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Full text of "Memoires de l'Academie (Royale) des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse"

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_ MÉMOIRES 


L'ACADÉMIE IMPÉRIALE 
DES SCIENCES, 


INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES 


DE TOULOUSE. 


&e SÉRIE. 
Tome V. — ÉÉ | 


TOULOUSE, 
IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE , 


RUE SAINT-ROME , 41. 


Er 0 


MÉMOIRES 


DE 


L'ACADÉMIE IMPÉRIALE 


DES SCIENCES, 


INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES 


DE TOULOUSE, 


Quatrième Série. 


TOME V, 


TOULOUSE, 


IMPRIMERIE DE JEAN - MATTHIEU DOULADOURE , 
rue Saint - Rome , 41. 


1838. 


ÉTAT 
DES MEMBRES DE L'ACADEMIE 
AU 1er JANVIER 1855. 


OFFICIERS DE L'ACADÉMIE. 


M. HAMEL,, Professeur à la Faculté des lettres, Président. 

M. FILHOL , Professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole 
de médecine, Directeur. 

M. VITRY (Urbain) #, ex-Ingénieur-Architecte en chef de 
la ville, Secrétaire perpétuel. 

M. MOULINS , Professeur et Doyen de la Faculté des sciences, 
Secrétaire adjoint. 

M. LARREY (Auguste) %, Docteur en chirurgie, Trésorier 
perpétuel. 

ASSOCIÉS HONORAIRES. 

Mgr. l’Archevêque de Toulouse. 

M. le Premier Président de la Cour impériale de Toulouse. 

M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. 

M. ve Sazvaxny, G. C. #%%, Membre de l’Institut de France. 

M. Taexaro, G. O. %, Membre de l'Institut de France. 

M. pe Beaumowr (Elie), C. %, Sénateur, Secrétaire perpétuel 
de l’Institut (Classe des sciences). 


ASSOCIÉS ÉTRANGERS. 


M. Liouvizce Xe, Membre de l’Institut de France, à Paris. 

M. Visconri (le Commandeur), Commissaire des Antiquités 
à Rome. 

M. Micuecer #£ , Membre de l’Institut de France, à Paris. 

M. Dumas, C. x, Sénateur, Membre de l’Institut de France, 
Inspecteur général de l'Université, à Paris. 


ACADÉMICIEN-NÉ. 


M. le Maire de Toulouse. 


iv ÉTAT DES MEMBRES 


ASSOCIÉS LIBRES. 


M Léon (Joseph), ex-Professeur à la Faculté des sciences. 
M. ViGuerte (Charles-Guillaume), 0. #%, Docteur en chirurgie. 
M. Durrourc (Guillaume), Docteur en médecine. 


M. Ducasse (Jean-Marie-Augustin) #<, Professeur à l'Ecole 
de médecine. 


ASSOCIES ORDINAIRES. 


CLASSE DES SCIENCES. 
PREMIERE SECTION. 


SCIENCES MATHÉMATIQUES. 


Mathématiques pures. 
M. BrassiE , Professeur à l'Ecole d'artillerie, rue des Cou- 
teliers, 53. 
M. Mouxs, Professeur et Doyen à la Faculté des sciences , 
rue du Lycée, 1. 


M. Gascueau %$, Professeur à la Faculté des sciences, rue 
des Couteliers , 49. 


Mathématiques appliquées. 
M. Macuës (Jean-Polycarpe), O.%#, ex-Ingénieur en chef des 
Ponts et chaussées et du Canal du Midi , rue de la Dalbade, 11. 
M. Gaxrier % , ancien Professeur à l’Ecole d'artillerie , rue 
Saint-Rome, 23. 
M. Viry (Urbain) #, ex-Ingénieur-Architecte en chef de la 
ville, allée Louis-Napoléon, 3. 
M. Guess (Joseph-Auguste), C. #%, %, Colonel du génie 
en retraite. 
Physique et Astronomie. 


M. pe Sacer (Charles) #%, propriétaire, rue des Fleurs, 13. 
M. Perir # , Professeur à la Faculté des sciences , Directeur 
de l'Observatoire, correspondant de l'Institut de France. 


DE L'ACADÉMIE. Y 


M. Laroque, Professeur de Physique au Lycée de Toulouse, 
rue de l’Echarpe, 12. 


M. Dacux, Professeur à la Faculté des sciences, chemin 
pavé de Montaudran. 


DEUXIÈME SECTION. 


SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. 
Chimie. 


M. Couserax, Pharmacien, rue Cujas, 14. 


M. Macnes-Lanexs | Charles), Pharmacien, rue des Coute- 
licrs, 24. 


M. Fimo | Edouard), Professeur à la Faculté des sciences, 
Jardin royal, 8. 


Histoire naturelle. 
M. Frizac (François) #£, ex-Conseiller de préfecture, Bi- 
bliothécaire de la ville, cloître Saint-Etienne. 


M. Levmerie , Professeur à la Faculté des sciences , rue des 
ArISS 15: 


M. Jocx , Professeur à la Faculté des sciences , allée Bona- 
parte, 10. 


M. Lavocar, Professeur à l'Ecole vétérinaire , à l'Ecole. 


M. D. CLos, Professeur à la Faculté des sciences, Directeur 
du Jardin des Plantes, au Jardin des Plantes. 


Médecine et Chirurgie. 
M. Larrey (Auguste) %, Docteur en chirurgie, rue du 
Maur: 47 
M. Nourer, Professeur à l'Ecole de médecine, rue du 
Lycée, 8. 
M. Gaussaic , Professeur à l'Ecole de médecine, rue des Pé- 
nitents-bleus, 1. 


M. Desparreaux-Bervarn, Docteur en médecine, Biblio- 
thécaire , rue Deville , 5. 


v} ÉTAT DES MEMBRES 


CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 


M. ou Mèce (Alexandre-Louis-Charles-André) #, ex-Ingé- 
nieur militaire, l'un des Directeurs du Musée de Toulouse, rue 
des Lois, 34. 


M. Packs, Avocat, rue des Récollets, 69. 


M. Garrex-Arvouzr, Professeur à la Faculté des lettres , 
boulevard Napoléon , 1. 


M. Crausozces, Homme de lettres, rue Louis-Napoléon, 1. 
M. Hawez, Professeur à la Faculté des lettres, rue Deville, 3. 


M. Sauvace %, Doyen de la Faculté des lettres , à l'hôtel de 
la Faculté, rue Matabiau, 13. 


M. ns Vacquié, Avocat, ancien Magistrat , rue des Fleurs, 13. 


M. Becnomwe, Conservateur des archives du Languedoe, rue 
du Taur, 89. 


M. Ducos %, Avocat, ex-Conseiller de préfecture , rue 
Merlane, 2. 


M. Barry, Professeur à la Faculté des lettres , allée Saint- 
Michel, #4. 


M. Bexecn je, Professeur à la Faculté de droit, rue Saint- 
Georges , 2. 


M. Mouer , Professeur à la Faculté de droit, Econome de 
l Académie, rue Malaret , 12. 


M. Duror (Marcel), Avocat, ancien Magistrat, rue Mage, 20. 
M. Mawavir, Docteur ès Sciences, ruc Saint-Rome , 25. 


M. Asrre (Florentin) %, Avocat, ex-Consciller de Préfec- 
ture, rue des Fleurs, 18. 


M. Drraviexe , Professeur à la Faculté des lettres, place 
Louis-Napoléon , 4. 


DE L'ACADÉMIE. vi] 
ASSOCIÉS CORRESPONDANTS. 


CLASSE DES SCIENCES. 
PREMIÈRE SECTION. 
SCIENCES MATHÉMATIQUES. 

Mathématiques pures. 

M. Tissié, ancien Professeur de mathématiques, à Mont- 
pellier * (1). 

M. Vasse pe SanT-Ouex #£ , Insp. d’Académie en retraite. * 
M. Borrez % , Ingénieur en chef, à Chäteauroux. * 
M. Despevrots, Prof. suppl. à la Fac. des sciences, à Paris. 


M. Sanr-Guicnem % , Ingénieur en chef des Ponts et Chaus- 
sées, à Perpignan.” 


M. Ticcoc, Professeur de mathématiques, à Castres (Tarn). 
Mathématiques appliquées. 


M. Lermir Xe, Commissaire en chef des poudres et salpé: 
tres, en retraite, à Dijon. 


Physique et Astronomie. 
M. Barsey , Professeur au Lycée de Besancon. 
M. Soru, Professeur au Lycée de Zournon. 


M. Caaumowr % , Officier supérieur du génie maritime, à 
Cherbourg.” 


M. »'Homeres-Firmas %$, Correspondant de l'Institut de 
France, à 4lais (Gard). 


M. Decuix , Professeur de physique, à Zyon. * 
M. Roriner , Professeur, à Paris. 
M. Dauriac (Matthieu), à Toulouse. 


(1) Les Associés correspondants dont les noms sont suivis d’un astéris- 
que *, sont ceux qui ont été Associés ordinaires. 


vil] ÉTAT DES MEMBRES 
M. Sauvqué (Adolphe), de Poitiers, à Paris. 
M. Peer, G. O. %, Sénateur, Général de division, à Paris. 


M. D’Agsanie (Antoine) #, de Navarreins (Basses-Pyrénées), 
Correspondant de l’Institut de France, à Paris. 

M. LauGrer £ , Membre de l'Institut et du Bureau des Lon- 
gitudes , à Paris. 

M. Laius, Astronome à l'Observatoire de Paris. 


DEUXIÈME SECTION. 


SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. 


Chimie. 


M. Bouis, Pharmacien, à Perpignan. 
M. Francois % , Ingénieur en chef des mines, à Parts. 


M. Fonran (Amédée) #%, Docteur en médecine, à Bagnères- 
de- Luchon. 


M. Dusarnnx, Doyen de la Faculté des sciences de Rennes. * 
M. Fauré, Pharmacien, à Bordeaux. 

M. Barirrar, Pharmacien , à Mäcon. 

M. BoNEAN, Pharmacien, à Chambéry (Savoie). 


Histoire naturelle. 

M. Jonan DE Cnarrenrier, Ingénieur des mines de S. M. le 
Roi de Saxe, Directeur des mines de Bex, en Suisse. 

M. Lorseceur pe Lowccæawes, Docteur en médecine, à Paris. 

M. TourxaL fils, Pharmacien , à Narbonne. 

M. Bourée (Nérée), à Paris. 

M. ne Cuesnez , à Paris. * 

M. Farines , Pharmacien, à Perpignan. 

M. Lacrèze-Fossar , Avocat, à Moissac. 


M. ne Quarreraces %*, Membre de l'Institut de France 
(classe des Sciences). * 


M. Rozcann pu Roquan (Oscar), à Carcassonne. 


DE L'ACADÉMIE. IX 
M. Sismoxpa (Eugène), Docteur , à Zurin. 
M. Meruer , Professeur au Lycée de Marseille. 
M. Leresoucer, Prof. à la Faculté des sciences de Strasbourg. 


M. Durour (Léon) #, Docteur médecin, Correspondant de 
l’Institut, à Saint-Sever (Landes). 


M. Scarmrer , Conservateur des collections de la Faculté des 
sciences de Strasbourg, Correspondant de l'Institut de France. 


M. Moucror, Docteur en médecine, à Bruyères (Vosges). 
M. Gassies , Naturaliste, à {zen. 
M. Larter (Edouard) #, Avocat , à Seissan par Auch. 


M. Moquix-Taxpox %, Membre de l'Institut de France, 
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. * 

M. Guiserpe DE NarTacE, Docteur en médecine , à Messine 
(Deux-Siciles). 

M. 0e Mazsos | Jules), Membre de la Société géologique de 
France et de plusieurs autres Sociétés savantes , au Chäteau 
de Saint-Victor par Saint-Ambroix (Gard ). 


Médecine et Chirurgie. 


M. ScoutEeTtEx * , Docteur en médecine, à Metz. 
M. Prrquix DE GEmecoux, Inspecteur de l’Académie , à 


Grenoble. 
M. Muxarer , Docteur en médecine , à Zyon. 


M. Horn (Félix), O.%, Chirurgien en chef de l'Hôtel des 
Invalides, à Paris. 


M. Baryavez, Docteur en médecine, à Carpentras. 
M. Payan (Scipion), Chirurgien en chef, à l'hôpital d’4ir. 


M. Larrey (Hippolyte), O. #, Chirurgien de S. M. l'Em- 
pereur, Médecin en chef de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. 
M. Le Coeur , Professeur à l'Ecole de médecine de Caën. 

M. Cazeeuve #, Directeur de l'Ecole de médecine, à Lille. 

M. Bracuer % , Docteur en médecine, Lauréat de l’Acadié- 
mie , à Lyon. 

M. Herano (Hippolyte), Docteur en médecine, à Paris. 


x ÉTAT DES MEMBRES 

M. Beavroiz, Docteur en médecine, à Zngrandes (Indre- 
et-Loire ). 

M. Cosres, Professeur à l'Ecole de Médecine, à Bordeaux. 

M. Armeux, Chirurgien aide-major au 12° régiment d’in- 
fanterie légère, à Calvi ( Corse). 


CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 


M. Dam, Avocat, à Condom (Gers). 

M. Rexou, C. #, ancien Conseiller au Conseil de l'ins- 
truction publique , à Paris. 

M. CnampozLion - Ficrac %, à Fontainebleau. 

M. Weiss, O. %, Bibliothécaire de la ville de Besançon, 
Correspondant de l'Institut de France. 

M. Puiéart, ex-Principal du Lycée de Perpignan. 

M. Cuaupruc DE Crazanxes #, Correspondant de l'Institut 
de France, Officier de l'Université, à Castelsarrasin. 

M. Davezac pe Macaya %, garde des archives de la marine, 
à Paris. 

M. or Lamorge-LanGox (Léon), membre de plusieurs Ordres, 
à Paris. * 

M. Foresr, Sous-préfet d’'Oloron. 

M. Cnarces-Maco %, Homme de lettres, à Paris. 

M. CuarrenrieR DE Sawr-Presr (Jean-Pierre), Inspecteur 
d'Académie en retraite, à Paris. 

M. Bercer pe XivREY | Jules) *#, Membre de l'Institut de 
France, à Paris. 

M. Rarx, Professeur royal Danois , à Copenhague. 

M. Rrraun , Homme de lettres, à Aarseille. 

M. pe Caumoxr %, Correspondant de l'Institut de France , 
à Caën. , 

M. Navraz , Juge de paix, à Castres. 

M. Sovuquer , Avoué, à Saint-Girons. 

M. Duraurier (Edouard) # , Professeur à l'Ecole des lan- 
gues orientales vivantes , à Paris. 


DE L'ACADÉMIE. xj 


M. DE Sarxr-Fecix-MauremonT, %$, % , ancien Préfet , à 
Mauremont. . 


M. Mas-Larrie (Louis ), de l'Ecole des chartes , à Paris. 


M. Cros-MayrevigiLe , Docteur en droit, Inspecteur des 
monuments historiques , à Carcassonne. 


. Bresson (Jacques) , Négociant, à Paris. 
. MerGe , Avocat, à Castelnaudary. 


RER 


. DE BRIERE, à Paris. 
. Comes (Anacharsis) #, à Castres. 
. DE Lacuisixe #4, Conseiller à la Cour impériale de Dijon. 


= = 


M. Durcor DE Morras %, à Paris. 

M. Ricarn ( Adolphe }, Secrétaire général de la Société 
archéologique , à Montpellier. 

M. Pecer (Auguste) #<, Inspecteur des Monuments histo- 
riques , à Nismes. 

M. GarriGou (Adolphe), Propriétaire, à Tarascon (Ariége) 

M. Tuiaucr, Officier de l'Université, principal du Lycée 
de Valence (Drôme). 


M. Forrouz, C. #, Sénateur, Ministre de l'Instruction 
publique et des Cultes. * 


M. ne LAvERGNE, O. #$, à Paris. * 

M. Barow DE Monrsez % , ancien Ministre. * 

M. Jacquemn , Homme de lettres, à Æ{rles ( Bouches-du- 
Rhône). 

M. Fonps-LAMoTHE , Avocat, à Limoux | Aude). 

M. Tewrxr, Avoué près le Tribunal civil de Marseille. 

M. CLos (Léon), Avocat, à Villespy (Aude). 


M. Boucaer De CREVECOEUR , de Perthes %, Président de 
la Société impériale d’émulation de la Somme, à Æbbeville. 


M. Bascce De LaGreze, Conseiller à la Cour impériale , à 
Pau |(Basses-P yrénées ). 

M. Crozes (Hippolyte), Juge au Tribunal d’4/bi (Tarn). 

M. l'Abbé Cawero, Supérieur du petit Séminaire d’Auch. 


ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE. 
M. J. L. Dessaces, Correspondant de la Société des Anti- 
quaires de France, à Paris. 
M. Germanx, Professeur à la Faculté des lettres de Montpellier. 
M. le Chevalier pe Le Binart DE Tuumae , Docteur en 


droit, à Liége. 
M. ne CLrausane , Homme de lettres, à Rabastens {Tarn}. 


M. Barrozomeo Boxa , Professeur à l’Université de Turin. 
k 

M. Srecxerr , Proviseur du Lycée de Chäteauroux. 

M. Lasar , Organiste de la Cathédrale de Montauban. 


xi] 


AVIS ESSENTIEL. 


L’AcADËMIE déclare que les opinions émises dans ses 
Mémoires doivent être considérées comme propres à leurs 
auteurs, et qu’elle n’entend leur donner aucune approba- 


tion ni improbation. | 


MÉMOIRES 


DE 


L'ACADÉMIE IMPÉRIALE 


DES SCIENCES, 
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES 
DE TOULOUSE 


RECHERCHES 


SUR LE POUVOIR ABSORBANT DU CHARBON ET DES CORPS 
INSOLUBLES EN GÉNÉRAL ; 


Par M. FILHOL. 


Rey PARTTIE: 


J'a1 démontré, dans un premier Mémoire que j'eus l'hon- 
neur de soumettre au jugement de l’Académie dans le courant 
de 1852 , que le charbon n’est pas le seul corps simple qui pos- 
sède la propriété d’absorber les substances tenues en dissolu- 
tion dans les liquides ; tous les faits que j'ai observés depuis 
n’ont fait que me fortifier dans cette manière de voir. J'ai 
prouvé que le fer réduit par l'hydrogène, que le soufre pré- 
cipité ( magistère de soufre } et l’arsenie jouissent aussi d’un 
pouvoir décolorant qu’il est facile de constater. Enfin , j'ai dé- 
montré qu'une foule de corps composés que l'on considérait 
comme dépourvus de cette propriété, la possèdent à un très- 
haut degré. 

En voyant le nombre considérable de corps qui absorbent 

&° S. — TOME V. 


2 MÉMOIRES 

ainsi les substances tenues en dissolution , en considérant sur- 
tout que cette propriété ne se manifeste que lorsque ces corps 
ont été réduits en une poudre fine et dépourvue d'éclat , abso- 
lument comme cela a lieu pour le charbon , je soupçonnai dès 
le début de mes recherches que tous les corps solides que je 
parviendrais à obtenir dans un état physique convenable, joui- 
raient du pouvoir d'enlever les matières colorantes ou les sels 
à leur dissolution. Doit-6n considérer la précipitation des ma- 
tières colorantes et des sels, comme le résultat d’une action 
chimique qui s'établit entre le solide et la substance dissoute , 
ou bien faut-il n’y voir qu'une action physique ? Telle est la 
question difficile et délicate que J'ai dû me poser dès le com- 
mencement de ces recherches. Cette question a été bien des fois 
débatiue , soit à propos de la théorie de la teinture , soit à 
propos de la formation des laques , et les savants les plus dis- 
tingués ne l'ont pas tous résolue dans le même sens. J'essayerai 
dans le courant de ce Mémoire , sinon de la résoudre d'une ma- 
nière définitive, au moins de l’éclairer un peu , en me servant 
des faits acquis à la science antérieurement à mes recherches , 
et de ceux que j'ai découverts moi-même. 

Dans la première partie de mon travail , je n'avais cité que 
trois corps simples ( le soufre, l’arsenic et le fer) comme jouis- 
sant d’un pouvoir absorbant prononcé ; depuis cette époque, 
j'ai constaté que le sélénium, le tellure, le bore, le silicium, 
l’antimoine , le bismuth , l'or et le platine, peuvent aussi dé- 
colorer certaines solutions avec plus ou moins de facilité (1). 

J'ai fait aussi de nouveaux essais sur les corps composés , 
et, tandis que mes premières expériences avaient porté sur des 
solutions dans lesquelles la quantité de matière colorante n'avait 
pas été rigoureusement déterminée , celles que je rapporterai 
dans ce Mémoire ont porté sur des liqueurs préparées avec des 


(1) La première partie de mes recherches ayant donné lieu à une récla- 
mation de priorité de la part de M. Coulier, j'ai cru devoir rappeler dans 
ce second Mémoire les travaux de mes devanciers, afin qu’on püt juger de 


la part qui revient à chacun de ceux qui se sont occupés jusqu’à ce jour de 
celte question. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 3 
matières colorantes pures , et dont la proportion avait été soi- 
gneusement déterminée : il sera donc facile d'en vérifier l'exac- 
titude. 

J'ai étudié de la même manière l’absorption des substances 
solubles dépourvues de couleur. Cette partie de mes recherches 
m'a conduit à observer des faits fort curieux , en même temps 
qu’elle m'a fourni l’occasion de vérifier le plus ou moins d’exac- 
titude des travaux que plusieurs chimistes avaient entrepris 
sur l'absorption des substances solubles non colorées par le char- 
bon , travaux dont les résultats étaient quelquefois contra- 
dictoires. 

J'ai cru devoir faire précéder l'exposé de mes recherches d’un 
résumé succinet des travaux antérieurs qui ont été exécutés sur 
le même sujet. 


PARTIE HISTORIQUE. 


La découverte du pouvoir décolorant du charbon végétal est 
due , comme on le sait, à Lowitz. C'est Kelhs qui fit connaître 
le premier , en 4793, celui du charbon animal ; mais ce n'est 
qu’en 1810 que Figuier (1) prouva par de nombreuses expé- 
riences qu’on pourrait tirer un parti considérable de celte pro- 
priété. Figuier décolora le vin et le vinaigre rouge ainsi que le 
résidu de la préparation de l'éther sulfurique ; il découvrit 
même la possibilité de revivifier le noir animal , ainsi que cela 
résulte du passage suivant de son Mémoire : « Le noir d'ivoire, 
» comme le noir d'os , jouit de la vertu de décolorer le vinai- 
» gre , le vin et le résidu de l’éther ; l'un et l’autre perdent 
» cette vertu lorsqu'ils ont servi à cette opération ; mais ils 
» lacquièrent de nouveau en les chauffant fortement dans 
» un vase clos, etc. » Figuier ajoute que le pouvoir décolorant 


est d'autant plus fort que le charbon est noir, doux et onctueux 
au toucher. 


(1) Recueil des Bulletins publiés par la Société des Sciences et Belles- 
lettres de Montpellier, 1811, tom. 4, pag. 267. 


k MÉMOIRES 

Plus tard (1), en 1822, parurent les travaux remarquables 
de MM. Bussy , Payen et Desfosses , travaux dans lesquels l’ac- 
tion décolorante du charbon fut l’objet d’un examen approfondi. 
M. Payen annonça , en outre , que le charbon peut s'emparer 
de la chaux et des sels calcaires qui sont dissous dans l’eau (2); 
il montra aussi que des schistes bitumineux et lignites d’Ardes 
peuvent, après avoir été carbonisés , absorber les matières 
colorantes. Les travaux de MM. Bussy et Payen sont trop bien 
connus de tous les chimistes pour qu'il soit nécessaire de les 
résumer ici. 

M. Dubrunfaut , confirmant les résultats de M. Payen , vit 
que le charbon absorbe la chaux et les sels, mais surtout les 
sels de chaux , et il insista sur les avantages que présente cette 
absorption dans la fabrication du sucre de betterave. 

M. Desfosses fit, vers la même époque, des recherches sur le 
pouvoir décolorant du charbon. 

M. Lassaigne (3) reconnut que le charbon mis en contact 
avec une dissolution d'iode libre absorbe ce corps si complé- 
tement qu'on n'en trouve plus aucune trace dans les liqueurs 
filtrées. 

Graham démontra plus {ard que le noir animal précipite de 
leurs dissolutions l’azotate neutre de plomb et tous les sous-sels 
métalliques sur lesquels il a opéré; au contraire , l'acide arse- 
nieux et plusieurs sels neutres ne seraient pas, d’après ce 
chimiste , précipités par le charbon. Graham croit qu’on pourra 
peut-être appliquer à l'analyse chimique cette propriété du 
carbone. 

M, Dapasquier constata de son côté que le charbon végétal 
absorbe les sulfures alcalins en assez forte proportion. 

En 1845, M. Chevallier établit : 


(1) Journal de pharmacie, tom. 8, pag. 257 et 278. (Mémoires couronnés 
par la Société de pharmacie de Paris.) 


(2) Schaub avait constaté des faits du même genre. (Voy. Annal. de ch., 
tom. 49, pag. 62 ). 


(3) Journ. de ch. méd. tom. 9, pag. 707. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 5 


1° Que (1) le charbon enlève l’acétate et l'azotate de plomb à 
leurs dissolutions dans l’eau , le vin et l'acide acétique ; 


2 Que le charbon végétal agit avec moins d'énergie que le 
noir animal ; 


39 Que cette action a lieu beaucoup plus rapidement à chaud 
qu'à froid ; 

&° Que si l’on examine l’eau dans laquelle on a fait réagir 
le charbon lavé sur l’acétate ou l’azotate de plomb , on trouve 
qu’elle contient de l’acide acétique ou de l'acide azotique libre. 

M. Girardin a vu, de son côté, que non-seulement la géné- 
ralité des sels, mais encore la plupart des matières minérales 
en solution dans les liquides , étaient précipitées par le noir 
animal. Ce savant proposa de tirer parti de cette propriété pour 
enlever à l’eau des citernes nouvellement construites la saveur 
désagréable qu’elle possède. 

M. Gorrod , ayant répété les expériences de Graham , est 
arrivé à des résultats différents ; car, tandis que Graham assu- 
rait que l'acide arsénieux n’était pas précipité par le noir ani- 
mal, M. Gorrod assure qu'il est précipité en assez forte propor- 
tion ; il le propose comme un contre-poison aussi actif que 
l'hydrate de sesquioxyde de fer ( mais ce n’est que le noir 
animal purifié ). 

M. Warington a remarqué que le noir animal purifié agis- 
sait, contrairement à ce qu'avait annoncé Graham, sur certains 
sels neutres { sulfate de chaux , de magnésie et chlorure de 
barium (2) ). 

M. Wappen a obtenu des résultats analogues à ceux de 
M. Warington , en opérant sur les sels suivants : 


(1) C. rend. de l’Inst. om. 19, pag. 1279. 


(2) M. Warington a constaté que le charbon absorbait à froid certains 
principes amers, et qu’il élait à peu près sans action sur d'autres ; ainsi 
l’amertume de la bière est aisément détruit par le noir animal, landis que 
celle des extraits de quinquina , d'extrait d’opium, de noix vomique, elc… 
ne disparait pas : à chaud il les absorbe tous. 6 décigr. de charbon précipi- 
tent 0,1 de bisulfate de quinine. 


6 î MÉMOIRES 


Sulfate de cuivre ; Azotate de nickel ; 

— de zinc ; — de cobalt ; 

— de protoxyde de fer;  — d'argent ; 

— de chrome ; — de protoxyde de mercure, 
Bichlorure de mercure ; — de bioxyde 2d. 


Acétate de protoxyde de fer ; 

Trente parties de charbon suffisent, en général, pour en 
précipiter une de sel. 

M. Wappen a pu absorber le principe amer de la coloquinte , 
du colombo , de la gentiane, de l’aloës et une foule d’autres : 
mais il n’a jamais pu enlever aux solutions les dernières traces 
de certains sels, quel que füt l'excès de charbon employé. Il y 
a quelquefois action chimique; ainsi-les sels neutres de pro- 
toxyde de fer se transforment en un sous-sel insoluble et en un 
sel acide qui reste dissous. 

Le chromate de potasse se transforme en carbonate (Wappen). 

En 1849, M. Esprit a fait de nouvelles expériences sur ce 
sujet. Il résulte de ces expériences que : 

Cinq parties de charbon de sang calciné avec la potasse et 
bien lavé, suffisent pour précipiter complétement les sels sui- 
vant{s : 

Acétate et azotate de plomb ; 

Sulfate de cuivre ammoniacal : 

Sulfate , azotate d'argent et chlorure d’argent dissous dans 
l'ammoniaque ; 

Chlorure de zinc, zincate de potasse ; 

Vingt parties de charbon sont nécessaires pour précipiter le 
sulfate et l’acétate de cuivre : 

Bichlorure de mercure ; 

Azotate de cobalt ; 

Sulfate de cadmium ; 

Emétique ; 

Sulfate de zine ; 

Chlorure de barium. 

IL est presque impossible d'enlever les dernières traces des 
trois derniers sels. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 7 


10 grammes de noir animal ont absorbé à froid 0#2 d’acide 
arsenieux ; à chaud ils en ont absorbé 043. 

M. Esprit croit que , dans la majorité des cas , l’action du 
charbon doit être considérée comme un phénomène purement 
physique. Il en excepte cependant les sels dont les oxydes sont 
facilement réductibles et les sels de plomb ; il pense que ces 
derniers sont transformés , au moins en partie, en carbonates. 
D'autres fois, il y a formation d’un sous-sel insoluble et d’un 
sel acide qui reste dissous { sulfates de fer et de zinc ). 

Le charbon qui a absorbé de l’acétate de cuivre et qui ne 
cède plus à l’eau aucune trace de ce sel , lui en cède quand on 
le broie avec de l’eau. 

Le charbon cède à un mélange d’alcool et d’éther le bichlo- 
rure de mercure qu'il ne cédait pas à l’eau ; c’est donc une 
action physique. 

MM. Rigbini et Lebourdais ont utilisé l’action du charbon 
pour isoler les principes amers de l’absinthe , de la scille , du 
colombo , de la coloquinte..….. , ete. 

Le pouvoir absorbant des autres corps insolubles a été beau- 
coup moins étudié que celui du charbon. A part ce qui est re- 
latif aux phénomènes de teinture et à la préparation des la- 
ques , nous ne possédons sur ce sujet aucun travail considé- 
rable. 

On sait cependant depuis longtemps que le sulfure de plomb 
décolore les liqueurs au sein desquelles il se produit , qu’il en 
est de même de quelques autres sulfures ; on sait que les oxydes 
de fer hydraté et de plomb peuvent , dans certains cas, agir 
comme décolorants, que la gélatine décolore le vin , qu'il en 
est de même de l’albumine et la caséine, de la colle de pois- 
son, etc. Enfin, je crois avoir été le premier à prouver que la 
propriété de décolorer ainsi les liquides , bien loin d’appartenir 
à quelques substances en particulier, existe, plus ou moins 
développée , chez tous les corps insolubles. On connaît aussi 
quelques faits particuliers qui prouvent que des sels insolubles 
peuvent absorber des sels solubles et les enlever à leur disso- 
lution. 


8 MÉMOIRES 

M. Mitscherlisch a cité quelques cas de ce genre (1) ; c'est 
ainsi qu'il a montré que le sulfate de baryte , prenant naissance 
au sein d'une dissolution d'azotate de baryte, absorbait une 
quantité notable de ce dernier sel. 

Berzélius a vu que lorsqu'on produit du sulfate de baryte en 
décomposant le sulfate de magnésie par du chlorure de barium, 
le sulfate de baryte retient avec force les dernières traces de 
chlorure de magnésium. 

Berzélius observa aussi que toutes les fois qu’on mêle le sul- 
fate d’une faible base avec le chlorure de barium , une partie 
de cette base se précipite en même temps que le baryte, « et 
» dans un état de combinaison tel, qu'elle n’en est plus séparable, 
» même par un excès d'acide. » 

Berzélius croit que plusieurs substances qu'on regarde, en 
minéralogie, comme accidentelles, ont été introduites par « une 
» affinité semblable (2). » Une foule d’autres chimistes ont ob- 
servé des faits du même genre, mais nous ne possédons aucun 
travail général sur ce sujet. Le résumé qui précède montre 
que le pouvoir absorbant des corps insolubles mérite de devenir 
l'objet d’un examen plus approfondi, et qu'il importe de grouper 
les faits observés, de les discuter, d’en vérifier l’exactitude, 
de les compléter ; enfin, de les rattacher à une théorie générale 
et de faire mieux ressortir leur importance. 


1° Du pouvoir décolorant des corps simples. 


Les corps simples métalloïdes sur lesquels j'ai opéré, sont 
peu nombreux. En effet, plusieurs d’entre eux possèdent des 
propriétés physiques qui rendent impossible tout essai de ce 
genre. Les uns sont gazeux ou liquides (oxygène, azote, chlore, 
brome, hydrogène ); les autres agissent chimiquement (iode ) ; 
d’autres sont mous et ne peuvent pas être réduits en une pou- 
dre terne ( phosphore). Le soufre, le sélénium, le tellure, 


(1) Ann. de ch. et de phys. 2€ série, tom. 7, pag. 15. 
(2) Ann. de ch. et de phys. 1e série, tom. 14, pag. 376. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 9 
le bore et le silicium sont les seuls sur lesquels j'aie pu tenter 
des expériences sérieuses. 

J'ai essayé parmi les métaux, le fer, le bismuth, l'antimoine, 
l'or et le platine. 

La liqueur normale dont je me suis servi était composée 
comme il suit : 

Indigotine 050,25. 

Acide sulfurique monohydraté 25. 

Eau q. s. pour un litre. 

Un gramme de noir animal bien purifié par des lavages à 
l'acide chlorhydrique et à l'eau distillée, décolorait 650 gr. 
de ce liquide. C’est ce pouvoir décolorant que je représente 
par 100. 

Le tableau suivant résume les résultats de nos essais : 


NOMBRE 
Ps Me POUVOIR 
centres one clonnt 
DES CORPS DÉCOLORANTS. décolorés ” du corps. 


par À gr. du corps. 


ORRO ee ONTGL.. HU 650 100 
MSDUIRE Se see EST - u 41 
SÉlEDIUTe Te tete codes ein 40 5,71 
Tellure..... 20030, 41 FRS 32 4,92 
ATSCIIC See ere ET LPS e u u 
Antimoime..seees. nn. 28 4,30 
Bismathiee RENTAL, 0 ] 0,4 
| Noir de phtmess. 20, 3 140 20 
MOD eme stenislnetee aie ep ateies 10 4,66 
| Fer réduit par l’hyd..…..... 20 5,52 


Les quantités de bore et le silicium dont je disposais étaient 
trop faibles pour que j'aie pu faire autre chose que constater 
leur pouvoir décolorant. 

Le mode opératoire consistait àdélayer exactement un gramme 


10 MÉMOIRES 

de la substance réduite en poudre dans 4 à 5 centimètres cubes 
de liqueur colorée ; à laisser reposer et à ajouter peu à peu de 
nouvelles portions de liqueur, jusqu’au moment où, après avoir 
été agitée à plusieurs reprises avec la poudre, elle conservait 
une légère teinte bleue. Il était facile d'évaluer l'excès de ma- 
tière colorante qui avait été ajoutée, en comparant la liqueur 
incomplétement décolorée avec un égal volume de liqueur nor- 
male, qu'on étendait ensuite d’eau distillée , jusqu’à ce que la 
teinte des deux liquides fût la même. La comparaison des vo- 
lumes des deux liqueurs permettait alors d'évaluer le pouvoir 
décolorant du corps essayé avec une exactitude satisfaisante. 

J'ai toujours eu soin de laisser les corps solides en contact 
avec la solution colorée pendant #8 heures, afin que l’action. 
fût aussi complète que possible. Mes vases étaient placés dans 
un lieu obscur, pour éviter l’altération de la liqueur colorée 
par les rayons lumineux. 

Il est donc bien démontré par les essais qui précèdent, que 
onze corps simples possèdent la propriété d’absorber les ma- 
tières colorantes. On remarquera qu’en comparant les pouvoirs 
décolorants des métalloïdes ou des métaux à celui que le charbon 
exerce sur une dissolution d’indigotine, je me suis placé dans 
les conditions les plus défavorables, puisque le charbon possède 
pour l’indigo une affinité toute particulière. J'ai constaté que 
tous les corps qui figurent au tableau qui précède décolorent 
aussi des solutions d’hématéine , de carmine, de carthamine et 
de tournesol, de lutéoline..…. etc. , et, en outre, qu'il est pos- 
sible, dans la majorité des cas, de reprendre à chacun d’eux 
la substance qu'il a absorbée en le lavant avec une solution 
légèrement alcaline. 

J'ai fait aussi de nouveaux et nombreux essais sur les pou- 
voirs décolorants des corps composés, dans le but de déter- 
miner l'influence qu'exercent sur la faculté absorbante de ces 
corps le degré de dilution des liqueurs colorées, et l'acidité ou 
l'alcalinité de celles-ci. 

Les tableaux suivants contiennent les résultats de ces recher- 
ches. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 11 
(N° 1.) 


Sulfate d’indigotine. (Solution contenant 05° 100 d’indigotine par litre. ) 


On a fait agir à froid 2 gr. de matière décolorante sur 15° de liqueur (1). 


à EE ES EE D PR SE TRIER ES 4 


NOMBRE NOMBRE POUVOIR 
de 


NS divisions ue. us apport. 
DES CORPS DÉCOLORANTS. PER pepe ps du charbon 
normale. décolorant. à é rer | 
(Soutre (Magistère)...…...| 5 6 17 1,7 | 
Alumine hydratée........ 5 8,5 42 4,2 
| Oxyde de fer hydraté... 5 10 50 5,0 
| — de cadmium. ..... à 5 Décoloration complète.| 100 10 
|Protoxyde HEAR 0 8 des » « ÿ 9 45 4,5 | 
Acide stannique. ........ 5 5,29 5 USA 
‘Oxyde de bismuth........| 5 6 17 D LE 
— de plomb (litharge). 5 60 92 9,2 | 
— de plomb hydraté.… ] Décoloration complète. 100 10 
Acide antimonique. ...... 5 6,25 20 2 
— plombique......... ù Décol. compl., act. ch. n u 
Bioxyde de cuivre........ 5 9 A5 4,5 
— demercure...... 5 Décoloration complète.| 100 10 
Sulfure de cuivre (artif.). 5 10 50 E] 
— de plomb (nat.)... ù 7 29 2,9 
—  d’antimoine (nat.). Hi 5, 9 0,9 
KONMES. eee on 2018 » e 5 6,79 26 2,6 
Iodure de plomb......... ù 7 29 2,9 
Cyanure de cuivre. ...... 5 Décoloration complète.| 100 10 
Acide silicique. ......... ù 10 50 
Carbonate de baryte (artif.). 5 7,2 31 3,1 
— de manganèse. ÿ 6 17 J 
Sulfate de plomb......... E] 9,19 14 4 
Chromate de plomb. ..... 5 10 50 
Oxalate de chaux......... GR 7 10 50 ] 
— de plomb. ....... ù 5,9 9 0,9 


(1) Ces essais ont été faits au moyen du colorimètre : 2 gr. de charbon décoloraient 150°° 
de liqueur normale. 


12 MÉMOIRES 
(N° 2). 


Influence du degré de concentration de la liqueur colorée. Solution 
contenant 06 025 d’indigotine par litre. 


On a fait agir sur 15° de ce liquide, 0 gr. 5 de matière décolorante. 


NOMBRE NOMBRE Es 

Lette décolorant 

NOMS de de divisions POUVOIR rapporté 

divisions du liquide à 
de 


o = à celui 
après l’action Less dieibss 


liqueur du corps é sé 
normale. décolorant. réel. Es 100. 


DES CORPS DÉCOLORANTS. 


8,75 8,7 0,87. 
0 | 

0 
70,6 


SOUITE- echec ere 
Alumine hydratée 
| Oxyde de fer hydraté...... 
— decadmium....... 
Protoxyde d’étain..... Mc 
Acide stannique. ........ 
5,5 
60 
Décolorationcomplète. 
6 
7 
Décoloration complète. 
6,75 
ù 
fl 
Décoloration complète. 
6 
5,25 
5 
5,5 
7,5 


Oxyde de bismuth 


— de plomb (litharge). 
— de plomb hydraté..… 
Acide antimonique..... se 
Bioxyde de cuivre........ 


— de mercure...... 
 Sulfure de plomb (galène). 
—  d’antimoine (nat.). 
Iodure de plomb........ 
Cyanure de cuivre. ...... 
Acide silicique. ......... 


| Carbonate de baryte (artif.). 
— de manganèse. .| 


Sulfate de plomb... 


Or O1 OX OX OT OX OT OT OT OT OX OT OX OU OU OU OU OX OX Ex 


Chromate de plomb. ..... 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 13 
(N°5). 


Influence de l’alcalinité de la solution. La liqueur qui a servi pour 
ces expériences est au même degré de concentration que celle du 
tableau précédent, mais elle est ammoniacale. 


Le pouvoir décolorant est rapporté à celui du noir animal indiqué dans le tableau n° 2. 


| AMENER 
NOMBRE NOMBRE Con 
| ,NOMS de de divisions POUVOIR FATRES 
divisions du liquide : ACC | 
Ë de après l’action décolorant CRENQUEE 
DES CORPS DÉCOLORANTS. liouevr ducorns 4 le noir animal 
“1 s P réel. sur la même 
| normale. décolorant. tn 


non ammon'*, 
ml 


BHATDON. 1... neue 5 30 83 0,5 
DERRUE 4 one: 5 5 0 0 
Alumine hydratée........ ] 7 29 2,90 
Oxyde de fer hydraté. 5 9,19 14 1,40 
— de cadmium....... Hi 50 90 9 
Protoxyde d'étain. ....... s] 5,00 9 0,9 
Acide stannique. so... ri ù 0 0 
Oxyde de bismuth........ E 6,25 24 2,4 
— de plomb (litharge). Hi] 10 °0 H] 
— de plomb hydraté..… ù 20 25 2,5 
Acide antimonique.... ... 5 5 0 0 
Bioxyde de cuivre........ Hi 6 17 1,7 
Sulfure de plomb (galène ). ù 7 29 2,9 
| —  d'antimoine (nat.).. t] 5 0 0 
lodure de plomb......... t 7 29 2,9 
Acide silicique.. ......... ÿ 6 17 157 
Carbonate de baryte (artif.). ù 6,25 20 2,0 
Carbonate de manganèse. . ÿ 5 0 0 
Sulfate de plomb... ...... ti 6,50 93 2,3 
Chromate de plomb...... Ei 5 0 0 


1% MÉMOIRES 


2 Pouvoir décolorant des corps composés. 


Il est aisé de résumer les résultats fournis par les essais pré- 
cédents ; aussi le ferai-je très-brièvement. Comme on pouvait le 
prévoir, d’après les faits antérieurement acquis à la science, 
l’alcalinité des liqueurs est, en général, une circonstance dé- 
favorable à l'absorption des matières colorantes par les corps 
insolubles. Une grande dilution du liquide coloré s'oppose, 
quoique d’une manière moins prononcée , à l’action de la ma- 
tière absorbante. Le liquide retient souvent avec une grande 
force les dernières portions de matière colorante. Les liqueurs 
neutres , ou faiblement acides, sont celles qui se laissent le 
mieux dépouiller des matières qui les colorent; mais les solu- 
tions acides exercent souvent sur le corps décolorant une véri- 
table action chimique. Les résultats nombreux qui se trouvent 
consignés tant dans le premier travail que j'ai eu l'honneur de 
soumettre à l’Académie, que dans le Mémoire actuel, démon- 
trent, de la manière la plus évidente, que tous les corps inso- 
lubles qui peuvent être réduits en une poudre fine et terne, 
agissent à la façon du charbon sur les substances dissoutes. 
Elles prouvent aussi que chaque matière insoluble possède une 
faculté élective qui lui permet de fixer certaines substances 
beaucoup mieux que d’autres. Ainsi le charbon absorbe bien 
plus facilement l'indigo que la matière colorante du tournesol ; 
au contraire, le phosphate de chaux n'absorbe que des traces 
d'indigo , tandis qu’il peut fixer des quantités notables de tour- 
nesol , d'hématéine de brésiline, de carthamine, etc. Les sels 
de chaux ont une affinité particulière pour la matière colorante 
du tournesol ; ceux de plomb pour l’hématéine. 

Il résulte de mes expériences qu’on pourra, dans un grand 
nombre de cas, utiliser la faculté élective des corps absorbants 
pour enlever à un liquide l’un des corps qu’il tient en dissolu- 
tion, sans toucher aux autres. Je ne citerai qu'un petit nombre 
de faits, parmi ceux déjà fort nombreux que j'ai recueillis. 

Si l’on agite un mélange de sulfindigotate de soude et de 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 15 
teinture de tournesol avec du phosphate de chaux artificiel fine- 
ment pulvérisé, ce sel retiendra toute la teinture de tournesol , 
et quelques traces seulement de sulfate d'indigo. La liqueur 
filtrée contiendra du sulfindigotate de soude pur. Si l’on traite 
par de l'alumine hydratée, sèche, une infusion soit aqueuse, 
soit alcoolique de verveine à fleurs rouges , on obtient une laque 
jaunâtre et une liqueur filtrée qui renferme une matière colo- 
rante parfaitement distincte de celle qui s'est fixée sur l’a- 
lumine. 

Si l’on agite un mélange d’iodure de potassium ioduré et de 
teinture de tournesol, de bois de brésil ou de campêche, avec 
du noir animal, on dépouillera la dissolution de tout ce qu'elle 
contenait, tandis qu’en l’agitant avec de l’hydrate de sesquioxyde 
de fer on lui enlève tonte la matière colorante et seulement des 
traces d’iode. 

Si nous essayons maintenant de rattacher tous les faits que 
nous avons énumérés à une théorie générale, nous trouverons 
que rien ne devient plns simple ni plus facile quand on admet 
que, parmi les propriétés les plus essentielles des corps, il en 
est qui dépendent beaucoup plus de la manière dont les atomes 
sont groupés que de la nature même de ces atomes. 

Dans la première partie de mes recherches, j'avais considéré, 
avec tous ceux qui m'ont précédé, le phénomène de l’absorp- 
tion des matières colorantes , comme purement physique ; mais 
aujourd'hui, je n'oserais plus me prononcer de la même ma- 
uière; j'irais même jusqu’à affirmer que dans des cas nom- 
breux, ce phénomène revêt tous les caractères d’une action chi- 
mique. Ily a déjà longtemps que M. Payen a observé que si 
l'on met de l’acétate de chaux en présence du noir animal, ce 
dernier corps s'empare de l'acide acétique et met la chaux en li- 
berté : ne semble-t-il pas que le charbon s’est comporté comme 
aurait pu le faire une acide capable de former avec la chaux 
un sel insoluble? L'action aurait lieu conformément aux lois de 
Bertholet ; mais ici se présente une difficulté , car rien ne prouve 
que la quantité de chaux fixée sur le charbon est en rapport 
avec l'équivalent de ce dernier corps. 


16 MÉMOIRES 

Jai répété l'expérience de M. Payen, et je n’ai pas obtenu 
les mêmes résultats que cet habile chimiste. Dans mes essais, 
l'acétate de chaux n’a subi aucune décomposition appréciable, 
soit que j'aie employé le noir animal dans son état ordinaire, 
soit que j'aie employé le noir purifié par l'acide chlorhydrique. 
Il est bien vrai que la solution qui a été soumise à l’action du 
charbon, rougit légèrement la teinture de tournesol ; mais c’est 
à peine si cette action peut être comparée à celle qu'exercerait 
une solution d’acide carbonique sur cette teinture. 

Jusque-là rien ne démontre que le corps décolorant ait exercé 
une action chimique bien prononcée ; mais si nous examinons 
un grand nombre de corps, nous arriverons à des résultats plus 
significatifs. Comment s'expliquer , en effet, la faculté élective 
qu'ils possèdent, si l’on n’admet pas que le choix est déterminé 
par une véritable affinité chimique. 

Pourquoi, par exemple, le phosphate de chaux peut-il s’em- 
parer si facilement des matières colorantes du tournesol, de 
l'hématéine , de la brésiline, de la carthamine , de presque 
toutes les matières colorantes d’origine végétale, tandis qu'il 
affaiblit si peu une solution de sulfindigotate de soude, que l’on 
a pu croire qu’il était absolument sans action sur elle? Pour- 
quoi les sels de plomb, en général, ont-ils plus de tendance a 
s'emparer de l’hématéine que du tournesol? Pourquoi les sels 
de chaux semblent-ils avoir une affinité toute particulière pour 
le tournesol ? Ce sont des questions bien difficiles à résoudre, 
si l’on ne veut voir dans le phénomène qui nous occupe qu'une 
action purement physique. 

Des difficultés du même ordre que celles que je viens de sou- 
lever se sont présentées, il y a longtemps, quand on a voulu 
étudier le phénomène de la dissolution des solides dans les li- 
quides. Ici, en effet, il n’existe pas de rapport en équivalents entre 
la quantité du dissolvant et celle du corps dissous. Le pouvoir 
dissolvant, comme le pouvoir décolorant, varie avec la tem- 
pérature. Ici encore se retrouve cette affinité élective que j'ai 
signalée chez les corps décolorants. L’analogie va plus loin ; et, 
de même qu'un liquide alcalin peut reprendre aux corps so- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 17 
lides les matières colorantes qu'ils ont fixées , un dissolvant peut 
enlever à un autre dissolvant les sels qui s’y trouvent liquéfiés ; 
c'est ainsi que l’éther peut enlever plusieurs chlorures à leur 
dissolution aqueuse. 

Peut-on affirmer que le phénomène de la dissolution des so- 
lides dans les liquides est purement physique ? La faculté élec- 
tive des corps liquides semblerait autoriser à le considérer 
comme chimique; mais la possibilité de faire dissoudre dans 
les liquides des quantités de sel qui varient suivant la tempéra- 
ture à laquelle on opère, et ne sont pas dans les rapports in- 
diqués par la loi des équivalents, nous ramène tien vite vers 
l'idée d’une action purement physique. Il en est de même de 
ce fait que les sels qui ne prennent pas d’eau de cristallisation , 
produisent toujours un abaissement de température quand on 
les fait dissoudre. 

Le pouvoir dissolvant des liquides, le pouvoir absorbant des 
solides pour les matières colorantes et pour les gaz, me pa- 
raissent être des phénomènes du même ordre. Ils établissent la 
transition du phénomène chimique au physique. Les expériences 
récentes de M. Favre, sur les quantités de chaleur dégagées 
pendant l'absorption des gaz, sont favorables à ce rapproche- 
ment. 

Tous ces phénomènes sont produits sous l'influence de cette 
force que M. Chevreuil a désignée sous le nom d’aflinité capil- 
laire ; et le mot affinité me paraît d'autant mieux choisi pour 
les désigner , qu'il avertit en quelque sorte de la ressemblance 
qui existe entre cette force et la force de combinaison. 

Tout ce qui tend à rendre un corps solide plus compacte, 
état cristallin, éclat métallique, ete. , le rend impropre à déco- 
lorer ou à absorber les gaz. Tout ce qui tend à le rendre po- 
reux , à diviser ou à atténuer ses molécules, exalte, au con- 
traire, leur pouvoir décolorant ou absorbant; de même chez 
les liquides l'élévation de la température qui écarte les molé- 
cules et qui augmente, si j'ose m'exprimer ainsi, la porosité 
des liquides, élève le plus ordinairement leur faculté dissol- 
vante. On trouve quelques exceptions à cette règle en ce qui 

&°S,—'TOME v. 2 


18 MÉMOIRES 

concerne les pouvoirs décolorants. Le sulfure de plomb artificiel, 
par exemple, se montre plus actif à froid qu'à chaud ; mais il 
existe aussi des exceptions du même genre en ce qui concerne le 
pouvoir dissolvant; car certains sels se dissolvent en plus grande 
quantité à froid qu'à chaud. Le rapprochement que je viens 
d'établir me paraît donc parfaitement justifié. 

Le phénomène de la dissolution s'éloigne des phénomènes 
chiniques proprement dits, en ce qu'il n'existe pas de propor- 
tions définies entre la quantité du dissolvant et celle du corps 
dissous. 11 serait pourtant possible qu'une portion du liquide 
fut chimiquement combinée avec la matière dissoute, et que la 
combinaison fut délayée dans un excès du dissolvant. La même 
chose pourrait avoir lieu pour les matières colorantes, dont une 
partie pourrait être chimiquement combinée avec le corps dé- 
colorant, et dont la combinaison pourrait être délayée dans un 
excès de ce dernier. 

Ce qui rapproche le plus l'absorption des matières dissoutes 
par les corps solides des phénomènes purement physiques, c'est 
que cette propriété dépend beaucoup plus de la position des 
molécules que de leur nature. Plusieurs phénomènes, que l’on 
observe tous les jours, me paraissent d’ailleurs tenir, comme 
celui que Jj'étudie, à l’arrangement des molécules beaucoup 
plus qu'à leur nature. Quelle différence notable le chimiste 
pourrait-il indiquer le plus souvent dans la composition chi- 
mique du tissu des divers organes sécréteurs qu'on trouve chez 
les animaux ? Aucune, sans doute; et pourtant les produits 
sécrétés par chacun de ces organes sont différents. Qu'est-ce 
donc qui diffère essentiellement, si ce n'est la forme de la cel- 
lule, c'est-à-dire, la disposition des molécules ? 

Si le calore qui a subi l'influence des rayons solaires peut 
ensuite se combiner avec l'hydrogène, même dans l'obscurité, 
c'est, je n'en doute pas, parce que ses atomes se sont disposés 
sous l'influence de la lumière, comme ils le font quand on 
porte au soleil le mélange de ces deux gaz, et qu'étant ainsi 
disposés , ils ont pu se combiner, même en l'absence du fluide 
lumineux. Les résultats des expériences qui ont porté M. Bec- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 19 
querel à admettre l'existence de rayons lumineux qu'il a dési- 
gnés sous le nom de rayons conlinuateurs, ne sont-ils pas us 
à la disposition que les particules des substances impressionna- 
bles ont contractée sous l'influence de la lumière, disposition 
qui persiste quand le corps est soustrait à l'influence de la lu- 
mière et favorise l’action chimique. 

L'influence de l'état physique des corps sur Îeurs propriétés 
chimiques se révèle d’ailleurs dans un grand nombre de cas, 
produisant des effets que l’on n’a pas, que je sache, songé à en 
rapprocher de ceux que j'étudie actuellement. Lorsque le phos- 
phore ordinaire a été transformé en phosphore rouge, qu'y a- 
t-il eu de changé, si ce n’est le groupement moléculaire ? Et 
pourtant quelle différence entre les propriétés de ce corps sous 
les deux états ! À mon avis, ces faits ne sont pas plus surpre- 
nants que celui qui se produit quand du bismuth, de Panti- 
moine où du platine deviennent, par un changement d'état 
moléculaire, décolorants comme le charbon. C’est à une cause 
du même genre que j'attribuerais la différence qui existe entre 
certaines pyriles qui se transforment aisément en fer bydroxycé, 
tandis que d’autres pyrites, présentant la même composition , 
ne subissent pas ce changement. 

On s’expliquerait avec la même facilité, en admettant de sim- 
ples différences dans l’état physique des feldspaths, pourquoi 
certains d'entre eux se transforment si facilement en kaolin , 
tandis que d’autres n’éprouvent, dans des circonstances iden- 
tiques , aucune altération apparente. La facilité avec laquelle 
les corps, pris à l’état naissant, contractent des combinaisons, 
ne serait aussi qu'un cas particulier de l'influence de l’état 
physique des corps sur leurs combinaisons chimiques. Les phé- 
nomènes de la teinture seraient aussi du même ordre : et, en 
tenant compte de la faculté élective que manifestent les corps 
solides par rapport aux matières colorantes tenues en dissolu- 
tion , tous les faits observés depuis longtemps s'expliquent avec 
facilité. On s’est demandé , par exemple, comment il pouvait 
se faire que de la laine qu’on plonge dans une dissolution d’in- 
digo blanc, qu'on expose ensuite à l'air, et qu'on plonge de 


20 MÉMOIRES 


nouveau dans le bain de teinture, prenait, à la deuxième, à 
la troisième immersion, une nouvelle quantité de matière colo- 
rante, puisque, ses pores étant remplis, il semble que le pouvoir 
absorbant aurait dù cesser, L'explication de ce fait est pourtant 
bien simple, quand on sait que l'indigo , à l'état solide, enlève 
l'indigo dissous au liquide qui le renferme. 

On sait depuis longtemps que les terres argilo-calcaires long- 
temps négligées, éprouvent peu d'effet d’une première fumure, 
et que ce n’est que lorsque le sol est parvenu à une certaine ri- 
chesse en éléments azotés, qu'il donne un produit en rapport 
avec la quantité d'engrais qu’on y a répandue. L’argile retient 
les sels ammoniacaux, comme le charbon retient les matières 
colorantes et ne les cède que lorsqu'elle en est saturée. Le charbon 
ne se comporte pas autrement , et il est impossible de lui re- 
prendre la matière colorante quand on ne lui en a donné qu'une 
petite quantité. 

Les effets de la jachère peuvent aussi trouver, au moins en 
partie, une explication dans ce fait, que la terre, qui agit sur 
l'air et sur les eaux pluviales comme un corps absorbant , leur 
enlève les sels ammoniacaux, et les retient avec une certaine 
force, pour les céder plus tard aux végétaux (1). 

Il me serait facile de maltiplier les exemples qui prouvent 
celte grande influence de l'état physique des corps sur leurs 
propriétés chimiques ; mais je crois en avoir dit assez pour 
montrer que l'étude des propriétés physiques des corps, bien 
loin d'être accessoire pour le chimiste, est, comme de savants 
illustres l'ont compris depuis longtemps, de la plus haute im- 
portance. 


(1) Les expériences de M. T. Way prouvent qu'il en est ainsi. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 91 


NOTE 
SUR UNE INSCRIPTION DÉCOUVERTE À HASPARREN , 


Commune située dans la portion du pays Basque enclavée, aujourd’hui , dans 
le département des Basses - Pyrénées ; 


Par M. DU MÉGE. 


La Gaule était, suivant César (1), divisée en trois régions. 
L'une était possédée par les Belges, la seconde par les Aquitains, 
la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nommaient 
Celtes, et que les Romains désignaient par celui de Gaulois. 
Gallia est omnis divisa in partes tres, quarum unam inco- 
lunt Belgæ, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua 
Celiæ, nostra Galli appellantur. La Garonne séparait les 
Gaulois des Aquitains, ajoute César. Gallos ab Aquitanis 
Garumna flumen dividit. Strabon (2) place les Aquitains entre 
la Garonne et les Pyrénées. Pomponius Mela (3) assigne aux 
Aquitains le territoire qui s'étend entre cette chaîne de mon- 
tagnes et la Garonne. Il est reconnu par tous les géographes 
que ce peuple n'avait primitivement d'autres limites que les 
monts qui nous séparent de l'Espagne, le grand fleuve que 
nous avons nommé , et qui y prend sa source, et l'Océan qui 
en reçoit les eaux. On sait que l’empereur Auguste agrandit 
considérablement l’Aquitaine. Dans la suite, on eut l4qui- 
tania prima et VAquitania secunda. Sextus Rufus indi- 
que, comme on le sait, quatorze provinces dans la Gaule, 
au licu des douze mentionnées par Ammien Marcellin; et, dans 
sa liste, on trouve les mots Aquitaniæ duæ; mais, plus loin, 
on rencontre l'indication d'une province qui porte le nom de 


(1) Comm. lib. 1. 
(2) Léb. 19. 
(3) Lib. x. 


22 MÉMOIRES 

Novempopulana, qui n'est point inscrite dans la notice de 
l'empire. C'était évidemment une subdivision de cette Aqui- 
taine que César avait désignée comme formant l’une des trois 
grandes régions de la Gaule. À quelle époque cette subdivision 
fut-elle eMectuée ? Aucun témoignage ne vient nous l’apprendre; 
elle ne peut être postérieure qu’au temps où Ammien Marcellin 
écrivait, Et l'on a cru que l’on pourrait faire cesser toutes les in- 
certitudes à ce sujet en produisant un monument trouvé dans 
la Novempopulanie elle-même. Ce marbre, publié durant le 
xvmr siècle, ne nous paraît pas avoir été connu de ceux qui, 
depuis, se sont spécialement occupés de la géographie et de 
l’histoire du pays que nous habitons. Il avait cependant été 
indiqué dans un journal littéraire (f) très-répandu. On y a 
joint, d'ailleurs, une dissertation, où un commentaire, qu'il 
faudra analyser. Mais qu'il nous soit permis de déclarer d'avance 
que nous sommes loin d'accorder une authenticité incontestable 
à cette inscription. Conservée encore à Hasparren , et bien que 
gravée sur un autel, dont la forme est antique, le style de ce mo- 
nument est tellement en dehors de ce que l’épigraphie latine 
nous a laissé en ce genre, que l’on est tenté de le rejeter comme 
l'œuvre d’un faussaire, comme une tentative faite pour assigner 
l'époque de l'érection de la Novempopulanie en province. Elle 
exprime, en vers très-médiocres , un témoignage de reconnais- 
sance pour le génie da lieu qu'habitait un particulier nommé 
Vérus, député vers un empereur que l'on ne désigne que sous la 
dénomination d’ Auguste, litre de dignité commun à tous ceux 
qui ont gouverné le monde romain. Ce particulier, revêtu d’ail- 
leurs de hautes dignités, et, à la fois, Duumvir, Flamine, Ques- 
teur, aurait obtenu du prince vers lequel il fut délégué, la création 
d’une troisième Aquitaine , formée par neuf peuples détachés de 
l'Aquitania de César. Certes, ce fait ne manquerait pas d’une 
sorte d'importance historique, s’il pouvait être adopté. Les An- 
nales de l'empire, nous offrent, il est vrai, de fréquentes sub- 
divisions de provinces aux temps voisins de la chute du trône 


(1) Mémoires pour l'histoire des sciences et des beaux arts. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 23 
des Césars en Occident; «Les empereurs, dit M. Walkenaer, 
se trouvant incapables de résister au torrent des Barbares, qui, 
de tous côtés, faisaient des irruptions dans l'empire, furent 
forcés de céder , ou d'abandonner plusieurs des provinces qui 
en faisaient partie ; et pour se consoler de ces pertes , ils subdi- 
visaient les provinces qui leur restaient, afin d’avoir l'air de 
régner toujours sur un même nombre, et aussi afin de se pro- 
curer un prétexte pour augmenter les impôts. » Mais l'inscrip- 
tion trouvée à Hasparren ne daterait point de ces derniers 
temps des Césars de l'Occident, si l’on s’en rapporte à la forme 
des caractères qui, selon ceux qui ont vu ce marbre, indique- 
rait le haut empire, et surtout si l’on adoptait l'opinion de 
l’auteur de l’opuscule inséré dans les Mémoires pour l'histoire 
des sciences et des beaux arts, qui s'est aperçu que l'inscrip- 
tion était métrique, manière généralement inasitée pour des 
monuments de cette espèce, et qui a cru qu'elle remontait au 
règne d'Hadrien, c’est-à-dire , entre l'an 117 et l’an 138 de 
notre ère. La voici telle qu’elle a été publiée en 1704 : 


FLAMEN ITEM DYVMVIR QVAESTOR 
PAGIQ. MAGISTER VERVS AD AVGVS 
TVM LEGATO MVNERE FVNCTVS PRO 
NOVEM OBTINVIT POPVLIS SE IVAGE 
RE GALLOS VRBE REDVX GENIO PAGI 
HANC DEDICAT ARAM 


L'auteur de la dissertation s'exprime ainsi : « Quelques per- 
sonnes ont eru d'abord que cette dédicace avait été faite dès le 
temps d'Oclavien Auguste; car ce nom d’Augusle élant seul 
dans l'inscription , il doit, selon eux, désigner celui des empe- 
reur qui, le premier , a porté ce nom. Mais, outre que celui-ci 
a été commun à presque tous les empereurs suivants, j'ai deux 
raisons qui me paraissent convaincantes contre ce sentiment. 
La première est fondée sur le mot Nouempopulis, qui se trouve 
dans l'inscription; car la Novempopulanie n’était pas ainsi 
nommée du temps de ce premier Auguste, Jules César , Mela, 
Strabon , Pline, Solin , Ptolomée, tous auteurs contemporains 


* 


2% MÉMOIRES 


de cet Auguste, ou du moins très-anciens, ne font nulle men- 
tion de cette province, quoiqu'ils aient décrit l’Aquitaine en 
général, et en particulier rapporté les noms de tous les peuples 
qu'elle contenait; aucun d'eux ne les réduit au nombre de neuf. 
La seconde raison est que, du temps d’'Octavien Auguste, il ne 
se trouve aucun Vérus à qui l'on puisse attribuer cette dédi- 
cace, avec toutes les qualités que l'inscription lui donne. Alors 
il faut rechercher sous lequel des Augustes suivants elle peut 
avoir été faite. Il me paraît que le Vérus dont il s’agit ici devait 
être un homme bien considérable, puisqu'il possédait, lui 
seui, plusieurs dignités et plusieurs emplois très-distingués, 
qui sont ordinairement possédés par des personnes différentes, 
et qui ne peuvent avoir été réunies que dans quelque favori 
du prince. Il était Prêtre, Duumvir, Questeur, et, de plus 
gouverneur du pays. Sa faveur auprès de l’empereur était bien 
reconnue, puisqu'il fut député vers lui. Vérus jugea , lui-même 
le succès de sa députation si important, qu'en action de grâce 
il érigea un autel au Génie du pays. Voilà donc un Vérus bien 
favorisé de l’empereur ; mais de quel empereur ? C’est ce qu’il 
faut tâcher de trouver. » 

L'auteur de la dissertation , sans chercher à excuser la forme 
insolite de l'inscription et son style, el tout ce qui milite contre 
l'antiquité de ce monument, ajoute : « qu'il ne faut pas qu’elle 
date des derniers empereurs, puisque les caractères sont beaux 
et tels qu'on les gravait durant le haut empire , » et en conclut 
non-seulement l'authenticité; mais l’âge de cette inscription. 
« D'ailleurs, dit-il encore, Ammien Marcellin et Sextus Rufus, 
qui vivaient dans le 1v° siècle, parlent de la Novempopulanie. 
Cherchons donc l’Auguste qu’il nous faut parmi les premiers 
empereurs. Ce sera , sans doute celui qui aura séparé la Novem- 
populanie du reste des Gaules, et qui aura beaucoup favorisé 
un Vérus. Je crois l'avoir trouvé en la personne d’Adrien.....…. 

« Ce prince, voulant se faire plus de créatures, établit dans 
la Gaule un plus grand nombre de gouvernements ou de pro- 
vinces. Il commença donc à établir la troisième Aquitaine , au- 
trement appelée la Noyempopulanie, et à la séparer des deux 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 25 
autres Aquitaines , et ainsi de toute la Gaule. Or, nos quatre 
vers prouvent que le Vérus, fondateur de l'autel d'Hasparren , 
fut le même qui obtint cette séparation : pro Novem obtinuit 
populis se jungere Gallos. Mais, quand les historiens ne 
conviendraient pas tous sur l’auteur et sur le temps de la divi- 
sion de l’Aquitaine, ni sur la séparation de la Novempo- 
pulanie d'avec le reste des Gaules, nous avons encore un se- 
cond moyen pour les fixer , qui est de rechercher en quel temps 
il y a eu un Vérus assez considérable, assez favorisé de l’em- 
pereur pour pouvoir obtenir cette grâce en faveur des neuf 
peuples indiqués dans ces quatre vers. Je trouve dans l’histoire 
que, sous l’empereur Adrien , il y avait un Vérus qui obtenait 
tout de ce prince ,et qui, dans sa jeunesse, lui fut si agréa- 
ble, qu'il en fut adopté, et serait parvenu à l'empire ; mais une 
prompte mort l'empêcha d'en hériter. Le même Adrien exigea 
d’Antonin le Pieux , son successeur, qu'il adopterait, comme 
il le fit, le fils de ce Vérus. Tout cela convient parfaitement au 
Verus , fondateur de notre autel au temps de sa jeunesse, pen- 
dant laquelle il aura eu la commission de mener une colonie 
à Hasparren,..…. et il en aurait été l'un des premiers magistrats 
en qualité de Duumvir. Il y aura occupé les dignités de Queæstor, 
de flamine, de magister pagi; enfin, il y aura donné une 
preuve éclatante de son grand crédit, en obtenant de lui, 
obtinuit.…. I suit de là, dit l’auteur en finissant, qu’à moins 
de trouver dans l’histoire un Vérus ami et favori d’Auguste, 
comme on vient d'en trouver un, favori d’Adrien, et de prouver 
par les anciens auteurs que c’est Octavien qui a séparé la troi- 
sième Aquitaine, ou la Novempopulanie du reste des Gaules, 
comme on vient de prouver que c’est Adrien , il faudra recon- 
naître que la dédicace de l'autel d'Hasparren a été faite sous le 
règne d'Adrien, par Vérus, son favori, père de l’empereur 
L. Aurelius Vérus. » 

L'auteur de cette dissertation ne s’est point nommé. Si quel- 
que critique avait examiné cet opuscule, on aurait d’abord 
démontré que la forme même de l'inscription s'élevait contre 
l'authenticité du fait indiqué par elle. On a toujours , dans les 


26 MÉMOIRES 

monuments publics, énoncé, pour les empereurs, et leurs 
noms et le nombre de leurs consulats et les années de leur puis- 
sance tribunitienne. Si le monument qui nous occupe contenait 
ces indications, il aurait offert par là une marque sensible de 
sa véracité. Tel qu'il existe encore aujourd'hui dans la macon- 
nerie de l'autel de l’église d'Hasparren, il ne peut être cité 
comme une preuve réelle d’un événement qui, par sa nature, 
aurait eu quelque retentissement dans l'histoire. Ne pourrait- 
on pas conjecturer qu'il a été gravé durant les premiers temps de 
la renaissance , à l'époque où de prétendus savants voulurent, 
en l'absence de documents réels, suppléer au silence de lhis- 
toire ? Nous nous arrêterons à cette dernière pensée. Tout en 
désirant que des monuments , à l'abri de toute suspicion, vien- 
nent nous apprendre à quelle époque les Neuf Peuples furent 
constitués en une agrégation politique et eurent une administra- 
tion particulière ; événement qui n’eut lieu , peut-être , que dans 
des temps assez bas, et qui ne remonterait pas jusqu’au règne 
de l’empereur Hadrien, comme le prétend l’auteur anonyme de la 
dissertation qui nous a fait connaître l'inscription d'Hasparren (1). 


(2) Si d’Anville n’a point mentionné * ce monument qui , reconnu comme 
authentique , l’aurait sans doute occupé ; si M Walknaer parait en avoir 
ignoré l’existence**, il ne pouvait être oublié par l’abbé d’Iharce **, 
qui a voulu prouver ce qu'il nomme la prémordialité, l’'antiquiorité et 
l’universabiliorité (sic) de la langue basque ****, 11 assigne à ce monument la 
date de l’an 117, commencement du règne d’Hadrien , et il y trouve la 
preuve que le lieu d’Hasparren, dont le vrai nom, dit-il, est 4rras-Barné, 
fut la capitale de la Novempopulanie. Traduisant ensuile, el assez mal, le 
dernier vers, il supprime le Génie du pays, eLil en fait le vœu de la con- 
trée ; puis il donne en basque les quatre vers de linscriplion **** : 


Apherhaundi , cherkari, biguz, herri-nagusi 
Verus, Augustoren ganal, mezuz egorriac, 
Berecharazi ditu Bederatzi, herriac. Ë 
Esquerrez, aldare hu eguin-duque herrien guraria. 


Cette traduction nous rappelle que M. l'abbé d’Iharce a dit que le nom 
de Paphos était le mot basque aphoa, crapaud ; que les Ibériens et les 
Celtes n’ont jamais existé *****, elc. , etc. 


* Notice de la Gaule. 

** Géographie ancienne, historique et comparée des Gaules. 

*#** Histovre des Cantabres ou des premiers colons de toute l'Europe, avec celle des Bas- 
ques, leurs descendants directs... in-8 , Paris, 1825, 

*4*x Ibid. 212, 226, etc. 

AXxrx but. 101, 102. 

“xxx Ibid, pag. 23. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 97 


ÉTUDE COMPARATIVE 


DES MEMBRES THORACIQUES DANS L'HOMME 
ET DANS QUELQUES MAMMIFÈRES ; 


Par M. A. LAVOCAT. 


2% PARTIE. 
OS DU BRAS. 


Ces recherches sur l'anatomie comparative des membres thora- 
ciques , entreprises il y a déjà quelques années, ont pour but de 
coordonner ce que l'anatomie rencontre dans l’homme et dans les 
mammifères les mieux connus , afin d'arriver à des notions 
plus précises et moins dissemblables pour l'anatomie comparée. 

Une des causes de l'obscurité qui règne tient à ce que sou- 
vent des parties semblables ont recu , sans motifs fondés , des 
noms différents dans l'anatomie de l’homme et dans l'anatomie 
des animaux domestiques. 

IL faut donc chercher à établir l'unité dans les désignations. 
Et, pour atteindre ce but, le meilleur guide à suivre est évi- 
demment la loi des connexions. 

Je me propose d'examiner successivement les os, les mus- 
eles , les vaisseaux et les nerfs. Dans un premier Mémoire , 
je me suis occupé des 6s de l'épaule (1). C'est au même point 
de vue que j'aborde l'étude de l'os du bras. 


L'Aumérus est le seul rayon osseux de la région du bras. En- 
tièrement libre sur le côté du thorax , il est conséquemment 
mobile en tous sens chez l’homme. Mais, dans les quadru- 
pèdes , la mobilité est sacrifiée à la solidité ; et l’os du bras est 


(1) Voir Mémoires de l Académie , 4e série, Lom. 2, pag. 277. — 1852. 


28 MÉMOIRES 

maintenu par les muscles contre la poitrine complétement ou 
incomplétement , selon que les espèces sont d'un poids plus ou 
moins considérable , et selon le degré de mobilité que possède 
encore la main de ces animaux. 

La direction de lhumérus peut varier de la verticale à l'ho- 
rizontale. Vertical chez l’homme, horizontal dans la taupe , 
très-oblique , presque horizontal dans le bœuf, il est incliné 
de 45° environ chez le cheval. Mais toujours sa direction est 
parallèle à celle du sternum ; toujours aussi , dans les quadru- 
pèdes , l'humérus est dirigé en arrière et en bas , en sens in- 
verse de l’omoplate , sur laquelle il doit exécuter son mouve- 
ment de flexion. 

Pour faire apprécier la longueur de l'humérus de quelques 
mammifères, relativement à celle des autres rayons du membre 
thoracique , j'ai dressé le tableau suivant. 


Longueur comparative des rayons du membre thoracique. 


OMOPLATE.| HUMÉRUS. RADIUS. CUBITUS. 


Homme. ...,..... 0",105 0",330 | 0,245 | 0",270 0",200 À 
Gibbon (1) 0,045 0,135 0,140 0,145 0,105 || 
Sapajou 0,050 | 0,100 | 0,100 | 0,115 | 0,075 | 
Chauve-souris.....| 0,010 0,030 0,055 0,055 0,100 | 
Écureuil 0,026 | 0,058 | 0,035 | 0,044 | 0,042 
0,020 | 0,025 | 0,025 | 0,027 | 0,018; 
LEVEL Con te 0,078 | 0,095 | 0,104 | 0,190 | 0,065 | 
Lapin 0,060 | 0,070 | 0,070 | 0,085 | 0,046. 
Chat 0,075 | 0,100 | 0,095 | 0,115 | 0,080 | 
0,160 | 0,200 | 0,200 | 0,225 | 0,165 | 
0,700 0,800 | 0,620 | 0,780 0,400 || 
0,500 | 020! 0,90 | 0,255 | 0,220 À 
0,530 | 0,400 | 0,620 | 0,690 | 0,880 || 
0,500 | 0,310 | 0,320 | 0,410 | 0,385 || 
0.230 | 0,180 | 0,180 | 0,230 | 0,230 || 
Mouton. ......:.. 0,240 | 0,140 | 0,170 | 0,210 | 0,240 || 
FANS 0,450 | 0,310 | 0,360 | 0,460 | 0,450 || 
0,350 | 0,240 | 0,290 | 0,365 | 0,345 || 
0,400 | 0,270 | 0,340 | 0,420 | 0,445 || 


(1) Le sujet que j'ai examiné était un jeune gibbon (ilobates agilis) de Sumatra. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 29 


D'après ce tableau , on voit tout d’abord que la longueur de 
l’humérus n’est pas toujours en rapport avec la taille , puisque 
cetos , plus court dans le œuf et le cheval que chez l'homme, 
est, dans le chien et le porc, presque égal à celui de l'âne, et 
plus long que celui de la chèvre et du mouton. 

Mais , sous un autre point de vue, on peut constater que 
si, en général , la longueur de l'humérus est en raison directe 
du déveioppement des cinq doigts, elle est plus généralement 
encore en raison inverse de la longueur de la main. Ainsi, par 
exemple, ce n’est pas dans l’homme , mais dans léléphant 
que la longueur de l'humérus, comparée à celle de la main, 
est le plus considérable ; la main est une fois plus longue que 
l'os du bras dans la girafe , et deux fois plus dans les chauve- 
souris. 

Sous ce même rapport, on peut remarquer aussi : 4° que 
l'huméras est plus long que la main dans l'éléphant , Yhomme , 
le lapin , le lièvre , le rat , les singes, le chat e le chien ; 
2° que l’humérus est à peu près égal à la main dans le porc ; 
3° et que l’humérus est plus court que la main dans l’écureuil, 
le bœuf, la chèvre , le cheval, âne , le mulet , le mouton 
et surtout dans la girafe. 


Configuration générale. — L'os du bras n’est généralement 
pas rectiligne. Dans les quadrupèdes , il est presque toujours 
courbé , à concavité postérieure ; et cette incurvation est telle , 
que l'os, vu de profil , a une forme d’S , surtout dans le chien 
et le porc. 

L'humérus de l'éléphant est arqué en dedans, celui de 
l’Aomme l’est en dehors. Mais , ni chez l'homme ni dans aucun 
animal , l’humérus n’est tordu. Pour s’en convaincre , il suffit 
de l'examiner dans le chat , le lièvre , le kanguroo , les 
singes , etc. (1). 

La prétendue torsion de l’humérus , si souvent invoquée en 


(1) Voir, pour plus de détails, Recherches d'anatomie philosophique sur 
la torsion de l’'humérus , par A. Lavocat (Comptes-rendus hebdomadaires 
de l’Institut ; — Séance du 3 juillet 1854, pag. 29). 


3 MÉMOIRES 

anatomie philosophique , n’est qu'une apparence duc à la ma- 
nière dont le corps de l'os est sculpté plus ou moins profondé- 
ment sur le côté externe de sa moitié inférieure , dans diffé- 
reutes espèces. 

En géneral , l'humérus des quadrupèdes se distingue de celui 
de l'homme par le grand volume de la partie supérieure. Le 
développement des éminences de l'extrémité scapulaire , la 
saillie des crêtes antérieure et externe de la moitie supérieure 
de la diaphyse donnent à cette partie la forme d’un prisme ou 
d'une pyramide triangulaire renversée. Cette disposition , qui 
indique l'énergie des muscles moteurs et l'étendue des plans 
articulaires supérieurs , est évidemment en harmonie avec le 
rôle de colonne de soutien , c’est-à-dire avec la destination prin- 
cipale de l’humérus chez les quadrupèdes. Chez l'homme, au 
contraire, il y a, au-dessous de l'extrémité supérieure , un ré- 
trécissement circulaire qui figure une sorte de col. IL en est à 
peu près de même dans les singes. 

La moitié inférieure de l’humérus peut affecter deux formes : 
4° elle est comprimée d'avant en arrière, élargie transversale- 
ment dans l’homme et dans les mammifères dont la main n’est 
pas exclusivement employée au soutien du corps , tels que les 
singes, les rongeurs, les chats , les marsupiaux , etc. ; 2° elle 
est, au contraire, comprimée latéralement dans les espèces dont 
la main ne sert qu'à l'appui, comme chez le porc, les équidés, 
les ruminants , elc. 


EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE. 


Dans l'homme ct dans les quadrupèdes , cette extrémité ne 
diffère pas seulement par le volume , il y a aussi des particu- 
larités relatives à la position , à la forme , etc. des diverses 
parties. Cest ainsi que chez l'homme , la téle est interne , la 
grosse tubérosité en dehors , la petite tubérosilé en avant , et 
la coulisse bicipitale antérieure et externe ; tandis que dans 
les quadrupèdes et même chez les singes , la tête est posté- 
rieure ; la grosse tubérosité est encore externe , mais la petite 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 31 
tubérosité devient interne ; et la coulisse bicipitale, quelque- 
fois antérieure , est plus généralement interne. 

Voyons maintenant les autres détails de ces mêmes parties. 


Tête. — Elle est toujours dirigée de telle sorte que son axe 
forme en haut avec l'axe de l'humérus un angle d'environ 45°; 
elle est soutenue par un arc-boutant qui s’elface bientôt sur le 
corps de l'os. Cette sorte de console , courte et peu saillante , 
représente seule ce qu'on peut appeler le col de la tête. 

Quant à ce qu'on nomme improprement col anatomique , 
c'est la marge articulaire , c’est-à-dire l’espace circulaire com- 
pris entre la périphérie du cartilage diarthrodial et les points 
d'attache du ligament capsulaire. Cette marge , qui augmente 
l'étendue de la surface de glissement , est toujours plus large en 
dehors : disposition évidemment favorable au mouvement d’ab- 
duction. 

Dans l'omme seulement , la tête de l'humérus est à peu près 
régulièrement hémisphérique , ce qui permet des mouvements 
en tous sens. En outre , elle est plus élevée que les autres émi- 
uences de l'extrémité supéricure. 

Dans les singes, elle dépasse aussi le niveau des deux tubé- 
rosités ; mais elle ést moins saillante que dans l’homme ; et elle 
est un peu plus large en avant qu'en arrière , surtout dans les 
sapajous. 

Dans les quadrupèdes , chez lesquels les principaux mou- 
vements du bras s'exécutent en avant et en arrière , la tête est 
un segment de sphéroïde plus étendu et moins saillant que dans 
l'homme. 

Elle n’est pas régulièrement circulaire : plus large en avant, 
elle s’allonge dans le sens antéro-postérieur ; et elle forme en 
arrière une saillie prononcée , déja marquée dans le sapajou , 
et soutenue par un col court et très-arqué. 


Grosse tubérosité ou trochiter. — Cette éminence à inser- 
tions musculaires est peu développée chez l’homme. Mieux dé- 
tachée dans les rongeurs , elle s'élève un peu plus dans les 
carnassiers. Mais c’est surtout chez les ruminants , ainsi que 


32 MÉMOIRES 
dans le porc, qu'elle est remarquable par son étendue et sa 
hauteur. 

Elle est encore volumineuse dans les chevaux , mais son élé- 
vation est moindre ; en outre, elle est tout-à-fait externe , 
comme chez l’Aomme , tandis que dans les autres quadrupèdes 
domestiques , elle est antérieure et externe. 

Elle a généralement la forme d'une masse irrégulièrement 
pyramidale , à base supérieure , et elle peut être divisée en deux 
sections , l'une antérieure et l'autre postérieure. 

Tera partie antérieure forme , en s’élevant, le sommet du 
trochiter , point d'insertion du muscle sus-épineux. Peu sail- 
lante dans l’homme , les singes , les rongeurs el l'éléphant , 
elle est très-developpée dans le porc et les ruminants. 

2° La partie postérieure n’est bien développée que dans le 
chien, le pore , l'éléphant , les ruminants et les équidés. 
Dans ces animaux , elle porte une surface d'insertion siluée 
sur le côté externe , en bas et en arrière de la section antérieure. 
Ellipsoïde , rugueuse et bornée en avant par la crête trochilé- 
rienne , elle sert d'implantation au tendon de la branche super- 
ficielle du sous-épineux. Mais , en outre , dans ces mêmes qua- 
drupèdes , la partie postérieure de la grosse tubérosité, plus 
développée que dans l'homme , les singes , le lièvre et le chat, 
s'élève et forme une proéminence épaisse , à bord supérieur 
demi-cireulaire , et dont l'étendue et la hauteur sont surtout 
remarquables chez le bœuf. 

En haut et en dehors, elle se dispose en un plan renflé , ova- 
laire , et dont le grand diamètre est oblique en bas et en 
arrière. Cette surface, qu’on peut nommer la convexité du 
trochiter, est récouverte d’une lame cartilagineuse et donne 
glissement au tendon superficiel du sous-épineux qui va se 
fixer à l'empreinte et à la crête du trochiter. Quant à la bran- 
che profonde de ce muscle , elle s'implante à la face interne de 
la convexité, mais seulement à la moitié ou aux deux tiers 
supérieurs ; et le reste de cette surface fait partie de la marge 
articulaire , ainsi que la portion correspondante de la section 
antérieure du trochiter. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 33 

Le bord antérieur de la grosse tubérosité est prolongé infé- 

rieurement par la ligne âpre ; et son extrémité postérieure est 
continuée en bas par le bord externe de l’humérus. 


Petite tubérosité ou trochin. — Comprise du côté interne 
entre la coulisse bicipitale et la tête, cette éminence, généra- 
lement peu élevée , dépasse le niveau de la tête dans le cheval , 
le porc et les ruminants. 

Elle est peu développée dans l'homme, les singes, les ron- 
geurs et le chat. 

De même que le trochiter , le trochin se compose de deux 
parties , l’une antérieure , l'autre postérieure : 1° la partie 
antérieure ou le sommet du trochin n’est bien marquée que 
dans les r#minants, les équidés et le porc, et donne attache à la 
branche interne du sus-épineux ; 2° la partie postérieure du 
trochin porte toujours une surface déprimée, ellipsoïde, obli- 
que en arrière et en bas, limitée inférieurement par la crête 
trochinienne, el servant d'insertion au muscle sous-scapulaire, 

Enfin , du côté de la tête humérale , le revers de la petite 
tubérosité concourt par sa partie iaférieure à former la marge 
articulaire , mais dans une bien moindre étendte que la face 
interne de la grosse tubérosité. Et même, dans quelques mammi- 
fères, comme l'éléphant , le bœuf, etc., cette marge est {elle- 
ment réduite que le tendon du sous-scapulaire glisse sur le côté 
interne de la tête de l’humérus. 


Coulisse bicipitale. — Toujours comprise entre la grosse 
et la petite tubérosité , et sculptée sur la partie antérieure de 
ces éminences , la coulisse bicipitale est externe dans l’omme , 
interne dans les singes , les rongeurs , les carnassiers et le 
porc, interne et antérieure dans l'éléphant et les ruminants, 
et antérieure dans les équidés. 

Chez l'homme, elle descend obliquement en dedans et elle 
est prolongée par un sillon sur le quart supérieur du plan in- 
terne de l'os. Ce prolongement inférieur existe encore dans les 
singes , l'écureuil et l'éléphant , mais non dans le lièvre , le 
chat, ni dans les mammifères inféricurs. 

&° S. — TOME v. 3 


34 MÉMOIRES 

La partie supérieure de la coulisse est en continuité avec le 
bord antérieur de la tête humérale chez l’homme , les singes , 
les rongeurs et les carnassiers. Cette disposition indique la 
communauté des capsules synoviales. Il n’en est pas ainsi dans 
le porc , les ruminants et les équidés : il y a même un assez 
grand espace entre les deux surfaces de glissement. 

La coulisse bicipitale, simple dans l’homme, les singes, les 
rongeurs, les carnassiers , éléphant , ete., est double chez 
le rhinocéros , les équidés et les ruminants. Dans cette der- 
nière disposition , la gorge externe, toujours plus large et plus. 
profonde que l’interne , est la partie essentielle, celle qui per- 
siste dans le cas de coulisse simple. Toujours aussi la gorge 
interne et le relief intermédiaire sont sculptés sur la partie an- 
téricure du trochin. 

Dans les équidés, la coulisse bicipitale, très-élargie, a ses 
deux gorges inégales, séparées par un gros relief allongé, 
presque ovoïde, à base circonscrite, et dont la partie infé- 
rieure , un peu renflée, se porte légèrement en dedans. Par 
suite de cette direction, la gorge externe, contrairement à 
l'interne , est plus large en bas qu'en haut. 

Dans la girafe, la disposition est à peu près la même que 
dans le cheval. 

Dans le bœuf il y a moins d'étendue transversale. Les deux 
gorges, surtout l’interne, sont moins creusées. Le relief qui 
les sépare est épais, obtus, et ne présente qu’une légère crête. 

IL en est de même dans la chèvre et le mouton ; mais les 
deux gorges sont encore moins marquées et moins séparées. 

En conséquence, le tendon du biceps s’élargit et se moule 
sur une double coulisse dans les quadrupèdes dont les mou- 
vements étendus et rapides exigent plus de précision que de 
variété, par exemple, chez les chevaux et les ruminants cou- 
reurs. 

Cette disposition est conservée, mais atténuée dans les ru- 
minants à allures lentes , et c’est la gorge interne de la coulisse 
qui tend à s’effacer graduellement. 

Cette gorge n'existe plus dans le porc, le Lèvre, les car- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 35 
nassiers et les singes inférieurs : ici la coulisse bicipitale est 
simple, mais évasée, à bord interne imparfaitement relevé. 

Enfin, cette coulisse est simple, à bords redressés et rap- 
prochés , lorsque les mouvements sont très-énergiques et puis- 
sants, comme chez l'éléphant, ou lorsqu'ils doivent être à la 
fois étendus et variés , comme chez l’écureuil, les singes supé- 
rieurs et l'omme. 


CORPS ou DIAPHYSE, 


La forme prismatique à trois pans du corps de l'humérus, 
est peu prononcée chez l’homme. 

Dans les quadrupèdes, en général, la modification princi- 
pale tient au développement de la partie supérieure taillée en 
pyramide renversée, et au resserrement latéral de la partie in- 
férieure, dû lui-même à l’excavation de la gouttière humérale. 
Lorsqu’à ces dispositions s'ajoute l'élargissement transversal de 
la partie inférieure, comme chez l'éléphant, Vos, vu de face, 
paraît étranglé dans son milieu , et représente deux pyramides 
opposées par leur sommet. 

Dans tous les cas, il résulte de ces diverses conditions que 
les trois plans et les trois bords qui les séparent sont peu dis- 
tincts. | 


Plan externe. — Toujours pourvu de l'empreinte ou crête 
deltoïdienne , le plan externe est divisé par cette surface d’in- 
sertion en deux parties ; l’une supérieure l’autre inférieure. 

1° La partie supérieure, allongée et quadrilatère dans 
l’homme , prend, dans les quadrupèdes la forme d’un triangle 
à base supérieure, dont la longueur et la largeur varient selon 
que le bord externe se dirige plus ou moins obliquement en 
bas et en avant, et selon la position plus ou moins élevée de 
la crête deltoïdienne. 

2° La partie inférieure est obliquement creusée de haut en 
bas, et d’arrière en avant, et forme la gouttière de f’humérus, 
occupée par le muscle brachial antérieur. 

L’excavation , à peine sensible dans le g'ibbon , et légère dans 


36 MÉMOIRES 


l'homme , le sapajou , le lièvre et le chat, est plus marquée 
dans le chien , large et profonde dans l'éléphant , le porc, les 
ruminants et les chevaux. 

En haut et en arrière, la gouttière humérale interrompt tou- 
jours le bord externe pour se prolonger sur le plan postérieur. 
Dans l'homme, elle ne s'étend que jusqu’en arrière de l’em- 
preinte deltoïdienne. Il en est de même dans les singes , ainsi 
que dans le lièvre ; mais dans les autres quadrupèdes ( carnas- 
siers, porc, éléphant , ruminants, équidés), elle remonte, 
ainsi que le muscle qui la remplit, jusqu’à la tête de l'os. 

L'empreinte deltoïdienne, dont la destination est toujours 
la même, est, dans l’homme , une surface rugueuse, allongée, 
triangulaire, à base supérieure, située un peu au-dessus de la 
partie moyenne du plan externe. Dans les singes, elle est sim- 
plement rugueuse et allongée. Dans les quadrupèdes , elle est 
généralement située moins bas, surtout dans le mouton, la 
chèvre et les chevaux. Moins élargie, elle prend la forme 
d’un simple renflement allongé, volumineux dans l'éléphant, 
et plus épais dans le porc que dans les petits ruminants; où 
celle d’une crête peu prononcée, dans le Æèvre et le chat. Cette 
crête deltoïdienne, mince dans l’écureuil, moins saillante dans 
le chien , épaisse dans le bœuf, est plus élevée et à base mieux 
circonscrite dans les équidés, où elle est plus renversée en 
arrière que dans le chien et le bœuf. 


Plan interne. — Toujours plus large en haut qu’en bas dans 
les quadrupèdes et non chez l’homme, le plan interne porte, 
plus ou moins près da bord interne, les empreintes du grand 
dorsal et du grand rond; et plus en avant celles de l’omo- 
brachial. 

Chez l’homme , la moitié inférieure du plan interne donne 
attache à la partie interne du brachial antérieur. Cette dispo- 
sition existe aussi, mais incomplétement , dans le lèvre. Dans 
les quadrupèdes, comme chez l'homme , cette région est en rap- 
port avec l'artère humérale et le nerf médian , obliquement di- 
rigés en bas et en avant. Là aussi est ordinairement percé le 
trou nourricier de l’humérus , chez l'homme , l'écureuil, le 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 37 
lièvre , le chat et Véléphant , tandis qu'il est postérieur et ex- 
terne dans le chien, le pore , les ruminants cet les équidés. 

Enfin, c’est à la partie inférieure du plan interne, au-dessus 
de la trochlée; que se trouve un trou elliptique, dit épitrochléen, 
dirigé en bas et en avant. Il est compris entre le corps de l'os, 
et une bride osseuse obliquement tendue , en bas et en arrière, 
du bord antérieur au bord interne. Sous cette sorte de pont, 
passent l'artère humérale et le nerf médian. 

Le trou épitrochléen existe dans les sapajous , l'écureuil , le 
chat , le blaireau et le kanguroo. Cuvier l'indique aussi dans 
le putois, la marte, la loutre, le raton, le coati, les man- 
goustes , la civette , les fourmiliers, les monotrêmes, la taupe 
et le phoque (1). 


Plan postérieur. — Chez l’homme, une ligne obliquement 
dirigée de la partie supérieure du bord interne à la portion épi- 
condylienne du bord externe , divise cette surface en deux par- 
ties presque égales : la supérieure est recouverte par le muscle 
brachial externe , et l’inférieure par le brachial interne. 

Dans les quadrupèdes, cette division existe encore; mais la 
distribution des masses musculaires n’est plus la même. Dans le 
pore, les ruminants et les équidés, la section supérieure et 
externe, qui est la plus étendue, est envahie par la gouttière 
humérale, et donne attache au muscle brachial antérieur, 
tandis que les muscles brachial externe et brachial interne sont 
repoussés vers les bords. La section inférieure, recouverte en 
dedans par le brachial interne, sert d'implantation au muscle 
ancôné dans toute sa partie postérieure située au-dessus de la 
fosse olécranienne. 


Bord antérieur. — Encore nommé ligne âpre de l'humé- 
rus, ce bord est caractérisé par sa naissance à la partie anté- 
rieure du trochiter. 

Tout-à-fait intérieur dans le chat et le chien, il est un peu 


(1) Il y a, d’après Cuvier, un trou vasculaire analogue , mais situé du côté 
externe el par conséquent épicondytien, dans un saurien, le Monitor du Nil. 


38 MÉMOIRES 

interne, par sa moitié supérieure , dans les singes, le lèvre, 
l'éléphant et le porc, tandis que cette partie est renversée en 
dehors chez l’homme , les ruminants et les équidés. 

En haut de la ligne âpre s'attache toujours le grand pectoral, 
en totalité ou en partie. Sur la moitié inférieure s'implante le 
brachial antérieur, chez l’homme et le lièvre. Mais, dans le 
chien , le porc , les ruminants et les équidés , cette partie donne 


insertion aux muscles axillaires superficiels, ainsi qu'à l'hu- 
méro-mastoïdien. 


Bord externe. — Toujours étendu de la partie postérieure 
du trochiter à l'épicondyle, le bord externe est interrompu vers 
son milieu par la gouttière de l’humérus, bien plus largemeut 
dans les quadrupèdes que dans l’homme. 

A. La partie supérieure ou trochitérienne se dirige oblique- 
ment en bas et en avant vers la surface deltoïdienne, et ces 
deux parties se confondent pour se réunir ensuite à la section 
inférieure de la ligne âpre. L’obliquité, très-marquée dans les 
quadrupèdes, et surtout dans le porc, les ruminants et les 
équidés, est due à la grande largeur de la gouttière humérale, 
ainsi qu’à la saillie considérable du bord antérieur et de la 
crête deltoïdienne ; saillie qui entraîne avec elle cette partie du 
bord externe en avant. Dans l’homme, cela résulte simple- 
ment de la position reculée du trochiter. 

La section supérieure du bord externe forme une crête ru- 
gueuse, à peu près rectiligne dans l’homme, le sapajou, les 
rongeurs, et les carnassiers; mais elle décrit une courbe, 
à convexité antérieure, dans le porc, les ruminants et les 
équidés. 

Cette crête donne toujours attache au brachial externe. En 
outre, elle est pourvue d’un tubercule destiné à l'insertion du 
petit rond. Ce tubercule est situé tout-à-fait en haut dans 
l’homme , l'écureuil, le lièvre et le chat. Allongé et placé moins 
haut dans le chien, il forme un mamelon rugueux encore plus 
descendu dans le porcet les ruminants. Enfin, dans les équidés, 


il est allongé et situé plus bas, à l'extrémité supérieure de la 
crête déltoïdienne. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, 39 

B. La partie inférieure ou épicondylienne est toujours plus 
développée que la partie supérieure. Limitée en haut par la 
gouttière humérale et continue à la ligne oblique du plan pos- 
térieur , elle descend sur l’épicondyle en formant une crête, 
ordinairement rugucuse, dont la saillie augmente graduelle- 
ment. Mince, tranchante et recourbée en avant dans l’écureuil, 
elle est, au contraire , mousse et peu prononcée dans les singes 
et le Lièvre. Mais elle est surtout remarquable chez l'éléphant. 
Epaisse et saillante , elle remonte presque droit jusqu’au tiers 
de l’humérus, et après avoir formé en haut une pointe mousse, 
elle se réunit à los par un bord légèrement échancré. 

Chez l’homme, cette section du bord externe donne attache , 
en avant, au brachial antérieur , au long supinateur et au pre- 
mier radial ; en arrière, au brachial interne. 

Dans les quadrupèdes, il y a généralement, en avant, l'in- 
sertion de la masse principale des deux radiaux et de l'exten- 
seur commun des doigts; et, sur le revers postérieur, se fixe 
le muscle ancôné. 


Bord interne. — Moins prononcé que les deux autres, sur- 
tout chez les quadrupèdes, où il est à peine marqué, le bord 
interne descend de la partie postérieure du trochin à lépitro- 
chlée. Il se dirige d'avant en arrière dans l’homme, et d’arrière 
en ayant chez les quadrupèdes. 


EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE. 


Pour l’exécution des grands mouvements de l’avant-bras sur 
le bras, et pour les attaches des muscles moteurs de l'avant- 
bras et de la main, cette extrémité forme une masse renflée, 
composée de parties articulaires et non articulaires. 

Elle est comprimée d’avant en arrière, et, par conséquent , 
toujours plus étendue transversalement que dans le sens antéro- 
postérieur. Cette disposition est d'autant plus marquée, que les 
mouvements des os de l’avant-bras sur l’humérus, doivent être 
plus variés, comme chez l’homme , les singes, l'écureuil, le 
chat, etc. La différence entre les deux dimensions est déjà 


k0 MÉMOIRES 

moins grande dans le lièvre, le chien, etc. Il y a encore beau- 
coup de largeur dans le porc, les ruminants et les équidés ; 
mais il y a plus d'épaisseur ; et si on examine le côté interne, 
on voit que, par suite du développement de l’épitrochlée en 
arrière , il y a là autant d'étendué que dans le sens transversal. 

La surface articulaire est sculptée de telle manière qu’elle 
se compose toujours de deux parties : l’une externe ou le 
condyle ; et l’autre interne ou la érochlée. 

La distinction entre ces deux parties est quelquefois peu évi- 
dente; cela dépend surtout de la saillie plus ou moins prononcée 
que forme le bord externe de la trochlée. Ainsi, cette délimi- 
tation , à peine sensible dans l'éléphant, encore peu marquée 
dans le chat , est plus nette dans l’homme, le chien , le porc , 
les équidés , et plus encore dans les ruminants; mais, dans 
aucun , elle n’est aussi tranchée que dans le lièvre et le lapin. 

Cependant , il est une erreur difficile à expliquer et que j'ai 
déjà combattue dans un précédent travail : elle appartient aux 
vétérinaires qui, dans leurs ouvrages sur l'anatomie des ani- 
maux domestiques , ont jusqu'à présent décrit la surface arti- 
culaire inférieure de l’humérus , comme formée d’une trochlée 
en dehors et d'un condyle en dedans. 


Condyle. — Le condyle , partie secondaire de la surface 
articulaire , a toujours moins d'étendue transversale que la 
trochlée , partie essentielle ; mais la différence est moins grande 
chez l’Aomme que dans les quadrupèdes , et, parmi ces der- 
niers , chez les rongeurs et les carnassiers que dans les rumi- 
nants et les équidés. 

Un autre caractère constant et distinctif pour le condyle , c'est 
qu'il a moins détendue que la trochlée dans le sens antéro- 
postérieur. Sa courbe ne décrit guère qu’un demi-cercle et se 
termine à la partie inférieure de la surface articulaire. La tro- 
chlée , au contraire , se prolonge et remonte en arrière jusque 
dans la fosse olécranienne , en formant un cercle presque 
complet. 

Il y a aussi, pour le condyle et la trochlée , des connexions 
différentes , bien que variées suivant les besoins : le condyle 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 41 
repose toujours sur le radius, — exclusivement chez l’Aomme ; 
— avec la partie externe de la trochlée, dans le chat et le chien ; 
avec toute la trochlée dans le lièvre, le porc , les ruminants 
et les équidés. Et même chez l'éléphant , où les deux sur- 
faces sont supportées par le cubitus , on voit, en avant, le 
radius se mettre en rapport avec le condyle et la portion 
externe de la trochlée. Mais toujours la trochlée répond , en 
arrière , à l'échancrure sigmoïde du eubitus , et jamais le 
condyle n’est en contact avec cette partie. 


Trochlée. — La trochlée constitue les deux tiers de la sur- 
face articulaire, dans l’homme , les rongeurs , les carnassiers 
et l'éléphant ; et les trois quarts , dans le porc , les rumi- 
nants et les équidés. 

Sa partie essentielle est sa gorge qui s'étend toujours de la 
fosse coronoïde à la fosse olécranienne , où elle se termine par 
un rebord transverse , saillant et tranchant , surtout dans le 
lièvre , le porc et les ruminants. 

Des deux bords de la trochlée , l’externe , toujours moins 
développé que l’interne , forme un relief antéro-postérieur éta- 
blissant la démarcatiom entre la trochlée et le condyle. Il est 
mousse dans l’Aomme , le chien, le mouton , le bœuf, les 
équidés et le porc ; — un peu aigu dans la chèvre ; — mince 
et tranchant dans le lièvre et le lapin ; — mais dans le chat , 
l'éléphant et quelquefois dans le porc , il est refoulé et presque 
confondu avec la surface du condyle. 

Le bord interne forme toujours la partie la plus saillante de 
la surface articulaire , excepté chez la chèvre, où le bord 
externe du condyle est aigu et un peu plus proéminent en avant 
et en bas , mais non en haut. 

IL est toujours épais , excepté dans le lièvre et le lapin , où 
il est mince , tranchant et redressé. 

Dans l’homme , le chat et le chien , il est très-saillant , mais 
oblique en bas et en dedans. 

Dans le porc, les ruminants et les équidés , il est plus épais , 
moins proéminent et tout-à-fait renversé du côté interne , de 
manière à former une large surface hémi-cylindroïde , destinée 


42 MÉMOIRES 
à supporter le poids du corps principalement rejeté en dedans. 
De ces diverses dispositions , il résulte que la surface arti- 
culaire inférieure de l’hamérus , bien que très-variée dans sa 
conformation , présente toujours les mêmes parties essentielles. 
Que si, par exemple , dans les rongeurs , le condyle et la 
trochlée sont parfaitement sculptés et distincts, — il y a, dans 
l’homme et les ruminants | apparence de deux trochlées , — 
tandis que , dans le chat ct l'éléphant , ilsemble , au premier 
abord , qu'il n’y ait qu’une gorge comprise entre deux bords 
épais , etc. 


Epicondyle. — Cette éminence , à insertions ligamenteuses 
et musculaires , est située en dehors et en arrière du condyle. 

Elle a généralement la forme d’un renflement rugueux , 
conoïde , dont le sommet , dirigé en haut , est continu avec le 
bord externe. Sa base est plus saillante , mieux détachée à sa 
partie antérieure qu’en arrière. 

L'épicondyle donne toujours attache , en avant , au second 
radial et à l'extenseur commun des doigts ; en bas, au liga- 
ment latéral externe ; en arrière , à l’ancôné , et , plus bas, 
au cubital externe. En outre , dans l’homme , le chat et le 
chien , il donne insertion , en bas eten avant , à l’extenseur 
propre du petit doigt, et, plus en dehors , au court supi- 
nateur. 


Epitrochlée. — Toujours plus développée que l’épicondyle, 
et ayant des usages analogues , l’épitrochlée est située en de- 
dans et en arrière de la trochlée. Elle se renverse d’autant plus 
en arrière qu'elle appartient à des mammifères plus éloignés de 
l'homme. 

L’épitrochlée donne attache antérieurement au ligament la- 
téral interne , qui se fixe aussi sur la face interne de la trochlée, 
simplement rugueuse. 

Les muscles qui s’implantent sur l'épitrochlée sont d'avant 
en arrière : le rond pronateur, le grand et le petit palmaires, 
le cubital interne , les fléchisseurs profond et superficiel des 
doigts. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h3 


Fosse coronoïide. — Immédiatement au-dessus de la surface 
articulaire , et en avant , l'extrémité inférieure de l’humérus 
est élargie, et sa surface est creusée d’une excavation rugueuse, 
dite fossette ou fosse coronoïde. Cette cavité, principalement 
destinée à l’attache des faisceaux ligamenteux antérieurs , est 
comprise entre deux bords inversement obliques qui semblent 
formés par la bifurcation inférieure de la ligne äpre. 


Fosse olécranienne. — En arrière , à l'opposé de la fosse 
coronoïde , est la fosse olécranienne , destinée à recevoir le 
bec de l’olécrâne pendant l'extension. 

Irrégulièrement triangulaire , elle est limitée en bas par la 
gorge trochléenne et comprise entre deux bords écartés infé- 
rieurement. 

Chez homme ex dans les singes supérieurs , elle a pen d’é- 
tendue et peu de profondeur. Elle est creusée sur une surface 
élargie et à peu près plane. 

Mais dès que la solidité devient le but essentiel à remplir et 
que le poids du corps à soutenir devient plus considérable , 
l'enclavement du crochet est plus marqué. 

C'est ainsi que dans le chien , la fosse olécranienne est pro- 
fonde, à bords élevés et peu renversés sur la cavité : l’interne, 
plus épais et plus saillant , est constitué par l’épitrochlée , 
comme dans le chat et le lièvre ; de même aussi, le bord externe 
n'est pas encore formé par l’épicondyle. 

Mais c'est surtout dans le porc , les ruminants et les équi- 
dés , que la fosse olécranienne est remarquable par sa pro- 
fondeur et son encaissement. Pour que la réception du crochet 
olécranien soit plus parfaite et son emboîtement plus exact, la 
cavité est resserrée , plus longue que large. Ses bords très- 
élevés , surtout l’interne , se renversent l’un vers l’autre. Ils 
sont comprimés latéralement et formés par le développement 
supérieur et postérieur de l’épicondyle et de l'épitrochlée, La 
grande saillie du bord interne semble destinée à résister plus 
efficacement à la pression que le poids du corps exerce toujours 
avec plus d'intensité en dedans qu’en dehors. 


AA MÉMOIRES 

Toutes ces dispositions , peu marquées dans l'éléphant, sont 
à leur maximum de développement chez le bœuf. Encore très- 
prononcées dans les équidés et le porc ; elles sont un peu atté- 
nuées dans la chèvre et surtout dans le mouton. 

Enfin , la lame osseuse qui sépare la fosse olécranienne de 
Ja fosse coronoïde est nécessairement amincie : elle est géné- 
ralement un peu transparente , si ce n’est dans les chevaux. 

Chez le chien, le lièvre et le lapin, elle est percée d'une 
ouverture , à peu près circulaire , — que l'on retrouve , d’a- 
près Cuvier, chez les Ayènes , le pore-épic ; le cabiai , le paca, 
l'agouli , le daman , etc. 


CONCLUSIONS. 


4° Dans l’homme et dans les quadrupèdes , l’humérus est le 
seul rayon osseux de la région du bras. 

% Il est toujours parallèle au sternum. 

3° Sa longueurest en raison inverse de la longueur de la main. 

4° Il n’est pas tordu. Son corps est prismatique , à trois pans, 
et ses extrémités sont renflées. 

5 L'extrémité supérieure porte toujours une tête articulaire 
et deux tubérosités : la grosse tubérosité où trochiter et la 
pelile tubérosité ou trochin. Ces deux éminences , auxquelles 
on peut reconnaître , lorsqu'elles sont complétement dévelop- 
pées , un sommet, une convexilé et une créte, donnent atta- 
che : la première au sus-épineux et au sous-épineux , la seconde 
au sus-épineux et au sous-scapulaire. 

Go Entre les deux tubérosités , se trouve la coulisse bicipi- 
tale , ordinairement simple , quelquefois double ; et , dans ce 
dernier cas, la gorge supplémentaire est toujours l’interne. 

7° Sur le plan externe de l'humérus , on voit la surface 
deltoïdienne , et , au-dessous , la fosse ou goultière humérale , 
destinée au brachial antérieur. 

8° Sur le plan interne, se trouvent l'empreinte du grand 
rond et du grand dorsal, et, plus en avant, celles de l'omo- 
brachial. En bas, on rencontre le trou épitrochléen ; chez 
quelques mammifères. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 45 

9° Le plan postérieur, divisé en deux portions par une ligne 
oblique, est recouvert par les muscles brachial externe, bra- 
chial interne , ancôné , etc. 

10° Le bord antérieur ou ligne äpre descend toujours de 
la partie antérieure de la grosse tubérosité. JI donne attache , en 
haut ,au grand pectoral , et, plus bas , soit au brachial anté- 
rieur , soit aux muscles axillaires superficiels , huméro-sterno- 
mastoïdien , etc. 

11° Le bord externe s'étend toujours de la partie postérieure 
du trochiter à l’épicondyle. Il est interrompu par la fosse humé- 
rale. Sa partie supérieure ou trochitérienne offre le tubercule 
du petit rond et la crête du brachial externe. Sa partie infé- 
rieure où épicondylienne donne généralement attache au long 
supinateur , aux deux radiaux , à une partie de l’extenseur 
commun des doigts , à l'ancôné , etc. 

12° Le bord interne , peu prononcé , descend de la partie 
postérieure du trochin à l'épitrochlée, et donne insertion , en 
haut , principalement au brachial interne. 

13° L’extrémité inférieure est pourvue d’une grande surface 
articulaire , composée d’un condyle en dehors et d’une trochlée 
en dedans. Elle porte aussi deux éminences nommées, en raison 
de leur position , épicondyle et épitrochlée. L'épicondyle donne 
généralement attache au ligament latéral externe, à l'extenseur 
commun des doigts, à l’ancôné, au cubital externe, etc. Sur l’é- 
pitrochlée se fixent le ligament interne, les muscles rond prona- 
teur, grand palmaire , cubital interne, fléchisseurs des doigts, etc. 

44° Au-dessus de la surface articulaire, on voit , en avant, 
la fosse coronoïde , servant principalement à l'attache des fais- 
ceaux ligamenteux antérieurs ; et, en arrière , la fosse olécra- 
nienne , destinée à recevoir le bec olécranien du cubitus pen- 
dant l'extension. 

15° Enfin , la lame osseuse qui sépare ces deux fosses, géné- 
ralement mince, est perforée dans quelques carnassiers ( chien , 
hyène , ete. ) et chez certains rongeurs , {els que le lièvre , le 
porc-épic , le cabiai , Vagoutr, etc. 


Nom. 


Direction. 


Disposition. 


LG MÉMOIRES 


gme PARTIE. 


APERÇU COMPARATIF ET PHILOSOPHIQUE SUR LES OS DE 


L'AVANT-BRAS. 


I. 


L’AVANT-BRAS à pour base deux os : le radius et le cubitus. 


Le radius est ainsi nommé, parce qu’à la manière d'un 
rayon mobile , il peut tourner d’une certaine quantité autour 
du cubitus , lors des mouvements de pronation et de supina- 
tion , qui ne sont donnés qu'à l'homme et aux mammifères 
supérieurs. 

Quant au cubitus (autrefois dit ulnus ), il a reçu son nom 
de ce qu’il constitue la base du coude. 

Ces deux os ont, chez les quadrupèdes , une direction à 
peu près verticale , d'autant plus marquée que les membres 
pectoraux sont plus spécialement des colonnes de soutien. On 
remarque aussi , dans ce cas , que les deux os de l'avant-bras 
deviennent presque parallèles , tandis qu'ils se croisent de plus 
en plus en X, dans les espèces dont les mains peuvent servir 
à la préhension. 

Dans tous les cas , les deux os sont placés l’un au-devant de 
l'autre , le radius devant le cubitus. Lorsqu'ils sont croisés , 
leur obliquité est telle que l'extrémité supérieure du radius est 
externe , et son extrémité inférieure est interne , tandis que 
l'extrémité supérieure du cubitus est en dedans et l'extrémité 
inférieure toujours en dehors. Mais lorsque le croisement est 
moindre ou nul, le cubitus se rapproche du côté externe ; il 
n’est postérieur qu'en haut : il est externe et postérieur dans 
le milieu , et tout-à-fait externe à l'extrémité inférieure. 

La situation du cubitus en dehors du radius est donc essen- 
tielle et générale. Elle n’est modifiée en haut que pour satisfaire 
aux exigences fonctionnelles. Et le croisement bien marqué 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. L7 


des deux os de l’avant-bras impliquera toujours des mains assez 
parfaites pour servir à la préhension. 

Chez les espèces les mieux organisées , sous ce rapport , les Mobilité, 
deux os sont écartés et libres : aussi le radius peut-il tourner 
autour du cubitus de manière à entrainer Ja face palmaire de 
la main en ayant , par un mouvement dit de swpination , puis 
à ramener la main dans sa position primitive et normale , 
c'est-à-dire la face dorsale en avant, par le mouvement con- 
traire ou de pronation. Dans l’homme, ces mouvements , très- 
étendus , sont d’un demi-tour ; dans les félis, d’un quart seu- 
lement ; et dans beaucoup d’autres espèces { chien , porc , 
lièvre , etc.) , ils sont très-peu sensibles ou nuls, et la main 
reste constamment en état de pronation. Chez d’autres encore 
(ruminants et équidés ), les deux os se soudent presqu’entiè- 
rement , et la mobilité est tout-à-fait sacrifiée à la solidité. 
Mais, dans ce cas, quelle que soit l’atrophie de la partie cen- 
trale du cubitus , on voit toujours son extrémité inférieure se 
renfler et concourir à l'étendue de la surface articulaire sur la- 
quelle jouent les os du carpe. 

La loi de balancement organique s'applique d’une manière 
remarquable au volume des deux os de l’avant-bras. En général, 
chez les mammifères , le radius est l'os principal , il est plus 
fort que le cubitus. Cette différence est plus ou moins pronon- 
cée. Lorsqu'elle l’est peu , comme dans l’homme , les singes 
et les chats, c’est au moins par le volume de l'extrémité infé- 
rieure que le radius l’emporte sur le cubitus , tandis que c’est 
le contraire pour l'extrémité supérieure. Mais dans les espèces 
inférieures , à radius volumineux et non mobile , l'extrémité 
supérieure de cet os se renfle aussi et acquiert un volume plus 
considérable que la partie correspondante du cubitus , afin de 
supporter plus efficacement le poids du corps. 

A ces règles , il y a des exceptions : ainsi, chez le caméléon , 
l'extrémité inférieure du cubitus est plus forte que celle du 
radius , et, dans l'éléphant , le cubitus est plus considérable 
que le radius. Il en est de même aussi chez les oiseaux. 

En général , le cubitus est plus long que le radius : il le Dimensions. 


Volume, 


Longueur 
relative. 


48 MÉMOIRES 
dépasse par son extrémité supérieure. Il y a exception pour 
les chauves-souris et les salamandres , chez lesquelles les deux 
os sont à peu près égaux , mais simplement , parce que l’apo- 
physe olécräne , au lieu d'être soudée comme un bras de levier, 
est libre et distincte à la manière d’un sésamoïde ou comme une 
rotule des membres thoraciques. 

La longueur relative des os de l’avant-bras est d'autant plus 
grande , que la main est plus courte et plus parfaite. 

Le tableau suivant vient à l'appui de cette loi générale : 


Tableau comparatif de la longueur des os de l’avant-bras 
et de la main. 


Avant-bras. Main. Avant-bras. | Main. 


|| Homme. ..... 0w,245 |0w,200 || Éléphant. ....[0",620 |0",410 
|| Gibbon (1)....| 0,140 | 0,105 | Porc......... 0,190 | 0,220 
|| Sapajou. 0,100 | 0,075 | Girafe........ 0,620 | 0,880 
| Chauve-souris.| 0,055 | 0,100 || Bœuf......... 0,520 | 0,585 
|| Ecureuil... 0,055 | 0,042 | Mouton... 0,170 | 0,240 
DRatic. kb 0,025 | 0,018 | Chèvre....... 0,180 | 0,230 
Lièvre. cet 0,104 | 0,065 || Cheval. ...... 0,560 | 0,450 
HPLapin. tee 0:07041:0,0464|| Ane. -ermmre 0,290 | 0,345 
Dbatem nes 0,095 | 0,080 || Mulet. ....... ; 0,415 
|| Chien... 0,200 | 0,165 


Ce tableau démontre aussi que l’avant-bras est plus court que 
la main dans les mammifères ongulés , tandis que c’est géné- 
ralement le contraire chez les onguiculés. 

Ilest, du reste, facile de constater , comme il a été dit plus 
haut, que l’avant-bras l'emporte d'autant plus en longueur sur 
la main que celle-ci est plus parfaite. En effet , chez l'éléphant , 
l’avant-bras est d’un tiers plus long que la main ; dans la girafe à 
c’est au contraire la main qui est d’un tiers plus longue. 


(1) Ce gibbon (hilobates agilis) de Sumatra , était un jeune sujet. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 9 

On voit, en outre, que l’avant-bras est plus long que la 
main , lorsque celle-ci est employée à la préhension , et que 
c'est le contraire lorsque la main ne fait que supporter le poids 
du corps. Ainsi, l’avant-bras est d’un quart plus long que la 
main dans les singes, et d'un quart plus court dans le mou- 
lon , etc. 

On remarque , enfin , quelques particularités qui semblent 
commandées par les besoins fonctionnels. 

Dans le lièvre, par exemple , la longueur de l’avant-bras, 
comparée à celle de la main , est relativement plus grande que 
chez l’homme. 

C’est une des conditions qui, chez les quadrupèdes, favorise 
la rapidité de la course , parce que l'étendue de terrain em- 
brassée à chaque pas est d'autant plus grande que l’avant-bras 
est plus long. La même observation s'applique à des animaux 
de même espèce , mais de race différente, et dont les allures 
sont plus où moins rapides. C’est ainsi que l'avant-bras est 
plus long dans le lévrier que dans les autres chiens, plus long 
aussi dans le cheval de course que dans le cheval de trait. De 
cet allongement de l’avant-bras , il résulte d'abord que ce rayon 
décrit inférieurement un plus grand arc de cercle et qu'en- 
suite la main , ayant moins de longueur , doit se relever et s’a- 
baisser plus rapidement. Ces conditions mécaniques , jointes à 
une grande énergie musculaire , à des formes élancées , peu- 
vent produire la plus grande somme de vitesse accordée aux 
quadrupèdes , celle , par exemple, qui permet à un cheval 
de franchir un kilomètre en une minute. 


IL. pu Rapits. 

L'extrémilé supérieure du radius est moins renflée que 
l'extrémité inférieure dans les espèces à radius mobile ou sim- 
plement libre , mais non dans les animanx à radius soudé. Il 
en est ainsi, d’après la loi de destination , qui imprime tou- 
jours aux moyens des modifications en harmonie avec le but 
final. En effet , pour que le radius puisse facilement tourner 


autour du cubitus , il faut que ses connexions avec l'humérus 
k° 5. — TOME v. k 


Extrémité 
supérieure, 


Cupule. 


Partie 
coronoïdienne. 


50 MÉMOIRES 

soient restreintes à une surface peu étendue sur laquelle il 
doit pivoter. Si au contraire le radius n'est pas mobile , s'il 
passe à l’état de colonne, ne faut-il pas que son extrémité supé- 
rieure se renfle et s’élargisse , afin d'augmenter les points de 
contact et de soutenir plus efficacement le poids du corps trans- 
mis par l’hamérus. 

Mais , dans ce dernier cas , la solidité n’est pas toujours la 
seule condition à remplir. Il faut quelquefois qu'une certaine 
somme de souplesse lui soit adjointe, comme on le voit dans 
le genre canis. Alors l'extrémité supérieure du radius, au lieu 
de s’articuler avec toute la surface humérale , n’est en rapport 
qu'avec le condyle et une partie de la trochlée , dont le reste 
est supporté du côté interne par le cubitus. 

C’est ainsi que l'extrémité supérieure du radius se modifie 
dans sa forme , ses dimensions et ses connexions , afin de s’ap- 
proprier aux différents besoins fonctionnels. 

En conséquence , chez l’homme , elle est peu volumineuse , 
circulaire et creusée en cupule qui joue seulement sur le condyle 
huméral. Dans les quadrupèdes , à mesure qu'ils sont plus éloi- 
gnés de l’homme , l'extrémité supérieure du radius devient 
plus forte et s’allonge transversalement par l'adjonction , soit 
d’une portion , soit de la totalité de l’apophyse coronoïde du 
cubitus. La surface articulaire conserve sa cupule , plus ou 
moins comprimée latéralement, mais toujours appliquée sur le 
condyle ; quant aux plans ajoutés , ils se moulent sur une 
partie de la trochlée ( chat, chien \ ou sur toute cette surface, 
comme dans le lièvre , le porc , les ruminants et les équidés ; 
et alors le radius , à l'exclusion du cubitus , sert de support à 
l'os du bras. Dans ce dernier cas , au lieu d’un contact super- 
ficiel permettant des mouvements de latéralité, comme on le 
voit dans l'homme , les singes et les carnassiers , les surfaces 
articulaires s'emboîtent réciproquement et jouent dans le sens 
antéro-postérieur , avec la précision d’une charnière large et 
serrée qui s'oppose à toute déviation latérale. En même temps, 
chez les espèces lourdes , comme le porc , les ruminants et 
les équidés , on remarque que la dépression supportant le bord 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 51 
interne de la poulie humérale est très-élargie ct aussi étendue 
à elle seule que le reste de la surface articulaire : disposition 
qui a évidemment pour but de soutenir avec plus d'efficacité le 
poids du corps dont la pression est toujours plus considérable 
du côté interne. 

Une conséquence nécessaire de ce que le radius peut em- 
prunter au cubitus une partie ou la totalité de l’apophyse coro- 
noïde , c'est que le bec antérieur de cette apophyse , qui, chez 
l’homme , appartient au cubitus , est transporté, chez les qua- 
drupèdes , à l'extrémité supérieure du radius. Mais il conserve 
toujours sa position essentielle , à la partie antérieure du relief 
qui est reçu dans la gorge de la trochlée humérale. 

Pour favoriser le glissement du radius sur le cubitus ,il ya, 
chez l’homme , sur le contour postérieur et interne de la cu- 
pule radiale , une petite surface convexe et semi-cireulaire qui 
joue sur la petite échancrure sigmoïde du cubitus, d’arrière en 
avant pour le mouvement de supination , et d'avant en arrière 
pour la pronation. 

Cette facette offre à peu près la même disposition chez les 
carnassiers, mais elle n'occupe que le tiers de la circonfé- 
rence totale , et elle est presque entièrement taillée sur la por- 
tion coronoïdienne cédée par le cubitus au radius. 

Dans les espèces chez lesquelles la mobilité des deux os de 
l’avant-bras est (rès-restreinte , comme chez le lièvre et le porc, 
et même lorsque cette mobilité est à peu près nulle par suite 
de soudures plus où moins étendues , comme chez les rumi- 
nants et les équidés, il est remarquable de voir persister cette 
facctte sigmoïdienne , dépourvue de son rôle physiologique. 
Dans tous ces animaux, elle est double, c’est-à-dire divisée en 
deux facettes, qui, au lieu d’être latérales , sont tout-à-fait 
postérieures , pour répondre au cubitus placé en arrière : il y 
en a une de chaque côté du plan médian, et elles sont séparées 
par un relief, à insertions ligamenteuses , reçu dans une dé- 
pression du cubitus , ce qui , en augmentant la coaptation des 
deux os et la solidité de leur union , vient encore diminuer la 
possibilité des mouvements de l’un sur l’autre. 


Bec 


coronoidien. 


Facette 
sigmoidienne. 


Col. 


52 MÉMOIRES 


Chez l’homme , la cupule du radius est supportée par un col 
cylindrique , rétréci , long de 2 centimètres , et remarquable 
par sa direction oblique en bas et en dehors , contrairement à 
celle du corps de l'os ; il en résulte une légère coudure qui , en 
agrandissant l’espace interosseux , favorise l'indépendance et la 
mobilité du radius. 

Dans le genre felis, ce col est encore bien marqué ; mais 
déjà il est moins long , moins rétréci et un peu comprimé d’a- 
vant en arrière. Bien que légères, ces modifications établissent 
le passage entre ce qui existe chez l’homme et ce qu'on observe 
dans les mammifères à radius peu ou point mobile. Déjà , 
chez le chien , et par conséquent aussi dans les quadrupèdes 
inférieurs , le col du radius est très-court et se confond avec 
le corps par sa direction , son diamètre et sa forme compri- 
mée d'avant en arrière. En conséquence, dès que, par le 
resserrement de l'espace interosseux, la mobilité du radius 
tend à disparaître , on peut dire que le co/ de cet os n’existe 
plus. 

Un fait digne de remarque dans l'étude comparative du ra- 
dius, c’est la grande analogie que présente le corps de cet os , 
chez les différentes espèces , sous le rapport de sa configuration 
générale. Presque toujours comprimé d'avant en arrière , il est 
demi-cylindrique antérieurement et aplati postérieurement. Les 
comparaisons deviennent donc faciles , pourvu que l'on appli- 
que au radius de l’homme les mêmes désignations qui servent à 
distinguer les faces et les bords de cet os chez les quadrupèdes. 
C’est ainsi que, la main étant tournée en pronation par simple 
rotation du radius, on reconnaîtra que la véritable face anté- 
rieure de ce rayon est constituée par tout ce qu'on appelle ordi- 
nairement face externe , bord postérieur et face postérieure ; 
quant aux autres termes , il suffira de les inverser pour établir 
leur concordance générale. 

Ordinairement plus renflé en bas qu'en haut , le corps du 
radius est quelquefois arqué à concavité externe : cette dispo- 
sition qui élargit l’espace interosseux , doit, comme nous l’a- 
vons vu déjà, coïncider avec une plus grande mobilité ra- 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 53 


diale ; aussi ne Ja rencontre-t-on que chez l’homme , les singes 
et les chats, et non dans les espèces inférieures. 

En outre , le corps du radius est généralement arqué à con- 
cavité postérieure ; cette incurvation , peu prononcée dans 
l'homme et les carnassiers , l'est davantage dans les rumi- 
nants, le porc , les équidés et surtout chez le lièvre. 

L'extrémité inférieure du radius est toujours renflée pour 
offrir aux os carpiens une plus large surface d'appui et de glisse- 
ment , ainsi que pour écarter du parallélisme les tendons des 
muscles qui passent à sa périphérie. 

La surface carpienne de cette extrémité est élargie trans- 
versalement et généralement composée de deux plans , simple- 
ment concaves dans l’Aomme , les rongeurs et les carnassiers, 
concaves en avant el convexes en arrière dans le porc , les ru- 
minants et les chevaux. Dans ces dernières espèces , une arête 
bien prononcée délimite les deux plans, ajoute à l’engrénement 
réciproque des surfaces et conséquemment à la solidité de la 
jointure. Cette arête est, au contraire , à peine marquée chez 
l’homme et les rongeurs; etelle disparaît complétement chez 
les carnassiers , en raison de la soudure des deux os carpiens 
répondant aux deux facettes du radius. 

Chez les ruminants et surtout dans le porc , les deux plans 
de la surface carpienne sont remarquables par leur obliquité 
en arrière et en dedans : ce qui détermine dans ce même sens 
la flexion de la main habituellement portée en dehors. On voit 
aussi, dans ces animaux , que la surface articulaire est obli- 
quement coupée en bas et en dedans , de manière à rejeter 
l'appui du côté interne et à briser son action directe en la dé- 
composant. Cette dernière disposition ne se rencontre pas chez 
les chevaux , parce qu’elle aurait nui à la précision des mouve- 
ments et à la rapidité des allures. 

Mais quelles que soient les modifications apportées dans la 
forme ou l'étendue de cette grande surface diarthrodiale , les 
connexions ne sont pas changées. Toujours les deux plans car- 
piens du radius répondent l’un au semi-lunaire et l’autre au 
scaphoïde. Seulement , chez le porc et les ruminants , il ya 


Extrémité 
inférieure, 


Surface 
corpienne. 


Echancrure 
cubitale. 


Apophyse 
styloide. 


Coulisses 
{endineuses, 


o4 MÉMOIRES 

du côté externe un petit plan secondaire qui s'appuie sur une 
portion de l'os pyramidal ; mais ce n'est là qu'une particula- 
rité sans importance. 

Sur le côté externe de l'extrémité inférieure du radius, on 
voit une petite échancrure destinée à glisser sur le devant de 
l'extrémité inférieure du cubitus, pour les mouvements de 
pronation et de supination. Bien marquée dans l’homme , les 
singes et les carnassiers, même chez le chien, elle est réduite, 
chez le porc , à une très-petite facette ; et elle disparaît chez les 
ruminants et les éguidés, par suite de la soudure précoce de 
l'extrémité inférieure des deux os. 

Du côté interne est l'apophyse styloïde du radius. Bien pro- 
noncée dans l’homine et les carnassirs, elle est épaisse et 
courte chez le porc et les ruminants , el à peu près nulle dans 
les équidés. Mais, dans tous, la face externe de ce prolonge- 
ment concourt à la formation de la grande surface articulaire, 
et répond à l'os scaphoïde. 

Sur le devant de l’extrémité inférieure du radius, on voit 
toujours trois coulisses tendineuses. Les deux principales sont 
antérieures, et leur crête intermédiaire est forte. L’externe est 
destinée au tendon de l’extenseur commun des doigts, et, en 
dedans, à ceux de l’extenseur propre de l’index et du long 
exlenseur du pouce; linterne est propre aux deux radiaux. 
Quant à la troisième coulisse, elle est plus rapprochée du côté 
interne; plus étroite que les deux autres, elle descend oblique- 
ment derrière l’apophyse styloïde, et-elle sert au glissement des 
tendons du long abducteur et du court extenseur du pouce. 

Dans l’Aomme , chacune de ces trois coulisses est divisée en 
deux : la division est légèrement marquée dans les deux inter- 
nes, mais très-évidente pour l’externe. — Dans tous les qua- 
drupèdes, les trois coulisses sont indivises. Elles sont bien 
sculptées chez les carnassiers, les rongeurs et les équidés , 
tandis que chez le porc et les ruminants la coulisse des ra- 
diaux est seule bien prononcée; les deux autres sont très-su- 
perficielles. — Mais ici, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est 
la distribution, constamment la même, de toutes ces cordes 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 55 
tendineuses dans les coulisses radiales, chez l’homme ct chez 
les mammifères les plus éloignés. 

BL. pu cugrrus. 

L'extrémité supérieure du cubitus, toujours taillée en Py- 
ramide renversée, a pour base fondamentale une colonne pris- 
malique, sorte de fût surmonté d’une apophyse montante ap- 
pelée olécräne , et renflé en avant par une saillie plus ou moins 
développée , dite apophyse coronoïde. 

L'olécräne, bras de levier du triceps brachial, est court et 
cubique chez l’homme. I s’aplatit latéralement chez les qua- 
drupèdes , et acquiert une grande longueur. dans le porc , 
les ruminants et les équidés. 

Le bec olécranien, qui, chez l'homme , termine en avant le 
sommet, est toujours situé plus bas dans les quadrupèdes ; en 
outre, il est plus prolongé en crochet dans la cavité posté- 
rieure de l’humérus, où il s’emboîte profondément , afin que, 
pendant la station, la jointure puisse mieux résister aux dé- 
viations latérales que tend à produire le grand poids du corps. 

L'apophyse coronoëde de homme est complète, et la grande 
échancrure sigmoïde est creusée moitié sur le devant de l’olé- 
crâne et moitié sur la face supérieure de cette apophyse coro- 
noïde qui répond à toute la trochlée de l'humérus. 

Dans les quadrupèdes , Vapophyse coronoïde se réduit , et, 
comme nous l'avons vu précédemment, elle passe au radius à 
mesure que ce rayon, devenant plus volumineux et plus serré 
contre le cubitus, est plus apte à constituer une colonne de 
soutien qu’à effectuer le mouvement nécessaire à la supination. 

Ainsi, dans les carnassiers, l'apophyse coronoïde perd sa 
moitié externe, sauf la portion la plus postérieure : de sorte 
qu'au lieu de se mouler sur toute la trochlée humérale , comme 
chez l’omme , cette apophyse n’en sapporte plus que la moitié 
interne. La disposition est essentiellement la même dans les 
chats et dans les chiens. Et si le radius de ces derniers est beau- 
coup moins mobile sur le cubitus, cela tient à ce que les deux 
os sont plus rapprochés l’un de l’autre. 


Olécräne. 


Apophyse 
coronoide. 


Corps. 


56 MÉMOIRES 


Mais, dans les espèces dont le radius ne joue que peu ou 
point sur le cubitus, la trochlée humérale repose entièrement 
sur le radius, auquel s’est réunie la partie coronoïdienne de 
la grande échancrure sigmoïde , et le cubitus ne forme plus de 
cette échancrure que la portion olécranienne. C’est ce qui existe 
dans le lièvre , le porc, les ruminants et les équidés. D'après 
cela, on admet généralement que, dans ces animaux, le cu- 
bitus est totalement dépourvu de son apophyse coronoïde. 1 
est cependant facile de reconnaître que, chez tous, cette apo- 
physe persiste, mais réduite à sa portion la plus reculée. C'est 
un relief transverse, plus ou moins saillant à ses extrémités. 
Le plan supérieur concourt encore à former la grande échan- 
crure sigmoïde. Et, ce qui suflirait à caractériser ce reste d’a- 
pophyse coronoïde, c'est que, sur le plan inférieur se trouve 
toujours taillée la facette simple ou double qui constitue la 


petite éehancrure sigmoïde. Elle est simple et très-analogue 


à celle de l’homme, mais tournée en dehors et en avant, dans 
les carnassiers ; tandis qu’elle est double et tout-à-fait tournée 
en avant dans le lièvre, le porc, les ruminants et les équidés. 
Le corps du cubitus a généralement la ferme d’un prisme à 
trois pans. À peu près rectiligne dans l’homme et les chats, il 
est déjà un peu arqué à concavité postérieure dans le chien ; 
et cette incurvation devient très-prononcée, comme du reste 
celle du radius , dans le Æèvre, le pore, les ruminants et les 
équidés. À mesure que la courbure du cubitus augmente, on 
voit cet os se rapprocher du radius, s'appliquer contre sa face 
postérieure et son bord externe, et même s’y souder dans une 
plus ou moins grande étendue. Mais, dans tous ces cas , l’espace 
interosseux ne disparaît jamais complétement : en général, il 
persiste en haut et en bas, de manière à former deux arcades 
vasculaires bien évidentes chez les ruminants, le porc et les 
équidés. On remarque aussi que ces deux arcades sont reliées 
par une goultière longitudinale, dite interosseuse , creusée sur 
le côté externe du cubitus, peu prononcée dans les chevaux, 
mais très-marquée dans les ruminants. Chez le porc, cette gout- 
üière , tout-à- fait comprise entre les deux os de l’avant-bras , est 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 57 


convertie en un véritable canal interosseux , qui n’a pas en- 
core été signalé dans les ouvrages d'anatomie comparée. 

Le volume du cubitus diminue du haut en bas. Sous ce rap- 
port, les équidés sont remarquables en ce que le cubitus est 
très-grêle dans sa partie centrale : il est fréquemment prolongé 
en bas par un cordon fibreux; mais souvent aussi, et surtout 
chez l'âne et le mulet, la petite colonne osseuse descend, sans 
interruption, jusqu'à son renflement inférieur. Il en cst de 
même pour le péroné aux membres pelviens. On ne peut 
donc pas admettre avec M. de Christol, que les chevaux diffè- 
rent des Aipparions en ce qu’ils ont le cubitus et le péroné in- 
terrompus vers le tiers inférieur. 

En général , l'extrémité inférieure du cubitus est peu ren- 
flée. — Tant qu’il n’y a pas de soudure entre les deux os, elle 
porte une facette pour le glissement même très-restreint du ra- 
dius, puisqu'elle existe encore chez le porc. 

L'apophyse styloïde , si distincte chez l'Aomme , se confond 
chez les quadrupèdes avec la tête articulaire : il en résulte une 
surface taillée en biseau dans les carnassiers, moins oblique 
dans le porc, et les ruminants , arrondie dans le lièvre et con- 
dyloïde dans les équidés. 

Sur le côté externe, il y a essentiellement deux coulisses ver- 
ticales : l’antérieure est réservée au tendon de l’extenseur du 
petit doigt , et la postérieure à celui du cubital externe. Ordi- 
nairement on n'en voit qu'une qui, chez l’homme et les car- 
nassiers, est la postérieure, celle du cubital externe; tandis 
que , chez le lièvre , les ruminants et les équidés, c’est l'anté- 
rieure , celle de l’extenseur propre du petit doigt. D'après celà , 
on pourrait croire au premier abord que, chez les uns et chez 
les autres, la même coulisse sert au glissement d’un tendon 
différent. Mais l'erreur n’est plus possible, lorsqu'on voit les 
deux coulisses exister simultanément , comme chez le porc. 

Si la coulisse postérieure n'est pas reproduite dans les rumi- 
nants et les équidés, c’est que le tendon du cubital externe glisse 
sur le pyramidal (ruminants) ou sur le pisiforme { équidés ). 

Quant à la coulisse antérieure, lorsque la grande mobilité 


Extrémité 
inférieuré. 


Coulisses. 


Plan carpien. 


58 MÉMOIRES 

des os de l'avant-bras pourrait nuire à la direction et au jeu de 
l'extenseur du petit doigt, le tendon passe plus particulière- 
ment sur le rebord externe de l’extrémité inférieure du ra- 
dius, par exemple, dans l’homme et les chats ; et alors la cou- 
lisse est pour ainsi dire nulle. Si, au contraire , il y a peu ou 
point de mobilité, le tendon glisse entre les deux os, comme 
dans le chien, ou tout-à-fait sur le cubitus, comme dans le 
lièvre , le porc, les ruminants et les équidés ; mais, dans aucun 
de ces derniers quadrupèdes , la coulisse antérieure n’est aussi 
prononcée que dans les équidés. 

Enfin , la surface inféricure ou carpienne de la tête du cu- 
bitus présente toujours les mêmes connexions articulaires, bien 
qu'elle soit modifiée dans sa forme et son degré de liberté ou de 
soudure : elle répond toujours au pyramidal et, de plus, chez 
les quadrupèdes , au pisiforme par une facette postérieure. 

On retrouve ces mêmes connexions chez les équidés , malgré 
la soudure si précoce et si marquée de l'extrémité inférieure 
du cubitus avec selle du radius. Souvent les plans carpiens de 
ces deux os sont confondus en un seul ; mais souvent aussi un 
léger sillon indique la trace de leur séparation ; et toujours une 
forte entaille postérieure délimite très-bien ce qui appartient 
au cubitus. Il est donc inexact de dire , comme on le fait gé- 
néralement , que le cubitus des chevaux est réduit à ses deux 
tiers supérieurs, et qu’il manque d'extrémité inférieure. 

J'ai déjà eu l’occasion d'émettre cette appréciation dans un 
travail precédent. De son côté, M. de Christol, professeur à la 
Faculté de Dijon, est arrivé au même résultat. Je l'ai su depuis, 
etje m'estime heureux de m'être rencontré, sous ce rapport , 
avec un savant aussi distingué dans les recherches ostéologiques. 

En présence d’une constatatiou si facile à établir, on se de- 
mande comment ce fait—et tant d’autres — sont restés si long- 
temps méconnus. C'est là une question de principes. Les idées 
justes sont simples, dit-on ; mais, s’ilest vrai, comme le pensait 
Laplace, qu'elles sont généralement les dernières que l’on décou- 
vre, et que l’on applique, cela ferait comprendre pourquoi la 
Vérité est ordinairement si lente à nous faire ses révélations. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 59 


EEE 


PIERRE DE BELOY, 


CONSEILLER DU ROI ET AVOCAT GÉNÉRAL AU PARLEMENT 
DE TOULOUSE ; 


Par M. BENECH. 


Esse aliquem invictum, esse aliquem in quem nihil 
fortuna possit, à republicä generis humani est. 


(SÉNÈQUE , de Constant. sapient. 6 xix.) 


I. L'HISTORIEN A. de Thou, parlant, dans ses Mémoires (1), 
de l’un des légistes les plus instruits et des citoyens les plus 
estimables du xvr siècle , disait : « Qu'il était du bien public 
> que son nom passät à la postérité , et que le zèle dont il avait 
» brûlé pour la patrie , füt toujours devant les yeux de ceux 
» aux talents desquels elle avait droit. » 

Ces paroles , qui s’appliquaient à Pierre Pithou , semblent 
avoir été écrites aussi pour un autre légiste du même temps, 
qui fut un des magistrats les plus éminents des Cours souve- 
raines, c’est-à-dire pour Pierre de Beloy, avocat général au 
Parlement de Toulouse. 

Les notices que nous possédons sur ce personnage sont loin 
de répondre à l’importance du rôle politique, scientifique et 
judiciaire qu'il a joué pendant la seconde partie du xvr° siècle 
et la première partie du xvn°. L'article le moins incomplet est 
celui que Bayle lui a consacré en son Dictionnaire historique 
et critique , et cet article lui-même ne se compose que de l’in- 
dication de quelques faits biographiques sans cohésion, et de la 


(1) Mémoires de de Thou, cités par M. Dupin en sa Notice sur Pierre 
Pithou, imprimés à la suite de son édition de Pasquier ou Dialogue des 
avocats du Parlement de Paris, par Antoine Loisel. Paris , 1844, p. 336. 


60 MÉMOIRES 
mention de ses divers ouvrages, en dehors de toute appréciation 
critique. 

Loin de moi la pensée que les pages qui vont suivre attei- 
gnent mieux le but , et mettent pleinement en lumière, en le 
faisant monter au rang qui lui est dù dans l'estime et la recon- 
naissance des gens de bien, le magistrat que je vais essayer de 
faire revivre ; mais elles contiendront du moins des faits nou- 
veaux que j'ai principalement puisés dans les archives inédites 
du Parlement de Toulouse, et je me livrerai à quelques obser- 
vations critiques sur ceux de ses travaux que notre bibliothè- 
que publique possède. 

Je professe un culte sincère et une vénération profonde pour 
les hommes de l’ancienne magistrature des Parlements , pour 
les services qu’elle a rendus à la science du droit comme à la 
chose publique. Cette grande institution , malgré des abus dont 
aucune des choses humaines n’est exempte , laisse bien loin 
derrière elle toutes les institutions judiciaires des autres peu- 
ples ; et les hommes qui l'ont personnifiée, malgré des défauts 
et des passions dont le germe se trouve dans le cœur humain , 
ont , en général , été dignes de leur mission , principalement 
au xvr siècle, qui a été l'apogée de la puissance des Parle- 
ments. Un écrivain éloquent de nos jours exprimait à cet égard 
un jugement qu’on nous saura gré de reproduire ici (1): «Il 
» ne faut pas l'oublier , la France a été longtemps une monar- 
» chie militaire et judiciaire , formée par l'épée , réglée par le 
» droit. A côté d’une classe qui a exalté dans notre nation le 
» sentiment de l'honneur, il s’en est élevé de bonne heure une 
» autre qui lui a inspiré le sentiment de la justice ; et si la 
» première a entretenu parmi nous les habitudes de la bravoure, 
» l'élégance des mœurs , les délicatesses de l'esprit , l'amour 
» des choses nobles et grandes , la seconde y a fait naître ct 
» prévaloir le goût de l’ordre , l'habitude du travail , le res- 
» pect de l'équité, le pouvoir de l'intelligence. Grâce à celle-ci, 


(1) M. Mignet, MVotices et portraits historiques et littéraires ; Paris, 
1854, tom. 2, Notice sur le comte Siméon , pag. 4. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 61 
» la France a possédé cette admirable magistrature des Parle- 
» ments, qui a été le clergé de la loi, dont la gravité a re- 
» haussé notre caractère , dont les remontrances ont préparé 
» nos institutions. » 

C'est donc avec le sentiment d'un respect vrai et d’un dé- 
vouement sincère que j'ai étudié la vie à la fois si agitée , si 
militante et si honorable de l’illustre Avocat général au Parle- 
ment de Toulouse. 


IL. L'époque de la naissance de Pierre de Beloy est restée in- 
certaine. Des indications prises dans quelques passages de ses 
écrits autorisent pourtant à placer cette date vers la fin du règne 
de François [®, c’est-à-dire dans la période de l'an 1535 à 
1540 (1). Ce qu’on sait bien , e’est qu'il était florissant à la 
fin du xvi° siècle et au commencement du xvn°. 

Il existe aussi quelque incertitude sur le lieu de sa naïssance , 
car Toulouse et Montauban se disputent l'honneur d’avoir été 
son berceau ; cependant le plus grand nombre d’autorités s’est 
prononcé en faveur de cette dernière ville. 

Lacroix du Maine, dont les rédacteurs de la Biographie tou- 
lousaine ont reproduit l'opinion , est à peu près le seul qui l'ait 
reconnu originaire de Toulouse ; mais son annotateur Jugoley 
de Juvigny , conseiller honoraire au Parlement de Metz, a 
rectifié son opinion en énonçant qu'il était né à Montauban. 

Dans son Dictionnaire historique et critique , Bayle avait 
d’abord admis les conjectures de Lacroix ; mais, plus tard , 
mieux éclairé par l’auteur des remarques sur la seconde édi- 
tion de la Confession catholique du sieur de Sancy , il s’est 
rangé à l’avis du conseiller au Parlement de Metz. Cette opi- 
nion est aussi celle de la Biographie universelle , d'accord 
avec les auteurs de l’histoire du Quercy (2). Raynal , avocat 


(i) Ainsi dans sa dédicace au Roi de son livre sur l’Union et incorpora- 
tion au domaine de l'Etat de l'ancien royaume de Navarre, publié à 
Toulouse en 1608 , il parle de ses ans déjà bien advancés ; il avait donc en- 
viron soixante-dix ans à celte époque , c’est-à-dire l’âge de la vieillesse. 


(2) Pages 44, 45, 46. 


62 MÉMOIRES 

au Parlement de Toulouse , semblait l'admettre également. On 
peut done affirmer, à défaut de preuves précises, que la ville 
de Montauban a pour elle le courant de l'opinion. 

L'auteur des remarques (1), dont je viens de parler, assure 
que Pierre de Beloy appartenait à une noble et ancienne famille 
de Bretagne , transplantée successivement dans le duché de 
Penthièvre, dans le comté de Rodez , et enfin dans le Quercy. 
Trois de ses frères avaient suivi la carrière des armes ; ils 
étaient morts au service du roi contre les Huguenots. Destiné de 
bonne heure à la toge , Pierre avait pris ses degrés en Droit 
civil et canonique à l'Université de Toulouse, alors des plus 
prospères (2). Il est même probable qu'il put y profiter de l’en- 
seignement que Cujas y faisait à cette époque sur les Institutes 
de Justinien. A peine âgé de vingt-un ans , il y avait été reçu 
en qualité de docteur-régent à l'Université (3). Quelque pré- 
coce que füt sa science , elle ne dut pourtant pas être considérée 
dans ces temps comme un phénomène , car Scévole de Sainte- 
Marthe affirme , dans ses Æloges des hommes illustres, que 
Henri de Mesmes , qui fut le père d’un des meilleurs amis de 
de Beloy , avait professé à la même Université à l'âge de seize 
ans (4). 

Le professorat de de Beloy, dans l’Académie toulousaine est 
attesté par son Epiître dédicatoire à Etienne Duranti , premier 
président du Parlement de Toulouse (5) , du premier de ses 
quatre livres des Variorum juris civilis, qu'il publia à Paris , 
en 1583, étant alors conseiller en la Sénéchaussée de Toulouse ; 
il y parle sans grande réserve de modestie | c'était assez l'usage 
du temps), des succès qu'il y avait obtenus comme professeur, 


(1) Bibliothèque publique de Toulouse ; collection de Mémoires sur 
Henri IV. 

(2) Journal des choses mémorables advenues durant le règne de HenriTiIT, 
tom. 2, 2° partie, pag. 16. ( Bibliothèque publique de Toulouse.) 


(3) Ibid. pages 16 et 17. 

(4) Eloge de Henri de Mesmes. 

(5) I rattache Duranti à la famille de Guillaume Duranti, évèque de 
Mende , surnommé le Speculator. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 63 
quo circa post tractatam per annos quosdam in Academiä 
nostrà Tolosané jurisprudentiam cum illorum plausu maximo 
(id non difficebor); l'ensemble de l'Epître prouve d'ailleurs que 
sa famille et lui vivaient dans d'étroites relations avec le célèbre 

magistrat , qui , quelques années plus tard , devait payer de sa 
vie son inviolable fidélité à Henri IE. Après son professorat et 
dans l'intervalle qui le sépare de sa nomination en qualité de 
conseiller en la Sénéchaussée de Toulouse , de Beloy avait 
exercé les fonctions d’avocat au Parlement , comme il nous 
l’apprend dans son Epiître dédicatoire du quatrième livre des 
Variorum , à Bernard de Larocheflayin , alors premier prési- 
dent de la chambre des requêtes au Parlement de Toulouse , 
qui avait été son compagnon d’études , son collègue à la Séné- 
chaussée, et qu'il devait plus tard retrouver au Parlement. 


HT. En quelle année Beloy entra-t-il à la Sénéchaussée de 
Toulouse ? Nous n'avons découvert aucun document précis qui 
nous ait permis de répondre à cette question ; nous savons seu- 
lement qu'il était pourvu du titre de conseiller en l'an 1583. 
A partir de cette époque, la lumière se fait sur sa biographie, 
et nous pouvons le suivre d'assez près jusqu’au commencement 
du règne de Louis XII. 

De Helo) filimprimer, à Paris, les quatre livres de ses Fa- 
riorum juris civilis (1), en profitant du séjour qu'il fit dans. 
celte capitale où il avait été appelé , croit-on , pour y soutenir 
les intérêts de la Sénéchaussée , successivement en opposition 
avec ceux des notaires , secrétaires du roi de la ville de Tou- 
louse et du corps de l'Université. Ce qui autorise cette conjecture, 
c’est que pendant le même séjour le magistrat toulousain avait 
publié les ouvrages suivants : Un panégyric ou resmontrance 
pour les sénéchals , juges mages et criminels de Tolose , 


(1) P. Beloù I. C. et in senesarchia Tholosana regii consiliarii rARrO- 
RUM juris civilis libri quatuor; item Disputationes aliquot quarum nu- 
merus hic sequitur, de success. ab intestat., de jur. pignor. vel marg., 
de compensat. — Parisiis, apud Gervasium Mallot, vià Jacobeà , sub signo 
Aquilæ aureæ, cum privilegio regis, 1583. — Biblioth. publiq. de Toulouse, 
n° 60, 192. 


64 MÉMOIRES 

contre les secrétaires et notaires du roi de ladite ville, et une 
requête verbale pour les susdits seigneurs et officiers, conte- 
nant une apologie ou défense à l'avertissement , publiée par 
l'Université et régents de l’Université de Tolose. En 1582, 
il avait fait imprimer une déclaration de légitime succession 
au royaume de Portugal, appartenant à la mère du roi très- 
chrétien (1) ; question sur laquelle Cujas (2) et un très-grand 
nombre d’autres jurisconsultes avaient été appelés à écrire des 
consultations. 

L'édition des V’ariorum quris civilis de 1583 comprend 
trois dissertations spéciales sur les successions ab intestat , le 
droit de marque ou de représailles et la compensation. L’au- 
teur dédia la première à Méry de Vic, maître des requêtes du 
palais, qui fut plus tard conseiller d'Etat et commissaire du roi 
pour la réduction du Languedoc ; la deuxième à Jean-Jacques 
de Mesmes , avocat au Parlement de Paris , avec qui il avait 
étudié les Pandectes à Toulouse , petit-fils de Jean-Jacques de 
Mesmes , cité par Loisel comme ayant introduit le privilége 
pour les femmes roturières de pouvoir renoncer à la commu- 
nauté (3); la troisième à Guilhaume du Vair (4), aussi avocat 
au Parlement de Paris , et qui fat plus tard conseiller au même 
Parlement , premier président du Parlement de Provence, garde 


(1) Anvers, 1582, in-8°; Bibliothèque publique, n° 14,101. L'ouvrage 
contient trois épitres dédicatoires , l’une adressée à Catherine de Médicis, 
l’autre au due de Brabant, d’Anjou et d'Orléans, frère unique du roi, 
l’autre au roi de Navarre. 

(2) Vid. M. Berryat-Saint-Prix. Histoire de Cujas , pag. 539. 

(3) Règles du Droit français, liv.1,tom. nr, art. 10 el suiv. — Dialogue 
des avocats, pag. 456. — Divers opuscules tirez des Mémoires de Loisel. 

(4) Tous les noms étant latinisés au 16% siècle, on appelait du Vair, 
Varus ; de Beloy se livrant à un de ces jeux d’esprit si familiers à cette 
époque , se plaisait à lui dire qu'il était l’homonyme de Varus, jurisconsulte 
de Crémone, consul à Rome, sous Auguste. « En, mi Vare carissime, pignus 
» et arrabonem amicitiæ nostræ, qui et nomine et reipsa Varus sis veleris- 
» que illius jurisconsulti cremonensis Vart, gentilis tui, eruditionem et 
» variam scientiarum cognilionem imilatus fueris.» C’est par un jeu d’es- 
prit semblable que Cicéron parlait du roi Servius Tullius comme élant son 
homonyme , #60 regnante gentili (Tusculan. disput. 1, 16, confer. Brulus, 


$ 16). 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 65 
des sceaux , et mourut évêque de Lisieux sous le règne de 
Louis XII. 

Résidant ainsi momentanément dans la capitale, où il avait, 
comme on l’a vu, noué d'honorables relations, de Beloy se 
trouva placé au centre du mouvement politique, qui devenait 
de plus en plus actif. On connaît les conditions dans lesquelles 
la France se trouvait alors placée. 


IV. On en était à la septième ou huitième guerre civile pour 
cause de religion. La Ligue, dont la première organisation re- 
montait à huit années, étendait de plus en plus ses réseaux, 
et, revêlant un caractère démocratique, préconisait le principe 
de la souveraineté populaire. La Sorbonne permettait déjà qu’on 
soutint devant elle des thèses publiques, dans lesquelles on en- 
seignait qu'il en était des rois comme des tuteurs, et qu’il était 
permis de les déposer dès qu'ils étaient suspects. L'état des 
choses empirait done tous les jours. Le faible Henri IL, flottant 
perpétuellement entre l'Union et les religionnaires, était, avec 
ces intermittences de volonté, impuissant pour diriger et pour 
contenir; on marchait donc visiblement vers une grande 
crise. 

Cette crise s’ouvrit, en 1584, par la mort imprévue du 
frère unique du Roi , le duc d'Anjou et de Brabant (1), car cet 
événement posa immédiatement la question de savoir lequel 
des deux devait avoir le rang d'héritier présomptif de la cou- 
ronne, de Henri roi de Navarre, ou du cardinal de Bourbon 
son oncle, ayant derrière lui les Guises. 

Henri I, qui n’avait pas d'enfants de son mariage avec 
Louise de Lorraine , et qui allait être condamné à voir discuter 
sous ses yeux sa propre succession , était sans doute fort jeune 
encore, puisqu'il n'avait pas trente-quatre ans. — Mais le 
désordre de ses mœurs, la fatalité qui semblait s'attacher à 
sa race, notamment la mort prématurée de tous ses frères, 
et les éventualités toujours inhérentes aux guerres civiles, 
avaient fait naître un vague pressentiment, trop tôt réalisé, 


(1) I mourut à Château-Fhierry, le 10 juin 1584. 
k° s. — TOME v. b) 


66 MÉMOIRES 

que sa vie pourrait n'être pas bien longue ; ce qui donnait 
un caractère encore plus saisissant d'intérêt à la question dont 
il vient d’être parlé. 

Ÿ. En 1585, la Ligue, dirigée par les princes lorrains, déploya 
son drapeau, fit une prise d'armes et publia son manifeste ; le 
18 juillet de la même année, elle obtint un succès décisif par le 
fatal édit qui révoquait tous les édits de pacification antérieurs, 
et qui fut enregistré avec peine et avec de vives remontrances 
par le Parlement de Paris, dont les tog'es écarlates, mises en 
montre en cette conjoncture, étaient un prélude des sanglantes 
tragédies qu'on allait voir (4). Enfin, pour agrandir encore 
son influence, Sixte-Quint avait, le 9 septembre , fulminé, des 
hauteurs du Vatican , une Bulle, par laquelle il excommuniait 
Henri, prétendu roi de Navarre, et Henri, prétendu prince de 
Condé, et les déclarait à jamais incapables d'occuper le trône 


de France. 


VE Ces actes et-ces écrits devinrent le signal de la plus longue 
et de la plus sanglante guerre civile du siècle ; ils remettaient, 
en effet, en question, ou plutôt ils renversaient toutes les 
franchises et toutes les libertés nationales. 

De Beloy intervint aussitôt pour les défendre. 

Issu d’une famille catholique, et frère de trois martyrs de 
leur religion , témoin dès son enfance des entreprises des reli- 
gionnaires, étroitement lié avec des magistrats restés orthodoxes, 
il s'était fortement et inviolablement attaché à la foi de ses pères ; 
mais il s’était attaché avec non moins d’ardeur et de sincérilé 
à tous les dogmes politiques et de droit public qu'avaient sou- 
tenus et professés avec tant d'éclat deux des hommes les plus 
illustres de cette époque, l'Hospital et Dumoulin , dont la glo- 
rieuse existence, interrompue par une mort prématurée , avait 
pris fin au moment même ou de Beloy faisait ses premiers pas 
dans la brillante et orageuse carrière ouverte devant lui. 


VIL Dans Le courant de l’année 1585, il publia un ouvrage 


(1) De Thou, Hist. universelle , Liv. LxxxI. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 67 
intitulé : Apologrie catholique contre les libelles, déclarations, 
adwvis, consultations faites, escrites et publiées par les Livuez, 
perturbateurs du repos du royaume de France , qui se sont 
eslevez depuis le décez de Monseisneur le frère unique du 
Roy (1). Ce manifeste décida des destinées de son auteur, et 
l’attacha définitivement à la cause dont il devait être un des 
plus actifs serviteurs. IL produisit une grande sensation sur les 
partis, fut traduit presque aussitôt en langue latine, et se ré- 
pandit tant en France qu'à l'étranger. Il fit à de Beloy une cé- 
lébrité dangereuse, c’est-à-dire, avec des amis ardents, des en- 
nemis plus ardents encore. C'était une de ces époques dont parle 
Tacite, où il est difficile de concilier une grande renommée 
avec le repos et la sécurité (2). 

L'année suivante, de Beloy publia un volume portant pour 
titre : Moyens d'abus, entreprises et nullitez du rescrit et 
Bulle du pape Sixte-Quint du nom, en date du mois de sep- 
tembre 1585, contre le sérénissime prince Henry de Bourbon, 
roy de Navarre, scisneur souverain de Béarn, premier 
prince du sang de France, et premier pair de la couronne, 
et Henry de Bourbon, aussi prince du sang, pair de France, 
prince de Condé, duc d'Enguien; par un catholique, apos- 
tolique et romain, mais bon François, et très-fidèle sujet de 
la couronne de France (3). 

Le roi de Navarre n'avait pas manqué de protester contre 
l'édit du 18 juillet dont nous avons parlé. Cette protestation 
provoqua un pamphlet des plus éloquents et des plus incendiai- 
res: L’advertissement d’un. catholique anglois aux catholi- 
ques françois. Cet écrit, œuvre de l'avocat Louis d'Orléans, 


(1) Sans nom d’imprimeur, et portant pour nom d’auteur les initiales 
ED. L. E. [. C. — 1585, in-8°, avec cette épigraphe : Respon au fol selon 
sa folie, afin qu'il ne s’estime estre sage. Proverb. xxvi, 5.— { Bibliothèque 
publique , n° 104, 63.) 

(2) De Oratoribus , $ 4. 

(3) Sans nom d’auteur ni d’imprimeur, 1586. — Biblioth. publ., in-8°, 
n° 2147. L'ouvrage est dédié au roi très-chrélien Henri , roi de France et 
de Pologne. — Sur certaines éditions on lit : A Coloigne, de l'imprimerie 
d’Herman Jobin, 1586, in-8°. 


68 MÉMOIRES 


enflamma de plus en plus les esprits; il louait la Saint-Barthé- 
lemi, glorifiait l’inquisition, et combattait avec la glus grande 
violence les prétentions du roi de Navarre. 

D'un autre côté, Catherine de Médicis rêvait l'abolition de 
la loi salique au profit du fils de sa fille aînée, la duchesse de 
Lorraine; et le duc de Guise , chef de la Ligue, feignait d'entrer 
dans ses vues. Pour les favoriser, il fut publié x discours 
contre la loi salique. 

De Beloy répondit, en 1587, à ce libelle par un nouvel ou- 
vrage portant pour litre : Examen du discours publié contre 
la maison royale de France , et particulièrement contre la 
branche de Bourbon, seul reste d'icelle, sur la loy salique 
et succession du royaume (1); par un catholique, apostolique, 
romain, mais bon Français, et très-fidèle sujet de la eou- 
ronne de France. 

Les ligueurs affectant depuis longtemps de déprécier la race 
des Capétiens au profit de celle des Carlovingiens (2), de Beloy , 
pour rendre à la première la justice qui lui était due, publia, 
la même année, un ouvrage portant pour titre : Memoire et 
Recueil de l'origine, alliances et successions de la royale 
famille de Bourbon, branche de la maison de France; en- 
semble, de l'histoire, gestes, et services plus mémorables, 
faictz par les princes d'icelle, aux rois et couronne de 
France (3). 

Son examen du discours publié contre la maison de France, 
donna lieu à une réponse à laquelle il répliqua immédiate- 
ment; dans l’année 1587 (4), il fut publié à Rome une ré- 
ponse des plus véhémentes à son Apolog'ie catholique (5). 


(1) Sans nom d’imprimeur ni d'auteur, 1587, in-8°. — Biblioth. publiq. 
n° 104, 49. 

(2) Vid. notamment les Mémoires de Jean David, avocat au parlement 
de Paris. (Mémoires de la Ligue, lom. 1, pag. 2 etsuiv.) 


(3) Sans nom d’auteur, imprimé à la Rochelle par P. Haultin, 1585, in-80. 
Biblioth. publ. n° 105, 28. 


(4) L’abbé Lenglet, Méthode pour étudier l'Histoire , pag. 258. 
(5) Responce aux principaux articles et chapitres de l'apologie de 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 69 

Dans le courant de la même année, de Beloy gratifia à son 

tour le public d'un Zraité de l'autorité du Roi et des crimes 

de lèze majesté (1). Les ligueurs firent publier immédiatement 
une réponse à ce livre (2). 


VII. La part active prise par le magistrat du Midi à des con- 
troverses qui absorbaient tous les esprits, avait accumulé sur 
sa tête les haines les plus vives; aussi, dès le commencement 
de l’année 1588, peu de temps avant la journée des Barrica- 
des, il fut emprisonné à la Conciergerie par les agents de la 
maison de Lorraine, qui disposait alors, grâce à l'intermédiaire 
de la reine mère, de la volonté de Henri IL, assez pusillanime , 
ou assez peu clairvoyant pour consentir à ce qu’on privàt de la 
liberté ceux qui étaient ses plus intelligents défenseurs (3). 

Un quart de siècle auparavant, Dumoulin s'était vu privé 
aussi de la liberté pour avoir écrit son célèbre pamphlet contre 
la réception des canons du Concile de Trente, qu’il considérait 


Belloy, faulsement et à faulz titre inscrit Apologie catholique , etc... 
traduite du latin (voir le titre latin dans Lelong, n° 118,494) sur la copie 
imprimée à Rome, 1586, in-12). Cet écrit que Baillés (pag. 74, des 
Auteurs déguisés) ‘attribue au cardinal Robert Bellarmin, est la défense 
des idées ultramontaines les plus avancées. — Prenant pour point de départ 
le texte du 8° chapitre des Proverbes : Per me reges regnant et legum con- 
dilores justa decernunt, et les mots adressés par Jésus-Christ à Saint 
Pierre : Pasce oves meas..... Pasce agnos meos. L'auteur aboutit à cette 
conséquence que le Pape use de son autorité la plus légitime quand il prive 
les princes chrétiens de leurs sceptres et couronnes. Henri, roi de Navarre, 
ou plutôt le Navarriste, y est l’objet de nombreuses invectives ; sa qualité 
de fils légitime d’Antoine , rot de Navarre , y est formellement contestée 
sous le prétexte de la nullité du mariage d'Antoine avec Jeanne d’Albret. 
Les injures ne sont pas non plus ménagées à de Beloy, son apologiste, qui 
est traité ici de méchant, là de faulx docteur, de traistre politique , plus 
loin de grosse beste, tantôt d’athéiste, lantôt d’Aypocrite, tantôt de per- 
nicieux hérélique, elc., ele... Je dois la connaissance de cet opuscule à 
la bienveillante communication de M. Forestié neveu , à Montauban. 


(1) L'analyse de ce livre se trouve dans le P. Lelong. Bibliothèque hislo- 
rique de la France, tom. 1, n° 18,739. 

(2) Zbid, n° 18,740. 

(3) De Thou atteste que de Beloy fut fait prisonnier par les ordres 
d'Henri LIL. (Hist, Liv, 93, ÿ 22.) 


70 MÉMOIRES 
comme attentatoires à l'autorité du Roi, aux lois de l'Etat, et 
aux arrêts des Cours souveraines. 

Après l'événement tragique de Blois, la captivité de de 
Beloy s’aggrava par l'effet de la recrudescence des ligueurs, 
qui ne reconnurent plus aucun frein ; il fut transféré de la Con- 
ciergerie à la Bastille, où Bussy le Clerc avait conduit, cin- 
quante ou soixante membres du Parlement de Paris, tous re- 
vêtus de leurs toges, marchant à la suite d'Achille de Harlay (1). 
Les plus grands périls pesèrent dès ce moment sur la tête de 
de Beloy ; car on voit les prédicateurs de la Ligue le désigner 
à la vengeance et à la fureur des Seize. — Dans un journal 
du temps écrit par Pierre Fayet, greffier de la prévôté d'Etam- 
pes, très-récemment publié (2), on lit ce qui suit, concernant 
une prédication du fougucux Guinchestre, qui prêchait à Saint- 
Barthélemi , et l’un de ceux qui ne préchaient que glaive et 
cousteau (3). « Le jour des Rois de l’an 1589, le dict Guin- 
» chestre prescha contre ung nommé Belleau ou de Belloy, qui 
» estoit detenu prisonnier à la Conciergerie; :il fit promettre 
» à ses auditeurs que son sermon finy, ils le suivroient ; ce 
» qu'ils firent, jusques au bailliage où le ténoit le premier pré- 
» sident de la court, monsieur du Harlay; et Ià il lui fict pro- 
» mectre de faire juger le procès du dict Belleau , disant : qu'il 
» yavoit dix ans qu'il debvoit estre pourry ; ce que leur promit 
» faire le dict sieur président {4).» C’est le même prédicateur qui, 
le 1° du même mois, parlant encore en faveur de la Ligue , s’a- 
dressant au premier président Achille de Harlay, assis devant 
lui au banc de l’œuvre, l'interloqua brusquement en l'enga- 
geant à prêter serment à l'Union, et en s’écriant : « Levez 
donc la main, monsieur le Président, et levez-la bien haut 
afin que tout le monde la voie (5). » 


(x) Vid. Henri Martin, Hést. Lom. 11, pag. 163, 164. 

(2) Tours, imprimerie de Ladevèze, 1852 ; in-12, pag. 53 et 54. 

(3) Pierre Fayet, dict. loc. pag. 55. 

(4) Vid. ibid. pag. 228, la note de M. Luzarche, de Tours, éditeur de ce 
journal. 

(5) Journal de Pierre de l'Étoile, année 1589, pag. 258. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 71 


Les prisonniers politiques de tous les temps se sont efforcés 
de trouver dans des distractions littéraires un charme aux en- 
nuis attachés à la privation de la liberté. De Belloy était doué 
d’une activité intellectuelle trop incessante pour ne pas imiter 
de tels exemples, et il travailla à rechercher les origines de 
la chevalerie, comme aussi il composa une ƣrposition de la 
prophétie de l'ange Gabriel, touchant les septante semai- 
nes décrites par le prophète Daniel, au chapitre neuvième 
de ses prophéties. 

Des études sur l'Ecriture sacrée , quel qu’en soit le sujet, ne 
cons{ituent pas pour un prisonnier de simples exercices ou des 
délassements de l'esprit; elles sont une méditation propre à 
reposer son âme des fatigues de l’adversité, et à la former à la 
résignation en favorisant ces aspirations consolantes qui en ap- 
pellent de l’injustice des hommes à la justice éternelle et su- 
prême de Dieu. C'est ainsi que, dans le siècle suivant, le cé- 
lèbre le Maistre de Sacy, enfermé aussi à la Bastille, accusé 
qu'il était de jansénisme, y composa une traduction de la 
Bible qui est fort estimée. 

Les ligueurs étaient toujours à la veille de faire à leur ma- 
nière le procès à de Beloy, lorsque celui-ci parvint heureusement 
à s'évader. Voici comment Pierre de l'Etoile raconte cette évasion 
dans ses Mémoires : « Le samedi dix-huitieme du dit mois de may, 
» de Beloy, prisonnier en la Bastille et pensionnaire de Bussi- 
» Leclerc il y avoit près de trois ans , trouva moyen d’évader et 
» sortir avec le serviteur du capitaine Béguié et un nommé 
» Nuts, et de là gagner Saint-Denis, où il se mist à couvert, 
» ayant esté par une spéciale grace de Dieu préservé et garanti 
» durant ce temps, et comme reliré des abismes de la mort, 
» qui autrement lui étoit inévitable. De cette évasion, Bussi en 
» fast aucunement suspect, pour ce qu'on disoit qu'il instruisoit 
» depuis quelque temps le fils du dit Bussi, qu'on apeloit le 
» dauphin : ce qui estoit faux, comme je l'ai apris moi-même 
» de la bouche du dit Beloy. Et la vérité est que ni eut jamais in- 
» telligence autre que la volonté de Dieu , qui se vouloit encore 
» servir de cest homme. Les Seize de Paris en voulurent mal à 


72 MÉMOIRES 

» monsieur de Belin , leur gouverneur , pour ce qu'il avoit ré- 
» voqué en doute la fidélité de Bussi-Leclerc, que les dits Scize 
» adoroient et{enoicnt entre eux comme un grand prophete (1). » 


IX. Rendu ainsi miraculeusement à la liberté, de Beloy fut 
présenté à Henri IV par Dominique de Vic , un deses plus braves 
capitaines, alors gouverneur de Saint-Denis, de la famille de 
Mery de Vic, dédicataire, comme on l’a vu, du commentaire 
publié par de Beloy, sur les Successions ab intestat. 

Henri IV accueillit, comme ille devait, le sujet fidèle qui 
avait été si dévoué à sa cause, et qui venait de subir de longues 
souffrances pour l'amour de lui. En reconnaissance de ses ser- 
vices, il le nomma maître des requêtes ordinaires de son hôtel , 
couronne de Navarre et son ancien domaine. 

Mais le nouveau conseiller , après tant de secousses, devait 
être impatient de rentrer dans son pays, dont il était éloigné 
depuis douze années au moins ; espace de temps bien long quand 
il s'écoule au milieu des guerres civiles. Aussi le roi lui conféra-t-il 
bientôt après une charge d'avocat général au Parlement de Tou- 
louse; cette charge lui permettrait de combattre encore, mais 
avec d’autres armes, dans l'intérêt du prince, objet de toutes 
ses affections. Henri IV le nomma à ces fonctions par des lettres 
patentes datées de Chartres le 15 janvier 1593 (2), au moment 
où les Etats généraux de la ligue se réunissaient à Paris. L'office 
qui lui fut concédé se trouva être, par une coïncidence remar- 
quable, celui qu'avait occupé Jacques Daffis, massacré par les 
ligueurs le 10 février 1589 ; et Jacques Daffis lui-même avait suc- 
cédé immédiatement à l’office qu'occupait Duranti avant d'être 
promu à la dignité de premier président. Ainsi, un magistrat , 
victime des tyrannies de la Ligue, venait prendre la place oc- 
cupée successivement par deux magistrats qu’elle avait égorgés. 


(1) Journal de Henri IV, mai 1591. 


(2) Vid. ci-après, Pièces justificatives, X. Ces lettres lui donnent le titre de 
Conseiller avocat général , parce que, comme de Beloy le fait remarquer 
lui-même en son livre de la Conférence des Edils (pag 139), le titre 
d'avocat général impliquait celui de conseiller. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 73 


X. Il semblait que les tribulations de l'avocat général de 
Beloy touchaient enfin à leur terme, et qu’il allait jouir paisi- 
blement des honneurs et des avantages attachés à l’état qu'il 
avait si bien conquis. Mais l’homme ne commande pas à sa des- 
tinée, ct il est des existences que la Providence a condamnées à 
de perpétuelles épreuves; un pareil sort qui, le plus souvent, 
n’est pas réservé à des hommes vulgaires, fut celui du nouvel 
avocat général. 

Quand Pierre de Beloy fut pourvu , en janvier 1593 , le Par- 
lement de Toulouse était tout entier sous la domination de la 
Ligue, dont il ne secoua le joug que deux ans plus tard, au 
mois d'avril 1595 , en émigrant à Castel-Sarrasin, Peu de temps 
avant sa mort, et peu de jours après l'assassinat de Duranti et 
de Daffis, Henri HE avait, par des lettres patentes datées de 
Beaugency le 15 juin 1589, transféré le Parlement de Toulouse 
dans la ville basse de Carcassonne; mais le Parlement adhéra 
à la déchéance du dernier des Valois, et les injonctions de 
celui-ci restèrent sans exécution. Un seul des membres du Par- 
lement, Sabatier de la Bourgade , resté fidèle à la royauté légi- 
time, se sépara de ses collègues et alla présider à Carcassonne 
un Parlement royaliste, composé des ofliciers de la Sénéchaussée 
de cette ville. Les ligueurs s'étant emparés de Carcassonne 
en 1591, le Parlement royaliste fut transféré d'abord à Mont- 
pellier, et c'est à ce Parlement que Pierre de Beloy est attaché 
en qualité de conseiller avocat général par les lettres patentes 
du 15 janvier. 

Ici commence une série presque incroyable de contre-temps 
et de mécomptes sans fin qui viennent entraver la prise de pos- 
session de la part de de Beloy. Lorsqu'il voulut se faire ins- 
taller au Parlement de Montpellier, il rencontra un obstacle 
insurmontable, au moins sur les lieux, car il ne s'était pas 
réuni dans cette ville un nombre suffisant de magistrats pour 
procéder à cette installation. Pour vaincre cette difficulté, 
Henri IV donna, par lettres du 7 mars de la même année, com- 
mission aux membres de son grand conseil, d’avoir à recevoir 


7h MÉMOIRES 

de Beloy pour le Parlement (1). Il fat reçu le jour même par un 
arrêt de ce Conseil réuni dans la ville de Chartres (2). Le voilà 
donc investi de ses fonctions ; mais, quand il a son investiture, 
il n’existe plus de Parlement de Toulouse à Montpellier ; ce par- 
lement avait été transporté à Béziers; c’est là que de Beloy fut 
installé par un arrêt du 12 août de la même année. 


XI. A peine le magistrat fut-il établi à Béziers, qu'il s’y 
trouva en butte à des calomnies dont nous n'avons pu décou- 
vrir le véritable objet, mais dont il se plaignait amèrement au 
roi dans un livre dont je parlerai plus tard, et qui donnèrent 
lieu à des procédures suivies de décrets d2 prise de corps. 

Moins de deux ans après son établissement à Béziers, de 
Beloy fat obligé de changer de résidence. Le 11 avril 1595, le 
Parlement de Toulouse s'était divisé en deux fractions, et la 
grande majorité de ce Parlement, secouant enfin le joug que 
faisait peser sur elle Henri, duc de Joyeuse, reconnut Henri IV, 
et alla rendre la justice en son nom à Castelsarrasin (3). HenriIV, 
informé de ces faits, approuva la translation de son Parlement 
à Castelsarrasin , et ordonna, en confirmant un édit du 18 mars 
précédent, que la chambre de Béziers y serait incorporée. 
Mais, le 9 juin, la chambre se déclara à l’état de rébellion 
vis-à-vis des ordres du roi, et refusa de se réunir à la fraction 
du Parlement de Toulouse émigrée. Un seul des membres de la 
compagnie de Béziers se soumit; ce fut lavocat général de 
Beloy qui demanda à faire partie du Parlement de Castelsarrasin. 


XIL. On a vu que de Beloy avait été, par deux fois, installé 
et reçu avocat général , d’abord par le grand Conseil, à Char- 
tres, le 7 mars 4593, et bientôt après par la chambre de Bé- 
ziers , au mois d'août de la même année ; mais les Parlements 


(1) Voir MA o0 Hier n° II. 

(2) Pièces justificatives, X, ën fine. 

(3) On peut consulter, sur le séjour du Parlement de Toulouse à Castel 
sarrasin, notre monographie insérée dans les Mémoires de l’Académie 
Dnnériale des Sciences, Inscriptions el Belles-lettres de Toulouse, 4° série, 
tom. 4, année 1854, pag. 27 et suiv. 


DE L’'ACADÉMIE DES SCIENCES. 73 


étaient très-susceptibles à l'égard de leurs prérogatives ; et celui 
de Castelsarrasin ne se crut pas lié par la double réception an- 
térieure; et s'il admit le sicur de Beloy par un arrêt du 
10 juillet, qui, par une faveur toute exceptionnelle, le dis- 
pensa de faire ses preuves de capacité, ce ne fut qu’à la condi- 
Lion qu’il serait fait une inquisition préalable sur les vie, mœurs 
et religion catholique , apostolique et romaine du récipiendaire, 
et à la condition encore qu'il ne serait admis à l’exercice de son 
office, que lorsque la chambre de Béziers serait réellement in- 
corporée à la Cour (1). DéBeloy fut obligé de se soumettre à ces 
diverses conditions. L'inquisition à laquelle il fut procédé, 
sous l'autorité de deux commissaires de la Cour , les conscillers 
de Gargas et François de Sabatier, lui fut favorable : et, par de 
nouveaux arrêts des 4 et 7 du mois d'août, ïil fut enfin défini- 
tivement reçu (2). Mais comme la chambre de Béziers ne fut 
incorporée qu’au mois de décembre suivant au Parlement de 
Castelsarrasin, ce n’est qu'à dater de cette époque qu'il entra 
réellement en fonctions (3). On voit même, par les énonciations 
des arrêts d’incorporation du 11 décembre, que les conseillers 
venant de Béziers auraient rapporté à la Cour les procédures 
auxquelles avaient donné licu les calomnies dirigées contre de 
Beloy , et que la Cour aurait ordonné la communication de ces 
procédures. Il fut rendu à ce sujet, à Castelsarrasin , des arrêts 
qui admettaient des récusations proposées par de Beloy, contre 
des magistrats venus de Béziers (4). C’étaient de nouvelles en- 
traves Jetées sous les pas du magistrat déjà si éprouvé; il ne 
paraît pas, toutefois , qu'elles aient eu des suites directes, et le 


(1) Vid. ci-dessous, Pièces justificat., n° IV. 

(2) Ibid, — Pièces justificat., n° V. 

(3) La ville de Castelsarrasin ayant élevé , cette année, un monument dans 
la salle du palais du Tribunal de 1r° instance, pour y perpéluer le souvenir 
du séjour du Parlement de Toulouse , le nom de Pierre de Beloy a été gravé, 
comme celui de tous ses collègues , sur le marbre de ce monument. 

(4) Ces divers arrêts se trouvent consignés dans Lafaille, tome 2, Preuves, 
page 94 et suivantes. — De Beloy s’élait constitué partie civile contre ses 
calomniateurs. ( Vid. Pièces justificat. V. in fine.) 


76 MÉMOIRES 


roi le vengea bientôt de ces inculpations ; mais elles avaient tou- 
jours cela de Fâcheux , qu’elles pouvaient le diminuer dans l’es- 
prit de ses nouveaux collègues comme aux yeux de l'opinion. 

Ce n’est pas tout. De Beloy avait succédé, comme on l’a vu, 
à l'office de l'avocat général Daffis, qui était le premier avocat 
général du Parlement, auprès duquel il n'existait que deux 
offices d'avocats généraux. Or, d’après Larocheflavin, c'était 
une question de savoir si le successeur du premier avocat gé- 
néral le remplaçait d'une manière complète, ou bien, si, par le 
fait de la vacance de son état, le second avocat général montait 
au rang et à la qualité de premier. Il existait au Parlement de 
Toulouse des arrêts en sens divers (1). La question de priorité 
ayant été soulevée par Pierre de Caumels, avocat général en 
exercice depuis l’an 1586 , de Beloy n’osant ou ne voulant pas 
soutenir la lutte , donna son consentement à ce que son collègue 
eut les mêmes rang, séance, autorité ct prérogatives que Jac- 
ques Daffis, premier avocat géuéral, et accepta le rang de se- 
cond avocat général. Son consentement fut homologué par des 
lettres patentes du roi, du 3 mars 1595, enregistrées par un 
arrêt rendu à Castelsarrasin, chambres assemblées , le 10 
juillet suivant (2). 


XII. Nous arrivons à l’époque de la soumission au roi de la 
province de Languedoc, à la suite de l’édit de Folembray , du 
mois de janvier 1596. Une des clauses de cet édit disposait 
que le Parlement, émigré à Castelsarrasin, rentrerait à Tou- 
Jouse , où il serait fusionné avec le Parlement ligueur resté dans 
cette ville. Mais à côté du traité public , contenant les conditions 
de la réduction , le duc Henri de Joyeuse qui, comme tous les 
gouverneurs de province, fit acheter bien cher à Henri IV sa ca- 
pitulation , stipula un traité secret. Eh bien! dans un des articles 
de ce traité, dans l’article 50, le duc suppliait Sa Majesté de 
vouloir accorder l'état d'avocat général en sa Cour de Parle- 
ment, en faveur de ceux qui en avaient été pourvus par le duc 


(1) Treize livres des Parlements de France , livre 2. 
(2) Vid. ci-dessous, Pièces justificatives , n° III, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. ÿ | 


du Maine, bien qu'ils n’y fussent pas encore reçus, « étant du 
» tout impossible que le sieur de Beloy puisse exercer l’état d’a- 
» vocal général à Toulouse sans exciter quelques troubles dans 
» ladite ville. » Ainsi, la Ligue lançait, en expirant dansle Lan- 
gucdoc, un dernier trait contre l’homme qu'elle avait déjà si 
cruellement tourmenté; mais ce trait ne porta pas, car Henri IV 
refusa la demande du duc de Joyeuse. On lit, en effet, au bas 
de l’article proposé , la réponse suivante : « Sa Majesté s’est ré- 
» servé elle-même de faire élection pour les dites charges , n'é- 
» {ant pas raisonnable qu'elle la remette à un autre (1). » 

De Beloy conserva donc au Parlement de Toulouse, réintégré 
au mois d'avril 1596 , le siége d'avocat général, qui avait été 
longtemps pour lui une sorte de mirage, car il semblait fuir 
perpétuellement devant lui ; et il l'occupa , probablement jus- 
qu’à sa mort. 

Quelque considérables que fussent les devoirs de sa charge, 
qui était, comme dit Larocheflavin , d'un très-orand tra- 
vail(2\, ils n'étaient pourtant pas un aliment suffisant à son in- 
fatigable amour pour l'étude. On le voit, en effet, donner au 
public une série d'ouvrages composés antérieurement à son en- 
trée au Parlement ou depuis. Ainsi, il publia, en 1600 , la 
Conférence des édicts de pacification des troubles esmeuz 
au royaume de France pour le faict religieux depuis le pre- 
mier de ces édicts jusqu'à l’édit de Nantes (3). Dans l’épître 
dédicatoire de cet ouvrage au Roi, il rappelle les luttes qu’il a 
soutenues pour défendre Sa Majesté contre les ëmpostures vo- 
mies contre la très-illustre dignité de son sang , et contre 
la loi même des antiques Saliens qui la faisaient régner. Il 


(1) Dom Vaissette, Histoire générale du Languedoc, t. V, Preuves, 
p- 336. 


(2) Treïze livres des Parlements de France , liv. 2, 6 64. 


(3) Paris, chez P. L'Huillier et Jamet Mettayer, imprimeurs et libraires 
ordinaires du Roy, demeurant au Mont-Sainte-Geneviève, près le collége de 
Laon , année M.DC. avec privilége de Sa Majesté. — Biblioth. publ., 


n° 1309. — Il en a élé fait une 2° édition à Grenoble en 16509. Zbid., n° 62, 
123. 


78 MÉMOIRES 

se félicitait des fureurs, des violences , des oppressions , et de 
la longue et dure prison qu’il avait soufferte en haine de son 
service ; il la remerciait de ce que, par sa justice, il avait été 
déchargé de Fimposture que les restes de la faction avaient 
monopolée sur ses actions; enfin , il se réjouissait surtout de 
ce que la calomnie, complotée à Béziers contre son hon- 
neur, eût été fomentée et entretenue par la longue tergi- 
versation d'un seul caméléon, qui, durant les quatre ans 
qu'il avait élé captif entre les quatre murailles, vivait, au 
sénat, pensionnaire de la faction. 

Quatre ans après, il livra au monde savant un 7raité de 
l'origine et institution des divers ordres de chevalerie , tant 
ecclésiastique que profane (1); en 1605, son Exposition de 
la prophétie de l'ange Gabriel, touchant les septante se- 
maines décrites par le prophète Daniel, au chapitre neu- 
vième de ses prophéties (2); en 1608, une Description 
du pays et souveraineté de Béarn; une Généalogie de la 
maison de Foix; enfin un Commentaire sur un édit et dé- 
claration du roi Henri quatrième de France et de Navarre , 
sur l'union et incorporation de son ancien patrimoine mou- 
vant de la couronne de France au domaine d'icelle (3). En 
tête de ce dernier opuseule se trouvent deux dédicaces, l’une 
au Roi, l’autre au chancelier de Bruslard, sieur de Sillery, 
qui avait déterminé le prince à revenir sur ses premiers édits 
contraires à cette réunion ; édits que le Parlement royaliste 
de Tours, avec une indépendance restée un de ses plus beaux 
titres de gloire, avait refusé d'enregistrer. 

La dédicace au Roï est remarquable , sous ce rapport que 


(1) In-89, Paris. Par E. Robinot. Biblioth. publ. n° 1844. L'ouvrage est 
destiné à Mgr. le Dauphin de Viennois, duc de Bretagne. 

(2) A Tolose, de l'imprimerie de la vefue de K. Colomiez et R. Colomiez, 
imprimeurs ordinaires du Roi et de l’Universilé ; 1605, à l'enseigne du 
nom de Jésus; in-12 ( n° 77,131, Biblioth. publ.). L'ouvrage est dédié à 
Mgr. de Bruslard, sieur de Sillery , garde des sceaux de France. 

(3) Tolose , par Raymond Colomiez , imprimeur ordinaire de Sa Majesté. 
In-8°, Biblioth. publ., n° 1319. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 79 
l'auteur s’y plaint, quoiqu'avec réserve, de voir ses longs ser- 
vices méconnus ; il y'disait: « Je vous supplie très-humble- 
ment , Sire, voir de bon œil et d'avoir pour agréable , venant 
» de la part de celuy qui a cest honneur d’avoir esté dutout 
» voué à votre service, en la force de son âge , el qui continue 
» toujours en ce désir, mes ans déjà bien avancés ne m'en ayant 
osté la volonté, ny dutout le moyen pour encore. Il est 
vray que je me plains seulement de mon mauvais rencontre 
en ce que m'ayant Votre Majesté honoré libéralement de la 
charge de vostre advorat général en ce Parlement en consi- 
» dération de mes services, je suis un peu trop éloigné du 
» soleil de Votre Majesté, en lieu où il y en a encore qui font 
» semblant d'ignorer les services que je vous ai rendus ; mais 
» j'espère, Sire , que l'audace que les raisons passées leur a 
» peu acquérir , ne sçauroit empescher que la continuation 
» 
» 
» 
» 


M. Ùù 1e 


de mes services, ne me conserve, tant esloigné que je puisse 

estre de Votre Majesté, quelque part en sa bonne grâce, vous 

suppliant très-humblement , Sire , de recevoir ce mien petit 
discours de vostre bénignité accoustumée. » 

Ces plaintes de de Beloy étaient , comme on le sait, celles de 
beaucoup d'amis du roi, comme, par exemple , des Mornay 
et des d'Aubigné, qui lui reprochaient d'être ingrat à leur 
égard. 

._ Le nom de de Beloy figure encore sur la liste officielle des 
officiers du Parlement , confirmée , en 1610 , par Louis XHI à 
son avénement (1). Mais c’est là pour nous comme son dernier 


(1) Dom Vaissette, Histoire générale du Languedoc, t. V,p. 355. — 
D’après cet historien (voir Table générale de cet. V, v° ne Beuoy), de 
Beloy aurait été député, en 1574, près de Henri IL à Lyon , et il aurait été 
eavoyé aussi à Toulouse en 1588. Mais le de Beloy dont il est question dans 
ces deux occasions (pages 335 et 388, 2bid.), est, d’après loules les pro- 
babilités , Jean de Beloy, seigneur de Rogehan, etc. qui fut Conseiller et 
Maitre d’hôtel ordinaire du Roi sous Henri IL. (Voir la généalogie imprimée 
de la Maison de Beloy, p. 131 (Biblioth. publ. de Toulouse.) Notre de 
Beloy, qui parail être étranger à celte famille, pouvait d’aulant moins être 
envoyé à Toulouse en 1588, qu’il élait à la même époque enfermé à la 
Conciergerie. C’est donc mal à propes que, dans la Biographie Toulousaine 
déjà citée, on a dit que de Beloy avait été mis en liberté et puis repris. 


80 MÉMOIRES 
certificat de vie ; il mourut probablement dans les premières 
années de ce règne. 

Tels sont les principaux faits connus de la vie de Pierre de 
Beloy , qui se résume tout entière en un long combat. 


XIV. Je pourrais peut-être, sans grand dommage pour sa mé- 
moire, terminer ici cette notice ; car la biographie connue , les 
observalions en découlent naturellement , et chacun peut se 
former une idée exacte du personnage qu'il s'agissait de re- 
produire. On me permettra pourtant d'exposer ici quelques 
réflexions et quelques appréciations qui porteront sur les traits 
principaux de la physionomie de de Beloy , sur ses convictions 
politiques et religieuses , sur son caractère , sur son esprit ou 
sur ses œuvres. 

Ce qu'il y a de plus saillant dans cette figure si fortement 
caractérisée , c'est sans contredit le côté du publiciste formulant 
ses opinions avec autant de netteté que de chaleur , ou pour 
parler plus exactement le langage de cette époque , le côté du 
légiste mêlé de la manière la plus active aux querelles politi- 
ques et religieuses de son temps , marchant résolument sur les 
traces de Dumoulin, et se faisant le continuateur fidèle de cette 
longue lignée des civilistes français qui commence , sous saint 
Louis, à Philippe de Beaumanoir et à Pierre de Fontaines , 
et nous conduit jusqu'à d'Aguesseau ; tous auxiliaires des 
intérêts de la royauté, gardiens attentifs des libertés natio- 
nales, et voulant tous la suprématie du droit, le règne absolu 
de la majesté des lois ; et après avoir supplanté, depuis la 
révolution opérée par Philippe le Bel, le clergé dans la 
direction des affaires de l’'Etit , devenus de plus en plus pré- 
pondérants, au point d’avoir fait de la France un royaume de 
playdoirie (1). 

Ses productions ne sont pas de ces libelles , de ces pamphlets 
ou plutôt de ces petits livrets , comme on disait alors , dont la 
France fut inondée , trahissant la passion qui les avait dictés et 


(1) Vid. M. Mignet, Mémoires historiques , p. 330. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 81 
par cela même aussi vite oubliés que répandus. Ce sont des 
œuvres sérieuses , fortement concues , conscicncieusement exé- 
cutées, provoquant un examen attentif et une discussion ap- 
profondie agissant sur l'opinion publique. La vigueur avec 
laquelle l'écrivain y presse ses adversaires , rappelle cette image 
saisissante du poëte : 


Insequitur, jam jamque manu tenet et premit hasta (1). 


Aussi, parmi les défenseurs des libertés publiques, de Beloy 
fut placé au premier rang par ses contemporains. Un bisto- 
rien déjà cité, Palma-Cayet , l'atteste d’une manière la plus 
explicite, Après avoir analysé avec soin les arguments des deux 
principaux ouvrages de de Beloy , à savoir son Æpologie ca- 
tholique et ses Moyens d'abus contre la bulle du pape Sixte V, 
il établit un parallèle entre l'avocat Louis d'Orléans , l'un 
des plus célèbres et des plus véhéments écrivains de la Ligue, 
et lui , il raconte le sort du premier et s'exprime sur le second 
de la manière suivante : « Mais celui qui a écrit pour la ma- 
» jesté des rois a eu la peine , les prisons et les afflictions au 
» commencement, L'an 1588 , il fut enfermé dans la Con- 
» ciergerie ; après la mort du duc de Guise , on le changea de 
» logis , la Bastille fut le lieu où il fut très-estroitement tenu 
» plus de deux ans ; et ayant trouvé le moyen d’eschapper , 
» s’estant sauvé à Saint-Denis , il trouva M. de Vic, gouver- 
» neur pour le roi, qui le receut , le présenta depuis à sa 
» majesté , et pour récompense de ses peines , il est aujour- 
» d’hui avocat général en l’une des cours souveraines de ce 
» royaume (2). » 


XV. Le patriotisme est chez de Beloy la qualité qui domine 
toutes les autres. Comme dans les mœurs antiques, l’homme 
privé s’y efface toujours devant le citoyen ; il comprend les de- 
voirs sociaux comme Cicéron les a classés dans son beau traité 


(1) Virg. Æneid. II. 
(2) Zrtroduction à la chronologie novenaire. 
R® S.— TOME v. 6 


82 MÉMOIRES 
De officiis (1) écrit à la lueur des feux de la guerre civile ; 
seulement il les remplit avec moins d'hésitation que lui. 

L'avénement du fondateur de la dynastie des Bourbons n’eut 
point de champion plus intrépide ; il y concourut avec la plume 
comme Biron avec l'épée à Arques et à Ivry. Or, à aucune 
autre époque peut-être les succès réservés à l'épée n'avaient eu 
plus de besoin d’être préparés par le mouvement de l'opinion 
publique qui , comme l’a si bien dit un de nos premiers histo- 
riens , était à la fois le juge et le prix du combat (2). 

Doué d’une âme pleine de feu , ixcenso ac flagranti animo , 
comme disait Tacite d’un homme illustre de son temps (3), le 
premier il se précipite dans la lutte avec toute limpétuosité 
des organisations méridionales. Rien ne peut le retenir, ni la 
crainte des périls qu'il va attirer sur lai, ni les exemples que 
donnent à côté de lui tant d'hommes instruits partageant tous 
ses sentiments , mais s’effaçant en quelque sorte en présence de 
la tempête (4). Il ne considère donc que les dangers dont la 
patrie est menacée ; il s'indigne à la vue des ambitions fou- 
gueuses qui se couvrent du masque des intérêts les plus sacrés , 
comme il s’'émeut au spectacle de la France que l’on veut priver 
de toutes ses conquêtes en la replongeant , par un violent re- 
tour en arrière , dans le chaos du moyen âge. Il faut à tout 
prix qu’il vienne à son secours et qu'il signale la profondeur 
des abîmes où on la conduit. Ainsi , il disait dans son Epitre 
dédicatoire à Henri IIT, des Moyens d'abus et nullités de la 
bulle de Sixte-Quint : « L'auteur de ce livre espère que Votre 
» Majesté trez-chrestienne ne voudra point permettre qu'on 
» m'effasse à celuy qui n’a rien de plus cher que l'honneur de 


(1) Livre 1, ën fine. 

(2) M. Augustin Thierry , Essai sur l’histoire du tiers état, chap. 6. 

(3) Agricol. IV. 

(4) Ainsi, par exemple , Antoine Loisel se retira en 1588, à Beauvais , sa 
patrie, où il resta jusqn’à la fin des troubles. (Abrégé de sa vie, par Eusèbe 
de Laurière), et P. Pithou pendant le même temps, se montra fort peu en 
public et ne venait guère au Palais qu'en manteau. (Opuscules de Loisel , 
p. 269.) 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 83 


S 


Dieu , le service de Votre Majesté , et le bien de la cou- 
ronne. Quoi que ce soit , puisque c'est pour l'avancement de 
la gloire de Jésus-Christ, et le repos de sa patrie , il ne peut 
craindre aucun danger , en se représentant l'heureuse fin de 
tant de payens résolus , qui, pour le seul accroissement du 
bonheur de leur pays , quelquefois pleins de vanité , ont 
exposé leur vie. Tellement qu'il s'est persuadé qu'il seroit 
fort pusillanime s’il espargnoit la sienne , quand il y va de 
l'édification de l'église de Dieu , de l'honneur de son roy et 
des princes du sang de France. Aussi certainement, celuy-là 
n'est pas bon orateur, qui sçait bien dire, s’il n’a l'audace de 
se présenter au barreau pour parler. » 

Il est, je l'ai constaté , ouvertement opposé aux prétentions 
des ultramontains ; mais s’il est gallican , il n’en est pas moins 
sincèrement catholique. Que son orthodoxie ait été l’objet de 
quelques attaques ou de quelques soupçons , soit lorsqu'il se 
présenta pour être reçu au Parlement de Castelsarrasin , soit 
avant celte époque , il est permis de le conjecturer ; mais quel 
est le personnage combattant pour la dignité du royaume qui 
n'ait pas été l’objet de pareils soupcons (1) ? Furent-ils épargnés 
au chancelier de l'Hospital , à Dumoulin , à Pierre Pithou , à 
l'historien Auguste de Thou et à tant d’autres? De Bcloy devait 
y être d'autant plus exposé que son naturel impétueux , expan- 
sif, passionné , surexcité par la fièvre des agitations publi- 
ques , avait bien pu, en quelque rencontre , donner à ses for- 
mes les apparences de certaines exagérations sur le fond même 
des choses. Ce qui est incontestable , c’est que dans tous ses 
écrits il se déclare profondément attaché à la catholicité, et qu’il 
sortit victorieux de l'épreuve à laquelle il fut soumis par le 
Parlement séant à Castelsarrasin. De Beloy a donc été un 
homme de résistance , car il a résisté à la fois aux nouveautés 
des religionnaires comme aux entrainements des ligueurs exaltés 


CA 


MONLU: EN VW VW. VV: VV 


(1) On peut consulter sur ce point le témoignage de de Thou, qui s’en 
explique formellement dans ses Mémoires (collection Michaud et Poujoulat, 
a série, p. 362 ). 


8% MÉMOIRES 

et à toutes les influences de l'étranger qui, de l’autre côté des 
Pyrénées et des Alpes, s'était si activement immiscé dans les 
affaires intéricures du royaume. 

Sa foi en la royauté héréditaire qui avait fait la France , était 
non moins sincère ; toutes ses productions déposent encore de 
la vivacité de ses sentiments à cet égard , et on vient de voir 
que Palma-Cayet avait résumé l'esprit de ses œuvres d’un 
ordre politique , en disant : Qu'il avait écrit pour la majesté 
des rois, faisant en cela allusion principalement à son 77raité 
de l'autorité du roi et des crimes de lèse-majesté. C'était la 
royauté qui avait dominé l'anarchie féodale, émancipé les serfs 
des campagnes , concouru à la révolution des communes , dé- 
truit ensuite l'indépendance républicaine des vieux municipes ; 
poussé à l'unité législative et territoriale , aidé la fusion des 
classes, répandu partout dans l'esprit public des semences fé- 
condes de justice et de perfectionnement , et en fondant un 
gouvernement général , substitué le principe de la sociabilité 
à celui de l'individualité. La main qui avait fait ces grandes 
choses pouvait seule les conserver et compléter son œuvre. Au 
contraire, le principe de la souveraineté populaire que la Ligue 
professait , l'esprit de républicanisme que conspiraient à faire 
fermenter, soit la réaction qui rappelait à l'étude des beaux àges 
de la Grèce et de Rome , soit les idées qu'avaient préconisées 
Bodin, Laboetie, François Hotman et plusieurs autres, soit 
les fautes de la royauté actuelle et les défiances à l'égard de 
la royauté à venir, devaient, à son avis, en triomphant, 
amener la ruine de la France. H en était done le plus opiniâtre 
adversaire , et il professait ouvertement que les royaumes 
successifs sont plus parfaits que les électifs (1). 

Enfin , un sentiment qui avait éclaté encore avec autant de 
force chez lui, é’était son respect pour le principe de la tolé- 
rance religieuse ; respect qui lui inspira son livre de la Con- 
férence des divers édits de pacification , immédiatement après 


= —_— ——— 


(1) Apologie catholique , 1" partie , n° 8, p. :8. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 85 
l'édit de Nantes, qu'il appelait la vraie loi de concorde , d'am- 
nistie et d'union entre tous les Francais (1). 

Les conséquences désastreuses (2) qu'entraïna la révocation 
de cet édit par Louis XIV prouvèrent si de Beloy avait apprécié 
sagement la charte de liberté de conscience à laquelle la révo- 
lution française devait rendre toute son autorité. 


XVI. Les convictions, je devrais dire les enthousiasmes dont 
je viens de parler { c’a été là encore un des traits les plus sail- 
lants du caractère de de Beloy}, n'ont jamais varié. Il reste, 
après le combat, ou plutôt après la victoire, ce qu'il a été pen- 
dant l’action, ne demandant rien en decà , rien en delà. Depuis 
l'avénement de Henri IH jusqu'à ses derniers actes connus, 
c'est-à-dire, jusqu’à l’avénement de Louis XIE, on le retrouve 
toujours d'accord avec lui-même, marchant sans dévier un 
seul instant de la ligne de conduite qu'il s'était tracée dans sa 
loyauté austère ; mérite bien rare, on en conviendra, surtout 
à une époque où le courage civil fut sans doute souvent mis en 
pratique, mais où l'on avait vu grossir aussi ce parti politique 
de tous les temps et de tous les lieux , se déguisant et se trans- 
formant sous des couleurs si diverses, en suivant les oscillations 
des événements ou les fluctuations de l'intérêt personnel. 

Aussi, c'est par le caractère, ce don supérieur de la Provi- 
dence, mille fois préférable, surtout dans les temps agités, à 
toutes les autres qualités, c’est par la fixité inébranlable de ses 
principes que de Beloy a été remarquable , qu’il a droit à 
tous nos respects. Et c’est précisément parce qu'il a été militant 
aux premiers rangs, et surtout athlète persévérant , qu’il s’est 
trouvé en butte aux animosités implacables de ses adversaires, 
ou de ses envieux peut-être encore plus dangereux que les pre- 
miers ; voilà pourqnoi il a été attaqué avec tant de radesse, ar- 
raché par un coup de main au champ de bataille intellectuel, 


(1) Conclusions, p. 312. 

(2) Voir dans ce sens le R. P. Lacordaire ; Discours prononcé dans la séance 
publique de l’Académie de législation de Toulouse, le 4 juillet 1854, sur da 
loi de l'histoire (Recueil de l’Académie, 1854, p. 224). 


86 MÉMOIRES 

où il était plus aisé de le vaincre par la violence que par le bon 
droit, emprisonné pendant quatre ans , et pendant qu’il est 
captif, recommandé publiquement par Guinchestre au glaive 
el au couteau de la faction des Seize (1) ; voilà pourquoi, enfin, 
il a été abreuvé des calomnies dont nous connaissons la cause, 
si nous n’en connaissons pas précisément l'objet. 

Homme de transaction ou d'évolution, les passions l’eussent 
oublié ou absous ; inébranlable et d’une teneur incorruptible , 
comme on eût dit de son temps, il les a vues constamment dres- 
sées en face de lui. 


XVII. Or, pour son plus grand déplaisir, il a rencontré 
des ennemis, non pas seulement dans le sein de la Ligue 
triomphante ou de la Ligue mourante, mais encore parmi 
les hommes du lendemain ou du surlendemain qui s’étaient 
enfin rangés sous le drapeau du roi; car on a vu ce qui se 
passa à Béziers et à l’occasion de la rédaction du traité se- 
cret additionnel à l’édit de Folembray. Il est frappé à la fois 
par les partisans des Guises ct par Henri IT, dont il était 
pourtant le plus zélé défenseur, sous la protection duquel il 
s'était spécialement placé (2); et, pour comble d'infortune , au 
déclin de ses jours , il se croit autorisé à se plaindre d'Henri IV, 
qui fut la grande affection de toute sa vie, et au succès duquel 
il avait tout sacrifié, son repos, les forces vives de son intelli- 
gence, son titre de Conseiller en la sénéchaussée, jusqu'à sa 
liberté, ou, si l’on veut, au service duquel il avait dépensé 
toute la seconde moitié de sa vie, en écrivant contre ses rivaux, 
en expliquant les principaux monuments de sa législation, en 
défendant ses intérêts sous la toge du magistrat ! Quelle profonde 
amertume, surtout pour une nature aussi sensible que la sienne, 
de se trouver réduit à soupconner l'ingratitude, ou du moins 
à douter de la reconnaissance d’un prince pour lequel il pro- 


(:) L'Histoire du Quercy (pages 81 et 82), parle des horreurs de la 
famine auxquelles de Belloy dut être en proie pendant le siége de Paris. 

(2) Epître dédicatoire de son livre : des Moyens d'abus contre la bulle 
de Sixte-Quint. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 87 
fessait un véritable culte, une admiration toute enthousiaste 
que l’on trouve répandue dans tous ses livres ! On le voit, en 
effet, recherchant partout avec complaisance les occasions de 
rendre hommage à la main réparatrice qui avait relevé tant 
de ruines ; à la haute intelligence qui avaitssi vite sondé et ci- 
catrisé toutes les plaies du pays ; à l’âme vraiment grande et 
généreuse qui avait oublié tous les torts dont elle avait à se 
plaindre; à la sagesse du roi législateur dont il a commenté 
deux des plus notables édits, ainsi que je viens de l’énoncer ; à 
la politique si libérale et si française encore aujourd’hui ( je 
dois dire aujourd'hui surtout}, qui se fondait sur le main- 
tien des nationalités , et sur l'équilibre des nations européen- 
nes, et, comme il le disait lui-même, en son style naïf, à ce 
soleil aimable et luisant, à ce soleil royal et gracieux qui 
avai chassé toutes les ténèbres , et aux bienfaits d'un règne 
dont les six premières années avaient enfanté autant de 
merveilles qu'il y en eut jamais en aucun empire du monde (1). 


XVIIL. Après le légiste, après l'homme de controverse et de 
polémique vient le magistrat. 

Doué de toutes les qualités nécessaires ponr remplir digne- 
ment le patriciat du pouvoir judiciaire, il ne faillit jamais aux 
devoirs que celui-ci lui imposait. Il entrait au Parlement de 
Toulouse avec le titre d'avocat du roi, auquel semblait l'appeler, 
par une sorte de vocation naturelle, le tour belliqueux de son 
esprit, ingenium et vis nalturæ, comme auraient dit les an- 
ciens (2), préparé par de fortes études, formé par un profes- 
sorat brillant, familiarisé avec l'administration de la justice, 
rompu à toutes les grandes questions de droit public, en posses- 
sion de toute sa vigueur intellectuelle, pénétré d’un juste sen- 
timent de la puissance et de la splendeur des cours souveraines. 
I y apportait donc toutes les conditions de succès. Les réqui- 
sioires qu'il a prononcés, documents d'autant plus précieux, 
que ce sont les seuls en ce genre que nous ait légués le Parle- 


(1) Conférence des édits de pacification. 
(2) Tacite, de Orator. H. 


88 MÉMOIRES 


ment de Toulouse ({) ne permettent pas d’en douter. En les 
parcourant, on voit qu'ils contiennent d'excellentes disserta - 
tions sur des questions de droit public du plus haut intérêt, et 
particulièrement pour l’histoire des maisons de Foix, d’Arma- 
gnac et de Béarn. 

Pour ce qui est de ses autres œuvres, voici quelques-unes des 
observations que m'ont suggérées celles que j'ai eues en ma 
possession. 

Les quatre livres des J’ariorum juris civilis, et les disserta- 
tions que j'ai déjà indiquées, contiennent des principes subs- 
tantiels fort exacts sur le Droit romain, et on y trouve des 
théories qu'on lit avec fruit, notamment celles qui ont trait au 
merum et au mitlum imperium, point capital en matière de 
juridiction , et à la thèse de la prestation des fautes, qui di- 
vise encore les jurisconsultes. Ces compositions , jointes à quel- 
ques-uns de ses réquisitoires, révèlent la manière du juriscon- 
sulte se mouvant spéculativement dans les régions screines de 
la science, comme les œuvres de polémique ont révélé l’habi- 
leté du légiste armé en guerre pour les controverses politiques 
et religieuses, où se trouvaient engagées toutes les bases de 
l’état social moderne. 

La déclaration du droit de légitime succession au trône du 
Portugal appartenant à la royne mère du roi très chrétien , 
était destinée à établir le droit de préférence de Catherine de 
Médicis à la couronne de ce pays, devenue vacante en 1580, 
par la mort du cardinal-roi don Henri. Plusieurs prétendants 
disputaient cette succession, notamment Catherine, duchesse 
de Bragance, Ranuce Farnèse, prince de Parme, et Philippe, 
roi de Castille, de Léon, etc. De Beloy y démontrait que Ca- 
therine de Médicis, en sa qualité de seule héritière de la maison 
ei comté de Bologne par sa mère, Magdeleine de Latour , épouse 
de Laurent de Médicis, duc d'Urbin , devait l'emporter sur tous 


(1) Ils ont été insérés dans les œuvres complètes de Géraud de Maynard, 
Conseiller au Parlement de Toulouse (Livre IX de l'édition de 1638, 
p. 204 el suiv.). 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 89 
ses rivaux. Il réfutait en même temps les consultations qui 
avaient été faites en l'honneur de ses rivaux, par des juriscon- 
sultes les plus célèbres des Universités. Ce nœud gordien fut 
tranché par l'épée de don Philippe , qui finit par recueillir la 
succession de don Henri (1. 

L'Apologie catholique contre les libelles, déclarations et 
advis publiés par la ligue, contenait la contre-partie de toutes 
les prétentions de celle-ci, et fournit des armes à ceux qui écri- 
virent ensuite dans le même sens (2). L'auteur y établissait, 
d'une manière nette et lumineuse, la fausseté de la généalogie 
publiée par Edmond Boulay, dans l'intérêt des princes de la 
maison de Lorraine, et il prouvait qu'ils ne descendaient de 
Charlemagne ni par les mâles , ni par les femmes (3). 

Il y vérifiait ensuite, une à une, les objections faites pour 
priver Henri de Navarre de la qualité de premier prince du 
sang et d'héritier présomptif de la couronne ; et reproduisant 
la généalogie exacte d’après laquelle il descendait de saint 
Louis par Robert, comte de Clermont, le dernier de ses fils, 
il terminait par prouver, en entrant dans le vif de la célèbre 
controverse de l'oncle et du neveu , que, d’après les principes 
du droit féodal , qui étaient ici seuls applicables, la couronne 
de France, fief masculin , héréditaire par ordre de primogéni- 
ture, devait appartenir au roi de Navarre, bien qu'il fût d’un 
degré plus éloigné que le cardinal Charles de Bourbon (4). Cette 
thèse était la question capitale du moment; toutes les autres 
s’effaçaient évidemment devant elle. Les droits du Cardinal de 


(1) Voir notamment l’Æistoire du Portugal par M. Henri Schæffer , tra- 
duite de l’allemand par M. Soulange Bodin ; Paris, 1845, p. 619 et suiv. 

(2) On la trouve citée, par exemple, dans la Lettre d’un gentilhomme 
français, contenant réponse à un certain prétendu anglais. { Mém. de la 
Ligue, 1, p. 415 et suiv.) 

(3) Les partisans des princes de Lorraine furent obligés de reconnaitre 
l'exactitude de ce fait. (Vid. Henri Martin Rp 1070:) 


3 


(4) D’après l'arbre généalogique qu’on trouve à la fin de cet ouvrage, et 
dans l’Examen du discours publié contre la maison de France (p. 536), 
Henri roi de Navarre était au 29° degré de parenté avec saint Louis, et le 
Cardinal de Bourbor au are, 


90 MÉMOIRES 

Bourbon avaient été soutenus dans plusieurs écrits, notamment 
par Antoine Hotman et par le docteur italien Matteo Zampini. 
Le livre de de Beloy renfermait la réfutation des dissertations de 
ces docteurs ; et François Hotman , frère du précédent, mais 
engagé sous un autre drapeau politique, confirma, en 1588 (1), 
les arguments de de Beloy, auxquels Cujas donna la sanction 
de son immense autorité (2). 

Toutefois, si de Beloy avait fait un judicieux partage des 
principes du droit romain, en écartant avec raison, par l’au- 
torité du droit féodal, celles des règles romaines qui attri- 
buent , en ligne collatérale, l'hérédité au plus proche parent (3), 
et en retenant celles qui déclarent successible le parent le plus 
proche , quelque éloigné que soit son degré de parenté avec le 
défunt (4), il avait eu tort de mêler à cette discussion le droit 
canonique sur la supputation des degrés de parenté. En effet , 
ce droit, dont l'autorité était décisive en matière d'empèche- 
ments au mariage, restait étranger à la dévolution des hé- 
rédités. 

Ajoutons aussi, qu’en appréciant les titres du roi de Navarre 
à sa qualité d’héritier présomptif da trône, titres qui , sous les 
divers points de vue que nous venons d'indiquer , étaient in- 
contestables, l’auteur ne faisait pas une assez large part au vote 
des états généraux de 1576, qui, en confirmant les traditions 
constantes de la monarchie des Franks, décidèrent que la cou- 
ronne et la profession de la religion catholique étaient con- 
jointes (5). Mais s’il ne s’arrêtait pas à cette objection, qu'il 
fallait concilier avec cette maxime des légistes , que le roi ne 
meurt jamais en France, et s'il partagea à cet égard l'opi- 
nion de plusieurs Parlements ou sections de Parlement, c’est 


(1) Disputatio de controversià successionis inter patruum el fratris præ- 
mortui filium. 


(2) Voir M. Berryat-Saint-Prix, Hist. de Cujas, p. 538 et suiv. 

(3) Nov. 118, chap. 3, $ Ier, 

(4) Instit. LIT, 6, $ 12.— Junge Nov. 118, chap. IV. 

(5) M. Henri Martin a mis ce point en lumière, t. X , p. 539, 645 et 646. 
— Il n’avait rien de commun avec les libertés de l'Eglise gallicane. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 91 


qu'avec sa sagacité exquise pour pressentir les événements, il 
espérait fermement qu'Henri, qui demandait toujours à s’éclai- 
rer, rentrerait dans le giron de l'Eglise, et qu’il ferait, jusqu’à 
ce moment , respecter la religion catholique. 

Une autre de ses plus remarquables compositions, et qui re- 
mua aussi plus particulièrement l'opinion, ce fut son livre 
des Moyens d'abus contre la Bulle fulminée par Sixte-Quint, 
qui, pour avoir soulevé en masse les résistances du Parlement, 
n'en avait pas moins vivement impressionné les populations 
orthodoxes. 

Cette œuvre, divisée en 30 chapitres, suivis d’une conclu- 
sion, et que de Thou qualifiera de grandem librum , est un 
traité complet sur le principe national de l'indépendance de la 
couronne. Les origines de l'institution divine de la royauté, 
les textes de l'Ecriture, la législation des Conciles, l’histoire 
ecclésiastique , l’appréciation des démélés qui ont eu lieu pen- 
dant toute la période du moyen âge entre le sacerdoce et 
l'empire, s'y trouvent exposés avec une grande exactitude et 
coordonnés avec soin. 

Le langage convient merveilleusement , par sa grave simpli- 
cité, à la nature du sujet ; l'argumentation s’y montre d'autant 
plus nerveuse qu’elle y est plus contenue. 

Je n'examinerai pas ici certaines discussions auxquelles l’au- 
teur se livrait pour établir les différences qui existent entre 
l'erreur et lhérésie pour distinguer l’hérétique impénitent du 
relaps; car ces discussions appartiennent au domaine de la 
théologie. Je constaterai seulement que tous les principes du 
Droit public français constituant les libertés et franchises de 
l'Eglise gallicane y sont très-solidement exposés. 

Ce livre, qui fit la plus grande sensation, servit donc à 
affermir , dans l'esprit public, les maximes fondamentales qui 
étaient alors si visiblement ébranlées par les efforts réunis des 
ultramontains de la France, de l'Italie et de l'Espagne, et il 
prépara les travaux et les formules que, huit ans plus tard, 
Pierre Pithou et Guy-Coquille publièrent sur le même sujet. 
L'exemple que de Beloy avait donné en attaquant la bulle de 


92 MÉMOIRES 

Sixte-Quint, fut imité par le second des Jurisconsultes que je 
viens de mentionner, car il écrivit, en 1591, un Discours sur 
les raisons el moyens d'abus contre les bulles décernées par le 
pape Grégoire XIV contre la France (1). 

On peut donc considérer de Beloy comme un des légistes qui 
ont le plus activemeut concouru au triomphe des franchises dé- 
finitivement et solennellement consacrées à la fin du siècle sui- 
vant , sous Louis XIV, sans qu'on ait pu reprocher à l'écrivain 
d'avoir manqué de respect pour le Saint-Siége. Contenir son 
autorité dans les limites que, sous le règne dont il vient d’être 
parlé, Bossuet traça d’une manière si sûre et si éloquente de- 
vant l'Eglise de France assemblée, ce n’était pas se constituer 
l'adversaire de la papauté; c'était, au contraire, lui rendre 
toute son autorité en la préservant de ses propres entraîne- 
ments. De Beloy ne voulait pas qu'on pût se méprendre sur 
ses intentions à cet égard , il les exprimait dans la conclusion 
de son livre. 

Sans doute, il y a dans l’ensemble de son travail des ten- 
dances qui semblent quelquefois dépasser le but de l’auteur. 
L'ardeur de ses affections pour la royauté, la trempe de son 
caractère, l'émotion de la lutte, ont pu donner à ses idées. 
quelque couleur d’exagération : sans doute, aussi, il n’a pas 
rendu assez de justice aux immenses services que la papauté 
avait rendus à la civilisation menacée d'une dissolution com- 
plète au milieu des désordres du moyen âge, en présence de 
l’affaiblissement de tous les liens sociaux. Mais le fond de l’œuvre 
respire les sentiments d’un homme qui ne l'a point composé 
par haine ow par mépris de Fordre ecclésiastique, qu'il ho- 
nore et qu'il vénère comme vrai catholique (2). H n’y a aucune 
comparaison à établir entre les formes qu'il emploie et celles 
qu'on trouve dans le livre analogue de François Hotman !3). 


(1) Imprimé dans la collection des œuvres de Guy-Coquille, t, 1, p. 173 
el suiv. 

(2) Conclusion, p. 429. 

(3) P. Sixti V fulmen brutum in Henricum, sereniss, regem Navarræ et 
illustriss. Henric. Borbonium , principem evibratum. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 93 

De Beloy écrit avec les convictions d’un catholique , Hotman 
avec l’aigreur et les rancunes d’un calviniste ; le premier pour 
résister, le second pour protester; celui-là veut éclairer et 
contenir , celui-ci se propose de nuire et de renverser. 

Son examen du discours publié contre la maison royale de 
France sur la loi salique et la succession du royaume est aussi 
très-remarquable. Le discours composé dans l'intérêt des ligueurs 
prétendait que cette loi n’était plus en vigueur ; que si elle 
n’était pas tombée en désuétude ; il était permis de la changer. 
L'Histoire de France à la main , de Beloy prouva les proposi- 
tions contraires. 

Ce travail en faveur d’une loi fondamentale que l’auteur avait, 
quelques années auparavant , qualifiée de seul oracle de la 
France et de rempart de la dignité des Français (1), est écrit 
avec une naïveté incisive ; il est plein de vives pointes, selon les 
expressions du temps ; Anquetil disait que l’auteur y dévelop- 
pait si bien les menées des Guises, qu’il semblait les avoir de- 
vinées (2) ; et si on peut lui reprocher quelque chose , c’est un 
luxe d’érudition quelquefois inutile. Son écrit n’eût été ni moins 
vigoureux ni moins concluant, parce qu'il aurait négligé de 
citer, pour venir à l'appui de l'exclusion des femmes et des des- 
cendants par les femmes, de tout droit à la couronne , de 
mettre en saillie l'infériorité de la femme dans l’ordre politique 
et civil , avec des textes d’Aristote et d'Hésiode , de Tacite et 
de Lucrèce , de saint Jérôme et de saint Grégoire , de Balde, 
d’Accurse et de Barthole , et avec toutes les considérations sur 
lesquelles se fondait dans le Droit romain le sénatus-consulte 
Velléien (3). Mais ce défaut qu’on retrouve dans d’autres de 
ses ouvrages est moins le sien propre que celui de l'esprit fran- 
çais qui pliait sous le poids de l’érudition grecque et latine, 
dont il était d'autant plus prodigue qu’elle était récemment 
acquise. 


(1) Apologie catholique , p. 32. 

(2) Esprit de la Ligue, 1; Observations sur les ouvrages cilés dans 
l'esprit de la Ligue, p. 49. 

(3) Pages 50 et suivantes 


; 


94 MÉMOIRES 

Dans la préface, où l’auteur s'adresse aux trois états , il ÿ a 
des traces de cette émotion et de cet élan de patriotisme vrai 
qui chez lui était intarissable : « Je parle désormais à vous , 
» Français , s’écrie-t-il ; jusques à quand nourrirez-vous ces 
» troubles et divisions pour asservir votre pays au joug de l’é- 
» tranger ? N’êtes-vous plus Français? ceux contre qui vous êtes 
» ligués ne le sont-ils plus aussi ? Qu'attendez-vous à réunir 
» vos volontés ? que vous ayez du tout ruiné votre pays auquel 
» vous ne pourrez laisser que les soupirs témoins de votre péni- 
» tence? Si, lorsque la tempête vient, les mariniers se combat- 
» tent l’un l’autre, sans qu'aucun d'eux gouverne le timon et 
» abatte les voiles, qui donc garantira le vaisseau du nau- 
» frage ? Tournez donc le fil de vos armes contre vos ennemis 
» communs qui se liguent pour vous opprimer, pour vous 
» asservir el pour vous traîner consme esclaves de leur ambi- 
» tion (1)! » Six ans après la publication de ce travail, le Par- 
lement de Paris , par un arrêt solennel du 28 juin 1593, 
qu'Antoine Loisel appelait « le grand arrêt de la loi salique 
» auquel on doit en grande partie la conservation de 1E- 
tat (2), » proclamait l'autorité de cette loi qui excluait de la 
couronne les femmes et leurs descendants ; ce qui renversa , entre 
autres prétentions , celles du parti espagnol appuyant auprès des 
états généraux de la Ligue l'élection de l’infante Isabelle, fille 
de Philippe Il. L'œuvre de de Beloy ne peut être considérée 
comme étrangère à cet arrêt. 

Ses Mémoires et Recueil de l'origine, alliances et succes- 
sion de la royale famille de Bourbon , branche de la maison 
de France , contiennent un choix des actes les plus glorieux et 
les plus utiles accomplis par les membres de la famille des Bour- 
bons , dans le but de réfuter et d’abaisser les prétentions ambi- 
tieuses des princes de la maison de Lorraine. De Beloy disait 
en terminant : « Que ceux qui faisaient de monstrueuses com- 
» paraisons entre les maisons de Bourbon et de Lorraine, étaient 


(1) Préface , pag. 15 et 16. 
(2) Vie de P. Pithou , sieur de Savoie ; Opuscules, pag. 263. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 95 


S 
> 


aussi insensés que ceux qui compareraient le royaume de 
France au duché de Lorraine , la majesté très-chrétienne au 
» duc lorrain, et la famille royale aux descendants et issus de 
ce duc, autant inégaux et dissemblables, comme sont le soleil 
» lumineux , et l’une des étoiles errantes qui prennent leur 
clarté de cette grande lampe du monde (1). » 

Ce qu'il y a de plus intéressant dans sa Conférence sur les 
édits de pacification , c'est l'exposé historique et philosophique 
des rapports qui existent entre l'Eglise et l'Etat ; l’organisation 
dans les Parlements des chambres dites de l'Edit , et le partage 
des attributions des diverses juridictions ; enfin , la mise en 
saillie de la différence qui existait entre les anciens édits, ayant 
tous un caractère provisoire , et le nouvel édit qui avait un 
caractère de loi perpétuelle et de charte irrévocable. 

Son livre de l'Origine des institutions des divers ordres 
de chevalerie tant ecclésiastiques que profanes, contient 
des détails attachants sur chacun des trente-six ordres dont 
l'auteur s’est occupé. Il y avait travaillé , comme je l'ai déjà 
annoncé , étant prisonnier à la conciergerie du Palais ; et il 
n'avait fait en cela que remplir une mission d'Henri III, qui, 
peu d'années après son avénement au trône, en 1578, avait 
fondé , comme on sait, l'ordre du Saint-Esprit ; de telle sorte 
que de Beloy emprisonné, comme il disait, pour le service de 
Henri IIT , s'occupait pendant sa captivité à parfaire une 
œuvre que ce prince lui-même lui avait commandée (2). 

Quant à l'Exposition de la prophétie de l'ange Gabriel, 
touchant les septante semaines descrites par le prophète 
Daniel, au chapitre neuviesme de ses Prophéties , composées 
aussi par lui pendant qu'il était détenu à la Bastille , et qu'il 
ne publia que sur les vives instances de ses amis , elle concorde 
avec les traditions de l'Eglise , et révèle la plus parfaite con- 
naissance des textes bibliques. 


[2 


4 
A 


4 
4 


(1) Pag. 396. 
(2) Epttre dédicatoire , pag. 4. — Cet ouvrage est mentionné honorable- 
ment par Gabriel Cayron en son Parfait praticien français, pag. 277 et 278. 


96 MÉMOIRES 

Enfin , son Commentaire sur l'Edit d'incorporation de l’an- 
cien domaine de Navarre à la couronne , doit la plus grande 
partie de sa valeur aux notions précieuses qu'il renferme sur l’an- 
cien royaume de Henri IV, bien connu de l’auteur, qui, avant de 
devenir avocat général , avait été conseiller, comme on l’a vu, 
de la chambre des requêtes de l'hôtel et couronne de Navarre. 


XIX. Que si l’on réunit ces différents travaux avec ceux que 
je n'ai pu qu'indiquer (1), on verra qu'ils forment un faisceau 
des plus imposants , attestant chez de Beloy cette variété infinie 
de connaissances en honneur au xvr siècle profondément con- 
vaincu de l'importance attachée à l’alliance des lettres humaines 
et du droit, alliance vers laquelle nous ramène le mouve- 
ment actuellement imprimé à l'instruction publique. Cette 
diversité est encore un trait distinctif de notre personnage, dont 
le patrimoine intellectuel embrassait, en vérité, d'inépuisables 
trésors , car son érudition s’est étendue sur les lettres profanes 
comme sur les lettres sacrées , sur le droit public comme sur 
le droit civil, sur les décrétales comme sur le droit féodal , 
sur l'histoire ancienne comme sur l'histoire moderne , sur 
l’histoire générale comme sur l'histoire locale, mais à un degré 
peut-être encore plus saillant sur l'Histoire de France , des mai- 
sons princières et des grandes familles féodales du Midi. Il ne 
faut donc pas s'étonner que le Parlement émigré à Castelsarra- 
sin lait dispensé, lors de sa réception, de l'examen requis en 
pareil cas, bien qu'il n’eût pas encore publié tous ses travaux. 

Le Parlement de Toulouse n’eut, à aucune époque, d'avocat 
général ni de magistrat plus érudit que lui, d'écrivain à la 
fois plus fécond, ayant plus de promptitude , d'à propos ou 
d'opportunité dans ses productions. 

De Beloy eut sans doute dans le Parlement qui à aucune autre 


(1) Voir à litre de complément bibliographique sur de Beloy, les diction- 
naires de Barbier et de Bayle, la notice de l’histoire du Quercy et la Biogra- 
phie Toulousaine, le Dictionn. historique de Lelong, Lenglet, etc. — On 
y trouvera indiqués quelques ouvrages (mais d’un intérèl secondaire) dont 
je n’ai pas parlé. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 97 
époque ne fut aussi riche en hommes éminents ou célèbres , des 
collègues d'un savoir profond ; le premier président Dufaur de 
Saint-Jory , le président à mortier de Bertier, le président des 
enquêtes de Cambolas, le premier président de la Chambre des 
requêtes de Larocheflavin , les conseillers de Maynard et de 
Catel. Mais s’il cédait, peut-être, le pas à quelques-uns d'entre 
eux pour quelques points particuliers et pour quelques apti- 
tudes spéciales, par exemple , à Dufaur pour le droit romain, 
à Bertier pour l'esprit littéraire, à Larocheflavin pour les 
traditions parlementaires , à Maynard et à Cambolas pour les 
errements de la jurisprudence , à Catel pour l'histoire de la 
maison de Toulouse , il les surpassait , ce semble, pour la 
vaste encyclopédie de ses connaissances , comme il contrastait 
avec eux par la verve de ses convictions et par l'unité qui avait 
constamment présidé à sa conduite politique. 

S'il n'a pas versé son sang pour la royauté, comme Duranti 
et Daffis, il ne faut l’attribuer qu'au hasard inespéré et tout 
providentiel de son évasion de la Bastille. On a vu que Pierre 
de l’Estoile dit : qu'il fut retiré par la volonté de Dieu du 
fond des abîmes de la mort. Palma-Cayet dit également : Un 
docte jurisconsulte catholique, dans Paris mesmes, au péril 
de sa vie, entreprit de répondre à tout ce que la ligue des 
Seize avoit fait publier (1). L'historien de Thou est venu con- 
firmer ces témoignages : « Scripsit et postremÔ grandem librum 
» Petrus Belloïas et ob id molesto ac periculoso carcere diù vexa- 
» {us; ex quo raro fortunæ beneficio elapsus, poste meruit 
» ut fisci patronus, in Senatu Tolosano, crearetur (2). » Com- 
ment douter des dangers que courut de Beloy, lorsqu'on sait 
le sort qui. peu de temps après son évasion (3), fut fait au 
président Brisson et à d’autres ? 


XX. De Beloy a donc joué un rôle des plus périlleux et des 
plus considérables , et il a exercé, à plus d’un titre, une action 


(1) Introduction, dict. loc., p. 283. 
(2) Livre LXXXIT, 6 5. 
(3: 15 novembre 1 591. 

&° S. — TOME v. 


Eu ( 


98 MÉMOIRES 


notable sur l'esprit publie et le mouvement intellectuel de son 
époque. Pourquoi donc son nom, surnageant laborieusement 
sur le gouffre de l’oubli, est-il moins connu que celui de tant 
d'autres magistrats que je viens de citer ? Pourquoi la grande 
renommée dont il a joui au milieu de ses contemporains ne s’est- 
elle pas maintenue autour de lui ? Il faut l’attribuer principa- 
lement, selon moi, à la nature de ses œuvres, qui étaient, 
presque toutes, des œuvres de circonstance, et qui ont perdu 
naturellement la plus grande partie de leur valeur. S'il se fût 
consacré plus largement à des travaux de jurisconsulte sur le 
Droit romain, ou sur la jurisprudence du Parlement, son nom 
nous serait aussi familier que celui de ses savants collègues. 
Mais si cela explique, dans une certaine mesure, comment 
de Beloy est resté dans l'ombre, cela ne dispensait pas ceux 
qui l'ont étudié de près, de chercher à le ramener à la lu- 
mière, et de le signaler ainsi à la justice réparatrice de la 
postérité. 

Ii a été, sans contredit, on le voit bien maintenant, l’une 
des gloires du Parlement de Toulouse, et par cela même, une 
des illustrations de la cité, dans laquelle il ne pouvait cepen- 
dant pas entrer, au dire du duc de Joyeuse, sans y exciter 
des troubles (1). On a tout dit sur les haines et sur les injus- 
tices politiques; mais l’aveuglement inspiré par l'esprit de 
parti était-il jamais allé plus loin ? Peut-ily avoir, en effet, 
un contraste plus saillant que celui qu’offrait le duc de Joyeuse, 
demandant à Henri IV de dépouiller un magistrat, martyr pour 
sa ceuse , de la toge dont il l'avait revêtu , et de l'en dépouiller 
précisément au profit des élus du duc de Mayenne ! et cela, à 
l'instant même où lui, fauteur d’une recrudescence de rebel- 
lion, qu’il avait si inopportunément imposée à sa province, 
exigeait et obtenait, dans son propre intérêt et dans celui des 
siens, des charges, des offices , des pensions , des bénéfices , 
des titres de toute espèce, des sommes d’or et d'argent dont la 
nomenclature et les chiffres se déroulent longuement à tra- 


(1) Péd. suprà, p. 76 et 77. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 99 


vers les cent onze articles du traité secret additionnel à l'édit 
de Folembray (1) !! 


AXI. Après le légiste, ou si l’on veut, le publiciste et le ma- 
gistrat, le professeur ne vient que sur le second plan. Son en- 
seignement à l'Université ne fut, en effet, qu'une préparation 
à de plus hautes destinées. IL en avait été ainsi , dans le même 
siècle, du professorat de Guillaume Benoît , d'Arnaud Ferrier, 
de Coras et de plusieurs autres, qui n'avaient, ce semble, 
brillé dans les chaires de l’école que pour jeter les fondements 
de leur renommée, arriver au Parlement ou aux premières 
charges de l'Etat. Mais ne dédaignons pas pourtant les succès 
académiques que de Beloy obtint dans la première partie de 
sa carrière; ses écrits prouvent qu’il dut concourir à secon- 
der, à Toulouse, le mouvement des méthodes spiritualistes , 
qui, de ce foyer surtout, rayonna bientôt dans la France tout 
entière. 


XXII. Je ne parlerai pas de l’homme privé, sur lequel nous ne 
possédons, on l’a vu, que peu de documents ; mais les amitiés 
qu'il cultiva ou le patronage dont il eut les faveurs, les noms des 
Duranti, des du Vair, des Mery de Vic, des Jean-Jacques de 
Mesmes, des Larocheflavin, du chancelier Bruslart de Sillery, 
prouvent qu'il sut inspirer de solides affections , et se concilier 
les plus honorables suffrages. 


XXIIE. On ne devrait jamais parler, pour cette époque, de 
ses personnages les plus courageux, les plus constants et les plus 
éprouvés, ayant, au plus haut degré le sentiment national, de 
ses hommes de science à la fois légistes , jurisconsultes (2) et let- 
trés, de ses esprits les plus sérieux et les plus résistants, de ses 
magistrats les plus fermes , des natures les plus aimantes et les 


(1) Ce traité secret, agréé par le Roi le 24 janvier 1596, enregistré par le 
Parlement de Toulouse le 11 avril suivant, se trouve dans l'Histoire géné- 
rale du Languedoc, V, Preuves , pag. 328 et suivantes. 

(2) A la fin de la dissertation sur le droit de compensation , publiée ; 
comme on l’a dit, en 1583, se trouvent des endecasyllabi, composés, selon 


100 MÉMOIRES 

plus généreuses , sans que son nom se présentât aussitôt à la 
pensée. Tous les grands principes, toutes les libertés fonda- 
mentales , toutes les opinions modérées pour lesquelles il avait 
combattu, la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir 
spirituel, la tolérance civile, l'autorité de la loi salique avaient 
triomphé au moment de sa mort, comme elles triomphent en- 
core de nos jours. N'oublions donc pas, nous qui profitons du 
fruit de ses conquêtes , des labeurs persévérants et des doulou- 
reuses épreuves qu'elles ont coûté au jouteur vigoureux des- 
cendu des premiers dans la lice, et sachons garder et honorer, 
surtout dans le pays où Pierre de Beloy a recu le jour, comme 
dans celui où il a enseigné , écrit, jugé, prononcé ses réquisi- 
toires , sachons , dis-je, honorer et respecter la mémoire d'un 
de ces hommes si fortement trempés , dont on peut dire avec le 
poëte , qu'ils se sont frayé un passage à travers les phalanges 
et les feux des ennemis : 


+... medias acies mediosque per ignes 
Invenèêre viam..... (1) 


Vusage du temps, en l’honneur de Pierre de Beloy , par Guillaume du Vair, 
son ami. On y lit les vers suivants : 


Et Cujacius et bonus Roaldes*, 

Et Beloius erunt sacri senatus 
Gallornm proceresque , principesque, 
Nostri denique Scevolæ Ulpiani. 


* Célèbre professeur de droit à l'Université de Cahors. 


(1) Virgile, Æneid. VII. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 101 


PIECES JUSTIFICATIVES INÉDITES , 


EXTRAITES DES ARCHIVES DU PARLEMENT DE TOULOUSE. 


Don de l'office d’Advocat général du Roi en la Cour de Parlement 
de Toulouse transférée à Besiers , en faveur de maistre Pierre 
de Beloi, Conseiller en la dite Cour et chambre des requêtes 
ordinaire de l’hostel Courone de Navarre et ancien Domaine. 


Henry , par la grace de Dieu , Roy de France et de Navarre, à 
tous ceulx qui ces présentes lettres verront , salut. Sçavoir faisons 
que pour la bonne et entiere confiance que nous avons de la per- 
sonne de notre amé et féal M° Pierre de Beloy, conseiller en notre 
cour de Parlement de Toulouse transférée à Montpellier, maitre 
des requêtes ordinaires de notre hostel couronne de Navarre et 
ancien domaine , et de ses sens , suflisance , loyauté , prud'homie, 
littérature , expérience au fait de judicaiure et bonne dilligence à 
ycellui ; pour ces causes et autres à ce nous mouvans , avons donné 
et octroyé , donnons et octroyons par ces présentes l’état et office 
de notre conseiller et avocat général en notre dile Cour de Parle- 
ment de Toulouse transférée au dit Montpellier , que naguere 
soulloit tenir et exercer M°..... Daffis, dernier paisible possesseur 
d’ycellui, vaccant à présent par son trépas, pour le dit office avoir, 
tenir et doresnavant exercer et en jouir et user par le dit de Beloy, 
aux honneurs , autorités , prérogatives , prééminences , fran- 
chises , libertés, gages, droits , profits, revenus et émolumens 
accoutumés , et au dit office appartenant tels et semblables et tout 
ainsi qu’en jouissoit le dit Dafiis, tant qu'il nous plaira. Si don- 
nons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens lenans 
notre Cour de Parlement du dit Toulouse , transférée au dit 
Montpellier. qu'après qu’il leur sera apparu des bonnes vie, mœurs , 
conversalion , et religion catholique apostolique et romaine dudit 
de Beloy , qu’il ne se soit desparty de notre obeissance et de lui 
pris et reçu le serment en tel cas requis et accoustumé , y cellui 
mettent et instituent ou fassent mettre et instituer de par nous en 
possession el saisine du dit office et d’ycellui ensemble des hon- 
neurs , autorilés, prérogatives , prééminences , franchises , liber- 
tés , gages , droits, profits, revenus et émolumens dessus dits ; 


102 MÉMOIRES 


le fassent, souffrent et laissent jouir et user plainement et paisi- 
blement et à lui obéir et entendre de tous ceux et ainsi qu’il appar- 
tiendra es choses Louchant et concernant le dit oflice, ostent et 
déboutent d'ycellui tout autre illicite détenteur n'en ayant sur 
ce nos lettres de provisions précédentes en datte des dites pré- 
sentes. Mandons en outre à nos amés et féaulx conseillers , les 
présidents el trésoriers généraux de France establis à... que par 
le receveur et payeur des gaiges des présidents , conseillers et au- 
tres ofliciers de notre Cour , ils fassent doresnavant, par chacun 
an , aux formes ét la maniere accoustumée , payer , bailler et dé- 
livrer au dit de Belloy, les dits gaiges et droits au dit oflice appar- 
tenant , à commencer du jour et datte des présentes, rapportant 
les quelles ou vidimus d’ycelles duement collationnées pour une 
fois seulement et quittance du dit de Belloy sur ce suflisante , nous 
voulons les dils gaiges , droits et tout ce que payé , bailhé el dé- 
livré lui aura été à l’occasion sus dite être passé et alloué en la 
dépense des comptes et rabattu de la recette du dit receveur ou 
autre qui payé les aura par nos amés et féaulx les gens de nos 
comptes, leur mandant ainsi le faire sans difficulté , car telest notre 
plaisir ; en tesmoing de quoi nous avons fait mettre notre scel 
aux dites patentes. Donné à Chartres le quinziesme jour de jan- 
vier l'an de grace mil cinq cent quatre-vingt-treize et de notre 
regne le quatrieme. Sur le reply : par le Roy, Luillier ; et sur le 
mesme reply : M° Pierre de Beloy dénommé en ces présentes a 
été reçu et installé au grand conseil du Roy en l’estat et ofhice de 
conseiller et advocat général de Sa Majesté en la Cour de Parle- 
ment de Toulouse transférée à Montpellier , après qu’il a fait et 
presté au dit conseil le serment en tel cas requis et accoustumé 
suivant les lettres de relief d'adresse. Fait au dit conseil à Chartres, 
le septieme mars mil cinq cent quatre-vingt-treize. Du Sault ainsi 
signé ; les dites lettres scellées du grand sceau à double queue. 


IE. 


Commission aux gens du grand Conseil pour recevoir et installer 
le dit de Beloy au dit office d'Advocat générat du Roy. 


Henry, par la grace de Dieu , Roy de France et de Navarre, 
à nos amés et feaulx conseillers les gens tenant notre grand con- 
seil, salut. — Nous avons pourveu notre amé et féal conseil- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 103 


ler et M° des requêtes ordinaires de notre hostel couronne de 
Navarre ancien domaine, M° Pierre de Belloy d'ung office de 
conseiller en notre Cour de Parlement de Toulouse et advocat 
général en ycelle et parce qu'il ne sçaurait estre reçn el installé 
en ycelle nostre dite Cour à cause de la rebellion de la dite ville 
occupée par nos ennemis, et que la translation par nous faile de 
notre dit Parlement n’est encore séant en nombre de personnes 
suflisans pour le recevoir, desirant nous servir au plus tôt du dit 
Beloy en cette qualité, voire qu'il est nécessaire à l'installation 
du dit Parlement pour nous y servir et y requérir comme notre 
avocat général ce qu'il appartiendra en la reception des autres 
officiers d’ycelui Parlement, nous voulons , vous mandons et com- 
mellons par ces présentes que vous ayez à procéder à sa recep- 
tion el installation au dit oflice pris de lui préalablement le ser- 
ment en tel cas requis , et après qu'il aura esté informé de sa 
vie, mœurs , religion catholique apostolique et romaine , et qu'il 
aura esté par vous reconnu suflisant et capable pour exercer le dit 
eslat, le faisant jouir des honneurs , autorités, droits, priviléges et 
stances y apparlenant , des quelles nous voulons et entendons 
qu'il jouisse tout ainsi et en la même forme que s’il avoit été reçu 
au corps de notre dite Cour de Parlement de Toulouse, après 
qu'il aura esté par vous reçu et installé. Sy mandons à tous nos 
conseillers de Parlement et tous autres nos justiciers et ofliciers 
qu'il appartiendra , qu'ils laissent , fassent et souffrent le dil Beloy 
jouir des honneurs , droits et stances dont ont accoustumé jouir 
et user tous nos autres conseillers et advocats généraux des Parle- 
ments de nostre royaulme, car tel est notre plaisir. Donné à 
Chartres , le septiesme jour de février , l'an de grace mil cinq 
cent quatre-vingl-treize et de notre regne le quatriesme. Henry , 
signé ; et plus bas par le Rey en son conseil , Potier anssi signé. 
Scellées du grand sceau à simple queue de cire jaulne. 

Registrées ez registres de la Cour de Parlement restablie à 
Beziers , et le dit de Belloy reçu advocat général en ycelle après 
avoir presté le serment en tel cas requis. Fait à Beziers , en Par- 
lement , le 12 août 1593. 

J’ay retiré l'original des lettres cy dessus transcriptes. Fait à 
Beziers , le 14 août 1593. — P. de Belloy , signé. 


(Extrait des registres sur parchemin. — Parlement séant à Beziers.) 


10% MÉMOIRES 


JUL. 


Lettres patentes concernant le rang des Avocats généraux entr'eux. 


Lundi 10 juillet 1595 , Chambres assemblées. 

Vu les lettres patentes du Roy données à Paris le troisieme jour 
de mars dernier , signées : par le Roy, Forget, et scellées du grand 
sceau à simple queue : par lesquelles Sa Majesté, vu la déclara- 
tion et consentement de M° Pierre de Beloy, pourvu de l'état 
d'avocat général au Parlement de Toulouse, transféré à Beziers 
par le décès de feu M° Jacques d'Afis, attaché sous le contre scel 
des dites lettres, veut , déclare et ordonne que Me Pierre de Cau- 
mels, aussi avocat général au dit Parlement , tiendra ct exercera 
le dit oflice en ycelui Parlement au même rang , séance et droits, 
autorités et prérogatives que le dit feu d'Affis, premier avocat 
général au dit Parlement , souloit faire, sans qu'il y puisse être 
troublé ou empesché sous prétexte des déclarations ou jugemens 
sur ce cy devant intervenus , pour respect, faveur ou mérites 
d'aucuns , pourvus des dits oflices ou autrement ; contenant aussi 
mandemens exprès de faire registrer la dite déclaration ez regis- 
tres de la Cour , et du contenu en ycelle faire jouir plainement et 
paisiblement le dit de Caumels , sans permettre qu’il y soit contre- 
venu ; nonobstanties dites déclarationset arrêts que pourroient avoir 
été donnés en divers temps et pour diverses occasions , auxquels 
comme contraires aux ordonnances et reglements de ses prédé- 
cesseurs roys, il déroge ; requête présentée par le dit M° Pierre 
de Caumels à l'effet du registre des dites lettres , avec la réponse 
et consentement du procureur général du roy mise au pied d’y- 
celle ; la Cour a ordonné et ordonne que les dites lettres seront 
registrées ez registres d’ycelle, et que du contenu en ycelies, le 
dit M° Pierre de Caumels jouira , suivant leur forme et teneur. 


IV. 


Du dit jour 10 juillet 1595 , Chambres assemblées. 

Sur la présentation faite par le procureur général du roy des 
leltres palentes de Sa Majesté , données à Chartres , le 15 Jan- 
vier 1593 , signées : par le Roy , L'Huïlier , contenant don et pro- 
vision de l'office d'Avocat général du roy en la cour , en faveur de 
M° Pierre Beloy, vacant par le décès de feu M° Jacques d'Aflis, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 105 
dernier paisible possesseur d'y celui ; et vu les diles de provision , 
ensemble les deux actes de sa reception , mis sur le repli d’ycelui , 
tant du grand conseil , le 16 mars, que en la chambre du Parle- 
ment de Beziers le 12° d’août au dit an , avec autres lettres patentes 
de sa dite Majesté, données au dit Chartres, le 7 février au dit an, 
signées : par le Roy, Potier, contenant commission à M" du grand 
conseil de proceder à la reception et installation du dit Beloy au 
dit office d'avocat général ; ensemble la requête présentée par le 
dit Beloy pour être admis à l'exercice de son dit oflice d'avocat 
général du roy en la dite conr ; la Cour, les chambres assemblées , 
a ordonné et ordonne qu’il sera enquis des vie , mœurs et religion 
catholique , apostolique et romaine dudit de Beloy avec les témoins 
qui seront nommés par le dit procureur général du roy dans 
huitaine , pour la dite inquisition vue et rapportée , être procédé 
à la reception et prestation de serment requise au dit office d’a- 
vocat général, ainsi qu'il appartient, pour ycelui jouir et exercer 
au second rang et séance , conformément aux lettres patentes de 
déclaration sur ce faites par le Roy le 3° de mars dernier, et arrêt 
ce Jourd'hui donné sur le registre d'y celles à la requête de 
M° Pierre Caumels , aussi avocat général du roy en la dite Cour, 
déclarant toutefois qu’il ne sera admis à l'exercice de son dit oflice, 
Jusques à ce que la dite chambre de Beziers sera “réellement révo- 
quée et réunie à la dite Cour, suivant l’édit fait par Sa Majesté 
au mois de mars dernier , publié et registré en la Cour le 18 d’a- 
vril suivant ; et pour faire la dite inquisition , la Cour a commis 
M° François de Gargas et François de Sabatier , conseillers du roy 
en ycelle ; et a aussi arrêté que le dit de Beloy ne sera abstraint 
souffrir autre examen quant à sa suflisance. 


V. 


Du vendredi 4 août 1595 , Chambres assemblées. 

La Cour , les chambres assemblées , délibérant , tant sur la 
requête présentée par le procureur général du roy, que par 
M° Pierre de Beloy , conseiller et avocat général du roy en la Cour; 
et vu l'inquisition faite par ordonnance de la Cour sur les vie, 
mœurs et religion catholique , apostolique et romaine , dudit de 
Beloy , du 13 juillet dernier et continuation d’ycelle du dernier 
des dits mois avec l'attestation des curé de l’église de Saint-Félix 
de la Magdelaine de Beziers , et du vicaire de la dite église , 


106 MÉMOIRES 

du ?{ du dit mois de juillet; procès-verbal sur ce fait par 
M° Guillaume Bonet, viguier, et Jean de Cabrairolles , juge ordi- 
naire de la dite ville, et Guilhaume de Josse , advocat du roy en 
la Sénéchaussée du dit Beziers, du 22 dudit mois , lettre missive 
du dit de Josse adressée à M° Claude de Saint-Félix, procureur 
général du roy en la Cour, du 21 du dit mois ; avec le dire et 
conclusions du dit procureur général ; a ordonné et ordonne que 
le dit de Beloy sera reçu au dit état et office d’advocat général en 
la dite Cour , aux charges et conditions contenues au registre 
d'ycelle du 10 de juillet dernier sur la présentation faite par le 
dit procureur général des lettres patentes de provision du dit état 
d'advocat général, en faveur du dit de Beloy, et à la charge aussi 
de faire profession de foi, prèter le serment requis et faire les 
soumissions accoutumées ; en outre a ordonné et ordonne la Cour 
que Marragon et Cassagne , soi-disant huissiers en la chambre du 
prétendu Parlement de Beziers, compris et nommés en la dite 
continuation d’inquisition , seront ajournés à comparoir en per- 
sonne , pour répondre au dit procureur général du roy , à telles 
fins et conclusions qu'il voudra prendre et lire contr'eux , et au 
dit de Beloy aux fins civiles seulement. 

Ce jourd’hui septieme du dit mois d'août , le dit de Beloy , 
après avoir fait profession de foi et juré le contenu des articles , a 
été par la Cour reçu au dit élat et oflice d’advocat général , sui- 
vant le dit arrèt. Et a prêté le serment requis et fait les soumis- 
sions accoutumées. 


(Extrait des registres des arrêts rendus par le Parlement séant à 
Castelsarrasin.) 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 107 


ÉTUDES TÉRATOLOGIQUES 


SUR UN 


ANENCÉPHALE ANOURE APPARTENANT A L'ESPÈCE BOVINE; 


Par MM. N. JOLY, Professeur à la Faculté des sciences, 


Et A. LAVOCAT , Professeur à l'Ecole vétérinaire impériale 
de Toulouse. 


S L. INTRODUCTION. 


Maccré les remarquables travaux de Meckel, en Allemagne, 
et des deux Geoffroy Saint-Hilaire, en France, les personnes 
étrangères à la connaissance de l’organisation animale s'ima- 
ginent encore que les monstres sont en dehors de toutes les 
lois. Elles en font des espèces de Protées capables de prendre 
toutes les formes que l'imagination peut concevoir ; elles ne se 
doutent pas que les monstres sont réductibles à un nombre 
assez limité de types nettement définis ; enfin, elles ignorent 
que «la découverte d’un nouveau genre est un événement 
beaucoup plus rare en tératologie que dans toute autre brauche 
de la zoologie (1). » Aussi, « depuis dix ans, disait en 1847, 
M. le professeur Is. Geoffroy Saint-Hilaire, une multitude de 
monstruosités se sont produites et ont été observées avec le soin 
qu'on accorde maintenant par toute l’Europe aux recherches 
tératologiques. Combien parmi toutes ces monstruosités s'est-il 
trouvé de types génériques nouveaux ? Un seul (2). Tous les 


(1) Isid. Geoffroy Saint-Hilaire. Histoire générale et particulière des 
anomalies de l’organisation chez l’homme et chez les animaux, tom. 1, 
pag. 433. 

(2) Le genre Chélonisome , que l’un de nous (M. Joly) a établi en 1845, 
et auquel, trois ans après, il en a joint un autre, qu'il a inscrit dans la 
science sous le nom de Dracontisome ; lous deux appartenaient à la même 
famille , celle des CéLosomrexs dont voici la caractéristique. Existence d’une 


108 MÉMOIRES 
autres se répétaient avec de simples nuances dans quelques ca- 
ractères sans importance des types déjà connus par 20,30, 60 
exemples et davantage encore (1). » 

Le veau monstrueux que nous mettons aujourd’hui sous vos 
yeux, appartient lui-même à un type parfaitement connu et 
même très-commun dans l’espèce humaine ; le genre ANENCÉ- 
Pace. Ce genre, au contraire, est tellement rare parmi les 
animaux, même dans les familles les plus rapprochées de 
l'homme, que M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire déclare n’en pas 
connaître un seul exemple authentique (2). 

Nous avons donc pensé que nous ne devions pas laisser passer 
inaperçu le curieux animal que ce savant professeur lui-même 
a mis généreusement à notre disposition, et qui, par les soins 
de l’un de nous, va bientôt enrichir les collections de la Faculté 
des Sciences de Toulouse. 

Nous décrirons d'abord la forme extérieure du monstre : 
nous nous occuperons ensuite de son anatomie; enfin , nous 
dirons les considérations générales auxquelles nous aura con- 
duits cet examen morpho-anatomique. 


$ IL. DÉTERMINATION ET DESCRIPTION DU MONSTRE. 


En jetant un coup d’œil rapide sur le dessin qui accompagne ce 
Mémoire { pl. I, fig. 1), il serait assez difficile de décider à quelle 
espèce normale appartient le monstre que nous allons décrire. 

En effet, sa tête, aplatie sur le vertex, et engoncée dans les 
épaules ; son museau raccourci, sa langue incomplétement logée 
dans la bouche, et reposant sur l’arcade dentaire inférieure ; 


éventration plus ou moins étendue , et toujours compliquée de diverses 
anomalies des membres , des organes genito-urinaires , et méme du tronc 
dans son ensemble*. Sur les genres Cnéconisoue el Dracoxrisome, voy. les 
Mém. de l’Académie impériale des Sciences, Inscript. et Belles-lettres 
de Touiouse , années 1845, pag. 251, et 1848, pag. 57. 

(a) Isid. Geoffroy Saint-Hilaire. Vie , travaux et doctrine scientifique 
d’Etienne Geoffroy Saint-Hilaire , pag. 283. 

(2) Ouvrage cité, tom. 2, pag. 369. 


* Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, ouvrage cité, tom. 2, pag. 264, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 109 


son nez, à peu près semblable à celui d'un mâtin; ses oreilles 
tombantes, ses yeux gros et saillants, presque dépourvus de 
paupières ; son corps raccourci et trapu , entièrement privé de 
prolongement caudal ; ses jambes, dont les deux derniers rayons 
terminaux se replient sous l'abdomen et le thorax, dans un sens 
inverse du sens normal (1); enfin, son poil long, abondant, 
moilié laineux, moitié soyeux : tout cet ensemble bizarre est 
certainement bien fait pour éloigner l’idée que lon a sous les 
yeux un individu de l'espèce bovine, un veau parvenu au 
terme de la gestation. 

Un examen plus attentif fait découvrir d’autres singularités. 
Ainsi , le crâne, largement ouvert en dessus et en arrière, manque 
de voûte osseuse , et n’est qu’en partie recouvert par la peau. Les 
tégumens communs manquent aussi sur la partie médiane et 
supérieure du cou, du dos et des lombes, et cette portion mé- 
diane elle-même présente une gouttière large et assez profonde, 
qui semble tapissée par une forte aponévrose ; tandis qu'en réa- 
lité, cette prétendue bande aponévrotique n’est rien autre chose 
que les membranes qui enveloppent ordinairement la moelle 
épinière et le cerveau lui-même. 

Que sont donc devenues ces deux parties si essentielles du 
système nerveux cérébro-spinal? Elles manquent dans notre 
monstre, qui est, en outre, affecté d’un spina bifida des plus 
complets, d’une vraie fissure spinale. Or, Pabsence d'encéphale 
et de moelle épinière , accompagnée d'une large ouverture du 
crâne et du canal rachidien , forme précisément la caracté- 
ristique du genre anENCÉPHALE. C’est donc un véritable anen- 
céphale de l'espèce bovine que nous avons sous les yeux, et, 
bien que sans exemple encore dans la science, ce fait, tout ex- 
traordinaire qu'il est, doit forcément être accepté comme tel. 

Occupons-nous maintenant de la structure interne de notre 
monstre, et cherchons d’abord à nous rendre compte de l'ou- 
verture du crâne et du canal rachidien. 


(1) Un de nos élèves les plus intelligents a comparé, non sans raison, 
la station de notre monstre à celle des Sphinx de l’antique Egypte. 


110 MÉMOIRES 


$ IIL. ANATOMIE DU MONSTRE. 


Squelette; crâne et canal rachidien dans leur ensemble, 
— Par suite d’un de ces arrêts de développement si fréquents 
dans les êtres monstrueux , la voûte du crâne, avons-nous dit, 
ne s'était point fermée. Cependant, tous les os qui la consti- 
tuent dans l’état normal existaient encore ; seulement , i!sétaient 
très-réduits dans leurs dimensions et déjetés horizontalement 
sur les parties latérales, de manière à laisser voir la base du 
crâne à découvert par sa face supérieure. 

Mais, malgré ce désordre apparent, les connexions des os 
entre eux n'avaient nullement varié, justifiant ainsi, et une 
fois de plus, le fameux adage : « Un organe est plutôt anéanti 
» que transposé (1). » 

De même les ares vertébraux qui, dans les cas ordinaires , 
forment un canal protecteur autour de la moelle épinière, ne 
s'étaient point réunis sur la ligne médiane; ils étaient même, 
de chaque côté du corps des vertèbres , dans la position horizon- 
tale qu'ils occupaient primitivement chez l'embryon, de sorte 
que le canal rachidien se présentait sous la forme d’une gout- 
tière large, peu profonde sur certains points, fortement excavée 
sur d’autres, et tapissée à l'extérieur par les enveloppes de la 
moelle épinière. Le sacrum lui-même était ouvert, et n'avait 
conservé que deux vertèbres ; les trois autres manquaient. Il 
en était de même de toutes les vertèbres caudales. 


Région cervicale. — Etudions maintenant plus en détail les 
anomalies de chacune des régions du rachis. La région cervi- 
cale, formée , comme chez tous les mammifères normaux, de 
sept vertèbres, était si fortement recourbée en arrière, qu'elle 
était devenue presque parallèle au rachis , et que l’atlas corres- 
pondait verticalement à la première vertèbre dorsale. De là, 
l’engoncement de la tête dans les épaules , et le raccourcissement 
considérable du cou. 


(:) E. Geoffroy Saint-Hilaire. Philosophie anatomique. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 111 


Région thoracique. — Var suite du redressement en arrière 
de la région cervicale, la région thoracique antérieure était 
saillante, au point de se trouver dans un même plan vertical 
avec l'angle de la mâchoire inférieure. Très-raccourcies dans le 
sens antéro-postérieur , et au nombre de dix seulement , les ver- 
tèbres dorsales portaient, du côté droit , dix côtes, dont les trois 
premières étaient entièrement libres de soudures dans toute 
leur étendue, tandis que toutes les autres, moins la dernière, 
étaient soudées , en tout ou en partie, de manière à former une 
vaste plaque percée sur quelques points correspondants aux 
espaces intercostaux. Une plaque analogue représentait les cinq 
dernières côtes gauches ; les cinq premières étaient normales et 
aboutissaient à un sternum formé de cinq pièces bien distinctes, 
non compris l’appendice xyphoïde. Un périoste épais recouvrait 
les arcs costaux, et enveloppait isolément chacune des pièces 
sternales. Chaque côte non soudée avait aussi son périoste ; mais 
celles qui étaient réunies plusieurs ensemble, avaient un périoste 
commun, émettant de sa face interne autant de languettes pé- 
riostiques qu'il y avait d'espaces intercostaux , en partie laissés 
libres et ouverts. 


Région lombaire et sacrée. — La région lombaire possédait 
les six vertèbres qu’elle offre chez le bœuf. Le sacrum seul n’en 
présentait que deux. Enfin, les dix-huit vertèbres caudales 
manquaient entièrement. 


Soudures nombreuses des vertèbres : clivage des apo- 
plyses épineuses. — De nombreuses soudures s'observaient 
entre la plupart des vertèbres de chacune des régions ci-dessus 
énumérées. Ces soudures ne se bornaient pas au corps des 
vertèbres ; elles s’étendaient à leurs apophyses épineuses , en 
quelque sorte clivées par le milieu et déjetées, nous l'avons 
dit, de chaque côté de la gouttière vertébrale. Ainsi , toutes les 
demi-apophyses épineuses de la région cervicale s'étaient réu- 
nies pour constituer une espèce de pyramide osseuse , à base 
postérieure et à sommet dirigé en avant Jusqu'au niveau de 
l’atlas. Cette masse osseuse était contiguë à une plaque de 


112 MÉMOIRES 

même nature représentant les demi-apophyses épineuses dor- 
sales dirigées horizontalement au dessous de la portion repliée 
du cou, et supportant, de chaque côté, la tête , au moins dans 
sa portion occipitale. Des soudures analogues avaient eu lieu 
pour les vertèbres lombaires et sacrées. Les premières de celles-ci 
s'étaient même réuries à la dernière de la région des lombes. 


Membres. — Sauf la direction déjà indiquée , les membres 
n'avaient rien de très-irrégulier , et Von y trouvait tous les élé- 
menis osseux qu'ils possèdent à l'état normal. 


Examen plus spécial du crâne et de la face. — Mais re- 
venons au crâne , car il mérite de fixer encore notre attention. 
Remarquez avec nous, Messieurs, le surbaissement considéra- 
ble de la voüte frontale ; la petitesse des pariétaux réduits ici 
à deux simples lames , situées, comme à l'ordinaire , entre les 
frontaux et les occipitaux ; la direction horizontale de ces der- 
niers ; la mise à nu du rocher, et la réduction très-marquée de 
la portion écailleuse du temporal. De cette atrophie, ou plutôt, 
de ce non développement des os qui constituent la voûte crà- 
nienne , résultait nécessairement l'ouverture de cette voûte, 
et, par suile, la situation presque toute extérieure des membra- 
nes et du peu de pulpe nerveuse qui tenaient lieu de cerveau. 

Examiné par sa base , le crâne de notre monstre laissait voir 
de chaque côté du vomer un large et profond sillon qui indi- 
quait un développement très-incomplet de la voûte palatine. 
Quant aux os de la face, à l'exception d'un raccourcissement 
assez notable , ils n'avaient rien d’anormal au point de vue 
anatomique. 


Système nerveux et méninges. — On peut en dire autant 
des nerfs proprement dits , ou nerfs périphériques et du sys- 
ième grand-sympathique. Mais il n’en était pas de même des 
centres nerveux du système cérébro-spinal. 

Nous avons dit que le cerveau manquait ; il serait peut-être 
plus exact de dire qu’il était représenté simplement par un peu 
de pulpe médullaire logée sous les frontaux , et par les trois 
membranes qui le protégent dans les cas ordinaires. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 113 

De ces membranes , la plus extérieure , ou dure-mère , 
tapissait tout l'intérieur du crane, ou plutôt s’étendait sur sa 
base mise à découvert, et sur le trou occipital, transformé en 
gouttière par l'écartement des deux os du même nom. 

Tous les nerfs crâniens existaient , mais leurs extrémités 
centrales allaient se perdre dans une membrane vasculaire , 
formant avec eux un réseau inextricable et à mailles très- 
serrées, que l’on reconnaissait aisément pour être /a pie-mère. 
L'arachnoïde existait sans doute , mais confondue avec l’une 
ou l’autre des membranes qu’elle accompagne. 

La dure-mère tapissait la gouttière vertébrale dans toute sa lon- 
gueur ; elle était séparée du périoste par une couche assez épaisse 
de tissu adipeux et même par quelques fibres , qui , très-pro- 
bablement représentaient la couche la plus interne des ligaments 
vertébraux. Sur deux lignes parallèles, écartées , l’une de l’au- 
tre , de 5 à 6 millimètres, on voyait la plus externe des mé- 
ninges rachidiennes , percée d’un grand nombre de trous, 
par lesquels sortaient des houppes de filaments nerveux très- 
déliés et de grandeurs fort inégales. Ces filaments , examinés 
à travers une couche d'eau versée à dessein dans la gouttière 
vertébrale , nous ont paru tout-à-fait libres à l’une de leurs 
extrémités (1) , Car Cest en vain que nous avons cherché une 
pie-mère rachidienne. 

Nous sommes donc portés à croire que cette membrane n'exis- 
tait pas , ou du moins qu'elle était assez mince pour avoir pu 
se détruire pendant le long trajet qu'a fait le monstre pour 
arriver de Paris à Toulouse. A quoi bon d’ailleurs sa présence, 
puisque la moelle épinière manquait entièrement ? 

Système musculaire. — Le désir de conserver intact le 
squelette de notre monstre , et plus encore les difficultés réelles 
qu'opposait à sa dissection la forte courbure de la colonne ver- 
tébrale , ne nous ont pas permis d'étudier en détail le système 
musculaire. Cependant , ce que nous avons vu nous autorise 
a dire que tous les muscles, même ceux des membres , avaient 


(1) Le microscope a confirmé depuis les résultats de ce premier examen. 
&° $. — TOME Y. 8 


114 MÉMOIRES 


de la tendance à s'unir et à confondre leurs fibres : que plu- 
sieurs d'entre eux , notamment ceux des régions supérieures 
et ceux de la partie antérieure et interne des cuisses étaient 
atrophiés : que d’autres, enfin, comme il arrive souvent chez 
les individus de notre espèce affectés de maladies menta- 
les, avaient subi la transformation graisseuse ; coïncidence 
remarquable entre les effets de ces cruelles maladies et ceux que 
produit le développement incomplet ou l'absence totale des 
centres nerveux. 


Appareils circulatoire , respiratoire , digestif. — Les 
appareils circulatoire et respiratoire ne nous ont offert au- 
cune anomalie digne d’être signalée. 

Quant au canal digestif . sauf l'imperforation de l'anus , 
il n’offrait non plus rien de particulier dans sa structure. Il n’en 
était pas de même de sa position. 

En effet, une partie de l'intestin grêle ( la moitié à peu 
près), était logée dans un vaste sac herniaire (4) formé aux dé- 
pens de l’aponévrose du grand oblique, et s'étendant sur a face 
interne de la cuisse droite jusqu’au niveau de la rotule. 

Un sac, à peu près semblable à celui qui vient d'étre décrit, 
et communiquant, comme lui, avec la cavité abdominale, ren- 
fermait le rumen , la partie postérieure de la caïllette , et une 
portion de la rate et de l’ntestin grêle, le lout reposant sur la 
cuisse gauche (2). 

Le péritoine tapissait ces deux cavités herniaires dans toute 
leur étendue. 

Les glandes salivaires , le foie, le pancréas, n'avaient rien 
d’anormal. 


(1) Ne peut-on pas considérer cette énorme hernie comme une espèce 
d’éventration qui serait venue compliquer la monstruosité principale ? On 
sait que la concomitance des deux phénomènes tératologiques s’observe 
assez souvent chez les monstres anencéphaliens. Cependant, chez le nôtre, 
les parois abdominales étaient complèles, et même, on l’a vu , plus étendues 
que de coutume : l’ombilic n’était guère plus large que chez un veau ordi- 
naire du même âge. Notons , au moins comme singularité, l’absence de tor- 
sion des artères ombilicales autour de la veine du même nom. 


(2) Voir la note précédente. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 115 


Appareil génito-urinaire. — Enfin les organes génito-uri- 
naires étaient établis d’après le type le plus commun chez l’es- 
pèce bovine. Ainsi, les reins élaient multilobés ; la vessie com- 
muniquait encore avec l'allantoïde; les testicules étaient très- 
petits, et logés, le gauche, dans le sac herniaire correspondant 
qui a été décrit plus haut; le droit, dans l'abdomen, mais 
un peu plus bas qu'il ne l’est d'ordinaire. 

Le pénis était normal pour ses attaches, mais peu développé. 

Enfin , le scrotum était représenté par un simple repli de la 
peau , dépourvu de poils, et s'étendant d’une cuisse à l’autre. 


$ IV. CoxsIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Ce n'est pas tout d’avoir cité des faits, il faut maintenant les 
interpréter et en tirer les conséquences. 

Or, s'ilest une vérité qui ressort évidente de l'examen au- 
quel nous venons de nous livrer, c’est que, avec un seul et 
même élément, la vertèbre différemment modifiée, suivant les 
espèces et leur destination , la nature a construit non-seulement 
le rachis, mais encore le crâne; peut-être même, comme le 
voudrait Maclise, tout le squelette des YERTÉBRÉS. 

Pour que cette vérité soit bien comprise , qu'on nous permette 
d'entrer ici dans quelques développements. 


Idée fausse de la vertèbre. — Et d'abord , qu'est-ce qu’une 
vertèbre ? Ouvrez un ouvrage quelconque d'anatomie humaine, 
et vous y verrez qu'on entend par ce mot, un des vingt-quatre 
os courts , très-anguleux, placés les uns au-dessus des autres , 
qui composent la colonne vertébrale (4), comme si le sacrum 
et le coceyx , que l'on étudie à part, et dont la description se 
trouve même très-éloignée de celle du rachis proprement dit, 
n'étaient pas, eux aussi, un assemblage de vertèbres , qui ne 
diffèrent des autres que par le nombre des éléments osseux 
qui entrent dans leur composition. 

Mais , quels sont ces éléments indispensables à connaître ? 


(1) Cloquet, Cruveilhier, ele. , etc. 


116 MÉMOIRES 

Se retrouvent-ils en nombre égal dans toutes les vertèbres d’un 
même animal, et dans celles des différentes espèces de mammi- 
féres, d'oiseaux, de reptiles et de poissons ? Ou bien ce nombre 
est-il susceptible d'éprouver des variations en rapport avec la 
forme de la vertèbre, avec la région qu’elle occupe, et le but 
fonctionnel qu’elle doit remplir ? 

Questions importantes que ne s'est presque jamais adressées 
l'anatomie humaine , mais que l'anatomie comparative et 
l'anatomie philosophique, appuyées sur l'embryogénie, de- 
vaient et pouvaient se poser el résoudre. 

Vertèbre archétype. — L'idée la plus rationnelle et la plus 
exacte que l’on puisse, selon nous, se faire d'une vertèbre, est 
celle d’un os, ou plutôt d’un appareil osseux composé d'éléments 
essentiellement variables dans leur existence , et par conséquent 
dans leur nombre. Il importe donc de se représenter d’une ma- 
nière nette et précise la vertèbre archétype , comme disent les 
Anglais, afin de comparer à ce type, et d'expliquer par cette 
comparaison même les nombreuses variétés de forme et de com- 
position , disons mieux, les fréquentes métamorphoses que 
subit l'appareil vertébral. 

Mais, pour y parvenir, nous devons abandonner la voie 
battue, et reconnaître dans une vertèbre autre chose qu’un 
corps, des apophyses épineuses, articulaires et transverses ; 
eafin, un trou faisant partie du canal protecteur de la moelle 
épinière. 

Pour nous, comme pour J. Maclise, toute vertèbre type se 
compose d’une partie centrale appelée corps, à laquelle s’a- 
joutent latéralement et en haut deux arcs osseux protecteurs du 
système nerveux cérébro-spinal (arcs vertébraux) ; latérale- 
ralement , et en bas, deux arcs analogues , réunis ou séparés 
sur la ligne médiane, et destinés à protéger le système sanguin 
ou les viscères | arcs viscéraux, apophyses transverses et côtes 
proprement dites). A leur point de réunion , les arcs supérieurs 
ou vertébraux sont surmontés de deux prolongements osseux, 
nommés «pophyses épineuses (ou neurapophyses). Des prolon- 
gements de même nature s'ajoutent aux arcs viscéraux ; ce 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 117 
sont les pièces sternales ( on bœmapophyses), qui ferment et 
complètent l'anneau inférieur. Enfin, chez beaucoup de pois- 
sons (pleuronectes, raies, etc. ), indépendamment des élé- 
ments déjà mentionnés, il existe encore au-dessus des 7ewra- 
pophyses, et au-dessous des œmapophyses (vulgairement os 
inter-épineux), deux osselels symétriques représentant les 
rayons des nageoires où dorsales ou ventrales. 

Nous pouvons donc faire entrer aussi ces éléments dans la 
composition d’une vertèbre complète : de sorte, qu’en défini- 
tive, pour nous, cette vertèbre (ypique se composera d’un 
corps ou partie centrale formée, dans l'origine, de doubles 
éléments (/es lames dorsales); au-dessus de ce corps 
1° les arcs vertébraux; 2° les neurapoplhyses ou apophyses 
épineuses; 3° les deux rayons terminaux (rayons des na- 
geoires ). En dessous de la partie centrale : 1° les arcs viscé- 
raux ; 2° les Aœmapophyses ou pièces sternales ; 3° enfin, les 
rayons analogues à ceux qui surmontent les apophyses supé- 
rieures. Et comme toutes ces parties sont disposées symétrique- 
ment des deux côtés d’une ligne médiane , et peuvent même, 
dans certains cas, se séparer : il en résulte que notre vertèbre 
archétype est formée de sept paires d'éléments homologues ; en 
tout de quatorze éléments. 

Cause de l'ouverture du crâne et du canal rachidien. — 
Si l'on admet ces théorèmes, basés sur l'observation rigou- 
reuse des faits, et non sur des vues plus ou moins téméraires ; 
si l’on songe qu'une des tendances les plus constantes de la na- 
ture , c'est la tendance à se répéter dans la construction des 
organes qu'elle dispose en série ; si l’on se pénètre bien de cette 
idée qu’elle se plaît à n’employer qu’un petit nombre de maté- 
riaux , et souvent même des matériaux à peu près identiques 
pour donner naissance aux formes les plus nombreuses et les 
plus variées , on sera peut-être disposé à admetire avec nous 
et avec beaucoup d’autres , que le crâne n’est qu'un ensemble 
de vertèbres modifiées pour des usages nouveaux. Et si l'on se 
rappelle qu’en créant l'organisation animale , la nature procède 
le plus souvent de la périphérie au centre; si l'on a présentes 


118 MÉMOIRES 

à l'esprit les lois de symétrie et de conjugaison , l'on com- 
prendra facilement pourquoi chez notre monstre , la colonne 
vertébrale est restée ouverte dans toute sa longueur , comme 
elle l'est primitivement chez l'embryon. Il y a eu là arrét de 
développement du système osseux , occasionné sans doute par 
le non développement de la moelle épinière. 

Le cerveau n'existant pas non plus , on conçoit aussi que la 
boîte destinée à le contenir et à le protéger soit restée incom- 
plète , comme le canal rachidien, dont elle n’est que le pro- 
longement. 


Composition vertébrale de la tête osseuse. — Si done la 
structure vertébrale de la tête est facile à démontrer , c’est sur- 
tout dans le cas actuel. Vouloir la nier encore, ce serait vou- 
loir se refuser à l'évidence. En effet, ne voit-on pas aussi clai- 
rement que possible l’occipital en quelque sorte continuer 
l'atlas : les temporaux , les pariélaux eux-mêmes , quoique 
très-réduits dans leurs dimensions , reproduire par leur écar- 
tement vers les parties latérales, les dispositions que présentent 
les vertèbres proprement dites ? Quant aux frontaux , S'ils sont 
restés unis sur la ligne médiane, cela tient sans nul doute au 
double rôle qu'ils remplissent dans l’état normal. Non-seule- 
ment ils protégent le cerveau , mais encore ils abritent l’appa- 
reil oculaire. Fidèles à ce dernier office , ils devaient ne pas 
l'être au premier : aussi les voyons-nous participer par le 
raccourcissement de leur partie postérieure à l’atrophie des au- 
tres os crâniens : telle cause , tel effet. 

Bien que partisans avoués de la théorie vertébrale , nous 


n'entreprendrons pourtant pas maintenant la démonstration de 


cette théorie vraie, selon nous , dans son ensemble, mais peut- 
être un peu hasardée dans certains détails. 

Nous renvoyons ceux de nos lecteurs que ce sujet pourrait 
intéresser à l'article Sxezerow de la Cyclopædia of anatomy 
and physiology de Robert Todd , article remarquable à tous 
égards par l'originalité des vues et la rigueur des déductions. 


Terminaison des nerfs rachidiens el créniens. — On se 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 119 
rappelle sans doute que les principaux nerfs du crâne, et pro- 
bablement tous, allaient se perdre par leur extrémité centrale 
dans une espèce de lacis vasculaire, dans une sorte de réseau 
inextricable, formé par la pie-mère ; on n’a pas oublié non plus 
que les nerfs rachidiens étaient , ou du moins nous ont paru 
flottants à leur terminaison dans la gouttière vertébrale. N'est-ce 
pas une preuve de plus , ajoutée à tant d’autres , que les cor- 
dons nerveux ne prennent point naissance dans les diverses 
parties de l’encéphale , mais qu'au contraire ils viennent y 
aboutir ct les former par leur épanouissement ? 

Eclatante et nouvelle confirmation de la loi de formation 
centripèle , formulée pour la première fois par l’un de nos plus 
grands anatomistes ; loi moins générale peut-être que ne le 
croyait son auteur ; mais loi féconde , qui donne la clef d’une 
foule de phénomènes d’organogénie et de tératologie entière- 
ment inexplicables sans elle. 

Les autres systèmes de notre veau anencéphale nous ont offert 
trop peu d'anomalies pour nous occuper longuement. 

Notons pourtant , comme particularités intéressantes , la ten- 
dance des muscles et celle des os à la soudure; la transforma- 
tion graisseuse des premiers sur un grand nombre de points, 
leur complète atrophie sur d’autres. Notons encore le prolon- 
gement de l’aponévrose du grand oblique à la partie antérieure 
et interne des cuisses jusqu’au niveau de la rotule ; le double 
sac herniaire et la double hernie qui en étaient la conséquence ; 
l'imperforation de l'anus et l'absence de la queue. 

Arrétons-nous un instant sur cette dernière particularité. 

Cause présumée de l'absence du prolongement caudal. — 
D'après M. Serres , la moelle épinière se prolonge dans l'em- 
bryon humain jusqu’à l’extrémité du canal vertébral ; de EE 
une queue plus ou moins longue, qui finit par disparaître quand 
la moelle remonte du côté de la tête ; si elle ne remonte pas, 
la queue persiste. Cet événement , très-rare chez l'homme , 
est, au contraire , l’état normal pour beaucoup d'animaux. 
Pouvons-nous expliquer de cette manière l'absence de la queue 
chez notre encéphale ? Nous ne le pensons pas. Nous croyons , 


120 MÉMOIRES 

au contraire , que la portion de moelle correspondante au 
coccyx n'a jamais existé , événement tératologique qui suffit , 
et au delà, pour expliquer le manque de prolongement caudal. 


Cause présumée de la monstruosité actuelle. — Identité 
et régularité des lois tératologiques chez Fhomme et chez les 
animaux. — Maintenant , si l’on nous demande la cause 
générale qui a produit la monstruosité que nous venons d’étu- 
dier, nous avouerons franchement notre ignorance ; nous 
contentant de rappeler que la plupart des cas d’anencéphalie 
observés chez l’homme , ont été attribués ou à des violences 
extérieures exercées sur la mère , ou bien à l'influence des émo- 
tions morales vives et subites qu'elle a pu éprouver pendant les 
premiers mois de la gestation. 

Quoi qu’il en soit, même sous ce point de vue, notre monstre 
présente un réel intérêt. 

L'intérêt s'accroît, lorsque, comparaison faite des anomalies 
qu'il nous a offertes avec celles qu'ont décrites avec tant de soin 
et de sagacité MM. Lallemand et E. Geoffroy Saint-Hilaire, lun 
dans sa 7hèse inaugurale , Vautre dans le deuxième volume 
de sa Philosophie anatomique (1), on voit l’animal mons- 
trueux reproduire exactement, ou du moins à quelque nuance 
près , les faits tératologiques observés chez les anencéphales 
humains. Preuve nouvelle de l'identité et de la régularité des 
lois qui président à l’organisation physique de l’homme et à 
celle des animaux réputés les plus irréguliers. 

IL n’est donc pas vrai, quoi qu’en ait dit Chateaubriand et 
avec lui beaucoup d’autres, que « les monstres sont un échan- 
tillon de ces lois du hasard qui , selon les athées , doivent 
avoir enfanté l'univers (2). » 


(1) Consultez surtout le Mémoire intitulé : Des faits analomiques et 
physiologiques de l’anencéphalie , observés sur un anencéphale humain 
né à Paris, en mars 1821. Philosophie anatomique, lom. 11, pag. 125, 
et le chapitre qui a pour titre : Mémoire sur plusieurs déformations du 
cräne de lhomme , suivi d’un Essai de classification des monstres acépha- 
Les ; même ouvrage, pag. 3. 

(2) Génie du Christianisme , iv. v, chap. nr. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 121 


Combien nous aimons mieux entendre Montaigne , lorsqu'il 
nous dit avec son bon sens parfait et sa raison libre de préju- 
gés : « Nous appelons contre nature ce qui advient contre la 
coustume. Rien n’est que selon elle ; quel qu'il soit. Que cette 
raison universelle et naturelle chasse de nous l'erreur et l’es- 
tonnement que la nouvelleté nous apporte (1). » Et quelques 
lignes plus haut : « Ce que nous appelons monstres ne le sont” 
pas à Dieu , qui veoit dans son ouvrage Finfinité des formes 
qu'il y a comprises. » 


Possibilité et singularité de la vie chez les anencépha- 
les. — D'après les renseignements qui nous ont été fournis 
par M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, notre monstre n'a pas 
vécu. Il a été tiré du corps d’une vache transportée à l’abat- 
toir de Montmartre, et morte, à ce qu’il paraît, après de vains 
efforts pour mettre bas. Si la parturition avait eu lieu , le fœtus 
aurait pu vivre au moins quelques instants : car la possibilité 
de la vie, longtemps niée , est aujourd’hui parfaitement éla- 
blie chez les anencéphales. On en cite même qui ont pris de 
la nourriture et prolongé leur existence pendant trois jours , 
malgré l'absence de l’axe cérébro-spinal tout entier (2). Exis- 
tence singulière et bien digne, à tous égards, d'exercer les mé- 
ditations des philosophes , des médecins et des naturalistes , 
qui ont assez de candeur et d’humilité pour avouer que la physi- 
que et l’organisation n’expliquent pas tout , et pour reconnaître 
que la vie et la plupart de ses opérations , sont encore une 
énigme dont Dieu seul a le mot. 


(1) Essais, Liv. n, chap. xxx. 

(2) Ce fait curieux a été constaté par M. Serres lui-même , alors médecin- 
inspecteur de l’Hôtel-Dieu de Paris. L’anencéphale dont il s’agit aurait pro- 
bablement vécu plus longtemps s’il avait pu téter ; mais aucune nourrice 
n'ayant voulu lui donner le sein , on fut obligé de le nourrir avec du lait de 
vache et de l’eau sucrée. 


122 MÉMOIRES 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHE T. 


Fic. L. Veau anencéphale de Montmartre , au quart de sa grandeur 
naturelle. 


A. ouverture crânienne et base du crâne vu par sa face interne. 
B. fissure spinale. a cordon ombilical, b oreille pendante , comme elle l’est 
esouvent chez les anencéphales humains , au lieu d’être dressée, comme élle 
l'est chez un veau normal. c. langue. d. mâchoire inférieure. 


FiG. Il. Crâne vu en dessus. 


X. basilaire (sous-occipital. £ Geoff. St-Hil.). V. V. occipitaux latéraux 
(ex-occipitaux. Geoff St-Hil.). U. occipitaux supérieurs (sur-occipitaux. 
Geoff. St-Hil.). P. P. rochers. R. R. temporaux T. T. pariétaux. K. K. fron- 
taux L. L. lacrymaux. M. M. jugaux. C. C. maxillaires supérieurs. H.H, 
pasaux. I. J. cornets, B. B. intermaxillaires. 


N. B. Nous avons reproduit la notation adoptée par M. E. Geoffroy Saint-Hilaire, 
dans son Mémoire sur les Anencéphales humains ( Voy. Philos. analomiq. T. un, pl.r, 
fig. 1 et 2), afin de faire mieux ressortir les ressemblances frappantes qui existent entre 
le crâne de notre veau monstrueux et celui d’un anencéphale appartenant à Pespèce 
dont nous faisons partie. 


PLANCHE HN. 


Squelett: du veau anencéphale de Montmartre. 


À. maxillaire inférieur. Les autres lettres marquées sur le cràäne indiquent 
les mêmes os que dans la fig. 11, pl. 1. 

V. C. 1-7 les sept vertèbres cervicales. 

a. corps des vertèbres. b. apophyses trausverses (ares viscéraux). ce. lames 
vertébrales (ares verlébraux). d. apophyses épineuses (reurapophyses). 
c. apophyses articulaires. 

On voit en x une masse osseuse représentant l’une des demi-apophyses 
épineuses de l'axis et celles des trois vertèbres suivantes , dont les lames 
sont restées distinctes entre elles et séparées de leurs neurapophyses. En 
Y, On aperçoit une masse analogue déjà soudée avec les arcs vertébraux, et 
formée par les apophyses épineuses des deux dernières vertèbres cervicales. 
z. trou pour le passage de l'artère vertébrale. 

Y. D. plaques osseuses représentant les apophyses épineuses de toutes les 
vertèbres dorsales, apophyses qui se sont en quelque sorte clivées sur la 
ligne médiane, et déjetées horizontalement. La plupart des éléments ver- 
tébraux sont soudés entre eux; et les corps des vertèbres occupent, on 
le voit, un espace très-restreint en longueur (0 06). V. L. les six vertèbres 
lombaires. V. S. les vertèbres sacrées. Les lettres ont la même signification 
que pour les vertèbres cervicales. 

F.S fissure spinale. Co. côtes, dont les cinq premières sont libres, et les 
cinq dernières soudées entre elles. Les trois autres manquaient. S. sternum. 
0. omoplate. H. humérus. R. radius. Cu. cubitus. »2. c. métacarpe. d. doigts. 

IL. os iliaque. Is. ischion. Pu. pubis. F. fémur. T. tibia. £a. tarse. m2. {. mé- 
fatarse. d. doigts. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 123 


Ne ARR MINES LL eg diemhchus À 
SUITE 


DE LA NOTICE 


SUR . 


L'INSTITUTION SMITHSONIENNE ; 


Par M. FL. ASTRE. 


L'AcanëmiE m'a prouvé qu’elle avait écouté avec un vif in- 
térêt les détails que je lui ai donnés sur lInstitution Smithso- 
nienne de Washington , et sur le contenu des volumes que nous 
en avions reçus. Je suis donc encouragé à poursuivre cette tâche, 
en rendant compte du 6° volume des Mémoires et du 7° Rap- 
port annuel présenté par les directeurs : ce volume et ce rap- 
port nous sont arrivés récemment. 

Au commencement du volume est une introduction qui ré- 
sume l'historique , la constitution, le but, la marche et les tra- 
vaux de l’Institution depuis sa fondation ; vous connaissez ces 
détails. 

Les Mémoires publiés dans le 6° volume sont au nombre de 
six, tous consacrés ou à l’histoire naturelle ou à la météorologie. 
Ils sont accompagnés, comme les précédents, de cartes et de 
gravures. En voici une analyse succincte : 

Le premier Mémoire est un travail , que l’auteur déclare seu- 
lement provisoire, sur les nouvelles espèces de plantes décou- 
vertes par le colonel Frémont, dans ses voyages en Californie, 
pendant trois expéditions faites en 1842, 1843-1844 et 1848. 
Ce pays, qui s'est révélé au monde par ses trésors aurifères, 
renferme aussi des richesses naturelles, recherchées par les 
amateurs de la science. Les plantes Frémontiennes | du nom 


124 MÉMOIRES 
du colonel} sont désignées par l’énumération scientifique de 
leurs caractères particuliers. 

Le second Mémoire contient des observations sur le Batis 
maritima de Linnée. C'est une sorte d’arbuste que ce grand 
botaniste n'avait connu et décrit que d’une manière incomplète, 
que l’on avait trouvé seulement dans les Z/es-Ouest de l'Améri- 
que, c’est-à-dire , aux Antilles, à la Jamaïque surtout ; ou bien 
sur les côtes voisines du continent américain, à la Floride. Il 
a été découvert dans la Californie, et il est décrit exactement et 
complétement dans ce travail. 

Le troisième Mémoire est encore consacré à la description 
d’une nouvelle plante ascidiée, c'est-à-dire, dont le pétiole , ou 
la partie qu’on lui assimile pour l'ordinaire, se creuse en une 
sorte de vase ou ascidie ovoïde ou allongée en cornet. Ces plan- 
tes, assez nombreuses en Amérique, ont la propriété singulière 
d'attirer les mouches et les insectes , qui d'abord se posant sur 
le bord des feuilles, sont bientôt entraînés au fond du tube; 
ils s’y noient ou ils ne peuvent en ressortir, retenus qu'ils sont 
par des poils dirigés de haut en bas, et garnissant la surface 
interne de ce tube. Des restes d’insectes ont été, en effet, 
trouvés dans le cornet ou tube de ce nouveau genre de plante, 
appelé Darlingtonia Californica, du nom de M. Darlington, 
botaniste distingué de la Pensylvanie. 

Ces trois Mémoires sont dus à M. John Torrey F. L.S. 
— c'est-à-dire membre d’une société linnéenne. 

Le quatrième est plus considérable que les précédents ; c'est 
une synopsis détaillée et scientifique des invertébrés marins du 
Grand-Manan , île ou plutôt archipel situé à l'entrée de la 
baie de Fundy, entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle- 
Ecosse. 

Le catalogue complet de cette Faune marine a été restreint , 
pour plus de sûreté et d’exactitude, à cette région seule , comme 
un travail partiel à faire entrer dans un ensemble général suivi 
pour toute l'Amérique. Les observations ont été recueillies 
en 1852. Elles portent sur les polypes, acaléphes , méduses , 
béroïdées , échinodermes , bryozoaires, acéphales , gastéropodes , 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 125 
céphalopodes, dendrocæla, géphyréa, annelés, crustacés et 
leurs sous-divisions, L'auteur est M, William Stimpson. 

Le cinquième Mémoire est intitulé : Des vents de l’hémis- 
phère nord de l Amérique. M est rédigé par J. Coffin (M. A. 
maître ès arts), professeur de mathématiques et de philosophie 
naturelle au collége Lafayette (à Boston, Pensylvanie). Ce Mé- 
moire est une longue suite d'observations recueillies sur plu- 
sieurs stations, consignées dans de nombreux tableaux accom- 
pagnés de cartes , et données en réponse à des questions posées 
par une société savante, sur la direction moyenne des vents 
régnants en Amérique, sur leurs directions et déviations men- 
suelles, sur leur force , leur rapidité, leurs effets ; le tout com- 
paré aux renseignements pris sur tous les points du globe 
terrestre. À 

De cette énorme quantité d'observations, l’auteur a résumé, 
sur chaque branche de son Mémoire, des déductions et des re- 
marques , ainsi que des considérations théoriques sur la cause 
et les effets des vents. 

Par ce simple énoncé, l'Académie peut juger quelle est 
l'importance, quelle est l’immensité de ce travail. 

Le dernier Mémoire ne lui cède guère, quoique dans un genre 
différent. 

Il comprend la Faune ancienne ou la description des restes 
des mammifères et chéloniens fossiles de la période Eocène , dé- 
couverts et recucillis dans les Mauvaises Terres (Bad Lands) 
de Nébraska, et qui ont été soumises à l'examen de Joseph Leidy 
(D° médecin), professeur d'anatomie à l'Université de Pen- 
sylvanie. 

Les Mauvaises Terres forment un district du pays, s'étendant 
au pied des montagnes noires, ramification des montagnes ro- 
cheuses , et situé entre la rivière Platte ou Nébraska , près des 
sources et le long de certains affluents du Missouri, appelés 
l'Eau-qui-court, White, Chegenne et Moreau , à 26 degrés lon- 
gitude ouest de Washington. TT 

La constitution géologique de ces Mauvaises Terres offre 
un spectacle des plus extraordinaires et un contraste frappant 


126 MÉMOIRES 


avec tout le pays qui les entoure. Tout à coup , au milieu de 
la monotone uniformité de ces prairies sans fin, que tant 
d'ouvrages ou sérieux ou légers nous ont rendues si familières, 
on arrive à une dépression subite et tranchée du terrain qui 
semble s’abimer sous les pas du voyageur. C'est une vallée de 
90 milles de longueur sur 30 de largeur , s'étendant vers l’ouest, 
et qui est à deux ou trois cents pieds au-dessous des terrains envi- 
ronnants. Cette vallée est parsemée de milliers de masses rocheu- 
ses , abruptes , irrégulières, prismatiques , en forme de colonnes 
ou de pyramides, s'élevant à une hauteur de cent, deux cents 
pieds et plus. Ces roches forment une sorte de labyrinthe assez 
semblable à celui des rues et des carrefours d’une ancienne ville 
du continent européen. Elles présentent de loin l'aspect de 
toutes sortes d’édifices élevés par la main des hommes. Mais, 
en approchant , ces illusions se dissipent , et l’on ne voit plus, 
en réalité, qu'un désert nu et désolé, recélant toutefois des 
trésors fossiles considérables , fournis par des animaux de l’é- 
poque tertiaire. De nombreux spécimens ou échantillons y ont 
été recueillis à diverses fois ; ils ont été soumis à M. Leidy, 
qui les décrit scientifiquement dans des chapitres successifs , 
consacrés : 1° aux mammifères, sous-divisés en ongulés-pari- 
digités : 1° famille , ruminants ; 2° famille, paridigités ordinai- 


res. — 2° Les ongulés imparidigités : 1°° famille, solipèdes ; 
9e famille, ordinaires. — 3° Carnivores, famille des digitigra- 


des. — Enfin, un dernier chapitre se réfère aux cheloniens. 

Je me borne à remarquer le très-long paragraphe relatif à 
des fragments de rhinocéros.. Ce Mémoire est accompagné de 
gravures, d’une carte et d’une vue des Mauvaises Terres. 

Enfin, le volume se termine par un appendice sur les occul- 
tations, par la lune , des planètes et des étoiles pendant l’an- 
née 1853, et calculées par John Downes, pour servir à la ré- 
daction d’un Almanach nautique ; l’Institution Smithsonienne 
ayant déjà voulu, par des observations précédemment pres- 
cites, faciliter la détermination précise de la position exacte 
et géographique des points les plus importants des Etats-Unis. 

Tel est l’ensemble de ce sixième volume , qui, de même que 


md mi 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 127 
les précédents, est, sans contredit , d’une grande valeur scien- 
tifique. 

Je viens au septième rapport annuel des directeurs ou régents 
de l'Institution. 

Ce rapport mentionne d’abord tous les travaux faits, entre- 
pris, indiqués d'après le programme de l’Institution , en astro- 
nomie, géographie, météorologie , géologie, botanique, phy- 
siologie , anatomie comparée , zoologie, magnétisme , etc , etc. ; 
de plus, les statistiques pour les bibliothèques, la direction 
imprimée vers les antiquités américaines , le système d'échanges 
scientifiques et littéraires, les publications, enfin les détails 
financiers. 

Je me contente de ces simples énonciations, en observant 
que les régents se félicitent surtout de ce que, par un système 
d'échange, qui ne doit pas s'arrêter à ces commencements , les 
communications internationales se continuant et tendant à se 
développer, «les résultats | je traduis ) des travaux de tous les 
» pays, dans les Lettres et les Sciences, deviendront communs 
» à tous, et produiront ainsi une communauté d'intérêts et de 
» relations de la plus haute importance pour les progrès de la 
» science et des sentiments de bienveillante affection parmi les 
» hommes. » 

Certes le généreux fondateur Smithson doit être content 
de la manière dont ses intentions sont interprétées et exé- 
cutées. 

La statistique à l'appui de cette continuation de programme , 
atteste que l’Institution Smithsonienne a expédié , en 1832, ses 
propres publications en 572 colis, contenant 9,195 articles, 
pesant ensemble 9,855 livres ( pounds), et qu’elle a recu en 
échange et en addition de ce qu'elle possédait déjà par elle- 
même , 4,745 articles dans 637 colis, mais qui contenaient , 
en outre, un nombre ignoré de volumes pour les autres éta- 
blissements de l’Union. 

Ces chiffres nous servent de transition au rapport particulier 
du bibliothécaire , qui n’est plus un inconnu pour l’Académie. 

M. Jewett constate avec bonheur les richesses que la biblio- 


128 MÉMOIRES 
thèque de l'Institulion a acquises pendant l'année 1852, et qui 
ont doublé ce qu'elle avait rassemblé déjà. 

Cette progression , toute considérable qu'elle est, n'a rien 
d'imprévu. Aux chiffres que j'avais signalés pour 1852, 
soit 11,895 articles , il faut substituer, pour la fin de cette 
même année 1852, comme provenant d'achats, d'échanges, de 
dons et de dépôts , etc. , etc., un total de 21,701 articles, se di- 
visant, d’après le tableau présenté par M. Jewett, en 9,707 li- 
vres imprimés , 5,042 brochures , 1,765 livraisons courantes, 
1,417 gravures, 1,778 cartes de géographie, 1,826 morceaux 
de musique, 39 dessins, 127 articles divers. C'est bien le 
cas de : Crescit eundo. 

M. Jewett mentionne les ouvrages les plus précieux qu'il a 
recus , tels que le « Voyage autour du monde, sur la corvette 
» la Favorite, etc. , » et qui ont été envoyés en échange de la 
part du Gouvernement français par le Ministre de la marine. 

Puis, une série de documents publics sur les différents Etats 
de l’Union. 

Mais , le plus remarquable des envois ; suivant le bibliothé- 
caire, que l’on peut aisément croire ; celui qui est le plus curieux, 
le plus intéressant, le plus instructif, enfin, unique en son genre, 
c’est ane collection de manuscrits, comptes, inventaires el autres 
documents s'étendant de 1632 à 1792, parfaitement classés et 
reliés en 54 volumes, presque tous in-folio. C’est là un recueil 
de pièces dans le genre de celles qui étaient si avidement re- 
cherchées par notre infatigable Monteil , et qui lui servaient si 
merveilleusement à écrire non pas cette histoire bataille, qu'il 
haïssait à si juste titre, mais l’histoire intime de notre pays. 
Dans ces papiers et documents, on voit, dit M. Jewett, la pein- 
ture fidèle de la manière de vivre, des habitudes domestiques 
et des dépenses des familles anglaises de cette époque; car le 
donateur de ce recueil, accepté avec tant de gratitude, est 
James - Orchard - Halliwell , archéologue, habitant près de 
Londres. 

Ea terminant son Rapport, M. Jewett développe ses idées sur 
les bibliothèques en général , et sur les livres dont il parle en 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 129 
amateur passionné, en véritable bibliophile. Il voudrait surtout 
que l’on conservât, avec la plus scrupuleuse exactitude, un 
exemplaire de tous les ouvrages, saus distinction, même de 
ceux qui paraissent les moins précieux, Car, dit-il, on ne sait 
pas ce que pensera la postérité, quels seront ses désirs et ses juge- 
ments ; « quelques-uns des contemporains de Milton et de Newton 
» n'auraient-ils pas dédaigné le Paradis perdu, et le Prin- 
» cipia ? » Viennent ensuite des détails relatifs à la disposi- 
tion des bibliothèques, à la rédaction des catalogues, à des 
travaux personnels, etc. Quoiqu'il y ait beaucoup à gagner à 
lire les observations de M. Jewett, je ne pousserai pas plus loin 
l'analyse de son rapport. 

Je ne parlerai des rapports spéciaux sur le Musée et les 
collections scientifiques , que pour dire que toutes ces collec- 
tions s’enrichissent aussi rapidement que la bibliothèque et par 
des moyens semblables. 

Voilà ce qui m'a paru devoir être signalé dans le 6° volume 
de l’Institution Smithsonienne, et dans le septième rapport an- 
nuel. L'Académie croira, je l'espère, qu'il y a lieu pour elle 
de se féliciter de plus en pius d’être comprise dans la liste des 
Sociétés savantes avec qui l’Institution a bien voulu faire l’é- 
change des travaux mutuels. 


4° S, — TOME v. 9 


130 MÉMOIRES 


NOTE 


SUR 


LES BOLIDES DU 24 DÉCEMBRE 180 er pu 2 AvRIL 1852; 


Par M. PETIT. 


Le premier de ces corps fut aperçu, le 24 décembre 1859, 
vers six heures et demie du soir : de Foix, par M. Berdot, 
maitre adjoint à l'école primaire de cette ville; et de Lussan 
(Gers), par M. Edouard Campardon. Pour lun et pour l'au- 
tre des deux observateurs il jeta sur la terre une clarté aussi 
vive que celle produite par la lune au premier ou au dernier 
quartier. La durée de l'apparition fut également , pour tous les 
deux, de 5 à 6 secondes; et, avant de s’éteindre, Île bolide 
lança des étincelles analogues à des gerbes de feu. M. Campar- 
don, en outre, Île trouva sensiblement plus éclatant au com- 
mencement de l'apparition ; il remarqua , après l'extinction, 
une traînée persistante de lumière le long de la trajectoire 
parcourue ; le météore lui parut deux fois plus gros au moins 
que les plus belles étoiles ; enfin, une minute environ après 
l'extinction , il entendit une détonation sourde et tout à fait 
analogue à l'explosion souterraine qui serait produite par la 
poudre dans une carrière de pierres. 

Je ne m'arrêterai pas à faire remarquer les conséquences qui 
peuvent se déduire des résultats que j'ai obtenus ; et, pour abré- 
ger, je me bornerai à donner aujourd'hui ces résultats sans 
commentaires, me réservant de reprendre plus tard, pour: les 
discuter avec détail, les diverses conséquences auxquelles Je 
suis successivement arrivé dans mes travaux sur les bolides. 
J'ajouterai seulement que le$ observations de M. Berdot et de 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 131 
M. Campardon n'ont pas eu à subir de trop fortes corrections 
pour devenir bien concordantes entre elles : et que, par consé- 
quent, on peut accueillir avec une certaine confiance les résul- 
tats approchés qu'elles ont fournis. 


Voici ces résultats avec les données qui leur ont servi de 
base. 
POSITIONS DES OBSERVATEURS. 


PRO US 


à Foix. à Lussan. 
Latitude boréale. ...— 420.58’.00” Lalitude boréale. ... — 439.37/.30" 
Longitude occident. .=— — 0°.43’.00” Longitude occident. . = — 19.34/.007 


POSITIONS APPARENTES DES POINTS EXTRÈMES DE LA TRAJECTOIRE, 


Pour M. Berdot, à Foix. 


2 ré LS 1: CRAN AE COS DUB TRE SES 3280317002 
RESTE LOU bolide. {Eee polaire Nord..........— 37°.10’.40” 
Point d'arrivée du bolide. (UOTE NOÉ nest Ha A0 ES V00LO .00 


"(Distance polaire Nord..,......, 41°. 0.20” 


Pour M. Campardon, à Lussan. 


£ ' 1 AN ES Cr A OT A see des —  230,32/.007 
épart du } SRE Ë 

Point de départ du bolide Distance polaire Nord... ses. 920.43.00 

. RE : AR es cleare de sossosssooess — 330, 7°.30” 

Point d’arrivée du bolide. Distance polaire Nord... ss. — 940.39/.10? 


A ; Ce re ÉD Le commencement etla 
Heure de l'apparition (en temps sidéral de Paris), le fin de l'aspariton 


24 décembre à oh.44m.335,33............... s..ssss..( sont un tant soit peu 
retardés pour l'obser- 
valeur de Lussan. 

Durée de l'apparition... 55,5. 

Distance du bolide à la terre au moment où M. Berdot l’aperce- 
vait de FOix. 1... HA c Ut e di ADO HA OO IDE CUP LRE ... 103kilom » 

Distance du bolide à Foix dans le même moment............. 118 ,0 

Position du point de la terre au-dessus du- 


s £ Latitude boréale, — 430,15,19” 
quel passait alors le bolide......,...., 


17 
Longit. occident. —— 19.17.4087 
Distance du bolide à la terre au moment où M. Berdot cessa de 


LENOIR te hRhe ce OU SUR AS Dre Ace sos...  Dikilom 9 
Distance du bolide à Foix dans le même moment...,.. ie 70 ,2 
Position du point de la terre au-dessus du- 


Latitude boréale, — 43°.11°.26? 


) it alor de... tas te > É ER E 
quel passait alors le bolide Longit. occident. —— 10.13°.33” 


Distance du bolide à la terre au moment où ce corps fut aperçu 

de Lussan par M. Campardon....... APE TO sossssosesse.s.  8gkilom g 
Distance du bolide à Lussan dans le même moment. .......... 102 ,4 
Position du point de la terre au-dessus du- 


È 3 {Latilude boréale. — 439.14.20” 
quel passait alors le bolide....,,.. FA 


se (LongiL. occident. —— 10.16.44” 


132 MÉMOIRES 


Distance du bolide à la terre quand il s’éteignit pour M. Cam- 


pardon........ SÉtosac sect ts soon ds, 
Distance du bolide à Lussan fais le méme moment. ..... Dot ie br: ,8 
> 
pri du Lies se au-dessus du- Latitude boréale. — 439.10°.55” 
que passai alors 16e DONNE... Longit. occident. = Le 10,12’.57” 


Position des points où la 


trajectoire , SUPPOSÉ /p int de chute du 


tiligne, renc a la - 319.20°.567 
rectiligne, rencontra la ide. 


je boréale. 
*°*°°" Long. orient. 


En » 
tenres Mercscerehos Apoint d'éntergénce x F 4.54 
de la trajectoire. rai, australe. ar Po; 10 
Long.orient.— 150°.57.10 
Vitesse apparente du bolide déduite de Prin de M. Ber- 
dotià Foix. een sn DocATogo 000 ne te dejeee TOO 000 
Vitesse apparente déduite de P Gbéetvatiôt de M. Campeton à 
JuSsan--..- cc..." soc ilnees ceEe rider cee HO ,18 
Vie moyenne apparente....... recette OL R:084 


Modifications qui résultent de cette vitesse moyenne pour les 
évaluations sur la durée du phénomène. 


à Foix... 55,84 au lieu de 5$,5} Cette durée de 5°,5 avait été adoptée elle-même 
55,16 li de 5° 5 comme une moyenne entre les deux évaluations 
à Lussan 5,16 au lieu de ÿ ou 6 secondes de chacun des deux observateurs. 


Vitesse relative, par rapport au centre de la terre, d’ Rs la 
vilesse apparente MOYENNE. +....sssssessssmreseresee Med 


Eléments de l'orbite elliptique dans laquelle, en vertu de 
cette vitesse relative, se mouvait le bolide autour de notre 
planète avant de venir la choquer. 


BÉCENILÉ, ces acc esmusec ee iseelse.se) 03OU 000 
Demi grand axe...... Sédoauodue Dao uo Tee 9949kilom,4 
Distance apogée........ Peer icrecte 107200 
Inclinaison de l'orbite sur l’équateur....... ...—570.40.00 
Ascension droite du nœud ascendant sur l’équa- 

teur... SCORE CT Abe net rNea600 3.40" 
Instant du passage à l’apogée le 24 décembre à. 5h.15m,12$, 3 (L.m. de Foix). 
Sens du mouvement géométrique en ascension 


AMIE eee secret direct. 
jour moyen. 
Durée de la révolution.......... 98805,802 ou 0,1143612—2h.//4"./405,802 


Diamètre du bolide déduit de Ê évaluation de M. Campardon=—50 mètres en- 
viron, dans l hypothèse d’un diamètre apparent de deux minutes, double 
par conséquent, à peu près, des diamètres de Vénus en conjonction où 
de Jupiter en opposilion. 


Je dois dire, en terminant, qu'il suffirait d'introduire une 
faible modification dans la valeur de la vitesse relative; de 
porter, par exemple, cette vitesse de 9Kilom, 427 à 11m, 100 


, , r 
DE L ACADEMIE DES SCIENCES. 133 


pour allonger l'orbite jusqu’à pouvoir amener le bolide dans 
un point du ciel où l’action du soleil serait de beaucoup pré- 
pondérante sur celle de la terre, où , par conséquent, le 
bolide circulerait non plus autour de notre planète, mais au- 
tour du soleil lui-même. Commencée trop tard pour qu'il me 
soit possible de la communiquer aujourd'hui à l’Académie, 
cette recherche sera l'objet d'une autre communication qui 
paraît promettre d'avance des rapprochements , intéressants 
à plus d'un titre, avec les résultats obtenus pour le second 
des deux bolides dont j'ai annoncé l’histoire dans le titre de 
ma note. 

Ce second bolide se montra dans la soirée du 2 avril 1852. 
Il fut vu : de Toulouse par MM. Grouselle, Lespinasse et Bris- 
son ; et de Marignac Lasclares, par M. le docteur Rey qui vou- 
lut bien me communiquer les détails de son observation dont 
la partie mathématique fut relevée, avec la complaisance la 
plus empressée, comme la plus habile , par M. Dédieu, 
géomètre , et par M. Lavalette, alors instituteur supérieur 
au Fousseret, aujourd'hui instituteur communal à Toulouse. 
Quant aux divers observateurs de la 1'° station, quoique 
placés en différents points de la ville, ils me fournirent sur la 
position de la trajectoire, sur la durée de l'apparition, etc., 
des renseignements qui s’accordèrent entre eux d’une manière 
très-salisfaisante , et qui, se contrôlant l’un par l’autre, m'ont 
procuré , je crois, des données aussi exactes qu'il peut être 
permis de l'espérer , pour le moment, dans ce genre de re- 
cherches. 

Les observations ont dù cependant, comme d’habitude, su- 
bir quelques modifications destinées à faire concorder le mieux 
possible toutes les particularités signalées dans les deux stations. 
Mais afin de ne pas entrer dans des détails trop étendus sur la 
discussion fort délicate et sur les longs calculs préliminaires 
auxquels j'ai dù me livrer avant d'adopter les données défini- 
tives qui devaient servir de base à mon travail , je me bornerai 


à consigner ici ces données avec les résultats auxquels elles 
m'ont conduit. 


134 MÉMOIRES 


Latitude boréale. ..............—+430.36.47” 


UV 
Toulouse... 0... 0 : 
Longitude occidentale. .........—— 0°,52’.30” 


. Re ccorleldeist— ! 7,00” 

Commencement de lobservation. .. R : 1742:19800! 
Distance polaire Nord. —  99°.26’.50 

Le , ur LE POP = ner 

Fin de l’ohservation.: .... ..,.... Distance polaire Nord, 1219.46 .50" 


Heure de l’apparition, le 2 avril 1852, à 6.47% du soir (t. m. de Toulouse). 
Durée de lobservation — de 3 à 4 secondes — moyenne adoptée —=35,5. 


Ul BAIE tone ce ssoes es — + 430.18.00 
Marignac-Lasclares..... He Nic er ee hat be 


|Longitude occidentale. ....,....—— 10,12/.45? 
: DOC EEE EEE — 0,29/.207 
Commencement de l’observalion. .. R SA à JE: Fi aue 
Distance polaire Nord.— 103°.41°.10 
4 RE seen = 100% 102307 
Fin de l’observation..............)"" Ë te À 
Distance polaire Nord.— 111°.31°.007 


Heure de l'observation, vers 6b.3on du soir, le 2 avril 1852. 

Durée de l’observation, de 3 à 4 secondes — moyenne 35,5. 

Diamètre apparent, comme une bille de billard. — D’après diverses consi- 
dérations, je le suppose == au moment de l’apparition. 


Distanceminima du bolide à la terre. . 6.42... .ta1Kilom 
Distance du bolide à la terre quand l’observation de Toulouse 
CrnonÉPannousoncuobodtec don sononnobossepooadnnono de. 1 pf 
Distance du bolide à Toulouse dans le même moment. ......... 47  ,7 
Position du point de la terre au-dessus, . ; 
k je ; Latitude horéale.. —+4430.25’.20” 
duquel passait alors le bolide........ ë à NTNES 
Longit. occident... —— 09.21.51 


Distance du bolide à la terre quand l’observation de Toulouse se 
lodiHees sonde Dec aube 10e 7000 100 00 POP LE 
Distance du bolide à Toulouse dans le même moment. .......— 51 ,0 
iion du point de la terre au-dessus , - 
ee Le k Latiude boréale... — + {3°.11°. 6” 
duquel passait alors le bolide........ 


Longit. occident..—œ— 1°. 3”. 8” 
Vitesse apparente déduite des observations de Toulouse, U—17Kl0m58/, la 
durée de l’observation étant supposée égale à 35,5. (Si l’on supposait cette 
durée—/s on trouverait U—15kilom,383.) 
Distance du bolide à la terre quand l'observation de Marignac- 
L'asclares COMMENCA eee eee eee elesesiel ee clesoselsise ee 0118000, 
Distance du bolide à Marignac dans le même moment.......... 921 ,9 


Fe in He 1 Fi st boréale.. —+ 4/3. 9.25” 
DOS TASSE OUEN Longit. occident... —— 1°. 8.28” 


Distance du bolide à la terre, à la fin de l'observation de M. Rey. 11Kkiom,8 
Distance du bolide à Marignac dans le mème moment.......... 48  ,6 
Position du point de la terre au-dessus 


è ali boréale. . —=+ 4920.507.307? 
duquel passait alors le bolide....... L AHNCNONEIE 2 RENE 


Longit. occident.. —— 10.35.41” 

Vitesse apparente déduite de l'observation de Marignac, U—11Kilom6s3, 
la durée de l’observalion étant supposée de 35,5 — (si l’on supposait celte 
durée—3, on trouverait U—:13Kilom,633, valeur presque identique à 
celle trouvée pour Toulouse dans l’hypothèse, parfaitement permise d’a- 
près l’observation même, où l’on aurait admis une durée de 4 secondes à 
Toulouse ). 


DE L'ACANÈMIE DES SCIENCES. 159 


Diamètre du bolide, d’après l’observation de M. Rey..... .. —32 mètres. 
Vitesse apparente moyenne, résultant des observalions de 

Toulouse el'de Marignac...........,2.. 00.510: so » + U—14kilon,634 
Vitesse relative, rapportée au centre de la terre........... —14 5330 
Vitesse ahsolue dans l’espace: .......,.....,........—2929  ,725 


Les valeurs précédentes de la vitesse relative et de la vitesse 
absolue ont donné une trajectoire hyperbolique autour de la 
terre ; et des éléments elliptiques pour l'orbite que le bolide 
décrivait autour du soleil, non-seulement au moment où ce 
corps fut aperçu , mais encore avant que notre planète eût 
commencé à agir sur lui d’une manière sensible. Voici , en 
effet , l'action perturbatrice de la terre défalquée, quels étaient, 
d’après les données adoptées ci-dessus , les éléments de l'orbite 
primitive du bolide. 


HIXCORLTICILÉ ee nteiefele vie crie nantes se ee 0e SOL OE 0,3979432 
Bisancepénmhélies te -25-e- cc -secrr 0,4295361 DUT MIE 
Demi grand axe. ....essseosesssesonceorsee c.. 0,71297/42 de La terre au soleil 
Distanceaphélie... ee. 0e 0,9964125) 

Inclinaison de l’orbile sur l’équateur..... Seam 13200730 

Ascension droite du nœud ascendant sur l’équateur. 3°. 4.35? 

Ascension droite du périhélie. ........ Socio ere Qt LEE ot 

Sens du mouvement en ascension droile..:....... direct. 


Passage au périhélie le 26 juin 1852, à6t,o" du matin, (t. moyen de Paris). 
Durée de la révolution......... 219 jours moyens, 6964 

On ne peut guère espérer , sans doute, tant que les obser- 
vations faites sur les bolides resteront dans l'état d'imperfection 
où elles se trouvent aujourd'hui, d'obtenir des éléments exacts 
pour les trajectoires de ces corps. Néanmoins, dans le cas ac- 
tuel, la concordance des diverses particularités indiquées par 
chacun des observateurs, permet d'admettre, ce me semble, 
que les éléments précédents ne sont pas extraordinairement 
éloignés de la vérité, et qu'ils donnent, par conséquent, au 
moins une idée des trajectoires parcourues autour du soleil par 
les corpuscules météoriques dont l'influence sur les températures 
terrestres a déjà été rigoureusement constatée. Les résultats que 
je viens d'indiquer pour le bolide du 2 avril 1852 auraient d’ail- 
leurs une importance évidente, si, au lieu de s'appliquer à un 
seul astéroïde périodique , ils pouvaient être étendus à un grand 
nombre de ces corps, aux corps surtout qui font partie des 


136 MÉMOIRES 

anneaux météoriques correspondant à des époques d'apparitions 
extraordinaires d'étoiles lilantes ; car alors la position connue 
du périhélie, la valeur de l’excentricité , la durée de la révo- 
lution comparée à la révolution de la terre, etc., etc., per- 
mettraient d'expliquer à coup sûr l'absence d'uniformité dans 
les apparitions annuelles, peut-être même de reconnaître et de 
prévoir, dans les phénomènes météorologiques, certains retours 
périodiques séparés entre eux par des intervalles de plusieurs 
années. Malheureusement les longues recherches que j'ai, déjà 
depuis longtemps, entreprises sur les astéroïdes du mois d'août, 
m'ont présenté jusqu'ici des difficultés véritablement rebutan- 
tes, occasionnées principalement par l'absence de signes bien 
caractéristiques pour les diverses étoiles filantes qu’on observe 
simultanément dans des stations un peu éloignées entre elles, à 
une époque où les étoiles filantes sont ordinairement fort nom- 
breuses. Je ne désespère pas cependant de parvenir à placer au 
moins quelques jalons sur cette route, hérissée d'obstacles capa- 
bles de décourager la ténacité la plus persévérante ; et s’il ne 
m'est pas donné de la déblayer comme je le désirerais, Jose 
espérer que les astronomes et l’Académie en particulier voudront 
bien, en faveur de mes efforts, accueillir avec quelque indul- 
gence les résultats auxquels ces efforts peuvent attcindre. 


18 Méléor 


be MAI ] ; 
er] NOVEMBRE. | DÉCEMBRE. ANNÉE. 
743,139 À 
Haute 12070 742,600 749,942 746,9367 
EU ORALE 742,023 749,462 746,5132 
742,738 744,454 749,009 745,8702 
743,543 741,878 749,445 746,147 
DT Em | ie 047 746,6514 
15,72 |—— ns — 
: 17,67 6,99 12,9325 
Tempé 417,96 9,72 45,9067 
deg 45/95 9,53 16,5067 
7,80 14,2083 
7,03 11,9650 
En. | 10,48 17,282 
= 3,51 7,8500 
- dE 92,05 83,038 
TE 83,38 73,432 
80,90 68,866 
1.4 86,73 73,953 
RS | 90,27 79,963 
1.3.4.5.6.8.9.10.41 —— ——— 
12.16.17.18.29.934,5.6.9.11.19.13.16 1.2.6.7.9.13.14.45 
Juurs c24:27.98.99. 18.19.23.27.29.30.| 16.17.18.20.22.93 


24.95 .96.97.28.31. 
S—20 jours. 


——— | S—i4 jours. 
Jours d k 13.8.24.95. 
SmlS A joùr. | 


136 jours. 


——————_—e, 


Ce en 


TABLEAU général des Observations météorologiques faites à l'Observatoire de Toulouse en 1854. 


ANNÉE 1854. HEURES.| JANVIER. FÉVRIER. MARS. JUIN. JUILLET. AOÛT. SEPTEMBRE. | OCTOBRE. | NOVEMBRE. 
9 matin a 544 751,871 744,947 747,308 8,8 745,797 742,600 749,942 746,9367 
Hauteurs moyennes du baro-\ midi... : 751,809 744,752 746,970 745,100 742,023 749,462 746,5132 
MÈUTE MÉITIQUE- «ess. 3hsoir. . 751,243 744,138 744,581 74,454 749,009 745,8702 
Ghsoir.. 751,506 744,151 745,086 TH ,878 749,445 TAGAATA 
Ju soir. 751,902 744,831 745,564 742,047 749,855 746,6514 
mere = ——— —— —— | ——— ps 
/ 9h matin 15,72 14,26 6,99 5,06 42,9325 
midi... 417,67 nee 9,72 6,73 45,9067 
Tempé "ae MOVNNts en StE0iNe 17,96 17, 9,53 7,09 46,5067 
tonne Eee _ 4 6hsoir.. ie 15,95 43,61 7,80 6,05 442083 
Es = ES ‘e 5,66 3,24 12,19 43,08 413,12 7,05 5,36 14,9650 
MATIN. « 0,59 6,90 18,79 19,28 18,63 10,48 7,55 17,2842 
Vninim 227 000 T4 8,97 9,77 3,51 3,25 78500 
ra 79% matin 93,27 84,21 79,73 88,66 92,05 95,23 83,038 
Indications moyennes de midi... 86,50 68,53 72,31 74,69 73,432 
; l'hygrométre. .....,.....€3hsoir., 82,15 58,61 70,26 69,95 68,866 
© Gh soir. . 87,61 61,61 74,61 78,58 73,953 
(9h soir. . 90,48 70,24 1 85,63 79,963 
= 1.4.8.0.41,13.25.20 2.16.20,21 23.28.28. [1.3 :8.9.40,41 9.1011.12,13/4.6.6 
30.94. 1.18.29.23 17.94.99 23,94 
2 7.928.929. 
Jours de pluie ...| S—10 jours. | S—9 jours. S—5 jours. S=7 jours. S—19 jours. 136 jours. 
ra EEE CE 3.92, 3.8.24.25. 5. 
Jours de brouillard...,,,.... 1 jours. » » S=—1 jour. » » » » S—2 jours. S—# jours. S—1 jour. 25 jours 
E 24.19,11.13.14,15.16.17]2.93 + 8.21.28 9.11.12.29.30.91. 
18.19.2024. 
Jours de gelée........ S— 14 jours. » » » » » » S=3 jours 32 jours. 
Jours de neige... » » » » » » »” 


‘jours. 11 jours. 


Jours de grêle ou de grésil.........,.. » » —1 jour. » » S—1 jour. 4 jours. 
. 1. 1.3 .3.16.27. 17.20 24.25.27,50.34 |1.13.14.18.90. . 
Jours d'éclairs..-..-.....6..e s.......| S—Ajour. » » { jour. S=—2 jours. S=—# jours. S=—7 jours. S—5 jours. 24 jours. 
1.10 18.31. 3.6.14. 110.14. , 
Jours de tonnerre... » » » S=3 jours. S=—3 jours. 20 jours. 
H| Jours d'aurores boréales. . sa secs » » » » » » » » » 
Quantité de pluie exprimée en millimèt. 230m,55 13m0m,78 3gmm, 95 23m 4() 4xum, 69 13900 10 {300,47 atom 63 5gmm 04 438mnm,29 
J 17.48:20:21.22.93.24/9,17,94.97.28 1. 1115.24, 2.16.17.19.20.22 23 1.2.9,7.8.20, 
2] L 
beau... =8 jours. S=—17 jours. | S—140 jours. | S—1 jour. S—# jours. S—16 jours. 109 jours. 
 rcrsousasali.: 3 AT MAE IDE .7.10.41.14.16. 
Jours où Je ciel a été géné-, LE BE ASUS 1 RE Er San CEE SEE ab ÉMERRE pat ; 
ralement....... Fur . : An ; : 
nuageux.| SA jours. | S—13 jours. | S—10 jours. | S==12 jours. | S—1? jours. | S—A0 jours. S=—1 jours, S=# jours. 5 jours. | S—7 jours 120 jours 
1.2,34041.1415.26/2.5.6.7.8.12216.20|20, 26.97, 40. 11.14.45,20.99.94.95/1.4.5,0.8.0.10.41.12/4.4.5 6,10.13.16 2.3.4.5.9.15.22,25. | 24. FL 
28.99.30. 31. 133. 26. 16.17.20.22,93.94 ).21.95.27 1 
27-29.51. 
couvert...| S=—12 jours. | S=—10 jours. | S=4 jours. S=S8 jours. S=—18 jours. | S—16 jours. | S—7 jours. S=8 jours. S—1 jour. S—11 jours. 136 jours. 
S et SSO.... 4 jours. 2 jours. * 2 jours. » 4 jour. » 4 jour. 1 jour. 3 jours. 2 jours. 16 jours. 
SU et OSO. 2 jours. » » » 3 jours. » » » 1 jour. 21OUrS: 6 jours. 18 jours. 
Jours oule ventaeu les\ 9 et ONO 6 jours, 40 jours. 5 jours. # jours. 9 jours. 9 jours. j 6 jours. ACjQUIE. 5 Pme Ë JOnTs 18 Jourss el AQU 
directions moyennes. | NO et NNO 2 jours. 13 jours. 44 jours. 7 jours. # jours. 42 jours. : 44 jours. 8 jours. # jours. 6 jours, G jours. JE jours. 
TA PAUSE Î » » 2 jours. 3 Jours. 4 jour, » 3 Jours, 2 jours. { jour. Des : Ée 12 jours. 
» » » » 4 jour. » 2 jours. 1 jour. » 1 jour. » 5 Jours. 
1 jour. » » » » » » » 4 jour. PES AE 4 2 jours. 
8 juurs. » 5 jours. 40 jours. # jours. 3 jours 5 jours. 5 jours. 13 jours. 9 jours. 2 jours. 1 jour. 65 jours. 
Jours où le vent a { variable... ... ee 8 jours. 3 jours. 8 jours. cm # jours. 9 jours. 5 jours. 2 jours 3 jours 7 jours. 6 jours. 2 jours. 62 jours. 
été généralement, Ccalme, nul ou faible. 16 Jours. 9 jours. 41 jours. 40 Jours. y jours. 45 jours 49 jours. 11 jours. 43 jours. 13 jours. # jours. 450 jours. 
Hauteurs moyennes du baromètre pour = : RS HAGVETS PIN = LIACE ; 
AS ELA boene 7#4,0482 751,6662 351,8006 745,3432 742,9168 744,5638 745,1446 746,7416 148,006? 745,213 745,000 746,81765 | 
_— ———— — = — _ ES 
Tempér. atures moy. pourles mois etpour 
(dé : e À ; NE L 190$ à 566 
l'année ( déd. des maxim.et des min. ). 5,927 3,448 8,626 13,416 14,424 47,727 20,934 20,468 19,837 44,198 12.566 
= = SR PONS Un PUR RE DE A RE PRET, 2 PP es || à ten QE 5 —“# 
Indicativns moyennes de l'hygromètre dà 
pour les mois et pour l INDÉB. seu. 88,002 80,106 68.650 67,872 75,678 73,102 69,304. 65,576 66 786 79.502 86,666 5.8500 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 137 


SUR DEUX POINTS FONDAMENTAUX 


DE LA MÉCANIQUE ANALYTIQUE ; 


Par M. L. BRASSINNE. 


Note sur la transformation des équations du mouvement 
d'un système. 


Dans le premier chapitre de son Cours complémentaire 
d'analyse et de mécanique rationnelle, M. le professeur Vieille, 
après avoir fait ressorur l'importance de la transformation 
que Lagrange fait subir aux équations du mouvement, dans 
la 4me section de la 2e partie de sa Mécanique analytique, 
ajoute : « L'analyse de Lagrange n’est pas complète, car 
» dans cette analyse Lagrange suppose que l'expression dif- 
» férentielle dx, en fonction des nouvelles variables 0, ©, Ÿ, 
» ne diffère de la variation correspondante dx, que par le 
» changement de d'en à. Or cela a lieu en effet lorsque la 
» fonction des variables 6, ©, Ÿ que x représente ne contient 
» pas le temps explicitement; mais il n’en est-plus ainsi, si 
» x est une fonction explicite de £, 0,6, Ÿ..r » 

Après ces remarques, M. Vieille reproduit la première 
démonstration de Lagrange, en ajoutant aux valeurs de dx, 
dy, dz, un terme relaüf au temps, terme qui disparait dans 
la suite du calcul. Mais il faut considérer que cette méthode 
parüculière est suivie, dans la Mécanique analytique, d’un 
procédé plus général, fondé sur la méthode des variations, 
qui s'applique sans difficulté au cas où les variables sont 

&° $. — TOME v. 10 


138 MÉMOIRES 
exprimées en fonction explicite du temps et des nouvelles 
variables; si en effet on a la relation : 
AO UT TE 
FO aa dr JE 1? a gr) 
il est clair que si on différentie le premier membre par rap- 
port à la caractéristique d relative au temps, on devra dans 
le second membre différentier le terme qui contient £ expli- 
citement. Mais si on différentie par rapport à la caractéris- 
tique à, rien n’empêchera de regarder £ comme constant ; si, 
par exemple, cette variation à exprime, comme dans la théorie 
des liquides, un changement dans les coordonnées x, y, z, 
qui fixent un point et qui deviennent les coordonnées d’un 
point voisin, ce changement pourra être exprimé par la va- 
ration simultanée de 6, ®, L...; le temps demeurant le même, 
les vitesses qui entrent dans les fonctions précédentes peu- 
vent être regardées comme des variables, dans la différen- 
tation par rapport à à. On voit au reste, dans la cinquième 
section de la Mécanique analytique , que Lagrange applique 
la caractéristique à un nombre arbitraire de variables ou 
de constantes, qu'il choisit dans les relations que fournis- 
sent les équations du mouvement. La transformation de la 
Ame section est donc générale, et lillustre géomètre le fait 
remarquer en ces termes : « Cette transformation aura éga- 
» lement lieu quand même, parmi les nouvelles variables, 1l 
» se trouverait le temps £, pourvu qu’on le regarde comme 
» constant, c’est-à-dire qu’on fasse d4— 0. 


Démonstration des équations d'équilibre d’un corps solide, dont 
les points sont déterminés par des coordonnées obliques , en 
faisant usage du principe des vitesses virtuelles. 


Dans la seconde section de la Mécanique analytique, on 
lit, page 11 : «Au reste, si nous avons déterminé les lieux 
» des corps par des coordonnées rectangles , c'est que cette 


Er e 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 139 
» manière a l'avantage de la simplicité, et de la facilité du 
» caleul ; mais ce n’est pas qu'on ne puisse en employer 
» d’autres, dans l’usage de la méthode précédente, car il est 
» clair que rien n’oblige dans cette méthode à se servir de 
» coordonnées rectangles, plutôt que d’autres lignes, ou 
» quantités relatives aux lieux des corps. » Et comme preuve 
de ce qu'il avance, Lagrange fait usage des coordonnées 
polaires. 

Enfin on lit, dans le dernier paragraphe de cette section, 
que si l’on fait dépendre les lignes p, g, r, d’autres 
lignes Ë, Ÿ, ©... la formule Pdp+Qdg+... se trans- 
formera en SA Ha .. en posant : 


sp +0 Hi 
ENCRES 
ni br 


M. Bertrand, qui a annoté, avec beaucoup de sagacité, la 
troisième édition de la Mécanique analytique, ajoute au pas- 
sage précédent : «Il faut, pour qu'il en soit ainsi, que les 
lignes £, ®, Ÿ soient de telle nature que leurs différentielles 
dE, do, d4 expriment les vitesses virtuelles des points d’ap- 
plication des forces £, y, ®... c’est-à-dire que chacune 
d’elles soit la projection orthogonale du déplacement des points 
sur la direction de la force. » Cette observation, qui est due 
à M. Poinsot , est développée dans une note étendue, annexée 
au premier volume , dans laquelle se trouve aussi le passage 
suivant : « On peut remarquer que les équations d'équilibre 
» d’un système solide ne sont démontrées, dans la Mécani- 
» que analytique, que par rapport à trois axes rectangulaires 
» entre eux, et pourtant j'ai fait voir dans ma Statique, que 
» des équations toutes semblables ont lieu par rapport à 
» trois axes obliques quelconques. Le principe des vitesses 


2 


% 


y 


140 MÉMOIRES 

» virtuelles n’est done pas, dans ce nouvel exemple, aussi gé- 
» néral que le principe de la composition des forces. . .» Et 
plus loin : «Si Lagrange avait essayé l'emploi des coordon- 
» nées non permises, 1l est évident que l'erreur du résultat 
» l'aurait averti du défaut de ses formules.» 

Il est bien certain que les passages de la Mécanique ana- 
lytique que nous avons cités, donnent lieu à une équivoque 
que la note du célèbre auteur de la théorie de couples fait 
disparaitre. Îl faut en effet que dans les diverses transforma- 
tions que l’on fait subir à la formule des vitesses virtuelles , 
l'expression analytique soit toujours la traduction du prin- 
cipe fondamental; mais 1l n’est pas certain que l’équivoque 
exist dans l'esprit de Lagrange, qui aurait pu, comme on 
va le démontrer, appliquer le principe qui sert de base à 
son admirable ouvrage au cas des coordonnées obliques, et 
prouver ainsi que sa généralité n’est pas moindre que celle 
du principe de la composition des forces. 

Supposons un corps solide libre sollicité par des forces 
P,Q,R... appliquées aux points »2, m’, m"...; au point 
m on pourra remplacer la force P par trois forces X, Y, Z 
parallèles à trois axes obliques, pourvu qu’on ait : 

PIp+Qdg+...=Xd x +\Viy+Zdiz+OQÙg+... 
d’où : PSp=XIx+Yiy+Zdz (1) 

Cette dernière relation suffit pour faire connaître X, Y,Z 
en fonction de P. Si en effet on donne au point #2 un dépla- 
cement virtuel e infiniment petit dont la direction fasse avec 
la force P un angle z et avec X, Y, Z des angles, &, 6, y: 
onaura:0p=ecosi, d x—ecosa, dy —ecosf, dz—ecos y. 
mais comme cos£ pourrait être exprimé au moyen des angles 
«, B, y et des angles donnés que fait la force P avec les axes 
obliques, la relation (4) qui deviendra : 

Pcosi.e—X cosa.e+ V cosB.e+Zcosy.e (2), 
renfermera trois indéterminées «, 8, y, puisque le déplace- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 141 
ment virtuel e est arbitraire, et donnera lieu à trois relations, 
qui feront connaître X, Y, Z: mais cette détermination sera 
plus simple , si on imprime successivement au point »2, trois 
mouvements virtuels suivant les directions des X,Y,2Z. Par 
ces trois hypothèses, et en appelant à, , v les trois angles 
que P fait avec les axes obliques, la formule (2) donnera 
les suivantes : 

Peosi=X+Ycos(x,y)+Zcos(x, 3) 
Peosu=Y+Xcos(y,x)+Zcos! 7, z 
P cosy =ZL4Xcos(z,x)ÆY cos(z, y) 
qui feront connaitre X, Y, Z. Si on transforme pareïllement 
les termes QŸg, RŸr. .…. la formule fondamentale de l’équi- 
libre , pourra s’écrire ainsi qu'il suit : 
EXD x+SYSy+s. 2.520. (3) 

Il nous sera actuellement très-aisé de trouver, au moyen du 
principe des vitesses virtuelles, les conditions d'équilibre d’un 
système de forces appliquées à des points d’un corps solide 
libre déterminés par des coordonnées parallèles à des axes 
obliques ox, 0.102: 

En effet, pour tout mouvement de translation du système, 
les déplacements virtuels de tous les points du corps seront 
égaux et parallèles. Si « est un de ces déplacements faisant, avec 
les axes, des angles «, 6, y,ilest clair QUE IVe De. 
désignant les coordonnées des points m7, m'... on aura : 

dx x = x"—,. +—ecosa, dy dy =... —ecos8, 
202... —e COS y. 
Par ces hypothèses la formule (5) deviendra : 
EX.cosa.eL> Y.cos B.e+2Z. cos y.e—0, 
qui, à cause des arbitraires æ, B,7y... donne : 
2 GE > =; 20; 

Pour trouver les conditions d'équilibre relatives à la 

rotation, concevons par l'axe 0z un plan 0 zu perpendicu- 


142 MÉMOIRES 

laire au plan de x y. Prolongeons jusqu’à ce plan o0z&, les 
forces X, Y, X’, V’... appliquées aux points 72, m',... 
et parallèles aux axes ox, oy. Supposons que les forces 
X, X’, X’. coupent le plan oz aux points À, A’, A”... 
et les forces Y, Y’, Y/... aux points B, B’, B”... De ces points 
menons jusqu'à l’axe des oz des parallèles AT, BI... 
A'T", B'T... au plan x y, situées dans le plan ozw; il est 
très-aisé de voir que si ce dernier plan, qu'on suppose lié 
au corps solide, à un petit mouvement de rotation autour 
des z, les déplacements virtuels des points d'application des 
forces seront proportionnels à AI, A'T, A’F"... BI, B'T, B'T"... 
et que les projections de ces déplacements sur les forces 
X,X’, X°... Y, Y’, V”.. seront proportionnels aux perpendi- 
culaires p, p', p”.… q, q', g”.… abaissées des points F, F’, 1”... 
sur leurs directions. Mais dans le déplacement virtuel du sys- 
tème, les points 72, rm',m/"... d'application des forces z, z’, 2”... 
décrivent des ares perpendiculaires à leur direction, dont les 
projections sur ces directions sont nulles. Par ces considéra- 
tions très-simples que nous ne faisons qu’indiquer, il est aisé 
de voir que la formule (5) des vitesses virtuelles devient : 
Xp—Yq+X'p—Y'q'+...=o. Des rotations autour des 
ox, oy donneraient deux formules semblables. 

On peut remarquer que les ares virtuels décrits par les 
points À, A’... B, B’... sont parallèles au plan x y, et que les 
lignes AT, BL... ne sont pas les rayons de ces arcs, mais sont 
à ces rayons dans le rapport de 1 : sin6, en appelant 6, l'angle 
que fait l'axe 0 avec les lignes AT, A’F'... Nous n'insistons 
pas davantage sur un sujet trop connu; il nous a sufli de 
montrer que des considérations très-simples permettent d’évi- 
ter les caleuls compliqués que l'application de la formule des 
vitesses virtuelles aux coordonnées obliques, paraissaient 
devoir exiger. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 143 


NOTE 


SUR LE VOEU DE JEPHTÉ; 


Par M. FLorEeNTIN DUCOS. 


Daxs l’ancienne Histoire des Juifs, à l’époque où ce peuple, 
longtemps nomade , était gouverné par des chefs auxquels on 
donna le titre de Juges, Jephté fut un général célèbre qui con- 
duisit ses armées à la victoire. Il vainquit les Ammonites, prit 
et saccagea soixante de leurs villes (1) et fit périr la plus grande 
partie de cette petite nation. L'histoire a donné une place parti- 
culière à ce général, moins peut-être à cause de ses victoires, 
qu'à cause du vœu téméraire et sacrilége qu’il crut devoir faire 
pour les obtenir, et dont les livres saints ont immortalisé le 
souvenir. Chacun sait que lorsqu'il marchait au combat, il 
fit le vœu, si Dieu lui accordait la victoire, d'immoler à 
Dieu le premier être qu’à son retour il rencontrerait sortant 
de sa maison de Maspha + V’otum vovit Domino, dicens : Si 
tradideris filios Ammon in manus meas, quicumque primus 
Juerit egressus de foribus domûs meæ, mihique occurrerit 
revertenti cum pace à filiis Ammon , eum holocaustum of- 
feram Domino. Tout le monde sait aussi que la fille de Jephté, 
voulant célébrer la victoire de son père, sortit de sa maison avec 
un cortége de tambours et de chœurs de jeunes filles , et qu’elle 
s'offrit la première à ses yeux. En la voyant, Jephté maudit sa 
victoire, déchira ses vêtements et s’écria : « Malheureuse fille , 
» tu m'as trahi, et tu t'es trahie toi-même ! car j'ai donné ma 
» parole au Seigneur, et je ne pourrai pas faire autrement : » 
Aperui enim os meum ad Dominum, et aliud facere non 


(1) Soixante d’après Philon ; la Vulgate réduit ce nombre à vingt. 


144 MÉMOIRES 

potero. Sa fille, modèle de la plus touchante abnégation, lui 
répondit : « Si votre bouche s’est ouverte au Seigneur, faites- 
» moi ce que vous lui avez promis ; je ne vous demande qu'une 
» grâce ; permettez- moi d'aller pendant deux mois , avec mes 
» amies , pleurer ma virginité sur les montagnes. » — Va ! lui 
répondit son père : Vade ! Et la fille de Jephté alla avec ses 
compagnes et ses amies, pendant deux mois, sur lesmontagnes 
pleurer sa virginité : Cum socts et sodalibus suis, flebat virgi- 
nilatem suam in monlibus. 

Après ce délai de grâce, que devint la fille de Jephté? fut-elle 
l'objet d’une immolation sanglante, ou bien n’y eut-il d'autre 
sacrifice que la consécration de sa virginité ? Fut-elle simplement 
consacrée à Dieu, et vouée à un éternel célibat? Ici, les inter- 
prètes ne sont pas d'accord. Le texte de la Bible n’a pas paru 
assez explicite à certains commentateurs, pour qu'ils aient cru 
pouvoir en induire la mort même de la fille de Jephté ; d’autres, 
au contraire, ont pensé y trouver la preuve d’un sacrilice 
sanglant. Voici, du reste, ce texte qui est assez court pour 
pouvoir être copié : Expletisque duobus mensibus , reversa 
est ad patrem suum , el fecit ei sicut voveral , que ignorabat 
virum. Exindè mos increbruit in Israel, et consuetudo 
servata est: ut post anni circulum conveniant in unum 
filiæ Israel, et plangant filiam Jephte Galaaditæ diebus 
quatuor. « Après les deux mois, elle revint trouver son père, 
» et il lui fit comme il avait voué à l'égard de sa fille qui ne 
» connaissait point d'homme ; de là vint la coutume qui s’est 
» toujours depuis observée en Israël , qu’à pareil anniversaire, 
» les filles d'Israël se réunissent pour pleurer la fille de Jephté 
» de Galaad pendant quatre jours. » 

Ce texte m'a toujours paru assez clair , pour qu’il soitdiflicile 
de ne pas en induire le sacrifice sanglant de la fille de Jephté. 
Le profond désespoir de ce malheureux père, la résignation de 
la victime, la prière qu’elle fait qu’il lui soit accordé deux mois 
pour pleurer sa virginité, tandis que, dans l'hypothèse d’une 
simple consécration à Dieu , elle aurait eu toute sa vie ; 
l'expression biblique, fecit ei sicul voverat , 1 LUI FIT COMME IL 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 145 


AVAIT VOuÉ ; enfin et surtout ce deuil public des filles d'Israël 
pendant quatre jours, coutume observée tous les ans pour 
célébrer ce douloureux anniversaire ; toutes ces circonstances me 
semblent autant de preuves irrécusables d’un véritable holo- 
causte accompli dans la personne de la fille de Jephté. Je 
remarque d’ailleurs que le mot Lolocauste se trouve en toutes 
lettres dans le vœu téméraire de Jephté, et la signification positive 
du mot holocauste est celle d’un sacrifice où l'on brélait la 
victime tout entière , après lui avoir ôté les entrailles. 

Malgré ces inductions puissantes, plusieurs écrivains ont 
prétendu que le vœu de Jephté n’impliquait qu'une consécration 
mystique, et qu'il n'avait eu d'autre exécution qu’une sorte de 
réclusion claustrale de sa fille. Ces écrivains, épouvantés d’un 
acte de barbarie aussi atroce, ont voulu réhabiliter l'honneur 
du peuple Juif; en cela ils ont cédé à un sentiment d'humanité 
qui les honore, mais qui, bien certainement, n'était pas en 
rapport avec les mœurs de la nation et de l'époque à laquelle 
ce fait se rattache. — Vatable n'hésite pas à embrasser cette 
opirion. Menochius est du même avis; le P. Berruyer, dans 
son histoire, je pourrais dire dans son roman du Peuple de 
Dieu , fait un long plaidoyer pour démontrer que la pensée de 
Jephté ne pouvait pas être d’immoler une victime humaine : 
« C'eût été, ditl, un crime proscrit par les lois de la nature et 
» par celles de Moïse : des victimes humaines n'étaient pas du 
gœut de Dieu, et le vœu d'en immoler une, eüt-elle été la 
plus vile de la nation, n’eùt pu être devant le Seigneur et 
aux yeux de tout Israël, qu'une abomination et un sacri- 
lége. » — Puis, il explique le désespoir de Jephté , la prière 
de sa fille pour pleurer sa virginité pendant deux mois, et le 
deuil anniversaire des filles d'Israël, en disant que la stérilité 
était chez les Juifs le plus grand déshonneur dont une femme 
püt être frappée, et que la haute position où les victoires de 
Jephté l'avaient élevé , faisait une calamité publique de 
l’accomplissement d’un vœu qui le privait de toute descendance. 

Toutefois les anciens Pères de l'Eglise, tels que Tertullien , 
saint Ambroise, saint Augustin, saint Jérôme, saint Chrysostôme 


MD er 


146 MÉMOIRES 

et plusieurs autres, ont pensé que le vœu de Jephté enfermait 
l'idée d’un holocauste, c’est-à-dire d’an sacrifice sanglant, et que 
c'était dans ce sens qu'ilavait reçu son exécution. Dans ce conflit 
d'opinions , il mesera permis de produire quelques observations 
qui me sont personnelles, et de les appuyer d'une autorité qui, 
à mon avis, devra faire cesser toute espèce de doute dans le sens 
de la solution que j'ai fait déjà pressentir. 

D'abord, il est certain que les sacrifices sanglants , loin d’être 
défendus , étaient prescrits par la loi de Moïse , du moins les 
sacrifices des animaux. Plusieurs textes du Lévitique défendent 
de manger le sang des victimes; « Dieu ordonne aux prêtres 
» de répandre le sang sur l'autel , autour de l'autel , au pied de 
» l'autel, parce que la vie de toute chair est dans le sang , et je 
» vous l'ai donné, dit le Seigneur , afin qu'il vous serve sur 
» l'autel pour l’expiation de vos âmes, etque l'ämesoit expiée par 
» le sang. » (Lévitique, ch. 17, ÿ. 6, 11.) Tel était le principe 
des sacrifices ; il fallait que l’âme fût expiée par le sang ; le sang 
répandu était nécessaire pour l'expiation des âmes. La vie 
était dans le sang : la vie venant de Dieu et appartenant à Dieu , 
le sang répandu autour de l'autel n’était qu'une restitution de 
la vie à son auteur. 

De l’immolation des animaux aux sacrifices humains la 
distance fut facilement franchie sous l'influence des mœurs 
féroces de ce peuple et d’une législation qui prodiguait la peine 
de mort. La mort était infligée par la loi de Moïse à tout homme, 
citoyen ou étranger, qui aurait mangé du sang des animaux 
immolés, ou égorgés autrement, parce qu'il se serait rendu 
coupable d’un larcin fait à la divinité, Les sacrifices humains 
étaient dans les usages et dans les mœurs des peuples de l'anti- 
quité. Sans parler des autelssanglants de l’inhospitalière Tauride 
et des offrandes à Moloch , on se rapelle le sacrifice d'Iphigénie, 
le vœu d’'Idoménée, si semblable à celui de Jephté, et, pour 
prendre un exemple chez les Hébreux eux-mêmes , le sacrifice 
commandé à Abraham. Ce fut aussi un sacrifice humain que 
Samuel accomplit, cent ans après Jephté, lorsqu'il immola 
Agag, roi des Amalécites, que Saül avait épargné. Il est 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 147 
impossible de ne pas reconnaître le caractère d’un holocauste 
dans ce meurtre exécuté de sang froid. Voici les termes de la 
Bible, traduction de Le Maistre de Sacy : « Alors Samuel dit : 
» Amenez-moi Agag , roi d'Amalec! On lui présenta Agag , qui 
» était fort gras et tout tremblant. Et Agag dit : Faut-il qu’une 
» mort amère me sépare ainsi de tout? — Samuel lui dit : 
» Comme votre épée a ravi les enfants à tant de mères; ainsi 
» votre mère parmi les femmes sera sans enfants. Et il le coupa 
» En MOTCEAUT , DEVANT LE SEIGNEUR, à Galgala. » Celte immo- 
lation ainsi faite par le Grand-prétre, ce corps coupé par 
morceaux sur l'autel du Seigneur, accusent évidemment un 
sacrifice humain ; le simple massacre d’un ennemi n'aurait pas 
nécessité cet appareil religieux. 

Il était donc tout à fait dans les mœurs de l’époque d'offrir à 
Dieu des victimes humaines , et l’on ne saurait révoquer en doute 
que lorsque Jephté fit son vœu, une immolation de cette 
nature était dans sa pensée. 

Partant de cette base, nous avons l'explication facile de ces 
mots de la Vulgate, fecit ei sicut voverat ,en parlant de ce que 
Jephté accomplit sur sa fille : #{ lui fit ainsi qu'il avait voué ; 
et tous les commentaires du monde, toutes les subtilités de 
l'interprétation ne peuvent dénaturer le sens de ce passage. 

Ceux qui prétendent que le vœu de Jephté n’impliquait que 
la consécration d’une perpétuelle virginité, traduisent ainsi : I 
accomplit ce qu'il avait voué à l'égard de sa fille, qui EN 
EFFET NE CONNUT POINT D'HOMME. Mais cette version dénature le 
sens du passage : la construction de la phrase est celle-ci ; sicut 
voverat, fecit ei queæ ionorabat virum ; «ainsi qu'il avait 
» voué, il fit à elle qui ne connaissait point d'homme » , c’est- 
à-dire qui était vierge. L'écrivain sacré a voulu évidemment 
exprimer l'état actuel de virginité de la fille de Jephté au 
moment du vœu, et non, comme on le lui fait dire, une 
obligation pour le reste de sa vie de conserver sa virginité. 

Mais il est une autre circonstance principale qui s’harmonise 
parfaitement avec l’immolation sanglante, et qui serait inex- 
plicable sans cette immolation ; c’est ce deuil anniversaire qui 


148 MÉMOIRES 
s'était perpétué chez ce peuple, cette réunion des filles d'Israël 
pour pleurer pendant quatre jours la fille de Jephté : Exindè 
mos increbruit in Isracl, ET CONSUETUDO SERVATA EST, ut 
post anni circulum conveniant in unum filiæ Israel, et 
plangant filiam Jephlie Galaaditæ diebus quatuor ; tels sont 
les termes de la Vulgate. Les mots e{ consuetudo servata est 
sontextrêmement précieux : comment croire à un deuil anniver- 
saire, à une coutume établie et conservée, si elle n'avait eu 
pour objet que la consécration à Dieu de la fille de Jephté? On 
aurait pu célébrer une fois cette sorte de sacrifice qui était grand 
chez les Hébreux; mais un deuil anniversaire, une coutume 
établie et conservée ne peuvent pas se concevoir pour une simple 
consécration de sa personne à Dieu, tandis qu'ils s'accordent 
très-bien avec l’immolation sanglante de cette jeune fille, qui, 
par le haut rang de son père, appelait à elle toutes les sympa- 
thies de la nation. 

lei le P. Berruyer redouble d'efforts pour démontrer que 
ce vœu de virginité perpétuelle méritait la solennité qui en 
consacra le souvenir; que chez un peuple où la fécondité des 
mères était le premier honneur de la femme, où une femme 
devait être appelée à enfanter le Sauveur du monde, le sacrifice 
de cette fécondité était au-dessus de tous les autres; que 
surtout chez la fille du premier citoyen de ce peuple, ce sacri- 
fice devait exciter des regrets universels, et répandre le deuil 
parmi toutes les jeunes filles d'Israël. I fait observer que le texte 
sacré ne dit pas que la fille de Jephté soit allée pendant deux 
mois pleurer la perte de sa vie, mais qu’elle alla sur les 
montagnes pleurer sa virginité; que c'était donc là la seule 
consécration que ce père imprudent eût offerte à Dieu. Le P. 
Berruyer ne fait pas attention, qu’en exaltant, comme il l’a fait, 
le sacrifice de la fécondité, il affaiblit singulièrement l’argu- 
ment qu'il veut tirer de la mention unique de la vérginité faite 
dans le texte sacré. C'est précisément parce que la fécondité 
était placée si haut chez les Hébreux, parce que ce don était à 
leurs yeux préférable à la vie, que la fille de Jephté demande 
deux mois pour pleurer, non pas son existence qu'elle sait 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 149 
devoir finir un jour, mais sa virginité, c’est-à-dire sa fécondité 
perdue, l'espoir d’être mère, auquel elle est obligée de renoncer. 

Examinons d’ailleurs quelle était, chez les Hébreux , d'après 
la loi de Moïse, la portée de cette consécration d’une personne 
à Dieu ; nous allons voir que cette consécration n'avait pas les 
conséquences que le Père Berruyer et avec lui les autres inter- 
prètes voudraient en tirer, pour expliquer ce deuil anniver- 
saire des filles d'Israël. 

La loi de Moïse autorisait la consécration à Dieu de l’homme 
et de la femme; les personnes ainsi consacrées se nommaient 
Nazaréens, du mot hébreu Nazir qui signifie séparé. On 
peut voir la forme et les effets de cette consécration qui sont 
décrits tout au long dans le chapitre VI du livre des Nompres. 
Cette séparation, ou consécration de l’homme, ou de la 
femme, n’était que temporaire; elle imposait une abstinence 
totale de tout produit, fruit ou liqueur, provenant de la vigne. 
« Pendant tout le temps de la séparation du Nazaréen, le rasoir 
» ne passera point sur sa tête, jusqu'à ce que les jours de sa 
» consécration au Seigneur soient accomplis. » Il sera saint, 
laissant croître les cheveux de sa tête; il lui est défendu 
d'assister aux funérailles même de son père, ou de sa mère, ou 
de son frère, ou de sa sœur, de peur d'être souillé, parce que 
la consécration de son Dieu est sur sa tête. S'il est souillé par la 
mort subite d’une personne survenue à ses côtés, des rites sont 
indiqués pour obtenir sa purification; lorsque les jours de sa 
consécration sont accomplis , le prêtre recoit les offrandes 
prescrites ; la chevelure du Nazaréen est rasée; elle est brûlée 
avec l'observation de certains rites; sa sanctification est 
parfaite ; il rentre dans la vie commune et il lui est permis de 
boire du vin. Voilà tout ce qu’établissait la loi de Moïse en fait 
de consécration des personnes à Dieu, et l’on ne trouve nulle 
part l'idée d'une consécration perpétuelle de la virginité. 

Ainsi, en supposant que le vœu de Jephté ne s’appliquât qu’à 
la virginité de sa fille, cette consécration n'aurait pas eu un 
caractère de perpétuité que la loi de Moïse ne semble pas auto- 
riser ; el, sous aucun rapport, l’accomplissement de ce vœu ne 


150 MÉMOIRES 


pourrait expliquer ce deuil observé tous les ans, pendant quatre 
jours, par les filles d'Israël, et dont la coutume , pour me servir 
de l'expression des livres saints, a été conservée. 

L'opinion de Dom Calmet, dont l'érudition biblique ne sau- 
rait être contestée, doit faire autorité en cette matière. Voici ce 
qu'on lit dans ses annotations, précisément à l'occasion du vœu 
de Jephté. — « On doit admettre une grande différence entre 
» les choses et les personnes vouées au Seigneur par un vœu 
» simple , lesquelles pouvaient se racheter; et les choses dé- 
» vouées et soumises à l’anathème , qui ne se rachetaient point 
» et qu'on faisait mourir sans miséricorde. Si Jephté eût fait 
» un simple vœu de donner sa fille au Seigneur, il n'aurait pas 
» manqué sans doute de la racheter, conformément à la loi qui 
» n’exigeait que dix sicles pour le rachat d’une fille depuis dix 
» jusqu’à vingt ans. Mais le vœu qu’il avait fait était d'une na- 
» ture toute différente ; c'était un dévouement, ou, comme dit 
» l'hébreu , cherem , un anathème; la chose dévouée ne pou- 
» vait être rachetée, mais était mise à mort , non redimetur, 
» sed morte morietur. (Levit. ch. 27, ÿ.29.) En vain quelques 
» interprètes veulent y apporter des limitations et des exceptions 
» que la loi ne connaît point. Le texte distingue clairement le 
» vœu simple de l’anathème ; dans l’un et dans l’autre, on 
» vouait des hommes, des animaux et des choses inanimées ; 
» dans le cas du simple vœu, les choses pouvaient se racheter, 
» mais non dans les dévouements. Voilà le sens le plus naturel 
» du texte. » (Dom Calmet, Mémoire sur le vœu de Jephté. ) 

Je crois qu’il résulte des observations qui précèdent que rien 
dans le texte de la Vulgate ne se prête à l'explication du vœu de 
Jephté dans le sens d’une simple consécration de la virginité de 
sa fille ; que les inductions invoquées par les partisans de cette 
opinion tombent une à une , en présence d’un examen attentif, 
et que tout , au contraire, amène à cette conclusion , que dans la 
pensée de Jephté son vœu était l'immolation d’une créature 
humaine sur l'autel du Seigneur, qu’il comptait y satisfaire en 
répandant un sang vulgaire , in anim vili, et que Dieu voulut 
le punir de son vœu sacrilége, en le forçant de l’accomplir sur 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 151 
la personne de sa malheureuse fille. Et qu'on ne pense pas que 
Jephté eût pu impunément se soustraire à l’accomplissement de 
son vœu. Îl existait dans la constitution judaïque une sorte de 
ministère public extrémement redoutable : c'était le Grand- 
Prêtre. Cette autorité , depuis l’établissement de Moïse , avait 
singulièrement grandi; d’abord soumise au pouvoir civil, 
plus tard, elle l'avait complétement envahi et abaissé. On 
peut voir ce que devint le pouvoir théocratique entre les 
mains de Samuel ; alors, il fit et défit les rois. Pendant 
quelque temps il fat tout, jusqu’au moment où, à son tour, 
il se vit abaissé par le pouvoir monarchique , contre lequel il 
lutta cependant , et qu’il renversa quelquefois , comme le prouve 
la conjuration du Grand-Prêtre Joïada contre la reine Athalie. 

Il est temps de quitter le champ des inductions et des inter- 
prétations, pour aborder une preuve plus directe. Nous avons 
le témoignage d’un historien juif qui devait connaître parfaite- 
ment toutes les particularités des événements de sa nation , et 
surtout celles d'un fait aussi saisissant que le meurtre d’une 
fille chérie , ordonné par son père victorieux et comme gage de 
sa victoire. Philon a écrit un livre sur les Antiquités bibliques, 
ainsi qu'il l'a intitulé; il y raconte avec détail l'histoire de 
Jephté : il a conservé le nom de sa fille qui s'appelait Seïla. 1] \: 
fait le récit de sa mort tragique; il parle du tombeau qui lui 
fut consacré et du deuil des filles d'Israël. Avant de mettre ce 
fragment sous vos yeux , il n’est pas inutile de vous rappeler ce 
qu'était Philon , quelle confiance cet auteur doit inspirer 
et quelle autorité ses écrits doivent obtenir. 

Philon , dont le nom a été conservé par les dictionnaires his- 
toriques , y est qualifié de très-célèbre écrivain juif du 1° siècle 
de l'ère chrétienne. Il naquit à Alexandrie: il était issu d’une 
famille illustre et sacerdotale. Il fut le chef de la députation que 
les Juifs d'Alexandrie envoyèrent à Caligula contre les Grecs $ 
habitants de la même ville, vers l'an quarante de Jésus-Christ. 
Cette députation n'aboutit pas, comme l'on dit aujourd'hui : 
Caligula lui donna audience, l’écouta , mais ne lui voulut rien 
accorder. Philon a écrit lui-même une relation curieuse de cette 


152 MÉMOIRES 


ambassade, sous le titre de Discours contre Flaccus. il nous 
reste de lui plusieurs autres ouvrages divisés en trois parties , 
dont la première raconte la création du monde, la seconde 
l'histoire sainte, et la troisième explique les lois et les coutumes 
des Juifs ; ils sont tous bien écrits en grec, et remplis de belles 
pensées morales et d’allégories. Philon s’y est tellement appliqué 
à suivre et à imiter le style et la doctrine de Platon, qu'il a été 
surnommé par quelques-uns le Platon juif. Tel est le juge- 
ment que la postérité a porté sur les écrits et sur la gravité de 
cet auteur , qui, sous tous ces rapports, doit commander à un 
haut degré notre confiance pour les faits qu’il a revêtus de son 
autorité. 

Voici le fragment de Philon ; je vous offre ma traduction 
francaise. Vous me pardonnerez quelques tournures de phrase 
et quelques locutions insolites que j'ai cru devoir employer, 
pour reproduire le plus fidèlement possible la couleur et la 
physionomie du texte, avec ces redondances qui sont familières 
au style oriental, et particulièrement au style biblique. 

«Et parce que le roi des enfants d'Ammon ne voulait pas 
exaucer la demande de Jephté, Jephté se leva, et il arma 
tout le peuple pour qu'il sortit, et se préparât au combat, 
disant : « Lorsque les enfants d’'Ammon auront été livrés 
» entre mes mains et que je serai de retour, celui qui le pre- 
» mier viendra au-devant de moi, sera pour le Seigneur en 
» holocauste.» Ici, tandis que le Père Berruyer suppose que 
le vœu de Jephté fut agréable à Dieu et accueilli par lui favo- 
rablement , Philon, au contraire, raconte que Dieu en fut très- 
offensé, et il le fait parler d’une façon assez originale. « EtDicu, 
continue-t-il, s’irrita d’une grande colère, et il dit: « Voilà que 
» Jephté a prié vers moi pour moffrir toute chose qui la pre- 
» mière viendrait au-devant de lui : et maintenant, si un chien 
» le premier va au-devant de Jephté, est-ce que ce chien me 
» serait offert ? Et maintenant que la prière de Jeplté 
» s’accomplisse sur son premier né! c’est-à-dire sur le fruit 
» de son ventre, et que sa demande retombe sur sa fille unique L 
» quant à mo; délivrant je délivrerai mon peuple, non 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 153 
» pour lui, mais pour la prière qu'Israël a price. » Et Jephté 
vint, et il défit les enfants d’Ammon, et le Scigneur les livra 
entre ses mains, et il dévasta soixante de leurs villes , et Jephté 
s’en retourna en paix. Et les femmes sortirent, allant au-devant 
de lui avec des chœurs. Et dans ces chœurs était sa fille unique, 
qui la première marcha au-devant de son père ; et Jephté la 
voyant, fut anéanti et il dit : € C'est avec juste raison, queton 
» nom a été appelé Seila , afin que tu fusses offerte en sa- 
» crifice. Et maintenant qui mettra mon cœur dans un bassin 
» de la balance , et mon âme dans FPautre, ct je m’arrêterai et 
» je verrai ce qui l'emporte du triomphe qui n'est décerné, ou 
» de la tristesse qui me frappe. Et parce que dans le chant de 
» mes vœux, j'ai ouvert ma bouche au Scigneur, je ne puis 
» pas le révoquer. » Seïla sa fille lui dit : « Etquel est celui qui 
» sera lriste de mourir, en voyant son peuple délivré? Est-ce 
» que vous avez oublié les choses qui ont été faites aux jours de 
» nos pères, lorsque le père lui-même offrait son fils en holo- 
» causle ? et celui-ci ne le contredit point, mais il se soumit 
» avec joie. Et celui qui était offert en sacrifice était prêt à obéir, 
» et celui qui l’offrait était joyeux. Et maintenant ne changez 
» pas l'objet de votre prière ; faites seulement pour moi une 
» demande : je vous demande, avant que je meure, une faveur 
» bien légère ; je supplie, avant de rendre mon âme, qu'il me 
» soit permis d'aller sur les montagnes; que je puisse errer sur 
» les collines et à travers les rochers, moi et mes compagnes 
» vierges, et que je répande mes larmes au milieu d'elles, et 
» que je leur confie les tristesses de mon jeune âge; et les arbres 
» des champs me pleureront, et les bêtes des forêts me plain- 
» dront ; car Je ne suis pas triste parce que je duis mourir, et 
» je ne me plains pas d’avoir à rendre mon âme, mais parce 
» que mon père s'est lié par sa prière ; et si je ne m'offre pas 
» de bon gré en sacrilice, je crains que ma mort ne soil pas 
» acceptable et de perdre en vain mon âme; je dirai ces 
» choses aux montagnes et puis je retournerai vers vous. » Et 
son père lui dit : « Va! » Et Seïla, fille de Jephté, partit 
avec les vierges ses compagnes ; et elle vint trouver les Sages 

&° S. — TOME Y. 11 


15% MÉMOIRES 
du peuple, et leur raconta son infortune (sans doute pour Îes 
interroger sur l'exécution du vœu de son père, ce qui est 
sous-entendu), et personne ne put répondre à sa demande. Et 
puis, elle vint sur la montagne de Stélac, et Dieu dans la 
nuit pensa à elle et il dit: «Voilà donc maintenant que j'ai 
» fermé la bouche aux sages de mon peuple dans cette géné- 
» ration, afin qu'ils ne pussent pas répondre à la fille de 
» Jephté sur sa demande, afin que ma parole fut accomplie, 
» et que mon dessein que j'avais pensé ne füt pas renversé ; et 
» j'ai vu qu'elle était plus sage que son père, et que cette vierge 
» était bien plus sensée que tous ceux qu'on appelle sages ; 
» maintenant son âme peut être offerte en sacrilice , et sa mort 
» sera à jamais précieuse à mes yeux. » Et lorsque la fille de 
Jephté fat venue sur la montagne de Stélac, elle se mit à 
pleurer. Et à, elle fit entendre une plainte , en se lamentant ; 
elle déplorait sa destinée, et elle dit : (Ici Philon met dans 
Ja bouche de Seïla une sorte de chant élégiaque, où l'on 
trouve des traits d’une sensibilité naïve, mais qui, en géné- 
ral, sentent un peu le rhéteur.) 

« Montagnes , écoutez ma plainte! collines, recevez les larmes 
» qui tombent de mes yeux! etvous, rochers, soyez les témoins 
» des gémissements de mon âme ! Qu'on n'accuse pas mes 
» regrets, et que le sacrifice de ma vie ne soit pas perdu ! que 
» mes paroles montent dans les cieux , que mes larmes soient 
» tracées sur le firmament, afin que le père ne s'oppose pas à 
» sa fille qu'il a dévouée au sacrifice, afin que le roi du ciel 
» écoute favorablement la fille unique promise en holocauste! 
» Je vais done mourir, et cependant je n’ai pas goûté les douceurs 
» du lit conjugal ; les fleurs tressées pour la jeune épouse n’ont 
» pas couronné ma tête; je n'aurai connu ni les parures nuptia- 
» les, ni les parfums, ni l'huile sainte destinée à l'épousée, et 
» qui fat préparée pour moi.Oma mère! c'est en vain que vous 
» avez enfanté votre fille unique ; ma couche nuptiale est une 
» tombe; je n’engendrerai que la terre! Qu'on y répande les 
» parfums qui m’avaient été préparés! La blanche tunique filée 
» par ma mère sera rongée par la teigne ; la couronne qu'a 


LE 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 155 
» tressée ma nourrice se flétrira, et les vers dévoreront les tapis 
» que coloraient la pourpre et l'hyacinthe, et qu'une main habile 
» avait tissus pour moi. Que les vierges mes compagnes s’as- 
» socient à mes douleurs, qu’elles racontent mes regrets, et que 
» pendant plusieurs jours elles pleurent sur moi! Arbres, in- 
» clinez vos rameaux et plaignez ma jeunesse! Accourez, hôtes 
» sauvages des forêts, et foulez cette terre qui va renfermer ma 
» virginité! Parce que mes années ontété tranchées et queles jours 
» accordés à ma vie se sont perdus dans les ténèbres de la mort. » 
« Ayant ainsi parlé, Seïla retourna vers son père, et il fit 
ainsi qu'il avait prié, car il offrit l’holocauste. Alors toutes 
les filles d'Israël se réunirent, et elles ensevelirent la fille de 
Jephté; et elles la pleurèrent; et les enfants d'Israël firent un 
grand deuil; et ils établirent que dans ce mois, et le quator- 
zième jour du mois, tous les ans, on se réunirait pour pleurer 
la fille de Jephté pendant quatre jours. Et l’on donna le nom de 
Seïla, qui était le sien, au lieu où fut phacé son tombeau. » 
Je pense qu'après la lecture de ce passage de Philon , il est 
impossible d'élever le moindre doute sur l’accomplissement 
sanglant du vœu de Jephté (1). 


(1) L’immolation de la fille de Jephté est aussi attestée par Josèphe. Cet 
historien rapporte qu’elle demanda deux mois pour pleurer sa jeunesse, se 
soumettant, après ce Lerme, à l’accomplissement entier du vœu de son père ; 
que celui-ci acquiesça à la demande de sa fille, et que, ce terme expiré, 
il l'avait immolée en holocauste ; qu’il avait ainsi fail un sacrifice qui n’élait 
ni légitime, ni agréable à Dieu, n'ayant pas réfléchi sur la portée de son 
vœu, et sur le jugement que l’opinion des hommes porterait de cet acte. 

Dom Calmet ne doute pas non plus de l’immolation sanglante de la fille 
de Jephté. Voici son opinion : «Tout ce qu’on avance de la prétendue con- 
» sécration de la fille de Jephté au célibat et à l’élat de virginité, nous 
» parait sans fondement. J1 n’y a pas un mot dans la loi qui favorise ce sen- 
» timent , et on ne peut apporter de preuves qui nous obligent de croire que 
» la fille de Jephté ne fut pas mise à mort. L’Ecriture ne dit-elle pas que 
» son père lui fit selon qu’il avail voué ? Or il avait promis d'offrir en 
» holocauste la première personne qui se présenterait à lui à son retour 
» dans sa maison. — Il ne nous est pas permis de deviner quelles furent les 
» cérémonies de ce sacrifice; mais il nous est encore moins permis de nier 
» une chose que l’Ecriture nous marque d’une manière aussi positive, qu’elle 
» semble faire ici, 4e sacrifice réel de la fille de Jephté. » ( Dom Calmet, 
Mémoire sur le vœu de Jephté.) 


456 MÉMOIRES 


En 


NOTE 


SUR DES RESTES DE CHEVAL ET DE CERF, DÉCOUVERTS 
A TOULOUSE ; 


Par le D: J.-B. NOULET. 


Daws une Mote sur les dépôts pléistocènes des vallées 
sous-pyrénéennes, publiée dans les Mémoires de l’Académie 
en 185% (1), je n'eus à citer qu'un petit nombre d’osse- 
ments fossiles propres à cette formation provenant du sol 
occupé par Toulouse. C’étaient, au reste, les premiers qui y 
étaient signalés. Ils consistaient en débris peu nombreux de 
cheval, retirés du lhem jaune, au quartier de Terre-Cabade. 
Depuis cette communication, un de mes amis, M. P., a dé- 
couvert et recueilli des restes de cerf et de cheval, qu'il a bien 
voulu mettre à ma disposition, dans le dépôt terreux d’allu- 
vion qui occupe l'espace compris entre le canal de Brienne, la 
rue des Amidonniers, et les bassins destinés à la clarification 
des eaux servant à alimenter le canal latéral à la Garonne (2). 

Le terrain dont il est ici question repose sur un lit de gra- 
vier grossier, placé lui-même sur des couches d'argile mar- 
neuse et de mollasse , appartenant à la formation miocène ; aussi 
existe-t-il à ce niveau une nappe d’eau souterraine qui a été 
utilisée pour l'établissement d'un lavoir public, le long du 
canal de fuite du moulin du Bazacle. L’alluvion terreuse du 
Ihem qui surmonte le gravier, est disposée par assises horizon- 
tales, et présente, prise dans son ensemble, une épaisseur de 


rt 


(1) Mémoires de l’Académie impériale des Sciences, Inscriptions et 
Belles-lettres de Toulouse , 4° série, om. 4, pag. 122. 

(2) En creusant l’aqueduc à siphon qui fait arriver les eaux clarifiées dans 
le canal latéral à la Garonne, on retira de la marne miocène nne branche 
de maxillaire inférieur appartenant à un Rhinocéros. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 157 
quatre à cinq mètres. Superficiellement elle est recouverte par 
par le sol cultivé, dans lequel on découvre des restes nombreux 
de l'industrie humaine, certains devant remonter à l’époque 
gallo-romaine (1). 

Ces restes caractérisant l'époque historique, manquent com- 
plétement dans toute l'épaisseur du terrain alluvien proprement 
dit ;en revanche, celui-ci contient en grand nombre des coquilles 
ayant appartenu à des mollusques testacés, actuellement vivants 
dans la contrée, des genres Æelix, Bulimus, Achatina, 
Pupa, Clausilia, Cyclostoma , etc. 

Les ossements d'animaux mammifères doivent y être fort 
rares: tout au moins n'ai-je pu connaître que ceux que je vais 
étudier dans cette note. Ils furent laissés en place à environ 
2 mètres au-dessus du sol actuel de la rue des Amidonniers, 
par les ouvriers qui, en 1848, ouvrirent, dans une profon- 
deur de plus de 3 mètres, ce terrain d’alluvion pour obtenir le 
redressement et le nivellement de cette rue, vers l'embouchure 
du canal du Midi. Ils consistent en débris indéterminables d’os 
des membres et en une portion de dague de bois de cerf, du 
côté droit, portant le dernier andouiller, et finissant un peu 
au-dessous de la place où se trouvait le second andouiller, qui 
en a été séparé; enfin, en une astragale du côté os d'un 
cheval adulte. 

Ces diverses pièces osseuses ont été peu modifiées dans le sol 
argilo-sableux qui les recélait, et elles n’offrent de particulier 
que leur peu de pesanteur, résultant de la disparition , au moins 
en grande partie, du moule gélatineux, ressemblant en cela à 
des os qui, pendant longtemps, auraient eu à supporter l’ac- 
tion des agents atmosphériques ; ce qui s'explique par le peu de 
profondeur qu'elles occupaient dans un sous-sol suffisamment 
meuble. 

La forme et les dimensions du fragment de dague nous le 


(1) En déblayant une portion de la rue des Amidonniers, on a mis à dé- 
couvert, en 1848, des débris de grandes amphores, pareilles à celles de 
Vieille-Toulouse et des Récollets. 


158 MÉMOIRES 
font rapporter , sans hésitation, au Cerf vivant ordinaire, le 
Cervus elaphus de Linné, et à un individu qui ne devait pas 
avoir dépassé l'âge de cinq à six ans. 

On sait que ce Cerf habite encore de nos jours les grandes 
forêts de l'Europe et de l'Asie, et que de nombreux ossements 
de cette espèce ont été retirés du diluvium, démontrant ainsi 
son antique origine. 

Malheureusement nous ne savons rien de l'existence de cet 
intéressant ruminant à l'état sauvage dans nos contrées , au- 
trement que pour avoir la certitude qu'il y vivait pendant l'é- 
poque pléistocène , puisque des dépôts, appartenant incontes- 
tablement à cette formation, dans les vallées sous-pyrénéennes, 
nous en ont fourni des restes (1); mais nous ignorons quand 
el comment il en a disparu. 

D'un autre côté, il est impossible de douter que le Cerf 
commun n’habitât nos contrées pendant la période gallo-ro- 
maine, sinon à l’état sauvage, tout au moins à l'état de domes- 
ticité ou de cette demi-culture dans laquelle on le tient encore 
de nos jours pour le faire servir aux plaisirs de la chasse, 
puisqu'on découvre si souvent ses débris mêlés à ceux de 
l'homme ou à des monuments qui caractérisent cette époque 
historique. Ce que nous venons de dire du Cerf est, de tout 
point, applicable au Cheval. Ainsi, il semble que je véritable 
criterium qui puisse servir à nous fixer sur l’âge des couches 
meubles et superficielles qui recèlent des os de ces animaux , se 
trouve dans la présence ou dans l'absence de restes humains 
ou de traces de l’industrie de l'homme dans ces dépôts. 

Or, en appliquant cette règle au nouveau gisement de Tou- 
louse, on ne peut se refuser de le rapporter aux dépôts pléisto- 
cènes , C'est-à-dire, à ceux qui auraient immédiatement précédé 
l'époque historique, en continuant la période géologique qui 
dure encore. 


(1) Jen possède entre autres de nettement caractérisés, provenant de la 
vallée du Lhers mort, découverts en face le village de Renneville ( Haute- 
Garonne ). 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 459 


DESCRIPTION 
DE 
L'UNIO ROUXII, 
ESPÈCE FOSSILE NOUVELLE , 
Retirée des incrustations cormues sous le nom de Bijoux de Gastres 


(terrain éocène supérieur ) ; 


Par le D' J.-B. NOULET. 


Ox a pendant longtemps connu dans les cabinets des 
curieux, sous le nom de Bijoux de Castres (1), des con- 
crétions que l’on rencontre dans des bancs de calcaire ou 
d'argile aux environs de cette ville, et dont les formes géné- 
rales rappelaient , croyait-on, assez fréquemment d’une facon 
grossière les attributs sexuels externes de l’homme et de la 
femme. C'est d’après ces fausses ressemblances qu'on les avait 
aussi nommées Priapolithes et Hystérolithes (2). En 1649, 


(1) Castres, chef-lieu d’arrondissement dans le département du Tarn. 

(2) On a appliqué ces deux dénominations à des incrustations de nature 
fort différente, provenant de diverses localités, ainsi qu’on le constate dans 
les Dictionnaires d’histoire naturelle. 

L’imaginalion avait fail reconnaitre dans ces pierres bien d’autres objets 
encore : «J’ay trouvé au mesme lieu, écrivait Pierre Borel, des pièces de 
» melon, escorce de citron, coquilles, os, amandes et rognons pétrifiez, 
» que ie garde dans mon cabinet parmy les autres merveilles que iy ai. » 

Les calcaires du Tarn sont souvent comme pétris de concrétions beaucoup 
plus petites que celles dont il vient d’être question, et que l’on désigne 
sous les noms de Pisolithes et d’Oolithes , pour signifier que par leur forme 
et leur volume ces corps représentent des pois et des œufs de poisson. 


150 MÉMOIRES 

l'érudit médecin castrais, Pierre Borel , disait de ces pro- 
ductions, en essayant d'expliquer leur formation d’après les 
idées du temps, qu'on les envoyait quérir de divers endroits 
du monde (1). 

Examinés avec attention , et sans se préoccuper uniquement 
de leur configuration très-variée, les Bijoux de Castres ne 
sont, pour le naturaliste, que de simples concrétions calcaires 
ou argilo-calcaires : le carbonate de chaux pur ou mêlé à de 
l'argile a été déposé autour de divers corps, de telle sorte que 
la matière incrustante, déposée à la surface de ceux-ci, a 
tendu de plus en plus à les déguiser, à mesure que les couches 
se multipliaient. Ainsi, un grain de sable, un rognon d'argile 
durcie, ou même diverses substances d’origine organique suf- 
fisamment résistantes, ont pu devenir le point de départ de la 
forme que la concrétion a définitivement acquise. Des tronçons 
de branche ou de rameau d'arbres ont donné lieu à des incrus- 
tations allongées et cylindriques ( Priapolithes), et comme la 
substance végétale à fini par disparaître, on trouve dans l’in- 
térieur de ces corps un vide où moule, dont les parois ont 
été souvent tapissées de spath calcaire. Enfin, certaines de 
ces pierres , ovales aplaties et dont l’une des faces est souvent 
déprimée ( Æystérolithes), ont eu parfois pour noyau une 
valve de coquille. 

Ce dernier fait, qui n'avait pas été encore signalé par ceux 
qui, même récemment , s'étaient occupés des Bijoux de 
Castres (2), donnera désormais à certaines de ces concrétions 


(1) Les antiquilez, raretez, plantes, minéraux et autres choses consi- 
dérables de la ville de Castres d’Albigeois, ete., comme aussi les choses 
rares de Maistre Pierre Borel, docteur en médecine , autheur de ce livre. 
In-8° , pag. 69 et suiv. 

(2) Dupuy, Notice sur les concrélions pierreuses, connues sous le nom 
de Priapolites et Hystérolites de Castres. Dans les Mémoires de l’Académie 
des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse , 2° série, tom. 4; 
1e partie, pag. 39. 

De Boucheporn , ingénieur des mines. Zxplicalion de la carte géologique 
du département du Tarn, in-8°, 1848, pag. 84 el suiv. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 161 
un intérêt qu’elles n'avaient point eu jusqu'à présent, puis- 
qu'elles sont appelées à fournir des éléments paléontologi- 
ques qui étaient restés ignorés. Déjà elles nous font connaître 
un habitant des eaux douces au sein desquelles furent dépo- 
sés les argiles et les calcaires du pays Castrais , à la fin 
de la période éocène , époque à laquelle il faut rapporter le 
terrain d’où dépendent ces dépôts, et qui, pour nous, ont 
leur représentants dans les couches à Palæotherium du bassin 
de Paris. 

J'ai dit ailleurs : «les couches qui , dans l'Aude , la Haute- 
Garonne , le Tarn , le Tarn-et-Garonne, le Lot et la Gironde, 
constituent l'étage de l’éocène que nous étudions en ce moment, 
offrent des caractères suflisants pour les faire distinguer des 
couches du miocène. C’est ainsi que, dans l'Aude, ces couches 
ont perdu sur différents points , postérieurement à leur délais- 
sement , la position horizontale qui est leur position normale, 
disloquées qu’elles ont été en même temps que la formation 
nummulitique sur laquelle elles reposent. À la suite de ce dé- 
rangement , les grès ou macignos du bassin de Carcassonne 
n'ont pas seulement formé, par leur déplacement, le relief 
des montagnes de la Malapère , mais ils ont accompagné, 
et sur une grande étendue, le terrain à nummulites jusqu'au 
sommet des Corbières. Aux limites de l'Aude , et touchant à 
la Haute-Garonne , on observe ces mêmes effets : les collines 
de Villeneuve-les-Comtal , du Mas-Saintes-Puelles , les alen- 
tours de Saint-Ferréol , offrent des bancs de calcaire , de 
gypse et de grès mollasse inclinés dans divers sens. Au delà 
de Sorèze, les couches de l'éocène ne semblent pas avoir été 
sensiblement dérangées ; aussi en s’éloignant de ce point, 
observe-t-on que les places de stratification ont conservé leur 
horizontalité. » 

« À ce caractère tiré de la dislocation des strates , si tranché 
dans une notable partie de l’Aude , ainsi qu'au pied de la 
Montagne-Noire dans le Tarn , il faut ajouter celui que four- 
nissent les fossiles particuliers à ce terrain : la Faune qui lui 
appartient est tout-à-fait distincte de celle de l'éocène infé- 


162 MÉMOIRES 
rieur , ainsi que de ceux du miocène , soil pour les animaux 
vertébrés , soit pour les coquilles (1). » 

La Faune malacologique du terrain éocène supérieur sous- 
pyrénéen nous avait antérieurement révélé , sans préjudice de 
nombreux mollusques terrestres, des espèces ayant véca dans 
les eaux douces , appartenant aux genres Limnée , Melanie , 
Mélanopside , Paludine , Valvée et Pisidie, toutes étran- 
gères à la nature vivante actuelle (2). Mais nous n'avions pu 
y constater d’une manière certaine la présence du genre Mu- 
dette (Unio), dont le terrain miocène nous avait fourni plu- 
sieurs types (3), quoique des concrétions aplaties, provenant 
de Puytalos, quartier près de Castres, renommé pour fournir 
abondamment de ces sortes de productions :#), nous eussent 
indiqué depuis longtemps des traces de coquilles bivalves dans 
leur intérieur , sans nous permettre toutefois d'arriver à les 
caractériser d’une manière suffisante. 

Ceïte bonne fortune, je l'ai due à la communication de quel- 
ques concrélions que me fit, en 185%, M. Léonce Roux du 
Carla. Ayant fait éclater l’une d’elles , j'eus la satisfaction , de 
mettre au jour une valve complète d'Unio. Depuis, M. Roux 
m'a adressé un bon nombre de ces pierres, dont quelques- 
unes si heureusement ouvertes , que j'ai pu restituer en entier 
la coquille tant à l'extérieur qu'à l’intérieur. J'ai donc obtenu 


Yi) Voy. Noulet, Mémoires sur les coquilles fossiles des terrains d’eau 
douce du sud-ouest de la France, 1854, in-8. Second Mémoire ; intro- 
duction, pag. 22. 

Dans ce travail , j’ai signalé le premier, aux environs de Castres, des 
restes des Palæotherium magnum et Palæotherium minus, Cuvier, ainsi 
que du Lophiodon Lautricense , Noucer. 


(2) Voy. Noulet, Mém. cit. 

(3) Voy. Noulet, Mémoire sur quelques coquilles fossiles découvertes 
dans la région aquilanique du bassin sous-pyrénéen. Dans les Mémoires 
de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse, 
3° série , Lom. 2, pag. 232, avec fig. 

Voy. aussi par le même , Mém. cil., pag. 119 et suiv. 

(4) « La seconde merveille du pais, est le Mont Puytalos, que nous pou- 
» vons appeler Mont des Priapolithes..…. » P. Borel, ouvrage cité, pag. 60. 


DE L'ACALÉMIE DES SCIENCES. 163 
déja le même résultat que n'avaient donné certaines géodes 
provenant du terrain miocène de la Haute-Garonne et du 
Gers , avec cette différence pourtant, tout à l'avantage des 
dernières épreuves, que la nature elle-même me fournissait 
cette fois, avec le test spathifié de la coquille , des empreintes 
de celles-ci , d’une exactitude irréprochable. 

C’est dans un banc d'argile de couleur rougeätre , situé sur 
la rive droite de l'Agoût , au lieu appelé Gourjade , à 1 kilo- 
mètre N.-E. de Castres, et à 2 mètres environ au-dessus ‘du 
niveau ordinaire des eaux de cette rivière , que M. Roux a 
découvert les concrétions qui nous occupent. Elles y sont com- 
munes ct mélées à la forme allongée. 

La Mulette qu’elles renferment nous paraissant nettement dis- 
tincte des espèces qui vivent actuellement en France où même 
en Europe , ainsi que des espèces fossiles que nous connaissons, 
nous la proposons sous la dénomination d'Unio Rouxir , qui 
rappelera , avec l'expression de notre gratitude personnelle , 
le nom du jeune et zélé naturaliste qui nous a généreusement 
mis à même d'en compléter l'étude. 


Mucerre DE Roux. — Uno Rouxit , NOULET. 


Coquille mince , allongée, déprimée ; les stries d’accrois- 
sement peu marquées, rapprochées et irrégulièrement dis- 
posées ; partie antérieure courte et arrondie, partie posté- 
rieure très-allongée , subanguleuse et sensiblement élargie ; 
crochets peu proéminents ; bord supérieur droit , l’inférieur 
presque droit ou sinueux ; charnière à dents cardinales , com- 
primées et légèrement denticulées ; impressions musculaires 
antérieures profondes , avec une fossette en haut et en arrière, 


les antérieures à peine apparentes, les palléales très-mar- 
quées. 


Longueur des plus grands individus , #1 millimètres. 
Largeur, 20 millimètres. 


Par sa forme générale, à part son épaisseur moindre, l'Unio 


16% MÉMOIRES 

Rouxii rappelle l'Ænodonte de Cordier, Anodon Cordicrii , 
Cu. D'Orsiexy, retirée de l'argile plastique du bassin de 
Paris (1) ; mais la taille plus petite de notre coquille et les 
caractères génériques tirés de la charnière , éloignent tout autre 
rapprochement. 

La découverte de cette nouvelle coquille-fossile dans le terrain 
éocène supérieur du département du Tarn, est donc venue con- 
firmer nos conclusions au sujet de la Faune de cet étage , que 
nous avions dit être distincte, soit pour les animaux vertébrés, 
soit pour les coquilles, de celle de l’éocène inférieure ou num- 
mulitique qui l'a précédée , et de celle de la formation miocène 
qui l'a suivie. 


(1) Ch. d’Orbigny, Description de deux espèces d’anodontes fossiles, ete., 
dans le Magasin zoologique de Guérin, année 1835. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 165 


HYGIÈNE ET SALUBRITÉ DES HABITATIONS; 


Par M. U. VITRY, Secrétaire perpétuel. 


La santé est l'unité qui fait valoir tous 
les zéros de la vie. 
FoNTENELLE. 


A toutes les époques , la science de l'hygiène et de la salu- 
brité a été l'une des moins pratiquées (1) et des moins popu- 
laires. En général, le peuple n'y croit pas et la dédaigne , et 
cependant la prospérité et le bien-être de l’homme sont soumis 
à l’influcnce directe de trois causes principales : l’ALIMENTATION , 
le VÈTEMENT , le LOGEMENT. 

Les classes laborieuses ne comprennent pas malheureusement 
toute l'importance de l’action qu’exercent ces trois causes sur le 
développement de la force et de la santé , qui sont les capitaux 
de l'ouvrier, et sans lesquels tout travail lui devient impossible. 


(1) Les rues des villes antiques étaient étroites et torlueuses , ainsi que le 
prouvent les restes de la voie sacrée à Rome et les rues de Pompéi ; on regar- 
dail même les rues larges comme moins salubres (Tacil. Ann. lib. xv, 43). 

Les maisons avaient jusqu’à onze étages. Auguste, pour prévenir les acci- 
dents provenant des tremblements de terre, en limita la hauteur à 30 pieds: 
Augusti lege non licebat (ædes suas) ixx pedibus altius tollere (Strabon 5). 
Trajan , par mesure d'économie , réduisit cette hauteur à 6o pieds (sextus 
Aurelius Victor in Trajano ); mais la salubrité n’entrait pour rien dans ces 
prescriptions; ses principes les plus élémentaires étaient tellement ignorés, 
que les édits publiés par les édiles ordonnaient, pour s’opposer à la propa- 
gation des incendies, de laisser de petites ruelles de 12 pieds de largeur seu- 
lement entre sa maison et celle du voisin { Code Justinien, liv. vit, titre x, 
de cædificiis privatis, loi 12,62). 

Les art. 661 el 663 de notre code civil répondent bien mieux aux exigen- 
ces de la salubrité en permettant d'acquérir la mitoyenneté sur les murs de 
la maison du voisin. 


166 MÉMOIRES 


Néanmoins , il faut le reconnaître , jamais on ne s'était 
occupé aussi sérieusement que de nos jours de ces questions 
éminemment morales et politiques. 

Les immenses travaux publics entrepris et exécutés depuis 
une trentaine d'années, avaient été principalement conçus 
dans le but charitable de faire refluer de la main des capitalistes 
dans celle des travailleurs le numéraire, dont la subdivision par 
le salaire a procuré de nouvelles et abondantes ressources. 
Toutes les fois que ce salaire a été employé avec sagesse et éco- 
nomie, ou qu'il n’a pas été gaspillé dans de déplorables débau- 
ches , il a chassé la misère et a fait éciore une aisance inconnue 
dans le modeste foyer de plus d’un travailleur. 

Les encouragements donnés à l'introduction et à la propa- 
gation des nouvelles substances alimentaires , l'abaissement 
successif des droits de douane sur les céréales, sur les bestiaux 
et sur les matières animales ou textiles , témoignent des efforts 
entrepris en faveur de tout ce qui concerne le vétement ou l’ali- 
mentation , et lorsqu'on se reporte par la pensée à ce qui exis- 
tait, il y a seulement vingt-cinq ou trente ans , on ne saurait 
contester les grandes améliorations qui ont été déjà réalisées. 

Quant aux logements , si quelques progrès ont été accom- 
plis, cen’est, en général , que dans ceux de la classe moyenne ; 
car les habitations des classes inférieures sont demeurées dans 
de déplorables conditions de convenance et d'hygiène. 

Une considération grave , le respect de la propriété , cette 
base de tout édifice social, a longtemps paralysé les essais tentés 
dans cette voie. 

Des enquêtes ordonnées en France et dans les pays étrangers 
ont signalé dans diverses circonstances les faits les plus affreux, 
les conséquences les plus funestes , et l’on a senti généralement 
l’impérieuse nécessité d’une mesure législative, qui püt donner à 
l'administration la faculté d'employer des mesures répressives 
pour faire cesser un état de choses si peu en harmonie avec le 
degré de civilisation et l’état d'égalité des citoyens auxquels la 
France surtout est arrivée. 

Cette évocation de l’un des symboles de la société actuelle , 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 167 
l'égalité des citoyens , paraîtra peut-être hasardée alors qu'il 
s'agit d'une simple question de salubrité ; mais en y réfléchis- 
sant, on reconnaît bientôt l'influence qu'exerce l'habitation sur 
le développement des libertés publiques. 

Ainsi , dans le moyen âge , alors que la force et la puissance 
de la nation résidaient exclusivement dans la noblesse , le sei- 
gneur et ses hommes d'armes habitaient le château ou le donjon, 
placés toujours sur le point culminant de la contrée ; dans cette 
position imposée par des considérations toutes guerrières , la 
partie militante de la population {rouvait constamment l'air pur 
et la lumière si nécessaires à l'entretien de la force et de la 
santé, tandis que le serf et la plèbe, parqués dans les bas-fonds, 
entassés entre les murailles de la première enceinte , se voyaient 
forcés de se disputer l'espace et de presser les unes contre les 
autres leurs misérables cabanes. De là , ces ruelles sombres , 
étroites , malsaines , que l’on retrouve dans toutes les an- 
ciennes villes ; cette population s’étiolait et s’affaiblissait au 
physique comme au moral , et se courbait avec facilité sous le 
joug de la servitude féodale. 

Plus tard , lorsque la bourgeoisie eut acquis, par le travail 
et la richesse qui en est la conséquence , une importance d’où 
naquirent les libertés municipales, elle voulut améliorer les ha- 
bitations; maisles fortifications indispensables pour défendre ces 
mêmes libertés ne lui permettant point de s'étendre en surface , 
ce fut en hauteur , ce fut vers le ciel qu’elle alla chercher l'air 
et la liberté ; de là, ces tourelles, ces minarets, ces belvédères 
ou bastides, pour employer une expression locale, qui surgirent 
dans les villes franches , et qui devinrent, selon M. Thierry (1), 
l'un des attributs de l'émancipation communale. 

Ces aperçus, qu'il serait facile d'étendre, suffisent pour faire 
entrevoir le lien qui rattache cette question de l'habitation aux 
plus hautes questions sociales. 

En présence des preuves que les enquêtes ont fournies, sur les 
ravages causés parmi les populations ouvrières , par l’insalu- 


(1) Lettres sur l’histoire de France, par M. Augustin Thierry. 


168 MÉMOIRES 

brité des logements , les ministres de la religion , les médecins, 
les économistes et l'administration elle-même , demandèrent à 
grands cris des mesures contre les conséquences funestes d'un 
tel état de choses. 

En Angleterre, il se forma, pour l'amélioration des logements, 
une vaste association sous le patronage du prince Albert, époux 
de la reine Victoria. 

Cette société a créé ce que l’on a appelé des Cités ouvrières , 
dans lesquelles les familles peu aisées trouvent, moyennant une 
contribution modérée , l'habitation , le chauffage , l’eau , le la- 
voir , le séchoir, etc. Là chaque famille et chaque membre de 
la famille occupe une portion de bâtiment séparée. J'ai visité 
avec l’un de nos confrères, quelques-unes de ces maisons ; elles 
présentent d’neureuses dispositions ; mais , en général , les 
chambres ont des dimensions trop exiguës par suite de la néces- 
sité de séparer les divers ménages et même les deux sexes de 
chaque famille. 

Les mœurs anglaises se prêtent, du reste , assez bien à cet 
isolement dans la vie en commun, mais en France l'esprit de 
sociabilité et de familiarité, on peut même ajouter de curiosité 
et d’indiscrétion , opposera de grands obstacles à la complète 
réussite de semblables établissements, qui pourraient peut-être 
même offrir de très-graves dangers sous le rapport des mœurs 
populaires déjà si compromises. 

D'ailleurs , la création des cités ouvrières n’est, en quelque 
sorte, qu'une espèce de prime d'encouragement offerte aux tra- 
vailleurs qui comprennent l'importance d’une bonne habitation ; 
mais celle création n’a point et ne peut avoir pour résultat 
immédiat la disparition de ces affreux bouges, de ces maisons 
maudites où viennent végéter et mourir les malheureux qu'y 
entraine la modicité du loyer. 

Pour attaquer de front un semblable fléau , protégé par l'in- 
violabilité de la propriété privée , il a fallu cette loi réclamée 
par tous et promulguée, enfin , le 22 avril 1850 (1). 


(1) Loi relative à l’assainissement des logements insalubres. 


7 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 169 


’ 

Mais, au milieu des événements politiques de cette époque, 
son application n’a pas pu être immédiate ; il était nécessaire 
d’ailleurs d'en préparer les moyens d'exécution. 

Des circulaires et des instructions ont été pabliées par Je 
Gouvernement , qui a de plus fait traduire de l’anglais et dis- 
tribuer aux administrations préfectorales, l'ouvrage remarquable 
de M. Henri Roberts, sur les habitations des classes ouvrières. 

Diverses sociétés savantes ont aussi publié d’intéressants do- 
cuments sur celte question (1). 

Enfin, les Conseils d'hygiène et de salubrité établis dans tous 
les départements , en vertu du décret du 18 décembre 1848 , 
ont été chargés de préparer , chacun selon les exigences des 
localités, des instructions particulières pour faciliter et réaliser, 
au moins en partie, les améliorations que l’on attend de la 
nouvelle loi. 

Le Conseil de salubrité de la Haute-Garonne a délégué ce 
mandat à une commission (2) dont j ai été nommé rapporteur. 

L'une des conditions principales du travail qui nous était 
confié, consistait à le condenser dans des proportions assez res- 
treintes , tout en rendant néanmoins les préceptes aussi clairs , 
aussi évidents que possible. Dès lors , il devenait convenable 
d’écarter toute discussion et tout développement trop étendus, 
en adoptant généralement dans la rédaction la forme aphoris- 
tique et dogmatique. 

Du reste , le rapport a été approuvé à l'unanimité par la 
Commission et par le Conseil central d'hygiène et de salubrité, 
dans sa séance du 25 août 1854; mais, en présence des ques- 
tions importantes qui s’y rattachent, je crois devoir le sou- 
mettre aussi à l’appréciation de l’Académie. 


(1) Parmi ces publications, on remarque surtout celle faite par la Société 
centrale des architectes, sous le titre de Rapport sur les moyens propres à 
assurer l'assainissement des habitations insalubres. Nous avons fait de 
nombreux emprunts à ce remarquable travail, fruit des études d’une com- 
mission dont M. Adolphe Lance était le rapporteur. 


(2) Cette commission se composait de MM. Filhol , Delpon , Desbarreaux- 
Bernard , Cany, et Vitry, rapporteur, 


4° S. — TOME Y. 12 


170 MÉMOIRES 


: 


INSTRUCTIONS SUR L'ANSAININSEMENT DES LOGEMENTS EXSALUBRES. 


PREMIÈRE PARTIE. 


MESURES GÉNÉRALES ET PUBLIQUES. 


Hauteur des Maisons, percement de nouvelles Rues, Squares. 


Le but que doivent s’efforcer d'atteindre les magistrats mu- 
nicipaux , est de favoriser l'extension des maisons sur de grandes 
surfaces, et de ne point accumuler sur un point les agglomé- 
rations d'habitants. 

Pour arriver à ce résultat, il faut nécessairement : 

1° Exiger que la hauteur des maisons en bordure ne dépasse 
jamais la largeur des rues ; c’est la base généralement adoptée 
aujourd bui ; 

2° Elargir les rues anciennes, et surtout en ouvrir de nouvel- 
les dans les parties centrales des villes , et dans la direction des 
vents généralement régnants, excepté dans la région de l'Ouest ; 

3° Multiplicr les places ct les carrefours ; 

4° Créer des squares et des jardins publics à l’intérieur des 
villes, car les plantations d'arbres et d’arbustes sont un puissant 
moyen d'assainissement par l'absorption de l’excès d'acide 
carbonique. 

Tous les plans d’alignements des villes et des bourgs doivent 
être modifiés dans ce sens. 


Rueïlles. 


La circulation des chevaux et des voitures sera formellement 
interdite dans les ruelles au-dessous de 2 mètres 50 de largeur, 
afin d'éviter les dépôts de crottin et d’urine. 

Les bordures de trottoirs placées à l'entrée de ces rues , per- 
mettraient d'atteindre facilement ce but. 


Voies. 


Pavage.— Le sol des voies publiques doit être rendu, autant 
que possible, imperméable par une bonne chaussée, et celui des 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 171 
gondoles par un pavé établi sur béton ; à cet effet, on bétonnera 
toutes les gondoles existantes dans les villes, bourgs et villages. 

Dans les rues étroites dont on supprime le ruisseau central 
pour Îles mettre en chaussée , les gondoles doivent être 
à 0,50 centimètres au moins du pied du mur des maisons , le 
long desquelles un massif de béton de 0,80 au moins de lar- 
geur, et de 6,30 de profondeur est indispensable pour éviter 
les effets de l'infiltration et de la capillarité. 

Pente des ruisseaux. — La pente des ruisseaux ne sera pas 
au-dessous de 5 millimètres par mètre, pour éviter les eaux 
stagnantes et assurer l'écoulement des liquides putrides. 


Trottoirs. — Il est essentiel de développer l'établissement des 
trottoirs dans toutes les rues, conformément à la loi de 1845, 
non-seulement dans le but de faciliter la circulation des piétons, 
mais aussi pour éloigner les eaux du pied des façades des 
maisons. 


Stillicide, chenaur, tuyaux de descente. — Dans l'intérêt 
d’une bonne ventilation , la saillie des suillicides des toitures 
ne doit pas dépasser 0,50 centimètres, en avant du parement 
des murs de face. 

Ces stillicides doivent être garnis de chenaux et de tuyaux 
de descente en zinc ou en fonte ou en fer-blanc peint à l'huile, 
conduisant les eaux pluviales dans les ruisseaux , afin d'éviter 
l'humidité occasionnée par les gouttières et le rejaillissement des 
eaux sur les parties inférieures des murs de face. 


Distributions d’eau. 


Les Administrations des villes, bourgs et villages, ne sau- 
raient trop activement s'occuper des moyens d'assurer ou de 
compléter les distributions d'eau potable. 

Ces distributions doivent être calculées à raison de 60 litres 
au moins par habitant et par jour. 

Le prix de l’hectolitre par an et par jour peut être compris 
entre 2 et 5 francs pour les concessions particulières, dont il 
importe surtout de favoriser le développement , en réduisant les 


172 MÉMOIRES 
fontaines monumentales , qui ne devraient dépenser que le sa- 
perflu de l'eau de distribution. 

Les tuyaux de conduite placés dans les rues porteront 
toujours, à chaque 100 mètres, des ajustages s’élevant jus- 
qu'au niveau du sol, et sur lesquels viendront se visser des 
luyaux en cuir ou en toile, terminés par un bec conique ou 
par une pomme d’arrosoir servant, soit à éteindre les incen- 
dies , soit à arroser la voie publique. 

Dans la plupart des cas, l'écoulement des bornes-fontaines par 
des jets intermittents peut remplacer avantageusement l’écou- 
lement continu qui ne produit qu’un lavage insuffisant, tout 
en entretenant dans les rues une humidité nuisible à la santé 
publique. 

Lavage et Balayage. 


Dans toutes les agglomérations d'habitations où il est possible 
d’avoir de l’eau claire , le lavage des rues doit être fait dans les 
premières heures de la matinée, et le soir, une heure avant le 
coucher du soleil, mais jamais pendant les heures de la grande 
chaleur. 

Il doit être fait aussi à grande eau, et non par le simple 
écoulement des fontaines ni par petites quantités. 

L'arrosage par les eaux du ruisseau ne peut, dans aucun cas, 
être toléré ; l’eau claire est la seule qui puisse être employée. 

Le balayage du milieu des rues en chaussée doit être rigou- 
reusement imposé aux riverains; les heures les plus convena- 
bles pour l’effectuer , sont de 7 à 9 heures du matin en hiver , 
et de 5 à 8 heures en été. 

L’arrosage du sol des marchés aux herbes et aux légumes, 
ne peut jamais être fait pendant la chaleur; ces marchés de- 
vraient être toujours couverts , afin d'éviter la fermentation des 
débris des matières organiques. 


Egouts. 


IL est démontré aujourd'hui que l’assainissement des villes et 
bourgs ne peut être obtenu que par la construction d’égouts 
sous les voies publiques , afin d'assurer l'évacuation souterraine 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 173 
de toutes les eaux ménagères qui s'écoulent actuellement à dé- 
couvert. 

Lés particuliers doivent être appelés à contribuer aux frais 
de construction des égouts qui passent devant leurs propriétés , 
et à établir des embranchements directs communiquant avec les 
tuyaux de descente des toitures et des éviers. 

Il est essentiel en outre que les caux des fontaines publiques 
et de lavage des rues soient amenées dans tous les égouts en 


grande abondance, de manière à pouvoir faire chasse à un 
instant donné. 


Latrines publiques et Urinoirs. 


Des latrines et des urinoirs publics sont d’une indispensable 
nécessité aux abords des promenades , des établissements et des 
monuments publics. 

Les latrines publiques doivent être munies de tinettes mo- 
biles dont l'enlèvement s'effectuera toutes les nuits, afin de sup- 
primer les fosses permanentes qui vicient l'air. 

Les urinoirs seront accompagnés d’un petit filet d’eau lavant 
la cuvette, qui sera mise en communication directe avec les 
égouts toutes les fois que cette disposition sera praticable. 

La morale et la salubrité exigent impérieusement que des 
mesures sévères et une surveillance active empêchent d’uriner 
et de déposer des excréments sur tous les autres points de la 
voie publique. 

Les restaurateurs, cafetiers, marchands de vins, peuvent 
être forcés de placer dans l’intérieur de leurs établissements des 
cabinets d’aisances et des urinoirs convenablement disposés et 
lavés. L'autorisation d'ouvrir ces établissemnnts ne devra être 


donnée que lorsque ces dispositions auront été préalablement 
exécutées (1). 


————_—_—_——— 


(1) Les urinoirs et les latrines publiques ainsi que ceux des établissements 
publics doivent être lavés deux fois par Jour avec de l’eau dans laquelle on 


a préalablement fait dissoudre 30 grammes de sulfate de fer (couperose) 
pour chaque litre d’eau, 


(Tu MEMOIRES 


ELavoirs et Séchoirs. 


Une des principales causes d’insalubrité dans les viMes et 
bourss est l'absence des lavoirs publics, accompagnés de sé- 
choirs munis de bouches de chaleur, pour faire sécher le linge 
en toute saison. 

Ce serait donc un immense bienfait que la création, dans 
chaque agglomération d'habitations, de lavoirs publics com- 
binés avec des établissements de bains publics, si éminemment 
utiles eux-mêmes à l'hygiène (1). 


Curages. 


Le curage des égouts, des pièces d’eau, des viviers et des 
étangs, ne doit pas être fait dans la saison des fortes chaleurs. 


Mares et Eaux stagnantes. 


Dans plusieurs villes secondaires du département, les fossés 
des anciens remparts servent généralement aujourd'hui d’a- 
breuvoir pour les bestiaux. 

Ces réservoirs d'eau, presque toujours croupissante, sont 
une cause considérable d’iasalubrité; ils doivent être sup- 
primés. 

Dans les localités où l'absence absolue d’eau courante de 
source ou de puits rend ces provisions indispensables , ils de- 
vraient être établis sous les vents régnant habituellement et à 
un kilomètre des habitations. 


Conduites de Gaz. 


L'expérience prouve chaque jour que, dans les villes où existe 
l'éclairage au gaz, le sol est infecté par les fuites que présen- 
tent généralement les tuyaux de conduite. Outre les pertes im- 
portantes qui en résultent pour les compagnies et les chances 
d’explosion , il y a là une cause considérable d’insalubrité qui 


(1) Au moyen de la combinaison des bains et des séchoirs , le prix de cha- 
que bain, calculé à 390 litres, compris le lavage, peut être établi à 15 ou 20 
centimes , selon les localités et le voisinage du combustible, 


DE L'ALADÉMIE DES SCIENCES. 175 
pourrai être combattue en exigeant l'établissement des con- 
duites dans un massif de béton. 


Fumiers et Immondices. 


Dans les villes et bourgs, il arrive trop souvent que les fu- 
miers demeurent entassés plusieurs jours dans les cours , soit 
wuème le long des rues secondaires. 

Des arrêtés doivent interdire formellement ces dépôts et pres- 
crire l'enlèvement de tous les débris généralement quelcon- 
ques dans vingt-quatre heures; à cet effet, les fosses à fumier 
seront interdites. 

Les dépôts, même momentanés, d'immondices et de dé- 
bris de ménage sur la voie publique ne sauraient être tolérés. 

Des mesures de police doivent prescrire de recueiilir ces 
objets dans des caisses ou coffres construits sur un modèle 
obligatoire, et qui seraient déposés devant les maisons à des 
heures déterminées. 

L'’enlèvement des immondices ne peut être fait que dans des 
voitures closes, très-basses et à quatre roues, conformes au 
modèle qui serait également imposé par l'autorité (1). 


Animaux morts. 


L'inhumation des animaux morts de maladie et des débris 
des animaux égorgés , doit être imposée el sûrement surveillée. 


Débris. 


Défense sera faite de déposer sur la voie publique des villes, 
bourgs et villages , les bouteilles cassées , les morceaux de verre, 
de poterie, de faïence, et autres objets pouvant déterminer des 
accidents d'autant plus fréquents, que les villageois, surtout, 
marchent presque toujours sans chaussure. 


(1) 1 serait utile de provoquer par des primes l'établissement de trémies 
verticales communiquant aux appartements des divers élages, trémies dans 
lesquelles seraient versées, comme en Angleterre eten Belgique, les immon- 
dices qui viendraient se réunir au rez-chaussée dans un coffre commun et 
mobile, au moyen duquel on les porterait dans les chariots d'enlèvement. 


176 MÉMOIRES 


Rouissage. 


Le rouissage du lin et du chanvre ne peut être permis , sous 
aucun prétexte, que dans les eaux courantes , à 500 mètres des 
habitations , et au-dessous des vents régnants. 


Cimetières. 


Les cimetières ne seront placés qu'à 100 mètres au moins 
des habitations, et sous la direction des vents régnants babi- 
tuellement dans la contrée ; le sol meuble doit avoir au 
moins 2 mètres de profondeur, et se trouver à l'abri des eaux 
d'inondation et de filtration : dans les localités où la nature du 
sol ne permet pas d’avoir cette profondeur, il est indispen- 
sable de l'obtenir , soit par des comblements , soit par l’asséche- 
ment, au moyen de travaux de drainage , avec des tuyaux 
de poterie ou avec des tranchées remplies de cailloux. Tous 
les cimetières qui ne sont point aujourd'hui dans ces condi- 
tions indispensables, seront immédiatement interdits et rem- 
placés. 

Les caveaux construits dans les cimetières , doivent être her- 
métiquement fermés et scellés, de manière à empêcher toute 
exhalaison. Il est à désirer que l’inhumation dans ces caveaux 
ne soit permise que dans des cercueils doublés à l’intérieur avec 
des lames de plomb soigneusement soudées. 


Ecoles et Salles d’asile. 


Les écoles et les salles d'asile de l'enfance exigent une atten- 
tion toute particulière sous le rapport de la salubrité ; il est des 
conditions indispensables qui doivent être imposées , savoir : 


1° La surface horizontale des salles ne peut pas être au-dessous 
de 0,80 carrés pour chaque enfant ; 
2° La hauteur sous plancher sera au moins 3" 30° ; 


3° Deux des murs opposés de chaque salle devront être 
percés de croisées en regard pouvant servir, soit en entier , 
soit à la partie supérieure, à établir des courants d'air. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 177 
&° Pour la ventilation d'hiver , il sera établi, dans une des 
extrémités de chaque salle, un ou deux poêles dits à double 
enveloppe, dont la partie inférieure communiquera avec l'air 
extérieur par un canal de 15 à 20 centimètres de diamètre. Le 
tuyau du poêle, après avoir parcouru la salle dans toute la lon- 
gueur , devra déboucher dans une cheminée dont l'ouverture 
inférieure du côté de la salle , sera munie d'un registre mobile 
qu'on pourra ouvrir el fermer à volonté. Le sol de toutes les 
classes doit être en planches et non en terre ou en brique, les 
murs seront lambrissés en planches sur { mètre de haut ; 
5° Les latrines, généralement dans un état déplorable, devront 
être placées hors du bâtiment d'école, de manière cependant à 
pouvoir être surveillées par le professeur; le sol et les murs jusqu'à 
un mètre de hauteur , devraient être recouverts d’une feuille de 
zinc ou de plomb; le siége sera remplacé par une pierre peu 
élevée pourvue d’une fente d’un décimètre de large, et sur la- 
quelle seront ménagées deux saillies, seul appui où il sera pos- 
sible de poser les pieds : on mettra les fosses en communication 
avec l'air extérieur au moyen d’un tuyau d’évent muni d’un 
lampion. Le préau doit être vaste, sablé , exposé au soleil, et 
complanté d'arbres. 


2e PARTIF, 


MESURES PARTICULIÈRES ET PRIVÉES. 


$ L Habitations des villes et bourgs. 


Orientation. 


Dans toutes les nouvelles maisons on doit chercher, autant 
que possible , à établir les chambres à coucher au midi et jamais 
à l’ouest qui , dans nos contrées , est la plus mauvaise expo- 
sition. 

Les cuisines , les dépenses et licux d’aisances seront micux 
placés au nord ou à l’est. 


178 MÉMOIRES 


Matériaux. 


Dans les villes et bourgs , tous les murs tant de face que 
de refend seront construits exclusivement en brique bien 
cuite , en cailloux, en pierre ou en moellons et maçonnés à 
mortier de chaux et sable au moins jusqu’au premier plancher 
couvrant le rez-de-chaussée. Les briques crues et le pisé ne doi- 
vent être tolérés que pour les étages supérieurs des murs de 
refend. 

I ne sera fait usage du mortier de terre qu’au-dessus du 
rez-de-chaussée , maïs tous les murs extérieurs seront crépis et 
enduits en mortier de chaux hydraulique ou tout au moins de 
chaux grasse. 

Dans les bâtiments secondaires , la brique cuite , le caillou , 
la pierre et le moellon avec mortier de chaux et sable, doivent 
être imposés jusqu’à 2 mètres au-dessus du sol. 

L'humidité pénétrant presque toujours dans les murs par le 
sol même , il est facile d'en préserver les nouveaux bâtiments 
par l’interposition, sur toute l'épaisseur du mur, d'une lame 
mince de plomb ou d’une couche d’asphalte , de goudron , de 
coaltar , et cette lame de plomb ou cet enduit horizontal , doi- 
vent être placés en contre-haut du sol extérieur, à quelques 
centimètres au-dessus du niveau du sol intérieur du rez-de- 
chaussée. 


Des Maisons récemment construites. 


L'habitation immédiate des bâtiments nouvellement cons- 
truits ne devra être permise que six mois après le jour de leur 
entier achèvement (1). Ce délai pourra être modifié selon l’expo- 
sition , la nature des matériaux et l’époque de l’année où les 
constructions auront été élevées. 


(1) Rien de plus commun que de voir des maisons, à peine construites, oc- 
cupées par des locataires : dans ces logements meurtriers le linge et les ve- 
Lements sont constamment humides, l'air et les murs sont imprégnés d’hu- 
midité, et il en résulte souvent les plus affreuses maladies. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 179 


Allées et Passages. 


1° Le sol des allées d’entrée et des passages doit être carrelé 
ou pavé ; 

2° Les eaux intérieures doivent y trouver un écoulement 
facile par un conduit d’un centimètre de pente par mètre au 
moins. Ce conduit devra être toujours en pierre ou en terre 
cuite , appelée vulgairement canelle ; 

3° Les portes à l'extérieur doivent être à claire-voie dans la 
partie excédant 2" 10 de hauteur, sans que jamais cette partie 
puisse avoir moins de 0"50_ de hauteur , afin de faciliter la 
ventilation. 


Cours. 


Il faut exiger , pour les cours dont la superficie est de moins 
de 100 mètres , un carrelage sur béton avec une pente de 5 mil- 
limètres par mètre pour l'écoulement des eaux. 

Il faut aussi interdire formellement l'établissement des com- 
bles vitrés dans les cours, à moins que des mesures minu- 
tieuses de ventilation n'aient été prises et que ces mesures aient 
été reconnues suffisantes par l'autorité administrative. 


Caves. 


Les caves des bâtiments exigent aussi des précautions d’aé- 
rage , non-seulement dans l'intérêt des individus qui y pénè- 
trent, mais encore parce qu’elles peuvent altérer l atmosphère 
extéricure. 

Des cloisons de division et des portes construites à claire-voic, 
ainsi que des ouvertures dans les murs extérieurs sont indis- 
pensables pour assurer une ventilation suffisante 


Logements à rez-de-chaussée. 


L'habitation doit être interdite dans les logements à rez-de- 
chaussée : 

1° Lorsque le sol d’une pièce est situé à un niveau inférieur 
de plus de 0" 30 à celui de la cour ou de la rue ; 

2° Lorsque le sol n’est pas revêtu d’un plancher ; 


180 MÉMOIRES 

3° Lorsque l’un ou plusieurs murs sont adhérents à un terre- 
plein ; 

&° Lorsque des efflorescences extérieures indiquent que l'in- 
térieur des murs est fortement humide et salpêtré (1) : 


5° Lorsqu'une pièce n’est pas pourvue d’une cheminée ou de 
moyens de ventilation , consistant au moins en une porte et 
une grande fenêtre. 


Pièces isolées. 


On doit également interdire l'habitation des pièces pouvant 
être louées isolément qui se trouvent dans les conditions sui- 
yantes : 

1° Celles qui n’ont pas une hauteur de plafond de 2"50 ; 


2° Celles qui n’ont pas au moins deux ouvertures , une porte 
et une fenêtre, de grandeur suffisante pour donner accès à l'air 
et à la lumière; 

3° Celles qui, malgré l'existence de portes et de fenêtres , 
seraient dans de mauvaises conditions d'aérage par suite de 
l'absence de cour ou de vacant ; 


&° Celles dont les murs et le plafond n'ont pas été au moins 
peints nouvellement au lait de chaux ; 


5° Celles qui auraient une cheminée dont le conduit serait 
commun avec celui d’un autre foyer ; 


6° Celles dont le sol ne serait pas revêtu d'un carrelage en 
terre cuite ou d’un plancher en bon état ; 


(1) Plusieurs moyens sont employés pour combattre l'humidité des murs ; 
ils consistent dans l'application sur la surface humide , soit de petites plaques 
métalliques extrêmement minces, comme celles dont on enveloppe le tabac à 
priser , soit des placages en feuilles de verre juxtaposées au moyen de tenons 
en maslic et d’attaches de zinc, le tout recouvert de toile ; soit de revèlement 
de carreaux ou briques émaillées ou bitumées; soit enfin d’une peinture ou 
d’un enduit hydrofuges. L’un des plus économiques est celui qui se compose 
de brai et de goudron (environ 3 k. par mètre carré) et que l’on emploie 
bouillant après avoir bien fait tomber les mortiers et creusé les joints de la 
maçonnerie ; cet enduit se place brut de manière à ce que les aspérités de la 
surface fassent prise avec la couche de mortier et de plâtre qu’on passe 
ensuile par-dessus. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 181 
7° Celles dont la capacité ne serait pas égale au moins à 6 mé- 
tres cubes par heure de séjour , et pour chaque individu, surtout 
lorsqu'il n’y pas de cheminée ou un moyen suffisant de venti- 
lation (1). 
Logements de portier. 


Les portiers et leurs familles demeurant constamment dans 
leur logement , on doit exiger pour ces pièces au moins les 
mêmes conditions d'aérage et de capacité que pour les pièces 
isolées. 

Chambres sons les combles. 


Pour les chambres sous les combles on doit exiger : 

1° Qu’elles n’aient pas moins de deux ouvertures , une porte 
et une fenêtre, et que cette fenêtre ait au moins une partie 
ouvrant verticalement : 

2° Que les murs nus et les plafonds soient entretenus de pein- 
ture au moins à la chaux : 

3° Que le plancher soit carrelé ou en bois blanchi au rabot 
pour faciliter le nettoyage ; 

&° Qu'il soit établi un faux plancher sur lambourdes , de 
façon à laisser un courant d'air entre le faux plancher et le 
comble. 


Foitures. 
Les toitures en tuile, en ardoise ou en pierre schisteuse, 
doivent seules être employées ; la paille, le bois, les fougères 


sont prohibés , tant sous le rapport des chances d'incendie, que 
sous celui des animaux nuisibles qui s’y propagent rapidement. 


Tuyaux de cheminée. 


Les tuyaux de cheminée doivent : 1° ne point communiquer 
entre eux quand ils partent de foyers différents ; 


(1) Soit, par exemple, une pièce dans laquelle doivent habiter deux per- 
sonnes depuis 10 heures du soir jusqu'a 6 heures du matin. La capacité doit 
être 96 mètres cubes ; ses dimensions pourraient être de 8 mètres de long, 
4 mètres de large, 3 mètres de hauteur. 


182 MÉMOIRES 

2° Être élevés à des hauteurs inégales quand ils sont rap- 
prochés ; 

3° Dépasser d’un mètre le faîtage des bâtiments ; 

4° Présenter une section dont les arêtes seront arrondies, et 
dont la surface ne peut pas être au-dessous de 4 décimètres carrés. 


Foyers et Fourneaux à découvert. 


I'est malheureusement un usage trop répandu , qui consiste 
à chauffer les pièces habitées au moyen de foyers découverts, 
remplis de charbon enflammé. 

Ce foyer est une cause continuelle de production d'acide 
carbonique, et quelquefois d'oxyde de carbone, poison incom- 
parablement plus dangereux encore. 

Ce mode de chauffage ne saurait être trop sévèrement proscrit. 

Par le même motif, les fourneaux de cuisine doivent toujours 
être placés sous une hotte communiquant avec le tuyau de la 
cheminée. 


Fosses d’aisances. 


En attendant qu'un système général d’égouts permette d’ap- 
porter toutes les améliorations possibles à la disparition des 
matières fécales , 

Il convient : 1° d’ordonner le recensement général des fosses 
qui existent , et de faire vider d'office celles qui en auraient 
besoin ; 

2° De faire réparer toutes celles qui seraient en mauvais état, 
et d’ordonner la destruction de celles qui ne seraient pas étan- 
ches, ou dont le mauvais état rendrait illusoires les réparations 
qu’on pourrait y exécuter ; 

3° De faire établir à chaque fosse un tuyau d'évent, soit à 
l'extérieur le long des murs exposés au midi, soit intérieure- 
ment, de manière à ce que l’orifice inférieur se trouve ouvert 
dans la partie la plus élevée de la voûte de la fosse. Ces 
tuyaux, en fonte ou en zinc, seront placés, autant que pos- 
sible, dans les tuyaux de cheminée, notamment dans ceux des 
cuisines , afin d'activer le tirage par la dilatation du gaz. 

Lorsqu'il est impossible de placer ce tuyau d’évent le long des 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 183 
canons de cheminée, il faut établir un tirage constant à l’aide 
d'un lampion d'appel posé sur un support placé dans le tuyau 
même, au moyen d'un petit châssis vitré, ouvrant et fermant 
bermétiquement sur la paroi de ce tuyau. 

Les tuyaux de chute en maçonnerie ou en poterie , doivent 
être prohibés et remplacés par des tuyaux en fer ou en zinc 
placés d’une manière apparente, et non encastrés dans les murs. 

Enfin , l'Administration doit protéger et provoquer l'emploi 
des fosses mobiles dans lesquelles s'opère la séparation des 
parties solides et des parties liquides , et surtout les procédés de 
désinfection des matières contenues dans les fosses (1). 


Cabinets d’aisances. 


A l'égard des cabinets d’aisances, il convient d'ordonner : 

1° Que les lieux soient éclairés, ventilés et en communica- 
tion directe avec l'air extérieur , et qu'ils ne soient point éta- 
blis dans les cages d'escalier , toutes les fois surtout que les ca- 
binets sont communs à plusieurs locations ; 

2° Que la partie intérieure des cuvettes des siéges soit ver- 
nissée et non en poterie brute ; 

3° Que le sol et le pied des murs des cabinets communs soient 
rendus imperméables, soit au moyen de bitume, soit par des 
plaques de zinc ou de plomb, et que ce sol soit incliné vers le 
siége, de manière à faciliter l'écoulement des urines par un 
érifiee communiquant avec le tuyau de chute ; 

4° Que le surplus des murs soit au moins peint à l'huile ; 

5° Que tout cabinet soit nettoyé et lavé tous les jours; les 
lavages des cabinets communs devraient être faits avec de 
l'eau chlorurée (2) ; 


(1) A Paris, les liquides désinfectés peuvent, lors de la vidange, être 
écoulés sur la voie publique , moyennant un droit de 1° 25 payé à la ville 
(Ordonnance de police, novembre 1851 ). 


(2) Cette eau chlorurée n’exige qu’une très-pelite dépense, puisqu'il suffit 
de 30 grammes (environ une once) de chlorure de chaux pour un litre d’eau; 
on peut aussi avec plus d'avantage remplacer le chlorure par une même 
quantité de sulfate de fer. 


184 MÉMOIRES 

6° Que dans toutes les petites maisons où il n'existe qu'un 
seul cabinet commun, ce cabinet soit établi à l'étage le plus 
élevé, dans le galetas, par exemple , et non au rez-de-chaussée, 
dans lequel il ne saurait être toléré dans aucun cas. 


Eviers. 


Dans les maisons où il existe plusieurs logements, on doit 
exiger : 

1° Qu'il soit établi des tuyaux d'évier conduisant les eaux 
ménagères de chaque logement jusqu’au ruisseau de la cour ou 
de la rue ; 

2° Que ces tuyaux, d’un diamètre intérieur de 10 centi- 
mètres au minimum, soient prolongés par le haut, jusqu'au- 
dessus du stillicide de la toiture; 

3° Que les eaux pluviales soient dirigées dans ce tuyau de 
manière à les laver ; 
‘4° Qu’une cuiller en pierre soit placée au-dessous de l’orifice 
de ces tuyaux. 


Puisards et Cloaques. 


Prohibition de nouveaux puisards ou cloaques recevant des 
caux ménagères ou insalubres. 

Comblement de ceux qui existent, à moins qu'il n'y ait im- 
possibilité de faire écouler les eaux au dehors. 

Dans ce cas, il est essentiel d'exiger : 

1° Que les murs formant les parois soient parfaitement étan- 
ches , et que la vidange s'opère tous les mois ; 

2° Que la suppression des puisards soit effectuée dans l’année 
qui suivra l'établissement d’un égoùt dans l’une des rues qui 
bordent la propriété. 

Puits. 


Les puits, surtout dans les villes et villages privés d’eau de 
rivière, doivent être assujettis à des curages annuels (1). 


(1) Avant de curer un puits ou d'y pénétrer pour faire quelque réparation, 
il faudra descendre une lanterue allumée jusqu’à la surface de l’eau. Si elle 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 135 

Tous ceux qui sont à moins de # mètres des cloaques ou des 
fosses d'aisances, et à moins de cent mètres des cimetières, 
seront interdits et comblés ; une margelie de 0,90 centimètres 
de hauteur doit être exigée autour des puits pour éviter les 


accidents si communs dans les puits ouverts à niveau du sol. 


Ecuries. 


Interdire les écuries dans toutes les maisons qui n’ont pas 
une cour de deux cents mètres de superficie. 

Prohiber l'établissement des rochelles destinées à faire cou- 
cher les cochers ; exiger que toute écurie soit plafonnée , ou 
tout au moins, qu'un enduit de chaux soit passé sur le plan- 
cher tous les deux ans. 

Les écuries ne peuvent être établies que sur un sol solide, et 
non sur une voûte; l'aire doit être pavée sur béton. 

Les ruisseaux auront un demi-centimètre de pente par 
mètre; une cheminée d'appel, s’élevant jusqu'au niveau du 
toit, rejettera à l'extérieur l'air vicié, et un orifice de 20 cen- 
timètres de côté, pratiqué à la base da mur de face ou aux ven- 
taux de la porte, permettra l'écoulement des gaz, plus pesants 
que l'air atmosphérique. 


Fumiers, Chenils, Poulaillers. 


Les dépôts et les fosses à fumiers seront formellement inter- 
dits ; des mesures rigoureuses assureront l'enlèvement de ces 
matières dans les vingt-quatre heures dans l'enceinte des villes 
et bourgs. 


ne s'éteint pas , on la retire, on agite fortement l’eau jusqu’au fond et on 
redescend la lumière; si à cette seconde épreuve la lumière ne s'éteint pas, 
les ouvriers pourront commencer les travaux ; si la lumière s'éteint, on ne 
descendra pas dans le puits parce qu’on y serait asphyxié, el il faut alors re- 
nouveler l’air au moyen d’un ventilateur ou au moyen d’un réactif, savoir : 

1° Pour neutraliser l’acide carbonique , on versera plusieurs seaux de lait 
de chaux ; 

2° Pour combattre l’hydrogène sulfuré , on descendra un vase ouvert con- 
tenant un mélange de magnésie et de muriate de soude arrosé d’acide 
sulfurique. 


k° S. —TOME V. 13 


186 MÉMOIRES 

Les chenils, les poulaillers , les toits à pores, les pigeonniers 
et les trous où l’on élève des lapins doivent être aussi formelle- 
ment interdits dans ces mêmes localités. 


Amas de matières. 


Interdire, soit dans les combles, soit dans les pièces des 
bâtiments d'habitation , l'établissement de cages pour la vo- 
laille , ainsi que les dépôts de chiffons ou amas de matières 
animales ou autres dont la fermentation compromet si grave- 
ment la salubrité. 


Eclairage au gaz. 


L'emploi du gaz de l'éclairage est insalubre et produit des 
altérations dans l'air des appartements par une notable produc- 
tion d'acide carbonique et de vapeur d'eau, d'acide sulfureux 
et d'acide sulfhydrique. Il est donc nécessaire de ménager au- 
dessus de chaque bec un tuyau d'écoulement communiquant 
avec un tuyau d'appel destiné à rejeter au dehors les produits 
de la combustion. 

Les conditions imposées aux compagnies dans les cahiers des 
charges , relativement à ce mode d'éclairage, pour prévenir les 
fuites et les causes d'incendie, doivent être l’objet d’une sur- 
veillance active, constante et sévère, confiée à un agent spécial 
de l'autorité. 

Les gaz d'éclairage, dans la fabrication desquels se produit, 
en grande quantité, l’oxyde de carbone {qu'il ne faut pas con- 
fondre avec l'acide carbonique), ne peuvent être tolérés, puis- 
qu'ils renferment un poison excessivement dangereux. 


$ 2. Habitations rurales. 


Métairies, Fermes, etc. 


Les habitations rurales, fermes , métairies , etc. , ne doivent 
jamais être élevées dans les vallées ni dans les vallons , parce 
qu’il y règne toujours une extrême humidité; il faut préférer 
les flancs des coteaux. 

L'exposition au midi est la meilleure; et celle du nord, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 187 
quoique froide, est préférable à celle de l'ouest qu'il faut 
toujours rejeter. 

Les ouvertures principales des habitations seront percées 
au sud. 

Dans tous les cas, les conditions suivantes sont indispensa- 
bles pour assurer la salubrité des habitations rurales, métairies, 
fermes, etc. 

1° Elles doivent offrir deux étages , rez-de-chaussée et 
premier. 

2° Les parties inférieures des murs jusqu’à 2 mètres de hau- 
teur au moins au-dessus du sol, seront toujours construites 
en brique cuite, en cailloux , en pierre ou en moellons, 
maçonnés avec mortier de chaux et sable. 

Les briques crues , le mortier de terre, le pisé, le paillebart 
ne pourront être tolérés que pour les parties supérieures (1). 

3° Le sol des pièces du rez-de-chaussée sera élevé de 50 
centimètres au-dessus des terrains environnants. Ce sol doit 
être planchéié, ou tout au moins carrelé en brique cuite ou en 
pierre, et la terre nue formellement interdite. 

&° Pour chaque pièce d'habitation, il faut au moins deux 
ouvertures , l'une de fenêtre (2), de 2 mètres de superficie, 
garnie de contrevents et de carreaux de vitre, et non de papier 
huilé; l’autre de porte, avec imposte ouvrant au-dessus sur 
50 centimètres au moins de hauteur. Ces deux ouvertures doi- 
veut être percées, autant que possible, dans deux murs opposés. 

5° L'habitation de nuit devrait toujours être au premier étage; 
en outre , elle ne peut être permise que dans des pièces renfer- 


(1) Abstraclion faite des chances d’incendie, les maisons rurales en bois, 
telles qu’on les construit dans les pays du nord, sont préférables , parce que 
le bois est un mauvais conducteur du calorique, en sorte qu’en hiver une 
maison en bois, chauffée à l’intérieur, conserve sa chaleur; en été, la cha- 
leur extérieure se transmet difficilement. 


(2) La crainte de l’impôt des portes et fenêtres, quelque léger qu'il soit, 
est l’une des causes de l'insuffisance des ouvertures dans les habitations 
rurales; il y aurait quelques modifications à apporter à cet impôt en faveur 
des habitations de paysans ; on pourrait, par exemple, exonérer de l’impôt, 
pendant dix ans, les ouvertures pratiquées dans un but d'assainissement, 


188 MÉMOIRES 
mant une cheminée, dont le tuyau aura 40 à 50 centimètres 
de long sur 30 centimètres de largeur. La capacité de ces 
pièces peut être calculée à raison de 6 mètres cubes par heure 
et par habitant. 

6° Les planchers et les murs nus seront peints tous les ans 
au lait de chaux , pour éviter ces enduits noirs, gluants, 
délétères, si communs dans les maisons rurales. 

7° Les chambres ne doivent, dans aucun cas, être placées au- 
dessus des étables, des écuries, des porcheries, des pou- 
laillers, etc. 

go Des fosses d’aisances , soit fixes , soit mobiles, existeront 
dans le voisinage de l'habitation. 

9° Un revers en pavé de 1" 50 de largeur avec une pente de 
2 centimètres par mètre et terminé par une gondole, doit être 
établi autour de tout le bâtiment pour éloigner l'humidité 
du pied des murs; il serait même à désirer que les stillicides 
fussent garnis de chenaux et de tuyaux de descente, comme dans 
les villes, bourgs et villages ; 

10° La fermentation des fruits, notamment celle des raisins, 
offre des dangers qu'il faut éviter en prohibant la mauvaise 
habitude de les conserver dans les pièces servant à l'habitation. 


Fours. 


Les fours à cuire le pain ne peuvent être placés qu'à une 
certaine distance des bâtiments ruraux pour éviter les chances 
d'incendie ; ils doivent être soigneusement clos , et être à l'abri 
de l'introduction des animaux ou des volatiles, afin d'éviter les 
dépôts d'ordures qui peuvent imprimer à l'alimentation quoti- 
dienne des propriétés funestes à la santé. 


Etables et Ecuries, Chenils, Poulaillers, etc. 


Les étables et les écuries, les poulaillers, les pigeonniers , 
les porchères et les trous à lapins, ne peuvent pas être contigus 
aux maisons d'habitation, et encore moins, placés au-dessus 
ou au-dessous du logement de la famille. 


DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 189 
Les étables et les écuries doivent présenter les dispositions 
suivantes : 
4° La ventilation sera facilitée au moyen d'ouvertures de 
fenêtre munies de contrevents , et prises, autant que possible, 
dans les deux murs de tête, et suivant une direction perpendi- 
culaire à celle dans laquelle sont placés les bestiaux ; 


2° Le sol sera pavé et présentera une pente de 2 centimètres 
par mètre, pour faciliter l’écoulement des liquides si abondants 
surtout à la suite de la nourriture verte; le lavage des écuries 
qui se pralique en Suisse, devrait être fait fréquemment ; 


3° Les murs et les planchers seront blanchis à la chaux tous 
les ans; 

4° La capacité sera calculée à raison de 18 mètres cubes par 
beure, pour chaque cheval ou bœuf; 


5° Les soupentes, rochelles ou planchers, servant de couches 
aux valets de ferme, doivent être rigoureusement prohibés. 


Fumiers. 


Au village et dans les métairies, Île fumier se trouve en tas 
multipliés dans les étables, devant les portes, à la surface des 
rues et des chemins, il en est de même des matières destinées à 
former des engrais, telles que le marc du raisin, le chaume, 
les tiges de maïs ou de sarrasin, les feuilles sèches , etc. 

Ces substances s'accumulent près des habitations et devien- 
nent, sous l'influence du soleil et de l'humidité, des foyers 
d'infection , tout en perdant une grande partie de leur efficacité 
comme engrais. 

IL importe de réprimer sévèrement ces abus; les fumiers et 
les engrais doivent être enlevés chaque jour des étables, et portés 
à 100 mètres au moins de l'habitation, sous la direction des 
vents régnants et dans des fosses, revêtues de maçonnerie, ou 
tout au moins couvertes; il faudrait, dans l'intérêt même de 
l'agriculture , que ces engrais fussent répandus sur les terres le 
plus promptement possible. 


190 MÉMOIRES 


KFossés, Trous, Cloaques. 


Il importe d'interdire la stagnation des eaux dans les fossés 
des champs voisins des habitations, dans les anciens trous à 
chaux ou à fumier, dans les flaches , mares ou réservoirs acci- 
dentels, malheureusement si fréquents dans les campagnes, et 
qui servent quelquefois même de lavoirs. | 

Ces réservoirs ne peuvent être tolérés qu'à 200 mètres au 
moins des maisons, et dans le cas seulement d’une nécessité 


absolue résultant de l'absence totale de puits, de ruisseaux ou 
de sources dans le voisinage. 


ot PARTIEL, 


EXÉCUTION ET SURVEILLANCE DES MESURES D HYGIÈNE ET DE 
SALUBRITÉ. 


Les Maires peuvent et doivent prescrire les mesures de salu- 
brité, en les rendant obligatoires par des arrêtés, conformé- 
ment aux droits que leur donne la loi du 24 août 1790. 

Ces arrêtés doivent être pris dans toutes les communes du 
département. 


Surveillance. 


Dans les grandes villes, les mesures de salubrité ne peuvent 
être efficacement surveillées par les Commissaires de police, 
qui sont en général surchargés de travail, et dont les attribu- 
tions sont beaucoup trop étendues. 

A Toulouse, des inspecteurs de police et de salubrité asser- 
mentés, devraient être uniquement et spécialement chargés de 
ce service, qui comprendrait aussi les établissements insalubres 
dont la surveillance est à peu près nulle aujourd'hui. 

Dans les villes secondaires et dans les communes rurales , 
les Commissaires de police cantonaux , aidés des agents voyers 
et des gardes champêtres , pourraient suffire à la répression des 
contraventions contre les mesures de salubrité. 

Mais ces agents de l'autorité ne possèdent pas toujours les 
connaissances nécessaires pour apprécier les causes d’insalubrité. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 191 

Ces appréciations générales pourraient être l’objet d’un man- 
dat confié au jury médical, qui visite annuellement les diverses 
parties du département. 

Les inspecteurs de l'instruction primaire devraient être éga- 
lement chargés de faire des rapports sur les faits relatifs à 
l'hygiène publique et privée, recueillis par eux dans leurs 
tournées. 

Notions d'hygiène. 


L'hygiène devrait être enseignée dans tous les établissements 
d'instruction publique, dans les Lycées comme dans les modestes 
écoles de village (1). 

Les Instituteurs primaires surtout peuvent rendre de grands 
services, en donnant à leurs élèves des notions simples et 
élémentaires d'hygiène et de salubrité ; ces notions éclaireraient 
les populations sur les conséquences funestes des habitudes de 
négligence et de malpropreté, auxquelles elles s'abandonnent 
malheureusement au détriment de leur santé, de leur force et 
de leur moralité. 


Autorisation de bâtir. 


Enfin , les principales dispositions à prendre dans l'intérêt de 
l'hygiène et de la salubrité, devraient être insérées comme con- 
ditions obligatoires dans les autorisations que tout propriétaire 
doit probablement obtenir de l'autorité compétente, avant d’é- 
lever une construction quelconque sur la voie publique. 


(1) De la nécessité de vulgariser les préceptes de l'hygiène et des moyens 
les plus efficaces pour y parvenir, par M. le docteur Gaussail (Mémoires 
de l'Académie des sciences de Toulouse, tome 1v, 4 série, page 227). 


192 MÉMOIRES 


LES BASTIDES, 
CHARTE INÉDITE DU XIY° SIECLE : 


Fondation de Revel: 


Par M. Léon CLOS, Membre correspondant. 


Les bastides étaient, comme le nom l'indique, des villes de 
nouvelle création, qui se peuplaient le plus souvent aux dé- 
pens des seigneuries voisines. Un chroniqueur du xu* siècle 
reproche à Louis VII « de fonder sous sa protection plusieurs 
de ces nouvelles villes; ce qui diminuait l'héritage des églises 
et des chevaliers (1). » Les Comies de Toulouse et un grand 
nombre de Seigneurs , mus par le même intérêt , suivirent aussi 
cette politique. Dès 1144, Alphonse Jourdain et Raymond de 
Saint-Gilles, son fils, cédèrent des terres autour de leur château 
pour jeter les fondements de Montauban. Leur but était de s’ap- 
proprier la plupart des droits féodaux du monastère de Saint- 
Théodard. En cette même année 1144, le Comte Raymond V 
octroya aux habitants de Verlhac-Tescou une charte de fran- 
chise qui n’est que la reproduction fidèle de celle de Mon- 
tauban (2). 

Les redevances féodales imposées aux habitants de ces bas- 
tides du xn' siècle, étaient peu considérables ; mais c'était une 


(1) «Quasdam villas novas ædificavit, per quas plures ecclesias et mililes, 
de propriis suis hominihus ad eas confugientibus , exhæredasse non est du- 
bium. » (Apud script. rer. J'ranc. lom. x, pag. 2806. ) 

(2) La cession , en langue romane, faile par Aiphonse Jourdain et Ray- 
mond de Saint-Gilles du lieu où fut bati Montauban existait autrefois dans 
les archives de cette ville ( ivre des Serments). Celte pièce a disparu. On 
ne possède que l'original latin. Nous devons d’autant plus regretter la perte 
du texte roman, qu'il eût été curieux de le comparer avec la traduction ro- 
mane de Verlhae. (Voir le Mém. de M. de Vacquié sur deux chartes inédites 
de Verlhac-Tescou. Mémoires de l'Acad. des Sciences, Inscriptions et Bel 
Les-Lettres de Toulouse, 3° série, L. 1, p. 319 el suix.) 


193 
bien dure condition que celle qui défendait au possesseur du sol 
de le vendre et même de le donner en gage sans le consente- 
ment du seigneur (1). Bien que ce dernier se füt réservé tous 
les droits de justice (les premières coutumes de Montauban ne 
mentionnent que le Viguier et sa cour {lo Veguier e sa cort) 
et certains impôts. Ces chartes n’en furent pas moins pour les 
habitants une conquête importante. Si elles ne leur conféraient 
encore aucune franchise municipale, aucun droit d’administra- 
Uion ; si le seigneur conservait même toujours la propriété hono- 
rilique ou directe des terres cédées, les serfs de Montauriol et 
de Verlhac entraient du moins en possession de tous les droits 
civils; c'était pour eux un acheminement rapide vers la bour- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 


(1) Charte de Montauban. Charte de Verlhac-Tescou. 


Si feudatarii , qui acaptant honorem 
de domino Comite , volunt vendere vel 
impignorare feudum , faciant hoc con- 
silio domini Comitis, aut sui ministri; 
ila ut dominus Comes habeat, de uno- 
quoque solido venditionis, unum dena- 
riun , el de unoquoque solido pignoris 
unum obolum. ( Livre des Serments, 


Si los feoataris que acaptem honor 
del senhor Conte o de sos successors 
volen vendre o engagiar lo dit fio non 
ausen alienar sens certena sabenza et 
conseulimen del senhor et conselh et 
en absencia del dit senhor deven re- 
corre as sos loc Lenens, aysso entendut 
que de casqun sout de venda aia lo 


1015) senhor un denier et de casqun sout de 


gage aia lo senhor un poges. (Zbid. 
P- 334.) 

L’emphytéote était un contrat par lequel le propriétaire d’un héritage en 
aliénait le domaine ulile moyennant une rente annuelle; mais le droit féodal 
voulait que celui qui jouissait d’un bien à titre d’emphyléole ne püt ni le 
vendre ni l’aliéner , ni l’échanger en tout où en partie, sans l’exprès con- 
sentement du seigneur. Les premières chartes maintiennent la rigueur de 
ces principes. Plus tard on y dérogea ; il fut souvent octroyé que les conces- 
sionnaires de terres pourraient les vendre et les donner. Voici ce que porte 
la charte de Beaumont sur Gimone : 

«Item. Autreiam que li habitador de la dicha vila 2 aquels que d’aissi 
evant hy habitaran puscan vendre . donar. alienar , tots lors bes mobles e no 
mobles à cui se vulhan. Ecceptat que las causas no movablas no puscan 
alienar a gleiza ni a personas religiosas . ni a cavaliers. Si no o fazian sal le 
dreg dels senhors. dels quas (sic) las dichas causas seran tengudas en fieus. 
(Mémoire de M. Dubor, 3° série des Mém. de l'Acad. impér. des Sciences, 
Insc. et Belles-lettres de Toulouse, tom, vi, pag. 120.) 

Les lettres patentes de Philippe de Valois, pour la fondation de Revel, 
portent : «EL proceder à la vandilion de la ditie Bastide et a la tradition de 
la propriete de la ditte Bastide en enphileoze nous retenant certain cens 
annuel par chacun arpent, ete. » 


19% MÉMOIRES 

gcoisie (1). Dans le Nord, les villes bateices étaient aussi des 
villes qui n'avaient pas de commune, et où il n’y avait, dit 
Laurière, ni maires, ni échevins (2). 

L'établissement des bastides fut , de la part des rois de France, 
un chef-d'œuvre de haute politique. Par la constitution féo- 
dale , le suzerain ne possédait point le territoire; il n'avait 
aucune autorité immédiate sur les habitants. Ceux-ci n'avaient 
affaire qu'aux seigneurs subalternes dont ils étaient les vassaux 
ou les serfs; et ces seigneurs étaient d’une telle indépendance, 
qu'ils pouvaient facilement se dire les maîtres du pays. Un tel 
état de choses ne pouvait convenir au pouvoir royal, qui ne 
voyait dans les barons féodaux que les usurpateurs des privi- 
léges régaliens. 

La difficulté était de rattacher la terre et les habitants à la 
couronne ; l'intermédiaire était puissant, et, par la guerre, le 
roi n'aurait pas réussi. Mais, au xui° siècle, les hommes de loi 
travaillaient sérieusement à subordonner le système féodal au 
principe monarchique. La construction des bastides fut un des 
moyens que les légistes adoptèrent et mirent en œuvre, comme 
devant amener à la fin désirée, sans trouble, sans conquête, 
avec peu d'argent , et surtout sans choquer directement les ba- 
rons : de là ce grand nombre de bastides, qui furent cons- 
truites depuis le règne de saint Louis jusque vers la fin du 
siècle suivant. Elle produisirent ce grand résultat, que le roi 
devint le seigneur immédiat de toutes ces villes, d’une popula- 
tion qui s’augmentait chaque jour, et d'autant plus dévouée, 
qu’elle ne connaissait que lui et n’était rien que par lui. Avec 
un tel défenseur , ces villes n’avaient rien à craindre de leurs 
ennemis, tandis que le roi y trouvait une armée toujours prête 
à sortir, bailli en tête. 

Les pariages furent un second moyen que les légistes géné- 


(1) Dès 1194, Montauban avait déjà dix capitouls élus par les prud’hom- 
mes de la ville, d'accord avec toute la communauté ( /v. rouge, f°5 2 e13). 
— L'établissement du consulat de Verlhac ne parait dater que de la fin du 
treizième siècle ou du commencement du quatorzième. 


(2) Ordonnances des rois de France, lom. 1, pag. 758. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 195 
ralisèrent aussi afin de réunir dans une seule main la souverai- 
neté morcelée. Par ces sortes de traités, le seigneur cédait au 
roi des terres ; il lui abandonnaïit la moitié des impôts , la moitié 
de la juridiction, et, en retour de ces avantages, le roi accor- 
dait quelques revenus et sa protection. 

La première bastide royale construite dans le Midi fut la 
Française (Bas-Quercy), ainsi nommée, parce que Philippe 
Auguste, son fondateur , planta là, pour la première fois, dans 
le sol méridional, le drapeau de la France. 

Après la prise d'Avignon , Louis VII fonda, en pariage avec 
l'Abbaye de Saint-André , la bastide dite Villencuve-d’Avignon. 
Le roi établit dans cette ville un sénéchal pour l'administration 
des pays circonvoisins, et Philippe-le-Bel traita , pour l'entière 
possession de cette bastide , avec le monastère de Saint-André. 

La ville d’Aigucs-Mortes n'existe que depuis 1226, et doit 
sa fondation à saint Louis. 

A partir du xiv° siècle, les bastides deviennent surtout re- 
marquables par une certaine umiformité. « Nous vous mandons, 
disait le roi à son sénéchal de Toulouse, à procéder privilliéges 
et libertés en les autres Bastides édiffiées accoutumes de donner 
à nostre nom (1). » Plan et constitution municipale sont, en 
effet, presque identiques pour toutes. Le plan est régulier et 
entièrement opposé à l’ancienne construction des villes C'est, 
en général, un quadrilatère percé par des rues qui se coupent 
à angle droit ; au centre, la place publique, et, sur celte place, 
la maison commune et le betfroi. Les priviléges sont aussi les 
mêmes dans les points principaux. La bastide est gouvernée par 
quatre ou six consuls, qui, à l'expiration de leurs fonctions, 
qui sont annuelles, présentent des candidats en nombre double, 
sur lesquels le juge ou le baïlli choisit leurs successeurs. Les 
consuls se reconnaissent soumis immédiatement au roi, et la 
ville est placée dans le domaine royal, sans pouvoir en être dé- 
membrée. Le service militaire n’est dû qu'au roi. Les habitants 


(1) Lettres patentes de Philippe de Valois, conservées dans les archives de 
Revel. 


196 MÉMOIRES 

sont exemptés de {ailles et de subsides; ils doivent être jugés 
dans la ville et non ailleurs , et quelquefois ils ont droit de four 
et de moulin. Enfin, toutes les précautions sont prises pour 
rattacher la terre et les habitants à la couronne. 

Après ces considérations générales, il ne sera pas sans in- 
térêt d'étudier l'organisation d'une bastide remarquable, dont 
la charte est encore inédite, et que nous transcrivons en entier 
à la suite de ce travail. 

Catel et Dom Vaissette ont commis de graves erreurs au sujet 
de l’origine de Revel, parce qu’ils n’ont pas connu la charte de 
fondation de cette ville. Voici comment s'exprime le premier de 
ces auteurs : « Revel estoit anciennement un bourg au diocèse 
de Lavaur , que l'on nommoit la Bastide de Lavaur, lequel 
Philippe-le-Bel, roy de France, leur permit de clore de mu- 
railles, à cause de quoy on donna ce nom à la dite ville de 
Revel, comme ayant esté close par la permission du roy Bel, 
c'est-à-dire, du roy Philippe le Bel, ce que ces deux vers veu- 
lent signifier, qui sont gravés sur la porte de la dite ville : 


Nunc nova quæ quondam Vauri Bastida vocabar, 
Dicta Rebellus ero regis honore mei (1). » 


On le sait, les poëtes ne se piquent pas, en général, d'une 
grande exactitude historique. Mais si Catel eût jeté les yeux sur 
une carte de l’ancien Lauraguais, il y aurait vu que, sous les 
comtes, cette judicature avait été divisée en onze baillies ou 
districts formés chacun d’un certain nombre de paroisses, et que 
Vaure était un de ces chefs-lieux de bailliage. Cette ville de 
Vaure figure , en effet, dans l'acte de serment de fidélité de 1249, 
comme ayant quatre consuls (2) ; et les vers cités par Catel dé- 
signent d’ailleurs suffisamment cette bastide. Elle était située à 
un quart de lieue vers le nord de l'endroit où Revel fut depuis 
bâti. Dans les cartes de Cassini, elle est marquée au nord de 


(1) Mémoires de l'Histoire de Languedoc , 356. 

(>) « tem consules de Vauro, Ponerius de Tantalo, Ademarus de Ponte- 
Labizio, Petrus de Belaval et W. Clericus. » ( Preuves de l'Hist. génér. de 
Lang., tom. ut, p. 474.) 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 197 
Revel avec la désignation de succursale ; et dans le procès-verbal 
de saisie du comté de Toulouse, la noblesse du bailliage de 
Vaure est représentée par dix-huit de ses membres (1). 

Dom Vaissette rectifie de la manière suivante la seconde er- 
reur de Catel : « C’est à Philippe de Valois que la ville de 
Revel, dans le diocèse de Lavaur , doit son origine. Ce n’était 
auparavant qu'un licu désert, environné de bois et de brous- 
sailles , qui servait de retraite aux voleurs et aux malfaiteurs. 
Le roi Philippe de Valois ordonna , vers l’an 1332, d'y cons- 
truire une bastide ou nouvelle ville; et ayant accordé divers 
priviléges à ceux qui l’habiteraient , il y eut jusqu’à trois mille 
bourgeois qui s'y établirent. Ce prince leur donna , au mois de 
mai de l'an 1345, le sénéchal de Toulouse et le juge de Lau- 
raguais pour conservateurs de leurs priviléges (2). IL y a ap- 
parence qu'il nomma commissaire, pour la fondation de cette 
ville, Guillaume de Flotte, seigneur de Revel , et que celui-ci lui 
imposa le nom de Revel ; car nous voyons que la plupart des bas- 
tides ou nouvelles villes qui furent construites dans la province 
depuis le milieu du xm° siècle jusqu’au milieu du suivant, pri- 
rent leur nom des scigneuries que possédaient les lieutenants du 
roi, les sénéchaux ou les commissaires qui les établirent (3). » 

Le même auteur avait déjà dit : « Roger, vicomte de Car- 
cassonne , accorda , au mois d'août 4174, à Isarn Jourdain , et 
Bernard de Saissac, ses vassaux , une colline pour y construire 
un château qui serait appelé Mont-Revel; ce château pourrait 
bien avoir donné l’origine à la petite ville de Revel en Lau- 
raguais (4). » 


(1) Item nomina baronum el militum et nobilium de Vauro et Bajulia 
ejus videlicet (suivent 18 noms) , nomina consulum de Vauro (1271). 
Arnaldus Alricus, 
Petrus Faber, 
Guillelmus de Columberio, 
Raymundus Faber, 
La Faille, tom. 1, Preuves, pag. 47. 
(2) Ordonn. des rois de France, tom. 1v, pag. 100. 
(3) Hist. génér. de Lang. , nouvelle édit. , tom. v. 


(4) Hist. génér. de Lang. , tom. in, pag. 39. Preuves, pag. 136. 


consules de Vauro. 


198 MÉMOIRES 


Le nom latin de cette ville est Revellus. On voit, en effet, 
dans la pièce conservée aux archives de Revel, qu'elle est ex- 
traite d'un grand rouleau de parchemin intitulé : « Vidimat 
privilegiorum ville Revelli; et ce qui ne laisse aucun doute à 
cet égard , c’estque, dans les lettres patentes que donna, en 1345, 
le mème Philippe de Valois, pour la conservation des privi- 
léges de Revel, où il déclare de nouveau qu'il est le fondateur 
de cette bastide, nous lisons : Zx ipso loco bastidam nomine 
de Revello vocatam fieri, fondari et construi juxerimus et 
fecerimus (1). » Mon père, feu le D' 3. A. Clos, dans sa Notice 
historique sur Sorèze (2), a dit avec beaucoup de justesse, que 
c'est à la prononciation romane qu'est due la fausse opinion 
que l’on a sur le fondateur de Revel, et par conséquent sur l'é- 
poque de sa fondation , car le patois n'a pas de v, et remplace 
cette lettre par un à, plus ou moins rude : voleur, boulur ; 
Lavaur, Labau; Naure, Baure; Revel, Rebel. 

Il nous a paru d'autant plus nécessaire de relever l'erreur 
dans laquelle est tombé Catel, qu’elle est reproduite dans les 
ouvrages les plus estimés. On trouve, en effet, dans le Diction- 
naire universel d'histoire et de géographie de Bouillet, livre 
autorisé par le Conseil impérial de l’instruction publique, ce qui 
suit : «Revel, chef-lieu de canton de la Haute-Garonne, sur 
une hauteur. Cet endroit, jadis appelé la Bastide de Lavaur , 
fut fortifié par Philippe le Bel, ete. Cet article contient presque 
autant d'erreurs que de mots. 

Quant à Dom Vaissette, il n’a pas bien déterminé la date de 
la fondation, parce qu'il ne connaissait pas les premières lettres 
patentes de Philippe de Valois, n'ayant lu que celles de 1345, 
qui se trouvent dans le Recueil des ordonnances des rois de 
France: mais il eût modifié son sentiment s'il avait vu la charte 
de fondation, qui porte : « Donné à Malbuisson, près Pontoise, 
le vingt sixième jour de febvrier, l'an de nostre Seigneur mil 
trois cens quarante ung, par nostre sire le Roy (3). » 

DR ARR Le 


(1) Ordonn., tom. iv , pag. 100. 
(2) Chapitre v, pag. 58, en note. 
(3) Voir le texte des lettres patentes, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 199 


Il résulte de ce que nous venons d'exposer, 1° que le nom 
de Revel existait dans le pays longtemps avant Philippe le Bel ; 
2° que cette ville est postérieure à Philippe le Bel, et ne re- 
monte qu'à Philippe de Valois, comme on peut le lire dans la 
charte de fondation, qui est de 1341; 3° qu'il est probable 
qu'elle a pris son nom du château de Mont Revel, situé dans 
son voisinage, car la charte nous apprend que Pierre de Mont- 
Revel, docteur en lois, et juge-mage de Toulouse, est le premier 
des témoins qui figure dans l'acte de fondation. 

L'origine de Revel se rattache à la destruction de la ville de 
Vaure. Bâtie sur une colline, vers le couchant de la plaine, 
cette ville de Vaure avait, au levant et au midi, une forêt im- 
mense qui tenait à toutes celles de la Montagne Noire. Elle de- 
vint le repaire de bandes de routiers et de brigands, qui, 
échappés des armées de Philippe le Bel et d'Edouard , pillaient 
les villages et les mettaient à contribution (1). Ces bandes, 
connues sous le nom de Compagnies, saccagèrent la ville de 
Vaure. Philippe de Valois, pour mettre un terme à ces brigan- 
dages , fit défricher la forêt, et donna , en 1341 , des lettres pa- 
tentes pour la construction d’une bastide, avec priviléges royaux, 
sur le sol même de la forêt de Vaure. Dès 1342 les arbres fu- 
rent abattus, et, en 1343, la nouvelle bastide était fondée et 
avait déjà ses consuls. Quant à la ville démantelée de Vaure 
où Baure, elle avait perdu toute son importance politique ; elle 
n'était plus qu'une bourgade insignifiante, qui fut rattachée, 
comme les autres villages qui en dépendaient auparavant , au 
consulat de Revel. Voici ce que porte l’article 3 de la charte 
de fondation : 

« liem que les consuls du dit Reibel seront juges au nom de 
nostre sire le Roy ez causes criminelles en le lieu de Rebel et 
aux lieux de Baure, Drulhe et Vaudrulle, et que les dicts lieux 


(1)... Cum nos ad juris, et boni communis lutam et quietam conser- 
valionem , nephandorumque periculorum et malorum effugacionem , que 
per latrones, homicidas et vispoliatores inibi et circumvicinis locis olim 


habitantes , fieri et perpetrari solebant....... » { Ordonn. des rois de 
France , om. 1v, pag. 100.) 


200 MÉMOIRES 

soict du consulat du dict Rebel ainsin questait du consulat 
de Baure devant la fondation de la ditte Bastide et les lieux 
soient unis au lieu de Rebel et en ce qu’apartient au dit nostre 
sire le Roy faisant en corps et un consulat en ce lieu de 
Rebel. » 

Voilà la nouvelle bastide substituée à l’ancienne ville de Vaure, 
dont la population s'était, en grande partie, transportée à Revel. 
La charte conservée dans la maison commune est une copie faite 
en 1633. Cette copie fut extraite d’un grand rouleau de trois 
peaux en parchemin collées ensemble, trouvé dans les archives 
de la Trésorerie de Toulouse. Le procès-verbal nous apprend 
que le texte de l'acte était latin, et que la version française, 
telle que nous la possédons, était exacte et bien faite. Toutefois, 
je pense qu'il y eut aussi une traduction en langue romane 
pour les besoins de la pratique; les mots Baure, Rebel, 
Bracou, etc., paraissent l'établir. Quant à la version française, 
elle est quelquefois tellement informe, qu’il est difficile de bien 
saisir le sens de certaines dispositions. Je n’en citerai qu'un 
seul exemple, en plaçant en regard le texte correspondant de 
la charte de Beaumont sur Gimone , que j'ai copié de l'excellent 
Mémoire de M. Dubor sur cette bastide. Ce texte roman, ct 
surtout la traduction , serviront à expliquer l’article 50 de la 


charte de Revel. 


Charte de Revel. Charte de Beaumont sur Gimone. 


Art. 50. «Item sy aucun est 
prins en adultere sera tenu de 
courir la ville tout ainsin qu'aux 
autres villes de nostre sire le Roy 
est accoustume de faire ou qun 
chacun deux payera soysante solz 
tolzas a nostre sire le Roy et que 
dans deux jours apres la prinze 
sera tenu de eslire la quelle payne 
aymera mieux pourveu que soict 


Item. Celui qui sera surpris en 
adultere courra par la ville , ainsi 
qu'il est d'usage dans les autres 
villes qui nous appartiennent, ou 
bien qu'il paye à nous et au dit 
monastère ou à notre mandement 
cinquante sols toulousains. Le 
choix entre les deux peines sera 
laissé au délinquant. Pour les 
encourir il faut qu'il soit trouvé 


prins tout nud avec la femme que 
soict nue et vestu avec les bracou 
enalles et que la femme soict ves- 


nu avec une femme nue, ou s’il 
est vêtu ainsi que la femme qu’il 
aye les brayes baissées, et qu'il 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 201 


tue par aucun de la cour de nos- | soit ainsi surpris par un officier 
tre sire le Roy presant avec luy | de notre cour, en présence de 
deux consulz ou autre homme de} deux consuls ou d’autres deux 
bien de la dille ville où d'autre | prud'hommes de la dite ville , 
part que soict dignes de foy ou |ou d’autres deux personnes, ou 
sinon qu'il fusse convaincu par sa | de plusieurs qui méritent con- 
propre confession ou autrement. » | fiance (1). 


La charte de Revel me paraît surtout remarquable en ce sens 
qu'elle détermine le plan de la ville et règle la forme des édi- 
fices publics. On sait que le beffroi était une tour communale, 
bâtie ordinairement au centre de la ville, et renfermant la 
cloche destinée à convoquer les habitants aux assemblées mu- 
nicipales, et la prison. « Le beffroi, où la grande tour commu- 
nale, dit M. Augustin Thierry, bâtie au centre de larville, était 
un sujet d'orgueil et d'émulation pour les petites républiques 
du moyen âge. Elles employaient des sommes considérables à 
la construire et à l'orner, afin qu’aperçue de loin, elle donnât 
une grande idée de leur puissance. C'était surtout parmi les 
communes du Midi que régnait cette espèce d’émulation ; elles 
cherchaient à se surpasser l'une l'autre en magnificence et 
en bizarreric dans la construction de leurs tours. On donnait à 
ces édifices des noms sonores et recherchés, comme celui de 
miranda où la merveille : et il paraît que la fameuse tour de 
Pise doit à une vanité de ce genre son architcelure singu- 
lière » Lorsque le voyageur approche de Revel, la première 
chose qui frappe sa vue, c’est une élégante tonr communale, 
bâtie an centre même de la ville et de la place publique. La mu- 
nicipalité l'a toujours ornée avec beaucoup de soin. Au rez-de- 


(1) Que deu hom far d’ome que es pres en adulteri. 

Item. Si aleus era pres en adulteri, corra per la vila ayshi coma en las 
autras vilas nosiras es acoslumat. O pague a nos e al digh mostier o a nostre 
mandament . [. sols de 1ol. e aquel que y sera pres aia l’etchas de qual se 
vulha. En aissi empero si es pres nudz ab nuda, o vestilz brazas baissadas 
ab vestida : e que sia pres per alcu de nostra cortz en presensia de. 1]. 
cossols o d’autres. 1. proshomes de la dicha vila. o d’autres. IL. 0 de mays 
don que sian digne de fe. (Mémoires de l Acad. des Sciences, Inscriptions 
et Belles-lettres de Toulouse, 3° série, tom. v1, pag 139 et 133. 


&° S. — TOUR Y. 14 


202 MÉMOIRES 

chaussée existe encore aujourd’hui la prison communale , et 
dans le haut de la tour se trouve la grosse cloche qui convoque, 
de nos jours, comme elle le faisait autrefois, les membres du 
Conseil municipal, réunit les habitants en cas d'incendie, et 
sonne le couvre-feu. Cinq siècles d'existence n’ont presque rien 
changé dans la forme et la destination des édifices de la ville de 
Revel ; les foires se tiennent aux jours fixés par la charte, et, 
ce document à la main, on peut, un jour de marché, se pro- 
mener sous les galeries ou couvertes qui entourent la place pu- 
blique de toutes parts. On y remarquera sans peine leur antique 
construction ; on y verra les tables ou bancs des marchards dont 
il est parlé dans l’article 21 de la charte ; on y retrouvera, en 
un mot, avec toutes ses prescriptions, la bastide royale du 
xiv° siècle. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 203 


THÉORÈME 


RELATIF 


A L'INTERSECTION DE DEUX SURFACES DU SECOND DEGRÉ 
DONT LES PLANS PRINCIPAUX SONT PARALLÈLES ; 


Par M. H. MOLINS. 


L'iNrersecTiIoN de deux surfaces du second degré, dont 
les plans principaux sont parallèles, se trouve sur une sur- 
face sphérique, si, ces surfaces ayant un centre, il ÿ a pro- 
portionnalité entre les excentricités de deux de leurs sections 
principales , ou si, les surfaces n'ayant pas de centre, la 
somme des rapports des paramètres de ces mêmes sections 
est égale à l’unité. 

Les deux surfaces du second degré ayant leurs plans 
principaux parallèles , on peut supposer que les plans coor- 
donnés soient pris parallèles à ces plans, auquel cas les 
équations des surfaces seront de la forme : 


(A) Px'+P'p+r+Qx+Q'r+0"z+D=o 

2) pa+p'y +2 +qx+q 7+g"2+d=0 
Admettons que la courbe représentée par ces deux équations 
se trouve sur une surface sphérique, dont l’équation soit 


(5) +" +3 +yx + y +y +0. 
En retranchant successivement l'équation (3) des équations 
(4) et (2), les termes en z° disparaissent et l’on obtient 


Pa) + PQ Dr (Q 17 HQ'—7")5+D—I=0, 
p—i)e+p—i) + =pr+(g 1) +9" —1')z4d —È=0, 


Z2=— 


e—— 


20%. MÉMOIRES 
d’où l’on tire 


gl PDP) +Q rt D—8 
=] pa pq Da (gr rt dd]. 


On aura donc, pour tous les points de la courbe d’intersec- 
tion, l'équation 


(4) enr PTE HP ONE DER Or HA] 


CE 


| (p--1)2" LEO dons D'+(q—Da#(g—1}r+d-5] 


Je dis que cette équation doit être une identité. En effet, l’éli- 
mivation de z entre (4) et (2) conduirait à une équation du 
4° degré en x, 7, laquelle serait celle de la projection sur le 
plan des x, y de l'intersection des deux surfaces données; 
cette projection est donc une courbe du 4° degré, ce qui ne 
peut s’accorder avec équation (4), qui n’est que du second 
degré, qu’autant que cette équalion sera une identité. Cette 
identité conduit aux cinq relations : 


P—: DIET 
o PEER AQRSA PET 5 
( ) Q''— 7," g"—7" 
BE JET 
6 ln 

( ) Q"—," g"—7Y" 
() = 
q 74 

4 Q'— ! UE, 1 
(8) en — 2 — 


® He 


Les quatre quantités y, y’, y”, à devant satisfaire à ces équa- 
tions, leur élimination donnera une équation de condition 
entre les coefficients des équations (4) et (2). Cette équa- 
tion de condition se déduit immédiatement des équations 
(5) et (6), divisées membre à membre, 


g" re y" 


DE L'ACANÉMIE DES SCIENCES. 205 
(10) LL ne 


Puis de l'équation (5) on tire 
7=7 = LD Era D 


P—p à 
divisant (7) par (3) on obtient 
Q—y _q—7 
P—-1 p—1? 


d'où 
PONTS NA 
3 TE P—p ; 
Divisant pareillement chacune des équations (8) et (9) par 
(5) on trouverait 
MP QU 6) 


7 P—p ? 
(te Lee )—D(p—1) 
+ Ir, 


Remarquons maintenant que, les plans coordonnés étant 
parallèles aux plans principaux des surfaces données , il 
s'ensuit que les termes du second degré des équations (1) 
et (2) ne changeraient pas, si l’on réduisait ces équations à 
leur forme la plus simple en changeant l'origine des coor- 
données sans changer la direction des axes. D’où il faut 
conclure que les quantités P, P’, p, p' représentent les rap- 
ports des carrés des axes de deux des sections principales 
des surfaces, dans le cas où ces surfaces ont un centre, ou 
les rapports des paramètres de ces mêmes sections, dans le 
cas où les surfaces n’ont pas de centre. Si les surfaces ont 
un centre, l'équation de condition (10) montre visiblement 
que leur intersection se trouvera sur une surface sphérique, 
s’il ÿ à proportionnalité entre les excentricités de deux de 
leurs sections principales. Si elles n’ont pas de centre , leurs 
équations (4) et (2) seront privées d’un des termes du second 


206 MÉMOIRES 

degré : soit par exemple Po, po, auquel cas les sur- 
faces seraient des paraboloïdes dont laxe principal serait 
parallèle à l'axe des x; les équations (5), (6), (7), (8), (9) 
donneraient Q/=9", P'=p', Q=g, Q'=g', D=d, par 
suite les deux paraboloïdes coincideraient. Done deux para- 
boloïdes dont l'axe principal a la même direction pour chacun 
d'eux, ne peuvent pas donner par leur intersecuon une 
courbe située sur une surface sphérique. Mais on peut con- 
sidérer deux paraboloïdes dont l'axe principal n'aurait pas 
la même direction pour chacun d’eux : soit, par exemple, 
P=o, p'=0 auquel cas l'axe principal de l’une des surfaces 
serait parallèle à l'axe des x, et celui de l’autre surface se- 
rait parallèle à l'axe des y. L’équation (10) deviendrait 


Heu 
ou bien 
- I I 
Ep—Peep, d'où = 


ce qui montre que la somme des rapports des paramètres 
des sections principales, considérées successivement dans 
chaque paraboloïde, doit être égale à l'unité. Ainsi, quand 
cette condition aura lieu, les deux paraboloïdes se couperont 
suivant une courbe située sur une surface sphérique. 


Appliquons ce qui précède au cas où les surfaces données 
seraient des ellipsoides, soient À, B, C les demi-axes de 
l’un, a, b, c les demi-axes de l’autre ; l’on aura 


C2 ñ C? c? ; €? 
P= SR, Per, ps, PT. 
L'équauion (10) deviendra 
h? ec? | Er 1 
ARETT ares MMA ae ant 


(11) —_ = —, Où bien =——; 
Lee B: TETE VB —C sc 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 207 
 . LE C2 ca à 
Soit À > B > C: les quantités 1 — a 1 p sunt les carrés 
des excentricités des sections principales du premier ellip- 


soïde qui contiennent le plus petit axe 2C; pareillement, si 
js À .2 c? 
lon a:a>b>c, les quantités I——, 1—;, seront les 
1 D 
carrés des excentricités des sections principales du second 
ellipsoïde qui contiennent le plus petit axe 2c. Dès lors la 
condition (41) exprime la proportionnalité des excentricités 
des sections principales passant par le plus petit axe dans 
chaque ellipsoïde. 
Pour fixer les idées, supposons que les deux ellipsoides 
aient même centre Ô et que l’on ait à la fois 


A>B>C,A>a,C<c,c<a, 
comme l'indique la figure à coté. 
De l'équation (11) on üre 


d'où lon déduirait b en supposant 


€ 
connus À,B,C, a, c. Or- > 
«a 


AC 
1 ES 
par suite = < 1, à fortiori “ 
1  - 4 
{ 2 
SR F3 C2 
ne = < 1; donc * 3 est réel et moindre que l'unité, 
Aa 
de sorte que 2c est le plus petit axe de l’ellipsoïde auquel il ap- 
partient. Puisque 1 —Z <1—:75, On aura en vertu de la rela- 
. ( C2 . ee , Le (el b. 
tion (11), I—7<1i—ÿ,oubiens > :, d'où > “De 


263 MÉMOIRES 
D'ailleurs la sphère qui contient la courbe d’intersection des 
deux Lie a même centre qu'eux, puisque les quantités 


y, Y, y! sont visiblement nulles. On a en outre D——€>, 
d=——c?, par suite 
{-9-e(-5) 
g 7. y a? 
(4 2) d— C2 12 % 
A & 


Cette quantité, qui représente le carré du rayon de la 
sphère au signe près, est effectivement négative, car le dé- 
nominateur l’est, tandis que le numérateur est positif puis- 


2 («2 
que c>C, et dos x diese 


Remarquons que le point Ï commun aux ellipses AC, ac, 
faisant partie de l'intersection des deux ellipsoïdes, on a 


avoir of ——0; c’est ce qu’on vérifie facilement. En effet, 
les coordonnées de ce point satisfont aux équations 
re 2 x? 2? 
Res an 
d’où l’on tire 
PC 2 Ce 
L — 3° = =——_— 
(2 FC: «2 (Ga: Aa” 
ati a æ À 
par suite 
= Sage ee 1 : C2 : €? 
ol —— + z = ÿ|c (1 —$ — C° be : 
dm jù 


ee qui n’est autre chose que l'expression de à au signe près. 
Pareillement le point L’ étant commun aux ellipses AB, 
ab, ses coordonnées satisfont aux équations 


PAU 2e ft feu 
pe lie Pare 1 


qui donnent 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 209 


4 __B°— b? da dé? B?, 
Mr Bo) a Era 
TOR au? A? 


par suite 
BA PE L . B2 _ Ra 4 "A 
a A: 


Pour montrer que cette expression donne la même valeur, 
au signe près, que la formule (42), on tirera de la rela- 
üon (11) 

2 a? 4? (B:— À?) 


pat CC) B(a—-C) 
d’où 
ee B2(42—-a2)( Az —C>:) 


—EA(B—C)—eB(A CC)? 
C2 ec LG (b2 A2— & B2)(A2— C>) 
A3 a A4 A2(B°—C2)—uB'(A2—C:) 
= ue MEN are BE M Aa)( A2 C») 

( A3] A2 "42 A2(B°—C)— a B(4— CC) 
Substituant ces expressions dans la formule (12), et sup- 
primant le facteur 

C2(A2— C2) 
4: A2(B:—C)— a B:(A2— CC)? 
qui est commun aux deux termes de la valeur de à, on 
trouve 


Ce 9 mm a 2) 
La 42 A2— 4? B? I 


Divisant enfin haut et bas par A°a°, on obtient 


ce qui n'est autre chose que la valeur trouvée pour ol”, 
au signe près. 


210 MÉMOIRES 

Si dans ce qui précède on changeait C?, c* en —C*?,—c, 
les deux ellipsoides seraient remplacés par des hyperboloïdes 
à une nappe; la sphère contenant la courbe d’intersection 
aurait toujours même centre que ces surfaces, et la condi- 
on (11) deviendrait 


C: C2 
Le Cp 
= =: 
DT 5x 


relation qui montre que les excentricités des deux sections 
principales, qui contiennent l’axe imaginaire des deux hy- 
perboloïdes , doivent être proportionnelles. 

On pourrait changer C* en —C? sans changer c* : les sur- 
faces seraient, l’une une hyperboloïde à une nappe, l'autre 
un ellipsoïde ; les résultats seraient analogues. 

Considérons enfin l'intersection d’une surface douée d’un 
centre avec une autre qui en serait dépourvue, Pour cela, 
supposons p—0 : l'équation (10) deviendra 


P—: 1 . . P'—: 7 
FRERE où bien ESS + p ==} 


ce qui exprime que le carré du rapport des excentricités de 
deux des sections principales de la surface à centre, aug- 
menté du rapport des paramètres des sections principales 
de la surface dépourvue de centre, doit donner une somme 
égale à l'unité. Supposons, par exemple, que l’une des sur- 
faces étant un ellipsoide dont le centre soit en O, l’autre 
surface soit un paraboloïde passant par ce point et dont O x 
soit l'axe principal : les équations de ces surfaces seront 


tite: K+K'e=Hx. 
L’équation (10) deviendra 
C2 


1 1 Ée 
TUE 1 SAR Uk 
ou Kg d'où | Gtr=!; 
1 — Donne me 


se em * 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. DAT 
l’on aura en outre 


H A? : 
= Der V0; y"—=0, Η--A!, 
et l'équation de la sphère sera 
A2 (2 


x° +7" er —@œ X=AÀ. 
Le centre de cette sphère est donc situé sur l'axe des æ, à 


H A? 
une distance de l’origine égale à —{1— =); son rayon 


2 RC C2 
L : a H2 A? 2 
est égal d V A+ (1—à) : 


213 MÉMOIRES 


HISTOIRE 


MONÉTAIRE ET NUMISMATIQUE DU BÉARN ; 


Par M. G. BASCLE DE LAGRÈZE, 


Conseiller à la Cour impériale de Pau, Correspondant de l’Académie. 


Les recherches sur la numismatique féodale ont pris, de nos 
jours, une grande place dans les études historiques, dont les 
progrès seront une des gloires de notre siècle. Au lieu de refaire, 
ou avant de refaire le traité compiet de Duby sur les monnaies 
des prélats et barons de la France, on a entrepris séparément 
l'histoire métallique de plusieurs de nos provinces, telles que 
la Bourgogne, la Bretagne , la Lorraine, le Nivernais, le Dau- 
phiné, etc. Ces utiles monographies ont obtenu les encourage- 
ments des princes de la science (1). 

Je vais essayer de recueillir quelques documents sur la Nu- 
mismatique Béarnaise ; ce sujet a été peu approfondi ; aussi 
ai-je espéré que mon (ravail serait accueilli peut-être avec in- 
térêt, du moins avec indulgencec. 

Je me propose : 1° de rechercher les origines de la monnaie 
morlane; 2 d'indiquer la valeur des diverses pièces; 3° de 
décrire les principales médailles de Béarn. 


$ I. ORIGINES DE LA MONNAIE MORLANE. 


À quelle époque les anciens habitants de nos contrées ont-ils 
commencé à frapper monnaic? D’après Marca (2), les Romains 


(1) Voir le rapport fait par M. Berger de Xivrey, le 18 août 1854, à l’Aca- 
démie des Inscriptions et Belles-Lettres au nom de la Commission des anli- 
quités de France. 


(2) Histoire de Béarn, page 308. 


FLORIN 


Z. 
né 
& 
S 
& 


BAQUETTE 


Dalor, Teubevse 


Lit 


leurs sont inedits. 


IüS 


1 


Pièces Bearnaises dont p 


Ce 
= 
< 
= 
ee 
ea 
= 
n 
aus 
= 
= 
Z 
= 


5 


OBOLES 


ECU D'OR 


ARGENT 


» 


GROS D 


de BOZE 


le M 


ouvrage inédit « 


gravee pour 
gravée p 


anche 


l 


de la P 


rait 


Extr 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 213 
ont dû consacrer au monnayage les produits des mines des Py- 
rénées. La nature avait placé dans ces montagnes, à côté de 
vastes forêts , des gîtes abondants de minerai. Leur exploitation 
doit remonter à des temps très-reculés. «Il est difficile, dit 
Dralet (1), de parcourir quelques parties des montagnes fran- 
çaises ou espagnoles sans apercevoir d'anciennes excayations 
dont la plupart annoncent des travaux soutenus et depuis long- 
temps abandonnés. Quoique les Romains aient tiré leurs prin- 
cipales richesses minérales de l'Espagne, il est hors de doute 
qu'ils ont exploité les mines des Pyrénées, et principalement 
celles qui se trouvaient aux deux extrémités de la chaîne. » 

Les souverains de Béarn ne négligèrent pas d'utiliser ces ma- 
tières métalliques qui abondaiïent dans leurs domaines. Parmi 
les titres des archives du château de Pau, je ne citerai que des 
lettres patentes d'Henri IE, roi de Navarre, à la date du 6 mai 
1542, permettant à Nicolas Hermans de Bruxelles de tirer des 
mines de son pays de Béarn, de ses comtés de Foix et de 
Bigorre, de l'or, de l'argent, du cuivre et autres métaux. 
Dans cet acte, des priviléges sont accordés pour encourager l’ex- 
ploitation des mines par l’industrie privée ; mais le prince fait 
celle réserve : Et au moyen de ce, sera thenu et nous à promis 
nous déliurer franqg et quitte la diriesme partie de ce qu'ils 
affincront tant d'or, d'argent, plomb, cuivre, estaing, copar- 
ros , alum que aulres espèces de métaux, afiné » CL prest de 
mettre en œuvre , et oultre ce a aussi promis et s’est obligé 
le dit Hermans nous offrir, vendre et délinrer sur le lieu des 
dites mines... marc d'argent affiné et mondiffié à raison de 
douze livres deux sols chacun pour la fourniture de nos mon- 
noies et autrement pour en faire à nostre profit, ensemble 
les autres espèces d'or etmétaux à prix raisonnable, et, selon 
le cours , sur payne de confiscation desdites espèces de métaux, 
et, en nostre refus, ils en pourront user et faire leur aduan- 
tage comme bon leur semblera. 

Ce titre inélit est sans doute récent ; mais il prouve que dans 


(1) Description des Pyrénées, lome 1, page 118. 


214 MÉMOIRES 


nos régions pyrénéennes l'abondance des mines favorisait le 
monnayage. Si l'on n’a pas à produire des chartes établissant 
l'antiquité de ce monnayage, à défaut de documents d’une époque 
très-reculée , on peut invoquer le témoignage de la tradition et 
de l’histoire. 

Pline cite un puits dans nos montagnes qui donnait à Anni- 
bal CCC pondo par jour (in dies). L'Hispanie était jadis très- 
renommée pour ses richesses minérales (1). Tite Live (2) raconte 
souvent avec détail les quantités énormes de Bigati ou d'Oscen- 
ses qui enrichirent le trésor de Rome. La monnaie d'Huesca , 
ville aragonnaise, voisine de nos contrées, était célèbre chez 
les anciens. On en trouve encore beaucoup avec des légendes en 
différentes langues qui nomment la même cité Eyoscum , 
Oeska , Osca. 

Il est à présumer que lorsque des ateliers monétaires étaient 
établis sur l'un des versants des Pyrénées, il en existait aussi 
de l’autre. 

Je serai même assez porté à attribuer l’origine du monnayage 
dans nos contrées aux Ibères plutôt qu'aux Romains. 

Je ne puis qu'indiquer ici des questions historiques que je ne 
saurais en ce moment essayer d'approfondir. 

Les Ibères ont-ils franchi nos montagnes et peuplé nos val- 
lées? Le titre d’{bérie ou de Celtibérie gauloise peut-il être 
donné au Béarn, à la Basse-Navarre ? Est-il démontré par des 
documents empruntés à des auteurs grecs du IV* siècle avant 
l'ère chrétienne, que la Gaule Sud-est , entre les Pyrénées et le 
Rhône était encore occupée, du temps d'Hérodote, par des peu- 
ples d’origine Ibérique venus de l’Hispanie ? Cette démonstration 
pourrait-elle s'étendre à la partie Sud-ouest, dans le silence 
presque complet sur ce point de Strabon et de César ? 

Notre pays conserve un monument vivant du séjour des Ibè- 
res et de leur antique établissement en Aquitaine : ce sont les 


(1) Voir Strabon, 1.3, p. 100. Pline, |. 3, p. 4, etc. Voir aussi Bowles 
dans son introduction à l'Histoire naturelle d’Espagne. 


(2) Passim et nolamment 1. xxr et 1. xxxiv, €. x. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 215 
Basques OESKE (oeske) sur une inscription ; Ovxcyoves dans 
Pic!tmée. Il est aujourd'hui admis par quelques savants que la 
langue basque doit être l’ancienne langue Ibérienne modifiée 
par le temps et par le mélange des nations. 

Les Ibères , enrôlés par les Carthaginois , au V° siècle avant 
notre ère, dans les guerres contre la Sicile, apprirent alors, 
dit-on , l’art de frapper monnaie. Le monnayage ibérien devrait 
au moins, d'après un érudit, être fixé à l’an 280 avant J. C. 

Quoi qu'il en soit, les médailles ibérienves sont encore com- 
munes dans nos contrées, et j’en ai découvert dans les ruines 
des plus vieux monuments du pays. Leurs types, qui ne sont 
pas des imitations des deniers romains: la physionomie orien- 
tale des légendes ; leurs caractères qui dérivent du phénicien 
et du grec, prouvent qu’elles n’ont point une origine latine. 

IL serait donc permis de supposer que les premiers ateliers 
monétaires des Pyrénées furent fondés par les Ibères , conser- 
vés par les Romains, et transmis aux vicomtes de Béarn par les 
rois Wisigothiques et les ducs de Gascogne. 

Ce n’est là qu’une hypothèse , car, je dois le dire, j'ai vaine- 
ment cherché et fait rechercher quelque légende ibérienne ou 
quelque monétaire qui pût être attribué à Beneharnum on à 
toute autre cité Béarnaise. 

M. Boudard , qui s’est fait remarquer dans le monde savant 
par ses Etudes ibériennes (1) a bien voulu m’aider de ses in- 
vestigations. Il a cru un moment pouvoir se procurer une mon- 
naie d'une contrée voisine du Béarn avec la légende O$k (oske) 
qui aurait appartenu aux Æuscii. Cette pièce qui lui avait été 
signalée a été malheureusement introuvable. 

M. Boudard à reconnu dans des collections particulières, où 


(1) Cet ouvrage, publié à Beziers, 1852, in-8°, est plein d’érudition et 
d'intérêt. On sait que plusieurs savants Espagnols, Italiens et Anglais se sont 
occupés des monnaies cellibériennes , tels que Velasquez, Zuniga, Erro : 
Sestini, Akermann , etc. 

M. e Sauox est toujours cité au premier rang des érudits français qui ont 
traité ce sujet. Voir son remarquable Essai de classification de monnaies 
autonomes de l'Espagne. Metz, 1840 , in-80. 


216 MÉMOIRES 
elles restaient ignorées , deux exemplaires de la monnaie ibé- 
rienne de Nismes PMY (Nemy ). 

Dans nos vallées où peu de recherches scientifiques ont été 
faites, sera-t-on assez heureux pour découvrir quelque médaille 
ibérienne qui puisse être attribuée au Béarn ? M. Boudard l’es- 
père , el je partage son espoir. 

Nous sommes en effet à une époque où, suivant un numis- 
mate distingué (1), chaque année ajoute quelque nouveau nom 
aux métaux divers de la liste déjà longue de l'autonomie gau- 
loise , ce qui tient tout simplement à ce que l'attention des 
archéologues et des collecteurs s'est portée depuis peu sur ces 
monnaies barbares qu’elle avait dédaignées trop longtemps. 

Ce qu'il y a de certain, c'est que l’origine du monnayage 
béarnais remonte si haut qu’on ne saurait en préciser la date. 

Les chartes locales les plus antiques font mention des pièces 
de Morlaàs (2). En 980, le duc de Gascogne paic en cette mon- 
naie le terrain nécessaire pour la fondation de Saint-Sever. En 
1009, le fils de ce duc assujettit l’église de Mimizan à payer à 
l'abbé de Saint-Sever un tribut annuel de sept livres morlaàs. 
Vers l'an 1000, Centulle le vieux donne 20 sols morlaàs à la 
dame Auxilia. Bernard, comte de Bigorre, fait don, en 1062, 
à l’église de N. D. du Puy en Velay de soixante sols morlaàs de 
rente annuelle. Il serait impossible d’énumérer , tant ils sont 
nombreux, tous les titres postérieurs au X° siècle qui mention- 
nent les espèces de Morlaàs dans les diverses transactions pas- 
sées en Bigorre, en Gascogne et dans les régions voisines. 

Le droit de battre monnaie est un droit de souveraineté, un 
attribut de la puissance suprême. Lorsque les enfants de Clovis 


(1)M. Barry, Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles- 
Lettres de Toulouse, 3° série, tome IV, p. 413. 

(2) Morlaàs fut la capitale da Béarn dans les jours anciens. Cette ville fut 
abandonnée pour Orthez et ensuite pour Pau. Elle est complétement déchue 
de son antique splendeur. Marca l’appelait déjà de son temps Cadaver urbis. 
C’est aujourd’hui un simple chef-lieu de canton et sa population n’atteint 
pas 1800 âmes. Morlaàs n’a conservé de remarquable que le portail de son 
église de Sainte-Foï, qui est un des plus beaux exemples de style roman 
que possède la France. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 217 
sé partagèrent la France, chacun d'eux se regarda comme 
roi, et fit fabriquer des pièces à son coin. C’est depuis lors 
peut-être que de grands vassaux, des évêques puissants , des 
monastères même voulurent avoir une monnaie spéciale. 
Les rois de France cherchèrent toujours à supprimer, ou du 
moins à réduire, ce droit régalien usurpé par leurs sujets. 
Parmi les prérogatives qu’ils se réservaient , on lit dans leurs 
ordonnances : Vus de barons de France ne peut , ne ne doit 
faire monnoye d'or et d'argent, se n’est li rois > Où par son 
commandement, ne monnoye qui vaille plus d'un denier. 
Quelques hauts seigneurs obtinrent ou s’arrogèrent des privilé- 
ges plus étendus; mais la fabrication des pièces d’or resta sé- 
vèrement interdite aux simples vassaux de la couronne. « Aussi 
fut-ce, dit Loiseau (1), l’une des principales occasions de la 
guerre que fit le roi Louis XI contre le due de Bretagne , parce 
que, contre le traité de l’an 1465, il entreprenait de forger de 
la monnaie d’or. » 

Les seigneurs de Béarn se considérèrent toujours comme 
souverains indépendants de la couronne de France. Ils n’usèrent 
pas de leurs ateliers monétaires comme d’une faveur, mais 
comme d’un droit. Ils marquaient les pièces de leur image et 
faisaient frapper des écus d’or et des florins comme les monar- 
ques eux-mêmes. 

Une autre prérogative des rois de France était celle-ci : 
C'est l’ordenance que li bon rois Loys (Saint Louis 1262) 
fit sur les mounoies , il ordena que nulles mounoies ne cou- 
russent en ses terres fors que les sènes propres , et ez terres 
des barons ne courussent que leurs propres mounotes , en la 
terre de chascun baron seulement. Et les mounoies de notre 
sire le Roy doivent courre et étre prises par toutes les terres 
aux barons pour le prix quelles valent à leurs mounotes. 

Dans une célèbre sentence arbitrale, rendue le 23 juillet 1312 
entre le roi de France et le roi de Navarre, sur leur différend 
relatif à la souveraineté de Béarn , le roi de Navarre disait (je 


(1) Loiseau , des Seigneuries, page 16. 
4° S, — TOME y. 15 


218 MÉMOIRES 

copie le texte inédit) : Que ses prédécesseurs de cent, deux 
cents, mil ans en ca , voire de tel et si long temps qu'il n’est 
mémoire du contraire. auoient toujours usé de toutes royal- 
les. comme de faire battre mounoie d’or et d'argent... de 
prendre de tous les étrangers qui passent par le dit pays de 
Béarn et sortent hors d'iceluy un liard pour chacune piece 
d'or qu'ils portent qui n’est battue audit pays, soit battue en 
France ou ailleurs. 

Il est donc certain que les rois de France ne pouvaient faire 
admettre en Béarn leurs pièces que comme des pièces étrangè- 
res, et qu'ils n’exerçaient pas sur les monnaies morlanes le 
droit de seigneuriage dont ils jouissaient sur toutes les mon- 
naies baronales. 

Ce droit de seigneuriage était la propriété des vicomtes ; ils 
pouvaient en disposer à leur gré en tout ou en partie. Cen- 
tulle IV en concéda la dixième part au prieuré de Sainte-Foi, 
en présence des personnages les plus considérables du pays. 

Les souverains du Béarn faisaient administrer pour leur 
compte la monnaie morlane. Ainsi, d’après une charte du 7résor 
de Pau, Centulle IV vendit à un nommé Géraud l'office héré- 
ditaire de graveur. Sous son fils Gaston, des difficultés s'élevè- 
rent sur la validité de cet acte qui fat confirmé après l'épreuve 
du fer , et moyennant quelques dons faits à Sainte-Foi par 
Géraud pour le salut de son âme. 

Une charte inédite, que je réproduirai (1), constate un traité 
passé en 1422 , au château de Pau , entre Jean comte de Foix 
et Peyroton, maître particulier de la monnaie de Morlaàs, sur 
le module, la taille et la valeur des médailles, pogeses, et 
autres pièces à frapper. 

Je pourrais citer trois lettres patentes également inédites de 
1484, 1496 et 1497, par lesquelles Jean et Catherine, roi et 
reine de Navarre, octroient en faveur du seigneur de Narp 
et du sieur Menauton de Lamothe de Morlaàs l’état de maître 
particulier des monnaies de cette ville. 


(1) Voir plus loin, page 238. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 219 

La renommée des monétaires de Morlaàs s’étendait au loin. 
Le roi de Navarre, en 1366, voulant que les florins de son 
royaume eussent la même perfection que ceux d'Aragon et 
de Florence, fit venir Jean d’Estèbe de Morlaàs (1). 

Les vieux fors de Béarn prescrivaient des mesures pour 
favoriser l'importation et empêcher l'exportation des métaux 
précieux. 

Voici quelques-unes de ses dispositions (2) : 


RUBRIQUE XI. — Du change. 


ARTICLE Â4. S2 quelque changeur vient en cette ville et 
recoit Le marc sur le poids d’un sterlin , si la chose peut être 
prouvée , il donnera au seigneur 6 sous ; et si quelqu'un 
apporte de l'argent à la monnaie, nul homme ne doit lui 
faire tort en allant et en retournant ; si on le fait , on don- 
nera au seigneur 66 sous , et on réparera le dommage au 
plaignant. 

ARTICLE 15. De plus il est établi que nul homme de ma 
terre ne soit si osé que de changer de l'argent à un étran- 
ger, de sorte que l'argent sorte de ma terre par homme 
étranger ou par homme connu ; maïs celui qui voudra chan- 
ger le fera avec celui qui tient la monnaie ou avec un autre 
homme de la terre. 


RUBRIQUE XII. — Peine de celui qui fait sortir de l'argent 
de la terre. 


ARTICLE 16. Tout homme qui fera sortir de l'argent de ma 
terre, si cela peut étre prouvé et qu’il soit pris et atteint , 
doit perdre l'argent, sans autre forme de procès. 


(1) Queriendo el rey nivelar su moneda con la de los florines de Aragon 
y de Florencia… per ello hizo venir à Juan de Estebe , monedero de Mor- 
às. Archiv. de Pamplona caj. 21. n. 14. 

(2) Je me suis servi de l’excellente traduction des Fons pe Bearx par 
MM. Haltoulet et Mazure , Pau, in-4°, p. 115 et 116. Cet ouvrage a obtenu 
une mention très-honorable de l’Académie impériale des Inscriptions et 
zelles-Lettres. On pourra y lire le Lexte béarnais el les notes. 


230 MÉMOIRES 


La grande faveur dont jouissait la monnaie de Morlads excita 
souvent la jalousie des rois d'Angleterre et des rois de France. 

Edouard IV, devenu duc d'Aquitaine, mécontent de voir les 
monnaies d’un seigneur voisin plus recherchées que les siennes 
dans ses propres domaines , fit défense expresse à ses sujets de 
les recevoir à l'avenir. 

L'évêque et le chapitre de Bazas protestèrent contre celte 
prohibition qui souleva partout une opposition violente. Il est 
dit dans une charte du trésor de Pau qui nous a conservé leurs 
réclamations, que, de temps immémorial, la monnaie de Béarn 
avait cours dans le Bazadois , qu’elle était seule indiquée dans 
les actes ; que bien qu'elle füt la propriété du noble seigneur 
Gaston de Béarn et de ses prédécesseurs ( nobilis viri Domini 
Gastonis vic. Bearn. et prædecessorum suorum) , elle avait 
l'avantage de ne pouvoir être changée , augmentée ou diminuée 
sans le consentement de tous les prélats, barons ct communau- 
tés de la province d’Auch, aux terres desquels cette monnaie 
était en usage de toute antiquité. 

C'était un grand avantage pour une monnaie de ne pouvoir 
être modifiée par le seul caprice du seigneur, dans un temps où, 
en France, selon l'expression de Leblanc, la monnaie, qui est 
la plus précieuse et la plus importante des mesures, changeait 
presque aussi souvent de valeur que nos habits ont accoutwmé 
de changer de mode. 

Les rois de France portèrent rarement atteinte aux privilèges 
des pièces morlanes, mais ils se préoccupèrent souvent de la 
faveur extrême qui leur était accordée. Il existe aux archives 
de Pau des lettres patentes de Louis XI, par lesquelles il est 
commis par le roi aux conseillers et maîtres des monnaies de 
France de s'informer si les monnaies forgées au pays de Béarn 
et exposées dans son royaume pourront lui causer dommage 
ou non. 

La monnaie de Morlaàs fut un instant décriée, et voici com- 
ment Dupleix (1) raconte ce fait, qui jeta le trouble dans nos 


(1) Histoire de France, t. III, sous l’année 1539. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 221 
contrées : Environ ce temps-là , il y eut une grande calamité 
en Gascogne à cause que la monnaie de Béarn, appelée 
BERNÈSE , fut décriée par édit du roi de l'an 1538 au mois de 
novembre , et le peuple n’en ayant pas d'autre demeura sans 
moyen de faire nulle sorte de provision et sans commerce. 
J'ai souvent ouï dire aux vieillards qui vivaient en ce temps- 
là que jamais la Gascogne n'avait recu pareille incommodité 
à celle-là par les guerres les plus funestes. 

Des lettres patentes, inédites, de François 1° (1542) portent, 
que les monnaies béarnaises auraient cours dans tout le royaume 
comme celles du roi lui-même. Ces lettres furent entérinées aux 
parlements de Bordeaux et de Toulouse. 

Le département des Basses-Pyrénées compte cinq villes qui 
battaient autrefois monnaie : Saint-Palais , Saint-Jean-Pied-de- 
Port, Bayonne , Morlaàs et Pau. Les deux premières villes dé- 
pendaient de la Navarre; Bayonne du Labourd. En parlant de 
monnaie béarnaise, je n'ai dû m'occuper que de Morlaàs et de 
Pau. La monnaie frappée à Pau conserva le nom de Monnaie 
morlane. 

Lorsque les vicomtes, devenus rois de Navarre, établirent 
leur résidence définitive dans la ville où devait naître Henri IV, 
ils y transportèrent sans doute quelques ateliers. Les petites 
pièces s’y frappèrent d’abord au marteau, tandis que les plus 
grosses continuèrent à se fabriquer à Morlaàs. La monnoye de 
Pau, dit Marca (1), fut établie par le roi de Navarre 
Henri IT, l'an 1524. Lorsque les ateliers de l'antique capitale 
du Béarn furent supprimés, on transporta tous les appareils à 
la tour de la Mouline du château de Pau. Cette tour devint 
plus tard insuffisante ; on construisit à coté un hôtel assez vaste 
pour contenir la fonderie de l'or et de l'argent , le monnayage 
avec trois balanciers, les logements des officiers, le bureau 
de change, la chambre de délivrance , l’ouvrerie des ajusteurs 
et l’essayerie générale. 

Le parlement de Navarre fut établi cour des monnaies. Les 


(1) Antiquités de Béarn , mon édition, Pau, 1843, p. 31. 


229 MÉMOIRES 


offices des employés étaient vénaux et conféraient plusieurs 
priviléges. Au commencement du XVII siècle la charge de 
directeur se vendit 13,200 livres. 

La monnaie morlane , si longtemps florissante , finit par 
décliner. Nous verrons bientôt, en décrivant les pièces d’or des 
vicomtes de Béarn, qu'il ne dédaignaient pas d’user de quelque 
finesse pour favoriser l'introduction de leurs florins dans 
l’Aragon et la Castille. Au XVI: siècle, les Aragonais prohi- 
bèrent le transport de l'argent en Béarn. D’autres causes et 
notamment l'invention des lettres de change avaient déjà contri- 
bué à diminuer considérablement la fabrication de la monnaie 
béarnaise. 

Cette fabrication se continuait à Pau. Pour donner une idée 
de son importance, je citerai un document authentique qui 
nous apprend que les espèces frappées du 1° septembre 1701 
au 1° janvier 1704, s’élevèrent à une valeur de #,210,321 li- 
vres 44 sols 11 deniers. Le roi, sur cette somme, reçut, tous 
frais payés, un bénéfice net de 248,166 livres 13 sols. 

La monnaie de Pau fut supprimée sous la première républi- 
blique, et réunie à celle de Bayonne, qui maintenant a cessé 
aussi d'exister. 

Dans les mauvais jours de la première révolution , on im- 
prima à Pau, comme à Toulouse, Albi, etc., des biilets ou 
assignats de petite valeur ; ils étaient signés Æouneau et Ber- 
nadou. Ces chiffons, devenus aujourd’hui d’une extrème rareté, 
étaient cependant de la monnaie; aussi ai-je cru devoir rappe- 
ler, dans l'Histoire monétaire du Béarn, leur existence 
passagère, presque entièrement oubliée. 


SIL Valeur des anciennes monnaies béarnaises. 


Comment dois-je préciser la valeur des anciennes pièces mor- 
lanes ? Faut-il indiquer leur titre et leur poids, et calculer 
ensuite l'estimation commerciale da métal selon la différence 
des temps ? Faut-il suivre, pour ainsi dire, d'année en année, 
et les apprécier selon la diversité des pays où elles circulaient 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 293 
les monnaies de Béarn en les comparant à celles de France et 
d'Espagne? 

Ce serait un long travail où les questions relatives à la mon- 
naie locale entraîneraient l'examen des plus graves difficultés de 
l’ancien système monétaire. Je vais me borner à recueillir dans 
des documents ignorés (1) qaelques évaluations dont je tâcherai 
de faire une appréciation exacte en rapprochant des actes pas- 
sés dans des contrées voisines et à des époques contemporaines. 

Enumérons les principales pièces qui avaient cours en Béarn. 


FLoriw D'or. Cette monnaie si répandue se nommait ainsi, 
d’après quelques auteurs, parce qu’elle portait une fleur de lys 
au revers. Il est plus probable que son nom lui vient de son 
origine : ces pièces se frappaient primitivement à Florence. 
Elles portaient l'empreinte de saint Jean-Baptiste (2), patron de 
cette ville. Les vicomtes de Béarn eurent des florins comme la 
plupart des souverains de la chrétienté. 

Rien de plus variable que la valeur du florin béarnais. 


(1) Voici les documents que j'ai consultés avec le plus de profil: 

1° La déliveration deüs estats qui an oppinat degossen aber cors et mise 
la monede , et que sie cridat que deü oytal jorn de juner 1489 en avant no 
ara valor cum sin seg. Cette délibération des états, fixant le cours des mon- 
naies, est datée de Pau du 3 janvier 1489. 

20 Ordonnance, en béarnais, du 20 mars 1493 sur les monnaies dOlit, 
Morlaàs et autre part. 

30 Ordonnance de Jean et Catherine sur les monnaïes et leur valeur en 
Béarn, datée de Pampelune du 14 août 1494. Cette ordonnance est très- 
longue : il y est dit qu’elle sera publiée dans loutes les villes de Béarn un 
jour de marché. 

4° Papier terrier rédigé par F. Lucas, député par le roi pour la réfor- 
mation de son domaine. Ce cartulaire contient un pelit discours historique 
sur le comté de Bigorre et une note précieuse quoique très-succincele sur la 
valeur des monnaies du pays en 1669. 

Toutes ces pièces appartiennent aux archives de Pau. 

J'ai également trouvé d’utiles indications dans les G/anages de Larcher, 
21 volumes manuscrits de la bibliothèque de la ville de Tarbes et dans le 
Glossaire de Larcher, Mss. des archives de la préfecture des Hautes-Pyrénées. 

(2) Ce qui a fait dire au Dante en parlant d’un individu qui avait falsifié 
celte monnaie : 

Lui e Romena, là dov'io falsui 
La lega sugellata del Battista. 
Inf, cant. 50. 


224 MÉMOIRES 

La liève de Pamiers l’évalue 18 sols, une charte de Macciae 
du 21 août 1661, 15 sols 9 deniers; une charte de Ladevèze 
du 15 février 1482, 13 sols et demi ; Lucas l'estime 13 sols 
6 deniers. Cette estimation nous paraît exacte. Par sentence de 
la Cour Majour de Béarn, du 17 novembre 1479, les habitants 
de la vallée d’Aspe furent condamnés à payer annuellement et 
perpétuellement au seigneur de Béarn, où à son trésorier , 
per souverainelat et reconezence deüs drets susdits , la somme 
de trente-six florins valant 9 sols Jacquès, ce qui revient à 
43 sols 6 deniers. 

Le florin d’or d'Aragon avait en général la même valeur. 

IL existait différentes espèces de florins qu'il est inutile d’énu- 
mérer ici, comme florins & la chambre , à la chaise , ete. En 
Béarn on connaissait le florin conduü ou corrable, estimé 12 sols 
par Lucas. 


Ecv. Henri IE, roi de Navarre, fixa la valeur de l’escut de la 
baque (écu à la vache) et de l’escut dei soreilh (écu au soleil) 
à 2% sols 6 deniers jacquès ; celle de l’écu de la couronne à 23 
sols 4 deniers; et celle de l’écu vieux (escut bielh) à 27 sols. 

L'écu sol, en 1358, valait 3 livres 5 sols. Henri IV l’éleva à 
3 livres 18 sols, en 1602, et Louis XHI à 5 livres 3 sols. Lucas 
estime l’écu corrable 2% sols ; l'écu petit 27 sols ; l'écu petit 
doré 27 sols 6 deniers ; l’écu sol 3 livres ; le quart d’écu 15 sols, 
et, plus tard, 16. 


SOL. On sait combien la valeur du sol a varié en France. 
20 sols du temps de saint Louis valaient, au XVII: siècle, 
9 livres 13 sols 4 deniers ; 20 sols du temps du roi Jean valaient 
7 livres ; 20 sols du temps d'Henri HI valaient 27 sols 6 deniers; 
le sol morlan, d’après Ducange, doit être évalué 3 sols et 3 de- 
niers tournois ; ce sol morlan (so/idus ou soludus morlanus) 
figure dans un grand nombre de chartes ; on l’appelait {arje en 
Gascogne parce que, dit le P. Montgaillard , il portait autrefois 
l'empreinte d’un bouclier, {arja à tegendo. Dans quelques val- 
lées pyrénéennes , notamiment dans celle de Campan , le sou est 
encore appelé {arye, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 225 

Dans un acte d'échange passé, en 1301, entre le roi Philippe 
le Bel et Hélie Galerand, comte de Périgord, on voit que 1344 
livres 9 deniers morlans valaient, à cette époque, 2150 livres 
9 sols 9 deniers tournois. Sous Louis le Hutin , 52 livres 3 sols 
de Morlaàs valaient 84 livres tournois, c’est ce qui résulte des 
registres de la cour des comptes. Géraud, dans son traité des 
droits seigneuriaux , estime le sol morlan 2 sols 6 deniers. La 
reconnaissance d'Adé, 2 sols 9 deniers; d’autres actes, 2 sols 3 
deniers. Presque toutes les lièves de l'évêché d’Aire évaluent le 
sol morlaàs 3 sois. Sur ce principe et l'autorité de Marea, le par- 
lement de Bordeaux coudamna plusieurs individus de Perohade 
à payer à l’évêque d’Aire les archifs de sols morlans à 3 sols 
pièce. Lucas distingue le sol morlaàs du sol de Morlaàs. Le pre- 
mier ne vaut que 2 sols 3 deniers ; le second vaut 3 sols. 

Sol bernez. Le P. Montgaillard assure que le sol bernez était 
marqué d’une vache ; qu'il ne valait que 9 deniers avant 1590, 
alors il fut baussé à 12 deniers tournois. 

Le sol bon est constamment estimé 18 deniers tournois. Lors- 
que, dans les actes anciens du pays, il est fait mention simple- 
ment du sol, on doit l'entendre par sol bon, qui, ainsi que le 
dit le P. Montgaillard , était appelé aussi s0/ gros. 

Sol jacquès. Le nom Jacquès tire, dit-on, son nom de la 
ville de Jaca ; je croirais plutôt que c'est du roi Jacques d'A- 
ragon. 

Larcher , dans ses Gl/anages , rapporte que le régidor de la 
vilie de Camfranc, près de Jaca, lui a dit, que, suivant quatre 
anciens titres, la livre jacquèze était composée de 12 sois jac- 
quès, que chaque sol valait 5 sols de France et le denicr jac- 
quès 5 deniers. Lucas l'estime 1 sol 2 bacquettes ou 13 deniers 
et demi. 


Lino. Leliard se nomme ardit. Pour dire qu'on a de l'argent, 
qu'on est sans argent, en béarnais, on se sert encore de l'ex- 
pression , qu'a ardits, qu'ey sens ardits. Le lard , d'après une 
charte de la Casedieu, de 1496, ne valait guère que 2 jacquès 
ou 3 deniers tournois. Lucas l'estime # bacquettes ou 3 deniers. 


226 MÉMOIRES 

Dexter. Je ne chercherai point à rappeler ici la valeur du 
denier dans les différentes époques , et chez les différents peu- 
ples. On sait que les deniers comptés à Judas valaïent 25 francs 
chacun. En Béarn , les livres, sols et deniers avaient une valeur 
triple de celle de la monnaie tournoise. 

Lucas distingue le denier Morlàs, Morla où Morlan et le 
denier de Morlaès. Le premier valait 3 bacquettes ou 2 deniers 
tournois un quart, et le second 3 deniers tournois. 


L'OsoLe (obolus, obulus) est la moitié du denicer , selon La 
oche , les actes de la Casedieu et le P. Montgaillard_ Elle est 
le double de la pate, et par conséquent la même chose que la 
maille. 

L'obole d’or est estimée 2 livres 10 sols par Géraud, mais 
cette estimation est coatredite par plusieurs titres. 


Poce , pogeoise, pogès ; j'ai trouvé dans une charte inédite 
des archives de Pau , que le vicomte faisait fabriquer à Morlaàs 
cette petite pièce blanche ; elle valait une demi-obole. 


BacquerrTE. C’est une petite monnaie de cuivre qui fat intro- 
duite par Gaston de Foix en 1465. Elle valait le quart du liard 
ou le seizième du sou. 


Bcaxc, Un grand blanc valait 10 deniers, un blanc simple 
5 deniers. 


Pécar. Un pélat valait une bacquette et demie. 
Un Tesrox quatorze, puis quinze sols tournois. 


La Livre est regardée comme poids et comme monnaie. Les 
anciens poids de Béarn sont rares. Ceux de la ville d'Orthez 
portent d’un côté une grande vache clarinée, et de l’autre un 
pont défendu par une tour. 

La livre carnassière pesait en Gascogne #8 onces. Henri IV 
défendit, en 1609, de compter autrement que par livre de 20 
sols tournois. 

La livre fiscale est estimée par Lucas 21 sols 8 deniers. 

La livre carline , connue en Béarn , surtout pour les amen- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 297 


19 


des , valait 6 sols. La livre morlane valait 3 livres tournois. 
elle suivait les variations de la valeur du sol. 


. Le Fraxc a toujours valu 20 sols, surtout , dit Cayron, de- 
puis 1549 jusqu'en 1602. D'après Mezeray , il fut élevé en 
1609 jusqu’à 21 sols 4 deniers. 

L'inventaire de Périgord au Trésor de Pau, évalue le franc 
21 sols 8 deniers , en 1371, 1372, 1373. Le franc de Rey, 
ou de roi, valait 20 sols. Le franc de Béarn est en général es- 
timé 15 sols ; cependant, le 4 avril 1564, les babitants de la 
vallée d’Aspe baillèrent à ferme la montagne d'Ourdiusse et le 
passage du port pour 148 francs, condan detz sods per franc 
(comptant dix sous par franc). Un arrêt du conseil d'état, du 
4 novembre 1643, rendu en faveur des jurats d'Oloron, leur 
adjuge annuellement , pour entretenir les ports et chemins, 
50 fr. béarnais de 5 sols pièce. 

Le franc heyt était évalué 16 sols. Dans un état en date du 
13 mars 1647, portant estimation des biens vendus par Pierre 
Lafaille, natif de Hagedet et habitant de Pau, il est dit que 
110 livres font 137 francs et demi, ce qui porte le franc à 
16 sols. 

Les appréciations que je viens de donner paraîtront sans 
doute incomplètes; mais, dans un travail tout nouveau, je 
rencontrais des difficultés qui n’avaient pas encore été résolues, 
et J'analysais des documents que les savants n'avaient pas eu 
occasion de connaître. 


S HL. Numismatique béarnaise. 


Avant d'essayer un catalogue des principales monnaies qui 
nous sont restées des vicomtes de Béarn et de nos rois de Na- 
varre, je dois commencer par expliquer quelques légendes, 
quelques particularités qui se font remarquer fréquemment sur 
ces médailles , et qui ont été l’objet de controverses parmi les 
numismalistes. 

Hoxor FORCAS Où FORQVIE MORLAGIS : que veulent dire ces mots 
si usités sur les pièces morlanes ? 


298 MÉMOIRES 


Oxor, uowor, dans les chartes et les auteurs du moyen âge, 
signifie droits honorifiques, seigneurie , domaine ; territoire , 
terre patrimoniale. 


_ 


Ilère l’meler de tota la honor 
11 était le meilleur de toute la seigneurie. 


(Poëme de Boece. — Raynouard.) 


El rey de cui ieu tenc m'onor 
Le roi de quije liens ma terre. 
(Le comte de Poitiers.) 
Honor dotul no's pot alienar 
Fonds dotal ne se peut aliéner, etc. 


Pour restreindre mes citations à des documents béarnais, je 
rappellerai deux articles du For général du Béarn où je re- 
trouve le mot Lonor. L'article 40 porte : Coneg'ude cause sie 
que lo senhor no deu haver sivade de la aovor de sons cavers 
ni de La oo seu, ete. « Lescigneur ne doit point avoir l’avoine 
du domaine de ses cavers , ni de ses domaines, excepté des bé- 
gueries et des chatelains naturels » 

L'article 90 du même For cite Morlaàs et la onor de Navalha. 

Le mot onor se rencontre dans plusieurs chartes du Midi. 

Forcas , FORQVIE, FVRCIA MORLAXI, FVROVINA MORLIANI. M. de 
Barthélemy, dans son Manuel numismatique , À. 2 , regarde le 
mot de Forquia comme synonyme de palatium où castellum , 
« ce que je n'ai su que par lui, ajoute M. le baron Chaudruc 
de Crazannes, correspondant de l'Institut. » 

Dans un rescrit du pape Urbain Il, il est énoncé que l'église 
de Sainte-Foi de Morlaàs cest située dans le comté de Béarn et 
dans la ville nommée Æurcas. Le château qu'habitaient les 
seigneurs de Béarn et où se trouvaient leurs ateliers mo- 
nétaires portait le nom de Château de la hourquie; c’est 
pourquoi leur monnaie s'appelait dans le moyen âge monela 
Furcensis. Une grande place, où se tiennent les foires à 
Morlaàs , conserve le nom de Æourquie. Dans nos contrées , les 
grands marchés de quelques petites villes se nomment la Hour- 
quie , parce que c’étaient ces jours-là qu'on dressait les fourches 
patibulaires. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 299 

On rémarque sur un grand nombre de pièces morlanes PA,x. 
Ces sigles ont été diversement interprétés. 

Quelques antiquaires prenant M pour un A et la croix pour 
un X avaient lu Pax. Il est évident qu'ils n'avaient eu sous les 
yeux que des médailles frustes. Je n'hésite pas à adopter la 
version du savant baron de Crazanne , Morlanni Percussa. 

On lit, il est vrai, sur quelques pièces Pax ET ONOR FORQYIE. 
Dans divers mémoires le mot pax a donné lieu à des interpréta- 
tions inadmissibles. On doit, selon moi, l'entendre dans le sens 
de territoire où regnait le vicomte. 

L'écusson de Béarn était d'or à deux vaches de gueules, 
accornées , accolées et clarinées d'azur. Cet écusson , dans un 
grand nombre de monnaies, est représenté entre deux épées ; 
où bien entre deux épées et deux vaches. Souvent on trouve au 
revers des croix fleuronnées , cantonnées d’une épée et du mo- 
nogramme du prince. Pourquoi cette épée? Il n’en est nulle part 
fait mention dans les auteurs qui ont décrit les armes de Béara, 
tels que la Colombière ( Science héroïque , p. 177 ) et Palliot 
(la vraye et parfaite connaissance des armes). Cette épée 
aura été ajoutée par le caprice de l’auteur de la monnaie ou par 
la fantaisie guerrière des anciens vicomtes. 

La fière devise des souverains du pays, gratiä Dei sum id 
quod sum se retrouve souvent sur leurs monnaies , même depuis 
la réunion du Béarn à la France. Les pièces de Louis XIV frap- 
pées à Paa portent cette exergue. Quelquefois aussi la devise 
est remplacée par un verset de l’Ecriture, tel que : Dominus 
illuminatio mea et salus (Psaume xxvr, 1). 


J'arrive au catalogue des principales médailles où plutôt 
monnaies béarnaises. 


4. CexruzLo co. (centullo comiti). Dans le champ une croix 
grecque cantonnée d’un besant au 1% et au 2° quartier. R oxoRr 
ForCas et dans le champ PK. 

Ces Centulles ont été décrits par Duby ( Traité des monnaies 
des Prélats et des Barons de France) ; par M. de Barthélemy 
(Manuel de numismatique ancienne et moderne) ;par M. Poey 


230 MÉMOIRES 

d'Avant { Catalogue des monnaies seigneuriales de France) ; 
enfin, par M. le baron de Crazannes | Revue numismatique, et 
la Glancuse) (1). 

Ces pièces, les plus anciennes monnaies de nos vicomtes , 
sont les plus communes , ce sont des deniers et des oboles d'ar- 
gent. Il n’y a que quatre coins différents qui paraissent avoir 
servi à plusieurs seigneurs de Béarn. Il est à remarquer que ces 
médailles leur donnent le titre de comte, quoiqu'ils se soient 
toujours contentés de celui de vicomte. 


2. Gasro DEI ératiä DOMINYS BEARNII. Dans une rosace une 
croix cantonnée de deux épis et de deux vaches. & PAX ET ONOR 
FORQYIE MORLACIS. Dans une rosace un écusson aux armes du 
vicomte de Béarn. Sur cet écusson une main armée d'une épée 
et de deux vaches. Ecu d'or. 


3. GASTO DEI Gralià pomixus pearnii. Dans une rosace can- 
tonnée de quatre tiercefeuilles, une croix fleuronnée , cantonnée 
de deux épées et de deux vaches. & Domixvs ILLVMINATIO MEA 
gr sazvs. Le vicomte de Béarn armé de toutes pièces, l'épée 
haute, le bouclier au bras gauche, monté sur un cheval entière- 
ment couvert d'un caparaçon et galoppant à droite. Æcu d'or. 


(1) Voici l'explication de cette pièce , donnée par le savant de Boze dans 
une lettre inédite du 24 juin 1750, que j’ai découverte depuis la rédaction 
de ce mémoire : « C’est une monnoie des anciens comtes de Béarn : elle a 
d’un côté, autour d’une croix chargée de deux besants ces mols : CExTuLLO 
comes. Nous connaissons cinq comtes de Béarn qui ont porté le nom de Cen- 
tulle, mais n’y ayant sur la monnoie en question aucune marque distinctive 
qui puisse la faire rapporter à l’un plutôt qu’à l’autre ; tout ce que l’on en 
peut dire , c’est qu’elle a toujours plus de six cents ans d’anciennelé, puisque 
Centulle V et dernier du nom, mourul en 1134. 

»Onlitau revers, autour d’une M, d’un P et d’une croix qui sontau centre de 
la pièce ces mols : ONOR FORCAS. Sur les monnoies et dans les actes de ce temps- 
1à ovor où noxor signifie une seigneurie, un château, un fief, ce qui nous ap- 
prend que la monnoie des comtes de Béarn se fabriquoit à la Fourquie près 
de Morlaàs ou Morlais apud Forquinam Morlanis. LA et le P qui sont dans 
le champ doivent s'expliquer par Moncaxis rax. On trouve sur des monnoies 
postérieures des seigneurs de Béarn pAx ET ONOR FGRQVIE MORLANIS OU MORLACI. 

J'ai un ouvrage lout prêt sur les monnoyes que les Archevêques , Evêques, 
Abbés, Prieurs, Ducs, Comtes et Barons faisaient autrefois frapper en 
France concurremment avec le Roi, et j’ai fait graver Loutes les pièces d’or, 
d'argent el de cuivre que j'ai vues et qui pouvaient servir de preuves. » 


, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 231 


k. Gasro , etc. Dans une rosace cantonnée de douze tierce- 
feuilles, le vicomte comme ci-dessus. Dans le champ, quatre 
monnaies du coté de la croix. & Dominys, etc. Dans une rosace 
cantonnée de quatre tiercefeuilles une croix fleuronnée canton- 
née de deux épées et de deux vaches. Or. 


5. Florin d'or du xiv° siècle Saxcrvs 1oHanx | le reste illisible) 
Saint Jean-Baptiste. Dans le champ, les deux vaches de Béarn. 
R AraGox, la fleur de lys florentine. 

L'auteur de l'Aistoire monétaire, p. 34, dans le Zrésor de 
Numismatique et de Glyptique, s'exprime ainsi sur ce rare 
florin : «D'un coté les vaches pourraient le faire attribuer au 
Béarn, mais la légende Aracox le donnerait à l’Aragon. Ne 
serait-ce pas là une de ces monnaies d'association dont on con- 
naît de nombreux exemples ? Ce florin d'or n'aurait-il pas été 
destiné à circuler dans l’Aragon et le Béarn ? 


6.Florin d’or inédit (de mon cabinet) + arnt Gasto pominus 
8e. Grande fleur de lys ouvragée. R Saint Jean-Baptiste. + 
S. 10HA — NES B. Une petite tour. 

Cette pièce, d'uneconservation parfaite, me paraît très-curieuse 
par la manière de dissimuler la légende 6. DNS BEARNI qui est 
disposée ainsi : ARxI.G — pxs 8e. Le but de ce renversement était 
sans nul doute d’imiter la légende des florins d'Aragon + 
ARAGONE R. Cet esprit de contrefaçon se retrouve aussi dans le 
choix du différent qui est placé près du saint : ce différent est 
une tour qui imite celle de Castille { Castellum). TH est évident 
que les vicomtes de Béarn employaient toutes sortes de moyens 
pour faciliter l'émission de leur monnaie sur l’autre versant des 
Pyrénées. L’explication de ce florin fait comprendre l’origine 
béarnaise du précédent. 


7. Denier d'argent inédit, petite vache. Gasro : vocoxs 
R PM,x petite vache oxor FoRCaS. 


8. Denier d'argent : petite vache: Gastro pEï Gratiä DNS Bearni. 
R: PAX ET ONOR FORQVIE MORLACIS. Il existe deux coins , l’un avec 
le monogramme du prince, l’autre avec une épée. 


232 MÉMOIRES 

9. Pièce de billon inédite (de mon cabinet}, vache sürmon= 
tée d’une couronne. loannes? | presque illisible) pet ératid ps. 
R Croix grecque ONOR FORQVIE MORLA. 


10. FRANCISCVS FEBVS D G. DOMINVS BEARNÜ. Ecusson de Béarn 
entre deux épées. Sur l'écusson paraissent seules deux vaches. 
Fe Dominvs ILLVMINATIO MEA ET saLvs. Dans le champ, croix 
fleuronnée cantonnée d’une épée et d’une F. Ecu d'or. Il en 
existe au moins de trois coins différents. 


1 1. FRANCISCVS FEBVS D G ReX NABARRE ET DNS Bearni. Ecusson 
aux armes du roi de Navarre surmonté d’une couronne ouverte: 
dans le champ deux F couronnées. Fébus portait parti de deux : 
le premier parti formait un écartelé : au premier, de Navarre ; 
de gucules aux chaînes d’or posées en orle, en croix et en 
sautoir ; au deuxième de Foix, d'or à trois pals de gueules ; au 
troisième de Béarn d’or à deux vaches de gueules accornées, 
accolées , clarinées d'azur ; au quatrième d'Evreux qui est de 
France au bâton de gucules mis en bande; sur le tout d'or à 
deux lions de gueules passant qui est de Bigorre. 4{u deuxième, 
d'or à quatre pals de gucules pour Aragon, flanqué au côté 
dextre de gucules au château sommé de trois tours d’or pour 
Castille, et au côté senéstre d’orgent au lion de gueules pour 
Léon. R NoLI ME TANGERE MVLIER NVNDVM ASCENDI AN PATREM 
Le Christ après la résurrection se montrant à Marie Madeleine. 


12. Idem. Blanc d'argent à deux vaches avec la légende 
DomiNvs ILLVMINATIO MEA , ec. 


13. Des blancs de billon avec la légende au de Pax Er 
ONOR FORQVIE MORLACI, Où bien, SIT NOMEN DOMINI BENEDICTVM. 


14. KTERINA DEI GRA. DOMINA BEaRNL Entre deux K initiales 
de Catherine l’écusson de Béarn à deux vaches surmonté d’une 
couronne ouverte surmontée de trèfles. Æ Croix fleuronnée 
cantonnée de deux épées et de deux couronnes P4x ET ONOR 
FORQVIE MORL. 

Ecu d’or ; il existe des blancs d'argent et des blancs de billon 
avec à peu près les mêmes légendes. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 233 

19. IOANNES Er KATERINA reges. Ecusson écartelé aux armes 
de Navarre et d'Evreux surmonté d’une couronne ouverte. Re 
SIT NOMEN DOMINI BENEDICTVM , croix dans une rosace. Ecu d'or. 


16. Idem. Dans le champ, monogramme du prince et de la 
princesse, séparé par un écusson chargé des armes de Bourbon 
et de Navarre. 


17. IOaNxES ET KATERINA Reges Navarre. Dans le champ leurs 
deux monogrammes. R: Sir Nowex , etc. 


18. Idem de billon. 


19. Henri 1°" de Béarn , u° de Navarre. Hewricvs pr G. DN.P. 
FR Pax £T oNoR FORQIE mor. (1516) blanc à deux vaches. 


20. HeNr1 DEI G. REX NAVaRR. De. — JI couronnée. BR. Croix. 
GRA DEI SVM 1D Qvop sv. Denier. 


21. HENRicvs pG. REx NavarE pe. Ecusson de Navarre et de 
Béarn. R GRaTIA Der svm, etc. Croizette dans un cercle à qua- 
tre ogives. Douzain. Il existe encore des blancs de billon à 
la vache , et des pièces de billon de trois coins différents. 


22. Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, pièce d’ar- 
gent. ANT. ET. JOAN DEI G. RR. NAV. DD. B. À GRATIA DEL SVM, el. 
1562. Dans le champ, monogrammes du prince et de la prin- 
cesse, séparés par un écu chargé des armes de Navarre , de 
Bourbon et de Béarn. 


23. ANT. ET IOAN. DEI. G. RR. Na. p8. Ecu de Béarn et de 
Navarre accosté d’un À et d'un I couronnés. fe GRATIA DEI 
svu, etc. Croix tortillée cantonnée de deux À et de deux I 
couronnés. Douzain. 

Il existe des coins différents de 1535 et 13559 , et diverses 
pièces de billon avec le double monogramme du prince et de 
la princesse. 


24. ToaNNA DEI G. R. NAVARRE pe. Buste à droite de Jeanne 
d'Albret coiffée d’un bonnet à la mode du temps. Exergue : 
une vache et la lettre P, indice monétaire de la ville de Pau. 
R GRATIA DEI SVM, etc. 1564. Croiïssant et étoile. Ecusson aux 

k°S.— TOME v. 16 


234% MÉMOIRES 

armes royales surmonté de la couronne fermée et fleurdel sée 
semblable à celle des rois de Franoe. Cet écusson est parti : au 
premier , de Navarre, coupé de Bourbon; au deuxième, dans 
le champ, deux I surmontés de couronnes ouvertes. Sur la 
tranche on lit : DOMINE PROBASTI ME ET COGNOVISTI ME. Or. 


25. IoANNA DEI G. REG NAVARR pB. Buste de la reire coiffée 
d’un bonnet. Au-dessous une vache et un P. R GRATIA DEI SVM, 
etc. Ecusson surmonté d’une couronne royale fermée et aux 
armes de Navarre, Béarn, Bourbon, Armagnac, Albret, Bi- 
gorre, Evreux, Aragon et Castille. Ecu d'argent. li en existe 
à la date de 1564, 1565 , 1566, 1570, 1571, etc. de coins 
différents, mais avec de très-légères modifications. 


26. JANNE PAR LA GRACE DE DIEV ROYNE DE NAVARRE. J% GRATIA 
etc. 1563. Dans le champ monogramme élégant qui paraît 
composé de deux S et d'un V (so/a et vidua), monnaic ou 
jeton d'argent. 


97. Henri le Grand. Henri II de Béarn , était Henri NI de 
Navarre et devint ensuite Henri IV de France. Sur les pièces 
frappées à Pau , on trouve quelquefois cependant Henri II avec 
les armes de Navarre sans les armes de Béarn , et Henri II avec 
l'écusson chargé des armes de Béarn! La plupart des pièces 
sont sans effigie avec une croix fleurdelysée. 


HENRICVS MARGATÜUG REX REGiNG NAVARRE. D. B. Bustes affron- 
tés du roi et de la reine. Le roi lauré et revêtu d’une armure. 
La reine coiffée d’un bonnet de son temps. Au-dessus de leur 
tête une couronne royale ouverte. La vache de Pau. R GRATIA 
pet. etc. 1576. Ecusson surmonté d’une couronne royale ou- 
verte. On y distingue l’écu d’Albret moderne écartelé au 1° et 
4° de France, au 2° et 3° de gueules qui est Albret ancien. Or. 

Il existe d’autres testons, notamment de 1577 et un de1570, 
qui doit être de 1579 puisque le mariage d'Henri et de Mar- 
guerite n’eut lieu qu'en 1572. 


HENRICVS DEI G. REX NAVARRE DB, 1583. Æ GRATIA DEI, etc. 
quart d’écu d'or. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 235 
Hexnicvs 1 D, 6. REX NAVARRE ps. Buste d'Henri dont la 
tête est laurée. Fe craria, etc. 1573: écusson aux armes des 
diverses seigneuries du roi de Navarre et surmonté de la cou- 
ronne royale fermée. 
Ecu d'argent (de mon cabinet). 


HENRIGVS 1 D. G. REX NAVARRE D. Petite vache 8. Têtes affron- 
tées d'Henri et de Marguerite. Au-dessus une couronre ouverte, 
au-dessous une vache accornée et clarinée. R GRATIA DEI sv, 
etc. Ecusson surmonté d’une couronne royale fermée, écartelé 
de Navarre, Béarn et Bourbon. 

Ecu d'argent {de mon cabinet ). 


Depuis la réunion du Béarn à la France, les pièces frappées 
à Pau se font remarquer par la vache; le sigle B) Dominus 
Bearni ajouté au titre de Rex Francie et Navarre, les armes 
de Béarn, et la devise gratia Dei sum id quod sum. Sous 
Louis XV et Louis XVI, cette devise est remplacée par sit nomen 
Domini benedictum et le revers ne porte plus les armes de 
Béarn. Le sigle B) est maintenu ainsi que la vache, On sait que 
l’écu à la vache était fort recherché, même loin de nos contrées 
pyrénéennes, parce qu'un préjugé populaire lui attribuait la 
vertu de porter bonheur. 

Il n’a pas été dressé de catalogue des jetons frappés à la mon- 
naie de Pau. La médaille d’or, donnée en prix par l’Académie 
béarnaise, avant 1789, portait d’un coté les armes de Béarn avec 
celte légende : Ex MUNIFICENTIA PROVINCIÆ, CuI MELITS. R Les 
armes Fa l’Académie , un miroir ardent avec les mots : Regiæ 
Academiæ Palensis donum. 

Le président de la commission des monnaies et médailles 
à Paris, a bien voulu m’informer qu’il n’existe dans les col- 
lections de l'administration de la Monnaie aucun des anciens 
coins de la monnaie de Pau et des princes de Béarn. 

L'administration ne possède également aucun jeton apparte- 
à ce pays ni aucun exemplaire de médailles frappées en l’hon- 
eur de Béarnais illustres. 

Le Béarn cependant , avant et depuis sa réunion à la France, 


236 MÉMOIRES 
a produit des grands hommes. Plusieurs, il est vrai, se sont 
rendus célèbres loin de leur pays natal. 

Parmi les médaillons de nos princesses béarnaises, j'en possède 
un frappé à l'étranger, qui n’a pas été connu de Duby etqui mé- 
rite d’être cité. Il est de Marguerite deFoix, fille de Jean deFoix, 
comte de Candale , et femme de Louis Il, marquis de Saluces. 

Cette très-belle pièce d'argent est de grand module (elle pèse 
38 gr. 30 déc.). 

—- LYDOVICVS MARCHIO. ET MARGARITA, D. FOIS. M. S. Bustes 
affrontés du marquis et de la marquise qui est couverte d'un 
voile. Au-dessous de la double effigie, 1503. R Sr DEVS PRO NoBts 
QvIS coNTRA Nos. Sur un aigle couronné l'écusson chargé des 
armes de Saluces , Foix et Béarn. 

La date de 1503 est peut-être celle du mariage, qui n'avait 
pu être retrouvée par Duby (t. 2, p. k). 

Le plus illustre des Béarnais modernes, Charles XIV Jean, 
(Bernadotte ) est monté sur le trône de Wasa. Je ne connais 
pas de médailles du héros français avant qu'il füt devenu prince 
royal de Suède. Il existe déjà une belle collection de médailles 
frappées sous sa dynastie. S. M. Oscar [:", son fils , vient d’en- 
voyer celte collection, exemplaires en argent, au Musée de la 
ville de Toulouse. J'ai eu l'honneur de recevoir un médailler 
pareil. Il est facile d’y voir les progrès que l’art de la gravure 
a faits en Suède depuis environ un demi-siècle. 

Lorsque la duchesse de Berry fit un voyage dans les Pyré- 
nées, en 1828, une médaille fut frappée en mémoire de son 
passage. Cette médaille en bronze de grand module fut tirée à 
un très-petit nombre d'exemplaires. Elle portait à l'avers : La 
BONNE VILLE DE PAU À LA MÈRE DU NOUVEL HENRI. Ce 20 juillet 
1828. Buste d'Henri IV. R& Henri-Charles-Ferdinand-Dieudonné. 
Duc de Bordeaux. Buste du duc de Bordeaux. 

Si Pau, admirablement situé au pied des montagnes , sur le 
seuil des établissements thermaux les plus renommés, consa- 
crait par des médailles le souvenir des personnages illustres qui 
viennent saluer les magnificences de son beau pays, la collection 
de ces médailles serait bientôt d’une extrême richesse. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 237 

En finissant, je mentionnerai de nombreuses médailles de 

dévotion distribuées, dans nos vallées, aux pèlerins et aux 

touristes qui vont visiter des chapelles renommées consacrées à 
la Vierge , telles que Betharam et Sarrance. 


NOTES. 


CHRONOLOGIE BÉARNAISE. 


L. J'ai cru étre utile à ceux qui s’occupent de numismatique béar- 
naise, en reproduisant ici une note de mon ouvrage : Le Château 
de Pau, son histoire et sa description (in-8°, Paris, Didier, quai 
des Augustins, 35; Toulouse, Delboy, rue de la Pomme). «Les 
auteurs , qui ont rapporté la chronologie des seigneurs de Béarn , ne 
sont pas d'accord entre eux. Il existe de grandes divergences entre 
TArt dé vérifier Les dates et les ouvrages de Laperrière, Hélie, 
Marca, Olhagaray , Oyhenart , Desbarütz, d'Expilly , etc. 

L'étude sérieuse des chartes locales m’a fourni les moyens de rec- 
tifier quelques erreurs. Il en sera resté peut-être dans la liste que 
je donne, mais j'espère que celte liste sera la moins inexacte qui ait 
été publiée jusqu'ici. 

Vicomtes de Béarn. 


CENDULRE ITS MONTE VELSE 2.270 Meet ces. u04D 
Cevonnree Men eee Sr ep ae 01900 
GENTUELE L'HOUACENTOINGE. ee... eeeeceee.t 940 
GASTON OENTUDHE = - ces me melteeietet col sise aels TO 
CENTOBDE ASTON Te ee se mr resssecee AUD 
GASTON ES es den sera eesnen sectes see ref AU 
CERTUL TENTE SE RS en ence A 0DO 
CENDUENE IVe eee nisene ei nee ste et see AUD 
GASTON Sn ce re er etle re mtencenr et 0 
DENTILREN VER eee eee ceececssehosceesenreselee 1104 
DIRRRRNIEML M SM ere ee Ne ain AUS 
GASTON M AR Reda 2 passe ects -u M0 
MARS ol nee pie efe coicls 22e -Rlaisels cidier. sin + LA 4 
CASTONAVE Re anne ep ee amiens select 121) 
CUIDAUME RATMONDE ee ee seems cu eemess ee) 1204 
CLAMART ES ER ER a etais e na se ele e AA) 
CAS TOME een cu seen eee la seit aiofois ietsteie)e LA AU) 
ROGRRIBERNARD en ie ne De ec sotuele cles se ee 00 LOU 
Gaston VII (Ier de Foix). ..............0..... 1515 
Gaston VIII (Ile de Foix). ..........:......0.e 1343 
Gaston IX (IIIe) dit Pnépus..................... 1591 
RATHIRUS EE ce she saseas es. cache ete AU 


233 MÉMOIRES 
au a 3 D SMS 1416 


ISABREELR 5 RER nice nat de Sec-creb- 1400 
JPANTICRS RS Steele IN Lee oo cislriatale Mel sa ee ... 1436 
Gaston X (IV)... HbESo ta Lac Sodéano see 1472 
ELÉoxoRE , reine de Navarre............ eee 1479 
François Paëgus, roi de Navarre. ............... 1484 
JANET UTeRNANAT OP PER A RC Rice 1516 
CATHERINE , reine de Navarre. . sos este 
Henri Ier (Ile de Navarre). ...... Hinoddobbtoutoc 1555 
JEANNE D'ALBRET...... SRE ME RO doses CAD 


15 janvier 14533. 


IL. Accord passé entre Jehan, seigneur de Béarn, et Peyroton d’Ar- 
blade , de Mont-de-Marsan , sur la monnaie de Morlaàs. 


Conbenenses feites enter lo Mod Naud et Poderos senhor Mossen 
Johan, per la gracie de Diu, comte de Foix , bescomte de Bearn, 
et comte de Begorre, d’une part; et Peyroton d’Arblade, deu Mont 
de Marsan, d’autre ; sur la monede de Morlaàs que lodit senhor ha 
novelament ordenat far et bater en sa bille de Morlaàs. 

Prumerament, fo acordat enter losdits senhor et Peyroton , que 
lodit Peyroton sie maeste particular de ladile monede et tengue 
aquere per lo terme de dus antz complitz a comptar deu jorn de la 
date de las presentz ab las manieres et conditions de juus scriutes. 

Item. Lodit senhor es tengut de donnar audit Peyroton hostau et 
ordilhe necessari per bater ladite monede a sons despens, et per far 
ladite monede a ordenat son casteg de Morlaas. 

Item. Lodit Peyroton es tengut de bater et far en ladite monede 
Morlaàs blancs a sieys diners de ley fii a vint et sieys soos de talhe 
marc de colonhe; medalhes morlanes, que las dues agen de cors 
ung diner Morlaa a sieys diners de ley fi et sinquante et dus s00s 
de talhe ab dus graas de remedi de la ley per marc d’obre, et tres 
diners de remedi per marc de la talhe et aixi ben es tengut de bater 
monede aperade pogese que sera blanque et aura de cors quoate 
per ung diner morlaas a ung diner et dotze graas de ley et a trente 
soos et sieys diners de talhe. 

Item. Que de sinquante dus s00s de Morlaàs que salhiran de dotze 
diners de ley fi, que lodit Peyroton age a balhar aux marchantz 
per 500 de ley fii aleyat a sieys diners dues liures et oeyt soos de la 
dile monede. 

Item. Lodit Peyroton est liengut balhar au talhador per s00 de 
ley dus diners morlaäs. 


DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 239 


Item. A l’essayador per s00 de ley ung diner morlaà. 

Item. A la garde per 500 de ley ung diner morlaà. 

Item. Aus obrers per marc d’obre, deus diners morlaàs et de las 
pogeses tres diners morlaàs, et per marc d'obre de las medalhas 
morlanes detz diners per marc sens nul decay. 

Item. Aux moneders per marc d’obre deus rnorlaas et de las po- 
geses , tres diners morlaas et per mare d'obre de las medalhas mor- 
lanes oeyt diners morlaas. 

Item. Audit senhor per son senhoradge sieys diners morlaas per 
soo de ley , et lo restant que sie deudit Peyroton maeste particular 
susdiL. 

Item. Que lodit Peyroton pusque affinar dentz l'hostau de la dite 
monede totz bilhoos qui seran necessaris par aleyar , si caas es que 
ni agosse de basse ley , afliu que la monede no bacasse per faute de 
bilhon. 

Item. Lodit senhor es tengut de balhar o far balhar audit Peyroton 
et meter en ladite monede per une betz solamente, au commensa- 
ment que ladite monede commensara d’obrar , quoate cenlz marex 
d’argent , pees de colonhe, deus quoaus lo dit Peyÿroton se serbira 
en l’obre de la dite monede tot un an complit ; totes hetz , lo medix 
Peyroton quant prenera losditz quoate centz marex d'argent, obli- 
guera de pagar en son propri nom au dit senhor , o adaquet il ac- 
quetz que los y balheran passat lodit termi deudit an sieys escatz 
de la dite monede per cascun marc fii. 

Et totes et sengles las causes susdites lodit senhor de tant quoan 
toque assa part, et lodit Peyroton, delant quoan toque à la sue, 
prometon tenir, servar et complir, de punt à punt, sens fars ni venir 
au contre en degun maniere durant lo termi deus dus antz susditz ; 
et no remenhs, lodit Peyroton que prometo et jura sus lo fe igitur et 
la sancte crotz dessus pausade no far ni comeler frau en la dite mo- 
nede et de bater aquere à la ley, talhe et pees susdits, et per mayor 
fermesse volon qu’en fossen feyts dus cartels d’une forme et tenor, 
signat de lors maas el sageratz delors sagetz o premses, deus quoaus, 
la un ne fo balhat au dit senhor comte , et l’autre audit Peyroton. 

Asso fo feit et fermat, en lo casteg de Pau, lo xt jorns dejener, l'an 
1433, presentz Bernardou de la Cor de Morlaas et jo Menauton Dar- 
ros secretari deudit senhor comle, qui de son mandamant et boler 
deü dit Peyroton me suy soubz escriut et consignat de ma man 
en aquesle presentz. M. DARROS. JOHAN. PEYROTON. D'ARBLADE. 


270 MÉMOIRES 


DISCOURS D'OUVERTURE 


DE LA SÉANCE PUBLIQUE ; 


Par M. E. HAMEL, Président. 


Messreurs , 


La pensée , qui, depuis deux ans, a porté dans les diverses 
parties de l’enseignement en France, la réforme et une vie nou- 
velle, a également étendu son activité féconde à toutes les cho- 
ses de l'intelligence. En même temps qu’elle organisait forte- 
ment, jusque dans leurs plus minces détails, les institutions 
destinées à former la jeunesse , elle appelait, par une direc- 
tion libérale , les sociétés savantes disséminées sur les différents 
points du pays, à réunir leurs efforts pour un but commun. 
Déjà on avait eu l'idée, à une autre époque, de rattacher 
entre elles ces sociétés , en facilitant l'échange de leurs publi- 
cations, et en recueillant dans une bibliothèque centrale toutes 
ces richesses éparses. Une union matérielle avait été ainsi for- 
mée; mais il fallait, pour animer cet ensemble , qu'une im- 
pulsion , partie du centre, répandit partout le mouvement ; il 
fallait qu'une publicité réelle mit en lumière des travaux ignorés, 
et entretint chez leurs auteurs une généreuse émulation. C'est 
en vue de ce double objet que, sous l'inspiration et les auspices 
de M. le Ministre de l'instruction publique , a été publié un 

tecueil, portant le titre modeste de Bulletin des Sociétés 
savantes , mais qui n’en semble pas moins destiné à marquer 
une ère importante dans la vie de ces sociétés. 

Vous savez, Messieurs , quelle place honorable occupe déjà 
dans ce Recueil l'analyse des travaux de votre Compagnie. Vous 
avez pu reconnaître aussi , par les réflexions dont ces travaux 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 241 
et ceux de plusieurs autres corps savants ont été l’objet , vers 
quelles voies surtout sont appelées à se diriger les recherches de 
la science. Je voudrais aujourd’hui, en signalant cette ten- 
‘ dance , en la rattachant à l’ensemble des mesures prises pour 
l’organisation de l’enseignement , examiner avec vous les de- 
voirs que sa position à Toulouse fait à l’Académie des Sciences, 
Inscriptions et Belles-Lettres , et les moyens qui lui sont offerts 
pour accomplir sa mission. C'est du reste, Messicurs , un sujet 
que j'ai bien moins l'intention de traiter ici que d'offrir à vos 
méditations. ‘Trop de choses me manquent pour entrer dans un 
examen approfondi de toutes les questions qui s’y rattachent, 
et en l’abordant , je n’ai fait qu’obéir à ce qui m'’a paru être, 
cette année, une obligation pour celui que votre bienveillance, 
non moins que vos usages, ont appelé à l’honneur de vous 
présider. 

Que dire, Messieurs, qui n’ait été plusieurs fois répété avant 
moi sur la vieille gloire littéraire de Toulouse , sur ses goûts 
traditionnels pour toutes les occupations de l'esprit? La bana- 
lité même de l'éloge en témoigne la vérité. La permanence de 
ces goûts est encore altestée par tant de sociétés savantes, qui 
se sont à diverses époques formées spontanément au sein de 
votre ville. Il faut d’abord nommer cette Académie , qui s’enor- 
gueillit à juste titre de l'ancienneté de son origine, et qui, 
destinée d’abord à défendre la langue méridionale contre les 
envahissements de la conquête , s’est transformée pour repré- 
senter parmi nous l'Académie Française , et offrir à la langue 
des vainqueurs , devenue la sienne , ses gracieuses récom- 
penses. Vient ensuite, après plusieurs essais dont un de nos 
confrères vous a retracé la curieuse histoire (4), l'établissement 
de notre Académie , qui à l'étude des sciences mathématiques 
et naturelles joignit bientôt celle des monuments de notre pays 
et de l'antiquité classique. Longtemps ces deux Sociétés se sont 


(1) Essai sur les réunions littéraires et scientifiques qui ont précédé, à 
Toulouse, l'établissement de l'Académie des Sciences, par M. Desbar- 
reaux-Bernard. Mém, de l’Acad., 3° série, Lom. y , année 18/9. 


242 MÉMOIRES 


partagé seules dans Toulouse le culte officiel des sciences et des 
lettres ; mais , depuis le commencement de ce siècle, plusieurs 
causes ont concouru à multiplier le nombre des corps savants : 
un goût plus vif pour les études spéciales , l'intérêt particulier 
qui s'attache à certaines sciences pratiques, et la nécessité d’ou- 
vrir un accès plus facile à tous ceux qui les cultivent. De là 
sont nées successivement , d’abord la Société de Médecine, qui 
répondait aux plas pressants besoins ; plus tard la Société 
Archéologique , suscitée par d'importantes découvertes , par 
une faveur sans cesse croissante pour la recherche des monu- 
ments de notre passé ; enfin , tout récemment , l'Académie de 
Législation , dont les brillants débuts prouvent que la science 
du droit est toujours en honneur dans la patrie de Cujas. Je ne 
saurais oublier non plus , malgré leur caractère tout pratique, 
d’un côté la Société d'Agriculture , la plus ancienne de France ; 
de l’autre, la plus jeune de nos sociétés, celle d'Horticulture, 
qui toutes deux puisent dans les sciences naturelles les principes 
des arts au développement desquels elles consacrent leurs soins. 

Toutes ces sociétés, Messieurs , que l’on peut regarder comme 
autant de rejetons de notre vieil arbre académique , se distin- 
guent par un double caractère. Leurs études sont spéciales et 
généralement locales. Toutes ont leur programme précis ; le 
champ de leurs investigations est nettement circonscrit, et dans 
chacune les efforts de tous concourent vers un but dont aucune 
ne peat s’écarter. D'un autre côté, la plupart d’entre elles , 
par le genre de leurs occupations , par l'esprit et les habitudes 
de leurs membres , sont portées à recueillir et à coordonner , 
chacune dans sa spécialité, les faits propres à mieux faire con- 
naître le passé ou le présent du pays qu'elles habitent. D’elles- 
mêmes elles répondent donc à l'appel fait d'en haut à tous les 
corps savants pour fonder sur la variété des travaux l'unité de 
la science nationale. 

Le rôle de l’Académie des Sciences , Inscriptions et Belles- 
Lettres , son titre même l'indique, est loin d’être aussi simple. 
Le but qu’elle poursuit est multiple comme les éléments dont 
elle est formée ; mais cette multiplicité n'est point la con- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 243 


fusion. Votre corps, Messieurs , représente cette union des 
sciences et des lettres consacrée par l’organisation nouvelle de 
l'enseignement. Plus que tout autre , par les aptitudes et les 
origines diverses des membres qui sont appelés à se réunir dans 
son sein , il forme le lien entre la science locale et la science 
générale, entre celle que dirige l'Etat et celle qui ne relève que 
d'elle-même. Il offre enfin rapprochés , pour s’éclairer les 
uns les autres , ceux que la division des sciences tient ailleurs 
disséminés dans des sociétés diverses ; il est ainsi comme le 
centre où tout aboutit. 

Voilà , Messieurs , quel est votre corps , et ses obligations 
découlent de sa nature. Vos travaux , malgré leur variété , se 
divisent en deux grandes classes , celle des Sciences et celle des 
Inscriptions et Belles-Lettres. En considérant ces travaux d’un 
autre point de vue, on peut encore les ramener à deux autres 
classes, comprenant d’un côté ceux qui ont pour objet la science 
générale , et de l’autre ceux qui , en quelque genre que ce soit, 
se rapportent à la science locale. Dans la première classe se 
placent, comme aux deux pôles opposés , la science de l'étendue 
et celle de l'esprit , les mathématiques pures et ce qui , sous la 
dénomination un peu vague de Belles-Lettres , renferme toutes 
les sciences morales. De leur sphère élevée , les mathématiques 
planent au-dessus des changements du temps et de l’espace ; leur 
objet est toujours et partout le même. Les Belles-Lettres , par 
l'étude des impérissables monuments de l'esprit humain , ont 
pour but de propager et de maintenir d'âge en âge les principes 
éternels du bien et du beau. Là donc , Messieurs , rien de par- 
ticulier , rien qui puisse distinguer l’Académie de Toulouse de 
toutes celles où sont cullivées également les sciences et les 
lettres. 

Mais par cela même , et parce que aussi chaque corps doit 
marquer ses œuvres du cachet de sa personnalité , il est bon 
qu'une part assez restreinte soit faite à cette science générale 
dans les travaux de l'Académie. La part la plus grande appar- 
tient à la science locale. Etudier sous ses diverses faces le pays 
où ils résident , c’est là pour tous les corps savants une condi- 


264 MÉMOIRES 

tion d'originalité ; c’est aussi un principe de vie, car l’amour 
du sol natal animera leurs recherches. Aïnsi les théories et les 
généralités peuvent bien occuper quelquefois les membres de 
l'Académie qui se partagent les diverses branches des mathé- 
matiques appliquées et des sciences naturelles , mais l'intérêt 
le plus vif s'attachera toujours à ceux de leurs travaux qui 
seront fondés sur l'observation et dont ils auront recueilli 
autour d'eux les éléments. De telles études ne sont point du 
reste une innovation dans les usages de notre Société ; ses 
annales nous présentent ici de nombreux et d’illustres exem- 
ples à suivre. Dans la mécanique , dans la physique et l’astro- 
nomie , dans la minéralogie , la zoologie et la botanique , dans 
la médecine , enfin , qui dès l’origine tint chez nous une place 
importante , nos anciens mémoires contiennent beaucoup d’ob- 
servations curieuses ou d'études déterminées par les circons- 
tances locales. La tradition en a été continuée honorablement 
jusqu’à nous. Il ne s’agit aujourd'hui que d'entrer plus large- 
ment ct avec plus d'ensemble dans la voie suivie par nos de- 
vanciers. 

L'histoire de chaque partie de la science et des hommes qui 
dans le pays lui ont fait faire quelque progrès , rentre aussi 
dans les attributions de l’Académie. C’est son rôle principal là 
où , comme pour la médecine , elle se trouve en face d'une 
société dont la mission spéciale est d'observer et de classer les 
faits présents. Et d’ailleurs , dans notre réunion composée d’é- 
léments si divers , l'histoire est ce qu'il y a de plus accessible 
à tous ; tous, de quelque côté qu'ils viennent , peuvent se 
rencontrer sur ce terrain. C’est le point par lequel la classe des 
sciences touche à eelle des inscriptions , dont il me reste à vous 
parler, et qui, sous ce titre restreint , étend ses travaux à 
toutes les parties de la science historique. lei, Messieurs, vous 
le concevez , l'objet spécial de nos études est déterminé d'avance ; 
elles doivent toutes se rapporter à cette partie de la France dont 
Toulouse est le centre. Du reste, le champ qui nous est ouvert 
est assez vaste, et il a été en quelque sorte élargi encore par la 
circonscription de notre nouvelle Académie universitaire. La 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 245 


Guienne , la Gascogne et le Languedoc , en fournissant un con- 
tingent presque égal aux départements qui se groupent autour 
de Toulouse , semblent reconnaître plus que jamais la suze- 
raineté intellectuelle de cette ancienne capitale du Midi. Le 
vaste bassin qui s'étend des Pyrénées aux Cévennes et aux 
monts de l'Auvergne est le domaine naturel de nos archéolo- 
gues aussi bien que de nos géologues et de nos botanistes. Tou- 
tefois les uns comme les autres atteindront d'autant mieux le 
but , qu'ils resteront sur un terrain mieux connu et dans un 
cercle plus rétréci. Pas plus ici, Messicurs , qu'à l'égard des 
sciences proprement dites, je n'ai la prétention de tracer à 
l’Académie le plan de son travail ; un programme détaillé dé- 
passerait les bornes de votre attention et beaucoup plus encore 
celles de mes forces. Qu'il me suffise donc de vous rappeler que 
les grandes divisions de ce programme se trouvent toutes faites 
par l'arrêté qui a organisé le Comité de la langue , de l’his- 
toire et des arts de la France ; que les instructions déjà don- 
nées par quelques-uns des membres les plus éminents de ce 
Comité ou promises par d’autres, doivent , pour la partie au 
moins du moyen âge, singulièrement éclairer et faciliter les 
recherches ; qu’enfin, pour ce qui est purement local, la route 
à suivre nous a été suffisamment montrée par les membres de 
la classe qui nous ont précédés depuis le commencement de ce 
siècle , et surtout par l'honorable Doyen de notre Académie (1), 
dont l'infatigable activité a scruté dans tous les sens le labyrinthe 
de nos antiquités méridionales. 

Vous connaissez , Messieurs , le but qui nous est proposé ; 
les moyens que nous avons pour l’atteindre sont de deux sortes : 
les travaux que produit l'Académie et ceux qu’elle provoque. 
Dans la première classe se rangent les mémoires des Associés 
résidants et ceux des Associés correspondants. C'est aux Asso- 
ciés résidants qu'il appartient de planter , dans chaque voie de 
la science , les jalons conducteurs ; les Associés correspondants 


(1) M. AI. du Mège, auteur de nombreux travaux sur l'Histoire et l’Ar- 
chéologie méridionales. 


246 MÉMOIRES 

auront de leur côté, tout en longeant la route, à explorer 
surtout les sentiers détournés. Je ne veux point douter du zèle 
des premiers ; quant aux seconds, qu’il me soit permis d'expri- 
mer le vœu qu'une part plus grande leur soit faite dans nos 
publications, ou plutôt (car l’Académie s’est toujours plu à exer- 
cer envers eux une généreuse hospitalité ), que leur ardeur 
soit excilée , qu'ils soient appelés à multiplier leurs communi- 
cations , à nous {ransmettre les renseignements les plus propres 
à faire connaître le pays de chacun d'eux. Nous aurons là pour 
nos Mémoires une source précieuse de richesses nouvelles. 

L'Académie étend aussi son action au dehors , et imprime à 
la science une direction par les prix qu’elle accorde chaque 
année. Plusieurs travaux remarquables sont ainsi sortis des 
questions qu'elle avait posées. Ces questions , autant que le 
permet la nature de la science à laquelle elles se rapportent , 
doivent toutes offrir un intérêt local ; c’est là qu'il convient à 
chaque Société savante d’arborer la bannière du pays. Du reste, 
je m'empresse de le dire, la nôtre a bien rarement, de ce côté, 
failli à sa mission ; la question même proposée pour le prix de 
cette année , et sur laquelle vous allez tout à l'heure entendre 
le rapport si plein d'intérêt de M. Filhol , bien que généra- 
lisée , a cependant chez nous son point de départ et trouve dans 
nos montagnes ses éléments de solution les plus nombreux. 
Celles qui sont proposées pour les trois années suivantes, et qui 
se rapportent l’une à la linguistique , l’autre à la botanique , 
la troisième , enfin , à la physique , sont encore plus locales et 
se renferment rigoureusement , du moins les deux premières , 
dans les limites de notre circonscription. 

Mais , Messieurs , l'influence que l’Académie exerce par ses 
prix est bien restreinte ; elle n’en a qu’un seul à offrir chaque 
année , et les différentes branches des sciences qu’elle cultive 
ne sont dans le concours représentées qu’à de longs intervalles. 
Heureusement une autre voie lui a été ouverte dans une ré- 
cente innovation, due à l'initiative de votre Secrétaire per- 
pétuel , et dont cette séance même va inaugurer les prémices. 
Pour qu'elle produise tous les fruits qu'on a le droit d’en 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 247 
espérer , il ne reste plus qu'à étendre à tous les objets de vos 
études la décision par laquelle vous avez, à l’occasion des grands 
travaux exécutés dans le département de la Haute-Garonne et 
les départements voisins, offert vos médailles et la publicité 
de votre Recueil à tous ceux qui vous signalcraient quelque 
découverte d'archéologie ou de paléontologie. Par cette insti- 
tution , conforme , du reste , aux tendances de notre temps 
à élargir toujours davantage les portes de la science, les divers 
modes d'action de l’Académie pourraient prendre un accroisse- 
ment pour ainsi dire indéfini. Vos médailles seraient une sorte 
de prix perpétuel offert aux plus modestes ambitions , tandis 
que l'accès sans cesse ouvert auprès de vous multiplierait de 
jour en jour le nombre de vos correspondants ; quant à l’Aca- 
démie , son rôle , après avoir excité cette activité, scrait de la 
régler et d'en diriger les efforts. 

Ainsi , Messieurs , assigner par les études locales un but pré- 
cis aux travaux si variés de l’Académie, en activer le mouve- 
ment par une publicité plus grande , par le concours de toutes 
les intelligences , voilà dans ses traits les plus généraux quel 
est notre programme ; c'est par là que nous répondrons à l’appel 
qui convie loutes les sociétés savantes à se réunir pour élever à 
la France un monument national. Toutefois, Messieurs , il ne 
faut pas oublier que d’un côté le culte de la science pure , de 
l'autre celui des lettres antiques ont droit aussi à nos homma- 
ges ; que la tradition locale elle-même , que nos traditions aca- 
démiques nous en font également une loi : car nous vivons dans 
la patrie de Fermat , dans la ville qui depuis quinze siècles 
s’honorc d’être appelée la cité de Pallas ; car , en gravant sur 
nos médailles leur double effigie , nous nous sommes engagés à 
remplir toutes les obligations qu'impose ce glorieux patronage. 


248 MÉMOIRES 


RAPPORT 


SUR LES MÉMOIRES ADRESSÉS À L'ACADÉMIE 
POUR LE CONCOURS DE 1885; 


Par M. FILHOL. 


MESSIEURS , 


Cecui qui parcourt pour la première fois les vallées si gra- 
cieuses et souvent si fertiles des Pyrénées, des Alpes et de la 
plupart des grandes chaînes de montagnes, est péniblement 
affecté par le contraste que présente d’une part le développe- 
ment remarquable des végétaux, et, d'autre part, l’état de 
dégradation de l'habitant de ces contrées. 

Deux maladies d'autant plus cruelles, qu'après avoir attaqué 
le corps de l’homme et détruit l'harmonie de ses formes, elles 
anéantissent souvent jusqu'aux derniers germes de lintelli- 
gence , désolent les malheureuses populations que la Providence 
a condamnées à vivre dans ces contrées. Chacun de vous a déjà 
deviné qu’il s’agit du goître et du crétinisme. 

A plusieurs reprises, des hommes distingués, des savants 
éminents, des médecins habiles ont recherché la canse de ces 
tristes affections, et les moyens les plus efficaces pour en pré- 
venir le développement ; mais leurs efforts n’ont pas été cou- 
ronnés de succès. 

Les travaux remarquables qui ont été publiés dans ces der- 
nières années ont semblé pourtant jeter quelque jour sur cet 
important sujet d’études, et promettre pour un temps peu 
éloigné une solution satisfaisante. 

L'Académie impériale des Sciences de Toulouse n'a pas voulu 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 249 
rester étrangère au mouvement qui se produisait autour d’elle, 
et pour concourir , autant qu'il était en son pouvoir de le faire , 
à favoriser les efforts des savants qui ont eu le courage de se 
livrer à cette étude, elle a mis au concours la question sui- 
vante : | 

Déterminer, à l’aide des travaux déjà publiés, et par 
des expériences nouvelles, le rôle que Joue la composition 
chimique de l'air, des aliments, de l’eau potable et du sol 
dans la production du goître endémique. 


Deux Mémoires sont parvenus au secrétariat de l'Académie. 

Nous alions essayer de les résumer , afin de vous donner une 
idée de leur importance. 

Le Mémoire n° { a pour devise : 


Le succès dépend de Dieu et du génie; nul n'y est tenu. 
L'effort appartient à notre volonté ; là est le devoir. 

(F. Person., Ess. d'une nouv. Thor. sur les Id. fondam. ) 

Ce travail se compose de deux parties distinctes : 

Dans la première, l’auteur essaie de prouver, en s'appuyant 
et sur les travaux des divers savants qui ont étudié l’étiologie 
du goître, et sur ses propres recherches, que c’est à la mau- 
vaise qualité des eaux potables qu'il faut attribuer le dévelop- 
pement de cette affection. 

Dans la deuxième, il recherche avec soin quel est l'élément 
actif des eaux qui exercent une aussi fâcheuse influence sur la 
santé de l’homme. 

Ce Mémoire est accompagné d’une carte du canton de Voiteur 
(Jura). Des teintes particulières permettent de distinguer sur 
cette carte les communes où sévit la maladie, de celles où elle 
est inconnue. Examinons successivement les deux parties de ce 
travail. 

Nous ne rapporterons pas ici les faits nombreux sur lesquels 
l'auteur s'appuie pour établir que, ni l’encaissement des vil- 
lages et des habitations dans les vallées profondes , ni l'humi- 
dité de l'air, ni la stagnation de ce fluide, ni les variations 
brusques de la température, ni la privation des rayons du so- 

k°S. — TOME v. (ft 


250 MÉMOIRES 

leil, ne sont des causes suffisantes pour déterminer l'apparition 
du goître. Nous nous contenterons de dire que ces faits sont 
bien choisis, et démontrent , en effet, que les diverses causes 
dont nous venons de parler existent dans beaucoup de lieux 
où le goître est inconnu. 

L’élévation du sol exerce une influence manifeste: on ne 
peut s'empêcher de reconnaître que l’endémie goîtreuse est 
beaucoup plus fréquente dans les montagnes que dans les pays 
de plaines. Cependant cette élévation paraît jouer un rôle 
moins important que la constitution géologique de la contrée, 
puisqu'on trouve des villages situés à une grande hauteur où le 
goître est inconnu. Les habitations malsaines, la misère, la 
malpropreté, la débauche, etc. , constituent des circonstances 
adjuvantes, mais non productrices du goitre. 

Parmi les causes prédisposantes individuelles , il faut placer 
au premier rang l'hérédité : nul doute que ceux qui naissent de 
parents goîtreux n’aient beaucoup de chances de le devenir cux- 
mêmes , surtout s'ils passent leur vie dans un lieu où la ma- 
ladie règne d’une manière endémique. 

L'hypertrophie de la glande thyroïde peut avoir lieu à tout 
âge, mais on la voit apparaître le plus souvent vers l’âge de 
la puberté : elle est d’ailleurs plus fréquente chez les femmes 
que chez les hommes. Dans le pays sur lequel ont porté les ob- 
servations de l’auteur de ce Mémoire, le nombre des hommes 
atteints est à celui des femmes comme 2 : 5. 

Les efforts musculaires excessifs, l'habitude de porter de 
lourds fardceaux sur la tête, sont signalés, dans le Mémoire n° 1, 
comme des causes occasionnelles du goître. Les efforts de l’ac- 
couchement constituent aussi une cause occasionnelle assez 
active. IL n’est pas rare de voir la thyroïdite se développer chez 
la femme au moment de la parturition. 

Après avoir démontré qu'aucune des causes dont nous venons 
de parler ne suffit pour occasionner le goître, l’autenr entre- 
prend de prouver que c’est la mauvaise qualité de l'eau dont 
on fait usage dans certaines contrées, qui détermine le déve- 
loppement de cette affection. 


DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 251 

L'idée d'attribuer à la mauvaise qualité des eaux la produc- 
tion de la thyroïdite ne date pas de nos jours; un passage que 
l'auteur emprunte à un ouvrage écrit en 157%, par Simler, 
prouve que celte manière de voir remonte à une époque assez 
reculée. 

Aujourd'hui même , des hommes très-sérieux , parmi lesquels 
nous citerons MM. Boussingault, Grange, Chatin, Bouchar- 
dat, adoptent complétement cette manière de voir. 

Les preuves abondent, est-il dit dans le travail que nous 
analysons, pour démontrer que c’est bien la mauvaise qualité 
de l’eau qui est la cause principale du goître et du crétinisme. 
Surune population de 788 habitants, le village de Baume | Jura) 
renferme 76 goitreux , et une statistique exécutée avec le plus 
grand soin , permet d'établir que les deux tiers des sujets atteints 
de l'affection thyroïdienne font usage de l’eau de la Seille, qui 
est de mauvaise qualité. Bleigny , près de Salins , est un hameau 
qui comptait encore, il y a quinze ans, un grand nombre de 
goîtreux. À cette époque , une fontaine nouvelle fut établie pour 
les besoins des habitants, et dès lors on vit l’endémie diminuer 
d'une manière notable : ce fait est d'autant plus significatif, 
qu’une route de 2° classe, qui traversait ce hameau, en a été 
détournée il y a environ dix ans. 

Dans le village de Grozon , près d'Arbois, où l’on boit des 
eaux saturées de sulfate de chaux, les deux tiers des habitants 
sont goîtreux. | 

Le bourg de Grézi (sur l'Isère, en Savoie) est bâti sur le 
penchant méridional et à la base d’une haute montagne. Deux 
fontaines fournissent aux besoins des habitants. Les eaux de la 
première sont crues et très-froides, même pendant les plus 
fortes chaleurs de l’été : parmi ceux qui en font usage, un grand 
nombre deviennent goîtreux ; la seconde est douce, d’une tem- 
pérature moyenne, agréable à boire, et n’a jamais occasionné 
la maladie dont nous nous occupons. 

M. Grange rapporte qu'ii a vu dans la Tarentaise ct la Mau- 
rienne des sources qui ont la propriété de développer le goître 
en peu de temps, et qu'il a connu des hommes qui, aimant 


252 MÉMOIRES 

mieux porter une difformité que l'habit militaire, ont pris en 
quelques mois un goître assez volumineux pour se faire ré- 
former. 

Dans le rapport remarquable qu'a publié sur ce sujet M. Bou- 
chardat, se trouvent rassemblés plusieurs faits analogues à ceux 
que nous venons de rappeler. Ainsi, par exemple, à Mont- 
meillan , dans la basse ville, tant qu'on se servait pour boisson 
d'eau de puits creusés dans les alluvions, les goîtres étaient 
très-communs. On a remplacé les eaux de puits par les eaux 
d'Arbin, qui proviennent des calcaires oxfordiens, et depuis 
cette époque le goître a presque entièrement disparu. 

La petite commune de Saint-Jean de Maurienne n'a ni goitre 
ni crétinisme, tandis que tous les villages voisins en sont at- 
teints. On attribue cette exception à l’usage d’une eau ferrugi- 
neuse. Le D' Mac-Clelland , chirurgien de l’armée du Bengale, 
a observé , au point de vue de la question qui nous occupe , #0 
villages habités par trois classes d’indiens : les Brahmines, les 
Rajpoots et les Dômes. Le pays est composé de schistes et de cal- 
caires magnésiens. Le goître sévit partout où l'on fait usage des 
eaux provenant des calcaires magnésiens, tandis qu'il est in- 
connu dans les villages où on boit l’eau provenant des schistes. 

Dans le village de Deota on a des eaux incrustantes de très- 
mauvaise qualité ; les Dômes , qui s'en servent exclusivement, 
ont tous le goître; les Brahmines, qui boivent de l'eau provenant 
d’un aqueduc construit à grands frais, ne présentent pas un 
seul cas de cette affection. Les Rajpoots partageaient cette im- 
munité; mais les malheurs de la guerre ne permettant pas 
d'entretenir l’aqueduc ; son mauvais état est tel, qu'il ne peut 
plus alimenter à la fois les Brahmines et les Rajpoots; et, de- 
puis que ceux-ci ont été obligés de recourir aux eaux du vil- 
lage, le goître a fait parmi eux de nombreuses victimes. 

A ces faits, déjà bien suffisants pour établir l'influence de la 
mauvaise qualité des eaux, l’auteur en ajoute plusieurs autres 
que nous ne mentionnerons pas, de peur de donner à ce rap- 
port une trop grande étendue. 

Quel est, dans les eaux potables , l'agent générateur du goi- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 253 
tre? Telle est, avons-nous dit plus haut, la question qui fait le 
sujet de la deuxième partie du Mémoire n° 1. 

Les sels minéraux en solution dans les eaux potables sont-ils 
la cause du goître endémique ? 

M. Grange à émis l’opinion que les sels de magnésie, lors- 
qu'ils sont contenus , en fortes proportions , dans l’eau , peuvent 
être cause de cette maladie; mais quand on considère que les ha- 
bitants de Paris, qui boivent de l’eau du canal de l'Ourcq, eau 
dans laquelle l'analyse démontre l'existence de plus d’un déci- 
gramme de magnésie par litre, ne sout cependant pas goîtreux, 
tandis que, dans une multitude de localités où le goître sévit 
avec force, les eaux sont dépourvues de sels magnésiens, on 
voit qu'il n’est pas possible d’admetre cette opinion. Il est tout 
aussi facile de s'assurer que, ni le carbonate, ni le sulfate de 
chaux n’exercent aucune influence sur le développement de 
l'affection qui nous occupe. 

MM. Chatin, Fourcault, Marchand et plusieurs autres sa- 
vants, pensent que le goître se développe partout où l'iode 
n'existe pas en quantité suffisante dans l'air , l’eau potable ou 
les aliments. 

Des faits nombreux semblent appuyer cette opinion, à la- 
quelle pourtant l’auteur du Mémoire n° 1 refuse de se rallier. 

M. Boussingault a vu, par exemple, dans les Cordillères de 
la Nouvelle-Grenade, qu’à Sanson , dans la province d’Antio- 
cha , la population était préservée d’affections endémiques par 
l'usage d’un sel iodifère, et que le goître y était inconnu , tandis 
que dans les contrées voisines les populations en étaient in- 
fectées. 

On sait que M. Chatin, après avoir analysé comparative- 
ment l'air, les eaux , le sol et les produits alimentaires dans 
les pays ou le goître sévit et dans ceux où il est inconnu, s’est 
trouvé conduit à attribuer le développement de cette affection 
à l'absence d’une quantité suffisante d'iode dans les eaux , le sol 
ou l'atmosphère. 

L'auteur, tout en admettant l'exactitude des analyses de 
M. Chatin, ne peut pas adopter les conclusions qu'il en déduit. 


25 MÉMOIRES 

Le goître est parfaitement inconnu à Dôle , où pourtant il 
devrait exister , d’après M. Chatin , vu la faible quantité d’iode 
contenue dans l'air et l’eau potable de cette localité. 

D'un autre côté, M. Niepce assure que dans les environs de 
Dijon , la thyroïdite est endémique dans certains villages , 
quoique ceux-ci appartiennent à une région que M. Chatin 
considère comme normalement iodurée. 

M. Dejean , qui a recherché comparativement l’iode dans les 
eaux des pays goîtreux et non goîtreux situés dans le départe- 
ment du Jura , n’en a trouvé ni dans les unes ni dans les au- 
tres , quoi qu’il ait suivi avec exactitude le procédé indiqué 
par M. Chatin. Le docteur Saint-Germain , de Salins , est 
arrivé au même résultat en opérant sur des eaux de diverses 
provenances. 

L'auteur du Mémoire a fait lui-même des recherches analo- 
gues, et les faits qu’il a observés sont d'accord avec les précé- 
dents ; il en conclut que !'absence de l'iode ou sa diminution 
est un fait plus général qui appartient à certaines contrées sans 
distinction dans ces contrées de pays goîtreux ou non goîtreux. 

M. Niepce a rencontré de l’iode dans presque toutes les eaux 
du département de Saône-et-Loire où il y a un grand nombre de 
goîtreux ; l'air de cette région est pourtant assez ioduré. 

Les eaux de la ville de Mâcon , riches en sels de chaux ct 
de magnésie, ne contiennent aucune trace diode, et pourtant 
on ne rencontre pas de goîtreux dans cette ville. 

D'un autre côté , dans certaines vallées des plus hautes ré- 
gions des Alpes, l’iode fait défaut, et cependant le goître y est 
inconnu. 

De tous ces faits , l’auteur conclut qu’il n’est pas démontré 
que c’est à l'absence de l’iode qu’il faut attribuer la production 
de la maladie ; tout ce qu’on peut admettre , dit-il, c’est qu'il 
y à anlagonisme entre la présence d’une quantité notable d'iode 
dans l'air ou les eaux et le développement du goitre , parce 
que ce métalloïde annihile l'influence délétère qui détermine 
cette affection. 

Les recherches exécutées par divers chimistes sur les eaux 


12 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 59 
des contrées où la thyroïdite règne d’une manière endémique , 
prouvent que ces eaux contiennent presque toujours une pro- 
portion assez notable de matière organique. C’est ainsi que le 
docteur Niepce a trouvé qu'un litre d’eau de la source supérieure 
de Montmeillan renferme 05003 de matière organique. D’'a- 
près M. Cantu, l’eau potable de Conflans contient des iodures 
en forte proportion et une matière organique abondante, Dans 
le village de Grignon , où il y a 62 goîtreux sur 302 habi- 
tants, on trouve dans le ruisseau qui alimente la population, 
de fortes traces d’acide sulfurique. L'eau de Sainte-Hélène de 
Milhières , qui renferme le plus de goîtreux et de crétins de 
toute la vallée de l'Isère , contient de fortes traces de matières 
organiques. 

Dans dix analyses d'eaux de différentes localités à goître des 
départements de la Loire et de Saône-et-Loire , on voit figurer 
l'ivde à côté des matières organiques , et dans quelques-unes 
l'acide sulfhydrique. Dans quelques parties de la Savoie où l’on 
rencontre beaucoup de goîtreux , certaines pièces de terre arro- 
sées par des eaux riches en matières azotées, sont constamment 
enétat d’être fauchées ; ne serait-ce pas à cela qu'il faut attribuer 
ce contraste surprenant signalé par certains auteurs, entre la ri- 
chesse du règne végétal et la dégradation de l'espèce humaine. 

L'auteur du Mémoire n° 1 a fait lui-même quelques analyses 
sur des eaux prises dans le département du Jura ; pour cela 
il a réduit à un petit volume environ 43 litres d'eau de cha- 
cune de ces sources , et il a emporté les eaux ainsi concen- 
trées à Paris, où il voulait terminer son travail. Ces résidus 
avaient été conservés dans des flacons bouchés à l’éméri. Lors- 
qu’au bout de deux mois on déboucha le premier flacon , il s’en 
échappa une odeur infecte, tandis que le deuxième flacon n'offrit 
rien de semblable. Chacune de ces eaux avait été puisée à peu 
de distance de sa source. 

Plusieurs familles qui usaient de l’eau de la première source 
étaient atteintes de goître ; celles qui usaient de la deuxième, 
en étaient préservées. 

L'eau de la Seile a fourni à l’auteur du Mémoire n° 1 une 


256 MÉMOIRES 

quantité très-sensible de matières organiques ; il a examiné 
en outre six autres sources, et les plus riches en matières orga- 
niques ont été précisément celles dont on faisait usage dans les 
lieux les plus maltraités. 

La qualité de la matière organique exerce d’ailleurs une in- 
fluence marquée sur les propriétés de l’eau ; quand on a con- 
centré l’eau d’une mauvaise source , le résidu abandonné à 
lui-même en vase clos se putréfie , tandis que cela n’a pas lieu 
pour les bonnes sources. 

De tout cela, l’auteur du Mémoire n° { conclut que c’est à 
la présence d’une matière organique particulière que certaines 
caux doivent la propriété fàâcheuse de provoquer chez ceux 
qui en font usage, le développement du goître et du crétinisme. 


Le Mémoire n° 2 a pour devise : « L’iode est le spécifique 
» du goître. Sa diffusion si grande au sein de la terre, 
» dans l'atmosphère et au milieu des eaux, serait-elle sans 
» objet pour la santé de l’homme ? » Ce travail est divisé en 
quatre parties. 

Dans la première , se trouve exposée une longue série des 
recherches entreprises dans le but de démontrer l'existence de 
l'iode dans l'air. L'auteur assure qu’en faisant passer , soit au 
moyen d'une pompe , soit à l’aide d’un aspirateur , un volume 
considérable d’air ( de 4,000 à 20,000 litres ) à travers une 
solution de potasse pure , on obtient une liqueur alealine qui 
renferme de quantités d’iode variables, suivant la contrée dans 
laquelle on opère. Dans les pays où le goître n'existe pas , à 
Paris, par exemple , 1,000 litres d'air ont cédé à la potasse 
une quantité d'iode comprise entre 1/400 et 1/3600 de milli- 
gramme. Dans les lieux où le goître commence à se montrer, 
le chiffre de l’iode baisse déjà d’une manière très-sensible ; mais 
dans plusieurs parties des Alpes , de la France et du Piémont, 
1,000 litres d’air ont donné 1/3200 à 1/20000 de milli- 
gramme ; enfin , dans les vallées profondes des Alpes et par- 
tout ou le goître sévit avec force , l'iode n'existe plus en pro- 
portion appréciable dans l'air. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 257 

Les chiffres que nous venons de rapporter supposent chez 
l'opérateur une bien grande habileté ; on conçoit , en effet , 
combien il doit être difficile d’apprécier des quantités d’iode 
aussi faibles. Il est bien vrai que le volume d'air sur lequel a 
porté l'analyse , a toujours été fort considérable et s'est élevé 
parfois jusqu’à 20,000 litres ; mais nous n’en sommes pas 
moins d'avis que l’auteur a eu raison de placer un point de 
doute à côté de ces chilfres , et ne pas les regarder comme 
représentant des résultats d’une exactitude irréprochable. 

Ce qui doit aussi contribuer à amoindrir l'importance qu’on 
pourrait accorder à ces chiffres en les supposant exacts, c’est 
que la quantité d’iode que l’analyse décèle dans l’air d’un même 
lieugarie à diverses époques de l’année. C’est ainsi que l'air de 
certaines vallées étroites et encaissées se trouve parfois tout à 
coup chargé d’iode à la suite de certains coups de vents et de 
pluies qui précipitent ce corps des nuages au fond des vallées. 
L'air des grandes plaines présente sous ce rapport des varia- 
tions peu considérables. 

Quoi qu'il en soit, ce qu'on peut déduire de ces expériences, 
c'est que le chimiste peut aisément découvrir l'existence de 
l'iode dans l’air des contrées où l'affection thyroïdienne est in- 
connue , qu'il n’en trouve plus que de très-faibles indices dans 
les régions où cette affection commence à se montrer, et qu’il 
ne peut plus le découvrir dans les pays où règnent le goître et 
le crétinisme. 

D'où peut venir l'iode qu’on trouve ainsi dans l'atmosphère ? 
Cette question est assez longuement discutée dans le travail qui 
nous occupe. Si l’on considère , y est-il dit, que lorsqu'on fait 
évaporer des eaux contenant en même temps des iodures et 
une proportion notable de sels de chaux ou de magnésie, la 
vapeur qu'elles émettent renferme toujours des quantités sen- 
sibles d'iode ; si l’on se rappelle que presque toutes les eaux 
faiblement iodurées qui coulent à la surface du sol laissent 
ainsi dégager l’iode qu’elles contiennent , si bien que le résidu 
qu'elles fournissent n’en renferme plus de traces appréciables , 
on comprendra facilement que l'immense quantité de vapeur 


25S MÉMOIRES 


d'eau qui se répand chaque jour dans l'atmosphère puisse en- 
traîner avec elle les traces de ce corps dont l'analyse y décèle 
l'existence. 

S'il en est ainsi , tout porte à penser que lorsque cette va- 
peur se condensera et sera ramenée à la surface de la terre 
sous la forme de pluie , de rosée, de neige , etc. , elle y rap- 
portera au moins en partie l’iode qu’elle avait entraîné. 

Si les idées qui précèdent sont vraies, on doit pouvoir dé- 
montrer l'existence de l'iode dans l’eau de pluie et dans la plu- 
part des eaux douces qui s’évaporent tous les jours à la surface 
du sol. Un nombre considérable d’analyses a montré à l’auteur 
que l’eau de pluie contient, en effet, une quantité d'iode qui, 
dans les pays où l’on n’observe pas de goîtreux , est comprise 
entre 1/33 et 1/350 de milligramme par litre. Dans les ré- 
gions où la maladie commence à se montrer , la proportion de 
ce corps contenu dans les eaux pluviales diminue beaucoup ; 
ainsi dans certaines parties du département de l'Isère, un litre 
d'eau de pluie n'en fournit seulement plus que de 1/1000 à 
1/150 de milligramme ; enfin, dans les vallées étroites et pro- 
fondes où le goître est endémique , l’eau des pluies ne contient 
plus aucune trace d'iode. Les résultats dont nous venons de 
parler sont consignés dans des tableaux exécutés avec soin. 
D'après ce que nous avons dit plus haut , l’iode contenu dans 
l'air provenant des eaux qui s’évaporent à la surface du sol, 
il était naturel de rechercher ce corps dans les diverses eaux 
potables de source , de rivière , etc. L'auteur s’est livré à cette 
recherche , et les résultats qu'il a obtenus peuvent être résumés 
comme il suit : 

Les eaux potables des régions où la thyroïdite est inconnue, 
contiennent une quantité facilement appréciable d’iode. En 
général , les eaux des contrées où l’on rencontre un petit nom- 
bre de goîtreux en contiennent beaucoup moins que les précé- 
dentes ; enfin , les eaux potables des vallées où les goîtreux et 
les crétins sont fort nombreux , ne contiennent que des traces 
à peine appréciables d’iode, souvent même elles n’en contien- 
nent pas du tout. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 259 


Les rivières qui descendent des hautes montagnes, celles 
surtout dont le cours est impétueux , et qui traversent pendant 
la majeure partie de leur cours an sol granitique, sont en général 
pauvres en iode. Les eaux chargées de quantités notables de 
sels calcaires où magnésiens, sont aussi presque toujours dé- 
pourvues de ce corps. Les eaux minérales sont en général plus 
ou moins iodurées ; les eaux ferrugineuses se distinguent sur- 
tout par leur ioduration plus forte que celle de la plupart des 
autres. Les eaux sulfureuses des Alpes contiennent une propor- 
tion d’iode supérieure à celle qu’on trouve dans les eaux des 
Pyrénées. 

Les considérations qui précèdent sont appuyées par des ana- 
lyses nombreuses , dont les résultats consignés dans une série 
de tableaux , occupent une bonne partie du Mémoire n° 2. Ces 
tableaux contiennent un résumé de 369 analyses , exécutées 
sur des eaux puisées dans les lieux et les circonstances les plus 
variés. 

En comparant ces tableaux avec ceux dans lesquels se trou- 
vent rapportées les analyses de l'air de äiverses contrées, on 
voit immédiatement : ; 

1° Que sur les sommets et dans les vallées des Alpes, l’air et 
les eaux douces sont presque également pauvres en iode ; 

2° Qu'à une certaine distance des grands massifs montagneux, 
l'air et les eaux légères sont l’un et l’autre riches en iode ; 

3° Que les eaux dures sont presque toujours peu ou point 
iodurées , quel que soit l’état de l’air ; 

k° Qu'en général les eaux douces d’un pays où l'air est riche 
en iode , sont aussi normalement iodurées. 

La troisième partie du Mémoire n° 2, est consacrée à la 
recherche de l'iode dans le sol et les produits alimentaires. 

Ici encore, l’auteur signale des rapports analogues à ceux 
dont il a été question plus haut , entre l’état de santé des habi- 
tants d’une contrée, et l’ioduration du sol. 

Tandis qu'il suffit d’un ou de deux grammes de terre prise 
dans les champs de Paris, de la Brie, de la Beauce, du Bourbon- 
nais, de la Bourgogne, de la Flandre ou du Languedoc, pour 


260 MÉMOIRES 

y conslater avec certitude la présence de l'iode ; il faut, pour 
obtenir un résultat semblable, opérer sur une quantité double 
des terres jaunes des plaines de la Bresse, ou de celles des en- 
virons de Bourgoin, de Grenoble, d’Ivrée, de Turin, et sur 
une quantité quadruple ou décuple des terres noires légères 
superposées aux schistes de Lias dans la Tarentaise, la Mau- 
rienne et le val d’Aoste. k 

Les terres colorées en jaune ou en brun par de l’oxyde de fer 
sont, toutes choses égales d’ailleurs, plus riches que les terres 
blanchâtres ou brunies par des éléments bitumineux ; les terres 
fortes ou argileuses, plus que les terres légères quartzeuses ou 
schisteuses. 

La quantité d'iode contenue dans les matières alimentaires , 
varie comme celle de l’air et des eaux ; le maïs d'Aoste et d’Ai- 
gucbelle est moins ioduré que celui de la plaine d'Alexandrie. 
Les vins de Saint-Julien en Maurienne, de Moutiers et d'Aoste, 
sont moins iodurés que ceux de la Bourgogne, de la Provence 
ou du Médoc. Le lait, le fromage, les œufs, etc., présentent 
des différences du même genre. 

h° Partie. — Appréciation. Si l'on admet l'exactitude des 
nombreuses analyses rapportées dans ce Mémoire, il devient 
impossible de méconnaître l'accord général qui existe entre 
l'endémicité du goître et du crétinisme, et l’absence à peu près 
complète de l'iode dans les vallées de l'Isère, de l'Arc et de la 
Doire-Baltée , entre l'état médiocrement ioduré des contrées si- 
tuées aux environs de Gênes, de Turin, d'Ivrée, de Chambéry, 
de Grenoble, de Lyon, etc., et l'existence dans ces contrées 
d’un certain nombre de goîtreux entre la richesse en iode des 
aliments, du sol, de l’eau et de l'air, de cette grande partie de 
la France , dont Paris peut être considéré comme le type et la 
bonne constitution de ses habitants. 

A côté de ces faits généraux, l’auteur place des faits parti- 
culiers observés par divers savants, dont les uns se présentent 
comme confirmatifs , tandis que d’autres s'élèvent avec le ca- 
ractère d’objection. M. Boussingault rapporte qu'à Cartago , 
dans la vallée du Canca, et de Sanson , dans la province d’Antio- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 261 
quia , où l’on faisait usage de sels dans lesquels il a reconnu 
la présence d’une quantité appréciable d'iode, le goître était 
inconnu , quoique les conditions générales fussent les mêmes 
qu'à Maraquitta et à Santa-Fé de Bogota , où cette maladie est 
endémique. 

Cet illustre chimiste ajoute , que le goître a reparu à Cartago 
depuis qu’au sel iodifère des salines de Galindo , on a substitué 
en partie le sel non ioduré de Zépaquira ; que bien longtemps 
ayant la découverte de l’iode, l’eau mère iodée de la saline de 
Guaca, était prônée comme un remède efficace contre le goître ; 
que les personnes atteintes de cette affection , se guérissent par 
le seul séjour dans les provinces d’Antioquia , où l’on n’emploie 
que des sels iodurés; et enfin, qu'une famille d’Antioquia, 
dans laquelle on se mit à purifier le sel pour lui ôter sa saveur 
amère, perdant ainsi l’iode dans les eaux mères , ne tarda pas 
à ressentir le goître. 

Quelques bouteilles des eaux de Challes et de San-Genisio , 
quoique ne contenant qu'un petit nombre de milligrammes d'io- 
dure , suffisent aux médecins piémontais pour faire disparaître 
le goître chez les personnes encore jeunes. 

A Coise, près Montmelian, sont deux sources, dont l’une 
donne le goître que l’autre fait disparaître. La première est 
dépourvue d’iode, la deuxième en renferme 1/20 de milligrämme 
par litre. 

L'auteur ayant analysé trois eaux qui lui furent remises 
par M. le docteur Domenget , trouva que l’une d’elles était 
privée d’iode , une deuxième en contenait des traces, la troisième 
était bien iodurée. M. Domenget lui apprit que la première 
était l’eau de l’Eisse , torrent qui se précipite des Bauges dans 
une gorge où il alimente une population de goîtreux ; que la 
deuxième n’était autre chose que l’eau des fontaines de Cham- 
bery, ville ou le bronchocèle, quoique rare , n’est pas inconnu ; 
et enfin que la troisième venait de la belle source de Saint- 
Vincent, qui préserve, dit-on, du goître les habitants qui se 
donnent la peine d'aller la chercher. 

A côté de ces faits bien significatifs, se trouve rappelée l'his- 


262 MÉMOIRES 


toire de cette famille du Puiset, qui , d’après MF Billiet , échappa 
au goître en buvant de l’eau de citerne , tandis que les dix-huit 
autres familles qui usaient de l’eau de pluie, en étaient atteintes. 

M. le docteur Emery, nous dit l’auteur du Mémoire, m’ap- 
prend qu'il a vu des goîtreux dans la Brie, sur les bords du 
Mezin , entre Créci et Coulommiers ; jem’y rends, et je constate 
qu'on boit des eaux dures et sensiblement dépourvues d'iode à 
Farmontelis , aux Bordes, à la Celle, au Boussoir , à la Vau- 
dène ; je trouve, en effet, sept femmes atteintes du goître. 

J'ai constaté des faits du même genre à Nantouillet, à Juilly, 
à Autun , à Montmorency. 

D'après M. Mauméné , ie bronchocèle , assez commun à Reims 
à l’époque ou l’on buvait de l'eau de puits, y est aujourd’hui 
inconnu dans les quartiers alimentés par la Vesle. Or les eaux 
de cette rivière sont bien iodurées, et celles de la plapart.des 
puits sont privées d’iode. 

L'auteur, tout en considérant l'absence de l’iode comme la 
cause spéciale du goître et du crétinisme, admet comme in- 
fluences générales ou accessoires : 

L'air humide et stagnant , les habitations basses, étroites , 
mal aérées , le défaut d’insolation , une mauvaise nourriture, 
l'habitude de porter des fardeaux sur la tête, etc. 

Il n'admet pas que les sels de chaux ou de magnésie puissent 
occasionner le goître, et les raisons qu’il fait valoir sont ana- 
logues à celles qui se trouvent rapportées dans le Mémoire n° 1. 

Enfin, pour tout dire des eaux, ajoute l’auteur de ce Mémoire, 
leur nature importe beaucoup; mais cependant on ne saurait 
expliquer par elles seules le goître et le crétinisme , même en 
se plaçant au point de vue de l'iode; c'est qu'elles ne sont que 
Jun des trois véhicules par lesquels l’économie reçoit de l’exté- 
rieur les principes morbides ou bienfaisants, et qu'il peut se 
faire qu’elles soient suppléées par la présence de ces principes 
dans l’air ou les aliments. 

Les habitants des plateaux de la Brie et ceux de Nanterre et 
de Vilie-d’Avray n'ont pas le goître, quoiqu'ils boivent des 
eaux dures et privées d’iode; mais l'air et le sol étant assez 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 263 
iodurés dans ces lieux, compensent aisément ce qui manque 
à l’eau. 

On se demandera , sans doute , s’il est possible d'admettre 
qu'une aussi faible dose d’iode exerce sur l’économie une in- 
fluence aussi prononcée? Peu de personnes , dit l’auteur du 
Mémoire n° 2, seront plus frappées de la gravité de cette ob- 
jection que je ne l'ai été moi-même, et aujourd'hui encore 
souvent j'y reviens , et je m'y arrête. Cependant elle n’est qu’une 
appréciation ; mais les faits, les inexorables faits, sont contre 
elle, car partout où 8,000 litresd'air (ration quotidienne d’un 
homme}, ou un litre d’eau potable et 10 grammes de terre 
arable, fournissent en moyenne et respectivement 1/200 de mil- 
ligramme d'iode, le goitre est inconnu; quand la proportion 
du métalloïde est réduite à 1/400 , la maladie commence à se 
montrer ; elle est déjà commune dans les lieux où l’on ne trouve 
qu'un millième de milligramme d’iode; et quandil y en a moins, 
elle est endémique, et le crétinisme apparaît. 

Un article spécial est consacré à l'exposé des moyens les plus 
convenables pour s'opposer au développement du goître; l'usage 
des sels iodurés ou des eaux minérales riches en iode, eaux mi- 
nérales souvent abondantes au voisinage des localités affectées, 
paraît à l'auteur l’un des meilleurs moyens de prévenir l'appa- 
rition de la maladie. 

Cette quatrième partie du Mémoire est terminée par une 
classification résumant les rapports entre l’iode, le goître et le 
crétinisme. 

On peut diviser en six zones les pays sur lesquels ont porté 
les expériences contenues dans ce travail. 

Zone 1'°, normale ou de Paris. — Le goître et le crétinisme 
sont inconnus. 8,000 litres d'air contiennent au moins 1/200 
de milligramme d’iode , un litre d’eau pluviale 1/150, un litre 
d'eau de rivière 1/200 , 10 grammes de sol arable 1/200. 

Zone 2° ou du Soissonnais. — Le goiître est plus où moins 
rare, le crétinisme endémique inconnu ; diffère de la première 
par des eaux dures , sensiblement dépourvues d'iode. 

Zone 3° ou de Lyon. — Goître rare, crétinisme endémique 


26% MÉMOIRES 

inconnu ; l'air, l’eau et le sol sont à la fois médiocrement io- 
durés. La proportion de l’iode varie de 1/400 à 1/1000 de mil- 
ligramme. 

Zone 4° ou de Turin et de Clermont. — Le goître n’est pas 
rare, le crétinisme à peu près inconnu; diffère de la quatrième 
par l’iode des eaux potables, qui est généralement au-dessous 
de 1/1000 de milligramme. 

Zone 5"° ou des hauteurs alpines. — Le goître et le cré- 
tinisme sont rares. L'air et les eaux pluviales sont parfois et ir- 
régulièrement chargés d'iode. Le sol , et surtout les eaux pota- 
bles, ne contiennent pas 1/1000 de milligr. d'iode pour 10 gr. 
du premier, et un litre du second. 

Zone 6° ou des vallées profondes des Alpes. — Le goître et le 
crétinisme sont endémiques. 10,000 litres d'air, 1 litre d’eau ou 
10 gr. de terre ne fournissent pas chacun 1/2000 de milli- 
gramme d'iode. 

Après avoir exnosé les faits que nous venons d'analyser , 
l’auteur du Mémoire n° 2 rapporte les observations qu'il a 
recueillies dans un deuxième voyage qu'il a exécuté en 1852 
dans le Jura, le Valais, la Lombardie et l'Allemagne. 

Ses nouvelles observations ont confirmé celles qu’il avait déjà 
faites, ct, dans les nouveaux pays qu'il a parcourus, il n'a 
jamais rencontré le goître endémique dans les contrées norma- 
lement iodurées , tandis qu’il a rencontré des goîtreux partout 
où l'iode se trouvait réduit à des quantités assez faibles pour 
échapper à l'analyse. Il croit pourtant avoir remarqué qu’à iodu- 
ration égale, le goître se montre plus rare sur les montagnes 
que dans les vallées, et qu’à altitudes et iodurations pareilles , 
il y aurait moins de goîtreux dans le Nord que dans Je Midi. 
Parmi les principales villes qu'il a visitées dans ce deuxième 
voyage, il en est une qui l’a frappé, surtout par le contraste 
que présente son état d'aération ct de salubrité, et le nombre 
considérable de goîtreux qu'on y remarque. C’est Vienne (en 
Autriche ) où le chiffre des individus atteints de thyroïdite s'é- 
lève à 12 ou 15 °/, de la population. 

Sous le titre de faits spéciaux , l’auteur a rapporté quelques 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 265 
observations assez remarquables pour mériter d'être analysées 
dans ce rapport. 

Fully et Saillon sont deux gros villages placés presque en face 
de Martigny (en Valais). 

Ces deux villages, contigus l’un à l'autre, comme le 
sont, près Paris, les villages de Passv et de Chaillot, se res- 
semblent par leurs habitations : le milieu où ils s'élèvent, leur 
exposition au sud , à la même hauteur , sur la pente inféricure 
de la montagne. Ils sont tous deux frappés par les mêmes 
vents; tous deux aussi pareils, enfin, que les deux moitiés 
d’un tout. 

A Fully, les goîtreux et les crétins abondent ; à Saillon , au 
contraire , il y en a fort peu ; il paraît même qu’on n’y en voyait 
aucun il y a quelques années. L'auteur de ce Mémoire ayant 
prié M. Moulin, président de Saillon , de lui faire connaître ce 
qui, de près ou de loin , lui semblait se r attacher à ses études 
sur les causes du goître, M. Moulin lui répondit : « Il est vrai 
» que Saillon est renommé dans le Valaispour n’avoir ni cré- 
» ins ni goîtreur , mais il ne mérite plus sa réputation ; depuis 
» Cinq ou six ans le nombre des goîtreux y est assez considéra- 
» ble, et chaque jour il augmente. Vous me demandez si 
» quelque chose a été changé dans le village On n’a rien fait, 
» ou l'on a amélioré; leseaux de la vallée sont moins stagnantes 
» qu'autrefois ; le village est alimenté par les belles eaux de la 
» Salente, pour lesquelles nous avons fait de grands travaux 
» il y a quelques années; et maintenant nous avons de l’eau 
» toujours pure ; un peu plus haut ou un peu plus bas, c'est tou- 
» jours à la Salente que nous puisons ; et pourtant, quand je 
» réfléchis que ce n’est que depuis que nous prenons l’eau 
» vers le haut du torrent que le goître est devenu commun, je 
» ne puis m'empêcher de supposer que nous avons pu mal faire, 
» Un homme instruit et prudent, M. Barman, frère de notre 
» ambassadeur à Paris, nous dit bien dans le temps que nous 
» avions tort de toucher à nos eaux , que peut-être nous nous 
» en repentirions ; que la source chaude, ou source de fer, 
» au-dessus de laquelle allait se trouver la nouvelle prise d’eau, 

k° S,— TOME V. 18 


266 MÉMOIRES 
» pouvait avoir son utilité. Nous ne l'écoutämes pas; je le re- 
» grette quelquefois. » 

Après avoir recueilli ces renseignements, l'auteur du Mémoire 
n° 2 s'empressa d'analyser l’eau qui alimente actuellement 
Saillon , et il la trouva privée d’iode comme celle qui alimente 
Fully. Examinant alors l’eau de la Salente, puisée au-dessous 
de la source chaude, et au point même où se trouvait l’ancienne 
prise d’eau , il la trouva plus riche en iode que l’eau de la 
Seine. Enfin, l’eau de la source chaude ou de fer lui fournit 
au moins 60 fois plus d'iode que les eaux de Paris. 

Ainsi , les habitants de Saillon ont été préservés du goître 
tant qu'ils ont bu de l'eau iodurée; mais il n’en a plus été de 
même lorsqu'ils ont fait usage d'une eau privée d’iode. 

Deuxième fait. 

Saint-Maurice, quoique placé sur le point le plus étroit et le 
plus profondément encaissé de la vallée du Rhône, entre Mon- 
they en aval, Martigny en amont, et Lavey en face, qui comp- 
tent des crétins et un grand nombre de goîtreux, n’a pas un 
seul crétin , et seulement quelques individus atteints de goître ; 
mais Saint-Maurice, qui heureusement est privé de fontaines, 
délaisse les eaux du Rhône pour celles de puits creusés dans 
un calcaire ferrugineux , qui leur donne à peu près le même 
degré d’ioduration qu'aux eaux de Paris. 

Le troisième fait est relatif à Venise, qui contraste par la 
belle santé de ses habitants avec les pays qui l'entourent ; mais, 
à Venise, on boit les eaux pluviales, qui sont incomparablement 
plus riches en iode que celles dont on fait usage dans les pays 
voisins. Dans un troisième voyage, l’auteur a visité, toujours 
dans le même but, le Sud et l'Est de la France, le duché de 
Bade , la Suisse et le Piémont. Nous ne rapporterons pas en dé- 
tail les résultats de ce voyage, car ils ont été pareils à ceux 
qu'ont fournis les deux premiers. 

Quelques faits spéciaux, analogues à ceux que nous avons 
cités plus haut, terminent la relation de ce voyage. En voici 
le résumé : 

À Baden-Baden, le goître est à peu près inconnu ; ilest, au 


DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 267 
contraire, cominun dans le village voisin ; mais l'analyse dé- 
montre que les eaux potables de Baden-Baden sont plus iodu- 
rées que celles des localités voisines. 

À Burgo-Franco, gros bourg situé vers la partie basse de la 
vallée de la Doire-Baltée, le goître sévit avec force sur une 
moitié du village, tandis qu'il épargne l’autre. Or les habitants 
de la première moitié boivent une eau dépourvue diode, tandis 
que celle de la fontaine qui alimente ceux de la deuxième, est 
normalement iodurée. 

A Arles, les habitants de la partie élevée de la ville sont 
souvent atteints du goître , tandis que ceux de la partie basse 
et humide n’en sont pas atteints; mais les premiers usent de 
leau du Rhône, qui est très-peu iodée, tandis que les se- 
conds boivent de l’eau de puits, qui est plus riche en iode. 

Le Mémoire n° 2 est terminé par des considérations générales 
sur l’étiologie du goître et du crélinisme. Là se trouve exposée 
et discutée l'influence de la configuration du sol, de l’exposi- 
tion , de la température, de la misère, des habitudes, des tra- 
vaux excessifs , de l'hérédité, de l’âge, du sexe, du tempéra- 
ment, de la nature des eaux ou du sol. etc. 

Il résulte de cette discussion , que toutes les influences défa- 
vorables dont chacune a été admise, à des époques et dans des 
lieux variables , comme pouvant développer le goître et le cré- 
tinisme , se trouvent souvent réunies sur un méme point, ct 
pèsent à la fois sur Les habitants d’une grande ville, sans que 
le goitre apparaisse, pourvu que l'iode soit en quantité suffi- 
sante dans l'air, les eaux ou les aliments. 

Ce n’est pas que l’auteur refuse toute action aux conditions 
générales de l'hygiène; loin de là, il propose de partager sous 
ce rapport les pays à goîtreux en deux régions. 

1° Région de médiocre ioduration : Lyonnais, Soisonnais. 

2° Région de très-faible ioduration : Aoste, Martigny, etc. 

Dans la première de ces régions, dit l'auteur, la somme 
d'iode absorbée par l'homme est peu inférieure à la normale. 
L'habitant de ces pays a, en quelque sorte, un pied snr les 
terres du goître, et l'autre en dehors , et l’on conçoit que là 


268 MÉMOIRES 
les conditions hygiéniques exercent une influence prépondé- 
rante dont on a eu le tort d’exagérer l'importance. 

Mais, dans les régions de très-faible ioduration , rien de pa- 
reil n'a lieu; il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler 
que Île goître sévit à Milan, à Pavie, à Bergame, à Brescia, à 
Vérone, à Laybach, à Vienne, à Prague, etc. , villes qui sont 
depuis longtemps en possession de tout ce qu'on pourrait 
donner ( moins l’iode) aux contrées d’où les partisans absolus 
des conditions hygiéniques se flattent d’extirper le goître 
par leur système. Telle est, en résumé, la substance du Mé- 
moire n° 2. 


Un examen attentif des deux travaux, dont le rapport que 
vous venez d'entendre ne peut qu'imparfaitement faire appré- 
cier l'importance, nous a porté à leur attribuer une valeur 
inégale. 

Le Mémoire n° { se compose essentiellement d’une discussion 
habile des faits relatifs à l’étiologie du goître , que la science 
possède en si grand nombre. 

L'auteur de ce travail paraît fort au courant de tout ce qui a 
été écrit sur le sujet qu’il traite ; il ajoute aux observations qu’il 
rapporte, quelques analyses qu'il a faites lui-même; enfin il 
propose l'admission d’une théorie nouvelle, en s'appuyant sur 
les faits qu'il a observés lui-même, et sur ceux qui sont acquis 
à la science. Malheureusement, les recherches contenues dans ce 
travail, au lieu de revêtir les proportions considérables que 
nous trouvons dans le Mémoire n° 2, ont presque toujours trait 
à la localité même dans laquelle se trouve placé l’auteur. Or, 
à notre avis, rien n’est moins propre à détourner les hommes 
même les plus intelligents de la connaissance des causes qui 
produisent les maladies endémiques , que l’étude de ces affections 
dans une contrée limitée. Nous n’hésitons pas à dire , par exem- 
ple, que si les études deM. Grange eussent porté sur les eaux des 
Pyrénées, il n’eût jamais certainement écrit que les sels de chaux 
ou de magnésie sont cause du développement de l'affection thy- 
roïdienne. Nous en disons autant en ce qui concerne la théorie 


DE L ACADÉMIE DES SCIENCES. 269 


nouvelle qui se trouve développée dans le Mémoire n° 1. Les 
eaux dont on fait usage dans la plupart des vallées des Pyrénées, 
ne renferment pour la plupart que des traces à peine apprécia- 
bles de matières organiques ; le résidu de leur concentration ne 
se putréfie pas même après plusieurs mois de conservation ; votre 
Rapporteur en a souvent fait l’essai. Comment s'expliquer d’ail- 
leurs, dans cette théorie, pourquoi, dans certaines localités où 
les habitants de deux quartiers de la même ville puisent à la 
même source (Saint-Martory }, le goître sévit sur un quartier 
et non pas sur l'autre? Nous n’insisterons pas davantage sur les 
défauts de cette théorie qui est présentée et soutenue , nous 
nous plaisons à le reconnaître, avec un talent remarquable , 
inais qui, à notre avis, ne s'appuie pas sur des analyses suffisam- 
meut nombreuses , el ne permet pas de rendre compte d'une 
multitude de faits qu'on observe dans beaucoup de localités où 
le goître et le crétinisme sont répandus. 

LeMémoire n° 2 se distinguesurtout par la masse considérable 
de faits qui s’y trouvent rapportés ; les analyses exécutées par 
l’auteur , sur l'air, l’eau et les aliments, sont au nombre de 
plus de mille ; sans doute ces analyses, dans lesquelles on 
n'avait en vue que la détermination d’un seul élément, ne pré- 
sentaient pas de diflicultés d'exécution bien sérieuses ; mais elles 
ont dù exiger beaucoup de temps, beaucoup de patience et une 
grande habitude des manipulations. 

Des considérations d'un ordre élevé abondent dans ce travail, 
qui paraît avoir été rédigé par un homme très-familiarisé avec 
les hautes questions scientifiques ; la partie de ce Mémoire qui 
a pour titre apprécialion , a surlout frappé vos commissaires ; 
elle est écrite dans un style plein de verve et d'originalité, et 
sous le rapport de la forme comme sous celui du fond , elle nous 
a paru fort remarquable; les argaments y sont groupés avec 
beauceup d'art , et il faut être bien difficile à convaincre , pour 
ne pas se ranger à l'avis de l’auteur, quand on vient de lire ce 
chapitre. 

Ici les rapports entre le goître et la nature du sol, de l'air , 
des eaux et des aliments, ont été étudiés dans les conditions les 


270 MEMOTRES 

plus variées et dans les régions les plus diverses, et c’est pres- 
que toujours dans ses propres recherches que l’auteur puise 
ses arguments. 

Nous sommes restés parfaitement convaincus , après la lecture 
de ce travail, que partout où l’iode se trouve en suffisante 
quantité dans l'air, l’eau ou les aliments, le goître est inconnu, 
et qu'au contraire il sévit avec force partout où l'air, les eaux 
ou le sol se montrent peu ou point iodurés. Quelques expériences 
que nous avons exécutées sur les eaux prises dans quelques 
points des Pyrénées , n’ont fait que nous fortifier dans cette con- 
viction. 

Mais nous n’en conclurons pas, avec l’auteur du Mémoire n°2, 
que cette absence d'iode est la cause primitive du goître , car il 
pourrait bien se faire que cette cause étant différente , le goître 
ne se produisit pas dans les lieux où l’ivde est en suffisante 
quantité, parce que le remède se trouvant à côté du mal, empé- 
cherait celui-ci de produire ses effets. Remarquez que ce remède 
existant dans l'air, l’eau ct les aliments, l’homme le prend à 
chaque instant, et par tous les pores, et que dès lors la pré- 
servalion doit être plus facile. Ainsi, à notre avis, les expé- 
riences contenues dans le Mémoire n° 2 prouvent que l'existence 
de faibles quantités d’iode dans l'air, l'eau, le sol et les ali- 
ments, suffisent pour empêcher le goître ct le crétinisme de 
se montrer ; elles prouvent encore qu’en général le goître appa- 
raît partout où la proportion de l’iode est trop faible ou nulle ; 
mais nous ne regardons pas comme démontré que ce manque 
d'iode est la cause primitive du goître. 

Quoi qu'il en soit, l'Académie ayant demandé seulement 
qu’on l'éclairât sur le rôle que joue la composition de l'air, des 
eaux , du sol et des aliments dans la production du goître en- 
démique, nous pensons que l’auteur a fait tout ce qu’il était 
actuellement possible de faire dans ce sens ; la découverte de 
l'existence de l’iode dans l'air , les eaux douces, le sol et les 
substances alimentaires , constitue d’ailleurs à elle seule un fait 
d’une importance considérable, un fait qui fera époque dans 
les annales de la science : aussi considérant l'étendue de ce tra- 


DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 271 
vail, son originalité, la supériorité remarquable avec laquelle 
la question mise au concours y est traitée, la Commission à 
l'honneur de vous proposer, à l'unanimité : 1° d'accorder le prix 
de l'année 1855 , à l’auteur du Mémoire n° 2 ; 2° d'accorder une 
mention honorable à l'auteur du Mémoire n° 1. 

Elle vous propose , en outre, d'accorder à chacun d’eux le 
ütre de Membre correspondant. 


272 MÉMOIRES 


RAPPORT 


SUR LES MÉDAILLES D ENCOURAGEMENT DÉCERNÉES 
PAR L'ACADÈMIE EN 1855 ; 


Par M. U. VITRY, Secrétaire perpétuel. 


« L'Académie impériale des Sciences , Inscriptions et Belles- 
» Lettres de Toulouse, mue par le désir de favoriser le progrès 
» des sciences , et surtout de recueillir tous les faits qui se rap- 
» portent à la Faune anté-diluvienne , à la constitution géologi- 
> que ct à l'histoire du bassin de la Garonne ; 

» Considérant que les grands travaux qui s’exécutent où qui 
» sont projetés dans le département de la Haute-Garonne et dans 
les départements voisins, doivent entraîner des fouilles et des 
terrassements considérables qui peuvent amener des décou- 
» vertes importantes pour l’archéologie et la géologie, 

» À délibéré de décerner des encouragements spéciaux aux 
» personnes qui lui signaleront et lui adresseront des objets 
» d’antiquité (monnaies , médailles, sculptures, vases, armes, 
» etc.), et de géologie (échantillons de roches et de minéraux ; 
» fossiles d'animaux , de coquilles, de végétaux, etc.), ou 
» du moins qui lui en transmettront des descriptions détaillées, 
» accompagnées de figures. 

» Ces encouragements consisteront en médailles d'argent ou 
» de bronze, avec mention au procès-verbal, selon l'importance 
» scientifique des découvertes. » 

Telle est la décision prise par l'Académie, le 9 mars 1854, 
et qui a été adressée à toutes les Administrations départementales, 
à tous les journaux, ainsi qu'à toutes les Sociétés savantes ou 
littéraires des contrées sous-pyrénéennes. Cet appel n’est pas resté 
sans écho. Nous avons reçu plusieurs communications provenant 
des départements de l’Ariége , de la Haute-Garonne et du Tarn. 


[2 


ÿ 


p DE. L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 273 
Les plus nombreuses et les plus importantes sont celles qui se 
rattachent à la géologie. 

M. Grat, conducteur des ponts et chaussées à Foix, a seul 
transmis des objets d’antiquité, qui ont été soumis à une Com- 
mission ayant M. du Mège pour Rapporteur. 

Ces objets, découverts à Saint-Jean de Verges , dans l’ancien 
comté de Foix, établissent qu’il existait sur ce point, peut-être 
avant, mais bien certainement pendant la domination romaine, 
une bourgade, où tout au moins un marché, qui, par sa position 
à l'entrée de l’unc des grandes vallées des Pyrénées, devait 
offrir quelque importance commerciale. Ces antiquités consis- 
tent en quelques monnaies d'argent du genre de celles qu'on 
attribue aux Volces Tectosages ; puis une médaille phénicienne, 
comme on en trouve à Vieille-Toulouse , plusieurs pièces Ibé- 
riennes, avec des légendes en caractères restés pendant long- 
temps inconnus, mais qu'on ft aujourd'hui, grâce aux travaux 
de Sestini et de M. de Saulcy ; une de ces pièces , qui est en ar- 
gent, appartient à Elantica. 

La colonie de Massilia a fourni également sa part aux riches- 
ses archéologiques de Saint-Jean de Verges, où a été trouvée 
aussi une médaille de bronze de l'Italie méridionale. 

Parmi les monnaies ou médailles latines, M. Grat a recueilli 
sur ce même point un as romain, un Tibère en argent, un 
Caligula, trois Antonin, une Faustine mère, deux Marc- 
Aurèle à revers remarquables, un Philippe père, un Dioclé- 
tien, et quelques petits bronzes dont la série s'étend du règne de 
Probus aux fils de Constantin. 

Différents ustensiles appartenant aux anciens habitants de 
ces contrées ont été surtout examinés avec intérêt. Dans le 
nombre , on distingue une sorte de style en bronze, des restes 
de fibules et une lancette également en bronze, d'une conser- 
vation parfaite; si ces découvertes, dit en terminant M. du 
Mège , ajoutent peu aux connaissances déjà acquises, elles con- 
firment du moins l'existence d’une bourgade antique sur le sol 
même de Saint-Jean de Verges; elles donnent surtout l'espoir 
que des résultats plus importants pourront être obtenus dans 


274 MÉMOIRES 

l'avenir. Aussi la Commission a proposé d'encourager les efforts 
et les recherches de M. Grat, en lui accordant une médaille 
d'argent, et l’Académie a adopté ces conclusions. 

Ces traces du passage du peuple-roi, ne datent en quelque 
sorte que d'hier , lorsqu'on les compare à ces antiquités fournies 
par la nature, et qui remontent à des époques pour le calcul 
desquels les siècles ne sont pas même des heures. Epoques ma- 
jestueuses si longtemps inconnues , mais dévoilées par les Cu- 
vier et les Brongniart, dont le profond génie venant se mêler 
aux premières émanations du Créateur , a fait surgir les unes 
après les autres, et les premières eaux et la première terre , 
puis les herbes qui vêtirent le monde , puis des habitants dans 
ces eaux, des animaux à cette terre, et par-dessus tout l'homme. 

Ces spéculations élevées dans lesquelles la science côtoie le 
poétique et le merveilleux , ont donné de nos jours une sorte 
de popularité à l'étude de la géoloÿie; elles expliquent le nom- 
bre considérable des communications qui nous sont parvenues 
sur cette branche des connaissances humaines. 

Il y deux jours à peine , un important envoi fait par M. Caze, 
de Saint Bertrand de Comminges ( Haute-Garonne), est arrivé 
trop tard pour être l’objet des appréciations de l'Académie , qui 
se voit forcée à regret d’en ajourner le compte rendu jusqu’à la 
séance publique de 1856. 

M. Saint-Martin , instituteur à Marignac, est un explora- 
teur déjà connu ; il a transmis divers échantillons recueillis 
à Cierp et dans les environs de ce village. Ces fossiles ont 
une véritable importance, et M, Leymerie a découvert parmi 
eux un type générique nouveau, voisin du genre Æ£ncriniles. 
Da reste , l’un de nos géologues les plus distingués , M. le 
vicomte d’Archiac , a eu plus d’une fois l’occasion d'observer 
des espèces nouvelles pour la science , parmi les spécimens qui 
lui avaient été adressés par M. Saint-Martin. 

Ces découvertes, dues au zèle intelligent et dévoué d’un mo- 
deste instituteur de village, méritaient d'être signalées et même 
encouragées ; aussi l’Académie a été heureuse de pouvoir accom- 
plir un acte de justice en accordant une médaille d'argent à 
M. Saint-Martin. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 275 

M. Joly a rendu compte d’un certain nombre d’ossements 
trouvés par M. Parayre , pharmacien , dans un grès très-dur 
faisant partie d’une carrière située à 2 kilomètres au nord de 
la ville de Castres , et désignée dans le pays sous le nom de 
Sicardem. Trois de ces fossiles ont des dents de Palæotherium 
d'espèces différentes , mais les deux morceaux les plus inté- 
ressan{s consistent en deux fragments de mâchoire inférieure 
que la configuration extérieure de leurs dents, la grande hau- 
teur de l’apophyse coronoïde et la forme arrondie de l'angle 
postérieur de la branche montante , font aisément reconnaître 
comme ayant appartenu au genre Dicobune de Cuvier ; quant 
à l'espèce , la Commission , dont M. Joly était l'organe , l’a 
rapportée au Dicobune Cerbina trouvé par M. Pratt dans les 
terrains anciens de l’Angieterre. 

De nouveaux fossiles, adressés tout récemment par le même 
M. Parayre , ont été examinés aussi par une Commission qui 
a signalé notamment une mâchoire inférieure d'un animal 
dont il n'aurait été possible de déterminer le genre et l’espèce, 
qu'en dégageant ce fragment de la masse de grès très-dur dans 
laquelle il est incrusté. La Commission, craignant de détruire 
ce bel échantillon , n’a pas osé tenter cette opération sans avoir 
reçu l'autorisation de la part de l'inventeur ; du reste , les 
deux Commissions ont reconnu que les communications de 
M. Parayre offraient beaucoup d'intérêt pour la géologie de 
nos contrées , et, sur leurs conclusions , l’Académie lui a dé- 
cerné une médaille d'argent. 

ILest à remarquer que ce sol Castrais , naguère encore in- 
exploré , a fourni en peu d’années d’intéressants débris d’une 
population d'animaux appartenant tous à des races éteintes , ct 
qu'il a conquis ainsi un rang déterminé dans la série des ter- 
rains du Sud-ouest de la France. 

Notre Confrère , M. Noulet , dans deux mémoires qui figu- 
rent dans nos Recueils , avait eu à citer la découverte faite dans 
les environs de Castres , de restes de Palæotherium identiques 
aux espèces du bassin de Paris. Le territoire de Lautrec lui 
avait fourni un maxillaire inférieur sur lequel il avait établi 


276 MÉMOIRES 


son Lophiodon Lautrecense, la plus grande des espèces connues 
jusqu’à ce jour , dans ce genre décrit par Georges Cuvier, et 
qui, dans le terrain Éocène supérieur , se rapproche le plus 
du genre Æhinocéros, dont les représentants abondent dans la 
formation tertiaire plus récente. 

Depuis l'établissement , par M. Noulet , de ce type anéanti, 
M. l'ingénieur Aby avait recueilli, non loin de Castres, plu- 
sieurs molaires supérieures du même animal. Là se bornaient les 
connaissances ostéologiques du Lophiodon Lautrecense (Noulet), 
lorsqu'un jeune naturaliste , M. Léonce Roux, habitant de la 
même ville de Castres, a découvert, dans le riche gisement de 
Roc de Lunel des restes osseux d’un mamumifère de grande taille 
qu’il s’est empressé de communiquer à l'Académie. Ces restes 
consistent en fragments de dents molaires , de dents incisives 
et en un tibia complet d'une bonne conservation ; ils revien- 
nent tous, d’après M. Noulet , à son Lophiodon Lautrecense. 
La comparaison qu'il a faite des fragments de molaire avec les 
dents entières qu’il devait à l’obligeance de M. Aby , ne lais- 
sent aucun doute à cet égard ; il rapporte au même animal le 
tibia dont la longueur est de 0,38 centimètres , c'est-à-dire plus 
grand que ce même os dans les Rhinocéros de la formation mio- 
cène sous-pyrénéenne. Cet os est entièrement dans la forme 
de son congénère appartenant au Rhinocéros brachippus de 
Lartet. 

Ainsi, dit M. Noulet, grâce à la communication de M. Roux, 
on a pu ajouter quelques caractères de plus à la diagnose d’un 
pachyderme fossile encore incomplétement connu , mais Cer- 
tainement fort d'stinet des autres Lophiodon qui ont été retirés 
de notre terrain Éocène ; en conséquence , la Commission pro- 
pose et l’Académie décerne une médaille d'argent pour ré- 
compenser le zèle et les travaux de M. Roux , dont l'envoi ren- 
fermait en outre un germe de dents de reptiles crocodiliens. 

Ici se termine l’'énumération des encouragements distribués 
dans cette branche de la science qui tend chaque jour à re- 
construire ce monde si extraordinaire dans lequel l’homme 
n'existait pas encore , dont les bruyères étaient de grands ar- 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 277 
bres , et où vivaient ces animaux étranges disparus aujour- 
d'hui , mais qui livrent à nos investigations les débris au- 
thentiques de plusieurs générations successivement rendues au 
foyer des créations éternelles. 

L'intelligence éprouve une sorte de vertige en sondant cette 
incommensurable succession des temps , et ce passé presque 
fantastique dont viennent nous entretenir les plus immenses 
rochers comme les plus petites pierres. 

Les saintes Ecritures nous enseignent que l’homme lui-même 
est appelé à une autre destination que celle de cette terre : 
aux yeux du chrétien comme aux yeux du philosophe , l'espèce 
doit donc mourir , car ce n’est pas au père des hommes seul 
que s’est adressée cette terrible et profonde révélation de Dieu : 
ce n'est pas seulement à chacun de ses descendants pris dans 
son individualité matérielle , c’est à tout le genre humain con- 
damné à disparaître un jour, comme les êtres qui l'ont précédé 
ou accompagné dans son passage. 

Aussi , en présence des grands enseignements donnés à la 
fois par la religion , par l'étude de ces races éteintes sortant de 
leur sépulcre de pierre , et jusque par ce sable foulé sous nos 
pieds qui n’est souvent formé que des débris d’un polype anéanti, 
on se demande involontairement ce qui adviendra de l'espèce 
humaine tout entière 1... Sans doute un sable à rouler sous 
les pieds de ses derniers représentants ! 


278 MÉMOIRES 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 
SUR 


L'HISTOIRE DU PARLEMENT DE TOULOUSE ; 


Par M FLORENTIN ASTRE. 


Les études historiques sont, de toutes parts, sous toutes les 
formes, et à tous les degrés , poursuivies avec une ardeur sou- 
tenue. Prises à un point de vue général, embrassant un vaste 
horizon , ou même ne portant que sur une époque spéciale, 
mais considérée de haut, elles sont réservées à ces esprits émi- 
nents, qu'il est plus facile d'admirer que d’imiter ou d’attein- 
dre. Restreintes dans des limites plus modestes, ces études, 
s'appliquant à mettre en lumière les histoires particulières et 
locales , attirent des hommes voués à la science, et qui n’épar- 
gnent ni les recherches multipliées, ni les travaux conscien- 
cieux. Pour cette seconde tâche , plus accessible que la première, 
mais qui a ses difficultés , le succès obtenu est moins brillant, 
moins populaire , mais il assure encore à ceux qui ont mené 
_à bien leur ouvrage, une part légitime de considérations et de 
renommée. 

Vous l’entendiez tout à l'heure de la bouche de notre hono- 
rable Président (et ne craignez pas que j'affronte la compa- 
raison en revenant sur ce qu'il a si bien dit}, mais je constate 
après lui que ces études, d’un intérêt local , sont vivement ex- 
citées et encouragées ; qu'elles sont le but sans cesse proposé 
aux érudits et aux Sociétés savantes ; dès lors , il est naturel que 
nous nous demandions ici, dans une ville si riche d’antiques 
souvenirs, quels seraient les sujets à traiter pour répondre à 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 279 
ces nobles provocations ; quels seraient les plus propres à éveiller 
les sympathies, ea ressuscitant un passé ou intéressant ou glo- 
rieux. Entre tous , il n’en est pas qui paraisse mieux remplir, 
pour nous, ces conditions, que l'Histoire complète du Parle- 
ment de Toulouse; de cette magistrature illustre , commencant 
au xm° siècle, et cessant d'exister aux plus mauvais jours de 
la fin du xvm®. Comment ce travail n’a-t-il pas encore été essayé ? 
Une pensée décourageante , il faut le croire, a paralysé Jusqu'à 
présent les résolutions et la bonne volonté de ceux qui ont senti 
le désir de se livrer à cette entreprise. N'y a-t-il pas des impossi- 
bilités que l'intelligence la mieux douée, que le courage le plus 
infatigable , peuvent à peine espérer de tourner, et qu'ils ne 
sauraient vaincre? Parviendraient-ils, en l'absence de docu. 
ments écrits, de traditions orales, de renseignements certains , 
à raconter et à juger en entier des événements restés souvent si 
obscurs ? 

Je viens examiner avec vous, Messieurs, jusqu’à quel point 
ces hésitations et ces craintes sont fondées, et si > €n comptant 
nos ressources , il y aurait des moyens de faire disparaître les 
obstacles au profit de celui qui se sentirait assez fort, assez hardi 
pour tenter l’aventure ? Et n'offre-t-elle pas plus d’un genre de 
séductions et de jouissances morales ? Je m'exprime ainsi, au 
risque d'attirer les railleries assez peu piquantes de ceux qui 
s’arrogent la triste mission , que bien peu leur envient , de jeter 
du ridicule sur toutes les institutions anciennes. Ces aris{arques 
vont ramassant, dans de misérables recucils, des anecdotes sus- 
pectes, quoique cent fois répétées ; ils puisent dans cette authen- 
ticité apocryphe des raisons , suffisantes à leurs yeux, pour atla- 
quer un corps tout entier dans sa Jongue durée ; ils voudraient 
le rendre respunsable des torts supposés on des niaiseries plus 
que douteuses de l’un de ses membres : laissons-leur ces plaisirs 
équivoques; car l'arme du ridicule , ainsi maniée imprudem- 
ment , ne blesse que le maladroit, persuadé lui seul qu'il est 
habile à s'en servir. 

L'Histoire du Parlement de Toulouse se divise en époques 
distinctes, formant les âges de cette grande compagnie. L'un 


280 MÉMOIRES 

de nos collègues, si habile dans ses recherches, si heureux dans 
ses découvertes et ses investigations , a indiqué toute la série 
des faits principaux dans un historique forcément abrégé par 
le cadre tracé aux Znstitutions Toulousaines. Mais il faudra 
toujours remercier M. du Mège des jalons qu'il a plantés, des 
preuves et des faits qu’il a rassemblés, des noms qu'il a re- 
trouvés. 

Durant sa longue carrière, le Parlement Toulousain a eu 
deux existences parallèles et simultanées ; il a vécu d’une vie 
politique, publique, extérieure , mêlée aux événements qu'il 
traversait ; il a vécu d’une vie judiciaire, personnelle, inté- 
rieure. Le récit, comme les appréciations de l'historien , de- 
vrait naturellement comprendre, mais dans des proportions 
différentes , cette double perspective. 

Précisons les grandes divisions historiques : 

Le xur° siècle fut l’âge, pour ainsi dire , héroïque. Il est livré 
aux suppositions et aux conjectures, parce que nous n'avons 
plus ni les ordonnances et règlements «insérés , dit Catel (1), 
» dans un vieil tome des registres , qui est attaché avec une 
» chaîne de fer sous le bureau de la grand’chambre (2), » ni les 
arrêts rendus par un Parlement créé en 1279 , et gardés « aux 
» archives de la maison de ville de Tolose (3). » Mais ce Parle- 


(1) Voy. Catel, Mémoires sur l'Histoire du Languedoc, $ le Parlement, 
pag. 243. Voici ce passage : «..... Le roi Philippe-le-Hardi, fils du roi 
Saint Louis, envoya, six ans après le décès d’Alphonse , c’est à savoir l’an 
1277, Pierre, doyen de Saint-Martin de Tours, el Simon de Taris, chevaliers 
commissaires es senechaussées d'Agen et de Tolose, pour enquérir des excès 
faits par la malice de seneschaux, juges, baillifs, notaires, tabellions et 
autres gens de cour et des sergens royaux ; lesquels commissaires, pour empes- 
cher les oppressions, injures el exactions indeües qui se trouvoient faictes 
par lesdits officiers, firent certains reglements et ordonnances , avec le 
conseil de l’évesque de Tolose , abbez de Moyssac, de Belle Perche , et au- 
tres gens de bien qui furent jugés propres à cet effect, lesquelles ordon- 
nances et reglements se trouvent insérés, elc., elc. » 


(2) Catel, 2h. — Maynard cite également les registres de la cour et le livre 
altaché, dit-il, au bureau de la 1r° chambre des enquestes, elc. Vor. liv.u, 
ch. x1v, Lom. 127, in-fo, pag. 104. 


(3) Catel, &b. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 281 
ment, pas plus que les premiers institués temporairement ou par 
le comte ou par le roi , n’était pas encore solidement constitué , 
puisque, en 1280, il laissait rendre par des commissaires 
« pour la réforme da pays et la correction des curiales , » cet 
ARRESTUM SANE, doctement expliqué et commenté dans le tra- 
vail si élevé que M. l’Inspecteur général Laferrière vient de 
uous donner sur les anciennes Coutumes de Toulouse , et dont 
il a vainement déguisé l'immense savoir et les profondes appré- 
ciations sous le titre d'£ssai, bien insuffisant pour le mérite 
de l'ouvrage (1). 

Le xiv° siècle fut l'ère de l'établissement. Ce n'était pas en- 
core le second Parlement de France, sédentaire, stable, forte- 
ment organisé, tel que nous aimons à nous le représenter dans 
ses dernières années. Les incertitudes continuent, et les archives 
de cette période ont eu le même sort que le vici/ tome confié 
aux anneaux de la chaîne impuissante à le retenir : avec lui ont 
disparu ces registres nombreux, consultés, compulsés, mis à 
contribution par Laroche-Flavin , encore à la fin du xvi° siècle. 
Les premières parties de l’histoire parlementaire , les plus diffi- 
ciles à restituer, ne sont pas cependant celles qui auraient le 
moins d'intérêt. 

Vers le milieu du xv° siècle, commence une période désormais 
moins incertaine; le Parlement est rétabli ou définitivement 
créé par Charles VII. Lors de cette installation , il ne paraissait 
pas appelé à une fixité, à une immobilité décidées , car les ma- 
gistrats, qui ÿ étaient délégués, protestaient que « par accep- 
» tation des lieu et estat que le Roi eût ordonné avoir à exercer 
» audit Parlement de Toulouse, ils n’entendent renoncer ni 
» préjudicier à leurs vieux office et estat que premierement ils 
» avoient, tant audit Parlement de Paris qu'ailleurs; et en# 
» espérance et confiance que le Roi leur a réservé par exprès à 
» chacun sondit office, etc. (2). » 

En 1454, un magistrat répétait les mêmes protestations , 


(1) Voy. Recueil de l’Académie de législation de Toulouse , 1855 BALLE 
(2) For. D. Vaissette, in-f°, tom. 1v, aux Preuves, pag. 471. 
4° S.— TOME v. 19 


282 MÉMOIRES 
en venant de Nîmes prendre possession d’un siége de conseiller 
lay (1). 

Contre ces prévisions , le Parlement se maintint : sa résidence 
fut d’abord variable pour des causes transitoires ; mais ses 
travaux judiciaires se continuèrent, et ils sont consignés dans 
une suite non interrompue de registres, conservés aux archi- 
ves du Palais de Justice. Ce fut donc l’âge constitutif et de conso- 
lidation. 

La dernière moitié du xvi° siècle donne à l'histoire du Parle- 
ment de Toulouse une animation et une importance qui partici- 
pent du mouvement et des émotions de cette époque si agitée. Cest 
l'ère essentiellement politique , dominée , pendant ses sanglants 
épisodes, par la majestueuse figure de Duranti , ce premier Pré- 
sident , de qui l'esprit de secte ou de parti a, sans succès, essayé 
de ternir la gloire et la fin malheureuse... Soit parce que les 
documents sont plus nombreux , et que le seul des registres se- 
crets qui ait été sauvé , s'y réfère; soit à cause de cet entraîne- 
ment involontaire qui nous fait préférer aux moments de calme 
et de paix, les époques où se produisent le bruit et l'éclat, la 
lutte des passions humaines , le spectacle plus attrayant, quoi- 
que douloureux, des guerres et des désordres ; c'est vers ce point 
historique que se sont le plus portés les regards et les études. 
Dans cette enceinte, nous avons entendu, sur les choses et les 
hommes de cette date, les élucubrations, si scrupuleusement fé- 
condes, de M. le professeur Benech ; chez lequel on ne sait ce 
qu'il faut admirer le plus, ou de la prodigieuse activité, ou du 
talent et des soins qu’il apporte à perfectionner les travaux d’éru- 
dition composés parmi tant de sérieuses occupations (2). 

Dans une autre Académie, qui n’a pas attendu le nombre des 

#nnées pour marquer sa place, et qui, venue la dernière, n’a 
point tardé à se faire connaître, M. le Conseiller Sacaze a lu 
une notice des plus habilement écrites, à tous égards, sur la 


(1) Premier registre des archives. 
(a) Voy. Mémoires de l’Académie , 4° série , tom. 1v, pag. 27, 59 et suiv. 


DE L’ACADÈMIE DES SCIENCES. 283 


Chambre de l'édit, créée vers 1576 , et prolongeant sa vacillante 
existence jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes (402 

Mais dès la réintégration due à Henri IV (1596), et sous 
les deux règnes suivants, s'était ouverte et continuée une situa- 
tion nouvelle pour le Parlement de Toulouse, qui semblait, 
comme corps politique, s'être pour longtemps affaissé sur Jui- 
même; malgré des troubles moins prononcés, il est vrai , il 
resfait calme, et était réduit , de par Richelieu , à juger Mont- 
morency. Ensuite comme toute la France, il était absorbé par 
le despotisme , du moins glorieux, de Louis XIV. 

Ce fut le temps des liltérateurs et des savants ; c’est un fait 
intéressant à relever; alors Catel écrivait son histoire des 
Comtes et les Mémoires sur le Languedoc; Laroche-Flavin 
compilait son livre des treize Parlements de France, et pu- 
bliait des arrêts; Géraud de Maynard , Cambolas, d'Olive, 
Jean de Catellan recueillaient aussi des décisions notables, et se 
faisaient les précurseurs de ces coilections de nos jours devenues 
cffrayantes par leur immensité. Pendant ce temps encure Fer- 
mal correspondait avec Pascal. Quelques-uns de ces magis- 
(rats se reposaient ainsi des dissensions politiques auxquelles ils 
avaient été mêlés , et dont leurs ouvrages conservent des traces ; 
tandis que les autres, venus plus tard, n'ayant connu que la 
vie du palais, se sont exclusivement occupés de Droit. Tel fut 
Catellan, 

Après, et dans le cours du xvim® siècle, le Parlement de 
Toulouse reprit, dans deux ou trois circonstances , une part 
dans la vie politique; mais il eut à juger notamment des cau- 
ses criminelles restées célèbres par des controverses et des dis- 
cussions qui, naguères reprises avec talent, ne seront Jamais 
épuisées. 

Ce fut &onc surtout l'époque judiciaire précédant la catastro- 
phe ; le Parlement succombe avec tant d’autres institutions, au 
milieu du mouyement inouï commencé en 1789. Ses dernières 


(1) Voy. Recueil! de l’Académie de législation de Toulouse, 1853, tom. u, 
pag. 282 el suiv. 


284 MÉMOIRES 

années , ou peut-être mieux , ses dernières heures et son agonie, 
ont été retracées par un magistrat, naguères forcé, jeune encore, 
à une retraite qui lui aurait été à charge, s’il n'avait consacré à 
des travaux littéraires les loisirs qu'il n'avait pas demandés , et 
qu'il n’acceptait pas comme des bienfaits divins (1). 

Ainsi, Messieurs , quelques phases de la vie politique et 
extérieure du Parlement de Toulouse ont engagé à d’estima- 
bles travaux , tandis que nos historiens n’en ont rapporté que 
ce qui devait entrer dans le tableau général ; mais la vie inté- 
rieure et de tous les jours, la vie organique et privée, a été 
mise à l'écart ; elle n’a pas été considérée, depuis sa naissance 
jusqu’à son extinction, dans sa marche et sa durée ; les éléments 
en sont épars, ils seraient À rassembler, à coordonner ct à 
décrire. N’y aurait-il donc aucun intérêt à suivre le Parlement 
depuis sa création, ou faible ou définitive, jusqu’à sa fin trop 
connue ; à étudier sa constitution judiciaire, ses progrès et ses 
variations, sa hiérarchie , sa juridiction et sa compétence, ses 
attributions et ses prérogatives , ses mœurs et ses usages, ses 
prétentions, jusqu’à ses querelles intestines de rang et de pré- 
séance , venant altérer sa paix habituelle? Je ne parle pas de sa 
jurisprudence qui ne serait pas à négliger historiquement , mais 
dont le développement rentrerait dans un autre ordre d'idées 
et de travaux. 

Il ÿ aurait donc à mener de front ces deux parts de l’histoire 
du Parlement, courant en lignes parallèles ; celle-ci se rattachant 
à l’histoire du comté, du royaume, de la cité; celle-là restant 
dans la sphère où la Cour existait repliée sur elle-même. Il y 
aurait à éviter que l’une de ces parties ne füt absorbée par 
l'autre, à leur accorder les détails convenables , en les mainte- 
nant dans des bornes égales et pondérées. 

Sans doute cette histoire intérieure , sur laquelle je vais ici 
concentrer quelques instants votre attention , est compliquée 
et considérable ; pour l'écrire, tantôt s’offriront des détails si 


(1) M. Thomas Latour. Voy. Dernières années du parlement de Toulouse, 
etc. Toulouse, 1855. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 285 
mullipliés, qu'il y aurait à élaguer et à choisir sous peine de 
fatilité ou de confusion ; tous, on le comprend, ne seraient 
pas à admirer, à vanter, à redire trop haut ; tantôt se rencon- 
trerait une disette absolue de documents, et la difficulté tout 
aussi forte de les suppléer et de découvrir les plus indispensa- 
bles. 

A cet égard , il est une espèce de ressource qui paraît man- 
quer , ou qui, du moins, et ce qui serait préférable, ne s’est 
pas encore dévoilée ; ce sont les mémoires si abondants de 
nos jours. Tout entiers au Palais en principe, hommes politi- 
ques par circonstance, juges par état et avant tout, les magis- 
trats ne songeaient pas à écrire leurs impressions intimes ou 
leurs souvenirs personnels. Plusieurs de ceux qui ont été nom- 
més, laissèrent à leurs héritiers le soin de publier les arrêts 
qu'ils avaient rassemblés et commentés pour eux seuls; à peine 
si Ja préface de leurs livres renferme quelques lignes sur les 
auteurs. 

C'est que le mal de l’autobiographie ne faisait pas encore la 
guerre ; tous n’en étaient point frappés , et par ses excès, cette 
peste ne s'était pas ajoutée à celles qui ravagent l'humanité. 
Jadis ceux qui écrivaient des mémoires racontaient les faits 
publics auxquels ils avaient été mélés , plutôt en s’effaçant 
qu'en se montrant et en étalant au public leurs infirmités mo- 
rales ou physiques. Leur position , le rôle qu'ils avaient joué, 
les événements dont ils avaient été les témoins, auxquels ils 
avaient pris une grande ou une petite part, leur donnaient ce droit 
de raconter qu'ils n'étendaient pas aux vulgarités de leur vie 
privée. Montaigne , seul peut-être, avait usurpé l’heureuse 
exception de livrer au grand jour sa propre individualité, de 
descendre parmi les ressouvenirs de son érudition à des détails 
qu'il sait presque toujours faire pardonner par sa bonhomie et 
son laisser-aller si naïf. Eh, combien de fois n'allègue-t-il pas 
des raisons pour expliquer par le désir de se connaître lui- 
même! « ce desseing de se servir de soy pour subject à escrire, 
» excusable à des hommes rares et fameux , tandis que il 
» messied à tout autre qu'à celui qui a de quoy se faire imi- 


286 MÉMOIRES 
» ter, et duquel la vie et les opinions peuvent servir de patron, 
» etc. (1). » 

Certes, de tels scrupules n’arrêtent plus ces indiscrets qui 
nous font subir le débordement inconcevable , et parfois si peu 
décent, de personnalités choquantes , à force d’orgueil et d'égo- 
{isme; ce n’est pas le lieu de s’abandonner aux réflexions que 
suggère ce travers beaucoup trop répandu. Mais, est-il néces- 
saire de faire ressortir la différence qui sépare ces écrits, pour 
le moins frivoles, des Mémoires intimes et sérieux, non pas sur 
les membres isolés du Parlement, mais sur ce corps lui-même, 
pris dans son ensemble, dans sa vie quotidienne, dans ses 
luttes , dans ses délibérations et ses arrêts, et dans les motifs 
qui le faisaient agir; en même temps qu'une telle Compagnie 
nous montrerait ainsi ses (traditions , ses pensées, ses préoccu- 
pations, ses tendances, même ses préjugés et ses erreurs , elle 
serait encore un écho fidèle des bruits des temps qu’elle a par- 
courus , le miroir exact et sineère où viendraient se refléter , 
au profit de la postérité attentive, les images, affaiblies par l'é- 
loignement , des mœurs et des idées, au milieu desquelles ses 
magistrats ont vécu, des passions qu’ils ont ou partagées ou 
combattues. 

De pareils souvenirs évoqués servent merveilleusement à res- 
susciter , par ce qui survit, ce qui n’est plus. C’est une étude 
comparable à ces recherches géologiques faisant deviner les 
transformations successives, les âges divers des couches du globe 
terrestre, et guidant, depuis les profondeurs les plus sombres 
jusqu’à la superficie que foulent nos picds, et que nos regards 
contemplent avec admiration et reconnaissance. 

ILest donc regrettable que Les magistrats de notre Parlement 
aient été si discrets et si réservés. Puisque, par suite d’excès 
déplorables, où s’est obscurcie la gloire d’une révolution si 
belle et si légitime dans son principe et dans ses commence- 
ments , les archives dé la Coùr ont été, en grande partie, dila- 
pidées, dispersées à tous les vents et perdues, nous retrouve- 


(1) Voy. Essais, liv. 11, ch. xvur, et passim: 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 287 
rions dans d'aimables causeries ce qui nous a échappé avec les 
livres officiels. 

A défaut de ces ressources , quelles sont celles qui sont 
connues ? 

Il existe aux archives du Parlement, conservées dans des 
salles au Palais de Justice, la collection intacte des registres 
contenant les édits et déclarations, etc... reçus et enregistrés à 
l’ancienne cour souveraine. Eà sont rangés par leur ordre chro- 
nologique des documents généraux et particuliers, depuis les 
Edits d'institution, de confirmation , d'augmentation ou de ré- 
duction , et les arrêts de règlement portant des délibérations 
solennelles, jusqu’à ces décisions sur des intérêts matériels, 
comme les gages, la continuation du service pendant les va- 
cances ou celles qui enregistraient simplement les lettres de pro- 
vision des officiers les plus humbles attachés à la Cour, huis- 
siers, procureurs, elc, ; il y a là un nombre important de 
faits et de dates à relever et à utiliser. 

Les arrêts rendus sur des questions d'intérêt privé par les 
diverses chambres du Parlement, ne contiennent que la déci- 
sion, réduite à elle-même, sans point de fait ni motifs ; ils cons- 
tituent des titres pour les plaideurs; mais leurs volumineux 
registres ne fournissent à l’histoire que les noms des magistrats 
présents ; ils servent, ce qui n'est pas tout-à-fait inutile, à 
dresser l’arbre généalogique de la Cour. 

A part ces collections, il existe aux archives de la Cour, et 
certainement dans beaucoup de dépôts publics , de précieux do- 
cuments isolés, égarés au milieu de papiers de toute sorte, que 
le travail des inventaires ou le hasard font quelquefois re- 
paraître. 

En dépouillant le gros volume des treize Parlements de 
France, queLaroche-Flavin a grossi, selon le goût de son temps, 
d'une érudition souvent étrange, et de citations parfois trop 
tirées, on trouve dans ce livre une foule de renseignements et 
de détails relatifs aux coutumes du Parlement Toulousain et 
aux divers incidents de sa vie intérieure. Il s'agirait d'analyser 
les faits et de les dégager des superfluités où ils sont ensevelis. 


288 MÉMOIRES 

Longtemps premier Président en la chambre des requêtes, 
Laroche Flavin , en publiant ses recherches, s'exprime ainsi 
dans son Epître dédicatoire : « Au révérendissime prélat Messire 
» Louys de Lavalette , archevêque de Toulouse. » 

» Pour me rendre capable de telles charges (1), et ayant par 
» le moyen d’ycelles l'ouverture et communication aysée des 
» archifs et registres desdits Parlements, je me suis pené puis 
» trente et six ans, à fureter et voir lesdits registres... Ayant 
» audit effect vu et breveté plus de deux cents registres princi- 
» palement du Parlement de Tholose..…. » 

L'un des fruits de ces peines (ajoute-t-il), a été ces treize li- 
vres : « Esquels est traité de l’origine et institution des anciens 
» Parlements et modernes, et des présidents , conseillers, gens 
» du Roy, greffiers , huissiers et autres officiers d’yceux , et de 
» leurs charges , devoir et fonction; ensemble des honneurs, 
» rangs, séances, priviléges, prérogatives, gages , authorité 
» et juridiction, leur appartenant , et des censures, mercuriales 
» et punitions contre les irréguliers et autres matières , etc... 

N'est-ce point là qu'il y aurait à puiser , à défaut de ces 200 
registres si regrettables et que nous n’avons plus? N'est-ce pas ce 
qu’il faudrait tâcher d’éclaireir et de compléter avant et depuis? 

Il est vrai que Laroche-Flavin doit inspirer une certaine dé- 
fiance, puisque, malgré le titre et le rang de l’auteur, le livre 
fat rompu et lacéré en exécution de l'arrêt du 10 juin 1617 
(cité par M. du Mége}), et cela en présence ct par le greffier de 
la Cour , jugeant sur les réquisitions de l’avocat-général , qui 
soutint (disent les manuscrits) que «lequel (livre) était plein de 
» médisances, de faussetés, de diffamations, en général , de la 
» Cour, et en particulier de Messieurs, d’inepties et de plusieurs 
» autres choses indignes d’être sues (2). » Ces dernières ex- 
pressions du réquisitoire sont à remarquer. 


(1) Conseiller au parlement de Paris, président en la chambre des re- 
questes du palais de Tholose , et conseiller au privé conseil de S. M. Jb:d. 


(2) Voy. lom. 197, pag. 179 des manuscrits du greffier Malenfant, qui 
exécula lui-même l’arrêt de la cour. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 289 

Malgré cet arrêt , contre lequel Laroche-Flavin protesta vive- 
ment, ce livre a survécu à sa lacération. Ne serait-il pas possible 
que les indiscrétions reprochées au Président en la Chambre 
des requêtes , eussent motivé la sévérité de la Cour? Peut-être 
l'idée qu'il se faisait du parfait magistrat, paraissait-elle exa- 
gérée et trop difficile à soutenir? Non, sans doute, quand il 
écrivait : & Il faut que les magistrats ressemblent à l'olive qui 
» hayt et l'ombre et l'odeur et le voisinage de la vigne (1); » 
mais dans tant de passages que je dois omettre (2). 

Peut-être ses réflexions, notamment sur les épices , n'étaient- 
elles pas du goût de tout le monde ; il n'était pas digne que l’on 
sût que des juges inférieurs « bruslent d’une soif d'épices qui 
» les échauffe tellement que d'autant pius qu'ils en prennent, 
» ils sont davantage altérés , etc. (3)... 

Peut-être enfin était-il trop avancé pour son temps, lorsqu'il 
s'élevait contre la question ou géhenne qu’il jugeait inutile et 
dangereuse (4), ou lorsque, pressentant une loi dont nous 
voyons à présent l'application journalière, il était d'avis « qu'il 
» ne faut pas trop s'envicillir au palais (5). » 

Quand on aura écarté les opinions, les appréciations, les 
exigences de Laroche-Flavin, contrôlé et discuté ses attesta- 
tions , il restera la mention de beaucoup de faits, de beaucoup 
d’usages qui se perpétuaient au palais , et qui sont certifiés ou 
par les contemporains du Président, ou par des témoins venus 
plus tard. C’est ainsi que les arrêtistes ( Catellan seul excepté), 
citent les mêmes décisions sur la discipline, ete., etc... C'est 
ainsi que les manuscrits des grefficrs Puget et Malenfant , que 
possèdent aussi les archives, viennent appuyer , étendre et 
confirmer" plusieurs de ces faits. 

Ces manuscrits sont aussi extraits des registres secrets, {ous 


(1) Liv. vi, ch. 11. 
(2) Voy. passim. 

(3) Liv. nn, ch nvur. 
(4) Liv. xut, ch. vin. 


(5) Liv. x, ch. xx1x. 


290 MÉMOIRES 

perdus , à l'exception d'un seul ; ils embrassent le xvr siècle 
tout entier , et la moitié du xvu*. En les feuilletant, on peut 
voir le Parlement, tantôt repousser avec énergie des provo- 
cations à de nouveaux troubles civils (1); pourvoir dans les 
circonstances difficiles aux nécessités du moment ; délibé- 
rer et arrêler «que serait mis tel ordre par le sieur premier 
» Président, au nom de la Cour, que ni dans la ville ni hors 
» d'ycelle ne fut rien changé en l'état et tranquillité en la- 
» quelle on a vécu durant la vie du feu Roi { Henri IV } (2) ; » 
tantôt : régler et assurer le service de la justice (3), fixer la 
marche, l’ordre, les rangs à observer pour une cérémonie pu- 
blique, pour la réception d’un roi, d’un gouverneur de la 
province , etc. ; rédiger des adresses , envoyer des députations, 
etc., etc. (k). 

Par d’autres décisions, le Parlement veille à sa propre dignité; 
maintient avec rigueur la prestation des serments tradition- 
nels (5); exige, de plus, d’un conseiller lay le serment, € de 
» n'avoir donné ne promis or, argent ne autre chose equipol- 
» lent, pour avoir et tenir leditoflice (6) ; » s’elforce de réprimer 
les dangereuses conséquences de la vénalité des charges ; se 
plaint de l'élévation du prix des transmissions (7) ; réglemente 
les gages et épices ; les répartit avec équité, aux plus assidus 
et aux plus laborieux (8). 

Le Parlement persistait surtout à se montrer exigeant et 
sévère pour les réceptions des membres de la Cour. Il voulait 
bien dispenser d'enquête et d’examen un magistrat venant du 
Parlement de Paris, parce qu'il : « tenait vrai que toutes les 


(1) Mss. de Malenfant, tom. 1, pag. 707. 

(2) Ibid, pag. 31. 

(3) Zbid, tom. nu, pag. 3-207 et 206. 

(4) Tom. 1, pag. 300 et suiv. 

(5) Tom. 1, pag. 7. 

(6) Mss. Puget, Lom. 111, pag. 356. = 

(5) Mss. de Malenfant , tom. 1, pag. 153 el suiv. 

(8) Ibid, tom. 1, pag. 96 et suiv. Voy. aussi les édits de 1495 et 1580. 


DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 291 


» huit Cours des Parlements de France ne sont estimées qu'un 
» Parlement, égales en leur pouvoir et ressort ; ayant les con- 
» seillers de l’une entrée en l’autre, etc. (1); » ou mieux, parce 
que le récipiendaire avait donné déjà des preuves suffisantes 
d'honneur et de capacité (2). Mais aussi le Parlement refusait 
d'admettre un conseiller au présidial, « après que la Cour eut 
» oui ses réponses sur les cinq livres qui lui furent fortuite- 
» ment ouverts (3); il recevait un autre candidat en lui in- 
fligeant cette flétrissure : « La Cour, mal satisfaite de vos 
» réponses , a pitié de vous; et espérant que vous lâcherez à 
» l'avenir de réparer ce grand manquement par vos études et 
» vos bonnes actions , vous reçoit par grâce et non par justice, 
» en la charge de conseiller , de laquelle il a plu au Roi de vous 
» pourvoir (4). » 

Enfin (et pourquoi hésiter à le dire), ces manuscrits témoi- 
gnent des querelles intestines de la Cour, de ses dissensions 
intérieures et secrètes. Ces graves magistrats étaient hommes , 
et n'évitaient pas toujours ce qui tient aux faiblesses de l’hu- 
manité. Parfois la Discorde, ne se contentant plus de contempler 
d'un œil satisfait , le grand nombre des plaideurs assiégeant la 
grand’salle, et de se réjouir de leurs contestations tumultueuses, 
ou lasse de brouiller la Cour avec l’Archevèque , avec les Capi- 
touls , etc., etc. , pénétrait dans le lieu le plus saint de la justice ; 
elle suscitait des questions de rang, de préséances, de préroga- 
tivesentre MM. des Enquêtes et MM. de la grand'Chambre, entre 
le premier Président et le Procureur général ; quand elle par- 
venait à envenimer le débat , l’affreuse déesse s’admirait davan- 
tage, et triomphait avec plus d'orgueil ; même lorsque « de ceci 
» n'en est rien escrit aux registres de la Cour (5). » 

Etudier historiquement la Cour souveraine, non pas seule- 


/ 


(1) Voy. bid, tom. 1, pag. 149. 

(2) Zbid, pag. 23. 

(3) Zbid, pag. 71. 

(4) Foy. Malenfant, tom. 11, pag. 13 et suiv. 


(5) 1bëd, tom. 1, pag. 123. 


292 MÉMOIRES 
ment dans sa grandeur, mais même dans ses défaillances, ce 
ne serait point céder aux désirs d’une critique malicieuse ou 
d’une vaine curiosité, ce serait y prendre des exemples ou des 
lecons , comme on peut en retirer de tout le passé. Et cette étude 
discrète et convenable , renfermée dans ce « qui n’est pas indi- 
» gne d'être su , » donnerait lieu à chaque pas à des comparai- 
sons , à des rapprochements, à des oppositions profitables, où 
le présent , tantôt perdrait, tantôt garderait l'avantage. Qu'il me 
soit permis de vous soumettre une seule de ces considérations se 
présentänt d'elles-mèmes. 

En 1589 , «le roy Henri Il octroya au Parlement de Tholose, 
» que les présidents, conseillers, gens du Roi et autres officiers 
» d'ycelle, qui pendant le danger de la peste, demeuroyent dans 
» la ville, s'ils y mouroyent de la dite contagion , le Roy con- 
» serveroit leurs offices à leurs héritiers , et ce à fin de les inciter 
» à ne point quitter leurs charges et la ville (1). » Observons, 
avant tout, pour être justes, que le Parlement, en s ’éloignant, 
ne cédait pas toujours à la peur , etqu’il voulait rendre possible 
la justice qu’on ne serait pas venu implorer au foyer de la con- 
tagion. Mais enfin l’édit avait été, un jour, jugé nécessaire, puis- 
né avait été octroyé. Eh bien! Messieurs, une peste cruelle 
ravageait naguère nos contrées ; il ne s’est pas trouvé, autour 
de nous, de magistrats qu'il fallàt #aciter par des espéran- 
ces analogues à demeurer dans leurs résidences. Eh! n’a-t-on 
pas vu le Premier, entre tous, plus que fidèle aux traditions 
d'attachement à tous les devoirs, et de courageuse impassi- 
bilité à l'heure de tous les dangers, ne point se résigner à 
attendre sur sa chaire curule le fléau destructeur, mais courir 
le braver partout, afin de s'assurer que chacun de ses subor- 
donnés était ferme à son poste; satisfait après, et s’oubliant 
lui-même , d'honorer publiquement et de faire récompenser 
ceux qui avaient le mieux imité les exemples qu'il avait pro- 
digués. 


et 


(1) Laroche-Flavin , liv. x, ch. xur. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 293 

Je reviens à mon sujet. 

Aux documents déjà mentionnés doit se joindre un ma- 
nuscrit recueilli par notre bibliothèque publique, je ne sais à 
suite de quelles migrations (1). Il est intitulé : Traité de 
l'audience du Parlement de Toulouse ; il est de la même 
écriture que le manuscrit de Malenfant ; il a des notes margi- 
nales d’une main différente, et ect annotateur, le même que 
celui du greffier , remarque plusieurs fois que le texte contient 
des additions postérieures d’un siècle à la première rédaction ; 
l'analyse de ce traité conduirait trop loin ; je n’en relèverai 
que quelques passages qui feront juger de tout le reste. 

L'auteur, dans des chapitres successifs , fait la distinction 
des audiences royales , solennelles , publiques , privées et 
extraordinaires ; il en signale les différences. Il rapporte la 
manière de juger et d’opiner ; question ardue avant qu'elle 
eût été nettement tranchée par la loi, et que tous les arrêtistes 
avaient discutée ; il explique là « que la tenue simultanée des 
» audiences publiques et privées n'avait pas lieu à cause des 
» avocats et procureurs qui ne peuvent se diviser... » Jei 
« que s'il n’y a plus à présent certaine lanterne pour éclairer 
» MM. lorsqu'ils entraient au palais devant le jour... , cela 
» provient , comme je l'estime , des diverses crues d'officiers ; 
» il y a assez de jour pour l'expédition des affaires. » Aussi 
cette maxime était déjà vicille : « Lorsque la Cour se lève le 
» matin, elle dort l’après-diner. » 

Ensuite il fait assister à la solennité de ces audiences de 
rentrée où, du temps de M. le premier Président de Mansencal 
(1538, 1562), était d’abord prononcée à huis clos, une pre- 
mière harangue en latin pour ceux qui devaient prêter serment ; 
puis une seconde, mais en français, quand le peuple avait été 
admis dans la salle ; où les avocats renouvelaient leur serment 


(1) Ce manuscrit a été récemment retrouvé par M. le bibliothécaire Pont, 
qui se livre avec tant d'intelligence et d’assiduité au travail ingrat et fasti- 
dieux d’un inventaire exact; c’est à la complaisance naturelle et si secou- 
rable de M, Pont que je dois d’avoir parcouru ce curieux écrit. 


294 MÉMOIRES 

professionnel dont l'étendue et les exigences , n'étant peut-être 
pas sans danger pour la conscience , avaient été prudemment 
modifiées ; où les procureurs continuaient , eux aussi, à prêter 
le serment annuel , redigé en langue latine; forme surannée 
dont s'étonne le bon greffier , par la raison si juste, « qu'il 
» est peu de procureurs qui entendent le latin. » 

Plus loin l'auteur décrit les visites aux prisons appelées 
Reddes , et faites pour y vider sommairement les causes des 
prisonniers, comme dans une petite audience. La veille des 
grandes fêtes de Noël, Pâques, Pentecôte et le mercredi saint, 
« Messieurs vont à pied aux Æeddes de la Conciergerie et des 
» Hauts-Murats, ayant des huissiers au-devant d'eux et mar- 
».chant deux à deux par ordre de réception ; les geoliers ont 
» soin de leur préparer la salle la plus commode , où l’on jette 
» des herbes de bonne senteur pour ôter celle des prisons , qui 
» n'est guère bonne ; et en outre ce, ils ont accoutumé de 
» leur douner à l'entrée, dans un bassin , des festons ou bou- 
» quets de fleurs , etc. » 

Puis le manuscrit mentionne les honneurs que le Parlement 
rendait à ceux de ses membres qu’il avait perdus ; la Cour sus- 
pendait ses audiences ; marque de deuil qu'elle accordait , sans 
craindre de déroger, aux avocais qui lui en paraissaient di- 
gnes , tel que M. Marmiesse ; mais elle sauvegardait sa dignité, 
en entrant quelques instants pour la forme. 

Enfin , on y retrouve les éternelles questions de place et de 
préséance, comme aussi la preuve que les ridicules que l'on 
croit nouveaux ne sont que renouvelés. Au milieu de ses im- 
portantes occupations , la Cour fut obligée un jour de mettre 
un frein aux excentricités des praticiens et « de faire défense 
» tant à eux qu’à tous autres de quelque qualité et conditions 
» qu'ils soient, de porter des éperons au palais , à peine de 
» punition exemplaire ( 46 décembre 1635 ) (1). » 


(1) Les praticiens voulaient sans doule faire croire qu'ils étaient venus au 
palais à cheval ; on sait que les magistrats y venaient montés de préférence 
sur des mules, avant qu’il y eût des carrosses ou des chaises à porteur. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 295 


Pour dernière citation , je dirai qu'en débutant , l'auteur 
donne une description minulieuse de la grand’salle d'audience, 
bâtie sous Charles VIT, suivant l'inscription en vers français 
qui y était placée. IL faut le regretter ; l'on essaicrait vaine- 
ment, le manuscrit à la main , de rétablir cet antique et véné- 
rable prétoire ; on assure que l’on a eu l'intention de le conser- 
ver ; il n’en est pas moins certain que les règles de la symétrie 
et de l’ornementation modernes ont changé toutes les dispositions 
de ce sanctuaire , déplacé sa chapelle et enlevé l'aspect , et jns- 
qu'aux dernières traces de sa respectable antiquité. Combien 
d’autres vestiges ont disparu dans le bouieversement des re- 
constructions ? La Chambre Tournelle et ces détours longs et 
obscurs où , il y a moins de cinquante ans , les survivants des 
vieux habitués du Palais pouvaient se figurer qu'ils allaient se 
trouver tout à coup, face à face, avec l’un de Messieurs, 
et de tout cela nous n'avons plus ni le plan ni l'image ; pour- 
quoi, lors de la destruction , n’avait-on pas encore appris à 
fixer les rayons lumineux ? 

Autant pour la conservation de son Palais que pour celle des 
pièces historiques , Toulouse a eu moins de bonheur que d’au- 
tres villes de la France. Rouen possède intact le Palais du Par- 
lement de Normandie ; l’art , bien dirigé , l’a judicieusement 
restauré , agrandi , doublé , en se conformant au même style 
d'architecture et d'ornement. Là sont entières ces salles où se 
passaient les scènes si bien décrites par M. Floquet dans le mo- 
nument historique qu'il a élevé au Parlement de la cité nor- 
mande ; le voyageur peut, sur le lieu même, marquer la place 
des acteurs et des spectateurs. 

C'est aux archives de ce Palais que sont religieusement con- 
servés ces registres si nombreux où sont consignées les déli- 
bérations secrètes et les arrêts motivés à suite des points de fait 
et de droit développés et discutés (1). Dans cette ville de Rouen, 
qui maintient avec une louable obstination les reliques des 


(1) Voy. l'Histoire du Parlement de Normandie , par M. Floquet, greffier 
en chef de la Cour impériale de Rouen , 10 vol, in-8°, passim. 


296 MÉMOIRES 

temps passés, l'historien a eu, de plus, à sa disposition des Mé- 
moires privés, les renseignements les plus utiles et de toute 
sorte. Ces matériaux 6nt été babilement mis en œuvre, et le 
Parlement de Normandie a son histoire. Seulement, si je ha- 
sardais une critique bien timide contre ce bel ouvrage, je di- 
rais que M. Floquet a peut-être un peu trop sacrifié aux ta- 
bleaux des agitations bruyantes et politiques du Parlement, 
gouvernant ou voulant gouverner la province, l'exposé de la 
vie privée et judiciaire. Il est vraisemblable que mon observa- 
tion m'est venue de la manière dont j'envisage ici le sujet ; et 
je ne la donne que pour ce qu'elle vaut. 

Il faut donc en convenir, nous n'avons pas à Toulouse des 
éléments si variés et si riches. Mais, à part celles que je viens 
d'énumérer , serions-nous privés de toute autre ressource? Dans 
une ville où se perpétuent, avec honneur , tant de familles des- 
cendant des anciens magistrats, n’en serait-il aucune qui pos- 
sédàt de ces trésors enfouis , qu'elle consentit à mettre au jour, 
dans l'intérêt de tous, et sans dépasser les règles de la conve- 
nance ct de la discrétion ? Autour des hauts siéges du Parle- 
ment (moins qu'à tout autre il m'appartiendrait de l'oublier ) 
se groupaient des existences nombreuses et diverses, liées à 
l'existence du Parlement, et vivant de sa vie, jurisconsultes, 
professeurs , avocats , procureurs , greffiers , etc. ; ils ont aussi 
leurs représentants... ; seraient-ils tous dénués de souvenirs 
écrits ? Seraient-ils tous étrangers à ces sentiments si bien ex- 
primés par l’auteur des Essais ? 

« Quel contentement me seroit-ce, d’ouïr ainsi quelqu'un qui 
» me récitast les mœurs, le visage, la contenance, les plus com- 
» munes paroles et les fortunes de mes ancestres! Combien j'y 
» serois attentif! vrayement cela partiroit d’une mauvaise na- 
» ture d’avoir à mespris les pourtraicts mesmes de nos amis et 
» prédécesseurs , la forme de leurs vestements et de leurs armes. 
» J'en conserve l’escriture, le seing , des heures, et une espée 
» péculiere qui leur a servi, et n’ay point chassé de mon ca- 
» binet des longues gauies que mon père portoit ordinairement 
» en la main : Paterna vestis et annulus, tantd carior est 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 297 


» posteris, quanid erga parentes major affectus (1)}.» Saint 
Augustin vient cette fois à l’appui du moraliste. 

A des documents écrits pourraient s’ajouter les souvenirs 
oraux transmis à la génération actuelle, qui a vu , qui a écouté 
les hommes des anciens jours. L’adolescent , il est vrai, éloigné 
de cet âge, où il deviendra, à son tour « laudator temporis 
acti, » ne prête souvent qu'une oreille distraite à des récits dont 
la répétition même est presque une cause d’oubli ; mais tout ne 
s'est point perdu, et il est temps encore, pour les témoins auri- 
culaires , de fixer ce qu'ils ont appris de ceux qui virent de 
leurs propres yeux. 

Et d’ailleurs, ne désespérons pas des recherches dans les 
dépôts publics, dans les archives générales; elles peuvent ne 
pas être infructueuses ; la Bibliothèque impériale travaille avec 
énergie à la rédaction, à l'impression du catalogue de ses ri- 
chesses amoncelées et en partie inconnues ; partout la même 
impulsion est donnée et suivie. Quelles découvertes n’a-t-on 
pas à se promeltre, puisqu'il y a eu tant de perturbations, et 
que déjà l'imprévu a parfois amené des rencontres inespérées ! 

Je termine , Messieurs. L'Académie avait délibéré de décerner 
des encouragements spéciaux aux personnes qui lui signalcraient 
et qui lui adresseraient des objets d’antiquité et de géologie, 
découverts par suite de fouilles et de terrassements , etc. Elle 
acquilte aujourd'hui ses promesses; elle n’a point, sans doute, 
de pareils encouragements à distribuer pour ces fouilles intel- 
lectuelles se portant vers les études historiques; mais elle veut 
bien se servir de ma voix, n'empruntant de la force et de l’au- 
torité que de la mission à remplir, ou de retentissement , que 
de la publicité de cette séance pour faire un appel à tous les 
efforts, à toutes les bonnes volontés. Que les documents utiles 
soient produits ; souvent le papier le plus futile en apparence a 
du prix; le fragment le plus mutilé a sa valeur ; rien n’est à 
dédaigner. Que les investigations soient incessantes ; que les 
découvertes soient mises en commun ; que les biographies , que 


(1) Essais, liv. 11, ch. xvru. 
&°S.— TOME v. 20 


298 MÉMOIRES 


les monographies déjà faites en enfantent de nouvelles ; enfin, 
que tous les matériaux propres à la construction soient réunis , 
et quand viendra l'architecte, qu'il n’ait plus qu’à bâtir l’é- 
difice. Chacun des ouvriers aura, pour sa bonne part, aidé à 
élever cette histoire du Parlement de Toulouse, qui viendra 
concourir, à son tour, à constituer l’ensemble général. Ne 
faut-il pas s’écrier avec l’auteur de l'Histoire des Français des 
divers états, avec Monteil, cet admirable découvreur des maté- 
riaux manuscrits ? 

« Et l'histoire des différentes classes, des différents ordres, 
» des différentes professions , des différents états, est-elle autre 
» que l’histoire des différentes parties constitutives de la société, 
» des différentes parties de l’ordre social , agissant au dedans 
» ou au dehors ? Et les faits qui les caractérisent sont-ils ou ne 
» sont-ils pas son histoire, sa vraie histoire ? Je dis plus : 
» sont-ils où ne sont-ils pas sa seule histoire (1) ? » 


(1) Monteil , xvit siècle, ch. 59. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 299 


MÉMOIRE 


SUR DE NOUVEAUX HYBRIDES D'ORCHIS ET DE SÉRAPIAS ; 


Par En. TIMBAL-LAGRAVE , Pharmacien. 


SÉRAPIAS LONGIPETALO-MILITARIS. NOB. fig. 1. 


Fceurs 2 à 6 en épi lâche, bractées cendrées, dépassant 
longuement les fleurs, divisions supérieures du périanthe 
libres jusqu’à la base, conniventes en casque , ovales lancéolées, 
très-acuminées , à 5 nervures droites réunies par quelques ner- 
villes anastomosées ; labellum d’un pourpre clair lilacé, glabre, 
tripartite ; lobes latéraux allongés, largement linéaires , émar- 
ginés aux bords, exertes et étalés sur un même plan avec le 
lobe moyen auquel ils se réunissent par un sinus obtus très- 
profond ; lobe moyen linéaire conique obtus au sommet ; feuilles 
lancéolées aiguës, noircissant par la dessiccation ; tige 2-3 dé- 
cimètres ; tubercules indivis presque sessiles. 

Il a été trouvé au vallon des Epargnes , près Pech-Auriol 
(Tarn), en mai et juin. Un échantillon est conservé dans 
l'herbier de M. le vicomte de Martrin-Donos. 


SÉRAPIAS LINGUO-LAXIFLORA. NOB. fig. 2, 3. 


Fleurs 6 en épi lâche; bractées d’un pourpre vif, veinées , 
n'égalant pas les fleurs, moins grandes que dans le Sérapias 
longipetala | Poll.) ; divisions supérieures du périanthe libres 
jusqu’à la base, presque conniventes en casque, lancéolées, très- 
acuminées , à 3-5 nervures droites, réunies par quelques ner- 
villes anastomosantes ; labellum d’un pourpre vif, glabre, 
trilobé. Lobes latéraux arrondis, exertes, étalés sur un même 


300 MÉMOIRES 

plan avec le lobe moyen, auquel ils se réunissent par un sinus 
peu profond et très-ouvert. Lobe moyen lancéolé, presque obtus ; 
ovaire non inclus dans la bractée (je n'ai pu apercevoir les 
gibbosités de la base du labellum )) ; feuilles étroites , lancéolées , 
aiguës, ne noircissant pas par la dessiccation ; tige de 3 déci- 
mètres ; tubercules radicaux indivis, presque sessiles. 

Il a été trouvé dans le vallon des Epargnes, près Roque- 
courbe (Tarn }, par M. Larembergue , et conservé dans l'her- 
bier de M. de Pommaret. 

Toulouse, 11 janvier 1855. 


——_"# 000 ——— 
EXPLICATION DES FIGURES. 
FiG. 1. Sérapias longipelalo-militaris. ÆVob. 


2. Sérapias linguo-laxiflora. Nob. (vu en face). 
3. Sérapias linguo-laxiflora. Nob. (vu en dessous ), 


Lith. Delor, Toulouse. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 301 


EEE ——_—_—_—_—_—_—_—— 


MÉTHODE GÉNÉRALE 


POUR OBTENIR L' ÉQUATION DE LA TRANSFORMÉE D'UNE 
COURBE TRACÉE SUR UN CÔNE OU UN CYLINDRE , LORS- 
QU'ON DÉVELOPPE LES SURFACES DE CES CORPS SUR 
UN PLAN; 


Par M. J. SORNIN. 


Pour déterminer une courbe tracée sur un cône ou un 
cylindre, on donne, en géométrie descriptive, indépendam- 
ment des projections de la courbe et de sa vraie grandeur 
(si elle est plane), sa transformée, c’est-à-dire la courbe 
dans laquelle elle se transforme, lorsqu'on développe la 
surface sur un plan. On sait que ces transformées sont 
indispensables à connaître dans les applications de la géo- 
métrie descriptive. Elles ont de plus leur utilité dans les 
problèmes de la géométrie pure , et je pense même qu'il y 
aurait avantage à introduire dans les éléments qui s’ensei- 
gnent dans nos lycées , des notions sur le développement du 
cône et du cylindre. On pourrait s’en servir pour faciliter 
plusieurs démonstrations sur les corps ronds, parmi lesquel- 
les je citerai les mesures de l'aire du eône et du tronc de 
cône, et la détermination du plus court chemin, d’un point 
à un autre, sur la sphère (*). 


(*) On peut démontrer de la manière suivante que le plus court 
chemin , d’un point à un autre, sur la surface de la sphère est l’are de 
k° S. — TOME Y. 21 


302 MÉMOIRES 

La géométrie descriptive fournit toujours le moyen de 
construire, par points, la transformée d’une courbe tracée 
sur un cône où un cylindre, mais il serait souvent préfé- 
rable d’avoir son équation. C’est ce que je me suis proposé 
d'obtenir en cherchant des formules générales à l’aide des- 
quelles, connaissant les équations d’une courbe tracée sur 
un cône ou un cylindre quelconques , on puisse écrire 
immédiatement l'équation de sa transformée. Les mêmes 
formules servent aussi à résoudre le problème inverse : con- 
naissant l'équation de la transformée , trouver les équations 
de la courbe tracée sur la surface conique ou cylindrique. 


$ L SURFACES CONIQUES. 


4. Nous rapporterons la surface conique soit à trois axes 
rectangulaires Ox, Oy, Oz menés par son sommet, soit à 
des coordonnées polaires, savoir : la distance r d’un point 
à l’origme, l’angle 6 que fait cette droite avec l'axe des z 
et l'angle Ÿ que fait avec l'axe des x sa projection sur le 
plan des x y. 

Nous développerons la surface sur le plan des æz en 


grand cercle, moindre qu'une demi-circonférence, qui joint ces deux 
points. 

NES Soit À B l'arc de grand cercle , moindre qu'une 

# demi-circonférence, qui joint les deux points 

1 AetB,et A MB une autre courbe quelconque 

4 tracée sur la sphère ; joignons le centre O anx 

| >: différents points de cette dernière courbe ; la. 

« A surface conique O A MB développée donnera 

Ne un secteur terminé par un arc de cercle d’une 

= longueur égale à AMB; or il est évident que 

l'angle de ce secteur sera plus grand que AOB, car dans un angle 

polyèdre une face quelconque est plus petite que la somme des autres, 

d'ailleurs ce secteur a même rayon que le secteur AOB, donc l'arc 


A B est plus petit que A MB. CGAOMEFAP: 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 303 
ouvrant le eône suivant une génératrice située dans ce plan, 
et nous rapporterons la courbe à deux coordonnées polaires, 
en prenant le sommet du cône pour pôle et la génératrice 
précédente pour axe polaire. 

Si on coupe le cône par une sphère de rayon 1 , la courbe 
d’intersection deviendra dans le développement un are de 
cercle de rayon 1, dont la mesure représentera l'angle po- 
laire © de la transformée. Quant au rayon vecteur de cette 
courbe, il est égal à la distance r du point correspondant de 
la courbe au sommet du cône. 

L’équation donnée de la surface conique sera F(0,4)—0; 
en y joignant l'équation r—1, on déterminera la courbe 
dont la longueur comptée à partir du plan des x 3 est égale 
à ©. On à donc: 


© — Ÿ dr Er d6—r"sin0 44° — Ÿ d6Lsin’ 06 dd. 
+ VI 
Ô [e] 


De l'équation du cône, on tirera 6 en fonction de Ÿ et 48 en 
fonction de d4, de sorte qu'il viendra 


(1) o= [de 


Si à cette équation on joint la relation qui caractérise la 
courbe tracée sur le cône, relation qui, en vertu de l'équation 
de la surface conique, peut se réduire à : 

(2) r=f,(Ÿ), 

il suffira d'éliminer 4 entre (1) (2) pour avoir l'équation de 
la transformée : o (r,w)=0o. 

Lorsque la quadrature indiquée dans la relation (1) ne 
pourra pas s’eflectuer explicitement, on regardera Ÿ comme 
une variable intermédiaire à laquelle on donnera diverses 
valeurs, pour chacune desquelles on caleulera les valeurs 
de w et r qui serviront à la-construction de la transformée. 


304% MÉMOIRES 

On pourra aussi, si on le préfère, déduire des équations 

(4) (2) l'équation différentielle de la transformée. 
Réciproquement, étant donnée l'équation de la transfor- 

mée, on obtiendra, par la substitution de la valeur de en 

fonction de à, la relation entre r et Ÿ qui caractérise la 

courbe tracée sur le cône. 


2. Lorsque le cône est de révolution autour de l'axe des 
z, les formules précédentes se simplifient beaucoup. L'équa- 
uon du cône est alors : 0—8$, B étant l’angle constant de la 
génératrice avec l'axe, la formule (4) se réduit à : 

o©—=%Ÿsinf. 

Quant à l’équation (2) elle se déduit aisément de Féqua- 
ton polaire de la projection de la courbe conique, sur le 
plan des xy. Connaissant l'équation de cette projection : 


p—/,(Ÿ%), on aura : 
rsinf=/,(}), 


et par suite l'équation de la transformée sera : 
. (] 
Tone 
ê f, (= :) 
Réciproquement, si on donne l’équation de la transformée : 


r—=œ(a), 


l'équation de la projection sur le plan des x y de la courbe 
tracée sur le cône sera : 


pe=sin£o[dsinp] 


d’où l’on passe aisément aux coordonnées rectilignes, s’il est 
nécessaire. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 3065 


5. EXEMPLES RELATIFS AU CÔNE DE RÉVOLUTION. 


1° Transformée de la section du cône droit par un plan. 


Prenons le plan des xz Are au plan de la 
section, l'équation de cette seclion sera : 


dsin & 


PE ne Le 


dans laquelle 4 est l'angle du plan sécant avec la généra- 
trice suivant laquelle on à ouvert le cône , et d la longueur 
de cette génératrice. 

À l’aide des formules de transformation : 


Z=rcos8 x—rsinfcosŸ, 


l'équation précédente devient : 
dsin 


rcos —rsin B cot(a + QUE ns FE 


et par suite l'équation de la transformée de la section est : 
dsin & 
sin (+8) 
cos 8—-sin 8 cot («#8 ) cos | 


sin = 
ou si on simplifie, en remplaçant 
sf) par 1 2sin°{ —* 
\sing P 2 sin 8 / ? 


d 
Nec © ) 
2 sin 8 


siu æ 


Pr — 


Cette équation donne les transformées des trois sections co- 
niques selon que l’on à : 


a+28 < 180° «+ 26—180 ou a+26 > 180° 


306 MÉMOIRES 


Do Transformée de la section d'un cône droit par un cylindre 
de révolution perpendiculaire à Faxe du cône. 


Le plan des x3 étant pris perpendiculaire aux génératri- 
ces du eylindre, l'équation de sa surface sera : 


(æ—pY+(z—-gY=e 
pq étant les coordonnées du centre de la base , a son rayon. 


Cette équation devient par le changement des coor- 
données : 


(rsnBcosk—p} +(reosf—q)}—«, 


et on en déduit immédiatement équation de la transformée : 
: 2] 2 : : 
— — S0—4)=A. 
(rsin peos p) +(rcosf—q) 


3° Projections de la courbe qui coupe sous un angle constant 
toutes les génératrices d’un cône droit. 


La transformée de cette courbe coupe aussi ses rayons 
vecteurs sous le même angle que la courbe coupe les géné- 
ratrices du cône. Cette transformée sera donc une spirale 
logarithmique et son équation sera : 


mt @ 
1—= UE 


a étant la longueur du rayon vecteur qui correspond à w—0 
et m la cotangente de l’angle donné. 

A l’aide des formules générales, on écrit de suite équation 
de la projection de la courbe tracée sur le cône, sur le plan 
perpendiculaire à l'axe, SAvOIr : 


: my sin 
p=asinpe”"* : 


c’est encore une spirale logarithmique. 

La connaissance de cette projection détermine entière- 
ment la courbe. Cette courbe est une sorte de spirale coni- 
que qui a le sommet du cône pour point asymptotique. 


DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 307 
1 faut remarquer ici que si on se contente de développer 
le cône suivant un secteur, on n’obüent qu’une portion de 
la courbe sur ce secteur , les points, consécutifs sur la sur- 
face, ayant été séparés par l'ouverture du cône ; pour obte- 
nir la spirale logarithmique dans le développement , il faut 
supposer que la surface du cône se compose d’un plan roulé 
un nombre indéfini de fois sur cette surface , ce qui donne, 
dans le développement, une suite de secteurs se continuant 
les uns les autres, et permet de déterminer la transformée 
complète. 


4° Projections de la ligne la plus courte tracée entre deux 
points sur la surface d’un cône droit. 


La transformée de cette courbe est une ligne droite. Soit 
= l'équation de cette droite, ce qui suppose que l’axe 
COS © 
polaire est perpendiculaire à la droite et que d'est la distance 
de cette ligne à l'origine. On aura immédiatement l'équation 
de la projection, sur un plan perpendiculaire à l'axe du 
cône, de la courbe que trace cette droite enroulée sur le cône, 
d'sin 8 
ES (ÿsing) 
La connaissance de cette projection détermine la courbe. 
Son équation indique que cette courbe s'éloigne du sommet 
du cône et que sa plus petite distance à ce point est égale à d. 


4. EXEMPLES RELATIFS AUX CÔNES OBLIQUES DU SECOND DEGRÉ. 

L’équation générale des cônes du second degré rapportés 

à leur centre et à leurs plans principaux est : 3° =P x'+P'y: 

on la transforme en coordonnées polaires d’après les relations: 
z=rc0$sû x=—rsmbcos, y—rsinbsin, 


el 1l vient : 


308 MÉMOIRES 
cot"6=P cos’ 4+P'sm°b=(P'—P)sin 4 +P. 
On en déduit : 
1 Lie 1 

1+cot 8 (P—P)snÿ+P+:1? 

et en différentiant : 
_cot 4 4 dé 
sin? 0 dy 


sin? 0 = 


———=(P'—P)sing cos; 
d’où : 

AE (P'—P)sin+cos 4 

AY TP Pan 4 + P +1 [VO Pjsin + 
en substituant ces valeurs dans la formule : 


= fée ant Es 


on a , réductions faites : 
fi dé ÿ/(P'—P)(P4 PH: )sinÿ4+P(P+#+ 1) 
[CPP )sinÿ+ PH: | JP — Pan ÿ + 
Cette quadrature peut se ramener à une fonction elliptique. 
Posons : 


(P'—P)sin y+P=;, 
d'où, en différentiant : 
(P'—P }sinŸ cosy d4— qu 


mais 


— P sin’ ÿ=- mi 


et par suite 


(P'—P )cos ÿ = — Sn # 


u 


D 


donc 


— du 
doeneomi 
et la quadrature devient : 
Ÿ —du É 
EF! (iu)ÿ—(i—Pu Jr == Prat 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 309 
Si maintenant nous faisons : 

PHP’ —PP'u=e 
il vient : 

ir — 9v24dv 
PPT) Pr) P Po |) (PE) — 0) 1(R 4) — 07) 

Ce qui est en effet une fonction elliptique , c’est-à-dire une 
transcendante dont on peut calculer la valeur à l’aide de 
tables, à la manière des logarithmes. 

On connaitra donc les valeurs de © correspondant à cha- 
que valeur de Y. La seconde équation de la courbe du cône, 
r=f,(%), déterminera les valeurs de r correspondantes. 

Si on veut avoir l'équation différentielle de la transformée, 
il faudra différentier l'équation : r=f,(%), ce qui fournira 
une nouvelle équation à laide de laquelle on pourra éliminer 
Ÿ et d4 de la valeur de do, ce qui donnera : 
do—fonetion (r,dr); c'est l'équation différentielle cherchée. 


Nous donnerons de ce caleul l'exemple suivant : 


Déterminer la transformée d'une section plane parallèle 
à l’un des plans principaux. 

Soit z— constante ou rcosô=c l'équation du plan de 
la section que nous supposons parallèle au plan des x 7; en 
vertu de léquation du cône : cot®t@—={P'—P )sin 4+P, 
cette équation devient : 
e2[(P'—Psin L4+P+i:] 

(P'—P)siud +P ; 
Entre cette équation et la suivante : 

VCPT PJ(PÆP'Hi)sin + P(P4H 1) 
[(P'—P)sin24 + P + 1 ]ÿ(P'—P sin ÿ EP 
il s’agit d'éliminer Ÿ et dÿ. 

On voit d’abord que de la valeur de r° on tirera 
(P'— P sin’ JEU Pr EE rs 2 


1 — 0 12 —6(? 


7 — 


a 


310 MÉMOIRES 
en vertu de laquelle on aura, par substitution : 


a lt D UE ae 


(Le ? 


etpar différentiation : 
Lee —(2(P'—P\rdr 


CETTE NE) CUTE EE) 


d’où : 
me Le A An EE 
CE CPH =) EEE Pr) ? 
si l’on pose r°=w, et qu'on fasse, pour abréger, 


P æ P'+ 8 
= = an. =; , (a—8)PP'=K, 


il vient : 
Kdr Vas —u 2 
Qu /(cx—u)(cEe—u) 
et l’on voit que si l’on fait «af —u—+", on aura : 


da— 


e2 do 
do —= 


(a8—v2)ÿ(y—v2)(0—0) 
On reconnait une fonction elliptique; on pourra donc aisé- 
ment calculer chaque valeur de © correspondante à une 
valeur de r, c’est-à-dire construire la courbe. 


S IT. SURFACES CYLINDRIQUES. 


4. Nous prendrons pour plan des x y le plan d’une sec- 
tion droite, de sorte que l'équation de la surface cylindrique 
sera F(æx,y)=0o. 

Nous développerons cette surface sur le plan des xz; la 
section droite deviendra laxe des x et le z de chaque point 
de la surface ne changera pas. 

L'x (X) de chaque point de la transformée sera égal à 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 311 
la longueur de l'arc de la base du cylindre compris entre la 
génératrice suivant laquelle on a ouvert le cylindre et celle 
qui passe par ce point, On à donc : 


(1) À = [Var tar ['(x)dæ, 


en vertu de l’équation de la base F(x,y)=o. 
La courbe tracée sur le cylindre sera définie par une se- 
conde équation qu'on pourra ramener à la forme : 
(2) ACDE 
et en éliminant x entre les équations (4) et (2) on aura 
l’équation de la transformée : 9(z, X )— 0. 
Réciproquement étant donnée l’équation 9 (z,X )—o, en 
la combinant avec (1), on formera l'équation (2). 


2. Lorsque le cylindre est de révolution autour de laxe 
des z, si on désigne par «a le rayon de sa base, et qu'on 
rapporte la transformée à la génératrice située dans le plan 
des xz prise pour axe des z, on à : 

X = a arc coS=, 


X 
ou = dCOS— 
«a 


de sorte que connaissant l'équation de la projection de la 
courbe du cylindre sur le plan des x, savoir 2=f, (x), on 
a immédiatement l'équation de la transformée : 


X 
z=f,{ acos— ). 
«a 


‘ 


9. EXEMPLES RELATIFS AU CYLINDRE DE RÉVOLUTION. 
1° Zransformée de la section du cylindre droit par un plan. 


Prenons le plan des xz perpendieulaire au plan de la 
section, l'équation de ce dernier plan sera : 


72) —— NY 
z=h-(x a)cotæ 


312 MÉMOIRES 

hr étant la longueur de la génératrice, suivant laquelle on 

ouvre le cylindre, comprise entre la base et le plan de la 

section, et à étant l’angle de ce plan avec les génératrices. 
On a done de suite l'équation de la transformée 


X x 
s=h—acota| cos%— 1 | ts acotasin 
a au 


Si on transporte les axes auxquels est rapportée cette courbe, 
parallèlement à eux-mêmes, au point qui a pour coordonnées: 


; 7 ; x ‘ 
X,=— et z,—=h—+acotæ, son équation devient : 
71 


z'—a cota sin — 
a 


et l’on reconnait la sinusoïde. 


2 Projection de la ligne la plus courte tracée entre deux 
points sur la surface du cylindre de révolution. 

Dans le développement, cette ligne devient une droite ; 
supposons qu’elle passe par l’origine des axes X et z, son 
équation sera : z=X tanga, & étant l'angle qu’elle fait avec 
Vaxe des x. Done l'équation de la projection sur le plan des 
æz de la courbe qu’elle trace en s’enroulant sur le cylindre 
esl : 

x 
z=alangaarecos—, 
ou bien 


X—ACOS 


a tang a" 
On reconnait la sinusoide, suivant laquelle se projette Phé- 
lice cylindrique. 
4. Exemples relatifs aux cylindres du second degre. 
Soit y°=2px+qx" l'équation générale des cylindres 
du second degré, on aura : 


ke Je V a = fax ET rer 


C2 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 313 
On ramène aisément cette intégrale à une fonction elliptique 
en posant : 2px+qx'=u x?, et il vient : 


X=— an RG D ET; 


On peut ainsi regarder æ comme variable intermédiaire, 
dans les deux équations que l’on a entre X, z et x. On peut 
aussi obtenir l’équation différentielle entre X, z, ZX et dz. 

Par exemple, si lon veut obtenir la transformée de la 
section d’un cylindre du second degré par un plan perpen- 
diculaire au plan des xz, on aura pour l'équation de la 
projection de la section sur ce plan : 


x=mztn, d'où : dx=mdz, 
et par suite l'équation différentielle de la transformée est : 
pe 
dX=mdz\ EE ——— — — —— 
R à AE EE (m2z+n)] 
et la construction de la courbe se trouve ramenée à la qua- 
drature d’une fonction elliptique. 


314 MÉMOIRES 


NOTE 


SUR LE RANUNCULUS TUBEROSUS LAP. ; 


Par M. E. TIMBAL-LAGRAVE, 


Pharmacien. 


Le Ranunculus Tuberosus a été établi par Lapeyrouse, en 
1813, dans son Histoire abrégée des Plantes des Pyrénées ; 
depuis cette époque, cette plante ne se trouve indiquée ni dans 
les quelques opuscules écrits sur la Flore des Pyrénées, ni dans 
les ouvrages généraux publiés sur la Flore de France. De Can- 
dolle, qui futcontemporain de Lapeyrouse, écrivit quelques obser- 
vations critiques sur l’histoire abrégée des plantes des Pyrénées. 
Dans sa Flore française , il conteste la valeur de quelques espèces 
Pyrénéennes, et tous les hotanistes savent que c’est pour répondre 
à ces savantes critiques , et peut-être pour faire quelques addi- 
tions et corrections , que Lapeyrouse publia, en 1818 , un sup- 
plément à son premier livre. Dans ces deux travaux, ces deux 
célèbres botanistes ne parlent pas du Ranunculus Tuberosus, 
ce qui prouve certainement que de Candolle ne le connaissait 
pas puisqu'il garde un silence absolu sur cette plante, tandis 
que Lapeyrouse, voyant que son espèce n'était contestée par 
personne, el la considérant d’ailleurs comme très-bonne , n’y 
revient pas dans son supplément. Depuis, MM. Grenier et 
Godron ont publié une Flore de France et de Corse. Cet ouvrage 
renferme toutes les découvertes qui ont été faites dans notre 
Flore depuis celle de de Candolle ; et quoique 20 ou 25 années 
se soient écoulées entre ces deux publications, ces messieurs ne 
paraissent pas avoir connu le Ranunculus Tuberosus de Lap. 
Ils n’en parlent pas dans l'ouvrage, à la place assignée à cette 
espèce; ce n'est que dans un errala, placé à la fin du premier 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 315 
volume, qu'ils l’ajoutent en synonyme au Ranunculus Lanugi- 
nosus L., espèce bien différente de celle des Pyrénées. 

Il résulte donc , d'après l’esquisse rapide que je viens de 
tracer, que le Ranunculus Tuberosus Lap. n’a pas été connu 
des botanistes depuis Lapeyrouse qui, le premier, avait fondé 
celte espèce. 

Cependant le Ranuncalus Tuberosus Lap. est très-répandu 
dans les Pyrénées centrales ; mais son affinité avec les spèces 
du groupe Sylvaticus (Thuil.) le fait confondre avec eux par 
les nombreux botanistes qui abondent chaque année à Luchon. 
Il est, au reste, très-peu de personnes qui puissent connaître 
la Flore des Pyrénées telle qu'elle a été conçue et exécutée par 
Lapeyrouse ; il est indispensable, à mon avis, pour émettre 
une opinion assurée sur les travaux de cet infatigable explo- 
raleur de celte vaste chaîne , de bien se pénétrer des principes 
philosophiques qui l'ont dirigé dans la réalisation de cette œuvre, 
son point de départ, son mode d'observer. Il faut, pour arriver 
à ce résultat, une étude approfondie non-seulement de son 
livre, mais de son herbier et surtout des recherche: dans les 
lieux cités par cet auteur ; ce n’est que par l'étude comparée de 
ces diverses conditions qu'on peut apprécier sainement les tra- 
vaux de notre compatriote et lui rendre le mérite qui lui ap- 
partien£. 

Si les justes observations de €e Candolle ct de quelques hota- 
nistes ont Jeté une certaine défaveur sur | H'stoire abrégée des 
Plantes des Pyrénées , il ‘st Lors de doute aussi qu'on a rejeté 
sans preuves quelques bonnes espèces parfaitement déterminées. 
Lapeyrouse avait eu le tort peut-être de ne pas les caractériser 
suffisamment , à cause de l'imperfection de la méthode d’obser- 
vation qu'il suivai!. 

Son Ranunculus Tuberosus est certainement de ce nombre; 
je me propose, dans cette note, de rétablir cette plante au rang 
d’ espèce, en l'étudiant sous les trois points de vue que j'ai in- 
diqués plus haut, dans l'Histoire abrégée des Plantes des Pyré- 
nées , dans l’herbier de l'auteur et dans les lieux indiqués par 
lui. 


316 MÉMOIRES 

Dans son Histoire abrégée des Plantes des Pyrénées, pag. 
320, Lapeyrouse donne la diagnose suivante du Ranuneulus 
Tuberosus Lap. 

«R. Caulibus ascendentibus; Ramis divaricatis; foliis radica- 
libus amplis trilobis , lobis distantibus, lateralibus bilobis ; in- 
termedio cuneiïformi trilobo, lobis incisis, grosse dentatis, 
radice tuberosa , etc.» 

Dans une note qui suit cette diagnose, l’auteur ajoute : 
« Grande plante touffue ; racine forte, tubéreuse ridée, brunâtre, 
de laquelle sortent des fibres longues, charnues, jaunâtres, 
plusieurs tiges étalées qui se coudent et se relèvent; feuilles ra- 
dicales à long pétiole, à trois lobes profondément refendus , 
celui du milieu cunéiforme , sous-divisé en trois, les deux la- 
téraux bilobés, tous dentés, tiges ascendantes, rameuses , 
rameaux écartés ; feuilles florales, sessiles, horizontales, em- 
brassantes, multilobées ; fleurs grandes, d’un jaune doré, ayant 
un demi-cercle vif et rayé près de l’onglet, pétales arrondis ; 
toute la plante d’un vert foncé, velue, principalement sur les 
nervures, calice velu. 

» Elle se double facilement , nestaire protubérent, simple , 
sub-cordiforme. s 

» Elle habite le pic du Gard, sur les pelouses; pales de Cagire, 
bond de Séculégo, bas de Caumale, Medassolles. » 

Il résulte de cette description un peu de vague quand on la 
compare avec les espèces voisines ; Lapeyrouse attache une im- 
portance un peu exagérée à la forme des feuilles, à la bauteur 
des tiges et à la grandeur des fleurs, organes ordinairement 
variables , sur lesquels on ne peut établir de caractères fixes et 
permanents. L'auteur insiste sur la forme vraiment caractéris- 
tique de la racine, tout en oubliant de puiser des caractères 
dans la forme des carpelles et des styles persistants , ainsi que 
des pédoncules et des réceptacles qui offrent toujours des carac- 
tères sûrs et invariables ; si ces caractères avaient été ajoutés à 
la description de ce botaniste, cette espèce ne serait pas certai- 
nement tombée dans l'oubli. 

Cette plante se trouve, dans l'herbier conservé à la Faculté 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 317 
des Sciences, sous trois noms différents : 1° sous le nom de 
R: Tuberosus Lap. ; 2° R. Lanuginosus L. ; 3° R. Divaricatus 
Lap. (1). 

Mais il est facile de voir que ces trois plantes appartiennent 
au même type spécifique. Lapeyrouse a été conduit à établir 
ces trois espèces sur quelques différences que présentent les 
feuilles, la grandeur des fleurs et la hauteur des tiges , carac- 
tères qui, comme Je l'ai déjà dit, sont très-variables; si Lapey- 
rouse n'avait pas négligé l'étude des carpelles , il n'aurait pas 
distingué ces trois formes. Mais il n’entrait pas dans les vues 
des botanistes de cette époque, et de Lapeyrouse surtout, d’atta- 
cher une importance au fruit , soit qu'on ne püt trouver facile- 
ment les espèces avec des carpelles mürs, soit qu’il füt difficile 
de les observer. D'ailleurs , il faut le dire, les études carpolo- 
giques étaient loin encore de prendre place dans la phytogra- 
phie botanique , ainsi que quelques autres caractères dont les 
botanistes modernes ont tiré un bon parti. 

Le Ranunculus Tuberosus de l'herbier de Lapeyrouse répond 
parfaitement à la description que l’auteur en donne dans l'His- 
toire abrégée des Plantes de ÿ Pyrénées , et que j'ai rapportée ; 
les feuilles sont profondément incisées, le lobe moyen est 
cunéiforme trilsbé, denté; les tiges sont de moyenne hauteur, 
divariquées au sommet, rameaux courts, plante très-velue sur 
toutes ses parties ; Je l'ai vu très-commun à la montagne de 
Medassolles. 

Le Ranunculus Lanuginosus de l'herbier de Lapeyrouse à des 
tiges un peu plus élevées que celles du précédent ; les feuilles, 
surtout les inférieures, sont grandes ; elles ont les lobes qui se 
recouvrent de manière à ne pas laisser des vides entre eux. Je 
l'ai vu très-abondant à la Cascade des Parisiens. 

Le Ranunculus Divaricatus de l’herbier est le plus grand des 
trois ; ses tiges sont très-élevées , ses feuilles sont très-grandes, 
à lobes larges, écartées, à sinus profond. Il est très-répandu au 


(1) Le R. Divaricalus schrank appartient à la section Batrachinm D. C. 
4° S. — TOME v. 22 


318 MÉMOIRES 
pie du Gard, près Saint-Béat, et au bosquet des bains de Ba- 
guères-de-Luchon. 

Malgré ces quelques légères différences, il est bien démontré 
que ces trois échantillons appartiennent au même type, d’après 
l'étude des fleurs et des carpelles. Ces modifications dans les 
tiges et dans les feuilles sont dues à l'habitat particulier de 
chacune d'elles. 

Il est utile d'ajouter que déjà Lapeyrouse devait avoir quel- 
ques doutes sur la valeur des caractères qu’il avait établis dans 
son esprit pour distinguer ces trois formes , soit comme espèce, 
soit comme variété, puisqu'il n’en parle pas dans ses ouvrages, 
et qu’en outre il les place toutes trois dans son herbier sous la 
même enveloppe. 


Voici maintenant la description détaillée du Ranunculus Tu- 
berosus Lap., faite sur le vif à la montagne de Medassolles et 
corroborée par les échantillons conservés dans l'herbier de La- 
peyrouse. 


Rawucuzus Tuserosus Lar. — Plante vivace ; souche Aori- 
zontale, grosse, munie de racines à fibres jaunâtres fortes et 
très-longues, recouvertes aussi des débris des anciennes feuilles: 
tige de 3 à 6 décimètres , peu r'ameuse, peu flexueuse, divisée 
au sommet en rameaux courts, très-divariqués, hérissée, sur- 
tout à la base, de poils roussätres renversés en bas; feuilles 
inférieures très-longuement pédonculées , pentagonales dans 
leur pourtour, palmati-partites à segments à 3 lobes, incisées 
dentées ; les caulinaires supérieures à 3 lobes entiers divergents, 
toutes d'un vert sombre en dessus, plus pâles et glaucescentes 
en dessous ; parsemées de poils nombreux appliqués, non ma- 
culées ; pédoneules épais sillonnés , sépales elliptiques lancéolés 
aigus ; pétales obovales, munies d'une écaille nectarifère courte 
réniforme égalant l'onglet. Réceptacle couvert de longs poils 
tomenteux, ceux du sommet plus longs, carpelles de 20 à 25, 
comprimés , lenticulaires , à faces luisantes, fauves, un peu 
chagrinées, offrant une bordure large avec un sillon au mi- 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 319 
lieu, terminés par un bec courbé dès sa base et fortement 
enroulé, sphacelé. ” 

Il fleurit en août et septembre , il habite les hautes montagnes 
des Pyrénées, à Médassolles, à la Cascade des Parisiens , au pic 
du Gard , etc. 

Le Ranunculus Tuberosus Lap. a été confondu avec le Ran. 
Sylvaticus Thuil et Lanuginosus L. 

IL diffère du Ranunculus Sylvaticus par ses fleurs plus gran- 
des , d’un jaune plus rougeâtre, par ses feuilles d’une autre 
forme plus profondément découpées, incisées profondément, 
jamais maculées ; par ses rameaux plus courts, plus divariqués ; 
par ses carpelles à bec recourbé dès la base, très-enroulé et spha- 
celé au sommet ; par son réceptacle couvert de poils inégaux ; 
par sa souche grosse, horizontale , jaunâtre et couverte des dé- 
bris de vieilles feuilles ; par ses racines plus nombreuses , plus 
fortes ; enfin, par sa floraison plus tardive, le R. Sylvaticus 
fleurit en mai. 

Il s'éloigne davantage du R. Lanuginosus L.: ce dernier 
se distingue par ses feuilles palmati-partites à segments large- 
ment obovés , très-larges, moins découpées ; par ses rameaux 
longs effilés, ses pédoncules non sillonnés : par ses carpelles 
non chagrinés, blanchâtres, à bec d’abord droit puis re- 
courbé, convoluté, égalant la moitié du carpelle ; par les écailles 
nectairifères, plus petites , arrondies; par son réceptacle velu, 
et par sa souche infiniment plus petite. 

Cette espèce n’a pas été trouvée , que je sache, dans les Pyré- 
nées centrales où le R. Tuberosus est exclusivement indiqué. 

Il a des rapports plus éloignés avec le R. Polyanthemos L. , 
mixtus Jordan. Lecokii Boreau , qui appartiennent au même 
groupe. 

Le R. Polyanthemos L. se distingue par ses fleurs plus pe- 
tites, d'un jaune soufré, ses feuilles finement découpées, in- 
cisées , à lobes très-profonds, par ses pédoncules fins et très- 
eflilés , par son réceptacle simplement hispide, sa station, etc. 

Le R. Lecokii Bor. se distingue par ses fleurs pins petites , 
par ses feuilles plus larges, divisées de 3 à 5, segments dentés 


320 MÉMOIRES 
à dents courtes; par ses rameaux allongés, droits, ses carpelles 
à aile étroite atténués en un bec droit, long recourbé, et spha- 
celé au sommet seulement, réceptacle simplement hispide, tiges 
hérissées de poils mous mais très-courts. 

Le R. Mixtus Jord. en est encore plus éloigné ; son port, son 
facies et quelques autres caractères le rapprochent de l’Acris. 

La station botanique de ces diverses espèces est très-déter- 
minée : le R. Tuberosus Lap. est propre aux Pyrénées , le R. 
Lecokii aux montagnes d'Auvergne, le R. Lanuginosus au 
Dauphiné et la Suisse, le Mixtus à la chaîne des Cevennes et au 
Lyonnais, le R. Polyanthemos à l'Allemagne, enfin, le R. Syl- 
vaticus aux plaines, surtout dans le nord de la France, tandis 
que dans le sud-ouest on rencontre une autre forme qui a été 
décrite par Saint-Amans sous le nom de R. Villosus St-Am. Elle 
est très-voisine du R. Sylvaticus Thuill., dont elle serait dis- 
tincie d’après quelques auteurs, ce qui ne me paraît pas dé- 
montré d’après l’état actuel de la question. 

Toulouse, 12 juillet 1855. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 321 


DOCUMENT POUR L'HISTOIRE DE LA BOTANIQUE, 


—3<€— 
NOTICE 
SUR LES ÉCRITS BOTANIQUES DE FRANÇOIS BAYLE ; 


Par D. CLOS. 


IL est dans l’histoire des sciences quelques hommes d’un in- 
contestable mérite , qui se recommandent par des travaux con- 
sidérables, mais dont ie nom n’en est pas moins tombé dans 
l'oubli. Ils restent à peu près ignorés, jusqu’à ce que le hasard 
mette sur leurs traces et les montre sous leur véritable jour. 
De ce nombre nous paraît être François Bayle , né à Boulogne, 
aux environs de Toulouse, en 1622, et mort en 1709. Il a 
laissé de nombreux écrits sur la médecine, sur la physique, et 
même sur la botanique. C'était un des hommes les plus érudits 
de son temps ; mais ses œuvres unt été délaissées. La science , 
d'où qu'elle émane, a toujours droit à nos éloges ; mais elle les 
mérite à un bien plus haut degré lorsqu'elle est unie aux qua- 
lités morales, Bayle fut également recommandable à ces deux 
points de vue : « C'était un homme droit, regardant sans envie 
le mérite des hommes de son état, et qui fermait les yeux sur le 
sien propre : rigide observateur de la discipline, et qui, dans 
les plus fâcheux accidents, fit paraître, jusqu’à la fin, la fermeté 
d’un philosophe chrétien. » Cette phrase est empruntée à la 
Biographie toulousaine , qui lui a consacré un de ses articles ; 
mais il y est qualifié seulement de Médecin et de Physicien. Sans 
doute, ses écrits sur la médecine et la physique sont en assez 
grand nombre; mais Bayle était aussi botaniste. Toutefois, 
son nom nest cité, ni dans l’/sagoge de son contemporain 


- 


322 MÉMOIRES 


Tournefort , ni dans la Bibliothèqne botanique de Séguier , ni 
dans celle de Banks, ni dans l’Æistoria rei herbariæ de 
Sprengel , ni dans un autre traité tout récent sur l'histoire de 
la botanique ( Geschichte der Botanik de Winckler, 1854. 
C’est que la dissertation botanique de Bayle s’est trouvée comme 
perdue au milieu de ses autres écrits. Pritzel lui accorde une 
place dans son Thesaurus Litteraturæ botanicæ ; et le savant 
Toulousain la mérite à tous égards. 

Si on voulait donner une appréciation complète des travaux 
de F. Bayle, il faudrait les envisager sous le triple objet de la 
physique, de la médecine et de la botanique; mais nous nous 
bornerons ici à une partie de cette tâche ; notre unique but est 
de faire connaître Bayle comme botaniste. 

Avant de traiter, sous ce rapport, du mérite de F. Bayle, 
il n’est peut-être pas inutile de rechercher ce qu'était la science 
à l'époque où ses œuvres parurent. 

Pendant les longues périodes de barbarie et du moyen âge, on 
ne voyait guère dans les plantes que leur utilité pharmaceutique 
ou médicale. On semblait ignorer que Île végétal fût un être 
organisé et vivant. Aussi, jusque-là, point d'anatomie, point 
de physiologie. C’est vers la fin du xvu siècle que la botanique 
commence à sortir de l’état de torpeur où elle était restée plon- 
gée durant tant et tant d'années. Alors seulement apparaissent 
les trois fondateurs de l'anatomie végétale : Malpighi; Grew , 
Leeuwenhock. Leurs écrits sont à peu près de même date que 
ceux de Bayle, qui ne semble pas les avoir connus. Il faut 
convenir , d’ailleurs, qu’il ne s'occupa guère de phytotomie. 

A celte même époque, la physiologie végétale était aussi bien 
pauvre de documents et de faits. La raison en est simple. Dans 
l'étude des êtres vivants, l'anatomie est comme le piédestal de la 
physiologie. Pour comprendre le jeu des organes ne faut-il pas 
préalablement connaître leur structure ? Le seul écrit de physiolo- 
gie végétale que l'antiquité nous ait légué est celui de Théophraste, 
REPU AUTIWV PUTOV ; des causes de la végétation. Après lui , il 
faut franchir un intervalle de 1500 ans avant d'en retrouver 
quelques traces ; il faut arriver au xur siècle, à Albert le Grand, 


DE L'ACADÉMIE PES SCIENCES. 323 


dont les travaux botaniques sont restés si longtemps ignorés (1), 
malgré leur supériorité sur la plupart de ceux de ses succes- 
seurs. Le xvi° siècle voit surgir une pléiade de botanistes : les 
Brunfels , les Tragus, les Ruellius, les Fuchs, les Dodonens , 
les Lobel, les l'Ecluse, tous uniquement adonnés à la connais- 
sance spécifique des plantes ; tous , à l'exception d’un seul , qui 
leur fut de beaucoup supérieur , Césalpin. 

Un siècle ne s'était pas encore écoulé depuis ces nombreux 
écrits , qu'une conversion totale s'était opérée dans l'ordre des 
idées. Vers la fin du xvue siècle, en effet, de nombreux phy- 
siciens, Tongue, Claude Perrault (1667), Mariotte (1676), 
Dodart (1676 et 1679}, Triumfetti (1685), de la Hire (1693), 
s'efforcent de rechercher dans les causes physiques l'explication 
des phénomènes vitaux, suppléant à la pénurie d'observations 
directes par une étonnante richesse d’hypothèses. L’anglais 
Hales, qui les laissa si loin derrière lui, n’avait pas encore 
montré tout ce qu'on doit attendre d'expériences multipliées et 
rigoureuses (2). C’est parmi ces physiciens que doit prendre 
rang, comme botaniste, F. Bayle. 

Trois grandes questions dominaient alors la physiologie vé- 
gétale ou même la constituaient presque en entier. Les plantes 
ont-elles une âme? Faut-il leur accorder ou non une cireula- 
tion des sucs nutritifs? Les végétaux peuvent-ils se produire 
en l’absence de germes émanés d’autres végétaux ? Comparez 
les œuvres botaniques de Mariotte à celles de Bayle, et vous 
serez frappé de l’analogie des sujets traités par eux. Chez l’un 
et chez l'autre, toutes les questions botaniques rentrent dans 
le vaste cadre de la physique, comprises par Bayle dans ses 


(1) L'ouvrage d’Albert le Grand, sur la botanique, est inlitulé : De 
Vegetabilibus et plantis. En 1835 et 1836, Ernst Meyer ( voir le journal 
allemand ZLinnæa, tom. x, pag. 641, et xt, pag. 545), et Lout récemment 
F. A. Pouchet ( Histoire des Scienc. natur. au moyen âge, 1853, pag. 297 
et suiv.), ont fait ressortir toute l’importance des travaux du savant évêque 
de Ralisbonne. J 

(2) Vegetable slatiks, 3° édit. , 1738 ; ouvrage traduit en français par 
Buffon. 


32% MÉMOIRES 

Dissertationes_ physicæ (1), par Mariotte dans ses Essais 
de physique. Le mot de pluysique avait, chez nos devanciers , 
plus d'extension que nous ne lui en donnons aujourd’hui. La 
Plysique végétale, nommée de nos joars physiologie , en était 
une des parties essentielles. 

. Les considérations qui précèdent aideront peut-être à faire 
mieux saisir l'analyse suivante des travaux botaniques de 
Bayle. 

Dans la préface de ses Dissertationes , il affiche hautement 
ses prétentions à l'indépendance scientifique. Il ne sera d'aucune 
secte; il cherchera dans chacune d'elles ce qu'il y a de mieux 
pour faire avancer la science, suivant en cela l'exemple de 
Galien. Il ne se départira jamais du respect qu'il doit aux 
hommes illustres dans chaque science , mais sans être servile- 
ment obséquieux pour aucun d’entre eux (2). Ne sont-ce pas là 
de beaux sentiments, de belles paroles ? 

La dissertation 2, consacrée tout entière à la physique des 
plantes, a pour titre : Dissertatio secunda de forma planta- 
rum que explicatur ex generalione fungi que est planta 
simplicissima. 

Après quelques considérations genérales, sur les principes 


(1) Le premier ouvrage de Bayle est un volume in-12, publié en 1677, à 
Toulouse, sous ce titre : Problemata physica et medica in quibus varii 
veterum et recentiorum errores deteguntur.…. Dissertationes physicæ in 
quibus principia proprielatum in mislis æconomia corporum in plantis 
et animalibus , causæ et signa propensionum in homine et alia quædam 
ad lucem et refractionem speclantia demonstrantur. L'ouvrage est, en 
effet, divisé en deux parties, ayant chacune son litre particulier et une 
pagination distinete. En 1901 fut publié, à Toulouse, un volume in-f°, sous 
le titre de Zrancisei Bayle.……. Opusculu, etc., qui renferme, outre les 
problèmes et les dissertations de l’ouvrage précédent, des travaux dont la 
plupart ont trait à la médecine. La partie relative à la botanique n’y a subi 
que peu de changements. 

(2) Solius verilatis sectatorem esse profiteor..…. cùm perspicio tot ac 
tunta à sectis inferri veritali el scientiarum incremento detrimenta, con- 
firmari me sentio in eo, quod jampridem inivé, consilio, ut nulli sectæ 
me addicam ; quamvis pro vérili enitar queæ in qualibet optima sunt edis- 
cere, el ulierius promovere, exemplo Galeni. Illustribus in quacunque 
scientia viris quam debeo reverentiam exhibebo , obsequium servile rulli. 


DE L'ACADÉMIE LES SCIENCES. 325 
qui doivent servir de guide dans l'étude de la nature, Bayle 
admet, avec Aristote, la double division des corps, en animés 
et inanimés ; division qu'on a cherché à rajeunir, ou qu'on a 
même donnée comme nouvelle, sous le nom de règne orga- 
nique et règne inorganique I établit la distinction des ani- 
maux et des végétaux (1) ;elle gît, pour lui, sur l'existence chez 
les premiers, d’un principe interne qui manque aux se- 
conds. Il s’occupera d’abord, dit-il, des plantes, parce qu'elles 
offrent plus de simplicité dans leur organisation et leurs 
fonctions. La connaissance de leur nature facilitera beaucoup 
l'intelligence des propriétés admirables et plus nobles des 
animaux. 

Quelle est la cause qui a fait admettre des âmes dans les 
plantes (2) ? Tel est le titre du paragraphe 3; telle est la pre- 
mière question par laquelle Bayle entre en matière. Ce sujet 
avait déjà donné lieu à de longs débats parmi les philosophes 
de l’antiquité. Au moyen âge, il est repris et traité par Albert 
le Grand (3); dans le xvu° siècle, par Rolfingius (4), par 
Vanfleimont (5), par Mariotte (6), et même, plus près de 
nous , par le savant Adanson (7). Il est vrai que, souvent , nos 
devanciers désignaient , sous le nom d’ême végétative , le prin- 
cipe vital. Bayle, n'hésite pas à combattre l'opinion qui donne 
une âme aux plantes. Il fait d’abord remarquer combien sont 
variés les modes de développement des rameaux, des feuilles, 
des fleurs, des fruits et des graines : « Et parce que, dit-il, le 
vulgaire ne pouvait connaître la cause de ces effets, il pensa 
qu'il y avait dans les plantes quelque chose qui les dirigeait, ct 
qu'il appela leur âme. Ainsi, ce même vulgaire, ignorant 


(1) Animatorum duo genera , tel est le titre du paragraphe 2. 
(2) Unde data est occasio admiltendi animas in plantis. 


(3) Beati Alberti magni.……. opera, Lugduni, 1651, tom. v de l’édit. de 
Jammy, chap. ur. (Cet ouvrage comprend vingt vol. in-fol.) 


(4; De Vegetabilibus , 1670, pag. 88. 

(5) Œuvres. Lyon , 1661, in-4°, pag. 120, 122. 
(6) Œuvres compl. 1740, pag. 137. 

(7) Familles des Plantes, 1, pag. 32. 


326 MÉMOIRES 


la puissance de la divinité suprême, fut assez superstiticux 
pour assigner jadis des divinités régulatrices aux fleuves et aux 
montagnes. Les philosophes des premiers siècles, par suite de 
leur impéritie dans les choses physiques, ou pour tout autre 
motif, se bornant à effleurer les objets, et n'ayant rien trouvé 
de mieux, se servirent des mêmes termes. Mais pour paraître 
s'éloigner de l'opinion du vulgaire et ne pas confondre les âmes 
des plantes avec l'âme humaine, ils les dirent matérielles, ré- 
pandues dans tout le corps des plantes, et cependant distinctes 
de leur matière. Ils les considérèrent comme de vraies subs- 
tances et comme bien supérieures aux formes des mixtes ( mi- 
néraux ). Mais, s’étayant d'un principe erroné, plus ils s’effor- 
cèrent d’élucider ce sujet, et plus ils lobscurcirent. » 

Dans un quatrième paragraphe (1), Bayle, fidèle à son prin- 
cipe, que, dans l'étude de la nature, on doit aller du simple au 
composé, s'adresse à la plante qu’il considère comme la plus 
simple en organisation (2), c'est-à-dire, au champignon. Il fait 
connaître les résultats que lui donne une section longitudinale 
de ce végétal; mais il faut convenir qu'ils sont trop au- 
dessous des notions acquises aujourd’hui à la science pour qu'il 
vaille la peine de suivre notre auteur dans cet examen. Les pa- 
ragraphes 5 et 6 ne méritent guère plus de nous arrêter (3). 
Le septième a plus d'intérêt (4); Bayle y recherche si les vé- 
gétaux peuvent se produire en l'absence de graines. Il s’agit, 
comme on voit, de la génération spontanée. C’est une de 
ces questions qui se sont transmises de siècle en siècle, et qui 
n’est peut-être pas encore entièrement résolue , malgré les in- 


(1) Sous ce titre : Fungi struclura exponilur. 

(2) Zn qua sunt omnia intellectu facillima. 

(3) Titre du parag. 5 : Quo tempore fit magnus fungorum proventus et 
quà de causd. Titre du parag. 6: Quid efficiat in plantis fervor qui exci- 
Lalur ciun aqua terræ sicciori affunditur. 

(4) Sous ce titre : Quid ubi nullæ sunt plantæ nulla injecta semina. 
Nous avons traduit ce paragraphe sur le texte de l'édition in 4° de l'ouvrage 
intitulé : Francisci Bayle.……… Opuscula. Tolosæ, 1701, pag. 25 des Dissert. 
physicæ. L'édition in-12 de 1677 présente à ce sujet quelques variantes ; le 
titre du paragraphe lui-même porte le mot #//arum au lieu d’énjecta. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 327 


nombrables moyens dont dispose la science moderne. Elle est 
agitée dans les œuvres de Césalpin , de Rolfingius (1, c. p. 92), 
de Mariotte (1. c. p. 138), de Rai. Bayle n'hésite pas à se 
prononcer sur ce point : Rien n'empêche , dit il, que là où au- 
cune graine n'a été semée par l'homme, ou portée par les vents, 
ou émise par un végétal , on ne trouve de fines particules de 
plantes, douées d’une force séminale et propres à remplir les 
fonctions de graines, de germes ou de stolons. Je ne dis rien 
des semences que l’on a dit avoir été formées par Dieu lors de 
la création du monde, et dispersées dans toutes les parties des 
éléments. Toutes ces semences sont autant de corps et de causes 
de divers produits semblables aux corps d’où elles émanent. 
Ce sont leurs origines, à moins qu'il ne surgisse quelque obs- 
tacle, soit par une altération des sucs, soit par des causes ex- 
ternes, de nature à faire dégénérer les semences en d’autres 
espèces. C'est ainsi que l’on voit parfois, sous l'influence des 
nombreuses intempéries d’une année , le froment dégénérer en 
ivraie. Car les méats insensibles de la terre et des corps terres- 
tres, selon qu'ils ont telle ou telle conformation, ou selon que 
ces corps sont formés de telle ou telle substance, séparent , 
associent ou altèrent les sucs de diverse nature, et rendent les 
uns ou les autres aptes à servir à l’accroissement de certaines 
graines ou parties séminales des plantes. 

Le paragraphe suivant a pour objet de dévoiler l’origine du 
champignon (1), et il commence par ces mots : « Les champi- 
gnons sont de la nature de ces plantes qui naissent, à propre- 
ment parler, sans semence. Ils doivent leur source à des pores 
et des canaux très-étroits par lesquels une matière visqueuse 
et en fermentation se dispose en fibres étendues en longueur. » 

C’est surtout à propos des champignons que la question de la 
généralion spontanée avait cours chez les anciens. Ils avaient 
sur eux les opinions les plus singulières. Les uns y voyaient des 
productions fortuites engendrées par le limon du sol ; les autres 


(1) Sous ce titre : Quo modo nascitur fungus. Ce parngraphe a été sup- 
primé dans l'édition in-4° citée ci-dessus. 


328 MÉMOIRES 


les attribuaient au tonnerre, à la pituite des arbres ou de cer- 
taines plantes herbacées, modifiée par l'influence de l'air et des 
agents extérieurs ; d'autres , enfin , et cette croyance se retrouve 
encore parfois chez le peuple de nos campagnes, à certaines 
humeurs répandues sur le sol par des animaux. Aussi la nature 
de ces êtres était-elle restée une énigme , rapportés tour à tour 
au règne animal, au règne végétal, ou à une classe de corps 
intermédiaire entre ces deux règnes. Micheli avait déjà dé- 
montré qu’ils proviennent de germes, à la manière des autres 
plantes, que certains auteurs envisageaient encore cemme des 
polypiers. Ces considérations devront atténuer sans doute Île 
jugement que l’on pourrait porter de prime abord sur les opi- 
nions de Bayle. 

Voici comment il comprend la formation des champignons : 
les sucs, quand ils ont pénétré dans le tronc de l'arbre, ne 
peuvent rétrograder ; l’afilux d'un suc semblable y met obs- 
tacle (1). Ils ne sauraient non plus dévier sur les côtés ; la di- 
rection des fibres s’y oppose. Ils sont donc forcés de s'élever 
dans le sens de ces fibres ; là rien n'arrête leur marche. Bientôt 
ils sorteut de leurs étroits canaux, et ne tardent pas à se con- 
créter sous l'influence frigorifique de l'air, ou par toute autre 
cause ; ils s'organisent en un faisceau de fibres qui devien- 
nent, peu à peu, et plus dures et plus étalées; en même temps les 
parties extérieures se transforment en une sorte de membrane 
très-mince. Les molécules les plus ténues et les plus molles con- 
tenues dans les interstices des fibres suivent leur impulsion pri- 
mitive, dans le sens de la longueur, et arrivent au sommet. 
Là , les premières venues se condensent, par l’action du froid, 
en une membrane ténue, et celles qui les suivent , arrêtées par 
elles et soustraites à cette influence, refluent vers les bords : 
ainsi se forme la partie supérieure du chapeau. Les parties les 
plus subtiles sont poussées dans diverses directions. Dans l'im- 


(1) C’est là , en effet, une des causes principales de l'ascension des liquides 
dans les plantes. Dans les temps modernes, M. Dutrochet surtout en a fait 
ressortir l'importance, et elle a été désignée sous le nom de vis à lergo. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 329 
possibilité de rétrograder , car un nouveau flot de ces molécules 
s'y oppose, elles passent dans les méats des fibres qui sup- 
portent le chapeau, se font jour au dehors et s'étendent en la- 
melles rayonnantes. 

Telle est l'explication toute mécanique de Bayle. Sans doute, 
elle ne satisferait guère les physiologistes de nos jours; mais 
elle nous a paru éminemment propre à caractériser la tendance 
des idées scientifiques à cette époque. Nous ne suivrons pas 
l’auteur dans son paragraphe 9 (1), consacré à développer en- 
core sa théorie; Bayle se complaît tellement dans cette expli- 
cation, qu’il cherche dans le paragraphe 10 à l'appliquer aux 
autres plantes (2). Si certaines tiges, comme celles des ro- 
seaux , sont creuses à l’intérieur, c’est que les fibres qui les 
composent naissent des bords d’un des nœuds de la racine; si 
d’autres sont pleines, c’est que leurs fibres partent de toute la 
racine : enfin , les nœuds de quelques autres sont dus à des in- 
terruptions dans la marche des fluides. Ces raisons sont ingé- 
nieuses, mais il faut bien convenir qu’elles ne reposent sur au- 
cune preuve. 

Le passage qui suit mérite encore d’être cité ; on y lit : « Ce 
que j'ai dit des champignons, démontre que la structure de 
toute la plante dépend en très-grande partie des premiers déve- 
loppements de la racine; car tous ceux que j'ai observés, avaient 
leurs racines fixées dans quelque morceau de bois ou d'herbe, 
si bien, que les fibres du champignon naissent des interstices des 
fibres du bois, et y sucent leur nourriture comme à des ma- 
melles ; d’où je conclus , que s’il est des champignons qui nais- 
sent immédiatement de la terre pure, c’est que les pores de celle- 


(1) Ce paragraphe, qui est le 8° de l'édition in-4°, a pour titre : 7ungt 
generatio et incrementum ex mechanicis legibus explicantur ; la rédaction 
n’en est pas la même dans les deux éditions. 

(2) Ce paragraphe , qui est le 9° de l'édition in-/°, a pour titre : AZarum 
plantarum productio potest etiam mechanicè explicart. commence par 
ces mots, qui ont au moins le mérite de la franchise sinon de la modestie : 
« Jam mihi videor fungi genesim mechanicè demonstrasse summä cum 
claritate ac perspicuitate. » 


330 MÉMOIRES 


ci ont naturellement ou par hasard quelque affinité avec Îles 
conduits ligneux déjà cités. IL suit de là que si la substance 
propre à la production d’un champignon sort d’un bois dont 
les fibres sont entièrement pourries, au point de ne pouvoir 
former de petits canaux de direction en rapport avec les racines 
- de quelque graine, cette substance , obéissant à une force d’ef- 
fervescence , sortira de l’intérieur du sol, non pas sous la forme 
du champignon que j'ai décrit, mais bien sous celle de ces corps 
globuleux appelés Zycoperdon (1), où l'on ne peut voir de fibres 
distinctes et allongées, mais des particules diversement enche- 
vêtrées comme dans le chapeau d’un vrai champignon. » 

Le paragraphe suivant n’est pas moins curieux ; il est destiné 
à démontrer que l’âme végétative est inutile pour le choix des 
sues(2).« Ceux qui admettent la nécessité d'intervention de cette 
âme pour la distribution des sucs dans la plante, diront-ils 
qu'elle est aussi nécessaire dans un filtre pour opérer la succion 
et l’ascension des liquides malgré la loi de la pesanteur ? Diront- 
ils qu’ils sont aussi animés ces tubes de verre capillaires , dans 
l'intérieur desquels l’eau s'élève rapidement dès qu'une de leurs 
extrémités s'y trouve plongée? Ils objecteront peut-être que ces 
exemples prouvent, il est vrai, la possibilité d’ascension des 
liquides par les interstices des fibres, mais sans justifier en 
aucune facon le choix d’un aliment convenable. Voilà donc la 
nécessité d’une âme pour l'élection des liquides. Mais cette âme 
de la plante est donc intelligente : nul n'oserait soutenir une 
telle absurdité. Et d’ailleurs , si cette âme est nécessaire pour 
ce choix, le tube de verre devra être dit aussi animé, car il 
laisse facilement monter l’eau rejetant le mercure, alors qu'un 
semblable tube en or, aspire avidement le mercure et l’entraîne 
malgré l'obstacle de la pesanteur, à une hauteur bien plus grande 
que l'eau. Voilà le choix. Dirons-nous donc que ces tubes d’or 
et de verre sont doués d’une âme? Sans nul doute , ce qui s’ap- 


(1) Lupi crepilum , porte le texte. 


(2) Anima vegelativa est inutilis ad delectum succorum, etc. Paragrap. 10 
de l'édition in-4° , 11 de l’édilion in-12. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 331 


plique à la plante doit aussi s'appliquer indifféremment, et au 
filtre et à ces tubes, si nous voulons être conséquents. Il me 
suffirait ici de démontrer l'erreur de mes adversaires; ailleurs 
J'expliquerai la cause de ces phénomènes. » 

Le paragraphe suivant a pour objet la recherche des causes 
qui élèvent les sucs jusqu’au sommet des arbres (1), et cette 
même question se trouve encore traitée dans le paragraphe 10 
de la sixième dissertation (2). L'analyse suivante des idées de 
Bayle va porter à la fois sur ces deux passages. Voici les 
causes qu'il assigne à cette ascension des liquides. 

1° L'expérience prouve que l'eau s'élève d'autant plus haut 
dans les tubes , et avec d'autant plus de vitesse, que leur calibre 
est plus étroit ; et comme les interstices que laissent entre elles 
les fibres des plantes sont plus étroites que toute cavité due 
à l’art, il n'est pas d'arbre si élevé que les sucs ne puissent en 
atteindre le faîte. 

2° Les sucs portés vers le haut de l'arbre dans les premiers 
temps de sa nutrition , infléchissent les parois des fibrilles qui 
s'opposent à leur retour en jouant le rôle de valvules. 

3° Quand un air froid condense les liquides sous l'influence 
de la nuit ou par toute autre cause , la partie de ces fluides qui 
occupe le sommet ne pouvant descendre , arrêtée par l'obstacle 
déjà cité, un nouveau suc pénètre dans la racine, et poussé par 
le poids de l'air ambiant , occupe la place que le premier aban- 
donne. 

&° Ce suc, réchauffé par l’autan ou par le soleil, devient plus 
rare, occupe un plus grand espace, et ne pouvant rétrograder 
ni disjoindre les fibres , il gagne rapidement le sommet des ra- 
meaux, et se précipite partout où il trouve une issue ; une 
partie sort de la plante, une autre se condense en feuilles, en 
fleurs, suivant la nature des filières qu'il traverse : une partie 


(1) Quomodà succi ascendunt ad summitatem arborum ; c’est le 11e de 
l'édition in-4° et le 10° de l’édilion in-12. 


(2) Cette dissertation a pour titre : Quarè quidam liquores in tubis exi- 
lioribus contra insilam gravilatem ascendant. 


332 - MÉMOIRES 
plus épaisse et même volatile se fixe à l'arbre, et se change en 
substance ligneuse. 

5° Les vents battent et infléchissent les troncs et les rameaux : 
les parties incurvées subissent sur leur convexité une certaine 
compression des fibres qui pousse le suc qu'elles contiennent 
vers les parties supérieures (1). 

La question traitée par Bayle avec tant d'extension , on peut 
même dire de bonheur, est une de celles qui ont le plus intri- 
gué les physiciens des xvn° et xvim* siècles. Tous se sont mis en 
cherche d’explications , et cependant encore, en 1781, c'est-à- 
dire plus d’un siècle après Bayle, Mustel n'hésite pas à déclarer 
que c'est le nœud gordien de la botanique. Ici, comme tou- 
jours, les physiologistes se partagent en deux camps : les uns 
font jouer le principal rôle aux forces physiques, ou même leur 
attribuent en entier l'ascension de la sève ; les autres n'y voient 
qu’une action vitale, et ont recours à la contractilité organique 
des vaisseaux, à des mouvements analogues aux mouvements 
péristaltiques des intestins (2). Longtemps les premiers ne con- 
nurent d'autre cause que la capillarité : tels Mariotte (3), 
Davy (4), et Senebier lui-même (5), car son phénomène de 
l’hygroscopicité, n’est en quelque sorte qu'une des formes de la 
capillarité. Mais lorsqu'on eut constaté que l'eau ne s'élève qu'à 
deux décimètres dans des tubes de 1/200° de millimètre de 
largeur, et ne sort pas de ses tubes; quand on eut reconnu 
fausse l'opinion de l'existence des valvules aux vaisseaux des 
plantes , il fallut bien imaginer , ou découvrir autre chose. Les 


(1) Cette cinquième cause de l’ascension des sucs est Lirée du paragraphe 10 
de la dissertalion G° : Qué ralione succus nutritius in plantis ascendit ejus- 
que fit delectus : quâ pravus succus sugitur. Il n’est peut-êlre pas inutile 
de signaler ici que ce paragraphe débute par une erreur. Bayle y fait 
monter les sucs par l’écorce { énter corticis fibrillas ). On sait très-bien au- 
jourd’hui que chez les Dicotylées l’ascension des liquides s'opère par le bois. 
L'auteur semble n’admettre aussi le passage des fluides que dans les inters- 
tices ou méats. 

(2) Opinion exprimée avec doute par Ch. Bonnet , en 1779. 

(3) Loc. cit., pag. 130. 

(4) Chim. agric., 1, pag. 7; cité par De Candolle. 

(5) Physiol. végél., tom. n, pag. 137 el suiv. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 333 
effets dus à la dilatation ou à la raréfaction de l'air, l'appel 
exercé par l’évaporation des feuilles, et peut-être aussi par les 
bourgeons , l’endosmose due à la sagacité de Dutrochet, telles 
sont les principales causes physiques qui sont venues successi- 
vement prêter leur appui à la capillarité : elles avaient été en- 
trevues par Bayle, et ce physicien nous paraît avoir mieux 
apprécié le phénomène que ses devanciers et que beaucoup de 
ses successeurs. Il était peut-être impossible à son époque d’as- 
signer à l'ascension des liquides dans les plantes , des raisons 
meilleures que les siennes. Le seul reproche à lui faire , c’est 
de n'avoir pas assez tenu compte de l’action vitale. 

Les plantes ont-elles la faculté de choisir, au milieu des fluides 
qui baïgnent leurs racines, ceux qui conviennent le mieux à 
leur accroissement? grande et belle question, née à l'origine 
même de la physiologie, et dont la physiologie attend encore la 
solution. Ce n’est pas que de nombreuses tentatives n’aient été 
déjà faites pour l’atteindre ; mais les deux opinions contraires 
rallient l’une et l’autre d’imposantes autorités. Oui, la plante a 
ce pouvoir d'élection, disent MM. Trinchinetti, Payen, Bous- 
singault, de Gasparin ; il n'en est rien, et la plante admet tous 
les sucs dont la viscosité seule règle la quantité, disent, après 
Théodore de Saussure, MM. Liebig, Bouchardat, Mulder. Et 
chacun des deux partis s’appuie sur des faits. 

Bayle a donné une attention toute particulière à ce sujet. 
Parmi les nombreux sucs qui humecteut le sol, dit-il , la plante 
ne suce el n’admet que ceux qui conviennent le mieux à sa 
substance. Dans les sucs hétérogènes, elle choisit les particules 
les plus appropriées à sa nutrition et à l'accomplissement de ses 
diverses fonctions. Il se peut néanmoins que , dans certains cas, 
les plantes arrosées avec une eau trop abondante, donnent accès 
à un liquide nuisible qui, rompant ou modifiant la texture des 
fibres , détermine la mort de ces plantes ou leur transformation 
en une autre espèce. Ainsi parfois le blé se change en ivraie, 
et l’avoine en orge (1)... D’autres causes peuvent encore amener 


(1) Dans ses Recherches sur l'usage des feuilles, Ch. Bonnet a figuré une 
plante mi-partie bled et ivraie. « Voilà , dit-il, un argument bien fort en 


ke S, — TOME v. 23 


334 MÉMOIRES 

dans la plante des sucs incompatibles avec son organisation. Il 
arrive dans certains cas que les liquides appropriés à une plante 
donnée, y entraînent avec eux des molécules auxquelles ils 
s'associent facilement , et qui n’eussent jamais été admis seuls 
par cette plante (1). 

Les paragraphes 13 et 1% de la seconde dissertation n'ont 
pas grand intérêt (2); mais voici, dans le suivant (3), une 
question abordée par Bayle, bien souvent reprise depuis lui, 
et au sujet de laquelle les physiologistes impartiaux hésitent 
encore. Il s’agit des mouvements de la sensitive. Combien de 
causes n’a-t-on pas assignées à ce phénomène? Est-ce un fluide 
qui se dégage ( Parent et Lamarck ) ? Est-ce l'effet d’un tissu 
érectile ( Dassen), ou de deux ressorts antagonistes formant le 
boarrelet de la base des pétioles ( Dutrochet)? Enfin , faut-il y 
voir, avec M. Fée, un état d’exagération de la faculté contractile 
que ce savant admet dans toutes les plantes? Ce n'est pas ici le 
cas de discuter ces diverses opinions; il suflira d'exposer celle 
de Bayle. « On objectera, dit-il , que les phénomènes de la sen- 
sitive ne sauraient être expliqués par la seule organisation des 
parties; et on a cru naturel d'attribuer à cette plante la facufté 
de connaître les choses utiles ou nuisibles, de rechercher les 
premières, de fuir ou de repousser les secondes. Mais ces sortes 


favenr de ceux qui admettent la dégénération du bled en ivraie.» De nos 
jours, plusieurs faits avaient semblé démontrer la transformation de 
lÆgilops en blé; mais M. Godron a peut-être saisi la véritable cause de 
ces curieux phénomènes en les attribuant à l’hybridation. { Voir ses Quel- 
ques notes sur la Flore de Montpellier, pag. 9 et suiv.; et son opuscule inti- 
tulé : De la fécondation des Ægilops par les Triticum. Nancy, 1855.) 


(1) Tout ce passage de Bayle est au paragraphe 10 de la sixième disserta- 
tion. Notre but étant surtout de faire connaître Bayle comme botaniste, 
nous nous sommes cru autorisé à ne pas suivre exactement l’ordre adopté par 
lui, quand une marche un peu différente pouvait offrir quelque avantage. 


« 


(2) Le premier, qui est le 12° de l'édition in-40, a pour titre : dem à 
simili demonstratur. Le second, qui est le 13° de cette édition, est inti- 
tulé : Undè plantarum figura el spontanea productio. Une partie de ce 
paragraphe a été supprimée dans l'édition in-40. 

(3) C’est le 14° de l’édition in-4°, le 13€ de l’édition in-12 ; il a pour titre : 
1r plante sensiliva varia explicantur. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 335 
de mouvements qui semblent être les effets de la haine, de la 
fuite, ou de l'amour et de la poursuite, se retrouvent dans 
plusieurs corps, qui, de l’aveu de tous, même des péripatéticiens, 
sont privés de vie et d'âme, et dans lesquels il est manifeste que 
ces mouvements ne dépendent que de la structure seule. » Là 
Bayle rapporte quelques faits d'hygroscopicité, et il ajoute : 
« Qui voudrait soutenir que ces relächements, ces contractions, 
ces froncements et autres mouvements , ont une autre cause que 
la structure et la disposition des parties qui les offrent? Si on 
veut leur attribuer une âme, on devra l’assimiler à l’âme hu- 
maine. Mais, je l'ai déjà dit, combien n’y a-t-il pas de philoso- 
phes qui ne font qu'effleurer l'étude des choses physiques , 
prenant l'effet pour la cause, et vice versä. Ils pensent, par 
exemple, que la sensitive rassemble ses feuilles autour de la 
tige pour ne pas recevoir le souffle (exæpirationem) de la main, 
ou pour que la main ne soit pas blessée par son contact , alors 
qu'au contraire le fluide émané de la main de celui qui la touche, 
est la véritable cause efficiente de l’abaissement des feuilles. » 

Parmi les nombreux problemata physica et medica de 
Bayle, il en est un qui n’est pas sans rapport avec le sujet qui 
précède. Bayle recherche pourquoi les pétales des tulipes et des 
autres fleurs se ferment pendant la nuit, et s’étalent durant le 
Jour (1); et l'explication qu'il en donne est toute mécanique. 
Quand l'air du jour, par sa chaleur et sa sécheresse, évapore 
l'humidité des feuilles extérieures de la tulipe , les parties solides 
se rapprochent, et les pétales de la tulipe deviennent plus étroits 
à l'extérieur, en même temps que leur cavité se transforme 
en convexité et vice versd. La tulipe s'étale comme pour rece- 
voir à sein ouvert les rayons du soleil. Puis l'air de la nuit lui 
rend l'humidité que le jour lui avait fait perdre, et la ramène 
à son premier état (2). 


(1) Proscema exvi : Quarè tuliparum , aliorumque florum folia se noctu 
contrahunt, interdiu se expandunt. 


(2) C’est une explication analogue à celle qui fut donnée plus d’un siècle 
après par Lamarck, des mouvements de la sensitive. 


336 MÉMOIRES 

La troisième des dissertations physiques de Bayle, est inti- 
tulée de physiognomia. Elle comprend huit articles, dont le 
quatrième a pour objet la formation de la graine dans Îles 
plantes (1). Nous ne suivrons pas l’auteur dans tous ses déve- 
loppements; ils sont trop diffus, et ils s’éloignent trop des 
connaissances actuelles. Quelques idées seulement méritent 
d’être signalées comme étant assez avancées pour l'époque. 
Bayle veut expliquer la génération des animaux par celle des 
plantes (2). 11 reconnait la plus grande analogie entre l'œuf 
animal et la graine des végétaux qui est une sorte d'œuf ; cette 
analogie se retrouve dans le contenu de l’un et de l’autre. 
Comme dans l'œuf, on voit dans la graine un germe qui est 
virtuellement une plante. D'un côté ce germe se termine en 
pointe; de l’autre, il porte deux appendices (crura) d’une 
substance blanche ou blanchâtre. 

Dans ce même temps, Malpighi poussait beaucoup plus loin 
l'analyse de la graine, et arrivait à des résultats qui méritent 
encore aujourd'hui d’être cités. 

Nous terminerons cette analyse des écrits botaniques de Bayle, 
par ces quelques phrases qui se trouvent à la fin de sa seconde 
dissertation , et dans lesquelles il résume les principaux points 
de sa doctrine : « Si quelqu'un se donne la peine de réfléchir 
sur ce sujet et s'accorde avec moi quant aux choses , je lui con- 
céderai volontiers le langage métaphysique en honneur chez les 
péripatéticiens. J’accorde que les plantes ont une forme, qu’elles 
vivent et ont une âme; que cette âme , à l'instar d’une reine, 
traîne à sa suite le cortége des facultés ; maïs à la condition que 
cette forme de la plante ne sera rien autre que l'extension et 
l'entrelacement des fibres ; à la condition que l’âme de la plante 
et ses facultés ne comprendront que cette disposition des par- 
tics, ou du moins que les fonctions de la plante n’exigeront 


EEE 


(1) De generatione seminis in plantis , tel est le titre de ce 4° article. 


(2) Le paragraphe 1 de ce 4° article a pour litre : Generatio animalium 
explicatur ex generalione plantarum ; et le paragraphe 11 : Qué vi fluida 
seminis materia concrescit, quomodà fit potentiâ et tandem actu planta. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 337 
pour leur accomplissement que cette seule disposition , en vertu 
de laquelle les sucs propres à nourrir la plante pénètrent dans 
son écorce, s’y élaborent et se répandent dans toutes les parties, 
quelle que soit la cause qui les pousse ; car- les parties de la 
plante, immobiles elles-mêmes , ne peuvent mouvoir les sucs, 
et si elles se meuvent, elles doivent être mues par une cause 
externe. » 

Telle est en substance la doctrine botanique de Bayle. Les 
questions les plus importantes, les plus ardues de la physiologie 
végétale sont abordées par lui ; à toutes il donne une solution, 
sinon toujours exacte, du moins constamment rationnelle. On 
est seulement surpris de ne rien trouver dans ses œuvres ni sur 
la sexualité, ni sur la fécondation des plantes. On pourrait lui 
reprocher aussi peut-être de ne pas citer le nom d’un seul des 
botanistes qui l’avaient précédé ou qui vivaient à son époque. 
Théophraste , Dioscoride, et Pline, tous les auteurs de l’école 
arabe , Tournefort lui-même, sont pour lui comme non avenus. 
Ce n’en est pas moins un esprit droit , guidé dans ses recherches 
par des principes bien arrêtés (1). Il n’est pas douteux qu’il 
avait longtemps médité sur les sujets les plus graves de la phy- 
sique végétale. À coup sûr , il aurait puissamment contribué à 
son avancement , s'il avait été moins distrait par d’autres occu- 
pations. C'est vraiment à tort que son nom est resté ignoré des 
botanistes. En venant réclamer aujourd’hui en sa faveur contre 
ce déni de justice bien involontaire, il est vrai, nous ne cher- 
cherons pas à lui faire la part plus belle qu'il ne le mérite. 
Bayle est, comme Mariotte, de Lahire, Perrault, etc. , un libre 
penseur, et il doit prendre place à côté d'eux. S'il se laisse par- 
fois entraîner trop loin dans ses diatribes contre les péripatéti- 
ciens , il n'en a pas moins le droit de compter parmi les intelli- 
gences d'élite et de figurer parmi les botanistes du xvn° siècle. 


(1) On peut s’en convaincre par la lecture d’un de ses travaux qui a pour 
ütre : Dissertatio de necessilale conjungendi experientiam cum ratiore, 
1675. ( Voir ses Opuscula, pag. 309.) 


338 MÉMOIRES 


NOUVELLE SOLUTION SYNTHÉTIQUE 


DU PROBLÈME DE LA ROTATION DES CORPS; 


Par M. P. Sr.-GUILHEM, 


INGÉNIEUR EN CHEF DES PONTS ET CHAUSSÉES. 


À. Le problème dont il s’agit, et qui a pour objet la déter- 
mination du mouvement d’un corps de figure invariable au 
tour d’un point fixe, est considéré par les géomètres comme 
un des plas importants et des plus difficiles de la mécanique 
rationnelle. Toutes les solutions de cette question, jusqu’à 
celle de M. Poinsot, avaient été déduites de l'analyse par des 
calculs plus ou moins compliqués, plus ou moins élégants. 

Dans un Mémoire lu à l’Insutut en 183%, l'illustre auteur 
de la Théorie des couples a exposé une solution synthétique, 
remarquable par les vues élevées et les considérations ingé- 
nieuses qu’elle renferme. Cette solution , présentée sous une 
forme très-simple et dépouillée de l'appareil des caleuls, est 
entrée sans objection dans le domaine de la science, où elle a 
tenu jusqu’à présent une haute place. 

Aujourd’hui un de nos savants confrères, M. Gascheau, 
conteste, avec toute l’autorité que donnent de grandes lu- 
mières et un esprit rigoureux, la solidité d’un des principes 
fondamentaux sur lesquels elle repose; il n’attribue qu'à une 
compensation d'erreurs l'exactitude des résultats auxquels 
elle conduit. 

Nous partageons, après un examen réfléchi, l'opinion de 
notre savant confrère; l’assertion qu’il a émise, à laquelle 
nous avons d’abord refusé de croire, est, pour nous, mainte- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 359 
nant parfaitement justifiée : une application très-simple, placée 
à la fin de ce Mémoire, met en évidence l'erreur (*) du prin- 
cipe auquel nous faisons allusion. 

Nous nous proposons, dans le travail suivant, de présenter 
une solution synthétique nouvelle du problème de la rotation 
des corps ; elle nous paraît ne rien laisser à désirer, tant pour 
la simplicité que pour la rigueur. 


DÉFINITIONS. 


2. Lorsqu'un point matériel soumis à des forces et à des 
liaisons quelconques est en mouvement, une force unique 
qui produirait le même effet que les forces et les liaisons sur 
ce point devenu libre, sera la force totale qui sollicite ce 
point. La résultante des forces qui sollicitent un point maté- 
riel, sans égard à l'effet des liaisons, sera la force motrice. 

Une force fictive qui serait appliquée à un point matériel 
dans le sens de la vitesse, et qui aurait pour mesure le pro- 
duit de sa masse par sa vitesse, sera la quantité de mouve- 
ment du point matériel. 

La résultante de plusieurs droites sera la résultante des 
forces qui seraient représentées par ces droites. 

Nous appellerons, avec Poisson, axe du moment d’une 
force, une droite menée par le centre des moments perpen- 
diculairement au plan du moment de la force. 

Sa direction sera telle qu’un spectateur, qui aurait les 
pieds sur le plan et le dos appuyé contre l'axe, verrait la 
force dirigée autour de lui de sa gauche à sa droite. 

Sa grandeur sera le moment de la force. 


(*) L’erreur est de supposer que la force centripète d’un point ma- 
tériel qui fait partie d’un corps doué d’un mouvement de rotation est 
proportionnelle à la distance de ce point à l'axe instantané ; elle est 
réellement proportionnelle à la distance de ce point au centre de cour- 
bure du petit arc qu'il décrit dans un instant. 


340 MÉMOIRES 

L'axe du moment résultant de plusieurs forces sera l'axe 
du moment de la résultante de ces forces, le centre des mo- 
ments étant considéré comme fixe. 

L’extrémité de laxe du moment résultant de plusieurs 
forces sera le pôle de ces forces. 

Un milieu relatif sera un espace indéfini, mobile, dont 
chaque point reste mvariablement lié à tous les autres. 

Trois axes ox, 07, oz seront dits trois awes tournants (*) 
lorsqu'ils seront disposés de manière qu’un spectateur, qui 
aurait les pieds au point o et le dos appuyé contre l'axe oz, 
verrait l’axe ox à la gauche de l’axe 07. De cette manière, 
l’axe du moment d’une force située dans langle xoy, ou 
Y03, ou z0x et tendant à tourner autour du point o de ox 
vers 07, ou de oy vers 03, ou de oz vers ox, coïncidera 
avec l’axe oz, où ox, ou oy. 

Lorsqu'un corps tourne autour d’un point fixe, nous ap- 
pellerons caractéristique du mouvement (**) l’axe du mo- 
ment de la vitesse d’un point situé à la fois à l'unité de dis- 
tance du point fixe et de l’axe instantané. 


83. Cela posé, soit o le point fixe autour duquel un corps 
solide est assujetti à tourner, 
0X, 07, 03 trois axes rectangulaires tournants fixes dans le 
COrpS, 
x,7,z les coordonnées par rapport à ces axes d’un point 
du corps dont la masse est 7; 
Soit d’ailleurs , au bout du temps €, 
a la caractéristique du mouvement de rotation ; 


(*) Je dis trois axes tournants, comme on dit trois lettres tournantes 
en parlant de trois lettres x, y, z qui se succèdent circulairement. 


(*) L'introduction de ce terme ou d’un terme analogue en mécani- 
que nous paraît d’une très-grande utilité. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 341 
p,9;r les projections de la droite Q sur les axes 0x, 
0Y; 02; 
G l'axe du moment résultant des quantités de mou- 
vement des divers points du corps ; 
L,M,N les projections de la droite G sur les axes. 


PROPOSITIONS PRÉLIMINAIRES. 


4. Nous admettrons comme démontré que l'axe du mo- 
ment résultant de plusieurs forces est la résultante des axes 
des moments de ces forces. A l’aide de ce théorème, nous 
démontrerons aisément les lemmes suivants : 


Lee I. L’'axe du moment résultant des forces totales est 
représenté à chaque instant en grandeur et en direction par 
la vitesse absolue du pôle des quantités de mouvement. 


En effet, la quantité de mouvement qui anime chaque 
point du corps au bout du temps £4+d£, est la résultante de 
celle qui l'anime au bout du temps £ et de celle qui lui est 
communiquée dans l'instant dé; 

Donc, l’axe du moment résultant des quantités de mouve- 
ment qui animent les divers points du corps au bout du 
temps £+d£ est la résultante de l’axe du moment résul- 
tant des quantités de mouvement qui animent ces points au 
bout du temps £ et de l’axe du moment résultant des quan- 
tités de mouvement qui leur sont communiquées dans l’ins- 
tant dt; 

Donc, si G’,G,g désignent ces trois axes, G’ sera la 
diagonale du parallélogramme construit sur les deux droites 
Get g; done g sera représenté en grandeur et en direction 
par la droite qui va de l'extrémité de G à l'extrémité de G: 

Or cette droite, agrandie dans le rapport de 1 à d£, re- 
présente la vitesse de l'extrémité de l'axe G; 

Donc cette droite , agrandie dans le rapport de 1 à dé, 


342 MÉMOIRES 
représente en grandeur et en direction la vitesse du pôle des 
quantités de mouvement. 

D'un autre côté, si la quantité de mouvement communi- 
quée en chaque point dans l'instant dé est agrandie dans le 
rapport de 1 à de, elle représentera la force totale en ce 
point ; done g, agrandi dans le rapport de 1 à d4, repré- 
sente aussi l’axe du moment résultant des forces totales ; 
done, etc. 


5. Lemme IL. Si l’on applique à un point quelconque du 
corps une droite égale, parallèle et contraire à la caractéris- 
tique , l'axe du moment de cette droite représentera en gran- 
deur et en direction la vitesse du point dont il s’agit. 


En effet, soit me le point dont il s’agit, v une droite qui 
représente en grandeur et en direction sa vitesse , p sa dis- 
tance à l'axe instantané , Q/ une droite appliquée au pot "2, 
égale , parallèle et contraire à la caractéristique Q ; V l'axe du 
moment de cette droite, on aura évidemment V—=6.0—=v. 

D'ailleurs les droites V et # étant l’une et l’autre perpen- 
diculaires au plan qui passe par le point 2 et par l'axe instan- 
tané, sont parallèles; elles sont dirigées dans le même sens, 
car la droite Q/ doit être dirigée de gauche à droite autour de 
l'axe V, comme v l’est autour de la caractéristique ; or cela 
ne peut avoir lieu qu'autant que V et v sont dirigés dans 
le même sens ; done, etc. 


6. ProgLème I. Déterminer les projections de l'axe du 
moment d’une force P sur les trois axes coordonnés. 


Soit » le point d'application de la force P; x,7,z ses 
coordonnées, X, Y, Z les composantes de la force P paral- 
lèles aux x, 7, 3. 

On démontre aisément par la géométrie (en décomposant 
la force P en trois autres perpendiculaires aux axes) que la 
force P peut toujours être remplacée par ses projections sur 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 343 
trois plans rectangulaires et par une 4° force égale, parallèle 
et contraire à la force P, appliquée à origine ; 

De là il suit que l'axe du moment de la force P, estimé 
successivement suivant les axes des x, y, z, a pour expres- 
sion Zy—2zY, Xz— x}, Yx—Xy, car il coïncide suc- 
cessivement avec laxe du moment résultant des projections 
des trois forces X, Y,Z sur chacun des plans coordonnés 
vz, zx, y; et cet axe a pour expression les quantités ci- 
dessus, pourvu que l’on regarde les axes des moments qui 
coincident avec les axes coordonnés comme positifs où né- 
gatifs, suivant qu'ils sont portés du côté positif ou négauf de 
ces derniers axes. 


7. Pro8Lème I. Déterminer l'axe du moment résultant des 
quantités de mouvement. 


Appliquons à chaque point #2 une droite Q/ égale, parallèle 
et contraire à la caractéristique , l'axe du moment de cette 
droite sera (Lemme I) égale et paralèlle à la vitesse du point 
m; or la projection de la droite ©” sur les axes 0x, 07, 0Z 
étant—p, —g,-—r, l'axe du moment de la droite Q aura 
pour projections les quantités g3—r7, rx —pz, py —qx; 
par conséquent l'axe du moment de la quantité de mouve- 
ment du point #2 aura pour projections, la masse de ce point 
étant mn, 


m [Gr gaæ)y-(re-pe)s| 
m[(gz—r)2-(pr ax |, 
m [tra pz)x— (gz— ry)r| - 


par suite, si nous posons, comme à l'ordinaire, 


zm(y°+z)=A, zm(z+x)=B, zm(x+7)=0C 
She =D NE) POSMAMEE |, t'EMmErET 
Le signe de sommation £ s’étendant à tous les points du 


344 MÉMOIRES 
corps, l’axe du moment résultant des quantités de mouve- 
ment aura pour projections 
L=Ap—-Fg—Er 
(D) M=Bg—-Dr —-Fp 
N=Cr—Ep —Dag 


Ces projections déterminent à chaque instant la grandeur 
et la direction de l’axe du moment résultant des quantités de 
mouvement. 


8. ProBLÈME IT. Déterminer la vitesse du point du corps 
qui coëncide avec le pôle des quantités de mouvement. 


Soit x le pôle des quantités de mouvement ; appliquons à 
ce point une droite Q égale, parallèle et contraire à la droite 
Q, caractéristique du mouvement, l'axe du moment de la 
droite a’ sera, lemme IT, égal et parallèle à la vitesse du 
point 7; or, les projections de la droite a! sur les axes 0x, 
y, 02 étant respectivement ENT OMEE les coordon- 
nées du point 7 sur les mêmes axes étant L,M,N, les 
projections de la vitesse du point + seront respectivement , 
d’après les formules du problème T, 


Ng—Mr, Lr—Np, Mp— La; 


ces projections font connaitre à chaque instant la vitesse dont 


il s’agit (”). 


(*) Nous avions démontré dans un précédent mémoire , en partageant 
l'erreur de M. Poinsot, que la vitesse dont il s’agit représente en 
grandeur et en direction l'axe du moment résultant des forces centri- 
pètes. Ce théorème n’a plus lieu ; mais on peut le remplacer évidem- 
ment par le suivant : la vitesse du point du corps qui coïncide avec le 
pôle des quantités de mouvement représente en grandeur et en direction 
l'axe du moment résultant des forces centripètes , l'axe instantané étant 
tout À coup rendu fixe. Ainsi modifié, ce théorème donne encore une 
interprétation de l'un des termes de chacune des équations d'Euler. 

Si l'on regarde la force totale comme la résultante de la force cen- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 345 


9. ProëLème IV. Déterminer la vitesse du pôle des quan- 
tilés de mouvement dans l'intérieur du corps, c'est-à-dire par 
rapport aux axes 0X, 0Y, 02. 


L,M,N étant les coordonnées du pôle des quantités de 
mouvement par rapport aux axes 0x, 0ÿ, 0Z, les projec- 
tions de la vitesse de ce point sur ces axes sont respective- 


ment 
dl. dM  GN J 


dite tele 
ces projections font connaître à chaque instant la vitesse dont 
il s’agit. 


ÉQUATIONS DU MOUVEMENT. 


10. Si l’on applique à chaque point du corps une force 
égale et contraire à la force totale qui le sollicite, il est évi- 
dent que les forces auxquelles le corps sera soumis se feront 
équilibre, conformément au principe de d’Alembert; donc 
l'axe du moment résultant des forces motrices, coïncide en 
grandeur et en direction avec l’axe du moment résultant des 
forces totales, ou, d’après le lemme [, avec la vitesse absolue 
du pôle des quantités de mouvement. 

Or la vitesse absolue d’un point situé dans un milieu re- 
latif est évidemment la résultante de la vitesse de ce point 
dans le milieu relatif, et de la vitesse du même point consi- 
déré comme un point du milieu relatif; donc laxe du mo- 
ment résultant des forces motrices coincidera en grandeur 
et en direction avec la résultante de la vitesse du pôle des 
quantités de mouvement dans l’intérieur du corps et de la 
vitesse du même point considéré comme un point du corps. 


tripète que nous venons de considérer et d’uue autre force , il est 
visible que cette autre force ne sera pas généralement dans le plan qui 
passe par la force totale et par la force centripète réelle. 


386 MÉMOIRES 


Traduisons cette relation en nombres : 


Si l’on désigne par P,Q,R les projections de l'axe du 
moment résultant des forces motrices sur les axes ox, 07, 
oz , on aura, d’après les formules des préliminaires , 


R= EN g— Mr 
2) {Q= + Lr—Np 
an qui Lg. 


Ces équations coincident avec les équations d’Euler lorsque 
lon prend pour axes coordonnés les axes principaux du 
COrps. 

Elles déterminent, avec les équations (4), les vitesses an- 
gulaires du corps à une époque quelconque autour des trois 
axes 0X, 0Y, 023; il reste à trouver la position des axes mo- 
biles ox, 07, 02, par rapport à trois axes rectangulaires 
ox, oy', 0z' fixes dans l’espace. À cet effet, remarquons 
que le corps tournant autour de laxe instantané avec une 
vitesse angulaire égale à Q pendant l'instant d£ occupe à la 
fin de cet instant, par rapport à l’un quelconque des axes 
ox!, oy', 0z', la même position que si le corps était resté 
fixe et que l'axe considéré eût tourné autour de l'axe instan- 
tané pendant l'instant d£ avec une vitesse angulaire égale et 
contraire à celle qu'avait le corps autour de l’axe instantané. 

Done, si l’on prend sur Fun des axes ox’, oy', oz’ un 
point #», et qu’on applique en ce point une droite Q, égale 
et parallèle à la droite Q, l'axe du moment de cette droite 
sera égal et parallèle à la vitesse du point »2,; done, si l’on 
cle L,3 Jw 2 les coordonnées du point 2, par rapport 
aux axes 0x, 0Y, 0Z, On aura, en observant que la droite 
Q, a pour projections sur les axes p, q, r 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 347 


CE cage Ra À 
ge perf 
dye il 

(3) ee Un TE, 
ds à 
dt =IL, —pPY, 


Au moyen de ces relations on aura la position de lun 
quelconque des axes 0x,, 07,, 023, par rapport aux axes 0x, 
07,02, et par conséquent la position de chacun de ceux-ci 
par rapport aux axes fixes dans l’espace. 


NOTE. 


M. Poinsot suppose, dans sa Théorie nouvelle de la 
rotation, que lorsqu'un corps tourne autour d’un pont fixe, 
la force centripète est toujours proporuonnelle à la distance 
de ce point à l’axe instantané, et par conséquent que cette 
distance est toujours égale au rayon de coûrbure de lare 
décrit par ce point dans un instant. Le problème suivant met 
en évidence l’inexactitude de cette hypothèse. 


PROBLÈME. Un cercle dont le centre est fixe et dont le plan 
est vertical, tourne à la fois autour de son diamètre vertical 
et autour de son centre dans son plan. Les vitesses angulaires 
de ces deux rotations sont toujours égales entre elles ; on de- 
mande de déterminer, 4° la trajectoire de l’un des points de la 
circonférence du cercle mobile; 2° la longueur de la perpen- 
diculaire abaissée d'une position quelconque du point géné- 
rateur sur l'axe instantané correspondant ; 3° le rayon de 
courbure de la trajectoire correspondant au méme point. 


Soient » le point générateur de la trajectoire, point que 
nous supposerons, pour plus de simplicité , dis- 
tant du point fixe d’une quantité égale à l'unité, 

om. le rayon vecteur mené du point fixe au point me, 


348 MÉMOIRES 

ox, 07, 03 trois axes rectangulaires tels, que l'axe 03 coin- 
cide avec om lorsque ce rayon est dirigé verti- 
calement de bas en haut; que l'axe ox coïncide 
avec la position qu’aurait eue le rayon om après 
avoir décrit un angle de oo? si le plan du cercle 
était resté immobile ; que l'axe 07° coïneide avec 
la position qu’occupe réellement le rayon om à 
la même époque. 

x, ysz, les coordonnées du point » à une époque quel- 
conque. 

o l'angle que le rayon vecteur om fait avec l’axe 
oz, angle toujours égal à celui que la projec- 
tion de om sur le plan des xy fait avec l'axe 
des x. 


Au moyen de ces notations, on trouve immédiatement les 
relations suivantes : 
x = Sin COS? 


(CDR ES 


3 — COS 


Il 


A) 
sin ® 


De là on déduit d’abord : 
9 (a+ +=: 
( ) ( x° + — — 0 


Ces équations montrent que la trajectoire est l'intersection 
de la sphère décrite par la circonférence du cercle mobile 
avec un cylindre droit vertical tangent au plan de ce cercle 
dans sa position initiale et ayant pour base un cercle dont 
le diamètre est le rayon du cercle mobile. 

Cherchons, en second lieu, la longueur de la perpendi- 
culaire abaissée du point » sur l'axe instantané correspon- 


dant. 
Pour avoir la position de l’axe instantané à une époque 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 349 
quelconque, il suffit de construire la diagonale du parallélo- 
gramme dont les côtés contigus sont les caractéristiques des 
deux mouvements de rotation à cette époque. Ces caractéris- 
tiques sont, d’après l'énoncé, égales entre elles ; lune coïncide 
toujours avec l'axe oz , l’autre est toujours dans un plan per- 
pendiculaire au cercle mobile; done, l'axe instantané fait un 
angle de 45° avec l'axe des z et reste toujours dans un plan 
vertical perpendiculaire au plan du cercle mobile. 

D’après cela, si l’on désigne par 2 la perpendiculaire dont 
il s’agit, on trouvera sans peine : 


. I > 
= sin @+ — cos’? 


d'où (3) 4=ÿ1Fs"e 
2 
Cherchons enfin le rayon de courbure de la trajectoire au 

point 72; si nous désignons ce rayon par p, el par s lare de 
la trajectoire compris entre le point #2 et l’axe des z, on 

] Ï » 
aura : 

ds? 
(4) = 


Va + + — (ds 


Or, on déduit des équations (1), 


dx Lt dy ts dz . ds° EN - 
——— == COS 2 —ZSIN 29, ——=— — sing 
de Ÿ° dg ? de us à de? 1 SIN 
dx nl æy SÉ5 d?z à dsds . 

mn — À 29; == 2S 0 S —— KR = 20S 
de? Po Pre Et d@* Del AR 


Au moyen de ces valeurs la formule (4) devient : 


G eve 


24 5siu*® 


Pour que le rayon de courbure de la trajectoire au point 
m soit égal, comme le suppose M. Poinsot, à la perpendi- 
&° S.— TOME v. 24 


350 MÉMOIRES 
culaire abaissée de ce point sur l'axe instantané correspon- 
dant , 1] faut que l’on ait, quel que soit y, 


(iHsino) 1 
5+3sn9 2 


Or cette équation n’est satisfaite que par les valeurs 
p—=90(1+2n);n étantun nombre entier quelconque, 
ces valeurs correspondent au point unique où la trajectoire 
vient couper le plan des xy. 


Ainsi la solution du problème de la rotation des corps par 
M. Poinsot est inacceptable. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 351 


NOTE 


SUR LA SURFACE DES TRIANGLES SPHÉRIQUES ; 


Par M. J. SORNIN. 


IL existe la plus grande analogie entre les propriétés des 
figures sphériques et des figures planes, ce qui tient à ce 
que la surface de la sphère, comme celle du plan, est par- 
tout identique avec elle-même. On peut d’ailleurs passer des 
figures sphériques aux figures planes en faisant infini le 
rayon de la sphère. Ces analogies m'ont engagé à rechercher 
l'expression de l'aire des triangles sphériques d’après les 
mêmes données que l’on emploie pour exprimer l'aire des 
triangles plans, c’est-à-dire la base et la hauteur. Tel est 
l’objet de cette note. 

Je représenterai par À, B, C, a, b, c les mesures des 
angles et des côtés du triangle sphérique à l’aide d’ares pris 
dans le cercle du rayon 1 ; de sorte que a, b, € seront les 
longueurs mêmes des côtés du triangle, s’il est tracé sur la 
sphère dont le rayon est l'unité. Il résulte de cette notation que 
A+B+C—7, que je désignerai par 28, est la mesure de 
l'aire de ce triangle ,en prenant pour unité de surface le carré 
fait sur l'unité de longueur. En effet, l’aire du triangle triree- 


I . Jon. : ; UE 
tangle est =, et par suite l'aire du triangle quelconque est : 


A B C—7 
LT —E— =A+LB+LC—-7re)2S. 
2 
E 


Sur la sphère de rayon R, la surface du même triangle ser: 
2 SR, et les longueurs de ses côtés seront aR, DR, cR. 


392 MÉMOIRES 

On trouve dans la plupart des traités de trigonométrie 
sphérique la formule suivante qui donne la surface du trian- 
gle sphérique au moyen de deux côtés et de l'angle compris, 


1 1 

cot - à cot—c + cos À 
2 

cotS = 


sin À 
FT 


pour A ==, c'est à dire dans le cas du triangle rectangle, 
2 LE 
elle donne : 


cotS — cot-b cot = c 
2 2 
1 ] 
ou tang S=tang -btang = c (1) 


Considérons maintenant un triangle quelconque et décom- 
posons-le en deux triangles rectangles par un arc de cercle 
mené, perpendiculairement au côté &, du sommet opposé. 
Soient À la longueur de cet arc de cercle que nous nom- 
merons la hauteur du triangle, et À, k’ les segments qu'il 
détermine sur la base. Soient aussi $ et s’ les surfaces des 
triangles rectangles correspondants. On aura : 
ak IS=sEs!, 
ou simplement : 
a=k+Ek S=s+s 
en convenant que k’ et s’ prendront le signe + suivant qu'ils 
seront addiufs ou soustractifs. 
On a, d’après la formule (4) 


I 1 
tang s=tang =} tang = À 


I 1 
c ui ; L } 
tangs = tang = tang = k", 


tang A ( t ht L 4! 
ng — ang - k 4 tang - 
tangs-tangs” 59 be 33 


1— tangstangs" 


d'où tangS— 


I 1 1 
is tang’ =} tang - À tang sh 
2 


DE L’'ACADÉMIE DES SCIENCES. 353 


D'ailleurs de ce que sa==k+ 2k", on tire : 


tang=k+tang he 
lang -a— = FRE. 
1—tang= k& lang — k' 
il vient donc : 


1—-tang = Lk tang 4 
1 1 
lang S=tang-a tang — À 


1 J Re 
1—tang? - tang - £tang - L' 
os 8; 8; 


x 3 I 1 — COS / 
Remplaçons dans le dénominateur tang” = par ME 


fraction devient : 
(i—tangs k tang 4 JC eos) RME 
1 MEET TNA MAN ' 
(tcosh)—(1—cosh)t— 4 t 4 1 ris kt 24 


1 + cos } 
1 1 
1—t- kt-# 
2 2 
1 L ne 
Posons k=-a+ k'—-a—, de sorte que X désignera 
2 2 = 
la distance du milieu de la base au pied de la hauteur ; on 
aura : 


tung 7 a+ tang À tangra— tang Là 


I 
tang— 4 — 
LE 


L 
, tang- k'— 
1 — tang a tang=à ñ 1 +-tan atang— à 
Rs AR NC 
et par suite 
1 1 
Pod AT On À 
tang= Lk tang— Ares 


I 1 
tant eee — À 


4 


(me )-(et)() 
Crete) (nt) 


354 MÉMOIRES 
el en réduisant : 


ï 
COS À — COS —Z 
2 


ï 1 2 
ann le ne : 
lang ktang= À’ = — 

CUS À +- cos —« 
2 
donc 


1 1 
1-tang — ktange —/’ 
Th 2 59 cos 2 


1 TE TN, 
1—tang—kAtang —4'  cos—-a 
53 5 2 2 
Remarquons maintenant que cos cos} = cos, mm étant 
Varc de grand cercle qui joint le sommet au milieu de la 
base, ou la médiane du triangle, et nous aurons : 
1 + cos h 


tang S—=tang - a tang | À 
Cher 0 0 9 9 cos mn 


cos — 
2 


; i rs RUES 
Remplaçons 1 + cos À par 2 cos’ A, et réduisons, 1l vient : 


sin : asinh 
Lang S = —— (2) 


l 
cos — a + cos m 
2 


Cos m s'exprime aisément à l’aide des autres côtés du trian- 
* 26 LEE J1 ? * 3 
gle, car on a, en désignant par M Fun des angles que fait la 
médiane avec la base, 


Ll si . 
cos b = cos—aæ cos m + Sin — & SIN 1 COS M 
L cpl . 
COS € C08— 4 €OS M1 — Sin — 4 SIN? COS M, 
d'où, en ajoutant : 
1 
cosb + cos c= 2 cos-a cos me, 
2 


et par suile : 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 355 


I 
2 cos? a+ cos + cos c 
1  —— 2 se al | 
COS a + COS M — COS— a+ — 


1 
2 c05— a 2C0S—a 
2 2 


___1 Æ-cosla + cos + cos c 


1 
2C0S—a 
2 
En substituant cette valeur dans l'expression (2), elle devient : 


sinasinh 
Lee tue (3). 
Cette formule montre que la surface d’un triangle sphérique 
n’est pas déterminée à l’aide de sa base et de sa hauteur 
seules, comme cela a lieu pour les triangles plans. Toute- 
fois on en déduit aisément l'expression de l’aire des triangles 
plans. En effet, représentons par 4’, b', c', k', S'les longueurs 
des éléments et la surface du triangle situé sur la sphère de 
rayon R, la formule (3) donnera : 
Re 
s' sin sin 
ang — be ro te 
MERE COS Ts 


Pour R=% on peut remplacer les tangentes et les sinus par 
les ares eux-mêmes, et les cosinus par r, il vient donc : 


ah! 
SF TER R2 
BA 


ou en simplifiant : 


aan FR D 
S= Ter an et 25 ra? 


ce qui est l'expression de l'aire du triangle plan. 


Are Remarque. La formule (3) n’est pas utile dans la pra- 
tique, puisqu'elle renferme les trois côtés, indépendamment 
de la hauteur, et qu'il faudrait encore rendre le dénomina- 
teur calculable par logarithmes. Mais si on connait la mé- 


396 MÉMOIRES 
diane, la formule (2) sera très-commode pour calculer la 
surface, puisque le dénominateur se transforme immédiate- 
ment en un produit. 

Lorsqu'on donne les trois côtés du triangle, on sait que 
lon peut obtenir sa surface par la formule : 


ang!S=V/ang!ptang (p—«) tang=(p—b)tang(p—c), 
dans laquelle on a fait: a+ b+c=2p. 


2° Remarque. En comparant la formule (3) avec la 
formule : 


1— cos a+ cos b + cos 
re EE nn 
2/sinpsin(p—a)sin(p—#)—sin(p—c) 
que donnent les traités de trigonométrie, on voit que l’on a : 


=sin a sin #—Vsinpsin(p—a )sin(p—b)sm(p—c) 


ce qui donne bien pour R=+ la relation propre aux {rlan- 
gles rectilignes. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 357 


RECHERCHES COMPARATIVES 


SUR 


LES PIÈCES OSSEUSES COMPOSANT LA MAIN ET LE PIED 
DE L'HOMME 


ET DES PRINCIPAUX MAMMIFÈRES : 


Par M. A. LAVOCAT. 


Daxs ce nouveau travail , j’aborde un sujet que nous avons 
déjà étudié, M. Joly et moi, relativement au Type pentadactyle. 
En y revenant, je me propose surtout d'examiner le nombre et 
la disposition essentielle des os qui concourent à former l’extré- 
mité des membres chez l’homme et les mammifères les mieux 
connus. Sansentrer dans la voie des descriptions , je donne à ces 
recherches un point de vue plutôt comparatif que philosophique. 

Rappelons d’abord que les extrémités des membres, c’est-à- 
dire la main et le pied, se composent de diverses sections dis- 
posées en séries et concourant toutes à former ce qu'on appelle 
les doigts. 

A la main comme au pied, il y a trois régions distinctes, 
qui sont : le carpe ou le tarse , le métacarpe ou le métatarse, 
et les phalanges, auxquelles il faut ajouter leurs pièces acces- 
soires ou les os sésamoïdes. 


CARPE ET TARSE EN GÉNÉRAL. 


On sait maintenant que le carpe et le tarse sont virtuelle- 
ment composés chacun de 10 os, sur deux rangs superposés : 


5 au rang supérieur et 5 à l'inférieur; soit donc — la consti- 
tution élémentaire. 
On sait aussi, en confirmation du principe général des con- 


nexions, que, dans chaque rangée et surtout à l’inférieure, cha- 
> que, 


358 MÉMOIRES 
cune des cinq pièces correspond à un doigt , toujours le même ; 
ainsi : 

le 1°" os appartient à l’auriculaire ou 4° doigt. 


le2 —  — à l’ennulaire ou 2° id. 
le 3 —  — au médius ou 3°. 2d. 
lex —  — à l'êndex ou 4° id. 
etle5 —  — au pouce ou 5° 24. 


Rarement le nombre 10 est conservé. Il n’est jamais aug- 
menté; mais souvent il est diminué, soit par arrêt de dévelop- 
pement , soit par soudure de quelques pièces entre elles. 

Lorsqu'un os du carpe ou du tarse est faible ou nul, il en 
est toujours de même pour le doigt correspondant. Presque 
jamais il n’y a existence d’un doigt et absence de sa pièce car- 
pienne ou tarsienne; tandis qu'il y a quelquefois absence d’un 
doigt et persistance de la pièce qui lui appartient et le repré- 
sente dans le carpe ou le tarse. 

En conséquence, le carpe et le tarse peuvent être considérés 
comme la base fondamentale de la main et du pied. 


Du carpe en particulier. 


Les cinq os de la première rangée sont : 
le protocarpien ou pisiforme, 
le deutocarpien où pyramidal, 
le tritocarpien ou semi-lunaire, 
le tétrocarpien ou scaphoïde, 
et le pemplocarpien (sans autre nom). 


Les deux premiers ont pour caractère de s’articuler en haut 
avec le eubitus, bien que cette connexion puisse manquer pour 
le pisiforme , par exemple chez l’homme. Et les trois derniers 
s’articulent toujours avec le radius. 

Les cinq os de la seconde rangée sont : 

le protocarpe (sans autre nom), 
le deutocarpe ou os crochu, 
le rilocarpe ou grand os, 
le tétrocarpe ou trapézoïde, 
et le pemptocarpe ou trapèze. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 309 

Chacun d'eux a pour connexion essentielle son articulation , 
sinon exclusive, du moins principale, avec l'extrémité supé- 
rieure du métacarpien appartenant au doigt correspondant. 

Comme on l’a vu dans nos précédentes études, les os du 
carpe peuvent être représentés par les chiffres 1, 2,3, 4,5 
pour le rang supérieur , et par ces mêmes chiffres avec le signe 
prime |’), pour le rang inférieur. Un point entre chaque chiffre 
indiquera la séparation des os; un trait d'union marquera leur 
soudure, quand il y aura lieu. 

D'après cela, le carpe complet, celui qui doit nous servir 
de type , sera exprimé par la formule suivante : 


19937475 
: MAR En 


Chez l’homme, le chimpanzé et, en général , chez les sin- 
ges supérieurs, le nombre des pièces carpiennes est réduit à 
huit : quatre à chaque rangée. Il en est ainsi , parce qu'au pre- 
mier rang le pemptocarpien est soudé avec le tétrocarpien 
{scaphoïde) ; et qu’au second rang, le protocarpe est soudé 
au deutocarpe (os crochu). 

Il en est de même chez l'éléphant , le porc et autres pachy- 
dermes. De même aussi, chose bien remarquable , chez les che- 
vaux ou Equidés, malgré l’imperfection de leur système digi- 
tal. Seulement leur rapèze n’est pas constant; mais il existe 
assez souvent pour être mis en ligne de compte. C’est un petit 
os arrondi, ayant au moins le volume d’un pois et quelquefois 
le double. 

Ainsi donc chez l’homme et les singes supérieurs, chez l'élé- 


phant , le porc et autres pachydermes , et chez les Equidés , 
A 
les huit pièces du carpe peuvent être indiquées par ou par la 


formule : 
41.092030. 4—5 
4/28 RES 


Dans les orangs et la plupart des singes inférieurs, ainsi 
que dans plusieurs rongeurs, et notamment chez le lièvre, les 


360 MÉMOIRES 
cinq os de la rangée supérieure sont libres et distincts ; mais, 
par une disposition qui rappelle ce qui existe au pied, le sca- 
phoïde ou tétrocarpien est placé entre les deux rangées , au- 
dessous de la jointure du trito et du pemptocarpien. 
J . 

Quant à la seconde rangée , elle n’est formée en réalité que 

de quatre pièces, comme dans l’homme, bien que la soudure du 
P 

proto et du deutocarpe ou os crochu soit incomplète. 


; - 5 
Dans ces animaux , le carpe peut donc être exprimé par 
ou par : 


1:—92'.3'.h'.5" 


Mais dans quelques rongeurs, tels que l’agoutr, le cochon 
d'Inde , ete., le protocarpe est entièrement libre, et la for- 
mule typique est applicable. 

Chez les Carnassiers, la rangée inférieure est composée de 
quatre pièces, comme dans l’homme. 

A la rangée supérieure , le semi-lunaire et le scaphoïde sont 
soudés en une seule pièce, à laquelle le pemptocarpien est réuni 
chez les chiens , tandis qu’il en est séparé dans les chats, où 
il est très-petit et conoïde. 

Il en résulte que dans les chats, le carpe est composé de 


4 


mc nombre est le même que dans l’homme, mais la dispo- 


sition des pièces est différente, comme on le voit dans la for- 
mule : 
1 . 2 . 3 — In . 5 
1—23. 1.0 
Quant au carpe des chiens , il est composé de RS et repré- 
senté par : 
1.2.3—4—5 
1—2'. 3". 4". 5" 
Dans les Ruminants, le nombre des pièces carpiennes est 
réduit à six. La rangée supérieure se compose de quatre os, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 361 
comme chez l'homme, les Equidés, ete. La rangée inférieure 
n'a que deux pièces : la première est formée, comme à l'ordi- 
naire, par la réunion du proto et du deutocarpe ou os crochu; 
la seconde est constituée par le grand os et le trapézoïde réu- 
nis. Ces deux os ne restent distincts que chez le chameau. 
Quant au trapèze , il est soudé au trapézoïde , ou plutôt il reste 
sans développement. 


; : 4 
En conséquence , le carpe des Ruminants est composé de _- 


et sera représenté par : 


4: La we aune et 
do, 9h" — 


Du tarse en particulier. 


Les analogies si remarquables qui existent entre les os du 
tarse et ceux du carpe sont maintenant bien connues. Nous ne 
reviendrons donc pas sur ce sujet. L'identité sera, du reste, 
suffisamment démontrée par l'exposé suivant de la composition 
virtuelle du tarse. 


Les cinq os de la première rangée sont : 
le prototarsien ou sommet du calcanéum Ê 
le deutotarsien ou partie antérieure du calcanéum , 
le tritotarsien où astragale, 
le tétrotarsien ou scaphoïde , 
et le pemptotarsien (sans autre nom }. 


Les cinq os de la seconde rangée sont : 
le prototarse (sans autre nom), 
le deutotarse ou cuboïde , 
le tritotarse ou 1° cunéiforme , 
le tétrotarse ou 2 cunéiforme , 
et le pemptlotarse ou A cunéiforme, 


La formule typique sera donc, pour le tarse comme pour le 
carpe : 

 PASE-HES EU Te 

LSNUEE" 5 


QT 


362 MÉMOIRES 

En général , le scaphoïde du tarse, comme cela est quelque- 
fois pour celui du carpe , est placé entre les deux rangées, par 
suite du grand développement de l’astragale. Très-raroement, 
par exemple chez l'ornithorynque , il est sur la même ligne que 
les autres os de la première rangée. 

En général aussi, les soudures sont plus fréquentes entre les 
os du tarse qu'entre ceux du carpe. Ainsi, outre les soudures 
ordinaires au carpe , entre le 4° et le 5° du premier rang, entre 
le 4° et le 2° du second rang, il y a presque toujours union 
du 1° et du 2° os qui, à la première rangée , forment le cal- 
canéum. 

I n’est peut-être pas, parmi les Mammifères , une seale es- 
pèce chez qui les dix os du tarse soient parfaitement libres. 
Mais il en est plusieurs chez lesquelles telle ou telle des trois 
soudures les plus communes n'existe pas. C'est ainsi qu'on voit 
libre le prototarsien dans les chauves-souris ; le pemptotarsien 
dans le castor, la marmotte, l’écureuil , le porc-épic, le rat, le 
cabiai, l’agouti , le cochon d'Inde, ete. ; et le prototarse dans 
le cabiai, l’agouti , le cochon d'Inde, l'ornithorynque , etc. 

Les trois principales soudures tarsiennes existent chez l’Aom- 
me , les singes, le chat, le chien , le lièvre , l'éléphant , le 
porc, etc. En conséquence , le tarse de ces mammifères ne se 
compose que de sept pièces libres, trois au rang supérieur et 


quatre au rang inférieur, c'est-à-dire : 7: 
La disposition de ces os est assez bien représentée par la 


formule suivante : 


=> 

se 
9 
(DE) 


Il en est de même chez les Équidés; mais le pemptotarse ou 
3° cunéiforme n’est pas ordinairement libre; il est presque 
toujours incomplétement soudé au tétrotarse ou 2° cunéiforme ; 


: SES 5 
il n’y a donc que six piéces : —. 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 363 

Enfin, chez les Ruminants, outre les trois soudures ordi- 
naires, il y a toujours, excepté dans le chameau, réunion du 

LE] . L “ f 4 2 ) LE! 

scaphoïde et du cuboïde, d'où résulte ce qu’on appelle la pièce 
scaphoïdo-cuboïdienne. Puis le pemptotarse reste sans déve- 
loppement comme l'os correspondant du carpe. Par conséquent, 
le Larse de ces animaux n’a plus que cinq pièces distinctes, qui 


sont : le calcanéum, lastragale , la pièce scaphoïdo-cuboï- 

dienne , et les deux premiers cunéiformes ; soit donc : LE 
Bien plus, dans la girafe, il y a soudure de la pièce sca- 

phoïdo-cuboïdienne avec les os cunéiformes ; ce qui réduit le 


ON . ñ . . 2 
nombre des pièces larsiennes à trois, savoir : =, 
L 


Tel est, sans doute, le dernier terme de la dégradation tar- 
sienne chez les mammifères. On ne la retrouve aussi prononcée 
qu'à l’âge adulte dans l’aï ou paresseux à trois doigts bradypus 
tridaciylus ). 


DU MÉTACARPE ET DU MÉTATARSE. 


Dans la série des régions composant la main et le pied, le 
métacarpe et le métatarse sont placés entre le carpe ou le tarse 
et la région phalangienne. L 

Chacun d'eux est formé de colonnes osseuses disposées paral- 
lèlement, nommées métacarpiens où mélatarsiens , en nombre 
égal à celui des doigts. 

Mais dans les différentes espèces de mammifères, ces os , de 
même que les phalanges, ne sont pas toujours également déve- 
loppés. Ils se réduisent, et peuvent même disparaître , en même 
temps que leur doigt correspondant perd de son importance ou 
devient inutile. À ce sujet, on observe chez les quadrupèdes 
que le pouce s’atrophie le premier ; puis l’auriculaire et l'index , 
et enfin l’annulaire; mais souvent ce doigt persiste aussi déve- 
loppé que le médius, bien qu’en ait dit Cuvier, citant le cheval 
pour exemple. 

En général , lorsqu'un doigt est arrèté dans son développe- 
ment, les phalanges s’effacent plus ou moins complétement , et 


36% MÉMOIRES 

l'os métacarpien ou métatarsien correspondant s’oblitère de 
bas en haut, de sorte que son extrémité supérieure disparaît 
en dernier lieu. Mais alors , les pièces carpiennes ou tarsiennes 
du doigt atrophié persistent toujours , libres ou soudées. 

Quelquefois le métacarpien ou le mélatarsien d’un doigt ru- 
dimentaire s’unit par soudure plus ou moins complète à l'os 
voisin de la même région. 

Bien plus souvent, lorsque trois des cinq doigts sont atro- 
phiés, et que, d’après la loi de balancement, les deux qui restent 
ont pris un grand développement, il arrive que les os métacar- 
piens ou métatarsiens de ces deux grands doigts se soudent in- 
complétement (Ruminants), où tout-à-fait (Chevaux) ; et cette 
fusion peut même s'étendre jusqu'à la région phalangienne. 

Enfin, bien que le pied ait en général plus de tendance que 
la main à s'éloigner du type, il n’est pas rare de rencontrer , 
au pied, et notamment au métatarse , des pièces rudimentaires 
qui manquent à la main du même animal. 

Les cinq os qui entrent dans la constitution normale du mé- 
tacarpe ou du métatarse, peuvent être représentés par la formule ; 


12273449. 


Chez l'homme , les os métacarpiens et métatarsiens sont au 
complet; et le 5°, celui du pouce, est plus fort et un peu plus 
court que les autres , surtout au métatarse. 

Il en est à peu près de même chez les singes. 

Dans le chat, le chien et le hèvre , le métacarpe est encore 
formé de cinq pièces ; mais celle du pouce est moins longue et 
moins forte que les autres. 

Au métatarse, cette même pièce est rédaite à un petit os styloïde 
très-court, et ne portant pas de phalanges, dans Île chat et le 
chien. Elle manque dans le lièvre. 

Dans le porc, il y à bien cinq métacarpiens ; mais le 5°, 
court et conoïde, est soudé au trapèze. Il y a aussi cinq métatar- 
siens, dont le 5°, court, aplati et irrégulièrement triangulaire , 
est libre, et situé un peu en arrière, où il s'articule avec le 
renflement supérieur du 3° métatarsien , et s'unit par de courtes 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 365 
fibres ligamenteuses à la partie inféricure du pemptotarse ou 
5° cunéiforme. 

Chez ce même animal, les métacarpiens et métatarsiens ap- 
partenant aux 2° et 3° doigts, sont plus longs et plus gros que 
ceux des 1* et 4° doigts, disposition qui se fait déjà remar- 
quer , au moins quant à la longueur , chez le chien et le chat. 

Le métacarpe du porc peut donc être représenté par : 


? 
5 


ACHETE 


Load 105 


Dans les chevaux , la 5° pièce, celle da pouce , manque tout 
à fait, ou du moins elle n’est indiquée au métatarse que par 
un renflement courtet taillé en pointe mousse, soudé à la partie 
postérieure du pemptotarse ou 3° cunéiforme. 

Au métacarpe comme au métatarse, le 2° et le 3° os sont 
très-développés, et soudés en une seule colonne pour plus de 
résistance. 

Le 1“ et le 4°, bien moins forts et n'ayant que les trois 
quarts de la longueur des deux autres , sont taillés en stylet ou 
pyramide, dont la pointe, tournée en bas, porte un petit ren- 
flement épiphysaire dans le jeune âge , comme l'extrémité infé- 
rieure des autres os de la même région. 

Le métacarpe des chevaux , de même que leur métatarse, est 
donc réduit à trois pièces distinctes, ainsi constituées : 


1. 99.24 

Chez plusieurs Raminants , tels que les chevrotains , lerenne , 
le cerf de Virginie , etc. , les deux doigts latéraux, c'est-à-dire, 
le 1*etle 4°, prennent un développement notable que partagent 
les métacarpiens et métatarsiens correspondants. Mais dans beau- 
coup d’autres, ces mêmes doigts, et par conséquent leurs os 
métacarpiens ou mélatarsiens avortent presque entièrement. 

Les deux grands doigts, le 2° et le 3°, sont quelquefois par- 
faitement distincts au métacarpe, ainsi qu'au métatarse; par 


exemple , dans le chevrotain aquatique ( moschus aquaticus ). 
&° S, — TOME V. 25 


et le métatarse par : 


366 MÉMOIRES 

Mais, en général, chez les Ruminants, ils se soudent dans ces 
mêmes régions, de manière à ne former qu’une seule pièce ana- 
logue à celle du cheval , sauf la bifidité qu'elle conserve tou- 
jours à son extrémité inférieure ou phalangienne. 

Quant au pouce ou 5° doigt , il disparaît complétement, si 
ce n’est au métatarse , où il est encore représenté par une pièce 
rudimentaire. 

Quelques détails sont indispensables à cet examen comparatif. 


Métacarpe. — Dans le bœuf, le mouton, la chèvre, etc., 
le métacarpien du 1° doigt est libre, quelquefois soudé, mais 
toujours peu développé et sans connexions avec le carpe. Chez 
le bœuf, il est styloïde, assez fort, et d’une longueur variable 
de 3 à 4 ou 5 centimètres seulement. Il s’articule en haut avec 
une facette du 2° métacarpien. Dans le mouton et la chèvre , ce 
419 métacarpien est grêle, allongé, ressemblant à une forte 
épingle , d’une longueur qui peut atteindre jusqu’à 5 centimè- 
tres, et sans articulation avec le métacarpien contigu. 

Le &° métacarpien est encore moins développé. Souvent il 
reste à l’état fibreux. Souvent aussi , dans le bœuf, il se soude 
en haut du bord interne du 3° métacarpien. Quelquefois ce- 
pendant, chez ce même ruminant, on le voit libre, styloïde et 
long de 2 centimètres environ. Il reste ordinairement à l’état 
fibreux dans le mouton et la chèvre. 

Enfin, il n’y a aucune trace métacarpienne du pouce ou 
5° doigt, chez les Ruminants. 

En conséquence, le métacarpe de ces animaux est générale- 
ment réduit à deux pièces libres : l’une grande, double ou 
triple ; l’autre, externe , simple et rudimentaire. Cette région 
sera donc représentée, chez le bœuf, par : 


1.9-93-4 
dans le mouton et la chèvre , par : 
1.9-3 


Métatarse. — Le métatarse de ces quadrupèdes diffère peu 
du métacarpe. Cependant, le 1‘ et le 4° métatarsiens sont 
visibles et soudés en haut et en arrière des grands métatarsiens 


nets tt mt nl 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 367 


réunis. Chacun d'eux affecte la forme d’un renflement pyra- 
midal , à base supérieure , assez fort, et long d'environ 5 cen- 
timètres chez le bœuf. En haut ils se joignent et forment un 
arceau, qui est le contour postérieur d’un conduit vasculaire 
large et court, compris entre eux et les deux grands métatar- 
siens, et qui n'existe pas dans la chèvre et le mouton. 

Leur extrémité supérieure, élargie, est en contact avec les 
os du tarse, savoir : le 1° métatarsien avec une facette du 
prototarse où 1°° portion du cuboïde ; le 4° métatarsien avec 
toute la facette inférieure du tétrotarse ou 2° cunéiforme. Et 
chacun d’eux possède pour cette connexion , éminemment nor- 
male, une facette articulaire, bien séparée de la surface diar- 
throdiale des grands métatarsiens par une large fossette syno- 
viale , comme toujours , dépourvue de cartilage. C'est ainsi que 
les quatre premiers métatarsiens sont rassemblés en un seul 
faisceau : ce qui rappelle la disposition que présente quelquefois 
le métacarpe du bœuf, dans le cas de soudure de ses quatre 
pièces constitutives. 

Enfin, le pouce, ou 5° doigt, dont les traces osseuses dis- 
paraissent toujours à la main des Ruminants , est constamment 
représenté au pied par une pièce métatarsienne distincte, au 
moins chez le bœuf, la chèvre et le mouton. 

Ce fait, si remarquable au point de vue philosophique, n’a 
pas encore été signalé. Cependant, le petit os dont il est ici 
question , est parfaitement connu ; mais il a été considéré jus- 
qu’à présent comme étant le vestige du 4° métatarsien. Là est 
l'erreur que nous avons partagée avec bien d’autres anato- 
mistes : nous nous empressons de la reconnaître , et nous ve- 
nons aujourd’hui la rectifier par une nouvelle détermination. 

La pièce métatarsienne dont il s’agit est lenticulaire : elle res- 
semble à un bouton aplati dont la largeur est au moins de 2 centi- 
mètres chez le bœuf, et d'environ { centimètre chez le mouton. 

Elle est pourvue d’un pédicule qui, par une facette articu- 
laire, s'applique en haut et en arrière du métatarse, c’est-à- 
dire, de cette partie que les connexions tarsiennes nous ont 
fait reconnaître pour le 4° métatarsien. Par conséquent, la 


368 MÉMOIRES 

pièce osseuse articulée avec ce 4° métatarsien est bien le rudi- 
ment du 5°, réduit à son extrémité supérieure ; en d’autres 
termes, c’est la trace métatarsienne du pouce : telle est sa vé- 
ritable signification, d'autant plus intéressante, que c'est là Le 
seul vestige bien évident de ce doigt chez les Ruminants. 

En résumé, le métatarse de ces mammifères est formé , 
comme leur métacarpe, de deux pièces distinctes , mais de va- 
leur différente, facile à constater en comparant la formule mé- 
tacarpienne à celle du métatarse, ainsi exprimée : 


1-9-5-#.5 
RÉGION PHALANGIENNE. 


A la suite du métacarpe et du métatarse vient, pour chaque 
doigt , la région phalangienne, qui se compose, comme nous 
l'avons déjà indiqué, des phalanges et de leurs sésamoïdes. 


Des phala nges. 
€ 


En général , chez les mammifères, chaque doigt porte 3 pha- 
langes. L'exception que présente sous ce raport le pouce , qui n'a 
que 2 phalanges , n’est qu’apparente. En effet, avec M. Joly, 
dans nos Ætudes d'anatomie philosophique, nous avons établi 
que la 1'° phalange de ce doigt était soudée à l'extrémité infé- 
rieure du métacarpien ou du métatarsien correspondant. 

En conséquence, le nombre total des phalanges est virtuel- 
lement de 15. Et la disposition de ces os sera facilement repré- 
sentée par la formule suivante : 

de PNOACNERAE CAD 
AE. ARE DEP PAUL 
d' UMNers HOT 

Chez l’homme et les singes, à la main comme au pied, par 
suite de la soudure de la 1° phalange du pouce, le nombre 
total est de 14. 

Ilen est de même à la main des chats, du chien, et du 
lièvre ; mais, à leur pied, le pouce, très-réduit, ne portant 
pas de phalanges , le total n’en est plus que de 12. 

Ce même nombre est aussi celui qu’on retrouve à la main ct 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 369 


au pied du porc, dont le pouce est ordinairement très-rudi- 
mentaire et sans phalanges ; disposition qui sera ainsi traduite : 


QE Ste VAE 
L'HONIENS" 
( MSA 92"! 4 5 42 k!! 


Dans les Ruminants, le 1° et le 4° doigt étant presque tou- 
jours très-peu développés, leurs phalanges doivent en même 
temps disparaître, comme on le voit, chez le mouton, la 
chèvre, etc. Elles persistent cependant chez le renne , les 
chevrotains , ete. Et on retrouve encore dans les onglons du 
bœuf une petite phalange onguéale appartenant à ces mêmes 
doigts. Ces deux pièces, ajoutées aux trois phalanges propres 
à chacun des deux grands doigts , forment donc, pour le bœuf, 
un {otal de 8 phalanges ainsi disposées : 


11 
M or 


tandis que, chez le mouton et la chèvre, il n'y a plus que 6 pha- 
langes , appartenant aux deux doigts principaux ; c’est-à-dire : 
2 
DAINNE 
D LS 


Enfin, chez les chevaux, le 1% et ie 4° doigt sont dépourvus 
de pbalanges. Il en est de même pour le 5°, comme chez les 
tuminants , le porc et d'autres mammifères plus élevés dans 
la série zoologique. 

I n'y a donc plus, comme chez la plupart des Ruminants, 
que les phalanges des 2° et 3° doigts (annulaire et médius ). 
Mais ici la fusion , déjà complète au métacarpe et au métatarse, 
s'est étendue à toute la région phalangienne, de sorte que les 
6 phalanges des deux grands doigts sont, en apparence, ré- 
duites à 3 pièces, ainsi formulées : 

2:— 3 
2° — 3 


9"! pri 3"! 


370 MÉMOIRES 


Tel est ce degré de réduction et de condensation de la partie 
phalangienne qui a si longtemps fait considérer les chevaux 
comme n'ayant qu'un seul doigt, et qui leur a valu le titre de 
solipèdes, ainsi que la désignation si mal fondée de mono- 
dactyles. 

Des Sésamoïdes. 

Sur la face palmaire ou plantaire de chaque doigt, la région 
phalangienne est pourvue d'os sésamoïdes , destinés à favoriser 
le jeu des tendons fléchisseurs. Presque toujours négligés dans 
les études ostéologiques , ces osselets sont généralement peu 
connus, même quant à leur nombre réel. 

Il y a deux ordres de sésamoïdes : les supérieurs et les 
inférieurs. 

Les sésamoïdes supérieurs sont situés en arrière des articu- 
lations métacarpo ou métatarso-phalangiennes. Ils sont géné- 
ralement doubles , c’est-à-dire, disposés par paires , une pour 
chaque doigt. 

Les sésamoïdes inférieurs sont toujours simples, et placés 
en arrière de la jointure des 2‘ et 3° phalanges. 

En supposant ces os au complet, il y en aurait 3 pour chaque 
doigt, et, par conséquent, le nombre virtuel des sésamoïdes 
serait de quinze : 10 supérieurs et 5 inférieurs. 

Mais , soit par défaut de développement, soit par suite de 
soudure avec les phalanges contiguës, on ne rencontre jamais 
ce nombre de pièces sésamoïdiennes , au moins dans les espèces 
que nous ayons pu examiner. 

Chez l’homme , à la main comme au pied, les sésamoïdes 
sont toujours moins développés que chez les quadrupèdes. Dans 
les sujets robustes, on rencontre quelquefois un sésamoïde 
supérieur à chacun.des quatre premiers doigts, et plus souvent 
au 3° (médius), et.au 4° (index); mais, au pouce, il y en 
a constamment une paire. — Quant aux sésamoïdes inférieurs, 
ils manquent, si ce n'est parfois celui du pouce. Il n’y a donc 
ordinairement chez l'homme qu'une paire de sésamoïdes supé- 
rieurs appartenant au pouce de la main, ainsi que du pied. 

Dans les Carnassiers ayant cinq doigts complets à la main, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 371 
comme les chats et le chien , il y a toujours une paire de sésa- 
moïdes supérieurs pour chacun des quatre premiers doigts, et un 
seul pour le pouce ; en tout 9. Mais il n’y en a que 8 au pied de 
ces mêmes animaux, parce que le pouce est rudimentaire. 

Ce nombre 8 existe aussi chez le lièvre , au pied et à la 
main, par suite du faible développement du pouce. 

Quant aux sésamoïdes inférieurs , ils existent dans le lièvre 
ainsi que dans les Carnassiers , mais ils sont soudés à La partie 
postérieure de la 3° phalange terminant chaque doigt. 

Dans le pore, au pied comme à la main, chacnn des quatre 
doigts développés porte une paire de sésamoïdes supérieurs et 
un sésamoïde inférieur ; en tout 12. 

Dans les Ruminants , tels que le bœuf, la chèvre et le 
mouton , les deux grands doigts, seuls pourvus de phalanges, 
ont chacun deux sésamoïdes supérieurs et un inférieur ; en 
somme 6. 

Enfin, chez les Æquidés , les deux grands doigts étant 
réunis en un seul, leurs sésamoïdes ont subi le même genre 
de fusion ; de sorte qu'il n’y en a plus que 3 , deux supérieurs 
et un inférieur, 

Je ne crois pas pouvoir donner à ce travail une conclusion 
plus significative qu’en dressant , pour la main et pour le pied , 
un tableau indiquant dans chaque région le nombre des pièces 
osseuses distinctes chez les différents mammifères qui vien- 
nent d’être successivement comparés au type primordial qui 
les domine. 

Entre autres faits, bien faciles à constater à l’aide de ce relevé 
général , on remarquera que si, à la main et au pied , le chiffre 
total des pièces constitutives s'élève virtuellement à 45, ce 
nombre n’est pas atteint même par l’homme, moins complet, 
sous ce rapport que d’autres mammifères. 

Enfin , le résumé général de ce travail est exposé dans un 
second tableau qui, réunissant les principales formules, permet 
de saisir d’un seul coup d'œil les dispositions les plus variées, 
et fait ressortir en même temps l’analogie qui les ramène toutes 
à l'unité. 


372 MÉMOIRES 


MAIN. | 
5 À PHALANGES. SÉSAMOÏDES. 
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gre qms 3m | SupértS, intérieurs 
Archétype. — 5 5 5 5 10 5 45 
{| Homme. .…. — 5 4 5 5 2 1 29 
4 
Chat ee. — 5 4 5 5 9 1 36 
3 
[| Chien.....| — 5 4 5 5 9 n 35 
Lièvre. ... — 5 4 5 5 s 1 36 
4 
EOrC- D 4 4 4 4 8 4 36 
4 
Bœuf. .... Tan 2 2 2 4 [A 2 22 
4 
Mouton. ..| 2 2 2 2 4 2 20 
! 4 
Chevaux... | — 3 1 1 1 2 1 17 
PIED. 


PHALANGES. SÉSAMOIÏDES. 
Large, MUR Re TO AE LR 
re 20 3m | Supér's, |Inférieurs 


Archétype. 5 5 5 5 5 10 £ 45 


Homme. .. 5 4 5 28 


Chien 


Lièvre. ... 


|| Mouton... 


|| Chevaux... 


Main. 


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Métacarpe,... 
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DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 373 


BULLETIN 


DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE PENDANT L'ANNÉE 1835. 


M. le Secrétaire donne lecture de la correspondance, tant 
imprimée que manuscrite, reçue depuis la dernière réunion 
de l’Académie. Il est statué successivement sur les diverses lettres 
communiquées. 


Au nom d’une Commission composée de MM. Lavocat , Bel- 
homme et Joly rapporteur, M. Joly fait un rapport sur les 
fossiles envoyés à l’Académie par M. Parayre, pharmacien à 
Castres. (Inséré dans le Rapport lu à la séance publique 
du 3 juin, page 275.) 


M. le Président communique une lettre annonçant le décès 
de M. le D° Viguerie , associé libre de l’Académie. Conformé- 
ment à ses Statuts, l’Académie sera convoquée pour assister 
aux obsèques de cet éminent et si regrettable confrère. 


M. Dacun, récemment élu membre de l'Académie, lui fait 
hommage de la {°° partie d’un Traité de physique, dont il est 
l'auteur. M. Joly fait un pareil hommage pour son ouvrage 
intitulé : Grammaire allemande simplifiée. 


Une Note , adressée par M. Nuc, contient l'exposé d’un nou- 
veau moyen de jauger les tonneaux : elle est renvoyée à 
l’examen de M. Brassinne, qui fera un rapport, s’il y a lieu. 


M. Fizmoz remet à l’Académie, de la part de M. Timbal- 
Lagrave, la suite des Recherches sur les hybrides d'orchis 
et de sérapias. (Imprimé, page 299.) 

L'ordre du travail appelle M. Lavocat, qui communique à 
l’Académie un Mémoire intitulé : Æpercu comparatif et phi- 
losophique sur les os de l'avant-bras. (\mprimé , page 27.) 


Séance 
du 4 janvier, 


11 janvier. 


18 janvier. 


374 MÉMOIRES 


Un Rapport est présenté par M. Clos , au nom d’une Commis- 
sion, sur les nombreux et importants travaux de M. Pouchet, 
professeur d'histoire naturelle à Rouen. M. Clos conclut à ce 
que le titre d’Associé correspondant soit décerné à ce savant, Il 
sera statué, dans la prochaine séance , sur cette proposition. 


M. Jozy fait à l’Académie la proposition de donner le titre de 
Correspondant à M. Burnouf, professeur à la Faculté des Let- 
tres de Nancy, déjà connu par ses travaux de physique et de 
mécanique. Cette proposition est appuyée par M. Molins, 
et sera soumise au vote de l’Académie dans la séance pro- 
chaine. 


M. le Président désigne une députation de trois Membres, 
MM. Larrey, Astre et Barry, qui sont chargés d’aller présenter 
à la famille de M. le Docteur Viguerie les compliments de con- 
doléance de l'Académie. 


M. Ficmoc communique à l’Académie la suite de ses re- 
cherches sur les pouvoirs décolorants et absorbants des corps 
insolubles. (Imp., pag. 1.) 


Conformément aux propositions faites dans la dernière 
séance, l’Académie confère le titre d’Associé correspondant à 
M. Pouchet, correspondant de l'Institut, professeur d'histoire 
naturelle à Rouen, et à M. Burnouf, professeur à la Faculté 
des Lettres de Nancy. Ils appartiendront , l’un à la classe des 
Sciences, section d'Histoire naturelle, l’autre à la classe des 
Inscriptions et Belles-Lettres. 


M. Brassinxe fait un rapport sur un travail de M. Nuc, relatif 
à un nouveau moyen de jauger les tonneaux. M. Nuc assimile la 
courbure d’un tonneau à celle d’un ellipsoïde de révolution qui 
passerait par les deux cercles servant de bases, et par le cercle 
du milieu , considéré comme le plus grand parallèle ; il donne 
un procédé très-simple pour évaluer un segment de cet ellip- 
soïde , et par suite le volume du tonneau. M. Brassinne s’attache 
à faire ressortir le mérite de ce travail qui, sans présenter un 
résultat vraiment nouveau , n’en est pas moins une étude très- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 379 
bien faite de la question que l’auteur se proposait de résoudre. 
Conformément aux conclusions du rapport, l’Académie décide 
que des remerciments seront adressés à M. Nuc pour son intéres- 
sante communication. 


Parmi les divers ouvrages adressés à l’Académie, on remar- 
que un magnifique volame in-folio, renfermant le recueil des 
observations météorologiques faites à Udine, en Italie, par feu 
Girolamo Venerio , pendant les quarante années comprises entre 
1803 et 1842. 


M. Petit est chargé de faire un rapport sur cet ouvrage. 


L'Académie a également reçu une caisse renfermant civers 
ossements fossiles, découverts dans les environs de Castres par 
M. Léonce Roux. 

Ces fossiles sont renvoyés à l'examen d’une Commision com- 
posée de MM. Joly, Leymerie et Noulet. 


M. Tillol, correspondant à Castres, a transmis un travail 
relatif à une théorie générale des transversales. 

M. Brassinne est chargé d'examiner ce travail et d'en 
rendre compte à l’Académie. 


M. Filhol, appelé par l'ordre du travail, ayant déjà payé 
son tribut académique dans la précédente séance, M. Perir prend 
la parole pour annoncer que M. Leverrier, Directeur de l'Obser- 
vatoire de Paris, lui a écrit pour lui donner quelques indica- 
tions relativement aux observations à faire sur la nouvelle co- 
mète, découverte tout nouvellement à Paris. 

On sait que cet astre , dont il a été déjà question dans quelques 
journaux quotidiens , présente une particularité très-remarqua- 
quable : on ÿ voit, eneffet, plusieurs points lumineux au mi- 
lieu de la nébulosité. Malheureusement , l’état de l'atmosphère 
et le brouillard intense qui a régné à Toulouse, n’ont pas permis 
à M. Petit de faire les observations qui lui étaient demandées. 
Si le temps devient favorable et que ces observations puissent 
s'effectuer , M. Petit s'empressera de les communiquer à l'Aca- 
démie. 


95 janvier. 


L* février. 


376 MÉMOIRES 


M. BRassiWxe communique une lettre , par laquelle M. Labat, 
organiste et correspondant de l’Académie , annonce la décou- 
verte qu'il vient de faire de quelques chants religieux du xn° 
siècle. Ces chants sont notés sur de vieux parchemins, servant 
de couverture à d'anciens cahiers conservés dans les archives de 
la mairie de Montauban. M. Labat se propose de traduire cette 
ancienne musique d’après le système moderne d'écriture mu- 
sicale, 

M. Brassinne fait ressortir tout ce qu’une semblable décou- 
verte offre d'intéressant , tant sous le rapport archéologique que 
sous celui de la science musicale. 

MM. D. Bernard, du Mège et Vitry prennent successivement 
la parole pour signaler les découvertes analogues qui ont été 
faites dans diverses villes de France, et notamment à Toulouse, 
par M. Belhomme, dans les archives de la préfecture de la Haute- 
Garonne, à la suite de recherches provoquées sur ce sujet par 
les instructions émanées à diverses époques du ministère de 
l'instruction publique. 


L'Académie, considérant que M. Labat, par la nature de ses 
études et de sa profession, est en position de tirer un grand 
parti de ces documents, l'invite à poursuivre et à développer 
ses intéressantes recherches. 


M. Boussard soumet à l'examen de l’Académie une pendule 
portative à force constante, sonnant l'heure et les quarts en 
passant ; elle est de plus à répétition à volonté. 

Renvoyé à une Commission composée de MM. Brassinne, 
Gascheau , Petit. 


M. Bexecu donne lecture d’un travail ayant pour titre : 
Notice sur Pierre de Beloy, Conseiller du Roy et Avocat 
au Parlement de Toulouse. (Imprimé dans ce vol., p. 59.) 


M. Sauvace demande la parole pour faire ressortir tout l'in- 
térêt que présente pour la ville de Toulouse le remarquable 
travail qui vient d'être soumis à l’Académie. M. Ducos se Joint 
à M. Sauvage pour féliciter M. Benech d’avoir arraché à Poubli 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 377 
le nom de de Beloy, alors surtout que , depuis quelque temps, 
une indifférence coupable, peut-être même un sentiment plus 
hostile encore, semble vouloir s'attacher aux illustrations de 
notre Midi. 

L'ordre du jour étant épuisé, M. Virry annonce qu'au milieu 
des fouilles qu'il fait exécuter pour creuser une cave dans 
l’hôtel de M. Laromiguière, il a été découvert une quantité assez 
considérable d’ossements et une pierre tombale sur laquelle est 
gravée, de grandeur naturelle, l'effigie d’une abbesse du couvent 
de Saint-Pantaléon ; elle tient la crosse d’une main, et sa tête 
est ornée d'une couronne ducale. Malheureusement l’inscrip- 
tion , qui est de 1371, a été dégradée dans la partie qui ren- 
fermait les noms de la défunte , et il est à peu près impossible 
de les déchiffrer. 

M. du Mège ajoute que le monument, dont l'existence lui 
avait été signalée , va être , sur sa demande , déposé au Musée, 
par suite du don qu'en a fait M. Laromiguière. 


M. Vitry rappelle que déjà l'Académie avait pris en considé- 
ration la proposition qui avait été faite ,-dans la séance du 
4 juin 1851, relativement à la nécessité de réintégrer dans 
les archives de la mairie plusieurs papiers et plusieurs docu- 
ments ayant un grand intérêt historique. Il signale quelques 
cahiers qui restent du cadastre de 1450 , écrit en roman, et 
ceux du cadastre de 1549. Ces documents sont déposés au- 
jourd'hui dans une dépendance du bureau des Contributions ; 
ils n'offrent pour cette branche de service aucune espèce d’uti- 
lité; ils seraient donc plus convenablement , et surtout plus 
sûrement placés dans les archives mêmes du Capitole. 

M. Astre appuie les observations qui viennent d’être présen- 
tées , et l’Académie décide qu’une demande sera adressée à l’Ad- 
ministration municipale pour la prier de vouloir bien faire 
opérer le dépôt de ces anciens et précicax documents dans les 
archives générales de la mairie. 


Divers objets d'antiquité sont envoyés à l’Académie par 
M. Grat; on y remarque particulièrement deux sceaux des 


8 février. 


45 février. 


378 MÉMOIRES 


rois de France, une pièce représentant Philippe, empereur ro- 
main, quatre pièces en argent, dont une à l'effigie de Tibère , 
une pièce argentée et vingt-huit autres en cuivre, trouvés à 
Saint-Jean-de-Verges. Ces objets sont soumis à l'examen de la 
Commission déjà nommée pour faire un rapport sur une com- 
municalion de même nature. M. Barry est adjoint à cette Com- 
mission. 


M. N. Jocy communique, en son nom et au nom de M. Lavo- 
cat, son collaborateur, un Mémoire intitulé : Etudes tératolo- 
giques sur un anencéphale anoure, appartenant à l'espèce 
bovine. (Imprimé, page 107 ). 

Cette lecture donne lieu , de la part de M. Gaussail, à quel- 
ques observations suivies d’une réponse de M. Joly. 


M. Brass entretient l’Académie d’un travail de géométrie 
qui lui a été adressé par M. Tillol, un de ses correspondants à 
Castres. M. Tillol, poursuivant ses études sur les surfaces , 
expose de nouvelles propriétés relatives aux segments que for- 
ment des transversales rectilignes en coupant une surface de 
degré quelconque. M. Brassinne entre à ce sujet dans quelques 
détails pour mieux faire apprécier ce que ces recherches of- 
frent de curieux et d’intéressant. 


M. Perir communique un travail relatif aux trajectoires des 
deux nouveaux bolides qui ont été vus. (Imprimé, page 130.) 


Après quelques paroles approbatives et élogieuses de M. Mo- 
lins sur le travail de M. Petit, M. le Président accorde la pa- 
role à M. Gaussail pour la partie médicale du rapport concer- 
nant les divers ouvrages adressés par M. Boileau de Castelnau. 
Ce rapport est favorable. 


L'Académie procède ensuite à l'élection d’un membre corres- 
pondant, et M. Boileau de Castelnau, docteur en médecine à 
Nîmes, est élu pour prendre rang dans la classe des Sciences , 
section de Médecine. 


M. Perir fait un rapport très-favorable sur un ouvrage de 
feu Girolamo Venerio, qui, pendant quarante ans, de 1802 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 319 
à 1843, a fait, à Udine, dans le Frioul, avec un zèle au- 
dessus de tout éloge, des observations météorologiques dont la 
discussion , présentée par l’auteur lui-même, offre des rensei- 
gnements précieux. Il propose à l’Académie d'adresser une let- 
tre de remerciment à la famille de Girolamo Venerio. Ces 
conclusions sont adoptées. 


M. Asrre lit une suite à la Notice qu'il a présentée l’année 
dernière sur l’Anstitution Smithsonienne. (Imprimé, p. 123.) 


M. ou Mëce, appelé par l'ordre du jour, lit un Mémoire in- 
titulé : Le serment des Capitulaires où Capitouls de Tou- 
louse, pendant le xr° siècle, et note sur leurs sceaux et 
leur administration financière. 

L'auteur rappelle d'abord que, malgré les nombreux écri- 
vains qui se sont occupés de l’histoire de Toulouse , les annales 
de cette capitale du Languedoc n’ont pas été convenablement 
tracées. Passant ensuite à des recherches sur l’origine du nom 
porté par les magistrats municipaux de cette ville, il adopte 
l'opinion qui fait dériver ce litre, non de l’existence du Capi- 
tole, mais de celle d’un chapitre ou capitulum, composé de 
24 citoyens ou prud'hommes chargés, sous le règne des Comtes, 
de l'administration politique, civile et judiciaire. IL montre 
ensuite la ville divisée en cité et en bourg ; puis, passant à des 
temps plus rapprochés de nous, il s'attache à prouver que 
dès la réunion du comté de Toulouse à la couronne de France, 
les priviléges, les franchises, les libertés de la ville, disparais- 
sent graduellement. Le serment prononcé par les Capitouls, 
lors de leur installation par le Viguier royal, lui en fournit de 
nouvelles preuves. On y voit que de nouveaux modes d'élection 
y sont formulés, que c’est le Viguier, officier délégué par le Roi, 
qui choisit les magistrats , réduits au nombre de huit, sur une 
liste triplede notables désignés par les Capitouls sortant de charge. 
Ce serment est en langue romane telle qu’on la parlait à Tou- 
louse au xv° siècle. M. du Mège présente des observations à ce su- 
jet; puis, comme il reconnaît toute la pureté de l'administration 
financière des Capitouls, il rejette, dans des notes placées à la 


2 février. 


1" mars. 


380 MÉMOIRES 


fin du Mémoire, des détails relatifs à la manière de solder les 
dettes de la ville, à la forme des pétitions ou suppliques adres- 
sées aux Capitouls par les créanciers, au fameux sceau secret 
de ces magistrats et à ceux de ces sceaux qui devaient être em- 
preints sur les mandats tirés sur le trésorier de la ville. M. du 
Mège fait remarquer que parmi ces mandats, il en est un en 
faveur du célèbre sculpteur Nicolas Bachelier, élève de Michel- 
Ange, artiste dont le buste est honorablement placé dans la 


salle des Ilustres, et qui ne prend et à qui l’on ne donne que le 
ütre de tailleur de pierre. 


M. AsTRe, prenant la parole après cette lecture, reconnaît 
l'importance du document communiqué par M. du Mège; mais 
il pense que cette pièce a dù être connue des historiens de la 
ville de Toulouse, et s'ils n’en ont pas fait mention dans leurs 
ouvrages, il explique leur silence par le soin qu’ils mettaient 
sans cesse à conserver le prestige du Capitoulat, négligeant à 
dessein les faits qui montreraient l’amoindrissement ou la perte 
de leur influence. Il résulte, en effet, de la teneur du serment 
des Capitouls que, vers la fin de la première moitié du xv°siècle, 
leur pouvoir était passé aux mains du Viguier, véritable repré- 
sentant de l'autorité centrale, duquel ils tenaient leur nomi- 
nalion , et à qui ils étaient constamment soumis. Mettre au jour 
un pareil document, c’eüt donc été avouer que les Capitouls 
étaient déchus de leurs priviléges, et cet aveu aurait renversé 
les prétentions en faveur de cette célèbre institution munici- 
pale. Il n’en est pas moins vrai que la pièce découverte par 
M. du Mège offre tout l'intérêt de la nouveauté, en même temps 


qu'elle forme un des plus précieux matériaux de l’histoire 
locale, 


MM. Brassixe et Ficnoc proposent à l’Académie de déclarer 
la vacance de deux places d’associés ordinaires dans les sections 
des Mathématiques pures et des Sciences physiques. 

Cette proposition est prise en considération. 


M. Gascneau dépose sur le bureau un Mémoire de M. Saint- 
Guilhem, correspondant, qui en fait hommage à l'Académie. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 381 
Ce Mémoire contient une nouvelle Méthode synthétique du mou- 
. E] . J LE] . , 
vement de rotation d'un corps solide autour d’un point fire. 
(Imprimé, page 338. ) 


M. Brassixxe lit deux notes sur deux points fondamentaux 
de la mécanique analytique. Dans la première note, l'auteur 
démontre que la transformation que Lagrange fait subir aux 
équations-du mouvement dans la &° section de la seconde partie 
de son ouvrage a toute la généralité désirable, et que l'emploi 
de la caractéristique des variations permet de considérer comme 
constant le terme relatif au temps. 

Dans la seconde note, M. Brassinne démontre la généralité 
des vitesses virtuelles ; il en déduit les conditions d'équilibre 
d’un corps solide, dont les points sont déterminés par des coor- 
données obliques. ( Imprimé, page 137.) 

M. Molins s'empresse de reconnaître l’exactitude des remar- 
ques qui font l'objet des deux notes de M. Brassinne. Ces re- 
warques seront uliles surtout aux jeunes mathématiciens qui 
voudront approfondir le grand ouvrage de Lagrange. Elles 
auront, en outre, tout l'intérêt de l'a-propos; car l’enscigne- 
ment de la mécanique, tel qu'il est actuellement pratiqué , se 
rapproche de la marche suivie par l'auteur de la Mécanique 
analytique, en ce sens que le principe des vitesses virtuelles , 
ou autrement dit l'équation du travail des forces, sert de base 
à la plupart des grandes théories; et, pour citer un exemple, 
c'est ainsi qu'on déduit de l'équation du travail des forces, les 
six équations de l'équilibre d'un corps solide sollicité par des 
forces quelconques. 


M. ou Mic fait, au nom d’une Commission , un rapport fa- 
vorable sar les objets d'archéologie trouvés à Saint-Jean-de- 
Verges par M. Grat, conducteur des ponts et chaussées. Il pro- 
pose à l'Académie d'encourager les efforts et Le zèle de M. Grat, 
en lui décernant, dans la séance solennel'e de la Compagnie, 
une médaille d'argent sur laquelle sera inscrit le nom ce l'au- 
teur de la découverte et le motif de cette récompense. Ces con- 
clusions sont adoptées. 


k°S, — TOME Y. 26 


$ mars, 


382 MÉMOIRES 

M. Asrre lit quelques réflexions sur le néologisme venu de 
l'anglais. 

I présente d'abord des considérations générales sur la for- 
mation ei les changements des langues , et, en particulier, sur 
les origines du français, sur les influences et l'utilité qu'il : 
reçues des langues anciennes ou vivantes. Il fait ensuite ressortir 
les ressemblances et les différences existantes entre le français 
et l'anglais par suite de leurs sources communes ou diverses. Il 
se demande quelles seront les conséquences de l'emploi trop 
fréquent aujourd'hui des mots anglais. 

Suivant M. Astre, l'introduction d’un mot ne peut être arbi- 
iraire, et doit être soumise à certaines conditions de forme , de 
clarté expressive et de transformation. Ces conditions sont loin 
d'être recherchées et remplies dans la presse, au théâtre , par- 
tout, même dans le langage officiel. De l'abus si regrettable 
déjà dans les mots, on va jusqu’à l’abus pour la forme et la 
construction des phrases ; on use d’une phraséologie contraire à 
ce qui tient au génie de la langue qui, tout en se perfection- 
nant, est restée, sous ce rapport, immuable depuis des siècles. 

Il y a dans les langues française et anglaise beaucoup de mots 
semblables pour l'origine, la signification et l'orthographe, dont 
la prononciation seule est différente, sur lesquels les emprunts 
sont rares et sans portée ; il en est autrement quant à ceux 
qui, dérivés des idiomes septentrionaux , n’ont pour le sens 
que des équivalents, tandis que, leur orthographe étant le plus 
souvent surchargée de voyelles redoublées , de consonnes mul- 
tipliées, ils sont étrangers à notre vue par leur aspect, comme 
à notre ouïe par leurs sons. Avant d'employer de pareils mots, 
s'ils sont reconnus indispensables , il faudrait en bien fixer le 
sens et leur imposer des modifications analogues à celles qu'ont 
subies quelques mots qui, perdant leur physionomie étrangère, 
ont été tout à fait francisés ; l'orthographe à conserver, sous pré- 
texte d’étymologie, paraît ici sans conséquence et sans valeur. 

A l'appui des propositions énoncées et de leurs développe- 
ments, M. Astre a ramené de nombreux exemples; il termine 
en demandant que l’on ne se méprenne pas sur sa véritable 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 383 
pensée : il ne proscrit pas d’une manière absolue l'introduction 
des mots nouveaux , il la voudrait modérée et sagement réglée. 
Les dangers des innovations hasardées chaque jour , sans frein 
et sans méthode, lui semblent manifestes. D'une part, c'est 
l'emploi si peu judicieux de barbarismes inintelligibles pour 
tous ; d’autre part, c’est l’altération dans son essence même de 
notre langue nationale, telle que nous l'ont faite les auteurs im- 
mortels du xvir° siècle. 

A la suite de cette lecture, M. Brassinne présente quelques 
observations. Selon lui, la langue d’un peuple ne saurait être 
définitivement fixée; le néologisme doit recevoir et prendre 
inévitablement des développements de plus en plus considé- 
rables, par suite des relations internationales amenées par les 
chemins de fer, le télégraphe électrique et les rapports, de 
jour en jour plus fréquents , qui s’établissent entre les peuples 
de l'ancien et des nouveaux continents. Tout en approuvant 
les observations de M. Astre , sur la nécessité de faire un choix 
dans l'introduction des mots nouveaux, il croit que le néolo- 
gisme ne saurait être arrêté dans sa marche; car, à des choses ct 
à des idées nouvelles, il faut indispensablement appliquer des 
mots nouveaux. C'est la loi du développement de lesprit 
bumain. 

M. Molinier prend également la parole et présente aussi quel- 
ques observations. Il aurait désiré notamment que M. Astre 
entrât dans quelques développements relativement à l’origine 
même des langues. 

M. Astre, répondant à ses deux confrères , fait observer qu'il 
ne s'est pas élevé contre le néologisme en général, mais , prin- 
cipalement et surtout , contre l'affectation dans laquelle la mode 
semble se complaire , en introduisant certains mots anglais qui 
rendent incomplétement et incorrectement l’idée ou la chose à 
laquelle ils s'appliquent; il donne quelques exemples, et il ter- 
mine sa réplique en faisant observer à M. Molinier, qu'avant 
voulu traiter seulement des néologismes venus de l'anglais , ilne 
pouvait pas s'occuper de l’origine des langues; qu'un pareil sujet 
est trop vaste et trop hérissé de difficultés pour en faire l'objet 


45 mars. 


584 MÉMOIRES 
de prolégomènes, et que, d’ailleurs, il aurait renoncé à entre- 
prendre un pareil travail. 


M. Ficnoz lit une note de M. Timbal-Lagrave sur le sc/ran- 
thus polycarpos. 

L'auteur de cette note annonce que cette plante, qui n'avait 
été trouvée jusqu’à ce jour que dans le climat, la latitude et le 
sol de la région méridionale, a été découverte par un de ses 
amis, M. Lézat, sur la montagne de Bassicé, près le port de 
Castanèze , frontière d'Espagne , et sur les débris des roches 
schisteuses. M. Timbal discute les diverses circonstances de cette 
découverte qui offre un grand intérêt au point de vue de la 
géographie botanique. L'Académie décide que ce travail sera 
déposé aux archives et que des remerciments seront adressés à 
l’auteur. 


Conformément à l'avis développé par deux de ses membres , 
l’Académie prend en considération la proposition de déclarer 
deux places vacantes , l’une dans la section des Mathématiques 
appliquées, et l'autre dans celle de Médecine et de Chirurgie. 
Il sera statué, dans la séance prochaine, sur celte prise en con- 
sidération. 


M. Saint-Martin, instituteur à Marignac, canton de Saint- 
Béat , envoie des échantillons de fossiles trouvés dans la partie 
des Pyrénées comprise entre Cierp et Saint-Béat. 

Renvoyé à MM. Joly, Leymerie, Noulet et Lavocat. 


M. Ducos lit une note sur le vœu de Jephté. (Imprimée, p.143.) 

M. Pagés, tout en rendant justice au mérite du travail de 
M. Ducos, fait observer que l'Histoire du Peuple de Dieu , par 
le P. Berruyer, est considérée aujourd hui comme une fable, 
et qu'il en est de même de l'Histoire de Philon sur les antiquités 
bibliques. C’est donc un roman que M. Ducos a opposé à un 
autre roman. 

MM. Astre et Molinier font des observations dans le même 


sens , tout en reconnaissant cependant , avec M. Pagés et 
M. Ducos, que les sacrifices humains, si fréquents chez tous 


DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 389 
lesanciens peuples , n'étaient point incompatibles avec les mœurs 
et les usages du peuple juif. 


M. Barry fait un rapport favorable sur deux ouvrages inti- 
tulés: des Dynasties égyptiennes et Documents inédits relatifs 
au sire de Joinville. Ces deux opuscules, envoyés à l'Académie 
par M. Champollion-Figeac, correspondant, seront déposés aux 
archives. À 


M. Fiznoz fait hommage, au nom de M. Timbal-Lagrave, 
d’un travail intitulé : Etudes sur la Flore d'Aquitaine, campa- 
nula subpyrænaica. Renvoyé à M. Clos. 


M. Noucer , désigné par l’ordre du travail, lit une note sur 
des restes de cerf et de cheval , découverts à Toulouse. {Impri- 
mée, pag. 156.) 

A l'appui des faits rapportés par M. Noulet, M. Belhomme 
cite quelques châteaux, dont les fossés ont présenté, enfouis sous 
la vase, des débris de cerfs en très-grande quantité. Sur une 
observation de M. Lavocat , relative à la forme de ia mâchoire 
du cheval, M. Noulet ajoute, que ce fragment pourrait appar- 
tenir à la race chevaline du pays. 


M. Fizmoc obtient la parole pour faire deux rapports ; lun 
sur un travail de MM. Homolle et Quevenne, relatif à la digi- 
tale et à la digitaline ; l’autre sur le traité de l’action physiolo- 
gique et thérapeutique des ferrugineux par M. Quevenne. 

Après avoir donné une analyse étendue de ces deux importants 
ouvrages, M, Filhol propose de voter des remerciments anx 
auteurs. Cette proposition est adoptée. 


M. Barry fait un rapport sur une Histoire des Rois de France, 
par M. Charles Malo. Cet ouvrage sera déposé à la bibliothèque. 


L'Académie déclare deux places vacantes , l’une dans la sec- 
tion des Mathématiques pures, et l’autre dans celle de Chimie, 
et fixe le jour de la nomination au 3 mai. 


Enfin, M. Bezuomme présente également un rapport sur un 
ouvrage de M. le docteur Barjaval , intitulé : Dictons et sobri- 


22 mar, 


29 mars. 


386 MÉMOIRES 

quets patois des villes, bourg, villages du département de 
Vaucluse. Le Rapporteur cite plusieurs extraits de cet ouvrage 
intéressant ; il critique quelques traductions qui ne lui paraissent 
pas exactes, mais il fait aussi ressortir toute l'étendue et la va- 
leur des nombreuses recherches auxquelles l'auteur a dû se livrer 
pour former un semblable recueil. En conséquence, il propose 
et l’Académie vote des remerciments à M. Barjaval. 

M. Banny soumet à l’Académie quelques Considérations de 
Géographie générale relatives à l'étude des terres émergées. 
Après avoir décrit, dans un chapitre précédent, les grands traits 
de relief des masses continentales, les plaines, les plateaux et 
les montagnes, il se livre aujourd'hui à l'étude ct à l’apprécia- 
tion des causes qui travaillent extérieurement à modifier ou à 
altérer ce relief. Dans le fragment qu’il a communiqué à l’Aca- 
démie, M. Barry a insisté particulièrement sur les altérations 
superficielles produites par les agents atmosphériques { ébou- 
lements ou glissements montagneux, lawines ou avalanches), 
et sur celles que peuvent produire les vents, par le déplace- 
ment des poussières et des sables, dans les déserts d’abord et 
sur les rivages sablonneux des mers à marées bien marquées , 
où cette action donne naissance au phénomène des dunes. 

A l’oceasion de cette communication, M. Brassinne fait ob- 
server que le travail incessant des agents atmosphériques tend 
à changer la forme extérieure du globe par l’abaissement des 
reliefs et le comblement des vallées ; en sorte qu'après une pé- 
riode certainement très-considérable , la terre pourrait offrir à 
peu près une surface plane. é 

M. Vitry ajoute que parmi les faits qui se rapportent aux 
modifications terrestres, on doit mentionner l’exhaussement 
actuel et successif des côtes Scandinaves, et notamment celui 
des terrasses du Limmarck en Norwége, phénomène qui préoc- 
cupe si vivement le monde savant. 

M. Barry répond que ces faits se rattachent à une autre partie 
de son travail, celle qui traite plus particulièrement des agents 
volcaniques. 

Après quelques observations de M. Astre, la discussion est 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 337 
close, et M. Joey obtient la parole pour la lecture du rapport 
dont il avait été chargé concurremment avee MM. Leymerie, 
Noulet et Lavocat. 

Ce rapport a pour objet des ossements fossiles envoyés à 

l’Académie par M. Roux, de Castres. (Inséré dans le rapport 
lu à la séance publique du 3 juin. Foy. page 276.) 
M. Cos fait un rapport verbal sur une note présentée à 
l'Académie par M. Timbal-Lagrave, el ayant pour objet la eréa- 
tion d’une nouvelle espèce dans le genre Campanule, le cam- 
panula subpyrændica Timb. 

De Candolle, qui avait reçu cette plante de Sorèze , l'avait 
réunie comme variété au campanula persicifolia L., mais 
en se demandant s’il ne faudrait pas l’élever au rang d'espèce 
(voir sa Ælore francaise, t. mi, p. 700). Tous Îles auteurs 
venus après lui ont adopté son opinion, Mutel, MM. Grenier 
et Godron , Noulet ct Arrondeau. I est cependant à remarquer 
que de Candole et Duby ont omis de mentionner cette plante 
dans leur Botanicum gallicum ; ouvrage qui à paru treize 
ans après la flore française. 

Le seul caractère assigné par de Candolle à ectte plante con- 
sistait dans la présence de poils blancs, roides et nombreux à 
la surface du calice. D'après M. Timbal-Lagrave, le campa- 
nula subpyrænaïca différerait encore du C. persicifolia par 
ses ovules entourés d’une substance succulente et charnue , par 
ses fleurs plus grandes, par ses feuilles plus longues, arquées 
en debors, par ses graines blanches ou blanc rousstre, avec 
deux anneaux bruns aux deux extrémités. 

M. Timbal-Lagrave ayant disposé de toutes les graines qu’il 
possédait de cette plante, la vérification de ces caractères n’a 
pas été possible. 

En ce qui concerne la question de savoir s’il faut considérer 
celte plante comme variété, le Rapporteur n'ayant pas sufli- 
samment étudié cette plante à l’état vivant, ne croit pas pou- 
voir se prononcer à cet égard. 

Il ajoute qu'on ne saurait arguer de sa reproduction par 
graine pour admettre dans cette plante une espèce nouvelle; car 


19 avril. 


388 MÉMOIRES 

tout le monde sait que les races , considérées par les botanistes 
comme des variétés d'une espèce particulière, partagent ce ca- 
ractère avec les espèces. 

Pour arriver à une solution motivée , il faudrait semer, dans 
les conditions les plus diverses de sol, de climat et d’expo- 
silion , les graines de campanula persicifolia L. et subpyræ- 
naïica Timb., et voir si elles ne passent pas de l’une à l’autre, 
et surtout si la seconde conserve constamment ses caractères 
différentiels. 
€ M. Timbal-Lagrave, dit le Rapporteur , est trop instruit en 
botanique pour ne pas partager les idées que je viens d’é- 
mettre. Il doit faire lui-même l'épreuve indiquée; car il sait 
que le campanula subpyrænaïica n'aura le droit de prendre 
définitivement rang au nombre des espèces que si cette 
» épreuve lui est favorable. 

» Je crois donc pouvoir conclure que la communication de 
» M. Timbal est pleine d'intérêt, en ce qu'elle tend à faire 
» mieux connaître une plante de notre Flore méridionale. J'au- 
» rais proposé à l’Académie d’adresser des remerciments à l’au- 
» eur, si je ne savais que ses communications ont un but 
» spécial. » 

Enfin , M. Clos termine son rapport en faisant observer que 
la note de M. Timbal-Lagrave n’est qu'un fragment des recher- 
ches de l’auteur sur la Flore d'Aquitaine, et qu’elle a paru dans 
le Bulletin publié par M. Billot, sous le titre d’ Archives de la 
Flore de France et © Allemagne, mais que M. Timbal a voulu 
offrir les prémices de ce travail à l’Académie de Toulouse. 


CAN'T CN 


M. Guillory, Président de la Société industrielle d'Angers , 
sollicite le titre d’Associé correspondant; il trausmet à l'appui 
de sa demande un grand rombre de brochures qu'il a publiées 
et dont l'examen est renvoyé à M. Clos. 


M. Boileau de Castelnau , de Nimes, remercie l’Académie du 
ütre de Correspondant qui lui a été décerné, et il adresse un 
travail de météorologie. 

Renvoi à M. Petit. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 389 

M. Sornin se présente comme candidat à la place vacante 

dans la section des Mathématiques pures , el il adresse deux ou- 

vrages imprimés qui sont renvoyés à MM. Brassinne, Molins et 
Gascheau. 


M. Parayre fait un nouvel envoi de divers fossiles trouvés 
dans les environs de Castres. 
envoyé à MM. Joly, Noulet et Leymeric. 


M. Perrey, professeur à la Faculté de Dijon, auteur d’un 
travail approuvé par l'Institut, sur les rapports qui peuvent 
exister entre la fréquence des tremblements de terre et l'âge de 
la terre, demande, pour la continuation de cet ouvrage, la 
communication de quelques documents appartenant à l'Aca- 
démie. ’ 

M. le Secrétaire perpétuel est chargé de répondre à M. Perrey 
que les pièces déposées aux archives seront mises à sa disposi- 
tion , sans déplacement. 


M. Virey , appelé par l’ordre du travail, lit un Mémoire in- 
titulé: Hygiène et salubrité des habitations. (Imprimé p. 165.) 

Cette lecture n'ayant donné lieu à aucune observation , M. le 
Président accorde la parole à M. Joy. Cet académicien commu- 
nique une lettre de M. Burnouf, correspondant, ayant pour 
but l'introduction dans les Facultés des Lettres de l'étude des 
langues orientales, et notamment de celle du sanscrit. 

M. Joly, s’associant à ce projet, demande, tant en son nom 
qu’en celui de M. Burnouf, la nomination d'une Commission 
chargée d'examiner la question. 

La proposition ayant été appuyée par quelques Membres, la 


Commission est nommée par M. le Président, qui désigne. 


M. Barry, du Mège et Astre pour en faire partie, M. Joly étant 
adjoint de droit avec voix consultative, conformément au rè- 
glement. 


M. Timbal-Lagrave écrit pour se présenter comme candidat 
à la place vacante dans la section de chimie. Il transmet, à 
l’appui de sa candidature, deux nouveaux Mémoires relatifs , 


26 avrik 


390 MÉMOIRES 
l’un à des recherches chimiques sur la digitale, l’autre à une 
monographie des espèces du genre cyperus de la Flore Tou- 
lousaine. 

La lettre et les travaux de M. Timbal sont renvoyés à l’exa- 
men de MM. Filhol, Couseran , Magnes-Lahens et Clos. 


M. Noccer obtient la parole pour la lecture d’un Mémoire 
iutitulé : Description de l'Unio Rouxii, espèce fossile nou- 
velle retirée des incrustations calcaires de Castres.(Imprimé, 
page 159.) 


Après cette communication, M. LÉoN CLos, membre cor- 
respondant, lit un travail sur les Bastides, et en particulier 
sur celle de Revel. (Imprimé, p. 192.) 


M. Dubor , dont M. Clos avait cité le travail sur la charte 
de Beaumont-de-Lomagne (1), corrobore, par quelques déve- 
loppements, l'identité presque complète que présentent les cou - 
tumes et franchises des bastides royales dans le Midi dela France. 
Enfin, M. Barry ajoute que ces documents et les commentaires, 
dont ils peuvent être accompagnés, peuvent fournir des résul- 
tats très-intéressants. 


L'Académie déclare deux places vacantes, l’une dans la sec- 
tion des Mathématiques appliquées, l’autre dans celle de Mé- 
decine et de Chirurgie. Les candidats devront se faire inscrire 
avant le 16 mai prochain ; le jour de la nomination est fixé au 
24 du même mois. 


Dans la précédente séance, M. Perir avait été chargé d’exa- 
miner un travail sur des observations de météorologie faites 
par M. Boileau de Castelnau, à Nimes. Ce travail, d’après 
M. Petit, présente un grand intérêt par les comparaisons qu’il 
renferme sur les moyens thermométriques minima et maxima, 
entre Paris et Nîmes, soit pendant l'été, soit pendant l'hiver. 
Il résulte des rapprochements faits par l’auteur, que lesmalades 


(1) Mémoires de l’Académie des Sciences de Toulouse, 3° série , tom. 6, 
pag. 113. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 391 
que l’on envoie en Italie pour chercher un climat plus doux , 
pourraient avantageusement s'arrêter dans le Midi de la France, 
où ils trouveraient , sans expatriation , tous les éléments cli- 
matériques nécessaires au rétablissement de leur santé. 

M. Vitry fait observer que la méthode de comparaison adoptée 
par M. Boileau de Castelnau lui paraît d'autant plus digne 
d’éloges, que les courbes isothermes tracées jusqu'à présent sur 
le globe terrestre, d'après les moyennes thermométriques , en- 
trainent de graves erreurs relativement à l’acclimatation ou à 
la conservation des produits du règne animal ou végétal, tandis 
que les maxima et les minima sont en réalité les causes qui 
exercent la plus grande influence sur la vie des plantes ou des 
animaux. 


M. Ficnoz fait un rapport verbal sur le manuscrit renfer- 
mant la partie botanique du voyage dans le Sahara, par M. le 
docteur Armieux , correspondant de l’Académie. Après un 
aperçu rapide sur la physionomie de cette partie de nos posses- 
sions d'Afrique qui constitue une zone botanique à part, l’au- 
teur donne la nomenclature et la description des plantes qui 
croissent dans les hauts plateaux ou grandes plaines, dans les 
chotts ou terrains d’eau salée, dans les montagnes et dans les 
oasis. Cette liste commence par les végétaux qui croissent en 
plus grande abondance dans chaque zone et finit par ceux 
qu'on n’y remarque qu’accidentellement. M. Armicux fait ob- 
server que le palmier dattier qui croît sur les bords de la Médi- 
terranée en Afrique et même en Europe, ne donne des fruits 
que dans le désert, qui est sa véritable patrie. Ce n’est qu'à 
partir du 34° degré de latitude nord qu’on le voit dans toute 
sa force et dans toute sa splendeur. 

Il cite aussi le pistolier atlantique ( pistoïca atlantica), de la 
famille des térébinthes, décrit pour la première fois par Desfon- 
taines (Flore Atlantique.) Cet arbre, au tronc élevé quelquefois 
de-15 à 20 mètres, et de { mètre de diamètre, vient dans les 
terrains arides en résistant à la sécheresse et aux températures 
les plus élevées ; il croît en Afrique dans les plus mauvaises 
conditions, et serait très-propre au reboisement de montagnes 


3 mai. 


392 MÉMOIRES 
arides et nues sur lesquelles les autres arbres ne peuvent 
réussir. 

Quant aux arbres fruitiers, on a écrit souvent qu’ils ne vien- 
nent dans le désert qu’à l'ombre protectrice des palmiers. Cette 
assertion est fausse , car M. Armieux a trouvé des oasis sans 
dattiers, et les arbres d'Europe y étaient aussi beaux ct plus 
nombreux qu'ailleurs. Ce qui les protége, c’est une incessante 
irrigation qui leur fait braver les ardeurs du soleil et leur donne 
une verdure inaltérable. 

M. Filhol termine son rapport en proposant d'adresser des 
remerciments à M. Armieux pour son intéressante communi- 
calion. 

Ces conclusions sont adoptées à l'unanimité. 


M. le docteur Dassier écrit à l’Académie pour annoncer qu’il 
se présente comme candidat à la place vacante dans la section 
de Médecine et de Chirurgie ; il adresse en même temps plu- 
sieurs Mémoires à l’appui de sa candidature. 


M. Mouws, désigné par l’ordre du travail, communique et 
développe le théorème suivant : l’Intersection de deux sur- 
faces du second degré dont les plans principaux sont parat- 
lèles se trouve sur une surface sphérique : 1° si les surfaces 
ayant un centre , ily a proportionnalité entre les excentri- 
cités de deux de leurs sections principales; 2 si les surfaces 
n'ayant pas de centre, la somme des rapports des parami- 
tres de ces mêmes sections est égale à l'unité. (Imprimé, 
page 205.) 

M. Brassinne insiste sur l'intérêt que présentent les travaux 
entrepris par M. Molins, sur les intersections des surfaces du 
second degré; c'est un filon dont la recherche peut amener 
d'importantes applications ; il témoigne le désir que ces études 
soient. continuées , et il signale à M. Molins les résultats analy- 
tiques de quelques circonstances, par exemple celle dans la- 
quelle la courbe pourrait être plane. 

M. Petit se réunit à M. Brassinne pour engager l’auteur à 
conlinuer ces travaux. 


’ 
DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 393 

M. Brassinxe fait, au nom d’une Commission, un rapport sur 
les travaux de M. Sornin , candidat à la place déclarée vacante 
dans la section de mathématiques pures. Le premier de ces tra- 
vaux , inséré depuis 1849 dans les nouvelles Annales mathéma- 
tiques , a pour titre : Æecherche du nombre de chiffres que 
fournit à la période une fraction ordinaire réduite en frac- 
tion décimale. 

La question des fractions périodiques a été l'objet des recher- 
ches d’Euler, de Lambert et de Roberston. Celles de M. Sornin 
ont pour but de compléter la théorie des fractions qui donnent 
lieu à un quotient périodique simple. 

Après avoir démontré ce théorème : le nombre des chiffres 
de la période d'une fraction irréductible est le même, quel que 
soit son numérateur, il examine successivement les différentes 
formes sous lesquelles ce dénominateur peut se présenter, et il 
en déduit les diverses règles à suivre en les appliquant à plu- 
sieurs exemples. 

Le second travail de M. Sorninest relatif au mouvement dans 
un milieu résistant d'un point matériel attiré par un centre 
fixe. 

M. Brassinne fait l'historique des recherches déjà entreprises 
à ce sujet par Lagrange, Laplace et Poisson ; mais ces illustres 
géomètres n’ont envisagé le problème que comme un cas parti- 
culier d’un autre beaucoup plus général , tandis que M. Sornin, 
en le traitant directement, a pu le présenter d’une façon plus 
simple et avec tous les développements nécessaires. IL fait re- 
marquer combien ces études sont intéressantes sous le point de 
vue du mouvement des planètes , dans le cas où l'éther offrirait 
une certaine densité, ainsi que le pensent aujourd’hui quelques 
savants. 

Enfin, le dernier ouvrage dont M. Brassinne avait à rendre 
compte a pour objet la figure de l'anneau de Saturne. 

La planète de Saturne est entourée de plusieurs anneaux 
concentriques avec la planète, et composée de matière fluide 
peu dense ; l'anneau intérieur est même translucide, malgré sa 
grande étendue ; des observations précises portent à penser que 


39% MÉMOIRES 
le diamètre de tout l'anneau diminue , et permettent même de 
prévoir l'époque où il sera incorporé avec la planète. Cette masse 
fluide est donc en équilibre instable. 

M. Sornin a recherché analytiquement les conditions de cet 
équilibre , et il fait voir que la moindre perturbation peut le 
déranger : il est conduit ainsi aux résultats vérifiés par l’expé- 
ricuce , et desquels on a conclu que, dans un temps peu éloi- 
gné, les anneaux disparaîtront et viendront en contact avec la 
planète. Sauf quelques modifications dans les méthodes d’inté- 
gration , dans la manière d'établir les conditions de l'équilibre 
et dans la démonstration de son instabilité, le travail de 
M. Sornin consiste principalement à développer les calculs que 
Laplace s'était contenté d'indiquer. 

C'est déjà un très-grand mérite, dit M. Prassinne, que 
d'avoir su trouver à glaner sur un terrain déjà tant exploré par 
un savant aussi 1llustre que l’auteur de la Mécanique céleste : 
aussi, prenant en considération l’ensemble des travaux pré- 
sentés par M. Sornin, la Commission conclut à l'admission de 
cette candidature. 

M. Molins présente quelques observations pour appuyer la 
proposition ; il ajoute que le candidat est de plus un professeur 
distingué qui vient d'obtenir naguère un brillant succès, en 
faisant admettre un de ses élèves à l’école polytechnique , avec 
le numéro 1 de la promotion. 


L'Académie procède au scrutin secret, et M. Sornin est 
nommé membre résidant dans la section de Mathématiques 
pures. 


Une autre place étant vacante dans la section de Chimie, 
M. Fos obtient la parole pour faire, au nom de cette section, 
un rapport sur un Mémoire présenté par M. Timbal-Lagrave et 
relatif à des recherches chimiques sur la digitale, 

Cette plante a été déjà l’objet d’études considérables entre- 
prises par M. Quevenne, et dont il a été rendu compte à l’Aca- 
démie dans une de ses précédentes séances. Cependant, M. Tim- 
bal a découvert des particularités et des propriétés qui n'avaient 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 395 
pas été signalées. Ainsi, par exemple, il résulte de ses recherches 
qu'à mesure que l’on s'éloigne de la racine, on trouve une 
plus grande quantité de digitaline, en sorte que les feuilles ra- 
dicales en fournissent souvent dix fois moins que les feuilles 
supérieures. Cette découverte exercera une influence considé- 
rable dans la pratique, puisque les feuilles radicales, étant en 
général plus larges et plus recherchées, donnent cependant pro- 
portionnellement beaucoup moins de produits sédatifs. 


M. Filhol rappelle l'importance des nombreux travaux que 
M. Timbal a présentés depuis quelques années ; il propose, au 
uom de la section , de lui ouvrir les portes de l'Académie. 


M. Clos complète le rapport sur les travaux présentés à l’ap- 
pui de la candidature de M. Timbal par l'analyse d’un Mémoire 
sur le cyperus. On n'avait inscrit jusqu’à ce jour, dans la 
Flore Toulousaine, que trois espèces de cyperus; les études 
de l’auteur l’ont amené a reconnaître qu'il en existe trois 
autres bien distinctes des espèces déjà connues ; il en forme une 
description détachée. Le but qu'il s’est d’ailleurs principale- 
ment proposé dans ce Mémoire a été d'appeler l'attention des 
botanistes sur ce genre, dans l'espoir que de nouvelles recher- 
ches , faites dans d’autres parties de la France et dans le bassin 
sous-pyrénéen , amèneront la constatation des formes nouvelles 
qui faciliteront aussi la délimitation du genre. 


M. Clos conclut, comme M. Filhol, à l’adoption de la can- 
didature de M. Timbal. 


L'Académie procède au scrutin secret, et ce candidat est 
nommé membre résidant dans la section de Chimie. 


M. Virrx lit, au nom de M. Bascle de Lagrèze, correspon- 
dant et conseiller à la cour impériale de Pau, un Mémoire , 
intitulé : Éfistoire monétaire et numismatique du Béarn. (Im- 
primé, page 212. ) 

M. du Mège annonce qu’il a recu de M. Bascle de Lagrèze 


les dessins des diverses médailles décrites dans ce Mémoire ; il 
ajoute que les recherches sur la numismatique fcodale prennent 


10 mai, 


395 MÉMOIRES 

aujourd'hui une grande place dans les études historiques ; aussi 
le travail de M Bascle de Lagrèze présente, sous ce point de 
vue, le plus grand intérêt. 


M. Belhomme fait connaître l'existence, dans les archives de 
la province du Languedoc, d'une grande quantité de docu- 
ments qu'il a commencé à réunir, et dont le dépouillement four- 
nira aussi de précieux renseignements sur la valeur des an- 
ciennes monnaies. 


Sur la proposition de M. Vitry, l'Académie renvoie le Mé- 
moire de M. Bascle de Lagrèze au comité de librairie et d'im- 
pression. 

Une Commission, composée de MM. du Mège, Astre, et 
Barry, avait été chargée d'examiner une communication de 
M. Burnouf , correspondant, et présentée par M. Joy, relati- 
vement à l'opportunité qu’il y aurait de demander au Gouverne- 
ment la création de plusieurs chaires destinées à répandre et à 
propager l'étude des langues orientales, et notamment celle du 
sanscrit. 

Tout en s’associant avec empressement aux vœux exprimés 
pour la propagation de ces belles études, qui ont déjà reculé et 
qui reculeront encore les limites de lhorizon historique, la 
majorité de la Commission n'a pas pensé qu'il fàt dans les attri- 
butions de l'Académie de faire des démarches officielles et d’a- 
dresser des avis de cette nature à l'Administration centrale, qui 
ne les lui demande pas ; elle propose , en conséquence, l’ordre 
du jour sur la propositiou elle-même , en demandant, toutefois, 
qu'il soit écrit à M. Buruouf pour le remercier de sa communi- 
cation et pour l'informer qu’en dehors de toute démarche offi- 
cielle, l'Académie prendra toujours l'intérêt le plus vif er le 
plus sincère au succès des études individuelles et glorieuses qui. 
ont honoré les trente premières années de notre siècle. 


M. Joly obtient la parole pour défendre la proposition de 
M. Burnouf ; il rappelle que l'étude du grec éprouva aussi de 
grands obstacles, lorsqu'on voulut l'introduire dans l’instruc- 
tion publique. Il cite un passage de Théodore de Bèze , qui 


4 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 397 
prouve que la Sorbonne se montrait hostile à cette innovation et 
qu'on alla même jusqu’à accuser la langue grecque d'hérésie ; 
il insiste sur les richesses que fournirait à la poésie, à l'histoire 
et aux sciences elles-mêmes la connaissance plus répandue des 
littératures orientales ; il conclut à la prise en considération de 
la proposition. 


M. du Mège s'associe à l'opinion de M. Joly ; il pense même 
que l'étude de l'arabe littéraire devrait être introduite dans les 
départements méridionaux , dont les relations avec l'Afrique se 
développent chaque jour de plus en plus. 


M. Barry reproduit et développe les arguments contraires 
déjà énoncés par la majorité de la Commission. Quant à l'étude 
de l'arabe, elle n’a pas toute l'importance industrielle et com- 
merciale qu'on voudrait lui donner, aujourd'hui surtout que 
les populations algériennes apprennent le français. 


M. Gatien-Arnoult fait observer que la discussion qui s’est 
élevée pourrait faire croire que l’Académie est divisée en deux 
camps, l’un orientaliste, l’autre anti-orientaliste, tandis que 
tout le monde est d'accord sur l'importance des études dont il 
s’agit. Mais l’unique question à résoudre est celle de la conve- 
nance el de l'opportunité ; or, sous ce point de vue, la Commis- 
sion est entièrement dans le vrai; car la ville de Toulouse n’a 
pas un intérêt particulier spécial à la création d’un semblable 
enseignement, et dès lors l’Académie, qui ne pourrait, tout 
au plus, prendre une initiative aussi grave que dans un inté- 
rêt local , doit s'abstenir. 


M. Astre ajoute quelques observations dans le même sens , ct 
l’Académie adopte les conclusions du rapport. 


M. Guibal, ingénieur civil, annonce qu'il se présente en 
qualité de candidat à la place vacante dans la section des Ma- 
thématiques appliquées, et il joint à l'appui de sa demande 
plusieurs mémoires qui sont renvoyés à l’examen de la section 
des Mathématiques appliquées, à laquelle MM. Gascheau et La- 
roque seront adjoints. 

4° S. — TOME v. 27 


16 mai. 


398 MÉMOIRES 

M. Gascneat lit un travail intitulé : Théorie des organes 
articulés des machines. L'auteur donne d’abord la définition 
suivante : On peut regarder comme élément de tous les systèmes 
articulés la réunion de deux tiges rigides, jointes par un boulon 
entrant à frottement doux dans deux ouvertures pratiquées aux 
extrémités de ces tiges. 

Quand l’une de ces tiges tourne autour d’un axe fixe , c’est 
une manivelle ; on appelle bielle celle qui , sans être liée à un 
point fixe, réunit deux autres tiges. 

Il établit ensuite un théorème général, par lequel on cons- 
truit les tangentes à diverses courbes. Cette proposition est suivie 
de la solution géométrique d’un problème ainsi énoncé :« Une 
droite de longueur constante étant appuyée sur deux circonfé- 
rences données, construire la courbe parcourue par un point 
de cette droite. » 

Le même problème est traité par l'analyse et résolu complé- 
tement. 

Enfin, l’auteur applique la solution au parallélogramme de 
Watt, qui, dans les machines à vapeur , sert à maintenir la tige 
du piston dans une direction verticale. 


M. Molins demande la parole pour faire observer qu’un cas 
particulier remarquable du théorème de M. Chasle, rappelé par 
l’auteur, avait été démontré par Descartes , à l’occasion du pro- 
blème si connu des roulettes ; mais il ajoute que la démonstra- 
tion de M. Gascheau est remarquable par une très-grande sim- 
plieité, et qu’elle a fait partie du cours de mécanique professé 
avec tant de soins à la Faculté des Sciences de Toulouse. 


La discussion étant close, M. LaroQUE , au nom de la sec- 
tion de Physique, propose, comme sujet de prix pour l'année 
1858 , la question suivante : 

« Recherches sur l'électricité atmosphérique. » 


L'Académie, en posant la question dans ces termes généraux 
et en laissant ainsi un libre et vaste champ aux recherches, 
croit néanmoins utile d'attirer particulièrement l'attention des 
concurrents sur les questions secondaires suivantes : 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 399 

1° Discuter les observations desquelles on a déduit l'existence 
de l'électricité atmosphérique et les lois de sa tension ; 

2° Déterminer , en s'appuyant sur l'expérience, les sources 
de l'électricité atmosphérique ; 

3° Reconnaître si l'espèce d'électricité que charge un nuage 
orageux exerce une influence sur sa constitution physique ; 

4° Rechercher quel est le degré d'influence de l’état électrique 
des nuages orageux sur la formation de la grêle ; 

5° Etablir sur des documents authentiques la fréquence rela- 
tive de la grêle daus les régions du bassin sous-pyrénéen, et 
rechercher lescirconstances qui peuvent, dans ces mêmes régions, 
influer sur la répartition inégale de ce météore. 

Nota. Quelles que soient les questions traitées, l'Académie, dans 
l'appréciation des Mémoires qui lui seront présentés, tiendra compte 
surtout de la nouveauté et de la fécondité des observations personnelles. 


Elle attachera cependant une grande importance aux recherches relatives 
à la dernière question. 


Après quelques observations de MM. Petit, Brassinne , Astre 
et D. Bernard, le programme de la section de physique est 
adopté. 


Cette séance étant exclusivement consacrée au jugement du 
concours du prix de l’année, M. Firroc donne connaissance du 
rapport qui a été déjà approuvé par le bureau général. 

La question était relative à l’influence de l'air , des aliments, 
de l'eau potable et du sol sur la production du goître endémique. 

Deux Mémoires avaient été adressés pour le concours. M. le 
Rapporteur conclut à ce que le prix intégral soit accordé au 
Mémoire n° 2, et une mention honorable au n° 1, et de plus 
que le titre d’Associé correspondant soit conféré à chacun des 
deux auteurs. 

Ces conclusions ayant été adoptées à l'unanimité par l’Aca- 
démie , M. le Président procède à l'ouverture des billets cachetés 
accompagnant les manuscrits. L'auteur du Mémoire n° 2, qui 
a remporté le prix de 500 fr., est M. Ad. Chatin, professeur à 
l'École de pharmacie de Paris, et membre de l’Académie impé- 


22 mai. 


24 mai. 


h00 MÉMOIRES 

riale de médecine ; il prendra place comme correspondant dans 
la section de Chimie. Le Mémoire n° 1 est l'ouvrage de M. Mo- 
rétin, docteur en médecine à Baume-les-Messieurs (Jura), qui 
sera inscrit au nombre des associés correspondants de la section 
de Médecine et de Chirurgie. 


M. de Montaiglon , membre de la Société des antiquaires de 
France, demande des renseignements sur Houdon, le célèbre 
sculpteur du xvmf sièele , et qui aurait appartenu à l'Académie ; 
mais M. Vitry fait observer que cet artiste était membre de 
l'Académie de peinture, sculpture et architecture, et non de 
celle des Sciences. M. du Mève , ayant rappelé que le Musée de 
Toulouse possède un buste de Bélisaire fait par Houdon, est 
chargé de recucillir les renseignements demandés par M. de 
Montaiglon. 


M. le Secrétaire de l’Institut de géologie de Vienne (Autriche), 
annonce l’envoi des Mémoires de cette société scientifique. 


M. Garssaiz fait un rapport sur les travaux de M. Dassier , 
qui se présente pour la place vacante dans la section de Méde- 
cine et de Chirurgie. 

Ce candidat a transmis à l'appui de sa demande vingt-cinq 
opuscules détachés, se rattachant tous à l’art de guérir. M. Gaus- 
sail en donne l'analyse et fait ressortir ce qu'ils renferment de 
remarquable ; il mentionne, en outre, les leçons du professeur 
Alibert, publiées par M. Dassier dans le Journal analytique de 
Hatin, et dans lA4beille Médicale, ainsi que de nombreux 
articles de critique et de médecine pratique, insérés, soit dans 
les journaux quotidiens , soit dans celui de Médecine , Chirur- 
gie et Pharmacie de Toulouse ; enfin, au nombre des publi- 
cations, le rapporteur rappelle le Traité des champignons 
comestibles et vénéneux du bassin sous-pyrénéen , fait par le 
candidat en collaboration avec M. Noulet. 

M. Gaussail analyse ensuite l'important mémoire manuscrit, 
adressé à l’Académie par M. Dassier, et relatif à l'action atro- 
phiante de l'iode et de quelques-unes de ses combinaisons sur 
les organes génitaux de l’homme; il fait ressortir toute l'im- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. &01 


portance de ces recherches qu'il considère comme une œuvre 
sociale , puisqu'elle intéresse l'avenir des générations futures. 
M. Gaussail termine son rapport en proposant, au nom de la 
section de Médecine et de Chirurgie , l'admission de cette can- 
didature. 

L'Académie confirme cette proposition par le scrutin secret, 
à la suite duquel M. Adolphe Dassier est nommé membre 
résidant. 

Au nom dela section de Mathématiques appliquées , à laquelle 
MM. Gascheau et Laroque avaient été adjoints, M. Vire vient, 
à son tour , faire un rapport sur deux Mémoires imprimés, et 
sur un travail manascril , présentés par M. Guibal à l'appui de 
sa candidature. 

Le premier des Mémoires imprimés est une étude de chemin 
de fer destiné principalement au transport des houilles belges, 
de Mons, capitale du Hainaut, à Nieuport, ville maritime de 
la Flandre occidentale. 

Dans la premitre partie, M. Guibal et son collaborateur , 
M. Bailloux , font ressortir les immenses avantages de cette voie 
de transport. On y voit, en effet : 4° que d’une part la puissance 
productive à été poussée à nn (el point dans l'exploitation des 
mines de houille du Hainaut, que, faute du vaste débouché 
des mers et du littoral français , les propriétaires de ces grandes 
richesses nationales ne retirent souvent de leurs capitaux qu’un 
très-faible revenu ; 2° que, d'autre part, les importations ma- 
ritimes de la Belgique excédant de beaucoup les exportations , 
la plupart des navires quittent ses ports sur lest. 

Dans la deuxième partie, qui traite de la question d’art, on 
remarque deux particularités : 

1° D'après le projet, le chemin serait à simple voie, et l’in- 
tervalle entre les rails, ordinairement de # mètres 50 centimè- 
tres, est porté à 2 mètres, en vue de l’emploi de locomotives 
plus puissantes et de la diminution de longueur des convois ; 
avantages qui contribuent directement à l'économie du transport 
et indirectement à l'économie relative de létablissement du 
chemin. 


402 MÉMOIRES 


2° Des rails à gouttière renversée, posés sur longrines , rem- 
placent les rails posés sur coussinets en fonte et sur billes trans- 
versales en bois, en sorte que ce système de voie présenterait 
une économie de 48 p. °/. 

La publication de ces études était faite en 1845 , alors que 
la question de la suppression des billes transversales et des cous- 
sinets n'était pas encore à l’ordre du jour. Aujourd’hui, on 
fait, tant en France qu’à ue des expériences sur ces 
divers systèmes. 

Le second Mémoire a déjà été l’objet d'un rapport très-favo- 
rable fait par M. Brassinne, à l’Académie, en 1853 ; il traite 
une question du plus haut intérêt pour notre cité; e’est l'exposé 
complet et détaillé d’un projet de distribution d’eau, en augmen- 
tation de l’alimentation actuelle. L'auteur développe des calculs 
de mécanique intéressants pour chercher à démontrer l’avan- 
tage des machines à colonne d’eau dont il propose l'emploi ; 
et il termine son consciencieux travail en faisant observer que 
l'exécution d’une telle entreprise, dirigée par les soins et aux 
frais de la ville, répondrait non-seulement à des besoins devenus 
urgents, mais constituerait aussi une de ces dépenses qu'on 
pourrait appeler lucrative, si rare jusqu’à présent dans les bud- 
gets de la ville de Toulouse. 

Enfin , le troisième Mémoire, rédigé tout exprès pour l'Aca- 
démie, donne la description d’une vanne automobile, dont 
M. Guibal est l’auteur, et qui vient d'être établie à Moissac sur 
le Canal latéral. 

Ces portes de vannes sont presque toujours indispensables 
pour le règlement des eaux dans les usines hydrauliques ou sur 
les canaux; de nombreuses dispositions d’appareïls de cette 
espèce ont été essayées avec plus ou moins de succès. Tantôt 
c’est une porte posée en travers du courant entre deux murs 
parallèles , suspendue sur un axe horizontal et susceptible de 
s’incliner plus ou moins ; (antôt c'est une vanne ordinaire, logée 
dans des coulisses et mise en mouvement par deux petites roues 
hydrauliques mues par les eaux du trop plein; d’autres fois 
enfin, ce sont des vannes tournant autour d’un axe et mises en 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k03 
mouvement par un flotteur à contrepoids , au moyen de leviers 
ou d’engrenages. 

La première de ces dispositions, préférable d’ailleurs aux 
autres , présente néanmoins l'inconvénient d’uve grande surface 
susceptible d’être rompue par le courant et arrêtée dans ses 
mouvements par les amas de corps flottants ; l'eau qui en sort 
tombant en cascade ébranle les ouvrages qui composent le bar- 
rage. Dans les autres dispositions , il entre des organes de trans- 
mission de force, ou de transformation de mouvement flus ou 
moins compliqués , ce qui a loujours conduit à leur abandon. 
La vanne cylindrique verticale de M. Guibal ne présente aucun 
de ces organes, et c'est à nos yeux son plus grand mérite. Son 
établissement offre la plus grande simplicité ; elle occupe un 
très-petit espace, et présente dans son application d’intéressants 
phénomènes d’hydrostatique , clairement exposés par l'auteur 
ei appuyés des résultats de l'expérience. 

En conséquence , la section des Mathématiques appliquées 
propose , à l'unanimité, d'admettre M. Guibal dans le sein de 
l’Académie. 

M. Brassinne, en appuyant ces conclusions, croit devoir ajouter 
que ce candidat possède cette sorte d'instinet qui distingue les 
bons ingénieurs praticiens, et que, de plus , ses travaux portent 
le cachet de cette scrupuleuse et consciencieuse bonne foi qui 
caractérise l’homme animé de l’amour de son art. 

Il est procédé ensuite au scrutin secret, et M. Jules Guibal , 
ingénieur civil à Toulouse , est nommé membre de l’Académie 
dans la section des Mathématiques appliquées. 


M. Noucer donne lecture d’un rapport sur les divers fossiles 
envoyés par M. Léonce Roux, par M. Saint-Martin et par 
M. Parayre. 


M. Cazes, de Saint-Bertrand, adresse divers fossiles dont 
examen est renvoyé à une Commission composée de MM. Ley- 
merie et Noulet. 


M. Mazade, docteur en médecine à Anduze (Gard), solli- 
licite le titre d'Associé correspondant ; il adresse divers travaux 


31 mai. 


404 MÉMOIRES 
à l'appui de sa demande. — Renvoyé à MM. Gaussail, D. Ber- 
nard et Dassier. 


En faisant hommage à l’Académie d’un exemplaire de la 
2° partie (syntaxe ) de sa Grammaire allemande simplifiée, 
M. Jocv indique le but et le plan de cet ouvrage. 

Le but a été de faciliter aux élèves de nos écoles l'étude de la 
langue dans laquelle ont écrit Goëthe et Schiller, en faisant 
voir que celte étude , regardée généralement comme si difficile , 
se réduit, en définitive, à quelques principes généraux et à un 
petit nombre de règles particulières, qui souvent même dé- 
coulent de ces principes. 

Pour atteindre ce but, l’auteur a cherché surtout à simpli- 
fier la déclinaison des substantifs et à graver dans la mémoire 
des élèves les nombreuses irrégularités des verbes , au moyen 
de formules tellement simples, qu'un verbe irrégulier quel- 
conque étant donné, on peut très-souvent dire, & coup sûr, 
en quoi il s'écarte de la conjugaison appelée régulière. 

Quant à ce qui concerne la syntaxe proprement dite, M. Joly 
croit avoir prouvé que la construction allemande tout entière 
se laisscramener , par une logique très-rigourcuse, à un principe 
unique et d’une application extrêmement facile. Enfin , à l'oc- 
casion de chacune des parties du discours , il fait voir l'iden- 
tité des règles syntaxiques allemandes avec celles des syntaxes 
latine et grecque , en prenant pour point de départ les exemples 
classiques de Lhomond et de Burnouf, qu'il se borne à traduire 
en allemand, et à l'appui desquels il cite toujours un ou deux 
autres exemples empruntés aux auteurs les plus estimés de la 
littérature germanique. Un chapitre intitulé Particularités, qui 
vient constamment aprèsles règles générales, met en reliefcequ'il 
y a de spécial dans l'emploi de telle ou telle partie du discours, 
et indique à l'élève les points particuliers sur lesquels il doit 
surtout fixer son attention. Toutes ces particularités réunies se 
réduisent à trente pages au plus. 

M. le Président, M. le Secrétaire perpétuel et M. Astre com- 
muniquent les discours , rapports et mémoires qu'ils doivent 
lire dans la séance publique. 


DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 405 


M. Laferrière, Inspecteur général de l’Université, assiste à 
la séance. M. le Maire et M. le Préfet en ont été empêchés par 
les devoirs qu'ils ont à remplir pour conjurer les dangers de 
l'inondation qui ravage le bassin de la Garonne. 


M. Hauez ouvre la séance par un discours dont l'objet est 
d'indiquer la part de l'Académie des Sciences, Inscriptions 
et Belles-Lettres de Toulouse, dans le travail par lequel toutes 
les Académies de France sont appelées à réunir Jeurs efforts, 
pourélever à la science un monument national. {Imp. p.240.) 


A la suite de ce discours, M. Ficnoc donne lecture du rap- 
port sur le concours de l’année, qui avait pour objet la question 
suivante : Déterminer, à l’aide des travaux déjà publiés, et 
» par des expériences nouvelles, le rôle que joue la composi- 
» tion chimique de l'air, des aliments, de l’eau potable et du 
» sol dans la production du goître endémique. » (Imp. p.248 .) 


A M. Filhol succède M. Vrrry pour présenter le rapport sur 
les médailles d'encouragement , décernées à raison des décou- 
vertes d'archéologie et paléontologie, à la suite de l'appel qui 
a été fait par l’Académie. (Imprimé, page 272. ) 


M. Asrre, désigné par M. le Président, aux termes de l’ar- 
ticle 29 des Statuts, lit un travail intitulé : Considérations 
générales sur l'histoire du Parlement de Toulouse. (Imprimé, 
pag. 278). 

Après ces diverses lectures, M. le Président proclame les 
noms des lauréats. 

M. le Président fait connaître aussi les nominations qui ont 
eu licu dans le sein de l’Académie, pendant l’année 1854-1855, 
soit à titre de Membre résidant , soit à titre d’Associé corres- 
pondant. 

La séance est terminée par la lecture, que fait M. le Secré- 
taire perpétuel, des questions proposées pour les prix à décer- 
ner en 1856, 1857 et 1858. 


M. Parayre annonce un nouvel envoi de fossiles. 


Séance 
publique 
du 3 juin. 


7 juis, 


14 juin. 


4:06 MÉMOIRES 


L'Académie procède au renouvellement du bureau. Les scru- 
tions secrets ont donné les résultats suivants : 


Président, M. Filhol ; 
Directeur , M. Molins ; 
Secrétaire adjoint, M. Molinier. 


Comité d'impression : MM. Brassione, Clos, Barry. 
Comité économique : MM. Petit, Joly, Ducos. 


M. le Président désigne M. Astre pour remplir les fonctions 
d'économe pendant l’année 1856. 


M. Ducos demande la parole et dit : « Je viens acquitter 
une vicille dette, en m’excusant , envers vous et envers l’auteur 
du retard involontaire que j'ai mis à remplir le devoir de rap- 
porteur. 


» M. Thomas-Latour s’est livré à des études historiques qui 
nous offrent , à nous Toulousains, un vif intérêt , puisqu'elles 
ont pour sujet le Parlement et le barreau de notre ville. 

» Dans un premier travail, M. Thomas-Latour a recueilli, 
avec les souvenirs des derniers temps de notre Parlement, les 
noms de ceux de ses membres qui furent frappés par la hache 
révolutionnaire ; il raconte la fin héroïque de ces nobles vic- 
times de l'anarchie. La chambre des vacations avait protesté 
contre le décret de l'Assemblée nationale qui supprimait le 
Parlement ; tous les membres signataires de la protestation , et 
jusqu’à l’obscur commis-greffier Trinquecostes qui tenait la 
plume , furent proscrits et durent expier de leur sang cet acte de 
courage. Aux noms de ces illustres magistrats l’auteur associe 
ceux de quelques victimes intéressantes que le tribunal ré- 
volutionnaire, établi dans nos murs, envoya à l’échafaud , tels 
que ceux de David d'Escalonne, de M®° de Cassan , sainte 
femme qui aima mieux mourir que de commettre le plus inno- 
cent de tous les mensonges ; de l'épicier Garnaud, qui fut ac- 
cusé de fédéralisme, etc. 


» Dans un second travail , M. Thomas-Latour remonte à quel- 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 407 


ques années plus haut dans l'histoire de notre Parlement; il 
retrace le tableau de ses luttes contre l'autorité royale. Nous 
voyons apparaître le Parlement Maupeou; nous assistons au 
rétablissement de l’ancien Parlement, aux fêtes, aux réjouis- 
sances qui signalèrent la joie du peuple au retour de ces ma- 
gistrats, inspirant autant d'amour que de respect. A ces La- 
bleaux saisissants succèdent des scènes d’une teinte moins 
sérieuse ; c’est la basoche avec ses excentricités ; c’est son atta- 
que contre le libraire-imprimeur Florent Baour , père du poire 
qui a rendu ce nom célèbre; son arrêt rendu avec toutes les 
formes parlementaires, portant ixhibitions et défenses audit 
sieur Baour de s'occuper de la basoche dans aucune de ses 
publications, sous peine d'emprisonnement et d'amende ; Y'in- 
tervention du Parlement dans cette burlesque affaire , son arrêt 
qui cassa celui de la basoche, et enfin la mascarade que la 
basoche exécuta pour se venger du Parlement. 

» Les souvenirs du barreau suivent ceux du Parlement. L’au- 
teur , devenu biographe , se plaît à dessiner les grandes figures 
des graves jurisconsultes qui portèrent si haut la renommée de 
notre ville pour la science du droit, avec le trait distinctif de 
leurs divers caractères : de MM. Lavigucrie, Espinasse, Rou- 
coule , Romiguières père, tous originaires du Rouergue, de ce 
pays qui semblait destiné à fournir les fortes têtes de notre bar- 
reau. Dans cette galerie figurent aussi les avocats plaidants qui 
jouirent de quelque célébrité, à la tête desquels il est juste de 
placer notre Romiguières, qui unissait à la fougue du tribun 
la subtilité du praticien ; dont la parole émouvante et incisive 
avait le don d'entraîner les esprits, et dont la carrière fut 
glorifiée par des triomphes aussi nombreux qu'éclatants. 

» M. Thomas-Latour a voulu aussi consacrer le souvenir 
d'une cause criminelle qui a eu du retentissement dans les 
quatre parties du monde, de l'épouvantable affaire Fualdès. 
Là, se reproduisent trois célébrités de notre barreau , MM. Du- 
bernard , Tajan , Romiguières, avec la part d'action et de re- 
nommée qui revient à chacun d'eux dans ce grand drame ju- 
diciaire. 


408 MÉMOIRES 

» Le troisième écrit, et le moins important , a pour titre : 
De l'invention des trésors et du droit aux trésors trouvés. 
C'est moins un travail achevé que l'annonce d’un Traité dont 
M. Thomas-Latour a publié deux parties et qu'il se propose de 
compléter par une troisième, où il doit exposer le principe 
applicable à la législation actuelle, et dont il annonce la pro- 
chaine publication. » 


M. le Rapporteur propose qu'il soit adressé à M. Thomas- 
Latour , au nom de l’Académie, des remercîments pour l'envoi 
qu'il lui a fait de ces intéressants travaux. Ces conclusions 
sont adoptées. 


Après avoir fait remarquer combien les découvertes des au- 
ciens monuments épigraphiques peut ajouter de documerts à 
l’histoire des anciens peuples de nos contrées, M. nu MÈèce, 
dans une communication verbale, fait remonter à Scaliger les 
premières et les plus intéressantes notions sur la mythologie 
pyrénéenne ; il rappelle ensuite le nom du très-petit nombre de 
savants qui, depuis le xvne siècle, ont fait à ce sujet des re- 
cherches dans nos montagnes, et qui nous ont conservé des 
notions qai, sans eux, auraient été perdues pour toujours. Il 
cite, avec éloge, M. Cazes, avocat distingué, membre de la 
première Assemblée législative, qui, dans ie commencement 
de ce siècle , entra dans la carrière ouverte par Scaliger, et ras- 
sembla des inscriptions votives, publiées plus tard par Millin 
et Lasteyrie. Il dit ensuite que M. Victor Cazes, fils de ce légis- 
lateur , s’est présenté avec honneur dans la même carrière ; que 
déjà, connu de l’Académie par ses découvertes paléontologiques, 
il a consacré de longues années à rechercher et à préserver de 
la destruction quelques monuments historiques. M.V.Cazes vient 
de découvrir récemment , dans la commune de Lussan , près 
Saint-Elix, un autel dédié à Æbellion, dieu gaulois ou ibérien, 
dont le nom a été révélé pour la première fois par Scaliger. M. du 
Mège ajoute que cette découverte est précieuse, en ce qu'elle mon- 
tre que, de la vallée de Luchon, où le premier autel consacré à 
ce dieu a été trouvé, le culte de celui-ci s’étendait jusqu’à une 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 409 
assez grande distance de la chaîne des Pyrénées ; ce qui sem- 
blerait indiquer qu'il ne faut point le compter au nombre des 
dii locales , des divinités topiques dont le culte n'était en hon- 
neur que dans une seule bourgade, dans une seule vallée, et 
qu'Abellion était adoré dans tout ce vaste espace qui s'étend 
des points les plus élevés de la chaîne jusqu’à des lieux très- 
rapprochés de Toulouse même. 

Après M. du Mège, M. Gaussat communique verbalement 
à l’Académie quelques détails sur un cas de somnambulisme 
naturel. 

Il s'agit d'une jeune personne de vingt-quatre ans, qui, à 
la suite de causes éminemment perturbatrices des fonctions 
nerveuses , a éprouvé divers accidents morbides, parmi les- 
quels ont longtemps dominé ceux qui constituent l’Aystérie , et 
qui, depuis trois ou quatre ans, sont venus aboutir au som- 
nambulisme , sans toutefois abandonner leurs formes initiales. 

En effet, d’après les renseignements fournis par M. Jules 
Naudin, médecin ordinaire de la malade, et ainsi que M. Gaus- 
sail a pu s'en convaincre lui-même, au début de chaque crise 
somnambulique, on observe une distorsion et une secousse con- 
vulsive des muscles de la face; une roideur tétanique des mem- 
bres , une agitation et une irrégularité extrêmes des battements 
du cœur; des convulsions tellement énergiques de l'organe 
utérin, que la main fortement appliquée sur la région hypo- 
gastrique est impuissante à les modérer. Après une durée plus 
ou moins prolongée de-ces phénomènes, le calme arrive avec 
le sommeil morbide. 

Ce qui frappe tout d’abord l'attention dans ce nouvel état, 
c'est une animation particulière, on pourrait même dire une 
sorte d’embellissement des traits de la face: la malade s’ex- 
prime aussi avec un limbre de voix plus élevé et un accent 
plus pur, des expressions plus correctes et mieux choisies que 
dans l’état de veille. Ces particularités, dit M. Gaussail, s'ob- 
servent également dans le somnambulisme artificiel. Une autre 
circonstance bien digne de remarque c’est l'étendue et la pré- 
cision de la mémoire. Ainsi, à plusieurs reprises, M. Naudin 


h10 MÉMOIRES 

a pu obtenir dela malade, endormie, des détails qu’elle ne 
pouvait lui fournir, éveillée, sur les noms, les combinaisons 
et les doses des nombreux médicaments qui lui ont été adminis- 
trés dans les divers: traitements prescrits par plusieurs mé- 
decins. 

Pendant ces crises, la malade n’éprouve ni souifrance ni 
malaise. Elle lit, elle brode, elle écrit surtout avec une éton- 
nante rapidité. Ilest vrai qne ses yeux ne sont jamais complé- 
tement fermés par les paupières. Elle prédit avec assez de pré- 
cision , soit la durée de la crise présente, soit l'invasion de la 
crise prochaine, et indique ce qu'elle fera pendant le temps 
que durera cet état. La durée de ces crises n’a rien de fixe; 
elles persistent souvent pendant deux , trois, et quatre heures, 
quelquefois pendant tout un jour. La malade n’en conserve 
aucun souvenir, et elles ont été pour elle comme un espace 
de temps retranché de son existence. 

Plusieurs fois, au commencement des crises, il s’est mani- 
festé une flexion convulsive de la jambe gauche, portée à ce 
point, que la face postéricure de cette portion du membre, y 
compris le talon et la plante du pied, était comme collée à 
la face postérieure de la cuisse et de la région fessière. La force 
avec laquelle se produit cette contraction est telle, que deux 
fois l’une des planchettes d’un appareil , destiné à maintenir la 
jambe graduellement amenée dans l'extension , a été rompue; 
l'épaisseur de cette planche est cependant d'environ 25 mil- 
limètres. 

«En résumé, dit M. Gaussail, abstraction faite des détails 
fournis par les parents de la malade et qui tiennent par trop 
du merveilleux, ce que nous avons constaté avec plusieurs 
confrères , parmi lesquels se trouvait M. Marchant, suffit pour 
établir qu'il s’agit d’un cas peu ordinaire et extrêmement inté- 
ressant. En effet , il résume, presque à lui seul, l’ensemble des 
névroses , et il semble donner un démenti à certaines données 
généralement acceptées de la science physiologique, en ce sens 
surtout qu'il confirme la valeur de cet élément du diagnostic 
négatif dans les affections nerveuses, signalé par M. Cerise, et 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 411 
dont, il y a deux ans, J'ai entretenu l’Académie, savoir : l'in- 
munité des fonctions nutritives et assimilatrices au milieu des 
perturbations fonctionnelles les plus profondes et les plus va- 
riées, puisqu'il est bien avéré que le degré d’embonpoint que 
conserve la malade depuis cinq ans, n’est nullement en rap- 
port avec la petite quantité d'aliments qu'elle ingère. J'ajoute 
que des bains presque froids, et prolongés pendant trois et 
quatre heures, paraissent avoir un peu modifié l’état morbide 
de cette jeune personne. » 


M. le baron du Périer adresse à l'Académie divers fossiles 
provenant de fouilles faites au vallon de Gardigol , arrondisse- 
ment de Villefranche. L'examen de ces objets est renvoyé à 
une Commission composée de MM. Joly, Leymerie, Noulet. 


M. Cros lit un travail ayant pour titre : Documents pour 
lhistorre de la botanique ; Notice sur les écrits botaniques de 
François Bayle. (Imprimé , page 321.) 

A la suite de cette lecture, plusieurs membres prennent suc- 
cessivement la parole. M. Dassier donne divers détails sur 
la vie et les travaux de Bayle. Il émet le vœu que quelques 
membres de l’Académie étudient, chacun dans sa spécialité, 
les œuvres de ce professeur de la Faculté des Arts de Toulouse. 
Dans la collection de ses ouvrages , qui ont été traduits et qui 
ont eu plusieurs éditions enrichies de commentaires, on trouve 
des thèses et des leçons relatives à l’enseignement dont il était 
chargé. ; 

M. Desbarreaux-Bernard fait observer que si Bayle a cultivé 
avec talent, avec originalité, quelque science en particulier, 
telle que la botanique, c’est surtout par le caractère philoso- 
phique de ses écrits qu’il importe de l'apprécier ; car c’est de ce 
point de vue général et élevé que Bayle a envisagé les divers 
sujets auxquels il a appliqué son esprit investigateur. 

M. Barry, (out en reconnaissant l'utilité des recherches pro- 
pres à mettre en lumière les noms et les travaux de ces estima- 
bles savants, déjà presque oubliés, pense qu'il faut se tenir en 
garde contre une admiration exagérée, qui porterait à mécon- 


21 juin. 


28 juin. 


12 MÉMOIRES 


naître les immenses progrès accomplis par les sciences dans les 
temps modernes. 


M. Meige, correspondant de l'Académie à Castelnaudary, 
adresse un Mémoire sur la colonisation algérienne. 


M. Sorxix lit un travail sur cette question : £tant données 
les équations d'une courbe tracée sur un cône ou un cylindre 
quelconques ; trouver l'équation de la transformée de cette 
courbe, lorsqu'on développe les surfaces de ces corps sur un 
plan ; et réciproquement, connaissant l'équation de la trans- 

formée, déterminer analytiquement la courbe conique ou 
cylindrique. (Ymprimé, page 301.) 

M. ou MÈGe fait, au nom d’une Commission , un rapport 
sur un ouvrage intitulé : Histoire de la ville de Chälons-sur- 
Marne, par M. de Barthélemy, qui sollicite le titre de Corres- 
pondant. 

M. le Rapporteur fait observer que la ville de Châlons, tout 
en n'ayant qu'une population de quatorze mille habitants, a eu 
une importance historique remarquable. Le voisinage de Reims 
a cependant nui à la célébrité de la première de ces villes. C’est 
par Chälons que le christianisme a pénétré dans la Gaule Bel- 
gique ; c'est non loin de ses murs, dans les champs à jamais cé- 
lèbres sous le nom de Champs Catalauniques, que le féroce Attila 
fut vaincu. Châlons devint, en 1559, la capitale de la Cham- 
pagne; elle ne possède en monuments que quelques églises 
dignes des études archéologiques ; elle n'avait pas encore d'his- 
toire proprement dite : M. de Barthélemy a voulu combler cette 
lacune. 

Il a divisé son livre en trois parties. La première est consa- 
crée aux institutions politiques , civiles et religicuses , et la se- 
conde est relative à l'histoire proprement dite de la ville; enfin, 
la troisième est composée de pièces justificatives : c’est celle qui 
offre le plus d'intérêt par la révélation de plusieurs documents 
inédits. 

Quoique cette division présente quelque chose de bizarre, 
l'ensemble de l'ouvrage est cependant digne d’éloges, et la 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 113 
Commission propose d'accorder à M. de Barthélemy le titre de 
Correspondant , sollicité par lui. 


L'Académie ayant pris cette proposition en considération , il 
sera statué dans la prochaine séance, après convocation moti- 
vée, conformément aux règlements. 


M. Fonvieille soumet à l’Académie une Grammaire latine , 
une Grammaire grecque, un traité du Discours et un manuscrit 
intitulé : Rectification philologique de l'orthographe fran- 
caise. 

Ces ouvrages sont renvoyés à l'examen de MM. Barry et 
Hamel. 


M. Dacuix , appelé par l’ordre du travail , lit un Mémoire sur 
la dépendance qui existe entre la dilatabilité et la compressi- 
bilité des corps. 

Considérant d'abord l’état solide, l’auteur fait remarquer 
que , si l’on écrit les corps par ordre d'élasticité, en mettant les 
premiers ceux qui possèdent le plus faible coefficient d’élasti- 
cité, on a la série zèrc, plomb, argent , or, palladium , cui- 
vre, platine, acier, fer, verre; tandis que si l’on écrit ces 
mêmes corps dans l’ordre de leur dilatabilité, les plus dilata- 
bles étant les premiers, on a plomb, élain, or, argent, zinc, 
palladium, platine, cuivre, acier, fer, verre. 

IL en résulte que les corps qui possèdent le plus petit coeffi- 
cient d’élasticité sont ceux qui se compriment le plus facile- 
ment, et que les corps les plus compressibles sont aussi les plus 
dilatables ; les deux séries ne sont pas identiques , il est vrai ; 
mais les actions mécaniques que les corps ont subies modifient 
leur élasticité ; en outre, les nombres , trouvés par divers physi- 
ciens pour exprimer les dilatations des corps , ne sont pas iden- 
tiques ; en sorte que la loi se dessine plus nettement qu’on n’au- 
rait pu l'espérer. 

Pour les corps à l’état liquide , dont un très-petit nombre 
seulement a été étudié sous le rapport de la dilatation et de la 
compressibilité, on ne peut espérer, dans l’état actuel de la 
science, de trouver les éléments convenables pour vérifier cette 

&° S, —TOME v. 28 


5 juillet, 


h 1% MÉMOIRES 

même loi; cependant, en se servant des éléments incomplets 
dont on peut disposer, on obtient, par ordre de compressibilité, 
la série : éther, alcool, essence de térébenthine, chloroforme, 
eau, mercure ; et par ordre de dilatabilité : éther, chlorofor- 
me, alcool, essence de térébenthine, eau, mercure. Ces diffé- 
rents liquides ne suivent pas la même loi dans l’accroissement 
de leur dilatation ; mais il est une circonstance qui vient à 
l'appui de la théorie de M. Daguin, c’est que la chaleur qui 
augmente la dilatabilité des liquides augmente aussi la compres- 
sibilité de la plupart d’entre eux ; l'eau seule présente une ano- 
malie quand on part de 0°; mais l'existence du maximum de 
densité montre que ce liquide obéit à des lois particulières ; 
enfin, les gaz, sauf l'hydrogène, se compriment plus que ne 
l'indique la loi de Mariotte, ce qui veut dire qu'ils se compri- 
ment d'autant plus, qu’ils sont déjà plus comprimés. 

De ces diverses observations, M. Daguin conclut la loi géné- 
rale qu'il énonce de la manière suivante : Les corps qu se 
dilatent le plus sont les plus compressibles, et toutes les 
circonstances qui augmentent la dilatabilité tendent aussi à 
augmenter la compressibilité. 

M. Brassinne , ayant demandé la parole, fait observer que la 
communication de M. Daguin est d’une très-haute importance ; 
mais qu’elle ne peut être considérée que comme les prolégo- 
mènes d’un travail plus étendu, appuyé sur des expériences 
multipliées. La loi posée par M. Daguin se fait sentir, en quelque 
sorte, à prior? ; ce qu'il importe de démontrer, c’est sa généra- 
lité ou les anomalies qui peuvent se présenter ; les expériences, 
sur les divers corps, peuvent seules fournir des données exactes 
à cet égard. 

M. Filhol se joint à M. Brassinne pour engager M. Daguin à 
poursuivre ses recherches sous le point de vue du polymor- 
phisme des corps; elles peuvent amener, d’ailleurs, des décou- 
vertes précieuses sur la constitution de la lumière et des fluides 
impondérables. 


M. Dassrer fait un rapport, au nom de la section de méde- 
cine, sur les divers ouvrages envoyés par M. le docteur Mazade, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 415 
médecin à Anduze, qui demande une place d’Associé correspon- 
dant. Les conclusions du Rapporteur sont favorables, et après 
avoir entendu les observations présentées par plusieurs mem- 
bres , l’Académie décide qu'il sera statué sur cette proposition 
dans la prochaine séance, après convocation spéciale, confor- 
mément au règlement. 


L'ordre du jour indique la nomination d’un Associé corres- 
pondant. 

M. de Barthélemy, homme de lettres à Chälons, ayant obtenu 
la majorité des suffrages, est admis dans la classe des Inscrip- 
tions et Belles-Lettres. 


M. TimBaz-LaGrave annonce à l’Académie que l’Urtica mem- 
branacea (Poir.) a été trouvée par M. le capitaine Bosquet au 
bas des murailles qui bordent les cours de l’Arsenal de Toulouse: 
il est probable que cette plante existe depuis longtemps ; car on 
la trouve assez répandue autour des constructions de cet éta- 
blissement. M. Timbal-Lagrave insiste sur l’importance de cette 
découverte ; l'Urtica membranacea |Poir.) n’a été trouvée jus- 
qu'à ce jour en France qu'à Perpignan, Toulon, Fréjus, 
Hyères, localités essentiellement méditerranéennes, qui con- 
trastent singulièrement avec la station de Toulouse. 

Poiret et les fleuristes modernes considèrent l’Urtica membra- 
nacea (Poir.) comme une très-bonne espèce, tandis que Bu- 
bani , dans une brochure lue à l’Académie de Bologne, ne 
voit, dans les pédoncules membraneux des fleurs mâles, qui 
servent de caractère fondamental à cette espèce, qu'une fascia- 
tion de ces mêmes pédoncules. 

L'existence, à Toulouse , de cette plante litigieuse permettra 
de faire quelques recherches , pour savoir quelle est de ces deux 
opinions celle que l’on doit adopter. 

Enfin , la séance est terminée par la communication suivante 
faite par M. CLos : 

« Au nombre des plantes les plus intéressantes pour l'organo- 
graphie végétale, figurent ces petites expansions vertes qui 
flottent par milliers à la surface des eaux , et qui sont connues 


42 juillet. 


&16 MÉMOIRES 
du vulgaire sous le nom de lentilles d'eau, tandis que les bo- 
tanistes lui donnent celui de Zemna. 

» Le capitaine Serres (Flore abrégée de Toulouse 1836), et 
M. Arrondeau (/"lore Toulousaine 1855), n'indiquent dans 
nos contrées que deux espèces de ce genre : le Zemna minor 
Linn., le Lemna triscilia Linn. Notre honorable confrère, M. le 
docteur Noulet , ajoute à ces deux espèces le Lemna polyrhiza 
Linn. (Flore analytique de Toulouse 1855.) Mais aucun de 
ces {rois auteurs ne fait mention du Lemna gibba Linn., qui 
se distingue par sa forme renflée ou gibbeuse à sa face infé- 
rieure , d'où naît une seule racine. 

» Aussi ai-je été agréablement surpris de rencontrer cette der- 
nière espèce au dardin des Plantes de Toulouse, et surtout de 
la trouver en fleur (1° juillet 1855); la floraison de ces petits 
organismes ayant été rarement observée. 

» La présence de ce végétal dans un jardin des plantes pourrait, 
au premier abord, inspirer quelques doutes sur sa spontanéité 
dans notre Flore , et avec d’autant plus de raison que le Lemna 
gibba n’est pas signalé non plus par M. Lagrèze-Fossat , dans sa 
Flore de Zarn-et-Garonne. Mais ces scrupules doivent dispa- 
raître, car cette espèce existait en 1811 à Perpan, comme le 
témoigne la Flore de Toulouse de Tournon (page 232). 

» IL est donc arrivé, pour le Lemna gibba, ce qu'on voit, tous 
les jours , pour plusieurs espèces de la Flore des environs de 
Paris, qui, signalées par Thuillier, ont échappé pendant un 
certain temps aux recherches des botanistes ses successeurs, mais 
qui, néanmoins, finissent par être retrouvées. » 


Une nouvelle démonstration du binome de Newton, envoyé 
par M. Pague, et quelques questions de géométrie et d'analyse 
algébrique, par le même , sont renvoyées à l’examen de 
M. Sornin. 


M. Levure, appelé par l'ordre du travail, indique le but 
et le plan d’un ouvrage intitulé : Æpercu des Pyrénées, dont 
il communique textuellement quelques passages à l’Académie. 

Cet ouvrage doit être considéré comme le prodrome d'une 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 417 
description géognostique des Pyrénées, dont M. Leymerie s’oc- 
cupe depuis un certain nombre d'années. Il est accompagné 
d'une coupe transversale passant par la Maladetta, Luchon, 
Saint-Béat, Saint-Gaudens et Aurignac, où s'arrêtent les der- 
nicrs appendices de la chaîne. 


M. Timpac-Lacrave, appelé aussi par l'ordre du travail, 
communique à l’Académie une note sur le Ranunculus tube- 
rosus de Lapeyrouse. (Imprimé, page 314.) 

L'ordre du jour indique la nomination d’un Associé corres- 
pondant. 

M. Mazade, docteur en médecine à Anduze (Gard), ayant 
obtenu la majorité des suffrages , est admis dans la classe des 
Sciences, section de Médecine et de Chiruroie. 


M. le Préfet invite l’Académie à désigner un de ses membres 
pour faire partie de la Commission départementale , chargée de 
visiter l'Exposition universelle, et d’y étudier les questions de 
sciences appliquées aux arts. — L'Académie désigne M, Filhol. 


M. Cénac-Moncaut , en adressant un exemplaire de son ou- 
vrage sur l'histoire des Pyrénées, sollicite le titre d’Associé cor- 
respondant. L'examen de cet ouvrage et de la demande annexée 
est confié à une Commission composée de MM. du Mège, Barry 
et Belhomme. 


M. Poitrasson envoie un Mémoire sur le linaria cymbaluria. 
M. Clos est chargé de prendre connaissance de ce travail et 
-de présenter un rapport, 


M. le docteur Augustin Dassier lit une note sur l’ancienne 
Faculté de Médecine de Toulouse, créée en même temps que 
l'Université, en 1228. 

Après de longues et laborieuses recherches, M. Dassier est 
parvenu à reconstituer la série des professeurs officiels ou ré- 
gents en médecine , depuis 1228 jusqu'en 1793. En voici la 
nomenclature : 


Professeurs chargés des deux chaires médicales, de 1228 
à 1523. — Hispanus Lupus, en 1223; Bertrand Olier, 1364 : 


19 juillet. 


418 MÉMOIRES 
Arnault de Bosco, 1423 ; Bernard Salarti, 1423 ; Raymond de 
Seborde, 1432 ; André-Pierre de Beauvoir, 1459 ; Maître André 
Fonet, 1486 ; Jean Dascis, 1494; Guillaume Bunel, 1513 ; 
Noël Raynard, 1523. 

1'° chaire : Ayciène et Thérapeutique. — Jérôme Laroche, 
1559 ; Augier-Ferrier, 1581 ; Antoine Dumay, 1588 ; François 
Sanchez, 1612 ; David Reyd, 1625 ; Pierre Duchâteau, 1635; 
Pierre Purpan, 1639 ; Daniel de Ryordan, 1661; Jean Cartier, 
1668 ; Jean-Joseph Courtial , 1706 ; Guillaume de Boé, 1712 ; 
Francois Delort, 1720 ; Pierre Gouazé, 1731 ; Jean d’Aubons, 
1756 ; Bernard Dubernard, 1777 à 1793. 

2° chaire: Æygiène et Thérapeutique, alternativement avec 
la première chaire. — Jacques Alexin, 1566 ; Emmanuel Al- 
varus, 1582 ; Jean Queyratz, 1612 ; Jean Lecoq, 1645; Louis 
Queyratz, 1661; Jean Gaillard, 1676 ; Jean-Baptiste Barrère, 
1712; François Rigaud, 1720; Jean-Pierre Latour, 1747; Jean- 
Baptiste Gardeil, 1773 à 1793. 

3° chaire : Chirurgie et Pharmacie , créée en 1604. — 
Jean Queyratz, 1610 ; Guillaume Galtier, 1632 ; Jean Lecoq, 
1645; Antoine Lavolvène, 1648 ; Louis Queyratz , 1651 ; Cas- 
tello Orobio, 1661 ; Jean-Francois de Caddelane , 1668 ; Jean 
Duffaur, 1677. 

ke chaire : Chirurgie et Pharmacie, créée en 1705. — 
Jean-Joseph Courtial, 1705 ; Hierosme Toussans, 1708 ; Jean 
Astruc, 1712 ; Jean-Joseph Samedis, 1716 ; Jérôme Combarieu, 
1735 ; Jean-Baptiste Maynard , 1763 ; Sarrabeyrouse , 1783 ; 
Perrolle, 1787 à 1793. 

5° chaire : Chimie et Pharmacie , créée en 1705. — Jean 
Duffaur, ancien titulaire de la chaire de chirurgie-pharmacie , 
1705; Armand de Perpessac, 1712 ; Guillaume Dubernard, 
1756 à 1793. 

6° chaire : Médecine pratique, créée en 1773. — Thomas 
de Perez, 1773; Gilles Arrazat, 1776 à 1793. 


La reconstitution de la Faculté de médecine, partie intégrante 
de l'Université de Toulouse de 1228 à 1793, est un fait impor- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 419 
tant pour l’histoire médicale de notre cité, dont M. Dassier 
s'occupe déjà depuis longtemps , et dont il est heureux d'offrir, 
en quelque sorte, les prémices à l'Académie. En terminant sa 
lecture , il fait un appel à tous ceux qui s'occupent de nos 
origines toulousaines, et leur demande la communication de 
tous les documents, relatifs aux institutions sanitaires de 
Toulouse , qu'ils pourraient avoir en leur possession. 

A l’occasion du travail de M. Dassier, M. Belhomme signale 
des documents remontant au xmf siècle, dans lequel il est 
question de personnes inhumées in claustro medicinæ. M. Des- 
barreaux-Bernard révèle ce fait particulier que, dans les céré- 
monies des Etats du Languedoc, tenues au xv° et au xvi° siècle , 
les professeurs de médecine de Toulouse avaient le pas sur ceux 
de Montpellier. Enfin, M. du Mège fait remarquer qu'outre 
l'Ecole de Médecine, il y avait une maison particulière pour la 
chirurgie , située dans le quartier des Pauvrettes. 


M. Lavocar communique à l’Académie la première partie 
d’un Mémoire ayant pour titre : Æecherches comparatives sur 
les pièces osseuses composant la main et le pied de l’homme 
et des principaux mammifères. ( Imprimé, page 357. ) 

A la suite de cette lecture, M. Jozx prend la parole pour faire 
ressortir l'importance des travaux qui, comme celui de M. La- 
vocat, ont pour but d'introduire l'ordre et la lumière dans 
cette branche importante de la zoologie, relative à l'anatomie 
comparée du squelette. I ajoute que ce travail spécial confirme 
pleinement les vues déjà émises par M. Lavocat et par lui-même 
dans un Mémoire fait en commun. 

Le même membre de l’Académie demande qu’il soit nommé 
une Commission pour examiner la question relative à l'acclima- 
tation, dans les Pyrénées, de la chèvre d'Angora, dont un trou- 
peau a étéradressé à la Société d’acclimatation de Paris, qui 
voudrait tenter un essai sérieux dans le midi de la France. 
Cette proposition étant accueillie , la Commissiou est nommée, 
et se compose de MM. Joly, Lavocat et Dubor. 


M. Rampin adresse à l’Académie un chronographe, ou calen- 


26 juillet, 


Lk20 MÉMOIRES 


drier mécanique perpétuel , de son invention. M. Petit est chargé 
d'en prendre connaissance et de faire connaître le résultat de 
son examen. 


M. Sorxix fait un rapport sur deux opuscules mathématiques 
envoyés par M. Pague, professeur à l’Athénée royal de Liége. 
Sur sa proposition , des remerciments seront adressés à l’auteur. 

Un rapport est présenté par M. Joy, au nom d’une Com- 
mission chargée d'examiner la question de l’acclimatation des 
chèvres d'Angora , que la Société d’acclimatation de Paris vou- 
drait envoyer dans les Pyrénées. Deux stations ont paru parti- 
culièrement favorables pour cette expérience : l’une située à 
Luchon, dans un terrain voisin de l’hospice, l’autre dans un 
terrain appartenant à un agronome distingué du département de 
l’Ariége ; la Commission a, en outre, donné son avis sur le 
choix des personnes à qui ces animaux pourraient étre utilement 
confiés, en désignant MM. Penent et Troy. 


M. Truear-LaGrave présente des observations sur une espèce 
de phalaris, dont il a été question dans la dernière séance. II 
dit que la localité où cette plante a été trouvée par M. Roume- 
guère est en dehors des conditions ordinaires; en effet, c’est 
dans ce lieu que se trouvent le port du canal Saint-Etienne, et 
les magasins des blés destinés à l’approvisionnement de la ville: 
le débarquement des marchandises, le lest des bateaux , l’épu- 
ration des blés étrangers, dont les résidus sont jetés dans les 
champs environnants, sont autant de causes facilitant l’intro- 
duction de graines étrangères dont les blés sont toujours mé- 
langés. 

C'est ainsi que successivement, depuis trois ans, on a pu 
constater dans cette localité plusieurs plantes étrangères, non- 
seulement pour notre Flore, mais encore pour la Flore française. 
Parmi celles qui ont été déterminées, M. Timbal-Lagrave signale, 
avec lephalaris brachystachis (Linck),lesphalaris minor (Retz) 
et carulescens (Linck), les plantago lagopus (L.), lepturus 
cylindricus ( Trin), sinapis orientalis (L.), festuca loliocea 
(Huds), qui appartiennent à la région méditerranéenne ; les 


DE L'ACALÉMIE DES SCIENCES. 421 
bromus lanceolatus (Roth), festuca stipoïdes (Desf.), trisetum 
ovatum | Gers ), des bords de la mer Noire; le si/ene conoïdea 
(L.), qui habite l'Espagne et Gibraltar ; le /yoncetia cretica, 
de l’île de Crète ; enfin le cephalaria syriaca, si commun dans 
tous les blés de Syrie et d'Alger. 

Ces plantes ne se sont pas répandues au loin ; au contraire , 
elles ont disparu dès les premiers mois de leur apparition; il 
faut donc bien se garder de les compter au nombre des espèces 
dont se compose la Flore toulousaine. 


M. ou Mè6e annonce que des ouvriers, employés à la répa- 
ration d’un chemin situé vers la seconde côte du village de 
Labroquère, ont découvert , il y a peu de jours, un fragment 
de colonne milliaire romaine, et une inscription sépulcrale con- 
sacrée aux dieux Mânes et à une jeune fille par sa mère. Le 
même académicien annonce que ces marbres ont été recueillis 
et seront conservés pour l’histoire. Il s'attache ensuite à montrer 
l'intérêt qu’excite la découverte d’une colonne milliaire sur le 
point où l’on a retrouvé celle-ci, et qui était peu éloigné de la 
voie ab aquæ tarbellius Tolosani, voie qui, comme on le 
sait, joignait Dax à Toulouse à l’époque de la domination 
romaine. Cette découverte contredit formellement l'opinion 
jadis si accréditée, même parmi les meilleurs géographes , que, 
dans l’Aquitaine, les distances étaient comptées en lieues gau- 
loises. 


M. Joy communique en son nom et au nom de M. Lavocat, 
son collaborateur, un travail, intitulé : Note tendant à réfuter 
les assertions de sir Richard Ouen sur le système digital des 
équidés , improprement appelés monodactyles. 

Comme ce titre l'indique , le travail de MM. Joly et Lavocat 
a pour but de prouver , contrairement aux assertions récemment 
émises par R. Owen, dans ses Principes d'ostéologie com- 
parée, que le grand doigt des chevaux, regardé généralement 
comme unique , est, en réalité, formé de deux doigts ( l’an- 
nulaire et le médius), réunis par soudure. Les auteurs du 
Mémoire actuel démontrent la vérité de leur opinion, en em- 


2 août. 


L22 MÉMOIRES 
pruntant leurs preuves tout à la fois à l'anatomie normale, à la 
tératologie et même à la paléontologie. 

Ils considèrent les deux os appelés stylets par les vétérinaires, 
comme les représentants de l'auriculaire et de l'index de la 
main humaine ; enfin, ils trouvent le pouce , à l’état rudimen- 
taire, dans cette excroissance cornée que l’on connaît vulgaire- 
ment sous le nom de châtaigne. 

D'où il résulte, d’après MM. Joly et Lavocat, que Buffon a 
eu raison de dire, bien qu’il ne l'ait pas prouvé , que « Le pied 
du cheval, en apparence différent de la main humaine , est 
cependant composé des mêmes os. » 


M. le docteur Comarmond envoie la description du Musée 
lapidaire de la ville de Lyon , en un volume in-4°, et il sollicite 
le titre d’Associé correspondant. — Renvoyé à une Commission , 
composée de MM. Barry, Belbomme et du Mège. 


M. Sorxax fait connaître à l'Académie qu'il s’est occupé de 
chercher pour les triangles sphériques des formes analogues à 
celles des triangles plans. I signale une formule simple qu’il a 
trouvée pour exprimer l'aire des triangles sphériques en fonc- 
tion de leur base et de leur hauteur ; mais ces deux données ne 
suffisant pas pour déterminer la surface du triangle sphérique, 
il y a joint la médiane. La formule obtenue est caleulable par 
logaritames, et, comme vérification de son exactitude, conduit 
aisément à la mesure connue de l'aire des triangles plans. 

Quelques développements sont donnés par M. Sornin pour 
expliquer ces formules et leur application. M. Molins en recon- 
nait l'exactitude et la simplicité, et adresse des éloges à son 
collègue qui les à trouvées. 


M. Lavocar appelle l'attention de l’Académie sur un des 
points encore controversés des phénomènes physiologiques de la 
vision. 

On sait que les objets que nous regardons sont représentés 
au fond de l'œil, comme dans toute chambre obscure, par une 
image petite et renversée. De tout temps, on a cherché à expli- 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 423 
quer comment, malgré ce renversement de leur image, les objets 
étaient vus dans leur situation réelle. 

Tant que la physiologie, au lieu de relever d'elle-même, a 
subi des influences étrangères, tant que la métaphysique surtout 
la fit considérer , non sans quelques raisons, comme le roman 
de la science , on a cru que l’homme parvenait à voir les objets 
dans leur véritable position par la comparaison avec lui-même, 
par le toucher, l'habitude, etc. 

Cette doctrine, dit M. Lavocat, n’est pas soutenable ; elle 
n’est même pas spécieuse. D'après elle, on serait exposé aussi à 
voir à droite les objets situés à gauche , sauf correction. Ne sait- 
on pas, d’ailleurs, que les animaux, bien que dépourvus de 
nos moyens de rectification, voient les corps dans leur position 
réelle, et-qu’il en est de même pour les hommes privés de l'in- 
telligence? Une preuve encore très-concluante est encore fournie 
par les aveugles de naissance qui, ayant recouvré la vue, n'ont 
pas eu hesoin d'éducation pour voir les objets comme ils sont 
réellement. 

Cependant, quelques physiologistes n’ont pas renoncé à l’an- 
cienne erreur ; et tout récemment encore, elle a été reproduite 
dans un mémoire présenté à l’Institut par M. Gratiolet, sur la 
disposition des fibres nerveuses dans le cerveau. Un passage de 

. ce travail, fort remarquable d’ailleurs au point de vue anato- 
mique, établit que les fibres des nerfs optiques éprouvent, dans 
la substance des hémisphères cérébraux, une inversion marquée; 
ce qui, d’après M. Gratiolet, expliquerait comment les objets 
sont vus dans leur attitude réelle, bien que leur image soit 
renversée sur la rétine. 

M. Lavocat fait observer que cette nouvelle explication , bien 
que basée sur l'anatomie , n’est pas plus admissible que toutes 
celles qui l’ont précédée. La rectification que l’on cherche à 
expliquer dans les phénomènes de la vision est complétement 
inutile. En effet, l'image renversée au fond de l'œil n'est pas 
perçue par le sens visuel, mais la rétine transmet simplement 
au centre cérébral les impressions qu'elle a reçues et qu'elle 
rapporte toujours à la direction suivant laquelle les rayons lu- 


9 août. 


424 MÉMOIRES 

mineux lui sont parvenus. Or, ces rayons ayant subi la puis- 
sante réfraction du cristallin, ont convergé et se sont entre- 
croisés avant leur incidence sur la membrane sensible. Par 
conséquent, les points d'impression inférieurs sont naturelle- 
ment rapportés à la partie supérieure des objets, les supérieurs 
à la partie inférieure, et transmis comme tels au cerveau qui 
les perçoit et juge ainsi, sans qu'aucune rectification soit né- 
cessaire sur les dimensions et l'attitude réelle des corps observés 
par les yeux. 

Au resle, ce qui se passe ici est exactement le même phéno- 
méne que pour les autres sens, et notamment pour l’ouïe, qui 
fait connaître les corps environnants d'après la direction même 
des rayons sonores qui en émanent. 

En terminant, M. Lavocat fait remarquer que, relativement 
à la vision, la théorie qu'il vient de combattre, n’est pas la 
seule qui soit aussi peu fondée. Il en est bien d’autres : par 
exemple, toutes celles qui , attribuant à l'œil la vue également 
distincte à distances différentes, ont cherché à expliquer ce 
pouvoir d'optique qui, en réalité, n’est pas accordé à l'organe 
visuel. L 

Cette communication n'ayant donné lieu à aucune observa- 
tion , la séance est levée. 


M. CLos annonce que son frère, M. Léon Clos, correspondant 
de l’Académie, vient d’être lauréat de l’Académie des Inscrip- 
tions et Belles-Lettres de l’Institut, pour un travail sur les ins- 
ütutions municipales du centre de la France. 


M. Gaussais lit l'introduction à un Mémoire qui fera le sujet 
de plusieurs communications , et qui a pour titre : £ramen 
analytique de trois dissertations médicales de Francois 


Bayle (1). 


(4) François Bayle , médecin et philosophe, était professeur à l'Université 
de Toulouse (faculté des arts). 11 est mort dans celte ville, en 1709, à l’âge 
de quatre-vingt-sepl ans. La collection complète de ses œuvres forme 4 vol. 
in-/4°, 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. #25 

Dans la séance du 21 juin dernier, M. Clos avait commu- 
niqué à l’Académie un travail sur les écrits de Bayle en bota- 
nique et en physiologie végétale. A la suite de cette lecture , on 
a manifesté le désir que des communications semblables fissent 
connaître cet auteur mieux qu’il ne l'est généralement. 

M. Gaussail signale d’abord cette circonstance, comme le 
motif principal de l'étude rétrospective qu'il a entreprise, dans 
le but d'apporter son contingent de souvenirs à la mémoire trop 
oubliée de François Bayle : « Quand les biographies sont muettes 
» ou écourtées, dit-il, quand un homme qui a cultivé la science 
» avec ardeur et publié de nombreux travaux, reste ignoré, 
» alors qu’un siècle et demi ne s'est pas encore écoulé depuis 
» sa mort, il n’y à qu’un moyen de savoir si la postérité a été 
» ingrate envers cet homme, si l'oubli dans lequel est tombée 
» sa mémoire est légitime ou injuste; c’est de l’étudier dans 
» les seuls vestiges qui restent de lui-même , c’est-à-dire , dans 
» ses écrits. 

» Les élucubrations de ce genre, continue-t-il, se rattachent 

» à la mission qui iacombe particulièrement aux Académies 
des départements, et celle que j'entreprends se spécialise en- 
core davantage , puisqu'il s’agit d’un savant toulousain ; qui 
fut aussi l’un des fondateurs de notre compagnie, alors que 
son existence élait tout-à-fait rudimentaire. » 
Après un aperçu bibliographique sur le petit volume conte- 
nant les trois dissertations qui feront l’objet de son examen (1), 
M. Gaussail analyse la dédicace de François Bayle à Jean Guy 
de Maniban , avocat général au Parlement , etc. , et la préface 
au lecteur. Voici les faits principaux qu’il déduit de cette 
analyse. 

Les trois dissertations à examiner ont fourni à François 
Bayle le sujet de la première de ses publications imprimées ; 
l'auteur était alors âgé de quarante-huit ans. 


= ZA Dee 0) |: 


(1) Ces trois dissertations ont pour titre : 1° De causis fluxûs menstruë 
mulierum; 2° De sympathia variarum corporis parlium cum utero ; 3° De 
usu lactis ad turbidos refictendos el de immedialo corporis alimento. 


h26 MÉMOIRES 

Ces dissertations ont été composées et soutenues par Bayle, 
pour la dispute d'une chaire de médecine, vacante à l'Université 
de Toulouse. L'auteur a tenu à ce que cette circonstance ne de- 
meurât pas ignorée, car il la signale par trois fois, et il y 
reviendra encore. Ne serait-ce point parce que la pensée de l'é- 
chec qu'il avait éprouvé dans le concours laissait dans son 
esprit un souvenir pénible ? 

Bayle avait reculé pendant longtemps devant les dangers et 
les hasards de la publicité; de ces dangers et de ces hasards 
qu'il rattache à ces conditions générales au milieu desquelles 
se trouvaient , de son temps, les sciences et les arts. Bayle a 
su retracer , de toutes ces circonstances, une peinture animée 
et incisive. 

Tout en admettant que les idées, exposées par lui à cet égard, 
expriment des opinions et des faits empreints à un certain 
degré du cachet de la réalité; en reconnaissant qu’elles révè- 
lent une intelligence richement dotée , un esprit éclairé, un sa- 
voir profond , M. Gaussail serait porté à établir qu'elles déno- 
tent en même temps chez Bayle un caractère ardent, impa- 
tient, inquiet, aigri peut-être par la pensée que ses travaux 
n'étaient pas appréciés comme ils devaient l'être. 

Maintes fois Bayle a insisté sur la nouveauté de ses opinions. 
Ce genre de mérite est incontestable pour les travaux qu'il se 
propose de publier plus tard , et dont il fait l'énumération à la 
fin de sa préface. I s’agit, en effet, des mouvements du cœur 
et des artères, qui lui ont été dévoilés par ses propres études 
anatomiques sur la structure de ces organes. Il a surtout cons- 
taté, le premier, la disposition admirable des faisceaux et des 
fibres musculaires des oreilleties, et ilen a déduit les usages 
auxquels étaient destinées ces deux parties du cœur. Il est bon 
de rappeler que la découverte de la circulation du sang ne da- 
tait alors que de quelques années (1619). 

Il reste à M. Gaussail à rechercher et à établir si les convic- 
tions de Bayle à l'égard des opinions nouvelles, dont il aurait 
enrichi la science, se trouvent légitimées dans les trois dis- 
sertations qui feront successivement le sujet de son examen. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k27 

A la suite de cette lecture, M. Dassier, tout en remerciant 
M. Gaussail d’avoir entrepris ce travail sur Bayle, et en le fé- 
licitant de la manière dont il l’a commencé, croit devoir rele- 
ver quelques détails biographiques relatifs à Bayle, et indique 
certaines sources de renseignements. 

M. Gaussail répond que son intention a été de se livrer seu- 
lement à l'étude spéciale des trois dissertations de Bayle ; dis- 
sertalions dans lesquelles il croit pouvoir dire d'avance , et sauf 
la preuve à développer, qu'il y a des idées très-remarquables 
et très-avancées pour l’époque où Bayle écrivait. 


M. Lavocar donne lecture de la seconde partie de son Mé- 
moire, intitulé : Recherches comparatives sur les pièces os- 
seuses qui composent la main et le pied de l'homme, et des 
principaux mammifères. (Amprimé , p. 357.) 


M. Joly, qui a participé aux travaux de M. Lavocat, et qui 
s'associe à toutes ses idées scientifiques , fait ressortir en quel- 
ques mots les avantages et le résultat de la méthode philoso- 
phique adoptée et suivie dans le travail de M. Lavocat, et qui 
sert à relever et à combattre des erreurs trop accréditées, et 
que l’on ne saurait trop s’efforcer de détruire. 


Au nom d’ane Commission , M. pu Mëçce présente à l’Aca- 
démie un rapport sur l'ouvrage publié par M. Cénac-Moncaut, 
intitulé : Æistoire des Pyrénées et des rapports internatio- 
naux de la France avec l'Espagne , depuis les temps les plus 
reculés jusqu'à nos jours. — Annales de la Catalogne, de 
lAragon , de la Navarre, du pays Basque, du Béarn, du 
Bigorre, du Comminges , du comté de Foix ; du Roussillon, 
de la Cerdagne, de Narbonne , de Carcassonne , etc. 


M. du Mège dit que l'auteur, pour être entièrement fidèle à 
son titre, considère d’abord les Pyrénées sous le rapport géo- 
logique ; il indique ce que l’on conjecture, ce que l’on croit sur 
leur formation ; puis il montre les premiers hommes qui, sui- 
vant lui, ont habité, peuplé ce qu’il nomme le plateau pyré- 
néen. Les origines l’oceupent ensuite; et bien qu'il ne voie 


428 MÉMOIRES 

dans cette région élevée qu’un seul peuple, il doit nécessaire- 
ment mentionner les nations ou les tribus qui ont possédé cette 
vaste contrée. Là , l’auteur se trouve en présence de plusieurs 
systèmes. Il se décide pour celui qui ne nous présente, en quel- 
que sorte, que les Ibères et sur nos montagnes et dans nos val- 
lées ; assertions qui pourraient être controversées avec d'autant 
plus de force, que ce que l’on allègue à ce sujet dépend, en 
grande parlic, des preuves fournies par la philologie, et par la 
science , quelquefois trop hasardeuse , des étymologies. 

Passant ensuite à l’histoire telle qu’elle nous a été transmise 
par les auteurs de l'antiquité, du moyen âge, de la renaissance 
et des temps modernes, M. Cénac raconte avec précision , avec 
soin, quelquefois avec élégance , les faits si nombreux, si atta- 
chants qu’il a pu recueillir dans les écrits publiés, tant en deçà 
qu'au delà des monts qui nous séparent de la péninsule his- 
panique. 

Dom Vaissette avait dejà esquissé ces Annales, en tant qu’elles 
se rattachaient à l’histoire générale du Languedoc; M. Cénac- 
Moncaut n’a rien négligé pour faire connaître cette série d’évé- 
nements, qui ont eu lieu dans nos contrées et dans les provinces 
voisines. 

Suivant le Rapporteur , et de l'avis de la Commission , les 
cinq volumes auront donc de l'attrait pour ceux qui ne peu- 
vent recourir aux documents originaux. Ils offrent, d’ailleurs, 
un fableau animé des annales des contrées pyrénéennes. C’est 
un travail consciencieux autant qu'il peut l'être, alors qu’on 
adopte les idées de l’école historique, qui, de nos jours, ne 
voulant rien laisser à connaître, interroge, non-seulement les 
marbres inscrits et les chartes, témoins vénérables des temps 
passés, mais qui dépouille les vieux idiomes des obscurités 
qu'ils semblaient présenter, et leur demande l’origine des peu- 
plades qui les parlent encore. 

En résumé, l’ouvrage de M. Cénac-Moncaut a intéressé la 
Commission ; bien éloignée d'adopter toutes les idées émises par 
l’auteur, elle n’en appuie pas moins, avec justice, les recherches, 
les travaux qui ont donné naissance à cet ouvrage. Par l’or- 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 429 


gane de M. du Mège, cette Commission propose d’accorder à 
M. Cénac-Moncaut le titre de Correspondant , qu'il sollicite. Le 
Rapporteur ajoute que cet écrivain s'était d’ailleurs fait con- 
naître depuis plusieurs années par des ouvrages qui montrent, 
sous la forme de résumés historiques , un goût décidé pour les 
recherches de l’érudition, en tout ce qui se rattache aux pre- 
miers temps de la Gaule et de l'Espagne. 

Une autre Commission, prise dans la classe des Inscriptions et 
Belles-Lettres , rend compte encore, par l'organe de M. ou Mer, 
de l’ouvrage envoyé à l'Académie par M. Comarmond, et qui 
est intitulé : Description du Musée lapidaire de la ville de 
Lyon. 

Tout le monde connaît l'importance de la ville de Lyon sous 
la domination romaine : malgré les révolutions qui ont pesé 
sur elle, malgré la destruction complète dont elle fut menacée 
en 1794, cette grande ville a conservé les traces de son an- 
cienne splendeur. Ses inscriptions si nombreuses, si remar- 
quables, ne périrent pas, et les tables de bronze de l’empereur 
Claude subsistent encore. On peut y voir aussi la longue et 
importante série de monuments épigraphiques qu’elle possède, 
et qui décorent les portiques de son Palais des Sciences et des 
Arts, où ils font partie du Musée lapidaire de cette grande 
ville. Ces collections , d’abord formées par des travaux d’une 
grande érudition , et enrichies par Artaud, ont acquis un nouvel 
éclat et de nouvelles richesses sous l'administration de M. Co- 
marmond, dont les travaux archéologiques sont d’ailleurs si 
connus. Après avoir exposé toute l'importance de ce Musée, 
M. du Mège montre par combien de soins, par combien de sa- 
crifices on est parvenu à former, à accroître cet établissement. 
L'ouvrage de M. Comarmond, qui contient la description de 
tous ces anciens monuments, témoigne de la science de cet 
écrivain. Il y a beaucoup à apprendre en le lisant, et la Com- 
mission n'a pas hésité un seul instant pour proposer à l’Aca- 
démie d’accéder aux désirs de ce savant, qui, aux nombreux 
litres académiques qu'il possède déjà , voudrait joindre celui de 
Correspondant de l’Académie de Toulouse. + 

&°S.— TOME v. 29 


C2 16 août. 


430 | MÉMOIRES 

A la suite de ce rapport, l'Académie délibère qu'il sera statué, 
dans la prochaine séance, sur les conclusions des deux Commis- 
sions, et que des convocations motivées serontenvoyées à cet effet. 


M. Becuomme, appelé par l’ordre du travail, lit un Mémoire 
ayant pour titre: Coup d'œil, au moyen de Chartes inédites, sur 
l'ancienne constitution judiciaire dans la ville de Toulouse , 
avant l'établissement du Parlement, notamment pendant la 
domination de Simon de Montfort. 

Reportant les souvenirs sur un Mémoire lu dans la séance 
publique de l’Académie , qui eut pour objet l'histoire de l’ancien 
Parlement de Toulouse, et qui invitait à la recherche des actes 
et documents pouvant servir à la constituer, M. Belhomme 
s'exprime ainsi : 

« L'histoire de l’ancien Parlement de Toulouse ne esaurait être 
brusquement introduite L’existence monumentale , qu'elle est 
appelée à consacrer, réclame des développements qui semblent 
indispensables et qu’il faut puiser dans les époques antérieures 
à l'établissement définitif du Parlement dans la ville de 
Toulouse. Ainsi , tout ce qui se rattache à l'exercice des 
juridictions ayant dans notre ville précédé la cour souveraine, 
doit être l’objet des investigations, et fournir, pour son 
histoire, des éléments de préliminaires et d’avant-propos. » 

M. Belhomme fait observer qu’avant l'établissement définitif 
de la seconde Cour souveraine , le vieux Parlement, Cour 
unique pour tout le royaume, était venu siéger plus d’une fois 
dans notre ville et y rendre des arrêts. « Aussi, poursuit 
M. Belhomme , les circonstances , les divers motifs qui, de 
temps à autre, donnèrent lieu , dans la ville de Toulouse, aux 
séances de la juridiction souveraine , doivent être, eux encore, 
soigneusement recherchés. C'est en les étudiant, avec un 
esprit sage et vrai, que se montrera la nécessité évidente qu'il 
y avait de coordonner , sous la paissante influence et le pouvoir 
d'une Cour supérieure, la marche des juridictions préexis- 
tantes, qui s’entrechoquent dans leurs attributions respectives 
et se trouvent presque toujours en lutte les unes contre les 
autres. Ces débats furent quelquefois poussés si loin, même 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 131 
contre la juridiction ecclésiastique, qu’il ne faut rien moins, 
pour y croire, que l'autorité des lettres patentes des souve- 
rains , poursuivant leur répression et les signalant au nombre 
des causes , dont aurait à connaître le Parlement, convoqué en 
séance temporaire à Toulouse. » 

Après avoir donné la traduction littérale des textes latins de 
plusieurs de ces lettres patentes de la fin du xmf siècle, documents 
inédits , fournis par les archives départementales et qui excitent 
un vif intérêt, M. Belhomme présente en ces termes le résumé 
des réflexions qu'elles lui inspirent : 

« Ainsi, comme on le voit, la juridiction temporelle de 
l'évêque de Toulouse était en lutte avec celles des officiers 
royaux et des magistrats municipaux de ladite ville, usant 
contre elle des moyens les plus monstrueux , comme leprouvent 
les lettres patentes que nous avons citées et bien d’autres dont 
nous pourrions aussi invoquer le témoignage : tantôt le sénéchal, 
tantôt le viguier et les capitouls, se rendaient coupables de tels 
actes, malgré les arrêts du Parlement, et c'était à ces mêmes 
officiers que s’adressaient les lettres patentes pour poursuivre 
judiciairement les uns contre les autres dans une voie où leur 
passage était également marqué par des excès. De cette situation, 
que pouvait-il résulter , si ce n’est confusion et désordre ? Ainsi 
devait de plus en plus ressortir la nécessité de l'existence d’une 
juridiction supérieure permanente dans la seconde ville du 
royaume. » 

Enfin, après avoir rappelé, comme documents utiles au même 
ütre , plusieurs chartes inédites qu'il a citées en divers temps, 
et qui ont été imprimées dans les publications de l'Académie , 
M. Belhomme cite une autre charte, ou décision judiciaire , 
se rapportant à la même époque, et qui offre un intérêt 
particulier, en ce qu'elle fait l'application de l'un des articles 
de l’ancienne coutume de Toulouse, concernant les oblivations 
des femmes et le payement des créances; en ce qu’elle fait 
encore connaître le personnel des juges que Simon de Montfort 
avait établis ou laissés dans Toulouse. 


M. Astre reconnaît toute l'importance des documents retrouvés 


h32 MÉMOIRES 


et produits par M. Belbomme, pour les temps antérieurs à la 
création du Parlement, Il fait observer notamment que cette 
décision, rendue sous la domination de Simon de Montfort, par 
des juges dont les noms de famille se retrouvent à plus d’une 
époque de nos annales, prouve, une fois de plus, que la com- 
munce toulousaine défendait, sous l’usurpateur , ses priviléges, 
ses coutumes ; car celte sentence est l'exécution d’une disposition 
coutumière (art. 1%, tit. IV). M. Astre se félicite de ce que les 
idées qu'il a émises récemment ont été entendues , et ont eu 
sitôt des résultats aussi heureux. Il espère que ce ne seront pas 
les seuls. 


L'ordre du jour indique la nomination de deux Correspon- 
dants. MM. Cénac-Moncaut, homme de lettres à Mirande, et 
M. le docteur Comarmond , de Lyon, ayant obtenu la majorité 
des suffrages, sont nommés Correspondants dans la classe des 
Inscriptions et Belles-Lettres. 


M. Perir fait un rapport des plus favorables sur le Chrono- 
graphe, ou calendrier perpétuel, imaginé et présenté par 
M. Rampin, ancien sous-officier d'artillerie. 

M. Petit déclare que ce Chronographe offre, par sa simplicité, 
par la facilité de l’usage, par les résultats nombreux et obtenus 
sans peine, une foule d'avantages sur les inventions du même 
genre. On peut , en effet, à l’aide d'une combinaison très-simple, 
former à l'instant , non-seulement le calendrier de l’année, mais 
encore celui des années passées ou futures les plus éloignées ; 
avoir le calendrier Grégorien ou Julien, leurs dates, etc.; enfin, 
se livrer à toutes les recherches imaginables pour le passé, le 
présent et l'avenir. 

Cette combinaison , si simple et si féconde , repose tout en- 
tière sur la lettre dominicale et sur son emploi. M. Petit estime 
qu'il serait à désirer que le Chronographe de M. Rampin devint 
d’un usage général , et qu'il füt substitué à tous les calendriers 
perpétuels , qu’il ne dépasse pas en grandeur, mais qu'il laisse 
bien loin pour la commodité et l'utilité journalière. 

Sur l'exposé qui lui est fait et la démonstration qu'elle voit 


DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. k33 
sous ses yeux, l’Académie s'associe aux conclusions de son Rap- 


porteur , en reconnaissant tous les avantages de l'invention de 
M. Rampin. 


M. Finoz communique verbalement à l’Académie les princi- 
paux résultats des recherches, auxquelles il s’est livré, dans le 
but de déterminer exactement la composition chimique des eaux 
sulfureuses des Pyrénées. D’après M. Filhol, les eaux des Pyré- 
nées orientales se distinguent de celles de tout le reste de la 
chaîne par la présence d’une quantité beaucoup plus forte de 
carbonate de soude. L’alcalinité de ces eaux minérales oblige le 
chimiste qui veut les analyser , à prendre des précautions parti- 
culières pour déterminer exactement la quantité de sulfure de 
sodium qu’elies contiennent. M. Filhol a constaté qu’en faisant 
l'analyse, au moyen du sufhydromètre, à la manière ordinaire, 
on commet des erreurs qui dépassent souvent 30 p. 0/0. Les eaux 
sulfureuses de lAriége, moins alcalines que celles des Pyrénées 
orientales, et plus alcalines que celles des Pyrénées centrales , 
établissent la transition des unes aux autres. 

M. Filhol a vu que la matière gélatineuse (barégine ) déposée 
par les eaux d'Olette ({Pyréuées-Orientaies }, renferme des êtres 
organisés nombreux ; il y a reconnu des navicules, des surirelles 
et des conferves, dont il n’a pu déterminer l'espèce. Chose re- 
marquable, l’une des espèces de navieules qu'on trouve dans 
celte barégine , est analogue à celle qui a été découverte dans la 
matière organiqne des eaux de Vichy; ce qui confirme l'exis- 
tence du carbonate de soude dans les eaux des Pyrénées-Orien- 
tales. 

M. Filhol fait connaître ensuite un nouveau procédé, auquel 
il a eu recours pour déterminer la quantité d’acide sufhydrique 
nécessaire pour décolorer un volume quelconque de cette solu- 
tion , et faire passer ensuite , à travers un égal volume de ce 
même liquide, l'air dont on veut déterminer la composition , 
jusqu’à ce que l'iodure d’amidon soit tout à fait décoloré. Ce 
procédé est d’une sensibilité telle , qu'il permet d’accaser la pré- 
sence d’un centième de milligramme d'acide sufhydrique dans 
cent litres d'air. 


925 aout. 


30 août. 


13% MÉMOIRES 

M. Couserax lit une note sur les causes de la désagrégation 
de la brique au contact du plâtre gâché. 

Appelé à vérifier les causes de cette désagrégation, qui a été 
constatée, depuis peu, dans l'emploi d’une certaine qualité de 
briques, celle qui reçoit le moins de cuisson, M. Couseran 
pense que ces altérations pourraient être dues à l'emploi comme 
combustible de la houille, qui, suivant sa qualité, contient 
plus ou moins de soufre, et pourrait être la source de sulfate 
d’alumine, que l’on retrouverait dans la brique, dont les réac- 
tions successives, en se produisant, amènent sans doute la mau- 
vaise qualité qui a été signalée. 


M. Pgrir remet sur le bureau la note suivante : 


Inclinaison de l'aiguille aimantée, déterminée à l'Observa- 
toire , de 9 heures du matin à midi, le 20 août 1855 : 


I. —=62°27 83. 
Déclinaison magnétique obtenue le 22 août 1855 , de 9 heu- 
res 1/2 à 11 heures 1/2 du matin : 
D.=—19°6 64. 
L'Académie ayant terminé ses séances, s’ajourne, Suivant 
son usage, au mois de janvier prochain. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. L35 


———_—_—_—_—_—_——_—_—— TT  ——  ———]— 


SUJETS DE PRIX 


POUR LES ANNÉES 186, 1857 Er 1858. 


L'Acanémre rappelle que le sujet du prix à accorder en 1856, 
est la question suivante : 


Rechercher quels sont , en dehors du latin , les éléments 
qui ont concouru à la formation de la langue romane. 


Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. 


L'Académie propose pour sujet de prix de l’année 1857 , la 
question suivante : 


Faire connaître, à l’aide de bonnes descriptions et de 
figures, les mousses et les lichens qui croissent dans un des 
départements du bassin sous-pyrénéen. 


Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. 


L'Académie propose pour sujet de prix de l’année 1858, la 
question suivante : 


Recherches sur l'électricité atmosphérique. 


Observations. L'Académie, en posant la question dans ces 
termes généraux et en laissant ainsi un libre et vaste champ 
aux recherches, croit néanmoins utile d'attirer particulière- 
ment l'attention des concurrents sur les questions secondaires 
suivantes : 

4° Discuter les observations desqueiles on a déduit l'existence 
de l'électricité atmosphérique et les lois de sa tension ; 


2° Déterminer , en s'appuyant sur l'expérience, les sources 
de l'électricité atmosphérique ; 


k 36 MÉMOIRES 


3° Reconnaître si l'espèce d'électricité qui charge un nuage 
orageux exerce une influence sur sa constitution physique ; 


&° Rechercher quel est le degré d'influence de l’état électri- 
que des nuages orageux sur la formation de la grêle ; 


5° Etablir sur des documents authentiques la fréquence 
relative de la grêle dans les régions du bassin sous-pyrénéen , 
et rechercher les circonstances qui peuvent, dans ces mêmes 
régions , influer sur la répartition inégale de ce météore. 


Nota. Quelles que soient les questions traitées , l’Académie , 
dans l'appréciation des Mémoires qui lui seront présentés , 
tiendra compte surtout de la nouveauté et de la fécondité des 
observations personnelles ; elle attachera cependant une grande 
importance aux recherches relatives à la dernière question. 


Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. 


Les savants de tous les pays sont invités à travailler sur les 
sujets proposés. Les membres résidants de l’Académie sont seuls 
exclus du concours. 


Les auteurs sont priés d'écrire en français ou en latin, et de 
faire remettre une copie bien lisible de leurs ouvrages. 


Ils écriront au bas une sentence ou devise ; la même sen- 
tence sera inscrite dans ua billet séparé et cacheté, renfermant 
leur nom , leurs qualités et leur demeure. 


4 


Ils adresseront les lettres et paquets, franc de port, à 
M. Urbain Vrrry, ex-Ingénieur-Architecte en chef de la ville, 
Secrétaire perpétuel de l’Académie, allée Louis-Napoléon , n°3, 
ou les lui feront remettre par quelque personne domiciliée à 
Toulouse. 


Les Mémoires ne seront reçus que jusqu’au premier janvier 
de chacune des années pour lesquelles le concours est ouvert: 
Ce terme est de rigueur. 


Les Mémoires dont les auteurs se seront fait connaître 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 437 


avant le jugement de l’Académie, ne pourront être admis au 
concours. 


Les noms des lauréats seront proclamés en séance publi- 
que, le premier dimanche après la Pentecôte. 


Si les auteurs ne se présentent pas eux-mêmes, M. le 
Docteur Larrey , Trésorier perpétuel, ne délivrera le prix 
2 
qu’au porteur d'une procuration de leur part. 


L'Académie, qui ne prescrit aucun système, déclare aussi 
qu'elle n'entend pas adopter tous les principes des ouvrages 
qu'elle couronnera. 


Dans sa Séance publique annuelle, l'Académie continuera de 
décerner des médailles d'encouragement aux personnes qui lui 
signaleront et lui adresseront des objets d’Antiquité ( monnaies , 
médailles, sculptures, vases , armes , etc.), et de Géologie (échan- 
tillons de roches et de minéraux, fossiles d'animaux, de coquilles, 
de végétaux , etc.) , ou qui lui en transmettront des descriplions 
détaillées , accompagnées de figures. 

Tous ces objets seront rendus aux inventeurs, s'ils en manifestent 
le désir dans la lettre d’envoi. 

Les communications devront être adressées, franco , à M. le 
Secrétaire perpétuel , avant le quinze avril de chaque année. 


L38 MÉMOIRES 


emmener es ee eue ere | 


OUVRAGES IMPRIMÉS 


ADRESSÉS À L'ACADÈMIE PENDANT L'ANNÉE 1824-1895. 


Comptes rendus hebdomadaires des Séances de l'Académie 
des Sciences de Paris, t. xz et xLi. In-4°. 

Journal des Savants. 

Annuaire du Bureau des longitudes. 1855. 

Brevets d'invention expirés, t. Lxxxi. Paris. In-4°, fig. 

Brevets d'invention pris sous le régime de la loi de 18kh. 
2e série, t. xvi, xviet xvin. Paris. In-4°, fig. 

Proceedings of the royal Society. London, 1854. In-8°. 

Smithsonian contributions to Knowledge , t. vi. Washington , 
1854. In-4°, fig. , 

Seventh annual Report of the board of regents of the Smith- 
sonian institution for the year. 1852. Washington, 1853. 
In-8°. 

Catalogue of the described Coleoptera of the united states by 
Friedrich Ernst Melsheimer , revised by S. S. Haldeman and. 
J. L. Le Conte. — Washington, Smithsonian Institution , july 
1853. In-8°. | 

The annular eclipse of may 26, 1854, published under the 
authority of hon. James, C. Dobbin secretary of the navy by 
the Smithsonian Institution and nautical Almanac. Washington, 
1854. In-8°. 

Directions for collecting, preserving and transporting spe- 
cimens of natural History, prepared for the use of the Smithso- 
nian Institution. Washington, 1854. In-8o, fig. 

List of foreign Institutions in correspondence with the Smith- 
sonian Institution. Washington, 1854. In-8°. 

Jabrbuch der Kaiserlich Kôniglichen geologischen Reich- 
sanstalt, 4850, Wien. In-4°, fig. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 439 


Giornale dell J. R. Instituto Lombardo di Scienze , Lettere 
ed Arti e Biblioteca italiana. Nuova serie fascicoli 19 a 32. 
Milano, 1853-54. In-4°, fig. 

Mémoires de l'Académie royale de Savoie, 2° série, t. 1. 
Chambéry, 1854. In-8°, fig. 

Séance publique annuelle de l’Académie des Sciences, Agri- 
culture, Arts et Belles-Lettres d'Aix. 1855. In-8°. 

Bulletin de la Société industrielle d’ängers et du département 
de Maine-et-Loire. 25° année , 2° série, 1854 , t. v. In-8°. 

Annales de l’Académie d'Archéologie de Belgique , t. xr. An- 
vers, 1854.In-8°, fig. 

Bulletin de la Société de Médecine de Besançon, n° 5 , année 
1853-1854. In-8°, fig. 

Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles 
de Bordeaux, t.ret nn, 1° et 2° cahiers, 1854-1855. In-S°, fig. 

Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. xx, 2° série, 
t. x, 1855. In-8°. 

Mémoires de l’Académie impériale des Sciences, Arts et 
Belles-Lettres de Caën , année 1855. In-8°. 

Mémoires de la Société d'Emulation de Cambrai, t. xxIv, 
1'° partie , 1854. In-8°. 

Séance publique de la Société d'Agriculture , Commerce , 
Sciences et Arts du département de la Marne. Châlons, 1854. 
In-8°, fig. 

Mémoires de la Société impériale des Sciences naturelles de 
Cherbourg, t.11, 1854. In-8°, fig. 

Annales scientifiques, littéraires et industrielles de lAu- 
vergne, t. xxvir. Clermont-Ferrand, 1854. In-8°, fig. 

Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres 
de Dijon, 2e série, t. m1, année 1854. In-8°, fig. 

Recueil des travaux de la Société libre d'Agriculture, Scien- 
ces, Arts et Belles-Lettres de l'Eure, 3° série, 1852-1853. 
Evreux. In-8°, fig. 

Recueil des publications de la Société Havraise, et d’études 
diverses de la 20° et de la 21° année (1852-1854). Le Hâvre. 
In-8°. 


kh0 MÉMOIRES 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe, 1854. Le Mans. In-8°. 

Mémoires de la Société impériale des Sciences, de l’Agricul- 
ture et des Arts de Lille, année 1853. In-8°, fig. 

Mémoires de l'Académie impériale des Sciences , Belles- 
Lettres et Arts de Lyon. Nouvelle série, t. n. Lyon, 1853. 
in-8°. 

Annales des Sciences physiques et naturelles, d'Agriculture 
et d'industrie, publiées par Ja Société impériale d'Agriculture 
de Lyon , 2° série, t. 1v et v (1852-53). Lyon. In-8°, fig. 

Annales de la Société Linnéenne de Lyon (années 1852, 
1853), nouvelle série, t. 1°". Lyon. In-8°, fig. 

Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Meaux. Pnbli- 
cations de juin 1851 à juin 1854. In-8°. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Industrie, Sciences et 
Arts du département de la Lozère. Mende , 185%, In-8°. 

Mémoires de l'Académie impériale de Metz, 35° année, 
1853-54, 2° série, 2° année. In-8°, fig. 

Bulletin de la Société d'Émulation du département de l'Allier, 
t. v. Moulins, 1855. In-8°. 

Mémoires de l’Académie de Stanislas. Nancy, 185%. In-8°, fig. 

Compte rendu des travaux de l’Académie du Gard. Nîmes, 
1854. In-8°. 

Annales de la Société libre des Beaux-Arts, 1. xvur, du 
1% mai 1850 au 1% mai 1853. Paris, 1855. In-8°, fig. 

Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, année 
1853. Poitiers. Gr. in-8°, fig. 

Bulletins de la Société des Antiquaires de l'Ouest. Poitiers , 
1854. In-8°. 

Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, L1x, 
4851-1854. Saint-Omer. In-8°, atlas in-fol°. 

Bulletin historique dela Société des Antiquaires de la Morinie, 
3° année, 1‘ série, 1854. Saint-Omer. In-8°. 

Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles- 
Lettres du département d'Indre-et-Loire, t. xxx1v. Tours, 1855. 
In-8°. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. hu 

Recueil des travaux de la Société médicale du département 
d'Indre-et-Loire, 2° série, 1° et 2° trim. 185%. Tours. In-8°. 

Mémoires de la Société d'Agriculture, des Sciences, Arts et 
Belles-Lettres du département de l'Aube, t. v, 2° série. Troyes, 
185%. In-8°, fig. 

Grammaire allemande simplifiée, par le D'N. Joly. Tou- 
louse, 1855. In-12. 

Cours de Pathologie interne professé à l'Ecole de Médecine 
de Toulouse par M. Gaussail : Leçons sur le croup. Toulouse, 
1855. In-8°. 

Notice nécrologique sur Ch. Viguerie, par M. Noulet. Tou- 
louse , 1855. In-8°. 

Traité élémentaire de Physique théorique et expérimentale, 
avec les applications à la météorologie et aux arts industriels , 
par M. Daguin, t. 4e, {'° partie. Toulouse, 1855. In-8°, fig. 

Chemin de fer occidental de Mons, Jemmapes et Saint- 
Ghislain à Nieuport, passant par Tournay, Menin, Ypres et 
Dixmude , par MM. Guibal et Bailleux. Mons, 1845. In-4°, fig. 

Projet d’une nouvelle distribution d’eau de 300 pouces pour 
la ville de Toulouse ; par M. Jules Guibal. Toulouse, 1852. 
In-4°, fig. 

Notesur une espèce nouvelle du genre Serecio, par MM. Mazuc 
et Timbal-Lagrave. Rodez, 1854. In-8°, fig. 

Note sur une nouvelle espèce du genre Galeopsis, par 
M. Timbal-Lagrave. Paris. In-8°. 

Thèses présentées à la Faculté des Sciences de Paris, pour 
obtenir le grade de Docteur ès Sciences mathématiques , par 
M. Sornin. Toulouse, 1854. In-4°. 

Recherche du nombre des chiffres que fournit à la période 
une fraction ordinaire réduite en fractions décimales , par le 
même. Paris , 1849. In-8°. 

Coup-d'œil sur l’état de la Médecine policiale, par M. le D° 
Augustin Dassier. Toulouse, 1832. In-8°. 

De l'incertitude des signes de la mort, du danger des inhu- 
mations précipitées et de la nécessité de charger un Médecin de 
la vérification des décès , par le même. Toulouse , 1839. In-8°. 


hh2 MÉMOIRES 

Rapport à M. le Préfet du département de la Haute-Garonne 
sur les vaccinations pratiquées dans le département pendant les 
années 1843-44-4k8-h9, par le même. Toulouse. In-80. 

Eloge historique et critique d’Augier-Ferrier, Médecin Tou- 
lousain (1515-1588), par le même. Toulouse, 1847. In-8°. 

Quel sera le rôle de la Médecine et du Médecin dans le mou- 
vement de révolution sociale qui commence? Discours prononcé 
le 14 mai 1848 , par le même. Toulouse, 1848. In-8o. 

Etudes sur les maladies de la peau, par le même. 

Du Purpura , de la nature différente de ses espèces et de leur 
traitement, par le même. Toulouse. In-8°. 

De l'emploi de l'oxyde blanc d’antimoine dans les maladies 
aiguës des organes de la respiration , par le même. Toulouse. 
in-8°. 

De la vertu fébrifuge du V’ariolaria amara, par le même. 
Toulouse. In-8°. 

De l'emploi de l'acide arsénieux dans le traitement des fièvres 
intermittentes, par le même. Toulouse. In-8°. 

De l’action physiologique du Datura stramonium , du Lau- 
rier cérise et du Ricus, par le même. Toulouse. In-8°. 

De l’ascite essentielle, par le même. Toulouse. In-8°. 

De l’empoisonnement par le phosphore , par le même. Tou- 
louse. In-8°. 

De l'emploi des Eaux thermales sulfureuses comme élément 
essentiel du traitement de la syphilis constitutionnelle, par le 
même. Toulouse. In-8°. 

Installation de M. Dassier comme Directeur de l'Ecole de 
Médecine de Toulouse. In-8°. 

Rapport sur les travaux de l'Ecole préparatoire de Médecine 
et de Pharmacie de Toulouse pendant les années 1851, 52, 53, 
54, parle même. Toulouse. In-8°. 

Notice nécrologique sur le D' Audouy, par le même. Toulouse. 
in-8°. 

Règlement des compagnons Chirurgiens-Barbiers de Toulouse, 
sous la date de 1547 ; lecture faite au Congrès scientifique, par 
le même. Toulouse, 1853. In-8°. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h43 

Travaux du Conseil de salubrité de la ville de Toulouse , du 
21 juin 1831 au 31 décembre 1847, rédigés et mis en ordre 
par le même. Toulouse, 1847. In-8°. 

Éloge de Charles Viguerie, par le même. Toulouse, 1855. 
in-8°. 

Notice sur l’Herbier du département de Tarn-et-Garonne , 
donné au Musée départemental d'Histoire naturelle de Montau- 
ban, par M. Lagrèze-Fossat (correspondant). Montauban. 1n-8°. 

Atlas monographique de Sainte-Marie d'Auch, par M. l'abbé 
Caneto (correspondant). Auch, 185%. In-fol°, fig. 

Physiologie élémentaire de l’homme, par M. le D° Brachet 
(correspondant), 2° édition. Paris, 1855. 2 vol. in-8°, fig. 

Éloge historique de Gilbert Montain, par le même. Lyon, 
1855. In-8°. 

Mémoire sur le Rhinoceros minutus de Saint-Martin d’Arènes, 
près d’Alais { Gard), par M. le Baron d'Hombres-Firmas (corres- 
pondant ), 1853. 

Second extrait de mon lünéraire pour les voyageurs natura- 
listes dans les Cevennes, par le même. 1854. In-8°. 

Les lois physiques suflisent-eiles à rendre compte des faits 
biologiques ? Discours prononcé à la Société de Médecine de 
Bordeaux , par le D' Costes ( correspondant ). Bordeaux , 
1854. In-8°. 

Du Système pénitentiaire. Plan d’un système rationnel de 
prévention du crime et d’amendement du coupable, par le D° 
Boileau de Castelnau (correspondant). Montpellier, 1845. 
In-8°. 

De la folie instantanée considérée au point de vue médico- 
judiciaire, par le même. Nimes: In-8°. 

De l’épilepsie dans ses rapports avec l’aliénation mentale 
considérés au point de vue médico-judiciaire, par le même. 
Paris, 1852. In-8°. 

De l'emploi de l'appareil de Scott dans le traitement des tu- 
meurs blanches, par le même. Montpellier, 1846. In-8°. 

Des prodromes de la folie considérés au point de vue médico- 
légal, par le même. Paris, 1853. In-8°. 


ki MÉMOIRES 


Emploi de l’ergotine chez les malades et les blessés de l’armée 
d'Orient, et modifications qu’elle imprime aux propriétés irri- 
tantes du perchlorure de fer, par M. Joseph Bonjean , Pharma- 
cien (correspondant). Chambéry, 1855. In-8°. 

Observations sur l'emploi des frictions mercurielles dans le 
traitement de la fièvre typhoïde et l'érysipèle phlegmoneux, 
par M. le D° J. Mazade (correspondant). Montpellier , 1838. 
In-8°. 

Nouvelles observations sur l'emploi des préparations mercu- 
rielles dans le traitement de la fièvre typhoïde, par le même. 
Nimes, 1849. In-8°. 

Observations d’affections régulièrement périodiques, par le 
même. Alais, 1845. In-8°. 

Observations sur l'emploi des frictions mercurielles à haute 
dose dans le traitement de la méningite aiguë, par le même. 
Alais, 1845. In-8°. 

Des Dynasties égyptiennes , à l’occasion des ouvrages de 
MM. Barucchi et Bunsen, par M. Champollion-Figeac ( corres- 
pondant ). Paris. In-8°. 

Documents inédits relatifs à Jean, sire de Joinville, historien 
de S. Louis , recueillis et publiés par le même. Paris. In-k°, fig. 

Nouvelles démonstrations de la formule du binôme de New- 
ton, par A. Paque. Liége , 1854. In-8°. 

Quelques questions de géométrie et d'analyse algébrique , 
par le même. Liége, 1855. In-8°, fig. 

Nouveau récepteur hydraulique, dit roue-hélice à axe hori- 
zontal ou turbine sans directrices ; par M. Girard. Paris, 1855. 
In-4°, fig. 

Considérations pratiques sur la disposition du tronc crural 
et de ses branches près du pli de l’aine, Thèse par M. le D' 
Ch. Viguerie. Paris, 1837. In-4o. 

Quelques considérations sur le choléra épidémique observé à 
Toulouse , par le D° Laforgue. Toulouse, 1854. In-8°. 

Recherches cliniques sur le traitement des anévrismes , par 

a méthode de Hunter et le procédé de Jones, par le même. 
Toulouse , 1855. In-8°. 


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SQUELETTE DU VEAU ANENCEPHALE. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k4S 


Mémoire sur l’action physiologique et thérapeutique des fer- 
rugineux , par T. A. Quevenne. Paris, 1854. In-8°. 

Troisième série d'observations médicales sur les eaux ther- 
males alcalines, sulfureuses et non sulfureuses d'Olette (Pyré- 
nées Orientales), par M. Puig. Perpignan, 1854. In-8°. 

Etudes balnéologiques sur les thermes d'Ems, par le D' 
Spengler, Médecin de ces eaux , trad. de l'allemand par Kaula. 
Strasbourg, 1855. In-12. 

Ems , ses sources minérales et ses environs. Wiesbade. 
In-8°, fig. 

Herborisation daus le Midi de la France en 1854, par 
M. Victor de Martrin-Donos. Montauban, 1855. In-8°: 

Description du Musée lapidaire de la ville de Lyon, Épigra- 
phie antique du département du Rhône, par le D° Comarmonü. 
1846-1854. In-4°, fig. 

Procès-verbal de la rentrée solennelle des Facultés de Tou- 
louse. 16 novembre 1854. In-8°. 

Compte rendu des travaux de la Société impériale de Méde- 
cine, Chirurgie et Pharmacie de Toulouse , depuis le 14 mai 
1854 jusqu'au 13 mai 1855. In-8°. 

Discours prononcés à la Société industrielle d'Angers, par 
M. Guillory aîné. In-8°. 

Notice sur un pressoir à vis verticale et à percussion sur 
l'écrou, par le même. Angers. In-8”, fig. 

Rapport au nom du Comité d'OEnologie de la Société indus- 
trielle d'Angers sur les travaux de M. Vibert, par le même. 
In-8°. 

Rapport sur les Mémoires d'agriculture , de viticulture ct 
d’œnologie de M. Cazalis-Allut , par le même. In-8°. 

Note sur le provignage , par le même. In-8°. 

De l'amélioration des vins blancs au moyen du guillage, par 
le même. In-8°. 

Rapports sur les Concours régionaux d'animaux reproduc- 
teurs , tenus à Angers en 1852 et 1853, par le même. 

Etudes historiques et notes sur le Marquis de Turbelly, par 
le même. 

&° S.— TOME v. 30 


4kG MÉMOIRES 

Résumé des travaux de la Société industrielle d'Angers , 
1846 à 1849, par le même. In-8°. 

Maladie de la vigne en Alsace cet en Franche-Comté, vers 
1777, par le même. 

Rapports sur les Congrès des vignerons français de Dijon, 
Lyon et Marseille, par le même. In-8°. 

Rapport sur le Congrès de Gênes, par le même. In-8°. 

Traité du Discours, par M. Fonvieille. Nîmes, 1831. In-12. 

Grammaire latine, précédée d'observations critiques sur les 
indigestes de Lhomond, par le même. Alais , 1829. In-8°. 

Considérations sur les tendances de l’époque , Discours, par 
le Vicomte Eugène de Kerckhove. Anvers, 1855. In-8°. 

Statuts de l'Ordre chapital d’ancienne noblesse des quatre 
Empereurs d'Allemagne, langue germanique ou primitive. 
Anvers, 1838. In-8°. 

Histoire de la ville de Chälons-sur-Marne et de ses institutions 
depuis son origine jusqu'en 1789, par M. Edouard de Barthe- 
lemy. Châlons, 185%. In-8. 

Fumel et ses environs. — Haut Agenais. — Recherches géo- 
logiques et paléontologiques, météorologiques et botaniques, 
par J. Ludomir Combes. Agen, 1855. In-8°. 

Promenade archéologique au Lozel près Cherbourg, par 
M. de Pontaumont. Cherbourg, 1855. In-8°. 

Documents historiques et généalogiques sur les familles et les 
hommes remarquables du Rouergue dans les temps anciens et 
modernes, t. n. Rodez , 1854. In-8°. 

Notice biographique sur M. le Vicomte de Jessaint, ancien 
Préfet du département de la Marne, par M. Sellier. Châlons, 
185%. In-8°, fig. 

Bulletin des Sociétés savantes , Missions scientifiques et litté- 
raires , Comité de la Langue, de l'Histoire et des Arts de 
France, t. 11. Paris, 1855. In-8°. 

Bulletin des Sociétés savantes et littéraires de Belgique, pu- 
blication mensuelle sous la direction de Fréd, Hennebert , 1° 
semestre 1855. Tournai, 1855. In-8°. 


DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k47 

Annales de Chimie et de Physique, 3° série, L xLur. Paris, 
185%. In-8°, fig. 

Journal de Médecine , Chirurgie et Pharmacie de Toulonse, 
t. vin, nouvelle série, 1854. In-8°, 

Journal des Vétérinaires du Midi , t. vu, 2° série. Toulouse, 
1855. In-8°. É 

Journal d'Agriculture pratique et d'Economie rurale pour le 
Midi de la France, 3° série, 1. vi. Toulouse, 1855. In-8°. 

Actes du Congrès des vignerons et producteurs de cidre de 
France. Angers, 1853. In-8°, fig. 

Revue archéologique , 12° année. Paris, 1855. Gr. in-8°, fig. 

Revue de l’Académie de Toulouse et des autres Académies de 
l'Empire , recueil mensuel, publié sous la direction de M. La- 
cointa , t. 1°. 1855. In-8°. 

Journal de la Société de la Morale chrétienne, t. 1v. Paris, 
1854. In-8°. 

L'Aigle. 

Le Journal de Toulouse. 


FIN DU CINQUIÈME VOLUME DE LA 4° SÉRIE. 


ERRATA. 


Page 191 , ligne 23, lisez préalablement au lieu de probablement. 
Page 248, ligne 3, lisez 1855 au lieu de 1845. 
Page 271, à la fin du Rapport sur le concours, par M. Filhol, ajoutez : 
L'Académie , dans sa séance extraordinaire du 22 mai , ayant adopté à 
l'unanimité les conclusions de la Commission , M. le Président pro- 
cède à l'ouverture des hillets cachetés accompagnant les manuscrits. 
L'auteur du Mémoire n° 2, qui a remporté le prix de 50o fr., est 
M. A. Chatin, professeur à l’école de pharmacie de Paris, et membre 
de l’Académie impériale de Médecine. 


Le Mémoire n° 1 est l’ouvrage de M. Moretin, docteur en Médecine 
à Baume-les-Messieurs (Jura). 


TABLE DES MATIÈRES. 


Pages. 
ÉrarT des Membres de l'Académie au 1% janvier 1855...... ii] 
Recherches sur le pouvoir absorbânt du charbon et des corps 


insolubles en général ; par M. FILHOL................. L 
Note sur une inscription découverte à Hasparren ; par M. pu 

ME ou ef eee era de oem sente 21 
Étude comparative des membres thoraciques dans l'homme et 

dans quelques mammifères ; par M. A. LAvOCaAT......... 27 
Pierre de Beloy, Conseiller du Roi et Avocat général au Parie- 

ment de Toulouse; par M. BENECH.............. as se 00 
Etudes tératologiques sur un anencéphale anoure appartenant 

à l'espèce bovine ; par MM. N. Jocy et A. Lavocar...... 107 
Suite de la Notice sur Institution Smithsonienne ; par 

M. ASTRE.......... rot po AO UE So - 123 
Note sur les bolides du 24 décembre 1850 et du 2 avril 1852 ; 

par M.PETIT...................ssssssssessesesese 130 


Tableau général des observations météorologiques faites à 
l'Observatoire de Toulouse en 1854; par M. PETIT. 


Sur deux points fondamentaux de la Mécanique analytique ; 


par M. L. BRASSINNE............................... 137 
Note sur le vœu de Jephté ; par M. F£. Ducos............ 143 
Note sur des restes de cheval et de cerf, découverts à Toulouse ; 

par le D' J. B. NOULET........................... 100 
Description de lUnio Rouxïi , espèce fossile nouvelle ; par le 

DOI MNILETS cos 0 nice drap mes ete ter 159 
Hygiène et salubrité des habitations ; par M. U. Virry...... 165 
Les Bastides, charte inédite du xiv° siècle; fondation de 

Revel ; par M. Léon CLos. .......................... 192 


Théorème relatif à l'intersection de deux surfaces du se- 
cond degré dont les plans principaux sont parallèles; par 


M. H. Mocixs. ...... nues. PMR 5 rade ut OUI 203 
Histoire monétaire et numismatique du Béarn; par M. G. 
PASCLE DK LAGHRZE..- ce eco sensor se este 212 


Discours d'ouverture de la séance publique; par M. E. HameL. 210 


450 TABLE DES MATIÈRES. 
Rapport sur les Mémoires adressés à l'Académie pour le Con- 


cours de 1855 ; par M. FicHoL. ...... Ra Re ne sis, 248 
Rapport sur les Médailles d'encouragement décernées par 

l’Académie en°1899 "par Me U/Mray EE ose y . 272 
Considérations générales sur l'Histoire du Parlement de Tou- 

louse; par MF Asree Re Me ut octas su aOie reau278 
Mémoire sur de nouveaux hybrides d'Orchis et de Sérapias ; 

pac M.\En:TimBaALLAGRAUE ELA ee OL, RS, 299 


Méthode générale pour obtenir l'équation de la transformée 
d'une courbe tracée sur un cône ou un cylindre, lors- 

: y 
qu'on développe les surfaces de ces corps sur un plan ; par 


MES SOMME eo eee sado à sde en bni 301 
Note sur le Ranunculus tuberosus Lap.; par M. E. TrmBaL- 
ERP de dt Cage ete or sé ée D 31% 
Document pour l'Histoire de la Botanique. — Notice sur les 
écrits de François Bayle ; par M. D. CLros.............. 321 
Nouvelle solution synthétique du problème de la rotation des 
corps ; par M. P. ST.-GUILHEM........... NUS ... 338 


Note sur la surface des triangles sphériques ; par M. J. Sorxix. 351 


Recherches comparatives sur les pièces osseuses composant la 
main et le pied de l’homme et des principaux mammifères ; 
par M. A. LAvocaT..... PE cs Lo Rd 2e 397 


Bulletin des travaux de l’Académie pendant l’année 1855.... 373 


Janvier. — Rentrée de l’Académie et dépouillement de la correspon- 
dance. — Tableau d’observations météorologiques ; par M. Petit. — 
Aperçu comparatif et philosophique sur les os de l’avant-bras ; par 
M. Lavocat. — Note sur deux hybrides d’Orchis et de Sérapias ; par 
M. Timbal-Lagrave. — Décès de M. le docteur Viguerie. — Traité 
de physique ; par M. Daguin. — Rapport sur les travaux de M. Pou- 
chet. — Rapport de M. Brassinne sur un nouveau procédé de jauger 
les tonneaux, imaginé par M. Nuc. — M. Pouchet nommé corres- 


pondant, — Envoi de fossiles par M. Roux. — Observations de 
M. Petit sur la nouvelle comète découverte à Paris. — Chants reli- 
gieux du 12° siècle ; par M. Labat.......... doses 373 et suiv. 


Février. — Pendule portative à force constante; par M. Boussard, — 
Notice sur Pierre de Beloy ; par M. Benech. — Découverte d’osse- 
ments et de pierres tombales ; par M. Vitry. — Note sur divers papiers 


des archives de la mairie; par le même. — Envoi d’objets d’anti- 
quité ; par M. Grat. — Etudes tératologiques sur un anencéphate 


anoure appartenant à l'espèce bovine; par MM. Joly et Lavocat. — 
— Rapport de M. Brassinne sur un travail de géométrie de M. Tillol. 
— Mémoire sur les trajectoires de deux nouveaux bolides ; par 
M. Petit, — Rapport de M. Gaussail sur les travaux de M. Boileau 


TABLE DES MATIÈRES. 451 


de Castelnau. — Rapport de M. Petit sur un ouvrage météorologique 
de Gerolamo Venerio. — Notice sur l’Institulion Smithsonienne ; 
par M. Astre. — Le serment des Capitauls de Toulouse pendant le 
zxr® siècle; par M. du Mège. — Proposition de déclarer deux places 
VACANCES. - Ames ea lle sise sois olais(e els n -)eisioie ses.ose. 356 et suiv. 


Manrs.— Méthode synthétique du mouvement de rotation d’un corps;ete.; 
par M. S1.-Guilhem. — Note sur deux points fondamentaux de la 
mécanique analytique; par M. Brassinne. — Rapport de M. du Mège 
sur les objets d'archéologie de M. Gral.— Réflexions sur le néologisme 
venu de l'anglais; par M. Astre. — Note sur le Scleranthus poly- 


carpus ; par M. Timbal-Lagrave. — L'Académie prend en considé= 
ration la proposilion de déclarer deux places vacantes. — Envoi 


de fossiles par M. SL.-Martin. — Note sur le vœu de Jephté; par 
M. Ducos. — Rapport de M. Barry sur les travaux de M.Champollion- 
Figeac. — Vote sur des restes de cheval et de cerf ; par M. Noulet. 
— Rapport de M. Filhol sur les travaux de MA. Lamolle et Quevenne. 
— Rapport de M. Barry sur une Histoire des Rois de France ; par 
M. Ch. Malo. — Déclaration de vacance de deux places. — Rapport 
de M. Belhomme sur un ouvrage de M. Barjavel. — Considéralions 
de géographie générale, etc. ; par M. Barry. — Rapport de M. Joly 
sur les fossiles envoyés par M. Roux. — Rapport de M. Clos sur la 
Campanula subpyrenaica de M. Timbal.............. 380 et suiv. 


Avriz.—Travaux envoyés par M. Guillory.— M. Sornin se présente comme 
candidat à une place vacante.— Hygiène et salubrité des habitations; 
par M. Vitry. — Commission chargée d’examiner la question relative 
à l’étude des langues orientales, — M. Timbal-Lagrave se présente 
comme candidat à une place vacante. — Description de l’Unio Rouxü ; 
par M. Noulet. — Mémoire sur les Bastides ; par M. Clos. — Décla- 
ration de vacance de deux places. — Rapport de M. Petit sur un 
ouvrage de météorologie de M. Boileau de Castelnau. — Rapport de 
M. Filhol sur le voyage dans le Sahara ; par M. Armieux. 388 el suiv. 


Mar. — M. Dässier se présente comme candidat à une place vacante. — 
Mémoire sur l'intersection de deux surfaces du second degré, etc.; 
par M. Molins. — Rapport de M. Brassinne sur les travaux de 
M. Sornin. — Rapport de M. Filhol sur les travaux de M. Timbal- 
Lagrave. — MM Sornin et Timbal sont nommés Associés résidants. — 
Histoire monétaire et numismatique du Béarn; par M. Bascle de 
Lagrèze. — Rapport de M. Barry sur la question des langues orien- 
tales. — M. Guibal se présente comme candidat à une place vacante. 
— Théorie des organes articulés des machines ; par M. Gascheau.— 
Sujet de prix proposé sur la question suivante : Æecherches sur 
l'électricité atmosphérique.— Rapport sur le concours de l’année, — 
Rapport de M. Gaussail sur les travaux de M. Dassier, — Rapport de 
M. Vitry sur les travaux de M. Guibal. — MM. Dassier et Guibal sont 
nommés mewbres résidants.— Rapport de M. Noulet sur les fossiles de 
MM. Roux, St.-Martin et Parayre. — Envoi de fossiles par M. Cazes. 
— Grammaire allemande simplifiée; par M Joly..... 392 el suiv. 


152 DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 


Juix. — Discours prononcé en séance publique par M. Hamel. — Rap- 
port sur le concours de l’année ; par M. Filhol.— Rapport de M. Vitry 
sur les découvertes archéologiques el paléontologiques. -— Considé- 
rations générales sur l'Histoire du Parlement de Toulouse ; par 
M. Astre. — Elections annuelles. — Rapport de M. Ducos sur les ou- 
vrages de M. Thomas-Latour. — Note de M. du Mège sur les travaux 
de M. Cazes. — Note sur un cas de somnambulisme naturel; par 
M. Gaussail. — Fossiles envoyés par M. du Périer. — Motice sur Les 
écrits botaniques de François Bayle ; par M. Clos. — Mémoire sur 
la colonisation algérienne ; par M. Metgé. — Travail de géométrie ; 
par M. Sornin. — Rapport de M. du Mège sur l’histoire de Chälons- 
sur-Marne ; par M. de Barthélemy.............,..... 405 et suiv. 


Juuser. — Ouvrages de linguistique de M. Fonvieille. — Sur la dila- 
tabilité et la compressibililé des corps ; par M. Daguin. — Rapport 
de M. Dassier sur les travaux de M. Mazade, — M. de Barthélemy 
nommé Correspondant. — Note sur l’Urtica membranacea ( Poir.) ; 
par M. Timbal. — Note sur le Lemna gibba ; par M. Clos. — Aperçu 
des Pyrénées ; par M. Leymerie. — Note sur le Ranunculus tuberosus; 
par M. Timbal. — M. Mazade nommé Correspondant. — Nomination 
d’un membre pour visiter l’Exposilion universelle. — Vote sur l’an- 
cienne Faculté de Médecine de Toulouse ; par M. Dassier. — Recher- 
ches comparatives sur les pièces osseuses composant la main et le 
pied de l’homme; par M. Lavocat. — Acclimatation des chèvres d’An- 
gora. — Sur une espèce de phalaris ; par M. Timbal. — Note de M. du 
Mège sur des découvertes archéologiques à Labroquère.— Mote sur le 
système digital des équidés ; par MM. Joly et Lavocat. 413 et suiv. 


Aour. — Formules pour les triangles sphériques ; par M. Sornin. — 
Phénomènes physiologiques de la vision; par M. Lavocat. — M. Léon 
Clos , lauréat de l’Institut. — Examen analytique de trois Disserta- 
tions médicales de François Bayle; par M. Gaussail. — Rapport de 
M. du Mège sur les travaux de MM. Cénac-Moncaut et Comarmond. 
— Coup d'œil sur l’ancienne constitution judiciaire de Toulouse ; 
par M. Belhomme. — Rapport de M. Petit sur le chronographe de 
M. Rampin. — Hecherches sur la composition chimique des eaux 
sulfureuses des Pyrénées ; par M. Filhol. — Sur les causes de 
la désagrégation de la brique au contact du plâtre gâché; par 
M. Couseran.—-Inclinaison et déclinaison magnétiques. 422 et suiv. 


Sujets de prix pour les années 1856 , 1857 et 1858......... 430 
Ouvrages imprimés adressés à l'Académie. .......... AT 


Errata. ............. ser panmec cesser 448 


TOULOUSE. Imprierie-de Jéan-Malthieu DOULADOURE.