffisante  du  sein 
contre  les  violences  extérieures,  tout  concourt  à  rendre  com- 
munes les  crevasses  du  mamelon,  les  indurations  de  la  glande 


—  414  -- 

mammaire  et  surtout  ses  terribles  dégénérescences.  Les  nialro- 
nes  ont  pour  principe  de  faire  cesser  immédiatement  raliaî- 
tement,  dès  que  le  sein  paraît  malade.  Les  crevasses  sont  trai- 
tées avec  de  la  poudre  très-fine  de  henna  (lawsonia  inermis) 
ou  de  la  poudre  dechebb  (alun).  Dans  les  villes,  les  Mau- 
resques ajoutent  à  cette  dernière  substance  quelques  gouttes 
de  ma  zahar  (eau  de  fleurs  d'oranger),  prétendant  que  ce 
liquide  amortit  Tenergique  slyptie  du  sel. 


A  propos  des  maladies  vénériennes,  M.  le  D'  Motard  [i] 
s'exprime  ainsi  :  «  On  connaît  les  prescriptions  rigoureuses  de 
TAlcoran  à  cet  égard,  et  le  Husulman  doit  sans  douté  au 
soin  religieux  avec  lequel  il  les  pratique,  le  peu  d'aptitude 
qu'il  présente  à  contracter  certaines  maladies,  la  syphilis 
entr'aulres.  »  C'est  un  devoir  de  le  dire,  voilà  une  des  erreurs 
les  plus  grossières  pour  quiconque  a  obseiTé  de  près  les 
Arabes  de  l'Algérie.  Us  naissent  et  meurent  avec  la  vérole, 
offrant  à  toutes  les  périodes  de  la  vie  les  manifestations  syphi- 
litiques les  plus  affreuses,  les  plus  dégoûtantes.  Joignez  à 
cela  que  par  suite  de  diverses  causes  déjà  signalées  dans  le 
cours  de  ce  travail,  la  maladie  vénérienne  est  pour  ainsi  dire 
endémique  chez  cette  population  musulmane.  Ici,  ce  sont  des 
femmes  âgées  réduites  au  dernier  degré  de  maigreur,  ayant 
perdu  les  os  propres  du  nez,  la  voûte  palatine,  ou  dont  tous 
les  os  des  membres  supérieurs  et  inférieurs  sont  courbés  et 
doublés  de  volume  (2);  là,  de  malheureux  enfants  à  la  ma- 
melle, souvent  aveugles,  couverts  de  pustules  et  de  végétations, 
la  membrane  muqueuse  de  la  bouche  presqu'entièrement 
détruite,  offrant  en  un  mot  des  ulcérations  croûteuses  et  pha- 

(i)  B4$«i  tt'Ajrgiiitê  générale  ,  t.  II  p.  197. 

(a)  M.  Gavbimsav,  l.  UI  de*  JHém.  de  méd.  et  de  cMritrg.  miiit. 


—  415  - 

gédéniqucs  dégoûtantes  (1)  ;  d'ua  aulre  côté,  des  cas  de 
diathèse  syphilitique  amenant  la  mort  après  avoir  mis  à  nu  un 
certain  nombre  de  côtes  (2);  plus  loin,  des  ulcères  de  toute 
forme,  de  toute  t^randeur,  df»s  oxosîosi'g,  des  caries  épou- 
vantables, toute ia  serit  torniidableJes  accidents  tertiaires,  etc. 
Dans  les  vallées,  la  forme  chronique  est  la  plus  commune  (3)  ; 
à  Mascara,  en  avril  1849,  on  observe  la  vaginite  syphilitique 
chez  une  petite  arabe  de  cinq  ansi  Par  ici,  c'est  un 
malheureux  adulte  dont  la  verge  est  entièrement  rongée  et 
le  scrotum  unigoement  représenté  par  deux  petits  lambeaux 
qui  cachent  à  peine  un  reste  de  testicule  à  moitié  fondu  par 
Vulcération,  etc.  Et  que  Ton  ne  croie  point  que  ces  faits  sont 
rares,  loin  de  là;  mais  c'est  sous  la  tente,  c'est  au  fond  de  ces  ^ 
demeures  mystérieuses  qu'il  faut  les  découvrir.  Il  est  commun 
devoir  des  familles  entières  infectées,  et  le  fait  paraîtra  moins 
extraordinaire,  si  l'on  songe  au  peu  de  précautions  prophy- 
lactiques prises  par  les  Indigènes  des  deux  sexes,  et  à  la  fré- 
quencedes  rapprochements  conjugaux,  un  Arabe  pouvant  ainsi 
communiquer  le  principe  vénérien  à  toutes  ses  femmes  et 
concubines.  Ce  n'est  donc  point  sans  étonnement  qu'on  lira 
dans  Desfontaines  (4)  :  ((  Cette  maladie  n'est  pas  dangereuse 
eu  Afrique;  les  Maures  vivent  et  vieillissent  avec  elle  sans  y 
faire  beaucoup  attention.  )>  Bien  au  contraire  :  voici  d'ailleurs 
quelques  chiffres  concernant  la  fréquence  des  affections  syphi- 
litiques chez  les  Musulmanes  prostituées  : 

A  Alger,  par  exemple  :  - 

4  838,  pour  375  inscrites,  il  y  a  eu  553  entrées  au  dispensaire. 

1839,  413     —     451     — 

1840,  446     —     431     — 


(t)  M.  Dklbav,  à  Ctfiutantinc,  fft'in.  Je  mcd.  milit. 
(ft)  Le  D'  YiLL&MUA,  à  MilUniili.         idem. 
(3)  M.  lluTAE.  idm,  t.  VIII  de  U  a«  >érie,  iSii. 
ik)  D9tutièm9    Itllrt  n  M.  Lemonnier.  1784. 


1841. 

512 

1842. 

510 

1849. 

269 

1850, 

299 

1851, 

256 

—  416  — 

—  446  — 

—  462  — 

—  313  — 

—  280  — 

—  249  — 

Ce  qui  revient  à  dire  que  sur  uoe  moyenne  de  385  inscrites 
à  Alger  de  1838  à  1851,  il  y  aurait  eu  398  entrées  annuelles 
en  moyenne.  Est-ce  Ht  peu  d'aptitude  à  contracter  la  syphilis  T 

Sur  909  maladies  vénériennes  traitées  dans  les  dispensaires 
deBlidah  (en  1844]  et  d'Alger  (2*  semestre  lS49,  année  1850 
et  1*'  semestre  1851),  nous  comptons  : 

286  vaginites,  —  160  chancres,  — 151  ulcérations  du  col 
de  l'utérus,  —  129  urétrites,  —  29  tubercules  plats,  —  29 
végétations,  —  27  ulcérations  à  Tanus,  —  25  ulcères  buc- 
caux, —  25  ulcérations  du  vagin,  —  21  syphilis  constitu- 
tionnelles,— 13  syphilides, —  10  bubons, — 4  blénnorrhagies 
utérines. 

Ces  chiffres  n*ont  pas  besoin  de  commentaires;  mais  que 
doivent'ils  être  dans  les  tribus,  dans  les  douairs,  dans  les 
nombreu  xvillages  oii  il  n'y  a  aucune  trace  de  police  méflicalcl 

Si  l'Arabe  néglige,  par  insouciance  et  ignorance  la  plupart 
du  temps,  les  premiers  accidents  vénériens,  il  sort  de  son  apa- 
thie quand  il  voit  sa  santé,  un  organe  important  compromis 
par  le  développement  du  mal,  d'autant  plus  que  ce  dernier 
attaque  généralement  une  partie  dont  l'intégrité  fonctionnelle 
importe  beaucoup  au  Musulman  pour  son  plaisir  particulier  et 
un  certain  nombre  je  femmes  légitimes  à  satisfaire  au  pointde 
vue  légal.  11  court  vite  alors  au  taleby  au  toubibe,  et  demande 
un  grand  remède  pourle  meurrfA  c/ AaAir  (la  grande  maladie), 
ou  le  meurdh  en  nsa  (la  maladie  des  femmes), expressions  par 
lesquelles  il  désigne  la  syphilis. — Malheureusement,  iln'enest 
pas  de  même  de  la  chaude-pi^se  (temfïa)  ;  beaucoup  d'Indi- 


—  417  —  .^ 

gènes  n'éprouvant  point  de  souffrances  trop  fortes  pendant  le 
coït,  continuent  à  s'approcher  de  leurs  femmes.  Quelques  sy^ 
philiographes,  M.  Desruelles  entr'autres,  ont  appelé  Tattention 
sur  rbabitudivité  particulière,  l'espèce  d'acclimatement  des 
organes  génitaux  qui,  malgré  l'infection  dont  elles  sont  le 
siège,  peuvent  impunément  se  trouver  en  contact,  dans  de 
fréquents  rapprochements  sexuels,  sans  .pour  cela  que  la  ma- 
ladie devienne  commune  aux  deux  individus.  Le  Roran  dit  (4) 
en  parlant  des  bienheureux  qui  auront  le  paradis  en  partage: 

«  Là,  ils  trouveront  des  femmes  exemptes  de  toute  soaillura.  » 

Le  Prophète  a-t-il  voulu  désigner  ici  les  impuretés  acciden- 
telles propres  à  lafemme,  ou  lesaffections  syphilitiques  ?  Quoi-' 
qu'il  en  soit,  les  Arabes,  qui  reconnaissent  une  sorte  d'élément 
particulier  dans  la  vérole,  prétendent  que  iahiar  est  le  non! 
du  djinn,  auteur  de  cette  affreuse  maladie.  Il  est  un  moyen 
vulgaire  de  se  préserver  de  l'influence  de  ce  génie  morbifique  ; 
il  consiste  à  faire  avec  du  rssass  (plomb)  un  portrait  plus  ou 
moins  grossi'er  de  sa  femme;  écrire  au  bas  son  nom,  celui  de 
sa  mère,  et  celui  du  terrible  tahiar.  Cet  objet  est  ensuite  laissé 
quelque  temps  près  du  feu,  puis  on  l'enterre  dans  un  vieux 
cimetière.  Le  djinn  ne  peut  plus  alors  syphilitiser  ni  vous-" 
même,  ni  votre  compagne.... 

Les  affections  syphilitiques  paraissent  plus  fréquentes  à 
l'époque  des  grandes  chaleurs.  La  réclusion  et  la  vie  séden- 
taire, obligatoires  à  ce  moment  dans  les  tribus,  les  parties  de 
plaisir  et  de  campagnes,  que  rendent  plus  nombreuses  dans  les 
villes  les  belles  journées,  expliquent  facilement  la  multiplicité 
des  rapprochements  sexuels  dans  cette  période  de  Tannée. 

Nous  n'avons  rien  de  particulier  à  dire  sur  les  diverses 
phénoménisations  de  la  syphilis  ;  les  plus  communes  sont  la 
syphilide  papuleuse,  pustuleuse  (chez  les  prostituées  surtout], 

(i)  Chjp.  îl,  V  i3. 


—  418  — 

ropltlhalinie  el  TaDgioe  syphilitique,  les  tubercules  plais,  les 
végétations  à  l'anus  et  à  la  vulve,  les  chancres,  la  blennoirba- 
ii'ie.  M.  Clot-Bey    I    c^'n-tî^Jp,  au  '«^ntraîr*».  nn«*  la  c  norrhw» 

♦'St  mît!  rT:  K^'".|-^-.  —  Lt  I»:  «i:i'-!-  -•-  j  iv-*".t»:'  t^^^z  dé- 
qii»'iiii\h'i*'    c.  :  fr;i    <*  .»:j«'«c  liiori  ♦1r  là   i».  !.r.. 'j    .  :-      L^'s 

c«>ni..riiji.s;  un  lai:  ivii-ar-juabl^  cl  iJonl  ùd  a  la  preuve  dans 
le  tableau  précédent,  c'est  la  rareté  des  bubons,  même  chez  les 
prostituées. 

Quant  au  traitement,  la  fréquence  des  accidents  les  plus 
graves  prouve  assez  combien  les  Arabes  sont  ignorants.  Ce  ne 
peut  être  un  sentiment  de  pndeur  qui  les  empêche  de  recourir 
de  bonne  heure  au  toubibe  ou  au  médecin  français,  car  le 
meurdh  el  kebir  n'est  point  regardé  chez  eux  comme  une 
maladie  honteuse.  Quoiqu'ils  lui  reconnaissent  une  malicieuse 
origine,  ils  n'en  déduisent  point  la  présence  d'un  principe 
morbifique  à  coifibattre  par  une  médication  générale  et 
appropriée.  Les  plaies,  les  tumeurs,  les  ulcérations  sont 
traitées  comme  dans  les  cas  ordinaires.  Ainsi,  les  chancres, 
les  ulcérations  doivent  être  recouverts  avec  de  la  poudre  de 
henna  (lawsooia  inerniis)  ;  Vanezerah  (coride  maritime)  est 
quelquefois  employée  en  décoction.  Les  Arabes  connaissent 
peu  le  zaouoq  (mercure)  et  ses  préparations  diverses;  aussi  le 
petit  nombre  qui  en  font  usage  (dans  les  villes)  s'en  trouvent 
promptement  dégoûtés  par  les  salivations  abondantes  qui 
surviennent.  On  prétend  que  quelques  médecins  maures 
pratiquent  la  boutonnière  dans  les  cas  de  rétrécissement  :  je 
n'en  ai  jamais  entendu  parler. 

La  bien  norrhagie,  généralemen  t  abandonnée  à  elle-même  (2] , 
est  quelquefois  attaquée,  dans  les  villes,  par  les   purgatifs. 

(i)   CompU'fendu  de  l'ècoU  d*j4tou-ZaM,  iSit. 

(a)  Une  opinion  UMtez  accréditée  diez  le»  Arabe*,  c'est  que  le  rapprochement  sexacl  arec 
une  ffégretie  lunit  pour  faire  disparaître  tout  ccoolement  blcnnorrhagiqne.  M.  le  docteur 


—  i\9  — 

tes  plus  employés  des  traitemenls  de  toutes  les  formes  aiguës, 
invétérées  et  chroniques  du  meurdh  el  kebir,  consistent  géné- 
ralement dans  Tusage  de  Vacheba  (salsepareille)  et  la  diète 
sèche.  La  plante  acheta,  que  l'on,  retrouve  sur  presque  tous 
les  marchés  indigènes,  doit  èvfé  bien  pulvérisée,  puis  mêlée 
aux  aliments;  cette  médication  doit  durer  très  longtemps, 
jusqu  a  ce  que  le  malade  éprouve  de  ramclioralion  dans  son 
état.  Quant  au  traitement  par  la  diète  sèche,  on  ne  saurait  le^ 
connaître  plus  complètement  qu'après  la  lecture  du  passage 
suivant  (1)  : 

«  El  bariz  est  le  grand  moyen  employé  par  les  tolba  contre 
les  maladies  rebelles  du  genre  de  eeWeAoni  El  Hadj  Tifour 
était  atteint  :  les  rlnimatismes,  la  goutte,  la  sciatique,  la  tens- 
fia  invétérée  et  le  mord  el  kebir.  Il  consiste  à  faire  suer  au 
malade  tout  le  venin  qu'il  a  dans  les  nerfs.  — Prendre  une 
livre  d'acheba  (salsepareille),  la  faire  dessécher  au  soleil, 
la  piler  et  la  tamiser  ensuite  ;  pétrir  la  partie  fine  obtenue 
avec  une  demi-ltvre  de  kheurf  (graine  semblable  à  la  moa« 
tarde),  quatre  onces  de  cassonnade  et  deux  onces  àe  skenr 
djebir  (gingembre)  pilé  :  en  mettre  une  certaine  quantité 
dans  un  pot  neuf  de  la  contenance  de  deux  litres  rempli  d'eau, 
et  faire  bouillir  jusqu'à  ce  que  celte  eau  devienne  rouge. 

Les  préparatifs  achevés,  le  malaJde  commence  le  traitement, 
qui  durera  quarante  jours.  Matin  et  soir,  il  mange  une 
grande  cuillerée  kle  la  pâte  indiquée  plus  haut  et  boit  de  la 
tisane;  ce  liquide  est  le  seul  dont  il  doive  user,  de  même  qu'il 
ne  peut  manger  qu'un  peu  de  pain  sans  sel  et  quelques  rai- 
sins secs  pendant  dix  jours.  Une  sueur  abondante,  et  ce 

Ravii»  a  fait  conmftre  an  préjugé  analogu*,  aotU  faneste  et  atusi  absurde,  et  qui  règne 
^tu  le  peuple  en  France,  «avoir  qu'on  homme  affecté  de  blennorrfaagie  s'en  guérit  en  U 
communiquant   à  une  jeune  fille  impubère!..  (Voyez  son  Mémoire  tw  Us  mesures  de  pottcê 
médicales  U*  pins  propres  à  mrréter  Im  propagation  Je  la  maladie  vénérienne,  i836.) 
(0  Itinéraire  du  Sahara  au  pa/s  des  Nègres,  par  M.  le  général  Davkas,  p.  334. 


^  420  — 

régime  l'ont  bientôt  maigri,  rendu  méconnaissable.  Après 
dix  jours,  il  mange  un  peu  de  beurre  très-frais  arec  son 
pain.  Sept  jours  après,  un  peu  de  kouskuessou  tiède,  mais 
également  sans  sel.  Le  sel  est  absolument  prohibé  jusqu'à 
parfaite  guérison.  ''^^^ 

Le  vingt- deuxième  jour  enfin,  on  ]u\  dorme  un  peu  àe 
viande  de  mouton  bouilli  ou  rôti  sans  sel,  et  plutôt  froid 
que  chaud.  II  continue  ainsi  jusqu'au  quarantième  jour.  A 
partir  de  ce  moment,  sa  santé  est  celle  d'un  homme  bien  por- 
tant ;  mais  il  a  beaucoup  maigri,  et  il  se  refera  peu  à  peu  en 
reprenant  son  régime  ordinaire. 

Il  est  important  que  la  tisane  soit  prise  irès-fratche  ;  on  la 
fera  toujours  la  veille  pour  le  lendemain  matin.  Pendant  qu'il 
est  dans  le  bariz,  le  malade  doit  éviter  le  vent,  ne  pas  sortir  le 
matin,  rentrer  de  bonne  heure  le  soir,  ne  point  fumer,  ne 
point  habiter  avec  sa  femme,  ce  serait  sa  mort » 

Celte  médication  et  ce  bariz  (régime)  sont  assez  fréquem- 
ment employés,  par  les  Maures  notamment  ;  mais  ils  n'amè- 
nent ordinairement  dans  la  manifestation  syphilitique  qu'un 
amendement  passager.Quelques^oi«6t66^  des  villes  prescrivent, 
jpendant  ce  traitement,  des  pilules  mcrcurielles  et  une  sorte 
d'opiat  à  base  de  salseparçill%ç 

Le  pian  ou  frambœsia  a  été  observé  en  Algérie.  Les 
toubibes  arabes  le  considèrent  comme  une  forme  de  la 
syphilis,  et  lejs  Indigènes  lui  donnent  le  même  nom,  meurdh  el 
kebir,  meurdh  en  nsa,  ou  bien  meurdh  el  douni  (la  mauvaise 
maladie).  On  sait,  du  reste,  que  l'illustre  Larrey  ne  voyait  dans 
le  pian  qu'une  syphilis  dégénérée.  M.  le  docteur  Guyon  (i) 
a  observé  cette  singulière  affection  sur  des  Kabyles,  des 
Nègres,  des  Maures,  des  Arabes.  On  la  dit  fréquente  dans 

(i)  Académie  des  scignctt,  séasct  du  vj  luin  i853. 


—  424  — 

TAtlas  et  le  Bled  el  Djerid  (pays  des  dattes),  et  transmissible 
par  voie  de  génération,  peut-être  même  contagieuse.  —  Ainsi, 
un  Maure  de  Bône,  atteint  de  pian,  assura  à  M.  Guyoo 
qu'U  connaissait  un  Musulman  également  porteur  de  cette 
affection  et  avec  lequel  il  avait  couché  plusieurs  (ois  avant 
l'apparition  du  mat.  Le  même  observateur  a  constaté  le  fram- 
bœsiaàAt|[er  chezuneMauresque  en  traitementau  dispensaire. 
Le  docteur  Deleau  en  a  cité  deux  cas,  chez  un  Turc  et  un 
Maure  à  Constantine.  Le  docteur  Vital  en  vit  également  qua- 
tre dans  cette  dernière  localité.  Les  ioubibts  traitent  cette 
affection  comme  une.  syphilis;  mais  le  bariz  n'amène  qu'un 
soulagement  de  courte  durée.  Peu  de  temps  après  la  cessation 
de  la  diète  de  40  jours,  les  granulations  tuberculeuses  repren- 
nent leur  aspect  el  leur  degré  de  gravité  antérieurs. 


L'eiéphantiasis  [djedam]  attaque  en  Algérie  toutes  les 
parties  du  corps,  par  des  tuméfactions  énormes,  des  gonfle- 
ments très  inégaux.  On  a  remarqué  que  le  sirocco  aggrave 
beaucoup  son  développement.  D'après  M.  le  docteur  Deleau, 
cette  affection  serait  commune  à  Constantine  :  il  a  cité  parti- 
culièrement un  Maure  chez  lequel  la  tumeur  descendait 
jusqu'au  jarret.  Le  scrotum  qui  en  était  le  siège  se  trouvait 
épaissi,  ulcéré  en  plusieurs  endroits;  la  verge,  quoique  peu 
apparente,  servait  encore  convenablement  pour  le  coït. 

L'éléphaniiasis  a  été  égalenhent  observé  à  Ghelma  chez  une 
Kabyle,  à  Bougie,  en  1847,  chez  un  montagnard.  M.  Giscard, 
chirurgien-major  des  Zouaves,  a  vu  (1)  chez  un  Arabe  de 
quarante-quatre  ans  une  tumeur  tellement  volumineuse,  que 
le  pénis  était  caché  dans  les  replis  du  scrotum  et  le  canal 
urcthral  très  comprimé.  —  M.  Giiyon  a  publié  en  1854 

(i)  Mémoires  Je  m/Jftine  et  de  ehinirgie  mttttatres,  t83»< 


riiisloire  d'un  Arabe  des  Béni-Mouça  (près  Alger),  porteur 
(Vim  éléplmïUiasis  des  bourses  de  neuf  kilograniriïes  et  Jer 
opéré  et  giion.  M.  le  docteur  Mestre  en  a  enlevé  avec  f^uci 
deux  du  iiiPme  genre  en  1814;  les  Indigènes  appartenaient 
la  vallée  du  Chêlif,  près  d^Orléaosvi Ile  (1).  M,  Dufay  a 
un  cas  d'étéphanliasis  du  scrotum  amélioré  après  un  Irail 
ment  à  l'hôpital  de  Cherchell,  par  les  bains  sulfureux,  1^ 
frictions  lodurées,  le  sous-carbonate  de  potasse  à  J'iotériei 
et  une  compression  à  l'aide  de  bandelettes  de  vigo  :  le  malade 
était  un  Kabyte  des  environs.  —  L  eliologie  de  c^tle  affection 
laisse  beaucoup  à  désirer.  Il  est  à  remarquer  qu'ici  elle  a  été 
observée  cliez  les  habitants  des  villes,  des  vallées  et  des  moa^_ 
tagnes.  L'humidité,  comlition  la  plus  vaillante  de  cesdivei^slB 
circonstances,  ne  serait  peut-être  pas  moins  étrangère  à  son 
apparition  que  lu  syphilis.   Eu  effet,  un  des  malades  de  M. 
Mestre  avait  eu  une  vérole  avant  d  être  atteint  d'élépliautiasis, 
el  rindtgène,  signalé  par  M.  Dufay,  accusait  des  douleur^* 
osléocopes,  articulaires,  antérieures  à  la  présence  de  la  tumei 
Efî  Egypte,  les  médecins  Fattribuent  à  Tusage  exclusif  de 
nourriture  végétale.  M.  Guyon,  reoiarquanl  que  les  Arab 
sont  complètement  exempts  de  la  lèpre  et  de  l'éléphantias 
tandis  que  ces  maladies  semblent  très  communes  chez  les 
Kabyles  ou  habitants  des  montagnes,  attribue  cette  difîérené^É 
à  ce  que  les  premiers  passant  leur  existence  sous  la  tente,  ^^ 
trouvent  constamment  exposés  à  la  lumière  et  à  Tair,  el  les 
seconds  ayant  des  demeures  fixes,  plus  ou  moins  creusées  dans 
le  sol,  vivent  dans  une  atmosphère  humide,  altérée  par  toutes 
sortes  d'émanatiens  végétales  et  animales.  11  a  vu  une  famille 
Arabe  complètement  à  labri  de  ces  afïectinns,  comnu*  c'est  la 
règle  dans  sa  tribu,  présenter  un  cas  d  eléphantiusis  scrolal 
dès  qu'abandonnant  la  vie  notnade  elle  se  Tixu  dans  des  habila- 


(i)  4Vtm^*f^*  4»méiUein*  et  4*  thirtirgiê  militmtrHt  ilir. 


eur:* 

i 


-  423  — 

lions  ccmstruitesde  boue,  de  pierres  et  de  branchages.  On  soit^ 
d*ailleurs,  que  celte  maladie  exisle  dans  la  Nouvelle-Calé^ 
donie  (1),  qa'elle  est  commune  à  la  Nouvelle-Zélande  (2),  en- 
Grèce,  dans  le  royaume  de  Tunis,  en  Afrique.  Toutefois,  elle 
n*apas,  dans  ces  derniers  pays,  le  même  siège  de  prédilection.  À 
Tunis,  en  Egypte  et  en  Algérie,  elle  affecterait  de  préférence  le 
scrotum  ;  dans  les  villes  mauresques  de  l'Algérie,  les  jambes  ; 
en  Grèce,  la  figure.  Le  traitement  des  toubibes  est  h  barix. 
Les  Persans  et  les  habitants  de  Kerman  prétendent  que  la 
chair  d'un  poisson  [defcinef)  à  tête  carrée,  ornée  de  deux 
petites  cornes,  est  très  salutaire  aux  personnes  attiaquées 
d'éléphanliasis  (3).  Les  Arabes  appellent  aussi  cette  maladie 
dà  Ifil  (le  mal  de  Téléphant),  ou,  dans  les  villes  surtout, 
meurdh  qoum  el-Iazid{\e  mal  des  gens  du  pays  A'El-laxid). 
La  loi  musulmane  considère  la  lèpre  (baras)  comme  une 
cause  matérielle  de  divorce  (4).  Le  commentateur  cite  à  ce 
titre  : 

V  Le  barcu  ou  les  colorations  cutanées  blanches  (vitiligo,  leucé) 
brunes  (taches  primordiales  de  la  lèpre  ou  éléphantiasis des  Grecs). 
—  Les  colorations  brunes  sont  les  plus  graves,  car  elles  sont  les 
prodromes  de  la  lèpre.  —  Les  cheveux  ou  poils  qui  se  trouvent  sur 
lesjparties  de  la  peau  atteinte  de  baras  brun,  prennent  la  couleur 
brune;  sur  les  parties  atteintes  de  baras  blanc,  les  cheveux  ou  pofis 
sont  de  couleur  blanche » 

Cette  hideuse  maladie,  qui  ne  fut  pas  un  triste  présent  de 
l'Orient,  puisqu'elle  s'observait  en  France  et  en  Italie  anté- 
rieuremenlaux  Croisades,  et  que  Rotharic,  roi  des  Lombards, 
publia  un  décret  concernant  les  Lépreux,  —  paraît  assez 
fréquentes  en  Algérie,  chez  les  Kabyles.  M.  Guyon  (5)  en  a  vu 

(t)   Btrut  d'Orient,  t.  VUI.  t846.  pagr  84- 

(a)  Idem,  t.  V,  1S46.  p.  aSo. 

(3)   (JèogrupMe  d'EJrisi\  traduit  par  A.  Jaubert^  I.  I,  p.  159. 

(  î)  Sidi  KMit»  t.  U.  p.  4o5. 

(S)  T.  \ XXX VIII  drs  Mem.  de  médrc.  et  de  ehir.  milii. 


-  424  — 

un  cas  à  Bougie,  chez  un  Kabyle  des  environs  de  Sétif, 
et  a  constaté  l'hérédité  de  cette  affection.  La  lèpre  tuberculeuse 
s'observe  quelquefois  à  Philippevillé.  M.  le  D^  GaudineaQ  (4) 
a  rencontré  un  cas  de  lèpre  des  Juifs  (taches  cutanées  blan- 
châtres, écailleuses)  chez  un  chamelier  venant  du  désert. 
Deux  Kabyles  lépreux  ont  été  traités  à  Constantine  par  M. 
Deleau. 

La  lèpre  est  très  commune  en  Chine  où  Ton  mange  beaucoup 
de  chair  de  cochon.  —  Cette  maladie  se  perpétue  dans  les 
familles,  dit  SiKhélil  (i),  même  par  delà  quarante  f^énénr 
tiens;  et,  ajoute-t-il  (3): 

«  Il  convient  d'empêcher  le  mari  atteint  de  la  lèpre  déjà  avancée 
de  cohabiter  conjugalement  avec  ses  femmes  et  ses  esclaves,  et  à 
plus  forte  raison  avec  les  femmes  de  condition  libre.  » 

Les  Arabes  prétendent  que  les  cure-dents  en  bois  de  habbaq 
(basilic)  ou  de  sadjar  et  roummane  (grenadier)  ou  bien  en 
tige  de  qraahh  (blé),  de  chaiir  (orge),  à'halfa  (arundoépigéïos), 
occasionnent  des  prurits  et  parfois  la  lèpre  blanche.  Un  toih 
bibe  du  Sahara  m'a  dit  que  \ekhenazir  (scrofule)  ne  lui  sem- 
blait pas  étranger  à  l'apparition  de  la  lèpre.  Les  Indigènes 
distinguent  deux  variétés  dans  cette  maladie,  le  ghénamia 
(lèpre  de  mouton)  et  la  heugria  (lèpre  de  vache)  ;  ce  sont 
sans  doute  des  diversités  dans  la  coloration  qui  motivent  ces 
dénominations. 

On  le  comprend  d'avance,  le  traitement  arabe  est  nul  ;  après 
avoir  épuisé  la  série  des  amulettes,  l'Indigène  meurt  avec  un 
terrible  mal  que  Tignorance  seule  l'empêche  de  combattre. 
D'après  M.  Guyon  (4),  le  baras  des  Algériens  serait  un  albi- 
nisme partiel,  congénial  ou  accidentel,  et  la  race  nègre  en  est 

(i)  T.  MI  de«  l^le'm.  de  mèdec.  tt  de  ehir.  milit. 

{%)  T.  III  de  la  Lrgisi.  musulmane,  ch.  XIII,  p.  3o>. 

(3)  T.  II,  ch.  V,  p.  4ï3. 

(4)  jérademiê  des  Sciences,  séance  d'octobre  (i83y). 


—  425  — 

egalemenUu8ceptible.il  a  constaté  un  cas  d'albinisme  à  Jlfi/a/^ 
en  4839  (l'Arabe  avait  15  à16  ans  et  paraissait  du  reste  bien 
conformé),  et  cite  trois  femmes  israélites  ayant  la  peau  d'un 
blanc  mat,  les  yeux  très  rouges,  les  cheveux  et  les  cils  d'un 
gris  de  lin.  Près  de  mon  domicile,  à  Alger,  habitait  également 
une  jeune  juive  dans  les  mêmes  conditions  physiques.  D'après 
les  renseignements  que  j'ai  obtenus  dans  le  Zab,  Talbinisme 
se  rencontrerait  quelquefois  dans  le  Sahara,  chez  les  Ouled- 
Nails,  dans  le  Souf  ;  et  des  Nègres  m*ont  affirmé  à  Biskra  que 
dans  le  centre  du  Sahara,  les 'Albinos  se  font  principalement 
remarquer  chez  des  individus  nés  de  père  et  mère  nègres. 
D'après  Roulin,  l'albinisme  et  le  mélanisme  sont  communs 
sous  les  Tropiques.  Caillié  a  vu  des  Albinos  en  Sénégambie. 

Un  cas  d'ichtyose  blanche  s'est  présenté  àConstantinecbez 
une  femme  Arabe  d'une  cinquantaine  d'années  (1). 

Le  D' Deleau  a  rapporté  deux  cas  de  mélasma-pityriasis  ; 
chez  une  femme  Arabe,  âgée  de  45  à  60  ans,  la  peau  des  mains 
et  des  avant-bras  d'un  noir  brun  était  plus  épaisse,  fendillée 
en  losanges,  parsemée  de  quelques  taches  blanchâtres,  et 
l'apparition  semblait  antérieure  à  la  menstruation.  L'homme» 
également  Arabe,  de  50  ans  environ,  présentait  les  membres 
supérieurs  et  inférieurs,  le  dos  et  la  poitrine,  couverts  de 
grandes  taches  noires,  très^ouces  au  toucher. 

Les  Indigènes  font  disparaître  les  (acbesde  rousseur  (bon  klef) 
de  la  face,  en  la  frictionnant  :  4  ^  Avec  des  /oui  (amendesjftoioti 
(douces)  et  morr  (amères)  bien  pilées  ensemble;  2^  ou  avec 
de  Thuile  de  khaouda  (ricin);  3*  arec  un  mélange  de  riihha 
(poumons)  de  djemel  (chameau)  et  de  meM'(sel)  convenablement 
broyés;  4**  avec  du  demm  (sang) extrait  de  la  tête  d'un  grdab 
(corbeau)  ;  5^  avec  des  feuilles  Aesadjar  et  loute(raûrier)  broyées 
dans  du  miel  ;  on  doit  en  enduire  les  taches,  pendant  que  l'on  est 

(i)  t.  XXXXVIIl  dM  mim.  et  méd.  t  i»  tAintt.  miHtmrti. 


-  426  - 

dans  le  bain  maure;  6^  avec  du  khall  (vinaigre)  dans  leqœl 
on  a  pilé  un  bçol  (ognon);  7**  il  est  également  conseillé  de 
manger  tous  les  matins,  de  trois  en  trois  jours,  de  la  graine  de 
Ma^^  (laitue).  . 

Les  taches  jaunes,  sseffrat  el  oudj  (le  jaune  de  la  face), 
qui  surviennent  à  la  figure  à  la  suite  d'une  forte  insolation 
ou  autres  circonstances,  disparaissent  après  une  friction  avec 
du  vinaigre  dans  lequel  on  a  broyé  des  hamtmt  (petîla  poîs 
noirs). 

L'introduction,  sons  la  peau,  d'un  entozoaire  du  genre  fi- 
laire,  assez  commun  dans  les  eaux  stagnantes  des  contre 
intertropicales,  d'après  M.  le  D'  Chambolle  (4),  a  été  constatée 
par  M.  le  D'  Guyon  (2]  sur  un  Maure  d'Alger  revenant  du  pè- 
lerinage de  la  Mecque.  On  m'a  afiSrmé  à  Biskra  que  le  dra- 
gonneau  (areug  el  medine,  c'est-à-<lire  la  veine  de  médine) 
se  constatait  fréquemment  à  Tuggurt  (dans  le  Sahara).  Les 
ioubibes  du  pays  se  bornent  à  faire  une  incision  à  la  peau,  de 
manière  à  couper  le  ver  en  deux  portions;  ils  attachent  ensuite 
l'extrémité  de  chacune  d*olles  sur  un  petit  bâton,  et  les  deux 
rouleaux  sont  maintenus  en  place.  Tous  les  deux  ou  trois  jours, 
on  enroule  un  peu  et  très  doucement  ledragonneau  de  chaque 
côté,  en  même  temps  on  couvre  le  membre  de  cataplasmes 
bien  chauds  pour  faciliter  la  sortie  du  ver.  La  guérisoq  serait, 
dit-on,  obtenue  ainsi  eq  quelques  mois.  Nous  lisons  d'autre 
part  (3)  des  renseignements  qui  corroborent  l'exactitude  des 
précédents  :  «  Nous  n'achetons  jamais  les  esclaves  qui  sont 
attaqués  d'une  maladie  singulière  que  l'on  appelle  seghem- 
mou.  Le  seghemmou  est  un  bouton  qui  vient  aux  jambes,  au 
bras  et  au  cou,  et  qui  se  termine  par  une  espèce  de  cordon 

(i)  T.  XXill  des  Afem.  tU  mtd.  tt  de  cftir.  milit. 

(a)  Gazette  dé  médecine,  de  Paris,   i836. 

(3)  Itinéraire  du  Sahara  au  pajt  de$  Nègres,  p.  a4a. 


—  427  — 

filamenteux,  qu'il  faut  retirer  avec  précaution,  en  le  roulant 
sur  un  morceau  de  bois  comme  du  fil  sur  une  bobine,  car  s'il 
casse  dans  Topération,  le  nègre  meurt  ou  ne  guérit  jamais,  ou 
reste  estropié.  Ces  cordons  ont  quelquefois  douze  ou  quinze 
pieds  de  longueur.  »  La  présence  du  dragoneau  serait  due» 
d'après  les  Indigènes  algériens,  à  la  mauvaise  qualité  des 
eaux.  Galandat  prétend  que  ceux  qui  ne  boivent  pas  d'eau  en 
Guinée,  ne  sont  jamais  attaqués  par  ce  ver  (1).  Vareug  el 
medine  est,  du  reste,  commun  en  Guinée,  dans  la  Haute- 
Egypte»  l'Abyssinie,  la  Perse,  l'Arabie  pétrée,  et  même  en- 
démique au  Sénégal. 


Les  épidémies  ont  toujours  fait  de  fréquentes  apparitions 
dans  le  nord  de  l'Afrique.  Pour  ne  parler  que  du  siècle  présent, 
on  se  rappelle  sans  doute  les  grands  ravages  de  la  peste  dans 
la  régence  d'Alger,  .de  1817  à  1822.  Les  Arabes  confondent 
sous  le  nom  de  habouba  (peste),  de  meurdh  lassfar  (la  maladie 
jaune),  rthh  lassfar  (le  vent  jaune],  les  affections  épidémiques 
qui  déciment  énergiquemént  une  certaine  étenduede  localités. 
Le  commentateur  musulman  a  ainsi  (2)  défini  la  peste  : 

«  La  peste  se  caractérise  par  la  pblyctène  renfermant  un  liquide 
empoisonné  accompagné  d'inflammation  et  de  lividités  environ- 
nantes, produites  par  la  piqûre  de  traits  que  lancent  les  djinns 
ou  lutins,  par  les  gonflements  ou  bubons  qui  manquent  r^ement  de 
se  développer  sur  les  parties  du  corps  où  la  cbair  est  plus  làcbe  et 
plus  molle,  aux  aines,  aux  aisselles,  au-dessous  des  oreiHes.  » 

Cette  étiologie  se  trouve  admise  par  les  Arabes  pour  toute 
épidémie.  Ils  prétendent  également  que  la  peste  est  toujours 
venue  du  levant  au  couchant.  Kabès  est  sujet  à  la  peste,  lit-on 
dans  Moula  Ahmed  (3);  ses  habitants  son!  toujours  malades, 

(i)  Bkimsib,  Truite  dês  rert  inttstiHmu  Jt  l'kewm*,  p.  ai  S. 

(a)  SI KMit,  t.  III,  cb,  IX,  p.  90. 

(3)  Forage  4$  Mn^m  Ahmti,  induit  par  M.  B»a»vao«R.  p.  a^n- 


—  «28  — 

et  les  gens  du  pays  prétendent  que  la  cause  en  est  dans  la 
grande  quantité  de  lauriers-roses.  En  respirant  sans  cesse 
l'amertume  de  cette  plante^  ils  deviennent  malades,  disent-ils, 
et  c'est  pour  cela  qu'ils  ont  tous  le  teint  jaune.  Il  y  a  encore 
un  antre  inconvénient  dans  cette  ville,  Teau  y  est  mauvaise  ei 
semble  croupie,  etc....  M.  Berbrugger  ajoute  en  note  :  «  Quel- 
ques personnes  ont  attribué  l'extrême  insalubrttédu  canton  où 
on  avait  établi  le  camp  de  VHarrach  (près  Alger),  à  la  même 
cause.  La  quantité  d'arbustes  de  ce  genre  qui  se  trouvent  aux 
environs  est  inimaginable.  On  sait  quel  caractère  de  malignité 
avaient  les  fièvres  contractées  en  cet  endroit.  »  Rappelons  que 
cette  cause  n'a  plus  été  citée  lors  de  la  dernière  épidémie  cho- 
lérique qui  a  sévi  trois  années  consécutives  en  Algérie  (1); 
l'on  a  plus  spécialement  observé  que,  chez  les  Arabes,  la  durée 
du  fléau  avait  été  moins  longue  dans  les  montagnes,  plus 
longue  dans  beaucoup  de  localités  indigènes  situées  sur  les 
affluents  des  rivières.  Les  Arabes  des  plaiifies,  du  littoral  et  des 
terrains  humides,  ont  généralement  offert  le  plus  de  victimes. 
Les  guérisons  ont  semblé  rares  chez  les  Indigènes,  sans  doute 
à  cause  de  leur  peu  d'observance  des  précautions  hygiénique* 
recommandées  et  de  leurs  mauvaises  conditions  sanitaires 
habituelles.  Sur  grand  nombre  de  points,  ils  laissaient  leurs 
tentes  à  l'approche  du  fléau,  abandonnaient  les  cholériques, 
et  l'intervention  de  l'autorité  a  souvent* été  nécessaire  pour  les 
obliger  à  ensevelir  les  morts.  -—  Lors  de  l'épidémie  de  1835, 
dans  la  seule  ville  de  Blidah,  il  est  mort,  en  vingt-deux^ 
jours,  1,600  habitants  de  tout  sexe  et  de  tout  âge.  En  1849, 
1850  et  1851,  le  chiffre  de  la  mortalité  chez  les  Arabes,  tout 
difficile  et  impossible  même  qu'il  soit  à  obtenir  approximati- 
vement, peut  être  évalué,  en  nombres  ronds,  pour  les  trois 
provinces  : 

(i)  Voyesmon  Rapport  sur  h  cAo/érm  m  Jiférie,  Alger,  i85a. 


429 


En  i849,  à  21,000 
£û  1850,  à  48,000 
En  1851,  à       ?.... 


j   39,000  Indigènes  (1)1 


Un  fait  digne  de  remarque  dans  l'histoire  du  choléra,  dit 
H.  Guyon  (2],  c^est  que  dans  répidémie  de  Gonstantine  (en 
1837),  la  population  Indigène  paraîtrait  en  avoir  été  entière- 
ment respectée.  Est-ce  que  les  organisations  susceptibles  de  la 
contracter  en  auraient  été  toutes  atteintes  en  18357  On  saii 
^u'il  y  exer^  les. plus  grands  ravages,  et  que,  sur  une  popu- 
lation d'environ  50,000  âmes,  il  en  périt  14,000.  Du  reste, 
Alger  et  Bone  en  4  837  font  naître  la  même  question  ;  car,  dans 
toutes  les  deux,  cette  année,  la  population  civile  a  été  si  peu 
touchée,  qu'on  pourrait  dire  que  la  maladie  y  a  été  entière- 
ment concentrée  parmi  les  troupes.  Et,  en  effet,  que  sont 
vingt  décès  pour  Bône  et  cent  pour  Alger,  qui  eurent  lieu 
pendant  les  dernières  épidémies  de  ces  deux  villes?  —  H.  le 
docteur  Guyon  fait  en  outre  observer  qu'en  1835  et  en  1837, 
Bougie^  placée  entre  Bône  et  Alger  infectées,  fut  épargnée, 
qiioique  les  habitants  fussent  presque  tous  val^tudiBaires; 

(i)  On  Mit  qoe  d'après  les  calcub  de  M.  Mobbao  sa  Joviiàt  (Rapport  au  eomseil  supéiêur 
de  tpmiitur  h  cAoUrm-morbus  pestiUHtiel,  Paris.  i83t),  U  mortaKU  prod«ite  p«f  le  AoUft 
de  1S17  à  i8ai,  a  iié  éralaëe  en  Arabie  aa  TIEBS,  et  en  PrrM  au  SIXIÈME  des  habiUnts 
des  Tilles  !...  —  D'antre  part,  dans  son  Mémoirt  sur  U  ehoi^-morku  (t.  VI  des  jinnmhi 
é'Âjrgiim  p*AHtpÊt  et  Jt  médetiM  Ugmiê»  i8Sr»  page  3^9),  le  IK  La»»»  rapporte  que»  M  i8it 
à  i83o,  ledtoléra  a  raragé  la  Perse  pendaaj  daq  irruptions  ;  <iim,  da  Midi  an  Nord,  il  a 
traTersé  cet  empire  dans  nue  étendne  de  3oo  lieues...;  qne  de  la  Sjria»  il  s'est  propifé  à 
Tripoli,  à  Damas  i  qne,  dans  laMétopoUnile  et  la  Syrie»  il  a  raragtf  vingt-linit  ville»  pria* 
cipales  et  bcancoop  de  lieux  qni  sont  dans  le  roieinaf e  on  an  milien  de  déserts  pierreux  et 
sous  l'influenre  d'une  atmosphère  privée  dlininidité,  etc.  —  n'est-ce  donc  pas  un  deroir, 
pour  les  nations  placera  à  la  tète  de  la  OTilisatioa,  de  faire  tout  ce  qui  dépend  d'elfes  pour 
assainir  tout  de  contrrcs  insalubres,  et  détruire  ainsi  les  germes  de  toutes  ces  pestes  spon- 
tanées? M.  WiLLasKS  a  /turabondéuiment  prouré  {Dts  epiJemits  sous  les  rapports  dt  i'hjrgiint 
ptAèiqm,  </#  /a  Uatistique  mêdieuh  et  de  r économie po/itiquef  t.  Vlll  des  Jnnaler  d'hjrgièi**  jtt- 
hti^u»,  p.  S5,)  que  les  ^pidcmirs  dîoiinnent  At  fréquence  et  d'intensité  dans  tous  1rs  pays  qui, 
de  I4  barbarie  on  de  l'ignorance,  passent  h  l'état  de  eiYilisatlon,  ou  d'une  ciTilisation  impar> 
faite  à  une  ciTilisation  perfectionnée. 

(a)  Relat.  dt  l'espéd.  de  CmstemHna  $n  t^f,  t.  XXXXIV  des  Mém.  de  mtd.  et  de  chir.  milit. 


—  430  — 

et  (le  plus  qu'Alger  et  Bôoe  se  trouvèrent  visitées  deux  fois  par 
le  fléau,  tandis  qu'Oran,  la  seule  de  ces  villes  où  il  éclata 
en  4834,  eut  le  privilège  d'une  immunité  complète  en  4837. 

L'illustre  baron  Larrey  avait  remarqué  (4)  que  les  individus 
qui  habitent  près  des  sources  thermales  sulfureuses  étaient 
préservés  des  épidémies  régnantes,  et  que  les  bestiaux  placés 
dans  les  mêmes  conditions  échappaient  également  aux 
épizooties  contagieuses.  Cette  observation  n'a  pas  été  confirmée 
en  Algérie.  D'autres  immunités  qui  ont  paru  plus  évidentes, 
c'est,  par  exemple,  que  les  Arabes  porteurs  d'huiles  fournirent 
beaucoup  moins  de  victimes.  Desgenettes  (2)  a  cité  des  faits 
analogues  pour  l'Egypte  et  Tunis.  D'autre  part,  alors  que  le 
choléra  ravageait  le  Sahara  en  4835,  des  tribus  (Soaf, 
Arazelia,  entr'autres)  vivant  presqu'exclusivement  de  lait  de 
chamelle,  auraient  été  complètement  épargnées. 

Le  choléra  qui  en  4  849  comme  en  4  835  succède  en  Algérie, 
ainsi  que  dans  le  Djerid  Tunisien,  à  une  épidémie  de  variole,  a 
été  remarquable  chez  les  Arabes  en  ce  que  les  crampes  furent 
généralement  peu  marquées.  —  En  4  849,  le  redoublement  du 
fléau  à  Constantine  a  été  attribué  à  la  coïncidence  de  VÀïd  el 
Kebir,  fête  publique  pendant  laquelle  les  Indigènes  se  livrent 
à  beaucoup  d'excès. 

Dieu  envoie  la  peste,  pense  l'Arabe  (3),  donc  il  y  aurait 
impiété  à  la  combattre.  C'est,  en  effet,  pour  éviter  d'avoir  à 
lutter  contre  un  si  terrible  ennemi  qu'ils  se  sauvent  a  toutes 

(i)  T.  XXXI  des  Mimoiret  d*  médecin*  et  d»  ekirurgU  mthtatrtt. 

{%)  Histoire  Médicale  d*  formée  d'Orient,  i^  partie,  p.  a48. 

(3)  iMs  qae  I«  dioléra  parat  à  la  Mecque  en  t83z»  les  tambours  et  la  mosiqo*  nuliulre 
eeasèrent  de  se  fuira  entendre;  la  raison  qa'on  en  donna  était  que  ces  instmments,  in^eatés 
par  les  infidèles,  araient  trouble  trop  longtemps,  par  leur  bruit  importun,  le  repos  des 
saints  lieux  et  violé  la  maison  de  Dieu  qui,  dans  sa  colère,  arait  enroyé,  non  pas  U  peeie 
parce  qu'il  gardait  la  promesse  donnée  par  son  Prophète,  mais  une  maladie  dont  Jas  rarag es 
n'étaient  pas  moins  grands....  (Lettre  de  M.  Mimant,  consul  général  de  France  en  Efypte  ; 
t.  Vf  des  Ânwehi  d'hygiène  publique ^  i83f,  p.  478). 


—  431  — 

jambes  dès  qu'il  s'aperçoit  de  son  arrivée.  D'ailleurs,  les 
savants  commentateurs  Musulmans  admettent  généralement 
qu'il  est  permis  et  même  avantageux  de  s'éloigner  des  lieux 
infectés  de  la  peste!  Quelques  tribus  ont  cependant  eu  le  bon 
sens  philantropique  de  ne  point  obéira  une  si  cruelle  coutume. 
En  4835,  les  Kabyles  du  Sebaô  et  de  Tiziouxou  (province 
d* Alger)  voulant  empêcher  le  choléra  de  se  propager  parmi 
eux,  établirent  dans  leurs  cimetières  une  sorte  d'ambulance 
dans  laquelle  ils  portaient  les  malades  dès  Tinvasion  du  fléau. 
Dans  la  province  d'Oran,  le  déplacement  officiel  des  tribus 
infectées  par  la  dernière  épidémie  a  paru  suivi  d'excellents 
résultats. 

Les  toubibes  arabes  emploient  contre  le  choléra  la  chêne- 
degoura  (ivette)  à  Tîntérieur,  le  xit  fialou  (l'huile  d'olives)  et 
l'eau  très  salée  concurremment  ingurgitées  en  abondance  (4). 
Ils  couvrent  l'abdomen  de  larges  pierres  ou  de  grands  plats  en 
terre,  préalablement  élevés  à  une  très  haute  température.  Le 
massage  avec  les  pieds  sur  les  parties  où  siégeaient  les  crampes, 
a  toujours  été  employé  avec  succès.  —  Dans  les  oasis  du  Zab, 
les  cholériques  étaient  maintenus  dans  un  courant  d'air  cons- 
tamment entretenu  frais  au  moyen  du  jeu  des  éventails,  et  en- 
veloppés dans  des  bcmotus  mouillés,  puis  gorgés  d'eau  fraîche 
ou  chargée  de  quethrane  (goudron).  Est^e  que  les  Saharis 
s'occuperaient  d'bydrdsudopathie?....  Quand  les  malades  ne 
succombent  pas  dès  le  premier  jour,  les  Arabes  tentent  quelque- 
fois de  combattre  les  progrès  du  mal  par  de  nombreuses  appli- 
cationsdefeu  sur  différentspointsdesmembreset  de  l'abdomen. 
Cette  méthode  paraît  être  également  en  usage  dans  le  Sud  d'une 
régence  voisine.  M.  le  D'  Loir-Montgazon  (2)  nous  apprend 
qu'en  4836,  le  choléra  éclata  dans  le  Sahara  tunisien  :  les 

^1^  llatitrAscarieax  d«  retroarer  cfa«i  le*  Chinoia  l'auploi  da  mI  marin  à  l'intérievr 
ditMMU  dam  I'mu  on  Tarine  d'oD  j^one  cafaot,  pour  le  txaitnMnt  do  ckoléra. 
(»)  Vojrmgtimnt  U  DjtHà,  Rcme  d'Orient,  i844- 


—  432  — 

toubibes  ^  commençaient  par  appliquer  le  fer  rouge  sur  Tépi- 
ga$tre,  à  plusieurs  reprises;  ensuite  ils  enveloppaient  le  malade 
dans  des  couvertures  de  laine  bien  chaudes,  et  enfin  ils  lui 
faisaient  boire  souvent  une  infusion  chaude  de  fleurs  d'une 
espèce  de  vipérine  bâtarde  (borraginées)  qui  croît  en  abondance 
dans  le  pays.  Je  dois  avouer  que  les  cautérisations  sur  Tépi- 
gastre  produisirent  devant  moi  de  si  heureux  effets,  que  j'en 
continuai  souvent  Tusage.  L'application  de  ce  puissant  dérivatif 
arrêtait  les  vomissemens  presqu'instantanément,  et  palliait 
d'une  manière  sensible  les  douleurs  épigastriques.  » 


Les  épidémies  de  Rougeole  (bou-hhamroun)  ne  sont  pas 
rares  chez  les  Indigènes  de  rAlgérie,  s'il  faut  en  juger  d'après 
les  quelque^  documens  suivants  : 

En  4  694,  épidémie  très  meurtrière  àBlidah  et  dans  la  plaine 
de  la  Mitidjà  :  —  en  4841  (fin  de  l'année),  épidémie  à  Alger. 
L'hiver  fut  froid  et  pluvieux.  Les  434  décès  comprennent  45 
européens,  35  juifs  et  54  musulmans.  —  En  septembre  4849, 
épidémie  dans  les  montagnes  voisines  de  Cherchell  (chez  les 
BènirMénasser)  ;  —  en  juin  4  849,  épidémie  dans  le  cercle  de 
Mostaghaoem;  —  àMédéah,  des  cas  de  rougeole  sont  souvent 
signalés  dans  les  mois  de  juin  et  d'août;  etc.  On  voit  donc  que 
l'apparition  de  cette  maladie  a  lieu  dans  presque  toutes  les 
saisons,  —  Le  traitement  arabe  consiste  tout  simplement  à 
tenir  le  malade  chaudement,  aussi  bien  couvert  que  possible, 
et  à  pratiquer  sur  presque  toute  la  surface  du  corps  de  fré- 
quentes embrocalions  huileuses  :  cette  médication  est  la  même 
que  pour  la  petite  vérole. 

Dans  le  nord  de  TAlgérie,  depuis  l'occupation  française, 
que  de  nombreuses  apparitions  épidémiques  él  endémiques 
de  la  variole  I  Celle  de  4832  qui  sévit  cruellement  sur  les 
Maures  et  les  Juifs  d'Alger;  celle  de  4839,  qui,  dans  la  même 


—  433  — 

ville,  causa  78  décès  musulmans  sur  4  45  décès  généraux  pour 
la  population  civile  ;  celle  de  1840  à  Constantine,  tellement 
grave  que  le  docteur  Vital  (1)  a  observé  plus  de  400  cas  en 
ville  et  évalue  à  plus  de  2,000  le  nombre  des  varioleux  de 
tou)e  la  province;  l'année  précédente,  une  épidémie  de  petite 
vérole  avait  également  décimé  Conslantine  en  avril,  mai,  juin. 
—  Rien  de  plus  commun,  écrit  le  docteur  Finot  (2),  que  de 
rencontrer  dans  les  rues  de  Blidah  et  sur  les  grands  chemins, 
des  hommes  et  des  enfants  atteints  de  variole  en  pleine  suppu- 
ration, couchés  dans  la  boue  et  à  peine  couverts  de  quelques 
lambeaux  de  bemotASS.  —  Dans  une  inspection  des  écoles 
d'Alger,  le  D' Agnély,  directeur  de  la  vaccination  publique  (3), 
a  trouvé  en  4  849,  sur  528  enfants  musulmans,  452  varioles  I 
Les  prisonniers  indigènes  de  la  kasbah  de  la  même  ville  lai 
offraient  41  varioles.  —  D'après  MM.  Bouffar  et  Laprévotte. 
la  petite-vérole  exerce  souvent  de  grands  ravages  à  Koléah  ; 
aussi  y  rencontre-t-ori  beaucoup  de  borgnes  et  d'aveugles.  — ^ 
A  tous  ces  renseignements,  bien  incomplets,  il  est  vrai,  je  puis 
joindre  quelques  autres  détails  sur  les  épidémies  varioliques 
récemment  signalées  dans  les  tribus  et  villages  arabes  : 

Eo  i838,  dans  les  enriroas  de  DjidjelU. 

Bo  iS46,  épidémie  à  Médéah  ;  plus  de  5oo  enfants  morts  dans  Taghalik  d*nn  seul  dief. 
.    —     -en  oct.  et  noT.,  grands  ravages  de  variole  «lies  le*  IndifAoes  de  Nedroma  (o«d« 
de  Nemours). 
Bh  1847,  en  férrier,  épidémie  désastr.  ches  les  KabyTes  de  Cherchell,  enfants  et  adultes. 

—  en  mai»  -*•  dus  les  Bayrédooras  (eerde  de  Ténèt). 

—.      en  juin,  —  dans  le  cercle  de  Téniet>el-HAd;  3|4  despopql.  atteint. 

—  en  jainet,  ^  dans  les  enTirons  de  Sétif. 

—  en  aodt»  — ■  dan*  le  Zab  (9*0  tnfanu  de  6  mois  à  5  «00  enlerés  » 

à  Biskra«  sur  a  10  attdnu,  9$  enfants  morts. 

—  en  aoAl,  —  à  Constantine. 
'—      en  aodl,               —               à  Tlemeen. 

~      en  décembre,       —  i  Batna,  dans  la  firison  indigène. 

—  —  —  dans  les  montagnes  de  Chercliell. 

(  I  )  T.  LU  des  Mém,  4$  mM.  t  d9  thir,  mtUu 

(s)  C^mpf^ndu  du  /«T.  méd.  d»  BUd^,  t.  LVI  des  Mim,  de  méd.  9t  dt  ckk.  nUUu 

(S)  laslitnét  en  Algérie  par  décrtt  da  fto  joio  i848. 


—  434   — 

Bn  1647*  *^  décembre,       ->  chas  les  Lakhdart,  oerde  àt  Lacalle. 

—  —  —  à  Nédroma  (cercle  de  Nemoon). 

Bb  i848,  en  janTÎer,  épidémie  de  Tarioles  et  rarioloîdes  dans  le  cerele  de  Biskra. 
_  ^  ».  MiliaiMh. 

—  —  —  —  Médéah. 

— •  —  •—  très  nteortriires  dans  1c  district  <ic  Cherckell. 

—  en  férrier,  ~>      *»  ches  les  Kabjles,  près  de  PhilippeTille. 
•—      en  avril,                               —  dans  le  cercle  de  Tiaret. 

•— -      en  arrileimai,  —  •—  Chelma. 

^^      en  juillet,  •—  — >  Nenoort. 

Ba  1S49»        ?  —  à  Oran. 

—  en  férrier»  —  dans  le  sud  de  Bi^Har. 

«M      en  man,  —  très  intense  chex  les  B.  Meaioad  (c.  de  BBdab). 

—  en  mai,  —  — 

»      eamars,  -»  désastr.  dansleeerde  deB0|har-,  à  Garuaia^ 

il  monrait  plus  de  ao  iadiTidoi  par  jour. 

—  en  arril,  —  dans  le  cercle  d'Ammi'Monça. 
— •      en  mai,                                —  •—  d'Oran. 

—  enjoillet,  —  —  d«Tlemcen. 
Bn  fSSo,  en  nuut,                              —                 --  à  Nedroma. . 

—  enjain,  —  —  de  Sidi-bel-Abbèe  (cfaaqoe  an- 

née, des  cas  de  Tarieles  si^alés  &  cette  époq.). 
^^  î  —  dans  le  cercle  de  Mostagbanem. 

Bn  iSSi,  an  cooun.  de  Tannée,  —  —  Tenez. 

—  è  la  fin  de  l'année,  —  —      •  — 

—  7  _  _  Blidah.  —  Bic.,  etOi.»elo. 

Un  fait  qui  domine  la  pathologie  varioleuse  chez  les 
Indigènes  de  TAIgérie,  c*est  la  profondeur  générale  des 
stigmates.  Faudrait-il  l'attribuer  à  rintensité  du  mal?  D'un 
autre  côté,  la  forme  discrète  est  la  plus  ordinaire  :  la  can- 
fluente  paraît  peu  fréquente.  Ces  deux  phénomènes,  profon- 
deur des  cicatrices  et  nature  discrète,  peuvent  être  rapprochés 
comme  cause  et  effet.  On  a  vu  dans  les  prolégomènes  de  ce 
livre  (page  3931]  la  différence  que  les  Arabes  établissent  entre 
les  formes  de  la  variole..  Inutile  sans  doute  d'insister  sur  le 
haut  degré  meurtrier  de  ces  épidémies  parmi  les  Indigènes  : 
l'appareil  oculaire  souffre  principalement  de  ces  ravages  si 
multipliés;  de  là  aussi  cette  innombrable  série  de  taches 
coméales,  d'ophthalmies  incurables,  de  slaphylômes  que  Ton 
rencontre  de  tous  côtés  dans  les  tribus. 


—  435  — 

Les  médecins  qui  ont  pratiqué  des  vaccinatiops  sur  des 
Arabes  et  sur  des  Européens,  auront  très  certainement  reroar^ 
que  que  chez  les  premiers,  les  boutons  sont  bien  moins 
développés  que  chez  les  seconds.  La  cause  en  est  sans  doute  le 
degré  plus  faible  de  réaction,  de  fièvre,  chez  les  Arabes. 
Néanmoins,  cette  observation  doit  avoir  de  l'importance  dans 
le  traitement,  afin  de  sauvegarder  davantage  les  organes 
internes  contre  les  accidents  dont  ils  pourraient  par  cela 
même  être  plus  facilement  le  siège.  D'autre  part,  il  -conr- 
viendra  de  s'enquérir  si  les  phénomènes  qu'amènent  dans  le 
développement  de  la  vaccine  les  conditions  anatomiques 
particulières  au  tissu  cutané  et  au  système  nerveux  chez 
l'Arabe,  n'indiquent  pas  la  nécessité  de  recourir  à  un  plps 
grand  nombre  de  piqûres  vaccinales.  Peut-être  l'influence  du 
climat  joue-t-elle  ici  un  rôle  dont  il  faut  également  tenir 
compte;  il  est  certain,  en  effet,  que  le  trouble  fonctionnel  de 
l'enveloppe  cutanée  par  les  variations  atmosphériques,  si 
fréquentes  dans  ce  pays,  doit  empêcher  Faction  du  virus 
inoculé  d'être  aussi  complète,  de  s'épanouir  aussi  facilement 
à  l'extérieur. 

La  période  de  suppuration  varioleuse  dure  assez  longtemps 
chez  l'Arabe  :  l'absence  de  soins,  de  propreté,  de  linge^  en 
constitue  sans  doute  la  cause  particulière. 

Les  Arabes  prétendent  que  dans  les  localités  où  il  y  a  des 
eaux  salées,  magnésiennes,  la  variole  sévit  peu  chez  l'homme 
et  chez  les  animaux  (clavelée),  et  attribuent  à  l'action  de  ces 
eaux  cette  immunité  particulière.  Une  telle  opinion  mérite 
examen  attentif.  Nous  avons  cependant  remarqué  que  dans  le 
Zab,  à  Biskara  et  aux  environs,  les  affections  de  peau  sont 
fréquentes  ;  mais  ce  ne  serait  point  une  raison  pour  que  les 
eaux  saumâtres,  chargées  de  principes  salins  dans  ce  pays, 
n'eussent  point  un  priWlège  à  TendrcNlt  des  affections  épidémi- 


-  436  — 

ques  cm  endémiques,  par  exemple  en  diminuant  les  causes 
prédisposantes,  par  une  action  constante  sur  le  tube  intes* 
tinal. — Quoique  très  respectée  par  un  grand  nombre  d'Arabes 
qui  lui  prêtent  des  propriétés  dépuratives  très  avantageuses, 
la  variole  (djidri)  est  généralement,  chez  les  Indigènes,  l'objet 
d'une  pratique  prophylactique,  l'inoculation.  Avant  d'en 
parler,  faisons  remarquer  que  la  dangereuse  habitude  de  ne 
pas  isoler  les  malades  pendant  l'épidémie,  rend  chez  eux  la 
contagion  plus  facile.  L'impossibilité  de  tenir  les  demeures 
(tentes,  gourbis,  maisons  en  terre)  a  un  d^ré  de  température 
convenable  et  nécessaire  même,  l'inconvénient  inhérent  à  la 
nature  générale  (laine)  de  leurs  vêtemens  qui  conserve  davan- 
tage le  miasme  infectieux,  telles  sont  encore  les  conditions 
d'aggravation  dans  le  développement  individuel  ou  public  de 
I*affection  (4). 

LMnoculation  [qwthdel  4; tefri, couper  la  yariole),  qui  paraît 
être  une  pratique  très  ancienne  chez  les  peuples  orientaux,  et 
que  l'on  prétend  avoir  été  introduite  au  seizième  siècle  à  Cons- 
tantinople  par  des  voyageurs  témoins  de  ses  bienfaits  en  Asie, 
consiste,  lorsque  des  cas  de  variole  se  manifestent  dans  une 
localité,  à  profiter  de  l'état  de  maturité  des  boutons,  à  les 
crever  ou  les  inciser;  on  récolte  le  pus  sur  un  chiffon,  sur  une 
touffe  de  laine,  et  on  en  frotte  quelques  instants  une  incision 
préalablement  pratiquée  sur  le  jeune  sujet  que  l'on  veut  pré- 
server de  la  maladie.  L'endroit  où  l'on  fait  cette  petite  plaie  qui 
recevra  le  virus,  varie  beaucoup  :  chez  les  uns,  c'est  la  face 
dorsale  de  la  main,  à  la  base-pouce  ;  chez  les  Maures,  c'est  la 
partie  postérieure  du  lobule  de  l'oreille  ;  chez  d'autres,  le  pli 
du  coude,  ou  bien  la  région  supérieure  du  bras,  sur  le  dei- 

(f)  Oa  attrilme  géttéMiemmt  à  r Amlne,  à  rj^bystinie,  à  VElhiopie,  rorigine  «tcarfoot 
U  propagation  de  la  rariola,  ch«  tous  les  peaple»  que  I«  fanatisme  religieux  dos  Mosnlmana 
itageait  sons  leon  lob.  Quant  à  l'origine,  le  fiiit garait  dooteux,  il  l'on  en  croit  M.  UM  ; 
lla«lat,.évéqMd*ATraBehe,  aorail  (Ut  mantioii  de  oatia  maladie  daoi  «a  Gkrooi^M  dft  S70. 
{Dhu  Je  Méd.  et  de  Chir.  prmtiq.  t.  XV,  p.  596), 


—  4a7  — 

to]ide,^it  encore  la  région  scapulaire,  soit  la  face  interne  de 
la  cuisse.  Le  plus  généralement,  dans  l'Atlas,  comme  dans  la 
plaine  et  le  Sahara,  on  incise. entre  le  méduis  et  l'index,  profr- 
qu-entre  les  deux  métacarpiens,  à  la  face  dorsale  de  la  main 
gauche.  —  Les  frictions  avec  le  chiffon  imprégné  de  virus  va* 
rioleux  se  répètent  ordinairement  le  troisième  jour.  Toujours 
ce  nombre  Iroif.... 

Dans  le  Sahara,  «  il  existe,  touchant  le  succès  de  l'opération, 
un  pronostic  superstitieux.  On  donne  des  pois  à  Penfant 
malade,  et  on  l'engage  à  en  offrir  à  l'enfant  inoculé.  Celui-ci 
aura  un  nombre  de  boutons  correspondant  au  nombre  de  pois 
que  le  malade  lui  aura  donné  (4).  i»  A  Tripoli  de  Barbarie, 
l'incision  est  faite  sur  le  dos  du  carpe  entre  l'indicateur  et  le 
pouce.  Dans  les  Indes-Orientalefs,  c'est  sur  le  bras  préalable* 
ment  bien  frictionné,  bien  échauffé  par  des  manipulations 
actives,  que  Ton  applique  le  coton  imbibé  de  liquide  vario- 
leux.  En  Arabie,  le  virus,  dont  on  fait  un  débit  ou  commerce 
public,  s'inocule  au  moyen  d'une  aiguille  ordinaire.  En 
Géorgie,  le  sang  qui  résulte  des  piqâres  multiples  du  corps 
par  ce  même  moyen,  est  mélangé  sur  place  avec  le  pus 
varioleux,  et  on  se  contente  de  recouvrir  exactement  les  petites 
plaies.  En  Grèce,  les  piqûres  se  pratiquent  en  croix  sur  la 
figure  (front,  joues,  menton).  En  Ecosse,  on  écorche  légère- 
ment la  peau  du  poignet  par  des  frictions  prolongées,  et  l'on 
entoure  l'articulation  radio-carpienne  de  fils  trempés  dans  le 
virus  varioleux.  En  Chine,  le  liquide  infectieux  est  directement 
appliqué  sur  la  muqueuse  nasale  à  l'aide  des  croûtes  même 
des  pustules,  ou  d'un  petit  tampon  de  linge  baigné  dans  leur 
contenu,  etc. 

Une  fois  l'inoculation  pratiquée,  l'Arabe  tient  chaudement 
le  malade,  et  lui  fait  boire  une  sorte  d'hydromel  ;  il  atte»d 

(0  âfttu  d'Wtm,  février  1849  -  Âigtrit  Miridi^mmh,  par  M.  Pm*». 


~  438  — 

Téruption  pustuleuse  générale,  dont  le  traitement  sera  identi^ 
que  à  celui  de  la  variole  spontanée.  Dès  que  les  pustules  se 
déclarent,  on  couvre  tout  le  corps  (les  yeux,  la  bouche  et  les 
narines  exceptés)  avec  des  plaques  de  laine  bien  imbibées 
d'huile;  quelquefois  on  frotte  tous  les  boutons  avec  un 
mélange  d'huile  et  de  miel,  ou  bien^implement  avec  du 
beurre.  —  L'Indigène  fait  peu  d'attention  si  les  pustules  sont 
plus  nombreuses  à  la  tête  ;  l'observation  ne  lui  a  pas  encore 
appris  les  avantages,  en  pareil  cas^  de  révulser  sur  les  extré- 
mités inférieures.  Il  s'occupe  encore  moins  des  complications 
qui  peuvent  survenir  du  coté  de  l'intestin,  des  voies  respira- 
toires, etc.,  —  Une  fois  la  suppuration  bien  établie,  le  malade 
est  entièrement  ablutionné,  puis  recouvert  de  nouvelles 
plaques  de  laine  trempées  dans  l'hurle.  Ce  eorps  gras  qui 
domine  dans  le  traitement,  a  l'avantage,  d'après  les  Arabes, 
de  rendre  les  cicatrices  moins  difformes  et  la  maladie  moins 
douloureuse.  Ajoutons  qu'à  Tinstar  d'une  couche  épidermique 
supplémentaire,  il  forme  un  écran  salutaire  contre  les 
variations  atmosphériques  dont  l'influence  ne  serait  pas  sans 
danger,  car  l'enveloppe  de  laine  laisse  toujours  beaucoup  à 
désirer  sous  le  rapport  de  l'épaisseur,  de  la  quantité,  chez  une 
classe  aussi  malheureuse,  et  s  y  trouve  le  plus  généralement 
remplacée  par  de  mauvais  chiffons  de  bemouss  usés. 

Pour  préserver  les  yeux  de  la  petite  vérole  inoculée,  on  a 
soin  d'enduire  de  koheul  toute  la  surface  des  paupières,  et 
d'en  faire  parvenir  quelque  peu  sur  la  conjonctive. 

La  pratique  de  l'inoculation  nous  suggère  une  réflexion  qui 
prouverait  combien  la  snperstition  de  l'Arabe  est  aveugle,  et 
comment  elle  reçoit  souvent  de  cruels  démentis  de  la  part  de 
ses  propres  actes.  Dans  la  peste,  dans  les  épidémies,  dans 
toute  affection  incurable,  le  fatalisme  pousse  l'Indigène  à  voir 
la  volonté  divine  déchaînant  la  maladie  ou  prolongeant  les 
souffrances  physiques;  au  contraire,  dans  la  petite  vérole,  il 


—  439  — 

he  croit  plus  autant  à  rinterventiou  du  Tout-Puissaot,  il 
détruit,  de  par  le  fait  de  TinoculatioD,  cet  ouvrage  pathologique 
dont  il  prête  cependant  toute  l'intention  créatrice  aux  colères 
célestes.  Ce  qui  revient  à  démontrer  une  fois  de  plus  que  la 
superstition  a  Tignorance  pour  mère  et  souvent  pour  com- 
pagne fidèle.  —  La  généralisation  de  cette  pratique  de  l'ino- 
culation résulte  de  l'observation  faite  chez  un  grand  nombre  de 
nations,  à  savoir,  que  la  variole  inoculée  a  toujours  moins  de 
gravité  que  la  variole  spontanée  ;  les  Arabes  y  voient  un 
avantage  particulier,  c>st  qu'elle  s'accompagne  de  pustules 
bien  moins  nombreuses  dans  l'infection  artificielle.  Il  faut 
ajouter  aussi  que  chez  les  Arabes,  les  varioloïdes,  les  varicelles 
affectent  très  rarement  les  individus  déjà  inoculés.  Ce  fait 
tiendrait-il  à  ce  que  le  viras,  puisé  à  une  source  consiamment 
fraîche,  ne  subit  point,  comme  notre  vaccin,  des  altérations 
particulières  par  l'ancienneté  de  conservation  et  la  haute 
température  du  climat  algérien. 

Ce  n'est  point  ici  le  lieu  de  discuter  si,  comme  le  croit  M. 
Bayard  (1),  l'inoculation  vaccinale  a  déplacé  la  variole  dans 
Page  et  dans  l'organe;  si  la  population,  d'après  M.  Carnot  (2), 
augmente  graduellement  dans  certains  départements  oii  la 
vaccine  n'a  jamais  pu  fleurir,  etdiminuedans  d*autres  où  elle 
a  été  favorablement  acueillie;  si,  comme  pense  l'avoir  statisti- 
quement démontré  H.  Grégory  (3),  l'action  préservatrice  de  la 
vaccine  s'opère  dans  des  limites  très  restreintes,  et  s*il  n'y 
aurait  point  dans  la  pratique  de  l'inoculation  variolique  un 
moyen  plus  sûr,  une  garantie  plus  efficace.  Les  médecins  des 
Bureaux  Arabes  diront  un  jour  si  l'inoculation,  pratiquée 
surtout  dans  les  conditions  atmosphériques  qui  déterminent 

(i)  Cauftu  mtdifie  it  Parit,  da  4  septembre  i85a. 
(s;  idem.  idem. 

(3)     ,  IfUm.  du  9  anil  iS53- 


—  uo  — 

Péclosioû  de  la  variole  épidémique,  l'emporte  ou  non  sur  la 
vaccination,  chez  les  Indigènes. 

Bornons-nous  à  dire  un  moi  sur  l'apparition  de  notre  vaccine 
chez  les  Indigènes  algériens.  Introduite  à  Alger  dans  le  com- 
mencement de  ce  siècle  par  quelques  Ck)n8uls  et  Chargés 
d'Affaires  effrayés  des  ravages  des  épidémies  varioliques  dans  le 
nord  de  l'Afrique  ;  pratiquée  ultérieurement,  sous  le  règne  du 
dernier  Dey,  par  un  médecin  piémontais,  la  vaccine  a  toujours 
éprouvé  de  grandes  difficultés  à  recevoir  dans  ce  pays  ses  lettres 
de  naturalisation.  Depuis  l'occupation  française,  le  chirurgien 
en  chef  de  Tarmée  en  1 832,  le  D' Chevreau  a  le  premier  pra- 
tiqué cette  opération  prophylactique,  à  l'occasion  d'une  épi- 
démie des  plus  désastreuses.  Il  fut  imité,  dans  la  même  ville 
d'Alger,  parles  médecins  militaires,  notammentlIH.BonnafoQt, 
Flescbut,  etc.  En  4834,  M.  Giscard,  chirurgiennnajor  des 
Zouaves,  introduisait  les  bienfaits  de  la  vaccine  chez  les  Indi- 
gènes de  ce  régiment  et  chez  quelques  Arabes  des  tribus  par- 
courues parles  colonnes  expédionnaires  (au  marché  de  Bou 
Farik  notamment).  En  avriH835,  l'intendant  civil  autorisait 
le  D^  Pouzin  à  faire,  chaque  jeudi,  à  la  mairie  d'Alger,  une 
vaccination  publique  et  gratuite  pour  toutes  les  nationalités. 
Quelques  notabilités  musulmanes  et  israëlites,  pénétrées  de 
rinlérêt  sérieux  de  cette  mesure  préventive,  firent  même  affi- 
cher dans  les  mosquées  et  synagogues  un  avis  destiné  à  engager 
leurs  corrcligionnaires  à  y  soumeltrc  leurs  enfants.  Quelques 
mois  après,  les  vaccinations  officielles  furent  faites  à  la  mairie 
par  le  D'  Baudens.  A  partir  de  mars  4837,  le  D'  Renaut  s'en 
-trouva  chargé.  Sur  d'autres  points  de  l'Algérie,  Bône,  Bougie, 
Hostaghanem,  Oran,  etc.,  la  vaccine  s'implantait  insensible- 
ment en  même  temps  que  la  civilisation,  grâce  au  dévouement 
des  médecins  de  l'année  qui  la  propageaient  partout  où  le 
sort  de  la  guerre  appelait  nos  troupes  victorieuses.  En  4844, 
le  D'  Santi,  médecin  en  chef  de  l'hôpital  de  Koléah,  vadbinait 


9 


—  U1  — 

227  Arabes  de  la  ville  etdes  douai  rs  on vironDants.  Le  Moniteur 
Algérien  du  14  avril  en  rend  compte  sous  le  titre d7n^roduc* 
tion  de  la  Vaccine  chez  les  Arabes  ;  l'auteur  de  l'article 
ignorait  sans  doute  les  faits  propres  à  M.  Giscard  (1832  à 
1834).  —  La  propagation  vaccinale,  jusque  là  limitée  aux 
localités  occupées  ou  parcourues  par  l'armée,  trouva  un  nouvel 
clément  d'activité  dans  la  création  des  Bureaux  Arabes.  Mais, 
que  de  difficultés  inouies,  que  de  dégoûts  incessants  atten- 
daient le  zèle  de  tous  les  médecins  attachés  àcenouveauservicel 
Les  Indigènes,  sollicités  soit  par  l'exemple  donné  par  les  cheb 
Arabes  qui  faisaient  vacciner  leurs  enfants,  soit  par  des  circu- 
laires, soit  par  des  exhortations  directes  dans  toutes  les  occa- 
sions oii  l'autorité  et  la  médecine  française  pénétraient  jusqu'à 
eux,  opposaient  une  répugnance  extrême  à  échanger  leur  mode 
d'inoculation.  Les  services  de  santé  de  Koléah,  Blidab,  les  Af- 
faires Arabes  de  Cherchell,  Boghar,  Médéah,  Orléansville, 
Tlemcen,  Nemours,  Bône,  Djidjelli,  etc.,  entassez  retenti,  de 
1848  à  1851,  des difficultéftpresqu'invincibles  inhérentes  à 
toutes  les  tentatives  employées  pour  convaincre  les  Musulmans 
de  la  supériorité  de  la  méthode  française.  —  Les  Arabes  s'é- 
criaient ici,  que  la  vaccine  ne  servait  qu'à  marquer  leurs 
enfants;  là,  refusaient  ouvertement  de  répondre  aux  proposi- 
tions réitérées  d'inoculation  préserji^lrice  ;  d'un  autre  coté, 
redoutaient  une  opération  qui  leur  paraissait  destinée  à  impri- 
mer le  chiQredes  conquérants,  en  traits  indélébiles,  sur  leurs 
jeunes  enfants;  par  ici,  envoyaient  leurs  kaïds  protester  et 
déclarer  qu'ils  jeteraient  plutôt  leurs  enfants  à  la  mer  que  de 
leur  laisser  imposer  un  signe  dont  le  but  était  de  les  reconnaf* 
tre  un  jour,  de  les  enlever  aux  familles  et  les  forcer  au  baptême 
chrétien;  d'autres  faisaient  courir  le  bruit  qu'on  voulait  mar- 
quer les  enfants  pour  la  conscription  ;  ceux-ci  repoussaient 
^  avec  horreur  le  mélange  du  sang  arabe  et  du  sang  chrétien  ; 
ceux-là  disaient  qu'un  remède  puisé  chez  riiommc,  chez  un  ^ 


—  442  — 

Musulman  surloul,  devait  être  plus  salutaire  que  celui  que 
fournit  un  pauvre  animal  tel  que  la  vache,  etc.  Bref,  la  popu- 
lation Arabe  se  montrait  partout  énergiquemeat  réfractaire  à 
la  vaccination.  C'est  alors  que  le  Mobacher,  journal  arabe 
rédigé  par  le  Bureau  politique  d'Alger  et  distribué  dans  les 
donairs,  crut  devoir  intervenir  et  calmer  cette  effervescence 
d'opposition  : 

«  A  roccaslon  de  la  pratique  de  la  vaccine  (dîsalt-il  le  30  mars 
18à9),  ce  remède  que  la  bénédiction  de  Dieu  a  donoé  aux  hommes 
pour  les  délivrer  d*an  iléau  q.i^i  a  fait  tant  de  victimes,  les  menson- 
ges le^  plus  absurdes,  les  calomnies  les  plus  graves  ont  été  pro- 
férés. Des  hommes  crédules  y  ont  ajouté  foi,  et  Ton  a  été  obligé  de 
suspendre  remploi  de  cette  utile  méthode.  Ainsi,  quand  partout 
les  souverains  Musulmans,  tels  que  TEmpereur  de  Constantinople, 
le  Pacha  d*£gypte,  quand  sur  la  terre  môme  du  pèlerinage,  dans 
THyémen,  tous  les  hommes  respectables  par  leur  science  et  leur 
religion  se  font  un  devoir  de  propager  remploi  de  la  vaccine,  par 
snite  des  nombreuses  expériences  qu'ils  en  ont  faites  sur  toutes 
leurs  populations,  des  malintentionnés  parviendront  à  faire  triom- 
pher Terreur  et  le  mensonge?  Go  n'est  pas  par  des  paroles  que 
nous  chercherons  à  vous  détromper,  mais  par  des  faits.  Saches 
qu^avant  Tlntroduction  de  la  vaccine  en  France,  sur  cent  personnes 
attaquées  de  la  petite-vérole,  environ  quatre-vingts  en  mouraient; 
et  depuis  que  Dieu,  inspirant  une  de  ses  créatures,  a  fait  connaître 
ce  bienfait  merveilleux,  à  peine  un  dixième  y  succombe  aujour- 
d'hui. Comparez  ces  résultats,  et  décidez  si  les  hommes  qui  vous 
détournent  d*employer  la  vaccine  sont  inspirés  par  le  génie  du  bien 
ou  du  mal.  » 

Hais  ces  justes  réflexions  ne  suffisaient  évidemment  pas  :  à 
coté  du  conseil,  il  eut  fallu  l'action.  L'unique  et  véritable 
motif  qui  empêchait  la  vaccination  de  s'implanter  dans  les 
mœurs  arabes,  c'est  la  vicieuse  et  incomplète  organisation  du 
service  médical  indigène.  Faute  de  pouvoir  sortir  de  la  loca- 
lité, faute  de  moyens  de  transport  et  de  fourrages,  les  médecins, 
détachés  tout  simplement  quelques  heures  par  jour  de  J'hôpi- 


—  lis- 
tai du  lieu  près  du  Bureau  Arabe,  ne  pouvaient  parcourir  libre- 
ment les  tribus,  y  suivre  les  progrès  des  épidémies,  les  prévenir, 
le  plus  souvent,  par  de  bonnes  mesures  hygiéniques,  profiter 
enfin  d'une  invasion  de  petite-vérole  pour  offrir  le  spécifique 
vaccinal  et  démontrer  sur  place,  aux  incrédules  et  aux  im- 
posteurs, que  le  bénéfice  de  la  guérison  et  de  Timmunité  était 
en  faveur  des  vaccinés»  dès  le  début  de  la  maladie  épidémique. 
Un  Arabe,  se  rendant  à  des  sollicitations  réitérées  ou  à  la 
pression  directe  de  Tautorité  dont  il  dépend  comme  chef  indi- 
gène, amène-t-il  un  enfant  à  vacciner?  Une  fois  Topération 
terminée,  le  jeune  malade  retourne  dans  la  tribu,  au  sein  de^ 
toutes  les  mauvaises  conditions  hygiéniques  inimaginables  ; 
les  soins  entendus,  indispensables,  manquent  complètement 
au  développement  régulier  de  l'éruption  vaccinale  ;  la  plu- 
part du  temps,  elle  ne  réussit  pas,  et  la  vaccine  finit  par  avoir 
tout-à-fait  tort  aux  yeux  de  Tlndigène,  qui  maudit  Tentête- 
ment  et  l'ignorance  des  iloumi^  (Chrétiens).  Voilà,  cependant, 

toute  la  vérité Pourquoi,  ensuite,  n'avoir  pas  abandonné 

aux  enfants  Arabes  vaccinés  les  cinquante  centimes  qui  for- 
ment la  modeste  rétribution  accordée  par  le  gouvernement  à 
tout  médecin  qui  justifie  d'une  opération  inoculatrice  ?  —  Le 
Mobacher  a  fait  connaître  aux  populations  indigènes  que  tout 
propriétaire  et  éleveur  de  bestiaux,  sur  lesquels  le  médecin  du 
Bureau  Arabe  aurait  reconnu  la  pustule  varioleuse,  avait  droit 
à  une  prime  de  250  fr.  Qu'est-il  arrivé  T  Alléché  par  cette 
perspective  de  toucher  quelques  douros,  l'Arabe  a  souvent  im- 
posé des  corvées  fort  peu  agréables  et  très  inutiles  au  médecin 
qu'il  appelait  trop  volontiers  pour  constater  une  éruption  qui 
n'avait  rien  de  commun  avec  le  cow-pox.  Ces  inconvénients 
n'existeraient  point,  si  le  médecin  du  service  indigène  pouvait 
parcourir  librement  et  fréquemment  les  tribus  de  son  cercle. 
—  Pourquoi,  enfin,  ne  pas  avoir  inoculé  du  vaccin  à  un  cer- 
tain nombre  de  vaches  arabes,  çà  et  là  dans  le  pays,  ot  ne 


^      _  444  _ 

s'être  point  décidé  à  faire  parcourir  les  tribus  par  les  médecios 
pour  utiliser  «ur;?/a(?eteliquide  préservatif?  Les  Arabes,  alors, 
n'auraient  plus  redouté  le  mélange  du  sang  chrétien,  et  n'eus- 
sent pas  eu  la  fréquente  occasion  de  rejeter  sur  la  fauté'des 
ioubibes  français  des  insuccès  assez  nombreux,  dûs,  en  grande 
partie,  à  l'altération  quesubit le  vaccin  conservé  en  Algérie. 

Il  n'y  a  pas  d'autres  moyens  —  et  je  les  ai  proposés,  mais 
en  vain,  plusieurs  fois.*—  d'implanter  des  innovations  chez  un 
peuple  ignorantet  entêté  dans  sa  routine.  Frappez  ses  sens  par 
un  résultat  palpable,  instantané,  et^  surtout,  provoqué  en 
temps  opportvn.  On  s'étonnera  donc  peu  de  Tanllpathie  des 
Arabes  pour  notre  vaccination,  surtout  si  l'on  veut  bien  réflé- 
chir à  tous  les  obstacles,  à  toutes  les  difficultés  que  rencontre 
encore  de  nos  jours  l'importation  de  cette  mesure  dans  certai- 
nes contrées  de  la  France.  Toutefois,  la  vaccine  tend  à  se  pro- 
pager fructueusement  dans  les  États  musulmans.  En  Egypte, 
d'après  le  journal  du  Caire,  on  à  vacciné,  en  4shoual  1848,  90 
garçons  et  49  filles,  à  l'hôpital  d'Ezbekia;  En  Turquie,  les 
bureaux  de  vaccine^  nouvellemeat  institués,  ont  pratiqué  plus 
de  7,000  opérations  dans  la  seule  année  4849-1850.  On  dit  la 
vaccination  très  populaire  dans  la  Régence  de  Tunis,  etc. 

Dans  le  Sahara,  le  dromadaire  âgé  de  deux  ans  est  sujet  à 
une  éruption  pustuleuse  autour  de  la  bouche  (1).  Les  chame- 
liers du  désert,  que  j'ai  pu  consulter  à  Biskra  sur  la  prétendue 
utilisation  du  contenu  de  ces  boulons  à  titre  de  vaccin  par  les 
naturels  du  pays,  m'ont  toujours  affirmé  n'en  avoir  jaumis 
entendu  parler. 

Terminons,  enfin,  ce  chapitre,  en  signalant  une  croyance 
partagée  par  grand  nombre  d'Arabes  :  c'est  que  les  épidémies 
de  varioles  apparaissent  chez  eux  à  des  époques  périodiques 
assez  fixes,  trois  ans  selon  les  uns,  quatre  ans  selon  les  autres. 


(i)  Voyez  Revut  iTOrieal,  ii\.\. 


-  445  — 

On  a  vu  jusqu'ici  que  tes  affections  cutanées  sonl  très  nom- 
breuses chez  les  Arabes,  —  facilement  transmises  par  la  géné- 
ration, —  déterminées  parle  climatqui  surexcite  lasensibilité 
elles  fonctions . cutanées,  *—  entretenues  d'ailleurs  par  les 
excès  vénériens^  par  Vabus  des  condiments  stimulants  et  par 
une  malpropreté  constante  dans  les  vêtements  parla  nature 
laineuse  de  ces  derniers,  par  Thumidité  habituelle  des  maisons 
et  des  tentes,  etc.  On  ne  s'étonnera  pas  dès  lors  d'apprendre 
que  les  dartres  et  la  gale  sont  fort  communes  dans  la  population 
indigène  de  l'Algérie.  Comme  nous  Pavons  déjà  dit,  hazaxa 
est  le  nom  de  toute  dartre  :  Aa^araia  me/Ai  (dartre  des  princes) 
indique  Peczéma  chronique  ;  hazaza  akla  (dartre  rongeante), 
le  lupus;  hazaza  elliiokhedj  menhou  elma  (dartre  d'hall  sort 
de  l'eau],  la  dartre  squammeuse  humide.  Ces  diverses  variétés, 
peu  connues  du  reste  de  la  masse  de  la  population,  ont  à  peu 
près  toutes  le  même  traitement  lacal,  qui  consiste  en  frictions 
avec  du  mokh  beugri  (moelle  de  bœuf)  ;  —  avec  un  onguent 
composéde^a^ouna^Ma/ (savon  noir]  et  de  khmira  (plante?) 
(ce  dernier  mot  signifie  aussi  du  levain,  mais  nous  avons  tu 
que  les  ferments  sont  inusités  chez  les  Arabes,  dans  la  panifi- 
cation) ;  —  avec  un  mélange  de  kebrit  (soufre]  et  d'huile,  — 
ou  bien  avec  de  la  graisse  de  dib  (chacal),  après  avoir  lotionné 
la  peau  à  Taide  d'une  décoction  de  choAr  (orge)  et  de  jus  de 
/ei/'e/ (raifort). 

A  Biskra,  on  commence  par  laver  la  dartre  avec  du  savon 
noir,  et  on  la  frictionne  avec  un  mélange  de  zatr'  (thym^  et 
de  cervelle  de  bœuf  broyés  ensemble. 

Pour  l'eczéma  chronique,  il  faut  prendre  du  vieux  cuir  de 
souliers  [djeld qiiedim  essabbath),  du  poil  de  chèvre  [chahar 
el  maza),  du  coton  (quethene),  du  son  d'orge  [nekkala  ech 
chair);  incinérer  toutes  ces  substances  ;  incorporer  les  cendres 
dans  de  l'huile,  et  se  frictionner  avec  ce  limincnt. 


-  446  — 

La  dartre  squammeuse  humide  doit  céder  à  un  mélange 
d'huile  et  de  saffar  béidha  (jaune  d'œuf)  dont  on  enduit  la 
région  malade  i  il  est  bon  de  manger  en  même  temps  tous  les 
jours  un  peu  de  cette  même  composition. 

Dans  l'Afrique  occidentale,  dit  le  géographe  arabe  Edrisi  (4), 
certains  habitants  sont  sujets  à  la  gale,  en  sorte  qu'à  ce 
signe,  dans  tout  le  pays  et  dans  toutes  les  tribus  du  Soudan, 
on  reconnaît  un  zaghououi  ;  s'ils  s'abstenaient  de  manger  du 
serpent,  ils  en  seraient  totalement  exempts,  —  Ce  n'est  pas  à 
coup  sûr  cette  alimentation  particulière  qui  rend  la  gale  [dje- 
reb)  presqu'endémique  dans  la  population  indigène  de  nos 
possessions  actuelles.  Les  Arabes  la  guérissent  en  frictionnant  le 
corps  avec  du  goudron  (quethrane)  ;  ou  du  suc  de  harmel 
(rue  puante)  ;  soit  avec  un  mélange  d'huile,  de  vinaigre  et  de 
cendres  de  bois  de  defla  ^laurier-rose).  On  conseille  également 
de  laisser  de  la  poudre  fine  de  henna  (lawsonia  inermis)  plu- 
sieurs jours  sur  le  corps. 

Quand  l'affection  psorique  est  ancienne,  invétérée,  on  doit 
boire  pendant  trois  jours  de  l'eau  et  de  la  bile  de  vache 
(merarat  tl  beugri)  dans  lesquelles  on  a  pilé  du  habbtn 
(graine  du  laurier  rose),  et  on  fera  bien  de  manger  en  même 
temps  une  galette  composée  de  farine  (dequiq)^  de  blanc 
d'œuf  (ii'adA  el  beïdha),  de  soufre  (kebrit)  et  d'huile.  —  Un 
autre  remède,  également  très  en  vogue,  consiste  à  couvrir  tous 
les  boutons  psoriques  avec  un  mélange  de  vinaigre  et  de 
cendres  de  bois  de  safsaf  (peuplier  blanc  de  Hollande).  — 
Du  kebrit  soufre,  du  tartar  (tartre),  de  l'alun  {chebb),  du 
savon  et  de  l'huile,  bien  mêlés  ensemble,  forment  aussi  une 
excellente  pommade.  —  Il  est  des  toubibes  imprudents  qui 
conseillent  de  manger  pendant  quelques  jours  du  habben 
(graine  de  laurier  rose). 

(i;  Trad.  it  A<  Aubert,  t.  I,  p.  ni. 


-  i47  - 

U  existe  une  variété  de  gaie  appelée  souldly  dont  les  bou- 
tons extrêmeitient  nombreux  sont  très  durs  et  d'un  noir  très 
foncé.  Pour  la  guérir,  on  pile  ensemble  du  beurre  frais  de 
chèvre  [maza),  du  sel  et  du  skendjebir  (gingembre)  :  le  tout 
est  mêlé  à  un  peu  d'alimcnls  el  placé  sur  le  feu  dans  une 
marmite  n^ttf^e.  L*ébullition  prolongée  détermine  unera^Aoua 
(écume)  très  abondante  dont  on  devra  recouvrir  chaque 
bouton. 

Dans  la  gale,  comme  dans  toute  affection  dartreuse,  les 
Indigènes  à  proximité  des  eaux  thermales  et  sulfureuses 
utilisent  ces  dernières  comme  médication  principale  et  externe, 
en  désespoir  de  cause. 

Les  Européens  désignent  en  Algérie,  sous  le  nom  de*  gale 
bédouine  [hhàbb  lareug,  bouton  de  la  sueur),  une  éruption 
vésiculeuse  qui  se  manifeste  surtout  dans  les  premiers  jours 
des  fortes  chaleurs  :  elle  n*est  nullement  contagieuse  et  n'a 
rien  de  commun  avec  la  gale  que  le  nom.  Pour  la  guérir,  les 
Arabes  qui  la  connaissent  parfaitement  bien,  prennentun  bain 
maure  ou  font  une  ablution  générale  dans  l'eau  courante,  et 
se  frictionnent  aussitôt  après  avec  un  mélange  de  jus  de 
grenade  (roummane)  et  de  henna  (lawsonia  inermis).  Le 
lendemain  seulement  on  retourne  au  bain  pour  se  nettoyer. 


Dans  les  abcès,  les  phlegmons^,'  frictions  avec  de  l'huile,  ca- 
taplasmes [lezqà)  de  bouse  de  vache,  pour  hâter  la  suppura- 
tion. Quelquefois,  scarifications^ur  la  tumeur  avecle  fer  rouge. 
—  Le  D'  Giscard  a  publié,  en  <835,  l'histoire  d'abcès  mul- 
tiples et  considérables,  spontanément  développés  chez  une 
femme  arabe  de  24  ans,  à  la  suite  de  la  descente  des  montagnes 
pour  venir  habiter  la  plaine.  —  La  malpropreté,  le  peu  de 
protection  suffisante  de  la  peau  contre  les  vicissitudes  atmos- 


—  448  — 

phériques,  expliqucnl  le  grand  nombre  d'abcès  (det^m/a)  que 
1*00  rencontre  généralement  cbez  les  Indigènes. . 

Les  loupes  (ghobghobeha)  sont  respectées  par  les  Arabes, 
qui  les  attribuent  à  la  présence  d'un  ver  (doUda)  qui  aurait 
engendré  beaucoup  de  petits,  tous  logés  dans  la  tumeur.  C'est 
sans  doute  le  passage  de  quelques  matières  concrétées,  filifor- 
mes, à  travers  les  ouvertures  spontanées  de  ces  kystes  qui  aura 
donné  lieu  à  cette  croyance. 

L'Indigène  n'a  point  l'habitude  de  traiter  la  tumeur  xouaë^ 
erkeb  (la  tumeur  de  l'étrier]  que  produisent  près  du  coude- 
pied  la  pression  constante  et  le  frottement  de  l'étrier. 

Les  tumeurs  sont  généralement  combattues  avec  des  féuilies 
de  kermotASs  ennsara  (figuier  des  Chrétiens,  le  cactus  opun- 
tia), préalablement  chauffées  sous  les  cendres,  puis  ouvertes 
avant  d'être  appliquées. 

Les  pustules  diverses  qui  se  montrent  an  visage  disparaissent, 
d'après  les  À'rabes,au  moyen  de  frictions  avec  le  suc  des  feuilles 
de  khaoua  (ricin)  broyées  et  fortement  exprimées. 

Les  jeunes  enfants  sont  sujets  à  un  gros  bouton,  unique  ou 
multiple,  qui  vient  à  la  tête  et  qu'on  appelle  groheu  (?)  ou 
simplement  deumla.  On  le  fiictionne  avec  de  l'huile  qui  a 
bouilli  avec  de  Vafsa  (noix  de  galle)  ;  on  peut  aussi  le  couvrir 
avec  des  cendres  de  coquilles  de  vieilles  noix  (djouz),  ou  bien 
avec  un  cataplasme  de  racines  de  khaoua  (ricin)  écrasées  dans 
de  l'huile.  —  11  est  également  conseillé  de  piler  très  fin  du 
/ei/e/ (raifort)  avec  du  lait  de  femme,  et  d'appliquer  cette  com- 
position sur  la  tête  préalablement  rasée  :ce  topique  y  restera 
trois  ou  six  jours. 

Plusieurs  médecins  militaires,  enlr'autres  MM.  les  docteurs 
Beylot,  Massjp,  Quesnoy  (1),  Poggioli  (2),  ont  décrit  avec  soin 

^i)  Voir  leu«  traraox  dans  le  Recueil  des  mémoires  Je  mette  cira  et  de  chirurgie  mi/itaires. 
{%)   Tkite  inaugurale,  Paris,  jniïlcl  1847. 


—  449  — 

une  affection  cutanée  que  l'on  observe  à  Biskra  (4),  et  par  cela 
même  appelée  bouton  dé  Biskra.  H.  le  docteur  Guyon,  méde- 
cin inspecteur  de  Tarmée  d'Afrique,  remarquant  la  présence 
de  cette  maladie  dans  les  oasis  du  Zab,  a  prop(^  de  lui  donner 
le  nom  de  bouton  des  Zibans  (2).  Pour  les  Arabes  du  pays, 
c'est  tout  simplement  hhabb  (un  bouton). 

Après  d'assez  fortes  et  longues  démangeaisons,  un  point  de 
la  peau  rougit,  se  tuméfie  peu  à  peu;  un  petit  bouton,  un 
petit  tubercule  se  développe  très  lentement  dans  Tépaisseur 
du^  derme.  Au  bout  d'un  certain  temps,  ce  dernier,  desséché 
par  plaques  et  par  couches,  donne  passage  à  quelques  goutte- 
lettes de  sérosité  citrine  ou  de  pus.  Une  croûte  se  forme;  sa 
chute  met  à  nu  une  ulcération  d'un  rouge  assez  vif,  à  bords 
frangés  et  à  pic,  dont  le  fond,  séro-purulent,  tapissé  d'une 
pellicule  blanchâtre,  sécrète  constamment  une  sanie  abôn- 
dante»  àodeur  particulière. 

Cet  ulcère,  généralement  circulaire,  se  développe  lentement 
en  tous  sens,  causant  non  de  fortes  douleurs,  mais  plutôt  de 
la  gêne  et  du  picotement.  La  grandeur  de  cette  plaie  chan- 
creuse,  qui  peut  être  unique  ou  multiple  sur  différents  points 
du  corps,  varie  beaucoup;  elle  ne  dépasse  guère  6  à  7 
centimètres.  Son  siège  de  prédilection  est  sur  les  membres  et 
la  face  (oreilles,  aîles  du  nez)  ;  M.  Beylot  en  a  observé  une  sur 
le  gland,  une  sur  la  langue  et  une  autre  sur  le  synciput. 

J'ai  vu  de  très  volumineuses  croûtes  occupant  le  périnée 
d'un  Arabe  souvent  à  cheval  par  sa  condition  de  courrier, 
et  d'autres  affectant  les  seins  d'une  jeune  Indigène.  Des 
Arabes  des  deux  sexes  m'ont  également  présenté  d'assez  nom- 
breuses ulcérations  siégeant  sur  le  tronc  et  surtout  dans  la 
région  dorsale.  Les  formes  papuleuse  et  tuberculeuse  ont 
semblé  moins  fréquentes. 

(i)  Capitale  de»  oefit  detZIbao»,  «n  nord  du  Sahara. 

(>)  Pluriel  de  Zab. 


—  450  — 

Cette  ulcération  opiniâtrement  rongeante  attaque  aussi  bien 
la  population  civile  et  militaire  que  les  Indigène  de  Biskra* 
Les  hommes  et  les  adultes  paraissent  prédisposés.  On  en  a  vu 
quelques  cas  à  Batna  (à  120  kilom.  environ  plus  au  N.,  dans 
les  Monts  Auress),  mais  sur  des  personnes  qui  avaient  récem- 
ment habité  le  Zab. 

La  marche  très  lente,  en  quelque  sorte  chronique,  varie  de 
plusieurs  mois  à  un  an,  dix-huit  mois  même;  elle  ne  paraît 
pas  avoir  d'influence  fâcheuse  sur  la  santé  générale.  II  arrive 
cependant  que  dans  certaines  parties,  aux  environs  des  arti- 
culations, par  exemple,  elle  détermine  l'engorgement  des 
glandes  voisines.  Je  ne  sache  pas  qu'aucun  décès  ait  été  direc- 
tement causé  par  cette  affection. 

'  Quand  les  croûtes,  d'ordinaire  larges,  épaisses,  jaunâtres 
ou  brunâtres  qui  ont  recouvert  l'ulcération,  viennent  à  tomber 
d'elles-mêmes  au  bout  d'un  tempà  plus  ou  moins  long,  elles 
mettent  à  nu  une  cicatrice  livide,  d*un  rouge  lie  de  vin, 
violacée,  gaufrée,  ou,  mieux,  chagrinée,  mais  indélébile.  Le 
derme  est  déprimé  plus  ou  moins  fortement  par  une  véritable 
perte  de  substance. 

Quelles  peuvent  donc  être  les  causes  d'une  telle  affection 
qui  sévit  à  toulc  époque  de  l'année,  mais  de  préférence  en 
automne?  Serait-ce  l'abus  des  dattes,  fruit  principal  du  pays? 
Les  Turcs,  comme  on  Ta  déjà  fait  remarquer,  appelaient  cette 
maladie  mal  des  dattes;  mais  cette  dermatose  sévit  aussi  bien 
sur  les  civils  et  les  militaires  qui  ne  font  point,  comme  les 
Indigènes,  un  usage  presque  exclusif  de  cet  aliment.  —  Serait- 
ce  la  syphilis?  Mais  l'ulcère  du  Zab  attaque  aussi  facilement 
ceux  qui  n'ont  eu  aucun  accident  vénérien  et  ne  semble  pas 
apparaître  de  préférence  chez  les  syphilitisés  soit  à  l'hôpital 
de  Biskra,  soit  au  dispensaire  de  la  localité,  etc.  —  Serait-ce 
la  qualité  de  l'eau  saumâtre,  salée,  qui  forme  l'unique 


—  *f>l 


) 


boisson  du  pays  !  C'est  peu  probable,  d'abord  parce  gac  des 

officiers  et  des  habitants  qui  ont  bu  très  peu  de  C€tte  eau,  et  y 
ajoutaient  beaucoup  Je  vin  el  une  nourriture  aussi  conforia-  ' 
ble  que  possible,  ont  été  tout  de  même  atteints  de  cette 
dermatose;  ensuite  parce  que  des  personnes  qui  ne  buvaient 
que  de  l*eau  prise  à  El-Kanthra,  c  esl-à-dirc  avant  qu'elle  ail 
parcouru  les  terrains  salins  de  la  plaine  pour  arriver  à  Biskra, 
B^ont  point  pour  cela  acquis  rimmunité  contre  Faitaque  de 
cette  ulcération. 

Pour  nous,  txinsîdërant  que  ce  nnal  n'est  point  propre  à  la 
localité  de  Biskra,  dont  on  lui  a  donné  le  nom,  que  sa  marche 
est  chronique»  souvent  stationnaire,  nous  croyons  devoir  lat- 
trîbuer  aux  conditions  climalériques,  principalement  météoro- 
logiques, en  un  mot,  à  la  constitution  médicale  atmosphérique 
du  Sahara  (1).  On  1  observe,  en  effet,  non  seulement  dans  le 
Zab,  mais  à  Tougourt,  à  Ouargla,  dans  le  désert  même,  nous 
ont  affirmé  des  Saharis.  Aussi,  aux  divers  titres  de  sa  nature,  de 
son  aspect,  de  son  caractère  rongeant,  de  son  indolence,  de  sa 
résistance  à  tout  traitement,  de  son  origine  topographique, 
préférons-nous  1  appeler  chancre  du  Sahara. 

Il  y  a  dix  ans,  lors  de  l'occupation  du  Vieux-Biskra,  cette 
affection  était,  au  dire  des  Indigènes,  beaucoup  plus  fréquente 
qu'aujourd'hui.  À  cette  époque,  en  eiïet,  l'oasis  avait  une 
ceinture  inéphiiique  de  vastes  nappes  d'eau  salée  dans  laquelle 
"'îes  liabiiants  lavaient,  fais^aient  leurs  ablutions,  jetaient  leurs 
immondices,  puisaient  même  leur  boisson,  etc.;  mais,  depuis 
l'arrivée  des  Français  (1844),  tout  cela  a  changé;  la  localité 
s'est  promplement  assainie.  Les  Arabes  avouent  eux--memes 
qu'ils  respirent  un  air  plus  salubre  et  que  le  nombre  des 
bmunnx  fie  Biskra  a  diminué  d'un  quart  au  moins. 


,U,^  h" 


mm 


—  452  — 

Encore  un  fait  qui  senïblc  venir  à  Tappui  îles  conâittotis 
Tnéléorologiqoes  spéciales  dans  Icârfiiclles  je  vois  l'origine  M 
cet  ulcère,  c'c^l  qu'îiBisLra,  conirne  Jans  toutes  les  oûMit,,  la 
cicatrisalion  générale  dm  plaiesi  de  la  plus  petite  soiutian  de] 
continuité^  est  lente,  beaucoup  plus  lenle  que  dans  les  autrei] 
parties  de  TAlgêrie  que  nous  avons  parcourues  du  Nord  aiij 
Sud.  M.  le  docteur  Giard  faisait  égaleineiil»  en  <8l8,  UDfltj 
observation  analogue.  <(  Un  fait  que  nous  n'avons  pas  encore 
osé  affirmer,  disait-il  dans  un  de  SOS  rapports»  mais  auquel  sa 
fréquence  donne  un  caractère  de  certilude,  c'est  la  lenteur 
avec  laquelle  les  moindres  écorchures  guérissent.  11  est  pres- 
que impossible  d*obtenir  la  réuniou  par  première  intentionJ 
des  plaies  par  instrumenb  tranchants;  les  vésicatoires  volant 
eux-riiénics  ne  sèchcnl  guère  qu'après  une  (juinzaine  de  jour 
A  quoi  alU'ibuer  cette  suppuration  qui  se  pruduit  partout  1 
Ceci  est  très  diflicile  à  dire,  etc.  » 

M.  le  docteur  Quesnoy  n*a  vu  dans  celte  afïeotioû  que 
bouton  d*Alep.  M.  le  docteur  Cabasse  (1),  qui  pense  l*avoii 
observée  aux  environs  de  TIemcen  et  dans  le  Maroc»  sembk 
lui  adtoettre  une  nature  svphililique.  M.  le  docteur  Valette  (S 
dit  tjue  c'est  le  rupîa  simplex  le  nipia  proéminent  de 
Anglais,  que  cette  affection  ne  serait  point  rare  à  Pliilippeville 
{sur  le  littoral),  et  que  les  Maltais  y  offrent  souvent  des  ulcère 
qui  ont  celte  même  origine.  La  description  que  donne 
médecin  militaire  permet,  en  effet,  de  rapprocber  sur  certaine 
points  les  deux  phénoménisations  patliologiques,  mais  eUt 
diiïère  trop  sous  d'antres  caractères  du  chancre  Saharien, 
Quant  au  bouton  dMlep,  d'après  M,  le  docteur  Guyon  (3),  h 
cicatrice  en  serait  petite,  blanche,  adhérente  aux  os»  partît 
larîtés  que  nous  n'avons  point  observées  dans  le  boulon 


(t)  Rrfmt.^h  e^fthMdêi  fHntmmt frmm^vài  thtthi  Ar^i  ,  il49*  p,  l3. 
(«)  T.  XI  dfl  U  a*  lérît  àtt  Mm.  é*  met.  H  4*  ekttittg,  mSUiûMf. 
(I)  T.  XXXIX  id. 


—  453  - 

Biskra.  Enfin,  un  ei-médecin  sanitaire,  ledocteur  Wiilemin  (4], 
n'a  jamais  vu  un  seul  boulon  d'Alep  développé  sur  le  tronc, 
siège  assez  fréquent  de  la  tumeur  chancreuse  qui  nous  occupe 
ici. 

Un  fait  curieux,  c'est  Texistence  de  cet  ulcère  chez  les 
chevaux,  surtout  pendant  et  après  les  fortes  chaleurs.  Nous 
l'avons  souvent  observé  à  Biskra. av^c  un  vétérinaire  prussien 
fort  instruit  que  des  raisons  de  famille  avaient  forcé  à  s'engager 
dans  le  V  régiment  de  la  légion  étrangère.  Toutes  les  régions 
du  cheval  peuvent  en  être  le  siège.  Cet  habile  vétérinaire,  qui 
attribuait  en  partie  cette  maladie  à  l'action  de^  eaux  qui 
saleraient  trop  la  boisson  et  les  fourrages  (paille,  foin)  à  l'usage 
des  animaux,  faisait  abcéder  les  tumeurs  avec  des  cataplasmes 
de  mauve.  A  l'ouverture,  nous  trouvions  constamment  un  gros 
bourbillon  visqueux,  très  infect,  exempt  du  ver  que  présentent 
en  été  les  autres  boutons;  puis  la  nature  chancreuse  de  l'affec- 
tion se  dessinait  immédiatement,  et  lui  faisait  prendre  des 
proportions  de  plus  en  plus  grandes.  Lorsque  l'ulcère  n'était 
pas  très  profond,  le  cérat  simple  et  l'essence  de  térébenthine 
suiSsaient;  dans  les  autres  cas,  une  pommade  composée  de 
cérat  et  de  sulfure  rouge  de  mercure  parvenait,  après  un  temps 
plus  ou  moins  long,  à  amener  la  cicatrisation.  La  pierre  infer- 
nale réprimait  durant  quelques  jours  les  bourgeons  charnus 
exubérants,  et  il  restait  une  marque  indélébile  aussi  grande 
que  la  tumeur,  et  recouverte  de  poils  blancs.  En  même  temps 
que  ces  ulcères  de  Biskra,  cet  habile  vétérinaire  m'affirmait 
avoir  toujours  rencontré  des  maladies  du  foie  ou  du  cerveau, 
des  hydropisies  principalement. Il  considérait  cette  ulcération, 
plus  ou  moins  multipliée  sur  chaque  animal,  comme  une  sorte 
de  vaccin,  de  virus  particulier  destiné  à  préserrer  les  organes 
intérieurs  dans  une  zone  climatérique  aussi  chaude.   Il  ne 
l'avait,  du  reste,  observée  que  sur  les  chevaux. 

(i)   Mtm'ùrt  sur  le  bouton  tf^tep t  6'ar.  médîctj*  lit  Paris,  avril  i854> 


ië4 


Tous  les  remèdes  possiWesontcl^épuisés  sans  grand  suc 
contre  le  chancre  Saharien,  Les  caustiques  au  début 
semblé  diminuer  l'intensilé  du  mal.  Les  Indigènes  et  plusieul 
militaires  et  civils  se  sont  bien  trouvés  de  bains  généraux 
locaux  dans  les  eaux  thermales  salines  et  sulfureuses  voisine 
de  Biskra.  J'ai  obtenu  plusieurs  guérisons  assez  promptes 
alftai|uanl  les  croûtes  par  des  cataplasmes  ordinaires  très 
chauds,  souvent  répétés  dans  la  journée,  et  en  recouvrai 
ensuite  les  ulcérations  de  plumasseaux  enduits  de  pommad 
composée  de  ijuantilés  égales  de  soufre  et  d'iodure  de  pots 
sium  ;  la  liberté  du  ventre  doit  être  rigoureusemeol  observé 
Le  changement  de  localitéa  toujours  été  suivi  de  bonsrésullalj 
en  général. 

Les  habitants  de  Toasis  de  Biskra  emploient,  ontr'autre 
remèdes,  récume  que  forme  Teau  avec  laquelle  on  fabriqti 
le  savon  noir.  Cette  matière  1res  caustique  aurail,  disent-ils,  1 
propriété  de  hrûler  le  bouton  et  de  le  faire  cicatriser  de  suitj 
Les  cicatrices  indélébiles  ont  toujours  lieu,  mais  la  durée 
raflection  serait  bien  moindre  (1)* 


On  rencontre,  dans  hi  villes  comme  dans  les  campa 
arabes,  beaucoup  cFcngorgements  des  membres  inférieur 
compliqués  de  dégoûtantes  et  vastes  ulcérations.  Les  Indigène 
ne  savent  nulteinent  différencier  leurs  causes  délcrminaiitc 
et  les  traitent  comme  les  plaies  ordinaires;  ou,  pour  dire  plul 


(f)  A u  uintarnl 'QÛ  cc(  nrlirtrtur  le  Ckoncr*  Jtt  S^ûiara   ulllaii  élrn  imprimé,  ti<tU4  4fi»Qi.  «u 
oanA«i«iiincc  d'un  f^nfni  dt  tupogmphit  médicvU  tur  Bùifv,  pair  M.  le  IV  Hèûlé  (thèA«  intu^^ 
raU,  it49}«  C«  ii»éd«cii«  miliialrr,  qm   regarde  le  Aiufww   ée   Bakra  ooiuinf    •»   îd(!ntJi4i|u«>  #« 
bouton  â'hîep,  h  M9<ifiaân(](T(pA^P  33)  s  «  Crltr  friiptîon  De  «rrtiit-rll«   pju  p*rHenl«4»r#  i 
dirait*   €i   av  trmfUcer*ii-cïlv  pm  \a  vatMû,  donl  noiu   a^avi^d»  patob^err^un  *mul  i 
fftnAuRÎ  nottf  «^jour  ?  Ifoa?  émettons  critr  lappoittinn  a\  ce  louie  la  înct\'t  du  doate.  n 
que  nooi  Ji?*m*  rapporta  jmfe  433.  à  pmpo»  âc  IVpîHi^mie  rtrioTviu»  d«  il 47  *  Bt«àr«,  ni 
ctvmUtaiion  (jita  omu  avnnf  r«ite  ilu  ctiducre  Siilinriri]  cb#7  drti  liittigi^ncJ  varinW»,  d« 


—  455  ~ 

vrai,  ils  ni  les  trailentpas  du  tout  Les  ulcères  sont  extrême- 
ment communs  par  origine  scorbutique,  sypbylitique  et  dar-- 
treuse  surtout.  La  malpropreté  et  la  négligence  les  entretien- 
nent principalement  aux  jambes.  Les  habitants  des  plaines 
marécageuses  en  présentent  un  grand  nombre.  L'absence  de 
tout  soin  entendu  laisse  l'ulcération  désorganiser  a  son  aise  le 
tissu  cutané  et  produire  d'interminables  et  profondes  plaies. 
Le  hefma  (lawsonia  inermis),  le  zenejar  (vert-de-gris)  pulvé- 
rises, sont  employés  comme  topiques.  Quand  l'ulcère  affecte 
une  tumeur,  il  ne  prend  pas  de  dénomination  particulière,  . 
c'^st  toujours  une  deumla  (tumeur)  ;  si  cette  condition  n'exista 
pas,  rulcération.s*appelle  aWa  (c.-à-d.  qui  ronge). 

Dans  les  brûlures  (hherqua)/\l  faut  recouvrir  la  partieavec 
un  cataplasme  de  farine  (dequiq)  saupoudré  de  felfel  (poivre), 
ou  bien  avec  des  kcrmous  (figues)  bien  cuites. 

La  congélation  [djemad)  atteint  aussi  pafKois  les  Arabes. 
En  janvier  1848,  à  Sélif,  à  la  suite  de  froids  rigoureux,  plu- 
sieurs Indigènes  se  présentèrent  au  Bureau  Arabe,  les  pieds 
com'plètement  gelés.  Leurs  toubibes  sont  impuissants  contre 
cet  accident. 


Les  maladies  des  os  doivent  leur  fréquence  à  la  syphilis, 
aux  lésions  traumatiques  que  l'art  des  médecins  arabes  ne 
peut  combattre  ou  traiter  convenablement.  Carie  des  os  du 
nez,  du  tibia  principalement,  des  surfaces  articulaires,  exos- 
toses  nombreuses,  nécroses,  etc.,  tous  ces  redoutables  accidents 
poursuivent  impunément  leur  marche  et  leur  travail  de  dégé- 
nérescence organique,  l'Arabe  n'ayant  que  le  feu  (nar)  à  leur 
opposer.  Les  difformités  articulaires  que  présentent  à  chaque 
pas  les  Indigènes,  sont  une  preuve  évidente  de  leur  ignorance 
et  de  leur  inhabileté  dans  la  réduction  des  luxations.  Ils  se 
bornent  dans  Tenlorse  ^(feuss),  la  diastasis  (rtowa)  et  le  dé- 


im 


1 


placeiîieiil  grave,    cuiupliqué  (dreuss  el  m/a^sol,   pilement 
irune  articulation)  des  pièces  osseuses,  à  pratiquer  un  mas- 
sage [tedeliq)  doux  et  prolongé  sur  rendroit  même  et  IH 
parties  environnâmes,  afm  de  ramener  peu  à  peu,  dans  leur 
position  normale,  les  organes  disjoints.  Ces  frictions  répété 
sur  les  cordes  ïniisculaiiv^s,  à  leurs  insertions  surtout,  peuvt 
évidemment  combattre  puissamment  leur  tension,  leur  cou 
traction  consécutives  à  raccident;  mais,  loin  de  calmer 
douleurs,  elles  ne  contribuent  souvent  qu'à  les  augmente 
L'absence  de  notions  anatomiques  empêche,  d'ailleurs, 
bien  coaptcr  les  fragments  articulaires  :  les  frictions  huileu- 
ses, des  scarifications  avec  le  fer  rouge  sur  différents  pointsde 
la  jointuitî,  de  la  poudre  de  henna  comme  topique,  complète! 
un  Iraitemenl  dont  on  coniie  bien  plutôt  le  succès  aux  soins  < 
la  nature. 

Les  mêmes  moyens  s'appliquent  exactement  aux  fractures 
[tekessir]^  depuis  le  massage  jusqu'aux  divers  topiques.  1^1 
membre  est,  en  outre,  tiré  plusieurs  fois  dans  le  sens  de  S^ 
longueur»  afin  de  combattre  le  raccourcissement  musculaire, 
pratique   extrêmement    douloureuse,    au    dire    même   dc6 
Indigènes.  Leurs  touhibes  se  gardent  bien  d^onblier  le  feil 
car  ce  remède  liéroique,  cette  panacée  chirurgico-mcdicale  qll 
Ole,  disenl-ils,  h  poison  des  nerfs,  doit  prévenir  aussi  oï 
foule  d'accidents  ultérieurs.  Dans  les  fractures  du  tronc»  ofi  y 
joint  quelquefois  une  large  et  longue  pièce  en  laine  en  guise 
de  bandage  de  corps.  ^U 

Le  maintien  des  fragments  osseux  est  obtenu,  aux  membrc^ïB 
à  Taîde  d'une  djebira  [appareil)  qui  varie  quelque  peu  suivant 
les  localités,  mais  dont  le  principe  reste  toujours  le  mêmi^H 
Il  comprend    trois  choses  à   considérer  :  les  matières  q^E^^ 
recouvrent  le  siège  de  la  fracture,  la  pièce  qui  maintiendra  le 
membre,  les  moyens  d'immobilisation.  I**0n  recouvre  d'abord 
une  assez  grande  étendue  du  utembfe  avec  des  touffes  de 


des 

I 


—  467  — 

de  chameau,  de  laine  de  mouton,  ou  d*herbes  fines  et^bes, 
ou  de  vieux  morceaux  de  bernouss,  de  haik  ;  on  1^  imbibe 
préalablement  d'huile,  ou  de  miel  (acel),  de  résine  (goudron) 
ou  d'un  mélange  de  blancs  d*œufs  et  de  henna  en  poudre. 
—  2''  Le  membre  est  ensuite  enveloppé  d'une  ou  plusieurs 
pièces  solides  assez  larges  pour  en  faire  au  moins  le  tour  : 
ce  sont  des  morceaux  do  vêtement,  quelquefois  des  peaux 
de  mouton,  de  chameau,  etc. — 3^  L'immobilité  de  ces  diverses 
pièces  et  du  membre  s  obtient  en  passant  dans  les  ouvertures 
pratiquées  aux  bords  des  tissus  de  laine  ou  des  peaux,  des 
espèces  d  attelles  (chelig,  aoud,  khelha)  en  djerid  (branche 
de  palmier],  en  joncs  [ssemar),  en  petites  branches,  le  plus 
ordinairement  en  fragments  de  roseau  [quas$ba)  :  leur  nom- 
bre varie  suivant  la  longeur  et  le  volume  du  membre»  le  plus 
souvent  de  six  à  dix.  Leurs  extrémités  sont  presqyè  toujours 
maintenues  en  regard  des  extrémités  de  l'os  fracturé»  et  à  égale 
distance  les  unes  des  autres,  par  un  lien  [rboth]  qui  les  serre 
toutes,  soit  en  haut,  soit  en  bas.  Néanmoins,  ces  ligatures 
(cordes  en  palmier,  en  poil  de  chameau)  peuvent  être  également 
répétées  çà  et  là  sur  divers  points  de  l'étendue  de  l'appareil. 
Leur  striction  se  gradue  parfois  à  Taide  d'un  petit  bâton  qui 
fait  office  de  tourniquet  et  dont  ou  attache  une  extrémité  après 
une  des  attelles.  —  J'ai  vu  en  Kabylie  des  Indigènes,  au  lieu 
de  tous  ces  moyens  de  contention,  se  borner  à  coudre  les 
bords  de  la  plaque  de  cuir,  du  morceau  de  peau,  de  manière 
à  enfermer  le  membre  dans  une  sorte  de  guêtre,  d'étui  assez 
serré.  À  Biskra,  on  trempe  des  morceaux  de  bemouss  dans  de 
la  résine  bouillante,  on  en  enveloppe  le  membre  et  l'on  se 
contente  de  superposer  quelques  attelles.  —D'après  M.  le 
docteur  Lacger,  les  Arabes  ménageraient  dans  les  diverses 
pièces  de  l'appareil  des  ouvertures  pour  observer  et  panser 
les  plaies  dont  les  fractures  seraient  compliquées.  J'ai  vu  et 
examiné  uji  assez  grand  nombœ  de  djebira  dans  les  provinces 


—  458  — 


I 


J'Alger  et  de  ConsUntine,  jamais  je  u*ai  remarqué  cetli 
motltliculion.  M.  Giiyon  dit  également  avoir  vu  à  Conslaoli 
chez  tin  kuJiyle  de  Kollo,  un  bandage  à  fracture  avec  deux 
ouvertures  pour  le  pansemeni  des  plaies. 

Est-il  besoin  de  parler  des  accidents  qui  ne  lardent  pas  à 
déclarer  quelques  jours  après  Fapplication  de  ces  appareil 
Des  gonnernents  énormes  par  arrêt  de  circulation,  des  do 
leurs  intolérables,  ta  gangrène  assez  souvent,  des  abcès  au 
au  lieu  même  delà  fracture  et  sur  les  points  les  plus  violent6^H 
par  la  compression,  des  difformités  hideuses,  des  cariet" 
osseuses  consécutives,  des  pliéiiomènes  fort  graves,  en  un  mat, 
qui  prouvent  irréfragablement  les  inconvénients  el  les  dangers 
inhérents,  non  pas  à  ces  bandages,  à  ces  djtbira,  mais  bien  à 
la  manière  dont  on  les  applique  sans  méthode,  sans  soins, 
dont  on  surveille  peu  leur  maintien  prolongé,  à  Tignoran 
enfin  du  toubihe  qui  n'a  pas  l'observation  pour  guide  daoi 
leur  emploi  et  n'est  en  réalité  qu'un  mauvais  et  triste  rebo^ 
teur.  Fûderé,  en  effet,  remarque  (1)  avec  justesse  que  le  boi 
reboiileur  ne  peut  réussir  que  par  la  connaissance  parfaite 
la  forme  el  de  la  connexion  des  parties  sur  lesquelles  il  opëri 
et  que  son  habileté  gît  surtout  dans  la  connaissance  d'ui 
ordre,  d'un  arrangement  qui  est  immuable,  etc.  Or,  de  Icli 
conditions  manquent  conjplètemenl  au  médecin  Arabe  I 

Le  docteur  Lacger  avance  que  le  mol  rebouteur  tire 
origine  du  mot  arabe  rebaîk  (lien);  il  y  aurait  peut-être 
objecter  que  les  moyens  employés  par  le  rebouteur  consiste 
bien  plus  en  manipulations  qu*eu  applicatioîi  de  bandages. 

Quand    les  douleurs    cl    le    gonflement  augmentent  cl 
deviennent  insupportables,    les  Arabes  se  décident  parfi 
k  lever  l'appareil,  et  à  recouvrir  le  membre  d'un  mélange 
miel  et  de  chenedegoura  (teucrium  chamœpitys),  plante  c 


(i)  J>/«rl««Mfrff  4rJ  rdfflcw  midkAlti,  u  XXXXTIl.p.  «79. 


—  i59  — 

passe  à  leurs  yeux  pour  très  antispasmodique.  —  Quant  au 
régime  du  blessé,  il  est  généralement  nul,  comme  d'habitude 
dans  le  cours  de  toutes  les  autres  maladies.  Quelques  toubibes 
conseillent  cependant  une  diminution  dans  les  aliments,  des 
bouillons  de  poule  et  permettent  des  fruits  (dalles),  un  peu  de 
miel,  etc.  ;  ce  semblant  de  dièlo  paraît  plutôt  inspiré  par 
l'instiact  et  les  souffrances  aiguës  du  patient  que  par  Texpç- 
rience  et  la  raison. 

Le  docteur  Gabasse  (1)  a  décrit  un  appareil  employé  par  les 
Arabes  dans  les  fractures  de  la  clavicule  ;  il  consiste  en  ub 
coussin  axillaire,  retenu  par  une  lanière  de  peau  passant  ^  sur 
répaule  opposée;  ils  entourent  ensuite  le  bras  jusqu'au  coude, 
de  peau  molle  et  douce;  des  courroies  cousues  à  celle-ci 
servent  à  maintenir  d'une  manière  fixe  le  bras  contre  le 
corps.  »  —  Dans  quelques  tribus,  on  se  contente  de  tamponner 
la  cavité  axillaire  avec  de  la  laine,  à  peine  le  bras  e&t*il 
immobilisé  par  quelques  tours  de  corde  en  poils  de  chameau. 

Les  fractures  des  articulations  ont  aux  yeux  deTArabe  une 
gravité  extrême  ;  ignorant  les  dispositions  anatoniiques  les 
plus  élémentaires,  il  ne  se  rend  pas  compte  des  accidents  qui 
les  compliquent. 

En  résumé,  l'amaigrissement  complet  et  rapide  des  appen- 
dices, —  les  claudications,  —  les  raccourcissements  extrêmes, 
—  les  directions  vicieuses  dans  les  membres,  —  les  paralysies 
consécutives,  —  les  cicatrices  les  plus  irrégulières, —  etc., — 
accusent  malheureusement  trop  fréquemment  l'inhabileté  com- 
plète des  Arabes  dans  le  traitement  des  luxations  et  des  frac- 
tures. -  Leur  appareil,  dont  on  a  fait  l'éloge  avec  un 
véritable  enthousiasme  de  collège,  remonte  du  reste  à  la  plus 
haute  antiquité.  L'instinct  a  toujours,  en  effet,  indiqué  la  né- 
cessité d'immobiliser  avec  des  corps  longs  et  durs,  ainsi  qu'avec 

(i)  Ae/iy.  «W.  ehirwg.  d«  la  eaptintédet  priionniers  français  ck«s  Ut  jérmbti,  p.  8& 


—  460  — 


des  liens,  les  membres  acciJentellemenl 

X,  à  propos 


On  Ht  dans  Ezécliiel,  ch. 


isjoints  ou  rompe 
d*Lmc  fraclure 


bras  du  fils  de  Pharaon 


ents 


u  ut  restitueretur  ci  sanitas,  tit  llgaretur  panols,  ut  fasclaretur 
Hnreolis » 

M.  Deleau  avoue,  du  reste,  avoir  asseiî  observé  les  appareil 
à  fractures  des  Arabes  pour  être  revenu  de  préventions  fav< 
râbles  ;  il  a  vu,  nombre  de  fols,  des  gangrènes  consécutives 
leur  emploi.  —  Ce  qui  manque  évidemment  aux  empiriqu 
Indigènes^  c'est  de  savoir  modérer  la  compression,  de  n'appi 
quer  Pappareil  définitif  qu'après  avoir  combattu  le»  accidenta 
inséparables  de  la  violence  tramatîque,  de  connaître  la  néi 
silé  des  ganlelels»  de  savoir  tout  le  danger  de  Toubli  des 
quilles  complètement  libres  et  des  corps  étrangers,  etc.; 
un  mot,  ce  qui  leur  manque,  c'est....  Tobservalion.  Rien  que 
cela,...  Les  moyens  douloureux  auxquels  ils  recourent  pour 
obtenir  la  coaptaiion  d*?sfragmenlsrappellentassezla  pmtiq 
à'Albucasis  qui,  non  content  de  multiplier  les  tractions  d'e: 
tension  et  de  contr'extension,  emplcvait  ena^rc  de  violen 
machines  pour -ramener  les  os  dans  leur  position  normale. 
Oii  donc  des  esprits  judicieux  (I)  se  son l-ils  convaincus  qii 
\estoubibes  •  excellent  dans  la  réduction  des  luxations  etd 
fractures  et  dans  Y  application  à^s,  appareils  et  des  bandages? 
et  que  <t  le  système  de  déligation  des  plaies  que  H.  Ma) or  a 
sans  doute  perfectionné  est  depuis  longtemps  connu  et  m 
enpratiquep^iY  les  Indigènes  de  rAlgériel  »  et  que  «  rAlgéri 
sans  doute  modifiera  nos  idées  sur  la  reducHon  des  luxaUa 
et  des  fractures  II  *> 

L*arthrile  rhumatismale  se  traite  par  les  mêmes  tnùje 
que  les  douleurs  rliumatismales  (voy.  ci-dessous), 

L  artlirile  blennorrhagique  n'est  pas  rare.  M.   le  docte 


0)  fintr' 


U  Qf  fmttiMrlt  Vcy,  mMit.  d»fu  CÂ^^»  t^pt*  p*  «II*  3f|  «l  li«. 


—  461   — 

Colonna  (1)  en  a  cité  un  cas  intéressant  chez  un  Arabe 
employé  dans  les  Spahis  :  la  jointure  malade  était  le  genou. 
M.  Reviel  a  publié  (2)  une  observation  d'arthrite  urêtrc-sym- 
pathique  chez  un  tirailleur  Indigène,  à  la  suite  du  passage  de 
sondes  dans  Turêlre  atteint  de  rétrécissement. 

La  goutte  est  pour  ainsi  dire  inconnue  en  Algérie  :  la 
nature  peu  excitante  de  l'alimentation  en  donne  sans  doute  la 
meilleure  explication.  Aussi  les  Arabes  Tappellent-ils  dà  el 
melouq  (le  mal  des  princes).  Le  remède  usité  chez  les  Maures 
consiste  en  cataplasmes  de  djir  (chaux)  intimement  mélangée 
à  du  savon  noir. 

L'hydrarthrose,  surtout  celle  de  nature  syphilitique,  se 
rencontre  encore  assez  souvent  ;  les  topiques  ordinaires 
employés  contre  les  tumeurs  (voy.  plus  haut)  et  les  pointes  de 
feu  autour  de  l'article,  sont  les  principaux  remèdes. 

Insuifisance  des  vêtements,  surtout  sur  les  membres,  cou- 
tume de  coucher  sur  le  sol  frais,  humide, ou  de  ne  s'en  isoler 
que  très  imparfaitement  (nattes),  mauvaise  confection  des 
tentes  donnant  trop  librement  accès  aux  courants  d*air  nuit 
et  jour,  température  extérieure  généralement  inférieure  à 
celle  de  la  peau  à  laquelle  la  nécessité  de  l'équilibre  oblige  à 
enlever  l'excédant,  d'où  tendance  permanente  au  refroidisse- 
ment, telles  sont  les  causes  cooimunes  des  douleurs  rhumatis- 
males qu'accusent  un  si  grand  nombre  d'Arabes.  Les  parties 
les  plus  ordinairement  atteintes  comprennent  les  articulations 
de  l'épaule,  les  reins  et  les  membres  inférieurs.  Pour  l'Arabe, 
lahham  ister  alita  (la  chair  me  fait  mal)  signifie  une  douleur 
rhumatismale  :  il  l'appelle  aussi  quelquefois  el  beurd  (le 
froid,  la  fraîcheur),  er-rihh  (le  vent),  elc.  Le  rhumatisme 
intestinal  consécutif  à  un  refroidissement,  le  corps  étant  tout 
en  sueur,  se  dit  ghadda\  le  lumbago,  iiahallal  dhahar;  la 

v'i)  tt  (aj  i853,  t.  Il,  df  la  »•  série  de*  Mémêirtt  tU  mééttinê  et  tit  chirurgit  mihfir§i. 


—  *62  — 

sciatiqùe,  areug  el  sa  (le  nerf  ou  la  veine  de  la  caisse).  Les 
névralgies  paraissent  très  fréquentes,'  la  faciale  (cheguiga) 
surtout.  Voici  la  liste  (Jes  principaux  remèdes  employés  pat 
les  Arabes  contre  toute  espèce  de  douleur  : 

Pierres  (hadjera)  ordinaires,  ou  bien  briques  (ladjour),  ou 
bien  tuiles  [karmoud],  très  fortement  chauffées,  puis  frictions 
d'huile  bouillante,  sur  la  partie  ou  la  région. endolorie;  — 
application  locale  de  morceaux  de  racine  bien  fraîche  de  bon- 
ne fa  ^Ihapsia  garganica)  ;  Taction  de  celte  plante  a  été  exposée 
livre  I,  page  129  ;  frictions  avcclagraissedenàwie  (autruche), 
suivies  d'un  bain  de  sable  [reumel]  très  chaud.  — '  Lorsque  la 
douleur  s'étend  à  toute  une  région  assez  étendue,  on  soumet 
cette  dernière  à  un  véritable  bain  de  vapeur  local,  en  l'expo- 
sant au-dessus  d'un  vase  rempli  d'eau  dans  laquelle  on  projette 
une  pierre  fortement  chauffée.  Le  malade  doit  avoir  soin  de  se 
couvrir  assez  exactement  le  corps  entier,  pour  que  l'évapora- 
tion  se  concentre  entre  l'appareil  et  la  partie. souffrante.  — 
Saignées  locales  avec  les  ventouses  scarifiées  ;  les  Arabes  pré- 
fèrent la  saignée  générale,  toutes  les  fois  qu'ils  s'adressent  à 
un  médecin  français;  —  on  conseille  encore  de  preadre  un 
œuf  de  poule  [oulad  el  djadj),  d'en  ôter  seulement  le  blanc, 
de  le  remplir  ensuite  de  graine  fraîche  de  karmel  (rue),  de  le 
bien  remuer  pour  mélanger  entièrement  le  contenu,  et  d'a- 
valer. —  Faire  bouillir  des  petits  pois  chiches  (hamous)  bien 
écrasés  jusqu'à  ce  que  le  liquide  réduise  d'un  tiers  ;  ajouter 
du  quetnmoune  (cumin),  du  khounfel  (clou  de  girofle)  et  une 
grosse  noix  (djouz  el  kebiYa)  ;  laisser  encore  rrposer  en  sor- 
tant du  feu  ;  puis  manger  le  mélange;  —  boire  de  Teau  dans 
laquelle  on  aura  pilé  du  tsoum  deker  (ail  mâle  (4)  ;  ou  bien 
des  fcusteqa  (pistaches).  —  Frictions  avec  de  l'huile  dans 
laquelle  on  aura  broyé  du  harmel  (rue). 

(i)  Lm  Arabes  Appellent  ainsi  l'ail  h  grosso»  graines. 


—  463  —. 

Le  massage  du  bain  maure  est  certainemeni  ua  des  moyens 
les  plus  (Blficacps  et  les  plus  fréquemment  employés  :  il  jouit  à 
un  haut  degré  de  la  propriété  de  ranimer  les  fonctions  delà 
peau.  A  la  Nouvelle-Zélande,  quand  une  personne  éprouve 
des  douleurs  externes,  elle  se  couche  sur  la  terre,  et  un  insu- 
laire marche  siir  le  membre  souffrant  pour  le  guérir  (<). 

Quand  le  rhumatisme  a  fixé  son  siège  dans  la  région  dor- 
sale, il  faut  mettre  dans  une  marmite  :  une  livre  d'ail  [tsoum) 
mkachcheur  (mondé  de  toute  pelure)  et  pulvérisé;  une  livre 
de  leben  (lait  aigre)  ;  une  livre  dUacel  (miel)  ;  une  livre  de 
smen  beugri  (beurre  de  vache)  ;  et  faire  bouillir  le  tout  jusqu'à 
mélange  intime  et  consistance  pâteuse.  Tous  les  matins  le 
malade  en  mangera  un  peu  avant  ses  repas.  Il  aura  soin  ijue 
le  mélange  complet  des  ingrédiens  s'opère  seul,  spontanément, 
sans  qu'on  y  touche,  et  que  la  marmite  soit  chauffée  avec  du 
charbon,  et  non  du  bois  qui  donnerait  à  la  composition  une 
odeur  de  fumée  désagréable. 

La  scialique  est  le  plus  souvent  attaquée  comme  il  suit  : 

Appliquersurletrajetdouloureuxdelaracinegrilléed'erfrw 
(thapsia  foliis  coronopi); —  ou  bien  prendre  des  Kahhar  (câ- 
pres), de  Tanis  [habbet  halaoua);  faire  bouillir  avec  une  cer- 
taine quantité  d'eau  dans  une  marmite  neuve,  boire  de  cette 
décoction  tou^  les  matins.  Ensuite  on  écrit  la  phrase  duivante 
sur  un  morceau  de  linge  que  l'on  mouille  et  dont  on  entoure 
la  jambe  malade  :  —  «  Dieu  a  dit  :  je  te  fet*ai  mourir;  il  est 
le  tout-puissant  dans  ta  création;  il  a  fait  tout  ce  qui  sort  de 
terre  ;  tout  est  égal  devant  lui;  tout  retournera  à  lui..  »  —  On 
peut  également  ramasser  trois  pierres,  écrire  sur  la  première, 
taïcem;  sur  la  deuxième,  sicem;  sur  la  troisième,  aïcem;  on 
les  met  ensuite  toutes  troisdans  lefeu.  Dès  qu^elles  seront  rou- 
gies,  on  les  jettera  dans  l'eau,  et  on  recevra  la  vapeur  sur  le 
membre  malade.  —  Il  est  encore  bon  d'exposer  la  partie 

(i)  Renie  d'Orient,  1846,  t.  V,  p.  aSi. 


—  464  — 

douloureuse  à  la  vapeur  qui  se  dégage  quand  ou  jette  sur  des 
charbons  ardents  de  grandes  quantités  de  poils  d'un  chien  noir 
{kelb  akhhaf),  — Le  Prophète  a  dit  :  pour  guérir  la  sciatiquo, 
prenez  de  la  graisse  des  fesses  d'un  vieux  mouton,  faites-la 
fondre;  mangez-en  un  peu  tous  les  jours;  frictionnez-vous  en 
même  temps  la  cuisse  avec  de  la  même  graisse  que  vous  aure2 
fait  cuire  avec  un  kraffech  (chauve-souris)* 


L'épilepsie  [skina)  a  été  observée  cliez  les  Indigènes.  Le 
h*  Delcau  Ta  rencontrée  à  Constantine  sur  quelques  filles 
publiques. 

Celui  qui  a  perdu  la  mémoire  doit  boire  le  matin  du 
bouillon  de  dzeubb  (agame)  mêlé  avec  de  la  bile  de  coq 
[mourarat  el  diq);  et  <i  Allah  ou  anahou  anesiane  (Dieu  lui 
donnera  un  commandement  sur  son  oubli).  » 

Le  tremblement  continu,  la  chorée  {rechefa),  se  guérit  en 
avalant  tous  les  matins  de  la  graine  de  rajraj  (?). 

Quand  les  enfants  ont  des  convulsions  [terrahid],  on  place 
dans  les  plis  de  leur  ôernou^^  trois  graines  d'à; Aar  (4);  ou 
bien  du  dahab  el  brize  (or  pur).  Si  c'est  une  petite  fille,  ces 
substances  seront  suspendues  après  ses  boucles  d'oreille. 

Lorsque  les  jeunes  enrants  tourmentés  par  FagitatioD 
nerveuse  pendant  le  sommeil  se  lèvent  en  sursaut  la  nuit,  il 
convient,  avant  qu'ils  ne  s*endorment,  de  mettre  dans  leurs 
vêlements,  du  côté  droit,  des  excrémens  de  faqt  (animal?);  il 
est  bon  aussi  de  placer  sous  leur  tête  une  dent  canine  de 
chacal  ({nah  eddib). 

Le  tétanos  a  été  observé  :  le  docteur  Marseilhan  (2)  en  cite 

(i)  Les  Arabes  confondent  tous  ce  nom,  le  gttuyHtr  de  Phenicie,  le  gêrmrier  «  ftmlks  dt 
•idrt  et  le  Mu/a  articulé. 
(2)  T.  UI  dfs  Mém.  d*  méd.  «t  êMrurg.  milUaint, 


—  466  - 

un  cas  chez  ud  Arabe  des  Gharabas,  qui,  pour  éviter  un  châti- 
menl  aurait  été  se  cacher  et  s'exposer  plusieurs  nuits  en  plein 
air,  assez  peu  vêtu  ;  il  guérit  néanmoins.  D'après  le  docteur 
Guyon  (4),  le  tétanos  a  régné  épidémiquement  à  Oran  ;  son 
développement  spontané  avait  été  observé  en  avril,  après  une 
élévation  subite  de  température,  chez  un  Indigène  qui  guérit 
également.  L'épidémie  que  ce  médecin  rapporte  à  un  passage 
subit  du  froid  au  chaud,  s'est  montrée  à  Oran,  Alger,  Bône, 
Bougie,  etc.  La  rareté  du  tétanos  {louana)  chez  les  blessés 
Arabes,  donne  à  penser  que  ces  épidémies  se  rapporteraient 
plutôt  peut-être  à  des  méningites  cérébro-spinales.  —  En 
Egypte,  jamais  M.  CIot-Bey  n'a  vu  le  tétanos  survenir  à  la 
suite  de  blessures  ou  d'opérations  (2). 

Les  idiots  {bêla  el  dquel,  sans  la  raison),,  les  fotis  [mahbel), 
les  aliénés  [medjenouney  avec  un  génie)  ne  sont  pas  rares  en 
Algérie.  Les  hommes  paraissent  beaucoup  plus  prédisposés 
quelesCemmes.LeD'A.Bertherand(3),monfrère,disaiteni840 
avoir  compte  2  à  300  crétins  et  fous  de  naissance  dans  la  seule 
ville  de  Blidah.  M.  Guyon  a  vu  à  Hilah  une  jeune  folle^  de  16 
à  18  ans,  s'amusant  à  manger  des  insectes  et  des  mouches.  Le 
fanatisme  religieux  n'est  point  en  Algérie  une  condition 
prédisposante;  les  Indigènes  ne  voient  dans  le  dérangement 
des  facultés  intellectuelles  que  l'influence  malicieuse  des 
djenounes  qui  auraient  joué  à  l'individu  le  mauvais  tour 
d'emporter  son  esprit  au  ciel.  Comme  dans  t(Hit  l'Orient, 
TArabe  a  un  profond  respect  pour  les  fous;  de  là  son  empresse- 
ment à  satisfaire  tous  leurs  caprices^  à  pourvoir  à  tous  leurs 
besoins,  à  leur  baiser  la  main  pour  s'attirer  la  bénédiction  du 
Très-Haut,  etc.  Les  Maures  ^  les  laissent  dans  les  villes  que 


(t)  Gaz.  mtdic.  d*  Paris,  lo  noTemlirc  1839. 

(>)  Comptt-r»ndu  de  l'École  de  médecine  d'ÂbowZiAel»  Cas.  de*  hôpitaux,  décembre  x83a' 

(3)  Me'm.  deméd.et  chirurg.  militairtt  d«  i94a. 


—  466  — 

(les  circonslanees  de  la  guerre  les  forcenl  à  abandoBner,  dans 
la  persuasion  où  ils  sont  que  leur  séjour  dans  ces  lieux  est  un 
gage  assuré  de  leur  retour.  Delà,  ajoute  M.  Guyon,les  fous  et 
les  idiots  que  nous  avons  trouvés  à  notre  entrée  à  Cherchell,  a 
Médéah....  Il  est  vraisemblable  que  les  Arabes  reportent  sur 
les  crélinsles  mêmes  sentiments  d'affection  (1).  »  —  On  sait, 
du  reste,  que  les  idiots  elles  aliénés  pullulent  en  Egypte.où  ils 
sont  également  honorés  comme  des  saints  [2],  Inutile  de  dire 
qu^avecde  semblables  idées,  les  Musulmans  se  gardent  bien 
de  combattre  une  maladie  aussi  sacrée.  —  Tout  ee  que  nous 
devons  remarquer  ici,  c'est  qu'en  Algérie,  la"' corrélation  du 
tempérament  bilieux  des  Indigènes  avec  la  fréquence  des 
dérangements  intellectuels,  appuie  les  statistiques  diverses 
dont  les  aliénés  ont  fourni  le  sujet  (3). 

Toute  la  population  Musulmane  de  rAlgérie  souffre  de  la 
fièvre  intermittenlc,Aeufnma  skhana,  fièvre  cliaude;  heumma 
bareda,  fièvre  froide.  Dans  les  villes,  elle  se  rencontre 
fréquemment;  M.  le  docteur  Pinot  dit  même  (4)  qu'à  Blidah 
les  Indigènes  y  sont  infiniment  plus  sujets  que  les  Européens. 
A  Alger,  sur  3,398  Musulmans  décédés  pendant  les  années 
1839,  1841, 4842  et  1845,  on  compte  313  morts  par  fièvres 
intermittentes,  dont  59  pernicieuses  :  c'est  donc  un  dizième  à 
peu  près  des  décès.  —  Dans  les  tribus,  celles  surtout  qui 
campent  dans  les  vallées  se  trouvent  littéralement  décimées  ; 
je  n'oublierai  jamais  les  Arabes  de  la  vallée  du  Chéliff,  de 
risser,  du  Sebaô,  etc.;  les  habitants  des  deux  sexes  inspiraient 
véritablement  la  pitié.  Dans  les  montagnes,  les  fièvres  in ter- 
niittentes  ne  semblent  plus  rares  que  sur  les  plateaux,  mais 

(i)   Gai.  médic.  de  Paris,  i84i«  p-  8o5. 

(a)  Rbvxu  d' Orient ,  x%\(î,  t.  VI,  p.  3io.  Esquisse  de  la  civilisation  ég/ptienne,  par  Lcsaov 
x>«  Vbxcla. 

(3)  Voir,  en  partîcnliisr,  le' Rapport  statistique  sur  ta  maison  des  aliénés  de    Caen,  par  M. 
VA.trsL(t.  Vlll  dajinnatesd'k/giène  publique,  p.  a3o). 

(4)  T.  LVI  des  Mémoires  de  méd.  tt  de  chirurg.  militaires. 


—  467  — 

elles  font  néanmditiâ  de  grands  ravages.  Dans  le  Sud  même, 
les  accès  s'observ^nl  assez  fréquemment.  En  résumé,  quaiM 
on  considère  les  mauvaises  conditions  dans  lesquelles  tout 
Arabe  vit,  soit  la  nourriture,  soit  le  vêlemenl,  soit  le  coucher, 
soit  l'habitation,  soit  l'exposition  permanente  à  des  variations 
extrêmes  de  température  et  aux  caprices  météorologiques,  oh 
peut  remarquer  que  les  Indigènes  n*offrent  point,  d'une 
manière  générale,  encore  autant  de  fiévreux  qu'on  le  croirait 
à  priori.  C'est  que  l'organisation  normale  se  montre  cheveux 
plus  réfractaire  à  l'action  des  causes  qui  produiseifit  la  fièvre, 
la  circulation  sanguine  et  l'influx  nerveux  ayant  moins 
d'énergie.  Mais  que  fois  que  la  lutte  prolongée  entre  l'orgar- 
nisme  et  les  influences  pathogéniques  se  termine  par  le 
triomphe  de  ces  dernières,  alors  la  flèvre,  ou  mieux  à  moa 
avis  (1)  la  névropathie  intermittente,  revêt  un  cachet  parti- 
culier que  Ton  rencontre  à  chaque  pas.  Une  profonde 
altération  de  l'hématose  détermine  une  coloration  chlorotique 
prononcée:  l'Indigène,  plus  rapidement  affaibli  non  seulement 
par  une  nutrition  languissante,  par  des  ébranlements  nerveux 
successifs,  mais  encore  par  une  alimentation  habituellement 
insuffisante  et  peu  réparatrice,  prend  un  air  prématuré  de 
vieillesse.  L'hydropisie  se  manifeste  d'autant  plus  prompte- 
mentquc  des  viscères  normalement  volumineux  compriment 
énergiquement  sous  l'action  d'un  engorgement  morbide,  les 
rameaux  du  système  veineux  abdominal.  Cette  cause  est 
surtout  fréquente  chez  les  petits  enfants,  que  vous  voyez 
fréquemment  courir  tout  nus  autour  des  tentes,  avec  des 
ventres  énormément  distendus  par  Tépanchement.  Les  autres 
faits  les  plus  saillants  chez  les  fébricitanls  Arabes,  sont  :  1^  le 
peu  de  fréquence  des  complications,  du  côté  de  la  portion 
supérieure  du  tube  digestif  (vomissements)  ;  2^  la  multiplicité 

(i)  Voy.  page  1 1,  da  Ji-aitement  Jet  /lèvres  inttrmUuntts  «n  Âigéri»^  ménioire 
1849  P'*!'  ^*  Sociëti  dt  médecine  d'Alg*r. 


—  *68  — 

des  accès  pernicieux  dans  le  Sud;  3®  la  prédomiaaocedu  type 
tierce  (hey,mma  tseltsia)  dans  les  montagnes,  et  quotidien 
(heumma  tagelioum)  dans  les  plaines.  M.  le  docteur  Finot  Q*a 
jamais  vu  un  seul  accès  de  fièvre  quarte  [heumma  mrebba) 
sur  plus  de  600  Indigènes  de  Blidah  ou  des  environs.  Pour 
ma  part,  je  Tai  rarement  observée  ;  4^  le  stade  de  froid  semble 
peu  marqué. 

Ces  maladies  paraissent  bien  plus  fréquentes  sur  le  bord 
des  rivières  [Sey bouse,  5e&(!to'),dans  les  plaines  marécageuses 
(à  la  Calle,  THabra  (Mascara),  la  Métidjà),  etc.  ;  on  les  observe 
alors  non  seulement  fi  l'état  endémique,  mais  encore  sous  la 
forme  épidémique.  Ainsi,  nous  citerons,  entr'autres,  les 
ravages  exercés  en  septembre  i  8*9  par  la  névropathie  inter- 
mittente chez  les  Béni-Oudjena  (cercle  de  Batna]  campés  sur 
les  chaînons  de  TAuress;  dix  et  vingt  morts  étaient  comptés 
par  jour.  En  même  temps,  les  Ouled-Aouf,  au  centre  des 
Ouled-Soltane,  perdaient  cent  cinquante  individus  en  dix 
jours  (<).  Ces  recrudescences  atinuelles  ne  sont  pas  rares,  sur- 
tout à  Tautomne,  principalement  dans  les  localités  dont  le 
terrain  est  argileux. 

Les  nombreux  jardins  qui  entourent  les  oasis  déterminent, 
notamment  à  Tuggurt,  à  Ouargla,  des  affections  intermittentes 
très  meurtrières  au  cœur  de  l'été  et  en  automne,  à  tel  point 
que  l'autorité  locale  prévient  annuellement  les  étrangers  et  les 
engage  à  se  retirer  dans  les  oasis  voisines.  Celle  de  TOued- 

(x)  Le  maréchal  Bogeand  oe  maiMiiiaU  jamaÏB  de  reconuxiandcr  aux  'heb  de  ecnrp* 
d'éviter,  poar  faire  camper  les  troupes,  le  Tobinage  des  cours  d'eau,  Irs  bas-fonds  qui,  pcn> 
dant  le  jour,  prirés  d'air,  ofTrent  une  température  pins  Haute  que  les  cdteanx  enrironnants, 
et  rapidement  plus  Craiehe.  pins  hamide  la  nuit,  ce  qui,  dit- il  (circulaire  de  son  camp  de 
Sidi'Aïckoun,  aa  mai  it46),  «suffit  quelquefois  pour  donner  une  centaine  de  malades  sor 
on  effectif  de  3,ooo  hommes.  »  L'illustre  maréchal,  en  insistant  sur  la  nécessité  de  camper 
rar  lea  hauteurs,  les  cdteaux,  toutes  les  fois  que  le  terrain  le  permettait,  ajonlait  que  la 
forme  plus  ou  moins  régulière  d'un  bivouac  importait  peu,  et  qu'il  valait  beaucoup  mieux 
imposer  qodques  correct  aux  hommes  et  aux  chevatix  pour  les  aonstraire  aux  influeuces 
morbides. 


~  469  — 

Souf,  bien  connue  par  sa  salubrité,  est  ordinairementchoi8ie(l). 
Ouargla,  située  dans  une  plaine  marécageuse,  se  trouye 
infectée  de  fièvres  en  mai  et  octobre  ;  de  même  Témacin,  à 
cause  d'un  immense  fossé  extérieur  que  les  chaleurs  œstivales 
dessèchent  promptement.  Les  apparitions  constantes  de  ces 
épidémies  à  l'automne  leur  ont  valu,  de  la  part  des  Indigènes 
du  pays,  le  nom  de  ktoubria, 

•  SMl  t'arrive  de  rencontrer  visage  p&le  et  enflé,  dis  :  voilà  un 
de  ces  chiens  d*babitants  de  farfar  (oasis  du  Zab).  »  (Dicton 
populaire  dans  le  Sahara.) 

La  mauvaise  qualité  des  fruits  (pastèques,  figues,  melons» 
etc.]  tient  évidemment  un  des  premiers  rangs  parmi  les  causes 
prédisposantes  de  toutes  ces  fièvres. 

La  grande  variété  des  traitements  remporte  sur  leut* 
efficacité  :  aussi  les  Arabes  ont-ils  vite  appris  et  reconnu  les 
merveilleuses  propriétés  de  la  quinine  (kina).  Voici  leurs 
principaux  remèdes  : 

Dans  les  fièvres  intermittentes  compliquées  de  céphalalgie, 
se  frotter  le  front  avec  de  la  racine  de  bot^^efa  (thapsia 
garganica);  vingt  à  vingt-cinq  heures  après,  un  gonflement 
érysipéiateux  se  manifeste,  puis  des  vésicules  :  la  guérison  est 
assurée.  —  Il  est  recommandé  de  manger  beaucoup  de  pastè- 
ques (delda), cequi  guérit  les  premiers  accès  de  fièvre.  C'est  de 
rhomœopathie  pure,  car  c'est  à  l'abus  de  ce  cucurbitacé  que 
la  maladie  doit  spécialement  son  origine.  —  Boire  une  décoc- 
tion de  Ucelgah  (turbith,  globularia  fructicosa],  ou  une  dé- 
coction de  qtttal  (scabiosa  frutescens)  (2).  —  Faire  courir  le 
malade  jusqu'à  épursement  de  forces  ;  traitement  sudôrifique. 
—  Soumettre  le  cou  à  une  forte  constriction,  puis  frictionner 

(i)  Rtvtiê  d'Ori^ni,  i844>  t>  VI,  p.  i56  ;  Tugguri  et  tfs  oasù,  par  M.  Avmvi  »i  CiiAVcsi..«M 
Voy.  aussi  Commerce  dt  l'Algérie  méridionale,  par  M.  Caaitts,  p.  «37. 

(s)  «  J^ii  m  que  la  scabieuse  comnrane  de  ce  pays,  mangée  en  salade  00  pMrise  en  d4co«- 
tion  bien  forte,  fnérit  les  fièrres  tierces  et  quartes  (D'Scbaw,  t.  I,  p.  34»).  » 


—  470  - 

iorleDieat  le  cou  et  les  épaules  ;  méthode  perturbatrice  qui 
agit  évidemment  sur  l'hématose. —  On  conseille  souvent  une 
tisane  de  fruits  [houmar]  de  tamarin  (tamarinhdy)  ;  usitée 
également  dans  la  Sénégambie.— Manger  une  langue  [lesane] 
de  chameau  [djemel)  coupée  par  très  petits  morceaux  et  bien 
bouillie.  —  Piler  ensemble  de  Vafsa  (noix  de  galle)  et  de  Vas- 
far  (carthame);  ajouter  un  peu  d'eau;  boire  le  tout.  — 
Décoction  de  chair  de  dorbane  (porc-épic)  pour  tisane,  ou 
bien  de  hhachichet  chouq  (scrofulaire). 

Contre  la  fièvre  tierce,  boire  une  décoction  de  graines  de 
feijel  (raifort  sauvage)  dans  laquelle  on  aura  fait,  macérer  du 
skendjebir  (gingembre). 

Contre  la  fièvre  quarte,  manger,  trois  samedis  de  suite,  du 
pain  [khobz)  uniquement  composé  d'orge  et  de  blé  [qmahh); 
—  ou  piler  de  l'écorce  et  de  la  Jeuille  de  roummane  (grena- 
dier); mêler  le  suc  qu'on  en  extraira  avec  du  siic  de  zenzebil 
(germandrée)  fraîche  et  fortement  pulvérisée  :  boire  cette  com- 
position. —  Projeter  sur  des  charbons  ardents  des  feuilles 
et  de.très  petites  branches  tendres  de  safsaf  (saule);  respirer 
les  vapeurs  et  remplir  l'habitation  de  cette  fumée;  —  ou  bien, 
faire  bouillir  Aes  hamous  (petits  pois)  açoued  (noirs)  avec  du 
mettsteqa  (suc  du  lentisque);  faire  bouillir  une  seconde  fois 
en  ajoutant  du  tremass  (lupin),  puis  une  troisième  fois  avec 
une  certaine  quantité  d'eau  :  tisane  quotidienne.  —  On  peut 
aussi  prendre  trois  morceaux  d'alun  [chebb)  :  écrire  sur  l'un, 
laligh;  sur  l'autre,  baligh  ;  sur  le  troisième,  taloughk  (trois 
noms  de  djenounes  qui  causent  la  fièvre)  ;  mettre  chaque  jour 
un  de  ces  morceaux  sur  des  cliarbons  ardents,  à  l'heure  habi- 
tuelle à  laquelle  l'accès  arrive. 

La  fréquence  désaffections  du  foie  et  de  la  rate  consécutives 
aux  névropathies  intermittentes  chez  les  Indigènes  est  un  fait 
hors  de  doute.  Dès  1844,  le  D'  Perrier(l)  signalait  chez  les 

(i)  D0  l'infettion  jfludéennf  en  .Afrique,  in  Joiirn.  tle  Mcdgcint,  mars  i844,  p.  7». 


—  474   ~ 

Arabes  de, tout  âge  et  de  toutse;Leet  n'ayant  jamais  pris  de 
sulfate  de  quinine,  les  rates  volumineuses,  les  foies  engorgés|^ 
le&hydropisies  rebelles,  comme  affections  déterminées  par  des 
fièvres  périodiques  anciennes.  Les  Arabes  appellent  ces  engor- 
gemens,  oudjà  ceqla  (mal  des  flancs).  Dans  l'Afrique  occiden- 
tale, ils  seraient  (1)  menaçants  dès  le  début,  et  complètement 
incurables.  Nous  n'avons  point  fait  la  même  remarque  :  d'une 
part,  les  splénocèles  et  hépatocèlés  ne  nous  ont  que  très  rare- 
ment paru  développés  dès  l'origine  des  fièvres  ;  ensuite,  le  sul- 
fate de  quinine  à  l'intérieur  et  en  frictions  nous  a  constamment 
semblé  procurer  de  l'amélioration  très  notable,  nous  ne  disons 
pas  une  guérison  complète,  parce  que  il  est  fort  difficile,  si 
ce  n'est  parfois  impossible,  avec  l'organisation  actuelle  du 
service  de  santé  indigène,  de  faire  suivre  aux  Arabes  un  trai- 
tement prolongé.  Leurs  toubibes  se  bornent  à  des  pointes  de 
feu  plus  ou  moins  multipliées  sur  les  régions  abdominale, 
splénique  ou  hépatique,  dans  les  cas  d'hydropisie  ou  d'engor- 
gemens  viscéraux. 

Quant  à  la  forme  pernicieuse,  qu'ils  appellent  sellema  (il  a 
obéi  T],  elle  se  montre  fréquemment  pendant  les  fortes  chaleurs, 
au  début  de  l'automne.  On  la  voit  même  régner  épidémique- 
ïnent  :  ainsi  en  mars  1847,  parmi  les  douairs  de  VOued-el- 
Melh,  on  l'attribua  à  la  double  influence  d*exhalaisons  mé- 
phitiques et  d'eaux  rendues  plus  saumâtres  par  une  tempéra- 
ture élevée;  ainsi  en  octobre  1847,  à  Sebdou,  chez  les  Ouled- 
Ouriach;  en  septembre  1848,  dans  le  cercle  d'Au maie;  à  la 
même  époque,  chez  les  Zarbâa  (district  de  Boghar),  on  comptait 
plusieurs  morts  par  jour.  Le  traitement  arabe  consiste,  au  début 
de  l'accès,  en  boisson  d'huile  fortement  salée  ;  on  applique 
ensuite  des  pointes  de  feu  ou  des  scarifications  avec  le  fer  rouge, 
à  la  nuque,  d'autrefois  au  synciput. 

(i)  KafTenel,  f^o/.  dam  t' Afrique  occid.  p.  3ii 


—  472  — 

Exprimons  le  regret  que  dans  un  but  autant  hygiénique 
que  commercial,  les  Indigènes  algériens  n'aient  point  encore 
été,  par  les  soins  de  Tautorité,  initiés  à  la  culture  du  riz  dans 
les  plaines  marécageuses  (1). 


Les  Arabes  tiennent  généralement  les  plaies  dans  un  état  de 
malpropreté  extrême  :  ils  ne  les  lavent  jamais;  n*en  lotionoent 
jamais  les  contours,  prétextant  que  te  contact  de  l'eau  ]es 
fait  couler.  Cependant,  les  blessures  que  j'ai  eu  occasion  de 
traiter  chez  eux  par  la  méthode  réfrigérante,  ne  m'ont  jamais 
semblé  contrariées  dans  leur  guérison  :  loin  delà.  C'est  sans 
doute  à  l'ignorance,  à  l'inhabileté  dans  le  maniement  d'un 

(i)  Ba  i844,  le  directev  d«  la  pépini^rt  d'Alg«r  »'«zprimftit  aiMi  à  ce  fojct  : 

«  Les  colliVAUnn devraient  l'enlrepreodre  dans  les  lieux-bas  (delà  Hiticyàj  q[ai  rotieimeat 
asses  d'hamiditë  pendant  Tétë...  qu'ils  ne crai(pneiit  pas  d'entretenir  par  la  coltore  de  œltc 
espèee  de  riz  (le  rix  de  monUgoes),  les  miaimes  qne  font  Aiir  les  risières  ordiaitirea  o(m»- 
tamment  couvertes  de  plusieurs  centimètres  d'eau.  Du  reste,  c'est  pent4tr«  de  riiyntice  qae 
d'attribuer  nnicpiement  aux  rizières  les  conséquences  funestes  de  l'air  qui  les  enriroaae.  EUea 
iont  établies  pour  la  plepart  dans  des  marais  qui*  fana  ello^  n'en  répandraient  pu  nsotos 
des  miasmeaplns  pernicieux  encore.  La  quantité  de  substances  végétalre  en  décomposition 
se  trouvant  diminuée,  et  l'ran  restant  plus  stagnante,  les  rizières  ordinaires  poarrisieiit  en 
quelque  sorte  être  considérées  comme  moyen  d'assainissement.  Mais  ici,  l'ean  s^oumam 
peu  à  la  surface  du  sol,  il  n'j  aura  donc  pas  de  décomposition  à  redouter,  rien  n'jyootcra 
aux  miasmes  déjà  existants  des  marais  ;  au  contraire,  c'est  un  moyen  de  marcher  rera  l'as- 
sainissement, tout  en  exerçant  «ne  industrie  qui  indemnisera  iranédiatement  lea  pmni«fs 
sacrifices  {  l'eau  stagnante  étant  ainsi  peu  à  peu  déplacée  et  le  sol  qu'elle  découvre,  renaoé 
et  exposé  il  l'action  de  l'air,  la  salubrité  naîtra  insensiblement  dans  les  localités  maréca- 
geuses, etc. 

M.  Voisin*  missionnaire  qui  a  résidé  récemment  huit  années  en  Chine,  oo  les  rinircs  nom 
très  communes,  donne  les  ren^gnements  suivants  : 

«  Les  ouvriers  qui  travaillent  an  milieu  d'une  eau  fétide  et  sous  un  ciel  brAlant,  ne  aônt 
pas  plus  malades  que  ceux  qui  ne  se  livrent  pas  à  la  cultore  du  ris.  Dès  le  matin,  ils  bosTent 
du  thé  :  à  déjeuner,  À  dîner,  à  souper,  entre  les  repas,  ils  en  boivent  encore,  ils  ont  de  la 
viande  au  moins  une  fois  par  jour.  Le  tbé  qu'ib  prennent  entre  les  repas  est  toujours  accom» 
pagné  d'herbes  salées  et  sèches.  Ib  fument  leur  pipe  à  plusieurs  reprises.  Enfin»  epMa  le 
souper,  ils  se  lavent  tout  le  corps  avec  de  l'eau  bien  chaude,  et  ib  évitent  aTcc  le  plos 
grand  soin  de  boire  de  l'ran  froide.  Ce  régime  suivi  avec  rigueur  et  persévénuice  permet 
aux  ouvriers  d^  travailler  impunément  des  journées  entières  avec  de  l'eau  jusqu'aux  genoux 
{Magatin  Ptttor*tque,  i84o,  p.  a6o).» 


—  4-3  — 

agent  thSS^inîque  aussi  pnîcieux,  aussi  important,  qu'il 
faut  rapporter  le  peu  de  réputation  dont  il  jouit  chez  les 
Indigènes,  Peut-être  remploi  habituel  de  l'eau,  h  titre 
religieux  dans  les  ablutions  légales  des  lisâus  sains,  leur  fait-il 
craindre  d'en  profaner  Tusage  en  l'utilisant  à  lotionner  des 
parties  chargées  d'impuretés  njorbides.  Nous  renvoyons  a  ce 
sujet  au  chapitre  II  de  VHyyiène  publique,  page  239.  —  Les 
plaies,  en  général,  a-t-il  été  dit  plus  haut,  guérissent  avec  une 
promptitude  et  une  facilite  merveilleuses  chez  TArabe,  à 
fortiori  quniïA  elles  sont  convenablement  traitées.  L*illustre 
Larrey  et  Clot-Bey  ont  fait  la  même  remarque  en  Egypte.  M, 
Baudens  [i)  observait  en  1830,  lors  du  débarquement  des 
Français  en  Algérie,  que  «  dans  ce  pays  où  la  chaleur  est  très 
forte,  la  cicatrisation  des  plaies  s*opère  avec  une  très  grande 
rapidité.  »  Tout  médecin  militaire  appelé  â  soigner  des  Arabes 
aura  certainement  fait  la  raême  réflexion.  Un  exemple  des 
plus  saillants  à  ma  connaissance  serait  le  suivant  :  Un  des 
Ariba  campés  dans  la  plaine  de  Tisser,  reçut  dans  un  engage- 
ment avec  des  Kabyles  (1851)  une  balle  qui  lui  traversa  de 
part  en  part  la  cuisse  droite,  la  peau  du  scrotum  en  deux 
endroits  et  la  cuisse  gauche.  Malgré  ces  six  blessures,  il  ne 
m  offrit  jamais  le  moindre  .symptôme  de  fièvre  pendant  le 
traitement,  et  au  treizième  jour,  il  se  trouvait  complètement 
guéri  ;  ses  plaies  entièrement  cicatrisées,  cet  Indigène  de  45  à 
SO  ans  remontait  parfaitement  à  chevaL 

Les  traitements  usités  chez  les  Arabes  consistent  à  recouvrir 
les  plaies  (djerrha]  de  cataplasmes  faits  avec  des  excréments 
d'animaux  (bœufs,  chameaux)  délayes  dans  un  peu  d'eau.  Us 
appliquentégalementdeiî  feuilles  \\'aUaïq  (églantier)  broyées 
dans  de  rhuilc.  Dans  le  Sahara,  on  remplace  ces  feuilles  par 
celles   du   bou-menquar   (ccaluurœa   sulfurœa,    centaurée 

(tj  CH^fMgnê  ^dift^*  It  XXXI  4#»  ^Um,  4*  m*4.  *t  à*  ikUw^.  mititmir»*. 


AdI 


—  474  — 

d'Orient).  —  D'autres  préfèrent  un  onguent  fait  avec  du  tfnen 
(beurre)  et  de  l'alun  ;  ou  bien  un  mélange  de  felfel  (poivre)  et 
de  miel  ;  soit  encore  de  la  terre  (thine)  saupoudrée  de  piment 
(felfel  ahhmar). — Ordinairement  on  recouvre  toute  espèce  de 
plaie  avec  plusieurs  couches  de  poudre  de  henna;  la  partie  en 
contact  immédiat  avec  la  blessure  absorbe  les  humidités  (sang, 
pus),  elle  est  remplacée  quelques  heares  après  par  une 
nouvelle  quantité  de  la  même  substance.  Cette  pratique  a 
l'avantage  de  débarrasser  facilenïehtetconstamlnent  la  surface 
ou  les  lèvres  traumatiques  dès  matières  étrangères  qui  les 
encombrent  et  les  irritent  parfois  ;  elle  permet  ensuite  à  la 
cicatrisation  de  se  faire  pour  ainsi  dire  sans  obstacles,  à  Fabri 
du  contact  de  l'air,  la  qualité  astringente  et  tonique  du  henna 
y  aidant  beaucoup  (1).  En  général,  du  reste,  les  matières 
employées  dans  le  traitement  des  plaies  sont  de  nature  exci- 
tante, stimulante.  Les  cataplasmes  de  mauve  (moudjir)^  de 
khohbeiz  (malva  sylvestris)  sont  plus  usités  dans  les  villes.  — 
Les  plaies  avec  grande  perte  de  substance  se  traitent  aussi  avec 
des  amas  de  henna,  seulement  on  ne  les  renouvelle  que  tous 
les  trois  jours. 

On  rencontre  quelques  Indigènes  qui  poussent  les  soins 
pour  la  guérison  de  leurs  blessures  au  point  de  chercher  à  les 
préserver  contre  toute  violence  extérieure,  et  souvent  aussi 
contre  le  contact  de  Tair  et  de  Teau  que  la  disette  de  linge  et 
la  misère  ne  leur  permettent  point  d'éviter.  Ceux-là,  que 
rinlcUigence  distingue  danj,  la  masse,  rarinantes  ingurgite 
vasto,  garantissent  leurs  plaies  avec  des  morceaux  de  nattes, 
des  herbes  ou  des  joncs  tressés,  etc.,  maintenus  avec  quelques 
tours  de  cordes  de  palmier  ou  de  poils  de  chameau. 

Les  plaies  contuscs,  les  contusions  se  guérissent  avec  un 

(t)  La  rareté  des  pansemenls  est  le  résultat  non  pas  d'iui  principe  chirargicul  reconnu 
Atz  les  Arabes,  mais  plutôt  de  Icnr  ignorance  géaéralo  dans  U  marche  et  le  traitement  des 


—  475  — 

mélange  de  queihrane  (goudroD)  et  de  smen  (beurre),  ou  bien 
avec  des  feuilles  de  henna  bien  broyées  et  délayées  danis  ulk 
peu  d'eau. 

Les  Indigènes  ne  débarrassent  jamais  les  régions  du  corps 
des  poils  qui  peuvent  gêner  Taction  des  remèdes  et  devenir 
une  cause  de  douleurs,  etc.;  ils  n'entendent  rien  à  la  compli- 
cation organique,  constitutionnelle,  des  solutions  de  continuité. 
Les  mêmes  moyens  curatifs  s'appliquent  dans  des  cas  souvent 
très  différents,  et  sans  égard  pour  la  cause  spéciale  qui  a  pnK 
duit  la  plaie  ou  l'entretient.  Quand  la  cicatrisation  se  fait  trop 
attendre,  on  cautérise  avec  le  feu,  on  applique  du  miel,  on 
saupoudre  avec  du  sulfate  de  cuivre,  etc.  Les  Arabes  se  trou* 
vent  fort  embarrassés  en  présence  d'autres  accidents  qui 
compliquent  les  plaies.  Survient-il  une  hémorrhagie  {radfyt 
La  principale  ressource  est  d'étreindre  fortement  le  membre; 
mais  il  ne  tarde  pas  alors  à  tomber  en  gangrène  [meslem). 
Les  Montagnards  inondent,  dans  ces  mêmes  cas,  les  plaies 
avec  du  suc  d'amiante  (?],  à  titre  d'hémostatique;  d'autres  les 
enduisent  de  résines,  de  goudron,  de  corps  gras,"etc.  — Chez 
un  grand  nombre  de  blessés  gravement  atteints,  chez  les  indi* 
vidus  affaiblis  par  de  longues  maladies,  chez  les  paralysés,  le 
décubitus  dorsal  amène  d'autant  plus  fréquemment  des  es- 
carrhes  que  la  natte  ou  le  sol  ne  constituent  jamais  un  lit  fort 
doux  :  les  Arabes  ne  savent  point  prévenir  cet  accident.  Quand 
les  escarrhes  deviennent  par  trop  douloureuses,  ils  les  endui- 
sent de  graisse  ou  les  saupoudrent  de  henna. — ^Enfîn,un  autre 
phénomène  commun,  ce  sont  les  vers  {douida)  produits  par 
une  mouche  bleue,  musea  vomiiaria,  d'après  le  docteur 
Cabasse  (1),  et  que  la  chaleur  du  climat,  augmentée  de  celle 
qu'occasionnent  de  nombreuses  pièces  et  matières  de  pan- 
sement, et  surtout  la'  malpropreté,  font   naître  avec  une 

(\)  Jteimtion  meJit.  ehirurg.  Jt  h  captivité  des  pri^^nnitr*  Français,  p,  Ï6. 


-  476  — 

inconcevable  facilité  dans  les  plaies.  Yoict  deux  moyens 
généralement  usités  pour  les  détruire,  car  les  Indigènes  ne 
considèrent  point,  comme  le  baron  Larrey,  la  présence  de  ces 
larves  favorable  à  la  cicatrisation  : 

Faites  chauffer  un  mélange  de  soufre  et  d'urine  [batU)  d'an 
jeune  enfant  (sabi,  c.-à-d.  n'étant  pas  encore  pubère)  ;  ajou- 
tez-y ensuite  de  l'ail  ;  mêlez  très  intimement,  et  recoavrez  avec 
cette  composition  la  plaie  infectée  de  vers.  —  Ou  bien^  recoin 
vrez-là  de  de/la  (laurier-rose)  bien  pulvérisé,  soit  avec  du 
towiia  [sulfate  de  cuivre).  —  Prenez  sept  baguettes  d'olivier 
(xitoun);  frappez  sept  fois  avec  chacune  d'elle  séparément  la 
partie  qu'occupent  les  larves,  mais  d'une  manière  assez  doace 
pour  ne  point  faire  de  mal.  JRéunissez  ensuite  les  sept  ba- 
guettes avec  un  fil  noir,  et  laissez-les  quelque  temps  sur  la 
tête  du  malade:  les  vers  ne  reparaîtront  plus  sur  la  plaie 

La  plaie  qui  résulte  de  l'opération  dé  la  posthotomie  est 
l'objet  de  traitements  variés  suivant  les  localités.  Ceux-ci 
recherchent  dans  le  bois  du  Une  (figuier)  les  portions  dont  les 
plaques  rouges  indiquent  la  pourriture,  ils  les  pulvérisent 
finement  et  ejà  saupoudrent  la  blessure.  Ceux-là  ont  plus  de 
confiance  dans  les  graines  du  cyprès  (hhabb  serouel)  bien 
broyées.  Dans  le  Zab,  on  pile  des  feuilles  de  romarin  (aazir) 
et  de  thuya  articulé  (aghar),  et  la  poudre  est  utilisée  cboime 
topique. 

Les  Arabes  ne  pratiquant  point  d'amputation,  nous  nous 
contenterons  de  rappeler  qu'avant  1830,  le  bach-djtrhha 
(chirurgien  en  chef)  de  l'armée  turque,  qui  cumulait  les 
fonctions  de  bourreau,  plongeait  dans  du  goudron  bouillant 
les  membres  saignants  officiellement  mutilés.  Quelquefois  le 
goudron  était  remplacé  par  de  la  graisse  ou  de  l'huile  bouil- 
lantes ;  si  l'hémorrhagie  ne  cessait  pas,  on  cautérisait  la  plaie 
avec  le  fer  rouge. 


—  vn  - 


lelBcîëîî^urnari  a  prétendu  (I),  a  propos  i 
},  que  les  Maures  pn^édaient  un  mervei lieux  rooyeo  d'en 
réunir  les  bord^^  à  Taide  <f'une  suture  dont  les  niaiulibules  de 
eerlains  iusecles  (scariies  pyracuion)  auraient  fourni  les 
éléments  actifs.  Je  n'ai  jamais  entendu  parler  de  ce  fait  en 
Algérie,  Voici  du  reste  ce  qu'en  dit  Sprengel  (2)  ;  «  Albucasis» 
le  meilleur  chirurgien  qu'aient  possé<lé  les  Arabes,  raconte  (3) 
que  les  empiriques  traitaient  les  grandes  plaies  du  bas-ventre 
en  appliquant  sur  les  lèvres  de  la  plaie  de  grosses  fourmis 
dont  la  morsure  devait  en  procurer  l'agglutination,  el  aux- 
quelles ils  coupaient  ensuite  Tabdomen.  Cette  fable  fut  copiée 
par  tous  les  auteurs  jusque  dans  le  XVI*  siècle,  temps  où 
enfin  Massa  révoqua  en  doute  la  possibilité  de  ce  procédé*  )» 
Ajoutons  que  Fabrice  d'Aquapcndente  rejette  ce  moyen,  parce 
qu'aussitôt  après  la  mort,  les  mâchoires  se  relâchent,  el  que 
d'ailleurs  on  ne  pouvait  se  procurer  de  ces  insectes  que  Thiver 
Quoiqu'il  en  soit,  c'est  ce  fait,  possible  ou  non,  vrai  ou  faux, 
qui  a  inspiré  la  création  des  serres-fines  de  M.  Furnari  el  de 
quelques  autres  chirurgiens  de  Tépoque  actuelle. 

Quelques  mots  maintenant  sur  les  plaies  d'armes  à  feu, 
dans  le  traitement  desquelles  on  a  fait  aux  Arabes  une  réputa- 
tion si  usurpée,  —  Les  projectiles  dont  se  servent  les  Indigènes 
dans  leurs  guerres  de  tribus  à  tribus,  les  attaques  individuelles, 
leurs  combats  avec  les  Musuluians  engagés  au  service  français, 
sont  grossièrement  faits,  de  calibre  très  variable,-  généralement 
^H  chagrinés  :  tanti3t  de  petites  pierres,  des  noyaux  de  dattes 
^^  enveloppés  de  plomp»  des  clous,  des  morceaux  de  bois  très 
I  pointu*;  tantôt  <le  petites  masses  de  fer,  de  plomb^  de  formes 
I        extrêmement  diverses.  Le  docteur  Baudens  a  remarqué  (A) 

H  (0 

w      *'^ 


{0  r'»/,  médit.  démtVdftî^.  S^fi^nma».  |i.  ,li«. 


—  478  — 

«  quelques  balles  divisées  par  le  milieu,  représentant  deux 
demi-sphères,  réunies  par  une  petite  chaîne  de  laiton,  à  la 
manière  des  boulets  rames.  >  Même  observation  avait  été  Taite 
par  le  baron  Larrey  sur  les  projectiles  des  Egyptiens. 

Les  Arabes  se  hâtent  de  couler  dans  les  plaies  d'armes  à  feu 
du  beurre  fondut  ou  bien  de  les  cautériser  avec  un  fer  rooga, 
de  les  couvrir  d*un  mélauge  soit  de  graisse  de  chèvre  et  de 
réglisse,  soit  de  graisse  de  mouton  et  de  miel.  D'autres  se  con- 
tentent d'une  application  de  terre  ou  de  bouse  de  vache,  oa  de 
gâteaux  de  laine  ou  de  poils  de  chameau  enduits  debeurre  ou 
d'huile.  Le  grand  nombre  d^ndigènes  qui  conservent  des  pro- 
jecliles  souvent  sous  cutanés,  longtemps  après  la  guérison 
des  plaies  d'armes  à  feu,  prouve  suffisamment  que  l'extraction 
des  corps  étrangers  est  à  peu  près  inconnue  aux  toubibes^  où 
tout  au  moins  qu'elle  ne  constitue  pas  à  leurs  yeux  un  prin- 
cipe rigoureux  dans  le  traitement  des  blessures  par  armes  de 
guerre.  Quand  la  balle  ou  l'objet  qui  en  tient  lieu  se  trouve  k 
très  peu  de  distance  de  l'entrée  de  la  plaie,  quand  surtout  il 
est  aisé  d'y  parvenir  soit  par  la  vue,  soit  par  le  toucher,  quel- 
ques Arabes  en  sollicitent  la  sortie  avec  la  pointe  du  petit  cou- 
teau courbe  qu'ils  portent  toujours  à  la  ceinture.  II  en  est  qui 
se  bornent  à  placer  sur  l'ouverture  de  la  blessure  un  jeune 
chien,  une  jeune  gerboise  (djerboh'),  dans  l'espoir  sans  doute 
que  ces  animaux  rapporteront  le  projectile!  La  plupart  du 
temps,  quand  les  Indigènes  s'adressent  aux  tolbas,  aux  ma- 
rabouts, pour  l'extraction  des  corpsétrangersdevenusgênanis 
ou  occasionnant  de  trop  fortes  douleurs,  ils  sont  victimes  des 
plus  audacieux  tours  do  charlatanisme  et  d'escamotage,  et 
finalement  les  projectiles  n'ont  pas  le  moins  du  monde  bougé 
de  place. 

Pour  enlever  les  escarrhes  qui  bordent  les  ouvertures  de  la 
plaie,  quelques  toubibes  appliquent  le  feu  au  moyen  d'un  an- 
neau de  fer  rougi  à  blanc.  —  On  favorise  ordinairement  la 


—  479  — 

cicatrisation  (ielhhim)  en  introduisant  dans  le  trajet  de  la 
blessure  de  Talun,  dn  sulfate  de  cuivre  ou  une  sorte  de  ba- 
guellede  miel  bien  bouilli.  Cette  espèce  de  sonde  [mousmar) 
informe,-  doit  être  diminuée  de  volume  au  fureta  mesura 
que  la  perte  de  substance  causée  par  le  passage  de  labailesera 
remplacée  par  des  bourgeonscharnus.  La  tige  de  miel  se  trouve 
parfois  chargée  de  benjoin  [djaoui],  de  poudre  A'afsa  (noix 
de  galle),  de  corps  gras  ou  résineux.  Les  esquilles  ^  (Mar/* 
ddhem,  morceau  d'os)  détachées  ou  adhérentes  sont  générale- 
ment respectées.—  La  pbie  vient-elle  à  s'enflammer,  la  partie 
est-elle  le  siège  d'un  engorgement?  On  met  en  usage  les  divers 
moyens  indiqués  plus  haut  au  sujet  des  tumeurs.  —  Dans  les 
coups  de  feu  avec  fractures^  FArabe  traite  la  plaie  comme 
d'ordinaire,  et  la  lésion  osseuse  aveclad;>6tradécrite  ci-dessus^ 
Assez  souvent,  il  enduit  ces  blessures  compliquées  avec  un 
mélange  de  tigesdereiem  (genêt),  de  chemda  (cire),depomme 
de  pin  (s^ioubera),  le  tout  bien  broyé  et  pilé  dans  de  lliuile, 
puis  bouilli. 

Que  l'on  songe  maintenant  à  tous  les  accidents  qui  peuvent 
survenir  dans  ce  traitement  des  plaies  d'armes  à  feu,  suivant 
les  régions,  les  organes  qu'elles  inléressertl,  et  que  l'on  dise 
si  les  connaissances  chirurgicales  des  toubibes  feront  face  à 
toutes  les  nécessités,  à  tous  les  cas  graves  I  Pour  n'en  citer 
qu'un  exemple,  les  plaies  des  articulations  se  tcrminj^nt 
rarement  par  aukylose,  presque  constamment  pnr  la  morll 
Comment  dotic  un  observateur  aussi  distingué  que  M.  le 
docteur  Furnari  a-l-il  pu  écrire  (1)  «  que  les  Indigènes  et 
surtout  les  toubibes  Arabes  sont  d'une  supériorité ineontes- 
table  dans  le  traitement  des  blessures  par  armes  à  feu  ?  » 
d'autant  plus  qu'il  dit  trois  pages  plus  loin  :  «  Les  toubibes 
n'ayant  pas  les  connaissances  suilisantes  ni  les. instruments 

(i)  /«««o  r//,  page  3ia. 


—  480  — 

nécessaires  poor  débrider  les  plaies  d'armes  à  feu  et  poorpra- 
tiquer  des  contr'ouvertures,  il  eu  résulte  que  rexlradioii  des 
balles,  de  la  bourre  et  des  autres  projectiles  qui  se  troaveat 
dans  la  plaie  devient  difficile  ;  aussi,  dans  le  plus  grand  nom- 
bre des  cas,  ou  les  balles  restent  logées  dans  les  chairs,  ou  la 
nature  se  charge  par  le  travail  suppuratif  de  lesentraîneraD 
dehors,...  Il  arrive  souvent  que  le  blessé,  voulant  se  débft- 
rasser  du  corps  étranger  qui  le  gêne,  tombe  dans  les  roaîns  de 
quelque  mduowi  qui,  au  lieu  d'en  &ire  l'extraoUon  par  daa 
moyens  chirurgicaux,  emploie  des  emplâtres  el  des  cnoyetts 
mystérieux.  »  Tout  cela  constttue-tr*il  une  chirurgie  iii«onl«f- 
tablemeni  supérieure?  a  Espérons,  ajouta  M-Fumari  (4), 
qiie  la  pratique  et  la  sage  réserve  des  toubibes  Arabes  seront 
prises  en  considération  par  nos  chirurgiens  de  l'armée.  »  Nous 
n'avons  rien  à  répliquer,  si  ce  n'est  que  les  toubibes  seront 
probablement  les  plus  flattés  dans  ce  parallèléi  et  que  lenr 
sage  réserve  n'est  autre  chose  que  l'ignorance  la  plus  profonde 
et  l'absence  de  la  plus  minime  notion  de  l'observation  médi- 
cale. Qu'est-ce  enfin  que  cette  science  dont  on  a  doté  les 
chirurgiens  Arabes  de  l'Algérie?  Amas  confus  de  formules 
traditionnelles  appliquées  sans  indications  particulières,  sans 
intelligence,  sans  raisons  théoriques  ;  c'est  de  l'empirisme  au 
plus  haut  degré,  et  quel  empirisme  encore  I  De  l'empirisme 
aveugle,  ignorant,  dont  toutes  les  ressources  se  résument  en 
deux  mots  :  topiques  (et  quels  topiquesl),  feu  (2).  Si  au  moins 
le  discernement  et  l'opportunité  guidaient  l'emploi  de  ces 
moyens  I  Quiconque  a  visité  quelque  temps  les  populations 
Arabes  et  Kabyles,  n^a  pu  remarquer  sans  étonnement  le  grand 
nombre  de  difformités  (et  quelles  difformités  le  plus  souvent  I) 

(i)  Page  3a6. 

fa)  Carieiuc  rapprochement  entre  la  Médecine  Arabe  et  la  Médecine  de  Coe.  «  Qimeumfmi 

aoff  imtmnt  mêdh^mentm «a  igmis  sanut  i  fum  ignis  nên  $«nut,  inekrêHtiûJuJietre  op^tH.  » 

(HJppocvate,  sert.  V,  aph.  ip.) 


-  481 


consécutives  à  aës  coups  de  feo,  à  des  fractures,  etc.  lps 
piéte^dus  guérisseurs  du  pays,  s'ils  eussent  roellemenl 
possédé  quelques  coonaissances  chirurgicales,  o 'au raient-ils 
pas  empêché  le  développement,  tout  au  mains  conjuré  la 
gravité  de  la  plupart  de  ces  accidents  dont  leurs  moyens 
intempestifs,  insuffisants,  impuissants  parfois,  routiniers 
toujoui's,  n'ont  que  trop  provoqué  rincurabililé,  sauvent  aussi 
la  terminaison  funeste?  Vainement  quelques  enthousiastes  de 
tout  ce  qui  est  nouveau,  et  basant  leur  opinion  prématurée 
sur  un  superficiel  examen  des  faits,  ont-ils  cherché  à  répandre 
en  Algérie,  ei  même  à  y  soutenir  cette  idée  que  les  toubibex 
sont  plus  conservateurs  que  les  chirurgiens  français,  en 
matière  de  màlecine  opératoire.  Vainement  se  sont-ils  appuyés 
sur  des  exemples  de  fractures  consécutives  à  des  coups  de  feu 
et  qui  ont  cependant  guéri  après  l'obstinaiion  des  Indigènes  à 
ne  point  se  laisser  amputer  par  les  médecins  de  Tarmée  fran- 
çaise. Sans  nous  arrêter  à  ce  fait  irréfutable  que  les  errements 
conservateurs  des  toufnhes  tiennent  exclusivemeni  à  leur 
ignorance  complète  en  pratique  opératoire,  aux  préjugés 
nationaux  sur  la  mutilation  du  corps  humain,  il  est  une 
réponse  bien  simple  à  adresser  aux  détracteurs  de  la  chirurgie 
française  et  à  ces  admirateurs  de  la  chirurgie  arabe,  c*est  que 
leur  iJjéorie,  si  nettement  formulée  sous  les  aspects  d'un 
axiome,  manque  de  base,  de  la  base  essentielle,  à  savoir  de  la 
statistique  à  peu  près  exacte  : 

i"  Des  Arabes  qui,  ayant  repoussé  le  conseilou  la  nécessité 
de  Tamputalion,  ont  survécu  et  guéri  ; 

2*>  De  ceux  qui,  dans  les  mêmes  condilJons«ont  succombée 
leurs  blessures  ; 

3**  De  ceux  qui,  au  contraire,  ont  guéri  après  Tampulation 
suivant  avis  des  médecins  de  Tarmée; 

i**  De  ceux  qui,  dans  ces  mêmes  conditions,  sont  morts  après 
l'opération. 


—  482  — 

Les  résultats  obtenus  sur  ce  terrain,  comparés  à  la  pratique 
des  médecins  civilsetmilitaires  en  Algérie  depuis  vingt-quatre 
ans,  auront  ^eu/emen^  alors  une- valeur.  Seuleipent  alors  ii 
sera  permis  de  se  prononcer,  tout  en  tenant  laidement  compte 
du  tempérament  propre  à  la  race  arabe,  des  avantages  de  leur 
complet  acclimatement,  de  leur  placidité  moi*ale  dans  les  cas 
de  maladie,  de  l'influence  de  leur  alimentation,  de  la  rareté 
des  accidents  consécutifs  ^Gèvre  traumatique,  gangrène,  téta- 
nos, etc.). -La complexité  d'une  telle  question  doitévidemmoot 
faire  réfléchir  ceux  qui  en  ont  décidé  la  solution  avec  une 
inqualifiable  légèreté.  En  attendant,  il  faut  bien  Tavouer, 
beaucoup  d'Indigènes,  qui  ont  préféré  conserver  des  membres 
condamnés  à  l'amputation  par  les  chirurgiens  des  ambulances 
françaises,  ont  acheté  bien  chèrement  leur  guérison-  par  des 
suppurations  interminables,  des  souffrances  inouies,  au  prix 
de  difformités  très  irrégulières,  très  incomplètes,  désavanta- 
geuses en  résumé,  bien  plus  gênantes  et  graves  pour  les 
conditions  diverses  de  la  vie  qu'un  simple  tronçon  de  membre 
et  une  Cicatrice  convenable,  solide,  acquise  par  un  traitement 
rationnel.  Combien  ne  voit-on  pas,  chez  les  Indigènes,  de 
plaies  ulcérées,  de  mauvais  aspect,  dans  le  fond  desquelles  des 
monceaux  de  pojudres  ou  d'herbages  emprisonnent  depuis 
longtemps  la  sécrétion  purulente  ou  de  nombreuses  esquilles  ; 
puis  des  phalanges,  des  portions  de  membres  tomber  en  gan- 
grène sous  la  pression  immodérée  d'un  appareil  appliqué  sans 
méthode,  sans  réserve  médicale,  ou  faute  d'une  opération  abso- 
lument nécessaire  pour  sauver  cette  même  portion  d'appendice 
et  souvent  le  malade  en  même  temps?  Peut-on  appeler  de 
pareilles  pratiques  de  la  science  chirurgicale?  Partout,  en 
médecine,  en  chirurgie,  on  ne  trouve  chez  les  Arabes  que  de 
la  routine  aveugle,  des  faits  isolés,  sans  lien,  l'absence  pres- 
que complète  de  traces  de  doctrine.  L'art  précède  la  science, 
comme  l'instinct  la  réflexion,  c'est  1res  vrai  ;  mais  l'état  actuel 


—  483  — 

.  de  la  Médecine  Arabe  en  Algérie  n'est  pas  même  encore  celui 
d'un  art.  Un  mélange  obscur  d'erreurs,  de  préjugés,  éloigne 
toute  idée  de  préceptes,  de  règles,  d'études,  d'expérience 
réelle,  d'observation,  en  un  mot.  Or,  comme  l'a  dit  Baglivi  : 
«  Qui  bénè  judicat,  bénè  curai.  »  Celui-là  seul  a  quelques 
droits  au  titre  de  médecin.  • 

Les  blessés  atteints  de  fractures,  de  coups  de  feu,  sont  l'ob- 
jet de  quelques  soins  particuliers,  relativement  à  la  position 
durant  les  transports,  durant  les  traitements.  Le  lit  arabe, 
résumé  généralement  dans  la  surface  du  sol  parfois  garnie 
d'une  natte,  nécessite  quelques  améliorations  dans  la  dureté 
ordinaire  et  la  disposition  trop  uniforme  de  ce  plan  horizontal. 
Les  Indigènes  creusent  alors  le  sol,  l'exhaussent  du  coté  delà 
tête,  le  façonnent,  en  un  mot,  de  manière  à  ce  que  les  blessés 
puissenty  trouver  un  décubitus  moins  fatiguant,  moinsgênant, 
et  surtout  moins  douloureux.  Le  fond  de  cette  espèce  de  fossé, 
peu  profond,  est  parfois  rembourré  d'herbages  et  de  tapis,  de 
bemouss,  de  haïk,  etc.  —  Quand  il  s'agit  de  transporter  un 
blessé,  les  Arabes  roulent  des  tapis  dans  le  sens  de  leur  lon- 
gueur, et  les  disposent  en  couronne  sur  le  bât  des  mulets,  des 
chameaux,  des  chevaux  ;  le  malade  est  placé  au  milieu.  Si  la 
blessure  paraît  grave,,  si  son  siège  aux  membres  inférieurs 
exige  la  position  horizontale  permanente,  de  longs  bâtons  de 
tente  sont  attachés  sur  des  sacs  bourrés  d'herbages  et  liés  aux 
parties  latérales  du  bât,  sur  lequel  le  malade  se  couche  alors 
en  long,  quelquefois  en  traver%.  S'agil-il  d'emporter  les  bles- 
sés, quand  on  n'a  point  d'animaux  à  sadisposition?LesbâtoDs 
de  tente,  disposés  horizontalement,  sont  retenus  a  égale  dis- 
tance par  des  traverses  et  des  cordages  en  jonc  ou  en  poils  de 
chameau;  des  bemouss,  haïk,  lapis,  solidement  attachés  sur 
les  cotés,  reçoivent  le  corps  du  blessé  (<).  Le  plus  ordinaire- 

(i)  Vovffi,  |»o|ir  plus  do  dctail*.  !«•«  noirs  du  docteur  Kacobb  dans  le  t.  LX  de»  Mfe'm,  dt 
mrd.  H  éi  tkir.  m/lit. 


-  484  — 

ment,  les  cavaliers  recueillent  sur  leur  selle  les  individus . 
atteints  de  coups  de  feu  dans  les  combats»  et  l'on  prétend 
même  que  l'habitude  de  mainiénir  par  une  cordé  en- poils  de 
chameau  les  différentes  pièces  de  la  coiffure,  n'a  eu  primiti- 
?ement d'autre  but,  nous  lavons  déjà  dit,  que  de  perooetUe 
d'entraîner  et  d'enlever  à  l'ennemi  les  Musulmans  blessés  ou 
d^  tués. 

Occupons-nous  maintenant  des  plaies  par  animaux  veni- 
meux. Les  Arabes  prétendent  que  la  piqûre  ou  morsure  de  ces 
animaux  entraine  d'autant  plifs  de  dangers  que  ceux-ci  éiai«al 
restés  plus  longtemps  sans  boire.  Dans  le  cas  contraire,  disenl- 
ils,  «  Teau  aurait  lavé  leur  venin  [semm),  et  l'aurait  rendu 
plus  innocent.  »  Ils  voient,  du  reste,  dans  tout  être  venimeux 
un  esprit,  un  être  malicieux,  un  djinn  méchant  envoyé  par 
Dieu  pour  punir  les  pervers  ;  aussi  le  respectent-ils  beaucoup, 
uniquement  par  crainte  de  déplaire  au  Tout-Puissant- et  de 
s'opposer  à  ses  décrets.  Néanmoins,  ainsi  qu'on  en  aura  plus 
loin  la  preuve,  les  moyens  qu'ils  emploient  contre  leurs  dan- 
gereuses atteintes  paraissent  d'une  efficacité  prompte,  sâre,  et 
répondent  assez  bien  à  la  première  indication  du  traitement» 
celle  de  détruire  le  venin  le  plus  rapidement  possible. 

Je  ne  mé  rappelle  plus  dans  quel  hôpital  de  l'Algérie  fut 
traité  un  Arabe  tellement  mordu  par  un  cochon  (khallouf)  que 
les  blessuresnécessitèrentcinquantèou  cinquante  quatre  points 
de  suture. 

La  tarentule  (retila,  quand  elle  est  grisâtre;  celle  du  désert, 
bou-laqqax  est  noire  et  fort  dangereuse),  sorte  d'araignée  que 
l'on  rencontre  assez  souvent  dans  le  Sahara  et  même  dans  la 
Mitidjah  (près  de  Koléah,  d'après  MM.  Bouffar  et  Laprévotte), 
détermine  par  sa  morsure  des  accidents  graves.  Les  habitants 
du  Sud  mettent  immédiatement  le  blessé  dans  un  bain  de  sable 
brûlant,  jusqu'au  cou,  quelquefois  dans  une  fosse  que  Ton 
remplit  de  terre  bien  chauffée.  Les  plaies  sont  ensuite  couvertes 


—  485  — 


ie  centfres  chaudes,  ou  de  poudre  de  henna  pilée  avec  des' 
ognoos. 

Le  scorpion  {aqrab)  est  tellement  commun  en  Algérie  que 
plusieurs  bivouac»  habiiueb  dos  troupes  ont  pris  le  nom  de 
camp  des  scorpions  :  ainsi  à  Mouzajn,  ainsi  près  de  Téniet-el- 
Hâd,  etc.;  dans  ce  dernier  point,  nous  ne  pouvions  lever  litté- 
ralement une  seule  pierre  sans  découvrir  plusieurs  de  ces 
arachnides.  On  en  rencontre  également  beaucoup  dans  les 
oasis  du  Sud,  où  ils  habitent  volontiers  les  encoignures  des 
demeures*  Ceux  que  j*ai  vus  à  Biskra  et  dans  le  Sahara  offraient 
une' coloration  d'un  jaune  rougeàlre,  Le  scorpion  d'Afrique 
esl  d'une  grandeur  assez  remarquable*  A  El-Ouar,  lors  de  Tex- 
pédiliondu  colonel  Desvaux  aux  environs  deTuggurt,  au  prin- 
temps 1853,  nous  en  trouvâmes  de  gris-noirâtres  et  de  di- 
mensions vniimenteMraoril  inaires;  ce  senties  plus  dangereuïL, 
dU*OD.  —  Les  Arabes  redoutent  d'autant  plus  cette  arachnide 
qu'elle  s'insinue  facilement  et  volontiers  dans  les  plis  de  leurs 
larges  vêtements,  quand  ils  couchent  sur  le  soL  Le  scorpion 
paraît  un  hole  favuri  des  pays  chauds  ;  en  Arabie,  ses  piqûres 
passent  pour  fort  dangereuses.  En  Ëgjpte»  les  rues  fourmillent 
d'individus  munis  de  paniers  renfermant  des  talismans  et  des 
remèdes  u  vendre  contre  ses  bles,sures  et  celles  des  serpents. 
—  En  Algérie,  la  pKjûre  de  Vuqraà  offre  plus  dedangersdans 
Je  Sud»  où  il  cause  souvent  la  mort,  d'après  les  recherches  de 
H.  le  docteur  Gujon  et  d*après  ce  qu'on  m'a  assuré  à  Biskra* 
Cependant,  pendant  mon  j^éjour  dans  ce  dernier  poste,  j*ai 
soigné  plus  <le  cinquante  militaires  civils  ou  Indigènes  atteints 
par  ces  arachnides,  et  jamais  je  n'ai  obcrvé  d'accidents  graves 
$i  ce  n'est  parfois  des  vomissemeiis  et  une  forte  prostration 
qu'il  faut  plutôt  attribuera  la  t^^rreur  qu'éprouvent  en  pareil 
cas  les  individus  blessés.  —  En  parlant  de  la  province  de 
Conslantine,  le  Géographe  Arabe  Edrisi  (1)  rapporte  que  «i  le 


^  im  - 

pays  est  infecté  de  scorpions  grands,  noirs  et  dont  la  morsure 
est  mortelle.  Les  habitants  font  usage  pour  se  préserver  de 
leur  venin,  d*une  infusion  de  la  plante  dite  el-folion  al  ha- 
-ranii^).  IlsuflRi,  à  ce  que  Ton  dit,  d*en  prendre  deux  drachmes 
pour  se  garantir  de  toute  douleur  durant  une  année.  «La per- 
sonne qui  m*a  raconté  cette  particularité,  ajoute-t-il,  avait  ëfé 
dans  le  cas  de  faire  elle-même  l'épreuve  du  remède.  Elle  me 
dit  qu'ayant  été  piquée  par  un  scorpion,  elle  but  une  infusion 
de  cette  plante,  et  ne  ressentit  qu'une  douleur  passagère,  et 
que  le  même  accident  lui  étant  arrivé  trois  fois  dans  Ae  cours 
de  l'année,  elle  n'en  fut  nullement  incommodée.  Vel  foîùm 
croît  abondamment  dans  les  environs  de  Kalat  Béni-Haraed, 
une  des  villes  les  plus  considérables  de  la  contrée,  éloignée 
de  Msilah  de  douze  milles,  i»  Il  serait  intéressantde  rechercher 
ce  végétal.  —  En  Arabie,  à  Djâa,  les  habitants  appliquent  sur 
la  blessure  les  entrailles  fumantes  d'un  agneau  :  on  comprime 
le  membre  en  dessus  de  la  plaie,  et  on  le  scarifie  profondé- 
ment (1).  —  Le  Prophète  Mohammed  a  conseillé  de  boire  une 
décoction  faite  avec  du  chenedegoura  (teucvium  chamœpytis^. 
Les  Arabes  frottent  la  plaie  avec  de  la  vieille  huile  pendant 
que  rougissent  les  cautères,  c'estr-à-dire  les  lames  de  couteau^ 
qui  bientôt  labourent  et  incisent  les  lèvres  de  la  blessure. 
Evidemment,  c'est  le  moyen  le  plus  sûr  et  le  plus  expéditif. 

La  fréquence  des  Serpents  [hhamch)  et  des  vipères  {lefad) 
dans  les  pays  chauds  a  donné  naissance  aux  Psylles,  secte 
d'individus  qui  mangent  de  ces  reptiles,  les  mordent  sur  les 
places  publiques  et  les  abandonnent  ensuite  en  pleine  liberté 
sur  leur  propre  corps,  autour  de  leurs  têtes,  etc.  Nous  en  avons 
parlé  (p.  193)  à  propos  des  Àissaoua.  D'après  MM.  Bouffar  et 
Laprévotte  (2),  on  rencontre  près  de  Douera  et  dans  les  forets 


(i^  ^"0/.  «M  ArMe,  par  TamlAÎAr,  l.  II,  p.  «t 
(%)  Mtm.  immèd.  et  dtthinu-g.  mHilairet,  igV 


—  487  — 

voisines  de  Koléah  «  une  espèce  de  vipère  dont  les  crochets 
mobiles,  à  venin,  au  lieu  d'être  situés  de  chaque  coté  de  la 
tête,  au-dessous  de  Toeil,  se  trouvent  placés  dans  la  partie 
supérieure  de  la  bouche.  »  —  Les  vipères  à  cornes  ou  cérastes 
sont  très  nombreuses  dans  le  Sahara  :  elles  ont  la  couleur  du 
sable  et  de  très  petites  dimensions.  Le  docteur  Thierry  de 
Haugras  (1)  en  a  observé  dans  le  sud  de  la  province  d*Oran. 
J'en  ai  vu  une  à  Biskra,  de  soixante-dix  centimètres  de  long, 
et  des  Indigènes  de  la  localité  m'ont  affirmé  que  cet  ophidien 
causait  souvent  la  mort,  que  Tunique  moyen  d'échapper  à 
cette  terminaison  funeste  consistait  à  cautériser  très  profondé- 
ment la  plaie  avec  le  fer  rouge  et  à  la  mettre  immédiatement 
après  en  contact  avec  les  entrailles  d'un  animal  tué  à  l'instant 
même.  —  La  vipère  Redi  a  été  signalée  par  un  naturaliste 
Allemand  dans  les  environs  d'Alger  (M.  Guyon). 

Les  Indigènes  du  Sahara  combattent  les  eiTets  de  la  blessure 
des  lefaâ  en  liant  immédiatement  et  fortement  le  membre 
au-dessus  de  la  plaie,  incisant  cette  dernière  avec  un  fer 
rouge,  la  recouvrant  ensuite  d'un  cataplasme  de  tiges  de  reiem 
(genista  caiulicans)  bien  pilées  et  bien  bouillies,  puis  plaçant 
le  membre  dans  un  bain  de  sable  chaud. 

Les  Arabes  conseillent  en  général  :  —  de  mettre  sur  la  plaie 
un  mélange  de  vinaigre,  de  cendres  de  bois  de  kerma  (figuier) 
ot  de  cendres  de  bois  à'annaba  (jujubier)  ;  —  ou  de  boire  de 
l'eau  dans  laquelle  on  apilédu/^/ian^a/e  (coloquinte)  et  de  l'ail 
débarrassé  de  ses  premières  feuilles  extérieures;  -^  ou  de 
frotter  la  plaie  avec  de  l'huile  qui  aura  bouilli  avec  un  jaune 
d'œuf  ;  —  soit  de  manger  du  beurre  de  vache  et  d'en  frotter 
en  même  temps  la  blessure.  —  Dans  le  désert,  une  fois  la 
ligature  placée  au-dessus  do  la  morsure,  on  pose  des  pointes 
de  feu  à  quelque  distance  de  loute  sa  circonférence,  et  on  fait 

.'1  j  T.  I.XIV  lie»  Mfm.  de  mèd.  tt  de  tkinirg.  mifituhtt,  1147. 


—  488  — 

boire  au  malade  du  beurre  fondu  et  bouillant,  en  même  temps 
que  le  membre  est  frictionné  avec  un  mélange  d'ail,  d'oignon 
et  de  zebed  (musc).  . 

Contre  la  morsure  des  serpens,  les  Arabes  se  louent  beau- 
coup du  suc  d'une  euphorbe,  qu'ils  appellent  leben  (euphorbia 
guyoma) .  Cet  usage  doit  remonter  à  une  époque  bien  ancienne, 
si  l'on  en  juge  d'après  le  chapitre  suivant  de  Pline  (4)  : 

«  Juba,  père  de  Ptolémée,  parle  d'une  plante  qui  croît  dans 
l'Atlas,  et  qu'il  appelle  euphorbia,  du  nom  du  médecin  qui 
s'en  est  servi  le  premier.  Il  a  fait  un  traité  exprès  où  il  exalte 
beaucoup  les  admirables  propriétés  de  son  suc  qui  parent 
comme  du  lait,  et  la  vertu  qu'il  a  de  rendre  la  vue  claire,  de 
même  que  contre  la  morsure  des  serpents  et  contre  toutes 
sortes  de  poisons.  » 

Tous  les  ans,  notamment  à  Tépoque  des  premières  chaleurs, 
la  presse  algérienne  signale  un  certain  nombre  de  cas  de  rage 
canine.  Il  est  cependant  des  personnes,  notamment  en  France, 
qui  ne  croient  point  à  là  présence  de  la  rage  dans  les  pays 
chauds,  en  Afrique  en  particulier.  L'instruction  médicale 
pour  la  Commission  scientifique  de  l'Algérie  (2)  contenait  cette 
question  :  m  Est-il  vrai  que  la  rage  chez  les  chiens  soit  très 
rare  dans  les  pays  chauds,  particulièrement  chez  les  Musul- 
mans? »  —  Le  sujet  est  assez  grave  au  point  de  vue  de 
l'hygiène  publique,  pour  que  chacun  considère  comme  un 
devoir  de  faire  part  des  renseignements  et  observations 
recueillis  à  cet  égard.  On  ne  trouve  au  'premier  abord  que 
contradictions  sur  l'existence  de  la  rage  dans  les  contrées 
chaudes.  Les  Latins  la  connaissaient  de  visu.  Homère  apostro- 
phe Teucer  avec  l'épithète  caractéristique  de  chien  enragé. 
Plutarque,  Polybe,  Pline  l'ancien  parlent  de  la  rage.  Celse  a 

(t)  Dtseripthndêrjfnque,  lirre  V,  U  Mauritanie,  diap.  I. 
(a;  Lm  à  VAtadèmif  des  ScieiHes,  le  %6  u^n  i93f . 


—  489  — 

dit  :  «  Miserrimum  genus  morbi,  in  quo  simùl  0Bg6r  et  dîti  et 
aquœ  metu  cruciatur.  »  On  a  présenté  la  rage  comme 
généralement  rare  en  Syrie  (1)  et  en  Egypte  (2)  où,  comme  en 
Afrique,  les  chiens  sont  cependant  très  nombreux  et  aban« 
donnés  sans  aucun  soin  à  toute  liberté.  Parmi  les  médecins 
Arabes,  Yahïa  ebn  Serapio'n,  Rhaxès,  Avicenne^  l'ont 
observée.  Van  Swieten  (3)  la  dit  inconnue  en  Amérique  méri- 
dionale. L'Écriture  sainte  n'en  parie  point.  Elle  paraît  très 
rare  dans  Tlnde,  assez  commune  aux  Antilles.  On  lit  dans  le 
législateur  musulman  Sidi  Kkelil  (i)  ; 

«  Le  Prophète  a  défendu  de  mettre  un  prix  quelconque  à  on 
cbieo,  bien  que  cet  aaimal  soit  d^usage  utile  ;  du  reste,  le  chien  ne 
doit  pas  être  laissé  dans  les  maisons,  à  moins  quMl  n^y  soit  utile 
comme  gardien.  » 

Le  D'  Hamont,  vétérinaire  en  chef  de  Tarmée  d'Egypte»  a 
constaté  la  rage  dans  ce  pays  (5).  D'un  autre  côté,  pendant 
quatorze  ans  qu'il  a  passés  au  Caire,  le  D' Perron  (6)  n'a  ja- 
mais entendu  dire  qu'un  chien  fût  devenu  enragé  en  Egy^^te. 
Cependant,  «  un  de  nos  médecins  sanitaires,  leD*^  Amâtein,en 
signalant  plusieurs  cas  de  rage  observés  à  Alexandrie  et  dans 
les  environs,  a  montré  que  l'hydrophobie  était  beaucoup  plus 
fréquente  en  Egypte  qu'on  ne  le  pense  généralement  (7).  » 
L'oculiste  tunisien,  qui  fut  interrogé  au  Bureau  Arabe  d'Alger 
(voy .  page  44) ,  nousaf&rmaitque  les  chiens  étaient  fréquemment 
atteints  de  rage  au  Maroc.  —  Pour  ce  qui  concerne  l'Algérie, 
ce  serait  une  grave  erreur  de  penser  que  la  rage  canine  y  ^t 
inconnue.  Voici  quelques  notes  que  j'ai  glanées  sur  ce  sujet  : 

(i)  VoLHBv,  F'ojTMgt  en  Sjrrie,  t.  I. 

(a)  Le  baron  Lab&b-i,  Mrm.dtchir.  mi/it,  I.  Il,  p.  it6. 

(3)  Commemtairts  sur  lu  aphorismes  Je  Baènàwve^ 

(4)  T.  UI,  ch.  XIII,  p.  179. 

(5)  L'Écrpte  sous  Mékémet-JUi»  1. 1,  p.  Sg*. 

(6)  Notes  sur  SiM-Mheiii,  t.  liU  p.  (67. 

(7)  annales  li'hrgièM,  jantirr  if  54«  !>•  »»»• 


—  490  — 

Eo  1844,  cinq  cas  de  ragé  dans  la  province  de  Constantioe. 
—  Un  en  janvier  1846,  dans  celle  d'Oran.  —  Deux  autres  cas 
chea  des  chevaux  (1).  —  Le  D*"  Lclouis,  médecin-major,  a  va 
un  chef  arabe,  mordu  par  un  chien  enragé,  mourir  avec  tous 
les  symptômes  de  la  rage.  —  Le  D' Lacger  (2)  a  rapporté  un 
cas  de  rage  chez  un  cheval  arabe.  — Le  D' Dussourt,  médecin 
en  chef  de  l'hôpital  d'Orléansville,  a  cité  (3)  deux  cas  de  rage 
chez  une  Négresse  et  une  Française,  causés  par  un  chien  ei  un 
chat.  —  En  1844,  à  Sétif,  un  soldat  du  19®  léger  est  mort  à 
l'hôpital,  par  suite  de  la  rage,  «  plus  de  quarante  jours  après 
avoir  été  mordu  à  la  main  par  un  chien  arabe.  Ses  derniers 
moments  ont  été  précédés  de  convulsions  si  violentes  et  si 
effrayantes  pour  les  autres  malades,  qu'on  a  été  obligé  de  Pat- 
tacher.  Il  n'y  a  pas  longtemps  qu*un  fait  à  peu  près  semblable 
a  été  observé,  à  Constantine,  sur  un  sous-ofiicier  du  train  des 
équipages  (4J.  »  —  La  même  année,  M.  Rndier,  médecin-vété- 
rinaire, disait  (5)  avoir  vu  deux  fois  en  Afrique  des  chiens 
enragés,  et  dû  les  faire  abattre.  Le  rédacteur  du  journal  ajoute 
à  ce  sujet  :  «  Les  Arabes  n'auraient  pas,  d'ailleurs,  un  terme 
dans  leur  langue  pour  exprimer  la  rage,  si  cette  maladie 
n'existait  pas  parmi  eux.  Ils  appellent  meklonb  un  individu 
enragé,  et  il  esta  remarquer  que  la  racine  de  ce  mol  est  préci- 
ment kelb,  qui  signifie  chien.  Les  Kbaïls  connaissent  égale- 
ment la  rage  ;  ils  nomment  içath,  damarhlouts,  celui  qui  en 
est  atteint,  expressions  dans  lesquelles  on  ne  retrouve  pas, 
comme  en  arabe,  le  nom  de  l'animal  le  plus  sujet  à  celte 
maladie.  »  —  A  Orléansville  (6),  des  chiens  venus  des  douairs 
en  ville  ont  bientôt  mordu  d'abord  une  négresse,  puis  un 

(i)  D'GtrYov»  Âcadémit  dts  sciêncti,  6  avril  1846. 

(2)  T.  LX  des  MèM.  dt  mid.  et  Je  chir.  mitit. 

(3)  jicodèmie  de  mêdecint  de  Paris,  iSnian  i85i. 

(4)  Akkbar,  journal  de  l'Algérie,  n*  da  ai  décembre  1844. 
(&)  Idem,  iSnovemlire  1844. 
(6)                             Idem,  x  mars  i85f. 


-  494  — 

colon  :  ces  animaux  avaient  toUs  les  symptômes  de  la  rage. 
Deux  chevaux  également  mordus  par  eux  ont  dû  être  abattus, 
et  plusieurs  soldats  atteints  par  ces  chiens  sont  entrés  à 
rhôpilal.  —  La  même  année  (1),  dans  la  province  d'Alger,  un 
brigadier  de  gendarmerie  fut  mordu  par  un  cliien  niragé.  — 
A  Médéah  (2),  un  Spahis  indigène  et  le  garç«)n  de  cantine  du 
même  régiment  ont  été  mordus  par  un  chien  urahi*  alU'int 
d'hydrophobie;  Tanimal  a  été  tué  et  de  proiiipL>  secours 
administrés  aux  deux  victimes.  —  En  automne  1844,  deux 
cas,  suivis  de  mort,  furent  observés  à  Constantinc  (docteur 
Henry)  ;  un  des  chiens  était  arabe.  —  Pendant  Tété  4848, 
j'ai  été  témoin,  à  Téoiet-el-Hâd,  de  deux  cas  de  rage  :  dans 
l'un,  morsure  faite  par  un  chien  indigène;  chez  l'autre,  rage 
évidente,  bien  caractérisée,  chez  une  petite  chienne  de  Tunis 
qui  m'appartenait.  —  En  août  1849,  il  a  été  traité  à  Téniel- 
el-Hâd  un  Arabe' porteur  d'un  ulcère  chronique  à  hi  jambe, 
suite  de  plaie  dégénérée  faite  par  la  morsure  d'un  chien 
indigène  enragé. — EnTin,  le  docteur  Guyon  a  publié  que 
depuis  l'occupation  de  l'Algérie  jusqu'en  4851,  il  avait  eu 
connaissance  d'une  vingtaine  de  cas  de  rage  communiquée  à 
des  Européens. 

Quelles  peuvent-être  les  causes  probables  de  cette  affection 
dans  les  pays  chauds?  On  a  observé  la  rage  également  fré- 
quente dans  des  latitudes  extrêmes,  sous  la  zone  torride  comme 
dans  les  contrées  très  froides.  De  même  on  la  voit  se  développer 
de  préférence  pendant  les  fortes  chaleurs  et  dans  les  hivers 
rigoureux. 

Serait-ce  la  condition  domestique  du  chien?  Ainsi,  M.  Mor- 
purgo  disait,  en  1845  (3),  qu'à  Smyrne  et  à  Constantinople, 

(t)  jékkbm',  journal  d«  l' Algérie,  n*  da  ai  scptnmbre  t85t. 
(•)  Idmi,  la  avril  i8J3 

M)    Sotifte  fki^ntah  A»  France,  «^aiirr  du  m  JAOTÎrr. 


des  milliers  de  chienscrraient  dans  le&rues,  et  que  pas  un  cas 
rage  ne  se  manifestait  parmi  eux,  tandis  qu*il  â*en  présc 
chez  les  chiens  domestiques,  ce  que  h^s  Turcs  attribuent  à 
difficulté  d'accoupler,   A   celte  occasion,   M.   de  la  Rodi 
Pouchin  citait  que  40  à  30  cas  de  rage  s  étant  présentés  dans 
une  seule  année  à  Bologne,  rautorité  ordonna  de  maintenir 
la  porie  de  chaque  habitation  un  petit  bassin  en  pierre  con 
tamnient  rempli  d*eau,  et  que  depuis  ce  moment  aueum 
observation  de  rage  ne  se  réitéra.  M.  Hamonl  répliqua  q« 
d*une  part,  rexpérience  l'avait  prouvé,  des  chiens  pouvaien 
impunéniciit  rester  longtemps  sans  boire,  que  d*un  autre  co' 
les  Bédouins  du  désert  ont  des  chiens  qui  boivent  peu,  rdP 
ment  même,  et  sans  être  pour  cela  enclins  à  la  rage.  ! 
Vaillant  ajouta  qu'en  Valachie,  où  il  y  a  beaucoup  d^  chieii 
erranis,  des  ruisseaux  desséchés  pendant  Tété  ou  gelés  pendani 
rhiver,  Hijdrophebie  canine  est  inconnue.  De  telles  diff* 
rences  dans  les  observalioas  tirent  penser  a  M.  Aubert-Hoch» 
que  les  chiens  errants  d'Orient  étant  de  rcspèce  particulière 
des  chiens-loups,  n'ont  aucune  aptitude  au  développenjent  é 
la  rage.  —  Tout  ce  qu*il  nous  est  peruiis  d*afllrmer,  c* 
qu*en  Algérie,  des  chions  de  races  ditîérentcs,  appartenant 
des  Européens  et  des  Miisuliuan^,  ont  él^  pris  de  rage  ;  qui 
dans  les  tribus,  les  chiens  sont  toujours  errants;  que  d  ailleurs 
les  cas  de  rage  signalés  n'ont  pas  toujours  coïncidé  avec  les^ 
époques  où  ces  animaux  sunt  d'habitude  en  chaleur.  Le 
Arabes  attribuent  la  fréfjuence  de  la  rage  à  la  méctianceti 
naturelleque  lechien  indigène  aurait  héritée  de  son  croisemcn 
avec  te  chacal  (dib);  ils  disent  en  outre  que  ce  dernier  lui  a; 
transmis  beaucoup  de  sa  ruse,  car  lorsque  leurs  chiens  so 
curages,  ils  se  jettent  à  rimproviste  sur  les  personnes  ou  su 
d'autres  animaux,  sans  avoir  manifesté  auparavant  le  moindn 
symptôme  de  modificatiim  dans  leur  habitude  ordinaire.  Le 
chien  arabe  que  j'ai  vu  a  Téniet-el-IIad  se  précipiter  sur  un 


I 


I 


—  493  — 

soldat  du  2?*  bataillon  d'Afrique,  était  également  fort  tran- 
quille au  moment  de  son  attaque.  H.  Delafond,  professeur  à 
récole  d'Alfort,  a  fait  des  remarques  analogues  :  «  Contraire- 
ment à  beaucoup  d'opinions  répandues  eS  accréditées  parim 
les  personnes  qui  possèdent  des  chiens  et  qui  les  aiment,  nous 
devons  assurer,  dit-il,  que  le  chien  déjà  enragé  et  pouvant 
transmettre  la  rage  aux  hommes  et  aux  animaux,  mange,  boit, 
obéit  à  son  maître,  le  caresse  même,  ne  bave  point,  et  n'aban- 
donne point  la  maison  ou  les  lieux  qu'il  habite.  Seulement,  il 
est  inquiet,  etc.  )>  —  La  nourriture  aurait-elle  quelqu'influence 
sur  le  développement  de  la  rage  ?  Si  les  chiens  arabes  sont 
plutôt  nourris  de  coups  de  bâton  et  de  coups  de  pierre  que  de 
quelques  os  ou  charognes  qu'ils  trouvent  çà  et  là,  les  chiens 
européens  en  Algérie  ont,  au  contraire,  une  aKmenlation 
suffisante. 

Les  Bureaux  Arabes  ont  souvent  recommandé  aux  Indigènes 
d'attacher  les  chiens  au  piquet  de  leurs  tentes  ou  dans  les 
demeures;  on  les  a  même  menacés  de  fortes  amendes,  en  cas 
d'infraction.  Il  est  prouvé,  en  effet,  de  par  les  statistiques  (4), 
que  les  mesures  de  police  ont  de  beaucoup  diminué  les  cas  de 
rage  en  diverses  Ci  ntrées. 

jR/mzé«  prescrivait  d'appliquer  le  feu  sur  la  plaie  et  de 
détruire,  au  moyen  de  médicaments  évacuants  ou  autres,  la 
bile  noire  nécessairement  produite  dans  ces  cas.  Grand  nom- 
bre d'Arabes  ont  conservé  ces  préceptes.  On  trouve  les  traces 

(i)  Les  Regittres  de  U  prtftctvn  d»  polict  de  Pmrit  ont  dâmontré  à  M.  T&iacoaa*  qae,  d« 
ti3o  à  i849>  il  y  «eu  sa  mortt  par  rage  à  donidla,  et  17  daaa  les  hôpitaux,  d«  i838  à 
1849*  Ka  ADgIeterro,  les  décès  par  hydropbobie  canioe  ont  beanconp  dtminaé.  A  Bade,  en 
i83a,  les  chiens,  imposés  à  6  fr.  4^  c,  étaient  au  nombre  de  a6,oooi  la  taxe  ayant  diminué 
de  moitié  en  i833,  leur  nombre  doubla  rapidement;  le  premier  impôt  ayait  été  féCahU  en 
i84St  on  n'en  comptait  pins  que  a6,ooo.  —  Ces  taxes  existent  eu  BaTÎ^re,  en  Belgique,  en 
Angtsterre,  etc.  —  D'après  les  rerherches  de  H.  Remill-i  (jtisembUe  nationale  de  juin  i8bo), 
il  y  aurait  trois  milHoas  de  chiens  en  France,  c.-à>d.  un  chiru  par  drnxr  hiibtlants;  cee 
animaux  dépenseraient  enriron  quatre  TÎngt  millions  par  an.  Une  loi  fiscale  réduirait  évi- 
demment le  nombre  exorbitant  de  ces  animaux. 


—  W4  — 


de  la  seconde  indication  dans  les  renseignements  qui  YonI 
suivre  ;  quant  à  la  première,  il  est  bien  rare  qu'on  y  manque^ 

Chez  les  Cheurfas,  dès  qu'un  Arabe  est  mordu  pur  unchii^Q 
enrage,  on  met  dans  une  dalle  [tamr]  ou  dans  un  peu  de  pain  j 
quelques  gonltes  du  sang  qui  s'échappe  de  la  plaie,  et  on  îel 
fait  immédiatement  avaler  au  blessé. 

Les  Zâfia  (provîuee  de  Bône)  font  boire  du  lail  de  femme, 

Lestoubibes  conseillent  de  piler,  avec  du  miel  ou  derhnile,  \ 
une  herbe  dite  djada  (pouliot  de  montagne)»  de  mander  de  ca| 
mélange  quatre  jours  ctmséculifs,  le  malin  à  jeun,  puis  Je  1 
couvrir  la  plaie  avec  du  mehah  (?). 

Dans  le  Sud,  on  force  pendant  quarante  jours»  tout  individu] 
mordu  par  une  bêle  enragée,  à  boire  au  moven  d'un  roseau,  à 
ne  point  se  laver,  à  ne  rien  toucher  avec  les  mains,  à  manger] 
avec  une  cuillère.  S'il  passe  le  quarantième  jour,  il  est  sauvé. 
On  traite  la  plaie  comme  une  plaie  simple.  Si  Tindividu  de-] 
vient  fou,  on  lui  jelle  de  Teau  bien  froide  a  la  figure,  el  il 
meurt  de  suite. 

Inutile  de  dire  que  les  amulettes  jouent  un  grand  rôle  pour 
se  préserver  ou  se  gug-ir  de  la  rage. 

Plusieurs  de  ces  pratiques  paraîtront  sans  doute  bien  ridi- 
cules et  marquées  au  coin  d'une  superslilion  insensée  dans  un  I 
.cas  aussi  gravr»,  dans  un  moment  où  Texistence  dépend  de  laj 
promptitude  et  de  l'énergie  des  moyens  curatifs.  Mais  notrel 
médecine  européenne  est-elle  plus  positive  à  l'égard  do  traite- 
ment  de  la  rage?  Jusqu'à  la  lin  du  siècle  dernier,  des  moines] 
îralliniiaienl-ils  pas  qtje  les  reliques  de  saint  Hubert,  inbuméj 
dans  leur  cloître,  guérissaient  celle  ofTreuse  maladie?  Est- 
que  nous  n'uvous  pas  encore  la  liante  renommée  des  clefs  de 
saint  Roch,  de  saint  Bellîni,  de  saint  Gutlirie,  de  saint  Pierre^ 
de  Bruges,  eicî 


—  495  — 

Quand  on  veut  ne  plus  avoir  de  cheveux  blancs,  ii  suffit  de 
se  frotter  la  surface  épicrânienne  avec  une....  têle  de  cori>eau 
(gràtib)  :  elle  deviendra  immédiatement  noire!  Ce  moyen,  très 
sérieusement  conseillé  par  le  savant  Hakem  Sidi  Mekli^  ne 
vaut  pas  mieux  sans  doute  que  les  frictions  avec  du  kethTa<(M 
(goudron)  pendant  trois  ou  six  jours.  —  Il  est  encore  recom- 
mandé de  frotter  la  tête  avec  un  mélange  de  bile  de  mouton  et 
de  suc  de  khasi  (laitue),  ou  bien  avec  un  liniment  composé  de 
bonne  builo  et  de  poudre  du  bois  ainsi  que  des  feuilles  d'un 
arbuste  appelé  mermar  (?).  Ces  moyens  auraient  le  privilège 
non  seulement  d'empêcher  les  cheveux  de  repousser  blancs, 
mais  encore  de  leur  faire  promptement  acquérir  une  longueur 
surprenante 

L'alopécie  est  combattue  par  les  remèdes  suivants  :  — 
Avoir  soin  de  se  frotter  la  tête  avec  du  miel  dans  lequel  on 
on  aura  préalablement  broyé  des  navets  [left)  et  de  la  cendre 
de  chair  de  ganfoute  (hérisson).  Les  cheveux  deviendront 
longs,  et  de  plus  ils  repousseront  noirs  (asQued)\  La  pommade 
du  lion  est  définitivement  dépassée!....- —  Brûler  des  poils  de 
ganfoute  (hérisson)  ;  incorporer  les  cendres  dans  de  la  vieille 
huile;  faire  bouillir  le  tout  et  passer  un  peu  de  ce  liquide 
tiède  sur  la  tête  pendant  trois  ou  sept  jours.  —  Frictionner  les 
places  chauves  avec  du  miel  dans  lequel  on  aura  broyé  de  la 
graine  (zarréa)  de  le  fi  ^navet). 

Celui  qui  désire  augmenter  la  quantité  de  ses  cheveux, 
doit  prendre  le  kebda  (foie)  d'une  jeune  jument  (fersa),  le 
couper  on  morceaux  très  menus,  et  le  mélanger  avecdu  sel  fin. 
Il  fera  sécher  le  tout  au  soleil,  puis  incinérer  complètement  : 
la  cendre  sera  incorporée  à  de  Thuile.  II  se  fera  raser  la  tête 
et  la  maintiendra  couverte  d'une  couche  épaisse  de  cette 
composition,  jusqu'à  ce  que  les  cheveux  aient  suffisamment 
repoussé.  Chose  encore  merveilleuse!  la  chevelure  deviendra 
longue,  épaisse  et....  noire!.... 


—  M6  — 


4 


Oû  peut  éprouver  quelque  surprix  en  trouvaul  daas 
coutumes  des  Arabes,  comme  dans  les  écrits  de  médecine 
répandus  chez  eux,  un  certain  nombre  de  formules  médica* 
menteuses  dcslinées  à  modifier  la  couleur,  la  quanUté  c*t  la 
longueur  des  cheveux,  puisque  les  Indigènes  ont  rbabilude 
de  se  raser  la  tête,  moins  la  louffe  syncipilale.  Il  en  est  pour- 
tant ainsi  :  ce  peuple,  qui  a  le  crâne  constamment  couvert, — 
chez  lequel  l'ini mutabilité,  dans  Hiabillement surtout,  est  telle- 
ment invétérée  qu'elle  exclue  toute  idée  de  modes,  tout  caprice 
d*innovatïûn;  —  ce  peuple,  dont  l'habitude  extérieure  paraît 
généralement  très  simple,  grave  et  très  sale  tout  à  la  fois,  a 
cependant  éprouvé  le  besoin  de  troubler  celle  austétiuS  de 
mœurs  par  quelques  velléités  de  semblant  de  coquetterie.  Il 
faut  bien  que  son  imagination,  inoccupée  par  les  sciences,  les 
arts,  rindostrie,  se  berce  de  toutes  les  illusions  de  réparer  les 
outrages  du  temps  et  de  la  maladie. 

Très  fréquente  chez  les  enfants  en  bas-àge  etchez  le^  femmes 
dont  la  tête  selrouve  toujours  très  malpropre,  la  teigne  [feurUa) 
est  généralement  combattue  par  des  lotions  d'eau  frafcbe,  ou 
des  frictions  do  savon  noir.  Voici  d'autres  formules  : 

Pilez  très  fin  un  mélange  de  vé^in^  de  snouber  (pin  mari- 
time), de  kethrane  (goudron)  et  de  morceaux  de  verre  ordinaire; 
faites  ensuite  chauffer  fortement  le  tout  et  appliquez-le  bien 
chaud  sur  la  région  teigneuse.  On  couvrira  bien  la  tête,  et  le 
cataplasme  précédent  sera  renouvelé  trois  fois  à  quatre  jouiv 
de  distance. 

Faites  bouillir  dans  une  marmite  neuve  de  Thuile  avec  du 
Itarmel  (rue  puante),  O^ai^d  'f*  décoction  sera  devenue  bien 
épaisse,  appliquez-en  une  certaine  quantité  sur  la  parfrV 
malade.  . 

Une  indication  fort  importante  manque  dans  ces  médications  ^Ê 
diverses,  c  estlesoin  de  raser  préalablement  les  parties  atteintes 
parleruption  faveuse,  tout  au  moins  leur  pourtour.  Il  a*cit 


—  497  — 

pas  rare  de  trouver  des  femmes  s'obstiner  à  couvrir  dp  cata- 
plasmes leur  chevelure  épaisse  conservée  intacte  :  on  comprend 
facilement  Tinefficacité  d'une  telle  médication  et  la  saleté  dé* 
goûtante  qu'elle  entraîne. 

L'apparition  des  éruptions  de  la  face  et  du  cuir  chevelu 
(gourmes  que  les  Arabes  appellent  kazaxa  beugri;  dartre  de 
la  vache)  chez  les  enfans  à  la  mamelle,  est  commune.  Les  cra- 
brocations  d'huile  ou  de  beurreiconstitûentleseul  traitement; 
d'habitude  même  les  Arabes  les  respectent,  parfois  aussi  ils 
les  attaquent  avec  une  pommade  dont  le  minium  fait  la  base. 

D'énormes  boutons  dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  et  que 
la  facile  tendance  à  s'ulcérer  a  sans  doute  fait  appeler  groheuh' 
(c'est-à-dire  ulcération),  compliquent  assez  souvent  ces  érup- 
tions exanthématiques  chez  les  jeunes  sujets  :  on  les  enduit 
de  miel  et  d'huile. 

Un  cas  de  plique  en  lanière  a  été  observé  en  mars  1848  à 
Ghelma,  sur  un  Kabyle  de  neuf  ans,  par  leD'Colau.  Cette 
affection  existe  dans  le  désert,  et  elle  se  trouve  au  nombre 
des  cas  redhibitoires  admis  légalement  dans  les  ventes  d'es- 
claves dans  le  pays  des  nègres  (1).  —  La  plique  endémique, 
dans  certaines  régions  septentrionales,  tient  sans  doute  à  des 
conditions  locales  tout-à-fait  spéciales,  car  depuis  l'émigration 
polonaise  qui  dure  depuis  plus  de  vingt  ans,  des  cas  isolés  de 
cette  affection  ont  été  plus  rarement  observés. 

On  se  préserve  de  la  vermine  en  se  frottant  le  corps  avec  de 
l'huile  de  djouz  (noix).  Un  autre  moyen  consiste  à  broyer  des 
feuilles  sèches  d'olivier,  puis  à  les  mélanger  intimement  avec 
de  la  cendre  de  bois  de  tamarin  ;  le  tout  est  ensuite  délayé  dans 
une  certaine  quantité  d'eau,  de  telle  sorte  que  toute  la  surrace 
cutanée  puisse  être  facilement  et  suffisamment  humectée  de 
cette  composition.  —  D'autres  s'ablutionnent  avec  de  l'eau 

(i)  tUHirmH et  MUrw  m  fjt  dti  Jfigrtt,  po  M.  Davmat,  p.  a4a* 


—  498  — 

clans  laqofilleont  macéré  dos  feuilles  fraîches  de  defla  (laitrie 
|.0^)^  —  Pour  ^e  Jébarrasser  des  paux  [gutmd]^  il  suflil  iks  : 
frotter,  lu  nuil  siurloui,  avec  un  mélunge  d'iiuile  cl  de  fiDl 
poudre  dt'  feuilles  de  laurier  rose  préalablement  sécliées  an 
soleil;  ou  bien  on  se  scrl,  de  la  même  manière,  d'un  linimenS 
composé  de  poudre  de  hmma  el  de  meu9ltqa  (suc  du  lentiâ 
que).  Si  raffection  pédiculaire  esl  ancienne  el  que  les  irait*: 
ments  exlerncs  aient  eu  peu  de  succès,  il  faut  boire,  pendan 
trois  matins  consécutifs,  une  décoction  de  lait  aigre  {leb€n)t\ 
d'huile  elde  kahbar  (câpres).  —  D*après  Ebn-BatouU  (I),  la 
vermine  fourmille  chez  les  liabilanïs  du  Soudan,  au  poinl 
qu'on  est  obligé  de  porter  autour  du  cou  des  fic4.'lles  iutpré-^ 
gnées  de  mercure  [zaouoq),   —   Les  Arabes  disiîng,uenl  Irè 
exactement  une  espèce  de  pou  très  petit,  qui  siège  ordinaire 
ment  dans  la  barbe,  et  dont  la  rapidité  de  multiplication  seraijj 
inouïe.  Ils  l'appellent  lahhia  hty bouche  [c-ànl.  pou  de  barbe) 
Pour  faire  disparaître  ces  parasites,  on  enferme  une  touffe  d^ 
poils  de  la  barbe  dans  un  petU  morceau  de  berno\u$  qui 
coniienl  un  mélange  de  mercure  et  d1)uile,  puis  on  serre  *.r 
exaclemenl  avec  nu  lien  quelconque.  Les  poux  ne  tardent  pu 
à  mourir.  On  répète  la  même  opération  sur  plusieurs  région 
de  la  barbe,  s*il  est  nécessaire. 


Les  affections  cérébrales  doivent  leur  peu  de  fréquence,  ch« 
les  Arabes,  à  la  nnundre  serisibililé  de  rencéphale,  à  TabëCnc 
de  toute  surexcitation  ou  fatigue  inlelleciuelle  et  morale, 
rexislence  individuelle  généraii^nient  paisible,  Néanuioins 
l'action  des  fortes  chaleurs,  du  siroeco  notamment^  d'un  âok 
frappant  d'aplomb  la  léte  souvent  mal  protégée,  détermine  1I0 
irritations  cérébrales,  des  congestion?  intrii-cràniennej&»  doi 
la  gravité  se  mesure  depuis  la  simple  céptmlalgio  jusqua 

{1)  Fnfîigt  J0rtf  It  S'inénn,  trail.  par  M.  ot  Sl4«ii)  itmmktminti^t**,  «S'il,  t*  I4 


—  499  — 

méningite.  Différentes  variétés  de  céphalalgies  sont  admises  ; 
celle  dite  sadà  ras  (c.-à-d.  tête  fendue),  dans  laquelle  U  seiiA- 
ble  qu'on  fende  la  tête,  paraît  êlre  Thypérémie  cérébrale,  et  se 
guérit  a?ec  des  cataplasmes  épicrâniens  composés  de  farine 
d'oi^e  que  Pon  Tait  bouillir  dans  de  la  décoction  de  rue  puante 
{harmel);  avant  de  les  appliquer,  on  doit  avoir  soin  de  bien 
huiler  le  crâne.  On  conseille  également  de  s'introduire  dans 
les  cavités  nasales  des  graines  de  harmel  bien  pilées  dans  de 
rhuile.  La  céphalalgiese  nomme  cAfutga  quand  elle  s'accom- 
pagne de  battements  violents  aux  (cmpes  et  d'une  douleur 
vive  dans  l'intérieur  du  crâne  au  moindre  mouvement.  Trai- 
tement :  diriger  sur  la  tête  de  la  vapeur  à'ambar  (ambre) 
projeté  sur  des  charbons  ardents,  ou  frotter  le  crâne  avec  un 
mélange  de  henna  et  de  feuilles  sèches  de  khoukh  (pêcher). 

On  peut  reconnaître  dans  Voudjàras  (mal  de  tête)  la  forme 
de  céphalée  vulgairement  appelée  migraine.  Les  Arabes  la 
dissipent  par  les  moyens  suivants  :  —  Appliquer  sur  le  crâne 
des  feuilles  de  salélandar  (une  jusquiame?); —  ou  des  feuilles 
àemaçaça  (plantain);  —  ou  sur  le  front  des  feuilles  fraîches 
de  harmel;  —  ou  de  petites  bandes  d'écorce  de  souaq  (racine 
de  noyer),  puissant  révulsif  déterminant  des  rougeurs  cutanées 
qui  durent  une  huitaine  de  jours.  —  Exposer  la  tête  quelques 
instants  au-dessus  des  vapeurs  d'un  mélange  que  Ton  jette  sur 
le  feu  et  gai  est  composé  de  inékah  (?)  bien  frais,  de  metisteqa 
(suc  du  lentisque)  et  de  krafeuss  (céleri).  —  Faire  sécher  des 
feuilles  de  khaouàa  (ricin),  les  moudre  finement,  en  saupou- 
drer toute  la  calotte  crânienne.  —  Piler  ensemble  des  graines 
de  cresson  [habb  reyehdd),  des  petits  pois  noirs  (hamous 
asoued),  des  petits  pois  (djelbana)^  du  bois  de  campêche 
(doud  Ihammara);  mêler  toute  cette  poudre  avec  du  jaune 
d'œuf  (saffra  bidha),  placer  ensuite  le  tout  sur  la  tête  du 
malade  et  l'y  maintenir  avec  des  liens  et  des  chiffons  ;  trois 
jours  apn>s,  «^nhîver  l'appareil  et  le  mélange  ;  en  réappliquer 


—  mo  — 


de  nouveau  peDitant  trois  jours  si  la  migraine  n*a  point  diû 
paru.  —  Enduire  tout  le  crâne  d'une  forle  couche  d'huiU» 
appliquer  un  cataplasme  de  raciue  d*orge  et  de  farine  d*org 
bouillies  ensemble  et  réduites  jusqu'à  consistance  pâteuse. 
Application  loco  dolenti  d'une  drachme  de  poivre   [fdfel 
d'une  once  de  miel,  d'une  once  de  vinaigre,  bien   mélangés 
ensemble.  —  Il  est  encore  bon  d'appliquer  un  cataplasnil 
de  xafrane  (sarran),  de  ieôa ne  {cassis),   mêlés  avec  du  vioaîj 
grc;  — de  maintenir  toute  une  nuit  un  composé  de  vinaigp 
dans  lequel  on  aura  délayé  des  cendres  de  iarfa  (lamarix  afril 
cana)  et  de  rcfcw  (genêt);  — d^appliquer  tiède  unedécoclioi| 
très  concentrée,  jusqu'à  consistance  de  colle,  de  farine  d'org 
et  de  sel;  ou  bien  un  cataplasme  de  graines  de  henna,  d*aiii 
noir  (sanoudj)^  piles  ensemble  avec  un  peu  d*eau  (4);  —  de 
sentir  assez  fortement,  et  plusieurs  fois  avant  d'entrer 
bain,  du  beurre,  de  l'anis  vert  [hhabh  kalaoua),  de  Tanis  noîl 
{sanoudj],  bien  piles  ensemble  et  renfermés  dans  un  pet^ 
chiffon;  —  de  s'introduire  dans  les  narines  un  pelil  Ifng 
mouillé,  contenant  de  la  poudre  de  graine  d'anis  noir  ;  —  de 
se  frotter  trois  jotirs  la  tête  avec  de  la  rue  pilée  très  fin^moi 
dansim  mélange  de  bile  de  chèvre  et  de  vieille  huile; 
maintenir  quelque  temps  sur  le  crâne  un  cataplasme  av€ 
farine  d'orge  et  son  (nekkala),  délayés  dans  une  décoction 
rue  (feuilles  et  tige);  —  de  sentir,  à  plusieurs  reprises,  de 
feuille  fraîche  de  krafeuss  (céleri)  bien  écrasée. 

Le  Prophète,  dit  Sidi  Raqad,  avait  l'habitude,  pour  dis 
per  sa  migraine,  de  piler  de  la  chair  de  chat  (lehhame  €l  qatt) 
d'Inde  [henedi]  avec  du  beurre  et  du  lait  :  Fintroduction  d*uo 
peu  de  cette  composition  dans  les  narines,  suffisait  pour 
guérir  promptement. 

On  assure  qu'il  existe  au  Sénégal  une  céphalalgie  nerveufi 

fi)  Celt«  eouluinr  de  traiter  \r$  «^pfadUIf  ir«  par  des  iiilMtanfet  kroinatiques  <ip|ili< 
mai  l«  «rftt*  éuft  fr/qoeauMBt  Unl4«  di««  !«•  Uid«M  i  lAmoin  U  tal^tlt  «#>Aa/fftt« 
p«rfr*Bd  Aonibre  de  Itur»  mtdvdii*.  Ce  tuojtn  e»l  crrtaiaeuiciii  lrr>p  ni^^^^Viiçé  de  nnj 


—  604  ~ 

causée  par  la  forte  odoratioD  des  fleurs  de  racaciasénégaleosig; 
la  fièvre  nerveuse  qui  accompagne  ces  accidents  serait  des  plus 
dangereuses.  Cette  maladie  est  connue  de  quelques  Indigènes 
algériens.  — J'ai  publié  (1)  une  observation  d'hypérémie  des 
sinus  frontaux,  observée  chez  un  Arabe  du  cercle  de  Téniet-el- 
Had,  qui  avait  passé  la  nuit  à  la  belle  étoile,  la  figure  toute 
découverte.  Cette  variété  de  céphalalgie  n'est  point  rare  chez 
les  Musulmans  voyageurs;  ils  la  désignent  sous  le  nom  de 
hoqlat  et  quemar  (délire  de  la  lune). 

L'hydrocéphalie  atteint  assez  fréquemment  les  enfants  à  la 
suite  de  la  variole  et  de  la  rougeole  :  les  Arabes  ne  cherchent 
parfois  à  la  combaitre  que  par  les  topiques  les  plus  actifs 
énumérés  ci-dessus  contre  la  migraine. 

Ils  désignent  sous  le  nom  de  boqla  (délire)  la  méningite, 
i*encéphalitc  :  cette  expression  s  applique  aussi  aux  fièvres 
typhoïdes,  qui  se  montrent  si  communes  en  juin.  Une  gastro- 
céphalile  épidémique  a  régné  dans  le  cercle  de  Sebdou  à  la  fin 
de  Tété,  en  1847;  les.  deux  tiers  au  moins  d'une  tribu  furent 
malades.  —  Les  documents  envoyés  au  Conseil  de  santé  et 
résumés  par  H.  le  docteur  Boudin  (2)  concernant  la  méningite 
cérébro-spinale  épidémique,  font  connaître  qu'en  Algérie 
celte  terrible  maladie  fit  son  apparition  en  1840,  qu'elle  sévit 
plus  particulièrement  dans  les  provinces  de  l'est  et  du  centre 
de  nos  possessions,  que  ses  ravages  ont  été  constatés  depuis  le 
niveau  delà  mer  jusqu'à  8étif,  c'est-à-dire,  au  delà  de  1,000 
mètres  de  hauteur.  Elle  se  manifesta  à  Douera,  Batna  et  Sétif, 
en  1840,  en  1844  à  Constanline,  en  1845  à  Philippeville,  à 
Douera,  Batna,  et  Sétif,  en  1846  à  Alger  (dans  la  population 
musulmane);  à  Hédéah,  Orléansville,  Stora,  EIArouch;  en 
1847  à  Ghelma,  à  Alger,  Constantine,  Douera  et  Hédéah.  Il 

(i)  JUiUê  Médicule,  1849.  ii*da  1"  jain. 

(»)  T.  IX  Ae  la  »•  «éric  de»  M4m.  </#  mèdet.  et  rMurg.  militmiret. 


est  bien  probable  qnp  les  Arabes  n*ool  pas  été  épargnés  daij 
cette  visite  de  répidémic  sur  des  poinls  assez  éloignés.  — 
afTections  des  méninges  et  de  Pencéphale  sont  du  reste  fn 
queintnenl  observées  chez  eux  pendant  les  furies  chaleurs, 
constituent  alors  ce  qu'ils  appellent  éogiafccA  ckems  (le  délire 
do  soleil).  Dans  tous  ces  cas,  frotter  le  front  et  le  crâne  avec  1 
mélange  de  graisse,  de  pourpier  (hammaqa),  d^oignons^ 
sel,  de  lait  aigre;  appliquer  le  feu  sur  différents  points 
crâne;  frotter  la  tête  avec  du  goudron  bien  chauffé;  eofi^ 
maintenir  sur  le  crâne  un  topique  composé  de  vinaigre  et  d' 
piles  ensemble,  tels  sont  les  principaux  moyens  ciiratUs. 


L*ozène  [qarhejm  ImÊnakher,  ulcère  des  narines),  le^  SI 

rations  surtout  syphilitiques  si   communes,  se  guérissent 

introduisant  dans  les  cavités  na^iales  une  mèche  de  laine  ouj 

«ne  touffe  de  poîK  enduites  de  miel  mêlé  avec  du  zadj  {^f^i^Ê 

ftriol),  ou  bien  de  miel  bouilli  avec  une  grenade  aigre  (roum-^^ 

imanc  qarsa)  dans  une  marmite  neuve.  D'autres  préfèrent  u 

[chiffon  humeclédesuc  degrenade  douce (roummane  hhalou 

fûhaulTé  dansune  marmite  de  cuivre,  soil  un  mélange  de  beii 

le  vaclie  et  de  berrnmq  (asphodèle)  dont  on  se  graisse  av 

fie  doigt  l'intérieur  des  narines. 

Le  meilleur  remède  contre  le  coryza  (nezla)  conaisfeà  re 
^Toyer  par  le  conduit  nasal  la  fumée  de  labac  :  les  Arabes  n 
gardent  comme  pluseflîcace  la  fumée  produite  par  le  papier  i 
cigarettes.  Il  est  également  ban  de  s'appliquer  à  la  base  di 
front  un  mélange  d*ail  éiimndé  des  enveloppes  externes^ 
tête  de  bœuf  {demagh  fsour),  piles  dans  de  l'htiile. 

La  fréquence  des  congestions  cérébrales,  des  dérangemei 
dans  la  menstruation,  l'insolation,  la  constipation, délerminei 
des  épislaxis.  Loin  de  les  respecter,  rindigènc  s'empresse  lo 
jours  de  les  combattre;  ainsi  : 


—  503  — 

Renifler  de  l'eau  très  chargée  de  poudre  fine  de  cumin 
(quemmoun); — ou  bien  priser  du  labac  mélangé  avec  du 
méhah  (?);  —  sentir  à  plusieurs  reprises  un  mélange  de  pain, 
de  vinaigre,  de  zebel  (fumier  de  cheval),  hamra  (salade  sau- 
vage) bien  broyés  ensemble;  —  introduire  dans  les  narines  de 
rhuile  à  laquelle  on  a  incorporé  de  la  poudre  bien  fine  de 
coque  d'œuf  ;  — aspirer  par  le  nez  du  vinaigre  dans  lequel  on 
a  pilé  du  son,  de  l'orge,  du  blé,  des  graines  d*anis  vert  et  du 
lebane  (cassis). — Sentir  avec  force  delà  croûte  de  pain  frottée 
avec  de  la  rue  puante. 


Si  le  fatalisme  et  l'insouciance  font  négliger  aux  Arabes 
bon  nombre  d'afîections  légères  au  début,  mais  facilement  et 
promplement  aggravées  par  les  mauvaises  conditions  de  toute 
nature  dans  lesquelles  ils  vivent,  c'est  surtout  dans  les  maladies 
des  yeux  que  cette  vérité  est  incontestable.  Les  ophthalmies 
chroniques,  toutes  leurs  complications  et  dégénérescences  or- 
ganiques se  présentent,  en  effet,  chez  eux,  avec  une  déplorable 
fréquence.  L'Indigène  les  confond  à  peu  près  toutes  sous  la 
dénomination  de  meurdh  laïniriy  c'est-à-dire  maladie  des 
yeux.  Considéréesaupointde  vue  de  leur  influence étiologique, 
l'intensité  de  la  lumière  solaire,  surtout  sa  réfleclion  par  la 
couleur  blanche  des  habitations,  ont  été  singulièrement  exa- 
gérées; car  dans  les  tribus,  chez  les  Kabyles,  chez  les  Saharis 
(habitants  du  désert),  où  cette  dernière  condition  n'existe  pas, 
les  ophthalmies  apparaissent  aussi  fréquentes,  aussi  graves 
que  dans  les  villes  mauresques  du  littoral.  —  La  fraîcheur 
humide  des  nuits  semble  une  cause  plus  évidente  :  dans 
toutes  les  vallées,  les  plaines,  en  automne  principalement, 
les  affections  oculaires  sévissent  cruellement  sous  la  tente.  A 
Biskra  (au  sud  de  la  provinco  deConstantine),  de  mai  à  sep- 
tembre, nous  en  avons  vu  un  grand  nombre  déterni" 


—  504  — 

la  mauvaise  coutume  des  Indigènes  de  coucher  peu  coûter 
et  à  la  belle  i3toile»  sur  les  terrasses,  une  chaleur  moyenne  ^ 
0  à  4*2  c.  rendant   les  demeures  inliabitablrs.  Joignons 
'cett*.'  circonstance  les  vents  violents  du  Sud,  chargés  de  in 
poussière;  ainsi  àBou-4/ada,  on  a  souvent  signalé  cette  fâcheua 
incidence,  «  Les  maux  d'yeux  ont  fort  incommodé  Tarmé 
irançaise  en  Eg:ypte,  lit-on  dans  les  mémoires  de  Napoléo 
{{Expédition  d'Eyypte);  plus  de  la  moitié  des  soldats  en  a  éU 
iteiûte.  Cette  maladie  provient,  dit-on,  de  deux  causes  :  des 
;ls  qui  se  trouvent  dans  le  sable  et  la  poussière  et  aiTecteii|H 
""îiécessaircment  la  vue,  et  de  l'irritation  que  produit  le  défauî 
de  transpiration  pendant  des  nuits  très  fraîches  qui  succèdent 

à  des  jours  brûlants Saint  Louis,  lors  de  sou  retour  de 

l'expédition  du  Levant,  ramena  une  foule  d*aveugles,  et  c*i 
foequidonna  lieuàrétablîssemtMildes  QuÎTize-Vingts,  àParis. 
w- —  A  Tripoli,  où  le  vent  du  dési^rt  apporte  le  sable  jusi[Ui 
|j5ontre  les  murs  de  la  ville,  les  ophthalmies  sont  très  fréquentes 
Une  grande  partie  des  personnes  d'un  âge  encore  vert  sont 
Dtalement  aveugles  [{).»  —  Le  vent  du  Sud  n'a  pas  seul  le 
privilège  de  causer  et  d'aggraver  les  ophthalmies  :  il  faut 
^joindre  le  vent  d'est  qui  souffle  parfois  avec  assez  de  violen 
en  août.  Dans  T'étéde  4847,  il  détermina  uTénèzdesaffeclioti! 
oculaires  en  grand  nombre.  On  peut  égaleniemt  attribuer  u 
certaine  influente  à  rabsence  de  toute  verdure,  conibin 
avec  les  fortes  chaleurs,  pendant  la  période  estivale,  dans  le 
lud  de  nos  possessions  algériennes. 

Ne  devons-nous  pas  mettre  au  nombre  des  causes  prédis 
mtes,  Fabus  des  plaisirs  vénériens  chez  le  Musulomn  pol 
ime,  et  la  nature  de  son  alimentation  presqu'excUisiveme 
bégélale  et  généralement  insuffisante?  M.  Magendie  a  prou 


à 


.    —  805  — 

que  Tabus  de  cette  nourriture  exclusivement  végétale  chez  les 
animaux  finit  par  les  rendre  aveugles. 

On  n'oubliera  pas  les  variations  extrêmes  de  température 
qui  régnent  en  Algérie,  et  le  passage  brusque  de  la  chaleur  au 
froid,  surtout  au  froid  humide,  chez  un  peuple  si  mal 
protégé  contre  les  vicissitudes  atmosphériques.  —  Une  autre 
cause  à  signaler,  parce  qu'elle  s'observe  assez  fréquemment, 
c'est  l'introduction,  entre  les  paupières,  d'épines  très  fines  que 
le  vent  détache  des  figues  de  Barbarie  et  porte  sur  la  surface 
si  sensible  du  globe  oculaire.  Cet  accident  paraît  fort  doulou- 
reux. —  D'autre  part,  le  peu  de  protection  de  la  face  et  de  la 
vue  en  particulier,  par  la  coiffure  arabe,  et  l'absence,  dans  les 
tentes  et  habitations,  de  cheminées,  de  tuyaux  conducteurs  de 
la  fumée,  nous  semblent  deux  causes  des  plus  puissantes, 
surtout  quand  les  Indigènes  brûlent  des  branches  peu  sèches, 
et  principalement  la  racine  du  chiaK  (artemisia  judalca}. 
Celle-ci  provoque  un  dégagement  de  vapeurs  tellement  acres, 
irritantes,  qu*en  4846,  une  colonne  expéditionnaire  qui  se 
servit  de  ce  moyen  de  chauffage,  compta  en  peu  d'instants  un 
grand  nombre  d'ophthalmies.  On  doit  tenir  aussi  grand  compte 
de  la  mauvaise  habitude  arabe  de  raser  complètement  la  tête 
(sauf  une  touffe  de  cheveux  à  la  région  syncipitale).  Voici  une 
preuve  évidente  de  cette  funeste  coutume  :  il  y  a  quelques 
années,  des  ophthalmies  ayant  apparu  assez  nombreuses  en 
Algérie  chez  des  condamnés  au  boulet,  dont  la  tête  est  entière- 
ment rasée  par  mesure  disciplinaire,  le  médecin  réclama  pour 
qu'on  leurlaissât  croître  les  cheveux.  Effectivement,  la  maladie 
oculaire  devint  immédiatement  beaucoup  plus  rare  (4). 

Chez  les  Arabes  l'ophthalmie  revêt  différentes  formes,  ainsi  : 
4®  la  eatarrhalcy  fréquente  en  hiver,  presque  toujours  com- 
pliquée d'un  large  chémosis;  2°  la  varioleuse,  toujours  fré- 

(0  U'  Rollit;  7Mi#  de  Stratiowg,  ilSi.  p.  (n 


—  506  ~    e 

quenle  pendant  et  après  les  épidémies  de  petite-vérole;  c'est 
une  des  origines  les  plus  ordinaires  des  affections  chroniques 
de  rœil,  au  dire  même  des  Indigènes;  3®  L^ purulente,  signa- 
lée épidémiquement  dans  le  cercle.de  Blidah,  en  juillet  4850; 
en  août  et  septembre  1847,  dans  le  cercle  d'Orléansville  ;  en 
août  1849;  dans  celui  de  TIemccn;  en  août  4850,  dans  le 
district  do  Nemours;  en  novembre  4847,  dans  le  cercle  de 
Constantine;  en  octobre  4847,  dans  lesHribus  des  environs  de 
Sétif;  en  juin  4850,  dans  le  cercle  de  Dellys,  etc.  La  marche 
de  cette  ophthalmie  est  extrêmement  rapide;  en  quelques 
jours,  des  Arabes  ont  eu  un  œil  ou  les  deux  yeux  complète- 
ment vidés;  4°  la  forme  syphilitique,  très  rré([ueDte. 

Quant  aux  autres  épidémies  d'ophthalmies,  sur  lesquelles 
je  n'ai  pu  avoir  de  détails,  il  faut  citer  :  celle  de  septembre 
4850,  chez  les  Nègres  Zmélas  et  Douairs  d'Oran;  celles  de 
Ghel ma,  pendant  IHiiver;  celle  de  juillet  4849,  dans  le  cercle 
de  Hédéah;  de  juillet,  habituelle  dans  le  cercle  de  Tenez;  de 
septembre  4  849,  dans  le  cercle  de  Mostaghanem  ;  de  juillet 
4849,  chez  les  Arabes  de  Hilah;  d'août  4849,  dans  le  cercle 
de  Philippeville;  celle  de  4839,  à  Constantine,  etc. 

Reste  une  forme  qui  n'a  pas  encore  été  bien  nettement 
caractérisée  et  qui  me  paraît  devoir  être  rapportée  au  genre 
névralgique  dont  j'ai  décrit  l'histoire  à  propos  d'une  épidémie 
observée  à  Téniet-el-Hâd  en  4847  (i).  En  effet,  dans  le^ 
épidémies  de  Biskra,  par  exemple,  et  qui  ont  été  terribles 
puisque,  d'après  le  docteur  Beylot,  en  4844,  sur  600  hom- 
mes de  garnison,  400  eurent  des  ophthalmies;  —  et  que, 
d'après  le  docteur  Hassip,  en  juillet  et  août  4846,  par  une 
température  de  43  et  44^  C.  à  l'ombre,  68  et  70**  au  soleil, 
la  moitié  de  la  garnison  fut  atteinte,  et  près  d'un  tiers  des 

(t)  Néfralfit  oeulairf  épldémique  ohstnée  àTémitt-tl-Hàd  {Vtor.  d'Alger);  Al^er,  brocfa. 
in  %*t  i85o.  Et  daiu  les  AiMuitt  d'ocu/àtiqm  dudtttur  F/onnt  Ctuiitr,  n*  du  3*  noT«inbi« 
lis*,  p.  at3,  et  du  3i  nui  ifSt,  p.  i85. 


—  507  — 

Arabes  perdirent  un  œil,  et  plusieurs  complètement  la  vue,  -^ 
dans  ces  épidémies,  dis-je,  on  voyait  la  conjonctive  devenir 
écarlate  en  peu  d'heures;  Taffectiori  se  compliquait  d'exacer- 
bâtions  revenant  le  soir,  et  les  paupières  se  tuméfiaient  très 
rapidement;  en  un  mot,  le  début  était  fort  douloureux  et 
très  alarmant.  Évidem.met)t^  il.y.  a  là,  .dans  cette  pbénomé- 
jiisation  particulière,  et  dans  les  conditions  météorologiques 
de  rétiologie,  un  fond  et  une  cause  névropathiques,  que  ne 
désignent  pas  les  noms  de  blépharophthalmie,  ophthalmie 
purulente,  etc.,  sous  lesquels  on  décrit  généralement  cette 
forme  d'affection.  '  . 

Les  ophthalmies,  mal  soignées  chez  les  Arabes,  sont  fré- 
quemment suivies  d'ulcérations,  d'adhérences  palpébrales, 
d'adhérences  de  l'iris  avec  le  cristallin  ou  la  cornée.  Les 
toubibes  (médecins)  restent  impuissants  devant  de  tels  désor- 
dres. La  cécité  est  aussi  commune  en  Afrique  que  dans  les 
régions  inlertropicales  (i).  On  rencontre  souvent  Tliypopyon. 
Les  toubibes  renouvelant  la  pratique  d'Ali-Abbas,  le  laissent 
ouvrir  de  lui-même.  On  voit  communément  l'inflammation 
oculaire  augmentée  par  des  remèdes  véritablement  incen- 
diaires^ g&gner  le  fissu  du, globe  de  l'œil,  déterminer  un 
phlegmon  de  l'organe,  sa  suppuration,  sa  fonte.  —  Ati^Abbas 
conseillait  la  compression  contre  le  staphylôme;  les  Arabes 
n'ont  guère  d'autre  ressource. — Dans  l'ophthalmie,  en  général, 
l'Indigène  s'empresse  toujours  de  soustraire  l'œil  à  la  lumière^ 
de  le  lolionner  avec  divers  liquides,  par  exemple,   avec  du 
teben  (lait  aigre),  qui  détermine  une  irritation  suppurative 
dont  la  guérison  est  ordinairement  la  conséquence.  D'autre 
part,  la  coutume  de  couvrir  les  yeux  malades  avec  une  masse 
de  chiffons  qui  les  compriment,  a  le  grand  avantage  de  pré- 
venir les  hernies  de  l'iris  dans  les  ophthalmies  purulentes.  — 

(i)   P^êjrmgf  dan$  l'Jfriq^t  occiJeittmte.  par  A.  Rirnsit,  e«  i843  «t  zf44. 


—  508  — 

Mascara,  on  se  sert  d'une  pommade  composée  d*acel 
de  résine  de  tarfa  (lamarix).  —  Dans  le  désert,  on  si 
;  ou  phiLôt  on  scarifie  aux  pieds  et  à  la  têti5,  et  on  se  conteste 
'd*endoire  les  paupières  de  koheul  (pommade  dont  le  suifu^l 
d'antimoine  forme  la  base).  ^^ 

Uno  décoction  de  hhabbet  cl  ain  (graine  du  cassia  npsuA 

passe  encore  pour  un  excellcnl  collyre.  En  Egypte  on  se  se 
[ée  la  mémo  substance  sous  forme  d'onguent.  —  Les  Aral 

font  aussi  chanlTer  de  Vain  certane  (œil  d  ecrevisse),  Je  coti 
hpenl  en  deux,  en  meltent  une  moitié  dans  un  chiffon  ave 
I  lequel  ils  bandent  Tœil  malade.  —  D'aulres  pilent  ensemble 

de  la  lige  de  krafeuss  (céleri),  de  la  tige  de  habbaq  (basUic}| 
I  ajoutent  ensuite  du  jus  de  kareuss  (citron)  et  du  smen  beugf 
If  beurre  de  vaclie}  ;  on  applique  le  mélange  sur  les  organu 

souITrants.  A  Constanline»  on  eujploie  des  cataplasmes  de  bçt 
I  (ognon)  pité,  et  la  saignée  k  la  racine  du  nez.  Je  dcmandail 
Lun  jour  au  fils  d'une  famille  de  marabouts  (prêtres),  poni 

juoî  il  se  frolfait  avec  de  la  salive  les  yeux  passablemei 

Irrités,  «  Le  Prophète  Mohammed,  me  dit-il,  guérit  de  ceU 
flttÇOD  un  de  ses  parents.  »  Savary  (1),  dans  ler|uel  j'ai  reche 

fibé  le  fait,  rapporle  eiïectivement  qu'avant  la  prise  de 
\  citadelle  de  Khaïbar  (près  Médine),  les  troupes  de  Mohammed 
I  avaient  fail^  mais  en  vain,  deux  tentatives  énergiques  d  agrès 
Iflion.  <i  Depuis  plusieurs  jours,  Tinvincibie  .4/^  gémbsâit  d| 
|iiroir  son  courage  inutile  :  un  mal  d'yeux  le  forçait  àdemeurel 
f.  Il  parut  le  front  ceint  d'un  bandeau  ;  Mohammed  Tayai 

fait  approcher,  lui  frotta  les  veux  de  sa  salive,  et  le  mal  M 
tiJissipa.  »  Savary  ajoute  avec  raison  :  «  l!  est  bien  probabl 

juc  cette  cure  merveilleuse,  si  célèbre  parmi  les  auteuf 

mabométans,  était  concertée  entre  le  beau-père  et  le  gendre. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  positif,  c'est  que  le  jeune  marabout»  qi 


f  i)  JkMgé  d»  /•  rtê  dt  MûàÊtmtt^  f .  1 1  $. 


—  609  — 

m'avait  mis  sur  la  voie  de  cette  histoire,  me  demandait  quel-* . 
ques  jours  après  un  remède  plus  efficace  pour  sa  conjonctiyite. 
Il  avait  sans  doute  reconnu  que  la  salive  du  Prophète  avait 
d'autres  propriétés  que  la  sienne. 

Quand  Tophthalmie  dure  depuis  longtemps,  les  Arabes  con- 
seillent de  prendre  le  premier  ou  te  dernier  jeudi  (4)  du 
mois  é'avril,  un  kat  (chat),  de  lui  brûler  la  tête,  de  recueillir 
les  cendres,  et  de  s*en  introduire  un  peu  dans  l'œil,  à  l'aide 
d'un  petit  pinceau  mouillé.  Un  de  mes  amis  à  Alger,  porteur 
d'une  très  ancienne  ophthalmie,  et  grand  amateur  du  Kif 
(extrémités  du  cannabis  indica),  a  remarqué  que  l'affection 
oculaire  s'était  beaucoup  améliorée  sous  l'influence  réitéréo 
de  ses  vapeurs,  et  surtout  que  les  douleurs  disparaissaient 
entièrement  les  jours  oii  il  fumait  cette  substance,  Ce  fait 
curieux  doit  être  rapproché  des  expériences  de  MM;  Wolf  et 
Binard  (2),  qui  ont  reconnu  au  cannabis  indica  une  action 
sédative  et  calmante,  comme  l'opium  et  la  morphine,  et  une 
grande  efficacité  contre  l'ophthalmie  rhumatismale.  Il  y  aurait 
à  rechercher  en  Algérie  si  les  funieurs  de  ft»/ jouissent  d'une 
immunité  contre  les  affections  oculaires,  ou  si  chez  eux  elles 
ont  moins  de  durée  et  sont  réellement  moins  douloureuses. 

'  Un  corps  étranger  pénètre-t-il  dans  les  yeux  ?  A  l'imitation 
de  Rhazès,  les  médecins  arabes  le  retirent  à  l'aiJe  d'un  mor- 
ceau de  résine  quelconque,  auquel  il  vient  s'attacher.  Si  c'est 
un  cheveu,  un  poil,  un  cil,  on  se  frottera  l'œil  avec  de  la  bile 
de  vache  noire,  —  Contre  le  ptérygion,  on  emploie  le  totuim 
(sulfaté  de  cuivre)  en  poudre.  —  Le  larmoiement  continuel, 
d'autant  plus  fréquent  qu'on  s'approche  du  littoral,  et  qu'on 
observe  dans  les  plaines  et  les  vallées,  est  combattu  par  un 
mélange  de  koheul  (voy.  page  324)  et  de  xebed  (musc).  ^^ 

(i)  Joar  coniidéré  par  les  Arabw  eômme  très  heureux  pour  tôole  entrefirise. 
(b)  JnMia  é'oeuitalifut  du  docteur  Ft.  CuAiVr  ••janvitr  i85o. 


—  S10  ^ 

On  remarque  la  rareté  de  la  fisliile  lacrymale.  La  sécher 
liabituclle  de  l'œil  des  Indigènes  en  serait-elle  ta  principale! 
cause? — On  conscilleencore  contre  répiphorade  se  bassiner  le 
yeux  avec  de  Teau  contenant  unedraclimede  meîlC  (sel  ordh 
naire)  et  une  demi-dractjme  de  zafrane  (safran),  ou  dlntro 
duire  entre  les  paupières  un  mélange  de  miel  et  de  bile  d'uni 
coq  noir,  ou  bien  encore  du  miel  trituré  avec  du  handte  (assaj 
fœtida).  —  Contre  rentropion,  quelques  toubthes  se  decidenl 
à  cautériser  au  fer  rouge  le  bord  de  la  paupière,  pratique  pro-  j 
posée  par  Rkazès. 

Le  tricîiiasis,  bien  fréquent  dans  les  pays  cliauds,  — puisquel 
sur  un  total  de  935  opérations  faites  en  18i3,  à  V École  d«] 
médecine  du  Caire  (1),  on  en  trouve  257  pour  cette  seule* 
affection,— est  guéri  cbezles  Arabes  du  Sud  par  rarrachemeol 
des  cils.  Quelques-uns  se  rapprochant  des  con.>eils  de  Rkasès 
maintiennent  les  cils  collés  aux  paupières,  a  raide  de  goudron, 

—  La  ovclalopieet  rhéméralopie  s'observent  sur  les  lodig^ncsj 
du  littoral  et  dans  les  montagnes,  surtout  en  mars  ;  cette  der 
nière,  d'après  ce  que  j'ai  vu,  sévit  assez  fréquemment  àBiskra, 
en  avriL  Les  Indigènes   iraiient  ce^  affections  comme  uDej 
ophlliulmie  ordinaire,  —  Quand  la  vue  est  trouble,  ou  faible; 
usée  par  la  maladie  ou  par  Tàge,  les  Arabes  se  frottent  le 
yeuxavecun  mélange  de  miel  et  d'ail,  ou  bien  avec  du  kohen 
dans  lequel  on  a  incorporé  du  safran,  du  cemlfel  (andropogon 
nardus),  du   djaoui   (benjoin).  On  conseille   également  dù^ 
s'enduire  tes  paupières  et  légèrement  le  globe  de  rœil,  avec  di 
miel  pilé  avec  des  cendres  de  tête  de  khattmfa  (hirondelle)] 

—  de  se  laver  les  yeux  avec  de  la  bile  de  ifhozlanc  (gazelle); 

—  de  piler  ensemble  du  sulfate  de  cuivre,  du  felfel  aAW 
(poivre  noir),  du  safran,  du  nechader  (carbonate  d*ammo«| 
niaque),  du  zendjar  (carbonate  de  cuivre),  du  ckebb  (aluo)J^ 


(0  MttM0  rOritnl,  «841, 


—  5H  - 

di]  koheulfdn  ;ret«miik  (sulfure  d'arsenic),  de  Vasfer  (car- 
tharoc),  du  ferbiov/ne  (cévàdille),  du  melhh  miaàm  (sel  à 
manger]  ;  un  peu  de  cette  poudre  étant  mis  daDs  un  chiffon  et 
introduit  dans  ut  roseau  dont  les  deux  extrémités  sont  bien 
bouchées  avec  de  la  pâte  de  pain,  on  met  ce  cylindre  dans  une 
passoire  placée  au-dessus  de  la  vapeur  d'eau  bouillante,  on  l'y 
laisse  jusqu'à  ce  que  tout  le  liquide  soit  évaporé.  Quand  le 
roseau  est  complètement  refroidi,  on  l'ouvre  :  son  contenu  sera 
devenu  dur  comme  de  la  pierre.  On  le  repile  de  nouveau,  on 
répète  l'expérience  dans  un  autre  roseau  ;  la  nouvellesubstance 
sera  finement  broyée,  et  on  s'en  introduira  quelque  peu  dans 
les  yeux  chaque  jour.  On  peut  encore  mélanger  dans  une 
boële,  de  la  bile  d'un  hajel  (jeune  veau),  du  zadj  (de  l'huile 
de  vitriol),  du  miel  (récolté  sans  le  contact  de  la  fumée)  et  du 
safran.  Si  l'on  est  au  cœur  de  l'été,  la  boëte  restera  exposée 
sept  jours  au  soleil;  si  l'on  est  au  printemps,  elle  y  séjournera 
quarante  jours.  Au  bout  de  ces  laps  de  temps,  le  mélange  est 
incorporé  à  de  l'huile,  et  on  s'en  sert  comme  d'une  pommade. 

Les  amau roses  sont  beaucoup  plus  rares  qqe  le  strabisme, 
dont  j'ai  vu  quelques  cas  dans  le  Sud.  Aucun  traitement  de  la 
part  des  Arabes,  si  ce  n'est  quelques  boutons  de  feu  aux 
tempes. 

Quoiqu'on  en  aitpudirc,lescataractes  paraissent  communes, 
et  reconnaissent  généralement  pour  cause  les  affections  ocu- 
laires négligées  ou  mal  traitées.  M.  le  docteur  Deleau  en  a 
signalé  un  grand  nombre  à  Constantine,  où  il  les  a  opérées, 
ainsi  que  M.  le  docteur  Vital,  par  la  méthode  d'abaissement. 
En  1840,  mon  frère,  le  docteur  A.  Beriherand,  a  également 
remarqué  beaucoup  de  cataractes  chez  les  Indigènes  de  Bli- 
dah  (1).  Pour  mon  compte,  j'en  ai  souvent  rencontré  dans  la 
population  kabyle  et  surtout  dans  les  oasis  de  la  province  de 

(f)  Année  i84a  des  Mém»irtt  df  Méd.  miUt. 


—  SIS  — 


Constanline.  Les  Arabes  ne  les  opèrent  que  sur  les  animaui* 
M»  le  docteur  Guyon  a  décrit  (<)  le  proccilé  suivi  par  !e&  ka- 
byles, «  noCammeat  sur  les  clièvres,  en  traversant  l'œil  avec 
un  fil  dont  on  laisse  quelque  temps  les  exlrémilcs  au  dehors. 
Un  Kabyle  a  opéré  aiusi  à  Alger,  en  1836,  un  bouc  alleint  d'une 
double  cataracte  ;  il  s'est  parfailemânt  rétabli.  % 

Les  aUératioQs  de  la  cornée  transparente  succèdent  asje? 
promptementauxconjonclivitesrson  inflammation,  son  ramol- 
lissement, les  épanchemens  de  lymplie  entre  ses  lames,  s'ob- 
servent 1res  fréquemment.  Les  biadk  el  ain  (albugos]  ont  seul» 
un  traitement  particulier;  voici  quelques  formules  des  plus 
usitées  : 

Ajouter  au  ÀaAeî*/de  la  fine  poudre  de  werd/ane  ^corail); 

—  introduire  entre  les  paupières  un  mélange  de  bile  de  bœuf, 
de  babas  (fenouil)  et  de  beustaqqel  (?)  bien  piles  ensemble; 

—  ou  bien  un  mélange  d'œufs,  de  khall  (vinaigre)  et  de  qiêetn- 
moun  (cumin),  bien  fincmerit  broyés;  —soit  une  poudre  com- 
posée de  zebeà  el  bahhar  (musc  de  mer,  probablement  la 
sèche),  de  êoqqor  (sucre)  (2)  et  de  coque  dVouf  d*autruche,  le 
tout  bien  finement  iriLuré;  —  ou  de  la  poudre  de  safran»  mêlée 
à  la  cendre  de  morceaux  de  vieilles  chaussures  en  cuir;  —  on 
bienduiaowoç  (mercure),  de  Vhadida  (peroyide  de  fer),  du 
sulfate  de  cuivre,  du  poivre^  du  safran,  de  Talun,  du  zenzebil 
(gingembre)  ;  le  tout  bien  pulvérisé  ensemble  et  broyé  ensuite 
avccde  Thuile;  il  suffit  de  s*en  froller  les  paupières  légèrenienl 
entrouvertes.  Los  Arabes  nVmploicnl  aucun  traitement  par- 
ticulier dans  rophthalmie  syphilitique* 


4 
4 


Les  douleurs  d  oreilles  {oudjà  oudnine),  si  communes ehe 
rhabitantde  tentes  mal  closes,  se  traitent  en  introduisant  dans 


(*)  L'emploi  dn  «ocre  candi  e»l  tr'tleitii<'nt  u^ii^  dans  J«g  t«î«s  de  la  coraie,  qnt  etit*  flulM' 
IIM«  **»pj»*ne  ans»  *9f9*>r  hknik  (e-à*4-  t'-  su^iff  fouf  Vtïïiï). 


à 


—  6«3  — 

le  conduit -auditif,  de  Thuile  mêlée  avec  de  la  fine  poudre  de 
rendd  (laurier),  —  ou  une  décoction  de  bile  de  bœuf,  d*huile 
et  de  khiiss  (laitue),  —  ou  de  Thuile  chauffée  dans  un.ognon, 
ou  dans  laquelle  on  aura  broyé  de  la  graine  defeijel  (raifort). 
Contre Totorrhée,  on  fait  couler  dans  le  conduit  auriculaire 
de  Teau  dekosber  (coriandre)  dans  laquelle  on  pile  préalable- 
ment du  hendeba  (chicorée)  et  des  feuilles  A*aghar  (thuya 
articulé).  Lorsque  Técoulement  et  les  douleurs  sont  considéra* 
blés,  on  met  quelques  pointes  de  feu  autour  des  oreilles, 
conseil  déjà  donné  par  AbiW  Kacem. 

Les  Arabes  parlent  souvent  de  vers  qui  sortent  des  oreilles 
des  jeunes  enfants  {doud  ladi  fi  oudnine  sbiené);  ils  combat- 
tent leur  production  en  mettant  dans  le  conduit  auditif  une 
décoction  de  hhzama  (lavande)  avec  du  vinaigre  très  fort 
[khall  kouaui),  et  bien  filtrée  en  sortant  du  feu. 

Quant  à  la  surdité,  les  moyens  curatifs  varient  depuis  les 
amulettes,  Tingeslion  quotidienne  d*une  boisson  composée 
d'eau  dans  laquelle  on  a  laissé  séjourner  quelque  temps  une 
tête  de  ^an/bu^  (hérisson),  jusqu'aux  topiques  parmi  lesquels 
on  cite  particulièrement  :  une  forte  décoction  A'allaïq  akhdar 
(ronce  verte),  dont  on  introduit  quelques  gouttes  jusqu'à  ce 
que  le  malade  sente  le  liquide  pénétrer  dans  la  cavité  auricu- 
laire ;  ou  bien  de  la  bile  de  poule  blanche  ;  soit  encore  de 
Teau  d'ognon  dans  laquelle  on  aura  broyé  du  chenedegoura 
(ivette). 

Presque  toujours  déterminés  par  un  mauvais  état  intestinal, 
la  stomatite,  la  gingivite  et  le  scorbut  se  rencontrent  très  sou- 
vent chez  les  Arabes.  L*humidité,  surtout  l'hiver,  n'en  est  pas 
non  plus  la  moindre  cause.  D'après  M.  leD'  Deleau,  la  stoma- 
tite gangreneuse  serait  endémique  à  Constantine,  notamment 
chez  les  enfants,  et  il  en  accuse  l'entassement  dans  des  lieux 


—  514  — 

malsaïDs.  Les  Indigènes  confondent  tontes  ces  affeciiOM  Mc-^ 

cales,  Y  compris  les  apliles,  et  recoimoandent  les  gargarismcs^ 
fréquents  avec  uno  déctiction  cûuceatrée  de  rehkanc  (basJlic}J 
ou  avec  du  suc  de  maçaça  (plantain)  bien  vert,  soit  avec  ui 
mélange  d'eau  et  de  sel  que  Ton  remuera  sept  fois  (1)  en  pro-^ 
nonçant  le  mot  bismillah  (au  nom  de  Dieu),  et  dont  on  s^i 
rincera  la  bouclie  trois  fois  et  (rois  jours,  avant  chaquerepas. 
Les  gencives  son  t*elles  très  malades?  mangez  de  la  viande  rôtie 
de  djerboheu  (gerboise),  que  vous  aurez  soin  de  mâcher  tr 
longtemps  avant  d*avaler.  Les  ulcérations  gingivalesserontcou-^ 
vertes  de  poudre  de  zô?icjar  (suif,  de  cuivre).  Si  rhaleineeât  par 
trop  fétide,  les  dents  gâtées  et  les  gencives  gonflées,  on  mâcher 
de  ta  résine  extraite  par  incision  du  darou  (pistachier  lentis 
que),  on  bien  pendant  ^roû  jours  on  se  rincera  la  bouche  ave<s 
une  décoction  comprenant  quantités  égales  d'huile   cl 
feuilles  de  najouz  (?)  ou  de  daililane  (T).  Dans  le  Sahara,  on 
se  contente  de  garder  pendant /roi^  jours,  dans  lacavilébuccalOpl 
un  morceau  de  bkhour  (substance  lésineuse)  (2). 

Aucun  iraiLement  contre  la  grenouillette  (ieleslcs);  celiêl 
alTecliondont  j*ai  observé  un  seul  cas,  chez  un  Kub)/le,  a  étjJ 
également  rencontrée  sur  plusieurs  autres  points  de  rAlgérjev| 
dans  le  cercle  de  IHilianali,  de  Bogliar,  etc. 

La  mauvaise  Ijabilude  de  boire  à  la  surface  même  iies  ram 
et  des  sources,  et  de  ne  point  entretenir  ces  dernières  dans  ni 
élat  de  propreiê  convenable,  fait  souvent  avaler  dessangsued 
[âleq]  fort  petites,  noires  ou  jaiinâlres.  En  mettant  sur  df 
charbons  ardents  des  fèves  (foui)  sèches  et  soufflant  letu 


(])  Oo  rateod  fén'r^lcinenl  par  MA^ur.  Hhâr,  toaic  ilm|;ur  A  nàtur  pârfuAkrfr»  I 
t^tn^  tout  •rYkinàUi.  Lp  6à/ioitr  du  So«i4ttn  est  tmo  espace  ûe  bcrjttin  très  cnoc«fitr4  bu  t*i 
Diiiu  le  Sahara,  on  brûle,  ^  tiirp  de  p«r}uin,  une  Héiat^  une  «or(v  d*c$»4i*ucn  qur  X'oii  lifj 
û'nn  arbrr  âp|<c1é  aianm  tu  nat  (lu  inÂrc  Ue*  hoiiuiict) .  Ci'^  deux  c£&c4îc^»t  celle  du  i 
«lu  StbâTti  p«rtii%rQl  ^trc  U»  «néinv»  ;  t'est  d'elle»  Uoni  il  l'ûgiikî  cDinnie  «at>-Korl^li 


—  815  — 

cendre  à  Taide  d'un  roseau  dans  la  gorge  du  patient,  on  reit 
aussitôt  la  sangsue  se  détacher,  et  le  malade  n'a  qu'à  la  cracher. 
Si  rhémopisvorax  a  gagné  les  fosses  nasales,  on  doit  se  rincer 
la  bouche  avec  de  l'eau  d'ognon  dans  laquelle  on  a  pilé  de 
Tanis  noir,  et  renifler  également  de  ce  liquide  :  le  malade 
éternuera  aussitôt  et  la  sangsue  tombera.  Quand  Tannélide 
s'est  fixée  dans  le  pharynx  et  qu'il  est  impossible  de  l'aperce- 
voir, il  convient  de  se  gargariser  avec  une  décoction  de  felfel 
(poivre).  Rhazès  conseillait  un  gargarisme  avec  de  la  mou- 
tarde :  encore  un  rapprochement  traditionnel. 

Le  bec  de  lièvre,  que  les  Arabes  appellent  foum  el  djemel 
(boyuche  de  chameau),  ne  paraît  l'objet  d'aucun  traitement 
parliculier. 

Quand  on  considère  chez  les  Indigènes  la  beauté  des  dents, 
leur  égalité,  leur  régulière  implantation,  leur  volume  bien 
proportionné  à  celui  des  inaxillaires,  on  éloigne  généralement 
toute  idée  d'affections  possibles,  chez  un  système  si  parfaite- 
ment harmonisé  avec  ses  importantes  fonctions.  C'est  une 
grave  erreur  :  ces  ostéides  sont  fréquemment  le  siège  de 
douleurs  et  de  carie.  On  pourrait  objecter  que  la  carie 
dentaire  a  été  rarement  observée  chez  les  momies  égyptiennes  ; 
mais  des  différences,  soit  de  climat,  soit  d'habitudes  alimen- 
taires, suiSraient  pour  expliquer  cette  singularité.  Tous  les 
médecins  des  Bureaux  Arabes  savent  fort  bien  ce  qu'il  faut 
penser  de  la  prétendue  inaltérabilité  des  dents  des  Indigènes, 
par  le  nombre  d'ostéïdes  qu'ils  sont  souvent  appelés  à  arracher, 
procédé,  entre  parenthèses,  dont  la  rapidité  et  la  sûreté  d'exé- 
cution se  trouvent  très  goûtées  et  très  recherchées  par  les 
Arabes. 

L'odontalgie  {oudjà  el  snine,  mal  des  dents  canines;  otKljà 
dersa,  mal  des  grosses  \ients)  se  guérit  comme  il  suit  :  se 
rincer  la  bouche  avec  de  l'eau  dans  laquelle  on  a  pilé  de  la 


—  516  - 

"racÎ!  îhë  '[nmSiTôu  avec  du  vinaigre  dans  lequel  on  a  broy? 
rail:  —  avec  une  forte  décoction  d'anis  noir  el  de  graines  dl 
snouber  (pin us  sylvcslris);  —  se  froller  les  dents  avec  de  Vtkiî 
brûlé;  —  appliquer  sur  la  dent  un  mélange  tiède  de  vinaigre 
sept  graines  de  poivre,  de  la  graine  de  réhkane  (basilic),  dq 
la  pelure  de  nedjass  (poire),  le  tout  bouilli  avec  une  grenadi 
aigre  bien  brovée.  Quand  un  souffre  habituelleme&t  des  denls,i 
on  doit  se  gargariser  tous  les  mois  avec  de  l'eau  de  feuille! 
bien  pilées  de  de  fia  (laurier  rose). 

Les  Arabes  rapportenl  rodonialgie,  ragac+?meni  et  la  carit:^ 
des  dents,  à  la  présence  d'un  ver  dans  leur  iniéricor:  Us  pré-J 
tendent  nième  trouver  de  ces  petits  animaux  dans  les  ostélde 
gâtées,  et  en  voir  quelquefois  sortir;  on  les  appelle  a\or 
sùussat-el'foum  (vers  de  ta  bouche).  Il  est  probable qu*il  y  i 
ici  confusion  avec  quelques  produits  path<>logi(iues,   quelque 
concrolions  de  lymphe  ou  de  pus  ;   toutefois,  nous  ren>arqu€ 
rons  que  cette  croyance  avait  cours  au  moyen-àge.  Martin  Six 
au  XV1I«  siècle,  et  Scbultz,  affirmaient  avoir  retiré  des  verst 
plusieurs  dents  gâtées  ou  arrachées.  J'ai  cité  ailleurs  (1)  de 
faits  analogues,  appartenant  à  Goulin  el  Dolceus.  Bremseï! 
pense  que  les  prétendus  vers  des  dents  ne  sont  autre  chose  qui 
les  germes  des  graines  avec  lesquelles  on  prépare  les  fumiga^j 
lions  anii-odontalgiques  (2).   SchaëlTer  a  démontré,  au  cor 
mencenient  de  ce  siècle,  qu'il  s'agissait  ici  d'une  afTcctioal 
purement  imaginaire.  Quoiqu'il  en  soit,  les  toubibcs  cons^iU 
lent  à  celui  qui  a  des  vers  dans  les  dents  [doud  sninau) 
prendre  un  morceau  de  fer,  de  le  mettre  dans  un  roseau  doii| 
une  extrémité  plongera  dans  le  feu,  et  de  porter  rautreboii 
sur  la  dent  dès  que  la  vapeur  commencera  à  s  m  dégager; 
ver  doit  immédiatement  sortir.  Un  autre  moyen  consiste 


(i)  ittthrekêt  4iir  ffs  tvm»iéfj  iubhnfuttUi,  Thèse pùttr  h  Jottotat,  StrAsbourf,  «S4&»  |»»  1141 


-  617  - 

exposer  la  bouche  ouverte  au-dessus  de  la  fumée  que  produira 
de  la  ciguë  (cikhane)  projetée  sur  le  feu  ;  le  contact  de  cette 
vapeur  chasse  de  suite  le  ver  hors  de  sa  demeure. 

La  pusillanimité,  propre  au  caractère  arabe,  se  représente 
à  l'occasion  de  l'avulsion  des  dents  ;  les  Indigènes  cherchent 
donc  tous  les  moyens  de  rendre  cette  opération  aussi  indolore 
que  possible,  et  même  à  les  faire  tomber  d'elles-mêmes.  Pour 
empêcher  la  douleur  d'être  forte  pendant  Ts^rrachement,  il 
suffirait  de  recouvrir  la  dent  gâtée  d'un  mélange  de  miel  et  de 
poudre  de  feuilles  sèches  de  touts  (mûrier),  ou  bien  de  cendres 
de  roseau  et  de  graisse  de  dxafdd  (grenouille)  bien  pilées 
ensemble.  Chasser  la  dent  de  son  alvéole  sans  y  loucher  est  la 
moindre  des  choses,  au  dire  de  quelques  charlatans  indigènes  ; 
pour  ce,  broyez  ensemble  de  la  viande  de  grenouille,  de  l'ail, 
du  goneteuss  (pyrêlhre);  une  heure  après  que  vous  aurez  re- 
couvert de  celle  composition  la  dent  douloureuse,  teneqalaha 
biennelèh'  (elle  tombera  d'elle-même)!  Du  resle,  des  pratiqués 
analogues  étaient  conseillées  par  Rkazès  (l'arsenic  en  fric- 
tions; un  peu  de  poix  sur  la  dent),  par  Àli'Abbas  (du  lait 
d'ânesse  ou  de  Tassa-foclida  sur  la  dent),  par  Mésué  (toucher 
la  dent  avec  des  noix  brûlées  ou  un  grain  d'oliban),  par 
Avicenne,  qui  vantait  également  la  graisse  de  rainette  pour 
opérer  la  chute  spontanée.  Ces  rapprochements  sont  assez  cu- 
rieux. —  Malheureusement,  les  choses  ne  se  passent  point 
toujours  selon  les  désirs  et  l'imagination  du  patient,  et  il  faut 
bien  recourir  a  quelques  autres  pratiques  pour  calmer  les 
dents  cariées  ;  ainsi  : 

Se  gargariser  la  bouche,  en  ayant^in  de  conserver  la  dent 
remplie  du  remède,  avec  le  jus  qu'on  obtiendra  en  pilant 
ensemble  des  feuilles  fraîches  de  jujubier  {sedr')  el  de  cAcne- 
dcjfoura  (ivette).  —  Appliquer  sur  la  dent  un  mélange  de 
quantités  égales  et  bien  pilées  de  graisse  de  grenouille,  de 
hantite  (assa-fœlîda),  do  racine  de  céleri  {krafeusi);  la  dou* 


—  518  — 

leiir  8*apaisera  sur-le-champ.  —  Mettre  dans  la  dent  un  peu 
de  miel  et  de  henna  bien  mélangés  ;  ou  bien  un  peu  d'afion 
(opium),  ou  du  goudron  auquel  on  a  incorporé  du  sel,  de 
Talun  et  du  thym  (zdier);  soit  encore  un  peu  d'une  décoction 
amenée  à  consistance  pâteuse,  de  feuilles  de  tine  (figuier),  de 
tamarin,  (lar/a),  de  feuilles  de  kharoub  (caroubier),  de'farJae 
d'orge  et  de  vinaigre. 

Quand  toute  cette  kyrielle  de  remèdes  est  épuisée  sans  suc- 
cès, on  se  confie  au  toitbibe  drouss  (médecin  des  dents).  Si 
l'bémorrhagie  qui  succède  à  Tavulsion  de  la  dent  ne  s^arrête 
pas  promplement,  il  faut  combler  Talvéole  avec  de  la  cire 
{chemâa)  ou  bien  mâcher  des  noisettes  (Aeneoto^),  soit  se  rincer 
la  bouche  avec  un  mélange  de  vinaigre  et  de  sel. 


Le  relâchement  de  la  luette  {tenetelah  ou  asfour^  petit 
oiseau]  est  attaqué  par  des  insufflations  d'alun  à  Taide  d'un 
roseau.  Rhazès  avait  déjà  conseillé,  pour  dissiper  cet  accident, 
de  toucher  cet  appendice  charnu  avec  une  cuillère  rempHe  de 
cette  même  substance  saline.  ' 

J)ans  Tangine  {oudjà  gueur ajourna,  mal  du  gosier)  fré- 
quente en  hiver  surtout  chez  les  femmes  et  les  jeunes  enfants, 
qui  présentent  souvent  à  titre  de  complication  des  engorge- 
ments sous-maxillaires,  on  suit  de  préférence  un  traitement 
interne.  Boire  pendant  trois  jours  du  vinaigre  dans  lequel  on 
a  pilé  de  Tassa-fœlida  (haniite),  ou  prendre  pendant  trois 
jours  une  décoction  de  feuilles  de  kroumbt  (chou),  de  rsdsins 
(dneb),  de  vinaigre  et  trois  tamazedj  (?),  bien  mélangés 
ensemble.  La  poudre  de  toutia  (sulfate  de  cuivre)  est  employée 
en  topique  dans  Tangine  chronique  et  ulcéreuse. 

Pour  guérir  Taphonie  {bahha,  par  harmonie  imitative),  on 
mange  avec  un  peu  de  pain  des  mechmacha   (abricots) 


—  549— 

desséchés,  privés  de  leurs  noyaux  et  bien  cuits  dans  un  peu 
d'eau.  Il  est  aussi  recommandé  de  boire  le  liquide  obtenu  en 
écrasant  ensemble  du  kroumbt  (chou)  et  du  raifort  (feijel). 
Une  espèce  de  pigeon,  feurq  hamama,  bien  cuit  et  mangé  à 
titre  d'alimentation  exclusive,  passe  aussi  pour  très  efiScace. 
Mâcher  tout  le  jour  du  bois  de  réglisse  {doud  souss)  et  du  bois 
de  girofle  [khounfel)  broyés  ensemble,  constitue  un  autre 
remède  très  vanté. 

Dans  les  oasis  du  Sahara,  le  croup  (djadja  ou  faroudj\ 
voyez  ci-dessus  page  392)  des  enfants  est  combattu  par  la 
peur.  On  dit  au  malade  qu'on  va  Tégorger,  on  lui  lie  pieds  et 
poings  ;  on  Tétend.  Un  individu  armé  d'un  rasoir  se  présente  : 
il  applique  d'abord  le  tranchant,  ensuite  le  dos  de  la  lame 
qu'il  fait  agir  sur  le  cou  de  l'enfant,  comme  s'il  lui  coupait 
la  gorge.  On  pense  que  les  efforts,  les  cris,  les  pleurs  et  l'effroi 
du  malade  amènent  une  crise  favorable  (1). 

La  coqueluche  [teuouiche,  par  harmonie  imitative),  que  les 
Indigènes  attribuent  aux  brouillards  épais  et  humides,  atteint 
assez  fréquemment  les  jeunes  enfants.  Elle  a  sévi  épidémique- 
ment  plusieurs  fois  :  à  Alger  au  commencement  de  4839,  sur 
dix  décès  on  compte  quatre  Musulmans;  en  juin  4839,  dans 
le  cercle  de  Milianah;  en  4849,  au  village  arabe  de  Djalis  de 
Saint-André,  près  d'Oran,  etc. 

La  grippe  (mriahh,  c'est-à-dire  le  coup  de  vent)  dont 
l'apparition  en  hiver  a  presque  toujours  suivi  quelques  jours 
de  gelée  ou  de  refroidissement  subit  de  Tatmosphère,  a  régné 
épidémiquement  en  janvier  4848,  chez  les  Kabyles  de  Cher- 
chell  en  nnême  temps  que  la  petite  vérole  ;  la  mortalité  fut 
considérable;  —  en  novembre  4847,  dans  les  cercles  de  Tenez 
et  de  Sétif;  —  en  novembre  4847,  dans  le  cercle  d'Alger;  — 

(0  Kent*  d'Orient,  révricr  i849>  V jilgerie mériJionate,  ^»t  M.  Pkax. 


320  — 


en  janvier  <848.  chez  les  iribus  de  Tiarei;  —  en  noteml 
1847,  à  Canslaotine,  etc. 

Les  toubibes  paraissent  impuissants  dans  ces  trois  aiïec-^] 
lions  :  ils  se  bornent  à  quelques-uns  des  traitements  qui  vont  j 
être  indiqués  à  propos  de  la  bronchite. 

Les  affections  do  poitrine  sont  généralement  confondues! 
sous  le  nom  de  sdta  (toux).  On  oppose  à  ce  syniptôme  quij 
forme  pour  les  Arabes  toute  Timportanc^  et  le  diagnostic  de  laj 
maladie,  les  moyens  suivants  ; 

Prendre  de  la  graine  de  navet  [left],  de  la  graine  de  radis] 
(feijel);  avaler  une  graine  de  chacune  de  ces  espèces»  pUefJ 
toutes  les  autres  ensemble  avec  de  riiuilo;  ajouter  ensuite  uni 
peu  de  vinaigre  ;  en  manger  une  petite  quantité  avant  le  repas  J 
—  Manger  de  la  galette  composée  de  farine,  de  graine 
chanvre  (ketfane  (1),  de  la  graine  de  poivre  et  du  miel  bien' 
clair.  —  Introduire  dans  tou&ses  aliments  une  petite  quantité^ 
d'un  mélange  à  doses  égales  {otiquïa,  once)  de  racine  de 
réglisse  (areug  es-sous)^  de  geruiandrée  (senexebil),  dfl 
poivre,  de  kit  aigre  (leben),  de  sucre^  de  meusteqa  (suc  do  ' 
lentisque),  de  fleurs  de  pavùt  {nouar  el  khachkhaek].  — ^ 
Boire  pendant  trois  jours  consécutifs  de  Thuile  bouillie  aiec^ 
delà  rue  puante; — avaler  Iroîs  (toujours  te  nombre  trois) 
malins  consécutifs  le  contenu  d'un  œuf  que  Ton  aura  mis 
quelques  instants  dans  les  cendres  d*un  feu  très  actiX  — 
Manger  tous  les  jours  une  certaine  quantité  d'un  mélange 
d'ail  prive  de  sa  pelure  extérieure,  de  miel,  de  beurre,  bamlUi 
jusqu'à  consistance  de  gelée  dans  une  marmite  neuve  el  bien 
heroiétiqueiiient  fermée;   —   manger  le  UJatin,  au  réveil»  dH 
miel  auquel  on  aura  incorporé  de  Teau  de  rose  [ma  oueurdÙ 
du  sé&iimç(djiljelane),  de  la  racine  de  tamarix  {(arfa)  et  de  M 
racine  de  laouchiche  (T);  —  ou  bien  un  mélange  de  lait,  de" 

(«)  0«  4  pli  r#tiiar(rafr«  |>»g*  io^,  t*t  prrtpriél^  raliu«iitM  At  e«Hte  ptAnto. 


1 


—  »24  — 

beurre  et  de  cassis  (bane);  — manger  le  matio  du  miel  bêoilli 
avec  des  feuilles  de  céleri  #t  des  feuilles  de  romarin  (Mil)  ; 
—  frotter  toute  la  poitrine  avec  un  mélange  de  miel  nouveau, 
de  beurre  frais  et  de  vinaigre  ;  —  manger  trois  jours  de  suite 
un  œuf  dans  lequel  on  aura  fait  chauffer  des  graines  de  har^ 
mel  (rue). 

La  bronchite  règne  parfois  épidémiquement,  témoin  celle 
d'octobre  4847  à  Constantrne,  qui  aggrava  beaucoup  les  ma- 
ladies régnantes  et  éleva  considérablement  le  chiffre  de.la  mo^ 
talité.  Elle  parut  avoir  été  déterminée  par  une  température 
^che  très  prolongée. 

Quand  la  toux  est  violente  et  accompagnée  d'oppression 
extrême,  état  que  les  Arabes  appellent  sala  ou  ghomma  el 
galb  (toux  et  étourdissement  du  cœur),  il  faut  boire  pendant 
trois  jours  du  suc  de  feuilles  très  fraîches  de  krombi  (chou) 
bien  pilées;  ou  bien  une  décoction  de  feuilles  de  irtmij  (cé- 
drat). En  même  temps,  on  fera  des  frictions  avec  le  bou-nefa 
(thapsia  garganica). 

Le  malade  crache-t-il  du  sang  [ibezoq  ed  demm)  T  il  man- 
gera, avant  le  coucher,  une  cuillerée  à  café  d'un  mélange  de 
fèves  (foui)  écossées,  pilées  très  fin,  de  beurre  et  de  miel,  le 
tout  bien  cuit. 

Conire  la  pleurésie  [botindjeneb,  le  mal  du  cô(é),  on  doit 
boire  une  décoction  de  chenedegaura  (tvette).  Dans  l'épanché- 
ment  pleurétique,  nombreuses  applications  de  feu  par  bandes 
ou  par  points,  ie  long  des  côtés.  Le  bow^soufouf  (h  mal  des 
lignes,  le  point  pleurétique)  est  assez  commun  au  Darfour  :  on 
l'y  traite  par  des  scarifications  sur  la  poitrine,  ensuite  on  les 
Trictionne  légèrement  avec  du  n'atron  (carbonate  de  soude),  ce 
qui  provoque  un  écoulement  considérable  de  sang.  Par  ce 
moyen  on  guérit  le  plus  grand  nombre  de  malades  (1). 

(■)  D'  Perron,  trad.du  P^ojrwgÊom  Dm/^w,  p.  «86. 


—  822  — 

V^\hme[dhiqqetenneffs,  rétrécissement  de  la  respiration) 
guérit  par  les  moyens  suivants  : 

1  *  Avaler  chaque  jour  une  once  d'amandes  douces  (lata 
hhalou)  et  de  sucre,  bien  broyés  ensemble;  2^  manger  du  miel 
auquel  on  aura  incorporé  une  once  de  poivre  et  deux  onces  de 
vbiâ  (fleurs  du  printemps]  ;  3^  piler  de  la  poudre  de  chasse 
(6arf>utf)avec  du  heu^rf  (cresson  de  jardin)  et  du  cumin  {quemr 
moune)  ;  en  mettre  chaque  jour  une  petite  quantité  dans  an 
œuf  jde  poulexuit  à  la  coque,. et  manger  cette  préparalfoo  «npf 
matins  consécutifs;—  4^  J)oire  le  matin  àjeundusocâelirnoo 
sauvage  [lim  beldi)  dans  lequel  on  aura  pilé  de  Vmkdm  (l).  * 

Ëa  question  des  affections  de  poitrine  en  Algérie  constitue 
un  des  plus  importants  sujets  d*hygiène  et  de  thérapeutique. 
Une  constante  et  impartiale  observation,  au  sein  des  tribus, 
des  populations  indigènes^  peut  seule  apporter  de  précieux  élé- 
ments pour  hâter  lasolutiop  de  cet  intéressant  problême.  Nous 
devons  toutefois  affirmer  que  les  maladies  du  poumon  ne  sont 
pas  rares  chez  les  Arabes.  Le  docteur  Finol,  qui  les  attribue 
aux  ablutions  répétées  et  à  Thabitude  de  coucher  en  plein  air  « 
ajoute  :  «Les  Arabes  meurent  par  le  poumon  bien  plus  fréquem- 
ment que  les  Européens,  à  Blidah  du  moins  (1).  »  Sur  les 
hauts  plateaux,  à  Milianah,  à  Tonietr-el-Hâd,  à  Batna,  j'ai  vu 
de  nombreuses  pieu  ro-pneumonies  chez  les  Indigènes,  par  suite 
de  la  mobilité  extrême  de  la  température  dans  la  journée;  et 
par  contre,  à  Biskra,  à  rentrée  du  Sahara,  je  constatai  égale- 
ment de  fréquente  affections  pulmonaires  par  suite  du  con- 
traste des  journées  chaudes  avec  les  nuits  très  fraîches,  que 
les  habitants  ont  coutume  de  passer  sur  les  terrasses,  à  la  belle 
étoile.  Il  faut  espérer  qu'une  sérieuse  élude  des  conditions 
géographico-pathologiques  de  nos  possessions  algériennes 
prouvera  bientôt  d'une  manière  irréfragable  que  les  climats 

(t)  t.  LVI  dn  Mcmoktt  d*  JfcV.  r/  rfe  Ckèr.  mUitmim. 


—  523  — 

les  plus  favorables  aux  personnes  alleintes  d'affectious  chroni- 
ques des  organes  respiratoires  sont,  non  pas  d'une  manière 
absolue  les  pays  chauds,  mais  bien  les  localités  dont  la  tem- 
pérature constante,  la  plus  égale  possible,  jette  le  moins  de  pro^ 
fonds  troubles  dans  les  fonctions  de  la  peau.  —  La  phthisio 
(meiMrdh  ti(Aa/',maladiederaffaiblissement)  s*observe  également 
chez  les  Arabes.  Si  elle  paraît  presqu'inconnue  au  Darfour  (1  ], 
elle  se  trouve  au  nombre  des  maladies  qui  régnent  à  Tunis  (2). 
En  4831  (3),  le  docteur  Clot-Bey  fleiisait  remarquer  qu'ea 
Egypte  on  observe  rarement  la  pleurésie,  la  pneumonie,  en 
ccnséquence,  presque  pas  de  phthisiques  ;  mais  le  docteur  Ha- 
mont  déclare  au  contraire  (4)  «  queles  maladies  tuberculeuses 

sont  communes  en  Egypte  sur  les  hommes  et  les  animaux 

Pour  Fespèce  humaine,  on  rencontre  généralement  la  phthisie 
chez  les  habitants  pauvres,  mal  nourris  et  vivant  d'un  travail 
forcé  dans  des  maisons  basses  et  humides....  Les  étrangers  qui 
arrivent  des  pays  septentrionaux,  en  Egypte,  sont  rarement 
affectés  de  phthisie  pulmonaire,  tandis  que  les  hommes  qui 
viennent  des  contrées  méridionales,  y  sont  très  exposés.  »  On 
a  cependant  remarqué  que  durant  Texpédition  d'Egypte,  pas 
un  seul  militaire  français  ne  succomba  à  la  phthisie  pulmo- 
naire (6).  D  après  M.  Lautour,  médecin  sanitaire  à  Damas,  la 
maladie  la  plus  fréquente  de  l'espèce  bovine  est  la  phthisie 
pulmonaire;  sur  cent  bœufs  ou  vaches  malades,  on  peut  en 
compter  au  moins  75  attaqués  de  cette  terrible  affection  (6). 
La  phthisie  est  assez  répandue  aux  Antilles  et  sous  Péquateur, 
où  elle  affecte  un  caractère  très  aigu,  et  très  promptement 

(i)  F'ajrag»  auDm/ouTt  trad.  par  le  D'  Perron»  p.  >t8. 

(a)  M  Parmi  les  afTectionf  qui  te  remarquent  à  TanU,  on  cite  la  phthisie  el  rhémoptinc  » 
(D'  Brandin,  da  Ho/eiMif  tit  Tunis  dans  tu  r^porU  •McVÂtgérir,  i85o). 

(3)  Compit^nJu  d»  l'écott  d'jHou-ZûM.    • 

(4)  L'Egxpu  tous  MftAéBut'jéH,  1. 1,  p  49>-  —  >843. 

(5)  Société ds  Mttd.  prat.  dm  Pmrit,  séance  da  a  arril  ii3S. 
(H)   Retued'a-ient,  t,  IV,  p.  39. 


—  524  — 

mortel  (1).  A  Conslanline,  le  docteur  Deleau  (2)  a  constaté 
plusieurs  cas  dephthisiechez  desfeDimes  arabes;  il  lesattribue 
auyice  scrofuleux,  aux  gestations  prématurées,  aux  variations 
brusques  de  température.  Dans  les  poumons  de  plusieurs 
arabes  et  dans  ceux  de  deux  nègres,  M.  Ferrus  a  trouvé  des 
cavernes  et  de  nombreux  tubercules  (3).  D'après  le  docteur 
Catteloup  (i),  «  l'état  graisseux  du  foie  est  fréquent  en  Algérie, 
tandis  que  la  phthisie  pulmonaire  y  est  excessivement  rare, 
même  dans  la  province  d'Oran,  où  lesphlegmasies  du  poumon 
s'observent  souvent  pendant  Tbiver.  »  Le  docteur  Grellois  n'a 
observé  aucun  cas  de  phthisie  chez  les  Arabes  du  cercle  de 
Ghelma  et  d'Hammam-Meskoutine. 

La  race  Nègre  succombe  très  facilement  à  la  phthisie  en 
Algérie;  et  àBiskra,  oii  les  Nègres  sont  assez  nombreux,  jeles 
ai  bien  rarement  vus  atteints  de  fièvre  intermittente,  quoiqu'ils 
habitent  sous  la  tente  ou  dans  de  mauvais  gourbis  en  palmes, 
dans  des  jardins  humides  ;  ce  qui  serait  du  reste  d'accord  avec 
cette  remarque  de  M.  Boudin  :  «  La  race  nègre  montre  très  peu 
d'impressionnabilité  pathologique  pour  la  cause  productrice 
des  maladies  de  marais  (5).  »  —  En  1836,  l'Académie  de 
Médecine  de  Paris,  saisie  de  la  question  de  la  phthisie  à  propos 
de  la  demande  du  D^  Costallat  de  fonder  à  Alger  un  établisse- 
ment  pour  les  phthisiques,  se  livra  à  une  discussion  qui,  faute 
d'éléments  statistiques  suffisants,  se  termina  par  ce  vote  :  4'1\ 
est  douteux  que  le  climat  d'Alger  puisse  favoriser  la  guérison 
delà  phthisie.» — En  1843,  le  docteur  Casimir  Broussais 
exposait  devant  cette  même  assemblée  qu'en  Algérie,  l'armée 
compte  un  phthisiquc  sur  cent  deux  morts;  et  à  Paris,  un  sur 

(i)  Foitoac,  De  rhtfluenc*  dut  cltmmlt  sur  rkamme,  p.  199. 
(a)  LU  vol.  des  JUe'm.  de  Méd.  et  de  C/tir.  miUluiret. 
(3)  Sëunre  du  6  août  i844  «le  Wicad,  de  Méd.  de  Paris. 
l'4)  P.  219  du  t.  LVIII  des  Mem.  de  mcd.  et  deehir.  militaiits. 
(5)  Htnde  dr  génlu^W  médirah,  «845»  p-  ^'o. 


—  525  — 

cinq.  Les  seuls  docuoients  que  j'aie  pu  récolter  sur  la  phthisie 
chez  les  Arabes,  se  rapportent  aux  décès  de  la  ville  d'Alger  : 
ils  montrent 

Qa'en  i83t»  «or  S71  décès  diei  1«> MaralmaiM,  il  y  a  ca  i3  phthtn^iMt. 

—  1839,  swStS  —  17         .^  < 

—  i84o,  Mir857  —  i4         — 

—  i84i*  tur  ^t  —  M         — 

—  184&,  nu'44a  détiètparairections  palmoiudres      4a  — 

—  i849>  tnr    ?  —  36         — 

Ces  chiffres  indiquent  suffisamment  que  la  race  arabe  est 
sujette  à  la  phthisie,  maladie  du  reste  observée  et  signalée  sur 
différents  points  habités  par  les  Indigènes,  dans  les  cercles  de 
Blidah,  Hilianah,  Dellys,  Tenez,  Oran,  Sidi-bèl-Abbès, 
Mostaghanem,  Ammi-Mouçâ,  etc.  Les  citadins  des  villes  mau- 
resques attribuent  cette  maladie  à  Teau  fraîche  et  crue  des 
citernes  et  la  croient  susceptible  d'être  transmise  par  conta- 
gion. —  On  pourrait  se  demander  si  les  Arabes  des  tribus,  des 
plaines,  des  vallées  humides,  ne  trouvent  point  une  certaine 
immunité  à  fa  phthisie  plus  rare  chez  eux,  dans  la  fréquence 
des  affections  épidémiques  de  la  peau  (variole,  rougeole,  etc.). 
Chez  eux,  la  syphilis  ne  serait-elle  pas  au  contraire  un  élément 
provocateur,  cause  particulière  admise  par  M.  Gamberini  (4)  ? 
En  tout  cas,  la  grande  mortalité  qui  sévit  sur  les  enfants 
Indigènes,  don^t  la  faible  organisation  ne  saurait  lutter  avec 
succès  contre  tant  de  causes  de  maladies  et  de  privations,  doit 
rendre  l'hérédité  de  la  phthisie  fort  difficile.  —  Des  points  de 
feu  sur  le  thorax;  des  applications  réitérées  de  racine  fraîche 
debounefa;àe%  bains  maures;  l'exposition  aux  vapeurs 
résineuses  (goudron,  pistachier-lentisque)  ;  divers  emplâtres 
irritants;  dans  le  Sahara,  bains  de  sable  chaud  ;  constituent 
à  peu  près  toute  la  médication  arabe  contre  la  phthisie  et  les 
affections  graves  de  la  poitrine. 


(t)  fini,  mtdir.  Ht  l'nrit,  juin  i853. 


-  326  — 


Les  maladies  du  cœur  (oudjà  lyalb]  sont  assee  rares  dth 
un  peuple  doat  le  système  nervoux,  p«u  excitable  (1),  trou* 
si  peu  4e  stiftiulaiions  rnoralcs  et  sociales.  D'après  Sirfi  Tmtlii 
k^s  palpitations  [khafaqan]  viennent  de  ce  que  la  Tatigue  d 
corps  gagne  le  jeu  du  cœur;  aussi  quand  un  individu,  «tjjel 
cette  maladie,  vient  de  faire  une  courge  ou  dee  nfiouvements 
violents  et  quelque  peu  prolongés,  il  doit  immédiatement  se 
bien  couvrir,  rester  en  repos  et  déterminer  une  abondante^ 
transpiration;  alors  seulement  les  palpitations  et  la  dvspoé^l 
disparaîtront*  Les  Arabes  conseillent  encore  de  manger  du 
foie  de  saffata  (?)  pilé  avec  ànjeham  (î);  ou  bien  de  Wire  un^ 
décoclion  composée  de  trois  onces  d«  besbas  (fenouil)  etd*ian^ 
drachme  de  kelba  (fenugrec). 

Celui  qui  éprouve  un  malaise  douloureux  dans  la  régioi 
pr<Bcordiale,  la  frictionnera  avec  du  miel  auquel  on  a  încoi 
pore  des  poudres  de  cembel  [jonc  odorant),  de  canelli 
{qarfa),  de  lebane  (?),  *^t  du  meiisteqa  (suc  de  lentisque). 


Contre  l'inappétence,  les  remèdes  ne  manquent  pas>  Ofl 

jnseille  principalement  d#  manger  avant  le  repas  une  cui^ 

Icréc  de  raiel  contenant  une  pincée  de  sanaudj  (anis  noîr),oa 

[Uu  quemmoune  akhhal  (nigella  saliva);  —  de  mâcher  les 

feuilles  ou  le  jeune  fruit  du  souaq-beiel  (espèce  de  poivrier), 

Jjdont  les  propriétés  toniques  et  stimulantes  sont  unanimement 

reconnues  chez  les  Arabes; — défaire  bouillir  du  harm^i(tnt) 

[avec de  l'huile,  dans  une  marmite  toute  neuve;  pendant  l*é- 

t»ul|ition,  ajouter  de  la   farine  d'orge  jusqu'à  coosisiance 

(i)  J'iuî»tv  pBoore  ki  tur  oelt»  luitur*  {Mirticoliérc  du  syitàinv  ucjrraoa  de   TArab»,  p'V*" 
P  que  rvtle  ({oektiou  «tt  fort  ttfiporUutrf  au  poiai  d«   tuf*  «nrtoul  dr  l'^tjologin  «t   é»  i/iiu 

[•^'i  ««fie  qq»  ïeik  itlténét  oppotcal  pcatUnt    ionftem|ii  4  racUon  de  toutei  !«&  c«tta««  »«llk* 
loKii:|t,e«  îfitiiienlif  >  ticiu  Ici  deux  eti,  U  màrtlie  <Im  luoliiil»  til  filu»  leetr,  loudifUM- 


—  527  — 

pâteuse;  alors,  retirer  du  feu,  ajouter  un  pend^buile:  boire  de 
ce  liquide  onctueux  chaque  matin,  avant  le  repas;  —  de  |>iler 
ensemble  trois  onces  de  besbas  (fenouil),  quatre  onces  de 
habbet  hhalaoua  (anis  vert] ,  demi-once  de  eembel  (andropogon 
iMirdus),  une  once  de  me/A*  (sel  commun);  incorporer  le  tout 
a  du  miel  et  en  manger  un  peu  tous  les  matins,  pendant  trois 
jours  ;  —  de  mâcher  de  la  résine  du  cedrus  atlanticus  [arx). 

La  gastralgie  se  guérit  en  mangeant  du  miel  mêlé  avec  de  la 
poudre  de  cktnedegowra  (teucrium  iva).  Si  la  gastralgie  est 
compliquée  d'étouffements  {ghewmna),  incinérez  du  chebet 
(fenouil  puant),  du  chenedegaura,  de  Vaklil  (romarin)  bien 
sec,  du  bois  et  de  la  feuille  de  ghaghat  (7);  mélangez  intime- 
ment  toutes  ces  cendres,  ajoutez-y  de  l'eau  de  fleurs  d'oranger 
(ma  zahar)y  filtrez  et  buvez-en  chaque  matin. 

Leià  gastrites  aiguës  se  remarquent  fréquemment  pendant 
ou  sitôt  après  le  Ramadhan  (mois  du  jeûne),  tant  à  cause  de 
Tabstinence  forcée  pendant  tout  le  jour,  que  des  excès  de  toute 
nature  qui  lui  succèdent  la  nuit,  surtout  si  ce  carême  particu- 
lier coïncide  avec  les  fortes  chaleurs  de  l'été.  Les  Arabes  pren- 
nent des  bains  maures,  boivent  de  la  décoction  de  fenouil, 
mangent  des  tchina  (oranges),  ou  appliquent  sur  Tépigastre 
des  racines  bien  fraîches  d^  bou-nefa.  D'autres  avalent,  matin 
et  soir^  une  pincée  de  kerouyak  (carvi),  ou  quelques  gorgées 
d'eau  dans  laquelle  on  a  jeté  des  fleurs  de  xdter  (thym)  bien 
fraîches  et  bien  pilées. 

Toute  aSection  de  l'estomac  s'appelle  dd  Imdda  (mal  de 
l'estomac)  :  les  affections  du  bas-ventre,  hella,  -^  La  consti- 
pation [qabd  el  bethen,  bouchementdu  ventre)  doit  céder  à 
l'usage  des  fruits,  figues,  pastèques,  oranges,  grenades,  etc.; 
dans  les  villes,  les  Maures  connaissent  la  poulga  (la  purge), 
nous  avons  vu  à  la  fin  du  premier  livre  que  les  Musulmans 
ont  les  lavements  (throumba)  en  horreur. 


—  528  — 

On  traite  les  coliques  (meghis)  en  mangeant  des  feuilles  de 
moudjir  (mauve),  ou  de  la  racine  de  borostrum,  ou  do  miel 
très  frais  bouilli  avec  de  Técorce  de  irundj  (cédrat)  sec,  jusqu'à 
consistance  de  colle.  On  conseille  également  de  boire  une 
décoction  composée  de  persil  (madenotu),  de  beurre  ranœ 
{gmen  qououi),  de  meusteqa  (suc  de  lentisque),  d'écorce  de 
grenade  et  de  lait  (hhalib). 

Les  hernies  se  distinguent  en  inguinales  (beu^j)  et  en  scro- 
taies  [fteuq).  M.  Daremberg  considérant  que  les  ouvragées  des 
médecins  Arabes  parlent  les  premiers  du  bandage  herniaire 
inguinal,  pense  qu'ils  en  sont  inventeurs.  —  Le  D'.Gabasse  (4) 
cit0  un  marabout  atteint  d'une  hernie  inguinale  et  qui  lui 
montra  un  bandage  grossièrement  fait.  Quelques  Maures,  dans 
les  villes,  connaissent  les  bandages  et  les  appellent  ftikejsrome  el 
beuiHj.  En  général,  à  l'exemple  d^Àvicenne,  les  toubibes 
attaquent  les  déplacements  intestinaux  avec  le  cautère  actuel. 

L'inertie  intestinale,  favorisée  par  une  alimentation  presque 
toujours  farineuse,  la  vie  sédentaire  et  l'humidité,  détermine 
beaucoup  de  gaz  abdominaux  ;  outre  la  décoction  d'anis  noir 
{ianoudj)y  les  Indigènes  emploient  de  la  même  façon  la  racine 
de  Taristolochia  rotunda  [zraounde  mouhahardj).  Quand  la 
pneumatose  s'accompagne  d'empâtement  douloureux  de 
l'abdomen,  ils  mahgent  du  miel  dans  lequel  on  a  pilé  de  l'anis 
noir,  el  boivent  du  suc  de  céleri  [krafetiSi);  ou  bien,  ils  se 
nourrissent  exclusivement  de  glands  (bellouth)  cuits.  On 
applique  également  sur  l'abdomen  un  cataplasme  composé  de 
tranches  de  coing  [sferdjet]  cru. 

Quelles  que  soient  les  causes  de  la  diarrhée  [djerian  el 
beihen^  écoulement  du  ventre)  on  fait  prendre  une  décoction 
d'orge  et  de  racines  de  qaroub  (caroubier)   bien  pilées. 

(i)  Pûg»!  86  (l«  sa  Brhn'on  mcdif-thinirgUnU  de  In  eaptHtt  dtt  pritomdtrt  frmnrmh  tJkes  U$ 


—  529  — 

D'autres  mangent  de  la  poudre  de  tertxous  (orobancha  mau- 
ritanica) ,  ou  des  bulbes  desséchés  de  dénouas  (phœlipœa 
lutœa),  soit  encore  une  poudre  composée  de  poivre  et  de  clous 
de  girofle.  Quelques  remèdes  égaleuient  vantés  sont  :  une 
décoction  concentrée  de  datura  stramonium  (7),  —  mâcher 
des  feuilles  de  souaq-beUl  (espèce  de  poivrier).  Les  Nègres  se 
guérissent  avec  du  irotma  (carbonate  de  soude)  à  l'intérieur. 
Si  la  diarrhée  provient  d'une  indigestion  prise  à  une  peau  de 
bouc  échauffée  par  le  voyage  et  au  contenu'  de  laquelle  on 
n*aura  point  préalablement  fait  prendre  l'air,  le  malade 
avalera  une  légère  décoction  de  henna. 

Excès  dans  l'alimentation  dès  que  l'occasion  s'en  présente, 
abus  de  fruits  peu  murs,  eaux  saumâtres  pour  boisson,  fré- 
quentes variations  de  température  et  chaleurs  intenses,  telles 
sont  les  principales  causes  de  la  dysenterie  [djerian  ed  demm 
écoulement  de  sang)  qui  s'observe  parfois  à  l'état  épidémique 
(ainsi  dans  le  Zab,  à  Nemours  en  mai  1850,  aux  environs  de 
Djdjelli  en  juillet  4849,  etc.).  11  est  à  noter  que  les  Arabes  se 
plaignent  peu  de  ténesme  et  que  les  selles  paraissent  plutôt 
complètement  sanguinolentes  que  puriformes.  Ils  ont  peu  de 
remèdes  pour  se  débarrasser  d'une  aussi  terrible  affection  : 
décoctions  miellées  de  marjolaine  (meurdqouch),  de  thym,  de 
racines  de  myrte  (a^],  etc.  Les  Indigènes  du  cercle  de  Lacalle 
se  guérissent,  dit-on,  en  prenant  pour  toute  nourriture  une 
grande  quantité  de  fèves  de  marais  réduites  en  purée. 

La  fièvre  typhoïde  (AAeumma  mkhareuga,  fièvre  brûlante), 
complication  fréquente  des  dysenteries  et  des  fièvres  inter- 
mittentes, a  régné  épidémiquement  en  septembre  1848  dans 
le  cercle  d'Aumale,  en  septembre  1850  dans  le  cercle  de 
Hilianah,  surtout  chez  les  Shabias,  les  Béni-Hamed  et  les 
Fghalias;  dans  cette  dernière  épidémie,  sur  plus  de  300 
individus  atteints,  on  compta  154  décès  en  moins  de  huit 
jours  (0'  Courboulis).   Les  pointes  de  feu  sur  différentes 


—  53«  — 


régions  de  l'abdomen,  quelques-uns  des  remèdes  précûnisi 
ci-dessus  dans  la  diarrhée,  conslituent  les  seules  resso! 
thérapeutiques  des  Arabes, 

i'hydropisie  générale  se  dit  eusieqa  (imbibilion)  et  neu^ 
SI  elle  est  partielln,  L'hydropérilonie   {eusieqa  fil  bethe 
paraît  commune  dans  les  villes,  à  Consiantinc  notainmenr  L 
Indigènes    ignorent    la    ponction.    €    D*après    Bon-Sin 
[Ancenne),  pour  guérir  l'hydropisie,  on  prend  douze  saute- 
relles, on  leur  enlève  la  lète  et  les  jambes;  on  les  assaîsooni 
avec  un  peu  d'à*  sec;  on  les  fait  bouillir  et  on  en  boit 
décoction  (I).  )>  Dans  le  Sahara,  le  lait  de  chamelle  [nag 
jouit  de  la  réputation  d'être  bien  efficace  contre  toute  espèce 
dTiydropisie.  Les  Arabes  sont  du  reste  peu  avancés  dans  le 
traitement  de  cette  affection  ;  un  de  leurs  moyens  les  plui 
usuels  consiste  à  maintenir  contre  le  feu,  pendant  trots 'ym 
une  feuille  de  cuivre  rouge,  de  manière  à  Tavoir  la  pt 
chaude  possible;  alors  on  k  jette  dans  de  Veau  que  Ton  ex 
ensuite  au  soleil  ;  puis  on  s'ablutionne  le  corps  entier  plusieui 
fois  par  jour  avec  ce  liquide,  et  le  reste  en  sera  jeté....  à 
cimetière..*. 

Lafréquence  des  hémorrhoïdes(//owa^jîfMr/lient  sansauctji 
doute  aux dérangemens  apportés  parla  nourriture  et  rhuroi 
dite  dans  les  mœurs  intestinales.  Les  Arabes  ne  les  respecte! 
jamais,  et  se  hâtent  de  les  faire  disparaître;  pour  ce»  ils  reco 
vrent  les  tumeurs  avec  un  morceau  de  viande  de  ganefo 
^hérisson)  brûlé  sur  des  charbons  ardents  ;  —  ils  se  frolle 
aussi  la  tête  et  les  hémonhoides  pendant  trois  jours  au  moy 
d'huile  très  vieille  bouillie  avec  de  la  graisse  dliérisson  ;  CH\ 
composition  ne  doit  être  employée  que  tiède.  D'après  la  d 
nomination  doud  bouasseur  (c'est-à-dire,  ver  de  rhémoi 
rhoïde)  qu'ils  donnent  au  tœnia,  les  Arabes  paraissent  êl 


I 


-  53i  — 

domplèteroent  dans  Terreur  quant  au  mécaBÎ&me  de  la  forma- 
tion et  de  la  nature  de  ces  tumeurs  anales. 
^  L'affection  de  la  muqueuse  anale,  consistant  en  une  irrita- 
tion toujours  douloureuse,  accompagnée  parfois  d'ulcérations, 
de  vésicules,  maladie  communément  désignée  sous  le  nom  de 
cristalline,  est  d'autant  mieux  connue  des  Arabes  que  la  fré- 
quence de  la  pédérastie  en  fournit  d'assez  nombreux  exemples 
chez  eux  (les  prostituées  surtout).  Ils  l'appellent  bo%irqr%g  (le 
mal  du  trou),  et  ne  lui  opposent  aucun  traitement. 

Les  affections  vermineuses  seprésentent  assez  souvent  anssi. 
Sur  quinze  cas  de  tœnia  observés  en  Afrique,  de  1843  à 
1 847  (1  ),  on  compte  sept  Arabes  et  un  prisonnier  de  la  Smala, 
à  Alger.  En  Abyssinie  (2);  les  vers  intestinaux  sont  très  com- 
muns chez 'les  Chrétiens,  tandis  que  chez  les  naturels  du  pays, 
auxquels  les  viandes  non  cuites  sont  défendues  par  la  religion, 
s'en  trouvent  rarement  atteints.  «  On  rencontre  souvent,  dit 
le  D' Hamont  (3),  dans  les  cadavres  des  Egyptiens  malheu- 
reux, jeunes  ou  vieux,  des  masses  de  vers  lombricoides.  » 
Seraitnce  l'action  combinée  d'une  haute  température,  de  l'hu- 
midité (4]  et  d'une  alimentation  farineuse  et  lactée,  qui  déve- 
lopperait cette  affection  chez  les  Indigènes  de  l'Algérie  î  Les 
fièvres  intermittentes  et  lesaffections  intestinales,  si  nombreuses 
chez  eux,  joueraient-elles  ici  un  rôle  important  ?  «  Il  paraît, 
d'après  M.  de  Blainville  (5),  que  le  tœnia  ne.peut  rester  dans 
le  canal  intestinal  des  personnes  affectées  de  fièvre  intermit- 
tente, et  que  les  ascarides  lombricoides  sortent  de  celui  des 
enfants  atteints  de  fièvre  intermittente  ou  plutôt  encore  de 

(i)  MA»éin$  é0  mid.  #f  et  chir.  mititmins,  i848  :  Mofet  nr  t'tniémicitééi  tmUmw  Jfriqw, 
par  le  IK  Boadia. 
(a)  JtfTM  9H9utmh»  t.  II,  iS5a,  p.  aSr. 

(3)  VBgyptt  sous  Mel^mêt-Âtt,  t.  I.  p.  5o5. 

(4)  On  «ait  que  Im  moatona  i|ai  paincat  dana  1«  plaines  marécagtnaaa  «ont  av^ata  aux 
doavaa  do  foie. 

(5)  ffot0$  MU  Irmitf  it  Bnmttr  sur  hi  «vn  inMtinmiM,  p.  S36. 


-  532  — 


lus,  ce  qui  a  porlé  r|ijdqiiefois  ii  penser  que  c'éiaienl 
vers  qui  avaieiU  occasionoé  ces  maladies,  »  Voici  les  vemè 
usilés  chez  nos  Intligènes  :  prendre  un  melon  {feuggouts} 
vert,  c'est-à-dire  non  encore  arrivé  à  raatnrilé,  le  laisser  lou 
une  nuit  flans  l'eau,  boire  cette  eau  le  lendemain  ;  le  raalade 
ne  tardera  pas  à  éprouver  des  mouvemens  assez  vifs  dans  Tab* 
doracn,  ei  les  vers  sorliront  bientôt  après.  Quand  les  matières 
fécales  sont  remplies  de  petits  vers,  il  faut  piler  ensemble  du 
djada  ("poiiHol)  et  du  chenedegourat  et  en  manger  ;  on  peut 
cgalemenl  mélanger  ces  deux  substances  avec  de  la  farine 
d'orge,  délayer  le  loul  dans  une  (pianUté  sulTisanted^eau,  et 
en  boire  souvent. 


I 


Noos  avons  déjà  vu  que  les  affections  du  foie  et  de  la  ra 
surviennent  assez  souvent  chez  les  Arabes  à  la  suite  de  nom-] 
brcux  accès  de  névropathies  interni  iLtentesXes  organes  offrent 
aussi  des  maladies  spontanées,  sous  rinfluence  surtout  de  I& 
forme  bilieuse  du  tempérament  et  des  conditions  climatéri- 
ques.  Les  fatigues,  cliez  les  Indigènes,  que  les  nécessités  du 
commerce  obligent  à  parcourir  de  grandes  distances,  la  difiî» 
culte  de  trouver  des  s  talions  de  repos  durant  les  voyages,  laJ 
constipation  assez  habituelle,  les  changements  brusquer  de 
température,  déterminent  facilement  les  hépatites  aiguës  ou  1 
clïroniques,  les  abcès  du  foie.  Moyens  curatifs  :  pointes  ele  feu 
dans  rh)  pocliondre  droit,  cataplasmes  de  bouse  de  vache  pour 
calmer  les  douleurs,  etc.  Les  diverses  affections  du  foie  sont] 
confondues  sous  le  nom  de  tneukboud,  dàtcl  kebda, 

La  jaunisse  (iou-5/far,  le  mal  jaune)  aurait,  pour  quelques  j 
tonbibes,  sa  source  entre  lo  pouce  et  rindicaleur;  aussi,  pour  i 
la  guérir,  appliquent-ils  le  feu  en  cet  endroit.  Le  traitement 
est  complété  par  des  saignées  locales,  des  scarifications,  aux 
jambes.  D'autres  conseillent  de  manger  tous  les  matins»  pcn-j 


—  533  — 

dant  quatre  à  cinq  jours,  un  peu  d'un  rnélange  coni)x)sé  de 
graines  de  semsem  (sésame),  de  clous  de  girofle  {ras  khotm- 
fel),  de  klef  (?),  de  nokha  (?),  de  zeurniq  (arsenic),  de 
celq  (bette),  le  tout  pilé  ensemble  et  incorporé  dans  du  miel. 
On  peut  aussi  faire  bouillir  les  deux  tiers  de  Técorce  d'une 
grenade,  et  laisser  ensuite  infuser  dans  cette  décoction  l'autre 
tiers;  puis  on  boira  le  liquide.  —  Manger,  le  matin  à  jeun, 
de  Taîl  débarrassé  de  ses  pelures  extérieures  et  briilé  sous  la 
cendre.  —  Boire,  en  entrant  dans  le  bain,  de  Teau  dans  la- 
quelle on  a  broyé  du  feijel  (raifort)  privé  de  toutes  ses  feuilles. 

—  Manger,  le  matin,  des  petits  pois  noirs  (hamoiM  asoued). 

—  Il  est  des  toubibes  qui  ne  voient  dans  Tictère  qu'une  affec- 
tion pure  et  simple  de  la  peau  ;  ceux-là  conseillent  les  médi- 
cations suivantes  :  Faire  bouillir,  dans  une  marmite  neuve  et 
bien  close,  du  harmel  (rue)  avec  de  Thuile,  jusqu'à  réduction 
sirupeuse  ;  en  boire  pendant  trois  jours,  et  s'en  frotter  en 
même  temps  toute  la  surface  du  corps. —  Se  frictionner  entiè- 
rement avec  un  mélange  de  goudron,  d'huile,  et  une  égale 
quantité  de  cendres  do  poils  de  chèvre,  de  cendres  d'un  mor- 
ceau de  musette  dans  laquelle  mangent  les  chevaux,  de  cendres 
de  cuir  de  vieux  souliers,  toutes  ces  substances  brûlées  d'abord 
séparément.  Frictions  générales  avec  de  la  bile  de  jeune  mou- 
ton, et,  dans  la  nuit  du  samedi  (1),  avec  un  mélange  obtenu 
comme  il  suit  :  Bien  piler  ensemble  du  zenejar  (vert-de^ris), 
du  poivre,  du  hhabb  reyckdd  (cresson  des  jardins),  du  tartar 
(tartre);  ajouter  ensuite  du  soufre  (kebrit)  et  du  quemamine 
(involucre  des  fleurs  de  palmier);  mêler  le  tout  avec  du  gou- 
dron, de  l'huile  et  du  beurre  de  vache.— Dans  le  Sahara,  quand 
la  bile  tourmente  un  individu,  quand  une  lésion  du  foieparait 
évidente,  on  lui  fait  boire  de  la  graisse  d'autruche  liquéfiée  et 
salée.  L'effet  purgatif,  très  violent,  dit-on,  serait  on  ne  peut 

(i)  1.9  samedi,  Ivji>adi«t  Ir  lundi  tout  coinidérés  par  les  Arabes  comme  jonn  hctureiu. 


—  534  — 

plus  salutaire.  En  général,  tout  Arabe  qui  se  sent  du  mal  dans 
la  région  hépatique  ou  qui  a  la  bouche  amère,  bilieuse, 
commence  par  avaler  delà  graine  bien  pilée  de  hhabb  reychâd 
et  du  rehhane  (basilic)  ;  il  aura  soin  de  s'abstenir  de  choses 
saléas,  et  mangera  de  préférence  des  mets  accommodés  a 
l'huile.  Quand  Taifection  du  foie  est  compliquée  d'un  point 
pleurétique,  il  faut  prendre  du  goneteuss  (pyrêtre)  et  du 
eoucète  (salvia  sylvestris^,  piler  ces  substances»  puis  les 
mêler  aux  aliments;  il  est  encore  expressément  recommaDde 
de  ne  rien  manger  de  salé. 

Les  maladies  de  la  rate  [oudjà  iehhat)  sont  peu  connues 
des  Arabes,  qui  se  bornent  à  manger  du  safran,  et  préconisent 
beaucoup  la  rate  de  hérisson  bien  salée  comme  aliment  ;  ou 
bien  boivent  uniquement  de  Teau  dans  laquelle  a  séjourné 
trois  jours  du  bois  de  tamarin  {tarfa),  et  ne  mangent  que 
de  Tail  et  du  miel  piles  ensemble.  L'engorgement  du  foie  et 
de  la  rate,  surtout  chez  les  enfants,  se  guérit  en  mangeant  des 
pommes  {tefah*)  broyées  a\'ec  du  miel  ;  on  prend  pour  boisson 
une  décoction  de  lait  aigre  (leben),  de  lait  doux  (hhalib),  de 
lait  de  chèvre  {maza)  et  de  beurre  de  vache. 


D'autant  plus  intéressantes  à  étudier  chez  la  population 
musulmane  qu'elle  se  trouve,  de  par  les  lois  et  de  par  les  cou- 
tumes, soumise  à  des  influences  particulières  (circoncision» 
polygamie,  etc.)  dont  il  importe  d'examiner  le  degré  de  nocuité 
et  d'apprécier  l'influence  au  point  de  vue  des  conséquences 
pathologiques,  les  maladies  des  organes  génito-urinaires 
reconnaissent  pour  causes  principales,  chez  les  Arabes»  la 
malpropreté  chez  les  femmes  surtout,  le  dérèglement  des 
mœurs,  l'incurie  générale  pour  tout  accident  vénérien  dès 
son  début,  etc. 


—  535  - 

Le$  reins  (keloua)  qui  Rormalemeni  fonctionnent  peu  dans 
les  pays  chauds,  offrent  cependant  des  altérations  pathologi- 
ques que  l'ignorance  des  taubibes  ne  leur  permet  ni  de  recon- 
naître ni  de  différencier. — Dans  les  affections  de  la  vessie,  on 
retrouve  Tinfluence  d*une  vie  trop  sédentaire  et  de  Fabus  des 
jouissance  vénériennes.  La  cystite,  dont  la  cause  la  plus 
commune  est  Tabus  des  cantbarides  {debbaiMt  el  hindd^ 
mouche  de  l'Inde)  et  autres  préparations  aphrodisiaque;»,  n'a 
guère  de  traitement  particulier  :  on  se  borne  à  boire  pendant 
trois  jours  une  forte  décoction  de  hhabb  reychdd  (cresson  des 
jardins).  Pour  guérir  la  rétention  d'urine  (toa^^a/e/éou/,  bou- 
chôment  de  l'urine),  on  prend  à  tiire  de  nourriture  e^iclusivoi 
pendant  trois  jours,  du  pain  composé  de  farine  ordinaire, 
d'huile  et  d*ail  ;  ou  bien  l'on  mange  de  la  farine  d'orge  mêlée 
à  du  sang  d'aigle  (nser)  ;  ou  l'on  se  nourrit  de  miel  auquel  a 
été  incorporée  de  ja  cendre  de  peuplier  (safsaf).  Dans  le 
désert,  les  Indigènes  font  des  frictions  sur  Thypogastre  avçc 
des  sauterelles  salées  et  bien  bouillies.  —  L'incontinence 
d'urine,  commune  chez  les  jeunes  enfants,  se  dissipe  par 
l'usage  d'une  boisson  composée  d'eau  dans  laquelle  a 
séjourné  du  fumier  de  lièvre  {eumeb)  ;  on  recommande 
aussi,  comme  tisane,  de  l'eau  chargée  de  poudre  de  viande 
pilée  d'une  épaule  de  bouc  {tkis)  grillée  sur  le  feu.  Quand  un 
enfant  a  la  mauvaise  habitude  de  pisser  au  lit,  on  lui  fait 
manger  une  mamelle  {drah)  de  brebis  {nàdja)  cuite  avec  de 
la  rue  puante.  La  mamelle  de  brebis  est  parfois  remplacée  par 
un  testicule  (bidha)  de  mouton  (kebek).  Il  suffit  également  de 
placer  dans  la  demeure  du  petit  malade  un  morceau  à^aghar 
(thuya  articulé),  pour  qu'il  se  lève  la  nuit  dès  que  le  besoin 
d'uriner  se  fera  sentir.... 

L'usage  habituel  d'eaux  malpropres,  chargées  de  matières 
terreuses,  le  mélange  constant  d'une  certaine  quantité  de 
poussière  de  gré  aux  farines  moulues  dans  les  tribus,  enfin 


_  536  — 

l*abus  des  plaisirs  vénériens,  expliquent  bien  comment  les 
calculs  {hdça,  pierre)  vésicaux  se  rencontrent  assez  souvent 
chez  les  Indigènes.  Dans  le  désert,  le  fait  est  plus  rare;  des 
Indigènes  m'ont  affirmé  devoir  l'attribuer  à  ralimentation  par 
les  datMs;  or,  remarquons  qu' Àvenzoar  recommandai!  à 
rintérieur  Thuile  de  dattes  pour  résoudre  les  engoi^ments 
consécutifs  à  la  présence  de  la  pierre  dans  la  vessie.  En  4843, 
le  D*^  Philippe  (1)  a  extrait  un  calcul  multiple,  pesant  cin- 
quante grammes,  du  prépuce  d'un  jeune  Arabe  de  sept  à  baii 
ans  ;  il  pense  que  le  phimosis  naturel  amenant  une  discor- 
dance entre  l'orifice  très  large  du  méat  urinaire  et  celui  très 
petit  du  prépuce,  aura  fait  séjourner  près  du  gland  l'urine 
dont  les  éléments  salins  se  seraient  accumulés,  dist^idant 
ainsi  peu  à  peu  leur  réservoir  artificiel.  —  Les  Indigènes 
emploient  contre  la  pierre  une  décoction  de  kegouga  (pied  de 
veau)  ;  et  mangent  du  miel  mélangé  de  fine  poudre  de  cassis 
{qaroub  el  qleb),  ou  bien  de  Tail  écrasé  dans  de  Thuile  et  du 
vinaigre  (2). 

L'bydrocèle  (devra)  qui  figure  au  nombre  des  maladies  les 


(  I  )  T.  LV  des  Mémoirts  de  méd.  «f  diirurg.  militaires. 

{%)  A  Tunis,  les  Ar«b«s  ignorent  1«  lithotritie,  mais  pratiquent,  dit-on,  U  \ 
«tux  de  l'Algérie  ne  connaissent  ni  l'une  ni  l'autre.  L'inrention  de  U  premiÀrtt  parait  c 
dont  remonter  À  Albucasist  puisqu'il  dit  {Lifre  de  théorie  et  de  jx^tique,  p.  ^)  t 

«  On  prend  un  instrument  appeK  moshabarebiUa,  on  l'introduit  doae«Be*t  daaa  1«  tctik, 
on  retourne  la  pierre  dans  le  milieu  de  la  TMsie,  et  ai  «lie  est  moU«,  «Ua  M  briaa  «t  sort  «n 
morceaux  ;  mais,  si  ePe  ne  sort  pas  à  l'aide  des  moyens  que  nous  avons  iadiqaés,  U  fa«t 
inciser  selon  les  règles  de  la  diirurgie.  » 

Ce  mémo  médecin  Irabe  s'exprime  encore  ainsi  à  propos  des  calculs  engagés  dam  l'urètre 
(2Vai7ecb  chirurgie  »  a*  partie,  chap.  LX)  : 

H  11  faut  prendre  un  instrument  perforant  en  acier,  triangulaire,  terminé  en  pointe,  et 
emmanché  dans  du  bois  ;  on  prend  ensuite  du  fil  arec  lequel  on  fait  uns  lignUuv  m  ifcssnoi 
du  calcul  pour  empêcher  qu'il  ne  rentre  dans  la  vessie.  On  introduit  ensuite  1«  1er  d«  fis», 
trnment  avec  précaution  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  la  pierre  :  on  fait  alors  momr^ù-  l'instroniait 
en  tournant  et  en  tâchant  de  percer  la  pierre  peu  à  peu.  jusqu'à  ce  q«|'on  l'ell  trnT^  de 
part  en  part.  Les  urines  s'échappent  aussitôt,  et  avec  la  main,  on  aide  U  sortie  de  ce  ^  reste 
de  la  pierre,  car  elle  est  brisée,  et  les  frsgments  s'écoulanl  par  les  urines,  l'organe  «on&ant 
est  soulagt^,  s'  1  pbtt  h  Dieu  !  » 


—  537  — 

pluscommunes  dans  les  payschaùds,  tiendrait-elle  aux  fatigues 
des  organes  génitaux  par  suite  d'excès  vénériens  ?  Aurait-elle 
une  cause  prédisposante  dans  le  peu  de  soutien  ordinaire  des 
testicules,  les  Indigènes  ne  portant  point  de  pantalons  pour  la 
plupart  ou  les  portant  tellement  larges  que  Porgaae  séminal 
n*èst  plus  maintenu  T  —  En  sept  ans,  dit  le  docteur  Clot-Bey 
(loco  citato),  plus  de  deux  cents  individus  hydrocélés  ont  été 
opérés  à  Thôpital  A'Abou-Zabel.  —  Volney  prétend  qu'éa 
Egypte  Tusage  de  Teau-de-vie  de  figues  détermine  6ette  aSec^ 
tion.  —  Ainsi  que  le  pratiquaient  les  anciens  médecins  Arabes 
{Avicenne), uos  Arabes recourentà  des  applications  astringentes 
(semences  grillées  de  staphysaigre,  xM  el  djebel,  raisins  secs 
de  la  montagnej,  à  des  embrocations  de  miel  broyé  avec  du 
cumin,  à  des  cataplasmes  de  bouse.de  vache,  ou  de  grains 
4'orge  rôtis  et  placés  brûlants  sur  la  tumeur. 

On  ne  saurait  trop  direcequi  contribue  le  plus  k  déterminer 
les  affections  utérines,  ou  de  la  précocité  du  mariage  et  la  po-» 
lygamie  et  ses  conséquences,  ou  de  l^gnorance  des  matrones 
dont  les  manœuvres  et  conseils  sont  aussi  aveugles  qu'impru- 
dents. La  leucorrhée,  si  fréquemment  amenée  par  les  déran- 
gemens  de  la  menstruation  et  le  peu  de  soins  avec  les  quels 
l'allaitement  est  arrêté,  doit  aussi  à  la  syphilis  une  bonne  part 
de  sa  ténacité  :  les  femmes  Arabes  n'y  font  du  reste  aucune 
attention.  Les  chutes  de  matrice  semblent  facilitées  par  de 
fréquens  avortemens  et  de  dangereuses  pratiques  d'accou-^ 
chement. 

Pour  avoir  leurs  règles  {haïda)^  les  femmes  indigènes  em- 
ploient mille  recettes,  quoiqu'on  général  elles  se  préoccupent 
d'un  retard,  bien  moins  pour  elles-mêmes,  que  pour  éviter  les 
querelles  et  les  mauvais  traitemens  des  maris  despotes  et  jaloux. 
Les  unes  jettent  sur  le  feu  du  nchader  (sel  ammoniac)  et  se 
placent  immédiatement  au-dessus  des  vapeurs;  d'autres  font 

34 


—  KW  — 


M'abord  les  ablutions  prescrites  par  la  loi,  et  immédtalemt 
[après  dirigent  vers  les parlies  génitales  la  fumée  de  tiombreus 
[touffes  deharmel  projetées  sur  des  cliarbons  ardents.  Celles 
[s'inlroduisenl  dans  le  vagin  (meusieja)  une  touffe  de  latl 
[non  lavée  et  saupoudrée  de  koheul  [sulfure  d'antimotne}< 

celles-là  écrivent  sur  quatre  à  cin(]  feuilles  de  safsaf  (sauU 
Lpcuplier)  le  nom  de  It^ur  père,  de  leur  mère  ei  le  leur  :  ce 
ifeuilles  sont  ensuite  placées  dans  un  étui  en  cuivre  près  d'ul 

bon  feu»  Desque  cetobjet  se  couvrira  de  gouttelellesde  vapeur 
ties  règles  commeuceront  à  couler  et  nes'arrêteront  quequand  oi 
I  éloignera  rétui  fin  fover  de  ciialeur...^  Quand  les  menslnies^ 
Iquoiqu  apparues  à  Tépoque  périodique,  coulent  lentement 
\  difficilement,  on  conseille  de  boire  unedécoction  de  qii4mmùune 
\akhhal  (nigellasativa). 

Malgré  les  ilisposilions  légales  qui  défendent  le  coit  pendaH 
I  la  période  menstruelle  ou  locliiale,  dans  le  but  sans  doute  dj 
iprévenir  les  hcoîorrhagies  utérines,  ces  dernières  sont  aus 
fréquentes  que  les  affections  du  sein  chez  les  femmes  qn 
^liourrissenl.  Pour  arrêter  la  perte  de  sang,  on  introduit  dan 
rie  vagin  un  mélange  de  vinaigre  et  de  zadj[\\iv'u)\)^  oa  demii 
I  que  Ton  a  broyé  avec  du  zadj  et  de  l'écorce  de  grenade. 

Pendant  les  grandes  clialeurs  surtout,  on  observe  chez  la 

f  iproslituées  les  abcès  des  grandes  lèvres.  Du  reste,  à  cet  éghv^ 

*  at  au  sujet  de  la  sypliilis,  nous  sommes  entrés  dans  le$  détail 

les  plus  complets  possibles,  page  il  6. 

Les  Arabes  rapportent  la  stérilité  (adtjuer)  k  rinfluenc 
I  divine»  sans  doute  à  cause  de  ces  paroles  du  Koran  : 

*i  IB  royaume  des  cieux  et  de  la  terre  appariieiU  h  DJeu,  Il  eréi 

ce  qu'il  veut«  il  accorde  aux  uns  Ces  fîUcs,  il  donne  aujc  autres  dei 

'  tnfans  miles,  à  d'autres  îl  accorde  des  enfantt  des  deux  sexe»» 

des  6ÎS  et  des  filles;  il  rend  stérile  aussi  celui  qu'il  veuL  « 

xxxxrt,  v.  A8et  400 


-  539  — 

Les  totébibes  disent  que  la  stérilité  chez  une  femme  qui  n'a 
pas  ses  règles,  tient  à  ce  que  la  matrice  (otAalda)  est  fermée 
{meflouta),ei  qu'il  n'existe  point  de  remédia  cet  état.  nÀhou 
dlemf  il  (Dieu)  le  sait,  »  c*est  leur  unique  réponse;  en  d'autres 
termes,  il  n'y  a  rien  à  faire.  —  Le  Prophète  a  dit  : 

«  Préférez  la  femme  à  peau  brune»  car  elle  est  féconde,  à  la 
femme  trop  blanche  qui  peut  être  stérile^  » 

Quand  après  avoir  eu  un  premier  enfant,  la  femme  reste 
longtemps  sans  concevoir  et  comme  frappée  de  stérilité,  elle 
doit  boire  de  l'urine  de  mouton,  et  de  l'eau  dans  laquelle  on  a 
laissé  macérer  du  cérumen  du  conduit  auditif  (loussaq 
oudnine)  et  de  la  crasse,  qui  se  trouvent  entre  les  oreilles,  d'un 
bouricot....  On  emploiera  aussi  trois  ou  quatre  tranches  de 
racine  de  bou-nefa  que  l'on  aura  fait  bouillir  jusqu'à  consis- 
tance convenable;  ce  remède,  pris  à  l'intérieur,  détermine  une 
purgation  efficace.  Voici  d'autres  remèdes,  dont  le  nombre 
n'étonnera  plus,  si  l'on  réfléchit  que  la  femme  stérile  est  mal 
vue  chez  les  Musulmans  et  que  cette  condition  devient  même 
un  cas  de  divorce  : 

Sentir  souvent  les  fleurs  blanches  dq  henna,  —  Faire 
cuire  ses  aliments  dans  une  décoction  de  bou^efa,  —  Manger 
du  gigot  et  de  Pépaule  de  mouton  jeune,  recouverts  de  cresson 
bien  pilé.  —  Boire  du  lait  de  jument  ifersa),  mais  il  faut  que 
la  femme  ignore  cette  origine.  —  La  femme  mettra  dans  sa 
chambre,  une  nuit  entière,  une  grenouille  (dzafdâ)  vivante; 
le  lendemain  matin,  elle  crachera  sept  fois  dans  la  bouche  de 
cet  animal,  avant  de  manger,  et  elle  le  replacera  à  l'endroit 
où  elle  l'avait  pris.  La  grossesse  commencera  aussitôt.  Toute- 
fois, la  femme  ne  doit  user  de  ce  moyen  qu'après  avoir  été  au 
bain  et  rempli  toutes  les  pratiques  légales  relatives  à  ia  pro- 
preté. Dès  qu'elle  a  ses  règles,  elle  se  place  aussi  au^essus 
de  la  vapeur  produite  par  la  combustion  du  chêmdegourM  : 


—  540  — 

cette  fumigation  détruit  la  stérilité.  *—  Prendre  un  peu  de 
toutia  (sulfate  de  cuivre),  le  piler,  le  faire  bouillir  dans  une 
petite  quantité  d'eau,  puis  s'en  frotter  pendant  trois  jours 
d^uis  la  ceinture  jusqu'au  bas  du  ventre.  Pendant  trois  jours 
encore,  la  femme  prendra  un  peu  de  cette  même  décoction, 
la  mêlera  à  de  la  farine  et  du  poivre,  et  exposera  le  tout  sur  le 
feu  jusqu'à  réduction  pâteuse  ;  alors  elle  ajoutera  un  peu  de 
skendjbir  (gingembre],  de  Vafsa  (noix  de  galle)  :  elle  mangera 
de  cette  composition  trois  matins  de  suite,  avant  le  repas.  — 
Manger,  trois  jours,  du  miel  auquel  on  a  incorporé  de  la  poudre 
de  racines  de  tfarfarat  (?),  et  porter  à  sa  ceinture  une  amulette 
ainsi  conçue  :  «  J'ai  à  me  plaindre  à  vous  de  ce  que  je  suis 
chagrine  dans  mon  ventre  :  je  rêve  sans  rien  voir.  Celui  qui 
veut  une  chose,  n*a  qu'à  direqu'elle  soit,  et  elle  est.  Ne  me  refn- 
séz  pas,ô  mon  Dieu,  ne  me  causez  pas  de  douleur.  Selonr  votre 
volonté,  faites  du  bien  à  ceux  qui  recourent  à  vous.  Celui  qui  fait 
le  jour,  qui  fait  toutes  les  heures,  qui  fait  la  graine  des  navets, 
sa  parole  est  grande.  »  —  Ou  bien,  faire  cuire  un  oiseau 
appelé  heded  (?)  avec  du  beurre,  du  djiljelane  (sésame)  ;  en 
boire  le  bouillon  pendant  plusieurs  matins  consécutifs.  — 
Prendre  une  certaine  quantité  d'eau  de  pluie  [ma  matkar) 
bien  fraîche;  lire  dessus  ce  liquide  le  fatha  (!•'  verset  du 
Koran);  ajouter  sept  fois  de  suite  :  «  Celui  qui  est  Dieu,  est  le 
seul  Dieu  ;  sans  lui,  il  n'est  ni  force  ni  bien,  son  nom  est 
noble.  »  La  femme  boit  ensuite  cette  eau  de  pluie,  et  répète 
cette  cérémonie  sept  nuits  consécutives. 

A  Biskra  et  dans  le  Zab  en  général,  les  Arabes  disent  que 
ia  viande  de  nemr  (panthère)  jouit  de  la  merveilleuse  propriété 
de  combattre  la  stérilité.  Nous  avons  parlé,  dans  ht  première 
partie  de  cet  ouvrage  (page  63),  du  célèbre  bâton  de  la  mos- 
quée de  Koukou.  Dans  un  canton  du  cercle  de  Bougie,  chez  les 
Beni-Mimoune,  il  existe  dans  le  Djebel-Djoua,  près  de  la 
koubba  d'un  marabout,  une  fontaine  avec  les  eaux  de  laquelle 


i\  — 


les  femmes  sienieâ  Tonl  certaines  ablutîoQs  pour 
recouvrer  la  fécooJiliî.  Dans  les  villes,  les  Mauresques  mangeât 
le  matin  du  miel  très  clair  mélangé  avêc  de  rhuile  et  de  la 
graine  broyée  de  dzrenf(^), 

La  précocité  de  rimpuissaiice  {dqim)  chez  les  Arabes  po- 
lygames, les  force  également  à  recourir  à  mille  moyens  aphro- 
disiaques; par  exemple,  à  mettre  beaucoup  de  poivre  et  dû 
piment  dans  les  aliments;  à  Oran,  des  cantbarides;  à  Alger, 
du  cardamome  {hhabb  tl  heile,  la  graine  du  parent).  —  A 
Alger  et  àTunis,  on  inonde  les  parties  génitales  de  plusieurs 
jets  successifs  d'eau  bleji  fraîche»  et  on  applique  les  verges 
sur  les  régions  fessières  avec  des  branches  fines  et  souples.  — 
Manger  des  graines  d*arachide  ou  des  fleurs  de  dattier,  soit 
seules,  soit  imprégnées  de  suc  de  citron  ;  ou  bien,  le  matin  à 
jeun»  dtï  la  noix  verte  pilée  avec  du  demkour  (T)  ;  —  boire» 
chaque  matin  avant  le  repas,  de  Teau  dans  laquelle  on  aura 
conservé  pendant  trois  jours  un  fer  rougi  à  blanc  ;  —  manger 
à  jeun  de  rartichaut  {jttmoune)  cuit  avecdu  beurre  de  vache  ; 
—  se  frotter  le  pénis  avec  de  la  graisse  d*Qurane  (lézard)  ; 
avec  de  Teau  de  fenouil  ;  avec  un  mélange  d*huile  et  de  suc  de 
céleri  ;  avec  du  beurre  frais  broyé  dans  du  lait  aigre  de  brebisi 
de  récrevisse  (rerrfanf)  et  de»  ronces  {aUaïq):^\ec  un  mélange 
de  miel  et  de  bile  d'une  poule  noire  ;  avec  un  geuf  bien  sèche 
et  réduit  en  poudre  très  fine;  avec  un  mélange  de  blanc  d'œuf 
et  de  feuilles  de  chou  {kroumbt)  ;  avec  un  mélange  de  beurre 
et  de  cendres  de  bois  de  figuier  (keurma),  etc.         ^ 

JI  ne  suffit  pointa  TArabc  de  rechercher  tous  les  moyens  de 
combattre  une  impuissance  regardée  comme  honteuse  dans 
lopinion  publique,  il  faut  quil  pousse  parfois  le  raffinement 
du  salacisme  jusqu'aux  limites  les  plus  dégoûtantes.  Ainsi» 
quand  on  veut  rester  longtemps  en  érection  pendant  l'acte  de 
la  copulation,  on  doit  s  enduire  le  pénis  plusieurs  jour*  avec 
de  la  biie  de  bouc,  et  boire  trois  niatins  consécutifs  de  re^iu 


— 5W  — 

dans  laquelle  on  aura  pilé  du  quir  (goudroa);  —  ou  se  mettre 
sous  laplante  des  pieds  des  noix  broyées  avec  de  Vouazani  (T); 
—  ou  se  graisser  les  parties  génitales  avec  un  mélange  de 
miel  et  de  bile  de  corbeau.  Sidi  DjalinouseiSidi  ben  Cefiane, 
qui  préconisent  ce  remède,  ajoutent  que  la  femme  ne  brûle 
plus  d'amour  que  pour  celui  qui  a  fait  usage  de  cette  précau- 
tion.—  L'individu  qui  cherche  un  renforcement  de  vigueur 
copulatrice,  mangera  deux  fois  par  jour  un  composé  de  miel, 
de  quemmoune  (cumin),  de  poivre  et  de  beldar  (?).  Son  éner- 
gie sera  telle  qu'il  pourra  satisfaire  quarante  femmes  dans  la 
même  nuit,  fussent-elles  vierges  [atkkan).  Bien  pins,  l'Arabe 
possède  même  des  recettes  pour  refroidir  ou  exciter  à  volonté 
Tardeur  d'une  maîtresse  ou  d'une  épouse.  Arroser  une  femme 
avec  du  sang  de  khetidifa  (hirondelle)  passe  pour  un  moyen 
certain  de  s'assurer  non  seulement  sa  fidélité,  mais  encore  son 
assiduité  dans  les  rapprochements  sexuels.  Si  le  mari  désire 
frustrer  sa  compagne  de  tout  plaisir  dans  l'acte  vénérien,  et  lui 
enlever  ainsi  tout  désir  de  le  rechercher,  il  suffit  de  lui  faire 
ablutionner  les  parties  génitales  avec  de  l'eau  de  graines  d« 
kkass  (laitue).  L'influence  de  cette  plante  est  telle  que  si  la 
femme  a  seulement  reposé  quelques  instants  sur  une  de  ses 
moindres  parcelles,  elle  fuit  à  tout  jamais  les  caresses  conju- 
gales. —  On  comprendra  parfaitement  que  nous  n'insistions 
pas  davantage  sur  toutes  ces  pratiques. 

La  femme  Arabe,  la  Mauresque  surtout,  fatiguée  souvent 
par  des  caches  précipitées,  ou  plutôt  craignant  que  des  gros- 
sesses réitérées  ne  l'empêchent  de  donner  un  libre  cours  à 
son  dévergondage,  s'occupe  de  provoquer  la  stérilité.  Les 
moyens  les  plus  ordinaires  consistent  àboire  pendant  quelques 
jours  de  l'eau  dans  laquelle  on  aura  pilé  de  la  feuillede  djU 
(salsola)  avec  de  la  feuile  de  khouhk  (pêcher)  ;  ou  bien  à  boire 
de  la  sève  de  figuier  ^/c^wrma^  n\ile(deker). 

Par  coïncidence  avec  notre  aura  hysterica,  les  Arabes  ap- 


-  543  — 

pellent  habouba  (yeni,  émanation)  Thystérie,  et  la  considèrent 
comme  contagieuse.  Véroiomsime  (meurdhtedouid,  la  maladie 
du  petit  ver)  serait  produite  par  la  présence  d'un  ver  qui  tour- 
menterait constamment  Tindividu.  Quelques  pincées  de  feuilles 
de  henna,  jetées  dans  quelques  tasses  d'eau  bouillante,  forment 
une  boisson  qui  conjure  tous  les  accidents  consécutifs  à  Ta- 
vortement  [saqqat  Idjeniane,  chute  de  l'enfant^,  crime  teUe- 
lement  passé  dans  les  mœurs  musulmanes,  qu'àConstantinople 
on  voit  (4)  des  boutiques  publiques  tenues  par  des  juives  pour 
sa  pratique  opératoire. 

Les  Arabes  supportent  les  douleurs  de  la  parturition  avec 
un  courage  vraiment  extraordinaire  :  elles  affectent  même  de 
ne  pas  souffrir  et  de  ne  proférer  aucune  plainte.  Ce  n*était 
point  assez  pour  elles  d'être  déchues  au  dernier  rang  social, 
traitées  comme  des  esclaves  et  des  brutes,  il  fallait  encore  que 
les  pratiques  les  plus  barbares,  les  plus  cruelles  vinssent  com- 
pliquer les  souffrances  de  la  maternité.  De  tout  temps  du 
reste,  Tart  des  accouchemens  (ouilada),  abandonné  aux 
femmes,  a  présenté  les  procédés  les  plus  insensés  et  les  plus 
terribles.  On  ne  sauraits'imaginer  les  tortures  que  les  matrones 
font  subir  pendant  l'expulsion  du  fœtus.  Les  unes,  ne  voyant 
dans  le  produit  de  la  conception  qu'une  masse  inerte  qui  tarde 
toujours  trop  à  quitter  la  cavité  utérine,  suspendent  la  femme 
par  les  bras  à  l'un  des  bâtons  de  la  tente,  et  lui  étreignent 
la  taille  avec  des  haïks  de  manière  à  forcer  le  fœtus,  quelle  que 
soit  sa  position,  à  s'engager  dans  le  détroit  périnéal.  D'autres 
massent  fortement  le  ventre  de  haut  en  bas  pour  solliciter  les 
contractions  et  la  prompte  sortie  de  l'enfant.  Ici  on  place  une 
planche  ou  un  grand  et  large  plateau  en  bois  (pour  faire  le 
c(mscouss)  sur  la  région  ombilicale  de  la  mère,  et  des  femmes 
montent  dessus  afin  d'exercer  une  pression  suffisante  pour 

II)  rojragt  Jah4  ht  Etat»  Musulmans,  i»ar  M.  Texiw  (i8.<7). 


-  6*4  - 

détermiaer  Texpulsion.  Là,  ce  sont  des  peliU  moulins portatib 
pour  moudre  l'orge,  sorte  de  deux  grosses  rondelles  en  grès, 
que  Ton  place  dans  le  même  but  sur  le  ventre  de  la  malheu- 
reuse. La  présentalion  de  Tenfant  parait-elle  mauvaise  7  la 
mère  est  soulevée  par  les  pieds  ou  bien  roulée  à  terre  dans 
tous  les  sens.  Dans  le  Sud,  et  à  Biskra  on  m'a  assuré  le  fait, 
les  matrones  brûlent  sous  le  nez  de  la  femme  en  couche  des 
poils  pris  à  la  région  occipitale  du  lion  ;  et  Todeur  de  cette 
substance  est  tellement  infecte  que  les  nausées  surviennent 
aussitôt  avec  une  violence  qui  favorise  la  sortie  du  fœtus.  Des 
marabouts  profitent  largement  des  vertus  infaillibles  de  ce 
remède,  et  parcourent  les  tribus  avec  déjeunes  lions  au  moyen 
desquels  ils  exploitent,  avantageusement  pour  eux,  la  confiance 
et  la  crédulité  publiques.  Dans  les  tribus,  on  provoque  le 
vomissement  en  présentant  brusquement  des  matières  fécales 
ou  des  substances  en  putréfaction.  Certain  nombre  de  gabeh 
(accoucheuses)  se  permettent  la  manœuvre  des  versions  (Uglib); 
elles  les  pratiquent  quand  les  eaux  de  Tamnios  (seier)  se  sont 
échappées,  et  lorsque  l'enfant  se  présente  mal  ou  tarde  à  pa* 
raitre.  La  femme  reste-t-elle  longtemps  dans  les  douleurs  l  on 
jettera  du  fumier  de  vache  sur  des  charbons  ardents,  et  elle 
exposera  les  parties  génitales  au^essus  de  ces  vapeurs. 

Quand  la  femme,  instruite  parles  couches  antérieures,  pense 
qu'elle  enfantera  avec  difficulté  (la  dystocie  se  àiiacirahhia 
enneffes,  c*est-à--dire  difficulté  pour  elle  d'accoucher),  elle 
doit,  trois  jours  avant  l'époque  de  la  parturition,  porter  dans 
les  plis  de  son  haik  un  mélange  d'huile  et  de  cendres  de  6e/- 
louth  (glands),  ou  bien  s'attacher  sur  Tune  des  cuisses  une 
pierre  à  fusil  (hadjar  zenète)  enveloppée  dans  un  chiffon,  soit 
encore  sur  la  cuisse  droite  son  propre  peigne  sur  lequel  on 
aura  écrit  ces  mots  : 

a  Celui  dont  le  nom  est  véritable,  a  parié  en  faveur  de  celui  qui 


—  5*5  — 

eatdaof  ton  ventre,  et  toat  sera  promptement  floL  Salut  sar,.— 
(ici  le  nom  de  la  mère),  » 

Quand  on  suppose  que  Tenfant  est  mort  {djenine  raqad 
filbethen  oummahou,  fœtus  mort  dans  le  ventre  de  sa  mère), 
on  fera  boire  à  la  mère  un  mélange  de  miel  et  de  lait  de  vache 
bien  chaud,  dans  lequel  on  aura  pulvérisé  du  zadj  (vitriol)  ; 
alors,  si  le  fœtus  est  réellement  mort,  il  ne  tardera  pas  à  sortir; 
s'il  n*est  pas  complètement  mort,  il  se  tournera  de  côté  et  sera 
promptement  expulsé;  enfin,  s'il  ne  tombe  pas  après  ce 
remède,  c'est....  que  la  femme  n'est  pas  enceinte.  —  On  peut 
encore  essayer  de  l'un  des  moyens  suivants  : 

Faire  boire  à  la  mère  du  lait  aigre  de  chienne  (kelba)  dans 
lequel  on  a  pilé  des  coings  {sferdjel)  préalablement  débara&- 
sés  de  leur  écorce  ;  —  ou  bien  lui  faire  prendre  pendant  trois 
jours  une  décoction  de  racines  de  sekkoum  (asperges)  et  de 
racines  de  fououa  (garance).  Le  taleb  écrira  au  fond  d'une 
tasse  en  bois  deux  mots  du  Koran  ;  on  lavera  l'écriture  avec 
un  mélange  d'eau,  d'huile,  de  cumio,  de  rue  puante  et  de 
raifort,  substances  que  la  mère  devra  piler  elle-même  dans  la 
tasse.  Elle  boira  de  ce  liquide  pendant  ^roi^  jours,  et  ce  qu'elle 
porte  dans  son  sein  reprendra  de  suite  une  position  normale 
qui  en  facilitera  la  sortie.  —  Prendre  de  la  racine  de  tafar- 
farat  (?),  de  la  racine  de  sekkoum  (asperge)  ;  les  bien  moudre; 
ajouter  un  peu  de  farine,  et  faire  cuire  avec  un  peu  d'eau  ;  en 
manger  pendant  trois  jours,  durant  lesquels  on  boira  simul- 
tanément de  l'eau  qui  aura  dissous  les  mots  suivants  écrits  au 
fond  d'un  plat,  d'une  assiette  :  «  Par  Dieu,  Djbrahil  (nom 
d'un  ange)  !  par  Dieu,  mon  ange  (ici  le  nom  de  Tange  de  la 
femme)!  par  Dieu,  Srafil  (nom  d'un  ange)l  par  Dieu,  Azraïl 
(nom  d'un  ange)  I  par  Dieu,  Mohammed  (le  Prophète)  t  salut 
sur  lui,  deux  fois  salut  I  c'est  lui  qui  ressuscite,  qui  par  sa 
puissance  rappelle  encore  de  la  mort.  Il  a  dit  :  il  vivra,  celui 


—  546  — 

qu'elle  a  conçu  la  première  fois,  il  Ta  dit,  si  elle  boit  pendant 
trois  jours  la  coulmr  mise  dans  Tassiette.  » 

La  femme  doil  boire  pendant  dix  jours  entiers,  et  cinq  fois 
par  jour,  un  mélange  de  lait  et  de  sel  :  si  Tenfant  n'est  pas 
descendu  au  bout  de  cette  époque,  elle  boira  du  lait  aigre  et 
du  lait  doux  de  deux  vaches,  mêlés  avec  du  vinaigre  ;  dès 
qu'elle  en  aura  avalé  une  gorgée,  le  fœtus  sera  expulsé  spon- 
tanément. 

Ces  nombreuses  et  bizarres  recettes  prouvent  suffisamment 
combien  sont  douloureux  ei  parfois  difficiles  les  accouche- 
ments chez  les  femmes  Arabes.  Quand  le  fœtus  a  enfin  franchi 
la  vulve  {ferdj)y  on  déchire  le  cordon  assez  près  de  l'insertion 
ombilicale;  on  roule  Tenfaot  dans  un  morceau  de  haïk,  et  la 
femme  se  couvre  Tabdomen  avec  des  chiffons  en  laine,  dans 
quelques  tribus  avec  une  peau  de  mouton.  On  ne  s'occupe  pas 
le  moins  du  monde  de  la  sortie  du  délivre  [khelass)  ;  elle  est 
toujours  abandonnée  à  la  nature. 


CONCLUSION 


M  La  politique  d'an  géaéral  en  chef  chargé  de 
»  soumettre  une  grande  masse  d'hommes»  doit 
M  tirer  parti  de  toutes  choses,  dana  l'intérêt  d« 
»  la  conquéU.  »  (Napoléon  è  M.  de  L4U-Cases, 
à  propos  de  l'Égjrpte.) 


La  France  n'a  pas  seulement  en  Algérie  une  conquête  à 
accomplir  par  les  armes,  un  sol  plus  ou  moins  étendu  à 
dominer,  à  parcourir  victorieusement,  de  nombreuses  tribus  à 
forcer  au  silence,  à  soumettre  à  la  tranquillité.  Elle  a  égale- 
ment une  conquête  morale  à  entreprendre,  des  préjugés  à 
modifier,  des  erreurs  à  redresser,  Tignorance  à  dissiper,  la 
misère  et  l'apathie  à  détruire,  des  coutumes  à  métamorphoser, 
des  conditions  intellectuelles  et  morales  à  conserver  ou  à 
réprimer,  des  idées  nouvelles  à  faire  germer,  des  besoins 
nouveaux  à  créer,  des  bienfaits  à  répandre,  des  cœurs  à 
gagner.  «  Nous  devons,  répétait  souvent  le  maréchal  Bugeaud, 
tendre  par  tous  les  moyens  possibles  à  nous  assimrler  les 
Arabes,  à  modifier  graduellement  leurs  mœurs...  nous  ne 
pouvons  ni  ne  voulons  les  exterminer,  ni  les  refouler,  il  faut 
donc  les  administrer,  c'est-à-dire  veiller  à  leurs  intérêts,  les 
rapprocher  de  nous  par  de  bons  procédés.  »  Il  s'agit,  en  effet, 
non  pas  d'une  pression  mécanique,  matérielle  à  continuer 
d'une  manière  exclusive,  mais  bien  d'attractions,  de  sympa- 
thies à  faire  naître  simultanément.  C'est  à  une  trame  sensible 
qu'il  faut  s'adresser;  c'est  une  greffe  morale  qu'il  faut  tenter 
par  tous  les  moyens  les  plus  susceptibles  d'être  bien  accueillis 
et  appréciés  par  le  peuple  à  régénérer. 

Nousensommesintimcmentconvaincu,  la  Médecine  française 


—  54»  — 

peut  jouer  un  rôle  des  plus  puissants  et  des  plus  complets 
dans  ce  grand  œuvre  de  la  civilisation  d*un  peuple,  dont  le 
présent  ouvrage  a  cherché  à  esquisser  les  tristes  conditions 
physiques  et  morales. 

Quand  on  voit  les  Indigènes  algériens  accepter  avec  facilité 
certaines  modifications  que  notre  contact,  encore  peu  prolongé, 
a  imprimées  à  leurs  mœurs,  à  leurs  idées,  pourvu  que  leurs 
intérêts  physiques  y  trouvent  une  large  part,  il  est  permis  de 
se  demander  pourquoi  la  Médecine  n'interviendrait  pas  effica- 
cement dans  le  même  but  civilisateur,  pour  apporter  aussi  son 
contingent  de  bien-être.  Est-ce  que  T Arabe  ne  reconnaît  pas 
aujourd'hui  Téquité  supérieure  de  nos  lois?  Est-ce  qu'il  ne 
préfère  pas  cultiver  son  champ  sous  la  protection  immédiate 
de  notre  autorité?  Est-ce  que  beaucoup  dlndigènes  n'ont  pas 
abandonné  la  chambre  de  poils  pour  occuper  une  maison  à 
la  française,  plus  commode,  plus  sûre,  plus  salubre?  Est-ce 
que  les  Spahis,  les  Arabes  qui  vivent  plusieurs  années  dans 
les  rangs  de  l'armée,  les  chefs  indigènes  qui  ont  de  fréquentes 
relations  avec  nos  autorités,  ne  finissent  point  par  accueillir 
quelques-unes  de  nos  coutumes  et  les  faire  passer  dans  le 
mouvement  ordinaire  de  leur  existence  quotidienne  ? 

Partout,  d'ailleurs,  l'on  trouve  l'Arabe  disposé  à  biea 
recevoir,  à  bien  traiter  ceux  qui  viennent  au  nom  de  la  France 
soulager  ses  souffrances  et  sauvegarder  les  intérêts  sanitaires 
publics.  Tout  ce  que  Ton  sait  (1)  de  sa  haute  vénération  et  de 
sa  reconnaissance  pour  les  Médecins,  nous  dispense  d'entrer 
ici  dans  d^autres  détailsà  ce  sujet.  C'est  que,  comme  Taforthien 
dit  le  D^  Guyon  (2),  «  de  toutes  les  branches  de  nos  connais- 
sances, la  Médecine  est  celle  qui  travaille  le  plus  directement 
au  bonheur  de  l'homme,  à  son  bonheur  le  plus  positif,  puis- 

(i)  Voyez  plus  haat  pafc  74< 

(a)  Diseoun  pronoDo^  à  TScoif  it  MMecin«  MiUuire  d'Aller,  le  9  février  ■(•54. 


—  549  — 

qu'après  avoir  reçu  l'existence,  notre  plus  grand  bien  sur  la 
terre  est  de  ne  pas  souffrir.  »  Or,  en  observant  de  près  le  fond 
du  caractère  de  l'Arabe,  on  le  trouve  très  sensible  à  tout  ce 
qui  peut  impressionner  avantageusement,  flatter  des  instincts 
matériels,  satisfaire  son  bien-être  physique.  «  Utiliser,  e*esi 
civiliser,  »  devient  donc  ici  une  maxime  politique  très  oppor^ 
tune  à  appliquer. 

Dans  une  des  séances  les  plus  solennelles  du  Congrès  médi- 
cal de  1845,  que  disait  le  Ministre  de  l'instruction  publique? 
«  LeGouvernementduRoi  compte  beaucoup  sur  le  dévouement 
professfonnel,  sur  Yinfluence  morale  des  médecins  de  TAl- 
gérie,  pour  la  civilisation  des  Arabes,  pour  l'affermissement 
de  la  domination  française  en  Afrique.  »  Et,  l'année  suivante 
(4  juillet  1846),  en  visitant  l'hôpital  du  Dey,  à  Alger,  le  même 
Ministre  disait  aux  Médecins  militaires  : 

«  Vous  rendez  de  grands  services  dans  ce  pays }  mais  votre 
dévouement^  les  fatigues  et  les  privations  que  vous  supportez,  les 
soins  que  vous  prodiguez  aux  soldats  malades  ou  blessés,  ne  sont 
pas  les  seuls  mérites  que  vous  ayez  aux  yeux  du  gouvernement. 
Vous  avez  encore  une  autre  mission  aussi  importante  à  remplir^ 
c^est  de  concourir  pour  une  grande  part  à  faire  pénétrer  notre 
civilisation  au  milieu  des  tribus  arabes  et  kabyles.  Votre  prosély* 
tisme  est  le  >eul,  peut-être^  qui  paisse  réussir  d'ici  à  de  longues 
années.  Ceux  d'entre  vous  qui  seront  appelés,  à  cause  de  vos 
ressources  médicales,  à  soulager  les  Indigènes  souffrants,  arriveront 
sans  nul  doute  à  faire  pénétrer  et  fructifier  chez  eux  quelques-unes 
des  idées  de  notre  civilisation  européenne.  Nous  espérons  que  le 
gouvernement  vous  donnera  bientôt  dans  ce  but  des  moyens  plus 
étendus  et  plus  efficaces.  De  notre  côté,  nous  ferons  nos  efforts  pour 
vous  mettre  en  mesure  de  propager  parmi  les  Indigènes  Tinstruc- 
tlon  médicale  qui  sera  utile  à  la  fois  à  Chumanité  et  à  Rétablissement 
de  notre  puissance  dans  ce  pays.  » 

L'utilfléde  l'intervention  de  notre  Médecine  comme  puissant 
moyen  d'action  sur  le  caractère  arabe,  est  un  fait  irrécusable 


—  550  — 

;aiix  >eux  fie  tous.  Nous  nous  contonierons  de  cilcr  «!ncort| 
U  cesujet,ropiiiioïï  d'un  des  hommes  les  plus  considérables  de 
;  l'époque  (1)  : 

«  L*armée  possède  une  classe  d'hommes  qui»  avec  un  peu  d'aide, 
.s'auarhet'a  beaucoup  tVîndigimes  :  cesoDtles  médecins.  Les  Arabes 
et  ks  Kabyles  ont  en  leur  talent  une  confiance  illimitée,  et  recoo* 
naissent  les  soins  qu'ils  reçoivent  d'eux,  par  les  de?ûîrs  de  Tho^j- 
talité  les  plus  sacrés  parmi  ces  peuples.  Un  médecin  connu  pour  tel, 
parcourt  les  tribus  ennemiesavec  la  certitude  d'être  partout  recher- 
,  ché  et  protégé.,.,  faire  du  bien  aux  hommes,  c'est  les  préparer*  à 
reconnaUre  une  supériorité  ei  à  revemir  une  direction.,.  LesMusuI* 
maus  n'ont  jamais  répugné  à  accepter  le  bien  que  leur  apportaieni 
des  m  lins  chrétien  nos,  et  Tobblacle  qui  nous  sépare  est  bien  plus 
dans  les  mceurs  que  dans  les  cultes,  w 

Sans  exagérer  en  aucune  façon  le^»  résultats  ceriains  qu'il 

est  permis  d'obtenir  avec  rinducnce  delà  Médecine  comme 

moyen  civilisateur,  je  crois  pouvoir  les  résumer  comme  il  suif, 

'au  triple  poinl  de  vue  delà  Politique,  de  l'Humanité  et  de  la 

Science. 

\°  Au  point  de  vue  politique, -^VveAiVi'  palpable  de 
tiaule  sollidUuIe  du  gouvernement  français  pour  un  peupll 
vaincu  dont  il  cherche  à  améliorer  le  sorl  physique  et  lucra 
—  Moyen  de  convaincre  le»  tribus  insoumises,  de  nos  boni 
intentions  a  leur  égard,  en  meltanl  à  leur  disposition  un  medi 
ctn  chargé,  avant  comme  après  la  vicloirc,  de  panser  leur 
blessés,  soigner  leurs  malados,  —  Possibilité  de  conserver 
raulorité  française  lappui  et  Tinfluence  des  chefs  Arabeij 
auxquels  la  liberté  d'action  et  dé  surveillance,  si  sérieusemei 
liées  à  la  tranquillilé  du  pays,  sera  d'aufant  plus  proniptemen 
rendue  qu'ils  auront  été  traités  par  des  médecins  bien  au  coK 
rant  des  mœurs,  habitudes,  coutumes  du  pays.  —  Les  acti 
ptiiiantropiques  qui  marquent  sr  profondément  les  secours  < 


(t)  T,p  li'iruu  Bcantl*    t*  4ffMf,\.  If. 


-  S5i  ~ 

la  Médecine»  impressionneront  certainement  Tâme  instinctive* 
ment  égoïste  de  l'Arabe;  Tart  de  guérir  contribuera  donc  au 
rapprochement  des  deux  peuples.  —  Le  Médecin  parlera  vive- 
ment aux  imaginations,  se  montrera  avec  tout  le  prestige  que 
donne  Tautorilé  d'une  instruction  variée  ;  il  attirera  l'attention 
publique  sur  les  merveilles  d'une  science  utile  et  humanitaire 
avant  tout,  et  constituera  évidemment  le  missionnaire  le  plus 
sensible  de  la  civilisation.  — Les  Arabes,  en  effet,  voient  dans 
tout  savant  un  illuminé,  un  grand  personnage  en  rapport 
constant  avec  Dieu  et  les  Génies.  Or,%'est-il  pas  d'une  bonne 
politique  d'opposer  àla  prétendue  omni-science  des  mara^ou^ 
et  des  tolbas,  Tinfluence,  non  pas  religieuse,  mais  positive, 
pratique,  d'hommes  capables  et  forts  de  leurs  connaissances? 
L'Indigène  est  bien  moins  esclave  du  mahométisme  que  de  ses 
guides  fanatiques  auxquels  il  reste  attaché  par  habitude,  igno- 
rance, paresse  et  surtout  par  déGance  à  notre  égard.  Levez 
donc  celte  barrière  entre  son  intelligence  et  nos  bienveillantes 
intentions;  permettez  aux  yeux  et  à  la  portée  de  son  esprit  de 
voir,  de  comprendre  de  quel  côté  sont  réellement  le  bien-être 
et  la  vérilé.  Laissez  au  Médecin,  apôtre  de  charité  et  d'assis- 
tance, la  délicate  tâche  de  pénétrer,  de  remuer  le  cœur  indi- 
gène, d'y  faire  éclore  les  éJans  secrets  d'une  sympathie  spon- 
tanée. —  Chaque  page  du  Koran  respire  les  exhortations  les 
plus  pressantes  à  de  charitables  procédés  envers  ceux  qui 
souffrent  ou  végètent  dans  la  misère.  Que  le  médecin,  bien 
instruit  de  tant  de  ressources  em^c*  d'influence  (4),  proOte 
habilement  de  ces  dispositions  officielles  de  philantropie  pour 
les  transporter  de  la  pratique  individuelle  dans  la  pratique 
sociale.  C'est  ainsi  que,  par  une  conduite  adroite,  la  Médecine 
française  amoindrira,  sapera  insensiblement  l'influence  sacer- 
dotale qui,  contrairement  même  à  la  lettre  du   Livre  de 

(i)  Voyn  d'dcMOA,  pa^e  84. 


552  — 


t Avertissement,  retient  dans  l'oppression  et  rignoranre, 
vives  intelligences,  de  fécoodcsimaginations*  Alaforce  physiq 
doit  s'allier  la  domination  parles  idées, — L'Arabe  vit  dans 
une  indicible  incurie  des  choses  les  plus  nécessaires  à  la 
matérielle  ;  le  Médecin  fera  naître  el  imposera  par  ses  conseil! 
SCS  exhortations,  ses  discours  éclairés  et  toujours  bien  inte 
tionnés,  des  idées  pratiques  qui  modifieront  insensiblement 
les  errements  traditionnels.  —  Il  est  cerlain  que  le  contact  des 
deux  peuples  peut  \y€u/  entraîner  des  modifications  durables 
dans  les  coutumes  du  vaincu  ;  mais  qui  mieux  que  le  Médaci 
peut  pénétrer   facilement  dans  Texistence  mystérieuse 
l'Arabe,  s'asseoir  à  son  foyer,  y  répandre  des  idées  nouvell 
faire  naître  des  sentiments  sympathiques?  Qui  peut,  mieux  qai 
lui,  entraîner  la  population  Indigène  à  nous  connaître  de  f>i 
80US  un  jour  tout  autre  que  celui  sous  lequel  nous  représeï 
tent  constamment  les  fanatiques  et  \cè  mnraboutsf — L'admi 
nistrateur  des  affaires  Arabes  d*un  cercle,  quelles  que  soiei 
la  douceur,  Faménité,  la  bienveillance  qu'il  apporte  dans 
relations  avec  les  Indigènes,  est  toujours  à  leurs  yeux  un  ch 
un  délégué  du  pouvoir,  chargé  d'assurer  l'ordre,  la  iranquilli 
la  justice,  de  contrôler  les  actes  de  chaque  autorité  inférieure 
aussi  le  vaincu  ne  néglige  ni  paroles  ni  actes  pour  capter 
satisfaction,   éviter  un  reproche,  conserver  à  tout  prix  u 
position  si  ambitieusement  convoitée  par  des  fauitlles  pur 
santés,  f/est  une  situation  forl  délicate  qui  force  VArabe 
mentir  souvent  a  sa  conscience,  a  ses  habitudes,  à  sa  reVigioi 
—  Le  Médecin,  au  contraire,  c'est  tout  simplement  un  a 
que  le  riche  comme  le  pauvre  accueille  sans  arrière-pensée 
sein  delà  famille;  il  a  hprmlège  de  voir  et  d'entendre  bien 
des  choses,  car  il  ne  vient  pas  avec  un  pouvoir  autoritaire  q«ji 
froissera  des  sentiments  enracinés  par  la  tradition  et  le  carao- 
1ère  national  ;  non,  il  n^apporte  que  des  consolations  et  ile« 
secours,  il  vient  rendre  la  sanlé  et  les  forces  à  ceux  que  la 


ms 

i 


—  :}53  ^ 

misère  et  la  maladie  étreigneol  de  leurs  cruelles  douleurs.  Il 
laisse  au  moins,  au  départ,  le  souvenir  d'un  bienfait;  il  donne 
l'exemple  des  sentiments  de  fraternité,  de  solidarité  humaine, 
des  plus  beaux  sentiments  religieux;  il  porte  silencieusement 
le  coup  le  pïus  rude  aux  croyances  superstitieuses,  absurdes  ; 
il  développe  dans  l'esprit  indigène  celle  indépendant*  fermeté 
qui  oblige  à  apprécier  les  faits  et  à  juger  leurs  corrélations. — 
Apprenant  alors  à  donner  satisfaction  à  leurs  plus  impérieux 
besoins  de  bien-être,  les  Arabes  subiront,  à  leur  insu,  une 
ébauche  d'éducation  qui  les  poussera  insensiblement  dans  la 
voie  du  progrès.-— Un  autre  avantage  de  Pinfluence  médicale 
est  celle  qui  a  été  résumée  ainsi  par  un  oflScier  des  Bureaux  : 
«  Bien  des  renseignements,  que  ne  peuvent  avoir  les  chefs  des 
Bureaux  Arabes,  seraient  recueillis  par  jes^docteurs,*^bien  des 
nouvelles  apprises  par  eux.  ^  Cette  question,  trop  délicate  pour 
être  discutée  ici,  mérite  toutefois  rattenlion  de  Taulorilé  gou- 
vernementale. —  En  résumé,  l'intervention  de  la  Médecine 
aura  pour  efl^t  immédiat  et  certain,  d'amortir  la  haineuse 
impatience  de  notre  joug,  et  d'être  une  preuve  éclatante  do 
notre  supériorité  intellectuelle  et  morale. 

2**  Au  point  de  vue  humanitaire,  —  Détruire  peu  à  peu 
un  certain  nombre  de  pratiques  barbares,  notamment  dans  les 
accouchemens;  —  surveiller  les  graves  questions  d'hygiène 
publique  auxquelles  se  rattachent  si  intimement  les  moindres 
conditions  du  bien-être  individuel;  —  prêter  à  l'autorilé  soit 
française,  soit  indigène,  le  concours  prompt  et  intelligent  de 
la  médecine  légale,  pour  tout  ce  qui  concerne  (dans  ce  climat 
particulier)  les  délits  et  les  crimes  (infanticides,  avortemens, 
blessures,  etc.);  —  diminuerla  panacée  ridicule,  mensongère 
et  surtout  dangereuse  des  amulettes,  dont  le  moindre  inconvé- 
nient est  d'endormir  dans  une  funeste  sécurité  uniquement 
profitable  à  la  marche  de  la  maladie;  —  porter,  en  cas  d'épi- 
démie surtout,  des  secours  énergiques  qui  frapperont  les  incré- 


—  55i  — 

dulcs  et  les  empiriques  par  l'évidence  des  résultats  rapidemeDt 
obtenus;  —  propager  des  avis  et  des  conseils  rationnels,  dont 
Tignoranceetla  pénurie  laissent  se  perpétuer  et  se  transmettre, 
par  héritage,  d'horribles  affections  soit  de  la  peau,  des  yeux, 
soit  des  intestins,  etc.;  —  s'assurer  de  Texaclitude  et  du  degré 
de  salubrité  apportées  dans  les  inhumations  (1);  surveiller 
l'emplacement  convenable  des  cimetières,  des  lieux  choisis 
pour  l'assiette  des  campements  et  des  installations;  -—  discré- 
diter insensiblement  les  prétendus  guérisseurs  du  pays,  qui 
exploitent  avec  la  plus  audacieuse  effronlerie  la  crédulité  et 
les  ressources  pécuniaires  des  malheureux  réduits  à  les  con- 
sulter; -*-  la  prescription  et  la  surveillance  d'exécution  des 
mesures  hygiéniques  les  plus  urgentes  diminueront  les  causes 
des  maladies  épidémiques,  contagieuses,  etc. 

3^  Àupoint  de  mi^e  scientifique.  —  Chaque  médecin  étu- 
diant, dans  son  cercle  respectif,  l'influence  de  la  polygamie  et 
des  prescriptions  du  Koran  sur  la  durée  de  la  vie  et  principa- 
lemenlau  point  de  vue  de  la  pathologie  du  sexe  féminin,  l'action 
réelle  du  climat  sur  laphlhisie,  les  sources  minérales  dont  le 
pays  abonde  et  le  parti  que  les  Indigènes  en  tirent,  les  maladies 
plus  ou  moins  fréquentes,  spéciales  aux  populations  musul- 
manes, la  valeur  des  (raitemens  empiriquesqueles  naturels  du 
pays  leur  opposent,  etc.,  chaque  médecin,  disons-nous,  étudiant 
ces  diverses  questions  et  tant  d'autres  non  moins  importantes, 
fournira  des  documens  précieux  dont  ledépouiilementetragen- 
ôement  méthodique  (2)  enrichiront  la  science,  en  même  temps 
qu'ils  tourneront  au  profit  du  traitement  raliannel  des  affec- 
tions propres  à  cette  zone  et  contre  lesquelles  lutte  également 
l'implantation  Européenne.  — '  L'appréciation  raisonnée  des 

(i)  Pendant  la  dernière  épidémie  de  choiera,  n'a-t-il  pas  falla«  sar  p1ati«ars  points,  Pia* 
Wrrmllon  des  officiers  idas  Bureaux  Arabes  pour  obliger  les  Indigèoea  à  ifthomer  les 
MUavrts,  abandonnés  le  plus  sourtnt  dans  les  tentes  où  «fonisaitnt  d'«alre«  indiridus 
l^appés  par  le  flëau  f 

(>)  Toyes  ci'dessospafe  4t>> 


—  555  — 

habitudes,  des  mœui*s,  basées  sur  les  nécessités  du  climat, peut 
certainement  nous  servir  de  guide  dans  les  modifications  qu'il 
convient  d'apporter  aux  coutumes  que  chaque  immigrant 
amène  de  sa  contrée  et  conserve  trop  opiniâtrement  au  détri- 
ment de  sa  santé  (1). 

Voilà,  d'une  manière  sommaire,  ce  que  promet  l'intervention 
de  la  Médecine  française.  Il  nous  reste  à  savoir  comment  elle 
aélé  jusqu'à  ce  jour,  et  comment  elle  devrait  être,  introduite 
au  sein  des  populations  Arabes. 

Toutes  les  fois  que  nos  troupes  ont  été  en  contact  avec  les 
Indigènes,  dès  les  premiers  moments  qui  suivirent  l'occupa- 
tion d'Alger,  les  Arabes  ont  toujours  reçu  les  soins  empressés 
des  Médecins  français.  En  juillet  1834,  le  D'  Giscard,  chirur- 
gien-major des  Zouaves,  prodiguait  les  secours  de  son  art  à 
des  Indigènes  venus  au  marché  de  Bou-Farik,  Quelques  mois 
après  (janvier  4835),  le  médecin  du  Gouverneur,  le  D'Pouzin, 
établissait  une  tente  sur  le  même  emplacement,  et,  avec  le 
concours  d'un  interprète,  distribuait  aux  Arabes  des  consulta- 
tions et  des  remèdes  gratuits.  Au  mois  d'avril  de  la  même 


(i)  Aa  doable  point  de  Toe  de  l'arcHiiiatenif nt  de*  Europë«u*  et  de  la  civiliMlion  des 
Indigènes,  la  fuaion  dest  deoji  races  constitue  une  des  plus  paUiantes  cnnditim»  d«  sacc^s. 
Qo'il  nons  Kaftiaa  de  rappeler  à  rc  s^jet  que  les  oaiona  de  Tara  et  de  Mauresques  en  Algérie 
(f.  ti-étisus,  p.  fji),  de  CrÂoleset  de  Nègres  aux  Antilles,  les  accoupicmens  de  fcinmrs  Indi- 
gènes at ec  des  Européens  &  Taïli,  dans  la  NouTelle-Zélande,  d«n«  a  Noa?ellr-Hollandr,  elr., 
ont  psirtont  donne  des  produits  remarquables  parleur  fécondité  etleurAneilIeurc*  conditions 
physiques  et  iotcllectueUes.  La  transuiitsion  des  caractères  saillants  des  races  p.ir  la  puij- 
^ante  rohs  de  lliéréHité  est  une  des  plus  belles  lois  dr  l'hconomie  naturrllr.  I.e  D'  Viul 
{Cmi.  méJ.éê  Paris,  norcmbre  i8Sa)  a  déjà  remarqué,  à  Coastantine,  cfuc  les  enfants  proro- 
nant  de  mère  Indigène  et  de  père  Enropceo^  de  mémo  que  les  MulAirrs  pro^rnanl  de  femme 
Nègre  et  de  père  Arabe,  virent  irès  bien  «  Dans  le  cercle  rie  mes  observation*,  ajiiute-i-il, 
res  deux  genres  d'union  donnent  en  mortalité  r  sur  i3  et  i  sur  iS.  »  La  fusion  (tr«  r.Kr^. 
beaucoup  plus  facile  à  oblt-nir  en  Algérie  qu'on  ne  parait  généralimmt  dirpi  ■:  n  !•  <-.  i.r, 
est  «ne  nécessité  de  U  loi  de  perfectibilité  htimaine  :  elle  engendre  une  ami*lir>raii<>ii  |ili>«ii|nt 
et  morale  dans  les  produit*  dn  crolfm  en  t,  favorise  Kaptitude  à  r.iKcIimntrmeul.  et  tourne, 
en  définitirr,  au  bénéfice  de  la  nourelU  Société  en  donnant  plu»  de  forc^*  ans  lien*  in»er 
nationaux.  Elle  pirlera  uucoup  décisif  au. \  deux  grandes  plaies  de  la  soeiéié  uiusuImMie, 
la  polygamie  et  lu  proftlitution. 


—  556  — 

snnée,  le  Roi  fit  reœeUre  au  Goavefoeur  une  somme  de  mille 
francs  pour  l'ambulaDce  de  la  Mitidjà;  la  Beîoes*a&sociail  à 
ceUe  boune  cMivre  par  au  don  de  cinq  cents  francs.  Un  mois 
après,  près  de  la  fontaine  du  petit  marabova,  une  ambulance 
était  eflEectiremeot  établie,  commode,  spacieuse,  entourée  de 
palissades,  et  précédée  d'un  jardin  et  de  deux  pavillons  des- 
tinés au  médecin  et  à  ses  aides.  Quinze  Arabes  s*y  trouvaient 
en  traitement.  Malheureusement,  cette  installation,  prématu- 
rée peut-être  à  cette  époque,  ne  subsista  pas  longtemps.  En 
février  1838,  les  docteurs  Méardi,  Trolliet  et  Bodichon,  méde- 
cins d'Alger,  établirent  à  Thôpital  Caraline  des  consultations 
gratuites  pour  les  Indigènes;  les  médicaments  y  étaient 
également  fournis.  La  création  (février  1844)  des  Bureaux 
Arabes  attacha  un  officier  de  santé  aux  trois  directions  divi- 
sionnaires seulement.  En  1847,  après  l'intention  manifestée 
par  les  Chambres  d'instituer  un  service  de  santé  qu'assure- 
raient des  médecins  civils,  il  futdécidé  (29  juin)  par  le  Ministre 
de  la  guerre  que  les  Indigènes  seraient  gratuitement  traités 
«  par  l'officier  de  santé  militaire  de  l'hôpital,  de  l'ambulance, 
du  corps  le  plus  voisin  de  chaque  Bureau,  ou,  à  défaut,  requis 
par  le  commandant  supérieur,  sans  toutefois  que  cet  officier 
soit  attaché  d'une  manière  permanente  au,  Bureau,  »  En 
même  temps,  les  hôpitaux  français  étaient  ouverts  aux  Arabes. 
De  toutes  parts,  des  plaiotes  très  fondées  ont  démontré  les 
inconvénients  d'une  telle  organisation.  Ainsi,  à  cause  de  la 
mutation  fréquente  des  médecins  des  hôpitaux  ou  des  corps,  à 
cause  du  service  quotidien  auxquels  ils  étaient  astreints  dans 
ces  diverses  positions,  jamais  les  Bureaux  Arabes  n'ont  pu 
constituer  une  organisation  médicale  régulière.  Au  lieu  d'at- 
tendre les  malades  à  des  heures  fixées,  le  médecin  aurait  dû 
aller  à  eux,  se  montrer  souvent  aux  populations,  s'en  faire 
connaître  et  désirer,  glaner  des  prosélytes,  étudier  les  mœurs 
et  la  langue  du  pays.  Mais  comment  r|urail-il  pu  ?  Pas  marne 


—  557  — 

une  ration  ^e  fourrages  (i)t  Pas  de  moyens  de  transport I  Pas 
de  liberté  de  ses  mouvements,  de  son  temps,  puisque  le  service 
de  santé  indigène  se  trouve  cumulé  avec  «elui  de  Thôpital  ou 
d'un  régiment  I  C'est  donc,  surtout  dans  les  occasions  d'ur- 
gence, dans  ces  cas  où  TArabe  attacherait  un  prix  incalcula- 
ble aux  soins  et  aux  succès  d'un  traitement,  que  le  médecin 
français  lui  fait  forcément  le  plus  défaut  I  Où  donc  est  la  portée 
humanitaire  et  politique  d'un  tel  système  ? 

Ensuite,  dans  les  hôpitaux  militaires,  les  Indigènes  ont^éné- 
ralement  refusé  de  séjourner.  Ceux  qui  y  entrent  le  plus  vo- 
lontiers sont  surtout  des  étrangers  sans  asile^  des  musulmans 
citadins,  ou  des  Arabes  entièrement  abandonnés  par  leurs 
empiriques  et  n'ayant  plus  guère  d'espoir  de  guérison.  Les 
habitants  des  tribus,  ceux  évidemment  qui  sont  le  plus 
dépourvus  de  tout  secours  médical,  ont  toujours  montré  une 
antipathie  profonde  et  un  dégoût  invincible  à  l'endroit  de  nos 
salles  hospitalières;  les  différences  de  coutumes,  de  pratiques 
religieuses,  de  langage,  de  mœurs,  la  privation  de  la  liberté, 
l'imposition  d'une  discipline,  une  alimentation  toujours  sus- 
pecte parce  que  des  mains  chrétiennes  l'ont  préparée,  le  con- 
tact européen,  une  existence  cloîtrée  bien  différente  de  la  vie 
nomade  et  au  grand  air,  etc.,  tout  enfin  répugne  à  des  indi- 
vidus élevés  et  nourris  dans  la  prévention  et  l'hostilité  contre 
les  Roumis. 

Les  Indigènes  qui  demandent  çà  et  là  des  remèdes  dans  les 
Bureaux,  n'y  viennent  que  par  occasion  :  le  médecin  ne  peut 
donc  suivre,  surveiller  le  traiternent;  de  là  des  abus,  des  dé- 
penses regrettables,  des  distributions  de  médicamens  souvent 


(t)  M.  le  général  Tusuf  écrirait  dernièrement  encore,  dant  'son  remarquable  onTrafe 
•or  /«  CiMfr*  en  jéfriqut  :  «  Les  chirurgiens  militaires  détachés  dans  !•«  Boréaux  Arabes  n'ont 
jpaa  même  droit  à  une  ration  de  cheval,  et  pourtant  ils  rendent  des  senrices  incessants, 
répandent  partout  leurs  bienfaits,  tl  vont  sour^it  soigner  de*  Arabes  dan»  les  tribus  éloi- 
gnées et  juwju'm  Kabjlie  m  ... 


—  Sî>8  - 

actifs  el  iloiit  les  prapriélés  seront    certaineuieiit  ignor 
D'aill(^.Lirs,  les  malades  qu'il  aurait  le  plus  importé  Je  soulager 
et  de  guérir,  sont  justement  ceux  qtie  la  souffrance  el  la  fai- 
blesse relienneiU  dans  les  douairs;  aussi  esl-on  venu  souvent 
deinaruler  des  remèdes  pour  des  parcnls,  des  amis  absents.  Si 
on  les  refnsaii,  ou  se  mettait  en  coniradiction  avec  les  avisr 
publiés  parle  journal  oiTiciel  Arabe;  si  on  les  accordait,  on 
le  faisait  au  hasard,  en  aveuj^de,  et  quels  résuUals  pouvait^on 
en  obtenir,  ou  plulot  ne  devait-on  pas  craindre  1  —  Ensuite, 
les  modicamens»  mis  à  la  di^position  des  Bu i^eauit  Arabes,  oui 
toujours  été  restreints  à  la  nomenclature  du  forra^ulaitc  des 
liopiïaux  mililaires,  et  ne  peuvent  des  lors  cotnj^renJre  ceux 
que  les  maladies  des  femmes  et  des  eufauts  réclament  si  sou- 
vent ;  d'autre  part,  la  somme  affectée  à  celte  dépense  est  tout- 
à-fait  hors  de  proportion  avec  les  exigences  des  besoins  de 
populations  très  nombreuses. 

Evidemment,  le  résultait  de  tous  ces  traitefnents  incomplets, 
irréguliers,  trop  souvent  insignilianls,  n*a  pu  donner  à  beau- 
coup d'Arabes  qu'une  triste  idée  de  notre  Médecine,  cisiogu- 
lièrement  diminuer  la  confiance  générale.  Due  si  chélive 
organisalioïJySiius  laquelle  copeiidanlleschirurgîens  militaires 
ont  rendu,  avec  un  zèle  et  un  dévouemonl  Irop  restés  sans 
encouragement  et  sans  récompense,  tous  les  services  dont  ib 
étaient  capables,  ne  saurait  jamais  conduire  à  faire  Je  la 
Médecine  de  propagande,  celle  que  Ton  doit  avoir  surtouleti 
vue,  en  Algérie. 

C'est  ainsi  que  l'un  des  officiers  les  plus  distingués  des 
Affaires  Arabes  [()  écrivait  récemment  avec  raison   :   «  LaJ 
création  du  service  de  santé  auprès  des  Bureaux  Arabes  est 
d'une  importance  immense  ;  le  Ministre  qui  en   a  eu  Tidéc 
l'avait  bien  conipris  ;  des  dcfnils,  des  lesîneries  de  fonds  ont  I 


(>}  La vttmuiaail.i: 


•rj'^mt'f^it^n  d*}  intifgtit*',  f. 


—  559  — 

empêché  dans  son  entier  développement  la  réalisation  d'une 
pensée  qui,  pour  nous  attacher  les  Indigènes,  a  une  bien 
grande  portée.  » 

Les  inconvénients  et  les  résultats  négatifs,  signalés  dans 
l'organisation  de  ce  service,  m'avaient  fait  penser,  en  1848, 
que  le  meilleur  moyen  d'appliquer  utilement,  convenablement 
et  rationnellement  Tinfluence  médicale  aux  populations  Indi- 
gènes, sérail  la  création  d'hôpitaux  exclusivement  consacrés 
aux  Arabes.  J'ai  démontré  (1)  tous  les  avantages  de  ces^éta- 
blisseinenls  dont  Tinstallation  au  sein  des  tribus  devait  être 
d'une  extrême  simplicité.  Les  frais  du  service  et  les  dépenses 
premières  auraient  été  coiiferts  par  un  impôt  annuel  de  dix  à 
quinze  centimes  \iîiT zouidjà  ou  djebda,  proportionnellement 
à  l'ac/ioMr.  Des  essais,  tentés  dans  plusieurs  cercles,  ont  con- 
firmé pleinement  le  point  de  départ  d*un  tel  système.  Partout, 
en  effet,  où  les  Indigènes. ont  pu  être  traités  dans  des  locaux 
(tentes,  infirmeries,  asiles)  particuliers,  et  dans  lesquels  ils 
n'étaient  réunis  qu'à  des  corréligionnaires,  ils  ont  cessé  de 
manifester  des  craintes,  de  la  méfiance,  de  la  répulsion  contre 
un  séjour  plus  ou  moins  prolongé,  et  le  nombre  des  malades  a 
augmenté  rapidement.  Des  nattes  et  des  couvertures  ont  suffi 
à  leur  couchage  ;  pour  nourriture,  des  galettes  arabes,  de 
l'huile,   du  piment,    des   dattes,   du    café,  du    laitage,  du 
kouskouss,  parfois  de  la  viande.  Dans  l'hospice  musulman 
d'Alger  (2)  dont  j'ai  créé  le  service  médical  en  1850,  le  calcul 

(i)  De  la  rrnathn  des  Hôpitaux  Jrabes,  dans  le  jouraal  VÂhhbar  du  17  octobre  i848' 
(a)  Daus  un  remarquable  article  sur  V  Assistance  publique  en  .■élge'ric,  la  R^t'ue  Orieutuie 
d'ortobm  1 85a  «'exprime  dans  les  trmirs  suiTants,  que  je  rnppcllr  prinripalcinrnt  au  litre 
delà  Médecine  militaire,  qui  adonné  sur  la  terre  d'Afrique  t.iut  d'exemples  de  dévonoiucnt 
tt  d'abnégation  absolue.  «  Dan*  l'asile  d'Al-jer,  le  service  médirai  a  été  organisé  p.ir  un 
chirurgien  aide-m.ijor,  M.  Borthrrand  ;  depuis  peu,  M.  Donellu,  do  leur  de  la  Faculté  de 
Malle,  lui  a  sacc«>dé.  L'intelligence  de  cc^  doux  pra^icirn -,  Irur  dc\  c.irmeut  à  une  œuvre  dont 
lia  ont«  dès  l'origine,  compris  la  double  importance  bienfaisante  et  )>oliiiqne,  ont  rendu  ht 
■otre  cause,  à  l'humanité,  des  servirez  qu'un  ne  sanrait  trop  hautement  signaler.  Nous 
voudrions   pouvoir  citer  aussi  1«  nom  du  médvcin  de  la  uiai9<m   de  OmManline,  «eux  df» 


—  560  — 

Jes  dépenses  «le  l*alimcnlaïion  et  d**  Pameullement  n*aitei-| 
gnait  pas  vingt  centimes  par  homme  et  par  jour-  On  conoait^J 
irautre  part,  la  siiuplicilé,  la  solidité^  la  durée,  le  prix  peul 
élevé  d'oii  veleraent  arabe.   L*asile  de  Cinislunljne  n'a  pas* 
coulé  plus  de  3,500  francs  d'iDslallatiou.  Or,  nVt-uD  pas^ 
trouvé  chez  les  Arabes  de  quoi  leur  faire  bâtir  plus  ilii  2,000 
Qiajsons  en  quelijues années?  Ej,  d 'ailleurs,  leurs  marabouts, 
leurs  empiriques  ignorants,  ne  se  font-ils  pas  paver  assex cher, 
sans  guérir  davantage  pour  cela?  L'Arabe  comprendra  donc! 
facilementqu'ily  va  de  son  intérêt^ sanitaire  et  pécuniaire»  de  \ 
coopérer  à  la  création  d  établi bsements  où  il  trouvera  ua  sou- 
lagement confortable  à  ses  soutTraices  et  les  conseils  éclairés  j 
d'un  ioubibc  français. 

Les  Hôpitaux  Arabes  permettront  seuls  de  bien  propager  lai 
vaccine,  parce  que  les  enfants  inoculés  pourront  au  moins  yl 
séjourner  le  temps  convenable  puur  assurer  le  développementi 
du  virus  préservateur  ;  ils  constitueront  ensuite  de  vériiaWe.^ 
dispensaires  oii  celte  alFreuse  syphilis,  qui   ronge   le  peuf 
indigène  sous  toutes  les  formes,  pourra  être  combattue  dès  leJ 
début  des  symptômes  avec  plus  d'elBcacité  et  de  succès.  Bel 
ces  établissements,  placés  a  proxinulé  et  sous  la  responsabilité^ 
d'un  chef  indigène,  le  médecin  rayonnera  sur  tout  le  Cercle,.] 
y  fera  de  nombreuses  tournées  selon  les  besoins,  se  porter 
fréquemment  sur  les  marchés^  soumettra  aux  atjtorilés  locales,] 
et  fera  exécuter  par  leur  exemple  et  leur  appui,  toutes  J^ 
niesnrt*s    d'hygiène   publique   convenables,   encouragera   la 
construction  et  lentretien  des  puits,  routes,   caravansérails, 
bains  maures»  plantations,  conduites  d'eau,  etc.>   recevra  desj 
Caids^X  Cheikhs  de  chaque  fraction  la  déclaration  des  naissan» 
ces,  âéchy  mariages,  de:  furmiTa,  vu  uti  mol.    le  novau  del 


«turqrgirm'nidjvratliti,  ^iUiiéj  j»u|<m  dr  rh«*|tic  Buri'au  Ar^bi»,  r4?|>untln4  J«.s  lii«ijC*irt  «l*  l 
df  cm  maux  afllipr«ni»f{i>î  «orroin|t#iit  t«  |vrtfiçipe  Hp  Li  rît  Omu  ut  »uM»tt.  • 


561 


^     ^.urJL%.«* 


l'adaûnislralion  de  l'État-Civil,  qu'il  importe  tant  d'établir 
dans  les  mœurs  musulmaoes.  C'est  seulement  alors  qu'habi- 
tant, séjournant  au  milieu  des  Arabes,  vivant  de  leur  vie 
intime,  s'initiant  à  tous  les  mystères  de  leur  existence  (1),  le 
médecin  saura  capter  leur  conGance,  convaincre  les  incrédules 
et  confondre  les  imposteurs.  On  oublie  trop  que  l'existence 
toute  particulière  de  la  tente  et  les  occupations  de  la  femme 
dans  la  tribu,  ne  permettent  pas  aux  Indigènesde  courir  après 
le  toubibe,  au  chef-lieu  du  Bureau. 

Un  excellent  moyen  d'entraîner  Tesprit  arabe,  c'est  de  faire 
servir  grand  nombre  de  leurs  propres  croyance^u  bénéfice 
de  notre  cause.  C'est  par  une  adroite  propagande  de  bons 
livres  contenant  des  préceptes  sur  l'hygiène  (2),  l'agriculture, 
les  arts  les  plus  usuels,  c'est  par  une  habile  interprétation  de 
leurs  dispositions  législatives  et  de  Jeurs  proverbes,  qu'il  faut 
secouer  et  agiter  la  pensée  engourdie  et  stationnaire  du  Mu- 
sulman. La  lecture  des  faits  historiques  les  plus  capables  d'é- 
mouvoir son  imagination,  d'opuscules  traitant  de  passages 
intéressants  d'histoire  naturelle  accompagnés  de  gravures 
représentant  les  êtres,  les  substances  les  plus  usités,  éveillera 
le  goût  de  l'étude,  et  dissipera  bien  des  préjugés.  La  traduction 
française  des  Médecins  Arabes  les  plus  célèbres  (3)  nous  fera, 

(i)  11  jparricudra  aisëmcnt  de»  que  la  langue  du  pay»  lui  iera  devcouc  familière.  U 
prix  élcré  de  l'impreuion  arabe  m'a  einpéché,  jusqu'à  ce  jour,  de  publier  un  dictionnaire 
de  3.700  mots  enriron,  comprenant  tons  les  tern^  de  médecine,  chirurgie,  pharmacie, 
histoire  naturelle,  botanique,  zoologie,  etc.,  ontés  ^ez  1rs  Arabes  dc^  prof  inces  de  ÇcuM- 
tantine  et  d'Alger. 

(s)  -f-'or.  ci«dessus.  p.  S;. 

(3^  Les  prindpaux  Mi'dedns  et  Natui^listes  Arabes,  sont  :  i  •  Bbàxbs  {Ab»u-Btkh  Mokamm9d 
btn  Ztikariak  ml  Baiy)^  médecin  en  chef  de  l'hâpital  de  Bagdad,  mort  en  gai  :  auteur  de 
pandectcs delà méderine,  d'un  traité  de  la petlte-Térolc  et  de  la  rou^'rolc,  d'une  histoire  d« 
toutes  Ii-s  connaissances  médicales  de  son  temps,  etc.  ;  on  loi  doit  le  séloB  il  U  pr^mi^ 
dottription  du  larynx. -*^a.  Avsaaaoxs  (Abou- al- Ozalid  Mohammtd  htn  RotchJ)  dé  Cordoot, 
mort  en  1198  :  a  fait  nu  grand  uuTraga  de  médecin*  {Kalijet).  -•  S.  Avicsvva  {jtim^U» 
ûllJoa^miit  6en  JbdaUak  ben  Cinna),  né  en  980  à  Bonkhara,  mort  en  io36,  Wlsir  du  sulun 
Maodal  :  il  écrivit  une  métaphysique  et  des  lois  de  la  médecine  qui  furanl  pendant  sIb 
siècles  l'unique  code  médical  de  TEorope,  da  l'Asie,  de  l'Afriqat.  —  4-  AtiecAHs   {dhwl^l 


—  562  " 

en  mênii'  temps»  retrouver  des  idées  scientifiques  toutes  appro- 
priées aux  erremens  nalioûaux,  et  ries  doctrines  qui,   pour 
n'être  plus  de  Dutro  époque,  pourront  cependant  modilier  les  i 
opinions  actuelles  sur  les  phénomènes  cliiuatériques,  phvsio- 1 
logiques  et  pathologiques,  auxquels  elles  ont  été  jadis  udoplée«  j 
avec  quelque  raison.  L'intelligente  étude  de  lu  juriâprudenec^j 
musulmane  conduira  évidemment  à  adupïer  une  législation 
parliculière   plus  en  Itarftionie  avec  le  climat  africain  cl  le 
tetiipêruTOeut  indigène,  et,  par  suite,   la  niédecine   légale  s>j 
consli tuera  avec  des  exigences  plus  rationnelles. 

Il  estccDcndant  juste  de  convenir  que»  malgré  toutes  ses  | 
imperfecli^,  malgré  tous  les  obstacles  apportés  à  sa  facile 
exécution  par  une  vicieuse  et  incomplète  ébauche  d'organisa- 
tion, le  service  ujédical,créé  en  1847  en  faveur  des  Indtgènestj 
aproiluit  des  résultâtes  irrécusables  etd*une  certaine  iaipor'- 
iance.  Ain^i,  des  que  le  passage  ou  la  venue  d'un  médcsîiiij 
français  sont  connus  des  Arabes,  graud  nombre  de  ceux-ci,  j 
fatigués  des  décevantes  illusions  des  amulettes,  accourenil 


Mav*m  Khahfb^n  ji&àat),aé  |»rèi  du  rofdoac,  mu rt  en  1106  :  u  |tiiU1U  Wiké  oiéth^dn  û»  Vm 
âe  guérir^  décrit  un  mnex  gr«ti(l  Doiubra  d'(u«Lruiiieii»,  parlé  I*  prenûer  dr  laiilliotrilie» 
—  5.  Avs»»aA*  {jfh<fu  MtrmaH  é*tt  a&d  al  M^fek  tttn  ZoAf)^    iitéduciQ  du   Klialiiv  du   MAr^i^ 
lié  pri;*  dt*  Scvtllo,  mort  fiiJ.xiji  j  fouddlcurdc  lu  pb^ii-^iuaçi,  n  laljfiv  ua  vUTfage  c^iwA»  U  J 
BiclificiiUoni  de  I«  M<'idfdnc, —  6.  At  Kt!(i»t,  qui  virAll  u   Li  cour   d'Ai   Wi^ut»»»    mort  «»J 
tSo  :  oiiJol  do»l  un  trailé  lur  bt^ouiposîtiondcj»  inèdîcaiucn*^  uno  ib^^rî»  di«  â» l*  »i»4gî< 
<tc.  —  7>  Af»  FiK4ti,  ne  en  Afi«,  mort  en  g&o;   cluit  pf^iiilu&ité   parlv  prïkcr  d«  Sy^ri»  ^  • 
publia  Qoe  eucTctopédip,  un  traité  »ar  1m  scicnc»*  rlc  —  ».   A»ou   0««*>»a«  (M^m/  ^Um$ 
Mtmafttà  eJ  Jtnr  Jhm^ti)^  tnort  «n  ïiCt»  !  a  rait  «tic  htjilrviri!  do  !:>  wiédwnne  drpni*  «ou  origlua  1 
jttaqu'Au  XOl*  ri^dc^ç).  Mtio»  {YnyU),  ué  prèj  ût  Nînivê.iuori  tu  855  ;  prtHrjt'  d'H^»»**! 
AL  Il44ctttu  pi  d'At  MâHOLir  :  00  luidoit  uue  pbNnnaca|i«v,   de*  Iraitéi  *uf  V»tMïo«ni**  11* 
fièvre»,  !m  liaînsjrs  uUmt.ut,  <?lc.  —  to.  Ait*  Btitn^ii  (JbéûUak  b*n  ltmm€4  «f  Otitkmr\  ufl 
pria  d»  MdLtgj^  tuort  vtx    134^  ;   céUhro  boltiQiiictjui  ■  Uisté  un  »r«jt*  J<*  Siw>pt**-  —  Ita^ 
Ak  K*«wi*i  (Jf«A.i^/<»A  Af»»  M9humm*<t  htn  MttAmauif},  mort  à  KAiirîtti  ci»  iiiJ    c^lAUf#  ■*!«•] 
nliste  ;  tt  laîui;  un  traité  de  trol»  r^g;jir>  de  In  ontar^?, — 11.  U*<  (heu  AU  n(  S^tiitm),  ««  VIV* 
ùixUt  A  Gr»iiad«  ï  niotiurv  fUiiiir(rMi<  ût^  Aniua^ux.  —  i3.  Ai.  V.ouit  fTaltf  Ji^u  Zdttn^l  1^1 
M«àaMM0jtt  Utomiij,  X*  tMaU  i  «i  ptiblté  an  ïrait^  do  botanic^ur,  on  ouvrage  d«  pbj>iul«>t^l 
|»fttbolo|fit|ti«i  —14.  Tia^t.iutn  {&*»   Ahmtd  Jhmtt  Kt^ctm  et   .Var^uf  tt  MtigftiUi).  ii^ort  e« 
11**7*  tmil*  d<rCku«i1* — t5.G«t<»  f//«è«M  Jlfôwça  DjfA^/^ra/ J«/iJ,dc  lT*rfiMiî  VlII*i**ri#^ 
cAl^br»  dumiflo.  ~-  «e.  A*e  Att^Tir,  m^dceiB  Ar«b«t  wè  en  itfîi,  i  Bagdad  \  liî*t'iri<«l  fft 
I^Cépâf  te  iiilun  5At,4Btv  i  fie,  —  (f'«r*î,  ddoag»  p*f«i  tto  ri  81; , 


—  m;\  — 

réclamer  des  soins  et  des  remèdes;  très  rarement  les  chirur- 
giens français  n*ont  pas  obtenu  de  pénétrer  dans  leurs  mys- 
térieuses existences,  de  voir,  de  traiter  leurs  femmes,  leurs 
filles,  ete.  Pendant  les  années  1847,  1848,  1849  et  1850, 
près  de  45,000  Arabes  ont  été  traités  par  les  médecins  des 
Bureaux  Arabes,  savoir:  10,775  dans  la  province  d*Oran; 
46,061  dans  celle  de  Constantine;  et  17,382  dans  celle 
d'Alger.  —Les  Arabes  sont  convaincus  aujourd'hui  de  l'efli- 
cacité  du  sulfate  de  quinine  dans  les  fièvres  intermittentes  (1), 
de  l'opium  dans  les  dysenteries  et  diarrhées,  de  nos  traitements 
anti-syphilitiques,  de  Tammoniaque  contre  les  piqûres  d'ani- 
maux venimeux  ;  la  gale  a  complètement  disparu  de  plusieurs 
tribus  entières;  grand  nombre  d'ophthalmies  ont  été  guéries,  et 
beaucoup  d'Indigènes,  encouragés  par  les  succès  de  quelques- 
uns  de  nos  collyres  énergiques,  ne  manquent  jamais  de  venir 
en  demander  dès  les  premières  atteintes  du  mal.  Enfin,  je  ne 
parle  pas  de  l'influence  toute  morale  qu'ont  suscitée  les  rela- 
tions des  Médecins  français  avec  les  Indigènes  ;  les  malades 
sensibles  aux  bons  soins  qu'ils  ont  reçus,  manifestent  partout 
une  profonde  reconnaissance  et  une  sympathique  confiance. 
Que  n'aurait-on  donc  pas  obtenu  avec  une  organisation  ration- 
nelle du  Service  de  santé  (2)  !  Tous  ceux  que  la  captivité  a 
retenus  chez  les  Arabes,  ont  relate  des  impressions  qui  ne 
permettent  pas  d'en  douter.  L'un  d'eux  (3)  a  dit  :  «  Les 
Arabes  apprécient  le  bien-être  matériel  que  nous  leur  appor- 
tons. » 


(i)  f  "o/tf^  plus  haut,  page  397. 

(s)  Les  observations  recaeiUies  par  les  Médecins  des  Bureaax  n'ayant  pas  encore  été  cen- 
trt^Iisées,  il  est  impossible  de  signaler  ce  que  les  pratiques  du  toubi/te  Indigène  "ont  pu  leur 
jofTrir  d'arantageux  et  do  profituLlc  à  la  science.  Si  j'en  jngo  d'après  ce  qae  j'ai  vu  et  expc- 
rimcntc,  l'emploi  méthodique  du  kofitui,  du  htnna,  du  bain  maure,  du  feu,  du  massage,  etc., 
rendra  de  grands  services  à  la  médecine  et  à  la  chirurgie  françaises. 

(3)  M.  D«  raA»t«,  enseigne  de  vaiucau,  i83-  :  Les  juisonnitrs  d'.iliH-tlKndtr,  cinq  mon 
iê  taftivif  cht:  Us  Jrabts. 


—  564  — 

Les  tentatives  de  rénovation  sociale  failes  en  Egypte 
Turquie,  dans  ces  Jerniers  lempA,  et  surtout  Jes  beaux  résu 
obtenus  par  rinlervenlion  de  l'art  médical,  doivent  d'autant 
plus  nous  encourager,  que  nous  n^avons  pas  en  Algérie  m 
constilulion  politique  consolidée  par  l'unité  d*un  pouvoti 
musulman  et  d'une  assemblée  de  Savants  Mahométans,  dont 
il  faudrait  vaincre  rinfluence  émincnleet  gagner  l'adhésion  à 
des  errements  nouveaux  ;  la  dissémination  des  tribus  et  i 
multiplicité  des  chefs  Indigènes,  les  placent  Ions  dans  ur 
existence  isolée,  moins  indépendante,  ce  qui  rend  notre  aclioil 
plus. forte  et  noire  tâche  de  civilisation  plus  facile.  C'est  aune 
persévérance  réfléchie,  à  rinlelligent  emploi  des  instruments 
sociaux  qui  agissent  le  mieux  dans  Tin térêt  général,  que 
France  doit,  sans  aucun  doute»  confier  le  soin  d'apporter  dao^ 
les  mœurs  et  les  conditions  physiques  des  Arabes  les  amélior 
tions  et  les  reclifications  dont  elles  ont  tant  besoin.  On  n'im- 
provise pas,  on  n'importe  pas  d^un  seut  coup,  on  n*irnp06e 
jamais  la  civilisation  :  on  y  prépare  progressivement  en 
lant  aux  sens,  à  l'intelligence  et  à  la  raison  des  masses,  et  sui 
tout  en  augmentant  le  bien-elre  individuel. 


FIN. 


I 

TABLE   DES  MATIÈRES. 


DédicJicc  . 
Préface    . 


LIVRE  I.  —  OU  MÉDECIN  ARABE. 

CH4PITR£  I.  De  l'ttmt  dt  la  Médecine  chez   les  nations  et  populations  mahometanes .  i5 

Etat  de  rinstrnction  publique  chez  Iw  Mosulmans i6 

Eut  de  la  Médecine  en  Arabie i8 

—  daus  le  royaume  de  Tunis id. 

—  an   Darfonr 19 

—  en    Turquie id. 

—  en    Perae ai 

—  en    Nubie 22 

—  en   Egypte id. 

On  ne  doit  pas  attribuer  au  Koran  la  dégradation  intellectuelle  du 

peuple  Qusnlnian a4 

CHAPITRE  II.  Exercic»  dt  la  Médoein»  chez  les  Musulmans   dt  l'Algérie.  —  Leurs 

connaissances  en  sciences  médicales  et  naturelles 3o 

Médecins 3a 

Chirurgiens 33 

Triste  état  de  la  chirurgie 34 

Pansearats 36 

Feu,  cautérisations J7 

Saignées,  scarifications 38 

Orthopédie t  id. 

Suture.     . id. 

Moxas. 3c> 

Vésicatoire id. 

Trépanation 4o 

Exercice  légal  de  la  Médecine id. 

Spécialités  médicales 4i 

Dentistes id. 

Vacdnatenrs.     .     .     , 4a 

Sages-remines 4) 

Ocnlisten 44 

Circonciscurs 45 

Médedns  de  la  jauniase 46 

—       militaire* id. 


-  566  - 

Mrdectfis    mililaire-s    orgauis»'*  par  Abd-el-K«drr 4- 

—        Télériiiaircs 48 

Des  ÂmnUttes id. 

Diverses  praliqurs  drvînaloires 5o 

Forme  et  contenu  des  aiimlctlcs Sa 

Idées  superstitiruscs  snr  Us  causes  des  inaladiM ^4 

Spécimens  d'ainaleltes,  de  talismans. 64 

Honoraires 71 

Reconnais sanc«  des  arabes  envers  ies   Médecin* -4 

Hôpitaux 77 

Ouvrages   de  Médecine 80 

Nécessité  de  l'étude  du  Koran 83 

De  la  jurisprudence  Musulmane  dans  ses  rapporta  av«c  U  Médecine  .  85 

Médecine  légale 87 

Responsabilité   des  médecins 88 

Aptitude    i   témoigner * 90 

Opérations   médico-judiciaires id- 

Attentats  à   la    pudeur 91 

Adultère ^S 

Blariage id. 

Divorce 9^ 

Serment  de  contineoee 97 

Grossesse id. 

Avortement io5 

AMoudiemaDt 104 

Paternité loj 

Allaitement id 

Identité.  Age 106 

Blessures ,  n,- 

Castration ,o<j 

Empoisonnement |,o 

Sophistications,  altérations  .     .     .     , id 

Signes  de  la  mort i j. 

Inhumations,  exhumations m 

Autopsies ^ jjj 

Recrutement  militaire jj 

Phjrsiognononiê ,,j 

Connaissance*  en  Anatomie ^^^ 

—  Physiologie. ,     .      .     .  121 

—  Physique ,,3 

—  Chimie jj^ 

—  Toxicologie ,j^ 

—  Botauiquc jj. 

—  Pharmacie ,3^ 

—  Mati(>re    ntédiia'e j^j. 


—  567  — 


LIVRE  II.  — HYGIENE  DES  ARABES. 

CnAPITRE  I.  Considérations  générales  sur  le  climat   de  FJlgfrie  «t  sur  l'organisntinn 

ph/iiqut  et  morale   des  Crabes ii« 

$  l.  Du  climat  de  r Algérie i38 

Sol iU. 

Végétation i43 

Zoologie 1 i4i 

jktmosphêrr id. 

Baromélrici i45 

Thermométrie i46 

Electricité i53 

Neige i54 

Vents i55 

Hygrométrie i56 

Saisons i58 

Hydrographie " i5<) 

Eaax  minérales i64 

%\\,  De  Inorganisation  physique  et  morale  des  jérabes l'ji 

Races id. 

Caractères  distioctirs  drs  populations  indigènes  de  l'Algérie.     .     .  i-) 

Difformités,   vices    physiques s^5 

Epoques   direrses  des   âges , i^G 

Taille »...  i^g 

Système    cutané.     - ,     ,     .     .     .  ibo 

—  P>1'« , i8i 

—  o»«"« i8j 

Conformation    du   crâne id. 

—             de    la    face ig^ 

Apparril  oculaire i85 

D«nu,  'mâchoires ig6 

Thora» ,8^ 

Bassin ij, 

Teropérament    arabe i88 

Système    musculaire ,     .  i8q 

—  géuito>urinaire iqt, 

—  circulatoire ,y, 

—  nenreux ,     .     .     .  ipS 

Besoins   i*   animaux i^g 

sobriété id. 

libertinage 198 

—  a*    iolellertueb aos 

fatalisme iU. 

BMperslilion iil. 


—  368  — 

Beif>iiis  a*   instruction  publique ïo3 

indolence  ,    apathir >oS 

fêtes  publi^oe«.       .   ^ au6 

—       3*  sociaux 309 

CHAPITRE  II.  H/gièn»  publique lit 

Des   prière»  eti  commun si3 

EUt-ciril ai6 

Population 217 

—  niiTant   le«   proTinres 219 

— -         dans  les  rillt»  et   dans  le*  campagnes id. 

—  iiuirant  le   sexe sio 

Naiiitances  selon  les  saisons aaa 

Mariages  et  dirorres  selon  les  saisona. a24 

Décès  par  rapport  ù  la   population ai5 

—  au    sexe  et  i  l'âge. id 

—  aux  saisons 227 

Epidémies aaS 

Propreté  du   corps 229 

Ablutions    légales aJt 

Habitations 241 

Voies  publiques 242 

Serritudes 243 

KdiicM   publics. 244 

Eaux  publiques «49 

Voierie s&a 

<jmetières 2S3 

Inhumations 2S4 

Vêlements.  261 

Alimentation «64 

Mode  de   tuerie s54 

Aliments  permis ^.^ 

—       défendus.        ,-, 

Motifj  de  l'interdiction  de  la  viultde  de  porc a-^ 


ConscrYation   des  riandc». 


des   fruits, 
de  l'eau.     , 


27» 


—  des    grains jj 


276 
id. 


Buissons  permises j», 

—      défendues jj 

Le  Koran  ne  priscril  pas  le  vin ,.g 

Des  jeânes 7 ,|fi 

Altérations  et  faltiScations    des  substances  alimentaires.      ...  19a 
De  l'influence  de  l'éducation  morale  et  intellectuelle ,    des   insti- 
tutions politiques  et  religieuses  dos  Arabes ,^ 

Mariage ^ 

Prostitution ,j^ 


—  569  — 

DtTorce ijU 

CélU»a». agt 

Polj^amie.    .     .     , 3oo 

D«  U  wiifioa  wwnl— •  <a—  mwppftt  «ygc  là  iCTté  publiipw.  3«4 

CircoadHOD. 3o6 

Protettoas.        3iS 

OBAPITBE  m.   Uxfièmt  priait 3i7 

H jgiint  fU  U  peM 3il 

—  bain  nuore 319 

—  *»•»•'.       3«i 

— >     oosmétiqncs   divcn 3s» 

—  tatoiufe 3a3 

HjfièMdeU  vue 3a4 

—  kokfml. \é. 

Hj^iA—  de  la  bovdie Sa€ 

—  *«wy 3*7 

—  mifommf.                   td. 

Hyfiènedii  •yctèau   pitoax 319 

—  kaimm 33o 

—  épilaioircs 33g 

Hygiène  du  êjttème  mmcnUiff. id. 

Vètemena  en  paiticnlier 313 

Goacher 34» 

Diren  modes  dliabitatien  (tentes,  goorbb,  maieoM) 343 

Edairafe 349 

Cbanflafe id. 

Des  moyens  propres  à  dusserles  inseetas  el  ks  iaimawi  dangereux.  id. 

AUmens  les  plos  nsitës. 3Si 

—  dn  ^en  comme  oonrrilore. 3Sa 

—  da  eomseoiué, 364 

Dn   tabac 367 

ï>nh/(km€ki(Â) 369 

Direrscs  boissons 373 

Café 376 

'    n^rgiène  des  organes  de  la  génération 377 

-—      de  l'âge  dn  mariage 37! 

—  des  rapports  seauelf .  3tt 

—  de   l'allaitenient 3*7 

LIVRE  III.— MALADIES  «■EDECINE  DES  ARABES. 

De  la  pjtholngie  au  {•niot  de  me   des  jkrabes 390 

Uénominalion   des  m.  ladics 391 

Dnrégfane 39$ 

Des  opérations id. 

Ignorance  des  propriétés    des  remèdes*     .     » •  396 


—  570  — 

Causes  des  maladies.      . 397 

Maladies   héréditaires. id. 

Doses    médicameatenses 4«o 

Prompte  action  des  ronêdes  et  facilité  de  fuérison   des  blcssares 

chrz  les  Indigènes. id' 

Statistique     noaologiqne 40  3 

Kmboopoint -. 4o5 

Faiblesse      do    complexion. 406 

Jléublisseuient    dea   forces _ M, 

Syncopes 407 

In&omaie id. 

Sueurs    cxcastlTes 404) 

Cancer id. 

Farcin,    morre 409 

EnforgeoieDS    glandulairck id. 

Goitre id. 

—     crétinismc 4is 

Scrofules 4ta 

affections  de  la  glande  Diaœiuaire 4i3 

.SypbiUs 4i4 

Pian 4ao 

Eléphantiasis 4a> 

J^prc 4a4 

albinisme 4aS 

JchtyMse id. 

Méla$ma  pityriasis id. 

Taches  de  i^ousseur id. 

Ëphélides 4a6 

Dragouncau id 

Peste. .  4,- 

Choléra 4,U 

Rougeole 43, 

Vaiiole -.      .      .      .  id. 


Dartres. 
Gale.    . 


44s 
446 


—    bédouine ti. 

Abcès,    phlegmoub jj 

ïoupea ""^ 448 

Tumeurs,  pustules ^j 

Chancre  du  Sahara.     . ... 

l^gorgcmeiis   des  membres.  «^ 

L'icèrw iti 

Brûlure.» j^j 

Congélation j^ 

Maladies  des  o> ^j 

>:iIIoVM'. .  .^j 


\ 


—  57«  — 

Luzationt.      .     .     .    • i<i. 

Fractvrcs 456 

—  i^Viîra id. 

Arthrite   rlmmatifaM]* 4€o 

•^      blaiiionliafiiioe 46i 

—  «rétro-syapathiqat id. 

Goutte. id. 

Hjdarlhrote id* 

Rbainaticines id. 

Lombafo id. 

Sciatii|ae 46a 

Nérralgies id. 

Bpilepaie 464 

Perte  de  mioMiire id. 

Chorée id. 

ConTalsiosu id. 

Tétanos id. 

Aliénation  mentale»  idiotiane 46S 

Fièrre  inttnnittente 466 

—  conqplieatioM  dn  cdté  dn  foie  et  de  la  rate.     .  470 

—  pemideiMe 4^1 

—  iofloance  de*  rixières 47a 

Plaies id. 

—  compliqnées  d'hémorriiafie 47S 

— .          —         de  rere id* 

—  dcatriaation 476 

— >    d'ampotatioQ id. 

—  da  bec  d«  lierre 477 

— >    par  armes  à  feu id. 

Transport  des  blessés 48' 

Plaiet  par  animanz  rhAimmx 484 

—  tarentule id. 

—  scorpion 4*5 

—  serpenU 4i6 

—  rage  canine 4t8 

Cbeveuz  blancs 49$ 

Alopécie iid. 

Teigne 49^ 

Gourmes  .     .     ■ 497 

Pbqne id. 

Vermine id. 

—  pou  de  barbe 49* 

Affections  cérébrales. id. 

—  céphalalgies 4^99 

—  —         q^rreoscs *©• 

—  hypér^mie  des  yinis  frontamx ^1 


—  872  — 

—  hydrocéphalie. Soi 

—  méningite id. 

—  «ttcéphalite .  id. 

—  méainfite  oértibro<4péwde id. 

OEène So» 

Corju id. 

Eptsuxif id. 

▲fiectioBS   ocvlairet. SoS 

—  ophthalmies. 5o4 

—  —           caUit^alek 5o5 

—  —            TariolenM. id. 

—  —            parolente 5«6 

*-                          —            syphilitiqn*. fd. 

—>                          — •            némigitfw id. 

—  corps  étranger* S09 

—  ftérypon id. 

—  épipliora id. 

<—                  fiatnie  iMryaik Sio 

«-                 entropion id. 

—  tricfaladft. id. 

^                   njrculopie id. 

—  -     liéraér«lop4« id. 

—  faibItsM  de  la  rue id. 

—  amnaroae 5it 

—  strabisoM id. 

—  cataracte H. 

-»               affections  de  la  eomée. Sx» 

—  —           alliagos i4, 

Otalgies ij. 

—  otorrhée 5,3 

—  rers  daM  les  oreilles j^ 

—  snrdité j^_ 

Stomatites Ij 

—  scorbatiqae j^^ 

—  gangreneuse ^ 

aphteuse j^^ 


ulcéreuse. 


id. 
id. 


GrenouiUette 

Sangsues  avalées -^ 

Bec  de  HèTre j^j 

Odontalgie 1^ 

—  carie  dentaire •     •      .      .  id 

—  vers  dans  les  dents 5  ^^ 

ReU^enent  delà  luette ^^g 

^^^ id. 

Al*«w> id. 


-  673  — 

Croap 519 

Coqueluche id. 

Grippe id. 

JkfTectioiis  de  poitrine 5ao 

—  bronchito 5ai 

—  htooptysie id. 

—  pleurésie  ' id. 

— -        Mthme S» 

•—        Dréqamce  de*  maladie*  de  poitrine id. 

—  phUûrie Sa3. 

Maladies  da  cœor 5*6 

Affections  da  tobe  digestif id. 

—  inappétence 

—  gastralgie i*^ 

.  —       gastrite id. 

—  constipation id. 

—  coliques 5at 

—  hernies id. 

-—        tympanite id. 

—  diarrhée id. 

— >        dysenterie 5*9 

—  fiérre  typhoïde Id. 

—  hydropisie  asdte 53o 

—  hémorrhoides. id* 

—  cristalline S3i 

—  Ters  intestinaux id. 

Affections  du  foie 53a 

—  jaunisse id. 

—  embarras  bilieuz S3S 

MaUdies  de  la   rate 534 

Affections  des  organes  génito-urinaire*. id. 

—  des  reins 535 

—  de  la  Tessie Id. 

—  —         cystite id. 

—  —         rétention  d'urine id. 

•—                 —         incontinence    d'urine •  id* 

—  —         calculs id. 

—  des  testicules. 536 

—  —         hydrocèle id. 

—  de  l'utérus 537 

—  —       leucorrhée id* 

—  —       chutes  de  matrice M. 

—  —        dysménorrhée M. 

—  —       hénM>rrhagies 53S 

—  —       abcès  des  grandes  lèrres^ idL 

—  —       itérililé id. 


—  574  — 

—  impuiasance 54c 

~                 ^          hjstérie ' 54a 

—  —         a«eoadiem«nto 541 

CONCLUSION. 

Du  r^le  ciTilisatcnr  de  U  Médecine 54i 

•—                         aa  point  de  ma  politiqoe   .     •  55o 

—  hnmanifaire    .  5S3 

—  —            sdentifiqac  S54 

Historiqae  du  service  médical  indigène 555 

Néceaaité  de  la  création  d'hâpitaux  arabes 559 

Utilité  de  la  propagande  par  des  litres  d'hygiène,  dliiatoira  nata- 

relle,   etc 56k 

Réaoltatt  obtenus  dans  le  sarrice  médical  indigène 56  s 


ERRATA. 


Page  i5,  ligne    7  :  Aboalabbas,  listz  Aboul-Àbbas. 

A  39,  i>  ax  :  pouvoir,  /wm  PonToir. 

'>  43,  »       3  :  Doos  r«TiendroD9,  tistM  nous  nous  étendrons. 

"  44i  »  7  '•  occulitftes,  Use»  ocoliâtes. 

»  5s,  i>       S  :  les  plus  petits,  iûe»  le  pins  petits. 

»  id.  >,  Il  :  d'un  met  froid,  iùts  d'nn  mets  froid. 

6«,  n  3a  :  dattes  d«  qsêbàa  (.^),  titn  dattes  dites  qttbha   (qualité  particulière,  i 
pulpe  moUe,  et  très  estimée). 

M  76,  vu  note  :  militaire,  litti  militaires. 

»  96,  ligue  ai  :  ou  toute  autre  maladie,  Utes  ou  atteinte  de  toute  autre  maladie. 

••  106,  »  i4  :  allaite  l'enfant  (a),  /!im2  allaite  l'enfant  (a):  » 

••  III,  >•       I  :  immoblité,  Uui  immobilité. 

»  ii3,  »  la  :  ou  il  y  a,  iitti  où  il  7  a. 

»  14  j,  »  le  :  Sidi-Okba,  Uu*  Sidi-Okba. 

M  17U,  »  a4 '•  Merkoutine,  £i<«s  Meskontine. 

>■  tSi,  »  a6  :  rbàtain,  h$ei  châtains. 

>  aoa .  »•       4  :  Que  dire  drs  besoins  intellectuels,  Ustx  a* Que  dire  des  besoins  inttUectueis. 

»  zog,  »  i5  :  ne  saurait  rtrc. /fies  ne  pourrait  être, 

t  a34.  **      7  :  terre  friable.  Usez  une  terre  friable, 

n  a5o,  »       3  :  indisdble,  /isex  indieiblr. 

n  260,  »  3o  :  drilisation,  iùts  civilisation.  » 

it  a6a,  »  a3  :  constructions,  itsêz  constrlctions. 

>i  170,  M  ai  :  unhymoses,  iittz  ecchymoses. 

>•  a 80,  »       6  :  devaient,  lises  devait. 

»  aya,  »  i5  :  telles  sont,  liiez  tel»  sont. 

t>  a93,  »  ai  :  debaraaaé,  Usez  débarrassé. 

»  a97,  M  lo  :  phjiichologiqucs,  liir:  {isychologiques. 

.>  jiu,  .1       7  :  a o  la  circoncision,  lit*:  3°  la  circoncision. 

>'  iib,  »  3o  :  ordonnée,  lisez  ordonné. 

M  401,  '>  i4  :  anaslhésie,//jrs  ani>s(héikic. 

w  4o5,  n  3o  :  coostantr,  /f<«i  pi-rmanente. 

n  4 14.  »       8  :  rénergiqae  stjptie, //j«3  l'énergie  stypiiqne. 

,1  419,  »>       9  :  qu'après  la..,  lisez  que  parla. 

»  4a a,  »  li  :  la  plus  vaillante,  lisez  la  plos  saillante. 

"  4  a  3,  M  ag  :  fréfjucntes, /f  if  a  fréquente. 

»  438,  »  a8  :  superstition,  lises  superstition. 

>  439,  »  17  :  Algérien,  lisez  Algérien.' 

»  44 !i,  n  3a  :  liiuiurut,  ttsez  liiiiiueiit. 

••  4''a,  »  10  :  page  laç,  liiez  pJgK  3(). 

>■  i)<'>,  I-  i-  :  militnircs  rivils  ou  indifri'-ii'",  lite:  lllilitai^e^.  cîvih,  i»u  iiidigruM. 


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