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E p I r R e: ^
forte de pUifira connoitre
une Cour ajfez^ inconnùey
& dont la Souveraine qui
a beaucoup de part dans
mon Ouvrage , étoit de
l'jiugufie Sang de France,
Si je puis mériter l'Appro-
bation de V, A, S. je fuis
sure de celle du Publtc,
Perfinne n ignore , MA-
DAME y avec quelle
jufiejfe voHi jugez* de
toui , & que vopu avez»
une pénétration naturelle
(f une delicatejjè d'e/prit
qui contribue à former ce
MEMOIRES
DE L' A
GOUR D'ESPAGNE.
Prtmitn Punie.
I A PARÎS,
Chez Claudi Barbin,!
Palais , fur le Second Perron
de la Sainte Chapelle.
M:~D"cr"xc:
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
l
ASIOl<, L.rN<^X AND
TILÛEN KOUN DATIONS
H 1^31 lé
A SON ALTESSE
SERENISSIME
MADAME
|la princesse
i DE CONTY.
rje^
ADAME,
j La PreteHion Cfue VA-
[''TRE Altesse Serenis-
^piME * eue la bonté di dort-
u
EP I T R E.
mr à l'Hifioire du Comte
de Duglas , me fait efperer
an Elle ne fera pa4 moins
favorable aux Mémoires
que je prens la liberté de
luy offrir. S'ils ont le dé-
faut d'être écrits avtcfim-
plicitè ^ fans ornement y
ils ont au moins tous les
a'vantages de la Vérité i
Et s' il nefi pas permis aux
Verfonnes de vore Rang
(^ de votre Caraâere
particulier de rien ignorer^
fofi me promettre que
tiOH4 prendrezj quelque
epitre: ^
forte de pUifirà connottre
une Cour a£ez, inconnue,
& dont la Souveraine qui
a beaucoup de part dans
mon Ouvrage , étoit de
^^ugufte Sang de France,
Si je puis mériter r Appro-
bation de V,A. S,jeftiis
sitre de celle du Publtc,
Perfbnne n ignore , MA-
^AME , avec quelle
juftejfe voué jugez* de
tout' , c^ que voue avez,
unt pénétration naturelle
^ une delicatejfe d'ejprit
qui contribue à former ce
^ EPI T RE.
gOHt merveitteux qui vont
fait ^ connoitre & 4imer
Us plM belles chofes, Telle
doit être , & tellt efi en ef-
fct U ftlle deLOVlS LE
O RA N Dételle doit efire
une Princejfe qui fait l'ad-
miration de toute la Fran-
ce y dt la France Triom-
phante foHS le Rerne U
pitié beau , le plus iUufire ,
& le plus heureuH j fous
le Roy le plw Augufie , le
plus S âge y (^ le meilleur
que. le Ciel & la Terre
ayentjamaii vus, La mep
EPITHE. '
tfie Renommée qui fait re-
tentir dans tOHtl'Vnivers
les Aéiions Heroiques de
notre Invincihle Monar-
que , a fuhliè les loUan»
gesdeV.A.S. Pourmoy^
MADAAâE , fay eu
le ^laifir d'être témoin
que l*on rend autant de
justice à vos admirables
Qualitezi & à votre rare
JHerite , dans les autres
Cours que dans la notre,
taj trouvé le Portrait de
V. A. S. chez, quelques"
ans des plue fuijfans Roy s
VI
E FIT RE.
dé l'Europe y qui avaient
kefoin du témoi^age dt
ceux qui ont eu l'honneur
de vous voir, MA DA^
ME, pour croire que les
charmes Je *vofire Per/on-
ne ,:& ceux de vofire EJ^
frit, quay que/urprenans,
ne font feint comparables
a la candeur de voflre
nAme ^ de vojhre 'Pieté,
fèmbiable en ce point au
.Magnanime R OT dont
Vous teneZi le lour. Vous
renoncez» comme luy à
'vofite propre Elévation ,
lEPITRE. ^
■four tiopu Accommader
.aiéx Vetfonms ^ui vaut,
éuffrochcnt. If fç^j far
ma propre expérience , ce
-qne Von eft cdpMe de
penfer & de fintir lorp
que Von a cet honneur,
Heureufès , & mille fois
beureufes celles qui L'ont
fbwvent , ^ qut rendent
.À'V. e/rf. S, des devoirs
afidus & accables, A
.mon égard, M AD A MEy
jf.mr puis rien dans ma
Solitude y que Vous con"
ifacrer mes petits Ouvra"
vuv
E P I T R E.
gts î Ce font de foibles //-
moifftages de mon z^file ,'
qui ne fçauroient njoui
marquer toute la fapon
rejpeâtueufe avec laquelle
je fuis y
MADAME,
DlVoTHB AlTBSSB SSRINZISXME/
La Cf es-humble » cres-obeïdancc ^
& cr es- obligée Servante»
MEMOIRES
DE LA
COUR D'ESPAGNE.
Pkemier.ePaii.tie.
MgffilE n'dt pas dans l'Hif^
BCa'^"''^^ générale, que l'on
^^gggl apprend de certaines
particularitcz qui plaifent or-
dinairement plus que l'Hiftoi- *
re même. Quand on les fçaic
une fois , on s'en Ibuvîcnc tou-
jours avec plaifir } & cette rai-
fon m'a perfuadé que je pou-
Tois écrireavcc quelque fucccz,
«lufteurs chofes fecrettcs qui fç
J. Partie, A
s M E M. DE LA Cou ÎL
font payées à Madrid depuis
Tannée 167 0. jufqacn i68i.
jSuii^ ii mé lemble que pour me
rendre plus intelligible >&: faire
inieux connoître le génie de la
Cour d'Efpagne , je dois com-
mencer ^ces Mémoires dés le
temps-de Philippe I V,
£lizàbeth de France fa femme
étant 1 morte., ilépoufa Marie
Anned'Auftriche fille deTEm^
pereur Ferdinand III. TSf fœur
de celuy qui règne à prefent.
Elle ekoit jeune , 'blaùche &
blonde 5 (on humeur eltoit afTez
enjouée, elle avoit de lagré-
ment&derefpric.
Elle partit de Vienne pour
aller en Efpagne en i éi^^. Elle
aimoit fort l'Archiduc fon frère;
Zc comme ils pleuroient Tun Si
l'autre en fe quittant, elle luy
demanda cequ ellepoiurroicfai«
tt à Madrid pour ion fervicc.
Vous pouvez. » luy die • il , ma
chère Sœur > y faire une Infante
2ue TOUS me donnerez pour
smme^Chore d^'auunc plus fm«
gulîerre^qa'ayanc alors un freitt
aîné qui eft more Roy des.Ra#
mains, & qu étant deuiné àrE-
«a0 Ëcclefiaftique I ilyayfoijrpea
d*appaiience qu'il deût parrenir
i l'Empire» & épou&ri^comme
îLdt arrivé depuis, lafiUe aînée
de la ftey ne (a focur»
Entre piuûcurs perfonnes que
l-'Ënipereur donnai à la Reine (à
fille pour l'accompagnerai choi-i*'
&c le Père Jean Evrard Ni tard»
Jei'uitc AJlemand,.pour être fod
Confcfleun Sa naiflance étoic
ebCburci & (on efpric fervicpref-
que feul à ravamcement de (k
ft>rtune { ill'avoic (buple & conu
BlaiCmc-i iiécudioic Iccaraderc
Aij
.4 Mem. de la Cour
de ceux dont il a voit befoin > &
ai ne s'cloignoit jamais de leurs
fencimens. Il fît fes études dans
le Collège des Jefuitcsde.Vien-.
ne 5 il y prit T Habit de leur Or-i
dre>& ils renvoyèrent, enfuitc
dans quelques -. unes de . leura
Maifons , qu'il TOuverna . fort
bien, Lorfqu il njt de retour à
^Vienne , il commença de s y fai-
re connoître>&.. beaucoup de
Dames de la Cour .le prirent
pour leur Direfteurj elles n'o-
mirent rien pour luy rendre de
bons ofGces auprès de TE mpe*
reur > & elles luy en parlèrent fi
avantageufcment , qu'il voulue
bien que la Keyne Temmenâc
avec elle.
Cette PrincefTe demeura fur-
prife de toutes les coutumes £f-
pagnolles,que ceux qui 1 ctoient
ycnu qucrijc de la parc du Roy >
D*Esp agne: 'f
lày faifoicnt obfcrvcr des lc«
premiers jours de fon Voyage i
On m'a dit qu'étant arrivée ^
dans une Ville de lobeiflancc
duRoyd'EfpagnCjOÙ Ton tra»
vailloit fort bien en Juppes) en
Garni folles , Ôcen Bas de lbye)On
}uy en ofFric une grande quanta
té dediâerentes couleurs : mais
fon Mayordomo Mayor , qui
gardoit exaftement la gravité
Efpagnole, fe fâcha de ce pre-
fent 5 il choifit tous les Paquets
de Bas de foye,&les jettant au
nez des Députez de la Ville i
jfveù de/ahr^lcur dit-il , ^ue \
léû Ktynas de Effana n$ ticntn ^
fUrnas ; c'eft à dire :
- Apprenez, ^ue les RejnesdE/pa-^
gne n0nt point de Umbes^ voulant
dire qu'elles font fi élevées par
leur rang, qu'elles n'ont point
de pieds pour toucher la terre >
A iij
4 Me M. CE LA Cour
W comme les aufres fqmmcs.Quojr
^u*il en foit, Ja jeune Rcyne qui
ne fçavoit pas encore coûte la
^lelicatefle de la Langue Ëfpa**
gnoUc, expliqua cecy à la lettre,
& fe prît à pleurqr > difant^
t » Qu xUe vouloit a hfoluiint nt re-
,> tournera Vioane 545c que (i el-
y,lc eut fçcu avant ibjQ dépare
^ïcdçSjc'm que Ton avok de luy
„ couper les Jambes , elle aurok
^, mieux aimé mourir que de fc
j9 mettre en chemin.
Il ne fut pas difficile de la raA
furer > 6c elle cooiDiniaia (o^
Voyage.
Loriqu'elk fut à iM*.iïfi4 > W
'' raconta au Roy cctce jiaiVis;t^ d«
la Reyiic 3 & il la ^urouva fi plai-
iànte ) qu'il en foarit un peu^
-V-C'ctoit la ,chofe du roonde la
plus extraordinaice pour lijy :
i;a<r ibit qu il l!affcdâ(t> ou v^ue
dTsfagkc» 7-
ce fut un effet de (on xcoaçe^
ranuncnt 9 on a remarque qu'il
na pas ly trois £ob en loutc ia
¥ic..
Le Rof ainxm fort le Feic
Niurii 4 parce qu il dtoic le
Confefleur de la K ey ne 9 & qu'*
die a vok une par£aiteconfiancc
eo lu]r : mais quelque envie qu'«
elle eut de l'avancer , il le laîflbit
tranquillement dans (on pofte»
iâns Miy donner d'autres Digoi^
tez: &il feroit demeuré eocose
loBg-iiems dans le mraïc état« ,
£»ttf la mort du Ikoj. .
LorJquc ce Prince Çc vit dan^
gereufement malade^ U qu^il ne
pouvoit fe repofer du loin de
r£ut fur le Cardinal Sandoval j
pour lequel il avoit une entière
confiance j parce qu'il étoit auffi
à rextremité { & en e&t,il mou«
rut vingt heures après luy i il fit
A iiij
8 Mem. delaCouk
fon Tcftamcnc , par lequel il or-
donna que la Rey ne Ion Epoiifc
feroit Régente du Royaume &
Tutrice du petit Prince, qui
n'ctoit alors âgé que de quatre
ans & demy. ^ Il nomma le Car-
dinal d'Arragon Archevêque
de Tolède & Inquifîteur Gene-
ral y le Comte de Caftrillo Pre»
fident de Caftille 5 le Comte de
Penaranda j Dom Criftoval
Crefpi Chancellierd'Arragon,
& le Marquis d'Aytona , afin
quecesfîx Minières affîitaiTenc
la Rey ne dclcursconfeils, &lc
Roy mourut au mois de Septem-
bre 1665. ^
« Depuis Dom Louys de Haro , le Royd'Efpagnt
n'eue plus de Privado , ou premier Minidre -, le Duc de
Médina de Us Torres cravailloic aux Affaires du Nord 9
êc le Comte de CaflrlUo aux autres.
L Les lix Minières qui compofoient la Juntcétoiene
ceux qui écoient ou feroienc Archevêque de Tolède ,
Prelîdenc de Caftille , ViceXhancellier d' Arragon , dc
Inquifîteur General. Et outre cela un Grand d'ËlpagaSa
j^ HA Concilier d'fiuc,
d'E s p a g N E. 9
LaRcync rcflcntic vivement
la perte qu'elle venoit de faire:
mais elle y auroit encore été
bien plus ienfible^fi elle s'étoit
vue dans Tohligation où fe trou^
vent toutes les Reyncs d'Ef#
pagne d'entrer dans un Con-
vent , lorfqu'elles font veuves j
à moins que le Roy n ordon-
ne le contraire avant fa mort. ^
Elle ne fut pas non plus infen^
iîble à la douceur du Gouver-
nement. Le premier ulage
qu'elle fit de fon autorité , de«*
vint utile au Père Nitard ,: :
Car Dom Pafcal d' Arragon
ayant été fait Archevêque de
Tolède & Grand Inquifiteur
à, la place du Cardinal Sando*
val , la: Reync l'envoya qué-
rir 9 èc par des prières preuân- -
tes elle l'engagea de renon-
cer à la dernière de ces deux ^
A v
ip Mem, de X a C^uk
Pignkcz. * Uuy-coûfetttitpas
fans peine, J&: il aimoic pre%uc
9ucanc êtce IoL(|ui£icejar^i)çraJi
«ju Archevêque <ic Tolc^Çj
bien que cet Archeviê^hi içôi:
ée^66 mille écus de j:i3£i»s.
Mais il ne pût refuser à la lU^*^
lie ce qu'elk fouhaicoii 5 & 4p9
qu'elle fe vit en pouvoir de dilr
pofer de cette Charge > elle jU
4onna ifon ConfeiTeur.
Commeelie l'en revêjtit 4e Coo
çrc^e mouv^mentjans confuJ-
^cr que le defir qu'lcllc avpicjdç
ie voir au delTus écs autres Mir-
niftres > elle £c difpenfa de \mx
^n parler , & ils comiziejiQereRf
4 en murmurer.emre^(^x.
Ils lifoient le Teftamont id^
^u Roy ; ils trouvoieint q^çlifi
^ Le Cardinjil d' Arra^on étant Grand Inquifiteur »
$C ayant été nommé à V ANhev^ché de Tuleie, quitta
ie poile de Grand Inqui^tcur^^itfne DointofiçyBir
itiii places d«a$ UJui^Cj " r -
DfEs PAGNE. Il
nt devoit rien faire fans pren-r
4rclcur confcil,& mal-gré (es
dcrjjiercs voloptez iU vpyoieni
avec chagrin quelle vcnpk dç
difpofer^rans leurp;irticipation«
dune Charge . cres-imporcaocç
^en faveur dgn Etranger >&:
qui éçoi( né & avoit été nourry
jilfqu'à . l'âge de quatorze ^p;
dans la Religion Lutérienne. 3f ^
Le defîr qu'ils avôiein de con^
içryer leur autorité ,& la jalou-
(ifi qui eft naturçllç contre u» ;
f avof y ,lf j^obligM de pMcf afr-
C» haut : mai^ h Reyne infort-
m^ de leur chagrin , prit d^
mcfk^ç$ pour les appaifer, Le^
manières kofmêt'ps qu'elle çnp
» vcç eux, §ç]iiÇschQfcs obligeant* -
jfis qu'çlte Imr dit fin p^rticu»-
lier , firent aisément cciTer Icur^
)^ Biep qu'il foie vray qu'il eue été tutétieo.hc c^u'on \
U luyobjeâât ,ille nioit forcement , parce que cek .i -
iWuuoit uuias de cette iCh^f ge* ''
A vj ^ '
V
Il Mem. delaCouk
murmures , & ils accordèrent
des Lettres de Naturalitc au
Confeflèur , fans lefquellcs il
lî'auroit pu poffcder la Charge
que la Reync venoit de luy
donner.
Bien que toutes les difEcultez
qui avoient paru d'abord dans
rélcvation du Père Ni tard, euf-
fcnt été levées fans beaucoup de
peines, il ne laiflbit pas d'avoir
pluficurs ennemis fecrets qui
cnvioient fa fortune naifTantc,
Ils ne voyoient qu'avec peine
l'extrême confiance que la Rei-
ne luy témoignoir j Elle ne dé-
cidoit rien que par fon Avis, &
il avoittantde crédit qu'if pou-
voit refoudre les chofcs les plus
importantes fans en parler à la
Reyné.
Don Juan ctoit un de ceux
qui fouffroit Ipplus impaticm-
d'Espagne. 13
meut la faveur du Père Nitard :
11 s'appercevoic qu'on I eloi-
gnoic peu à peu i enfin il céda la
place toute entière au Père Con-
fefleur , que la Rey ne a voit fait
Confeiller d'Etat 5 il fe retira à
Confuegra Refidence ordinai-
re du Grand Prieur de Caflille ,
de rOrdre de Malte , & il die
hautement , Qu'après s'être i>
vu Chef du Confeil fecret du „
Roy fon Père, il ne pouvoit 9,
fupponer un Compagnon qui »
luyétoit fi inférieur. Mais la ,»
Rey ne qui n*ctoit occupée que
de l'avancement de fon premier
Miniftre> ne s'inquietoit pas des
fentimens que l'on avoit pour
luy : de manière que fans vou-
loir prendre aucune connoiflan^
ce particulière des chagrins de
Don Juan , elle le laiilapanir>
& il demeura long«te(x;s (ans
14 M £ M. P £ L A C O U R
yeniriU Cour*juf<:ju'à ce qu^
U Hicjfîcluy manda 4 Afai3Juést>
pjijl 5'êtQif aili (divçttii-,4c fc
j-fiod^ -i Madrid pour des Af^
fjkires iiçppf ta/Kcs qu'elle vou-
Ipip lay xomTOuoiquer. -,
llJikpij; FiUnafuïel du Hoy
Pfeilippç J V> ^ duaç Coniç.-
«liçnpç rnoflwjitép M^m C^làcr
j:ps»a. On l'élfçya iccrcîemcnp à
QçsM f foclîç-.dç Mîidfid i &
4e jîjltffi€u« vppfafls »»aturcl,5
quçîçitpy gviçtk, ji ne reçjosnuic
que Mij j f<;>iî qu'il s^imh plu?
ICfldfç^ejat fe MiCJfC , qu'il n'ju
W9k%mi IVsaujtrçj MiSiîitreires j
( jS^fiiie^çit, ç'éjtpit l$piju$ beljç
4^ Û plus fçng^gwmce pçrfon«ç
du ^monde ) Coif que J^ Comcp
Oiolivarez Premier M iMi^trcIuy
pfpçMfiât cç bon-feewr : fUr ça
^xç$md qu'il ^vQÎf un &U jioqv-
on
ils
Touloif rcconwQÎ wç , & -qu'il m^
l'acircilè de pcrijuadier an Roy
dç csosuneocer par JDoiji Juaii >
%fifi àc £mvtfi rpn exemple.
Q^y qtj'il cp fo*c, Pl>ilip|)ç
akita c)?iCf^açm ce Pf irice > i>i«9
\ç Yqu CQupçpnoIx qja'il fîut lie
Is du Duc de Me4iQ^ d§ ki
Tprie$ de la MjtiCm de -G^r-
mafi> qtû avpk eftc êp^rduise^e
»9io.ureux de la j-eune Caldefo.
«ta ,& qui cjcoi$ Le |>lu$ beau ^1^
Plus parfait Cavalier de jcow?
î'EiÎPagne , & Doo Igao luy rçt-
&œbl^ beaucoup, J^ais 4
i}ii«lquesi>uQs ont .eu ce(ce qpi^
xùoa t les aufres.Konc perdue <n
arjoyaoc lesboote^ &i'am9ur Pan
temcl que le Rjoy aypit Vf)m
luf «Aufli biea.que ]«$ qualffi%
dcifoa Ame qui le reudoisiK di«
œ d'éore le fils d'un fi ^ftp4
. Uicoic i2iiayc.juiba'ài'iji(!
i6 Mem.delaCour
trcpidîté, galand, agréable, &r
bien fait de fa pcrfonne > obli-
geant, libéral, honnête hommei
ilavoitdeTefprit, avec un génie
univerfel pour toutes les Scien-
ces & pour tous les Arts. Com-
me il n'y a point de Cour en Eu- '
rope , où les Fils naturels foient
traitez avec des diftindions G,
avantageufçs qu'en Efpagne 5
cJeluy-cy ne s*apperçût guère
que le défaut de fa Naiflancc
prcjudiciât à fon Elévation 3 &
il elt vray auffi que Ion voit dans
ce Païsles Enfans légitimes éle-
vez avec ceux qui ne le font
})oint, dansla Maifon paternel-
e , fans aucune différence des
tans d'avec les autres. Mais cela
n'cit pas tout à fait de même à
l'égard des Fils naturels des
Roys d'Efpagnc : par exemple,
en ne leur donne point le. nom
b*ESPAGNE. 17
ai Infant \ & Dom Juan,qui vou-
loit l'avoir, remua Ciel & Terre
pour fe le faire donner, fans y
pouvoir rcuffir.
His Tannée iéî^3 Je R-oyl^^y
avoit donne les Gouvernemens
''des Païs-Bas , * de Bourgogne ,
& de dharolois 3 & il en joiiic
toujours , excepte le cems que
TArchiduc Leopold y com^
manda.
Don Juan contribua beaucoup
à foiimctcre le Royaume de Na-
plesà lobeiflancc EfpagnoUe:
il avoit pris Piombino & Porto-
longone,& dans toutes Tes Cam*
pagnes il fit plufîeurs grandes
acbions de valeur & de pru-^
dence.
Le Roy fon Père ayant conçu
autant d^eltime pour luy que de
tcndrefle , luy faifoit part des
^ Il Avoicei propre le GouTcraemenc des Païs-Bai
:i^ Mem. Di X aCouX'
affaires les plus importâmes dé?
r£tac,^U ile rJboiific même pouc
ÇJbcf xl'ione Aâemblee dos Vxc^-
niiers Miniitresdu R4)yaume.
Il Ituii^einearrivé d Madrid^
qioe ï on tint GottCciU &: ii apprit
cifie Je K^s de Frâ^nce touIoîc :
Kwcenir Icsiixcereft^ delà Reine ;
ion EpQufe , i UqueUe le £ca«
bant &. quelques ambres Etus.
du^Païs^^bas écoieni:/ écbûs pa^r
droit de dévolution à caule de
la mort de TlnEaut Don Salta»
2ar fon frprc 5 que le Ray T rcs* -
CJxrétioD avoic fait u-q Mani«
fbfle-qui pirouvoit fes Dj;oit$ } ^ :
^e ne voulant pas s'arrêter à
des conteftations qm confu.»
ment le tems, il avoit tourné £es
armes de ce côcë-là > qu ilavidic
marché avec une diligence in«-
croyable» &c que Ton avoit appris
ù;s Conquêtes auili-tôt; que Ton
Départ. Apres avoir examina
Ictat-preicot desAffaircsjde la
Monarchie > on convint^ qu'M
écoic impoifiblç de fouccnir en
même ccms la Guerre contre les
Fjrançois &f ontrclcs Portugais!:
nui^ ^u'îl falloit proâcer d'une
toonjonâure qui paroiûbit fa vo^
rabk > jque Dotn Alphonfc Kof
de Portugal venoît d'être dé^
pofledé du Gouvernement>quc
la mauvaife conduite a voit éloi-i^
gné ks Peuples de Tamour Scde
r.obeïilance qu'ils luy dévoient;
Guc rinfagot D.ob) Pedro ipo
ttprp l^wok h Jlegence d»
Ki>y^mx» s qnie tanf de .cbofe;
if^porca^cfss ne pou voient Ai:rJU
ver ny ^k Tans q^ncLques icrou^
fajle$>duraQt l^fquels ils auro^epj;
^e^in dis lisiirs Troupe; > &u\viç
iîonile jugpoit A[propos,pn pneu-
4rpit fipKç PQaiiiofl ppw &ÂCÇ
lO M E M. D E LA C O U K
des propofitions de Paix.
Apres que chacun eut dit fon
fcntiment, la Rcyne en revint
à celuy-là. On écrivit au Mar-
quis de Liche qui étoit pour lors
PrifonnierJe Guerrcà Lîfbon-
ne 3 on luy donna toutes Icsinf^
trudionsncccfTaires j il n'en ne-'
gligea aucunes 5 le Régent
Dom Pedro Tccouta favorable*
ment , Se le Traite de Paix fc
conclut le 13. Janvier x6Ô8.
On- en reçût la nouvelle à
Madrid avec beaucoup de fa--
tisfacbion y parce que les afFai-.
res de Flandres empiroicnt tous^
les jours, & qu'il y falloir don-
ner ordre , ou les abandonner
abfblument. On ordonna des le-
vées de Soldats dans la Galice &
ailleurs , & la Reyne jetta les
yeux fur Don Juan pour l'en-
voyer commander les Troupes.
D'E STAGNA. ri
Outre que perfbnne n'en école
plus capable que luy , elleavoic
remarqué dans le féjour qu'il a-
voie fait à Madrid,que Ton a ver«
fîon pour le Père Ni tard étoic
encore augmentée , & cette feu-
le raifon étoit fuili faute pour To*
bligerde réloigner.EUenepou-
voit fouflFrir de certaines raille-
ries piquantes qu'il fai(bit très*
fouvent au Père Confefleur.
Une fois entre-autres , fur ce
que les Minières demandoienc
à ce Prince qui l'on devoit en-
voyer contre le Roy de France :
Je conclus > dit-il, qu'on en- y^
voye le Père Ni tard, c'eft un ,,
Saint auquel le Ciel ne refufe- »
ra rien j le poile où nous le >>
voyons eft déjà une preuve,,
des miracles qu'il fçait faire. „
Le Confefleur luy répliqua
d'un air chagrin j Qu'il étoit „
^S^MeM-. DE LA Cou K
,# d'une Trofcffion àdcvx^ix tXMit)
>»e{per^r de là Mi&ricordc de
nDieu j. mais qu'il xi'éroit pa^
» d'une Profcffion à étrcGcne-
M r^ d! Armée. O mon Père, le-
irparcic Dom juan^ nous vou»
9) voyons faire tous les jours des
jrchofes plus eloij;nées de vôcr^
„ Profcffion;
On rcrolucjxommc jeray déjà
^t ,. que ce Prince meneroic le
fircours en f landres avec neuf
cens mille écus,qu onluy don-,
ncroit de l'argent que les QaU
lions venoient d'apporxer.
On envcrya les ordres ncceC
iaires à CadiXr& huit VaiiTeauXf
avec l'AmiraU qui étoit chargé
•de cette fomnie , en parcirenc
pendant que Don Juan sache-
minoit vers la Corogneoù étoic
ilc iicndez-vous^
X.a^£lûce dcjr rance ciX)ifouiur
les côtes de Galice ^ die écoir
composée de trente- fîx Vaif-
féaux & de (îx Brûlots > Don
Juan trouvant Tes forces bien
inférieures 9 ne voulut pas s ex-»
po(erà un Combat qui n'auroit
tourne qu*â fa perte«
Il aima mieux envoyer (es Sok
dats par petites troupes en Flan^
dres > éc ils y arrivèrent ainfi
£tns péril.
La puifiance du Roy Tres«
'Chrétien n aliarma pas feule*
ment les Efpagnols . mais les
Anglois &leS'Hjllandois, qui
.fe fiaifoient la. Guerre, firent la
PaixiBredaen 1667. & ayant
^ceùc entre eux les aclcs d'hodi»
Ircé » ils s'unirent au commence--
ment de 16 ^2. pour obliger le
Koy d'£fpagne à accepter Tune
des deux alternatives propo*
secs par le Jloy de Bnnccp
'^
14 M E M. DE LA COUK
qui pcrfîlloit dans fcs offres.
A leur exemple!' Archevêque
de Trêves, le Duc de Bavière^
TEledeur Palatin , & le ^Duc
Ernell Augulte deBrunfVvicïc
Evêque d'OiiiabrucK , voulu-
rent agir de concert pour la feu^
retc commune 3 &: ils firent une
Ligue enfemble , par laquelle
ils convinrent de travaillera ré-
gler les differens de la France &
de rEfpagne,ou de fe déclarer
contre celle des deux Couron-
nes qui refuferoit leur Média-
tion, & qui contreviendroit au
Traité, Le Pape s'y entremit
auflî,&laPaix fut faite à Aix-
la-Chapelle.
Mais ces chofcs ncs'avance-
rentpas fi vite qu'il ne s'enpaf-
sât d'autres de confequencc à
iMadrid &: ailleurs,qui agitoienc
ctrangement ceux qui s'y trou-
voient
D^ESPACNE. 15
voient intCTcflcx. Don Juan,
«comme je l'ai die , écoit à la Co-
rogne fur le point de s'cn}bar«>
c}uer I lorfqu il reçût avis de la
mort de Jo(eph Malladas Gcn^
tilhommc Ârragonois > ii Tai*
moit^&c il apprit avec la dernière
Airprile » qu on Tavoit arrêté
iêcrcxcemcnt à Madrid i onze
kcures du ioir i &c que iUr ua
ordre écrit & fignc de la main
de la Rey ne 9 on Ta voit étranglé
deux heures après. Les ibins que
Ton prie pour empêcher q ue cet-»
ce exécution ne fut fçeiië > ne
fervirent qu'à la découvrir plus
promptement 9 & l'on ne douta
point que la Rcyne n'eut facri^
fié ce Gentilhomme à la iéureté
de ibn Confcflèur.
- Domjuan fenfiblc à la mort
tragique d'une perfonne qu'il
aimoit > &encore plus ienfible à
I. Partie. B
\
%6 Mem. de la Cour.
i outrage qu'il croyoit avoir re-
çu dircAemenc du Perc Ni-
tard, refolut de ne point paflcr
}> en Flandres. On ne voudroit
^m'expofer à la puiflànce du
« Roy Tres-Chrcticn ( difoit il
à DonDiego de Velafco qu il ai-
9) moi t beau coup) que pour m'en
M laifler accabler.i on me.dénic-
9» roit tous les recours dont j au*
99 roisindifpenrablementbefoin;
9, Se quelque bonne conduite
99 que j'eufle , on ne fongeroic
99 qu'à me rendre refponfable
9, des mauvais Tuccez de la
99 Guerre, Vous voyez que je
99 fiiisencoreauPort9&queron
9, fait déjà mourir un nomme
9, qui n a. point commis d'autre
99 crime que d'avoir eu de Tatta-
99chement pour moy.. Que fe-
„ roit-ce fi j'eftois en Flandres i
9> tous mes amis fe trouveroicnc
d'Espagne. 17
cxpofez à la haine ic aux ca-
prices du favory.
II chercha le prétexte le plus
plaulible qu'il put trouyerpour
ne point aller en Flandres 5 il
feignit pendant quelques jours
d'être nialade^il écrivit à la Rei-
ne qu'il luy tomboit une fluxion
(lir la poitrine 3 que les Méde-
cins luy en failoient appréhen-
der les fuites s'il entreprenoit un
fi long voyage, & qu'il la fup-
plioit de l'en dilpenfer.Un chan«
gemenc fi peu attendu fît grand
bruit à la Cour>&: ne chagrina
pas médiocrement Sa Majelté
& le Pcre Ni tard. Ils en péné-
trèrent alTez la cau(e3& s'ils euG-
fcnt pensé que le Prince ne fc
fut point éloigne , ils n auroient
peut«être pas fait mourir Mal-
ladas.La Rey ne ordonna à Don
Tuan de céder Ion Employ.au
B ij
a8 Me M. de la Cou k
Connétable de Caft il le, lequel
iroic remplir fa place- en Flah^
dres , & que pour luy il eut à fe
rendre inccflamment à Confue-
gra>fans approcher de Madrid
plus prés de vingt lieucsiil obéît
aulH-côt* Mais Ton obeïffancc
o'étoit pas capable d'appaifer la
Reyne, elle avoir Telprit fi irri-
te , qu'au mois d'Aoult i66^. el^
le apporta elle-même dans le
Confeil un Décret contre ce
Prince, par lequel elle reprefcn-
toit la def-obeïflance qu'il avoit
eue dans un temps fi preiTant, 6c
les raifons qui auroient dû le
9, faire partir 5 quand bien la ma-
>«ladie qu'il alleguoicauroit été
» véritable, que le mcnfon^e du*
^ Sujet au Souverain étoit toû-
3, jours digne de punition : mais
)) particulièrement dans une
ceocoiitre fi importante.
d'Espagne. 19
Don Jpan fut avcrty de tout
ce que le Décret contenoit con-
tre kiy 3 & il en eut undéplaifîr
d'autant plus fenfible , qu'il
croyoit prendre beaucoup fur (a
njoderation de ne fe pas plain-
dre hautement de la mort de
Malladas. .
Ge qui acheva d'altérer les ef^
• grits 1 ec fut an Capitaine nom-
mé Don Pedro de Pinilla, qui
ayant: demandé à parler à la
Reyne fc jctta à Ces pieds , fen—
tretinc une heure en particulier, ^
fici^squeroQ fçût ce qu'il luy
avoir dit. On ne douta point par
U fuite>qti'il n'eut déclaré quel-
que: chofe. d'important contre
Don Bemardo Patigno frercdu
premier Secrétaire de Don Juarr^,
parce qu'on l'arrêta le Icndc-
maiaavec deux de fes Domefti-
ques. On tint les Informations fi
B iij
30 Me M. DE LA Cour.
fecrcttcs,queperfonnc ne fçût
ce quelles contenoienc : le
Marquis de Salinas Capitaine
de la Garde EfpagnoUe, reçût
ordre de la Reine de partir avec
cinquante Officiers reformer,
pour aller arrêter le Prince à
Confuegra : mais bien qu'il fit la
dernière diligençe,il ne Vy trou-
va plus. Ce ne fut pas un mal-
heur pour luy y Don Juan avoit
alors un grand nombre d*amis &
de domeltiques , qui auroient
tous hazardc leur vie pour le ga-
rantir d'être pris. Il évita par fa
prudence d en expofer aucun:
car ayant été avcrty de ce qui fc
pafToit , il partit , & laiffa feule-
ment une Lettre pour la R eync ,
dattée du 2 t. Oûobrc, par la-
quelle il luy parloit avec plus de
liberté qu'il n'avait encore fait,
i> Il luy mandoit > qu'il vouloic
D*E s P A G N E. 31
bien luy avouer qu'il feroit 1,
pafsé en Flandres fans la more »
furprenante & tragique de )>
Maliadas 5 qu'il n'avoit pas )>
lieu de douter , que le Fcre »
Nitard n'en fut l'Auteur 5 qu'- ,,
une telle injuttice crioit ven- »
geance contre celuy qui l'a-i,
voit commife , qu*il s'ctoit }>
fenty infpiré d'un preflant de- n
fir ae contribuer à l'éloigné- »
ment d'un fi méchant hommei ,>
qu'il la fupplioit d'y confcntir >>
pour le bien du Royaume en i>
général, & pour la gloire de »
Sa Majellé > qu'il fouhaicoit 1,
<lc n'être pas contraint de re- ,,
courir à a autres voyes qu'a 9»
celles de la prierepourlecnaf-,!
fer d'un lieu, où fa prefence „
étoit odieufe à tout le monde i „
•qu'il fc trouvoit oblige d'aller „
chercher un azile contre les ,>
B iiij
/
32 Mem.de laCour
> violences de cet Etranger:
>que cctoit une ncccflîtébien
, cruelle pour unhocnn^e de Ton
,rang : quil efpcroit que Sa
jMajcdc auroic agréable d'y.
> faire de ferieufes réflexions, &
y d'y apporter les remèdes ncj-
Dceflaires,
La ledure de cette Lettre ré-
veilla toute l'averfion que la
Reync a voit naturellement
pour Don Juan > elle fe mit dans
la dernière colère contre luy , ôc
elle 1 auroit fait éclater d'une
manière terrible, fi les Grands
& le Peuple avoient témoigné
moins d'amitié pour luy. Cétoine
pour elle &pour le PercNitarçl
un nouveau fujet de déplaifir
d'apprendre que tout le monde
fe déchaînoit contre ce.MiniC^
tre i qu'on l'accufoit ouverte-
in^nt de la mortde Malladas , &
D*ESPAGNE. 35
de la prifbn de Pacigno.
Cela engagea la Rcy ne à don-*
ner une Déclaration > par la«
quelle elle afleuroic que ces
deux hommes n'écoienc venus à
Madrid que pour exécuter les
mauvais deUeins de Don Juan i
qu elle en avoir été pleinement
informée par leur propre con-
feflîon , 6c qu'elle ne fe (croit pas
portée à faire mourir Malladas
iî:elle n'a voit été aflêuree de ion
crime. .
Dans le même tems,le PereNi*
tard fit imprimer & courir dans
le monde une efpece d'Âpolo-»
gie»dans laquelle il accufbitDon .
Jyan de Pavoir voulu faire aâa(^
finer plufieurs foi^. Il parloit de
atf deflein comme d'une choie
cverée» & proteftoit de fon in*,
noccnceà regard de la mort de
MaUadas» &de Pemprifonne^-
B v
v^
34 Me M. DE LA Cour
ment de Patigno. Il pretcndoîj
en donner une preuve incontef^
table, alléguant que lorfqiic Ton
étrangla le premier , il difoit fon
Bréviaire chez luy avec le Frcre
Buitos i & que quand on arrêta
le fécond, il arrangeoicdes pa-
piers dans (on Cabinet. Du ref-
tc, il s'ctendoit fort fur la no-
blelTede fa Naiflance , & furies
fer vices que fes Anceftres a-
voient rendus aux Empereurs:
Cet article ne fervit qu'à faire
étudier davantage Tobfcurité
de fa Race. II adreflbit cet Ecrit
à la Rey ne, ocelle n'oublia rien
pour que Ton y ajoutât une en-
tierefoy.
Quelque tems après , elle pre-
fenta au Confeil une féconde
plainte contre le Prince , Taccu-
lant d'avoir fait tirer en Flan-
dres un horofcope^où l'on re-
d'Espagnï. 35
connoiilbic les hautes efpcran-
ces ) donc il repailToit fon ambi-
tion >qu une telle curioficé a- ^^
voie été de tout tenis punie »
comme un crime deleze-Ma- ^
jefléi qu il ne falloit pas leule- >»
ment examiner la faute» mais »
encore quel écoitceluy qui la
commet toit 3 qu'il s*agiflbit
d'un homme d-erprit> qui ne ,»
pechoic point par ignorance > ,,
& d'un Sujet ingrat &: rebelle
comblé de biens ôc des faveurs
de U Couronne s qu'il falioit ^
abfolument le châtier, de peur j >
que la tolérance n'autorisât Tes ^
mauvais defleins , & ne ierTÎt i»
aies faire réuâir. „
. Le Prince avoit trop d'amis,
pour n'en pas trouver quelques-
uns qui fefîûent unplaifirde le
défendre. On ne voyoit plus
d)A$ toutes Ica Compagnies que
li V j '
^6 M E M. DE LA Cour.
des écrits , dont l'aigreur ne fer-»
voie qu'à animer les parties in-*
tercfsécs.
Ceux qui étoient pour Don
j^ Jua^n foûtenoient, qu'il étoit
9> incapable de former un Def^
y y fein anfli lâche que celuy de
>, faire afTa dîner le Père NitanU
,) que (i cela luy fut entré dans
jj Tefprit, l'exécution ne luy en
)) auroit pas été ditBcile ; qu'il
„ ne s'agiflbit que d'un Reli-
„ gieux Etranger fans amis &
,, fans parens , foûtena d'une
^) Reyne qui auroit abandonné
,> fa vengeance dés qu'on Tau-».
,, roit bien informée de (a mau-
,) vaife conduite y que la meiU
5, leurc preuve que Ton pouvoir
„ donner que le Prince ne l'avoir
5, pas voulu foire , c'eit qu'effec^
»tivementilneravoit pas fait;
,} que loin .d'agrr ea traître j il
D*ESP AGNE.
demandoic ouvertcmcnc que,»
Ton chafsâc ce Miniltre > &>, .
que pour obtenir Ton éloigne- ^ .
mcnc y il s expofoic à toute la ^, ,
colère de la Reyne : au'au^,
fondSi le Perc Nitard ne leroit „ .
pas trop à plaindre, de rereti-9> ,
rer avec foixante mille écus de ^^
penfion,dont il joûiûbitdéja,, .
fans les autres bieiis£atits qui >> ,
ne paroiflbient point } qu'un ,y
revenu fi confiderable étoitj,
fu^faot pour comencer Tacn-,» .
bitioo d'un fimple Religieux: n
mais qu'il étoit luy-ménie fi^
vindicatif» qu'il avoit voulu/»
faircaiTafiinerle Prince i Bar- ^
celone &à Confuegra 3 que ce ^
n'étoic point par un e^ec de,>
reflentiment , que Don Juan y»
prcflbîc la Rcyne de le ren« ^
voycrcQf Ton Paï^^ étant aiTczy,
gçaeranpoiiir oablieriiinfcof- i^
^ MeMi de la.Couh
j^fcnfc particulière; mais qiùl
„ étoit trop bon Sujet pour fouf-
»frir un homme donc les videns
>,*confeils pou voient caulerune
9, révolution geueralle dans le
>> Royaume d*£(pagne. Ils ajoû-
toient à cela pluHeurs autres
chofesque jepane fous filence.
La Cour S: la V ille fe partagè-
rent là-defTus» chacun s'intec-
reâbic dans cette affaire dtrec*
cernent ou par rapport à Tes amis;
Les Dames dulalais entrèrent
même dans la querelle; &pour
marquer le party qu'elles cm-
braâoient) les unes fe difôient
Affftrienmsy & les autres i\r//jr*
dinesk
. Voila ccwqui fe pafibit àMa«
drid pendant que^Dom Juan
s'en éloigooit pour s'approcher
de Barcelone. LaReyne igno-
jTott la route qu-U avok puic ^
D*Es PAGNE. 3^
& Ton inquiétude -rcdoLibloit
quand elle fongcoic aux fuites
dangereufesque pourroit avoir
une affaire qui comiiieriçoit a-
vec tant de chaleur. Lorfqu'il
fut arrivé, il (écrivit à la Reyne
une Lettre tres-refpeûucufe ,
mais qui ne démentoit point la
refolution qu'il avoit prife de
luy demander condamment Vé^
loignement de fon Confeflcur.
Il luy en mandoit des raifons
tres-fortes , qui ne fcrvirenc
qu*à rirriter davantage contre
luy, & il ne luy tomboit pas dans
Tefprit qu elle dût fe pri ver d'u n
homme en qui elle avoit tant de
confiance , àc pour qui elle avoit
tantd'afFe&ion. £lle trou voit»,
que Don Juan fe méloit d'une „
chofe qui n*écoit point de fa >,
competance i qijie puifque le,»
.Comeil que le feu Roy luy,,
4a M E M. DE L A C O U R
>^avoit donne ne crouvoit rien i
9^ redire à la conduite de cePere»
„selle. ne dévoie pas s arrêter à.
^ravcrfion que le Prince avoir .
,„con^ûë mal. à propos contre.
„,luy 5 qu'ilyalloic de fa glpirç
„,de. témoigner de. la fermeté.
9, dans cette rencontre i que (t ^
,>^elle abandonnoit : fes Servi*
^.teurs à la première, fantaifîç *
,,.que Ion auroic.contre^eux , il
,^{croit dangereux de s attacher
„ à elle. .Entin Icnvie qu'elle a-
voie de garder le. PereNitardi
luy fourniâbit des raifons C\ fpe^
cieufes) que perfonne n ofoit le^
combacre. .
Ce Pcrc de.foQ côté > ne fça-r
voit à quoy fc déterminer 5 il
luy étoic bien doux de fe voir
aimé de protégé d'une fi grande
Reyne > & d*être auprès d'elle
:fvec: un pouvoir abiolu. Jvlaiis
D*ESFAONE. 41
d'ailleurs il n écoic pas fans in-
quiétude y lorfqu il penfoic à
lennemy qu'il avoic en ccne. Il
craignoic rafTaffinac ou le poi-
{on i & quoy que le Confeil
n eue point encore parlé contre
luy 9 il n'ignoroir pas néanmoins
qu'il n ëcoit pas aimé de tous les
Afiniftres, de que fi une fois il
Ycnoic àeltre chafsé» la plufparc
des Grands loiieroient par tout
le courage & la confiance de
Don Juan. Ces reâcxions re£-
froyoient fi fort » qu'il alloîc
Guelquefois fe jetrer aux pieds
de la Key ne^avec les larmes aux
yeuXfpour la fupplier deluy pet-'
mettre de £e retirer. Mais elle le
railèuroit toujours > & luy d6-
fendoit de parler jamais d'une
chofe qui luy faifoit unt de
peine.
Le Prince ne £e contenta pas
41 Mem.de LA Cour
d'écrire à la Rcyne y il écrivit
aufli aux Miniitres en des ter-
mes (î forts , qu'ils faifaicxit aflfez
connoître ce qu'il fouhaicoit à
l'égard du Fere Gonfefleur, &
qu'il ne fedéparciroic jamais de
ces fentimens : qu'il les prioit de
le féconder auprès de Sa Ma-
jefté , & de luy reprefcntcr de
quelle confequence il étoit pour
l'Etatjde renvoyer cétEtrangcr.
Ces Lettres augmentèrent les
chagrins du Père Nitard 5 (es
"amis craignirent que Don Juan
ne fe portât à des rcfolutions
violentes , & fes ennemis eurent
la fatisfadion de penfer que le
Prince mettroit tout en ufage
pourlechaflerd'Efpagne. Mais
ceux qui agifibient fanspaflîon ,
jugeoient que la refîftance de la
Reync & l'opiniâtreté de Don
Juanatcireroient de très-grands
D*ESPAGNE. 43
defordresjoii tout fcroir égale-
ment confondu. La Reyneavv ic
le dernier déplaifir de tout ce
que Ton difoic 3 & comme elle
ne (e trou voie pas d'ailleurs en
feureté >elle fît venir de la Ca-
vallerieau Pardo , qui eil une
Maifbn Royalle à deux lieues
de Madrid.
Il elt bien certain que fi elle
eût eu moins d'apprehenfion >
cUeauroit déclaré Don Juan re«
belle. Elle communiqua même
ce defTein au Père ConfeiTeur,
qui approuva fort cette fone de
procedurç ; mais les autres à qui
elle en parla, s'y oppoferent de
tout leur pouvoir. Ils luy re-„
prefenterent que le Prince ne,,
garderoit plus de mefures avec „
ellej que le peu de ménage-,,
ment que Ton auroic pour luy „
le pouUeroit à bout 3 qu'il n at- „
4^4 ^^ M- ^^ L ^ Cour:
^, tendoit peuc-ctrc qa un prc^
j> texte pour fe déclarer i qu*il
„étoit brave de fa perfonncj,
3,qu'il avoit des amis, outre la.
^ partialité du peuple ,. qui le:
>»)Cheriflbit 5 que de moindres >
,9 Sujets avoient donné lieii^à dc:
,, grandes révolutions) qu'il fal-
,, loit toujours le mettre dans .
jjfon tort, &qu'jl n yavoitquc
,, les VQyes dc douceur qui pûC*
nfent le. fa ire rentrer dans (on.
« devoir > ou tout, a.» moins le:
>;i convaincre: que Ton n'avoie
^jrien négligé pour f empêcher
,»4'cn ibrtir. Bien que ces xvis-*
là, fuffent affez oppofcî au rcf-
femiment de la Rey ne, & qu-
elle eût bienvx>ulu ne rien mé-^
nager avec un Prince dont elle
fe croyoit offensée , elle fui vie
les bons confeils qu on luy don-
noit. .Elle luy écrivit une Lettre.:
5 P A C N £. 4'5
:rrcs-obligcantc,par où clleluy
mandoic de retourner à Con-
.fuegra> &ellc luyengageoic (a
parolle Royalle pour la icuretc
MC fa perfonne.
Don Juan fît d'abord quelque
^liificulcé d'obeïr -, foie qu'il ap-
:i>rehendac comme il t'écrivic à
4a Reynede fe mettra entre lc«
mains du Père Nltard dont il
venoit de s echaper > ou qu'il
^ût d'autres raifons que L'on n'a
ipzs pénétrées : mai5 le Due
d'Oflbne, qui étoit à Barcelone»
luy parla avec tant de zèle , & le
follicita û fortement d'obeïr aux
ordres de Sa Majellé , qu'il fe
rendit à Tes remontrances > Se il
partit avec trois Compagnies de
Cavallerie que leDucluy don»
nsL pour Ton efcorte.
La Rey ne en ayant receu l'a-
vis» foogea à luy donner quet-
^6 M E M. DELA Cour
que dcplaifir fur fa route. JEllc
l^avoit qu'il devoir paflcr par
TArragon j elle écrivit aux
Etats de ce Royaume, qu elle
vouloit que i on ne fit aucun
honneur à Don Juan,& que Ton
cherchât même les occaiîons de
le chagriner i en quoy elle fut
mal obeïe. Les Etats Juy man-
dèrent qu'ils ne pouvoient fe
V difpenfer de rendre ati Fils du
feu Roy,& au frère de leur Mo-
narque, les devoirs qui étoienc
dûsàfon rang & à Ion mérite.
En efFet , ils s'en acqu itèrent
avec le dernier emprcfl'cmcnt 5
&quand il approcha deSarra-
goflcvtousles Habita ns allèrent
plus de deux lieuës au devant
de luy i la foule étoit fi grande,
qu'à peine pouvoit-ilpajUer. Us
crioient tous d'une voix :
Fivc le R^ &le Sti^neur Dûm
d'Espagne. 47
Ima» s ijiéil remporte toujours la
F/ifûirc fur fts cnntmis , d* »*^/-
heur au Itfuite qui Itfcrfecutt.
Chacun luy jet toi c des fleurs
celles que la laifon pouvoic les
fournir, & des eaux de lenteur j
lesf Dames plus parées qu'aux
jours les plus folennels , for-
moienc dans leurs Carofles une,
double haye fur fon pafTagei
Tair ne rctcntiffbit que des be-
ncdidions & des louanges qu'on
luy donnoit : en un mot , la joyc
ëtoit univerfelle dans cette
grande Ville.
La Reyne & le Perc Confef-
feurqui en reçurent une fidelle
Relation 1 fcntirent vivement,
Tune le mépris que Ion a voie
fait de fcs Ordres, & l'autre la
haine que le Peuplca voit témoi-
gné en parlant de luy.
Le bruit de la réception faite.
48 M E M. D E X A C O tl IL
à Don Juan fe répandit à Ma-
drid 3 & parmy plulieurs pcr-
-fonncsqui en rcflèncircnt de la
joye, il y en eut beaucoup qui
appréhendèrent quelque dcfot-
^drc du retour de ce Prince.
Pour cfl'ayer de prévenir les'
maux dont on fe crdyoit mena»,
ce , les Regidors & les Uiitrcs
^Magiftrats de la Villes'aflcm-
blerent le premier Février. -Ils
envoyèrent quatre perfonncs
de leur Corps -au Prelîdcnc de
„ Caltille , pour lity reprefenter
„les mal-heurs que pou voit
„caufer la venue de Don Juan
„avec des Troupes , dans un
„ tems où la Cour ctoit fi foiblc ,
„ & le Peuple (î infolent & fi di t
„po$éàla révolte 5 qu'encore
,,'què le Prince fut remply de
„ bonne volonté, il ne pourroit
>y empêcher les fuites fâcheuses
que
^ue Ton a voit lieu de craî nd re. ,>
Le Prclident fe rendit chez la
Reync , le Confeil s'aflcmbja ,
& l on fut d'avis dcdcpêchcr un
Courier à Don Juan, avec or-
dre de Sa Majellc de renvoyer
inccflàmment fon efcortc.
/Il reçût r Ordre , il hâta fa
marche, fe fit fuivrc deux jours
{)ar le Courrier, & le troificme il
uy donna un reçu del'Ordre, fie
le renvoya {ans réponfe.
Mais pendant qu'il cardoit i
revenir, on s'aïlarmoit à la Cour
du fuccez de fon Voyage i &
Tinquietude augmenta dans le
Palais,quand on vit qu'il n'etoic
charge d'aucune Lettre. Quel-
?[ues Seigneurs allèrent là-cïcf-
us trouver le Ptefident , pour le
prier de dire à la Reyne qu'ils
ctoient difpofez à toitt «itre-
prendre pour fon fcrvice. Qn
L Part. C
O M E M. DE LA C O U R
liTcmbla de la CavalJerie ^ ^
i on fcpreparoit à Madrid corn*
ine pour foûcenir un Siege> dont
l'évencmenc paroifToic douteux^
^uoy qu'il ne s'agit que d'un
Prince cfcortc de 300 Che-
^Vaux.
C'écoic en effet cette efcorte
qui caufoit le plus d'inquietudé$
la Reyne ordonna au Marquis
de Peiialva de ramafler les Offi*
ciers reformez avec tous ceux
qui fe prefentoient , àc d'aller
déclarer au Prince que Sa Ma--
jellé luy ordonnoit de renvoyer
les trois Compagnies de CavaU
leries qu'il avoit amenées.
Le Marquis de Peiialva étoit
dirposéàobeïr) niais il deman-
da un Ordre du Confeil Royal t
& le Secrétaire d'£tat refufa de
l'expédier , alléguant que la
Reyne nepouvoit rien refou-
tire (ans le Ccmfcîlda Gouver-
nement» auquel elle n'en a voie
pas même parlé. La Reyne irri-
cée, envoya dire au Secrétaire
^mil ftmsMt firicmfement iU dif-
f€mlté ^m'H féifêit naître mal À
ffêf^s. Le Cardinal d'Arragon»
le Comte de Penaranda > & le
Vice-Chancellier, vinrent trou-
ver Sa Maj eftê)ils luy reprefen-
€4vent que le Secrétaire avoic
HCU raifon » & ils firent une repri-
^nande au Prefident de Caftille
4*avoîr donné lieu par les con-
cis â un Ordre qui pouvait a-
voir de ^ mauvaises fuites.
On Tefbluc donc qu on ne
frendroit point les armes 5 A:
pour 4iffipQr ia crainte ou 1 on
^toit a Madrid, on paUia que
Oon Juan avoit renvoyé fon ef.-
corte i $c que s*il ne Tavoit pas
jmcorçiEitit yii la mivoyeroic ia«-
ceflainment; C ij
51 M EM. D E L A C OUIL
La Rey ne ayant perdu TeCpc^
Tance ^c fe faire obeïr par la
force, employa les voyes de dou-
ceur qui pouvoienc engager
Don Juan à renvoyer fcs gens
de Guerre 5 elle luy écrivit par
Don Diego de Velafco qui^toic
à luy , & la Lettre étoit tres-
obligeantc.
LePrineCrquî étoit venu fe-
xrretement à Madrid pour re-
<:onnoître l'état des chofes, les
difpofîtions de Tes amis , & ce
qu'il pou voit entreprendre, ré-
pondit à la Lettre de la Reyne
avec .fermeté , qu'il ne dévoie
pas s'expofcràla vengeance du
PereNitard, &4^u'il demandoit
pofitivement qu'il for^iit du
R oyaume 5 qu'après cela , il fe-
ïoit celay de tous fes Sujets le
.plus fournis à fcs Ordres.
C'çtoit exiger une chofe de la
d'E s P AGN E. 53-
RCyne qu'elle ji*avoic aucune
envie d accorder 5 le Nonce ap--
pelle Borromée, le Confeil d'E-
tat , & les Grands , travaillèrent
inutilement à l'y rcfoudrc : ce-
pendant le Prince paroiflbit fi
ferme dans fa refolution > que
tout le monde jugea que le Con-
feflcurlcroit même heureux de
fe pouvoir recirer en feureté. Il
eu demeura fi perfuadé luy-mê-
me, &il connut fi bien le danger
où il étoit) qu'il redoubla fes in-
ftances auprès de laReyne,pour
qu'elle luy permit de partir 5 elle
ne luy répondit que par des lar-
mes &.par des foûpirs, de forte
qu'il aima mieux expofcr fa vie
que de luy déplaire en la quit-
tant.
On apprit que le Prince ve-
noit avec des Troupes à Tore-
jon-dardos , qui n'elt qu'à qua-
C iij
54 M E M'. DELA C O U R;
tre lieues de Madrid.. L'inquic*
tudc redoubla parmy ceux qui
fuivoient le party de la Reyne,,
Se elle son afHigeoic plus que
perfonne.. On Tentendit repeter
plusieurs fois ces paroles 5 Af m*
Dieu ! mon Dieu ! ce bpn fertferêt
te premier facrifii.
Lc Confeil du Gouvernement::
s'aflcmbla 5 on priale Nonce dci
porter à Don Juan la Lettre qua
le Pape luy écri voit,pour le con-^
jiirer d'avoir pour la Reync Ics-
fentimens de foûrniHion qaun
Sujet doit à fa Souveraine;.
Le Nonce alk le trouver , il
revint au milieu de la nuit.. Per-^
fonne prefque ne s'étoit couché
dans cette grande Ville 3 on at-
tendoit fon retour avec impa-
tience : car on fçavoit le fujet de
fon voyage , & le peuple alloic
par troupes dans les rues de«
d'Espagne. 55
mandant déjà qui vive. Les
nouvelles que le Nonce raporta
ne plurent point à la Rcyne, il
dit qu'il avoit prie inftammcnt
lePrince d'aller à Guadalajara ,
ou tout au moins d'accorder
quelques jours de delay pour
prendre des mefures afin de le
contenter : mais qu'il luy avoit
refusé l'un & l'autre 5 & que (î le
Lundy fui vant le Confcfleur ne
fortoit pas par la porte, il forti^
roit par la fenêtre -. que Don
Juan entreroic dans Madrid
pour faire cette exécution : on a
içeii depuis, que la Négociation
5'étoit pafsée d'une autre ma-
nière, que le Prince avoit con-
fenty de laiflcr le Père Nitard
auprès de la Rey ne, pourvu qu'-
elle luy accordât de certains a-
yantages qu'il fouhaitoit j mais
que le Nonce qui n'aimoit pas
C iiJj
j (5 Me M..D E L A C O U R
V ce Père luy avqit joùë la piecç
toute coniplecte,en ne declaraiu:
point lcsfavorablcsdifpufiuon$
de Don Juan^
Le Père Nitard. apprit- ce qui
fc paflbit 5 il confcfla la Rcyiie
le lendemain matin , & fe jetra
cnfuiteà fes pieds, la fuppliant
de ne le pas expofer aux outra-
ges, cjiie luy pourroit faire un
Prim:e irrite > qu'il y alloit de fa
vie , & qu'il ne voyait aucun
moyen de la garantir , qu'en ce?-
dant à la neceflîté prefente. La
Reynç luy répondit avec une
grande abondance de larmes >
[u'cUe ne pou voit confentir.à
t)n éloignement i qu'il ne s'-in-
quietat pas, ôc qu'elle mettroit
ordre à tout.
Iletoit bien perfuadé qu'elle
en avoit une entière volonté,
mais queXon pouvoir n'y rcponr
?c
dTspagKe. 57
doic pas; néanmoins il TafTeura
que quand bien le peuple de*
vroit le déchirer en pièces , il ne
fortiroit de Madrid que par Ion
ordre.
Il fe retira chez luy , avec tou-
te la crainte dont un homme
menacé du dernier péril peut
être capable.
Les chofes en vinrent à une
telle extrémité , que le Lundy
2 5. Février, la grande Court du
Palais fe trouva pleine d'une
fsule de gens de toute qualité»
qui demandoient hautement, &:
avec une véhémence difficile à
réprimer, que fans différer,,
davantage on fît partir le Con- „
feifeur 5 que pcrfonne n'igno- „
roit ce que Don Juan avoit dit „
au Nonce , que la Ville alloit ,,
êtic exposée au pillage & à la „
4efolacion pouf un Jefuitd
C v
58 MeM. D E L A Co LIR
„ Etranger , qui n'avoit aucun
yy merice que celuy de plaire à la.
j, Reyne.
Le Duc de rinfantado & le
Marquis de Liche voyant tant
de monde affemblé , coururent
à rAppartemenc de la Reyne-,.
quictoit encore au lit: elle n'a-
voit point fermé les yeux dc^
toute la nuit, & elle ne dormoit.
pas alors fçachantune partie de
ce qui fe pairoit..Une de (es fem-
mes nommée Dona Eugenia,.
ctoit à genoux auprès d'elle qui :
la conloloit.
Hd4^ / luy difoit la Reyne,..
iequoymtftYt toute ma Grande ur-
(^ ces Titres fàfliéeux que l'on rnt
donne ^pui/ifiàe Nnm'âteU liheu
te de garder auprès de rhoy un hom*
me de bien qui fait tonte ma confom
lationNl n^y afointde fimfletié^
me in ^ffàgne fui n'ait un chafoi^
d'E s p a g n e. 5^
lâin ; on nj trouve f as à redire. le
fmis U feule fer/ecutie dans ce
Moyâume , & U feule k qui ton
veut oterfon Conftjfeur f
Le Confcil s'aiTembla prom*
ptemenc > parce que le defordre
augmentoicdansla Ville>& qu'il
ccoic à craindre qu'il n'augmen-
tât encore davantage.
Il y eut des Miniltres, qui par
attachement pour la Reyneef-
fayerent de trouver quelque
temperamment pour éluder le
4épart du PereNitard : mais les
autres allèrent à la caufedu mal>
& dirent que fî on difFeroit de
renvoyer tout ctoit perdu 5 que
Don Juan entreroit .dans Ma«
drid , & que tout ferait confon-
du ) amis & ennemis 5 qu'il n'ë*
toit queftion que d'un Reli-
gieux que le peuple haïflbitjuf-
quiia fureur > &: q^ue perionne
9 ^i
èO M FM. DE LA COLlfl
, r
ne parloit de luy q^Lie pour le-
charger de ma:^ediâions, quoy
que dans le fond il ne les eût
pas méritées, & q^u'ilfût hom-
me de bien..
Comme Sa Majertc étoit en-
core au lie quand le Duc de rin-
fantado & je JMarquis de Liche
demandèrent à luy parler 5 ils ne .
purent la voir , parce que ce
n'eit pas la coutume, en Efpagne
que les hommes entrent jamais
dans la Chambre de la Reyne,
lorfqu'elle efl couchée. Ainfi ils
allèrent à la. Cavachuela : ç'cll
un lieu foûterrain dans lePalais,
où font les Secrétaires d'Etat, 5f .
ils parlèrent à Don Blafco de.
Loyola,& luy voulurent donner
un Mémoire pour Sa Majefté:
mais la précipitation avec la-
» Que Ton appelle en Efpagnol Secrétaire dd .Pcfpa-
«%*.Q!Çiiver(al. „
' d'Espagne. ^:
quelle ils étoient montez à T Ap*.
partemenc.de la JEley ne:,. celle
avec laquelle Hs en dccendi-
rènt i- &^ r^mpTciTcmcnt qu'ils
eurent de fe roidre avec Don
Blafco au Gonfeii du Gouver^
.nement , obligea plufieurs per-
foniies qui les rencontrèrent, de
les fuivre: de manière qu'en en-
trant dans, la Chambre où les
JMiniftres . étoient aflemblez
pour y fçavoir ce qui s'y paf-
-foit, )f il fe trouva une grande
.foule de gens qui y entrèrent
avec eux , ôc fe mirent à crier
tous enfemble 3 ^j^on nousdtli-
^v^e du le fui te , qu^on lefaffi far tir.
. Les Miniitres demeurèrent
furpris , & s^entreregardoient
tous interdits. Cette troupe re-^
nouvellaies in(i:ances> en ajoû«-
. "» Ces deux Seigneurs n* étoient point 4e UJ^uit^ ^^
Gouvetnemenu^
6Cl\ M E M. D E L A G O U R
tant même quelques menaces
contre ceux qui rcjLiendroienc
le PereConfeflcur.
Sans différer davantage la re-
folution fut prife i & ils envoyé^
rent Don filafco de Loyola trou-
ver la Reyne avec un Décret,
dont on le chargea. . Il porcoic
que le Gonfeil avoit conclu que
lePcre NitardfortiroitdeMar-
\^ driddans trois iieurcs de tems. .
L'Ordre ca étoit tour drefsé 5 la
Reyne ne fit point p^roître d'é-
motion en lelifant , elle le ligna
avec beaucoup de fermeté > &
fans jetter une larme 5 & comme
elle vouloit que. cet éloigne-
ment ne parût pas forcé > Se
qu'il y eût quelque chofe d'ho-
jaorable , elle fit drefièr un autre
Adede fon Congés en ces teu
mes:
d'Espagne. tfj-
de la Compagnie de le fus ^ mPH
C ênfeffjeuTj KMimftre d'Btat & In-^
^mifiteuf Gêner al , ma fuff liée di
Uy fermettre d^ fe retirer de ces
Royaumes ^ & bien qne je fiis anp
j^faihfÀite efuùn le fuijfe jamais^
être , mên ftuUmtnt de fa vérin , ,
iS^ de fcs-autres honnes qnélitets\
mais encehte du xAk & de l'apfti^
eaiiûU aije^ laéfueSé il a ffavaillé:
four le ferwee de cetH Couronneî ;
$iieanmùins ayant . eu égard à fie
infantes prière s , é' peur d autres *
ji/Jlesraifins^fdy bien vpulu luy h^
eèrJter la permi/Tfèn fu* il demande^
four -aller au il luj plaira : Et com^
eut )e fouhâite que ctUfifàjfien *
U manière que fa dignité & fis
mérites Je demandent , f^yt^g^^
ftêpps qu'il prit i feu CMin U^
qualité d^Ambajfadeuf éxtraordim
thUre en Allemagne ou à Rome ^
^nféienunUoe^Hs/es Charges avH
4 Mem. b EL a Gour
Ut^s Its Avantages ^ui y font av
tachez,. Fait à Madrid le vingt''
tin^ Février 1669. -
t- . Auflî - tôt - que Dom Blafco
iiit retiré, la Reine ne fc faifant
plus de violence pour fe con-
traindre, & pour retenir fes lar-
iHes,en verfa beaucoup,& fc jet.
ta furfô lit avec touceladouleur
•ppfBble,difant de tems en tenisj
^ Mêlas ! helas ! dequoyme fcrt d'i-
tre Reine & Rtgente! D'un autre
>5Ôtç le Confeii chargea le Car-
dinal d' A rragon & leComte de
Pciiar.anda daller apprendre au
-Pcre Nitard l'Ordre que là Ma-
jette avoit iîgnéi IL n'eut pas
lieu d'en être furpris par tout
ce qui avoit précédé cette nou-
: yelle , & par les inftances que
yé Nonce luy avoit faites pour
L'empêcher d'aller auv Confeil
•jGQUme il caavQic. ledeûein.^
dTspagne. 6)
Idy difanc que le peuple écoic
Ci irrité , qu'il apprehendoit
ques'il femoncroiton nelemic
en pièces.
Les Supérieurs des Jcfuites
étoient vcnule voir pour le pré-
parer à ce coup , TAmirantc
de Caitille y vint auiïî , & il luy
dit avec cette liberté que don-
ne une. naifTaixcediltinguée, &
beaucoup d*èfprit , qu'il s'ctoit
attiré tous ces malheurs par plu-
sieurs raifons qu'il luy particu*
larifa.Le Père qui n'éioit point
encore accoutumé à des répri-
mandes, fe fâcha de celles-^cy»
ô( luy dit que de relsdifcours
ne dévoient pas fe tenir à un
Inquifîteur Général devant
tout le monde.
Lorfque le Cardinal d'Ar-
ragon arriva , il le trouva fort
affligé} cette necefficé de partir
66 Me M. DE LA Cour
fnr le champ fans prendre mâ^
me congé de la Reine fabien*»
fai Aricc > le couchort fenfiblc^
ment: le Cardinal neputrece^
nir fcs larmes en le voyant, foie
par la confîderacion deschofes
de cette vie & du peu de fond
que Ton y doit faire , ou par
1 eftime particulière qu'il avoir
pour luy. Il luy offrit mille pif*
tôles pour fon voyage , & le
Comte de Penaranda une lettré
de cbajQge de trente mille du^
catsi il ne voulut pas les pren*.
dre y difant que comme il étoit
yenu pauvre Religieux , il fçau*
toit bien s'en retourner pauvre
Religieux..
Le Cardinal le confola autant
qu'il put, & luy dit qu'il l'ac-
compagneroit jufqu'à Fuenca-
nal,enfuite ilfc retira pour lelaif*
fer en liberté de mettre ordre
D*Es*AGNE. 6j
à fés affaires , & fur le foir il vînc
le prendre dans Ton CarroiTe
bien accompagné^ il luy deman^
da d'abord fî Tes bardes étoiene
prêtes : mais il répondit qu il
n'avoit point d'autres bardes
^ûe fbn babit & (on bréviaire»
âinfî ils partirent efcortez de
touslesOniciersderixiquifition:
des que le peuple vit lePereNi-
tard, il fe mit à crier contre luy
& à luy jettcr des pierres , le
chargeant d'injures & de malé-
4liâ:ions 3 il avoit bdbrn d*êtr»
avec un homme de cette Digni»
té pour ne fc pas trouver expofé,
à la fureur publique 5 1^ dou-^
leur qu'il eut d'un traitemene
fi rude , l'obligea de dire plu-
fieurs fois les larmes aux yeux,
que Dieu l'cprouvoit en le met-
tant dans la fournaife des tri-
bulations y ^: qu'il feroit biea^
^8 MjE^M. DE LA Cou K
heureux d'étape trouve de bbtf-
aloy. /
En paflant dans les rues , il di^
l^ foie à ceux qui l'accabloient
d'injures: Adieu mes cnfans>.
adieu jem'en vais.
Il ne voulut point accepter.
rAmbaffade de Rome,quoyquc
la^ Reine luy écrivit tres-obli-
geanamentà Fucncaralpourluy^
en réitérer ToiFre. Elle luy en-
voya deux mille piitoles pour
fon voyage de Rome, quelques
Pierreries & une augmentation
de deux mille éeus depenfionj
fes Gens, trouvèrent quand il
fut parti un cilice & des dis-
ciplines dans Ion Cabinet.
Lors qu on ne craignit plus
de déplaire au Pcre Confefleur>
en rendant {es devoirs à Don
Juan , chacun le fut voir à
Confuegra,ôc luy témoigna fon
d'Espagne. 4y
Mlci il ccrivicà la Reine pour
la remercier d avoir -éloigne
fon ennemy , &i:eluy dcrEtac,
&il Ta prioit d'agréer qu'il vint
à la Cour pour falùer le Roy
& luy baifer les mains. :Mais
au lieu de luy permettre , elle
iuy ordonna de fe retirer â dou-
ze lieues de Madrid, il en fut
touchc,&. s"en plaignit comme
d*un exil 5 cela ne Tempécha
pas de demander par fcs Let-
tres j tant à la Reine^^qu'au Con-
feil,que Ion travaillât au fou-
lagemcnt du peuple , & qucl'on
remplit les Charges dont le Pc-^
re Nitardétoit revêtu, de quel-
ques perfonnes capables de les
bien exercer : Il reprefentoîc
que ces Dignitez luy dévoient
être ôtées, puisqu'il ctoit aufli
important de Tempccher de re-
venir dans le Royaume , qu'il
70 M EM, B E L A C O a R
avoitcté neceûaire<ie fcnfai^
1^ fortir.
11 dcmandoic aiiilî que Ion
ôtâc la charge de Prefident de
Caftillc à FEvêque de Placen-
cia , parce que <:'ctoit luy qui
avoic drefle le Décret fur lequel
Malladas fut étrangla > &c que
le Marquis d'Aycone fon en^
nemy ca^piral n eut plus la li«
ibercé d opiner fur les afl^ires
qui le concernoient.
La Reine mécontente de la
manière dont le Prince luy é-
crivoit,& encore plus mécôtçn-
te de tout ce qui s'^toit pafle»
luy fit une ré^onfe peu obli-
geante , & luy ordonna de fe
défaire inçeflament de fon ef-
<:orte comme il s'y étoit engagé.
11 s'en plaignit au Cardinal
4'Arra:gon & au Nonce imar*
^uant à la Reine auifi bien qu'à
d'Espagne. 71
CCS Prclats,qu il ne pouvoir rcn*
voïcr ceux qui i'accompagnoiec
qu'il n'eût appris auparavant
2UC le Pcrc Nitard ctoit hors
tt R.oyaume> parce qu'il avoit
encore tout à craindre de Ton
côte.
^ Le Confeil s'afTembla là-de&
(us >& l'on trouva à propos que
.k Cardinal fut à Guadalajara»
pour engager le Prince à faire
ce que la Reine vouloic 5 il y
confentit enfin, & Telcortepar-
tit après que le Cardinal eut
ménagé une espèce de Traité
entre cette Princefle & Don
Juan, par lequel elle luy con-
lirffloit le Gouvernement des
Fais bas> ftcluy donnoit parole
que le Père ConfeflcjOTie de.
ixiettroit de fesChargesiquéle
Prefident de Cailille ôc le Maf^
•
iquk d'Âytone n'entreroicnt
7^ M E M. D E LA Cour
point en connoiiTance des cho-
ies où il avoic parti qu il pour-
roit s'établir où il le jugeroit
àproposiquel'on penfcroitaux
moyens de foulager lepeuple^
que perfonnene leroit admis à
pas un des Ordres Militaires
de Caftille,qu il n*eut fervy dix
ans fur terre ou fur mer > que
le Pape feroit Dcpofitairedela
parole de la Reine pour la feu-
retc du Prince. Il y avoic en-
core plufieurs autres articles
moins eflcntiels que ceux-cy,ôc
qui alloient tous à la fatisfac-
tion de Don Juan, ou au fbu-
lagcment du peuple.
Il cciTii alors de faire Tes re-
montrances ordinaires jufqu*au
mois de May, qu il apprit que la
Reine mcttoic fur pied un Ré-
giment pour la garde du Roy,
' £c quelle en avoit fak Colonel
le
D*E SP AGN E. 73
le Marquis d' A vtonc.
il en écrivit fortement a cet-
te Princeflc, l'uy reprefentanc
que celaetoit contre la Coûtu-
ire des Rois d'Efpagne » qui
n'avoient jamais voulu d'autres
gardes que leshabitansdeMa-
déïd , & que ce Kegimentafta-
Dieroit la Ville » & (eroit caufe
de beaucoup de malheur$> donc
il luy faifoit une longue déduc-
tion.
Je ne puis m empêcher de
marquer qu il ie piaignoitauiii
par cette Lettre , que la Keync
ne luy avoit pas fait reponfc
de (a main , & qu'elle (é fut
fervie de celle du Cardinal
d'Arragon fous le prétexte d'u-
ne migraine, difant en propres
termes y iju'un homme de /on i^ng
ffetoUfâskléfUuve d'un telmé*
fris.
\. Part. D
74 Mem. DfB. LA Cour
Ce qui fert à faire connoîcrc
fur quel pied font les Enfans
naturels des Kois d'Efpagne.
Tous les Tribunaux , ^tant
Souverains quefubalternesi le
Corps de Ville , & le Peuple, fi-
rent de tres-longues& cres-inu-
tiles remontrances à la Reync,
pour Tempêchcr de mettre ce
Kegiment dans Madrid.
On Ten importunoît .fi fou-
vent qu elle fîgnaun Ordre, par
lequel elle défendoit qu onluy
en parlât davantage, & fans di«
fercr elle leva le Régiment.
Elle ordonna enfuite à Don
Juan fous des peines fort rigou-
reufes,dc s'éloigner de Guada-
lajara: Il obéît avec beaucoup
de refped,quoy qu'il fut en état
parles amis qui luy étoient ve-
nus d'ArragoD & d'ailleurs, de
ne faire que ce qu'il auroit vou*
lu ; le bruit couroit même qu'il
Revoit venir dans peu à Ma-
drid, & plusieurs pcrfonncs en
«voient une inquiétude mor-
telle.
Pour calmer les cfprits , Iz
Rcyne luy écrivit qu'elfe fbu-
faaitoit qu'il allât en Ar-
ragon en qualité de Vice-Roy,
èc de Vicaire General des
Royaumes qtii en dépendent.
Cet Ordre luy donna une fen-
fiblc joye , & il la témoigna par
\às rcmerctcmensqu'il en fit i la
Rcyne, à laquelle il écrivit une
grande Lettre , pour la fupplier
de fonger ferieufcment à i édu-
cation du Roy. Il luy en rcpre-
femoît les confcqucnces, en
homme qui avoit de rcfprît &
de rhomieur 5 II écrivit auffi au
Pape le 7. Juin,pour le conjurer
d obliger k PcreNitard à le dé-
Dij
7i^MEM. delaCour
mettre de fcs Charges.
Cependant, les ennemis de la
Reyne firent courir un Décret
fupposé 3 par lequel elle ordon-
noit au Confeilque Ton fit in-
ccflammentdefarmerle Peuple,
& que Ton emportât les armes à
l'Hôtel-de- Ville. Il fut aise de
perfuader dans le monde que
c'ctoit fon intention , & cette
nouveauté altéra fi fort les ef-
p'ritSjqueTon étoit fur le point
île fe foûlever.
Cette raifon jointe audefor-
dre effroyable que commettoit
le Régiment des Scham vergues
(c'eit ainfi quon le nommoit,
parce qu'ils ctoient habillez à la
Françoife , & que les Efpagnols
ont pris cette mode de M. de
Schomberg : ) cette raifon , dis-
je, obligea le Confeil Royal de
faire encore une remontrance
d'Espagne. 77
à la Rcync, pour l'engager d'en-
voyer les nouveaux Soldats fur
les frontières : mais elle ne ré-
pondit point à la prière des Mi-
nières , parce qu'elle croyoit
que ces gens de Guerre fervi-
roienc à tenir toujours la Ville
danslerefpea.
Don Juan étoit à Sarragoffc
aimé de la Nobleflc, & chcry du
Peuple : la Reyne ne pouvoïc
luy pardonner le dcplaiiir qu'il
luy avoit donne de faire éloi-
gner fon ConfelTeur , qui faifoit
à Rome un trille perfonnage >
de manière que l'on difoit aûTez
plaifamment , ^e U Rcync avoit
une fi grande évcrjion fourlcsE/pâ^
gnols^ilucOc n'avait ccnfcnty i U
fuïnc du P.Nitard^quc de fui s qnil
s était fait naturalifcr E/pagnal.
Mais elle confervoit tapt d'el-
time & d'afiFedion pour luy ,qu'«
D iij
j2 M £ M. DE L A C O 11 R
elle cravailloit puiilaii^aieiK ^
luy procurer le Chapeau de
Cardinal. Elle donna U-deiûlis
des Ordres fecrets au Marquis
de S. Romain> fon AnibaiTadeuj:'
ordinaire à Ronie. On le Tçut à
Madridj&ccccenou vellcy cauld
beaucoup d'allari>Re> chacun ap«
prehendantque fi le Pcre Con-
feffeur devenoit Cardinal , il ne
revint fur [es pas 3 &l Ton fe pcr-
fuadaque laReyne nemainte-
noic le Régiment des Schêm-
i^rgf 3 <]uc pour faYorifcr ce
dencin.
Le Confeil en ayant une ve-
ritable crainte , fongca auK
moyens de traverier le Père Ni-
taxddans fa prétention, &: pour
cet eiFct on dépêcha un Cour-
rier au Marquis de S. Romain ,.
pour propofcr au Pape d autres
Sujets dignes de la Pourpre 5 la
d'Espagne. 7^
Rcync feignit d'y coofencir»
pendant que fous main elle lu y
renouvel loit Tes Ordres : mais
FAmbailadeur qui n étoit pas
des amis des Jefuites^ccnduifit
lachofedemaniere^que SaSain^
«été donna l'exclufion au Père
Nitard , & lobiigea de (c dé-
pouiller de Tes Charges.
Le General de ion Ordre qu'il
avoit néglige, & qui luy en vxui-
loit beaucoup de mal, profitant
éc ce revers de fortune , Ten^
voya au/fi'tot dans une de leurs
Mailbns proche de Rome. .
U s'y retira avec un ef prit de
modération tres^exemplaire^ &
de tout (on train il ne garda au*
prés de luy que le frère Buttos
ion Compagnon. Voila bien des
coups de foudre les uns fur les
autres : celuy^cy parut fi terri**
hleâlaRcyne^ellequi nedou**'
Diiij
8o Me M. delaCour»
toit point du bon fiiccez de fa
Négociation, qu'elle en tomba
malade d'une fîévre tierce qui
lu y dura long-tems.
Il eft aise de croire par tout ce
que je viens de rapporter, que
fon reflcntiment devint plus fou
que jamais contre Don Juan.
Elle avoit des difpofîtions natu-
relles à le rendre refponfable de
toutes les chofesqui la chagri-
noient i & comme elle vit arri-
ver en même tems à Madrid les
Bulles de la Charge d'Inquifî-
teur General,elle ne douta point
que ce ne fut l'ouvrage du Prin-
ce : de forte que cette Place qu'*
elle trouvoit fî dignement rem-
plie par le Père Nitard , le fut
alors par Don Antonio Ballado-
res Prcfident de CalHlle 5 &: le
Perc Nitard de fon côté étoic
toujours proche de Rome fou*
D*Es PAGNE. 8l
mis à tous les mauvais traice-
mens > que le General de Ton
Ordre vouloit luy faire efluyer.
La R ey ne ne p ju vanc fouflFrir
qu'un homme, qui avoic tant de
part à fa confiance & à Ton ami-
tié, &quiavoit gouverne fi ab-
(olument toute la Monarchie
d'£ (pagne, demeurât exposé au
caprice & au reilentiment de
fon General , employa tout le
creditqu elle avoit à Rome pour
mettre le Père Nitard dans un *
autre état.
Clément I X. étant mort au
mois de Décembre i é^^.le Car-
dinal Âltierl fut élu Pape , & il
prit le nom de Clément X. La
Reyne qui ne douta point que
ce Pontife ne luy accordât le
Chapeau pour Ton Confeâeur,
nomma ce Père pour être A m-
baflàdeur extraordinaire d'Lf* -
D V,
8l M KM. DELA Cou K
pagne auprès de Sa Saiutctc,
jbmploy t]u*cllcluy avo)it oiïcn
quand il partie de Madrid ^ &L
qu'il n'avoit pas voulu acccp-
ter i lillc luy procura Ion rc-
tour à Kon>c,cllc travailla au-
près de Sa Sainteté (I heurcuic-
ment, cjue le l^erc Ni tard fut
créé Archevêque d'tldcflc. lil-
le continua de (bliciter (à pro-
motion avec beaucoup de cha-
leur. Lcl'ape étant ainfîprcflc
le fit Cardinal Prêtre au mois
d'Avril \6jiM illuy donnaau
mois d*Aoult fuivant,le tîtrc de
S.Balthclemy d'iibla, & place
dans quatre Congrégations.
Cette nouvelle caulà une <en-
fible joyeà la Rcync, & toutes
les peribnncs qui écoicnt atta-
chées à elle luy en tirent leurs
complimens. Le .nouveau Car*
dinal écrivit à Don juan'unc
d'Espagne, 83
Lettre fort civile, dans la pen-
fée que cette honcteté luy en
attireroit une autre de la part de
ce Prince, & que trouvant par-
là le moyen de fe reconcilier a-
vec luy,il canfenciroit à fon re-
tour enEfpagneimais ilfe trom*
pa dans fon projet,&: Don Juan
ne luy fit pas même dercpon-
feiie Cardinal Nitard voyant
l'cloignement que ce Prince
continuoit d'avoir pour luy , ne
fongea plus à faire le voyage
de Madrid , que dans le tems
que l'on couronneroit le Roy, .
Mais comme ceque j'ay écrit
au Cardinal Nitard m'a con*
dmt infenfiblcment jufques
au tems de Doxi Fernand de
Vaienzuela ^ il me femble que :
je doi« auffi parler de luy.
U ctoit de la Ville de Rôn-
4a. aa J^oyaume de Grenade : :
\
84 Me M. DE laCour.
on le croioit Hidalgo , c'cft-à-
dirc Gentilhomme^ non point
CavalUfo: Car on fait cettedif*
fercnce en Efpagne entre un
' Cavalier & un Gentilhomme,
que le premier dccend d'une
Camille ancienne, ou du moins
eii allié de quelque MaifoniU
luftre , qu'il ne paye ny taille,
ny tribut , & que lautre n'eil
exempt de rien , & peut avoir
."~- acquis fa qualité de Gentil-
•^'^ homme.
. Valenzuela vint fort jeune
à Madrid , où le Duc de Tin-
faiitado le prit pour fon Page,
allant Ambafladeur à Rome i
il étoit bienfait de fa perfonne,
d'une Phifîonomie agréable 5 il
avoit beaucoup d cfprit , il ai-
moitTétude, il étoit naturelle-
ment Pocte,le caraûere defcs
vers étoit tendre & pailîonnci
d'Espagne, 85
on en a vu plufîcurs de fa fa-
çon > & encr'autres des Conu
medies qu'il fîcrepreCèncerpouf
di verciria R ey ne Mere,dans le
tems où il commençoic d'entrer
dans l'honneur de Ces bonnes
grâces.
LeDucderinfantado étant
de retour d'Iulie , fît recevoir
Don Fernand Chevalier de
Santiago : c'eft ordinairement
par4àqueles grands Seigneurs
commencent à récompenfer
ceux de leurs domeiliques qu'ils
coniîderent le plus^mais il n eût
que ce titre pour plusieurs an»
nccs de fervice qu'il a voit ren«
du à ion Maitre > parce que
ce Duc mourut avant que de
luy avoir fait aucun autre bien.
Il fe trouva donc tout d'un
coup (ans Protédeur > & ii
pauvre^ qu'il fut obligé de dc«
tS Mem..de L A Cour
ycnk PaJ/eante en Cûrtty ce qui
veut dire homme vivant d*in-
duflric. A la vcri té il avoit des
talents heureux , qui le niet-
toient alâcz en état deréuflîr das
coûtes les chdfes qu'il entreprc-
noit 5 de forte qu'après avoir
examiné la médiocrité de fa
fortune , il jugea que le meil-
leur moyen de le paufler,étoit de
Êtîreconnoiâanceavecquelques
\y^erfo!nnes qui- fuflènt particu-
Lercment attachées aux inte-^
lèts de la Reyne , & il en cher*
cha les moyens avec tant d-ap-
plication, qu'il eut aoceiz. auprès
dii Père Nitard ,• il le choiiît
auiS-tôt pour fon Patron , & il
ne pouvoit mieux choifir 3 de
manière qu'il s'attacha à luy
avec une foumiffion & undé-
Toùcment extraordinaire. Ce
P exe ayant cecouau qu'il a^oic
D^Ea PAGNE. ^87-
de refpric & de l'adrefle , 6:
^u'iLetodcxiapable d'un feci^ti
iuy ût paxc des ûcns^ &. dans
la fuicc il hiy confia ceux.de la
Keync, j& luy expliqua des cha-
grins qu'elle avoic contre Don.
j^an 4' Autriche. Il fçût profi-
ter des lumières qu'on luy don-
'Boit y. ÔL des diipoficions £avo-
rablcs du Père Confeflcor 5 il
commença à feindre fi necei^
(aire auprès de luy 9 qu'il ne
pouvoicprefque pluss'en paiïbr .
Cela l'obligea de luy donner
entrée auPalais^ afin qu'il y vint
luy rendre compte des affaires
dont il le chargeoit.
Dés que Valenzuela fut iu<-
troduit dansle Palais, iln y per-
dit pas de tems , il ^n {çavoit
déjà la Carte, &il ni enoroit pas
Gu'cnt-rc toutes les fcmm« qui
mivoienc 4a R-cy-ne, il y aYoic
w
$8 Me M. DE L A C O U R
une Allemande nommée Dona
Eugcnia qui pofledoit la con-
fiance de Sa MaîtrefTe. Il cher-
cha les moyens de la voir 5 il
s'arrêta fouvenc fous les fenê-
tres de fa chambre 3 & comme
il êcoic bien fait > elle ne tarda
pas à le remarquer.
Enfin ils fe parlèrent, il luy
plût pour le moins autant qu'el-
le luy plaifoit,& elle luy permit
de la Gala»uar:ceiï le terme ufi-
té, lors que Ton s'attache à fer-
vir une Dame du Palais 3 &
c!eft: une chofe fi commune»
qu'encore qu'un homme foit
marié > il nelaifle pas de rendre
f)ubliquement à fa Maîtrefle
es mêmes foins que Ton rend
à celle dont on veut faire fa
fe mme, .
Dona Saigeniane receûtpas
avec indifercnce les témoigna-
d'Espagne. 857
gcs que le jeune Valcnzuclaluy
donnoic de fa pafllon 5 & il la
preflà tant de confentir à 1 e-
poufer , qu elle en parla à la
Reyne.
Elle Tavoit déjà remarqué ,
6C il ne luy avoic point déplu:
de forte qu elle fut bien aile de
rattacher à elle en confencanc
au mariage de fa Favorite 5 elle
accorda même à Dona Eugenia
pour fon nouvel Epoux , une
charge d'Ecuyer ordinaire à
l'Ecurie : dans ce tems-là les
différends de la Reyne & de
Don Juan augmentèrent 5 &
comme Don Fcrnand avoit ea
radreflcdes'y intriguer,il n'ob-»
mettoit rien pour rendre queU
ques fervices utiles à la Reyne:
Elle reconnoiflbit fon xele avec
plaifir , & die luy en fçavoic
tant de gré , qu'elle augmen-
^0 MeM. DELaC OilK
toit diaqu-e jour les itémoigaai-
ges de fa confiance,.
JLc Père Nuaxd met toit couu
fur fon compte ^ & il contri-
buoit volontiers à Tavan ocfinicnt
de ValenZruela y parce qu'il le
rcgardoit comme la Créature 3
ainfi fa (fortune prenoitpeu-à-
peudesforoesimaiselle fe décla-
ra abfolument pour luy,lors que
Don juan revint d'Arragonen
Caitillc, & qu'il fit chafler d'£f-
pagne le Père Confcflcur.
Valcnzuela demeura fcul au-
près de la Keyne fans aucua
furveillant car \c Prince re-
tourna à Sar^agoâTe «en q^uaidfté
de Vicaire General du Royau-
me d'Arragon.
U^fprit de la Reync avoit été
d'abord fi accable de l'éloigné-
ment du Père N itard , & fes en-
acmrs en prenoient fi bien leur
D 'E s P A C N E. 51
avantage , qu elle fuc quelque
tems à le remettre d'un coup fi
jHide : mais ayant coniideré le
beibin qu elle avoit d'une per-
Xonneà qui elle pût confier Tes
aJffaires les plus fecretes» elle jet-
ta ks yeux fur ValenEuela, qui
étoit demeuré de Ton côté, fort
étourdy de l'avanture du Père
Nitard.
Un jour la Rey ne dit à Dona
£ugenia de iuy amener fon
Mary fecretement le foir ,pour
qu elle pût Iuy parler fans té*
moins. Dona Éijtgenia ne man*
quoits ni d'e(brit>ni d ambition,
elle fut traafportée de joye^ de
peniier que Valenzuela alloit
avoir des cpnverfations fi parti-
culiere^ avec la Reyne, &c elle
obéît ttes^exadement aux Or-
dres qu'elle avoit reçus,
La première fois qu'il entra
t.-
l^
51 M E M. DELA Go U R
dans la Chambre de la Reync,
il ctoitafTeztard 5 ilVctoitarmé
d'un Broquel , qui clt un cfpcce
de Bouclier , & que 1 on porte
ordinairement en Efpagne lors-
que Ton va en quelque lieu où
iî.pcut y avoir du péril i fes che-
veux , qu'il avoit fort beaux>
étoient attachez d'un, grand
noeud de ruban 5 il n avoit point
deGolille, car on la quitte dés
qu il eft nuit 5 il n'a voit rien ou-
blie de tout ce qui pouvoic le
rendreagreableàlaReyne. Elle
parut dans un def-habillé qui
luy fîéoit mieux que l'habit de
veuve qu elle jportoit tous \Qf%
jours, & qui reflemble beaucoup
à celuy d'une Religieufe.
Valenzuelafe jetta d'abord à
fcs pieds i & après luy avoir rcn-
du de tres-humbles adions de
grâce pour l'honneur qu'elle luy
d'E s p a g n e. 5^3
faîfoic dans ce moment, il Taf^
feura que fon fang, fa vie , en un
mot tout ce qui étoic en (on pou-
voir luy étoit fi parfaitement
dévoué, qu'il ofoit croire qu'au-
cun de Tes Sujets n'écoit à elle
de la manière qu'il y étoit. La
Reyne ajouta foy à Tes paroles,
& depuis cette nuit il ne s'en
pafla guère quelle ne le fit ve-
nir fans bruit dans fon Appar-
tement.
Sa femme l'y conduifoit , &
la Reyne luy ordonna d'y de-
meurer toujours , pour que la
bien- séance ne fut choquée en
rien. C'étoit là qu'il luy rendoit
compte de tout ce qu'il appre-
noit,& qu'il l'informoit des cho-
fcs les plus fecrettesqui fepafl
foient à la Cour & à la Ville > des
deileins de Don Juan , de ceux
des Seigneurs qui étoienc dans
\^
54 M E M. D E L A Co U R.
les interclts de ce FVincc , & des
mcfurcs que 1 on prenok contre-
eJte y de manière qu eHe fçavoic
t;our,fans qu'il parût qu'elle par-
fât à perfonne : & l'on difbic
communément à la Cour qu'il y
zyoMxxnDutnde dans le Palais,
c'eftàdire un Efprit folet, qui
avertiflbit la Reyne de toutes les
nouvelles & de toutes les affai-
res les plus feerettes : mais au
bout de quelque temsjon recon*
nue que Valenzuela étoit l'Ef-
prit folet, & depuis on le nomma
tl Dutndt de U Reina.
L'affccVion qu elle avoit pour
luy augmenta à tel point , que
tout le monde en Rit informé,
& les Cou rti fans s'attachèrent
à plaire au nouveau Fayory.
On n'obtenoit plus de grâces
que par fon canal 3 le crédit des
Mmillres étoit fi xlimiattc>
bT s PAG NE. 55
qu on ne les comptoir déjà plus
pour rien , & ils commencèrent
d en murmurer entre - euic
^^tfi^ce éftft cecy , di (oient-ils , i
^ine a^t'-ên cbàfé It fiu Niiard^
que vùicy un nou*ueau Fêvfty qui
frend fà flace^avec flus âtautêtiié
que r autre n'en airûit.
Le bon- heur de Valenzuela
faîfoit mille envieux 5 onparloic
de la Reync avec la dernière li-
berté I les Grands & le Peuple
di(bient tout d'une voix qu'un
iiomme de rien » qu'un jeune
ignorant gouvemoit TEfpagne,
& qu'il y avoit de la honte & de
la foibkiTe à le fouflPrin
La Reyne fçachant ce qui (e
pailbitireiblut de faire prompte-
ment la fortune de Valenzuela y
afin qu'il refTentit les effets de (k
proteâion avant qu'on pût luy
nuire r dans cette vue > die lu]f
c)(î Mem.de laColir
donna la Charge de premier
Ecuyer , fans avoir égard à la
coutume , qui vouloir qu elle en
parlât aux Miniltrcs » comme
c'elt Tufage en Efpagne , lorf-
qu'il s'agit de ces fortes de po{-
tej : mais elle auroit appréhendé
qu'ils ne s'y fuiTent oppofez 5 de
forte que fans faire aucune con-
fulte ( c'eft le terme ufité en E f-
pagne ) elle voulut qu'on luy en
expédiât les Provi fions.
Le Marquis de Caltel-Rodri-
go , qui étoit pour lors Grand
Ecuyer, s'y oppofa de tout fon
pouvoir , &: refufa de le laiffer
entrer dans cette Charge, allé-
guant beaucoup de raifonsdef-
obligeantes pour Don Fernand,
& entre-autres qu'il n'avoitau^
cun titre qui pût luy faire efpc-
rer un tel honneur. La R eync
leva promptcment cette diffi-
culté 5
D*ES PAGNE. 5?7
culte 3 elle le fit Marquis de
Sanbortolome delos Pinares.
Quand on vit un changement
fi avantageux dans la 'fortune
de Valenzuela, on ne douta plus
qu'il ne fut Valido y c'eit-à-dire
\c Favory ; le bruit s'en ré-
pandit dans toute r£fpagne>
avec des circonltances tres-
deiagrcables pour Sa JMajef-
té {ans qu'elle y voulut fai-
re attention , foit qu'elle mé-
prifât ceux qui étoient aflez
hardis pour parler d'elle , ou
qu'elle eut des raifons particu-
lières pour ne pas changer de
conduitte.
Au bout de quelque tems ,
le Marquis de Cartel Rodrigo,
Grand Ecuyer,vint à mourir,
ôc la Reyne donna fa charge i
Valenzuela. Si les Grands a-
voient déjà murmuré lors qu'il
I- Part. E
^5 Mem« ot LA Cour
cintra dans un einplay moins
confiderable» il cil aijfé de s%
maginer l'cxccz de leur cha-
grin , & celuy de leur déchaî-
nement^quand ils le virent dans
un pofte qu'ils en violent cous»
&dontils le trouvoient fans c6-
paraifon plus dignes que lu y :
Mais ils ceilèrent de taire du
bruit fur cette Charge , parce
qu'ils eurent un autre fu j et de
parler bien plus étonnant. Sa
Majedé fît Valenzuela Grand
d'Efpagne delà première Claf-
fe, avec laClef dorée double. A
cette nouvelle tout le monde
s'entre - regardoit , & demea-»»
roit mû€t , ne pouvant affez ex-
primer la furprife où l'onétoit.
Les Seigneurs qui fc rencon-
croient ne difoient autre chofe
finon : VaUnz^ucU es grande O
tcmfofd > mms f £ nfin la Key»*
D*E s P A G N E. 99
»c le déclara Favory j dé forte
qu'il dannok tous les Ordres
^nftc cHc comnjc Premier Mi-
ni Itre, on pour mieux dire coni-
hc Maître abfola Perfbnne ne
fç récria furie nouvel honneur
qui venoit <ie luy arriver 5 car
on ne doutoit pas que de tels
commencemens ne fuflenc
rpouflèz jufquesau Minilterc.
Etant élevé à un poftc fi c-
minent , il neiuy manquoit que
<ies amis pour aider à le fôiite-
îîir , fi fa fortune venoit à faire
un faux pas.
Il^nVût aucune peine à s'en
faire dans unefituationfiavan-
eageufc > que toutes les grâces,
tout Targcnt, toutes les Char^
ges & tous jes Bénéfices étoicnc
en fa diipofition : mais auili-
tèt qii*il procuroit du bien à
i}ucl(|u'ui) des Grands, il y ea
Eij
L^
517445A
Me M. DE LA Cour ioo
avoit vingt autres qui dçve-
noient fcs ennemis, & qui luy
vouloient du mal de ne les a-
voir pas préférez i*de manière
qu'il fe plaignoit fouvent de ne
pouvoir fatisfaire tout le mon-
de : & comme le nombre de
fes amis ctoit inférieur à celuy
de fes ennemis, ccux-cy com-
mencèrent à cabaler cnfcmble
pour trouver les moïen^de fai-
re revenir Don Juan d'Autri-
clie,dans la pcnfée que c'étoit
le moïen le plus sûr pour chaf-
fer Valenzucla.
La cabale des mccontens aug-
mentoit fi fort , que l'on ne
voyoit plus que des Pafquina-
des & des Satires en profe &
en vers contre la Reyne , &
contre luy. On prétendoit mê-
me qu'il empêchoit Sa Ma^
jefté de rccompenfer les fer-
d'Espagne. lot
vices de plu (icurs perfonnes qui
dévoient avoir de gr;^nds Em-
plois , & Ton eût Tinfolencc
d'actacher une nuit proche du
Palais un portrait de la Reync
avec Vaienzula : il avoit à (es
pieds toutes les marques qui
reprefentent les Charges , une
Epée pour le Connétable, une
Ancre pour l'Amiral ,une Clef
tlorce pour un Gentilhomme
de la Chambre , un Collier de
la Toifon pour les Chevaliers
de cet Ordre, &c ainfî du reitcj
il luy moBtroit toutes ceS'
chofes d'une main > &: il avoic
^cric y
cela (e vend :
Et la Reyne appuyant la iîen-
ne fur Ton cœur, il y avoit en-
core écrit.
- r îHâfiià : c cft à-dire, & cel-
£• • •
ijj
ior Me M. DE LA Cour
lie-cy fe danne. Le bruk coUr
roit fore qu'il vendoit biei»cher
toutes les Charges & les Di«
gnitez I à quoy les per(bnnes de
la première Qualité fe trou-
voienttrcs-interreflees, & ioa
avarice luy atciroit beaucoup
d'ennemis.
Mais ce qui efl de finguHer >
c'elî que tous les bruits qui
couroient, ne faifoient aucune
impreffion furl'efprit de la Rei-
M ne i elle difoit toujours que
j> fon Rang Ta mettoit au def-
>»fus de ces forces de médifanw
ai ces i qu'elle fe reprocheroie à
5> elle-même d'être capabledefç
^ fâcher contre des miièrables fî
„ indignes de fa colère 3 que le
^ moyen le plus fur de les pu-
^ nirde leurs foctif€s> c'ctoit de
9>ne faire pas femblant de les
^apperccvoir j qu'on ne pwr
loit du Marquis de Vaienzuc* »)
la que par envie , & qu'elle „
ne vouloir pas abandonnerod $,
des meilleurs Sujets du Roy,,
ion Fils ) à caufe de la mau-»
vaifc humeur de quelques,,
brouillons j de manière que ce
qu'on faifoit pour détruire lé
Favory , ne iervoit qu'à l'af-
fermir davantage dans refpric
& dans les bonnes grâces de la
Reyne.
Il chercboit cependant tous
fos moyens poflîblcs d'acqué-
rir Taffedion^ du peuple 3 il fai-
£>it en forte que Madrid étoic
toujours abondamment, fourny
des chofes uéceflàires à la vief,
&ilaimoit mieux qu'il luy en
coûtât Ton argent fans qu'on le
fçeut, & que les denrées fuf^
fcnf à bon marché. Il faiibic
fatrciôu vent des Fêtes deTau^
Ulj
'^^
\
Ï04 Me M» DE j: A Cour
reaux, oixil paroîflbic prcfquc
toujours vêtu d'un habit noir
brodé d'argent avec àiÇ,% plu-
înes blanches & noires ,. comme
étant en petit deuil > à caufe
que la Reyne ctoit veuve : mais
auffi-tôt qu'il entroit dans la-
place , & qu'il venoit , félon la
Coutume de ceux qui veulent
combattre les Taureaux > fous
le balcon de la Reyne, luy fai-
re une profonde révérence, &
luy demander pcrmiffion de
Taurear y elle luy envoioit def-
fendre de s'expofer. On remar-
qua à une de ces Cources , qu'il
portoit uneécharpe de taffetas
noir, brodée d or avec unedcr
vife, qui avoit pour corps un
Soleil qu'un Aigle regardoit fi-
xement, &pour ame ces paroles.
Tcngo folo itctntÎA , qui veu-
lent dire, // n'ejtfcrmis quÀ wqL
I>'Es PAGNE. . 105
Quelques jours après il parut
à un jeu de Canas, portant
peint fur fon Bouclier ( car on
en pone à cette forte de Cour-
ce, qui eft un ancien divertif-
fement des Mores ) un Aigle
armé du foudre de Jupiter avec
la même ame : lln^efi permis qui
mcy. Comme il n'y avoit poinc
de rifque à courre dans cecce
rcjouiflance , la Reyne voulut
bien que Valenzuelay fit voir
fon adreffe , & il remporta le
prix fur un grand nombre de
jeunesSeigneursqui leluydif-
putoient: Ilreceutdesmainsdc
kt Reyne une Epée garnie de
Piamants.. On parla fore à la
Cour des deux devi fes du Fa-
vory , & chacun les expliqua
felonfon génie. Il ficreprefcn-
ter des Comédies qu'il avoit-
£iomjfàStes^ & toutle monde eut:
toé Me M. DE LA Cour
[a liberté de les voir fans rien
payer i rien n étoit plus capa-
ble de iuy gagner k cœur des
Efpagiiols , car ils aiment paf-
fioncmcnt les fpeâacles , juf-
qaes à garder Targenc qu iUone
pour nourrir toute leur pauvre
famille > afin de louer une
U place bien chère aux Fê-
tes de Taureaux : Valcnzuela^
ne fe contenta pas de cultiver
TafFeftion du peuple par ces
ïiioïcns-là : il en chercha en-
core d autres : Il fit travailler à
plufieurs Edifices > on rebâtit la
Kàça Mayor > dont la meilleure
partie avoit été confumee par le
feu, & particulièrement la Mai-
fon où leurs Majeltés alloienc
pour voir les Cources des Tau-
reaux & de Caiias > il fit conf-
truireun Pont à la porte deTo-
lede fur le Mançanares, ; qui
n*EspAcNi. 107
coûta un million de Ducats 1 &
un autre fur la même rivière au
Pardo , qui elt une des Maifoos
de Plaifance du Roy. On per-
fedionna par fon ordre leFron-
tifpice & la Place du Palais , SC
Ion éleva la Tour de TAppar-
temenc de la Reyne.
Il continuoit avec des foins
âffidusde contribuer aux diver-
tiffemens de la Reyne , & du
Roy fon Fils 5 ce jeune Prince
commençoit d'aller aux parties
de plaifir qui fe faifoient à,
Aranjues , à TEfcurial , & dans
tes autres Mai fonsRoy ail es Urr
jour que le Marquis de Valen-
2is^la avoit pris les Ordres du^
Roy. pour une Ghaflfe fort
àrgféable dans letcms que toû-
te la Cour ctoit à TEfcurial; le
Roy Voulant tirer fur un Cerf,
msLht le Favory & le hlcSk'
io8 Me M. DE LA Cour
V à la cuifTe 3 la Rcy ne cfFray éç >
poufla un cry douloureux , & Te
iaiffa tomber évanouie entre les
bras de fes Femmes > cet acci^
dent donna lieu à tout le mon*
de de prédire la chute prochai-
. ne de Valenzuela , dont cette
aventure (embloit être un pré-»
fage.
Le tems étant venu de faire
la Maifon du Roy, le Marquis
eu ehoifit tous les Officiers : il
fit le Duc d'Alburquerque
Mayor-Dome Mayor > l'Ami-,
rante de Caftille Cavalleriza
Mayor , & le Duc de Médina-.
Celi Sumiller de Corps^ C clt
comme le Qrand Chambellan >.
&celuy qui met laChemife au,
Roy : &; ce nom qui' elt touc
François , vient des Ducs de.
Bourgogne , dont la Maifon
4' Autriche dt f Héritière.. U
ctonna de même les autres
Charges.
£c comme il y avoit beaucoup
plus de precendans que de place
à remplir , il s'artira encore dans
cette rencontre un nombre con-
£derable d'ennemis^qui ne pou-
voient digérer de n'avoir rien :-
de forte qu'ils ctoient bien
moins dirpofezàluy pardonner
ce qui les. regardoit direde-
ment 9 que s'il n avoit été ques-
tion que des interêtsde l'Etat*
Ils fongerent alors plûsforte^
ment que jamais à Don Juan ,.
ciperant qu'il viendroit les van-^
gerdcyalcnzucla,& ilstravaiU
loient fecrettement à convainc
cre le Roy de la. neceifîté qu il y
avoit de rappdler ce Prince au-«
prés de luy.
LaUeyne étant informée de
4ceqtti ictramoit contre Ton fer*^
M.O M E M. D E L A G U R
vice rpai&it detrifles jours &
de plus cri fies nuîcS) bien qu'elle
eût de coûtinuelks conférences
stvec le: Marquis* : mais, elle ne
pouvoir penicr qu'oo le traite-
xoit peut être au lE^indigjicment
que l'on â voie traiicé leFéreNi-.*
tard > fans fondre en larmes &
fans en reâcntir une yer^table
douleur y elle fçavodc que les-
Grands s'aâembioient 5> qu'ils,
parloient avec la derniereliber^
té du Gouvernement > que les-
Vers & les> Pafquinades que Ton
a voit eu l'infolence de Éairecou-:
j?ir camre-ellc > trouvoicnt des»^
Auteurs qui ne les defavouoienu
plus yii elle ctoit obligée de
feindre de ne les point comaoî-^
ti'e>. parce qu'elle ne pouvoit pas.
les punir.
Valeniuela n^ctoit pas de foa
$âté> iansdcs inquietudcsniaiir
d'Espagne, m
telles i Televacionde fa fortune
ne fcrvoic qu'à luy faire voir dci
précipices ouverts , dont il ap-
prchendoic de ne fe pouvoir ga-^.
rantir.
Cependant > Don Juan qui
étoit toûjoursàSarragoiles'ea^
Buyoit de Ton exil, quelque ho-*
norable qu il parût i il fuffifoit
qu'il ne fut pas volontaire vpouir
luy faire de la peine, la Reync
&luy étoient demeurez dans un
éloignement mutuel Tun pour
Fautre > & malgré la tranquil^
lité apparente de ce Prince , il
ne laiilbit pas de travailler fous
main avec fesamis , pour fe fairo
déclarer Infant de Caftilk: ai^
moins, tout le monde enaparlé
de cette manière*
Il cil vray qu'il n'y pût réuf-
firr mais on prétend qu'il n'en
perdît pas abfolumcnc Tefpe^
rancc.
ri2 MeM, ITE LA COUR.^
Quoy qu il en foit, il fit une
fi forte brigue , par le moyen de
plufieurs perfonnes confidera-
blcs qui approchoient le Koy,
que Ton ménagea fon recour
auprès de luy , Se Tes amis luy
écrivirent que le Roy le fouhai-
toit i que tout étoit difposé pour
le recevoir, & que le crédit de
la Reync ne prévaudroit plus
fur le fien*
Ces bonnes nouvelles lobli-
gèrent de quitter TArragon, &
de fe rendre en diligence au
Jâuen-Retiro en 1 6 77,
Pour réùffir dans cette affaire^
on avoit fait comprendre au:
5,Roy , qu'il nétoit pas leule-^
,, ment fous la tutelle de la Rey^
)>ne fa Mère , mais qu'il étoio
j^auffi fous* celle de Valenzuela^
„ On luy dépeignit enfuice la:
3>x«onu:ainte o\x l'on le. tenoic >
d'E sp agne^ 113
,>avec des couleurs fi vi ves,qu il
„ proteftaqu il forcirait bicn-tôt
„ de cette gelne : Et bien que la
Reyne le gardoit à veuë dans
l'apprehenfion qu'on ne luy
donnât des mauvais confeils ^&
qu il ne prît des mefures con-
traires à Tes vc^ontez , il ne laifla
pas de fe dérober une nuit du
Palais , avec un feul Gentil-
homme de la Chambre qui cou-
choit dans la fienne^ &: il fut à
pied caché dans fon Manteau
jufquau Retiro , qui cil: afïèz
loin. Il envoya de là un Ordre
fur îe champ à la Reyne de ne
point fortir du Palais.
Ileft aisé de s'imaginer ce qu'-
elle devint à des nouvelles fi fâ-
chcufes, &refFetque ce revers
pût faire fur une Princefle ac-
coutumée à régner.
Elle employa le relie de la nuit
u
1(4 Me M. D'E LA COUK
à écrrre au Roy , pour le C€m\tim
reravec les termes les pi-us cen*
cires, de luy permettre de le voir
& de Tentretenir; mais^il: le lu^
lefufa toujours.
Dés que le £Loy fe fat rendu
au Kctkoj coût le monde ayanr
été iafotmà de fes* intentionsi
courut le faliier & k retoimoî^
tre. Il n'y eue aiucun des Sei--
gneursde la Cour qui ne luy fit
des prefens £ confiderables >
qu'il yen avoitquiivaloienc ju£»
qu'à cent mille écus>roit en ar->
gent > vaifTelle , tapiâeries » ou
«amans, La joye étoit urnivei;^
felie dans Madrid > & deux rain-
ions la caufoienc également : la
première, ell l'amour extrême
quelesEfpagnols ont pour leur
Prince : l'autre > c'eit que la Rei-
ne n'étoit poiiat aimée , &c que le
Fcupic aamt pas encore ou-
D*ESFAGN1. 115
blié les parolles qu elle die une
fois , ^mtlU ne fifêit fêim CM^
tente jmfqu'k ceqnelU Usenttom
tednits a être vitm J^Efieroi ( c'eii:
une efpjcce de natte de jonc fort
grofle qui leur fert de oucelas &
de lit. )
Le lendemain au ùàt de la re^
traite du R oy » on fit des Illumr«*
nations par toutes les rues.
Âuf&-tôt que Don Juan fut
arrivé i il obligea le Koy d'éloi-
gner la Reyne» On l'envoya i
Tolède > avec ordre de n'en
Eirnt partir. L'infortuné Va<%
noLuela prie congé d'elle» avçç
tous le& témoignages de recon^
noiâance & de douleur qu il
pou voit luy donner dans un
tems a court > & il (e retira par
(ba ordre à l'ËfcuriaK
Ainii > les afiàires ayant pris
une noavdle ÎÀfiç > il n'y avoit
U6 M K M.. D E L A C O 11 R,
perfonnc qui ne fît fa cour à
Don Juan 3 le Roy luy marquoic
{)ar des carcflcs extraordinaires^
a joye qu'il avoit de le revoirs il
luy commanda de prendre foin
de toutes les Affaires j &: il s'ea
rendit 11 abfolument le Maître,
que fon autorité devint beau-
coup plus grande que navoic
été celle de la Reyne ai de Ces
deux premiers Miniltrcs.
Don Juan fouhaitoit d'avoir
la perfonne de Valenzuela en
fonpouvoir j il ne fçavoit oix il
5'étoit retiré : mais ayant appris
qu il le trouverait à TEfcurial , il
en témoigna beaucoup de joye :
c'elt une des Maifons dukoy,
qui cil d'une fi grande étcnduci
qu'en comprenant les Bâtimens,
les Jardins , le Parc , & un Con*
vent de R eligicux leronimites>
qui cit contenu dans fon en*
*
d'Espaone; 117
ceinte ; on tient qu elle a plu*
fleurs lieues de tour ,& le louc
cft fermé de murailles.
Le Roy commanda à Don
Antonio de Tolède , fils du Duc
d*Albe , d'y aller, pour arrêter
Valenzuela. Il partit auflî-tôc
arec le Duc de Médina Sido«
nia , le Marquis de Valparayfof
Don Fernand de Tolède, plu-
fieurs autres Seigneurs , 8c deux
cens Chevaux. Le Marquis fc
promenoit triftementdans la
foreil voifine : mais ayant en*
tendu le grand bruit que tout le
monde faifoit, Screceu en mè-*
me tems avis de ce qui fè pafToit,
par un Courrier que quelques-
uns de fes amis luy a voient en->
voyé à toute bride , il retourna
promptement à TEfcurial , &:
fut trouver le Prieur du Con-
vent des IcroaimitC6>qui étoit
v^'
1.18 M E M, DE LA Cô U R
un fort honétc faommc, & par-
ticulicrcmcnt touche des mal-
heurs de ce Favory, Illuydkeii
peu de mots le danger où il
étoit y & les ratfens qu'il avoicde
eraindre pour fa vie s'iL^toic
pris i il le prSi avec inftance de
le mettre en qtidque endroit de
ieuret^.
Le Prieur fit auffi-tôt prati-
quer une cache dans la Cellule
d'iin Religieux, dont il ctoitafl
fcuré 3 cette Cellule étoit toute
lambrifsée i on en leva un des
paneaux 5 on ménagea dans Té*
paifleur du mur une cfpece de
niche > où l'on mit des matelas >
& Je pauvre Marquis s'y ren-*
ferma.
Comme l'on fçavoit qu'il s'é-
tait retire dans le Convent , il
n'y eut point d'endroit exempt
delairecherckc4eDon Antonio
b*EsPACKE. irj
de ToledO) 6c de ceux qui Tac-
çoropagnoienc : ils eurent m^nie
il peu de refpeâ; pour les lieux
les plus faims, qu'ils renveric-
cent prefque tout daiu rEglife.
Mais leur perqu^ioa devc« {,
fioit inutile , & Doo Âmooio rre
Içavoit à quoy fe rcibudre. Il
¥oyoit qu'il ayoit déjà pafsé plu-
sieurs jours fans trouver Valen^
zuela , & il commençoit à croire
qu'il avoit eu fans doute les
moyens de fe (àuver^lorfque le
Marquis n'ayant prefque point i
d'air dans le trou où îlëtoit , & 1
£e fentant accablé de fes déplai- )
iirs , tomba fi dangereufemenc
malade, xju'il n'y avoit plus d'ef-
perance pour luy. Se trouvant
dans une fi grande extrémité , il
luyfembla qu'il n'avoit plus rien
à ménager : de forte que le Père
Prieur ay^nt tiré parollc du
I20 Me M, delaCouk
Chirurgien du Convcnt , qu il
garderoit un fccret inviolable»
il le mena au Marquis pour le
làigner : mais un quart-d'heurc
après , ce traître le décela à Don
Antonio, qui entra dans le Con-
ventjil fut dans la Cellule où
étQitValénzuela^parçe que cha-
que jour il recommençoit à fai*
rechercher par tout. Don An-
tonio fit ôter tout d'un coup le
paneau qui couvroit leMarquis>
il Tapperçût dormant, & qui pà-
roifloit fort abbatu 3 il avoit des
armes auprès de luy , ôc s'il eut
été éveillé, il fe feroit aflfeuré-
ment defFendu en homme de
cœur : Car qu'avoit-il à ména-
ger dans un état fi déplorable i
On le conduifit au Château
de Confuegra, qui eft du Grand
Prieuré de Caltille de l'Ordre
de Malte j Don Juan Tavoit
voulu
d'Espagne. m
voiila de cette manière , parce
«que ce Château dcpendoit de
lu y. Valenzuelayfutdangereu-
fement malade , & il difoit fans
-ccfle à fes Gardes : lion Dieté^ tiy
â-t^il foint quelque effetânct que
lie meure bien- tôt ; devrai s -je v/-
^inre encore après tant de mal- heurs.
Des <\u\\ fut un peu mieux i
on le transfera au Château de
los PuntalesdeCadiZ)OÙ il de-
meura dans une étroite prifonf
il témoigna toujours beaucoup
de fermeté dans la fuite de fes
difg races.
Hntin-, on fembarqua pour
l'envoyer à Chilé aux Filippi-
nes. Ce fontdesiflesà lextre-
mité des Indes proche de la
Chine j il faut un tcms très-
confidcrable pour y aller, & l'on
y mené ordinairement les cri-
minels ^que l'on fait^travai lier à
L Part. F
Ul M E M. D E LA C O tt R
tirer le vif-argcnc: ils n'y {bat
pas deux ans fans mourir , ou
tout au moins fansêcreaccaquez
d'un tremblement gênerai dans
tous leurs membres , qui les fait
plus foufFrir que la mort même.
On dit à Valenzuela avant
fon départ > qu'on Tavoit dégra-
dé de tous fcs honneurs , ÔC que
le Royluy avoit ôcc toutes fcs
£!harges,luy laiiTant Amplement
fon nom. le vpy donc iien , dit-il
froidement , 'que je fuis beaucouf
flus mal- heureux que lorfque je
n;ms à la Cour ^& que le Duc de l'In^
fantado me frit four fin Page.
Il ne pût même fçavoir la dcf-
tinée de la Reyne, ni ce que fa
femme & fes enfans ëtoient de-
venus. On avoit enfermé celle-
cy avec eux à Talavera de la
Reinadans un Couvent, ôcTon
avoit défendu à TAbb^fTe de
d'Espacne. 113
î'en laiflcr fortir, ni parler à pcr-
fonne.
On raconte, que dans le rems
qu'il cftoit fur le Port de Cadiz
prêt à s'embarquer , une femme
d'une grandeur extraordinaire
fore bien habillée, & couverte
de fa Mante, comme c'eil la mo-
de enEfpagne ,fe gliflà parmy
fcs Gardes jufqu'auprcs de luy :
Prens courage , Valenz»»eU , luy .
dit-elle, ton Ennemj mourrd^S' \
tfà Ytverras encore tEffàgne.
Ceux qui l'entendirent parler i
ainfi, la voulurent arrêter : mais \
elle trouva le moyen de fe fau- ^
ver , & l'on a vu en effet dans la
fuite du tems , que Don Juan elt
mort, ôc qu'une des premières
grâces que laReine-Mere de-
manda au Roy à fonjretour à
Madrid, ce fut de faire revenir
Vdenzuela: âe forte qu'on luy
Fij
fç^%ii4- Me M. DE LA CaxtA;
■^ ^nvoyaun VaiiïcauauxFilippî-
j^nes pour le ramener: mais il fe
^>?V^ trouva néanmoins que d'Eguya
^ Q , empêcha qu'il ne revint, quoy
s ^TT? que la Reine le fouhaitât.
^^ Le Pape ayant fçû ce qui s'c-
toit pafsé , tant dans TEglife que
dans le Convent , lorfque Ton
prit Valenzuela à TEfcurial, ex-
communia tous ceux qui y a-
voient été : 4^ manière que tous
ces Seigneurs furent obligez
pour fe faire relever des Ceofu-
res qu'ils avoient encourues,
d aller la corde au col & en che-
mife au Collège Impérial, où le
Cardinal Mellini , qui pour lors
étoit Nonce à Madrid , leur
donna I à chacun des coups de
difcipline.
Tout^le Royaume témoigna'
une fatisfadion extraordinaire
de voir entrer Don Juan dans. le
d'Espagne. 115
Gouvernement , & Ton peut di-
re auffi qu'il faifoit lefperancc
de l'Efpagne.
Comme il avoit beaucoup
d'efprit > il ctoit naturel de croi-
re, que les difFerentes occupa-^
tJons de fa vie , foit pendant la
Paix >foit durant la Guerre, Ta-
voient rendu capable de rep.ircr
les mal-heurs de TEfat , fans
compter que le Peuple Tavoit
fbuhaitc avec cet empreflcment,* \^
qu'il a d'abord pour toutes les
chofes qu'il fe croit utiles. Plu-
sieurs d'entre les Grands a voient
iïgné une efpece de Ligue pour
fbn retouriils faifoient de cruel-
les reflexions fur le Gouverne-
ment pafsé , ils n'y trouvoient
que de la foiblefTe & des brigues
def-avantageufes au bien pu-
blic. /
Une Reine Allemande , un '
F iij
ii6 Me M. DELA Cour
Roy enfant, un Etranger Pre-
mier Miniitre & ConfeiTeur ^
Valcnzuela devenu Favory &
Miniitre , fans naiflànce & fans
capacité, élevé tout d'un coup
comme par un caprice de la for--
tune,& retombé dans Ton néant.
Enfin ilsn'efperoientqu'enDon
Juan, U il avoit été attendu avec
mille impatiences : mais lorfqu'*
il fut arrivé Oc qu on le vit de
plus prés, il fembla que les gran-
des Idcesqueronavoitconçcs
de luy , s évanouirent comme
un fonge.
C'eit afl'cz la dcrtincc d'un
premier Miniitre y le rang qu'il
tient le livre à Icnvic de fes
inférieurs , chacun de ceux qui
ont travaillé pour luy , croient
avoir travaillé pour un ingratj
s'il manque à répandre fur eux
toutes les grâces , ils luy font
d'Espagne. 117:
moins de quartier qu'à un au-
tre 5 de la faveur à la haine pu-
blique il n'y a qu'un pas.
Cette règle qui elt prefque
toujours générale, ne fe démen-
tit point en la perfonne du
Prince.
On vit avec peine la dureté
qu'il a voit fait paroître à l'égard
delà Reine, n ayant pas même
voulu entrer à Madrid qu'elle
n'en fut fortie pour aller à To-
lède. .
Il ajouta à cette première dé-
marche une afFedation dure à
la choquer, jufques dans l'exa-
men de fa conduite pafsée , dont
les particularitez n'avoient au-
cun rapport avec l'état prefent
des affaires , & qui ne tendoit
auin qu'à la def-honorer.
Cette Princefle foufFroitavec
une extrême douleur un traite^
F» • • •
1x8 Mem.de LA Cour
ment (i indigne de Ion rang, &
fiofFençant pour rarcpiitation,^
Toutes les voyes de s'en rçilcn-
tirluy étoient fermées 5 ainiî fa
patience & fa vertu avoient de-
quoy s'exercer.
Mais les perfonnes de Qiialité
quiluy ctoient encore atta-
chées, foit par affection, ou par
rcconnoiflance , ne pouvoient
voir fans beaucoup de peine
loppreffion où elle etoit.
On en parla avec chaleur, &
Ton faiioit courre le bruit qu'-
encore que Don Juan ne fut pas
Prince légitime, ilfcflatoit de fc
rendre un jour le Maître de la
Monarchie. ,
Bien des gens foûtenoicnt
le contraire , alléguant qu'il n'a-
voit jamais eu ce deflèin 5 & que
s'il avoit été capable de le con-
cevoir, ilauroic pu le faire rcùf-
b'Espagne. 115^
lîr par le grand nombre de fcs
,Partifans , & par le pouvoir dont
il jouiflbit 5 que le Roy n'étoic
âgé que de quinze ans, & que
Texpericnce & la force luy man-
quoient également.
Ce qui donna lieu au foupçon,
c'ell qu'il établit chez luy des
iiou veautez, qui n'a voient point
encore été pratiquées par aucun
autre Miniltre. Une de celles
qjui firent le plus d'éclat , fut lors
qu'il ne voulut pas donner dans
faChambre d'Audience,la main
ni le Siège aux Ambaflàdeurss
ils en curent d'abord de la pei-
ne.-mais enfîn,leNonce & les au-
tres Miniftres Etrangers fubiret
cette regle,& le virent fans diffi.
culte. Les créatures delà Reine
firent là-dcflusplus debruitque
les Ambaflàdcurs même que la
cJiofe rcgardoit j 8c foit qu'ils ea
E V
13oMem. delaCour
parlaflent avec trop de liberté,
ou fculcmct que Don Juan foup-
çonnât leurs fentimens,, il y en
eut pluficursci cxilez,& encr au^
très TAmirante de Caitille , le
Duc d'Oflbne , le Prince de Stil-
lano , le Marquis de Manfera, le
Comte d'Humanez, le Comic
d*Aquilar>& leMarquisdeMon-
dejar. On accufoit ce dernier
d'avoir fait les Vers fuivans :
inaisonfe.mcpritàrAuteur,car
ils font de TAmirante, lequel a
beaucoup d'efprit^
Vn frdjlej una Côfona
Vn Duquej un Céirtelifis.-
jin duhteron en U Itfia
De U belU Céirderona
Bttjloj a/^uno bUjona
Que de quant os han entrai a
hn la dan^a ha a'veriguado
Qujen Uevo el fre^ del bajle r
J'erojo at^ngome al frajle ,
1[ ^uiero prder Mlado ,
D*ESP AGNE, 131
VoicY les mêmes Vers en
François , il ell vray qu'ils
n'ont pas tant de force qu'en
Efpagnol. .
La belle Aâricc Calderone
Mit au nombre nie Tes galants
Bien plus d'une forte de gfns
£c plus d'une téce à Courone :
Roys & Moynes, Ducs Ôc Farceurs,
Avec elle ont joiié leur rôle ,
£c ce que j'y trouve de drôle.
Et ce qu'ont dit de bons auteurs,
C'eft qu'elle fçût prouver , plus heerejfe que ù^c ,
<^i dans c« grand nombre d'AÛcurs
A voit mieux fait fon pcrfonnag; i
Qu^nt à moy fans f^avoir ni poirquoi , ni comme;it»
le gage poir le Mo/ne, dç gage doublecncac.
I3X Mem. i>£laCour
J>e témfmtéi CêmfrM^U
frûc dfû um bijûféHéd
T toco éU méu fnnciféU
\ji femp9» de U o^a fU.
Clétro efiÀ a^sH Us dieréi
Zo ^ue quifiejle/iâ Mndrt
UtrQ no hdura à ^mien ne quddre
Vna réizjin t^ue fi tffrece :
h/lirefi ^uten farece
Port^ a^mel J^r^ fr Péidre.
Sole ùene una Sendl
Z)< nuejirc Rey Soberétno ,
Que en nada fone U mdna
Hue n9 lejuceda^ mal,
jl cà ferdiOk a Portugal ^
Zn las Dunéss fu ^roganàa
Dêo tantos triunfos à TrAncta,.
Que es cofa de admiracion
Que ddr teinta ferdictùn
tn un hijQ de gAttancia t
Mande fues fiarlos fecunde
^er Ji U hwvo fin recela
tl Rey ^ue 'vtve en el CielO'
De unà muger del mundo i
£n mifieriù tan frofundo.
Sûlû fuedà defirjo
Que for/ujo le )ufg9
hàas fi cêhSodo es efirMne-
^ojea el fnmer emg^Hê'
4/ire Mtfefndtaè^
d'Espagne. 133
De cc:rc Czinsc Cjofrïric
11 viac un BnCaot bien-beareuz ,
%,'. comme de raSToo as principal i'emr'eiJX
Echu: de pi>eT l'oeuvre pie:
Par mille difcoars fuperfiis
La Dame â Ces Amans f^ùz dé%n€n l'affusie ,
Mais d'en croire à nos yeux nous (bmmesreibln*
Qdî doace qie l'£ nUm. n'aie cduy-la pour Pezc ,
Auquel il leilaDbir le fkn.
De nôtre glorirai Monarque
le ne loy trouve enfin que cetce feule marqoe :
C'eft qu'auili bien que iuf par on Deftin facal
Tout ce qu'il entreprend hif réiiific oes-nuK
On le voie d'un côx^ perdre, le Portug^ ,
£c de l'auoe i Danquerque on vit ton arrogance
Ponner une davantage & de gloire à la France ,
A nous tant de maavais fiiccez :
<^ l'aventure eft peu commune
De poofler le mal-beur lufqu'i de tels excez^
Quand on eft £n£ant de Csctooe.
^e Charles en voyraa Ciel , & (ans ancre façoa
Qie le Kay défunt lu/ réponde
Si Don luan eft Ton Fils , U s'il l'eut fans CcMf^ont.
De la femme de to'JC le mo.ode.
Sur un pareil m/ftere on eft fort retenu
Le reftc du fecrct eft couvert d'une lape :
Si Philippe après tout , t'étotc mépris au choix»
Scrotr«ce la première fois
Qu'il auroic été pris pour 4ope ?
d'Es paon £• 13 J.
PAr fa conduite li e(l vilîble
Qmc du Sceptre il veut s'emparer:
Aux gtiis nais comme lu^ ce crime e(l impotTible»
£c s'il connoît fa Mère y peuc-il afpirer ?
Il e(l 'bien vra/ qu'Henry « fut de même nai(tance-9
Mais chacun fçaic aulli
Quje bien que jufqu'â ce iour-c/
L'Ëfpagne^idmire fa vaillance;
Pour un Koy légitime elle a tant de confiance»
Qi'etle regrette encor , rare fidélité •
Pierre b malgré fa cruauté.
a Mnry lé 'Bâtérd 7(oy dt CéifUU,
h Utrr» U Crut!, l{oy de CaJl'Ult , di'pOuiUi féf
HêHrjilt'Birûrdtnii66,^ 1^67,
Grand Royt*étonne».tuquc ton Peuple foûpire
Sous le terrible poids dont il eft accablé i
le prétexte du bruit, puifqu*il faut te le dite»
Eft tout autre qu'H n'a femblé
Dans l'excez du mal qui nous touche 1
Koftre refpeâ pour toy ne fe peut démentir ,
St. ce a*e(l au'un foâpir qui fait de nôtre bouche ,
Qujp la douleur étou£fe en le faifanc forttr..
13^ Mem; D £ LA CdUK
Don Juan trouva ces Vers fur
fa -coillecce Se en plufieurs ait*
très endroits de Iz Chambre >
il en eut plus de chagrin qu'il
ne le de voit , car enfin il ne pou-
voit pas efperer d^être égale-
ment agréable à tout le monde.
Ce chagrin luy ayant aigry Tef-
prit, il remarqua que la con-
verfation du Comte de Mon^
terey di vertiflbit le Koy 3 il n en
falût pas davantage pour le
luy rendre fufpcfk ; & bien que
ce Seigneur le fut misa latête
du parti que fonavoit fait pour
le retour du Prince, il oublia ce
bon office, & un certain fcnti-
nient de jaloude dont on n'ell
pas toujours le maître, Tobligca
de renvoyer commander en Ca*
taloirnc.
11 icxila enluitc» &: Ht même
commencer Ion piocc^ lur Tof-
d'Espagne. 137
faire de Puïcerda. Ainfî il fc
vie éloigné touc d'un coup de
la Cour dans le cems ou il fe
flattoit d'être le mieux auprès
du Roy & du Princes mais le
Monarque écoit jeune, ilavoic
eu peu déducacion , il man-
quoic d'expérience > & lors
qu'un Minière ne regarde les
chofes que par raporc à luy-mê-
me> il ne veut pas donner des
lumières qui lerviroienc avec
le tems à faire découvrir fà con-
duite. Don Juan connoiiToic
toute la force de cette Maxi-
me y il ié gardoit bien d'éclair^
cir le Roy fur les afiFaires de
l'Etat : au contraire , pour luy
être toujours utile, il ne le for-
moit point dans l'Art de ré-
gner y il fe contentoit de luy
fournir des petits amufemens,
qui emrctenoicnc fa Jeunefle'
138 Me M. DE LA GOUR.
dans une oifivecépcrillcufc,at
il ne permcttoitpas qu'il (brtit
une feule fois duPalais fajgis iuy>,.
\ Le Peuple , qui n'efl fcnfi-
\ ble aux évenemens qu'aucanc
j qu'il en rcflcnt le contrecoup»
' auroit regarde d'un œil indif<^
férent l'exil des Seigneurs, & la
captivité du Souverain , s'il n'a-
voit point foufFert d'ailleurs:
Mais la chereté des vivres qui.
augmenta > la Juitice qui n'é-
toit pas rétablie , 6: les Finan-
ces qui étoient mal adminif^
trées & dans un defordre ex-
trême, firent reflentir à chaque
particulier, que le changement
de Maître n'étoit pas toujours
un bien : & comme on paûe ai-
fément d'une extrémité à une
autre, & que les juiles bornes
dans lefquclles on doit renfer*
mer fes intérêts , font connues
d'E s p a g k é. 15^
de peu de pcrfonnes , Ton en \^
vint à regreter la Régence , &
à témoigner un chagrin qui au*
ix>ic écéjui'ques àremportement,
fans que la colère du Peuple en
Efpaene i cil ipoxir l'ordinaire
impuilTante. Ce n'eit pas dans
ces feujs rencontres que la flér*
té aparence de cette Nation >
fe dément : il cil vray aufFi que
le Peuple fe contcntoit de mur-
murer) fi£ que s'il yavoicqueU
auc chofe à craindre , c'étoic
du côté des Grands, qui mal-
gré leur exil , avoient encore
à la Cour des Parens & des A-
mis: ccux-cy étant touchez de
voir leurs proches éloignez , cô-
mencerent à fe lier fecrétemenc
de mêmes intérêts; ils confère-*
renc fouvent enfemblcj ils al-
lèrent jufqucs à faire dire à la
Reyneque Ton fouhaitoit paf-
»4o Me M. DE LA Cour
iîonnément fon retour 5 qu'il
falloir qu clic agit de fon cô-
té pendant qu'ils «agiroient du
leur: & en effet, ils prirent
leur tems pour parler au Roy.
Ils luy rirent voir qu'il ctoit
dans une dépendance honteu-
fe, & ils fortifièrent les difpofi-.
tions naturelles qu'il avoitpouri
gouverner luy-niême fon Etat.
Il goûta aflèzles ouvertures
qu'on luy fit , &: la Reyne re-
çût avec plaifir les avis qu'on.
luy donnoit : mais il ne fuffifoic
{)as de vouloir, ilfalloit agir;
e Roy étoit bien jeune,il falloir
TaiderSc chacun laiffoit ce foinà
un autre. Les divertiflemens de
la Cour, & la parefTe naturelle
aux Efpagnols , étoicnt caufc
qu'on avançoit fî lentement i
que Don Juan avoit tout loifir
de détruire en un jour, ce que
d'Espagne. 141
Ton ne faifoit qu'en plufieurs
fcniaincs. LaReynede fon cô-
té écoic dans un exil qui Ja
tcnoit comme lice, parce qu'el-
le ne pouvoir guère agir fans
être découverte 5 elle apprc-
hendoit même de trouver des
Traîtres dans le nombre de fes
Serviteurs , & de s'attirer de
nouvelles difgraces en voulant
fbrtir de celles où elle étoit > le
pafle l'inllruifoit en quelque
manière de ce qu'elle dévoie
craindre de l'avenir.
Elleeil naturellement un peu
lente , & après de longues re-
flexions, il luy fembloit qu'elle
ne devoit pas hazarder des dé-
marches, d'où dépendoit le réf.
tedefon repos.
Don Juan de fon côte nelaif-r
(bit pas d'être dans une conti*
nueile inquiétude i il a voit tant
142^ M EU. p E X A C O U K
d'E (pions, qu'il étoic.plus inf-
truie qu'il ne Tauroit voulu , des
chofcs qui fc paflbienc contre
Juy. Malgré le pouvoir , dont
il étoic revêtu , il nelaifibit pas
de craindre les efFccs de Ta ver-
fîon que Ion commençoit dé
faire éclater contre luy.
^l étoit comme refponfable
de tous les bons & de tous les
mauvais fuccez de l'Etat 5 le
poids d'une fi grande Monar-
chie luy devenoit pefant. Il
regretoit quelquefois la tran-
quillité dont il avoit joùy en
Flandres & en Arragon 5 en>.
fin fon cfprit n'étoit pas dans
une affiette naturelle, & l'on
peut dire qu'il achetoit bien
cher le plaifir de joiier un grand
rôle fur le Théâtre duMonde,
La Guerre s'étant allumée
en 1671, entre la France & kt
d'Espagne. f45
,Hollâdc,clleintereffa plufieurs
Souverains, Icfqucls y prirent
parcy félon leurs inclinations,
ou félon les engagemens qu'ils
avoicnt avec les Puiûances qui
^giiïoient î chacune fe don noie
beaucoup de mouvement j l'Ef-
pagne infcparablc des interccs
de l'Empereur n'cpargnoit ^i
fon argent , ni Cis Forces ea
cette occafîoni lorfqueles HoU
iandois firent les premiers la
Paix avec la France en 1678.
l'Empereurôcquelques^unsdes
Princes de l'Empire , fui virent
leur Exemple 5 l'Efpagne nç
put fedeâPendre de les imiter.
Le Roy de Danemarc & l Ele-
âeur de Brandebourg , qui
avoient encore les armes à \%
main, les quittèrent auffi 5 la
paix fe traitai Nimegue, Se
rendit Ciifin le repos à toute
i'Europe.
144 Me M, DE LA Cour
Cependant, le Roy d'Elpa-
gne avoit été fur ic pomt de
le marier avccrArchiduchcflfe
.fille de TEmpercuriles chofcs
a voient été tellement avan-
cées, que Ion avoit réglé ïcê
Articles & figné le Contrat.
Cet Himen étoit louvrage de
la Reyne j elle en fouhaitoit
i accompliflcment avecpaffion:
mais Don Juan, à ronretour^
rompit cette affaire , ne vou-
lant pas fortifier le party de
fon ennemie, qui Tauroit fans
doute été par cette jeune Priii-
ceffe de même nom, de même
païs qu'elle, fa petite Fille & fa
Nièce 5 il en craignit trop les
fuites pour y donner les mains.
La fanté du Roy qui com-
mençoità s'affermir dans fa rj.
année, promettoit des Succef-
icurs à la Couronne. Le jeune
Monar-
D*EsPAONE. 145
«Monarque fouhakoic d'être
iTiarié 5 il confideroit que de
la Maifon d'Auftrichc, il ctoit
le feul qui ctoit de la bran-
che Efpagnollc , & que tout
ion Royaume avoit un égal
intérêt à luy voir des enfans.
Les circoniiances de la FaiX)
qui venoit d'être conclue à
Nimegue > luy firent jetter les
yeux fur Mademoirelle> tille
ainée de Monfieur> Frère uni^
que du Roy. Elle ctoit preC-
Îue de (on âge, aimable, bien
aite, douce , fprituellc 5 tou-
tes les inclinations étoient no-
bles & vertueufes, le Roy prie
pour elle un actachemcnt tres^
fort, & fi extraordinaire par
rapport à ton humeur, que tous
fesCourtiianscn étoicntfurpris.
Il avoit vu quelques-uns des
Portraits de cette I rinccflc 5
Liait. G
ï4(îMeM, DELA COUK
plufieurs Seigneurs EfpagnoIs>
qui a voient pallc à la Cour de
France, luy a voient parlé d'el-
le comme d'une merveille 5 des
témoignages û avantageux le
touchèrent fcnfîblement-.il ne
dormoit plus , il portoit fon Por-
trait fur Ion coeur, &faifoitde
longues Con ver fat ions avec luy
comme s'il eût pu l'entendre. Ex
ce qui elt encore vray , c'efl:
qu'auparavant qu'il fût amou*
reux , il ne pouvoir foujBFrir
qu'aucune femme l'abordât j
mais ces difpofîtions change*
xent bien là-defTus , & il ne les
regardoit plus avec averfîoq.
Tout le monde fût ravy que
le Roy fouhaitât d'épouferMa-
demoifelb. La Mémoire de la
RcineElizabeth deFrance,prc-
miere Femme de Philippe IV.
cil demeurée il ayant dans le
d'Espagne. 147
cœurs de tous les Efpagnols,
qu'ils dcfîroicnt d'en voir une
de même Sang furie Trône.
Don Juan entra dans Tincli-*
nation du Roy , & dans celle
de tout 4e monde en faveur de
cette Princcfle 5 il envoya or-
dre en Flandre au Marquis de
los Balbazez , lequel arrivoic
de Nimégue, où H avoit ailii^
té au Traite de Paix , d'aller
demander Mademoifelle pour
le Roy fon Maître.
L'on fut furprisquecePrin*
ce eût donné les mains à cette
affaire. La Politique vouloit
qu'il éloignât un Mariage^
qui donnant une Femme au
Roy, donneroit peut-être une
Ennemie au Favory.
On en revenoit encore aux
premières idées de l'ambition
aont il étoit fupconné ; & c'é*
Gij
;ï4'8 Mem.de la 'Cou II
toit abandonner tout-à-fait le
dcilcin de fe faire déclarer In-
fant, pour régner après le R.oy
en cas qu'il n'eût point d'En^-
£ans. Bien des gens précen«
dent auiG , que malgré Ja
démarche publique qu'il vç-
Boit de faire, ii n'avoit qu'une
médiocre envie de voir réûflîr
le Mariage. Ils alleguoient pour
raifon,qu'îl auroit dû préve-
nir une ÂmbafTade fî éclatan-
te, par des démarches fecreites
qui enflent aflurc abfolument
le fucccz de la Négociation -,
avant que de l'entreprendrcî
mais que dans le fonds , mal-
gré tout ce qu'il difoit,&:ce qu'il
faifoitiil ne le fouhartoit pa^i
qu'il appréhendoit qu'uneRci-
-ne Françoifc, appuyée de l'au^
torité du plus grand Roy du
aïondc > n'apportât pas un cf«^
i>'E s PAGN b; 149
prît afTczfbùmis pour luy; qu'il
étoit le Maître, & qu'il ne de-
yicndroic dans la fuice tout au
. plus que le Compagnon : jes au-^
très difoientau contraire , qu'il
étoit en .état de fc faire unmé-
rice auprès de Mademoifeile,
d'avoir rompu le Mariage de
rArchiduche{Ic>& d'avoir fait
tomber fur elle la préférence.
Ces différentes confidératijns
embarraiîbientDon Jqanàtel
point , qui! ne fçavoit à quoy
fc déterminer j & même dans
letems que ie Marquis de los
Balbazez demandoit la Prin«
ccffc en France, il faifoit voir
adroitement au Roy à Madrid
le Portrait de l'Infante de Por-
tugal , dont la beauté eit très-
parfàitei il luy vantoit fes cha^r-
mes 5 & ne fçachant pas enco-
' re que ion Mariage étoit arre-
y-> • • •
Giij
150 Mem. delaCouic
té avec le Duc de Savoyc , il ik
propofer fous main de la donner
au Roy: mais il ctoittrop tou-
chéjpour fc réfoudre à changer.
La demande que fît Balbazéz
fut agréable au Roy tres-Chrc-
tien 3 & Don Juan , qui en re-
lent Tavis , ne douta point du
luccés 5 il chercha pour lors à
jfe prévaloir des difpofitions fa-
vorablcs de la Cour de France,
foit en prenant Tes avantages,
ou bien en les demandant fi
grands, qu'on put le rcfufer, &
rompre là - defliis. En effet , il
prétendit que MademoifelIc>
n étant pas Fille du Roy , 1 on
devoit par cette raifon du cô^
lé de la Cour entrer dans des
confidérations particulières j &c
rendre à l'ETpagne quelques-
unes des Places qui étoient ref^
tées à la France par le dernier
d'Espagne. 151
Traité de Nimcguc.
Il tint pour cela un Confeil,
où il voulut infînucr ibn fenti-
menti mais il ne trouva pas les
cfprits difpofez à l'en croire.
Chacun dit que Ton ne dévoie
avoir en veuë que la fatisfattion
du Roy > que Ton ctoic aflez
heureux de luy trouver untf
Princeflc bien faite , & capa-
ble de leur donner un Souve-
rain 5 qu'il ne devoit pas tra-
vailler à détruire une chofe que
tout le monde fouhaitoit avec
cant de pafTion.
La Reyne qui étoit toujours
i Tolède dans une grande fo-
litude , & que l'on ne confuK
toit fur rien , écri vit au Roy
ou elle avoit appris qu'il vouloir
fe marier, & que tout s'y dif-
pofoit> qu'elle luy conleilloit
en attendant que cette aliaire
G inj
151 Me M. DE LA Cous.
fe fît , d'aller en Arragon & en
Catalogne , confirmer les an-
ciens Privilèges de ces Peu-»
pies i le Roy liiy manda fimple-t
ment qu'il le feroit, fans s'ex-
pliquer pins ouvertement fur
fbn Mariage.
,. Cependant, des le 24. de Jan-
vier 1675?. le Roy avoit nom-^
me ceux qui dévoient rempli r
les Charges de la Maifon de la
nouvelle Reine. La Ducheflc
,, Terranova,fut nommée Cama-
rera Major, qui veut dire Pre-
mière Dame d'honneuri & mê-
me le pouvoir en eft plus étendu
que ccliiy de Dame d'honneur i
car elle eft auffi Maîcrelîe de
toutes lesFemmes qui fervent la
Reyne dans le Palais, hlleelt
veuve du Duc de Terranova de
laMaîibndei''i;î:naccili &:Graad
d'Llpagnc i elle a hérité des
d'EsP AGNI. 15}
grands biens de Fernand Cor- ^-^
tCL y fa Mère portoic le nom
de ce fameux Capitaine y qui
luy a laifle un petit Royaume
dansles Indes Occidentales; &
il auroit pu luy ea laifler mê-
me un plus conHdérable dans
cette partie du monde > où ii fie
tant de progrez. .
Elle eii defcenduë d'une
branche de la Maifon d'Ârra-
gon y qui s'établit en Sicile il
y a long-tems : Elle ell puif^
lamment riche, Ton humeur eft
fiére & impericufe avec les
perfonnes qui font au deilus
d'elle , infupportable avec fes
égales , douce & bonne avec
fes inférieures 1 elle a de YeÇ-
prjt , de la fermeté >. & de la
pénétration 5 elle cU froide &
îericufe , gardant la gravité
Eipagnolle ians faire un pas
G V
(
154 Mem. delaG aiT r.
ni une démarche qui ne foit
compaffée j elle parle peu > &
dit un ^ le le veux , ou Je ne le
veux pas i à faire trembler.
C'eft une femme maigre &
pâle 3 elle a le vifage long &:
ride , les yeux petits & rudes ,.
& clleell une fort dangereufe^
ennemie. Don Carlos d'Arra-
gon fon Coufin Germain, fùc
aflaffinépar des Bandits quelle:
fit venir exprés de Valence,
parce qu'il luy demandoit la
reltitucion duDuché deTerra-
Nova qui luy appartenoit > &
dont elle joûiflbit.
L'Eclat que cette affaire fit
dans le monde , l'obligea de fc
retirer en Arragon > où Don
Juan ctoit pour lors aflez en-
nuyé de fes malheurs.
Et comme ils croyoientrun &
l^kutre avoir lieu de fc plaior
d'Espagne. 15^
dre de leur forcune> il fe fie une
certaine liaifon encre-eux , qui
fe fait d'ordinaire volontiers
entre des gens qui fouârenc
de leur £ltat i éi dans les
converfations qu'ils eurent cn-
femble , le Prince pénétra une
partie de l'humeur de la Dit-
cheilè i il connut fon ambition :
mais comme les mauvailes qua*
litcz de Ton efprit étoient pa-
rées de tous les dehors rai-
tueux d'une dévotion apparen-
te, il ne comprit pas qu'elle
fut auilî maline qu'elle l'ctoit.
Il jetta donc les yeux fur elle
pour en faire la Camarera Ma-
jor delà jeune Reine.
Le Marquis d'Aflorgas fut
nommé eii même tem s Grand
.Maître de fa Maifon. Don
}uan avoit df abord eu quelque
dcâcia de4onner cette Char-*
G vj
ï5«Mem. de laCour
ge àDon Vinccntc-Gonzaga de
laMaifon dcMancouci &pour
la venir remplir, il luy fît quit-
ter la Vicc-Royautc de Sicile,
que celuy-cy laifla volontiers
pour la Place qu on luy pro-
pofoit : mais Ton cfperance Ce
trouva décheuëicarleMarquis
d'Altorgas, qui avoit rapporté
des fommes immences de fa
Vice-lioyauté de Naples , en
ayant fait offre à Dom Juan >
ui apparammcnt en avoit be-
bin, puifqu il accepta cette of-
fre, fc fît préférer àDon Vin-
ccnte , lequel entra dans le
Confeil d'État, oùtres-afTurc-
ment fa capacité ne demeura
pas inutile.
Bien que le Duc Dofïbnefat
encore exile , Don Juan ne
laifTa pas de le faire nommer
Grand Ecuycr de la Reyne.
î
D*E STAGNE. 157
lî ncluy fit donner cette Char-
ge, que pour lu y ôter celle de
Prefidenc desOrdres>où fa con-
duite ne luy étoic point agréa-
ble 5 il aâèdoic même de cer-*
uins airs de dévotion, qui ne
laiilbient pas d'être incommo-
des, parce qu'il y entroit trop de
bigoteriei&c'étoic fi bien bigo*
terie, que le bon Duc fit atta-
quer un (bir dans la rue le Com-
te d'Humanez, par des hom- .
mes de Valence, qui ne vien- j
nent guère à Madrid que pour ^
commettre des ailaffinats , &
d'autres crimes de cette natu-
re. Le fujet de la querelle en-
tre le Duc & le Comte , vint
de ce que le premier êtoit fore
amoureux d'une Damcjauprés
de qui il avoir découvert que
le Comte étoit plus heureux
qncluy. Cependant ^ le Comte
t^2 Me M. BE LA Couii
êchapa ce danger. Cette affaire
fît grand bruit 5 Don Juan> qui
avoit quelque fujet particulier
de fe plaindre du Duc profita
de cette conjondure pour Tc-
loigner de la Cour 5 mais dans
la luite il luy procura un Pof-
te fî confîdcrable pour s acqué-
rir un homme d'une telle im*
portance, outre Tinierêt qu'il
avoit, que les premières Char-
ges de ta Malfon de la Reyne
fc trouvaient remplies par des
perfonncs qui fuITcnt à fa dé-
votion, pour prcvei^ir de bon-
ne heure refprit de cette jeune
PrincelTc en ià faveur. Les au-
tres Officiers de fa Maiibn fu-
rent aufli nommez au commen-
cement du mois de Mars.
On taxa dans ce même tems le
Marquis deManfera,Mayordo-
me delaKcy ne Mqre^àrent n^^e
dT s PAGNE. 155
éciis, qu'il paya fur le champ.
Le Roy punie ainfi quelque-
fois les fautes que les Grands
commeccent contre luy. Auffi-
tôc on l'envoya en exil au CM-
i;eau de Cocchia> & l'on donna
fa Charge au Comte deChin-
chon. Mais la Reine irritée»
déclara qu'elle ne le fouffriroit
jamais , & qi^ ce n'étoit pas
d'une manière fi indigne que
Ton dévoie traiter la veuve de
Philippe IV. & la Mère de
Chaiies Second. De fone que
l'on ne paâa pas plus. avant
dan$ cette affaire.
Il en arriva une autre peu
après > qui fit aûez d'éclat. Don
Francifco de Toledo, Second
fils da Duc d'Âlbe , le Comte
de Mirandc Grand d'Efpagne >
Le Marquis de Valero Fils du
Duc de Bejar> & le Fils aîné
Hà Mem; d e la Cour
du Duc de Sefla, firent fauyei^
un homme accufé de grands
crimes. Voicy .comme ils s'y
prirent 3 Ils envoyèrent une
femme chargée de PoiiTon afiez
proche de la Prifon 5 en ce lieu
elle le. vendoit à fî bon marché»
qu'un Homme apollé l'ayant
dit au GeoJier & au5C^ Guiche-
tiers > \h allèrent auifî chercher
du Poiilbn 5 la. femme leur fit
exprés des contes . pour les amu-
fer;&clley rcùffit,pcndantquc
les Seigneurs que je. viens de
nommer, enfonçoient les por-
tes de la PriCon.
Le Roy les fit tous arrêter:
mais cette affaire, non plus quc^
laplupart de celles qui arrivent
à Madrid, n'eût point de mau-
vaifc fuite pour eux.
Cependant , le Roy faifoit
accommoder avec le dernier
d'Espagnï. i6ï
«mprcflcmcnc le quartier de
la jeune Reyne dans le Palais:
il dévoie aller à Ton ordinaire
le mois d'Avril à Aranjucs f
Don Juan Ten empêcha > par-
ce que ce lieu ctoic trop pro-
che de Tolède , & le Roy fut
au Buen-Retiro. La Reyqc
Mère lu y écrivit- là, pour qu'il
voulut bien la voir 5 & quoy
qu'elle l'eu prcflat avec beau-
coup de tendrefle & d'inftan^
ce, elle ne le piit obcenir.
Il écoit tous les jours à la
Comédie & à la ChalTe , au
Pardo , & à la Zarzuela , qui
font deux de Tes Mai Ions de
Plaif.iace. Ou joiia devant
luy rOpcrad'AIcincqui coiU
toit aflc^, d'argent , Ôl qui fut
pitoyablement exécuté.
Il y eut aujîi une Fefte de
Taureauxjou deux jeunes Cai>
if% MEM.D £ L A Cour
yaliers périrent très- malhcu»
reufemcnt.. Les jours fuivans».
on fît des Cources de Ga-
gnas.
Le Prince de Ligne arriva
en ce temps4à > &. peu de
jours après avoir £aliié le Roy*,
il prit place dans le- Conieil
d'Etat. Le Père François de
RéluxDominiquain» vint aufii
de Salamanque , où il enfeio
gnoit la Théologie > Don Juaa
Tavoit choifi pour élire Con»
fcflèur du Roy. LeDiicd'Albe
s'écoit rendu Caution de Tes
difpofitions, pour fuivre les
volontez de Don Juan , qui
Tavoit accepté fur fa parole.
On vit dans le même te'ms le
Cardinal Portacarero Arche-
vêque de Tolède, de retour de
Rome. La Cour dcvenoit fort
grofle à Madrid,
d'Espagne. 163
Le Roy de France avoic
nommé le zo. de Janvier le
Marquis de Vilars à TAmbaC-
fade dTfpagne 5 il étoit poux
lors en la même fondion en
Savoye. Il écoic connu à la
Cour d'£rpagne> parce qu'il
y avoit été en 1(^73. en qua-
lité d'Ambaâadeur j il arriva
à Madrid le 17. Juin 5 &
ceux qui étoient informez des
diipoiitions de Don Juan> dou«
terent qu il eut à la Cour tous
les agrémens qu'il pouyoitrai-
ibnnablement s'y promettre.
On comprenoit afiez que la
fierté iiaturelle de Don Juan,ne
s'accommoderoit point des in^
llruâbns de ceMiniftre rqu'il
n'iroit pas chez ce Prince à
moins d'eflrc afluré des Hon-
neurs du Pas ) de la Main > Se
du Siège 5 que Don Juan en-
cendroic la feule propofîcion
avec peine 5 qu'il n*y conrenti-
roic point du tout , parce qu'il
dcrcgcroitparlà au droit qail
s'^toit acquis fur les autres Ani-
bafladcurs 5 & que ce feroit
quelque chofed'incômodcpour
celuy de France > de ne^pastraû
ter dirc^ement avec le premier
M iniltre: ce que Ton avoit jma-
giné là-deflu2> arriva 5 lel rin.-
ce ne voulut rien céder , & le
Marquis de. Vilars s'en, tint à
fcsinîtruftions. Ils furentdonc
d'abord en froideur > mais ce-
la n'empêcha pas qu'il tint le
8. Juillet une Audiance parti-
culière du Roy 5 & peu après,
il en eût une puMique fur la
conclu fion de fon Mariage avec
Madcmoifclle.
Don Juan avoit eu trois ac-
cci de fièvre tierce vers le
Ï>'E s P A G N E. 1^5
commenccmcQC du mois de
Juillet î le 13 le Secrétaire du
^darquis de los Balbazez arri-
vai Ion apprit par luy que le
Roy avoit accordé Mademoî-
felle au Roy d*Elpagne : rien
nciï égal à la joye qu'il en té-
moigna , car il attendoit cette
nouvelle avec la dernière im-
patience 5 il fit auifi chanter le
Te DeumiNoite-Dsimc d'Ato-
cha 5 toutes les maifons furent
'icclairées le foir avec des Flam-
beaux de cire blanche 5 on vie
des Feux de joye par toutes les
riiës. 150 Cavaliers des meil-
leures Maifonfda Royaume fi-
èrent une Mafcarade à cheval»
^ui confiitoir à quelque brode-
rie, delà gaze d'argent , des
rubans & des plumes : car ils
croient habillez de noir à lor-
4linaire > 5c nétoient point maf-
t66 Me M. DE LA Cour
qucz. Ils coururent ainfi toute
la nuit I chacun un flambeau à
la main : tous ces divertifle-
mens durèrent trois jours , &
trois nuits. Un Courrier arriva
peu après 5 il apportoit le Con-
trat de Mariage du Roy : on en
fît part à la Reyne-Mere , qui
en témoigna beaucoup de joy e j
on renvoya promptement la
Ratification, & Ion fit des feux
comme on a voit déjà fait.
Pendant que tout le monde
cherchoit à témoigner fonzelc
au Roy, les Serviteurs de la
Rcync Merc ctoient occupez à
trouver les moyens de procurer
fon retour ; & le refus que le
Marquis de Vilars avoit fait de
lliivrcl exemple des autres Anv
qailadcurs > dans la conduite
qu il5tcnoicnt àxcc Donjuan)
iurle^scoûtuoics qu ils luyavoiët
D*Es PAGNE. 1^7
laifle établir chez luy , fuc une
occafîon de perfuader aux en«
iiemis de ce Prmce > que Mon-
teur de Vilarsayoic des inftru-
âions peu favorables pour luy.
Ils feflaterent auffi-tôc de le fai-
re entrer dans leurparty 5 ils a-
voiemlieudecroire que s'ils en
venoientàbout, ceparty feroit
bien fortifié. Dans cette vue 1 la
plupart des gens de la Cour ap«
plaudirent à la fermeté qu'il a-
voittémoignée,& luy tiret beau-
coup d'accueil II étoit confide-
ré à Madrid > il y retrouva des
amis, & la Reyne-Mere a voie
confervé des égards particuliers
pour luy. £Ue luy en donna une
preuve cres-obligeance,lors qu'il
fîic la faliter à Tolède : car après
l'Audiance publique , elle vou-
lut l'entretenir en particulier de
£cs Âffiiiresi& cUe luy témoigna
6i8 Me M, D£ LA Cour
delà confiance: mais maigre les
propoiicions qu'on lu y fie de
prendre part y contre le Prince 9
^maigre les difpofitions natu-
relles oui lauroicnt porte à fou*-
tenir des personnes qui ctoient
oppofeesà un Miniitrc duquel
ilnavoitpasfieudc (c louer, U
crût que dans la conjoncture
prefente il Revoit demeurer
neutre.
Il envifageoit encore , que
le mariage du Roy d'Efpagnc
avec Mademoi(elle) ailoitlui at-
tirer des agrcmens qu'il ne de*
voit point efpcrer avant Tarri^
vccdc cette Irinceflc y que ce*
toit le moyen fur d oppofor
une puiflànce à une aucrepuif*
iancc 3 que cette jeune 1 rincef-
fc ne fouifriroit pas que le Mi-
niltre du Roy de i rancc fut
choqué dans uioe Cour donc cl-
ic
d'Espagne. tg^
le alloit devenir la Maîcrcflc > &
dont elle feroit les délices i qu'il
étoic indubitable qu'elle fe lie-
roic d'intereft avec la Reyne-
MerejquelaReyneTres-Chrê»
tiennei qui les aimoit chèrement
Tune & l'autre, luy donneroit
là-deflus avant fon déparc > des
confeils donc elle ne s'éloigne^
roic pas 5 que leur credic étant
uni enfemble » & fécondé de
tous ceux qui fouhaitoieiic un
autre Gouvernement, il eltoit
fans doute que Don Juan fe
trouveroic obligé de céder. Il
n'y avokgttére de perfonnes qui
ne filent les mêmes raifonne^.
mens, & qui ne s'encourageaf^
fent à cenir ferme contre le Fa-
Yory. On commençoic à dire
court haut ce que l'on n'avoicofé
dire jufques-là que fore bas,ron
fe plaignoit > Ton imponunoit le
LParc H
fiyo Mem. ]^E LA'CouH
Roypour rappeler icscxûcZyVon
parloit ouvertement du retour
<Ie la Reyne-Mejcc, Don/Juaa
6*cn inquictoit plus qu'il n*avok
encore. fait; la feule apparence
ide fa chute éloignoit deluydes
pcrfonncs qui dévoient être fcs
x:reatures, &. celles qui luyrcf-
toient n'avoient ni aûez d'au-
torité ni allez de mérite pour
fortifier fon party . Il ne fe pou-
rvoit plus guère confoler qu'a-
vec luy-même: mai^ dans ces .
fortes d'occafions > nous ne nous
ibmmes pas d'un fecours infail-
lible 3 le filence, la retraite, les
réflexions fervent plus à nous
accabler qu'à nous foùtenir. Il
eut encore le chagrin de voir
entrer quelques-uns de fes amis,
ou du moins qu'il croyoit telsj
dans les interécs qui :luy étoienc
oppofez i & il S<^ût qu'on agii^
Î>*E$PAGNÎ. Î71
folc auprès du Roy par le moyea
de Ion Confoûeur.
J ay déjà dk que c^ctoit Doa
Juan qui ravoic fait venir de Sa^
lamanque, & il penfoic qu'ayant
procuré fa fonune il feroicab-
lolumenti fa dévotion» Cepen-
dant» foit qu'il n*eut rien promis
ou qu'il manquât à fa parole > il
quitta le party daPrince&fe jet^
ta dans celuy de les ennemis^On
vouloic que ce tut par principe
de confcience, mais it^lt impof-
fible queringraticude puiâè ja-
mais avoir de bons principes»
- Quoiqu'il en^bâc>il ht obtenir
à la Princefle de Stillano, fille
du Duc Dalbe^ le retour de Cou
époux. Don Juan l'avoitabfo*
himentTefufe^ & il (ê trouva fi
peu de credic dans cotte occa-»
iion qu il en fut (enfiblemenc
tcviché : caria chofe alla mè»
Hii
gyi Mem^'DE LA Cour.
me il loin 5: que le Roy dï^
par une pure . complaifance
pour Ton ConfeiTeur: // ft^im-^
fûru 4jHe Don Iman s'y ^fpo^
fi% H/féffitéjH€J€ leveuïtte. Ce
peu de mots ajouta beaucoup
aux peinçs que le Prince avoic
dëjai il eue encore une autre
mortification au fujet du Duc
DoiTone» lequel eitoit du nom-^
bre des exilez* Le Prince luyr
a voit fait témoigner > par quel.*
qu'un de Tes amis, qu'il loblige-.»
roit de fe défaire de la Charge
deGrand £(cuyer de la nouvel*
le Reync, dont il étoit revêtu
depuis peu > il rejetta cette ^to^
pofition avec la dernière fierté*
Don Juan demeura fort irrité ;
il voulut l'exiler plus loin qu'il
n'étoit pour luy faire reflcntir
fon pouvoir,&: le tort qu'il avois
eu de s oppofer à fes intentions ;
mais bien loin de réuflir dans
fbn projet > il vit que le Duc de
Medina-'Celi , qui jufques^li
a voit gardé de grandes mefures
avec luy , s'étoit prévalu de linr
dination que le koy luy témoi>
gioit pour obtenir le retour du
ucDoiTone^ Le fils du Duc de
JVIedina-Celi avoit époufé la fit.
le du Duc DofTone i cela faifoic
beaucoup de liaifon cntr'eux.
Le prétexte fut qu'il eftoit ne^
ceUaire qu'il allât au devant dc^
laKeynei Se le Ducde Médina-
Celii ayant tix>Mvé un moment
£ilvorable > dit au Roy qu^il
étoitbien chagrinant pour un
homme de la qualité du Duc
Doffone , & qui avoit Thonneur
de poflèder une des premières
Chareeç de laMaifon delaRey^
ne, d être éloigné de la Cour»
pendant que tous ceux qui de--
H iij
174 MeM. DE L A Coitlt
voient la fcrvir, ie préparoîciit
pour aller au devant d'elle^ L6
Roy cohfcntità fon retour & à
celuydu Comte de Monterey>
à condition qu ils ne feroient
aucune vifîte>&: qu'ils n'en re^
cevroient point a Madrid. .
La coutume générale ne (e
dément guéreen faveur de per-
fonnej &il ièmbleq'uelorsque
ion commence d^avoir un dé-
plaiiir> ceft une confequencc
pour en attendre un autre. Doa
Juan> pcrfuadéqu ilnctoit pas
affez heureux pour être excepté
de cette fâcheufe règle , voulut
fortifier fon party de l'autorité
du Connectable deCaftilIermais
ce fut là un fujct de chagriçi
tres-fenfible pour luy: car ayant
cngagéleDucDalbeàluy pro-
pofcr un accommodement , le
Connêtjtble qui fe fouvenoi;
dTspagne; 175
de la hauteur avec laquelle Don
Jjian Ta voit traite, & qu'il ne çc-
gardoit plus ce Prince comm«
un ennemy redoutable, rcpon*
dit fechement qu'il n'étoit plus
tcms. Pour furcroît de chagrin,
il vit peu après tous les Exilez
en faveur; on avoit ménagé leur
recour dans le peu detems qu''il
avoit été malade 5 fes ennemis
profitèrent de cetteconjondura
pour faire leur briguej ilsavoicc
même conduit les chofes fi aé-
rant, oue le Roy étoit abfolu-
mène déterminé de rappeler la
Reyne-Mere. Comme on dcli-
beroic fur la conduite que l'on
«endroit , le Roy eut une lon-
gue converfation avec l'InquU
fiteur General 5 il envoya enfui-
te fon Confefleur dire au Duc
de Medina-Celi de la Maifon
de la Cerda, £c au Comte d'O-.
Hiiij
./«'
ij6 Mem. de la Gouii
topeza de la Maifon de Bjra«
gapce , de fe trouver à une
certaine heure chez Tlnqui*
iîteur. Lors qu'ils y furent, le
Roy leur manda par le même
Père Relux , qu'ils- avifaflcnt
aux moyens d'éloigner Don
Juan, & de faire revenir la Rey-
nc-Mere. Ils paflcrent le jour
en conférence , & tombèrent
d'accord que le Roy fortiroic
du Palais comme pour aller à la
chalFe , &c qu'auparavant Ton re<*
tour on cnvoyeroitdireau Prin*
ce de fe retirer fur le champ. Ce
projet n'eut point de fuite , le
Frince n'en fçeut rien , & ce qui
en empêcha Icxécution, cefuc
le défaut de courage.
Il y eut le i6. de Juin une
Cource de Taureaux que l'on
ttouva tres-bellej le Marquis
de la Fuentes obtint dans le mè^
d'Espagne. 177
me tcms une Charge de Con-
feiller d'Etat d'Epce, & le Roy
ordonna à tous lesGencils-hom-
mes de fa Chambre , qui dé-
voient l'accompagner pour aller
au devant de la Keyne,de le faU
xe faire chacun trois habi ts>donç
il y en eue deux à la Fran«-
çoife. .
Nôtre Ambafladèur. fit fon
Entrée le y. d'Aoult 3 nous ne
manquâmes p^as d'aller che2. une
•de nos amies pour le voir paf-
fcr. C elt Tufagc, que le Roy en-
. Yoye à r Ambafladèur un cer-
tain nombre de chevaux de fon -
.£^curie pour Iuy& pour les fiens,
: Cfir le$ AmlxiUadeurs font leur
Ëntrçcà Cheval 3 le Mayordo-
me.de femaine) leCondudeur
des Ambafladèur^ % & fon Lieu-
• • • • «
tenant} raccompagnereptdepuis
,fgiq^j3i^iafQu'aa Palais. Dans
H V.
178 Mem. de la CduK
TÂudiance publique qu'il eufc
4u Roy, il parla toujours en
3Françoi« ; la Marche de Ton £]>
trce fut long*tems interrottii.
puë par ropiniâtrcté de TAmw
bafladeur de Malte , qui pré*-
tendoit que ton Carofle mar*-^
chat immédiatemenc après ce-
luy de r AmbalTadcur de Venife,
dernier Ambafladeur de Cha-
pelle , de forte qu'il avok pré-
cédé les féconds Carofles du
Marquis de Vilars: niais pour
terminer le diflfcrent , on en-
voya le Condufteur des Am-
bauadcurs au Palais 3 on y régla
tout à l'avantage de l'Anibafla^
deur de France, trouvant que.
la prétention de ccluy de MaU
le , qui étoit Don Diego de
Bracanionte, ctoit mal fondée,
atteiSKiu que les Anibaflàdeurs
des Têtes Couipnaees ne iuy
b 'Espagne. i7>
dontioienc pas même la main
chez eux. Apres quelques inf-
tances de fa parc , Ton Carofle
fe retira: ilelt le premier Am-
bafladeur de Malte qui s'étoît
mis dans l'efprit de vouloir céc
Jbonneur.
Don Rodrigo de Silva dô
Mendoza, Duc de Paflrane Se
derinfantado, ayant été nom-
mépar le Roy pour aller Am-
bàfladeur extraordinaire en
France , & pour porter à Made-
moifelle les prélens de Maria-
ge, fut auffi-tôt à Tolède re-
cevoir les ordres de la Reyne-
Mère/ & étaiit de retour à Ma-
drid, il en^ partit avec douze Pod
tiHoiîs & fix Trompettes vêtus
de Veloursverr en broderie d or;
il avoir auffi des Gentilhommes
i£ des Pages, & Tes frères Don
Jpfeph & Don Gafpar de Silv^i
H V j
iSo M£M. DE LA COUK
étoicnt du voyage. Dona Ca-
tarinadeMendoza fa mère luy
donna vingt mille piltoUes ^ éç
cinq mille à chacun de Tes fre«-
re$. Il vient de père en fils de
^uy Gomes Prince d'Eboly,qui
fut fait Duc de Paflrane par le
RoyPtilippe II. auprès de qui
il tcnoit le rang de Prlvadû 5 c*elt
à dire, de principal Favory ; ôc
fa femme, dont la beauté a tanc
fait de bruit , celuy de Maître^-
fe. Le Koy nomma pour Da-
me d'Honneur de la Reync>
la Marquife de Monare , la
Marquife dcl Frefno, la Com-
tcfle de Santorcas, laComteflc
Dayala , & la Marquife de CaC.
trafortCj & pour Filles d'Hon-
neur > les filles des Duchcfles
de Sefla & de Frias, celles de
la Marquife d'Alcaniza, de la
Çomteue de YiUambrofa , de la
d'Espagne. - i8t
Marquife de Villa-Franca>, de
la Marquile de Caraccaa , de
la Marquife de Villa -Manri-
quezj celles des ûuc^ d'Hijac
&ûaibe, des Comtes de Pare*
des & d'Ârcos i les fœurs da
Duc de Veraguas & du. Max*
quisdeGodar, les filles du Ouç
d'Hijar & de Paltrane dévoient,
être Menines ou petites Filles
d'Honneur: elles n'ont pas dix
ans> & ce font les plu&i^elles fiU
les que j'aye veuëseaEfpagne.
Dona Laura de Alarçon fut
nommée pour Gouvernante des
ipilles d'Honneur y les fils da
JMarquis de ViUa* Manriqucz
& du Comte de Saint Eltienne
pour être Menins de la Kejr^jae >
le Marquis d'Àftorgas Mayor-^ '
dôme MayoF y la DucheUe de
Terra-Nova Camarera Mayot
ëcUjeuneKeyne. Toutes ce»
lîi Mem. de la Couft
Dames allèrent à Tolède prcni»
dre congé de la Reyne-Merc,
& à leur retour elles defcèndi-
rent droit au Palais & elles fe
mirent en pofTeffion des Cham«
bres qui leur étoient delfcinëcs.
Le Rov fit prcfent à chacune
dtfs Filles d'Honneur de mille '
piitoUes pou rieur voyage, avee
une penfion de mille ducats.
Il donna le titre de Grand à
Don François Marie Spino-^
la, Gentilliomme Génois» Duo
de S.Pierre, &^cndre du Mar-
quis de los Balbazcz : c'eit ui>
jeune Seigneur très-bien- fait*
Dans le même tems le Comte de
Talara apporta au Roy la dc-
miffion de fa Charge de premier
Ecuyer, Taverfionqui ell en-
tre TAmirame deCattille & luy
Tcmpêchant de vouloir fervir
f<ms^ ies ordres i Se comme il Iq
dTspagnb. l^
vie rappelé de Ton exil > il aima
mieux quitter la Cour.
On y reçût un Courier de
Cadiz le zi. d'Aouit^qui apor«-
coit la nouvelle de l'arrivée des
Galions 9 riches de trente mil*-
Ëons : mais il y çn. avoit plus
de la moitié qui appartenoic
aux Marchands^ On avoit gran-
de envie de prendre tout pour
fûbvenir aux frais du Maria-
ge , & à bien d'autres dépeivfes:
cependant après de longues ré*
flexions 9 le Confeil ayant con-^
fidéré que cette démarche ruî-
neroit le Commerce > l'on ne
^aflà pas plus outre;
Les Miniibes &: les Grandis
allèrent compiknenter le Roy
)c jour de (aint Louis ^ parce
que c'étoit la Fése de la^ jeune
Reyne : il les reçût avec un air
plufi'rkm qu^ ibaordinaircj^
284 M EM. D E L A Co U R
premières Chartres de la Cou-
ronne ; ils ctoient Conf'cillcrs
d'htat, Sclciirnieritclcsdiftin-
îiiioic cîialement : mais rien n'é-
toit plus oppofé que ces deux
Seigneurs le Tétoientrun Tau-
tre 5 un mouvement de haine^
cju'ilsn a voient pu reprimer, 8c
qu'ils avoicnt témoigne en mil-
le rencontres, augmcntoit leur
commune émulations leurs liu-
meurs fie leurs manières ctoient
aufli contraires que la nuit ïcll
au jour. Mufieurs de leurs amis
communs avoient eflâyc de les
réunir, &. leurs loins s'etoient
toujours' trouve/ inutils 3 ils
coiivenoicnt eux -mêmes que
s'ils avoient agi de concert, ils
fefcroient rendus de bons offi-
ces réciproques , qui auroienc
poud'é plus loin leur fortune.
C'ctoit aulli une des rai ions que
d'Esï^agni. 185
nouveaucé nacommodoic guc«
re de gens : mais les Ducs de
Medina.Celi,d'Oflrone. &d'Al-
be, le Nonce duFape ScTAm-
balTadeurde Venife Tayancécé
voir, ils acceptèrent le règle*
xnenc qu'il venoit d'établir i
ce que firent aufli quelques au-
tres 4 leur exemple.
L'on fçavoit a Madrid que
nôtre Roy devoit jurer la Faix
à Fontainebleau le dernier jour
d'Aouft: aind le Roy d'Efpa*
gne Te rendit le même jour lur
les quatre heures après midy
dans leQrand Salon doré duPa-
laiS) pour faire de (on côté cette
' Cérémonie. Le Marquis de Vi»
lars vint au Palais , où il fut
reçu par le Condudeur des
AmbaiTadeurs > le Conuétable
de Caltille fuivy de tous les
Mayorfdomes le re^eut a la
tZâ M £ M. D E L A C Ô U R'
porte de la première Salle i iE
encra ver fa plufieurS) toutes plus^
magnifiques les unes que les
autres,&: tendues des plus belles
Tapifl'eries du monde jl y avoit
au bouc du Salon une Eftrade .
couverte d'un tapis de Ferpeit
fonds d'or : on y montoît par
trois degrex 5 le Trône du Royî^.
ctoic pofé defilis , tour brodé
de grofles Perles & de 'Frerjrc-
rics d'un éclat & d'une beau j
té admirable. Le Cardinal Por*
tocarero étoit afiis dans un Fau-
teuil, le Connétable deCaltiU
le fur un Tabourets nôtre Am-
bafTadèur fé plaça fur un Banc>
les Grands ctoienc fur un au«
tre Banc ; le Patriarche des
Indes demeura debout 3 - le
Roy arriva fui vy des Grands j
il s'aflit > Se ceux qui durent
s'aiTeoir & fe couvrir , le fircar^
Dom Pedro Coloma, Secrétaire
d'£cat>lûc tout haut le pouvoir
que nôtre Roy avoic envoyé
au Marquis de Vilars pour zC-
ûiïcr de fa part à cette Céré^
xnonic : On apporta devant le
Roy une petite table d'Argent^
fur laquelle on pofa le Cruci-
fix ) & le Livre des Evangiles :
Le Roy fe mit à genoux » &
avança la main droite fur le
Livre pendant que le Cardinal
lifoit tout haut le Serment que
le Roy faifoit de garder la Paix
avec la France. Des que cela
futfiny» TAmbaffadeur s'ap«.
procha > & fît un compliment
au Roy > qui y répondit rue»*
cintement, (elon fa coutume, Se
rentra afTcz v2te dans Ton Ap-*
partemenr.
Toute la Cour ctoit remplie
de joye : on fît une Maicar^de
i88 Mjem. DE LA Coun
à cheval dans la grande Place
du Palais 5 elle écoic divifcccn
deux quadrilles pour courre
Tune contre Taucre. LeTrincc
Alexandre Farnaifc, Frcrcdu
Duc de Parme , en conduifbic
une , Se le Duc de Médina de
ias Torres conduifoic l'autre:
le Roy nomma le Connétable
de Cailille & le Duc de Me-
dina^-Celi pour Juges de la
Cource.
Le Marquis Défiât écoit ar^^
rivé à Madrid de la parc
de Monfkur > pour faire des
Complimcns au Koy d'Ëipa-*
gne. Il en fut reçu tres-agrea*^
felement i & en nomme de Ion
mérite : il alla falûerlaReyne*
Alereà Toledc&rcpartitauffi-
tôt. Dés Icj. Aouft ilétoitar-
rivé un Courrier du Marquis
de loz-Balbazeï > qui avoic ap«
d'Espagne^ 189
porté la nouvelle que le Ma*
riage du Roy avec Mademoi-
felle s*écoic fait à Fontaine^
bleau : c eit ce qui donna lieu
aux Courcesde Mafques que
i'on fie y & aux feux que Ton
alluma pendant trois jours*
L'allegrefle puplique ne pou*
voit diminuer dans le cœur
de Don Juan les fujets de dé-
filaifir qui Taccabloicnt ; c'eii:
a vérité que 1 abatemenc de fou
efprit altéra beaucoup fa fan té.
Il ne fçavoit quel party pren-*
dre > il avoic trop décourage
pour céder à ics ennemis > &
Ton crédit étoit devenu trop
foible pour leur réfîlier. Dani
cet état violent) il comprit bien
qu'il n auroic pas la force de fi>Û4
tenir tout le poids de fes affilé
£bionS) & qu'enfin il lu y encoû*
teroit la vie : mais les grands
TJO M E M. D E L A C O U IL
Hommes ne la regrettent guère
quand ils font devenus Je jouer
de la fortune 3 ainfî il attendait
ce jour là avec une fermeté he*
roïcjuei la fièvre tierce luy avoit
repris i &le 7. Septembre il fe
trouva il mal, que les Médecins
furent dire au Koy qu'il n'y a-
voit guère d'efperance. A cette
nouvelle Sa M ajeltè pleura y &
témoigna une fenfible douleur.
Elle chargea le Cardinal Porto-
carero de luy aller apprendre
Vcxtremité où il étoit 5 il en pa-
rut peu émù,& fc prépara à la
mort en bon Ghrccien , & en
Fhilofophe. C*etoit luy qui con-
foloit tous {es Amis avec une
prcfcnce d'clprit merveilleufe^
L'pn a toujours àjfz» vécu^ leur
difoit-il> lors que Ion mturt fani
4Voir rien à fi ref rocher , /r dis dm
(£0$é de rMonmur: cardeceluj de
V
d'£ s p a C N £• I^
-mpn devoir a l gard de Dieu y jt
n^y que trop mamjui, (jt le $€ms
-de md pePfHence ne pourroii iirt
Ajflx, long. 11 reçût le V laciquc»
j& le Koy encroic à cous mo-. ^
-mens dans fa chambre bi luy ce-
fnoignoic beaucoup d amiii^; , fe
^l^ignanc cendreaienc de ce
^qu'il le vouloic abandonner dâs
: un cems où Tes foins luy écoienc
il neccilaires. Il fie Ton Telta-
xnenC) par lequel il faifoit le
Koy Ton hericier> &: laiiTjic pred
que toutes iesPierrcries à la jeu«
4ie Keyneôcala Kcyne-^Mcrej
il nommor pour Exécuteurs cef'
tamencaires le Cardinal Porto*
xarero, le Duc de Medina-Celi,
Je Ouc Dalbc &le Prefident de
rCaltiUe. Il donna ordre auilî .,
oue des qu'il leroit mort> on pa£
./ia.c un Cabinet reinpli de Pa-
piers qui ctoient de cres-^^rande
IJX MeM. D E L A OOUH
imporrance, de (on App^ncmêt
dans ccluy du Roy. Ùa^trem'u
té de ce Prince empécba qu«
Ton ne fît les réjoui âànces pu*
bliques qui avoient ctc rcfo-
lucS) & particulièrement une
Fête de Taureaux : mais cJIc
n empêcha pas que Ion ne fift
de fort beaux Feux d'Artifices
dans la Coure du Pala>s:ii iefou-
haita luy-même, bien quilcûï
un furieux mai de tête, qui pour
voie bien augmenter par le bruit
des Boettes & des Fufces. Ce*
pendant les Médecins, qui ne
connoifI(>ient rien à la profonde
mélancolie dont il ctoit accablé>
traitoient fon corps d'une mala«-
die qui ctoit dans fon efprit , &
ils luy firent foufFrirune efpecc
de martyre par les divers tour*
mens qu'il endura. Enfin , ce
pauvre Prince mourut le 17.
Septembre
Septembre 167^. à pareil jour ]
que Ihilippe I V. fon père. Il
êcoic né en 161^. & doué de
mille belles quaUtez. Peu de
tems après fa naiflance > fa mère
leçùt l'habic de Rdigieufe des
mains du Pape Innocent X. qui
étoic alors Nonce du Pape au*
près du Roy Philippe IV. L'ac*
tion qu'elle fie en le retirant da
Monde > la joftifia fort de plu^
fieurs foupçons que ion avott
formé contre (a conduite. Le
Roy ne le reconnût qu'en 1 é 42.
U eut le Grand Prieuré de Caf.
^ tUlc de Malte > il fut envoyé
^^ contre les Portugais avec le 1 i-
^ tre de Generaliflime des Ar-
mées de Terre & de Mer 5 il
^ fournit enfuite la Ville deNa-
^ * pies , & (c rendit en f'iandres
^ pour commander les Troupes. II
etoit Gouverneur des Pais*
1. Part. 1
154 Me M. DE LABOUR.
fias , de Bourgogne > & du Cha^
rolois s mais il revint dé là pour
marcher encore concre les Por--
tugais. Apres la mort du Roy
ion Père > il paiTa du cems > com«
me je lay déjà die , à Confue^
gra, féjour ordinaire du Grand
Prieur de Caltille i & le Roy
écâcMajeur,il le rappella auprès
deluy.OnportafonCorps le lo.
àrEfcurial: ily fut mis proche
du Pantheon>c'eitainn que l'on
nomme le lieu où Ton met les
Corps des Roys d'Efpagnc 5 &
ceux des Princes & Princcfles
de la Maifon Royale, font pla-
ccz dans une Cave qui n'en eil
pas éloignée: car on ne met pas
même les Corps des Rcyncs
d'ETpagnedansle Panthéon, a
moins qu elles n'aycnt eu des
enfans.Ilavoitune fîlleadmira-
blement bdle > qu'il avoit eue
d'une perfonne de grande qua-
lité: elle ell Keligicufc aux Car-
mclitesde^adrid, que Ton ap^
pelle Us Defcalfas Medles.
La première démarche que
fit le Roy , après la mort de Doh
Juan , ce fut d'aller trouver la
Kcyne fa mère. Il partit le mê-
me jour de Madrid 3 il coucha
en chemin à Aranjues , & fe
rendit le lendemain à Tolède,
La fileyne le reçût avec de
grands témoignages de tendref^
fei ils mclercfit leurs larmes en
s'embraffant plu fleurs fois 5 ils
dînèrent enlcmble & s'entretin*
rent alïez long -temps en parti-
culier. Ceux qui avoient ac-
compagné le Roy,baiferent tous
la main de la Rey ne. Il la quit-
ta enfuite après être convenus
du jour qu'elle reviendroit à
Madrid. Il eil aifé de croire
15^ M £ M. DE LA C O U K
qu elle employa peu de ceoù
pour fe préparer à un voyage
qui luy écoit fi agréable. Le
Roy partit de Madrid le 27. il
fut encore coucher à Aranjue$»
& le lendemain il s'avança au
devant de la Reyne fur le çhon
min de Tolède 5 lors qu'il l'eut
{'ointe, il la pria de monter feu-^
e dans Ton CaroiTe pour l'entre-
tenir fans témoins > & il la mena
au Buen*RetirO) c'efl: une Mai*
fon Royalle fituée à l'extrémité
de la Ville. Elle y re(la quelque
tems, parce qu'on luy accom«
modoitlamaifonduDucDuze-
da, qu'elle a voit choifie pour fa
demeure ; car le Palais n'étoic
pasaûTez fpacieux pour loger les
deux.Reynes. 11 l'eroit difficile
dédire le nombre de Pcrfonnes
de Qo^alité , & la quantité de
Peuple qui accompagnèrent
»*E s ï A G N E. ipy
leurs Majcftez à leur arrivée:
maisauflî le changement de for-
tune étoit grand pour la Reyne^
Mcrc. La joyc paroifibic uni-
verfellemenc répandue dans
cette même Ville, où deux ans
aupîtravant on avoit vu cntref
Don Juan comme le Libérateur
delaiatrie, & la Rey ne en for-
tir comme une Fugitive char-
gée de la haine publique. Le
Roy y demeura jufqu'au foir >
iinefepaflaguére de jours juf-
qu'àceluy de fon départ^ pour
aller au devant de la Reyne »
qu il ne mangeât avec elle > &
qu il n^ parsât^uo-tres. long-
tcms. '
Toute la Maifon de la nou-
velle R eyne étoit fur le point de
{>aftir pour aller au devant d'el-
c 5 la Ducheflc de Terra-Now
va faifoit de grands aprêts : S&
1 in
1^8 Me M. DE LA COUK
comme chacun la regardoit 2^
vec quelque force d envie dans
un Polte fi avantageux > &: que
Don Juan, qui étoicfon Protcc*
teur , venoic de mourir > on crtkc
qu elle n'auroic pas la force de
s'y foûcenir touce feule. Mai&
elle y avoic prévu , en prenanc
pofie filon de J' Appartement da
Palais, dont il n'étoic pas fi aifé
de la chafièr,qu'il Teûc été avanc
qu elle y fût venu demeurer^
Elle partit le z6. Septembre avec
le Marquis d'Aftorgas, & toute
krMailon de la Rcyne , excepté
le Duc Doflbne, dont l'Equipa-
ge n avoic p,a «re. ptot à caufe
qu'il y avoic peu qu il ctoic re-
venu de fon exil.
Maisavancque de continuer
ces Mémoires , il ne me fcmblc
pas hors de propos de dire quel-
que chofe d'une partie des Sci-
D*ES PAGNE, J^p
gncurs qui compofoient la Cour
dans le temps que j'y étois. Je
m'arréteray particulièrement à
ceux qui entroient dans le Coti-
feil d'Etat : on fera bien aifede
connoitre des Perfonnes donc
on verra fouvent le nom. Je ne
parleray pas icy ni du Duc de
Mcdina^Ccli , ni du Connêtar-
ble de Caitille, ayant occafîoii
d'en parler ailleurs: je ne pré-
tend pas même nommer dans
-leur ordre & félon leur rang
ceux-cy> je les mettray félon
qu'ils viendront les premiers
à ma mémoire , & je commence-
ray par
Le Duc Dalve ou Dalbe de
la Maifon de Tolède 5 il avoic
de grandes Terres & beaucoup
de revenu , fans être aifé dans
fes affaires j il jouïfToit de grof-
fcs penfîons & de plufieurs
I iijj
%oo Mxm./de la Cour
biens-faics de la Cour. Il étoit
homme d'efprit, fon civil &fon
obligeant î il avoit tcmoigné
peu d'accachement poiîr la Rey«t
nc-Merç i il ctoit âge de 67
ans.
Don Pcdrod'Arcagon). avoi^
ccé connu, autrefois fous. le nom
de Marquis de Pobar; étant Ge-
iiieral de la Cavalerie , il tachlsi
de recourir Perpignan : mais ii
fut pris, &; reita prifonnier ea-
tre les mains des François. A
fon retour à Madrid , le Roy le
fit Gouverneur du Prince Don
BahazarfonfUs, lequel mourut
pour s'être trop cchaufFc & afc-
voir été enfuite faigné mal à
{propos > le Roy outré de doa-
eur s'en prit à Don Pedro d' Ar:*
ragon,Sc il l'exila. Lors que ie
Roy fut mort, la Reyne Regeii-
tç le rappelât > &c elle l'envoya
?.
d'Espagne* loi
AmbaflTadeur à Rotncj il eue
après la Vice- Royauté de Na-
ples 9 ou félon la coutume» il
amaila decres-grands biens i ce
ui eft furprenanc» c'eil qu'il
es fçuc garder : car ce n'eft
point le génie de la Nation > il
avoityyans.
UAmirante de Caftillede la
Maifon d'Henriquer, (ortie Bâ-
tarde des Kois de Caftille, étoic
un grand Seigneur» & Thomme
le mieux fait que Ton vit à cette
Cour) fa taille étoit haute &
bienpriie» fon air grand & no*
ble» il avoit de lefprit infini^»
ment $ toutes les manières ga*
lantes & ailées j il étoit incon-
folable d'avoir déjà 5 8 ans. U
faifbic avec facilité de tref-
beaux Vers» & il s!en occupoit
plus que de fes affaires domef*
wuçà i il. étoic néiibertin & v<h
*Ot M E J!^, D E L A C OU R
Ibntaire, & vivoit ce qui, s'ap-.
pelle pour Itiy , ne pouvant s at-
tacher à faire régulièrement fa
Cour , ni au Roy , ni au premier
•Miniltrei il écoicperfuadc que
tout ce qui contraint ne peut
être côpcnfè par les plus grands
biens de la fortune. Il fe com-
muniquoitàpeu de pcrfonnes,
foit qu'il eut le goût trop bon
pour s'accommoder de tout le
monde, ou qu'il aimât la folitu-
de que luy fourniflbit le plus dé-
licieux Jardin & la plus belle
Maifon de Madrid. Il avoit tou-
jours avec luyquelqucsMaîtreC-
fes, pour lefquelles il fc ruïnoit f,
il ctoit Grand Efcuyer du Roy.
Le Marquis d'Altorgas de la
Maifon ci'Ozorioj avoit été un.
des hommes du monde le plus
galant , & malgré 68 ans qui
raccabloient , il l'ctoit cncofC*.
d'Espagne. 10^3
Son efprit étoit tres-rcjouïffànt,
il parloir fort bien & fort jultc
de toutes c ho fcs. Il ctoit Grand-
Maîtredela Maifon delà jeune
Rcyne) fa femme ayant pris une
implacable jaloufie contre une
fille admirablement belle qu'^1
aimoit , elle fut chez elle bien
accompagnée, elle la tua» elle
luy arracha le cœur, & le fit ac*-
commoder en ragoût 5 lors oue
fon Mary en eut mangc,elle luy
demanda fi cela luy fcmbloit
bon , il dit qu oiiy. je n'en fuis
pas furprife, dit -elle , c'efl le
fcœurdc la Maîtreffe que tu a$
tant aimé, & aufii-côt elle tira
fa tête toute fanglante qu'elle
avoir cachée fous fon Garde-'
kifant, & elle la roula fur la ta-
ble où il edoir affis avec plu-
iiours de fes amis : il cil aiié
de^jugei: de ce qull devine k
I vj
1P^4 MeM. DJE LA CdliR
cecce funcftc yûë> elle i'cfauy^
va dans un Convcnc où die
devint foUç.dc rage & de. jaloi»^
fie, &dle n'en forcit plus, L'a&
fliaiondu Marquis ftjtfîgran^.
dc> qu il pcnfa tomber dan^rê
dçfcfpoir^ Il ctoitpuii&jiï/nçn*
riche.
Le Prince de Stillano-de la
Maifon deGurman)Due de Me«
dina de las-Torres , avoit dei
Tefprit) & s'il avoit eu plus d*cx? ;
periencç, il n'auroit auùrément
pas manqué de capacité ; mais il .
n'ctoit jamais, forti deMadrid>.
& il y menoijt cettç vie molle
&oifive qui ne. conduit àjien^.
& quidctournç de.bçaucoup;dQ
bonne chofes.. Il dçmeyroit à
la f loride aux portes de Madridj^
où il y a des Jardins charAians.i
Il épit là dans une fî grande iQ«.
dolcAce^ q^u 'il ne. youloit ai rc-;.
€€voir ni rendre des Vifitcsj il
pienfait peu à fe ménager des
a^taiiC^ges dit: côté de la Cour.
H avoic de trcstgrands biens , U
iU^e laifloic pas d'être fore in-
éoitimbdé » parce qu'il n'y mec*
coif 'aucun ordre. Quand il fc
XBariaàiafilleduDucDalbe,. il
fijrfaireà fa f«mme une Chaife à
porteurs. toute jcouvcrcc delà-
xâes d'or Se garnie de Corail i
nuis lors qa'ellc. fut achevée^
peribrïne ne fe trouva a0e2 fort
pour la porter. Il ctoit âgé de
4^ .aMis-jjl avoit un grand atta-*
càement.pQur la Reyne-Mere.
r Le Duc Dpflbne.de U Mai->
fbtt de Girony avoit de bonnes
&<lc méchantes qualitez; qui le
diiÏLii:iguaieQt égalemeot. Il aU
moicfes amis avec paflîon > il les
ier^^oiè Vblontior^de fon crédit
& ct& £i boojrfe j il étoit fort U«
ao^ Mem.pe LAConit
beral; iladoroit les Dames, âL
il n'cpargnoit rien pour leur
plaire i il étoiç irréconciliable:
eonemy, & il avoit avec cela une
prévention pour luy^mêmc,
une fier ce , ^èi une hauteur in-»
fupportable à tout le monde^
Sonefprit ne laiiToit pas d'être
fortdiveniflànt , lors qu'il quit*
toit (es airs de Grandeur & dç
Rodôaiontade. 11 avoit de la.
fermeté > & toujours quelque
querelle, foit à la Cour, foie à
la Ville. Ilétoitun des plus ri-
ches Seigneurs d'Elpagne. Il
pouvoJt avoir 45? ans. 11 avoit
été Vice- Koy de Catalogne ,
Gouverneur de Milan , Prefi-
dent des Ordres $ & il étoit
Grand £cuyer de la jeune
Reyne.
Le Comte de Chinchon s*ap-
pcUo'c autrefois Marquis, dd
D*Es PAGNE. îX^y-
Bayonna 5 il avoit été General
des Galères d'Efpagnc: cctoit
un fort brave homme 5 il n'ecoic
pas riche, & ne fefbucioic point
dcTctre II avoit éo ans.
Don Vincente Gonzaga Prin-
ce de Guaitaila , n'étoit point
marié 5 il avoit beaucoup d cC
prit & de politeflc. Il fut amené
tres-jeune à la Cour d'Efpagne :
il s etoît vu dans les plus beaux
Poltes y & s'en étoit toujours
bien acquitté > il avoit eu les
Vices-Roy autez de Catalogne
£^de Sicile 5 & comme il étoic
homme de bien > Don Juan le fit
revenir à Madrid pour luy don-
ner place dans le Confeii. Il
avoit 74 ans.
Don Louis Portocarcro, Car-
dinal & A rchevcqiie de Tolè-
de, pofledoi tics plus grandsBe^
iicâccs d'Ëfpagiie : auffi étoit^
iqS Me M; de LAiC^aH
il puiflamenc ricke» &roaÂi^
cliévêché feul lay valoir trois
cens foixante mille.écusde ren-t
ce. Il faifoicduhieaà beaucoup
de monde i il écoit obligeant t
civil ).d'im efpric aifé , & fore
honête homme>.il paavoic avois
5* ans. .
Le Marquis de Liche»^ qui
pource le nom de Haro-Gurman^
a voie deuxQqalitezaiTezoppa*
fées > il écoit libéral & avare i
il portdic la. Magnificence juf-
ques àTexcez pour tout ce qui
paroi flbit, & pour fes Maîcref-
les. Cependant il ménageoic
quelquefois fort mal à propos »
& fur des chofes qui luy fai«»
foient tort. Il avoit la mine baf-
fe ^:& îl étoit laid : mais ilavoic
tout l'elpric, toute la pénétra-
tion > & la vivacité poiSble. U
étoic un très-grand Sisigneur^
plein d'ambition » & (i naturcL-
îemcnc entreprenant» qu on le
craignoit i la Cour > & qu'on
le tenoit toiijours éloigné > il
étoit Âmbaiudeur à Rome;
ig^de4i.an5.
Lé Comte de Monterey étoile
£rere du Marquis de Liche >
plus engageant dans toutes Tes
manières & pas moins ambi-
tieux ; mais plus^fage y. & plus
modéré) ^dant» libéral , fpiri-
tnd i il a?oic de rexperiencc>
& 1 on étoit content de. fa con-
duite dans i'qn ticmverncmenc
de Flandres. il-fi'avcHt pas 40
ans. On remarquoit qu'il étott
bien fait » 8c que fa Femmp
éxoit tres-laidci que le Mar-
quis de Liche étoit fon Uid;^
& fa Femme trcs-hdïc.
I^c Marquis de los. Balbazei
Génois } de la Maifoa Spinok»
tiO M £ M. DE L A C O U R;
«oie extrêmement riche j on
Juy reprochoit avec jutticc de
tomber dans l'excez de L'œcoi-
nomie. Il avoit éppufé la fceur
du Connétable Colonna : la
groflcur &c la figure de cette
Dame écoit fînguliere. On ne
pouvoit dirGonvenir,qu il n'eût
de la capacité & du zèle pour
le fervice de. ion Maître : il a-
voit été Gouverneur de Milan»
& enfui teÂmba&deur à Viea-
ne ôcen France, & Plénipoten-
tiaire àNimcgue,il avoit 5oans.
Don Diego Sarmicnto, ctoit
de Galice 5 fa naifTance n ëtoit
pas illuitre. La Reyne-Merelc
protegoiti elle luy procura une
Place de Confeiiler d'Etat,
parce qu'il étoit tout à elle 5 il
avoit de la capacité > & beau-
coup de prudcncc:on luy don-
jnoic.58.ans. .
D*E s PAGNE. ^ llf
LeDucdc Villa-Hermofa, de
la Maifon de Borgia, avoic aug^--
mente fon Bien pendant (on fé-
jourcn Flandres ^ dont ilavoit
été Gouverneurj il pafToit pour
ayoirdelaBravoure^ le carac*
cere de refprit doux> & pleia
de bonté i il n'écoit pas fort rU
ehe, & pouvoit avoir 50 ans.
Don Melchior Navarra,de«
Yoic (on élévation à fa bonne
Fortune , & à la &ey ne-Mere >
û avoic efEcdivemencdu méri-
te & du fçavoir > il étoit dti
Confeîl Royal : il partit ctk
lé 80.^ pour la Vice- Royauté du
Pérou , on luy donnoit 50 ans.
Le Marquis de los Vclcz,
étoit Fils de la MLarquife de los
yclcz,qui avoit été Gouver-
nante du Roy : il avoit époufé
une Sœur de la Duchefit de
Mcdina-Celi i il étoit Yice-^
2IZ Mem^ de l a Gouh
Roy de Naplcs,ils'y faifoitaî-*
mer par (es bonnes Qualicez ; il
ctoic fort riche, 8c encore plus^
galant , il n'a^voit que trente
ans..
Le Comte Doropefa, qui por-
te le nom de Tolède conjoint'
tement avec celuy de Portugal ,-
étoir jeune ^ n'ayant que 30-
ans I d'unetaille un peu au de{^
fous de la médiocre > d'ailleurs,
bien fait de fa perfonne , & d'un
vifage riant & agréable , Tair
doux 9 la converfation infi-
nuante.i ouvert en apparence»
mais en efièt tres-fecret & ca^^
ché, ne difant jamais les cho^
fes comme il les penfe , ne fon-
geant ordinairement qu'à trô-
per , & à amufcr. Il faignoic
d'être dévot i .& fous les appa-
rences d'un grand dcfinterref-
femcnt > il cachoit une grande
.îD*E s PAG NI. 213
ambition , à quoy auffi il pou-
voie être excite par ùl haute
NaifTances il.etoit de la Mai-
fon de Portugal, & héritier pré-
ibmptif de ce Royaume-là , fi
le R.oy n'avoit point eu d'en-
fant. Le Roy d'Efpagne l'ai-
moit déjà beaucoup i 8c cette a-
mitié s'étant augmentée avec
le cems, il eft devenu Favory &
premier Miniftre.
Le Marquis de Manfera eût
l-AmbafTade d'Allemagne 5 on
l'envoya enfuite Vice-Roy de
la nouvelle Eipagnes il s y enri-
chit & revint à Madrid. Sa fan*
té étoit fi mauvaife » qu'il ne
pouvoit remplir les Premières
PJacçs dans le Gouvernemens»
dont il étoit d'ailleurs fort ca-
pable par fi>n expérience &par
fon elprit 3 il a voit 59 ans.
LeDucDalburquerque étoic.
*14MeM. DE LA<^OUR ^
General de la Mer: ilétoitbra->
ve>& il ne œanquoic pas d'ef-
pric 5 il avoit époufé la Fille
de Ion frère Aînp pour confer^-
Ter le nom de fa Mairon^qui
écoit de la Cueva>& cres^ao»
cicnnei il pouvoic avoir quaraa^
huit ans.
Don Juan Geronimo d'E-
guya> étoit né à Gefne : mais
là iramille écoic de Navarre i
fon Père avoic été Gentilhom-
me du Duc de Turcis, Le jeu*
ne d'Eguya étoic bien fait &
agréable,' il avoit de 1 cfprit 3 il
entra en qualité de Page chex
Don Pedroternandez delCam-
po, Secrétaire d'Etat: Ion Maî-
tre rain]oit,&:ille fît fon pre-
mier Commis 3 il monta enfui-
te à un Secrétariat 3 &c enfin
Don Pedro dcl Campo n'étant
pas agréable à Valenzuela>
d'Eguya fuc choifi pour exercer
fa Charge par Commiflîon: mats
au bouc de quelque tems > il
eût le bonheur d'en être pour-
vu en cicre , parce que celuy à
qui eUe ecoit > mourut de cha-
grin de ne l'exercer plus. Le
Roy raimoicfort^&ilfecondui-
foit auprès de luy avec la der-
nière adreâbj (on Bureau ëcoic
au defibus de l'Âppartemenc du
Roy : on le nommoit Secrecai-
re d'Etat, & del Dtffâcho Vni^
^irfâly'iX n avoir point d entrée
dans leConfeil : laCharge l'at-
tachoitdiredement à ial erfon-
du Roy & du Premiqr Mini*
ftre y il gardoit te Bâl/lU , fans
être oUigé d en rendre com-
pte : ce font dzs amandes qui
reviennent auRoy,tant del'Éf-
pagne , que des Indes ; elles
montent à de très-grandes fom-
srtf M £ M. D £ L A C O U H
mci^y & elles font employêcsi
des cbofes fecretes 9 foie en prG« "]
fen5> ou en penfions.
Toutes les perfonnes > dont je
viens de parler9 étoient fort dif«>
tinguces » & pofTedoient les
premières Charges > Scies plus,
grands Emplois.
Il y avoic une autre Claflc
de CourtifanS) qui n étoit com«f
pofée que de jeunes Seigneurs
que l'on nommoitCua^Sy com-
me nous appelions en France
les petits Maîtres. On compcoit
encre ceux-là> pour les plus fpi-
rituels Se les mieux faitsj le Duc
Duzcda ,1e Marquis de Peria-
randa^le Comte Daltamire,lc
Fils du Duc deCefl'a,le Prin-
ce de Montoleon, Don Anto-
nio, &: Don Franciico de To^
ledc , lils du Duc Dalbe, &
Don Fernand de Tolède foa
Neveu»
D^E^ PAGNE. iiy
Neveu , les deux Silva Frères
du Du€<ic Paltranc , le Mar-
quis de Ley va,le Duc de Medi-
xiâ-Sidonia,IeMarquisdeQuin-
tana^&leFils du Duc de Mé-
dina -Celî. Bien que le plus
vieux de ces Seigneurs n'eût
pas 25 ans > il y en avoir trcs-
peu qui ne fufïenc mariez: car
on les engage dans THimen
de tres-bonnc heure.
A 1 égard des Dames, je di-
ray en général qu'il n*yapoint
dç lieu au monde où elles aycnc
plus d'efprit, de vivacité, &:de
talent pour plaire, qu en Efpa-
gnes entre celles- là, fans com-
pter les Filles d'honneur des
deux Reynes , on remarquoic
pour Tefprit, les Duchefles Dal-
biilquerque, de Terra Nova,
Doflbncde Frias, deMcdina.
Gcli, d^Hijar, de Paftranc,&: les
I. Part. K
&i8 Mem. D £ L A Cour
Comteffes de Montcrcy & de
Villambrofa 5 pour la beauté ,1a
Marquife deLiche,laPriûccfle
de Monceleon , la Marquife de
laRofe,la Comtefle dePeiiaran^
da, la Princeflede Stillano,Ia
Ducheflè d'Ofleda , la femme
de Don Pedro d'Arragon, celle
de Don Henrique Henriquesy
& la Marquife de la Pue-
bla 5 la contrainte où elles vi-
vent , le climat du Païs , & leur
propre temperamment les por*
tent aJÛTez volontiers à la galan-
terie: elles font prefque toutes
petites , extrêmement maigres
& menues 3 elles ont la peau
^oire , douce , & fardée 5 les
traits réguliers, les yeux pleins
de feux, les cheveux noirs fie
en quantité , les mains jolies »
& les pieds d'une pctiteJÛTe fur-
prenante. Leur habit leur fied
d'E s PAO ne, 1]"9
fî mal, qu'à moins d'y être fore
accoutumé , on ne les fçauroit
fouflFrir. Les hommes ne font
pas vêtus moins defavantageu-
îement : ils vont toujours à la
Cour en manteau noir , en go-
lille, en manches pendantes5 &
<quoy cju'ii yen ait de très-bien
faits,dont la tctefoit belle &: le
vifage agrêable,leur manière de
fe mettre, de (cparer leurs che-
veux fur le côté de la tête , &
de lés paflcr derrière leurs oreil-
les, les défigure abfolument.
Cette difgreffion m'a fait in-
terrompre la fuite de ces Mé-
moires 5 pour la reprendre , je
diray que Tintelligencequipa-
rdifloit entre le Roy & la Rey-
«e-Merc, attira une groiGTe Cour
à cette dernière 5 On la regar-
doit comme une Princeflè qui
alloit reprendre l'autorité qu'cU
Kij
;ilO Me M. DE LA'COUK
Je avoit déjà eue» parce que le
Roy étoit encore icune 3 qu'il
avoic bcfoin d'un xx>n Conleil «
& que fa Mère, accoutumée à
la Régence, é toi c par toutes
fortes de raifons plus capable
que perfonne de le bien con-
duire : on croyoit même quel-
le n'auroit point été fâchée
de reprendre de Gouverne-
ment ; ainfi les uns par in-
clination, & les autres parpo-
jitique,eârcyoient defe la ren*
dre favorable, afin d'entrer de
quelque chofedans le nouveau
Miniitcre qui s'alloit former,
tant par fon retour , que par
l'arrivée de la jeune Reynç.
On penfoit avec jultice, que
les affaires alloient abfolumenc
changer de face 3 chacun fon-
geoit à foy dans la conjondu-
re prefente. Ce n eit pas que
d'E s p a g h E. Ht
bien des perfonncs habiles dans
la fine politique, ne jugeaflent
que la Reyne-Mere ne vou-
droit peuc-ccrc pas tenir lcs<*
rênes de TEtac 5 il^ difoient«<
quec'ctoit toujours uncChar- ««'
ge pefantej qu'elle s' étoitac-w
Goûtumée au repos 3 qu'elle"'
avoit éprouvé tous les capri-***
GC d'une fortune bizarres*^
qu'elle apprehendoit de s'y«
voir cxpofce une féconde fois 3 ««
qu'à la vérité il y avoit de Tef- «
perance qu'elle dctourneroit"
le Roy de prendre un pre-«f
mier Miniftre 3 qu'il luy fe- «
roit aifc de luy en faire con-«
cevoir de l'averfîon ; qu'elle «
n'auroit qu'à luy faire con- «
fidérer le trifte perfonnage^^
qu'on luy faifoit faire dans le «
tems que Don Juan avoît«
de l'autorité fur luy , & ««^
Kiij
ail Me M. DE rA Cour
,^ qu'enfin elle travailleroic k
» former une Junte qu'elle rem*
jipliroic de Ces Créatures. Que
j^ ce feratt le moyen de régner,
3, fans fe rendre refponfable
>, d'aucun évenencmenc j que
fes Ordres feroient pontluel-
lemenc exécutez, & qu'il ne
jt, paroi t roi t pas même qu'elle y
„ eut part. Je dois -dire que la
Junia e(l un Confeil d'Etat ex-
traordinaire,queleRoy d'Efpa-
gnc crée pour remédier aux
befoins preflants de fon Etat:
par exemple Philippe IV. créa
par fon Tcltament une Jùnta
pour fervir deConfeilàlaRci*
ne, pendant la minorité du Roy
fon Fils.
On cherchoii; , Se Ton trou-
voit ailementles Seigneurs qui
dévoient entrer dans cette Jun^
te i la haine ou l'amitié des,gensi
d'Espagne. 223
qui faifoicnt des reflexions fur
les affaires du tems , enrichif-
foienc ou àppauvrifloient ceux
qu'ils vouloient 5 ils dônnoienc
des Charges 5 ils en ôtoient 3 ils
faifoienc des voeux inutilesiils
avoientdes craintes efFcdivesi
en un mot, tous les efprits c-
toient partagez, & les plus tran-
quilles fentoienc quelque émo-
tion pour Tavenir. MaislaRei-
ne-Merc ne marquoit aucun
cmpreflcmentjilparoiflbit qu'el-
le n'étoic occupée que du foin
de rentrer aux bonnes grâces
duRoy lbnFils,&qu elle ne fon-
geoitauffiqu'àfe les conferver^
Ce jeune Monarque étoitpaf'
fîonément amoureux rjlreflcn-
toit tout le plaifîr qui accom*
pagne des Idées agréables > &
il le flatoit de voir bien-tôt fes
cfberances remplies ; Ton Ma*
Kiiij
Xl4 M E M. D E LA- G OU R.
riagc 5 la pofleflîon d'une Pritv.
ceue qui luy écoic déjà fi che«
rc , occupoit fi fort Ion coeur >
qu il ne pouvoir penfcr à autre
chofe ; il preflbit le tems de fon
départ pour être plutôt auprès
d'elle.
L'on attendoit avec une ex-
trême impatienceleCourier qui
apportoit les nouvelles que la
Reync s'avançoit vers la Fron-
tière : Le Marquis de los Bal-
bazez écrivit exadement le
jour qu'elle devoit arriver â
Irun 3 & tant qu'elle fut furies
terres de France, la Maifondu
Roy la fervit : le Prince d'Har-
court l'accompagna en qualité
d'Ambaflkdeur extraordinaire:
la Princefl'e fa femme fit aufl[i
le voyage 5 la Maréchalle de
Clerambaut,qui étoit fa Gou-
vernante , luy fcrvoit dç Da.-
d'Espagne. 215
me d'honneur 5 Madcmoifcllc
de Grancc de Dame d'Atour,
& cette Charge luy alaiflc le
nom de Madame, au lieu de ce-
luy de Mademoifelle. L'onob-
mit rien dans toutes les Villes
où fa Majelté paflajpour l'y re-
cevoir avec tout le refpcd qui
luy étoit dû 3 & l'on peut di-
re qu'elle ajoûtoit tant décho-
ies à la Grandeur de fonRang
par fa bonté naturelle, parles
manières engageantes & civi-
Ies,quc tous les François étoienc
touchez jufques au fond du
cœur de^ voir quelle alloit s'é-
loigner pour toujours.
Une des premières perfônnes^
qui s'émancipa de parler à la
Rey ne,& de luydonner des con-
feils, ce fut un Religieux Thea»
tfn appelle le Père Vîntimiglia.
li étoit né Ctt Sicile d'une illuf-
K V
zi6 Me M. DE LA Cour
CrcMaîlbn, & frère du Comte
de l^rade, Gouverneur de Pa-
ïenne , lors que cette V illc Te ré-
volta dans les derniers trou-
blés: il fut arrête, &: Ion penfa
luy trancher la tête : il obtint
d*çtre amené à Madrid pourfe
juitifier, fonfrerele Theatiny
vint avec luy pour Taider de ion
crédit. C'etoic un homme har-
dy, entreprenant, qui s'était
tout dévoué à Don Juan 5 & loit
Zcle pour ce Prince le mena (I
loin ,. qu'il fît des Sermons ou il
parla de la Kcyne-Mere avec
très peu de re/'ped. Ce Père
étoit parti de Madrid avec le.
Duc D(^flbnc:&: bien qu'il n'eut
plus i'cfperance d^ètre Confcf-
fcurdela Reyne, cojnmeil Ta-
yoiteuë avant la mort de Don.
Juan ,*il ne laifla pas de s avan-
cer j.ufqu a JJayonne pour la la-
d'Espagne. 117
liieri fcs manières, fa naillan-
ce , & la Langue Françoifc qu'il
parloit bien , parce qu'il avoic
ccc long-tcms à Paris > luy pro-
, curèrent aflcz d'accez auprès de
cette jeune Princeflè, pour être
en état de jetter dans Ion cfpric
des foupçons 5c des ombrages
contre la Keyne fa Bclle-Mei;c>,
& contre TAmbafladeur de
France. Iln'avoitpas feulement
par cette conduite , envi^ de
nuire à ceux qui avoient été
ennemis de Don Juan 3 il avoit
un but particulier qui le rcgar-
doit perfonnellement , & dans
lequel fon ambition agifïbic
beaucoup plus que fa prudence ,
c'étoit de perfuader à laReyne
dctravailler à former une Junte
qui dépendît d'elle.. Il luy dit
qu'il falloit pour cela qu'elle y
mît leDucDoIToiiC, parce qu'il
• k vj
2i8 Mem. de la Cour
avoit une capacité côlommëc>&
beaucoup de zèle pour elle i il fe
conipcoiCjbien aum danslenôbre
des Mini(tres> Se il ne put s'em-
pêcher d'écrire un Plan deGou-
vernemenc>donc il donna le Mc«
moire au Prince d*Harcour, afin
qu'il le prcfentàt à la Reync :
mais il y a quelque apparcn».
ce qu'il ne le fit pas voir à SaMai. ■
jelté.
La Rcyne s*ctoic avancée
jufqu à Saine Jean-de-Luz , &
clic en partit à une heure après
midy le 3. de Novembre, efcor-.
tcepar les Gardes du Corps du
Roy. Elle arriva à une maifon
dci3ois que Ion avoit préparée
exprès > elle écoit peinte & do-
rée par dedans &: par dehors i il
y avoit une Salle, une Chambre
& un Cabinet meublé de Damas
Cramoify, avec des Galgns &
d'Espag^ne. 115?
une Crépine d or 6c d'argcnr.
Cette Maifonécoic (ur le bord
de la Rivière de fiidaflba> qui
. fepare la France de l'Efpagae.
Dcsquela Reyney fut arrivée,
elle s habilla magnifîquementi
elle vint enfuite dans la Salle , &
mangea un peu d'une fuperbe
Collation^Elle s'y arrêta peu , &
elle rentra dans fa Chambre f
elle monta fur r£ftrade& s'aille
dans (on Fauteuil fous un Dais.
lE lie avoit dans ce moment^U un
air de mélancolie , qui marquoic
affezfon regret d'être £ proche
de quitter la France > le Prince
d'Harcour fe mit à fa droite , la
Princelle d'Harcour à fa gau«
che, la Marëchalle de Cleram-
baut & Madame dcGrancé der-
rière fa Çhaife. Monfieuc de
Saintoc fut avertir le Marquis /
d'Altorgas , Mayordome de la
230 Me M. DE laCook
Reyne: ilécpitdansun Bateau
fur la Rivière proche d*unc pe-
tite Ifle, que le Traité des Pi-
renées a rendue célèbre : elle
étoit attachée à la Maifbndela
Reyne par un Pont de commu-
nication. Les Gardes du Corps
formoient en ce lieu plufieurs^
Elcadrons , &:le Marquis d'Af-
torgas attendoit les Ordres dans
le même Bateau qui étoit fort
magnifique,&qui dcvoit fervir â
porter SaMajelté à l'autre bord,.
Dés qu'il eut appris qu'elle
l'attendoit , il mit pied à terre :
quatre-vingt perlonncs, Gcn-
tihhommesjFages ou Valets-de-
pied marchoient devant luy..
Il lé jctta d'abord aux pieds de
la Reyne , luy bail'a la main , luy
fit un Compliment, le releva &
fc couvrit, fans attendre que la
Reyne le luy dîu Le Irioec;
dT s FACN E. lit
d'Hircotir fe couvntauifidans
le même cem$« Le Marquis luy
parla coiiljours en Efpagnol^ U
préfenca à Sa Ma jeite deuxLec^
très de la parc du Roy & de la
Keynefamere: mais avant que
de les donner ) il les fii coucher
à (on fronc , à Tes yeux , à fa bou*
che ôcâ Ton cœur» comme c'effc
Tufage. La Reyne luy die qu'-
elle ccoic bien-aife que le Roy
fon Seigneur, reùc chargé du
foin de la conduire. Le vieux
Marquis le courna enfuice vers
le Prince d'Harcour, & luy fit
un Compliment, auquel celuy'^
cy répondit qu'il avoîc ordre du'
Roy de remettre la Reyne à'EÙ
pagne entre Tes mains, Mon-
iieur de Château- neuf, Con«
feiller au Parlement de Paris $
lut en F ançoîs TAAe de Déli-
vrance ^ &DonAlonçoCarxie^
t^
IJX M FM. DE LaCoUR
ro>Secrctairc d*Etat,lùc enEfpâ-
gnol TAdle de Rcccptioii. Le
Marquis prcfcnta' à SaMajclté
pluficurs Pcrfonncs de Qualité,
qui luy baifcrent la main en
mettant un genoux en terre.
\ L'E vêque de Pampcluiîe qui lar
kiy bailà auffi , nelemit point à
genoux. La Rcyne ne le pref-
K>it pas de partir: mais le Mar-
quis lavertit qu'il étoit tems de
marcher. Elle fe leva auflî-
toc> il (e mit à fa droite, un
Menin d'Honneur à fa gau-
che , fur répaule duquel elle
s'appuypit , car c'étoit un jeune
enfant: & elle s'avança ainft
vers le Pont. La DuchcflTe de
Terranova vint au devant d*eK
le jufqu'au milieu, & luybaifa
la main , avec les Dames du Pa-*
lais qui la fuivoient , & qui fe*
jettercnt .toutes à fes pieds^
v.
dT s p a g n e. 1:3.3
Après que laDuchcffc eut fait
fon Complimenc, elleprcfenta
à la Reyncplufîeurs Dames Ef-
pagnolles. Monfîeur du Repai-
re > Lieutenant des Gardes du
Corps du Ray, qui portok faRcv
be , la donna à la Ducheâe, La
Rcyne entra avec elle dans fon /
Bateau 3 fa Chambre ctoit vi^ |
trée tout. autour: ainfi feule a^
vcc cette vieille Dame,elie tour»-
noic fans cefTe les yeux du coté
du Royaume quelle quittoit,
& fon air de langueur marquoic
aiTez les mouvemens dont elle
cxoit agitée. Vingt-quatre Ma-
telots placez dans dcuxBarques,
tiroient le Bateau 5 & les Cava-
liers Efpagnols firent une dé^
charge de leurs Moufquctons &
de leurs Pillolets , auffi-tôt. qu il
commença de voguer î^TAr-
tilleric de Fontarabic y répoa*
\..
234 Mem. delaCouh
dit par un grand Feu. Le Prin-
ce , la Princcflc d*Harcour , les
autres Dames , bc toute la fuite
delaReyne pailèrent dans des
Sateauxquiavoient été prépa-
rez exprès. La Rey ne ayant mis
pied à terre fur le foir, trouva
fon Caroflc du Corps, fa Litière
& une Chaife, avec beaucoup
de Gens de Livrée: elle le mk
dans (a Chaife, & trente Va-
lets de pied cclairoientavecdc
longs flambeaux de cire blan-
che: dés quelle futàlrun^ on
Chanta le Te Deum^ & fon lou-
per pour la première fois, fut
fervi à TLfpagnoUe : le repas
étoit fi petit & fi mal apprêté ,
qu'elle en demeura dans la der-
nière furprife, & à peine man-
gea- t-ellc.
Hclas» que tous cesmomens
étoicnt trilles pour une jeune
d'Espagne. 235 .
Princcflc , élevée dans la plus ^'
belle Cour àc la plus polie de
rUnivcrs 1 Elle avoit toujours
eu la liberté de manger en pu* j^
blic : on ne la luy avoit point
ôtée pendant Ton Voyage i elle
dançoit , elle montoit à Che-
val, elle connoiflbit, elle con-
fidcroit ceux qui l'avoienc ac-
compagnée, & ils ladoroient
( fi 1 on peut fe fervir de ce ter-
me-la. ) Elle fetrouva tout d'un
coup avec des perfonnes qu clic
ne connoiilbit point > &C qui ne
pou voient pas luy paroître aflcx
aimables pour prévenir agréa-
blement fonefp ri t. Elle fçavoit
fi peu leur Langue, qu elle ne les
entendoit , & qu'elle ne leur ré- /
pondoit qu'avec peine. Il faut
ajouter à cela, que la manière
dont on la fervoit avoit fi peu \
4e rapport avec celle de France»
1^6 Mfm.de laCouiî^
qu elle en foufFroit beaucoup t
tout ctoit cérémonie, tout ctoit
contrainte 5 des le premier jour,
les Efpagnols vouloient qu'elle
fçût & qu elle fît, ce que les Ef-
pagnoUes apprennent pendant
toute leur vie, 11^ n entroienc
point dâs la différence des deux
Nations, qui font (i oppofécsen
tout 5 & comme ils croyoîent?
qu'il falloit de bonne heure mec*
tre SaMajeité furlepiedoùils
vouloient la tenir toute fa vie,
ils nefe relâchoient fur rien 3 &
dés ce tems-là elle éprouva ua
cfclavage, auquel Thumeur ri-
gide de la Camarera Mayor
ajoûtoit beaucoup ; mais la dou-
ceur naturelle de la Rcync, Sc
fa raifon , luy firent recevoir de
bonne graceleschofes qui natu-
rellement la fatiguoient & luy
déplaifoient davantage.
Il fembloit néanmoins que par
polJcique,la Duchcfle de Tcrra.-
Nova dent ménager refprit &
les boncczde la Reyne 3 quand
elle ne lauroic pas fait par atta*-
chemenc^ fa Perfonne , elle dé-
voie le faire pour s attirer Thon-
neur de fa Protedion , car clic
avoit un nombre confiderablc
d'Ennemis; & la plus grande
partie des Femmes de la Cour
en vioient fa Place. Le Prince,
quiryavoitclevéc, nctoitplus
au monde; toutes les apparen-
ces prcdifoient fa chute, ocelle
l!appreliendoit auffi extrême-
ment : mais elle prit une route
toute oppofce à celle que Ton
croyoit quelle deùt tenir, ccft
à dire , que bien éloigné d avoir
de lacomplaifance pour fa jeu^
ne Maîtrefle, ellcdcvint fon EC-
pion aân de s'en faire un mérite
238 Mem. de la CouiL
auprès du Roy. Elle étudioic
toutes Tes inclinations & Ton hiu
nicur 3 cUeentrecenoit ôl tailbit
entretenir fou vent les Femmes
Françoi fes qui la fui voient à
Madrid 5 elle tiroit des coure*
quences des plus légères baga*
telles , & tout dcvcnoit poiibh
entre Ces mains, EUfc {c drefla
ainfî un Flan de conduite, qui
eflFedivcment l'empêcha d'être
ôtée defonpofle.
Elle ne fe contenta pas de
prendre des mcfures éloignées
du côté du Roy 3 elle comprit
encore, que pour fes feuls in te-
rêts>elle devoit empêcher que la
Rey ne ne fe liât d'amitié avec la
Rcyne-Mere, ôcneluy donnât
fa confiance3 parce que fon par-
ty ayant étéabfolumentoppofc
àceluy de Don Juan, il etoit na-
turel de croire que le premier
d'Espagne. 139
Sacrifice qu elle demandcroit à
la Reyne fa Bcllc-Fillc, fcroit
réloigncmenc de la Camarera ,
qui écoit Créature de fon enne-
my. D'ailleurs > elle ne pouvoir
fc flatter, que la jeune Reyne
refufât deluy dôner cette preu-
ve de fa complaifance, dans une
conjoncture qui la dclivreroit
d'une efpece de Gouvernante,
qu'elle n'a voit aucun fujet d'ai-
mer 5 ainfiellé n'imagina point
de meilleur moyen pour fe ga-
rantir, qu'en infpirant à la Rey-
ne qu'elle avoit une ennemie fc-
crette enlaperfonnedelaRey-
nc-Merei qu'elle luy feroit
contraire en tout 5 qu'elle ne
pourroit jamais oublier qu'elle
ctoit en partie caufe que le
Mariagedel'Archiducheflefa
Petite Fille ne s'étoit pas ache.
\é avec le Roy fon Filsi quel-
J
a'4o Mem. DE LA COUK
vi Icauroit toujours dcrinquitr
>^ tude, quelle ne fi4t trop bien
i^ dans le cœur du Koy j qu'il
>^ étoit des degrez de faveur que
,v Ton ne pardonnoit à perfbnnç,
,> quand on étoit accoutumée à
,, les poflèder foy-méme, & que
,V l'on avoit pas encore perdu
,> l'envie de régner j qu elles al-
p loient ctreR i valles dePuiiïafl^
,y ces i que la Reync-Merc étoit
,^ refoluc de la tenir dans un ajt
,> fujettiflement plus convena-
„ blcàunepetitc fille, qu'à TE-
5, poufc d'un Grand Roy.
Elle avoit inftruit là-dejGTus
quelques perfbnnes qui appror
choient de la Rcyne, & qui
joiioientfort bien leurPerlonna-
ge 5 lors qu'elles prenoient la
liberté de luy parler en ces ter^
mes, elles paroiflbient luy être
toutes dévouées > & les larmes
feintes
d''Esi?agne. i4t
feintes, fccondoient leur zclc
Apparent. Que vous avez per- u
du , Madame , luy difoienu h.
elles, quelquefois d un air trif- «c
te î que vous avez perdu en la <c
PerfonneduPrkiceDonJuatt! <<
Que n'aurok-il pas fart pour «
vous plaire ? Il avoit déjà ou- u
blic fcs propres intérêts afin •<
de vous ménageria Couronne <t
d'Efpagne. Sans luy, le Roy u
auroit époufé TA rchiduchei- h
fe i & la ruptuirede cette afiài* h
re luy a attiré des Ennemis te
mortels. Que fi vous pouviez ^
vous promettre queTAmbaC- u
fedeur de France vous fiât fir ce
dele> vous trouveriez en luy ce
quelque confolation , vous <c
prendriez lès avis^ vousprofi- <c
ceriez de Ces lumières j mais «<
dan^les difpofitions où il eft , (c
le Ciel vous préferve , Mada- ^
L Partie. L
Ï4^t M EM. K £ LA Go un
•
n tnc y de vous fervir de Tes Çoum
1, feiU ) il ne selï brou ïUé avec
p Don Juan qu'à çaufe de la
1% Rcyne-Mcre 3 il s'ctoic ab(b^ •
lument déclaré pour elle dé^;
» £à première AmbaiTàde ; elle
I) luy a voit donné toute fa con^
2, fiance: ainiî Vôtre Majeilé ne
^ fepeuttropéloignerd un Mi«-
>i niitre, qui n'ira Jamais droit;
,) avec elle 1 & qui ne voudra pe«
») netrer Tes fcntimens que pour
»> en faire un mayais uiage. La
Reyne avoit Tefprit extrême-
ment agité de toutes les chofes
qu'on luy difoit, &elle nefça-
Yoitprcfque àquoy fc détermi-
ner, étant fi jeune, & n'ayant
point d'expérience dans un nou-
yeaumondeoù elle ne connoif-
foit encore perfonne.
Ellepartit d'Irun,& vint cou-,
xher à Hernani ^ le lendemain
d'Espagke. 145
-elle monta à Cheval fui vie de la
Ducheffe de Terra-Nova, qui
faiibit une méchante figure fur
fa Mule i Madame de Gran-
ce Taccompagnoic. Le Marquis
d'Altcrgas Se le Duc DoC-
Ibne, avec chacun une paire de
Lunettes fur le nez, comme c*eft
la mode parmy les Grands » f
étoient auffi de la Cavalcade; *
LeMarquis fe mit le plus proche
de Sa Majeité , comme <tanc
chargé de fa conduite , jufqu'â
ce qu elle eût vûlc Roy : mais le
Duc vouloft da même Ilacc
<:omme Grand Ecuyer, & la prit
par force , en menaçant le Mar-
quis avec beaucoup de hauteur r
cette DifputC obligea la Kcync
de 'remonter en Carofle. Elle
coucha cette nuit à Tolofettc 5
comme elle y arrivoit, le Duc
Doûone fit arrêter un Garde ^
Lij
144 Me M. DE laCouk
qui avoic makraicié Ton Cochér#
parce qu il ne vouloic pas hiScx
paûer le CzroSe du Marquis
d'Aftorgas. Le démêlé fe re*
nouvella furlafondiondeleurs
Charges i le Marquis pâréten-
doit que tous les Honneurs de
laR ccepcion delà Rcync luy ap-
partenoient i le Duc foûtenoits
3u*ctanc fonjGrand Ecuycr, il
evoit avoir toutes les Prccmî-
nencesdans (a Maifon. Il fallut
en écrire au Roy , qui décida en
faveur du Marquis^ Le Duc ne
fc tint pas pour bien jugé, il con^
tinua Tes conteitations , & cela
luy attira un Ordre de retour-
ner à Madrid avec defFenfç de
paflcr à liureos, où le Roy s c-
toit déjà rcndjLi.
En effet , iJ etoit party de Ma-
drid le iK OtVobre, peuaccom*
pagne. Le Duc de Médina»
d'Estaghe» 145
Ccli , Sommelier du Corps, le
Conné cable & Dom Jofeph de
Silva dtoient cous trois dans
ion Carofle j pour TAmirance
de Caltille» il ne fut point du
Voyage , il s'en excula fur le
manque d'argent qui Fa voit
mis hors d'état de faire {on
Train j cette raifbn y nouvoit
avoir quelque part) mais il cil
certain que fa pareflc naturelle
y en a voit encore davantage* Il
aimeleplaifir» il fuît la peine,
iï évite avec foin tout ce qui
peut lu y en donner, & par cette
feule raifon , il ne fut au devant
du Roy & delà Reyne,ûu â une
journée de Madrid. Le Roy
fejourna 1 5 jours à Burgos , par-
ce qu'il étoit fort enrumé 5 ce-
pendant la Rcyne s'avançoità
petites journées:Elleluy écrivit
la plufieursfois, & il luyfitrc*
Liij
%4'6 Me M. DE LA Cour
ponfc. Sa Majeité fut obligée ^
de lu y envoyer demander laper-
miflion de manger en public» &
de monter quelquefois à Che-
val ; car ces deux terribles gens > .
^1 le Marquis d' Adorgas Ôc la Ca->
( marera Mayor> ne voulurent ja-
mais y conientir qu'ils n'en cxxC-
fent reçu un Ordre exprés. IL
Taccoraa fort volôtiers à la Key«
ne , & elle luy envo/a en ce lieu
une Montre de Diamans> & une
Cravactc avec un Nœud cou-
leur dcFcu.Ilmit d abordlaCra*
vatte , 6c Ht donner cinq cens
Piitollcs au Gentilhomme qui
luy avoit apporte ce Prefcnt.
Le Comte d*Alcamirc,Grand
d*Elpagnc , vint A Ognatc, faire
un (Jompliment d la Reync de
la part du lloy > fie luy prcfcntcr
un Dracclct de Diamans &: de
llubis. idllc arriva le 1 1. à Vie-.
D^ESPAGNE. 247
torîa, oîi Ton avoir prépare une
affezmauvaife Comédie pour la
régaler > elle s'y habilla à TEf-
pagnollc pour la première fois,
Scelle n'y écoic pas afTàrémenc
moins belle > que dans Tes habits
à la Françoife. Elle fut ainfi à
la Grande Eglife, oà Ttvêquc
de Calahorra la reçût à la porte,
& luy préfenta le Dais. Elle fc
irendic enfuitedans la Grande
Place } elle y vit une Fête de
Taureaux > qui n'a voit rien de
magnifique, parce que c'ctoic
feulement les Bourgeois qui U
faiibient. Elle reçût en ce liea
des Pendans-d'oreilles, avec des
Perles en Poires : ce Pre(cnt
luy vint de la part de la Reyne*
Mère : il valoit bien quatre cens
mille livres.
Moniteur rAmbafladeur de
France vint faliier laReyne i
La • • •
lllj
\^
a4S Mbm. i>£ la Goitr
Bribiefca 5 & bien qu'il démet»
râc peu auprès d'elle >. & que
leurCoQverfacion fut fort cour-
te» il ne laifTapasde remarquer
qu elle a voit u ne inquiétude ge^
neralle I & une dénance parti-
culière pour Lay . Il n'en pcnc-
f ra point la.raiibn : mais il jugea
aifement que ces dirpofitions-là
ncluy écoient point naturelles^
Il luy dit des chofes qui pou^.
voient luy être fort utilcs> il luy
côfeiUadenefepointarrêteraux
difFeremes im^preHions-quecha^
cune eflàycroit de luy donner ;
qu'elle dcvoit confîdérer, que U
plupart desperfonnesqui-étoiét
auprès d'elle , n agiflbicnt que
par rapport à leurs propres inté-
rêts; que le plus fur pour elle,
c étoit d aimer le Roy de toiu
foncœur, &de s en faire aimer
de même^ de s unir a^vec la Rey-
d'Espagne. 14,9
ne-Merc , & d'agir de concert
cnfeniblci qu'elle dévoie être
perfuadée que cette PrincefS:
avoit pour elle beaucoup d'ami-
nié y Se que (î elle y vouloit ré«
pondre de Ton côté> elle trou-^
y croit dans fou coeur les fenti-
mens d'une propre Mère. La
jeune Reyne s'attendoit bien
qu'il luy parleroit de cette ma-
nière» & particulièrement à l'é-
gard de la Reyne- Mere^ on n'a^
voit pas manqué de la prévenir
là*defïus. : mais iî elle eût exa*
miné ce qa il luydifoit^elleau--
roitbien vû> ayant autant d'ef^
prit que perfonnedu monde,qae
^Ambafladeur agiiToit de bonne
^5y : caries autres gens qui luy
Krloient, netravailloientqu'à
loigner de ion véritable repos.
Upritcongé d'elle pour revenir
à Buj:gos trouver le Roy^ $c dans
ft^p M £ M. DE LACouiÎ
\ le peu qu'il eût Thonncur d'être
i auprès d'elle > elle luy parla tou-«
jours avec aflcz dcrelcrvc & de
froideur.
* Le Prince d'Harcour s'étoic
avancé jufqu'àBurgos pour fa-
liicr le Roy j & comme la Rcy-
Bc devoit arriver à Quintaiia-.
palla , qui en eft à trois lieuës,on .
croyoit qu'elle y vicndroit cou-
cher le 15^.. de Novembre, & que
la Cérémonie du Mariage s'y
feroit : mais le Marquis de Vil-
lars ayant rencontré, en reve-
nant, le Patriarche des Indes >
quialloit au devant de la Rey-.
iie> il luy vint dans refprit que
peutrêtre le Mariage s'achevc^^g
roit , fans qu'il en fût averti/
Cette penfée l'obligea d'en dc-.
jnander des nouvelles à Don
(jeronimo d'Eguia, Secrétaire
d^.Ecat. Il luy dit quç l'ott at-
d'Espagne. 151
tcndoit la Reyne à Burgos le
lendemain. Cette réponlc am-
biguë) quin'avoic riendepofi'-
ti^ engagea nôtre Ambafladeur
à s'informer encore plus parti-
culièrement 5 & il fçût fans en
pouvoir douter , que le Roy de-
voit aller le lendemain à Quin-
tanapalla pour faire le Mariage.
Cette certitude l'obligea d'en
donner avis au Prince d'Har-
cour, & ils partirent enfemble
d'aflez bonne heure pour arri-
ver auprès de la Reyne avant
que le Roy s'y fût rendu«
Lors qu'ils furent arrivez , \ïk
n'eurent pas de peine à démêler^
que l'on avoit envie de faire le
Mariage fansçuK. La Camarcra
Mayorqui étoii toute dans cet
efprit > & à laquelle ils parlèrent
avec beaucoup d'honnêteté »
leur dit j^khe^eAt qu'ils n'y af ^ ^
Lvj
25X Mem. de la Coub:
lifteraient poiot, & que le Ray
ne vouloic pasqueperfbnne en-
crât , excepte ceux qui ëtoienc
indirpenfablement neceUaires
pour la Cérémonie ». comme les
Premiers Officiers &c quelques
Gentilshommes de la.Chambre^
Le prince d'Harcour & le Mar^-
quisde Villars.repartirent>que
le Koy leur Maître leur avoit
donné Ordre d y être prefens*
Elle répliqua fièrement, que le
Roy leur Maître n'a voit rien à
commander en.Efpagne. Mon-
ficur de Villari; iuy dit, que
le Roy Ion Maître comman-
doit à tes AmbalTadeurs, & que
fcs Ambaflàdeurs Iuy obeïC-
foicnt par tout 5 que fi le Roy ne
vouloic pas qu'ils alliltallcnt à
(on Mariagc> il dcvoit leur don-
ner par ccric ua Ordre de ue s*y
pas irouvcr. La Camarcra ra-
d'Espagne. 253
vie d'avoir une occafîon de faire
paroi crc ion zelc pour le Roy
d'Efpagnc, quoy que ce fux fort
à contre-tenos^ s'emporta fur ce-
la ) & die pluûeurs chofes fipeu
fui vies Se (iaigres>qjLie Me(Ecurs
les Ambaflàdeucsla quitcerenc
pour s'addreflèr au Marquis
d'Aflorgas. Celuy-cy les écou-
ta, & leur répondit honnête-
ment q.u'il alloit envoyer un
Gentilhomme au deva^nt du
Roy , pour fçavoir plus préci-
fément fa volonté. Ge GentiU
homme le trouva en chemin^,
& il confentit que MefEeur^
d'Harcour & de Villars affiltaf-
£ent à la Cérémonie. £n effet,
c'étoit par les foins de qjuelques
perfonnes , qui n'avoient pas
d'inclination pour les Franc is,
que l'on avoit infmué cette
penicc au Roy i ils croyoient
x«4 ^^^' delaCouh
•
même qu un Mariage (î Auguf^
tc,n auroit point dû être célé-
bré dans un pauvre village où
il n*y avoir pas une douzaine
de maifons , &. la vanité £i'pa->
gnoUe s'en trouvoit allez cho-
quée pour . fouhaiter que les
Ambafladeurs d'un . fi grand
Roy ne fufient point témoins
de cette négligence > pour ne
pas dire .mifere.. Ils faifoient.
entendre, pour Texcu fer, que
le Roy étoit jeune & amou-
reux 5 que towtcequi lui a van-
çoitlcplaifirdevoîr Ion Epoufe
letouchoitfi fenfiblemcnt, qu*il
en oublioit julqu'à la magnifi-
cence > & à la grandeur de fon
Rang 5 que Tamour feul falfoit
les honneurs de cette Fête, &
que cela luffifoit au Roy. La.
jeune KeyneavoitpafTé la nuit
à Quintanapalla > fur les dix:
d'£ s p a g h £. t^ 5
heures du matin on luy ditque
le Roy arrivoit, & ccuc nou-
velle luy donna une petite é-
motion j & répandit fur Ton vil-
lage une couleur qui la rendit
encore plus belle 5 elle alla le
recevoir vêtue â r£(pagnollef
& rayant trouvé qui entroic
dans ion Antichambre , elle
voulut pluûeurs fois fe jetter i
£cs pieds '& luy baifer la main :
mais il Teaempecha toujours >
&lalâlûaâ la manière d'£(ba-
gne> iâns la baiiêr^en luf fer-
rant les bras avec fes deux
mains > & la nommant fouvent} i
Mireins ^ MireiMS : ils ie parlè-
rent aflcz long'tems fans s'en-
tendre : c'étoit une véritable
peine pour eux. Monfieur de
VillaiSf qui s'en] af^^erçût^ s'a.-
vança pour leur (erviralnter-
jgxctte i s'il ne dit pas tout ce
1
2^6 M £ M. DE LA-COUK
qu'ils dirent > il ell au moins
bien fur qu'il ne gâta rien dans
la converlations) & qu-il y.mé.i-
la beaucoup de tendrefle &
d'honnêteté. Le Roy ctoitvé-
tu à la SchombergMt > qui tiï pro-
prement à la Fr^mçoife, &c tous
ceux de fa fuixe étoientdcmê^
me: car les habits de campa-^
gne des Efpagnols approchem
un peu des nôtres.
Le Marquis de Villafs ayant
remarqué que les Grands d'Ef-
pagne prenoient la droite > il
en parla au Roy, & luy rcpre-
fenta le Rang que le Marquis
de los Balbazez avoit eu à Foui-
tainebleau lors que la Reync
y fut cpoufée : cette raifon pré-
valut > & le Koy ordonna que
les Amuailadeurs de France fe-
loieiit traitez, de mêjine ma-
nicre. Le Coiinecabic ue Caf^
lillc ne laifla pas d'avoir de la
peine a céder (à place 3 il y eût
quelque légère comeftacioo
la-dcflus qui dura peu, cotte
r Amfaaflàdciir &luy , & la CU
vilicé fut toujours gardée de
parc Se d autre i le réfte dci
Grands iè rangea derrière le
Roy. D6n Antonio deBenavi-
dez y fiazan > Patrarclie des
Indes & Grand Auoiônier»
leur donna la (econde Bené-
dîâion i la Cérémonie fe fit iiv*
£êgBii0 daas rAntichambrc de
la Rcyne : Si TArchevêque de
Burgos n a voit pas été malade
ilauroit fait cette fonâion joa
mit pendant la Meile autour
du Roy& de la Rey ne un Ru-
ban de taflfêtas blanc, noué en
lacs d'amour, & une gaze blan-
che avec uue frange d'argent
ibrles. épaules du Roy > 8c fut
la tête de la Keyne j La Du-
cheife de T^fî'^^^va portoit &l
Robe: Dés que la Cérémonie
fut achevée^le Roy^la Rey-
me entrèrent feuls dans une
Chambre > où ils demeurèrent,
deux heures : ils dînèrent en-
fuite en public>& partirent pour
aller coucher à Burgos} il n*y
ayoit perfonne avec eux dans .
le Carofïe j .& comme ils s'en*
cendoient peu > on ne comprend
guère ce. qu ils pou voient dire:-
mais le Roy paroiflbit fort a*
moureux & fort empreflc. Plu-
ficurs Grands d'Efpagne allè-
rent audevant de leurs Majes-
tés avec des I livrées fort ma-
gnifiques 5 & les accompagnè-
rent au'Palais, où Ton joua une
Comédie , & l'on tira un feu
d'Artifice.
LaReyne fut. le lendemain
d'Esfagme» 15^1
aune riche Abbaye de Filles»
ojppcllécsLdJ Hmfigasyqm elfc un ^
peu plus loin que le Fauxbourg
de Burgos|: elle y dîtUy & fur
les crois heures die tic fou bâ-
frée i Cheval , vécue à rEfpa.-
gnoUe 5 fi belle,. & fi dttmuiw.
te 9 que Ion écoîc ravi de la
voir. Trois Grands marchoient
devanc elle $ le Marquis d'AC-
forgasia fiiivoici on ponoic
un Dais fur la céce de la Rey-
ne }la vidlle Ducfaeflc de Ter*
canova écoic montée fur (a Mu»- •
le, & Tes Filles d'honneur Tao-
compagnoiencà Cheval. Le tt.
Novembre le Prince d'Harcour
fie {on £ntrée,& il eue Audien*
cedu&oy &dela Reineiily eue
raprefdiné an Combac deTau-
reaux qui plue fore a U Rey be ,
parce que les Cavaliers y fi*
fiene voir beaucoup d'adrcflc>.
Z6a M £ M. DE LA GOUR
& de courage i il y eût le jout
d'après des Parejas : c eft à dïk
re une Cource de chevauX} qui
n'elt belle qu autant que les
deux hommes qui partent en*
femble courent également fans
fe précéder d'un pas > quoy«
qu ilis aillent à toute bride : éQ
Gentilshommes vêtus de Broi-
card d argent , coururent ainfk
Après avoir employé trois
purs à ces difFcrencs plaifîrs >
il fallut partir pour Madrid 3U
plupart des François & des
Dames qui avoicnt fuivi la
Reync prirent congé d'elle en
ce lieu 3 de manière que la plus
grande partie de l'a Maiibii re*-
vint en France 3 ce ne fut pas
fans bien répandre des larmes:
la.Reinccut la liberté de garder
fcs dcuxNouriccs> deux tem-
mes de Çhambre,quelqucs.Vai-
D^E STAGNE. l^t
Icts de Chambre^ un Gentil-
homme pour avoir (bin de
cinq ou hx Chevaux Anglois
qu'elle avoic faic amener , 8t
d'autres Officiers pour fa Ta-
ble i elle regala le Prince & la
Princcfle d'JHarcour , ia Ma-
rêchalle de Clérambauc > Se
Madame dé Grancé > de Ton
Portrait enrichy de Diamants
de difFerens prix* félon le rang
des perfonnes i qui elle les
donnoic: £c la manière obli-
geante dont elle fçavoic accom«
pagner fes libêralitez , enaug.
jpencoit beaucoup le prix. Oa
prétend que le p relent que lé
Koy fie au Prince d'Harcourt
yalloit ving-cinq mille ccus,
mais il s en fallo^it bien; la Rey-
ne obcint une peniiun de deux
mille écus pour Madame de
Grjince > qui devoit lu y être
2^A M £ M. D 2 L A t3 O un
payée par tout où elle feroir,
La 1 rinceilè d-Harcour s *&;
les autres Dames qui avoienc
fuivy la Reyiie* revinrent ea
France pendant qu'elle prenoic
avec le Roy le chemin de Ma*
drid,cous deux feuls dans ït
fonds duCaroilèi plufîeurs Of»
fîciers de leur M ai ion s'en al%
lerent devant » ou marchèrent
par des routes différentes pour
éviter rembarras 5 les Comtes
d* Arcos & de Taiara , Don Jo-
feph de Silva, & le Ducd'Hi-
jar Gentilshommes de laCham*
bre, furent nommez par le Pvoy
pour laccôpagner dans le voya-
ge 3 il reprit le même chemin
qu'il a voit tenu en allant à Bur-
gosjil coucha à Lerma>àÂranda>
à faint Eltevan de Gormas, &
à Guadalajara : Le Nonce, Se
TAmbaiTadeur de Yenife y vin-
d'E s p a g k è. -itf j
rcnt faire leurs coinplimer.s à
la Reync : le lendemain leurs
^Majeitezlc rendirent âTorre«
jon y qui n ecoic qu à crois Ueucs
de Madrid.
Fendant le voyage de laG>ui>
depuis Burgos jul'ques-- là » la
Camarera Mayor entretint plu«
fîeurs fois le Roy en particu-
lier. Elle n eût pas de peine 4
iniînuer dans (on efprît des {en«
t rimens qui font aflez naturels
aux Efpagnols » & il avoic été
nourry dans les préventions
d'unPays»oii Ion ne compte fur
la vertu des femmes qd*autan€
qu on leur ôte la commodité <<
de faillir > elle luy fitenvifa- <<
ger les confequences delali-«<
berté que les Dames ont en<<
France > qu'il falloit que lao
'Reyne vécut abfolument fe- «
lonla retiaite que les femmes «
1^4 Mem. de la Couk
n obfervent à Madrid > qu'elle
n écoic jeune > vive , d'un efprit
» brillant) accoutumée aux ma-
nniéres trançoifes ; que ce qui
„eit innocent dans un endroit^
^ peut devenir criminel dans
3) un autre : mais qtie s'il vouloir
,1 s'en repofer fur elle > Tes foins
i> préviendroient tout. Le Roy
„ loua fon zcle ) & luy donnai
beaucoup de témoignage de fa
confiance.
La Reyne-Mere étoit arri-^
vée à Torrcjon avant le Royj
elle forcit dcTon Appartement
pouj: aller audevant de leurs
Majcftés 5 dés que le Roy la
vit , il courut à elle , & Teni-
braifa fort tendrement; la jeu-
ne Reync s'avança en même
tems pour luy baifer la main,
mais la Reyne-Mere ne le vou-
lut pas fbuiFrir>elle la prit en-
tre
tfc (ci bras, & l'cmbrafTa j.iu-
iicjjrs fois avec de grands te-
ny>ignagesd'amitic . la traitant
cependant de Majcfté : Jtiais
la jeune Reyne luy dit qirelJc
U i'upplioic deTappclIcr la I il-
je , de l'aimer de même, & d^c-*
trc perruadéc qu'elle a voit pour
clic tous les fentimens qui pou^
voient la rendre digne de cet
Ivirjneun Le Roy luy donna
h main d'un c6té , &i la Reyne*-
Wcrc de l'autre ; ainfi elle en-
tra au milieu d'eux dans le Pa-
lai, qui ctoit préparc pour les
recevoir. LaP*cync- Mcre ayant
vcù que la Reine n avoit point
de Manchon, luy donna le ficn ,
ou il y avoit un grand nœud
de Dianuns : enitiite elle luy
prit un ruban qui actachoit
caciques unes de l'es nuttcs , Se
Cil échange elle luy padàdans
}. Part. M
i66 Me M. DE laCour
v le bras un brafTclct de trois mil-
le piitoUes : en un mot > elle
tcmoignoic à la Reyne des
dilpolitions de tendreflè donc
elle devoit fe promettre d*heit-
reiifes fuites. Elle demeura a-
vec leurs Majettcs le plus long-
tems qu'elle pût 3 mais elle re-
vint le loir chez elle , carc é*
toit un endroit fort incommo-
de pour y coucher. Le lende-
main qui ctoit le deux de Dé-
cembre, le Roy &la Reinear-
rivcrent à Madrid, dans un Ca-
roffc dont ils avoient ouvert
les rideaux pour fe faire voir
au peuple) ils allèrent defcendre
à Nôtrc-DameDatocha,où 1 on
chanta le Te Deumy & le ibir ils
furent coucher au Bucn-Ke-
tiro 5 il y eût le lendemain Co-
médie: & les Muficiens Fran-
çois qui avoient fuivy la Rci-
d'E s pagn e. 267
ne , préparèrent quelques O-
pera.
La DuchefTc de Terranova ^^
ayant entrepris d'ôtcr entière-
ment à la Reine le peu de li-
berté qui luy reftoit , & vou- .
lant demeurer feule Maîtreflc \
des volontez de Sa Majelté;
déclara dés qu'elle fût arrivée
au Buen-Ketiro > que qui que
ce Ibit ne la verroit qu'après
qu'elle auroit fait fon Entrée
publique s c étoit un état bien
trilte & bien contraignant
pour cette jeune Reine, de fc
trouver ainfi éloignée tout d'un
coup des perfonnes qui au*
roient pu luy donner de la
confolation, du plaifir^Ôc mê-
me des confeils utiles > elle la
tCiioit enfermée au Retiro fans
la laiflcr même fortir de fon
Appartement 5 elle n'avoit pour
M Jj
(
2.68 M E M. DE L A C O un
tout régal que de longues &
ennuïeufes Comédies £fpa-
gnolles > dont elle n entendoit
prefque rien 3 & fans ceiTe la re-
doutable Gamarcra étoit de-
vaiu fes ^cux avec un air fc-
vére & rcfroigné , qui ne rioic
jamais & qui trouvoit à redjrc
\ à tout 3 elle étoit l'ennemie dc-
\ clarce des plaifîrs, & elle trai-
/ toit fa MaîtrefTe avec autant
I d'autorité qu'une Gouvernan-
te en a fur une petite fille.
Le Marquis de Villars fça-
voit ce qui le paiïbit , ôc il en
Ibuffroit beaucoup : mais iln'c-
toit pas tems d'en parler. Il fie
demander à la Ducheflè de
Terranova s'il pourroit faliier
Ja Reine 3 elle répondit com-
me elle avoit fait à tout le
monde^qu'on nelaverroit'poinc
iqu'apr es fon Entrée. Cette ré-
I
ponfeluy parût ripofitive,que
ne voulant pas s'cxpofcr à un
fccond refus, il ne fe prcfenta
point pour voir la Reine .-mais
comme elle fut informée de ce
qui fc paflbit par quelques-u-
nes des Françoifes qui etoienc
reitces auprès d'elle , elle ne
pût s'empêcher d'en parler au
Koy , & elle obtint qu elle ver-
loic nôtre Âmbaflàdeur de Sr^
Cf€t0 y c'eft à dire comme une
perfbnne particulière. Elle l'en
fit promptement avertir 5 & la
Marquife de Villars eroyant
qu'elle pouvoir ufer du même
privilège, envoya chez la Ca^»
mareraMayor,pour fçavoirfi el-
le ne faliieroit point auili laRei*
ne 5 mais elle reçût une rcponfc
femblable à celle qu elle avoir
déjà faite àMonfieurFAmbaf-
fadeur, difant en deux mot^i»
Miij
270 Me M, DE laCouk
qu'elle n'a voie pas ordre de la
faire entrer. Le Gentilhomme,
qui luy parloit , inlîfla pour
qu elle en dit quelque chofe à
la Reine, elle le retufa féchc-
ment, ajoutant qu'elle ne fouf-
friroit jamais que l'on introduis
lit des coutumes nouvelles.
'w^ SaMajelté ne Içachant pas ce
qui s'ctoit paiFc entre la Cama-
rera & l'Ambafladricc , char-
gea fonConfeflcur deluy dire,
qu'elle fouhaitoit delà voir, &
qu'elle luy feroit plaifîr deve-
nir. Elle ne pût obcyr en cela
aux ordres qu'elle reccvoit ,&
le mcme Contciîcur informe
des obitacles qu'il y a voit à voir
la Reine, luy en rendit compte
cxadement. Elle eût une Icn-
iîble peine de toutes les pièces
que la Duchcffe luy faifoit 5 &
Ton peut juger par ces en-
d'Espagne. 271
droits -là, du pouvoir que cette
Dame avoit pris dans laMailon,
& fur la Pcrfonnc de la Rei-
ne. La Reine-Mere,qui alloic
tous les jours au Retiro , re-
marqua fur le vifage de cette
jeune Princcffe un air de mé-
lancolie , qui tcmoignoit allez
fonchagriniellecôprcnoitdeja
bien qu une perlonne de ion
âgc> pouvoir aifement le fati-
guer de la fcvcritc de la Ca-
marera > elle fe crue obligée
d'en avertir le Roy , & de luy
faire prendre des manières plus
relâchées î elle y réiiffit, &: el-
le procura à la Marquife de
Villars l'honneur de îalùer la
Reine; elle fut introduite dans
fon Appartement par celuy de
la Duchefle de Terranova, qui
luy lémbla moins fauvage , Se
un peu plus honête , qu'elle
M iiij
L-
1
i
272 M E M. D E LA C OU H
n'avoit accoutume de rêtrc. Le
Roy,relon la coutume d'Eipa-
gne , ccoic ailis dans un Fau-
teuil ) & les deux Reines fur
des CareauK > on lu y en don-
na un aufn 3 & peu après la
Reine- Mère écanc forcic avec
le Roy , elle demeura feule a-
vec la Reine, qui fe trouvant
dans rentière liberté de par«
1er , ne pût s'empêcher de ré-
pandre des larmes en luy ra-
contant la trille vie qu'elle me-
noit. Apres qu'elle eut foulage
fon cœur , en luy difant les cho-
fcs qui luy faifoiciit de la pei-
ne 5 rAmbalïadricc ne man-
qua pas de luy repondre dans
^Icfprit qu'elle dcvoit. Elle
„ luy fit voir , que cette vie II
,, contrainte , & pour laquelle
„ elle avoit tant de rcpugnan-
9>cc,çtoit la même que toutes
D*E SP ACNE. 275
les Reines , & les Infantes"
d'Efpagnc, avoient toujours «
menée 3 qu'il n'y avoit rien «
en cela de particulier, & par«
confequent de dcfobligeant^c
pour elle 3 quelle dcvoit c(-<<
f^ércr , que lors que le Roy c<
a connoîtroit parfaitement, «
&: qu'il fcroit perfuadc dc«
la polFeAionde (on coeur , il<<
fc relâchcroit à des complai-<c
fances , que jufqucs icy fcs«
Prcdecefleurs n'a voient point<c
€ucs,aue puifque la ReiiTe-«
Mère l'aimoit , & faifoit lcsi<
intérêts des fiens , elle ne pou- ^^
voit trop ménager desdifpo- «
pofitions qui luy feroicntné^ <<
ccflàircs éc utiles 5 quedans "
les chofcs de la vie, les plus««
grands biens étoient toû.<<
jours mêlez 5 qu'elle fc voyoit"
dans une clovation iuprémcif <^
Mv
2^74 Me M. DE LA Cour
,quc Dieu luy vouloic faire
) acheter cette Grandeur par
, cjuelc^ues petites contrarictez:
, mais c^uc la coiiipiaifance pour
, le Rov fie pour la K eine-Merc
,ren lireroient bien - tôt. Elle
luy tic encore voir , dans la con-
duite qu'elle devoit tenir a-
vcc le relte de la Cour , plu-
fîeurs choies qui pou voient lai-
dcr à fupporter ces commcn-
cemens , & luy en rendre les
fuites agréables.
Comme Madame de Villars
parloit avec ze e de la Reinc-
Mere , & que la Reine n'é-
toit pas encore defabufee des
fentimens qu'on luy avoit inf-
pire là- delîus, elle trouvoit
fon difcours l'ufped ; & quoi-
qu'elle dut bien (entir que dans
ce que luydilbitrAmbailadrice>
cUç ne pouvoit avoir d'autre
d'Espagne. 275
veuë , que celle de Ces vérita-
bles inîcrêts , ces paroles ne fi-
rent pas alors toute l'impref-
fîon qu'il auroit été à fouhai-
ter pour fon bien. Ses préven-
tions contre la Reine- Mère,
qu'on luy renouvelloit fans cef-
fe, balançoient fa confiance
pour Madame de Villars 3 &
fpn cfpric accoutumé feule-
ment aux chofes agréables qui
occupent les pcrfonnes de ion
âge , fa jeunefTe , fon humeur
naturellement enjouée, la di/fi-
poicntde l'application qu'il luy
auroit fallu donner pour dé-
mêler les bons Confeils d'avec
les mauvais. Elle en Tçavoitaf-
fez pour s'embaraflcr ,& fe fai-
re des fujets d'inquietudej ma is
elle n'en fça voit pas affczpour
s'en tirer, & pour s'affranchir
par une rcibîution ferme des
Mvj
ij6 Me M. DE laCouil
chagrins qu elle avoir; elle crou^
voit trop de fatigues a dcm ê-
1er tant de contrajriétez : Elle
demeurait donc dans cet etiiba*
ras fans pouvoir fe donner la
force d en forcir , &: peuc-ctrc
que ces difpofîtions lu y firent
perdre la conjondurc qu elle
avoit alors de fe délivrer de
rafllijettiflcment où la Duchef-
fe Ta tint depuis. L'Ambafla-
deur de France la vit quelque-
fois pendant fon féjour au Ré-
tiro , mais c'ctoit devant tant
de monde, & letems qu'on luy
niarquoit pour être avec elle
ctoit fi court , qu'ils ne pou-
voient rien dire de particulier
dans CCS vifites générales.
La Reine- Mcre continuoît
d'aller très- fouvent chez h Rei-
ne 3 elle la pria de s'habiller à
la Françoife , parce qu elle ne
d'Espagne^ 277
l'avoic point veuc de cette ma-
nière 3 elle le fit, &L la Reine—
Mère la trouva très - bien : lors
qu elle fut retournée à Ion Pa-
lais, qui eft la MaifonduDuc
d'Uzccia,une des plus belle^e
Madrid , la jeune Reine luy en-
voya deux Caflettcs pleines de
bijoux i en échange ,- elk luy
procura le plaifir d aller à la.
chaflc au Parda 5 elle n a voit:
point monté à Cheval depuis,
quelle étoitau Retiro: le R.oy
tua devant elle un grand San-
glier ; & depuis ce jour-là, ils,
retournèrent fouvenr à laChaC-
fe enfemble.
Les Confcils derinqui(îtion>>.
de Caftille, d'Italie , de Flan-
dres , des Indes , d'Arragoa>
de Guerre, de Finance, de U
Crulada, & des Ordres, allè-
rent le jour de TÂn fouhaito;
z7* Me M. DE LA Coun
les bonnes Fêtes à leurs Ma-
jeitez : ccii la coutume en Ef-
pagne.
LeMarquisSera,Gcnoîs,ofiTit
de mettre à quatorze Galères
TEfcadrede Naples , qui n'a ja-
mais été qu'à iept, fans qu'il en
coûtât d'avantage au Roy , pou r-
vû qu'on luy fît le même party,
queronfaiioitàGenesau Duc'
de Turfis. Il avoit fait cette
propofition à Donjuan quelque
tems avant fa mort , il la trou voit
fortavantagculcj cependant les
reiolutions font fi longues à
prendre en Lipagne , &. ils (c
ibucient fi peu des nou veautez>
quelques utiles qu'elles foient,
qu'il eit comme impofliblc d'y
en introduire aucune , &. cette
alFairc fut de ce noinbre-la.
Le Marquis delos-Balbazez,
prêta le Serment de iideiicc
d'Espagne. 27 <^
pour la Charge de Confcillcr
d*Etat, & Don Manuel de Lira
en fît autant pour celle de Se-
crétaire d*Etat d'Italie. Le Duc
Doflbneattendoit toujours que
Ton regleroit fon démêlé avec
le Marquis d'Aftorgasi mais
voyant qu'on ne luy difoit rien ,
il prit le party de ne plus aller au
Palais, & de le faire voir tous les
jours danslaVille avec un grand
Equipage. Ce font aflcz-là les
manières de ce Pays.
Comme il y a des gens plus
difficiles à rebuter les uns que
les autres, bien que le Père V in-
timiglia n eût point eu de rc-
ponfe fur le Mémoire qu il a voit
donné à Bayonne au Prince
d'Harcour, pour le jprefenterà
la Reine , il ne laiila pas d'en
drelFer un fécond, dans lequel
il rcgloit toute la Moxurchic > il
2.8o Mb M. DE LA Cour
en chargea un Gentilhomme
François.quiluypromitxicchen
chéries moyens de le faire voir
à la Reine 5 mais quelque ufagc
qu'il en fît , foit qu'il reûc mon-
tré, ou qu'il ne Icùt point mon-
tré, il elt certain que Vintimi-
glia reçût un Ordre du Roy,qui
le bannilfoit de tous Tes États.
Il s'en prit à l'Ambaflàdeur de
France, ôc cela n'eut point d'au-
tre fuite.
On s'attcndoit qu'inconti-
nent après le Retour du Roy,
onvcrroit établir quelque Ibrrc
de Gouvernement^qui pût don-
ner cours auxaffiiires entière-
ment lufpcndiies depuis la hiort
de Don Juan. Quand cette mort
arriva on croit prct de partir
pour le Voyage, dont toute la
Cour> & leRoy plus que perfon-
Ae çtoit trcS'OCcupé^lonMaria.
d'Espagne. 281
ge avoic bien pii le dctourner de
Tapplication qu*il dévoie au
choix d'un Miniltrc, ôcTon n'c*
toit point furpris, que dans le
tems où il et )it tout reniply de.
fa paffionpourlaReine,& d'une
affaire fî agréable, il oubliât un*
peu celles duRoyaume en gene^
rai; mais on étoit dans une gran-
de impatience deluy voir pren.
dre une refolution fixe. La Rei^
ne-Merc ne faifoit que de reve-
nir de (on exil , elle n'étoit pas.
aflTez abfolument affermie pour
pcnfer à rien qu'à le conferver
dans la fituationoùelielctrou*-
voit ; perfonnc n'étoit encore
d'une manière avec le Roy>pour
pouvoir prétendre au Minilte-
re: ainfi tout le Gouvernement ,
le trouvoit entre les mains d'un !
Monarque de 17 ans, qui n'a- !
voit j^tmais entendu parler de la
\
i
f
i
«
/
r
282 Me M. DE LA Cour
moindre choie qui pîit luy don-
ner quelque connoiilhnce des
grandes affaires.
Le feul homme qui dccidoit
avecluydu fort de la Monarchie,
ctoitDon Geronimo d'Jbguya,
Secrétaire d'ttat depuis quatre
ans , où il etoit parvenu de fim-
p'e Commis, Son adrelTc & là
bonne fortune lavoicnt rendu
agréable au Roy, & il nauroic
pris que Ion Confeil , fans que
d'Eguya, qui apprchendoitd'cn
donner quelque fois , dont le
fucces ne fut point favorable,
luy faifoit trouver bon que Ton
parlât de certaines affaires au
Connççable de Caltiile , & au
Duc de Medina-Celi , parce
qu'il n'en vouloit pas repondre
tout fcul. Il clt vray que pen-
dant;le Voyage on ne relblut
rien d'important , on ne travail-
d'Espagne. 283
la qu'au Voyage même, & aux
Ordres qu'il falloit nccciraire-
ment y donner.
La Cour écoic fort grofle, le
Mariage du Roy &. le retour de
la Rcine-Mere avoient raflem-
blé a Madrid les plus confîdcra-
blcs Pcr(bnnes deTEtat. Cha-
que Famille fe confultoit furies
moyensde fer vir aflez utilement
un homme particulier, pour le
faire Premier Miniftre 5 les uns
y fouhaitoient leurs parens, les
autres y deiîroient leurs amis >
beaucoup auroient voulu lede-
vcnireux mêmes; & l'on corn-
ptoit entre ceux qui avoient les
plus juftes prétentions, IcCon*
nêtablcde Ca(tille& le Duc de
Médina -Celi : ils avoient de
grandes QualitezPerfonnelles,
une Naiflànce élevée & beau-
coup de bien i ils pofledoient les
z84 Mem. DE.LA Cauic
premières Charges de la Cou-
ronne j ils ctoient Confcillicrs
d'Etat, & leur mérite les diftîn-
guoit également : mais rien n'c-
toit plus oppofé que ces deux
Seigneurs le l'étoientrun Tau-
tre 3 un mouvement de haine,
qu ils navoient pu reprimer 5 &
qu'ils avoicnt témoigne en mil-
le rencontres, augmentoit leur
commune émulation s leurs hu^
meurs & leurs manières ctoient
auffi contraires que la nuit ïcll
au jour, Plufieurs de leurs amis
communs avoient cflàyé de les
réunir, & leurs foins s'étoient
toujours trouvez inutils 3 ils
convenoient eux -mômes que
s'ils avoient agi de concert, ils
feferôient rendus de bons offi-
ces réciproques , qui auroienc
poufle plus loin leur fortune.
C'ctoit aufE uae des raifons que
d'Espacne. 1^^
J on cmployoit pour les raccom-
moder : mais il clt quelquefois
dcsavcrfîonsinfurmontaDles, 8c
celles donc je parle ccoienc da
nombre.
Le DucdeMcdina-Celiavoic
45 ans, fon humeur ctoit dou-
ce & honnccc, trop lente & trop
mole dans les grandes affaires,
d'un efprit agreable&infiniiant.
Il eft defccndu des IllultresMai.
fons de Caitille & de Foix : il eft
fept fois Grand d'Efpagne : Sa
Femme e(l héritière delà Mai-
fon d* A rragon deCardonnej clic
efl: fort riche de fon côté , auffi-
bien qu'il Tell du ficn. Il ctoit
Préfident du Confeil des Indes,
& Sommelier du Corps, cclt à
dire , Grand Chambellan; il fai-
foit régulièrement fa Cour j il a
toujours marque un zèle parti-
culier pour la Pcrfonne du Koy;
i26 Me M. DE LA Cour
& comme il ne s'eit jamais dé-
menty fur cet article, Sa Ma-
jcllé luy témoignoit une cer-
taine bienveillance , qu'on ne
luy remarquoitpas pour les au-
tres, C'efl ce qui aidoit à perfua-
der qu'il a voit plus de part dans
lesEl'perances du Minilterc,quc
tous les Compétiteurs.
Le Connétable de Caftille,
de la Maifon de Velafco, étoic
âgé de 57 ans, il pofledoit des
Terres confidérables : cepen-
dant il ne vivoit pas dans une
opulence aifce 3 il ell le dixiè-
me Connétable héréditaire de
Cailillc, Doyen du Gonfeil d'E-
tat, & Grand Maître de la Mal-
ien du Roy. Son génie elt vafte,
il a delà capacité , il (çaic , & il
a toujours pofledé des Emplois
dans Icfqucls il a acquis de Tex-
pericnce.Le dernier de lesGou-
d'Espagne. 187
vernemensaetecduy de Flan-
dres 3 & bien que ces fortes de
Poltes euITent du le rendre fo-
ciable& familier, il a confervé
une feverite (î auftere , qu'elle
vajufquà le rendre dur&cer^
riblei fon abord eit difficile, &
fon humeur (î naturellement
jmperieufe, qu'il ne veut jamais
plier, ccltcequi Ta voit fi fort
brouillé avec Don Juan, &qui
l'avoit même empêche d'être
fenfible àplufîeurs honnêtetez
que ce Prince lu y a voit faîtes
pour fe l'acquérir 5 il eft vray
qu'il s'étoit fort déclaré pour le
party de la Rcyne-Mere, & que
c'étoit une dçs principales rai-
fous qui Ta voient éloigne de ce-
luv de Don îuan 5 on ne doutoic
point que le Roy ne déférât
beaucoup à ce que luy infpire-
roi t la Reine fa Mère ; &: l'on
1-88 M F. K. D E L A Co U IL
croie perluadé qu'entre ceux
dont elle luy recommanderok
le mérite, le Connétable fcroit
le premier, qui fe troliVcroic
appuyé de tout le party que
Don Juan avoit maltraité, &de
tout ce qui avoit confervc de
l'attachement pour la Reinc-
Mere. Elle devoit procurer les
bonnes grâces du Roy, & la pla-
ce du Favory au Connétable
pDur fes propres intérêts ^ mais
dans des apparences lîflateu fes,
il ne fai foi t paraître que despré-
tentions modérées, loit que le
mauvais état des affaires, & la
jeuneiïe du Roy luy fiffent ap-
p.chcderles rifqucs du premier
Porte 5 ou que ne fe voyant pas
en état d'y entrer de plein-pied,
il voulut fc faire desdegrez pour
y monter. Il paroifToit fouhai-
ter une Junte pour le gouver-
nement
d'Espagne. it9
ncmcnt dans laquelle il auroit
été avec linquilîteur Gene-
ral, & le Marquis de Manie|[^5
il difoit quelquefois à (es amis
que le poids des grandes affaires
l'etonnoiti qu'il trouyoicplus de
difficulté à les foixtcnir, que les
perfonnes qui les regardent
d'une diitance plus éloignée ne
le peuvent comprendre, &que
toute fa paiEon étoit de contri-
bueràlajunte.
La Reine- Merc ne s'éloi-
gnoit pas de ce projet, parce que
c'ctoit le moyen d'avoir Tentic-
rc autorité entre fes mains: car
le Confeil étant corr pofe de Ces
Créatures , toutes les apparen-
ces auroient voulu qu elles ne
s'cloignaflcnt point de (es vo-
lontez 5 le Connétable de foa
coté fcpromettoitfecrectcinent
que par fonefprit&ia conduite,
I. Part. N
a^o M£M. DE LA Cour.'
il (croit toujours au defTus des
deux autres, &qu'ainfi iln'au-
roit des Compagnons que pour
lify aider à porter l'a verilon pu-
blique ) n quelque chofe vcnoic
àrcuflirmal.
Mais cette ]unte qui mettoii:
toute Tautorité entre les mains
de trois perfonnes feules > dé-
truifoit en même tcms re{pc«
rance de toutes celles 4c ce par-
ty qui la fouhaitoient plus par«
tagce , par raport à leurs pro-
fncs inccrcts. llsauroienc voulu
avoirauin nombrcufc que du-
rant la llcgcnce» & ils lacom-
polbient du Cardinal Portoca-
rcro, Archevêque de Tolède,
de Don Melchior Navarra qui
avoic ctc autrefois Vicc-Chan-
cclicr d'Arragon , du Duc de
JMcdinvi-Ccli ,&: des trois dont
je viens de parler.
d/E s p a g N F. ttfl
On fut fi perfuadc qu'après
tant de divers projets, la Junte
ne feroit remplie que des Créa-
turcs de la Reine- Mère y que
Talarme devint generalle parmy
celles qui avoientété dévouées
à Don Juan, qui craignoient le
creditdelaKeyne-Mere, &rc-
Icvation du Connétable/ plu-
fieurs s'aflcmblerent là-deffus,
ilsenvifagerent leur perte dans
Tavancement du party contrai-
re; ils fe ralierent au Duc de
Mcdina-Celi pour y trouver de
la proteâion , dans Telperarice
de le voir premier Miniltre j ils
trouvoient qu'il leur étoit plus
utile qu'un feul fut heureux , &
qu'il leur voulut du bien, que
d'en voir trois heureux depen-
dans d'une feule qui avoit de
juitesraifqpsdelcur vouloir du
mal
Nij
1^1 Mem. delaCouic
Le Duc de Medina-Celi avoit
une conduite égale & paifiblc,
qui Tavoic rendu agréable au
Roy; cet agrément que Tonne
voyoit que pour luy , lefaifbit
regarder par la plupart des
Courtifans, comme celuy qui
devoit lèplus prétendre à la fa-
veur,dans une Cour où la Gran-
deur du Rang &: de la Naiflancc
cftune des plus effèntiellequa*
litez pour devenir Premier Mi-
niitre 3 ceux qui pcnetroient
les véritables difpofîtions du
Roy , voyoient bien qu'au mi-
lieu de ces difFerenspartys, il ne
laiflbitpas de s'avancer à la fa-
veur ; mais foit par un effet de
prudence ôcdemodération, ou
peut-être par les difpofîtions de
ceux qui étoient' dans des inté-
rêts contraires , il ne s'élevoic
que lentcment^il fembloit même
dT s ? a g N E. 253
que la plus grande partie de fon
ambition venoic de fes Amis, &
qu'il fuivoit moins Ces propres
mou vemens,que ceux qu'ils s'at-
tachoient de luy donner. Je<«
veux ce que vous voulez, leur ^«
difoit-il:maisen veritc,le repos "
que Ton abandonne pour fe li- «
vrer à tous les murmures du *«
peuple, & à toutes les inquie-<«
tudes publiques, modère bien «
le plaifir qui elt inféparable ««
d'un fi grand Polie 3 & fans le <«
fcrvice que l'on y peut rendre «^
à fon Maître , je ne fçaurois <«
croire que le cœur foit agréa- «
blement remply d'une chofc^c
^ui traîne tant de varietez<c
après elle. «^
L'on n étoit occupé que des
deux difFerentes brigues qui fc
formoient par le Connétable ,
appuyé de la Reine-Mcre , ôc
Niij
15)4 Me M. DE laCoufl
par le Duc de Mcdina-Celi,
Iccondé de tx>utcs les Créatures
de Don Juans mais pendant que
ces Rivaux Te diiputoient ou-
vertement la faveur, & que tou-
te la Cour paroillbit partagée
cncre-eux > chacun embraflanc
différemment leur party, Don
Geronimod'Eguya en rormoit
un troificme prefque luy feul i il
fe vit tout d*un coup Secrétaire.
d'Etat, lors que le Marquis de
Valenzuela devenu Favory de
la Reine-Mere , après Teloignc-
ment du Père Ni tard , ôta cette
Charge à Don Pedro Fernan-
dezdclCampo, qui n'ëtoit pas
aflczfoLimis &: aflcz Toupie au-
près dcUiy, de manière que l'on
peut dire que Tes Hauteurs cau-
lerent la chiue 5 ValenzueJa
n'ayant pas lieu d'être content
de luy, l'obligea de quitter la
d'Espagne. 15^5
Charge , & la fît exercer par
d'Eguya.
Celuy-cy avoir un exemple
trop ïécent devant lesyeux,pour
tomber dans la même faute 5 &
comme il étoit adroit, complai-
fant & diffimulé , qu'il fui voit la
faveur pied à pied, qu'il fça voit
s'éloigner à propos des édifices
prêts à tomber, & s'approcher
toujours de ceux que Ion élc-
voit , il ne négligea rien pour
plaire à Valenzuela tant qu'il
fut fur le bon pied : mais quand
il vit fa fortune chancelante > 6c
que la Cour fe tournoit du côté
de Don Juan , il prît avec luy
des mefures par avance , & {c
conferva durant fon Minilterc
par une extrême foûmiflîon : il
n'avoit pas été un des derniers à
fe jetter dans fon party, il fut
auflî un des premiers à l'aban-
"K T • • • •
N iiij
a^6 Me M. de la Cquk'
donner des qu'il connut que le
crédit de ce Prince étoit fur fon
déclin ; quelque tems même
avant la fin de Don Juan^ il fc
conduifit comme avant celle de
Valenzuela j il entra en com-
merce avec la Reine- Merc ; il
luy fit témoigner qu'il ne vou-
loit dépendre qued elle i & foit
qu'il l'en eût perfuadée^ou qu-
elle n'eût pas trouvé encore roc-
cafion de le faire ôter de fon
Polfcc, il y étoit maintenu fort
agréablement.
Dans tousceschangemens, il
n'avoit (a Charge que par Com-
miffion ; mais comme elle luy
donnoit lieu de voir inceflam*
ment le Roy, & de traiter fcul
avec luy de toutes les affaires , il
en profita pour luy inipirer de
la défiance contre tous ceux qui
pouvoient avec jullicc préten-
d'E's pagne; 25*7
drc à la favcur> & contre les per-
fonnes les plus confidcrables j
de manière que n'étant qu'un
fimple Secrétaire d'Etat par
Commiflion , d'un génie en ap-
parence affez borné & peu ex-
périmenté, il fe vit en pouvoir
de balancer pendant un tems
deux puiflans Partis , fans que
ni l'un ni l'autre pût devenir
maître des afFairesjtant qù*il s'y
oppofa.
Quelque penchant qu'eût le
Roy pour le Duc de Medinà-
Celi , Don Geronimo l'arrctoit
tout court , en luy renouvellant
l'idée du N^iiniitere deDonJuanj
TEfclavage où il l'avoit tenu , «
les perfecutions faites à la Rei- «
ne fa JMere , tant de Perfonnes ^^
de Qualité maltraitées fans fu- <«
jet , les miferes du peuple j & «
plufieurs autres deibrdres in-^<*
N Y
7y
9y
3>
5>
l'C) 8 M Ë M. D E L A C O U R
^, évitablcs> quand on abandon-
ne leGouvernemcnc au capri-
ce d'un feuli & d'autre part j
5> ii luy repréfentoit la Junte
3, comme une troupe deMinif-
5, très, qui tous voudroient com-
mander, Scquiembaraflcroiét
toujours les affaires par leurs
5, jaloulîes &:leurs contrarietezi
,,* quelle luy Teroit autant à
y, charge qu'inutile à TEtati que
„ les Juntes pou voient être bon-
yi nés pendant les minoritéz i
„ mais que Sa Majelté n'étoic
„ plusenàgc de fc donner des
>, Gouverneurs 3 quepreluppo-
„ fe qu'il luy plut d en conipo-
„ (èr une, Tobligacion ou il fe-
„ roi t d'y faire encrer le Connê-
5, table, le [etceroit dans de nou-
5, veaux embarrasjque Ton génie
„ étoicaltier & impérieux dans
„ fautorité iqu il avoitdcgran*
D 'E s P A G N E. 1^5
des liaifons avec laRcine-Me-<*
rci :]u'elle ctoit accoutumée à <^
gouverner 5 qu elle revien- «*
droit aifément Maîtreflc par<^
une Junte qui feroic toute à <*
elle i que puis qu'il étoit ma- <^
rie, &^u'ilavoit la prudence <^
& rcfpric neceflaire, il de voit «*
fe conduire par luy- même 5 *^
que s'il en ufoit autrement, il «*
fetrouveroit peu à peu réduit '^
aux loufFrances > dont il ne vc- «^
noit que de s'afFranchir. <>
Il eil naturel à un jeune Roy
de vouloir ferrer de Tindepen-
dancc 5 & comme il demeuroit
ainfi en fufpens, d'Eguyareiloit
feulavcc luy Maître des aflPai-
resj le Conteffeurinfpiroitaflez
au Roy les mêmes vues , de n'a-
voir point de Premier Miniltre
dont il pût dépendre , & la Du-
chcfle de Terra-Nova fe trou*-
■ N vj
c
300 Me M. Df laCoui.
voit dans un pareil intérêt d'é-
loigner la Reine-Mere, la Jun-
te, & un Favory: pendant cet
Interrègne, elle gagnoit le tems
de s'afFermir dans refprit du
Roy j elle ne doutoit point que
fila Reine- Mère devenoit une
fois Maîtfefle , par elle ou par
{es Créatures, elle commence-
roit par Télôigner du Palais ,. ce-
la lobligeoit de parler tres-fou-
vent au R oy , & fon unique foin
ctoitde luy perfuader qu'il de-
voit tout appréhender de la part
de la Reine fa Mère 5 elle luy
infpiroit de feaiblables défian-
ces pour la Reyne, dont la jeu*
neflé & la facilité luy laiiloient
toutes les mefures libresjelle luy
difoit fans cefTe des chofesdef-
agreables, propres à le chagri-
ner: mais il aimoit tant la Reine,
qu'encore qu'il crut les conte^
d'Espagne. 501
que cccte méchante vieille luy ^
faiibic, il n'en a voit pas moins
de tendrefle.
La Cour étoit toujours au
Buen-Retiro, c'cft à dire hors
de Madrid 5 en attendant que
la Reine pût faire fon Entrée
pour aller enfuîte loger au Pa-
lais, les préparatifs de cette En-
trée furent longs 5 on crût mê-
me pendant quelque tems , que
la Reine étant groflèi mais cet-
te efperance étant perdue au
commencement de Janvier mil
fix cens quatre- vingt , elle fie
fon Entrée le ij.du même mois j
la Reine- Mère alla dés le ma-
tin au Buen-Retiro , d'où elle
fortit quelque tems après avec
leRoy,- ils furent enfemble voir
toutes les rues par où laRei--
ne devoit paffer , & fe rendi-
rent enfuite chez U Comceûb
302 Me M. DE LA Cour
Dognate dans un Balcon fait
exprès, tout doré, avec des ja-
loufies 3 on ferma les ave-
nues qui conduifent au Re^
tiro, & Ton fit défenfe qu'au-
cun Caroflèy paflat: la Reine
monta à Cheva là onze heures;
ceux qui dévoient aller devant
elle fe mirent en marche , &
fortirent par la porte de marbre
que Ton a voit faite de puis peu 3
les Timballiers & les Trom-
pettes de la Ville avec leurs ha-
bits de Cérémonie, étoient à la
têce de tout 3 après eux les Al-
caldes de Cour , les Titres , les
Chevaliers des trois Ordres mi-
litaires , les Gentilshommes de
laMailbn du Roy, les Mayor-
domcsdelaReincôclesGrands
d'Fipagne , fuivis d'un grand
nombre de Pages&ide Laquai.^>
dont les différentes livrées de
d'E s pagn e. 303
brocard & de galons or & ar- ^^
gcnt , mêlez de couleur , fai-
foient une agréable diverfitéî
les Ecuyers de la Reine mar-»-
choient à pied immediacemenc
devant elleileComce de Villa-
Mayana étoit à fadroiteic'ctoit
fon premier Ecuyer 5 elle etoit
entourée de Tes Meains ou Ëa«
fans d'honneur ( quand eileaU
loit à pied 5 elle s'appuyoic fur
eux ); laDuchcffc de Terrano-
va la fui voit , &: Dona Laura de
Alargon Gouvernante desFilles
d'honneur toutes deux montées
furdesMules,&enhabitde veu-
ve, qui reflcmblc à celuy des
Pveligieuies, excepté que quand
elles vont à Cheval , elles ont
de grands chapeaux fur leur
tête, qui ne font pas moins de
peur que le relie de leur figu-
re : mais pn voyoit enfuitc
^•^T
Z04 Mem. de la Cour
avec beaucoup depkifîrDona;
rTcrela de Tolède, Donà Fran-
cifca Henriquez , Dona Maria
de Gufman , Jofcph de Figuc-
roa,& Dona JManuela deVelaC-
co 5 Filles d'honneur de la Rei-
ne , toutes fort jolies & fort
magnifiques 3 elles ctoient à
Cheval accompagnées chacune
de leurs parens,au milieu def^
quels elles marchoient j il y a-
voit plufieurs Chevaux de main
admirablement beaux , menez
par des Palfreniers vécus deri-
ches livrées , & la marche étoit
fermée par la Garde de laLan-
cillajon voyoit dans le Prado,
qui eil une des plus agréables
promenades de Madrid, à cau-
fede plufieurs Fontaines jaillif-
fantes quiTarrofent, une gale-
rie ouverte de chaque côte par
vingt&une arcadeiil y avoitdes
d'Espagne. 305
cnfoncemens dans lefqucls é-
toienc les Armes des divers
Royaumes de la Domination
d'Efpagne, attachées à des co-
lonnes qui foûtenoient des Sta-
tues dorées, lefquellesprefen-
toient des Devifes à l'honneur
de la R eine, des Couronnes , &
des Infcriptions qui fc rappor-
toient à ces Royaumesi la Rei-
ne trouva au bout de la Gale-
rie un Arc de triomphe très-
bienentenduôcfort beau,pa[r le-
quel elle entra dans la Villcj le
Corrigidor & les Régidors ha*
billez de brocard d or , rouge
cramoify , avec des bonnets
Se des chauffes comme les por-
toicntles anciens Caftillans>luy
prefenterent les Clefs de la Vil-
le, & un Dais qu ils portèrent
toujours fur Elle pendant tou-
te la marche : les rues étoient
30(? Mem. de la Cour
tapiûTecs des plus belles Ta-
\ pifleriesdu monde; on cltinioit
1 à onze millions les Pierreries
l qui parurenc dans la rue des
Orphevres: il faudroit s'arrê-
ter trop pour décrire toutes les
Magnificences de ce jour-là ,
je me contenteray feulement de
dire que la Reine ctoit montée
s/ fur un beau Cheval d'Anda-
louzie ,qui, à fa démarche no-
ble, paroifloit tout fier de por-
ter une fi belle & fi grande
Princcllci fon habit ctoit li cou-
vert de broderie, quel on n'en
voyoit point TétofFe 3 clic avoit
un Chapeau avec des plumes
blanches, mêlces d'incarnacySc
la perle appcllce Peregrina^ qui
eft auflî groflè qu'une petite
poire de rouflèlet,&: d'une va-
leur ineltimablc,pcndoit au def-
fous d'une agraphe de Dia-
dTspagne. 307
mans , dont le Chapeau étoic
recrouffé j elle a voie auilî au
doigt IcgrandDiamantduRoy,
que Ton prétend furpafTcr en
beauté tous ceux dont on peut
faire une Bague 3 mais la bon-
ne grâce de la Reine , dans tou.
tes fes actions, & particulière-
ment à manier fon Cheval, Se ^
les charmes de faPerfonne,bril-
loient bien davantage que les
Pierreries qui la paroient, quoy
qu'il foit vray que les yeux
n'en foûtenoientréclat qu'avec
peine 3 elle s'arrêta devant le
Balcon de la ComtefleDogna-
te pour faliier le Roy & la Rei-
ne-Mereiils entrouvrirent la ja-
loufie environ de quatre doigts
pour la voir , & le Roy pre- ^-
nant fon mouchoir dans fa main
le porta plu fleurs fois à fa bou-
che, à fcs yeux, ôc à fonxœuri
3o8 Me M. DE LA COUK
ce qui cft une fort grande ga-
lanterie en Efpagneielle conti-
nua fa marche, & le Roy avec
la Reine - Mère la receurenc
dans la Court du Palais, ce pre-
mier luy aida à defcendre de
Cheval , & l'autre la prenant
par la main,laconduifit à fon
Appartement > où elle Tem-
brafla plufieurs fois , répétant
qu'elle ctoit trop heureufe d'a-
voir une belle-Fille il aimable.
Il y eut le foir des feux d'Ar-
tifices, & des illuminations du-
rant trois nuits j le Roy tint le
lendemain Chapelle au Palais 5
laReines'y rendit dans fa Tri-
bune i les Ambaflàdeurs & les
Grands s'y trouvèrent félon
la coutume 3 on y chanta le Te
Deumy & Taprés dîné le Roy ôc
la Reine fortirent enfemble en
public pour la première fois j
D*E s P A G N I. 305
ils étoîcnc dans un Chariot
fait comme un Char de Triom-
phe l'ans Impcrialle, & ouvert
de tous les côccz pour fe faire
voir au Peuple. Ils traverfc-
rcnt la granclc Place du Palais,
& paflercnt par plufieurs rues
dont les balcons ctoient pleins
de Dames , qui méloient leurs
acclamations avec celles dupeo.
pies 5 lesGrands fuivoient leurs
Majellez dans des Caroflcs
magnifiques avec un grand
nombre de gens de livrées^
il y eût plufieurs de ces Sci*
gneurs , qui neuf jours du- (
rant curent neuf différentes
livrées , plus belle Tune que
Tautre ; ils furent ainfi â Nô*
tre - Dame Datocha ; & lors
quils retournèrent au Palais,
comme il étoit déjà nuit. Ton
avoit allumé à toutes les fcnô*
310 Me M. DE LA Cour.
trcsdcsFlambeaux de cire blan-
che > de manière que les rues
ctoient fi agréablement éclai-
rées , que Ion voyoit prcfquc
d'un bouc de la Ville à l'autre i
le plus bel efFct de ces lumières ,
ctoit réfervé pour la Plaça
Mayor, qui ell tres-grandc, &
quarrée,& a toutes fesmaifons
bâties avec cinq rangs de bal-
cons les uns fur les autres, où
Ton avoit attaché plus de trois
mille flambeaux : quand le Roy
& la Reine y furent arrivez,
on cira un feu d'Artifice que Ion
y avoit préparé 3 il y eut pen-
dant plufieurs jours de fuite
d'autres divertiiïèmens 5 tan-
tôt leurs Majeltez alloientàla
Chafl'e , d'autre fois à la Co-
médie ou à la promenade i tan-
tôt elles alloientfoûper chez la
Reine-Mere)Oula Rcine-Me-
d'Espagne. 301
rc venoit manger au Palais j tou-
tes les Dames eurent l'honneur
de bai fer la main de la Reine>
les Confeils & les Grands la
complimentèrent auffi.
Quelques jours après fon En-
trée,on vit i Madrid une Fê-
te de Taureaux la plus magni-
fique qui s'y fut faite depuis
long-tems; le Roy & la Reine
fe rendirent dans la grandePla-
ce à une heure après midy 3 il
entra enfuite le Duc de Mé-
dina Sidonia, &: le Marquis de
Camaraza , Grands d'EfpagnCf
Don Félix de Cordoua , fécond
FilsduDucdeScfla,DonFran-
cifco Mofcofo, & Don Fernan*
do de Lea , Gentilhomme de
Cordouc , fuivis chacun de cent '
Laquais , les uns habillez â la
Turque , les autres à la Gre-
que> & de cette manière ïïrrc^
311 Me M. DE LA Cour
prefentoient plulîeurs Nacionss
ils combatirciit avec beaucoup
d'adrefle & de courage ; le Fils
du Duc CeiTa eût deux Che-
vaux tuez fous luyi ce Speda-
cle cil un reftc des Mores , donc
le génie &les manières ne font
pas cntiéremcnc fortis d'Efpa-
gne , lors qu'ils en ont été chaf-
fez;lesEfpagnols femblent tenir
encore quelque chofedes Bar-
bares, quand on les voit s'ex-
pofer pour divertir le Public à
combatre des Taureaux fauva-
ges 3 & qu'il y a peu de Fêtes ,
qu'il n'en coûte la vie à des
hommes : maislareprefentation
en cft grande : les Combatans
y paroiflent fur les plus nobles
Chevaux du monde, & rien ne
fait une plus belle veuë , que
la Place du Combat extrême-
ment vallc , environnée de cinq
rangs
d'Espagne. 513
rangs de Balcons tous égaux y
autant parez de riches étofFcs,
que remplis d'un nombrepref-
<jue infini de Spcélateurs.
Le Roy nomma le 18. de Jan-
vier le Marquis Doflcra pour
aller Vicç-Roy par intérim en
Sardagne, parce que le Comte
d'Egmon n'ctoit pas encore en
état de s'y rendre i il nomma le
îîiêîiîe jour le Marquis de Fufcn-
tesjFils de celuy quiavoit été
AnibafTadeur en France, pour y
aller avec cettequalité à la pla-
ce du Duc de Giovenazzo, qui
d'Envoyé à la Cour deSavoye,
avoit été nommé à celle de
France : mais il fut deltine pour
retourner â Turin.
Cependant leMarquis deVil-
lamayna , Premier Ecuycr de
la Reine, faifoit la Charge de
Grand Ecuyer â la place du
L Part. O
Xr4 M E M. D E LA C OU R.
Duc Doflbnc , qui sctoit atti-
re par fa conduite une defFen-
fe de venir au Palais : le Mar-
^ quis d'Aftorgas profitoit de (on
abfencepour faire fa Cour > &
bien qu'il eût été malade , &
qu'il le fut encore, il alloittous
les jours avec cinq Carofïès
d'une fort grande beauté &
une nombreufe livrée chez le
Roy. Le Duc Doflbne en étant
informé , refolut de le rencon-
trer Se de luy faire quelque cha-
grin i en ettct il prit beaucoup
de monde avec luy , & fça-
chant par oîi le Marquis de-
voit pafler, il commandai foa
Cocher d'aller à toute bride,
d'acrocher le Carofle du Mar-
quis , & de le renverfcr en cas
qu'il fut dedans } il eft vray
que ce jour-là il alloit en chaife,
& que fcs Caroflesle fuivoient^
d'Espagne. 515
îe Cocher du DucDoflbne,ne
iaiffa pas de s'y prendre fi a-
droitement , qu'il en jet ta ua
dans le ruiffeauî cette rencon-
tre fit grand bruit , & n'accom%
nioda point les affaires du Duc,
qui n étoient pas déjà en trop
•bon état>
Madame la Connétable Co-
lonna qui ctoit fortie du Con-
vent où elle demeuroit, pour
voir l'Entrée de la Reine, reC-
la chez la MarquifedelosBal-
bazez jufques au cinquicmcde
Février, qu'an l'amena par or-
ilre du Roy dans un Convent
à quelques lieues de Madrid.
C'eft la coutume en Efpagnc
que dans les grandes occafions,
foitdejoyeoudc trilteflc, tous
les Royaumes & toutes IcsPrin-
cipautez qui dépendent du Roy,
luy envoyent des Députez pour
3l6 MeM. DELA COUR^
luy faire Compliment ; ainfi
Don Pedro de Salinas-y-Unda
vint au Nom de la Principauté
Dalava , accompagné du Duc
de Pailrane ) & de Don Jofeph
de Silva fon frère , bailcr les
mains du Roy, & luy faire Com-
pliment fur ion Mariage. Les
Royaumes de Naples , de Na-
varre, d'Ârragon, Grenade> Ô(
bien d'autres endroits y envoyè-
rent auffi. Apres que le Roy
leur eut donné Audience , il fut
avec la Reine à une grande
Chafle de Sanglier, où Ton en
tua beaucoup. Le Duc de PaC
trane qui excrçoit la Charge
de Grand Veneur en l'abfence
du Marquis de Liche, conduifîc
la Reyne dans un endroit de la
Forêt extrêmement agréable;
plufîeursRuiiTeaux de fontaines
couloiçnten ce lieu; Se fous de
d'Es?agne. 317
grands Arbres fort hauts , on
avoit tendu un Pavillon de Bro-
card d or, garny de Franges de
même: tous les Arbres étoient
couverts de petits Singes, d'E-
cureiiils > de Perroquets , & de
mille fonesd'Oi féaux, que Ton
y avoit attachez 3 de jeunes en-^
tans habillez en Faunes , en SiU
vains, en Satires ; des Filles vê^
tues en Driades,en Nimphes, &
cnBergcresifervirenc une gran-
de Collation à Sa Majefl:é,qui
en témoigna d'abord de la joy c ;
mais fans que Ion ait fçû quel-
les pcn fées luy vinrent, elle pa-
rut fort trille tout le relie du
jour.
A la Fête de la Purification ,
il fe fit après la Mefle une Pro-^
ceflîon dans les Galeries du Pa-
lais i les Religieux des Ordres
Mandians, & tous les Eccleiia^
Oiij
■;
\
'3i8 Mbm. delaCouk.
iliques de la Chapelle àlloiem
devant les Pages du Roy , &
ceux de la Reine fui voient. Les
Grands d*Efpagne marchoienc
de V âcleursM aj ellés,laD uchcfle
de Terra-Nova portoitla Robe
delà Reine, fes Filles d'honneur
venoient après elle, &iln'ypa-
roiffoit que ce petit nombre de
Dames qui coniîfte en dix-huit
ou vingt. Ce n'efl pas comme
dans les autres Païs , où elles
vont toutes àla fuite de leur Sou-
veraine.
y^ La jeune Reine en changeant
de demeure,n avoic point chan-
ge cette vie folitaire & defagrca^
blequellemcnoit auBuen-Re-
tiro,fous la garde de la DuchcfTe
de Terra-Nova. Ellelagouver-
noit comme un enfant , & elle
continua de la traiter encore
plus mal, il ce n eft qu elle re-
d'E s ^ a g n^ e/ 315
çùc les vifites de quelques Da-
mes, qui fouvent rennuyoienc
plus que la folitude même ; ce
n écoitpas qu'elles manqualTenc
d cfprit , on ne peut leur repro-
cher ce défauc : mais la Reine
les cntendoit peu , &: elle n'a voie
point pour elles cette confiance,
qui donne de la liberté , & qui
fait la joye , tout ctoit compaflc, ;
Révérences , Grandeur , & Ce- \
remonie. J'eus l'honneur de
luy aller bai fer les mains dans
ce tems-là, &: clleneput s'em-
pêcher de ioûrire lors qu'elle
me vit habillée à rEfpagnollej
car excepté elle feule, je n'ay ja- ^
mais vu d'Etrangère qui fuâènc
bien dans cet habit. Après avoir
travcrfé des Appartemens , donc
il ell vray que l'on peut parler
comme d'une fort belle chofe , je
la trouvaydans unCabinet peint
O iijj
v^
320 Me M, DELA Cou R
&doré;frcmply de grandes Gla-
ces de Miroirs attachées dans le
Lambry s elle étoit fur un Car*^
reau proche de la Fenêtre, qui
faifoic un ou vrage de La flîs d or*
mêle de foye blcuë , fes cheveux
^toient feparez fur le milieu
de la tête qu'elle avoit noë i
ils luy faifoient feulement une
Natte qui étoit cordonnée. dç
groffcs Perles , & s'attachoit i
la Ceinture 3 elle portoit un ha-
bit de Velour couleur de Rofc
brodé d'argent , & des Pendans-
d'oreilles qui luy tomboient juf-
ques fur la Gorge , Ci pefans >
qu'elle prit Ja peine d en ôter
uujpourque j'en jugeaiTcSc j'en
demeuray furprilci elle nie par-
la peu en François , afFedwinc de
fe fervir de la LangucE fpagnol-
le devant la Cainarera Mayorj
elle m'ordonna de luy envoyer
toutes les Lettres qiî^c recc-
vrois deFranceoù il y auroit des
Nouvelles; & fur cequejeluy
dis, que les Nouvelles que Ton
m'écrivoit, n étoient pas dignes
de rattention d'une fi grande
Reyne; Ha, mon Dieu» reprit- \^
elle enlevant les yeux d*un air
charmant, je ne regarderay ja-
mais avec indifférence tout ce
qui peut venir d'un Païs qui
m'eft ficher. Cette afFedion,.
luy dis-je , que vôtre Majeftc
conferve pour nôtre Patrie, me
fait tout efperer , Madame ,
puis que j'ay le bonheur d'en
être,&: que j'ay toutes les incli-
nations d'une bonne Françoifi: 5
elle me repondit à cela avec fa
bonté ordinaire, & elle me dit
en François aflcz bas : J'aurois
mieux aime vous voir habillée à
la mode de France qu'à celle
Ov
3ti ^ ii^* belaGouk.
d'Efpagnc; Mais, Madame, luy
dis- je , c cft un facrifîce que j'ay
fait au RcfpeA que j ay pour
.Vôtre Majefté. Dites plutôt,,
continua-t-clle ciifoûriant, que
la Rigidité delà DuchcfTe vous.
acfFrayéei elle me parut fi bien.
ce jour-là , que je ne poevois-
cefrcP' de Tadmirer : car malgré-
fes chagrins, elle étoit engraif-
fée, & cet embonpoint contri-
buoit encore à la rendre plus
belle & plus charmante.
Loi's que je fus de retour chez
moy , je trouvay mes Lettres de
France arrivées 5 il y en avoit
une entre-autres que je jugeay
bien qui feroit du plaifir à la
Reyne , & je m'en ferois fait
un fort grand de la luy porter:
mais la Camarera n'auroit pas
voulu foufFrir que j'eufle eu
l'honneur de voir Sa Majcflé
D*ESPAGKB. 3x3
deux jours de fuite, a^ipfî je me
contentay d'écrire à cette Du-
cheflc, que je la priois de pré-
fenter cette Lettre à laReyncj
voicy ce qu elle contenoit.
// me femble , Madame , i]nt
je ne fuis aujourd'huy "vous man*
der une nouvelle flus agréable*
que VHimen de Madcmei/elle y
de Blois avec^Monfieur le Prince
de Conty. Le ContraCt de Maria-^
^e fut Jîgni le is. de ce Mois
dans la c hambre du Roy 5 // Ji
rendit a/ept heures du foir dans
eeUe de la Reine , ^ fajja en fuite
dans lafienne avec toute la Mai-
fin Royalle. Le Prince de Conty
donnoit la main i MademoiftUe.
de Blois j elle if oit parie des plus
telles Piererief du monde , qui
toutes en femble brill oient moins
que fis jeuK , & n* avaient pas
Ovj
M BtMi & >|.-a: C, o u h
tâ»t êtieU» quî :lté hy». & U^
Hùfès de f0i$, ieivt: y t0ut€ I4
CêUffi'uçfiâ l$rs at^f&e fêfâi^
dr U Méjeft de fi TaiUi iêêU
éugmentée fét unt, Uànfi d^
€inq àulnes de lù»g que Uade^
mêifeUe de Nénte fêttoh* Le Roy
s\Affrech4 dune Table qtn itHe
€0nire U mutdiUe'} U Rewe, iuiA
)i /a gâMcbey & enfuiu Mi»/H^
gneiut^ lionfieuf^ htadâme^ M^hr
demâi/eSe d OrUan^, Madame I4
Grande Duchefe de lofiane , Ma^
dame dé Gutfe , Monfieut U
V rince ^ Monfieur le T>uc^ &M4':
dame la. Duché fe^ le Prince dei
la Roche^fur-Tûpy ItadempifeUt,
de Bourben , la Prince^fe de Cari^
gnàn^ le Comte de Fermandois,
ie-Due du (Maine , MademoifèUc
de Nante , & MademoiJeUe dei
Tours 3 tous rangez, en demy Cer-r
de autour de U Table. Le Irincc
d'Espagne. 315
de Conty^&miademoi/èUe deBlois^
fe mirent auprès l'un de t autre
en dedans du demy Cercle vis- à
vis de la Table / le Marquis d^
Seignelay s* approcha du Roy , d!
lut tout haut le commencement
du Contrat > mais à peine eut-il
lu les éjualitez, ^ que le Roy dit
que cela, fuffifoit , & figna le
Contrat. Lors que toute la Mai*,
/on Roy aile t'eut Jtgne , le car^
dinal de Boiiillon entra ^ dr sa^
n;ança jufqu'au milieu de la
Chambrf 5 le Prince df Conty
& Mademoi/elle de S lois s^ap^
procherent de luj > & il fit enfuie
te la Cérémonie ordinaire desi
Tianfailles. La Princeffi , com^,
me vous /f avez, , /i nomme Anna
Marie , & le Prince LoUss Ar^
mand. La Cérémonie achevée^
le Roy & toute la Cour furent 4
/'Opéra» J^e lendemain^ le Carri
V
ix6 M BM. D £ L A.Cott K
(fliffdl de JûHiUûn maria Ar
jiMt f rince & la Mie Ftineeffk
dans la chapelle dn Vièax Cka^
teaM , en ftefime du Mey i de
la Reyne , & de rente la Canr i
ie Jiey dina avec tonte la Maifin
Meyalle : le/eir il y eut Ceme'^
die i t^ afrés la Cemedie nngirand
Senpé ^ ehjans cempter les frin^
ees & Prineeffeidu Sang^ ilj^ene
ainquante Dames ^ni mangèrent
i nne Table qnifnffirvie atreia
Services y de deux cens Plats
ebacun . Le Cardinal de BoniU
Ion fit la benediâfion du Lit s le
JRey donna U Chemife au Prince
de Conty , & la Reine i laPrin^
ceffe. Le lendemain , leurs Ma^
jefiet» allèrent la voir à fin
appartement au Chaftean Neuf.
Le Roy luy a denni h Duché de
Vautour > un million d'Argent
tomptant^ cent mille livret dot
d'Espagne. 317
fenjion , ç^ beatécouf de Pierre^
ries s atê Prince de Conty cin^
quânte mille Ecus £ argent corn-
ftant , & une Penfion de 'vingt
tniUe AU Prince de U Roche-fur-
Ion.
A Saint Germain ce dix-
huit Janvier ié 80.
La Reine^Mere> auroic été
d'un fecours extrême à la Reine
d'Efpagne , pour laflFranchir
d'une partie defes peines , fi elle,
avoit pu fc guérir des fbupçons
qu'on luy avoit infpirez contre
elle : mais comme elle croyoic
toujours qu'elle regrctoit l'Ar-
chiducheilè, & qu'elle auroic
voulu la voir à fa place,cette opi«
nion refSerroit toute fa confîan*
cei &laReine-Merequi ne luy
trouvoit point d'ouvenurc de
V
p« Mem. delaCour
cœur , ni une certaine liberté
qu'elle luy fouhaitoit, en fouf-
rroit à fon tour : car en effet , el-
le Taimoit tendrement, & elle
avoit de grandes difpofitionsà
luy en donner des marques.
UAmbaflTadeur de France >
FAmbaffadrice & le ConfcfTcur,
{)arloient fouventà laReinc de
a conduite qu'elle devoit tenir
pour fe procurer un repos folide:
5, ils luy diloient qu'il falloit fc
3, donner toute entière à la Rei-
3, ne fa Bellc-Mcre , par devoir ,
., parreconnoliFancede lamitié
„ qu'elle luy tcmoignoit, &par
„ ménagement pour fes propres
yy intérêts: on luy reprc(cntoit
„ que la Rei.nc-Merc ne devoit
5, pas luy être llifpede, &i qu cn-
5, core que l'Archiduciieflc fut
„ fa Petite-Fille, elleavoitreçu
,> fi peu de témoignage d'amitié
de la part de TEmpcrcur pen^
dant fa difgrace , qu'elle s'y
trouvoittrop fcnfible pour l'a-
voir oublié 5 queTonavoiccu
une conduite bien oppofec du
côté de la France 5 qu'on l'a-
voir plainte & obligée i que la
Reine Tres-Chrétienneavoit
toujours confcrvé un com-
merce & une liaifbn étroite
avec elle > & que la Reine*
Merc fçavoit bien qu'elle ne
pou voit rien faire à fon tour
qui touchât davantage la Rei-
ne de France, qu'en donnanç
toute fa tcndrcfle à la jeune
Reine d'Efpagnci qu'elle luy
trouvoit tous les agremensqui
peuvent engagerlecŒuri que
d'ailleurs elle efperoit de luy
voir bieiVtôt un Héritier de
la Couronne j que c'étoit un
bien nçceûàire à l'Efpagne ;
3fa Me M. de la Cour:
» que les chagrins au fquels elle
» s'abandofînoitpourroicnt luy
3^ ôter ce plaifir > qu'il falloit
n qu'elles agifTent enfemble de
» concertjpourpoflTcdcrlesbon-
» nés grâces & l'efprit du Roy-ij
» qu'il étoic bien plus naturel
5> qu'il partageât fa puiflànce en-
» tre fa Mère & fa Femme > qu -
,> avec un Favory qui ne ion-
»geroit à le fervir qu'autant
3j que fa Famille s'en rcflcnti-
5> tiroit 3 que l'ame des Souve-
^y rains ayant quelque chofc de
5j plus Grand & de plus Noble
5, que celles des particuliers, les
3> fentimcns d'intérêts , n'agi-
j) roient point fur les deux Rci-
» nes> comme ils feroient fur un
3, Premier Miniflre 5 que rien
)> ne devoit être féparé entre-
„ elles , mais qu'il falloit com-
„ mencer par l'union de leurs
^ coeurs.
d'Espagne. 331
La Reine goûtoit fcs raifonsj
elle y trou voit de la vraye fcm-
biance, & de la banne foy 5 elle
vouloit même s'en fervir pour
perfuader Ton efpric : mais maL
gré cela y elle recomboic touc
d'un coup dans la défiance, où
la jectoic de nouveau les dif-
férentes chofes qu'on luy avoic
dites ; outre que le procédé de
la Duchefle de Terranova luy
caufbit les derniers chagrins;,
elle la trouva fi abfoluë, qu el-
le en avoit contraâé une ef^
pece de crainte » à laquelle fa
grande jeuneflTe , fon peu d'ex-
périence & fa douceur naturel-
le Ib joignoient encore; de telles
di fpofitions rcpcchoiet de s*ou-
vrir à laReine-Mere quand elle
vcnoit tout d'un coup à penfer»
que fi ejBFeclivement elle ne l'ai-
zuoit pas, & qu'elle voulut cm-
i.
331 Mem. DE laCour
poifonncrcc qu'elle luy diroît,
ce (croit fc jcttcr dans de nou-
veaux inconveniens; de maniè-
re que malgré le dclîr qu'elle
avoit de luy parler, elle gardoit
toujours le filcnce avec elle j la
Reine. Mcre s'en appercevoit
aflcziellecontinuoic néanmoins
de Tallcr voir prefque tous les
{'ours , & de tems en tems elle
uy envoyoit des prefens.
JEniîn la jeune Reine vaincue
par toutes les démonftrations
d'amitié qu'elle luy faifoit, vou-
lut fe conduire par fesavis,-clies
curent une longue conférence
cnfemblejoù elles prircclesme-
iures qu'elles crurêc néceflaires
pour leur commune latifadion:
La Reine-Mere parla enfuitc
au Roy : mais elle le trouva
dansun efprit froid & referréj
qui avoit de Téloignemempour
cllej elle ne luy en témoigna
*E s f A G N E. 333;
xieiVj & clic prit le party de fc
retirer , pcnfant que Ton Fils
fcroit obligé de revenir à cllcj
&pour quelon remarqua moins
ce changement dans le mondc>
elle ficparoître qu'elle cher-
choit du repos , & qu'elle le
prcfcroit à toutes chofes 5 elle
en parloit même en ces termes-
là aux perfonnes à qui elle té-«
moignoit le plus de confiance >
bien que dans le fond elle eue
d'autres fentimens.
Le Connétable s'apperçut le
premier de ce changement > ôc
il fut un de ceux qui s'en in--
quiéta tdavantage. Il comprit
que la R eine-Mere alloit aban«
donner le foin de l'avancer; &
comme il avoit fon but, il cher-
cha d'autres moyens d'y par-
venir : de manière qu'il fe lia
d'intérêts avec la Camarera
534 Mb M. DE LA CouK
Mayor Don Gcronimo d'H-
guya , & le Confeflcur du
Koy , fcqiicl fit entrer le Duc
Dalbe dans cette nouvelle con-
fédération ; le dcflein de ces
trois derniers, ctoit d'oppofer le
Connétable auDucMedinaceli>
qu'ils croyoient s'avancer dans
rcfprit du Roy, & dont la fa-
veur continuoit de leur faire
ombrage. Le Connétable de
ion côte cherchoit à gagner
par eux , tout ce qu'ils feroienc
perdre auDuc de Medina-Celi.
Ses EmifTaires commençoient à
travailler avec des apparences
aflcz favorables, lors qu'ils s'en
dégoûtèrent parla côfideratioa
de l'humeurimperieufe duCon-
„nêtable.Ile(t li fier,difoient-ils,
„ qu'il aimeroit mieux nous per-
5, dre , que de convenir qu'il
:,nous clt obligé de fon éleva-
d'E s p agni. ' ^55
•i, tion i l>: K'ck^ucMiniflrcquc
i> nous avu.is eu l.ipLue, 1 îc-
„ ra moins redoutable qucliiy.
Don Geronimo d'JEguya, qui
ne pcnlbic qu'à balancer le crc-
dic de ces deux Seigneurs Tun
par lautrc > ne negligeoit pas
leurs réflexions 3 il les mettoic
dans tout leur jour, & leur don*
noie lieu autant qu'illuy étoit
poffîblcd'cn faire de plusfortes.
11 trouvoit plus de douceur à
rcfter fcul dans les affaires, qu à
fc voir affujetty à une dcpen-*
dance nouvelle 3 & cette rai-
son l'obligea de réveiller dans
Icfprit du Roy , la crainte &
Taverfîon qu ii avoit pour le
Connétable : de forte qu'au
lieu de k fervir comme il sy
létoit engage , il ne parloit, &
il ne travailloit que pour luy
rendre fous main > de mauvais
office*.
336 Mem. de la Cour
Quand il s'agit de nos pro-^
près intérêts > & particulière-»
ment de fatisfaire nôtre am«
bition 1 nous fommes fi clairs*
voyans > qu'il cil difficile de
nous tromper long-tems > nous
{)énetrons jufques aux penfées
es plus fecrettes de celuy qui
fe dit nôtre amy , . & nous dé-
mêlons parfaitement fi Ton nous
fert bien , ou fi l'on nous fert
mal. Selon cette regle,leConnê-
table démêla bien julte & bien
vite la conduite que Fon tenoic
avec luy , & les veucs que cha-
cun avoit en particulier. 11 cft
aifé de comprendre de Thu-
meur dont je lay reprefenté,
ce qui fe pafla dans fon efprit :
mais le chagrin qu ilen reflcn-
tit, fut d'autant plus vif, qu'il
l'empêcha d'éclater pendant
quelque tetps.
Don
d'Espagne. 337
Don Gcronimo d'Eguyàfut
îc premier qu'il attaqua, ayant
rcprefenté un jour en piein
Confeii , & avec la dernière ai-
grcur,que les Affaires alloient
de mal en pis ; qu'il n y avoit pas
lieu de s'en étonner j qued*E-
guya 5 qui (èmcloit de les con-
duire , n'avoit ni cfprit , ni ex-
périence , ni capacité ; qu on
devroit luy prdonner de rem-
plir feulement les devoirs de
ih Charge , fans entrer dans
des chofcs qui le paflbient
de (î loin. Comme il achevoîc
fondifcours, Don Manuel de
Lira , Secrétaire d'Etat du
Confeii d'Italie, qui étoitd in-
telligence avec luy , prefenta
en mêmc-tems un, grand Mé-
morial , par lequel il faifoic
voir clairement le préjudice
.que la mauvaife conduite de
I. Part. P
338 Me M. DELA C0U!L
d'Eguya apportoit aux Affaires:
chacun auroit été bien aife que
toutes ces plaintes euflenc obli«
gc le Roy de l'éloigner.
Don Manuel de Lira n'agiG
£)it pas feulement par comptai*
fance pour le Connétable : il
avoit encore Tes veucs parcicu«>
liéres ; il penfoic qu'en chaA
Tant d'Eguya de fon poftc , il
pourroit le remplir i& rien n'a-
x^ime davantage le zèle d'un
particulier, que la part qu'il cf-
pcre dans une affaire impor-
tante : celle-cy n'eût pas tout
IcfFct que le Connétable &luy
s'en promettoient ; cela fîc fai-.
rede longues reflexions au prc-.
niier , & lobligca de revenir à
la Reine- Mcre , & de la pref-
jjfer d'agir en fa faveur i il luy
,5 reprenfénta , que fî leMiniflrc
,, n'étoit pas tout à elle j fon rç-
Î)os ne pourroit pas être de «
ongue durée j <jue le Duc «
dcMedina-Celis'avançoitiôc «
bien que ce fût inipercepti- «
blemcnt > qu'il fe trouveroic <*
tout d'un coup dans unepla- «
ce > d'où il pourroit faire con- «
noître & rciïcntir (es mau- «<
vaifcs intentions à ceux qui «
n'étoient pas fcs amis ; que «
malgré la Politique dont il «
faifoit alors profeffion , il ne ce
laiflbit pas de foûtenir con- «<
tre elle le Prcfident de Caf- <c
tille, Créature de Don Juan, <c
&: dévoue à tous les reflcnti- <<
mens qui Tavoient animé pen- (^
dant (a vie; que leDucétoit <«
le même qui avoit ofé autre- <c
fois luy porter Tordre de fon <«
exil ,• qu'il fembloit dés cc«
tems-là, qu'il triomphoit des <«
malheurs dont elle étoit. ac- <^
340 Me M. D E LA Cou II
,,cablccj que s'il étoit une fois
,>Favory , elle le trouv croit
„ peut-être en fon chemin , ôc
„quc ce peut-être ctoit une
^ chofe certaine & affurée, puîf*
j, quil ctoit encore revêtu des
,> paffions de Don Juan*
La Reine -Mère touchée de
toutes les choies que le Con-
nétable venoit de luy rcprefen-
ter, luy donna fa parole d'agir
puiflamment pour luy : mais le
Duc de Médina- Ceii en ayant
été averty , voulut parer ce
coup , & il ne jugea point de
meilleur moyen pour ramener
Tefprit de laReinc-Mere, que
de kiy témoigner une profonde
„ foûmiffion. Il la vint trouver
„ dans le même tcms ; il luy dit
„ qu'une fortune, qu'il ne tien-
>, drciit pas de fa main , ne pour-
» roit jamais le toucher ^ qu'il
vouloit luy dire redevable <«
des bontez du Roy & dépen* ««
drc d'elle par reconnoiflancc, «<
auffi bien qu'il en dépendoit «
par devoir & par inclina- <«
tion^ qu'il la fupplioit deluy «
rendre juftice, Se de croire <«
que fon cœur, fanaiflance, &"
fa fortune, ctoienc trop c- <<
levées pour qu'il eût pûdeve-<f
nir créature de Don Juan ; "
Qu'il ne le feroit jamais que de «
ton Maître, & qu'il falloitpor- <<
ter une Couronne pour corn- «
mander au Duc de Médina. «
Celi i qu'encore qu'il fe fut «
déclaré pour le Préfident de ^<
Caftille, ce n'a voit point été«^
à la confîderacion de Don«
Juan : mais feulement en veuc «
du fervice du Roy/quil<<
c(toit prêt d'abandonner le«
Préfident, avec qui il nâvoit<^
P IJj
34^ Me M. DE LA CoirR -
j, aucune liaifon d amiticj & que .
>, s'il agifibic dans cette affaire,
»ce n ctoit que pour deffcndrc
5, rautorité du Roy ^ que le
M Nonce avoic voulu attaquer
»dans la conduite qu'il avoit
,, tenue avec le Préfident. La
Reine-Mereluy répondit,qu'el-
le auroit une véritable fatisfac-
tion de pouvoir croire ce qu'il
luydifoit; qu'elle l'cilimoit, &
qu'il ne ticndroit pas à elle de
luy endonner des marques.
Le Connétable averti à fon
tour que la Reine-Mcre avoit
trcs-bien receû les fourni flîons
du Duc, (bit pvir un efprit de
bontéjfoit par indifFerencc pour
le choix que le Roy pourroit
faire d'un Premier Mmiltre^de-
fefpera enfin de voir réùflîr au-
cuns de fes projets, tant pour
la junteoiiilprétendoit entrer,
d'Espagne. 343
fi l'on en formoic une , que pour
la Place de Favory qu'il auroic
mieux aimé remplir tout feul.
Il rcfolut de fe faire au moinj
un mérite auprès du Duc de
Mcdina-Ccli , en luy cédant de
bonne grâce un porte qu'il
pouvoit encore luy difputer.
En effet , il faifît la première
occafîon qu'il trouva de dire au
Roy , que perfonne n'étoit plus
capable que le Duc de le bien
fervir, & de le foulager dans
le Gouvernement de ion Etar^
Il ajouta de grandes louanges
fur la bonne conduite qu il
a voit toujours tenue 3 Se Ton-
demeura furpris de la manière
naturelle dont il parloit, en fc
faifant intérieurement une vio-
lence capable de le faire mou-
rir: mais on jugea qu'il vouloit
devenir agréable au Roy , e»
P lUJ
344 Me M. DE LA Cour.
louant cxtraordinaircment un
homme pour lequel il tcmoi-
gnoic de rindination. Aprés-
tout, il faifoit voir une gcne-
rofité peu commune, lors qu'il
tenoit cette' conduite avec fon
Ennemy. .
Il feroit difficile d'imaginer,
combien la brigue des Cour-
cifans > & Tirrefolutioa du
Roy, pourprendreou ne pren-
dre pas un premier Minillrc>
firent de tort aux afFaircs. Rien
ne fe concluoit , rien ne s'exc-
cutoit 3 tout ctoic dans une
cfpece de rétargiequiajoûtoit
un nouveau mai à ccluy dont
le Royaume ëtoit déjà atteint >
chacun languilToit après le fuc-
cez des moindres affaires 3 ccl^
les qui ctoient portées dans
les Confeils y deiiieuroient des
années , £c celles qui alloient
D^Esp A G ne; 345
diredcment entre les mains du
Roy n'en fortoienc plus> Ainfi
Ton ncfçavoit quel party pren-
dre , ni à qui Ton devoit s'a-
drcffer.
Nôtre Ambafladeur qui
s'étoit promis un changement
agréable dans la conduite que
Ton avoit tenue avec luy, &
qu'il avoir diffimulée attendant
Farrivée de la Reine , ne voyoit
pas que rien prit un autre tour
plus pour luy que pour le relie
deceuxquile plaignoient. Il y
avoit déjà cinq mois qu'il de-
mandoit jufticc fur quelques
infraclions qui avoient été fai-
tes, tant par les Gouverneurs
des Provinces^ que par la prife
de plufieurs de nos Vaiffeaux,
& l'incendie de quelques au- -
très. Mais dans le xetns qu'il :
prefibit une répoûfe pofitive là- -
Pv.
34^ Mem.d E L A Cour'
dcflus , il rcccuc un nouveau
chagrin par l*infolencc d'un
AlcaldCi» &:dcpluficursAlgua-
fils h qui pafflbrcnt devant fon
Hôtel j ce qui ne le fait jamais
à Madrid dans le quartier des
Ambailadeurs. 11 en demeura:
fort furpris : il s'en plaignit > ôc
bien éloigné de luy donner la
fatisfadion qui luy ctoic deuc >
on luy dit que le Roy ne pré-
tendoic plus que fon quartier
fut franc. Cette réfolution étoit
d'autant plus oftbnçante,qu'ellc
n avoit été prife que pour luy
feul, & que tous les autres Am-
bailadeurs joùiflbient a l'ordi-
naire de leurs Privilèges. Ce
neltpas qu'ils n'eullent chacua
en particulier des fujets deplain-
tes ; par exemple, l'Envoyé de
M C'cfl une cfpccc de Prévôt,
k Ce font des Sergens tç des Kçcaxs^
D*£5P ACME, 347
rEl&5teur de Brandcboui^ fsi-
ioîc grand bruic, fur ce qu'on
l'amufoit depuis très- long.cems
par des parotes qui n'avoicnc
aiicuncftet. On dévoie de groC
Ces Sommes i (on Mahre : it
en dcmandoitlc payement j on
Icremctcoic fans ceÔét &; enfin
il connut bien que l'on n eioic
ni en ctac ni en dirpo/ttion
de le farisfaire. Le Nonce ne
paroiflbit pas de Ton côte plus
content , à caufc qu'il voyoic
toujours le Prcfidcnt de Caitjl-
Ic dans fa Charge & dans la
faveur» bien que le lapclcùc
déclaré fuCpcnds , &i qu'il agit-
contre luy pour en avoir julticc.
L'on chcrchoicdansicmcmc
tcms de l'argent pour lever
quatre Rcgimcnrs i:(pagn;>ls ,.
que l'on vouloit envoyer a Mi-
Un , parce oii'on crajgnoit f juel-
i'vj
54? Mem.delaCouk
que mouvement du côté de.
France. Mais il ctoit prcfquc
impoffible de trouver des fonds>.
& largent de la Flotte des In-
des avoit été employé fî prom-
ptement & avec fi peu d ordre,
que 1 on ne fçavoit encore ce
qu il étoit devenu : de forte que
c étoit une chofe tres-difEcilc
de faire aucune remife en
Flandres , ni dans les autres
endroits , où il en falloit. Ceux
qui avançoient d'ordinaire
dans ces fortes doccafions> ne
pouvoient plus le faire > ils é-
loient épuifez ; & la neceffité
étoit généralement fi grande ,.
que 1 on ne fçavoit même où
prendre de l'argent pour la dé-
pence journalière des Maifons
du Roy &: de la Reine. Cela
provint en partie du defordrc
de la Monnoye : la PiftoUc ,.
^
d'Espagne. 345?'
qui ne doit valoir que 48
Reaux de VcUon^ étoic montée
jufquà 1105 &les Patagons, qui
ne vallent que u Reaux^ allè-
rent jufqu à 30. Cela vint de
ce que la plus grande partie
des Reaux de Vellany qui font
de cuivre , étoient faux ,. &
que Tufage navoic pas laifsë
dautorifer de les faire paflcr
dans le Commerce , comme s'ils
a voient été bons.. Mais enfin
ils furent abolis tout d'un coup ,
par le prix exceffif où la piftoilC'^
monta , & l'on ne peut dire^
l'embarras ni les maux qui:
fiii virent ce premier dérègle-
ment. L'on crut dans le mois
de Février 1^80. que c'étoic
une néceffité d'y trouver ua
Î)rompt remède: de manière que
'on remit la PiftoUe de iio
JLt4Hx. à 48 j les Patagons i i2>.
jyO' M E M. D B L A C O U R
& les autres Mon noyés con-
fondue les uncsavec les autres >
furent réduites au huitième de
kur valeur ordinaire. II n'y.
eut prefque perfonnequi iie rel-
fentit avcG beaucoup de perte.
lefFet de ce nouveau règlement;.
& ce qui valoit avant le rabais,
des Monnoycs quarante J?r^«x,.
qui font 4 livres de nôtre Mon-
Doye de France, depuis le rabais»
valoit lïo RcAux ; & c'étoit.
onze livres de nôtre argent :
demanicre que ee que Ton avoit
acheté le Lundy cinquante fois,
fut payé le Mnrdy plus du tiers
davantage 3 &: le Débiteur , qui.
devoir le Samedy vingt mille:
JHeaux d€V(llcnyC\\\\ ne lai (oient,
que roc FiiloUe^, trou va avec
unextremcchagrin qu'il dévoie
le lendemain prés de 500 Pif-
toUes : Tout cecy ruina un.
d'Espagne. j^r
çrand nombre de Familles, Se
cauia beaucoup d'alceracionr
dans les efprits 3 car toutes les
chofes- qui s'acheptcnc , font
plus chères à Madrid qu ail-
leurs, parce que Ton ell oblige-
de les faire venir de fore loin^
& qu'il n y a que peu ou point:
de Manufactures en ce Pays^
Et il arriva» même une efpece
de fedition à Tolède , à caufc:
que dans le rabais de la Mon-,
noyé Ton avoir négligé de ré-
gler le prix des. danrées > &..
qu elles fe trouvèrent d'un prix
cxceflîf. Il faut encore remar-
quer, que la Police eitexcercée-
en Efpagne d'une manière di-
gne de pitié , & que l'humeur
lente & parefleufe de ceux qui
pourroient corriger la mauvai-
fc conduite des autres ajoute.
bcaucoup aux maux publics^,
3yi M E M. DE L A C o n K
Tous ces defordres &: les
plaintes continuelles qui écla^
toient de tous cotez , commen-
cèrent à ébranler Don Geroni-
mod'Eguya. Il connoiflbit bien
que le polie qu'il rcmpliflbit
ctoit délicat, &: que lors qu'il
s'agit de chagriner toude mon-
de, &: de ne remédier à rien,
les malediâ:ions. &c la haine
publique tombent fur le Favo-
ry.> On attribuoit à fa mauvai-
fe conduite, Tctat prcfcnt des
Affaires 5 il luy parut qu'il
ne pouvoit trop tôt fc mettre
àl'abryde la fureur populaire,
ôcil réfolut de ne rien oublier
pour porter le Roy àchoifir un
Premier Miniltre. La veuc de
fcs propres intérêts le firent
agir puiflàmment en faveur du
Duc de Medina-Ccliiilfçavoit
que k Roy avoit une partica-
d'Espagne. 355-
llcre inclination pour luy j il
eiloic perfuadé d'ailleurs que
s'il écoic informé des bons bîti-
ces qu'il luy auroic rendus, il
le maintiendroic dans Ton pof-
te> autant par reconnoiflance
que par l'utilité dont il luy
pouyoit être fur les Affaires »
parce qu'il les conduifoit de-
{^uis aflèz long-tems, & que cela
e mettoit en état de luy don-^
ner des lumières d'autant plus
néceflaires,que lors qu'on entre
dans le Gouvernement > Ton
y eft toujours très-neuf. Il con-
noiflbit de plus, que le Duc.
avoit un fonds de bonté natu^
relie, qui neluypermettoit pas
de l'ôter de fon porte ; & il
ctoit bien feur que tant qu'il
yferoit,il feménageroit les bon-
nes <ïraces du Rov,les fonctions
de la Charge luy donnant lieu
554 Me M. DE LA Cour
d'approcher très- fou vent de fi
Perfonne.
La Camarera Mayor & le
Confefleur du Roy avoient cha-
cun des vcucs particulières , qui
D avoient rien d'opposé a rëlc-
vation duDuc>de forte que toup
le monde concourant aux dif-
pofîtions favorables que le Roy
avoit pour luy , il donna un
Décret ( c'efl le terme ufité y
par lequel il déclaroit le Duc
de Mcdina-Celi, Premier Mi-
niftre, il chargea fur le champ
le PereRelux de le luy porter.
Il fut chez fuy à dix heures du
foir le zi. Février léSo, &: il
luy apprit cette bonne nouvelle,
Perfonne n'eût lieu d'être
furpris de lelcvation du Ducl
il fe la promettoic bien depuis
quelque temps y (bit que le Roy
kiy en eut donnéfaparollc,oa
d'Espagne. 355
que les apparences l'en afluraf-
ienc
Quoy qu'il en foie, on convint
a la Cour,que le Roy ne pouvoir
faire un* meilleur choix. C'é-
toic un homme dans lequel on
trouvoic de fort bonnes quali-
tés, delà douceur» un carade*
rc obligeantjde Tagrémenc dans
refpric, des manières nobles &
aisées i&: Ton étoit feulement
étonné > qu'étant un H grand
Seigneur>ilcat voulu troubler
tout fon repos, en fe chargeant
de la conduite des Aflfaires, quî
étoient alors dans un pitoya-
ble ccat. On ne comprenoic
guère, ( & il ne le comprenoit
peut-être pas luy •même ) com-
ment il pourroit remédier à dej
maux d'un li long cours j il (cm^
bloit qu'il falloit fiiirc un entier
dungemeiit dans l'ordre de la
35^ Mem.delaCouk
Monarchie, & que cccoit un
deflcindontrcxecution paroifv
foie impoffibte. .
Auffi-tôt que l'on fçûc le
choix que le Roy venoic de
faire en faveur du Duc>pcr-
fonne dans Madrid , de tous
ceux qui fom diiliriguez, nefc
diipenfade luy aller faire com-
pliment , tant les Miniflrcs
des Princes eftrangers que les
Grands d'Efpagne 3 II fut le
lendemain , accompagné de fes
parens &. de Ces amis , baifer
lés mains au Roy , 6c le remer-
cier très - humblement. Il re-
çût les jours Tuivans Ces vi-
fîtes fur fon lit, feignant une
légère indifpofition , pour s'e-
xempter de la fitigue des Céré-
monies. Son Appartement & {es
Meubles étoient de la dernière
magnificence 5 mais c eil quel-
d'E s pagn e. 35^7
-que chofe à voir qu'un Efpa-
gnol dans Ion Lit de Parade >
car ils ne fe fervent point de
Robe de Chambre ; ils ont
leur Goliltc & leur Manteau
noir , avec leur Chapeau, ou
la tête nuë, parce que les hom-
mes aulîî bien que les femmes
ne portent point de bonnetj il
...poffedoit depuis ^ long tems
la Charge de Sommelier du
i.Corps, &: en cette Qualité il
ctoit le feul qui commandoic
dans la Chambre du Roy > 6c
qui y couchoit.
11 ne tarda guère à donner
Audience publique dans la Sal-
le, que Ion appelle du Rubisj
celt où le Gonfeil d'Etat saf-
femble: elle eit (bus l'Apparte-
ment du Roy: le Duc y reçût
la Vifite du Nonce, & de
rAmbafl'adcur de Vcnile ; ils
358 Me M. DE LA COUK
ne parurent pas concens de la
manière donc les Fauteuils ë-
toient difpofez, parce qu'on
ne pouvoit point abfolurnient
déterminer , qui d'eux -, ou de
luy , a voit la Place d'honneur;
d ailleurs, il ne les reconduifîc
que jufques à la moitié de la
Salle même de l'Audience : ils
en parlèrent au Marquis de
Villars, qui leur dit, qu'il a-
voit compte de faire cette vî-
lîte avec eux , & que d'ordi-
naire les AmbaffadeursdcCha.
pelle s'acquitcnt tous enfcm-
ble de ces fortes de devoirs 5
niais qu'il n'en écoic pas fâche
à prefenc , parce qu'il profite-
roit de la faute qu'ils avoicnt
commife , & qu'il ne néglige-
roit pas comme eux de pren-
dre toutes les précautions né-
çeflaires iur le Pas , la Place,
D*ESPAGNE. 55Jr
& le Rang; & que pourluy»
il s aflèuroit de Tun & de
Tâucrc. En effet, il envoya de-
mander au Duc s'il ne vouloic
pas en ufer avec luy ,^commc
Don Loiiis de Haro faifoic
avecles Ambafladcursde Fran-i
ce 5 il en convint auili^tôt , de
manière que pour ne point er«
rer fur rien , les Places furent
marquées, & l*on demeura d'ac-
cord de tout avant le jour de
FA udiencc. Les autres Ambafla-
deurs eurent grand dépit de
leurs fautes, & réglèrent fur la
vifite de nôtre Ambaffadeur,
celles quîls continuèrent de
rendre au Premier Miniflre.
Le Comte de Monterey baifi
la main du Roy & de la Reine»
il leur fît des complimens delà
part de la Ville de S. Jacques
de Compoileile. Lç Marquisj
^6o Me M. DELA Co U IL
-d'Aaitorgas fit la même chofc
pour la Ville d'Avila.
Dans ce tems-là Don FraïK.
cifco d'Agourto , fut nommé
par 4e Roy Mcilrc de Camp
General de la Cavalerie. L'En-»
voyé Extraordinaire d'Angle-
terre furprit toute la Cour , par
lexaéte dcfence qu'il fit à ics
gens , de ne laiflcr entrer chez
luy aucun Ecclefialtique , ni
aucun Religieux.
• La jeune Reine n eût guère
lieu par les plaifirs qu'on luy
procura pendant le Carnaval,
de s'appercevoir qu'elle ëtoit
dans un tcms de réjouiilàncci
les meilleurs jours étoient
d'aller à la Chaffe avec le Roy;
& les trois derniers du Carna-
val, on joiia fur le Théâtre du
Buen-Retiro , lequel cit fort
beau , une Gon^die que Ton
prcparoic
préparoic depuis long^ccms. Le
Roy & la Reine la virent le
Dimanche 5 on la ioûa le Ten-
demain pour cous les Confeils»
&c le Mardy pour les Officiers
de la Ville. La Reine ayant
fçeu que la Duchefle deBejar,.
&: la Marquifc de Caftel-Ro^
drigo , qui n'ayoient pas encore
eu d'enfans > écoienc accou-
chées chacune d'uA Fils , de-
manda permiflîon au Roy de
leur envoyer témoigner qu el-
le en avoit de la joye: Je n'y ^^
confensidic le Roy en riant ><«
qu'à condition t que dans <<
neuf mois elles viendront à <c
leur tour vous faire le même <(
compliment.
Toute TEfpagne attendoît a-
vec une impatience extrême,! es
Remèdes que le nouveau Mi-
mitre apporteroit auxdefordres
L Part. (^
\
3^2 Mem. de la CauiL
xjui s'étoient enracinez depuis
long^tems dans la Monarchie
mais quelques- bonnes inten-
tions qu'il eût , il ne luy étoit
pas aifc de les exécuter > l'Ê-.
pargne du Roy fe trou voit épui-
fée, les Particuliers ruinez, le
prix de toutes les Marchand!-
£cs exceflîf , les embarras aug-
mentez par la tolérance dpsMa-
giftrats & par la longueur du
tems; Ton n avoit mis ordre à
rien pendant le Miniflere de
Don Juan , &: depuis fa more
il fembloit que Ton eût afFcdé
d'abandonner les AfFaircs.
Ajoutons à cela, que le Duc
de Medina-Celi n'avoit point
encore eu d'employ , qui pût
luy donner rexpcricnce nécef-
faire dans le Gouvernement.
Il étoit né & nourry dans le
Gcnie de Madrid » qui eit iî
yarcflcux, & fî indolent, qu'on
n'y termine prcfque jamais rien,
11 avoit même laiiTcle Confeil
Maître de délibérer fur les Af-
faires publiques , comme il le
faifoit avant fon Minifterei ôc
il s afllijettiffoit à prendre fa
Confulte i il forma auffi des
Juntes pour les chofes quil
croyoît difficiles.
Il en compofa une entre-au-
très où il fit entrer le Conné-
table , rAmirante , & le Mar-
quis d'Aftorgas , <j.ui étoient
tous trois Confeilîers d'Etat.
On y mit encore trois Théo-
logiens , dont le Confelfeur
du Roy en ctoit un , & trois
Confeilîers du Confeil du
Roy, pour examiner avec lu y
l'Affaire du Prefident de Caf-
cille, fur laquelle le Nonce fai-
foit grand bruit > le fujei en
3^4 M&xf. DE LA CouiL
vint fur ce qucMonlîeurMcL
Uni Nonce > vouloir prcfîdcr à
un Chapitre de Religieux ap*
peliez Clmcos Minores » qui aL.
loient élire un Provincial . Le
Prefident foufaaitoit^ qu'un de
ks amis fût nommé î il fçavoit
que le Nonce en favorifoîc un
autre i il prit le chemin le plus
coure > & par un Décret qu'il
obtint du Roy # il iuy envoyât
faire defFerife de préfider dans
cette Aflcmblce : fur ce qu'il
n obéît pas exactement,il le con.*
damna à mille écus d'amende.
Le Nonce fouflFrit avec beau-
coup de reffcntiment un trai-
tement j(ï extraordinairci il s'en
plaignit au Pape , Sa Sainteté
en écrivit au Roy 3 Don Juan
promit la révocation de ramcn*.
dcj mais pluficurs embarras qui
farcnt fuivis de fa mort, ca
cmpêcherçnc Tcffcr. Le Roy
croyoit que cette Affaire étoit
aflbupic > parce qu*il avoit ccric
au Pape une Lettre tres-fou*
miTe : malgré cela , le Nonce
qui ne pouvoit êtreappaife par
une fimple Lettre j renouvella
cette querelle après la mort du
Prince y il voyoit que le Roy
n'avoit point encore de pre-
mier Miniltre ; il jugeoit que
le Prélîdcnt de CalTille n'en
feroit pas fi bien (outenu, il lu y
connoifibit plu fieurs ennemis }
ôiiquela Reine-Mere entre-au-
tres ctoit la plus animée. Tou-
tes ces côfîderationsluypcrfua-
derent, qu'il en obtiendroit fans
peine une entière fatisfadion.
Il prétendit donc > qu'il de-
voit perdre fa Charge, &qu'il
falloit qu'il allât à Rome fe fai-
re relever de la fufpenfion qu'il
3^^ M £ M^ D £ L A (^ O U K
a voit encourue en l'aniiéei 6jp^
On refufa du côté de la Cour
deluy accorder ce qu'il deman-
doit 5 & là'deâus il fe plaignit
fortement du Roy, difant, qu'rl
exécutoit mal ce qu'il avoic
promis au Pape par fa Lettre^
Le Duc de Médina- Cdi (e
trouvant dans le Mîniftere»
voulut faire examiner les rai-
fons du Nonce , & celles du
Prefîdent, par une Junte,* Ton
alleguoit en faveur de ce der-
nier, qu'étant né EfpagnoUlc
Roy ne pouvoit l'abandonner
au rcflentimcnt du Pape , fi
dans le fonds il ne l'avoit pas
mérité ; qu'il étoit bien vray
qu'il avoit eu en diverfcs occa-
fions une conduite affez irrc-
guliérci mais auffi que fa Char-
ge étoit, de celles que Ion ne
perd pas fans des raifons de la
dEsfagni. 5^7
cfernîére importance : le Pre-
mier Miniilre déclara , qu'il
garderoic fa Charge de Préfî-
denc du Confeil des Indes , &c
queDon VincenteGonzaga en
feroic toutes les fon£fcions 5 il
reçeut avec beaucoup d'hon-
nêteté i'ofFre que l'A mirante
de Callille luy fit de la Char--
ge de Grand Écuyer , qui eit
ordinairement pofTedée par le
Pavory , il ne voulut pas l'ac-
cepter.
H donna ordre à Don Ga:-
briël Qniiiones, Secrétaire du
Confeil de Guerre, derendr«
fes comptes , dans Tefperancc
d'en retirer quelque argent,
car Ton en avoit jamais eu tant
de befôin 3 depuis que Ton eut
publié la Déclaration dU Roy
pour le rabais des Monnoyes >
Je Commerce cefla entièrement
Q^iij
3éS Mem. D£laCour
les boutiques demeurèrent fer-
mées i & le peuple était dans
la dernière fouftranceslc Duc
faifbit tout ce qu itpouvoît pour
remédier à des maux fi pre(^
fans i il vouloit faire batre de.
nouvelle Monnoy.e > & dinii*
minuer le prix de toutes les
Marchandiies : mais VcSct de
ces bonnes intentions > étoit
d'une longue attente > Se la mi-
fcre publiqœ augmentoit tous.
les jours.
Là-dcflus un Homme d'Af-
faire, nommé Marcos Dias ,
prefcnu un Mémoire au Duc,
par lequel il propofoit un moîen
fur d'augmenter les revenus du
Roy en foulagcant le peuple >
âl offrit de prouver que les E-
chevins de la Ville de.Madrid,
fous prétexte de fe remboiir-
fer de ce qu'ils avoient prête
d'Espagne. 3:^9
au feu Roy , avoienc levé de^
fommes trcs-confiderables don^
ils n,'avoicnt jamais rendu com-.
pce 5 il propofoit, qu'on leur fie
rendre ce furplus , afin d'en
profiter, & d'éviter même à Ta*
venir de femblables exactions,
LeDuc i'écoûta , & luy dit que
foa avis étoît bon 5 auflî-tôc
Marcos Dias luy prefenta un
autre Mémoire , par lequel il
cxpofoic , que les Droits du
Roy ccoient confiderablement
diminuez, qu'il ofFroit de payer
autant qu'il en rccevoit parle
dernier éail j de faire une a--
vancc de deux cens mille écus >
un Prcfentde cent mille écus
au Roy, &dcdimîîiuer l'impo-
fîtion des Droits de la moitié de
ce qu'ils montoient en l'année
16^4. où ils étoienc moindres
d'un tiers quç Tannée prefen-
37Û Mem. de la Cour.
te 3 il demandoit pour cela que
les Rentes de THôtcl de Ville
de Madrid, dont le payement
ëtoit affignéfur ce fonds, fuf-
fent réduites à cinq pour cent,
au lieu qu elles montoienc à
huit: mais il ofFroit encore de
rembourfcr ceux qui ne vou-
droient pas porter cette dimi-
nution.
Il elt naturel de croire, qu'il
fçavoitaflcz bien loncôpte pour
nepashazarderde perdre dans
fon marché; &il n'y auroit pas
perdu auflî : car les defordres
& les voleries étoient alors fi
grandes,qu'il n'entroit pas dans
les Coffres du Roy la neuviè-
me partie du Revenu de Ces
Droits, Le Duc voyant oixcela
pou voit aller, confeilla à Mar-
cos Dias de ne point fortir du
Palais i mais il voulut aller à
d'Espagne. 371
Alcala, &:ilcn revint avec des
vomiÛcnicns de fang & des
conviiltions , qui firent croire
qu'il avoit été cmpoifonné : car
cette ouverture d'accommode-
ment pour les AflFaires publi-
quesychagrina quelques Partie
cuiiers de confideration , qui
faiibient leur profit aux dépens
du Souverain &du Peuplcjces
perfonnes-là pour détourner le
coup, avoient écrit à Dias> Se
lavoient menace, que s'il con^
tinuoit Tes propofitions , on le
poignarderoit indubitablemcc (
11 demeura fort effrayé du pe«
ril qu'il couroit , & d'ailleurs
les Échevins ofFroient de faire
au Roy le même party : mais
le Duc irouvoit qu'il y avoit
de la juUice de le prefereri de
manière qu'il refuia les autres,
c'étoit iur toutes ces difte»-
Qvj
37^ Me M. D£ LA Cour
rentes chofes , qu'il luy avoit
dit de prendre garde à luy juf-
ques à ce que le Traité fut
conclu. L'avis étoit falutaire s'il
en eût profite r mais comme il
revenoit d'AIcala à Madrid , il
rencontra des gens mafquez ,
qui luy donnèrent plufîeurs
coups avec des petits facs pleins
de fable > ce qui luy fit jettcr
beaucoup de fang par la bou-
che 5 &: la Fièvre chaude
layant pris, il mourut le pre-
mier jour d'Avril > le Cor-
regidor 6c quelques autres Of-
ficiers de Ville , étoient ceux,
qui s'écoientleplusanimez con-
tre luy , parce qu'il les avoit é-
elairez de prés 5 ils voulurent
cependant faire paroître quel-
ques changemsns avantageux
(jans les AtEiires , & ilsredui-
fjrent les Rentes dcrHôicldc
D*Es PAGNE. 37J
Ville de huit à cinq pour cent.
11 y eut encore quclqu'autrcper
lit Règlement de Police: mais
le Duc ne laiffa pas d'être fort
touché d'avoir perdu , par la
mort de Dias, loccafion de fer-
vir utilement le Roy , & de fou-
lager le Public.
Cependant le Peuple, qui s'é-
toit flaté avec raifon que fi la
propofîtion de Dias avoit lieu,
îabondance reviendroit à la
place de la mifere , ayant fçeu fa
maladie , s'aflembla autour de fa
maifon , & fe mit à crier qu'on
la voit empoifonnc j qu'il falloic
éclaire] r cette Aflfairc , parce
qu'il ne foutFroitqu'à caufc de
la bonne volonté qu'il a voie
pour eux. Ils ajoutèrent degran«
des menaces contre ceux qui
s'oppofoicnt à TcfFct de ces avis
il falutaires j Se comme par ha«
574 Me M. DE LA Cour
zard le Roy vint à pafler dans
fon Carroflc, une grande Trou-
pe fe décacha de la foule , & fe
mit à l'environner fie à le Ibivrc,
en criant 5
Fiva il Rtj y muera el mal Go*
'vierno :
Qui veut dire 3 Vive le Roy et
meure le mauvais Gouvernement.
On eut une peine extrême à
modérer les premiers mouve-
• mens de la fureur populaire, &
elle augmenta beaucoup le jour
que Dias mourut. Us s'aflcmblc-
rcnt plus de fix mille , 6c couru-
rent chez luy , fe plaignant &
pleurant amèrement. Chacun
d'eux dilbit qu'on leur avoit tué
le iéul homme qui leurvouloic
du bien. Ils acconipagnerent
fon corps lorfqu'on le porta en
terre; de forte que les rues ctoiet
Il pleines de monde ; que le Roy
d'E s p a gn e. 375
n'ofa fortir, bien qu'il deût aller
à une grande Fêce qui fe cele-
broic aux Jefuitesj&oiiil avoic
fort envie de fe rendre. Il de-
meura au Palais inquiet & cha-
grin i ilcatendoitmêmedetous
cotez le murmure , qui étoit tel, .
& qui continua fi fort pendant
plufîeurs jours , que Ton crai*
gnoit une fedition. Il n'y a guè-
re d'apparence qu'on l'eut évi-
tée ailleurs: mais, par bon-heur>
ce n étoit que des gens peu refo-
lus & déjà matez par la miferc
dont ils fe plaignoient. Tout fc
pafla en vaines menaces & en
injures contre plufieurs pcrfon-
nes de confideration. Ces me-
naces ne firent point changer
l'état des chofes.
On déclara dans ce tems-là au
Nonce, par ordre de la Cour^
qu'on ne le laiflcroit joiiir que
37^ Mem. D E X A Cour-
des mêmes Franchifes dont
r Ambafladear d'Efpagnc joîiif.
foîtà Rome. Ce fut encore un
furcroît de chagrin pour luy:
mais Taclion fut générale , &
Ion fit fçavoir aux autres Mi-
niitres Etrangers, qu on ne leur
accordéroit à Tavciiir q.ue les
Privilèges que leurs Princes ac-
cordoient aux Ambaffadeurs de
Sa Majeftc Catholique: de ma-
nière qu'il n eût à fe plaindre
que d'être traité comme tous les
autres. Cette rcfolution fe prit,
fur ce que fix Algué^z^ils de Corte^
paflant devant*^ la Maifon de
TAmbaffadeur de Vcnife, trois
de Tes Eftafficrs les reconnu-
rent, & leur demandcrcntpour-
quoy ils ofoient pafler dans leur
Qu artien hz^ AiguàZails leur ré-
pondirent àzs jnfolcnccs i \zs
Edaffiers mirent Tépce à la
d'Es?agne, 377
main 3 les Alguazils firent une
décharge fur eux , & les tuèrent
fur la place. L'AmbafTadeur en
fit de grandes plaintes ,• on luy
promit une entière fatisfaftion;
mais* pour éviter de la faire, on
trouva plus à propos de révo^
qucr toutes les Franchifcs.
Le Roy reçût des Lettres da
Viccjroy de Naplcs> & témoigna
beaucoup de joye caapprenant
qu'il avoit trouve le moyen
d'emprunter à des Marchands
Génois trois cens mille Ecus
pour la levée des quatre mille
hommes que l'on vouloit en-
voyer dans IcMilanoisrmaison
demeura perfuadé à la Cour,
qu'ils ne feroicnt pas de long-
temsen état de s'y rendre » par-
ce qu'il demandoit un fecours
d'argent du côté de Madrid, &
t'onenmanquoit fans exception
378 Mem.de la Couk
pour toutes chofes. Cela n'cm-
Fêcha pas que loa ne fit tout
ejSFortimaginablç pour contri-
buer à la levée de ces 4000
hommes j parce que Ton étoit
fort inquiet duTraité de Cazal>
que Ton prétendoit que nôtre
Royavoit achevé avec le Duc
de Mantouë 5 Tonapprehendoit
qu'il ne fe fut ouvert un chemin
{)our fe rendre Maître de Tlta^
ie quand il levoudroit^&ron
étoit même perfuadé qu'il y
avoit déjà envoyé une Armée.
Les Génois Icuravoient infpi-
ré cette frayeur , & elle avoit
pafsé chez les Vénitiens. Ccux-
cy tirèrent des Garnifons de
Dalniatie, des Soldats pour les
mettre dans leurs 1 laces de
Lombardici ils y tirent rétablir
quelques Fortifications : TEm-
percur de fon côté ne toit pas.
bTs PAGNE. 37^'
plus tranquille que les autres : il
envoya des Troupes vers le M i-
lanois pour le mettre à couvert,
& pluneurs Princes d'Italie fe
donnoient beaucoup de mouve-
ment y dans l'apprehenfion d'u-
ne rupture. Mais s'il y a voit lieu
d'en craindre quelqu'une, c'é-
toit du côté de la Bifcaye, où les*
Peuples de cePaïs-là,qui font
de robeïflance d'Efpagne , ont
prcfque toujours des difFerens
avec ceux de l'obeïflance de
France, tantôt fur la pefcliejtauî-
tôt fur d'autres démêlez : cha^
cun s'approprie la Rivière de
Bidaflba, & ils vivent rarement
en paix: de manière qu'ils ve-
noient tout nouvellement de
brûler des Barques & de faire
des Prifonniers fur les François.
Nôtre Ambàffadeur fut chargé
d'^n demander Jullicex.& il cjx
380 Me M. DE LA Cour:
parla fouvént aux Miniftrcs qui
étoicnt fourds , parce qu'ils le
vouloicnt être j ris le furent lî
fort en cccteoccafion, qu'il dé-
clara enfin à Don Vinccte Gon*
zaga>quele Roy Ton Maître fai-
foie marcher des Troupes vers
cette Frontière > avec lefqucUes
flîluy feroit plus aise de tirer rai-
fon de rinfolcnce des Bifcaycns,
que du Confeil d'Efpagnei qu'il
s'agiffoic du repos de les Sujets,
& qu'il alloit faire en fone de
le leur procurcr.Gonzaga écou-
ta pailîblemcnt Monficur de
Viliars, Se il luy dit enfui te qu'il
étoit furpris qu'il s'adrcfsât à
luY> parce qu'il avoit ccfscd'c-
trc fbn Commiflaire 3 que le
Marquis de los Balbazcz étoit
nommé à fa Place depuis un
nioisi TAmbaflàdcur témoigna
que d'ordinaire ces fortes de
J>'ES PAGNE. }8£
changemens ne fc faifoienc
point fans en avertir ceux qui
s'y trouvoientintcrcflez, & qu'il
n'en avoit pas même entendu
parler. Don Vincenteluy répli-
qua que Don Pedro Coloma
avoit jcté chargé de l'en infor-
mer ; mais qu à la vérité, il avoit
un fonds de négligence qui ne
Ce remarquoit pas feulement
dans cette occaiîon. Il ajouta là-
delTus quelques particularitez
qui n écoient pas obligeantes
pour ce nouvçau Secrétaire
d'E.tat.
Don Pedro Fcrnandez del
Campo > Marquis de Mejorada,
qui avoix été Secrétaire d'Etat,
A: que le Marquis de Valenzuc-
la, Favory , prit une averfion,
parce qu'il ne luy obeïlïbît pas
aifez aveuglément, mountt du
fcnliblc chagrin qu'il rcflcntoir
381 Me M. DE LA Cour
•de n'êcre pas dans lexercice de
fa Charge, Se de la voir toujours
j)ofleder par Don Gcronimo
d'Eguya.
On augmenta dans le même
tems le nombre des Filles de la
Reine 3 le Roy y fit entirer la
Fille de laPrincefle Pio, celles
<ie la ComtefTede Villambrofa,
du Marquis de Pouar » du Duc
d'Hijar , Dona Eleonor de la
^aifbn de Zapata,laNiécede
la DuchefTe de Terra^Nova > &
Mademoifelle de Lalain qui
étoit Flamande, Mais encore
que ce fut là un témoignage dç
confîderation particulière que
le Roy donnoit à la jeune Rei-
ne, parce qu'ordinairement ceP
les d'Efpagne n'en ont pas tant ,
cela n'empêchoit point que les
peines de fon efprit & les vérita-
bles chagrins , que la CamercM
continuoic de luy donner , ne
fuflent tres-fenfible. DonMçl-
chior Navarra , qui avoir été
autrefois Vice - Chanceliicr
d'Arragon , & que Don Juan
exila à Cicnpu2uelos,fut rap-
pelle à rinllance de la Rcine-
Mcrei oncroyoir même que le
Roy lay vouloit donner la
Charge dePrefidenc dèCaltiU
Je , en cas qu'on 1 ocât à celuy
qui étoit brouillé avec leNonce.
Le Roy & la Reine fe firent ^
un plaifir daller entendre aux
Jefuites une Mefic célébrée ea
Langue Caldéenne, par un Prê-
tre de Ja ville deMuzal,qui étoic
autrefois Ninive. Après qu'elle
fut achevée, la Reine qui fou-
haitoit toujours d'apprendre
des chofcs curieufes,le fit yenir>
& par le moyen d'un truche-
niCQt>drk luydemanda plufieurs
\
384 M EM. D £ LA C O U K
^ parclcularitcr, & cutrc-autrcs fi
les femmes écoiencaufli fcverc^
ment gardées à Muzal qu'à Ma-
drid. Ccccc queflion,qui n'avoir
rien de criminel, fut îî mal ex-
pliquée au Roy par la Duchcflc
de Tçrra'>Nova, qu'il en mar-
qua de la froideur à la Reine
i pendant plufieurs jours. Cela
n'cmpccha pas que la Rcinc-
Mere ne la vint voir , & luy té^
moigna avec beaucoup de ten-
drcllc la parc qu elle prcnoic aux
mauvais offices qu'on luy avoir
rendus , &L elles allèrent enfcm-
blcnc à Sainte Marie la Koyalle,
où Ion cclcbroit la Beatitication
de Torribio Alfonfo Mogrobe-
jo, fécond Archevêque de Li-
ma : laMufiquedc la Chapelle
s'y trouva ; leurs- Majellez ap-»
prirent à leur retour , que le
Grand Archidiacre de Madrid
étoic
è'EsPAONZ. 385
ctoit mort; la Rcine-Mcre té-
moigna qu elle fouhaitoic que
cette Dignité fut remplie par
une de Tes Creaturesr&la jeune
Reine propofa d^cnvoyer au
Cardinal Portocarcro pour la lui
demander. Mais il n'étoit déjà
plus tems > le Cardinal pour pré-
venir toutes les foUicitations là«.
defTus, Vétoit hâté d'en gratifier
Don Pedro Porcocarero fon
Neveu.
Pendant que ces petites cho-
Tes fe paûbient) on apprit qu une
Ëfcadre deVaiflèaux de France
que fe Marquis de Valbellc
commandoit > étoitallée devant
rifle de Maillorque pour de-
mander ^u Vice- Roy des Na-
vires Marchands que les Corfai-
-res Maillorquains avoientenle*
vez depuis la Paix 1 & Monf. de
Valbelle avoit en main un Or-
I.Part. ' R
^26 Hem. DE LA CouBL
drc du Roy d'Efpagnc pour cet*
te reftitution. Le ViccRoy ne
voulut point rendre ces prifcs j
» il allégua que les Particuliers
iy qui les avôient faites , les a--
)> voient auffii-tôt partagées ^
>, qu'ils n'étoient pas tous Mail*
.3,lorquaiDs i que les Efiêts ne
S) fubiîfloient plus $ & qu'à fbn
0} tour, il deûiandôit des dédom'*
^, magemens pour certaines hoC
oy tilitez qu'il prctendoit que ces
j,Corraires avoient fouiftertes.
;Valbclle fît encore quelques in»
ilances : mais comme elles n'eu<»
py rent point d'eflfet , il déclara
,>qu*il n'oublieroît rien pour
,> ufcr du droit de Rcprefailles;
„ que les Sujets du Roy d'Efpa^
„gne, qu'il trouveroit en Mer^
$y pourroient s'en apperccveir j
>, qu auffi bien le Rov fon Mai-
f, me avoit lieu de le pUiadrc
d'Espagne. 387
du procédé que Ton tenoic<«
avec luy ^ que plufîeurs Gou- ^
vcrncurs & Vicc-Roys de la <<
dépendance du Roy d'Efpa- <^
gne s'énsancipoienc à commet- <^
tre des injuitices contre ies«^
François $ que c'écoic prefaue ^
toujours inutilement que Von^€
en demandoit Rai (on 9 fbk à <<
eux ou à Madrid joue les Con* <<
fcHs étoient remplis de gens > <<
^uiavoîcnt tenu la même con- <<
duite Igrfqu'ils aroient occupé <<
de. femUables poftes } qu'ils <<
n'ofoient condamner & punir «
dans les autres les fautes qu'ils <<
avoient commijfes cux«memes>f^
qu'ils étoient aiTeurez que ce* «
la caufoit l'impunité & les mal- <<
yerfations qui s'exercoient : <^
en un mot, que l'on alloit pren- <<
dre les voyes de Fait. ^
De il redouubles menace»
Kl)
^^ M BIf. DE t A C« int
lÊcoienti bkn prapres4 allarmof
ceux à qui, on ïes(ziù>it: mais
on a cette maxime etiEipagne;^
que pourvu. qu on voye le mal
'.encore un pcur^loigné > on ne le
craint point I ibit |)ar ihfbténce
.ou par trâierité i:& ikaimenc
mieuX' foufirir les deforâres qui
arrivent par les Executions mi«
iitaire$9,que d'avoir ia^einede
xehdre promptementjufticc Gxt
i lès plaintes qu on teur fait.
Avant que de finir cette pre*
xnierc Partie des Mémoires que
j'écris>jecroy qu'il ne fera pas
jpial de parler des ConfcUs i voi^
Koy ce que j'en ai appris.
..• ».
d'E s p a g k I. 385
CONSEIL D*ETAT.
LE nombre de ces ConfeiU
Icrs n cft pas fixe , il n y a
point de droit d'Ancienneté
encre eux ; ils prennent leur
Scéance félon qu'ils arrivent
dans la Chambre 3 ils prêtent
le Serment entre les mains dti
Royj ilsiônt affisavec les Se-
crétaires d'Etat fur un banc a
dos ; ils ont chacun un careau >
les Confeillers (ont au milieu
proche de la Table , les Secré-
taires d'Etat aux deux bouts.
Quand le Roy y affifte , il a
fa Table au deflus de ceHe des
Confeillers, qui pour lors n'ont
que des placets , & les Secré-
taires d'Etat font debout.
Le Confeil fe tient le Same-
Riij
5^0 M £ M. D E LA C ou R.
dy deux fois , le Mardy & le
Lundy feulement une fois j Ton
y appelle cous les Coofeillcrs >
& on y délibère des Affaires
de la plu$ graâdc importance >
comme font celles de la Paix
& de la Guerre» des Ligues Si
des Treycs > on y traite du Ma-
riage des Rois & des Princes
de la Maifon Royalle } on y
diftribuë les Vice -Roy auccz^
& tous l^s Qouvernemens des
Provinces foûmifcs à i'ObéïC-
fance du Roy d'Efpagne : 6C
bien que les autres Affaires
foient examinées en dautres
Confeils , les Confeillers d'E-
tat ne laiffent pas d'en dire
leur avis au Roy.
Voicy ceux qui compofent à
prefent ce Confeil.
Le Connétable de Caflille, qui
en ell le Doyen.
d'Espagne. 35^1
Le Duc d'Albe.
Don Pedro d'Arragon.
L'Amirance de Caltille.
Ix Marquis d'AftorgaiL
Le Duc d'Oflone..
Le Prince de Scillano.
Don Vincente Gon2aga>Prin«
ce de Guaitallo^
Don Loiiis Porcocarero» Cardi--
jnal U Archevêque de To-
lede«
Le Marquis de Liche«
Le Marquis de los Baibazez«
Don Diego Sarmienco.
Le Prince de Ligne.
Le Duc de Vilia-Hermofa.
Don Melchior Navarra.
hc Ma rquis de loi Vêlez. r/^
Le Comte d'Oropefa.
Le Marquis de Manfera^
£cle Ducd'Alburquerque.
m]
j^l MX I^.^ BELA Ço a *r^
• ••
m -*
• f ...
Ce Confeil eft le premier de
tous ; & pour le diftijDg^ier par
un titre d'honneur, le Roy l'ap-
pelle Nôtre Confeil : il fut éta-.
bly par ûiint Ferdinand III. du
nom en rannée 1146. Il y a
dans ce Confeil un P.réfîdenc>
feize Confeillers > un Fifcal ^ (îx
Rapponeurs, £x Secrétaires »
un. ércfEcr , & un Garde des
Kegiftres 5 un Receveur dds A-
niendes dcucs au Confeil 5 un
vautre pour ïzs Amendes adju-
gées aux particuliers , un Tre-
Ibricr, un Lieutenant, &dou-
%c Portiers \ le Confeil s'affem-
blc au Palais tous les Vcndre-
dis> fur le foir leRoy s'y trouve,
l^cs Rois Don Ferdinand IV.
^on Alon^o dernier du nom>
d'Espagne. 35)3
ont ctably cette Coutume 5 ce
Conleil elt partagé en quatre
Chambres , dans Icfquclles on
diftribuc les Affaires de fon reC-
fort, qui font dans la Caflille.
L'on en diilingueune parle
nom de Chambre des quinze
cens PiftoUes , parce qu'on y
confignç cette Somme lors que
Ton veut faire revoir des Pro-
€cz que Ton prétend mal jugez
auxParlemensdeVaillad61ide6c
de Grenade, qui font les deux ^
Parlemcns de Caftille.
Lors que le Préfident de
Caftille , fort du Confeil , les
Confeillcrs le fuivent jufques
à ùi Chaire ; il ne fait jamais
de vifitcs , & il ne donne la
main à perfonne chez luy 5 >L
va rendre compte au Roy des '
Affaires les plus importantes >
qui (efont palTccs dans le Coa-* -
5M M^^. dsjlaCouil
j^ où Ton iioamie cl Cttefi>
inaineun ConTdllcr pour la
faDporccr.
. Lors que ïc Roy y «ntre» ^
£c d^ou?nstf & ic. mettctic i
genoiuc I cnfuite ils fe^oo vrent
.& s'aflcoycQC.
Quand l'AudicnGe efl finict
le Roy fe redre dans.ioâ Ca»-
. binet avec le Preiident^ ^uîiiiy
parle des ckifes les pl^s iau-
Î sortantes à fou Ser Tf ce , fur
efqucllcs le Roy donncicsOr-
dres i & cela ne rocoarne :poinc
à la Chambre , pour que les
Confcillcrs en délibèrent.
£n l'année mil iîx cens neuf,
on partagea toute la Caftillc en
<inq Départemens » oc chaque
Département cil ibus un Cou*
feiller du Confeil Royal > lefl
quels prennent connoifTancede
la conduitedes Juges. I des Sei*
VEsïa'gkï; 355
gneurs , des Ecciefiaftîqacs &
autres perfonnes Séculières* II
y a déplus un Confeil Parti-
culier, que Ton nomme le Con-
feil de la Chambre de Caftille;
le Préiident eft le premier » &
le Roy nomme un certain nom^»
bre de Confeillers du Confeil
Royal , foit trois , foit quatre
qui le compofent. C'eit là que
s'expédient tous les fiénéft--
ces à la Nomination du Roy s
les Titres , & les Provifions des
Charges les plus cônfiderables»
les Lettres de Katuralité , de
Légitimation des Ordres pour
arrêter les Grands d'Bpagne f
les Grâces & les3ienfaitsque
Sa Majedé accorde*
Il luy revient bcaucoupd'ar-
gent des Charges qui fe ven-*
dent par l'en tremife decesCon-
ieiilcrs } il donne auffî les Pro«-
R V)
39^ Mem. db laCouk
viiions & les Brevets de pla«*
iieurs Charges de] uftice;& Ton
prétend que dans les deux Caf*
tiUes » le Royaume de Léon»
le Guipufcoa » la fiifcajre > Iz
Province de Hana & la Na-
Tarre > il y a plus de 72 mille
Ciurges ae Judicacure.
Sicrtuire à" Etat , tt iilDtffé^ >
€hê Vmivetfâl.
C £ Secrétaire efl; en état de
fcrvir ou de nuire comme il
veut à bien des Gens i parce
que toutes les Requêtes , &Cies
Placées y que Ton nomme icy
jMémoriaux , & que Ton pre*
fente au Roy , ou au premier
Miniitre> reviennent entre Tes
mains i c'eftluy qui les envoyé
aux Confeiliers qui en doivent
donner leur Avis> après quelap
D*ESP AGNE. * 35>7
Confulte cft faite ( c eft ainfi
qu'ils rappellent en Efpagnc 3 )
CCS Placées font remis encore au
Secrétaire d'Etat ; & lorfquil
les Rapporte au Roy , Sa Ma-
jelté en ordonne ce qu il luy
plaifl , & cela s'appelle Décret. .,
Ce Décret eft expédié par les
perfonnes proposées pour cette
fondion 5 de manière qiic lorf-r
qu'on apporte les Requêtes au
Roy, on dit Mémorial monté 3
lorsqu'elles font répondues , on
dit Nlemorial bai fsé; oii la Con«
fulte montée & le Décret dé-
cendu. -
Sans compter le Secrétaire
d'Etat, dont je viens de parler,
il y en a deux qui entrent dans
le Confeii , dont l'un expédie les
Affaires d'Arragqn , d! Italie, &
de Sicile , & l'autrç celles de$^
deux Caftillçs & duNorc.
398 Mem. delaCour
L'un s'appelle Don Maniicl
de Lira,cydcvûnt Introditclcur
des Ambairadcurs , & Envoyé
cxtraordinairccn Hollande: on
la fait à Ion retour Secrétaire
d'Etat : rautrc s'appelle Oon
Pedro Coloma i il cit de bonne
Maifon, & ceux de fa Famille
ont toujours ctédans les gran-
des Charges. Ils peuvent don-
ner leurs Avis par écrit dans les
choies de conlequcnce.
C'clt à eux que le Roy rcn-
Toye les Décrets , par lefquels
lesAf&KesvdncauConreil d'E-
tat ; ils les y rapportent fie re-
cueillent les voix j ils en r«ndcnc
compte à Sa Majclté,qui ordon-
ne enfuitccc qui luy plaift jils
ont lepouvoif de faire aflcmbler
le Confeil lorCqu ils te trouvent
â propos , outre les jours mar-
quez ; quand Ic-Koy vcuc-auffî
&*£$? AGNE.' 3^y
qu'il s'aflemblc ciuraordiaaire-
ment j c cfl: eux qui en envoycot
Tordre aux Conlcilicrs.
Chaque Secrétaire <l'£tat a
un premier Conrmis , que Ton
appelle Ofiicial Mayor,& qiû
«xcrce la Charge de fon Maître
Jorfqu'ileitabfent, Le Secrétai-
re d'£tat d'Italie , a auiB huit
Commis avec celuy-U qui dlle
-principal } le Roy les paye : Se le
Secrétaire d'Etat duNorten %
fept fous luy : c*cft eux qui les
cHoillilcnt , & le Roy les agrée :
on leur expédie des Profvifions,
& d'ordinaire ceux qui entrent
xians ces Emplois pouSent Icui
fortune bien loin.
Ctsfeil de Gutm*
Celuycy commença auflî-
«6t que les Royaumes de CaltîL
'400 MlM^DS LÀ COQR
k & det cony ibttsle Roy PcFage
. Il s'aiTcmble les Lundis > Mۉ%
credis» &: Vendredis : pour ce
qui concerne leGouvernemem:
le Roy en eu;, coèjours le Prc
denfi j les Confeillérs font d-£.
pée. U faucqu iisayent de Tex* -
iperiencc&du fervice/le nonii-
bre n en eft. pas iîxe , il dépend .
du R oy i^raugmenter ou de le *
diminuer. Leurs Places ne fbnc
point réglées dans le ConfeiU ^
ils les prennent à mefurc qu'ils y
entrent i il eltvrayquc lorfquc
les Confeillcr^d'Etat y font ap-
peliez, ils ont le haut bout > &
ils n'y viennent que dans le tems
que l'on tient un plein Confeil
de Gucwe. H y a deux Secrétai-
res , qui ont îbus eux chacun. .
huit Commis 3 Tun cil pour
ks Affaires de Terre ^ U l'aui^ <
crc pour celles de Mon
Quand il s agit des ÂfFaires de
Jufticc , c cft un Aflcflcur du
Confeil Royal qui ca fait le
Rapport: il a auffi le Privilège
d'opiner avant le Doyen du
Confeil : le Roy s'y trouve pref-
^ue toujours j il y a de plus des
)hambres qui dépendent de ce
Confeil > comme celles des Flot-r
tes ) des Galleres > & des Garnie
fons. Le Roy nomme des Offi--
ciers pour ces Chambres-là : les
Confeillers font les mêmes que
ceux du Confeil de Guerre, &
c*eft le Premier Miniilre ou le
Prefîdent de Callille qui y pre-r
fide.
Alcâldes dt Coiêf.
L E mot d'Alcaldcfignîfic Ju-
ge du lieu. C'cit un Tribunal
401 Me M. DE LA Cour
auffi ancien que le Confêil
Royal i ce qui s^y juge au Çri-
Siineleit fans appel» & s'exécute
furie champ. On le nomme par
cette raifon Quinta^Sala > qui
veut dire Cinquième Salle. On
y jugeoit le Civil & le Crimindr
mais lorfque Ton établit dei
Confeils en Caftille , les Juges
de celuy*cy furent réduits àqua^
treAlcaldes j on les a au^œen-
tez , & il y en a j^rcfcntcment
neuf>deux Rapporteurs>6( qua-
tre Greffiers j leur jurîdidion
fe parcage en deux > Tune cft ,
comme je 1 ai dit, pour le Cri-
minel j & Taucre déjuges ordi-
naires, pour inflruire les Inftan*
ces des Affaires ci villes.
Confeilfu frime de t Inquijition.
Ç0IL Confcil fut érigé en 1 4. S 3»
d^E s p ac n e. 40J
par Don Fcrnand & Dofia Ifa-
DelicRoys de CaiUlle> pour dé«
fendre &con fer ver la Religion
Catholique, bien que dés lan^
née 147 8. l'on eut étably le Tri-
bunal de rinquifîtion : le Prefî--
dent de ceConfeil fe nomme In*
ouificeur General 5 & les Con«
iellleri , Inquifîteurs Âpoftoli-
ques. Ils font nommez par le
Pape j il y a en Efpagne plus de
\ingc mille Familiaires de la
Sainte Inquifition » & ce fonc
eux qui prennent les criminels.
Chaque Confeil a fix Inquifi-
teurs,qui reutdireEnquêteuxsi
un Fifcal ( c'elt TAccufateur, )
deux Secrétaires , un Alguazil
principal, deux Rapporteurs,ua
Receveur des Amandes , quatre
Portiers,& un Solliciteur. L'In-
quifition tient {es Tribunaux à
Madrid , à Tolède > à Orenadc;
à S^ville , à CordouS, àMurçie^
i.Cuença,d LQgrono> àLleMo
», en Galice, & i \ra^adoUd.
C-êMfèU dis Ordrktj^.
Veft i prefcmle Duc de SçS^<
de la rMaiibû de C(xr4one qtxi
en Cift PrefideM j . il y a. deux :
'lonfeilLers de l'Ordre de 5. Jâ^-
lies > deux de Calatrava > deux :
rAIcaïuara^unFifcal &:un Se«*
crecairci qui font aui& Cheva^ -
l^rs..
Le ifeoy cft Grand-Maître 4e :
CCS trois Ordres, & s'en nomme
rAdniiniftrateur perpctueL
Gc Confcil connoit du Gcti<«
rerncmcnt temporel & fpirituel,
& de la Juitice Civile & Crimi^
Aiclie de ces Ordres. .
Il y a aujQi des Religieux .& .
b'E s TA'XS N S. 4o|
^Relîgieufes qui fonc leurs prcu-
vcs,&quiportcntU marque de
l'Ordre, C'eft avec ce Confcil
que le Roy examine les Sujets
capables de remplir les Béné-
fices & les Gouvernemencs ra-
geants qui dépendent del'Ordre.
■Confeil R9ydl Sacré &/»frtime 5
-dArtÂgM,
LsK-oy Don Ferdinand l'é».^
blit à Madriden 1494. Charle-
Quinc le- confirma en i pi, & il
y ht de nouveaux Réglcmens,
en 1543. lors qu'il pafla par la
■Catalogne pour aller en Italie.
Le Chef de ce Confcils'ap-
fcUe Vice -Chancelier : Don
Pedro d'A rragon-l'elt à prefenc»
le Prince de Stillano en eft Tré-
.forierGéncral.CctteChargeeft
héréditaire dans la Maifon du
^o6 M £ H* ?^ ^ ^ A Co a n
Duc de Medine » de VAttortcs^
^ceDuceueft Vzîn^, ^y^i
Coûfeiliers origiiuires de Va^
i^ncçt 5 d' Arr^gon ,icydc Cz^
laiogûe ; un Piotonpoixe y ué
Bfcal» 4 Secrétaires» 4£crir
vains» un Procareur GeneraJ ^:
ff Commis pou r les grands Re-
giftTÇs,5 pout^qi pçtitsi m poqr
lesLectres>4 Portiers»un Alguak
ïiij les Ides de Maiïlorques» M i-
«orques , Sardaigne & I&icit
fonc roùmiiès à ce Confeil j il
encre enconnoiflance de roue ce
ui (e paiTe dans Tétenduë de
n rcflbrt , & confère avec le
Roy des affaires Ecclefiaftiques
& Militaires» des Vice-Royau-
cez;. des £ vécheZi des Finances^
&de la Police,
s
• » •. I . *
Q
d'Espagne; 407
Ctiijêil Rayai dit Indes.
Les EfpagDols ayant trouvé
letnoyend'alîerdaas cette par.
tiedu monde* qui nous écoit In-
connue) &dc la foûmcttreiU
domination d'Efpagnc.
Le Roy Catholique établît i,
Madrid eu 1511. un Conreil des
Indes] CTharlc-Quint cm 5 1 4. y
ajouta quelque chofe pour la
confervation de la Religion j Se
il ordonna qu'il feroit ccKQpofé
d'un grand Chancdier > d'ua
Prefident , de huit Confcilicrs
de Robe, & de 4d'Epcc , avec
un Lieutenant du Chancelier»
un Fi&aUun TrËforier, 4 Con-
tadores > un Alguazil Mayor %
Secrétaires > qui ont chacun
douze Commis,! Agensdu Fif-
cal,5 Raponeur5> unHiftorio-
F
I
'408MEKÏ. DE LA COUiC
graphe ,*i'Lin Géographe, un
-Chapelain, un Sacriitain , un
•Avocat , 5c un Procureur des
Pauvres. loPorticrs, un Ecri-
vain,& un Confcillcrde la Con-
tractationde Sevillcjce dernier
cft chargé de ramaffcr & de
garder les Ordonnances fie los
Loix des Indes i il a un premier
& fécond Commis , & 4 autres
cncores fousluy:ceConfeil con-
noît avec le Roy, de tout ce qui
regarde les Royaumes & les
Provinces des Indes, les Navi-
gations, la Guerre, k Paix , les
Affaires Civiles & Criminelles.
Philippe IV. créa uuc Chamtwe
des Indes en 1^44. AA^nt que
le Duc de Medioa-Ccli fucprc-
auerMinUlrc , il étoit Prefîdcnt
de ce Confeiltilenaretenu le-s
gagesavec le titre imaisilamis
.Au place par couunilHon Don
V inccntc
S'ËT ASGNS. 409
~,Vinccnte Gonzaga Confciller
d'Eue > il s'appelle Gouverneur
du ConTcil des Indes.
Charlc-Quint l'^rigca en
I55y. & Philippe II. en 1175.
luy donna une nouvelle forme.
Il cil compofé de fîx Coureil-
lers &d'un PreAdenci le Duc
d'Albcdela Maifon de Tolède
l'cit à prefcnt % l'on appelle les
Confeilicrs Rcgencs ; il y en a
t pour les AtUîrcs de Milan»
1 pour celles de Sictles, ipour
celles de Naplcsidcce nombre,
il y en 3 Elpagnols & 3 Iia-
' liens.
Ces derniers font des lieux
même de Icjrï Départe ncns^
untircal,uh Sccrcraire, iKa-
pgrtcur, 6:4 Portiers.
J Parcic. S,
^>
^la M E M; D E x:a C Q u n
-, Le Prefîdcjqic n'a. point? de
voix dans les Affiiues de >Ju^
^tice; il fe loéliede propo(çr.lGs>
Snjcts au Roy pour les Emplois
»Milicaire$% X«C vCo^fcil prend
connoifiànce des matières d'£*
V tac y de5 Grâce & derjuillce qtd
. iqncdans l!é.i;enduë deibn:R:e£<*
fûjrc^&de ce <)uicQcerncleiîxc;
. ILcon fuite au^Roy Les E^&chsz^ .
* l0S:Chaxgescan£de Jiiftkejquc '
<ie Finance.^ deiPoUce^ tons
les Gouvernemens de Placer
excepte quelques-uns qui font
attribuez au Confeil d'Etat i
cntr autres le; Cliatcau dcNa-
plcs; il délibère avec le Gou«
vernçment duMilanez,&: Na-
pies de Sicile.
Cènfèilde Finances n$mmê d€
Hazienda.
Philippe Ill.r^tabliten i^aa;
d'Espagne. 411
il confîftc en 4 Tribunaux^
Don Carlos Ramirez de Ard.
lano en cil Prefîdcnt , -8 Con-
fcillcrs d'Epcc & le Frelîdchc
compoiênt ce Con(èil ; JU- tra-
vaillent au recouvrement^ ad-
miniltration des Finances, à
la création 6c augmentation des
Rentes , des Grâces , Privilèges
& Conccflîonsdu Roy i iJsronc
les Traitez pour la dcpenfe de
£1 Maifon &c de Tes Armécsi lors
qu'il faut des avances , c elt eux
qui-ctierchent les Traicans , le -
rreiîdent ûgneioutreuIlesEx-
peditionsaprés avoir reçu l'Or-
dre du Roy & la Conlultc du.
CorifciUpour toutes lesGratifi-
cations , Appointcmcns , AïH-
gnations, Gages, Penfions,Or-
donnances, & les avances des
Gens d'Affaires.
L'on fait les Expéditions
'41^ Mem. DB laCouk
dans deux Bureaux» en chaccrtf
ëefqueis il y a un Premier Com^
mis» deux Seconds > & deux que
Ton nomme Entretenus^
Il y a onze Cê»iêd$r€S » oui
tiennent les Kegiifcres &: les
Comptes de ces Confeils.
^ Le dernier Contador s'ap«
pelle Ecrivain Mayor» qui veut
dircGrcffier dcsKencesduRoy:
ils voM tous au,ConreiLdcs Fi-
nances) où ils ie cicnnenc de-
bout : mais ils le couvrent après
y avoir été uu certain cems.
On leur fait fignc de Ibrtir,
lorfc^uc les Sccrccaires y veu-
lent entrer. Â l'égard des Af-
faires &:dcs Procès du Tribu-
nal des Ojd^us & du Conieil
des Finances , il y a un très-
grand nombrede bas Officicrs^^
dont les Charges fe vendent,
& 4 Raporteurs que le Confeii
^xommc^
.ri
r
Confiil ât UCfêifââc.
Le PapcJulcH. accorda en
J509. le Droit de la Cruzada
aux Rois d*£fpagnc, pour faire
la guerre auxlnfîdeless le reve^
nu en« eft (î confiderable , que
Ton en recire plufieus millions;
^dans la même année la Reine
Dona Juana & le Roy fonPe-
fequigouvcrnoit en fon nom i.
formejKrnt le Confeil delà Cru«^
zada.
' Le Prefident porte le Titre:
de CoromiflàireGeneralj ceft
Don HenriquezdeBenavides-
y«Bazan> Patriarche des Indes»
qui 1 eft à prefent.Il yeotre deux
Conreillers du Confeilde Caf^
eillC) & deux Regens i l'un du
Confeil d' Arragon , & l'autre
deccluy des Indesi un FifcaU
Riii
414 M E M.. DE LA Cour.
deux Trcforiers , un Rappor-
tcur,cicux Grcfticrs,& trois Sol-
liciteurs 5 Ce Confeil donne la
f>ermiflîondc publier les. Jubi-
cz, & d'Imprimer des Livres :
tous les Etats de Sa Majcltc Ca-
tholique luy font fournis ,. cxcc^
:ptc ceux de Flandres^ de Milan
&deNaples 9 qui nonc point
voulu admettre fon Droit j ik
jugent fans appeL
Confeil de FUndrey.,
Philippe IV. en nomma le
Prefident & les Confeillers en
161%. Ce Confeil cil Supérieur
à tons ceux qui font établis en
Flandres; le Prince de Stillano
en étoit le Prefident 5 mais le
Comte de Monterey luy a été
préféré 5 il n'y entre que trois
Confeillers.
d'Espagnï. 4315
Confcil dApùfirfPû.
Gomme le premier Eta^c
que Ton^Icvc à toutes les Ma4-
-fons qui font bâties à Madrid
appartient au Roy , & qu'il peut
le louer ou le vendre à moins
que le Propriétaire ne le ra-
chète. Don Alonlb onzième du
Nom forma'eni34i. unejuntc
d'un Prefident,qui fe. nomme
ApofentadorMayoTjde fixApo-
•fentadores d'exercice , parce
qu'il y en a quelques autres qui
y peuvent entrer s'ils font Vété-
rans; d'un Fi {cal , d'un Secre-
taireid'un Receveur, d'un Ecri-
vain, d'un Alguazil Se d'un Por-
tier : & cette Junte conferve les
Droits de SaMajeftéî elle a foin,
aufli déloger les Officiers de la
Maifon du Roy.
S iuy
[41^ Mil M. DELA C o u k
Confiil dt U chambre dt^ CaJUlU^
L> Reine Dcna Juana &
Charlc-Quint fan Fils,Grccrcftc
ce Conicil en 151S. Le Frcfi-
dcnt de Caftille y préfidc> avec
cuatre Confeillcrs du même
Confeil > trois Secrétaires &: un
Rapporteur. Us s'aflemblcnc \c
Lundy & le Mcrcredy au fbir
de chaque ScniainCjchez le Prc-
fidcnt> & loy rendent compte
de tous les 1 oîics cju i lônt à rem-
plir dans les deux CaitilJes.
Ils expédient les Rcmiilîons>
&delivrcntles Titres de Ducs,
Warcjuis, Comtes , & Titulos
de Villes : ils confukent aulfi
tous les Bénéfices qui font à la
preicntation du Ruy,par CoOi-
cciLbOii Apoitoiique..
d'Espagne. 417
Junte de B0f^nis RiêUs.
CHARLE-Quim rétablit en
2545. n y ^ deux Confeillers >
un Âlcalde y un Fifcal . & un
Secrétaire : elle pourvoit à la
confervacion des Palais & des
Maifons Koyallcs, tant en Ville
qii''à la Campagne , ÔC elle a
ioin des Bois de Sa Majelté.
Junta de Milliûns.
PHiLirPi IV. voyant qac
le Confeil de Hazienda ctoit
trop chargé d'AfFaircs, Torma
en 1^53. une Chambre compo-
fée d'un Prefidcnt, quatre Con-
feillers des Finances y quatre
Commiflaires Députez des
Etats, un Fifcal, & deux Procu-
reurs de Cour, & cette Cham-
4i8 Mem. de la Cour, &c.
brc s'appelle Tribunal des
Millions , parce que cclUlà
qu on reçoit ce qui vient des
Impôts mis Cur la Viande,
rHuillc.le Vin & le Vinai.
gre i cela monte à des Sommes
immenfes.
J?in de U Prtmien PAriiCp
Extrait dté Privilège du Roj.
PAr Grâce 8c Privilège du Roy,
donné à Ver failles le ii. Sep-
tembre 1690, Signé, Par le Roy
en fon Confeil , H ii p t : Il ell
permis ï Madame B.*^^^ D. "^^ de
faire imprimer , vendre & débiter
par tel Imprimeur ou Libraire qu'-
\
clic voudra choifir , Lis Mémoire de
la CçHrd'Efpagne y ptndznt le temps
Se efpacede huit Années , 6c deffenief
font faites à cous autres de l'imprimer
ou faire imprimer pendant ledit
temps^à peinede deux mille livres d'a-
niende^confifcation desExemplaires,
Se de tous dépens, dommages. Se in«
terefts, comme il eft plus au long p
téparlcfdits Lettres de Privilège. .
Fegifhi fur le Livre de la C
nju/jantidesImptimeHrs & Libraires d»
P^rit, ce 9. jour de Novembre iC^o*
fmvant lArrtfl dn farlement du 4,
qyivril 1^55. celHydnCcnfeil Privé du
Xùj du 17. Février 166^. & fEdit de
Sa Aï a je/té donne s f^erfailles an mois
d:j4oHfti6%6.
Signe , P. AuBoiiiN , Syndic.
Ladite Dame B.*'^^* D.** acedé
fon Privilège à Claude Barbin,
Marchand Libraire à Paris, fuivant
l'accord fait entr'eux.
jichtvéd imprimer four la première
fois le 9 . jowr de Novembre 1690.