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Full text of "Memoires, historiques & geographiques du royaume de la Moree, Negrepont, & des places maritimes, jusques à Thessalonique"

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MEMOIRES, 

Hiftoriqucs  &  Géographiques 
DU    ROYAUME 

M  OREE, 

NEGREPONT. 

6c  des  Places  Maritimes, 
Jtifques  k 

THESSALONIQ.UE. 

Recueillis  é"  enrichis  des  Cartes  des  Vdis^ 
é*  des  Plans  des  PUces, 

Par  RM.  CORONELLI^ 

Géographe  de  la  République 
de  Vcnife. 

Tradmt  de  titdiefi.     . 

à    AMSTERDAM, 

Chez  \C^oLFGANG,  Waesbekge, 

Boom,   &  van  Someren. 

M.  DC,  LXXXVI. 

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/^OAMSl^fa 


A    U 

LECTEUR. 

OlSl  a  cru  quil  etoit  cTun  inte-- 
ret  public  que  ces  Mémoires 
fujjent  connus  &  traduits  en  Fran* 
^ois.  Ils  trait'tent  du  ^yaume   de 
la  Morée  que  les  premiers  peuples 
qui  Pont  habité    ont  rendu  célèbre 
par  mille  merveilles  &  qui  fait  au- 
jourd'huy  le  fujet  des  guerres  de  U 
ferenifftme  ^publique   de   Venife 
contre  les  Ottomans.  Depuis  quelque 
tems  les  nouvelles  confiderables  des 
araires  de  l^Europe    roulent  une 
bonne  partie  fur  les  progrés  des  Véni- 
tiens dans  ce  pats  là  &  nous  avons 
appris  dans  l'^efpace  de  peudetems  ^ 
que  par  l'heureux  jucce^  de  leurs 


armes  ils  ont  conquis  plufteurs  pla^ 
ces  confîderables.  Jinfi  on  ne  procu- 
re  pas  une  médiocre  jatisfaSlion  au 
public  de  lui  communiquer  ces  M>- 
moires  Hijloriques  &  Greographi- 
ques  qui  ont  été  recueillis  aVec  beau- 
coup de  foin  &  d' exaltitude  &  qu'ion 
dôme  enrichis  de  Carttfe  des  flans 
des  Places. 


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\Àif^{ffetJiit . 


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DELA 

MORE   E. 

Première  Partik. 

Ohr  on  fait  voir  qu^dk  el^une  Teninfule  9H 
Prefquljie  :  on  raf  porte  les  dtjferans  noms 
^t'ti  lui  ont  été  donne\:  On  marque com* 
bien  elle aà?étendité  Cr  quelleeftftfigu^ 
re:  On  ap  forte  les  divifions  que  les  An-' 
ciens  C^  les  Modernes  ont  fait  des  Frovln-' 
ces  qu'elle  comprend  :  On  parle  m  même 
tems  de  [es  confins  Cr  païs  frontières  ^  ^■ 
on  ajoute  k  la  fin  des  relations  çurieufes 
f^tlemémefujet» 

I  Ton  donne  le  nomdeCher- 
ibnefc  ou  de  Peninfule  a  une 
'  partie  de  Terre ,  qui  confinant 
à  la  Mer  eft  unie  au  continanc 
par  un  feul  Ifthme;  on  doit, 
ce  me  femble,  à  juftc  titre,  appellcr  la 
Morée  une  Peninfule  ou  Prefqu'Ifle,  puis 
qu'environnée  de  Mer  elle  edau  Nordu- 
pie  à  TAchaïe  par  le  feuUfthme  de  Corin- 

tbc. 

A  Cet- 


t         DELA  MOR.E'E. 

Cette  delicieufe  parue  de  la  Grèce  n^a 
-     pas  toujours  porté  le  nom  de  Morée ,  qu'on 
lui  donne  aujourd'hui  communément  :  El- 
le a  été  encore  nommée  u^rgos  ^  Ayia  6c 
Felcpomiefe,  Sa  figure  qui  reflemble  allez 
bien  à.  la  feuille  du  Mûrier  ou  du  Platane 
futunaflèzgrand  fondement  aux  derniers 
Empereurs  de  Conftantinople ,  pour  la 
leur  faire    appeller    JUÎorée  ;     quoique 
d'autres  ne  font  pas  de  ce  fentiment.  Ils 
prétendent  que  ce  nom  eil  dérivé  du  mot 
Romea ,  qui  par  une  tranfpofition  des  Let- 
tres, fut  changé  en  celui  de  Morée,  ap- 
puyant fur  ce  que  les  Grecs  dans  le  tems 
qu'ils  étoient  fournis  à  l'Empire  de  Con-» 
(lantinopleÔCque  cette  Ville  s'appelîoic  h 
*  Elle  g?.r- j^Qy^.gljo  Rome  =^  eux  auffi  étoient  ap- 
jufquesà    peliez  Romeens  com.me  qui  diroit  Ro- 
kGrS"  ii^^î'"^.  Doglioni  croit  qu'elle  prit  ce  nom 
îorfqu'elle  fut  envahie    par  le?   Mores. 
Strabon  infinue ,  qu'elle  fut  appellée  nn- 
ciennement -^r^i>  ou  Argos  ^  du  nom  d'u- 
ne ville  fameufe  qui  étoit  dans  Ton  étendue  ; 
6c£gî^/£'V^''£^/<î/e  qui  fut  un  Roi  fameux 
*^^«"^-      des  Sicioniens.     Selon  ^  Apollodore  6c 
u  "iv!  àx  '  Pline  elle  fut  appellée  u^ppia  du   nom 
Nicudogi.  d'Apis troifiéme  Roi  des  Argiens,  qui  ré- 
gna en  l'an  de  la  création  du  monde  1507. 
ju(quesenl'an2342,  ceitàdire  1647.  ans 

avant 


PREMIEPvE  PARTIE.     ? 

avant  la  naiflance  de  Jeftis-Chrin:.  Cet 
Apis  étoit  un  petit  fils  d'Egialee.  Qiiatrc 
cens  vingt  ans  après  elle  prit  le  nomdcPe- 
îoponnefedePelops  fils  de  Tantale  Roi  de 
Frigie  6c  de  Tagete  afîez  connu  par  îbii 
cpaule  d'yvoire  ôcparfès  inceftes  avec  Tes 
propres  filles.  Son  étendue,  qui  félon  que 
nous  Pavons  dit  a  de  la  refîemblance  d'une 
feuille  de  Plane  eft  affife  entre  le  degré 
35  vers  la  fin  5c  au  commencement  du  38 
de  latitude  à  fon  Nord,  5c  à  la  fia  des  de- 
grez  ^7  6c  fi  de  longitude  en  prenant  le 
premier  Méridien  dans  la  partie  la  plus  Oc- 
cidentale de  l'ille  de  Fer. 

Pour  ce  qui  regarde  fa  circonférence, 
les  Auteurs  font  partagez  efl  différantes 
opinions,  les  uns  la  faifant plus  grande  6c 
les  autres  plus  petite.  Ifidore  lui'  donne  en 
fon  circuit  36:5  milles  ;  Bourdon  veut 
qu'elle  en  eft  jufques  a  503 ,  Porchacchi 
augmente  encore  ce  nombre  d'autres  dix, 
aliurant  qu'elle  a  de  tour  5  73  miiies.  Bleau, 
Sagredo  ôc  Vianoli  lui  en  afilgnent  600. 
Baudrand  enfin  quieil  un  Géographe  de 
nôtre  tems  ne  fait  monter  fon  circuit  qu'à 
^^o  milles. 

Scrabonluiaflîgne  1400.  Stades  pour  fa 
longueur  6c  Sagredo  efl  de  fon  opinion ,  ce- 
lui ci  prenant  la  mefure  de  1 70  milles  pour 
A  2  Pe- 


j(         DE  LA  MORE'Ë. 

refpacc  contenu  entre  Plfthmc  6c  Mo- 
ion.  Baudrand  lafait  plus  longue  de  cinq 
milles  en  commençant  du  Cap  de  Schili 
jufques  à  Caftel-Tornefe  ;  ÔC  il  prend  fa 
largeur,  qui  ne  va, pas  félon  lui  à  plus  de 
î^o  milles,  entre  Corinthe  ÔC  le  Cap  de 
Matapan. 

Les  Géographes  les  mieux  verfez  en 
confiderant  cette  belle  Pcninfule  ont  em- 
ployé toute  leur  exa£litude  pour  diftin- 
guer  entre  fes  parties  celles  qui  étant  les 
plus  embellies  des  beautés  de  la  nature  pou- 
voient  en  rehauflcr  davantage  PéclatSc  ia 
réputation.  Au  rapport  de  Paufani^is  elle 
lut  un  tems  divifée  en  cinq  parties ,  dont  la 
première  comprenoit  le  païs  des  Arcadiens, 
îa  féconde  celui  des  Acbaïens,  h  troifiéme 
desDoricns-  Ptolomée  6c  d'autres  la  divi- 
sèrent en  huit  provinces  â  favoirTAchaïe 
proprement  ainli  dit  te,  TArcadie,  Argic , 
Corinthie,  Elide,  Laconie,  Meflenie  6c 
Sicionieou  Sicionide. 

L'Achaïe  confînoit  au  Nord  au  Golfe 
de  Lepanthe;  à  TOccident  à  îaMerd'Jo- 
nie;  au  Midy  àrElide6càrArcadie;  6c  à 
l'Orient  à  la  Sicionic.  Patras  étoit  alors  fa 
ville  capitale^ 

'     L'Arcadie  étant  bien  avant  dans  la  terre 
ferme  étoit  par  confequent  éloignée  de  la 

Mer-. 


PREMIERE  PARTIE.      $ 

Mer:  Elle  avoir  pour  bornes  à  l'Orient 
FArgie  àc  la  Laconie  avec  le  Mont  Oro- 
nio  j  i'  Elide  5c  le  raont  Flore  à  rOccident, 
au  Septentrion  PAchaïe  propre  6c  la  mon- 
tagne Stinfali,  au  midi  la  Meiienie  &  le 
Mont  Tagete.  Elle  avoic  pour  fa  Ville 
principale  Megalopolis  qui  veut  dire  la 
grande  Atta  Êcuée  au  pié  du  Mont  Co- 
ronio  qu'on  appelle  aujourd'huy  El  C^fal 
Lo?îdari. 

L'Argie  aboutiUbit  à  TOrient  au  Gol- 
fe de  Napoli  de  Romanie  ,  6c  à  la  Mei: 
Egée;  elleavoit  TArcadie  à  TOccident  ; 
la  Laconie  au  midy  &  le  Golfe  d'Engie 
au  Septentrion.  Argos  étoit  fa  ville  capi* 
talc. 

LaCorinthiequi  étoit  la  partie  du  Pc- 
loponefe  la  plus  reculée  vers  le  Septen- 
trion avoit  Ton  étendue  entre  la  Sicionie  à 
rOccident  5c  TArgie  au  Midy  &:  à  l'Orient; 
^eîlcétoit  ieparce  de  TAchaïs  parl'lHh- 
lïie  8c  le  Golfe  de  Lepanthc.  Elle  avoic 
pris  Ton  nom  de  Corinthe  filsde  Jupiter  ou 
d'Êpipée  qui  donna  auflifon  nom  à  la  ville 
capitale. 

L'Elide  étoit  bornée  au  Septentrion 

par  l'Achaïc  proprement  dittc,  à  FOrient 

par  TArcadie;   par  la  Meffanie  au  Midy, 

Se  à  l'Occident  par  la  Merd'Jonie.  Polibc 

A3  ^  §C 


6  DE  LA  MORE'E. 

gc  Strabon  nomment  aufÏÏ  cette  province 
Elea  ÔC  Cauconia.  Sa  Ville  principale 
s'appelloit  aufii  de  ce  nom  £lide. 

La  Laconie  avoit  pour  limites  au  mi- 
di en  partie  le  Golfe  de  Colochine  ,  6cen 
partie  celui  de  Coron  ;  à  TOricnt  le  Gol- 
te  de  Napoli  de  Romanie;  PArgie  au 
Septentrion  6c  TArcadie  6c  la  Meficnie 
à  rOccident.  Sparte  pailbit  pour  ia  Ville 
capitale. 

.  La  Meflenie  étoit  Gtuce  du  côré  du  mi- 
di entre  la  Laconie  à  POrient  ôc  PEli- 
de,à  l'Occident  j  elle  avoit  TArcadie  au 
Si-ptentrion  &  comprenoit  cet  efpace  qui 
ell  entre  le  Golfe  de  Coron  5c  celui  de  Zon- 
chio.  Mclkne étoit  fâ  ville  principale. 
I  La  Sicionic  ou  Sicionide  qui  étoit  la 
province  dt:  la  moindre  étendue  prenoic 
Ion  nom  de  fa  vilîe  capitale  appellée  de  mê- 
me Sicionie.  Elle  confinoit  à  rOrientà  la 
Connchie,  à  rOcciJent  à  ]*Achaïe  ;  au 
Septentrion  au  Golfe  de  Corinthe  ÔC  au 
Midi  â  TArcadie.  .    . 

PomponiusMela  diftribuetoutelaMô- 
réeenfix  Provinces,  à  (avoir  Argie,  La- 
conie, Meflenie,  Achaïe,Elide  6c  Arcadie. 
Elleièdivife  aujourd'huy  félon  Moreri 
6c  Baudrand  en  quatre  provinces  leule- 
njent  :  5c  cette divilion  eil  approuvée  par  le 

dode 


PREMIERE  PARTIE.     7 

do£te  Cantelli  dans  fa  Géographie  que 
le  public  a  receile  avec  un  applaudiilc- 
ment  général. 

La  première  de  ces  quatre  provinces 
occupe  toute  cette  étendue  oiiéioient  l'A- 
cha'ie  propre,  Sicion  6c  Corinthe  &  cil 
connue  fous  ie  titre  de  Duché  de  Cbiarerî- 
z.a.  Elle  a  pour  bornes  au  Septentrion  ie 
Goîfe  dcLepanche  6c  au  Midi  ia  Province 
de  Belvédère.  Cette  Province  a  pluGcurs 
villes  &C  quelques  Bourgades.  Fatras  e(l 
la  principale  àc  ces  villes,  après  laquelle 
fuit  Chiarenza ,  Caminitza  ,  Callel-Tor- 
nefo,  8c  d'autres  dont  on  (e  referve  àpar- 
1er  dans  la  féconde  partie  où  l'on  donnera 
des  connoiliànces  particulières  de  tout  le 
pais. 

Ses  promontoires  les, plus  fameux  font  le 
Cap  de  Rio  dont  nous  parlerons  en  même 
tems  que  du  GolFo  de  Patras. 

L'Autre  elt  le  Cap  que  Bourdon  appel- 
le le  Cap  de  Chiaren^fi  5c  Ptolomée  6c 
Strabon  Araxm  Promontorium  qui  s'avance 
dans  la  Mer  d'J  onie  non  loin  de  l'embou- 
cheure  de  la  Rivière  Lariîlus  entre  le  Gol- 
fe de  Patrc'S  6c  celui  de  Chiarenxa. 

Lederniet'  vers  le  midi  ellle  Cap  Tor^ 

nefo  que  Stribon  appelle  Chelonates  Pro^ 

montonum y  Thevec  ie  C^p  Thorice ,  6c  So- 

A  4  phia- 


s         DE  LA  MORE'E. 

phianusjleCap  Chlumut':(i,  Celui-ci  avanee^ 
SLiilidanslaMer  d'Jonie  entre  le  Golfe  de: 
Chiarenza  8c  celui  d'Arcadie. 

Léi  (econde  Province  appellée  Belve- 
dere  a  fbn  étendue  du  coté  où  étoic  r£iide- 
&  la  Mcfienie.  Elle  confine  au  Septentrion^ 
à  la  rivière  Carbon  qui  la  fepare  aufTi  de  la^ 
province  de  Chiarenza  6c  elle  eft  bornée  an 
midy  par  le  Golfe  de  Coron  :  à  l'orient  elle- 
conBne  au  bras  de  Maine,  6c  à  l'OccidenD 
elle  fuit  le  Golfe  d'Arcadie  (kdeZonchio. 
Elle  comprend  plufieurs  païs  Se  plufîeurs 
villes  entre  lefquelles  Modon  tient  le  pre- 
mier rang  6c  après'  Modon,  (ùivent  Co-^ 
ron  5  Calamata  6c  Navarin. 

Les  Promontoires  les  plus  célèbres  (ont 
le  Cap  fardanqm  efl:  rich^us  Promont o- 
rium  de  Ptolomée»  ôcle  premier  le  plus 
Septentrional. 

Le  Cap  de  Zonchh  que  Paufanias  ap^ 
pelle  Coryphafium  Promont  or  inm. 

Le  Cap  de  Saptenl^  ,  ou  le  C^p  G  allô  , 
que  Ptolomée  appelle  Acritas  Promomo^ 
num. 

La  troifiéme  Province  a  nom  Saccanie, 
ou  Romanie  mineure  6c  comprend  tout; 
juile  retendue  deFancienne  Argie.  Elle  a 
ies  bornes  du  côté  du  Septentrion  au  Gol- 
fe de  Lepanthe  ,  au  Golfe  d'Engia  6c à 


PREMIERE  PARTIE.  ^ 
l'Ifthme;  au  midi  au  Bras  de  Maina  &au 
Golfe  de  Napoli  de  Romanie ,  6c  du  côte 
derOccidentenpartieau  Duché  de  Chia- 
renza  &  en  partie  à  la  Tzaconie.  Napoli 
de  Romanie  eft  la  capitale  :  les  autres  lieus 
principaux  font  Argos  6c  Corînthe. 

La  Palus  ou  le  Marais  de  Lertia  ou 
Hercule  tua  l'Hydre  à  fept  têtes  ell  un  en- 
droit aflez  remarquable  dans  cette  Pro- 
vince. 

Cemonftre  n'a  étcqu'unefi£tion;mab 
c^'cll  bien  une  vérité  qu'il  y  avoit  fept  frères 
qui  fe  tenoient  en  cet  endroit  pour  piller 
le  paflant  6c  defoler  le  pais ,  contre  lefqucis 
Hercule  voulut  bien  combattre  ;  8c  ayant 
mis  à  mort  le  premier  qu'il  rencontra,  il 
donna  le  même  ibrt  aux  autresdeux  â  deux 
comme  ils  tombèrent  entre  fes  mains.  Delà 
les  Poètes  ont  pris  occaGon  de  feindre  l'Hy- 
dre à  fept  téccs  6c  fa  mort  pour  celle  de  cts 
fept  frères  qu'Hercule  immola  à  fa  colè- 
re 6c  à  la  jufte  vengeance  du  pais. 

Cette  Province  n'a  qu'un  PromontOî-' 
rc ,  mais  il  eft  très  mémorable  6c  a  plu- 
ficurs  noms  comius.  Il  s'appelle  le  Cap 
Schili^  dans  Pline  ScjUum  ,  6c  dans  Paufa- 
nias  Plethon  Promontorium  ,  Ptolomée  dîC 
^^•////«w  jFavolius  Synllo  ^  Sophanus  5^'/- 
U ,  Viliâiaova  pamala*  Ce  Promontoi^ 
A  s  ïc 


lo        DE  LA  MORE'E. 

reavec  Tautre  qui  iui  e(l  oppofé  qui  s'ap- 
pelle le  promontoire  Colonne  dans  TAtri- 
que  forme  l'entrée  du  Golfe  d'Engia. 
'     La  quatrième  Province  qui  a  changé  Ton 
nom  Laconie  en  Zaconie  eil  un  bras  du 
Maine  Se  ell  aujourd'huy  indifféremment 
nommée  de  ces  deux  noms.  Elle  furpalTe 
en  grandeur  chacune  des  trois  autres ,  com- 
me elle  edauffi  la  plus  étendue  du  côté  du 
midi  le  long  de  la  Mer,  Son  premier  nom 
fut  VElegia  de  Lelex  premier  quiycom- 
îïiandoit  en  qualité  de  Roi.  Virgile  &  les 
autres  Poètes  l'appellent  Oehalia^d'Oeba-^ 
lus  qui  en  étoit  Seigneur ,  8c  félon  Strabon 
elle  fut  encore  nommée  Argos.   Elle  eft 
mouillée  à  ibn  midi  du  Golfe  de  Calamata, 
6c  en  partie  de  celui  de  Colochina  :   Au 
Levant  du  Golfe  de  Napoli  de  Romanie: 
6c  au  couchant  elle  confine  à  la  Province 
de  Belvédère  ,   êcen  partie  au  Duché  de 
Chiarenza. 

Cette  Province  a  grand  nombre  de  hauts 
•êc  affreux  rochers  ôc  précipices ,  d'où  vient 
qu'elle  effc  fujette  à  de  frequens  tremble- 
mens  de  Terre.  Le  plus  grand  nombre  de 
fcs  profondes  cavernes  fe  trouve  aux  envi- 
rons du  mont  Taigere ,  appelle  aujourd'hui 
du  côté  de  Mifitra ,  Founi  tis  Mtftras ,  2C 
du  côté  de  la  Maine  FQMri  tis  F  or  tés. 

,  II 


PREMIERE  PARTIE,    n 

Il  n'aifc  là  aufli  des  chiens  de  quelque 
cftime  :  le  Zaiman  Bachi  ou  le  Grand 
Veneur  du  Sultan  enchoifit  chaque  année 
un  bon  nombre  pour  les  plaifirs  du  Grand 
beigneur:  &il  n'efl  point  de  Turc  qui  fe 
pique  de  fai-re  quelque  depenfe  qui  n'en  ait 
toujours  quelqu'un  chez,  loi. 

Les  principaux  lieux  de  cette  Province 
font  Mal vafia,  Mi&ra,  Zarnata,  Chiele- 
fa,  Vitulo,  Pallavaôc  autres  dont  on  par- 
lera en  fon  lieu. 

Ses  Prornontoires  font  le  Cap  de  Mata- 
pa}7  dont  on  donnera  une  particulière  de- 
icription  lorfqu'on  parlera  de  celui  de  Mîîi- 
na.  Le  Cap  Onugnato  ou  Mâchoire  d'Af. 
ne  éloigné  du  Cap  Rampani  d'environ 
2oo.  ftades  :  on  voyoit  là  autresfois  le 
Temple  de  Pallas  qu'Agammennon  avoic 
fait  bâtir.  Le  Cap  de  Malca  qui  du  côté 
que  foufle  le  vent  du  midi  s^'âvance 
dans  la  Mer  de  Candie.  Il  eil;  fameux  non 
feulement  pour  fes  vins  exquis  mais  enco- 
re par  la  terreur  que  donnent  fes  Sèches 
6c  fes  bans  à  ceux  qui  navigent  par  là.  Pto  - 
loméele  nomme  Malea^  Pïme  Maieum  ^ 
Hefchius  PromaleHm^Sophhnus  Capo  Ma- 
lio.  Les  Gens  de  Marine  au  rapport  de 
Bredcbachius  l'appellent  les  ail  es  de  St.  Mi- 
chel ,  Ak  di  San  Michiel,  Bn6tio  Capo 
A  6  Ma- 


tt        DE  LA  M  OREE 

Jl^aiiodifant  u4n^eloy\cquc\  feion  Baudrand 

eft  éloigné  de  dix  milles  de  Cerigo,  90.  de 

Napoli,7o.deSparte,6o.deCandie.lleneft 

.^  ^     fait  mention  dans  Virgile,  dans  Ovide  dans 

j^^r^o'ii.  la  Géographie  univerlellede  Baudrand  & 

^'u''  ^^'dansla.Grec.ede  Laurembcrg. 

'^^'        DES.MO.NTAGNES 
D  E    LA     MORE  E, 

^  Ntreles  Montagnes  de  cette  Peninfu le 
on  conte  celle  de  Foloe  auprès  de  îi- 
quelle  étoit  autrefois  fituée  la  ville  d'O- 
lympia dont  les  Poètes  ont  tant  parlé,  la  fai- 
iànt  paflér  pour  lepaïs  des  Centaures.  Ce 
qui  donna  lieu  à  ce  nom,  futqu  Hercule 
après  avoir  terrafle  \,  le  Lion  Nemeen  , 
êc  demeuré  vidoricux  de  PHydre  de 
Lerna  ôc  du  Senglier  d'Evinant  arri^ 
va  par  rencontre  à  cette  montagne,  où  'A 
iilla  prendre  retraite  dans  l'antre  du  Cen- 
tzuYc  Foloe  qui  le  récent  avec  beaucoup 
de  courtoifiie,  le  convia  6c  lui  donna  à  gou- 
tter d'un  excellent  vin  qu'il  tenoit  caché  de 
peur  que  quelqu^undes  autres  de  Ton  efpe- 
€c  ne  le  découvrit.  ïl  arriva  pendant  qu'ils 
étoietitainfi  enièmbleà  faire  collation  que 
djau  très  Centaures  pafîant  parla  furent*aE- 
tnxi  par  Teneur  du  vin  ;  auffiiôt  ,ils  cou- 

renE: 


PREMIERE  PARTIE.  ï^ 
rentàPantreSc  font  violence  pour  entrer» 
Foloe  n'eut  pas  de  plus  grande  hâte  que  de 
courir  fe  cacher;  de  forte  qu'Hercule  k 
trouva  aux  pvifts  avec  tous  ces  Centauresjll 
fefcnraa  de  fon  mieux  6c  leur  fît  fentir  défi 
terribles  efxèts  de  (à  colère  qu'après  en  avoir 
tué  plufîeurs ,  il  reduifît  les  autres  à  prendre 
îa  fuitte  de  peur  d'en  gaigner  autant.  Le 
combat  fini ,  Foloe  fortit  de  fon  trou  6c  ad- 
mira la  vaillance  de  fon  hôte  ;  mais  par  mal- 
heur en  voulant  manier  les  Flèches  avec 
lerqu'ellcs  Herc  ule  avoit  tiié  THydre ,  il  en 
laiflaiomber  une  fur  fon  piéjôcle  coup  fut  tel 
qu'il  en  demeura  étendu  mort  fur  le  champ. 
Hercule  eut  du  deplaiiir  de  ce  accident ,  6c 
en  reconnoiflhnce  du  bon  accueil  que  lui 
avoit  fait  le  Centaure ,  il  rénfêvelit  dans  fon 
antre  même  &  appella  cette  montagne  de 
fon  nom  Foloe.  Les  autres  montagnes  les 
plus  célèbres  font  le  mont  Cyllene ,  Licéff , 
Parthenien ,  Menale  Ôc  Sepia.  De  tous  ces 
monts  Cyllene  eft  le  plus  élevé ,  il  eft  aflcz 
prés  de  celui  de  Cahdoria  à  la  cime  duquel 
on  voit  encore  des  traces  du  Temple  de 
Mercure  apellé^à  caufe  de  cela  Cyllenius, 
Toutefois  il  y  en  a  qui  veulent  que  ce  nom 
foit  venu  de  Cyllene  fils  d'Eleates,  Le 
montHeeequiafes  commancemens  dans 
kTzâconie  à  cela  de  mémorable  j  qu'il  eft 
A  2  le 


14         DE  LA  MORE'Ë. 

le  lieu  où  le  Tyran  Anftarque  fut  immolé 
à  la  fureur  publique  de.s  L.acedemoniens  qui 
le  lapidèrent,  lleft  contigu  au  mont  Me- 
nalusquieft  couvertde  verds  6ccouftusbo- 
cagesd'une  très  grande  commodité  pour  le 
pâturage  des  bciliaux:  aufii  en  confidera- 
tion  de  ia  fraicheur  de  Tes  ombrages  6c  de  la 
douceur  de  l'air  qu'on  y  refpii  e  il  futconfa- 
créaupieu  Pan,  comme  le  mont  Cylle- 
nc  dont  le  nom  fignifie  Virginal  fut  confa- 
créauffi  au  même  Dieu.  Le  Mont  Sepia 
eft  celui  là,  ou  ielon  Paulanias  Epites  fils 
d'Eleares  demeura  mort  de  la  piqueure 
d'un  Serpent.  La  plage  du  Duché  de  Chia- 
renza  eft  couverte  au  Septentrion  par  le 
m.ont  aujourd'huy  nomméPoglizià  caufe 
du  Temple  de  Diane  quiyétoit  autrefois: 
on  Pappella  premièrement  Geronte,  en- 
fuite  Stinfale  du  nom  d'une  Nimphe  fille 
d'Arcade,  ou  à  caufe  de  certains  grands  oi- 
feauxdeproye  appeliez  Stinfaliches  quivi- 
voient  en  ces  quartiers  là  en  troupes  fort 
nombreufes  :  Us  devoroicnt  les  hommes, 
c  eft  pourquoy  il  furent  je  ne  6i  Ci  c'eft  ou 
chaffez  feulement  ou  Pefpece  entièrement 
éteinte  par  une  tuerie  qu'en  fit  ^Her- 
cule. 

Du  côté  de  L'orient  entre  laSàccRnic  & 
la  Tzaconie  fe  voit  la  montagne  Cro^^ie, 

qu'on 


PREMIERE  PARTIE.     15 

qu'on  appelle  communément  Grevenos^^ 
lur  laquelle  vers  réxtremité  de  fa  partie 
Septentrionale  étoit  le  Temple  de  Lucine , 
ôcFefipoli,  ainfinomméàcaufe  deTIdole 
à  laquelle  les  Eleens  y  venoient  Sacrifier. 
C'clt  là  qu^on  trouve  la  Pierre  Cylindrcj 
que  Ton  pût  arracher  du  roc  lorfque  le  ton- 
nerre grondant  dans  les  nues  cauiè  de  l'agi^ 
tation  dans  Pair» 

Dans  la  Province  de  Belvédère  s'eleve  la 
montagne  Mtntia  on  Mente ^  aujourd'huy 
Olonos:  Elle  regarde  au  Midi  le  Golfe  de 
Corion  6clc  Fleuve  Alfée  au  Septentrion, 
Elle  prit  Ton  nom  d'une  Concubine  de  Plu- 
ton  parceque  Proferpine  jaloufe  la  cher- 
chant &  l'ayant  [rencontrée  en  ce  lieu,  là 
changea  en  l'herbe  appellée  Mente  aont 
cette  montagne  eil:  couverte  en  uneprodi- 
gieufe  quantité  :  êc  en  mémoire  de  cet  acte 
de  )a  Deefiedes  Enfers  il  y  a  voit  là  autrefois 
lesiuperbes  Temples  de  PluconSc  de  Pro- 
ferpine. 

Le  petit  Mont  Neris  étend  Tes  hauteurs 
danslaSaccanie  6c  celui  de  Nonacnsàziis 
laTzacomc  au  pic  duquel  coulent  les  eaux 
'  du  Fleuve  Stix  fi  fatales  à  ceux  qui  enboi- 
rent ,  quoiqu'elles  foienc  claires  6c  bel- 
les à  voir.  Les  Poètes  ont  affigné  ce 
fleuve  à  Tenfer,  Le  fleuve  Inacus  prend 

fa 


i6        DE  LA  MORE'E. 

fa  fource  dans  cette  même  Province.  H  fz 
encore  le  mont  Artemifius  qu'on  croit  être 
le  même  que  le  mont  Farthenien.  On  lui  si 
donné  le  nom  d'ArtemiOus  à  caufe  de  l'a- 
bondance de  l'herbe  Artemife  dont  il  eft 
couvert. 

La  plus  conliderable  6cla  plus  fàmeule 
montagne  entre  toutes  celles  delà  Grèce 
6c  que  Polibe  met  en  comparaifon  avec  1^ 
Alpes  efl:  la  montagne  Taigete^  aujour- 
d'huy  appellée  d'iin  autre  nom  orta. 
Elle  s'étend  dans  la  Province  de  Tzaconie 
non  loin  de  la  rivière  Tenare  8c  afîss  pro- 
che de  PEurota  qui  pafle  par  Mifitra.  Elle 
eft  remplie  de  Cerfs  ôcde  Biches ,  d'Ours , 
de  Sangliers  6c  d'autres  bêtes  fauves.  Elle 
tire  fon  nom  de  Taigete  fille  ifiuc  de  Lace- 
demone  laquelle  ayant  été  violée  par  Ju- 
piter eut  tant  de  honte  8c  de  douleur  d'a- 
voir perdu  ia  virginité  qu'elle  fe  donna  la 
înort  elle  même.  Cette  montagne  a  été 
confacrée  en  divers  tems  à  Bacchus,  à 
Cerés ,  à  Apollon ,  ÔC  à  Diane  :  6c  Ion 
tire  de  ces  entrailles  de  très  bonnes  pierrss 
àeguifer. 


Dci 


FREMÎERE  PARTIE.    27 

DES  FLEUVES 

ET  Kl  VIE'RES 

LA      M     O    R    E    a 

A  Prés  avoir  parlé  des  Montagnes  remar- 
quables de  la  Moréeâl  me  femble  à  pro- 
pos de  parcourir  de  fuitte  les  Fleu v  es  &:  Ri- 
vières qui  arrofent  les  terres  de  ce  Royaa- 
me.Entre  ces  Fleuves^n  conte  celui  duOu- 
ché  de  Chiarenza  qu'on  appelle  communé- 
ment Carbonique Sophianus nomme  Or^ 
fea,  Strabon,  ^Iphée  y  Ptolomée,  ^Z- 
p^ehius^  6C  d'autres  Strimphalus  bQ  NySîyr* 
mus  Fluvius  dans  lequel  fe  jettent  1 40.  tor^ 
rens  ou  ruiffeaus  dont  les  vertus  iont  tant 
vantées  pour  être  très  propres  a  emporter 
les  d'artes  &  autres  taches  du  Corps.  Les 
Poètes  ont  chanté  mille  merveilles  de  ce 
Fleuve  :  Ils  veulent  p.erfuaderque  Tes  eaux 
ont  de  canaux  fouterrains  tout  particuliers 
audeflbusde  la  Mer,  &que  paiîant  fansfe 
méicrparle  Golfe  d'i\rcadie  au  devant  des 
Iles  Strofades ,  elles  courent  s*unir  â  la  Fon- 
taine Aretufe  qui  e(l  dans  le  territoire  de 
Siracufe  ville  de  la  Sicile.  Ce  Fleuve  en  re- 
çoit, d'autres  moindres  dans  ibnfein,  entre 

ici» 


i8         DE  LA  MORE'E 

lefquels  (ont  ceux  qu'on  nomme  Céladon  y 
V Erimante  6^  ï* Ama,nnihe,  Il  a  pris  Ion 
nom  d'Alphée  licTcendantde  Tebba  , après 
la  more  de  (on  frère  Cercafe  ,  lequel  ta-" 
chant  de  fe  dérober  à  la  fureur  du  peuple 
dePArcadieôc  de(erperant  de  fe  pouvoir 
fauver  parce  qu^il  avoit  (ts,  ennemis  à  fes 
troufles  le: noya  dans  ce  Fleuve.  On  l^ap- 
pelloit  auparavant  Strimphel  da  nom  dun 
fils  du  Dieu  Mars:  &  on  peut  bien  le  nom- 
mer l'Antée  des  Fleuves ,  puis  qu'après 
s'^étre  engoufré  diverfes  fois  par  des  ouver- 
tures étroites  (eus  des  rochers,i[  reflbrt  enfin 
êc  coule  dans  (bn  lit  av^ec  plus  de  Majedé. 

La  Rivière  Emotas  eil  auffi  de  grande 
réputation  :  on  rappelle  aujourd^huy  f^afili 
Potamos.  Niger  la  nomme.  Iris  ,  Plu- 
tarque  Hemerus  &:  Marîathon.  Elle  pafiè 
par  le  milieu  de  Mificra  6c  a  fon  embou- 
cheuredansleGolFede  Colchine.  Elle  a  la 
fburce  là  même  où  prend  iafienne  la  Riviè- 
re Carbon.  Le  nom  d'Eurotas  fi  célèbre 
chez  les  Anciens  lui  eu:  venu  d'Eu  rota  troi- 
fiéme  Roy  des  Lacedemoniens,  foit  comme 
rapporte  Paufanias  que  ce  Prince  fit  faire  un 
nouveau  lit  à  certe  Rivière  pour  y  raraafler 
toutes  les  eaux  qui  inondoient  quelque- 
fois le  pais  avec  beaucoup  d'incommodité  5 
ibitaufii  pour  ce  que  rapporte  Plucarque 

que 


PREMIERE.  PARTIE      19 

que  ce  Roi  ayant  perdu  une  batailic  qu'il  a- 
voic  entrepnlé  avant  la  pleine  Lune  au  mé- 
pris de  la  coutume  des  Lacedemoniens,por- 
té  de  defefpoir  fejetta  dans  laRiviere,lâqueI- 
le  à  caufe  de  ce  funelle  événement  changea 
fon  nom  d'Himere  en  ceiui  d'^Eurotas,  Pour 
ce  qui  ell  du  nom  Fafdi  Potamos  ,  ceux  du 
pais  attellent  qu'ail  (îgnifie  Fleuve  Impérial 
6c  qu'il  lui  a  été  impolé  tel  par  les  Deipotes 
de  la  Morée  qui  etoient  du  làng  impérial  8c 
qui  pour  l'ordinaire  faiioient  leur  refidence 
à  Militra  où  ils  prenoient  le  plaifir  de  la 
chaiiele  long  desnvagcs  de  cette  Rivière. 
Lea  L'acedemoniens  l'appelloient  \t  Fleuve 
ImpcrialpouY  flatter  5c  rehaufîer  d'autant 
la  gloire  de  leurs  Defpotes  6c  Defpoenes 
titre  qu'on  donnoit  aux  PrinceUesfcmmeS' 
des  Defpotes.  Cette  Rivière  retient 
encore  cela  de  fès  anciennes  qualités 
qu'il  vient  fréquemment  des  troupes  de 
Cignes  folâtrer  dan.  les  eaux  ôc  ils  font 
d^autant  plus  rares  6c  admirables  qu'outre 
leur  extrême  blancheur  ils  font  d'une  grof- 
feurÔC  d'une  beauté  extraordinaires.  Peut 
être  que  les  Poètes  pnt  pris  aufli  fonde- 
ment d'appeller  cette  Rivière  Olsfer  fur 
quoi  Stace  chante. 

Tajgeti(jHefalanx  <Cr  OlloriferîEurotœ. 
Parceque  fes  rivages  abondent  également 

en  Lau- 


2:6^        DE  LA  M  OREE 

Lauriers.  C'cft  pourquoi  aulïi'  le^  Poëtccp 
h  confacrerent  à  Apollon.  Durant  Pété  elle 
ne  mérite  pas  le  nom  de  Rivière  ;  car 
elle  a  fi  peu  d'eau,  qu'elle reOemble  plu- 
tôt à  un  ruidcau  clair  de  abondant:  en  hiver) 
groffiepar  iespluyes  elle  lort  quelquefois  de 
fon  lit  &  oatrepaiïe  un  peu  Tes  bords.  Autre- 
fois elle  avoit  à  Ton  r.'vage gauche  la  terreOr- 
ntoas  queStrabonôC  Pline  appel  lent  ^cria. 
Il  y  a  pareillement  dans  la  Tzaconie  la 
Rivière  Inactts  qui  prend  fa  fource  dans  la 
montagne  Crovie  :  elle  eft  appelle  aujour- 
d^huy  PUmz>za  y  autrefois  Cramavor^  cn=* 
fuitte  Haliacmon  5c  finalement  Inacits  da 
nom  du  fils  de  l'Océan  6c  deThetis.  La 
caufe  en  fut  qu' Inacus  ne  pouvant  fbufFrir 
quejupiter  lui  eut  violé  fa  fille  fans  s'empor- 
ter à  murmurer  beaucoup  contre  ce  Dieu 
raviffeur;  en  punition  de  fes  murmures  il 
fiit  fi  tourmenté  parune  bête  fauve  qu'il  en 
devint  fou  6c  tout  delèfperé  il  fe  précipita 
dans  la  Rivière  Se  lui  donna  fon  nom  par  Çx 
mort. 

Entre  la  Rivière  înaciis  6c  k  Saccanie  on 
trouve  les  Rivières  Lincée  ,  ^fîorie  ou 
Stella  6c  Erafm  qui  portent  leurs  eaux  avec 
rapidité  le  long  du  mont  Stifale. 

il  ne  faut  pas  oublier  la  Rivière  Spirnaz- 
2L4îqui  n'eil  pas  des  moindres.  Niger lap- 

peL 


PREMIERE  PARTIE,  m 
.pelle  Stomius  ,  Strabon  8c  Pline  Pamj- 
lus  8c  Ptolomée  Panyfus  qui  fe  va  déchar- 
ger dans  le  Golfe  de  Coron  proche  de  Ca- 

lamata. 

DES     CONFIUS 

ET  PALS  FRONTIERES 

DE     L  A     M  O  R  É  E. 

LA  Moréc  a  pour  Confins  la  Mer  d'Jonie, 
cclie  de  Sapienza&  d'Egée,  lefquelles 
reçoivent  divers  noms,  que  nous  rapporte* 
rons  tous  dans  l'ordre  dans  nôtre  ièconde 
Partie.  Fiin.ï.^ 

On  doit  regarder  comme  une  Partie  de  la*^*  -  ^* 
Méditerranée  cette  Mer  que  Strabon  8c 
Pline  appellent  d'Jonie,  qui  s'appelle  aufli 
la  Mer  de  Grèce  ,  laquelle  confine  aui 
Septentrion  à  l'ouverture  du  GolFede  Vc- 
niie,  à  l'Occident  aux  cotes  de  la  Càîabre  Se 
de  la  Sicile  en  commançantdela  pointe  de 
Santa  Maria  Se  pourfuivant  jurquesauCap 
de  Pafiaro.  Elle  a  pour  bornes  à  l'Orient  les 
Cotes  de  l'Epire  6c  de  la  Morce  en  prenant 
dépuis  leCap  Lenguettajufques  au  Cap  de 
Matapan ,  6c  au  midi  la  Mer  d'Afrique. 

Cette  Mer  dans  Ton  étendue  du  coté  de 
rOccident,9ui  eft  celui  duquel  elle  mouille 


tz        DE  LA  MORE'E. 

la  Moréc,  comprend  les  Golfes  qui  fuivenc. 

f  Le  Golfe  de  Lepanthe. 

La  Mer     I  Le  Golfe  de  Patras. 
d'Jonie  jcon>-^  Le  Goife  de  Chiarcnza. 
prend  '         j  Le  Golfe  d'Arcadie. 
\^Le  Golfe  de  ZonchiOe 

La  Mer  de  Sapienza  qui  eft  auffi  une 
partie  de  la  Méditerranée  prend  Ton  nom 
des  lies  adjacentes  à  Modon  6c  confine  à 
rOccidentàlaMerd'Jonie,  &  à  l'Orient 
à  la  Mer  Egée  ,  &  parcourant  la  partie 
Méridionale  delà  Morée  enferme  les  Gol- 
fes marqués  cideObus. 

La  Mer     /-Le  Golfe  de  Coron.  ^ 
de  Sapienza  -^LeGolfedeColochina. 
enferme        ^Le  Golfe  Beatico. 

La  Mer  Egée  qui  fait  pareillement  par- 
tie de  la  Méditerranée  enferme  dans  {on 
étendaë  propre  un  grand  nombre  de  Gol- 
fes j  mais  nous  ne  parlerons  ici,  que  de  ceux 
qui  font  ducôté  qu'elle  baigne  la  Morée, 
qui  (ont 

'     LaMer   ^  fLeGolfedeNapolideRQ- 
Egceducotei     ^,^^^^ 

^^^^^'^^^^^   J  Le  Golfe  d^Engia. 
con\  prend      l^  ^ 

V  n'y  a  point  de  partie  de  TEurope  qu'on 
puifig  mettre  en  parité  avec  cette  belle  Vc- 

nin- 


PREMIERE  PARTIE.     23 

îiinfule  que  la  Nature  a  embellie  de  tant  de 
qualités  li  rares.  Elle  allemble  dans  Tes  fer- 
tiles campagnes  avec  l'abondance  de  tou- 
tes chofes  les  plaifirs  de  la  diverfité.  On 
trouve  dans  fes  N^jontagnes  les  plus  âpres 
6c  qu'on  croiroit  être  d'un  terroir  ingrat  6c 
inculte ,  des  plantes  très  rares  êc  des  fruits 
exquis*  Les  peuples  qui  Thabitentontun 
génie  capable  d  une  grande  élévation  6c 
l'ame  toute  martiale.  Ses  Villes  ont  toutes 
eu  des  fondations  illuftres.  Son  climat  eft 
d'une  très  douce  Se  très  épurée  tempéra- 
ture. 

C'eil  à  elle  à  qui  l'on  attribue  par  une 
iînguliere  prérogative  d'être  le  Chef  ôc 
tout  enfemble  le  Boulevard  de  toute  la 
Grèce.  Mille  monumens  illudres  expo- 
fenc  à  nos  yeux  fa  beauté  ,  fa  grandeur, 
fa  magnificence,  fa  iplendeur  6c  fa  gloire. 
D'un  coté  on  voit  des  fomptueux  6c  fuper- 
bes  édifices  élevez;  deTaurre,  on  remar- 
que les  fieges  Impériaux  des  Miceniens, 
des  CorinthieifSjdesLacedemonienSjdes  Si- 
cioniens^des  iiUefiens-sdes  Arcadiens,des  Pi- 
iiens  6c  Mttfic.Aienb.  De  tout  tems  les  armes 
6c  les  belles  lettres  ont  été  les  deux  glorieu- 
fes  colonnes  qui  marquoient  X^nonplus  ultra 
de  la  célébrité  de  ces  peuplcs.L.à  prit  fès  fon* 
démens  l'Ecole  d'Alhe^ies  fur  le  Frontifpi- 

ce 


i4        DE  LA  MORE'Ë 

ce  de  laquelle  étoicnc  gravez  ces  mots  dî 
:a  main  de  l'éternité  meaic  ,  Mater  Ser- 
monum  c'cft  ici  la  Mère  de  TEloquencc 

Là  aulTi  o  m  me  dans  le  véritable  champ 
de  Mars  ont  verfé  leur  fang  les  plus  Vail- 
lans  Capitaines  de  la  Grèce.  Les  guerres 
y  commençoient  pour  ne  finir  jamais  ou 
qu'aprez  avoir  iong-tems  duré.  Les  Athé- 
niens fe  montrèrent  les  plus  forts  à  fe  ioutc- 
nir  car  depuis  Tan  22  3  dans  la  LXXXVII. 
Olimpiadc  jufques  en  Tan  3  50  ils  refifte- 
rent  toujours  quoiqu'ils  euilent  déjà  perdu 
de  leur  domination.   Changée  feulement 
dans  la  forme  du  Gouvernement  cette  pe- 
tite Republique  devint   après  quelques 
iîecles  écoulez  un  vafte  6c  pui (Tant  Royau- 
me qui  après-  avoir  paiî'é  par  différentes 
mains,  rencontra  enfin  dans  celles  de  l'Em- 
pereur Grec  Emanuel  les  principes  6c  les 
caufes  de  fa  ruine.  Car  cet  Empereur  com- 
me ignorant  cette  maxime  que  la  puidance 
d'un  Monarq,uene  peut  fe  maintenir  que 
par  l'union  des  princes,  6c  que  le  manque  de 
cette  union  attire  la  perte  des  Rois  &  la 
ruine  des  Royaumes,  en  mauvais  politique 
divifa  fes  Etats  entre  fesfept  fils  en  autant 
déportions  égales;  &  par  là  iîjettalafe- 
mence  de  desunion  6c  des  guerres  intefli- 
îiesqui  ont  produit  enfin  la  ruine  entière 
de  cet  Empire.  "  Les 


PREMIERE  PARTIE.     25- 

•Les  Princes  â  qui  on  donnoit  le  gouver- 
nemenc  de  cctce  Province  s'appelloient 
Dcfpoies,  Ôcquoiquepour  le  changement 
qui  fuiTenoit  fouvent  de  ces  Gouver-» 
neurs  6c  -de  leur  difFerante  extraélion,  le 
Deipocat  fe  maintenoic  toujours  dans  fa 
proiperité  ;  parce  que  i'eleétion  dépendant 
toujours  de  la  volonté  de  TEmpereur,  il 
n'appelloit  ordinairement  à  cet  eminent 
emploi  que  de  fes  Frères,  defesfils,  ou  de 
fo  parens ,  ou  de  fes  bons  amis  qui  avoient 
mérité  par  leurs  Services  qu'il  les  honorât 
d'une  grande  recompenfe. 

Conftantin  furnommé  Dragares  frère 
de  Théodore  fécond  étoit  Defpote  lorf- 
qu**  A  murât  premier  vint  faire  irruption 
dans  la  Morée  ôc  y  exerça  des  aélesd'ho- 
(lilité.  On  arrêta  ks  inouvemens  de  ce  ter- 
rible ennemi  ;  mais  ce  fut  fous  la  condition 
que  le  prudent  Empereurluipropofa  de  lui 
payer  un  tribut  annuel,  6c  il  acheta  la  paix 
ace  prix.  A  quelquetemsdelàayantrecea 
la  Couronne  Impériale  dans  la  ville  de 
Conilantinopîe ,  il  partagea  la  Moréeàfès 
deux  Frères, Demetrius& Thomas. Tho- 
mas eut  pour  fon  département  6c  appanagc 
le  Defpotat  de  Corinthe ,  6c  Demetrius ce- 
lui de  Sparte.  Il  nacquit  entre  ces  deux 
frères  un  fujct  de  divifion  ôc  d'^inimitie  irre» 


i6        DE   LA  MORE'E 

conciliable.  Peut  être  qu'ils  étoient  portes 
tous  deux  également  de  la  iccrette  6c  mau- 
vaife  intention  5  qu'en  fufcitant  des  affaires 
à  P£mpire  ils  lui  oteroient  autant  de  fa 
gloire  pour  en  augmentera  leur  6c  obtien- 
droient  par  fa  ruine  l'independence  dans 
-leur  Gouvernement.  Thomas  avoit  attiré 
à  Ton  parti  les  Albanois  6c  les  Latins  qui 
croient  également  affectionnez  à  ion  Ter- 
vice.  Demetrius  étoic  appuyé  des  Tares 
6c  Turchan  Beglerbey  de  la  Romanie 
n  avoit  d'autres  vciies  que  de  procurer  6c 
avancer  la  ruine  de  cet  empire. 

Ces  malheureux  Princes  alloient  porter 
leurs  plaintes  tour  à  tour  devant  Mahomet 
11,  ils  imploroient  fbn  fecours  6c  lui  tai- 
foient des  hommages,  fans  conlidererque 
par  là  ils  perdoienc  autant  de  leur  puifiance 
êc  que  c'étoit  la  remettre  entre  les  mains  de 
celui  qui  afpiroit  à  la  leur  ravir.  L'expé- 
rience leur  fit  bien  connoitre  leurs  fautes 
mais  trop  tard  ;  cai'  Thomas  voyant  que 
les  Turcs  venoient  fairedes  courfes  jufques 
dans  fbn  voifinnge  6c  foupçonnant  avec 
fondement  qu'ils  n'euffent  deffein  de  le 
fjrprendre ,  te  trouva  réduit  à  chei  cher  fon 
falutdanslafuirte.  Dem^rius  devint  aulîi 
un  exemple  de  la  crilelje  perfidie  des 
Turcs  ôc  il auroit  regardécomme  un  grand 

bon- 


PREMIERE  PARTIE,    17 

bonheur,  s'il  avoit  pu  prévenir  une  honteu- 
Te  détention  par  une  glorieufe  mort.  Le 
premier  s'en  alla  réfugier  à  Rome  &  en 
confideration  de  fa  naiflance  Royale  £c  du 
prefent  qu'il  y  apporta  de  la  tête  du  glo- 
rieux ApotnSt.  André  il  y  receut  des  hon- 
neurs Se  des  biens. L'autre  tranfporté  à  An- 
drinoplepar  une  lurprife  pleine  de  malice 
des  Ottomans  fut  contraint  à  ne  pas  regar- 
der comme  fon  extrême  malheur  d^'epou- 
fer  fa  propre  fille  jpour  la  fortir  du  péril  oii 
elle  étoic  de  perdre  fon  honneur  avec  fa  li- 
berté. 

Les  vertus  qui  ont  rendu  la  Grèce  fi 
célèbre  ont  bien  pris  naiflance  chez  elle; 
mais  elles  n'auroient  pu  venir  à  leur  accroif- 
fement ,  fi  la  Republique  de  Venile  n'avoic 
aidé  à  lès  entretenir  ÔC  foutenir  :  car  elle 
leur  a  toujours  été  une  bonne  Mère  6c  a 
fignalc  fa  tendreflè  par  Tunion  étroi- 
te qu'elle  a  de  tout  tems  confervée 
avec  la  Grèce.  C'eil  une  vérité  que  les 
Hiftoires  de  Venife  rendent  incontefta- 
ble  Se  dont  chacun  peut  être  facilement  in- 
ftruir ,  qu'il  n'eft  point  d'Empire  ,  de  Ro- 
yaume ni  de  Province  dans  la  Grèce  ouïes 
Vénitiens  n'ayent  fait  rcconnoître  leur  do-- 
mination.  Dans  la  décadence  de  l'Empire 
lorfqu'il  foufFrit  divers  demembremens ,  la 
B  z  plus 


^       DE  LA  MORE'E. 

plus  grande  de  ces  parties  étoit  celle  qui  étoit 
foumifcaux  Vénitiens;  car  ils  avoierit  dans 
leur  dependence  Arcadiopohs,  Rodelto, 
Andrinople  ,  Gallipoli  dans  la  Thrace  8c 
avec  cela  les  pais  des  environs  de  Prevcla  5c 
de  l'Arta  ,  une  partie  de  la  Macédoine,, 
la  Province  deLacedemone  8c  une  grande 
partiedela  Morée:  De  plus.ls  etoient  re- 
connus Souverains  danspluGeurs  Ifles  de 
l'Archipel.  Enfin  tels  étoient  alors  les  li- 
tresjuftement  attribués  à  l^Empire  aes  Ve- 
nitiensreprefenté  par  un  feul  dans  la  per- 
fonne  de  fon  Doge  ,    Vux  F»,ei>arum  , 
DalmatU,  Croam,  Dommusjuarufar. 
tis  O-  dimidU  toms  ImfemRmara^_^t 
fi  ces  témoignages  n'étoient  pas  futnfans 
pour  faire  voir  clairement  la  vafte  éten- 
due de  la  Domination  de  la  République  de 
Venife  dans  la  Grèce  ,  on  n-anroa  qu  a 
rapporter  en  abrégé,  ce  que  les  Hiitonens 
cntdemona-é  enplafieurs  gros  volumes 

Lartificieux  Turc,  étant  entre  en  pof- 
feflion  des  Provinces  des  deusPnncesfrc- 
resapresqu'il  lesenavoit  chafiez,  ne  fou- 
piraquV"  l'.nvafion  du  refte  du  pais, 
afind'étrelefeulàycommander.LesVeni- 
tiens  étoient  les  feuls  qui  dévoient  répri- 
mer cette  extrême  ambition  ;  elie  e  o  c 
touiàfaitinjufte,fur  toutapresqu'eile  alloïc 
'  a  VIO- 


PREMIERE  PARTIE,  i-^ 
^  violer  la  foi  des  traites  6c  à  rompre  la  paix. 
Maisc'eft  une  maxime  des  nations  Barba*- 
res  de  n'en  avoir  aucune  d^inviolable  que 
celle  d'avancer  leurs  intérêts  par  toute  forte 
de  moiens  6c  de  prendre  même  occaiîon 
de  faire  la  guerre,  lors  qu'on  fe  croiroit  d^a- 
vantage  affermi  dans  lu  paix  avec  eux.  Ain^ 
(î  les  Turcs  ccflant  de  fe  contraindre  aux  ap- 
parences d'une  paix  furprirent  Argos ,  6c  le 
portèrent  enfuitte  comme  ennemis  décla- 
rez. La  République  comprit  bien  à  ces 
premières  infractions  dercnnemi ,  la  necef- 
fité  prcilànteoùelleétoit  defonger  à  fadef- 
fence:&'Comme  l'Êntreprife  étoit  de  la  plus 
grande  importance  &  que  ce  n'efl:  que  du 
Ciel  qu'on  doit  attendre  les  puilfans  iecours 
£c  les  heureux  fuccez  ,  on  refolut  avanc 
toutes  chofes  qu'on  porteroit  fur  les  étcn- 
dars  le  (îgne  de  nôtre  rédemption.  Enfuitte 
on  fit  les  levées  des  troupes  ôc  on  donna  le 
commande  m  éntGeneral  a  Bercoido  d'Elle^ 
Ce  grand  Capitaine  s'arma  de  tout  fon  cou- 
nige  pour  reufîir  à  une  fi  grande  entreprife , 
ôc  ayant  fait  voile  pour  la  Morée  il  fit  pren- 
dre terre  à  toute  fon  armée  entre  le  Golfe 
d'Engia  &  cel  u  i  de  L'epanthe.  Il  s'apliqua 
d'abord  tout  entier  â  reconnoitre  les  lieux 
6c  à  trouver  les  moyens  d'empêcher  les  ir- 
ruptions fréquentes  de  l'ennemi.  Pour  cela- 
B  3  U 


jo         DE  LA  MOREE. 

il  mit  la  main  à  un  ouvrage  très  mémorable 
remettant  fur  pié  dans  l'eipace  de  peu  de 
jours  h,  fameute  inuraiîle  Eximilo  :  en- 
fuite  dequoi  il  employa  lès  forces  àladef- 
fendre ,  ôc  dans  mille  de  Tes  atlions  il  donna 
des  preuves  illuilres  de  ion  grand  courage 
&  de  Ton  expérience  confomoi  ée  en  lart  mi  ' 
litaire.  Il  agiUbit  des  la  main  6c  de  la  tête ,  Il 
couroitle  premier  aux  rencontres  les  plus 
perilleureSj&tenoitfavieàvil  prix  pourvu 
qu'en  la  iàcrifiant  au  fervice  de  fa  patrie  il 
avançât  en  même  tems  la  perte  de  fon  enne- 
mi naturel  6c  juré.  îl  étoit  au  plus  beau  de  Tes 
eiperences  61  fes  croupes  que  fon  exemple 
animoit  d'autant  plus  au  combat  avoient  dé- 
jà gaigné  des  avantages  qui  lui  promcttoient 
k  victoire  6c  l'entière  défaite  des  ennemis  5 
îorlque  Dieu  dont  les  penfées  ne  font  pas 
nospenféesScqui  peut  quand  il  veut  faire 
trouver  aux  plus  grands  conquerans  leur 
défaite  &leur  mort  dans  le  lieu  même  ou 
ils  fe  font  préparez  un  Triomphe,  permit, 
par  des  ordres  fecrets  de  là  providence,  ou 
par  des  effets  de  fa  juftice  fur  nous,  qu'il 
luccombât  6c  tombât  mort  de  plufieurs. 
glorieufes  bieflures.  Le  chef  étant  mort 
les  membres  tombèrent  en  langueur,  ôc 
î  ennemi  devenu  plus  fier  par  le  peu  de  re- 
iiilcnce  qu'on  lui  oppofc  g  combat  avec  plus 

de 


PREMIERE  PARTIE.  51 
de  force  8c  geigne  la  vi6toire5apres  laquelle 
ne  donnant  point  de  bornes  à  fon  injuftc 
ambition  il  s'empara  de  tout  îe  pais  que 
nôtre  Augulle  Republique  pofledoit  ie- 
gitimement  depuis  tant  d'années. 

Dépuis,  on  établit  là  un  Gouverneur 
deConiî  aération  à  qui  l'on  donna  le  titre  de 
Sangiac ,  ou  autrement  Morabegi  comme 
quidiroitvSeigneurdela  Morée,  ôcon  lui 
dcdina  cent  mille  après  par  an  fous  l'obli- 
gation d'entretenir  mille  chevaux  avec 
l'Equipage  neceliaire,  quiferoient  à  ladi- 
fpolition  du  Beglcrbey  de  Grèce. 

Pour  tous  les  avantages  qu'apporte  ce 
Sangiâcatàceuxquilepoiledent  il  nelaiflè 
pas  d'être  le  plus  epineux;earil  furvient  fou- 
vent  des  difficultés  avec  le  Dins ,  le  Begler- 
bey  ou  le  Bâcha  de  la  Mer  à  caule  des  droits 
qu'il  prétend  avoir  dans  toutes  les  plages 
maritimes  fur  les  Marchandi fes  qui  fe  char- 
gent ou  ie  déchargeât  dans  les  ports. 

Modon  eO:  le  lieu  de  la  refidence  ordi- 
naire du  Sangiac.  La  Republique  de  Ve- 
nifequi  fjule  pour  maintenir  fes  droits  fur 
ce  Royaume  y  foutient  toujours  valeu- 
reufement  la  guerre  contre  les  efFortsdes 
Turcs,  aétéauiîî  la  première  qui  a  entre- 
pris de  le  reconquérir  :  6c  fes  armes  eurent 
un  tel  fuccez  dans  la  Campagne  de  1685. 
B  4  qu'elle 


'31         DE  LA  MOREE. 

qu'elle  triompha  de  prefque  toutesles  pla- 
ces Méridionales,  en  contant  parmi  ces 
conquêtes  la  Ville  ôc  la  Eortereile  de  Co- 
ron, les  places  de  CalamatâjZarnatà,  Pafla- 
và  6c  Chielefa  :  Outre  les  routes  que  fe  font 
faittes  plufieurs  fois  bien  avant  dans  la  ter- 
re ferme  les  troupes  en  fe  hâtant  d'^ap- 
porter  du  fecours à  une  ForterefTe  qui  étoit 
attaquée  avec  danger.  L'Armée  Véni- 
tienne fera  dans  la  Campagne  de  cette  an-r 
née  des  progrez  enSore  plus  avantageux  i 
6c  elle  peut  s'afleurer  d'autant  plus  dans 
cette  efperance  ,  qu^^elle  n'employé  fes 
Armes  que  pour  la  plus  grande  gloire  de  la 
Religion  Catholique  6v  pour  l^'âvancemenE 
de.  la  mine  des  Infidèles» 


DE 


DELA 

MORE   E 

Seconde  Partie. 

où  l'on  parle  en  particulier  des  villes  Ma-* 
ritimes ,  àcs  Golfes ,  des  Ecueils  €r  des 
Iles  non  feulement  de  celles  qm  regardeift 
cette  cote  Cr  qui  font  fur  cette  Mer\  mais 
encore  des  autres  qui  font  de  U  Mer  d'^fq* 
nie* 

Prés  avoir  rraitté  dans  la  pre- 
mière partie  de  cet  ouvrage» 
de  ce  qui  regarde  la  M  orée 
en  General ,  j'cntreprcns  d« 
traitter  en  particulier  6c  avec 
toute  Texaétitude  qui  convient  à  ma  briè- 
veté, de  toutes  les  Places  maritimes,  des 
Golfes,  des  Ecueils  &.  des  Iles  non  feule- 
ment de  celles  qui  font  le  long  de  cette 
côte ,  mais  encore  de  celles  delà  Mer  d'Jo^ 
nie.  j'avertis  mon  Leéleur  qu^ipres 
que  j^iy  rapporte  les  difFcrentcs  divi  - 
fions  qu'on  a  faites  de  la  Morée  je  me  riens 
au  featimcnt  de  ceux  qui  ne  ia  divifen^ 
B  jT  qu'ea 


54        Ï^E  LA  MOREE. 

qu^en  quatre  Provinces,  6c  que  je  rappor- 
terai toujours  à  quelqu'une  de  ces  Provin- 
ces chacune  des  Places  dont  je  parlerai. 

L'  I  s  T  H  M  E 

D    E 

CORINT  HR 

RefSm.  T  *^^^^^  ^^  Ccrkthe  autrement  le 
ïucioiii,  I.  ^  Détroit  de  la  Morée.  OU  le  Détroit  Ar- 
vn  luftre  goUquc  cil:  une  langue  de  terre  âpre  &:  fort 
c!t  de  cinq  pierreufe  afîiiè  entre  le  Goife  de  L.epanthe 
«irii!"  ^'  ^-  celui  d'Engia  6c  fait  l'union  de  PAchaïc 
aveclaMorée. 

Cetlilhmeeft  fameux  àcaufede?  jeux 
Ifthmiens  que  Thefée  a  voit  inliituez  5c 
qu'ion  celebroit  à  chaque  luilre:  comme 
aulTi  célèbre  par  Ton  Théâtre,  le  Stade  de 
pierre  blanche,  le  Temple  de  Neptune  & 
\%  Foret  de  Pins  dont  les  feuilles  fcrvoienc 
à  couronner  les  combattans. 

On  pourroit  donner  un  conlîderable 
ftvanccrnent  à  la  navigation,  &  la  rendre 
Kicile  &;  fure  en  tirant  un  canal  de  commu- 

niça- 


SECONDE  PARTIE,      jj 

nication  d'une  Mer  à  l'autre.  Et  ce  qui 
pourroit  porter  à  ce  deflèin  Se  animer 
d'autant  plus  à  (on  entière  exécution ,  c'elt 
qu'on  fait  que" ça  été  l'entreprile  de  piu-p^^^^^^. 
fieurs grands  Princes,  du  Grand  Alexan- Rannuf. 
dre,  de  Pitia  ,  du  Roy  Demetrius ,   de  JJ^^';°^^  J^"^ 
Cefar,  de  l'Empereur  Caligula,  de  Ne- lut  bien 
ron ,  d'Herode  l'Athénien.  Il  ell  vray  ces  ^'^^^^'J^ 
Princes  ou  troublez  dans  ce  deiîein  par  coup 
d'autres  foins  plus  importans  ou  dégoûtez  ^te^^ér  ^ 
par  la  lonmjeur  du  travail  en  ont  été  de-  ce  fameux 

*  o  ^    nii  ^     ^     1  ^  Canal.  ZO" 

tournez  Sc'ont  dehite  de  le  porter  a  une  nora.p. 
fin  qui  auroit  pu  Pxatter  beaucoup  leur  ^°°* 
gloire  ;  mais  (i  en  place  de  quelqu'un  d'eux 
la  fortune  avoir  mis  Louis  le  Grand  Roi  de 
France  il  auroit  donné  à  cette  entreprife  un 
Tuccez  aufTi  parfait  où  i  on  voit  quoique 
dans  Teipace  de  peu  de  tems  le  Fameux 
Canal  qui  joint  la  Méditerranée  de  com- 
munication avec  rOcean. 

Pour  fuppleer  en  quelque  forte  à  ce  qui  étéh%l 
raanquoit  audelTeindc  ceCanal.PEmpe- "^'^re  viiie 
reur  Emanuel  en  Tan  1413.  fit  élever  un  des^grards 
Mur  que  Volateran  &c  Niger  appellent  "".f^^'^^'- 
Hexameli ,    Hermolaiis  JrJsromilion  ,    cC  S:^bei.  h'?- 
Nifchius  Dioclos  ^   qui  commençant  au  ^'^'■- ^^  ^'"-' 
port  Lechce  16  Stades  loin  ac  Corinthe,  5.1.  s. 
50.  du  Golfe  de  Saronique  (qui  eft  félon 
rQpimondeBaudranJ.cDiiiraire  à  celle  de 
B  !5  Lau» 


5^         DE  LA  MORE'E. 

Lîiurembcrg ,  celui  qu'on  appelle  aujoiu^- 
d'hui  Lejlefocori)  fitué  à  l'extrémité  Oc- 
cidentale du  Golfe  deCorinthe,  il  finilîbit 
à  fix  milles  de  long  au  port  de  Cenchrée  qui 
efl;  fur  la  côte  du  levant  vers  le  Golfe  d'En», 
gia  :  la  commodité  de  ces  deux  ports  rap- 
portoic  beaucoup  davantage  6c  de  facilité 
au  commerce  de  rOrienc. 

Amurat  IL  après  le  fiege  de  Condan- 
tinople  en  Tan  1424.   nonobilant  la  paix 
avec  TEmpereur  de  Grèce   fit  démolir 
l'Eximile.  La  Republique  de  Veniie  (e 
?e(îentit  beaucoup  de  ce  trait  des  infra* 
étions  Se  violences  d' A  murât  par  ce  qu'^eile 
voyoit  que  par  là  cet  ennemi  s'étoit  i^it 
une  entrée  libre  pour  envahir  les  lieux  voi- 
fîns,  Ced:  pourquoy  Luigi  Loredano  Ge- 
neral de  la  Mer  eut  ordre  de  'îàiïc  prendre 
î^rre  en  cet  eniroit  à  toute  Ion  armée 6c 
ie  joignant  à  Bertoldo  d'Etle  ils  employer 
Il  J^^      rent  trente  milie  travailleurs  qui  apporte- 
SeVeion^'^"^  tant  d'^ardeurà  relever  cet  ouvrage 
s*£r»69.    qu'ails  le  mirent  à  fa  fin  en  l'an  146g.  dans 
lefpacede  quinze  jours  &  ils  ajoutèrent  à 
ce  qu'on  y  avoit  vcu  auparavant  de  dou- 
bles ôc  fort  larges  fo{]és&  cent  trente  fix 
Tours  cequ!  rendoit  ce  Mur  de  beaucoup 
plus  fort  &  mieux  foutenu  qu'il  n'étoic 
auparavant.  Pour  implorer  du  Ciel  un  p.ai"- 


SECONDE  PARTIE,      g'/ 

tîculier  foutien  à  cet  édifice  6c  un  heureux 
luccez  aux  armes  de  la  Republique  ,  Bcr- 
toldoficdrefierau  milieudu  Mur  un  autel 
où  toute  l'Armée  affilia  à  la  Meile  qu'on 
y  chanta  folennellemenr.  Le  General  de 
la  Mer6cEertoldo  avec  fes  troupes  après 
en  avoir  lai  fié  un  nombre  TufRlant  pour  la 
garde  du  Mur  vinrent  Camper  audellbus 
de  Corinthe  6c  ils  s'y  occupoient  à  planter 
l'Artillerie  5c  à  la  mettre  en  étatdebon 
fervice  lorfqu-il  arriva  des  efpions  qui  leur 
annoncèrent  que  Amarbei  Fiambular  de 
la  Morée  rodoit  aux  environs  avec  une 
efcorcc  de  douze  mille  hommes.  Au  mo- 
ment qu'ils  receurent  cet  avis  ils  firent  un 
détachement  d^unc  bonne  partie  de  Tar- 
mccqui  croit  campée  pour  aller  à  la  deiTen- 
ie  de  l'iLximilo,3c  on  y  fit  un  H  graiii  feu  du 
canon  6c  de  toute  Tartillerie  fur  Tarméc 
du  commandant  Turc  qu'il  fut  contraint 
de  la  mettre  en  retraite  plus  loin  que  la 
portée;  quoiqu'il  ne  laiOa  pas  de  fe  fair« 
voir  vers  le  midi  aux  Vénitiens  6c  pritfon 
logement  non  guère  loin  delà.  Bertoldo 
obiervoit  tous  les  mouvemens  d^Amarbet, 
pendant  que  Tautre  General  alla  continuer 
k  Siège.  Mais  voyant  que  le  Commandant 
Turc  fcmbloit  defiller  de  fon  defîcin  ôc 
n'en  avoir  aucun  par  la  difHculté  qu^il 
B  7  trou- 


38         DELAMORE'E. 

trouvoit  à  rexecutcr  fans  trop  de  penl,Ber- 
toldo  lui  même  le  négligea  6c  alla  fe  re- 
joindre à  Tautre  General  pour  avancer  le 
Siège.  Il  arriva  par  un  malheur  qui  en  at- 
tira en  même temsplufieurs  autres  que  le 
General  ne  fun  pas  piiicôt  arrivé  au  Camp 
qu'ail  receut  un  coup  de  pierre  dont  il  de- 
meura mort  fur  la  place,  Telle  fut  la  fin  de 
ce  grand  Capitaine  :  6c  celui  qui  lui  fucceda 
«^  Bettino  au  ^  commandcîïient  trouva  les  troupes  (i 
àa  Calcina- jçcouragccs  par  cet  accident  funefte,  6c 
'°'  lui  même  T:?  laid  a  u  fort  allarmer  par  l'ap- 

proche du  BeglierbeiScde  fon  armée  qui 
étoit  de  quatre  vingt  mille  hommes,  que 
non  feulement  il  abandonna  le  camp  de- 
vant Corinthe,  il  négligea  aufii  la  deffen- 
fe  de  l'Eleximile  après  que  ce  Mur  avoit 
été  d'aune  fi  grande  &  fi  extraordinaire  de- 
penfe  à  la  Republique. 


C  O  R  î  N  T  H  £. 


LA  ville  de  Corinthe  que  Strabon  8c 
?ol ibe  nomment  Corimas  Laurem- 
herg  Ephyro,  le  peuple  Cor^mo  &  les 
Turcs  Gerame  rapporte  (on  origine  ôc  fa 
fondation  à  jûktss  qui  vivoit  du  cems  de 

Ce-^ 


SECONDE  PARTIE.      59 

Gecrops  Roi  des  Athéniens  en  Tan  7,066, 
Elle  eft  (îcuée  comme  au  milieu  deTIfthme 
dans  rendroitoù  les  Merrjonie  8c  Egéefe 
mêlent.  Elle  a  le  titre  d'i-.rchevcichéôc  ell 
éloignée  de  Parras  de  80.  milles  50.  d'Atbc- 
nes^B^.deJVliîirra,  i^.d'Argos,  Elleeft 
commandée  par  la  for  trèfle  Acrccorinthe 
qui  efi auprès.  Sa  btuation  eli;  (i  avantageu- 
(ë  qu'elle  a  donné  occafion  de  niirc  &ppel- 
1er  Corinthe  Pœuii  dc  le  lien  dt;  la  G  rece  par 
quelques  uns, et  par  d'autres  le  Boulevard 
duPeloponneie.Plutarquela  jugcoit  la  plus 
excellente  6c  Ciccron  la  plus  belle  ville  ôc 
la  Splendeur  de  la  Grèce:  ôc  elle  arriva  à  ce 
haut  point  de  gloire  6c  degrandeurqueSi- 
racuté  6c  Corîù  eilimoient  à  gloire  d'être 
de  Tes  Colonies. 

Les  Romains  fur  le  prétexte  de  tirer 
vengence  de  cette  vilUe  pour  quelque  vio- 
lence faitte  à  (es  citoyens  envoyèrent  le 
Conful  L.  Mamius  en  l'an  du  Monde 
3818.  pour  rabaiilèr  difoient  lis  jfa fierté 5 
&  avec  ordre  exprez  de  la  rafer  jufqu'aux 
fondemens  j  6c  aprez  qu'il  auroit  fait  le  dé- 
gât 6c  donné  le  pillage  à  fes  troupes  il  de- 
voir prendre  pour  efclaves  les  femmes  6c  les 
enfans  des  citoyens. 

Par  la  munificence  Scies  foins  d' Augu- 
fle  elle  fut  rebâtie^  repeuplée  Se  elle  avoir 

re  - 


40        DE  LA  MORE'E: 
repris  de  fa  beauté  6c  de  Tes  ri cîiefTcs pre- 
mières. Mais  elle  ne  conferve  après  les  ri- 
rigueursdutems  ôc  des  guerres  qui  dévo- 
rent tou/es  chofes  que  des  miferables  refies 
de  Tes  ruines  quilerventd'afile  à  unpetic 
nombre  d'habicans  que  la  ncceffité  y  re* 
tient  plutôt  quVucune  autre  chofe.  Elle  a 
fervi  d'eux  fois  de  Théâtre  à  la  Barbarie 
d'Amurat  IL  6c  de  Mahomet  Ton  fils  :  6c  les 
fureurs  des  Turcs  l'ont  fi  peu  épargnée 
quellen^à  aujourd'huy  qu'une  vintaine  de 
maifonsou  plutôt  de  Hameaux,  trifte  ima- 
ge defonanciennefpîendeur  y  fi  on  ajoute 
qu'on  y  voit  encore  d'entier  de  icn  an- 
cienne magnificence  i2  Colomnes  de  f. 
pies  de  Diamètre,  qui  n  ont  qu'un  fimple 
cordon  pour  chapiteau,  à  quinze  pas  loin 
l'une  de  l'autre  fur  une  petite  coline  de  fi- 
gure amphitrcale  à  la  diftence  d'environ 
un  mille  de  la  Mer.  De  cette  coline  on  va 
par  un  chemin  doux  •6c  aifé  au  port  Léchée 
où  on  voit  encore  une  Tour  qui  fervoit  au- 
trefois de  Fanal. 

Les  Corinthiens  embraîTerentla  foi  Ca- 
tholique par  les  prédications  des  Sts.  Apô- 
tres Pierre  6c  Paul ,  ils  y  furent  confirmez, 
en  l'an  169.  parles  foins  6c  la  vigilance  de 
St.  Denis  lecond  Evêque  de  cette  ville  6c  ils 
y  perfcvererent  jufqu'au  ccms  que  les  Eux- 


SECONDE  PARTIE.    41 

pereurs  Grecs  voulurent  fc  fouftraire  de 
ï'obeiflance  du  Siège  de  Rome. 

Roger  le  Normand  Roy  de  Naples  s'en 
empara  6c  il  auroit  pu  porter  fa  gloire  à  un 
haut  point  en  ajourant  ce  beau  fleuron  à  fa 
couronne  &  gaigner  l'efpric  des  Corin- 
thiens qu'ils  lui  rendidenc  de  bon  cœur  les 
hommages  6c  lobeiflance quilsrendoient 
à  l'Empereur  Emanuel,  fi  dans  le  tems 
qu'il  croy-oit  fonder  le  mieux  cette  efperen- 
ceTarmée  des  V^'eniticns  avec  le  refîe  des 
troupes  Grecques  vaincues  ne  fut  venue 
s'oppofcr  ifes  conquêtes.  Apres  une  de- 
faite  de  la  plus  grande  partie.  6c  prefqu'en- 
tire  de  fes  troupes  il  fut  contraint  defonger 
a  (on  propre,  falut  par  la  fuitte.  La  déroute 
de  l'Armée  de  ce  Prince  6c  les  desavanta^ 
ges  qu'il  eut  en  cette  occasion  furent  d'une 
très  grande  confequence  pour  fes  ennemis 
comme  aufli  très  confiderables  les  riches 
dépouilles  qu'il  lailla  dans  le  camp:  on  les 
partagea  aux  troupes  auxiliaires ,  parce- 
qu'on  avoit  peu  beibin  de  les  mettre  à  d'au- 
tres ufages  plus  utiles ,  après  qu  on  avck: 
repris  Corinthe.  il  ne  s'écoula  pas  deux 
iiecles,  que  cette  ville  -devenue  foumife 
à  la  domination  desDefpotesdelaGrece, 
ils  voulurent  bien  la  céder  aux  Vénitiens , 
comme  dans  la  confideration  qii'ils  ne  pou- 

voient 


4^        DELAMORE'E. 

voient  la  pofieder  que  par  ufurpation  6c 
quelle  n'appartenoit  de  légitime  droit  qua 
h  feule  Republique  de  Venifc,  puifque 
pour  la  forcir  d^entre  les  mains  d'un  Etran- 
ger ,  elle  avoir  employé  fe.  forces  6c  le  fang 
de  fes  Sujets. 

Mahomet  II.  ne  tomba  pas  dans  de  ré- 
flexions Cl  juftes,  6c  t^'ûjûurs  incapable 
d'avoir  d'autres  veiles  que  celles  de  fon 
ambition  fans  bornes,  il  furpritCorinthe. 
Depuis ,  quelques  grands  efforts  qu'ay.cnt 
faits  les  Vénitiens  pour  recouvrer  cette 
conquête  ils  n'ont  pas  été  fuffifâns  pour 
vaincre  la  fureur  des  Barbares  dont  la  Ion- 
gueôc  forte  reGdence  leur  fit  enfin  recon- 
noûre  la  necefïicé  oià  ils  étoientdedclider 
de  ce  defîèin. 

LES     ROIS 

D  E 

C  O  R  I  N  T  H  E. 

u^»s  du  m  onde 

Compend.  .  . 

univerf.di  2862*  Atlctcs  premier Roi. 

,''.'^u!'°^'-  2897.  Trion. 

2^34.  Agi- 


SECONDE  PARTIE.      43 

2934.  Agilas. 

25)71.  Primina, 

3006.  Baci. 

5041.  Agelas. 

3071.  Eudeme. 

5096.  Ariftomede. 

313 1.  Egcnnome. 

3147.  Alexandre. 

3172.  Fekflée. 

3 184.  Anfomene  fut  le  dernier 
&  la  finde  Ton  Règne  fe  rap- 
porte à  Pan  31 8j, 


ACROCORINTHE. 

A  CroCorinthe^  cette  fameufeforterefiè 
*^  mérite  bien  qu'ion  ne  lapafîè  pas  fans 
avoir  fait  reiîbuvenir  quelle  a  demeu- 
ré long  tems  victorieufe  des  forces  des  en-  Nicetas 
nemis  qui  Pont  attaquée  ,  quoiquelleefb  aE^fp.*^^^ 
la  fin  cedë  à  la  fureur  6c  à  la  longueur  des 
guerres  &  des  années.  Sa  fituation  étoit 
tort  avantageufe,  car  elle  couvroit  la  ville 
ôclacommandoit  étant  bâtie  fur  la  poin- 
te ^  d'un  roc  élevé  oi^i  elle  avoit  un 
aflez  grand  efpace  uni  6c  bien  propor- 
tionné ,    fermé   d^une    forte     muraille 

5c 


44        DE  LA  MORE'E. 

&  elle  avoir  au  dedans  plufieurs  puiV 
d'une  claire  6c  très  excellente  eau  qui  avoic 
là  fource  dans  la  fontaine  Pirene  dont  le 
Poète  Grec  fait  une  honorable  mention* 
in  La  Nature  &  l'art  rendoient  le  château 
très  fort  6c  feur  ;  il  n'a  voit  d'entrée  accefli- 
ble  que  du  côté  du  port  de  Cenchrée; 
néanmoins,  parce  qu'il  et  oit  mal  gardé  il 
a  été  pris  plulieurs  fois  &  en  particulier  par 
les  Siciliens  fous  le  commandement  de 
NicephoreCalufodu  tems  de  [''Empereur 
Emanuel  Gomnene. 


P   A  T  R  A  S. 

13  Roche  le  Cap  de  Rio  orrvoit  une  moîî- 
^  tagne  6c  fur  le  haut  uae  Forterefie  au 
Nord  de  laquelle  eft  B.Œifc  Fatras  ville  très 
ancienne  Se  le  (îege  d'un  Archevcfque.  L,es 
Turcs- la  nomment  Badra  6c  BaUbutra-^ 
elle  a  été  connue  encore  fous  d'autres 
noms ,  car  dans  le  premier  agc  de  fà  fonda- 
tion elle  avoit  nom  Roas  ôcreltauréeenfui- 
te  par  les  foins  de  Pâtre  fils  de  Preugene  clic 
s'apella  long  tems  du  nom  de  Ton  bienfai- 
teur. Enfuite  6c  environ  le  commancement 
de  l'Empire  Romain  elle  augmenta,  ds 

beau- 


P ATR AS 


^ 


-#-^.&^^_ 


^^«iè^pii^-^    ^^ 


r 


SECONDE  PARTIE.     45 

beaucoup  dans  le  nombre  de  fes  habitans , 
âufîiavoitellela  lîtuariontres  avantageufe 
foit  pour  la  qualité  de  Ton  terroir  foie  pour 
le  négoce  6c  pour  la  navigation.  Les  Ro- 
mains l'appellerent  Augnlla  Aroe  Patren- 
fis.  Elle  porta  encore  en  d'autres  temsie 
nom  de  Neupatria,  Sa  fituation  eft  éloi- 
gnée d*environ  700.  pas  du  Golfe  deinéme 
nom  ou  du  Port  Panorme.  l'Empereur  Au - 
gufte  Tavoic  choifie  pour  le  lieu  propre  à  la 
retraitte  de  Tes  vaiflèaux:6c  pour  une  mar- 
que plus  particulière  de  fa  bonne  volonté 
envers  ceux  de  Fatras,  il  leur  donna  le  pri- 
vilège de  vivre  comme  des  peuples  libres 
6c  avec  toute  forte  d'immunités  &  d'exem- 
ptions ,  comme  s^ils  avoient  été  des  cito- 
yens de  Rome. 

On  adoroic  dans  cette  ville  la  Deeffe 
Diane  fous  le  nom  de  DianaLatna,  on  y 
reveroit  la  Foret  Scie  Temple  confacré  à 
Diane  Triclaria  à  laquelle  on  faifoit  chaque 
année  un  Sacrifice  d'un  jeune  garçon  &: 
d'un.ejeune  fille  choifis  entre  les  plus  beaux 
qu'on  pouvoit  trouver:  £c  cela  en  expiation 
du  crime  commis  par  Melampe  &  Ceme- 
ton ,  qui  furent  auffi  facrifiez  les  premiers , 
pour  s'être  mariez  enfemble  dans  le  même 
,iems  de  Diane  contre  la  volonté  de  leurs 
parcns.    Ce  cruel  lacrifice  prit  fin  lorf- 

qu'Eu- 


4^        DELA  M  OREE. 

ciu'i:uripile  vint  à  Patras  Se  qu'il  s'y  con- 
vercit  à  la  Religion  Chrétienne  pari  œu- 
vre Ôc  les  prédications  de  P Apôtre  Saint 
André.  Patras  étoit  en  ce  tems  la  fort  peu- 
plée ^  aujourd'huy  elle  ne  l'efl:  pas  peuj  fur  • 
tout  il  V  a  un  grandnombredeJuiFs  qui  y 
fomEeurir  le  Négoce:  ^  c'eft prefque la 
feule  ville  matitime  de  cette  cote  ou  es 
Grecs  des  lues  voifmes ,  les  Anglois  .C  les 
François  viennent  trafiquer.  L'air  n  y  elt 
pasfamàcaute  du  voifinage des  montagnes 
qui  font  couvertes  de  Nege  6c  a  caufe  aufli 
de  la  quantité  d'eaux  dont  elle  eft  toute  en- 
vironnée. Le  pais  quelle  comprend  dans 
fon   territoire  avoit  fous  la   domination 
des  Princes   Grecs   le   titie  de   Duché 
qu'elle  ^arda  jufqu'à  ce  que  le  Princequi 
lapoffed^itenran  1408.  n'aya^upasaflez 
de  forces  pour  la  foutenirôcla  garder  ,  1  a 
céda  pour  une  groffe  fomme  à  la  Républi- 
que de  Venite  fur  laquelle  les  Turcs  1  ont 

^^  En  Tan  15^3.  le  General  Doria  entre- 
prit de  s'en  rendre  Maiftre,  £c  il  y  trouva 
de  la  facilité  par  le  mauvais  état  de  fesram- 
pars-  il  en  remporta  enfin  une  entière  vi- 
àoire&enmême  tems  le  Château  qui  do- 
mine la  Ville  fe  rendit  quoiqu'autrefois  il 
eut  refifté  durant  une  année  entière  aux 

for- 


SECONDE  PARTIE.      47 
forces  de  Conftantin  Paleoiogue. 

Le  Vainqueur  ufa  d'une  grande  mode- 
ration  envers  laGarnifon,  il  ia  Ht  eicorter 
julqu'àLepanihe-où  elle  voulut  ie  'retirer 
•avecles  femmes,  fans  que  nul  d'cntreux 
receut  le  moindre  mauvais  traitement  de 
la  part  des  troupes  viftorieufes ,  qui  ne  pu- 
rent qu'éclater  en  murmures  contre  le 
General,  comme  s'il  îeurrauifîoit  la  proyc 
de  ces  infidèles  qui  ctoit  légitimement  due 
à  leur  valeur  6c  à  leur  averfion. 


C  H  I  A  R  E  N  Z  A. 


D 


U  coté  droit  du  fleuve  Inacus  que  Pto- 
iomée  appelle  Petioeus  Flavius  6c  fur 
unecoline  voifine  de  la  plage  du  Golfe  de 
Patras  fe  trouve  Clomrenz.<z  qu'on  croit 
être  l'ancienne  Cjlleneh.  patrie  de  Mercu- 
re, que  le  poëtQ  appelle  pour  cela  Cjllemus 
Héros.  C'étoitla  ville  capitale  du  Duché 
de  ce  nom  ôc  fous  le  gouvernement  de  fes 
Princes  elle  étoit  auflîilluftrequefonnona 
lemarquoit.  t.es  Vénitiens  la  poflèderent 
àjufte  titre  6c  bien  que  dans  ce  tems  là  elle 
fut  en  allez  bon  état ,  elle  eîl:  aujourd'hui 
dans  un  (1  extrême  changement  qu'on 

n'y 


48        DE  LA  MORE'E. 

n'y  voit  de  refte  que  Tes  fofl es  6c  quelques 
autres  légères  traces.  Son  port  quis'appel- 
loitaalTideCk"^v^":(4,  6c  qui  étoitlàprez 
avec  aflez  de  commodités  ôc  capable  de 
contenir  plufieurs  grands  vaifleaux  ne  re- 
çoit maintenant  que  du  Sable  dont  il  cft 
tout  rempli- 

C  A  M  I  N  I  T  Z  A. 

A  Moitié  chemin  du  Cap  deChiarenza 
àPatrasdcdu  coté  droit  de  la  Rivière 
que  les  anciens  appelioient  Pirus  on  trouve 
CaminitTd  ,  que  Strabon  6c  Ptolomée 
nomment  0/^?7«j,  ^VXmtOlemm.  Elk 
eft  â  trois  mille  du  Golfe  de  Fatras.  Ole- 
nus  fils  de  Vulcain  i'avoit  fondée  j  mais 
quoique  çait  été  autrefois  une  grande  ville 
avec  le  titre  d'Eveché  fuffragant  de  l'Ar- 
chevêché de  Patras ,  on  la  voit  aujourd'huy 
•réduite  à  un  petit  bourg. 


O  A' 


SECONDE  PARTIE      4J 
C  A  S  T  E  L 

T  O    R    N  E    Z   E. 


f^  y^ftelTornefe  eft  une  Fortereffe  bâtie 
^  fur,  le  dernier  Promontoire  du  Duché 
de  Chiarenza  dans  l'endroit  d'où  Pon  regar- 
de vers  la  Province  de  Belvédère  entre  le 
Golfe  de  Chiarenza  6c  celui  d'Arcadie 
qu'on  appelioit  au  rapport  de  Baudrand 
Chelonates  du  même  nom  queStrabon  don- 
ne au  Promontoire  fur  lequel  elle  eft.  Les 
Turcs  rappellent  autrement  Clemoutzj.  El- 
le eft  fituée  en  un  lieu  fort  élevé  à  trois  mil- 
les environ  loin  de  la  côte  de  la  Mer.  C'eiî: 
ce  qu'on  pourra  voir  fort  diftinftemcnt 
dans  le  dellein  que  nous  avons infcré ,  6c  qui 
a  été  tiré  fur  le  lieu  par  i'illuftre  Monfieur 
Neovin  qui  eft  auprez  de  fon  Altefte  Mon- 
fieur  le  Prince  Maximilien  Guillaume 
Duc  de  Brunfvic. 


Z  U  N- 


ÎP        DELAMORE'E 

Z  U  N  C  H  I  O 

OU 

NAVARIN. 

ZVnchio  que  Ptolomée  appelle  Pylus, 
Etienne  de   Biiance  Corjphafwm  Se 
Navarwc{ï'i  la  didance  de  dix  mille  de 
teîT.       Coron  bâti  fur  une  hauteur  au  pie  dela- 
il"nnée      quelle  e(t  Ton  port  où  peuvent  faire  encra  - 
3M5'  Seii-  ae  d'eux  mille  vaifleaux.  A  côté  droit  ûc 
fu'pns  au  cette  même  plage  ed  aujourd'hui  le  nou- 
portde      veau  Navarin.  l'Ancien  efi:  une  fortereQe 
a^cc'ua      laquelle  étant  expofée  aux  yeux  des  cnne- 
lombre  de  ^^s  a  auffi  fait  l'objet  de  leur  envie ,  c'eit 
voîks'qu'îî  pourquoi  auflî  elle  a  changé  plus  d'une  fois 
;rr;ri-d'enreigneScdeMaitre 
ïedecan-       En  l'an  1 498.  qu'elle  etoitfoumile  a  la 
^B;udrand  Republique  de  Venife  elle  foutintun  fu- 
appeiieNa-j^eux  aHaut  dcs  Turcs  Ôc  ils  y  trouvèrent 
rannùst^antdereGaance  5c  fcvirent  par  là  fieloi- 
Neiea ,  Al-   j^^^,  d'cn  triompher  comme  ils  s  etoienc 
j"r  on  flattés, qu'ils  remirent  ce  dellèin  à  une  oc 
croic.que    ^^^i^^^  ^^^  jls  pourroicur  agir  de  lurpnle. 
^atrkde    Eh  cffct  Us  j  rcuffirent  à  quelque  tems  de 

({eitor.  la  I 


PREMIERE  PARTIE,    ft 

là;  parce  que  s'ccanc  emparez  de  iModon,' 
ceux  de  Zanchio  fe  rendirent  auiîi-rôt  verdizzotti 
qu'ils  les  virent  aiîcoir  leur  camp.  Nean-  f  ".'p'^gs; 
moins  les  Vénitiens  la  reprirent  bientôt 
fur  les  Turcs  par  le  moien  d'un  "^»^in^é^^"°vea 
Demetrius  de  Modon  qui  avec  un  de  Tes  parc'.  2.  ' 
amis  Albanois  entreprit  de  pailèraufil  de  ^•^-  p-  5* 
l'epcela  Garnifon  Turque  en  ouvrant  les  oiovio 
portes  de  la  Forterefle.  Les  Turcs  nean- Hift.  dei 
moins  s'opiniatrerent  à  deffendre  cette  pîa-  pa°c.  i.  { 
ce  quiétoit  à  eux  depuis  peu  de  tems.Ils  vin-  8. 
rent  la  reconnoître  du  côté  de  terre  par  un 
gros  détachement  de  Cavalerie  ôc   avec 
quatorzeGaleres  8ccinqFuftes  fous  le  com- 
mandement d'un  Turc  nommé  Gamali. 
La  Republique  avoit  déjà  d'eilinc  trois 
galères  pour  la  garde  de  ce  port.  Mais  ceux 
'qui  dévoient  veiller  a  cette  garde  ne  pen- 
fant  pas  que  l'ennemi  voilin  ne  manqucroit 
pas  de  prendre  la  première  occafion  qui  fe 
prefenteroit  pour  fe  remettre  dansîapol- 
feffion,  6c  tous  dans  l'incertitude   de  ce 
qu'ils  dévoient  faire,lorfqu'ils  fe  virent  prcz 
d'ôcre    attaquez ,    ils  lailîerent    l'entrée 
libre  au  Commandant  Turc  ,   qui  fe  dé- 
clara avec  beaucoup  de  franchi  le  patron 
8c  defFenieur  de  ceux  qui  fe  rendroient  à 
lui  de  bonne  grâce.  Mais  ceux  qui  firent 
femblant  de  prendre  fon  parti  tous  con- 
C  z  (ter- 


5i        DE  LA  MORE'E 

fternez  du  changement  de  leur  fort  s'ex- 
poferent  à  courir  le  péril  de  leur  vieenfe 
jettant  dans  de  petites  barques  6c  ils  furent 
heureux  qu'ils  vinrent  à  bord  de  cinq  gran- 
des Galères  qui  revenant  de  Baruti  char- 
gées de  Marchandifesavoient  jette  l'ancre 
en  cet  endroit  à  la  veiie  du  port. La  nouvelle 
d'un  cas  (î  étrange  les  mit  en  allarme  &  leur 
fit  prendre  la  fuite  en  diligence  pour  fonger 
àleurpioprefalut.  Les'habitans  de  Zun- 
chio  étoient  fpeclateurs  a  un  teldefattre 
6c  fe  voyans  attaquez  par  terre  ne  trouvè- 
rent point  d'autre  expédient  quedeferen- 
dre  à  l'ennemi. 

M    O    D    O    N. 

DA.ns  la  Frontière  d  e  la  Province  de  Bel- 
vederefi  belle  &C  fi  fertile  ,£<:  qui  a  Ion 
étendue  dans  la  partie  du  Peloponnefc, 
cil  étoit  rancienne  MeHenie,  on  conte  en- 
tre les  villes  qui  font  fous  TArchevcche  de 
Patras  la  ville  Epifcopale  6c  Marchande 
que  Sophianus appelle  Modon,  les  Turcs 
Mutum,  êcPline  ^.r.;;.,  en  mémoire  de 
MethenafiUed^Eoner.  Elleell eloigneede 
Coron  de  dix  mille,  de  cent  viiudeNapoU 

de 


SECONDE  PARTIE,     si 

deRomanie  &  foixante  douze  du  Cap  de 
M.itapan.  Son  affictte  que  la  nature  6c  i'art 
ont  fivohfée  de  pluficurs  circonftances 
qui  la  rendent  forte,  e(b  fur  un  Promon- 
toire avancé  dans  la  Mer  de  Srpicnza  fai- 
iànt  ù'om  aux  côtes  d'Afrique  :  aux  pies 
eftunfeur  6c  commode  port  où  reGds  or- 
dinairement le  Sangiacdela  Morée  quieft 
en  grande  diftinétion  à  la  porte  pour  foii 
beau  gouvernement. 

Dans  le  cours  des  (îecles,  cette  ville  a 
été  expofée  aux  infulces  de  ceux  qui  dans 
Tintcntion  dé  fe  rendre  Mailires  de  tout 
le  Roiaumecntfongé  à  s'emparer  de  cette 
Province.  De  là  il  eft  arrivé  quecettefa- 
rneufe  muraille  qui  étoit  à  fon  entrée  6^ 
qui  par  fa  largeur  6c  fa  folidité  faifoitune 
oppolltion  coniiderable ,  ayant  été  plufieurs 
fois  attaquée  ôc  iurmontée,  la  Province  a 
étéfubjuguée  auHi  plufieurs  fois  6c  réduite 
à  payer  le  tribut  pour  fe  maintenir  dans 
quelque  marque  de  commandement. 
Les  peuples  de  Naples  par  le  moien  de 
ceux  de  Sparte  fe  rendirent  les  Maîtres 
de  Modon,ôc  pour  la  foumettre  d'autant 
plus  volontiers  à  leur  domination  ils  éta- 
blirent dans  la  place  une  Colonie  des  leurs. 

A  quelque  tems  de  là  les  peuples  de  i'IÎ- 

lii'ie  ayant  conceu  le  dcfièinaaibitieuxd'é- 

C  }  ten- 


54        DE  LA  MORE'E 

tendre  leur  domination  par  des  conquêtes 
fc  choifirent  un  ^oi  d  entr^eux  ôc  ayant 
mis  fur  pie  une  nombreufe  armée  ils  firent 
irruption"*  dans  les  campagnes  voifines. 
Lorfqu'ils  arrivèrent  auprez  de  Modon  ils 
firent  favo-i'r  aux  habitans  avec  des  feints  té- 
moignages d'amitié  qu'ils  voudroient  bien 
leur  acheter  des  vivres  dont  ils  commen- 
çoient  de  manquer.  Ceux  de  Modon 
croyans  la  chofe  fans  aucun  foupçon  de 
rufe  lie  mirent  dabord  en  foin  de  leur 
procurer  ce  qui  leur  étoit  necelTaire  les  uns 
leur  portoient  du  pain  les  autres  du  vinôc 
des  autres  provifions.  Comme  les  lUiriens 
les  virent  en  fore  grand  nombre  dehors  la 
Fortereffe  ,  s'maginans  bien  que  dans  la 
confiance  oi^i  ils  croient  il  en  refboit  peu  de- 
dans pour  la  garder,  ils  coururent  tout  d'ua 
coup  (e  iailir  de  tous  les  polies  &  avenues 
6c  fe  jettcrent  fur  eux  à  main  armce  5c  avec 
tant  de  fureur  qu'ils  en  firent  mourir  un. 
fort  grand  nombre  5c  prirent  ies  autres  pour 
leurs  efclaves,  laifiant  dans  la  ville  un  tri- 
lle exemple  de  leur  perfidie  &  d'une  extrê- 
me defolation. L'Empereur  Trajan  touché 
du  malheur  de  ces  pauvres  gens  qui  y  re- 
tournèrent habiter  après  avoirechapcâla, 
fureur  des  traîtres,  leur  fit  reflentir  des 
effets  de  fa  eenerolîté  en  leur  accordan. 
^  de 


SECOND  PARTIIE.        fS 

des  privilèges  ôc  franchifes  :  de  cette  forte  ils 
yivoient  dans  une  efpece  de  gouvernement 
Ariftocratique  dans  lequel  ils  furent  main- 
tenus jufqu'au  tems  de  TEmpercur  Con- 
ftantin  qui  quitta  Rome  pour  Conflan- 
îinople.  Quoique  en  devenans  fujets  de 
PEmpereur,  ilsconferverent  toujours  cela 
de  leurs  premières  immunités,  qu'ils  gar- 
dèrent encore  la  même  forme  de  vivre  6c 
de  gouvernement  :  6c  aux  hommages 
qu'ils  rendoient  à  l'Empereur  prez  ,  ils 
étaient  plutôt  couverts  de  fa  protection , 
qu'ils  ne  lui  étoient  entièrement  aiîlijct- 
tis. 

En  Tan  1 1 24  cette  ville  fut  attaquée  6c 
prifepar  le  Doge  DomenicoMichieiclort 
qu'ils  revenoit  pour  la  troifiéme  fois  de  la 
Terre  lainte  triomphant  des  conquêtes  qu'il 
avoit  faittcs  de  Tyr  6c  d'Afcalone  dans  la 
Sorie,  de  Rhodes,  de  Scio  ,  de  Samos; 
deLebbos6c  d*Andro  dans  T Archipel:  6c 
à  ces  expéditions  mémorables  il  faut  enco- 
re ajouter  la  d'effaite  entière  de  l'armée 
des  infidèles  quM  chalPa  aufli  du  Gege  de 
Zaffo.  Et  quoique  l'année  fuivante  elle 
rentra  fous  la  domination  de  l'Empire 
Grec,  néanmoins  lors  de  la- divifion  du 
mênie  Empire  qui  fut  faitte  en  1204  ^^^^ 
retourna  à  la  Republique  d'entre  les  mains 
G  4  de 


5^        DE  LA  MORE'E. 

de  laquelle  elle  fut  ravie  par  Léon  Vetranc 
Génois  de  Nadon  fameux  Corfairc.  11  ne 
la  garda  pas  long  tems,  car  bientôt  a- 
pres  ayant  été  fait  efclave  dans  rHelle- 
Ipont  il  fut  tranfporte  u  Corfu ,  6c  là  il  re- 
ceut  pour  recompenfe  de  toutes  fes  ra- 
pines la  mort  violente  ôc  infâme  de  la  main 
du  bourreau.  La  mort  du  chef  donna  Pe- 
pou vante  à  tous  ceux  de  fon  parti  ôc  de  cet- 
te forte  les  Capitaines  Dandolo  6c  Proma- 
rinofe  rendirent  Maitres  delà  ville  de  Mo - 
don  fans  employer  beaucoup  d'efforts. 

Mais  BijazetlI.  qui  dans  la paiîion d'é- 
tendre les  bornes  de  fon  empire  Ibngeoic 
à  la  conquête  d'un  nouveau  païs^  en  l'an- 
14^8.  fe  mettant  àlatete  d'un  corps  Qu'ar- 
mée de  cent  cinquante  mille  combatcans 
vint  former  le  fiege  deModon  ôclaierroit 
de  prez.   Son  Canon  faifoic  un  fi  grand  dé- 
bris à  la  muraille  du  Fausbourg  que  les 
Cbefs  de  la  place  fe  trouverenc  contraints 
après  avoir  délibéré   far  cela  de  fe  reti- 
rer dans  la  ville  en  y  emportant  tout  ce, 
qu'ils   pourroienr.     l>x?ûs    dans  !a    ville 
ils    fe  trouvèrent    preflcz    par    Tenne- 
mi  avec  plus  de  violence  que  jamais ,  6c 
ils  étoient  prêts  à  demander  une  Capitala- 
tion,  lorfqu'ils  virent  enfin  paroître  Tarmce 
delà  Republique  qui  venoit  dcZante  pour 

leuî: 


SECONDE  PARTIE.    57 

^eur  apporter  du  fecours.  AufTitôt  que  les 
deux  armées  le  furent  approchées  à  la  por- 
téeilycutun  combat  fort  âpre  ôc  fort  dou- 
teux mais  enfin  après  diversfuccez^ily  eut 
ce  la  d'avantageux  pour  les  Vénitiens  qu'u- 
ne de  leurFelouques  fe  fit  paflage  pour  aller 
animer  les  afliegez  à  foutenir  courageu- 
fement  comme  ils  avoient  commencé  dans 
l'adeurancc  que  l'armée  les  tireroit  bien- 
tôt hors  de  tout  péril.  Et  il  arriva  en  même 
tems  que  quatre  Galères  chargées  de  tou- 
te forte  de  munitions  foutenues  de  Tar- 
méc  Vénitienne  paflerent  au  travers  des 
Efcadrcs  des  Turcs  6w  à  la  honte  de  ces 
infidèles  gaignerent  le  port  fort  heureufe- 
ment.  C'étoit  là  le  fujet  d'un  fucccz  fort 
heureux,  fi  le  commencement  avoit   été 
moins  déplorable  ;  carlesaffiegez  fedon- 
nans  entièrement  à  la  joye  de  recevoir  du 
fecours  après  Tavoir  ii  longtemps  attendu  5 
abandonnèrent  dcspoiles  qu'il  falloit  tou- 
jours garder»  Les  Turcs  de  leur  côté',  tou- 
jours appliques  à  ce  qui  pouvoir  leur  faire 
remporter  la  viéloire,  appercevant  qu'ils 
n'avoient  plus  d'obftacics  difficiles  pour  en- 
trer dans  la  ville  ,  y  entrèrent  cffeélive- 
ment  6c  y  donnèrent  des  preuves  terribles 
de  leur  cruauté.     Dans  le  furieux  car- 
mge  qui  fe  fit  alors  reccut  la  mort  Til- 
C  5  luftre 


5S         DE  LA  MORE'E. 

luftre  Prélat  André  Falconi ,  qui  revêtu 
des  habits  pontificaux  avoit  animé  lepeu- 
pie  à  refifter  aux  efforts  des  infidèles. 

Il  arrive,par  un  bonheur  commun  à  toute 
la  chrétienté,  que  dans  le  temps  qu*on  tra- 
vaille à  imprimer  CCS  Mémoires  en  Fran- 
çois, nous  recevons  Tagreable  nouvelle 
que  TArmée  Vénitienne   fous  le  Com- 
mandement du  fàge  6>C  vaillant  Capitaine 
General  Morofini  vient  de  prendre  Modoa 
fur  les  Turcs.  Cette  prife  avance  confide- 
rablement  la  conquête  entière  du  Roiau- 
îToe  de  la  Morée  qui  appartient  à  jufle  titre  à 
cette  Triomphante  Republique, 


G    O    R    O    N. 

£^  Oron  a  Ton  aiîiette  forte  &  avantageu- 
^^  fe  dans  la  Province  de  Belvédère  la 
plus  fertile  6c  la  plus  riche  de  ce  vafte 
Royaume  6c  qui  fait  partie  ide  Tancienne 
Mciîenie  àJa  dillance  de  dix  raille  par  ter- 
re 6c  d'environ  vingt  par  mer  de  Modon.au 
côté  gauche  du  Cap  GalloquePtolomce 
appelé  Acmas  Promontoriiim.  Sirabon^ 
Pline  Pont  connue  fous  ce  même  nom ,  qui 
lui.  fut  donné  à  Toccafion  de  ce  qui  arriva 

iQrf-. 


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SECONDE  PARTIE.     J9 

lorfqu'on  en  j'cttoic  les  fondemens  ;  car  en 
creufanc  on  trouva  une  hirondelle  de  Mer 
que  les  Grecs  appellent  Coronis  6c  comme 
fi  çeut  êtéun  heureux  prefage  de  la  future 
profpcrité  de  cette  ville  on  la  nomma  du 
nom  de  cet  oileau  Corone. 

Elle  a  été  un  tems  le  fiege  d'un  Eve- 
que,  iufTragant' de  T Archevêque  de  Fa- 
tras &:  un  autre  tcms  auflî  elle  :i  été  regar- 
dée  comme  une  Colonie  des  Thebains    ' 
que  les  Poètes  appellent  Pedafus ,  Lau-  Strab.  i.  9. 
remberg  Nifi  6c  Paufanias -ê/?^^  6c  tous  les  q:J;^^*^'7' 
hiftoricns  Anciens  &  Modernes  en  font  Bemb. 
une  honorable  mention.  Fe'rwd'fub 

Elle  forme  dans  fa  figure  celle  d'unL.c.Bau- 
triangle  fcalene  (Se  d'un  de  fes  angles  elle  re7i"H!îfm^ 
regarde  une  groHe  tour  bâtie  fur  un  roc  Y^'^'^'^z. 
que  les  Vénitiens  firent  élever  en  Tan  ^^"^^  °' 
1465.  pour  fervir  de  magazin.    Les  au- 
tres deux  côtés,  qui  ne  font  point  mouil- 
lés des  eaux  du  Golfe  de  fon  même  nom, 
îaiflent  un  aflez  grand  efpace  pour  faire 
commodément  le  tour  de  la  Fortereile 
qui  eft  ceinte  d'une  veille  muraille  d'inéga- 
le epaiiTeur  flanquée  degrofiesToursiécà 
quelques  pas  loin  du  côté  de  la  Tramon- 
tane il  y  a  unFausbourg  de^oo.maifons. 

Comme  elle  étoit  expofée  auxinfultes 

des  Ennemis,  elle  a  été  auflî  plufieurs  foi^ 

C  6  dans 


eo       DE  LA  MORE'E 

dansle  cours  des  (îecles  réduire  à  payer  tri- 
but  à  différentes  nations.  Baudrand  a  cru- 
qu'elle  fut  cédée  à  la  République  de  Ve- 
nifepar  les  Deipotes  Princes  de  la  Morce^ 
te  Verdizzoti  fe  perfuade  que  lors  de  la  di- 
vilîon  de  PEmpire  Grec  h  dans  Tannée 
quece-tteglorieufe  Republique  ayant  fait 
alliance  avec  d'autres  Princes  Ibngcoit  à  ac- 
quérir ce  Royaume ,  Coron  lui  fiit  afîignce 
pour  fa  portion. 

Elle  fur  furprifè  eii  Tan  1204.  par 

Léon  Vétéran  Génois  de  Nation  6c  Cor- 

faire  de  profeffion  qui  ne  joiiit  pas  long 

tems  de  Ton  injuftc  triomphe ,  car  peu  après 

ayant  été  fait  prifonnier  dans  PHellefpont 

6c  de  là  tranfporté  à  Corfii  ilreceutde  la 

main  du  bourreau  la  rccompenfequeme- 

Le^îGon     ritoient  fes  pirateries.  Les  nouvelles  de  fa 

Baud'^fub  î^ort  étant  parvenues  aux  oreilles  des  com- 

htuc.ver-  pagnons  de  les  brigandages  les  remplirent 

vèn  jf7."  dépouvente  6c  deffroi ,  ils  n'eurent  pas  d'au- 

SJ.ïp-  '    tre  penfée  que  de  chercher  leur  falut dans 

la  fuite  :  6c  dans  leur  difperfion  les  habitans 

de  Coron  après  des  légères  tentatives  fe 

fournirent  à  îobeiffance  des  Vénitiens. 

v^vàht.  Bajazet   fécond   Empereur  d'Orient 

î-  ?i'  p.    tout  occupé  du  defir  de  porter  plus  loin 

/^^^*         lesbornesdefon empire,  en  Tan  1498.  fe 

mit  en  marche  avec  une  puiffante  armée 

& 


SECONDE  PARTIE.     6ti 

&  marcha  droit  à  Mc)don,donc  s^'etant  ren- 
du Maiilre,  il  tourna  Tes  armes  viètorieufes 
contre  Coron  6c  il  ne  peut  la  réduire  que 
par  les  voyes  d'une  bonne  guerre. 

En  Tan  15^:5.  Le  General  Doria  qui 
qui  avoit  fous  fon  commandement  l'Ar- 
mée d'Eipngne  compofce  de  trente  cinq 
gros  Navires  ôc  de  quarante- huit  Galères , 
dans  le  delleind^invedir  cette  ville  fit  un 
débarquement  d'un  b>n  nombre  de  trou- 
pes tant  d'Elpagnols  que  dltaliens ,  les  Paoïo  Pa* 
Italiens  fous  la  conduite  des  deux  Capitai-  vcn  ^'^'. 
nés  Girolamo  Tuttavilla  Se  le  Conte  Sar- 1.7.  Sagrê- 
no6c  les  Efpagnols  commandez  parGiro-  fl^l"^' 
îamo  Mendozza.  Ces  trois  Commandans 
fuivant  l'ordre  que  leuravoit  donné  le  Ge- 
neral ,  par  le  moiende  quatorze  canons 
commencèrent  à  faire  feu  fur  la  ville  6c  de 
travailler  fortement  à  fe  faire  une  entrée  fa- 
cile par  une  large  brèche.  Mais  cette  en- 
treprife  n'eut  pas  un  fuccezauffi  heureux 
qu'ils  refperoient.  Les  Turcs  opiniatrez  à 
foutenirTattaque,  tuèrent  à  cette  attaque 
300.  Soldats  chrétiens.  Néanmoins  les 
troupes  de  Mer  exécutèrent  ce  que  les 
troupes  de  terre  n'avoient  pas  pûjcar  pour- 
fuivant  vivement  l'attaque  ils  vinrent  oc- 
cuper la  muraille  dePifleôCreduifirent-les 
affiegez  qui  faifoient  d'eflenfe  de  ce  côté 
C  7  là 


6z.       DE  LA  MORE'E. 

là  de  mettre  pavillon  blanc.  Et  en  même 
tems  les  Turcs  fortirent  vies  6c  bagues 
fauves  félon  les  termes  de  la  Capitulation: 
alors  les  troupes  que  commandoit  Men- 
dozza  entrèrent  auiîi  dans  la  place.  A 
qucique-tems  de  là ,  les  Ottomans  firent  la 
tentative  d'un  blocus  pour  reprendre  la  vil- 
le; 6c  il  arriva  alors  que  la  Garnifon  Efpa- 
gnole  fouffrant  malvolontiers  de  combat- 
tre ainfi  à  1  étroit  témoigna  la  refolutionde 
vouloir  aller  audevant  de  Tennemi:  ôc 
quelque  oppofidon  que  leur  fut  faire  Mac- 
cianNovarefe  qui  avoit  ordre  de  leur  com- 
mander en  place  de  Mendozza  6c  quoi- 
qu'il tâchât  de  les  détourner  de  leur  deflèin 
en  les  aflujettisfant  à  de  plus  grands  tra? 
vaux,  il  fe  vit  néanmoins  contraint  à  la 
fin  de  céder  à  leur  impatience.  Il  (brtic 
donc  dans  la  courageufe  entreprifè  d'aller 
verAndrufa  attaquer  l'ennemi  qui  y  avoic 
aflis  le  campement  de  fon  armée  compo^ 
fée  de  trois  mille  fantaflins  entre  lefquels 
étoient  compris  cinq  cens  JaniÛaires  com^ 
mandez  par  Cafan  Agà. 

Les  Efpagnols  étant  arrivez  proche  le 
camp  des  ennemis ,  pour  leur  donner  de  l'e 
pouvante  s'avifcrent  de  mettre  le  feu  aux 
écuries  des  chevaux,  qui  devenus  furieux 
pour  fe  dérober  aux  fl-^immes  firent  un 

bruit 


SECONDE  PARTIE,    % 
bruit  étrange  qui  mit  les  Turcs  en  mouve- 
ment. Auiiitot  ils  fe  mirent  en  étiU  de  def- 
fenfe,  6c  voyans  que  l'armée  des  Chrétiens 
étoit  foibleCcpeu  nombreufe  ils  tâchèrent 
de  rinveftirOn  commençaun  combat  qui 
fut  fort  fanglant  6c  dans  le  plus  fort  delà 
mêlée  le  valeureux  Capitaine  Maccian 
tomba  mort  de  plulieurs  blefllires.  Après  ca 
coup  les  Efpagnols  ne  pouvoient  manquer 
de  fuccomber  ôc  de  périr  tous  fi  une  de  leurs 
moufquetades  navoit  donné  au  Comman- 
dant Turc  un  pareil  fort  à  celui  qu'avoic 
eu  le  leur.  Par  cette  mort  la  chaleur  des 
Turcs  fe  refroidit  6c  les  Efpagnols  trouvè- 
rent moyen  de  faire  une  honorable  retrai- 
te dans  Coron,  où  ils  prirent  la  refclution 
de  s'embarquer  6c  d'abandonner  la  place, 
Audi  bien  étoit  ce  la  volonté  de  l'Empe- 
reur qu'ion  ne  lui  fit  pas  naître  des  difficul- 
tés qui  le  puflénc  empecherde  faire  la  paix 
en  Hongrie.  De  cette  forte  cette  malheu- 
rcufe  ville  retourna  (bus  le  joug  des  bar* 
bares. 

Au  milieu  de  ce  calme  Se  dans  le  tems  que 
les  forces  de  la  Republique  n'étoient  pas 
occupées  à  de  hautes  intreprifes  le  Procura- 
teur Francifco  Morofini  Capitaine  General 
de  la  République  animé  d'un  fentiment  de 
fa  valeur  &C  de  fon  grand  courage  conceut 

le 


64        DE  LA  M  OREE. 

le  défTcin  de  profiter  de  Tocçafion  preiente 
pour  reconquérir  ces  places  du  Royaume 
de  laMorée,que  lesOttomans  avoient  ravies 
de  la  domination  des  Vénitiens.  Dans  cet- 
te p.enfée,  voyant  bien  que  fi  une  fois  on 
s'écoit rendu Maiftre de  Coron, conimc  il 
leroitfacilejonauroitdc  là  moyen  dépor- 
ter plus  loin  Tes  conquêtes ,  l'année  der- 
nière 1685.  il  fit  voiîe  vers  cette  ville  6c 
y  forma  le  fiege.  Mais  à  peine  les  Véni- 
tiens s'^etoient  approchez  de  la  place,  que 
voici  venir  du  côté  de  terre  un  gros  de 
Turcs  qui  fe  vinrent  loger  à  la  portée  du 
piftolet  prez  des  nôtres. Par  cet  ade  d'intré- 
pidité ils  animèrent  d'autant  pluslesafiie- 
gez  à  une  vigoureufe  refiftence  6c  firent 
de  très  forts  obflacles  à  la  valeur  6c  aux 
defleins  des  afiiegeans.  Néanmoins  ceux- 
ci  ne  defiilerent  point  d'exécuter  ce  qu'ils 
avoient  jugé  propre  à  avancer  le  fiege  ôc  à 
favorifer  la  prife  de  la  place.  Ils  mirent  le 
feu  à  une  mme  de  cent  barriîs  de  poudre 
Se  ils  s'étoient  préparez  de  courir  à  Paf- 
fatit  s'ilfc  faifoit  quelque  brèche  comme 
ils  Pefperoient.  Néanmoins  malgré  lepeu 
defuccez  de  leur  mine,  iJs'nelaiiîerent  pas 
d'avancer  leur  logement  6c  de  repouOèr 
les  Turcs  avec  une  impetuofité  extraor- 
dinaire. Ils  furent  ibutenus  dans  ce  poile 

avan- 


SECONDE  PARTIE.     6<^ 

avancé  par  les  dragons  6c  renforcez  des 
troupes  makoifes  ;  mais  enfin  après  un 
combat  de  plus  de  trois  heures  ils  furent 
repouflez  6c  mis  en  déroute  &  ils  ne  pou- 
voient  manquer  de  périr  tous,  s'ils  n'a- 
voient  trouvé  moyen  de  fe  dérober  à  la 
pourfuitte   6c    aux   coups  des  ennemis. 
Quoique  pourtant  ils  ne  l'aidèrent  pas  de 
remporter  (ur  les  Turcs  dizlept  drapeaux 
6c  de  faire  trophée  de  quelques  autres 
riches  dépouilles.  Lorfqu'ils  furent  retour- 
nez dans  leurs  rctranchémenspour  donner 
de  l'horreur  êc  de  TefFroi  aux  affiegez,  ils 
€xpo(èrent  auhout  des  piques  cent  tren- 
te têtes  des  Turcs.    Pour  cela  l'ardeur 
des  Turcs  ne  fut  pas  rallentie  6c  quoi  qu'ils 
fufîèm:   dans  de  continuels  mouvemens 
qui  à  peine  leur  laiObient  la  liberté  de  refpi^ 
rcr,  ils  nepouvoient  penferà  ie  rendre  ni  à. 
capituler,  tant  lis  étoient  remplis  de  Tefpe- 
rance  qu'ils  recevroient  bientôt  un  nou- 
veau (ecours.  il  vint  en  effet  un  nombre 
de  fugitifs  difperfez  fc  joindre  à  eux  avec 
tVautres  gens  accourus  de  divers  endroits 
du  Royaume  ou  qui  étoient  envoyez  de 
l'armée ,  de  forte  qu'ils  (è  trou  voient  grot 
fis  confiderablement.  Alors  aufli  ils  me- 
dicercntde  plus  forts  moyens  pour  procu- 
rer une  prompte   délivrance,  à  la  place- 
Mais 


66        DE  LA  MORE'E.  , 

Mais  leurs  efforts  tournèrent  contre euîC^  \ 
car  ayant  entrepris  de  forcer  les  affiegeans 
dans  leurs  retranchemcns  ils  furent  vive- 
ment repouflez  par  une  terrible  déchar- 
ge de  mousquets  écde  Grenades:  &pour- 
(uivis  enfuite  par  un  régiment  5c  par  deux 
cens  dragons,  avec  la  perte  de  quatre  cens 
des  leurs  ils  firent  encore  celle  du  Viîlr 
Calii  Bafla  qui  fut  trouvé  parmi  les 
morts. 

Apres  ce  coup  qui  ne  nous  avoit  pas  été 
peu  avantageux ,  nôtre  General  faiiant  re- 
flexion que  les  troupes  des  ennemis  ayant 
receu  des  fecours  avoient  été  rafraîchies 
diverfes  fois,  &  que  les  fiennes  en  avoient 
d'autant  plus  fouffert6c  qu'il  en  avoit  per- 
du un  grand  nombre  fans  efpcrence  de 
pouvoir  refaire  fon  armée  ;  il  comprit ,  [que 
tout  le  fuccez  qu'il  pouvoit  avoir  depen- 
doit  uniquement  de  ce  qu'il  pourroit  faire 
pour  chafî'er  les  Turcs  de  leur  Camp.  Il 
s'apliqua  donc  à  tout  ce  qui  pouvoit  contrit 
buer  à  faire  reuffir  cette  attaque  à  foo 
avantage,  il  anima  fcs  troupes,  prit  feSi. 
mefurcs,  donna  fes  ordres  &  les  fit  exec  uteï^ 
ù  à  propos  que  non  feulement  les  Otto^^ 
mans  furent  chaflez  de  leur  campement, 
mais  encore  ils  furent  mis  dans  une  fi  etran- 
gederoutcque  prenans  la  fuitte  avecpre^ 

cipi' 


SECONDE  PARTIE.      dy 

cipitation  6c  talonnez  par  les  nôtres  il  en 
demeura  un  grand  nombre  de  tués.  Ils 
laifîerent  aux  Chrétiens  un  butin  aflèzcon- 
fiderable  qui  confiftoit  en  fix  canons  de 
bronze 6c  de  quantité  d'autres  armes,  de 
toute  forte  de  munitions  6c  de  machines  de 
guerre  ,  trois  cens  chevaux  ,  des  tentes, 
des  drapeaux  entre  lefquels  efl:  compris  Is 
grand  Etendart  General  qui  paries  queues 
dont  il  cft  chargé  &  orné  faifoit  connoître 
lafuperiorité  du  commandement  quiétoit 
entre  les  mains  de  Machumut  Bafla  avec 
la  conduite  entière  de  l'armée,  avant  qu'il 
ne  fut  mort  comme  nous  Pavons  rapporté. 
'  Apres  une  expédition  fi  heureufe  les 
Vénitiens  fe  trouvoienc  délivrez  des  grands 
obftacles  que  leur  faifoient  les  Turcs  cam- 
pezdehors  la  place,  Scs^etant  rendus  m.ai- 
llres  de  la  Campagne  ils  fondoient  des  el- 
perences  de  mettre  bientôt  les  afficgez 
hors  d'état  de  defenfe.  Ils  fe  préparèrent  à 
un  aflaut  gênerai  en  faifant  joiier  une  mine 
dont  TefFet  les  détermina  à  l'attaque  qui 
dura  re(pace  de  trois  heures.  Les  aûiegans 
leur  oppoferent  une  refiftance  6c  une  va- 
leur incroyables  dont  les  effets  tombèrent 
fur  un  grand  nombre  dcNoblesSc  Valeu- 
reux guerriers  qui  y  périrent.  Cette  perte 
cpnGderable  fit  relâcher  de  Tattaquepour 

pou- 


68        DE  LA   M  OREE. 

pouvoir  refpirer  durant  quelques  momenSj" 
mais  la  valeur  avec  laquelle  lis  reprenoient 
leur  entreprife  fit  fonger  aux  affiegez  à  fai- 
re capitulation  comme  ils  le  témoignèrent, 
enexpofancun  Etcndart  blanc  fur  l'es  rem- 
parts. On  mit  auffitôc  les  armes  bas  pour 
régler  les  articles  de  la  capitulation,  mais 
ce  ne  fut  qu'un  trait  de  la  perfidie  des  Ot- 
tomans, qui  voulurent  fe  prévaloir  de  ces 
feintes  apparences  de  fe  rendre ,  pour  caufer 
Une  plus  grande  perte  aux  afiiegeans  par 
uneatta]ue  brufqucôc  irapreveiie.  Aufll 
les  Vénitiens  en  prirent  une  plus  forte  re(b-- 
lution  de  mettre  fin  à  ce  Siège  qui  avoit 
déjà  duré  quarante  neuf  jours ,  &  ayant 
franchi  les  rempars  6c  pénétré  dans  la 
pince,  échaufés comme  ils  étoient  au  com- 
bat, ils  firent  un  carnage  epouventable  de- 
tous  les  habitans,  fans  avoir  égard  ni  au  Icxe 
ni  à  Tage.  1  Is  trouvèrent  là  cent  vingt  huit 
pièces  de  Canon  dont  il  yenavoitioixxn- 
tefixde  bronze  outre  une  grande  quanti- 
té de  munitions  de  guerre  6c  de  proviGons 
de  vivres. 

Il  arriva  durant  le  cours  d^un  fi  long  (le- 
ge  plufieurs  chofes  très  mémorables  qui^ 
feroient  la  matière  d'un  jude  volume:  je 
me  contente  d'en  rapporter  quelques  unes 
des  plus  contiderables  5  encore  pour  celles 

là^ 


SECONDE  PARTIE.      6^ 

là, je  ferai  bien  aifc  qu'on  croyc  que  mon 
intention  a  été  moins  de  renouveller  la  dou- 
leur avec  le  fou  venir  de  ces  trilles  evene- 
mens ,  que  pour  donner  de  l'admiration 
deplufieurs  aétions  d'une  valeur  extraor- 
dinaire par  lefquellcs  des  guerriers  fort  àx- 
ftinguezoupar  leur  naiiîance  ou  parleurs 
emplois  s'y  fignalerent  &  acquirent  une 
mort  gloiieule.  Entr'autres  de  ces  morts 
fut  celle  du  Commandeur  la  Tour  Gene- 
ral de  Terre  de  la  Religion  de  Malthe 
celle  du  Prince  de  Brunfvic ,  celle  du  Prin- 
ce de  Sa  voye.  Ces  Illuftres  guerriers  don- 
nèrent devant  l'ennemi  des  marques  célè- 
bres de  la  grandeur  de  leur  courage  6c  qui 
rcpondoient  très  dignement  aux  hautes 
elperences  qu  on  avoit  conceues  de  leur 
mérite. 

A  ces  grands  hommes  nous  pouvons 
joindre  6c  nous  le  devons  d'une  manière 
toute  extraordinaire  l'tLxcellent  Capitaine 
Francefco  Ravagnin  âgé  feulement  de 
trente  quatre  ans  frère  de  Girolamo.  Nous 
favons  cette  circonilance  très  particulière 
de  fa  mort,  qui  mente  feule  de  conferver 
fonnom  à  l'éternité  dans  la  mémoire  des 
hommes:  fur  les  derniers  périodes  de  fa 
vie  après  avoir  laiflc  dans  un  Teftament 
fes  volontés  pour^  la  diftribution  de  fes 

biens 


-70  DE  LAMORE'E. 
biens  il  demanda  avec  de  très  inftantes 
prières  qu'après  fa  mort  fon  corps  ne  fut 
point  enfeveli  ailleurs  que  dans  Coron, 
témoignant  par  là  la  confiance  qu'il  avoit 
qu'on  prendroit  cette  place,  6c  rien  auffi  ne 
peut  mieux  faire  voir  avec  quelle  vraye 
ardeur  il  devoir  aller  à  l'attaque  que  cette 
parfaite  perfuafion  oii  il  étoit  qu'elle  feroin 
fuivie  d'un  heureux  fuccez. 

Apres  s'être  un  peu  remis  des  grandes 
fctigues  de  ce  fiege ,  le  General  fit  un  tro- 
phée du  Grand  Etendard  enlevé  fur  les 
ennemis  6c  on  donna  une  explication  des 
paroles  qui  y  étoient  marquées.  Avec  un 
applaudiircment  gênerai,  l'ornement  de 
TEtole  d'or  dont  la  Republique  honora  le 
très  excellent  Seigneur  Lorenzo  fon  frcrc 
fut  encore  une  recompenfe  qu'on  lui  don- 
na pour  fes  importans  fervices.  Laprife 
de  Coron  mit  les  peuples  dans  une  joye  par- 
faitte  6c  ils  la  firent  éclater  par  des  marques 
publiques  fur  tout  par  les  avions  de  grâ- 
ces qu'ils  rendirent  au  Dieu  des  Armées 
8c  le  Souverain  triomphateur  qui  leur  avoit 
fait  remporter  une  fi  belle  viâoire  fur  les 
ennemis  de  fa  foi.  LeDogefuiyi  detoutle 
Sénat  6c  d'un  concours  infini  de  peuple 
s*en  alla  dans  l'Eglifede  Sr.Marc6caprez 
une  mefle  folennelle  on  Chanta  le   Te 

Veum 


£(jLele  de  Ta^     ^eo/mêri^ue^ 


E    CORON 


^ar   la>mLee  des    yenetLens 


SECONDE  PARTIE.      71 

Deum:  on  fit  enfuitte  de  même  par  toutes 
les  Eglifes  avec  autant  de  pompe  ÔC  d'ap- 
pareil qu'il  fut  poffible. 

RELATION 

De  la  Bataille  qui  fe  donna  de- 
vant Coron. 

PAR  LA  R  M  E  E 

VENITIENNE 

Contre  celle  des 

OTTOMANS. 

Le  7,  Aouft  1685. 

i^vec  la  defcriptîon  &   le  âef[em  de 

r  Etendard  dr  des  queues  de  cheval 

mon  enleva  aux  Turcs, 


c 


Omme  l'Armée  des  Vénitiens  avec 
les  troupes  auxiliaires,  commen- 
çoient  à  former  le  Siège  de  la  Ville 
^  de 


72         DE  LA  MORE'E. 

de  Coron ,  il  vint  du  côte  de  terre  un  puif- 
fanr  fecours  de  Turcs  qui  te  mettant  en 
prefence  des  nôtres  rehauflcrent  d'autant 
plus  le  courage  des  affiegez  déjà  fort  ani- 
mer à  leur  deffenfe  par  les  avantages 
qu'ils  avoient  de  la  haute  6c  difficile  fitua- 
tiondelaplace,  de  l'abondance  des  vivres 
&  de  toute  forte  de  munitions  de  guerre 
êc  a*une  forte  6c  nombreufeGarnilon.  Ils 
efperoient  qu'avee  l'aide  de  ce  nouveau 
campement  des  Ottomans  qui  s'étoient 
avancez  à  la  portée  du  Piftolec  des  tran- 
chées des  Vénitiens,  ils  feroient  bientôt 
lever  le  fiege  5c  en  romproient  le  deflcin. 
La  vérité  eft,quc  ces  Turcs  campez  hors 
de  la  place ,  firent  pour  la  deffendrctout  ce 
qu'on  pouvoir  attendre  de  gens  vaillans 
6c  intrépides.  Ils  tentèrent  pluficurs  fois 
de  fe  faifir  d'un  Bonnet  qui  commandoic 
leur  camp  ;  mais  ils  en  furent  toujours  r# 
pouOez,  C'étoit  ce  qui  retardoit  d'avan- 
tage les  mefures  des  affiegeans  6c  les  tra- 
vaux qu'ils  pouvoient  faire  pour  avancer 
la  redudion  de  la  place  ;  Mais  le  Gene- 
ral prit  la  relolution  de  faire  joiier  une  ga- 
lerie de  cent  barils  de  poudre  pour  donner 
commencement  à  une  brèche.  Cette  exé- 
cution fe  fit  au  matin  du  vingt  quatrième 
de  Juillet  qiioiqu'avec  peu  d'efFet  contre 


SECONDE  Px4.R.TIE.      7^ 

Péfperance  qu'on  avoir  du  fuccez  de  ce 
travail.  Alors  les  Turcs  firent  une  courte 
fur  les  lignes  des  Vénitiens  pour  tâcher 
d'occuper  ce  Bonnet  qui  étoit  Tobjet  de 
leurs  defirs;  mais  au  moment  qu'ils  s'en 
croy  oient  afllirez,  il  fondit  fur  eux  un  corps 
des  troupes  d'outre  Mer  6c  de  Dragons 
foutenus  peu  après  de  ceux  de  Malte  qui 
les  attaquèrent  à  l'entrée  de  ce  Bonnet 
avec  tant  de  force  6c  de  valeur  durant  trois 
heures  que  dura  cette  aâion,  qu'enfin 
les  nôtres  y  plantèrent  encore  Tctcndard 
blanc.  Les  Turcs  qu'on  en  avoit  chaf- 
icz  tâchoient  pour  fe  mettre  à  couvert  des 
coups  de  fe  cacher  fous  quelques  arbres , 
mais  ils  en  furent  chaiîez  :  il  en  de- 
meura fur  le  champ  quatre  cens  de  morts 
&:  autant  de  blefies.  Les  nôtres  remportè- 
rent de  cette  adion  plufieurs  belles  dé- 
pouilles entre  lefquelles  étoiçnt  dix  ièpt 
Etendars;  êc  à  leur  retour  dansleurs  rctran- 
chemensiîsexpoferent  à  la  vcuë  de  ceux 
de  la  forcerelîe  cent  trente  têtes  de  Turcs 
comme  un  fpeâacle  qui  pquvoit  leur  don- 
ner de  la  frayeur. 

lln'y  eut  pas  plus  de  cent  trente  Chré- 
tiens morts  Se  bleflèz ,  entrelerqucls  trouva 
la  fin  de  fa  deflinée  le  Gcnerad  de  Terre 
de  la  Religion  de  Malte  le  Commandeur 
D  La 


74       DE  LA  MOREE. 

La  Tour  Capitaine  digne  des  regrets  d,e^ 

toute  l'armée.  Nonobitant  les  pertes  qu'a-i^ 

voientfaittesles Turcsjils ne  fe montrèrent/ 

pas  moins  opiniatrcz  à  leur  deffcnfeôc:  les 

nôtres  pour  leur  faire  fentir  d'autant  plus- 

les  terribles  effets  de  leurs  forces,  firent  furr-: 

eux  une  décharge  de  leur  Canon ,  de  Eomrfr 

besôc  d'une  grêle  de  calioux.  En  mêm© 

tems  lés  Turcs  ralliez  de  leur  fuite,  & 

groflis  d'un  grand  nombre  de  Milice  ra-.. 

maflee  de  tous  les  endroits  de  la  MoUp. 

6c  des  gens  du  Capitan  Bafia  ,   vinrent 

fejetter  de  nouveau  &  avec  plus  d'im- 

petuofité  que  la  première  fois  dans  les 

tranchées  des  Vénitiens';  mais  on  fit  iur  eux^ 

un  fi  grand  feu  delà  Moufqueterie  ÔC  de 

Grenades  qu'ils  furent  contraints  de  re^ 

culer&ils  furent  pourfuivis  par  le  Regi-_ 

ment  du  Colonel  Bianchi  6c  par  deux  cens 

dragon^^jufques  dans  leurs  retranchemem. 

De  cette  action  il  en  relia  quatre  cens  de^, 

morts  ;  mais  ce  qui  rendoit  leur  pertes  plus 

crrandes,  une  volée  de  Canon  emporta  Ka- 

m  Balîa  Vifir  Commandant  General  de 

l'armée  Turque ,  6c  nous  ne  perdimes  que 

quarante  des  nôtres.  Toutes  ces    pertes 

q ue  faifoient  les Ttircs , quoiqu'aflez  conh^ 

derables,n'ctoient  pas  encore  capables  de 

les  réduire  ni  de  les  rallentir  :  ilsfavoient: 

le 


SECONDE  PARTIE,     ^f 

fe  refaire  auiîitôt  par  de  nouvelles  troupes, 
^necedoienc  d'incommoder  toujours  les 
Vénitiens  dans  leurs  retranchemens.  Ces 
fréquentes  attaques  avoient  diminué  de 
beaucoup  le  nombre  des  nôtres  outre  qu'ils 
étoient  extrêmement  fatiguez  d'être  conti- 
nuellement fur  les  armes  6c  en  adion.  Il 
croit  fans  doute  bien  necefiairc  que  le  Gene- 
ral les  encourageât,auffi  il  leur  étoit  toujours 
un  exemple  de  valeur  &  d'iiatrepidité,  fe 
trouvant  le  premier  aux  occafions  ou  il  y 
avoit  le  plus  de  fatigue  &  de  péril. 

Enfin  ce  prudent  General,  ayant  recon-^ 
nu  que  le  fculmoien  de  réduire  la  forteref^ 
fe  ,  conOfioit  à  challer  Pennemi  de  fon 
campement,  ilconccut  le  defleinde  cette 
cntreprife  qui  fut  approuvé  de  tout  le  con- 
feil  de  guerre.  Il  tira  des  Galères  ôc  Ga- 
liotres  de  courfe  quinze  cens  volontaires  , 
Icfquels  fous  le  commandement  du  Lieu- 
tenant Colonel  Magnaini  débarquèrent 
far  le  minuit  6c  le  jour  venu  qui  étoit  le 
fepticme du  mois  d'Aouft ,  douze  cens  des 
leurs  défilèrent  par  Pentréed'un  valon  qui 
étoit  à  gauche  des  retranchemens  de  Pen- 
nemi ôc  les  autres  paderent  à  la  droite  :  en 
même  tems  les  troupes  de  Mer  avoient 
ordre  de  fuivre  leurs  mouvemens  pour  fe 
trouver  prêtes  à  4onner  un  prompt  fecours 
D  2  dans 


70        DE  LA  MORE'E. 
dans  les   endroits  qu'il  feroit  neceflaîrc 
pour  favorifer  &  pouflèr  d'autant  mieux 
cedeflein. 

Voici  donc  qu'au  Crepulcule  du  matin  on 
mit  le  feu  à  deux  barrils  de  poudre  qu'on 
avoit  deftinez  pour  fervir  de  (îgnal  qui  fut 
fliividans  le  même  inilant  d'une  déchar- 
ge de  tout  le  Canon  6c  d'une  falve  furieuiê 
delà  .Moufqueterie  de.  toute  la  ligne  avec 
on  feu  continuel  fur  le  front  ^  fur  les 
flancs  du  campem.erit  des  Turcs.  Cet 
afîaut  furieux  à  imprévu  mit  les  ennemis 
dans  un  extrême  defordre,  les  plus  avan- 
cez commencèrent  à  plier  £c  à  fuir  fans 
qu'ils  puûent  être  retenus  par  l'exemple 
des  plus  intrépides  ni  par  les  ordres  de 
leurs  Officiers.  Tout  cède ,  les  Vénitiens 
netrouventplusdercfidence  à  une  tuerie 
continuelle  qu'ils  font  des  Turcs  6cà  peine 
y  en  avoit  il  quelqu'un  qui  ecbapât  à  leur 
coups.  l'Evénement  de  cette  a6lion  fut 
telqueîa  Viêboire  que  les  Vénitiens  rem- 
portèrent dans  refpace  de  pcudetem.sfut 
accompagnée  de  la  deffaite  entière  de  leurs 
ennemis,  la  terre  étoit  toute  couvertede 
cadavres  6c  ruiilclloit  du  fang  de  ces  infidè- 
les :  il  y  eut  peu  de  Chrétiens  de  tués  ÔC  de 
bleflês. 

^   On  trouva  dans  le  camp  des  Turcs  un 

riche 


SECONDE  PARTIE.      77 

riche  buttin  d'Artillerie  ,  d'Armes  ,  de 
Munitions,  de  Vivres  6c  d'apprêts  miîitai- 
resScplusde  trois  cens  chevaux,  des  Pa- 
villons ,  des  Etendars  ,  fix  Canons  de 
bronze  dont  trois  etoient  marquez  du  St. 
Marc  de  Venife  6c  outre  cela  TStendart 
Impérial  orné  de  queues  qui  eft  la  marque 
du  commandement  General  6c  d'une  Ar- 
méc  nombreufe. 

g»!  Par  ordre  du  Sénat  on  deftina  ce  beau 
monument  de  cette  célèbre  viéloire  à  TE- 
glifedes  Tolentins  de  Venife,  pour  être  là 
éternellement  expofë  aux^^eux  dum.onde 
furPautel  de  St.  Gaétan  £c  lervirdememo- 
ria],qa'â  pareil  jourdela  feile  àQce  Saint, 
'Î2S  Armes  de  II  Republique  avoient  eu  uni! 
fi  glorieux  iùcrçz  iiir  les  ïnndeles.  On  ûz 
en  même  tems  un  décret  par  lequel  on 
5Sfsûbligeoit  cu^a  chaque  année    à  pareil 
jaurcncelebreroit  cette  fête  avectoutela 
iblemnitequiie  pourroit  confonnem.ent  à 
ce  qui  fe  fît  alors.    Le  Serenifîime  Doge 
avec  tout  le  Sénat  fuivis  d'un  concours  ge- 
•^neral  de  tout  le  peuple  de  la  ville,  s'en  alla 
un  mecredi  douzième  jour  de  Septembre 
.portant  i'Etendait  avec  les  queues  dans 
).^etteEglifeoù  Ton  chanta  le  Te  Deum  ôc 
on  célébra  une  melîè  folemnelle  en  aftion 
de  grâces,  à  Tinfinie  confolation  6c  edifi- 
D  j^  cation 


7S  DE  LA  MORE'E. 
cation  de  tout  le  peuple.  La  figure  que 
nous  donnons  réprefcnî:?  la  grandeur  de 
l'Etendard 6c  la  forme  des  Bâtons,  6c  des 
queues.  Tout  cela  a  été  delliné  6c  gravé 
avec  tant  de  foin  6c  d'exacbitude,  qu'il  n'cd 
perfonne  qui  avec  une  connoiflance  mé- 
diocre de  l'arc  du  blafon,  ne  comprenne  fa- 
cilement non  feulement  la  grandeur  mais 
aulTi  les  couleurs  de  cet  Etendart.  C'eil 
pourquoy  il  ed  inutile  que  j'en  parle  dans 
un  plus  grand  détail.  On  a  cru  devoir 
accorder  a  la  curiollté  du  public,  d'expri- 
raer  ici  en  termes  connus  les  caractères 
Turcsquifontde  Lune  6c  de  l'autre  face 
de  la  Lance  qui  fert  de  pommeau  à  l'E- 
tendard. 

n^,,^A^*»  Ay-r^ir  <^.p  ]'?7i-'^ndard  on  lit  les 

paroles  fuivantes. 

AU  NOM  DU  TRES  HAUT 
ET  DIEU  TOUT  PUISSANT, 
DIEU  MAISTRE  DE  TOUT. 
DU  SAINT  PROPHliTfi.  PAR 
DESSUS  LES  AUTRt.S  SAINTS 
MAHOMET  ABUBECHiR  ,  HO- 
MER,  OSMAN,  ALI.  an  revers^- 
IL  N'Y  A  POINT  D'AUTRE 
DIEU  QU'UN  SEUL  DIEU 
ET    MAHOMET    EST    SON. 

PRO;^ 


SECONDE  PARTIE.  79 
PROPHE.TE.  NOTRE  DIEU  TU 
ES  LE  DIEU  DES  NATIONS. 
TU  ES  LE  SOUVEPvAlN  BIEN 
ET  LE  DISPENSATEUR  DU 
BIEN.  KALIL  BASSÂ,  on  voit  fur  U 
face  de  l."^ Etendard  ces  varokt  répétées. 
IL  N'Y  A  POINT  D'AUTRE 
DIEU  QU'UN  SEUL  DIEU  ET 
MAHOMET  EST  SON  PKOPHE- 
TE, 

I..e3  Turcs  expoîent  Tes  queues  poui' 
marque,  qu'ils  ont  reiblu  de  taire  des  le- 
vées de  Troupes  &  de  faire  marcher  une 
grande  armée:  5c  ils  les  donnent  enfuittcà 
ceux  qui  ont  le  fupreme  confimandement 
comme  un  figne  de  bon  augure.  Cette 
coutume  a  pris  ion  origine  parmi  eux ,  d^u- 
ne  avanture  qui  leur  arriva  au  comman- 
cement  qu'ils  établirent  hors  de  leur  pais 
natal  leur  Tirannique  domination.  A  un 
combat  ,<  leur  ennemi  en  fit  (ix  mille  pri- 
fonniers  des  leurs,  qui  trouvèrent  moien 
de  fecoiier  le  joug  du  Vainqueur  ôc  de 
fe  remettre  en  liberté  ,  6c  parce  qu'ils 
manquoient  d'Etendars  fous  lesquels  ils 
puOènt  fe  ranger ,  ils  s'aviferent  de  lever  6c 
porter  pour  enfeignes  quelques  queues 
decheval  56c  depuis  ils  ont  toujours  con- 
D  4  tlnué 


§o         DE  LA  MOREE. 

tinué  de  même  jufqu'au  tems  prefenc, 
Tout  remplis  du  fouvenir  de  ce  premier 
fuccez,  ils  arborent  toujours  les  mêmes 
drapeaux,  6c  fe  croyenc  avec  cela  afle25 
forts  pour  abbatre  le  courage  de  leurs  plus 
fiers  ennemis  où  pour  lefiUer  à  leur  plus 
furieufe  impetuofîté.  Mais  comme  autre- 
fois  les  Sabins  peuple  fier  Ôc  orgueiilieux, 
.nyantexpofé  aux  yeux  des  Romains  pour 
leur  faire  infulte  un  Etendart  avec 
ces  paroles  SABINiS  POPULIS  QLIiS 
IltSISTET  ?  /^ui  ofera  reffîer  aux  vctu 
pks  Sdnns  ^  les  Romains  leur  répondirent 
avec  une  égale  fierté  &par  les  mêmes  let- 
m^\  S  E  N  A T  U  S  POPULUS  Ql/E 

ROMAN  US  ,  k  fenat  <Cr  le  peuple  Rc- 
main.  De  même  aufii  les  perfides  Otto- 
mans verront  oppolê  à  leur  figne  vain  èc 
ridicule  LE  SIGNE  QUI  EST  RE. 
VERE*  DANS  LE  PARADIS,  qui 
nous  procurera  un  jour  leur  ruine  entière^ 
comme  nous  devons  tâcher  de  nous  ren- 
dignes  de  cette  faveur  du  cielpai'  decoa? 
tjuuçlics  prières. 


Q  A^. 


SECONDE  PARTIE.    8i 


GALAMATA. 


A  U  rivage  gauche  de  la  Rivière  Spirna'^ 
'^^Xf^  que  Scrabon  appelle  Pamifas  ,?tO' 
lomée  Pamjfusy  Niger  Stronio  éc  Giovio 
Tifoo  s'étend  en  grand  efpace  fur  les  pen- 
chants d'une  coline  la  Fortereffe  de  CA* 
LAMATA  appellée par Baudrand  THE- 
LAME,  THERAMME,  THURIA, 
&  ABIA  d'une  femme  nourrice 
d'Helles  Hîs  d'Hercule.  Sa  fituation  efi: 
dans  un  lieu  découvert  de  la  Province  de 
Belvédère,  elleeil  aflez peuplée:  ôclîelle 
n'a  point  de  murailles  qui  puiflènt  ladef- 
fcndre  des  attaques  de  l'ennemi ,  il  y  a  là 
auprcz  fur  une  hauteur  un  Château  fort 
6c  de  régulière  Ibufture  qui  peut  la  ga- 
rentir  de  toute  incurfion  dangereufe.  Qiioi- 
queCalamata  ne  ibit  quà  une  légère  âx- 
fiance  de  Coron ,  elle  n^efl:  pas ,  dans  la 
plage  du  Golfe  qui  s'appelle  indifférera" 
ment  6c  de  .  Coron  &  de  Calama* 
ta. 

En  Tan  mil  Gx-  cens  cinquante  neuf, 

îlyavoiclàune  nombreufe  Garniibn,  qui 

empechoit  à  fix  mille  Magnotes  qui  fui- 

D  5  voiènl 


82        DE  LA  MORE'E: 

voientle  ritGrec,  de  fecouer  le  joug  des 
Barbares  comme  ils  en  avoient  le  dellem. 
Ils  s'offrirent  au  General  Morcfini ,  6^  lui 
temois^nerent  le  grand  zèle  qu'ils  ont  tou- 
iours  confervé  envers  la  République.  L.e 
General  ayant  égard  à  leur  genereufe 
inclination  Ôc  pour  ôter  tout  empê- 
chement à  leur  délivrance  ,  ordonna  le 
débarquement*  d'un  pareil  nombre  de 
troupes  fous  la  conduite  du  Chevalier  de 
Grémouille  qui  les  ^t  avr.ncerà  l'atraque 
du  Château.  Il  arriva  en  même  temps  que 
nos  troupes  approchoient,  qu'elles  firent 
rencontre  fur  leur  chemin  d'un  gros  parti 
de  Turcs  qui  accouroient  en  diligence 
au  recours  :  Le  Capitaine  Georgio  Cor- 
naroeutradrefle  de  les  invelbr;  6c  pour 
faire  fervir  ce  fuccez  à  un  autre  plus  grand , 
il  fit  entrer  quelques  uns  de  {esTurcsme- 
îez  parmi  des  Vénitiens  comme  s'ils 
ctoicnt  tous  de  même.  Ceux  de  la  Gar- 
îîifon  ne  s'apperceurent  de  larufequclors 
qu'ils  n'étoient  plus  en  état  d'en  empê- 
cher les  effets,  ils  ne  rongèrent  plus  qu'à  la 
fuitte  6c  par  ce  moien  les  Vénitiens  furent 
viêtorieux  fans  avoir  combattu.  Us  trou- 
vèrent dans  la  place,  grande  abondance  de 
vivres  &  après  en  avoir  pris  bonne  provi- 
fionScbrulélercfte  avec  une  bonne  partie 

du 


SECONDE  PARTIE.     î^ 

du  païs  ils  abandonnèrent  le  Château  8c 
s'en  retournèrent,  laûTant  aux  Turcs  k  li- 
berté d'y  habiter. 

Cette  place  fut  de  nouveau  reprifê-  le 
jour  de  l'Exaltation  de  la  fainte  Croix  de 
Tannée  paflée  mil  fix  cens  quatre  vingt 
cinq  par  Parmée  des  Vénitiens  fous  la  con- 
duite du  même  Capitaine  General 
Morofini.  Il  mit  pour  Gouverneur  le 
Baron  General  Degenfeîd  qui  eut  ordre 
enfuitte  de  la  rafer  jufqu'aux  fondemens. 
Le  plan  que  nous  en  donnons  la  repre- 
fantc  dans  Tétat  oii  elle  écoit  lorfqu'elle  fut 
prife. 


Z  ARN  AT  A. 

^7  Arnata  efl:  une  Forterefiè  que  la  na- 
^  ture  a  beaucoup  favorifée  ,  mais  que 
Tart  a  rendue  encore  plus  confiderable  : 
elle  efl  prefque  ronde  de  fa  figure  6c  a  fa 
Situation  fur  une  hauteur  très  delicieufc. 
L'année  paflee  mil  fix  cens  quatre  vingt: 
cinq ,  le  Capitain  Paflâ  étoit  venu  cam- 
per à  cinq  mille  proche  de  cette  place;  6c 
quoique  fon  armée  futnombreufeôcpuifl 
fantc,  il  fe  contenta  d'admirer  la  Valeur  6c 
D  6  ks 


H       DELAMORE'E. 

les  forces  de  l'armée  des  Vénitiens  fans 
o.fer  faire  aucun  ade  d'hoftilité  :  il  aima 
mieux  abandonner  la  place  fans  fecours. 
que  de  s'expofer  en  ladeffendant  à  une 
perte  qu'il  croyoit  inévitable.    De  cette 
forte  la  Garnifon  fe  rendit  au  General 
JMorofini  fous  les  conditions  qui  furent 
en  cette  rencontre  fort  exactement  ob^ 
fervées ,  qu'ils  fortiroienc  vies  &  bagues 
fauves.  Car  îbixante  d'*entreux  qui  fortin 
rent  de  la  place  le  onzième  du  mois  de 
Septembre  paderent  6c  furent  efcortez  juf- 
ques  a  un  certain  efpace  prefix  famî  rece- 
voir de  la  part  des  nôtres  aucune  violence 
ni  infultc.   L'Aga  qui  leur  commandoit  ne  - 
fut  pas  d'humeur  de  les  iuivre    dans  la 
crainte  de  perdre  fâ  tête  :  il  aima  niieux  . 
s'abandonner  à  la  gencrofitc  des"  Cbré-- 
tiens Scs'etanc  retiré  dans  leur  camp, il ob- . 
tint  du  Grand  Comité  Angelo  Michieli 
de  demeurer  dans  fa  Galère. 

Le  General  delHna  au  Gouvernement 
decette  place  en  qualité  de  Reprefentans 
deux  Volontaires  didingués  nom.mezBar- 
tolomco  Gontarini  6c  Angelo  Emo,  6c 
lailla  une  garnifon  de  cent  cinquante  Sol- 
dats fb.isla  direftion  du  Lieutcnent  Colo- 
nel Prardni. 

GHIE^. 


SECONDE  PARTIE.     S| 


C  H  I  E  L  E  F  A. 


C 


Hielefa  eft  une  Forterefle  d'une  ailez 
grande  importance ,  fbit  qu'on  la  conQ- 
dere  par  les  avantages  de  la  nature,foit  qu  on 
y  obier  vêles  embellillemens  de  Part.  Elle 
à  fa  (kuation  (ur  la  pointe  d'un  Roc  efcarpé 
à  un  mille  ôc.demi  loin  de  la  Mer,  d'un 
mille  de  circuit ,  en  figure  quarrée  6c  flan- 
quée de  cinq  groflès  tours  autour  de  Tes 


murailles. 


Elle  n'ell  pas  loin  de  l'endroit  où  étoit  au- 
trefois Vitulo  ville  marchande  ôcfameufe, 
de  laquelle  a  pris  fonîiom  qu'il  retient  en- 
core le  porr  qui  efi:  In  anpre?,  appelle  lé 
port  Vitulo  ,  quoiqu'il  n'eft  guère  fré- 
quenté parce  qu'il  a  eit  point  commode 
ni  feur. 

Dans  le  tems  que  le  General  Morofîni 
étoit  en  courfe  pour  faire  quelque  expé- 
dition militaire  6c  pour  a'igmcnter  les 
conquêtes  de  la  Republique ,  il  vint  Te  pre- 
fanter  avec  fon  armée  devant  cette  Forte- 
refle 6c  commença  de  l'attaquer  avec 
beaucoup  de  vigueur.  Mais  la  Garnifon 
ne  ï^  croyant  pas  en  état  de  refifter  à  un 
"     -0  7  fi 


86        DE  LA  MORS'E. 

fi  grand  Capitaine  tâcha  de  faire  une  capi- 
tulation favorable. 

Les  timides  Turcs  firent  de  très  hum- 
bles inftances  au  General  qu'il  leur  laifîat 
la  vie  fauve ,  6c  il  voulut  bien  les  épargner 
&  les  laiflèr  fortir  fans  qu'ils  fouffriftent  au- 
cune violence  de  la  part  desChrétiens.  Afîar 
Pafla,  qui  faifoit  là  fa  refidence  en  qualité 
de  Commandant  de  toute  la  Province,  for- 
tic  le  premier  portant  les  clefs  de  la  place 
à  la  Galère  Générale  fuivi  de  mille perfon- 
nes ,  dont  trois  cens  cinquante  s'embarquè- 
rent fur  les  navires  du  Pifani  autre- 
fois directeur  de  cette  Forterefîe ,  qui  les 
tranfporta  avec  ce  qu'ils  avoient  fauve  de 
hardes  6c  de  bien  dans  l'Ifle  des  Cerfs. 

Après  qu'on  eut  rendu  des  avions  de 
grâces  au  Ciel  8c  élevé  l'Etendard  de  la 
Croix  ôc  du  glorieux  St.  Marc,  le  General 
établit  là  pour  Provediteur  ordinaire  Ber- 
nardo  Balbi  6c  extraordinaire  Lorenzo 
Venier,  . 


RE- 


SECONDE  PARTIE.     87 

Pv  E  L  A  T  I  O  N 

De  la  Vi£toire  obtenue  par  l'Ar- 
mée des 

VENITIENS 

Sur  celle  des 

TURCS 

Devant  h  Tortere(fe  de  Chielefr  le  />r<f« 
mi er  jour  £^vrildetam7€c 
f  refente  i6S6. 

LEs  Ottomans  ont  fait  cette  annce 
devant  Chielefa  une  expérience 
de  ce  qui  arrive ,  lors  qu'en  s*cm- 
preflant  de  reprendre  ce  qu'on  a  perdu 
on  s'attire  de  nouvelles  &  quelquefois  de 
plus  grandes  pertes.  Us  croy oient  repren- 
dre au  commencement  de  la  compagne 

For- 


88        DE   LA  MORE'E 

Foiterefle  de  Chielefa  que  les  Véni- 
tiens, avoient  juftemenc  conquife  fur 
eux  Tannée  dernière.  Se  confians  en 
leur  armée  compofée  de  dix  mille  hom- 
mes de  pie  8c  de  quinze  cens,  chevaux  &C 
d'un  bon  nombre  de  pionniers,  ils  com- 
mencèrent d'attaquer  la  place  ôc  de  la 
battre  de  Cix  gros  canons  dans  h  penfée 
qu'on  ne  pourroit  6c  qu'on  n'oferoit  pas 
même  leur  refifter  long  tems.  Cepen- 
dant ils  furent  dix  jours  à  ce  fiege  fans 
avancer  de  beaucoup  leurstravaux  ni  voir 
ceux  de  la  place  en  aucune  difpofition  de 
de  fe  rendre.  11  arriva  que  l'Armée 
des  Vénitiens  accourant  au  fecours  ôc  fc 
jettant  fur  celle  des  Turcs,  l'attaque  fut  fi 
vive  6c  fi  forte,  que  ces  infidèles  ne  crurent 
plus  bientôt  de  trouver  leur  falut  que 
dansla  fuitte:  ôc  leur  déroute fucâ préci- 
pitée, qu'outre  qu'il  y  en  eut  un  fort 
grand  nombre  de  tués,  ils  laifîereni  dans 
leur  Camp  un  riche  butin  aux  Cbré. 
tiens. 


PASi 


é^cAeie  tte   -Rt/^      GeûhiemgtLes, 


3e 


^ù 


^      y^i".^r-     /rr. 


SECONDE  PARTIE.      Î9 

P  A    S  S  A   V   A. 


'nAjfavat^  une  Fortereflè  fituée  dans 
•■"  la  Province  de  Maina  au  voifînage  de 
h  plage  du  Golfe  de  Colochine  ,  fur 
le  Cap  de  Matapan  ,  àl'oppofitede  Chie- 
lefa  6c  du  Port  de  Vitulo.  Sa  figure  eifc 
telle  que  nous  la  donnons  dans  le  àd- 
feia  Elle  ell  bâtie  fur  une  hauteur  , 
mais  elle  ed  irreguliere  en  toute  manières, 
8c  elle  fe  trou  ve  hors  d'ctat  d'empêcher  les 
irruptions  que  les  ennemis  peuvent  faire 
dans  la  Province.. 

^  Le  Capitaine  General  Morofini  fit  te-  ^^  ^^^'/^' 
nir  un  gros  parti  de  Magnotes  au  de- jôs^j/^ 
vant  de  cctre  Fortereflè  ,  dans  le  même 
tems  que  les  Turcs  fortoienc  de  Chielefa 
pour  arborer  dans  cette  place  l'Eten- 
dard de  Saint  Marc.  Mais  ayant  ap- 
pris que  la  Garnifon  étoit  prête  à  for- 
tir  6c  qu'elle  n'attendoin  que  pour  tran^ 
(porter  les  canons  de  la  place ,  il  déta- 
cha en  diligence  le  Sergent  Major  de 
la  Nation  d'Outremer  Grcgorevich  a- 
vec  cinq  cens  fantaffins  pour  renfor- 
cer Içs  Magnotes  6c  pour  empêcher  c« 

tran* 


90         DE   LA  MORE'E.  . 

ti'anfporL  Les  Turcs  ayant  découvert 
de  loin  les  drapeaux  des  Vénitiens,  tous 
remplis  de  conrufion&  d'eiFroy  prirent  la 
fuite  6c  abandonnèrent  leur  pofte.  De 
cette  forte,  nous  fumes  Muiftresdc  la  place  J 
fans  coup  fcrir.  On  ne  jugea  pas  qu^elle 
valut  la  peine  d'y  laider  une  Garnifun ,  on 
prit  au  contraire  la  lefolution  delarafcr:- 
6c  on  s'y  détermina  d'autant  plus  volon-  .: 
tiers,  qu  elle  cil  allez  inutile,  &  qu'il  y  avoit 
là  auprez  un  [>a(lâge  étroit,  où  l'on  peur 
avec  peu  de  monde  arrêter  £<:  combattre 
une  nombrcufe  Milice^ 


M  ï  S   I   T   R   A. 


ip  Ommc  cette  ville  a  eu  divers  noms, 
^ces  noms  lui  ont  ac  donnez  les  uns 
plutôt  qae  les  autre?.  Premièrement  elle 
futappellée  Sparte,  enfuite  Lacedemone^. 
6c  en  dernier  lieu  Mifnra,  Elle  eft  une  des 
plus  faraeufes  entre  toutes  celles  de  la  Grè- 
ce 6c  elle  a  été  (i  grande  &  de  (i  vafte  éten- 
due que  du  temsde  Poîibe  elle  avoit  qua- 
rante huit  ^  Stades  de  Circuit ,  de  figure: 
prefque  ronde,  fa  Situation  étoit  en  partie 
fur  une  hauteur  6c  en  partie  fur  un  pen- 
chant. 


SECONDE  PARTIE.     91 

chant.  La  Montagne  Taigete  la  comman- 
de à  l'Occident. 

De  grande  Sc  vade  qu'elle  étoit  autre- 
fois) elle  e(l  aujoura'huy  réduite  à  une  pe- 
tite étendue,  ôc  ne  confervc  a  peine  que  des 
légères  traces  de  fon  ancienne  fplendeur. 
Quoique  elle  neutpas  de  rem  pars  pendant 
Pefpace  de  huit  cens  ans  ,on  ne  laifla  pas 
de  s'y  bien  deffcndre,  6c  ceux  quelle  eue 
enfuite quoiqu'ils  ont  cté rebâtis,  pluneurs 
fois,neparoiîîent  que  comme  le  Château 
Scia  Terre  où  l'en  remarque  qu'ils  étoient 
fitues.  Il  n'y  a  que  deux  grandes  por- 
tes ,  une  au  Septentrion  en  allant  vers 
Napoli  de  Romanie  ,  l'autre  'à  TOrient 
vers  TExokorion,  aufquelles  repondent 
dSuA  grands  chemins  l'un  appelle  ji-phctais 
ou  grand  Baz,ar  ;  l'autre  H  e  lier  ion. 

Les  habitans  Ibnt  cxpofez  à  d  exceffi- 
ves  chaleurs  durant  l'été  ,  car  outre 
que  la  ville  efl  oppolée  au  grand  midi,  étant 
fituéc  au  pié  d'une  Montagne  >  les  ra- 
yons du  foleil  trouvant  cette  oppofition 
rcfîechilîènt  6c  redoublent  la  chaleur. 

Le  Doétc  Monfieur  la  Guilletiere,(c 
trouvant  fur  les  lieux  il  y  a  quelques  an- 
nées, prit  l'élévation  du  pôle  les  trois  jours 
confecutifs  dix  neuf,  vingt  6c  vingt  un  du 
mois  de  Juin  6c  fc  réglant  fur  la  hauteur 

meri- 


Pî        DE  LA  MORE'E. 

rneridionale  du  foleil  par  l'ombre  d'un 
corps  Cilindrique  divifé  en  mille  parties 
égales ,  la  diffcrence  des  ombres  de  ces 
trois  obfervations  lui  fut  imperceptible 
6c  la  longueur  de  Tombre  fe  trouva  toà-^ 
jours  de  deux  cens  onze  parties  du  Celin- 
dred'oùil  conclut  que  le  Soleil  étoit  éloi- 
gne de  Ton  Zenithde  douze  degrez  cin- 
quante fix  minutes  &  que  la  latitude  de 
Mifitra  étoit  à  trente  cinq  degrez  vingt  fix 
minutes.  sii 

La  ville  eft  divifée  en  quatre  quartiers 
dont  chacun  fcparé  de  chacun  des  au- 
tres 5  forment  entre  eux  un  corps'  fans 
union.  Le  Château  en  fait  un ,  la  Terre  un 
autre ,  ëc  deux  faux  bourgs  dont  le  pre- 
mier s^ppeîîe  Melok^rion  cxfl  à  dire  faux- 
bourg  du  milieu ,  le  fécond  Exokorion 
c'eÛ:  a  dire  faux  bourg  de  dehors  que  les 
Turcs  appellent  encore  Maratche. 

JL*£A;o^om«  eft  feparé  des  autres  trois 
par  la  Rivière  Vafoli  potamos  6c  n'a  coni'- 
munication  avec  eux*  que  par  un  Pont  de 
Pierre. 

Le  Château  nommé  to  Caflron  eftfitué 
fur  une  hauteur  de  figure  conique ,  fes  mu* 
railles  font  allez  bonnes.  On  tenoit  là  de- 
dans il  y  a  quelques  années  dix  pièces  de 
Ganon  avec  une  garnifon  de  dix  huit  ou 

vingt 


V 

I 


SECONDE  PARTIE.      95 

vingt  JanifTaires  commandez  par  un  Dif- 
dar  qui  y  fait  rarement  fa  refidence. 

Il  y  a  des  Magafins  toujours  bien  tour- 
nis de  grains  pour  fervirà  T Armée,  car 
on  Fait  en  forte  que  chaque  famille  Tur- 
que ed  le  fien  6c  ils  font  dans  l'obligation 
de  renouveller  le  grain  chaque  année. 
On  y  voit'auffi  quelques  Ciflernes,6c  au 
milieu  du  Château  il  y  aj^une  Molquée 

^quiétoit  autrefois  une  Eglife  de  Chré- 
tiens. 

M- Cette  Citadelle  ed:  dans  uns  fituation 
Gavantageufe,  que  les  Hiftoires  aHiireni: 
qu^elie  n\i  jamais  été  prife  de  vive  for- 
jce,  quoique  Mahomet  lecond  6v  les  Vcni- 

-siens  rayent  attaquée  avec  beaucoup  de 

3fV;igueur. 

w^.  C'efl  un  ouvrage  que  les  Defpotes  fi- 

pyentilir  la  décadence  de  l'Empire  Grec^Sc 
cela ,  parceque  Fautre  Chrucau  qui  étoit 

^fitué  fur  la  colline  oppofée  dont  il  ne  refte 
aujourd'huy  que  les  ruines ,  ne  commandoit 
'pas  allez  la  ville. 

On  n'eft  pas  bien  afluré  quel  fut  le  fon- 
dateur de  Sparte  les  hifloriens  n'étant  pas 
d'accord  la  dcfîus.  Les  uns  difent  Sparte 
iîls  du  RoyAmicîa,  d'autres  laPrinceiîè 
epoufedu  Roy  Lacedemone  qui  avoit  nom 
Sparta,  plufieurs  le  Roi  Cecropsquifon-'J 

da/ 


94        DE  LA  MORE'E 

da  aufli  Athènes»  Enfin  il  y  en  a  d'autres 
qui  afîurent  qu'elle  doit  (a  fondation  à  Spar- 
te fils  de  Phoroneus  Roi  d' Argos  qui  vivoit 
du  tems  du  Patriarche  Jacob  1763.  ans 
avant  la  naiflance  de  J.C.  puifque  félon  le 
calcul  du  Père  Petau  le  Patriarche  Jacob 
naquit  1876»  ans  avant  l'année  de  nôtre  re- 
demption,de  forte  quejufques  à  Tannée  pre- 
fente  i<586  il  y  a  trois  mille  quatre  cens 
6c  vingt  un  an  que  cette  ville  a  été  bâtie  : 
elle  elt  donc  plus  ancienne  que  Rome  de 
985.  ans  que  Carthagc  de  Sôy  ,  Siracufe 
de  995;  Alexandrie] de  1405;  Lion  de 
1639.  ècqueMarfeiîledei  i3<î. 

Il  ne  fut  jamais  de  Nation  dans  Puni- 
vers,  qu'on  pu  ifle  mettre  enparellele  avec 
les  Lacedemoniens  pourla  belle  politique; 
au  (H  ne  prirent  ils  jamais  des  Roix  que 
d'entreux  &  eux  feuîs  ont  vu  fur  leur 
Throne  Royal  deux  têtes  remplies  de  ver- 
6c  de  mérite  ceintes  d'un  même  Diadème* 
On  voyoit  ainfi  fouvent  parmi  eux  des  pro- 
diges de  prudence  6c  d'habilité  en  l'art  de 
Gouverner:  aufli  n'ofoit  on  point  aillieurs , 
reconnoîtrc  de  bons  politiques  que  les 
feuls  Lacedemonicns.  C'efl:  fur  de  (i  bons 
fondemens  qu'elle  a  pu  durer  6c  fleurir  du- 
rant huit  cens  ans.  Elle  déchut  de  fa  pro* 
fperitéêcdefa  fplendeur  en  perdant  le  Roi 


SECONDE  PARTIE.      95- 

Colemanes  troifiemc  de  ce  nom. 

Finalement  l'Empire  de  l'Orient  ayant 
été  divifc  en  Temara  ou  Gouvcrnemens 
Généraux,  Lacedemone  fut  deftinée  en 
appanagc  aux  Fils  premiers  nés  de  TEm- 
pereur.  Depuis  ce  temslà,  elle  quitta  fou 
nom  Lacedemone  6c  s'appella  Sparte  :  !< fes 
Princes  qui  avoient  avec  fon  gouverne- 
ment toute  la  Morée  fous  leur  dépendance 
portèrent  le  titre  de  Defpotes. 

Le  Defpote  Théodore  qui  avoitcpoufé 
lafîile  deRenier  Prince  d'Athènes  èc  qui 
étoit  frère  d'Andronic  6c  d'Emanuel  les 
quels  fe  fuccederent  l'un  à  l'autre  dans  le 
Throne  Impérial,  ne  fe  trouvant  pasaflèz 
fort  pour  entreprendre  de  rcfifter  à  Baja- 
zettraitta  avec  Philibert  de  Naillac  Prieur 
d'Aquitaine  6c  Grand  Maitre  de  Rhodes 
pour  la  vente  de  Sparte  Se  de  Corinthe. 
Ce  traité  étoit  prefque  conclu  ,  lorfque 
Tari^erian  ayant  triomphé  de  BajazetjCeux 
de  Sparte  reprirent  fi  fort  courage  5c  fe 
flattèrent  (1  fort  d'être  en  fureté  ,  qu'ils  ne 
voulurent  jamais  confentir  que  Théodore 
aliénât  la  Tzaconie.  Même  la  Populace 
s'etant  ém.euë,  on  fit  entendre  à  deux  Che- 
valiers qui  ctoientpà  Députés  de  la  part  du 
grand  Maillre  pour  fe  mettre  en  pollefiion 
du  gouvernement  j qu'on  les  alloittraitter 

com* 


96         DE  LA  MORE'E, 

comme  ennemis  s'iis  ne  fe"  retiroient.  En- 
même  cemsTOrclre  fe  dellitua  de  Corin- 
the  dont  il  étoit  déjà  en  pofîeffion,  8c 
Théodore  fut  fort  grevé  de  fe  voir  obli- 
gé de  debourfer  l'argent  qu'il  avoit  tou- 
ché. 

Il  laiiTa  enfin  le  Defpotat  à  un  de  Ces  ne 
veux  nommé  comme  lui  Théodore  fils 
de  l'Empereur  Emanuel.  Ce  nouveau 
Delpote  epoufa  une  Italienne  de  la  mai- 
fon  de  Malatefta,  6c  cette  maifon  fonda 
dépuis  un  droit  d'appanage  fur  le  Duché 
de  Sparte.  Théodore  fécond  prit  la  relb- 
lutioii  d'aller  à  Conltantinople  dans  la 
penfce  de  fucceder  à  l'Empire  en  la  pla- 
ce de  Jean  (on  frère,  laiiTant  le  Defpotat 
à  un  autre  de  fes  frères  nommé  Condan- 
tin.  Cctoit  dans  le  tems  qu'Amurat  pre- 
mier fit  faire  une  irruption  dans  laTzaco- 
nie.  Conftantin  ayant  été  elevéàPEmpi- 
pire  5  Sparte  echeut  en  appanage  à  Deme- 
trius,  d'entre  les  mains  de  qui  elle  fut  ravie 
par  Mahomet  fécond  ,  qui  eut  la  barba- 
rie de  faire  fcier  en  deux  le  Gouverneur  du 
Château. 

Enran  1475.  Benedetto  Colîeone  qui 
avoit  le  commandement  de  l'Armée  Vé- 
nitienne fubjugea  Sparte  8c  auroit  pu  ré- 
duire la  Citadelle,  s'il  neuft  trouvé  dans  la 

ma- 


SECONDE  PARTIE.      91 

matière  de  Ton  triomphe.  Sanfovino  fait 
voir  dans  fon  hiftoire  que  cette  ville  ;6c  la 
Province  entière  a  été  fous  la  domination 
delà  Republique  dans  le  temsque Henri 
Dandolo  étoit  Prince  dn  Sénat. 

La  LISTE  des  PxOIS 
D    E 

LAGEDEMONR 

Vms  l'ordre  quils  ont  régné  &les 
années  de  leur  règne. 

Ans  de  la  création  du  monde. 

2862.  Euriflé s  Premier  Roi  Compen*, 

2904.    u^gtdeS.  Univ^erf. 

29or.  Acheflrates,  de  Nie 

-^       7-     ,  Doelioni 

2940.  Labotes.  patt.ulri- 

2977.    Dofifies.  ™3, 

3006.  zy^gejilaus, 

3050.  Archelaus, 

31 10.  TelecHS, 
\  3^5^-  Alcaryienes  dont  le  règne  fnk 

I  <?^;  r^;?. 

3187. 

E  M  A  I^ 


jS        DE  LA  MORE'E 

M     AI    N     A 

AU     CAP 

DE    MATAPAN. 

jQ  E  tous  les  Promontoires  du  Pelopon- 
ncfe  qui  poufîent  leur  poinie  dans  la 

*  Pline.  '  ^^P^"^  avancé  detousefl  le  Cap  de 

senequc.    ^<^<^t^pan  qui  s'appelloit  autrefois  *  /'r^. 

rcoiomée.  montorium  r^mrium,  dans  les  entrailles 
duquel  eft  PAntrede  Tenaro,  dont  l'ou- 
verture ^fFreufe  a  donne  lieu  aux  poètes  de 
dire  que  c'étoit  la  gueule  d'enfer.  Ils  ajou- 
toient,quec'étoitde  laque  fortit  rinvinci-" 
ble  Hercule  après  qu'il  eut  triomphe  du 
Cerbère;  d'où  vient  qu'on  lui  donnoit  par- 
îiji  fes  titres  celui  d.e  Tenare,  quoique 
d'autres  veulent  qu'il  ait  pris  ce  nom  de 
Tenare  qui  nacquit  d'EIafe  iils  dlca- 
nus  qui  epoufa  Erimadc  fîlîe  de  Damalî- 
cles. 

ciovîT."'  La  Mçr,€fl  extrêmement  "^  profonde 
autour  de  ce  Promontoire- ôc  il  y  a  là  deux 
ports  très  commodes  félon  que  l'afllirenc 

ceux 


lATATPAN 


SECONDE  PARTIE.    ^<? 

ceuxqui  y  navigcnt.    L'^un  de  ces  ports 
a  nom  le  porc  des  Cailles,  à  caufe  d'un  nom- 
bre prodigieux  de  Cailles  qu'on  y  trou- 
ve, r Autre  k  porc  de  Maina.  Entre  ces 
deux  ports  6c  dans  l'endroit  oùetoicntles 
ruines  de  Tancien  ^  Ceriapolis  les  Otto-  cam^^n* 
mans   bâtirent  autrefois   une  Forterefle  voi  1. 1.  r: 
qu'ils  appelleront  ^  Turcotogll  Olimicnas  %q^X^^\;^^ 
que  les  Gr^cs  interprètent  Ci^firo  de  Afai-  dzmh&iT- 
m  &  les  Turcs   Mcm^c.  ^  L.cur  defîein  'l^'.Zl^'"' 
ctoit  en  cela  de  tenir  en  bride  lesbabitans  ForterefTe 
de  la  Tzâconie.  Cette  Province  occupe  »Baiidr2îîc5 
^lUjourd'huy  *  un  bras  du  Maina  8c  s^e- ^«s.  Gmg, 
tend  bien  bien  loin  le  Ion»  de  la  côte  la 
plus  méridionale  de  la Morée*  Les  hom- 
mes y  naidènt  belliqueux  6c  ils  ne  foupi- 
rentqu'aprez  quelque  entrcprifc  de  quel- 
que puillance  Chrétienne  fur  leur  païs.  Ils 
s^y  iiideroicnt  de  tout  leur  cœur  6c  de 
toutes  leun  forces  ;  car  auili  bien  ayans 
en  abomination  le  Gouvernement  Barba^ 
re  des  Turcs ,  ils  fcnt  autant  qu'ils  peuvent 
leur  retraitte  dans  les  creux  de  rochers  & 
parmi  les  plus  epaifles  forets,  pour  éviter 
de  payer  le  tribut  6c  pour  refpirer quelque 
peu  de  liberté. 

En  l'an  1570.   Le  Capitan  du^  Golfe 
Qiierini  étant     parti    de   Candie   avec 
vingt  cpiatre  galères  vint  prendre  fond  à 
E  2  Cor-4 


ïoo         DE  LA  MORE'E 

Corfù ,  où  ayant  été  informé  qu'on  avoit 
bâti  ce  Fort  poar  les  motifs  que  nous  avons 
marquez  il  conceut  le  de(]éin  d'aller  y  fai- 
re une  attaque.  Avant  que  de  commencer 
cPexecuter  il  fe  rendit  dans  Tes  deux  ports 
camTni   ^'^^  ^^  donna  avis  de  Ton  entreprife  aux^ 
^""P^"^-  Magnotes  :  6c  véritablement  ces  pauvres 
gens  donnèrent   en    cette  rencontre  de 
bonnes  preuves  de  leurs  zcle  6c  de  leur 
courage.  Apres  un  combat  fort  âpre  6c 
fort  animé  où  les  Turcs  eurent  du  des- 
fous le  Capitan  demeura  Maiftre  du  Fort 
6c  il  ne  voulut  pas  fortir  du  Golre  qu'il 
n'eut  plutôt  ôté  cet  obftacle  à  ces  gens  Ci 
bien  intentionnés  pour  la   Republique, 
ainfi  après  en  avoir  fait  foriir  tout  ce  qui 
pouvoit  fervir ,  il  le  fit  démolir.  -r- 

M  A  L  V  A  s  I  A>iàr  ■! 
o   u 

MALVOISIE. 

T  A  Ville  appeîlée  vulgairement  AMy 
^^vajia  que  Ptolomée  nomme  Epidati^ 
rtis  Limera  6c  Baudrand  après  d'autres 

Mo- 


SECONDE  PARTIE.     loi 

Mor^emhafia  eft  fituée  fur  un  rocher  d'a- 

greable  prorpe6tdàns  la  partie  orientale 

de  l'ancietine  *  Tzaconie  région  âpre  &  Xucididc. 

rude,  mais  néanmoins  autant  fertile  quau^ 

cune  autre  du  Peloponnele.  Cette  partie 

ed  aujourd'huy  reconnue  fous  le  nom  de 

bras  du  Maine  parce  qu'elle  s'étend  far  le 

côté  gauche  de  ce  bras  où  commence  le 

Golfe  que    Ptolomée  appelle  ^rgoUcus  ^  ^^^^^  ^^ 

Sinus  ■\.  '  Napolide 

Elle  porte  le  titre  d'Archevêché.  Sa  fi-Rom^^me, 
tuanon  eil  tresavantageufe,  car  elle  ed 
bâtie  fur  le  haut  d'un  rocher  qui  afesfon- 
deme4is    dans   la    Mer  6c    cil  baignée 
tout  autour  des  eaux  de  TArchipcl.  El- 
le joiiit  pourtant   de   ce    bienfait    de  la 
nature  qu'elle  a  des   fources  douces  & 
claires  &  un  des  avantages  qu'elle  en  tire 
eft  qu'en  arrofant  le  peu  de  campagne 
quieltaux  environs,  ces  fources  la  ren- 
dent aflèz  fertile  pour  rapporter  dequoi 
entretenir  cinquante  ou  ioixante  peribn- 
nes  qui  veillent  à  la  garder.  EUeefcinac- 
ceflible  de  tous  côtés  fi  ce  n'eft  d'un  où 
elle  eft  munie  d'une  triple  m.uraille  fort 
epaifie.    Là  eft  attaché  un  Fauxbourg 
d*un  aiïez  bon  nombre  de  maifons  fermé 
d'un  fore  rampart  par  où  leshabitansont 
iflùe  pour  aller  à  la  terre  qui  fe  deta.- 
E  y  chant 


102         DELAMORE'E. 

chant  da  continent  en  forme  de  langue 
lui  efl  unie  par  un  long  pont  de  bois.  El!e 
a  auffi  un  port  ailèz  fpacieux  6c  q.ULe{l 
mieux  gardé  que  la  Forrereiïe. 

Son  territoire  apporte  une  grande 
quantité  de  railms,  êc  on  flîitlàda  vmqui 
ne  le  cède  point  en  bonté  aux  vins  de  Can- 
die. 

Les  peuples  de  la  Grèce  venoient  au- 
trefois de  tous  les  endroits  en  cette  petite 
1{[q  pour  y  adorer  le  DieuEtculape,  &!€ 
culte  des  nations  pour  ce  Dieu,  la  rendoic 
fameufe  par  toute  la  terre. 

Ceux  d'Epidaure  ayant  été  une  fois 
députez  en  ce  lieu  de  la  part  de  leur  com- 
mune, en  partant  de  leur  païs  qui  étoic 
dans  le  territoire  d'Argos  ils  eurent  des 
longes  dans  leur  voyage  parMer  qui  leur  fi- 
rent augurer  de  très  heureux  fuccez  6c 
unegrande  profperitc s'ils  les  executoient. 
Auflî  étant  arrivez  à  bon  portilsfe  déter- 
minèrent à  s'établir  là  6c  y  bâtir  une  ville 
qui  leur  fervit  de  Colonie  qu'ils  appelle- 
roient  Epidaurc.   Les  batin)cns  ne  fubli- 
flent  plus  car  ils  n'ontpas  été  épargnez  par 
le  tems  qui  dévore  toutes  chofès^fculement 
le  lieu  en  retient  en  :ore  le  nom. 

C'efè  une  vérité  que  la  fortune  6c  le 
tsms  viennent  à  bouc  de  tout.,  6c  on  en  voit. 

un 


SEGOND  PARTIE.      103 

an  exemple  dans  la  deftineé  de  Màlvafia 
oLîd'fcCpidaure;  car  quoique  la  fituacion  Ki 
dut  rendre  invincible  elle ,  n'a  pas  laifie  par 
des  coups  du  deilin  de  palier  fous  diverâ 
Gouverncmens. 

Dans  le  tems  que  cette  place  étoit  fu- 
jette  aux  Empereurs  de  Conilantinopîe 
elle  leur  fut  enlevée  lorfque  les  François 
6c  les  Vénitiens  s'etant  rendus  Maiftré^ 
de  cet  Empire  ôc  Baudoiiin  Conte  de 
Flandres  devenu  Empereur  *  elle  fut  don-  ^^^^  ^^  j,, 
née  en  titre  de  fief  à  un  Baron  François  ap- 1204- 
pellé  Guillaume  en  recompenfe  des  fer- 
vices  fignalés  qu'ail  avoir  rendus  en  cet- 
te guerre.   Mais  eni'ùire  Michel  Paleolo- 
Çue  ayant  chafiëîes  François,  êc  s'ctanc 
fait  initaller  Empereur ,  il  arrêta  prifonnier 
le  dit  Guillaume  6c  dans  la  détention  lut 
fit  donner  une  ccffion  6c  renonciation  de 
tous  les  droits  qu'il  pouvoir  avoir  fur  Epi- 
daure.    Le  Baron  ayant  cchapé  par  ce 
moyen  des  mains  âr  l'Empereur  ,   vint 
à  Venife  6c  y  fit  U'iC  donation  à  la  Repu-  . 
blique  des  mêmes  droits,  difantquela  re- 
nonciation que  Paleologue  luy  avoit  ex-. 
torquée  en  iâ  faveur  étoit  invalide ,  puifque 
cet  aéle  n'étoit  point  un  effet  de  fa  volon- 
té mais  de  la  force  6cde  la  violence.  Aufll 
les  Vénitiens  fe  prevalans  de  cette  dona- 
E  4  tion 


104      DE  LA   MORE'E 

tion  mirent  en  Mer  une  grolîe  armée  Se 
fe  rendirent  Maiftres  de  Malvafia  qu'ils 
Gouvernèrent  depuis  julques  à  l'an  mil 
cinq  cens  trente  (èpt  que  Soliman  com- 
mença de  forrir  de  Thrace  pour  venir  en- 
vahir l'empire  des  Grecs  Ôctravai lier  à  la 
ruine  du  Chrillianifme. 

Les  Vénitiens  furentceuxquifereden- 
tirentlepiusdecesufurpations,  ôcle  Bar< 
bare  conquérant  non  content  d'avoir  éta- 
bli le  tribut  en  pludeurs  endroits  de  leur 
Paruc!^'f  \'^^i^^^^tion,  ordonna  à  Caffin  quietcit  ^ 
iç.  '  ^  '''  Sangiac  de  la  Morée  qu'il  tâchât  par  un 
fiege  de  réduire  fes  peuples:  le  Sangiac 
ayant  ramalTé  une  nombreufe  milice  tâcha 
d'exécuter  Tes  ordres  ;  mais  Soliman  venant 
à  faire  reflexion  que  de  tenter  cette  entre- 
,      prife  c'etoit  rifquer  la  réputation  de  fes  ar- 
mes 6c  perdre  du  tems,  il  changea  le  dcf- 
k'm  de  ce  fiege  èc  voulut  aller  faire  des 
conquêtes  autre  part.  Néanmoins  il  y  re- 
tourna quelque  tems  après  ÔC  reduilît  ^ 
la  place  non  par  la  force  de  fes  armes^ 
mais  par  des  aiiurances  de  paix. 

Durant  les  guerres  de  Candie  6c  de 
Dalmatie,  lorfque  les  Vénitiens  s'oppo- 
foient  autant  qu'ils  pouvoient  aux  irrup- 
tions Se  aux  violentes  nfurpationsdeTen- 
neuii,  le    General  Fofcolo  fe  trouvant 

au 


*  L'an 


SECONDE  PARTIE     2cy 

au  voifinage  d'Epidaure  avec  vingt  deux 
Galères  huit  vaifleaux  de  haut  bord  8cfix 
Galeaces  alla  attaquer  le  Fort  que  les  Otto- 
mans avoient  fait  bâtir  dehors  du  Faux- 
bourg.  L^attaquefûtbrufque  ôc  vive  Scies 
Vénitiens  fe  rendirent  Maitres  du  Fort  dans 
unjour.Mais  il  arriva  dans  le  tems  qu'ils  fai- 
ibient  précipiter  l'ennemi  à  la  fuitte  parîde 
hauts  cris ,  qu'une  mine  prit  feu  fous  les  Vi- 
6lorieux  6c  en  laifla  cent  cinquante  morts 
avec  un  égal  nombre  de  bîefîes.  Les  Vé- 
nitiens tirèrent  vengeance  de  la  mort  de 
leurs  compagnons  en  entrant  dans  la  pla- 
ce Tepée  à  la  main  ,   ôc   après  avoir  dé- 
moli le  Fort  ils  partirent  tranfportant  avec 
eux  vingt  d'eux  Canons  qui  iervoient  aux 
ennemis  pour  mettre  à  couvert  les  Sai- 
ques  qui  venoient  faire  encrage  dans  le 
port  en  attendant  l'occalion  commode  de 
faire  voile  pour  la  Canée. 


E  jT  EX- 


io5        DE  LA  MOREE. 

EXPLICATION 

DES  LETTRES 

DU     P   L   A   N 

D     E 

MALVASIA 

A.  La  Vieille  Tour» 

B.  Le  Château  de  ^arde 
C,»-  La  forte  de  la  Fortereffs 

E.  Le  Fauxbourg. 

F.  La  porte  de  Fattxhourg. 

G.  Le  Pont  ^Ht  fut  rompu  par  les  Vetii^ 

tierjs^ 
H.  Le  Fort  cjue  les  Vénitiens  ta  tirent, 
pour  empêcher  Iss  fecours. 


W  A- 


m^~   ^ 


KAP  O  LI     D^       R  OMA^IE 


SECONDE  PARTIE.     107 

N    A     P    G     L    I 

DE 

R  O  M  A  N  I  E. 


T\E  ces  célèbres  Villes  qui  faifoient  aiï* 
■^  ciennement  la  fplendeur  de  TArgic 
qui  eft  aujourd'hui  la  Saccanie  ou  la  Ro' 
manie  mineure  riche  paitie  de  laMoréc, 
Napoli  efl:  celle  qui  conferve  jufqucs  an 
tems  prefenc  des  reftes  de  fa  première  beau- 
té. Elle  efl  appel lée  par  SophianusN^/?/;j  ^ 
parles  Grecs  "^  AnapUa,  Scpar  Pcolomée  "^  M.Spoa 
*  N*iuplia,  Cette  forte  êc  Marchands  vil*  G?ecf  u. 
le  fut  bâtie  par  Naupiio  fils  de  Neptune  6c  *  ""°j^* 
d'Amimone  dans  l'endroit  Is  plus  reculé  sS 
du  Golfe  appelle  communément  de  Na^ 
f.oli  Se  par  Ptolomée  Argdiciîf  Simis  fur- 
la  pointe  à'xxn  petit  Promontoire  qui  s'é- 
tend de  deux  côte?.    Celui  qui  eft  vers- 
k  Mer  forme  un  port  fpacieux  &)  très 
feur  ^  l  aucre  ôte  aux  padagers  une  grandC' 
commodité    àc-  leui*  coftimerce  ,  parc3 
qu'ils  ne  psuvcnî^y  monter  que  par  ur* 
^6                fen- 


3o8       DE  LA  MORE'E. 

fentier  étroit  6c  efcarpé  qui  cil  entre  le 
Mont  Palamides  6c  la  Marine. 

La  ville  eft  (atuée  là  auprez  ôc  avec  Tes 
avantages  très  confiderables  quelle  tient  de 
trois  cotez  corn  me  en  bride  les  ondes  de  la 
Mer:  &;  (es  rivages  font  fi  hauts  5«:  fi  efcar- 
pez,que  dans  des  rencontres  perilleufes  ils  ô- 
tententierement  à  Pennemi  toute  commo- 
dité non  feulement  de  pouvoir  faire  pren- 
dre terre  à  Tes  troupes  mais  auffi  de  pouvoir 
battre  de  fes  galères  les  murailles  de  la 
ville.  Le  Port  elt  fort  fpacieux  dans  fbn  fein 
mais  il  fe  reflerre  à  Tentrécôc  les  galères 
n'y  peuvent  entrer  qu'après  avoir  padéun 
Canal  où  elles  font  expoices  au  feu  de  PAr- 
tilîeric.     La   ville    e(l   défendue    d'une 
citadelle  bien  pourveuë  6c  qui  étant  bâtie 
fur  un  ecueil  environ  trois  cens  pics  avant 
dans  la  Mer  ne  peut  êcre  attaquée  du  côte 
de  terre  6c  les  bans  6t  les  bois  efpais  qui 
l'environnent  la  mettent  à  couvert  de  tou- 
te furprife  :  enfin  on  peut  dire  que  de  quel- 
que côte  qu'on  regarde  cette  place   on 
trouve  que  la  nature  ôc  l'art  l'ont  munie 
detoutcequipouvoitla  rendre  forte.  Elle 
n'a  p3s  m.anquénonplusde  titres  honora- 
bles, car  elle  étoit  autrefois  un  Eveché 
qui  1  econnoifibit  Corinthe  pour  fa  Métro- 
pole, 6c  aujourd'hui  elle  eil  Archevêché 

elle 


SECONDE  PARTIE.     109 

elle  même  &  un  des  principaux.  Elle  eft 
diftante  de  cinquante  cinq  milles  d*Athe- 
nes,  foixante  de  Mifitra,  ^6.  de  Corin- 
the  outre  qu'elle  eft  le  lieu  de  refidencedu 
Gouverneur  de  la  Province  dans  laquelle 
on  conte  foixante  mille  grecs,  outre  une 
grande  multitude  d'autres  habitans  quilè- 
lon  Paufanias  étoient  anciennement  des  E- 
gyptiens  habitués  là  avec  Danaiis  comme 
dans  leur  propre  Colonie.  Napoli  a  eu  le  fort 
de  toutes  les  autres  villes  de  pafler  par  plu- 
Heurs  gouvernemens  6c  fous  la  domination 
de  diffcrans  Princes. 

Au  rapportde  Paul  Ranufî  elle  fut  prifc  P^^^oRa. 
1  an  1 205.  parles  Vénitiens  ligues  avec  les  redeconft. 
François  ;  mais  quelque  rems  après  le  Roi  ^*  5'  p-^^o* 
Gi ovaniOa  ayant  porté  fes  armes  contre 
cette  ville,  quoiqu'il  la  trouvât  garnie  5c 
défendue  d'une  nombreuie  milice  il  lui 
donna  un  fi  vigoureux  afiauc  qu'ail  s'en  ren- 
dit   Maitre.    Il  y  donna  en  entrant  des 
marques  effroyables  de  fa  colère ,  car  il  fit 
palîer  au  fil  del'epée  le  Commandant  6c 
toute  la  Garni  (on  &  enfuite  fil  fauter  la 
ville  qui  étoit  alors  riche  ,   pui fiante  ôC 
fituée  dans  la  meilleure  partie  de  la  Roma- 
nie. 

L'opinion  de  Verdizzoti  efi;  que  cette 

ville  fe  trouvant  dans  le  treziéme  fiecle 

E  7  entre 


Il»      DE  LA  MORE'E> 

entre  les  mains  de  Marie  d'Erigane  veuva 
de  Pierre  fils  de  Frédéric  CornarPifcopia, 
6c  cette  Dame  ne  fe  croyant  pas  capable 
de  s  oppofer  à  tant  de  Princes  qui  vouloient 
l'avoir  6c  plus  que  tous  les  autres  Bajazet, 
elle  en  fit  une  concefîion  à  la  Republique. 
Sous  cette  nouvelle  domination ,  Napoli 
vit  écouler  alîèz^  doucement  quelques  fie-- 
clés;  mais  non  fans  fe  relTentir  fouvent  de 
iès  delaftres  aufquels  font  afllijetties  les 
villes  qui  font  le  fujet  de  l'envie  des  Otto- 
mai:js;  car  attaquée  diverfestois  par  ces  Bar- 
bares elle  éprouva  les  malheui-sde  la  difette 
des  vivres  6c  de  la  faim  ôc  dans  ces  différan- 
tes allarmes  les  foulevemens  de  plufieurs 
fedicieux. 

Mahomet  IL  fouhaitoitavecbcaucou'p 
d'ardeur  de  la  ravir  des  mains  de fon  légi- 
time Prince;  6c  ne  croyant  pas  qu'il  y  eut 
aucun  autre  moien  d'en  venir  à  bout  que 
celui  des  armes,  ildonnaordre  àMacmut 
Bafla  d'aller  Taiîieger  avec  une  nombreufe 
armée.  Mais  le  Siège  ne  lui  reuffit  point,. 
6c  ayant  rencontré  dans  ceux  qui  defendo- 
ientla  ville  beaucoup  de  valeur  6c  de  force 
pour  lui  refiîter  ôc  de. la  confiance  contre- 
toutes  les  violences  quil  pût  faire,  il  fut' 
contraint  après  diverfes  tentatives  &:  de 
graiodes  pertes  de  cj^itter  fonentreprife. 


SECONDE  PAR.TIE.    m, 

Soliman,  le  plus  ambitieux  de  tous  leSgj^j.^pj 
Empereurs  Turcs ,   commanda  à  Cafin  1537* 
Saagiacde  la  Morée,  d'aller  y  former, le 
Sie^c  avec  des  forces  proportionnées  à  la 
force  de  la  place  ;  mais  Cufin  n'eut  pas 
un  plus  hcm-eux  fuccez  dans  cette  entre- 
prife  qu'avoir  eu  Macmuc.    Apres  s'être 
vainement  opiniâtre  aiîez.  iongtemsàxette 
attaque  Réprouvé  avec  bcauc(îup  deper- 
te  quelle  étoic  la  force  de  la  Ville  &  la  va- 
leur des  affiegés  il  levak  Siège  &fe  retira. 
Néanmoins  il  ne  s  écoula  pas  deux  ans, 
qu^il  retourna  à  l'attaque  6c  Fut  enfin  raai- 
ftre  de  la  ville,  non  vencablement  parla 
voye  des  armes,  car  elle  s'étoit  toujours 
montrée  invincible,  mais  par  un  accom- 
modement de  la  République  qui  prellëe 
6c  extrêmement  fatiguée  des  guerres  8c  de 
la  difcttç  cherchoità  refpirer  k  paix  &  h 
repos. 


E    X- 


112       DE  LA  MORE'E. 

EXPLICATIONS 

DES  LETTRES 
DU     PLAN 

DE 

N  A  P  O  L  I 

D  E 

R  O  M  A  N  I E. 

A.  La  Forterelfe  du  coté  de  la  Mer. 

B.  La  Chaîne  qm ferme  le  Port. 

C.  Vn  Cavalier  cjm  eft  élevé  fur  la  For* 

tereffedela  Mer, 

D.  Le  Port  capable  de  contenir  Ufiegrof- 

feflotte. 

E.  ZJne  autre  chaîne  fotir  empccher  l'en" 

trée  du  Port. 

F.  L4 


SECONDE  PARTIE,    113 

F.  La  Batterie  des  Canons, 

G.  Les  Mofquées, 
H.  La  faille. 

I.  Autre  Batterie  des  Canons. 
¥^,  \Jn  Canal  de  troi^  milles  de  Large. 
L.  Partie  du  Golfe  appelle  de  Remanie. 
M.  Le  Mont  Palamide. 
N.  Le  Fort  dans  la  terre  ferme  au(^uel 
e(î  recommandée  la  chaîne  qui  fer- 
mer le  P&rt^ 


A     R     G     O     S. 

A  U  rapport  de  Baudrand  fameux  Geo- 
^^  graphe  de  nôtre  tems  il  y  a  eu  trois 
Villes  nommées  du  même  nom  x\rgos  ; 
Une  que  Pline  appelle  Argos  Amphtlo- 
chmm  qui  eft  dans  TEpire  ;  La  ^  féconde  *  strabon. 
Argos  Pelasgicum  dans  la  Macédoine  Se 
k  troifiéme  Argos  Peloponnefacum.  On 
fera  mention  des  deux  premières  chacu- 
ne dans  fon  lieu  ,  maintenant  nous  par- 
lerons de  la  troifiéme,  qui  fut  appellée 
autrefois  Founia  de  Foroneus  ;  Hiffo- 
bote  de  la  quantité  de  chevaux  qu^elle 
fournidbit ,  fafta  du  nom  d'un  vaillant 
Capitaine  :  elle  eut  encore  nom  Dipofa 

&  Jap' 


ÎÎ4       DE  LA  MORE^E. 

^  Jappia.     Elle  efl  la  Capitale  de  la  fa- 
mcLifeArgieÔcea  compriie  parmi  lesplus 
illuftrcs  villes  du  Peloponnefc.  Safituation 
cO:  fur  la  Rivière  Planifia  aue  les  Latins 
appellent  hmcui  Fiavius  à  la  diftance  de 
trente  iîx  milles  de  Corinrhe,  60  de  Spar- 
te ac  cinq  de  Napoli  de  Romanie.  Elleeft 
le  Siège  d'un  Evêquc  fuffragent  de  TAr- 
cheveque  deCorint'he.  El  le  a  au  couchant 
la  Montagne  Cronia ,  au  nord  Cleone  > 
ôc au  midi  les  ruines  de  ^Ancienne  Myce- 
ne.     Elevée  fur  les  ruines  de  quelques  au- 
tres villes  qui  étoient  aux  environs ,  tWt  fe 
vantoit  de  n'avoir  point  de  femblabledana 
le  monde  qu^on  lui  peut  comparer  en  ma- 
gnincenee:6cilyaméme  une  tradition  qui 
afîure  que  tous  les  Grecs  voulurent  bien 
prendre  d'elle  le  nom  d'Argicns,   comme 
pour'temoigner  qu'elle  feule  ctoit  fuffifante 
pour  porter  la  gloire  &  la  réputation  de  la 
î^ation  au  plus  haut  point  qu'ils  pouvoient 
fbuhaittcr. 

Son  Règne  comincnça  avec  le  règne 
d'Inachusfon  premier  fondateur  en  Tan 
du  monde  2 197.  6c  continua  5-46.  ansjuf- 
ques  à  Acrifius  qui  fût  tué  par  Perlée  fcn  ne- 
veu l'an  2742.  Plufîeurs  Auteurs  comme 
Patène ,  Clément  Alexandrin  6c  autres  an- 
ciens ont  dit  que  cet  înacus  a  vécu  du  toms 

de 


SECONDE,  PARTIE     ir^ 

de  MoiTc^  mais  Eufebe  fait  voir  le  con- 
traire, ôc  prouve  que  ce  Roivivoic  ^46". 
îinsavanc  que  les  entans  d'Ifracl  forriilcnc 
d'Egypte. 

SUCCESSION 

CHRONOLOGIQ.UE 

DES   ROIS 

D'A  R  G  OS. 

Ans  du  monde. 

2197,  J^^cus^  Régna  <^o\ 

2247.  P^^ororjcus  Régna  60. 

i^oj.  u^pis  Régna '^<^, 

2:^42.  u^rgos  Regf74/o, 

241 2.  Cirafo  Reg-ria  )4' C  a hq 

24(^6.  Phorbas  Régna '^'^.(^ 

2  5D I .  Triopas,  Régna  46-  J 

2547.  Crotopus  Regrta  ii.\ 

25158.  Sthemlas  Régna  11,  \ 

Z57fp.  Danai  Régna '^o.j 

2625;.    /./'«• 


11^      DE  LA  MORE'E. 

2629.   Lïncèe  Re^^nn^x^]^ 

2570.  jihbas  Régna  i-i^.x^ 

2693.   Proeto  Ree-aa  ij.r^'^^' 

2710.  AcriftiS  Régna -^i.j 

2741.  Perfee       fut  le  dernier  Roy. 

Il  y  a  un  Auteur  qui  fait  encore  mention 
de  Magaphentas  f  d?<iy^nax agora ^  de  Me- 
lampe  S,  âc  Bias  qu'ils  font  de  régner  après 
les  Rois  d'Argos. 

Apres  avoir  été  longtems  la  principale 
Ville  de  la  Morée  elle  devint  une  Répu- 
blique j  5c  en  cette  qualité  elle  eut  part  à 
toutes  les  guerres  de  la  Grèce,  comme  il 
fe  lit  dans  Paufanias ,  Moreri ,  6c  Laurem- 
berg.  Aujourd'huy  ce  n'efi:  qu'un  mifera- 
ble  trou  qui  n'a  qu'un  petit  nombre  d'ha- 
bitans  6c  elle  ne  retient  de  Ton  ancien  lur 
ftre  que  Ton  feul  nom.  Or  que  cette  ville 
ait  appartenu  aux  Vénitiens,  c'eil  ceque 
les  hiftoriens  ratifient  Se  que  les  décrets 
rendent  Autentique  6c  s'ils  neiedifentpas 
tous  de  la  même  manière,  ils  s'accordent 
tous  néanmoins  en  ce  point  qu'ils  l'ont 
poiledée  légitimement.  Baudrand  pré- 
tend que  le  Duc  de  Sparte  ayant  offert  de 
la  donner  à  la  Puillànce  qui  voudroit  l'ache- 
ter, ilenreceutenfin  des  grollès  femmes 
de  la  Republique, 

II 


SECONDE  PARTIE.     117 

Ilcondc  par  un  décret  du  Sénat  du  16 
Mars  de  l'an  1333.  que  nous  rapporte- 
rons ci-dellbus,  que  Pierre  fils  de  Fré- 
déric Cornaro  poiredoit  en  mémenems 
Argos  ôc  Napoli  de  Romanie.  Verdiz- 
zoa  aflure  ie  même  6c  ajoute  que  Marie 
d' Anguien  ou  Enguien ,  a[)pellée  par  cor- 
ruption du  mot,  d'Erigano  ,  étant  de- 
meurée veuve  fans  enfans  de  fon  mari 
Pierre,  elle  retourna  Gouverner  Argos 
comme  en  ayant  le  droit  de  Seigneurie, 
Mais  ne  fc  trouvant  pas  en  état  de  s'y  main- 
tenir 6C  de  fe  deffendre  contre  tant  d'en- 
nemis envieux  de  fa  Seigneurie  ,  6c  fur 
tout  contre  Bajazet  dont  i'ambition  étoit 
la  plus  redoutable  elle  offrit  au  fenat  de 
lui  en  faire  ceffion.  Et  cet  ade  de  Marie 
d'Erigano  envers  la  Republique  fe  fit  au 
mois  de  décembre  de  l'année  1388  com- 
me nous  le  failons  voir  avéré  par  une  co- 
pie titrée  fur  Toriginal  qui  cil  dans  îaBi- 
blioteque  d'honorable  6c  noble  Seigneur 
Gio  :  Baptifta  Cornaro  Pifcopia  Prove- 
diteur  de  S.  Marc  digne  decendant  de 
Pierre  6c  Père  de  cette  illuftre  Hélène, 
dont  les  qualités  de  Pefpritétoient  encore 
plus  furprenantes  6c  plus  dignes  d'ad- 
miration que  n'étoient  les  traits  de  la 
beauté    du  Corps    de   T  Hélène  de  la 

Grc- 


u^        DR  LA  MOREE. 

t  Elle  cft^î'c^c-  Qî:ioiqu'elIe  fût  j  encore  dans  la 
worte  à  la  fleuT  dc  foo  âge ,  clle  a  fait  voir  à  Ton  fie- 
defon"nge^  cle  en  fa  perlonne  des  prodiges  de  iumie- 
^  68^^'d  ^^'  res  &:  de  belles  connoiflànces. 
L  ^"iie'de  En  Tannée  14(^3.  la  Republique  fîtfcs 
radoue&  plaintes  à  Mahcnnet  II.  alors  régnant ,  de 

«  été  enfc-  i  i     r   ■    j  •   ^    ^^r  • 

veiie  dans  cc  que  contr€  la  foi  des  traites  il  le  portoïc 
sf  ^ïftitfe^  co  m  m  e  ]  eu  r  enncm  i ,   d'avoir  m  is  A  rgos 
fous  la  diredion  du  FlanibularouSanza- 
chei  de  Corinthe.  Ces  plaintes  ne  produi- 
firent  rien  de  bon^  auprez  de  ce  Barbare; 
c'eflpourquoy  aprez  avoir  délibéré  fur  les 
moiens  de  tirer  railon  de  cette  invadon 
&  de  rinfradion  de  la  paix ,  on  fe  refoluc 
à  la  guerre.  Beitoldo  d'Eftc  qui  comman- 
doit  l'armée  de  la  Republique  en  qualité 
de  Capitaine  General ,  étant  allé  devant 
A  rgos  avec  quinze  mille  hommes  s'en  ren- 
dit Maidre dans  fort  peu  de  temps.  Ceux 
qui  defendoient   la   citadelle   furent   les 
feuls  qui  lui  firent  une  refiHience  vigou- 
reufe  ;  mais  ils  fe  rendirent  bientôt.   Il    , 
arriva  dépuis,  que  ce  General  mourut,    I 
6c  il  fut  ainfi  {Sicile  à  DauchPaiîa  de  met- 
tre en  déroute  l'armée  Vénitienne ,  la  fien- 
ne  étant  corn po fée  de  quatre  vingt  mille 
combattans.    Il  reprit  Argos  en  paflant 
8c  en  même  tems  fit  prifonniers  foixante 
arbaletiers  Candiots  qu'il  fit  mourir  dé- 
puis d'une  mort  cruelle.  O- 


SECONDE  PARTIE.    119 

Ctypie  de  P écrit  cité  cidejjus  tirée  fur 
l'Origind  de  lalîe  conttnu  àms  Hi- 
(loire  mânnfcrite  de  Rafaelio  Canfini 
grand  Chancelier  de  Venïfc  laquelle 
Çert  de  continuation  4.1a  Cronique  du 
Doge  AndreaDandolo. 

Tk    "Y  Ohilis  Vir  Petrus   Cornario  cjuon- 
j^L  (   d<tm    Domini    Fedcrici  ,    domina- 
«JL    tJ   batur  Terris. y    Cafiris  ,   Cr  Fortt- 
liciis^  Argos  ,   tT   Neapclis y   vigore  do- 
tis  ZJxoris  fud  egregut  Domina   Aiaria  fi- 
li£  quondkm  Egregii   Viri  Domini  Guido- 
ràs  de  Engir20y  cjuô  cjuidem  F  être  Corr.ario 
forida  at^îîe,  abfcjuc  liberis  defunclo  ^  if  fa 
loca  Wdnifcjîo  difcrimini  fubiacebant ,  TJe 
ad  mnniis  Turc  arum  ^  feu  Gr^icorumperae- 
nirent  ^  in  cvidens  dammim  pYdfaclx  Do- 
miru  /liari^  ,  ad  quam  de  jurefpeclabcnt, 
Quare  Diicalis  Exccllentia  ,   1^88,   indi- 
çlione   XII.  die  SMathi   12.  decembris  y 
ad  infiantem  [upplicationem  ejufdem  Domi- 
na y  ipfa  lûca ,  C^  Terras  emtt  ah  ea  jnre 
proprioy  Ducatorum    boni  Muriy  €r  jujli 
ponderis    ^lungemorum  felvendorum    Qmni 
anno  in  perpetnnm  ipfi  Domina  AlariéS,  de 
Em^ino  ,  C7"   fm    haredibus   dcfandenti- 

hus. 


ï2o         DE  LA  MOREE 

bus.  Ipfupot€(tte(tari^  O^  perte l^esdimit" 
tere  fingulis  y  Cr  cjuihus  fihi  -placuerit  de 
pecunia  Commmts  Feneti^mm  Ducatorum 
200.  <^un  :  C^  in  ipfn  cafa  Illuflri/JImus  Do- 
minus  Duxy  C^  Commune  Veneti<irum  [mt 
ahÇoluti  nb  ommdebiîo,  C^  preflaiione  ait- 
cui  facienda  de  pecunia^  velaliarepro  di- 
Bis  y  qu^remaneunt^  ^frnt^  perpetuo^Cr' 
libère ,  Cr  abfolutè  prafaBi  Domini  Ducis , 
C^  Commttms  l' cnetiarum,  Infuper  prdîi- 
batus  Domintis  Dux  C^  Commune  f^enetia- 
rum  promifn  ipfi  Domina  Maria  dare ,  O* 
foluere  omni  anno ,  in  vita  fua  îantum  Dh~ 
catos  zoo  auri  de  provifjone,  ultra  fupra- 
fcrip:  Duc:  500  auri.  Si  vero  ipfa  loca perde- 
rentur ,  Illuflriffimus  Dominus  Dux  ,  €r 
Commune  Venetiarum  non  teneaturinaliquo 
haredibus  ipfius  Domina  A4  aria  ,  donec 
îpfe  Dominus  Dux  ^  Cr  Commune  Venetia- 
rum  reacquifiverinty  <^  iterum  pojfederint 
ipfaloca^  Cr'  utrumque  eorum.  Infuper  ipfi 
Domina  Maria  non  potefi  imponi  per  Ex- 
cellentiffimum  Dominum  Ducem,  O^  Do^ 
minum  Venet.  aliquod  gravamen ,  five  onus 
faciendiimpre/}ita  ,  aut  alia4  impofitiones  y 
occafione  iftarum  pecuniarum  quantitatum  : 
Vcrumtamèn  remaneat  in  lihertate  Ducalis 
Dominii  providendi,  difponendo  tantampe-- 
cuniam  Communis  Venetiarum  ad  officium 

Im 


SECONDE  PARTIE,    i^i 

Impreptorkrr) ,  aut  alibi ,  ex  cjua  haheatur 
de  prode  fro  ndim  annmtim  fumma  feptin^ 
gentorum  ducatorum  auri ,  fcrihcndo  ipfum 
capitale  cum  gentilms  fuprafcriptis. 

Cdtentm  pr^fata  Domina  Maria  de  En^ 
gino  motn  proprio,  fpontè  y  Cr  certa  animi 
fcientidy  confideransfàlutem ,  O^  confervA- 
tionemperfoncsy  O^  fiatus  [uipojî  diilum  con^ 
fi/I-ere  in  hcnignitats  IlUtflrijfimi  DhcûUs 
Dominii  Venetiarum  ,  k  que  velut  Ftlid 
benigmjfmètratlaîaeft  ^  Cr  tra^ari  digno^ 
fcitur,  promifu^  Cr  )uYavit  abfquè  requi- 
fitione  alicu'iHS,  provido  Viro  Marco  de 
Raphaelis  Notario ,  velm puhlica  Fer} ona  , 
cr  per  eorumdem  feri  fecit  puhlicum  In- 
flrtmsnîtim  13 88,  die  ij.  Decembris  ^  fe 
toto  î empare  yit^  ft^<^  non  accipere  mari' 
tum^  fîvè  con]ugem  ,  nifi  Nohilem  Civem 
orinnârinm  Fcnstiarum  fuh  pœna  perdendi 
fïàtim  ipfo  faBo  totaliter  pretium ,  Cr  pro^ 
vifîonem  pradiclam  Ducatorum  500  anmi- 
meratim  pro  vretio  di^orum  locorum;  C^ 
fîiprafcripîos  Ducatorum  2OQ  auri  de  pro^ 
vifïone  ,  Cr'  fuprafcripta.  200  Ducat  os  9 
qaos  per  tejîamentum  legare  poteft  in  cafur 
quo  ipfa  morerctur  abfqae  haredwm  ah  e» 
de^cendentthus, 

Exempltim. 

MtxtorHmnum.  ^8.  adCartasi^> 

'  F  1585: 


îii      DE  LA  MORE  E. 

1383.  Die  16.  Mardi  in  Rogat is. 
CAPTA. 

Cum  loca  Nohilis  Viri  Ser.  Pétri  Cornet- 
rh  ôjuondam  Ser.  Phtederici,  fctttcet  u^rgos , 
Cr  Neapolfs  fuerint  y  C^  fint  nd  honorem 
noflriDominUy  €r  pro  omni  bono  refpeBu  ^ 
fYO  flato  noflro  factat ,  quod  ditia  loca  cori' 
ferventur  in  manihus  dicli  Ser.  Pétri  (^dko- 
norem  nofiri  D^minii ,  C?"  ficut  fcntutir ,  ad 
éonfervandum  di^a  loca  expedity  ut  Per- 
fona  difli  Ser.  Pétri  VAdat  ad  diFta  locapro' 
pterpericuUi  (]uapsffent  occurrere, 

Vadit  pars  ^  qté^d  concedatur  di^o  Ser, 
Petro  Cornario  y  cjuod  ipfe  cum  illo  numéro  ^ 
Perfonarum  y  Cr  familtiC.  <jUdz  videbmitur 
Domifiis  Confiliariis  (^apitihus^  Sapientihu^s 
Ordirtum  ,  vel  ma]ori  parti  diBi  Cellegii 
pojfit  ire ,  C^  conduei  frpèr  Galets  Culphi- 
in  proximo  exituris  aâ  loca  fua  précdicia, 
Btiam  cjiiia  in  nuryiero  iflarum  G  aie  arum 
Culphiy  ^ua  armantur  ,  erit  una  G  aléa 
grojja ,  potel^  à  optimè ,  C^  de  nojlra grattât 
iowplaceri. 


DES 


SECONDE  PARTIE.    ii| 
DES 

CONFINS 

DE    L  A 

M  O    R   É   E 

T  Es  Confins  de  cette  Péninluîe  font 
-*-'  comme  nous  avons  dit  les  mers  d'Jo- 
nie,  de  Sapienza  5c  d'Egée  :  on  met  ici 
en  même  tems  la  defcription  des  Golfes 
de  ces  mers. 

LES     GOLFES 

D  E  L  A  M  E  R 
D'  J   O    NI    E. 

P  Ntre  les  Golfes  de  la  Mer  d'Jonie  je 

mctsen  premier  lieu  le  Golfe  de  Lepan* 

F  a  ihe, 


124       DE  LA  MORE'E. 

thâyqnG  les  anciens  nommoientCr/p?///  que 
Strabon  appelle  Helcjoniits,  d'nutres  Co- 
rirîîhiacus  Stms  ÔC  So-phianus  GcUc  de 
Tedras.  lia  cent  miiles  de  longueur  &  va 
du  feptentrion  aux  rivages  de  i^Achaie, 
6c  du  midi  à  ceux  de  la  Morée. 
♦  TegUeua  ^^  Golfe  appelle  '^  de  Fatras  du  nom 
ihft.  dalla  de  la  Ville  Maricime  de  la  Morée  qui  eil 
ifuif''^'  fituée  dans  le  Duché  de  Chiarenza  étant 
environné  en  partie  de-  la  terre  ferme  6c 
en  partie  des  Iles  qui  lui  font  oppoféesde 
front  reilénable  à  un  lac  fpacieux.  En  pre- 
nant la  longueur  au  Nord  il  a  quatre  vingt 
milles  dépuis  riile  de  Sânta  Mraira  jufqu^ 
Touverture  du  Golfe  de  Corinthe.  A  L'o- 
rient il  s^'etend  prefque  dans  une  égale  lon- 
gueur d'un  côte  deiaMorce  en  commen- 
çant dépuis  l'ouverture  du  dit  Golfe  juf- 
ques  au  Promontoire  dnCadelTornefe. 
Au  couchant  Sc  à  roppofîte,  on  voit  à  la 
dîllance  Tune  de  l'autre  d'un  d'etroic  de 
fept  milles  de  Mer,  les  lies  de  Cepbalonie 
6c  de  Santa  Maura  celle-ci  de  «quinze  6c 
Tautrc  de  quarante  milles  de  longueur. 
L'extrémité  ciePlfle  de  Cephalonics^ap- 
proche  à  la  diftance  feulèitlent  de  douze 
milles  de  Mer deriiîedeZanre,  &celîe- 
ci  efl  {ep:irce  du  uenuer  C?>v.dc  la.Morée 
par  un  eipace  de  vingt  cinq  milles. 

Le 


SECONDE  PARTIE.     ïiy 

Le  Golfe  die  de  Chiarenz^a  du  nom  de 
Tancienne  ville  maritime  ,  à  fa  longueur 
du  Cap  Chiarenza  jufqu'au  Caflel  Tor- 
nefe. 

Le  Golfe  d^ji^cadîe  que  Pcolomée 
appelle  Chelonates  ou  Chelonites  S  mas  ^ 
d'âMtvcsrLocardiaft  s  étend  du  C^pTornele 
ju (qu'au  Cap  Jardan. 

Le  Goîfe  Zonchïo  autrefois  appelle  Cy- 
parifiHS  Sinus  ,  à  fon  étendue  dépuis  1& 
Capjardan jufqu'au  Cap  dcSapieoza. 


LES     GOLFES 
DE     LA     MER 

D    E 

s  A  P  I  EN  ZA. 

T  E  Golfe  de  CorQ7j  qui  baigne  la  vilîc 
■*-^  dont  il  prend  fon  nom ,  s'appelle  auiE 
de  GMamata ,  du  nom  de  cette  place  donc 
la  fituation  n'elt  pas  loin  de  fes  rivages* 
Pcolomée  6c  Pline  le  nomment  Mefema-^ 
CHS  Sinus  parcequ^il  étoit  contigu  à  Pan-»- 
F  3  cienne 


T2(?       DE  LA  MORE'E. 

cienne  Province  de  Meficnie  ,  Strabon 
Mejfeni'm  &  d'autres  Coroneus  C^  uift- 
mus  Smm\  il  cil  entre  le  GapGallp  5c  le 
CapdeMatapan. 

Le  Golfe  de  Colochme,  ou  de  Callel 
Hamp^rrti ou àeFlcos  que  Strabon  ôc  Pto- 
lonaée  appellent  Laconicus  Sinus  baigne  de 
feseaux  la  Laconie,  6c  à  Ton  étendue  de- 
puis le  CapdêMatapan  jufqu'auCap  Ma- 
îio  :  ôc  bien  qu'on  k  cosn prenne  ordinai- 
rement dans  la  Mer  de  Sapienza ,  Bau- 
drand  néanmoins  le  met  de  la  MvT  de 
Candie, 

"i  J   ( 

LES    GOLFES 

DELA    MER 
E      G     E     E 

DU     COTE'    DE     LA 

MO    R  E    E. 


E  Golfe  de  Napoli  de  Romame  prend 
fon nom  delà  ville ainfi  ditte,  il s^étend 

fore 


SECONDE  PARTIE.     127 

fort  au  long  dans  la  Morée  entre  les  deux 
Gaps  S.  Angelo  6c  Sckiii  :  on  Pappelloic 
autrefois  ^rgolicus  Smus ,  parcequ'il  bai- 
gne l'ancienne  A  rgie. 

Le  Golfe  (PEn^ia  ed  feparé  de  celui 
de  Lcpanthe  par  rifthme ,  il  comprend 
un  grand  nombre  d'iiles  6cd'£cueils.  On 
la  appelle  Saronicus  Sinus  de  la  Rivière 
Snron^  Ptolomée  6c  Pline  le  nomment 
Salamtniacus  de  PIfle  de  Salamis ,  Strabon 
rappelle,  Elenfiniis  6c  fi  Ton  en  croit Pin- 
tianus ,  on  TappcUoit  encore  Hermomcus 
Sims,,  en  dernier  lieu  onl'nppelieâ/'£^^- 
na  tirant  cette  dénomination  de  Tlile  ainil 
ditte  qui  eft  vers  le  milieu  du  Golfe  5c 
a  Ion  étendue  entre  l'Attique  au  Septen- 
trion 6c  la  Saccanie  au  midi  de  quatre 
vingt  milles  de  circuit  félon  M»  Spon^  bor- 
née par  les  Caps  Colonne  Se  Sckiii, 


F  4  DES 


iî8      DE   LA  MORE'E. 

DES     ILES 

ET   ECU  E  ILS 

QUI  SONT  AUX  ENVIRONS 

DELA 

M    O    RÉ   E 

ET  DE  LA  MER 

D  J   O   N  I  E. 

ISLEDE  CORFU. 

P  Ntre  les  lies  de  la  Mer  d'Jonic ,  de  la. 
•^^  domination  de  la  Republique  de  Ve- 
niie,  l'IfledeOr/^/n'effc  une  des  plus  con- 
fiderables.  Elle  eft  vers  l'extrémité  du 
Golfe  de  Venife  ôc  dans  la  Mer  d'J onie.  ■ . 
Cettç  lile  a  ea.anciçnnemciit  divers 

nom§ 


SECONDE  PARTIE,    ti^ 

noms  y  Homère  l'appelle  Scheria  ,  CXu 
macus  Drepano  qui  fignifîe  dans  la  langue 
Greque  faucille.   D'autres  Pont  nommée 
Ejifa  y  Corintoa  &  les  Poè'ccs  Pheacta  de 
M  acrid  e  nou  rrice  d  e  D  enis  Ma  cria  ;  P  or- 
cacchi  Ejjifo  ,   d'aun^es   Caffiopea  ,    ^r- 
gos  y  CermniAy  Ôc  Denis  dans  Tes  com- 
mentaires C (7 r^'r^  d'autres  Cercira ,  lequel 
nom  a  été  changé  enfm  par  le  peuple  oxi 
celui  de  Corfù  dont  on  l'appelle  à  prefent:. 
Si  elle  n'eft  pas  la  plus  grande  lile  delà 
Mer  Méditerranée,  elle  lefl:  aumoinsde 
la  Mer  Adriatique  :  Lxs  Geans  Pont  habi^ 
tée.   Si  longueur  félon  Pline  efl:  de  94.. 
milles  6c  félon  Volteran  de  97  milles  d'Ita- 
lie :   cependant  cette  mefure  ne  repond 
point  à  ctWc  qu*eile  a  aujourd'hui  qu'on 
trouve  de  beaucoup  moindre;  peut  être 
qu'on  avoit  compris  avec  cette  lile  ccWq 
de  P^;i'(7 laquelle  a  ce  queditParutaétoic 
unie  a  CorFù,  dont  elle  fut  feparée  àPc- 
fpace  de  dix  millepardes  tremblemensdc 
terre,  comme  il  eft  arrivé  aux  lies  de  S, 
MauradeChipreôcde  Sicile.     A  prefanc 
Plile  de  Corfù  n'a  de  longueur  du  cou^ 
chant  au  Levant  que  foixante  dix  milles 
^  20  de  Pargeur  du  Cap  devers  le  cou- 
chant, 6c  de  celui  du  levant  12,  aux  au- 
tres endroits  plus  ou  moins  ;  de  manière 
F  f  que 


i^<r-      DE  LA  MORE'E. 

qiicroutioiicirciiiteftde  120  milles.  Elle 
eft  éloignée  au  Lcvanc  du  Cap  d'Otran- 
to  d'environ  do  milles  de  Vcnifeyoo.  Au 
Septentrion  ,   par  le  Promontoire  où  eft 
1  Ecueil  du  Serpent ,  elle  confine  avec 
ihpircaiadifbnce  dY^nviron  un  mille,  6c 
par  i^autre  qai  regarde  au  levant  de  20. 
milles.    Ces  deux  Promontoires  forment 
un  fein  de  Mer  qui  s'appelle  commune- 
mcm kCamUeCorfè.    J'ifle  eft  affifeau 
|i  Se  41  degré  de  latitude  Septentrionale 
5c  au  degré  44  &  45  de  longitude  en  com- 
mancant  le  :  premier  degré  dans  la  partie 
la  plus  occidentale  de  IHÛq  de  Fer.  Sa  fi- 
gure tient  comme  nous  Favons  dit  de  la 
reflemblance  d'une  faucille.    Sa  Ville  efl 
htuée  dans  le  milieu  ,    Rir  un  promon- 
teire  qui  avance  en  dehors.     Cette  fi- 
gure a  donne  lieu  àîa  fable  des  Poètes  que- 
la  DeefieCerés  demanda  lafaucilled  Vul- 
can  pour  la  donner  à  Titan,  5c  que  l'ayant 
obtenue  elle  la  cacha  dans  la  partie  la  plus 
intérieure  de  Pliîe;  maisenfuite  cette  fau- 
cille ayant  été  rongée  par  le  fins  continuel 
de  a  Mer  elle  laifia  la  figure  empreinte 
iurla  terre.  Ceque  rinterpretedePHifto- 
rien  iienee  rapporte  dt  encore  plus  fabu- 
ieux,  que  Saturne  ayant  coupé  les  parties 
génitales  de  Celo,  ou  bien  Jupiter  celles 

ds 


SECONDE  PARTIE,     ijî 

de  Saturne  avec  la  faucille,  il  les  jettaauf- 
fi:ôc  dans  la  Mer  ,  donc  il  naquic  deux 
mont.ignes ,  fur  lefquelles  furent  fondées 
danslafaittc  des  tems  les  deux  invincibles 
fortereflès  de  Corfù:  ôc  afin  que  cette  ac- 
tion demeurât  éternellement  dans  lame- 
moire  des  hommes  ,  Viilc  prit  la  figure 
d'une  faucille. 

Cette  Ifle  c(l  divifée  en  quatre  parties 
que  ceux  du  pais  appellent -^^/^>.  La  pre- 
mière veri  l'Orient  e(l  nommée  Lefchimo 
patMarmora,  6c  Leuchino  par  Porcacchi 
6c  par  Thucidide  Leucimne.  La  féconde 
du  coiQ  du  couchant  eft  appellée  Laghiro 
oUy^^/V/i.  LéiiYOxÇiéva^ Mez^z^e.  Laqua- 
triéaie  Loi'os  ou  Oros.  Chacune  de  ces 
parties  à  fes  détroits  &  lès  territoires.  On 
y  reipire  par  tout  un  air  très  epuréSc  très 
\2Àn  comme  Ton  le  peut  conjcélurer  des 
forets  d'Orangers  &  de  Cèdres  qu'on  y 
cultive:  6c  les  Poètes  avoient  bien  raifon 
de  chanter  tant  de  merveilles  des  Jardins, 
du  rioi  Alcinousqui  demeuroit  dans  cette 
Ifle.  Le  terroir  ti\  aulTi  très  fertile,  il  y  a 
abondance  de  grains  de  Miel  6c  de  Cire, 
grande  quantité  de  vin ,  il  s'y  fait  de  Thuile 
d'une  bonté  finguiiere  ;  on  trouve  des 
belles  plaines  dans  la  partie  Septentrio- 
nale. 

F  6  Dans 


ÏJ2        DE   LA  MORE'E 

Dans  le  premier  Territoire  âcLefcbime, 
où  feconfcrvent  encore  quelques  traces  de 
Fàncienne  6c  Epifcopale  ville  de  Gardichi^ 
à  la  diftance  de  deux  milles  de  la  Merde 
Garhinoy  il  y  a  une  fontaine  qui  la  rendu 
fameux  5.  laquelle  après  avoir  Fait  une  pe- 
tite rivière  le  va  jetter  dans  la  Mer  :  ies 
eaux  fervent  à  faire  travailler  plufieurs 
moulins.Ce  territoire  comprend^vmgt  cinq 
Bou  rgs  (l'un  nombre  de  dix  mille  habitan?^ 
le  plus  grand  de  tous  appelle  Potamos  à 
caufe  du  Canal  qui  le  partage  &c  qui  ell 
habité  par  des  perlonnes  civiles  6c  commo- 
des ne  meritedepailcr  que  pour  un  village» 
11  y  a  unCanal  pour  les  vaificaux  qui  vont  à. 
ja  M^r. 

Le  Territoire  qq  Lachira  ou  ^giruTiXi 
couchant  dePifle  efl  abondant  en  toute  for- 
te de  chofes  neceflaires ,  il  y  a  huit  mille  ha- 
bitons en  vingt  Villages  6c  il  y  en  auroit  bien. 
encore  davaniage  (i  les  Africains  n'etoient 
venus  démolir  la  Ville  quictoit  bâtie  dans. 
unePeninfule,  oùeft  à  prefantunMona- 
ilere  d  un  bon  nombre  de  Religieux  qui 
ont  conHicré  leur  Eglife  au  nom  de  la  S. 
Vierge ,  Z<  s^appelle  Palio  CaJIrizza.  Le 
Château  appelle  ^ngeb  C^firon  que  TEm- 
pereur  Michel  Comncne  fit  bâtir  fur  le. 
Promontoire  FakcYnm  fe  nomme  â  prefant 
S,An£c!ç,  ~      "  Lq 


SECONDE  PARTIE.    ï^^. 

LetroificnieTcrritorie  appelle  Mezzo  i 
dans  lequel  ell  (îtuée  la  Ville  de  Corfii, 
a  voit  autrefois  une  plus  grande  ville.  Dans 
l'étendue  de  foixante  mille  de  poilefîion 
il  y  a  trente  chateaiix  ou  fiefs. feigneuriaux 
&  Villages,  qui  enfcmble  avec  la  capitale 
contiennent  vingt  cinq  mille  pciTonnes. 

Le  quatrième  Territoire  appelle  Loros 
ou  Oros  dans  l'étendue  de  quarante  cinq . 
milles  Se  dans  vingt  cinq  lieux  contient  un 
nombre  de  huit  mille  habitans.    Cajfiops. 
aujourd'hui  Cajfopo  viîle  très  fameufe  en 
étoit  anciennement  la  capitale.  L/ille  n*a. 
point  proprement  des  Rivières  j  car  quoi- 
que du  côté  de  Garbinio  il  y  en  ait  une 
qu'on  appelle  Mefongi ,  qui  prend  fa  four- 
ce  dans  l'endroit  où  étoit  la  fortereiîè  ap-. 
pelléc  Cardicchi  y  on  doit  plutôt  lui  don- 
ner ,  aufli  bien  qu'aux  autres  qu'on  y  voitg.. 
le  nom  de  Torrent  que  de  Rivière. 

Les  Hidoriens  ne  conviennent  pas  fur 
l'originedes  peuples  de  cette  îfle,  comme 
on  le  peut  voir  dans  l'Hiiloire  de  Corfù. 
écrite  par  Marmora:  cependant  tous  ou 
les  plus  grand  nombre  de  ces  habitans  d'aur 
JQUrd'hui  font  Grecs  £c  vivent  félon  Je  rie 
de  l'blglife  Greque.  Enftachia 

Un  hiftorien  remarque  que  PIfle  de^opra 
Corfùi ut  autrefois  confiderablement  puif-   ^°'"^'* 
F  7  fante 


1^4        DE  LA  MOREE. 

fante  fur  la  Mer  &  que  dans  le  temsde  la 
guerre  des  Perfes  6c  des  Grecs  elle  mit 
trente  Galères  armées  en  Mer.  Les  Hifto- 
riens  Grecs  ne  font  pas  les  feuls  qui  font 
une  mention  honorable  de  cette  Kle;  car 
outre  ce  qu'en  dit  Thucidide,  en  parlant, 
des  guerres  de  la  M^rée  dans  lefquelles 
les  Corcyreens  prirent  part  diverfes  fois ,. 
on  voit  enrore  dans  Tire  live  que  dans  Par- 
mée  de  (T  Fui  vins  Flavus,  ils  receurcnt 
l\^rdre  de  garder  la  côte  de  la  Calabre,  éc 
qu'ils  allèrent  à  la  pourfaite  des  Ambaha- 
deursdcGarthage  qui  dévoient  àlafoîli- 
citation  d'Annibal  ,  faire  une  ligue  avec 
Philippe  Roi  de  Macedoine:6c  ces  Ambafla- 
deurs  ayant  été  conduits  devant  le  Capitai- 
ne General ,  il  les  envoya  à  Rome, 

Les  peuples  de  cette  Ifle  après  avoir  été 
longtems  fous  la  domination  des  Roix  de 
Naples  ,  ennuyez  enfin  d'être  toujours 
adlijettis  aux  fréquentes  agitations  de  ce 
royaume  ciffrirent  de  fe  ranger  fous  Pobeif- 
fance  de  la  Republique  de  Venife.  Les 
Corcyreens  communiquèrent  leur  deflèin 
a  Gio.  Penelafco  qui  ctoit  alors  à  Corfij 
en  qualité  de  Con(ul  des  V^enitiens,  celuici 
porta  Pavis  au  Sénat  :  Et  parce  que  le 
Prince  de  Tarante  vouloit  faire  valoir 
quelques  prétentions  5  on  députa  vers  lui 

le 


SECONDE  PARTI  E.  135» 
le  Secrétaire  Pietro  Compitelli  ou  Cam- 
pitelli  pour  lui  reprefenter  le  péril  qui 
s'enfuivruit ,  fi  Tifle  venoit  à  tomber  encre 
les  mains  des  ennemis ,  ÔC  on  trouva  inoicn 
avec  une  bonne  (bmme  d'argent  de  con- 
tenter ce  Prince, 

Au  rapport  de  Porcacchi,  l'Iflefê  ren- 
dit vaflaie  de  la  R«  publique  Pan  ip2; 
Quoique  Gio  :  M'ani  Gîpiian  du  Golfe 
n'en  prit  la  poileflion  des  mains  de  Riccar- 
do  AltavilU  &C  de  Gio.  AlelTio  Cavaîila 
que  le  9  Juin  1327.  Cependant  Marmo- 
ra  aiTure  que  cette  prife  de  polît ffion  fc 
fit  le  20  ou  mois  de  mai  de  Fan  1^86.  6c 
cet  hiftorien  nous  afiure  qu'il  la  tiré  des 
écritures  authentique:^  qui  l'ont  dans  les  ar- 
chives. Toute  cette  affaire  fût  ménagée  6c 
conduite   par  un  Religieux  Conventuel 
de  l'ordre  de  S.  François  appelle  Padre 
MaellroGiulioVanello,  homme  capable 
êc  fort  eftimé.  il  fit  fi  bien  qu'il  afîembla 
les  principaux  dans  l'Eglifc  de  l'on  con- 
vent  qu'on  appelioit  alors  de  S.  Angeloj 
gcfit  remettre  entre  les  mains  du  Capitan 
Miîii'ii  les  clefs  des  portes  de  la  Ville  avec 
une  cefiion  de  l'autorité  i^ur  la  Ville.  Les 
Rcprefantans  de  la  Republique  viennent 
chaque  année  6c  à  pareil  jour  dans  cette 
EgUfe,  accomp3gne2  du  Corps  des  offi- 
ciers j 


13^       DE  LA  M  OREE. 

ciers,  devant  Icfquels  le  Proto  Papa  re* 
nouvcjé  la  mémoire  de  cette  nftion.  Je 
dois  ajouter ,  que  le  Prince  a  ailigné  à  cet- 
te Eglife,  pour  marque  de  fa  reconnoif- 
fance  envers  l'ordre  feraphique  deux  du- 
cats par  an  don  le  payement  cfl pris  furlri. 
chambre  Fifcale  de  Corfù. 

Les  Vénitiens  ont  podedé  cette  Me  de 
cette  manière,  jufques  à  Tan  1401.  en 
quel  tems  Ladiflas  Roi  de  Naples  Fils  de 
Charles  par  le  moien  d'un  debourfemcnt^ 
de  trente  mille  ducats  la  céda  libre  à  la 
Republique. 

Elle  s'eil  toujours  maintenue  (bus  le 
Gouvernement  des  Vénitiens ,  qui  l'ont 
gardée  &  défendue  ,  comme  leur  étant 
fore  neceflaire  pour  conferver  l'empire 
delà  Mer.  Car  elle  a  de  bons  ports  6c  l'ar- 
mée Cï  peut  refaire  avec  beaucoup  de 
commodités  outre^  qu  elle  ed  dans  une 
iltuation  commode  pour  la  deffenfe  des 
autres  liles  Se  Etats  du  Levant  6cl peut 
empêcher  l'entrée  du  Golfe  à  une  armée 
ennemie  qui  n'oferoit  ians  doute  paHèr 
plus  avant  6c  laiiTcr  derrière  une  armée 
qui  pourroit  le  combattre  dans  un  porte 
très  avantageux.  Ccd  donc  avec  raifon 
qu'on  l'appelle  la  porte  du  Golfe,  6c  le 
icmpart  de  l'Italie  contre  les  Barbares. 

Dans 


SECONDE  PARTIE.  137 
Dans  ces  derniers  tems,  que  les  forces 
des  Ottomans  fe  font  de  beaucoup  aug" 
mentécs ,  la  Republique  a  fait  dans  cette 
lilcy  pour  îe  bien  commun  de  la  Chré- 
tienté, des  depenfes  extraordinaires  en 
batimcns  6c  en  fortifications  pour  rendre 
la  FortereOe  imprenable.  Auffiy  a-t-on 
reuflî.  Sur  le  milieu  du  Cercle  de  i'iiîc 
s*eîeve  en  dehors  un  ecueil  de  roche  vive 
flir  lequel  eft  bâtie  la  vielle  Forterc(îc  en" 
vironnée  de  Mer  de  toutes  parts ,  excepté 
à  fa  face  du  côte  de  terre ,  où  elle  eil:  flan- 
quée de  deux  Bouîevarts  avec  leur  Cour- 
tine 6c  un  bonfode  qui  va  d*un  côte  de 
McràTautre.  Au  deilbus  de  laForterefiè 
cd  fituce  la  Ville,  à  laquelle  eil  attachée 
la  Fortereflè  nouvelle ,  élevée  fur  le  mont 
de  S.  Marc  avec  des  depenles  infinies  pour 
fiiirc  front  6c  pour  commander  le  Mont 
d'Abram  qui  cil  vis  à  vis  ^  qu^onadebeaa- 
coupjapplani  depuis  quelque  tems. 

I.a  Ville  a  la  gloire  d'avoir  donné  nnif^ 
fance  à  Ence,  &  elle  a  aujourd'huy  le  ti- 
tre dWrcheveché.  La  République  y  en- 
voyé fix  Nobles  pour  y  prcfiuer  au  Gou- 
vxrnement,  qui  demeurent  ;dcux  ans  ea 
office.  Le  premier  a  le  titre  de  Baile,  le. 
fécond  de  Provediteur,  le  troifiéme  de, 
Capitan6c  celui  ci  avec  le  quatrième  font 

Con-" 


Ï3  8      DE  LA   MORE'E. 

Confclîiers.  Un  demeure  dans  la  citadelle 
de  la-  vielle  Forterefiè  ,  Tautre  dans  la 
Ville,  le  cinquième  qui  eft  le  grand  Ca- 
pitan  a  la  nouvelle  Forterefiè  pour  Ton  de- 
parremenr  &  logement,  &  le  fixiémeeft 
Chaftciain  du  Fort  appelle  delU  Campam, 
dans  la  vielle  viilç. 

L'an  1537.  Barbcrouffe  vint  feprefen- 
ter  devant  PJfle  ddU  Cawpatia  avec  une 
armée  de  vingt  cinq    mille  Turcs   qu'il 
Gommandoit  par  ordre  de  Soliman.    Les 
Turcs  etoient  munis  de  trente  pièces  de 
Ganon.  Hsdevei-ent  quatre  cavaliers  &. 
y  dreHcrent  des  batcnes;  maisàcaufede 
la  grande  diftance,  les  boulets  ne  purent 
point  faire  brèche  â  la  muraille.   Cepen- 
dant l'artillerie  de  la  grande  Fort ereflefai- 
foitde  terribles  ravages  dans  Tarmce  & 
fur  la  floue  des  Turcs ,  cinq  deîeuro  Ga- 
lères coulèrent  à  fonds  6c  celle  de  Barbe- 
roufîe  ne  fut  pas  hors  de  Tatteintedesca» 
nonades.  Durant  ce  fiege  la  Republique 
dépêcha  un  Ambafladeur   extraordinaire 
a  Rome  ,   pour    rcprefenter    au    Pape 
&  par  le  Pape  à  l'Empereur,  quels  mal- 
heurs  attireroit  la   perte  de   Corfù  au.^ 
Royaume  de  Naples  à  la  Fouille  à  la  Si- 
aie  &  a  toute  ritalie  3  ôcqu^ainfiil  fiten- 
iorte,  que  l'Empereur  envoyât  cinquan- 
te 


SECONDE  PARTIE.     139 

te  Galcres  avec  cinquante  Navires  corn- 
me  il  en  avoic  donné  autant  autrefois  con- 
tre les  Turcs,  pour  joindre  'dUK  cent  Ga- 
lères, aux  Gai  races ,  aux  trois  Galions 
ôc  au  bon  nombre  a'autres  vaiiieaux  que 
la  Republique  avoit  en  Mer. 

Le  Pape  s'appliqua  d'abord  à  cette  af- 
faire pour  Procurer  un  û  grand  bien  à  la 
Chrétienté  ;  mais  les  foins  turent  lans  fuc- 
cez:  Ainfi  la  Republique  fit  feule fes  ef- 
forts, pour  s'oppoferaux  Ottomans ôcles 
reduifit  à  lever  honteufementlefiege.  J^ar 
ce  moien  Timportante  place  de  Corlù Te 
trouva  délivrée. 

L    E    S 

PETITES  ISLES 

Ou  Ecueils  aux  environs 
D    E 

LISLEdeCORFU. 

FA N A R I  ou  bien  Ottoms  eft  une 
petite  Ille  au  couchant  de  PIÛc  de 
^  Cor- 


140       DE  LA  MORE'E. 

Corfu  à  laquelle  elle  cd  foumife,  à  la  dr 
fiance  de  quinze  mille  du  Cap  Agirk  de 
la  même  Ifle,  8c  de  celui  de  Santa  Maria 
ou  bien  d'Ottrante  de  50.  Elle  a  huit  mil- 
les de  circonférence,  Tes  habitans  font  au 
nombre  de  deux  cens,  Ton  terroir  eft  fer. 
tile. 

LA  SERPA  eftun  ecueiî  dans  un 
^ttïQM  vers  Cafopo  encre  CorFù^  & 
rEpire.  C^eft  un  rocher  qui  s^elcve  au- 
deflus  des  eaux  ôc  au  pié  font  dVutres 
ecueils  couverts  très  dangereux  à  ceux  oui 
font  voile  par  là.  ^ 

SANT   VIDO,  ou  félon  les  An- 
ciens la  petite  Ifle  de  Pitia  efl  un  ecucil 
en  face  de  îa  Ville  de  Corfu  dont  elle  n'eit 
éloignée  que  d\in  mille  6c  demi  :  elleefl: 
toute  remplie  d'Oliviers. 
CONDILONISI  e/l  un  ecueil 
tSlîl  ^"  ^^"^^^^"^  *  àc  1 7fle  de  Corfù ,  de  roche 
OHcji  Nor-vivQ,  iiir  laquelle  naiObient  autrefois  des 
"''fi'       Canes ,  qui  fervoienc  de  plumes  à  ecri- 
re.   11  y  a  là  une  Eglife.  confacrée  à  la  S. 
Vierge. 

SANT    DEMETRIO  eft  une 
petite  Ifle  dans  laquelle  il  y  a  une  Ladre- 
ne,  dont  le  bâtiment  à  toutes  les  com- 
modités ,  c'efl:  pour  l'ufagc  de  ceux  de 
Gorfu.encasde  neceffité.  On  voie  auprez 

de 


SECONDE  PARTIE.     141 

de  cette  petite  Ifle  une  roche  blanche  éle- 
vant fa  pointe  au  clefius  des  eaux  de  la  Mer 
6c  qui  reilcmble  de  loin  à  un  navire  quia 
les  voiles  déployées.  Aufli  cette  figure 
donna-  t-cllclieu aux  Payensde  dire ,  que 
cette  roche  s'etoit  formée  du  navire 
d'*iJii{le  qui  fut  fubincrgé  en  cet  endroit 
ôc  dépuis  changé  par  les  Dieux  en  un 
ecueil. 

P  A  X  O  ed  une  petite  ïde  qui  n'eft 
pas  inférieure  aux  autres  qui  font  aux  en- 
virons de  Corfù  foit  pour  la  fertilité  6c  Ta- 
bondance  des  chofes  neceilaires  à  la  vie, 
foit  pour'  pour  le  nombre  âc  fes'  habitans. 
Bourdon  l'appelle  Pacfu^  Porcacchi  Pa^ 
chifo ,  Pline  Erivufa  6<:  d'autres  Paxu  Aia- 
j>r,  Cette  me  eft  fituéc  au  ^  midide  Cor-  J/,';/ 2^ 
fu  à  la  di fiance  de  cent  mille  du  Cap  S.  midù 
ifidore  dans  Cefalonie  6c  douze  milles  de 
TEpire.  Porcacchi  la  croit  de  dix  mille  de 
circuit,  8c  d'autres  lui  en  donnent  vingt 
cinq.  Du  coté  du  Vent  iVîaëftral  ,  elle  a 
le  port  S.  Nicolas  où  peut  entrer  un  na- 
vire de  quelque  grandeur  qu'il  puiilè  être; 
à  rentrée  il  y  a  un  un  ecueil.  Duponent 
*  à  Gaibin  e(l  la  vallée  S.  André  qui  e(l  *  /<« 
commode  pour  les  ealeres  ;  L'autre  vaiee 
au  Siroc  s'appelle  Vromo  Limione,    Du 
côte  de  l'Oilro  Siroc  eft  i'ifle  appellée  Jn- 

ù- 


doikfi. 


i^z       DE  LA  MORE'E. 

tipaxti  allez  ferr.'e  mais  dcrertée  :  ceux  de 
Paxu  y  vont  f:ure  la  récolte.  Entre  ces 
deux  petites  Ifles  oppofécs  'il  y  a  un  fonds 
extraordinaire.  Dans  le  canal  qui  tfl  entre 
ces  lies  &  la  terre  fern  e,  il  y  a  Uiiccueil 
epouventablc  prelque  a  fleur  d'eau  ceux 
milles  loin  de  Paxo-,  11  y  a  dès  gens  qui  fe 
perfuadent  que  Paxo  ttoit  autretbisunieà 
Corfii  ,  6c  qu'elles  ont  été  feparées  par 
Peffort  des  Vagues  de  la  Mer. 


LES     ILES 

CURZOLAIRES. 

LEs  Cur\oiaires^qucStr^hoY\  6c  Pline  ap- 
pellent autrement  Echitiades  6c  Etien^ 
ne  Echinœ  font  cinq  Ifles  de  la  Merdjo- 
nie  dans  le  Golfe  de  P.;tras,  dont  les  plus 
grandes  font  Same  6c  DuUchio.  Celles-ci 
qui  ne  font  quà  un  mille  loin  du  continent 
regardent  Lepanthe  au  levant  à  la  di- 
ftance  de  trente  cinq  milles  :au  couchant 
à  la  diftance  de  quarante  cinq  milles  elles 
regardent  Tlile  de  Santa  Maura,  ôc  en 
plus  droite  ligne  le  Canal  Guifcardo ,  dont 

elle 


SECONDE  PARTIE.     143 

elle  eft  fcparée  par  un  efpace  de  foixatite 
milles.  Au  Nord  elles  fuivent  la  terre  fer- 
me 6c  au  midi  elles  font  vis  a  vis  du  Canal 
deZanteàladiftancede  quatre  vingt  mil- 
les. Leur  peu  d'étendue  les  auroit  (ans 
doute  laide  demeurer  dans  Toubli  8c  fans 
confideration ,  n'écoit  que  la  glorieule  ex- 
pédition de  l'année  1 571.  les  a  rendues  fa- 
meufes. 

Les  Anciens  ont  penfé  que  ces  Ilesavo- 
lent  été  formées  ôc  tiré  leur  origine  du  fa- 
ble 6c  du  limon  qu'attirent  en  cet  endroit. 
Les  flots  impétueux  du  Fleuve  Achelous. 
Les  Auteurs  des  fables  difentque  ce  furent' 
trois  belles  Nimphes ,   lefquelles  faifanc 
dcsfacrifîcesàtous  les  Dieux  s^'abftinrcnt 
défaire  le  même  honneur  au  Dieu  Ache- 
I0US&: qu'au  contraire  elles  tournèrent  en 
ridicule  fi  divinité  6c  la  couvrirent  de  mé- 
pris 6c  de  plufieurs  injures  piquantes  ôc 
groffieres.  C'eil  pourquoi  le  Dieu ,  ;  pour 
tirer  fur  ces  Nimphes  une  vengeance  pro- 
portionnée à  la  grandeur  de  Ton  reflénti- 
menr,  les  précipita  dans  la  Mer  ,  d'oij 
enfin  elles  (ortirent  transformées  en  Ifles. 

On  lit  dans  Homère  que  du  tems  de 
TEmpire  des  Troyens  Me^zetes  ponédoit 
ces  lilcs  avec  les  autres  qui  lont  aux  en- 
virons. 

L'ISLE 


144       DE   LA  MORE'E. 

LIS     LE 

D     E 

LEFCADE 

ou  DE 

SANTA-MAURA. 


T  "Me que  nous  appelions  aujourd'hui 
•*-'  Ltfcade  ou  de  Santa  Maura.  Ptoîo- 
mée  l'appelle  Leucus^  Strabon,  Pline  6c 
y{é^  Leucadia,  Elle  eft  dans  la  Merd'Jo- 
nieàla  diftancede  neuf  milles  de  Cefalo- 
jiie  6(!  vingt  cinq  des  lies  Curzolaires.  Elle 
étoi^iin  cems  unie  à  PAcnaie,  mais  elle  en 
fut  diviiee  par  ceux  du  païs  qui  en  firent 
unelfle,  quoiqu'elle  ne  demeura  pas  long 
teins  ainfi  fepàrée;  car  par  Tin jpetuofité 
des  vents  l'intervalle  de  la  divifionfe  trouva 
bientôt  rempli  de  fable  qui  formant  une 
efpece  d'Iilhme  par  lequel  elle  fe  reunillbir, 

elle 


SECONDE  PARTIE.     145 
clic  fat  appelléc  une  Peninfulc,  Cet  Ifth- 
me ayant  été  ruiné  on  y  a  fuppléé  par  un 
pont  de  bois  continué  fur  les  petites  Ifles 
qui  font  réparées  par  des  petits  cânaus*  Cec 
Ifle  a  bien  70  milles  de  circuit,  il  y  a  en 
abondance  des  grains,  du  vin,  des  huiles, 
du  tabac  6c  de  toute  forte  de  fruits.  Outre 
Santa  Maura  à  laquelle  elle eft unie,  elle 
contient  trente  villages  dont  les  principaux 
{ont  Trini y  u4polpenay  Sfarchiotes^CarU^ 
Az.z.amy  Vurnica  ^  Scuiro  y    Soin  Pietro, 
Englovi^   Draganoy  Englimento:  8càme- 
fure  qu'ils  ont  été  abandonnez  des  Turcs 
fugitifsjils  ont  été  repeuplez  6c  fe  repeuplent 
tous  les  jours  des  Grecs  de  terre  ferme.  II 
yaplufieurs  ports  qu'on  appelle  Demata^ 
Santa  Maura  ^  Scivoto  y  Englimcnoy  Val- 
lomà\  /^^//?^^i  dont  les  deux  premiers  font 
les  plus  conliderables.  Outre  cela  cette 
Ifle  a  une  plage  naturelle  qui  fert  de  retrai- 
ce  aux  Galères  6c  aux  Galeaflés  des  Véni- 
tiens dans  les  guerres  qu'ils  ont  à  prefant 
contre  la  porte  Ottomanne.   H  fort  auHi 
\  de  fon  continent  trois  Promontoires  l'un 
qui  s'appelle  ^'^«^«/ci,  6c  les  autres  deux 
le  Cap  Englimeno  6c  le  Cap  Ducat 0.  Aux 
environs  font  les  Ecueils  de  ^S".  Ntcolo  de 
!    Sparti^  du  Scorpion  ,  de  Figlia,  de  Ma- 
gmfci  k  ds  Sejjola  dans  lequel  on  trouva 
G  une 


ur>        DE  LA  MOREE 

une  grande  quantité  de  rats,  auffi  rap- 
pel le -t- on  encore  recueil  des  rats,  Scogliê 
de  S  or  ci  > 


h  h     VILLE 

E    T 

FORTERESSE 

D    E 

SANTA-MAURA. 


T  A  cite  Se  Fortereflc  de  Sama  Maurs 
'*-'cfl  environnée  des  eaux  de  la  Mer 
d'Jonie  5  Se  fe  trouve  fituée  entre  l'Iiîc 
Lefcade  6c  la  Terre  ferme  ,  s'uniflant  à 
celle  ci  par  le  moien  de  plufîeurs  petites 
Mes  qui  fe  communiquent  l'une  d  l'autre 
par  des  Ponts,  6c  par  Ton  Pont  propre  6c 
par  un  fomptueux  Aqueduc  de  picrrc'long 
d'environ  un  mille ,  Ibutenu  de  trois  cens 
Soixante  Arcades.   A  l'orient  eUe  a  une 

lan- 


Sois 


H  D 


A    c 


SECONDE  PARTIE.    147 

langue  de  fable ,  qui  s*etendant  à  unejufte 
longueur,  forme  le  Port  de  Damata.  Ses 
Murs  font  élevez  en  figure  Eptagone  irre- 
guliere  avec  des  furangles  6c  flanqués  de 
cinq  grofles  tours.  *  •  santi' 

Elle  a  foutenu  diverfes  guerres  pour  fa  YoinTefîe- 
deffenfe  6^  quoiqu'elle  cil  oppoié  à  fes  w/*  de  19. 
ennemis  une  refiftence  vigoureufe  ,   elle  pi„ru4* 
n'a  pas  îaifle  de  pafièr  tantôt  fous  la  Tyran- 
nie des  Turcs,  tantôt  fous  la  domination 
des  Vénitiens.  En  l'an  1479.  elle  fut  at- 
taquée par  l'armée  des  Turcs,  &  en  mê- 
me tcms  enlevée  des  mains  de  certains 
Princes  Grecs  qui  la  pofledoient. 

En  l'an  1 502.  Tarmée  Vénitienne  Ibus 
le  commandement  du  Capitaine  General 
Pefîiroqui  n^'entreprenoit  aucune  expédi- 
tion fans  en  remporter  de  la  gloire,  ayand 
r^folu  la  conquête  de  Santa  Maura  les  Vé- 
nitiens s'y  conduifirent  fi  bien  Sc  avec  tant 
de  valeur  qu'ils  en  chafierent  les  Turcs 6C 
mirent  en  place  du  croiflànt  Ottoman  TE- 
tendard  du  Lion  de  S.  Marc  de  Venife. 
Cette  conquête  fut  la  fin  de  cette  guerre, 
on  cefla  tous  aéles  d'hoililité  6c  par  les  ar- 
ticles de  paix  on  remit  la  place  à  Bajaxet.  ^  *  Les  p/r*: 
Depuis  elle  fut  habitée  par  des  gensfifa-^S^fJ^*;^^ 
rouchesSc  fi  mal  voulus  qu'après  s'être  at-  ^^«  ^^^  /"•«•. 
tirczlahainede  toute  la  Chrétienté,  toutT^n. 
G  2  le  GaUotttt,  ; 


143       DE  LA   MORFE 

le  monde  généralement  en  fouhaittoit  la 
fur  Mer  '&  ruine  entière.  Le  General  Morofini  ^  ace- 
«ct'fS"f  complit  fort  heureufcment  les  vœux  uni- 
famcufes     vcrlels ,  Car  il  reduifit  ceux  qui  la  deffen- 
«Ir/a"    doient  à  demander  une  capitulation  ,  ils 
*  i^«î3-    fortirent  emportant  tout  ce  qu'ails  pouvo- 
l'TnnZ   *  ient  charger  fur  leur  dos.   Depuis  que  les 
1684.        Vénitiens  en  font  les  Maitres  ils  en  ont  fait 
une  place  encore  beaucoup  plus  importan- 
te qu'elle  ne  Pctoit  auparavant  j  car  outre 
de  grandes  réparations  qu'ils  y  ont  faittes., 
ils  ont  augmenté  de  beaucoup  les  fortifica- 
tions. 


L'I  S  L  E 

D    E 

GEFALONIE. 

T  'We  de  la  Mer  d'Jonie  qui  s'appelle  à 
■"^prefantde  Cefaloniey  fut  un  tems  ap- 
pellée  Caffo  OM  Chiejfali ,  les  Grecs  lui  at- 
tribu:int  ce  nom,  pour  exprimer  qu'elle 
étoit  le  chef  des  autres  Ifles  qui  font  dans 
lair.êoîemer.  Et  à  caufe  qu'elle  avoit  au- 
trefois 


SECONDE  PARTIE.     149 

trefois  quatre  Villes  on  l'a  nomma  encore 
Tetrafolis, 

Nonobftant  tous  ces  noms  difFerans  que 
nous  avons  marquez,  les  Auteurs  n*'onc 
pas  laiflë  de  lui  en  donner  d'autres  ,  Pli- 
ne la  nomme  Mdena  ,  Porcacchi  6c 
d'autres  Samo  ou  Same  ,  quelques  uns  Du- 
lichio  6c  Tilebi,  Elle  ell:  fituée  entre  le  ;^7 
6c  38  degré  de  latitude  Septentrionale 6c 
46  de  longitude  ,  commençant  toujours 
dans  la  partie  la  plus  Gccidentale  de  l'iilo 
de  Fer.  Selon  Porcacchi  elle  a  160  milles 
de  circuit;  maison  fait  au  vrai  que  fa  cir- 
conférence eft  de  170  milles.  Eliceftae 
figure  triangulaire  6c  fon  angle  le  plus 
avancé  au  Septentrion  eft  le  Cap  Gmfcardo 
autrement  appelle  Capo  Capra.  A  TOricnc 
elle  regarde  vers  Chiarença  dans  la  Morée 
&  au  Nord  Tille  de  Corf  ii.  D'un  côté  avec 
la  pointe  Schinori  de  Tlile  de  Zante,  qui 
eftàladiftancedc  18  milles,  elle  forme  le 
Canal  appelle  proprement  le  Canal  de 
Zante,  fujet  à  de  fréquentes  Sctresdange- 
reufesbourrafques:  6c  de  l'autre,  enpre- 
nant  du  Cap  Guifcardo  jufques  au  Val 
d'Alexandrie ,  elle  fait  avec  Tifie  de  Teac- 
chi  le  Canal  appelle  Guifcardo ,  qui  à  trois 
milles  de  largueur  dans  l'endroit  le  plus 
étroit*  Elle  a  plufieurs  abris  oùlesGale- 
G  3  rcs 


ïS©      DE  LA  MORE^E. 

respSLwent  fc  tenir  aifement,  quoiqu'il  y 
en  eut  un  bon  nombre  ôc  quelles  portafîènc 
une  grande  armée  ;  car  te  Fat  d^Aleffan . 
dri^^  le  Porc  jigOjloli  qui  eft  très  considé- 
rable 6c  dont  nous  parlerons  à  part ,  le  Fal 
de  GHtfcardo  5c  le  P^ài  d^j4Jfo  ,  peuvent 
chacun  recevoir  quatre  Galères,  £c  ont, 
comme  le  Canal  tout  entier,  un  fond  de 
bonne  tenue. 

Toute  nile  ert:  divifée  en  fept  parties . 
principales  qui  font -^r^^/(?/i,  Ltfcnriy  Fi- 
fiea.  Erijfo,  Pillaro^  Santo  y  Luceto^d^ns 
lefquelles  il  y  a  plulleurs  gros  bourgs  qui 
prenant  leur  nom  des  principales  familles 
de  leurs  habitans  ôc  le  plus  petit  de  ces 
bourgs  ed  de  cinquante  maifons  :  Les  gens 
y  nailîènt  tous  tort  courageux  5c  d'un 
génie  fort  élevé. 

Audeffousde  Tlfle  de  Cefalonieeft  en- 
core celle  de  Teacchi  dont  nous  parlerons 
à  part,  elle  Fournit  quantité  de  raifins  de 
cabas  dont  les  Anglois  viennent  chaque 
année  faire  leur  cargaifon  qui  e(t  d  un  rev^c- 
nu  conQderable  à  la  Republique,  il  y  vient 
des  Citrons  d'une  extraordinaire  groiîeur. 
Le  froment  qu'on  y  feme  à  chique  prin- 
tems,  s'y  moiifonneau  mois  de  juin.  Les 
Vignes  n'y  font  pas  for  élevées  hors  de 
terre.  On  y  recueille  les  fruits  en  Avril  ôc 

en 


SECONDE  PARTIE,    iji 

en  Novembre  mais  ceux  de  ce  dernier  mois 
font  plus  petits  que  ceux  d'Avril.  Il  vienc 
aufîi  quantité  de  belles  fleurs  des  Narcife 
■6c  des  Kyacintes  ^ôc  il  eft  ordinaire  d'y  voir 
des  rofes  6c  des  œillets  durant  tout  l'hiver. 

Lorfque  le  Vent  d'Oftro  y  foufle  en 
tems  d'été  il  cauié  d'cxceflives  chaleurs; 
mais  elles  font  fou  vent  tempérées  par  le 
VentMaëilral. 

L%  République  y  tient  pour  Gouver* 
neur  un  Nobie  Vénitien  en  qualité  de  Pro- 
vcditeur  6c  deux  autres  Nobles  comaiê- 
Conrelllets ,  qui  retirent  les  derniers  pu^ 
blicsàl'airernative  chacun  un  mois,  fous 
•la  dépendance  pourtant  du  Provediteun 
Leur  charge  dure  deux  ans.  La  ville  eftîe 
Siège  d'un  Eveque  6c  l'Eglifeed  une  An- 
nexe de  celle  de  Zante.  Dans  le  douzième 
(îecle  elle  fut  érigée  en  Eveché  par  le  Mar- 
quis Rizzardo  de  Tochis  Prince  d'Achaïe 
éc  de  ces  Ilîes ,  qui  donna  à  l'Eveque  la  dix^ 
me  fur  quantité  de  poileffions  tant  de  k  - 
Cefaionie  que  de  Zante,  6c  aux  Chanoi- 
nes, pour  leurs  entrées,  la  dixme  fur  un 
-grand  nombrede  champs  de  Cefaionie. 

Strabon  rapporte  que  de  fon  tems  Caius 

Antonius  oncle  de  Marc  Antoine  ayanc 

été  exilé  de  Rome  après  fon  Confuiat^ 

qu'il  avoir  adminillré  en  compagnie  de  Ci- 

G  4  ceroii 


î5'2        r>E  LA  M  OREE. 

ceron Ton  Collègue,  il(e  tenoic  dansTIfle 
de  Cefalonieéc  agiilant  comme  s'il  en  eut 
été  lefouverain,  il  y  jetta  les  fondemens 
d'une  ville  où  il  failoic  farefidence.  Mais 
il  n'eut  pas  le  tems  de  pourfuivre  ce  dcC^ 
fein  pour  le  porter  à  fa  fin;  parce  qu'il  fut 
rappelle  de  Ton  exil  6c  dépuis  ii;donnares 
foins  à  des  chofes  plus  importantes. 

On  lit  dans  Tite  live  ,  que  le  Conful 

Marcus  Fulvius,  ayant  fournis  les   Eto- 

liens,  tourna  fes  armes  contre  Tlfle  de 

Cefalonie;  6c  qu'étant  arrivé  allez  proche , 

11  ueputa  aux  iiiiuxmico  j^s^c.x  »v>i.  j^^  »wv* 

droient   fe   rendre  volontairement  ou  é- 

prouver  le  fort  des  armes  en  fedefFendant. 

Ils  furent  tous  d'avis  de  fe  foumettre  ex- 

jcepté  ceux  de  Samo  lesquels  foutinrenc 

valcureufement  quatre  mois  de  fiege.  A 

kfin  les  Romains  demeurèrent  viélorieux 

6c  y  laiflerent  d'^efFroyables    marques  de 

leur  colère  contre  les  Samiens;  car  après 

t  r.r^-z. avoir  pillé  6c  ficcagé  leur  Ville  ilslesven- 

x.o!ti  /^^'^*  dirent  tous  à  Tancan. 

X'-^'^\    En  l'an  1224.  cette  Me  fut  donnée  f 

Etendre  ^  la  République  de  Venife  par  unaélede 

Mot  tf.  dans  *  r^o       iii  i  /i 

tinpaii  pure  generoLitc  ce  de  la  bonne  volonté  de 
^'^2//'^'*Gajus,  qui  en  etoit  le  Gouverneur  6cSei- 
éin'du  fut  gneur. 

^,;7;f  Enl'ani47p.  Il  vint  de  la  Mer  de  Gai- 

lipo- 


SECONDE  PARTIE.    153 

lipoli  dans  la  Mer  d'Jonie  une  grande  ar- 
mée Ottomane   qui    envahit  Ceflilonie  ^  ^^^^^, 
poiîedée  alors  par  un  petit  Prince  *  entre  n*p». 
les  mains  duquel  elle  etoit  écheuë. 

L'année  1499.   La  Flotte  d'Efpagne 
s'etant  jointe  par  ordre  du  Roi  Ferdinand 
avec  r  Armée  Vénitienne,  celle  la  fous  la 
conduite  de  Confalvo  Vaillant  Capitaine, 
&  l'autre  commandée  par  le  Capitaine 
General  Pifimi  ,   elles  vinrent   mouiller 
lancre  audevant  de  Cefalonie  dans  le  dcC- 
fein  de  réduire  la  ville  qui  etoit  alors  dé- 
fendue par  fbixante  Turcs.   Ils  commen- 
cèrent d'abort  par  élever  un  terrain  fort 
haut  auquel  les  afliegez  enoppoferentun 
autre  au  dedans  ;  mais  les  Chrétiens  fe  tin- 
rent fur  le  leur  avec  un  fi  grand  avanta  • 
gefur  celui  des  Turcs,  qu'ils  les  contrai- 
gnirent à  fe  retirer  6c  en  même  temsles 
nôtres  s^avancerent  pour  occuper  le  pofte 
qu'ils  abandonnoienr.  Il  n'y  eut  pas  même 
jufqu'aux  deux  Généraux  Pefaro  6cCon- 
falvo  qui  n'y  aîlafîènt  6c  ne  fi  cruflent  afîli- 
rez.  Cependant  le  Canon  battoir  conti- 
nuellement les  murailles,  mais  avec  peu 
d^efFet  ce  qui  faifbit  la  difficulté  du  fiege. 
Mais  le  Capitaine  des  vaiiTeaux  Vénitiens 
8c  un   Efpagnol  d'une  égale  intrépidité 
fuivis  d'un  bon  nombre  de  Soldats  couru- 
G  5  rcnc 


r5'4       DE  LA  MORE  E. 
rent  les  premiers  planter  les  échelles  &t 
efcaladerenc  avec  tant  d'hardieiTc  6c  de 
promptitude  qu'ils  arborèrent  l'étendard 
de  la  Republique.  En  même  tems  ils  fu- 
rent fui  vis  d'un  grand  nombre  de  Soldats. 
qui  montèrent  aprez  eux  :  6c  les  Turcs  ne 
fe  croyans  plus  en  état  de  redfler  à  tant 
de  gens,  ne  fongerent  qu'à  la  fuitte,  ils. 
furent  pourfuivis   6c  tous  pafies  au  fil  de . 
PEpée.  De  cette  forte  toute Tlile  fut  fou- 
mife  6c  le  Fort  delU  Rocta  qui  tenoit  en- 
core bon  ne  tarda  que  jurqu'au  lendemain 
â.fe  rendir.  Auiîicôc   après  cette   redu- 
âion,  le  General  Pefarolans  perdre  tems 
mit  une  bonne  garni fon  dans  la  Ville  6c. 
dans  la  Fortereflè.  Il  nomma  pour  Gou-  . 
verneur  de  la  Ville  Luigi  Salomon ,  Gio-  ^ 
vianni  V'eniero  de  la  Fortef eile  6c  Fran- 
cefco  Leone  de  toute  VMk. 

il  envoya  auffi  un  grand  vaifleau  à 
fnnco  pour  y  prendre  quelque  nombre  de 
cette  grande  quantité  àc  gens  qui  s'y 
ctoient  retirez  pour  les  tranfporterdans 
cette  hlç  afin  qu'il  puïTcnt  la  repeupler  6c 
en  cultiver  le  terroir.  Il  vint  d''au très  gens 
d'ailleurs  y  demeurer  de  leur  pure  volon- 
té, 6c  de  cette  (orte  le  changement  qui  iè 
fit  dans  cette  ïile  d'un  Gouvernement 
dur.  &  tirannique  i  un  autre  qui dï doux. 


ÏOÎlTEïLïLSSll  BV 


SECONDE  partie:   Tfs 

U  très  équitable  fut  encore  fuivi  de  Ta- 
ïïielioration  du  pais  8c  de  la  culture  de 
fes  campagnes» 

L    M 

FORTERESSE 

D  A    S    S    O. 

T^  'Importante  Fona'eïï'e  d^^fo  ou  jVaf a 
•^  cd  dans  l'Ille  de  Cefalonie:  elle  fuC 
bâtie  par  les  Vénitiens  Pau  15:95  pour  la 
defFenfe  des  habitans  qui  en  un  tems  de 
guerre  n^auroient  pas  pu  tous  entrer  dans 
la  Ville  de  Cefalonie.  Elle  a  fa  fiiuation 
fur  un  roc  qui  porte  fa  pointe  extrême- 
ment haut  tout  efcarpé  ôc  environné  de 
Mer,  de  t'elîe  forte  qu'à  pcimeH  il  ac- 
cefliblepar  des  petits  (entiers.  Ses  Fortifi- 
cations ont  ctc  faittes  félon  fafituationqui 
eft  toute  inégale,  ainfielle  efl:  bâtie   fort 
irreguIierenicilL,  Elle  a  une    longue  de 
terre  de  la  longeur  d^'environ  vingt  pas 
parlaqucîle  elle  efl:  jointe  à  rifie&  qui  fait 
le  chemin  de  îa  Fortereflè.   Il  fût  autre-^- 
fois  f  ropofé  de  creufer  dans  ["endroit  lé 
G-  6  plus- 


ï5^       DE  LA  xMOREE. 

plus  reflèrré  oc  d'y  faire  un  bon  foffé. 

Elle  eft  comporte  au  dedans  de  foixan- 
te  maifons  du  Public  6c  de  deux  cens  au- 
tres qui  appartiennent  à  des  particuliers 
qui  les  habitent. 

11  y  a  au  pié  un  petit  porc  qui  pourroic 
donner  abri  à  trois  galères  j  mais  il  depe- , 
rit  tous  les  jours,  àcaufequelorfqu^il  fur- 
vient  des  orages  6c  des  grandes  pluyes,  il 
defcend  de  la  montagne  des  torrens  qui 
Templiflènt  de  cailloux  Se  de  Sable  fans 
qu'on  y  puiflè  apporter  aucun  remède. 

La  Republique  y  envoyé  pour  Gou- 
verner un  Patrice  avec  le  titre  de  Prove- 
diteur  dont  la  charge  dure  trente  deux 
mois.  On  y  envoya  pour  la  première  fois 
cnTan  i5p5.  Se  le  25  de  Juin. 

ARGOSSTOLI. 

T  Lne  faut  pas  pafîer  le  Porc  d'^rgoffoll 
•*•  fansen  dire  quelque  chofe,  puifqu'ileft 
de  quelque  importance  à  la  Republique. 
Il  a  pris  fon  nom  des  Navires  d'Argos  6c 
des  Argonautes  qui  y  vinrent  prendre  ter- 
re. Il  a  trente  milles  de  circuit  &  il  peut 
contenir  larmée  la  plus  nombreufe.  Les 
Galères  de  Venife&  les  Provediteurs  Gè- 
ne- 


SECONDE  PARTIE.      ly^ 

neraux  y  font  efcalle  ordinarement ,  lors 
qu'ils  le  trouvent  dans  ces  quartiers  pour 
quelque  expédition.  11  n'y  a  point  deFor- 
terellè,  c'eft  pourquoi  l'entrée  en  eft  li- 
bre à  quelque  vaifleau  qui  y  aborde.  Il  a  été 
propofé  d'y  bâtir  un  Fort  pour  le  garder 
ôc  qui  domineroit  le  port  6c  fon  entrée: 
ôc  fi  jamais  on  exécute  ce  deHein,  le  Fort 
fera  dans  une  fituation  très  avantageufè  fur 
leRocefcarpéquieftlà.  On  y  voit  encore 
dans  le  lieu  le  plus  reculé  des  veftiges  defran- 
cienne  villede  Cra?7e,quï  fut  appellcedepuis 
Cranea^  oùfetenoientlesCorinthiens.  Là 
auprez  6c  vers  la  Marine  efl  refpacequ'on 
appelle  aujourd'huy  ilCutego  où  Ton  remar» 
que  les  fondemens  des  grandes  caves  qu'on 
croit  quifervoientd'Arfenalau  portd'Ar- 
goiloli. 

LM    S    L     E 

D  E 

T  E  A  C  C  H  L 

Ç^  Ette  Me  a  prefque  autant  de  Noms 
^^  qu'il  y  a  d'Auteurs  difFerans  qui  en 
ont  fait  la  defcription.  Strabon  6c  Pline  la 
nomment  ItHca  ,  Poreaccbi  8c  Denis 
G  7  TAfri. 


15'S       DE  LA  MORE'E. 

l'Africain  NerïcUy  Niger /^^/  di  conifn- 
gno  &  Sophianus  Val  di  Compare  :  les 
Grecs  d'aprefanc  la  nomment  Thiachly 
les  Turcs  Phmchi  ôc  communément  on 
rappelle  la  petite  Cefalonie  Cefalonia  Fier 
ciola. 

Elle  regarde  la  Cefalonie  de  laquelle 
clic  efl  feparée  par  i'efpace  du  Guifcardo- 
qui  ell  un  canal  de  grand  fonds  de  la  lon- 
gueur de  vingt  milles,  large  de  cinq  6c 
de  trois  dans  l'endroit  le  plusreflerré.  Sa 
figure eftirregaliere  plus  longue  queTar- 
ge,  Ion  continent  qui  ç&  dé  quarante 
milles  de  circuit  a  plufîeurs  ouvertures  ÔC 
cnfoncemens.  Il  y  a  plufieurs  ports  qui 
font  d'une  grande  commodité  pour  pren- 
dre du  bois  pour  le  chaufage  ,  mais  de 
tous  ces  poris  celui  de  Fmhi  eft  de  k 
meilleure  tenue,  d'un  abri  afiu ré  d'un 
grand  fonds  £c  qui- peut  recevoir  un  plus 
grand  nombre  de  vaifleaux.  Les  autres 
qui  ne  s'ont  de  guère  inférieurs  à  celui-ci, 
iont  les  deux  dont  l'un  s'ap^jclle  Gidachi  6£ 
l'autre  Sarachinicco,  Je  ne  fais  pas  un  plus 
long  détail  des  autres,  parce  qu^ils  font:  de 
îî  peu  de  commodité  &  de  il  mauvais 
mouillage,  que  ce  n'eft  pas  la  peine  d  en  par- 


ler. 


On  a-cru  que  ccttsMe  fut- le  lieu  die 


SECONDE.  PARTIE    ijp 

sxtraite  6c  d'habitation  de  la  chafte  Péné- 
lope 8c  la  patrie  d'Ulilîe:  en  vertu  de  cette 
tradition,  les  Cefaliens  ont  de  la  vénéra- 
tion pour  certains  vefliges  qu'on  y  voir, 
Se  qu'ils  croyent  être  des  marques  de  l'ha- 
bitation de  ces  deux  illuttrcs  Epoux.  Elle 
avoit  autrefois  une  ville  que  Pîutarque  ap- 
pelle ^/^^/^owf;;^  ;  il  nya  à  prcfent  que 
quelques  villages  dont  les  principaux,  font 
Faîht ,  Arrnoi ,  Oxoi.  Les  habitans  font 
au  nombre  de  quinze  mille  [dont  une  bon- 
ne partie  font  des  gens  qui  font  fortis,  par 
banniflemcnt  ou  autrement,  deslilesde 
Zante ,  de  Corfù  5c  de  Ccfalonic. 

I.cs  Citadins  de  Cefalonie  elilent  cha- 
que année  un  fujet  auquel  ils  donnent  le 
titre  de  Capitan  de  Teacchi  :  mais  il  ne 
peut  entrer  en  charge  fans  le  confente- 
ment  des  Re6teurs  qui  font  obligez  defc 
tranfporter  là  chaque  année  uiie  fois  pour 
la  vifite  qui  fe  fait  au  mois  de  Mars  juf* 
qu'au  quel  terme  ils  font  en  office  :  5c  Tau- 
thorité  de  ce  Minithe  ne  s'étend  qu'à 
connoître  des  caufes  6c  à  décider  fur  des 
differans  qui  peuvent  furvenir. 

André  Morolmi  fils  de  Pierre  qui  fut 
Provediteur  de  Cefalonie  en  1622.  afiure 
que  cette  IHe  fût  enlevée  par  les  confede- 
rez  de  Michel  fils  de  P Empereur  Paleolo-- 

gue 


1^0         DE  LA  MORE'E. 

guedes  mains  de  cet  Empereur  après  qu'il 
Tavoic  prife  lui  même  fur  Charles  Tocco 
Napolitain  de  Nation.  Celui-ci  étoit  porté 
de  (î  bonne  volonté  envers  la  Republi- 
que quM  renvoyoit  aux  Vénitiens  com- 
me à  Tes  juges  fupremes  rappellation  de 
toutes  les  caufes  tant  criminelles  quecivi- 
les, 

I    s    L    E 

D    E 

Z  A  N  T   E. 

L'Ifle  de  Zante  a  toujours  été  célèbre 
dez  fa  naiflance  6c  illuftre  dans  fon  anti- 
quité. Elle  ell  dans  la  Mer  d'Jonie  d'une 
alTez  petite  étendue  :  Elle  fut  appellée 
Zacïnte  d*un  fils  de  Dardanus  qui  s'ap- 
pelloit  de  même  nom;  mais  comme tou- 
tes  chofes  changent  avec  le  tems ,  le  nom 
de  Zacinte  a  été  corrompu  ôc  changé  en 
-â^anti  celui  de  Zmte.  H  y  a  pourtant  des  Auteurs 
qui  croyent,  qu'elle  fut  appellée  Zacm- 

ce 


SECONDE  PARTIE.     i6i 

tede  la  fleur  de  ce  nom,  qu'ion  cueillioic 
peut-être  dans  cette  Ifle  fleurie  &:  toute 
delicieufe.  D'autres  rapportent  qu^^elle  fut 
appellée  Hierufàlem  Gerufalemme  ,  s'ap- 
puyans  fur  l'hifloire  de  Robert  Guifcardo 
Duc  de  la  Fouille,  lequelayant  pris  la  re- 
folution  d'aller  vifiter  le  Saint  Sepulchre 
eut  une  révélation  qu'il  mourroit  dans  Hie- 
rufalem.  Etani:  arrivé  en  cette  Ifle  6c fe 
trouvant  furpris  d'une  dangereufe  maladie, 
il  demanda  comme  s'appelloit  le  lieu  ou 
iletoit,  on  lui  repondit,  Hierufalem.  A- 
lors  il  comprit  qu'il  finiroit  là  fa  vie  félon 

A  flL.cui.iJj-'iJ.i.i.^iiiuiii,  UVJ  la  As^*  w-»«-»v>»*,    »_  *-** 

effet  il  y  mourut  peu  de  tcms  après. 

Cette  Ifle  a  la  Morée  à  fon  Orient , 
àladiihnce  de  quatre  vingt  milles;  elle 
conSne  au  couchant  à  Tlfle  de  CeFalo- 
nie  dont  elle  eft  éloignée  de  douze  mil- 
les ;  au  midi  efl:  la  côte  de  Barbarie  à  la 
difraoce  de  cent  cinquante  milles;  au  Sep^ 
tentrion  elle  a  d'une  part  la  Morée  vers 
Ci^flel  Jormfe  à  (eize  niilles  loin;  8c  un 
peu  plus  bas  el'e  regarde  le  Païs  del  Dichia- 
mo^  ou  (ont  Natolico,  les  Curzolaires  6^ 
Drago  Meftre ,  lieux  qui  lui  font  éloignez 
de  plus  de  cmquante  milles. 

Toute  riflc  eft  divilée  en  trois  parties 
qui  s'appellent  Momagna  ,   Pedimonte  6c 

Pia- 


i6i      DE  LA  MORE' E* 
Piamr^i'  La  Monta^n^  commence  au  Le- 

vancdu  côté  qu'cll  le  Port  C/:7/Vy/ Se  Fait  le 
tour  de  toute  l'ille  du  côté  du  midi  &  du 
couchant  jufques  au  Septentrion ,  ayant 
au  milieu  une  très  belle  efplanade  appellée 
Neruli  au  milieu  de  laquelle  une  grande 
quantité  d'eau  qui  s'y  amalloit  formoit  un 
lac,  avant  que  le  Noble  Angelo  Barbari- 
go  eut  eu  TinduHrie  de  la  faire  feigner  Se 
deilcchcr.  h  prcfant  c'ell  une  belle  ôc  fer- 
tile plaine  de  dix  milles  de  longueur  6c 
quinze  de  largeur.  Elle  confine  des  deux 
côtés  à  la  Mei*.  A  fon  riva^reedleboursT 
:TppelIc  Chien  qui  communique  Ion  nom 
au  port  :  des  eaux  duquel  oaifl:  la  poiK 
noire,  6c  il  3^  a  une  opinion  parmi  les  gens 
dupais,  qu'anciennement  il  y  avoit  là  un 
lac  tout  entier  de  cette  poix.  On  y  trou^^e 
encordes  Bourgs  appeliez  Liitachic,  Fi- 
gadachita^  Sculicado  avec  quatorze  autres 
auprez ,  dont  je  palFe  les  noms  fous  filenee, 
pour  être  plus  court.  Sur  la  partie  appellée 
Montagna  font  les  Bourgs  à^Ambdo ,  Chu 
lomeno  ,  Agtlo^  San  Léo  ^  Santa  Maria 
ôc  autres  au  nombre  de  neuf.  Le  plus  éloi- 
gné de  ceux  ci  s'appelle  Folmes  vers  le 
couchant^  c'eft  un  Bourg  de  plusdemilv 
le  feux. 

Il  y  a  encore  dans  cette  même  partie  trois 

Mo. 


SECONDE  PARTIE.    i% 

Monaûercs  de  Caloycrs  Grecs  appelles 
SanChovanminLancada^  U  AUdonaSpi- 
Uottf^  ou  JrMfonura  &:  Sm  Giergio  di 
Greham  qui  eil  le  plus  confiderable  Ôcdans 
une  firuacion  fort  commode.  Dans  la  par- 
tie qu'on  appelle  Piamira  pleine  qui  eitau 
Nord  de  i'Ifle  font  les  Bourgs  Gaetam, 
Curculidi,  SanQurnco,  Farao  &  San  Dp- 
mitri.  Outre  la  grande  Montagne  dillin- 
guée  comme  une  partie  principale  de  Tille, 
il  y  a  deux  autres  Montagnes  qui  cn</iron- 
nenc  toute  riile  l'une  à  rOrienr ,  êcl  autre 
au  S:^:c:;::  ion.  Siir  la  première  il  y  a.deux 
Bourgs  appelles  Xerocajielio,  Lamhmn 
(ùiM'autrcil  yen  a  quatre  Geracario,  BeL 
iuft,  CaknT^^  TragAcchi.  Dans  toute 
riQe  il  n'y  a  qu'une  feule  Rivière  nommée 
LîCamuraàont  les  eaux  fant Talées parce- 
qu'elles  fc  meUnt  avec  celles  delà  Mer. 
Mais  il  y  a  au  dciîbus  du  château  6c  non 
guère  loin  de  la  Mer  une  Source  d'eau  vive 
qui  a  toutes  les  qualités  qui  peuvent  rendre 
une  fontaine  excellente^  Elle  eil  fi  abon- 
dante en  toutes  failbns,  que  tous  les  vaiU 
feauxqui  paflent  pour  Conllantinople  6c 
Alexandrie,  auffibien  en  allant  qu'en  re- 
venant ,  y  viennent  toujours  faire  aigua- 
de  pour  la  commodité  du  Voyage. 

Au  Nord  il  lie  eft  toute  précipices  & 

lieuK 


i64        I^E  LA  MORE'E 

lieux  efcarpés,  &  au  Midi  elle  efl:  couver- 
te d'arbres  fruittiers  de  toute  efpece.  Du 
côté  que  foufle  le  vent  Grec  il  y  a  un  châ- 
teau bâti  fur  une  hauteur  qui  Domine 
toute  riiïe  où  fe  tiennent  le  Reéteur  6c  le 
Commandant.  Au  pié  de  cette  hauteui 
efl:  le  Bourg  qui  s'etendand  deux  milles  k 
longdurivagedelaMers^elargitàundem: 
mille  vers  la  Montagne.  On  y  voit  un  bon 
nombre  de  maifons  qui  appartiennent  aux 
Citadins  ou  aux  Marchans ,  Artifans  6>C 
Mariniers.  On  y  fait  quantité  de  raifinsde 
cabas  ^  des  Vins  qu'une  trran.ifi  .fc^-cc  ^ 
ùcs  huiles  exceilens,  en  telles  enfeigncs 
qu'une  année  ponant  l'autre  on  tire  de 
chacune  de  ces  récoltes  en  vente  la  fom- 
'me de  cinquante  m; Ile  ducats.  Il  y  a  encore 
grande  abondance  de  fruits  doux  ôc  d'auffi 
belles  plantes  qu'en  aucun  autre  lieu.  Son 
Port  qui  eft  auffi  appelle  de  Ton  nom  de 
Chieri  cil  de  bon  ancrage  pour  toute  for- 
te de  VaifFeaux,  Navires,  Galères  5c  au- 
tres. 

Du  côté  que  foufle  le  vent  Maeftro  efl 
le  Cap  de  Schtnari  avec  l'Ecueil  de  San 
Nicolo  dans  lequel  il  ne  peut  entrer  ni 
grand  ni  petit  vaillcau;  (î  ceneilducôté 
du  levant  parceque  lemanqued'eau  6c  de 
bon  fonds  eiDpeche  Tidliedu  côté  du  cou- 
chant. 


SECONDE  PARTIE.     16^ 

chant.  Au  levant  eft  laValée  des  Salines 
ou  les  Navires  6c  autres  barques  viennent 
faire  leur  Cargaifbn  de  Tel.  Un  peu  plus 
proche  de  la  Ville  il  y  a  un  Ecueil  appelle 
FrkFilippo  6c  à  prcfant  Tréma  nove-j  un 
peu  plus  avant  on  trouve  la  pointe  Lau» 
gun  qui  cH:  tout  auprez  de  la  Ville. 

On  croit  que  Sainte  Véronique  vint 
planter  la  foi  dans  cette  Ifle,  ôc  qu'elle 
convertit  les  habitans  en  leur  montrant  le 
S.  Suaire  6c  leur  prêchant  comme  témoin 
la  mort  6c  paflîon  du  Sauveur. 

La  Republique  y  envoyé  un  Noble  avec 
la  qualité  de  Provediteur  6c  deux  autres 
pour  fes  Confeillers,  ils  demeurent  tous 
trois  deux  ans  en  charge.  Mais  les  habitans 
ont  leur  confeil  à  part  où  ils  règlent  de  ce 
qui  regarde  les  vivres,  la  fanté  6c  tous  les 
autres  offices  qui  regardent  la  police  de  la 
Ville»  Ils  peuvent  encore  dans  une  cauCe 
civile  juger  julques  à^  une  certaine  fomme, 
8c  en  cas  d'appel  on  vient  devant  le  Prove- 
diteur. 

Laplusgrande  partie  des  habitans  font 
Grecs  qui  vivent  félon  leur  rit ,  6c  il  y  a  peu 
deLatinsen  y  comprenant  même  les  Sol- 
dats. Il  y  a  environ  mille  Juifs  qui  ont  trois 
Sinagogues ,  ils  font  valoir  le  négoce  6c  y 
deviennent  'tous  riches. 

*  Les 


1^66       DE  LA  MORE'E. 

Les  peuples  de  cette  Iflc  ont  plus  d'in- 
clination pour  les  armes  que  pour  les  Let-' 
très;   mais  dans  ce  petit  nombre  de  ceux 
qui  s'apliquent  aux  fcienccs,  onvoit bril- 
ler en  eux  cette  éloquence  fi  naturelle  à  làf 
Nation  Greque  :  Et  en  s'attachant  un  peu 
de  tems  à  l'étude  des  Loix  &  du  Droit  ils 
deviennent  bientôt  des  grands  Orateurs  êc 
habiles  Jurifconfultes.   Ils  font  continuel- 
lement en  procez  6c  en  querelles  les  uns 
contre  les  autres  ;  ceux  de  la  campagnes! 
haiflent  ceux  de  la  Ville    dont  la  plus 
grande  partie  vit  du  trafic;  le  bas  peuple 
s'occupe  au  négoce  maritime  ,  6c  ils  s  ea 
vont  de  tems  en  tems  dans  leurs  frégates  , 
parla  Morée  &  autres  lieux  de  la  depen-'^ 
dance  des  Turcs,  pour  tâcher  de  gaigner., 
leur  vie. 

L'Iile  eft  fujette  à  des  trcmhlemens  de 
terre  qui  enlèvent  dans  des  endroits  ce 
qu'il  y  a  de  beau  6c  de  bon.  Il  y  a  quelques 
années  qu'on  y  fentitdans  une  nuit  foixan- 
te  fecouiies  qui  furent  précédées  d'un  bruiç, 
Terrible:  ce  bruit  dure  ordinairement  urf 
demi  quart  &:  d'heure  ,  la  rumeur  s'en 
communique  aux  Pierres  qui  fbrtcnt  de  la , 
terre  :  6c  quelques  fois  on  fentunepuan-;' 
teurqui  infede.  Lorfquele  tremblemenc 
de  terre  eâ  bien  grand;  il  excite  un  venc 

fu- 


SECONDE  PARTIE.  i6j 
furieux  5  qui  eft  la  caufe  pourquoy  on  ne 
ait  pas  des  batimcns  de  maiibn  cievés  &:  de 
plufieurs  étages. 

Il  y  a  un  Eveque  qui  fait  fa  reGdence 
dans  rifle  avec  le  titre  que  lui  donne  le  S. 
Sicge  d'Eveque  de  Zante  :  Quoique  par 
les  patentes  de  proviGon  qui  lui  ibnt  cxpe* 
diées  de  la  part  du  Sénat  du  Venife ,  on  lui 
donne  le  titre  d'EvequedeCefalonie.  Cet- 
te Eglife  reconnut  premièrement  le  Ponti- 
fe de  Rome  jufqu'au  tercis  que  l'Eglifede 
C.onftantinople  fut  erigce  eu  Patriarcbat  i 
alors  comme  le  Patriarche  étoit  appuyé  de 
Ja  faveur  de  l'Empereur,  il  lût  ioumettrc 
à  fon  fiege  toutes  les  Eglifes  de  la  Grèce 
6c  plufieursdecelles  d'Italie. 

Au  tems  que  divers  Princes  d'Occident 
fe  liguèrent  pour  faire  la  guerre  contre  les 
Puiiîànces  qui  s'étoienr  emparées  de  laTer- 
rq Sainte,  l' Eglife  de  Zante  retourna  fous 
l'obeillance  du  Siège  de  Rome.  Elle  a  vu 
fleurir  dans  fon  fein  plufieurs  célèbres  per- 
fonnages  à  caufe  des  grands  revenus  de 
l'Èveché  ,  qui  montoient  comme  il  eft 
n^arqué  dans  les  Archives  à  plus  de  fix 
mllleecus.  Peutêtreles  Evequcs  avoient 
ils:;gi]i.ors  le  pouvoir  d'appuyer  l'authorité 
.dç^eur  Siège  tl  le  zclede  leur  prédication 
delà  force  des  loixSc  du  bras  (eculier  con- 
tre 


i68       DELA  MORE'E 

tre  leurs  diocefains  [reveches.  Deux  Evc- 
ques  de  cette  EgliTe  allèrent  fuccefTive- 
ment  au  Concile  de  Trente  8c  s'y  firent 
diftinguer  par  leur  mérite.    Le  premier 
étoitjean  François  Comendon  qui  mourut 
durant  la  tenue  du  Concile,  l'autre  s'ap- 
pelloit  Pietro  Delfino  noble  Vénitien  qui 
fucceda  à  Comendon.   Les  Eglifes  paro- 
chiales  des  Grecs  en  y  comprenant  celles 
de  la  Ville  celles  de  la  Citadelc  ôc  les  autres 
qui  ont  été  fondées  par  dévotion  font  bien 
au  nombre  de  quarante  quatre.  Il  y  en  a 
aufli  un  bon  nombre  dans  la  Cefalonie, 
parcequ'ellc  efl  peuplée.  Il  y  en  a  quinze 
dans  la  Ville  &:  dans  chacune  un  fimple  au- 
tel dont  la  Tribune  efl  tournée  à  l'Orient 
ornée  de  peintures  à  la  Grecque  car  les 
Grecs  ne  (oufFrent  point  dans  leurs  tem- 
ples des  Images  de  relief.  L'autel  efl:  de 
pierre  fermé  d'un  baluftre  8c  l'entrée  en  eft 
défendue   aux  laiques  6c  aux   femmes. 
Même  les  femmes  relevant  de  leurs  cou- 
ches 8c  les  hommes  convaincus  de  quelque 
mauvaifeaélionontdeffenfe  d'entrer  dans 
rEglifc;  mais  cette  coutume  efl:  négligée 
par  les  peuples  d'aprefânt. 

Lorfque  TArcheveque  vient  à  mourir, 
tous  les  Curés  Grecs  qui  font  en  bon  nom- 
bre s'aflemblent,  ôcfuivantunufage  très 

an- 


SECONDE  PARTIE,     id^ 

ancien  qui  Fuc  autorifé  par  le  Saine  Siège  ^ 
ils  donnent  leur  fuffrage  en  fecrec ,  pon* 
procéder  à  Teleûion  d'un  autre.  L'Eve^ 
que  n'a  point  de  revenu  fixe,  ÔC  il  vit  de 
fon  cafuel  qui  confifte  en  des  prefents  que 
lui  font  annuellement  les  Grecs,  comme 
fera  d'une  quantitédes  Froment  ck  d'autres 
grains  j  il  tire  encore  des  emoîumens  con- 
uderables  des  ordinations  6c  d'une  chofe  ou 
d'autre  il  a  un  revenu  alTez  confiderabie. 

Pour  être  élu  Eveque  de  cette  Eglifc 
il  Faut  avoir  proFeiie  la  vie  MonalHque  de 
S.  Bafile  y  c'ed  auiîi  h  raifon  pourquoi  il 
y  a  tant  de  Monaiteres  de  ces  Moines  dans 
ces  Ides.  LeplasconGJerable  eft  bâtidins 
les  Ecueils  qu'on  appelle  vulgairement  les 
Strofadesj  nous  en  parlerons  en  Ton  lieu- 
Ce  Monaftere  a  plufieurs  revenus  dans 
Zante&dansCeFalonie,  &  les  Grecs  ont 
un  grande  vénération  pour  ces  Moines,  à 
cauiè  qu'ils  vivent  loin  du  commerce  du 
Siècle. 

Ces  Moines  de  S.  Bafîîe  Font  abdinence 
de  viande  durant  toute  l'année  excepté  les 
cas  d'infirmité  6c  de  maladie  pour  lerqucls 
ils  obtiennent  difpenFe  :  6c  les  trois  jours 
de  la  femaine  lundi  mecredi  6c  vendredi 
ils  ne  le  repaiffcnt  que  de  laitage ,  de  poiflbn 
6c  d'huile. 

H  Ils 


170       DE  LA  MORE'E. 

Ils   font:  quatre  Carêmes  l'année.   Le 
premier  eil  celui  de  Pafques  qui  eftle  plus 
Ion  5  qu'ils  appellenc  i  Megdi  tejfara  coftt 
qui  dure  fept:  femaincs ,  durant  lefqueUfef 
ii  ne  leur  eît  pas  permis  de  manger  ni  pofÇl' 
fon  ni  huile  hors  de  deux  jours  par  femainç^ 
àfavoirle  Samedi  Se  le  Dimanche,  à  la; 
referve  encore  du  Samedi  Saint.  Ils  ne  pre- "' 
nent  alors  pour  leur  nourriture  que  du  poif-^ 
fbn  fans  fang  comme  des  huitres ,  des  ot-f 
gnons  du   poiflbn  fec,    du  Caviart  fait; 
d^'ccufs  de  poiflbn  (àlé  ou  de  Botarge  qui  eîïl; 
un  compofé  d'œufs  d'ecourgeon  iecs  6ç^ 
falés  6cc.  Il  y  a  deux  autresjours  aufqueîs*' 
ils  peuvent  manger  de  la  viande,  à  favoir^ 
le  25'  mars  jour  de  T  Annonciation,  qu'ail 
appellent   Eznmgelifmos   ,    pourveu  que  ., 
cette  fête  arrive  avant  la  Semaine  Sainte^;"!!] 
l'autre  jour  de  dilpenfe  ed  le  Dimanche  des 
Rameaux  qu'ils  appellent  tou  l^aghion. 

Le  fécond  Carême  eft  cf^ay^giot  A^ejloll 
à  l'honneur  des  Saints  Apôtres  qui  dure 
depuis  le  Lundi  après  rodave  de  la  Pente- 
côte jufqu  à  la  Vigile  de  S.Pierre  6c  de  S. 
Paul  ;  de  forte  qu'il  y  a  des  années  qu*ils  V 
dure  trois  Semaines  ,  &  d'autres  années^ . 
cjavantage.  Il 

Lctroifiéme  s'appelle  tls  agias  Parthe- , 
noH  confacré  à  l'honneur  de  U  Mère  du^^ 

San- 


SECONDE  PARTIE.     171 

Sauveur,  qui  dure  du  premier  Aouftjuf- 
qu'au  1 5  du  même  mois,'  Durant  celui- 
ci. ils  ne  mangent  du  tout  point  de  poiflba 
finon  le  fixiéme  d'Aouft  jour  de  laFefte 
de  la  transfiguration  de Jefus-Chrift  qu'ils 
célèbrent  avec  folemnité  6c  qu'ils  appel- 
Içoc  Memmorphofîs  toufotiros, 

.-^X*e  quatrième  s'appelle  ton  Chrilîogenen 
qui  commence  40  jours  avant  la  Noël 
ceft-à-dire  le  if  Novembre  6c  continue 
jufqu'au  25-  Décembre,  durant  lequel  ils 
peuvent  manger  du  poiflbnàlarefervedu 
Mecredi  6c  Vendredi. 

ILes  Caloyers  outre  ces  quatre  Carê- 
mes en  font  encore  trois  autres ,  le  pre- 
mier, avant  S.Demetrius  qui  dure  vingt 
jours  ;  le  fécond  qui  commence  au  pre- 
mier de  ieptcmbre  14.  jours  avant  TExal- 
tation  de  la  Croix;  le  troifiéme  huit  jours 
avant  la  fcte  de  Saint  Michel;  Outre  cela 
tous  les  Grecs  en  General  cbfervcnt  le 
jeune  tous  les  mecredis  6c  vendredis  de 
rannéc  6c  pluGeurs  même  plus  zelezle 
lundi:  Encore  les  jours  de  la  Decoîation 
de.  Saint  Jean  Baptifte  6c  de  l'exaltation  de 
la  Sainte  Croix  ils  font  un  jeune  plusau- 
fterc.  Hors  de  ces  tems  là ,  ils  mangent 
de  la  viande  toute  la  femaine  après  le  di- 
manche de  Pafques,  celle  après  la  Pente- 
H  2  cote 


t72        DE  LA  MORE'E 

cote  &:  douze  jours  entiers  après  la  Noël 
6c  une  femaine  avant  le  grand  Carérac. 
Ils  foîeninifcnt  encore  autres  trois  V^igiîes 
dansFannée,  celle  de  rEpiphanie  qu'iU 
appellent  Paramom  qui  cft  le  jour  auquel 
les  Grecs  baptifent  la  Mer  en  grande  Cé- 
rémonie, laiècondeefl:  la  Vigile  de  S  Jean 
Baprifle,  6c  la  troiliéme  celle  de  la  Croix 
à  laqu'elle  il  leur  e(l  défendu  de  manger 
du  poifîon.  De  cette  forte  les  Grecs  qui 
ne  font  ])oim:  Moines  s'abfliennent  de 
■  viande  environ  cent  trente  jours  de  Tan- 
née. 

Tous  les  Monafteres de  Religieufes fui- 
vent  le  rit  Grec,  6c  s'il  y  en  avoitunedc 
PEglile  Latine  qui  voulut  vivre  parmi  les 
Grecques  il  faudroit  qu'elle  fc  confor- 
mât au  rit  Grec.  Il  efl:  permis  à  ces  Reli- 
gieufes félon  les  occurrences  de  viGtei 
leurs  parens  malades  6c  daller  par  la  ville, 
vivans  fans  clôture  ce  qui  cil  afîlirement 
contraire  à  Finllitution  de  la  vie  Monadi- 
que. 

Il  n'y  a  dans  ces  Iles  aucune  forte  d'hô- 
pital pour  les  pauvres  ;  feulement  dani 
Zante,  il  y  a  deux  petites  6c  pauvres  mai- 
fons  une  pour  les  hommes  ÔC  l'autre  poui 
les  femnies  fous  la  diredion  des  citadin? 
du  lieu  :  On  recevoit  autrefois  dans  ces 

mai- 


SECONDE  PARTIE.   175 

miiifons  les  encans  trouvez  6c  illégitimes; 
mais  aujourd'huy  cela  ne  le  pratique  plus» 
On  voit  encore  dans  ces  Mes  plufieurs 
Proteitans  la  plufpart  Anglois.  Il  y  a  qua- 
tre convens  de  Religieux  ^  un  des  Frères 
Prêcheurs ,  deux  de  Mineurs  Conventuels , 
un  dans  Zante  &  l'autre  dans  Cefalonie, 
6c  un  de  Mineurs  Obfervans  dans  Zante, 
fan?  comprendre  l^Eglile  Parochialed'*Ar- 
goftoii  qui  ell  un  fufpatromt  de  la  fere- 
niirime  Republique  à  qu'elle  a  donnée,  à 
defervir  aux  Frères  Mineurs  Obfer- 
vans. 

Ces  peuples  vivent  volontiers  fous  l'o- 
bàlTance  de  la  Republique,  parce  qu'el- 
le veille  à  leur  deffenfe  contre  les  irrup- 
tions des  Turcs  avec  Tes  puidantes  arr  lées  : 
outre  qu^elle  leur  laiflè  la  liberté  de  vivre 
coî'iforraement  à  leur  rit  fdont  ils  iont  il 
jaloux  6c  perruadez.de  fon  ancienne  6c 
^rpureinftiiution. 

>n;Tl  ie  recueille  de  très  beaux  fruits,  dans 

l'ifle  6c  il  y  en  a  une  auffi  grande  quantité 

oqu'en  aucun  autre  lieu  du  voiGnage. 

^u  Caroldi  rapporte  q\ie  l'iile  de  Zante 

ijfot  vendue  avec  d'autres  ïlles  par  Robert 

Prince  de  Tarante  en  l'an  1350. 

L'an  1571,   Uluzzalî  Pafla  faccagea- 

|. ':>la- Ville ,  fit  le  degat  dans  la  campagne 

H  3  6C 


174       DE  LA  MORE'E. 

&  mit  toute  Tlfle  dans  une  extrême  defa^, 
lation. 


LES 

1  S  L  E  S  ^i^-g? 
STRIVALESi 

T    £j  Sîrlvaks  font  deux  Tfles  que  Jè^^ 

•^^  Mariniers  appellent  Stamfane ,  Scque^ 

les  Auteurs  ont  reconnues   fous  diver^ 

nvTmsj  car  Strabon  Pline  &  Apolloniujij 

\çs  appellent  Strofhades  ,  Paufanias  Stri'^ 

'vàli^  Suidas  Stromphides  ôc  Camerariu^ 

Calydnes.     Elles   font    bafîes    6c    pre^^^ 

que  à  fleur   d'eau  ,    leur  port  eft  loiiQ 

de  Zance  de  cinquante  milles ,  elles  ont  peiiK 

d'étendue,  car  la  plus  grande  n'apasplus^ 

de  trois  ou  quatre  milles  de  circuit .  Nean-f^. 

moins  quoique  (i  petites,  il  ne  lailTe  paSj^ 

d'y  croître  du  raiiîn  en  une  prodigieufe^ 

abondance ,  ëc  le  vin  en  elt  d'une  fingulie -.q 

re  bonté.  Il  y  a  aufliplulîeurs  belles  iour-jq 

ces  d'eau  douce?  le  long  defquelles  on^q 

tiou- 


SECONDE  PARTIE.  17? 
trouve  quantité  de  feuilles  dePlanequoi- 
que  le  lieu  le  plus  prez  où  il  y  ait  de  ces 
arbres  foit  dans  la  Morée  à  la  diftance  de 
trente  milles  ;  il  faut  fans  doute  qu'elles 
y.  viennent  par  des  condu  its  fouterrains. 

Pour  tous  habitans,  il  n'y  a  que  des 
Caloyers  lefquels  pour  fe  defFendre  con- 
tre les  infultes  que  leur  pourroient  faire 
les  Turcs,  ont  bâti  leur  convent  en  forme 
de';Tortere(]c  bien  munie  de  Canon  avec 
une  herfe  à  la  porte. 

Les  Poètes  ont  inventé  la  fable  que 
Aelo,  Ocepit6c  Celcne  fils  de  Tauman- 
îê  6c  de  Teletra  habitent  les  enfers  en 
qualité  d'Harpies  pour  fortir  contre  les 
îiièchans  lorlqu'ils  en  reçoivent  ordre 
des  Dieux:  vk  dans  la  peinture  qu'ils  nous 
font  de  ces  Harpies ,  il  leur  donnent  un  vifa- 
ge  allez  maigre  quoique  allez  beau  6c  te- 
nant de  la  reiTernblance  de  trois  femmes 
Du  refbe  de  leur  corps  elles  ont  la  figure 
de  Vautours  horribles  à  voir  ,  avec  des 
grandes  ailes  6c  des  grifes  pointues.  La  fa- 
ble ajoute  ,  que  Tince  Roi  d'Arcadie  ayant 
comme  un  Père  inhumain  arraché  les 
yeux  à  fes  propres  enfans  j  les  Dieux  le 
punirent  de  même  en  lui  arrachant  fes  pro- 
pres yeux  6c  Tabandonnerent  à  la  terrible 
pourfuittc  des  Harpies  qui  meloienc  des 
H  4  or- 


i75      DE  LA  MORE'E. 

ordures  &  des  chofès  puantes  à  tout  ce  i 
qu'il  vouloit  manger.  Jafon  touché  de, 
compaflîon  pour  Tétat  milerable  de  ce,. 
Roi,  ôc  voulant  l'en fortirj  il  fît  en  forte, 
que  Zette  6c  Cœlajs  contraignirent  ces.-, 
monfîres  à  ceiTer  de  ^'inquiéter  ÔC  le  reti-  ' 
rcrent  dans  les  Ifles  Strofades. 


L'  I   s    L   E  8 

DE  ,j 

PRODANO. 


T^Rôàam  efl  une  petite  îiîe ou  un  Ecueil 
"^  que  Pline  ôc  Ptoloméenoînment  P^c/tf 
6c  d'autres  PrW^,  au  voifinagedelaMo* 
rée  avec  laquelle  elle  forme  un  canal  dé 
dix-fept  ou  dix -huit  pies  d'eau  où  lesvaii^ 
féaux  peuvent  fe  mettre  commodément 
à  l'abri. 


L  E  5 


SECONDE  PARTIE.    177 

■•a:- 

2     L  E  S     I  S  L  E  S 
^b  E    LA    ME  R 


D    E 

SAPIENZA. 


T  Lya  trois  Mes  dans  la  Mer  dcSapten^ 
•■'  l^a,  la  première  ,  que  Bordon  appelle 
SPHAGIA  ou  SPHATERIA  &  Por- 
cacchi  SFRAGÎ  A  6c  qu'on  nomme  coiu- 
manement  de  SAPIENZA.  Celle^i 
donne  fon  nom  à  la  Mer  qui  a  fon  cours 
le  long'  de  Tes  rivages  Se  qui  baigne  aufîi  la 
^e  méridionale  de  la  Morée*.  elle  eft  vis 
ji^vis  de  Modon  6c  l'emporte  en  étendue 
J^rles  autres  deux,, 

,-^^La  féconde  efl  nommée  CABRERA 
oii  FUSCHELLA,  ou  encore  T^^^w<- 
fa  &  Cattriem  à  une  légère  diftance  de  la 
première  à  laquelle  elle  cède  auOi  en  c- 
tendue  de  fon  continent. 
.^  hx  tr.oifiéme  sppclléc  VENETICO-- 


178       DELA  MORE'E. 

fait  front  au  Cap  Gallo,  rétendue  defon 
continent  eft  fi  refferrée  qu*on  la  devroit. 
plutôt  appellcr  un  écueil qu'une  lue.  Il  y 
a  là  auprez  d'autres  ecueils  où  retiennent 
aux  aguets  les  Corfaires  de  Barbarie  pour 
courir  fur  les  navires  qui  fortent  du 
Golfe  de  Venife  &  ceux  qui  viennent  de 
Sicile. 

L'  I   S   L   E 

D    E 

C  E  R  I  G  0. 

LA  première  ïfle  de  l'Archipel  au  cou- 
chant  eft  nommée  aujoard'huy  com- 
muncment  Cerigo ,  Ptolomée  Tappelle 
Cjtherea  du  nom  de  Cithero  fils  de  Phe- 
nice,  Ariftote  Porphirufa  à  caufe  de  la 
grande  quantité  de  Porphire  qu'on  trou- 
ve dans  Tes  montagnes  &  d*autres  Scothe- 
ra.  Elle  eft  vis  à  vis  du  Golfe  Laconico 
loin  de  la  Morée  feulement  cinq  milles., 
quarante  de  Tlflc  de  Candie  &  en  a  (oixan. 


A 


23ll 


\J 


TORTER^SSE 


SECONDE  partie:    179 

te  de  circuit:  Elk  a  plufieurs  écueils  aux 
environs  8c  plufieurs  ports  le  long  de  Tes 
rivages.  Au  midi  eft  le  port  de  la  Forte- 
refîe  lequel  eft  peu  fréquenté  parce  qu'il 
a  Ton  fein  aflez  étroit  6c  relTerré  6c  qu'il 
eft  fort  expofé  aux  vents:  l'autre  qui  eft 
au  delà  des  Dragonieres  douze  milles 
loin  de  la  Forterefle  a  un  bonjfonds , 
eft  fur  6c  peut  contenir  une  nombreufc 
flotte;  on  y  admire  fur  toutes  cbofes  la 
forme  naturelle  de  fon  fein  qui  peut  fe  fer- 
mer à  chaîne  6c  où  quarante  galères  fe 
peuvent  mettre  à  Tabri,  Il  y  a  uneEglife 
fous  le  titre  de  San  Nicolo  y  quoique  per- 
fonne  n'y  habite.  Au  couchant  à  vingt 
cinq  milles  loin  de  ce  port  il  y  en  a  un  au- 
tre petit  appelle  de  San  Nfcolo  de  Moàari^ 
propre  pour  les  Galiottes  6c  les  petites  bar- 
ques oii  eft  auffi  une  Eglife  de  San  Ni- 
colo. 

Il  y  a  dans  cette  lile  grande  quantité 
de  gibier  mais  il  s'y  recueille  très  peu  de 
bled,  devin,  6c  d'huile,  aufîi  les  vivres 
s'y  vendent  fort  cher:  on  y  voitplulieurs 
villages,  mais  de  petite  oudenuUeconfi- 
deration.  On  y  voit  aufti quelques  Mona^ 
fteres  de  Htcromonachi  6c  de  Caloyers^ 
entre  lefquels  il  y  en  a  un  bâti  fur  un  roc 
au  coté  droit  6c  aflez  prêts  de  la  Forte- 
H  6  reile 


iSû       DE  LA  M  OREE. 
i;efl'e  cfa'on  appelle  San  Giovanni  delU, 
Grotta.  11  a  été  pratiqué  dans  le  roc  à  for- 
ce de  travail  8c  de  coups  de  marteaux* 
Qiioiqu''on  n'y  puifle  monter  que  très 
difficilement ,   les  Grecs  ne  laiflént  pas 
pourtant  d'en  prendre  la  peine  toutes  les 
fois  que  les  Religieux  veulent  accomplir 
les  veus  qu'ils  ont  fait  à  Dieu.  Les  pointes 
du  rocher  donnent  de  Teffroy  à  tous  ceux 
qui  les  regardent ,  car  elles  penchent  (i  forE 
qu'ri  femble  qu'elles  fe  détachent  6c  me- 
lîacent  ruine.   Nonobftant  cela  les  habi- 
tons ont  une  grande  vénération  pour  ce 
lieu ,  dans  la  croyance  oii  ils  font  que  S. . 
Jean  y  commença  fon  Apocalipfe. 

La  Ville  de  même  nom  que  l'Iile,  por- 
te, le  titre  de  Ville  Epilcopale  :  elle  a  été 
bâtie  fur  un  rocher  efcarpé ,  6c  dans  une 
fituation  fort  avantageuie,  ayant  du  côte 
de  la  Mer  un  terre  plein  bien  muni  de  ca^f 
non  oii  l'on  fait  ia  garde. 
La  Republique  Venife  en  a  retenu  la 
*  D'^«.vcf  domination  depuis  *  la  diviliondePempi- 
prS'LiVre  de  Conftantinople ,  6c  elle  y  envoyé 
f^es  de  la  jqqs  \q^  dcuK  ans  un  de  fes  Nobles  en  qua- 
lité de  Chaftelain  6c  de  Provediteur.  Selin 
tenta   avec   une   purflante   armée  corn» 
maniJée  par  Halî  joint  à  Portaù  d'en  fai- 
re la  ccnc^uctc,  mais  il  fe  retira  bientôt, 

ayant, 


SECONDE  PARTIE.     iSi 

âyanc  reconnu   que  ces  efforts  feroicnc 
vains. 

Les  Auteurs  de  la  fable  difènt,  les  uns 
que  la  Deeflè  Venus  prk  naiflance  dans  cet- 
te Ille,  d'autres  qu'elle  y  vint  palier  fes  pre- 
mières années;  auiîi  y  étoit  elle  reconnue 
comme  Deefle ,  on  lui  avoit  confacré  dans 
la  partie  Orientale  un  beau  Temple  fous 
le  nom  de  Citer ée.  Dans  ce  teinple  étoit 
fon  (latue  ious  la  figure  d^une  très  belle 
fille  tenant  dans  Ta  main  droite  unecoquiN 
le  de  Mer  6c  fe  joiiant  à  nager  fur  la  Mer  : 
Elle  étoit  toute  ornéede  rofes  de  couleur 
de  pourpre  éc  des  pigeons  blancs  valant 
autour  d'elle  fembioient  fuivre  6c  fécon- 
der ion  mouvement:  trois  jeunes  filles  re- 
connues pour  les  trois  grâces  fe  tenans  par  ia 

xmain  alloient  devant  elle  pour  la  fervir, 
deux  en  attitude  comme  û  elles  vouloient 
ranger  quelque  chofe  à  Ta  tête  6>C  luribnvi- 
fage  6c  l'autre  prenoit  garde  au  derrière. 

uGupidon  fon  fils  qui  n'a  point  d'yeux  étoit 
auffis  au  devant  d'elle  arméde  fon  arc,  6c 
d'un  trait  qu'il  avoit  décoché  il  bieflbit 
Afollon. 

C'eïl  dans  ce  même  Temple  que  vin- 
rent enfemble  Paris  fils  de  Priam  Roi  de 

-iTroye  6c  Hélène  la  plus  belle  femme  de 

la  Grèce ,  après  qu'ils  s'eBoien:  touchas 

H  7  d'à- 


ï82      DE  LA  MORE'E. 

d'amour  l'un  l'autre  Se  que  la  belle  eut 
Gonfenti  que  (bn  amant  Tenlevât.  Ce 
raviflement  fût  le  fujet  de  l'indigna- 
tion de  Menelaus  qui  s'eut  faire  armer 
toute.'  la  Grèce  à  fa  vengeance  contre  les 
Troyens  ôc  qui  caufa  enfin  la  ruine  de 
Troye. 

L'Ifienefl:  pas  d'une  fort  grande  éten- 
due puifqu'elle  n'éft  que  de  foixante  milles  j 
néanmoins  elle  ne  laflbit  pas  d'être  d  une 
fort  grande  importance  à  ceux  de  Sparte 
dans  le  tems  qu'ils  en  étoient  les  Maiflrcs, 
car  elle  leur  étoit  comme  un  rempart ôc 
fer  voit  d'abri  à  tous  leurs  vaifTeaux  qu'ails 
envoyoient  en  Egypte.  On  y  envoyoit 
chaque  année  un  Président  pour  régler  les 
affaires  militaires  ck politiques ôcla confer- 
vation  de  cette  Ifle  leur  étoit  dune  fi  gran- 
de confequence  que  la  huitième  année  de 
la  guerre  du  Peloponnefe  les  Athéniens 
s'en  étant  emparez  Sparte  fe  trou  voit  fans 
defFenfc  6c  fon  païs  ouvert  aux  irruptions 
de  l'ennemi,  s'ils  ne  s'ctoient  hâtés  de  forti- 
fier &  d'établir  des  garnirons  dans  les  places 
voifines. 

La  petite  Me  ou  plutôt  TEcueil  appel- 
le de  Cervi  a  fon  étendue  entre  le  Port 
Rapini  6c  le  Cap.S.  Angelo  ou  elle  forme 
avec  la  terre  ferme  un  Canal,  <]ui  ell  ira- 

pra* 


SECONDE  PARTIE.     183 

praticable  aux  vaifleaux  à  caufe  des  bans 
de  fable  qui  l'occupent. 

Les  Ecueils  les  plus  proches  de  Tlfle  de 
Cerigo  font  les  Dragoinere  qui  font  de  fort 
bon  ancrage,  6c  on  peut  en  partir  à  tout 
vent.  Les  autres  qu'on  remarque  entre 
cette  lile  &  celle  de  Candie,  font  POvo 
autrement  nommer/?/^,  0/î?,  DoiyPoro^ 
-Forejfa  ,  Cicerigo  ou  Cerigotto  9  que  les 
^Anciens  nommoient  autrement  Egila  ou 
EgUle  :  c'eftle  plus  proche  du  Cap  Spa^ 
da  6c  le  plus  grand  de  tous.  Cependant  il 
^*en  efl  aucun  de  tous  ceux  là  qui  mérite 
une  particulière  defcription  ôc  ils  ne  font 
d'aucun  autre  ufage  dans  la  Mer  que  de 
%vir  de  lignai  à  ceux  qui  voyagent. 


LES 


iS4       DE  LA  MORE  E. 
L    E    S 

I    S    L   E   S 

DU  GOLFE 

D'  E  N  G  I  A. 


LEs  lîes  qui  font  dans  le  fein  du  Golfe 
d'Engia  6c  qui  lui  tiennent  lieu  d'un 
bel  ornement,  iorc  premierementjen  com- 
mençant du  Cap  Colonne  ,  celle  qu'on 
uppcWe  Pairockia  &;  que  le  peuple  nomme 
GÀidronifi  &  Macrenifi  :  on  lui  a  encore 
donné  le  nom  à'^Ehanonift  à  caufe  de  la 
grande  quantité  d'Ebcne  qui  y  naift.  Ily 
a  fur  une  hauteur  un  marbre  élevé  qui 
pouvant  être  vu  de  loin  fertdefignal  auXr 
Mariniers  :  du  côté  que  fouRe  le  vent  Grec 
6c  allez  prez  de  Tille  il  y  a  des  bancs  très 
dangereux. 

En  approchant  de  l'Attique  on  trouve 
rifle  appellée  Eli^o  qu'on  croit  être  /'£- 
/^^//^deStrabon. 


G  o  LFi:    n'  kn-g-tX"    s  a  : 


^ 


SECONDE  PARTIE.    î8^ 

Enfuitte  font  PEcueil  de  P/7/f^^,  avec 
autres  cinq  contigus  qu'on  appel ie  Cumho- 
nifa. 

Entrellfle  Culuri  &  l'Attique  eft  rifle 
Lipfo coHtaliazmremcnt  nommée  PfyttaU 
ce  aflez-  proche  du  Port  Lion  où  il  y  a  un 
nombre  prodigieux  de  lièvres  6c  de  re- 
nards^ 

Entre  Culuri  6c  Egine  on  voir  Tlfle  ap- 
pellée  Laufa  au  voifînage  de  la  quelle  il  y  a 
trois  petits  Ecueils. 

.^  Entre  nile  d'Egine  6c  la  Ville  de  Go- 
rinthe  font  les  Ifles  ^ygios ^Thomas^Dia^ 
por^y  Ebrœo ,  Agioiani ,  Platonifi  &  quel  - 
qu'autre  petit  Ecueil  fans  nom. 

Entre  Egine  Se  le  continent  de  la  Sac- 
canie  on  conte  les  Ifles  d'^Angijiri ,  Metopi^ 
Doroufa  6c  Mo?n. 

Entre  le  Cap  Colonne  5c  le  CapSckili 
on  conte  autres  deux  liles  qu'ion  appelle 
Kelhimis'y  mais  de  ces  Ifles  que  nous  avons 
nommées  il  n*y  a  ^«*£^f??^,  Culuri^  Porcs 
qui  ayent  des  habitans. 
*  Culuri  eftuneiflequc  Sophianusa  con- 
nue fous  ce  nom.  Les  Mariniers  l'nppel- 
lent  Sarjta  Burfta  6c  c'eft  celle  qu  on  appel- 
loit  autrefois  del  Dragone  du  nom  d'un 
certain  Dragon  qui  éto'it  dans  cette  contrée 
ScquifuttuéparCeroneus  fils  de  Neptu- 
ne 


i8(5       DE  LA  MORE'E. 

ne  8c  de  Salomona  fille  d'Afopo,  îequeï^ 
donna  depuis  à  Tlfle  le  nom  de  Salamis^ 
fous  lequel  Font  connue  Pline  ôc  Srrabonri 
Elle  a  un  Village  qui  s'appelle  defonnom 
Culuri  qui  comprend  deux  cens  maifons 
fitué  dans  la  partie  méridionale  8c  au  fonds 
de  Ton  Port  qui  au  rapport  de  Moniîeuri 
Spon  eft  un  des  plus  vaftes  qu'ail  y  ait  dans^ 
le  monde,  il  a  deux  milles  de  largeur  6ct 
fept  de  longueur  :  à  Ton  entrée  il  y  a  deux 
Ecueils  appeliez  Camii  êc  Prafuli,  Bau?^ 
drand  qui  appelle  cette  Ille  de  ces  trok^ 
noms   Cychria  ,    Scirar ,    Pitpjfa  ,    dftî 
qu'elle  eft  dix  milles  loin  d^'Egene  &C  deu»! 
de  l' Attique.  Il  y  a  abondance  de  bled ,  dm 
poix  refine  ,  de  charbon  ,  d'eponges ,  àsà 
cendres ,  on  porte  tout  cela  à  Athènes  pour 
vendre. 

L  ^inclination  de  ces  Infuiaires  eft  à  la  ^ 
pèche,  ôc  ils  s'y  entretiennent  d'autant 
plus ,  que  leurs  rivages  font  ordinairement 
fréquentés  d'une  grande  quantité  de  potéy 
ibns.       .  ,    ^  A 

L'ancienne  Ville  de  Salime-âe^  quiétoi-c 
le  Siège  d'un  Eveque  fufFragant  de  l'Ar- 
chevêque d'Athènes,  étoit  fituée  quat 
ou  cinq  milles  loin  d'un  petit  Bourg  d'une 
vintainedemailbns  appelle  AmheUchi  qui'-^ 
a  un  petit  port  vis  à  vis  d'Athènes  proche -' 

du- 


SECONDE  PARTIE.    187 

duquel  on  voit  un  bâtiment  en  forme  de 
convcntavecle  titre  de  Mitropoli  accom- 
pagné de  quelqu  autre  maifon. 

Lecircuitde  Tiaeeftde  35 milles;  ily 
aplus  de  millehabitans. 

Me^alo-kira  8c  Micro-kira  c'eil  à  dire 
le  grand  &  le  petit  Kira  font  deux  Ecueils. 
entre  Plfle  Culuri  Ôc  TAttique  en  terre 

ferme. 

/  A  l*opponj:e  du  Cap  Sunnio  autrement 
appelle  le  Cap  Colonne  eft  l'Ecueil  ap- 
pelle Macronifi  dont  Homère  fait  men- 
tion dans  le  troifieme  livre  de  fon  Iliade 
fous  lé  nom  de  Cranae:  fon  premier  nom 
fut -^^/^^^  pour  avoir  été  le  lieu  oîi  cette 
belle  Greque  foufFrit  les  embraffemens  de 
fon  amant  Sc  fon  rauiffeur  Paris. 

L'    I    s    L    E 

DE  G  E  N  E 

EGerjecfïum  Ifle  loin  de  la  plage  d'At- 
hènes dix  huit  milles,  vingt  cinq  du 
PortLion,  douze  delà  Morée  ôcvingtun 
de  Culuri.  Strabon  l'appelle  Bgwa  du  nom 

d'Egi. 


ï88       DE  LA  MORE'E. 

d'Egine  Mère  d'Eacus  lillc  d'Afopo  , 
Baudrand  Aemne  ,  Brietius  Mjrmtdo- 
nU  6c  les  Mariniers  Engi.  Quoique  cet- 
te Ifle  ait  trente  ^r^  milles  de  circuit 
elle  n'a  point  pour  tout  cela  un  port  pour 
recevoir  les  vaifleaux ,  6c  on  efi:  obligé  d'al^ 
îer  mouiller  entre  Angiftri  &  Dorufa; 
ou  bien  entre  elle  6c  Moni  comme  faifoit . 
Tarmée  Vénitienne  durant  les  guerres  de 
Candie.  Les  perdrix  s*y  muîtipTient  en  G 
grande  quantité  que  les  Infulaires  font  con- 
traints auprimtems  de  parcourir  la  campa- 
gne pour  faire  périr  les  œufs,  pour  préve- 
nir qu'une  fi  grande  foifon  de  ce  gibier  ne 
porte  préjudice  à  leurs  femences. 

Il  y  refte  encore  deux  beaux  monumens 
d'Antiquité  qui  font  deux  temples,  Tun 
defquels  eft  fitué  dans  la  partie  Septentrio- 
nale de  Plile  que  Paufanias  croit  être  celui 
qui  fut  autrefois  confàcré  à  la  Deeflé  Ve- 
nus ,  l'autre  eft  bâti  dans  un  bois  fur  une 
colined'un  admirable  aipeûqui  fut  élevé 
à  l'iipnneur  de  Jupiter  par  Eacus  premier 
Roi  de  cette  Ifle.  On  y  voit  encore  vingt 
Colonnes  d'Ordre  Dorique  canellées  avec 
leurs  Architraves  rangées  avec  beaucoup 
defimetrie. 

La  Ville  qu'on  appelloit  du  même  nom 
de  rifle  Egene  qui  fut  un  tems  honorée  du 

Siège 


SECONDE  PARTIE.     i% 

Siège  d'un  Eveque  fufFragant  de  l'Arche- 
vêque d'Athènes  6c  que  la  naiflànce  de 
Paul  Medicis  avoic  rendue  fameufe  efl  à 
prefant  réduite  en  un  petit  Bourg  joint  à  la 
Sorcerefle,  qui  n'a  jamais  été  contidera- 
Mc  que  pour  fa  fituarion ,  qui  efl  fur  un  ro- 
cher fort  haut  6c  tout  efcarpé,  d'où  l'on 
deG«uvre  plulieurs  liles  de  l'Archipel  juf- 
^j^uesà  Antimilo. 

i)  Cette  lile  fut  un  tems  foumife  au  Duc 
.  .Galeorto  Malatefta  par  Ion  mariage  avec  la 
sfille  d'Antoine  Roi  de  Beotie^  d'où  elle 
-.pafla  enfuite  fous  la  domination  des  Veni- 
3|iens.   Mais  Frédéric  Barberoufle  ,  ayant 

pénétré  ^  dans  les  liles  de  l'Archipel  , 
e^'avança  jufques  à  celle  d'Êgene  pour  en 
^«J&ire  la  conquête ,  dans  h  penfée  lans  doute 
.que  toutes  les  autres  lui  acquerroientpeu 
îî|e  gloire  en  comparaifon  de  celle-ci,  qui 
^  avoit  un  fort  grand  nombre  d'habitans ,  ÔC 
squiétoitaloî^  bien  défendue  fous  le  Gou- 
àV^rnement  de  Francefco  Sorian  qui  y  com- 
iinandoit  en  qualité  de  Miniftre  de  la  Rc- 
jj)ublique. 

or)  ■  En  Tan  t  (^74.  Francefco  Morofini  Capi- 
qlîiinc  General  de  Tarmée  de  la  République 

ayant  fiit  voile  dans  l'Archipel  pour  exi- 
nger  des  contributions  6c  rafraichir  fa 
juChiouraie,  s'avifaque  l'Ifle  d'Egene  n'é- 
3g3'  toit 


i^o         Des  Places  Maritimes 

toit  qu'un  repaire  de  Barbares  qui  fc  te- 
noient  là  avec  leurs  légers  vaifTeaux  en  at* 
tendant  un  tems  propre  pour  paflër  dans  la 
Canée  :  cette  penfée  appuyée  du  refuç  que 
lui  firent  les  habitans  de  fe  foumettre&de 
lui  payer  l'impofition  lui  fit  prendre  la 
relblution  de  les  réduire  par  la  force.  Il  fit 
donc  débarquer  les  troupes ,  &  ayant  com- 
mencé Tattaque  il  reprima  bientôt  l'auda- 
ce des  dcfenfeurs  :  il  les  contraignit  à  fc 
rendre  à  difcretion  8c  après  avoir  abandon- 
né la  place  au  pillage  6c  démoli  ce  qui  reP 
toit,  on  mit  à  la  rame  trois  cens  de  ces 
Grecs  Ôc  quarante  Turcs. 


M  E  G  A  R  E. 


Tl/f  Egareàfonafiîette  fur  une  montagne 
^-^^  dansFAchaïe  aune  égale  diftancedc 
2  5  mille  d'Athènes  6c  de  Corinthe.  C'eft 
à  prefant  un  Bourg  oii  il  y  a  des  habitans 
à  proportion  comme  il  y  a  des  maifons  qui 
font  au  nombre  d'environ  quatre  cens  aflez 
preflees  6c  très  chetives  bâties  pour  la  plus 
grande  partie  de  gafon  cuit  au  foleil  6c  cou- 
vertes de  fafcines  :<:  terre  pardeflus.  Tous 
les  habitans  font  Grecs  trcs  zelez  cbferva- 

teurs 


r^±<^^ 


Entre  U  Morée  Cr  Negrepont     ip  i 

ccurs  de  leurs  cérémonies.  Les  Turcs  n^o- 
l'ent  plus  y  demeurer  ,  dépuis  qu''un  de 
leurs  Vay vodes  y  fut  enlevé  par  des  Cor- 
faires.  Elle  a  été  un  temps  la  Ville  Capi- 
tale du  territoire  de  Megare  qui  confine 
à  celui  d'Eleufine  appartenant  aux  Athé- 
niens ôc  qui  failbic  la  plus  riche  portion  de 
leur  domination.  Pandion  en  mourant  le 
laid  a  en  héritage  au  Roi  Pila,dequoi  il  nous 
reftc  ces  deux  beaux  témoignages  à  fa  voir 
le  Tombeau    de    Pandion  qui    eft  en- 
core fur  pie  dans  le  même  territoire  ;  êc 
l'autre  ,  que  Ni  (us  ayant  donné  la  Sei- 
gneurie d'Athènes  à  Egée,  comme  étant 
le  plus  ancien  de  cette  race,  celui  ci  eue 
fous  fa  domination  Megare  avec  tout  le 
territoire  jufques  à  Connche.  D  ou  vient 
qu'on  appelle  encore  aujourd'huy  Ntfaa 
le  petit  port  qui  efl  à  deux  milles  du 
Bourg  dans  l'extrémité  du  Golfe  d'Engia 
qui  fer  voit  autrefois  d'abri  aux   Navires 
de  Megare. 

Durant  le  Règne  de  Codrus  ceux  du 
Peloponnefe  ayant  déclaré  la  guerre  aux 
Athéniens  fans  remporter  aucun  fruit  de 
leurs  attaques,  en  s*en retournant furpri- 
rent  Megare  ;  8c  par  ce  moien  elle  fut  fou- 
mife  à  la  domination  de  ceux  de  Corin- 
the,  parce  que  ceux  qui  s'en  etoient  em- 
parez 


ï  ^  i  Des  Places  Ma  mimés . 

pareT;  la  cédèrent  aux  Corinthiens  &  à 
d'autres  de  leurs  confedercz  qui  voulu- 
rent y  aller  faire  leur  habitation.  Par  là 
les  Megariens  changèrent'  en  même  tems 
de  coutumes  ôc  d  :  language  &  ne  parloienc 
depuis  que  Dorien. 

Les  Auteurs  parlent  diverfèment  de 
Porigine  de  Ton  nom.  11  y  a  une  opinion 
qui  dit  qu^elîe  s'appelloit  Megare  des  le 
tems  du  règne  de  Care  fils  de  Phoroneus 
les  deux  premiers  qui  confâcrerent  des 
Temples  à  l'honneur  de  la  Deefle  Cerés. 
Les  Beotiei-js  rapportent  que  Megare  fils 
de  Neptune  qui  habitoit  en  Onchpfto 
ayant  accouru  avec  leur  armée  aufecours 
de  Nifus  combattu  par  Minoë ,  celui  ci  fut 
tué  dans  le  combat  6c  ayant  été  enfeveîi 
dans  ce  lieu  donna  fon  nom  de  Megare  à 
la  Ville  appellée  auparavant  Nifa.  Les 
Mémoires  des  Megariens  font  bien  autre- 
ment rhiftoire  de  ce  Megare  ;  car  ils  aflli* 
rent  qu'il  fucceda  à  Nilus  dans  le  Gou- 
vernement pour  avoir  epoufc  la  fille  du 
même  appellée  Finoë.  De  cette  forte  il 
ne  feroit  pas  fuprenant  qu'ils  eufient  été 
appeliez  Megariens  du  nom  de  leur  Roi 
puifqu'ils  furent  bien  appeliez  un  tems 
LeUguns  du  nom  de  Lelegus  un  autre 
de  leurs  Rois  lequel  étant  venu  d'Egoto 

fut 


Emrela  Moree  Cr  N^grepont^      19^ 

fut   Couronné   Roi  de  la   vile. 

Au  Nord  de  la  Ville  il  y  a  dans  h  plei- 
ne neuf  ou  di^iEglifes  autour  delquelies 
i\\  y  a  voit  un  village  appelle  Palœochorio 
le  vieux  village,  qu'ion  a  abandonné  6c 
laiflé  tomber  en  ruine.  Si  le  teiiis  n'avoit 
pas  entraifné  avec  lui  tout  ce   que  VAn- 
-pquicé  avoit  de  plus  beau  6c  d'admirable 
nous  verrions  aujourd*huy   fur   pié  tant 
d'Edifices  Ibmpiueuxquifaifbient  la  gloi- 
re 6c  rornement  de  la  Ville  deMegarcSc 
dont  les  fracmens  qui  nous  relient  met- 
tent dans  la  (urprife  ceux  qui  les  i'egardent. 
Entrautres  de  ces  magnificences ,  il  y  a  voie 
une  fontaine  ,   dans  laquelle  il  feoiblck 
que  l'ouvrier  avoit  mis,  toutes  les  beau- 
tés 6c  epuiré  les  fineiîes  &  les  deiicateiles 
de  Fart.  Noin  guère  loin  de  cette  fontai- 
ne, etoit  affis  un  Temple  dans  lequel  on 
voyoit  les  images  des  douze  Dieux  de  la 
mainde  Praxitèle,  avec  Fefiigie  des  Em- 
pereurs qui  fiiifoient  voir  enfemble  la  plus 
belle  galerie  qui  fut  au  monde.  On  voyoit 
encore  a  Megare  ,   la  (latue  de  bronze 
que  les  Megariens  élevèrent  a  rhonneur 
de  Diane,  avec  le  titre  de  ^S^/t'^^r/V^,  en 
l'econnoi fiance  du    fecours   divin    qu'ils 
croyoient  en  avoir  receu,  lorfque  leur  vil- 
le étoit  attaquée  dangereufement  par  l'ar- 
I  mc€ 


1 9 4  ^^^  Places  Maritimes 

mée  de  Mardonius.  Car  il  arriva  que  ce 
Capitaine  General  marchant  de  nuit  per- 
dit Ton  chemin  ,  6c  dans  fon  erreur  pre- 
nant une  montagne  pour  les  ennemis  qu'il 
cherchoit ,  il  y  fit  porter  tout  ce  qft'il 
avoit  d'armes  &  de  machines:  8c  lesMe- 
gariens  trouvant  fbn  armée  fans  armes  ôc 
lans  defFenfe  ,  on  peut  juger  avec  quel 
avantage  ils  combattirent.  Là  auprez  etoit 
encore  le  Magnifique  Temple  de  Jupiter 
Olimpicn,  dans  lequel  on  voyoit  l'admi- 
rable ftatue  compoiee  d'or  d'yvoire  6c 
de  terre  du  Dieu  dcguifé,  quoique  cette 
flatue  n'étoit  pas  dans  là  perfedion  à  cau- 
fe  que  les  Megariens  portoient  fi  mal  vo- 
lontiers le  joug  des  Athéniens  qu'ils  ne 
pouvoient  longer  à  aucun  ouvrage  de 
leurs  gloire  6c  ils  manquoient  même  de 
commoditez  chargez  qu'ils  etcientde  fi.ib- 
fides  6c  d'impofitious  que  les  Athéniens 
exigcoient  fur  eux  pour  fournir  aux  fi*ais 
de  la  guerre  du  Peloponnefe.  Les  riches 
ouvrages  qui  dévoient  fervir  d'ornement 
â  cette  Magnifique  flarue  demcuroient 
imparfaits  ,6c  etoient  couchez  au  derrière 
du  Temple  dans  le  même  endr-it  oii  etoit 
appendu  en  trophée  TEperon  d'une  Ga- 
lère que  ceux  Je  M  gare  a'/-nentgaignéc 
fur  les  Atheii/ens ,  lorlqu'ils  repnrent  ilfle 

de 


Entre  la  Morée  O"  Nègre f  ont ^     1 9  j 

de  Salamine  qui  s'etoîc  fouflraite  de  leur 
domination. 

On  pouvoic  encore,  quand  on  etoit  à 
Megare ,  trouver  ce  nouveau  fujec  digne 
de  curiofité  d'entrer  dans  la  Roche  qu'on 
appelloit  Caria  de  Care  fils  de  Phoroneus 
d  où  l'on  decouvroit  le  Temple  de  Bac- 
chus  Nitelioy  &  en  même  tems  celui  de 
Venus  Epiftrophiat  qu^on  appelloit POra- 
cledelanuic. 


L    E 

PORT   LION. 


L 


E  Fort-Liono\xVortolione  ell  ainfi ap- 
pelle à  caufe  d'un  Lion  de  marbre  de 
dix  pies  dehaut  qui  eft  fur  le  rivage  au  fond 
du  Port.  Les  Grecs  Modernes  l'appel- 
lent Porto  Draco  6c  C'ceron  6c  Strabon 
Tir^tis  PortHs^  il  a  été  encore  appelle 
Athenarus  Portus^  il  eft  a  la  partie  (epten- 
crionale  du  Golfe  d'Eng'a. 

L'Entrée  de  ce  port  eft  étroite ,  defor- 
te  qu'à  peine  y  pourroit  il  paft'er  deux  Ga- 
lères à  la  tois.  Mais  quand  on  eft  dedans 
1  2  il 


j^6       ,   Des  PUces  Maritimes 
il  y  a  bon  fonds  •partout  fi  ce  n'cft  dans  un': 
undefcs  enfbncemcTîs  qui  eft  preiquetout 
comblé  6c  qui  ctok  peut  être  comme  une 
jî  i  7  c.  ^^^'^^  F^"^  ^^'  Galères.  11  eii-  capable  de 
57.  '    *   'contenir   un   bon  nombre   de  vaifleaux 
m^l^U.  ^^^^'^  ^'  ^'^  ^^^^^^  ^^  .Strabon  quatre  cens 
ÂeUdefcri'&C  h  Portolanc  de  la  Mer  Méditerranée 
f^ic^ndcs     cinq.cers  ui donnant  dix  brafies de  fonds 
niais  M.  Spon  Auteur  exat  6c  de  reputa- 
tlon  a  remarque  que  comme  nos  vaifièaux 
ibnt  de  beaucoup  plus  grands  que  ceux 
des  Anciens  à  peine  y  en  pourroit  en  ran- 
ger quarante  ou  cinquante. 

Le  plus  grand  commerce  qui  fe  fait 
dans  ce  port,  c'eft  de  la  Velanede  qui  fe 
cueille  des  chênes  verds  d'Eleufis  6c  de  k 
leine  de  chèvre. 

Avant  que  Themidocle  fut  Prince  des 
Athéniens  ils  ne  tenoient  pas  leurs  vaif- 
feaux  dans  ce  port,  mais  dans  le  Port  ce 
Phaiere  parce  qu^il  n'etoit  pas  loin  de 
la  Ville  :  6c  c'eft  de  ce  port  aufli 
qu'on  dit  que  partit  Meneftée  avec  la  flot- 
te pour  faire  voile  à  Troye:  6c  Thdee 
avant  lui  loriqu'il  alla  tirer  vengeance  fur 
Minoëdela  mortd'Androgée.  MaifîThe- 
miftocle  ayant  été  élu  Prince,  6c jugeant 
que  le  Pirce  seroit  de  plus  grande  œm- 
modité  puifqu'il  y  avoir  trois  ports  diffe- 

rans , 


4^  J-^  VT^V 


I 


Entre  la  Morée  O^  Negnpont,      197 
rans,  pour  les  vaiiîcaux  il  fid  travailler 
à  le  mettre  en  état  de  bonne  tenue  Ôc  le 
joignit  à  des  murailles  de  trois  milles  de 
long  qui  continuoient  jiifqu'à  la  ville:  on 
appelloic  ces  murailles  Macra  Ttichi  qui 
furent  détruites  par  Syila  &  dont  il  reile 
encore  quelques  traces.  On  vovoit  autre- 
fois fur  le  grand  Port  dur  Pirée  le  Tombeau 
deThemiitocle;lelieudediéàPallas5càJu- 
piter,un  logement  allez  long  ou  tcnoient 
leur  marche  ceux  qui  habitoicnile  long  de 
la  Mer  6c  plulieurs  autres  antiquités ,  com- 
ms  on  le  peut  lire  dans  Pauiiinias. 


ATHENES. 

\  Thenes  eil  une  des  plus  anciennes  viî- 
•^^ies  de  la  Gre:e,  le  (iege  d'un  Arche- 
vêque 6c  la  Capitale  de  PAttique.  Elle  a  fa- 
ficuation  non  guère  lovn  de  la  Plage  du 
Golfe  d'Engia  qui  foi t  partie  de  la  Mer 
d'Jonie.    L-.e  Roi  Cecrops  fat  le  premier 
qui  en  jetta  les  fondemens   8c  l'appelia 
de  Ion  nom  Cecropia;  mais  elle  devoit  fa 
perfection  au  lioi  Thefée  qui  l'agrandie 
St  obligea  ceux  de  la  campagne  d'y  venir 
demeurer»  La  citadelle  retenoit  toujours 
I  3,  le. 


ipS  Des  Places  Maritimes 

le  nom  de  Cecropia  mais  enfuite  elle  fut 
sppeilée  ArcrofùUs.  Elle  eil  bâtie  fur  une 
roche  vive  efcarpée  de  tous  les  côtés  fi  ce 
n'ell  au  couchant  par  où  l'on  entre.  Au 
levaiu  6c  au  Midi  les  murailles  font  deux 
faces  d'un  quarré,  le  relie  n^eil  pas  fi  re* 
gulicr  &  s'accommode  aux  pointes  6c  au 
circuit  du  Rocher.  Elle  a  douze  cens  pas 
ordinaire? de  tour;  mais  au  bas  de  la  Cor 
îine  on  voit  diftintement  les  fondemens 
d'une  autre   muraille   qui   l'environnoic 
pref'que  toute  6c  la  rendoit  d'un  abord  plus 
difficile.   Les  Soldats  de  la  Garnifon  ne 
ibnt  véritablement  que  defimples  morre- 
paycs  qui  y  ont  leur  logement  &  leur  fa- 
mille, ils  font  toujours   en  défiance  de 
quelque  furprife  à  caufe   des    fréquentes 
iniultes  qu'ils  ont  receiA^s  des  Corfaires. 
I^a  citadelle  eii  prefque  à  une  égale  di- 
flance  de  deux  eminenccs:  Tune  qui  efi: 
de  la  méoie  hauteur  &  à  fon  fud-oiieft  à . 
îa  portée  d^un  fauconneau  6c  le  Mufeum: 
l'autre  eit  le  Mont  uinchefmus  qui  eft  (i 
rude  quM  feroit  fort  difficile  d'y  monter 
des  pièces  dartiiîerie  pour  battre  la  ville 
Çc  la  citadelle  ;  outre  qu'il  n'y  a  point  de 
terre  plein  deifus  6c  que  ce  ne  Ibnt  que 
des  pointes  de  rocher  (ur  l'une  defquelles 
eft.    une    Chapele   à^jigts  Georgios  où 

étoic 


Ent re  la  Morét  O^  Negrofont,  i s>9 
ctoit  autrefois  laftatue  de  Jupiter  Anchef- 
mien.  Le  bas  de  la  ville  eflâu  nord  de  la  ci- 
tadelle, 8c  quand  on  vient  du  coté  de  la 
Mer,  elle  en  eit  fia  couvert  qu'il  ne ietn- 
ble  pas  qu'il  y  ait  d'autres  tnaifons  que 
celles  de  la  Ciiadcle.  Cequi  ell  caufe 
que  plulieurs  n'ayant  pas  euiacuriofitéde 
débarquer  en  terre.  Te  font  periuadezque 
de  toute  la  grandeur  d'Athcnes  il  ne  re- 
iloic  que  le  Chattau.  Cette ikuation lui  efl 
fort  avantageufe  pour  la  lanté  de  Tes  ha- 
bitans,  car  comme  le  climat  efb  chaud, 
ii  vaut  beaucoup  mieux  qu'elle  foitcxpo- 
fé  aux  fi-aichc  urs  de  la  Tramontane  qu'aux 
ardeurs  du  Midi. 

On  y  voit  encore  après  toutes  fes  révo- 
lutions de  Fort  belles  antiquités  dont  les 
plus  confiderables  font  le  Temple  de  la 
Vicloire  d'Ordre  Jonique  que  les  Turc 5 
font  maintenant  fervir  de  Magafin  à  pou- 
dre. 

L'Arfenal  de  Licurgue  d'OrdreDoriquc 
dans  lequel  on  mec  comme  en  dépôt  les 
armes  &  l'artillerie. 

Le  Temple  de  Minerve  d'ordre  Dori- 
que changé  aujourd'huy  en  une  mofquée 
dcMahometans. 

La  Lanterne  de  Demofthene  qui  fert 
d'Hofpice  aux  P  P.  Capucins. 

I  4  La 


2,00  T)es  places  JUaritimef 

La  Tour  des  Vents  de  figure  oâogonc 
donc  Andronicus  Cyrrheilcs  donna  le 
morele  ôc  dontVitruve  a  donné  ladefcri^ 
ption. 

Le  Temple  de  Thefee. 

Lesfondemensdc  l'Aréopage  6cc. 

il  y  a  bien  aujourd'hui  dans  Athènes  huit 
àncufrnillehabitans,  donc  les  trois  quarts 
font  Grecs  6c  les  autres  Turcs.  Ceux-ci  ont 
quatre  Mofquées  dans  la  vîlle  6c  une  cin- 
quième dans  le  château.  On  n\  fouffre 
pas  des  Juifs  car  les  Athéniens  n'ont  pas 
moins  d'adrede  qu'eux,  d'où  vient  le  pro- 
verbe qui  court  en  ces  quartiers  là,  Dieu 
nous  garcic  des  Juifs  de  Suionique  ,  de5 
Grecâ  d'Athènes  6v  des  Turcs  de  Ncgre- 
pont. 

L'habit  des  Grecs  d'Athènes  eil  fort 
différent  de  celui  des  Turcs  5  car  i's  ne  por- 
tent que  des  vefles  étroites  ce  couleur  noi- 
re ou  obfcure. 

Prefentement  la  Ville  eflaivifceenhuic 
quartiers  appeliez  Piatamata ,  qui  (ont 

.Plaça. 

SotirastuCotaki 

Mono  Galufi. 

Roumbi 

Boreas  Platoma 

PiiriPiatonu 

Ger- 


Entrt  U  Mores  C^  Negrtfonu     loi 
Gerlcida. 

Agioi  Colymboiou  Olympoi 
Pour  ce  qui  eft  de.  Ta  Campagne  on  y 
contoit  autrefois  174.  Villages  ou  Bourgs 
dont  quelques  uns  valoient  bien  des  Villes. 
Aujourd^huy  le  plus- grand  nombre  de  fês 
villages  font  dans  la  pleine  de  Mefoïa  ou 
MeÇogta,  dans  laquelle"  font  les  villages 
fuivans, 

Mitropis. 

Keratià 

Mifochori.    \^  »,  )„t>  r.^ 

Chovarades  j3^  -^ 

Elâda, 

Marcopouîo ,  //  y  a  m  autre  Marcc" 

potdlo 
Coûriala, 

Pbyglià ,  autrefois  Phjea^ 
Carelà , 
Aîopéki, 
Coda, 
Balambalî, 
Bourà, 
Arvâto 
Agoiipi 
Et  ceuxci  prefcjue  ruwez.  a  qui  on  ne  don-a^- 
pins  que  le  nom  de  Zeugalaiia  on  métairies. 
Pikérnij. 

1^5  ,    Lé 


202  'Des  Places  maritimes 

Lccambâfi. 
Lambriano 
Lambricà  fur  k  chemin  d^ Athènes  au. 

Cap  Colonne 
Palaeo  Lanibrica  jow^  les  mafures  de. 

r ancienne  Lampra, 
EliiTibô, 
Egnapyrghi, 
Spitià, 
Urâona. 
Dans  les  attires  territoires  d"^ Athènes. 
Caramamet  au  piédu  mont  Thjmette* 
Maroûfi ,  proche  Pent elt  deferté. 
Calandri ,  au  chemin  de  Pent  elt 
Gififlîà,  au  chemin  de  Alaraihonau-^ 

ire  fois  Cfphjjjfia. 
Baficoumaria,  derrière  Penteli 
Stamati  au  chemin  de  Marathon  ruiné' 
Beloûfa ,  deferté 
Chi(  urka 
Gramniaticô , 
Ca-ingî  en  allant  de  MarathonkNe- 

grepont. 
Varnâda ,    *) 

Calamo        Y^^rlEurtpe. 
MarcopouloJ 
Proche  d"^  Athènes  parmi  les  Oliviers 
Sepollià,  ouSopollià, 

Mai- 


Entre  la  Adorée  C^  Negrepontc  ■  t^i 

Mainidi 

Cacovaones 

Patifcha 

Ambelokipous  au  chemin  de  PenteU 

Callirhoë  ce  font  les  maifons  proche  de 
la  font  Âne. 
Cette  Ville  a  été  PAcademie  desfcien- 
cesScdesb;;aux  arts  6c  TEchoIe  delà  ver- 
tu. Auffi  tous  les  Princes  qui  l'ont  pofîè- 
dée  ont  été  ambitieux  d'y  laifler  leur  nom 
marqué  fur  quelque  monument,  fe  per- 
fuaians qu'ils acquerroient  parla  l'immor- 
talité dans  la  mémoire  des  hommes:  aufîi 
voyoic  on  gravé  fur  un  Portail  un  vers 
Grec  qui  fignifie ,  c'efl  ici  la  ville  d'Adriaa 
6c  non  pas  celle  de  Thefée. 

Dinsîc  cours  des  (lecîes  elle  a  paîlë  fous 
la  domination  de  divers  Princes  par  plu- 
(ieurs  accidens  malheureux  où  elle  a  été 
réduite.  Sylla  '^  après  un  long  fiege  s^en  *  ^87  ^i^s 
rendit  à  la  fin  Maiilre  &  la  fournit  à  la  Re-  dllLndl 
publique  de  Rome.  Bajazet  en  triompha  ï^o^e. 
îori  quelle   le   trou  voit   fous   l'obeidance 
d^Anltoniqae  Philofophe  Epicurien  qui  en 
etoit  Tiran.    Depuis  Renier  Acciaioliea 
ayant  la  domination  la  céda  à  laRepubli* 
que  de  Vcnife ,  elle  retourna  pourtant  fous 
le  gouvernement  du  même  Acciaioli  qui 
p^)ikdoit  en  aieiïie  tcms  PAttique  &:  la 
Beoce,  I  6  ,     En 


204  -^^-f  1^  lac  es  maritimes 

En  l'an  i^^^.  elle  fût  affiegée  par  Ma-. 
riomet  IL  6c  réduite  manque  deiecours: 
depuis  ce  tems-là,  elle  à  toujours  été  fou- 
miie  â  PEmpire  Ottoman. 

I    S    L    E 

E     T 

PvO  YAUME 

D     E 

NEGREPONT. 

T  'Ifle  de  Negrepont  cfl  la  plus  confide- 
-^rable  de  celles  de  l'Archipel,  elleaeu 
divers  noms  6c  celui  de  Nègre f  orne  a  été 
changé  par  corruption  en  cc^ui  dEgripon- 
te,  les  Turcs  l'appellent  Egrtbos,  les  La- 
pins Eubœa  ou  de  la  fille  d'Afope  ou  de  la 
retraite  qu'y  fit  Inacus  filsd'Epafo  laquelle 
mu  laciamorpholce  en  une  vadie  que  les 


Depuis  Nègre  pont  juf^t/a  Saîonichi,  205» 

Poètes  à  caufc  defonrtiugiflementontap- 
pellée  Euh^a, 

On  l'a  encore  appellée  Macris,  du  Ca- 
nal qu'on  appelle  de  même  en  Grec,  ^- 
bantias  des  peuples  Abantides  ,  Calcis  de 
Chalcondantis  ;  Pline  lui  attribue  auffi  le 
nom  d  j4fopis  6c  Strabon  rapporte  qu'elle 
fût  appellée  Oche  6c  qu'on  l'appella  un 
tems  Ellopia  d'EUope  fils  de  Jupiter. 

PluGeurs  ont  cru,  que  cette  Iflé  avoic 
été  autrefois  jointe  <à  la  Beoce,  6c  qu'elle 
enfutfeparcepardes  trembîemens  de  ter- 
re ,  ou  félon  quelques  autres ,  par  le  cours 
rapide  6c  impétueux  des  eafix,  qui  for- 
ment avec  eile  un  même  canal  appelle 
TEuripe.  l'iflea  3^5  milles  de  circuit  de 
longueur  en  prenant  du  midi  au  Septen- 
trion 90  milles,  6c  40  de  largeur,  6v  20 
dansPenJroitoù  elle  eft  le  plus  relTerrée, 
6c  dans  ce  même  endroit  elle  ed:  jointe 
à  la  terre  ferme  par  le  moien  d'un  pont. 

Elle  efi:  comme  ceinte  de  deux  Pro- 
montoires, V'dw  appelle  le  Cap  Lithar  ^ 
l'autre  le  Cap  deW  Oro,  Le  premier  qui 
ell  en  face  du  Golfe  de  Volo  eft  appelle 
parPtolomée  6c  Strabon  CcriAum  Vromon' 
ïom/w  5  Pline  l'appelle  un  peu  difFeram^ 
ment  CAneuniy  Niger  Canaia^  Au  voifi* 
nage  de  ce  Promontoire  étoit  la  côte  d'Ar-^ 
I  7  te- 


zo^  ^es  Places  Maritimes 

temifia,  ainfi  appellée  du  Temple  qui  y 
avoit  été  érigé  fous  le  nom  d'Artemifia:  & 
c'eft  là  que  les  Grecs  tinrent  leur  armée 
navale  à  l'abri  durant  les  guerres  contre  le 
Roi  de  Perfes.  Le  fécond  qui  regarde  la 
partie  Orientale  de  l'Archipel,  Ptolomée 
rappelle  Caphareum  Tromontonum  ^  So- 
pbianus  Chymium  y  Niger  C^/j<?  Figera  ^ 
Etienne  Cathereus  ,  Lycophron  ZaraXy 
Ifacius  Xylofhagos^  C'eft  iùr  la  croupe  de 
ce  Promontoire  qne  Nauplius  Roi  de  Ne- 
grepont  fit  allumer  des  feux  afin  qu'à  la 
faveur  de  cette  lumiererArméede^^Gp  es 
qui  re  venoit  de  la  guerre  de  Troye  peut  ar- 
river à  bon  port.  11  y  eut  anciennement 
dans  rifle  trois  villes  qui  la  rendoient  célè- 
bre appellées  Ellopia ,  Hifti^a  ,  6c  Oratus 
Cittadi(\m  furent  jointes  en  uneàcaulede 
leur  voiii  nage. 

La  Ville  capitale  du  Royaume  de  Ne- 
grepont  fut  appellce  premièrement  dans 
la  langue  des  Athéniens  Calcis ,  &  enfuitte 
elle  prit  le  nom  du  Royaume  même:  Elle 
aétéuntemsle  Siégé  d'un  Evcque  fufFra- 
gant de  l'Archevêque  d'Aihenes,  enfuitte. 
elle  fut  érigée  en  Archevêché. 

Elle  eflfituéelur  les  rivages  de  l'Euripe: 
l'enceinte  de  fes  m.urriilies  efi;  d'environ 
deux  milles  j  mais  il  y  a  plusdcmaifonsôc 

plus 


Devuis  ]SiègYefont]MJqH^k  Salonichi.  207 

plus  de  peuple  au  faux  bourgs  où  font  les 
Chrétiens  que  dans  la  ville  oii  font  les 
Turcs  ôc  les  Juifs.  Les  Turcs  y  ont  deux 
MofquéesÔc  deux  autres  au  dehors  où  les 
Grecs  ont  auffi  leurs  Eglifes.  Les  Jefuites 
y  ont  une  maifon  où  ils  enfeignent  la  jeu- 
nèfle.  Tous  les  habitans  peuvent  monter 
à  prés  de  quinze  mille.  La  Ville  efl;  fèparée 
des  faux  bourgs  par  un  grand  fofle  à  fond 
de  eu  ve  le  tout  dans  un  lieu  plain  &  uni. 

IlyalàunCapitanBacha  qui  comman- 
mande  toute  l'Ifle  6c  une  partie  de  la  Beoce 
6c  en  fon  abfence  il  a  fon  Kiaj'i  ou  Lieute- 
nant 6cfon  fous  Kiaja.  Il  y  a  auffi  un  Bey 
qui  a  là  quelques  revenus  5  donc  il  doit  en- 
tretenir une  galère. Dans  l'endroit  où  le  dé- 
troit de  TEuripeell  plus  relferré  qu'en  au- 
cun autre  endroit  pour  traverfer  dans  Hfle  , 
onpafle  fur  un  Pont  de  Pierre  de  cinq  pe- 
tites arcades  qui  n'a  qu'environ  ^o  pas  de 
long,  6c  qui  même  fous  une  tour  au  mi- 
lieu du  Canal  bâtie  par  les  Vénitiens.  On 
voit  encore  S.  Marc  fur  la  porte.  De  la 
tour  dans  la  Ville  il  n^'y  a  qu'un  Pont  Levis 
en  dos-d'afne  d'environ  20  pas  de  long, 
qui  fe  levé  la  moitié  du  côté  de  la  tour  6c  la 
moitié  du  côté  de  la  Ville  pour  donner 
paflage aux  Galères  6c  bâtimens  quiy  veu*~ 
ient  paflèr  ,   ce  qui  ne  fe  peut  faire  aife- 

ment 


2o8  I^e^  Places  maritmes^ 

ment    fans    retirer    Jcs    rames. 

On  y  voit  encore  la  Ville  Epifcopaîe 
appellée  à  prefent  Canffo^  autrefois  Chi- 
ronia  ,  que  Strabon  appelle  Cartftus  6C 
Carifios  ,  Sophianus  -  Ça  fiel  Roffo  ÔC  I,es 
François  Chateauroux  reconnoiilànt  Cal- 
cis  pour  fa  Métropole  dont  elle  eft  éloignée 
defoixante  mille,  elle  eft  auprès  du  Pro- 
montoire Ca^Fareo.  Il  y  avoit  encore  une 
autre  ville  Epifcopale£r^/nVi,  que  Mole.- 
tius  appelle  Rocho  qui  dans  fon  tems  n'a  pas 
été  moins  fameufe  que  Calcis,  qui  étoic 
autrefois  une  Colonie  des  Athéniens  bâtie 
fur  les  rivages  de  i'Eunpc  avant  la  premiè- 
re ruine  de  Troyc,  ôc  l 'une  ÔC  l'autre  de  ces 
deux  villes  ont  pen  par  la  perfidie  de  fcs 
propres  habitansscn  celle  iorte  qu'il  ne  re- 
lie d'elles  que  leur  nom  5  car  Darius  après 
en  avoir  donne  le  pillage  à  ion  armée  y  fit 
mettre  le  feu. 

Le  Terroir  derifieefttout  pierreux  6c 
fablonneux,  mais  ce  n'efl:  qu'à  la  furface, 
car  en  creufant  un  peu  on  le  trouve  parfai- 
tement bon.  lîyaplutîeurs  forets  dont  on 
peut  tirer  du  bois  à  faire  àçs  bâtimens.  Au 
voifinage  de  Carille  on  trouve  une  monta- 
gne appellée  du  même  nom  de  laquelleon 
.tire  de  très  beau  m.arbre:  6c  allez  prez  de 
la  on  tire  la  pierre  d'aimaat  qui  fait  un  fil 
'         '  corn* 


Depuis  NègrepGïtt  juf^Hd  Salonichi.   209 

comme  du  lin  6c  en  la  mettant  (ur  le  feu 
il  blanchit  6c  fert  à  faire  de  la  toile.  Dans 
le  territoire  de  Calcis  il  y  avoit  destines 
de  cuivre  6c  de  fer  qui  fe  font  perdues. 
L'Ifle  produit  afiez  de  Goton  pour  four- 
nir de  Voiles  une  grande  armée,  îl  yapla- 
fieurs  bains  chauds.   Elle  e(l  arrosée  des 
deux  rivières  Fimileo  6c  Cereo  qui  ont 
donné  lieu  aux  Poètes  dedirequele^  eaux 
de  l'une  faifoient  venir  la  laine  noire  aux 
Moutons  6c  les  eaux  de  l'autre  blanche.  E  n- 
finl'lfle  a  abondance  de  toutes  chofes ,  auOî 
le  Pape  Pie  V,  confeilloit  à  plulîeurs  grands 
Capitaines  d'aller  commencer  la  guerre 
contre  le  Turc  dans  ce  Royaume,  parce - 
qu'il  ed:  capable  d^'entretenir  une  armée 
entière  ,   outre  qu'il  y  a  encore  de  bons 
ports  du  côté  du  continent.   ïl  eil  vrai  que 
quand  on  y  cil  une  fois,  il  n'y  a  pasmoien 
d'en  fortir  pour  fe  fiuver.  Dans  la  partie 
Méridionale  il  y  a  plufieurs  lieux  dont  le 
plus  grand  de  tous  cil  appelle  Spinius. 

Durant  le  tcms  que  Pietro  Zani  étoic 
Doge,  la  Republique  étendit  (a  domina- 
tion fur  ce  beau  Royaume  par  une  con- 
ceffionque  lui  en  fit  Tlimpereur  de  Con- 
ftantinople  en  confideration  6c  pour  re- 
compenfe  des  bons  fervices  qu'il  en  avoic 
receu.  Le  premier  Baile  qu'on  envoya 

à  fa 


2io  Dei  Places  maritimes 

à  fa  cour  Fut  Pietro  Barbo  appelle  il  Zan- 

co. 

En  l'an  14(59.  les  Turcs  en  ayant  en- 
trepris la  conquête  vinrent  avec  une  flotte 
de  crois  cens  voiles.  Ils  firetjt  d'abord  un 
Pont  fur  TEuripe  ,  pour  avoir  par  ce 
moien  la  liberté  de  rependre  leurs  troupes 
dans  les  campagnes  de  rifle  ;  mais  ceux 
du  pa'is  s'oppolereni  (i  fortement  à  cette 
deicente,  que  les  Turcs  furent  contraints 
de  retourner  dans  leurs  Galères.  A  la  fin 
du  même  mois  Mahomet  vint  lui  même 
en  pcrfonne  à  ce  Siège  avec  une  armée  de 
1 2000.  Conabattans.  Il  fît  drefier  un  nou- 
veau Pont  qui  tenoit  fur  le  Canal  depuis 
l'EglifeûeS^MarcPefpace  d'un  mille  loin 
de  la  Ville.  Par  le  moien  de  ce  Pont  il  fe  fît 
un  chemin  pour  aller  à  l'attaque  de  Ne- 
grepont.  Cette  Ville  étoit  fortifiée  à  la 
manière  de  ce  tems  là ,  6c  il  y  avoit  dedans 
vingt  quatre  mille  hommes  de  Garnifon 
fous  les  Commandans  Giovanni  Bondui- 
miero,  Ludovico  Calbo  6c  Paolo  Erizzo. 
Ce  dernier  avoit  été  Baile  de  la  Ville  Se 
quoique  le  tems  de  la  charge  fut  expiré, 
il  ne  voulut  pas  partir  de  Negrepont  dans 
un  tems  qu'd  pouvoic  contribuer  de  fes 
armes  6c  de  fon  conleil  à  la  Defïenfe  de  cet- 
te place  ôc  fignaler  fon  zèle  pour  lefervice 

de 


Depuis  Negrepont  jufqu'a  Sdonichi.  m, 

de  fa  patrie.  Les  Turcs  drellèrent  plu- 
fieurs  batteries  en  differnns  cnJroits  &  ca- 
nonnoient  continuellement  les  murai' les 
de  la  ville.  Ils  vinrent  quatre  fris  à  raflauc , 
quarante  mille  Turcs  y  furent  tués.  La 
place  étoit  affiegée  par  Mer5c  pari  erre 
6c  predëe  extraordinairemcnt  de  tous  les 
endroits;  Néanmoins  les  affichés  fedefen- 
doient  toujours  avec  avantage  &  ils  avoienc 
dejafoutenuun  mois  de  Siège,  lorfqu'on 
découvrit  une  trahifon.  \Jn<^  petite  fille 
trouva  une  lettre  à  TadreiTe  deThomafo 
Schiava  dans  laquelle  il  étoit  parlé  des 
moiensdefoumettre  au  piutôc  la  Ville  au 
pouvoir  des  Ottomans.  Luigi  Delfino 
tranfporté  d'indignation  contre  le  ti  aitre 
l'attaqua  en  pleine  place  6c  lui  fit  a  voiler  à 
grands  coups  d'epée  toutes  les  trames  in- 
fâmes qu'il  avoit  faittes  avec  les  Turcs. 

Les  Affiegez  s'animoient  de  plus  en 
plus  à  la  deffenfe ,  ils  donnoicnt  à  tous  mo- 
mensôc  tous  lesjours  du  Siège  des  marques 
infignes  de  leur  valeur  5c  de  leur  confiance; 
mais  enfin  iîsfe  trouvoient  prefqu'abbatus 
du  travail  continuel  6c  prelîez  de  la  main. 
Dans  ces  extrémités  ceux  qui  faiibient  la 
garde  à  la  porte  Bureliana  prirent  le  parti 
d'abandonner  leur  polie  6c  fortirent  de  la 
place  le  1 2.  de  Juillet  iC)4p. 

Les 


ziz         Des  Places  AdaritimeT 

Les  ennemis  s^ipperccvant  auffitôt  que 
cet  endroit  étoicdelerté  Se  que  l'entrée  de 
la  porte  leur  êtoi  t  libre  ,ils  entrèrent  dans  la 
place  6c  laifierent  par  tout  des  marques  ef- 
iroiables  deleurBarbarie.Galbofùt  tué  dans 
la  place  6<:Bondulmiero  dans  ia  maifon.Pao- 
lo  Erizzo  setant  retranché  dans  un  pofle 
avantageux fe  defFendoit  vaillamment,  le 
Sultan  lui  promit  la  vie  s'il  vouloit  fe  ren- 
dre, il  fc  rendit,  mais  le  cruel  Turc  au 
lieu  de  lui  tenir  fâ  foi  donnée  fe  ficunfpe- 
ftale  de  le  faire  fcieren  deux.  Une  de  Tes 
filles  qui  etoit  parfaitement  belle  aima 
mieux  fehifîèr  poignarder  que  de  recevoir 
lescareflesdu  Sultan.  On  fie  mourir  tou- 
tes les  perfonnes  qui  pâli  oient  vingt  ans» 
Enfuite  Mahomet  partit  de  Negrepont, 
laiflTmt  dans  la  ph^.ce  une  grirnifon  quide- 
voitauffi  veiller  iur  toute  ilûc  6c  iurtout 
leK.o;^aume, 


DU 


Depuis  Negrefont  juf^uk  Salonichi.   213 

D   u 

FLUX  ET  REFLUX 

D    E 

L'  E  U  R  I  P  K 

L'Euripe  ed  un  Détroit  delà  Mer  Egée 
Il  (erré  Sc  de  (i  peu  de  largeur  qu'à 
peine  une  Galère  y  peut  pafler  fous  un 
pont  qui  le  couvre  entre  la  citadelle  6c  la 
Tour  ou  le  Donjon  de  Negrepont.    U  a 
été  appelle  Euripus  Euhoicus  du  nom  an- 
Gien  de  i'iile  ou  ChdciScus  dePancienne 
villedeChalcis,  les  Latins  ^xÇqïm  Euripus 
ceux  du  pais  Egripos,  les  Italiens  Stretto 
di  Negrepont  e  6c  les  François  l' Euripe  de 
Cl)  al  ce  dôme  oh  le  détroit  de  PEuripe,  il  a 
environ  foixante  milles  de  longeur  avec 
des  petits  Golfe  en  divers  endroits.  Son 
flux  6t  reflux  eft  afiurement  une  des  plus 
nierveiileules  chofes  qui  foient  au  monde. 
Aulîi  la  fable  dit  elle  qu'Aridotefenoya 
dedans'  de  dcpit   qu'il  eut  de  n'en  pou- 
voir pénétrer  la  cauie. 

An- 


214  ^s:  Places  Maritimes 

Antiphilus  natif  de  Bizance  dit  dans  une 
Epigramme  Greque  que  l'Euripe  a  (îx 
fois  Ton  montant  ôc  fon  defcendant.  Stra- 
bon ,  Pline  6c  Suidas  ôc  plufieurs  autres 
foutiennent  que  ce  flux  Sc  reflux  fe  fait  fept 
fois  parpur. 

Pomponius  Mêla  aflure  qu^il  fe  fait 
quatorze  fois  par  jour ,  quoique  par  (es 
paroles  il  femble  qu'il  veuille  dire  qu'en 
tout  tems  l'Euripe  va  6c  vient  quatorze 
fois  en  vingt  quatre  heures.  Voici  comme 
il  en  parle  au  l.  2.  ch.  7.  Mare  rafidum 
C^  alterno  curju  fepties  noEle  JluBihus  in- 
vicem  verfts  adeo  immodice  finens  m  ventos 
etiam  ac  plenis  velis  navigta  frufiretur. 
C'eft  à  dire,  La  Mer  y  court  rapidement 
tantôt  d'un  coté  tantôt  de  l'autre  ^  fept  fois 
le  jour  CT  fept  fois  la  nttit  >  les  flots  retour- 
nant d^oii  ils  venaient  auparavant  y  avec 
tant  de  précipitation  que  le  vent  n'arrête 
point  leur  courfe  C^  cju'ds  empêchent  même 
de  remonter  les  vaijfeaux  qui  viennent  k 
pleines  voiles, 

Scneque  femble  être  de  même  opinion 
dans  une  de^  fes  Tragédies ,  oii  il  parle  ainfi 

EurtpHS  undasflscltt  inflahilts  vagas , 

Septe  /ique  curfus  feEîity    C?"  totidemre* 

Dum  lajja  Tiian  mer  gai  Oce.wôjuga. 


Depuis  Negrepom  juf^H^à  Salonichi.  2 1  j 
Il  femble  auffi  que  Pline  veut  dire  qu'il  a  le 
flux  6c  reflux  lept  fois  le  jour  6c  autant  la 
nuit  quoiqu'il  ne  s'explique  pas aiîëz clai- 
rement en  ces  termes  :  Qtiormdam  ^yEjÎHa" 
riorum  privât  a  natura  efi^  velut  Tauromi' 
nitam  jàipius  Cr  in  Euhaa  fevties  die  ac 
voBe  reciprocantis  :  C  eit  à  dire ,  Il  y  a  des 
Courants  (]ui  font  d'une  nature  toMts  particu^ 
liere^comme  celui  de sTauromeniens  qui  vient 
er  revient  plusieurs  fois  y  €r  celuy  de  PEu- 
bée  cjut  le  fan  par  fept  fois ,  le  jour  Cr  la  nuit. 

Tite  Live  croit  avoir  mieux  trouvé  la 
vérité  que  tous  les  autres.  VEuripedtt-il 
n^a  pas  fept  jlux  Cr  reflux  réglez,  dans  un 
jour  y  comme  la  renommée  le  publie  ;  mais 
il  court  tantôt  d*un  coté  tantôt  de  l'autre 
kU  manière  du  vent  y  comme  un  torrent  qui 
tombe  avec  précipitation  par  la  pente  dune 
montagne.  Cela  convient  aflèz  bien  aux 
jours]  déréglez  mais  il  fe  trompe  , 
quand  il  ajoute  quil  n'y  a  point  de 
port  plus  mauvais  que  celui  de  Chalcis 
à  caufe  du  Courant  ;  car  ce  flux  6c  reflux 
ne  fait  nullement  remuer  les  vaifieaux 
qui  ont  aflèz  d'efpace  pour  fe  mettie  à 
couvert  du  courant ,  foit  dans  le  grand 
Port  que  les  murailles  de  la  citadelle  cou- 
vrent ,  foit  aqns  celui  qui  efl  de  l'autre  côté 
duPuLit  comme  le  remarqua  le  Père  Babin 

de 


^  î  6  D^s  TUces  Adarittmes 

de  la  compagnie  de  Jeius  l'an  166%  que 

Tarmée  navale  des  Turcs  hivernoit^  à Nc- 

grepont. 

Ce  même  Père  a  confideré  le  cours  de 
TEuripe  en  diverbtems.  Il  yadix-huitou 
dix-neuf  jours  chaque  mois  ,  ou  pour 
mieux  dire  chaque  Lune  ,  aufquels  il  efl: 
réglé,  6c  onze  autres  jours  aufquels  il  efl 
déréglé  &  gâté.  Ce  font  les  termes  dont 
onie  IcrtàNegrepontpour  expliquer  cet- 
te merveille  contmuellede  la  nature. 

Il  efl  en  fa  force  ,  ou  pour  le  dire  en 
termes  plus  clairs  il  ell  réglé  depuis  les 
trois  derniers  jours  de  la  lunejufquesauS 
de  la  nouvelle  ôc  ilfe  dérègle  &:  gâte  le  9, 
Ton  cours  demeurant  ainfi  troublé  jufques 
au  13  inclufîvement.  Le  14  il  fe  raccom- 
mode ôc  reprent  Tes  forces;  mais  il fc dé- 
règle derechef  le  21.  jufqu'au  27.  comme 
il  fera  plus  facile  de  le  comprendre  par  la 
table  iùivante. 


T  A^ 


Depuis  Negrepom  jufqn'k  Sdonichi,  217 

TABLE 

Des  jours  réglez  é"  déréglez  du  flpix 

^  reflux  rie  l'Eurife ,  félon 

ceux  de  U  l^une. 

Nouvel-      I  re^^lé,  comme  l'Océan. 
îeLuns.       2  réglé. 

3  réglé. 

4  réglé. 

5  règle. 

6  réglé. 

7  réglé. 
Premier  8  réglé. 
Qiiartier.     9  déréglé. 

10  déréglé.^  j^^^^        ou 

11  dérègle..       ^^^g^^^^ 

''  ter  Wntde  reflux. 

13  dérègle. J 

14  réglé. 
Pleine  ij  réglé. 
Lune,        16  réglé. 

17  réglé. 

18  réglée 

19  réglé. 

20  réglé. 

21  déréglé. 

K  Der-' 


2 1 8  Des  Places  Maritimes 

Dernier     ^2  dercglé. 

Quartier.    23  déréglé. 

24  déréglé. 

1^  déréglé. 

16  dérègle. 

27  réglé. 

28  réglé. 

29  réglé. 

Ainfr  chaque  Lune  il  a  onze  jours  de 
dérèglement  &  les  18  ou  19  autres  il  eft 
réglé.  Il  eft  donc  déréglé  depuis  le 'pre- 
mier Quartier  jufquenviron  au  plein  de 
la  Lune  6c  depuis  le]  dernier  Quartier 
qu'elle  commence  à  défaillir  qui  cil 
le  22. 

Pendant  les  jours  de  fon  dérèglement 
il  adansun  jour  naturel  c'ed  adiré  en  24 
ou  25  heures  II.  12.  ig.  6c  même  14  fois 
fonflux  6c  autant  de  reflux  félon  les  obfer- 
vations  du  même  Père  6c  félon  que  TafiLï- 
rent  ceux  qui  font  tous  iesjours  aux  mou- 
lins ,  6c  voyent  changer  les  rôties  plu- 
sieurs fois  chaque  jour  félon  le  différent 
cours  de  cette  eau..  Le  flux  ne  vient  donc 
pas  feulement  fept  fois  comme  Pont  écrit 
les  anciens ,  mais  bien  davantage. 

Lorfque  le  cours  de  PÊuripe  efl  réglé 
pendant  les  autres  18  ou  içjoursilacela 
de  femblable  avec  la  Mer  Ôceane  6c  avec 

le 


Depuis  Negrepontiufi^H^a  Salonichi,  219 

le  Golfe  de  Venife  qu'en  24  ou  25  heu- 
res il  a  feulement  deux  fois  fon  reflux  6c 
chaque  jour  il  retarde  d'une  heure  comme 
rOcean  6c  dure  fix  heures  en  fon  mon- 
tant, 6c  autant  en  fon  defcendanc,  foie  en 
Eté,  foit  que  le  vent  foit  violent  ou  qu'il 
y  ait  bonace.  Dans  les  jours  du  dérèglement: 
le  montant  eil  d^'environ  demy  heure  6c 
le  defcendant  de  trois  quarts  d'heure. 

Toutes  ces  marées  de  TEuripe  réglées 
ou  non  réglées  ont  encore  deux  différen- 
ces d'avec  celles  dcl'Ocean;  car  Teau  ne 
s'eleve  ordinairement  dans  (on  montant 
que  d'un  piéôc  rarement  elle  vient  jufqu^'à 
deux  ;  au  lieu  que  l'Océan  s'eleve  quelque 
foisjufqu'à  la  hauteur  de  80.  coudées, 
comme  aux  ports  de  Bretaigne,  quoi 
qu'aux  lilcs  de  l'Amérique  il  ne  s'éieve 
pas  plus  haut  que  TEuripe. 

L'autre  différence  eft  que  dans  PO- 
cean,  lorfque  Peau  s'écoule  6c  s'abaiiîe, 
elle  fe  retire  en  haute  Mer  ,  comme  au 
contraire  elle  s^eleve  ôc  couvre  plus  de 
terre  quand  elle  s'approche  des  côtes. 
L'Euripe  va  d'une  autre  oianiere  car  fon 
montant  arrive  quand  fon  eau  s'écoule 
vers  leslfles  de  P Archipel,  oi^ila  Mered 
plus  grande  ;  &  (on  defcendant  lorfqu'eî- 
Ic  court  vers  la  Theffalie,  6c  quelle  s'é- 
K  z  con- 


zio  Des  Places  Maritimes . 

coule  dans  le  Canal  par  où  les  Galères  paf- 
fent  pour  aller  à  Theflalonique,  6c  pour 
arriver  plutôt  6c  avec  plus  de  ieuretc  à 
Conilantinople. 

Entre  le  montant  6c  le  defcendant  il  y 
un  petit  intervalle,  qui  fait  paroitreTeaii 
en  repos,  6c  comme  croupiQante,  dcfor- 
te  que  les  plumes  6c  la  paille  reftenc  fur 
Peau  fans  mouvement ,  à  moins  qu'il  n*y 
ait  du  vent. 

Cefàr  d'Arcons  qui  a  fait  imprimer  en 
François  un  livre  in  40.  touchant  leilux  6c 
reflux  de  la  Mer,  traite  dans  un  paragra* 
feparticulierdufluxSc  reflux  dei'Euripe. 

EXPLICATION 

DES  LETTRES 
DU     PLAN 

DE  V  0  L  G. 

A.  Le  Mole. 

B.  Les  Aîa^afîns. 

C.  Laporteducoté delà  Mer, 

D.  Les  Tours  qui  flanquent  la  Forierejfe^ 
É.    La  Aiofquée, 

F.  L'extrémité  du  Golfe  de  Folo, 

LA 


-I» 


Depuis  Negrepont  juf^u'à  Salonkhi.    î  2 1 

L     A 

FORTERESSE 

DE   V  O  L  O 

T  A  Fortercffo  de  Volo  ^  que  les  Latins 
-*^  ont  connue  fous  le  nom  de  Pagnfa^  eft 
fitiice  dans  cette  partie  de  laTheiialiequi 
c(l  la  plus  unie  à  la  Magnefie  petit  païs  de 
la  Macédoine  neuf  milles  loin  de  Dime- 
triade  ou  comme  dilent  Tite  live  6c  Pline 
Demetriade,  6c  dans  l'extrémité  du  Gol- 
fe appelle  communément  dcl  roh.  Pline 
appelle  autrement  ce  Golfe  Pagaf  eus  Si- 
nus ^  Pelafgicîis  Sinus ^  Ptolomée  Pagafi- 
licus ,  Strabon  Pagafaus ,  Mêla  fokiactis , 
Oxiào^Dcmetriacus  ^  l^UQio  Maccdcnicus ^ 
OroGu?  Golfed':Armiro. 

t/a  Fortereile  ell:  bâtie  à  TAntique  6c 
occupe  un  grand  efpace  à  quelques  pas 
Join  de  la  Mer ,  où  elle  à  un  porc  fore  éten- 
du 6c  de  bonne  tenue.  Elle  ed  félon  *  ^''^l  ''f- 
Bleau  au  ]i.  degré  31.  minutes  delatitu-9.*  *^'  ''^' 
de ,  ^  félon  Cailaldo  au  40.  degré  50.  mi- 
nutes de  latitude  6C48.  degré  40.  minutes- 
delongitude; 

K.  3  Les 


222  JDes  Places  A^aritimes 

LcsTurcs  font  en  ce  lieudes  grand  apprêts, 
militaires,  6c  des  proviiions  de  bifcuit 6c de 
farine  qu'on  leur  apporte  des  provinces 
voifines  où  ces  chofes  font  en  abondance. 
Aulîî  le  Capitaine  Morofini  qui  etoic  Pro- 
vedireur  de  l'armée  Tannée  1655.  ayant 
été  bien  informé  de  îa  chofe  fe  refolutde 
porter  fes  armes  contre  cette  Fortereflé 
dans  le  deiîein  de  la  rafer  auiTitôt  qu'il 
l'auroit  foumife.  Il  voyoit  que  par  ce 
nioien  il  priveroit  Tennecni  de  cette  gran- 
de commodité  êc  en  mêmetemsfeprocu- 
reroit  des  proviiions  fuffiiantes  pour  long 
rems  pour  toute  fon  armée.  Il  ne  négligea 
lien  (ie  tout  ce  qui  pouvoit  Icrvir  à  faire 
reiiflir  cette  entreprifè.ll  vint  m.ouiller  avec 
toute  fon  armée  au  devant  de  la  Fortereflè 
6c  commença  de  la  bombarder  &  de  l'at- 
taquer fort  vivement.  Les  commance- 
mens  furent  d'autant  plus avantrgeux  aux 
Vénitiens  que  les  aiîiegez  ne  (e  fcroient 
jamais  attendus  à  une  attaque  fi  brufqueSc 
fi  vive.  Le  danger  devenoit  à  chaque  m.o- 
ment  plus  grand  6c  leur  perte  plus  aflurée, 
cependant  il  fembloit  qu'ils  ne  pouvoicnc 
fe  refoudre  à  demander  une  capitulation 
ni  à  rendre  la  place.  Mais  lorfqu'jîs  virent 
le  Pétard  attaché  à  la  porte  6cles  Echelles 
aux  murailles,  ils  n'eurent  plus  le  coura- 
ge 


Depuis Negrepont  juf^ua  Salonichi.  225 

ge  de  fe  defFendre.  Ceux  qui  etoientaux 
portes  les  abandonnent  ,   ceux  des  mu- 
railles defertenc  6c  tous  tâchent  de  trou- 
ver leur  falut  dans  la  fuitre.  LeBaflaqui 
commandoic  dans  la  place  6c  un  Aga cru- 
rent d'abord  fe  fauver  en  (e  cachant  dans 
un  lieu  qui  etoit  bâti  en  forme  de  petit  châ- 
teau dans  la  Fortereile ,  mais  s  étants  ap- 
perceus  qu'ils  ne  pourroient  manquer  de 
périr  là  de  mifere  pour  peu  qu'on  les  y 
retint  ils  en  fortirent  bientôt.  AinQ  cette 
expédition  reuffit  avec  beaucoup  de  gloi- 
re pour  le  General  Morodni ,  il  fit  d'abord 
tranfporter  tout  le  biicuit  qu'on   trouva 
dans  la  place  qui  montoitàplus  de  quatre 
millions  de  livres,  ils  trouvèrent  encore 
d'autres  munitions  de  guerre  6c  vingt  fept 
canons  :  enfuiite  il  fit  mettre  le  feu  feu  aux 
Magafins ,  aux  maifons  5c  aux  Mofquées 
&: pour  la  ruiner  tout  entièrement  il  vou- 
lut avant  que  de  quitter  la  plage  qu'ion  de- 
îruifitles  fondemens  des  murailles  à  coups 
de  canon. 


4  L«  E 


Si^         Des  Places  Maritimes 

LE    GOLFE 

E    T 

LA     VILLE 

D  E 

SALONICIII 

o  u 
THESSALONIQUE. 

T   E  Golfe  de  Saîonichi  à  ion  étendue  de 
140  milles  en  longueur  dans  Textre- 
niité  de  l'Archipel.  Ileii:  bordé  d'une  très 
Mie  pleine,  mais  très  expo ie  aux  vents 
^C  par  confequent  très  périlleux  à  ceux  qui 
naviguent.  D.ins  Tendroit  de  Ton  plus  grand 
enfoncement  &  ou  il  forme  un  port  très 
fpacîeuxei'tfituée,  comme  lelieu  leporte 
en  partie  fur  une  hauteur  en  partie  (ur un 
penchant ,  la  fameufe  Ville  de  Macédoine 
appellée  communément  SMomchi^zutïQ^ 
nient  Ihejfdonique,   A  fon  voifînage  du  cô- 
te du  couchant  coule  le  Fleuve'r^r^^r  , 
que  Ptolornée  6c  Sirabon  appellent  autre- 
ment ^xms  Flnvius  ,  d'autres  Bardams 

ou 


Depîùs  Nègre  font  jpifqu^k  Salomchi.  1 25* 
ou  Bardarius  Fluvius ,  très  abondant  en 
poifîbn  ti  fes  rivages  font  couverts  6c  ornés 
de  beaux  arbres.    Les^murailîes  de  la  Ville 
font  flanquées- de plufieurs  tours,  6{;pour 
ce  qui  eft  du  curcuit  les  uns  le  mettent  à  (jxk 
6cles  autres  à  douze  milles.    Il  y  a  trois 
Forts  pour  la  garde  5  le  premier  quiefl:  le 
plus  petit  retrouve  d'abord  àTentrée  8cau 
lieu  du  débarquement  à  quelque  diitance 
de  Tanceinte  de  la  Ville  >  il  ell  muni  de 
vingt  pièces  de  canon.    Les  deux  autres 
fonriitucs  à  la  veuè'de  la  Mer  au  plus  haut 
de  murailles  garnis  de  Trente  à  quarante 
pièces  de  groil'e  Artillerie.  Du  côté  de 
terre  on  voit  uneFortereOéquireflémble 
à  celle  de  Conflantinople  appellée  de  fept 
Tours  6c  celle  ci  domine  toute  la  Ville 
étant  fituée  fur  une  Coline  nu  pié  de  laquel- 
le il  y  a  un  fort  grand  nombre  demaifbns 
qui  forment  un  grand  Biuxbourg   ceint 
d'une  muraille  â  part  j  mais  nonobliant  il 
edcontiguàîa  Vilie. 

Il  y  a  un  fort  grand  nombre  d'habitans. 
Le  plus  grand  nombre  de  maifons  qui  font 
bâties  dans  la  pleine  font  trop  bafles  &  trop 
petites  pour  contenir  le  grand  nombre 
de  Juifs  qui  les  habitent  :  6c  elles  ne  font 
pas  peu  incommodées  d'une  extrême  puan- 
teur qui  fc  repend  6c  fe  conferve  dans  les 
K  5  rues 


ii6         Des  Places  Maritimes 

rues  parce  qu'elles  font  trop  étroites. 
Il  s'y  fait  un  trafic  très  confidcrable  tant 
à  caufe  de  la  commodité  de  la  fituation  qu'à 
caule  de  la  grande  quantité  de  foye ,  de 
laine ,  de  cuirs  de  toute  forte ,  de  cire ,  de 
poudre,  de  grain,  de  Coton,  6c  de  Fer. 
Les  Juifs  font  ceux  qui  y  font  lepluso'af- 
faires  êc  ils  ont  feuls  en  propre  la  fabrique 
des  étofes  pour  habiller  les Janiflaires  6c  on 
a  trouvé  par  ce  moyen  à  quoi  employer  le 
tribut  qu'on  eft  obligé  de  payer  au  Grand 
Seigneur.  On  y  conte  48  Mofquées  entre 
lefquelîes  ell  compnTe  PEglife  de  S.  De- 
metrius  à  trois  nefs  foutenues  de  tresbelles 
colonnes  où  prêcha  l'Apotre  S.  Paul  en  l()n 
tems,  en  celle  de  S.  Sophie  qui  fut  bâtie- 
par l'Empereur  Juftinien,  trente  Eglifes 
de  Grecs  trente  fix  grandes  SinagoguesôC 
plufieurs  autres  petites..  Le  Gouverneur 
porte  le  titre  de  Muîà  6c  fa  charge  le  met 
en  une  haute  confideration  à  la  Porte. 

L'année  118.  6c  dans  le  même  tcms 
qu'Andronic  vouloit  s'emparer  de  l'Em- 
pire ,  Thcflalonique  fut  prife  par  Guil- 
laume Roi  de  Sicile.  Etant  retournée  en- 
fin fous  la  domination  du  légitime  Souve- 
rain Andronic  Paleologue  Empereur  de 
Conftantinople  cet  Empereur  pour  s'unir 
d'autant  plus  à  la  Republique  de  Venife 

lui 


GOLFE        B  E       :FaT 


Depuis  Negreponî  jufcjHk  Salonichi.    z  i^ 

lui  fie  ceffion  de  Tes  droits  fur  cette  Ville. 
Mais  il  ne  s'écoula  pas  deux  ans  que  le  Turc 
s'en  faific  fans  beaucoup  de  difficulté  à  cau- 
fc  de  Teloignement  de  fa  Capitale ,  ôc  du 
mauvais  état  des  afïliires  de  l'Italie  ôcdu 
peudedefFenfe  que  pouvoienc  faire  les  ha- 
bitans. 

LE     GOLFE 

1  T    LES 

DARDANELLES 

D     E 

LEPANTHE. 

^E  Golfe  pris  dans  fa  longueur  du  Sep- 
^^  tentrionjurqucs  aux  rivages  deTAcha- 
ie  ôc  au  midi  à  celles  de  la  Morée  fepare 
l'une  de  Tautre  ces  grandes  parties  de  la 
Grèce.  Il  a  eu  plufieurs  noms  que  les  Au- 
teurs lui  ont  donnez  lelon  les  differens  tems 
6çles  particulières  occalions  qu'ils  en  onc 
parlé.  Les  Anciens  Tappelloient  Cri^fus  ^ 
Strabon  M^r  d^Alcion ,  Sophianus  Golfe 

de 


12  8  Des  VUces  Maritimes 

de  Tedras ,  quelques  uns  Corintiacus  Sinus , 
à  caufe  de  la  Ville  de  Corinthe ,  les  Mari- 
niers au  rapport  de  ]:^\gtx  les  rivages  de  U 
Bofirie  ,  éc  aujourd'hui  communément 
Lefanthe,  Il  comprend  quatre  Ecueils 
dans  fon  étendue ,  6c  reçoit  fes  eaux  de  la 
Merd'JonieparPentiéc  qu'elles  ont  entre 
deux  Promontoires  avancez  du  continent 
dont  l'un  qui  tient  à  laiMorée  eft  appelle 
par  Strabon  jinthirium  Promomorium  6c 
6c  communément  le  Cap  o.-^ntirioy  il  a  au 
deflus  une  Forterefle  qu'ion  appelle  de  la 
Morée  ou  de  Patras;  Tautre  qui  tient  à 
l'Achaïeque  Strabon  appelle  Rhium  Pro- 
rjiontoritim  5c  îe  Vulgaire  Cap  de  Rhio  oh 
Rio  qui  efl  aufîi  pourveu  d'un  Fort  qu'on 
appelle  de  Romelie. 

On  appelle  autrement  ces  àtux  Châ- 
teaux les  Dardanelles  de  Lepanthe.  Ils 
font  bâtis  l'un  6c  l'autre  en  figure  quarrée, 
ceints  de  bonnes  murailles  6c  munis  de  bon- 
nes batteries  à  fleur  d^'eau.  On  n'y  remar- 
que aucun  deftaut  G  ce  n'eftqueleterrein 
étant  fablonneux  il  rend  l'approche  facile 
àTennemi.  On  ne  peut  faire  le  débarque- 
ment de  la  Milice  du  côté  de  la  Romelie 
qu'a  la  diftance  de  deux  milles  d'Italie  de 
la  Forterefle  comme  le  marque  la  lettre 
A*  Néanmoins  on  peut  en  approcher  avec 

des 


Depuis  Negrefom jufqti'a  SahnichL  1 29 
àts  petits  batiaicns  à  quatre  cens  pas ,  com- 
raejerinlînueàlalettre  B.  LeTerreinou 
la  pieinejufqu'à  la  Coline  C,  eil  fort  large, 
mais  il  eil  toujours  plus  reil erré  à  meiure 
qu'on  avance  vers  le  Château.  Au  piéde 
la  Montagne  nnarquée  parD.  eil  la  Coli- 
ne d'où  commence  un  grand  Valofi  où 
ceux  qui  auroient  le  delTein  d'attaquer  le 
Fore  pourroient  fe  mettre  à  couvert  en 
s'avançant. 

Toutes  les  Marchandiles  qui  fortentde 
ce  Golfe  comme  les  Cuirs,  les  Huiles,  le 
Tabac,  Ris  &  0)-ge.  Payent  trois  pour 
cent  à  l'Emin  qui  auffi  e(t  obligé  de  de- 
bourfer  fix  mille  piallres  par  an  dans  les  cof- 
fres du  Grand  Seigneur. 

Autrefois  on  depofoit  là  toutes  les  Mar- 
chandifesquivenoient  d'Occident  comme 
auffi  celles  au  L^evant  qui  avoient  pafl'é  par 
le  Golfe  d'Engia;  mais  à  prcfant  l'entrée 
n'eil  plus  libre  aux  Navires  étrangers  qui  à 
caufe  de  cela  font  obligez  de  s'arrêtera  Fa- 
tras Se  la  pkn  grande  partie  de  ceux  qui 
abordent  ici  font  des  Corfaires ,  auflî  appel- 
le-t-on  Lepanthe  le  petit  Alger,  La  plu- 
part des  habitansde  cette  plage  font  des 
Mores  qni  (ont  des  enfans  noirs  comme  en 
Barbarie. 

L  A 


130       DE  LA  MORE'E. 

LA  VILLE 

D    E 

LEPANTHE 

LA  Fille  de  LEPANTHE  eft  ap- 
pel lée  des  Latins  iV^?^/?^?^^^,  du  Vul- 
gaire £/7^^£'j-6c  des  Turcs  Emehachti.  El- 
le eft  fituée  dans  le  pais  de  Livadia  furie  ri- 
vage non  guère  loin  de  l'ouverture  du  Gol- 
fe de  même  nom  environnée  d'une  Monta- 
gne de  figure  conique  fur  la  croupe  de  la- 
quelle efl  bâtie  la  Forterefle  fermée  de 
quatre  rangs  de  grofîe  muraille  feparées 
par  des  petits  valons  entre  deuxîoù  les  habi- 
tans  ont  leurs  maifons.LePortn'*a  pas  plus 
de  cinquante  pies  de  circuit  Sconpourroit 
le  fermer  â  chaine  étant  allez  étroit  à  fon 
ouverture  ce  qui  empêche  auiH  qu'il  ne 
peut  s'y  ranger  qu'un  petit  nombre  de  vaif- 
feaux  éc  même  il  arrive  quelquefois  qu'ils 
ne  peuvent  pas  en  fortir  faute  d'eau  :  6c  fi 
le  fameux  Corlâire  DurachBey  s'y  tenoic 
àTabri  avec  fes  Galiotes,  c'clt  qu'il  pre- 
noit  un  foin  très  particulier  de  le  tenir  net. 

Du- 


Depuis  N'egre pont  j Pif i^ti^ à  Salonichi.  23  ï 

Durant  le  règne  de  ridolatneilyavoic 
â  Lepanche  quatre  Temples  confaciés  à 
quatre  Divinités  un  à  Neptune,  Pautre  à 
Venus;  l'autre  à  EfculapeSc  le  quatriè- 
me à  Diane.  Falifiiis  avoit  fait  bâtir  celui 
d'Efculape  en  acquit  du  vœu  qu'il  avoit 
fait  durant  qu'il  étoit  attaqué  d'un  gq^nd 
mal  aux  yeux. 

Sous  la  domination  des  Turcs  elle  eft: 
gouvernée  par  un  Vaivode.  11  y  a  fept  Mof- 
quées ,  deux  Eglifes  de  Grecs  qui  font  trait- 
tés  dans  le  dernier  mépris  par  les  Turcs ,  £c 
trois  Sinagoguesde  Juifs. 

Si  les  habitans  manquent  au  dedans  de 
lieux  agréables,  ils  ont  dehors  du  coté  du 
levant  proche  de  la  Mer  une  abondante 
fource  d'eau  qui  après  avoir  fervi  à  des  mou- 
lins à  poudre  Sc  aux  apprêts  des  Marro- 
quins  en  quoi  confifte  toute  la  richeife  de 
ceux  du  pais ,  arroufe  enfuitte  une  douzaine 
de  Planes  de  la  plus  belle  groîTeur  ôc  rend  ce 
lieu  très  délicieux.  11  y  a  encore  aux  envi- 
rons de    très  beaux  Jardins  6c  des  Campa- 
gnes toutes  couvertes  de  Cèdres  de  Ci» 
tronniers  6c  d'Orangers.    Le  Territoire 
porte  du  Vin  qui  paflé  pour  le  meilleur  de 
toute  la  Grèce. 

L'attaque  de  cette  place  étoit  très  diffi- 
cile avant  Tufage  du  Canon»  En  Tannée 

1408 


Z^i  Des  Places  maritimes 

1408.  elle  étoit  foumife  à  TEmpereurde 
Conftantinople  mais  l'Empereur  Emanuel 
trouvant  trop  de  peine  à  la  foutenir  la  céda  | 
à  la  Republique  de  Venife.    Sous  cette"* 
nouvelle  domination ,  elle  prit  une  nou- 
velle forme  6c  fut  munie  d'une  manière  à 
pouvoir  refifter  à  une  puillànte  armée.  En 
effet  au  Siège  de  1475.  il  périt  trente  mille 
Turcs  6c  leur  armée  fut  contrainte  à  lever 
honteufement  le  fiege  nprés  l'avoir  tenu 
plus  de  quatre  mois.  Les  habitans  ne  pou- 
voientêtre  plus  contensde  leur  Souverain 
6c  ils  ne  form oient  pas  des  vœusplus  ardens 
que  d'y  être  maintenus  6c  d'êtie  prefervez  :4* 
de  la  barbare  Tyrannie  des  Turcs ,  lorfque    ^ 
Bajazet  fécond"  vint  les  attaquer  par  Mer 
6c  par  Terre  avec  une  armée  de  cent  cin- 
quante mille  combattans  ÔC  k:>  reduifit  à    j 
un  état  qui  ne  pouuoit  être  plus  déplorable.  ^  1 
Ony  voit  encore  le  S.  Marcde  Vcnifç,  ce 
qui  nous  pût  faire  penfer  que  les  droits  de  la 
Republique  y  font  aufn  bien  fondez  que 
fes  armes  y  font  ineffaçables  6c  nous  faire 
efperer  que  cette  triomphante  Republique 
ajoutera  à  tant  de  belles  conquêtes  qu'elle 
fait  ces  dernières  années  ,  celle  de  cette 
place  qui  lui  fera  (î  glorieuîe. 

FIN. 


INDICE 

Des  Deflèinsjdes  Cartes  &  Plans 

inferez  dans  cet  ouvrage,  dans 

l'ordre  qu'ils  doivent 

être  placez. 

/^  Arte  G  encrais  Géographique  de  la  Mi^ 

rée  Pag.  i 

Fatras  44 

CafielTornefâ  4^ 

Navarin  50 

Medon  j% 

Plan  de  Coran  58 

Plan  de  Coron  ave  de  s  Campemens  Ji 

Denxve'ùs de  Coron  71 

JEtendard pris  devant  Coron  ji- 

Les  quelles prifes  avec  P Etendard  71 
Calamata  Cr  la  bataille  devant  Calamata  Si 

PlandeZarnata  8^ 

ZarnataenPorfil  85 

Hauteur  de  Zarnata                        '  g| 

PlandeChtelefa  8f 

Plan  de  Pajfava  %^ 

'M/fjthra  ou  Sparte  go 

^PUn  de  Ma%na  mime  51  % 

j  Ci^p  de  Matapan  9  % 


Veuè  de  Malvafia  log. 

Deux  veues  de  NafoH de  RomAnie  1 1 1 

JpdeCorfù  128 

Tlan  de  Santa  .MaHr4   \  ,  ^ ,  •  ^j.  _y  ■       ^6 
'S4f7ta  MuHrâ.  Avec  les  féfftéi'  Tftes  votfu 

nef  148 

Veué  de  la  faille  de  Ce f atome  Cr  la  Carte  de 

PJjle  149 

Forterefe  d'u^fo  1 55^ 

JfledeZante  cr  F^rtcrefe  de  Z^mtc       i6a 
Fort  de  Cer'tgo  1 79 

Ilan  de  Ceriga  179 

J^egare  i  po 

Ijt  Port  Lion  .  .       19J 

La  Ville  d'^Jlthenei  197 

JjaVtlle  de  Negrefont  20{ 

Flan  de  y oU  ,  ..3.ï| 

Hauteur  de  V»U  '  • , .  y.  -^-^  v.'.'?>tl 

Xf j  Dardanelles  de  Lepantkff       ^ li.r.-;  ^^^7 
Lepamhe,  '  ■   ■   2}Q 


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