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Full text of "Memoires pour servir a l'histoire des insectes"

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MEMOIRES 

POUR SERVIR 

A L'HISTOIRE 

DES 

INSECTES. 

A 

Par A4. DE ReauMUR, de V Académie Royale 
des Sciences, de la Société Royale de Londres, if des 
Académies de Pet ers bourg if de VInjlitut de Bologne, 
Commandeur if Intendant de l'Ordre royal if militaire 
de Saint Louis. 

TOME CINQUIEME. 


Suite de l’Hijîoire des Mouches à deux ades, if VHifloire de plufieurs 
Mouches à quatre ailes, fçavoir, des Mouches à fcies, 
des Cigales, if des Abeilles. 



A PARIS, 


DE L’ IMPRIMERIE ROYALE. 


M. D C C X L. 













TABLE 


DES MEMOIRES 


CONTENUS DANS CE VOLUME. 


P RÉ F A c E ,ou l’on donne une idée générale des Mémoires 


contenus dans ce Volume. 


Premier 
Mémoi re. 


H 


IJloire des Tipules. 


page i 


Second Mémoire. Hifoire des Mouches de S.‘ Marc; 
ér quelques Suppléments au neuvième & au douzième 
Mémoire du quatrième Volume. 5 5 

TroisiémeMé moire, Et le premierfur les Mouches 
à quatre ailes. Des faujfes Chenilles, & des Mouches 
à fies, dans lefquelles elles fe transforment. 87 

Quatrième Mémoire. Sur les Cigales, & fur 
quelques Mouches de genres approchants du leur. 
Cinqu 1 éme Mémoire, Et le premier de l’Hifoire des 
Abeilles, ou l’on traite de la forme des Ruches les plus 
propres à faire des obfervations fur les Abeilles ; oîi l on 
examine ce qu’on doit perfer de la confitution de leur 
gouvernement ; où ton explique les moyens dont on s ef 


fervi pour voir les faits qu’on rapporte. 


207 


Sixième Mémoire. Des parties extérieures des 
Abeilles ordinaires. Comment elles vont faire dans les 


campagnes la récolte de la cire éx celle du miel, 281 


S e P T1É m e Mémoire. Des A iguillons des A beilles, de 


a i) 



leurs combats, & des différences remarquables entre les 
parties extérieures des Abeilles ordinaires, & les parties 
extérieures des mâles & des tneres. 339 


H u 1T1É m £ M ÉAioiRE. Des Gâteaux de cire; comment 
les Abeilles parviennent à les conjlruire; comment elles 
changent en véritable cire les pouffiéres d’étamines. De 
la récolte & de l’emploi de la Propolis. Comment elles 
remplijjent les alvéoles de miel, & comment elles l’y 

confervent. 379 

Neuvième Mémoire. De la Fécondation ,& de la 
Ponte de la mere abeille. 4.61 

Dixi éme Mémoire. Des moyens de faire paffèr les 
Abeilles d’une ruche dans une autre; & comment on peut 
examiner une à une toutes celles d’une ruche. 3 2 1 
Onzi éme Mémoire. De ce quifepaffe dans chaque 
alvéole d’une ruche depuis qu’un œuf y a été dèpofé, 
jufques a ce que le Ver fini de cet œuf parvienne à être 
une Abeille. 569 

Douzième Mémoire. Des Effaims. 607 

Treizi éme Mémoire. Des foins qu’on doit prendre 
des Abeilles pour les cor ferrer, les faire multiplier, fr 
pour profiter de leurs travaux. 659 


ERRA TA. 

Tome IV. Préface. 

P Age xv . lignes 2 dX ; , toute chenille doit avoir été papillon, lifés , tout 
papillon doit avoir été chenille. 

Tome V. 

P Age 7 o, lignes / j dX 23, pharinx, lifés, larinx. Page 1 61, ligne j 2, refie 
de circonférence, lifés, reite de la circonlérçncc. 

P RE F A CE, 



A A ,A ,A A A- A A A A A A A A A- A A A A. a. A A a t« 


J. A. A A- A. 

d5A^A^A<^AtJ!A.C ....... ... .. . .. .. _. ____ 

•8 *SA A AA AAA A K^v AAA A A «iK '2’- A* ' AA AA A- AA"’ A v-' AA A A A A AA A AA A A AA A A? 


P RE F A C E, 


Où l’on donne une idée générale des Mémoires contenus 
dans ce Volume. 

D ES obfèrvations furies mouches à Jeux ailes, qui 
n’ont pû entrer clans le quatrième Volume, font 
rapportées dans les deux premiers Mémoires de celui-ci. 
L’hifioire des Coufins par laquelle le Volume précédent 
finit, nous a fait connoître d’avance les mouches appel- 
Jées tipules; elle nous a appris que nous if avons rien à 
en craindre, quoique leur extérieur foit très-feinblabîe à 
celui des confins, elles n’ont point de trompe, ni aucun 
autre infiniment capable d’agir fur nous. Le premier Mé¬ 
moire de ce Volume efi deftiné à nous infiruire plus à 
fond de ce qui les regarde ; il en fait connoître d’un très- 
grand nombre cl’d'péces différentes qui ont toutes de 
commun d’avoir un corps long, & detre montées fur de 
longues jambes. Quelques-unes qu’on trouve fur- tout 
dans les prairies pendant l’Automne, furpaffent beau¬ 
coup les coufins en grandeur; elles font fi haut montées, 
quelles femblent l’être fur des échaiïes. Leurs longues 
jambes leur fervent aufli à paffer fur les herbes , comme 
les échafies fervent aux habitants des pays inondés <$c 
marécageux, pour marcher dans l’eau & dans la boue. 
Toutes les Tipules des efpéces que je connois, ont été 
des vers fans-jambes, &. à tête écailleufe, mais qui ont des 
particularités propres fouvent à faire difiinguer les uns 
des autres , ceux qui doivent fc transformer en tipules 
qui différent fpécifiquement. Ces vers font de nature 
Tome V . a 


jj PREFACE. 

differente, & naiffent avec des goûts fort différents. ÎI 
y en a qui vivent fous terre, 6t de terre. Une terre ordi¬ 
naire, telle que celle de nos champs, de nos prairies, de 
nos jardins, convient pour loger les uns & les nourrir; 
d’autres fe tiennent dans une forte de terreau qui fe 
trouve au fond de ces trous formés par la pourriture 
dans des troncs d’arbres; d’autres vivent fur des plantes 
ou dans des plantes ; d’autres enfin , prennent leur ac- 
croiffement fous l’eau. Quelque part oui ils l’ayentpris, 
dès qu’ils n’ont plus à croître, ils fe métamorphofent 
en nymphes ou en crifalides, & deviennent enfuite des 
mouches. Les vers de la plus grande des efpéces de ti- 
pules de ce pays, font de ceux qui vivent fous terre, qui 
s’y changent en nymphes dépourvûes de jambes propres 
à marcher; mais qui, avec les picquants dont leurs an¬ 
neaux font hériffés, fçavcnt fe pouffer en haut, percer la 
terre 6c s’élever un peu au-deffus de fa furface. C’eft 
alors que la mouche tire fes parties de leurs fourreaux, & 
qu’elle prend bientôt l’effor. Par la fuite, on voit avec 
plaifir les femelles femèr leurs œufs en terre ; elles ont 
î’adreffe de marcher en tenant leur corps droit : il fe ter¬ 
mine par une pointe écailieufe, qui eft pour la tipule,ce 
qu’efl un plantoir pour un jardinier. Elle pique cette pointe 
fucceffivcment en différents endroits. Chaque trou reçoit 
un ou plufieurs œufs. Parmi les vers tipulcs qui vivent 
fur les plantes, il y en a des efpéces qui ne connoilfent 
d’autre nourriture que celle que la fubf lance des cham¬ 
pignons leur fournit. Il eft ordinaire à beaucoup de cham¬ 
pignons de differentes efpéces, qui ont un peu vieilli fur 
pied, de fourmiller de vers, cpii, pour la plupart, devien¬ 
nent des tipulcs. J’en ai obfcrvé qui s’arrêtent fur l'exté¬ 
rieur d un agaric du chêne : ils font remarquables en ce 
que leur tête a foin de rendre unis & liffes au poffible les 


PREFACE. if/ 

endroits fur lefquels le corps doit paffer; elle les enduit 
d’une matière vifqueufe qui fe lèche dansl’inflant, & qui 
a tout le luifant de ces traces que les limaçons & les li¬ 
maces biffent fur les murs. Toutes les fois qu’il fe veut 
repofer, il fe fait un lit d’une pareille matière. Enfin, de 
cette même liqueur gluante, il fe confinait une coque 
qui femble être de moulfe telle que celle du favon. 

Un ver que je ne connoiffois pas encore lorfque ce 
premier Mémoire a été imprimé, eft de ceux qui aiment 
les truffes qui fe pourrifTent; je l’ai trouvé dans quelques- 
unes que M. le Marquis de Gouvernet m’avoit envoyées, 
parce qu’il les fçavoit dans le mauvais état oi'i j’aimois à 
en avoir. Ce ver, dis-je, fe fert comme le précédent, 
d’une liqueur vifqueufe pour fe préparer un chemin ; 
mais il pouffe l’induftrie & la délicatclfe plus loin. Il 
marche toûjours dans un tuyau de cette matière ; à 
mefure qu’il avance, qu’il veut aller plus loin, il pro¬ 
longe ce tuyau ; de le prolonger, ell pour lui l’ouvrage 
d’un inftant. On ne croirait pas que ce tuyau fait d’une 
matière qui a fi peu de confiflance, &. aufîi mince qu’on 
puiffe f imaginer , car on ne diftingue pas mieux les par¬ 
ties de l'infecte lorfqu’il eft à découvert, quelorfqu’il eft 
dans le tuyau; on ne croirait pas, dis-je, que ce tuyau 
eut tant de folidité. La portion cpie le corps vient de 
quitter en allant en avant, s’affaifîè & devient une lame 
plate; quand le ver va à reculons, cette lame reprend la 
forme cylindrique. Enfin, ce tuyau cylindrique fe lailfe 
élargir autant qu’il elt néceffaire, quand le ver veut fe re¬ 
tourner dedans. Je n’ai pas eu la mouche dans laquelle 
le transforme ce ver ; mais l’analogie veut que nous la 
croyions une tipule. 

Je n’aurois pas manqué auffi de donner place dans le 
Mémoire dont il s’agit actuellement, à une autre tipule, 

a i; 


iv PREFACE. 

fl je l’eulfe connue aiïes tôt ; ce n’eft pas quelle ait rien 
Je remarquable dans fa figure, elle cil même a fies petite. 
Mais il cil curieux riefçavoir que le ver d’où elle vient, 
fc nourrit clans les fleurs du bouillon blanc ; qu’il fait de¬ 
venir ces fleurs monllrueufes; qu’il produit dans leur ftruc- 
ture un changement pareil à celui que produit dans les 
fleurs du Camedris, une efpéce de punaife dont il a été 
parlé dans le dernier Mémoire du Tome III. Enfin, ce ver 
tipule empêche la fleur du bouillon blanc de s’ouvrir; elle 
lui fait une boîte dans laquelle il refte renfermé, lorsqu’il 
a pris la forme de crilalide, & jufqucs à ce qu’il en forte 
fous celle de mouche. C’eft à M. Bernard de Julfieu 
que j’ai dû les fleurs monltrueufes du bouillon blanc, 
qui m’ont mis en état de faire des obfervations fur ces 
lipides, comme je lui ai du les fleurs monltrueufes du 
Camedris. 

Mais il n’efl nulle part aulfi aifé de voir des vers tipulcs, 
que dans les eaux qui croupilfent. Les bacquets qui ont été 
tenus pleins d’eau pendant quelques femaines, ont leurs 
parois & leur fond remplis de flocons terreux qui font les 
habitations que le font faites des vers rouges cpii doivent 
devenir des tipulcs. Le même bacquct qui avoit des mil¬ 
liers de ces vers, e(t plein par la fuite des nymphes dans 
lesquelles ils le font transformés, dont le corcelet elt orné 
de chaque côté de belles & finguliéres pennaches ; ces nym¬ 
phes fe métamorphofent à la furface de l’eau, comme 
les nymphes des confins: elles deviennent des tipulcs, 
dont la tête a des plumets qui le dilputent en beauté 
ii ceux des nymphes. Dans les eaux croupies, on trouve 
des vers blancs qui fe tiennent dans des efpéces de glai¬ 
res, & qui deviennent aulfi des tipules. D’autres tipulcs 
doivent leur origine à des vers d’une tranlparence qui ne 
le cède guercs à celle de l’eau dans laquelle ils fc tiennent. 


ERE'FACE. v 

ÎIs font encore finguliers par un grand crochet formé de 
deux crochets fembiables appliqués l’un contre l’autre, 
qu’ils portent en devant de la tête. Enfin, tant de petites 
mouches fans trompe, que nous prenons fbuvent pour 
des coufins, & qu’on voit voler par nuées en l’air, qui y 
ont des mouvements de vibration de haut en bas, l'ont 
ordinairement des tipules , dont celles de différentes 
efpéces doivent leur origine à différentes efpéces de 
Vers. 

Ce qu’il nous rcfloit d’obfervations à rapporter fur les 
mouches à deux ailes, fe trouve dans le fécond Mémoire; 
nous y faifons d’abord connoître l’origine de celles qui 
ont été appellées mouches de Saint Marc, & qui paroiflent 
vers le temps de la fete de ce Saint. Les vers qui donnent 
la plus connue & la plus commune des efpéces de ces 
mouches, prennent leur accroiffément fous terre; s’ils 
avoient des jambes, ils reffémbleroient à des chenilles 
velues ; c’eff lous terre qu’ils fe métamorphofent en 
nymphes. Les mouches qui fortent de ces nymphes, 
n’ont rien de fort particulier à nous offrir. Le mâle qui, 
félon la réglé ordinaire, cil plus petit que la fémelle, 
a cependant une tête beaucoup plus grolfe que la tête 
de celle-ci. Ce n’elt que pour ne pas lailfer ignorer d'où 
viennent certaines mouches extrêmement petites & très- 
communes, que nous parlons dans ce même Mémoire, 
des vers qui fe nourriffênt demie!, de compotes qui com¬ 
mencent à fe gâter, de lie de vin, de marc de raifin, & de 
toute matière lucrée qui s’eff aigrie. Nous y parlons auffi 
de quelques eljiéces de mouches qui viennent de vers qui 
aiment les truffes. Mais nous y traitons plus volontiers de 
vers dont nous eulfions dû faire mention dans le qua¬ 
trième Volume, auxquels la nature a affigné un lieu bien 
fingulier pour prendre leur accroiffcment. Dans le fond 

a iij 


yj PREFACE. 

de la bouche du cerf, à chaque côté du larinx, il y a 
deux boudes charnues qui femblent n’avoir été faites que 
pour élever les vers dont nous voulons parler, ou fans 
îefquelles au moins ils ne pourroient croître. Les cerfs 
n’ont pas de ces vers en toute faifon : le temps qui pré¬ 
cédé, 6 c celui qui fuit de près la chute du bois, font 
ceux où il leur eft plus ordinaire d’en avoir. C’eft appa¬ 
remment ce qui a fait imaginer aux Chafteurs, que ces 
vers étoient les agents que la nature employoit pour faire 
tomber ce grand bois h folidement alfujetti. Ils ont cru, 
6 c ils croyent encore, qu’ils quittent de concert le lieu 
de leur naiffancé, pour fe rendre à la meule ou balèdes 
perches ou du merrein, 6 c pour la ronger. Nous avons 
Tm. IV. dit ailleurs* que d’autres vers, ceux qui font élever des 
tumeurs fur le corps de ce grand animal, ont encore 
été chargés de cet ouvrage, 6 c nous avons fait voir alors 
qu’ils y font peu propres, 6 c qu’auffi n’y longent-ils pas. 
Nous tâchons de détromper dans ce fécond Mémoire, 
ceux qui croiroicnt les* vers de la gorge du cerf plus ca¬ 
pables que ceux des tumeurs, de venir à bout d’un pareil 
travail, parce qu’ils font munis d’efpéces de dents en cro¬ 
chets, qui manquent aux autres. Nous faifons voir que ces 
crochets qui ne font pas plus durs que la corne du cerf, 
ne peuvent agir qu’en piochant; que, fuffent-ils plus 
durs, il leur faudrait un temps plus long peut-être que 
celui de la vie du cerf, pour creufer jufques au centre une 
maffe h groffe 6 c fi dure. Mais cette fauffe 6 c prétendue 
merveille eft remplacée par beaucoup d’autres très-réelles 
6 c très-véritables. Ces vers doivent leur origine à une 
mouche qui fçait, ou fcmble fçavoir, que pour perpétuer 
fon efpéce, elle doit entrer dans les narines du cerf , che¬ 
miner tout le long de fon nés, fé rendre auprès de fon 
gober; que là fè trouvent deux cavités charnues, deftinées 


PREFACE. vij 

à loger & à nourrir les vers auxquels elle fe prépare à 
donner naifiance; que ces vers parvenus à une grofieur 
afies confidérable, fçauront qu’ils doivent abandonner 
leur cavité charnue; que pour iortir du gober du cerf, 
ils fçauront trouver la même route que leur mere a fçu 
fuivre pour y arriver. 

Malgré les deux Mémoires précédents, & ceux qui 
remplifient la plus grande partie du quatrième Volume, 
je laiffe encore l’hifioire des mouches à deux ailes, grof- 
fièrement ébauchée. Je luis perfuadé que j’ai obmisbien 
des généralités que j’aurois dû y faire entrer, Si une in¬ 
finité de détails curieux. Je commence pourtant dans le 
troibéme Mémoire de ce Volume-ci, à traiter des mou¬ 
ches à quatre ailes. J’y en fais connoître un genre qui 
efi très-bien caraélérifé par l’infirument fingulier qu’on 
trouve aux fémelles, étaux feules fémelles de toutes fes 
eljréces. J'appelle ces mouches des mouches à feies. Elles 
en ont deux dentelées comme les nôtres, Sc qui ont des 
perfeéïions que nous n’avons pas imaginé de donner à 
celles dont nous nous fervons; aufii nos ouvriers ne doi¬ 
vent-ils aucunement être comparés avec le maître qui a 
inventé & exécuté ces feies, qui ne font pas feulement 
admirables par leur extrême petitelfe. Les mouches qui 
en font pourvues, viennent de ces vers que nous avons 
nommés faulfes chenilles, parce que leur forme efi telle 
quelle les a fait prendre pour de véritables chenilles par 
defçavants Naturaliftes. Ils ont des jambes, & en ont au 
moins deux de plus que les chenilles qui en font les mieux 
fournies, que celles qui en ont feize. Le nombre des el- 
péces de ces faulfes chenilles efi très-grand, la plupart 
font rafes; quelques-unes pourtant ont le corps tout hé- 
rifie d’épines d’une figure finguiiére, faites en T ou en Y. 
Les différentes efpéces nous en olfrent de toutes couleurs. 


* Toitu 


viij PREFACE. 

Si de couleurs différemment combinées, l'oit par rayes, 
l'oit par taches. Ce qui clt plus fingulier, c’eft que quel¬ 
ques-unes font vêtues tout à-fait différemment dans dif¬ 
férents temps de leur vie. De muer eff pour elles chan¬ 
ger d’habits; il y en a que la dernière mue rend mécon- 
noiffables. La fauffe chenille qui jufques-là avoit été rayée 
ou tachetée de jaune Si de noir, ou de quelque autre 
couleur, après avoir quitté fa vieille peau, elt entièrement 
blancheâtre. Ce qui eft encore plus remarquable, Si plus 
propre a faire méconnoître quelques fauffes chenilles, 
c’eft que celles qui jufque-là avoient eu le corps couvert 
d’épines, ou de tubercules chargés de poils, prennent 
une dernière peau qui eft absolument raie. Entre ces 
fauffes chenilles, il y en a plufieurs qui fe font remarquer 
par leurs attitudes hifarres, qui ont le corps contourné 
en S, Si qui tiennent fouvent leur derrière en l’air & plus 
élevé que leur tête ; d’autres fè roulent en pain de bougie ; 
d’autres fe roulent fimplemcnt en cercle. Une de celles-ci 
fe tient fur le chevre-feuille, Si a une autre particularité; 
quand on la prend le matin, elle fait limiter de petites 
gouttelettes d eau de tous les endroits de Ion corps. 

Chaque fauffe chenille le confirait une coque dans 
laquelle elle fe transforme en nymphe. Les unes les 
font en terre Si de terre, & les autres y filent des coques 
purement de foye. Toutes les variétés & les adrelfes qui 
peuvent être employées dans les conftructions des co¬ 
ques de foye, fembleroicnt avoir été épuifées par les che¬ 
nilles; néantmoins malgré tout ce quelles nous ont fait 
i. voir dans ce genre *, nous trouvons du nouveau Sc digne 
d’être admiré, dans les coques de quelques fauffes che¬ 
nilles; elles s en font deux dont l’une eff renfermée dans 
l’autre. L intérieure ou I inlcéle eff losré cfl d’un tilfu 

O 

ferré, mais mince & flexible. L’extérieure, celle qui fert 

d’enveloppe 


PREFACE. ix 

d’enveloppe à la précédente , efl à rezeau ; elle efl cepen¬ 
dant beaucoup plus folide & très-capable de réfi fiance. 
Audi efl -elle formée uniquement d’efpéces de groffes 
fibres, qui, par rapport aux fils de la coque intérieure, 
font ce que les cordes d’une raquette font par rapport 
aux fils d’une toile ordinaire. 

Toutes ces fuiffes chenilles fe transforment en des 
mouches à deux ailes, qui, pour ainfi dire , ont un air 
de famille, & dont toutes les femelles portent à leur der¬ 
rière deux fcies quelles ne montrent que quand elles 
veulent les faire agir. Il ifieft aucun des inflruments que 
la nature a accordés aux infectes, qui doive nous paraître 
fait avec plus d’art. Ces fcies font appliquées finie con¬ 
tre l’autre, & peuvent jouer alternativement. Leurs dents 
font elles-mêmes dentelées. Enfin, ces inflruments, qui 
font des fcies par leur tranchant, font des limes ou des 
râpes par le plat. La fiice extérieure de chacune efl ar¬ 
mée de plufieurs rangs de longues dents. Ces excellents 
inflruments ont été donnés à certaines mouches pour 
les mettre en état de faire aifément des entailles dans le 
bois de divers arbufles, comme celui du roficr, dans 
lefquelles il étoit effentiel à leurs œufs d’être dépofés. II 
n’eft point de mouches moins farouches que celles-ci ; 
il femble que celui qui les a faites, ait voulu que nous 
puffions les obferver à notre aife, c’eft-à-dire, les admi¬ 
rer pendant qu’elles font occupées à feier & à pondre. 
Leurs œufs font oblongs , comme ceux de mille autres 
infectes, & de même, n’ont pour enveloppe qu’une forte 
membrane ; mais ils différent des œufs plus connus par 
une propriété bien finguliére, ils ont celle de pouvoir croî¬ 
tre; de jour en jour, ils acquièrent des dimenfionsen tout 
l'ens, jufques à ce que le petit ver foit prêt d’en fortir. 

Le quatrième Mémoire nous montre combien on 
Tome V . b 


X PREFACE. 

fcroit faire de progrès à l’Hiftoire naturelle, fi on pouvoit 
établir de bonsCorrefpondants dans les différentes parties 
du Monde. Les environs de Paris ne nourrirent point 
de cigales, & je n’en ai trouvé dans aucun des pays où 
j’ai pu obfcrver à loifir les infeétes. Il ne m’étoit pas per¬ 
mis cependant d’ignorer Lus regret, l’hiftoire d’un genre 
de mouches dont les plus anciens Naturalises ont fait 
mention, & qui font fi renommées pour leur chant. Une 
place leur étoit due dans nos Mémoires. Les regrets que 
je devois avoir de ne me pas trouver dans un pays agréa¬ 
ble aux cigales, m’ont été ôtés par les foins officieux & 
éclairés de M. le Marquis de Gaumont. Je ne crois pas que 
j’euffie été en état de donner plus d’obfèrvations & plus 
certaines fur ces grandes mouches, que j’en donne dans le 
quatrième Mémoire, quand j’aurois été expofé pendant 
plufieurs mois de differentes années, à être fatigué de les 
entendre chanter. Les Auteurs qui en ont parlé, n’en 
ont fait connoître que deux efpéccs, & nous en Liions 
connoître trois. Entre les mouches à corps court de ce 
pays, il n’y en a aucune qui approche de la grandeur des 
cigales de la grande efpcce. Du bout antérieur de leur 
tête, qui eff prefque coupé quarrément, & qui a autant 
de groffeur que ce qui précédé, part une partie triangu¬ 
laire qui fe replie en deffous. C’efl de l’extrémité de 
cette partie que fort une trompe contenue dans un 
fourreau , & appliquée contre le deffous du corcelet. 
Cette trompe apprend que la cigale n’efl pas faite pour 
vivre uniquement de rofée. Les dentelures qu’on peut 
découvrir à deux des longues pièces dont elle eft com- 
pofee, prouvent qu’elle eff capable de pénétrer dans des 
corps durs. Leur chant dont on a tant parlé, fuppofe 
un grand nombre d’organes qui n’ont pas été affés 
connus, ou au moins, qui n’ont pas été décrits ; ils 


PREFACE. 

n’ont etc accordés qu’aux feuls mâles ; auiïi les femel¬ 
les font-elles parfaitement muettes. Ces organes font 
placés près de l’origine du ventre, en delfous 6c fur les 
côtés. Le fècours des figures 6c peut-être de defcrip- 
tions auffi longues que celles dans iefqueües nous nous 
fommes engagés dans le Mémoire dont il s’agit , font 
néceffaires pour voir combien d’appareil a été employé 
par la nature pour mettre la cigale mâle en état de for¬ 
mer des fons qui peuvent nous déplaire, mais qui font 
apparemment touchants pour fa femelle. Deux efpéces 
de timbales faites d’une membrane plus roide que le par¬ 
chemin leplusfec, 6c dont toute la convexité cfi remplie 
de plis qui fe touchent; ces deux timbales, dis-je, font 
deftinées à rendre les fons; il y en a une placée de cha¬ 
que côté dans l’intérieur du ventre. Quand l’air quelles 
ont agité, fort de la cellule de chaque timbale, il trouve 
une voûte platte, un volet écailleux qui le réfléchit dans 
une grande cavité où il eft modifié 6c rendu plus lonore. 
Cette cavité efl diviféc en deux par une efpéce de cloifon. 
Au fond de chacune des parties formées par cette divifion, 
efl une membrane mince, fi liffe, fi tendue, fi tranfparente 
6 c fi brillante, qu’elle paroit un miroir, 6c que le nom lui 
en a été donné même par les enfants. Ne fommes-nous 
point un peu humiliés, quand après nous être crus en 
tous points l’ouvrage par excellence du Créateur, nous 
voyons que les parties qui ont été employées pour met¬ 
tre le mâle d’une cigale en état de fe faire entendre par 
la fémelle, le difputent par leur nombre, par la Angula¬ 
rité de leur matière 6c de leur flruchire, 6c par l’art avec 
lequel elles font difpofées aux organes de notre voix! 

La fémelle a à nous faire voir des merveilles d un 
autre genre; elle peut pondre quatre à cinq cens œufs; 
die fçait les foins qu’ils demandent d’elle, pour que les 

b ij 


*if PREFACE- 

embryons qui y font contenus puilfent éclorre, 6c pni fient 
parvenir à être un jour des cigales. Ces œufs doivent à 
peine paraître au jour pendant un inftant. Dès qu’ils font 
ibrtis de ion corps, ils doivent être logés dans l’intérieur 
de très-menues branches de bois fcc 6c rempli de moelle: 
là ils doivent être difpofés par files, à l’abri de la pluye 
6 c des injures de l’air. La circonftance d’un bois plein de 
moelle étoit eifenticlle ; la moelle elt peut-être la pre¬ 
mière nourriture de l’infcéte qui fort de chaque œuf. 
Les mouches dont nous avons parlé dans le Mémoire 
précédent, font des entailles au bois verd auquel elles 
confient leurs œufs; ils y peuvent 6c y doivent être expo- 
les aux impreifions de l’air extérieur; pour faire ces en¬ 
tailles, il leur falloit des feies, 6c la nature en a donné 
deux à chacune de ces mouches. Mais il ne fuffifoit pas 
à la mere cigale de fendre le bois, elle devoit le percer, 
y creufer des trous. Aulfi a-1-elle été pourvue d’une 
tarière qui en peut creufer d’affés longs, car elle a plus 
de cinq lignes de longueur. Elle la porte à fon derrière 
cachée dans une coulifiè où elle cil confervée par un 
double étuy. Cette tarière n’cft pourtant pas lèmblable 
à celles dont nous nous fervons,clIe efl un infiniment 
double, elle efl compoiée de deux pièces qui peuvent 
jouer alternativement, mais fans s’écarter l’une de l’autre; 
elles le meuvent toujours parallèlement l’une à l’autre; Sc 
cela, parce quelles l'ont affemblées avec la plus grande 
précilion, à couliffe 6c à languette dans un fupport com¬ 
mun. Ces deux pièces lont deux limes dont chacune a 
près de là pointe, 6c feulement fur le côté extérieur, des 
dentelures. Avec ces limes ou cette tarière, la cigale 
creufe un trou qui a toute la longueur de l’inflrumcnt, 
6 c qui le dirige parallèlement à l’axe du brin de bois, dès 
qu’il a atteint la moelle : elle y dépofe 6c arrange fept à 


PRE FACE. xii/ 

huit oeufs à la file, plus ou moins. Près de ce trou, elle 
en perce enliiite un fécond, pour y placer à peu près le 
même nombre d’œufs; 6c ainfi, elle remplit un brin de 
bois, 6c fuccelfivcment plufieurs brins, des trous néceL 
Paires pour loger fes œufs. Si en fendant en deux un de 
ces brins de bois on met à découvert plufieurs files 
d’œufs, l’ordre avec lequel ils parodient arranges ne 
fçauroit manquer de plaire. L’inleéte forti de chaque 
œuf après avoir pris de i’accroilfement, mais avant que 
d’avoir grofii à un point où l’entrée du trou fe trouve- 
roit trop petite pour le lailfer palfer, quitte le lieu de la 
naiiïànce. Il efi muni de jambes dont les deux premières 
font de bons inftruments pour fouiller la terre; il s’y en¬ 
fonce , il fe rend fur les racines de quelque arbre. Il a une 
trompe avec laquelle il tire de ces racines le fuc qui le 
nourrit 6c le fait croître. Il relie ainfi caché fous terre jul- 
ques à ce qu’il l'oit en état d’en fortir pour fubir la méta- 
morphofe qui le fiait paraître ailé, qui le rend cigale. 

Le cinquième Mémoire 6c tous ceux qui le lùivent, 
ne nous entretiennent que des abeilles. Leur hilloire mé- 


ritoit d’être traitée avec plus d’étendue que celle du 
commun des infeéles. On s’attend, 6c peut-être s’attend- 
on trop à la trouver remplie de laits furprenants, car il y 
aura à rabattre des merveilles qu’on en a publiées. Il ne 
faut pourtant que jetter les yeux fur l’intérieur d’une 
ruche , pour être forcé d’en regarder les mouches com¬ 
me des ouvrières incomparables. La cire de ces gâteaux, 
qui ne font qu’un alfemblage de cellules d’une figure fi 
régulière, 6c le miel qui remplit ces mêmes cellules, 
prouvent quelles fçavent des arts qui nous font inconnus. 
Aulfi, fi on s’en rapporte à un très grand nombre d’Au- 
teurs, qui, à l’envi, leur ont prodigué des éloges, elles 
égalent ou furpalfent peut-être les hommes en intelligence 

b iij 


xîv PREFACE. 

&cn connoifiances; elles ont même des mœurs qui nous 
doivent faire rougir des nôtres; car il n’y a gueres de 
vertus morales qui ne leur ayent été accordées. On croit 
bien que ces éloges auront befoin d’être réduits à leur 
jufte valeur. Les faits,même vrais, qui nous ont été tranf- 
mis, ne l’étoient pas pour nous, ils demandoient à être 
examinés de nouveau; il filloit avoir des preuves de leur 
réalité qu’on ne nous a pas données. Cet examen con- 
duit à découvrir des merveilles certaines & ignorées, qui 
remplacent ce qu’on en avoir dit de fabuleux. Le gou¬ 
vernement des abeilles a été propofé comme le parfait 
modèle d’un gouvernement monarchique. Nous cher¬ 
chons dans le cinquième Mémoire, & le premier de leur 
hiftoire, en quoi il confille, quels en font les principes. 
Nous nous y trouvons obligés de reconnoîtrc que les 
abeilles fe conduifent par rapport au bien de leur fociété, 
comme h l’unique motif de leurs aétions étoit celui qui 
fait agir les plus grands hommes & les plus vertueux ; elles 
ne femblcnt travailler que pour leur poftérité ; leurs avan¬ 
tages particuliers ne paroilfcnt entrer pour rien dans tout 
ce qu’elles font. Après avoir décrit les formes des ruches 
les plus favorables pour obferver ce qui fe palfe dans leur 
intérieur, nous nous contentons de dire ce que nous 
remettons .à prouver dans d’autres Mémoires, que dans 
chaque ruche, il y a en certains temps de l’année, trois 
fortes de mouches, & dans les autres temps, feulement 
deux fortes; des abeilles fans fexe, ou, qui ne contri¬ 
buent en rien à la génération, des abeilles mâles, & enfin 
des abeilles femelles. Les premières font celles que tout 
le monde connoît; leur nombre ell fans comparaifon 
plus grand que celui des autres ; elles font uniquement 
nées pour le travail ; tout celui de la ruche roule fur elles, 
aufii les nommons-nous les ouvrières. Ce n’ell ordinai- 


PRE'F ACE. ^ xv 

rement que pendant un ou deux mois qu’on peut voir 
des mâles dans une ruche ; dans celle qui en eft le plus 
peuplée, il n’y en a pas autant de centaines qu’il y a 
de milliers d’ouvrieres; ils font plus gros que celles-ci. 
Pendant le cours de chaque année, fi on en excepte 
peu de jours, on ne peut trouver dans chaque ruche 
qu’une feule fémelle ; mais qui eft capable de multi¬ 
plier fon petit peuple, au point que l’habitation où il 
eft, ne fufhfe plus pour le contenir. Sa fécondité eft pro- 
digieufe. Telle fémelle peut dans un an devenir mere 
de trente à quarante mille mouches, & peut - être de 
beaucoup plus. C’cft à elle feule que doivent le jour tou¬ 
tes les ouvrières, les mâles & le petit nombre de fémclles 
qui naiffient par la fuite dans la ruche. Cette mere refte 
prefque toujours dans l’intérieur du logement ; elle eft aifée 
à reconnoître quand elle fe montre, fur-tout par la lon¬ 
gueur de fon corps ; elle eft plus longue que les mâles, 
quoiqu’elle foit moins groffie ; d’ailleurs, fes ailes font 
courtes en comparaifon de celles des mâles & de celles 
des ouvrières. C’eft cette mere que les Anciens ont ap- 
pellée le roi des abeilles, & qui eft digne d’en être nom¬ 
mée la reine. On ne nous en a pas impofé quand on 
nous a parlé du refped que les autres mouches femblent 
avoir pour elle. Nous prouvons par un très-grand nom¬ 
bre d’expériences & d’obfervations fïires, que les abeilles 
ordinaires font plus que de la refpeéler, qu’elles cher¬ 
chent continuellement à lui être utiles, à lui rendre les 
meilleurs offices; que fans ceffie elles lui offrent du miel, 
elles la lèchent, elles la brodent ; que quelque part où 
elle aille, quelques-unes lui font cortege ; enfin, que la vie 
de toutes leurs compagnes n’eft rien pour elles, en com¬ 
paraifon de celle de la mere. Elle femble être famé de 
toutes leurs aétions. On verra que lorfque j’ai partagé un. 


xvj PREFACE. 

efiaim en deux ruches, les mouches de Tune où elfes 
ctoient en plus grand nombre, mais fans mere, n’ont pas 
daigné faire le moindre travail; à peine ont-elles longé à 
vivre au jour le jour; elles fe font laifïe périr , pendant que 
celles qui étoient dans une autre ruche avec la mere, y 
ont travaillé, quoiqu’elles y fulfcnt en très-petit nombre. 
Enfin, je prouve par des expériences inconteltables, que 
dès qu’on a ôté la reine à des abeilles qui s’occupoient 
fins relâche du matin au foir à faire des récoltes de cire 
& de miel, elles ne femblent plus fçavoir que les plantes 
leur offrent des richeffcs néceffaires. A peine fortent-elles 
de leur ruche, & elles y retournent fans y rien apporter. 
Tout travail celfe dans l’intérieur, on n’y confirait pas 
line feule cellule de cire, on n’y achevé aucune de celles 
qui étoient commencées. Qu’on redonne une mere à 
des abeilles tombées dans une inaction complctte pour 
avoir été privées de la leur, dans le moment on leur rend 
l’aétivité & l’ardeur pour l’ouvrage; les travaux de toutes 
efpéces font repris. Les abeilles font non-feulement fa- 
horieufes quand elles ont parmi elles une mere féconde, 
elles le font proportionnellement à fa fécondité. Quoi¬ 
qu’elles ne contribuent en rien à la génération , quoi¬ 
qu’elles ne foient deftinées qu’à être les nourrices des 
vers qui éclofent des œufs pondus par la reine, l’Auteur 
de la Nature a voulu qu’elles s’intérefiaffent pour ces vers 
qui, avec le temps, doivent devenir des abeilles, autant 
que fi elles en étoient les véritables meres. C’cfi Ja feule 
efpérance de voir naître beaucoup d’abeilles qui les dé¬ 
termine à multiplier le nombre des gâteaux de cire, & à 
y mettre des provifions de miel. Dès que cette efpérance 
leur cft ôtée, dès que leurs travaux ne peuvent être utiles 
a leur poftérité, le foin de leur propre vie 11e les touche 
plus, elles fe mettent en rifque évident de périr de faim; 

elles 


PREFACE . ? xv i; 

elles ne ramaffcnt plus de miel, quand celui qu elles re- 
cueilleroient ne ferviroit qu’à les faire vivre. 

Nous nous arrêtons d’abord dans le fixiéme Mémoire, 
à confidérer les parties extérieures des abeilles, dont la 
plupart peuvent être regardées comme des inflruments, 
qu’il eft effentiel de connoitre pour entendre comment 
elles viennent à bout de flaire leurs récoltes, & d’exécuter 
des ouvrages fi finguliers. Elles font de la dallé des mou¬ 
ches qui ont une trompe & des dents. Laflruéture de leur 
trompe eft différente de celles de tant d’autres dont nous 
avons parlé dans les Volumes précédents. Pour expli¬ 
quer tout l’art avec lequel elle eft faite, il a fallu nous 
engager dans une affés longue defeription, & être aidé 
par les figures. Nous nous contenterons de dire que l’a¬ 
beille la tient ordinairement pliée en deux & comme 
roulée; mais que quand elle veut, elle la déplie & l’allonge. 
C’eft avec fa trompe qu’elle enlevé aux fleurs une liqueur 
miellée que la nature a mile en réferve dans certaines glan¬ 
des connues à préfent par les Botaniftes, mais qui l’ont 
cté de tout temps par nos mouches. Nous prouvons que 
cette trompe n’agit point à la manière des pompes, 
comme il étoit naturel de penfer qu’elle agilfoit, & comme 
on l’a fait agir jufqu’ici ; qu’elle eft une efpéce de langue 
velue & très-longue, qui, en léchant, fe charge d’une 
liqueur qu’elle fçait conduire julques à une bouche qu’il 
étoit très-important de connoitre. Les dents font les outils 
avec lefquels elles façonnent la cire : leur forme mérite 
cl être examinée. Nous ne difeutons pas encore dans ce 
Mémoire fi les abeilles trouvent la cire toute faite à la 
campagne, fi elles n’ont qu’à la féparer des corps étran¬ 
gers avec lefquels elle eft mêlée, ou fi elles ont de plus 
importantes préparations à donner à cette matière qui 
doit fournir la cire, & que nous nommons matière à cire. 
Tome K . c 


xviij PREFACE. 

ou cire brute ; mais nous y faifons voir que c efl fur les 
plantes, & feulement fur les fleurs des plantes, que les 
abeilles la ramaflent. Sans avoir étudié la ftruéture des 
fleurs, on a vu cent & cent fois dans celle d’un lys, des 
blets jaunes, dans celle d’une tulipe, des filets bruns; &. 
on fçait que les premiers laiflent fur les doigts une poudre 
jaune, & les autres une poudre brune. En langage de 
Botanifle, ces filets font des étamines, & leurs poudres, 
les poufliéres des étamines. Chaque grain de ces pouffié- 
res a une figure confiante dans chaque efpécc de plante. 
Ce font fouvent des boules quelquefois bien Iphériques, 
& quelquefois plus ou moins allongées. Ces poufliéres 
font précieufes pour les abeilles, & elles le font pour nous, 
puifqu’elles font la matière à cire, la cire brute; elles font 
l’objet d’une des deux grandes récoltes que ces mouches 
ont à faire. Une abeille qui efi l'ortie de fa ruche pour 
aller en ramafler, entre dans la fleur dont les étamines lui 
ont paru le plus chargées de ces poufliéres, & de poulfiércs 
qui y tiennent moins. Nous n’avons pas dit encore que 
fa partie antérieure, l'on corcelet, l'es jambes & plufieurs 
endroits de l'on corps, font chargés de poils dont la 
plûpart ont une forme qui mérite d’être vue au mi- 
erofeope. Chaque poil relfemble à une tige de plante 
à qui des feuilles font attachées de deux côtés oppo- 
fés, du haut en bas. Une portion d’une écaille de la mou¬ 
che , garnie de poils, fembie au microfcope, un gazon 
bien fourni de jolies moufles. Ces poils font pour les 
abeilles, ce que les toifons font pour ceux qui ramaflent 
les paillettes d’or des rivières. L’abeille devient bientôt 
toute poudrée d’une poudre jaune ou blancheâtre, ou 
d une poudre d’une autre couleur, c’efl-à-dire, dé celle 
des poufliéres des étamines de la fleur dans laquelle elle 
s efi promenée. Les poils branchus arrêtent les poufliéres. 


PREFACE. xix 

La mouche fefçait couverte de cette poudre, & fçait la 
ramafler. La pénultième partie de chacune de fes jambes 
cfl faite en brofîe. Eiie palTe fur fon corps les unes ou les 
autres de ces brodes, & toutes ordinairement les unes 
après les autres. Les brolfcs retiennent un peu humides, 
les poufTiéres quelles ont enlevées, l’abeille les ralfemble 
enl'uite, les réunit en deux petits tas. La nature, ou plu¬ 
tôt l'on Auteur qui a pourvu à tout, a ménagé une cavité 
dans la face extérieure de la troifiéme des parties de cha¬ 
que jambe de la dernière paire. Cette cavité efi bordée 
de gros poils, au moyen defquels elle elt une efpéce de 
corbeille propre à conlèrver ce qui lui efl confié. C’efl 
dans cette cavité que les jambes de la fécondé paire por¬ 
tent les poulîiéres des étamines, qu’elles y en font un 
petit tas, une malfe folide,en lesprelfant les unes contre 
les autres. L’abeille palfe d’une fleur à une autre pour y 
continuer fa récolte, pour groflir les deux petits amas de 
cire brute; elle parvient à rendre celui de chacune de les 
deux jambes égal à un grain de poivre, & d’une figure 
un peu plus applatie. Alfés chargée de ces deux petites 
pelotes, elle part alors & les porte à la ruche. Pour 
faire la récolte il ne lui fuffit pas toujours de fe prome¬ 
ner de fleur en fleur. Les poulîiéres des étamines ne font 
pas toujours prêtes à tomber. Avant que d etre, pour ainfi 
dire, à maturité, elles font renfermées dans des efpéces de 
capfules appellées fommets, & elles ne paroiflent au jour 
que quand ces capfules s’ouvrent. L’abeille n’ignore pas 
que la matière dont elle a befoin, efl renfermée dans ces 
petites boîtes, elle faifit donc entre fes dents fucceflt- 
vement pluficurs de ces capfules; quand celle quelle 
tâte lui paroît propre à être entrouverte, elle la preflb 
& l’oblige à laifler paroître les poulîiéres; les deux pre¬ 
mières jambes viennent les prendre, elles les donnent 

cij 


XX PREFACE. 

aux Jeux fuivantes qui les portent aux Jeux dernières. 

Pour continuer J’examiner les parties qui parodient 
à l’extérieur Jes abeilles, au moins en certains temps, 
nous faifons connoître Jans le feptiéme Mémoire, l’ap¬ 
pareil avec lequel a été fait cet aiguillon redoutable dont 
elles font armées. Ce qu’on appelle vulgairement l’aiguil¬ 
lon , eft une pointe écailleufe extrêmement fine, & qui 
cependant n’eft que l’étuy de deux aiguillons, de deux 
dards beaucoup plus fins. L’un & l’autre font dentelés fur 
leur côté extérieur, & près de leur pointe. Les bldfures 
faites par deux armes fi déliées, feroient peu à craindre 
pour nous ; mais l’abeille les empoifonne & les rend par¬ 
la très-douloureufes. Dans fon intérieur, près de la baie 
de l’aiguillon, elle a une velfie pleine d’une liqueur très- 
tranfparente , mais caufiique. Une gouttelette de cette 
liqueur, quelque petite quelle foit, fait naître de la cha¬ 
leur fur l’endroit de la langue où elle a été appliquée. 
Quand pour mieux éprouver l’effet de cette liqueur, je 
ïne fuis fait deux piquûres légères avec la pointe d’une pe¬ 
tite épingle, j’ai rendu très-cuifante celle de cesblefiures 
dans laquelle j’ai introduit un peu de la liqueur venimeufe 
de l’abeille. Un canal la porte dans l’étuy des dards , au 
bout duquel on en voit paroitre des gouttes fucceffive- 
ment toutes les fois qu’on tient une abeille gênée entre 
fes doigts; elle fait alors des tentatives inutiles pour pi¬ 
quer, & comme fi elle piquoit, elle oblige de la liqueur 
venimeufe à fortir. Nous aimerions mieux aflùrément 
que les abeilles fufTent dépourvues de cette arme ; mais 
elle leur étoit néceffaire. Les fruits de leurs travaux, leur 
cire & leur miel, excitent les defirs de beaucoup d’infeétes 
avides & pareffeux, contre lefquels elles ont à les défen¬ 
dre. Elles ont a fe défendre elles-mêmes contre d’autres in¬ 
fectes Yoraces qui les mangent plus volontiers que leur cire 


P R E' F A C E. xxj 

& leur miel. Enfin il vient un temps où elies nous doivent 
paraître extrêmement barbares , où du matin au foir elles 
11e s’occupent chés elles que de carnage; & c’efi dans ce 
temps fur-tout que leur aiguillon leur eft néceflaire. Les 
males font inutiles & même nuifibles dans la ruche après 
lin certain temps, après que la mere a été fécondée. Les 
ouvrières qui avoient été leurs nourrices lorfqif ils avoient 
la forme de ver, qui depuis leur dernière transformation 
avoient vécu avec eux en parfaite intelligence, leur décla¬ 
rent la plus cruelle guerre, lorfqu’ils ne feraient que con- 
fumer les provifions de la ruche fans y être bons à rien ; 
elles les naaflacrent; au bout de deux ou trois jours, il y 
en a quelquefois plus de mille de tués, & il n’en refie pas 
lin feul dans la ruche. Les raifons que les abeilles ouvrières 
pourraient alléguer pour leur juftification, nous font peu 
connues ; nous ignorons fur quels titres efi fondé leur 
droit de vie & de mort fur les mâles ; il leur a été accordé 
par la nature qui les a miles en état de l’exercer. Les faux- 
bourdons ou mâles font plus gros que les abeilles, mais 
ils n’ont pas été armés d’un aiguillon ; celui qu’ont les 
abeilles ordinaires leur donne une grande fupériorité fur 
eux. Afies fouvent des querelles s’élèvent entre les abeilles 
ouvrières d’une même ruche ; afies fouvent on en peut 
voir deux aux prifes, qui, polèes ou plutôt couchées fur 
terre, font l’une contre l’autre tout ce que pourraient 
faire deux adroits & courageux lutteurs ; elles cherchent 
réciproquement à fe piquer. Leurs corps font fi bien 
cuirafies qu’il efi difficile à l’une & à l’autre de trouver 
un endroit où elle puifie faire pénétrer fon aiguillon dans 
* le corps de fon adverfaire. C’en efi bientôt fiait de celle 
qui a été piquée; la viélorieufe la laifie bientôt expi¬ 
rante fur la pouffiére. Quelquefois trois à quatre abeilles 
en attaquent une feule, fans en vouloir à fa vie ; elles 

c iij 


xxij PREFACE . 

cellènt de lui porter des coups dès quelle a allongé fi 
trompe, & quelle y a dégorgé du miel que les attaquan¬ 
tes vont fitccer tour à tour. C’eft à ce miel quelles eu 
vouloient. Outre les actions particulières dont nous ve¬ 
nons de parler, il y en a de générales. Quand les mouches 
d’un edaim ont choifi inconfidérément pour fe loger, 
une ruche déjà habitée par d’autres mouches, à peine 
s’y font-elles introduites, qu’un combat meurtrier com¬ 
mence. Celles qui ont le droit de la pod'edion, s’oppo- 
fent à l’invafion avec tout leur courage & toutes leurs 
forces. D’inftant en inftant on voit fortir de la ruche 
une mouche viéiorieufe qui en emporte une morte, ou 
une qui n’a plus qu’un refie de vie qui lui ed bientôt 
ôté. Ces batailles ne finiffent qu’avec le jour, & coûtent 
louvent la vie à plufieurs milliers de mouches. Une abeille 
qui laille Ion aiguillon dans l’endroit où elle a piqué, & il 
arrive affés louvent quelle l’y laide, lé fait à elle-même une 
blelfure mortelle; ainfi, la vie de celle qui pique cd toujours 
en rifquc.Lamere ed armée d’un aiguillon plus grand que 
celui des autres mouches, quoique quelques Anciens ayent 
adulé le contraire,& que quelques déviles les en luppofent 
privées.Mais comme il importoit qu’une vie audi précieu- 
lè que celle de la reine, ne fût pas audi louvent expofee 
que celle des abeilles ordinaires, elle ed née avec un natu¬ 
rel plus pacifique ; on peut la tenir entre les doigts fans 
qu’elle cherche à piquer. Nous finilfons ce Mémoire par 
faire remarquer les différences qui font entre quelques- 
unes des parties extérieures des trois fortes de mouches, & 
qui y dévoient être. Les parties néceffaires pour ramader 
la cire brute, par exemple, & pour façonner la cire même, * 
étoient inutiles à la mere & aux mâles fur qui aucun tra¬ 
vail ne roule, & ils en font privés. 

Le huitième Mémoire nous montre les abeilles occupées 


PREFACE. xxiij 

clans l’intérieur de leur ruche à leurs différents travaux. 
Leurs gâteaux de cire font de tous leurs ouvrages, les 
plus dignes de notre attention, Si les plus fûrs de fe 
l’attirer. L’admiration croît pour eux à mefure qu’on les 
examine, je dois dire à mefure qu’on les étudie, car fins 
le progrès de l’analyfe, & fins celui quelle a fait fiire à 
la géométrie dans ces derniers temps, nous ne ferions pas 
en état de fçavoir à quel point ils méritent d’être admirés. 
Chaque gâteau eft compolc de deux rangs de cellules ou 
cle tubes exagones. Sur une de fes faces fe trouvent les 
ouvertures de toutes les cellules d’un rang, & fur la face 
oppofée, les ouvertures des cellules de l’autre rang. Pappus 
célébré parmi les géomètres anciens, qui connoilfoit les 
avantages des cellules de figure exagone, qui fçavoit que 
de toutes les cellules de capacité égale qui peuvent être 
ajufiées les unes contre les autres, fans laiffer de vuides 
cntr’elles, les exagones font celles qui peuvent être faites 
avec moins de matière ; Pappus, dis-je, a regardé les 
abeilles comme de grandes géomètres. Mais il eût eu 
une bien plus haute idée de leur géométrie, s’il eût feu 
que la conftruétion du fond de chacune de ces cellules, 
fembloit fuppofer quelles avoient réfolu un problème, 
dont la folution n’auroit pu être trouvée par les géomè¬ 
tres de fon temps ; une folution à laquelle on 11e peut 
arriver que par l’analyfe des Infiniment-petits. Celui au 
moins qui les a fi bien inflruites, a réfolu pour elles le 
problème dont nous voulons parler, & que nous allons 
expofer. Le fond de chaque cellule n’efl pas plat, il eft 
pyramidal, & formé par trois petits lozanges ou rhombes 
de cire, femblables Si égaux. Cette figure pyramidale per¬ 
met aux fonds des cellules des deux faces oppofées, de 
s’ajufter les uns contre les autres auffi exaétement que les 
corps des cellules s’ajuffent, c’eft-à-dire, fans laiffer de 


xxiv P RK F ACE. 

vukfe. Mais les abeilles avoient à choifir entre line infi¬ 
nité de rhombes différents qui peuvent former tics pyra¬ 
mides plus écrafées ou plus allongées, de également pro¬ 
pres à s’appliquer les unes contre les autres fans laiffer 
île vuide. Les rhombes pour lefquels elles fe font déter¬ 
minées, ont deux angles oppofés chacun d’environ i iq 
degrés, & les deux autres chacun d’environ 70 degrés. 
Quelles font les raifbns de la préférence donnée à ces 
rhombes! J’ai foupçonné que l’épargne de la cire en 
pouvoit être une, & j’ai propofé à M. Kœnig capable 
de réfoudre les problèmes les plus difficiles, de détermi* 
ner entre les cellules exagones de même capacité & à 
fond pyramidal compolé de trois rhombes égaux & fem- 
blables, quels dévoient être les angles des rhombes au 
moyen defquels la quantité de matière ou de cire em¬ 
ployée, feroit la plus petite qu’il eft poffible; & il a trouvé 
que les rhombes demandés font précifement ceux que 
les abeilles ont choifi. 

La conftru&ion des cellules des abeilles, outre les pro¬ 
blèmes purement géométriques, nous offre à réfoudre 
des problèmes phyfiquês , qui 'dans leur genre ne font 
pas moins curieux que les autres. Nous avons vû ces 
mouches occupées à enlever aux plantes les pouffiéres 
de leurs étamines, & rapporter fur chacune de leurs jam¬ 
bes poftérieures une petite boule faite de ces pouffiéres. 
Ces boules font -elles de la cire! Les abeilles trouvent- 
elles fur les plantes, de la cire toute Lite, comme elles y 
pourraient trouver de la gomme & de la réfineî Nous 
prouvons que ces pouffiéres d’étamines ne font point 
actuellement de la cire , qu’elles ne font que la matière 
propre à la faire, auffi la nommons-nous de la cire brute. 
Mais par quelle manipulation cette cire brute eff - elle 
convertie en véritable cire ! Les abeilles n’ont-elles qu’à 

la peftrir 


PREFACE. xxv 

{a pcflrir avec leurs jambes après l’avoir humectée Je 
quelque liqueur, comme Swammerdam & M. Maraldi 
fcmblent avoir été dilpofés à le croire! La converfion de 
la cire brute en véritable cire n’eft pas fi fimple, elle eft 
analogue à la converfion de nos aliments en chyle; c’eft- 
à-dire, que c’efi dans les inteftins des abeilles & dans 
un de leurs eftomacs, car elles en ont deux, que le fait 
la cire. Des oblèrvations très-certaines nous ont appris 
que les abeilles mangent la cire brute: après quelles l’ont 
digérée, elles font retourner vers leur bouche la vérita¬ 
ble cire qui en a été extraite ; elle y arrive de elle en fort 
en forme de confiftance de bouillie claire de quelquefois 
moulfeulè. La langue de l’abeille aide à conduire hors 
de la bouche, la cire plus délayée qu’une pâte molle ; elle 
la porte où elle doit être mile en œuvre par les dents pour 
former une portion, l'oit du fond, foit d’un des pans 
d’une cellule. Dans un infiant, cette bouillie de cire fe 
féchc & fe durcit, comme la liqueur qui devient un fil 
de foye, fe féche dès qu’elle efi fortie des filières des che¬ 
nilles de de celles de divers infeétes. Plufieurs mouches 
fournilfent les unes après les autres de employent la cire 
néceffaire à la conltrudlion d’une feule cellule. Celle qui 
n’a encore qu’une partie de la profondeur, ou qui ne 
vient que d etre rendue aulfi profonde qu’il lui convient 
de l’être, efl très-brute, elle n’efi qu’ébauchée; elle ne 
doit pas refier aulfi épaifie, aulfi malfive quelle l’cft. 
Les abeilles s’occupent bientôt à rendre fes pans plus 
minces, à les drelfer, à les applanir & à les polir, ce 
quelles font en les ratifiant, en les rabotant, pour ainfi 
dire, avec leurs dents, qui en emportent de petits cou- 
peaux. Comme ce travail efi long, on a louvent occafion 
d’obferver les mouches qui y font occupées ; on ne fe 
Tome V . d 


xxvj PREFACE. 

Jaffe pas de voir l’aétivité 6 c i’adrefle avec laquelle elles 
font alors agir leurs dents. 

L’habitation des abeilles, leur ruche, doit être très- 
clofe ; pour toutes ouvertures elle ne doit avoir que celles 
qui leur permettent d’entrer & de fortir librement. Cel¬ 
les par où d’autres infectes pourraient s’introduire trop 
aifément, les fentes par où l’eau Sc le vent pourraient 
palfer, auraient des fuites à craindre. Les abeilles le 
fçavent, au moins elles fçavent boucher toutes ces ou¬ 
vertures 6 c ces fentes; elles fçavent même que la cire 
n’eft pas la matière la plus propre à y être employée. 
Elles connoiflent une efpéce de réhne qu’elles trouvent 
toute frite fur certains arbres, qui a plus de ténacité que 
la cire ; elles vont s’en charger, elles l’apportent fur leurs 
jambes poftérieures en petites pelotes femblables à celles 
de la cire brute ; mais elles n’ont pas befoin de la man¬ 
ger ni de lui donner aucune préparation. Dès qu’une de 
celles qui s’en font chargées, elt entrée dans la ruche, 
pliifieurs de lès compagnes fe rendent lùccelfivement 
auprès d’elle; chacune prend une petite malfe, un petit 
grain de la refîne entre lès dents, 6 c va fur le champ le 
pofer dans l’endroit qui a befoin d'être bouché. Les 
abeilles fe fervent aulù de la même matière pour en¬ 
duire la plus grande partie des parois de leur ruche. Cette 
réfme a une odeur aromatique affés agréable. Nous lui 
confervons le nom de propolis qui lui a été donné par 
les Anciens. 

Tout ce qui a rapport à la génération des abeilles, 
fait l’objet du neuvième Mémoire. Quelque grand que 
foit le nombre des ouvrières qui nailîènt dans une ruche 
pendant le cours de l’année, elles doivent toutes le jour 
a une même mere, à cette reine que les Anciens avoient 


PREFACE. xxvi; 

chargée de tous les détails du gouvernement, & qui a 
ailes affaire d’avoir tant d’œufs à pondre. Elle eft auffi 
la mere des faux-bourdons, & elle l’eft encore des femel¬ 
les. On n’eff plus furpris qu’il y en ait telle, qui dans une 
année fuffife à donner naiffance à vingt mille, à trente 
mille, ou même à quarante mille mouches, lorfqu’on a 
ouvert le corps de quelqu’une qui étoit en pleine ponte: 
on le lui trouve tout rempli d’œufs; on y en peut compter 
environ cinq mille actuellement fenlibles. Si on fait atten¬ 
tion à la quantité de ceux qui en font déjà foitis, & lur- 
tout, fi on fait attention que le nombre de ceux qui par 
leur petiteffe échappent à nos yeux, & qui ne le dévelop¬ 
peront que peu à peu, eft peut-être lêpt à huit fois plus 
grand que le nombre de ceux qui font vihbles, on admi¬ 
rera la fécondité de l’abeille, & on fera difpolé à croire 
qu’elle peut aller à faire naître trente ou quarante mille 
mouches par an. L’intérieur des-faux-bourdons eft preff- 
que rempli par des parties qui fcmblent démontrer qu'ils 
font deftinés à féconder les œufs. On y trouve pluficurs 
réfervoirs de liqueur iaiteufe. Enfin les faux-bourdons 
font lortirde leur derrière, en certain temps, des parties 
qui paroiffent analogues à celles des mâles des autres 
infeétes. Mais pour ce qui eft des abeilles ouvrières, en 
quelque faifon de l’année qu’on ouvre leur corps, on ne 
fçauroit parvenir à y découvrir ni œufs ni vaiffeaux pro¬ 
pres à les contenir, ni aucune des parties qui caraétéri- 
fent le mâle. On voit feulement leur premier eftomac 
plus ou moins plein de miel, & leur fécond eftomac ôc 
leurs inteftins plus ou moins remplis de cire brute. Auffi 
ne contribuent-elles en rien à 1 œuvre de la génération. 
Nous enfeignons les temps où l’on peut parvenir à fur- 
prendre la mere occupée à pondre. Elle fait entrer fon der¬ 
rière dans une cellule vuide, au fond de laquelle elle laiffe 


xxviij PREFACE. 

un œuf. Elle en fort bientôt pour aller prefque tout de 
fuite en pondre un autre dans une cellule voifine ; elle 
eft toujours accompagnée de quelques mouches, qui, 
chaque fois quelle fort d’une cellule, ne manquent pas 
de lécher les derniers anneaux de fon corps. Nous venons 
de dire quelle ne donne pas feulement nailfance à des 
abeilles ouvrières, qu’elle la donne à d’autres fémcilcs & 
à tous les mâles. La cellule dont la capacité convient à 
l’œuf, ou, plus exactement, au ver qui doit devenir une 
abeille ouvrière, feroit trop petite pour un ver qui après 
fi transformation fera un mâle, & à celui qui après la 
fienne fera une fémelle. Comme fi les abeilles ordinaires 
en étoient bien infîruites, elles conftruifent des cellules 
de trois différentes capacités ; & ce qui n’eff pas moins 
digne d'être remarqué, la mere femble fçavoir quel eft 
l’embryon qui eft contenu dans l’œuf qu elle va mettre 
au jour. Elle ne manque jamais de loger dans une petite 
cellule, l’œuf qui donnera une abeille ouvrière; dans une 
cellule exagonc plus grande, l’œuf qui doit donner un 
mâle. Enfin l’œuf plus précieux que les précédents, celui 
dont le ver qui en fortira, deviendra une fémelle, eft 
dépolé dans une cellule qui ne diffère pas feulement des 
autres par fa grandeur, qui en diffère encore par fa figure. 
Les abeilles qui doivent être des reines, font traitées avec 
diftinétion dès l’inftant de leur naiffance, & avant même 
que de naître, lorfqu’elles font encore contenues dans 
l’œuf. Les ouvrières abandonnent leur architeélure ordi¬ 
naire quand il s’agit de faire une habitation où une fémelle 
prendra fon accroiffement. Ce n’eft pas là le temps où 
elles fongent à profiter des avantages que leur offrent les 
alvéoles exagones à fond pyramidal pour œconomifer la 
cire. Rien ne leur coûte alors. Elles employait plus de 
cire pour une feule cellule deftinée à être le berceau d’une 


PREFACE. xxix 

reine, que pour cent ou cent cinquante cellules ordinaires. 
Elles cherchent fur-tout à la rendre folide ; car d’ailleurs, 
la forme quelles lui donnent n’a rien de fort agréable & 
de recherché pour nous ; elle eh même fimple. Cette 
cellule n’eft pas, comme les autres, faite à pans, elle eh 
oblongue & arrondie, ayant plus de diamètre que par-tout 
ailleurs auprès de fa bafe, de-là elle devient de plus en 
plus menue jufques à fon ouverture. L’extérieur en ci t 
cependant orné d’une efpéce de guillochis. Une feule 
reine a tant de mâles dans fa ruche, quelle femble vivre au 
milieu d’un très-nombreux ferrail ; cependant la manière 
dont elle efi fécondée a été mile au rang des myftéres. 
Comme elle fe tient prefque conlîamment dans l’intérieur 
de fon habitation, on n’a pu parvenir à voir aucun ac¬ 
couplement. Le trop grand nombre des mâles a même 
fait penfer qu’elle ne devoit pas s’accoupler. Des Anciens 
de des Modernes ont cru que le feu! office des mâles 
étoit de répandre fur les œufs dépofés dans les cellules, 
une liqueur laiteufe & vivifiante, comme on penfe com¬ 
munément que le font les mâles des poiffions fur les œufs 
de leurs fémclles. Mais ce fentiment efi détruit dès qu’on 
fçait que ce n’efi que pendant quelques femaines de cha¬ 
que année que la mere abeille vit avec des mâles, que 
pendant neuf à dix mois il ne lui en refie pas un feul, 
quoiqu’elle ponde dans la plupart de ces mois des œufs 
féconds. Swammerdam à qui les mâles n’avoient pas 
paru avoir des parties par lefquelles ils fe pufient joindre 
avec la fémelle, a eu un fentiment qui femblera bien 
étrange à ceux qui n’ont pas médité la fuite de merveilles 
que fuppofe la génération des animaux. II a penfé que 
la vapeur, l’odeur que les mâles répandoient, fuffifoit pour 
féconder la mere. II faut avouer que le grand nombre 
des mâles qui ont été accordés à cette mere, fait unç 


xxx PREFACE. 

difficulté confidérable contre l’accouplement; s’ils étoient 
tous auffi ardents que le font ceux des autres infeétes, la 
femelle en deviendrait à plaindre, elle ne trouverait 
pas les moments de repos qui lui font eflentiels. Des 
obfervations que j’ai faites fur des meres dont chacune a 
été mile feule avec un mâle, lèvent la difficulté. Elles 
m’ont appris un renverfement d’ordre qui étoit nécef- 
faire, dès qu’il avoit été réglé que chaque mere aurait à 
fa difpofition tant de mâles. Ceux qui lui ont été don¬ 
nés font les plus froids, les plus indifférents de tous les 
mâles. C’eft à cette reine fi cherie par les ouvrières, ac- 
coûtumée à être fervie & prévenuë en tout par celles-ci ; 
c’eft à cette reine, dis-je, à faire la cour au mâle qui lui 
plaît, à le tirer de l'on état de froideur par fes agaceries. 
Elle pouffe même fes carelfes jufques à ce que nous ap¬ 
pellerions plus qif indécence. Elle prend par rapport à l'on 
mâle la polition dont font en polfeffion les mâles des 
autres fémellcs. Enfin , quoique je ne fois pas fûr d’avoir 
vu un accouplement complet, j’ai vu au moins une efpéce 
d’accouplement; & quand il n’v aurait que ce que j’ai 
vu, c’en ferait affés pour que tout le paffàt par rapport 
à la fécondation des œufs des abeilles, comme par rap¬ 
port à celle des œufs des oifeaux. Les accouplements de 
ceux-ci font fouvent plus courts que ceux que la mere 
abeille m’a montrés. 

Nous avons demandé qu’on nous crût pour quelque 
temps fur notre fimple témoignage, lorfquc nous avons 
affuré que chaque ruche n’a qu’une feule fémelle, excepté 
pendant un petit nombre de jours ou y naiffent des fe¬ 
melles qui n’y doivent pas relier. Nous nous fommes de 
même contentés d aflùrer qu’il vient un temps où tous les 
mâles font ôtés à la mere, & qu’elle paffte neuf à dix mois 
fans en avoir un leul. Ces faits eflentiels à i'hiftoire des 


PREFACE. xxx; 

abeilles, & quelques autres, avoient befoin cl être éta¬ 
blis par des preuves certaines que nous avons promifes, 
6c que nous donnons dans le dixiéme Mémoire. Pour 
pouvoir certifier qu’il n’y a qu’une feule mere dans 
line ruche pendant plus d’onze mois de l’année, 6 c 
qu’il n’y a pas un male pendant plus de neuf à dix 
mois, il faut abiolument en avoir examiné toutes les 
mouches une à une, en différentes faifons de l’année. 
Je commence par indiquer divers moyens de faire paffer 
les abeilles d’une ruche dans une autre, qui ne doivent 
pas être ignorés par ceux qui foignent ces mouches pour 
profiter du fruit de leurs travaux. Pendant que l’on oblige 
les abeilles à déménager, on a des occafions de les voir 
étalées, d’appercevoir les femelles 6c les mâles. Mais ce 
qui peut mettre plus à portée de les examiner, c’eft que 
j’enfeigne enfuite à faire entrer dans plufieurs bouteilles 
d’un verre très-tranfparent, toutes les abeilles d’une ruche. 
Ces expédients ne fçauroient pourtant contenter quel¬ 
qu’un aulfi difficile fur les preuves des faits finguliers 
qu’on le doit être. Il lui refera toujours des foupçons 
tant qu’il n’aura pu examiner une à une, 6c manier même 
toutes les abeilles d’une ruche ; mais il femble que cela 
ne fê puiffe bien frire que fur des abeilles mortes, qu’il 
faille en venir à frire périr toutes les abeilles d’un grand 
nombre de ruches, c’eft-à-dire, d’en faire périr dans plu¬ 
fieurs mois, 6c frire périr même plufieurs ruches en cer¬ 
tains mois. Il n’eft pas difficile au moyen du foufre, d ’é¬ 
touffer celles d’une ruche ; mais ceux qui nient le plus 
fermement l’anre des bêtes, fie réfoudroient avec peine 
à frire périr tant de milliers de machines trop admirables. 
D ailleurs ces expériences ne laifferoient pas d’être chères, 
6cn oteroientpas abfolument tout doute. Car par exemple, 
quand on n’auroit trouvé qu’une feule more au Printemps, 


xxxij P RE F A CE. 

& fans mâles, on n’en feroit pas en droit d’affirmer que 
cette mere qui n’avoit pas de mâles, auroit pondu des 
œufs féconds. On ne peut être bien certain qu’elle étoit 
en état d’en donner, que quand on lui en a vû pondre 
de tels au bout de quelques jours ou de quelques fe- 
maines. Sans ôter la vie aux abeilles, il y a un expédient 
auquel j’ai eu recours pour les examiner auffi aifément 
une à une, que fi elles étoient véritablement mortes; 
de les manier les unes après les autres; & de revoir par 
la fuite ces mêmes mouches occupées de leurs diifë- 
rents travaux. Après avoir obfervé que des abeilles, qui, 
pour être tombées dans l’eau fembloient parfaitement 
mortes, pouvoient être ramenées à la vie, lorfqu’après les 
avoir féchées, on les chauffoit; après m’être alluré que 
des abeilles tenues même fous l’eau pendant plufieurs 
heures comme mortes, pouvoient être ranimées, j’ai 
voulu faire en grand les expériences que j’avois faites en 
petit. J’ai plongé des ruches fous l’eau; toutes leurs abeilles 
y ont paru noyées, incapables de mouvement. On les a 
pefehées enfuite avec des écumoires. Ainfi toutes les 
mouches d’une ruche, très-aélives quelques heures aupa¬ 
ravant , ont été mifes par tas ou étendues fur une table. 
Ce fpeélacle avoit quelque chofe de trille pour qui ne 
fçavoit pas quelles en dévoient être les fuites. J’examinois 
mes abeilles auffi à l’aife que je les eulTe examinées fi elles 
eulfent été véritablement mortes. Lorfqu’elles avoient 
été toutes parcourues une à une, lorfqu’après avoir trou¬ 
vé la mere, je m’étois alfûré qu’il n’y en avoit qu’une, 
& qu’il n’y avoit aucun mâle, je failois changer la fcene; 
je failois clîuyer les mouches, je les mettois dans des 
poudriers, ou dans des vafes de crin que j’ai nommés 
fechoirs, où j achevois de les lécher ; je les chauffais 
doucement, & bientôt je les remettois en état de rentrer 

dans 


PREFACE. xxxiiî 

dans une ruche, de d’y recommencer leurs travaux. J’ai 
fait cette opération un très-grand nombre de fois, autant 
qu’il a été néceffairè pour m’inftruire des faits qui de- 
mandoient à être prouvés. Nous détaillons dans le Mé¬ 
moire dont il s’agit, les moyens les plus lürs d’en afïurer 
le l'uccès, & les inconvénients qui l’ont quelquefois fait 
mal tourner. 

Nous retournons dans le onzième Mémoire à ces œufs 
que nous avons vû dépofer par la mere en différentes 
cellules. Ils ont chacun une figure oblongue & arrondie, 
un peu plus groffe par un bout que par l’autre. Il n’y en 
a ordinairement qu’un dans» chaque cellule. Cependant 
j’ai quelquefois obfervé deux, trois & jufques à quatre 
œufs dans la même ; mais ceci n’arrive que lorfque les 
ouvrières n’ont pu fiiffire à conftruire autant de cellules 
que la fécondité de la mere en demandoit de vuides. 
Quatre vers, & même deux, périroient dans un logement 
qui par la fuite fera rempli par un feul. Auffi les abeilles 
ouvrières ont-elles foin d oter les œufs lurnuméraires des *- 
cellules où il s’en trouve. L’unique œuf qui doit refier, 
efi collé contre le fond & feulement par Ion petit bout. 
Ce n’efi que par ce bout qu’il touche la cellule. Un jour 
ou deux après qu’il y a été pofé, un ver en fort. Il efi 
bientôt l’objet tles tendres foins des abeilles ouvrières. 
Chaque jour & à plufieurs reprifes, elles lui fourniffent 
l’aliment qui lui efi néceffaire; elles tiennent le fond de 
fi cellule couvert d’une couche d’une efpéce de bouillie 
blanche dont il fe nourrit ; cette bouillie lui l'ert même 
d’un lit mollet fur lequel il efi roulé en anneau. Dans 
moins de fix à fept jours, il efi parvenu à fon dernier terme 
d’accroiffcment. Les abeilles qui connoiffent le temps où 
il n’a plus befoin de nourriture, ceffent alors de lui en por¬ 
ter. Le dernier des l'oins quelles prennent pour lui, c’eft de 
Tome V . e 


xxxiv PREFACE. 

murer, pour ainfidire, la porte delà cellule. Elles mettent 
un couvercle de cire ù Ion ouverture. Quand ce couvercle 
efipofé, le ver qui jufque-là avoit été en inaélion & roulé, 
fc déplie, s’étend & commence à travailler. Il tapilfe de 
foye les parois de fa loge ; il ne tarde guércs enfuite à fe 
métamorphofer en nymphe. Plufieurs vers croiffent les 
uns après les autres dans la même cellule; on peut recon- 
noîtrelc nombre de ceux qu’il y a eu dans chaque cellule, 
fi on fe donne la peine de léparcr les unes des autres, les 
différentes toiles de foye dont elles font tapiffées. Les 
vers qui doivent devenir des femelles, font traités avec 
plus de difiinétion ; chacun a là cellule neuve, faite pour 
lui, & qui ne fert qu’à lui. Enfin, environ 20 à 2 1 jours 
après que l’œuf a été collé contre le fond d’une cellule, 
une abeille cil en état de paraître au jour; après s’étre 
défaite de fes enveloppes de nymphe, elle fait ulkge de 
les dents pour ronger la porte, le couvercle de cire qui 
y a été attaché; elle y fait une ouverture par où elle fort 
s encore humide. D’officieufes mouches 1e préfentent fur 
le champ pour i’elfuyer avec leur trompe: lès ailes s’afîer- 
miffent, & dès le même jour elle efi en état de fortir de 
la ruche, & de s’acquitter par des récoltes de cire & de 
miel, de ce quelle doit à fes meres nourrices. 

Ap rès que la rude faifon elt paffée, le nombre des 
abeilles fe multiplie journellement dans une ruche; & 
fouvent il s’y eft multiplié à un tel point vers la mi-Mai, 
que l’habitation étant devenue trop petite pour contenir 
toutes les mouches, le meilleur parti qui leur relie à 
prendre, c’elt de fe partager. Dans un in fiant une très- 
grande troupe fe détermine à abandonner le lieu de la 
naiffance, pour aller chercher ailleurs un établiffement. 
Cette colonie d abeilles elt appellée un effaim. Le dou¬ 
zième Mémoire traite de ce qui a rapport aux clfaims, 


P RE' F A CE. XXXV 

(de ce qui précédé & annonce leur fortie, de la manière 
dont elle fe fait, & de tout ce qui la fuit, jufques à ce que 
la nouvelle république fe foit mile folidement en état 
de fe perpétuer. Quelque peu proportionné cependant 
que fût le grand nombre des abeilles à la capacité de 
la ruche, il n’en fortiroit point d’efïaim h toutes les 
mouches nouvellement nées étoient des ouvrières. Cel¬ 
les-ci, qui doivent faire le gros de la colonie, veulent 
avoir à leur tête une reine, & une reine féconde & qui ait 
été fécondée. Elle feule peut a durer la durée d’un nouvel 
établi dément. Il a aulh été réglé que lorfqu’un très grand 
nombre de mouches ordinaires feraient nées dans une 
ruche, des mâles y naîtraient, & que des femelles y naî¬ 
traient enfuite. Or dès qu'il y a des femelles nées, 8c 
qu’une de celles-ci ed en état de mettre au jour une nom- 
breufe poftérité, c’en ed ades pour déterminer un ciïaim 
à quitter même une ruche qui n’ed que médiocrement 
peuplée. Lefoir & pendant la nuit, des bourdonnements 
plus forts que les ordinaires, fe font entendre dans une 
ruche quelques jours avant le départ de l’effaim. Il ed 
quelquefois annoncé le matin du jour où il ne fe doit 
Elire que l’après-midi, par un figne moins équivoque 8c 
plus digne d’être remarqué. Pendant qu’un temps ferein 8c 
doux, & un Soleil brillant, invitent àfortir les abeilles des 
différentes ruches, pendant qu’on en voit beaucoup ren¬ 
trer avec des récoltes de cire brute dans des ruches mé¬ 
diocrement peuplées, fi on obferve peu de mouvements 
aux portes d’une ruche qui fourmille de mouches, fi peu 
de celles qui arrivent, rapportent de la cire brute, on peut 
compter que dans le fort de la chaleur du jour, il en lor- 
tira un effaim. Comme fi cette grande entreprilê avoit 
été décidée pendant la nuit, comme fi le moment où elle 
doit être executée avoit été déterminé, les mouches qui 

eij 



xxxvj P R E' FACE. 

doivent abandonner la ruche l’après-midi, ne daignent 
pas y travailler pendant la matinée ; & celles qui y doivent 
relier, attendent pour s’occuper avec leur activité ordi¬ 
naire, que leurs compagnes l'oient parties. La réfolu- 
tion de partir dans le jour fcmble donc bien déclarée; 
mais je ne crois pas que le moment du départ ait de 
même été fixé. Ce moment arrive quand la chaleur de¬ 
vient plus confidérable, & fur-tout quand quelque ardent 
rayon de Soleil agit lur la ruche. Alors dans un inllant 
des abeilles en fortent en foule; elles remplilfent l’air 
des environs; dans quelques fécondes, toutes celles qui 
doivent compofer l’elfaim s’y trouvent répandues. Après 
avoir voltigé & tourbillonné pendant quelques minutes 
au - delfus d’un arbre, elles fè réunilfent autour d’une 
de fes branches. Quand elles y font devenues tranquil¬ 
les , on les fait tomber dans une ruche oit ordinairement 
elles fe trouvent bien. Les Anciens ont voulu que dans 
lin elfaim , outre le véritable roi, il fe trouvât fouvent 
une mouche rebelle par qui la puiiïance fouveraine étoit 
difputée. Ils ont accordé au premier les qualités qui ren¬ 
dent digne de regner ; ils ont.alluré que fon extérieur ré- 
pondoit au rang auquel il étoit deltiné. Us nous peignent 
au contraire la figure de la mouche qui s’ell révoltée, 
comme très-hideulé & ignoble ; félon eux, la figure elï 
l’image des mauvaifes qualités de fon ame. Cette mou¬ 
che indigne de l’empire fçait pourtant féduire quelques 
abeilles; mais bientôt elle efl punie de fa trahifon par les 
autres, qui lui ôtent la vie. Le vrai auquel tout ceci doit 
être réduit, c’elt que quelquefois plufieurs fémelles nou¬ 
vellement nées fe trouvent dans une ruche lorfqu’un elfaim 
en part; que quelquefois deux ou trois, ou même quatre 
fémelles s’y alfocient. Cependant le bien de la nouvelle 
lociét<* demande qu’il ne lui en relie qu’une. Aulft une 


PREFACE. xxxv i j 

feule eft-elle confervée. En moins d’un jour ou deux les 
furnumérairesfont miles à mort. Celle qui demeure unique 
fouveraine eft la plus digne de 1 être, non par des vertus mo¬ 
rales, mais par une vertu phyfique bien elfentielle à la répu¬ 
blique maillante. Elle eft la plus prête à pondre, 6c proba¬ 
blement celle qui promet une ponte plus abondante. Sou¬ 
vent dès le premier ou le fécond jour, elle depofe des œufs 
dans les alvéoles qui viennent d’être faits. C’eft ce qu’on 
n’auroit pas dû attendre de celles qui ont été immolées au 
bien public. Lorfque j’ai ouvert le corps de plufieurs de 
celles-ci, je n’ai pu y appercevoir des œufs d’une groffeur 
fenftble. Les fémelles nouvellement nées qui font reftées 
dans l’ancienne ruche , n’ont pas fin fort plus heureux que 
les furnuméraires de l’eftaim ; comme celles-ci elles font 
miles à mort. Il y a pourtant quelquefois deux ou trois jeu¬ 
nes fémelles à qui la vie eft confervée, 6c cela quand la 
ruche, comme il y en a quelques-unes, fournit deux ou 
trois eflaims. 

Il ne nous eft pas permis d’être indifférents pour des 
mouches fi induftrieufes, 6c dont les travaux nous font fi 
utiles. L’objet du treiziéme 6c dernier Mémoire, eft d’e¬ 
xaminer les moyens de les multiplier, 6c d’en tirer le 
meilleur parti qu’il eft poffible. Lorfque nous avons vû 
où elles fe chargent de cire 6c de miel, nous avons dû 
faire réflexion que la quantité de l’une 6c de l’autre qu’elles 
recueillent fur les fleurs, n’eft prefque rien en comparai- 
fon de la quantité qu’elles font forcées d’y laiffer. Les 
ouvrières nous manquent pour faire faire des récoltes 
de fruits offerts par la nature avec une fi grande profu- 
fion ; mais il ne nous eft pas aufïi facile de multiplier ces 
ouvrières qui ne nous coûtent rien , qu’il l’eft de multi¬ 
plier les vers à loye. Il y en a autant de ceux-ci qui devien¬ 
nent des papillons fémelles, qu’il y en a qui deviennent 

e iij 


xxxviij PREFACE. 

des papillons mâles. On pourroit peut - être fonger à 
mettre plus à profit le petit nombre des abeilles femelles 
qui nailfent chaque année dans chaque ruche. Mais ce 
qui fe préfente de plus fur pour la multiplication des abeil¬ 
les, c’efl d’empêcher qu'il n’en périfle chaque année, 
autant qu’il en périt. Une avidité mal entendue a établi 
en diverles provinces, I’ulage de faire mourir celles qui 
font parvenues à bien remplir leur logement de cire St 
de miel. Ii feroit aifé de proferire par un réglement, une 
pratique barbare & fi oppofée à la multiplication de mou¬ 
ches li dignes d’être confervées. Les Auteurs qui ont traité 
des abeilles, nous ont appris quelles ont beaucoup d’enne¬ 
mis qui les détruifent. Tels font dans le genre des quadru¬ 
pèdes , les mulots St d’autres rats de jardin. Beaucoup d’oi- 
feaux les attrapent quand ils peuvent.Certains infeéfes ailés, 
comme les guêpes & les frêlons, font aufTi redoutables pour 
clics que les oifeaux ; on prétend même que les guêpes ne 
permettent pas d’avoir des abeilles dans quelques-unes de 
nos Ilîesdc l’Amérique, qu’elles les y exterminent toutes. 
Une elpéce de poux s’attache fur elles, St y vit fins les 
abandonner. Elles font fujettes à diverles maladies con¬ 
tre lefquelles on n’a pas manqué de preferire des remèdes. 
Mais tous leurs ennemis enfemble, St toutes les maladies 
dont elles peuvent être attaquées, même dans de belles 
faifons, n’empêcheroient pas que le nombre des ruches 
ne fe multipliât confidérablement chaque année, fi on 
pouvoit les fauver pendant la fin de l’Automne, pendant 
l’Hiver St le commencement du Printemps. C’efi alors 
que les ruches entières périlfent, St qu’il en périt beau¬ 
coup. Les deux grands Beaux des abeilles dans ces temps 
fâcheux, font le froid St la faim. Nous prouvons que 
quand on cherche à les mettre à l’abri de l’un , on les 
livre fouvent à l’autre. Tant quelles ne l’ont qu’engourdies 


P RE' F AC R XXXIX 

de froid, elles peuvent vivre fans avoir befoin de man¬ 
ger; mais un plus grand degré de froid leur ôte la vie. 
Si pendant l’hiver on les tient dans un lieu trop doux, 
leurs provifions font trop - tôt confumées, & elles le 
trouvent réduites à mourir de faim. Mais l’air qui fe- 
roit doux pour des ruches très-peuplées, efî'trop froid 
pour celles qui le font peu , il les fait périr. Après avoir 
examiné les inconvénients de l’une & de l’autre efpéce, 
& comment ils fe combinent par rappoit aux differentes 
ruches, nous preferivons les moyens qui nous ont fem- 
blé les meilleurs pour conferver les abeilles pendant les 
rudes faifons, & qui font fondés fur des expériences 
qui paroiffent décifives. Des ruches très-peu peuplées, 
& dont toutes les mouches lcroicnt mortes avant ia hn 
de l’hiver, fi elles eulfent été tenues dans un jardin & 
même dans une chambre, ont été confervées, parce que 
je les ai miles chacune dans un tonneau où les unes 
étoient entourées de terre, & les autres de menu foin; 
& ce qui a le plus contribué à fauver la vie à ces abeilles 
tenues affés chaudement, c’eft que je leur avois ménagé 
une porte qui leur permettoit de fortir lorfque de beaux 
jours les y invitoient. Enfin, plus nous mettrons les 
abeilles à portée de faire de bonnes récoltes, 6c plus 
nous en tirerons de parti, & nous travaillerons en mê¬ 
me temps à leur conlèrvation. Dans plufieurs pays de 
plaine, dès que les bleds font enlevés, les abeilles ne 
trouvent plus ou prefque plus de fleurs, pendant que 
d’autres pays fou vent voifins, arrofés de ruifleaux 6c cou¬ 
verts de bois, ont en abondance des fleurs de toutes efi 
péces. De grands exemples nous excitent à chercher à 
mettre ces dernières fleurs à profit. Un ufage établi en 
Egypte de tout temps 6c qui y fu b lifte encore, efl de 
faire voyager des bateaux pleins de ruches le long des 


jcï PREFACE. 

bords du Nil. En Grèce, on tranfportoit autrefois en 
Attique les abeilles, lorl'qu elles n’avoient plus de Heurs 
en Achaïe. Un ufage fi liage a été connu dans beaucoup 
d’autres pays; 6c il a été renouvellé par le maître entendu 
d’une Blanchifferie de cire établie à quelques lieues de 
Petiviersen Beauce. Quand les abeilles de fix à fept cens 
ruches qu’il a en fa poffeffion , ne trouvent plus de quoi 
s’occuper utilement autour de la Blancbifîerie, il les fait 
tranl'porter, l'oit en Beauce, loit fur les libères de la forêt 
d’Orléans, l'oit en Sologne, félon que l’année a été plu- 
vieufe ou lèche. Avec de pareils foins on parviendra à 
multiplier les abeilles dans le Royaume, à leur faire faire 
déplus abondantes récoltes de cire 6c de miel, que nous 
partagerons, & aurons acquis le droit de partager avec 
elles. Nous finilfons par expliquer comment ces fortes de 
partages doivent le faire, 6c par dire quelque choie des 
différents miels & des différentes cires, 6c de la quantité 
de l’un 6c de l’autre qu’on peut attendre de chaque ruche. 

Indépendamment des utilités que nous retirons de ces 
mouches, & des utilités encore plus grandes que nous en 
pourrions retirer, leurs républiques font bien dignes d’oc¬ 
cuper un efprit philofophique ; elles lui fourniffent ma¬ 
tière à bien des réflexions capables de l’étonner. Une feule 
abeille eft lame de tout Ion peuple, elle met au jour 
chaque année un nombre prodigieux de mouches, qui ne 
femblent naître que pour la fervir, 6c pour la fervir avec 
line affeétion inconcevable. Quoique naturellement très- 
laborieufès , dès que la mereleur manque, elle ne fçavent 
plus ce que c’eft que de travailler. Alors fuite de faire les 
provifions ordinaires, elles fe laiflent périr de faim. Mais 
ont-elles une mere féconde, c’eft avec une aétivité fans 
égale quelles exercent deux arts à nous inconnus, celui 
de recueillir 6c préparer le miel, 6c celui de faire de la 

cire. 


PREFACE. xi; 

cire. Quand on étudie la manière dont elles mettent celle- 
ci en œuvre, quand on voit qu’elle fuppofe des connoif- 
fances en géométrie fupérieures à celles qu’ont eues les 
plus grands Géomètres de l’antiquité, l’admiration que 
ces mouches font naître ne s’arrête pas à elles. Si on ne 
veut pas les regarder comme des êtres très-intelligents, 
on cft forcé de reconnoitre quelles ne peuvent être l’ou¬ 
vrage que d’une intelligence infiniment parfaite & infini¬ 
ment puifiante. Bientôt l’admiration s’élève à celui qui leur 
a donné l’être; mais bientôt on demande pourquoi il lésa 
fi admirablement inftruitesî Qu’étoit-il néceffairequelles 
conduififfent leurs ouvrages félon les réglés de la plus 
fublime géométrie! On cît tenté de penfer que laSageffe 
par excellence, a donné trop d’attention à de fimples 
mouches. Ce n’cft que pour nous que nous voulons que 
tout ait été fait. Nous ferions pardonnables de le penfer 
avec un excès de compfaifance, fi nous le penfions avec 
afies de reconnoiflance. Mais les abeilles euffent pu nous 
ramaffer du miel, quand elles l’auraient logé dans des 
vafos plus groffiérement conftruits, dans des cellules qui 
il euffent point été des exagones à fond pyramidal. Nous 
trouverions mieux notre compte par rapport à la cire, fi 
les abeilles, au lieu de fçavoir l’employer en grandes géo¬ 
mètres, avoient fçu en ramaffer allés pour fournira conl- 
truire des cellules plus mafiives. 

Mais nous fournies bien éloignés detre à portée d’en¬ 
trevoir quelles perfeélions coiivcnoient à chacun des êtres 
qui entrent dans la composition de funivers, &. quels 
rapports ils dévoient avoir entr’eux. Nous n’avons aucune 
idée de l’immenfité de cet univers dont il nous efi ailé de 
reconnoitre que notre terre n’efi qu’une particule, qu’une 
efpéce d’atome. Cet atome fur lequel nous avons été pla¬ 
cés, pour avoir le rapport qu’il convenoit qu’il eût avec 
Tome V t f 


xli; ^ P RE'F A CE. 

la totalité de l’ouvrage, demandoit à être peuplé d’urie 
infinité d’animaux entre lefquelsies uns, malgré leurpe- 
titeffe, font cependant des mondes pour d’autres. Si l’in¬ 
fecte pour qui l’abeille en eft un, penle, il fe juge mieux 
fondé à croire les abeilles faites pour lui, que nous ne 
le fournies à les croire faites pour nous. S’il connoit toutes 
les perfections de l’être qu’il habite, pour peu qu’il foit 
diipofé à s’enorgueillir de fa propre excellence, combien 
doit-il être daté de ce qu’une créature fi merveilleufement 
organifée, fi laborieufe, fi induftrieufe, fi habile, & pour la 
confervation de laquelle les hommes prennent des foins, 
s’il penfe, dis-je, que l’abeille a été faite pour lui. 

Si l’ouvrier qui fait une montre, faifoit aufii les mé¬ 
taux qui y entrent, il fçauroit de quelle nécefiité il eft 
de combiner entr’elles certaines matières de l’union def- 
quelles ihréfulte un compote qui eft du cuivre ; d’en com¬ 
biner d’autres enfemble, ou les mêmes différemment, 
mais de manière que leur affemblage foit du fer ou de 
l’acier. L’Ouvrier de l’univers n’en a pas fimplement com¬ 
biné les parties, il les a faites; le plan parfait fur lequel il 
l’a formé, demandoit que dans cet univers il entrât une 
particule qui eft notre terre, que cette particule pref- 
qu’infiniment petite par rapport à l’immenfité du refte, 
fut compofée de tout ce que nous y voyons, & de beau¬ 
coup plus que nous n’y fçavons voir; quelle eut des 
minéraux, des végétaux, des animaux ; & parmi ceux- 
ci, quelle en eût d’auffi induftrieux que le font les abeil¬ 
les. En un mot, chaque eftre n’eft ce qu’il eft, que parce 
qu’il eft une partie néceffaire à la perfeélion de l’ouvrage 
total. Comment pourrions - nous avoir la plus légère 
idée de l’infinité & de la nécefiité de ces combinaifons, 
nous qui ne fçavons pas celles qui doivent entrer dans un 
fimple grain de terre commune! La fphere d intelligence 


PRE'FACE. xlii; 

qui nous a été accordée, ne s’étend pas au - delà de la 
première écorce de quelques-unes des parcelles de l’uni¬ 
vers. Nous avons cependant à nous reprocher, de ne 
pas donner alTés notre attention au petit nombre de 
ces efîres qui ne font pas au - delà de notre portée. Ce 
que nous en pouvons voir eft plus que fuffifant pour 
remplir la mefiire d’admiration dont nous fommes ca¬ 
pables. Nous ne pouvons même fuffire à admirer tou¬ 
tes les merveilles que nous offrent ces petits animaux, 
que le commun des hommes ne juge pas dignes de les 
regards, les infeétes. 

Malgré l’étendue que nous venons de donner, & que 
nous nous fommes crus en droit de donner à t’Hiltoire 
des abeilles, parce qu’elles font de ceux avec qui nous 
avons, pour ainfi dire, à vivre, & quelles nous font d’une 
grande utilité, nous avons apparemment laide ignorer 
un grand nombre de faits curieux qu’elles nous ont ca¬ 
chés. Il nous refte à parler de beaucoup de genres & 
d’efpéces de mouches à quatre ailes, qui, n’ayant pas 
trouvé de place dans ce cinquième volume, fe trouvent 
renvoyés au fixiéme ; entre ces mouches différentes en 
genres ou en efjiéces, les unes vivent en fociété, comme 
les abeilles, & les autres vivent foiitaires. Si parmi les 
unes & les autres il n’y en a pas qui s’occupent actuel¬ 
lement pour nous, comme le font les abeilles, il y en 
a au moins qui peuvent nous donner des vues pour 
nous faire entreprendre des ouvrages qui nous feroient 
utiles, qui nous enfeignent des manipulations auxquelles 
nous ne fçavons pas avoir recours, comme nous le fe¬ 
rons remarquer dans le temps. Enfin entre ces mouches, 
nous en trouverons qui femblent le diiputer aux abeilles 
en génie, en adreffe, en prévoyance, & en amour pour 
leur poftérité, & qui ont à nous faire voir des fingulantés, 


xliv PREFACE. 

des cfpéces de prodiges de tous autres genres que ceux 

que les abeilles nous ont montrés. 

On peut être né avec un efprit qui fçait apprécier les 
connoiffances, avec un efprit qui, avide d’en acquérir, 
voudroit être inftruit des merveilles que la nature nous 
offre, & manquer du temps néccffaire pour les étudier 
en détail dans de gros ouvrages. Ceux qui fe trouvent 
dans ce cas nous fçauront peut-être quelque gré de 1 e- 
tenduë que nous avons donnée à cette Préface. Nous 
les avons eu en vûe lorfque nous y avons raffemblé 
les principaux faits qui fe trouvent difperfés dans le 
Volume; nous avons cherché à les chfpenfer de le lire. 
Nous avons donné des cfpéces d’extraits de fes différents 
Mémoires, moins refferrés que ceux qui fe trouvent dans 
les Préfaces des Volumes précédents. S’il n’étoit queftion 
que de rapporter les faits qu’on a obfervés, s’il n’étoit 
pas néceffaire de prouver en même temps qu’on les a 
bien vus, & de mettre en état de les revoir, on n’auroit 
pas à craindre de rendre ennuyeux par leur longueur des 
Volumes où il ne s’agit que de matières intéreffantes par 
elles-mêmes. Mais on ne fatisferoit pas les efprits philo- 
fophiques qui fçavent ne devoir admettre que les faits 
dont la réalité a été prouvée incontefhbiement. 


L A Vignette repréfente un Appentis fous lequel /ont placées des Ruches 
vitrées de différentes formes. En dehors de l’Appentis, un homme couvert 
d’un camail tient une Ruche renverfée dans laquelle il fait tomber les Abeilles 
d’un eflaim qui s’étoit attaché à une branche d’arbre. La Ruche qui eft près 
du même homme, eft poféefur la terre, comme le fera celle dont il eft chargé, 
èsd qu’il aura reçu dedans les Abeilles de l’elfaim. 


MEMOIRES 




MEMOIRES 


* 


POUR SERWR 


A L’HISTOIRE 

DES INSECTES. 


PR E Ml ER MEMO IRE. 

HISTOIRE 

DES TIPULES. 



'Histoire des Mouches appeilées Tipules, 
auroit été placée dans le dernier volume, s ii 
eut été polïible de l’y faire entrer, fans le 
I reifdre d’une groflèur incommode; ii finit par 
53 l’hiftoire des coufins, à la fuite de laquelle celle 
des Tipules devoit naturellement le trouver; mais au 
moins cette dernière ne fera iéparée de l’autre par aucun * 1 
Mémoire. Les Tipules 4 , comme nous l’avons déjà dit !t.&'pi. 
Tome V. . A 


W.Cfq 


































* Tom. 4 

A'Iein. XIII 

P a S‘ 575' 


*Pi. 2 
8. «Sccjt. 


2 Memoire's pour l’Histoire 

ailleurs *, font des mouches à deux ailes, qui, au premier 
coup d’œil, reffembient h fort aux cou fins, quelles parod¬ 
ient être de leur genre. AuiTi des auteurs d Iniloire natu¬ 
relle, très-célebres, & des obiervateurs attentifs, Swam- 
merdam, Goedaert, &c ont confondu les petites elpeces 
deti])iiles avec lescoufins. Mais quand on ne s’arrête pas 
aux premières apparences, on reconnoît ailêment quelles 
font d’une dalle differente de celle des autres. Ceux-ci 
font de la première claffe générale des mouches à deux 
ailes ; ils font pourvus d’une trompe qui n’eft point 
accompagnée de dents, mais qui eft munie de plufieurs 
aiguillons, avec lefquels ils fçavent j)ercer notre chair, & 
tirer le fang de nos vaiffeauxr^iu lieu que les tipules font 
de la fécondé cJaff®générale des mouches à deux ailes : 
la nature ne leur a point accordé de trompe, elle ne leur 
fig. a donné qu’une bouche *, qui même n’a pas de dents. 
Auffi les tipules ne cherchent point à nous faire du mal > 
& ne font pas en état de nous en faire. 

Il eft heureux que nous n’ayons rien à craindre de ces 
mouches, car aux environs de Paris, le nombre de leurs 
efpeces furpaffe beaucoup celui des efpcces de coufîns. 
Communément elles font auffi fécondes, Si quelques- 
unes font confidérablement plus grandes que les elpeces 
de ceux-ci. Mais les tipules &les confins le reffembient. 
par la forme du corps; celui desunes, comme celui des 
autres, eh allongé; les unes & les autres font de la fécondé 
des claffes fubordonnées aux claffes générales. Ces inlcéfes 
fe reffembient encore parla grandeur de leurs jambes, par 
la maniéré de les pofer, par la figure de» ailes. & par la 
forme du corcelet. 

Tous les confins que je connois, ont été dans leur 
premier état, des vers aquatiques, Si ils n’ont quitté l’eau 
que lorlqu’ils font devenus ailés. Des tipules de bien des 


des Insectes. I . Mem. 3 
cfpeces différentes, ont pris auffilcur accroiffemcnt dans 
les eaux, fous iaformede vers; mais des tipulesde beaucoup 
d’autres efpeces, ont été des vers qui fe font nourris fous 
terre, ou for des plantes. Nous commencerons par faire 
connoître quelques efpeces de ceux qui ont été des vers 
terreftres, & nous finirons par en faire connoître des 
efpeces de ceux qui ont été des vers aquatiques. Nous 
n’avons garde au ré fie de nous propofer de décrire exacte¬ 
ment toutes les efpeces de ces infectes qui naiffent fur terre, 

& toutes celles qui liai fient dans l’eau ; nous croyons 
qu’011 aimera mieux que nous nous bornions à parler de 
celles qui fe prefentent le plus fouvent à nos yeux, & de 
celles qui offrent quelque particularité remarquable. 

Nous venons de dire que les tipules différent des con¬ 
fins, en ce quelles n’ont point de trompe, & eiles diffé¬ 
rent des autres mouches de leur propre claffe, en ce 
qu’elles ont la figure des coufins; elles en différent encore 
par la conformation de leur bouche, & parles accompa- 
gnemens. La fente qui en fTit l’ouverture extérieure*, efi * ' 2. %. 
dirigée de devant en arriére; elle n’a point une levre an- 9- ^ : " 
térieure &fupérieure,& une poftérieure Sc inférieure. Ses 
Ievres font latérales*, elles jouent en quelque forte comme * i t j 
les deux mâchoires ou dents des chenilles; elles font arti¬ 
culées au bout de la telle. Quand on preffe le corcelet , 
on oblige la bouche à s’ouvrir; & on voit bientôt les deux 
ievres qui s’écartent l’une de l’autre, & qui laiffent apper- 
cevoir des cliairs entre lefquelles il n’y a qu’une fente. 

En augmentant la prefïion, on contraint ces dernières 
chairs à s’écarter les unes des autres, comme on y avoit 
contraint les premières. 11 femble que cette bouche ait 
deux Ievres de chaque côté, une levre extérieure & une 
levre intérieure ; on ne fçait pas même fi on ne lui en 
doit pas croire davantage, ou fi les plis & replis des chairs 


» PI. 2. %. 
8 . 


* Fig. 8. & 
9. bd. 


* Figure 8. 


* PI- 3-fig. 

.ï. & z. 


A. MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
ne font pas de chaque côté plus que l’équivalent de 
deux levres. Les extérieures font comme cartilagineufes, 
& garnies de poils courts &fins, mais les intérieures font 
Amplement charnues. La tête de la tipule* efi un peu 
allongée, on peut la mettre au rang des têtes en demi- 
trompe: c’eft à l'on bout que font articulées les deux levres 
extérieures & toutes les parties-qui compofent la bouche, 
que nous conhdérons. Du defiùs & dé chaque côté part 
un barbillon*, qui, comme une antenne , a piuficurs arti¬ 
culations. Dans les temps ordinaires, ces deux barbillons 
s’appliquent l’un contre l’autre, & fe recourbent pour 
pafier fur la bouche, & pour fe plier enfuite en -dclfous de 
la tête, où ils vont allés loin *. Ils femblent faits pour 
couvrir la fente de la bouche. Les elpeces de tipules que 
j’ai examinées, ne m’ont fait voir que ces deux barbillons, 
& me les ont fait voir placés de la même manière. Si leur 
nombre fe trouve confiamment fixé à deux, & que leur 
pohtion foit confiante, on aura un caraélere commode 
pour difiingucr ces fortes débouches des autres mouches 
qui, comme elles, ont une bouche fans dents. Les mou¬ 
ches qui auront beaucoup de relfemblance avec les tipules, 
mais à qui les deux barbillons manqueront, ou qui les 
auront autrement placés, pourront être miles dans un 
genre particulier, qui fera celui des Protijmles. Peut-être 
pourtant aimera-t-on mieux confcrver ce nom pour les 
mouches femblables d’ailleurs aux tipules, mais qui auront 
plus de deux barbillons. 

C’efi dans les prairies qu’on voit plus communément 
les grandes elpeces de tipules *, celles qui n’ont point 
été confondues avec les cou fins, & qui dans la plû- 
part des campagnes , ont leur nom particulier. Goedaert 
les a nommées des Tailleurs ,& Leeuwenhoek leur donne 
le même nom. Entre celles-ci, on en trouve qui depuis le 


des Insectes. I. Aîem. ? 
tout antérieur de la tête jufqu a leur extrémité poftérieure, 
ont dix-neuf à vingt lignes de longueur, ce qui fait de 
longs infeéles. Mais leur corps efî délié; où il a le plus 
de diamètre, à peine en a-t-il une ligne Si demie; il eft 
compofé de neuf anneaux. Le corps du male efl plus 
court que celui de la femelie, Si plus gros à fon bout 
que par-tout ailleurs; ce bout * eft ordinairement relevé 
en deffus, au lieu que le corps de la femelle le termine 
par une pointe fine dirigée * félon la longueur du corps. 
Cette pointe, que nousferons bien-tôt obligés de décrire 
plus exactement, effc compoféede plufieurs pièces comme 
écailleufes, qui partent du dernier anneau. 

Dès le commencement du printemps jufqu a celui cfe 
l’hiver, les tipules paroiflent dans les prairies; mais la fin 
de Septembre Si le commencement d’Oélobre, font les 
temps où elles y font le plus communes: certaines prairies 
font li peuplées alors de celles de la plus grande des elpe- 
ces, qu’on n’y peut faire un pas fins déterminer plufieurs 
de ces mouches à s’élever en l’air. Quoiqu’elles prennent 
quelquefois un allés grand vol, lorfque le Soleil ell brillant 
Si chaud, ordinairement elles vont peu loin ; fouvent 
même elles ne volent que terre à terre, ou plûtôt qu’à la 
furfice des herbes. Dans certains temps elles nefe fervent 
de leurs ailes, que comme les autruches fe fervent des 
leurs, pour s’aider à marcher, & réciproquement leurs 
jambes les aident à voler; elles s’en fervent pour foûtenir 
un peu leur corps à fleur des herbes, & pour le pouffer 
en avant. Ces jambes, fur-tout les poftérieurcs, font dé- 
méfurément grandes, elles ont plus de trois fois la lon¬ 
gueur du corps; elles font pour ces infeéles ce que font 
des échalfes pour les paylans des pays marécageux & 
inondés, elles les mettent en état de paffer alfés commo¬ 
dément fur des herbes élevées, 

A iij 


* PI. 3 . fig. 

I. q. 

* Fig. z.p. r, 


* FI. 
S. & g 


6 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE 

La couleur de cette grande efpcce detipules n’a rien 
d’agréable; celledu corps eft un gris blancheâtre;le corcelet 
de même couleur par-deftus, y eftondé, & en deffous eft 
d’une nuance })lus claire; il s’élève d’une manière qui fait 
paroître l’infeéTe boftu. La tête qui tient au corcelet par 
une efpece de col très-court, eft petite, & couverte en 
2 . %. grande partie par deux grands yeux à rezeau * d’un 
verd changeant, dans lequel on apperçoit du pourpre 
mêlé, lorfqu’on les regarde en certains fens. J’ai inutile¬ 
ment chéri hé des yeux liftes fur cette tête, car je ne cross 
pas qu’on doive prendre pour de pareils yeux, un petit 
tubercule que la loupe fait découvrir à l’origine de cha¬ 
que antenne, parce qu’il n’a pas le fuifant ordinaire aux 
yeux liftés. On feroit plus tenté de prendre pour deux 
yeux de cette elpece, deux petits grains arrondis d’un 
brun prefquc noir, mais très-brillant, que la loupe fait 
découvrir; il y en a un à chaque côté de fa partie anté¬ 
rieure du corcelet; ce feraient à la vérité des yeux placés 
bien finguiiéremcnt; mais d’autres infcéles, les faucheurs, 
par exemple, en ont qui nous doivent fcmbler l’être aufii 
bizarrement. 

Les ailes, malgré leur tranfparence, laiftênt appercevoir 
une teinte de brun, qui, tout autour de leur bord & fur 
les grofles nervures, eft plus forte qu’ailicurs : ces ailes 
font allez étroites par rapport à la grandeur de l’infede. 
Quoiqu’il les tienne quelquefois fur fon corps, il lui eft 
très-ordinaire de les en tenir écartées, & dans une poli- 
tion oblique, & telle que les plans prolongés des deux 
ailes fe rencontreraient à peu-près fur celui où les jambes 
font pofccs. Le microfcope n’y fait point découvrir de ces 
écailles qui ornent le deftus des ailes des coufns, & qui 
font une jolie frange à leur côté intérieur. 11 y a pour¬ 
tant d’autres efpeces de tipules auxquelles je crois avoir 


* PI. 2. fig, 

8 . m. 


* Fig. 8. S. 

*7 

V 


des Insectes. I . Mem . y 
trouvé des franges; mais je ne me fouviens pas d’en avoir 
vu qui eufient des écailles, loit lur le corps, foit fur le 
corcelet. La grande efpece que nous nous fommes fixés 
à décrire, a feulement fur le corcelet & fur les anneaux 
du corps, des poils fins, une forte de duvet qu’on n’ap- 
perçoit qu’à la loupe. A l’origine de chaque aile on ne 
trouve aucun veflige de ces coquilles ou ailerons, qui 
ont eflé accordés à tant d’autres mouches à deux ailes. 

Mais nos tipuies font pourvues de balanciers * ou maillets, 
qui n’en font que plus ailés à voir; d’ailleurs la longueur 
de leur tige aide à les mettre en vûe: chacun d’eux efl: 
pôle au-deiTus d’un très-grand fiigmate*, vers la partie 
poflérieure du corcelet. Les deux fiigmates antérieurs * 
iont moins aifés à appercevoir, on les trouve pourtant 
allés facilement quand on fçait que chacun d’eux efl 
placé au-deflus de l’origine d’une des jambes de la pre¬ 
mière paire, & qu’il s’étend jufqu’auprès de l’origine de 
la jambe fuivante. Les fiigmates des anneaux du corps 
doivent être extrêmement petits, car je les ai cherchés 
avec une aifés forte loupe, fans avoir pu les découvrir. 

Chaque anneau du corps efl à peu-près cylindrique, & 
fait de deux tuyaux prefque égaux, qui n’ont guéres 
qu’une conlifiance membraneufe : le tuyau fuperieur efi 
joint de chaque côté à l’inférieur, par des peaux blanches, 

&plus flexibles que le refie, qui feplilfent lorfque les deux 
tuyaux fe touchent, & qui fie déplilfent lorfque les deux 
tuyaux s’écartent l’un de l’autre. J’ai cherché les fiigmates 
dont je viens de parler fur ces peaux, fans les y trouver. 

Les tipuies de nofire grande efpece portent deux 
antennes*, qui n’ont rien de remarquable que quatre à * F; g . 8 & 
cinq grands poils*qui font verticiilés à l’origine de cha- 9- a > a - 
que articulation; le refie eft couvert de poils très-courts. * Fl ?‘ ‘ 5 ’ 
Les antennes du mâle n’ont rien de plus que celles de la 


p, p. &c. 


» PI. 

S . 2. 

£ 1. t. 


S MEMOIRES POUR L’HlSTOÏRË 

femelle. Mais nous parlerons de quelques autres elpeces de 
tipules, dont les mâles ont des antennes qui peuvent le dis¬ 
puter aux plus belles de celles qui parent d’autres infeéfes. 

Les tipules de la plupart des petites efpeces font plus 
agiles que celles des grandes elpeces que nous examinons : 
non-feulement elles volent plus volontiers, il y en a qui fe 
tiennent prefque continuellement en l’air. Dans toutes 
les faifons, fans en excepter celle où le froid fe fait le plus 
fentir, on voit dans l’air à certaines heures du jour, des 
nuées de petits moucherons que l’on prend pour des con¬ 
fins, 6c ce font ordinairement des nuées de tipules. Rien 
n’eft plus ordinaire que de voir de ces nuées en plein midi, 
dans les jours de printemps, 6c même dans ceux d hiver où 
le Soleil brille. Les tipules qui les compofent, ont une façon 
de voler qui mérite d être remarquée : chacune de ces pe¬ 
tites mouches ne fait continuellement que monter 6c des¬ 
cendre, éc cela fui vaut la meme ligne verticale, ou à peu- 
près, comme monterait ôcdefCéndroit alternativement une 
boule d’ivoire qui tomberoit fur une enclume; avec cette 
différence que la mouche remonte jufqu’au point, & même 
par-delà le point d’où elle étoit delcenduc, & continue 
long temps un pareil jeu. 

Pour prendre ces mouches dès leur origine, toutes 
i.fi?. ont été des vers fans jambes, à tète de figure confiante *. 
3* & Ceux qui par la fuite fe transforment en grandes tipules 
grifes, 6c en celles de plufieurs autres elpeces de gran¬ 
deur médiocre, fe tiennent cachés fous terre. Ils font 
d’un blanc très -file, ou plutôt grisâtre; leur figure 
cft cylindrique, à cela près que leurs deux bouts ont 
moins de diamètre que ce qui les précédé. Leur tête cfi 
ccailleufe, 6c a peu de volume: finie été n’en montre 
ordinairement qu’une portion, 6c quand on le prend à la 
main, il la retire toute fous le premier anneau. Lorfque 

après 


des Insectes. 7. Mem . 9 

après l’avoir forcé par la preffion, Je la montrer, on la 
confidére en-deflbus * avec une loupe forte, on dé- *PI.r.fig.*. 
couvre deux crochets*, dont un part d’un côté, & l’autre * c, c. 
de l’autre; quoiqu’ils fe touchent mutuellement par leur 
pointe, ils ne femblent pas faits pour agir l’un contre 
l’autre ; ils le feraient plutôt pour agir contre deux 
pièces *, placées fur une meme ligne au-defious d’eux. * l > ?■ 

Les pièces que nous voulons faire connoître, font fixes 
& écailleufes, leur furface extérieure cfl convexe, & l’in¬ 
térieure efl concave. Leur bord fupérieur cfl dentelé; il 
femble que chaque crochet foit fait pour preffer contre 
une fuite de dents, les matières qui doivent être coupées 
& broyées; que cette fuite de dents foit une mâchoire fixe. 

Si que le crochet foit uncefpece de mâchoire mobile. La 
tête a en-defTu sdeux efpeces de cornes charnues*. *Fig. 5. a,a, 

Il y a apparence que ces vers ont fur leurs anneaux 
des fligmates qui m’ont échappé par leur petiteffe; mais 
ils en ont deux poftérieurs très-aifés à trouver ; le ver 
les cache pourtant quand il veut. Ils font au bout de l'on 
dernier anneau *, qui, comme le dernier anneau des vers * Fig 
que nous avons nommés à derrière rayonnant, a fix * r> r , r, r, 
rayons ou fix angles charnus*;deux de ces rayons* font c > c • 
plus courts que les autres. D’ailleurs les rayons font plus ' c> c ' 
ou moins allongés dans des vers qui donnent des tipules 
de différentes efpeces. Quand le ver veut, il applique les 
rayons les uns fur les autres*; & de plus, il fait rentrer en *Eîg. z.p. 
partie dans fon corps, l’anneau dont ils partent; mais en 
prelfant fon bout poflérieur, on oblige cet anneau à fe 
montrer, Si fes rayons à s’étendre. C’cfl alors qu on 
diflingue très-bien fur le plan du bout poffericur, deux 
taches brunes & circulaires. Si on les examine à la loupe, 
on voit que chaque tache eft formée d’une plaque un 
peu concave *, à quelque diflance de la circonférence * Fig. 9./;/ 
Tome V . B 


* PI. I. fig. 
9. m. 


'♦Fig 10 .us, 
us. 

*/■ 

* Fig. 10. 
I, b. 

* m ss. 

* t. 


* Fig. 6. 


* Tom. 4. 
Man. xii. 
f a S- ï'ÿ- 


3,1 Fig. 7. a. 


10 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

tic laquelle eft une autre plaque * qui a quelque convexité, 
& dont le centre répond à celui de la plus grande plaque. 
En un mot, fa ftruéture eft femblable à celle des ftig- 
mates poftérieurs de plufieurs elpeces tic vers. Enfin, fi 
on dilféque le ver, on lui trouve deux trachées très-remar¬ 
quables, une de chaque côté*, qui tend en ligne droite, 
vers la tache ou le ftigmate qui eft du même côté * : elle 
femble pourtant fe terminer un peu avant que de l’avoir 
atteint ; mais où elle paroît fe terminer, elle fe divife en un 
très-grand nombre de branches *, qui toutes fe dirigent 
vers la plaque circulaire * du ftigmate: cette plaque eft fa 
bafe du cône-formé par toutes ces branches. Elles font 
deftinées à recevoir l’air, & à le portera la grande trachée* 
d’où elles partent: je dis à le porter, car j’ai conjeéturé 

11 y a long-temps, que c’étoit leur fcul ufage; que l’air 
avoit d’autres ouvertures pour fortir du corps de l’infecte, 
& que ces ouvertures, ou partie de ces ouvertures , étoient 
même placées à fon bout poftérieur. Là font quatre ta¬ 
ches circulaires *, brunes comme les ftigmates, mais 
beaucoup plus petites. Ayant tenu fous l’eau la partie 
poftérieure du ver, j’ai vu fortir des bulles d’air de ces 
quatre petites taches, & je n’en ai vû fortir aucune des 
grandes taches ou ftigmates. Ce que j’ai rapporté ailleurs* 
de l’ufage qu’ont huit petits trous rangés comme ceux 
d’une flûte, fur le derrière des vers des tumeurs des bêtes 
à cornes, confirme fort l’idée que nous avons prife de 
l’uftge des quatre petits trous du bout poftérieur des vers 
tipules. 

Du côté du ventre, & tout près du bout poftérieur, eft 
l’ouverture * par laquelle le ver fait fortir l'es excrémens ; 
pour les rejetter, il fiit paroître au jour une portion du 
reélum, longue de ‘plus d’une ligne, & d’autres parties 
charnues. 


des Insectes. /. Mem. 11 
Ces vers fe tiennent fous terre; & toute terre qui n’cft 
pas fujette à être trop fréquemment remuée, leur cfl 
bonne; on les trouve fur-tout dans celle des prairies baffes 
& humides, & il ne faut pas fouiller profondément pour 
les y trouver; fouvent ils ne font pas éloignés d’un pouce 
ou deux de fa fur face. Je connois dans le Poitou de 
grands cantons de marais defféchés, qui en certaines an¬ 
nées, n’ont pas fourni l'herbe néceflaire pour nourrir les 
beftiaux, à caufe du défordre que ces vers y avoient caufé; 
dans les mêmes cantons, & dans les mêmes années, ils ont 
fait beaucoup de tort à la récolte des bleds. Ces vers qui ha¬ 
bitent fous terre, ne fçauroient pourtant manger les parties 
des plantes qui s’élèvent au-deffus de fa furface; & ce qui cil 
plus remarquable, ils ne font pas faits pour vivre de racines. 
Pour tout aliment, il ne faut que de la terre, & la meilleure 
pour eux eft celle qui n’eft encore qu’un terreau. La terre 
des marais dont je viens de parler, eft très noire, elle n’cft 
prefque que du terreau, & c’eft fans doute une des raifons 
pour laquelle nos vers tipules s’y multiplient davantage 
que dans d’autres pays. Les nacres mouches connoiffent 
la terre à laquelle elles doivent, par préférence, confier 
leurs oeufs, celle qui fournira une bonne nourriture aux 
petits qui en doivent éclorre. Mais comment ces vers qui 
n’en veulent point aux racines des plantes, font-ils donc 
tant mal aux prés & aux bleds ! M. Baron Médecin de 
Luçon, en m’informant dans une de les lettres, des dé- 
fordres faits par ces vers, & dont il avoit été témoin, m’en 
indiquoit la véritable caufe, ce me fcmble. Ces vers ne 
fe tiennent pas tranquilles, ils changent de place, ils la¬ 
bourent la terre qui eft auprès des racines; iis détachent 
celles-ci, lesfoûîevent, & les expofent trop à eftre deffé- 
chées, lorfque le Soleil devient ardent. Peut - être au (fi 
qu’ils en coupent plu fie urs pour fe faire des chemins. 

B ij 


J2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

Au relie, il n y a aucun lieu de douter que la terre ne 
foit la vraye nourriture de ces vers. Les excrémens même 
qu’ils jettent, le prouvent; ils font encore de véritable 
terre, dont l’eftomach & les inteftins de finfeéle ont Içû 
tirer cequ’ellecontenoit de fucs nourriciers. J’ai examiné 
pendant l’hiver la terre qui remplifloit desvafes dont toutes 
les plantes avoient été arrachées dès l’été précédent ; & 
j’ai vu quelquefois qu’elle étoit remplie de vers tipulcs, 
qui ont achevé de prendre leur accroiflement au milieu 
de cette terre, à laquelle il ne pouvoit relier que des frag- 
mens de racines pourries. J’ai quelquefois trouvé de ces 
vers dans des terres qui m’auroient femblé trop fablon- 
neufes pour eux, telle que celle tlu bois de Boulogne: 
mais quoique la terre qu’ils aiment le mieux foit celle qui 
tient du terreau, ils peuvent vivre d’une terre plus maigre. 

Il elt alfés ordinaire aux vieux arbres de différentes 
efpeces, d’avoir des cavités dans des endroits où leur bois 
a été attaqué par la pourriture. Lorfque ces creux font 
anciens, leur fond elt fouvent couvert d’un terreau qui 
Teffemble à celui qui vient du fumier le mieux confumé. 
Les tipulesde différentes efpeces vont volontiers faire leurs 
œufs dans les creux d’arbres pleins en partie d’un pareil 
terreau. Depuis plufieurs années je fuis lùr de trouver, 
quand je veux, dans les failons convenables, tics vers ds 
tipulcs dans des creux de quelques ormes de mon jardin de 
Charenton. J’ai.trouvé de même de ces fortes de vers dans 
des creux de failles où l’eau pouvoit être retenue; mais je 
n’en ai point trouve dans leslaulestlontle centre de la tige 
étoit pourri depuis le haut julqu’aux racines; i’eauyavoit 
un écoulement trop libre; la matière propre à nourrir 
les vers, ne pouvoit conferver le degré d’humidité qu’ils 
lui veulent. Les troncs des arbres d’une même efpece, 
Ÿn’ont fourni des vers de plufieurs eipeces différentes de 


des Insectes. ï. Mem . *3 

ceux qui Te transforment dans les plus grandes tipules 
grifes, & de ceux qui fe transforment en tipules grilès de 
médiocre grandeur. J’ai eu une efpece de celles-ci * qui * PI. 4.%* 
m’eft venue de ces vers de troncs d’arbres, dont chaque aile, 1 • & 2 ' 
a trois à quatre taches brunes qui ne fe trouvent point fur 
les ailes de beaucoup d’autres tipules, & dont les mâles ont 
de jolies antennes à barbe de plume. 

D’autres vers des creux des troncs d’ormes Si de failles, 
fe font transformes dans les poudriers où je les ai renfer¬ 
més , en une efpece de tipules * qui mérite que nous nous * pj. 
arrêtions un inftant à la faire connoître; elle eft un peu > 4 - ‘S* & 
moins longue que la grande efpece grilè; mais fes fémelles 
font plus groffes que celles de l’autre efpece. La forme 
de leur corps * approche de celle du corps allongé de cer- * F«g* *4* 
taines guêpes, & on fe prête d’autant plus volontiers à 
cette reffemblance, qu’on-y trouve au/fi celle des couleurs,. 

Leur corps eft ceint alternativement de bandes noires Si de 
Landes d’un beau jaune qui tient de l’aurore. Le defiùs du 
corcelet eft noir, fes côtés & fon deftous font jaunes; 
les jambes le font auiïî; la tête eft noire; chaque aile a une 
teinte jaune fur fa moitié extérieure, & près de fon bout 
une tache brune. Nous avons déjà fait reprefenter en 
grand* une antenne du mâle d’une de ces tipules, qui * T>m, 4a, 
eft une belle antenne à barbes. 

Si nous voulions parcourir toutes les efpeces de tipules, 
nous en pourrions trouver qui nous offriraient beaucoup 
d’autres variétés de couleurs, quoique les efpeces les plus 
communes, & dont le nombre eft le plus grand, loient 
brunes ou grifâtres. J’ai, par exemple, pris à JReaumur, 

•vers la fin de Septembre , beaucoup de tipules d’une 
très-petite efpece, dont les ailes font blanches, & qui le 
parodient fur-tout lorfqu’elles font po/ées fur le corps. 

Ce corps, depuis fon origine jufqu’aux deux tiers de ft. 

B iij 


5 4- MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE 
longueur, eft d’un verd c|ui a moins de jaunâtre que le 
citron, & le relie crt d’un brun prefque noir. La tête 
de cette petite tipule, comme celle de quelques autres, 
dont nous parlerons dans la fuite, a deux antennes fi 
bien fournies de barbes, & de barbes fi longues, que 
celles d’unetles antennes rencontrent celles de l’autre, & 
les croifent même. Ces-deux antennes ne font enfemble 
qu’une marte, qu’une efpece de gros bonnet de plume, 
fi peu proportionné à lapetiterte de la tête, qu’ellefem- 
ble à peine le pouvoir porter. Je ne connois pas le ver 
de cette tipule, j’ignore s’il ert tcrreflre ou aquatique, j’ai 
trouvé auffià Rcaumur, le longdcs allées,foitdechênes, 
foit de charmille,un grand nombre de tipules aurti petites 
que les précédentes, qui font toutes blanches. 

Nous n’avons pas befoin de dire que ces infeétes ne 
pall'ent pas immédiatement de l’état de ver à celui de 
mouches, qu’il y a pour eux un état moyen. Les vers de 
tipules, pour parvenir à cet état moyen, fe défont de 
leur peau comme les chenilles fe défont de la leur pour de¬ 
venir crilàlidcs. L’infecte tipule, après fa transformation, 
pourrait aurti être appellé une crilàlide; nous le nomme¬ 
rons pourtant une nymphe, parce que les parties exté¬ 
rieures de la mouche y font plus aifées à reconnoître 
qu’elles ne le font dans les crifalidesordinaires; elles y font 
néantmoins moins dirtinétes quelles ne le font dans les 
nymphes de plufieurs autres infectes. Nous ne parlons 
* PI. 2.%. actuellement que des nymphes* de ces vers tipules, qui 
1.2.&3. v j vent c { c terre OL1 j e terreau. Leur couleur clt grilàtre; 

c’cft à l’ordinaire en-dertous, du coté du ventre, que les 
ailes & les antennes font ramenées, & que les jambes font 
* Fî». i. & 3. pofées& arrangées près & àcôté les unes des autres*. Ces 
jambes, fur quelques nymphes, tic vont pas jufqua la 
moitié du corps, & ne vont guércs par-delà la moitié 


des Insectes. /. Mem . 15 
de celui des nymphes, où elles vont le plus loin. Cepen¬ 
dant les jambes des tipules devenues ailées, font plus 
longues proportionnellement à la longueur du corps, 
que 11e le font celles de beaucoup d’autres mouches, 
qui, lorsqu'elles étoient en nymphes, avoient des jambes 
dont le bout atteignoit le derrière. Mais l’Auteur de 
tant de petits êtres animés, a jugé convenable de replier 
davantage les jambes des nymphes tipules. Chaque jam¬ 
be*, après effie defcenduc allez bas, fe plie dans une * Pi. 2 .f& 
de lès articulations, elie remonte enfuite pour fe rendre 7 ‘ 
près de la tête; Là elle le plie une fécondé fois dans une 
autre articulation pour redefeendre. Si on étend la jambe 
qui ctoit ainli pliée, on ne lui trouvera pas encore à 
beaucoup près, la longueur qu’elle aura après la dernière 
transformation ; c’elt que chaque jambe eft piiffée dans 
l’étui qui la contient. 

De la partie lùpérieure & antérieure de la nymphe, 
partent deux eljjeces de cornes* plus longues fur les *p;g. 3 .e,a, 
nymphes de certaines efpeces, que fur celles de quelques 
autres; elles font de même couleur & confiftance que le 
refte de l’enveloppe extérieure, mais elles ne fervent à 
couvrir aucune des parties propres à la mouche. Elles font 
uniquement des parties de la nymphe, & des parties dont 
i’ufage ne fera pas difficile à deviner, fi on fe rappelle ce 
que nous avons dit ailleurs * des coques dans lefquelles * Tome-4* 
font renfermées les nymphes des vers à queue de rat, & A7c " 
des coques dans lefquelles font renfermées les nymphes 
des vers des oignons de Narciffe*. Nous avons vû que les * Tome 4, 
premières de ces coques ont quatre cornes, & que les 
autres eji ont feulement deux, & nous avons prouvé 
qu’elles font des tuyaux qui portent l’air aux ffigmates dit 
corcelet de la mouche en nymphe. L’analogie veut que 
nous jugions que les cornes de nos nymphes de tipules* 


cm. X 1* 
P a ë- 4S 6 - 


î6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ont un femblable ulàge; clics font, comme les autres» 
pofées fur le corceiet. L’ouverture qui eft à leur bout*, 
cil pourtant peu fènfible; à peine le microfcope y fait-il 
découvrir une fente. Mais une ouverture bien petite» 
peut fuffîre à fournir d’air un infeéle. Ces cornes font 
fillonnées tranlverlàlement, elles paroiffent faites d’anneaux 
pôles les uns fur les autres. 

Le corps du ver étoit lifte, au lieu que celui de la 
nymphe ell tout hériffé de tubérofttés, & de véritables 
picquans*. Il y en a fur tous les anneaux, mais les poflé- 
rieurs en font les mieux fournis. Il y en a plus aulfi du 
côté du dos que du côté du ventre : à quoi fur-tout on 
doit faire attention, c’efl que tous ces picquans font in¬ 
clinés vers le derrière; les uns font fimples, les autres 
font fourchus, ou difpofés en fourche. La nymphe n’a 
point de jambes dont elle puiffe faire ufage, il vient 
cependant un temps où elle a befoin d’aller en avant; 
c’efl alors que les picquans dont nous venons de parler, 
lui fervent. Le ver s’ell transformé en nymphe fous terre, 
fi la nymphe s’y transformoit en mouche, outre que les 
parties de la mouche auraient peine à s’y affermir, c’cft 
qu’elle ne ferait pas en état de percer ni de foulever la 
terre. La nymphe dont la métamorphofe ell prochaine, 
fe pouffe fur lès picquans.pour s’élever peu-à-peu jufqu’à 
la furface, & un peu au-deffus de la lùrface de la terre, 
c’eft-à-dire, jufqu’à ce que fon corceiet en foit dehors. Il 
fe fait une fente à ce corceiet, par laquelle fort celui de la 
îipule, qui tire fucceffiventent toutes fes parties de leur 
fourreau, & qui laiffe fa dépouille dans le trou où elle cfl 
engagée en partie. Il eft ailé de s’affili er que les nymphes 
peuvent faire ulàge de leurs picquans pour marcher : fi 
on pofefur une table des nymphes, fur-tout de celles qui 
l'ont prêtes à fe transformer, on les y voit fe traîner, ou 

plutôt 


des Insectes. /. Mem. 17 
plûtôt fe pouffer en avant,y faire du chemin; on ne les 
voit point aller en arriére; la direction de leurs picquans, 
loin de leur aider, leur nuiroit, fi elles vouloient cheminer 
en ce dernier fens. 

Des efpeces de tipules grifes, & les tipuies jaunes St 
noires, dont j’ai parléci-deffus, n’ont pa£u chésmoi avec 
leurs ailes, que vers le commencement del’été, vers la mi- 
Juin, dans de grands poudriers où je les avois renfermées 
avecde la terre, fous la forme de ver, dès la fin de l’automne 
de l’année précédente. La terre n’eft plus pour elles un 
aliment convenable, quand elles font devenues mou¬ 
ches: fans pourtant avoir pû voler fur les plantes propres 
à leur fournir des lues quelles puiffent digérer, les tipules 
jaunes & noires comme les guêpes *, cherchent à s’accou- * PI- » • Fg» 
pler; le mâle ardent s’uniffoità une femelle dans le pou- ’ 6 ' 
drier* & ils voloicnt enfemble dans une prifon fi étroite, *Fig. 15. 
fans fe féparer. Nous avons déjà dit que le mâle a le bout du 
derrière plus gros qu’aucun autre endroit du corps. C’efl- 
làauffi que font raffemblées les parties néceffaires pourfàifir 
le derrière de la femelle. Cette dernière, pour fe prêter 
aux careffes du mâle, recourbe fon derrière en haut, St 
alors, malgré la pointe par laquelle il fe termine, le mâle 
qui eft au-deffus d’dle, Si qui a contourné fon corps *, * Fig- ij-/?* 
peut accrocher en-deffous le dernier anneau de la femelle. 
L’accouplement a quelquefois duré dans mes poudriers 
pendant près de vingt-quatre heures de fuite, où s’il a 
été interrompu, ce n’étoit que pour quelques infants; 
le mâle le rejoignoit bientôt à la femelle, dont il s’étoit 
féparé. 

Pour voir les parties dont le derrière du mâle a été 
pourvu, on preffera entre deux doigts le dernier anneau, 
pendant qu’on confidérerafon bout au travers d’une loupe. 

Dè; que la preffion a un peu agi, le bout s’entrouvre. 

Tome K . C 

» 

\ 


* 


* PI. 3 * fig- 

7> 8 & 9 • 4 C» 
e,d. 


* /. 


* c. 


* t. 


*d. 


* PI. 3. fig. 
7. m. 


* h, h. 


18 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
& des parties qui étoient appliquées les unes contre les 
autres, s’écartent les unes des autres. On en remarque 
alors quatre de chaque côté *, qui partent d’une tige com¬ 
mune, ou au moins du même endroit, & qui compofent 
de chaque côté une efpeee de bouquet. Une de ces 
pièces, l’extérieure *, ed grife, & ne femble que membra- 
neufe, elle ed concave, & fait la moitié d’une efpeee de 
boîte deftinée à renfermer le refte. Des trois autres pièces, 
l’une * cd un afles long crochet écailleux, délié & terminé 
par une pointe d’un brun-clair; ce qui précédé cette pointe 
ed pl us blancheâtre. La troifiéme Si la quatrième pièce font 
en entier écailleufes S< de couleur d’ambre. La troifiéme * 
s’élargit, à mefure quelle s’éloigne de Ion origine, elle 
fe termine par une tête platte qui excede beaucoup di 
tige. Enfin, la quatrième* & dernière pièce, ed une lame 
faite en croiflant. Toutes ces pièces enfemble mettent le 
mâle en état de bien tenir le derrière de la femelle. 

Du milieu de l’efpace qui ed entre les deux efpcces 
de bouquets formés par les quatre pièces que nous venons 
de décrire; du milieu de cet efpace, dis-je, s’élève un 
petit corps * à peu-près cylindrique, de couleur d’ambre, 
& écailleux, qu’on ne peut prendre que pour la partie qui 
caraélérife le mâle, ou pour l’étui de cette partie. La 
predion oblige un fil très-délié , auifi déliéprefque qu’un fil 
de foye d’araignée ou de ver a foye , à fortir par ion bout 
qui ed taillé en bec déplumé: celui que j’ai fait paraître 
avoit quelquefois plus d’un pouce de longueur. Ce que 
nous avons dit ailleurs, en parlant de l’accouplement des 
papillons, peut faire foupçonner que ce fil ed la matière 
propre à féconder les œufs. Près de la baie de la partie du 
male, s’élèvent deux petits mammelons cylindriques; un 
peu plus loin, près du ventre, on peut obfcrvcr deux 
houppes de poils roux. * 


des Insectes, I . Mm. 19 

Nous avons déjà dit que !e derrière de la femelle * lé * PI - 3 - fi 5 - 
termine en pointe; cette pointe eflrformée par la réunion 
de quatre pièces écailleules qui compolent deux efjreces 
de pinces * d’inégale longueur; deux pièces égales appii- *Fig. 3 ./ar¬ 
quées l’une contre l’autre, & dont chacune lé termine par 
une longue pointe, compofent la pince fupérieure *, ou *Fig.4./>,p. 
celle qui eftdu côté du dos ;& deux pinces plus courtes *, * r,r. 

dont les pointes font plus moufles, & qui lé terminent à 
peu-prés à la moitié de la longueur de la pince fupérieure, 
forment la pince inférieure ou celle qui eil du côté du 
ventre. C’efl dans la fente, qui eft à l’origine de cette 
dernière, où je crois que le mâle infère la petite partie 
cylindrique, de laquelle fort une cfpéce de hl. 

Pour connoître les ulâges auxquels font deflinées les 
pinces dont nous venons de parler, il faut avoir obfervé 
une tipule femelle dans le temps où elle fait les œufs; 
j’en ai vu, & avecplaifir, dans cette opération , lôit dans 
des prairies, foit dans des plattes-bandes de jardin. L’atti¬ 
tude dans laquelle elle eft alors, ne fçauroit manquer de 
paroître linguliére ; elle ne tient plus fon corps parallèle 
au plan fur lequel elle eft pofée, qui eft la Situation ordi- 
naiie du corps de tous les infectes, & de celui de tous 
les quadrupèdes, & même de celui de tous les animaux, 
li on en excepte l’homme. Alors, dis-je, elle fe tient droite *, * Fi s- 1 °* 
& marche même de temps en temps fans faire fortir fou 
corps de la direction verticale. Sa partie postérieure, la 
plus longue de les pinces, lui fert comme d’une cinquième 
jambe, ou au moins comme d’un point d’appui qui aide 
aux deux jambes poftérieures à la lôûtenir. Ces deux der¬ 
nières jambes font les feules quipofent alors à terre, elles 
font placées par de-là le dos affés en arriére; la queue en 
longue pince contribue d’autant mieux àfoutenir la tipu- 
ie,que la tipuie l’enfonce en terre, & quelle a befoin de 

C ij 


* PI. 3. fi: 

<f. r,r. 
*Fig. 6. 


* Fig. ij. 


* Fig. s i. 
<& 12 . 


20 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’y enfoncer. C’efi dans la terre quelle doit femerfcs œufs». 
La pointe de la pince, fine comme elle eft, ne trouve 
pas grande réfiftance à percer la terre, elle s y enfonce 
aifément, & elle s y enfonce au moins jufqu’à l’origine 
de la pince inférieure*: celle-ci cfi le conduit dans lequel 
les œufs paffent à mefurc qu’ils fortent du corps*. Quand 
la tipule a laide un œuf, & peut-être deux ou trois, dans 
le trou qu’elle vient de percer, & fur lequel elle s’efi arrê¬ 
tée, elle fait un pas en avant, elle perce un nouveau trou, 
&. ainfi elle continue fa ponte. Quoique lés jambes anté¬ 
rieures ne pofent pas alors à terre, elles ne biffent pas 
de l’aider, lur-tout dans les efforts quelle a à faire pour 
introduire dans la terre la queue compofée de deux pinces; 
car les herbes donnent continuellement des appuis aux 
premières jambes d’une tipule qui pond dans une prairie. 
Ces appuis manquoient à une que je vis pondre fur une 
platte-bande nouvellement labourée, mais auffi la terre y 
étoit plus aifée à percer. 

Ce que la terre cache pendant l’opération, peut être 
Vu fi l’on preffe un ventre de tipule très-rempli d’œufs; 
on contraint aifément les œufs d’en fortir, &. on les voit 
paffer entre les deux branches de la pince inférieure. Il 
dl aifé d’imaginer que lorfque des mufcles preffent ces 
deux branches l’une contre l’autre auprès de leur origine, 
elles forcent les œufs à aller vers leur pointe, par une 
méchanique femblable à celle qui fut qu’un noyau de 
cerife humide s’échappe d’entre les doigts. 

Ces œufs * au refie, font très en état de réfifier à b 
preffion de la pince, ils réfifieroient même à uncprefhon 
plus forte; chacun d’eux ert un petit grain auffi noir qu’un 
grain de poudre ci canon, mais bien plus luifimt.il cfi 
«n peu oblong*, & un peu recourbé en croifiant. Des 
femelles que j’ai tenues dans des poudriers, où elles 


des Insectes. 1 . Mem. 2* 

n’avoient point de terre, n’ont pas laide d’y faire leurs œufs. 

J’ai négligé de compter le nombre de ceux que peut 
donner chaque fémelle; mais à en juger par la manière 
dont fon ventre eff rempli de grains fi fins, elle en doit 
pondre bien des centaines. 

Nous n’avons confidéré jufqu’ici que de grandes efpéces 
de tipules, que celles dont les parties font les plus ailées, 
à voir; nous allons à prélent en faire connoître quelques 
petites efpéces, 6c qui fous la forme de ver fe font nour¬ 
ries fur terre d’aliments différents de ceux des efpéces 
précédentes. Près de la fin de Septembre, j’ai fouvent 
trouvé des bouzes de vache très-peuplées de petits vers * * PI. 4. fig,. 
fans jambes, ronds 6c longs, 6c dont les anneaux ont le 
fuifantde l’écaille, quoiqu’ils ne foient que membraneux. 

Une moitié de chacun de ces anneaux a une bande brune, 

6c le refte ell blancheâtre ou d’un blanc fale. La tête * de * 
ces vers ell écailleufe, elle approche de la figure de celle 
des vers aquatiques *, qui donnent des mouches àcorcelet * Tom. 
armé. En-deffous on en voit fortir deux barbillons fran- Fj- 2 J-fg- 
gés * affés femblables à ceux de ces mêmes vers. Quatre Lp iê . £ 
tuyaux cylindriques * font pofés près de leur derrière. * Fig. 6.^^ 
Les deux derniers font plus grands que les deux qui les u * u ° 
précédent. Il n’efl pas douteux que ces quatre tuyaux ne 
foient quatre fligmates. 

Quatre à cinq jours après que j’eus renfermé ces vers 
dans un poudrier avec de la bouze de vache, ils quittè¬ 
rent leur peau, 6c devinrent des nymphes * femblables en *Fig7.&Î* 
petit à celles des plus grandes tipules. Comme les nymphes 
de celles-ci, elles avoient des anneaux hériffés d’épines, in¬ 
clinés vers le derrière. Auffi ces petites nymphes avoient 
befoin d’être en effat de s’élever à la furface de la bouze 
de vache, lorfque le temps de leur dernière transformation 
feroit prochain, comme nous ayons yû que les autres^ 


M- ^ 


22 MEMOIRES POUR L’HlSTOïRE 
nymphes s’élèvent dans un fcmblable temps à la furface 
de la terre. 

Ces infieétes relièrent à peine fous la forme de nymphe 
pendant fept à huit jours, & après avoir quitté leur der- 
* PI. 4.. %. niére dépouille, ils devinrent de petites tipulés*, quitien- 
io. Jient volontiers leurs ailes croiiées fur leur corps. Ces ailes 
font tachées de gris-brun, ce qui peut faire diltinguer cette 
elj)éce de tipule de beaucoup d’autres. 

Les champignons de prelque toutes les efpéces, font 
fu jets à être mangés par des v ers, & il cil ordinaire à ceux de 
quelques-unes d’en fourmiller; il l’eft à une grande efpéce 
commune dans les pays de bois, dont le chapiteau eh épais 
Si verd par dehous, & dont les morceaux qu’on en détache 
ont des calibres qui deviennent bleues en peu de temps.’ 
Les vers qu’on trouve le plus louvent dans ces derniers 
champignons, & dans beaucoup d’autres, ont une tète 
écailleuïe Si noire; leur corps eh tranfparent & d’un blanc 
luifant. Je les ai fait représenter de grandeur naturelle, & 
grohis au microfcope,dans le quatrième volume, pl. i 3. fi g. 
7. S. Si 10. On y voit que le ver montre en certains temps, 
des mammelons charnus qui lui tiennent lieu de jambes. 
On y voit auffi qu’ils ont cn-defious du corps, des bou¬ 
tonnières de crochets qui peuvent leur aider à fie fixer Si à 
marcher. On fera plus aile delçavoir ce que deviennent 
ces fortes de vers qu’on peut trouver aifiément, que de 
Içavoir ce que deviennent des inlècles beaucoup plus rares. 
Je fuis parvenu à en avoir qui fie font transformés en des 
petites tipules qui n’ont rien de fort remarquable, & dont 
les ailes n’ont point de taches, mais feulement une teinte 
de gris. Je dis que je fuis parvenu, parce que j’ai frit 
bien des tentatives avant que de voir de ces petits infcéîes 
fous leur dernière forme. Lôrfqu’on met, comme j’ai mis 
d abord, des champignons qui en font remplis, dans un 


des Insectes. 7 . Mem. 2 3 

poudrier, les champignons s’y pourrifTent, s’y diffolvent 
en eau, & bientôt les vers font noyés. Il m’efl même 
arrivé de voir périr ceux que j’avois misdansdes poudriers 
que j’avois eu la précaution de remplir de terre en partie, 
mais fur laquelle j’avois mis une trop grande quantité de 
chair de champignons par rapport au volume de la terre; 
celle-ci a été encore trop abbreuvée d’une eau .corrompue. 

Dans la fuite, j’ai feulement jetté quelques petits morceaux 
de champignon dans des poudriers prelque remplis d’une 
terre féche : les vers font entrés dans cette terre, ils s’y 
font métamorphofés en nymphes, & ces nymphes à leur 
tour le (ont métamorpholées en tipules. 

Une efpéce de champignons moins fucculens que celle 
dont fe nourrilfent les vers dont nous venons de parler, 
une efpéce de champignonsprefque ligneux, en un mot, 
un agaric du chêne fournit l’aliment néccfïaire à un ver 
plus rare que les précédents, qui a plus de fingtilarités à 
nous offrir, & qui fe transforme en une tipule. C’eli fur 
des agarics qui avoient crû fur des chênes du Bois de Bou¬ 
logne, & affés près de leurs racines, que j’ai obfervé d'abord 
i’cfpécc de vers * que je veux faire connoître. Ils nepéné- * pr. 
trent point dans la fubftance de la plante, ils fe tiennent M * 
en defjous de fon chapiteau. Ils ont une petite tête de figure 
confhmte& comme ecaillcufe. D’ailleurs ils ont quelqu’air 
de fangfues ; leur long corps efl pourtant rond comme 
celui des vers de terre,& femblc de même compofé d’un 
grand nombre d’anneaux. Les plus longs de ces vers font 
grilatres, les petits & ceux de médiocre grandeur, font 
blancs & très-tranfparents; la peau des uns & des autres 
efï toujours humide, comme celle des limaces, & a de 
même quelque choie de gluant. 

Us 11’ont point du tout de jambes, ils ne font que 
ramper; mais iis n’aiment pas à ramper immédiatement 


* PI. 4.. 
12. b. 


2+ MEMOIRES POUR LHlSTOIRE 
fur l'agaric, ni à ^voir, en aucun temps, leur corps im¬ 
médiatement appliqué deiïus. Les endroits où ils Te tien¬ 
nent en repos, & ceux où ils palfent lorfqu’iîs vont en 
avant, ou qu’ils retournent en arriére, font, pour ainfi 
fig. dire, tapilTes *. On y voit un enduit brillant qui reflcmble 
fi fort à celui qui marque fur des murs les chemins que des 
limaçons ou des limaces ont fui vis, que je crus que de petites 
limaces avoient palfé & repalfé fur les premiers agarics 
où je les obfervai. Une humeur vifqueufe qui humeéte 
le corps des limaces, & qui en fort continuellement, s’at¬ 
tache aux endroits contre lelqucls il s’applique, & forme 
des traces comme vernies, fans que la limace cherche à 
les former; mais les enduits fur lelquels notre ver marche, 
& ceux fur lefquels il fe repofe, font un ouvrage dans 
lequel il entre du ddfein. Ils font faits d’une liqueur 
gluante que la bouche fournit. Quand le ver veut fe fixer 
quelque part, il fait fortir cette liqueur de fa bouche; il 
l’applique contre un des points de l’endroit qu’il fe pro- 
pofe d’enduire; retirant enfuite fa tête en arriére, il file 
cette liqueur gluante; mais il ne la file pas en un fil tel 
que celui des chenilles, ou que celui des araignées; il la 
file en efpéce de ruban , quelquefois auffi large que ceux 
que nous appelions des Nompareilles. ïl couche enfuite 
& applique ce ruban fur la place qu’il veut couvrir; en 
continuant ainfi de faire fortir à diverfes reprifes de la 
liqueur gluante, en la filant en lames minces, en étendant 
ces lames, & en lé tournant & retournant de différents 
côtés, il parvient à fe faire une efpéce de lit bien liffe, 
beaucoup plus large & plus long que le volume de fon 
corps ne le demande. Quand il veut relier long-temps 
dans la place qu’il s’elt préparée, il en choifit une qui le 
trouve en quelqu’endroit où l’agaric ait tics inégalités un 
peu confidérables; étant pofé dans l’enfoncement, il fe 


des Insectes./. Mem. 2 5 
fait une tente d’une matière femblabie à celle de Ton lit. 
Il tire des lames de figure irrégulière, d’une élévation à 
l’autre; ainfi il forme un toit tranlparent, mais capable 
de dérober fon corps aux grandes impreffions de l’air qui 
font à craindre pour lui, qui pourraient le trop deffé- 
cher, car il a befoin d’être toujours humide. Aufii quelque 
doucement qu’on manie ces vers, fi on les tient un peu 
de temps entre les doigts ou fur la main, on les fait périr, 
ils s’y defféciient trop. 

Ce ver veut que le chemin par où il palfe,foit tapifte, 
comme le lieu où il fercpofe. Quand il fie prépare à aller 
en avant, ilfaitfortir de l'abouche une goutte de liqueur 
qu’il applique fur le premier endroit où il doit palfer; 
élevant enfuite là tête, il forme un ruban ou plutôt une 
lame mince de verni, dont la figure n’efi pas toujours bien 
régulière, & qu’il étend & colle en avant. C’elt en répé¬ 
tant toûjours le même manège qu’il fe met en marche, 
& qu’il fait chemin, de forte qu’il ne palfe que fur des en¬ 
droits bien lilfes & bien doux. 

Je n’ai jamais trouvé plus de huit à dix de ces vers fur 
les plus grands agarics, & fur ceux où j’en ai vu le plus. 
Ces agarics étoient lains, ils ne paroilfoient entamés nulle 
part; ils étoient humides, & même très-abbreuvés d’eau; 
de forte qu’il y a grande apparence que les vers fe nourril- 
fent de l’eau que l’agaric leur fournit. Ils font péris chés 
moi lur les agarics que j’ai lailfé trop delfécher, & ont 
vécu lur ceux que j’ai eu loin de tenir humides. 

On prendrait volontiers pour deux yeux, deux taches 
brunes, dont une fe trouve fur un des côtés de la tête du 
ver,& l’autre fur l’autre côté; mais quand on examine de 
près ces taches avec une loupe, fur des vers jeuncs& tranf- 
parents, on reconnoit qu’elles font intérieures & faites en 
arcades, dont la convexité elt tournée en devant. Ces 
Tome K . D 


•PI.*- fi. 

* 3 - 


26 MEMOIRES POUR L’HiSTOTRE ' 

jeunes vers iont prefqu’aulli diaphanes que le verre ; 
aulfi peut-on très-bien voir dans leur intérieur deux tra¬ 
chées qui vont en ligne droite de la tète au derrière. 
Quoique le bout de celui-ci loit arrondi dans la hg. 1 1. 
& qu’il le paroiffe de même dans l’état ordinaire, il y a 
eu des temps où il me failoit voir quatre cornes, dont 
deux étoient plus courtes que les autres, & qui font fans 
doute les quatre fligmates poftérieurs. L’ouverture par 
laquelle il fait fortir la liqueur vifqueufe, avec laquelle 
il enduit l’on chemin, ed grande, & ne peut être que la 
bouche. J’ai cru voir deux petits crochets qui l’accom- 
pagnoient, & qui fe montraient dans le temps où le ver 
étendoit de la liqueur gluante en ruban; mais les parties 
d’un infeéle mol & allés petit, font difficiles à voirdiftin- 
dlcment. 

Ce n’a été que vers la fin de Juillet, & dans le com¬ 
mencement d’Àoût, que j’ai trouvé de ces vers. Quand 
ils fie dilpofent à fe métamorpholer, ils fie confiruilènt 
g- une coque*. Ils employait à la compofier, la même liqueur 
vifqueufe dont ils enduifient les chemins où ils veulent 
palier; mais ils ne donnent pas à fion extérieur le luilant 
qu’ils donnent à ces chemins. Les dehors de la coque font 
raboteux, pleins de petites cavités de forme irrégulière, 
que je ne puis comparer à rien de plus reffemblant qu’à 
celles des morilles. La figure de la coque tient de la coni¬ 
que, à cela près que l’un & l’autre de lès bouts font arron¬ 
dis. J’ai trouvé de ces coques toutes faites fur des agarics, 
& d’autres ont été travaillées lotis mes yeux. Le ver qui 
en commence une, difpofe des filaments gluants autour 
de l’efpace dans lequel il veut lé renfermer. Ces filaments 
confidérablement plus gros que les fils les plus grofiiers 
des coques de chenilles, forment un rezeau à très-grandes 
mailles & irrégulières, qui eft la charpente de la coque; 


des Insectes./. Mem. 27 

les vu ides de ces mailles doivent être remplis par des 
efpéces de plaques de même matière que les filaments, 
j ai vûque le ver laifioit dans plufieurs mailles, des gouttes 
au fii arrondies & aulfi tranfparentes que des gouttes d’eau., 
mais qui avoient plus de confiftance, & qui dévoient en 
prendre encore davantage en fie defféchant. Le tiraille¬ 
ment quelles foufifrent alors fait perdre une partie de 
leur rondeur à celles que le ver n’a pas eu loin d’ap- 
platir. 

Quand il a donné à la coque toute la folidité qu’elle 
doit avoir, il n’y relie pas long-temps fans fie métamor- 
phofer; il s’v défait de fa peau pour devenir une nymphe* 
très-blanche, qui reflemble à celles des mouches tipules 1 
par l’efpéce de bolî'e que forme le corcclet, mais qui a les 
jambes plus dépliées. Les fiennes * s’étendent tout du 
long du ventre, & vont jufqu’au bout poflérieur. Ces 
nymphes font fi tendres, qu’il ne faut pas longer à les 
prendre autrement qu’en les collant contre un doigt 
mouillé. J’ai toujours rendu contrefaites celles que j’ai 
Voulu manier avec deux doigts. 

Je ne fçais pas précifément le temps que cet infecfle 
paffe lous la forme de nymphe, parce que j’ai négligé 
d’écrire le jour où il l’avoit prile; mais ce temps n’elt pas 
long, au bout de i 2. à 15. jours au plus, il le défait des 
enveloppes qui le tenoient emmailloté, & il devient une 
mouche 4 que j’ai placée parmi les tipules; comme celles- 
ci, elle ell montée fur de hautes jambes. Son corps long & 
eft gris-brun. Son corcelet a un peu de jaunâtre. Ses 
antennes * font d’une forme finguliére , eiles font larges 
& plates, quoiqu’elles le terminent en pointe; elles lont a ' 
faites par des articulations qui leur donnent un air de râpe. 
On peut voir une de ces antennes repréfcntée en grand 
tom. 4. pl. 9. fig. 10. J’ai trouvé à ces mouches deux 

Dij 


* PI. 4. fig. 
I5 . 


4 Fig- 15* 


* Fig. 16. 
■ « 7 - 


* Fig. 1 8. 


28 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE 
barbillons jaunâtres en devant de la tête, mais je n’ai pas 
examiné dans le temps, fileur pofition étoit précisément 
la même que celle des barbillons des tipules. 

Après avoir fait connoître aiïes d’efpéces de tipules 
qui viennent de vers terreltres, il nous relie à parler des 
eljaéces, qui fous leurs premières formes, fous celles de 
ver & de nymphe, ont vécu dans l’eau. 11 y a de ces 
dernières tipules, auffi grandes que les plus grandes tipules 
qui ont été des vers terreltres. Je ne l’alfûre que fur ce 
que j’ai tiré de l’eau, & fur-tout de celle de la riviere de 
Marne, des vers qui reflembloient parfaitement par leur 
forme extérieure & par leurs couleurs, aux plus gros vers 
tipules qui vivent fous terre; j’en ai pêché d’autres qui 
ne différoient des précédents, qu’en ce que les rayons 
charnus de leur derrière étoient plus longs que les rayons 
du derrière des autres; & j’en ai même fait graver un 
dans le quatrième tom. pi. iq. hg. 9. & 10. mais je ne fuis 
parvenu à voir aucun de ces gros vers aquatiques le 
transformer, même en nymphe; ils ont péri dans les 
baquets où je les ai mis, faute apparemment d’une eau 
convenable. 

Il elt fouvent difficile d’avoir fur les infeéîes des fuites 
d’obfervations auffi compiettes qu’on les voudroit; & gé¬ 
néralement, il eft plus difficile d’avoir ces fuites d’obferva¬ 
tions fur les infeéles aquatiques, que fur les infeétes ter- 
rellres. J’ai eu, par exemple, une tipule & fa nymphe, fans 
être parvenu à voir le ver qui le transforme dans cette 
nymphe qui par elle-même mérite d’être connue. Elleefl 
alfés grande pour donner une tipule de médiocre grandeur. 
Elle efloblongue, ayant les jambes & les ailes arrangées& 
repliées dans une ailes courte étendue. En un mot, elle 
relfemble alfés aux nymphes les plus communes, dont elle 
ne diffère que par une particularité. Delà partiefupérieure 


des Insectes./. Mem. 29 

de fon bout antérieur, part une forte de long cheveu *, * PI. 6 . fig. 
deux à trois fois plus long que la nymphe elle-même. Ce 1 & 2 ‘ 
n’eft qu’en jugeant fur la première apparence, qu’on 
compare ce fil délié à un cheveu, il eft un tuyau, dont 
l’ufage n’efi point équivoque,quand on fçait que la nymphe 
qui peut changer de place dans l’eau, qui peut y nager, 
tient toujours le bout de ce filet à la furface de l’eau, dont 
elle efielle-même affés éloignée; il paroît clair quelle l’y 
tient pour recevoir l’air qu’elle a befoin de refpirer, que 
le tuyau le lui porte, quoiqu’elle foit fous l’eau à une 
allés grande profondeur. 

J’ai trouvé de ces nymphes qui étoient encore attachées 
par un filet à leur dépouille de ver*; mais cette dépouille * pi. 6. fig; 
trop raccourcie & trop chiffonnée, n’a pas l'ufiî pour me l,d ' 
faire connoître la figure du ver qui s’en étoit défait. La 
loupe frit appercevoir des poils courts & allés prelfés 
les uns contre les autres fur les anneaux. La marre du 
Bois de Boulogne efi la pièce d’eau qui m’a fourni le 
plus de ces nymphes, qui y font rares cependant ; c’efi 
dans les mois de Juin & de Juillet quelle me les a 
fait voir. 

Chacune de celles que j’ai mifes dans des poudriers 
couverts 6 c remplis d’une eau claire, s’y efi transformée 
au bout de cinq à fix jours dans une tipule * de médiocre * Fig, 3, 
grandeur, dont le corps a un renflement près de fon 
bout ; aufli fa figure efl-elle moyenne entre celle du corps 
des tipules les plus communes, & celle du corps de cer¬ 
tains ichneumons. Cette tipule a fur chacune de fes ailes 
des taches brunes, la couleur de fon corps 6 c celle de fes 
autres parties efi grifâtre. 

D’autres tipules des plus petites efpéces, font plusaifées 
à obferver dès leur première origine, & en tous leurs états, 
que les dernières dont nous venons de parler. Il y en a 

D ii( 


2 0 MEMOIRES POUR L’HiSTOïRE 

unepetite eipéce qui le multiplie extrêmement dans toutes 
les eaux qui croupiflent ; c’clt celle qui a été le plus con¬ 
fondue par de Içavants Naturalises, avec les coufins. 11 
ne faut que tenir de l’eau dans un baquet expofë à l’air 
libre, pour y voir bientôt les vers qui lé transforment dans 
les tipules dont je veux parler: de cela feul que ces vers 
font extrêmement communs, nous en fommes plus en¬ 
gagés à rapporter ce qu’ils peuvent avoir de remarquable. 
Ils font d ailleurs d’un genre caraétérifé par des parties 
#PI. j.fîg.i. finguliéres. Ils * font rouges, & d’un allés beau rouge. 

Il y en a qui, quoique près de lé transformer, font 
de différentes grandeurs, & qui font probablement de 
différentes cfpéces. Les plus petits ne font gucres plus 
grands que les vers des coufins, mais il y en a de deux 
ou trois fois plus longs, & plus gros proportionnellement. 

Le baquet qu’on a laiffé à l’air plein d’eau, pourroit 
être très-peuplé de ces vers fans qu’on s’apperçût qu’il 
en a, fi on ne fçavoit pas où il faut les chercher. Quel¬ 
qu’un pourtant accoutumé àobferver, remarquerait bien¬ 
tôt contre les parois du baquet de petites maffes, de petits 
amas de matière terreufe peu éloignés les uns des autres, 
défigurés irrégulières plus ou moins oblongues, & plus 
ou moins arrondies. Il ferait curieux de lçavoir pour¬ 
quoi ces petits amas de terre fie trouvent attachés par 
endroits contre les parois du baquet; pourquoi les parois 
ne font pas couvertes en entier d’une couche uniforme de 
pareille matière. La curiofité qui le porterait à examiner 
une de ces petites maffes, & ce qui peut les tenir collées, 
le déterminerait à en défaire quelques-unes; dans cer¬ 
tains temps, il n’en déferait aucune fans y trouver plu- 
ficurs de ces vers rouges dont nous voulons parler; ainfi 
il jugerait bientôt que chaque monticule terreux elt i’ou- 
vrage & l’habitation de ces petits vers. 


des Insectes./. Mem. 31 

Lorrqu’on met le fond du baquet prefqu a découvert, 
on y trouve encore plus de ces malles terreules habitées 
par des vers; quelques-unes même ont des ouvertures 
très-vifibles, &. plufieurs ont des figures qui montrent 
mieux quelles lont le logement d’un ver. Elles font 
oblongues& contournées en ver. On voit aulîi de ces lo¬ 
gements oblongs attachés aux parois des baquets. Quand 
les malfes terreules qui font attachées, foit contre les parois 
du baquet, loit contre fon fond, ont une circonférence 
dont le diamètre a un pouce ou plus, elles paroiffent à 
qui n’y regarde pas de très-près, des efpéces de gâteaux, 
qui ont quelque reffemblance avec ceux des abeilles, au 
moins font-elles percées de même de beaucoup de trous 
très-proches les uns des autres, mais qui différent de ceux 
de cellules des abeilles en ce qu’ils font ronds. Chaque 
trou permet au ver de faire fortir fia tête & la partie an¬ 
terieure de fon corps hors de fa cellule, ce qu’il fait de 
temps en temps. 

Ces vers font de ceux qui ont une tête écailleufe, & 
par conféquent de figure confiante, & qui en dehors de 
la bouche n’ont point de dents ou de mâchoires mobiles; 
nous les avons mis dans la troifiéme clafie. Ils font d’un 
genre fingulier de cette clafie, d’un genre de vers qui, 
quoiqu’ils n'aycnt pas de véritables jambes, ont des parties 
qui leur en tiennent lieu; telles font les deux * qui lont * PI. j.%. 
attachées très-près de la tête, qui ont plus l’air de refies 3 ‘ bm 
de bras, de deux moignons, que de deux jambes. Elles 
n’ont point d’articulations, comme en ont les jambes 
écailleules; elles lont membraneufes, & ne peuvent point 
rentrer dans ie corps comme y rentrent les jambes mem¬ 
braneufes des faufiès chenilles, & celles de divers autres 
imeéfcs. Leur bout un peu plus large que ce qui précédé, 
efi terminé par un pian oblique & incliné vers la tête, & 


♦ PI. J. fil 
J. 1,1, l> 


♦Fig. 4. 

m, m, m . 


32 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

dont ie contoureft borde de poils en crochets. Le milieu 
de ce bout a un petit enfoncement, d’où partent aufîi 
quelques poils. J’ai vu quelquefois l’infeefte fe tirer en 
avant fur ces deux efpéces de bras, ou, fi l’on veut, fur ces 
deux efpéces de jambes de figure particulière. 

Depuis les deux bras jufqu’au pénultième anneau, le 
ver n’a aucune partie extérieure propre à s’attirer notre 
attention; mais fur les côtés & vers le ventre, deux longs 
cordons charnus partent du milieu du pénultième anneau, 
& deux autres cordons pareils & femblablement polés, 
partent de la jomffion de l’anneau précèdent avec ie der¬ 
nier. Ces quatre cordons * ont une forte de refiemblance 
avec ceux des poifions appcllés polypes, quoiqu’ils foient 
tout autrement placés, & ils m’ont déterminé à donner à 
ces vers le nom de Vers polypes. Lorfque nous avons rangé 
lesversen clafies dans le quatrième volume, nous avons 
fait repréfenter pl. 14. fig. 1 2. un de ces vers très en grand, 
avec les cordons ondés & entrelacés enfemble, comme 
ils le font ordinairement. Ces cordons font ronds, & ont 
par-tout un diamètre à peu-près égal, leur bout feulement 
eft un peu plus menu que ce qui précédé. Au relie, ils 
font très-flexibles, & l’infeéle peut les plier & les con¬ 
tourner. Un de leurs ufages eft de retenir le corps dans 
le tuyau de terre, & de le fixer par un bout dans des 
temps où il doit s’agiter en différents fens, fans que le 
derrière s’éloigne d’un point fixe. 

L’ouverture par laquelle le ver rejette fes excrémens, 
& par laquelle j’en ai forcé de lortir en preflant le ventre, 
eft au bout du dernier anneau, & un plus près du dos 
que du ventre; fon contour extérieur eft quarré, & il eft 
commode de le confidérer comme tel pour déterminer 
1, la pofition de quatre petits corps oblongs faits en olive *, 
dont un eft placé à chacun des angles du quarré. De ces 

quatre 


des Insectes./. Mem. 3 3 

quatre petites olives, deux font plus proches de la têteque 

les deux autres. De l’origine de chacune de ces dernières, 

part un corps de figure arrondie & oblongue *, mais plus * pj. ^ 

gros auprès de fa bafequa fon bout. Ce bout efi plat, & 4 -f>J> 

entouré d’une couronne de poils roides ou de picquants. 

Chacun de ces derniers corps efi au moins une fois plus 
long, & une fois plus gros, que les petits en olive. J’ai vu 
quelquefois le ver s’en fervir pour fe pouffer en avant ; mais 
j’ignore s’ils n’ont point une fonction plus importante, 
s’ils ne font point les organes avec iefquels l’infedle refpire 
l’eau ou l’air. 

Quelle que foit la raifon qui détermine quelquefois 
ces vers à quitter leurs tuyaux, foit que ce foit pour 
s’en faire de plus grands, foit que ce foit pour les placer 
mieux à leur gré, foit pour quelque befoin qui 11e m’efi 
pas connu, on les voit quelquefois nager afles près de la 
furfice de l’eau ; alors ils fe contournent en cercle, tantôt 
de deffus en defious, tantôt d’un côté, & tantôt de 
l’autre, & fe redrefiant enfuite fubitement, ou fe con¬ 
tournant fubitement vers le côté oppofé, ils fe donnent 
des mouvements propres à les porter où ils veulent 
aller. 

J’ai vû quelquefois tous les vers que j’avois mis dans 
un poudrier plein d’eau, hors de leurs tuyaux, & s’en tenir 
dehors pendant des journées entières.Tousétoient raffem- * PI. 5.^.2. 
blés autour de quelque feuille*, qui s’élevoit peu au-defiùs 
du fond du poudrier, ou autour de quelqu’autre petite 
mafie. Chacun s’y tënoit fixé par fa partie pofiérieure, 
mais il donnoit à fon corps des mouvements d’ondula¬ 
tions ; il lui faifoit prendre des figures telles qu’en peut 
prendre une corde qu’on agite dans l’air pendant qu’on 
ne la tient que par un de fès bouts. Quelquefois ils fem- 
bloient donner des contorfions très-forcées h leur corps. 

Tome V . E 


34 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
Des centaines de vers qui s’agitent ainfi en meme temps 
fur un point fixe, offrent un fpeélacle afTés piaifant & 
très-varié. Quoiqu’ils foient ordinairement arreftés contre 
quelque corps étranger, quelquefois le corps d’un ver, 
& plus fouvent Ion bout poflérieur, fert d’appuy à un 
autre ver. 

M ais il efi plus ordinaire à ces vers de fc tenir dans 
leurs tuyaux ou cellules. Chacun d’eux lé conflruit la 
fienne de ce qu’il rencontre de plus fjxongieux & de plus 
leger, comme font des fragments de feuilles pourries, de¬ 
venus à peine affés pefants pour fe précipiter au fond de 
l’eau , des grains d’une efpéce de terre peu compaéle, 
d’une forte de terreau. J’ai tout lieu de croire que ce ver 
fçait filer, qu’il tire d’auprès de fa bouche des fils, dont il 
fe fert pour réunir les petits grains, qui enfemble doivent 
compolèr le tuyau qui efi pour lui un logement conve¬ 
nable. Je n’ai pourtant pû parvenir à voir ces fils ; mais 
je crois qu’ils m’ont échappé par leur fineffe. Car j’ai vû 
faire au ver.que j’avois mis dans la néceihté de fè con- 
firuire un logement, tous les mouvements d’un infcéfe 
occupé à filer. Celui qui a été mis hors de Ion ancienne 
habitation, & qui commence à travailler pour s’en fiaire 
une nouvelle, fixe fa partie poftérieure; il la rend un point 
d’appuy fur lequel le refie du corps fe donne une infinité 
de mouvements pour fe porter tantôt à droite, tantôt à 
gauche, tantôt en haut, tantôt en bas, & pour fe con¬ 
tourner de toutes façons. Dans chacun des endroits où 
la tête fe trouve fucceffivement, elle cherche de petits 
grains folides, & d’une qualité convenable. Dès que les 
parties qui environnent la bouche, en ont touché & faifi 
un, les deux bras ou moignons dont nous avons parlé, 
s’avancent pour aider à le tenir. Le corps fe recourbe 
enfuite, de manière que la tête amenée tout proche de la 


des Insectes. /. Mem. 35 

partie poftérieure, y peut dépofer & arrêter le petit grain. 
C’eff de ces petits grains apportés fuccefiivement, & dé- 
pofés les uns fur les autres, que le forme un tuyau. La 
tête n’abandonne pasablolument le petit grain après qu’il 
a été mis en place, elle fe donne des mouvements vifs, 
elle retourne en arriére, mais fur le champ elle fe rap¬ 
proche du grain. Les deux bras ne font pas alors dans 
i’inaélion, il femble qu’ils s’approchent de la tête pour 
faifir le fil qui en lort, & l’appliquer fur le grain. Un ver 
que je tirai un jour de fon fourreau, & que je mis dans 
un poudrier plein d’eau, dont le fond étoit couvert d’une 
terre que je croyois convenable, ne réuffit point à fe 
couvrir; mais il me montra mieux qu’aucun autre que 
j’aye vû en œuvre, les mouvementslemblables àceuxd’un 
inlèéfe qui file, & l'effet des fils. Il forma à diverfes repri- 
fes, & fucceffivement en différents endroits, de petites 
lames de grains liés enfemble; mais que ce fût fon inten¬ 
tion ou non, il ne parvint point à faire prendre une figure 
courbe à ces lames, à s’en couvrir; tout fon travail aboutit 
à faire des lames plattes qui flottoient dans l’eau. 

Chacun de ces vers fe transforme en nymphe dans 
le tuyau même où il a achevé de prendre ion accroiffe- 
ment. Par fa métamorphofe, l’infecffe perd fon crâne 
écailleux, fes liras, fes cordons charnus, & enfin toutes 
fes parties extérieures, comme les autres infeétes perdent 
les leurs en pareil cas. Il devient une nymphe, dont les 
jambes & les ailes fe trouvent placées comme elles le font 
fur les nymphes dès tipules les plus communes; mais elle 
diffère de celles-ci, par des ornements que la nature ne lui 
a pas accordés fans doute précifément pour la parer *. 
Lorfqu’après en avoir tiré une de fon logement, on la 6 
confidére dans l’eau où on la tient, on voit une très-groffè 
pennache blanche & très-fournie * qui s’élève fur fa partie 


*PI. j.fig. 9 - 

* P>P>P>P>P- 

* Fig. i o .a,a. 


* Fig. 6,7 5 c 
8. A. 

♦ f, C. 


3 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
antérieure & fupéricure, fur l'on corceiet, & qui s’étend 
même fur les côtés. Selon la pofition dans laquelle elt l’in- 
feéle, & félon que l’eau agitée agit fur lui, tantôt cette 
pennache ne femble eltre qu’une groffc houppe faite de 
fils ou de plumes d’une prodigieulè finelfe; tantôt oïl 
voit que ce qui n’avoit paru qu’une leule houppe, efi com- 
pofé de plufieurs plumets différents *. Quand on l’obferve 
dans des temps où l’eau ne fait point élever ces plumets, 
on en trouve cinq * de chaque côté du corceiet qui partent 
tous d’un même centre; c’elt-à-dire, qu’on trouve de 
chaque côté cinq tiges qui jettent difiérentes branches 
d’où partent des barbes ou poils extrêmement fins. 

Chaque plumet reffemble aux antennes à barbes des 
coufins, & plus encore aux antennes * de la tipuie, dans 
laquelle notre nymphe doit fe transformer. Qu’on ne 
croyepas cependant fur cette reffemblance, qu’elles font 
les antennes de la mouche, leur nombre exccde cinq fois 
le nombre de celles-ci. Elles ne tirent pas leur origine 
d’où les antennes doivent tirer la leur ; & enfin, ce qui 
auroit difpenlé de toute autre preuve, ces plumets relient 
attachés a la dépouille de la nymphe. A quoi lui fervent 
donc toutes ces pennaches ! Il y a grande apparence 
qu’elles font à cette nymphe, ce que lont les ouïes aux 
poiffons. Ceux qui connoiffent les merveilles que l’H iltoire 
naturelle nous offre, fçavent qu'il y a des elpéces de 
poiffons ou d’animaux aquatiques qui n’ont pas leurs 
ouïes cachées, qui les portent en dehors; & il paroît 
que notre infeéle, qui, tant qu’il efl ver, & prefque pen¬ 
dant tout le temps qu’il efl nymphe, le tient lous l’eau, 
doit avoir des ouïes équivalentes h celles des poiffons. 

« La partie poltérieure de la nymphe a aufli fa penna¬ 
che*, mais elle ell faite en éventail. A l’origine de cette 
dernière, il y a deux crochets * dont i’infcde lé lert 


des Insectes. / Ment. 37 
apparemment pour fe retenir dans fa cellule, dans des 
circondances où l’agitation de l’eau l’en pourrait faire 
fortir pius qu’il ne veut, car il en fort quelquefois en 
partie. 

Au relie, ces nymphes font très en état de fe mou¬ 
voir, elles font même très-vives. Quand on les tire de 
leurs fourreaux & qu’on les met dans l’eau, on les y voit 
s’agiter en tout fens & fe tourmenter. Audi ont-elles 
befoin d’être vigoureufes, quand le temps de leur der¬ 
nière métamorphofe approche, & qui n’ed, je crois, 
éloigné de celui de la première que de dix à douze jours 
au plus. La nymphe vient alors à la furface de l’eau, elle 
y nage, elle y change de place en faifant prendre à fon 
corps différentes indexions ; il y en a qui y redent au 
moins un jour entier avant qu’arrive le moment où elles 
parviennent à changer d’état. Tout ce qui fe paffe iorff 
qu’cnfin la petite tipule fe dégage de fon fourreau de 
nymphe pour devenir ailée, ed fi lèmblable à ce qui fe 
paffe lorfque le cou fin fe dégage du lien, qu’en expli¬ 
quant comment fe Lit la dernière transformation de celui- 
ci *, nous avons affés expliqué comment le fait celle de * Tcme 4. 
celle-là. Nous redirons (feulement encore une fois, que 
tous les plumets de la nymphe redent à fa dépouille, ils 
y parodient quelquefois défigurés, de forte que lorfqu’on 
n’y regarde pas de près, & qu’on voit l’eau couverte de 
ces dépouilles, comme elle l’ed en certains jours, on 
croît que le bout antérieur de chaque dépouille s’ed 
moifi. 

Les oetites tipules* qui viennent de ces vers, reffem- *PI. s-%« 
blent fi fort aux confins les plus communs, qu’on n’héfi- °' 
teroit pas à les prendre pour des confins, fi on n’étoit 
averti qu’elles peuvent être un infeéTe d'une autre claffe; 

& on ne reconnoît quelles font d une autre claffe, que 

E iij 


38 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
iorfqu’après avoir examiné le deffous de leur tête, on n’y 
trouve point de trompe, mais une bouche, du diffus de 
laquelle parlent les deux barbillons qui caraéférifent les 
♦ Fi. 5.%. tipuies. Les mâles * ont des antennes à plumes plus four¬ 
nies de poils, & qui ont plus de volume que les plus 
grandes & les plus belles de celles qui s’élèvent au deffusde 
la tête des coulins; chaque aile a trois petites taches brunes. 

D’autres tipuies qui ne différent guéres des précédentes 
en grandeur ni en forme, qui n’en différent que par de 
tres-légércs particularités, comme par quelques nuances 
de couleur, parties antennes moins fournies de poils, &c. 
ont été des vers aquatiques que nous devons faire con- 
noître, des vers blancs qui reffemblent aux vers rouges 
des autres tipuies par la tête, par les deux efpéces de 
bras, par la forme du corps; mais qui n’ont pas, près du 
derrière, les quatre cordons charnus qui nous ont fait 
donner aux autres le nom de vers polypes. Ce qu’ils 
offrent de plus digne cl’être remarqué, c’eft la matière 
dans laquelle on les trouve. Chacun de ces vers elf logé 
au milieu d’une plaque épaiffe & convexe par deffus, 
d’une efpéce de gelée, de la nature & de la confiftance 
de laquelle ceux qui connoiffent le fray des grénouillcs, 
peuvent prendre une affés juffe idée. Le ver à tout âge 
efî enveloppé de toutes parts de cette matière gluante de 
tranfparente, elle n’efl pas même fi tran(parente quelle 
ne le cache un peu. Chaque plaque a au moins huit à dix 
lignes, & quelquefois un pouce de diamètre ; quelques- 
fois elles font écartées les unes des autres, & quelquefois 
elles fe touchent. Dans certaines années, dans les mois 
de Juin & de Juillet, j’ai trouvé beaucoup de ces plaques 
de gelée fur le fond des baquets que je tenois pleins d’eau, 
& quelquefois j’en ai trouvé contre les parois du baquet. 
J'ignore fi le ver même fournit cette quantité de matière 


des Insectes./. Mem. 3 9 
gluante, à quoi elle peut lui être bonne, comment il fe 
nourrit au milieu de cette matière, fi l’eau, qui peut-être fe 
filtre au travers, eftle feul aliment qu’il lui faut. On pourroit 
foupçonner que cette matière elt celle-là même, dont il 
a été enveloppé dès fa naiffance, lorlqu’il étoit encore 
contenu dans l’œuf; que cette matière fe développe <Sc 
vegete dans l’eaii, ou, ii l’on veut, quelle eft pour lui une 
forte de placenta qui lui fournit là nourriture. Tout cela 
peut être foupçonné; mais je n’ai point fait d’oblèrvations 
propres à me conduire plus loin que le foupçon. 

j’ai fouvent oblèrvé fur l’eau des baquets, de petites 
plaques*d’une matière vifqueufe, fembiable à une goutte 
de fuif qui y feroit tombée. Elles étoient remplies d’œufs 
oblongs. 11 y a beaucoup d’apparence que c’étoient des 
nichées d’œufs de tipules. Mais font-ce des vers blancs ou 
des vers rouges, qui fortent des œufs des nichées de cette 
el'péce ! C’eft ce que divers accidents m’ont empêché 
d’apprendre ; ils ont empêché que les œufs des nichées 
que j’avois miles dans des verres pleins d’eau, ne loient 
venus à bien. 

Dans des plaques de matière gluante, femblables à celles 
qui couvent les vers blancs, & même dans des plaques qui 
étoient un peu au delfusde la furface de l’eau, qui s’étoit 
abbaiftee, j’ai trouvé des nymphes de ces vers; mais je ne 
crois pas que la nymphe relie iong-temps au milieu delà 
matière glaireufe. Je Içais au moins que ces nymphes, 
comme celles des vers rouges, fe tiennent à la furface de 
l’eau pour s’y transformer, qu’elles y font dans un mou¬ 
vement continuel. Elles n’ont point fur le corcelet de 
pennaçhes femblables à celles des nymphes des vers rou¬ 
ges; mais elies y ont deux cornes femblables à celles des 
nymphes tcrrellres des tipules, & elles les ont apparem¬ 
ment pour relpirer l’air. 


* pi. 6 . % 

t ü & 18. 


40 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
On n’imagineroit pas combien on peut voir de chofes, 
combien on peut prendre de connoifiances fur la trans¬ 
formation des infeéles aquatiques de divers genres, dans 
un feul baquet plein d’eau, & expofé à l’air libre. La fuite 
de cet ouvrage apprendra combien d’inlèélcs de diffé¬ 
rentes claffes viennent s’y rendre pour y faire leurs œufs. 
Il eft bien autrement facile de fuivre les infeétes qui y 
naiffent, que de fuivre ceux qui naiffent dans de grandes 
pièces d’eau. Avant que de finir ce Mémoire, je dois 
faire connoître encore une efpéce de vers aquatique que 
j’avois trouvée dans des baffins, fans avoir pû parvenir à 
fçavoir quelle étoit la dernière forme fous laquelle elle 
devoit paroître, & mes baquets m’ont mis en état de 
l’apprendre. Les vers dont je veux parler, fe transforment 
* Pi. 6.fig. en de très-petites tipules *, qui n’ont rien de fort remar- 
12,13 (Sa*. q Ua [j| e . ma j s p Qur ei!X , j| s Je font par leur forme, & elle 
* Fig. 4.6c 7. avoit excité ma curiofité. Chaque ver * efi aufii blanc & 
auffi tranfparent qu’un morceau de criftal ; aufii quand 
il nage dans l’eau claire, il faut regarder dans des feus 
favorables pour l’y appercevoir. D’ailleurs, lors même que 
le temps de fa métamorphofe efi proche, il n’efi guère 
plus grand qu’un ver de coulin, & il y a fouvent un air 
roide; il fçait néantmoins donner des coups de queue à 
l’eau lorfqu’il veut changer de place. Ce qui le rend le plus 
remarquable, c’eft un grand crochet* qui part du defius 
de fa tête, & qu’il porte en devant, elle lui donne l’air 
d’une efpéce de licorne à corne recourbée. Auprès de 
cette corne, il y a de chaque côté une tache brune. A 
quelque difiance de la tête on voit en defius, mais dans 
*Pi. 6.%. l’intérieur, deux corps bruns * qui ont chacun la figure 
7 ; r y r ‘ d’un rein. Deux corps de même figure*,mais plus petits 
Sc moins bruns , fe voyent aufii dans l’intérieur à peu de 
difiance de l’extrémité pofiérieure. Celle-ci fe termine par 

deux 


des Insectes./. Man. 41 

deux cornes * charnues,dirigées fdon la longueur du corps. * P!. 6. fig. 
A l’origine des cornes, eft une nageoire * d’une grande 7 'J’ U S ‘ 
tranfparence, qui, fans fon aitaclie, feroit ovale. De cette 
attache, partent des lignes qui, comme des rayons, fe diri¬ 
gent vers différents endroits du contour de lovai. Il n’eft 
pas befoin d’avertir que tout cela ne fevoit qu’au moyen 
d’une loupe ; avec Ton fecours, on fuit auffi tout du long 
du corps un vaiffeau qui paroît être le canal des aliments, 

& qui paffe entre les quatre efpéccs de reins. 

Quand on ne s’en tient pas à confidérer ce ver dans l’eau, 
quand on cherche à voir diftinéïement la conformation 
de toutes fes parties, on parvient à découvrir que ce qu’on 
prenoit pour un crochet fimple *, eft compofé de deux * c . 
crochets exactement appliqués l’un contre l’autre, mais 
qui peuvent s’écarter * l’un de l’autre toutes les fois que * Fig. 6 . 
l’infecte le veut. C’eft immédiatement fur la tête que 
font articulées deux pièces qui ont chacune une autre 
articulation vers leur milieu; la partie qui eft par-delà 
cette dernière articulation eft brune, & de con fi (lancé de 
corne. C’eft vers l’origine de ces deux crochets, qui enfem- 
ble n’en paroiffent faire qu’un , que la bouche eft placée; 
à chaque côté de celle-ci, eft une main * affes fcmblable à * m. 
celle qui eft au bout du bras des vers rouges, dont nous 
avons parlé ci-devant; elle eft un peu applatie, & bordée 
de gros poils, d’efpéces d’épines. Lorfqu’on preffe le ver, 
on fait fortir de fa bouche un long corps, auquel je n’ofe- 
rois donner le nom de langue* ; par fa forme & fon volu- * Fig. 6. /. 
me, il a l’air d’un gros bout d’inteftin aveugle qui a affés 
de roideur pour fe foûtenir. 

J’ai mis fouvent beaucoup de ces vers dans des pou¬ 
driers très-tranfparens remplis de l’eau la plus claire, & j’ai 
trouvé en fuite dans le poudrier quantité de petits corps faits 
comme des portions de tuyaux cylindriques. Je ne fçaisfi 
Tome V. . F 


8. & 9 


Cj c. 


42 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
c’efl la figure de leurs excréments, ou s’il vient un temps 
où ces vers fie défont de leurs inteftins par parcelles. 

C’efl dans les mois de Juillet & d’Août, que les vers 
que je tenois dans des poudriers, fe font transformés en 
Pi. 6 . fig. nymphes. Ces nymphes* reffemblcnt pour l’arrangement 
& la difpofition des jambes, à celles de plufieurs autres 
tipules; mais elles ont deux efpéces de cornes * qui s’élè¬ 
vent au deffus de leur tête, & qui partent du corcelec 
beaucoup plus grandes, proportionnellement à la grandeur 
de leur corps, que celles d’aucune nymphe tipule. Par 
leur port elles ont quelqu’air de celles des nymphes des 
coufins; elles font plattes & menues à leur origine; elles 
s’élargiffent enfuite, pour, après s’être encore rétrécies, fe 
terminer prefque par une pointe. L’infeéle nous apprend 
allés pourquoi elles lui ont été données, en tenant pour 
l’ordinaire leur extrémité au deffus de la furface de l’eau, 
pendant que tout le refte de fon corps efl au deffous & 
comme droit. Ces efpéces de cornes examinées au mi- 
crofcope*, femblent faites de grains tels que ceux du plus 
beau chagrin, ôc mieux allignés. Il y a grande apparence que 
*Fig.7.r,r. lesdeuxplus grands de ces corps en forme de rein *,qu’on 
apperçoit dans le ver, ceux qui font les plus proches 
de la tête, font par la fuite les deux cornes de la nymphe. 

Elle a à fon derrière deux nageoires égales & fembla- 
bles*, qui ont la figure d’une feuille; elles font extrême¬ 
ment tranfparentes; elles ont un rebord épais par rapport 
au refie, mais qui devient plus mince 6 c plus étroit en 
s’approchant du bout jufqu’auquel il ne parvient pas. 
Dans leur intérieur, on voit plufieurs ramifications qui 
partent de deux tiges, dont une efl plus confidérable que 
l’autre. 

Enfin l’infeéle après avoir vécu dix à douze jours en 
* Fig. 12, nymphe, fe transforme en une petite elpéce de tipules*. 


* Fig. 1 1. 


* Fig. 1 o. 
n, c, t,f 


des Insectes./. Mem. 43 
dont les mâles ont des antennes à plumes, & les femelles 
des antennes moins fournies de poils. Les unes & les 
autres portent leurs ailes croifées fur le corps, qui les excède 
en longueur. Du bout de celui du mâle foitent deux 
efpéces de lames garnies de poils, & au deffous deux 
elpéces de crochets * prefque droits, dont chacun elt * 
articulé, avec une plus grolfe pièce; dans l’état ordinaire 15 
les pointes des crochets tout tournées vers le ventre, de ils 
forment un X, en fe croifant l’un l’autre. 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU PREMIER MEMOIRE. 

Planche Première. 

Les Figures 1 , 2 & 3 repréfentent de grandeur naturelle 
un ver de tipule, de ceux qui vivent en terre ou dans le 
terreau des troncs d’orme. Il y en a de bien plus grands 
que celui qui elt repréfenté ici. Dans la figure 1, il montre 
fa tête /, autant qu’il peut la montrer ;& quelques-uns des 
rayons charnus de fa partie poltérieure p. Dans la figure 2, 
où il elt plus raccourci, fa tête paroît moins, & il a entière¬ 
ment caché les rayons charnus de fa partie poltérieure p. 
Dans la figure 3 , où il elt plus allongé que dans la pré¬ 
cédente, les rayons charnus font plus à découvert & plus 
écartés les uns des autres, que dans la figure 1,6c la tête 
elt plus cachée que dans les deux autres figures. 

La Figure 4 fait voir par-delTous une tête de ver tipule 
grolfie au microlcope. a, a, bouts des deux antennes. 
c, c, deux crochets écailleux que j’ai forcé le ver à me 
montrer, en prelîant extrêmement les parties qui en 
font voifines. I, l, deux parties écailleufes courbées en 
gouttière, dont le bord fupérienr elt dentelé, e, partie 


44 Mémoires pour l’Histoire 
charnue défiguré triangulaire, qui lèpare les parties pré¬ 
cédentes, dont le milieu cil blancheâtre, & dont les côtés 
loin bruns. 

La Figure y montre la tête de la même tipule, & égale¬ 
ment grofiie, mais vue par-delTus. d, d, l’anneau charnu 
auquel tient la tête écailleufe t, & fous lequel elle le peut 
cacher, a, a, les antennes. 

La Figure 6 repréfente en grand & vue de face la 
partie pollérieure du ver. r, r, r, r, c, c, fix rayons charnus, 
dont les deux c, c, qui font du côté du dos, font plus 
courts que les autres. Il y a des vers qui ont ces fix rayons 
charnus bien plus longs & plus aigusles deux grands 
fligmates. On voit au déifias quatre taches beaucoup plus 
petites, qui probablement font deflinées adonner fortieà 
l’air que les grands fligmates f f, ont reçu, & qui a fait 
là route dans le corps de l’infeéle. 

Dans la Figure 7, le bout poltérieur du ver ell vu du 
côté du ventre, a l’anus, qui n’ell à découvert &. vifible, 
que quand les rayons rrrr, s’élèvent vers le dos. 

La Figure 8 ell celle d’un ver ouvert tout du long, & 
tenu ouvert par des épingles, uf, uf) les deux grolfes 
trachées qui vont fe terminer près des fligmates f, f. 

La Figure 9 repréfente très en grand un des lligmates 
f, figure 6. qui ell écailleux, & qui a quelqu’air d’un plat 
dont le fond leroit relevé en bolfie; mais il ell compofé 
de deux pièces différentes./*, f, la grande pièce circulaire 
& inclinée comme le font les bords de certains plats, m, 
la fécondé pièce qui a quelque convexité. 

La Figure 10 montre en grand ce que le delfinateur 
& moy avons cru avoir vu, un très-grand nombre de 
petites trachées b, b, qui partent de la principale trachée 
t, ô<. qui vont aboutir au lligmate f, f; elles forment une 
efpéce d’antonnoir, dont la plaque de ce lligmate cil la baie. 


des Insectes./. Mem. 45 

La Figure i i cil celle d’un ver de tipule pris dans un 
trou de tronc de laule. 

La Figure 12 elt celle de la nymphe dans laquelle 
le ver précédent s’elt transformé, vue du côté du ventre. 

La Figure 1 3 montre du côté du dos la nymphe de 
la figure 1 2. Dans l’une & l’autre de ces figures, q mar¬ 
que la partie poltérieure de cette nymphe, & c, c, mar¬ 
quent les deux cornes qui font à la partie antérieure. 

La Figure 14 elt celle de la tipule fémelle, qui étoit 
renfermée fous les enveloppes de la nymphe des figures 
précédentes. 

La Figure 1 5 montre la tipule fémelle de la figure 
précédente, accouplée avec fon mâle, f, la fémelle. m, le 
mâle. 

La Figure 16 fait voir le mâle féparément. 
Planche II. 

Les Figures 1 & 2 repréfentent dans la grandeur na¬ 
turelle, une nymphe des vers qui fe tiennent en terre fous 
le gazon, & qui fe transforment dans des tipules d’une 
grande elpéce. Dans la figure 1 , la nymphe elt vûe du 
côté du ventre, & dans la figure 2, elle eft vûe du côté 
du dos. 

La Figure 3 efi celle de la nymphe de la figure 2 grolfie. 
e,c, les cornes qui font les organes de la relpiration. I, l, 
les ailes entre lesquelles les fix jambes font ailes diltinétes. 

La Figure 4 montre le bout pofiérieur de la nymphe, 
vu par-delfous, & extrêmement grolfi. a, l’endroit où étoit 
l’anus du ver. Toutes les tuberofités épineufes marquées 
e, e,tk.c. aident â la nymphe lorlqu’elle le poulie en avant. 

La figure 5 fait voir par-delfus, une portion plus courte 
du bout qui efl vu par dcllous figure 4. 

La Figure 6 reprélénte en très-grand une des cornes 

F iij 


46 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
de la figure 4. d, bafede la corne. cc,f on bout qui femble 
avoir une fente dirigée de c, en c. Elle paroît entourée de 
fibres tranlvedales. 

La Figure 7 eft celle d’une nymphe d’un grand ver de 
tipule terreftre, très-groftie. Cette nymphe n’eft pas la mê¬ 
me que celle des figures 1,2 & 3 ; on remarque aifément, 
quelle a fes cornes c, r,plus petites que celles de la figure 
3,quoique fon corpsfoitconfidérablement plus gros. Elle 
a étédeîfinée d’après une nymphe tiréede terreà la fin de 
Septembre, & qui devoit devenir une grande tipule. On 
a écarté les ailes & les jambes du corps, afin qu’on puifie 
mieux voir comment ces dernières font pliées lorfqu’elles 
Font en place, comme elles y font dans la figure 3. I, 
une des ailes, i, n, m, les trois jambes qui fe trouvent 
attachées au côté qui eft ici en vue. e, e, e, &c. épines 
qui partent aftes près de la fin de chaque anneau. p,p, 
épines du bout poftérieur. 

La Figure 8 repréfente la partie antérieure d’une mou¬ 
che tipule, vue avec une lentille d’un court foyer, a, a, les 
antennes.un des yeux à rezeau. t, partie de la tête qui 
eft allongée en trompe, b, à deux barbes, qui fervent à 
diftinguerles tipules de beaucoup d’autres mouches; elles 
partent fur la bouche, elles defcendent, & fe contournent 
en deftous de la tête en d. 4 les ailes qui ont été coupées 
& relevées, m, le balancier, f, un des ftigmates. 

Dans la Figure 9 on voit par defliis, & encore plus 
grandie, la tête qui eft vue de côté dans la figure 
les yeux à rezeau. t la portion delà tête allongée en trompe. 
a, a, les antennes, bd, bd, les deux barbes, dont cha¬ 
cune a été jettée vers le côté duquel elle part, pour mettre 
la bouche à découvert. 4 4 levres charnues; la fente qui 
les fépare eft celle de la bouche. 

La Figure 1 o montre par-deffous la tête qui eft vue 


des Insectes./. Mem. 47 
par-defiusdans la figure précédente._y^ les yeux à rezeau. 
b, b, les deux barbes. I, l, les deux levres, entre lefquelles 
la fente de la bouche efi très-marquée, e, e } deux petits 
tubercules placés au-deflous de la bouche. 

La Figure 11 repréfente dans fa grandeur naturelle, 
ôc ayant les ailes croifées fur le corps, une tipule fémelle 
de la grande elpéce, commune en Odobre dans les 
prairies. 

La Figure 12 repréfente en grand une aîlc de cette 
tipule. On peut remarquer qu’à fon origine elle efi très- 
étroite dans la portion marquée lo . 

La Figure i 3 efi celle d’une portion d’antenne de fa 
tipule précédente, vûe au microlcope./?, y, p, p, quatre 
grands poils qui partent de chaque articulation. On voit 
quelle a de plus une barbe de poils très courts. 

Planche III. 

La Figure 1 repréfente une tipule mâle de la grande 
efpéce, de celles qui font communes en Septembre, q, 
marque le bout pofiérieur du corps, qui efi plus gros que 
ce qui le précédé, & coupé obliquement. 

La Figure 2 efi celle de la tipule fémellev dont on 
vient de voir le mâle. La pointe p, r, qui termine fon 
derrière efi compofée de deux pinces p, & r, repréfen- 
tées en grand dans les figures fui vantes, & dans des vûes 
propres à les faire mieux difiinguer. 

La Figure 3 montre par le côté le bout pofiérieur du 
corps de la tipule fémelle./?, la longue pince, la plus aiguë, 
& la fupérieure. r, la pince inférieure, plus courte que 
l’autre & plus moufle. On a écarté ces deux pinces l’une 
de 1 autre pour faire voir les parties charnues qui font 
entr’elles. En a, efi l’anus. 

La Figure 4 montre le bout pofiérieur en grand & 


4 _S Mémoires poi/r l’Histoire 

par-deftous. Les deux branches p ,p, qui compofent fa 
longue pince 6c fupérieure, ont été écartées l’une del’autre, 
afin qu’on les diflinguât, 6c qu’elles ne panifient pas être 
une feule 6c même pièce, comme elles le parodient dans 
les ligures 2 6c 3. 

Dans la Figure 5, le bout poftérieur efl vu par-deffus; 
les deux branches p,p, de la longue pince, y font très- 
ccartées l’une de l’autre, 6c elles cachent prelqu entière¬ 
ment les deux branches de la courte pince. 

La Figure 6 repréfente le bout poftérieur vu par- 
deftous, comme dans la figure 4, mais avec une feule 
de lès pinces, 6c la plus courte. Entre les branches r, r, 
de cette pince, on voit deux œufstf, 0; la pince fert à les 
conduire en terre. 

La Figure 7 repréfente en grand le bout poftérieur 
du mâle vû du côté du ventre, 6c dans un moment où la 
prelfion a obligé toutes les parties qui y font contenues, 
à s’écarter les unes des autres, & à fe montrer. I, l, efpéces 
de demi-coquilles prefque écailleufcs, qui enfemble com¬ 
pofent une forte de boîte qui renferme toutes les autres 
parties quand le derrière de la tipule eft dans l’état où 
on le voit dans la figure r . t, t, deux pièces écailleufes, 
dont le bout plus gros que ce qui précède, forme une 
tète plattc. c, c, deux efpéces de crochets, dont la 
pointe eft brune 6c écailleufe, 6c dont la tige eft blanche. 
d, d, deux pièces comme écailleufes faites en croiftant. 
Toutes les pièces précédentes, fervent apparemment à 
faifir le derrière de la fémclle. m, partie du mâle, de la¬ 
quelle fort une efpéce de fil. On trouve à fa bafe deux 
mammelons ou appendices, qu’on 11’a pas marqués par 
des lettres, h, h, petites houppes de poils roux. En a, eft 
l’anus. 

Les Figures 8 6c 9 font voir les mêmes parties, mais 

dans 


des Insectes./. Mem . 4.9 
dans des vues différentes, & celles d’un des côtés de la 
ligure i ; auffi les parties femblables font-elles défignées 
par les mêmes lettres dans ces trois figures. I, une des 
lames qui fait la moitié de la boîte ou de l’enveloppe des 
autres parties. Elle eft vue en dedans, ou du côté concave, 
figure 8 ; elle eft vûe par dehors, ou du coté convexe, 
figure 9. /, pièce dont le bout eft plus gros que ce qui 
précédé, c , un des crochets, d, un des croiffants. 

La Figure 10 repréfente une tipule fémelle dans l’atti¬ 
tude où elle fe met lorfqu’elle le difpofe à pondre. Celle- 
ci commence à picquer en terre le bout de la longue pince 
marquée />, & p,p, figures 2 , 3,4 & 5, 

Les Figures 1 1 & 12 repréfentcnt un œuf de tipule 
.très-groffi. La figure 1 1 le fait voir du côté où il a une 
cavité. La figure 12 le montre du côté oppofé à celui où 
elt la cavité. 

La Figure 13 fait voir trois œufs de tipule de grandeur 
naturelle. 

Planche IV. 

Les Figures 1 & 2 repréfentent chacune une tipule de 
médiocre grandeur & de mêmeeipéce, mais de différent 
fexe; la tipule de la figure 1 eft un mâle, & celle de la figure 
2 une fémelle; le grilâtre eft leur couleur dominante, mais 
elles ont du jaunâtre à leurs jambes. Elles font nées cliés 
moy de vers trouvés dans le terreau tiré de faules, dont 
une partie de l’intérieur étoit pourrie. 

La Figure 3 montre groffi à une forte loupe un ver de 
tipule qui n’a que fa grandeur naturelle dans la figure 4; 
ces vers fe tiennent dans la bouze de vache, t, fa tête 
écailleufe. f, fa partie poftérieure où font les organes de 
la refpiration. 

La Figure 5 eft en très-grand celle de la tête du ver des 
figures précédentes, & de deux de fes anneaux, t, la tête. 
Tome V » G 


50 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
y, tache brune qui femble être un des yeux, b, barbillons 
qui, en certains temps, fortent de la bouche. 

La Figure 6 fait voir en dedus la partie podérieure du 
ver précédent & extrêmement groffie. f, f, u, u, quatre 
tuyaux, dont les deux u, u, font plus courts que les deux 
f, f. Ces quatre tuyaux font les quatre digmates podé- 
rieurs. t, t, marquent deux trachées qui fe rendent aux 
digmates. 

La Figure y ed celle de la nymphe dans laquelle fe 
métamorphofe le ver précédent, dans fa grandeur natu¬ 
relle. La même nymphe ed groffie dans la figure 8. 

Les Figures 9 & i o repréfèntent en deux vues diffé¬ 
rentes, la petite tipuie qui fort de la nymphe delà figure 8. 

La Figure 1 1 ed celle d’un ver de tipuie qui fe tient ap¬ 
pliqué contre le dedousd’un agaric du chêne; mais cette 
figure le montre beaucoup plus grand qu’il ne le devient. 

La Figure 1 2 repréfente une portion d’un agaric du 
chêne, dont le deffous a été mis en deffus. a, a, bord de 
cette portion d’agaric, u, ver de tipuie dans fa grandeur 
naturelle. Tout ce qui ed en blanc & marqué b, b, ed le 
lit d’une bave luifante fur lequel il fe tient, h, h, &c. 
diverfes feuilles de gramen, qui paffent au travers de l’aga¬ 
ric; l’agaric en croidant, renferme celles qui le touchent. 

La Figure 1 3 ed celle d’une coque que le ver de la 
figure 1 2 fe fait d’une liqueur gluante. 

Les Figures 14. & 15 montrent en deux vues diffé¬ 
rentes la nymphe dans laquelle le ver précédent fe trans¬ 
forme, & la montrent plus grande que nature. Dans la 
figure 1 5, où l’on voit le ventre, on voit la difpofition 
des jambes qui s’étendent jufqu’au derrière; & la figure 
14 dans laquelle elle ed vue de côté, laide voir la boffie 
b, qui ed fur le corcelet. Mais ce qu’on doit le plus remar¬ 
quer dans cette figure, c’ed la pofition des antennes, 
qui ed différente de celle des antennes de la plupart des 


des Insectes./. Afem . 51 
nymphes; elles font lur le corcelet, & celles des autres 
nymphes font placées en partie ious le ventre. 

La Figure 16 eft celle de la tipule de la nymphe pré¬ 
cédente vue par-deflus; & la figure 17 eft celle de la même 
tipule vue pardefious. 

LaFigure 18 eft celle de la partie antérieure de la mouche 
précédente, qui eft repréfentéeen très-grand,& vue du côté 
du ventre, a, a, les antennes dont la ftruéhire eft parti¬ 
culière. i, 1, les yeux à rezeau. b, b, deux gros barbillons 
au-deflus de la bouche. 

P L A N C H E V. 

La figure 1 eft celle d’un ver aquatique, &. rouge, qui 
fe transforme en une petite tipule. 

La Figure 2 repréfente une lorte de grouppe de vers 
rouges de l’efpéce du précédent, afîcmblés autour d’une 
feuille qui eft dans l’eau ; ils font dans un mouvement 
continuel & changent fouvent d’attitude. 

La Figure 3 montre un ver rouge groffi à la loupe. 
b, un de les deux bras. I, l, l, l, les quatre ligaments qui 
nous ont déterminé à donner à ces vers le nom de poh pes. 

La Figure 4 fait voir en deftus la partie poltérieure 
très-groffie. J, f, deux corps oblongs, dont le bout eft 
bordé de poils, & qui paroiflent être deftinés à porter 
l’air dans le corps du ver, être deux ftigmates. 
quatre corps en forme d’olive, qu'on peut encore foup- 
çonner être des ftigmates. 

La Figure 5 eft encore celle de la partie poftéricurcdu 
ver, très-groiïie, mais vue en-deftous./, f, les deux ftigma¬ 
tes. m, m, deux des corps en olive. I, l, l, l, les quatre 
ligaments qu’on a négligé de donner à la figure précé¬ 
dente, parce quec’eft la dernière qui fait voir leur origine. 
Ces ligaments, & le ver lui-même, ont été reprélentés 
très en grand dans le tome 4. pi. 14. fig. 12. 


52 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

Les Figures 6 & 7 repréfentent en grand la nymphe 
dans laquelle le transforme le ver polype; elle a, dans l’une 
& l’autre figure, la tête en bas. Dans la figure 6 , elle efi 
vûe du côté du ventre, & elle efi vue du côté du dos 
dans la figure 7. h, houppe qu’elle a à fa partie pofiérieure. 
p, pennache qui orne Ion corcelct. I, l, les ailes qu’on a 
écartées du corps figure 7. La figure 6 fait voir le contour 
fingulier de deux jambes i, /. 

Dans les Figures 8 & 9, la même nymphe efi vûe de 
côté. La figure 9 montre cinq efpécesdeplumets/>,/>, 
Quand ceux des deux côtés lé relèvent, & le réunifient 1 iu¬ 
le corcelet, ils compoient enfemble la pennache p , de la 
figure 8. 

La Figure 10 efi celle de la tipule dans laquelle fe 
transforme la nymphe précédente, grofiic au microfcope. 
à, a, les antennes, b, b, les barbes. 

La Figure 1 1 efi celle d’une nymphe d'un ver tipule 
blanc, qui n’efi guère plus grand que le ver tipule de la 
figure 1 ; aufii cette figure la grolfit très-confidérablement. 
Cette nymphe fe tient à la furfacede l’eau, & s’y agite con¬ 
tinuellement. a, une de fes ailes, i, fes jambes, qui font 
finguüérement contournées, r, une des deux cornesavec 
lefquelles elle refpire l’air. La mouche de cette nymphe 
diffère peu de celle de la nymphe des vers rouges. 

Planche VL 

La Figure 1 repréfente plus grofie que nature une 
nymphe de ver aquatique, qui efi vûe dans fa véritable 
grandeur, figure 2. L’une & l’autre figure la montrent 
du côté du ventre. Cette nymphe efi toujours dans leau. 
i f, long fil qui part du corcelet, & dont la nymphe 
tient ordinairement le bout à la furfacede l’eau; mais le 
iil efi quelquefois plus contourné qu’il ne l’cft ici, félon 
que l’eau agit defius, pendant que la nymphe change 


des Insecte s. /. Mem . 53 

Je place. Elle en change quand elle veut ; quand elle 
veut, elle le met dans des pofitions différentes de celle 
où elle paroît dans les deux ligures. L’origine du fil efl fur 
lecorcelet. La ligure i fait voir des poil sp,p, fur les côtés 
Je cette nymphe, qui, pour être vifibles, demandent à être 
groffisparla loupe, auffi ne paroiffent-ils pas dans la figure 
2. d, marque la dépouille du ver que j’ai trouvé attachée à 
une de ces nymphes. La ligure 2 n’a point cette dépouille, 
mais elle a en c, une elpéce de crochet. 

La Figure 3 efl celle de la tipule, dans laquelle fe trans¬ 
forme la nymphe des figures précédentes. Elle a fur fes 
ailes quelques taches brunes & opaques. 

La Figure q. fait voir à peu près dans fa grandeur naturelle 
un ver aquatique de tipule, fingulier par fa grande tranfpa- 
rence, & parl’efpéce de crochet qu'il porte en devant de 
la tête; le même ver efl groffi au microfcope dans la fig. y. 

La Figure 5 repréfente la partie antérieure du ver précé¬ 
dent groffie au microfcope. ï, un des yeux c, c de , les deux 
crochets qui, lorfqu’iis font appliqués l’un contre l’autre, 
comme ils le font dans les figures 1 & y, & comme ils le 
lcwt ordinairement, ne femblent être qu’un feul & unique 
crochet, c d> bout d’un des crochets, brunéc écailleux, 
articulé en d, avec une partie blanche & moins dure, e, 
l’endroit où la partie e d fe trouve articulée. m,m, efpéces 
demains armées d’ongles ou de longues épines, &pofées 
à chaque côté de la bouche & un peu en déifions. 

La Figure 6 ne diffère de la figure 5, qu’en cequ’une 
partie/, blanche & oblongue,&d’un volume confidérable, 
fort de la bouche du ver. On oblige cette partie à paroître 
lorfqu’on preffie le corps, & fur-tout près de la tête. 

La Figure y montre le ver île la figure 1 groffi au mi¬ 
crofcope. c, fon crochet qui fcmble fimple, quoique les 
figures précédentes nous ayent appris qu’il efl double, i, 
un des yeux, r, r, e , e, quatre corps bruns chagrinés & faits 

G iij 


54 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 

en forme de rein, qu’on apperçoit dans l’intérieur defin- 
feéle. n, fa nageoire. q,q, deux filets qui forment une queue 
fourchue. 

La Figure 8 repréfente dans fa grandeur naturelle, la 
nymphe du ver de la figure i, & la même nymphe elt con- 
fidérablement groftie dans la figure 9 .c, c, deux efpéces de 
cornes qui font probablement les organes de la refpiration. 
i, les jambes, n, tt, les deux nageoires, dont chacune lemble 
être double, parce qu’elle eft comme divifée en deux par 
une efpéce de côte. 

Dans la Figure 1 o, la partie poftérieure de la nymphe 
eft groftie au microfcope. nctf nctf les deux nageoires. 
n c, le bord extérieur, f le bord intérieur, t, côte ou princi¬ 
pal vai fléau, qui jette diverfes branches. La partie Je, n’eft 
pas bordée comme l’eft le refte, & c’eft ce qui aide à tromper 
fur le nombre des nageoires. 

La Figure 1 1 eft celle d’une des cornes c, figure 9, vue 
au microfcope; alors elle paroît chagrinée avec art. 

Les Figures 12, 1 3 & 14 reprélentent la tipule dans 
laquelle fe transforme la nymphe de la figure 8. 

La Figure 1 5 montre le bout poftérieur du corps d’uiie 
des tipules précédentes, d’une tipule mâle, grofti au mi¬ 
crofcope. c, c, deux tiges, de chacune defquelles part une 
efpéce d’épine écailleulè. Quand le mâle ne fait point ufage 
de ces épines, elles fe croifent en X, comme on le voit ici. 

La Figure 16 eft celle d’une nichée d’œufs de tipules 
aquatiques de grandeur naturelle. 

Dan s la Figure 17, un des œufs de la nichée précédente, 
eft grofti au microfcope. 

La Figure 18 montre la nichée d’œufs de la figure 17, 
telle que le microfcope la fait voir. 



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V 






des Insectes.//. Mem. 5 5 

SECOND MEMOIRE. 
HISTOIRE 


DES MOUCHES DE SJMARC; 


Et quelques Suppléments au neuvième & au douzième 
Mémoire du quatrième Volume. 

N O u s confervons aux mouches *, dont nous voulons * Pî. 7 %. 

parler dans ce Mémoire, le nom qu’elles portent en 7 > 8 > 9 & 
quelques Provinces du Royaume, en Poitou & en Tou¬ 
raine, où on les a traitées avec une diftinéîion dont elles 
ne font pas trop dignes; car par elles-mêmes, elles n’ont 
rien de plus propre à fe faire remarquer, qu’un très-grand 
nombre d’eipéces de mouches auxquelles on 11e s’eft pas 
avifé d’impofer un nom. Mais elles paroiffent des pre¬ 
mières au Printemps; d’ailleurs, il efl probable qu’il y a 
eu quelqu’année où vers la Fête de Saint Marc, vers la 
mi-Avril, ou un peu plus tard, elles ont paru en prodi- 
gieufe quantité ; & qu’elles ont caufé quelque mal, ou que 
quelque mal du moins leur a été attribué dans cette même 
année. Les payfans qui fe croient les mieux inftruits, préten¬ 
dent qu’elles étoient autrefois armées comme les guefpes, 
d’un aiguillon que Saint Marc leur a fait perdre. 

En certaines années j’ai entendu aceufer ces mouches 
par ceux qui cultivent avec le plus de foin les arbres frui¬ 
tiers, d’y avoir fait du tort, d’en avoir rongé les bouts des 
boutons, & d’avoir fait périr les fleurs. Il eft vrai auffi 
qu’on les voit fouvent fur les fleurs & fur les bourgeons 
des arbres. Ce font des mouches de grandeur médiocre*, * Fig. 7*9» 


5 6 Mémoires pour l’Histoire 

bien plus petites que les greffes mouches bleues ; elles 
font de la fécondé clafle générale de celle des mouches 

* PI.7. %. qui ont une bouche * fans dents; mais elles peuvent avec 

leur bouche exprimer du fuc des bourgeons & des fleurs 
qui ne font pas épanouies, & peut-être y occafionner un 
deffechcment qui les fait périr. 

Leur bouche, comme celle des tipules, eff au bout de 
la tête, & fa fente fe trouve de même entre deux levres 
latérales faites en efpéce de coquilles, & qui couvrent 
d’autres levres plus charnues; en un mot, la ffruélure de 
leur bouche reffemble beaucoup à celle de la bouche des 
tipules, < 5 c elle eff de même recouverte en certains temps 
par deux barbillons, chacun defquels eff attaché à un de. 
lès côtés; ils font moins longs proportionnellement que 
ceux des tipules. 

* Fig. 11 & Les antennes * de ces mouches font peu longues, 8c 
2 ‘ a> a ' n’ont d’ailleurs rien de fingulier ; elles l'ont à grains. 

* Fig. 11. Mais il eff à remarquer que le mâle * a une tête beaucoup 

* Fig. 12. plus greffé que celle de la fémelle *. Les yeux à rezeau 

du mâle, font aufli beaucoup plus gros que ceux de la 
fémelle, & ce font eux qui rendent là fête greffe, par 
rapport à celle de l’autre. Dans plu fleurs elpéces de ces 
mouches, ces yeux font noirs. Quoiqu’ils couvrent prel- 
que tout le defllis de la tête du mâle, qu’ils s’y touchent 

* Fig. 1 j. prefque vers le derrière, là même il y a une petite grappe* 

compofée de trois petits yeux lifles & difpofés triangulaire- 
ment, qui s’élève au-deflus des yeux à rezeau. 

Ces mouches portent ordinairement leurs ailes de ma¬ 
nière qu’une des deux couvre l’autre prefqu’en entier; 
celle-ci ne paraît qu’auprès de l'on origine & à fon extré¬ 
mité. Elles lont aufli longues ou un peu plus longues 
que le corps, aufli le cachent-elles à nos yeux. Quand on 

* Fig. 11. a mis à découvert celui du mâle •*, 011 11e balance pas à 

placer 


des Insectes.//. Mem. 57 
placer cette mouche clans la clafle de celles à corps 
long: l'a forme a quelque chofe de fingulier, en ce que 
l'anneau qui a le plus de diamètre, tient au corcelct, & 
que les autres en ont de moins en moins à mefure qu’ils 
s’approchent du bout pofterieur. D’ailleurs ce mâle paroît 
une mouche affés malfaite, dont le corps raboteux n’a 
pas unegrofTeur proportionnée à celle du corcelet; celui 
de quelques-uns cil extrêmement menu. On héfiteroit 
davantage à placer la femelle* parmi les mouches à corps *PI 
lo’ig, le lien mieux façonné, plus iilfc& diltendu par les 
œufs, tient de la figure d’une olive applatie. Ces mou¬ 
ches volent dalles mauvaife grâce ; quand elles font en 
l’air leur corps femble y être pendant, elles biffent au 
moins pendre leurs jambes qui font alfés longues. 

Je 11’ai encore vu de ces mouches que de deux cou¬ 
leurs. Les unes font noires & d’un très-beau noir, & les 
autres ont le corps & le corcelet rougeâtres; mais j’en ai 
obfcrvé des unes Sc des autres, de grandeurs très-diffé¬ 
rentes, & qui font de différentes clpéccs. Il y en a des 
efpéces auffi petites que les petites efpéccs de tipules & 
que les coufins, & on 11e les diftingue des unes & des 
autres, que quand on examine à la loupe la forme de leur 
corps. 

Des mouches connues même despayfans, communes 
dans nos jardins, & qu’on accule d’y faire des defordres, 
avoient de droit une place dans nos Mémoires, quoique 
d’ailleurs elles ayent peu de fingularités à nous offrir; 
au moins faiioit-il faire fçavoir quelle elf leur origine. 
Elles viennent, comme les tipules, de vers * qui fe * 
tiennent fous terre, qui s’y nourriffent d’une efpéce de 
terreau ou de terre, & qui pourtant s’accommodent 
d’une matière, qui paroît contenir des lues plus ailés à 
extraire. J’ai vû en Octobre de ces vers à milliers, & 
Tome V . H 


** Tom. 4 

Man. IV. 
pag. iSo. 


58 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 

encore petits, clans des bonzes de vache médiocrement 
fraîches, & pendant l’hyver j’ai trouvé des mêmes vers 
fous terre, dans le Bois de Boulogne. Si la laiton où j’ai 
rencontré des bouzes de vache peuplées de vers de ce 
genre, étoit celle où leurs mouches paroi fient, il feroit 
naturel de penfer que des meres avoient fait leurs œufs 
fur ces excréments ; mais dans le mois d’Oétobre, on ne 
voit point les mouches dans lefquelles fe transforment les 
vers dont il s’agit; d’où il fuit qu’ils n’avoient pu naître 
dans des excréments dont un grand animal ne s’étolt 
vuidé que depuis peu de jours; qu’il faut penfer que ces 
vers qui étoient fous terre, ayant l'enti que la matière qui 
avoit été dépofée fur fa furface, & qui l’avoit humectée, 
étoit propre à leur fournir de la nourriture, s’étoient ren¬ 
dus au milieu de cette matière. Quand nous en ferons 
à l’hiftoire des Scarabés, elle nous apprendra qu’il y en 
a quantité d’efpéces qui vont s’établir dans les bouzes de 
vache fraîches. 

Ces vers qui fc doivent transfoi nier dans les mouches 
de Saint-Marc, font de la troihéme clafie, & lorl'que nous 
• avons mis les vers en ordre, nous les avons placés* dans 
le feptiéme genre de cette clafie. Ils ont une tête écail- 
leufe, & font dépourvus de jambes. Ils ont d’ailleurs 
beaucoup de refiemblance avec les chenilles, par la figure 
de leur corps, & ils refiemblent à celles de certaines 
efpéces, parce qu’ils font hérilfés de beaucoup de poils, 
plus gros pourtant Si plus écartés les uns des autres que 
ceux des chenilles bien velues, & tous inclinés vers le 
derrière. 

Ils changent de peau comme les chenilles; j’ignore 
combien ils en changent de fois; mais je fçais que lorl'que 
j’en examinai vers la mi-Mars, que j’avois apportés de 
Poitou à la lin d’Odobre, & que j’avois renfermés dans 


des Insectes. IL Mem. 59 
des poudriers avec la même bouze de vache, clans laquelle 
ils avoient été trouvés, je fçais, dis je, qu’ils me parurent 
différents de ce qu’ils étoient avant l’hyver; non-feule¬ 
ment ils étoient plus grands, ils étoient moins couverts 
de poils, mais de poils plus gros. Ils avoient lur chaque 
anneau une ceinture compolée feulement de huit à dix 
poils très-roidcs. Au refte leur couleur n’eff pas propre à 
leur attirer nos regards, elle elt d’un gris-brun, 6c par¬ 
tout à peu-près de la même nuance. La tête eft noire 6c 
platte. 

De crainte que les vers dont je m’étois fourni, ne fe 
trouvaffent trop à l’étroit, 6c dans une matière trop 
deffechée, vers la mi - Mars je mis les morceaux de 
bouze de vache dans lefquels ils étoient, fur la terre hu¬ 
mide qui rempliffoit une cloche de verre placée dans 
une pohtion contraire à celle où l’on met ordinaire¬ 
ment les cloches. Au bout de deux jours tous étoient 
entrés en terre, il n’en rcfloit aucun dans les morceaux 
de matière où ils avoient vécu jufque-là. Je négligeai 
de remuer la terre dans laquelle ils s’étoient introduits, 
jufqu’au 22 avril, 6c pour peu que j’euffe différé davan¬ 
tage, je n’y euffe trouvé que des dépouilles ; j’y furpris 
plufieurs des mouches dans lefquelles ils s’étoient trans¬ 
formés, prêtes à fortir de terre. Plufieurs autres avoient 
apparemment pris l’effor dès les jours précédents; il n en 
refloit plus que deux cachées fous la forme de nymphe, 
6c depuis plufieurs jours apparemment, il n’y en avoitplus 
qui euffent celle de ver. 

Mais je fuivis mieux une autre année, lesvcrsdu même 
genre, que j’avois trouvés au milieu d’une terre fablon- 
neufe, proche d’un pied de chêne du Bois de Boulogne, 
au commencement de Février. Tous ceux que j’avois 
apportés, fubirent leur première métamorphofe en quatre 


6 o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
jours de temps; depuis le 2 jufqu’au 5 Mars inclufive- 
mem, tous devinrent des nymphes, dont quelques-unes 
fe transformèrent en mouches le 1 5 Avril, & les autres 
les jours fuivans. 

Pour parvenir à paroître nymphes, ces infecflcs fe dé¬ 
font de leur peau de ver, 6c cela comme des chenilles 
de piufieurs efpéces fe défont de la leur en pareil cas. 
Celui qui travaille à fe métamorphofer, oblige la peau des 
premiers anneaux à fe fendre fur la partie fupérieure du 
*PI.7.%.2. corps*. Des parties charnues s’élèvent dans I mitant au- 
deffus de la fente, 6c en s’y élevant contribuent à l’ag- 
grandir. La partie antérieure de la nymphe paroit bientôt 

* Fig. 3 .a. au jour, elle fort par la fente. Le crâne * du ver qui tient 

à la dépouille dont la nymphe veut fe tirer, fe trouve 
alors fous le ventre. La nymphe dégage enfuite les an¬ 
neaux poftérieurs, elle les amené en devant, 6c les gonflant 
6c pouffant en arriére, elle y poufle en même temps la 

* Fig. ^ & dépouille*; elle l’oblige à fe pliffer, 6c peu à peu elle 
3 • d- la conduit jufqu’au bout de fon derrière ou elle eft réduite 

à un petit paquet. 

Le nom de crifalide convient peut être auffi-bien à 
notre infeéle métamorphofé, que celui de nymphe que 
nous venons de lui donner. Les aîles 6c les jambes appli- 
*Fig. 4&6. quées les unes contre les autres du côté du ventre *, dans 
une étendue qui n’a pas la moitié de la longueur du corps, 
n’y font guéres plus ailées à diftinguer qu’elles le font 
dans les crifalides ordinaires. D’aiileurs, ces crilalides ou 
nymphes n’ont rien de particulier dans leur forme, fi ce 
n’eft quelles femblent boffues. Le corcelet de la mouche 

* Fig. 5. e. qui eflgros6c élevé, demandeque l’endroit de la crifalide* 

où il eft placé, foit plus élevé que le refte. 

Au refte, la manière dont fe fait la dernière transfor¬ 
mation, le; manière dont la mouche brife Jfes enveloppes 


des Insectes. IL Mem. 6 1 
& s’en tire, n’a rien qui mérite d’être expliqué; car tout 
ce qui pâlie alors feflêmble parfaitement à ce que les pa¬ 
pillons & d’autres mouches nous ont fait voir dans une 
pareille circonflance. 

Le relie de la vie de ces mouches ne m’a offert aucun 
fait remarquable. Après leur naiffance elles prennent 
l’effor, elles vont volontiers lé pofer fur les plantes. & 
fur-tout fur les arbres fruitiers. Les mâles fe joignent aux 
fémelles, auxquelles ils relient unis des heures entières. 

Pendant l’accouplement le mâle * ne fe tient point fur la * Pi. 7. fig. 
femelle, le corps de l’un & celui de l’autre font fur une 
même ligne, ils femblent n’en faire qu’un. Les ailes delà 
femelle recouvrent une partie de celles du mâle. Ces 
deux mouches ainfi jointes enfemble, rcffemblent à un 
infcéfe qui auroit une tête à chacun de fes bouts. Quel¬ 
quefois la femelle emporte en l’air le mâle qui ne veut 
pas l’abandonner. Souvent auffi on les prend fans les dé¬ 
terminer à fe féparer. Le mâle a au-deffotis de fon der¬ 
rière deux crochets * capables de bien faifir celui de la * Eig. !g. 
femelle,&qui ne font pas vifibles dans les temps ordinaires. c> c ' 

11 introduit la partie propre à féconder les œufs * dans *m. 
une ouverture qui cil du côté du ventre de la femelle* * Fig. 14. û. 
affés près de l’anus. Après que celle-ci a été fécondée, 
elle n’ell pas long-temps fans doute à faire fes œufs 
qu’elle dépole, l'oit dans la terre, foit dans des excréments 
de vache,& peut-être dans ceux de cheval, après quoi 
elle périt. On ne voit guéres de ces mouches que pendant 
trois femaines ou un mois. 

La même raifon qui nous a engagé à parler des mou¬ 
ches de Saint-Marc, nous détermine à dire ici quelque 
chofe d’une efpéce de mouches* beaucoup plus petites. *pj. s.f^.y. 
Elles font extrêmement communes, elles parodient dans 
toutes les Sailons de l’année. Nous avons oublié de les 

El iij 


6 l MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
faire connoître dans le neuvième Mémoire, nous yfup- 
pléerons dans celui-ci; elles ne font que de vrais moi - 
cherons; elles font plus petites que les plus petites tipulcs. 
Lorique leurs ailes font polées fur leur corps, à peine 
font-elles aulfi groffes qu’une grolle tête d'épingle. Avec 
une loupe on s’afîiire pourtant de la clalfe à laquelle elles 
Pl. 8 . fig. appartiennent; on reconnoît * qu’elles lont de la prc- 
& 12 ' miére des clalfcs générales, qu’elles n’ont qu’une trompe 
alfés femblable à celle des mouches bleues de la viande, 
& quelles font de la première des clafTes fubordonnées à 
la clalfe générale, de celle des mouches à corps court. 

Elles aiment i’efpécedc lie de vin qui ehdépofée lur les 
tonneaux d’où on tire le vin avec un robinet; elles aiment 
le marc de raifin qui s’aigrit, & en général elles aiment les 
liqueurs qui ont été fucrées lorfqu’elles viennent à s’aigrir. 
Des pots où il y avoit eu du miel qui s’étoit aigri, parce 
qu’on n’avoit pas daigné le féparer des vers, des nymphes 
de mouches à miel, & de ces mêmes mouches qui avoient 
péri, foit dedans, foit delîus ce miel; des compottes de 
pommes de rambour qu’on avoit aulfi laillé aigrir, m’ont 
fourni des mille milliers des mouches dont je v eux parler. 
ig.8 &i o. Elles avoient crû fous la forme de vers *, dans ces matières 
aigries, & par la fuite elles y avoient paru avec des ailes. 
Quand on découvrait le compottier de verre dans lequel 
elles étoient nées, on voyoit des nuées de ces petites mou¬ 
ches s’envoler. 

Le corps & le corcelct de cette petite mouche font 
jaunâtres. Ses yeux à rezeau font d’un rouge qui n’elt 
pas d’une belle nuance, mais qui fait pourtant qu’on les 
remarque plutôt qu’aucune des autres parties. Les ailes 
qui ordinairement fe croifent fur le corps, ont des cou¬ 
leurs d’iris. Inutilement ai-je cherché à voir les balanciers; 
mais il y a plus d’apparence que leur petitelfe a contribué 


des Insectes.//. Mem . 6 3 

à me les cacher, qu’il n’y en a que la mouche en l'oit 
privée. Les antennes * lont à palette ovale & platte, 
comme celles des mouches à forme d'abeilles. 

Je n’ai pu m’affurer fi elles font vivipares ou ovipares. 
Quoi qu’il en foit, leurs vers * lont blancs & ont deux 
crochets parallèles l’un à l’autre en devant de la tête. En 
un mot ces vers font femblables, mais très en petit, aux 
vers de la viande. Comme ceux-ci auffi, lorfqu’ils lont 
en état de fe transformer, ils fe font une coque de leur 
propre peau * dont ils fe détachent, fans en lortir. Le 
bout antérieur & fupérieur de la coque formée par cette 
peau, efl un peu applati & terminé par deux cornes, * 
qui probablement font analogues à celles des autres co¬ 
ques cornues , 6 c à celles des crilalides cornues. Leur 
couleur efl feuille morte ou marron, elle efl femblable 
à la couleur des coques des mouches de la viande; le 
bout poltérieur de la coque a aulfi deux efpéces de 
cornes. * 

Environ dix à douze jours après que l’infetfle s’cfl 
transformé pour la première fois, il efl en état de pa¬ 
raître avec des ailes; il détache la pièce qui couvrait 
cette partie * de la coque que nous avons dit être ap- 
platie; il fouléve une pièce platte, au bout de laquelle 
les cornes refient ; enfin il fort ailé par cette ouverture. 

Nous donnerons encore ici un Supplément à un autre 
article du neuvième Mémoire du quatrième volume, à 
l’article * où nous avons parlé des vers truffes ; nous avons 
décrit & fait repréfenter une efpéce de ver, qui comme 
nous, efl friande de cette plante foûterraine; mais nous 
n’avons pu faire connoitre la mouche de ce ver, toutes les 
mouches que j’aurais dû avoir de ceux de cette elpéce 
ayant péri ches moi avant que de s’être métamorpho- 
fées pour la dernière fois. Nous avons eu depuis une 


* PF. 8. fig. 
1 1 Si 12.a,a. 

*Fig.8&io. 

*Fig. 9&13. 

* Fig. I l.c,c. 

*F>P‘ 

* Fig. 14. d. 

* Pa S- S7*' 


64 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

* Pi. s.fig. mouche des truffes *, dont nous n avons pas eu le ver, 

* mais feulement la coque, & cette coque difiéroit, je 
crois, de celles que nous avions eues auparavant. Les 
truffes font recherchées par plus d’une, & même par 
plus de deux elpéccs de vers qui fe transforment en des 
mouches à deux ailes : les vers par lefquels elles font 
attaquées en hyver & en automne, ne font peut être pas 
de fefpéce de ceux qui leur en veulent en été. M. le 
Marquis de Gouvernet qui penfe que malgré une très- 
grande naiffance, que quoique poffeffeur de terres très- 
confidérahies, on peut vivre fans être dévoré par l’ambi¬ 
tion , qu’on peut mener une vie douce & tranquille, celle 
d’un Philofophe, admirer les productions de la Nature, 
la forcer à étaler fes plus rares beautés dans les jardins 
qu’on prend foi-même plaifir à cultiver; M. le Marquis 
de Gouvernet, dis-je, me fit l’amitié de m’envoyer quel¬ 
ques truffes qui lui étoient arrivées du Dauphiné vers le 
commencement de Juillet, parce qu’il y avoit remarqué 
des coques de vers. Au bout de douze à quinze jours, il 
iortit de chacune des coques qui étoient bien condi- 

* Fig. 1 & 2. données, une mouche* qui a quelque reffemblance 

avec celle qui dépofe fes œufs fur des excréments hu¬ 
mains; fon corps comme le corps de celle-cy cft con- 

* Fig. 2. tourné en deffous*, mais il cft moins velu. Cette mou¬ 

che de la truffe a cependant des poils longs , gros 
& roides, femés fur le corps, le corcelet & la tête. La 
couleur du corcelet & celle du corps, eft un rougeâtre 
pointillé de brun. Ses antennes font à palette platte 6e 

* Fig. 3. ovale*, & par là cette mouche fè trouve d’un genre 

différent de celui de la mouche à laquelle nous venons 
dédire quelle rcffemble. Elle cft, au refte, de la première 
çlaffe générale des mouches à deux ailes ; clie a une 
trompe charnue, & elle n’a point de dents. 


Je 


des Insectes. II. Mem. 6 5 

Je fuis incertain de la forme de la coque d’où cette 
mouche fort , & qu’elle sert faite loriqu étant prête à 
paffer de l’état de ver à celui de nymphe , elle s’clt déta¬ 
chée de la peau du ver ; mon incertitude vient de ce 
que les mêmes truffes me firent voir trois eipéces de 
coques différentes. J’en trouvai de femblables à celles 
des vers de la viande, mais plus petites que celles de 
ces vers qui fe transforment en groffes mouches bleues. 
J’y trouvai d’autres coques, mais très-petites *, qui 
avoient deux cornes * placées comme le lont celles des 
coques des vers à queue de rat: le bout de chacune de 
ces coques avoit line forte de courte queue *; ainfi le 
ver qui fe fait cette coque femble devoir être du genre 
de ceux à queue de rat. Je trouvai dans les mêmes 
truffes une troifiéme efpéce de coque * qui n’avoit point 
de cornes à fa partie antérieure, & qui avoit comme 
deux mammelons, deux cornes très-courtes à fon bout 
poftérieur *. Ces trois efpéces de coques prouvent au 
moins, qu’au printemps & en été il y a trois differentes 
efpéces de vers qui aiment les truffes, & qui fe tranf 
forment en trois efpéces différentes de mouches à deux 
ailes. Quand je voulus examiner les coques d’où étoient 
forties des mouches, telles que celle qui eff repréfentée 
fig. 1 & 2, il s’en préfenta de vuides des trois eipéces, & 
qui i’étoiertt apparemment lorlque je les renfermai dans 
le poudrier, & celles qui étoient pleines ne contenoient 
que des mouches mortes & défigurées. 

Je profite de l’efpace qui reffe à remplir dans la hui¬ 
tième planche, pour faire paroître une mouche à deux 
ailes & à corps long *, qu’on trouve fur les charmilles 
dès quelles commencent à être couvertes de feuilles. 
Les deffeins que nous avons fait faire en grand, de la 
tête de cette mouche, montrent que la trompe qui en 
Tome V. . I 


* PI. 8. 

* Fig. j. c, c. 

*q. 

* Figure 6. 

* < 1 > < 7 - 


* Fig. ! j. 


g 6. 


‘ 5 - I 7 

t, e, e, i. 

* t, 


66 Mémoires pour l’Histoire 

part, elt autrement conftruite que les différentes efpéces 
de trompes de mouches à deux ailes dont nous avons 
parlé dans le tome iv. La trompe de celle-cy efl ordi- 
*PI- 8 . fig. nairement logée dans un long étui*, qui, tout du long 
& en delfus, a une couliffe qui la reçoit, & qui lui per¬ 
met de l'ortir. Quand cette trompe eflhors de fon étui, 
& développée, on voit qu’elle efl compofée de quatre 
Fl ’g; I 7 - pièces *, toutes d’une forte de corne, dont une * efl 
plus longue & plus forte que les autres ; de deux plus 
* e , e. courtes & très-fines *; & d’une quatrième * un peu plus 
* i. groffe & un peu plus longue que les deux précédentes, 
mais plus mince de plus courte que la première. 

La figure 8 nous donne auffi le développement d’une 
trompe dont nous ne connoiffions pa$ allés la compofi- 
tion, lorfque nous l’avons fait graver dans le quatrième 

* Tom. 4 . tome*. Nous nous fournies contentés alors de faire voir 
pl 8 -fig 1 '> que fon bout * efl fiait en bec d’oilèau *; mais nous ferons 
jy. J remarquer aéfucllement qu’en deffus, depuis l’origine de 

*t. cette trompe jufque par delà le tiers de près de la moitié 

* Pi. 8. fig. de fa longueur, il y a une couliffe*; que dans cette cou- 

18> lilfe font logées trois parties, dont une * plus confidérable 

s ' que les deux autres, peut être regardée comme une cfpéce 
de langue, de fueçoir femblable au fueçoir de la trompe 
* Tom. j.pl. de ces pucerons * qui font fi bien diltingués des autres 
zS-fig- p ar j a grandeur démelurée de la leur. Les deux parties 
*/, f plus courtes & plus déliées * qui accompagnent le grand 
fueçoir, font elles-mêmes apparemment des fueçoirs plus 
foibles qui aident au premier. 

Le fupplément que je dois au douzième Mémoire du 
quatrième volume, a pour objet une matière qui peut 
paroître plus intéreffante que celles des fuppléments que 
nous venons de donner à d’autres Mémoires de ce même 
volume. Lorfque nous avons traité des mouches à deux 


des Insectes. //. Merm 6 y 

ailes qui ont la forme de bourdons, nous avons fait remar¬ 
quer les endroits finguliersqu a choifi celui à qui font dues 
tant de merveilleules productions, pour faire croître les 
différentes eipéces de vers qui fe transforment en diffé¬ 
rentes efpéces de ces mouches ; nous avons admiré les 
mouches qui vont percer la peau de nos grandes bêtes 
à cornes , & celle des cerfs, pour femer leurs œufs dans 
les chairs de ces animaux ; nous avons vû que de chaque 
œuf il fort un ver *, qui fait élever une tumeur * dans * Tcm. 4. 
la cavité de laquelle il croît, & du fond de laquelle il rj- 17 -fè - 1 
fçaitfe conferver une communication avec l’air extérieur. * p[ 6 
Ces tumeurs paroiffent quelquefois en grand nombre fur 
le corps d’un même cerf, auffi font elles connues des 
Chaffeurs. Ils les fçavcnt habitées par des vers qu’ils 
appellent taons. La chiite du bois du cerf efl un phéno¬ 
mène d’hifloire naturelle très-fingulier, dont les Chaffeurs 
ont voulu rendre raifon. Quelques-uns penfent quelle 
efl l’ouvrage des vers qui lont logés dans les tumeurs 
charnues ; ils prétendent que dans un temps qui précédé 
de peu celui de la chute qu’ils veulent expliquer, ces 
taons s’acheminent vers le bois, qu’ils parviennent à fa 
bafe ou meule, & qu’ils rongent fucceffivement le merrein 
ou la perche de chaque corne, à l’endroit où la perche 
fort de la meule ; que le bois qu’ils ont comme fcié par 
le pied, efl obligé de tomber. 

.J’ai fuffifàmment prouvé qu’heureufement pour les 
cerfs, ces vers ne fçavent pas faire un pareil voyage; gros 
comme ils le deviennent, s’il falloit que ceux qui ont crû 
dans des tumeurs placées fur le dos, fur les côtes, lur les 
cuiffes & dans d’autres endroits éloignés de la tête, fe 
rendiffent en marchant & toujours à couvert, près de 
l’origine du bois, ils auroient à faire de cruelles diffeclions 
dans les chairs pour s’ouvrir des chemins d’une largeur 


68 Mémoires pour l’Histoire 

fuffiiante & fort longs ; les chairs du cerf feroient toutes 
déchiquetées. Le Mémoire que nous venons de citer, 
a appris que chaque ver fe tient dans la cavité de la tu¬ 
meur qu’il a fait élever, jufqu’à ce qu'il ait pris tout ion 
accroiflement ; qu alors il aggrandit l’ouverture qui lui 
donnoit une communication avec l’air extérieur; il en 
fait une porte ailes grande pour lui permettre de fortir. 
Si par laquelle il iort ; que le feul voyage qu’il ait à faire, 
eft de fe laiffer tomber doucement à terre, où il fe traîne 
enfuite en avant jufqu’à ce qu’il ait trouvé à fe cachera 
fon gré fous quelque motte de terre, ou fous quelque 
pierre. Ileft donc certain^ très-certain, que ces vers ne 
contribuent aucunement à la chute du bois du cerf. 

Mais ils ne font pas les feuls vers qui doivent être 
nourris par les cerfs, jufqu’au temps de leur transforma¬ 
tion. il y a une faifon où aifés iouvent l’on en trouve 
à chaque cerf beaucoup d’autres réunis enièmble. Les 
Chaifeurs ont été apparemment les premiers qui ayent 
obfervé ce fait, & ils ont eu fouvent occafion de le revoir. 
Quelques-uns d’eux croyent que les derniers vers font 
ceux des tumeurs, qui font arrivés à un rendez-vous com¬ 
mun. Mais au moins prefque tous les Chaifeurs veulent 
que ce foient ces derniers vers qui rongent le bois du 
cerf, jufqu’à ce qu’ils foient parvenus à le faire tomber. 
E'tant réunis dans un même lieu, ils peuvent partir tous 
à la fois pour aller de concert fe mettre à l’ouvrage, & 
ils ne font pas éloignés de l’endroit où on les veut faire 
travailler; car ceux mêmes qui ont mis au plus loin l’en¬ 
droit où on les trouve, difent qu’ils fe tiennent dans le 
col. Le chemin du col au-deffus de la tête n’eft rien 
en comparaifon de celui qu’on fait faire aux vers des 
tumeurs. Enfin le temps où l’on trouve ces verseflà peu- 
près celui de la chûte du bois du cerf 


des Insectes. IL Mem. 69 

C’elt auffii apparemment fur ces raifons ou plutôt fur 
l’authorité des Chaffieurs, que les Auteurs modernes qui 
ont traitéde lachaffiedu cerf, attribuent à ces vers la chute 
du bois; làns le donner la peine de les confulter, on n’a 
qu’à lire l’article du cerf dans le Dictionnaire de Trévoux, 
& l’on verra que l’on y rapporte comme un fait certain que 
le bois de cerf ne tombe que parce qu’il eft fcié par ces 
derniers vers. Le chemin du col à la tête ne laifferoit pour¬ 
tant pas encore de leur être difficile à faire, & on ne voit 
pas à quelle fin ils entreprendroient d’abbattre le bois, & 
y parviendraient. 

Mais ce n’eft pas affiés pour nier que des chofes fe 
faffient dans la nature, que de ne pas connoître le motif 
pour lequel elles peuvent être faites. S A. S. M. r le Prince 
deConty.à qui les progrès des Iciencesfont chers, a voulu 
que je puffie avoir des raifons plus fortes pour détruire un 
fentiment très-généralement reçû & très-enraciné. Elle 
eut la bonté de me faire dire le q. Mars quelle partoit 
pour la chaffie dans l’intention de m’envoyer la tête & 
tout le col du cerf qui ferait pris. M. r le Prince de Conty 
11e manqua pas de faire couper le col par-delà la dernière 
vertebre à celui qui fut la malheureufe vidlime de cette 
chaffie, & de faire enlever toute la peau ou nappe, &de 
la laiffier attachée au col. S. A. S. fçavoit que cette peau 
pouvait me fournir des obfervations. Enfin elle eut juf- 
qu’à l’attention de m’envoyer le tout fur le champ. Les 
chairs du col ctoient encore chaudes lorfque je me mis 
à les diffiequer. Ce fut inutilement que je cherchai des 
vers entre les mufcles ou dans les mufcles qu elles coni- 
pofoient. On m’avoit mal indiqué l’endroit où je lesdevois 
chercher; je me retournai d’un autre côté, je forçai la 
mâchoire inférieure pour découvrir jufqu au fond de la 
bouche ; mais je n’y apperçûs point de vers : je ne les 


yo MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

cherchois pas encore où on peut les trouver. Le véritable 
endroit où il les faut chercher, efl pourtant peu éloigné 
de la racine de la langue ; mais il eft caché quand on le con¬ 
tente de regarder en dedans de la bouche. Pour appren¬ 
dre à mettre cet endroit à découvert , & à le trouver dans le 
moment, nous devons dire que le palais du cerf lé détache 
de lui-même de la voûte ofïeufe, un peu par-delà la der¬ 
nière des dents, pour aller fe joindre à la langue. Qu’on 
.9.%. coupe tranfverfalement cette portion du palais * près de 
q ' l’endroit où elle commence à s’éloigner de la voûte offeu- 
fe, & qu’on rejette fur la langue * la partie qui a été 
feparée du relie; alors on met en vue une cavité que cette 
partie cachoit, & quelle fermoit d’un côté ; celle par où 
paffe l’air, qui par les narines & les deux conduits du nez 
fe rend au pharinx : fi on regarde le palais, on remar- 
e > l - que la fin de la cloifon olfeulè * qui forme les deux con- 
c » c • duits du nez *. L’ouverture de chaque conduit, ce qu’il 
eft bon de fçavoir pour la fuite, avoit un diamètre tel 
qu’un de mes doigts entroit dedans fans y être gêné. Si 
on tourne enfuite les regards vers la racine de la langue, 

* *. on apperçoit l’ouverture * par laquelle palfe l’air que la 

trachée artere porte clans les poulinons. C’elt près de cette 
dernière ouverture, c’eft-à-dire, c’elt près du pharinx, & * 
par conféquent de la racine de la langue, que le tiennent 
les vers dont nous parlons. Je ne tardai pas à en voir dès 
q q • que j’eus coupé & abbaifle la portion du palais * dont je 
viens de parler. Trois à quatre qui étoient en marche, fe 
préfentérent les premiers, & me conduisirent à en trouver 
beaucoup d’autres. Je vis de chaque côté une fente oblon- 
pp. gue *, qui imitoit affés celle d’un œil, dont la paupière 
elt plus d’à moitié, ou prefqu’entiérement abbailfée; un 

♦ u. ver * qui fortoit d’une de ces fentes, la tenoit plus ou¬ 

verte que n’étoit l’autre. Quand après en avoir retiré le 


des Insectes. II. Mem. 71 
ver, j’y introduifis le doigt, je reconnus quelle étoit 
l’entrée d’une cavité remplie de vers qui y étoient amon¬ 
celles , que les vers étoient logés dans une elpéce de bourlè 
de chair. Avant que d’en avoir fait fôrtirles vers, je dé» 
gageai par dehors, c’efl-à-dire du côté de la trachée artere, 
chacune de ces bourfes, des parties qui la pouvoient cou¬ 
vrir Leur grofieur& leur figure me parurent celles d’un 
ceuf ordinaire de poule. M. Winllow à qui je les fis voir 
dans la fuite, les trouva placées à peu-près comme les 
amygdales dans l’homme. 

Ce (ont au refie de vrayes bourfes charnues ; quand 
je les eus vuidées l’une& l’autre des vers dont elles étoient 
remplies, je vis qu’on pouvoit, quand on le vouloit, rendre 
leur ouverture circulaire, qu elle laifioit paffer ailément 
le plus gros doigt ; que lorfque la bourlé étoit vuide.elle 
avoit des plis, qui, comme ceux des bourfes ordinaires, 
étoient dirigés de l’ouverture vers le fond. Enfin je recon¬ 
nus que l’on pouvoit retourner ces efpéces de boudes, 
c’efi-à-dire, en ramener le fond en tlelfus des bords de 
l’ouverture. Le reflbrt des bords, ou une elpéce de 
fphinéter peut être, tend à la rétrécir, à la rendre plus 
longue que large. Malgré la largeur qui lui peut refier, 
elle ne paroît qu’une fente, parce que la partie char¬ 
nue * qui eft d’un côté, fait 1 office de paupière pour la * P/. 9.%. 
couvrir. l ’PP- 

Les vers que je trouvai dans ces bourfes, étoient de 
grandeurs fort différentes, & par conféquent de différents 
âges. Pendant que plufieurs avoient à peine la groffeur 
d’une petite ficelle, quelques-uns * ne le cedoient en * Fig. 2. 
aucune de leurs dimenfions, à ceux des vers du nez des 
moutons dont nous avons parlé ailleurs *. Ils leur refiem- * Tome 4. 
Noient auffi par la forme; ils étoient, comme ceux-ci,de ^ an ' X11 ' 
la clalfe des vers à tête de figure variable, & dépourvûs 


72 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
de jambes. J’en tirai 6q. à 65 des bourbes; mais pendant 
que je les ramaffois, il y en avoit qui fe difperfoient; j’en 
perdis beaucoup des plus petits, je crois que li je les 
euffe pris tous, j’en eu lie en plus de cent. Les petits ne 
différent des plus gros qu’en grandeur. Ils font blancs, 
leur blancheur eft feulement altérée par un grand nombre 
de courtes épines rouffeâtres, dont la moitié antérieure 

* PI- 9- %-3- de chaque anneau eft hériffée *. En deffous, mais au 

* Fig. 4.. c, c. bout de la tête, chaque ver a deux crochets noirs * plus 

courbes que ceux des vers du nez des moutons, qui font 
enfemble un angle, tantôt plus, tantôt moins ouvert, & 
qui ne font jamais parallèles l’un à l’autre. Le ver s’en 
fert pour marcher; c’eft fur ces crochets bien crampon¬ 
nés qu’il fè tire en avant. Les pointes qui les terminent 
l’un & l’autre, font roides quoique très fines, & elles le 
font à un tel point, que les vers qui les enfonçoient dans 
ma main pour marcher, me faifoient des picquûres affés 
douloureufes. Ils peuvent faire louftrirle cerf, lorfqu’ils fe 
tirent fur fes chairs, pour peu qu’elles foient fenfibles. Lorf- 
que j’en voulois détacher de ceux qui s’y étoient crampon¬ 
nés, j’éprouvois quelquefois une réfiftance qui me faifoit 
craindre de les crever fi je m’obftinois à les avoir de force. 
Quand je les arrachois, il falloit arracher le morceau de 
chair dans lequel les crochets étoient engagés, ou le dé¬ 
chirer. Leur bouche eft entre les deux crochets près de 
leur origine; ce n’eft qu’en preffant fortement le corps 
qu’on parvient à la découvrir, qu’on apperçoit une fente 
qui eft entre deux efpéces de lèvres ou deux parties char¬ 
nues, dont la fupérieure faille plus que l’inférieure. Deux 

* Fîg. 2 & cornes courtes *, deux efpéces de mammelons charnus 

nu font placés fur la tête immédiatement au-deffus des cro¬ 
chets. L’anneau d’où la tête fort, eft allés large; près de 
fa jondion avec l’anneau qui le fuit, il a de chaque côté, 

& en 


des Insectes. IL Mem. 73 

Sc en deffus une petite éminence longuette Je couleur 
feuille-morte *. On reconnoît ces deux éminences pour 
les deux fligmates antérieurs, dès qu’on les examine avec 
la loupe. 

Les deux fligmates poftérieurs * font bien plus aifés à 
voir; chacun d’eux eft une plaque brune, dont la figure 
eft moyenne entre celle d’un croiffant & celle d’un rein 
applati. C’eft apparemment dans l’échancrure de chacun 
de ces derniers fligmates, qu’eft l’ouverture qui donne 
paftage à l’air. Pour prendre une jufte idée de leur pofi- 
tion. Sc du moyen que la nature a employé pour qu’ils 
ne fufTent pas expofés à être inondés en beaucoup 
d’occafions, il faut fçavoir que le corps fe termine par 
un appendice charnu *, dans le bout duquel efl l’anus 
environné de plufieurs épines courtes & déliées. Cet 
appendice a peu d’épaiffeur. Le dernier anneau eft ter¬ 
miné en certains temps par un plan, qui, comme une 
efpéce de mur s’élève au-deffus de l’origine de l’ap¬ 
pendice, Sc par un plan qui a de hauteur plus des deux 
tiers du diamètre de l’anneau. C’eft dans ce plan, dans 
ce bout du dernier anneau que font les deux fligmates * 
en croiffant. Mais ce plan que nous venons de confiderer 
comme perpendiculaire à la longueur du ver, peut s’in¬ 
cliner plus ou moins *, Sc quand il en eft befoin , s’ab- 
baiffer jufqu’à s’appliquer fur l’appendice charnu où eft 
l’anus; alors les fligmates fe trouvent renfermés dans une 
cfpéce de boîte. C’efl par les parties que nous venons 
de décrire, Sc par la figure Sc la difpofition des crochets 
de la tête que ces vers différent principalement de ceux 
du nez des moutons. 

Us différent bien davantage de ceux * qui croiffent fur 
le corps des bêtes à cornes, &: fur celui du cerf même, 
dans des tumeurs charnues. Outre que ceux des tumeurs 
Tome V. . K 


+ PI. 9 . fig. 
z. S, S. 

* Fig. 5 • r, r. 


* Fig. 5 . a. 

* r ) r. 

* Fig. 2. h. 

* Terne 4. 

pt-37-fê- r 
<L7 2. 


74 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
deviennent plus gros, c’eft qu’ils ne lont point munis de 
crochets femblables à ceux des autres. Au lieu de faire 
aller les vers des tumeurs dans la gorge, ou près de la 
gorge du cerf, comme le font plufieurs Chaffeurs, il 
eut été moins déraifonnable de fuppofer que ceux qui fe 
trouvent réunis dans les bourfes charnues, le difperlènt 
par la fuite fur le corps pour achever d’y prendre leur 
accroiffement, puifqu’entre ceux qui lont dans les boudes 
il y en a d’extrêmement petits. Mais cette idée comme 
l’autre, fèroit pourtant détruite par les obfervations que 
nous avons données fur les vers des tumeurs. 

De quelque part que viennent les vers qui fe trouvent 
près de la racine de la langue du cerf, la phyfique des 
Chaffeurs, qui ici n’eft pas une bonne phyhque, veut 
abfolument que ce foient eux qui faffent tomber le bois 
du cerf. Ils ne fe font pas embarraffés de nous dire le 
chemin que prennent ces vers; fans nous expliquer fi c’efl 
à couvert qu’ils arrivent où ils doivent travailler après 
s’être fait jour au travers des chairs & des os ; ou s’ils 
ne font point de façon de s’expofer au grand jour, s’ils 
fe traînent hardiment fur la tête du cerf; fans, dis-je, 
s’être embarraffés de nous expliquer la marche de ces 
vers, ils les mettent tous en œuvre: ils ne fe font pas 
non plus donné la peine d’examiner s’ils étoient pourvus 
d’inftrumens propres à l’ouvrage qu’ils vouloient leur faire 
* PI. 9.%. faire. Les deux crochets écailleux * dont ces vers font 
munis, font de très-bons inflruments, foit pour les aider 
à marcher, foit pour les tenir cramponnés contre les 
chairs du cerf; mais c’en feroient de fort mauvais pour 
abbattre fon bois plus dur qu’ils ne le font eux-mêmes. 
Je pardonnerois d’avoir imaginé que ces vers y peuvent 
réuffir, s’ils avoient des feies faites fur le modèle de celles 
que nous verrons à quelques mouches. Mais comment 


des Insecte s. II. Aient. 75 
a-t’on pu croire qu’avec des crochets qui ne fçauroient 
agir qu’en piochant, des vers puffent venir à bout de 
couper des corps aulfi durs & auffi gros que le font les 
perches de certains bois de cerfs î Ces crochets eulfent- 
ils une dureté fupérieure à celle de la matière qu’ils doi¬ 
vent creufer, combien faudroit-il de vers employés à un 
pareil travail, & pendant combien de temps pour l’amener 
à fi fin ! On a imaginé que cela fe faifoit, fans examiner 
comment cela pouvoit être fait, fans faire attention que 
les vers ne s’aviferoient pas d’agir contre le bois du cerf, 
précifement pour rendre de bons ou de mauvais offices à 
l’animal qui le porte, que ce feroit pour eux mêmes qu’ils 
l’attaqueroient s’ils en avoientbefoin pour fe nourrir; mais 
il eft contre toute vraifembiance, que des vers qui n’ont 
vécu que des mucofitésque les parties charnues qu’ils ont 
habitées, pouvoient leur fournir, ayent befoin enfiiitede 
fe nourrir de corne de cerf. 

Celui auquel je trouvai tant de vers, eût fiiffi pour 
defabufer le Chaffeur le plus obftiné qui fe feroit prêté 
à faire les remarques & les réflexions auxquelles ce cerf 
donnoit lieu. Une des moitiés de fon bois étoit déjà 
tombée, iorfque M. r le Prince de Conty le prit, & S. A. S. 
l’en jugea plus propre à me fournir des oblèrvations déci- 
fives. La moitié du bois, la perche qui étoit reliée en 
place, quoiqu’elle parût bien jointe à làbafe, en fut déta¬ 
chée par des efforts alfés médiocres. A quoi s’étoient donc 
amufés les vers dont les bourfes étoient remplies! Ltoit- 
ce le temps où ils dévoient y être tranquilles! N’étoit-ce pas 
celui où tous auroient dû en être dehors! le temps où, 
après avoir déjà ahbattu une des perches, ils auroient dû 
s’être raffemblés autour de l’autre! Mais nous avons déjà 
vû que cette dernière étoit prête à tomber, quoiqu’ils ne 
lui euffent donné aucune atteinte. La nature ne s’en eff pas 

Kij 


y6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
repoféefur eux pour faire tomber ces grands branchages. 
Une partie de la peau prolongée qui s’avance fous ie mer- 
rein qui doit être détaché , qui y forme un bourlet qui fe 
gonfle déplus en plus; cette partie delà peau, dis-je, elt 
un meilleur agent, & fèmblable en quelque forte à celui 
qui chafle une dent defon alvéole. Enfin, autour dubois 
tombé 6 c de celui qui étoit prêt à tomber, on ne pouvoit 
oblèrvcr aucun ver, ni aucune de leurs traces, rien de 
déchiqueté, aucune fciûre; la partie qui avoit été féparée 
dubois tombé, étoit couverte d’une membrane bien l'aine, 
qui n’avoit été nullement piochée par les crochets des 
vers. 

Le bois du cerf tombe donc lans que des vers ayent 
travaillé à le faire tomber. Mais je na’apperçois que je 
paroîtrai m’être trop arrêté à le prouver, m’être trop 
arrêté à combattre un fentiment fi éloigné de lavraifem- 
blance & de la vérité ; on me le pardonneroit fi on fça- 
voit aufli bien que je le fçais, combien de gens, 6 c de 
gens qui méritent Je plus d’être détrompés, font encore 
dans cette idée. Je crains de n’en avoir pas encore afles 
dit pour leur en montrer tout le faux, pendant que je 
crains que les Phyficiens ne me reprochent d’avoir com¬ 
battu trop férieufement une telle opinion. 

Les vrais Phyficiens aimeront bien mieux m’entendre 
parler avec admiration des deux bourfes charnues qui l'ont 
* pi. placées auprès du pharinx *. Nous ne lçavons pas de quel 
i.pbb,pbt. u f a ge elles font à ce grand animal, mais elles lont eflen- 
tielles aux vers qui croiflent dedans. Si elles ne font pas 
faites pour eux feuls, fi elles fervent au cerf, au moins 
celui qui les a faites, 6 c qui a fait les vers qui fe nourriflent 
dans leur cavité, fçavoit quelles étoient néceflaires à ces 
vers, il leur a appris à s’y tenir. Il y a mis tout ce qu’il 
falloit pour qu’ils y fuflent bien. Mais comment ces vers 


des Insectes. IL Mem. 77 
fc trouvent-ils logés dans ces deux bourles charnues! Ce 
11e doit plus être un myltére pour nous, dès que leur 
conformation apprend que chacun d’eux doit le trans¬ 
former dans une mouche à deux ailes. Car fi nous nous 
rappelions la hardielfe de la mouche qui va pondre dans 
l’anus du cheval, & fur-tout la hardielfe de celle qui va 
dépofer fes œufs dans le nez du mouton, nous ne lerons 
pas étonnés qu’une mouche aulfi courageufe & aulfi pleine 
de prévoyance & de foins pour les vers qu’elle doit mettre 
au jour, entre dans les narines du cerf. Fut-elle une des 
plus grolfes mouches, ces narines font des ouvertures alTés 
grandes pour lui permettre de pénétrer dans les deux 
larges conduits du nez; elle peut marcher à l’aife d’un 
bout à l’autre de chacun de ces conduits, qui, où il eft 
le plus étroit, lailferoit palfer un corps plus gros que le 
plus gros doigt. La mouche arrivée au bout du canal 
quelle a enfilé, n’a qu’un pas à Lire pour lé rendre à 
l’une ou à l’autre des bourles charnues: fi elle elt entrée 
dans le nez du cerf, c’eft pour les aller chercher, elle fçait 
donc où elle les doit trouver; elle fçait quelle leur doit 
confier fes œufs ou fes vers, fi elle efi vivipare. 

Ces deux cavités charnues font comme deux efpéces 
de matrices defiinées à faire croître les vers de cette eljaéce 
de mouche; elles ont au moins de commun avec les ma¬ 
trices ordinaires, des’aggrandir peu à peu pour offrir une 
capacité fuffilante aux vers qui y font logés, & qui y 
croilfent. Ce qui me le fait penfer, c’elt encore une 
obfervation que M. r le Prince de Conty m’a mis en état 
de faire. S. A. S. m’envoya le 1 2 Mars la tète & le col 
d’un cerf qui devoit être fort âgé, à en juger par la grof- 
feurde la tête; on ne pouvoit pas en juger par l'on bois, 
car lorfqu’on le prit, il avoit perdu le lien, & ce n’étoit 
que depuis peu de jours. Dans les deux bourles charnues 

K iij 


y$ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
du col de ce grand animal, je ne trouvai en tout qu’une 
douzaine de vers, cinq, je crois dans l’une, & fept dans 
l’autre. Us n’étoient encore que de médiocre grandeur; 
auffi la cavité de chaque bourfe étoit beaucoup plus petite 
que ne rétoit celle de chaque bourfe de ce premier cerf, 
dont les deux enfemble donnoient le logement à près de 
cent vers, ou même à plus, & dont plufieurs étoient plus 
gros que les vers précédents. J’ai comparé le volume de 
chacune de celles-ci à celui d’un œuf ; je mefurai les 
autres, &. je ne leur trouvai que 16 à 17 lignes de pro¬ 
fondeur, & 8 lignes de diamètre à leur ouverture, que 
j’avois forcée de s’arrondir. 

M. r le Prince de Conty avant que de m’envoyer la 
dernière tête, m’avoit encore envoyé celle d’un cerf beau¬ 
coup plus jeune, une tête d’un de ceux qu’on nomme 
des daguets; je ne lui trouvai aucun ver, & à peine aufft 
pus-je lui trouver des bourfes charnues. Les narines & 
le nez des grands cerfs, offrent aux mouches des chemins 
plus commodes que ceux des narines & du nez des jeunes 
cerfs. D’ailleurs les jeunes cerfs ont de plus petites bourfes 
charnues. La mouche, qui fçait prendre fes avantages, 
ne sadreffe donc pas à ceux-ci, ou elle ne le fait que 
dans la nécefhté. Au refte, les différentes grandeurs des 
vers que nous avons trouvés dans les bourfes charnues 
du premier cerf, nous indiquent que ces vers étoient de 
différents âges, &nous en devons conclurre que la mou¬ 
che avoit fait fa ponte en plufieurs jours, ou que plu¬ 
fieurs mouches vont dans différents jours pondre au fond 
de la bouche d’un même cerf. 

Quand les vers ont pris tout leur accroiffement dans 
les bourfes; quand le temps de leur transformation ap¬ 
proche, ils fçavent fans doute enfiler les routes par les¬ 
quelles a paffé la mere qui leur a donné naiffance ; ils 


des Insectes.//. Mem. 79 
font près des ouvertures intérieures du nez, ils s’y rendent; 
ils arrivent aux narines, & ne fe font pas apparemment 
plus d'affaire de tomber à terre que s’en font les vers du 
nez des moutons, & que s’en font les vers qui fortent des 
tumeurs de la peau des bêtes à cornes & de celles des cerfs 
mêmes. Les Piqueurs dilënt qu’ils voyent quelquefois des 
cerfs cracher de ces vers. Ils pourroient bien le méprendre, 
croire que des vers qui fortent du nez, fortent de la bou¬ 
che; mais il peut fe faire auffi que des vaiffeaux rompus 
dans un cerf aux abois, inondent de fàng les vers, &que 
ceux-ci fe déterminent à s’échapper en confufion, que 
quelques-uns prennent alors la route de la bouche, quoi¬ 
que la plus difficile & la moins fûre. 

Au relie, tout ce que je viens de dire n’ell fondé que 
fur l’analogie, car je ne fuis pas même parvenu à avoir 
cette mouche qui a été inltruite à choilir un lieu fi fin- 
gulier pour y aller faire les œufs. Les vers qui par leur 
transformation auroient dû me donner des mouches de 
l'on efpece, n’étoient pas encore à terme lorfque je les 
tirai de leurs logements. Entre ceux que je trouvai au 
premier cerf, il y en avoit pourtant quatre beaucoup 
plus gros que les autres, & qui paroiffoient proche du 
temps où ils fe dévoient métamorphofer. Je les mis fépa- 
rement dans un poudrier rempli à moitié de terre; ils fe 
traînèrent pendant deux à trois jours fur la terre, ils y 
furent dans un mouvement continuel. Au bout de ce 
temps deux des vers devenus bruns s’allongèrent & s’np- 
platirent, je jugeai avec raifon qu’ils étoient péris; mais 
les deux autres, en changeant de couleur, conferverent 
leur figure arrondie. Leur peau devint dure, en un mot 
telle qu’ell celle des vers des tumeurs, & celle des vers 
du nez des moutons, qui ont fubi leur première méta- 
morphofe, qui fe font fait une coque de leur peau. La 


80 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
* PI. 9. fig.6. coque * des vers du cerf reffembloit même à celle des 
vers des tumeurs, en ce qu’elle étoit un peu concave du 
côté du dos, 6c en ce que le côté du ventre avoit pris 
une convexité qu’il n’a pas naturellement. Ces vers du 
cerf fe transformèrent donc: leur peau devint une coque, 
de laquelle je m’attendois à voir fortir une mouche; mais 
après l’avoir attendu inutilement pendant près de trois 
mois, j’ouvris les deux coques, 6c je trouvai que les in¬ 
fectes étoient péris dans l’une & dans l’autre, fans avoir 
pu parvenir à fubir leur dernière métamorphofe : l’aliment 
leur avoit été fouflrait trop tôt. J’ai lieu d’efpérer que 
S. A. S. M. r le Prince de Conty me mettra en état l’année 
prochaine de rendre mes obfervations plus complettes, 
qu’elle voudra bien me procurer encore des têtes de cerfs, 
dont quelqu’une me pourra fournir quelque ver qui fè 
transformera dans une mouche qu’on doit avoir envie de 
connoître, 6c qui eft fûrement de la claffe de celles qui 
n’ont que deux ailes. 

EXPLICATION DES FIGURES 
DU SECOND MEMOIRE. 
Planche VII. 

La Figure 1 repréfente un de ces vers qui deviennent 
des mouches de Saint-Marc, groffi à la loupe ; on le peut 
voir dans fa grandeur naturelle Tome 4. Mem. iv. pl. 
14.. fig. 8. 

La Figure 2 fait voir une nymphe qui a commencé à 
fe tirer de la peau d’un ver fcmblahle à celui de la figure r. 
a, la tête du ver. c, le corcelet de la nymphe qui s’élève 
au-defîus de la peau qui a été fendue. L’endroit où la 

fente 


des Insectes.//. Mem. 81 
fente (e termine, d, la partie de la peau, hors de laquelle 
le corps de la nymphe s’eft déjà tiré. 

Dans la Figure 3 , la nymphe eft prête d’achever de 
fortir de fa dépouille, qui eft pliflee en d. a, la tête du 
ver. e, celle de la nymphe. 

Les Figures 4. & y font celles de la nymphe de 
grandeur naturelle; on en voit le deflbus dans la figure 
4, & on en voit le deftus & le côté dans la figure y. 
Dans cette dernière figure, le corcelet c la fait paroître 
boftue. 

La Figure 6, eft la figure y groiïie à la loupe. 

Les Figures 7 & 8 font celles d’une mouche de 
Saint-Marc fortie d’une des nymphes précédentes. Elle 
eft de grandeur naturelle dans la figure 7, & groftie 
dans la figure 8. La mouche de ces deux figures eft une 
fémelle. 

La Figure 9 fait voir la mouche qui eft le mâle de celle 
de la figure 8 dans fa grandeur naturelle, & ayant les aîies 
fur le corps. 

La Figure 10 nous montre la mouche de la figure 9 
grol'fie, & dont les ailes laiftent le corps à découvert. 

La Figure 1 1 repréfente très en grand la mouche mâle 
des ligures 9 & 10, & vûe par-deftous. a, a, fes antennes. 
b, b, deux barbillons, i, ï, yeux à rezeau, qui font velus, 
& beaucoup plus gros que ceux de la fémelle, aufti la tête 
de celle-ci eft plus petite que celle du mâle. I, /, les ailes 
coupées, m, m, les balanciers, cy, le corps dont les anneaux 
diminuent de diamètre depuis le corcelet jufques en y. 

La Figure 1 z nous fait voir la mouche de Saint-Marc, 
Tome V. . L 


82 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
femelle groifie clans la même proportion qne te mâle l’eft 
dans la figure précédente, & de même par-deftbus. a,a, les 
antennes, b, b, les barbillons. i,i, les yeux à rczeaufente 
de la bouche. I, l, les ailes, m, rn, les maillets ou balan¬ 
ciers. cp, le corps dont les anneaux ont cntr’eux des pro¬ 
portions differentes de celles du corps du mâle, figure i i. 

La Figure i 3 eft celle du bout du derrière du mâle 
extrêmement grofti. c, c, deux crochets qu’on l’oblige 
de montrer lorfqu’on lui prefle le ventre, & avec lefquels 
il faifit la férnelle. m, partie qui caraétérife le mâle. 

La Figure 14 fait voir par-défions le bout du corps 
de la férnelle, très-grofli. En a , eft l’anus; & en u, eft la 
fente deftinée à recevoir la partie propre au mâle. 

La Figure 1 5 montre la tête du mâle groiïie & vue 
par-deftus, & la Figure 16 montre celle de la férnelle 
grofiic proportionnellement, & vue du même côté. Les 
mêmes lettres marquent les parties femblables de l’une 
Si de l’autre, a , a , les antennes, b, b, les barbes qui en 
b font un coude pour revenir en deflous. i, i , les yeux 
à rezeau qui occupent tout le deftus de la tête du mâle, 
& feulement une partie du deflus de celle de la férnelle. 
y les trois yeux liftes. 

Les Figures 17 & 18 représentent des mouches de 
Saint-Marc accouplées. Elles ne font vues qu’en dcftiis 
figure 1 5 , & on les voit en deftus & de côté figure 1 6. 
7 )i , le mâle. Z', la férnelle. 

La Figure 19 eft celle d’une jambe de mouche de 
Saint Marc, très-groftic. Le pied eft terminé en p, par 
des pelottes femblables à celles des mouches de la viande. 
<f., e, deux épines. 


DES I N S E C T E s. IL Mem. 83 
Planche VIII. 

Les Figures 1 & 2 font celles d’une même mouche 
fortie à la fin de Juillet de la coque d’un ver qui avoit 
vécu d’une truffe de l’année; elle eft vûepar-deffus figure 
1, & de côté figure 2. 

La Figure 3 repréfente en grand une antenne de la 
mouche précédente. C’efl une antenne à palette. 

La Figure 4. montre dans fa grandeur naturelle une 
coque de ver que j’ai trouvée dans les mêmes truffes qui 
ont donné la mouche précédente , & cette coque cff 
groffie dans la figure 5. On y voit deux cornes c, c, 
ôi une queue q , propre à faire croire que cette coque 
eft celle d’un ver à queue de rat, & par conféqucnt, qu’il 
y a des vers de ce genre qui mangent les truffes. 

La Figure 6 eft encore celle d’une coque de ver que 
j’ai trouvée dans les mêmes truffés où étoient les coques 
telles que celles de la figure précédente, b, bout antérieur 
de la coque, q, q , deux efpéces de cornes qu’elle avoit 
à fon bout poftérieur. Enfin, j’ai trouvé dans les mêmes 
truffes des coques femblables à celles des vers de la vian¬ 
de; & j’ignore fi c’eft de ces dernières, ou d’une telle 
que celle de cette figure 6, que les mouches des figures 
1 & 2 font forties. 

La Figure 7 fait voir dans fa grandeur naturelle une 
très-petite mouche qui fe multiplie prodigieusement dans 
les liqueurs fucrées qui fe font aigries. 

La Figure 8 eft celle du ver de cette mouche, & 
la figure 9 celle de la coque que ce ver fe fait de fa 
peau. 


84 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

Dans les Figures 10, 1 1 , 12 , 1 3 & 14, les figures 
1, 2 & 3 paroilTent en grand. 

La Figure 10 eft celle du ver de la figure 8. 

Les Figures 1 1 & 1 2 font voir la mouche de la figure 
7, qui a l'es ailes croilees fur le corps dans la figure 1 i,& 
qui les a écartées du corps dans la figure 12. 

La Figure 1 3 cfî celle de la coque que le ver des figures 
7 & 1 o le fait de fà propre peau, c, c, deux cornes qui font 
à la partie antérieure de la coque. p,p, deux autres cornes 
qui font à la partie poftérieure. 

La Figure 14 elt celle de la coque précédente vue de 
côté, & dans le temps où la mouche en eft fortie. d, pièce 
qui a été foiilevée par la mouche, & qui lui a lailfé une 
ouverture qui lui a permis de fe tirer de fa prifon. 

La Figure 1 5 eft celle d’une mouche à corps long qu’on 
trouve au printemps fur les charmilles. 

La Figure 16 repréfente en grand & de côté la partie 
antérieure de la mouche précédente, a, a, les antennes 
femblables à celles des taons de quelques elpéces ; mais 
la ftruéïure de la trompe elt différente de la Itruéture de 
la leur .f, le fourreau de la trompe, t, la trompe. 

La Figure 17 montre la trompe de la figure précédente 
hors de Ion étui, & toutes les parties qui la compofent. 
f l’étui de la trompe, t, e, e, i, les quatre parties dont la 
trompe elt compofiée. 

La Figure 1 8 repréfentc très en grand la trompe d’une 
mouche qui eft gravée planche 8. figures 1 1, .1 2, 1 3 & 14 
du quatrième volume, 6c que j’ai appellée afTés impropre¬ 
ment mouche à tête en trompe. La ftruéturc du bout de 


des Insectes. IL Mem. 8 ; 
cette trompejy eft bien développée figure 14.. Ce bout ell 
fait en bec ; mais le refte de ce qui entre dans la ftruéture de 
cette trompe, n’y eft pas expliqué, & cette figure 18 eft 
faite pour ftippléer à ce qui manque à celles que je viens 
de citer, t, bout de la trompe fait en bec d’oifeau. c, ai¬ 
guillon , langue ou efpéce de fucçoir analogue à celui des 
pucerons à longue trompe *-ff accompagnements du 
fucçoir. g, couliffe dans laquelle fe loge le fucçoir avec 
fes accompagnements. 


* Tom. j>. 
pl.28.fg. $, 
6, îf c. 


Planche IX. 


La Figure 1 reprefente une tête de cerf qui a été pré¬ 
parée, & diipofée pour faire voir les bourfes charnues dans 
lefquelles croiftent les vers auxquels les Chafteurs attri¬ 
buent la chute du bois. ?n, la mâchoire inférieure qui a 
été forcée, g f, la langue, qq, portion du palais, qui a 
été coupée & détachée vers e de la voûte offeufe contre 
laquelle elle étoit appliquée, o o , mâchoire fupérieure. 
le l, partie de l’éminence offeufe qui divife en deux la 
cavité du nez félon fa longueur, c, c } les deux conduits 
qui fe rendent aux narines, x } ouverture qui donne palîàge 
à l’air pour entrer dans la trachée artere. f b p, p bp, les 
fentes des deux bourfes. p p, la partie qui, comme une 
paupière, recouvre l’ouverture de la bourl'e. u, ver qui fort 
d’une des bourfes. 


La Figure 2 eft celle d’un ver tel que celui marqué u, 
figure 1, un peu plus grand que nature, m, m, fes cornes 
charnues polées au-deftbus des crochets qu’on ne voit 
point ici, parce qu’ils font recourbés en deffous./j f, les 
ftigmates antérieurs, a, l’anus, b, portion du dernier anneau 
au-deffous de laquelle font les ftigmates poftérieurs, & 
qui les cache actuellement. 

L iij 


86 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

Dans la Figure 3, on fait voir en grand la portion 
fupérieure d’un anneau pour montrer la pofition, &. la 
direction des épines dont il eh hériiïe. 

La Figure 4 montre la partie antérieure du vergrofile 
à la loupe, c, c, les deux crochets écailleux. m,m, les cornes 
charnues. 

La Figure 5 repréfente le bout poflérieur du ver vû 
de face, a, appendice charnu qui eh du côté du ventre, & 
au bout duquel eh l’anus, r, r, les deuxhigmatespohérieurs. 
11, partie du dernier anneau qui peut s’avancer comme 
dans la ligure 2, ou davantage, qui peut s’étendre & s’ab- 
haifler jufqu’à s’appliquer fur l’appendice a; alors elle 
couvre les higmates r, r. 

La Figure 6 eh celle de la coque que le ver de la 
ligure 1 lè fait de fa propre peau, lorlqu’il veut fe trans¬ 
former. 




If a. Hasard S su//.' 


























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des Insectes. III. Mem. 87 

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CXjCVjUUÜL>UUCAJC^UUL^UUULjeAJÜUe^C^UD<^l^JtJÜ<J<»f 

TA O IS 1 E ME MEMOIRE, 

ET LE PR E M I E R 

SUR LES MOUCHES 

A OU AT R E A I S L E S 

DES FAUSSES CHENILLES, 

ET DES MOUCHES A SCIE, 

Dans lefquelles clics fe transforment. 

L Es mouches à quatre aîles, pour l’hiftoire defquelles 
nous allons commencer à donner des Mémoires, ont 
été diftribuées en quatre claffes générales, lorfque nous 
avons cherché à mettre les mouches en ordre *. Nous 
avons compolë la première de ces clafTes des mouches 
qui n’ont qu'une trompe qui n’eft point accompagnée de 
dents; la fécondé des mouches qui ont une bouche fans 
avoir des dents; la troifiéme des mouches qui ont une 
bouche munie de dents ; & la quatrième des mouches qui 
ont une trompe, N qui, de plus, ont des dents. Quand nous 
traiterons d’un genre de mouches à quatre aîles, nous 11e 
manquerons pas de dire à laquelle de ces clalfes il appar¬ 
tient ; mais nous n’avons pas cru devoir nous alfervir à 
parler de fuite de tous les genres de la première dalle, ni 
de même de ceux qui appartiennent à chacune des trois 
autres: nous avons penfé qu’on aimeroit mieux "voir un 
genre de mouche placé après celui auquel il reffemble par 
quelque induftrie, ou parles foins qu’il prend foit pour fes 
oeufs, foit pour fes petits, que de trouver l’un auprès de 




* Tome 4. 
Mem. m. 


88 Mémoires pour l’Histoire 

l’autre deux genres qui ne le rcffembleroient que parce 
qu’ils auroient, ou n’auroient point de dents On s’écarte 
du véritable ordre, quand on ne fuit pas celui qui peut 
faire prendre plus d’intérêt pour les connoiffances qu’on 
veut faire acquérir ; quand on en fuit un mieux fym- 
métrifé & plus régulier en quelque forte, mais qui jette 
plus de féchereffe dans l’ouvrage: il faut, s’il elt poffi- 
ble , faire naître le defir d’être inflruit à ceux qu’on veut 
inftruire. 

On peut fe fouvenir que fous chacune des quatre 
■ Tom. 4. claffes générales, nous en avons placé trois autres *, qui, 
A 7/1. ni. quoiqu’elles ne différent pas entr’elles par des caraéîéres 
auffi cffentiels que ceux des premières, ont l’avantage 
d’avoir chacune un caraélére, qui, pour être apperçû, 
n’engage à aucun examen. Avant quenousayons pris une 
mouche, lorfqu’elle eft pofée, ou quelle vole affés près 
de nous, nous pouvons voir fi fon corps cft long, ou fi 
fon corps eft court; fi fon corps efi bien appliqué contre 
le corcelet, ou fi ce corps ne tient au corcelet que par 
une efpéce de fil. Nous avons fait une claffe lubordonnée 
des mouches qui ont le corps court ou en elliplotde; une 
autre des mouches qui ont le corps long ; & une autre des 
mouches dont le corps foit long, loit court, ne tient au 
corcelet, & n’y paroît tenir que par un filet. Il s’eft trouvé 
heureufement que nous pourrons traiter de fuite des dif¬ 
férents genres de mouches qui appartiennent à chacune 
de ces trois claffes fubordonnées, fans nous éloigner trop 
de l’ordre dans lequel les faits les plus intéreffants que 
nous avons à rapporter, demandent que nous parlions 
des différentes mouches à quatre ailes. Nous commen¬ 
cerons par les. mouches à corps court, à corps dont la 
figure tient de 1 ’elliplbïclc, ou de celle d’une olive. Et 
les mouches auxquelles nous avons donné le nom de 

mouches 


des Insectes. If T . Mem . 8 9 
mouches à fcie, parce que toutes les femelles de ce genre 
en ont une faite avec un art admirable, font celles que 
nous ferons paroître les premières. • 

Dès le fécond Mémoire du premier volume, lorfque 
nous avons voulu faire connoître les principales variétés 
qu’offre l’extérieur des chenilles, nous avons été obligés 
de parler du genre de vers auquel nos mouches à lcic 
doivent leur origine. Ces vers ont tant de reffemblance 
avec les chenilles, que nous nous fommes trouvés alors 
dans la néceffité d’apprendre qu’ils en différoient effen- 
tieilement, & en quoi ils en différoient, de crainte qu’on 
ne prit pour des chenilles, des infeétes qui nedoivent point 
fe transformer en papillons, & qui doivent devenir des 
mouches. Nous les avons appellés fauffes chenilles *, * Tome r, 

ik ils ont été regardés comme de véritables chenilles par Mmu 1 u 
de très habiles obfervateurs. Jungius a fait mention de 1 °' 7i ' 
trois efpéces de ces vers fous le nom de chenilles, dont 
deux vivent des feuilles de grofelier, & d’une troifiéme, 
qui vit de celles de l’ancolie. Goedaert dans fes obferva- 
tions, 7 i.° 77. lettres a ir b,Z pris auffi pour deux che¬ 
nilles, deux fauffes chenilles; quoiqu’elles euflent trompé 
fou attente, quoiqu’au lieu des papillons qu’il croyoit en 
devoir lortir, il en eût vû fortir des mouches, ces deux 
mouches ne le defabuferent point, & n’ont point defabufé 
fon fçavant Commentateur, Lifter. Ce dernier qui fçavoit 
bien que les chenilles ne dévoient donner que des pa¬ 
pillons, a cru que les deux mouches que Goedaert avoit 
deffmées, étoient des ichneumons qui avoient vécu de 
l’intérieur des deux chenilles; elles étoient néantmoins 
les deux mouches dans lefquelies s’étoient transformés 
les deux vers que Goedaert avoit eu tort de croire d( s 
chenilles. 

II eft vrai que ces vers ont des reffemblances avec 
Tome V . M 


P! 

* 

1 & 2 


90 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
* PI. 10. fig. les chenilles, capables d’en impolér. Leur corps * oblong 
Pi° f/fiJ 1 & f^h comme celui de beaucoup de chenilles, eft couvert 
12 & 13. ’ d’une peau de la confiftance de celle des chenilles ; lur la 
Pl + i Mi»’ P cau de ceux de beaucoup d’elpéces *, on voit des cou- 
11 J 0 leurs differentes & différemment diffribuées comme fur 
la peau des chenilles razes. Le corps des uns comme celui 
des autres, eff porté par des jambes de deux elpéces diffé¬ 
rentes, par des jambes écailleufes & par des jambes ment* 
braneules; mais les faulfes chenilles ont bien plus de celles- 
ci , que n’en ont les chenilles. Les unes & les autres ont 
un nombre égal de jambes écailleufes, fix. Les chenilles 
les mieux pourvûes de jambes membraneulés en ont dix. 
Se les faulfes chenilles qui en ont le moins, en ont douze. 
D’autres en ont quatorze, d’autres en ont feize, & je ne 
fçais fi quelques-unes n’en ont pas dix-huit. D’ailleurs, les 
jambes membraneulés des fauffes chenilles ne font point, 
comme celles des chenilles, armées de crochets, ou de 
crochets femblablement difpoffés. Cette différence de ftru- 
élure a déjà été expliquée ailleurs *. 

Mais avant que d’avoir examiné le nombre des jambes 
membraneulés, & leur conformation, au premier coup 
d’œil on peut très-bien s’affurer fi 1 inlééle qu’on voit 
eft une chenille, ou s’il eft une fauffé chenille, dès qu’on 
a fait une fois attention à la différence confiante qu’il y 
a entre la figure de la tète des fiulfes, & la figure de la 
tête des véritables chenilles. Dans les différentes efpéces 
de ces dernières, on trouve à la vérité des têtes différem¬ 
ment conformées, déplus & de moins applaties, de plus 
ou de moins allongées, de plus ou moins aiguës, de 
reffèndues par-deffus, &c. Mais la tète de toutes ou de 
prelque toutes les faufTes chenilles, eft faite fur le même 
modèle, & fur un modèle fur lequel aucune tête de che¬ 
nille n’a été formée ; elle eft courte & arrondie , elle a 


* 7 cm. 1. 


des Insectes. III . Mem. 91 

«ne forte de fphériçité *. Si elle e/t un peu applatie en * Tome r . 
devant, le crâne au moins e/l fphérique, Les têtes des A ^" 1 - 
fauffes chenilles, 6c fur-tout les têtes qui font noires ou ij . 
brunes, comme elles font pour la plûpart, reffemblent 
aux têtes de Mores. La tête des fauffes chenilles n’a de 
chaque côté qu’un oeil allés gros pour être diffingué à la 
vite /impie, 6c la tête de la chenille a de chaque côté cinq 
à fix yeux arrangés fur plus d’un demi-cercle, & on 
ne les apperçoit guéres li on ne les cherche avec la 
loupe. La üruélure de leur bouche relfemble fi fort à 
celle de la bouche des chenilles, qu’il fuffit d’avoir averti 
de cette relfemblance. Elles ont aulfi des ffigmates placés 
comme ceux des chenilles, mais lôuvent plus difficiles à 
découvrir. 

Le nombre des jambes qui varie dans des faulfes che¬ 
nilles de différentes efpéces, fournit des caraéléres com¬ 
modes pour les di/tribuer en quatre ou au moins en trois 
claffes ou genres premiers. On aura uneclaffe compofée 
de celles qui n’ont que 18 jambes *. Une autre com- * pi. 
pofée de celles qui en ont 20 *. Une autre compofée 
de celles qui en ont 22 *. Une quatrième claffe fera 1 .a,b,\]<L 
compofée de celles qui ont 24. jambes; car je crois avoir * p j^ 
obfervé ce nombre de jambes à quelques-unes, entr’autres pf. c , 3 
à une fiuffe chenille de l’alliaire, qui eft raze, 6c qui a tout 
du long du dos une bande brune, 6c de chaque côté une 
bande grife. Nous ne placerons pas pourtant les fauffes 
chenilles dans ce Mémoire fuivant cette divifion ; nous 
ne nous propofonsde rapporter que cequ’elles nous ont 
fait voir de plus remarquable, fans nous embarraffer de 
parcourir toutes leurs elpéces, ce qui demanderoit peut- 
être autant de volumes que nous en avons donné aux 
chenilles, 6c qui feroit un ouvrage peu agréable. 

Il y en a beaucoup d’elpéces, dont tout le corps e/l 

M ij 


92 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
d’une feule couleur. Il y en a des efpéces entièrement 
blanches, d’autres entièrement noires, d’autres vertes; les 
vertes même font les plus communes. D’autres font ar- 
doifées, d’autres d'un bleu qui approche de celui de la 
fayence. Enfin, il y en a qui fur des fonds de différentes 
couleurs, ont des rayes & des "taches différemment colo¬ 
rées & différemment diftribuées. A mefure que nous 
aurons occafion de parler de quelque efpéce de fauffes 
chenilles, nous en aurons une de donner des exemples 
de ces variétés. 

Mais nous devons apprendre dès à prefent, que dans 
certaines efpéces, chaque fiaufTe chenille eff liijette à une 
variation de couleur très-remarquable. Comme les che¬ 
nilles, elles changent toutes de peau, elles quittent des 
dépouilles très-coniplettes, & plufieursfois dans leur vie, 
comme l’a très-bien obfervé M. Vallifnieri; & elles s’en 
défont de la manière dont nous avons expliqué ailleurs 
que les chenilles le défont de la leur. Les fauffes chenilles 
de certaines efpéces, après leur dernière mué, après avoir 
quitté la dernière des dépouilles qu’elles peuvent quitter 
fans paroître transformées, font tout autrement colorées 
quelles l’étoient auparavant. Comme nous ne diftinguons 
fouvent les uns des autres des inlèifles qui ne différent 
qu’en efpéce, que par la couleur de leur habillement, 
pour ainfi dire, certaines faufTes chenilles deviennent 
abfolument méconnoiffables après leur dernière mue. 
Telle fauffe chenille qui auparavant avoit un habit, une 
peau dont les couleurs étoient agréablement mêlées, fe 
trouve enfuite couverte d’une peau d’une feule Si unique 
couleur, & différente des couleurs qui paroient la peau 
précédente. Dans leurs premiers âges, ces fauffes chenilles 
ont des habillements recherchés, Si dans leur âge de 
jnaturité, elles en ont de fimples. Les feuilles du bureau 


des Insectes. III. Mem. 93 
&defhieble en nourrifïent une *, dont le fond de la cou- * pi. io.fig. 
leur eft verdâtre, mais qui a tout du long du dos une I2, 
large raye brune. Dans la mue cette fauffe chenille perd 
fa raye brune, & elle devient par-tout d’un jaune-pâle, 
tel que celui de quelques gommes. 

Une fauffe chenille * grande comme une chenille de * PI. 15. fig. 
grandeur médiocre, qui vit fur la fcrophulaire, eft une de 
celles qui font remarquables par cette fingularité; jufques 
à ce qu’elle ait pris à peu-près tout Ion accroiffement, 
le fond delà couleur de fa peau eft un gris-blanc qui tire 
fur le gris de perle ; des taches d’un brun prefque noir, 
pofées afTés près les unes des autres, & bien alignées, 
forment fur fon corps des rayes qui vont «le la tête au 
derrière ; elle eft piquée de quantité de taches beaucoup 
plus petites que les précédentes, & de chacune defquelles 
part un poil noir. Toutes ces taches & ces poils noirs 
diftribués fur le fond d’un joli gris, font un effet agréa¬ 
ble. Après fa dernière muë cette fauffe chenille *eft cou- * Fig. 14. & 
verte d’une peau d’une couleur verdâtre, qui a une foible 1 s* 
teinte de couleur de chair. Cette fauffe chenille fe roule 
volontiers en fpirale dès qu’on la touche*; elle eft de la * Fig. 15. 
troifiéme claffe, elle à 22 jambes; fon quatrième anneau 
eftlefeul qui en foit dépourvu. Ses jambes membraneufes 
font des mammelons dont le bout eft réfendu, & n’a point 
de crochets. 

Le changement de couleur n’eft pas le feu! qui foit 
remarquable après la muë, fur l’extérieur de ces chenilles, 

& fur celui de beaucoup d’autres. Leur dernière peau 
eft ridée, & de manière que leur corps paroît compofé 
d’un prodigieux nombre d’anneaux ou de fibres annu¬ 
laires . 4 Fjg_ r 

La Lyfïmachie m’a fourni un aftcs grand nombre de 
fauffeschenilles à 22 jambes, qui, dans certaines pofttions, 

M iij 


* PI. I O. fig 
J* 


» PI. tî.fig. 
7 & 8; 13 
& 14. 


* Fig. 7. 


*Fig -9 &10. 


* Fig. 13. 


* Fig. ! 4. & 
ï î- 


94. MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

paroi Aient cl un gris-bleuâtre, & qui après avoir mué font 
d’un verd-jauneutre. 

Une faulfe chenille * qui fe nourrit des feuilles de 
grolèlier, & qui a 22 jambes dilpolées comme celles 
de l’elpéce précédente, avant la dernière mue a le fond 
de fa couleur d’un verd-céladon mêlé avec un peu de 
jauneâtre; les premiers & les derniers anneaux ont plus 
de ce jauneâtre que les autres; elle a un grand nombre 
de tubercules noirs qui la rendent comme chagrinée. 
Dans la dernière mue elle perd tous ces tubercules. La 
nouvelle peau dont elle eü couverte, eft lilfe 6c d’un blanc 
qui a une teinte de jaune, & les deux premiers & les deux 
derniers anneaux font d’un jaune preique citron. 

D’autres fauiïes chenilles deviennent encore plusmé- 
connoifiables par leur dernier changement de peau, que 
celles qui perdent des tubercules. Il y en a d’épineufes *, 
& qui font ornées par la forêt d’épines qui les couvre; 
car ces épines font pofées fur le corps fort proche les 
unes des autres, &avec fymmétrie. Ces dernieres faufies 
chenilles font petites, aulfi faut-il confidérer leurs épines 
avec la loupe pour voir plus nettement leur figure, qui 
efi digne d’être oblèrvée. J’ai trouvé plufieurs fois fur le 
chêne une de ces faufies chenilles * à 22 jambes, dont 
le corps efi légèrement lavé de verd. Les épines qui s’en 
élevent, font noires; chacune de ces épines le termine par 
une fourche *, près de fon bout elle fe divife en deux 
branches, qui finiflent par une pointe déliée. 

Sur le prunier fauvage, j’ai trouvé une autre faufic 
chenille * que j’ai nourrie de feuilles de prunier franc, 
dont le corps d’un verd aiïès foncé efi couvert d’épines 
blanches. Le bout fupérieur de la tige de chacune dç 
ces épines, jette deux branches * égales entr’elles, & auflî 
longues ou plus longues chacune que la tige même ; ces 


des Insectes. III . Mem . 95 

branches le courbent un peu en embas. L épine a une 
figure moyenne entre celle d’un Y très-écraié, & celle 
d’un T. Les deux branches deviennent pourtant de plus 
en plus pointues en s’éloignant de ieur origine. 

Les faufïes chenilles de l’une * & de l’autre de ces * Pï.12. % 
efpéces , ne montrent plus aucun vertige de leurs 11 &1 — 
épines fmguliéres fur la peau qui les couvre après leur 
dernière mue, leur peau alors ert parfaitement raze & 
liffe. 

Les faillies chenilles de plufieurs efpéces ne font éten¬ 
dues que lorfqu elles marchent ou quelles mangent. Dans 
leur temps de repos elles font roulées*; leur tète ert au * pi. 13.Bg. 
centre du tour ou du tour & demi de fpirale que forme 2 & * 3 * 
leur corps, & ces tours lont fur le même plan. D’autres 
fauiïes chenilles, & entr’autres une verte du rolîer *, fe *pj. 
roulent d’une façon plus finguliére, elles font environ 20 & 2l » 
deux tours de fpirale qui ne font pas fur un même plan; 
la tête ert à la circonférence du rouleau, & la queue ert: 
au centre; mais elle ert la partie la plus haute, elle s’élève 
comme s’élève le bout d'un barillet de bougie prêt à être 
allumé. 

D’autres fautes chenilles ont, pendant qu’elles man¬ 
gent, des attitudes variées, & tout-à-fait fmguliéres*; elles * pj. 3 r.Sg. 
attaquent les feuilles par le bord, elles tiennent entre b- 6 -p⬠
leurs fix jambes écaiUeufes iepaifîeur de la feuille; ainfi 1 ’ r ’ 
cramponnées, elles font paffer une petite portion de la 
feuille entre leurs dents, qui ne manquent pas de détacher 
d’un feul coup la partie qu’elles rencontrent. Le rerte 
du corps ert en l’air, êc contourné en différents temps, 
de cent façons différentes, la plûpart très-bizarres. La 
partie poftérieure fe releve tantôt plus, tantôt moins 
au-deffus du rerte du corps, Sc en prenant des contours 
variés: quelquefois le corps ert: prefque renverlé fur la 


9 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
tête; alors toute la partie du ventre à laquelle tiennent les 
jambes membraneufes , eft en haut. 

Il y a de ces faulfes chenilles finguiicres par leurs 
attitudes , 6 c par la façon dont elles les varient, qui 
fembient vivre en focieté, elles attaquent en Amble une 
même feuille. Plus de trente faulfes chenilles .ont quel- 
* PF. ir.%. quefois * arrangées autour de la même feuille d’olier. 

Toutes y font occupées à la ronger, & donnent dans un 
même inftant le fpeéîacle des attitudes variées dont nous 
venons de parler. Le fond de la couleur de celles-ci elfc 
un blanc-verdâtre, fur lequel des rayes d un brun prelque 
noir font difpofées de la tête au deriiére. Elles loht de 
la fécondé clafife, de la claffe de celles à 20 jambes ; le 
quatrième 6 c le onzième anneau en manquent. Tant 
d’infeétes qui agiflent à la fois contre une même feuille, 
l’ont bientôt entièrement mangée; chacune avance dans 
l’entaille quelle a faite; elles épargnent pourtant lagrolfe 
côte de la feuille, 6 c les principales nervûres. On voit 
quantité de brins des ofiers fur lelquels elles fe font éta¬ 
blies, desquels il ne part d’endroit en endroit qu’un long 
1. fig. filet *, de chaque côté duquel fortent cinq à fix filets * 
plus courts 6 c plus déliés. C’eftà quoi a été réduite chacune 
des feuilles dont ce jet étoit chargé. 

La faufi'e chenille * duchevre-feuille, dontnous avons 
déjà parlé ci-deflus, a une lingularité d’une autre efpéce, 
mais qui peut-être 11e lui elt pas propre à elle feule; lorf- 
que je l’ai prife le matin, j’ai vû fon corps fe couvrir de 
goutelettes d’une eau qui avoit fuinté de toutes parts : 
cette eau efi un peu gluante; quoique très-liquide & très- 
claire, elle a une odeur pénétrante & defagréable. Je ne 
chercherai point à expliquer pourquoi le corps de cette 
fau(Te chenille eft comme criblé pour laiffer pafler l’eau. 
Ne m’abandonnerai-je point encore trop aux conjectures, 

fi je 


* PI T 

3 c > c - 
* ff «Scc. 

* PI. 13.% 
1 ( 3 c 2. 


des Insectes. III. Mem. 97 

fi je dis qui! y a apparence que les trous nécelfaires pour 
Jailfer des ifluesà une partie de l’air que l’infeéle refpire, 
font les mêmes qui lai lient fortir l’eau, dont les vailîeaux 
fe trouvent trop remplis. Les chenilles nous ont donné 
ailleurs occafion d’établir l’exiltence des trous dont leur 
peau efl criblée, pour laifler échapper l’air des petites 
trachées. 

Quoique la plupart des faulfes chenilles ayent, comme 
le commun des chenilles, le corps d’une figure qui 
approche de la cylindrique, il y en a qui l’ont applati. 

Nous avons donné le nom de chenilles cloportes à des 
efpéces de chenilles à corps applati, & la même raifon 
nous met en droit de donner le nom de faulfe chenille 
cloporte à une * que j’ai trouvée fur l’aune qui a des *PJ. 12.%: 
anneaux qui s’emboîtent les uns fous les autres; elle efl ' 7 ^ l8, 
très-applatie & verdâtre. 

Un autre genre de faulfes chenilles * qui s’éloigne *Fig. 1,2, 
extrêmement de la figure la plus ordinaire aux faulfes 3 & *• 
chenilles, efl un genre dont il n’efl pas ailé de caraétérifer 
les efpéces. On trouve de ces faulfes chenilles fur diverlês 
fortes d’arbres fruitiers, fur les pruniers, fur les cérihers, 
mais fur-tout fur les poiriers. Les arbres fruitiers ne font 
pourtant pas les feuls fur lefquels on les puifle voir, car 
j’en ai vu fur des chênes. Les unes & les autres fe tiennent 
fur le delfus des feuilles, & n’en mangent que le parenchime 
fupérieur. Elles ont une peau toûjours gluante, qui les 
ferait prendre pour des limaces, fi on ne leur appercevoit 
point de jambes. Leur couleur efl un verd-brun, fem- 
blable à celui du noftoc ou à celui des têtards. Je leur 
donne aulfi le nom de faulfes chenilles têtards, mais pour 
une autre raifon. Il efl rare qu’elles foient allongées * 
comme une chenille l’efl; elles peuvent renfler à volonté 
certaines parties de leur corps. Souvent elles en renflent 
Tome V . N 


* Fig. 2. 


* PF. ! 2. fig. 
1 . a, b, & fig. 
3. a b. 


* Fig. 2 & 


* PI. I O. fig. 
3 - 

* Fig. I & 2. 
* Tome 2. 

pag. 4y6.pl. 
3 8 - fig- 1 l > 

J2 Jjr j]. 


* Tome 3. 
Aiem. xii. 
yl-37-fig-', 
2, 3 b? 4- 


* PI. 13. fig. 
7, 17 & iis. 


98 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
extrêmement le tiers antérieur *, ou une plus grande 
portion, & rendent le refie effilé; alors la fauffe chenille 
a quelque reffemblance avec un têtard. La reffemblance 
ell augmentée, parce que, comme je l’ai déjà dit, fa peau 
a le verdâtre de celle du têtard, & paroît de même hu¬ 
mide. Je n’ai trouvé que 20 jambes à celles de ces fauffes 
chenilles qui fe tiennent fur les feuilles de poirier *; je 
n’ai pu en découvrir à leur dernier anneau. Quelquefois 
ces infeéles fe multiplient extrêmement fur les poiriers, on 
en trouve quatre à cinq fur une même feuille; auffi ai-je vû 
de ces arhres, qui, dans le mois de Juillet,n’avoient plus 
que des feuilles defféchées, parce que toutes leur avoient 
été rongées d’un côté. 

Quoique le plus grand nombre des efj)éccs de fauffes 
chenilles fe tienne fur les feuilles des arbres, il y en a des 
efpéces qui vivent cachées. Il y en a une * qui creufe 
les tiges du rofier, qui les perce en flûte*, & qui vit de 
ce qu’elle détache. Nous avons déjà parlé * de quelques 
autres, qui, écrafées fentent l’amende, & qui font tom¬ 
ber au printemps les poires prefqu’auflitôt qu’elles font 
noüées, qui ne leur donnent pas le temps de grofiir. 
Elles font logées dans l’intérieur du fruit, & fe nourriffent 
de fa fubflance. D’autres font préjudiciables à d’autres 
fruits. L’hifloire des galles nous a donne occaflon * de 
faire connoître des fauffes chenilles qui croiffent dans 
ces galles, fi communes fur les feuilles du fàule, & fur 
celles de l’ofier. 

Toutes les fauffes chenilles pour parvenir à être des 
mouches à quatre ailes, fe défont de la peau qui leur 
donnoit la forme de ver. Après l’avoir quittée, elles font 
des nymphes *. Nous ne nous arrêterons point à expli¬ 
quer comment chaque nymphe oblige la peau du ver à fe 
fendre fur le dos, & comment elle fort par la déchirure 


des Insectes. III. Aient. 99 
quelle v a faite. Tout ce qui le paffe alors, a été rapporté 
iorique nous avons raconté * comment lacrifalide le tire 
de la peau (Le chenille pour paroître à découvert. Sur les 
nymphes de nos fauffes chenilles, on reconnoît ailémcnt 
les jambes 6c les ailes; majs elles y font empaquetées, 6c 
d’ailleurs fi molles 6c fi tendres, quelles font incapables 
alors des fonétions auxquelles elles font deftinées. Elles 
ne réfifleroient pas aux frottements des corps durs 6c 
raboteux. Audi lorfqu’une fauffe chenille le lent prête 
à changer d’état, elle longe à le faire une coque dont 
les parois intérieures ont un liffe 6c un poli incapable d’of- 
fenier les parties les plus délicates, 6c une coque capable 
de réfifler par fà folidité aux corps étrangers qui pour- 
roient la preffer, 6c aux inlèéles qui voudroicnt que la 
nymphe devînt leur pâture ou celle de leurs petits. 

Après tout ce que nous avons dit des différentes conf- 
truélions des coques des chenilles de différentes efpéces*, 
il ne fembleroit pas que les fauffes chenilles piaffent avoir 
quelque chofede nouveau à nous faire voir dans ce genre 
d’ouvrages ; plufieurs efpéces de ces dernières fçavent 
pourtant fe faire des coques de foye qui ont quelques 
particularités dans leur flrucflure. Elles n’ont rien de re¬ 
in irquable dans leur figure extérieure,qui le plus fouvent 
eff oblongue comme celle d’un œuf, mais qui efl quel¬ 
quefois applatie *, 6c qui quelquefois a des irrégularités. 
Pour voir ce que chacune de ces coques a de remar¬ 
quable, il ne faut pas s’arrêter à fon extérieur, il faut 
l’ouvrir, 6c cela avec quelque précaution, peu à peu, 
comme on le fait lorfqu’on veut mettre la nymphéa dé¬ 
couvert fans la bleffer. Alors on reconnoît que la coque 
efl fiite de deuxtiffus très-différents; l’un, l’extérieur *, 
eff un rezeau a.grandes mailles; 6c l’autre *, l’intérieur, 
efl un tiffu très-ferré, plus ferré que celui d’aucune toile. 

N ij 


ÎOO MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE 
Qu’on ne fe prefTe pas, au rede, de comparer ces deux 
tilfus avec ceux d’une coque de ver à foye, où celui de 
l’enveloppe extérieure ed lâche, mol, comme cotonneux, 
pendant que l’intérieur ed compaéle6c ferme; car les tiflus 
de la coque de la fauffe chenille, font différents, à bien des 
égards, des précédents. L’enveloppe extérieure, quoiqu’à 
rezeau, n’efl rien moins que molle 6c cotonneufe. Ce 
* Pi. 14.%. tiffu criblé * ed ce que la coque a de plus folide, de 
plus capable de réfider à la preffion. Les yeux feuls 
font en état de didinguer le rezeau, mais quand on le 
♦Fig. 9. conhdére avec une loupe forte *, il paroît, quoiqu’en 
petit, femblable à celui d’une raquette. Les fils dont il 
ed compofé, font fi gros, qu’ils femblent être de petites 
cordes à boyau, mais qui ont des inégalités; ils ont un 
reffort pareil à celui qu’ont ces fortes de cordes lorfqu’elles 
font tendues, un reffort qui les ramene dans leur première 
pofition, lorfque la preffion des doigts qui les en avoit 
tirés, ceffe d’agir contre eux. 

♦ Fig. 6 .b, Le tiffu intérieur * plus ferré 6c extrêmement ferré, 
ed au contraire mol 6c flexible. Il n’a point fenfiblement 
de reffort. Audi, 6c c’efl ce que les coques en quedion 
ont de plus fingulier, le tiffu intérieur n’a rien de com¬ 
mun avec l’extérieur; ils fe touchent Amplement l’un 
l’autre, fans être aucunement unis l’un à l’autre, fans 
même être attachés enfemble; de forte que la coque de 
la fauffe chenille ed double, elle ed compofée de deux 
coques, dont l’une ed logée dans l’autre, comme le font 
les boîtes de bois mince faites pour qu’une un peu plus 
petite entre commodément dans une un peu plus grande. 
Mais dans la coque de notre fauffe chenille, la boîte ou 
Ug- 8. l’enveloppe extérieure ed folide *, 6c faite pour deffendre 
» Fig. 7. l’enveloppe intérieure qui ed mince *. 

Il ed aifé de fe convaincre, que la flrucdure de ces 


des Insectes. III. Aîcm. \ oi 
fortes de coques eft précifément telle que nous venons de 
la décrire. On n’a qu’à couper avec attention au moyen 
d’un canif, une petite portion d’un des bouts de i’enve- 
loppe extérieure *, qui le laide couper comme une plume; 
la portion qu’on a détachée met à découvert la léconde 
enveloppe. Qu’on continue de couper des morceaux du 
même bout jufqu’à ce que celui de l’enveloppe inté¬ 
rieure foit entièrement à nud, & jufqu’à ce qu’il le foit 
par-delà l’endroit le plus renflé ; qu’on tire alors le bout 
de la coque intérieure, foit avec une épingle, foit avec 
deux doigts d’une même main , pendant qu’avec les 
doigts de J autre main on retient la coque extérieure; fans 
employer une force fenfible, fans avoir belbin de rien 
rompre ni de rien décoller, on fera fortir de l’enveloppe 
extérieure la coque intérieure *, celle qui renferme im¬ 
médiatement la nymphe; & on reconnoîtra à n’en pou¬ 
voir douter, que ces deux coques ne faifoient que le 
toucher, quelles n’étoient nullement adhérentes l’une 
à l’autre. C’eft alors qu’on pourra voir plus nettement 
le rezeaude la coque extérieure*, qui fe trouvant vuide, 
n’a plus de corps opaque pôle vis-à-vis fes mailles. C’eft 
alors aulfi qu’on pourra mieux connoître quel eft fon 
reffort , car après l’avoir prefqu’applatie, après avoir 
amené deux côtés intérieurs & oppolès, à fe toucher, 
on les verra reprendre leur première courbure dès qu’on 
les biffera libres. 

La faulfe chenille n’a qu’une certaine provifion de ma¬ 
tière à foye, l’œconomie avec laquelle elle l’employe, eft 
digne d’être remarquée. Elle a befoin que la coque ou 
l’enveloppe extérieure foit capable d’une certaine réfil- 
tance. Or il eft évident que fi la même quantité de loye 
qui eft mife en œuvre pour faire avec de très-gros fils, avec 
des efpéces de petites cordes, un rezeau très-clair, étoit 

N iij 


pi. 14.6g. 


* F'g- 7 " 


* Fig.. &. 


♦ PI. T+. 

I, 2 & 3. 

* Fig. i 

* Fig. 2 


102 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
employée à compoler un tilfu ferre, qui n'eut pas de 
mailles fenfibles, il faudroit que les fis de ce dernier 
fulTent beaucoup plus fins pour fuffire à remplir tous les 
vuides des mailles. Alors les fis plus flexibles 11’auroient 
pas la roideur qu’ont ceux qui compofent la coque à 
rezeau, l’enveloppe extérieure leroit trop molle. Mais 
cette coque extérieure étant compoiée de mailles faites 
par des efpéces de petites cordes, eft néceffai rement 
raboteufe; elle ef bien éloignée d’avoir le poli que doit 
avoir l’enveloppe immédiate des tendres parties de la 
nymphe : auffi quand la fruiïe chenille a filé l’enve¬ 
loppe qui la mettra en fureté, lorlqu’elle fera une nym¬ 
phe, fous cette première enveloppe, elle en file une 
autre fur laquelle les parties de la nymphe pourront être 
polees comme fur un lit très-mol. L’intérieur de cette 
l'econde coque eft plus doux & plus lilfe que le plus 
beau latin. 

Il leur eft très-nécefiaire de fe conftruire une coque 
extérieure capable de réffter aux dents de leurs enne¬ 
mis; car M. Vallifnieri a obfervé des fourmis qui cher- 
choient ces fortes de coques, qui les rougeoient & qui 
parvenoient quelquefois jufqu’a la miferable nymphe 
qui y étoit renfermée, dont elles faifoient de bons 
repas. 

Nous devons faire connoître par préférence une fiaufie 
fir ,_ chenille du rofer *, qui elt de celles qui le confruilent 
une double coque, parce que nous aurons beaucoup à 
dire dans la fuite, de la mouche en laquelle elle lé trans¬ 
forme. Cette fauffe chenille elt de celles qui le font 
remarquer par leurs attitudes bizarres; elle tient ordinai¬ 
rement la partiepoftérieure de (on corps, élevée *,& Mu- 
vent contournée en S; quelquefois elle la tient contour- 
. née en embas *. Elle elt de la première clalfe, de la clalfe 


des Insectes. III. Mem. 103 

de celles à 18 jambes ; on feroit fouvent tenté de ne lui 
en croire que 16, parce quelle montre rarement les deux 
pohérieures. Le quatrième anneau, le dixiéme & le onzième 
en font dépourvus. Ses jambes écailleufes font terminées * pi. 14. fig. 
par deux crochets *, au lieu que dans les chenilles, les 4 - c > c - 
mêmes jambes n’ont qu’un feul crochet. Le fond de la 
couleur du débits du corps, eh un jaunâtre qui tire fur 
le feuille-morte. Elle eh: toute couverte de petits tuber¬ 
cules noirs, de la plûpart defquels il part un poil. Les 
côtes & le dehous du ventre, font d’un verd-moyen 
entre le céladon & la couleur d’eau. Tout ce qui eh 
verdâtre eh tranfparent, & permet de voir dans l’inté¬ 
rieur les trachées & leurs ramifications. En dehous, tout 
du long du ventre, on apperçoit un vaiheau femblable à 
celui qui règne le long du dos , & que nous avons 
regardé comme le cœur des chenilles, & de bien d’autres 
infedtes, ou au moins comme leur principale artère. Le 
vaiheau qui paroît fous le ventre de notre fauhe chenille, 
a un mouvement, mais qui femble plus lent & plus foible 
que celui de l’autre. Eh-ce que ce vaiheau feroit le prin¬ 
cipal tronc de veines! 

Quand cette fauhe chenille a pris tout fon accroihe- 
ment, elle entre en terre pour s’y conhruire une double 
coque, telle que celles que nous avons décrites ci-defTus. 

Les coques faites en terre ont befoin d’être netto)éesdes 
grains de terre qui fe font engagés dans le rezeau qui 
forme l'enveloppe extérieure, lorfqu’on veut voir bien 
dihinélement ce rezeau ; mais fi ces inlecfles font tenus 
dans des poudriers où on leur refufe de la terre, ils ne s’en 
bâtihent pas moins le logement qui leur eh nécehaire 
pour leur transformation. J’en ai eu qui fe le font fait * Fi>. j.e, 
fur des feuilles de rofier*. Les coques de ceux-ci étoient 
nettes & propres. La coque extérieure ch d'un rougeâtre 


104 - MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
qui tire fur ie cannelle, & la coque intérieure eft d’une 
couleur plus blancheûtre. 

* PI. 13.%. La faufle chenille du chevre-feuille *, & beaucoup 
d’autres fauffes chenilles entrent de même en terre,& s’y 
conflruifènt des coques conformes au modèle que nous 
avons décrit. 

Mais d’autres fauffes chenilles entrent en terre pour 
s’y faire des coques plus femblables à celles que s’y font 
des chenilles de plufieurs efpéces. Elles lient enlemble 
des grains de terre, elles en forment une maffe creufe, 
dont l’extérieur eft prefque fphérique, & dont elles tapif- 
* Eîg. 16. fcnt l’intérieur d’une toile de foye *. 

Toutes les coques de pure foye où les fauffes chenilles fe 
renferment, ne font pas auffi induflrieufement conftruites 
que les coques des fauffes chenilles du rofier, du chèvre¬ 
feuille, &c. fous des écorces d’arbres, au bout d’une trace 
de fciûre empilée, & cela au milieu de l’hyver, & quel¬ 
quefois dans des creux d’arbres qui commençoient à fe 
pourrir, j’ai trouvé des coques faites d’une toile de foye 
blanche, très-ferrée, mais mince,& par conféquent flexible, 
dans laquelle habitoit une fauffe chenille qui s’y devoit 
métamorphofer. Les coques défendues par l’ccorce ou 
par le bois, n’ont pas befoin d’avoir une enveloppe auffi 
forte que l’enveloppe de celles qui fe trouvent en terre, 
& à peu de dirtance de la lùrface; elles ne font pas autant 
en rifque d’être comprimées. Chaque forte d’mduflrie 
n’a été accordée qu’aux infeétes auxquels elle étoit né- 
ceffaire. 

Quelques-unes de nos fauffes chenilles fe font des 
coques encore plus foibles que les précédentes. Une 
affés petite à 2.2 jambes, qui a une raye brune tout du 
long du dos, que j’avois trouvée fur forme, & que j’a- 
vois renfermée dans un poudrier avec une feuille de cet 

arbre. 


des Insectes. 111 . Mem . 105 
arbre, fe conflrui lit fur cette feuille une coque *, dont * PI. icî-g. 
1 extérieur avoit le blanc, le luifant & le raboteux d’iSne * s ' 
écume épaiffe qui fe leroit defféchée; comme de l’écume 
de favon, ou comme de l’écume de bave de limaçon, il 
étoit plein de bulles; mais l’intérieur étoit uni &. com¬ 
pacte, ex vifiblement compolé de luis blancs & luifants. 

J’ai alfés fait entendre que les faufîes chenilles filent 
comme les chenilles. La filière de celles-là eft placée 
comme la filière de celles-ci; mais j’ai cru voir deux 
filières, deux mammelonspôles l’un auprès de l'autre, qui 
fourniiïoient des fils à une fauffe chenille du grofelier *. * Fig. 
N’ayant point trouvé de terre, elle travaiiloit à réunir 
enfèmble des grains d’excréments fecs; je la troublai dans 
fon opération, je brifai Ja coque quelle avoit commencée; 
elle lé refnit à en faire une nouvelle feus mes yeux, dès 
quelle eût été tirée hors de la première. 

La faifon dans laquelle une fauffe chenille s’efl fait 
une coque, décide du temps quelle y refiera. J’en ai vu 
telle en été qui eft fortie de la fienne fous la forme de 
mouche, au bout de trois femaines & même plutôt ; 6c 
j’en ai eu d’autres, qui ne s’étant renfermées que vers la fin 
d’Août,& ayant été tenues dans mon cabinet, fe font 
montrées encore avec leur première forme dans le mois 
d’Avril, lorfque j’ai eu ouvert leurs coques. J’ai déjà dit 
que j’avois trouvé pendant l’hyver, des faillies chenilles 
dans des coques quelles s’étoient faites fous l’écorce de 
certains arbres, ou plus avant dans l’intérieur de quelques 
autres arbres. Toutes doivent devenir des nymphes pour 
parvenir à être des mouches, & il fuit des obfervations 
précédentes, qu’elles ne font jamais dans l’état de nymphe 
pendant un temps fort long, que celles qui doivent paffer 
l’automne & l’hyver dans des coques, l’y paffent fous leur 
forme de vers & fans prendre aucune nourriture. Cette 
Tome V- . O 


io6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
longue abftinence de tout aliment ne nous paraîtra pas 
nouvelle, les chenilles nous en ont donné alfés d’exem¬ 
ples. Quand les fauffes chenilles fe changent en nymphes, 
la faifon efi favorable pour les amener bientôt à l’état de 
mouches. 

Enfin, la faufie chenille devient une nymphe, qui, 
fans fortirdela coque, fe transforme enfuite en mouche. 
Cette mouche efi de celles qui n’ont point de trompe, 

* pi. mais qui à chaque côté de la tête ont une forte dent *. 

1 1. d, d. Ces deux dents fe rencontrent l’une l’autre vers le milieu 
de la bouche. Le premier ufage que la mouche en fait, 
efi de les faire agir contre fa coque, de les employer pour 
fe procurer une ouverture qui lui permette de fortird’un 
logement qui n’eft plus pour elle qu’une prifon. Les dents 
viennent bientôt à bout de hacher des fils de foye, même 
ceux qui, dans certaines coques, tiennent des grains de 
terre réunis. 

Les mouches des différentes efpéces de fauffes che¬ 
nilles fe reflemblent toutes; elles ont, pour ainfi dire, un 
air de famille, & elles l’ont à tel point qu’un obfervatcur 
qui a afies examiné une mouche d’une faufie chenille 
quelconque, pour avoir retenu l’image qu’il s’en efi faite, 
efi en état lorfqu’il voit pour la première fois une mou¬ 
che qui fort d’une autre efpéce de fhufle chenille, de la 
reconnoître pour une mouche de faufie chenille, quoi¬ 
qu’elle diffère de la première qu’il a vûe par fa couleur 
& par d’autres circonfiances. Je ne veux pas parler des 
reffemblances effentielles qui font entr’elles, comme de 
celles de la firucfhire de la bouche, qu’on ne peut voir 
que quand on tient la mouche entre les doigts; je veux 
parler de celles qui fe font fèntir au premier coup d’œil, 
& qui cependant ne font pas ailées à décrire, parce 
qu’elles réfultent d’un enfemblc de petites particularités. 


des Insectes. III. Ment . 107 
Toutes ont un air ailes lourd, elles font peu farouches, 
elles fe biffent approcher, & même elles fe biffent 
prendre, elles femblent fottes. Nous verrons bientôt que 
nous devons être contents de leur efpéce d’imbécillité. 

Leurs ailes font croifées fur le corps quelles débordent 
un peu de toutes parts, & au-deffus duquel elles ont un 
peu de convexité. Ces ailes ne font pas aulfi lilfes, & 
auffi bien tendues que celles de beaucoup d’autres mou¬ 
ches; elles ont de petites convexités, de petits enfonce- 
-ments, un air d’être mal détirées. Du relie, les variétés 
qu’offrent les mouches qui viennent de fauffes chenilles 
de différentes efpéces, font fouvent bien moins confi- 
dérables, & moins frappantes que celles qui font entre 
les fauffes chenilles; & li nous nous engagions à les dé¬ 
tailler, on pourroit nous reprocher avec quelque raifon 
de nous arrêter trop à des minuties. Il nous fuffira de 
dire que quelques-unes différent fenfiblement des autres 
en couleur; les unes ont le corps jaune, d’autres font 
verdâtre, pendant que d’autres l’ont noir. Celui de quel¬ 
ques-unes , entr’autres celui de la mouche de la fauffe 
chenille du chevre - feuille *, cfl d’une couleur appro- * pi. 13.%. 
chante de celle des abeilles. Les unes ont des ailes tranfpa- 8 - 
rentes, qui à peine laiffent appercevoir une légère teinte 
de jauneâtre; la teinte noire ou la teinte bleuâtre des 
ailes de quelques autres eft très-forte. Enfin, les nuances, 
foit des couleurs du corps, foit de celles des ailes, va¬ 
rient dans celles de ces mouches qui font de différentes 
efpéces. Mais il y en a dans lefquclles elles ne font pas 
notablement différentes, quoique ces mouches vien¬ 
nent de fauffes chenilles qui différent beaucoup entre 
elles. Les unes ont le corps plus court, d’autres font plus 
allongé. On peut encore remarquer des différences dans 
la ftrudure de leurs antennes ; celles des unes font ù 

Oij 


Io8 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
fig. iilcts graines + , celles des autres font en malfue *. Les 
antennes du mâle différent quelquefois de celles de la 
9 - femelle. La mouche mâle de la fauffe chenille du rofier, 
fig. a les Tiennes bordées de poils *, pendant que celles de la 
mouche femelle * font liffes. Mais cédons de nous arrêter 
à de fi petites variétés, il vaut mieux faire confidérer 
une partie qu’on trouve à toutes les fémelies, qui ne 
lçauroit manquer de paraître admirable, même à ceux 
qui fçavent le moins admirer, dès que fa ftructure leur 
fera connue. 

Les mouches femelles de nos faufils chenilles font 
ovipares; les œufs que pondent plufieurs efpéces de ces 
mouches, & les feuis œufs que nous confidérerons actuel¬ 
lement, demandoient à être logés dans des entailles faites 
dans le bois, ou dans d’autres parties d’arbufies vivants. 
La mouche a été pourvue d’un infiniment qui la met 
en état de faire ces entailles. Cet inftrument efi une véri¬ 
table feie, qui ne diffère de celles dont nous nous fervons 
pour couper le bois, qu’en ce quelle eff de corne, au 
lieu que les nôtres font d’acier, & qu’en ce qu’elle eff faite 
avec beaucoup plus d’art que les nôtres. Nosfeies ordinaires 
font des lames coupées quarrément.fur un des longs côtés 
defquelles les bafes des dents lont arrangées en ligne 
droite; mais on oblige la pointe de chaque dent à s’écar¬ 
ter un peu de cette ligne, & à s’en écarter alternativement 
dans un fens oppofé; je veux dire, que fi une dent s'in¬ 
cline vers la droite, celle qui la fuit s’incline vers la 
gauche, celle qui vient après la précédente, s’incline vers 
la droite, & ainfi de fuite. Delà il arrive que les pointes 
de la moitié des dents de la feie fe trouvent fur une ligne, 
& les pointes des autres dents fur une autre ligne peu 
<liliante de la précédente. L’intervalle qui eff entre ces 
deux lignes, eff ce qu’on appelle la voye de la feie. Les 


des Insectes. III. Mem. 109 
parties du corps que l’on feie, qui fe rencontrent dans cet 
intervalle, dans la voye de finflrument, lont celles qui 
doivent être réduites en grains*, en fciûre. On tient cette 
voye d’autant plus étroite que la feie efl plus mince, & 
qu’on veut moins perdre des parties du corps qu’on prétend 
divifer. Quand les E'benifles ont à refendre en feuilles 
minces, des bois précieux, ils y employait tics feies qui 
ont très-peu de voye,au lieu que les Scieurs de long qui 
fendent de gros arbres, qui en tirent des planches, ont 
d’épaiffes feies, & dont la voye efl confidérable. Les feies 
de nos mouches étant extrêmement fines, n’ont pas befoin 
d’avoir des dents beaucoup dévoyées ; mais la manière 
dont ces feies doivent agir, demandoit que les baies des 
dents ne fufient pas placées, comme celles des nôtres, fur 
une ligne droite. Le côté, ou au moins unegrandepartie 
du côté fur lequel elles font rangées, cft un peu concave, 
à peu-près comme l’efl le tranchant d’une faux *; la feie * PI. r 5 
fie termine par une pointe, & nous verrons qu’elle devoir 9 ' 9 d ‘ 
fe terminer de la forte. Elle n’efl pourtant pas concave 
dans toute fa longueur; les dents * les plus proches de *d. 
l’origine de la feie, font pofées fur une ligne convexe: 
de forte que le côte d’où partent les dents de la feie, cft 
contourné comme le font les lignes qui ont un de ces 
points que les Géomètres appellent point d’inflexion,un 
de ces points qui fépare une portion concave d’une por¬ 
tion convexe. 

Lorfque nous voulons qu’un feul homme piaffe faire 
agir une feie, &. qu’il le puifle d’une feule main, nous 
mettons un manche à un des bouts de la (cie, femblable 
à peu-près à ceux des couteaux. La feie de nos mouches 
efl mile en mouvement, comme le font nos feies à man¬ 
che. Des tendons* prefque écailleux, attachés à Ion ori- *Fig.io. 
gine, lui tiennent lieu d un manche; des mincies agiflent 

O iij 


no Mémoires pour l’Histoire 
pour la pouffer en avant, & la retirer en arriére comme 
agit la main de l’ouvrier qui fait travailler la fcie à manche; 
Mais la main ne fait agir à la fois qu’une de ces lortea de 
fcie, & nous n’avons garde d’oublier de dire, que quoique 
nous n’ayons parlé encore que d’une fcie de notre mouche, 
* PI. i fig. elle en a deux égales * & femblables, qu’elle met en mou- 
j.°‘i dt ' a vement en même temps. 

Lefecret de faire agir plu fieurs fcies à la fois ne nous 
eft pas inconnu. Nos ouvriers, les Ebenifies entr’autres, 
ont quelquefois deux ou trois feuilles de fcie montées 
fur un même chaflis ; l’E'benifte tenant ce chaflis à 
deux mains, fait agir à la fois toutes les fcies qui y font 
montées. Mais nos mouches font en ce genre quelque 
choie que nous ne fçavons pas faire; les fcies du même 
chaflis vont toutes dans le même lèns, toutes font por¬ 
tées à la fois en avant ou en haut, & toutes font à la 
fois ramenées en arriére ou en embas, au lieu que dans 
le même temps où la mouche pouffe en avant une 
de fes fcies, elle retire l’autre en arriére. Il eff encore 
à remarquer que l’ouvrier qui employé plufieurs fcies à 
la fois, les employé pour faire un nombre d’entailles égal 
a celui des fcies,au lieu que les deux fcies de la mouche 
travaillent en même temps à aggrandir la même entaille, 
elles font l’office d’une fcie dont la voye feroit très- 
grande. 

Ces deux fcies étant très-minces, & deffinées à dé¬ 
chirer des fibres ligneufes, ont befoin d’être maintenues 
pendant qu’elles font dans l’aélion , afin qu’il ne leur 
arrive pas de fe courber ou de s’écarter l’une de l’autre. 
La nature a prévû à tout; le dos de chaque fcie efi logé 
* Fig. tout du long dans une coulifle * formée par deux pièces 
ecailleufes, comme l’eft fouvent la coulifle des lames des 
*Fig. 12. cr, couteaux à reffbrt. Ces deux pièces * deviennent de plus 


des Insectes. 1IL Menu 111 
en plus étroites à melure quelles s’éloignent de leur balè, 
comme la figure des feies le demandoit. Elles font épailfes, 

& convexes en dehors ; elles ont de plus des cannelûres 
dirigées comme celles des colomnes tories ; elles l'ont 
affemblées par une ou plûtôt par plufieurs membranes * * r î- % 
trèsfohdes, capables pourtant de le plilîer, Si par con- 2 ‘ mn ‘ 
féquent, de permettre aux lames écailleufes * de former * cr > fr * 
une couliire un peu plus ou un peu moins large. M. 

Vallifnieri n’a pas penl'é que l’unique ufage de ces mem¬ 
branes fût de maintenir les lames écailleufes, il a obfer\é 
qu’elles formoient deux canaux, dont il a cru l’un deftiné 
à conduire les œufs hors du corps de la mouche. 

Les dents des feies de nos mouches font elles-mêmes 
dentellées *. Chaque grande dent efi une fuite de dents * Fig. u. 
très-petites. Nous ne devons pas être furpris que les d ' 
inlirumentsqui ont été accordés à des infedles foient fupé- d, d, d. 
rieurs aux nôtres, & plus travaillés, quand nous nous rap¬ 
pelions de qui ils les tiennent. 

Outre les particularités que nous avons remarquées ci- 
dclfus aux feies de cette mouche, & qui manquent aux 
nôtres, elles en ont encore une qui ne doit pas être ou¬ 
bliée. Chaque feie n’eft pas feulement une l'cie, elle ell 
en même temps une râpe , ou une lime d’une ftruélure 
fmguliére. Les râpes ont des ufages plus importants que 
ceux de réduire en poudre du tabac ou du lucre ; elles 
fervent à applanir les furfaces trop raboteufes des corps 
les plus durs, des pierres, des métaux. Les feies n’ont des 
dents qu’à leur tranchant, pour ainfi dire, au lieu que les 
râpes ont de longues & larges furfaces tout hérilTees de 
dents. Nous n’avons point encore réuni dans le même 
infiniment lafcie & la lime, ou la rape,& l’une & l’autre 
fe trouvent réunies dans chacun des inflruments qui ont 
été donnés à nos mouches pour entailler le bois. Outre 


I 12 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE 
les dents qu’ils ont dilpolées comme celles des fcies ordi* 
* PI. 15. fig. naires, ils ont fur une de leurs larges faces, fur l’extérieure *, 
1 l, P>P>P‘ mi nombre confidérable de dents beaucoup plus fines, 6c 
qui ne le cedent guéres aux autres en longueur, fi elles le 
leur cedent; qui toutes font dirigées vers l’origine de l’inf- 
trument, 6c un peu inclinées vers les greffes dents de la 
feie. Chacune decesdcnts longues 6c déliées a quelqu’air 
tic celles des peignes; de forte qu’il femble que plufieurs 
peignes ont été appliqués les uns au-deffous des autres 
lur la furfacc extérieure de chaque feie. Ces différentes 
fuites de dents compofent une lime ou une râpe qui 
eft ajoutée à la feie ; mais une râpe ou une lime fort 
différente de celles qui jufqu’ici ont été taillées par nos 
ouvriers. 

Quoique les mouches munies d’un infiniment fi fin- 
gulier ne foient pas rares, quoiqu’il y en ait des efpéces, 
6c meme plufieurs efpéces, qui fc tiennent fur un des 
arbufics les plus communs dans nos jardins, fur le rofier; 
cet infiniment confiruit avec tant d’art, efi pourtant refié 
inconnu jufqu a ce que les yeux de M. Valifnicri ayent 
fçû le voir. Dans un grand nombre d’obfervations cu- 
rieufesque nous devons à ce célébré Auteur, il n’y en a 
aucune peut-être qui lui ait autant plu, 6c dont il ait paru 
faire autant de cas;aufii a-t’il eu foin de décrire cette feie fi 
furprenante, de la faire graver, 6c toutes les parties qui 
entrent dans fa compofition ; de donner i’Hifioire de la 
mouche à laquelle il l’a d’abord trouvée, 6c cela avec 
une étendue 6c une élégance qui nous auroient afiïïré- 
ment dégoûté de parler après lui d’un infiniment fi fin- 
gulicr, 6c de l’ufage que la mouche en fait, fi nous n’y 
euffions été obligés par l’Hifioire générale des fauffes 
chenilles 6c de leurs mouches, qui entre nécefïàirement 
dans le plan de notre Ouvrage. Nous ne devons pas au 

refie, 


des Insectes. III. Alcm. 113 
refle, diffimuler que nous penfons que ceux qui n’ont 
pas lû encore dans M. Valiiinieri l’Hifloire de la mouche 
à fcie des rofiers, pourront l’y lire avec plailir. Quoique 
nous nous propofions de n’obmettre rien de ce que cette 
Hiftoire a d’elîcntiel, nous pourrons paffer fur quekjues 
détails qui plairont afïurément dans M. Valiiinieri. D’ail¬ 
leurs, on trouvera des différences entre les figures de 
la fcie que cet attentif Obfervateur a-fait graver, & celles 
que nous faifons paroître pour repréfcntcr un infini¬ 
ment du même genre, mais des différences peu effen- 
ticlles pourtant. Les fcies qu’il a fait rcpréfenter n’ont 
point de dos, elles font dcntcllées fur les deux côtés 
oppofés; M. Valiiinieri en a vû fans doute de telles, mais 
celles que nous avons obfervées, ont un dos femblabie 
à celui des fcies de nos ouvriers. Ses figures ont été prifes 
d’après la fcie d’une mouche qui efl d’une efpéce diffé¬ 
rente de la mouche dont nous avons fait deffiner la fcie en 
grand, quoique l’une& l'autre mouche viennent defauffes 
chenilles qui vivent fur le rofier. 

On imagine bien qu’il faut avoir recours au microfcope, 
ou au moins à des loupes très-fortes pour voir diflincîc- 
ment la compofition de la fcie de nos mouches. La vue 
fimpie fait néantmoins affés appercevoir cet infiniment, 
pour faire naître le defir de le connoître mieux. Quand 
on tient entre deux doigts une mouche qui vient de 
quelque fauffe chenille, & une de celles qui ont le ven¬ 
tre le plus gros, fi on lui prcffele ventre doucement, on 
oblige deux efpéces de feuillets * courbés en coquille, 
dont l’origine efl à quelque diflancc de l’anus, de s’écarter 
l’un de l’autre, & de laiffer entr’eux une fente dans laquelle 
on apperçoit une pointe plus brune que le refie. En prefi¬ 
lant davantage, on force le corps, dont on ne voyoit que 
la pointe, de fe montrer en entier; on contraint la fcie * 
Tome V. . P 


* PJ. r - . fig. 
1 S- l > L 


* Fig. 8 


j 14. MEMOIRES POUR L’HiSTOïRE 
entière à paroître à découvert. Les deux lames courbes 
qu’on a obligées de s’écarter, font faites pour la couvrir 
dans les temps où elle doit être dans finaélion. 

Si la mouche dont on a prefle le corps, quoique de 
mêmeefpéce que la précédente, a le ventre moins renflé; 
fi elle efl un mâle, la preflion ne fait point paroître de 
fcie. Cet inflrument n’efl néceffaire qu’à la fémelle, le 
* Pf. 11. fij. mâle ne l’a point. Mais on oblige deux lamçs * terminées 
7 ‘ l * 1 ‘ en pointe, Si concaves vers l’anus, à le féparer, & à laifler 
voir que toutes deux enfemblc compofent une pince très- 
* <?. propre à faifir le derrière de la femelle. L’anus * alors efl 
porté plus loin ; à diftance égale de l’une & de l’autre 
lame, paroît une partie charnue, dont chaque côté efl 
fortifié par deux corps comme cartilagineux; chacun de 
* m, m. ceux-ci le termine par une efpéce de court crochet * un 
peu recourbé en dehors. Entre ces deux efpéces de cro¬ 
chets , efl l’ouverture par laquelle doit fortir la partie propre 
au mâle. 

Mais c’efl à la fémelle que nous devons nos regards» 
c’eft elle que nous devons confldérer, Si que nous ne 
fçaurions manquer de voir avec plaifir pendant qu’elle efl 
occupée à pondre, S\ par conféquent à faire les entailles 
dans Ici quel les elle place fes œufs. Il n’y a guéres de jar¬ 
din où il 11’y ait des roliers. Si il n’y a prelque point de 
rofier dont les branches ne fervent chaque année à loger 
un bon nombre d’œufs de nos mouches à fcie. Les en¬ 
droits des branches dans lefquels il y en a eu de dépofés, 
font ailés àdiflingucrdu refle; ordinairement ils font plus 
renflés que ce qui fuit, Si que ce qui précédé ; ils font 
courbés,&leur côté concave efl noirâtre; il paroît deflê- 
ché. Qu on examine ces endroits noirâtres, & on y verra 
de petites fentes, au fond ddquellcson trouvera quelque¬ 
fois des œufs, on y verra au moins les places où il y en a eu. 


t> e s Insectes. III. Man. 115 
Si on eft curieux de voir une de nos mouches à lcie 
occupée à pondre, c’eft donc fur-tout celles qui aiment 
les rofiers, qu’il eft commode d’épier. On y en peut trou¬ 
ver en différentes fàifons de l’année; j’y en ai vû au prin¬ 
temps, vers la mi-May ;& j’y en ai vû dans tout le mois 
d’Août, Si même dans les premiers jours de Septembre. 

, La mouche * que j’y ai obfervée le mieux. Si un plus * El-14- 
grand nombre de fois, a la tête Si le corcelet noirs. Le IO * 
côté extérieur de chacune de fes ailes eft auffi bordé de 
noir dans prefque toute fa longueur ; fon corps elt d’un 
jaune qui tire fur l’orangé ; i'cs jambes font du même 
jaune, elles ont feulement deux jarretières ou points noirs. 

Quand dans de beaux jours, vers les dix heures du matin, 
on verra fur le rofier des mouches de cette efpéce, ou de 
quelqu’autre efpéce du même genre, qu’on s’attache à 
les fuivre des yeux, & on parviendra aifément à avoir le 
plaifir d’en obferver quelqu’une dans l’opération. Heureu- 
fement, comme nous l’avons déjà dit, ces mouches font 
lourdes, pareffeufes Si elles femblent ftupides ; ou pour 
traiter mieux des mouches fi fmguliéres par leur induftrie, 
elles font très-peu farouches; elles le font moins qu’011 
n’oferoit le defirer; pourvû qu’01111e faffe pas de grands 
mouvements, on peut les regarder de tout auffi près qu’on 
le veut. Je les ai fouvent obfervées avec des loupes qui n’a- 
voient pas trois à quatre lignes de foyer, fans les déranger 
dans leur travail; Si elles l’ont fouvent continué, quoique 
pour les mieux voir, je déplaçaffe certaines branches, 
mais à la vérité, je les déplaçois le plus doucement qu’il 
m’étoit poffible. La mouche prête à pondre, fe promene 
de branche en branche, elle en parcourt plufieurs avant 
que de fe déterminer pour une place; celle qu’elle choiht, 
cft ordinairement à quelque diflance du bout de la bran¬ 
che, mais pourtant beaucoup plus près de ce bout que de 

Fij 


Tl 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’origine; la tête de la mouche eft alors tournée en em- 
bas. Quand la mouche s’cft arrêtée dans un lieu qui lui a 
paru convenable, elle recourbe un peu fon corps en 
deffous. Qu’on Toit attentif dans ce moment, & bientôt 
on appercevra la pointe de la double lcie, delà fcie com- 
pofée de deux feuilles. Une plus longue portion de cette 
fcie, ne tardera pas à paroître; dans un inftant, la mouche 
la fait loi tir prelque toute entière de l’efpéce d’étui où 
elle étoit renfermée & couchée; en la faifant fortir clic 
la redreiïe, de façon quelle i’amene à être prelque per¬ 
pendiculaire à la petite branche dans laquelle elle la veut 
faire pénétrer. Ce n’eft que dans le moment où la fcie a 
été mile dans la pofition convenable, qu’on la peut voir 
toute entière, car fa pointe n’a pas plutôt touché l'écorce 
delà branche, qu’elle s’enfonce dedans. La mouche qui 
eft cramponnée fur fes jambes, appuyé fon ventre fur la 
baie de l’inftrument, elle la prefTe de toute fa force. Dans 
ce premier infant, elle n’agit fur l’inftrument que pour le 
piquer dans le bois, que pour y engager fa pointe, que 
pour le mettre dans l’état où il doit être, pour que les 
dents des (des trouvent prife ; celles-ci peuvent bientôt 
agir avec fuccès , bientôt une plus longue partie de l’inf- 
trument fe cache dans le bois, il s’y enfonce de plus en 
plus; enfin, en moins d’une minute il parvient à y entrer 
prefque tout entier. Le ventre de la mouche, qui d’abord 
étoit éloigné de l’écorce, de toute la longueur de la fcie, s’en 
approche jufqu’à s’appliquer contre cette même écorce. 

Pour voir tout ceci, on n’a befoin de donner aucun 
fecours à fes yeux ; mais fi on leur donne celui d’une 
loupe forte, & fi on cherche à fe placer dans une pofition 
favorable pour bien obferver tout ce qui fe paffe, on 
parviendra aifément à voir que ce n’eft pas la fimple pref- 
fion de la mouche qui fait pénétrer l’inftrument dans le 


des Insectes. 111 . Mem . ti7 

bois. On verra, & on verra avec plaifir le jeu alternatif 
des deux fcies. On verra qu’il y en a une qui efî pouffée 
dedans le bois, pendant que l’autre efl retirée vers i écorce ; 
&on verra même que ce mouvement efl produit par celui 
des tendons ou cartilages, auxquels chaque fcie.efialfujcttie. 

La mouche n’introduit pas ion infiniment dans la tige 
du rofier précisément pour l’y introduire, & Amplement 
pourfendre cette tige; elle l’y introduit pour y faire une 
cavité propre à loger un œuf aifés gros, qu’elle veut y 
biffer. Si on fait attention à la manière dont cet infiniment 
doit agir pour pénétrer dans la tige, on verra pourquoi 
il convenoit qu’il eut bien des particularités que n’ont 
pas les inflruments que nous employons à des ufages 
qui nous femblent avoir du rapport avec celui que la 
mouche fait du fien. Nos fcies pour fcier un morceau 
de bois, foit de long, foit de travers, n’ont pas befoin 
d’être pointues, elles peuvent mordre d’abord contre la 
furface fur laquelle elles font appliquées; elles ne pour¬ 
raient fervir qu’à flaire dans le bois une couliife égale 
par tout. Mais cc n’étoit pas la figure qu’il convenoit que 
la mouche donnât à l’entaille quelle doit faire. Cette 
entaille ne devoit pas être par-tout également large & 
également profonde; l’œuf qui fera biffé dedans, doit 
non - feulement y être reçu, il y doit être à couvert. 
La mouche pour faire fon entaille, dirige fon infiniment 
à peu-près comme un Chirurgien dirige fa lancette pour 
ouvrir un vaiffeau, elle l’enfonce d’abord prefque per¬ 
pendiculairement , & l’en retire dans une direélion obli¬ 
que. Les deux fcies de la mouche avoient donc befoin 
detre pointues par le bout, ce qui n’efi pas néceffaire 
aux nôtres. Il falloit que leurs bouts puffent s’introduire 
dans i’écorce & dans les fibres ligneufes, comme s’y in- 
troduifent des inflruments tranchants. Les dents des fcies 

P iij 


I I 8 MEMOIRES POUR 1 /HlSTOIRE 
font en état de couper les fibres quelles rencontrent ; mais 
ces deux Iciesfi prodigieuièment minces, & qui ont cha¬ 
cune une voye extrêmement étroite, n’auroient pu ouvrir 
une cavité luffifante. La face extérieure de chaque fcie 
a été faite en râpe pour fuppléer à ce qui manque à la 
voye & à lepaifieur des deux fcies: lorfqu’une des fcies 
ef retirée vers l’écorce, les dents déchirent les fibres 
quelles rencontrent. 

Nous avons dit que quand la mouche veut commencer 
à faire fortir fa fcie de l’étui où elle ef ordinairement logée. 
Si que quand elle l’applique contre l’écorce, elle tient Ion 
corps, fon derrière recourbé vers la branche; nous devons 
ajoûter que dès que les fcies ont pénétré à une certaine 
profondeur, que lorfqu’il s’agit moins de rendre l’entaille 
plus profonde que de la rendre plus longue, la mouche 
redrefle fon corps, en le redreffant elle l’appuye fur la fcie 
dans l’inclinaifon propre à la faire avancer vers le derrière. 

Après avoir admiré le jeu des fcies d’une mouche 
qu’on aobfervée avec une loupe; après avoir vû leurs pro¬ 
grès, & les avoir vû pénétrer aulfi avant qu’elles le peuvent, 
tout mouvement femble s’arrêter dans les tendons des 
fcies,tout paroît en repos. Ce moment eft celui où l’en¬ 
taille a été rendue telle quelle devoit être, celui où la 
mouche fait fortir de fon corps l’œuf pour le mettre dans 
la place qu’elle lui a préparée. Après un infant de repos, 
la mouche retire tout d’un coup de l’entaille la plus grande 
partie de l’inf rument, elle n’y en laide que le bout, moins 
du tiers de fa longueur; dans cet infant même, il y a en¬ 
core à obferver. J’ai vû alors une liqueur moufleulè, une 
liqueur pleine de bulles, telles que celles du favon , s’éle¬ 
ver jufqu’au bord extérieur de l’entaille. J’ai vû même 
quelquefois des bulles poufees au-delà du bord. Si on 
entaille un rofier de quelque manière que ce foit, onfe 


% 


des Insectes. 111 . Mem . 119 

convaincra aifément qu’en aucun temps, il ne fçauroit 
fournir fur le champ une fi grande quantité de lève mouf- 
feufe, & les mois d’Août & de Septembre font de ceux où 
il en donneroit le moins. Il paroîtra donc certain que cette 
liqueur a été fournie par la mouche, quelle en arrofie fon 
œuf. Cette liqueur elt au moins gluante,& M.Vallifnieri, 
a qui elle n’a pas échappé, croît que la mouche 1 employé 
pour efpalmer la playe faite au rofier, pour l’empêcher 
de le fermer. Il y a grande apparence quelle fert à con- 
ferver l’œuf, & à empêcher les libres hachées fur lefquelles 
il ed pôle, de fe corrompre trop vite. 

Peu de temps après que la liqueur moufFeufe a paru, 
la mouche achevé de tirer fa doublefcie de l’entaille, elle la 
remet dans fon lieu ordinaire, mais ce n’eft pas pour l’y biffer 
long-temps. Bientôt la mouche fait un pas en avant, c’eft- 
à-dire, en defcendant ; elle lailfe en arriére & en enhaut 
l’entaille qu’elle a faite pour en creufer une nouvelle tout 
près de la précédente. Elle recommence alors la manœu¬ 
vre que nous venons de décrire ; elle fait fortir fa double 
fcie; elle la pique aplomb, & elle en fait jouer chaque 
feuille. Enfin,, elle pond un œuf dans cette dernière en¬ 
taille. Elle continue ainfi de faire de nouvelles entailles; 
de les mettre à la file les unes des autres *, & d’y en 
mettre plus ou moins, apparemment félon qu’une plus 
ou moins longue partie de la branche lui paroît propre 
à recevoir fes œufs. Quelquefois il n’y a que trois à quatre 
entailles à la file les unes des autres, & j’en ai quelque¬ 
fois compté jufqu’à 24. La mouche fans avoir fini fa 
ponte, quitte fouvent la branche fur laquelle elle l’avoit 
commencée; elle paffe fur une des plus proches, elle 
s’y promène; elle en parcourt quelquefois plufieurs avant 
que de trouver un endroit à fon grépoury recommencer 
fon opération. 



* PI. 14 fig. 
1 5. e, e. 


*Fig. 1 8. 0,0. 


* Fig. 1 3 & 

ix. o p. & 
fig. 1 5. e, e. 


120 Mémoires pour l’Histoire 

Je ne crois pas que ces mouches faffent tome leur 
ponte dans un feul jour; malgré les excellents inflruments 
dont elles font munies, entailler le bois comme elles l’en¬ 
taillent, doit être pour elles un ouvrage affésrude. Tout 
ce que put faire devant moi une mouche qui ne fembloit 
pas avoir envie de perdre du temps, fut d’achever fix 
entailles depuis dix heures jufqu’à dix heures & demie. 
Auparavant elle en avoit fait trois fur une autre bran¬ 
che, où elle n avoit pas jugé à propos d’en faire un plus 
grand nombre. J’en ai pourtant vu travailler quelques- 
unes qui m’ont paru être des fcieufes plus habiles, qui 
ailoient plus vite. 

L’ouverture de chaque entaille nouvellement faite, efl 
une petite fente un peu courbe, femblable à celle d’une 
Lignée *; elle a un peu moins d’une ligne de long. J’en 
ai mefuré une file de quinze qui 11’avoit guéres qu’un 
pouce; un quinziéme de cette longueur n’appartenoit pas 
en entier à chaque entaille, car la mouchelaiffetoujours 
un efpace entre deux entailles, & nous en verrons bientôt 
la raiion. 

Si on enleve l’écorce qui éfl aux environs d’une de 
ces fentes, & un peu de la partie ligneufe, on met l’in¬ 
térieur de la cavité à découvert. L’ccuf qui la remplit * 
efl affés gros proportionnellement à la grandeur de la 
mouche; il efl oblong, plus menu à un de fes bouts qu’à 
l’autre, & d’un jaune approchant de celui du corps de la 
•mouche. 

L’endroit de la branche auquel elle a confié fes œufs 
ne paroît le premier jour différent des autres, qu’en ce 
qu’il a une file de différentes fentes * l'emblablcs à celles 
que la lancette ouvre dans notre peau, & dont les lèvres 
comme celles des baignées fe font rapprochées.. Mais 
bientôt, dès le lendemain, cet endroit de la branche efl 

différent 


des Insectes. III. Mem. 121 
différent du refte par (a couleur ; il eft brun, & devient 
même noir pendant que les environs des entailles, pen¬ 
dant que le côté oppofé fur-tout conferve fa couleur 
verte. Il fe fait même peu à peu fur chaque entaille un 
changement plus confidérable, & que le changement de 
couleur n'annoncerait pas; car celui de couleur femble 
avertir que l’écorce, & peut-être que les fibres ligneufes qui 
font deffous, font péries, & commencent à fe deffécher; 
cependant on voit que chaque endroit entaillé fe releve*, * PI. 14. %. 
& prend de jour en jour plus de convexité. En un mot, 16 ' e> e ' 
au bout de quelques jours la file des entailles devient 
comme une file de grains de chapelet faits en olive*, qui * pig. 17. 
aytïîlt toute leur longueur, auroient perdu une partie de 
leur circonférence. 

Qu’on n’attribue pas ces élévations à une végétation 
des parties entaillées, ces parties ont été miles hors d’état 
de prendre de l’accroiffement. On reconnoîtra qu’elles font 
dues à une autre caufe, & très-fmguliére, fi 011 ouvre un 
des endroits qui ont du relief*, fi on en tire l’œuf*, & fi * Fi 
on peut comparer cet œuf, comme je l’ai fait quelquefois, 0> 
à un œuf tiré d’une entaille applatie, d’une entaille où 
la mouche ne l’a dépofé que depuis quelques heures : 
l’œuf forti de l’entaille qui a du relief, paroîtra confidé- 
rablement plus gros que l’autre. On jugera donc que l’œuf 
a augmenté de volume depuis qu’il a été pondu, ce qui 
nous doit paraître une grande fingularité. A la vérité, ces 
œufs n’ont point, comme ceux de nos poules, une enve¬ 
loppe roide& caffante, ils ne font recouverts que d’une 
fimple membrane; mais les œufs de la plupart des autres 
infeéles, n’ont auffi que des enveloppes membraneufes, 

& cependant les œufs du commun des infeéles ne croif- 
fent pas. L’œuf de notre mouche à fcie croît donc jour¬ 
nellement, & à mefure qu’il croît, il oblige les parois de 
Tome V . Q 


03 


122 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
la cellule, dans laquelle il eft renfermé, de s’élever; il 
oblige celte cellule à devenir plus grande en tout fens. 
La mouche place fes œufs comme h elle-fçavoit ce qui 
doit arriver; quoiqu’elle aime à les placer proche les uns 
des autres, elle lailfe un intervalle entre deux endroits 
entaillés, afin qu’ils piaffent fe gonfler fans empiéter l’un 
fur l’autre. 

L’œuf en croiffant & en obligeant la peau de l’arbufle 
à s’élever, à devenir convexe, oblige la fente qui a été faite 
à la peau, à s’aggrandir. Cette ouverture devient de jour 
en jour plus conhdérable, & elle efl telle lorfque la fauffe 
chenille fort de l’œuf, qu’elle lui donne le libre palfage qui 
lui efl nécëffaire pour aller chercher de quoi vivre fur les 
feuilles du rofier. 

Une mouche à fcie d’une efpéce différente de l’efpéce 
de celle que nous avons fuivie jufqu’ici, qui a pourtant 
le corps teint du même jaune qui colore celui de la der¬ 
nière, mais dont la tête, le corcelet, les jambes & les ailes 
font d’un violet très-vif, cette mouche, dis-je, confie auiïi 
fes œufs à des branches de rofier quelle a entaillées; mais 
elle les y arrange tout autrement, & avec une fymmétrie 
qui a quelque chofede plus agréable; elle les y difpofe par 
*PI- i j.fig. paires *, & elle en place dix à douze, de jufqu a quatorze 
3 ' P a ' res à la file les unes des autres, tantôt plus tantôt moins. 
Les deux œufs de chaque paire font enfemble un angle 
dont la concavité efl tournée vers le bout de la branche; 
l’angle des deux de la première paire eft aigu , & l’angle 
qui eft entre les paires fuivantes, l’eft de moins en moins, 
fouvent il eft obtus & quelquefois très-obtus. Une efpéce 
de fillon tiré en ligne droite fépare tous les œufs qui font 
adroite, de ceux qui font à gauche. Chaque œuf eft en¬ 
core féparé de celui qui le précède, de de celui qui le 
» Fig. 3. fuit * par des fibres ligneufes; en un mot, chaque œuf 


des Insectes. III. Mem. 123 
efl logé dans une efpéce de cellule; mais qui ne le ren¬ 
ferme pas entièrement. Les œufs de notre première mou¬ 
che lont bien cachés dans les entailles où ils ont été 
laides, au lieu que ceux de la dernière mouche font à 
découvert en grande partie dans l’infiant même où ils 
viennent d’être pondus. L’entaille faite pour recevoir deux 
œufs pofés à côté l’un de l’autre, efl trop large pour que 
les lèvres de la playe de l’écorce puiffent fe toucher lorfque 
la mouche celfe d’agir contr’elles. 

Quoique j’ave trouvé fur des rofiers des nichées 
d’œufs, telles que je viens de les décrire, je ne fuis point 
parvenu à voir en œuvre la mouche qui les y place avec 
tant d’art; mais il efl ailé d’imaginer en quoi peut différer 
fbn travail, du travail de l’autre mouche; pour l’effentiel, 
pour le jeu de la fcie , il efl le même, & n’en diffère que 
par la manière dont les entailles font diftribuées. Mais 
pour ôter tout regret à ceux qui voudroient fçavoir plus 
en détail les procédés de cette mouche induflrieufe , je 
n’ai qu’à les renvoyer à M. Vallifnieri , qui a décrit 
tous -ces procédés, comme il les fçavoit voir & décrire. 

Cette mouche à fcie efl même celle qu’il a le plus fuivie 
dans l’opération, c’eft celle dont il a fait graver la fcie; 

& dont enfin il nous adonné une hifloire très-com- 
plette. 

Les figures & les defcriptions de M. Vallifnieri appren¬ 
dront même que les feies de cette mouche font encore 
plus ouvragées que celles que nous avons fait repréfenter: 
au lieu que ces dernières 11’ont qu’un de leurs côtés den¬ 
telles, que le dos ne l’efl point, le dos de celles que M. 
Vallifnieri a fait graver, eftdentellé comme le côté qui lui 
efl oppofé. Nous n’avons vû des dents femblables à celles 
des peignes *, que fur une des faces de nos feies, & M. * pi. r 
Vallifnieri a vû de ces fortes de dents aux deux faces des 

Qi i 


124 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
autres foies ; enfin, fi on fe donne le plaifir de lire ce que 
ce célébré Auteur a écrit fur la fabrique de ces fcies, on 
* pi. 15.% y apprendra que la pièce * qui forme une couliffe né- 
9, ' o & 1 2.. ce (f a j re p OU1 - contenir les deux fcies pendant qu’ellesfont 
en jeu, que cette pièce, dis-je, a deux conduits, dont il 
penfe que l’un efl deftiné à laiffer paffer les œufs lorfqu’ils 
font pouffés dans les cellules qui leur ont été préparées 
dans la fubflance du rofier; & dont il croit l’autre deftiné 
à fournir une liqueur qui doit arrofer les œufs à mefure 
qu’ils paroiffent au jour. Les œufs m’ont pourtant paru 
bien gros pour paffer par le premier canal, & ceux que 
j’ai fut fortir du ventre, que je preffois avec les doigts, 
font fortis par l’anus. 

Comme les œufs, fi bien arrangés par paires, font à dé¬ 
couvert , ils font plus aifésà obferver que ceux que d’autres 
mouches cachent dans des entailles qui les renferment 
prefqu’entiérement. Auffi M. Vallifnieri a été à portée 
de voir, &. a très-bien vu leur accroiflement & tous les 
changements qui y arrivent jufqu’au moment où une 
fauffe chenille eft en état de fortir de celui dans lequel 
fes parties fe font développées & fortifiées. 

Le rofier eft, ce femble, l’arbriffeau favori des fauffcs 
chenilles & de leurs mouches : outre les deux efpéces de 
ces dernières qui entaillent fi finguliérement fes tiges, j’y 
* Fig. 6 . ai obfervé une mouche à fcie d’une plus petite efpéce *, 
qui eft prefque toute noire; fa tête, fon corcelet&fes ailes 
même le font; elle n’a de blanc que la partie moyenne 
de chaque jambe. La fcie dont elle eft pourvue, eft appa¬ 
remment trop foible pour couper les fibres ligneufes du 
rofier, ou peut-être que fes œufs ne feraient pas environnés 
de parties propres à les tenir affés humides s’ils étoient logés 
dans les tiges. Quoi qu’il en foit, cette mouche n’attaque 
que des parties plus tendres Si plus abbreuvées de lue. Dans 


des Insectes. III. Mem. 125 
le commencement d’Avril, lorfque les rofiers avoient en¬ 
core la plupart de leurs feuilles pliées en éventail, j’ai vû 
de ces mouches le promener fur les feuilles, comme les 
autres fe promènent lur les branches. La mouche alloit 
fur-tout fur la principale côte, elle la parcourait, elle 
l’examinoit & ledéterminoit enfuiteà y faire une entaille, 
dans laquelle elle dépofoit un œuf. La manière dont cette 
mouche opère, n’a d’ailleurs rien de particulier. Je ne 
lui ai jamais vû faire qu’une entaille de luite. Après l’avoir 
faite, elle quittoit la feuille, elle alloit en parcourir d’autres 
pour faire dans leur*greffe nervure une fente femblable 
à celle que je lui avois vû faire dans la nervure de la pre¬ 
mière feuille. Quelquefois pourtant j’ai vû la mouche 
revenir fur celle-ci, & l’entailler une fécondé fois, mais 
dans un autre endroit. 

Quand on connoît l’admirable ftruéïure de la fcie des 
mouches des fauffes chenilles; quand on a vû quelques 
efpéces de ces mouches l’employer à l’ufage pour lequel 
elle paraît faite, on doit être l'urpris, lorfqu’on trouve les 
œufs de diverfes efpéces de mouches à fcies qui femblent 
finalement pofés & collés fur des feuilles; qui femblent 
n’y être retenus que par une colle qui s’eft defféchée, 
comme le font ceux des papillons, & ceux de tant d’au¬ 
tres mouches. La ftuffe chenille du grofelicr*, dont nous * Pi. jo.% 
avons parlé au commencement de ce Mémoire, 1e mé- 4 - 
tamorphofe dans une mouche* affés femblable à la pre- *Fig. 6 £7. 
rniére mouche à fcie du relier, à celle qui fe contente 
de difpofer fes œufs dans une feule file. Elle a, comme 
celle-ci, le corps jaune, &le côté extérieur de chaque aîle 
bordé de brun. Ses antennes font un peu plus longues 
que celles de l’autre. Cette mouche laiffe fes œufs fous 
les feuilles du grofelier contre les nervûres, ils y font à la 
file les uns-des autres *. Les files néantmoins font fouvent * Fig. 8. 

Qüj 


126 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
interrompues. Mais ce qu’il y a Je plus remarquable, c’ell 
qu’ils n’y femblcnt que collés; ils n’y paroiffent aucune¬ 
ment contenus dans des entailles. Quel ufage cette mou¬ 
che fait-elle donc de fa feie ! Peut-être s’en fert elle pour 
faire une fente très-iégére fur l’endroit de la côte ou elle 
applique fon oeuf, & que cette fente toute légère qu’elle 
cft, fufht pour fournir à l’œuf une humidité qui peut lui 
être néceifaire. J’ai vit auffi de ces mouches dans la 
pofture où elles dévoient être pour faire des entailles*, 
&jc les y ai vues de bien près. Plufieurs faillies chenilles 
du groiciier entrèrent dans la terre du poudrier, où je les 
avois renfermées au commencement de Septembre, pour 
s’y faire des coques & s’y métamorphofer. Dans les pre¬ 
miers jours d’Avril de l’année fuivante, je vis paraître dans 
le poudrier les mouches de ces fauffes chenilles. Quatre à 
cinq jours après quelles y furent nées, j’en tirai deux du 
poudrier, une mouche mâle & une mouche fémelle. Je 
les mis dans un autre poudrier, dans lequel j’introduifis 
une branche de grofelier, fans la caffer ni la détacher de 
l’arbufîe. La mouche fémelle parcourut une des feuilles, 
pafîa deffous, 6 c dès les premiers in liants, elle me montra 
qu’elle cherchoit à y faire fes œufs. A peine un demi- 
quart d’heure setoit écoulé, quelle avoit déjà com¬ 
mencé fa ponte, 6 c au bout d’un quart d’heure, elle 
avoit pondu dix œufs oblongs quelle avoit placés fur la 
partie la plus relevée d’une côte. Chaque fois que cette 
mouche vouloit pondre un nouvel œuf, elle lé pofoit 
comme h elle eut voulu entailler la place dans laquelle 
elle avoit envie de le mettre. Aucun œuf pourtant ne 
s’eft trouvé logé même en partie dans une cavité fen- 
hble. Les œufs que je voulus détacher étoient fi adhé¬ 
rents, que je ne pus y parvenir fins lescréver; 6 c une 
loupe affes forte ne put me faire découvrir l’entaille qui 


des Insectes. III. Alan. 1 27 
pouvoii être bouchée par la peau de l’œuf qui y étoit 
relié attachée. 

Les mouches * qui viennent des faufles chenilles * qui * PI. m. %. 
paroilfent en grand nombre fur une feuille d'ofier dans 5 cx 6 ‘ 
des attitudes fi variées & fi bizarres, font encore de celles * Fl °‘ 3 * 
qui ont Je corps jaune; mais le côté extérieur de leurs 
aîlcs n’a pas le bordé brun qu’a le côté extérieur des ailes 
des mouches précédentes. Eiles ont une fcie, fur l’ufage 
de laquelle je fuis encore plus embarralfé que fur celui de 
la fcie des mouches du grofelier. Elles ne choifilfent pas 
les côtes des feuilles pour y lailfer leurs œufs, elles les 
appliquent fur la feuille même*, où elles les arrangent *F.g. 8&<j. 
les uns auprès des autres, elles les y arrangent même en 
recouvrement. Les œufs forment enlcmhle une plaque. 

J’ai eu beau découvrir les endroits cachés par des plaques 
d’œufs, & y chercher des incifions, la loupe n’a pu m’y en 
faire appercevoir. La matière gluante qui enduit les œufs, 
fuffiroit-elle pour boucher ces incifions, & les empêcher 
d’être vifiblesî Pour cela, il faut qu’elles foient bien petites; 
d’ailleurs, l’endroit où elles font, s’il y en a, n’en pnroît 
pas fouffrir, fa couleur n’efl pas plus altérée que celle du 
refte. 

Il m’a été plus aifé de voir fur les œufs de ces dernières 
mouches, que fur ceux d’aucunes autres, combien l’ac- 
croilfement qui fe fait dans ceux desfluifles chenilles, eft 
confidérable. J’ai comparé de ces œufs, de chacun def- 
quels l’infeéle étoit prêt à fortir, avec d’autres ailes nou¬ 
vellement pondus ; les premiers avoient au moins un 
volume double de celui des féconds. Ceux qui ne vien¬ 
nent que d’être mis au jour, font oblongs, arrondis par 
les deux bouts, blancs & tranfparents; ils n’ont pour en¬ 
veloppe qu’une membrane mince & flexible. Au bout 
de quelques jours, on voit dedans une portion jaunâtre. 


128 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Quand ils font plus avancés, on y découvre deux points 
noirs qu’on juge être les yeux; enfin, fi on les confderc vis- 
à-vis le grand jour, lorsqu'ils font affés près d’être à ter¬ 
me, on y apperçoit la fauffe chenille qui m’a paru y être 
pliée en deux; i’accroilfement fubit fè fait dans les derniers 
jours. 

Celui qu’y prennent les vers de ces mouches, & ceux des 
autres mouches à fcie, eft affûrément très-remarquable. La 
coque de l’œuf, fon enveloppe, elt-elle une efpéce de pla¬ 
centa qui s’abbreuve, qui s’imbibe du fuc de la partie de 
la plante fur laquelle elle efl polée, &d’un fuc qui non- 
feulement Ja fait croître, mais qui fournit à l’accroiffe- 
ment de i’embrion qu’elle renferme! Uti œuf qui a été 
dépofé dans la fente faite à une tige de rofier, y elî-il 
greffé en quelque forte! Doit -il s’approprier le fuc de 
i’arbufte comme l’œilleton d’un arbre, logé dans la fente 
faite à i ’écorce d’un autre arbre s'approprierait le fuc de 
cet arbre! Il femble que cela foit ainfi. A la vérité, les œufs 
de quelques fauffes chenilles le trouvent pofés immédia¬ 
tement fur des feuilles où nous n’avons pu découvrir d’in- 
cifion ; mais il ne s’enfuit pas de-là, que ces feuilles ne 
puiffent pas fournir aux œufs au moins l’humidité qu’elles 
laiffent tranfpirer. J’ai fait une expérience qui prouve dé- 
cifivement qu’il efl effentiel à l’œuf que cette humidité 
lui foit fournie par la feuille. J’ai gardé plu (leurs fois dans 
des poudriers des feuilles d’ofîer , fur lefquelles il y avoit 
des œufs de ces fauffes chenilles. Les feuilles s’y font 
deffcchées, & les œufs s’y font defféchés de même, ce 
qui ed arrivé à M. Bazin comme à moi. Des œufs de 
papillons qui auraient été laiffés fur une feuille qui fe 
ferait defféchée, n’en auraient pas moins donné pour 
cela des chenilles J’ai pris enfuite le parti de mettre dans 
1 eau le bout des feuilles fur lefquelles il y avoit des nichées 

d’œufs 


des Insectes. III. Mem. 129 
d’œufs de faufles chenilles. Les feuilles ont par ce moyen 
confervé leur fraîcheur; auffi les œufs n’ont-ils paru fouf- 
frir aucunement. J’ai vû fortir des fauffes chenilles des 
uns au bout de quatre à cinq jours, & des autres au bout 
de lix à fept jours. Je crois avoir obfervé des plaques de 
ces œufs* compoféesde deux couches, ce qui lemble for¬ 
mer une grandedifficulté fur la manière dont lenourriffent 
les œufs de la fécondé couche. Cependant (i la mouche les 
entaffe ainfi.il faut qu’elle le puiffe faire fans inconvénient. 
On doit penfer que l’humidité qui s’élève de la feuille, 
parvient à la fécondé couche d’œufs, ou que les œufs de 
la première couche fourniffent à ceux de la fécondé ce 
qu’ils ont de trop d’humidité, &qui fuffit à ceux-ci. 

Au relie, ce n’ell pas un ouvrage difficile pour la fuilfe 
chenille, dont toutes les parties lont bien formées, que 
celui de percer la membrane qui la renferme, Si qui fait 
la coque de l’œuf. On la voit fortir, par l’ouverture quelle 
y a faite, la tête la première. Peu après quelle eft née elle 
mange; elle efl alors plus difficile qu’elle ne le fera dans 
la fuite fur le choix des parties des feuilles. Cette fauffe 
chenille, qui, dans la fuite, n’épargnera pas les plus greffes 
fibres des feuilles qu’elle aime, le contente alors d’en dé¬ 
tacher le parenchime. Quelques femaines luffifent à celles 
de plufieurs efpéces, pour prendre tout leur accroiffement, 
pour être en état de l'ubir leur première métamorphofe; 
auffi y a t-il au moins deux générations par an des mou¬ 
ches à feie qui paroiffent au commencement du prin¬ 
temps, comme de celles du rofier, de celles du grofelier& 
de celles de l’ofier, Sc fans doute de beaucoup d’autres. 
Les obfervations exaéles de M. Vallilnieri, nous appren¬ 
nent que des fauffes chenilles forties d’œufs pondus de¬ 
puis 1 q. à 15 jours, Si vers le 6 May, étoient le 1 3 Juin, 
Tome V. . R 


130 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
des mouches parfaites, des mouches en état d’entailler le 
rofier & de pondre à leur tour. 

EXPLICATION DES FIGURES 
DU TROISIE'ME MEMOIRE . 
Planche X. 

La Figure 1 repréfente une branche de rofier, dans la 
tige de laquelle une faulfe chenille sert établie. En a paroît 
un tas de grains noirs, qui font les excréments que la faulfe 
chenille y a apportés & entalfés. 

La Figure 2 efl celle de la tige de la figure première, 
qui a été fendue'pour mettre à découvert l’intérieur du 
tuyau, a b, la partie qui a été remplie d’excréments, bc, 
la partie du tuyau qui efl vuide. c d, la faulfe chenille, 
dont la tête elt cachée dans l’endroit quelle elt occupée à 
crcufer. 

La Figure 3 montre en fon entier la faulfe chenille 
de la figure précédente, qui eft de la clalfe de celles à 
22 jambes, & d’un jaune blancheatre. Elle elt de celles 
qui ont une petite tête; la fienne elt noire. 

La Fig. 4 fait voir plufieurs faulfes chenilles fff &c. 
en des pofitions & des attitudes différentes, occupées à 
manger une feuille de grolêlier. cd , cd , &c. les grolfes 
côtes de la feuille qui ont été épargnées, pendant que ce 
qui étoit entr’elles a été dévoré. 

La Figure 5 elt celle d’une des faulfes chenilles de la 
figure 4, un peu plus allongée. 

La Figure 6 repréfentc une mouche de l’efpéce de 
celles dans lefquelles les faulfes chenilles précédentes le 
transforment. 


des Insectes. III. Mem. 1 3 1 

Dans Ja Figure 7, on voit la mouche de la figure 6, 
dans l’attitude où elle elt lorfqu elle pond. 

La Figure 8 montre une petite feuille de grofclier, 
fur les côtes de laquelle des œufs ont été lai (Tés & arran¬ 
gés à la hle par une mouche telle que celle de la figure 7. 

Les Figures 9 & 10 font celles de la même faillie che¬ 
nille, qui vit fur le grofelier épineux. Elle ert roulée figure 9, 
& étendue figure 1 o. Elle a 20 jambes. Son corps elt d’un 
vert très-clair. 

La Figure 1 1 repréfente en c la coque que s’étoit faite 
une faiilte chenille de l’efpéce de celle des deux dernières 
figures. 

La Figure 12 efl celle d’une faillie chenille qui s’ac¬ 
commode fort des feuilles du furcau , & de celles de 
l’hieble. Elle a 22 jambes. Avant la muë, le delfiis de Ion 
corps efl d’un brun-clair, & le relie d’un blanc-verdâtre; 
quand elle a mué, elle elt par-tout verdâtre. 

La Figure 1 3 fait voir une faillie chenille qui ellprefque 
noire, d’une couleur plus foncée que i’ardoifé. Dans le 
mois d’Août, j’en ai trouvé un grand nombre de cette 
efpéce fur le même pied d’ofeille. Dès que je touchois 
les feuilles de ce pied, toutes fe lailfoient tomber. Elles 
font entrées en terre pour fe métamorphofer. J’ignore 11 
elles ont 22,011 feulement 20 jambes. 

La Figure 14 efl celle de la mouche dans laquelle fe 
transforme la faufTe chenille de la figure 1 3. 

La Figure 1 5 repréfente une coque faite d’une elpéce 
d’écume qui a pris confiltance, par une fiiulfe chenille 
de forme qui elt des plus petites. 

La Figure 16 efl celle de la mouche qui elt fortie chés 
moy de la coque précédente. 

La Figure 17 fait voir en grand la feie que la petite 
mouche de la figure 16 porte à fon derrière. 

Ri] 


1 32 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Planche XI. 

La Figure 1 repréfente une feuille d’aune qui eft ac¬ 
tuellement rongée par quatre fauffes chenilles qui font 
toutes dans des attitudes différentes. Celle de la faulfe 
chenille marquée b , efi celle qui leur efi la plus ordinaire. 
Elles ont chacune 20 jambes. Leur tête efi noire, leur 
premier anneau efi jaune, & le refte jaunâtre: les points 
allignés fur les côtés, font noirs; le deffous du ventre a 
d’un bout à l’autre une traînée de points noirs fèmblable 
à une de celles des côtés. 

La Figure 2 eft celle de la mouche dans laquelle s’cfi 
métamorphofée une des fauffes chenilles de la figirre pré¬ 
cédente. Elle a paru chés moy les derniers jours d’Avril; 
elle eft fortie alors de la terre où elle étoit entrée fous la 
forme de fauffe chenille au commencement d'Oélobre. 

La Figure 3 fait voir une branche d’ofier, dont une 
des feuilles eft, pour ainfi dire, bordée de fauffes che¬ 
nilles, dont les unes l’ont prefque mangée à moitié de 
tout du long, & dont les autres font occupées à l’enta¬ 
mer de l’autre côté. Pendant que ces fauffes chenilles 
m tngeni, elles prennent, comme celles de la figure 1 , dif¬ 
férentes attitudes toutes très-bizarres. Au bas de la tige, 
il ne refie plus que la côte rrr,& quelquesgroffes fibres 
ff, f, &e. d’une feuille qui a été mangée par les fauflès 
chenilles. 

La Fig. q.efi celîed’une des fauffes chenilles delà figure 5 
lin peu greffe & étendue. Elle a 20 jambes. Le fond de la 
couleur de Ion corps efi un verd-blancheâtre, fur lequel il 
y a des rayes noires qui vont de la tête au derrière. 

La Figure 5 efi celle d’une des mouches mâles, dans la¬ 
quelle une des fauffes chenilles précédentes s’efi métamor¬ 
phofée. La femelle de la même mouche efi reprélentée 


des Insectes» III. Mem. 133 
de grandeur naturelle, & plus grande que nature, tome iv. 
pl. 1 o. fig. 7 & 8. Dans la figure plus grande que nature, 
on a donné le caractère de la difpofition d’aîles propre aux 
mouches à fcie. Quand les mouches des faillies chenilles 
de l’ofier viennent de naître, leur corps efl d’un beau verd, 
par la fuite il devient d’un verd-jaunâtre & même jaune. 
Celles qui ont paffé l’hyver en terre dans des coques de 
foye, ont paru au jour clics moy à la fin d’Avril. 

La Figure 6 montre par-deffous le mâle de la figure y, 
ou un autre mâle de mouche à fcie. O11 n’y voit point au 
bout du derrière, en f, une fente pareille à celle qu’on 
voit au même endroit de la femelle , la fente où la fcie 
efl logée. 

La Figure 7 fait voir le derrière du mâle de la figure 6 , 
groffi, & dans un moment où la preffion a obligé à fe 
montrer des parties, qui, dans l’état ordinaire font cachées. 
4 4 deux lames folides & concaves qui font un étui à la 
partie qui caraélérife le mâle, & qui lui fervent à faifir le 
derrière de la fémelle. a, l’anus qui efl par derrière la par¬ 
tie qui caraélérife le mâle, m, m, la partie propre au mâle, 
ou fon fourreau immédiat. 

Dans la Figure 8, paroît un tas d’œufs laiffé fur une 
feuille d’ofier par la mouche fémelle ; des fauffes chenilles 
femblables à celles de la figure 3 en doivent fortir. 

La Figure 9 repréfentedes œufs femblables à ceux de la 
nichée de la figure 8, mais elle les repréfente plus entaffés, 
& même en recouvrement les uns fur les autres. 

La Figure 10 fait voir dans fa grandeur naturelle la 
mouche à fcie, qui vient d’une fauffe chenille du faule, 
qui a été gravée, tome 1. pl. 1. fig. 18. Cette fauffe che¬ 
nille a 20 jambes. Elle efl remarquable par lès couleurs, 

& leur diflribution. Le fond de la couleur de la plus lon¬ 
gue partie du corps efl un bleu verdâtre, un céladon plus 


i34 Mémoires pour l’Histoire 

bleuâtre que l’ordinaire. Les trois premiers anneaux font 
d’un brun-tanné,& la partie poftérieure efi du même brun. 
Elle a outre cela diverles lignes longitudinales, tracées paj* 
des points noirs. 

La Figure i i fait voir en grand & par-deffous, le bout 
du corps d’une mouche à fcie telle que celle de la figure 
precedente, f, la fente où la fcie efi logée. 

DanslaFig. i 2,auffi groffie quela précédente,onvoit la 
fcie_/jque laprelfion des doigts a forcé deparoître au jour. 

Planche XII. 

La Figure i repréfente une feuille de poirier, fur la¬ 
quelle font trois fauffes chenilles du genre de celles que 
j’ai appellées têtards, a, b, c, marquent ces trois faillies 
chenilles. En p ,p, p, le parenchime de la feuille a été 
mangé par ces infeétes. 

Les Figures 2,3 & 4 font celles d’une fauffe chenille 
têtard très-groffie, & v ue en différents temps, & en des lêns 
différents. Dans la figure 2, la fauffe chenille ne montre 
qu’un de fes côtés, & fait voir fa tête & fes jambes. Dans 
la figure 3,1a fiiuffe chenille efi vue par-deffus, ayant la 
partie antérieure a b, renflée. Dans la figure q., la fauffe 
chenille efi vue par-deffous. 

La Figure 5 repréfente la mouche dans laquelle fe trans¬ 
forme la chenille têtard de la figure 1. 

La Figure 6 efi celle d’une mouche venue d’une faufie 
chenille têtard, quiavoit vécu fur le cerifier. Cette mou¬ 
che efi affés femblable à celle de la figure précédente, & 
je ne fuis pas fur quelle en diffère fpécifiquement. Elles 
font r une & l’autre de la claffe des mouches qui ont une 
bouche & des dents. 

La Figure 7 fait voir par-deffus, & dans fa grandeur 
naturelle, une fauffe chenille épinculë du chêne, qui efi 


des Insecte?. III. Mem. 133 

beaucoup grofiie dans la figure 8, & qui y efi vue par- 
deffous & de côté. Cette fauffe chenille a 22 jambes. 

Les Figures 9 & 10 font celles de deux épines de la 
fauffe chenille précédente. 

La Figure 1 1 montre la fauffe chenille de la figure 7, 
dans le moment où elle achevé de fe tirer de fa dépouille. 
d, dépouille qui a été prelque pouffée fur les derniers an¬ 
neaux. 

Dans la Figure 12, on voit la fiuffe chenille de la 
figure 7, mais qui a mué, & qui alors eft liffe; en fe dé- 
faifant de fa dépouille, elle s’efi défaite de fes épines. 

La Figure 1 3 repréfente dans la grandeur naturelle une 
fauffe chenille épineufe à 22 jambes, qui vit de feuilles 
de prunier. La même chenille efi beaucoup grofiie dans la 
figure 14. 

La Figure 15 efi celle d’une des épines de la fitufle 
chenille précédente, vue au microfcope. 

La Figure 16 efi celle de la mouche à feie, dans la¬ 
quelle s’efi transformée la fauffe chenille de la figure 1 3. 
Cette mouche n’a paru que dans le mois d’Avril; elle a 
paffé l’hyver dans fa coque; fon corps efi jaune, & fes 
ailes font teintes d’un brun un peu verdâtre. 

La Figure 17 efi celle d’une fauffe chenille de faune 
qui efi parmi les fauffes chenilles, ce que font parmi les 
chenilles celles que j’ai appellées cloportes. Ses anneaux 
s’emboîtent les uns dans les autres. Elle efi plus applatie 
que ne le font les fauffes chenilles ordinaires; elle efi verte. 
J’ai eu une autre fauffe chenille de l’aune, qui étoit blan¬ 
che, & couverte de poudre; mais fa figure étoit celle des 
fauffes chenilles ordinaires. 

La Figure 1 8, efi la figure 17 grofiie à la loupe. 

Les Figures 19, 20 & 21 repréfentent la même faufie 
chenille, qui efi d’une des elpéccs de celles qui vivent de 


I 3 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
feuilles de rofier. Elle efi étenduë dans la figure 19 ; mais 
Ion attitude la plus ordinaire, & qui efi finguliére,eft celle 
de la figure 20, où elle efi roulée en barillet de bougie. 
Elle efi encore roulée dans la figure 2 1 ; mais l'on bout 
pofiérieurnes’y éieve pas, comme il s’élève dans la figure 
20. Elle a 22 jambes; le deffus de l'on corps efi d’un 
beau verd, & chacun de les côtés a une bande d’un verd- 
jaunatre. Obl'ervée à la loupe, elle paroît chagrinée. De 
petits grains blancs comme offeux, & faits en lames poin- 
tueSjbordent le contour de chacun de les anneaux. 

Planche XIII. 

La Figure 1 repréfente dans fa grandeur naturelle & 
étenduë une fauffe chenille qui fe nourrit de feuilles de 
chevre-feuille. 

Dans la Figure 2, la faillie chenille de la figure première 
cil roulée, comme elle l’efi ordinairement. 

La Figure 3 efl celle de la tête de la fan fie chenille 
précédente, vue de face. 

La Figure 4 montre une coque c attachée à une pe¬ 
tite feuille de chevre-feuille. Elle efi de lôye, & a été faite 
par une faufle chenille renfermée dans un poudrier où il 
n’y avoit point de terre. 

La Figure 5 efi celle d’une coque moins applatie que 
la précédente, quoique faite par une fauffe chenille de 
même efpéce que celle qui a fait l’autre coque. 

La Figure 6 fait voir une moitié de la coque de la 
figure 5 qui a été coupée tranfverfalement, afin qu’011 en 
pût tirer la nymphe qui y étoit renfermée. Le tifiu exté¬ 
rieur^^ efi différent du tifiu intérieur /. Chaque coque 
entière efi compofée de deux coques, dont l’une efi mile 
dans l’autre; mais cela fera mieux expliqué par les figures 
de la planche 14. 


La 


des Insectes. III. Menu 137 

La Figure 7 eft celle d’une nymphe tirée d’une des 
coques précédentes, de la nymphe dans laquelle fè trans¬ 
forme fa fauffe chenille des figures 1 Si 2. 

La Figure 8 repréfente la mouche dans laquelle la 
nymphe de la figure 7 s’eft métamorphofée. Elle a ici 
les ailes écartées du corps, comme elle les a quand elle 
fedilpofe à voler. Sa couleur approche de celle des mou¬ 
ches à miel. Ces mouches font i’01 tics chés moy de leurs 
coques au commencement de Mai. 

La Figure ÿ montre très en grand, une des antennes 
de la mouche précédente; elle eft de ces antennes que 
nous avons nommées en maflue. 

La Figure 10 repréfente encore une mouche d’une 
fauffe chenille du chevre-feuille; celle-ci a aéfuellement 
fes ailes croifées fur le corps; c’eft le mâle, & celle de la 
figure 8 eft la fémelle; fon corps eft plus long, plus effile 
que celui de l’autre. 

La Figure 1 1 fait voir en grand Si par-deffous, la tête 
d’une des mouches précédentes, d, d, les deux grandes 
dents ou mâchoires, qui ont chacune trois dentelûres ou 
petites dents. Au-deftous eft la lèvre inférieure, figurée en 
palette, de chaque côté de laquelle partent deux appen¬ 
dices lonçucts. 

Les Figures 1 2 Si r 3 repréfentent la même ftiufte che¬ 
nille; elle eft étendue dans la figure 1 2, comme elle l’eft 
quand elle marche; & dans la figure 13, elle eft roulée, 
comme elle fe roule volontiers. Cette fauffe chenille vit 
fur la fcrophulaire; elle a 22 jambes. 

Les Figures iq.& 1 3 font encore celles de la faufTe 
chenille étendue & roulée, des figures 1 2 & 13; mais les 
nouvelles figures la repréfentent après fa dernière muë. 
La peau quelle a alors, n’a plus les couleurs & les taches 
qu’avoit la peau quelle a quittée. 

Tome V . S 


MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

La Figure 16 fait voir une des fauffes chenilles pré¬ 
cédentes dans une coque qu’elle s’eft faite en liant enfem- 
ble des grains de terre pour s’y métamorphofer en nymphe. 
La coque dans fon état naturel eft fermée de toutes parts ; 
on lui a fait l’ouverture qui permet de voir la faulfe che¬ 
nille. 

La Figure 17 montre dans fa grandeur naturelle la 
nymphe qui eft groffie dans la figure 18. Cette nymphe 
a été tirée d’une coque femblable à celle de la ligure 16. 

Les Figures 1 9 & 20 représentent la mouche dans la¬ 
quelle fe transforme la faulfe chenille des figures 12, 13, 
1 q & 1 5 ; elle a les ailes croifées fur le corps, figure 1 9, 
& écartées du corps, figure 20. Son corps eft plus allon¬ 
gé que 11e l’cft celui des mouches des fauffes chenilles les 
plus ordinaires; il a quelque choie de la forme de celui 
de certaines guefpes, auquel il reffemble encore par la 
couleur. Ses anneaux font jaunes & bordés de noir. 

La Figure 2 1 eft celle de la partie poftérieurc du corps 
de la femelle en grand, a, l’anus. I, /, deux pièces qui com- 
pofent l’étui de la fcie./j la fcie. 

La Figure 22 montre encore le bout poftérieur du 
corps de la même mouche, grofti ; mais dans un temps 
où, en preffant le ventre, on a obligé à paraître des par¬ 
ties qui font ordinairement cachées, a, l’anus. I, /, deux 
iames écailleufes, creufées en cuillier, qui font 1 étui delà 
fci G.f, la fcie, ou, plus exactement, les deux fcies appliquées 
i’une contre l’autre, d, d, prolongements de chacune des 
fcies, qui font écailleux, & qui fervent à les faire jouer 
alternativement, e, e, tendons qui peuvent aider au jeu 
des fcies. 

La Figure 23 fait voir en grand & de côté, la double 
fcie des figures précédentes, fq, eft le dos de la pièce, 
dans laquelle eft çreufée une couliffe qui maintient les 


des Insectes. III. Alem. 139 

deux fries. //, eft une des fcies, & la feule vifible dans cette 
pofition , parce quelle eft immédiatement appliquée fur 
l'autre fcie qui lui eft égale Si femblable. d, prolonge- 
ment de la fcie, l’efpéce de manche qui fert à la faire 
jouer. 

Planche XIV. 

Les Figures i Si 2 font voir la même faillie chenille 
du rofier en deux poftures différentes. Son corps rit plié 
en f, Si fa partie poftéricure eft relevée dans la figure 1 ; 
dans la figure 2, la partie poftérieure eft feule recourbée 
en défions. La branche de rofier qui pendoit en bas lorf- 
qu’ellc a été deffinée, fe trouve ici dans une femblable 
pofition. 

Dans la Figure 3,011 a représenté la faillie chenille des 
figures précédentesgroffie & allongée,comme elle l’cftlorf- 
qu’clle marche, pour faire voir l’arrangement de l'es jambes. 

La Figure q. rit en grand celle d’une des jambes écail- 
leufes de la fauffe chenille, une des fix premières. c,c, deux 
crochets par lcfqucls elle rit terminée. 

La Figure 5 montre une feuille de rofier fur laquelle une 
fauffe chenille s’étoit Lite une coque, parce qu’elle n’avoit 
point de terre dans laquelle elle pût entrer, c, la coque. 

La Figure 6 fait voir une coque de ces bluffes che¬ 
nilles, qui avoit été faite en terre; mais qui, après en 
avoir été tirée, a été bien nettoyée, broffée Si même 
lavée. On a voulu montrer que la coque eft double, 
qu’une coque d’un tiffu plus mince & plus ferré, rit con¬ 
tenue dans une coque d’un tiffu à groffes mailles Si roides. 
a, a, partie de la coque extérieure. Le refte de cette coque 
a été emporté avec un canif; ainfi la coque intérieure a 
été mile à découvert en b. 

S ij 


14 O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

La Fig. 7 eft celle de la coque intérieure qui a été tirée 
îiors de la portion de la coque extérieure, a a, figure 6. 

La Figure 8 eft la portion de la coque extérieure na, 
qui eft actuellement vuide, parceque la coque de lafigure 
7, en ell dehors. 

La Figure 9 eft en grand , celle d’une portion du rezeau 
de la coque extérieure. 

La Figure 10 repréfente une des mouches qui fortent 
des coques précédentes, de celles dans lefquelles les faufies 
chenilles des figures \ & 2 le transforment,après avoir palié 
par l’état de nymphe. Elle cfl vûe par-deffus dans cette 
figure, ayant les ailes croifées fur le corps. 

Les Figures 1 1 & 12 repréfentent deux mouches de 
même efpéce que la précédente, mais de différent fexe, 
viles par-defîous. La figure 1 1 , qui eft celle de la femelle, 
a en f, une fente où la Icie cfl logée; on 11e voit point une 
pareille fente à la figure 12, qui eft celle de la mouche 
mâle. 

La Figure 1 3 montre dans fa grandeur naturelle une 
Franche de rofier, dans laquelle la mouche de la figure 1 1 
a fait diverfes entailles, pour y loger autant d’œufs quelle 
a fait d’entailles. Ces entailles font difpoféesfur une même 
ligne entre 0, Si p. 

Dans la Figure 14, une portion rie la branche pré¬ 
cédente ell groftie à la loupe; les entailles y font plus 
fenfihles. 

La Figure i 5 eft celle d’une portion de branche groffic 
au microfcope. Elle n’a que deux entailles e,e, mais dont 
iadireéfion & la courbure eft mieux exprimée, Ôc. rendue 
plus fenfible que dans les figures précédentes. 

La Figure 1 6 eft encore deffinée au microfcope, & fait 
voir l’état où le trouvent au bout de quelques jours, les 


des Insectes. IJI. Mem. 141 

parties qui répondent à deux entailles, telles que celles e, e, 
figure 1 5 , qui étoient récemment faites. On voit les deux 
convexités qui le font formées en e, e. 

La figure 17, qui n’efl pas grofïie confidérablement, 
fait voir une file d’entailles obfervées dans un temps 
encore plus avancé que celles de la figure précédente. 
Alors elles forment une file de demi-grains de cha- 

Figure 18 a été vue avec un verre qui grofTifîbit 
autant que celui à l’aide duquel on a deftiné les ligures 
1 5 & 16. Dans la ligure 1 8, on a enlevé l’écorce pe ee, 
& une mince feuille du bois qui recouvroit la partie d’une 
branche de rofier qui avoit été entaillée; ainfi, on a 
mis à découvert la file de cellules, dont on ne voit que 
les fentes ou ouvertures dans les autres ligures, dfc, cfd, 
font deux de ces cellules, o, 0, l’œuf que chacune d’elles 
renferme, f les fibres ligneufesqui ont été forcées de pren¬ 
dre de la convexité, pendant que l’œuf qu’elles couvrent, 
a pris plus de volume. 

Planche XV. 

La Figure 1 repréfente dans fa grandeur naturelle un 
morceau de branche de rofier, dans lequel eft une entaille 
offo, où des œufs font arrangés dans deux files; la 
mouche à feie qui a fait l’entaille & arrangé les œufs, eft 
d’une efpéce différente de celle des figures 10, 11 & 1 2, 
planche x^.ff uo, les deux files d’œufs. 

La Figure 2 eft la figure 1 groffie à la loupe. 

Dans la Figure 3, on n’a qu’une portion d’une des 
figures précédentes; mais vue au travers d'un verre qui 
grolfiffoit plus que celui dont on s’étoit fervi pour la 
figure 2. Ici on diftingue aifément les efpéces de boîtes 

S iij 



142 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Jigneufes, dans chacune defquelles un œuf eh logé. 0,0,0, 
f,f,f fix œufs pofés dans fix cellules. Plus les œufs grof- 
fiffent,& plus ils font à découvert ; en croiffant, ils obligent 
l’entaille à s’ouvrir de plus en plus. 

La Figure 4 repréfente en grand une antenne de la 
mouche de la figure 12, planche 14. De chaque côté 
cette antenne eft bordée d’une frange de poils ad, ad, 
La mouche à laquelle elle appartient, eh mâle. 

La Figure 5 montre une autre antenne auffi ou plus 
grolhe que celle de la figure précédente, mais qui n’a 
point la frange de poils qu’a l’autre. Elle eft l’antenne de 
la mouche de la figure 1 1, planche 14, c’eft-à-dire, qu’elle 
eft l’antenne de la fémelle. 

La Figure 6 eft celle d’une mouche qui fait les en¬ 
tailles où elle loge fes œufs, dans les groffes côtes des 
feuilles de rofier. Elle paroît ici occupée à faire entrer fa 
feie dans la côte d’une feuille nouvellement développée, 
& qui eft encore pliée en deux. Cette mouche eft toute 
noire, elle a feulement une partie de chaque jambe jau¬ 
nâtre. 

La Figure 7 fait voir le derrière de la mouche à feie 
de la figure 11, planche 14, extrêmement groffi, & par- 
deflous. 4 4 deux lames creufes, qui enfemble fervent à 
couvrir la feie, à lui faire une efpéce d’étui; le bout de 
chacune de ces lames, a un bordé noir & écailleux. Le 
ï efte eft jaune, & a moins de confiftance. 

La Figure 8 eft celle du bout poftérieur du corps de la 
même mouche, qui eft repréfenté dans la figure 7, mais qui 
ici eftvûdansun temps différent, fçavoir, dans un moment, 
où, en preffant le ventre entre deux doigts, on force la 
feie à fe montrer, le, le , les deux pièces, qui dans les 
temps ordinaires, couvrent la feie, & qui étant un peu 


des Insectes. III Aient . 143 
écartées l’une de l’autre, la laiffent paroître. f, la feie. 
a, l’anus. 

La Figure 9 montre la feie marquée f, figure 8, déta¬ 
chée du ventre, extrêmement grofiie, à plat & de côté. 
cr , eft un des côtés de la codifié, dans laquelle le dos de 
la double feie, ou les dos des deux feies font logés, fd, la 
double feie avec fes dents. Sur le plat de la même feie, 
font d’autres dents femblabics à celles des peignes, expri¬ 
mées plus en grand & plus nettement dans la figure i i. 

Dans la Figure i o, on a féparé l’une de l’autre les deux 
feies, qui enlemble conipofent la double feie. c r, une 
des pièces écailleufes, qui fait un des côtés de la codifié. 
eafx, une des feies qui a été tirée de fa codifié, & jettée 
fur le côté. £d t, l’autre feie qui elt reliée en place, & qui 
efi en partie dans fa codifié, t, portion de la queue de la 
feie £. x, portion de la queue de la feie f 

La Figure i i repréfente le bout, & une petite portion 
d’une des feies eaf, ou ^d, vue avec un microfcope qui 
grofiit beaucoup, p,p, p, les dents femblables à celles d’un 
peigne, diftribuées en autant de rangs qu’il y a de dents 
fur le tranchant de la lcie ; la face où elles font, l’exté¬ 
rieure a quelque convexité.^ d, d,d, à\ les grandes dents 
de la lcie, qui font elles mêmes dentellées; leurs den¬ 
telures font inclinées vers la pointe de la lcie. 

La Figure i 2 fait voir de face le dos de l’afTemblage 
qui forme la codifié, cr, cr, deux pièces écailleufes. On 
ne voit qu’une de ces pièces, marquée par les mêmes 
lettres dans les figures 9 & 10. m, n, membranes qui tien¬ 
nent afièmblées les parties écailleufes cr, c r,Si qui leur 
permettent de s’écarter plus ou moins, b, b, bouquets de 
poils, a, n, chairs qui tiennent aux pièces qui compofent 
la codifié. 


144 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

La Figure 13 repréfente une des deux fcies qui a été 
ôtée à une mouche d’une efpéce différente de celle des 
rofiers, & fert à donner un exemple des variétés qu’on 
peut trouver entre les fcies des différentes mouches. Sur 
îe plat, ou plutôt fur le convexe de la dernière, on ne 
découvre point de ces dents en peigne marquées p,p,p, 
figure 1 1. On voit auffi que les grandes dents l'aillent 
moins, fortent moins de la fcie, que ne fortent celles de 
la figure qui vient d’être citée. 

La Figure 14 n’efi que celle d’une portion de la figure 
13 ; mais on voit mieux dans cette figure que dans la pré¬ 
cédente, que les grandes dents d d d, font elles-mêmes 
dentellées, & que leur dentclûre efl plus fine que celle des 
dents de la figure 11. - 



QUATRIEME 





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des Insectes. IV. Mem. 145 


QU ATR I E' ME MEMOIRE. 

SUR LES CIGALES; 

ET SUR QUELQUES MOUCHES 

de genres approchants du leur. 

L Es Cigales ne font pas de ces infeéïes qui ont refié 
ignores pendant une longue fuite de ficelés; elles ne 
font pas de ceux qui n’ont pu être découverts que par des 
Obfervateurs curieux & attentifs ; elles ont été connues 
il y a long-temps. La groffeur de celles * qui font les plus * pi. 16. n». 
communes, les met à portée des yeux les moins accoii- l > 2 > 5 
tumés à s’arrêter fur de petits objets. D’ailleurs elles font 
renommées pour leur chant. Cette efpéce de chant, ou de 
bruit qu’elles font entendre vers le temps de la moiffon, 

&. qui 11e plaît pas toujours, les a fait chercher par ceux 
mêmes qui fe foucioient le moins de connoïtre les petits 
animaux. Ils ont voulu fçavoir d’où venoit un bruit qui 
les importunoit. Les pays chauds font ceux où elles le 
plaifent. Dans le Royaume, je ne fçache pas qu’on les 
connoiffe ailleurs que dans la Provence & dans le Lan¬ 
guedoc. Mais comme on a par tout oui parler de leur 
chant, dans plulieurs provinces ou on ne trouve point de 
cigales, on en donne le nom à certaines efpéces de fau- 
terelles, foit ailées, foit non ailées, qui font de grandes 
chanteufes. Quelques-unes de ce s provinces peuvent 
pourtant avoir des cigales, mais qui n’y ont pas été obfer- 
vées, parce qu’elles y font rares. Il y a quelques années 
que M. du Hamel m’apporta une dépouille bien com- 
plette, & qui lui fembloit avoir été lailfée par un fearabé 
Tojne V. . T 


1+6 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE 
dans l’inftant où il s’étoit transformé. Il l’avoit trouvée 
à fa terre de Nainvilliers, près de Petiviers en Beauce. Je 
l’afTurai qu’une cigale étoit fortie de cette dépouille; que 
cette dépouille apprenoit qu’il devoit trouver des cigales 
dans la terre. II y en chercha l’année fuivante, & il y 
en trouva quelques-unes qu’il m’adonnées, & qui font 

* Pi. 1 6 . 6 g. de fclpéce des plus grandes cigales * de la Provence & du 

*' Languedoc. 

Ce n’efl pas parce que les cigales font des mouches à 
corps court ou ellipfoïde, que nous nous fommes déter¬ 
minés à les placer à la fuite des mouches à feie ; mais 
parce qu’elles leur relfemblent par i’induftrie avec la¬ 
quelle elles mettent leurs œufs à couvert & en fureté. 
Elles font d’ailleurs bien autrement grandes que les mou¬ 
ches à feie. Parmi les genres de mouches à corps court, 
il n’y en a point dans le Royaume, dont les mouches ayent 
le corps aulh gros que celui des cigales des grandes clpé- 

* Fig. 8 & 9. ces; le corps des cigales des petites efpéces*, ell encore 

plus gros que celui des frelons, c’eft-à-dire, que celui des 
mouches que nous regardons comme fort grolfes. 

Au premier coup d’œil, la forme de la cigale paroît 

* Fig. i. grolfiére. La tête * n’elt pas proportionnée avec les autres 
ô ' 2, parties, comme elle l’eft communément dans les autres 

infeéles, & fur-tout dans les autres mouches. Elle eft 

* Fig. i, 2, large & courte. Les deux yeux à rezeau * y font, l’un à 
5 & 6. i, i. j ro , te & l’ au t re à gauche, tout près de fon bout poflérieur. 

Depuis la convexité d’un de ces yeux, jufqu’à celle de 
l’autre, il y a une diftance égale au diamètre du corcelet 
dans l’endroit où il ell le plus gros; & la diftance depuis 
le milieu du bout poflérieur de la tête jufqu’au bout an¬ 
térieur, prife en delfus, n’eft au plus qu’égale au tiers de 
celle qu’il y a entre les convexités des deux yeux : aulfi le 
devant de la tête eft-il obtus. 


* PI. 16. fig. 

i. 


cc. 


des Insectes. IV Mem. 147 

Les yeux à rezeau ont par leur figure oblongue, quel¬ 
que reffemblance avec ceux des écrevifles, mais fans être 
mobiles comme ces derniers dans leur orbite. Entre ces 
yeux, qui font taillés à un nombre prodigieux de facettes, 
car leur rezeau eft extrêmement fin, il y en a trois * de 
ceux que nous avons nommés des yeux lifles, difpofés 
triangulairement fur la tête. 

Les mouches de ce genre font de celles qui ont un 
corcelet compofé de deux pièces, ou, fi l’on veut, qui 
ont deux corcelets. La tête elt jointe & appliquée au 
corcelet antérieur * par un col fi court, qu’il eft toujours *Fig. 1 &6. 
caché. Le corcelet antérieur peut jouer fur le poftérieur * eek ' 
auquel il eft uni. Il peut fe mouvoir pour permettre à la 
tête de defcendre un peu plus bas. C’eft encore de ce 
que ces corceiets ont d’un côté à l’autre un diamètre à 
peu près égal, &égal à celui de la tête, que la cigaleparoît 
alfés groftiérement façonnée. Il y a pourtant quelque 
travail fur le corcelet antérieur, un triangle v eft fculpté, 
l'es côtés font gravés en creux; 011 y voit aufti quelques 
traits en creux parallèles aux côtés de ce triangle. Le 
deftus du fécond corcelet eft plus lifte & plus luifant; vers 
le milieu de fon bout poftérieur, il a pourtant un petit 
cordon qui s’élève au-deftlis du refte. Enfin, le bord de 
fa partie fupérieure& poftérieure fe releve au-deftus d’un 
fillon qui le précédé. 

Les quatre ailes de la cigale font tranfparentes. Les 
fupérieures* beaucoup plus grandes que les inférieures*, 
ont des nervures opaques, très-marquées, très-fortes & 
très-capables de foûtenir le tiftu mince qui remplit les inter- 
vales qu’elles Liftent entr’elles. Ces deux ailles fupéricures 
font attachées au fécond corcelet tout près de fa jonéïion 
avec le premier; & les inférieures ont leur attache afles 
proche de la jonélion de ce corcelet avec le premier des 

Tij 


* Fig. G. 1,1. 

* m, ni. 


148 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

* PI. 1 6. fig. anneaux du corps. Elles font toutes quatre pofées en toit *, 

*• elles s’appliquent pourtant fur le corps, dont une portion 

refie à découvert. 

Pour achever de décrire tout de fuite ce que nous 
offre la partie fupérieure de cette groffe mouche, nous 
dirons qu’on y compte huit anneaux, fi on veut mettre 
au nombre des anneaux une partie oblongue & conique, 
par laquelle le corps efl terminé, quoiqu’elle ne foit pas 
compofée de deux pièces dans les femelles, comme les 
autres Je font. Le premier anneau eil le plus large de tous ; 
le fécond plus étroit, l’eft moins que le troifiéme,le qua¬ 
trième, le cinquième & le fixiéme ; mais le feptiéme égale 
pour le moins le fécond en largeur. D’un côté à l’autre, 
le diamètre des cinq premiers efl à peu-près égal, mais 
celui du fixiéme efl plus petit fenfiblement que le diamètre 
de celui qui le précédé, & furpaffe le diamètre du feptiéme 
qui efl plus grand que celui du dernier anneau. Auffi le 

* F, g- 5 -z corps du mâle *, & celui de la fémelle* fe terminent en 

* Figure 2. p G j nfe . ma j s j a pointe du corps de la fémelle efl plus allon¬ 

gée. Tous les anneaux font écailleux, ils 11’ont aucun poil 
fenfible à la vue fimple ; ce n’efl qu’autour des yeux à 
rezeau & fur le defîous de la tête & des corcelets, qu’011 
en découvre, fur-tout fi on les cherche avec une loupe. 

Mais ce font les parties que peut montrer le deffous 
delà cigale, qui nous arrêteront le plus dans ce Mémoire. 

* Fig. 2 & C’efl-là qu’on peut voir fa trompe *; c’efl-là qu’on peut 
, P voir fur les fémelles où efl pofé i’inflrument* avec lequel 

elles parviennent à percer les trous dans lefquels elles lo- 
Fig -2.11,11. g ent j eurs œu f s C’cfl-là enfin, qu’on trouve aux mâles* 
les organes qui produifent cette efpéce de chant qui a tant 
fait célébrer la cigale. Heureufement que ces parties, les 
plus finguiiéres de l’extérieur de ces mouches de l’un &. 
de l’autre fexe, peuvent être bien vûes fur celles qui font 


des Insectes. IV. Ment. \49 
mortes; 6 c que pour les étudier 6 c les didequer à l’aile, 
il faudroit faire périr les cigales qu’on auroit vivantes; 
car je me luis trouvé engagé à écrire leur hiftoire fans 
en avoir jamais entendu chanter une, 6 c fans en avoir 
jamaispodedé une en vie. Je n’en ai pu découvrir aucune 
dans les environs de Paris, ni dans les autres cantons du 
Royaume 011 j’ai été à portée de faire des obfervations. 
Les regrets que j’avois de ne pouvoir obl'erver vivant un 
genre d’mfeéles, à qui une place étoit fi due dans nos 
Mémoires, ont cede lorfque j’ai vû beaucoup d habiles 
gens fe prêter dans le Royaume, & hors du Royaume, à 
me procurer des connoilfances que je défirois. Dans le 
Languedoc, feu M. Lefèvre Médecin dUzez, qui a 
communiqué à l’Académie beaucoup d’expériences qui 
ont paru curieufes; feu M. Lefèvre, dis-je, m’a envoyé 
des cigales telles qu’elles font en été, & m’en a envoyé 
fous la forme qu’elles ont avant que de s’être métamor- 
phofées. M. Sauvage fçavant Profedeur en Médecine à 
Montpellier, & de la Société des Sciences de la même 
Ville, a eu audi attention de m’en procurer. M.Granger, 
ce Voyageur d plein de courage, à la mort duquel toutes 
les parties del’Hidoire Naturelle, &la Botanique fur-tout, 
ont tant perdu, m’a fait parvenir des cigales d’Egypte. 
Mais les cigales 1e trouvaffent-elles naturellement aux en¬ 
virons de Paris, & y eudai-je employé un grand nombre 
de perfonnes à m’en chercher, je n’en eude pas été plus 
fourni que je l’ai été de celles de toutes efpéces, & de l’un 
6 c de l’autre fexe, des environs d’Avignon, par les foins 
de M. le Marquis deCaumont. Son penchant naturel le 
porte à obliger, 6 c fur-tout à obliger ceux qui, comme 
lui, aiment les fciences ; mais je me fais un plaifir de 
penfer, 6 c je le penfe fur de bonnes preuves, que fon 
amitié pour moy lui fait faire bien au-delà de ce qu’il 

Tiij 


i jO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
feroit pour des Sçavants qui ne lui feraient pas auffi atta¬ 
chés que je le fuis. Il ne s’eft pas contenté de faire lui- 
même les recherches 6c les obfervations que je lui avois 
marqué défirer être faites; il a engagé plufieurs perfonnes 
à le féconder, 6centr’autres M.AIphons, qui, quoiqu oc¬ 
cupé journellement de bonnes œuvres, trouve du temps 
pour étudier les infeéles, 6c en a trouvé affés pour me 
fournir les obfervations que j’avois le plus d’envie d’avoir 
par rapport aux cigales. 

Apparemment que nous euffions pu nous difpenfcr 
de traiter des cigales, de faire graver des figures qui re- 
préfentcnt celles de différentes efpéces 6c de différents 
fexes, 6c leurs parties les plus remarquables, fi des cir- 
co n flan ces que nous ignorons n’euffent pas empêché 
jufqua préfent M. Pontedera d’en publier î’hifloire qu’il 
avoit fait efpérer, 6c qu’il avoit promis d’accompagner de 
figures. Ce qu’il a rapporté de ces greffes mouches, dans 
une lettre écrite à M. Sherard dans le mois d’Ocftobre 
1717, 6c imprimée enfuite à Padouë, prouve qu’il lésa 
étudiées avec un foin 6c une attention qui n’ont pu man¬ 
quer de lui faire faire beaucoup d’obfervations fures 6c 
curieufes. 

Ariflote 6c les anciens après lui, ont réduit les cigales 
à deux efpéces, qui différent principalement par la gran¬ 
deur; il a nommé celles de la plus grande efpéce acheta?, 
6c celles de la petite efpéce tettigoiiiœ. M. Pontedera, dans 
la lettre que nous venons de citer, dit auffi qu’il ne con- 
noît que deux fortes de cigales,des grandes 6: des petites; 
mais qu’il connoît deux efpéces des unes 6c des autres. 
Il a fait un ufage du nom d’efpéce, qu’on n’a pas coutume 
d’en faire lorfqu’il s’agit des animaux; les cigales de deux 
fexes différents, le mâle 6c la fémelle, font pour lui de 
deux efpéces différentes, lls’eflcru autorifé apparemment 


des Insectes. IV . Mem . 151 
à cette dénomination, parce que les Botaniftes regardent 
comme des efpéces de plantes différentes celles qu’ils di- 
fent être d’un lexe différent; mais leslexes des plantes ne 
l'ont ni auffi lûrement connus, ni connus depuis auffi 
long-temps que ceux des animaux, ce qui fait qu’on ne 
feroit pas auffi hardi à affûrer de deux plantes quelles 11e 
différent qu’en fexe, qu’on l’cfl à l’affurer de deux ani¬ 
maux. Quoi qu’il en foit, M. Pontedera convient qu’il ne 
connoît réellement que les grandes cigales * qu’Ariflote *pj. ,<$. ^ 
a nommées Achetés, & les petites * qu’il a nommées 1 >-> s & 
Tettigonies. A ces deux efpéces, j’en ai une troifiéme * * Fig. 7!* 9 ’ 
à ajoûter, qui eü d’une grandeur moyenne entre les 
grandeurs des deux autres, & qui en diffère encore par 
d’autres endroits. A en juger par la grandeur de la cigale 
qu’Aldrovande a fait repréienter pour une tettigonie, & 
par ce qu’il dit des lignes dorées qu’elle a fur le corps qu’il 
confond avec le corcelet, la tettigonie eft notre cigale de 
l’efpéce moyenne *, & la plus petite efpéce de cigales lui * Fig. 7. 
auroit été inconnue. 

Outre les différences de grandeur qui peuvent faire 
aifément diftinguer trois efpéces de cigales les unes des 
autres, elles ont encore entr’elles des variétés de couleur 
très-propres à les faire reconnoître. La grande efpéce efl 
en deffus la plus brune des trois. Le corps & les corce- 
lets y font d’un brun luifant prefque noir. Le premier 
corcelet a pourtant un bordé d’un jaune-brun, tout au¬ 
tour de fon contour polïérieur. Il a encore une ligne 
droite du même jaune dirigée vers la tête, & qui ledivife 
en deux également ; quelquefois on y apperçoit de plus, 
deux ou trois points jaunâtres. Les parties du bord podé- 
rieur du fécond corcelet, qui font plus relevées que le 
relie, font auffi jaunâtres. Le jaune domine bien autre¬ 
ment fur les cigales de l’efpéce de moyenne grandeur *. * Fig. 7. 


* PI. i 6. fig. 

8 & .9 




152 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Le premier corcelet de celles-ci, a plus de jaune que de 
brun ; le fécond corcelet a auffi beaucoup de jaune ; il a 
deux taches de cette couleur pofées l’une contre l’autre 
près de Ion milieu, qui ont quelque chofe de la figure 
d’un X mal formé. Près de l’origine de chaque aile, il y 
a encore une autre tache jaune; plus de la moitié de la 
partie (upérieure de chaque anneau eft jaunâtre. Enfin, 
ies ailes lupérieures font picquées de huit à dix points 
d’un brun prefque noir, qu’on ne trouve point aux ailes 
des cigales de la grande efpéce. 

Les cigales de la troifiéme ou plus petite efpéce *, font 
appellées cigalons, près d’Avignon; elles ont moins de 
jaune que celles de la fécondé, & plus que celles de la 
première efpéce. Quelques-unes ont une teinte rougeâtre. 
Tous les anneaux de leur corps, ont un étroit bordé jaune. 
Quatre rayes jaunes un peu tortueufes, font couchées 
fur le fécond corcelet à peu-près parallèlement les unes 
aux autres, & dirigées fui van t la longueur du corps. Il y 
a beaucoup de jaunâtre fur le premier corcelet. Si on 
approche les ailes des cigales de cette petite efpéce, de 
celles des cigales des deux premières efpéces, elles paroiflent 
laies en comparaifon des autres ailes. On leur trouve une 
teinte jaunâtre qui aide à faire briller le luifant argenté des 
premiers. A ces trois efpéces, il y en aura apparemment 
encore d’autres à ajouter, lorfqu’on obfcrvera les cigales de 
différents pays avec une nouvelle attention. Le nombre des 
efpéces de ces mouches efi prefque déjà trop grand, pour 
qu’on puilfe les diftinguer les unes des autres Amplement 
par la grandeur; mais on pourra les caraélérifer par d’au¬ 
tres particularités qu’elles nous offrent ; les différences 
de couleurs, & les différentes diflributions des mêmes 
couleurs, y peuvent feules fuffire. 

Venons à confidérer par deffous nos cigales que nous 

n’avons 



DES I N S E C T E s. IV Mem. 153 
n’avons encore fait voir qu’en défais. Les plus brunes, 
celles de la plus grande efpéce, ont le ventre d’une couleur 
plus claire que celle du defïus du corps; il eft d’un jaunâtre 
fale & pâle, excepté près des bords, où l’on trouve encore 
deux bandes brunes. Ces bandes font des portions des 
mêmes arcs écailleux, qui recouvrent ledefTus du corps; 
chacun de ces arcs * le recourbe de chaque côté pour *Pi. 16. fig. 
venir Unir fur le ventre, 8 c pour y être affemblé à une ^ a £’ b b * 
lame écailleufe, comme ils le font eux-mêmes, mais 
moins convexe. Elleell prefque platte, plus épaiffe pour¬ 
tant versfon milieu que près de lès bords; dans toute l’on 
«tendue, elle eft d’un jaunâtre pâle. Une de ces lames 8 c 
l’arc auquel elle eft jointe, forment enfemble un anneau 
complet. 

Si on oblige le ventre de s’allonger, c’eft-à-dire, fi on 
«carte les lames blancheâtres les unes des autres, autant 
quelles peuvent s’écarter, on met à découvert les ftigma- 
tes du corps. Il y en a deux * entre deux lames j un de * 
chaque côté, placé tout près de la jonélion d’une lame 
avec l’arc écailleux qui lui correfpond. 

Nous n’avons pas encore achevé la defeription de la 
tête de la cigale, parce que nous n’avons pas encore parlé 
de ce qu’on en voit en confidérant le defïous. Nous 
n’avons pas même encore parlé de deux antennes * qui » Fig. 1 & 
pourraient échapper par leur petitefte, elles n’ont que 2,&c - a,a ’ 
quelques lignes de longueur. On peut pourtant les ap- 
percevoir en ne voyant la tête que par-defTus, mais il 
faut la regarder par-defïous pour voir leur origine *. * Fig. 2. 
Ch.acune d’elles eft pofée afiés près d’un des yeux à re- 
zeau, 8 c part de deffous une petite lame cartiiagineufê 
qui fe trouve fur le contour qui fait la réparation de la 
partie inférieure, 8 c de la partie fupérieurc. Une loupe 
forte fait voir que chaque antenne* eft compofée de *Fiç.3. 

Tome V . V 


IJ 4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
cinq à fix pièces articulées bout à bout, & déliées de plus 
en plus; celle‘de l’extrémité eft auffi fine qu’un cheveu „ 
& celle de la bafe eft fenfiblement plus groffe. 

Du bout antérieur de la tête part une pièce de figure 
PL 1 6 . fig. triangulaire *, qui fembie être une efpéce de très-grand 
& 5> l 1 ' menton, qui f'e plie pour couvrir le defïous de la tête, 8 c 
qui s’étend plus loin. Sa baie a une largeur égale à la 
diflance qui eft entre les yeux à rezeau, 8 c fa pointe va. 
bien par-delà la ligne dans laquelle font les attaches des 
deux premières jambes. Le milieu de cette pièce eft re¬ 
levé en boite conique, 8 c eft orné de cannelures tranf- 
verlales. La bafe de ce dcmi-cone fait le bout de la tête 
vite par-deffus. Le fommet du cône fe rend à la pointe 
de la pièce triangulaire. C’cft de la pointe de cette pièce 
* t. que fort la trompe *, au moyen de laquelle la cigale elî en 
état de prendre pour nourriture autre choie que la rofée 
dont les anciens l’ont fait vivre. Avec fa trompe elle peut 
aller puifer dans les vaiffeaux des feuilles 8 c des branches 
des arbres, le fuc qui y eft contenu. Je trouve auffi dans 
une lettre deM. Alphons, que lorfqu’i! faififfoit une cigale 
attachée à un arbre, il lui eft fouvent arrivé de tirer avec 
peine la trompe dont le bout étoit piqué dans l’écorce. 
Avant fa transformation, avant que d’être mouche, ce 
n’étoit que des racines des plantes qu elle pouvoir tirer 
les aliments néceffaires pour fon accroiffement, comme 
nous le dirons bientôt ; alors cependant elle n’étoit pour¬ 
vue que d’une trompe pareille à celle quelle a étant cigale. 
Il y a donc apparence que cette trompe, qui lui a été 
confervée dans là métamorphofe, doit lui fèrvir à un ufage 
femblable à celui auquel elle lui a été nécefftire lous fa 
première forme; qu’elle s’en fert pour pomper la lève des 
branches ou des feuilles, comme elle s’en fervoit aupa¬ 
ravant pour pomper celle des racines. 


des Insectes. IV Mcin . 15j 
Un corps délié 6c long *, une efpécc de gros fil fem- * pi. iCfîg. 
Me partir de la pointe triangulaire ; il a à peu-près la 2 ’ c ‘ 
grolïeur 6c la longueur d’une petite épingle. 11 efl appli¬ 
qué contre le fécond corcclct, 6c va par-delà l’endroit 
ou font articulées les jambes de la troifiéme paire. Ce 
corps délié n’efl pas la trompe, il n’en efl que l’étui, 6c 
ce n’efl pas du menton qu’il part comme les apparences 
portent à le croire. Pour voir la véritable origine de ce 
fou rreau de la trompe, Si pourvoir la trompe meme, 
il faut faire violence à l’efpéce de menton , le foûlever, 
tâcher de le redrelfcr un peu*. Pour peu qu’on le re- * Fig. i o. p. 
drdfe , ce qui n’eft pas difficile, on oblige une partie de la 
trompe* à paraître à découvert; celle-ci tient réellement * r. 
à la pointe du menton, auffi le menton ne fçauroit être 
foûlevé fuis que la trompe le foit. Or, lorfque la trompe 
efl obligée de fuivre le mouvement de la pointe du men¬ 
ton, il lui arrive fouvent de fe tirer de Ion fourreau; celui- 
ci refie en arriére, parce que fou bout antérieur, ou fa baie, 
eft attachée fixement à des parties membraneufes qui fe 
trouvent au-defîous du menton , vis-à-vis fon milieu , 
mais auquel elles ne tiennent point. Pour faire prendre 
une idée encore plus nette de la pofition tic la trompe. 

Si de celle de fon étui , ayons recours à une compa- 
raifon noble pour la cigale; comparons le bout de fon 
menton , au bout du nôtre, 6c les parties charnues ou 
membraneufes qui font fous fon menton,à celles de notre 
gorge. C’efl de ces parties charnues, analogues à celles de 
notre gorge, que l’étui tire fon origine, 6c c’cfl de la 
pointe du menton que part la trompe. Quand celle-ci 
s’éloigne de l’endroit où elle efl ordinairement, fon four¬ 
reau ne la fuit pas toujours, elle en fort, 6c c’efl à elle à 
le venir retrouver quand elle doit y être renfermée. Jl y 
a pourtant des circonflances où le fourreau peut fuivre la 

Vij 


* PI. 16. 
io. f. 


* 


* a. 


* 


15 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
trompe, fçavoir, lorfque la cigale donne aux chairs d’où il 
part, un mouvement qui fait quelles accompagnent elles- 
mêmes le menton. 

fig- Le fourreau *ed une efpéeede gouttière, à laquelle il ne 
paroît tout du long qu’une légère fente; cette fente ed lur 
la face qui ed en vue lorfqu’on regarde la cigale par-def- 
fous. La gouttière ed alTés folide, faite en grande partie 
de matières cartilagineufes; elle peut fe rederrer au point 
que la fente n’ed que le terme des deux bords ou levres- 
qui fe touchent ; & elle peut s’ouvrir lorfqu’il en cd be- 
foin pour laitier fortir la trompe. Ce fourreau ed plus- 
renflé qu’ailleurs auprès de fa bafe, delà il va en dimi¬ 
nuant de diamètre jufques un peu par-delà la pointe du 
l. menton *. Dans le rede de fa longueur il cd plus menu, 
& a à peu-près par-tout le même diamètre, jufqu a fou 
bout qui ed arrondi. Une portion de la partie la plus ren- 
b. fléefemble avoir deux articulations*; on y voit au moins 
deux traits tranfverlàux plus enfoncés que le rede. Au- 
deffous de cette même portion on doit remarquer des 
cartilages bruns qui forment un ceintrc en forme de go- 
g. det *. Ces cartilages peuvent être comparés à nos clavi¬ 
cules ; c’ed fur l’efpéce de bec du godet que. pofe une 
partie de l’étui; le rede du contour du godet, ed, pour 
ainfi dire, une mentonnière dedinée à foûtenir le menton. 

Quand on confidére le fourreau avec une forte loupe, 
elle y fait découvrir beaucoup de poils. Ceux de fon bout 
fe font plus remarquer que les autres, parce qu’ils font 
difpofés en rayons. O11 remarque auffi de chaque côté de 
la fente, des poils qui y font dirigés perpendiculairement 
Si horizontalement, ils font deux efpéces de franges, mais 
légèrement fournies. 

Nous venons de voir que lorfqu’on foûleve le men¬ 
ton, la partie de la trompe qui y tient, fe dégage du 


des Insectes. IV. Mem. r 57 
fourreau. Si on pafTe une épingle fous cette partie cic la 
trompe, & qu’avec cette épingle on la pouffe doucement, 
& peu à peu en haut, on parviendra bientôt à dégager la 
trompe toute entière, &dès quelle fera à découvert, on 
verra aifément quelle efl compofée de trois filets * écail¬ 
leux, ou de nature de corne, égaux en longueur, & de 
couleur de marron. Ces filets fe féparent fouvent d’eux- 
mêmes lorfqu’on les fait fortir hors de fa couliffe qui les 
contenoit ; mais s’ils font reftés unis, on les écarte les 
uns des autres en les frottant allés légèrement avec la 
pointe de 1 épingle. Quand on s’eft affairé du nombre 
des pièces qui entrent dans la compofition de cette trom¬ 
pe, pour bien voir comment elles font difpofées les unes 
par rapport aux autres, on doit tirer le plus doucement 
qu’il efl poflible, une trompe hors de fon étui, afin de 
n’y caufer aucun dérangement. Elle paraît alors à peu- 
près ronde & terminée par une pointe. Quand enfuite 
on vient à féparcr les trois pièces les unes des antres, ou 
reconnoit qu’entre deux de celles-ci *, que nous nom¬ 
merons les extérieures, eft renfermée la troifiéme *, que 
nous appellerons l’intérieure. Cette dernière efl d’une 
couleur un peu plus claire que celle des autres. Les deux 
pièces extérieures font convexes par dehors, & plattes au 
moins par la face qui s’applique contre la pièce intérieure. 
Si on les examine au microfcope ou avec une loupe 
d’un court foyer, on voit que leur bout fe termine en 
pointe arrondie, & faite à peu-près comme une cuillier 
oblongue, & que la convexité de cette pointe mouffe eft 
hériffée de dents très-proches les unes des autres, d’où il 
eft aifé de juger que cesdeux pièces font deftinées à faire 
des entailles aux plantes. La pièce intérieure a fon bout 
terminé par une pointe fine & courbe. 

Outre les trois pièces, dont nous venons de parler, 

V iij 


PI. i 6. fi». 

I • t, r,t. 


* t> 

* r. 


1)8 MEMOIRES POUR L’KiSTOIRE 
nous ne devons pas oublier d’en faire connoître unequa- 
* PI. 1 6. fig. triéme *, qui femble appartenir à la trompe. Elle efl ce- 
»o& 1 1- 1 - pendant très-courte & part comme elle de la pointe du 
menton; elle s’appuye fur la trompe meme. Elle efl plus 
blancheâtre que les pièces qui compofent la trompe, &. elle 
n’a pas autant de confiftance; elle efl a (Tés large à la baie, 
mais elle s’étrécit infènfiblement pour le terminer par une 
pointe fine. Noos en (aillerions prendre une faulîe idée, 
fi nous la laiffions imaginer platte, elle efl pliée en gout¬ 
tière. je donnerois volontiers à cette pièce le nom de 
langue de la cigale. Je luis très-diipolë à croire quelle 
conduit dans le menton, le lue qui lui efl apporté par la 
trompe. Ce n’efl, au relie, que l’analogie qui veut que 
je lui attribue cette fondlion; car je n’ai jamais été à por¬ 
tée d’obfcrver une cigale pendant quelle le fervoit de la 
trompe. J’ignore par la même raifon, fi la trompe efl 
écartée du fourreau pendant quelle agit, ou li le fourreau 
la foûtient alors, au moins en partie. 

Dans chaque efpéce de cigales, le mâle feul fçait chan¬ 
ter. Cependant dans les pays où ces infeéles font les plus 
communs, on croit que c’eft la femelle qui chante, du 
moins le croit-on en Provence &. en Languedoc, on y 
prend le mâle pour la fémelle. C’elt une méprife qui ne 
doit être reprochée ni au peuple ni même à des hommes 
d’ailleurs éclairés , puifque M. Malpighi avoué y être 
tombé. Il avoué qu’il deffina d'abord l’inftrument dont la 
fémelle efl pourvue pour percer les brins de bois dans les¬ 
quels elle veut dépofer fes œufs, pour la partie propre au 
mâle, & deftinée à rendre les œufs féconds. Ceux qui ont 
attribué le bruit que les cigales font entendre, à une agi¬ 
tation prompte des ailes, accompagnée d’un frottement 
des fupérieures contre les inférieures, ont donné dans une 
erreur plus grofüére. Les grillons & quelques fauterelles 


des Insectes. IV. Mem . 159 

les ont conduits à le penfer, & ils t’ont dit fans avoir con- 
fidéré un mâle de cigale; car l’examen le plus leger, ce¬ 
lui dont les gens de la campagne font capables, c’eft-à- 
dire, une fimple infpeélion, a luffi à ceux-ci pour leur 
apprendre à diftinguer les cigales qui doivent être muet¬ 
tes, de celles qui peuvent fe faire entendre; les payfans le 
fçavoient dès le temps d’AJdrovande, & l’ont fçû appa¬ 
remment plutôt. 

Si on ne veut donner le nom de voix qu’à l’efpccc 
de bruit qui eft produit par l’air chaffé hors des poul¬ 
inons, & qui, à fa fortie du larinx, eft modifié par la 
glotte, les infeéles n’ont point de voix. Mais 1 1 on croit 
devoir donner plus d’étendue à ce mot, fi l’on veut con¬ 
venir que tous les bruits, que tous les fons, au moyen 
defquels des animaux déterminent ceux de leur efpécc à 
certaines acftions, méritent le nom de voix, alors nous 
trouverons de la voix aux inleéles, & les organes de celle 
de la cigale nous paraîtront dignes d’être admirés, quoi¬ 
qu’ils ne foient pas placés dans le gofier. C’eft fur le ven¬ 
tre qu’il les faut chercher; c’eft dans là cavité qu’ils font 
logés. 

Quoique la pofition de ces organes *, connus même * Pi* >6. 
des payfans, n’ait pu échapper à Ariftote, &. à ceux qui, 5 ' t,J 
depuis lui, ou plus exaélem^nt d’après lui, ont parlé des 
cigales , M. Pontédéra affine avec raifon , qu’il lemble 
qu’ils ont été mal vus. Il eft certain, au moins, qu’ils ont 
été mal décrits, & qu’il y en a quelques-uns qui font 
difficiles à découvrir. Quand on oblerve du côté du ven¬ 
tre un mâle des cigales de la grande efpéce, on y remar¬ 
que bientôt deux allés grandes plaques écailleules * qu’on *Fîg. 
îie trouve point aux femelles *. Leur figure arrondie *Fi Ê , 2. 
approche de celle d’un demi-oval coupé Tir Ion petit axe; 
je yeux dire que chaque plaque a un côté qui eft en ligne 


l 6 o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
droite, & que le refte de Ton contour eft arrondi. C’eft 
par le côté qui eft en ligne droite, que chaque plaque eft 
arrêtée fixement , fans aucune articulation , fur le fécond 
corcelet, immédiatement au-dedous de l’infertion de la 
troifiéme paire de jambes, c’eft-à-dire, tout auprès de l’en¬ 
droit où le fécond corcelet & le corps font joints enfem- 
ble. La largeur de chacune de ces pièces ed plus grande 
que celle de la moitié du ventre; pofécs à côté l’une de 
l’autre comme elles le font, non-feulement elles cachent 
en entier la partie qui leur correfpond , mais elles font en¬ 
core un peu en recouvrement l’une fur l’autre. Elles font 
lin peu plus longues que larges, elles atteignent prefque 
le troifiéme anneau par leur bout arrondi. 

Cependant c’cd au feul corcelet que tiennent ces deux 
plaques , & quoiqu’elles y foient arrêtées à demeure, Sc 
qu’elles n’y ayent point d’articulation fcnfible, on peut 
■* pi. 17, fig. les loûlever lorfqu’on leur fait violence *; elles tournent 
.11,u. alors f U r Ja partie la plus proche de leur attache; fbuvent 
auffi, elles font obligées décéder un peu au mouvement 
que fait le ventre, lorfqu’en fe pliant en deffous, il s’ap¬ 
proche du corcelet. Mais pour empêcher que ces deux 
pièces ne foient trop foûlevées, & pour les faire retomber 

* Fig. 11. b. îorfqu elles font été , il y a deux efpéces de chevilles * 

roi des & faites en épine, dont chacune appuyé fur chaque 
plaque qui s’élève : c’eft de la cuiffe de la cigale , ou de 
la partie de la jambe qui efl unie au corcelet, que part 
chaque cheville épineufe. 

Si fans s’embarrafîer de la réfiftance îles deux chevilles, 

* Fig. 2 & 3. on foûleve les deux plaques* jufqu a les renverfer fur le 

corcelet ; fi on met à découvert les parties quelles ca¬ 
chent lorfqu’elles font dans leur pofition naturelle, on eft 
frappé de l’appareil qui fe préfente. On ne peut douter 
que tout ce qu’on voit 11’ait été fait pour mettre la cigale 

en état 


des Insectes. IV. Man. i 6 r 
en état de chanter. Quand on compare alors les parties qui 
ont été difpofées pour qu’elle pût chanter, pour ainfi 
dire, du ventre, avec les organes de notre gofier, on juge 
que les nôtres n’ont pas été faits avec plus de foin que 
ceux au moyen defquels la cigale rend des fons qui ne 
nous font pas toujours agréables. On voit une cavité qui 
a été pratiquée finguiiérement dans la partie antérieure 
du ventre. Le premier anneau a été coupé pour la former, 

&le fécond a été rétréci. Le contour lupérieur de cette 
cavité a un rebord plus fort & plus épais que ne le font 
les anneaux : la forme de ce contour a même quelque 
chofe d’agréable, il cfl arrondi fur les côtés, & au milieu 
du ventre il a une languette qui s’avance vers la tête, 
c’efl-à-dire, vers l’intérieur de la cavité. Cette cavité au 
relie efl partagée en deux loges principales*. Un triangle *pj. f, g< 
écailleux *, convexe du côté qui ell en vûe Si très-folide, 2& 3- 
a été employé pour faire cette féparation. La bafe * de * ri s-7 , '7 f 7- 
ce triangle cfl du côté du corcclet, & le fommet de l’angle q q ' 
oppofé à la bafe, efl auprès de la languette dont nous 
avons parlé, Si placé fous elle. Sur ce même triangle s’é¬ 
lève une arête qui va fe terminer à la languette même. 

Cette arête fait la cloifon qui divife la cavité en deux 
jufqu’au niveau des anneaux, ou à peu près. 

Le fond de chacune des cellules formées par la divi- 
fion de la grande cavité, offre aux enfants qui prennent 
des cigales, un fpeélacle qui les amufe, Si qui peut être 
admiré par les hommes qui fçavent Lire le meilleur 
ufage de leur raifon. Les enfants croyent voir un petit 
miroir * au fond de chaque cellule, taillé en demi-cer- * Fig. 2 & 
cle, parce qu’un de fes côtés efl terminé par un de ceux 
du triangle écailleux, Si que le refie de circonférence 
s’ajufle fur le contour de la cavité. Quand une petite 
glace du verre le plus mince & le plus tranfparent, ou 
Tome V . X 


JÔZ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
une petite lame du plus beau talc, feroit fertie au fond 
de chacune de ces cellules, ce quon y verroit ne paroî- 
troit pas différent de ce qu’on y voit ; la membrane qui y 
efl tendue, ne le cède en tranfparence, ni à aucun verre, 
ni à aucun talc ; & fi on la regarde obliquement, on 
lui trouve toutes les belles couleurs de l’arc-en-ciel. Il 
femble que la cigale ait deux fenêtres vitrées, par lef- 
quelles on peut voir dans l’intérieur de fon corps. Mais 
ces deux fenêtres font ordinairement fermées par deux 
*PI. 17. fig. volets, qui font les deux pièces écailleufes * qui couvrent 
2& 3 ' u ‘ u ‘ la grande cavité. Lorfqu’on fçait que c’eft de défions ces 
volets, de deflous ces plaques écailleufes, que fortent les 
fons que la cigale fait entendre, on comprend bien que 
les deux loges & les membranes fi parfaitement tendues, 
font defiinées à modifier les fons, à les rendre plus harmo¬ 
nieux, fi ce n’efi pas pour nous, au moins pour la fémelie 
par laquelle ils doivent être entendus, & pour laquelle ils 
font formés. Nous avons fait remarquer les deux arrêts qui 
empêchent les deux volets, les plaques écailleufes des’éle- 
ver trop; il y en a un auffi qui les empêche de defeendre 

* Fig. 3. c. dans la cavité ; c’eft une efpéce de petit chevalet * qui 

part de l’extrémité du corcelct, & qui efl dirigé horizon¬ 
talement jufqu’auprès de la bafe du triangle écailleux. Là 
ce chevalet fie replie à angle droit pour lé faire un pied 
qui porte fur la bafe dont nous venons de parler, & qui 
y efl fixé. Cette efpéce de chevalet fert auffi à retenir le 
corps, à l’empêcher de s’écarter trop du corcelet, de le 
relever trop en en haut. 

Le triangle écailleux ne partage en deux que la partie 
pofiérieurede la cavité. La partie antérieure de cette même 

* Fig. 2 &. 3. cavité, efi: remplie par une membrane très blanche*', & 

qui, quoique mince, a de la confifiance. Elle efi attachée 
par un de fes côtés à la bafe du triangle écailleux, &par 


DES I N S E C T E s. IV. Mem. I 6 3 
fon autre côté au bord pofiérieur du corcelet. Enfin, l'es 
deux bouts font attachés aux parties fol ides de la cavité 
qui leur répondent. Cette membrane n’efi pas tendue 
comme le lont celles qui imitent de petites glaces; elle 
ne l’efi que quand le corps de la cigaie le redrefife: mais 
quand le corps le recourbe en embas, comme pour fe 
rapprocher de la tête, alors cette membrane fe plifi'e né- 
ceflairement, & les plis qu’elle forme font parallèles aux 
anneaux. 

Voilà, cefemble, allés de parties employées pour faire 
chanter une cigale; aulfi eft-ce par quelques-unes de celles 
que nous venons de décrire, que plufieurs Auteurs ont 
prétendu que leur chant étoit produit. Les uns ont voulu 
que le frottement des anneaux contre les volets ou pla¬ 
ques écailleules, fût fufHfant pour faire le bruit dont il 
s’agit, & cela quand le ventre s’approche du corcelet en fe 
courbant en défions, Si s’en éloigne enfuitc avec vîtefie 
pour fe recourber de nouveau & fur le champ. Mais en 
failànt faire loi-même ce jeu au corps d’une cigale morte, 
il efi aile de s’afiurer qu’il ne produit prefque point de 
frottement Si nullement un frottement capable de faire 
du bruit. D autres ont regardé les deux petits miroirs 
comme deux tambours qui rendoient les ions ; mais il 
falloit trouver les baguettes propres à frapper fur ces tam¬ 
bours, Si on les chercheroit inutilement. D’autres enfin, 
ont jugé que la membrane blanche* qui occupe la partie * PI. 17.%. 
antérieure de la cavité, pouvoit, en fe pliant & le dépliant, 
faire une forte de cri : cependant il efi facile de fe con¬ 
vaincre que cette membrane efi trop humide Si trop flé- 
xible pour rendre des fons lorfqu’elle fe plie& fe déplie. 

Enfin, il efi très-certain que le chant de la cigale 
n’efi produit par aucune des parties que nous venons 
d’examiner, qu’il en demande beaucoup d’autres plus 

Xij 


* PI. 17. fig. 

( -ff 


* Fig. 8. 
* e. 


164 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
linguliércment placées, 6: qu’il ne feroit pas polhble de 
découvrir avec quelqu’attention qu’on obfervât une cigale 
vivante, eût-elle la complaifance de chanter fur la main de 
l'Oblervateur ; il n’y a que la diffeélion qui puiffe nous 
montrer les vrais organes de fa voix. Après en avoir ou¬ 
vert quelques-unes fur le dos, c’eft-à-dire, après y avoir 
emporté la partie fupérieure du premier & du fécond an¬ 
neau ; après avoir mis à découvert du côté du dos la por¬ 
tion de l’intérieur qui répond à la cavité où font les miroirs, 
je fus frappé de la grandeur de deuxmufcles * qui s’offri¬ 
rent à mes yeux. Chacun des mufcles, dont je veux parler, 
efc un faifeeau d’un prodigieux nombre de fibres droites 
appliquées les unes contre les autres, & pourtant ailées 
à lëparer les unes des autres. Les deux mufcles fe rencon¬ 
trent l’un l’autre fous un angle plus petit qu’un droit, & 
ce point de rencontre & de leur attache efi fur le revers 
de la pièce triangulaire & écaillcufe *, & précifément à 
celui des angles * d’où partent les côtés qui ferment les 
cavités où font l’un & l’autre miroir. Ceux qui ont fait 
attention à la difpofition eles fibres des mufcles qui fe trou¬ 
vent dans le corcelct des mouches de différentes efpéces, 
& qui fervent à mouvoir leurs ailes, fe feront une jufîe 
idée des mufcles que nous voulons faire connoître ; ces 
derniers ne le cèdent, ni en groffeur, ni en force à ceux 
qui font employés à produire le mouvement des ailes, 6e 
font beaucoup plus longs. Des mufcles d’une telle force, 
placés dans le ventre de la cigale, 6e dans l’endroit du 
ventre où ils le trouvoient, ne fembloient y être que pour 
agiter vivement les parties, qui étant mûes produifoient 
le bruit ou léchant. Auffi pendant que j’examinois un de 
ces mufcles, pendant que je le tiraillois doucement avec 
une épingle, pendant que je le faifois un peu lôrtir de 
fa place pour î’y iaiffer retourner enfuite, il m’arriva de 


des Insectes. IV. Mem. 1 6 5 
faire chanter une cigale morte depuis plufieurs mois. Le 
chant, comme on l’imagine, ne fut pas fort; mais il le 
fut affés pour me conduire à trouver la partie à laquelle 
il étoit dû. Je n’eus qu’à fuivre le mufcle que j’avois ti¬ 
raillé, qu’à chercher la partie à laquelle il aboutifloit. 

Mais, avant que de faire connoître la partie qui rend 
les fons, nous devons faire connoître le lieu où elle eft 
pofée; pour cela, confidérons encore une fois notre ci¬ 
gale du côté du ventre * ; relevons encore les volets * ou * Pi. iy. 
les pièces écailieufes, pour mettre à découvert la grande u u 
cavité où font les miroirs & les autres parties que nous 
avons décrites. Il y a encore dans cette grande cavité deux 
réduits * égaux & femblables, dont nous n’avons rien dit, * 1 , 1 . 
& qu’il efl bien important de connoître; il y en a un de 
chaque côté. O11 ne voit que les ouvertures de l’un & de 
l’autre, qui font courbes. Une cloifon folide, une cloifon 
écailleufe eft employée de chaque côté avec une portion 
du premier anneau , à former un de ces réduits, une de 
ces cellules. Cette cloifon qui commence auprès du bout 
du premier anneau, & qui là fe joint au rebord qui en¬ 
toure le contour poftérieur de la grande cavité, va fe ter¬ 
miner à l’origine de ce même anneau. Si cette cloifon 
étoit plane & droite, levuide du réduit, delà cellule ne 
feroit qu’égal à celui qui peut être entre la courbûre de 
la portion d’anneau, & un plan; mais la cloifon rentre un 
peu dans la grande cavité , & la capacité du réduit en eft 
augmentée, l’ouverture de chaque cellule eft au niveau 
du ventre. C’eft dans ces deux cavités que font les deux 
organes du chanr. Les ouvertures de ces deux cavités 
font pour la voix des cigales, ce que notre larinx eft 
pour la nôtre. Si elles font inflexibles, fi elles ne peuvent 
pas modifier les fons qu’elles laiflent fortir, en recom- 
penfe ces fons trouvent plus de parties qui les modifient, 

X iij 


166 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE 
que n’en trouvent ceux qui ont été formés par notre 
glotte. La voûte du palais de la bouche, 6 c la cavité du 
nez, font néceffarres pour perfectionner nos fons; ceux 
des cigales peuvent être modifiés, par les volets écailleux, 
par les cavités où font les miroirs, par les miroirs mêmes, 
6 c par les différentes parties de la grande cavité. 

Mais pour voir enfin les premiers 6 c véritables organes 
du chant des cigales, nous n’avons qu a ouvrir une des 
pi. 17.% cellules* dont nous venons de déterminer la figure 6 c la 
3 - L pofition, nous trouverons un infiniment fonore qui y eft 
logé. On peut remarquer de chaque côté, fur le premier 
» Fig. 4. e. anneau du mâle, une portion triangulaire * plus élevée 
que le reffe. Deux élévations pareilles ne fe trouvent pas 
fur le même anneau de la femelle; elles ont été données 
à celui du mâle pour aggrandir les loges des inflruments 
fonores. On parviendra à ouvrir une de ces loges fans 
endommager l’inftrument qui y efl contenu, fi on em¬ 
porte fimpiement avec un canif celte partie de l’anneau 
* Fig. 5.?. qui forme uneboffe. Des quelle fera enlevée *, dès que 
l’intérieur de la cavité fera à découvert, on verra quelle 
efl occupée en partie par une membrane contournée en 
* t. forme de timbale*, 6c que cette efpéce de timbale pré¬ 
fente fa face arrondie. Cette pièce pourtant loin d’être 
liffe comme l’inflrument auquel nous la comparons, efl 
toute pliffée 6c pleine de rugofités. Pour peu qu’on la 
touche, on ne fçauroit héfiter fur l’ufage auquel elle efl 
deflinée, elle refonne plus que ne feroit le parchemin le 
plus fec, ou quelqu’autre membrane plus fonore que le 
parchemin. Quand la timbale qu’on touche, appartient, 
comme celle que je touchois, à une cigale qui a été 
long-temps tenue dans de l’eau-de-vie bien chargée de 
fucre, on voit que la nature de cette membrane efl d’être 
toûjours roidc, deletre quoique mouillée,ou au moins 


des Infectes. IV. Mem. 167 
qu’elle eft de nature à ne pouvoir être aifément péné¬ 
trée par une liqueur, puilque pendant que toutes les 
autres membranes de la cigale étoient flexibles 6c mol¬ 
les , elle avoit confervé la roideur néceffaire pour rendre 
des Tons. 

La circonférence de cette timbale eft arrêtée bien fixe¬ 
ment *, elle l’efl fur une efpéce de cerceau decaille, je * Pi. 17.%. 
donne ce nom à la pièce dans laquelle eft percé un trou 9 ‘ c ' 
fillonné autour de l'on bord, dont le diamètre eft pref- 
qu’égal à celui de la circonférence de la timbale. La pièce 
dans laquelle il eft percé, eft la partie antérieure de cette 
cloifon qui ferme d'un côté la cellule de la timbale. Les 
rugofités qui font fur la furface de cette efpéce de tim¬ 
bale, y font arrangées avec une forte de régularité. Ce 
font des filions afles relevés, 6c prefque parallèles les uns 
aux autres ; le premier 6c le plus court de tous, eft le plus 
proche de la portion de la circonférence la plus voifine 
du corcelet; celui qui fuit, qui s’élève davantage fur la 
convexité de la timbale, eft plus long néceflairement que 
celui qui le précédé; c’cft-à-dire, que ces filions ne font 
pas parallèles à la bafe de la timbale, que chacun d’eux 
part d’un point de cette bafe pour s’élever fur la partie 
convexe, 6c aller fe terminer à un point de la bafe, oppofé 
à peu-prés diamétralement à celui dont il eft parti. Lorf- 
qu on frotte ces (liions ou la furface convexe de la timbale, 
avec un petit corps incapable de percer 6c de déchirer, • 
tel que peut être un petit morceau de papier roulé, on la 
fait refonner; 6c on voit que le refonnement vient de ce 
que des portions de la timbale qui font enfoncées par les 
frottements du petit corps, fe relevent dès que ce corps 
celfe d’agir contr’elles. La difpofition 6c le reftort des par¬ 
ties qui ont été enfoncées fuffifent pour les relever; il ne 
faut point de mufcles pour produire cet effet, mais il en 


* PI. r 7, 
6 . ff 


* F'g- 9 

SO, p. 

* 


168 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
faut un, qui alternativement tire en dedans une portion 
de la timbale, qui oblige à devenir creufe une portion 
qui étoit convexe, & qui permette enfuite à cette partie 
tl'être relevée par fon reffort. 

On ne doit pas être embarrafTé où trouver le mufcle 
capable de produire cet effet, car on 11 ’a pas oublié les 
deux forts mu Ici es * dont nous avons déterminé la pofi- 
tion ci-deffus. Celui qui eft deftiné à mettre en mouve¬ 
ment une des timbales, eft appuyé & arrêté en partie 
contre la piece écailleufe qui lbûtient la timbale, & qui 
cft percée d’un trou dont le diamètre eft prefqu égal à 
celui de la baie de cette timbale; une partie du bout du 
mufcle eft vis-à-vis la portion poftérieure de ce trou. 
Les fibres qui compofent ce mufcle le terminent à une 
& plaque tendineufe prefque circulaire*. De cette plaque 
tendineufe partent plufieurs filets*, plufieurs petits ten¬ 
dons, qui vont s’attacher à la furface concave de la tim¬ 
bale , à peu près à diftance égale de fa partie la plus élevée, 
6c de fa circonférence, Sc cela vers la portion poftérieure 
de cette circonférence. Je n’oferois affûrer que ces petits 
tendons foient les feuls par lefquels le mufcle peut agir 
lur la timbale, mais ils fuffifent pour en expliquer tout 
le jeu; car il eft clair que quand le mufcle fe contractera 
6c fe relâchera alternativement avec vîteffe, une portion 
convexe de la timbale fera rendue concave, & cette por- 
- tion reprendra enfuite fa convexité par Faction de fon 
propre reffort. Alors fe fera ce bruit, ce chant que nous 
avons été fi long temps à expliquer, parce que nous 
avons voulu faire connoître toutes les parties au moyen 
defquelles celui qui n’en fait point d’inutiles, a voulu 
qu’il fût produit. 

Je fuis étonné que M. Pontédéra qui paroît avoir bien 
connu les organes du chant des grandes cigales, les ait placés 

dans 


des Insectes. IV. Man . 169 

dans ce qu’il appelle la poitrine , qui cil la partie que 
nous nommons le corcelet, puifqu’il ch certain qu elles 
font toutes contenues dans la cavité formée par les pre¬ 
miers anneaux du ventre. 

Les cigales appellées tettigonies, ou celles de la petite 
efpéce*, n’ont pas été données par les anciens, pour *Ft 16. fig. 
d’auffi bonnes chanteufes que les achètes ou grandes ci- ; 
gales; quelques-uns même les font palier pour prefque 
muettes. AI. Pontédéra prétend quelles chantent aulîi 
fort que les autres proportionnellement à la grandeur de 
leur corps; elles font pourvues de très-grandes timbales, 
mais dont le bruit ne femble pas devoir être aufli bien 
modifié que celui des autres. J’ai trouvé la même difpo- 
fition des organes du chant aux cigales de moyenne gran¬ 
deur *, fur qui le jaune domine, & aux plus petites cigales, * F! â- 7 * 
mais une difpohtion différente de celle des cigales de la 
plus grande efpéce. Les timbales de celles de la moyenne 
&. de celles de la petite efpéce, ne font pas cachées entière¬ 
ment *. Les volets écailleux * de ces cigales font plus * p! - ' 7 - %• 
courts & plus étroits que ceux des autres, & leurs timbales 
font plus allongées. L’une & l’autre timbale fui vent en re¬ 
montant, la courbure de l’anneau ; l’endroit* où chacune * r. 
fe termine, eh à peu près aulli proche du milieu du dos, 
que du côté d’où elle part. Elles font à découvert l’une & 
l’autre près de l’endroit où elles fe terminent, & près du 
volet, c’eh à-dire, qu’elles le font près de leurs deux bouts. 

La portion d’anneau qui répond à chaque timbale, a été 
entaillée pour la lailfer voir, ou plutôt pour lailfcr fortir 
le fon quelle doit rendre ; mais le milieu de la portion 
entaillée n’a pas été emporté, il a été relervé pour former 
une languette* qui recouvre le milieu de la timbale. On * Fig- n .p. 
peut abbaifTer cette languette * en lui faifant violence, * Fi £- 12 d’¬ 
comme on peut foulever les volets. Ces timbales, ainfi que 
Tome V . Y 


170 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
celles des grandes cigales, lont faites d’une membrane 
cartilagineufe 6c fonore, mais dont les plis ou filions font 
plus régulièrement arrangés; ils font parallèles les uns aux 
autres, & parallèles à peu près aux anneaux du corps. 11 n y 
a qu’une petite portion de chaque timbale qui le trouve 
fous chaque volet, ainh il n’y a que l’air agité par cette 
portion, qui, avant que de fortir, puilfe être réfléchi par 
les différentes parties de la grande cavité. 

♦ pi. 17. fig; D’ailleurs le miroir * qui eft dans cette cavité eft pro- 
13.//!. portionnellement plus petit que celui de la cavité des 
cigales de la grande efpéce. Si les cigales de la petite & 
celles de la moyenne efpéce ont fur les cigales delà grande 
efpéce l’avantaged'avoir des timbales proportionnellement 
plus grandes, elles les ont moins favorablement placées, 
puifqu’il n’y a qu’une partie de l’air qu’elles font refonner, 
qui puilfe être modifiée une fécondé fois, 6c quelle femble 
le devoir être moins parfaitement. Au relie les mufclcs 
deltinés à agiter ces timbales, font fembiables à ceux qui 
fervent à agiter celles des autres, 6c femblablement placés. 

Si parmi les cigales toutes les fémelles font muettes, fi 
elles n’ont point des organes du chant fembiables à ceux 
que nous venons d’admirer dans les mâles, elles ont en 
revanche un infiniment qui leur efi propre, 6c qui mérite 
bien d’être examiné avec attention. Leurs œufs doivent 
*PI. 19.%. être logés dans l’intérieur de petits morceaux de bois *, 
6c elles font pourvues d’un infiniment avec lequel elles 
viennent à bout de percer de longs trous, dans lefqueîs 
elles les arrangent avec un grand art. Cet inftrument, 
comme tous ceux que la nature a accordés aux infeèles, 
pour couper, feier, entailler 6c percer, efi d écaillé ou de 
corne; 6c il efi un des plus folides dont un infeéle foit 
armé. 11 eft d’ailleurs d’une grandeur plus confidérable 
que ne le font la plupart des inftruments des infectes, 


des Insectes. III. Mem. 171 
defiinés à des ufages équivalents. Sa firuéhire a des parti¬ 
cularités qui peuvent être apperçûes à lavûe fimple. Nous 
nous fixerons à celui des plus grandes cigales, qui a environ 
cinq lignes de longueur. Le dernier anneau des cigales, 
tant mâles que fémelles, efi conique, mais il efi bien plus 
long & même plus gros à fa baie dans les fémelles * que * PF. 16. fig. 
dans les mâles; & c’efi ce qui fait paraître le corps de jp * P’p'J- 
celles-là plus allongé. D’ailleurs dans les fémelles, cet £ 
anneau eltcompolé d’une feule pièce ; il n’en a pas une 
fécondé en defious comme celui des mâles*. Il efi fendu * Pi. 19. %. 
tout du long*, pour permettre de fortir à l’infirument que 7 & 
nous voulons faire connoître, & que nous appellerons la I+ f ' 7 ' 
tarière. Il en efi la première enveloppe. La tarière a ce¬ 
pendant encore fon fourreau particulier, qui efi logé avec 
elle dans la codifie du dernier anneau. 

En prenant, &même afifés foiblement, le ventre de la 
cigale, on oblige fa tarière à fortir de fes étuis, à fe mon¬ 
trer toute entière à découvert *. A la vûe fimple on recon- * pi., s. 
noîtroit pour quel ufage elle efi faite; les yeux n’ont pas *• b I 
befoin de fecours pour voir quelle efi un corps long & 
écailleux, qui dans toute fa longueur efi à peu près d’une 
grofieur égale, mais qui devient un peu plus gros proche 
de fon extrémité, pourfe terminer enfuite par unepointe 
angulaire *, ou de la figure de celle d’un fer de pique ; mais » f. 
cette pointe a la particularité detre dcnteiléc tout du long 
de chacun des deux côtés, qui la forment parleur réunion. 

Le fourreau immédiat * delà tarière, ne la fuit point * Fig. 1 .ce. 
pendant quelle fort de l’anneau. Il efi compofé de deux 
pièces femblables*, dont chacune depuis fon origine jul- *Fi g .2,&3, 
qu’à la moitié de fa longueur*, ou par-delà, efi arrêtée » j: 
fixement contre les chairs qui font le fond de la couüfiè * g. 
de l’anneau. Dans l’endroit où une des moitiés de l’étui 
cefife d’être attachée, il y a une articulation. La partie* * s c - 

Yij 


172 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
qui commence à cette articulation, efl faite en cuilleron 
allongé; dans les temps ordinaires, la pointe de la tarière 
efl renfermée entre ces deux cuillerons. Cette partie & celle 
qui fait la bafe de chaque demi-étui, font brunes, luifantes 
& écailleufes, comme l’eft la tarière même. Celle-ci n’efl 
pas abfolument droite, elle a une courbure*, dont la 
convexité cl l du côté qui lé préfente lorfqu’on regarde 
la cigale en deffous. Elle efl plus courbe vers fa bafe qu ail¬ 
leurs, ce qui rend fa figure propre à s’ajufter dans la cou- 
liffe, & qui la porte à y rentrer lorfqu’elle cil abandonnée 
à elle-même. Nous diflinguerons lès faces par les noms 
de convexes & de concaves. 

Cette partie mérite affinement qu’on 11e s’en tienne 
pas à la confidérer à la vue fimple; il 1 eifîit d’obferver fa 
pointe avec une loupe, pour voir que les dentelures font 
fortes & arrangées avec fÿmmétrie. Elles font parallèles les 
unes aux autres, & toutes dirigées de façon que fi elles 
étoient prolongées jufqua l’axe de i’inflrument, des deux 
angles qu’elles y feroient, l’aigu feroit tourné vers la pointe. 
On en compte neuf de chaque côté, dont les plus proches 
de la pointe font les plus fines. Elles deviennent de plus en 
plus groffes, à mefure qu’elles s’en éloignent ; par-delà les 
neuf premières & groffes dentelûrcs, il y en a encore trois 
à quatre affés petites. 

Quand on pourfuit l’examen de cet infiniment, il ceffe 
de paroître auffi fimple qu’on l’avoit jugé d’abord. Une 
fente qu’on apperçoit tout du long de la face convexe, 
indique qu’il efl compofé de plufieurs pièces, & on 
parvient aifément à s’affiirer qu’il en a trois. Pendant 
qu’on le manie, qu’on le tiraille fans chercher encore à 
le difféquer, le hazard met fouvent en état de voir que la 
pointe efl faite au moins tle deux pièces ; que quoique 
fine, elle efl formée par Ja rencontre de deux pointes 


des Insectes. IV. Mem. 173 
une fois plus déliées, & que les dentelures font taillées 
fur deux pièces différentes. On voit tout cela, dis-je, 
lorfque l’on détermine, & fouvent fans le chercher, une 
de ces pièces * à aller plus loin que l’autre *. On devine * pi. 18. fig, 
aifément le moyen de faire paroître,quand on veut, ce 6 ; l J m 
que le hazard a montré d’abord, il n’y a qu’à pouffer en 
haut avec une épingle, ou avec la lame d’un canif, une des 
moitiés de la bafe de la tarière, pour obliger une des 
pointes * à s’élever plus que celle contre laquelle elle étoit * Fig. b. lj>. 
appliquée *. */>• 

Si nous continuons de donner le nom de tarière à cet 
infiniment deftiné à ouvrir des trous, quoiqu’il foit tout 
autrement conftruit que ceux dont nous nous fervons 
pour un lémblable ulàge, c’efi qu’il lui a déjà été donné 
par M. Malpighi, qui a pourtant héfité à l’appeller une 
lime. Quand on a étudié la compofition de cette tarière, 

&. qu’on lit enfuite la defeription, & qu’on confulte les 
figures que ce célébré Auteur en a données, on efi con¬ 
vaincu qu’il avoit très-bien obfervé les différentes parties 
dont elle efi compofée; mais fes figures & fa defeription 
concife, qui fuffiloient dans un temps où il n’en a parlé 
que par occafion, ne fuffiroient peut-être pas pour en 
faire prendre des idées nettes à ceux qui ne les auroient 
pas examinées fur la cigale même. Avec un peu de dexté¬ 
rité & de patience, on vient à bout de féparcr les trois 
pièces dont elle efi compofée*. Si on introduit une pointe *Fig. 5 .lp, 
fine Si roide, celle d’une épingle, dans la fente qui ei\^ J,rC ' 
en vue, lorfqu’on regarde la mouche du côté du ventre. 

Si qu’on pouffe vers le côté un des rebords de cette fente, 
après quelques tentatives, on écarte un peu la pièce à la¬ 
quelle appartient le rebord pouffé ; on lui fiait faire un 
coude en cet endroit; il paroît un vuide entre cette pièce 
& la partie à laquelle elle étoit ci-devant jointe. On peut 


174 MEMOIRES POUR UHlSTOIRE 
faire entrer i''épingle dans ce vuide. Si on la conduit en- 
fuite tout doucement vers le bout de la tarière, on achevé 

* pi. i g. fig. de dégager cette pièce *. C’efi une de celles dont la pointe 

4 - JP: efl taillée en lime, & que nous appellerons auffi une des 

limes. Si on eût agi avec l’épingle contre l’autre côté, on 

* Fig. j. ip. eût détaché une autre lime*. L’inftrument efl donc com- 

pofé de deux limes d’une figure particulière, qui peuvent 
jouer alternativement. Mais ce qui efi de pius remarqua¬ 
ble, c’efi la manière dont elles lbnt maintenues l’une &. 
l’autre pendant leur jeu ; elles le font de façon qu’elles 
refient toujours parallèles entr’elles, de façon que celle 
qui avance ne s’écarte point de celle qui efi en repos. 
Ceci dépend de la manière dont elles lont afiemblées : 
elles le font toutes deux avec une troifiéme pièce, que 
*Fi g.j.teer. nous nommerons le fupport ou la pièce d’aflemblage *. 

Cette dernière efi taillée quarrément dans la plus grande 
partie de fa longueur, elle efi environ une fois plus large 
qu’épaifie. Les faces fur lefquelles nous prenons fa largeur, 
font lafupérieure & l’inférieure, ou celles qui font paral- 

* te. leles au ventre de l’infeéle. Son bout * fe termine en fer 

de pique, mais il n’efi guère moins épais que le refie. Le 
* lb,fb. manche, pour ainfi dire, ou la tige* de chacune de nos 
pièces en lime, efi dans toute fa longueur creufée en gout¬ 
tière. Sa furface extérieure efi pourtant arrondie. Un des 

* er. côtés *, une des tranches de la pièce d’affemblage ou du 

fupport, entre dans la gouttière de la lige d’une lime, & 
l’autre côté de cette pièce entre dans la gouttière de la 
tige de l’autre lime; les gouttières font tellement creu- 
fées, que chaque tige de lime recouvre une moitié de 

* Fi s-7 & 8. cette face de la pièce d’afiemblage *, qui fe préfente lorf- 

qu’on regarde le ventre de l’infeèîe, ou de la face infé¬ 
rieure. Là les deux tiges laifient feulement entr’elles une 
petite fente, qui efi celle dans laquelle nous avons dit 


DES I N S E C T £ S. IV. Mem. 175 
qu’il falloit faire entrer une épingle quand on vouloit 
féparer une des limes de l’autre 6c de ion fupport. Mais 
la face oppolëe* du fupport n’eft point recouverte par * Fi- 
les tiges des limes. 

Les tiges * des limes font à peu près droites, c’cft-à- * Fig. 7. h,u 
dire, qu’elles n’ont que la courbûre qui leur eft necef- 
faire, pour que la tarière fe place dans fon étui *; mais -^Fig. i.ccc. 
la partie taillée en lime* fait un angle avec la tige, ce *Fig. 5 ,6. 
qui leur donne quelque reftemblance avec certaines limes, 
ou avec certains riftoirs que nos ouvriers employent à 
limer ou à réparer dans des cavités. Nous avons dit que 
la pièce d’alfemblage fe termine en fer de pique; les deux 
faces* qui en marquent l’épailTeur, 6c qui concourent à * Fig. y. 
fa pointe, fervent de fupport aux deux limes*; c’eft-à- 
dire, que chaque lime eft pofée fur un des côtés de la 
portion faite en fer de pique. 

La pofition des limes eft aftes expliquée, on entend 
aftes comment le fupport eft emboîté dans l’une 6c dans 
l’autre; mais nous n’avons rien vu encore qui puifte ren¬ 
dre cet aftemblage folide : il l’eft au de-là de ce qu’on 
l’imagineroit, car fi on 11’agit avec bien des précautions, 

6 c fi on ne fe retourne de bien des manières, il eft diffi¬ 
cile de dégager les deux limes de deflus le fupport, fans 
brifer quelqu’une de ces trois pièces. Le moyen qui a 
été employé pour les tenir unies, 6c en même temps, ce 
qui étoit effentiel, pour que les limes puftent jouer alter¬ 
nativement , pour que la pointe de l’une * pût être portée * Fig. 8. Ip. 
par de-là la pointe de l’autre, 6c ramenée enfuite en 
arriére; ce moyen, dis-je, eft le même que celui auquel 
nous avons journellement recours dans divers ouvrages 
de ménuiferie. Nous avons des boîtes dont le deffus fe 
tire, parce qu’il a des languettes qui entrent dans des cou- 
liftes taillées près du bord fupérieur de la boîte. Nous 


* PI. 18. f 
4. tr. 

* F 'g- 5 
» Fig- 10. 


176 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
avons des tiroirs qui font aufti a coulifie ; enfin nous 
faifions beaucoup d’autres ouvrages à coulifies 6c à lan¬ 
guettes. Quand on examine avec une loupe forte la tran- 
ig. che de la pièce d’aflemblage *, 6c celle de fes faces*, qui 
eft couverte par les tiges des deux limes, 6c quand on 
'0. examine la cavité des tiges* de ces limes, on découvre 
fur les unes 6c fur les autres, tout ce qui efi néceffaire 
pour produire un engrainement exaél; on découvre fur 
les unes 6c fur les autres de ces pièces 6c codifies & lan¬ 
guettes , 6c autant qu’il en faut pour rendre l’aftemblage 
fur. Il eft d’ailleurs exécuté avec la précifion qui rend 
le jeu aifé. Nous ne font mes pas étonnés que des pièces 
qui échappent prefque à nos yeux par leur petitefie, 
foient fi parfaitement travaillées, quand nous penfons 
quelle eft la main qui les a faites. Il ne m’a paru y avoir 
qu’une codifie pour chaque tige de lime fur la face de 
la pièce d’afifemblage contre laquelle les deux limes font 
appliquées ; mais fur la tranche de la même pièce, 011 
apperçoit de chaque cofté deux codifies féparées par 
deux languettes. Les entailles 6c les reliefs de cette pièce 
déterminent, 6c les reliefs 6c les entailles qui doivent 
eltre dans les tiges creufes des limes, 6c qu’on y voit lorf- 
qu’on cherche les pofitions les plus propres à les rendre 
fenfibles. 

Il y a une meilleure manière encore, que celle dont nous 
avons parlé,de reconnoître combien cet afiemblage eft par¬ 
fait, 6c cependant combien le jeu des limes eft libre; c’cft 
de couper une tarière avec des cifeauxaftes prèsdefabafè. 
On la prend enfuite entre les deux doigts d’une main,ou, 
fi on l’aime mieux, entre les deux branches d’une pince. 
O11 la faifit de manière que la prefiion n’agifte que fur 
la tige d’une des limes, fur une moitié de la largeur de 
la tarière. Alors, foit avec deux doigts feuls, fi on en a 

d’aftes 


des Insectes. IV. Mem. 177 
d’affcs adroits, foit avec une épingle on pouffe vers la 
pointe de l’inftrument la lime qui n’eft pas preffée *; elle * Pi. i S.fig. 
cede fans oppolèr de réfiftance àj a petite force qui tend à la 8 ' /p ‘ 
mouvoir; elle va auffi loin qu’on veut par-delà la pointe 
fixe, toujours parallèle à elle-même. On la rameneenfuite 
avec la même facilité dans fa première pofition, 6c on l’en 
retire après, fi l’on veut, pour la faire ailer du côté oppofé 
au premier *, vers celui qui étoit le plus proche de la baie *Yh.j.plt. 
de la tarière. Pendant ces mouvements elle ne s’écarte 
jamais ni à droite ni à gauche, 6c elle laiffe à découvert les 
parties de la pièce d’affemblage defquelles on la contraint 
de s’éloigner. Lorl’qu’elle eft dans Ion état ordinaire, on 
reconnort aifément que la moitié de la face inférieure 
de la pièce d’affemblagc, efl entièrement recouverte par 
une des limes, 6c que chaque lime recouvre de plus un 
des côtés, ou la tranche de cette pièce, mais fans la dé¬ 
border *,&. fans fe recourber fur la facefupérieure; ce qui * Fig. io, 
appartient à la pièce d’affemblage eft d’autant plus ailé à pLo ‘ 
distinguer, que cette pièce elt très-noire, pendant que les 
tiges des limes font châtain. L’endroit de chaque tige d’où 
part une lime, a une efpéce d’appendice employé à cacher 
la moitié de la partie faite en fer de pique. La face fupé- 
rieure de la pièce d’affemblage, celle qui efl toute entière 
à découvert, a tout du long une arête, elle efl faite un peu 
en dos d’âne. 

La bafe de chaque lime efl affemblée avec une pièce 
cârtilagineufe, ou plûtôt écailleufe, comme la lime elle- 
même ^ ; ou fi l’on veut, la bafe de chaque lime fe courbe, * Fig. iz, 
ôt forme une efpéce de queue. Ces deux pièces, ces deux 
queues font égales & femblables, elles font l’une & l’autre 
larges & épaiffes. La longueur de chacune elt environ celle 
du quart de la circonférence du feptiéme anneau, fous 
lequel ces pièces font cachées en certains temps. Mais ce 
Tome V. . Z 


* Z» Z' 


178 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
qu’on doit le plus remarquer par rapport à leur pofition, 
* pi. iS.fig. c’elt que chacune d’elles fait un angle * avec une lime, au 
point où elle lui elt jointe; & que dans l’état ordinaire, 
ce point de jonélion ell plus éloigné du derrière de la 
cigale, que ne l’elt le bout de la pièce *. Il luit de cette 
dilpofition, que lorfque ce bout ell forcé par des mufcles 
à defcendre un })eu , & en même temps à s’avancer un 
peu vers le corcelet, la lime à laquelle cette pièce tient, 
ell obligée au contraire d’avancer vers le derrière. Ainfi 
chacune des limes peut alternativement être pouffée vers 
le derrière, & être retirée en avant par le mouvement 
alternatif de la folide queue cartilagineufe à laquelle elle 
tient. 

C’ell au moyen de ce jeu alternatif des deux limes, 
que la cigale vient à bout de percer dans le bois, les trous 
dans lefquels elle veut loger lès œufs. J’eulTe eu plus regret 
que je n’en ai eu de ne m’être point trouvé dans des pays 
où il m’eût été permis d’en épier quelques-unes occu¬ 
pées à ce travail, û je n’avois pas lu dans M. Pontédéra, 
que des qu’on s’approche de celles qui font dans l’ac¬ 
tion, elles ne manquent pas de s’envoler. Après tout, la 
flrudlure de leurs inftruments étant bien connue, & lorf- 
qu’on a vu comment des mouches île plu heurs efpéces, 
dont il eh parlé dans le troifiéme Mémoire, font agir 
leurs feies, ii n’y a guéres à craindre de fe tromper fur la 
manière dont on peut imaginer que les cigales font agir 
leurs limes. Ce qui relie de plus curieux à voir, c’ell 
l’ouvrage produit par ces limes, c’elî la profondeur & la 
dirèétion des trous qu’elles ont creufés dans le bois; & 
c’ell ce que M. le Marquis de Gaumont m’a mis à portée 
de voir aulfi bien à Paris, que je l’eulfe pu voir en Pro¬ 
vence 6 c en Languedoc, & dans d’autres pays, s’il y en a, 
où les cigales fe plaifent davantage. 


des Insectes. IV. Menu 179 

Une première fingularité qui mérite d’être remarquée, 
c’efî: qu’au lieu que les mouches dont nous avons parlé, 
font les entailles dans lefquelles elles veulent laiffer ieurs 
oeufs dans de petites branches d’arbres ou d’arbuftes, qui 
font vivantes & pleines de fuc, les cigales ne percent que 
des branches mortes & feches. C’eft ainfi que la nature 
nous offre des variétés par rapport à des fujets où tout 
nous fembieroit devoir fepaffer delà même manière. Les 
œufs de certaines mouches ont befoin d’être humedés, & 
même nourris, comme nous l’avons prouvé dans le troi- 
fiéme Mémoire, par la lève que fournit la branche dans 
laquelle ils ont été logés ; & les œufs de cigale ont tout ce 
qu’il leur faut. Le fuc qui s’épancheroit des parois du trou 
ou ils font renfermés, ne pourroit apparemment que leur 
nuire, la mere le fçait, ou fe conduit comme fi elle en 
étoit inftruite. 

Les branches que les cigales entreprennent de percer, 
font donc conflamment de bois fcc, mais elles peuvent 
être de bois de différentes efpéces. Toutes celles qui 
m’ont été envoyées par M. le Marquis de Caumont, bien 
remplies d’œufs, avoient été prifes à des meuriers. Entre 
les brins de bois où des nichées d’œufs étoient logées, les 
plus gros n "avoient qu environ trois lignes de diamètre, 

& les plus menus n’en avoient qu’une ligne. Les petites 
branches auxquelles les cigales ont confié leurs œufs, font 
ailées à * connoître *, on y remarque aifément de petites * pi, 
inégalités, de petites élévations formées par une portion 1 
du bois qui a été foûlevée: ces élévations font à la file f t,t} 
les unes des autres, & quelquefois affés bien alignées; 
mais toujours au moins fe trouvent-elles fur le même 
côté du brin de bois. Quelquefois j’en ai vû deux hors 
de la ligne, & vis-à-vis quelques-unes des autres*; mais *Fig. 
cela eh rare. Elles ne font paselpacées fort régulièrement; 

Z ij 


^ PI. >9 
*• *• 


• fi g 


4 Fig- 3 
f ë> h - 


Fig- 


l8o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
il y en a telle qui elt disante d’un demi-pouce de celle 
qui la fuit, 6 c on en voit d’autres entre lelquelles il n’y 
a que deux lignes d’intervalle, 6 c moins quelquefois. Le 
plus fouvent la petite pièce d’écorce qui recouvroit cet 
endroit, elt tombée en entier* ou en partie. Chacune 
de ces éminences elt un paquet de fibres ligneufes, écar- 
h téespour la plupart les unes des autres à leur extrémité *; 
ce font celles qui ont été limées 6 c foûlevées lorfque la 
tarière a commencé à ouvrir un trou; elles font reliées en 
place, 6 c fervent à couvrir l’ouverture de ce trou. L’angle 
qu’elles font avec la tige, efl alfés aigu. Les paquets de 
fibres qui font au delfiis des différents trous, font inclinés 
du même côté, parce que la cigale étoit femblablement 
placée quand elle a percé dans le même morceau de bois 
des trous à la file les uns des autres. 

11 n’ell peut-être perfonne qui ait l’efprit alfés peu cu¬ 
rieux, pour s’en tenir à regarder les dehors d’un pareil 
brin de bois, fur-tout lorfqu’on fçait que les œufs d’un 
infeéte y.doivent être actuellement renfermés. Il efl na¬ 
turel d’avoir envie d’en voir l’intérieur. Si pour y par¬ 
venir fans caufer trop de dérangement, on emporte d’un 
côté des lames de bois très-minces, & parallèles à la 
longueur du brin, jufqu’à ce qu’on foit parvenu à en 
tf- emporter une qui palfe par l’ouverture d’un des trous *, 
on mettra à découvert la cavité de ce trou, 6c peut-être 
celle de plufieurs autres; 6c on verra que les différents 
trous ont des diamètres à peu-près égaux, foit qu’ils ayent 
été percés dans de plus gros ou dans de plus petits brins 
de bois. On verra encore que la longueur du trou ne dé¬ 
pend aucunement de la grolfeur de la petite branche. Dans 
celles qui n’ont qu’une ligne de diamètre, comme dans 
celles cjui en ont trois, on trouvera des trous longs de 
trois lignes 6 c demie, 6 c quelquefois de près de quatre 


DES I N S E C T E s. IV. Mem. 1 8 I 
lignes. Le trou efl auffi long que l’inflrumcnt le peut faire. 

11 y a pourtant des tarières de cigale qui ont plus de cinq 
lignes de longueur ; mais une portion de la tarière de plus 
d’une ligne, cfl arretée en dehors par le paquet des fibres 
qui ont été l'oûlevées. 

Quoique cette tarière l'oit affés forte pour couper les 
fibres ligneufes, il y a plus de travail à les couper qu’à 
percer de la moelle de bois. Le meurier a de la moelle, 

& tous les bois dans lefquels la cigale dépofe lès œufs, en 
ont auffi. Nous verrons même quelle efl déterminée à en 
choifirde tels, par une raifon plus importante que celle de 
la facilité quelle trouve à en creufcr l’intérieur. Le com¬ 
mencement du trou * efl dirigé obliquement; mais dès * PI. 19.%. 
que ce trou parvient à la moelle, il prend une direction u 
qui s’approche peu à peu du parallelifme à l’axe du brin 
de bois. La tarière ne perce plus que la moelle dès qu’elle 
l’a une fois atteinte, elle n’entame pas le bois qui efl par- 
delà. 

Ce qui s’attire d’abord l’attention, lorfqu’on commence 
à voir l’intérieur de ces trous, ce font les œufs qui y font 
pofés ; il y en a huit à dix dans tel trou, & quatre ou cinq 
dans ceux qui en ont le moins. Ils font blancs, oblongs, 
pointus par les deux bouts*. Audi pour profiter du terrein, * Fig. j, 
la cigale ne les met pas précifement à la file les uns des au¬ 
tres; le bout poflérieur de celui qui précédé efl vis-à-vis le 
bout antérieur de celui qui fuit. 

Chaque cigale peut faire un grand nombre de pareils 
œufs. Ceux qu’elle a dans le corps, font contenus dans 
deux ovaires. J’ai compté 1 50 & quelques œufs dans 
chaque ovaire * d’une fémelle qui pouvoit avoir déjà* Fig. 10. 
fait une partie de fa ponte, car fes ovaires étoient moins 
gros que ceux que j’ai vuis à d’autres cigales. Celle-ci avoit 
donc plus de 300 & tant d’œufs dans le corps, & ce ne 

Z ii; 


j 32 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

devoit pas être tout ce quelle y en avoir eu ; aufli M. Pon- 
tédéra aflure-t’ii qu’il y en a qui font 500, d’autres 600, 
& d’autres jufques à 700 ceufs. 

Ce Sçavant prétend que la mere a foin de luter l'ou¬ 
verture de chacune des cavités où les œufs font logés, 
avec une gomme capable de réfirter aux injures de l’air; 
je crains qu’il 11e l’ait dit, parce qu’il a penfé que cela de¬ 
voir être; car je n’ai pu trouver aucun vertige de gomme 
à leurs ouvertures, quoique j’y en aye cherché avec les 
meilleures loupes. Mais ce que j’ai remarqué à l’honneur 
de la prévoyance de la mere cigale , c’eft que les ouver¬ 
tures des trous font bouchées par des fibres ligneufes. 
Quand la cigale commence à creufer le bois, elle fe con¬ 
tente de foûlever les fibres qui font au bord du trou , elle 
les y laide attachées par un laout, & quand elle a retiré fa 
tarière de la cavité, elle fe fert de ces mêmes fibres pour 
boucher l’entrée du trou. 

Autant que le corps des fémellcs ert plein d’œufs, au¬ 
tant celui des mâles ert-il rempli de vailfeaux où le pré¬ 
pare la liqueur qui les doit vivifier. Quand 011 ouvre le 
» pi. 17.%. corps de ces derniers *, on y trouve des paquets de ces 
6* vailfeaux *, qui font une infinité de tours & de retours 

’ appliqués les uns contre les autres. Si on fe contente de 
*pi. ig.fig. prciTcr le corps par dehors, fon dernier anneau * fe 
P- montre plus qu’il ne faifoit, & il s’entrouvre; on voit 
qu’en dertous il forme une'gouttière, qui ordinairement 
*c. ert couverte par une plaque écailleufe : . La prertion frit 
*Fig. 6&7. fortir de la gouttière un gros crochet * brun & écail¬ 
leux recourbé vers le ventre, &dont le bout ert moufle; 
il fert à fàifir le derrière de la femelle, & il fert aufli à 
* Fig. 6. m. deffendre & à couvrir par-delfus un court tuyau *, dont 
le bout ert ouvert, rebordé, écailleux, & d’une couleur 
plus claire que celle du crochet. La prertion augmentée. 


des Insectes. IV. Mem. 18} 

fait fortir du bout de ce dernier tuyau, une partie char¬ 
nue, blanche, oblongue, & terminée par un mammelon 
qui efi précédé par une efpéce de bourlet *. Les mâles *PI. 19. fig. 
des cigales de la moyenne & de la petite efpéce, ont deux 7 ' m> 
crochets qui partent d’une même tige. 

Pendant plufieurs années j’ai reçû des nichées d’œufs, 
en apparence bien conditionnés, qui n’ont pas répondu à 
mon attente. Aucun n’efl: venu à bien, quoique j’aye porté 
mon attention pour eux jufques à les tenir dans mon goul- 
fet dans un tube de verre. Mais M. Alphons ayant ouvert 
des nids en différents temps, comme j’avois fouhaité qu’il 
le fît, parvint à y trouver des vers éclos; j’eus le plaifir d’en 
voir dans ceux qu’il me mit en état d’ouvrir moi-même 
vers la mi-Septembre. J’en obfervai même dans quelques 
brins de bois, de deux efpéces très-différentes. Dans pref- 
que tous, je trouvai deux ou trois vers blancs *, fans jam- * Fig. 12 ,u. 
bes, munis de deux dents jaunâtres *. longs à peine d’une * Figure 
ligne, & pas plus gros qu’un brin de fil. d > d> 

Les vers de l’autre eljaéce étoient de même très-blancs; 
mais ils avoient fix longues jambes ; leur forme approchoit 
afTés de celle d’une puce, au lieu que celle des premiers 
étoit longue & arrondie comme celle des vers les plus com¬ 
muns. Je dois avertir de l’erreur dans laquelle j’ai été par 
rapport à ces deux fortes devers, pour empêcher d’autres 
obfcrvateurs d’y tomber. Je n’héfitai point à penferque 
chaque ver fans jambes, ne dût le transformer dans un ver 
héxapode. Ce ne fut qu’au bout de huit à neuf mois que 
j’appris que j’avois regardé comme les enfants de la cigale,, 
des vers qui dévorent fes œufs & les petits qui en lortent. 

Ces vers fans jambes devinrent au printemps, de petites 
mouches noires & luifantes, de la claffe des ichneumons. 

Les femelles portent au derrière deux longs filets, tantôt 
féparési’un de l’autre, & tantôt réunis, parce que l’un efl 

* Ziüj 


584 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
une efpéce de tarière dont l’autre efl l’étuy. Cet inflriï- 
ment lui fert à porter fes œufs dans les nids oùles cigales 
ont logé les leurs. 

Si jeu (Te foupçonné que les vers munis de jambes naif- 
foient des œufs de la cigale, je ne les eulfe pas confondus 
avec leurs plus mortels ennemis. Je n’aurois eu dès-lors 
qu’à obferver des nids avec l’attention avec laquelle j’en 
obfervai dans la fuite de ceux que j’avois confervés dans 
l’efprit de vin ; j’euffe vû ce que je vis plus tard, des vers à 
fix jambes, qui ne s’étoient encore dégagés des œufs qu’en 
partie, qui avoient encore une portion de leur corps dans 
la coque. J’ai comparé leur forme à celle des puces, ce qui 
fait entendre que leur tête fe recourbe en delfous vers le 
ventre. Son bout efl refendu, 6 c forme deux efpéces cle 
longues dents. Les bouts de leurs deux premières jambes 
font fourchus. Entre l’origine de l’une 6 c celle de l’autre 
s’élève un tuyau cylindrique, qui n bien l’air d être le bout 
de la trompe que l’infcéîe aura par la fuite. Je ne puis faire 
paroître ici les deffeins que j’ai de ce ver, ils n’ont été fait 
que depuis que les planches où ils devroient fe trouver, 
ont été gravées 6 c tirées. 

Ils fortent du nid par la même ouverture par laquelle 
les œufs y ont été introduits; ils vont chercher la terre 
dans laquelle ils s’enfoncent. M. Alphons allure que c’efl 
dès l’été, 6 c M. Pontédéra prétend que ce n’eft qu’après 
l’hiver. Les vers mangeurs de ceux des cigales, qui paffent 
réellement l’hiver dans les brins de bois, n’en ont-ils point 
impofé à ce Sçavant, comme à moi! 

Je fuis incertain s’ils quittent leur première dépouille 
dans le nid, ou fi ce n’eft qu’après être entrés en terre; 
c’elt-là qu’ils croifFcnt fous la figure d’un héxapode dont 
le bout de la tête n’eft plus refendu, mais qui a une trom¬ 
pe , 6 c qu’enfuite ils fe transforment en nymphes de la 

claffe 


des Insectes. IV. Mem. 185 
clarté de celles qui marchent, qui prennent de la nourri¬ 
ture, & qui elles-mêmes ont à croître. Ces nymphes ont 
été très-connues des anciens. Ariftoteles a nommées tet- 
tigometres ou meresdes cigales. Leur forme ne diffère de 
celle qu’elles avoient lorfqu’elles étoient vers hexapodes, 
qu’au tant que diffère celle d’un jeune puceron de celle 
d’une nymphe de puceron ; je veux dire que la plus grande 
différence que j’aye remarquée entre l’hexapode de quel¬ 
que groffeur qu’il l'oit, Si la nymphe ou tettigometre , 
c’ertque celle-ci * a d'es fourreaux* dans lefquels les ailes *PI. 19. fig. 
de la mouche font renfermées,& qu’on ne trouve point de V & 17> 
vertiges de ces fourreaux à l’hexapode *. Cette différence » Fig. 15. 
étant connue, celui-ci fera fufiîfamment décrit quand 
nous aurons fait connoître la figure de l’autre, &. fes prin¬ 
cipales parties : car nous ne nous arrêterons point à faire 
remarquer que dans les héxapodes les antennes paroiffent 
partir du premier corcelet, au lieu que celles des nymphes 
partent de deffous les grands yeux ; nous ne nous arrête¬ 
rons pas non plus à d’autres différences rie cette nature. 

La nymphe crt d’un blanc -fale. La figure de fa tête 
approche de celle de la tête quelle aura lorfqu’clle fera 
devenue cigale ; dans l’un & l’autre état l’infcéte ert 
muni d’une trompe * de même rtruélure , pofée de la * PI. 20. fig. 
même manière, & confervée par un étui femblable & 1 &2, 
femblablement placé. La nymphe, comme la cigale, a un 
double corcelet duquel partent les fourreaux des ailes. On 
compte huit anneaux au corps de la nymphe, comme à 
celui de la cigale ; mais on ne trouve point aux nymphes 
qui doivent devenir des cigales mâles, ni à celles qui doi¬ 
vent devenir des cigales fémelles, les parties par lefquelles 
les cigales mâles différent des fémelles. On ne découvre 
aux premières aucune des parties qui comportent l’organe 
du chant, & les fécondés n’ont point de tarière. 

Tome V . A a 


ï 86 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE. 

Les jambes de Ja première paire font ce que les nym- 
no.fig. phes des cigales ont de plus remarquable *. On juge 
qu’elles leur ont été données pour s’ouvrir des chemins 
fous terre, pour piocher dans le befoin. Au premier coup 
d’œil on leur trouve une forte de reffemblance avec les 
jambes des écrevilfes, parce qu’auprès de leur extrémité 
* '• elles ont line partie * que nous appellerons le pied ou le 
gros de la jambe, beaucoup plus large & plus épaifte que 
le refte. Le plus grand diamètre de ce pied eft vers Ion 
milieu ; près de l'on bout il eft articulé avec une partie 
courte, une efpéce de petit bouton avec lequel eft aulii 
3 &4- articulé un fort & folide crochet 515 terminé par une pointe. 
Nous nommerons ce crochet l’ongle, parce qu’il reflfem- 
ble à ceux de divers oifeaux. A quelque diftance de la 
pointe de cet ongle, eft l’origine d’une efpéce de dent 
pointue. Dans la partie concave de l’ongle, allés près de 
4 & 5- la dent, eft articulée une pièce longue * en forme de 
petit bâton, & écailleufe, comme toutes celles dont nous 
venons de parler, un peu moins groftc près de l’arti¬ 
culation, qua fon extrémité. De celle-ci partent deux 

• S' d ‘ crochets * lins & courts, mais foiides. Dans les. cigales 

mortes, & apparemment dans celles qui font en repos, 
cette pièce eft couchée tout du long de l’ongle, & fur 

* 3- d - une partie du pied*. Le bord inférieur du pied, le plus 

proche de l’ongle, a une plaque de quatre à cinq dents 
*d. très-fines *; mais plus loin plufieurs dents beaucoup plus 
longues, ou des pointes, partent aufti du bord du pied 
en fie courbant vers l’ongle. La plus confidérable de ces 
*f pointes * eft branchue. La jambe a trois autres parties 
articulées enfemble, dont la dernière i’eft avec le pied ; 
elles n’ont rien qui doive nous engager à les décrire. Les 
quatre autres jambes de la nymphe de la cigale n’ont rien 
aufti qui doive nous arrêter, elles n’ont point ce gros 


des Insectes. IV. Mem. 187 
pied qui rend les premières remarquables. Outre le petit 
ongle aigu par lequel elles font terminées, elles ont plu- 
fîeurs autres pointes écailleufes près de leurs différentes 
articulations. 

Ces nymphes avoient befoin d’être munies de jambes 
telles que font leurs deux premières, pour pénétrer aufïi 
avant fous terre qu’elles y pénétrent quelquefois. Dans 
line lettre où feu M. le Fevre Médecin d’Uzez, me ra¬ 
conte tous les foins qu’il s’étoit donnés, pour me procurer 
de ces infèéles pendant i’hyver, il m’a Hure en avoir trouvé 
à deux 6c trois pieds de profondeur, 6c que l’argile com¬ 
pacte ne les avoit pas arrêtés. Il prétend que les nymphes 
la mouillent pour venir plus aifément à bout de la percer. 
Au relie toutes les oblèrvations qui m ont été communi¬ 
quées, concourent à établir que c’eit auprès des racines des 
afbres qu’elles fe tiennent. 

M. Pontédéra allure que l’infecte ne quitte fon état de 
nymphe que dans l’année qui fuit celle où il l’a pris; cequi 
me paroît très-probable. Mais quelle que foit la longueur 
du temps nécelïaire aux nymphes pour arriver à leur der¬ 
nier terme d’accroilfement ; quand elles y font parvenues, 
6c que les chaleurs de l’été commencent à fe faire fentir, 
elles fortent de terre, elles grimpent fur les arbres, 6c s’y 
accrochent à leur tige ou à leurs branches, 6c peut-être 
aulfi à leurs feuilles. Nous avons vû que leurs jambes font 
munies d’affés de pointes roides pour fe cramponner fo- 
lidcment. Leur métamorphofe s’accomplit alors comme 
celle de tant d’autres infèéles. Au refie, après tout ce que 
nous avons rapporté de la manière dont les papillons 6c 
diverfes mouches parviennent à fe tirer de leur fourreau 
de crilüfôde ou de celui de nymphe, nous n’avons pas eu 
befoin de voir des cigales dans cette opération, pour fça- 
voir quelle efl iaméchanique à laquelle elles ont recours. 

A a ij 


188 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
Tout ce que nous avons dit pour des cas pareils, a appris 
qu’elles doivent d’abord dégager du fourreau les parties 
intérieures de leur corps, & les ramener en fui te vers le 
corcelet pour faire violence à l’enveloppe qui le couvre, 
en la rémpiiftant plus qu’elle n’eft remplie ordinairement, 
& pour l’obliger par-là à fe déchirer. Si j’eulfe eu fur 
cela le moindre doute, il eût été levé par des cigales 
que j’ai reçues, & qui avoient péri dans l’opération. J’ai 
vu que le corps de quelques-unes s’étoit détaché du 
fourreau de nymphe, que les quatre à cinq derniers 
anneaux de ce fourreau étoient vuides , que le corps 
avoit été ramené tout entier dans les anneaux les plus 
proches du corcelet, & que le delfus de celui-ci étoit 
fendu. 

Aldrovande nous parle d’après fes propres obfcrva- 
tions, réitérées pendant piufieurs années, & non d’après 
les anciens, ce qui lui eft beaucoup plus ordinaire, lorf- 
qu’il nous rapporte comment la cigale fe tire de l'on en¬ 
veloppe de nymphe. Il dit que celle qui ne vient que de 
paroître au jour, eft prefque verte par tout, qu’enfuite le 
delfus de l'on corps prend des nuances de couleur de 
marron, & qu’enfin au bout d’un jour elle eft d’un brun 
noirâtre. 

Il feroit à fouhaiter pour les campagnes où l’on eft 
étourdi en été par le bruit des cigales, que les mets dont 
les Grecs s’accommodoient, fuftent encore à notre goût. 
On fervoit fur leurs tables des nymphes de cigales. Ariftote 
détermine le temps où elles étoient excellentes: quo tem- 
/w<?,dit-il, gujlu fiiav'ijjïmœ finit, antequatn cortex rumpatnr. 
On mangeoit les cigales mêmes, & au rapport encore 
d’Ariftote, avant l'accouplement on préférait lesftnalcs, 
& après l’accouplement on donnoit la préférence aux fe¬ 
melles, parce qu’alors elles avoient le ventre plein d’œufs 


des Insectes. IV Mem. 189 
très-agréables au goût; on aimoit*dans ce temps-là ces 
œufs, comme nous aimons aujourd'hui ceux d ecre\ ifle. 

Un infeéte*, qui par la pofition & la ftruéture de fa * Pi. 20.%. 
trompe *, & par celle du fourreau dans lequel il cft logé, i°p i;y l , t 
reflemble aux cigales; qui leur reffemblc encore par l’in- 
duflrie avec laquelle il introduit les oeufs dans des bran¬ 
ches d’arbufte, au roi t droit deparoitreà leur fuite, quand 
on 11e voudroit pas le reconnoître pour une cigale, parce 
que le talent de chanter ne lui a pas été donné, pourvu 
qu’il fut une mouche à quatre ailes; on pourrait au moins 
le mettre dans le genre qu’il convient d’appeller celui des 
procigales . Je 11’héfiterois pas aulfi à placer dans ce genre 
un petit infeéîe *, mais très-commun, & dont je vais parler, * Fig. 1 o. 
fi j’étois affés certain qu’il eh une mouche. Il a deux ailes 
très-tran(pareiltes; mais je doute fi au-deffus de celles-ci 
on doit lui reconnoître deux autres ailes, ou lui croire 
fimplement deux fourreaux des véritables ailes; car fi ce 
font des ailes, leur tilfu n’elt pas aulfi tranfparent que celui 
des ailes des mouches ordinaires, & fi ce font des fourreaux, 
ils font des fourreaux bien minces. Quand nous parlerons 
des infeétes dont les ailes font couvertes par de vérita¬ 
bles fourreaux, nous donnerons pourtant des réglés pour 
diftinguer les véritables ailes des étuis qui leur ont été 
accordés, quelque minces qu’ils foient; mais il n’eft pas 
ailé de faire l’application de ces réglés à des infeétes extrê¬ 
mement petits. Heureufement que peu de gens s’enabar- 
raffent qu’on foit extrêmement exaét dans la difeu/fion 
des faits de cette nature; généralement on aimera mieux 
qu’on le foit à rapporter ceux qui font honneur au génie 
des infeétes. 

Celui que je veux faire connoître, fe tient fur les rofiers; 
depuis la faifon des rofes jufque vers la TouiTaint, on ne 
fçauroit toucher les branches de ceux de la plupart des 

A a iij 


* pi. 20. 
jj. y: 


190 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
jardins, les agiter, fans déterminer un grand nombre de 
petites mouches à s’envoler; je dis de mouches, car je 
continuerai à leur en donner le nom malgré l’incertitude 
où je liais, fi elles ont quatre ailes ou fimplement deux 
ailes & deux fourreaux. Toutes les petites mouches à beau¬ 
coup près, ne partent pourtant pas de dellus le rofier 
qu’on agite légèrement. Si on cherche à voir celles qui y 
font reliées, on en trouve des milliers de dilperlées fur les 
branches, & fur-tout près des fommités. On en trouve aulfi 
fur les feuilles mêmes. Elles peuvent être vues fans le fe- 
cours de la loupe. La couleur de leurs ailes fupérieures efl 
un citron pâle. Celle du relie du corps eli plus blancheâtre. 
Non-feulement elles volent, elles fçavent aulfi fauter. J’ai 
déjà dit d’avance que leur trompe eli alfés femblable à celle 
des cigales, & pofée femblablement. 

Tant de milliers de ces petites mouches qui fe tien¬ 
nent fur le même rofier, dévoient frire foupçonner au 
moins qu’elles n’y étoient pas feulement pour y prendre 
leur nourriture ; quelles s’y multiplioient. Armé d’une 
loupe, j’y obfervai plufieurs de celles qui étoient tran¬ 
quilles ou qui le paroilfoient, & je les obfervai en delfous 
& de côté, parce que je penfai qu’il y en pouvoit avoir 
d’occupées à pondre. Je ne fus pas long-temps à en dé¬ 
couvrir qui étoient dans cette opération, ou qui s’y pré- 
fig. paroient. J’en vis qui redrelfoicnt une petite pièce * qui 
étoit couchée auparavant contre leur ventre; & qui après 
l’avoir redrelfée jufqu a la rendre perpendiculaire à la fur- 
face de la tige, fur laquelle leurs jambes étoient cram¬ 
ponnées, en piquoient le bout dans cette tige; elles l’y 
faifoient pénétrer enfuite de plus en plus, jufqu’à l’y en¬ 
foncer toute entière. 

Cette partie efl donc un inftrument propre à entailler 
les branches de rofier. Quand j’ai examiné celui d’une 


des Insectes. IV. Mem\ 191 
petite mouche que je tenois à la main, j’ai vû qu’il étoit 
une véritable fcie terminée en pointe *,& un peu courbe. 
Le côté concave eft appliqué contre le ventre, & le côté 
convexe eft dentellé, & le Jéul qui le l'oit. Cette fcie ne 
m’a pas paru aulfi compofée que celles des mouches 
que nous avons appellées à fcie ; mais une fi petite par¬ 
tie pourroit bien avoir des particularités qui m’auroient 
échappé. L’endroit où on trouve fon origine, en eft une 
ailée à remarquer ; cette fcie eft attachée bien plus loin 
du bout du corps, que ne i’eft la fcie d’aucune des mou¬ 
ches dont il a été parlé dans le troifiéme Mémoire; elle 
i’eft vers le milieu du troifiéme anneau ; de forte que 
iorfque la fcie eft entièrement redreliée, elle eft à peu¬ 
plés perpendiculaire au-delfous du milieu du ventre. La 
mouche peut donc agir deftus avec le poids de tout fon 
corps. 

Parmi ces petites mouches, comme parmi toutes les 
autres, il y a des fémelles & des mâles. On ne trouve point 
de fcie à ces derniers ; mais Iorfque leur derrière eft prefté, 
il Lit voir trois petites baguettes *, d’entre lefquelles fort 
une partie charnue & oblongue *, qui eft apparemment 
celle qui eft elfentielle au mâle; & c’eft pour s’emparer du 
(Fer riére de la fémelle, que le mâle a les trois autres corps 
en forme de baguette. 

Les œufs que la fémelle dépofe dans les entailles qu’elle 
a faites, font fi petits & fi tendres que je n’ai pu parvenir 
à les détacher fans les crever. Quand j’ai enlevé de l’écorce 
entaillée, je n’ai pu appercevoir qu’un peu d’humidité qui 
ne me paroifïoit pas être celle de la lève. Dans chacun 
des endroits où un œuf a été dépofé, il fe fait une petite 
tuberofité que le ver qui fort de l’œuf oblige à s’élever 
davantage; mais elle eft toujours très-petite, moinsgroffe 
qu’un grain de millet, & plus applatie. Le ver eft auffi 


* PI. 20. fïg, 
12. 


* Fig. r 5. 
c, c , c. 

* 111. 


192 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
tendre ou plus tendre ejuc l’œuf, car je 11 ’ai jamais pu par¬ 
venir à l’avoir. Je n’ai jamais eu que de l’eau quand j’ai 
ouvert fa loge, mais en une quantité plus confidérable que 
quanti j’ouvrois celle où étoit un œuf. Cependant ce ver 
0 . fig. fe métamorphofe fous l’écorce en une nymphe * de la 
claffe de celles qui marchent, & qui 11 e diffère de la mou¬ 
che quelle doit devenir, qu’en ce que les àîles font con¬ 
tenues dans de très-courts fourreaux, qui laiffent le deffus 
du corps à découvert. Les nymphes marchent fur les ro- 
fiers, & s’y transforment en ces mouches, dont nous n’a¬ 
vons parlé qu’à caufe de leur petite feie. 

Nous fommes réduits à ne donner prefque que la figure 
St 7 . d’une mouche * d’une efpéce très-fmguliére, & qui nous 
paraît être de celles qui à caufe de laftruélure de leur trom- 
. t,&. pe *, doivent être mifes parmi les procigales. La mouche 
dont nous fommes fichés d’avoir fi peu de chofe à dire, 
n’eft pas feulement remarquable par fi grandeur, & par 
les couleurs dont elle efi parée, elle l’eft bien davantage 
par la lumière quelle répand pendant la nuit, & par la 
figure & la pofition de fa partie lumineufe. La lumière de 
nos vers luiiànts, & des fearabés biffants, appellés vulgaire¬ 
ment mouches biffantes, vient de deffous le ventre, d’au- 
6 & près du derrière ; & c’eft la partie antérieure * de la tête dte 
notre grande mouche qui éclaire, & qui éclaire à un tel 
point, que M. 1,c Merian affûre qu’elle met en état de lire 
la Gazette d’LIollande pendant la nuit. C’eft à Surinam 
qu’elle a obfervé ces mouches, &qu’elle'y en a peint des 
figures qui font gravées dans la quarante-neuvième plan¬ 
che de fes infeeftes de ce pays là. On nous en a envoyé à 
Paris de Cayenne. Ces deux endroits qui fontaffés voifins, 
ne font pas apparemment les feuls de l’Amérique où elles 
naiffent. On les appelle des porte-lanternes, parce qu ’011 
a regardé la partie antérieure de la tête, de laquelle la 

lumière 


DES ÏNSECTES. IV Mem. 193 
lumière fort comme une efpéce de lanterne. Quand on 
feroit plus à portée d’étudier cet infeéte que nous ne le 
fommes, on ne parviendroit peut-être pas à fçavoir pour 
quel ufage cette lanterne lui a été donnée; il ne femble pas 
au moins que ce loit pour l’éclairer pendant qu’il vole. Les 
yeux à rezeau * font près de fon origine. Un flambeau ou * Pf. 20.%. 
plutôt une flamme plus large que notre front, & qui en 6 ' l ' 
partirait, ne ferviroit qu’à nous empêcher de voir les 
objets qui feraient par-delà. 

La tête de cette mouche, fi on la prend depuis le cor- 
celet, & qu’on en mette la fin à l’origine de la lanterne, 
efl très-courte. Elle n’efl pas plus longue qu’efl large un 
anneau du corps. Mais fi on regarde la lanterne comme 
une portion de la tête même, alors la tête n’a guère moins 
de longueur que le corps, car le volume de la lanterne 
efl confidérable; elle a plus de diamètre d’un côté à l’autre 
que de deflus en deflous. Près de fon origine elle a en 
defliis une efpéce de bofle ; fon bout efl arrondi. Le fond 
de fa couleur, ou de la couleur qu’elle a dans des mouches 
féches telles quelles nous arrivent ici, efl olive; mais fur ce 
fond font des rayes ondées, & quelques taches brunes. 

La partie fupérieure a de plus deux rayes d’un afles mau¬ 
vais rouge. De chaque côté elle a un rang de tubercules 
applatis & rougeâtres. En deffous*, la lanterne a une arête *Fig. 7. 
qui la divife en deux également prefque depuis fon origine 
jufqu’à fon extrémité, & deux autres qui partent d’auprès 
de l’origine delà précédente, & qui après s’en être écartées 
pour s’approcher des côtés, reviennent la joindre à fon 
extrémité. Ces trois arêtes font rougeâtres. Il y en a encore 
deux dont chacune efl proche d’un côté, qui ont de dis¬ 
tance en diflance des épines. 

Lacuriolité que j’ai eûe de voir l’intérieur de ces lan¬ 
ternes, a été afles mal fâtisfaite. J’en ai ouvert une qui ne 
Tome V. . B b 


194 - MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
m’a offert qu’une cavité confidérable, renfermée parure 
cartilage médiocrement épais. Je n’ai trouvé aucune 
partie dans cette cavité. Quand on fuppoferoit que celles 
qui y étoient lorfque l’animal vivoit, s’étoient deffechées» 
elles n’auroient jamais pû remplir, lors même qu’elles 
étoient molles, qu’une petite partie de cette cavité. 

Près de l’origine de la lanterne, il y a de chaque côté un 
> Pi. 20. fig. œil à rezeau * de couleur rougeâtre, qui eft un demi-globe 
logé dans un orbite écailleux & échancré par embas. Au- 
* Fig. 8. defîous de cet œil, fur la même plaque écailleufe *, il y a 

* g■ un autre demi-globe * dont la furface eft grainée, & que 

M. clle Mérian a négligé de faire paraître dans les figures» 
Ces derniers demi-globes feraient-ils encore des yeux i 
En ce cas c’en feraient d’une ftruéîure differente de celle 
des yeux à rezeau. Entre chaque œil à rezeau & chaque 
demi-globe chagriné, eft un petit mammelon prefque 

* m. cylindrique *» 

Les aîles fupérieures n’ont pas une parfaite tranfpa- 
rence. Le fond de leur couleur eft celle d’une olive po- 
chettée; elles font pointillées d’un peu de blancheâtre, & 
près de leur bafe elles ont plufieurs petites taches prefque 
[_ * Fig. 7, noires. Les aîles de deffous *, un peu plus tranfparentes 
que les fupérieures, font plus courtes, & ont cependant 
plus d’ampleur. Elles ont chacune un grand œil qui a 
quelque reffemblance avec ceux des aîles des papillons 
paons Les teintes les plus claires de ces yeux font olive, 
& les teintes brunes font cafté. 

Dans la même planche où M. clle Mérian a reprefentédes 
porte-lanternes, elle a repréfenté une autre mouche que les 
Indiens appellent des vielleurs, à caufe que le bruit quelles 
font imite le fon d’une vielle. Elle a donné auffi la figure de 
la nymphe du vielleur, qui eft une mouche qui doit encore 
appartenir au genre des procigales. M.* 1 . 1 ! Mérian dit que 


DES I N S E C T E S. VI. Mem. I 9 5 
îes Indiens ont voulu lui perfuader que les vielleurs Te 
métamorphofoient en porte-lanternes ; & il fcmble quelle 
en ait été convaincue, puifqu’clle nous donne une des 
figures de fa planche pour celle d’un vielleur dont la tète 
s’eft allongée pour devenir une lanterne. C’eftune méta- 
morphofe qui demanderait à être mieux fuivie. En cas 
quelle foit véritable, elle pourrait être comparée au chan¬ 
gement qui arrive aux mouches épheméres, qui, après 
avoir volé, ont encore à fe defiaire d’une dépouille. 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU QUATRIEME AIE MO IRE. 

Planche XVI. 

La Figure 1 repréfente une cigale fémelle de la grande 
efpéce, vue du côté du dos. a, a, les antennes, i, i, les 
yeux à rezeau entre lefquels font placés les trois yeux 
liffes. La tête finit où les yeux à rezeau fe terminent. Là 
commence le premier corcelet, ou la première partie du 
corcelet double, ieei, l’étendue du premier corcelet. cc 
ce, le fécond corcelet. 

La Figure 2 fait voir par-defious la cigale de la figure 
précédente, i, i, les yeux à rezeau.^, le prolongement de 
la tête, d’où la trompe part, t, la trompe, f, la fente du 
bout poflérieur du corps, dans laquelle la tarière double, 
ou les limes font logées. 

La Figure 3 efl en grand celle d’une antenne marquée 
a, fig. 1 & 2. 

La Figure 4. a été deffinée pour faire voir la pofition 
des ftigmates du corps. On y voit comment l’arc qui 
forme la portion fupérieure de chaque anneau, revient 
en defious, & qu’une lame moins convexe efi jointe par 

B b ij 


196 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE 
fes bouts, aux bouts de l’autre, a b, bc, cd, trois différents 
anneaux, ff, f, &c. vont chacune marquer par une ligne 
ponctuée un des fhgmates. 

La Figure 5 montre par-dcfTous ur.e cigale mâle de 
la grande elpéce. Les parties qu’c lie a lembiables à celles 
de la femelle de la figure 2 , font délignées par les memes 
lettres ; ce quelle a de particulier font les deux volets, ou 
les deux écailles//, //, qui couvrent les endroits où font les 
organes qui modifient le chant. On y voit aufïi que fa 
partie poftérieure £, efl faite autrement que la partie poflé- 
rieure f .de la figure 2, qu’elle n’eft pas fi allongée, & qu’elle 
n’a pas une fente femblable à celle qui loge les limes. 

Dans la Figure 6, la cigale mâle de la figure 5 efl \ûe 
par-deffus, & montre lés quatre ailes. /, /, yeux à rezeau 
& fin de la tête. Depuis les yeux à rezeau jufqu’en e e } 
efl le premier corcelet. e e, c le fécond corceiet. 

La Figure 7 reprefente une cigale de mo)enne gran¬ 
deur, vue par-deffus. 

Les Figures 8 & 9 font voir par-deffus, deux cigales 
de la petite efpéce. La cigale de la figure 8, a lur ion 
double corcelet des taches qu’on ne trouve point aux 
corcelets de celle de la figure 9. 

Les Figures 10 & 1 1 font voir en grand la poftion 
des parties qui compofent la trompe, d’où ces parties 
tirent leur origine, comment ellesferéuniffent, & com¬ 
ment elles peuvent être féparées. /, i, figure 10, les yeux 
à rezeau. p , la partie de la tête qui efl ramenée & pro- 
iongée en defTous. De la pointe p , de cette partie, part 
la langue /. La trompe r, fie rend à cette même pointe 
pj en defTous de la langue /. Ici la trompe efl en partie 
hors de fon fourreau, f, le fourreau, g, elpéce de godet 
écailleux d’au-deffus duquel part le fourreau de la trompe. 

Dans la Figure 11, on n’a que le prolongement p, du 


DES I N S E C T E S. IV. Mem. 197 
bout de la tete ; on en a retranché les yeux à rezeau , de 
une grande portion de ce qui les luit. On y voit la trompe 
hors de la couiilfie, & développée. /, r, t , les trois parties 
dont elle elt compo ée, loûtenues en l’air par l’épingle 
qui les a miles hors de leur couhire, ik qui les a écartées 
les unes des autres. I, la langue. Cette Hgure montre en¬ 
core mieux que la précédente, l’endroit où elt l’origine 
de l’étui, & combien il elt éloigné du bout p, d’ou la 
trompe part. 

Planche XVII. 

Toutes les figures de cette planche, excepté la dernière, 
ont été delîinéespour faire connoître les organes du chant 
de la cigale. 

La figure 1 fait voir à peu-près dans fa grandeur na¬ 
turelle & par déifions, le corps & partie du dernier corcelet 
de la cigale mâle de la grande efipéce; & les figures fuivantes 
jufiqu a la dixiéme inclufivement, font prifes d’après cette 
même cigale, n, un îles volets écailleux qui elt en fa place 
naturelle, 6c fur lequel pôle une jambe, u , autre volet 
qui a été relevé pour mettre à découvert la cavité qu’il 
couvroit.//;, le miroir qui elt dans le fond de cette cavité. 

Dans la Figure 2, plus grande que nature, les deux 
volets u, u, (ont rcprélèntés, relevés & jettés fur le cor- 
celet, & lailfient voir en entier la cavité où font les deux 
miroirs. m,m, ces miroirs. L’elpace qui elt entre les miroirs, 
elt rempli par un triangle écailleux qu’on voit mieux dans 
la figure luivante. // n, membrane blanche & plilfiée, que 
les uns ont regardée comme l’inllrument du fon, pendant 
que les miroirs ont été pris pour tels par d’autres. 

La Figure 3 repréfente les mêmes parties que la figure 2, 
mais beaucoup plus grolïies, & au point nécelfiaire quelles 
ieloient pour rendre leur figure &leur pofition diltinéles* 

B b iij 


igS MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
u, u, les deux volets, m, m, les miroirs, q, q, le triangle 
écailleux placé au milieu de la cavité, & qui aide à renfer¬ 
mer les deux loges où font les miroirs, nn, membranes 
blanches & pliiTées qui ont été prifes pour l’irtflrument du 
chant. /, l, deux ouvertures de forme oblongue, dont 
chacune eft à peu-prés renfermée par deux arcs. C’eft par 
chacune de ces ouvertures que fort l’air fonore qui a été 
mis en mouvement par les deux inflruments du chant. 
Ce font les ouvertures des deux cellules, dans chacune 
dcfquelles une timbale eft logée. 

La Figure 4. fait voir de côté une portion du corcelet. 
Si. une portion du corps d’une cigale mâle ; tout ce qu’on 
a voulu y montrer, c’efl une élévation qui efl en e, fur 
le premier anneau, & qu’on ne trouve point au premier 
anneau de la fémelle. Là cette partie de l’anneau s’élève 
pour faire une loge d’une capacité fuffifante pour con¬ 
tenir la timbale, &lui iaiffer fon jeu libre. 

La Figure 5 ne diffère de la figure 4., qu’en ce que la 
portion d’écaille marquée e, dans cette dernière figure, 
a été coupée prefque tout autour dans la figure 5 , &. 
rejettée vers le dos. e, cette portion d écaillé, t , la timbale 
qui alors efl à découvert, u , le volet qui efl dans fà pofition 
naturelle, & qui ferme la moitié de l’ouverture de la cavité 
où font les miroirs. 

La Fig. 6 repréfente fort en grand le corcelet & le corps 
d’une cigale mâle, dont le corps a été ouvert par-deffus. 
Cette figure eft très-propre à donner idée des parties d’où 
dépend le chant de la cigale, m, in , les deux miroirs vus 
du côté du dos, au lieu que dans les autres figures, c’eft 
du côté du ventre qu’ils font en deux mufcles 

compofés de fibres droites, & prefque parallèles les unes 
aux autres. Chaque mufcle f efl defliné à faire jouer la 
timbale vers laquelle il fe dirige, t, t, les deux timbales, 


des Insectes. IV. Mem. 199 
qui ont été mifes à découvert. Lesmufcles ff font ap¬ 
puyés fur le triangle écailleux du côté où il efl concave. 
Vers la partie poflérieure du corps, on voit en f des vail- 
feaux blancs qui y font une infinité de plis & de replis; 
ces vaiffeaux font pleins de la liqueur néceffaire à la fé¬ 
condation des œufs. 

La Figure 7 efl celle d’une coupe d’anneau vue du côté 
du ventre, & prife au bord de la cavité où lont les miroirs; 
mais les miroirs ,& les autres parties ont été ôtées de cette 
cavité, eqq, le triangle écailleux, qui, quand il étoit en 
place, touchoit par le fommet de l’angle e, la portion c 
de l’anneau qui efl courbée en cœur, & qui étoit arrêté 
contre cette partie de l’anneau par les deux ligaments qui 
partent du fommet e. 

La Figure 8 montre le côté concave du triangle écail¬ 
leux, dont le côté convexe efl en vûe dans la figure 7. 
C’efl fur ce côté concave que font pofés les mufcles ff 
de la figure 6. 

La Figure 9 repréfente les deux mufcles kf, kf, tirés 
de deffus le triangle écailleux de la figure précédente. Des 
fibres i, qui partent d’une plaque prefque cartilagineufe, 
pofée fur le bout d’un de ces mufcles, vont fe joindre à 
la timbale t. 

La Figure i o fait voir la plaque cartilagineufe qui a été 
détachée du bout d’un des mufcles de la figure 9. Les 
fibres i, qui partent de cette plaque, font celles qui étoienfc 
attachées à une timbale. 

La Fig. 11 repréfente une partie du corcelet antérieur, 
le corcelet poflérieur, & partie du corps d’une cigale male 
de moyenne grandeur, de l’efpécede celle de la figure7, 
planche 16; elle les repréfente, dis-je, vues de côté & 
groffies. e, e, partie du corcelet antérieur, c, le corceleï 
poflérieur. u, l’un des volets écailleux. t,r, la timbale, qui 


200 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

eft à découvert en t, & en r. p, pièce qui couvre une partie 

de la timbale. 

La Fig. i 2 eft la même que la fig. i 3, à cela près que la 
pièce p, qui couvre une partie de la timbale dans la figure 
précédente, a été abbaiffée dans la fig. 12 .p, cette pièce. 

La Figure 1 3 fait voir le ventre, & partie du delfous 
du corcelet de la même cigale, fur laquelle les figures 1 1 
& 12 ont été deffinées. Un des volets u, eft abbaiffé, & 
une des jambes pôle deffus. L’autre volet u } eft relevé. On 
peut remarquer plufieurs différences entre la cavité qui 
eft à découvert, & celle des figures 1 , 2 & 3. in, le miroir 
qui eft très-petit & plus enfoncé que ceux des grandes 
cigales. n, la membrane blanche & pliftee. t, une petite 
portion d’une des timbales qui fe trouve fous le volet qui 
eft du même côté. 

La Figure 14. repréfente en grand le bout du derrière 
de la cigale fémeile de la figure 2, planche 16. aa, le bout 
du corps, ou le dernier anneau, dont la forme eft fort 
différente de celle des autres; c’eft une efpéce de cône, 
qui a un renflement au-deffus de fa bafe ; & qui eft fendu 
tout du long du côté du ventre, cfcf, les deux pièces, 
qui enfemble compofent l’étui de la tarière; la fente qui 
eft entre ces deux pièces, laide entrevoir la tarière. 

Planche XVIII. 

Toutes les figures de cette planche font groflics au 
microfcope, & font deftinées à faire connoître la ftruélure 
de l’efpéce de tarière de la cigale. 

La Fig. 1 repréfente le bout du corps d’une cigale fé- 
melle de la grande efpéce, vû du côté du ventre, b a a, ce 
prolongement du corps, qui peut être appeilé le dernier 
anneau, quoiqu’il ait une figure différente de celle de ceux 
qui le précédent; il a une entaille dans toute la longueur 

dans 


DES I N S E C T E S. IV. Mi ’tn. 20 I 

dans laquelle l'ont logées les pièces qui compofent l'étui 
de la tarière, & qui la renferment, b, le dernier des an¬ 
neaux ordinaires, a a, cet anneau allongé en cône, ôc 
refendu, dans lequel la tarière eft logée dans les temps 
ordinaires.^ la tarière lortie de fon étui, c, c , les deux 
pièces qui enfemble compofent l’étui de la tarière. 

Les Figures z & 3 montrent les deux pièces qui for¬ 
ment un étui à la tarière. Une de ces pièces figure 2, eft 
vue de côte , & l’autre par la face où eft la concavité 
d uneefpéce de cuiileron oblong. cg, le cuilleron . gf, tige 
du cuilleron articulée en g, & qui a une cavité qui paroît 
le long de gf figure 3. 

. La Figure q. fiait voir la tarière développée en partie,' 
& les trois pièces dont elle efi compofée. aa, portion de 
l’anneau dans lequel le loge la tarière, qui a été coupée 
en aa. Une des limes pf a été retirée de dcfiTus fon 
lupport. pf eft la partie qui elt armée de dents inclinées 
vers la pointe p. Les dents font noires, & le relie de la 
lime elt blancheâtre. tr, pièce d’un brun prefque noir 
cpii fert de lupport aux limes, & que nous avons nom¬ 
mée pièce d’aifemblage. On en voit la partie de deffus 
laquelle la lime p f a été dégagée./? I, l’autre lime qui eft 
pofée&engrainée dans l’autre moitié du lupport, comme 
pf l’étoit naturellement. 

Dans la Figure 5 les deux limes font retirées de deffus 
leur lupport. r e e r, le lupport, fur la face & fur l’épaifîe 
tranche duquel on voit des languettes & des cannelures. 
p f, une des limes. pi, l’autre lime. Le Cens dans lequel cette 
dernière fe préfente, permet de voir qu’elle a des canne¬ 
lures 6i des languettes propres à s’affembier réciproque¬ 
ment dans les languettes & les cannelures du fupport. 

La Figure 6 qui ne repréfente qu’une portion de la 
tarié’-e, montre qu’une des limes peut s’élever plus que 
Tome V .Ce 


202 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’autre ; Ja pointe p, de la lime p l, efl; plus élevée que la 
pointe p, de la lime p f. Une partie r, du fupport a été 
îaiirée à découvert par la lime p!. 

Dans la Figure y, où la tarière efl repréfentée dans 
prefque toute là longueur, la pointe p, de la lime p/, efl 
beaucoup delcendue au-deflous de Ja pointe p, de la lime 
pf& on eût été maître de la faire delcendre davantage. 

Dans la Figure 8 , tout au contraire de la figure précé¬ 
dente, la pointe p, de la lime pl, efl beaucoup élevée par- 
delà la pointe p, de la lime pf. qr, partie du fupport de 
delfus laquelle la lime lp, a été retirée. 

La Figure 9 efl celle des deux limes tirées de défiais leur 
lùpport. 

La Figure 10 montre la tarière de la figure y, du côté 
oppofé à celui 011 elle efl vue dans cette dernière figure. 
Lai ime pf efl dans là pofition ordinaire, & la lime pleil 
delcendue plus bas qu’elle n’efl ordinairement. Ici la face 
qui efl en vue, efl la fupérieure quand la cigale tfl polée 
fur un plan horizontal, au lieu que la face des autres 
figures efl l’inférieure, ou celle qui le préfente lorfqu’011 
regarde le ventre d’une cigale. La partie 0, delà lime pl, 
qui excède le fupport, apprend que la tige de la lime ne 
s’applique que fur l’autre face du fupport, & lur celle qui 
en marque l’épailTcur.ou fur la tranche. Toute la large face 
du fupport, efl vue dans cette figure; h on y remarque 
quelques filions, ils ne font pas de ceux qui fervent à main¬ 
tenir les fcies pendant quelles (ont en jeu. 

Dans la Figure 1 1, les fcies ont été coupées en l,& f, 
& ont été écartées de leur fupport coupé en /. Tout ce 
qu’on a eu deflein d’y faire voir, c’efl que le lùpport, avant 
que d’arriver au corps, fc divile en deux branches ty, t x, 
& que l’entre-deux des branches efl rempli par des mem¬ 
branes m, qui lient les deux branches enlemble. 


des Insectes. IV Mem. 203 

r La Fig. 12 ne montre encore qu’une partie de fa taricre 
Si de l’anneau dans lequel elle eft logée. Elle fait voir les 
queues ibif, des limes, ou les tendons écailleux qui les 
font agir alternativement, b, le fupport des limes. 

Planche XIX. 

Les Figures 1 Si 2 repréfentent deux petites branches de 
meurier, dont celle de la figure i, eft plus menue que celle 
de la figure 2 : une cigale a dépofé fes œufs dans l’intérieur 
de chacune de ces branches./, t, t, Sic. marquent de petites 
élévations faites par la peau Si les fibres qui ont été coupées 
&foûlevées. Chacune couvre l’ouverture d’un trou creufé 
dans l’intérieur de la branche. Fig. 1, on voit en e, e, deux 
élévations qui ne font pas dans l’alignement des autres, 
mais cela efl rare. Dans la figure ?, où une partie du bois 
a été emportée, un œuf paroît en 0. 

La Figure 3 montre l’arrangement que la cigale donne 
à fes œufs dans l’intérieur de chaque morceau de bois. Le 
brin de bois dont on a ici la figure, efl groffi à la loupe, & 
on en a emporté une partie depuis II, jufqu’en rr, pour 
mettrèà découvert fonintérieur.Æ,//’',//, bouquets de fibres 
ligneufes qui ont été coupées & foûlevées par la tarière de 
la cigale. En t, on voit la coupe de l’ouverture du trou fur 
lequel les fibres étoient appliquées./! font les œufs, dont 
le trou a été rempli. /,&./, (a coupe des endroits qui font 
ligneux, m, la coupe de ce qui efl occupé par la moelle. Les 
bouquets de fibres h,g, k, font pofés au-deffus d’autant de 
trous, dont les direélions ne fe font pas trouvées en entier 
dans celle de la coupe qui a été frite. o,q,x, les œufs qui 
occupent une partie des trous, dont les ouvertures font au- 
deffous de k,g, h. O11 remarquera que les œufs ne vont pas 
du côté de 0, q, x, par-delà la partie occupée par la moelle. 

Dans la Fig. 4., on n’a qu’un morceau de bois très- 
court, Si plus groffi que celui de la figure précédente. 

* * C c ij 


204 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
/,1e bord d’un trou, où les fibres ligneuics ont été cou¬ 
pées. f ces fibres. L’écorce qui les couvroit, a été brifée 
& détachée jufqu’en e. 

La Figure 5 montre un œuf, tel que ceux de la fig. 3; 
très-grofli. 

La Figure 6 repréfente le bout poftérreur du corps de 
fa cigale mâle, marqué £, figure planche 16; il efi vû 
ici de côté, dans un temps où la preflâon des doigts l’a 
obligé de s’ouvrir, p, la pointe du dernier anneau, qui 
répond au milieu du dos. e, lame écailleufe. f, fourche 
barbue, c, gros crochet écailleux, m, la partie du mâle qui 
commence à fe montrer. 

La Figure 7 11e diffère de la figure 6, qu’en ce que la 
partie avec laquelle le mâle féconde la fémelle, s’y montre 
en entier, m, la tige de cette partie, n, bourlet charnu qui 
eft auprès de fon bout; ce bout eff fait en mammelon. 

La Figure 8 eff celle du bout poflérieur du corps du 
mâle de la cigale de la figure 7, planche 16, très-grofli. 
e, lame écailleufe du deflous du ventre, c, c, double cro¬ 
chet écailleux, a, l’anus. 

La Fig. 9 fait voir féparément le crochet de la fig. 8. 

La Figure 10 nous montre un des deux ovaires de la 
cigale extrêmement groffi. Les files d’œufs n’ont point 
été comptées, mais elles font au moins en auflâ grand 
nombre qu’ici. a , le gros tronc antérieur, d’où partent 
tous les vaifleaux à œufs, b , le gros tronc auquel les vaif- 
feaux pleins d’œufs m’ont paru aboutir. 

La Figure 11 eft celle d’un œuf, d’où le ver eff forti 
par l’ouverture 0. 

La Fig. 12 fait voir un ver u, mangeur d’œufs de cigale, 
6c des vers à fix jambes qui fortent de ces œufs. Il eft ici 
grofli. bj, portion du bois qui a été relevée pour mettre l’in¬ 
térieur du nid à découvert. Dans la Fig. 1 3, un ver man¬ 
geur de ceux des œufs de la cigale, eff vû dans fa grandeur 


des Insectes. IV. Mem. 205 
naturelle, & le même ver eft grofli clans la figure 14.. d, d, 
fies dents. 

La Figure 1 y eft celle d’un ver hexapode de cigale. 

Les Figures 16 & 17 l'ont celles d’une nymphe de 
cigale ou d’une tettigometre, vue dans différents iens. La 
nymphe ne diffère prefique du ver héxapode, que parce 
qu’elle a des fourreaux d’ailes a, a, qui manquent à l’autre. 

La Figure 18 fait voir par-deffous une nymphe de ci¬ 
gale. t, fia trompe. 

Planche XX. 

La Figure i efit en grand celle d’une tête de nymphe 
de cigale & de fies dépendances, t, la tête, a, une des 
antennes, p, le prolongement de la tête, duquel fort la 
trompe, f l’étui de la trompe, qui, ici comme dans les 
cigales, a une origine différente de celle de la trompe, 
fi, une des jambes de la première paire. 

La Figure 2 ne repréfiente qu’une partie de la précédente, 
fçavoir, le prolongement p, de la tête ; mais dans cette fig. 2, 
la trompe t, eft entièrement hors de l'on fourreau f 
Les Figures 3 & 4. montrent une même jambe denymphe 
de cigale, une de celles de la première paire; mais elles la 
montrent prifie en différents temps. Du gros de la jambe i, 
figure 3, part-un gros crochet c. Au deffous de ce crochet, 
011 voit une fuite de dents & des épines, fioit fimples e, foie 
fourchues /i Outre toutes ces parties qu’on trouve à la 
fig. 4., on lui trouve une efipéce depince/>, quelammphe 
releve plus quelle n’eff ici, quand il lui plait; quand elle 
veut, elle l’applique fi bien contre le crochet c, qu’on ne 
la voit pas, ou prefique pas, comme dans la figure 3. 

La Figure 5 fait voir plus en grand le crochet de la 
fig. 4, avec fia pince, c, le crochet. />, la pince, d d, four¬ 
che pointue par laquelle elle eft terminée, a, articulation 
de la pince avec le crochet. 

Ce iij 


206 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

La Figure 6 eft celle d’une de ces grandes mouches de 
l’Amérique, appellées porte lanternes, vue par-deftous./,la 
lanterne, i, un des yeux à rezeau. g, tubérofité en forme 
d’œil, placée au-deftous d’un de ceux à rezeau. 

La Figure 7 repréfente la mouche porte-lanterne, vûe 
par-deftous. 4 la lanterne, t, la trompe. 

La Figure 8 eft en grand celle de la partie écailleufe, 
où fe trouve un œil à rezeau. i, l’œil à rezeau. g - , tuber¬ 
cule graine, ni, mammelon. 

La Figure 9 fait voir la trompe de la mouche précé¬ 
dente féparément, & groftie. f, le fourreau qui lèmble 
avoir une articulation en f. t, la trompe que j’ai obligé 
de fortir defon fourreau. 

La Fig. 1 o nous montre dansfa grandeur naturelle, un de 
ces petits infeétes ailés du rofier, que j’héfiteà mettre dans 
le genre des cigales, & même dans un genre voifni du leur. 

Dans la Figure 1 1, le même infeéte eft vû bien plus 
grand que nature, yifa feie qu’il a éloignée de fon ventre, 
comme il l’en éloigne lorfqu’il veut s’en fervir pour en¬ 
tailler une branche de rofier. 

Dans la Figure 12, la feie de la figure précédente eft 
repréfentée plus en grand, & féparément. 

La Figure 1 3 Lit voir la mouche de la figure 11, par- 
deftous, & également groftie. f, fa lcie dans ia pof tion 
011 elle eft ordinairement, t, fa trompe. 

La Figure 14. eft celle de la nymphe de cette mouche, 
groftie dans la proportion des figures 1 1 & 13. 

La Figure 15 eft celle du derrière du mâle de la mouche 
de la fig. 1 1 ; des parties qu’il tient ordinairement cachées, 
font vües ici groiïies au microfcope. c, c,c, efpéces rie 
baguettes avec lefquelles il peut faifir le derrière de la fé- 
mclle. m, la partie propre au mâle. 




































— 









































































4 



































































































































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des Insectes. K Ment . 207 

4&8p ^ ® $& 


CINQUIEME MEMOIRE , 

£■ T LE PREMIER 

DE L’HISTOIRE DES ABEILLES: 


Où l’on traire de la forme des Ruches les plus propres 
à faire des ohjerra rions fur les Abeilles ; où l’on 
examine ce qu’on doit penfer de la conflitution de 
leur gouvernement ; if où l’on explique les moyens 
dont on s’ef fervi pour voir les faits quon rapporte. 

Ï Es Abeilles ont etc fi célébrées par les Naturalises, 
_ tant anciens que modernes, on en a raconté tant de 
merveilles, & on eff li généralement convaincu quelles 
font de tous Scs in èctes, & peut-être de tous les animaux, 
ceux a qui notre admiration elt due à [dus de litres, que 
nous devons craindre que i hifloire de ces mouches in- 
ûudrieulês que nous allons donner, ne paroi (Te pas rem¬ 
plie d'autant de faits Singuliers qu’on s’attend d’y en 
trouver;du moins n’y en trouvera-t-on que de certains; 
on n’y trouvera que des faits qui ont été bien vus & 
revus. Comme nous examinerons à la rigueur tout ce qui 
a été rapporté d’admirable de ces mouches, nous décou¬ 
vrirons bien du faux dans le merveilleux dont on a voulu 
leur faire honneur; mais nous aurons auffi des compen¬ 
sations à faire en leur faveur. Le faux merveilleux qui leur 
a été attribué, fera remplacé par du merveilleux réel qui 
a été ignoré. 

Les plus anciens Auteurs qui ont parlé des abeilles, 
& la plupart de ceux qui lont venus après eux, A qui 
n’ont été que leurs échos, 11e nous donnent pas plus de 


20S MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
garants, pas plus de preuves de la réalité de ce qu’ils en 
débitent, que les Autheurs des Romans nous en donnent 
de la vérité des événements par le récit defquds ils fçavent 
nous intérefTer. Ce n’a été que dans ces derniers temps 
qu’on a publié fur les abeilles, des obfervations fur lefquels 
on peutjcompter. On en trouve de telles, imprimées dans 
les Mémoires de l’Académie de 171 a-, & dues à M. Ma- 
raldi. Plufieurs années avant que ces obfervations parurent, 
une hiftoire des abeilles avoit été composée par un Au¬ 
teur célébré, & capable de la faire bonne; par un Auteur 
à qui il avoit été plus permis de donner beaucoup de 
temps à l’étude de ces mouches, qu’il ne l’avoit été à 
M. Maraldi, engagé par fa place dans l’Académie, à des 
obfervations d’un tout autre genre. Swammerdam, qui 
pendant toute fa vie avoit fait lés délices de l’étude des 
infeéles, s’étoit plu fur-tout à obier ver les abeilles; il 
compofa leur hiftoire en Holiandois. Cette hiltone ne 
pouvoir manquer d’eftre pleine de recherches lines & 
curicufes; mais une forte de fatalité a voulu quelle foit 
reliée dans les ténèbres pendant une longue iuite d’an¬ 
nées. Elle n’étoit pas encore imprimée lorfque Swam¬ 
merdam mourut; il la légua avec fcs autres manuferits, 
à l'on fidèle ami M. Thevenot, entre les mains duquel le 
tout tarda trop à palier, par la faute des héritiers. La mort 
enleva encore M. Thevenot, avant qu’il eût eu le temps 
de rendre à la mémoire de fon ami, ce qu’il lui devoit, 
avant qu’il eût pu faire imprimer les manulcrits de Swam¬ 
merdam. Heureufement que M. du Verney en devint 
polTelïéur; pour un très modique jarix il les iâuva, & les 
planches dont ils étoient accompagnés, du danger où 
ils étoient d’avoir le fort des écrits les plus méprilables. 
M. du Verney a eu pendant long-temps, intention de 
les donner au public, & il a promis pendant long-temps, 

de 


des Insectes. V. Mem. 209 

dé le faire, fans l’avoir exécuté. On n’a pourtant pas dû 
lui en fçavoir aufli mauvais gré, qu’on l’auroit fçû à tout 
autre. On doit être indulgent pour quelqu’un qui ne fait 
pas paroître au jour les découvertes d’autrui, iorfqu’ii 
néglige de publier les fiennes propres. L’ardeur des recher¬ 
ches nouvelles dont M. du Verney étoit toujours animé, 
j’ai prefque dit tourmenté, ne lui permettoit pas de faire 
part au public, de ce quefes recherches précédentes lui 
avoient appris. D’ailleurs les manufcrits de Swammerdam 
étoient en Hollandois, 6c avant que de fonger à les faire 
imprimer, il falloit les faire traduire en François ou en 
Latin. Enfin l’illultre M. Boerhaave, dont nous ne ferions 
pas réduits à pleurer la perte, fi la durée de la vie de cha¬ 
que homme étoit proportionnée à l’utilité dont elle elt 
au public; M. Boerhaave, que plufieurs des plus grands 
Médecins de l’Europe fe font gloire de reconnoître pour 
leur maître; qui a donné tant d’excellents ouvrages de 
Médecine 6c de Phyfique; M. Boerhaave, dis-je, crut 
rendre un grand fervice à tous ceux qui aiment l’hiftoire 
naturelle, s’il pouvoit parvenir à leur procurer les ob- 
lêrvations de Swammerdam ; il négocia de M. du Verney, 
les manufcrits qui les contenoient *, 6c après en avoir fait 
l’acquifition, il engagea M. Gobius fçavant Profelfeur 
de Leyde, de fe charger de les traduire en Latin , 6c de 
les faire imprimer en Hollandois 6c en Latin, ce qu’il a 
exécuté. Ils rempliffent deux volumes in-folio, dont le 
fécond n’eft public que depuis un an. C’ef dans ce dernier 
que fe trouve une hiffoire des abeilles, qui répond à ce 
que M. Boerhaave en avoit promis. 

* M. r Winflou , dont la probité & ie grand fçavoir anatomique font égale¬ 
ment connus, allure que M. r Boerhaave a été mal ir.llruit du prix que ces MSS. 
& les Planches en cuivre avoient coûté à M. r du Verney; que le tout n’avoit 
pas été acheté à la fois. M. 1 ' du Verney n’a voulu apparemment que retirer la 
tomme au moyen de laquelle il avoit fauvé de fi précieux ouvrages. 

Tome K . D d 


210 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

Malgré le grand cas que je fais de cette hifloire, & 
quoique celle que M. Maraldi a publiée, me paroiffe 
eftimable par bien des endroits, j’ai cm cependant que 
je devois laiffer voir le jour à celle pour laquelle j’avois 
raffembié des matériaux pendant une longue fuite d’an¬ 
nées. Les peuples dont les exploits ont mérité de paffer 
à la poflérité, ont eu bien plus d’un ou de deux Hifloriens. 
Malgré toute l’étendue que les Peres Catrou & Roullier 
ont donnée à leur Hifloire Romaine, malgré l’élégante 
précifion de celle de Laurent Echard, dans l’cflat où 
M. l’abbé Desfontaines l’a fait paraître en François , 
M. Rollin, qui en cherchant à faire aimer les fciences , 
cherche encore plus à faire aimer la vertu, s’efl déter¬ 
miné à donner une nouvelle Hifloire Romaine ; le public 
en a reçu les premiers volumes avec tous les éloges, 
& s’il efl poffible, avec plus d’éloges encore, qu’il n’en 
avoit donné à l’Hifloire ancienne de cet illuflre Auteur. 
Les abeilles font au moins parmi les infeéles, ce qu’ont 
été les Romains par rapport aux peuples qui ont donné 
les plus grands fpeélacles à l’univers. L’Hiflorien qui 
écrit aujourd’huy les aélions dignes de mémoire des 
Perfes, des Grecs ou des Romains, peut ne rien ob- 
mettre d’effentiel de ce qui nous en a été tranfmis ; il 
peut & doit avoir lu les ouvrages où ces allions font 
rapportées ; ce n’efl que là qu’il peut puifer; & les réglés 
de la critique le déterminent fur le choix des faits qu’il 
doit adopter: au lieu qu’il ne fuffit pas d’avoir lu les 
Auteurs qui ont traité des abeilles, pour nous donner 
une nouvelle hifloire de ces mouches, aufîi utiles qu’in- 
duflrieufes; il faut les étudier elles-mêmes de nouveau , 
les fuivrc avec une grande attention; s’affûrer d’abord fi 
tout ce qu’on nous en a dit efl vrai. Il faut enfuite examiner 
fi tous leurs procédés ont été affés connus, fi elles n’ont 


des Insectes. K Mem . z 11 

point des induflries qui ayent été ignorées, ou mal expli¬ 
quées. Il n’eft guéres d’infeéte, qui, étant étudié de la 
forte, ne fourniire des matériaux pour une hifloire, qui 
ne différera pas uniquement par la forme, de celles qui 
en auront été publiées. Il n’en efl point parmi eux, qui 
ne puiffe récompenfer la patience d’un oblervateur at¬ 
tentif, en lui laiffant voir des nouveautés finguliéres. 
Swammerdam Si M. Maraldi ont oblérvé bien des parti¬ 
cularités dans fhifloire des abeilles, qui avoient échappé 
aux Anciens ; des circonflances favorables m’en ont 
montré auffi, Si même d’effentielles, que Swammerdam 
Si M. Maraldi ne fe font pas trouvés à portée de voir. 
Je fuis pourtant perfuadé que ces mouches admirables 
ne m’ont pas tout montré à beaucoup près, qu’elles fe 
font réfèrvées encore des myftéres qu’elles pourront dé¬ 
couvrir à quelqu’un qui les obfervera dans de nouvelles 
circonflances, Si avec une nouvelle affiduité. 

Les abeilles ne font pas du nombre de ces infeéles qui 
ne peuvent nous intéreffer que par leur génie; on fçait affés 
qu’elles font de ceux qui travaillent le plus utilement pour 
nous. Elles font de ceux dont la multiplication doit pa* 
roître un objet important dans tout gouvernement policé. 
Quoique le miel dont elles font chaque année de grandes 
récoltes, ait beaucoup perdu de l’eflime où il étoit dans 
des temps où le fucre, aujourd’hui fi commun, étoit à 
peine connu, ce miel nous efl cependant encore très-utile; 
& il a des ufages par rapport auxquels le fucre ne pour- 
roit lui être fubftitué, comme il le lui a été pour les con¬ 
fitures. Mais la confommation que nous faifons de la cire, 
Si qui va journellement en augmentant, ne nous permet¬ 
trait de penfer aux abeilles qu’avec beaucoup de recon- 
noiffance, fi nous ne fçavions que ce n’eft pas nous qu’elles 
envifagent dans leurs travaux.Nousavons au moins bien de 

Ddij 


212 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’obligation à celui qui, le premier, a retiré ces mouches 
clés forefts, qui nous a appris à les rendre domeftiques, & 
qui nous a mis en état de nous approprier leurs récoltes. 

Nous nous jetterions dans une énumération ennuyeufe 
par fa longueur, fi nous voulions indiquer tous les au¬ 
teurs qui ont donné des préceptes fur la manière de 
foigner les abeilles, & qui*n’ont pas oublié d’en raconter 
en même temps des prodiges. Tous ceux qui ont traité 
de la bonne ceconomie des biens de campagne, ont re¬ 
gardé ces mouches comme' un des objets qui y font 
dignes d’attention. Caton, Varron, Columelle, Paliadius 
font de ce nombre. Par rapport aux modernes, il n’en eft 
aucun de ceux qui ont publié des ouvrages fous les titres 
de Maifon ruftique, de Dictionnaire œconomique, & 
fous d’autres titres équivalents, qui n’ait accordé un très- 
grand article aux abeilles : on a fait de plus pour elles 
divers traités particuliers. Sans parler de ce poème fi par¬ 
fait, dans lequel Virgile a ralfemblé tout ce qui avoitété 
dit fur ces mouches jufqu’cà fon temps; nous avons divers 
traités modernes moins élégants affûrément, où on s’etl 
propofé d’apprendre à tirer un bon parti des abeilles. 
Nous croyons devoir nous contenter de citer plufieurs 
de ces ouvrages dans les occafions qui s’en préfenteront. 
Nous en avons perdu deux qui feroient les plus curieux 
& les meilleurs de tous, fi la valeur & le nombre des 
obfervations dont ils étoient remplis, étoient propor¬ 
tionnés à la longueur du temps qu’on avoit employé à 
faire ces obfervations, N à l’ardeur qu’on avoit eue pour 
les faire. Je veux parler de ce qu avoit écrit le Philofophc 
Ariftomaehus, qui, au rapport de Cicéron & de Pline, 
jfavoit fait autre chofe pendant 58 ans, que d’étudier les 
abeilles ; & de ce qu’avoit écrit auffi, au rapport de Pline 
& d’Ælicn, le Philofophc Hylifcus, qui fut épris pour 


des Insectes. K Mem . 213 

elles d’une fi forte paffion, qu’il fe retira dans les déferts 
pour les obferver plus à fon aile. 

Tous les ouvrages que nous ne venons de citer qu’en 
gros, donnent la mêmeprife à une jufte critique. Ils nous 
racontent les faits les plus propres à faire admirer des 
infeéïes fi utiles ; mais fauteur ne nous dit prefque ja¬ 
mais qu’il a vu ces faits., ni comment il les a vûs. Or, plus 
on fçait combien le nombre des mouches qui habitent 
une ruche elt grand, combien elles y font entalfées, & 
mieux on fçait combien il eft difficile de parvenir à voir 
ce qui 1e paffe parmi elles, fi on n’a pas recours à des 
expédients particuliers, & fi on ne profite pas de cir- 
confiances heureufes & rares. Quand on confidére les 
abeilles d’une ruche, on eft auffi peu en état de recon- 
noître à quoi tendent leurs aélions, qu’on l’eft de démêler 
les motifs de celles des hommes diftribués par pelotons 
dans une place qu’ils rempüffent prefque, & où on ne les 
voit que du haut d’une tour. 

Pour concevoir beaucoup d’admiration pour les abeilles, 
il fuffit cependant de fe trouver dans un jardin auprès des 
ruches qui y ont été placées. On ne s’accoutume point 
à regarder fans furprife , ces habitations remplies par un 
petit peuple fi aétif, fi laborieux, remplies par un nombre 
d’habitants qui furpaffe le nombre de ceux d’une grande 
ville. Si dans les belles heures du. jour on fixe fes regards 
fur les dehors d’une de ces ruches, on voit autour des 
ouvertures qui donnent entrée dans fon intérieur, un 
concours de mouches plus grand que celui des hommes 
que nous pouvons voir dans les lieux les plus fréquentés. 
On voit les unes arriver de la campagne chargées de ma¬ 
tériaux & de provifions, pendant que d’autres prennent 
i’eftor pour aller faire des récoltes femblables à celles 
que les premières rapportent. On en voit de celles - ci 

Dd iij 


214 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
qui n attendent pas quellesfoientrentrées dans la ruche, 
pour faire part à d’autres mouches du miel qu’elles ont 
recueilli, ou de la matière propre à devenir cire quelles 
y ont amaffée. Dans tel in fiant on n’en verra plus fortir 
aucune , celles qui font dehors arrivent en foule ; les 
portes ne fufRfent pas pour laiffer rentrer toutes celles 
qui s’y préfentent. Qu’on regarde en l’air, & on fera bien¬ 
tôt au fait de la caufe qui les détermine à revenir chés 
elles. On verra quelque nuée noire, de celles qui dès 
qu’elles font arrivées liir notre tête, y biffent tomber de 
la piuye. Soit que les abeilles jugent comme nous de ces 
nuées par leurs yeux, foit qu’elles foient inftruitesde leur 
approche, par quelqu autre fens dont nous n’avons au¬ 
cune idée, elles fçavent ordinairement fe mettre à l’abri; 
il n’y a que les foibles & celles qui ont été très au loin, 
qui fe biffent furprendre par une grande pluye. 

Ariftote & ceux qui ont parlé des abeilles après lui, 
comme Pline, ont cru quelles fçavoient fe mettre en état 
de ne pas trop ceder en l’air aux vents impétueux ; que 
pour n’en être pas le jouet, avant que de s’envoler, elles fe 
leffoient, pour ainfi dire, d’une petite pierre qu’elles te- 
noient faifie entre leurs jambes. Mais inutilement obfer- 
vera-t on celles qui font ramenées à la ruche par les plus 
forts coups de vent; on n’en verra aucune qui ait eu re¬ 
cours à un expédient pareil. Plufieurs centaines de petites 
pierres, tranfportées par autant de mouches, feroient 
pourtant aifées à trouver auprès des portes ou dans l’in¬ 
térieur même de la ruche. Swammerdam a, je crois, 
très-bien deviné ce qui a donné lieu aux anciens d’attri¬ 
buer une pareille indiiftrie aux abeilles. Il y a des mouches 
de leur genre, dont nous parlerons dans b fuite, qui bâ- 
tiffcnt avec de gros gravier. On les a confondues avec les 
abeilles ordinaires, & on a imaginé quelles fe chargeoient 


des Insectes. V . Mem . 215 

peur une autre fin que celle pour laquelle elles le font. 

Les dehors d’une ruche fournifient beaucoup d’autres 
faits qui s’attirent l’attention du fpeélateur. Allés l'ouvent 
il fe préfente à fes yeux quelque mouche qui employé 
toutes fes forces pour en traîner une morte hors de la ru¬ 
che, & la conduire au loin. D’autres fois il en voit partir 
une & s’envoler avec alfés de légéreté , quoique chargée 
d’une malfe d’un volume prefqu’égal au fien, quelle va 
dépofer à une difiance de plulieurs pas. Qu’on aille exa¬ 
miner cette malfe dans l’endroit où elle a été lailfée, on 
trouvera fouvent qu’elle ell le cadavre d’une autre abeille. 
L’Obfervateur pourtant ne fera pasdilpolé à croire, avec 
les Auteurs qui prodiguent à ces mouches toutes les ver¬ 
tus morales, que ce l'oit là une aéfion de charité, lorf- 
qu’il verra d’autres abeilles entraîner hors de la ruche, & 
avec autant de peine, des ordures de différentes efpéces. 
Ce qui lui paroîtra plus certain, c’efi qu’elles aiment 
la propreté, & qu’elles font ce qui ell en elles pour tenir 
leur logement net. On les voit de même en certains temps 
tranfporter hors de la ruche des nymphes très-blanches, 
& de jeunes mouches à peine transformées. 

Des combats, mais qui ne vont pas toujours à mort, 
font alfés fréquents auprès de l’entrée de la ruche; & il 
y a des temps dont nous parlerons , où il s y en livre des 
plus fanglants. Seroit-ce aulfi par charité qu’elles s’entre- 
tueroient ! Seroit-ce par un motif femblable à celui qui 
détermine certains peuples fauvages à ôter aux vieillards 
un refie de vie, qu’ils ne pourroient palfer que dans les 
fouffrances & dans la miferc! On le veut, caron prétend 
que les mouches jeunes & vigoureufes, tuent celles qui 
font vieilles & ufées par le travail. 

Tout cela peut être obfervé fans aucun rifque,fiona 
la confiance de laiUèr bourdonner autour de fes oreilles. 


216 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
& même autour de foirvifage les mouches que le hazard y 
conduit. Qu’on foit tranquille, & on ne fera point piqué, 
fur-tout fi les ruches auprès defquelles on eft, font dans 
des endroits fouvent fréquentés par des hommes, car les 
abeilles s’apprivoifent avec eux. Si l’on en croit divers Au¬ 
teurs, on nedevroit pourtant s’approcher d’elles qu’après 
avoir fait fon examen de confcience. Ils nous alfurent 
quelles ne peuvent fouffrir les hommes impurs, & fur-tout 
ceux qui font coupables d’adultére; qu’elles ne font aucun 
quartier aux voleurs. Ce font des mouches vertueufes qui 
aiment les vertueux, & qui les fçavent difh’nguer des vitieux 
qu’elles haïffent. Il feroit plus aile de faire croire que les 
muguets leurdéplaifent, comme on l’a écrit; qu’elles n’ai¬ 
ment pas les jeunes gens frifés & pommadés; car il pour¬ 
rait fe faire qu’il y eut des odeurs propres à les irriter. 
Arillote prétend que les odeurs tant bonnes que mau- 
vaifes les déterminent à attaquer celui qui les répand. Si 
cela étoit, elles auraient beaucoup à fouffrir lorfqu’elles 
vont faire des récoltes fur les fleurs; fi l’odeur de la violette 
ne leur efl pas delàgréable, pourquoi la même odeur ne fe- 
roit-elle pas de leur goût, Iorfqu’elle s’exhalerait d’une 
pommade! Auffi n’ai-je point remarqué que je les miffe 
de plus mauvaife humeur, lorfque je m’approchois d’elles 
ayant fur la tête une perruque qui ne venoit que d’être 
pommadée & poudrée , que lorfque je m’en approchois 
avec un bonnet. Il faudrait même convenir de ce qu’on 
appelle mauvaife odeur, avant que de dire en général que 
les mauvaifes leur déplaifent; car on fçait qu’elles fe pofènt 
volontiers fur les endroits qui font fréquemment mouillés 
d’urine. On nous a afflué encore qu’il y avoit des temps 
où les dames ne dévoient pas s’expofer à s’en approcher. 
Toutes ces averfions des abeilles font de purs contes. Si 
on les a accoutumées à voir des hommes, il n’y a aucun 

danger 


DES I N S E C T E S. V. Mem. 2 17 
danger à les obferver, tant qu’on ne les mite pas par 
quelque mouvement. 

Mais quand on ne s’arrête pas au dehors d’une ruche, 
quand on peut fe mettre à portée d’en voir les dedans, 
quand on peut voir l’intérieur d’un de ces atteliers où fe 
font la cire & le miel, c’eft alors fur-tout qu’on ne peut 
allés s’étonner du nombre des petites ouvrières qui y tout 
occupées; qu’on 11e le lalTe point d’admirer ces gâteaux 
ou rayons de cire travaillés avec tant de régularité ; ces 
gâteaux compofés d’un nombre prodigieux de cellules 
ou alvéoles, qui lont autant de petits vafcs deltinés à 
contenir le miel, 6 c qui ont encore bien d’autres u.'ages. 

Des milliers d’abeilles occupées à divers travaux diffé¬ 
rents, donnent un grand (pecâacle. On conlidcre même 
avec plaifir, des truffes ou des grouppes de ces mêmes 
abeilles 1 *', qui, en prenant le repos qui leur eft devenu *PI.2i.fig. 
néceffaire, le mettent en état de recommencer leurs tra- 5 ' 
vaux. Les arrangements des abeilles tranquilles qui for¬ 
ment ces grouppes, font de différentes figures, 6 c louvent 
très finguliéres. D autres mouches raffemblées en moindre 
quantité, forment des chaînes* dont tous les chaînons * PI. 22. fig. 
font animés. Souvent ces efpéces de chaînes font difpolécs 
en manière de guirlande. Chaque abeille eft accrochée 
par les deux jambes antérieures, ou feulement par une, 
à une des jambes* ou aux deux jambes poftérieures de celle 
qui la précédé. Ainfi la première eft chargée du poids de 
toutes celles qui lé trouvent jufqu a l’endroit le plus bas 
de la guirlande. Les grouppes * 11e font, pourainfi dire, * Pt. 21.fi*. 
qu’un affèmblage de chaînes miles les unes auprès des 
autres; je veux dire que les mouches qui forment les plus 
gros malfffs, les plus groffes grapes, lont accrochées 
les unes aux autres par les jambes, qui donnent des prifes 
plus commodes que le corps, 6 c que Ses autres parties. 

Tome V . E e 


* P!. 21. 
1 . 


218 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 

Il faudrait être né fans aucun efpritde curiofité, avoir 
l’indifférence la plus parfaite pour toutes connoiffances, 
pour ne pas defirer alors de lçavoir comment des mou¬ 
ches fi peu remarquables par leur forme, peuvent parvenir 
àexecuter des ouvrages fi finguliers. Elles doivent.fçavoir 
des arts que nous ignorons abfolument, celui de faire du 
miel, & celui défaire de la cire. Enfin, l’art de mettre cette 
cire en œuvre, comme elles l’y mettent, eft bien au deffus 
de ce qu’on peut attendre de i’adreffe humaine. Dans 
tant de mouches réunies, & qui travaillent pour une 
même fin, on croit voir en petit ce que la raifon a fiait 
de plus grand & de plus utile pour nous; une focieté, 
qui, comme celle de nos républiques ou de nos monar¬ 
chies, eft gouvernée par des loix. Il y a long-temps auffi 
qu’on a donné les abeilles comme le modèle d’un gou¬ 
vernement monarchique. Mais quelles font leurs loix ! 
En ont-elles réellement l Enfin , comment ce petit peu¬ 
ple fe perpctue-t-ii I C’eft ce que leur hifîoire doit nous 
apprendre, ou fur quoi au moins elle nous doit donner 
Lien des connoiffances. 

Les ruches ordinaires dans lefquelles on tient les abeilles, 
font de différentes figures & de différentes matières en 
différents pays. On trouvera repréfentées dans les plan¬ 
ches du dernier Mémoire, celles qui ne le font pas dans 
les planches de celui-ci. Les unes ne f#nt qu’un tronc 
d’arbre creux ; d’autres font faites de quatre planches 
égales, qui forment une efpécede boîte longue, poféefur 
un de fes bouts, & dont le fupérieur eft couvert. Le plus 
grand nombre des ruches tient de la figure d’une cloche 
ou de celle d’un cône. Ce font des elpéces de paniers 
& on leur en donne le nom. Les uns font faits d’ofier, 
ou de quelqu’autrc bois liant, & d’autres font faits de 
paille treffée. Ces logements fimples fuffifent à nos mou- 


/ 


DES I N S E C T E S. V. Mem. . 219 
cites, Si les gens Je la campagne qui ne veulent que tirer 
du profit de leurs travaux, font fort contents de ce que 
de tels logements leur conviennent. Mais le defir de fuivre 
ces mouches dans toutes leurs opérations, a fait regretter 
à des hommes d’une autre trempe , de ce que les parois 
des ruches ordinaires 11e permettoient pas de voir.ee qui 
fe pafioit dans l’intérieur. Les anciens ont fait des ruches 
dont les parois étoient en partie des matières les plus 
tranfparentes qu’ils euffent à leur difpofition. Pline nous 
apprend * qu’un Sénateur Romain en avoit fait faire de la * Lh. xi. 
corne la plus tranfparente. On a imaginé de les loger dans ch ' t6 ' 
des ruches vitrées, c’efi-à-dire, dans des ruches dont l’ex¬ 
térieur qui eft tout de bois , a des volets qui peuvent s’ou¬ 
vrir quand on veut, S: fous chacun defquels efi un grand 
carreau de verre qui permet devoir les abeilles en travail 
comme fi elles étoient à découvert. Moufet n’eût pas 
apparemment confeillé d’en conftruire de telles, car il fe 
moque* des anciens qui avoient donné à quelques-unes * Page 16. 
des leurs, des carreaux , foit de corne, foit de pierre fpé- 
culaire: il croyoit qu’ils avoient perdu leur temps Si leurs 
peines, que les abeilles appliquoient bien vite fur de pareils 
carreaux un enduit qui empêchoit qu’on 11e pût voir au 
travers. 

L’invention des ruches vitrées, ouïe renouvellement 
des ruches tranfparentes, efi afles recent. II paroît qu’elles 
n’étoient pas connues du temps de Swammerdam , vers 
1680, ou qu’au moins, elles étoient très-rares alors. Son 
fiience feul en feroit une bonne preuve; mais ce qui en efi 
une plus forte, c’efique pour parvenir à mieux voir tra¬ 
vailler les abeilles qu’il ne l’avoit pu, il propoféde mettre 
des carreaux de papier à la ruche dans laquelle on logeroit 
tin nouvel eflaim ; d’y laifl'er faire de l’ouvrage par les 
abeilles, & de déchirer le papier, lôrftpi’eiles auroieitf 

E e ij 


>20 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
conflrmt tics gâteaux de cire. Il ignoroit que les abeilles 
n’auroient pas laifTé la peine de déchirer ce papier. Je les 
ai vû détacher & réduire en pièces du papier qui leur don¬ 
nent moins de priée. Lorfque les bandes de papier qui 
avoient été emploiées à boucher les vuides qui lé trou- 
voient entre le boisée les carreaux de verre de mes ruches, 
& à mieux affujettir ces carreaux, lors, dis-je, que ces 
bandes étoient en dedans de la ruche, les mouches ne 
manquoient pas de les hacher. 

Swammerdam auroit fait fans doute plu fieurs obferva- 
tions fur les abeilles, qu’il n’a pas été en état de faire, faute 
d’avoir eu de ces ruches vitrées. Elles n étoient pas plus 
connues apparemment de Ion temps en France, qu’à Am- 
fterdam, car il a demeuré quelque temps à Paris. Depuis 
qu’on a imaginé de faire de ces fortes de ruches, elles 
le font beaucoup multipliées. Celles que feu M. Calfini 
avoitfait placer dans un jardin de I Obiervatoire, ont mis 
M. Ma raidi en état de voir tout ce qu’il nous a rapporté 
de curieux & de certain dans fon Mémoire fur les abeilles. 

Ces ruches de verre, nous donnent affûrément de 
grands avantages fur ceux qui nous ont précédés, pour 
parvenir à nous inftruire de tous les procédés des abeilles. 
Leurs carreaux ne font point fàlis auffi vite que Moufet 
i’avoit cru. Il y en a qui confervent prefque toute leur 
tranfp trence pendant des années entières; & lorlqu’ils 
commencent à s’obfcurcir, il y a des moyens de les lever, 
ôi de les nettoyerenfuitc. Au travers de ces carreaux, un 
obfervaieur peut confidérer tes abeilles à toutes les heures 
du jour, & dans toutes les faifons de l’année fins les 
troubler & fans les inquiéter. La ruche étant placée 
comme il lui convient de Jctre, fous un petit toit, ce 
toit ne fût il que de paille, éc étant entourée de bancs de 
tous côtés, excepté de celui où lent les ouvertures qui 


des Insectes. V. Mem. 221 

permettent aux mouches.d’entrer & defortir, i’obfervateur 
alfis lur un de ces bancs, peut, fans aucune incommo¬ 
dité, jouir d un fpeélacle extrêmement amulant& infini¬ 
ment varié. Des abeilles s’occupent avec une activité 
furprénante, en différents endroits à différents travaux. 

11 le met bien tôt au fait de la difpofition de l’intérieur 
de la ruche. 11 voit qu’il y en a une grande partie remplie 
par des gâteaux de cire pofés à peu-près parallèlement les 
uns aux autres , & qui partent du fommet de cette ruche 
ou des environs, autant que la figure de la ruche le permet. 

Il lui eflaifé d’appercevoir que les gâteaux ne le touchent 
point, qu’entre deux gâteaux il refie un efpace au moins 
affés large, pour que deux abeilles y puilfent paffer à la 
fois. Ce font les rues, ou même, fi l’on veut, les places 
publiques que les abeilles ont refervées pour pouvoir faire 
uiage de toutes les cellules de chaque gâteau. Outre ces 
grandes rues, on en remarque de beaucoup plus petites, 
qu’on appellera peut-être plus volontiers des portes, ce 
font des ouvertures ménagées dans chaque gâteau, & qui le 
traverfent. Ces portes abbrégent beaucoup le chemin que 
les abeilles ont à faire, lorfqu étant entre deux gâteaux,elles 
veulent paffer entre d’autres gâteaux, ou fe rendre dans 
des endroits de la ruche ou elles n’ont pas encore travaillé. 

La diflribution des rues ou des places, ou, ce qui re¬ 
vient au même, l’arrangement des rayons de cire, peut 
pourtant être vu dans les ruches opaques, & fur-tout dans 
celles qui font en panier,& cela, fi on couche fur le côté 
celles qui ne font que médiocrement peuplées, ou dont 
une bonne partie des ‘mouches efl à la campagne. On 
voit alors les gâteaux par le bout*. Pour l’honneur des *Pf. ’i.fig. 
abeilles, il efl à propos de renverfer ainfi piufieurs ruches, 2 & 
parce qu’on ohltrvera que la difpofition des rues variedans 
différentes ruches, comme elle varie dans nos différentes 

E e iij 


222 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
villes. Les mouches ne font point aflreintes à une trop 
grande régularité, elles s’accommodent aux circonftances. 
On trouvera des ruches remplies par des gâteaux touspa- 
* PI. if.fig. ralleles les uns aux autres*. On en trouvera d’autres, dont 
-• les gâteaux qui occupent du haut en bas une partie de la 

capacité de la ruche, l'ont encore parallèles entr’eux, pen¬ 
dant que ceux qui occupent le relie de la capacité, lont 

* Fig. 3. obliques * aux premiers, & plus ou moins obliques. O11 

trouvera même des ruches, dont une partie de la capacité 

* Fig. 4.. efl entièrement remplie par des gâteaux perpendiculaires* 

à ceux qui occupent l’autre partie. Enfin, on trouvera 
beaucoup d’autres variétés & d’autres irrégularités dans 
l’arrangement des gâteaux. 

Mais il faut avoir recours néce fiai rement aux ruches 
vitrées pour voir diftinélément une des faces de quelque 
gâteau, pour bien voir les cellules dont il ell compofé. 
On croit communément que les cellules des gâteaux font 
des logements que les abeilles fe font conflruits, que cha¬ 
cune a le Lien ; &ceia fur ce qu’on obferve en certains 
temps, des cellules dans chacune defquelles une abeille efl 
entrée la tête la première, & dont il ne paroît que le bout 
du derrière, & qui y efl tranquille. Mais pour peu qu’on 
obferve, on reçonnoît que le principal ufage ries cellules 
n’efl pas de donner des logements aux abeilles. On voit 
un grand nombre de cellules remplies de miel; on en voit 
qui font bouchées par un couvercle de cire. D’autres qui 
font ouvertes, ont chacune un ver plus ou mois gros; & on 
reçonnoît aifément que ces vers ne font pas indifférents 
aux abeilles. On obferve de ces mouches, qui femblent 
chargées du foin de voir l’état des vers des cellules. L abeille 
fait entrer fa tête dans la cellule qui en a un, elle l’en re¬ 
tire fur le champ pour la faire entrer dans une autre, Sc 
fueceffivement elle en vifite ainfi plufieurs. Ce n’eft que 


DES I N S E C T E S. V. Mem. 22*> 
dans les ruches vitrées que tout cela, & une infinité de 
procédés tres-cuiicux peuvent être bien vus. 

Jl faut pourtant avouer que les ruches vitrées ordinaires 
ne donnent pas à beaucoup près un plein contentement 
à un fpeébteur qui n’eft pas latisfait de voir Amplement 
des abeilles très-occupées à difiérents travaux; à un fipec- 
tateur qui defireroit voir nettement & diftinélement cha¬ 
que forte de travail & chaque opération. Jl a regret de ce 
que des manœuvres qu’il lôùhaiteroitfuivre, le font fou- 
vent dans des endroits trop éloignés de les yeux, & trop 
peu éclairés. En général tout lui lèmbiefe faire trop tumul- 
tuairement. L’abeille fur laquelle il a fixé fies regards, & 
qu’il voudrait obfervcr pendant tout le temps qu elle refie 
occupée à une forte d’ouvrage, lui efi bien-tôt cachée 
par d’autres qui pafient fur elle, ou qui le placent devant 
elle. Plus une ruche efi peuplée, plus le mouvement y 
efi grand, & plus il paroît y avoir de confufion, quoi¬ 
que tout s’y pafTe avec beaucoup d’ordre. 

Il n’eft pas poffible d’avoir des ruches vitrées, où, mal¬ 
gré le nombre des abeilles & leur agitation continuelle» 
on puifîe faire à chaque inftant des oblervations fuivies; 
mais on peut donner aux ruches des formes telles qu’il 
fera beaucoup plus ailé de faire de ces fortes d’oblèrva- 
tions, qu’il ne fefi dans les ruches de la forme île celles 
qu’on a faites jufiqu’ici, & où on aura incomparablement 
plus dV>ccafions de fiire des oblervations telles qu’on les. 
dehre. Les ruches vitrées qu’on a confiâmes jufiqu’ici, 
font extérieurement des efpéces de tours quarrées *. La * Pi. 22;.%. 
cavité occupée par les mouches, ifi renfermée du bas 
en haut par quatre faces égaies & reébngles. Tantôt on 
donne un fond à cette ruche, & tantôt le plan lur lequel 
elle pofe, la ferme par ernbas; fon bout upérieur porte 
une eipéce de plancher, ou de couvercle plat. Chacun a 


» PI. 22. 
S- 


*PI. 2 3 . 

4 - 


— 4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
varié à Ton gré les ornements dont i! a embelli les dehors 
de cette tour quarrée. Plufieurs ont misdeflus, un toit qui 
fig. le termine en pyramide*, mais qui n'a nulle communica¬ 
tion avec le logement des abeilles. M. de Rezons, dont 
l’Artillerie étoit devenue le principal objet, avoit donné 
à l’extérieur delà ruche l’air d’un fort, dont le deffus étoit 
terminé par une plate-forme entourée d'un parapet, & lur 
laquelle même il y avoit de petits canons moins* à craindre 
que l’aiguillon d’une mouche; ils ctoicnt de carton. 

Mais de toutes les figures qu’on peut donner à une 
ruche, celle qui met l’oblervateur le moins en état de faire 
des obfervations, eft celle à quatre faces égales; c’elt celle 
où il y a moins de mouches à portée de les yeux. Plus de 
mouches font en vue à chaque inftaht, lorfqiie la ruche a 
une figure plus applatie, lorlqu elle efl beaucoup plus large 
qu’épaiffe. J en ai fait faire de plus ou de moins applatics, 
de qui avoient d’autres variétés dans leur forme, & des va¬ 
riétés qui m’avoient paru propres à faciliter les différentes 
fortes d’obfervations & d’expériences que je me propolois 
de faire; car une figure de ruche avantageule a certains 
égards, peut ne l’être pas par rapport à d’autres objets. Je 
me trouve obligé de donner une idée générale de celles 
que j’ai fiit conftruire, fans quoi je ne pourrois faire en¬ 
tendre dans la luite comment je fuis parvenu à faire cer¬ 
taines expériences, ou certaines obfervations difficiles. 

La plus fimple des ruches vitrées, dans lefqueîles j’ai 
fig. renfermé des abeilles, & celle * qui m’a mis en état de 
faire les obfervations les plus délicates, étoit fi applatie que, 
vue par dehors, elle ne fembloit qu’une boîte à peu près 
quarrée & platte, telle qu’une boîte dans laquelle on ren¬ 
ferme un miroir pour le tranfporter, & qui feroit pofée de 
chan ou verticalement fur un de fes côtés. Elle n étoit 
aulïi qu’une efpéce de chaffis haut de vingt-deux pouces. 


DES ï N S E C T E S. V. Mcm. 225 
large de deux pieds, & épais de quatre pouces & demi. Sur 
l’épaiffieur de ce chaffis étoit priée de part & d’autre une 
feuillure capable de retenir un panneau de bois *. Chacun *PI. 23. fig. 
de ces panneaux étoit arrêté en place par deux tourniquets* . r> 

attachés contre le bord fupérieur du chaffis & à diflance 
égale du milieu. Au-deffious de chaque panneau, il y avoit 
un affiemblage de menuiferie, femblable à celui de nos fe¬ 
nêtres ordinaires, & fait pour recevoir & foûtenir quatre 
grands carreaux de verre. Quoique j’aie fait imaginer le 
chalïis de bois qui formoit le corps de la ruche comme 
compofé de côtés femblables, la traverfe inférieure * étoit * u us 
plus longue que la fupérieure; chacun de fes bouts débor- 
doit le montant avec lequel il étoit affiemblé; il formoit 
une efpéce d’oreille qui laiffioit paffier une groffie vis em- 
ploiée à tenir le chaffis affiijetti contre le banc de bois * fur * /, b. 
lequel il étoit pofé. Cette même traverfe inférieure avoit 
une longue & large fente, par laquelle on pouvoit faire en¬ 
trer l’effaim dans la ruche. Je ne m’arrêterai point à faire re¬ 
marquer encore qu’un des montants, celui qui étoit tourné 
vers le midi, étoit percé de plulieurs trous * de la grandeur * r . 
qu’il convenoit qu’ils euffent pour laiffier fortir librement 
les abeilles de la ruche, & pour les y laiffier rentrer. 

Ce à quoy je dois faire faire attention , c’efl que 
cette ruche étant très-mince, il refloit peu d’efpace 
entre les deux carreaux oppofés. Si les mouches logées 
dans une pareille ruche y travailloient, comme je ne 
doutois pas quelles ne le hffient, elles étoient abfolument 
dans la néceffité de placer leurs gâteaux à peu-près pa¬ 
rallèlement aux carreaux de verre. Des gâteaux pofés 
perpendiculairement à ces carreaux', euffient été beau¬ 
coup plus étroits qu’elles ne les veulent. D’ailleurs le 
peu d’efpace qui refloit entre les deux ftees, ne permet- 
toit aux abeilles que de faire deux gâteaux parallèles 
Tome V. . F f 


2 l6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’un à l’autre. De-là il luit que les mouches ne pouvoicnt 
travailler à faire des gâteaux, à les allonger ou à les élar¬ 
gir, quelles ne fufïent auffi près qu’il eft poffible de le 
defirer, de l’œil du fpectateur, tout près du verre; quel¬ 
que manœuvre quelles biffent dans les cellules extérieures 
des gâteaux, on étoit toujours à portée de les voir: qu’en- 
fin le gros des mouches étoit obligé d’être beaucoup plus 
étalé dans une pareille ruche qu’il ne l’efldans les ruches 
ordinaires. On comprendra aifément combien ces der¬ 
nières permettent de moins voir, li on fçait quelles ren¬ 
ferment fouvent neuf à dix gâteaux parallèles les uns aux 
autres, 6c parallèles à deux des faces de la ruche. On ne 
peut donc voir que deux de ces gâteaux par une de leurs 
larges faces, 6c les autres ne font vus que par la tranchée ; 
& toutes les abeilles qui fe tiennent entre ces gâteaux, 
y font cachées. Notre ruche platte a, dans deux gâteaux, 
la valeur de neuf à dix gâteaux d’une ruche épaiffe ; 6c 
ces deux gâteaux font vus en entier par une de leurs faces. 
Dans une fi grande étendue qui eft continuellement à 
découvert, 6c où le peu d’efpace qui refie jufqu’au verre, 
ne permet pas aux mouches d’être ammoncelces, on a 
donc incomparablement plus d’occafions d’obferver leurs 
différentes manœuvres, 6c on eft à portée de les mieux 
voir. 

D’autres confidérations m’ont déterminé à donner 
d’autres formes à d’autres ruches vitrées. Si on a plus 
d’attention à la forme qui convient le mieux aux abeilles, 
qu’à celle qui eft le plus favorable aux obfervations, 
on donnera aux ruches moins de capacité par en haut 
que par en bas. C’eft au haut de la nouvelle ruche où des 
abeilles viennent d’être logées, qu’elles s’établiffent; c’efl 
au haut de la ruche quelles commencent à travailler, à 
faire des gâteaux. La chaleur leur eft cffentielle au-delà 


DES I N S E C T E s. V. Ment. 227 
de ce qu’on le crciroit, comme nous le prouverons dans 
la fuite, & elles font plus chaudement quand elles trou¬ 
vent dans le haut de leur ruche, une capacité quelles 
peuvent remplir en entier, en le pofant, comme elles font, 
les unes contre les autres. Au (files paniers'*, loitd'olur, * Pi.21.fig. 
foit de paille, qui font en ulage, ont une des meilleures 2> 5 
formes que les ruches puiffent avoir. Pour concilier ce 
qui convient aux mouches & à l obfervateur, autant qu’il 
eft poffible, j’ai fait donner une figure pyramidale aux 
ruches de bois que je voulois vitrer. J'ai fait faire des 
ruches qui étoient des pyramides à baie reéfangle*, & * Pt. 22.%. 
j’en ai fait faire dont la bafe étoit plus ou moins large ^ & p 

par rapport à fa longueur. Quelques-unes de ces ruches 
en pyramide dont la baie étoit étroite*, étoient vers le » pi. 24. fïg. 
milieu de leur hauteur, ou un peu par-delà, aufîi minces 1 & 
ou plus minces que la ruche platte dont j’ai pailé ci- 
devant; mais j’en ai fait faire d’autres dont la baie* avoit * Fi*. 5. 
de large le tiers ou la moitié de là longueur. 

Ordinairement j ai fait conflruire ces ruches de ma¬ 
nière quelles pouvoient lé divilèr en trois parties *, à * Fig. 3. ae y 
peu près égales en hauteur, & qui miles les unes fur les LJ ,J “ 
autres, formoient la pyramide complette. La ruche en¬ 
tière étoit ainh compolée de trois étages. Chaque étage 
fupérieur avoit à là large fice un carreau de verre monté 
dans un chafîis de bois; & chaque chafîis pouvoit être 
tiré de place, ik. y être remis à volonté. L’étage inférieur, 
comme beaucoup plus large que les autres, avoit à chaque 
face deux chaffis, ou ce qui efl la même choie , deux 
carreaux de verre. Enfin , des volets de bois * attachés à * «, *, y y- 
chaque étage aux montants de la ruche, lervoient à fermer, 
pour ainh dire, les fenefhes de verre, & empéchoient ie 
froid & les rayons du foleil, de pénétrer trop ailèment 
dans la ruche. 


Ffij 


228 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

Comme les mouches cherchent à faire de larges g⬠
teaux, elles difpofent pour l’ordinaire les leurs parallèle¬ 
ment aux deux grandes face# de la ruche, ainfi on ne perd 
prefque rien à n’avoir point de verre fur les petites faces, 
& les mouchesy gagnent. Il leur ell plus commode de pou¬ 
voir monter &delcendre le long du bois, que fur le verre. 
Aulli un Auteur qui a parié de la manière de faire des 
* Traité des ruches vitrées * telles qu’on les fut ordinairement, confeille 
abeilles^, un- t j e ne ] eur p as rae ttre du verre de tous côtés. La pvramide 

frime a Pans . i , . * l » V 

chés Jombert eu terminée par une boule , ou par quelqu autre orne- 
i 7 ^ 0 ’ fig ment dont je ne dirois rien s’il ne fervoit précifément qu’à 
3 & 4^ ü l’orner. J’en parle parce qu’il fert à boucher un trou qu’on 
a eu foin de réferver au haut de la pyramide. Cette pyra¬ 
mide a fa pointe tronquée. On conferve un trou à l’endroit 
où elle fe termine. Ce trou reçoit une tige cylindrique, un 
* Fig. 4. b. boulon * qui fait corps avec la boule, éc au-deffùs duquel 
elle s’eléve; 6c cette tigeefl telle qu’elle ne remplit pas bien 
exactement le trou. J ’ai fait donner une bafe platte à d’au¬ 
tres boules deftinées au même ufage que celle dont je viens 
de parler; 6c j’ai fait arrêter cette pièce avec un couplet ou 
une charnière. La bafe, le pied-d’eflal de la boule étant 
appliqué fur le trou fupérieur de la ruche, le bouchoit 
exactement; & dans les occafîons qui demandoient qu’on 
mît ce trou à découvert, il étoit louvent plus ailé de le faire, 
que quand on avoit à tirer hors du trou un cylindre de bois 
qui y étoit à la vérité entré à l’ailé, mais qui depuis y 
avoit été maüiqué par les abeilles. 

Des expériences que j’avois en vùe, m’ont déterminé à 
faire conftruire des ruches d’une forme différente de celle 
des précédentes. La bafe de la ruche que je veux faire 
* Fig. 6. connoître*, étoit, comme celle des autres, une pyramide 
tronquée à quatre faces,6c plus large qucpailfe, 6c une 
pyramide tronquée qui pouvoit être divilée en deux félon 


DES I N S E C T E S. V. AlflU. 229 
fa hauteur. Cette portion de pyramide n’avoit que la 
moitié de la hauteur que j’avois voulu donner à la ruche. 
Le relie de la ruche étoit fait de quatre boites * iàns fond * 
& fans delfus, polëes les unes fur les autres, toutes égales f 
entr elles & femblables , & dont la longueur & la largeur 
étoient telles, que la première de ces quatre boîtes s’ap- 
pliquoit exactement fur le bord fupérieur de la baie de 
la ruche. Un volet de bois * qui pouvoit s’ouvrir & fe * 
fermer, étoit arrêté à un des bouts de chacune des grandes 
faces de chaque boîte, & au-deffous du volet étoit un 
carreau de verre monté dans un chaflis, qui pouvoit être 
retiré de la feuillure qui le recevoit. 

On imagine d’avance que les ruches compofées de 
plufieurs portions de pyramides, & celles qui l’efloient 
de plufieurs boîtes, 11’avoient été faites ainli que pour 
donner la facilité de féparer une partie de la ruche des 
autres quand on le fouhaiteroit. Aufli chaque partie n’é- 
toit-elle retenue fur celle fur laquelle elle ctoit pofée, que 
par des crochets, ou de quelque manière équivalente; 
mais elles n’étoient point affemblées l’une avec l’autre à 
languettes, ni à tenons, ni d’aucune façon qui fuppofât de 
l’engrainement. Le bord de la partie inférieure & celui 
de la partie fupérieure étoient plans, afin qu’ils puffent 
s’appliquer exactement l’un fur l’autre, mais qu’ils ne 
filent que s’y appliquer. Quand des mouches logées 
dans une ruche à boîtes * y avoient travaillé, quand elles 
y avoient confiant des gâteaux, qui, de la boîte fupé¬ 
rieure defeendoient jufqu’à la dernière, ou même par- 
delà la dernière des boîtes, je pouvois non-feulement 
examiner au travers des carreaux de verre * le travail, qui 
avoit été fait dans la partie de la ruche qui répondoit à 
chaque boîte, je pouvois même examiner à mon ailé l’in¬ 
térieur de cette boîte; car je pouvois retirer chaque boîte 

Ff üj 


I’i -H-fig 
• cd » 
h, l. 


Fig. 6„ 


lu 


2 }û MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
de la place. Pour y parvenir, je coupois tous les gâteaux 
de cire qui fe trouvoient dans cette boite, je les coupois, 
dis-je, à la jonction avec la boite inférieure, à fa jonction 
avec celle fur laquelle elle étoit polëe, 6c à fa jonCtion 
avec celle qu elle portoit immédiatement. Une lame de 
fer-blanc ou même un fil de fer, étoit le feul infiniment 
néceffaire pour cette opération. Pendant qu’on tenoitde 
chaque main un des bouts de cette lame ou de ce fil, 
on le forçoit d’avancer parallèlement à lui-même entre 
deux boîtes, 6c le fil coupoit fans peine les gâteaux de 
cire qu’il trouvoit en fon chemin. La boîte qu’on fe pro- 
pofoit doter de place, n’étoit donc plus retenue par les 
gâteaux de cire. Il ne reftoit de difficulté dans l’opération, 
que celle de fe deffendre contre les mouches à qui elle ne 
pouvoit manquer de déplaire; mais nous verrons ailleurs 
comment on doit fe conduire en des cas fêmblables à 
celui-ci pour être en fureté. 

Pour beaucoup d’obfervations 6c d’expériences, je me 
* Pi. 23.%. fuis encore fervi d’une ruche * qui n’eft pas de celles 
1, dans fefquelleson pourrait élever des abeilles avec profit. 

Sa capacité étoit telle qu'elle ne pouvoit contenir que très 
peu de cire 6c de miel. Quatre petits montants aflemhiés 
parleur bout inférieur avec une bafé faite d’une planche 
épaiffe d’un pouce, formoient la principale partie de la 
charpente de la petite ruche dont je parle. Ils étoient 
placés aux quatre coins d’un quarré, dont chaque côté 
11’avoit que cinq pouces. La hauteur de chaque montant 
n’étoit que de huit pouces. Ils étoient maintenus par 
quatre traverfès avec lefquelles ils étoient affcmblés près 
de leur bout lupéiieur à tenons 6c à mortaifes. Les mon¬ 
tants avoient des couliffes propres à recevoir des carreaux 
de verre. Trois de ces carreaux étoient arrêtés à demeure, 
6c le quatrième qui étoit fur la face que nous appellerons 


DES I N S E C T E S. V. Mem . 2 3 I 

l’antérieure, pouvoit monter * & defcendreclans les deux * Pi.23.fg. 
codifiés qui le contenoient, parce que ces couÜlTes étoient I ‘ cc ' 
en dehors par rapport à iatraverfe qui réuniffoit les deux 
montants de ce carreau. Enfin, la partie fupérieure de 
cette petite ruche étoit couverte d’un carreau de verre. 

Ainfi cette ruche 11’étoit qu’une efpéce de boite pref- 
qu’entiérement de verre , parce que les traverbes & les 
montants étoient minces & étroits. Elle n’avoit que fa 
bafe d'opaque. Les abeilles logées dans une telle ruche, 
y étoient affurément bien à découvert. 

Voilà ce qu’avoient de plus remarquable les différentes 
ruches que différentes circonftances & différentes vues 
m’ont déterminé à faire conflruire. Non feulement elles 
m’ont donné plus de facilité à obferver les abeilles que 
n’en donnent les ruches vitrées dont on s’efl fervi juf- 
qu’ici ; mais elles m’ont mis en état d’executcr diverfcs 
operations propres à nous faire connoître le génie de 
ces mouches induftrieufes; comment leur république eft 
compofée; quels font, pour ainfi dire, les fondements 
du gouvernement de cette république ; & quel eft le 
principe qui anime , qui fait agir toutes celles d’une 
même lociété. C’ell ce que nous allons commencer à 
examiner. 

Quand au travers des carreaux d’une ruche vitrée, on 
examine ce qui fie paffe dans l’intérieur, on n’y voit pen¬ 
dant la plus grande partie de l’année, que des mouches 
qui n’ont entr’ellcs que de légères différences, que des 
mouches qui différent peu entr’elles en grandeur & en 
couleur, & qui dans le relie font parfaitement femblables; 
en un mot, on n’y voit que de ces mouches auxquelles 
on a donné le nom d’abeilles*. Mais il y a des temps où * PI.22. fig. 
parmi celles-ci, on en voit d’autres* qui font fenfiblement *Vi g . 2 . 
plus grandes, qui ont proportionnellement à leur gran- 


2]2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
dcur, une tête plus groffe & plus ronde que celle des 
abeilles, & entre lefquelles & les abeilles ordinaires, 
il y a encore des différences plus effentielles dont nous 
parlerons dans la fuite, mais que le premier coup d’œil 
ne nous découvre pas. Ces groffes mouches font cel¬ 
les que les anciens ont appellées Fuci , & qu’on a nom¬ 
mées Bourdons en François, apparemment parce que 
leur vol produit un bourdonnement plus plein & plus 
fort que celui que produit le vol des abeilles ordinaires. 
Malgré le nom dont elles font en poffeffion, nous les 
appellerons cependant des Fanxbourdons . Celui de bour¬ 
don peut caufer des équivoques, parce qu’il eff propre a 
lin genre particulier de mouches à miel. Ces fauxbour- 
dons ont été donnés pour les mâles par ceux qui ont étudié 
les abeilles avec les yeux les plus éclairés; tout nous prou¬ 
vera dans la fuite qu’on les doit regarder comme tels, & 
nous les défignerons fouvent par ce dernier nom. Com¬ 
munément on ne voit des mâles ou fauxbourdons dans 
chaque ruche, que depuis le commencement ou le milieu 
de May, jufques vers la fin de Juillet. D’abord on n’en 
apperçoit que quelques uns ; leur nombre le multiplie 
journellement ; & enfin il n’y en a jamais tant que dans 
les jours qui précédent immédiatement ceux où l’on cef- 
fera d’y en pouvoir découvrir. Le nombre des mâles au 
reffe, eff fort inférieur à celui des abeilles ordinaires. Il y a 
des ruches où il eff beaucoup plus grand par rapport au 
nombre de celles-ci, qu’il ne l’eff dans d’autres ruches; 
mais la ruche où il n’y a que fept à huit abeilles contre 
un mâle, eff extrêmement peuplée de ceux-ci. 

Le nombre de ces mâles paraîtra cependant encore 
très-confidérable, quand on fçaura qu’ils ne font pas faits 
pour être affortis avec les abeilles ordinaires. Celles-ci 
ne font pas nées pour contribuer à la multiplication de 

leur 


DES ï N S E C T E S. V Mew. 23 3 
leur efpéce ; elles n’ont point tic fexe, elles ne font ni 
mâles ni femelles; elles font défi nées à faire tout le travail 
de l’intérieur de la ruche, à faire la récolte du miel 6 c de la 
cire, 6 c à mettre cette dernière en oeuvre. Elles font char¬ 
gées du loin d élever (es petits infeéles qui, comme elles, 
doivent devenir mouches parla luite. C’eft enfin fur elles 
que roule tout l’ouvrage de l’interieur de la ruche; aufiî 
les appellerons-nous iouvent les ouvrières. 

O11 a écrit il y a long-temps que chaque ruche poffede 
line feule 6 c unique mouche, qui femble avoir une préé¬ 
minence fur les autres, une mouche à laquelle les anciens 
ont donné le nom de Roy des abeilles. Mais des obfer- 
vations faites depuis plus de cent ans, ont appris que 
cette mouche eft une fémelle: que fi on veut lui accorder 
un empire defpotique fur les autres, c’eft le nom de 
Reine qu’on doit lui donner. Butler Auteur Anglois a 
aulfi imprimé un Traité des abeilles, traduit en latin en 
1671. qui a pour titre, Monarchia femhùna, dans lequel il 
fait un peuple d’amazones des abeilles d’une ruche. Mais 
Swammerdam a confirmé par des preuves incontefiables, 
que cette mouche qu’on appellera fi l’on veut la Reine, 
efi une mere prodigieulement féconde. II a très-bien 
prouvé de plus que c’e(I à elle que doivent leur naiffance 
toutes les nouvelles mouches qui naiflfent dans une ruche, 
& que les abeilles ordinaires ne produifent point d’autres 
abeilles, malgré ce qui en a été dit par Butler, 6 c par tant 
d’autres. Quelque féconde que foit cette mere, chaque 
ruche doit nous paroître trop fournie de mâles. Il en eff 
peu où l’on n’en puifie compter plufieurs centaines; 6 c 
il y en a où l’on en peut trouver plus d’un mille. Ces mâles 
pafient prefque toute leur vie avec une feule fémelle ; 
car s’il leur arrive de vivre avec tr< is ou quatre femelles, 
ce n’eft probablement que pendant très - peu de jours. 
Tome V. . G g 


234 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Dans la plus grande partie de l’année au moins, il n’y 

* IM. 22. fig. a donc dans chaque ruche qu’une léule femelle * aifée 

4 - à diftinguer des autres par la forme de Ion corps. Elleeft 

plus longue, mais moins groiïe que les mâles. Ses ailes 
font très-courtes proportionnellement à la longueur de 
fon corps ; au lieu que les ailes des abeilles ordinaires, 
& celles des mâles, codèrent tout le corps, les ailes de la 
femelle ne vont gueres plus loin que la moitié du fien, 
elles Unifient vers le troifiéme anneau. Mais il n’efî pas 
temps encore de nous arrêter à expliquer toutes les diffé¬ 
rences qui peuvent être remarquées entre les trois fortes 
de mouches d’une même ruche. 11 fuffit actuellement 
qu’on fçache qu’on ne fçauroit voir une mcre dans une 
ruche, fans la reconnoître, tant fa figure diffère de celle 
des autres mouches. Toute la difficulté eft de la voir, & 
elle eft telle que parmi ceux qui éievent à la campagne 
des abeilles pour en retirer de la cire & du miel, il y en a 
beaucoup à qui il n’eft jamais arrivé de voir une mere. 
Quand je leur en ai montré une, ils la regardoient avec 
un plaifir qui prouvoii au moins autant que leur témoi¬ 
gnage, que c’étoit pour eux une vraye nouveauté. Malgré 
les ruches vitrées des formes les plus favorables aux obfer- 
vations, on ne parvient à la voir ; que quand on fçait les 
temps qui peuvent fournir des circonfrances heureufès. 

* - 0 '- 22 ’ %• J’ai eu pendant plufieurs années une ruche vitrée en tour*, 

fans y avoir jamais apperçû la mcre; &ce n’étoit pas faute 
affûrément de la bien chercher des yeux toutes les fois que 
j’oblérvois ce qui le paffoit dans l’intérieur delà ruche. 

Lorfque je me déterminai il y a plufieurs années, de 
tâcher de m’infîruire à fond de I hiftoire des abeilles, de 
vérifier les merveilles qu’on s’eft contenté d’en rapporter, 
fins s embarraffer de les prouver, une des premières ex¬ 
périences que je crus devoir faire, & qui. auffi eft une 


des Insecte s. V. Afe?n, 235 
expérience vravcment fondamentale, fut de divifèr un 
elfaim d’abeilies en deux. ,ie n’ai j)as beloin de définir ce 
que c’eft qu'un eflaim d’abeilles. Perfonne n ignore qu'il 
vient un temps où les mouches s’étant beaucoup multi¬ 
pliées dans une ruche, & s’y trouvant trop à l’étroit, ou 
par quelqu autre raifon, prennent le parti de lé partager; 
que quand la résolution, pour ainfi dire, en a été bien 
prifc, dans un moment, dans moins d’une minute, une 
grande partie des mouches de la ruche prend l’effor pour 
aller chercher ailleurs une nouvelle habitation. Nous i'up- 
pofons encore qu’on fçait que toutes ces mouches, après 
être Sorties de la ruche, vont ailes ordinairement s’attacher 
à une branche d’arbre, & que là cramponnées les unes 
contre les autres, elles forment un malfif qui eft d’autant 
plus gros, que le nombre des mouches qui compofent 
l’clfaim eft plus grand. Nous parlerons ailleurs ailés au 
long de tout ce qui lé paffe depuis le moment où cette 
efpéce de colonie quitte le lieu de fa naiffance , juiqu’à 
ce quelle ait fixé quelque part fon nouvel établiftément. 

S’il n’eft perfonne qui n’ait entendu parler d’un ef¬ 
fara d’abeilles, il n’eft perfonne auffi qui 11’ait entendu 
dire que cet effara eft conduit par un chef, par un roy 
qui doit être une reine, ou plus fimpiement une me*e ' 
abeille. Une des premières expériences que je crus devoir 
faire, fut de partager un effara en deux ruches. Celui 
fur laquelle je la fis, n’étoit pas des plus forts, ou de ceux 
qui font compotes d’un plus grand nombre de mouches. 

Lorfque j’eus appris qu’il s’étoit attaché contre une bran¬ 
che d’un pommier en buiffon , & par conféquent placé 
aftes bas & commodément, je fis apporter deux ruches au 
pied de l’arbre, dont l’une étoit cette petite ruche *, la der- * PI - 23. fig. 
niére de celles que nous avons décrites, dont les quatre 1 2 ‘ 

faces font égales, & qui eft fermée de tous côtés, & par- 

Cg ij 


2^6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
deffus par des carreaux de verre. L’autre étoit la ruche 
platte* & quarrée dont nous avons déterminé les dimen- 
fions ci-deffus. C’efi une opération plus limple quelle ne 
le femblcroit devoir être, que celle de faire entrer les 
mouches d’un efïaim dans une ruche. Nous expliquerons 
ailleurs le peu de précautions qu’elle demande ; mais il 
fufiit de d ire actuellement que mon Jardinier, avec fa 
main couverte d’un gand, fit tomber dans la petite ruche 
vitrée, dont on avoit eu loin d oter le carreau de devant, 
environ la cinquième ou la fixiéme partie des mouches 
de l’effaim, & celles qui compofoient la partie inférieure 
du grouppe. Sur le champ le carreau de devant fut remis 
en place, & les mouches furent renfermées de manière 
à ne pouvoir fonir. Ce fut dans la ruche platte qu’on fit 
entrer le refie de i’eflàim. 

Si cet effaim avoit une mere, & s’il n’en avoit qu’une, 
comme on prétend qu’ils n’en ont qu’une communé¬ 
ment, cette mere devoit fe trouver dans l’une de mes 
ruches, & il ne devoit pas s’en trouver dans l’autre. Mes 
ruches étoient donc propres à me faire voir la différence 
qui efl entre la manière dont fe comportent les abeilles 
qui ont une reine parmi elles, & la manière dont fe com¬ 
portent celles qui en font privées. Je ne fus pas long¬ 
temps à apprendre qu’il y en avoit une dans la petite 
ruche vitrée; je ne fus pas long-temps fans l’y voir; & ii 
me fut bien prouvé dans la fuite, que la ruche platte où 
je ne pus découvrir fur le champ une mere, n’en avoit 
point. Après avoir confidéré pendant moins d’un demi- 
quart d’heure la petite ruche vitrée, après que la grande 
agitation des abeilles qu’on venoit d’y renfermer, eut été 
un peu calmée , je parvins enfin pour la première fois 
de ma vie, à voir une mere abeille qui marchoit fur 
fe fond de la ruche. Je fus dédommagé de n’avoir réufïi 


des Insectes. K Mem . 2 37 

que tard à voir une mere, en voyant celle-ci à bien 
des réprifes differentes, autant de fois que je la voulus 
voir. Je fus en état de la montrer à une compagnie 
affés nombreufe qui étoit chés moy, dans laquelle il n’y 
eut perfonne qui ne voulût voir, & qui ne vît cette reine 
fi renommée. 

Dans les premiers moments où je Tuivis des yeux cette 
mouche remarquable, je fus fort tenté de croire que tout 
ce qui a été dit de la cour que les autres abeilles font à la 
mere, du cottege dont elle eft accompagnée, avoit été plus 
imaginé qu’obfervé. Elle étoit feule, marchant d’un pas 
peut-être un peu plus lent que celui des autres abeilles, & 
que ceux qui étoient avec moi, appelaient volontiers une 
démarche grave. Elle arriva, toujours feule, à un des 
carreaux de la ruche, le long duquel elle monta pour fe 
rendre dans un des gros pelotons de mouches, qui s’é- 
toient formés à la partie fiipérieure. Peu de temps après 
elle reparut encore lur le fond de la ruche étant toujours 
f)it délailfée. Après être montée une féconde fois, & 
avoir été dérobée à mes yeux pendant quelques in fiant s 
par un gros de mouches, elle revint pour une troifiéme 
fois fur le fond de la ruche. A cette troifiéme fois, 
douze à quinze abeilles fe rangèrent autour d’elle, & 
femblerent s’y ranger pour lui faire cortege. Dans les 
premiers infhuits d’un grand trouble & d’une grande'con- 
fufion, on ne fonge qu’à foy. Si on fe trouvoit dans une 
grande l’aile d’affemblée qui fut renverfée fubitement fans 
deffus deffous, on oublierait dans le premier moment 
ce qu’on y aurait de plus cher. Les abeilles jettées tu- 
multuairçment dans la petite ruche qui avoit été tournée 
& retournée, & en différents feus, avoient été dans un- 
cas femblable. Dans les premiers inftants, chacune ne 
penfa qu’à foi; mais quand elles furent,pour ainfi dire*, 

G g iij 


2 ]S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
revenues ù elles-mêmes, elles commencerait à longer a 
cette mere quelles avoient oubliée & méconnue. Malgré 
le penchant que j’avois à croire que le premier cortege 
que je lui apperçus lui avoit été donné par line lorte 
de hazard ; malgré la dilpolition que j’avois à penfer 
qu’une mouche plus grolle que les autres en déterininoit 
quelques unes de celles-ci à marcher vers le côté où elle 
alloit, quelle les déterininoit à venir à là luitc précisément, 
parcequ elle étoit plusgrolTe; bientôt jefus forcé de recon- 
noître que ce n'etoit pas fans fondement qu’oji avoit parlé 
des hommages que paroilfent rendre les abeilles à celle qui 
doit produire une nombreufe pollérité, & qu’on avoit 
parlé des l'oins & des attentions qu’elles ont pour elle. La 
mere avec fa petite fuite, alla encore le rendre dans un tas 
d’abeilles où elle difparut. Elle n’y relia pas long temps fans 
revenir encore fe montrer fur la bafe de la ruche. A peine y 
fut-elle arrivée, qu environ douze mouches fe mirent à 
fa fuite. D’autres ne tardèrent pas à s’avancer vers elle. Cel¬ 
les-ci fe placèrent en deux liles fur les côtés, pendant que Ja 
mere continua fa marche. D’autres qui venoient à la ren¬ 
contre, l’entouroient pardevant. Sa cour grolblfoit de 
moment en moment. Bien tôt il fe fit autour d’elle une 
efpéce de cercle compofé de plus de trente abeilles. Le 
rang de celles de devant s’ouvroit à inclure qu’il en étoit 
beloin pour lui lai (Ter le pafiage libre. Quelques-unes s’ap- 
prochoicnt d’elle plus que les autres; elles la {échoient avec 
leur trompe. D’autres étendoient leur trompe & la pré- 
fentoient étendue à la fienne pour lui offrir le miel dont 
elle étoit pleine. Je la vis quelquefois s’arrêter pour fuccer 
la trompe qui lui étoit préfentée, & je la vis quelquefois 
fuccer en marchant celle d'une autre mouche. 

Pendant piufieurs heures, je vis à un très-grand nom¬ 
bre de reprifes différentes cette même mere, & je la vis 


DES I N S E C T E s. V. Mem. 239 
toûjours avec un cortege de mouches, qui lembloient 
defirer lui rendre des honneurs ou plutôt de bons offices. 
Il y a pourtant encore des cas dont nous parlerons dans 
la fuite, où la mcre paroît être un peu négligée : mais on 
lui rend fi fréquemment des foins & desaffiduités, qu’on 
doit regarder comme certain, une grande partie de ce qui 
a été dit des apparences de refpedl clés autres mouches 
pour leur reine. Nous allons avoir des preuves qu’il n’efl 
point d’attachement qui puiffe aller plus loin que celui 
quelles ont pour elle; notre efifaim divifé nous en don¬ 
nera des plus fortes; auffi croyons nous qu’on 11e defap- 
prouvera pas que nous nous arrêtions à décrire fon hifloire 
tout au long, & de rapporter quelle fut fa fin. 

On doit lé lôuvenir que nous avons dit qu’il n y eut 
qu’environ la cinquième ou la fixiéme partie de cet efïaim 
d'introduite dans la petite ruche quarrée. Le refie fut 
logé dans une ruche platte qui étoit beaucoup plus gran¬ 
de. Quoique le nombre des abeilles fût plus grand dans 
cette dernière ruche que dans l’autre, fa capacité étant 
encore proportionnellement plus grande, & fa forme 
d’ailleurs étant encore plus favorable pour lai fier voir à 
la fois un plus grand nombre des mouches qu’elle con- 
tenoit, s’il y eût eu parmi elles unemere, il n’eût gu ères 
été polfible qu’elle m’eût échappé ; cependant je ne 
pus y en découvrir. J’obligeai plufieurs fois, dans diffe¬ 
rents temps, les abeilles à lé répandre fur les carreaux de 
verre, de façon qu’elles n’étoient en grouppe nulle part. 
Une mere n’eut guéres été plus ailée à voir parmi des 
abeilles étalées fur une table, quelle l’eut été parmi celles 
qui étoient étalées fur les carreaux de verre de la ruche. 
Auffi n’y avoit il réellement qu’une mere dans cet efiaim. 
Ce que nous avons actuellement à apprendre , c’elt 
comment le comportèrent les mouches qui étoient en 


240 MEMOIRES POUR L’HlSTOïRE 
petite quantité dans la petite ruche, mais avec une mere, 
& comment Ce conduifirent celles qui étoient en un nom¬ 
bre quatre à cinq fois plus grand dans l’autre ruche, mais 
fins mere. 

Le partage de cet eflaim avoit été fait peu après-midi 
& un famedi; je marque le jour pour être plus court & 
plus clair lorique je parlerai de ce qui fe palfa dans cha¬ 
cun des jours qui fui virent. Vers les quatre à cinq heures, 
je hs porter la grande ruche fur une elpéce de petite mon¬ 
tagne qui fe trouve dans un de mes jardins de Charenton ; 
& je fis ouvrir les trous néceffaires pour donner aux mou¬ 
ches la liberté de fortir & de rentrer. A l’égard de la petite 
ruche, je lui fis paffer la nuit dans mon cabinet, pour 
ôter aux abeilles qui y étoient renfermées, toute occafion 
de retrouver celles dont elles avoient été féparées, & pour 
leur en faire perdre le fouvenir, fi elles avoient du fouvenir. 
J’avois lieu de craindre qu’il ne leur prît envie de quitter 
une habitation où elles étoient très à l’étroit, pour aller 
trouver leurs camarades dont le logement étoit fpacieux. 
Mais le lendemain dès le matin je portai celte petite ruche 
dans un jardin qui efl féparé de celui où étoit l’autre ruche, 
par la rue, & je le plaçai au bas d’une terraffe qui efi à l’en¬ 
trée de ce jardin. L’éloignement de cette ruche à l’autre 
n’étoit grand que de haut en bas; mais les murs qui les 
féparoient, étoient caufe que les mouches de l’une étoient 
peu à portée de rencontrer, même en l’air, les mouches 
de l’autre. Celles de la petite ruche allèrent dès le même 
jour, dès le dimanche à la campagne. Elles revenoient 
pourtant peu chargées de ces pouffiéres jaunes qui font la 
matière de la cire, elles en avoient feulement le corps 
poudré; elles n’en avoient point de pelotes aux jambes 
poftérieures, à peine y en avoient-elles quelques plaques; 
auffi firent-elles très-peu d’ouvrage dans leur journée. 

Tout 


DES I N S E C T E S. V. Mem. 241 
Tout celui qui parut le foir, étoit un petit cordon qui 
regnoit au haut de la ruche le long de la moitié d’un 
de Tes côtés ; on diftinguoit iur ce cordon des alvéoles 
ébauchés. 

Le lundi matin les mouches me parurent avoir pris 
plus de cœur au travail ; mais je ne pus les fùivre, ayant 
été obligé de partir fur les huit heures pour un voyage 
de quelques lieues. Je fçai au moins qu’en mon ablence 
elles firent un petit gâteau de cire qui avoit quinze à feize 
cellules de chaque côté, & qu’il fut fait avant deux heures 
après midi, car vers ce temps elles abandonnèrent toutes 
leur ruche ; ce fut fur une grofTe branche d’un poirier 
qui en étoit peu éloigné, quelles allèrent s’établir. Je les 
y trouvai bien raffemblées & fort tranquilles lorfque j’ar¬ 
rivai chés moi vers les fcpt heures & demie du foir. Je 
les fis remettre dans cette même ruche qu elles avoient 
abandonnée. Le mardi fur les fix heures du matin, je les 
y vis tranquilles. Quelques unes en partirent pour la cam¬ 
pagne lorfque l’air eût commencé à s’échauffer ; mais elles 
ne le mirent point à l’ouvrage. Vers les onze heures, 
temps où le mouvement auroit dû être grand dans la 
ruche, où les mouches auroient dû travailler avec activité, 
je les vis toutes raffemblées en un grouppe , & toutes 
étoient tranquilles. J’augurai mal d’une fi grande tranquil¬ 
lité, elle prouvoit que mes abeilles ne fe trouvoient pas 
bien dans leur logement, qu’elles ne daignoient pas y faire 
des gâteaux de cire , quelles l’abandonneroient bientôt 
une féconde fois. J’en fus engagé à les obfcrvcr avec plus 
d’attention, pour voir à quoi elles le détermineroient. Il n’y 
avoit pas un quart d’heure que je les confidérois, lorfque 
je vis tomber la mere fur le fond de la ruche. Elle s’étoit 
détachée du gros du grouppe. Elle n’y fut pas plutôt que 
quelques douzaines d’abeilles vinrent en bourdonnant, fè 
Tome V. . H h 


242 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
ranger autour d’elle. Le bourdonnement augmenta ; il 
fèmbla devenir général. L’émeute fe mit par tout. Dans 
lin inflant le grouppe fe divifa en petits pelotons qui fe 
rendoient ou tomboient fur le fond de la ruche. Bientôt 
il n’y eut plus aucun relie de grouppe, de malfe d’abeilles 
en repos. La mere alors s’avança vers la porte de la ruche, 
quelques mouches ordinaires fortirent; elle-même fortit 
aulfi-tôt, & à peine fut-elle hors de la ruche quelle prit 
fon vol ; dans i’inftant, prefque toutes les mouches fe 
déterminèrent à voler avec elle. A peine en refta-t-il une 
cinquantaine. L’air fut rempli d’un tourbillon de mouches 
qui, après avoir fait des circuits allés courts, le dirigea 
vers un pommier. Dès que j’eus remarqué que quelques 
mouchess’appuyoient fur une des branches de cet arbre, 
je me rendis en courant atiprès de ce même arbre. Je vou- 
lois tâcher de découvrir la mere, de voir comment elle le 
conduifoit dans une femblable occafion ; fi elle étoit de 
celles qui s’étoient pofées les premières fur la branche. 
Quand j’arrivai l’écorce de cette branche étoit déjà ca¬ 
chée par les mouches; elles y formoient déjà un petit 
malfif. Mais j’obfervai la mere toute feule pofée fur une 
feuille à trois ou quatre pouces de la branche où l’on 
s’attroupoit ; il ne lui convenoit pas apparemment de fe 
mettre des premières fur la branche, de fe trouver fous 
tout le malfif. Pour déterminer les abeilles à continuer de 
s’airembler dans cet endroit, il fuffifoit que la mere parût 
l’approuver en s’en tenant proche. Les abeilles qui étoient 
en l’air, qui formoient un tourbillon autour du pommier, 
fe rendoient de moment en moment fur le malfif com¬ 
mencé, elles y refioient dès qu’elles s’y étoient appliquées. 
Quand la malfe fut devenue confidérable, quand le plus 
grand nombre des abeilles s’y fut joint, la mere vola rie 
déifias fa feuille fur cette malfe, & bien - tôt elle y fut 


DES I N S E C T E S. V. Mem. 243 
couverte par des couches formées par les mouches que 
fa préfence détermina à venir fe fixer, à ceffer de voler. 

Je me fuis arrêté volontiers à détailler ce qui fe palfa 
depuis que ces mouches fe furent déterminées fous mes 
yeux à quitter leur ruche, julqu a l’infiant où elles furent 
toutes raffemblées fur une branche; 6c je ne ferai pas 
grâce de deux autres aventures pareilles que j’obfcrvai. 
On en prendra d’avance une idée de la manière dont les 
abeilles fe comportent, lorfqu’elles fortent en effaim de 
ia ruche dans laquelle elles font nées. 11 efl plus ailé de 
voir ce qui fe pafie dans une petite troupe telle qu’étoit 
celle-ci, qu’il ne l’ell dans une efpéce d’armée nombreufe. 
Il efl plus ailé de s’afïùrer que jamais le gros des mou¬ 
ches ne fe détermine à partir que la mere n’ait pris i’elfor, 
6cque dès qu’elle l’a pris, toutes celles qui doivent com- 
pofer la nouvelle colonie, prennent leurvol dans l’inftant. 

Mes abeilles avoient leurs raifons 6c apparemment 
bonnes, pour ne pas fe tenir dans la ruche, où j’avois auffi 
de bonnes raifons de les vouloir. Une habitation d’une fi 
petite capacité ne devoit pas leur paraître fuffifante pour 
contenir la nombreufe poftérité qui devoit naître de la 
mere, 6c la quantité de rayons de cire nécelfaire à l’élever; 
6c peut-être avoient-elles encore d’autres raifons 6c meil¬ 
leures, qui m’étoient inconnues. Je m’obftinai pourtant 
à les vouloir faire relier dans ce petit logement, qui me 
donnoit beaucoup de facilité à faire un grand nombre 
d’obfervations, qui me donnoit celle de porter fans em¬ 
barras ces mouches où je voulois. Mais foupçonnant que 
leur nombre pouvoit contribuer à les y faire trouver mal 
à leur aife, je me déterminai à n’en faire palfer qu’une 
partie dans la petite ruche. Du gras des mouches qui 
étoit attaché contre une branche, mon Jardinier en prit 
une poignée qui pouvoit contenir environ quatre à cinq 

H h ij 


244 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
cens abeilles, & la mit clans la petite ruche, dont le 
carreau qui y fervoit de porte fut abbailfé fur le champ. 
La mere le trouva parmi celles qui furent renfermées 6c 
féparées des autres. A l’égard du relie de ces mouches, 
& qui en étoit la partie la plus confidérable, je le lis en¬ 
trer dans une efpéce de boîte qui pouvoit fervir de pied 
à la ruche piatte, dans laquelle avoit été-logée la plus 
grande partie de l’efïaim, à cette ruche qui avoit beau¬ 
coup de mouches fans mere. Cette boîte avoit une ouver¬ 
ture en defi’us, par laquelle les mouches pouvoient , s’il 
leur plaifoit, aller fe réjoindre à celles de la ruche piatte, 
lorfque cette dernière auroit été pofée fur l’autre. Je ne hs 
pourtant pas placer fur le champ cette boîte fous l’autre 
ruche, je la laiffai près de l’arbre auquel s’étoient attachées 
un peu auparavant les mouches qui avoient été partagées 
entr’elle 6c la petite ruche vitrée. 

Mais pour la petite ruche vitrée, je la fis emporter au 
loin fur le champ, & cela, en lui fai faut faire plufieurs tours 
6 c détours entre des arbres, afin de dérober aux mouches 
qui avoient été rnifes dans la boîte, la connoiffance de 
l’endroit où on tranfportoit leur reine. Lorfque j’eus mis 
cette petite ruche fur un appui, à un des bouts du jardin, 
j’en confidérai l’intérieur. Tout m’y parut dans une fu- 
rieu(p agitation. La reine y étoit oubliée. Je la vis par¬ 
courir feule toutes les parties de la ruche. Un peuple 
alfés nombreux venoit detre réduit à très-peu d’habi¬ 
tants, qui, comme s’ils euffent été inquiets de ce qu’ils 
dévoient devenir eux-mêmes, ne fongeoient point à celle 
qui femble les intéreffer tant en d’autres circonfiances. 
Pendant plus d’un quart d’heure, je vis la mere dans le 
plus grand abandon aller deçà 6c delà. Il fembloit qu’on 
voulut la punir delà faufife démarche qu’elle avoit faite, 6c 
qui avoit caufé la difperfion de fon peuple. Mais fi elle étoit 


des Insectes. K Mem. 245 

abandonnée de celles qui, comme elle, étoient captives , 
elle ne le fut pas de ménie’de celles qui étoient reliées 
en liberté. Quelques-unes des mouches qui s’étoient ré¬ 
pandues dans l’air, pendant qu’on avoit fait entrer leurs 
compagnes dans l’une & dans l’autre des ruches, vinrent 
fe rendre fur celle où la mere étoit prifonniére. Bien-tôt 
d’autres mouches, de celles qui étoient libres, averties, 
foit par le bourdonnement qui fe faifoit dans la ruche, 
foit par celui des mouches qui étoient dehors, eu par 
quelqu autre voye à moi inconnue, fe rendirent fur la 
petite ruche. En peu de temps, il s’y en afTcfnbla affés pour 
former tout autour un tourbillon de mouches bien fourni. 
Elles fe poferent deffus, & firent des efforts pour s’intro¬ 
duire dedans; & ne pouvant)' parvenir, parce que toutes 
ies entrées leur étoient bouchées, elles s’ammonceioient 
fur les carreaux. 

II m’eut été aifé de repeupler dans un infiant cette 
ruche; mais ce n’étoit pas mon intention , j’étois content 
du petit nombre d’habitants qui lui étoit refié. Je pris 
donc le parti de faire chafTer doucement avec des bran¬ 
ches chargées de feuilles, les abeilles attroupées deffus, 
de faire chafTer enfuite celles qui s’en approchoient, pen¬ 
dant qu’une perfonne la tranfportoit en lui faifant faire 
divers circuits propres à dérouter les mouches qui s’obfti- 
noient à la fuivre, & qui fembloicnt fi fort defirer de fc 
rejoindre à leur reine. Pour ôter tout moyen de retrouver 
cette ruche aux mouches qu’on en avoit éloignées, je la 
fis porter dans mon cabinet, & alors les mouches du jardin, 
qui inquiètes voloient en l’air, n’eurent plus d’autre parti 
à prendre que de s’aller réunir à celles qu’on avoit fait 
entrer dans l’efpéce de boîte dont nous avons parlé. 

Tout cela fe pafla avant midi. Sur les trois heures on 
me propofa de porter la petite ruche fur la montagne de 

H h iij 


34.6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

mon Jardin auprès de la ruche piatte, auprès de cette 
ruche dans laquelle la plus confidérable partie de l’effaim 
avoit été logée, & où elle étoit fans mere depuis près de 
trois jours. On étoit curieux de fçavoir fi les mouches 
après trois jours, auraient encore conlèrvé le fouvenir de 
cette mere quelles avoient perdue. Cette expérience me 
paroifTant mériter d’être faite, non-feulement je portai la 
petite ruche dans laquelle la mere étoit prifonniére, au¬ 
près de l’autre, je la polài même deffus. A peine y eut- 
elle été un quart d'heure, que les mouches qui fortoient 
de la grande rtifche, parurent avoir connoiffance que cette 
petite ruche renfermoit leur reine, ou au moins une 
reine dont elles avoient befoin. Quelques mouches fe 
rendirent fur les carreaux de verre. Elles furent bien tôt 
fuivies de plufieurs autres. Dans quelques infiants elles y 
furent attroupées. Le nombre des mouches qui s’y ren- 
doit, devenoit de plus grand en plus grand. Les carreaux 
ne tardèrent pas à être couverts de plufieurs couches de 
mouches pofées les unes fur les autres. L’empreffement 
de fe réunir à ht reine, de s'introduire dans l’endroit où 
elle étoit, parut devenir général. Toutes les mouches 
fembloient vouloir profiter de la bonne fortune qui leur 
étoit offerte. Enfin, il me parut que pour peu que j’euffe 
différé à éloigner la petite ruche, il ne fût pas refié une feule 
mouche à la grande ruche. Je ne voulois pas les en laiffer 
toutes fortir, il aurait pu être difficile de les y faire retour¬ 
ner, & j'avois des raifbns de fouhaiter qu’elles y demeu- 
rafiènt. Je fis donc chaffer, comme je l’avois fiait dans une 
autre occafion, les mouches qui s’étoient ammoncelées fur 
ia petite ruche, <Sc je dépayfài celles qui la vouloient fuivre, 
en la faifant tranfporter par des chemins tortueux. 

Quoique les mouches de la ruche piatte fe fuffent at¬ 
troupées fur la petite ruche où leur mere étoit renfermée. 


des Insecte s. V. Mem. 24.7 
on n’en fçauroit conduire qu’elles avoient une efpéce 
de connoiffance que leur mere y étoit logée ; mais il 
paroit au moins qu’elles y avoient été déterminées, parce 
qu’elies avoient reconnu que la petite ruche leur offroit 
une reine fort mal pourvue de iujets, fous l’empire de 
laquelle elles pourroient fe mettre. 11 y avoit pourtant 
lieu de former un doute ailé à lever. La reine & les 
mouches qui lui étoient reliées dans fa ruche, étoient 
agitées, elles y faifoient un grand bourdonnement. Il 
étoit alfés naturel de foupçonner que ce bourdonnement 
feul avoit luffi pour déterminer les mouches de la ruche 
platte à fe rendre fur celle dans laquelle il y avoit tant 
de tumulte. Des expériences que j’avois faites dans d’au¬ 
tres temps, m avoient appris d’avance que le tumulte feul 
des mouches de la petite ruche, n’auroit pas excité la 
curiofité d’un aulfi grand nombre de mouches d’une 
autre ruche. Il m’étoit arrivé dans d’autres temps de placer 
la petite ruche pleine d’abeilles, parmi lefquelles il n’y 
avoit point de mere, auprès de ruches très-peuplées, fins 
que les ouvrières de celles ci eulfent été détournées de 
leur travail par le grand bourdonnement des autres. 

Pour m’alfûrer néantmoins, à n’en pouvoir douter, que 
l’agitation & le bourdonnement des mouches de la petite 
ruche n’avoit eu tant de pouvoir fur celles de la ruche 
platte, que parce que celles-ci manquoient de reine, je 
portai cette petite ruche tout auprès d’une ruche vitrée, 
dont un elïaim étoit prêt à fortir, & qui étoit fi peuplée, 
qu’il y avoit en dehors des pelotons de mouches attachées * 
à l’on pied. Plufieurs de celles ci vinrent effeéhvement fe 
rendre fur la petite ruche, mais elles ne s’y attroupèrent 
pas. Il ne s’y en arrêta pas la vingtième ou la trentième 
partie de ce qui s’y étoit arrêté de celles de la ruche platte 
fans mere. Leur nombre dès les premiers inftants fut à 


248 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
peu-près ce qu’il fut clans la fuite, au lieu que le nombre 
des autres mouches avoit été fi fort en augmentant, que 
la ruche platte auroit été bientôt vuide , h je ne me 
fuffe hâté d’en éloigner la mere qui les atliroit. Il parole 
donc bien prouvé que les mouches de la ruche platte 
avoient au moins connu qu’il y avoit dans la petite ruche 
une mere, & qu’elles avoient fut tout ce qui étoit en 
el^s pour s’aller loger avec cette mere. Mais les mouches 
d’une ruche bien peuplée , & qui fans doute avoient 
une mere, s’étoient contentées, & en petit nombre, de 
venir vifiter la petite ruche où une mere étoit prifon- 
niére & mal accompagnée, fans trop chercher à fe 
mettre à fa fuite. 

J’ai fait depuis beaucoup d’autres expériences qui ont 
concouru à établir que les mouches qui ont actuellement 
une mere, ne font point emprelfées de s’aller joindre à 
une autre. A delfein j’ai pofé plufieurs fois un poudrier, 
dans lequel j’avois renfermé une mere, fucceffivement 
auprès de cinq à fix différentes ruches, & jamais il 11e m’a 
paru que les mouches de ces ruches s’en foient embar- 
raffées. Souvent il n’y a pas eu une feule abeille de la 
ruche auprès de laquelle fe trouvoit la mere abandonnée, 
qui en ait femblé tenir quelque compte, qui fe foit arrêtée 
fur le poudrier ; cependant l’heure où je leur offrois cette 
mere prifonniére, étoit l’heure du jour où elles alloient 
à la campagne en plus grand nombre, où elles étoient 
plus en mouvement. 

Pour revenir à notre petite ruche vitrée, fur les fix 
heures du foir je la reportai dans le jardin où elle avoit 
été d’abord ; mais je la mis fur un appui affés éloigné du 
premier, fur lequel elle avoit été. Alors j’ouvris uneporte 
aux abeilles, c’efl-à-dire, que j’élévai le carreau de devant 
autant qu’il étoit néceffaire, pour que celles qui étoient 

captives 


des Insectes. K Mem. 249 

captives depuis midi, pu fient fortir & rentrer aifément. 
Plufîeurs partirent fur le champ, elles allèrent à la cam¬ 
pagne, & retournèrent à leur ruche; mais j’obfervai bien¬ 
tôt qu’il y en- rentrait plus qu’il n’en fortoit. La boîte 
propre à fervir de pied à la ruche platte, dans laquelle on 
avoit fait entrer les mouches qui avoient été féparées fur 
le midi de celles de la petite ruche, étoit encore dans le 
même jardin. Les mouches qui apprenoient, ou par 
leurs compagnes, ou je ne fçais comment, l’endroit où 
étoit l’habitation de leur reine, s’y rendoient. Je vis que 
la petite ruche étoit déjà redevenue plus pleine que je 
ne la voulois. Pour empêcher qu elle ne le devînt encore 
davantage, je fis porter dans l’autre jardin la boîte où 
étoient les mouches qui avoient été féparées avant midi 
de leurs compagnes ; je la fis pofer fous la ruche platte; 
c’efl à-dire, que les mouches de la boîte furent mifes à 
portée de fe réunir à celles avec lefquelles elles avoient 
celle d’être en focieté depuis trois jours; elles s’y réjoigni¬ 
rent volontiers. 

Le lendemain, le mercredi, les mouches de la petite 
ruche 1e déterminèrent pour une troifiéme fois à l’aban¬ 
donner fur les onze heures du matin. Une perfonne que 
j’avois laiffée auprès d’elles pour veiller à leurs mouve¬ 
ments, vint m’avertir du parti qu’elles venoient de pren¬ 
dre. Lorfque j’arrivai dans le jardin, elles étoient encore 
en l’air, où elles formoient un tourbillon. Les premières 
qui voulurent s’arrêter, choifirent pour fe polèr, une bran¬ 
che d’un poirier en buiffon peu éloigné de la ruche. Le 
nombre de celles qui fe placèrent deffus alla bien tôt en 
augmentant. Je m’approchai de cette branche, & je vis la 
mere toute feule fur une feuille comme je l’avois déjà vue 
dans une autre circonfiance, & de même tout près de 
l’endroit où les autres mouches s’affembloient. Mais il 
Tome V . I i 


250 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
fembloit que cette troifiéme lortie ne fè fut pas faite d’un 
confentement général. Une bonne partie de la petite 
troupe refta à voltiger autour de la ruche qui venoit 
d’être abandonnée, plufieurs mouches même rentrèrent 
dedans. La mere elle-même parut ne pas trouver à l'on 
gré l’endroit qui avoit été choifi. Elle s’envola, elle s’éleva 
en l’air, les autres lafuivirent, & peu après je vis les mou¬ 
ches rentrer en grand nombre dans la petite ruche, fur le 
fond de laquelle je ne fus pas long temps à diftinguer la 
mere. 

Ce retour me donna efpérance de voir le petit nombre 
de mouches que j’avois laide à cette ruche, s’y établir à 
demeure. Il marquoit qu’elles n’avoient plus pour ce loge¬ 
ment toute l’averfion quelles avoient eue auparavant, .le 
n’ai pas encoredit,quepourdéfendre pendant la nuit contre 
le froidjepeu d’abeilles qui dévoient l’occuper, & que pour 
les dérober pendant le jour aux rayons immédiats du loleil, 
& que pour qu’elles ne fuffent pas inquiètes dans un loge¬ 
ment qui fembloit à jour de toutes parts, parce qu’il étoit 
tout vitré, j’avois eu foin de faire faire à cette ruche un 
* PI. 23. fig. furtout rie toile de coutil* doublé de flanelle, & compolë 
3 ‘ de quatre pans féparés les uns des antres, & coulus feule¬ 

ment par un de leurs bouts à un des côtés du quarré defli- 
né à couvrir le deffus de la ruche. Des cordons tenoient 
ces pans joints les uns aux autres par les côtés. On pouvoit 
lever à volonté celui des pans qui cachoit l’endroit de la 
ruche que l’on vouloit voir. J’eus lieu de croire que ce fur- 
tout n’avoit pas affés défendu les mouches contre un coup 
de loleil, qui ayant trop échauffé l’intérieur de la rue hc, les 
avoit déterminées à une de leurs forties précédentes. Je fis 
faire fur le champ un furtout de bois à la ruche qui en avoit 
déjà un d’étoffe. Une boîte de bois de capacité convenable, 
à cela près quelle étoit un peu trop longue, fut rendue 


DES I N S E C T E s. V. Mem . 25 I 
propre à faire cette fécondé couverture, des qu’011 en eut 
îcié le bas. Le jour fuivant, le jeudi, je vis dès le matin mes 
mouches dans les diljjofitions ou je les vouiois. Après 
avoir ôté leur couverture de bois, je levai un des cotés 
du furtout d étoffe,#: je n’oblervai dans la ruche que ies 
mouvements qui y dévoient être. Celles qui revenoient 
de la campagne, en rapportoient à leurs jambes une bonne 
récolte de matière à cire. Sur ies dix heures, je fus obligé 
de partager mon attention entr elles & d’autres mouches. 
On vint m’avertir qu’un efîaim fortoit d’une grande rue he 
vitrée qui étoit dans le jardin haut, dans celui de* la mon¬ 
tagne; & c’eft un fait qu’il eh néceiïaire qu’on fçache, 
car j’aurai a parler de cet effaim. Sur les onze heures, je 
retournai pourtant voir les mouches de la petite ruche, 
que je trouvai en plein travail. Elles avoient commencé 
un gâteau de cire, elles en avoient déjà fini plulieurs 
alvéoles. Je les laiftai tranquilles pour aller faire mettre 
dans une ruche les mouches du nouvel effaim ; mais vers 
line heure après midi, j’allai encore revoir celles de la 
petite ruche. 11 faifoit chaud alors. Le thermomètre étoit 
a plus de dix-neuf degrés, & le foleil étoit brillant. Après 
avoir découvert mes mouches, je vis quelles avoient fait 
un petit gâteau qui avoit plus de deux pouces de long, <Sc 
plus d’un pouce de large. C’étoit affés d’ouvrage pour la 
matinée d’un h petit nombre d’ouvrières. Je les vis tra¬ 
vailler à l’aggrandir, à augmenter le nombre de fes alvéo¬ 
les, à achever de façonner,#: à polir ceux qui étoient faits. 
Le plaifir que j’avoisàobferver ces mouches dans le travail, 
beaucoup mieux qu’on ne peut les voir dans les ruches 
très-peuplées, me fit oublier que la chaleur que je iup- 
portois avec patience, ne feroit pas foutenue de même 
par les abeilles. J’étois pourtant prêt de les mettre à l’abri 
des rayons du Soleil, de les recouvrir, forfqu’il s’éleva 

li ij 


2.52 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
fubitement une émeute parmi elles. Plufieurs le détermi¬ 
nèrent fur le champ à î'ortir de la ruche. Je voulus en 
fermer la porte; mais leurs mouvements furent fi prompts, 
qu avant que j’euffe eu le temps de faire defeendre un peu 
le carreau deverre antérieur, je vis fortir la mere,&toutes 
les autres mouches lortirent à fa fuite. 

Ce fut par cette quatrième fortie que fe terminèrent 
leurs aventures. Le chaud qu’il faifoit les détermina à 
s’élever beaucoup plus haut qu’elles n’avoient fait dans 
les forties précédentes. Elles ne fe rabbattirent point fur 
les arbres* où elles s etoient arrêtées les autres fois; elles 
pafferent bien haut par-deffus le mur, traverferent la rue, 
& fe rendirent dans le jardin où efl la montagne. Dans 
le moment quelles y arrivèrent, le gros elfaim, dont j’ai 
parlé ci deffus, n’étoit pas encore tranquille dans la ruche 
où il avoit été mis. L’air des environs étoit encore plein 
de fe s mouches. Celles de la petite ruche pafferent dans 
les tourbillons mêmes des mouches de l’effaim ; elles furent 
déterminées à voler autour de la grande ruche pendant 
près d’un demi-quart d’heure. Alors leur reine, qu’elles 
étoient tentées apparemment d’oublier pour une autre 
bien logée, vint fe pofer contre un mur dans un endroit 
qui n’étoit éloigné que de fix à fept pieds de cette ruche 
qui lui débauchoit le peu qui lui étoit refié de fujets. 
Quelques-unes de fes mouches pourtant l’y allèrent join¬ 
dre; mais l’endroit étoit trop échauffé par les rayons du 
Soleil, pour qu’elle& fa fuite y puffent refier. Ellepartit»- 
elle entra dans le tourbillon de la grande ruche, fes 
mouches & elle-même fe déterminèrent bien-tôt à y aller 
établir leur domicile, car nous vîmes peu à peu diminuer 
le nombre des mouches qui étoient en l’air; &. on 11’en 
trouva nulle part d’affemblées hors de la grande ruche. 
Il y en eut feulement une cinquantaine qui retournèrent 
à la petite ruche. 


DES I N S E C T E S. K Mem. 253 

L’hoipitalité fut mal exercée à l’égard de celles qui 
entrèrent dans la grande ruche, où un nouvel effaim & 
très-nombreux venoit de s’établir. Elles n’y furent pas bien 
reçûes, j’ai lieu de croire même qu’elles y furent toutes 
maflacrées. Ce qui elt fur, c’eft qu’à peine s’y furent- 
elles introduites, qu’il s’éleva un bourdonnement confi- 
dérable qui prouvoit que tout s’y mettoit en grande 
émeute. J’eus bien-tôt preuve que cette émeute 11e fe 
palToit point fans carnage. Bien-tôt je vis des mouches 
mortes ou mourantes que d’autres mouches portoient 
hors de la ruche. Je vis des combats à mort qui fe fai- 
foient dehors même de cette ruche. Enfin, depuis une 
heure & demie, heure à laquelle les mouches de la petite 
ruche s’introduifirent dans la ruche de l’effaim, julqua 
cinq heures du loir, la tuerie fut grande. J’avois bdoin 
d’abeilles mortes pour les pefer, & pour faire enfuite un 
calcul dont je parlerai ailleurs; j’en ramafîài plus de deux 
cens cinquante de celles qui avoient été tuées. J’en au¬ 
rais ramaffé davantage fi je l’euffe voulu ; & il y en eut 
beaucoup de tuées qui furent portées au loin, & qu’il 
11e m’eut pas été poffible de retrouver; mais ce ne fera 
que dans un autre Mémoire que nous décrirons les com¬ 
bats des abeilles, & que nous achèverons de parler de cette 
dernière bataille. 

Attentifs jufqu’ici à fuivre toutes les démarches & 
toutes les aventures des mouches qui avoient été miles* 
avec leur reine dans la petite ruche portative & vitrée, 
nous n’avons rien dit, & nous aurons peu de chofe à dire 
de celles qui compofoient la plus grande partie de reffaim 
dont les premières furent féparées. Elles parurent fe trou¬ 
ver bien dans la grande ruche vitrée & platte qui leur- 
avoit été donnée pour logement. Dèslematindu jourqui» 
fuivit celui où elles y furent mifes, j’en vis fortir plufieurs,:, 

I.i iij. 


254 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
aller à la campagne, & en revenir; mais elles en reve- 
noient fans apporter aucune matière à cire. Elles conti¬ 
nuèrent ainfi les jours fuivants à fe tenir tranquilles dans 
leur logement. Le nombre de celles qui en lortoient, 
étoit petit, & aucune ne rapportoit des matériaux pro¬ 
pres a faire des gâteaux de cire. Audi quoique le nom¬ 
bre des ouvrières fût grand, quoiqu’elles ne parulfent 
aucunement fonger à quitter leur habitation, lix jours 
fe pafferent fans qu’elles y eulfent Lit aucun ouvrage, 
fans quelles y eufl’ent fait un feul alvéole. Pendant ces 
fix mêmes jours les compagnes dont elles avoient été 
féparées, quoiqu’en très-petit nombre, quoique miles 
dans une ruche qui ne leur plaifoit point , & qu’elles 
abandonnèrent plufieurs fois, ne laifferent pas dy tra¬ 
vailler. Nous avons vû quelles y firent deux petits gâteaux 
de cire. Les abeilles, parmi lelquelles il yavoit une mere, 
ne laifferent donc pas de travailler malgré tout ce qui 
fembîoit les en devoir détourner, & celles qui étoient 
fans mere refterent dans l’oifiveté. Delà, il fiemble que 
les abeilles foient déterminées au travail par un motif 
pareil à un des plus louables qui nous puilfe faire agir, 
par le feul amour de la poftérité. Celles qui fe trouvent 
avec une mere qui doit donner naifiance à des milliers 
d’abeilles qui leur reffembleront, conftruilent les alvéoles 
nécefïaires pour recevoir les œufs. Elles en conllruifent 
de capables de contenir du miel, elles les en remplilfent. 
Enfin, nous verrons dans la fuite tous les foins quelles 
fe donnent, toutes les peines qu’elies prennent pour éle¬ 
ver les vers qui fortentde ces œufs jufqu’à ce qu’ils loient 
en état de fe transformer en nymphes. Les abeilles au 
contraire qui n’ont point parmi elles une mere capable 
de mettre au jour une nombreufe poftérité, ne daignent 
pas faire le moindreouvrage; elles fe contentent de vivre 


des Insectes. K. Mem. 255 
au jour la journée, d’aller prendre leurs repas dans la 
campagne, fans s’embarraflér de faire des provifions dans 
la ruche. £n un mot, il femble évident que ce n’ell pas 
pour elles-mêmes quelles travaillent, & quelles font des 
récoltes. 

Pour voir fi je ne ranimerais pas mes mouches qui 
avoient relié fix jours dans l’inadlion , je les fis palier 
dans une nouvelle ruche, dans un panier tel que ceux 
où l’on loge le plus ordinairement les abeilles. Elles y 
furent encore plus tranquilles quelles ne l’avoient été 
dans leur première demeure. Quoique le jour fuivant fût 
chaud & beau, aucune d’elles ne s’avila de fortir. Elles 
fortirent pourtant & rentrèrent par la fuite; mais tous 
les jours leur nombre alla, en diminuant. A peine y en 
rella-t il un millier au bout de trois lèmaines; & quel¬ 
ques jours après je trouvai un matin toutes celles qui y 
étoient reliées, mortes fur la baie de la ruche. Toutes 
étoient péries, loit dans la ruche, foit hors de la ruche, 
fans avoir fait le plus petit gâteau de cire. 

PI 11 fieurs fois j’ai mis une ailes grande quantité d’a¬ 
beilles fans mere dans de petites ruches vitrées, pareilles 
à celle dont il a été tant fait mention ci delïùs, ou elles 
ont abandonné la ruche, ou elles y ont péri dans un 
nombre de jours allés court, fans jamais y faire aucun 
ouvrage. On peut donc regarder comme une vérité bien 
confiante, que les abeiiles ceiTent tout travail, quelles 
ne longent plus à l’avenir dès qu’elles n’ont plus de mere. 
A ri Ilote a dit, que lorfqu elles en font privées, elles le 
contentent de faire des gâteaux de cire dans les alvéoles 
defqueis elles ne portent point de miel Mais je puis 
alïïirer qu’ilors elles vivent dans une parfaite oifiveté» 
que non-feulement elles ne font aucune récolte de miel, 
mais quelles ne confiruifent pas une feule cellule de cire; 


2)6 Mémoires pour l’Histoire 

& je l’affûre fur un très-grand nombre de preuves de 
l’efpéce de celles que je viens d’en donner, auxquelles je 
me contenterai d’en adjoûter une que j’ai eue récemment. 

Vers la fin du mois de Mars de cette année, je remar¬ 
quai que les abeilles logées dans une de mes ruches en 
panier, y rentroient toutes fans être chargées, pendant 
que celles des autres ruches y revenoient avec de bonnes 
récoltes. Elles continuèrent à retourner toujours les pattes 
vuides dans leur ruche, jufques vers la mi-Juin. Je faifois de 
temps en temps coucher leur ruche furie côté, au moins 
defemaine en femaine, pour en examiner l’intérieur,& 
je n’y voyois jamais que de vieux gâteaux de cire; je ne 
pouvois y découvrir aucune cellule Evite depuis l’hyver. 
Je remarquois auffi que le nombre de ces mouches alloit 
tous les jours en diminuant. Enfin, il étoit réduit à moins 
d’un millier vers la mi-Juin, temps où je me déterminai 
à les tirer toutes de leur ruche pour les examiner. Nous 
apprendrons dans la fuite le moyen auquel nous avons 
recours pour pouvoir examiner les unes après les au¬ 
tres toutes les mouches d’une ruche fans les faire périr; 
il me fuffit de dire à prefent que parmi ces abeilles qui 
avoient refié pendant deux mois & demi dans l’inarflion, je 
ne trouvai point de mere, & auffi ne m’attendois-je pas 
à y en trouver. J’avois jugé long-temps auparavant, que 
fi elles avoient ceffé de travailler, c’eff qu’elles avoient 
perdu la leur. Je fçavois même qu’il leur étoit arrivé une 
aventure, qui dans une nuit fit périr beaucoup de leurs 
compagnes, parmi lefquelles s’étoit apparemment trouvée 
cette mere fi néceffaire. Il fernble donc que la mere foit 
lame de la ruche, que ce foit elle qui mette tout en 
aétion. 

Svvammerdam a déjà rapporté une fort jolie expé¬ 
rience, pour prouver combien les mouches d’un effiiim 

font 


des Insectes. V Mem. 257 
font attachées à leur reine, combien elles cherchent à la 
fuivre; cette expérience néantmoins n’aura rien de lur- 
prenant, fi on lé rappelle tous les efforts que faifoient les 
abeilles de la grande ruche plattc où je les avois miles fans 
mere, pour s’introduire dans une petite ruche où leur mere 
étoit prifonniére. Il attacha la mere d’un efTaim par une de 
fes jambes avec un brin de fil, près du bout d’une longue 
perche. Les mouches de l’efTaim ne tardèrent pas à s’a f- 
femblerautour de ce bout de perche, à couvrir la mere, 
à s’entafïer fur elle. On portoit cet effaim par-tout où 011 
vouloit porter la perche. 

Bien des Leéleurs ont pu être tentés de mettre au 
nombre des contes, par lefquels le Pere Labbat s’efî piû 
à égayer les relations qu’il a publiées de divers voyages, 
ce qu’il a rapporté d’un homme qui prétendoit avoir le 
fecret fiiïgulier de fe faire fuivre par les mouches, Si qu’on 
appelloit l’homme aux mouches. Voici ce qu’il en dit dans 
le troifiéme volume * de la relation de l’Afrique occiden- * p.316. 
taie, Lite fur les Mémoires de M. Bru Direéleur de la 
Compagnie du Sénégal. Dans un des voyages que ht ce 
Directeur pour les intérêts de fa Compagnie, « il reçut 
la vifite d’un homme qui fe cliloit le maître des mouches « 
à miel; qu’il en fut le maître ou non, il eft certain « 
quelles le lùivoient comme un troupeau fuit Iepafteur,« 

Si. même de plus près, car il en étoit tout couvert. Son « 
bonnet fur-tout en étoit tellement chargé, qu’il reffem- « 
bloit parfaitement à ces eflaims qui, cherchant à lé pla- « 
cer, s’attachent à quelque branche. On le lui fit ôter, Si « 
les mouches lé placèrent fur fes épaules, fa tête, fes bras« 

Si fes mains, fans le picquer, ni même ceux qui étoient « 
auprès de lui , Sic. 11 failoit que cet homme 1 e fût frotté « 
avec quelque fuc d'herbes. On le prefïa beaucoup de« 
dire fon fecret, mais 011 n’en put tirer autre choie, finon « 

Tome V . K k 


25S MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
55 qu’il écoïc le m litre des mouches. Elles le lui virent toutes 
«quand il le retira, car outre celles qu’il portoit fur lui, 
« il eu avoit encore des légions à la luite. >5 11 ne lalloit 
d’autre fecret à cet homme, que celui de tenir la mere 
d’un elfaim, attachée avec un lil ou autrement contre 
fon bonnet ou l'on col, c’en étoit aiïes pour qu’il le fit 
fuivre par des légions de mouches. Peut être que cette 
mere étoit d’abord fur fon bonnet, & qu’il la ht palier 
W lbn coi, lorlqu’on lui lit ôter fon bonnet. 

Mais clt-ce feulement pour la mere qui leur a donné 
naiUmce, ou au moins pour la mere qui elt née parmi 
elles, que les abeilles ont tant d’alfeélion I On pourroit 
être tenté de le croire, quoique ce foit, ce lemble, 
donner trop de fentiments à ces mouches, & des fen- 
timents qui 11’iroicnt pas adcs à i’objet que la nature 
le propole , à celui de la conlêrvation & de la mul¬ 
tiplication de l’efpece. Il paroit plus probable que toute 
mere dont le corps elt plein d’un grand nombre d'œufs, 
a de quoi déterminer les abeilles à le livrer au travail ; 
qu’elles font même prêtes à reconnoitre pour reine 
toute fémelle qui leur fera préfentée , li elle elt en état 
de mettre au jour une nombreufe poltérité. C’elt ce 
qui me parut mériter d etre décidé par une expérience 
que je 11e manquai pas de faire dès que l’occafion s’en 
oilrit. Ayant eu une mere à ma difpolîition, & on verra 
dans la fuite qu’il m’elt fouvent arrivé d’y en avoir, & 
quels font les moyens d’en avoir quand on veut ; ayant, 
dis-je, eu une mere à ma difpofition, je la féparai de 
toutes les abeilles avec lefquciles elle avoit vécu jufque 
là, & je longeai à la prélènter pour reine à d’autres 
abeilles à qui elle étoit parfaitement inconnue, & que 
j aurais privées de leur reine naturelle. C’elt ce qui me 
lut ailé d’exécuter; je me fervis encore de ma petite ruche 


des Insectes. V. Mem. 259 
vitrée *. Je n’ai pas eu befoin de dire encore, que le fond * PJ- 23.% 
de cette ruche, qui étoit de bois, étoit percé d’un trou l ' 2 ‘ 
rond, & que ce trou dans les temps ordinaires étoit rem¬ 
pli par un bouchon. J otai ce bouchon , & je pofai le 
trou fur celui qui étoit au bout lupérieur d’une grande 
ruche pyramidale *, & que jevenois de découvrir. Cette *pi.*.fig.3 
ruche pyramidale étoit très-peuplée d’abeilles, dontplu- 
fieurs furent déterminées à fortir par la nouvelle ouver¬ 
ture qui fe préfentoit; elles entrèrent dans la petite ruche 
vitrée. Quand il y en eut dedans celle-ci environ 400, il 
m’y en parut ailes pour ce que je m’étois propolé, & je lon¬ 
geai à empêcher leur nombre de s’augmenter. Pour cela, 
je hs glilfer deux feuilles de papier polées l’une fur l’autre 
entre les deux ruches. Celui qui les avoit giilfées, en tint 
une appliquée contre le trou de la ruche pyramidale, 
pendant que je tenois l’autre appliquée contre la petite 
ruche. On ôta enfuite cette dernière ruche de place, & 
o n boucha le trou de chaque ruche dès qu’on eut retiré 
le papier qui le couvroit. La petite ruche avec les mouches 
qui y étoient prifonniéres , & qui avoientété féparéesde 
leurs compagnes, furent portées dans mon cabinet. Elles 
étoient toutes dans une grande agitation. Je ne tardai 
guéres à éprouver h ce ne leroit point un moyen de les cal¬ 
mer & de les confoler, pour ainfi dire, que de leur offrir 
une nouvelle reine. Celle que je leur gardois, étoit dans 
une petite boîte de bois. J’ouvris cette boite, j’ôtai prelle- • 
ment le bouchon du trou de la petite ruche, je pofai ce 
trou immédiatement fur la boîte; fur le champ prefque 
je rebouchai ce trou, car dans l'infant la mere entra dans 
la ruche dont je ne voulois ni la lailfer fortir, ni aucune 
des autres mouches. 

On croit alfés que je fus attentif à examiner com¬ 
ment cette mere étoit reçue ; elle le fut convenablement, 

Kk ij 


z6o Mémoires pour l’Histoire 
elle le fut en reine. A peine fut-eile entrée dans la ruche, 
qu elle eut un cercle compofé au moins d’une douzaine de 
mouches, qui toutes cherchoient à lui faire de fête. D’in- 
Haut en mitant là cour devint de plus en plus nombreufe. 
Quand elle fe produifit, elle étoit très mal-propre. Le 
hazard avoit voulu qu’il y eût de la terre réduite en poudre 
très-fine dans la boîte où je l’avois renfermée; une par¬ 
tie de cette terre, qui s’étoit attachée contre les parois de 
la boîte, avoit poudré la mere abeille au point de la rendre 
grife. Le premier loin des autres mouches fut de la dé¬ 
poudrer, de la décralfer, de la bien nettoyer. Elle relia 
pendant plus de deux heures fur ie fond de la ruche tou¬ 
jours entourée & fouvent couverte de mouches , dont 
chacune la léchoit de fon côté. Elles fembloient aulfi 
chercher à 1 échauffer, & elle avoit befoin d’être échauffée. 
Tout cela fe paffa un 2 j. c d’Avril, dont la nuit avoit été 
très froide. J avois eu cette mere le matin, tranfie ou plu¬ 
tôt comme morte de froid. Je l’avois trouvée au milieu de 
plulieurs milliers d'abeilles que le froid de la nuit avoit 
réellement fait périr. En la chauffant peu à peu je lui 
avois pour ainfi dire rendu la vie. Je ne pouvois me biffer 
d’obferver les foins & les empreffements des autres mou¬ 
ches pour cette nouvelle reine, combien elles cherchoient 
à lui être utiles. Je neparvenois à lavoir que par intervalles, 
que quand une ou deux mouches, qui avoient travaillé à 
la nettoyer, cedoient leur place à d’autres, qui venoient à 
leur tour pour lui rendre de bons offices. Elle fut long¬ 
temps à la renverfe, ayant le ventre en haut, fon corps 
recourbé, & le derrière beaucoup plus élevé que le relie. 
Plufieurs mouches étoient pofées fur elle; mais il y en 
avoit auffi d’autres au deffous d’elle. Quelquefois celles- 
ci la foûlevoient & la portoient à un demi-pouce ou à un 
pouce de l’endroit où elles l’avoient priée. Des mouches 


des Insectes. V. Ment. 26 1 
fi pleines de bonnes intentions méritoient qu’on eût loin 
d éliés, auffi leur donnai-je du miel, J’oblervai l’amufant 
manège que je viens de rapporter, pendant plus de deux 
heures. 

Il faifoit froid ce jour là, mais le folcil étoit brillant. 
Je portai la petite ruche contre un mur fur lequel il don- 
noit à plomb, & dans un endroit qui n’étoit pas éloigné 
de trente pas de celui où étoit la ruche pyramidale d’où 
avaient été tirées les mouches auxquelles j’avois donné 
une nouvelle mere. Sur le midi je fis mettre fur la petite 
ruche Ion lurtout d’étoffe*, de crainte que les rayons du 
foleil ne fie filfent trop fentir aux mouches. Aiors elles 
montèrent toutes, & la mere avec elles, jufques au haut 
de la ruche. Un très-petit gâteau de cire y étoit attaché; 
ce fut fur ce gâteau qu’elles s’attroupèrent & qu’t lies 
fe mirent en peloton. Je ne crus pas devoir leur laiffer 
la liberté de fortir ce jour là, de crainte qu’elles ne fufïènt 
faifies du froid. Je leur fis même paffer la nuit bien chau¬ 
dement dans mon cabinet ; mais le lendemain fur les dix 
heures, quoique l’air fût encore froid, mais parce que le 
foleil étoit beau <Sc chaud, je les portai auprès de ce même 
mur & dans le même endroit où elles avoient paffé une 
partie de la journée précédente. Elles profitèrent bien¬ 
tôt de la liberté que je leur donnai de fortir; elles allèrent 
à la campagne, elles en revinrent. Enfin je vis le foir un 
gâteau de cire auffi petit à la vérité qu’un petit écu , qui 
avoit été l’ouvrage de leur journée. 

Ces abeilles s’étoient donc dévouées à la nouvelle reine, 
6 c s’y étoient dévouées à un point remarquable. Elies 
avoient oublié leur première reine, leurs compagnes, en 
un mot cette efpece de ville fi peuplée , fi bien fournie 
de magafins de toutes efpéces, cette ville où elles avoient 
pris naiffance; elles l’avoient oubliée pour fe loger dans 

K k iij 


202 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
une petite habitation où tout manquoit, où tout étoit 
à faire. Quoiqu’il puifle paroître peu étonnant que des 
mouches oublient , l’oubli dont nous parlons a cepen¬ 
dant quelque chofe de fingulier , lorfqu’on penfe qu’il 
étoit arrivé à des mouches qui s’éloignoient louvent de 
leur première ruche, qui aboient faire des récoltes à la 
campagne dans des endroits qui en étoient quelquefois 
disants de plus d’un quart de lieue, & peut-être de bien 
davantage : de fi loin ces mouches fçavoient pourtant fe 
fou venir de leur ruche & du chemin par lequel il falloit 
paffer pour y revenir. Dès que les mouches avoient été 
logées dans la petite ruche portative, elles fembloient 
avoir perdu tout fouvenir de leur ancienne habitation , 
11e fçavoir plus que cette habitation, où rien 11e leur man¬ 
quoit, n’étoitpas à trente pas de celle où elles fe trou- 
voient dénuées de tout. Eft-ce que d’avoir une reine 
qu’elles pouvoient voir &. fervir plus à l’aile , une reine 
pour elles feules, leur tenoit lieu du relie, & étoit pour 
elles un dédommagement fuffifant de beaucoup de com¬ 
modités & d’avantages perdus! 

Si ces mouches fe trouvoient bien d’avoir une reine, 
la reine n’étoit peut-être pas contente d’être accompagnée 
d’un fi petit nombre d’ouvrières. J’ai dit que ce fut le 
25. Avril que je la renfermai avec très-peu de mouches; 
que je leur permis d’aller à la campagne le 26. & que le 
foir de ce même jour il y eut un gâteau de fait. Le lende¬ 
main 2y. elles travaillèrent peu. Pendant que je les ob- 
fervois fur le trois heures après midi, je remarquai une 
mouche plus grolfe que les autres, qui venoit vers la ruche; 
mais qui, au lieu d’entrer dedans, alla fe pofer fur le mur, 
qui étoit alors éclairé du foleil. Dès que je me fus ap¬ 
proché d’elle je la reconnus pour une mere, & elle ne 
pouvoir être que la mere de la petite ruche. Il étoit 


des Insectes. V. Mem. 26 3 
fingulier même qu’elle fût fortie ou nu moins revenue 
fans avoir aucune mouche à fa hiite. Je la pris aifément,* 
je la fis entrer dans une petite boîte que je mis fur le 
champ toute ouverte dans la petite ruche. Dans le mo¬ 
ment où elle en fortit, il 11’y avoit auprès de la boîte qu’une 
ièule abeille ordinaire, qui fur le champ s’avança auprès 
d’elle pour la lécher & la broffer. La mere fut bientôt arrivée 
au pied du bâton planté au milieu de la ruche, tout du 
long duquel elle monta pour gagner le gros, où on lui 
fit place pour la laiffer pénétrer dans l’intérieur. 

La petite ruche dont nous parlons, a toujours paru 
déplaire aux abeilles que j’y ai miles. Elle n’avoit pas 
une capacité fuffifimte pour loger les vers qui y dévoient 
naître, & tous les gâteaux néceflaires pour les élever jufqu’à 
ce qu’ils fulfcnt transformés en mouches. Auffi les abeilles, 
dont il s’agit à préfent, nefortirent point ou prefque point 
de la ruche le 28; elles n'étendirent point le gâteau qu’cl- 
lesavoient commencé, ce qui prouvoit quelles vouloient 
aller s’établir ailleurs plus à leur gré. Je les vis de même 
tranquilles le 29. jufques à onze heures & demie du matin ; 
mais à midi & demi je trouvai la ruche vuide; toutes en 
étoient décampées à quatre à cinq près, qui étoient appa¬ 
remment à la campagne dans le moment où les autres 
avoient pris leur parti. On chercha cette petite troupe 
dans le jardin , & on la trouva attachée à une branche 
de prunier. La mere étoit au milieu du gros. 

je fongeai à mettre cette mere & les mouches qui la 
reconnoifloient pour reine, dans une ruche qui leur dé¬ 
plût moins que celle que je leur avois donnée auparavant. 

Je les fis entrer dans la partie iûpérieure d’une ruche co¬ 
nique*; elles montèrent tout au haut de cette ruche, & * PI.24.fïg. 
s’y arrangèrent fort bien. Le froid de la nuit ne fut pas 5 ’ 
confidérable ; la liqueur du thermomètre étoit vers le 




z6^ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
lever du foleil à dix degrés Si demi. Ce froid cependant 
avoit été trop grand pour des mouches qui n’étoient pas 
en allez grand nombre pour conferver dans la ruche 
lin degré de chaleur tel qu’il le leur faut. Le matin je les 
trouvai tombées au bas de cette nouvelle ruche, elles y 
formoient un peloton au milieu duquel étoit la mere. Elle 
& toutes les autres étoient fans force, incapables de fe 
mouvoir. Je les lis chauffer au foleil, je les remis dans la 
ruche, elles fe ranimèrent. Sur les onze heures je les vis 
voltiger autour de cette ruche, j y vis même voltiger la 
mere, qui revenoit de dehors; elle fe pofa delfus, Si en¬ 
tra enfui te dedans. II fembloit qu’elle ne fût fortie que 
pour découvrir un lieu où elle pût conduire là petite 
troupe, Si qu’elle ne fût rentrée que pour l’y emmener. 
Ce qui ed fûr, c’ed qu’à midi & demi la ruche fut aban¬ 
donnée, & je perdis totalement la mere & les ouvrières. 
Je ne pus découvrir où elles avoient été fe placer’, mais 
j’avois appris ce quejevoulois fçavoir, qu’une mere don¬ 
née à des abeilles tirées de leur ruche, la reconnoiffoient 
pour leur reine, Si quelles oublioient pour elle celle fous 
l’empire de laquelle elles vivoient quelques infants aupa¬ 
ravant. 

Il m’a été prouvé que les abeilles s’intereffoient pour 
toute mere, qu’elles ont pour toute mere des foins, des 
attentions quelles n’ont pas les unes pour les autres; il 
me l’a été prouvé, dis-je, par un fait allez fingulier Si 
propre à apprendre même que la vie de toutes leurs com¬ 
pagnes n’ell rien pour elles'en comparaifon de celle d’une 
mere. On fçait que fouvent des mouches ordinaires, telles 
que celles de la viande, paroilfent noyées fans letre réelle¬ 
ment , qu’après être forties de l’eau aulTi incapables de fe 
mouvoir que h elles étoient mortes, elles fe raniment, elles 
reprennent leur première vigueur, fi on les a rclfuyées Sc 

réchauffées 


des Insectes. K Mem. 265 

réchauffées peu à peu. Il en eff fouvent de même des 
abeilles, comme nous aurons occafion de le dire plus au 
long ailleurs, en rapportant des expériences fur celles que 
nous avons tenues dans l’eau pendant un temps affés con- 
fidérable. Le feul fait dont j’ai befoin qu’on l'oit inflruit 
aéluellement, c’eft que je retirai de l’eau une mere qui 
fembloit morte, qui dans cet in fiant ne donnoit pas le 
plus léger figue de vie: Elle avoit même été eflropiée, une 
partie d’une jambe de la fécondé paire lui manquoit. Mal¬ 
gré le fâcheux état dans lequel elle étoit, je crus devoir 
tenter tout ce qui pourrait lui rendre la vie. Ce n’efl pas 
pour les abeilles léules qu’une mere eft précieufe, elle 
i’eft pour quelqu’un qui veut s’inftruire de l'hilloire de ces 
mouches; car il en coûte fouvent bien des milliers de 
mouches, fouvent toutes celles d’une ruche, pour avoir 
une feule mere. Je mis celle qui fembloit morte, dans un 
poudrier de verre, & je mis avec elle fept à huit abeilles 
qui avoient paru noyées, & que j’avois fait revivre, que 
j’avois amenées au point de pouvoir marcher, quoi¬ 
qu’elles fuffent encore foibles, & quatre à cinq autres 
mouches qui paroiffoient aufh mortes que la mere. Mais 
ce que je ne dois pas oublier de faire remarquer, c’efl que 
ces mouches n’avoient jamais habité avec la mere, qui pa- 
roiffoit morte. Elles étoient d’une autre ruche que la benne. 
J’approchai du feu le poudrier dont je viens de parler; 
quand il fe fut un peu échauffé, je commençai à obfer- 
ver la mere, pour voir fi la chaleur produiloit quelque 
effet fur elle, j’eus beau obferver avec une loupe, foit fes 
jambes, foit fa trompe, je 11e pus y appercevoir le plus 
léger mouvement, je ne pus lui voir donner aucun figne 
de vie. Mais je remarquai avec plaifir, que dès que 
quatre à cinq des autres abeilles eurent pris un peu de 
vigueur, elles vinrent fe ranger autour de cette mere. 
Tome V . L f 


266 Mémoires pour l’Histoire 
comme fi elles enflent été touchées de Ton état, com¬ 
me fi elles euffent voulu lui donner des lecours qu el- 
les croyoient lui pouvoir être utiles. Elles ne cefloient 
de la lecher avec leur trompe , & cela lucceflivcment 
en différents endroits de Ion corps, de fon corcelet & de 
fa tête. Tandis quelles prenoient tous ces foins pour une 
étrangère, elles ne tcnoicnt aucun compte de leurs an¬ 
ciennes compagnes, qui étoient tout auprès, mortes ou 
mourantes. Enfin elles fembloient efperer, autant quelles 
le defiroient, que la mere fe ranimeroit, & leurs efpéran- 
ces étoient fondées. Au bout d’un quart d’heure ou d’un 
quart d’heure & demi, j’apperçus un petit mouvement dans 
le bout d’une de les premières jambes. Après un inter¬ 
valle affés court ce mouvement fut réitéré. La mouche 
remua enfuite un peu une autre jambe. A peine eut-elle 
donné les premiers Agnes de vie , qu’on entendit un 
bourdonnement s’élever dans ce poudrier où dans les 
moments précédais il n’y avoit pas le moindre bruit. 
Plufieurs perfonnes qui étoient avec moi, & qui comme 
moi, fouhaitoient voir revivre cette mere, furent frap¬ 
pées de ce bourdonnement, qui fembloit plus aigu que 
les bourdonnements ordinaires, toutes lui donnèrent le 
nom de chant de réjouiffance. Les abeilles eurent lieu de 
continuer de fe réjouir, la mere reprit fies forces peu à 
peu, & malgré fa jambe efiropiée elle devint en état de 
marcher, & elle marcha. 

S’il étoit affés démontré que les animaux font doués 
de fentiment, nous n’héfiterions donc pas à dire que la 
nature en a donné des plus tendres & des plus refpecftueux 
aux abeilles ordinaires pour les fémelles; que les ouvrières 
traitent en fouveraine toute fémelle qui leur efi préfentée, 
non par de Amples apparences d’une foûmiflion exté¬ 
rieure, mais en lui rendant tous les ferviccs quelles lui 


des Insectes. K Mem . 267 

peuvent rendre. Qu’on ne croyepas meme qu’elles n’en 
nient ainfi que quand étant privées d’une reine, il s’en 
offre une qui leur eft néceffaire. J’ai fait diverles expé¬ 
riences 6c beaucoup d’obfervations qui prouvent que 
les abeilles qui ont une reine dont elles doivent eflre 
contentes, font cependant difpofées à faire le meilleur 
accueil à une femelle étrangère qui vient chercher un 
afÿle parmi elles. Dans une ruche vitrée 6c une de mes 
ruches les plus plattes*, qui étoit extrêmement peu- * PI.23.fi 
plée, où toutes les abeilles travailloient avec beaucoup *• 
d’aélivité, j’ai introduit une féconde reine. Pour être en 
état de la diflinguer dans la fuite, de la reine naturelle, 
avant que de la livrer à un nouveau peuple, j’avois eu la 
précaution de lui peindre de rouge prelque toute la partie 
fupérieuredu corcelet. J’ai répété cette expérience dans 
toutes les faifons de l’année, 6c fur différentes ruches, mais 
toujours vitrées 6c des plus plattes, afin qu’il me fut plus 
ailé d’obferver ce qui fe pafferoit, 6c j’ai toujours vu que 
la nouvelle mere a été reçue en fouveraine; je lui ai tou¬ 
jours vu rendre des hommages femblables à ceux qu’on 
rendoit à la reine naturelle; c’eft-à-dire que toutes les 
fois que je la voyois paraître, elle avoit autour d’elle un 
cortege d’abeilles ordinaires, qui montraient pour elle les 
mêmes attentions 6c les mêmes empreffements quelles 
avoient pour leur ancienne fouveraine. Quand je la faifois 
entrer dans la ruche, c’étoit par le trou de l’ouverture 
fupérieure; elle tomboit fur un gros de mouches qui pour 
l’ordinaire la déroboient à mes yeux fur le champ. Son 
arrivée étoit fuivie d’un bourdonnement qui commençoit 
autour d’elle, 6c qui bientôt devenoit général dans toute 
la ruche : c’étoit un grand événement qui devoit être an¬ 
noncé à tout le peuple, 6c auquel tout le peuple prenoit 
part. Quoique fort peu au fait du langage des abeilles, je 



-68 MEMOIRES POUR L’HrSTOIRE 
pourrois prefque dire que le bruit qui fc faifoit alors, en 
étoit un d acclamation 6c de réjouiffance; car dès que je 
voyois paroître la reine étrangère, je la voyois entourée de 
mouches, qui, fi l’exprefïion n’eft pas trop peu refpeétueufe, 
ne cherchoient qu’à lui faire des careffes, qui la lechoient 
avec leur trompe, qui la fuivoient par-tout où elle alloit. 

J’ai fait plus quelquefois, j’ai donné à differents jours, 
mais peu éloignés les uns des autres, deux nouvelles reines 
à la ruche qui avoitdéja la fienne,&auxquelles j’ai fait por¬ 
ter une livrée différente. Ledeffus du corcelet de l’une a 
été peint en rouge, 6c le deffus du corcelet de l’autre, l’a 
été Joit en bleu, foit en jaune. La troifiéme mere a été 
traitée par les abeilles, comme la fécondé l’avoit été, 6c 
toutes deux font été comme l’avoit été la première mcre 
ou la mere naturelle. 

On fera curieux apparemment de fçavoir ce qui cil 
arrivé par la fuite dans chaque ruche où il y a eu pluralité 
«le reines. On demandera comment cette pluralité, qui 
s’efl établie fi pacifiquement, peut fe concilier avec ce qui 
a été dit par tous ceux qui ont traité des abeilles, avec 
ce que j’ai fait entendre moi-même jufqu’ici, 6c avec ce 
que je prouverai ailleurs, que chaque ruche n’a qu’une 
ièule mere. Comment cette pluralité de reines peut-elle 
être conciliée avec ce qui a été rapporté unanimement 
des guerres civiles, pour ainfi dire, qui ne manquent pas 
de s’élever dans les effaims où il y a plus d’une mere ! Mais 
comme toutes ces queflions ne peuvent être éclaircies 
fans infiruire de ce qui précédé 6c de ce qui fuit lafortie 
des effaims, nous devons remettre à entreprendre d’ex¬ 
pliquer comment des faits oppofésen apparence font ce¬ 
pendant vrais, jufqu’à ce que nous en foyonsà traiter de 
ce qui regarde les effaims. Il nous fuffit pour le prefent 
J avoir rapporté les expériences qui prouvent qu’une mere 


des Insectes. V. Mem. 26 9 
abeille efl bien reçûe par les abeilles ouvrières qui ont déjà 
une mere parmi elles, qu’elles la traitent avec des difbnc- 
tions quelles n’ont pas les unes pour les autres; en un 
mot, qu’elles font portées à rendre les meilleurs offices 
à toute mouche qui peut contribuer à la multiplication 
de leur efpcce. Elles fe dévouent à une mere qui, d’ail¬ 
leurs, 11e femble rien faire pour elles, parce quelle efl 
propre à rendre leur république plus nombreufe. En 
travaillant pour les avantages de notre fociété, nous tra¬ 
vaillons pour les nôtres, fouvent fans nous en apperce- 
voir. On ne doit pas être difpofé à croire les abeilles mieux 
inflruites que nous, &. qu elles voient mieux de quelle uti¬ 
lité leur peuvent être des aélions &. des foins qui ne les re¬ 
gardent pas direéfement; mais il efl fur qu’en fai faut tout 
ce qui efl en elles pour que le nombre de leurs compagnes 
fe multiplie, lorfqu elles ne parodient travailler que pour 
le bien général, elles travaillent pour leur bien parti¬ 
culier. Nous verrons dans la fuite qu’il leur importe ex¬ 
trêmement de faire partie d’une grande republique, que 
leur vie efl; d’autant plus en fureté quelles ont un plus 
grand nombre de compagnes. Nous verrons dans la fuite 
que des abeilles qui périffent dans une ruche peu peuplée 
dès que des froids aflèz médiocres commencent à fe faire 
fentir, foutiendroient les froids des plus rudes hivers, fi 
elles fe trouvoient dans une de ces ruches qui fuffifènt à 
peine pour contenir le nombre des mouches qui y font 
logées. Si les abeilles font capables de faire des fouhaits 
raifonnables, elles doivent donc fouhaiter que la mere 
mette au jour la plus nombreufe poftérité,& qui parvien¬ 
ne à état de mouches; elles agiffent au moins comme fl 
elles le fouhaitoient. 

Nous avons affés prouvé qu’elles abandonnent tout foin 
de l’avenir, quelles ne travaillent plus quand elles n’ont 

Lüij 


270 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE 
pas parmi eiles une mere, & je crois pouvoir affiner à pré- 
fent, quelles mefurent leur travail liir la fécondité de la 
mcrc avec laquelle elles habitent. Il nie paroît que j en ai 
eu une preuve affés certaine cette année même. Entre mes 
ruches en panier, j’en remarquai une dont les abeilles fem- 
bloient pareffeufes. En faifant renverfer cette ruche & en 
examinant enfuite fon intérieur, de femaine en femaine, 
j’obfervai qu’elles n’augmentoient pas le nombre de leurs 
gâteaux, quelles n’aggrandiffoient pas ceux qui étoient 
faits, & cela dans une faifon où les mouches des autres 
ruches faifoient le plus d’ouvrage. Après les avoir recon¬ 
nues pendant près de deux mois pour de mauvailès tra- 
vaillcufes, je les tirai de leur ruche pour ics faire 
paffer dans une autre. Elles avoient très-peu travaillé, 
mais elles avoient un peu travaillé; elles dévoient donc 
avoir une mere; elles en avoient une auffi, que je parvins 
à tenir dans ma main par l’expédient qui fera expliqué 
dans la fuite. Mais bien tôt il me fut prouvé quelle étoit 
une mere peu féconde, car dans les gâteaux que je tirai 
de cette ruche, je ne trouvai pas la centième partie des 
vers qui en auraient dû faire l’eipérance, de ces vers qui 
dévoient devenir des abeilles, je n’en trouvai pas, dis-je, la 
centième partie de ce qu’il y en avoit dans d’autres ruches. 
Les abeilles n’avoient pas daigné s’occupera multiplier le 
nombre des logements, celui des alvéoles, pendant qu’elles 
voyoient que la mere en laiffoit tant d’inutiles, quelle 
avoit li peu d’œufs à dépofer dans ceux qui étoient faits. 

Voilà bien des connoiffmces pour des mouches; j’ai 
pourtant foupçonné que les leurs pouvoient aller en¬ 
core plus loin fur ce qui a rapport à la multiplication de 
leur efpcce. Qu’on redonne une mere aux abeilles qui 
étoient oifives, parce quelles avoient perdu la leur, les 
voilà détermineés à travailler, & cela proportionnellement 



DES I N S E C T E S. V Alan. 27 ï 
à la fécondité de cette nouvelle mere; mais il m’a paru 
curieux de fçavoir li des abeilles privées de leur mere, 
pourraient êtrefenlibles à l’efpérance d’en avoir une autre 
un jour, & ce que cette efpérance pouvoitfur elles; je veux 
dire, que j’ai imaginé de loger des abeilles dans une ruche où 
il n’y aurait point aéluellement de mere, mais où il pourrait 
en naître une par la fuite. Pour faire entendre comment j’ai 
pu faire cette expérience, je dois dire au moins ce qui 
fera expliqué dans un autre Mémoire, que les cellules 
dans lefquelles naiffent les vers qui doivent devenir des 
meres abeilles, & dans lefquelles ces vers fe métamorpho- 
fent en nymphes, font très-différentes des cellules dans 
lefquelles croiflent les vers qui doivent fe transformer en 
abeilles ordinaires, & de celles dans lefquelles croiflent les 
vers qui fe transforment en faux-bourdons. Je chaffai les 
abeilles d’une ruche qui étoit très-peuplée, & je les fis 
paffer dans une autre, dans un temps ou je me promet- 
tois de trouver dans les gâteaux de la première ruche, des 
cellules où feraient, l'oit des vers, foit des nymphes, qui par 
la fuite dévoient devenir des meres abeilles. Mon attente 
ne fut pas trompée, j’eus à ma difpofition cinq cellules, 
trois defquelles étoient ouvertes, & avoient chacune un 
ver de différent âge, de ceux qui le transforment en mere; 
deux de ces cellules étoient fermées & chacune contenoit 
une nymphe, ou un ver prêt de fe métamorphofer en nym¬ 
phe, de celles qui par la fuite, font des meres. Je coupai 
un petit morceau de chacun des gâteaux de cire, auquel 
tenoit une des cellules dont je viens de parler, je veux dire, 
que je pris cinq morceaux de gâteaux, dont chacun avoit 
environ quinze à feize lignes de largeur, & plus de deux 
pouces de longueur, & dont chacun avoit une cellule qui 
renfermoit un infeéle qui pouvoit devenir une mere abeille. 
J’enfilai ces cinq morceaux de gâteaux dans un brin de bois, 


2 yi MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
que j’arrêtai affés près du haut d’une ruche vitrée & platte. 
J a vois eu foinde iaiffer entr’eux des intervalles à peu près 
égaux à ceux que les abeilles laiffent entre les gâteaux de 
leur ruche. Tout étant ainfi préparé, je hs entrer dans la 
ruche vitrée quelques faux-bourdons, & environ mille ou 
quinze cens abeilles qui avoient été privées de leur mere. Il 
s agi (Toit de fçavoir comment elles fe comporteroient, fi 
elles paroîtroient fçavoir qu’elles pouvoient fe promettre 
de voir naître au moins une fémelie parmi elles. Elles 
parurent en être bien inftruites, elles fe conduifirent 
comme l’étant : ce fut fur les gâteaux qu’elles s’attrou¬ 
pèrent toûjours. Il y a des temps & des circonftances dont 
nous parlerons dans la fuite, où les abeilles ordinaires trai¬ 
tent avec barbarie les vers, même ceux qui doivent de¬ 
venir des mouches ouvrières, où elles les arrachent de leurs 
cellules pour les aller jetter hors de la ruche. Les abeilles 
miles nouvellement dans la ruche vitrée, en uferent ainfi 
par rapport à plufieurs vers des petits gâteaux, par rapport 
aux vers qui dévoient devenir des abeilles ordinaires. Elles 
traitèrent avec la même cruauté, des vers qui dévoient 
devenir des meres. Je ne veux point examiner ici fi leur 
procédé étoit au (fi cruel qu’il nous le paroît, je ne veux 
point actuellement chercher à le juftifier, je ne veux que 
faire remarquer que le plus gros des grouppes quelles for- 
moient, étoit autour de deux cellules fermées; quelles 
fembloicnt couver, tenir au (h chaudement qu’il leur étoit 
poffible, la nymphe renfermée dans chacune de ces cel¬ 
lules. Enfin dès le lendemain je vis qu’elles avoient fait 
de l’ouvrage , peu à la vérité ; mais des mouches qui 
euffentété fans efpérance, n’en eufient pas fait du tout: 
elles avoient travaillé à arrêter folidement les petits 
gâteaux que je luer avois donnés ; elles les avoient 
Icelles avec de la cire, contre les carreaux de verre qui 

étoient 


DES I N S E C T E S. V Ment. 273 
étoient vis-a vis. Elles avoient été obligées de leur adjoûter 
à chacun quelque choie pour les prolonger juiqu’aux car¬ 
reaux. Le jour luivant je remarquai qu’elles avoient donné 
des formes plus arrondies à tous les petits gâteaux, quelles 
les avoient aggrandis par leur bout fupérieur pour parvenir 
par la fuite à leur faire remplir le haut de la ruche. Le travail 
alla pourtant affés mollement pendant deux à trois jours; 
mais il alla enfuite un tout autre train, les gâteaux furent 
allongés& élargis dans tous les fens où ils pouvoient letre. 

Je vis que les abeilles avoient commencé à mettre du miel 
en provifion dans plufieurs cellules nouvellement conftrui- 
tes. Je ne doutai prefque plus alors qu’elles n’cufient parmi 
elles une mere nouvellement née. On la chercha, & on en 
vit une des plus belles & des plus grandes. 

On voitafles à prefent à quoi on doit réduire ce qui a 
été dit de ces fociétés d’abeilles, qui ont été propofées 
comme un modèle d’un excellent gouvernement monar¬ 
chique. Leur état n’en feroit pas moins monarchique, 
quand, au lieu du roi qu’on leur avoit cru autrefois, elles 
n auraient qu’une reine, quoique ce fût une fémelle qui tînt 
ie premier rang parmi elles, comme quelques Voyageurs * * Gandli 
ont voulu que les peuples d’Achem eu fient toujours une Carnri ' 
fouveraine, & jamais de roi. Mais ceux mêmes qui fie 
croiront forcés par les faits que nous avons rapportés, 8 c 
par un grand nombre d’autres dont nous parlerons dans 
la fuite, d’accorder de l’intelligence & des fentiments à ces 
mouches admirables, ne trouveront rien qui les oblige 
de penfer que leurs états fubfiftent par des loix analogues 
aux nôtres, comme les anciens font voulu. On ne peut 
s’afiurer que d’un feul principe qui fait agir les abeilles, 
l'amour de leur reine, ou plutôt de la nombreufe pofiérité 
qu’eiiepeut mettre au jour. Qu’un état monarchique feroit 
heureux, quoique dépourvû de loix, fi tous les fujets qui 
Tome Y, , M m 


274 Mémoires pour l’Histoire 

le compofcnt, agiffoient par le feul principe qui fembfe 
conduire les abeilles! Chacune d’elles le porte à faire ce 
qu’elle doit, dans la vûe du bien commun, ou dans la vue 
de la poflérité. Si elles conftruilent des cellules de cire, fi 
elles les poliffent avec grand loin, fi elles font des récoltes 
de miel, ce n’efl pas pour elles-mêmes directement. Ceci 
aurait pu paroitre plus que paradoxe à ceux qui ont oblèr- 
vé que les abeilles confirment à la fin de l’hyver le miel 
qu’elles ont mis en referve pendant leprintemps & pendant 
1 été; mais les expériences que nous venons de détailler, 
ont appris que dès qu’elles ont perdu l’efpoir d’une poflé- 
rité, elles ceffent de faire les récoltes néceffaires pour con~ 
ferver leur propre vie, dont elles ne femblent plus fe 
foncier, elles fe laiffent périr. L’amour de la poflérité peut 
tout, & peut feul fur elles; Swammerdam l’a penfé comme 
moi, & tous ceux qui les étudieront foiidement, le parfe¬ 
ront de même. Quand Ariflote a dit qu’elles chaffent de 
leur ruche les gloutonnes, lesmauvailes ménagères & les 
pareffeufes ; quand Pline & d’autres avec lui, afférent 
quelles châtient ces dernières, qu’elles les puniffent meme 
du dernier fupplice; iis ont avancé des faits dont ils n’a- 
voient pas affés de preuves: on voit bien qu’ils ont voulu 
deviner les intentions de nos mouches. Ils ont pu voir des 
abeilles qui en tuoient d’autres, mais affurément ils n’ont 
pas vû les pièces du procès fait à celles à qui on ôtoit la vie. 
Tout ce qu’on a débité de l’empire de la mere,des loix 
quelle fait exécuter, n’a pu de même qu’être imaginé. 
Faudroit-ii des loix dans un état dont chaque membre fe 
porterait, autant qu’il ferait en lui, à contribuer au bien 
public, où perfonne n aurait en vûe fon bien particulier, 
qu’autant qu’il fe rapporterait au bien général, & où tous 
leslujcts également éclairés, connoîtroient également ce 
que le bien général exigerait! Mais il ne faut pas efpérer 


des Insectes. V. Mem. 275 
que nous voyons jamais un tel état dans le genre humain ; 
il ne fubfiftera jamais que parmi les abeilles, ou parmi 
d’autres infeéles méprifés par le commun des hommes. 

EXPLICATION DES FIGURES 
DU CINQUIEME MEMOIRE .. 
Planche XXI. 

L A Figure 1 cft celle d’une ruche en panier. 

Les Figures 2, 3 & 4. repréfentent auffi des ruches en 
panier, mais elles les repréfentent renverfées, afin qu’on 
puifTe voir dans leur intérieur la difpofition des rayons 
ou gâteaux de cire que les abeilles y ont conflruits. Ces 
ruches ont été deffinées fur une plus grande échelle que 
celle de la ruche de la figure 1, pour conferver aux g⬠
teaux une grandeur qui les rendît plus fenfibies. On ne voit 
point fur iafurface extérieure des trois dernières ruches, 
les croifements des brins de bois dont elles font faites, 
comme on les voit dans la figure 1 , & cela parce que les 
brins de bois y font cachés fous un enduit, foit de plâtre, 
foit de bouze de vache mêlée avec de la terre, &c. 

Dans la Figure 2, tous les gâteaux, dont trois font 
marqués gg, r r, gg, font parallèles les uns aux autres; 
& c’cft la dilpofition qui leur efi; la plus ordinaire. 

La Figure 3 fait voir une ruche, dont les gâteaux de¬ 
puis le premier cc, jufqu’au gâteau gg, font parallèles les 
uns aux autres. Les autres gâteaux, dont trois font mar¬ 
qués r, fe trouvent inclinés aux précédents, & 11e font 
pas même bien parallèles entr’eux. 

La Figure 4 montre des gâteaux encore autrement 
difpofés que dans les ruches précédentes. Le gâteau cc, 
Si ceux qui le fuivent, y compris le gâteau gg, font pa¬ 
rallèles entr’eux; mais vient enfuite un gâteau hp, qui eft 

M m i ; 


ZjG MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
plié en équerre, 6c dont une moitié ed parallèle aux g⬠
teaux précédents, 6c l’autre moitié leur ed perpendicu¬ 
laire. Les gâteaux i, i, i, 6cc. font audi tous perpendicu¬ 
laires aux premiers. 

La Figure ^ repréfente ungrouppe d’abeilles, dont les 
fupérieures font accrochées à un bâton, 6c dont celles 
qui fuivent font accrochées les unes aux autres par leurs 
jambes. Il y a de ces grouppes d’abeilles d’un volume 
confidérable. 

Planche XXII. 

La Figure i efl celle d’une abeille ordinaire vue par- 
dedus. 

La Figure 2 repréfente un mâle d abeille, un faux- 
bourdon. 

La Figure 3 fait voir des abeilles telles que celles de la 
figure 1 , difpofées en guirlande; chacune de ces mou¬ 
ches, excepté les deux premières, ed accrochée par les 
jambes, aux jambes de celle qui la précédé. 

La Figure 4. montre dans fa grandeur naturelle une 
mere abeille qui étoit une des plus grandes, 6c des plus 
groffes que j’aye vues, car il y en a de plus petites. 

La Figure 5 repréfente une ruche faite en tour quarrée. 
En tj font les trous qui permettent aux abeilles d’entrer 
6 c de fortir. u, u, deux des volets de bois qui peuvent s’ou¬ 
vrir, 6c au-deffous de chacun defquels ed un carreau de 
verre, e e, chadis de bois pôle fur la partie fupérieure de 
la tour, 6c qui porte le chapiteau dd. Le chapiteau dd, 
n’ed que pofé fur le chadis ce, 6c le chadis ce, n’ed que 
pofé fur la ruche. Audi on peut enlever les parties dd, 
6c ee. Lorfqu’on les enleve, on met à découvert une 
lanterne de verre, dont la dgure ed femblable à celle que 
forment enfemble les parties ee, 6c dd. 


des Insectes. K. Mem. 277 

La Figure 6 repréfente une ruche pyramidale & platte, 
vûe fur une de les larges faces, u, c, fe, e, cinq volets, 
au - deffous defquels font des chaffis, dont chacun elt 
garni d’un carreau de verr e.f un des volets qui eh ouvert. 
a, abeilles vûes au travers du carreau de verre, g, gâteau 
de cire, b, bouton qui peut être ôté de place, & qui bou¬ 
che un trou qui elt à la partie fupérieure de la ruche. 
aïka, illk, Imnl, trois parties polées les unes fur les 
autres, & qui peuvent être féparées les unes des autres. 
y y, halé de la ruche, qui a des couliffes qui reçoivent 
les bords inférieurs des pièces dont eft compofée la par¬ 
tie Imnl. On dégage quand on veut, cette partie de la 
bafe pp. t, l’endroit où font les trous qui fervent de portes 
aux abeilles, & qui ne paroiffoient pas dans cette vûe de 
la ruche. 

Planche XXIII. 

Les Figures 1 & 2, font celles d’une très-petite ruche 
vitrée, dont je me fuis fervi pour faire plufieurs obferva- 
tions & plufieurs expériences lur les abeilles. 

Dans la Figure 1, la ruche eft vuide. ce, le carreau de 
verre antérieur, qui ici eh levé; il eh aile d’imaginer que 
les bords fe trouvent dans les couliffes des montants de 
bois, entre lefquels il eh placé, bb, bafe de la ruche. 

Dans la petite ruche de la Figure 2, il y a quelques 
abeilles qui y ont déjà fait un petit gâteau de cire g, atta¬ 
ché vers le haut de la ruche. Le carreau de devant eh 
abbaifïe. En e, ce carreau eh entaillé, & laiffe une ou¬ 
verture qui permet aux abeilles de fortir & d’entrer. On 
ferme cette ouverture, quand on veut, avec une petite 
plaque de fer. Ce même carreau peut n’avoir point d’é- 
chancrûre, & il n’en a pas dans la ligure 1 ; alors on donne 
une porte aux abeilles auffi longue que le devant de la 

Mm iij 


278 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE 
ruche eft large, en mettant une pierre plus greffe qu’un 
pois au deffus de la couliffe deftinée à recevoir le bord 
inférieur du carreau; quand on veut ôter aux abeilles la 
liberté de fortir, on n’a qua ôter la petite pierre, & faire 
defcendre le carreau dans la couliffe. bb, baie de la ruche. 
vin, un des quatre montants, qui font allunblés avec qua¬ 
tre traverfes, dont deux font marquées mt, td. Le bâton 
qui eft pofé au milieu de la ruche, eft fait en bâton de 
cage de perroquet, & donne une idée de la composition 
de ceux qu’on peut mettre dans les grandes ruches pour 
aider à foûtenir les gâteaux pleins de miel. Sur le fond de 
la ruche, eft une mouche r, plus grande que les autres, 
6 c vers laquelle plufieurs autres ont la tête tournée; c’cft 
une mere. 

La Figure 3 eft celle d’un furtout, dont je me fuis fervi 
pour couvrir la ruche précédente, Sc fur laquelle il peut être 
affujetti au moyen des cordons c,c,c,&c. Le deflus de ce 
furtout eft de coutil, Sc il a une doublure d’une épaiffe 
flanelle. La doublure paraît en d. 

La Fig. 4. repréfente unegrande ruche quarrée extrême¬ 
ment platte. b b, banc fur lequel la bafe de la ruche eft 
arrêtée par les vis u, u. En p, font les trous par où les 
mouches peuvent entrer 6 c fortir. Le deffus a vers fon 
milieu un plus grand trou o, qui fert lorfqu’on veut faire 
paffer les mouches de la ruche dans un poudrier, & à di- 
verfes autres expériences. Les carreaux de verre de cette 
ruche font âéluellement à découvert ; on a ôté le volet de 
bois qui les cache dans les temps ordinaires, r, r, tourni¬ 
quets qui fervent à arrêter par enhaut le volet ; le bord 
inférieur de ce même volet, fe loge dans une couliffe cc. 
On n’a mis dans cette ruche que quelques gâteaux de cire. 
t,t, t, tringles de bois, dont l’ufage eft de donner des appuis 
aux gâteaux. 


des Insectes. V. Ment. 279 

La Figure 5 fait voir le volet qui fert à couvrir les car¬ 
reaux de verre de la ruche précédente, & en fait voir la 
face intérieure, c’eft-à dire, celle qui s’applique fur les 
carreaux. Cette face du volet ell recouverte de flanelle, 
ce qui a été fait dans la vue de conferver la chaleur dans 
une ruche, qui étant mince eh plus expofée aux impref- 
fions de l’air froid, que ne le font les ruches ordinaires. 
L’autre face de ce volet eh de bois. 

Planche XXIV. 

Trois différentes fortes de ruches vitrées font repré- 
fentées dans cette planche. 

Les Figures 1 & 2 font celles de la même ruche, qui 
eh pyramidale Sc platte, & qui montre une de fes grandes 
faces. Dans la figure 1, les carreaux de verre font cachés 
par le volet u. c, c, c, c, quatre tourniquets qui fervent à 
arrêter le volet, f poignée qui donne la facilité de le tirer 
de place, & de l’y remettre. 

Dans la Figure 2, le volet u f, de la figure 1, eh ôté; 
les carreaux de verre permettent alors de voir la partie de 
la ruche qui eh remplie de gâteaux de cire g, g, fur lef- 
quels font quelques mouches. Dans la partie inférieure 
ch le gros a a, des mouches en repos./',/, baie de la ruche, 
/, trous par lefquels les mouches peuvent fortir & entrer. 

La Figure 3 reprélênte une ruche pyramidale plus épaifle 
que celle des figures 1 & 2, compofée de trois parties ae , 
efft, qui peuvent être féparées les unes des autres; & de 
labafe/,/. Elle a quatre volets//, x,Scy,y. Une telle ruche 
peut être réduite, quand on le veut, aux feules parties fe, 
6 c ea, & alors elle eh d’une grandeur médiocre. On peu! 
n’en prendre que la partie ae, qui feule forme une très- 
petite ruche. La croix qui paroît au travers du carreau de 
verre, que le volet «, ouvert laiffe paroître, cette croix. 


200 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
dis-je, eft une de celles qui font dans la ruche pour aider 
à foûtenir les gâteaux de cire. Les parties ae, & e f doi¬ 
vent avoir chacune leur croix, & même une croix à plus 
de bras que la précédente. 

La Figure q. eft celle du bouton b, qui termine la ruche 
de la figure 3. En b, eft le boulon qui entre librement dans 
le trou qui elt percé dans le delfus de la ruche. 

La Figure 5 montre féparément la partie fupérieure <7 c, 
de la ruche de la figure 3; mais en la place du bouton qui 
s’élève au-deiïus de la figure 3, on a pofé fur celle de la 
figure 5 un poudrier p. Les abeilles ne tardent pas à entrer 
dans un pareil poudrier par l’ouverture fupérieure de la 
ruche; ce qui donne une manière commode de fe fournir 
de celles dont on a befoin pour des expériences. 

La Figure 6 reprélente une ruche vitrée, dont la partie 
fupérieure eft compolée de quatre boîtes égales, & qui ont 
peu de hauteur, mifcs les unes fur les autres, cd, efgh, Ik, 
les quatre boîtes qui peuvent être féparées les unes des 
autres, a a, le couvercle de la ruche qu’on ôte aifément de 
place,& au-deffous duquel elt un carreau de verre, ik, volet 
de la boîte Ik, qui elt ouvert; alors le carreau de verre 
permet de voir les gâteaux qui font dans la ruche , & les 
mouches qui font fur ces gâteaux. Les volets des autres 
boîtes font fermés, & on peut les ouvrir comme le volet 
ik. La face de chaque ruche oppofée à celle qui elt en 
vue, a un volet femblable à celui qui paroît fur celle ci. 
mmn, oor, deux parties de la ruche qui font coniques, 
& qui fervent de bafe à l’alfemblage des boîtes, pp, banc 
fur lequel la ruche eft pofée. u, tringle de fer, qui, avec 
une pareille qui eft de l’autre côté, fert à contenir les 
quatre boîtes, & à les affujettir avec la partie m m n. 
m, m,o, 0, quatre volets. 


SIXIEME 




If cuissard Sculf? . 


2 fîo • Jlfcni. ■ de L Hu' t~ des Insectes Tente, tÿ , 

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des Insectes. VI . Mem. 281 




SIXI F AIE ME MO 1 R E. 

DES PARTIES EXTERIEURES, 

DES ABEILLES ORDINAIRES. 

Comment elles vont faire dans les campagnes la récolte 
de la cire if celle du miel. 

7^" O us devons notre première attention à tout ce que 
1 ** l’extérieur des abeilles peut nous offrir de remarqua¬ 
ble. Ce ne fera qu’après avoir bien examiné leurs princi¬ 
pales parties extérieures, que nous pafferons à confidérer 
ces mouches mêmes pendant quelles font occupées dans 
l’intérieur de leur ruche à leurs differents travaux ; que 
nous chercherons à voir comment elles viennent à bout 
de conftruire des gâteaux compofés d’alvéoles fi réguliers; 
comment elles rempliffent de miel ceux de ces alvéoles 
deftinés à le recevoir; comment elles foignent les jeunes 
vers logés dans d autres alvéoles; enfin, comment elles 
s’acquittent des différentes fondions que la propreté, la 
fureté & le bon état de l’intérieur de leur habitation exi¬ 
gent d’elles. Nous les verrons en œuvre avec plus ele 
plaifir, quand nous connoitrons tous les inftruments que 
la nature leur a accordés pour Dire au mieux tout ce 
qu’elles doivent faire, quand nous connoitrons bien toutes 
leurs parties extérieures. 

Le devant de la tête de la mouche à miel ordinaire 
eft plat, & à peu-près triangulaire*,depuis fa partie fupé- * P- 
rieure jufqu’à fon bout inférieur, il va en s’étréciffant. 

Les yeux à rezeau font placés fur les côtés *. Ce font ^ Fi â- -• 
des elpéces d’ovales, dont un des bouts eft moins ouvert, c r}> 
Tome V . N n 


S; v 



2$2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
plus aigu que l’autre. Ce bout le plus ouvert le trouve 
fur la partie la plus élevée de la tête; de-là chaque œil fe 
rend en defcendant près de l’origine d’une des mâchoires 
ou dent?. 11 relie entr’eux un allés grand efpace qui n’ell 
pas uni au point de n’avoir aucune inégalité; il a même 
deux enfoncements qui ne font féparés l’un de i’autre que 
par une petite éminence, par une efpéce de cloifon peu 
épailfe. De chaque côté de cette petite éminence qui eli 
plus proche du bas que du haut de la tête, part une an- 

• fig. terme*. Celles de l’abeille n’ont rien de fort remarquable; 
a> a ' elles font compofées de plulieurs parties, dont la nature 

tient de celle de la corne, articulées bout à bout ; ces an¬ 
tennes font faites de manière qu’elles peuvent être pliées 
&4- en deux*, & qu’elles le font toujours dans les abeilles 
4 - b. mortes. La halé * de chaque antenne, eli un bouton 
*f oblong, luifantév rougeâtre. Une efpéce defufeau * plus 
brun que la baie, elt articulé avec elle. Ce fufeau peut 
atteindre l’endroit le plus élevé de la tête. La partie 
a c. reliante * de l’antenne eli articulée avec ce fufeau, avec 
lequel elle Lit un angle tantôt plus, tantôt moins ouvert. 
Cette partie a une longueur à peu près égale à celle du 
devant de la tête; elle cil compofée de dix pièces, dont 

* a. la dernière * eü une forte de bouton, & dont les neuf 

autres font cylindriques, à cela près que la première de 
celles-ci a un de lès bouts, celui qui s’articule avec 
le bouton, plus menu que l’autre, & que la dernière pièce 
efl arrondie à fon extrémité. Au moyen de toutes ces 
pièces jointes par des articulations, la dernière & plus 
longue partie de l’antenne, peut fe courber plus ou moins 
en arc, elle peut aulfi faire des angles plus grands ou plus 
petits avec la partie en fufeau. 

La tête de l’abeille n’elt que médiocrement épailfe» 
elle l’cll moins quelle n’elt longue, & qu’elle n’efl large; 


DES ï N S E C T E S. VI. Meîli. 2 8$ 

Sa partie fupérieure eft arrondie, &c’eft fur fa portion la 
plus élevce &en arriére, que trois petits yeuxliifes * l’ont * pi. 25.(15. 
dilpolés triangu lai rement. 3 ‘ h r ‘ 

Nous avons déjà dit ailleurs que les abeilles font de la 
fécondé claiTe des mouches à quatre ailes, parce qu’elles 
ont une trompe Si des dents. Celles-ci * contribuent beau- * Fig. 2. d, 
coup à rendre la figure du devant de la tête triangulaire. 

Quand elles font dans l’inaélion, elles forment par leur 
rencontre mutuelle un angle qui eft la pointe d'une elpéce 
de pince*. Cette pince excède le bord d’une lèvre cruf- » Fig. ». 
tacée, par laquelle le bas du devant de la tête eft terminé. 

Ce n’elt pas principalement pour broyer les matières que 

l’abeille veut faire palier dans fon intérieur , & qui y 

doivent être digérées, qu’elle a été munie de dents; les 

fiennes font les inftruments, au moyen defqucls elle exe- 

dite les ouvrages les plus dignes d’étre admirés. Comme 

celles de la plupart des infeéîes, elles font deux mâchoires 

mobiles, dont chacune eft attachée à même hauteur à un 

des côtés de Ja tête. Un peu au-deflùs de fon origine, 

chaque dent a moins de diamètre que par tout ailleurs*; * Fig. 6 

delà jufqu’à fon bout elle s’évafe. Le bout eft coupé en ” s ' 

ligne droite Si obliquement par rapport à la tige, & cela 

de manière que celui d'une dent peut s’appliquer contre 

celui de l’autre, Si que les deux ainfi appliquées forment 

une pince angulaire*. Nous Lifterions prendre une faillie * Fig. 5 . 

idée du bout de chaque dent, fi nous Liftions imaginer 

qu’il eft une lame platte. Sa furface extérieure*. Si qu’on * Fig. 5 & 5, 

peut nommer la fupérieure ou l’antérieure, félon la poft- 

tion dans laquelle on confidére la tête, eft convexe ; la 

Lee oppofée * eft concave, à peu près comme le font * Fig.7. 

certaines tarières; d’où il fuit que lorfque les deux dents 

font appliquées l’une contre l’autre, il y a entr’elles une 

cavité*,dont chaque dent fournit la moitié. Le contour * pr - 25.%. 

N ni; 


2 S4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
extérieur de cette cavité ed bordé de poils. Elle a les- 
ufages, elle fert à recevoir les parcelles de matière qui 
ont été predces & broyées entre les deux côtés extérieurs 
des dents, entre ceux qui fe touchent lorfqu’ils fe cher¬ 
chent à vuide. La cavité de chaque dent n’ed pas égale- 

* Fig. 7. ca. ment creufe par tout, une arrête * dirigée vers la pointe 

de la dent, la divife en deux portions égales. Au relie les 
dents peuvent non-feulement fe rencontrer, elles peuvent 
aulfi le croifer, & fouvent on trouve croifées celles des 
abeilles mortes. 

Un col charnu & flexible, mais très-court, unit le 

* pi. 27. fig. corcelet à la tête; ce col * part de la face podérieure de 
8.& 12. c. çgUg.çi^ &c’cft auprès du col qu’ed l’origine de la trompe. 

* Fig. 1 & Quand cette dernière elt en repos *, elle s’avance jcli¬ 

ques auprès du bout delà pince formée par les dents, & 
fe recourbe enliiite en arc pour retourner vers le corcelet. 
Nous nous contentons actuellement d’avoir déterminé 
la pofition de la trompe qui mérite que nous nous arrê¬ 
tions dans la fuite à examiner fa Itruéture. 

C’clt au corcelet que les quatre ailes lont attachées, en 
delîus & fur les côtés , Si que les fix jambes font attachées 
en delfous. C’cll auffi fur le cocelet. qu’il faut chercher 

* Pl- les quatre principaux digmates*, qui y font placés à peu 

près comme nous avons vu qu’ils le font fur celui de 
plufieurs mouches à deux ailes. Dans les temps les plus 
ordinaires, le bout podérieur du corcelet ed appliqué 
tout entier contre le premier des anneaux du corps ; ils 
femblent unis l’un à l’autre dans toute leur circonférence. 
Le vrai ed pourtant, & c’ed ce que l’abeille montre dans 

* Fi -6 fig k‘ en d es cas > que corcelet ne tient au corps que par 
12& 1 j. f. une efpéce de blet * qui ed vers la partie inférieure; mais 

* Fig. 1 j.ee. ce filet étant très-court, le bout du corcelet étant convexe*, 

& trouvant dans le bout du corps une concavité * propre 


des Insectes. VI. Mem. 285 

à le recevoir, le corps & le corcelet paroiffent fouvent 
unis enfemble clans une étendue dans laquelle ils ne font 
que fe toucher. 

La charpente du corps efl faite de fjx anneaux *, & * Fi ^ 1 j-fz/ 
je ne fçais pourquoi Swammcrdam lui en a donné fept. ^ 

Le premier a moins de diamètre que les trois qui le fiii- 
vent; le dernier de ceux-ci, ou le quatrième, en a au Al¬ 
un peu moins que le troifiéme; mais le cinquième en a 
confidérablement moins que celui qui le précédé, & en 
a lui-même moins à fa jonéfion avec le fixiéme anneau, 
qua là jonction avec le quatrième. Enfin le fixiéme ou 
dernier anneau a peu de diamètre à fon origine, & fe 
termine prefque en pointe. Chaque anneau eft compofé 
de deux pièces écailleufes; l’une en forme non-feulement 
la partie liipérieure & les côtés, elle vient même en deffous 
recouvrir par l’un * & l’autre * de les bouts la féconde * z- 
pièce, celle qui eft fur le ventre. Les abeilles avoient befoin * I 
d’être bien cuiraffées; les querelles quelles ont entr’elles 
feroient trop meurtrières, fi ellespouvoient s’entrepiquer 
ailément avec leur aiguillon ; fi des parties charnues, des 
parties dans lefquellcs l’aiguillon pût pénétrer, le trou- 
voient à découvert , il feroit rare que deux abeilles com- 
battiffent l'une contre l’autre, fans fe porter réciproque¬ 
ment des coups mortels. Leur corps avoit donc belbin 
d’ctre defîèndu par des écailles; mais les mouvements qu’il 
a à fe donner, demandoient qu’il j>ut fe plier; il falloit auffi 
qu’il pût fe gonfler & fe contraéter. On lui a accordé tout 
ce qui lui étoit ncceflaire tn le couvrant de différents 
anneaux, dont chacun eft fait de deux pièces, dont l’une 
eft en recouvrement fur l’autre, & en difpofant auffi les 
anneaux qui ne pouvoient pas être fondés les uns furies, 
autres, de façon que celui qui précédé couvrît l’origine 
de celui qui fuit. Quand le corps fe courbe en embas, 

N il iij 


2$6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
ou qu’il s’allonge, une plus grande portion de chaque 
anneau eft lailfée à découvert par l’anneau qui le précédé; 
mais il relie toujours lous celui-ci une bande écailleufe 
de l’autre. Cette dernière bande qui ell la partie antérieure 
« Pi. 26.%. de l’anneau, tient à une bande membraneufe * qui n’cfl 
J i- jamais mile à découvert, & qui ell unie à l’anneau qui la 
cache. 

Les abeilles ordinaires ont plufleurs endroits roulTeâtres; 
ils doivent cette couleur à des poils dont ils font couverts. 
Le deITous Si les côtés de la tête, certaines parties des 
jambes, le deiïbus, le delfus & les côtés du corcelet pa- 

* PI. 25. fig. roilTent très-velus*, même à la vue (impie. La plupart de 

-■ leurs poils méritent d’être mis au microfcope. Lorfqu’on 

les regarde au travers de verres qui grolfdfent beaucoup, 
la partie qui en ell couverte paroît un gazon rempli de 
très-jolies plantes, ou plus précilëment de jolies moufles 

* PI. 26. fig. d'inégale grandeur *. Chaque poil reflTemble à une petite 

plante qui 11a qu’une feule tige, de chaque côté de laquelle 
partent des feuilles oblongues & étroites, qui font avec 
la titre un angle tourné vers fon extrémité. Le nombre 
des poils qui peuvent être apperçûs à la vue Ample, eft 
petit en comparaifon du nombre de ceux qu’une forte 
loupe fait découvrir. Elle en fait voir en des endroits 

* pi. ij.fig. où on n’en foupçonneroit pas. Les yeux à rezeau * en 

paroiflent prcfquc aufli remplis qu’aucune partie du corps. 
Nous avons déjà dit que dans les papillons Si dans beau¬ 
coup d’autres infeétes, ces yeux compolés de tant de fa¬ 
cettes, ces yeux qui 11e font qu’un alfemblage d’uneprodi- 
gieufe quantité d’yeux extrêmement petits, lont de même 
chargés de poils qui peuvent nous paraître affés mal placés. 
M.Vallifnieri a penfé qu’on 11c pouvoit regarder comme 
des yeux ces corps taillés à tant de facettes, parce que 
les poils dont ils font hériffés, devoient empêcher les 


des Insectes. VI. Aient. 287 

rayons de lumière de les rencontrer. 11 efl vrai qu’au 
moyen des poils, il n’y a que les rayons qui viennent dans 
certaines directions, qui puifient parvenir fur chaque fa¬ 
cette; mais il ne convenoit pas apparemment que des 
rayons de lumière puflent agir à la fois fur toutes, fur 
tous les petits yeux de certains infectes. 

Ce que nous avons dit ailleurs de la ftruèlure de ces 
petits corps, ne permet guéres de douter qu’ils ne (oient 
réellement des yeux; & Hook a fait, il y a long temps, 
des expériences rapportées dans fa micrographie, propres 
à les faire reconnoître pour ce qu’ils font. 11 a coupé ou 
percé à des mouches les parties que nous appelions les 
yeux, & ellesfefont enfuite conduites en aveugles. Swam- 
merdam a eu recours à un moyen plus doux & moins 
équivoque de s’affûrer de la même vérité. 11 a enduit de 
noir détrempé à l’huile les yeux de certaines mouches,, 
mais des yeux qui ne font pas velus. Il a obfervé que les 
mouches, fur les yeux defquelles il avoit mis un pareil ban¬ 
deau, voloient à l’aventure, qu’elles étoient comme imbé- 
ciiies, que lorl'qu’elles étoient pofées quelque part, elles ne 
fuioient point la main qui les vouloir prendre. J’ai répété 
ces expériences fur les mouches bleues de la viande, & elles- 
m’ont fourni les mêmes obfervations.. 

J’ai fait aufli ces expériences fur des yeux à rezeau très- 
velus, fur ceux de nos abeilles mêmes, & j’ai choifi les 
circonftances les plus décilives pour fçavoir fi les abeilles 
nui avoient furies leurs un enduit opaque, étoient en état 
de trouver leur chemin. J’ai couvert d’un vernis rouge, 
fans tranfparence, les yeux à rezeau de pluheurs abeilles 
toutes prifes de la même ruche. Je les ai renfermées 
dans un poudrier avec d’autres abeilles de la ruche, aux 
yeux defquelles je n’avois pas touché. Je n’étois qu’à huit 
à dix pas de la ruche dont les abeilles avoient été tirées, 


-88 Mémoires pour l’Histoire 

lorfque j’ôtois le couvercle du poudrier. Celles qui avoient 
les yeux nets prenoient fur le champ l’effor, 6c le rendoient 
à leur habitation. Celles dont les yeux étoient vernis n’a- 
voient aucun empreffement de fortir du poudrier, elles 
avoient peine à le déterminer à voler, 6c la plupart diri- 
geoient leur vol indifféremment de différents côtés, 6c 
n’alloient pas loin. Pour en déterminer quelques-unes à 
prendre un plus grand cffor, je les jcttois en l’air, elles s’y 
élevoient prelque verticalement à perte de vue, je nelça- 
vois ce qu’elles devenoicnt. On a imaginé une efpéce de 
chaffe aux corneilles affés piaffante, on leur met de happas 
dans un cornet de papier rempli en partie, ou au moins 
enduit de glu. La corneille qui donne dans le piégé qu’on 
lui a tendu, qui va pour prendre le morceau qui lui eft 
offert, fe fait une cocffe du cornet, 6c une coéffe qui lui 
couvre les yeux, & dont elle ne fçait point' fe débarraffer. 
Elle s’élève alors en l’air à perte de vue, 6c on affûre 
quelle s’élève jufqu’à ce qu’elle tombe fans force & pref- 
que morte. Mes abeilles dont les yeux étoient vernis me 
prefentoient en petit une image de cette chaffe aux cor¬ 
neilles. Non-feulement celles que je jettois en l’air, mais 
toutes celles qui plus vives ou plus inquiètes que les au¬ 
tres, prenoient en partant un vol un peu élevé, ne man- 
quoient pas de monter en l’air de plus en plus jufqu’à y 
dilparoître à mes yeux; 6c aucune n’a paru connoître le 
chemin pour aller à fa ruche. 

J’ai vû fouvent des abeilles qui voloient en pirouettant 
auprès de lafurface de la terre, comme fi elles euffent été 
folles Elles ne faifoient que tournoïer, 6c cela fucceff ve¬ 
inent en des feus contraires. Peut-être que la caulc de ces 
mouvements devoit être attribuée à trop de poudre qui 
s’étoit attachée aux poils de leurs yeux à rezeau, car ces 
abeilles paroiffoicnt poudreufes. 


des Insectes. VI. Mem. 289 

Il cft donc certain au moins que les abeilles voyent, 6c 
qu’elles voyent avec leurs yeux à rezeau, quoiqu’il y ait 
grande apparence, comme le veut Swammerdam, que 
l’organifation de leurs yeux eft très-différente de celle des 
nôtres. Une différence très-conftante, c’eft que toutes les 
cornées des yeux des mouches ont leur furface intérieure 
enduite d’une matière colorée, ou pour parler plus exacte¬ 
ment, tapiffée par une membrane colorée. Cette mem¬ 
brane, qui doit paroitre analogue à notre corroïde, efl 
donc tout autrement placée, puifqu’elie eft par-tout 
appliquée contre la cornée tranfparente. 

Des expériences femblables à celles que j’ai faites fur 
les yeux à rezeau, m’ont prouvé que les petits yeux des 
abeilles, les yeux liffes * leur fervent auffi à le conduire. 
J’ai verni ces yeux, ou, ce qui eft la même chofe, le 
derrière de la tete, à plus de vingt abeilles que j’ai miles 
enfuite en liberté à trois à quatre pas de leur ruche; 
aucune n’a fçu la trouver, ni n’a paru la chercher. Elles 
ont volé de tous côtés fur les plantes, & n’ont pas volé 
loin. Aulfi fembloient-elles s’cmbarralfer peu de voler. 
Mais je n’en ai point vû de celles-ci qui fe foient élevées 
en l’air, comme s’y élevent celles dont les yeux à rezeau 
font vernis. 

Les poils des yeux à rezeau ne font pas de ceux qui 
font chargés de feuilles, qui femblent de petites plantes; 
comme les poils que nous voyons le plus ordinairement 
fur les grands animaux, ils ne font qu’une fimpie tige qui 
va en diminuant de groffeur depuis fon origine jufqu’à 
fon extrémité. 

La partie de chaque anneau qui couvre le deffus du 
corps, femblë bordée d’une frange de poils; mais quand 
on y regarde de plus près, on remarque que ces poils qu’on 
jugeoit attachés au bord poftérieur, au bord mobile de 
'Tome V . Oo 


*PI. 2 î- fig. 


* Fis 


) • 
■ 4 - 


290 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
{anneau, font plantés fur l’anneau qui fuit dans l’en¬ 
droit où le bord de l’anneau qui précédé, doit s’appli¬ 
quer. 

Nous nous arrêtons volontiers à parler au long des 
poils de l’abeille, parce que nous aurons à faire voir 
bientôt qu’ils ont des ufages que n’ont pas ceux des 
grands animaux, ni même ceux des autres infeétes. Mais 
avant que d’expliquer à quoi ils fervent, nous devons 
parler de ceux des jambes, & faire connoître les jambes 
* 2Ô - elles-mêmes. Celles de la première *, & celles de la fe- 

* Fig. conde paire *, ne différent pas beaucoup en longueur; 
mais les deux dernières * font plus longues que les quatre 
précédentes. Celles-ci ont chacune environ cinq lignes 
de longueur, pendant que celles qui les précédent im¬ 
médiatement , n’en ont que trois & demie, & que les 
premières ne font longues que de trois lignes. Chaque 
jambe efl compofée de cinq parties principales, faites 
d’une écaille brune & luifante. La première de ces par¬ 
ties *, celle qui efl attachée au corcelct, efl la plus courte 
de toutes, c’eft une efpécc de bouton conique, à un des 
* e f- bouts duquel la fécondé pièce * eft articulée; celle-ci efl 
longuette, peu applatie, un peu contournée, de un peu 
moins groffe à l’un & à l’autre de les bouts que vers fon 
Fig. 4. p. milieu. La troifiéme pièce * efl plus confidérable par 
rapport aux autres dans chaque jambe de la troifiéme 
paire, & Lite autrement quelle ne l’efl dans les jambes 
des deux autres paires, & fur-tout dans celles de la pre¬ 
mière; dans chaque jambe de la troifiéme paire, dis-je, 
4& la troifiéme pièce * efl applatie & triangulaire. Comme 
nous aurons plus d’une fois occafion de ladéfigner, nous 
croyons lui devoir donner un nom, celui de palette trian- 
*/. gulaire. Son bout aigu efl à fa jonélion * avec la féconde 
pièce, & fa partie la plus large eft à fon autre bout où 


* Fig. 2, 
&4- a. 


* Fig. 

(,.p. 


* Fig. 2 . y 


* Fig. 4 & 
6. b. 

* Fig. g. /. 


2 . b. 


des Insectes. VI. Aient. 291 
die s’articule avec la quatrième pièce. La troifiéme pièce * * PI. 26. flg. 
de chaque jambe de la fécondé paire, efi plus courte, plus 3 ‘ F ‘ 
étroite & moins triangulaire que ne l’eftla pièce correlpon- 
dante de chaque jambe de la troifiéme paire. Enfin, dans 
chaque jambe de la première paire, la troifiéme pièce - * 
n’cfl; ni appiatie ni triangulaire. La quatrième pièce efi 
encore appiatie dans les jambes de la troifiéme * & delà 
féconde paire *, elle efi à peu près également large à l’un 
& à l’autre de fes bouts ; fon contour efi à peu près quarré, 
aulfi l’appellerons-nous la pièce quarrée ou la brolfe. 

Bientôt on ne fera pas embarraiïe de fçavoir fur quoi ce 
dernier nom efi fondé. Cette pièce quarrée, ou cette 
brode, efi beaucoup plus grande, plus confidérable dans 
les jambes de la dernière paire, que dans celles de la fé¬ 
condé. La quatrième pièce des jambes de la première 
paire *, ne tient aucunement de la figure quarrée & appla- » Fig 
tic, elle efi oblongue & arrondie. Enfin, la cinquième 
& dernière partie * de chacune des fix jambes, & qui pour- 
roi t être appeiléc le pied, efi extrêmement déliée,& com- 
pofée de cinq parties affés courtes miles bout à bout, & 
articulées les unes aux autres. Les quatre premières * l'ont * Fig. 7. 9, 
des efpéces de cônes tronqués un peu applatis, & dont q> r, I 
la bafe du premier efi articulée avec le fommet du fécond , 
éè ainfi de fuite. Le premier & le quatrième cône font 
plus longs que les deux autres. La dernière pièce plus 
courte que celle qui la précède, efi armée de deux paires 
d’ongles *, ou de crochets recourbés en embas. Un des * c,c ; /. 
ongles de chaque paire efi au moins une fois plus long 
que l’autre. Entre les deux paires de crochets, efi une 
petite partie charnue & chargée de poils courts, qui efi 
analogue à lapelotte des pieds des mouches de la viande. 

• Les premières pièces de toutes les jambes font très- 
fournies de poils à feuilles, fur-tout fur les côtés; mais 

O o ij 


* Fig. 2. 


2<)2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
quelques pièces de jambes de la fécondé, & fur-tout de 
celles de la troifiéme paire, font garnies de poils (impies 
plus gros & plus roides que les autres. Où l’on doit princi¬ 
palement remarquer de ces gros poils, c’eft tout autour, 
ou fur trois côtés de la pièce que nous avons nommée 

♦ PI.26.fig. palette triangulaire *. La face extérieure de cette palette 

e q jjfl'g & (uifante, mais des poils s’élèvent au-defîus des 
bords de cette face. Ceux qui partent de l’un & de l’autre 
de les côtés, font dirigés vers le bout de la jambe, & dif- 
pofés parallèlement les uns aux autres. De la baie de cette 
palette partent d’autres poils auffi roides que les précé¬ 
dents, & qui, comme eux, s’élèvent au-delfus de la face 
extérieure, mais en fe contournant vers le haut de la jam¬ 
be, de forte que les poils des deux côtés & ceux de la bafe, 
forment enfemble les bords d’une efpéce de corbeille,, 
dont la Lee extérieure de la palette fait le fond. Cette 
palette cft auffi deftinée à fervir, pour ainfi dire, de cor¬ 
beille; elle efl deflinée à recevoir une petite pelotte de 

♦ Fig. 3 ,p,p. matière à cire * ; les poils roides aident à retenir la pelotte 

dans la place où elle a été mife. Si pourtant la face exté¬ 
rieure de la palette étoit par tout convexe, comme elle 
l’efl; vers fon origine, & jufqu’au tiers ou à la moitié de 
fa longueur, les poils n’auroient pas alfés de force pour 
retenir la pelotte: afin qu’elle pût y être logée fûrement,. 
dans le refte de la face de la palette il y a une gouttière 
profonde qui va en s’élargiffant à mefure qu’elle s’appro¬ 
che delà bafe. La palette de chaque jambe de la fécondé 
♦Fig. 3 .p. paire *, n’a point une pareille gouttière ni des poils arran¬ 
gés comme nous venons de le dire; auffi ces deux jambes 
& les deux premières, qui n’ont pas de palette triangulaire, 
ne font jamais chargées de peiottes de matière à cire. Ce 
font les deux dernières jambes, qui feules ont été faites, 
pour conferyer la récolte de cette matière. 


DES I N S E C T E s. VI. Mem. 293 

Nous devons dire encore un mot delà partie quarrée * *PI. 26. 
qui fe trouve aux jambes de la troifiéme, & à celles de *'• 
la fécondé paire; nous l’avons déjà nommée la broffe, 

& elle mérite ce nom, parce que pendant que fa face 
extérieure efl raie & liffe, fa face intérieure * efl plus * Fig. 6. 
chargée de poils que 11e fefl aucune broffe. Ces poils 
font des poils (impies*, q.ui font plutôt arrangés comme * Fig.7. 
ceux de nos broffcs habits, que comme ceux des pin¬ 
ceaux. Ils font diflribués par rangs parallèles les uns aux 
autres,& parallèles en même temps aux bouts de la broffe. 

Si diriges vers le pied. Voyons à prefent quel ufage l’a¬ 
beille fait de ces poils difpofés en broffe, & à quoi lui 
fervent ceux dont toutes fes parties extérieures font 
chargées. 

On fçait que les abeilles vont faire leur récolte de cire 
fur les fleurs; mais les Auteurs les plus exaéts n’ont pas 
affes fait entendre que les fleurs feules peuvent leur four¬ 
nir cette récolte. M. Maraidi, par exemple, paroît avoir 
cru que les abeilles ramaffent de la cire où elles ne fçau- 
roient en trouver, lorfqu’il dit qu’elles recueillent la cire 
fur les feuilles d’un grand nombre d’arbres & de plantes, 

& fur la plupart des fleurs qui ont des étamines. Ce n’eA 
que fur ces fortes de fleurs quelles trouvent à fe pour¬ 
voir de matière propre à devenir cire, ou, pour nous ex¬ 
primer plus brièvement, de matière à cire ; car elles ne 
rencontrent nulle part de la cire toute faite: mais cette 
matière propre à devenir de la cire, n’efl jamais fournie 
aux abeilles par les feuilles des arbres & des plantes, 
Swammerdam qui a très-bien ohfervé que cette matière 
efl un affemblage de petits grains, qui, pour l’ordinaire 
font de petits globules plus ou moins arrondis, & plus 
ou moins allongés, propofe des doutes fur la caufe de la 
figure de ces petits grains, & ne paroît pas avoir fçu à. 

O o iij 


294 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
quelle partiales plantes ils dévoient leur origine. En un 
mot, je ne connois point d’Auteur qui nous ait dit aflcs 
précifément ce que c’efl que cette matière à cire, 6 c où 
les abeilles la prennent conftamment. Rien n’eft plus or¬ 
dinaire cependant, que de voir une abeille fur une fleur, 
& de lui voir le corps tout poudré d’une poufliére quelle 
ne peut avoir prifeque lur cette fleur; 6 c les oblèrvations 
les plus grofiiéres peuvent apprendre quelles font les par¬ 
ties de la fleur qui ont pu couvrir ainfl l’abeille de pouf¬ 
flére. Des obfervations encore afles ailées à faire, démon¬ 
trent que cette meme poudre, dont on a vu une abeille 
couverte, eft la matière à cire. Une tulippe, un lys, &c. 
ont fait voir cent & cent fois à ceux qui n’ont jamais 
cherché à étudier les fleurs en Phyflciens, des fiiets qui 
font chargés d’une poufliére qu’ils laifl'ent fur les doigts 
qui les manient. Les filets des lys y laifl'ent une poudre 
jaune,& les filets des tulippes en pareil cas, y en laifl'ent 
une brune. Les filets dont nous parlons, ont été nommés 
par les Botanifles, les étamines de la fleur. Le célébré 
M. de Tournefort n’a voulu regarder les poufliéres dont 
ces étamines font chargées, que comme des excréments 
qui dévoient être tirés de la fleur par une cfpéce de fé- 
crétion. Mais le fentiment qui a prévalu parmi ceux qui 
font leur objet principal de l’étude des plantes, le fenti¬ 
ment le plus généralement adopté, veut qu’on ait une 
idée plus noble de ces poufliéres, il veut qu’on les re¬ 
garde comme defiinées par la nature à rendre les germes 
des plantes féconds, il veut que les graines reftent flériles 
quand elles n’ont pas été vivifiées par ces poufliéres. 11 
ne nous conviendroit pas de nous engager à difeuter 
ici cette grande 6 c curieufe queflion ; il nous fuffit de 
dire, que ces poufliéres nous font d’une grande utilité, 
puifqu’elies font la feule 6 c unique matière dont efl faite 


des Insectes. F/. Mem. 295 
la cire que nous confiimons. Je ne puis pourtant laiiïer 
ignorer à ceux qui 11’ont pas cherché à examiner ces 
pouiïiéres, qu’ils ne doivent pas croire les figures de 
leurs grains auffi irrégulières que le font celles de nos 
poudres ordinaires, aufii irrégulières que le font les fi¬ 
gures des grains de notre farine. Quand on les obferve 
au microfcope, on reconnoît que les grains des pouf- 
fiéres des étamines d’une même plante, ont tous une 
même figure ; mais que des plantes de différents genres 
ont des pouiïiéres différemment figurées: c’eff de quoi on 
peut s’inftruire dans un Mémoire de M. Geoffroy, publié 
parmi ceux de l’Académie de l’année 171 1. pag. 210. 
On y verra que ces grains font faits en boule ou en boule 
allongée dans le plus grand nombre des plantes; mais que 
dansd autres plantes, ces grains ont conftamment d’autres 
figures beaucoup plus finguliéres. 

L’abeille qui entre dans une fleur bien épanouie, & 
dont les étamines font chargées de pouffïéres qui y tien¬ 
nent peu, ne fçauroit manquer de faire frotter diverfes 
parties de fon corps contre ces pouiïiéres, & loin de 
l’éviter, elle le cherche apparemment; c’efl alors que les 
poils dont elle efl hériiïee, lui font d’un grand ufage. Les 
poulfiéres qui glifferoient fi elles ne touchoicnt que des 
parties auffi liifes qu’une écaille luifante, font arrêtées 
dans les forêts de poils. L’abeille devient toute poudrée, 
affes ordinairement d’une poudre jaune, quelquefois 
d’une poudre rouge, & d’autres fois d’une poudre d’un 
blanc-jaunâtre, & cela félon que font colorées les pouf- 
fiéres des étamines de la fleur dans laquelle elle marche. 
J’en ai vu fouvent qui, lorlqu’elles retournoient à leur 
ruche, avoient leurs poils fi chargés d’une poudre colo¬ 
rée, quelles en étoient méconnoiiïables. U11 Gentilhom¬ 
me d’un canton du Poitou, où les abeilles rencontrent à 


SP N 


296 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
la fin du Printemps beaucoup de fleurs dont les étamines* 
font bien fournies de poufliéres, croyoit avoir des ruches 
oui, dans ce temps, étoient remplies en partie d’abeilles 
jaunes. O11 me parla de ces abeilles d’une couleur diffe¬ 
rente de celle des abeilles ordinaires, comme d’une An¬ 
gularité; on me promit pleine de m’en faire avoir. J’aver¬ 
tis qu’il pourroit bien fe faire qu’on 11e feroit pas en état 
de me tenir promefle, qu’il y avoit grande apparence 
qu’on croyoit jaunes des abeilles dont les poils étoient 
très couverts d’une poudre de cette couleur. Auffi quand 
j’ai eu fait vérifier ce qui en étoit par quelqu’un accoutu¬ 
mé à obferver, par M. de Villars Doéieur en Médecine, 
qui demeure dans le canton où on croyoit avoir des 
abeilles jaunes, il me fit réponfe que j’avoisdeviné; qu’on 
n’avoit pû en trouver aucune qui fût véritablement jaune, 
malgré l’envie qu’on avoit eu de m’en envoyer de telles; 
& que celles qu’011 avoit cru l’être, 11e letoient que quand 
elles rapportoient dans leurs poils beaucoup de pouffières 
jaunes. 

Quoiqu’il y ait quantité d’abeilles qui, quand elles 
arrivent à leur ruche, ont leurs poils pleins de cette forte 
de pouffiére; il y en a bien davantage, qui, avant que de 
fongerà y retourner, ont eu foin de s’en nettoyer, defe 
broffer. Elles ont, comme nous l’avons vu ci-devant, des 
• broffes plattes à leurs quatre jambes poftérieures * ; elles en 
' ont fur-tout de très-grandes aux dernières de celles-ci. Les 
premières jambes chargées de poils comme elles le font 
entre la quatrième & cinquième articulation, ont auffi là 
* Fi g- 2.. b. une efpéce de broffe ronde *. Il efl donc aifé d’imaginer 
comment la mouche en paffant ét repaffant fes différentes 
brodes fur le deflus, fur le deffous, éc fur les côtés de 
fon corps, de fon corcelet, 6c de fa tête, peut en ôter 
fa pouffiére qui y efl: arrêtée. Mais elle n’a garde de 

chercher 


F>P' 


* Fig. 4. & 
•P- 


DES I N S E C T E S. VI. Mem. 297 
chercher à faire tomber à terre cette poufïîére, comme 011 
cherche à y faire tomber celle qu’on ôte aux habits 6c 
aux meubles qu’on nettoye. Cette poufliére eh précieufe 
pour elle, elle veut en faire un amas; aufti parvient-elle 
à faire deux petites pelottes * de figure plus ou moins * P[ - h 
arrondie, 6c affés fouvent lenticulaire, de tous les petits 
grains qui fe trouvoient difperfés fur les différentes par¬ 
ties de l'on corps. 

Nous avons déjà décrit les deux places * que la nature 
a préparées pouf recevoir ces deux pelottes; nous avons * 
fait connoître deux cavités, dont chacune fe trouve lur 
la face extérieure d’une de ces pièces de chaque jambe 
poftérieure, que nous avons nommées les palettes trian¬ 
gulaires; enfin, nous avons vû que cette cavité eft bordée 
de gros poils qui s’élèvent affés haut. C’eft dans chacune 
de ces cavités, que l’abeille porte tour à tour les petits 
grains, ou, plus exactement, de petites maffes de ces 
grains, quelle les réunit pour en compofèr une plus 
grofiemafTe. L’amas qui eft fur une des palettes, n’excé- 
de jamais guère en groffeur celui qui eft fur l’autre. L’un 
6 c l’autre n’y font fenfibles, que quand ils ont à peu 
près celle de la tête d’une petite épingle, 6c peut-être 
commencent-ils par l’avoir; mais de nouvelles pouftïé- 
res qui y font adjoûtées fucceffivement, les groffiiïcnt. 

Quand l’abeille trouve de quoi faire une bonne récolte, 
elle les rend aufii gros que des grains de poivre un peu 
applatis. Pendant qu’elle eft occupée à broiïer les pouf- 
fiéres qui font attachées à fes poils, pendant qu’elle les 
fait paffer d’une jambe de la première paire à une jambe 
de la fécondé, 6c enfin, pendant qu’elle les place 6c 
qu’elle les empile fur la palette d’une jambe de la troi- 
fiémepaire, fes mouvements font fi prompts, qu’il 11’efl: 
guéres plus aifé de les fuivre, qu’il le feroit de fuiyre 
Tome V . Pp 


298 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
ceux des doigts de quelqu’un qui écrit couramment, ou 
que ceux des doigts d’un habile Muficien qui joue des 
airs dont l’execution doit être très-prompte. On voit bien 
que l’abeille fait agir les inflruments propres à ramaffier 
ces pouffiéres, &à les réunir enfemble; maison ne voit 
pas affés àfon gré comment elle employé chacun de ces 
inflruments. Auffi tous ceux qui ont voulu les obferver 
dans ce travail, fe font plaints de leur trop grande acti¬ 
vité, quelles ne font pas difpofées à modérer pour latis- 
faire la curiofité de l’obfervateur. 

Tout ce que j’ai cru pouvoir faire de mieux pour par¬ 
venir à voir leur manège, ç’a été de les étudier fur des 
fleurs près de la hn de l’hyver, c’eft-à-dire, dans des temps 
où foibles encore, & peu animées par un foleil fans ar¬ 
deur, elles nepouvoient fe donner des mouvements aulfi 
vifs que ceux quelles fe donnent en d’autres temps. Dans 
des jours du Printemps où la force du foleil fufbfoit à 
peine pour en déterminer quelques - unes à aller fur les 
fleurs des poiriers, ou fur celles des pommiers qui ne 
eommençoient qu’à s’épanouir, j’ai vu ce que j’ai inuti¬ 
lement cherché à voir dans des jours plus chauds. C cil 
alors que j’ai été en état d’obferver que l’abeille ne fe 
contente pas de ramaffier avec fes poils les pouffiéres qui 
font prêtes à tomber de deffius les étamines. Plufieurs 
plantes ont chacune de leurs étamines terminée par une 
efpéce de tête, par un petit corps fouvent oblong, que 
les Botanifles ont appellé le fommet de l’étamine. Les 
Botaniftes fçavent que ce fommet eft une capfule dans 
laquelle les pouffiéres font renfermées, & dont elles ne 
fortent que quand le temps efl venu où la capfule s’en- 
îr ouvre pour les laiflèr paroître au jour. Les abeilles le 
fçavent auffi. Les étamines des fleurs de pommier ont 
chacune leur fommet. L’abeille qui arrivoit fur un de 


DES I N S E C T E S. Vf. Mem. 299 
ces arbres, dont les Heurs encore peu développées, ne 
fournifToient pas à une récolte aifée & abondante, tâtoit 
avec l'es dents le premier fommet d’étamine qui le pré- 
fentoit. Quand il ne lui paroilloit pas convenable, elle le 
quittoit pour en prendre un autre. Si celui-ci lui paroilîoit 
mieux conditionné, elle le preHoit avec lès deux dents 
comme avec une pince. On juge allés quelle tendoit par 
cette preffion à obliger la capfule à s’ouvrir, à lui donner 
des poulfiéres qui n’en étoient pas encore forties. Bien¬ 
tôt on voyoit l’une & l’autre jambe de la première paire 
s’approcher fuccelfivement de la pince, & fans doute pour 
s’y charger de quelques grains. Bientôt la jambe qui avoit 
touché la pince, retournoit en arriére, & rencontroit une 
de celles de la fécondé paire qui étoit du même côté. 
Cette fécondé jambe portoit aulïi à la troifiéme jambe 
du même côté, ce quelle avoit pris à la première; du 
moins les mouvements fuccelfifs des trois jambes d’un 
même côté, qui étoient très-vifibles, paroilfoient unique¬ 
ment tendre à cela, & on en avoit une preuve peu équi¬ 
voque, lorfque la même mouche après avoir répété le 
même manège fur quatre à cinq fleurs différentes, avoit 
un petit amas de matière à cire fur chaque palette trian¬ 
gulaire d'une jambe de la troifiéme paire. 

Ce que j’avois vû faire à des abeilles occupées à ra- 
malfer des poulfiéres fur des fleurs de pommier, je l’ai 
vû faire bien plus diftinélement à d’autres abeilles occu¬ 
pées à la récolte d’une autre matière dont nous parle¬ 
rons dans la fuite, &. qui elt beaucoup plus tenace que 
la matière à cire & que la cire même, qui eft une efpéce 
de gomme réfineufe, & qui a la vifcofité d’une réfine qui 
n’étant pas encore delféchée, peut s’attacher aux doigts. 
Pendant que je confidérois à la loupe une mouche, 
je l’ai vû charger chacune de fes dernières jambes d’une 

P p i j 


=» PI. 26 .1 

î>3>4-j&c 


* Fig. 


300 Mémoires pour l’Histoire 

groffe pelotte de cette matière réfmeufe. Ce fut pour elfe 
un ouvrage d’une grande demi-heure. La matière étoit 
difficile à manier & à détacher; & par-là cette mouche fe 
trouvoit dans une circonftance où j’avois eu grande envie 
d’en voir une depuis long-temps. Tous l'es mouvements 
étoient lents en comparaifon de ceux même des abeilles 
qui ramaffient la matière à cire dans des jours prefque 
froids. Les dents ne parvenoient à détacher une parcelle 
réfmeufe, qu’après des coups & des tiraillements redou¬ 
blés. Les dents donnoicnt enfuite une forme plus arron¬ 
die à la parcelle; après quoi une des jambes de la pre¬ 
mière paire venoit bien-tôt la faifir. La dernière partie 
de chaque jambe celle qu’on en peut appeller le pied, 
’‘ 1 ' eft, comme nous l’avons dit, compofée de cinq articula¬ 
tions qui la mettent en état de faire la foncfbon de main. 
Cette partie de la première jambe en fe recourbant, tient 
bien faifie la petite parcelle que les dents lui ont lailfée. 
Cette première jambe donne cette parcelle au pied de la 
fécondé jambe du même côté, & cette dernière va pofer 
la parcelle fur la palette triangulaire de la troifieme jambe. 
Mais ce n’eft pas allés de l’y avoir pofée, il faut que la 
nouvelle parcelle fàffie corps avec les autres parcelles qui 
y ont été dépotées, & qui commencent une pelotte, c’elt 
à quoi la jambe de la fécondé paire travaille encore. Dès 
que fon pied a mis en place la petite parcelle, elle s’avance 
davantage en delfiis de la pelotte commencée ; elle la 
o. tappe trois à quatre fois de fuite* avec la partie qui eft 
faite en broffe, comme on tappe avec une palette de bois 
de la terre molle qu’on veut façonner. 

Les abeilles ne retournent pas toutes à la ruche avec 
une charge égale, toutes ne font peut-être pas égale¬ 
ment bonnes ouvrières ; & il y en a qui ont le bonheur 
de trouver des plantes qui leur fournilfent plus que n’ont 


DES ï N S E C T E s. VI. Mem. 3 O î 
fourni à d’autres celles auxquelles elles le font adredées. 

Quand la pelotte de chaque jambe ed petite, eile n excède 

pas les bords de la jambe, mais les grades pelottes vont 

bien par-delà*; elles font collées contre les poils, elles * Pl.26.fig. 

les obligent à fe plier en dehors. Ces poils auxquels elles 

font collées, aident beaucoup à les foûtenir. 

C’eft quand les fommets des étamines font bien épa¬ 
nouis, pour ainfi dire , & quand la fleur a beaucoup de 
ces fommets dont les poufliéres font prêtes à être empor¬ 
tées par le vent, que l’abeille peut en ramaffer davantage 
avec les poils qu’avec fes dents, & qu’elle n’a prefque pas 
befoin de faire agir celles-ci. Ces mouches, comme nous 
l'avons dit, peuvent emporter les pouffiéres qui fe font 
attachées aux poils de leurs différentes parties, avec les 
brodés * des jambes des deux dernières paires, &même * Fig. 3,4, 
avec les brodes rondes * des jambes de la première paire ; 6 & 7 - b - 
mais les plus grandes brodes & celles qui expédient fou- * ^ ù ‘ 
vrage plus vite, font celles des dernières jambes. Celles-ci 
peuvent réciproquement fe donner les pouffiéres dont 
leurs brodes fe font chargées. J’ai vû fouvent l’abeille* * Fig. 9. 
en faire paffer une fous fon ventre, & conduire fa brodé 
contre le bord extérieur de la palette triangulaire de l’autre, 
l’y frotter, & par conféquent y laidér & y radèmbier les 
pouffiéres qui étoient engagées dans la brodé. La jambe 
qui venoit de recevoir ces pouffiéres en rendoit enfuite 
autant à l’autre par un femblable manege. 

Dans le même indant des abeilles rentrent dan s la ruche 
avec des pelottes jaunes, d’autres avec des pelottes rouges, 

&d'autres avec des pelottes blancheâtres , j’en ai vu rentrer 
quelquefois avec des pelottes vertes. Les unes ont ramaffé 
des pouffiéres fur des plantes qui les ont jaunes, & les 
autres les ont ramadees fur des plantes qui les ont rouge⬠
tres, ou fur d’autres qui les ont blancheâtres ou vertes,. 

* P P ij i 


x 


302 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
Les grains qui compofent cespelottes ont non feulement 
la couleur qu’ils avoient iorfqu’ils étoient fur la plante » 
ils ont tous confervé leur figure. Si on les examine au 
microfcope, on trouve que ceux de quelques-unes font 
de petites boules bien rondes, ceux de quelques autres des 
boules applaties, ceux de quelques autres des boules oblon- 
gues.Toutes celles que j’ai examinées tenoient de la figure 
arrondie. Je ne fçais pourtant pas b les abeilles n’en ra- 
maflent point de celles qui ont des figures plus finguliéres. 
Un Batanifle qui auroit a fies étudié les pouiïiéres des 
plantes, feroit peut-être en état de fçavoir fur quelle plante 
auroit été prife la pelotte qu’il examincroit. 

Dans les mois d’avril & de may, les abeilles ramaflent 
du matin au foir de la matière à cire, mais lorfqu’il 
fait plus chaud, dans les mois de juin & juillet, &c. c’efl 
fur-tout le matin jufque vers les dix heures, quelles font 
la grande récolte de cette matière. Alors fi la journée efl 
favorable, on voit les deux pelottes de pouffiéres à toutes 
ou à prefque toutes celles qui arrivent à la ruche. Quand 
on conlidére plus tard les abeilles qui entrent dans la 
même ruche, on en voit cependant toujours quelques- 
unes qui reviennent avec des pelottes ; mais le nombre en 
efl petit en comparaifon de celui des mouches qui n’en rap¬ 
portent point. Ce n’eft pas que les abeilles ne trouvaient 
iur les fleurs des plantes, lorfque la chaleur du foleil le 
fait plus fentir, autant de poulfiéres qu’elles en y trou¬ 
vent plus matin; ces pouffiéres doivent même être plus 
ailées à détacher lorfqu’il fait plus chaud, elles doivent 
tenir moins à l’étamine; mais il ne convient pas à l’abeille 
de les recueillir lorfqu’elles font trop lèches; alors il ne 
lui efl pas lï aifé de les lier enfembie, de les réunir dans 
une malfe ; elles font plus propres à faire corps les unes 
avec les autres, quand elles font encore humeélées par 


des Insectes. VL Menu 303 
ia rofée de la nuit, ou par la liqueur quelles ont laiffe 
tranfpirer. 

Il efl pourtant vrai qu’on voit à toutes les heures du 
jour, des abeilles qui rapportent des pelottes, & le nom¬ 
bre de celles qui en rapportent, dt grand comme le ma¬ 
tin, vers le midi & après, dans la ruche où un eflâim 
n’eft établi que depuis peu de jours. Mais les abeilles qui 
vont au loin peuvent trouver des fleurs placées à l’om¬ 
bre & dans des lieux aquatiques, qui, l’après midi, l'ont 
aufïi humides que d’autres fleurs le font le matin. La 
néceflité de travailler où font les abeilles établies dans 
une ruche dont l’intérieur manque de tout, les oblige 
de chercher avec plus de foin les fleurs qui peuvent leur 
fournir de quoi faire des gâteaux qui y font fi elfentiels. 

Ce ne fera que dans le Mémoire fuivant que nous exa¬ 
minerons ce que les abeilles font de ces pelottes quelles 
tranfportent à leur ruche avec tant de foins & de fati¬ 
gues. Nous devons parler actuellement d’une autre ré¬ 
colte bien importante pour elles, quelles vont encore faire 
fur les fleurs des plantes; elles y vont faire celle du miel. 
M.Linéus a mieux obfervé qu’on 11e l’avoit fait avant lui, 
que les fleurs ont des efpéces de veflies, ou plutôt des glan¬ 
des qui font des refervoirs pleins d’une liqueur miellée, 
qu’il a nommés en latin neftaria: il leur a trouvé des ligures 
&dcs pofitions fi différentes dans les fleurs de différentes 
plantes, qu’il a cru qu’on devoit faire entrer ces neâaria 
dans les caractères des genres des plantes. Les abeilles au- 
roient pu nous inffruire il y a long-temps, de la pofition de 
ces refervoirs, car elles fçavent très-bien où il faut aller les 
chercher. C’eft dans ces glandes ou autour quelles vont 
puifer le miel ou la liqueur propre à le devenir. Sur le champ 
elles la font pafler dans leur corps, où elles la confervent 
jufqua ce quelles puiflènt ladépofer dans les petits pots 


304 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
préparés dans la ruche pour la recevoir. On porterait donc 
fouvent des jugements très-injuftes des abeilles, fouvent 
on les croirait à tort des pareffeufes, li on penloit quelles 
11'ont été à la campagne que pour fe promener, ou pour 
y prendre leur repas, toutes les fois quon les voit revenir 
chés elles fans apporter des boules de matière à cire, car 
fouvent elles reviennent alors avec une bonne provifion 
de liqueur à miel. Mais avant que de voir où cette liqueur 
eft contenue dans l’intérieur de la mouche, nous devons 
connoître l’inftrument qui a fervi à la recueillir, nous de¬ 
vons connoître la trompe. 

Les Volumes précédents nous ont déjà fait admirer la 
ftruéture des trompes de divers inlééles, & même celle 
de trompes faites pour agir contre nous, telles que font 
celles de quelques mouches, & fur-tout celles dont les 
coufîns fe fervent pour s’abbreuver de notre fang. Nous 
devons être plus difpofés à admirer la ftruéture de la 
trompe des abeilles, qui ne fert pas feulement à porter 
à ces mouches l’aliment qui leur eft néceffaire, mais qui 
eft de plus employé à faire une récolte que nous nous 
approprions comme fi elle eût été faite pour nous. D’ail¬ 
leurs la trompe des abeilles ordinaires mérite d’autant plus 
d’être connue, qu’elle eft confiante fur un modèle très- 
différent de ceux des différentes trompes dont nous avons 
parlé jufqu’ici, & que dès qu’on la connoîtra, on connoîtra 
celles de beaucoup d’autres efpéces d’abeilles qui vivent 
folitaires, ou en des fociétés peu nombreufes; qu’on con¬ 
noîtra par exemple celle de ces gras bourdons velus fi com¬ 
muns dans nos campagnes; en un mot, qu’on connoîtra 
les trompes d’un très-grand nombre d’efpéces& de genres 
de mouches. 

Dans différents temps la trompe de l’abeille eft plus 
ou moins allongée; le temps où elle eft dans une parfaite 

inaétion. 


3 °> 


DES I N S E C T E S. VI. Ment, 
inaction, où clic ne fe prépare pas même à agir, eft celui 
où elle eft le plus raccourcie ; & c’eft dans l’état où elle 
eft alors que nous commencerons à la confidérer. Si on 
regarde le devant de la tête d’une abeille* qu’on tient * pi. 27. fig. 
entre Tes doigts, on remarquera aifement tout près du 1 & -• 
bout des dents* une efpéce de lame* allés épaifte, très- * j, d. 
luifante &de couleur châtain, qui fait là un coude, qui * t- 
s’v plie pour retourner le long de la face poftérieure de la 
tête, & fe rendre auprès du col. Depuis le coude qui eft 
proche des dents *, cette efpéce de lame va en diminuant * d > d - 
de largeur pour fe terminer en pointe. Dans d’autres 
temps où la trompe n’eft pas plus allongée, la partie 
dont nous venons de parler eft plus en vue, elle defcend 
en faifant un arc *, ou quelquefois elle eft prefque toute * pr -25. fig- 
droite dans la direction du devant de la tête *. Dans u 
cette dernière circonftance on la regarderoit volontiers * PI. 27. fig. 
comme une efpéce de bec d’autant plus femblable à celui 5 & 
des oifeaux, qu’elle a un luilant qui la fait juger de corne. 

Cette partie que nous avons prife tout près du bout des 
dents, n’eft qu’une portion de la trompe, celle qui eft 
déterminée par le coude que fait la trompe en repos 
pour fe tenir pliée, & nous la nommerons la partie anté¬ 
rieure, ou la lèconde partie de la trompe. Nous nom¬ 
merons celle à laquelle elle tient, la partie poftérieure ou 
la première partie. L’origine de la trompe, l’endroit où 
elle eft unie à la tête eft proche du col*; de-là elle va *Fig. 8. c. 
en ligne droite jufqu’aux dents où elle fe replie fur elle- 
même, de façon que fa pointe vient rejoindre la bafe*. * Fig. 2. 

Quand elle eft ainfi pliée en deux *, ou quand elle eft *Fig. 1 &2. 
Amplement redreftee*, on ne la voit pas elle-même , *Fig. 4., 5 
on ne voit que les enveloppes fous lefquelles elle eft &s - 
cachée. Ce n’eft pas une nouveauté pour nous de trouver 
une trompe renfermée dans un étui, nous en avons déjà 
Tome V . Qq 


3 o6 


*pi. 

7 &9 


MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
eu bien des exemples ; mais les étuis que nous avons 
vus à d’autres trompes, ne reflemblent point à celui ou 
plutôt à ceux de la trompe des abeilles, car elle n’en a 
27. fig. pas pour un ; elle en a deux. Un des deux pourtant * ne 
la couvre gueres que dans la moitié de fa longueur, & 
l’un & l’autre ne la couvrent pas dans toute fa circonfé¬ 
rence. Chaque étui eft fait de deux pièces, dont chacune 
fera nommée un demi-étui. Pour voir diftinélement ces 
quatre pièces, pour prendre une idée de leur ligure, & de 
la manière dont elles font ajuftées lorfqu’elles couvrent 
la trompe, il faut preffer celle-ci vers fon origine, en la 
pouffant en devant. Dans i’inftant la trompe femble de¬ 
venue plus longue qu’elle n’étoit, & elle ne paroît plus 
aulfi fimple qu'elle le paroilToit. On voit à la fois cinq 

* Fi?-7- pièces différentes *, dont celle du milieu *, qui dans une 
* e; grande partie de fa longueur eft un filet un peu applati, 

’ une lame étroite dont les côtés font arrondis, dont celle 
du milieu, dis-je, eft accompagnée de quatre efpéces 
*e, e;f,f dallerons pofés deux à deux * de chaque côté. Ce font 
les quatre demi-étuis qui font plus ou moins éloignés de 
la petite tige qu’ils doivent couvrir félon que la preftion 
* e > e ■ a été plus ou moins forte. Deux de ces ailerons * plus 
courts& moins grands dans leurs autres dimenfions, que 

♦ Fig. 7 & les deux autres, tirent à peu près leur origine de l’endroit* 
*' ss ’ où eft le coude de la trompe pliée en deux. L’ufage au¬ 
quel ils font deftinés, fait aifément imaginer qu’ils ont une 
concavité ; mais lorfqu’on fçaura qu’ils ne doivent cou¬ 
vrir que chaque côté de la trompe, une petite bande de 
fon deftous, & une bande encore plus étroite de fon 
défiais, & enfin , fi on fe rappelle que la trompe eft une 
lame plate qui fe termine en pointe, on fe fera une idée 
jufte de la cavité de ces demi-étuis, & même de leur 
forme extérieure. Nous adjoûterons feulement qu’un peu 


DES I N S £ C T E S. VI. Man. 3 07 
au delfiisde leur origine, ils ont plus de diamètre que par¬ 
tout ailleurs, & que delà en allant en avant ils le retré- 
cilTcnt de plus en plus. Ces demi-étuis font des cfpéces 
de gouttières angulaires, mais dont l’angle elt compris 
entre deux plans, dont l’un elt plus étroit que l’autre. Une 
arête marque cet angle. Quand les demi-étuis relient ap¬ 
pliqués fur la trompe, comme ils y relient ordinairement *, * El- 
quoique celle-ci loit autant allongée quelle le peut être, 9 * 
on voit qu’ils s’en écartent près de leur bout* qui Ce courbe * h, h. 
pour lè placer perpendiculairement à la direction du relie. 

Ces deux bouts parodient même lorfque la trompe cil le 
plus raccourcie *. On y obferve trois articulations très- *E'g-+. s 
dillinéies. Chaque bout fût-il couché fur la trompe 
allongée *, il s’en faudrait encore quelque chofe qu’il 9 ‘ 
n’en pût atteindre l’extrémité. Pour finir ce qui nous 
relie à dire de ces deux demi-étuis, nous ferons remarquer 
que tout leur contour elt bordé de poils ailes longs *. * Fi s- 7 » 

Les deux autres demi-étuis font bien plus confidérablcs 
que les précédents, auffi leur doivent-ils fervir d’enve¬ 
loppe. Nous appellerons Iedelfusde la trompe ou fa face 
fupérieure, celle qui le devient lorfqu’on tient l’abeille 
droite entre les doigts, ou qui le devient encore lorfque 
l’abeille éleve fa tête; cette face de la trompe*, qui, dans * Fig. 7. 
d’autres temps, n’ell que l’antérieure, & qui même ne l’cfl 
que dans une moitié de fa longueur, lorfque la trompe 
elt pliée. Les deux grands demi-étuis ne couvrent en en¬ 
tier que la face que nous venons de délîgner par le nom 
de fupérieure*; & chacun d’eux la couvre en entier de- *Fig. a&j, 
puis l’endroit où la trompe fe plie en deux jufqu’à fon 
extrémité, de forte que l’un d’eux recouvre l’autre. L’un 
& l’autre fe replient pour venir fimplement s’appliquer 
contre le bord de chaque côté de la trompe*. Tout * Fi g- 
le déifias de la partie antérieure de la trompe elt donq 

Qq ij 


308 Mémoires pour l’Histoire 
défendu par deux lames*, minces à la vérité, mais capables 
de réfiflance, parce qu elles font des lames d’une efpécede 
corne, pendant que le dclfous de la trompe n’elt recouvert 
que le long de chacun de fes bords par les deux demi-étuis 
qui recouvrent le defïus. Maison voit bien que le defîous 
n’avoit pas befoin d’autant d’enveloppes que le delfus, 

* Pi. 27.6g. puifque lorfque la trompe ell dans i’inaélion *, elle ell 
1 & pliée en deux,& que par confcquent fa face inférieure ou 

poftérieure ell alors bien à l’abri de tous les chocs aux- 
quels la fupérieure feule peut être expolée. 

L’origine des deux demi-étuis qui lont les plus petits, 
& que nous nommerons les intérieurs, cft lur le corps 
* Fig. 7 & de la trompe même *, auffi la fuivent-ils lorfqu’elle fe re- 
9 * ê ë- dreffe & lorfqu’elle ell portée en avant. Mais alors les deux 
*ff. autres demi-étuis, les extérieurs *, relient en arriére: ils 
lailfent aller la trompe, parce que leurs attaches & leur 
origine font par-delà la baie de la trompe, & en dehors. 
Chacun de ces demi-étuis extérieurs, ell porté par une 

♦ Fig. 9 ,h,k. tige affés malfive + , dont la longueur égale à peu près celle 

de la partie poflérieure de la trompe ; & chacune de ces 
tiges ell pofée à un des côtés de la trompe, auquel elle 
n’elt aucunement adhérente. Dans l’endroit où finit la 
tige, où le demi-étui commence, il y a une forte efarti- 
♦}. culation *, ou au moins un pli qui permet au demi- 
étui de relier fur la trompe raccourcie, loriqu’clle fe plie 
en deux. 

•» Fi». 7. e,e. Quand on écarte un des demi-étuis intérieurs * de 
delîus la tige qu’il enveloppe naturellement, ou encore 
* ë- mieux quand on le coupe près de fon origine *, on met 
à découvert une pièce, qui, en petit, a afles la figure de 
celle qui l’empêchoit de paraître, & qui part à peu près 
du même endroit. Mais nous ne nous arrêterons pas à 
faire connoître davantage deux pièces fi petites, & doü£ 


3°9 


des Insectes. VL Man. 
les ufages ne font pas de ceux que nous chercherons à dé 
couvrir, lorfque nous examinerons les parties qui contri¬ 
buent ie plus au jeu de la trompe. 

LailTons les enveloppes de la trompe pour la confidérer 
elle-même lorfqu’elle en eft dehors, lorfqu’elle cil allon¬ 
gée & portée en avant. Nous continuerons de la regarder 
comme compofée de deux parties, l’une eft antérieure *, * Pi- 27- %■ 
Si l’autre poftérieure *. La partie antérieure eft celle pour 7 ‘ sê ’ 1 ' 
laquelle les étuis ont été faits; nous fixons l’origine de *SS>^^ C 
celle-ci ,& la fin de l’autre, comme nous l’avons déjà dit, 
à l’endroit où la trompe fe plie en deux. Quand elle ne 
puife point le fuc miellé des plantes, ou quand elle eft 
dans une parfaite inaction, elle eft applatie; elle eft peut- 
être au moins trois fois plus large quepaiffe, mais fies 
bords font arrondis: elle devient infenfiblement de plus 
en plus étroite, depuis fon origine jufque tout auprès de 
fon extrémité. Elle fe termine par un petit mammelon 
prefque cylindrique, au bout duquel eft un bourlct *, une 
efpéce tle bouton dont le centre femble percé. La circon¬ 
férence de ce bourlet jette des poils ailes longs Si dilpofés 
en rayons. Les poils 11’ont pas été épargnés à la partie an¬ 
térieure de la trompe, fon defTus en eft tout couvert; ils 
y font par tout de même couleur, d’un jaune qui tire fur 
celui de l’or un peu rouge; mais en différents endroits, 
ils font de différente longueur Si différemment arrangés. 

La première Si la plus large partie du defTus *, femble * Fig.^.r,». 
cannelée tranfverfalement par de petits filions très proches 
les uns des autres. Chacun de ces filions eft couvert de 
poils très-courts, quoiqu’affés gros, & couchés parallèle¬ 
ment les uns aux autres. Dans le refte * du defTus de la * 
partie à laquelle nous Tommes fixés, les poils font plus 
longs, très-preffés les uns contre les autres, couchés & 
dirigés vers le bout, de manière que ceux qui précédent 

Qqiij 


* Fig. 7, 9 
& 1 I. É. 


3 10 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

* PI. 57. fig. ne laiffent voir qu une portion de ceux qui les fuivent 

1 mais où ils font encore plus longs, c’efl fur les côtés de 

cette même partie & fur-tout en approchant du bout, 
Audi la trompe vue au microfcope, a quelque reffem- 
blance avec une queue de renard ou de marte. 

Le deflùs de cette partie antérieure de la trompe, 
femble tout cartilagineux ; mais le deflous de la même 
partie ne paroît cartilagineux que dans une partie de là 
largeur. Le milieu de celui-ci efl tout du long marqué 
* Fig. 9 & par un trait plus tranfparent que le relie * qui paroît mem- 
I0 -*' braneux, ou même une membrane plilfée, comme l’eft 
celle qui fépare les anneaux écailleux de certaines mouches 
dont nous avons parlé ailleurs. îi eli aifé de s’aflùrer que ce 
qui paroît membraneux dans cette partie de la trompe, 
le fl; réellement, & de le diftinguer de ce qui eft de nature 
de corne ou de cartilage. On n’a qu’à prefler la partie 
poflérieuredela trompe, pendant qu’on en tient la partie 
antérieure tout près d’une bougie, vers laquelle la face 
fupérieure de cette partie efl tournée, & qu’on examine la 
face inférieure au travers d’une loupe dont le foyer efl très- 
court ; bientôt on voit arriver une goutte de liqueur 
dans la partie antérieure de la trompe; en continuant de 
prefler, on y fait avancer cette goutte; tous les endroits où 
elle parvient, fe gonflent confidérablement, les deux bords 
s’écartent l’un de l’autre: alors ce deflous de la trompe 

* ri 28.%. qui étoit plat,fereleve&ferenfle très-confidérablement*, 

■* & 3 ' & tout ce qui fe releve efl évidemment membraneux. On 

* Fig. 3. dd. croit voir paraître une longue veiïîe * faite en boyau , & 

de la matière la plus tranfparente. Mais pendant qu’il fe 
fait une fl grande augmentation de volume du côté de 
la furface inférieure, la furface fupérieure s’arrondit feu¬ 
lement un peu; de platte qu’elle étoit, elle devient un 
peu convexe; ce qui prouve que l’enveloppe immédiate 


DES I N S E C T E S. VI. Mcm. 3 I I 
de celle-ci, n’eft pas capable d’extenfion notable. Au tra¬ 
vers de la vdlie qui seleve de l’autre côté, on croit voir 
un vaiiïeau qui va fe rendre au bouton de la trompe; 
on croit même appercevoir ce vaifTeau dans des temps 
où on n’a pas forcé de la liqueur de s’introduire dans la 
trompe, & de la gonfler. Si on obferve une mouche 
occupée à fuccer une liqueur miellée, on verra quelque¬ 
fois la partie antérieure de fa trompe plus gonflée que 
dans les temps d’inatftion; & 011 verra dans cette trompe 
des alternatives, de plus grands & de moindres gonfle¬ 
ments. Néantmoins on ne lui verra jamais prendre autant 
de volume qu’on lui en fait acquérir lorfqu’on force par 
la prelfion des doigts, de la liqueur à retourner de labafe 
vers la pointe. 

Paflons à prefent à la partie poflérieure de la trompe *, * PI. 27. fi», 
à laquelle nous n’avons encore donné aucune attention; 9 ' 8 ê>l- 
elle efl beaucoup plus grofle que l’antérieure, de ce n’eft 
que quand celle-ci eft dans i’inaéiion, que l’autre lui eft 
prefque égale en longueur. Nous venons de voir que le 
deflùsde la partie antérieure, a la confiftancede la corne; 
une petite portion * de la trompe, à laquelle on peut donner * i, 1 
lin nom particulier, quoiqu’elle foit très-courte, celui de 
partie moyenne, eft entièrement ou prefque entièrement 
charnue; elle avoit befoin detre très-flexible, c’eft celle 
qui permet à la trompe de fe plier, celle dans laquelle le 
pli fe trouve, & qui fait la jomfhon de la partie anté¬ 
rieure avec la partie poflérieure. Pour parvenir à bien con- 
noître cette dernière, nous devons confidérer féparément 
fes deux faces. L’inférieure, ou, fl l’on veut, la pofte- 
rieure *, eft toute écailleufe, très-luifante & arrondie. On *gg,& 
juge quelle a beaucoup plus de folidité que tout le refte. 

Son diamètre augmente à mefure quelle s’éloigne de la 
partie moyenne jufqu a plus des deux tiers de fa longueur; 


3 12 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
là elle fe rétrécit un peu, & il femble que la première des 
deux pièces dont elle eft compofée, y lànilFe. La première 

* Pi. 27. fig. pièce * s’arrondit comme pour fe pofer fur une autre * qui 

9 -P* lui fert de baie & de pivot. Celle qui lui en fert eft conique, 

q ' éeailleufe, mais d’une couleur plus claire que celle de l’au¬ 
tre; ainfi la dernière pièce foiidc du corps de la trompe fe 
termine en pivot, en pointe aiïes aigûe. 

La trompe fins devenir réellement plus longue, peut 
nous paroître l’être devenue, parce que fans s’être allon¬ 
gée, elle peut être portée beaucoup par-delà les dents, 
ce que nous appellerons être portée en avant. Lamécha- 
nique que la nature a employée pour porter la trompe 
en avant, mérite qu’on cherche à la voir, Si il eft ailé 
d’y parvenir. Prenons la trompe dans le moment où 
elle eft autant en arriére, auffi proche du col qu’elle le 

* Fig. 8. peut être *. Si on oblerve alors avec une forte loupe le 

*2- pivot * dont nous venons de parler, on le trouvera logé 
dans l’angle que font enlemble deux petits corps bruns, 
*r,r. longs & droits, 8 l allés déliés*,mais qui ont toute la loli- 
dité que peuvent avoir des parties fi menues, car ils font 
écailleux ; & on fçait que dans les inleétes la corne & 
l’écaille font ce qu’ell la matière oftfcule dans les grands 
animaux. Ces deux petits corps longuets, lont les deux 
leviers qui portent la trompe en avant. Le pivot par lequel 
elle le termine, eft articulé avec Icfommet de l’angle qu’ils 
forment. L’autre bout de chacun de ces leviers eft arrêté 

* Pi. 28.%. &. articulé fur le bout d’une efpécc de petit pilier * pofé 

dans la direction de la longueur de la tête. Malgré le nom 
de pilier que je viens de donner aux corps qui fervent 
d’appuis aux leviers, ils ne font guéres plus gros que les 

* PI ' 2 7 - fig- leviers mêmes. Quand la trompe qui étoit en arriére *, eft: 

* Fig. 9 . J )01 'tée en avant *, c’eft le fommet de l’angle * auquel elle 

* 2- tient, qui lui fait faire ce chemin. Les deux petits leviers, 

fans 


DES I N S E C T E s. VI. Mem. 3 I 3 
fans fe féparcr l’un de l’autre, s’élèvent peu à peu au-defïus 
de la tête contre laquelle ils étoient appliqués, & cela juft^ 
qu’au point où il leur eft poffible de s’élever le plus, après 
quoi ils s’inclinent dans le fens oppofé jufqu’à ce qu ils 
foient parvenus à rencontrer le devant de la tête,& à le 
coucher deftùs. L’angle qui, dans la premièrepofition* * n. 27. fig. 
où nous l’avons pris, étoit tourné vers les dents, dans la 
féconde pofition où nous l’avons amené *, eft tourné vers * Fig. 9. 
le col, d’où il cil ailé de juger que le l'ommet de l’angle 
eft plus proche, & de combien il eft plus proche de la 
tête dans cette fécondé pofition, qu’il ne l’étoit dans la 
première. Or la diftance qu’il y a entre le point où étoit 
d’abord le fommet de cet angle, & le point où il a été 
porté, eft vifiblement la mefure du chemin que la trompe 
a fait en avant. 

Ces petits leviers * qui fervent à porter la trompe en * r, r. 
avant, & à la .reporter en arriére, font auïïi les appuis des 
deux plus grands demi-étuis *. Un de ces demi-étuis eft * 
arrêté par un pédicule * fur un des leviers, & l’autre fur 
l’autre par un pareil pédicule. Cette pofition nous ap- » 0 , 
prend pourquoi, lorfque la trompe eft portée par-delà 
les dents jufqu’à un certain point, les deux demi-étuis 
extérieurs l’abandonnent; le chemin qu’ils font en avant 
ne pouvant être aufti long que celui qu’y fait la trompe, 
ils font forcés de refter en arriére; car il ne faut pas être 
géomètre pour voir que le chemin que parcourent les 
(leux bouts réunis des leviers, eft beaucoup plus long 
que celui qui eft parcouru par toute autre partie de ces 
leviers. 

Quoique la trompe ne puifle être portée en avant, fans « 

que les deux leviers écailleux fe redreffent pour aller en- 
fuite fe coucher du côté oppofé à celui où ils étoient» 
tous ces mouvements s’exécutent fans que la trompe 
Tome V • R r 




314 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
s’élève fenfiblement, 6c fans que le fommet du triangle 
.^xcéde jamais le plan où font les bords de la tête ; 6c 

* pi. 27. fig. cela parce que les bords du crâne font élevés 6c arrondis*. 

12, z> Z' Us lai lient entr’eux une cavité longue 6c profonde par 

rapport à l’épaiffeur de la tête. L’origine de cette cavité 
cfl peu éloignée de l’endroit écailleux où le col s’infere, 
6 c elle s’étend jufqu’aux dents, c’eft-à-dire, jufqu’au bout 

* 0. antérieur de la tête. C’eft dans cette grande cavité * qu’eft 

placée en tout temps la partie poftérieure de la trompe, 
que le font les deux piiliers des leviers, 6c les deux leviers 
eux-mêmes, 6c ceux- ci y peuvent faire tout leur jeu fans en 
fortir. 

* Fîg. 9. m , H nous refte encore à faire connoître des parties * char¬ 

nues qui fc trouvent dans cette même cavité, 6c qui nous 
conduifent à examiner la feule portion de la trompe dont 
nous n’avons point encore parlé, la face fupéricure delà 
partie poftérieure. Lorfqu’on pouffe la trompe en avant, 
ou lorfqu’on la tient allongée par-delà les dents, on re¬ 
marque une efpéce de cordon très-blanc, plus gros que 
le col, vers lequel il femble fe diriger après être entré 
dans la tête 6c s’y être enfoncé ; tiraillé comme il i’eft 
alors, on juge allés qu’il eft plus long 6c bien moins gros 
qu’il ne l’eft lorfque la trompe eft en arriére. On voit un 
grand nombre de plis parallèles à fa longueur, femblables 
à ceux qu’on oblige de faire à une veffie lorfqu’on la rend 
très-oblongue. Le corps que nous venons d’appeller une 
efpéce de cordon , a aufti dans d’autres temps la figure 

* m. d’une efpéce de veffie *, c’eft fous fon enveloppe que font 

cachés les vaiffeaux qui reçoivent lefuc qui eft fourni par 
la trompe, 6c qui, dans d’autres circonftances, reportent 
des liqueurs à la trompe même. En preffant le ventre 
d’une abeille, on force du miel ou quelqu’autre liqueur 
à retourner dans ces vaiffeaux, 6c la membrane tranfpa- 


des Insectes. VI. Mem. 315 

rente qui les enveloppe, permet de voir la liqueur qui 
s’y rend & qui s’y raffemble. En un mot, c’eft-là qu’eft 
le vaifTeau , ou que lont les vaiffeaux qui reçoivent les 
liqueurs ou les autres matières qui entrent dans la tête de 
l’abeille, qui le rendent au col où elles trouvent un canal, 
qui après les avoir conduites au travers du corcelet, les 
porte dans le corps, dans l’eflomac. Enfin, c’eft dans 
ces parties charnues qu’il faut chercher les mufcles qui 
produifent les mouvements du triangle écailleux deftiné 
à pouffer la trompe en avant. Mais ce que nous avons à 
remarquer actuellement, c’efl que l’enveloppe blanche & 
membraneufe * qui renferme les vaiffeaux qui doivent * 
recevoir ce qui eft apporté par la trompe, vient fe réunir 9 
au-deffus de la trompe à fa partie poftérieure. Toute 
cette partie de la trompe, qui du côté oppofé * a un * 
contour circulaire, & qui y eft écaiilcufe, eft platte du côté 
que nous examinons actuellement, & charnue *. Les * 
chairs y font fuffifamment deffenducs par les écailles de 
l’autre face. 

Les parties charnues du deffus de la trompe, peuvent, 
fi i’on veut, être regardées comme un prolongement des 
membranes & des parties charnues qui forment & rem- 
pliffent la veflîe qui eft à la bafe ; ou, fi l’on veut, les 
regarder comme des fibres différentes, la réunion des 
unes avec les autres, l’infertion des unes dans les autres 
ne fe fait pas dans un feul point, elle fe fait dans une 
étendue qui a quelque longueur ; par-tout où ellefe fait, 
les chairs font plus relevées qu’ailieurs, au moins pendant 
le tiraillement. Vers l’endroit où finiffent les chairs les 
plus relevées, il y a une partie que je n’ai vue que par le 
befoin que j’ai eu de la voir. La manière dont les abeilles 
fe nourriffent d’une matière qui a une tout autre con- 
fiftance que le miel, la manière dont elles rejettent du 

Rr ij 


* PI. IJ. 
7, 9 & i 1 


* PI. 28. 

4. 0 . 


31 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
miel dans certaines circonliances, & d’autres faits de 
i’hiltoire de ces mouches beaucoup plus curieux, qui 
regardent tout ce qui fe palTe pendant qu’elles bûtilfent 
des alvéoles de cire, tous ces faits, dis-je, devenoient 
inexplicables, pendant qu’on 11e croyoit à la trompe des 
fîg. abeilles qu’une ouverture * à peine perceptible, lorlqu’on 
,b ' la cherche avec le microfcope, 6c qui elt la feule que 
Swammerdam lui ait accordée. Quoiqu’il ait donné des 
delfeins de la trompe vûs avec les microfcopes qui grof- 
flfent le plus, une autre ouverture, qui eft d’une gran¬ 
deur prodigieufe en comparaifon de celle du bout de la 
trompe, s’il y en a une à ce bout, lui a échappé ; 6c 
malgré fa grandeur, elle m’eût échappé comme à lui, h 
je ne me fulfe oblîiné à chercher à expliquer les faits que 
je viens d’indiquer, les faits les plus embarrafTants, 6c 
peut-être les plus fmguliersde l’hilloire des abeilles. Mais 
Swammerdam femble ne s’être attaché qu’à confidérer la 
trompe par-delfous ; c’elt feulement de ce côté qu’il l’a 
fait repréfenter. D’ailleurs, les delfeins qu’il en a donnés* 
ne font ni affés détaillés, j’olèrois prelque dire, ni allés 
exads pour expliquer ce qu’on peut voir fur la compo- 
fition 6c les mouvements de cette partie; 6c fes explica¬ 
tions ne fuppléent pas à ce qui manque aux delfeins. 

Outre cette ouverture prelque infenfible qu’on a pré¬ 
tendu être au bout de la trompe, les abeilles ont une 
%• bouche, 6c même très-grande * ; elle cil fur la trompe 
6c dans les chairs dont je viens de parler ; mais quoi¬ 
que grande, on ne parviendroit pas à la voir, fi on ne 
fçavoit 011 l’on doit la chercher. L’ouverture du trou que 
j’appelle la bouche, ou, fi l’on veut, le fond de la bou¬ 
che, efl ordinairement appliquée contre les paroisde cette 
cavité, dont la partie antérieure peut être appellée le pa¬ 
lais de l’abeille. Quand la trompe ell portée en avant > 


des Insectes. VI. Mem. 317 

alitant quelle le peut être, outre que cette ouverture ell 
ibuvent fermée par les chairs qui la bordent, elle fe trouve 
placée comme une bouche d’infecte doit l’être, au-deffous 
des dents. Une languette de chair *, une vraye langue la 
couvre entièrement en quelques circonftances. Mais il y 
a un moyen fûr de la voir, qui ne demande qu’une adrclïc 
fort médiocre & peu de patience. Après avoir tiré la trom¬ 
pe en avant autant qu’elle y peut être tirée, on la ramè¬ 
nera en embas * autant qu’on peut l’y ramener fans la 
forcer trop, fans rien déchirer, èc on l’afTujettira dans 
cette poftion en tenant fon bout prelfé par un doigt, 
foit contre le corcelet, foit contre la tête même. Si alors 
on regarde de face la partie de la trompe qui eft au-def¬ 
fous des dents, on verra une ouverture * plus confidé- 
rable qu’on n’auroit cru la trouver ; elle a l’air de l’ou¬ 
verture d’un grand gober. Son contour paroîtra b bien 
terminé, qu’on n’aura aucun lieu de craindre qu’elle foit 
une fente produite par un tiraillement trop forcé. On 
n’héhtera pas à la prendre pour une ouverture préparée 
par la nature. On remarquera que fon contour intérieur 
eft un peu plus brun & plus luifant que les chairs des 
environs, comme s’il étoit cartilagineux, & comme s’il 
avoit une conbflance néceffaire pour réftfter à l’impref- 
fion des grains durs qu’il peut recevoir quelquefois. Enfin ,. 
on trouvera toujours cette ouverture, & faite de la même 
manière, à toutes les abeilles, quand on lachercheradelà 
manière qui vient d’être expliquée. 

On ne trouvera pas feulement cette bouche aux abeilles 
ordinaires, on la trouvera à toutes les mouches de leur 
dafte. Il y en a même des genres où elle eft beaucoup 
plus vifible, comme dans celui des gros bourdons velus, qui 
étant plus gros que ies abeilles, ont une plus grande bouche. 
Ç’efl aufb, d’après ces dernières mouches que j’ai fait faire 

Rr iij 


*PJ. 28. 
*./. 


* Fig. 4. 


* <?» 


318 Mémoires pour l’Histoire 

les premiers flefleins des parties qui y ont rapport, & qu’il 
efl plus ailé de voir diftinélement en tout temps la langue 
qui couvre l’ouverture que j’appelle ia bouche. Cette lan¬ 
gue efl charnue, & capable de prendre bien des figures, 
comme il convient à une langue d’en pouvoir prendre. 

* Pi. 28. fig. H y a des temps où elle efl allongée*, & où elle rtflem- 
9 & 1 1 ' ble en petit aux langues les plus connues ; il y a des temps 

où elle efl à peu près également large dans plus des deux 

* Fig. 8./. tiers de fa longueur*, &011 le tiers reliant le termine par 

une pointe telle que celle d’un angle reéliligne. Dans 
d’autres temps fa pointe efl moufle, & formée par des 
côtés un peu courbes. En d’autres temps, cette langue 

* Fig. 7. /. montre trois pointes moufles difpofées en fleur de lis *. 

Il efl ailé de voir fur la trompe des bourdons une ca- 

* Fig. 7 & vité* qui a été préparée pour recevoir la langue. Quand la 
9 ' e ' langue y efl placée, fa partie fupérieure efl rie niveau avec 

* Fig. 8. 1 . le refie de la furface de la trompe *. Si on éleve avec une 

épingle cette langue, 011 découvre l’ouverture quelle ca- 

* Fig. 7 & choit, l’ouverture* que nous regardons comme la bouche, 
I0 - °' &qui feroit appellée le gofier, fi elle fè trouvoit plus loin; 

elle efl précifément fituée à la racine de la langue. Cette 
racine de la langue efl attachée fur la trompe, mais il m’a 
paru qu’elle a encore des attaches contre le palais de la 
* Fig. 10. mouche *, & que c’efl de là qu’il arrive que iorfqu’après 
avoir tiré la trompe en avant, & l’avoir ramenée en cm- 
bas autant qu’il efl poffible, comme nous l’avons expliqué 

* Fig. 4. &. ci-deflus, on voit très-bien l’ouverture de la bouche*, elle 

1 + efl alors à découvert, & la langue * refie appliquée contre 

’ le palais. On n’a qu’à chercher celle-ci, foit dans une abeille 
ordinaire, foit dans un bourdon velu, en donnant à fes 
yeux lefecours d’une loupe; quoiqu’elle y foit raccourcie, 
on l’y reconnoîtra, & on fera aidé à la reconnoître par 
la figure qu’elle a alors. C’efl le temps où elle paroîc 


DES I N S E C T E s. VI. Mem. 3 I 9 
quelquefois faite en fleur de lis*. Quand elle efl ainfi * p[ 
vûe pnr-dcflbus, on diflingue très-bien une arête allés 7 - 
élevée qui la divife d’un bout à l’autre en deux parties ’ 
égales. 

Il n’cfl pas temps de parler de tout ce que peut faire 
cette petite partie qui efl deftinée à des fondions bien 
importantes, que nous n’expliquerons que dans les Mé¬ 
moires fuivants. Il efl étonnant que ceux qui ont étudié 
les abeilles, n’ayent pas été déterminés par une infinité 
de faits, à chercher la bouche dont nous venons de voir 
la pofition. S’ils n’ont pas penfé aflcs combien elle étoit 
néceiïaire pour donner entrée dans le corps de la mouche 
à diverfes matières, ils ont dû rcconnoître au moins qu’il 
y avoit une ouverture vers la bafe de la trompe, qui 
permettoit fouvent au miel d’en fortir en grofles gouttes. 

Quand on prend une abeille qui n’a pas jeûné, quand 
on la tient entre fes doigts, on voit fortir de deflous les 
dents de grofles gouttes du miel le plus clair & le plus 
limpide; plufieurs de ces gouttes parodient les unes après 
les autres. Or on ne pouvoit chercher l’ouverture qui 
leur permet de fortir, fans trouver la bouche. 

Avant que de quitter la trompe des abeilles, nous de¬ 
vons faire remarquer, que non-feulement elle peut pa- 
roître allongée, lorfqu’elle efl portée par-delà les dents, 
mais qu’elle efl capable d’un allongement réel dans fit 
partie antérieure. Les demi-étuis * qui enveloppent cette * PI. 27.%» 
partie, fervent à le prouver. Comme ils font d’une ma- 9 ' 0 
tiére analogue à celle de la corne ou de 1 écaillé, ils ne 
font capables d’aucun allongement. S’il arrive donc à la 
partie contre laquelle ils font appliqués, de s’allonger 
depuis l’endroit où ils lui font aflujettis, jufques auprès 
de fon bout, cette partie les laiflera en arriére, & elle 
les y laiflfe en bien des circonflances. La diflancedu bout 


320 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
* PI. 27. fig. de la trompe * aux bouts des demi-étuis*, efl alors fa 
3 - & 9 - b - mefure de i allongement qui s’eff fait dans fa partie 
* h> fu antérieure. 

Lorfqu’une abeille entre dans une fleur qui, près dô 
fonfond, a de ces glandes ou refervoirs deftinés à con¬ 
tenir une liqueur miellée, & qui en ont été bien remplis, 
elle peut trouver de cette liqueur épanchée, pour ainft 
dire, fur différentes parties de la fleur; c’efl-à dire, qu’elle 
peut y trouver de celle qui a tranfpiré au travers des mem¬ 
branes des cellules dans lefquelles elle étoit renfermée. 
Le fond d’une fleur peut ainfi être enduit d’une efpéce 
de miel ou de fiicre, comme le font au printemps les 
feuilles de divers arbres, & entr’autres celles de l’érable 
qui fouvent en font toutes luifantes. La trompe cfl l’inf- 
trument avec lequel l’abeille recueille cette liqueur ; on 
n’efl pas long temps à voir avec quelle aélivité, & quelle 
adreffe elle en fait ufage, fi 011 obferve la mouche qui, 
après s’étre pofée fur une fleur bien épanouie, a avancé 
vers l’intérieur; bientôt on peut appercevoir qu’elle allon¬ 
ge le bout de fa trompe, qu’elle l’applique contre les pé¬ 
tales ou feuilles de la fleur, tout près de leur origine. Alors 
ce bout de la trompe eft dans une action continuelle, il 
fe donne fucceflivement une infinité de mouvemens difi 
férents ; il fe raccourcit, il s’allonge enfuite; il fe con¬ 
tourne, il fe courbe comme il le doit, pour s’appliquer 
fur des parties, foit concaves, foit convexes ; enfin, fes 
mouvements font plus prompts & plus variés qu’on 11e le 
peut dire. 

Mais il n’efl pas aifé de bien connoître à quoi tendent 
tant de mouvements, & quel effet ils produifent; je veux 
dire, qu’on ne peut pas juger affés de la manière dont la 
trompe opère pour faire pafler dans l’intérieur de la mou¬ 
che, la liqueur quelle enleve à la fleur. Ce qui femblede 


DES ï N S E C T E S. VI. Mem. 3 2 I 
plus vraifemblable, ce qu’on a penfé jufqu’ici, générale¬ 
ment, ce qu’a cru Swammerdam, & ce que j’ai cru pen¬ 
dant long-temps avec lui, c’eft que la trompe elt une 
efpéce de corps de pompe, que l'on bout elt percé d’un 
trou, par lequel la liqueur peut être alpirée; enfin, qu’il 
y a dans le corps de la trompe des pillons ou des parties 
équivalentes propres à faire l’alpiration. On ne s’elt pas 
même avifé de douter que ce ne fût pas là le vrai jeu de 
ia trompe, & je n’en eulfe pas douté aulfi, fi je n’eulfe 
penlé à avoir recours à un expédient très-fimple, pour 
voir cette partie en action plus à l’aile & plus dillinélement 
qu’on ne la peut voir, lorfqu’elle tire d’une fleur le peu de 
liqueur miellée qu’elle y trouve. Tantôt j’ai Amplement 
enduit d’une légère couche de miel quelques endroits des 
parois d’un tube de verre de quatre à cinq lignes de dia¬ 
mètre, & tantôt j’y ai mis par-ci par-là quelques gouttes 
de miel. Des abeilles ont été enluite introduites & ren¬ 
fermées dans le tube. En pareil cas, elfes oublient prefque 
fur le champ qu’elles font prifonniéres. On 11e tarde pas 
à en voir d’aulfi près qu’il elt polfible, quelqu’une qui fe 
met à fuccer le miel; c’elt en obfervant de celles-ci, que 
j’ai commencé à douter que la trompe des abeilles dut 
être regardée comme une pompe; car l’abeille ne femble 
pas devoir s’y prendre autrement pour tirer le miel de 
delfus une fleur que de deflus un tube, & dans cette 
dernière circonftance, il ne m’a jamais paru que le miel 
Ait pris par fuélion. La mouche ne m’a jamais paru 
chercher précifément à pofer le bout de la trompe dans 
la petite couche de liqueur, comme cela devroit être, fi 
la liqueur devoit être afpirée & introduite par le trou 
qu’on y fuppofe. Dès que l’abeille le trouve auprès de 
l’endroit enduit de miel, elle allonge fa trompe, c’eft-à- 
dire, quelle en porte le bout à une ligne ou plus par-delà 
Tome V. . S f 


322 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE 

* n. 28. fjg. les bouts des étuis*, qui ne ceffent pas de la couvrir dans 

1 z.hh,tb. j e re q e q e p on étendue. Si le miel ne fait qu’enduire la 

furface du verre, la portion de la partie antérieure de la 
* Fig. 12. trompe, qui eft à découvert, fe contourne & fe courbe* 
au point nééeflaire pour que fa furface fupérieure s’appli¬ 
que contre le verre; là, cette partie fait précifëment tout 
ce que feroil la langue d'un animal occupé à lécher quel¬ 
que liqueur. Elle frotte le verre à diverfes reprifes,& le 
donne avec une vîtclfe merveilleufe, cent & cent inflexions 
différentes. 

Si la couche de liqueur qui a été offerte à la mouche 
eft épaiffe, fi elle rencontre une goutte de miel , alors elle 
fait entrer la partie antérieure de là trompe dans la liqueur; 
mais il femble encore que ce foit pour l’y faire agir, com¬ 
me un chien qui lape du lait ou du bouillon, fait agir la 
langue. Dans la goutte de miel même, l’abeille plie le 
bout de fa trompe, elle l’allonge & le raccourcit alterna¬ 
tivement; enfin, elle J’en retire d’inftant en inftant; alors 
on lui voit non leulement allonger & raccourcir ce bout 
alternativement, on voit qu’elle lui fait faire des finuo- 
fnés, & fur tout qu’elle rend de temps en temps fa fur- 

* Fig-13 -tb. f ace fupérieure concave*, comme pour donner une pente 

vers la tête à la liqueur dont elle s’eft chargée. En un 
mot, la trompe paroît agir comme une langue, & non 
comme une pompe. Le bout de la trompe, l’endroit où 
l’on veut que foit l’ouverture, eft fouvent au-deflùs de la 
furface de la liqueur, dans laquelle l’abeille puife. 

Après avoir obfervé cent & cent fois, & très-diftinéle- 
ment, la trompe en affion, il m’a donc paru qu’on devoit 
regarder fa partie antérieure comme une fécondé langue 
qui a été accordée à l’abeille, & qu’on pourroit appeller la 
langue, extérieure & velue, pour la diftinguer de la langue 
charnue plus analogue aux langues ordinaires, de celle de 


DES I N S E C T E S. VI. Mem. 323 
la bouche. Par Tes différents mouvements, cette langue 
extérieure tend à fè charger de la liqueur miellée, & à la 
conduire dans la bouche. C’eft furie defîus de la langue 
velue que paffe la liqueur; l’abeille cherche fur-tout à l’en 
mouiller, à l’en couvrir; en raccourciffanl cette partie, & 
quelquefois au point de la faire toute rentrer fous les étuis, 
elle porte & dépofp la liqueur dont elle eft chargée , dans 
une efpéce de conduit qui fe trouve entre le deffusde la 
trompe & les étuis qui la couvrent. Ainfi ces étuis ne font 
peut-être pas autant faits pour couvrir la trompe, qu’ils le 
font pour former & couvrir le chemin par où paffe la 
liqueur qui eft conduite à la bouche, qu’on pourroit 
appeller intérieure, fi on vouloit donner le nom de bou¬ 
che extérieure au canal qui lui fournit la liqueur miellée. 
Nous avons dit ailleurs que la trompe peut fe gonfler & 
fe contracter, on y obferve auffi des gonflements & des 
contractions qui fe fuccédent, & qui peuvent opérer effi¬ 
cacement fur la liqueur qui eft en chemin fous les étuis, 
pour la faire parvenir à la véritable bouche. 

Pour me démontrer que la route que je viens d’indi¬ 
quer, eft celle que l’abeille fait prendre au miel, quelle 
ne le fait pas paffér dans l’intérieur de fa trompe, mais 
que c’eft entre le deffus de cette trompe & fes étuis, j’ai 
tenté une première expérience qui n’a pas répondu à ce que 
j’en attendois. J’ai mêlé avec du miel une poudre bleue 
extrêmement fine : j’efperois qu’une partie de la poudre 
qui feroit conduite avec le miel, refteroit dans le chemin 
par lequel elle auroit paffè, & qu’elle le marqueroit. Mais 
quand je fuis venu à examiner ce chemin, je ne l’ai point 
trouvé coloré. Auffi ai-je remarqué que l’abeille n’avoit 
puifé dans le miel que ce qu’il y avoit de plus liquide; 
& il y a apparence quelle avoit fçu féparer celui dont elle 
s’étoit chargée, d’une poudre qui n’étoit pas à fon goût. 

. Sfij 


324 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

Mais au moins je me fuis parfaitement convaincu par 
un autre moyen, que le miel mis fur la trompe 6c lotis les 
étuis étoit conduit à la bouche, entre cette trompe 6c lés 
étuis. J’ai écarté les étuis de delfus la trompe d’une abeille 
que je tenois entre mes doigts, 6c je fuis parvenu à placer 
avec la pointe d’une épingle, une goutte de miel extrê¬ 
mement petite fur la trompe, dans un endroit où elle pou- 
voit par la fuite être couverte par les bouts de l’étui exté¬ 
rieur. J’ai enfuite laiffé les étuis en liberté,quelquefois ils fe 
font d’eux-mêmes remis en place, 6c quelquefois j’ai aidé à 
les y remettre. La goutte de miel qu’ils ont recouverte, 
n’eft jamais revenue vers le bout de la trompe ; elle a tou¬ 
jours été poulfée vers la bouche, 6c fans doute dans la 
bouche même. Quelquefois pourtant, ayant pris à delfein 
du miel qui avoit trop de conliftance, 6c qui étoit en 
malle foîidc, parce que je l’avois coloré, le grain que j’ai 
pofé fur la trompe, n’a pu être porté jufqua la bouche, 
par une partie que j’avois trop fatiguée. Mais alors même, 
j’ai vu ce miel grainé avancer vers la tête, je lui ai vû 
faire quelque chemin. 

J’ai encore mieux vû, 6c dans une circonflance où je 
ne clevois pas me prometre de le voir fi bien, que l’abeille 
conduit le miel à fa bouche en le failant palier tout du 
long de la partie fupérieure de la trompe. Plus d’une fois 
j’ai tenu à delfein une abeille dans un état allés violent ; 
mon doigt index prelfoit la tête contre mon pouce, 6c 
fobligeoit à allonger le bout de la trompe fur l’ongle de 
ce dernier doigt. Sur ce bout de trompe allongée, c’elL 
à-dire, fur la partie qui n’étoit pas couverte par les étuis, 
je mettoisdu miel. L’abeille, quoique fi mal à fon ailé, 
n’a pas lailfé de faire ce quelle fait lorfque plus libre elle 
fuccc du miel. La trompe s’elt donnée les mouvements 
nécelfaires pour faire palfer celui dont je l’avois mouillée 


des Insectes. F/. Mem. 325 
fous les étuis, d’où apparemment il étoit conduit jufqu a la 
bouche. 

Il eff donc très-certain que lorfque l’abeille a du miel 
à la difpofition , elle le lcche, elle lape, s’ii elt permis de 
le fervir de ce terme, Sc que ce n’ell point du tout par le 
trou qu’on a cru au bout de la trompe, qu’elle le fait 
palfer. Si ce trou exiftoit, il feroit d’une petitelfe extrême. 

Sa petitelfe m’a fait naître le premier doute que j’ai eu 
fur l'on exiftence. Il ne me paroilloit pas poffîble qu’une 
grolfe goutte de miel, qui fouvent étoit bue fous mes 
yeux dans peu d’infants, eût pu en fi peu de temps 
palfer par une fi petite ouverture. Une preuve encore 
plus forte que ce trou n’exife point, m’a été fournie 
lorfque je prelfois une trompe vers l'on origine pour 
l’obliger ele fe gonfler *; j’y vovois arriver la liqueur * pi. 2 s.fjg. 
qui lui faifoit prendre plus de volume: mais j’ai eu beau 
prclfer la trompe, jamais je ne fuis parvenu à forcer de 
la liqueur à fortir par fon bout, quoique la preffîon ait 
fouvent mis la liqueur en état de produire lin déchire¬ 
ment dans les membranes, qui lui donnoit une ouver¬ 
ture par laquelle elle s’échappoit. Ne feroit-ce pas être 
trop timide, que de n’ofer alfürer que les abeilles n’ont 
pas une manière d’enlever le miel des fleurs, différente 
de celle dont elles enlèvent celui qui ef fur un tube 
de verre! Ce qu’il peut y avoir de different, c’ef que 
l’abeille qui fe trouve dans une fleur où il n’y a pas affes 
de miel épanché, employé peut-être les frottements de fli 
trompe velue, pour ouvrir les capfules qui le contien¬ 
nent. En pareil cas, elle peut bien auffi faire un ufage 
de fes dents femblable à celui qu’elle en fait lorfque les 
fommets des .étamines tiennent encore renfermées les 
pouffiéres quelle cherche; elle peut bien avec fes dents 
ouvrir les veffies qui ont de la liqueur miellée. Elle fçait 

Sf iij 


326 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
s’en fervir quand il s’agit de hacher du papier qui couvre 
du miel ; & pourquoi ne s’en ferviroit-elle pas, quand il 
s’agit de déchirer les membranes qui forment des veffies 
pleines de miel, ou d’une liqueur propre à devenir miel l 


EXPLICATION DES FIGURES 
DU SIXIEME MEMOIRE. 
Planche XXV. 


La Figure 1 eft celle d’une abeille ordinaire, d’une ou¬ 
vrière. 

La Figure 2 fait voir de côté la partie antérieure de 
cette abeille extrêmement groflie, fa tête & fon corcelet. 
a, a, fes antennes, d, fes dents, t , la trompe, un de fes 
yeux àrezeau. 

Dans la Figure 3, on voit la tête, le corcelet, & partie 
du corps d’une abeille par-deflus. Ces parties quoique 
groflies, le font moins que dans la figure précédente. 

а, a, les antennes, y,y, les yeux à rezeau. ô b les petits 
yeux, c, le corcelet. 

La Figure q repréfente une antenne de l’abeille de la 
figure 1, vûe au microfcope. b, bafe de l’antenne, f, la 
partie frite en fufeau. c, bouton avec lequel un des bouts 
dufufeau cfi articulé. Depuis c jufqu’en a, eft la fuite des 
anneaux qui compofent le relie de l’antenne. 

Les Figures 5,6 & 7, font celles d’une des dents ou 
mâchoires d’une abeille ordinaire, obfervée au microfcope. 
Dans la figure 5, la dent eft vûe par-deffus. Dans la figure 

б, elle eft vûe par-deflous & de côté. Et dans la figure 7, 
elle eft vûe par-deffous & de face ; c’eft feulement dans 
celle-ci qu’on peut obferver l’arête ac, qui divile en deux 
fa cavité. 


DES I N S E C T E s. VI. Mem. 3 27 

La Figure 8 montre en grand & par-defius deux dents 
d’abeilles, appliquées l’une contre l’autre, comme elles le 
font, l'oit dans leurs temps de repos, loit iorfqu’elles pref- 
fent quelque grain de cire, ou quelqu’autre petit corps. 

La Figure 9 eft la figure 8 vue par-delTous. L’ouverture 
o, qui refie de ce côté-là, entre les deux dents, eft remar¬ 
quable ; Ion contour efi bordé de poils. 

La F igure 1 o repréfente dans fa grandeur naturelle un 
mâle d’abeille', une de ces mouches appeliées afies com¬ 
munément bourdons, & que nous avons nommées faux- 
bourdons. Ce mâle a ici les ailes écartées du corps, comme 
il les a quand il vole. 

La Figure 1 1 fait voir par-derriére la tête d’un mâle 
d’abeille, très-gro/fie. y,y, fes yeux à rezeau qui fe tou¬ 
chent l’un l’autre fur la partie pofiérieure de la tête ; au 
lieu que les mêmes yeux de l’abeille ouvrière, figure 2 & 
3 , lai (fient là un intervalle entr’eux. i, i, les petits yeux 
pôles plus près du devant de la tête que ne le font ceux 
des abeilles ordinaires, figure 3. a, a, les antennes. 

La Figure 1 2 montre la tête de la figure 1 1 par-clevant. 
Si prefque de fa ce. y, y, les yeux à rezeau. f un des petits 
yeux, d, d, les deux dents, t, la trompe. En comparant ces 
dents Si cette trompe avec les dents Si la trompe de la 
mouche ouvrière, figure 2, on voit que le faux-bourdon 
les a plus petites, quoiqu’il foit plus grand. 

La Figure 1 3 eft celle d’une antenne d’un faux-bourdon 
grofiie, mais dans une proportion qui n’eft pas la même 
que celle dans laquelle l’eft l’antenne de la mouche ordi¬ 
naire, figure 4. Il fuffit qu’on puifte remarquer que le 
fufeau f de la figure 13, eft beaucoup plus court pro¬ 
portionnellement que dans la figure 4, & que la partie de 
l’antenne du mâle qui vient après le bouton c, a dix an¬ 
neaux, au lieu que la même partie de l’antenne de l’abeille 


328 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ouvrière n’en a que neuf. Swammerdam n’a pas été exact 
dans le compte qu’il a fait des parties dont lont compo- 
fées les antennes des différentes mouches; il en donne i 5 
à celles des mouches ordinaires, & feulement 1 1 à celles 
du mâle, qui en ont plus que les autres. Il fait commencer 
chaque antenne par le fufeau. Le fufeau de chaque an¬ 
tenne d’une mcre abeille, efl à peu près aufïï long que celui 
des abeilles ordinaires ? mais par-delà le bouton qui s’affem- 
ble avec le fufeau, l’antenne des meres abeilles a, comme 
celle des mâles, dix anneaux. 

La Figure 14. repréfente une dent d’un faux-bourdon, 
groffie 6c vue par-défions. 

La Figure 1 5 efl celle de la partie antérieure d’une 
mere abeille vue de côté 6c groffie, mais elle ne l’efl pas 
autant que la partie antérieure de l’abeilie ordinaire, figure 
2. La comparaifon de la figure 1y avec la figure 2, luftit 
pour apprendre que la forme de la tète des meres reflein- 
ble à celle delà tête des abeilles ordinaires, 6c nullement 
à celle de la tête des mâles ; on y voit affés que la trom¬ 
pe t, de la mere efl beaucoup plus petite que la trompe 
des abeilles ordinaires, f, un des fligmates pofiérieurs du 
corcelet. Le ftigmate antérieur qui efl du même côté, efl 
caché par la première jambe. 

Les Figures 16 6c 17 repréfentent une mere abeille; 
celle delà figure 16, a des efpéces de rayes rougeâtres, 
féparées par des rayes plus larges, 6c d’une couleur plus 
pâle, plus blancheâtre. La mere abeille de la figure 17 a 
à peu près par-tout la même teinte de brun. Elle efl une 
des plus petites meres. L’autre qui efl vue de côté, a le 
corps plus renflé, 6c efl une mere de la grandeur la plus 
ordinaire. 

La Figure 18 montre en grand 6c par-deffus une dent 
de mere abeille. 


La 



des Insectes. VL Mem. 329 
La Figure 19 fait voir par-dcffousla dent de la figure 18. 
Dans la Figure 20, les deux dents d’une mere abeille 
Font pofées l’une contre l’autre, & engrainées, pour ainfi 
dire, l’une dans l’autre, comme elles le font ordinairement. 
Si on compare ces deux dents avec celles de la figure 8, 
on verra quelles différent beaucoup des dents des abeilles 
ouvrières. 

Planche XXVI. 

La Figure 1 repréfente une petite portion d’écaille 
enlevée du corcelet d’une abeille ordinaire, vue au mi- 
crofcope; elle fcmble couverte d’une infinité de petites 
plantes, dont les tiges font chargées de feuilles; ces petites 
plantes font les poils dont elle étoit couverte. 

Les Figures 2, 3 & 4., font celles de trois jambes d’une 
abeille ouvrière, vues par leur ftee extérieure, & groffies 
à la loupe. La jambe de la figure 2, en cfi une de la pre¬ 
mière paire; la jambe de la figure 3, en eff une de la 
fécondé paire; & la jambe de la figure4, en elf une de 
la troifiéme paire. Les mêmes lettres marquent fur ces 
trois jambes les mêmes divifions. a, la partie qui eft arti¬ 
culée avec le corcelet de la mouche, e f, la cuiffe. Dans 
la figure 4, la partie y, qui fuit la cuiffe, a été nommée 
la palette triangulaire; on voit qu’elley eft autrement faite 
que dans les figures 2 & 3 , qu’elle a un enfoncement, une 
gouttière ; au lieu que dans les figures 2 & 3 , la même 
partie eff arrondie: auffi cette partie a dans les jambes de 
la troifiéme paire, un ufage qu’elle n’a pas dans celles des 
autres paires, elle y eff delfinée à recevoir les pouffiéres 
des étamines, ou la cire brute, b, la partie que j’ai appellée 
la broffe, & qui eff beaucoup plus grande dans la jambe de 
la figure 4, que dans celles des deux autres figures. La 
broffe b, de la figure 3, quoique pius petite que celle de 
Tome V. . T t 


330 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
la figure 4, cfi de même applatie. Mais la broffe de la 
figure 2,eft plus arrondie. q, les différentes articulations 
qui compofent le j)ied. c, c, deux grands crochets par 
lefquels le pied efi terminé, i, ï, figure q., deux autres cro- 
cliets plus petits. 

La Figure 5 efi deftinée à faire voir plus en grand & 
mieux qu’on ne le voit dans la figure q, renfoncement 
de la partie appellée palette triangulaire, & les poils dont 
elle efi entourée, f, un refle de la cuiffe. b, une portion 
de la broffe. p, la palette triangulaire. Les poils dont là 
cavité efi bordée, forment avec cette cavité une efpéce 
de corbeille; ceux qui font vers c.ff, fe contournent en 
s’élevant. 

La Figure 6 montre une jambe de la troifiéme paire 
par fa face intérieure; c’efi la jambe qui efi vue par fh 
face extérieure dans la figure 4. p, la palette triangulaire. 
b, la broffe formée par diverfes bandes de poils parallèles 
les unes aux autres, q, le pied. 

La Figure 7 repréfente la broffe b, de la figure précé¬ 
dente telle quelle paroît au microfcope, & le pied.p, un 
refie de la palette triangulaire, b, b, la broffe, dont les poils 
paroiffent ici forts & roides. On doit remarquer qu’ils 
font faits autrement que ceux qui rendent velues d’autres 
parties de l’abeille ; on n’a qu’à les comparer avec ceux 
de la figure 1, pour voir combien ils en différent, o, q, r,f, 
les différentes articulations du pied. c,c, les deux grands 
crochets. 1 , un des deux petits crochets. 

La Figure 8 efi celle d’une abeille qui retourne à fa 
ruebe chargée de fes deux pelottesde matière à cire p,p, 
les deux pelottes, dont chacune efi pofée fur la palette 
triangulaire d’une des jambes de la troifiéme paire. 

La Figure 9 fait voir une abeille dans le moment où 
elle frotte la broffe d’une de fes jambes pofiérieures contre 


des Insectes. 17 , Mem. 331 

le bord extérieur de la palette triangulaire de l'autre jambe 
de la même paire, pour faire paiïer fur celle-ci les pouf 
fiéres dont les poils de la brolfe font chargés. 

Dans la Figure io, une abeille cfl reprélentée dans le 
moment, où avec une des jambes de la fécondé paire, 
elle tape fur la pelotte de cire brute qui elt fur la jambe 
de la troifiéme paire qui fe trouve du même côté, pour 
façonner cette pelotte, & pour approcher les uns des au-; 
très les petits grains dont elle eft formée. 

La Fig. 1 1 eft en grand celle d’une portion d’une jambe 
de la troifiéme paire d’une abeille, vue du côté intérieur, 
ou du côté oppofé à celui qui paroît dans la figure 8. 
f p, partie de la palette triangulaire, ggg, pelotte de cire 
brute, logée en partie dans la cavité de la palette. On voit 
beaucoup de poils collés contre la pelotte, & qui aident 
à la foûtenir. 

La Figure 12 repréfente en grand une portion cc, du 
corcelet d’une abeille, & une portion a, de fon corps; le 
corps &le corcelet y font inclinés de manière, l’un par 
rapport à l’autre, qu’on peut voir le filet charnu f par 
lequel pafie tout ce qui prend fa route par le corcelet pour 
fe rendre dans le corps, & par où repafte tout ce qui re¬ 
tourne du corps au corcelet, &. à la bouche, comme le 
miel & la cire, l'oit brute, foit parfaite. Le bout du cor¬ 
celet c, c, forme une convexité qui peut fe loger dans la 
concavité 0 o, qui eft à la partie antérieure du corps; 
quand la convexité de l’un eft entrée dans la concavité 
de l’autre, la partie antérieure du corps eft appliquée con¬ 
tre la partie poftérieure du corcelet, ellesne paroiflent plus 
jointes l’une à l’autre par un fimple filet. 

La Figure 13 montre par-deïïous & en grand, le corps 
d’une abeille ordinaire, c, c, partie du corcelet . f, jonction 
du corps au corcelet./, f, f, &c. z>Z> l, & c - bouts des 

T t ij 


33^ Mémoires pour l’Histoire 

arcs qui forment la partie fupérieure des anneaux, Si qur 
fe recourbent fur les côtés, pour venir fe terminer du 
côté du ventre, Si y recouvrir les bouts des lames écail- 
leufes qui deffendent le ventre. 

La Figure 14 repréfente une portion du corps de l’a- 
beille vue du côté du ventre, & plus en grand que dans 
la figure précédente, f, f, bouts de deux des arcs qui for¬ 
ment la partie fupérieure de deux anneaux. I, l, deux des 
James écailleufes du ventre; elles ont été écartées l’une 
«le l’autre, afin qu’on pût voir non-feulement leur partie 
4 qui eft brune Si écailleufe, Si la feule qui paroiffe dans 
la figure précédente, mais qu’on vît aufîî leur partie c, 
qui efl blanche, Si qui n’efî que membrancufe, Si au 
moyen de laquelle chaque lame effc attachée au-deffous 
de ia partie écailleufe de la lame qui la précédé. 

Planche XXVII. 

Toutes les Figures de cette Planche ont une grandeur 
qui furpaffe beaucoup celles qu’ont naturellement les par¬ 
ties quelles repréfentcnt. 

Les Figures r Si z font celles d’une tête d’abeille ordi¬ 
naire vue en-deffous Si de face, figure i ,Si vue en-deflous 
Si de côté figure 2. d,dj les dents. 1, la trompe. figure 
2, un œil à rezeau. 

La Figure 3 fait voir par-deffus une tête d’abeille, dont 
la trompe efl allongée & portée en-devant, a, a, les an- 
tennes.jy,jy, les yeux à rezeau. 4 la levre fupérieure. J, J? 
les dents, ff les deux pièces qui enfembie forment le 
fourreau extérieur, le grand fourreau du deffus Si des 
côtés de la trompe, h, h, bouts des deux pièces qui com¬ 
posent le petit étui, celui des côtés, t, bout de la trompe. 

Les Figures 4 & 3 repréfêntent toutes deux la trompe 
vue par-deffus, mais de côté, figure 4, Si de face, figure 5. 


des Insectes. VI. Man. 3 3 3 
f f les deux grands demi-étuis. En^ figure q, on vojt 
le côté de la trompe qui cft couvert par un des demi- 
fourreaux. h,h, les barbes des demi-étuis intérieurs. d,d, 
les dents. 

La Figure 6 montre une trompe coupée tranfverfale- 
ment enf f, à quelque dihance des dents d, d. Sur cette 
coupe, on voit comment chacun des demi fourreaux exté¬ 
rieurs f, vient couvrir un des côtés de la trompe, fans lé 
recourber vers le deffous. 

La Figure 7 nous préfente une trompe allongée, vue 
par-deflus, & de laquelle ont été écartés les demi-étuis 
extérieurs & les intérieurs, b, bouton par lequel la trompe 
eh terminée, b t, la partie antérieure de la trompe qui 
s’étend jufques un peu par-delà g, g, jufque vers/// car 
c’eft vers II, qu’elle peut être pliée en deux, comme elle 
l’eft dans les ligures 1 & 2. La partie t b, eh toute couverte 
de poils ; celle qui la fuit, l’eft aufîî jufque près de g, g. 
Mais une ligne droite paroît partager également en deux 
portions, les poils qui font depuis/', jufque près de g, g* 
L’origine de l’un & de l’autre demi étui intérieur eh près 
de g g . e,e, ces demi-étuis, b,h, efpécesde barbes compo- 
fées de trois à quatre articulations. Ces barbesfont ordinai¬ 
rement perpendiculaires à l’axe de la trompe. Au-deiïous 
de chaque g, eh une tache brune formée par une partie 
qui embrafle la trompe, & la fortifie./’/,/'/, les deux demi- 
étuis extérieurs, & les plus grands, qui ont une el'péce de 
coté fi, qui fait laféparation de la partie deftinée à cou¬ 
vrir le dehus de la trompe, & de celle qui l’eh à cou\ rir un 
des côtés, k, k, les tiges des demi-fourreaux précédents.. 
d, d, les dents. 

La Figure 8 fait voir par-dehous une trompe qui eh 
redrehèe lans être allongée, une trompe qui eh enve¬ 
loppée dans tous fes fourreaux, t, la partie antérieure de 

T t ii| 


334 Mémoires pour l’Histoire 

la trompe, f f les demi-étuis extérieurs, //, h, les barbes 
des demi-étuis intérieurs./, la bafe de la partie poftérieure 
de la trompe, qui Te termine par un pivot q, aflemblé avec 
les deux petits leviers r,r, au fommet de l’angle qu’ils font 
enfembie. c , le trou d’où part le col de la mouche. 

La Figure 9 repréfente encore une trompe vûe par- 
deffous, mais qui elt portée loin en devant,& qui eh: hors 
de fon grand fourreau, comme elle le doit être alors, b , ie 
bouton qui termine la partie antérieure de la trompe, t , la 
trompe, h, h, barbes des demi-étuis intérieurs, e, e, ces 
demi-étuis, g g, pièces qui çmbraffent & fortifient la 
trompe, fi, fï, les deux demi-étuis extérieurs, fï, fï, y 
marquent en creux ce qui elt en relief, figure y. k,k, tiges 
des demi-étuis extérieurs. 0,0, filets tendineux par Jef- 
quels les tiges h, h, font attachées à leurs appuis, p, bafe 
de la trompe. <y, bout du pivot par lequel elle fe termine. 
r, r , les deux leviers qui portent en avant la trompe, &. qui 
la retirent en arriére. Dans le premier cas l’angle que font 
enfembie ces leviers, & fur le fommet duquel le pivot porte, 
cet angle, dis-je, a fa concavité tournée vers le col <?, & 
lorfque la trompe eft autant en arriére qu’elle le peut être, 
figure 8 , la concavité de cet angle efl tournée vers la tête. 
c, le col. m, », », parties mufculeufes qui fervent au jeu de 
la trompe. 

La Figure 10 eft celle d’une longue portion de fa 
partie antérieure, plus grolfie qu’elle ne l’eftdans la figure 
précédente. Tout du long de Ion milieu on voit une raye 
£x. De chaque côté de la raye eft une bande lifife, qui efl 
fuivie d’une bande cannelée tranfvcrfalement. 

La Figure 1 1 efl celle du bout de la partie antérieure 
de la trompe vû par-defiTus, & qui efl plus groffi ici que 
dans les figures précédentes; les poils dont il eft couvert 
de ce côté-là, font grands & plus ailés à rcconnoître pour 


des Insectes. VI . Mem . 33^ 
eequ’ilsfont. Le bouton efl aulfiplus fenfible; fon milieu 
eft creux, Si fembie percé. 

La Figure 12 efl celle d’un crâne d’abeille vû par- 
deflous. c, le trou d’où part le col. £, 1, lont des parties 
convexes, Si qui s’élèvent fenfiblement au-deiïus de ce 
qui les environne. 7:1, efpéce de cloifon qui fépare la partie 
antérieure de la tête de la poftérieure. 0, cavité dans la¬ 
quelle font logées les partiesde la trompe, analogues à la 
bouche. Le fond de la cavités, peut être regardé comme 
une elpéce de palais. 

Planche XXVIII. 

Toutes les Figures de cette Planche font groflies à la 
loupe ou au microfcope. 

La Figure 1 fait voir de côté une trompe d’abeille ordi¬ 
naire détachée dedeffus le crâne, & toutes lès dépendances. 
Quelques-unes des parties qui fervent à la porter en avant, 
Si à la retirer en arriére, s’y trouvent en entier, au lieu 
qu’il n’y a qu’une portion de ces mêmes parties de vifible 
dans la figure 9 planche 27, le relie étant caché par les 
élévations du crâne, r , la trompe, h, barbe d’un des demi- 
fourreaux intérieurs, f i, un des demi fourreaux extérieurs. 
Ip , bafe de la trompe, q, fon pivot, r, un des deux leviers 
qui forment enfemble un triangle, & qui fervent à porter 
la trompe par-delà la tête, & à la ramener vers le col. o, pé¬ 
dicule d’un des demi-fourreaux extérieurs Si qui l’attache 
au levier r. Les pièces 0 x, ru , lont des ligaments. //;, partie 
des mufcles de la trompe. 

La Figure 2 repréfente une portion de la partie anté¬ 
rieure de la trompe, vue de côté, Si dans le temps où on 
l’a obligé de fe gonfler en preffant la trompe vers fon 
origine, t, le deiïlis de la trompe, d, d, tfl le milieu du 
delïous qui n’dl point velu, mais qui efl pointillé. 


-3 6 Mémoires pour l’Histoire 

La Figure 3 efl encore celle d’une portion antérieure 
de la trompe que la preffion a obligée de fe gonfler ; 
elle efl vue ici par-deflous. tf, ligne qui la divilè tout 
du long en deux parties. Les endroits les plus proches 
des bouts qui font ras ici , paroîtroient velus, fi la 
trompe n’étoit pas gonflée vers t, fi les membranes qui 
font diftendues pour fournir au gonflement, étoient 

la Figure q., on a difpofé la trompe comme il 
convenoit qu’elle" le fût pour mettre en vue la bouche, 
& la langue de l’abeille. La trompe a été dépliée & tirée 
vers le col. Au moyen de la violence qu’on lui a faite, 
on voit au-deflbus des dents d } d, la langue/, qui cft rele¬ 
vée & appliquée contre le palais, o , l’ouverture qui peut 
être regardée comme celle du fond de la bouche. f,f 
les demi-fourreaux extérieurs, h, h, les bouts des demi- 
fourreaux intérieurs. 

La Figure 5 repréfente la tête d’une mouche qui efl 
d’un genre qui appartient à la claffe des abeilles, mais 
d’un genre qui 11e lé tient point dans des ruches, & qui, 
comme nous le dirons ailleurs, fe conrtruit lui-même fon 
logement; en un mot, cette tête efl celle d’une de ces 
groffes mouches velues qu’on appelle des bourdons ; 
comme leur tête efl plus grofle que celle des abeilles ordi¬ 
naires, elle efl plus propre aufli à faire voir la langue & 
la bouche. Les trompes de ces bourdons font conftruites 
comme celles des abeilles, elles n’en différent en aucune 
partie eflcntielle. t, la trompe pliée & couverte de tous 
fcs étuis .d,d, les dents qui ont des cannelûres, que les dents 
des abeilles 11’ont pas. 

La Figure 6 montre par-deflous la trompe du bour¬ 
don velu, couverte de toutes fes enveloppes. p, fon pivot. 
k,kj les tiges des demi-étuis extérieurs .gfgf ces demi-étuis, 

ce qui 


pli (fées. 
Dan 


DES I N S Ë C T E S. VI. Àleni . 3 3 7 
ce qui paroît blancbeâtre entr'eux, eft la trompe meme 
qu’ils ne couvrent point. 

La„ Figure 7 eft dcftinée à faire voir la langue du bour¬ 
don velu, relevée, & l’entrée de l’œfophage qui eft dans le 
fond de la bouche, a, portion du devant de la tête. I, la 
langue relevée contre le palais, & qui a une de ces figures 
bizarres quelle prend de temps en temps. 0, fond de la 
bouche ou entrée de l’œfophage. c, efpéce de canal, dans 
lequel fe rend le lue mielleux que la langue pouffe enfuite 
vers l’œfophage. f h, f h, demi-étuis, fous lefquels la 
trompe eft cachée. 

La Figure 8 repréfente une portion de tête, dont jv &y, 
font les yeux à rezeau. La tromp c f f quoique dans les 
fourreaux, a été tirée en avant autant quelle le pouvoit 
être. La langue /, eft logée dans la cavité de la trompe, 
qui peut être prife pour le commencement de la bouche. 

La Figure 9 ne diffère de la figure 8, qu’en ce que la 
langue l, eft relevée en partie au-deffus de la cavité deftinée 
à la recevoir. 

La Figure 1 o montre la langue du bourdon par-deffous 
*& relevée contre le palais, mais fous une autre forme que 
celle quelle a dans les figures 7, 8 & 9. e, i’ouverture de 
l’œfophage. 

La Figure 1 1 fait voir par-deffus une langue 4 de bour¬ 
don , qui a affés la forme de langue, & qui eft allongée par- 
delà la levre fupérieure. 

La Figure 12 repréfente une tête d’abeille qui fait agir 
fa trompe pour enlever la liqueur miellée dont lafurface 
de quelque corps eft enduite, & pour conduire cette 
liqueur à la bouche, f étuis extérieurs qui couvrent alors 
ledeffus d’une grande partie de la trompe, hji, houppes 
par lefquetlcs finiftent les étuis intérieurs, tb, la trempe 
allongée bien par-delà les bouts des étuis intérieurs, m, la 
Tome V .Vu 


338 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
furface enduite de liqueur miellée. Le delîus delà partie 
allongée de la trompe, a été rendu convexe, & elt ac- 
tuellement appliqué fur la liqueur miellée. Ce qu’on doit 
fur-tout remarquer, celt que le bout h, de la trompe eft 
élevé au-deffus de la furface de cette liqueur, & que par 
conféquent la liqueur n’eft pas afpirée par ce bout. 

La Figure 1 3 fait voir une trompe d’abeille contournée 
dans un fens contraire à celui où elle l’elt dans la figure 
précédente. Le côté qui elt convexe dans cette dernière, 
eft concave dans la figure 1 3 ; mais aufîi la trompe de la 
figure 13 , s’eft éloignée du plan in, fur lequel la liqueur 
miellée eft étendue. La trompe après s’être chargée de 
cette liqueur, comme elle s’en charge dans la figure 1 2, 
rend concave, figure 1 3, le côté qui étoit convexe dans la 
figure 1 2, pour faire aller vers //, h, fous les étuis, la li¬ 
queur qui elt en t. 




33 8-Mem. 6. de lUietr. des Insectes Tom ■ S'. 


IfatcssiZi'i/ Sculfi ■ 





















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des Insectes. VIL Mem. 339 

SEPT I E'AIE M EM 0 1 R E. 

DES AIGUILLONS DES ABEILLES, 

DE LEURS COMBATS, 

Et des différences remarquables entre les parties exté¬ 
rieures des abeilles ordinaires, if les parties exté¬ 
rieures des mâles if des meres. 

N O us n’avons rien à craindre des trompes des abeilles, 
par la defeription delquelles nous avons fini le Mé¬ 
moire précèdent ; elles ne font pas faites comme celles 
des coufins, & celles de divers inleétes, pour percer notre 
chair. Mais les abeilles ont le derrière armé d’un aiguillon 
plus redoutable que la trompe des coufins : la piquûre 
cfl fuivie de douleurs beaucoup plus vives que celles que 
le coufm nous fait fentir pendant qu’il boit notre fang. 
Audi cet aiguillon n’efl-il par rapport à nous, qu’une 
arme défenfive; il eft rare que les abeilles s’en fervent 
contre quelqu’un qui ne les inquiète pas. Fût-il defliné 
à nous faire plus de mal, fa ftruéîure n’en feroit pas 
moins digne d’être connue; dès qu’on la connoît, on eft 
forcé d’admirer l’appareil avec lequel il eft fait. Ce ne 
font pas feulement les abeilles ordinaires qui font pour¬ 
vues d’un aiguillon ; les abeilles de différents genres, 
comme les gros bourdons velus Si les bourdons liffts, 
beaucoup de très-petites efpéces d’abeilles folitaires , Si 
des mouches qui ne font pas de la claffe des abeilles, 
comme les frelons, & plu fleurs efpéces de guêpes, font 
toutes armées d’un aiguillon fait à peu près lur le même 

V u ij 


340 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
modèle: Ainfi, en expliquant comment celui des abeilles 
efi compofé, nous ferons connoître la compofition de 
ceux de toutes ces autres mouches. 

Dans les temps ordinaires l’aiguillon des abeilles efi 
caché dans leur corps; mais dès qu’on en tient une par 
le corcelct entre deux doigts, elle ne tarde pas à faire iortir 
Pl.29.fig. le fien comme un trait, d’un peu au défions de l’anus *. 
Bientôt elle le frit rentrer, mais c’efi pour» le darder de 
nouveau & à bien des rept iles. Alors elle recourbe fon 
corps dans tous les fens & de toutes les façons qu’il lui efi 
pofîible; elle cherche à piquer les doigts qui la gênent. 
Mais pour voir plus confiamment cet aiguillon, & pour 
fe procurer le temps de le mieux obfcrver, il faut faifir 
le corps de la mouche, & le prefier près du derrière; 
on oblige ainfi l’aiguillon de fe montrer, & la preffion 
continuée ne permet pas aux parties defiinées à le rame¬ 
ner en arriére, de faire leurfonélion. Quand il commence 
* c,c. à paroître, il efi accompagne de deux corps blancs *, 
oblongs, arrondis par le bout, & dans chacun defquels 
une gouttière efl creulée. On juge aifément que ces deux 
pièces compofent cnfemble une efpéce de boîte, dans la¬ 
quelle l’inftrument délicat efi logé lorfqu’il efi dans le corps 
* Eig. 1. de la mouche *. Ainfi renfermé, aucune partie de l’inté¬ 
rieur ne lui peut nuire, & ce qu’il étoit auffi nécefiaire 
d’empêcher, il ne peut Méfier aucune partie. A mefure 
qu’il avance davantage hors du corps, les deux pièces qui 
lui fervoient de fourreau , s’en écartent, & quand il efi 
entièrement forti, elles fe trouvent l’une à droite & l’autre 
à gauche hors de l'on alignement. 

Quoique ce petit dard loit extrêmement délié, on J’ap- 
perçoit néantmoins à la vue fimple ; elle fuffit même pour 
faire juger que quelque fin qu’il l'oit, & fur-tout auprès 
de fon extrémité, il efi creux, & qu’il l’eft jul’qucs au 


des Insectes. VII. Mem. 3 41 

bout de fa pointe ; car bientôt une gouttelette d’une 
liqueur extrêmement tranfparente paroît pofée fur le bout 
même de cette pointe. On voit cette pente goutte groffir 
de moment en moment. Enfin fi on l’emporte avec le 
doigt, une autre gouttelette reparaît bientôt dans la 
même place. On prévoit déjà le fatal ul'age auquel une 
liqueur li claire eft deftinée. On foupçonne fans doute 
que malgré là limpidité elle efi le poifon qui doit être porté 
dans la playe; & c’cfi ce que nous prouverons dans la fuite 
par les expériences les plus décifives. 

Mais il ne faut pas s’en tenir à regarder cet aiguillon 
avec les lêuls yeux ; fi on leur donne le fecours d’une 
loupe d’un court foyer, ils peuvent nous apprendre qu’il 
n’elt pas un infiniment aulfi fimple qu’il le paroidoit. 
Sa baie * efi folide, épaiffe & grade, lî on la compare 
avec la tige qu elle porte. A mefurc que cette bafe sՎ 
lève, elle devient plus menue ; elle efi un peu appla- 
tie, elle a moins de diamètre d’un côté à l’autre, que 
de devant en arriére. Dans l’endroit qu’on peut prendre 
pour fon terme, il y a une efpéce de talon * du côté du 
dos de la mouche : C’efi de là que part cette tige droite 
defiinée à faire des piquûres lî douloureules, qui n’efl: 
pourtant que le prolongement de cette partie que nous 
venons de nommer la baie. Le tout efi d’une même cou¬ 
leur, d’un châtain brun, & d’un luilànt qui fait connoître 
que cette piece efi de corne ou d’écaille. A mefure que 
la tige approche de fon extrémité, elle devient de plus 
en plus déliée, &. enfin elle fe termine par une pointe 
fine. 

Malgré la finede dont cette pointe avoit paru, il y a 
pourtant des circonfiances où elle femble monde. Nous 
venons de remarquer que fon bout eft percé, qu’il laifie 
fortir de la liqueur. De cette même pointe qu i avoit femblé 

Y u iij 


FI. zc). % 


342 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
très-fine, on voit quelquefois s’élever une autre pointe, qui 
l’efl beaucoup davantage, & qui s’élève tantôt plus tantôt 
moins, & qui tantôt rentre entièrement dans celle d’où 
elle étoit fortie. C’eft alors fur-tout que la première pointe 
paraît moufle, parce qu’on conferve l’image recente de 
la ]>ointe plus fine qui a difparu. 

Dès lors on juge que ce corps fi délié qu’on avoit pris 
pour un aiguillon , n’eft que la gaine , le tuyau d’un autre 
aiguillon incomparablement plus fin. On n’a pas cepen¬ 
dant encore affés d’idée de la fineffe de ce dernier, quand 
on en juge par celle de l’étui dans lequel il eft contenu, 
car cet étui ne renferme pas un feul aiguillon, il en ren¬ 
ferme deux égaux & femblables. C’cft ce qu’il efi plus aifé 
de voir qu’on ne croirait ; il y a différentes manières d’y 
parvenir, que nous allons expliquer. Si on examine mieux 
que nous ne l’avons fait encore , ce corps que nous pre- 
* pi. 2$. fig. nions pour l’aiguillon *, & que nous fçavons n’être qu’un 
3 - étui, on remarquera que fa circonférence efi arrondie & 

unie vers le dos & fur les côtés, mais qu’en deffous il a 
une elpéce de fente ou du moins une cannelûre qui va 
en ligne droite de fia bafe à la pointe. Une obfervation 
fimple & qu’on aura fouvent occafion de faire lorfqu’on 
étudiera les aiguillons, démontre que ce tuyau conique 
eff réellement fendu dans toute fa longueur. Cette oblèr- 
vation eft femblable à celle qui a prouvé ci-deffus que le 
bout de ce tuyau eft percé. Pendant qu’on le manie, il 
arrive quelquefois qu’on voit fuinter de la liqueur en dif¬ 
férents endroits de la rainure, tantôt plus & tantôt moins 
éloignés de la pointe, & quelquefois dans des endroits affés 
proches de la baie ; qu’on voit des gouttes s’y former. 
Quand on vient à examiner la bafe, & qu’enfuite on fe 
rappelle la figure, la nature & ladifpofition des pièces qui 
font jouer les deux feies dont font pourvues les mouches 


des Insectes. VIL Mem . 343 
dont il a été parlé dans le troifiéme Mémoire , la ieuie 
infpection des pièces qu’on trouve à l’origine de 1 étui 
des abeilles, porte à croire ou au moins à foupçonner 
fortement, que celles-ci ont deux aiguillons comme 
les autres ont deux fcies. On y remarque aifément deux 
filets écaiileux *, dont l’un vient de la gauche & l’autre * pi. 29. 
de la droite en fe courbant, & qui arrivés à la bafe de l’étui 3 & 7 - è> 
& après y être devenus parallèles l’un à l’autre, parodient 
s’introduire dans l'on intérieur. On n’en relie pas au fimple 
foupçon, fi on tente de faire paffer une pointe très-fine *, * Fig- 4. 
telle que celle des petites épingles, ou des lancettes 
étroites faites pour des opérations de la nature de celle-ci, 
fous un de ces filets écailleux dans l’endroit où il paroît 
entrer dans l’étui ; on y parvient, & avec quelque patience 
on réuffit à foûlever & à dégager le filet qu’on attaque. Dès 
qu’on eft parvenu à faire palfer la pointe entre le filet & 
l’étui, fi on la conduit vers le bout de celui-ci, l’aiguillon 
fort de plus en plus, & ii fort tout entier, & achevé de fe 
dégager avant que la pointe de métal foit arrivée aux deux 
tiers de la longueur de l’étui *; c’eft par la couliffe, par * Fig, 
la fente de la face inférieure, qu’il fort. On peut de même 
Si avec plus de facilité encore parvenir à retirer le fécond 
filet. Enfin onnepeut les méconnoîtrepour des aiguillons, 
dès qu’on voit que depuis leur bafe juiques à leur extré¬ 
mité, ils diminuent degrofïèur pour finir par une pointe 
extrêmement fine, & qu’ils font de nature de corne ou 
d écaille. 

Il pourroit, cependant, refier encore quelque fcrupule 
par rapport à ces deux aiguillons; on pourroit craindre 
que la pointe fine qu’on a fait agir, n’eût détaché de chaque 
bord de la couliffe une fibre qui efi prifie enfuite pour ce 
quelle n’eft pas. Le vrai efi néanrmojns que la facilité avec 
laquelle chacun des filets efi léparé du refie, leur liife Si 


344- Mémoires pour l’Histoire 

leur contour arrondi ne permettent guéres de les croire 
des fibres détachées du tronc. Mais il y a une manière 
de fc démontrer ces aiguillons, qui ievera tout fcrupule, 
fur-tout fi on cherche à obferver ceux des mouches qui 
en ont de plus gros que les abeilles ordinaires, comme 
ceux des bourdons Si ceux des frelons. En tenant le bout 
du ventre de la mouche preffé, on forcera l’inflrument 
defliné à faire de douloureufes bleflures, à refier en de¬ 
hors. Alors on le coupera tranfverfalement vers le milieu 

* Pi. de fa longueur *. On détachera ainfi du refie & on fera 

tomber une de fes moitiés : Qu’on examine alors le bout 
de l’autre moitié, avec une loupe de 4a 5 lignes de foyer, 
on y diflinguera les coupes circulaires de deux petits 
*e,g. corps * pôles à côté l’un de l’autre dans un canal qui a 
une fente tout du long d’une de fes faces. Ces deux petits 
corps dont on voit les bouts, font les deux aiguillons tron¬ 
qués ; mais comme ils l’ont été dans un endroit où leur dia¬ 
mètre furpaffe celui des environs de leur pointe, il efîplus 
ailé de s’affurer de ce qu’ils font, qu’il ne l’efl quand la 
pointe de l’un ou celle de l’autre fort par le bout de l’étui. 

Diverfes circonflances peuvent aider encore à rendre 
les deux aiguillons fenfibles : Si on manie, fi on preffe cil 
différents fens la bafe de l’étui , on contraint tantôt les 
deux aiguillons d’avancer également par-delà le bout de 

* Fig. 7. dd. l’étui *, tantôt on n’en oblige qu’un à avancer * pendant 
* Fig. 6 .d. que l’autre refîe en place. Quelquefois on les voit tous 

deux excéder le bout de l’étui, mais l’un 1 excède plus 
que l’autre; tantôt on les fait defcendre tous deux, tantôt 
on 11’en fait defcendre qu’un féul au-defïous du bout 
de l’étui. Enfin non-feulement on les voit alors diffinéfe- 
ment tous deux, mais on voit comment ils peuvent agir, 
foit enfemble loit féparement; qu’un des deux peut être 
porté en avant pendant que l’autre refle en arriére ; qu’ils 

peuvent 


• des Insectes. VII. Mem. 345 
peuvent agir alternativement, & c’eft probablement de la 
forte que la mouche les met pour l’ordinaire en acflion. 

On voit aufti qu’ils peuvent être pou fies tous deux à la 
fois & également en avant, & retirés en arriére. 

Pour découvrir certaines parties, même dans les grands 
animaux, il y a des temps à choifir : on ne réuffiroit pas 
à voir les veines laélées d’un animal qu’on n'ouvrirait que 
plu fieurs heures après que ladigeftion ferait faite;mais elles 
paraîtront bien diftinétes dans l’animal dont la digeflion 
ne fera qu’à peine finie. Il y a de même un temps où l’on 
peut parvenir à voir les deux aiguillons des mouches dans 
leur entier Si très-diftinéïement. Ce temps favorable eft 
celui où la mouche eft encore cachée fous les enveloppes 
de nymphe. Nous avons dit ailleurs que dans un temps 
femblable on découvre plus aifément que la trompe du 
papillon eft compofée de deux pièces égales, engrainées 
l’une dans l’autre, qu’on ne le découvre dans le papillon 
parfait. Dans la mouche qui eft encore nymphe, l’étui 
des aiguillons eft ouvert, il n’eft prefque alors qu’une 
lame platte, dont chaque côté a un rebord, ou, i 1 l’on 
veut, une lamecanncllée dans toute fa longueur. Quand 
cette lame fe roule, quand elle prend la figure conique 
quelle a dans la mouche parfaite , elle renferme Si cache 
les deux aiguillons ; mais quand la lame eft platte , les 
deux aiguillons font couchés l’un à côté de l’autre 
dans une coulifleoù il n’y a que leur petiteflè quipuifte 
les dérober à la vue. Mais j’ai eu des nymphes où iis ne- 
toient pas fi petits que la vûe fimple ne pût les diftin- 
guer *. Les nymphes dont je veux parler, font celles * PI. 29. fig. 
d’une efpéce de frêlons de S.‘ Dominique, qui furpalfe I0 * 
beaucoup en grofteur l’efpéce de frêlons que nous avons 
dans ce pays. Elles avoient été envoyées dans l’eau- 
de-vie, dans laquelle leurs parties intérieures s’étoient 
Tome V. . Xx 




346 Mémoires pour l’Histoire# 

bien confervées clans leur figure & leur pofition natu¬ 
relles. 

Au refie, tous les bons obfervateurs qui ont examiné 
ce qu’on appelle communément l’aiguillon des abeilles, 
ont reconnu que ce corps, qui nous paroît fi déiié& fi fin, 
n’efl que l’étui de deux aiguillons fèmblables. Leeuwen- 
hoek, Swammerdam, Hook & Malpighi le premier, les 
ont décrits & en ont fait graver des figures. Lorfque j’ai 
donné dans les Mémoires de l’Académie de 1719. l’Hif- 
toire des Guêpes, j’ai parlé de leur aiguillon en homme 
qui n’avoit pas affés profité des obfervations de ces Sça- 
vans, & qui n’avoit pas affés cherché à s’inflruire par lés 
propres yeux. Trop occupé & trop fatisfàit peut-être de 
quantité de faits finguliers que ces mouches m’avoient 
fournis, je négligeai de rechercher autant que je l’aurois 
dû, les merveilles qui fe trouvent dans la compofition 
d’un infiniment redoutable pour nous. J’ai voulu réparer 
ici cette négligence, en détaillant les différentes manières 
dont ceux qui feront curieux de s’affurer de la réalité des 
deux aiguillons, pourront s’en convaincre. 

Près de leur pointe ils ont chacun fur un de leurs cô- 
fig. tés * des dentelures fines & dont la partie la plus large eft 
tournée vers la bafe. Ces dentelures qui ne permettent pas 
aux aiguillons defortir des chairs où ils ont été introduits, 
fans fouffrir beaucoup de frottement, font caufe fans 
doute que les abeilles les laiffent fouvent & leur étui dans 
les piquûres qu’elles ont faites, & dont on les oblige de 
s’éloigner plus vite qu’il ne leur conviendroit. D’ailleurs 
on voit bien que ces dentelures font utiles pour faire 
pénétrer les aiguillons dans la chair. Celui qui vient d y 
être enfoncé, s’y maintient & devient un appui pour 
celui qui efl refié en arriére, & qui doit, dans l’inflant 
fuivant, aller plus loin que l’autre. 


des Insectes. VIL AI cm. 347 

Un gros frelon de fille de Cayenne, dont j’ai parlé ci- 
deflus, a non-feulement des dentelures à chacun de les 
aiguillons *, l’étui même des aiguillons eft dentelé * ; fur * PI. 29.% 
chacun des deux côtés oppolés il a une file de dix ou 
douze grolfes & fortes dents. On en peut compter 
quinze à leize fur chacun des aiguillons des mouches à 
miel ; mais pour les pouvoir compter, c’efi-à-dire pour 
les voir difiinélement , il faut les chercher avec un micro- 
Icope qui grolliife beaucoup, & les y placer dans une 
poûtion favorable ; car il arrive fouvent que les faces qui 
lbnt en vue, font celles qui font iilfes, & alors on cft tenté 
de croire que l’aiguillon qu’on examine n’a point de ces 
illégalités qui lui lbnt nécefiaires. 

Lorfque nous avons cherché à nous afiùrer de l’exif- 
tcnce des deux aiguillons, nous avons déjà vû d’avance 
qu’ils ont chacun leur bafe particulière en dehors de l’étui, 

& qu’elle efi courbe. Celle de l’un fe contourne vers la 
droite*, & celle de l’autre vers la gauche*. L’endroit où * Fig. 7. e. 
chacune d’elles va s’infercr, n’efi pas difficile à découvrir. * 3 - 
Quand 011 ouvre le ventre d’une abeille, on trouve de 
chaque côté près de l’origine de l’étui, une plaque dont 
la furface efi affés confidérable ; elle a de la folidité , on 
peut la manier fans la brifer. Elle efi compofée de trois 
pièces cartilagineufes *, réunies enlemble par une mena- * Fig. 4& 
brane flexible, mais qui a beaucoup de conlifiance. De 7 "" h n> c ’* 
ces trois pièces, dont il efi inutile de bien décrire les con¬ 
tours, celle du milieu efi la plus allongée & la plus étroite. 

C’efl à celle-ci & à la première que fe réunit la bafe d’un 
des aiguillons *, qui tient à l’une .& à l’autre par deux * r ,q. 
petits pédicules. De-là il efi ailé de juger que chaque 
aiguillon a des appuis folides contre la plaque à laquelle 
il efi attaché, &que la plaque efi faite pour le faire jouer; 
qu’elle efi pourvûe de tous les mufcles néceffaires pour 

Xx ij 


348 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ic pouffer en dehors du corps & le retirer en dedans. 

Ce n’ed pas affés à !a mouche de pouvoir faire pénétrer 
dans les chairs l'es aiguillons & leur étui ; elle ne manque 
jamais cl’empoifonner la blefiure quelle fait. Nous avons 
déjà vu que le poifon quelle y verfe, 11’ed pas un noir poi- 
ion , qu’il elt une liqueur extrêmement tranfparente ; mais 
il nous rede à faire connoître le refervoir qui la fournit. 
Quand on a ouvert le ventre de la mouche, on parvient 
facilement à le trouver en piacc , parce qu’il ed précifé- 
ment dans celle où il ed naturel de le croire & de le cher¬ 
cher. Un peu par-delà la bafe de letui, vis-à-vis le mi¬ 
lieu de i’efpace que lai dent dans le ventre les deux aiguil- 
* PI. iç.fig. } ons en s’éloignant l’un de l’autre, ed une veffie* remar¬ 
quable par fa tranfparence, & que fa tranfparencefùt juger 
pleine d’une liqueur très-claire. Elle ed encore remarqua¬ 
ble par là folidité; car fi on la détache, on peut la manier, 
lui faire changer de figure jufques à un certain point, 
en la preffant doucement entre deux doigts, & cela lans la 
crever. Dans Ion état naturel eHe ed oblongue comme une 
olive. Son plus grand diamètre ed pofé dans le fens delà 
longueur du corps. On ne fçauroit la méconnoître pour 
ce qu’elle ed, dès qu’on s’ed affûré quelle ed pleine de 
liqueur, & qu’on obfervequ’elle le termine par uneefpéce 
* r • de vaiffeau *, qui le dirige entre les deux aiguillons, & qui 
entre dans leur étui. Swammerdam croit avoir vil que le 
bout de ce vaiffeau le réunit à letui un peu par-delà fon 
plus grand rendement ; mais ce qui ed incontedable, c’eft 
que ce vaiffeau ed le canal qui conduit la matière véni- 
meufe du refervoir dans letui des aiguillons. 

* f,f. De l’autre bout de ce refervoir part un autre vaiffeau *; 

Swammerdam adurequ’à une certaine didance ce vaiffeau 
fedivife en deux. Il 11’ed pas ailé de l’avoir dans toute là 
longueur; maisj’cn ai eu de beaucoup plus longsqueceux 


des Insectes. VIL Metn. 3 4.9 
que ce célébré Auteur a fait repréfenter. Il croit que les 
deux branches formées par la divilion de la tige principale, 
font des vai fléaux aveugles. Je ferois plus difpofé à penfer 
quelles s’inferent quelque part dans le canal des aliments 
ou dans quelque partie où fe fait la fécretion d'une liqueur 
qui dl apportée au grand refervoir. Ce refervoir efi peut- 
être pour les abeilles ce qu’eft la vefficule du fiel pour les 
grands animaux. Je veux dire feulement quelœconomie 
anifnale des abeilles demande qu’une certaine liqueur foit 
féparée de leur fan g par fécretion; & que cette liqueur, 
qui efi conduite dans une veffie, eft celle que la nature 
a accordée à ces mouches pour les rendre plus redou¬ 
tables à leurs ennemis. 

Malgré ce que l’examen que nous avons fait de l’infiru- 
ment dont les abeilles font pourvues, nous a appris de fa 
compofition, pour nous exprimer plus brièvement & plus 
conformement au langage reçu, nous en parlerons dans la 
fuite comme d’un infiniment fimple, nous continuerons 
de donner le nom d’aiguillon à cet affemblagede plufieurs 
pièces; il n’y aura nul équivoque à en craindre, parce que 
ce fera ordinairement au pluriel que nous parlerons des 
aiguillons renfermés dans 1 étui, & que quand nous en dé- 
fignerons un feul, il fera caraétérilé par quelque épithéte ou 
par des circonfiancesqui ne fçauroient permettre qu’on le 
méprenne. Nous dirons donc que quand une abeille irritée 
a piqué Ion aiguillon dans notre chair ou dans quelque 
corps qui lui a été préfénté, comme dans un gand, fi on 
la preffe de partir, elle l’y laiffe; mais elle ne l’y laiffe pas 
feul, la plupart de fes dépendances y refient attachées, 
comme les plaques cartilagineufes, la veffie à venin, St 
beaucoup de parties mufculeufes. La blefîure qu’elle a 
voulu faire , lui coûte citer, plus cher que ne coûteroit 
à un homme le coup de poing qui lui feroit perdre fur 


350 Mémoires pour l’Histoire 
ie champ tout le bras, ou le coup de pied qui lui feroit 
perdre la cuiffe. La bleffure quelle s’eh faite à elle-même, 
eh une terrible & mortelle bleffure, à laquelle elle ne fçau- 
roit furvivre long-temps. Après que cet aiguillon avec les 
dépendances a été arraché & entièrement léparé du ventre 
de l’abeille, il femble encore animé du défir de la venger; 
au moins comme s’il l’étoit, il travaille à rendre plus pro¬ 
fonde la bleffure qu’il a faite & dans laquelle il eh rehé. 
Sa bafe continue à fe donner des mouvements, elle s’in¬ 
cline alternativement dans des fens contraires. Lesmuf- 
cles dehinés à faire pénétrer l’aiguillon dans les chairs ou 
dans d’autres corps qui n’ont qu’un médiocre degré de 
dureté, font refiés adhérents à cette bafe, & ils continuent 
leur jeu, comme les mufclesde la queue d’un lézard con¬ 
tinuent le leur après que cette queue a été coupée, & 
même coupée en morceaux. 

Une des meilleures manières de bien voir la longueur 
* PI. 29. fig. des vaiffeaux * qui portent le venin à la veffie , c’eft de faihr 
7 -ff' l’abeille pendant quelle pique , ou , ce qui eh encore plus 
facile, c’eh d’offrir à une abeille qu’on tient de manière 
à n’avoir rien à en craindre, un morceau de peau épaiffe 
& fouple , un morceau de chamois par exemple. Elle croit 
fe venger de celui qui lui fait violence, en enfonçant fon 
aiguillon dans le cuir. Quand elle l’y a bien engagé, qu’on 
la retire brufquement, mais qu’on ne l’en éloigne que de 
quelques lignes. L’aiguillon & fes dépendances reheront 
dans le chamois, & on pourra voir au bout-pohérieur delà 
mouche, un filet blanc qui va aboutir à la veffie à venin. 
Qu’on éloigne cette abeille de plus en plus, mais douce¬ 
ment, de l’endroit dans lequel l’aiguillon eh demeuré, le 
filet dont nous venons de parler continuera de fortir du 
corps, Si on parviendra aifément à l’avoir long de 2 à 3 
pouces. D’où il fuit que ce filet, ouplûtôt ce vaiffeau, fait 


des ï N s E c T E s. VL Mem . 3 51 
plufieurs contours dans le corps de l’abeille,qu’il y ell replié 
bien des fois; mais étant aulfi délié qu’il l’eft, il ell très-diffi¬ 
cile de voir où il le termine, 6c je n’y fuis pas parvenu. 

Une oblervation qu’on doit faire alors , c’elt que les 
deux plaques cartilagineulès*font parallèles l’une à i'autre, * PI. 29. fig. 
quelles femblent tendre à s’appliquer l’une fur l’autre, 6c 7 - mn °; mno ' 
quelles ne font féparées que par la veffie à venin, qui ell 
prefque vuide. De-là il ell allés naturel defoupçonner que 
l’unique ufage de ces deux plaques n’elt pas de fervir d’ap¬ 
pui aux deux aiguillons, 6c de les faire jouer, qu’elles fervent 
en s’approchant l’une de l’autre, à prefler la veffie, à obliger 
Ion venin de couler dans le canal qui la porte dans l’étui ; 

6c que les deux aiguillons en mouvement conduifent cette 
liqueur jufques au bout de l’étui, qu’ils la font fortir par 
cette ouverture, qui leur permetà eux-mêmes de paroître 
en dehors. Quand les deux aiguillons ne feroient qu’à 
peu près coniques, comme nous l’avons lailfé imaginer, 
ils nefçauroient remplir l’étui conique dans lequel ils font 
pofés à côté l’un de l’autre, il y refteroit un vuide capable 
de recevoir la liqueur venimeufe qui y ell dardée ; mais 
Swammerdam a cru voir qu’ils font applatis l’un 6c l’autre 
par le côté par lequel ils fe touchent ; que tout du long 
du milieu du même côté régné une gouttière, 6c que 
les gouttières des deux aiguillons appliquées l’une contre 
l’autre forment un canal qui reçoit 6c conduit la liqueur 
venimeufe au bout de l’étui. Je n’ai pû voir ni le côté ap- 
plati de chaque aiguillon, ni la gouttière que Swammer¬ 
dam prétend y être : peut-être ell-ce faute d’être parvenu 
à obferver un aiguillon dans une pofition favorable. Il y 
a des circonllances où l’on voit la liqueur s’échapper par 
la fente qui ell tout du long du milieu de la face inférieure 
de l’étui, 6c il femble qu’elle ne devroit jamais fortir que 
par l’ouverture du bout, s’il y avoit un canal deltiné à h 


352 Mémoires pour l’Histoire 

contenir. Elie s’échappe par la longue fente toutes les 
fois qu’on preffe affés l’étui auprès de fa bafe, pour 
obliger cette fente à devenir plus large. Dans d’autres 
temps cette longue ouverture efl bouchée par les aiguil¬ 
lons mêmes. La liqueur ne coule pas fimplement dans 
le conduit, elle y eft comme dardée, elle l’eft au moins 
par des mouches de certaines efpéces. J’ai rapporté ail¬ 
leurs * que pendant que je tenois entre deux doigts un très- 
gros frelon , je vis fortir du bout de fon aiguillon un 
jet de liqueur qui fut pouffé à une diflance de plufieurs 
pouces. Au refte il y a grande apparence que les aiguillons 
n’ont pas fimplement la figure arrondie fous laquelle nous 
les avons fait repréfenter, & qu’ils ne font pas contenus 
dans leur étui comme des plumes le font dans une écri- 
toire; il y a grande apparence, dis-je, qu’ils y font affem- 
blés à couliffe&à languette, d’une manière analogue à 
celle dont nous avons vu que les limes de la cigale font af- 
femblées avec leur fupport. D’autres infeéles nous donne¬ 
ront encore d’autres exemples de cet affemblage, employé 
pour maintenir pendant leur jeu, des pièces qui doivent 
alternativement être pouffées en avant, & retirées en arrié¬ 
re: mais des couliffes qui feroient taillées dans les aiguil¬ 
lons des abeilles, ou des languettes qui y feroient ménagées, 
pourroient bien nous échapper par leur extrême petiteffe. 

Nous avons fuppofé jufques ici que c’eft une liqueur 
très-limpide qui rend fi douloureufes des bleffures qui 
autrement feroient à peine fenties ; il eft temps de le 
prouver ou plutôt de le démontrer par une expérience 
très-fimple. Je l’ai faite d’abord fur moi-même, & quel¬ 
ques-uns de nos Académiciens & d’autres amateurs de 
la Phyfique, ont voulu depuis que je la repetaffe fur 
eux. Avec une épingle très-fine, je me fuis fait deux pi- 
quûres à un doigt, proches l’une de l’autre. Avant que de 


des Insectes. VIL Mem. 353 

me les faire, j’avois eu foin de me munir d’une mouche 
à aiguillon; dès que je me fus piqué, je prefïai le ventre 
de la mouche, j’obligeai l’aiguiilon de fe montrer, & je 
pris une petite goutte de la liqueur qui s’étoit ralfemblée 
à fou bout, avec la pointe de mon épingle. Alors je fis 
entrer une fécondé fois cette pointe dans une des bleffures 
quellem’avoit faites, où je ne la tins qu'un inftant; ç’en 
fut ailes pour quelle y laiffàt du venin. Il n’y fut pas 
plutôt introduit, que je fentis une douleur femblable à 
celle qu’011 lent après avoir été piqué par une mouche à 
miel. Au relie, la douleur de la playe où l’épingle a porté 
de l’irritation, eft, comme celle des piquûres d’abeilles, plus 
aigue ou plus modérée, félon la quantité de liqueur veni- 
meufie dont la playe a été mouillée; & peut-être encore 
félon l’état de la playe, c’ell-à-dire, lclon la grandeur des 
vailfeaux qui ont été ouverts, & félon le plus ou moins de 
fenfibilité des filets nerveux qui ont été attaqués. Je répé¬ 
tai un jour cette expérience fur un de nos Académiciens 
qui doutoit de fon effet, ou au moins du degré de l'on 
effet. Pour le mieux convaincre, je n’épargnai pas la li¬ 
queur. Je fis entrer dans la piquûre une grolfe goutte que 
j’avois prife au bout de l’aiguillon d’un bourdon velu. 
L’épreuve fut bientôt plus forte qu’il ne l’eût voulu ; 
quoique très-courageux, il ne put lentir la douleur cui- 
l'ante de fa petite playe, fans beaucoup piétiner, & fans 
peller contre l’expérience. 

Le relie d’ailleurs égal, il y a des temps où les piquûres 
des abeilles font plus lenfibles que dans d’autres. Celles 
qui font frites en hyvcr par des mouches prefque engour¬ 
dies de froid, ne font pas à beaucoup près aulfi doulou- 
retifes, ni douloureufes pendant un temps fi long, que 
celles qui font faites dans des jours chauds d’été, & elles 
ne font pas fuivies d’autant d’accidents. La liqueur peut 
Tome V . Y y 


354 Mémoires pour l’Histoire 

cire plus exaltée, plus fpiritueufe en etc qu’en hyver. 
D’ailleurs la mouche n’en a peut-être pas une aufïi grande 
provifion en hyver, ou elle n’a pas affés de force pour 
en faire fortir autant. J’ai rapporté dans l’Hiftoire des 
* Mémoires Guêpes *, une expérience qui fait voir que plus la quan- 
tité de liqueur que la mouche a à verfer, eft grande, 6 c 
22 . 6 . " plus la piquûre eft fenfible; 6c qui prouve en même temps 

que la quantité qui eft dans le refervoir, peut être bientôt 
épuifëe. J’y ai dit, qu’ayant été piqué un jour par une 
guêpe, je crus qu’il valloit autant prendre fon mal de 
bonne grâce, je la laiffai achever de me piquer tout à fon 
aife : en pareille circonftance, la mouche retire de la playe 
fon aiguillon fain 6c entier. Quand elle eut elle-même 
retiré le fien, je la pris, 6c en l’irritant, je la pofai fur la 
main d’un domeftique aguerri, qui n’étoit pas à une pi¬ 
quûre près. Celle qui lui fut faite, fut peu douloureufe. Je 
repris la guêpe, & je me fis piquer moi-même une féconde 
fois. A peine fentis-je cette dernière piquûre; la liqueur 
venimeulè avoit été prefque épuifée dans les deux pre¬ 
mières. Enfin, j’eus beau irriter la guêpe, elle ne voulut 
pas piquer une quatrième fois. 

La quantité de liqueur venimeufte qu’on peut prendre 
avec la pointe d’une épingle au bout de l’aiguillon d’une 
abeille, eft fi peu confidérable, qu’on nedoit point croire 
qu’il y ait du rifque à l’appliquer fur fa langue, 6 c on 
doit être curieux de fçavoir l’effet qu’elle y produit, d’en 
connoître le goût. C’eft une expérience que Swammer- 
dam a faite avant moi, 6 c que j’ai répétée plufieurs fois, 
6 c fiit répéter à diverfes perfonnes. Sur l’endroit de la lan¬ 
gue qui eft touche par ce peu de liqueur, on fent d’a¬ 
bord un goût douceâtre qui femble tenir un peu de celui 
du miel ; mais bientôt ce doux devient âcre & brûlant. 
Qn fent une impreffion de chaleur analogue à l’impreffion 


des Insectes. VIL Mem. 355 
qu’y feroit le lue laiteux du titimale. L’endroit de ma 
langue ou la petite gouttelette avoit été appliquée, eft 
quelquefois relié pendant plufieurs heures, comme s il 
eut été légèrement brûlé. Quelquefois ma langue a été 
limpiement un peu échauffée. La liqueur que Swam- 
merdam a goûtée, a produit plus d'eftet, elle a mis fa 
bouche plus en feu. Mais l’effet doit être plus grand 
félon la quantité de liqueur qu’on aura prife, & peut-être 
encore, comme nous venons de le dire, félon le temps 
dans lequel on l’aura prife. Une liqueur qui femble brû¬ 
ler la langue, qui y fait naître au moins de la chaleur, 
eft très-capable de eau fer des douleurs cuifantes dans des 
libres qui viennent d’être bi ffées. Des liqueurs plus douces 
étant introduites dans des playes nouvellement faites, y 
peuvent produire des irritations douloureules. Après m'ê¬ 
tre fait deux petites bleffures avec une épingle, j’ai quel¬ 
quefois introduit dans l’une la pointe de la même épingle 
mouillée de miel ;& fur le champ la piquure eft devenue 
douloureufe, bien moins pourtant que fi la pointe de l’é- 
pingle y eut porté de la liqueur venimeufe. Il n’eft pas au 
refte, aifé de faire des expériences propres à nous découvrir 
la nature de cette liqueur. Quelquefois j’ai effuyé le bout 
d’un aiguillon où il y en avoit une goutte avec du papier 
bleu ; l’endroit qui en a été mouillé n’a point rougi : ainft 
cette liqueur n’eft point acide, ou elle n’a pas un acide 
actuellement développé. 

Nous fçavons que l’œconomie animale demande qu’il 
fe faffe des lecrétions dans le corps des grands animaux. 
Et nous avons déjà fait remarquer, que comme la le- 
crétion de la bile lé fait dans ceux-ci, de même il fe 
fait dans les abeilles celle de la liqueur qui remplit la 
veiïie qui eft à la bafede l’aiguillon. Cette liqueur devoit 
être feparée de celles qui circulent dans les vaifteaux de 


356 Mémoires pour l’Histoire 

l’infecte, & elle a apparemment, comme la bile, des ufages ; 
peut-être aide-t-elle à faire faire dans lesinteflins de la 
mouche, des digeftions dont nous parlerons dans la fuite. 

Les animaux de toutes efpéces n’auroient pas à fe plain¬ 
dre de la liqueur venimeufe que l’aiguillon des abeilles in¬ 
troduit quelquefois dans leurs chairs, s’il étoit vrai, comme 
Pline la raconté, que l’ours devenu trop gras, va à deflein 
irriter des abeilles logées dans un tronc d’arbre, < 3 : qu’il fe 
fait faire une infinité de piquures, fur-tout à fon muleau, 
qui lui font falutaires. Il feroit bien étrange que la nature 
eût appris à l’ours à avoir recours à un tel remede; que 
pour rétablir fafanté, il fût obligé de fe faire faire un grand 
nombre de petites blelfures capables de faire périr dans des 
douleurs cuifantes tout autre animal. 

Selon les apparences, il n’y en a aucun, fans en excepter 
l’ours, auquel un tel venin ne faffe quelque mal. Il peut 
pourtant y avoir du plus ou du moins. Peut-être agit-il 
plus foiblement fur les animaux de certaines efpéces, que 
iiir ceux des autres. Entre les hommes il y en a pour qui 
ces fortes de piquûres ne font rien en comparaifon de ce 
qu’elles font pour d’autres hommes. J’ai eu un domefli- 
que qui n’en tenoit prefque aucun compte. En quelque 
endroit qu’il eût été piqué, cet endroit ne s’élevoitprelque 
point, les environs delà piquûre ne s’enfîoient pas, comme 
fe fulfent enflés les environs d’une femblable piquûre faite 
à d’autres. J’eus occafion de vérifier ce fait en éprouvant 
un remede que feu M.du Fay avoit foupçonné bon, & qu’il 
croyoit avoir expérimenté avec fuccès. Ayant été piqué 
par une abeille, il penfa à effayer l’effet de l’huile d’olive 
mife fur fa piquûre. Des expériences faites en Angleterre, 
l’avoient conduit à cet eflai. Elles ont paru prouver que 
cette huile efl capable d’arrêter les effets funefles d’un 
venin bien autrement puiffant que celui des abeilles. On 


des Insectes. VIL Mem. 357 

a prétendu qu’un homme bravoit les morfures des vipères 
au moyen de l’huile d’olive qu’il appliquoit fur celles qui 
lui avoient été faites. M. du Fay ayant été piqué au nez 
par une abeille, voulut éprouver ce que pourroit l’huile 
d’olive en pareil cas. Dès que l’huile eut été étendue fur 
fa petite bleflure, la douleur fut appaifée, elle ne revint 
point, 6c il 11e parut aucune élévation. 11 me raconta ce 
fait, fçaehant que j’avois plus d’occafions que perfonne 
de répéter l’expérience du nouveau remede. Dans des cas 
fembiables, j’avois déjà éprouvé l’effet de l'huile d’aman¬ 
de douce, 6c le luccès que cette huile avoit eu, ne devoit 
pas me difpofer à bien augurer de celui de l’huile d’olive. 
Cependant je fus tenté au bout de quelques jours, de lui 
donner plus de confiance. Un de mes domeftiques fut 
aufiï piqué au nez, j’étois préfent, 6c je ne tardai pas à 
humeéler fa piquûre d’huile d’olive ; il parut s’en trou¬ 
ver très-bien; il m’aflura qu’il nefentoit plus de douleur, 
6 c fon nez ne devint aucunement enflé. Dès le lendemain, 
je fis une opération qui demandoit que j’euffe plu fleurs 
perfonnes à m’aider, 6c une de ces opérations, dont on 
ne fe tire guéres fans être piqué. Elle me parut très-fivo- 
rable pour répéter les épreuves de l’huile d’olive. Après 
avoir retiré l’aiguillon d’une piquûre qui fut frite à mon 
cuifinier, fur le front6c prefque entre les deux yeux, je la 
frottai d’huile d’olive; il fe crut foulagé, mais s’il reçut 
un foulagement, il ne fut que paffager. Au bout d’un 
quart d’heure, à peine pouvoit- il entr’ouvrir les yeux. L’en¬ 
flure qui avoit gagné l’une6cl’autre paupière, les tenoit 
toutes deux abbaiflees. Je fus moi-même piqué cinq fois 
tant aux doigts qu’aux bras. Je n’épargnai pas l’applica- 
tion de l’huile d’olive, 6c malgré l’huile, mes doigts, ma 
main 6c mon bras s’enflérent 6c relièrent douloureux. 
L’huile n’eut pas un autre luccèspar rapport aux piquûres 

Y y iq 


358 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
de quelques autres perfonnes fur lefquelles elle fut éten¬ 
due. Pourquoi avoit-elle donc li bien réuffi ou paru fi 
bien réuffir fur le domeftique fur lequel je l’éprouvai 
d’abord î J’eus l’après-midi un très-bon éclairciflement à 
cette difficulté. Dans l’après-midi, ce même domeffique 
fut piqué par plus de douze abeilles différentes, aux doigts, 
aux mains, aux bras, fans qu’il s’en plaignît, & fans qu’il 
parût s’en cmbarraffer le moins du monde, & auffi fans 
qu’aucune des piquures produisît d’enflure fenfible. J’ai 
connu à la campagne, des gens qui nedaignoient pas cou¬ 
vrir d’un gand la main avec laquelle ils alloient couper des 
gâteaux dans l’intérieur d’une ruche, quoiqu’ils fçuffent 
quelle feroit piquée plus d’une fois. Ces piquûres extrê¬ 
mement douloureufes pour les autres hommes, étoient 
fi peu de chofepour eux, qu’elles ne leur paroiffoient pas 
valoir la peine qu’ils fe gênaffent la main, qu’ils la ren- 
diffent moins libre par un gand. 

Il n’y a peut-être que trop de remedes qui ne doivent 
leur réputation qu’à quelque cas femblable au premier où 
nous avons employé l’huile d’olive; que parce qu’ils ont 
été donnés dans des circonftances où ils étoient inutiles 
pour guérir le mal. Outre l'huile, j’ai éprouvé contre le 
venin des abeilles, beaucoup de jus de différentes plantes 
qui nous ont été indiquées par différents Auteurs. J’ai 
éprouvé l’urine,qui eff beaucoup vantée; j’ai éprouvé le 
vinaigre, &c. & je n’ai rien tenté qui ne m’ait paru avoir 
dans quelques circonftances, des fuccès qui ont été dé¬ 
mentis par la fuite. Ce qui même eff trop pour le rcmede 
qu’on voudroit préférer, c’eff qu’il n’y en a aucun qui, 
dans i’inftant où il a été appliqué, n’ait diminué ou ap- 
paifé la douleur. L’eau feule a fouvent produit cet effet ; 
la douleur revient après, & l’endroit piqué & les parties 
qui en font voifines, s’enflent plus ou moins félon le 


des Insectes. VIL Mem. 359 
tempérament de la perfonne, & peut-être félon les clii- 
pofitions adhielles de fon intérieur ; & enfin, félon les 
fibres des nerfs ou des vaiffeaux qui ont été blefTés. Ce 
qu’il y a de certain, c’eft qu’il 11e faut jamais manquer 
doter l’aiguillon de la playe dans laquelle il a été laiffé. 
Le perfil pilé m’a femblé avoir mieux réuffi que tout ce 
que j’ai employé ; cependant j’ai fi peu d’opinion de ce 
remede, que quoique je fois de ceux à qui les piquûres 
font très-cuilantes, & quoique les miennes foi eut ordi¬ 
nairement fuivies d’enflüre, je ne daigne plus y avoir 
recours. 

Mais on demanderapeut-être de quelle néceffité il étoit 
que les abeilles fuffent pourvues, pour nous piquer, d’un 
aiguillon compolé avec tant d’art î C’eft que cet aiguillon 
qui nous pique quelquefois, ne leur a pas été donné pré- 
cifément pour nous piquer. Elles ont des ennemis, contre 
iefquels il faut quelles fe puiffent deffendre. Il y a plus, 
des mouches plusgrofies quelles ne font, & fur lefquelles 
elles doivent cependant avoir la fupériorité, qu’elles doi¬ 
vent attaquer avec avantage; de telles mouches, dis-je, 
fe trouvent dans leur propre habitation. Ce font celles 
qu’on appelle vulgairement les bourdons, que nous avons 
nommées faux-bourdons, Sc que nous avons dit être les 
mâles. Quand les mâles n’ont encore que la forme de ver, 
les abeilles ordinaires ont précifément pour eux les mêmes 
foins qu’elles ont pour les vers qui, après leur métamor- 
phofe, feront des abeilles ordinaires. Lorfque les mâles font 
devenus ailés, elles fe comportent encore avec eux, comme 
fe doivent comporter enfemble les enfantsd’unemême fa¬ 
mille. Les unes & les autres doivent auffi, comme nous le 
dironsdanslafuite,leur naiffanceà unemêmemere.Enfin, 
les abeilles vivent pendant quelque temps avec les mâles en 
parfaite intelligence; mais des jours arrivent où ces mêmes 


360 Mémoires pour l’Histoire 
abeilles font aux mâles, 6c où elles leur doivent taire la 
guerre la plus meurtrière ; elles les tuent impitoyablement, 
elles en font un carnage affreux. Les mâles font pourtant 
beaucoup plus gros, & femblent plus forts que les abeilles 
ordinaires; mais celles-ci ont une arme qui leur donne 
bien de l’avantage fur les autres; elles ont un aiguillon, 
6c les mâles n’en ont point. Parmi les loix de quelques 
Républiques bien policées, nous en trouvons d’étrange¬ 
ment barbares. Les Lacédémoniens pouvoient tuer les 
enfants qu’ils croyoient devoir être à charge à la Répu¬ 
blique, parce qu’ils étoient nés contrefaits. Les loix des 
Chinois leur permettent des aétions auffi inhumaines. 
Nous ne fçavons pas apparemment toutes les raifons qui 
demandent que les abeilles ouvrières traitent avec tant de 
cruauté les mouches mâles; mais elles en ont au moins 
une autfi bonne que celle qui avoit déterminé les Lacé¬ 
démoniens à faire périr les enfants qu’ils jugeoient devoir 
titre à charge à la République. Nous prouverons dans la 
fuite, qu’il vient un temps où les mâles font au moins inu¬ 
tiles dans les ruches ; & ce n’ett que quand ce temps ed venu, 
que les abeilles ordinaires en font un maffia e général. 

Les abeilles fe livrent auffi les unes aux autres des com¬ 
bats à mort. Dans des faifons, 6c dans des heures du jour 
où la chaleur les met en pleine vigueur, elles attaquent 
6c tuent impitoyablement les étrangères qui oient entrer 
dans leur ruche. Mais il y a fouvent des combats ,à mort 
entre" les mouches de la même ruche. S’il eft permis 
de vouloir deviner la politique des abeilles, 6c de croire 
à leur avantage que leurs querelles n’ont pas des motifs 
aulfi frivoles que le font fouvent ceux des nôtres, on 
peut penfer qu’une raifon femblable à celle qui les 
détermine à tuer les mâles, les détermine à tuer d’autres 
abeilles. Si on leur refufe une charité pareille à celle de 

ces 


des Insectes. VII. Alem. 3 61 
ces peuples fauvages, qui croient traiter favorablement 
leurs vieillards, en retranchant de la durée de leur vie, des 
jours qu’ils pafferoient dans la peine & le mal-être, au 
moins y a fil apparence que pour le bien de leur focicté 
qui femble feut les faire agir, les abeilles tuent celles 
quelles l'çavent netre plus en état d’y contribuer. 

Dans de beaux jours, & des jours chauds, on a fou- 
vent occafion d’obferver de ces combats à mort entre les 
mouches d’une même ruche. Quelquefois l’attaquante 
& l’attaquée en fortent en fe tenant déjà l’une l’autre; 
quelquefois c’eft en dehors qu’il y en a une qui tombe fur 
line autre qui vole, ou elle va fê jetter fur une autre qui 
étoit en repos, ou qui marchoit doucement fur la partie 
extérieure de l’appui de la ruche. De quelque manière que 
le combat ait commencé, dès quelles le font jointes, elles 
tombent bientôt à terre. Elles ne parviendraient pas à fe 
porter des coups fûrs en l’air, & il leroit difficile quelles 
pulTent s’y foutenir pendant qu’elles chercheraient à fe 
faire des bleffiures mortelles. Il efl ailé de parvenir à en 
oblèrver qui leront ainfi aux prifes devant une ruche, pour 
peu qu’on le cherche. On leur verra faire tout ce que fe¬ 
raient deux lutteurs couchés par terre, &. dont chacun 
voudrait arracher la vie à fon ennemi. Chacune tâche de 
prendre la polition qui lui eü le plus avantageufe. Quel¬ 
quefois elles font toutes deux couchées fur un côté, fe 
tenant réciproquement failles avec leurs pattes, tète con¬ 
tre tête, derrière contre derrière, & contournées de façon 
qu’elles forment enlèmble un cercle ou un ovale. Quand 
elles fe tiennent ainfi, les mouvements de leurs ailes les 
font pirouetter de temps en temps, & les portent quelque¬ 
fois en avant à plus d’un pied de diffimee, mais toujours 
à Heur de terre. Une des deux parvient enfuite à prendre 
quelque polltion plus favorable, à monter fur l’autre, & 
Tome V . Z z 


362 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
à approcher Ion derrière du col de ceile-ci. Elles lont alors 
fi acharnées au combat, (pion peut les obferver avec une 
loupe fans les déterminer à fe quitter. La loupe avec la¬ 
quelle j’ai fou vent oblèrvé deux combattantes, m’a fait voir 
quelles dardoient continuellement leur aiguillon. Tous 
les mouvements de l’une & de l’autre, les flexions & les 
nouvelles pofitions que leur corps prenoit, ne fembioient 
tendre qu à parvenir à trouver une partie molle de Ion 
adverfaire.dans laquelle l’aiguillon pût être introduit. Ces 
combats ne dureraient apparemment qu’un inflant, fi les 
abeilles étoient moins bien cuirafïées; mais malgré les 
écailles dont leurs chairs font couvertes, ces chairs ne font 
pas inacceffibles. Si une abeille peut faire paffer Ion aiguil¬ 
lon entre une écaille, & celle fur laquelle elle n’cft qu’en 
recouvrement , elle pourra enfuite l’enfoncer dans les 
chairs qui font l’attache de l’écaille inférieure. Pour peu 
que le col de l’abeille qui fe deffend, s’allonge, il devient 
à découvert, fi l’aiguillon de Ion ennemie elt proche alors, 
il pourra le piquer. J’ai remarqué quelles cherchoient aufîî 
mutuellement à fe piquer vers la bafe de leur aiguillon, 
peut être à l’anus. 

Il ne m’eft jamais arrivé qu’une fois de faire une obfer- 
vation qui prouve décifivement qu’une mouche peut par¬ 
venir à enfoncer Ion aiguillon dans le corps d’une autre. 
J’en fuivis deux (pii fe battoient en fortantde leur ruche. 
Le combat le paflfa fur la partie extérieure de l’appui, if 
ne fut pas long; bientôt j’en vis une vaincue & expirante. 
Je la pris, je l’examinai, Si je trouvai que l’aiguillon de 
l’autre étoit relié engagé entre deux anneaux du ventre 
de celle-ci. Mais il eft rare apparemment que l’abeille qui 
pique une autre mouche de fon efpéce, lui laiffe fon ai¬ 
guillon enfoncé dans le corps. Si ce cas étoit ordinaire, 
chaque combat coûterait la vie aux deux mouches. La 


des Insectes. VIL Mm. 363 

viéïorieufe ne fçauroit lurvivre long temps à Ja perte cie 
fon aiguillon , auquel la veffie à venin, Si généralement 
tout ce qui efl néceffaire pour le faire agir, refie attaché. 
Tant de parties arrachées font une playe incurable & mor¬ 
telle. 

Ces combats font quelquefois très-longs. J’en ai vû un 
dans lequel ce ne fut qu’après une heure prekjue entière, 
qu’une des deux mouches Iadfa l’autre expirante fur la 
pouffiére. Quelquefois fatiguées l’une & l’autre, & defef- 
perant toutes deux de remporter une viéioire compiettc, 
elles le lëparent, chacune s’envole de Ion côté. Quand 
elles ont lçu l’une Si l’autre ef qui ver les coups d aiguillon, 
le combat fie termine lans mort; mais il doit être bientôt 
fatal à celle dont quelque partie charnue a été atteinte. 
Quelque petite que foit la quantité de venin qui y efl 
dépolée, elle efl capable de produire un effet funefle 
dans un auffi petit corps que celui d’une mouche; nous 
pouvons en juger par celui qu’il produit fur nous. La 
douleur de quelques piquûres qui ont été bien affaifion- 
nées, efl quelquefois fi violente, quelle porte à la tête, 
que la tête en efl étonnée. Chaque pays, chaque canton 
prelque a fon hifloire d’un cheval qui ayant été le frotter 
contre une ruche d’abeilles. Si l’ayant renvcrfée, a été 
affailli par les mouches irritées, Si qui n’a pu réfifter aux 
piquûres qu elles lui ont faites; qui en efl mort au bout 
d’un temps très-court, en moins d’un quart d’heure ou 
d’une demi-heure; j’ai ouï raconter une de ces luftoi- 
res par un homme digne de foi, & qui avoit été pref- 
que témoin du fait. Un fembiable fait a été rappoité 
par Arillote. Des Auteurs ont été jufqu a déterminer le 
nombre des piquûres qui peuvent frire périr un grand 
animal ; quelques-uns l’ont fixé à vingt. Je ne fçais pas fi 
la dofe de venin contenue dans ce nombre de piquûres 

Z z ij 


3^4 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
peut quelquefois fuffire pour donner la mort; mais il efl 
certain au moins, qu’il y en a une dolè qui, dillribuée à 
différentes parties du corps, caulèroit des douleurs, des 
inflammations, des irritations, & enfin une forte de fièvre, 
fous laquelle l’homme le plus robufle fuccomberoit. 

Les aéhqns dont nous venons de parler, font des ac¬ 
tions particulières; mais il y a quelquefois entre ces mou¬ 
ches, des aélions qu’on peut appeller générales. Ce n’eft 
guéres que dans le temps des effaims, que celles-ci arri¬ 
vent, que lorfiqu’une colonie de mouches qui cherche 
une habitation, va mal habilement fe loger, foit dans une 
ruche dont d’autres abeilles font en poffdfion depuis long¬ 
temps, foit dans une où un autre effaim s’efl: établi depuis 
peu de jours ou depuis peu d'heures. Lorlqu’il fait beau 
& chaud, les abeilles reçoivent mal les étrangères qui veu¬ 
lent entrer en fociété avec elles. C’eft alors que lé livrent 
les batailles les plus meurtrières. J’ai déjà dit quelque chofie 
dans le cinquième Mémoire, d’une que je vis très-bien, qui 
dura prefque toute une après midi, qui ne finit qu’avec 
le jour, & peut être que lorfque toutes les abeilles d’une 
petite troupe, qui avoient voulu 1 e joindre à celles d’un 
fort effaim, eurent été maffacrées. J’ai rapporté dans ce 
cinquième Mémoire, les aventures des premières mouches 
que je m’étois avifé de loger en petit nombre avec une 
mere, dans une très-petite ruche vitrée. J’ai raconté com¬ 
ment, & combien de fois elles quittèrent cette ruche; & 
qu’enfin après leur dernière fortie, elles fe déterminèrent 
peu après midi à entrer dans une ruche où j’avois logé 
depuis une ou deux heures un effaim très-nombreux. Dès 
que la petite troupe d’abeilles fut entrée dans la ruche de 
cet effaim, le combat commença. La ruche n’étoit pas 
conftruite de manière à me laiffer voir ce qui fe paffoit 
dans l’intérieur, mais les dehors m’offroicnt un fpcétacle 


des Insectes. VIL Mem. 365 

meurtrier & très-varié. Je voyois fortir deux mouches, 
dont une étoit entraînée par l’autre, qui la làifdfoit par 
ou elle pouvoit, 8c qui tendoit à lui monter lur le 
corps; quand elle y étoit parvenue, bientôt celle qui 
avoit du deflous, étoit égorgée; je dis égorgée, de 
peut-être le puis je dire dans le lens propre. La mouche 
fupérieure faififloit l’autre, & laferroit avec les dents près 
de la tête, & je ne fçais fi ce n’étoit pas au col ou au 
corcelet. Il m’a paru que quelquefois c’étoit auprès des 
premiers ftigmates. Ce qui eft certain , c’elt que dès 
que la mouche vaincue avoit été ferrée près de fa partie 
antérieure, elle étoit morte ou mourante. La viétorieufe 
la lailfoit fans vie fur la pouffiére,ou prête d’y expirer; 
elle i’abandonnoit alors, mais elle refloit polée auprès 
d’elle, comme pour jouir de fa viéloire, ou pour le dé- 
lalfer de lès fatigues. Les mouches viéïorieulès faifoient 
conftamment la même manœuvre. Dès que le combat 
étoit fini par la mort de leur ennemie, pofées fur leurs 
quatre premières jambes, elles frottoient les deux pofié- 
rieures l’une contre l’autre. Quelquefois l’affaire étoit dé¬ 
cidée dès l’intérieur de la ruche, quelquefois c’étoit en 
dehors à quelque diftance quelle le terminoit. Dans le 
premier cas, une mouche fortoit triomphante de la ruche 
tenant fous fon ventre & entre fes jambes celle à laquelle 
elle avoit ôté la vie, & lortoit en volant. Elle prenoit tan¬ 
tôt un plus grand & tantôt un plus petit elfor; quelque¬ 
fois ce n’étoit qu’à quelques pieds de la ruche qu’elle alloit 
s’appuyer à terre, 8c y dépolèr le cadavre dont elle étoit 
chargée; quelquefois elle s’élevoit à perte de vûe. Sou¬ 
vent je remarquois l’endroit où aboient fe pofer celles 
que je pouvois fuivre des yeux, & lorfque je me rendois 
où j’en avois vu une s’arrêter, fi l’abeille pleine de vie & 
de vigueur en étoit partie, j’y trouvois au moins la morte, 

Z z i ij 


366 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Dans {e lècond cas, dans celui où l’abeille naveit pas 
encore mis à mort l’abeille qu’elle tenoit lailie, & quelle 
portoit en volant hors de la ruche, elle ne la portoit pas 
loin, qu’à quelques pas ; là elle achevoit de la tuer. 

Nous ne viendrions pas auffi vite à bout de tuer une 
mouche, fi nous ne voulions pas iecrafer, que chaque 
abeille venoit à bout de tuer celle qu elle avoit tranfportée 
hors de la ruche. Elles fçavent mieux que nous où les 
coups mortels doivent être portés. Je ne les voyois pas 
fe fervir alors de leur aiguillon; mais il y a apparence que 
des bleflùres empoifonnées faites à la mouche vaincue, 
avoient valu la fuperiorité à la viélorieule. 11 ne relloit 
plus à celle-ci qu’à donner, pour ainfi dire, le coup de 
grâce, & elle le faifoit avec (es dents. Hors de la ruche, 
tous les combats à mort n’étoient que de feule à feule. 
Peut-être que tout ne fe paffoit pas aulfi génércufement 
dans l’intérieur. Celles qui étoient maffacrées en dehors, 
avoient déjà été miles hors de combat dans la ruche 
même. Dans les temps où fe frit la grande tuerie des 
mâles, trois ou quatre abeilles n’ont point de honte pour¬ 
tant d’en attaquer enfemble un l'eul. 

Au refie, j’ai déjà dit ailleurs, que je ramalTai plus de 
250 abeilles mortes, de celles cjui furent tuées dans cette 
journée, ou plutôt dans cette après midi, & je n’en ra- 
maflai que 250, parce que je n’avois pas befoin d’en 
avoir davantage pour l’expérience qui m’avoit engagé à 
ies ramaffer. 

J’ai vû fouvent, & le jour même du carnage que je 
viens de raconter, trois à quatre mouches après une 
feule, fans que la vie lui fut arrachée. Elles la prenoient 
par une jambe, chacune de fon côté ; quelquefois elles 
lui mordoient le corps ou le corcelet. J’avois d’abord 
pitié de celle qu’on attaquoit avec tant de lâcheté & 


des Insectes. VII. Mem. 367 

Je fupériorité ; mais après avoir obiervc que l’abeille 
attaquée par tant d’ennemies, parvenoit à s’en débar- 
raffer, j’appris quelle avoit un moyen ailé de le tirer 
d’afîaire, & je reconnus qu’on n’en vouloit pas à l'a vie. 

Le combat ceffoit dès que celle qui avoit été tiraillée & 
mordue, allongeoit l'a trompe. Une des attaquantes ve- 
noitTuccer cette trompe avec la fienne, &ainfi en fail'oient 
les autres à leur tour. De forte que les autres abeilles ne 
fembloient lui avoir porté des coups que pour la forcer de 
leur dégorger du miel qu’elle leur refuloit. Dans tous les 
combats inégaux qui fe pafferent fous mes yeux ce même 
jour, & il s’en pafïa plufieurs, jamais les attaquées ne furent 
miles à mort, elles le tirèrent toutes d’affaire par le même 
expédient. 

Ç’a été une queftion fur laquelle les Anciens ont été 
partagés, de fçavoir fi le roy des abeilles, notre mere 
abeille avoit un aiguillon. Ariftote lui en adonné un, 

& Columelle a prétendu qu’Arillote s’étoit trompé, qu’il 
avoit pris pour un aiguillon un gros poil que le roy porte 
dans le ventre. Cette queftion n’étoit pas encore décidée 
du temps d’Aldrovande, qui s’en eft tenu à dire quelle 
ne le pouvoit être que par une nouvelle & exaéfe obier- 
vation. Toute la difficulté qu’il y avoit à éclaircir un fait 
par rapport auquel on eft reftédans l’incertitude pendant 
tant de fiécles, étoit pourtant d’avoir une mere abeille, 

& de lui preffer le ventre. Car dès qu’on preffe celui 
d’une mere, on obligea fortirde fon corps un aiguillon * 29.% 

qu’il n’eft pas poffible de méconnoître pour ce qu’il eft, 9 * 
il furpaffe beaucoup en grandeur celui des abeilles or¬ 
dinaires ; du refte, il n’en diffère qu’en ce qu’il eft un 
peu courbé vers le ventre, au lieu que celui des autres 
mouches eft droit 

Ceux qui ont affûré, & apparemment d’après Ariftote, 


368 Mémoires pour l’Histoire 

que la mere abeille avoit un aiguillon, ont voulu avec lui 
quelle n’en fût armée que pour la dignité ; ils ont pré¬ 
tendu quelle n’en faifoit jamais ufage; ils l’ont regardée 
comme un roy, qui tout petit qu’il elt, elï un modèle à 
propofer aux rois auxquels un grand peuple eft loûmis; 
ils nous l’ont donné pour magnanime & pour incapable 
de faire par lui-même des exécutions cruelles, quoique 
juftes. Il eft au moins très-vrai que la mere abeille eft bien 
plus pacifique, plus difficile à irriter que ne le font les 
abeilles ordinaires; elle n’eft pas aulli dilpolée à fe fervir 
de Ion aiguillon, que les autres le font à fe fervir du 
leur. J’ai eu cent & cent fois des meres abeilles fur une 
de mes mains, je les y ai louvent touchées & priles de 
l’autre main, fans qu’aucune m’ait jamais piqué. Je crois 
pourtant qu’il n’a quelquefois tenu qu’à moi d’avoir la 
gloire d’être piqué par une reine. Pendant que deux de 
mes doigts en faififfoient une par le corps ou par le cor- 
celet,& qu’ils la mettoient mal à l’aile affiés long-temps 
pour poulfer fa patience à bout, j’ai vu quelquefois quelle 
faifoit fortir fon aiguillon , & quelle contournoit fon 
corps autant qu’il lui étoit polfible, & fucceffivement de 
différents côtés, pour parvenir à percer un de mes doigts. 
La piquûre quelle m’eût faite, eût été apparemment plus 
douloureufe que celles que font les autres mouches. La 
veille qui doit fournir fon aiguillon de venin, elt propor¬ 
tionnée à la grandeur de cet aiguillon, par conféquent 
plusgroffe que celle des abeilles ordinaires. J’ai d’ailleurs 
goûté du venin tiré de la veffie d’une mere, il m’a paru 
avoir un goût auffi brûlant, pour le moins, que celui des 
abeilles ordinaires. 

Si l’aiguillon ne devoit être d’aucun ulàge aux meres, 
elles en auroient été privées, comme les mâles le font, 
elles n’en auroient pas été armées. & d’un qui ell plus 

conlidérable 


des Insectes. VIL Mem. 3 6 9 

confidérable que celui des abeilles communes. Mais appa¬ 
remment qu’une mere ne s’en fert que dans des occafions 
importantes, que dans des combats dignes d’elle, peut- 
être feulement lorfqu’elle a à fe melurcr avec une autre 
mere, comme il peut y en avoir des occafions, dont nous 
parlerons dans la fuite. La vie de toutes les mouches d’une 
ruclie, dépend de celle de la mere, puifqu elles périffent 
bientôt toutes, quand cette dernière a perdu le jour. Or 
nousfçavons que la vie d’une mouche qui pique, eft tou¬ 
jours en grand danger; lorfqu’il lui arrive de lai (Ter fou 
aiguillon dans la piaye quelle a faite, elle fe fait à elle- 
même une bleffure mortelle. Les fociétés d’abeilles au- 
roient donc été trop fouvent expofées à être détruites, 
f la mere de chaque ruche étoit auffi colère, auffi dif- 
pofée à faire des piquûres, que le font les mouches ordi¬ 
naires. 

Dès que parmi les abeilles il y a des fémelles, des mâles 
& des mouches qui ne font ni de l’un ni de l’autre fexe, 
l’intérieur des unes a néceffairement été conformé diffé¬ 
remment de celui des autres. Nous verrons auffi dans un 
autre Mémoire, qu’on ne trouve dans le corps des ou¬ 
vrières aucun veftige des parties qui ont été accordées 
aux fémelles pour contenir les œufs 8 c les faire croître, 
ni de celles qui ont été données aux mâles pour féconder 
ces mêmes œufs. Mais nous n’en fbmmes encore qu’aux 
parties extérieures de ces mouches, 8 c nous devons nous 
arrêter à comparer celles des unes avec celles des autres; 
elles nous offrent des variétés dans leur confiruébon, leur 
pofition 8 c leur grandeur, qui méritent d’être remarquées. 
Au lieu que les abeilles ordinaires partent pour la cam¬ 
pagne dans les beaux jours dès que le Soleil commence 
à paroître fur l’horifon, 8 c quelquefois plutôt, on ne voit 
prefque jamais les faux-bourdons fortir de leur ruche, que 
Tome V. . A a a 


*PÎ. 33. fi 

l.p. 


*PI. 26. 
4& s- p- 


* PI. 25. 
2, 6 & 8 
* Fig. 
&. 14. 


37O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
depuis onze heures du matin jufques à cinq à fix de i"après 
midi. Ce qui eft plus confiant encore, c’ell qu’on ne par¬ 
vient jamais à en obferver aucun qui y retourne avec une 
récolte de matière à cire, à en obferver aucun qui revienne 
chargé des deux pelottes. On les a aufïi toujours traités 
depareffèux, qui, fans rien faire, vivent du miel que les 
iahorieufcs abeilles ont ramaffé, & qui ne vont à la cam¬ 
pagne que pour s’y promener. Quand on examine leurs 
parties extérieures, on cefTe de leur reprocher leurparefTe. 
On reconnoît que s’ils ne travaillent pas, c’efl qu’ils n’ont 
g. pas été faits pour travailler. Si on confidére * la partie 
de chacune de leurs jambes de la troifiéme paire, qui cfl 
analogue à celle des jambes fembiables des ouvrières, que 
S- nous avons nommée la palette triangulaire *, on n’y verra 
pas cet enfoncement , cette petite cavité, qui avec les poils 
dont elle eft bordée, forme uneefpéce de petite corbeille 
propre à recevoir & à contenir la petite pelotte compofée 
de pouffiéres d’étamines. Dès que la partie néccffaire aux 
abeilles ordinaires pour former & tranfportcr à la ruche 
les deux petites boules de cire brute, a été refufée aux 
bourdons, ils ont été déchargés par la nature de l’un & de 
l’autre travail. 

Nous avons vu que les dents des abeilles ordinaires leur 
font néceffaires pour faire la récolte de la cire brute, 
qu’elles s’en fervent pour ouvrir ces fommets, ces capfules 
dans lefquelles font renfermées les pouffiéres quelles veu¬ 
lent recueillir, & nous verrons dans la fuite combien ces 
memes'dents leur font des inflruments effentiels, lorfqu’ii 
s’agit de mettre la cire en œuvre. Quoique ces abeilles 
foient confidérablement plus petites que les mâles, quoi¬ 
qu’un mâle pefe plus que deux abeilles ordinaires, les dents 
s g- de celles-ci * furpaffent beaucoup en grandeur les dents de 
I2 ceux là *. Au lieu que celles des abeilles ordinaires huilent 


des Insectes. VIL Ment, 371 
en-devant de la tête, & quelles font toujours très-vifibles, 
celles des mâles font appliquées contre la tête, & elles 
font fi petites que les poils des environs fuffifent pour 
les cacher entièrement; elles ont d’ailleurs des dcnteiûres 
que 11’ont pas les dents des abeilles ordinaires. 

La difproportion eft auffi grande entre ia trompe des 
faux-bourdons*& celle des abeilles ordinaires*, que celle 
qui eft entrc'lcs dents des uns & celles des autres. Non- 
feulement la trompe des mâles eft plus d’une fois plus 
courte, elle eft de même beaucoup plus déliée. Ils n’ont 
donc pas autant de facilité que les abeilles pour puifer le 
miel dans les fleurs où il efl caché à une grande profon¬ 
deur. La leur ne leur a été donnée que pour fuccer celui 
qui efl néceffaire pour les faire vivre, & nullement pour 
en faire des récoltes. Un fi petit infiniment ne pourroit 
parvenir à recueillir la quantité deŸtaiel, qui efl recueillie 
par un beaucoup plus grand, que dans un temps confidé- 
rablement plus long. 

On peut remarquer d’autres différences entre d’autres 
parties extérieures des faux-bourdons, & des parties ana¬ 
logues des abeilles ordinaires, dont il ne nous feroit pas 
auffi aifé de rendre raifon, ou même dont il fera toujours 
impoffible delà rendre. Je ne m’arrêterai point à dire que 
la partie antérieure de leurs antennes * a une articulation 
de plus que celle des antennes des abeilles ordinaires*, & 
que la partie de l’antenne de l’abeille commune, que nous 
avons nommée le fufeau *, efl plus longue que le fufeau 
de l’antenne du bourdon *; mais nous ne pouvons nous 
empêcher de faire faire attention à la grandeur des yeux 
à rezeau * des mâles, qui couvrent tout le deflus de la 
partie fupérieure&poftérieure de la tête, pendant que les 
yeux à rezeau des abeilles ordinaires *, forment Ample¬ 
ment chacun une efpéce d’ovale fur chaque côté. Auffi 

Aaa ij 


* pi. 2j. fig. 

1 2 . t. 

* Fig. 2 . 


* Fig. t 3. a c. 

* Fig. 4. 

*/■ 

* F 'g- * 3 -f- 
*Eig. I I .y,y. 

*F^.^.y,y, 


372 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
c’eft fur le derrière de la tête que font placés les trois petits 

* Pl.2j.f5g. yeux, ou les yeuxliffesde celles ci *,& les trois petits yeux 
3 * Fi*. U. tics males * font en devant afles près des antennes ; il ne 

leur eft pas relié de place fur le derrière. Nous n’apper- 
cevons pas la liaifon qu’il peut y avoir entre des yeux à 
rezeau très-grands, & ce qui conftitue le fcxe du mâle, 
quoique plu fieu rs obfervations confirment que la nature 
a donné ces fortes d’yeux beaucoup plus grands aux mâles 
des infeétes de diverfes efpéces, qu elle ne les a donnés à 
leurs fémelles. Les mâles des mouches de Saint-Marc, 
nous en fournirent un exemple dans le fécond Mémoire 
de ce volume. 

Les faux-bourdons ont le corcelet très velu, & plus velu 
que celui des abeilles; mais les anneaux de leur corps font 
plus lilfes. Ils ont à leurs jambes, & fur-tout à leurs jambes 

* Pi 33.%. poltérieures, des broflfes* dont les poilsfont plus ferrés & 
3 ‘ b ' plus courts que ceux des abeilles ordinaires. Elles ne font 

faites que pour nettoyer le deffus de leur corps & de leur 
corcelet, pour faire tomber la pouffiére qui s’y efi atta¬ 
chée, même celle des étamines; mais elles ne font pas 
faites pour retenir les grains de celle-ci, & les raffembler 
en petites maffes. 

Les meres abeilles nous paroîtront mieux mériter d’être 
nourriesde provifions qu’elles n’ont pas ramaffées, que les 
bourdons ne le méritent. Comme il n’y en a qu’une ordi¬ 
nairement dans chaque ruche, elle n’y augmente pas confi- 
dérablement laconfommation. Enfin, elle eftaffés chargée 
d’ouvrage,dès qu’elle eft obligée de mettre au jour un nom¬ 
bre d’œufs auffi prodigieux que celui qu’elle y met chaque 
année; elle eft donc uniquement deftinée à pondre. Auffi; 
ne doit-on pas trouver, & 11e trouve-t-on pas fur fes jam¬ 
bes poftérieures non plus que fur celles des bourdons, les 
deux cavités deftinées fur les jambes des abeilles ordinaires 


* Fig. I O» 


des Insectes. VIL Mem . 373 
à recevoir deux pelottes de matière à cire. Elle n’avoit pas 
befoin d’une trompe auffi longue que celle des abeilles, & 
de dents auffi grandes que les leurs. Ses dents * bien moins * pi. 25.fi 
grandes que celles des abeilles, font pourtant plus grandes i!J,i 9 (Sc2 
que celles des bourdons. Chacune a deux dentelures que 
11’ont point celles des abeilles ordinaires. Quand les dents 
font en repos, les dentelures de l’une entrent dans celles 
de l’autre *. La trompe de la mere elt auffi beaucoup plus * Fig. 20, 
courte& plus déliée que celle des abeilles ordinaires, quoi¬ 
que plus longue & plus groffe que celle des mâles. 

Les meres * font fur-tout remarquables par leur Ion- * Fig. 16 & 
gueur. Quoique moins groffies que les mâles*, elles font 
ordinairement plus longues. Il y a pourtant des meres bien 
plus longues & plus groffies que d’autres, ce qui dépend 
peut-être de la quantité &*de l’état des œufs qui font dans 
leur corps; car c’eft la longueur du leur qui les rend plus 
longues que les abeilles ordinaires ; leur corcelet 11’efi; 
guéres plus long que celui d’une abeille ouvrière. Leur 
corps, au relie, n’a pas une figure qui tienne autant de 
l’elliploïde ou de celle d’une olive, que celui des abeilles 
ordinaires en tient. Depuis le premier anneau jufquès au 
dernier, fon diamètre va en diminuant. D’ailleurs le corps 
de la mere femble plus détaché du corcelet, que ne Tell 
le corps des abeilles ordinaires: on a fouvent occafionde 
voir que, comme le corps des mouches Ichneumons, il 
n’efi uni au corcelet que parmi fil. Mais rien n’aide plus à 
faire reconnoîtreune mere abeille, rien ne frappe davan¬ 
tage, quand on i’apperçoit, que le peu de longueur de fes 
ailes. Les bouts des fiennes fe terminent fouvent au troi- 
ficme anneau, pendant que les bouts des aîies des abeilles 
ordinaires,& lur-tout de celles des bourdons, vont par-delà 
celui du corps. Les ailes forment une efpéce d’habillement 
aux mouches, qui les portent fur leur corps. Les abeilles 

A a a iij 


tp O 



* P!. 25. 


*Pi. 26. 
G & 7. 


574 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
fig. ordinaires *, & ies faux-bourdons , femblent avoir un habit 
long, pendant que la mere iemble porter un jufte, ou 
un de ces habits courts que les Dames ont nommé des 
Pets-en-Vair. Avec de fi courtes ailes la mere abeille peut 
voler, mais moins bien & plus difficilement que les abeil¬ 
les ordinaires; elle doit le fatiguer davantage en volant. 
Auffi lui arrive-t-il peu de fois dans fa vie de faire ufage 
de fes ailes. Il y a apparemment telle mere qui a donné 
naiffanee à bien des milliers de mouches, & qui dans fa 
vie n'a jamais volé qu’une fois. La mere doit fe tenir 
conflamment dans la ruche. Dès qu’elle en fort, tout fon 
peuple eh ordinairement déterminé à la fuivre. Il ne con- 
venoit donc pas qu’elle eût une facilité de voler qui l’eût 
engagé à prendre trop fouvent l’effor; il faut qu’elle ne 
s’y détermine que dans la néceffité. 

En deffius, les anneaux du corps desmcres font liffies, 
on n’y voit point de poils comme fur ceux des abeilles 
ordinaires. Une loupe en fait pourtant découvrir quelques- 
uns fur le premier anneau. Leur corcelet n’eft pas non plus 
auffi velu que celui des abeilles ordinaires; le milieu de fa 
partie fupérieure eh lifTe; mais il y a des poils fur le côté 
du corcelet, & en deffious. Les meres en ont beaucoup fur 
la tête, « 5 c même fur les yeux à rezeau qui par leur pofition 
& leur contour, reffemblent à ceux des abeilles ordinaires. 
Les trois petits yeux font auffi placés fur leur tête comme 
fur celle des abeilles ordinaires, dans une forêt de poils. 
On leur trouve des poils fous le ventre & fur les jambes. 
Mais il eft à remarquer, que non-feulement les mefes n’ont 
pas à la palette de chaque jambe de la dernière paire une 
fig. broffe faite de poils longs, comme font les abeilles ordi¬ 
naires*; elles n’en ont pas même une faite de poils courts, 
comme l’ont les bourdons; à peine trouve-t-on quelques 
poils fcniés furie côté intérieur de cette palette, fur celui où 


des Insectes. VIL Man. 375 
devrait être la brofTe ; aufïi étoit-il inutile quelle en fût 
pourvue. Les mouches qui entourent la mere, ne font 
continuellement occupées que du foin de la nettoyer, de 
la brofTer, de la lécher, elles ne lui fouffrent pas la moin¬ 
dre ordure, & elles femblent chercher à lui épargner tout 
ce qui a apparence de peine. 

La couleur de toutes les meres n’eft pas la même; j en 
ai vû plufieurs qui avoient tous les anneaux du deffus de 
leur corps d’un brun couleur de marron très-foncé, & 
par-tout d’une teinte égale*; & j’en ai vû plufieurs dont 
chaque anneau étoit de deux teintes *, & fouvent de deux 
couleurs. La moitié antérieure, ou à peu près, étoit d’une 
couleur plus claire que celle de la partie poftéricure. Celle- 
ci étoit rougeâtre dans quelques-unes, & ce qui la précé- 
doit étoit un blanc teinté de cette couleur; enfin, j’ai vû 
plus ou moins de rougeâtre & de blancheâtre fur diffé¬ 
rentes meres. Je ne ferai point de procès à Virgile fur 
ce que je ne leur ai jamais trouvé de taches qui appro¬ 
chaient de la couleur de l’or. L’or entre naturellement 
dans la parure d’un Roy, & ce n’eft pas trop pour un 
Poète d’avoir changé du rougeâtre en or. Il n’efî guéres 
même d’infeéte qui ait des écailles liffes 6 c des poils jau¬ 
nâtres, qui regardé au loleil en certains fens, ne faffepa- 
roître quelque brillant qui pourra paraître approcher de 
celui de l’or. Le deffous du corps efi d’une couleur plus 
blancheâtre que celle du deffus. Ce n’eft donc pas feule¬ 
ment par fa grandeur, & par fa forme, qu’une mere abeille 
peut être diftinguée des autres abeilles & des bourdons, 
elle le peut être par la couleur du corps, qui eft toujours 
différente de celle des unes & de celle des autres. Leur, 
corcelet eft brun. 


* PI. 2J. %. 
J 7 - 

* Fig. i 6. 


376 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU SEPTIEME MEMOIRE. 

Planche XXIX. 

Toutes les Figures de cette Planche repréfentent des 
aiguillons de mouches.& les parties qui y ont rapport, 
vus à la loupe ou au microfcope. 

La Figure 1 montre l’intérieur du bout du corps d’une 
abeille ordinaire, qu’on a mis à découvert en enlevant une 
portion d’anneau, a a a, la portion d’anneau qui a été dé¬ 
tachée & tirée hors de fa place naturelle, b b, le contour 
de l’ouverture, dont la pièce précédente a été enlevée, 
^la partie qui ell appellée l’aiguillon, & qui, comme les 
figures fuivantes le feront voir, efl un étui qui renferme 
deux aiguillons, c, c, deux parties blanches & charnues, qui 
enfemble font un fourreau, dans lequel l’aiguillon efl logé 
en grande partie. 

La Figure 2 moins groffie que la précédente, fait voir 
du côté du ventre le bout pollérieur d’une abeille, dans 
un inflant où l’aiguillon^ efl forti, comme il l’efl lorf- 
qu’elle veut s’en fervir pour piquer, c, c > les demi-four¬ 
reaux charnus. 

La Figure 3 repréfente un aiguillon vu de côté avec la 
plupart de fes dépendances, f l’étui dans lequel les deux 
aiguillons font renfermés. La fa et f efl celle qui efl cil 
deffous quand l’aiguillon efl dans le corps delà mouche 
pofée horifontalement. t, le talon de l’étui des aiguillons. 
g, & e, les deux aiguillons, dont on ne voit ici que les 
bafes. m, n, parties mufeuieufes & cartilagineufes.qui pofent 
en p,&q f fur la bafe de l’aiguillon g. 11 y en a de pareilles 
fur celles de l’aiguillon e, mais qui ne fçauroient paroître 
dans cette figure. c,c, les demi-fourreaux charnus. 


Dans 


des Insectes. VII. Mem. 377 

Dnns la Figure4., une épingle eft paffée entre le four¬ 
neau fSi un des aiguillons^ Elle a fait fortir cet aiguillon 
en partie du fourreau, Si l’en tient dehors. 

Dans la Figure 5, l’épingle a mis les deux aiguillons 
c,g, entièrement hors du fourreau f. En ces deux figures 
4. Si y , y, Si q, montrent les appuis des parties ni, n , g. 

La Figure 6 fait voir une portion du fourreau des 
aiguillons, du côté où l’on peut voir qu’il efl un tuyau 
ouvert dans toute là longueur ; on n’a laiffé dans fa 
cavité qu’un des deux aiguillons qui y étoient. e, cet ai¬ 
guillon. d, les dentelures qui fe trouvent fur un des côtés 
de l’aiguillon, près de là pointe. 

La Figure 7 montre très en grand un aiguillon d’untf 
abeille avec toutes les dépendances, & elle montre cet 
infiniment par fa face inférieure, qui efl la même que 
celle par laquelle efl vue la portion repréfentée, figure 6. 
gd,ed, les deux aiguillons. /S l’étui dans lequel ils font 
logés ci côté l’un de l’autre, d, à les pointes denteilées des 
deux aiguillons, qui appliquées l’une contre l’autre, ne 
forment qu’une feule pointe très-aigûe. CcLte pointe dd, 
qui efl ici au-flefTus de f efl quelquefois entièrement dans 
l’étui, Si cela lorfque la bafe gp , d’un aiguillon, Si celle 
ep, de l’autre, font tirées vers7,7. m,n,o, les trois feuilles 
membraneufes&cartilagineufes liées par deux efpéces de 
pédicules à la bafe d’un aiguillon, Si qui fervent à le faire 
jouer. En .refont des mufcles qui mettent en mouve¬ 
ment les parties précédentes, u, la vefTie qui contient le 
venin, r, le conduit par lequel cette liqueur eft portée dans 
l’étui des aiguillons, ff vaiffeau long Si tortueux, par 
lequel apparemment la liqueur venimeufe fe rend dans 
la vefbe; Svvammerdam prétend avoir obfervé que ce 
vaiff.au fe divife en deux branches; mais je ne l’ai pû voir 
que fimple. 

Tome V 


. Bbb 


378 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

La Figure 8 fait voir la coupe tranfverfale des deux ai¬ 
guillons logés dans l’étui. e,g, les deux aiguillons.l’étui. 

La Figure 9 efl celle du derrière d’une mere abeille, Lors 
duquel l’aiguillon eftlorn./l l’aiguillon qui efl concave du 
côté du ventre, au lieu que l’aiguillon des abeilles ordinai¬ 
res efl droit. 

La Figure 1 o a été défiance d’après une très-greffe nym¬ 
phe d’une mouche du genre des frelons, qui m’cft venue 
de Cayenne dans de l’eau-de-vie; elle étoit renfermée dans 
une forte coque de foye. Les parties qui compofoient fon 
aiguillon, ont été plus aifées à développer quelles ne l’eu F 
fent été dans la mouche même c, c, les deux demi-four¬ 
reaux analogues aux fourreaux charnus des abeilles, mar¬ 
qués par les mêmes lettres dans les figures précédentes. 
e,e, les deux aiguillons tirés hors de leur fourreau, f, le 
fourreau des aiguillons, qui peut lui-même être regardé 
comme un troifiéme aiguillon , parce qu’il efl dentellé de 
chaque côté, comme les aiguillons le font d’un côté; mais 
fes dentelures font plus fortes, & plus groffes que celles 
des aiguillons. 















































































. 



































des Insectes. VIII. Mem. 379 

MiOK(iOXC^KCiOX(iOXC#M^°M^KC^MiOXCiOXC^KC^K 

HUITIEME MEMOIRE. 
DES GASTEAUX DE CIRE; 

Comment les Abeilles parviennent à les conjlruire; 
comment elles changent en véritable cire les pouj- 
fiéres d’étamines. De la récolte éf de l’emploi de 
la Propolis. Comment elles remplirent les alvéoles 
de miel, & comment elles l'y conferrent. 

Ï L eft temps tic confidérer les ouvrages des abeilles plus 
attentivement que nous ne l’avons lait jufqu’ici, de les 
voir elles-mcmes en travail, de voir comment elles conf- 
truifent ces gâteaux * compofés de cellules de figure régu¬ 
lière, appliquées les unes contre les autres. Ils ont leurs 
deux faces femblables; fur l’une & fur l’autre eft un nom¬ 
bre à peu près égal d’ouvertures d’alvéoles. Tout y paroît 
difpolè avec tant de fÿmmétrie,& tout y paroît fi bien fini, 
qu’à la première infpeélion on eft tenté de les regarder 
comme le chef-d’œuvre de i’induftrie des infectes: on les 
mettroit même volontiers en parallèle avec ce que les plus 
. adroits de nos ouvriers fçavcnt executer tle plus difficile. 
C’eft un ouvrage pour lequel l’admiration croît à mefure 
qu’on l’examine davantage. Quand on a bien vu la véri¬ 
table figure de chaque alvéole, quand on a bien étudié 
leur arrangement, la géométrie fcmble avoir donné le 
deffiein de tout l’ouvrage, & en avoir conduit l’execution. 
On reconnoît que tous les avantages qui pouvoient y 
être fouhaiîés, s’y trouvent réunis. Les abeilles parodient 
avoir eu à réfoudre un problème qui raffiemble des con¬ 
ditions qui en enflent fait regarder la fofution comme 

Sbbij 


* PI. 30. % 


380 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
difficile à bien des géomètres. Ce problème peut être 
énoncé ainfi : une quantité de matière, de cire étant 
donnée, en former des cellules égales & femblabies, d’une 
capacité déterminée, mais la plus grande qu’il efl poffi- 
ble par rapport à la quantité de matière qui y efl em¬ 
ployée, 6c des cellules tellement difpofées qu’elles occu¬ 
pent dans la ruche le moins d’efpace qu’il efl poffible. 
Pour fatisfaire à cette dernière condition, les cellules 
doivent fe toucher de manière qu’il ne relie entr’clles 
aucun efpace angulaire , aucun vuide à remplir. Les 
abeilles y ont fatisfiit, 6: en même temps, elles ont fa- 
tisfait aux premières conditions, en fanant des cellules 
qui font des tuyaux à fix pans égaux, des tuyaux exago- 
ncs. Elles auraient pu faire des cellules qui n'auraient 
eu que trois côtés égaux, ou des cellules qui auraient 
eu quatre côtés égaux, faire des cellules dont la coupe 
tranfverfale eût été un triangle équilatéral, ou des cel¬ 
lules dont la coupe eût été un quarré, ou même des 
cellules qui euffent eu pour coupes d’autres triangles, 6c 
d’autres quadrilatères; mais ces cellules qui, comme les 
cellules exagones, auraient été à pans égaux,6c qui n’au- 
roient lai (Te aucun vuide entr’elles, belles avoient eu cha¬ 
cune la même capacité qu’a chaque cellule exagone, n'au¬ 
raient pu être fûtes avec une auffi petite quantité de cire. 
C’efl ce qui. efl connu depuis long-temps, 6c ce qui a fait 
admirer à Pappus, qui tient un rang parmi les géomètres 
anciens, que les abeilles fe biffent déterminées pour la 
figure exagone. D’ailleurs, la figure du corps d’une abeille 
approchant de la fphérique, il peut entrer à l’ailé, 6c fê 
loger dans une cellule à fix pans, fans y laifTer autant de 
vuide qu’il en bifferait dans une cellule dont la coupe 
ferait triangulaire ou quarrée. 

On voit encore que tout ce que les abeilles poiiypieut 


des Insectes. VIII. Mem. 381 

faire de mieux pour ménager le terrein & la matière, étoit 
decompofer leurs gâteaux de deux rangs d’alvéoles tour¬ 
nés vers des côtés oppolés. Si elles eulî'ent fait des gâteaux 
comme les guêpes les font, qui n’euffent eu des ouver¬ 
tures d’alvéoles que fur une de leurs faces, & qui fur 
l’autre face n’euffent eu que les fonds de ces mêmes alvéo¬ 
les, les cellules que les abeilles raffemblent dans un feul 
gâteau, en euffent compofé deux; or il efî vifible que les 
deux gâteaux à un feul rang de cellules, euffent tenu plus 
de place dans la ruche, que 11’y en tient un à double rang. 
Enfin, il eft vifible encore que les deux gâteaux enflent 
confommé plus de cire qu’il n’en entre dans le gâteau à 
double rang de celiules. Toute la cire néceffaire pour 
former les fonds des cellules d’un des deux gâteaux à un 
fimpie rang de cellules, eft épargnée dans legâteau double. 

S’il convenoit aux abeilles que le fond de chaque cel¬ 
lule fût plat, que chaque cellule fût exactement un tuvau 
exagone ouvert à un de les bouts, & fermé à l’autre *, rien 
ne lèroit plus fimpie que la difpofition des deux rangs de 
cellules. Le fond entier d’une cellule *, lui feroit commun 
avec une autre cellule. Deux cellules correfpondantes, 
dont l’une auroit fon ouverture fur une des faces du g⬠
teau, & dont l’autre auroit la fienne fur l’autre face, fê- 
roient faites d’une feule & longue cellule divifée tranf- 
verfalement par une cloifon; ou, fi l’on veut, une mince 
feuille tle cire qui diviferoit en deux parties égales toute 
l’épaiffeur du gâteau, fourniroit les fonds de toutes les 
cellules. Mais nous dirons bientôt qu i! eft prouvé que ces 
fonds plats ne s’accordoicnt pas avec la plus grande épargne 
de la cire que nous avons fait regarder comme une des con¬ 
ditions du problème que les abeilles femblent avoir eu à 
réfoudre. D’ailleurs les ufages auxquels les cellules font def- 
tinées, demandoient quelles euffent chacune un fond plus 

B b b iij 


I O. 

* a e. 


* PL 31 • fig- 

i . 

*oqrp. 

* ao ep, qp, 
r F . 


* ae e p. 

* o, p- 

* a, e. 

* PI. 30.%. 
6 . 


382 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
étroit que ie refie, ils demandoient que chaque cellule fe 
terminât en pointe. C’eft la plus difficile partie du problème 
qui a été réfolu pour elles par celui qui les a fi bien inf- 
truites. Chaque cellule efl un tuyau exagone *, pôle fur 
une bafe pyramidale*. Le fond de chaque cellule efl un 
angle foiide formé par la réunion de trois pièces, detiois 
lames de cire * quadrilatères. 

M. r Maraldi, qui a bien étudié la figure des cellules, 
& la manière dont elles font difpofées les unes par rapport 
aux autres, veut que chacune des pièces* dont nous ve¬ 
nons de parler, foit un rhombe, dont les deux grands 
angles * ont chacun, à peu près, 1 10 degrés, & dont les 
deux petits angles * en ont par conséquent chacun en¬ 
viron 70. Quand en regardant par l’ouverture d’une 
cellule *, on en obferve le fond, on y diffingue très-aifé- 
ment les trois pièces dont il s’agit. Celles de quelques 
cellules paroiffent quarrées, mais plus ordinairement elles 
femblent des lozanges ou des rhombes plus ou moins 
allongés, qui s’éloignent plus ou moins du quarré parfait. 
Swammerdam a cru comme moi, trouver de ces fortes 
de variétés dans 'les figures des trois pièces du fond. Mais 
leurs figures font néantmoins pour l’ordinaire des rhom¬ 
bes, tels que ceux dont M, r Maraldi a déterminé les an¬ 
gles. Les Sçavants qui ont befoin d’avoir des inflrumentS’ 
de figure régulière, les grands Agronomes, du nombre 
defquels a été M. r Maraldi, fçavent mieux que perfonne 
combien il efl difficile de mefurer des angles, & combien 
U cil difficile de les tracer avec une extrême précifion fur 
les matières les plus dures. Quand donc les abeilles ne 
donneroient pas toujours aux rhombes des alvéoles les 
angles que leur théorie demanderoit quelles leur donnaf- 
fient, il n’y auroit pas de quoi être étonné; on ne doit que 
l’être de ce qu’elles s’écartent fi peu des indurés précifès. 


des Insectes. VIII. Mem. 383 

Si nos ouvriers avoient à faire prendre les mêmes figures 
à d’auffi petits morceaux de cire, il leur arrivcroit bien 
plus rarement d’y réuftir. Enfin, fi quelque imperfeélion 
le glilfe dans les pièces du fond d’une cellule, nous ver¬ 
rons que les abeilles fç ivcnt la lauver, la rendre prefque 
infenfibie & incapable de produire aucun mauvais effet. 

Nous devons donc nous repréfenter le fond de chaque 
celiuie *, comme une cavité renfermée par trois rhombes * PL 31. fig. 
égaux & lemblables, comme une cavité pyramidale. Cha- 2 & ** 
cun des rhombes fournit un de les angles obtus *, & par * p. 
confisquent, les deux côtés qui le renferment pour former 
1 angle folide de cette cavité pyramidale, pour en former 
le lommet. Mais le contour, la circonférence de cette 
cavité, n’eft pas telle que la circonférence d’une vraye 
pyramide; elle a trois angles que j’appellerai l'aillants ou 
pleins N & qui font les angles oppolcs à ceux qui fe réu- *0,0,0, 
nilfent au lommet*; & trois angles que j’appellerai ren- * p. 
trants ou vuk!es *, & qui font faits par la rencontre de *a,a,e. 
fieux côtés*, dont un appartient à un rhombe, & l’autre * oa , a a, 
à un autre rhombe. Cette circonférence a donc fix côtés, 
dont chaque rhombe fournit deux; les fix côtés enfemble 
font employés à former les trois angles [aillants ou pleins, 

& les trois angles rentrants ou vuides. Ces fix côtés font les 
appuis, les halés des fix lames ou pans de cire*,qui par ieur * PI. 31. 
affemblage compofent le corps fie la cellule, ou la partie 
exagone. Chacune de ces lames * eft rectangle depuis *Fïg. 1&3, 
l’ouverture fie l’alvéole, jufques à ce quelle parvienne à 0 c b I 
rencontrer le fomrftet + d’un des angles faillants ou pleins 
delà circonférence fie la baie de la cavité pyramidale. Là 
cette pièce prend la figure aigue * qui lui convient pour * ofœ* 
remplir une port: >n de l’angle rentrant ou vuide, formé 
en partie par le côté du rhombe fur lequel elle pofe. Le 
relie fie cet angle, eft rempli * par la lame uni s appuyé * Fig. 


384 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
lur le côte de l’autre rhombe qui fait l’angle en fe joignant 
au côté précédent. 

* PI. 3 r.figi Le fommet d'un angle faiilant * de chaque rhombe, fc 
1 - °‘ 4 trouve toujours dans la ligne droite où cil l’arête * faite 

par la jonction de deux des lames, de deux pans de hexa¬ 
gone. Les deux pans lailfent entr’eux l’efpace angulaire 
qui peut être, & qui e(t exactement rempli parle fommet 
de cet angle faiilant. Cette dilpofition elt confiante év auffi 
régulière qu’il eft poflible phyfiquement quelle le foit. 
Ainfi des fix angles de hexagone, il v en a trois qui font 
toujours fymmétrifés très-reguliérement avec la baie; les 
trois qui répondent aux angles (aillants de la circonférence 
de celle-ci. Pour une régularité complette, il faudroit que 
*Fig-3 .a,a,a. chacun des trois autres angles (aillants du tube exagone*, 
que chacune de fes trois autres arêtes allât précilêment ren- 

* p ig- 2 & 3.. contrer le fommet d’un des angles rentrants*, que la moi¬ 

tié de chacun de ces derniers angles fût remplie par une 
partie angulaire fcmblab!e& égale, & par laquelle les pans 
de hexagone fe termineraient; mais on peut ordinairement 
obfervcr une dilpofition un peu différente. L’arête formée 
*Fig. 5 .fl. par la jonétion de deux lames de hexagone *, ne va pas 
* a - rencontrer le fommet de l’angle rentrant*, elle rencon¬ 
tre un des côtés de cet angle à une petite diflance du 
fommet; un des pans prolongés fournit plus que l’autre 
pour remplir cet angle. J’ai remarqué auffi que la lame 
qui contribue le moins par fon prolongement à remplir 
l’angle, eft plus étroite que l’autre; j’ai affésconflamment 
obfervé deux lames plus larges, ou dont chacune paffe 
fur le fommet d’un angle rentrant ; & quelquefois j’en 
ai vu trois lames plus larges que les trois autres. De-là 
il fuit que hexagone n’efi pas parfait, qu’il n’a pas fes 
côtés égaux, qu’il en a déplus petits que les autres. II 
en arrive auffi que les angles de hexagone ne font pas 

tous 


des Insectes. VIII. Mem. 3Sj 
tous égaux entr’eux; mais la différence eft moins grande 
entre les angles & les pans auprès de l'ouverture, quelle 
ne l’eft auprès de la baie. Les petits pans de hexagone 
m’ont paru s’élargir, & les grands m’ont paru s’étrécir à 
mefure qu’ils s’éloignent de la bafe. 

Je ne fçaurois croire qu’on doive attribuer les efpéccs 
d’irrégularités que je viens de faire remarquer, à manque 
d’adreffe de la part des abeilles. Je penferois plus volon¬ 
tiers qu’il en réfulte que le fond de la cellule en a des en¬ 
droits mieux difpofés à recevoir l’œuf, ou à contenir une 
liqueur dont nous parlerons dans la fuite, qui eft l’aliment 
néceffaire au ver qui doit fortirde cet œuf. Néantmoins 
les abeillesne confhuifènt pas toujours des ouvrages (i dé¬ 
licats, avec autant d’exaéîitude quelles fembient lè le pro- 
pofer; mais files inégalités deviennent trop grandes dans 
une cellule, elles fçavent les fiuver en adjoûtant ou en 
retranchant à la baie de la cellule fuivante; ainfi les irré¬ 
gularités ne vont pas en augmentant. Si une bafe a été 
lin peu trop étendue, elles en laiffent une petite portion 
à la cellule qui fuit, & fi la bafe a été faite trop étroite, 
avant que d'élever les pans, les abeilles prennent ce qui 
lui manque fur la bafe deftinée à foûtenir une autre 
cellule. 

Tout ceci deviendra plus aifé à entendre, quand on 
fçaura mieux comment les cellules font difpofées les unes 
par rapport aux autres. Leur difpofition feroit affurément 
ce que les abeilles auroient imaginé de plus admirable, fi 
elles l’avoient imaginée. L’arrangement des cellules d’une 
des deux couches, des cellules dont les ouvertures font 
fur une même face, n’a cependant rien île fort remar¬ 
quable dès qu’on fçait quelles font exagones; dès-là, on 
voit affés comment elles peuvent être ajuftées les unes 
auprès des autres, fans biffer aucun vuide. Mais quand 
Tome V . Ccc 


PI. 31. fil 
.bd. 

* S 1 
PI. 50. fij 
J 3 & E' 


* Fig. 


386 Mémoires pour l'Histoire 

on confidcre la fécondé couche, celle des cellules qui ont 
leur ouverture fur la face oppofée, que nous appellerons 
la ièconde face du gâteau, il n’eft pas audi ailé de voir 
comment elles peuvent être placées, fans que les halés 
pyramidales des cellules de la première couche obligent 
à lai (fer des vuides entre les baies des cellules de la fé¬ 
condé couche. Pour qu’il n’y eut point de ces fortes de 
vuides, & pour épargner la cire qui doit être employée à 
former la bafe des cellules, il n’y avoit rien de mieux que 
de faire fervir les baies mêmes des cellules de la première 
couche, de bafes aux cellules de la fécondé couche; c’eli 
auffi ce que font les abeilles. Chaque cellule d’une cou¬ 
che* a un des rhombes de fa bafe appliqué contre un des 
rhombes d’une cellule* de l’autre couche. Trois cellules 
de la première couche, qui le touchent *,foui niffent la baie 
complétée d’une cellule de la ièconde couche; & de même 
réciproquement trois cellules de la féconde couche, qui lé 
touchent, fournirent la bafe cà une cellule de la première 
couche ; car les baies nappai tiennent pas plus aux cellules 
d’une couche, qu’elles appartiennent à celles de l’autre 
couche. Dès que nous nous repréfenterons trois cellules 
contiguës d’une même face, n’importe de laquelle, nous 
concevrons que leurs trois bafes fe touchent *; mais qu’é - 
tant pyramidales, elles laiflent entr’elles un vuide pyra¬ 
midal précifément femblable à celui de l’intérieur de la 
bafe d’une des cellules. Il cil de même renfermé par 
trois rhombes femblables & égaux. En un mot, par fa 
réunion de ces trois bafes, il 1e forme une cavité pyra- 
midale exactement femblable à celle qui fait le fond de 
chacune des cellules précédentes, mais tournée dans un 
fens directement contraire. Si on cleve fur les fix côtés 
des rhombes qui forment la circonférence de cette cavité, 
les fix lames qui doivent renfermer le tube exagone, on 


des Insectes. VIII. Mem. 5R7 

aura une cellule femblable & égale aux trois autres, mais 
tournée vers un côté oppofé, une cellule de l’autre cou¬ 
che. Chacune des trois cellules de la première couche, 
fournit un des rhomhes de fa baie pour former la baie 
complette de cette cellule. 

Quoique tout ce que nous venons de dire puiiïc pa- 
roître fimpleà ceux qui ont accoutumé leur imagination 
à laifir des figures géométriques, <Sc fur-tout des figuresde 
folides, nous devons avoir paru obfcurs à ceux qui 11e fe 
font point fait une habitude de conferver les images de 
ces fortes de figures ; mais fi ces derniers veulent fe con¬ 
vaincre que la bafe de chaque cellule d’une couche, cft 
fournie par trois cellules de la couche oppofée, ils en 
auront un moyen fiicile. Ils n’ont qu’à prendre trois 
épingles, & les piquer toutes trois * dans la bafe d’une * Pi. 30. fig. 
cellule, ayant attention de faire palier chacune de ces 
épingles à peu près au milieu d’un des rhomhes; ils les 
y enfonceront meme toutes trois jufques à cc qu’elles 
foient arrêtées par leur tête ; qu’ils retournent enfuite le 
gâteau, & qu’ils cherchent du côté oppofé les trois épin¬ 
gles, ils les trouveront en trois cellules différentes. 

Outre l’épargne de cire qui réduite de cette difpofition 
des cellules, outre qu’au moyen de cet arrangement les 
abeilles rempliffent le gâteau fins qu’il y refîe aucun vui- 
de, il en revient encore des avantages par rapport à la 
folidité de l’ouvrage. L’angle du fond de chaque cellule, 
le fommet de la cavité pyramidale, efi arc-bouté par l’arête 
que font enfemble deux pans de hexagone d’une autre 
cellule. Les deux triangles ou prolongements des pans 
exagones *, qui rempliffent un des angles rentrants de la *pi. 3?.%. 
cavité renfermée par les trois rhomhes, forment enfemble 3* 0 a °f°- 
un angle plan par le côté * où ils fe touchent ; chacun * a f. 
de ces angles, qui efi concave en dedans de la cellule, 

C c c ij 


388 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
foûtient du côté de fa convexité une des lames em¬ 
ployées à former l’exagone d’une autre cellule; & cette 
lame qui s’appuye fur cet angle, tient contre la force 
qui tendroit à le pouffer en dehors. C’eft ainfi que les 
angles fe trouvent forte.es. Tous les avantages que l’on 
pouvoit demander par rapport à la folidité de chaque 
cellule, lui font procurés par la propre figure, Si par la 
manière dont elles font difpofées les unes par rapport aux 
autres. 

Enfin , Si nous l’avons déjà dit, plus on étudie la 
çonftruéîion de ces cellules, & plus on l’admire. 11 faut 
même être auffi habile en géométrie qu’on itfi devenu 
depuis que les nouvelles méthodes ont été découvertes 
pour connoître la perfection des réglés que les abeilles 
fuivent dans leur travail. Nous allons le prouver. M. Ma- 
raldi, après avoir mefuré avec grand foin les angles de ces 
trois rhombes égaux, dont le fond de l’alvéole eft formé» 
a trouvé, comme il a déjà été dit ci-deffus, que les abeilles 
donnent ou tendent à donner à chacun des deux grands 
* Pi. 31. fig. angles oppofés * de chaque rhomhe, à peu près 1 1 o de- 
J ' c,1 ’‘ grés, Si fi peu près 70 degrés à chacun des deux petits 
* a, e. angles *. Les figures des fonds pyramidaux , faits par trois 
rhombes femblables Si égaux. Si propres à être ajuflés à 
des cellules exagones, peuvent cependant varier à l’infini, 
il peut y avoir une infinité de variétés dans les angles des 
rhombes employés; c’eft-à-dire, que les fonds peuvent 
être des pyramides plus écrafées, plus moufles que celles 
pour lefquelles les abeilles fe font déterminées, Si de plus 

* E'g-10. en plus mouffes; le terme de celles-ci eft le fond plat * ; ou 

au contraire on peut employer des pyramides plus allon- 

* Fig. 7. gées, plus pointues *, Si le terme de l’allongement de ces 

dernières efl 1’épaiffeur du gâteau ; car l’angle du fond de 
chaque cellule eût pu fe trouver tout près de la furface 


des Insectes. VIII. Mem. 389 
oppofee à celle où eü l’ouverture. Dans une fuite infinie 
de pyramides, les abeilles avoient donc à en choifir une; 
6c il cil à préfumer, ou plutôt il eft certain 6c incon- 
teftable, qu elles ont préféré celle qui raifcmble le plus 
d’avantages; car ce n’eii pas à elles à qui l’honneur du 
choix cil dû, il a été fait par une intelligence, qui voit 
l’immenhté des fuites infinies de tous genres, 6c toutes 
leurs combinaifons, plus lumineufement 6c plus diftinéte- 
inent que l’unité ne peut être vue par nos Archimédes 
modernes. 

Convaincu que les abeilles employent le fond pyra¬ 
midal cjui mérite d’être préféré, j’ai foupçonné que la 
raiion, ou une des raifons cjui les avoit décidées, étoit 
l’épargne delà cire; qu’entre les cellules de même capa¬ 
cité 6c à fond pyramidal, ceile qui pom oit être faite avec 
moins de matière ou de cire, étoit celle dont chaque 
rhombe avoit deux angles, chacun d’environ 1 10 degrés, 
6c deux chacun d’environ 70. Sans parler de la grandeur 
de ces angles, après avoir fait admirer la difpofition des 
rhombes à M. Kœnig, digne éleve en Mathématique 6c 
en Philosophie des Bernouilli 6c des Volf, je lui propoiai 
de réfoudre le problème fuivant. Entre toutes les cellules 
exagones a fond pyramidal, compoié de trois rhombes 
fembiables 6c égaux, déterminer celle qui peut être conf- 
îruite avec le moins de matière. M. Kœnig qui a fait fes 
preuves de la facilité qu’il a de réioudre les plus grands 
problèmes, fut touché de la beauté de celui-ci, 6c le fen- 
tit un goût pour en chercher la folution, que n’avoient 
pas eu d’autres géomètres, à qui je l’avois propofé. 11 la 
trouva, 6c fut agréablement furpris après l’avoir trouvée, 
loriqu’il lui dans les Mémoires de l’Académie de 1712, 
que je lui envoyai, que le rhombe que fa folution avoit 
déterminé, avoit à deux minutes près les angles que 

C c c iij 


3 pO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
M. Maraldi avoit trouvés parties mefures actuelles, ù 
chaque rhombe des cellules d abeilles. 

M. Kœnig efl parti pour l'a folution, d’un fort beau 
théorème. Il a démontré que la capacité d’une cellule à 
. fig. fix pans & à fond pyramidal quelconque *, fait de trois 
rhombes femblabies & égaux, étoit toujours égale à la 
ic. capacité d’une cellule à fond plat *, dont les pans recflan- 
al > gles ont la même longueur que les pans en trapeze * de 
' 1 ‘ la cellule pyramidale, & cela quels que foient les angles des 
rhombes. Enfin, il a démontré qu’entre les cellules à fond 
pyramidal, celle dans laquelle il entroit le moins de ma¬ 
tière, avoit fon fond fait de trois rhombes, dont chaque 
grand angle étoit de 109 degrés 26 minutes, & chaque 
petit angle de 70 degrés jq. minutes. Quand M. Maraldi 
a donné les mefures les plus précifes de ces angles, il a 
fixé les grands à 109 degrés 28 minutes, de les petits à 
70 degrés 32 minutes. Un tel accord entre la folution & 
les mefures aduelles, a affûrément de quoi furprendre. 

Lorfqu’on compare groffiérement une cellule à fond 
. 10. plat *, avec une cellule à fond pyramidal *, on n’apperçoit 
& 7 * pas, & même on 11’eft pas porté à penfer que la cellule 
à fond plat efl de toutes, celle qui conformité le plus de 
cire. M. Kœnig a pourtant démontré que les abeilles œco- 
nomifent la cire, en préférant les fonds pyramidaux aux 
fonds plats, qu’elles ménagent en entier la quantité de cire 
qui feroit néceffaire pour un fond plat. Si je ne craignois 
qu’on fe lafïat de m’entendre parler géométrie, je rappor¬ 
terais volontiers les démonflrations de M. Kœnig; mais 
ceux qui font curieux de les voir, n’y perdront rien pour 
11e les pas trouver ici. Le Mémoire qui les donne, a été 
lû à r Académie en 1739, il en fera fait mention dans 
l’Hifloire de cette même année; elles y feront expofées 
plus nettement, & mifes dans un plus grand jour, par 


des Insectes. VIII. Mem. 391 

notre célébré Hiftorien, que je ne le pourrois faire. M. 

Kcenig, au relie, a très-bien remarqué que ce problème 
n’étoit pas Je ceux qu’on pou voit refondre du temps 
de Pappus, Quelle idée cet ancien géomètre n’eût-il 
pas eu de la géométrie des abeilles, fi outre les avanta¬ 
ges du tube exagone, il eût connu ceux du fond pyra¬ 
midal \ 11 falloir que les méthodes des nouveaux calculs 
fullcnt découvertes, que nous fuliions en état de ré¬ 
foudre, par le moyen de l’analvfe des Infiniment petits» 
les queftions de Alaxhnïs & Minhnis, pour fçavoir à quel 
point de perfection & d’œconomie l’architeéïure des abeil¬ 
les eft portée. 

Le problème que j’avois propofé à M. Kcenig, & qu’il 
a très-bien rélolii, ne renferme pourtant pas encore toutes 
les conditions que les abeilles auraient pu y faire entrer; 
car nous avons fuppofé que leurs cellules lont des exa- 
gones parfaits; & des obfervations faites avec grande atten¬ 
tion, nous ont appris, comme nous l’avons expliqué ci- 
devant alfés au long, qu’il y a au moins deux pans oppo- 
fés, plus larges que les quatre autres. Car fi trois des angles 
de hexagone rencontrent exactement les trois angles tail¬ 
lants de la bafe, il y a au moins deux angles rentrants, 
dont chacun * n’elt pas rencontré par l’angle corrclpor.- * PL 31.%. 
dant, formé par deux pans voifins, & prolongés pour 5 - a - 
remplir le vuide de cet angle rentrant. Je ne fçais li cette 
difpolition va encore à l’épargne de la cire, mais il elt in- , 
dubitable qu’elle tend à rendre l’ouvrage plus parfait, 
qu’elle a quelque utilité qui fera admirée, dès qu’elle fera 
connue. 

Comme la récolte & la préparation de la cire coûtent 
beaucoup aux abeilles, il leur importoit extrêmement de 
la bien œconomifer, & nous venons de voir avec quelle 
fcience elles le font. Nous remarquerons de plus, que cette 


*PI. 31. 
11 & 12 


392 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
raiJon d’œconomie les engage à tenir les parois de leurs 
alvéoles minces, à un point qui demandoit que la lolidité 
de la conftruction fupplcât au peu de matière. Il n’tff 
point de papier auffi fin que le lont les pièces du fond, 
& les pans du tube. Cependant les cellules doivent être 
capables de réfifter à tous les mouvements des mouches 
qui y entrent, & qui en fortent en différents temps. Le 
bord de l’ouverture a plus à fouffrir qu’aucun autre en¬ 
droit, il eff plus fréquemment & plus fortement attaqué. 
Les abeilles auffi ne manquent pas de le fortifier ; elles 
adjoutent tout autour de la circonférence de l’ouverture 
de la cellule, un cordon de cire qui rend le bord trois ou 
quatre fois plus épais qu’il ne le feroit s’il n’avoit que l’é- 
pailfeur des pans. On trouve même ce cordon aux cellules 
qui ne font qu’ébauchées, qui n’ont pas encore toute la 
profondeur qu’elles auront par la fuite. Il eff plus épais 
dans les angles que par-tout ailleurs, ce qui fait que l'ou¬ 
verture de chaque cellule n’eff pas un exagone parfait. 

Ce n’eff pas afles que d’avoir admiré la figure pyra¬ 
midale des fonds des alvéoles, & le choix des rhombes 
qui y font employés ; ces mêmes fonds offrent quelque¬ 
fois des irrégularités, qui ne lont pas moins propres à 
donner idée du génie des abeilles. Ceux qui ne vou- 
droient regarder l’emploi confiant des trois rhombes 
égaux, que comme l’ouvrage d’une machine bien mon¬ 
tée, doivent être embarraffes&furpris, lorfqu’iis obferve- 
ront, comme je l’ai obfervé bien des fois, que les fonds 
pyramidaux de certaines cellules, font conftruits de quatre 
fig. pièces*; qu’entre ces pièces, il n’y en a quelquefois que 
deux quadrilatères, que les autres ont plus ou moins de 
côtés ; enfin, que dans différents fonds, ces pièces varient 
différemment en figure & en grandeur. Nos mouches 
gavent donc fe méprendre ; elles peuvent manquer de 

donner 


des Insectes. VIII. Mem. 395 

donner au premier rhombe la grandeur & les . ng'les qui 
lui conviennent^ niais au (fi èlles fçavent remédier à leurs 
méprifes. Elles ajuftcnt alors plus de pièces les unes contre 
les autres, afin que la pyramide prenne une figure qui s’é- 
loi gne le moins qu’il eft poliible de celle quelle auroit dû 
avoir. 

Mais comment les abeilles viennent-elles à bout de 
conftruire ces cellules, d’en compofer des gâteaux ou 
rax ons 1 C’eft ce qu’il n’eft pas aulfi aile de voir qu’on le 
fouhaiteroit. Elles fe portent à l’ouvrage avec tant d’ar¬ 
deur; il y en a tant à la fois qui veulent y avoir part ; elles 
cherchent tellement à s’entraider, que dans les endroits 
où elles travaillent avec le plus de fiuccès, foit à jetter les 
fondements de quelque noux'eau gâteau, foit à en allon¬ 
ger ou à en élargir un ancien , le fpeéîateur ne voit pres¬ 
que que du trouble & de la confufiori. 1! voit continuelle¬ 
ment arriver de nouvelles mouches, il en voit continuelle¬ 
ment partir d’autres,& fouvent il voit partir au bout d’un 
inftant, celles qu’il avoit vu arriver. Malgré nos ruches vi¬ 
trées, il n’y a que des moments, & encore des moments 
très-courts, où on puifie obferver celles qui établirent les 
baies des cellules, & qui en élevent les pans. Si l’obferva- 
teur parvient à voir une abeille qui édifie, bientôt il a le 
regret delà voir partir, ou bientôt il eft fâché de ce qu’elle 
lui eft cachée par d’autres qui fe mettent devant elle. On 
parvient néantmoins aftes aifément à obferver que leurs 
deux dents font les inftruments aveclefquels elles modèlent 
& façonnent la cire. Au moyen d’un peu de patience, on 
apperçoit des cellules, dont il n’y a encore qu’une partie 
d ébauchée; & on ne tarde pas à remarquer i’aéïivité avec 
laquelle une abeille fait mouvoir les dents, contre une 
petite portion de la cellule ; cette portion eft entre les 
deux dents, qui par des coups alternatifs & réitérés la 
Tome V „ D d d 


*PI. 30. 

I. 


394 Mémoires pour l’Histoire 

battent de chaque côté, l’applanilïent, la rendent compare, 
«St Ja réduifent à n’avoir qu’une épaiflèut convenable. 

Sans voir les abeilles occupées à leur travail, on peut 
s’aflurer de l’ordre dans lequel elles le conduilént, li on 
détache des gâteaux, & fur-tout des gâteaux nouvellement 
fig. faits * ; leur contour montre la première ébauche, ou plû- 
tôt le plan de diverfes cellules, & en montre de plus ou de 
moins avancées. Le contour de chaque gâteau peut etre 
comparé à ces bâtiments oit on a laide des pierres d’at¬ 
tente. Ceux qui ont voulu attaquer l’efprit géométrique 
des abeilles, qui ont voulu qu’on n’admirât pas trop la 
ligure exagone de leurs cellules, ont dit que les cellules 
prenoient nécefiairement cette figure dès que les abeilles 
vouloient quelles fuffent toutes contiguës; qu’il arrivoit 
dans la conftruélion de ces cellules, ce qui arriverait fi 
l’on prefioit à la fois un nombre de boules d'une cire 
molle, & de même diamètre, arrangées fur une table qui 
aurait des rebords, &. où elles fe toucheraient toutes. 
La prelfion changerait les boules en difques exagoncs. 
Mais on rend plus de jufiiee au génie des abeilles ou à 
l’infiinél qui leur en tient lieu, lorfqu’on a confidéré 
les bords des gâteaux dont nous venons de parler : ils 
prouvent que les abeilles fe conduifcnt comme les ou¬ 
vriers qui travaillent à élever un bâtiment conforme au 
delfein que l’architeéle a donné. Elles commencent par 
établir la bafe de l’édifice, d’une cellule. Nous avons 
vu que cette bafe doit être compofée de trois petites 
lames de cire égales & femblables, faites en rhombe. 
Les abeilles façonnent d’abord un de ces rhombes. Rap¬ 
pelions-nous que deux des côtés de chaque rhombe fe 
trouvent à la circonférence de la bafe, & qu’ils fervent 
d’appuis à deux des faces, à deux des lames du tuyau 
exagone. Les abeilles bâtilfent, pour ainfidire, fur chacun 


des Insectes. VIII. Mem. 395 

des côtés extérieurs du rhombe nouvellement conftruit, 
elles y attachent une petite lame qu’elles allongeront par 
la fuite, Si qui formera une des faces de hexagone; c’eff- 
à-dire, qu’après avoir frit un des trois murs rie cire, en 
rhombe, qui doivent compofer la baie, elles établiffcnt 
fur les deux côtés de ce mur, les fondements de deux des 
murs de hexagone. Elles travaillent enfuite à faire un 
autre rhombe de la bafe, qu’elles affemblent avec le pre¬ 
mier dans hinclinaifon qu’il doit avoir. Sur les deux côtés 
extérieurs de celui-ci, elles ébauchent encore les fonde¬ 
ments de deux ries pans de hexagone. Enfin, elles fer¬ 
ment Si finilfent la bafe, en y adjoûtant le troifîéme 
rhombe femblable aux deux premiers, Si achèvent d’é¬ 
baucher les fondements de hexagone, en mettant une 
lame de cire fur chacun des côtés extérieurs de ce dernier 
rhombe. 

Pendant que des abeilles prolongent les pans d’un tuyau 
exagone, d’autres abeilles ébauchent les baies de pluheurs 
nouvelles cellules; d’autres mettent à profit les baies de 
celles d’une des faces du gâteau, pour conflruire des 
cellules fur l’autre face; car elles travaillent à la fois aux 
alvéoles des deux côtés. Dans des circonfîances où elles 
font prefiees par l'ouvrage, Si nous dirons ailleurs quelles 
font ces circonfiances, elles ne donnent aux nouvelles 
cellules qu’une partie de la profondeur quelles doivent 
avoir; elles les laifient imparfaites, & différent de les finir 
jufquesà ce quelles ayent ébauché le nombre de celles qui 
font néceffaires pour le temps préfent. Enfin, les bords de 
chaque gâteau ne font faits, pour ainfi dire, que des fon¬ 
dations de diverfes cellules. 

De quelque adreffe que les abeilles foient douées, cc 
n’eft qu’avec le temps & bien de la peine qu’elles peu¬ 
vent dreffer les parois des cellules, les rendre auffi minces 

Ddd ij 


396 Mémoires pour l’Histoire 

& auffi unies quelles doivent letre. Elles ne les jettent pas 
en moule. Si l’abeille qui dégroffit une partie de la cellule, 
qui commence à lui faire prendre forme, vouloit d’abord 
la rendre auffi mince qu'elle le doit devenir par la luite, 
elle n’y réuffiroit pas. Cette partie trop foible pour refiler 
au poids & aux mouvements de la mouche, fie briferoit. 
Auffi l’abeille lui donnede la folidité, du maffifi, beaucoup 
au-delà de ce qu’il convient qu’il lui en refte. D’autres 
mouches font chargées de limer, pour ainfi dire, de réparer 
& de polir ce qui cfl encore brut. Dans la plupart des 
eipéces d’ouvrages faits par main d’homme, le travail de 
finir eft celui qui demande le plus de temps. Peu de pu¬ 
deurs peuvent fournir affés de befogne à un très-grand 
nombre de Cifeleurs&de Répareurs. Le plus grand nom¬ 
bre de nos petites ouvrières en cire, cil auffi occupé a tra¬ 
vailler les dedans des cellules, à les perfectionner. La place 
ne permet pourtant qu’à une abeille à la fois de drefferév 
d’applanir les parois intérieures d’une cellule. Mais com¬ 
me le nombre des cellules eft confidérable, & que chaque 
mouche ne refte pas long-temps dans celle où elle eft 
entrée, c’eftde tous leurs travaux celui dans lequel l’on 
a plus d’occafions de les obfierver. On parvient aifément 
à voir une abeille qui fait entrer fa tête dans un alvéole, 
& quand elle ne l’y enfonce pas bien avant, on apperçoit 
en fuite quelle en ratifie les parois avec les bouts de lès 
dents ; quelle les fait agir l’une contre l’autre avec une 
aélivité admirable & fans interruption, pour détacher de 
petits fragments de cire, «.les efpéces de coupeaux. Les 
dents qui les ont détachés, ne les laiffent pas tomber. La 
mouche qui en a fait une petite boule, greffe comme la 
tèted’une épingle, fort de la cellule,&va porter cette cire 
ailleurs. Elle n’eft pas plutôt fortie qu’une autre mouche 
prend fia place pour continueriemêmc ouvrage. Celle-ci 


des Insectes. VIII. Mem. 397 
entre comme la première avoit fait, la tête la première 
dans l’alvéole; elle y entre plus avant, fi les endroits à 
polir lont plus proches du fond. Quand c’eft fur le fond 
même qu’il faut travailler, la mouche efi toute entière 
dans la cellule; à peine fou derrière excéde-t-il un peu 
les bords de l’ouverture. 

Nous avons déjà parlé des deux principaux ufages des 
alvéoles. Nous avons dit qu’il y en a qui font employés à 
conferver le miel, 6c qu’il y en a d’autres, dans chacun 
dei'qucls doit naître un ver, y prendre l'on accroilTement, 
Si s’y transformer en mouche. Nous avons dit au (fi que 
les mâles des abeilles, les faux-bourdons, font beaucoup 
plus gros que les abeilles ordinaires. La cellule qui efi def- 
tinéeà loger un ver qui fe transformera en faux-bourdon, 
doit donc être plus grande en toutes fes dimenfions, que 
la cellule qui efi deftinée â loger un ver qui fe transformera 
dans une abeille ouvrière. Les ouvrières font auffi des cel¬ 
lules exagones de deux différents diamètres. Le nombre 
de celles qui font deftinées pour des abeilles ordinaires, 
cil grand par rapport au nombre de celles qui font faites 
pour des mâles. J’ai trouvé que 20 des petites cellules 
polèes fur une même ligne droite, remplilfent cnfcmble 
une longueur de quatre pouces moins une demi-ligne. 
Si on néglige la demi ligne, le diamètre de chacune de 
ces cellules fera de 2 lignes f. Et un gâteau de 1 5 pouces 
de long, fur un peu plus de 10 pouces de large, fera 
compolé d’environ 9000 alvéoles. 

Apres avoir mel'uré avec foin la longueur qu occu- 
poient des cellules à vers, d’où doivent naître des faux- 
bourdons, j’ai trouvé que 10 de celles-ci avoient une 
longueur de 2 pouces 9 lignes, 6c ~ de ligne. Ainfi le 
diamètre de chaque cellule, étoit de 3 lignes 6c ou 
à peu près de 3 lignes 6c un tiers de ligne. Mais avant 

D dd iij 


398 Mémoires pour l’Histoire 
induré ensuite de ces cellules alignées autrement que les 
premières, je trouvai qu’il n’en falloit que 9 pour remplir 
la même longueur de z pouces 9 lignes & ~ de ligne; 
c’eft-à-dirc, que chacune de ces cellules avoit dans un 
fens, un diamètre d’un neuvième plus grand que celui 
quelle avoit dans l’autre. Quand les indurés me l’ont eu 
appris, j’ai été conduit à reconnoître que ces cellules 
n’étoient point des exagones parfaits, comme on a cru 
qu’elles en étoient: je diftinguois fort aifément deux faces 
oppofées, égales entr’elles, & plus petites que les quatre 
autres; & en répétant les mefures, je me fuis a duré que 
félon que la ligne lur laquelle je les mefurois, pafloit par 
Ses petites ou par les larges faces, il ne falloit que neuf, 
ou qu’il falloit dix cellules pour remplir à peu près la 
même longueur. J’ai cru auffi avoir obfervé de la diffé¬ 
rence entre les diamètres des petites cellules, celles qui 
ont des vers qui donnent des abeilles ordinaires, mais des 
différences moins confidérables ; & ces différences font 
prouvées par ce que nous avons dit ci-devant, que des 
trois angles rentrants de la bafe, ii y en a au moins deux 
qui ne font pas rencontrés par les angles formés par les 
prolongements des pans de hexagone. 

La longueur du pendule déterminée dans un pays dont 
la latitude cft bien connue, donne une mefure fixe qui a 
été long-temps defirée desSçavants, une mefure à laquelle 
toutes celles dont on veut avoir une connoiffance précife 
& fûre, doivent être rapportées. Nous ne ferions pas auffi 
embarraffés que nous le fommes fouvent fur les mefures 
des Anciens, s’ils enflent connu cette mefure fixe. Nous 
en aurions une autre, qui, quoique moins exade, nous 
fuffiroit pour bien des cas, s’ils nous enflent donné les 
mefures des cellules des abeilles; car il eft plus que proba¬ 
ble, que les abeilles d’aujourd’hui des environs d’Athènes 


des Insectes. VIII. Mem. 399 
& de Home, font de la même efpéce que celles qui y 
étoient autrefois; que celles d’aujourd’hui ne font pas 
des alvéoles plus grands ou plus petits que ceux que fai- 
foient les abeilles qui travailloient dans les temps ou les 
Grecs & ceux où les Romains ont été le plus célébrés, 
M. Thevenot avoit penfé aufiï, comme nous le rapporte 
Svvammerdam, à prendre une mefure fixe d’après les cel¬ 
lules des abeilles. 

Les profondeurs des différentes cellules des abeilles, ne 
font pas aufiï confiantes que les longueurs de leurs diamè¬ 
tres. Communément les cellules à vers d’abeilles ouvrières, 
ont cinqlignes J de profondeur; & le gâteau compofé de 
deux rangs de cellules oppolees, efi épais d’environ dix 
lignes. Les cellules des vers qui doivent devenir des faux- 
bourdons, ont quelquefois plus de huit lignes de profon¬ 
deur; mais il y en a de moins profondes. Nous verronsdans 
la fuite, que les mêmes cellules qui fervent à élever les vers 
jufqu’à leur transformation, ont fouvent fervi auparavant 
à contenir du miel, & qu’elles y fervent fouvent après que 
les mouches dans lefquelles les vers fe font transformés, 
en font forties. Ainfi les cellules à vers de mouches ordi¬ 
naires, & les cellules à vers de mouches mâles, font dans 
différents temps des cellules à miel. Mais il y a des cellules 
que les abeilles ne defiinent qu’à recevoir du miel, aux¬ 
quelles elles donnent beaucoup plus de profondeur qu’aux 
autres. J’ai mefuré des alvéoles qui n’avoient que le dia¬ 
mètre des plus petits, & dont la profondeur étoit au moins 
de dix lignes. Lorlque la récolte du miel efi fi abondante, 
qu’il efi difficile d’avoir allés de vaifieaux pour ie loger, 
lorfque les abeilles ont peine à confiruire un nombre fuf- 
fifant de cellules pour contenir tout celui qu’elles peu¬ 
vent recueillir, elles allongent les anciennes, ou cllesdon- 
nent aux nouvelles quelles bâtiffent, une longueur qui 


400 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
furpafîe beaucoup celle des cellules ordinaires. II eft vifib’e 
qu’elles épargnent ainfi les façons des baies. Nous verrons 
encore bientôt qu’il y a pour elles une autre épargne dans 
les cellules plus profondes. Les abeilles fçavent s accom¬ 
moder au temps, elles fçavent auffi s’accommoder au lieu. 
Quoique l’axe des alvéoles foit communément perpen¬ 
diculaire aux faces du gâteau, elles en conflruilent qui 
l’y ont incliné, Si elles en conflruilent quelquefois qui font 
courbes, Si cela iorfque le voifinage des parois de la ruche 
Si leur figure, ou Iorfque quelqu’autre circonftance ne per- 
mettroient pas d’y placer affés d’alvéoles droits. 

La difpofition des gâteaux offre, comme celle des al¬ 
véoles de chaque gâteau, des faits qui font honneur à 
l’intelligence des abeilles. Des mouches nouvellement 
établies dans une ruche qui étoit vuide. Si où elles fe 
trouvent bien, n’y refient pas long temps fans y jetlcr les 
fondements d’un gâteau qu’elles allongent Si élargiffent 
avec une célérité furprenante ; mais avant que de lui 
avoir donné autant détendue quelles lui en veulent, 
elles fe partagent. Une partie des ouvrières en commence 
un fécond , Si quelquefois une autre partie des mouches 
entreprend d’en faire un troifiéme. Quand il y a deux ou 
trois atteliers, plus d’ouvrières peuvent s’occuper à la fois 
fins s’embarraffer, elles font en état de faire plus de be- 
fogne. Les gâteaux font communément arrangés parallè¬ 
lement les uns aux autres, & parallèlement à la plus grande 
des fices de la ruche, fi la ruche a des faces, c’efl-à dire, 
fi fon contour n’efl pas courbe comme l’eft celui des 
ruches coniques. Il doit relier un intervalle entre deux 
gâteaux, une rue qui permette aux abeilles d’aller vifiter 
les alvéoles de l’un Si de l’autre gâteau. Ces rues n’ont 
ordinairement que la largeur qui luffit pour laiffer palier 
deux abeilles à la fois. Chaque gâteau ne tient iouvent 

au haut 


des Insectes. VIII. Mem. 401 

au haut de la ruche, & même au haut de celles dont le 
defTus eft plat, que par une efpéce de pied qui a peu de- 
tendue. Quand les abeilles commencent un lècond gâteau 
dans une de ces dernières ruches, elles l’attachent fouvent 
au bout oppofé à celui où l’autre gâteau eft aflùjetti. Il luit 
de ce que nous venons de dire, que ce lecond gâteau doit 
être conftruit parallèle au premier, & qu’il ne doit relier 
entr’eux qu’un certain intervalle. Les abeilles qui ont jette 
les fondements du dernier, malgré la diftance qu’il y a 
entre l’endroit où elles l’ont collé, & l’endroit où tient le 
premier, ont donc jugé que lorlqu’il feroit fini, il fe trou- 
veroit placé par rapport à l’autre, comme il convient qu’il 
le l'oit. Il leur arrive pourtant de le tromper, & c’ell encore 
un de ces faits qui l'emblent prouver quelles jugent. Quel¬ 
quefois l’attache du nouveau gâteau a été polée fur une 
ligne tellement éloignée de la ligne où eft l’attache de 
l’autre, qu’il y auroit un trop grand intervalle entre le pre¬ 
mier & le fécond gâteau, fi celui-ci étoit conllruit parallèle 
à l’autre. Pour regagner une partie du vuide qui naît de fa 
mauvaife pofition, les abeilles leconduifent obliquement. 
A mefure qu’elles l’étendent, elles lui donnent une incli* 
naifon qui le rapproche de l’autre. La pofition du fécond 
gâteau a été quelquefois fi mal choifie, que le vuide qui 
relie d’un côté entre les deux gâteaux, ne paroît pas fùp- 
portable aux abeilles. Alors elles en conllruifent un troi- 
fiéme entre ceux-ci, mais qui a toujours peu detendue, 
par rapport aux deux premiers : elles le terminent dans 
l’endroit où les deux autres ne laiffent entr’eux qu’un in¬ 
tervalle qui y peut être fans inconvénient. Elles font plus 
quelquefois, elles remplilTent certains efpaces de gâteaux 
tous parallèles entr’eux, mais inclinés ou même perpen¬ 
diculaires aux premiers faits *. 

Mais, comme nous l’avons dit, les gâteaux font pour 
Tome V . E e e 


* pi. 21. fig. 
3 & 4 - 


402 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
1 ordinaire parallèles les uns aux autres. Ils laifTent entr eux 
des efpéccs de rues. Les abeilles auroient fouvent trop de 
chemin à faire, fi pour parvenir entre deux gâteaux juf- 
que vers leur milieu, il falloit toujours paffer par les bouts 
des rues. Pour abréger le chemin, quand elles conftrui- 
fent un grand gâteau , elles fçavent y referver une ou plu- 
fieurs ouvertures à peu près rondes. Ce font de grandes 
portes toujours ouvertes, & qui leur permettent d’arriver 
plutôt entre ies gâteaux, & d’en fortir. Des gâteaux lou- 
vent longs de plus de 18 à 20 pouces, & larges de 12 
ou 1 j , comme il y en a dans certaines ruches, contien¬ 
nent un nombre de cellules bien confidérable. Leurs 
contours font curvilignes; mais ne prenons d’un gâteau 
qu’une portion reélangje longue d’environ 15 pouces, 
& large de plus de 10. Il ell aile de calculer quelle fera 
compofée de plus de 9000 cellules, comme nous l’avons 
déjà dit. 

Quoique les cellules foient formées de feuilles de cire 
extrêmement minces, les gâteaux deviennent des pièces 
pelantes lorfqu’ils font bien pleins de miel. Leur propre 
poids pourroit rompre les attaches qui les tiennent luf» 
pendus au haut de la ruche. Les abeilles fçavent auffi les 
affujettir en divers autres endroits contre lès parois ; & 
elles multiplient les attaches autant quelles en trouvent 
la facilité. Dans les ruches vitrées, les gâteaux extérieurs 
font fouvent foûtenus par de petites maffes de cire 
quelquefois cellulaires, collées par un de leurs bouts à 
un des carreaux de verre, & par l’autre au gâteau. Les 
gâteaux intérieurs font auffi quelquefois attachés les uns 
aux autres. Celui qui fe trouve immédiatement après un 
gâteau extérieur, efl attaché à celui-ci; ainfi les foiitiens 
des gâteaux extérieurs fervent à maintenir les autres. La 
prévoyance de ceux qui préparent des ruches pour y 


des Insectes. VIII. Mem. 403 
loger des abeilles, les engage à y difpofer de petits 
bâtons en croix, qui par la fuite fervent de l’upports aux 
gâteaux qui y font conllruits ; ces fupports les mettent 
hors de nique de tomber, & épargnent du travail aux 
mouches. 

Nous avons vû les abeilles occupées à conftruire & à 
polir des cellules, nous les avons vû en compofer de 
grands gâteaux, fans avoir rien dit encore de la matière 
dont elles les conüruifent, fans avoir dit encore comment 
elles font la cire même; c’cfl-à dire, fans avoir expliqué 
en quoi cette cire brute qu’elles ramalfent fur les fleurs 
diffère de la vraye cire, & comment elles la convcrtiffcnt 
en véritable cire. Nous n’avons pas même dit où chaque 
abeille prend la cire dans l’in fiant où elle veut la mettre 
en œuvre pour en faire une portion de cellule. Ce der¬ 
nier fait me paroît avoir été ignoré par ceux qui ont trai¬ 
té des abeilles ; &• ils ne nous ont aucunement appris à 
quoi il falloit s’en tenir fur la converfion de la cire brute 
en véritable cire, ce qui eft cependant une quéftion cu- 
rieufe & importante à éclaircir, non-lèulement par rap¬ 
port à l’Hiftoire des abeilles, mais même par rapport à la 
Phy-fique. 

Ces deux petites pelottes dont font fouvent chargées 
les deux dernières jambes des abeilles qui reviennent de 
la campagne, ont été prifesfur les fleurs, ainfi que nous 
l’avons expliqué dans le fixiéme Mémoire. Elles 11e font 
autre chofe que des amas de pouffiéres d’étamines. C’efl 
ce que nous avons appellé de la cire brute ou de la ma¬ 
tière à cire. On pourroit néantmoins douter fi ces pôuf- 
fléres d’étamines ne font pas actuellement de la cire pro¬ 
prement dite. Certaines parties des plantes & des arbres 
donnent de la réfine toute faite; les mêmes parties ou d’au¬ 
tres parties de différents arbres, donnent de la gomme telle 


404 Mémoires pour l’Histoire 

que nous l’employons. Enfin, nous connoiflons à préfent 
un arbrifleau commun au Mifliflipi, des grains duquel on 
retire une forte de cire au moyen de l’eau bouillante. Ne 
pourroit-ii pas fe faire que d’autres parties des plantes, 
que leurs fleurs donnaflent de la cire telle que ceile que 
nous brûlons journellement, que les abeilles ne fuflent 
chargées que du loin de l’y ramafler! Il feroit afles naturel 
de penfer que cela cft ainfi. Mais quand on vient à exa¬ 
miner ces petits grains que les abeilles ont enlevés aux 
étamines des fleurs, on reconnoît aifément qu’ils ne font 
point du tout de la cire, ils ne font que la matière dont 
elles la font. 

En attendant que nous apprenions le moyen d’avoir 
afles de cette cire brute pour fournir à des eflais un peu 
en grand, nous nous contenterons de faire remarquer qu’il 
efl très-facile d’en avoir pour des eflais en petit. Dans les 
jours où les abeilles vont à la campagne, on n’a qu’à fe 
tenir le matin auprès d’une ruche, & prendre celles qu’on 
y voit arriver chargées. Si on n’eft pas afles aguerri avec 
elles pour ofer les làifir avec une pince, fi on craint trop 
leurs piquûres, il y a un autre moyen de leur enlever leur 
récolte avec moins de rifque. On n’a qu’à tenir à la main 
un petit bâton frotté de glu. Dès qu’une abeille fe fera 
pofée fur le devant de la ruche, ou qu’elle y marchera, 
on s’en rendra maître fi on la touche avec le petit bâton. 
On lui ôtera fes deux boulles fi elle les a encore, & fi elle 
les a Inifle tomber fur le devant de la ruche, ce qui arrive 
afles fouvent en pareil cas, on les y ramaflera. Quand on 
fe fera fourni ainfi d’un certain nombre depelottesde cire 
brute, il fera facile de faire les expériences propres à mon¬ 
trer qu’elles ne font point encore de la cire. 

La plus fimple de toutes, & celle qui s’offre la première, 
cft de peflrir entre le pouce & l’index une de ces petites 


des Insectes. VIII. Alem . 405 

boules, de lui faire changer de figure en la pefiriffant, & 
fur-tout de la réduire à une lameplatte. En pareil cas, la 
cire ordinaire fe ramollit, & devient flexible comme une 
pâte; quelque figure qu’on lui fa (Te prendre, lès parties 
refient continues; en un mot, la cire alors efi duélile, & 
la petite boule ne l’efi pas, elle ne fe ramollit point entre 
les doigts, elle s’y brife fouvent: on reconnoît toujours 
à la vue fimple, & encore mieux à la loupe, que la petite 
mafie n’efi qu’un affemblage de grains, dont chacun, mal¬ 
gré les preffions réitérées par des doigts chauds, a confervé 
là figure. S’ils tiennent les uns contre les autres, ce 11’efi: 
que par un peu d’humidité refiée fur leur furface. 

Pour fçavoir ce que peut fur cette matière une chaleur 
plus forte que celle des doigts, on mettra une petite pe- 
lotte dans une cuillier d’argent qu’on pofera fur de la 
cendre chaude, ou fur un charbon peu ardent. Si la petite 
boule étoit de cire, dans un inftant elle y deviendrait cou¬ 
lante, au lieu que la petite boule de cire brute confervefà 
figure, elle jette de la fumée, elle fedefféche&feréduit en 
charbon. 

On peut faire au feu une autre expérience, qui prou¬ 
vera auffi décifivement que la cire brute n’a pas encore 
les propriétés de la véritable cire. On en formera un petit 
corps long, une efpéce de filet, dont on préfentera un des 
bouts à la flamme d’une bougie. Ce fil de cire brute s’y 
allumera & brûlera comme ferait un brin de bois fec, 6 c 
plus chargé de matière huileufe que du bois ordinaire; 
mais il ne fe fondra pas, comme fe fondrait fans brûler, 
un petit rouleau de cire. 

Cette matière éprouvée à l’eau, comme éprouvée au 
feu, paraîtra encore différente de la cire. Si on en jette 
dans l’eau, elle tombera & refiera au fond, au lieu que 
de la cire remonterait 6 c refierait à la furface. Qu’on ne 

Eee iij 


4.06 Mémoires pour l’Histoire 
foupçonne pas que, quoique cette matière paroiffe plus 
pélante fpécihquement que la cire, elle ne l’eft pas réelle¬ 
ment. Qu’on ne s’imagine pas que l'on excès de pélàn- 
teur doive être attribué à 1 humidité dont elle étoit pé¬ 
nétrée lorfqu’eile tenoit à la plante, humidité qu’elle 
conferve encore lorfque l’abeille la tranfporte. J’ai gardé 
de cette cire brute pendant plu fieurs années, & j’en ai eu 
qui a palfé un hyver entier fur la cheminée d’un cabinet 
où il y avoit continuellement du feu; le temps & le lieu 
eulfent dû fuffire à la delfécher parfaitement ; néantmoins 
quand j’ai jetté dans l’eau cette matière fi bien delTéchée, 
elle a été à fond. 

Il s’enfuit donc que les abeilles donnent quelque pré¬ 
paration à la cire brute qui la rend de véritable cire. Mais 
en quoi confilte cette préparation ! Ne leur fuffit-il point 
de la pelïrir, ou plutôt de la broyer en quelque forte! 
On peut foupçonner que chacun de ces petits grains qui 
ont été enlevés à la plante, font des efpéces de petits lacs 
membraneux, dont l’intérieur elt rempli de cire. On peut 
foupçonner qu’il n’y a qu’à brifer les enveloppes pour 
avoir la cire qu’elles couvrent. Mais j’ai eu beau pelïrir, 
j’ai eu beau broyer même cette matière, foit dans des 
cuillicrs d’argent avec un manche de couteau de porce¬ 
laine, foit fur du verre, je ne lui ai donné aucune des 
qualités qui lui manquoient pour être delà cire. Aprèsdes 
broyements réitérés, elle n’elï devenue ni plus duélile ni 
plus fufible qu’elle l’étoit auparavant. 

Puifqu’il ne fuffit pas aux abeilles de pelïrir la cire brute, 
on peut croire qu’elles y adjoûtent quelque matière, ou 
plutôt quelque liqueur. M. rs Maraldi & Swammerdam, 
l’ont penfé ainfi. Comme le miel ell ce que les abeilles 
ont le plus à leur difpofition, il étoit allés naturel de 
foupçonner quelles en mêioicnt avec la cire brute; mais 


des Insectes. VIII. Mem. 407 
ç’a été inutilement encore que j’ai broyé de cette cire im¬ 
parfaite après l’avoir humeétée de miel ; fon état n en a pas 
paru changé. 

Swammerdam a eu un autre foupçon qui eh ingénieux. 
Il a pcniè que la liqueur venimeufe dont les abeilles ont 
une ahes groA'e veffie toute pleine, ne leur a voit pas 
été Amplement accordée pour empoifonner les bleffûres 
qu’elles font; que peut-être les abeilles humectaient avec 
cette liqueur la matière qu elles avoient ramaffée fur les 
plantes, & quelle pouvoit avoir une efficacité propre à 
changer cette matière en véritable cire. Il a cru même 
avoir fait quelques expériences favorables à cette idée, & 
qui lui avoient fait naître le defir de ramafTer plus de li¬ 
queur venimeufe pour répéter plus en grand les mêmes 
expériences. Celles que j’ai tentées ne me ilifpofent pas 
à croire qu’il eût été content du fuccès. Après tout, les 
gros bourdons velus, & beaucoup d’efpéces d’abeilles qui 
ne font pas de véritable cire, ont, comme les abeilles, des 
veffies pleines d’un femblable venin. Les guêpes & les fre¬ 
lons font bien pourvûs de ce venin, quoiqu’ils ne faffent 
que du papier. 

Ce feroit aflurément une découverte curieufe & peut- 
être même utile,que celle d’une manipulation ou d’un pro¬ 
cédé Ample qui transformeroit la cire brute en vraye cire. 
Celle que les abeilles nous ramafîent ne nous coûte rien; 
elles font des ouvrières que nous n’avons pas la peine de 
nourrir; mais nous n’avons pas à beaucoup près, affiés de 
ces ouvrières, & il s’en fuit bien qu’elles nous procurent 
toute la cire que nous pourrions confumer. La quantité 
de pouffiéres d’étamines qu’elles ramaffent à la campagne, 
n’ch rien en comparaifon de la quantité qu’elles y laifîènt 
perdre. Si nous fçavions faire de la cire avec ces pouf¬ 
fiéres, peut-être trouveroit-on des moyens d’en recueillir 


* Voyage de 
AI.’ Four ne- 
fort. Lettre 2, 


* Aîémoires 
de l’Acadé¬ 
mie 1711. 
Page 216. 


408 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
beaucoup à peu de frais; peut-être trouveroit-on les moyens 
de mettre les enfants de la campagne en état de faire cette 
forte de récolte. La culture du lafran efl chere, &on n’efl 
point effrayé par la peine de couper les filets de lès fleurs, 
defonpiftile. En fille de Candie, on fait la récolte du iada- 
num avec des fouets de cuir *, des lanières dont on fouette 
danslafaifon convenable & pendant la plus grande chaleur 
du jour, les arbrilfeaux qui fourni fient cette gomme réfi- 
neulè. Il feroit peut-être moins long qu’on ne le l’imagine, 
de ramafler beaucoup de pouflîéres d’étamines,avec de gros 
pinceaux, ou même avec des peaux qu’on feroit pafier fur 
les fleurs dont une prairie efl émaillée, ou fur celles d’un 
champ de bled noir. Il y a des arbres & des arbuftes qui 
pourraient en fournir beaucoup. On entrevoit donc des 
moyens de parvenir à faireàpeu de frais, des récoltes de 
pouflîéres d’étamines; au moins 11e femble-t-i! pas qu’011 
en dût delelpérer. Je voudroisbien qu’on pût autant fepro¬ 
mettre de trouver le moyen de convertir ces étamines en 
cire. Je n’ai pas fait à beaucoup près toutes les tentatives 
qui peuvent être faites pour y parvenir; j’en indiquerai quel¬ 
ques-unes qui peuvent inviter à en faire beaucoup d’autres. 

Dans le Mémoire que AJ. Geoffroy a publié fur la 
figure de ces pouflîéres, & fur leurs ulàges, par rapport 
à la fécondation des graines des plantes, il dit *: que ces 
petits grains ne fe dijjolvent ni dans l’eau, ni dans l'huile 
d’olive, ni dans l’efprit de térébenthine, ni dans l’efprit de 
vin, pas même à l’aide du feu ; que les trois dernières li¬ 
queurs en tirent bien quelque teinture, mais fans changer, 
ou très-peu, la figure des grains. Il adjoûte un peu après, 
que quelques-uns ont prétendu que ces grains n’étoient 
que des particules de cire ou de réfine ; que pour voir 
ce qui en étoit, il les a fait bouillir dans l’eau où ils 
ne fe font point fondus. AJ. Geoffroy croit que ces 

pouflîéres 


des Insectes. VIII. Mem . 409 
pouffiéres contiennent une matière huileufe, que ccllels 
des lys ia biffent fur le papier dans lequel on les renferme. 

Les teintures quel eau, l’efprit de térébenthine & le! jirit 
devin tirent des pouffiéres des étamines, & fur-tout celle 
qu’en tire l’dpritijevin, quoique légères, me parurent mé¬ 
riter d’être examinées; & M. Geoffroy l’eût jugé comme 
moi, s’il eût eu à confidérer ces poulîiéres dans le point 
de vue où je devois les regarder, comme étant la matière 
première de la cire. Dans trois tubes de verre, dont cha¬ 
cun avoit intérieurement environ 9 lignes de diamètre, & 
dont la hauteur étoit de près de 6 pouces, je mis une quan¬ 
tité à peu près égale de cire brute que je ne pelai pas; 
je me contentai de remarquer quelle s’élevoit environ 
fix lignes au-deffus du fond du vafe. Un des tubes fut rem¬ 
pli d’eau, l’autre d’elprit de térébenthine, & letroifiéme 
le fut d’efprit de vin. La cire brute a été tenue pendant 
plus de trois mois dans chacune de ces liqueurs; mais la 
liqueur de chaque tube a été renouvellée plufieurs fois. 
Dans les premiers jours pourtant, comme on l’imagine 
affés, l’efprit de vin & l’efprit de térébenthine ont plus 
extrait de la cire brute que dans tout le refie du temps. 
Il n’en a pas été tout-à-fait de même de l’eau. 

Les pouffiéres des étamines ont donné à l’eau une cou¬ 
leur brune affés foncée. Il s’eft bientôt formé fur toute 
fa furface un champignon de moififfûre d’une ligne ou 
deux depaiffeur. Le premier champignon ayant été ôté, 
il s’en eft fait un autre à fa place, &il y en a paru de même 
cinq de fuite. L’eau avoit auffi une odeur qui tenoit du 
moifi, & qui étoit plus defagréable, elle approchoit de 
celle des plantes pourries. Il femble que ces pouffiéres 
qui étoient de petites parties de plantes, auroient dû fe 
pourrir dans l’eau en un temps moins long que celui pen¬ 
dant lequel elles y avoient été tenues. Cependant quand 
Tome V . F f f 


410 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
j’ai obfervé au microfcope de celles que j’ai tirées de def- 
fous l’eau qui les avoit couvertes pendant plus de trois 
mois, je leur ai trouvé la ligure qu’elles avoient quand 
elles y avoient été miles. Il n’efi pas auffi fmgulier que 
celles qui ont demeuré pendant un pareil temps dans l’ef- 
prit de vin & dans celui de térébenthine, ayent confervé 
de même leur première figure. 

La quantité que j’avois de chaque liqueur qui avoit agi 
furîespouffiéres des étamines, étoit petite ; auffi nedevois- 
jepas m’attendre que chacune de ces liqueurs après s’être 
évaporée, me {aiderait une quantité de réfidence folide, 
bien confidérabie. Une cuillier d’argent me parut donc un 
affés grand vaifTeau, & convenable pour faire l’évaporation. 
D’abord j’en remplis une de l’eau la plus colorée, & je 
mis la cuillier fur des charbons allumés. Afin pourtant 
d’avoir plus de réfidence, je verfois de nouvelle eau colo¬ 
rée dans la cuillier avant que l’évaporation de celle qu’elle 
avoit, fût toute faite. J'eus ainfi la réfidence d’environ trois 
bonnes cuillerées d’eau. Cette réfidence étoit brune, & 
avoit l’efpéce de ténacité propre à une gomme; en un 
mot, elle me parut une véritable gomme. Après l’avoir 
rendue dure&lëche, il me fut aile de la ramollir &de la 
dilfoudre entièrement dans l’eau que je verfai defius. 

J’efTayai l’efprit de térébenthine, comme j’avois fait 
l’eau, fans efpérer néantmoins d’en avoir une réfidence 
auffi pure. Je m’attendois, comme il arriva, que laréfine 
que cette liqueur pourrait laiffier, ne me permettrait pas 
de diftinguer dans le compofé ce qui avoit appartenu à- 
la cire brute,de ce qui avoit étélaiffié par la liqueur réfi- 
neufe. Au refie, l’efprit de térébenthine peut peu fur la 
cire brute ; celle que j’ai fait bouillir dans cette liqueur, 
loin de s’y ramollir, a paru s’y durcir. 

Je me promis davantage de i’efifai qu’il me refioit à 


des Insectes. VIII. Ment. 41 ï 

faire de l’efprit de vin, car par lui-même l’efprit de vin ne 
pouvoit rien laiffer de folide fur la cuillier. Celle qui fut 
mile fur les charbons, fut remplie trois fois de fefprit qui 
avoit pris le plus de teinture. Lorlqu’ii fut évaporé en 
grande partie, la liqueur qui relia dans la cuillier fut épaif- 
fe, jaune & trouble, & répandoit une odeur qui me parut 
être celle de la cire ; elle le parut de même à pluheurs 
perfonnes à qui je la fis fentir. Enfin , lorfque j’eus pouffé 
l’évaporation jufques à ficcité, la cuillier lé trouva enduite 
d’une couche de matière jaune qui avoit une odeur de 
cire fi forte, qu’on ne pouvoit la méconnoître. Il paroil- 
foit donc quel’efprit devin avoit extrait des pou/fiéresdes 
étamines, de la cire qu’il y avoit trouvée toute faite, ou au 
moins, qu’il en avoit extrait la matière à laquelle la cire 
doit fon odeur. 

Il me refia pourtant un fcrupule fur l’expérience dont 
je viens de parler. La cire brute qui y avoit été employée, 
avoit été prife dans des cellules d’abeilles; peut-être n’en 
avoit-elle pas été tirée avec affcs de précaution ; quelques 
parcelles de véritable cire avoient peut-être été détachées, 
& l’odeur que donnoit la réfidence de ladiffolution, pou¬ 
voit être due à ces parcelles. Pour faire une expérience 
qui 11e me laiffât pas une inquiétude pareille, je fis pren¬ 
dre à des abeilles les pelottcs de cire brute qu’elles rappor- 
toient à leur ruche. Après en avoir ramaffe un volume égal 
à celui de quatre à cinq gros pois, je mis les pclottes dans 
un tube avec de l’efprit de vin. En 24 heures elles lui don¬ 
nèrent une forte teinture, qui le devint encore davantage 
lorfque j’eus échauffé le tube jufques à faire bouillir la li¬ 
queur. Je fis évaporer cette dernière diffolution, comme 
j’avois fait évaporer la première, dans une cuillier d’argent; 
j’eus bientôt une liqueur jaunâtre & trouble qui fèntoitla 
cire. Quand l’évaporation eut été pouflée jufques à ficcité, 

Fff ij 


412 MEMOIRES POUR UHlSTOIRE 
il relia au fond de la cuiilier une alfés bonne quantité d’une" 
matière jaunâtre, qui, dès quelle fut refroidie, eut la con- 
fiftance de la cire, & qui, comme la cire, pouvoit repren¬ 
dre de la liquidité lorfque je la chauffois. Ayant vû en- 
fuite que cette matière qui avoit l’odeur de cire, felaifloit 
peltrir entre mes doigts, je la crus de véritable cire; mais 
bientôt je reconnus quelle n’étoit pas de la cire pure & 
parfaite. Je mis dans ma bouche La petite boule que j’en 
avois faite en la peftrifTant, elle s’y fondit, comme s’y fe- 
roit fondu un grain de cachou, ou comme s’y feroit fondu 
un morceau de quelque tablette, dont le fucreauroit fait 
la bafe: elle avoit aulïi un goût fucré. L’odeur de cette 
matière ne me permettoit pourtant pas de douter qu’elle 
ne contînt de la cire ; mais cette cire étoit mêlée avec une 
autre matière, & l’efprit de vin les avoit extraites toutes 
deux en même temps. Elle étoit mêlée avec des fels plus 
ailés à humecter que le fucre, c’ell de quoi j’eus bientôt 
la preuve. Je lis durcir fur le feu celle qui étoit dans la 
cuiilier, au point de réfilîer au frottement de l’ongle lorf- 
qu’elle étoit froide. Cette matière fi dure ne fut pas une 
heure à s’imbiber de l’humidité de l’air. En moins d’une 
heure fa furface fut ailes gluante pour s’attacher au doigt 
qui la touchoit. Ne pourroit-on pas regarder cette ma¬ 
tière comme une eljiéce de favon de cire 1 11 paroîtdonc 
que (i l’efprit devin tire des poulîiéres des étamines, delà 
cire , qu’il la tire en petite quantité & mêlée avec des fels 
qui s'humeélent aifément à l’air. L’odeur de la matière 
que l’efprit de vin avoit extraite de la cire brute, nous 
prouve décifivement que cette matière contenoit de la 
cire, ou au moins le principe auquel la cire doit fou 
odeur, & par conféquent, qu’un des principes de la cire 
eh actuellement dans les poulîiéres des étamines. Peut- 
être la. cire y elt-elle toute faite, & qu’il ne nous manque 


des Insectes. VIII. Mem. 413 
qu’un dilfolvant pour l’en pouvoir extraire; car nous 11e 
connoilfons point encore de véritable dilfolvant de la 
cire. L’efprit de vin avoit tiré de nos poulfiéres tout ce 
qu’il eût tiré de la cire qui nous elt mieux connue pour 
cire. J’ai cru autrefois que l’elprit de vin fe chargeoit de 
toute la fu bilan ce de la cire, de tout ce qui entre dans 
fa compofition ; mais des expériences auxquelles les pré¬ 
cédentes m’ont conduit, m’ont appris le contraire. J’ai 
mis une chopine de vin fur une demi-livre de cire jaune 
divifée en lames minces. Au bout de deux jours l’efprit 
de vin a pris une belle teinture jaune. J’ai fait évaporer 
de cet efprit de vin dans une cuillier tenue fur quelques 
charbons allumés, comme j’avois fait évaporer l’elprit de 
vin chargé delà teinture qu’il avoit prifefur lespoulîiércs 
des étamines. J’avois cru que l’efprit de vin qui avoit agi 
fur de véritable cire, auroit lailfé de la cire au fond de la 
cuillier, il n’y a lailfé qu’une matière, qui avec l’odeur de 
cire, n’avoit que la conliftance du beurre, & qui pouvoit 
être dilloute par l’eau. J’ai fait depuis plufieurs expériences 
plus en grand fur les dilfolutions de cire par l’efprit de vin; 
mais je me referve à en parler dans un autre ouvrage, de 
crainte d’allonger encore un article déjà trop long. Je dirai 
feulement qu’il paroît que la matière que l’efprit de vin 
extrait de la véritable cire, eftfemblable à celle qu’il extrait 
des poulfiéres des étamines. 

Je rapporterai pourtant encore une expérience que j’ai 
faite avec l’efprit de vin tenu fur de véritable cire, mais 
fur de la cire qui n’avoit jamais été fondue. Je brifai un 
gâteau de cire, nouvellement confirait parles abeilles,& 
dans les cellules duquel il n’y avoit jamais eu de miel. 
Cette cire étoit très-blanche & très-lèche. Je la fis entrer 
par fragments dans un gros tube où je verfai de l’eljarit de 
vin; &afïn que cette liqueur en tirât plus vite ce qu’il lui 

Fff hj 


4 ï 4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
étoit poffible d’en tirer, je la fis chauffer & même bouillir 
pendant plus d’un quart d’heure. L’efprit de vin fut en- 
fuite verlë dans une cuillier d’argent qui fut poféefur des 
charbons allumés. Quand il fe fut évaporé en grande par¬ 
tie, quand il ne refia plus au fond de la cuillier qu’une li¬ 
queur aufîi épaiffe qu’un firop, je la l'entis, & je ne lui 
trouvai qu’une légère odeur de cire; je la goûtai enfuite, 
&. je lui trouvai précifément le goût d’un lirop de fucre. 
Ce firop fut remis fur le feu 6c épaiffi à tel point, que 
lorfqu’il étoit refroidi, il étoit dur 6c très-dur. Cependant 
ïorfqu’il eut été expoféà l’air, il s’humeéta; mais au bout 
de deux jours il devint grainé, 6c fc rendurcit de nouveau. 
Il avoit le goût & la dureté du plus beau fucre. On doit 
être porté à regarder cette efpéce de fucre comme du miel 
qui étoit refié dans la cire. 

Tout ce que nous voulons conclurre de cette expé¬ 
rience, c’efl qu’il refîe dans la cire vierge des abeilles, 
dans celle qui n’a pas été fondue, une efpéce de fel fucre 
analogue à celui que l’efprit de vin tire des pouffiéres des 
étamines. Ce fera un miel filon veut. Quoi qu’il en foit, 
cette obfervation a fervi cà m’expliquer un fait qui m avoit 
embarraffé. Il m’eff arrivé quelquefois de tirer de l’eau 
froide des gâteaux de cire qui s’y étoient fenfiblement 
ramollis ; l’eau cependant ne peut que durcir la cire ordi¬ 
naire. Mais je penfe à prefent que la cire de ces gâteaux 
contenoit de ce fèl, ou ce miel que l’efprit de vin en peut 
extraire; & que l’eau qui peut diffoudre ce fel ou ce miel, 
peut par là amollir le gâteau. 

Au refie, quoique les principes qui doivent compofcr 
la cire foient certainement contenus dans les pouffiéres des 
étamines, ils peuvent n’y être pas actuellement réunis 6c 
combinés, comme ils le font dans la cire parfaite. Une 
obfervation de M. Bernard de Juffieu, femble prouver 


des Insectes. VIII. Mem. 415 
qu’ils y font féparés. 11 a étudié au microfcope les poul- 
fiéres des étamines d’un grand nombre d’efpéces de Heurs 
en croix, comme des moutardes, des roquettes, &c; il a 
étudié, dis-je, ces pouffiéres pendant quelles étoient dans 
l’eau où il les avoit miles. IL a obl'ervé que ces petits grains 
s’y gonHoient de plus en plus, & cela jufques à fe créver. 

Dans l’inftant où chaque grain fe crévoit, il en fortoit un 
jet de liqueur qui nageoit fur l’eau fans fe mêler avec elle, 

& qui par conféquent, devoit être une liqueur huileufe. 

11 a répété la même expérience avec le même fuccès fur 
les pouffiéres de plantes de plufieurs clalfes différentes. 

Mais pour dire le vrai, j’ai été dégoûté de pourfuivre 
les expériences propres à nous apprendre, s’il eft poffi- 
ble, de parvenir à tirer de véritable cire de la cire brute, 
ou de convertir la cire brute en vraye cire, dés que les 
moyens auxquels les abeilles font obligées d’avoir recours 
pour cette opération, m’ont été connus, & dès que des 
calculs & des obfervations m’ont eu prouvé que les abeilles 
même ne font que très-peu de vraye cire avec beaucoup 
de cire brute. J’ai jugé alors que cette opération n’étoit pas 
auffi fimple que Swammerdam & M. Maraldi fembloient 
l’avoir penfé, & qu’il étoit affés naturel de la croire. J’ai 
connu qu’il ne fuffiroit pas aux abeilles de peflrir la cire 
brute entre leurs pattes après l’avoir humectée de quelque 
liqueur. C’efl dans le corps même des abeilles que la cire 
brute doit être travaillée; c’eft-ià qu’eft le laboratoire où 
fe fait la véritable converfion ou extraction. Quelques Au¬ 
teurs qui ont parlé des abeilles, l’ont foupçonné, & je crois 
être en état de le démontrer inconteflabîement. C’efl dans 
le fécond eftomach *, & peut-être dans les inteflins * des * PI. 30. %, 
abeilles, que Sa cire brute eft altérée, digérée & convertie 1 * & 
en véritable cire, ou e’efl là que la véritable cire en eft ex- * u 
traite. Or dès qu’on fçait le lieu où fe fait cette opération P , 


4 i6 Mémoires pour l’Histoire 

on efl bien tenté de croire qu’il ne nous efl pas plus aifé de 
parvenir à faire de vraye cire avec les étamines des fleurs, 
qu’il nous l’efl de faire du chyle avec les differentes fub- 
flances, foit animales, foit végétales, avec lefquelles notre 
eftomach & nos inteflins en font journellement. 

Il y a long-temps qu’on a penfé que les abeilles ne vi- 
voient pas feulement de miel, qu’elles mangeoient la cire 
brute. Ce fentiment a été reçu prefque généralement par 
ceux qui ont eu beaucoup de ces mouches, dans la vue 
de profiter des fruits de leurs travaux. Auffi dans divers 
pays, comme la Hollande, la Flandre, Se Brabant, &c. la 
cire brute efl appellée le pain des abeilles. Ce mets même 
a paru digne d’un nom plus noble aux Auteurs de divers 
traités fur ces mouches; ils ont cru qu’il méritoit celui du 
mets que les Poètes ont fait fervir fur la table de leurs 
Dieux. Ils ne l’appellent que i’ambroifie; & pour que les 
abeilles foient traitées en tout comme ces mêmes Dieux, 
ils veulent que le miel foit du neélar. Les anciens ont 
donné d’autres noms à la cire brute, rapportés par Pline, 
quelques-uns, dit-il, l'appellent erithacè, d’autres lui ont 
donné le nom de fandarac, & d’autres celui de cerinthé . 
II adjoûte enfuite que les abeilles s’en nourrifTent pen¬ 
dant quelles travaillent. Lelêntiment, au refie, qui veut 
que les abeilles prennent un aliment folide, pouvoit très- 
bien être du nombre de tant d’autres fur ces mêmes 
mouches, qui ont été reçus, & qui fe font perpétués fans 
afTés d’examen. Swammerdam après l’avoir difcuté, a 
prétendu qu’il étoit contre toute vraifemblance que les 
abeilles priffent une nourriture auffi folide que l’eflla cire 
brute. Î1 avoit reconnu par plufieurs obfervations qu’elle 
n’efl qu’un amas de petits grains, le plus fouvent de figure 
fphérique, & qu’il efl difficile de leur faire perdre. Quel¬ 
que petits que foient ces grains, leur diamètre lui a paru 

furpaffer 


des Insectes. VIII. Man. 417 

furpafler beaucoup celui de l’ouverture du bout de la 
trompe. Il a penlé, ce qui paroît très-vrai, que cette ou¬ 
verture, contre l’exiftence de laquelle nous avons rapporté 
de fortes preuves, ne pouvoit donner palîage qu a une 
liqueur. Il a donc cru que des raifons auxquelles on 11e 
pouvoit oppoler rien de vraisemblable, établiiToient qu il 
étoit impolîible que les abeilles fe nourriflent de cire brute. 

Il efi certain aulfi, qu’il feroit impolfibie qu elles la filfent 
palfer par l’ouverture qu’il prétendoit être au bout de 
leur trompe. Mais il relie encore polfible que les abeilles 
prennent cet aliment folide, des qu’il efl prouvé qu’elles 
ont une bouche. Nous avons fiait connoître cette bou¬ 
che * dans le fixiéme Mémoire, & nous avons dit qu’il * PI- 
étoit très-important de la connoître, h on vouloit fçavoir *’ 7 
l’hiftoire des abeilles. Nous y avons fait voir que fon ou¬ 
verture eft alfés confidérable pour recevoir les fubfian- 
ces folides qui doivent être conduites dans l’intérieur de 
l’abeille. Cette bouche efl placée au bout de la tête à 
la partie fupérieure de la trompe. Non-feulement nous 
avons déterminé fa pofition, éc avons donné une idée de 
fa grandeur & de la figure, nous avons appris de plus les 
moyens qui peuvent mettre en état de la voir quand on 
le veut; il fuffit donc à préfent qu’on fe rappelle quelle 
efl aulfi bien placée qu’une bouche d’infeéle peut l’être, 
quelle fe trouve immédiatement au-delfous des dents, 6c 
que fon ouverture efi alfés confidérable. 

Ce qui m’a conduit à chercher cette bouche & à la 
découvrir, c’efi qu’après avoir jugé qu’elle étoit abfolu- 
ment nécelfaire aux abeilles, je les ai vûes fouvent dans 
des opérations qui prouvoient inconteftablement qu’eiies 
i’avoient. Pendant que j’en examinois qui rentroient & 
qui fortoient d’une ruche où je les avois nouvellement 
établies, j’en remarquai une qui arrivoit chargée de deux 
Tome V . Ggg 




41 8 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
boules de cire brute ; elle fe pofa un peu à l’écart fur l’appui 
de la ruche; elle s’y tint tranquille, & fi tranquille qu’elle 
ne fut point déterminée à changer de place iorlque, pour 
i’obfcrver de plus près, je me mis à genoux, & que j’ap¬ 
prochai d’elle une loupe, au travers de laquelle je croyois 
mieux dilîinguer à quoi aboutiffoient des mouvements de 
iêtequ’dle avoit réitérés plufieursfois. Je vis très diffinéïe- 
ment qu’il y avoit des moments où elle fe contournoit au¬ 
tant qu’il étoit néccffaire, pour prendre avec les deux dents 
une petite portion d’une de fes boules de cire brute. Ellefe 
redrelfoit enluite.éè les dents agiffoienl l’une contre l’autre 
pour broyer la matière qu’elles avoient emportée. D’inf- 
tant en in fiant cette portion de matière fembloit diminuer 
de volume entre les dents qui lamâchoient, & bientôt elle 
difparoifloit totalement. Alors les dents ne tardoient pas 
à aller détacher une autre petite portion de la même pe¬ 
lote, quellesmâchoient comme eiles avoient fait la pre¬ 
mière. Ces opérations furent répétées pendant plus d’un 
demi-quart d’heure, au bout duquel il ne refia rien de 
la pelote de cire ; elle avoit été entièrement mangée. A 
mefure que les dents en avoient fuffifamment broyé une 
* Pl.^s.fig. partie, la langue* dont nous avons déterminé ailleurs la 
à. 7 1'.). 9 ’ '° figure & la pofition, étoit à portée de la fàifir, & la fai- 
fiffoit pour la conduire dans la bouche. Si j’avois ignoré 
que cette bouche étoit au-deffous des dents, tout ce que 
je viens de rapporter me l’auroit prouvé fuffifamment ; 
car que pouvoit devenir la matière broyée par les dents, 
fi elle n’entroit pas dans un trou defliné à la recevoir l 
D ailleurs la trompe, comme trompe, ne contribuoit 
en rien à faire difparoître la matière qui avoit été broyée: 
die étoit dans l’inaéfion la plus parfaite, pliée & ramenée 
contre la face pofiérieure de la tête, comme elle l’eft dans 
tous les temps où elle ne doit point agir. 


des Insectes. VIII. Mem. 419 

Ce que j’ai vû faire à la mouche dont je viens de 
parler, je lai vû faire à beaucoup d’autres mouches que 
d’autres circonftances favorables m’ont permis d’obferver 
à mon aife. Mais il efl plus ordinaire que l’abeille entre 
dans la ruche chargée de fes deux pelotes de cire brute. 
Elle marche fur les gâteaux en battant des ailes ; lors¬ 
qu'elle s’arrête quelque part.lorfqu’elle fe fixe, elle ne cefle 
pas pour cela d’agiter fes ailes. Elie femble par ces mouve¬ 
ments, & le bruit qu’ils produifent, inviter fescompàgnes 
à la venir trouver. On en voit bientôt trois ou quatre qui 
s’arrangent autour d’elle, & qui travaillent officieufement 
à la décharger de fes fardeaux. Ce que nous venons de 
dire, apprend afies à quoi tendent les bons offices quelles 
lui rendent. Chacune prend entre fes dents fa petite por¬ 
tion d’une des pelotes. Après l’avoir prife, elle ne tarde 
guéres à en venir reprendre une fécondé, & même une 
troifiéme fois, fi d’autres abeilles ne fe font pas préfen- 
tées pour en avoir leur part. En un mot, les deux pelotes 
qui chargent les jambes pofterieures de l’abeille, font fou- 
vent bientôt enlevées & mangées par fes compagnes, & 
cela, fur-tout dans les temps du fort du travail, dans les 
temps où les mouches font preflees de meubler de gâteaux, 
un logement où elles font nouvellement établies. 

Enfin, fi on veut encore avoir une autre démonflration 
pour fe convaincre que les abeilles ne fe contentent pas 
de mâcher la cire brute, on la trouvera dans leur intérieur. 
Qu’on ouvre leur eftomach & leurs intefiins, on les verra 
fouvent remplis de cette matière ; les grains y auront fou- 
vent leur première figure, & fi on les confidére au mi- 
crofcope, ils y paraîtront tels qu’y paroiffent lespouffiéres 
des étamines. 

Dans les ruches bien fournies de gâteaux de cire, que 
tes abeilles ne font pas preffées d’aggrandir, Si lorfque la 

Ggg ij 


420 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
récolte de cire brute, cft h facile & fi abondante qu’il en 
vient plus à la ruche qu’il n’y en peut être confumé, la 
mouche qui arrive avec les deux pelotes de cette matière, 
attendrait long-temps avant que de trouver des com¬ 
pagnes qui vinlfcnt les lui ôter. Toutes en font gorgées: 
celle qui en rapporte, s’en ch: aulfi apparemment raflahée 
à la campagne, mais elle n’a garde de biffer perdre le 
fruit de l'on travail. Il vient des temps où il y a difette de 
pouffiéres d’étamines; & même dans les faifons les plus 
favorables, il y a des jours fâcheux où les mouches ne 
peuvent aller ramaffer celles dont les Heurs font char¬ 
gées. Il leur convient d’avoir pour de pareils temps, rie 
la cire brute en provifion. Julqu’ici nous n’avons parlé 
que de deux ufàges des alvéoles ; nous avons feulement 
dit, que les uns fervent à loger les vers qui doivent deve¬ 
nir des mouches, & que les autres fervent à contenir le 
miel. Nous devons dire à préfent, que d’autres alvéoles 
font employés à un troifiéme ufage, à confèrver la cire 
brute qui eh mile en referve. La mouche qui arrive char¬ 
gée de deux lentilles de cette matière, dont les compagnes 
n’ont pas actuellement befoin, s’accroche avec l'es deux 
jambes antérieures contre le bord d’une cellule vuide, ou, 
plus exactement, d’une cellule dans laquelle il n’y a ni ver 
ni miel. Elle y fait entrer enl'uitefes deux jambes poftérieu- 
res, celles qui font chargées des deux petites boules ; & c’efl 
pour aider fes jambes à y entrer, quelle recourbe un peu 
fon corps en deffous, qu elle le rapproche de fa tête. Alors 
avec le bout de chacune de fes jambes du milieu, elle pouffe 
vers le dedans de l’alvéole la lentille ou pelote de cire brute 
de chacune de fes grandes jambes. Les deux lentilles lont 
détachées dans Enflant, & tombent dans l’alvéole. 

Souvent dès que l’abeille s’eh défaite de fes petits far¬ 
deaux, elle part, foit pour aller fur le champ s’occuper d’un 


des Insectes. VIII. Mem . 421 

nouveau travail, Toit pour fe joindre aux mouches qui, 
par un repos néceflaire & mérité, fe préparent des forces. 
Mais à peine les deux lentilles font-elles tombées dans 
une cellule, qu’une autre mouche entre dans cette même 
cellule la tête la première ; elle y refte quelquefois pendant 
un temps affés confidérable. On ne voit pas ce qu’elle y 
fait; mais quand elle en eft fortie, il eft aile de juger de 
ce quelle y a fait. Les deux lentilles font alors réunies dans 
une même mafle qui a été pouffée jufqu’au fond de la 
cellule, qui y a été preffée, & dont la fur face a été appla- 
nie de manière à être rendue parallèle à l’ouverture de 
l’alvéole. 

Dès qu’il y a une fois deux pelotes de cire brute dans 
une cellule, il eft décidé qu’elle doit être un petit magafin 
deftiné à être rempli de pareille matière. Jufqucs à ce 
qu’elle le foit, des abeilles viennent les unes après les au¬ 
tres s’y décharger de leur récolte de cire brute, que d’au¬ 
tres mouches peftriffent, preffent & arrangent. Quelquefois 
la mouche même qui a apporté les deux pelotes, prend 
elle-même tous ces foins. 

Chaque mouche paroît employer plus de temps qu’011 
ne croiroit qu’elle en devroit employer à arranger & à 
empiler deux petites pelotes de cire brute; car tout ce 
travail femble fe réduire à étendre, à appliquer le peu de 
matière qu’elles contiennent, comme il convient qu’elle 
le foit, fur celle qui eft déjà pofée dans la cellule. Mais 
c’cft que la mouche ne fe contente pas de les placer com¬ 
me elles le doivent être; avec fes dents elle les peftrit & 
les humeéte en même temps, elle les imbibe d’une liqueur 
qui ne paroît être autre chofe que du miel. Si on tire 
d’une cellule de la cire brute qui vient d’y être mifè, 
elle eft viftblement plus humide, plus liée, elle a plus de 
corps que n’en a la cire brute qu’on a ôtée à une des 


422 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE 
jambes d une abeille ; 6c fi on la goûte, on lui trouve un 
goût de miel qui fait ailes connoître la nature de la liqueur 
qui a été employée pour lui donner de la liaifon. On pour- 
roit croire que la liqueur dont la cire brute eft imbibée, aide 
à la faire digérer, à la préparer à devenir de vraye cire; mais 
quand je fuis venu à examiner de celle qui avoit demeuré 
dans cette prétendue digeftion pendant plus de fix à lept 
mois, je ne lui ai pas plus trouvé les qualités de la vraye 
cire, que je les ai trouvées aux pelotes dont j’avois dé¬ 
pouillé les abeilles qui arrivoient à leur ruche. Je ne crois 
pourtant pas que ce foit fans aucune raifon d’utilité que 
les abeilles imbibent de miel celles quelles veulent garder. 
J’y en vois même une; le miel eft aufïi propre qu’aucune 
matière, à empêcher la corruption des corps qu’il couvre, 
je conçois donc que les pouffiéres d’étamines bien enduites 
de miel, en font moins expofées à fermenter, 6c moins en 
rifque de moifir, ou peut-être de fe trop deiïecher. 

Au refte, on trouve dans les ruchespluficurs gâteaux, 
dont d’aflés grandes portions n’ont que des cellules rem¬ 
plies de cette cire brute. On trouve auflides cellules ifo- 
lées qui en font pleines. On en voit quelques-unes dif- 
perfées entre des cellules pleines de miel, ou entre des cel¬ 
lules dont chacune contient un ver. Les abeilles aiment 
apparemment à en trouver à portée dans le befoin. 

Il a été afles prouvé par tout ce que nous avons rap¬ 
porté ci-devant, que les abeilles mangent la cire brute; 
mais il ne l’eft pas encore, que c’eft dans leur eftomach âc 
dans leurs inteftins qu’elle devient de véritable cire. Elle 
pourroit n’y être portée que comme aliment, 6c n’en fortir 
que fous la forme d’un excrément inutile. Elles rejettent 
aufti par leur anus les fceces de celle dont les fucs ont été 
extraits pour leur nourriture, 6c apparemment auftî les 
fceces de celle qui a été convertie en vraye cire ; mais la 


des Insectes. VIII. Mem. 423 
même ouverture qui lui a donné entrée lorfqu’elle étoit 
brute, eft celle par laquelle elle fort propre à être mile en 
œuvre. C’efl ce que mes ruches vitrées m’ont mis en état 
de voir, & ce qui n’a pu être oblèrvé par Swammerdam, 
qui 11e connoifFoit pas ces lortes de ruches, ni par M. 
Maraldi qui n’en avoit point à fa difpofition de conftrui- 
tes auffi favorablement pour un oblervateur, que le font 
les miennes. J’ai été attentif à faifir les temps oùdes abeilles 
travaillent à faire des alvéoles qui touchoient le verre 
de quelqu’un des carreaux, ou qui en conftruifoient de 
très-proches du verre. Muni alors d’une loupe, & cher¬ 
chant à obfervcr quelque abeilie occupée au travail dans 
le temps où il fe faifoit moins tumuituairement, dans des 
in liants où le carreau de verre qui me permettoit de voir 
l’abeille, empêchait quelle ne me fût cachée par d’autres 
mouches qui nepouvoient pas fe placer entr’ellc & le car¬ 
reau ; alors, dis-je, j’ai vû que l’abeille qui bâtilfoit une 
portion', loit du fond, foit d’un des pans d’un alvéole, 
ne fe contentoit pas de faire agir les deux dents l’une 
contre l’autre, ou plutôt contre la petite lame qui étoit 
entrelles deux: elle me montroit au-deffous des dents 
une autre partie charnue &blancheâtre qui étoit dans un 
mouvement continuel & extrêmement vif; qui étoit dar¬ 
dée en avant & retirée en arriére, comme feft fouvent la 
langue d’un ferpent ou celle d’un lézard. Cette partie étoit 
aulfi la langue de la mouche. C’eft pour l’avoir vue ainfi 
en aétion, que j’ai cherché à la trouver, & que je l’ai trou¬ 
vée aux mouches que j’ai prifes; & cela, toutes les fois 
que je l’ai voulu. 

La figure de cette langue de l’abeille en travail, va- 
rioit continuellement. Elle étoit tantôt plus aigue, tantôt 
plus large, & plus applatie, & tantôt concave & plus ou 
moins. Elle étoit quelquefois cachée en partie par une 


424 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
liqueur moufTeufe, & quelquefois par une efpéce de bouil¬ 
lie. CeLte bouillie étoit la cire que la langue aidoit par fes 
divers mouvements, àforlirdela bouche,quellecôndui- 
foitdans la place ou elledevoit être mile pour que les dents 
la fhçonnaffent. Après que l’abeille avoit fourni ce quelle 
pouvoit donner de cette matière, ce qui étoit fait en peu 
d’inflants, elle partoit,& ce fl à regret que je la voyois 
partir, fur-tout lorfque celle qui venoit fur le champ pren¬ 
dre fa place 11e fe mettoit pas dans une pofition où il me 
fût auffi aifé d’obfcrver ce qui fe paffoit auprès des dents. 
C’efl donc avec une efpéce de pâte humide que les abeilles 
dégorgent, quelles compofent leurs cellules; dès que cette 
pâte efl féche, & elle l’eft dans un infïant, elle efl de la cire 
telle que notre cire ordinaire. 

Quand on n’auroit pas vû auffi diflinélcment que je 
l’ai vûplufieurs fois, cette pâte fortirde la bouche de l’a¬ 
beille, & pouffée par fa langue, on auroit dû juger que ia 
matière dont les cellules font faites, étoit fournie par la 
bouche de la mouche. On a pu voir agir les dents de 
différentes abeilles occupées à bâtir, & on a pu remar¬ 
quer que ces dents 11’alloient prendre de la cire fur aucune 
partie du corps; que les jambes n’en avoient point alors. 
A la vérité, M.Maraldi apenféque chacune de ces abeilles 
qui avoient part au travail fucceffivement, arrivoit avec 
une petite portion de cire qu’elle tenoit entre fes dents. 
Mais M. Maraldi avoue de bonne foi que tout fe paffe avec 
tant de mouvements variés & précipités dans la conftruc- 
tion des cellules, qu’on croit que tout efl en confufïon. Il 
y a donc apparence, qu’il n’a donné à chaque mouche un 
grain de cire entre les dents,que parce qu’il a cru néccffaire 
qu’elles i’euffent, ou parce qu’il a pris ia cire qui étoit em¬ 
portée par des mouches qui avoient été occupées à polir, 
pour’de la cire dont les mouches forment les cellules. 


Les 


des Insectes. VIIL Mcm. 425 

Les raclures, les coupeaux de cire qui viennent d ure 
détachés d’une cellule nouvellement conftruite, peuvent 
probablement fervirà former une partie d’une autre cellule; 
& j’ai cru voir des abeilles occupées à les mettre en œuvre. 
Mais il me paraît certain qu’elles ne fçavent employer que 
la cire nouvelle, que celle qui, depuis qu’elle eft cire, & 
qu’elle a paru au jour, n’a pas eu le temps de lécher par¬ 
faitement. Voici les faits qui me femblent décififs fur cela. 
Dans tous les temps de l’année, excepté celui où les abeilles 
font engourdies par le froid, fi on leur offre du miel, elles 
vont ie fuccer avec avidité, files aiment mieux profiter 
de celui quelles trouvent tout ramaffé, & en grande quan¬ 
tité, que d’aller en chercher qui efi dilperlé dans les fleurs 
par gouttes infiniment petites. Mais fi on leur offre des 
gâteaux de cire, même dans les temps où elles ne trou¬ 
vent pas à faire de récolte de pouflïéres d’étamines, elles 
n’en tiennent aucun compte. Elles les hachent quelque¬ 
fois, mais ce n’eft qu’autant qu’ils font un peu humeétés 
d’un miel dont elles veulent profiter. Jamais elles ne s’avi- 
fent de porter la cire de ces gâteaux dans leur ruche. J’ai 
kiffé. des gâteaux bien dépourvûs de miel pendant près de 
cinq à fix mois tout auprès de mes ruches, fans que les 
abeilles les ayent endommagés. 

Nous ramolliffons par la chaleur la cire que nous 
voulons mettre en œuvre : cette manière de la rendre 
propre à être façonnée, ne convenoit pas aux abeilles. 
Elles pourraient néantmoins faire prendre à l’air des 
environs de l’endroit où elles travaillent une chaleur 
capable de rendre la cire extrêmement molle; mais cette 
chaleur favorable aux petites parties de cire qu’ci les vou¬ 
draient employer à former une nouvelle cellule, ferait 
contraire aux cellules déjà faites & voifines. Ces dernières, 
devenues trop flexibles, ne réfifieroient pas au poids & aux 
Tome V » Hhh 


42 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
mouvements des mouches qui paffent alors deffus en très* 
grand nombre. Les gâteaux pleins de miel chargeroient 
trop leurs attaches ramollies ; celles-ci fe briferoient. La 
cire que l’abeille met en œuvre, doit donc être rendue 
molle par un fecret à nous inconnu, par une liqueur qui 
la détrempe; être à peu près dans l’état de lafoye qui eft 
prête à fortir du corps d’un infeéte, qui alors n’eft qu’une 
efpéce de gomme diftfoute, & qui expofée à l’air fe delfé- 
che bien vite, & ne craint plus i’aétion des liqueurs ordi¬ 
naires. 

Mais il faut prouver par des obfervations plus aifées à 
faire que les précédentes, que la cire brute eft convertie 
en vraye cire dans l’intérieur des abeilles, par des obier- 
vations qui ne demandent pas qu’on ait des abeilles logées 
dans des ruches tranfparentes, telles que les miennes, ni 
qu’on fai lifte des moments rares pour étudier avecfuccès 
ces mouches la loupe à la main. Dansla faifon des eftaims „ 
fion fe trouve à portée d’en examiner un qui s’eft attaché 
contre quelque arbre, on pourra remarquer qu’entre les 
mouches dont il eft compolé, il y en a très-peu qui 
ayent à leurs deux jambes poftérieures, des pelotes de 
cire brute. Celles-là feules en ont qui revenoient char¬ 
gées de la campagne dans le temps qu’eft partie la troupe 
à laquelle elles le font jointes. Cependant fi on a laide 
J’eftaim pendant quelques heures en repos , lorfqu’on le 
fait pafler dans une ruche, on trouve fouvent un petit 
gâteau de cire attaché à l’arbre, & qui étoit caché par 
les mouches qui l’ont conftruit. Où auroient-elles pris la 
cire dont elles l’ont fait, fi elles ne l’ayoient pas tirée de 
leur intérieur î 

On verra des gâteaux qui ne peuvent avoir été faits que 
d’une cire fortie du corps des abeilles, fi on oblige celles 
d’une ruche à pafter dans une autre ruche, & fi on les y 


des Insectes. VIII. Mem . 427 

oblige dès ie matin, avant qu’aucune ait encore longé à 
aller à la campagne. Alors ayant toutes été forcées de 
déménager brufquement, elles n’emportent point de cire 
brute à leurs jambes, ni fur aucune de leurs parties exté¬ 
rieures. Cependant fi elles fe trouvent bien de leur nou¬ 
veau logement, quoiqu’on ne les en ait pas vû fortir, dès 
ie foir même, on y trouvera des gâteaux de cire. 

Avant que je fçulfe où eft le laboratoire où fe fait la 
cire, où elt le refervoir de celle que l’abeille employé, 
j’ai été quelquefois très- inquiet pour des mouches que 
j’avois fait changer de demeure, & que je voyois aller à la 
campagne, & en revenir fans apporter des pelotes de cire 
brute. J’étois enfuite étonné au bout d’un jour ou deux, 
de voir de très-grands gâteaux de cire faits par ces mou¬ 
ches, que je croyois dans une habitation qui leur déplai- 
foit. Ordinairement elles cachent elles-mêmes, elles cou¬ 
vrent de toutes parts les premiers gâteaux qu’elles conftrui- 
fent. Je croyois que des mouches auxquelles je n’avois vû 
rapporter aucune pelote, étoient dans une parfaite inac¬ 
tion. Je ne fçavois pas quelles pouvoient avoir fait paffer 
dans un de leurs eftomacs & leurs inteftins la cire brute 
avec laquelle elles revenoient à la ruche, ou y avoir eu une 
provifion de cette cire lorfquc je les avois délogées. 

On a une preuve encore de l’altération confidérable que 
les abeilles doivent produire dans la cire brute, & d’une 
altération qui ne peut guéres être l’ouvrage d’un inftant, 
Jorfqu’on a examiné les petites boules qu’elles rapportent 
à leur ruche. Les boules des unes font d’une couleur très- 
pâle, prefqueblanches; celles des autres font jaunâtres, & 
communément elles font d’un beau jaune ; d’autres font 
d’une couleur orangée, d’autres rougeâtres, & d’autres 
prefque rouges ; j’en ai vû de vertes. On trouve auffi des 
couches de cire brute de ces différentes couleurs, dans les 

H h h ij 


428 MEMOIRES POUR L’HiSTOÎRE 
cellules où cette mitiére eft mife en referve. Cependant 
les gâteaux faits de ces cires brutes différemment colorées , 
ont tous la même couleur. Tout gâteau nouvellement 
fait, eft blanc. Ils différent feulement entr’eux par plus ou 
moins de blancheur. J’ai vû quelquefois que le blanc des 
gâteaux nouvellement conftruits, ne le cedoit en rien à 
celui des plus belles bougies, auprès defquelles je les 
avois pôles. Entre les gâteaux nouvellement faits, ceux 
qui m’ont paru les moins blancs, pouvoient être com¬ 
parés à la mauvaife bougie blanche, ou à celle qui, pour 
avoir été trop gardée, a jauni. Ces gâteaux qui font for- 
tis fi blancs des mains des ouvrières, perdent peu à peu 
de leur éclat, en vieilliffant iis jauniffent; les plus vieux 
deviennent’d’un brun qui approche du noir de la fuye. 
Le miel qu’ils contiennent, qui lui-même jaunit avec le 
temps, contribue à altérer leur couleur ; mais elle peut 
être encore plus altérée par les vers qui prennent leur ac- 
croiffement dans les cellules de ces gâteaux. On peut s’af- 
fûrer par un moyen qu’il n’eft pas temps de rapporter, 
que les cellules qui l'ont les plus noires ont fervi de loge¬ 
ment à plu fie u rs vers, qui les uns après les autres, y lont 
nés, & y ont crû jufqu’à ce qu’ils fe foient transformés 
en mouches. Enfin, on imaginera aifément que les va¬ 
peurs qui tranlpirent du corps des abeilles, peuvent altérer 
la couleur de la cire, dès qu’on fçait que l’air même d’une 
chambre eft capable de faire jaunir avec le temps la bougie 
la plus blanche. 

L’art de blanchir la cire ne paroît donc être que celui 
de lui enlever la matière étrangère qui l’a pénétrée 6c co¬ 
lorée depuis quelle a été faite par les abeilles. Mais toutes 
les abeilles 11e font pas de la cire également blanche. Je 
n’héliteroispas à croire que cette différence vient unique¬ 
ment de ce que les unes n’ont pas employé des poufliéres 


des Insectes. VIII. Mem. 429 
d’étamines aufii propres à être dépouillées de leurs cou¬ 
leurs, que le font les poufliéres qui ont été ramafteespar 
d’autres, fi je 11’avois oblervé que dans le même temps & 
le même lieu, les abeilles de certaines ruches ont fait des 
gâteaux qui, comparés à ceux qui ont été faits par d’autres 
abeilles dans d’autres ruches, n etoient que ce qu’eft la 
bougie devenue jaune à l’air par rapport à la bougie la 
plus blanche. On peut foupçonner que la matière propre 
a devenir cire, n’eft pas également bien blanchie dans 
l’intérieur des abeilles de toutes les ruches. Comme celles 
d’une même ruche doivent toutes leur naiffance à une 
même mere, il ne feroit pas furprenant quelles euffent 
toutes la même imperfection dans la conformation de 
leurs eftomacs & de leurs inteftins. On Içait, & on ne fçait 
que trop dans les bianchilferies, qu’il y a des cires qu’on ne 
peut rendre d’un beau blanc. C’elt probablement qu’on ne 
peut rendre la cire plus blanche quelle l’étoit, lorfqu’elle 
eft fortie de deffous les dents des abeilles; on ne fait que 
lui ôter les matières qui l’ont teinte depuis, & tout notre 
art ne peut aller plus loin. 

Les abeiiles ne paroi ftent pas recueillir par préférence 
les pouiïiéres d étamines d’une couleur à celles qui en ont 
d’autres.Elles ramaffent celles quelles trouvent plus aifé- 
ment. 11 y a des temps où on leur voit à toutes des pelotes 
jaunes, & d’autres où on ne leur en voit que de prelque 
rouges; ce qui dépend des rieurs qui fe trouvent dans les 
endroits où elles vont faire leur récolte. Mais quelle quefoit 
la couleur de ces pelotes, elles la perdent pendant qu’elles 
font macérées & digérées dans l’eftomac de l'abeille: Si 
on ouvre le ventre de quelques-unes de ces mou •.'h es dans 
le temps où elles font dans le fort du travail, on trouvé le 
fécond eflomac & les inteftins remplis de ces poufliéres, 
qui y font aifées à reconnoîtie, comme nous lavons dit, 

H h h iij 


430 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
6l qui, au moyen de la liqueur avec laquelle elies font mê¬ 
lées, y compofent une bouillie jaune ou jaunâtre. 11 ed 
aifé de prendre de cette bouillie, de la lécher entre les 
doigts,& d’en former une lentille alfés femblableà celles 
qu’on voit aux jambes podérieures des mouches. Si on 
approche de fon nez la nouvelle lentille, ou encore mieux 
la bouillie, on efl faifi par une odeur defagréable & péné¬ 
trante, qui apprend alfés qu’elle ed une matière en fer¬ 
mentation , & dont la digedion fe fait. 

Cette odeur qui, quoique plus defagréable que celle 
des efprits volatils, peut lui être comparée, m’a engagé à 
éprouver quelle altération feroit produite dans la cire brute 
que je laiflerois en digedion dans une bouteille bien fer¬ 
mée, & où elle feroit mêlée avec un efprit volatil qui la 
furnageroit. La cire brute s’y ed ramollie, & y ed devenue 
plus pedridable ; mais elle n’ed point devenue fufible com¬ 
me l’ed la cire. 

Il en ed cependant des cdomacs des abeilles, comme 
du nôtre; ils ne digèrent pas toujours tout ce qui leur a 
été donné à digérer. Lorfque l’abeille fait fortir par fa 
bouche la liqueur mouffeufe, qui ed de la cire délayée, 
pour ainfidire, des grains d’étamines qui n’ont pas fouf- 
fert afles d’altération dans l’edomac, peuvent être portés 
avec cette liqueur. Quand on examine à la loupe les 
caffures de la cire, telle que nous l’employons, de celle 
qui a été fondue, on y peut fouvent découvrir de petits 
grains qui ont confervé leur figure arrondie, qui ne le 
font pas fondus, & qui ne font pas fufjbles. Ces petits 
grains ne font apparemment autre choie que des grains 
de pouffiéres d’étamines, qui fans avoir été digérés, 
font fortis avec la liqueur cireufe par la bouche de l’a¬ 
beille. 

On feroit fur la voye de trouver un moyen fimple de 


des Insectes. VIII. Mem. 431 
convertir la cire brute en véritable, fi on n’attribuoit pas 
à quelque hazard des produits qu’ont donné deux expé¬ 
riences rapportées dans les Ephémérides des curieux 
de la Nature *. M. Daniel Major y apprend ce qui 
lui efl arrivé pendant qu’il faifoit piler des rôles à cent 
feuilles pour en compolèr de la confèrve. Après que les 
feuilles curent été pilées dans un mortier de pierre avec un 
pilon de bois, on trouva un petit morceau de cire blanche 
du poids de deux à trois grains, attaché au pilon ; il croit 
qu'on ne peut foupçonner que la cire vînt d’ailleurs que 
des rôles, parce que le mortier & le pilon avoient été bien 
nettoyés. 11 adjoûte que ce fait lui efl encore arrivé une 
autre fois, 6c qu’il fut remarqué par un étudiant qui piloit 
les rôles. S’il étoit bien certain que cette cire n’eut pas été 
mife toute faite dans le mortier par quelque accident, s’il 
étoit bien certain qu’elle le fût formée fous les coups de 
pilon, il paroîtroit que le fuc des feuilles de rôles auroit 
transformé en cire les pouffiéres des étamines de ces 
fleurs, pendant qu’elles étoient broyées par les coups de 
pilon. Cette expérience efl fimple, je l’ai faite. J’ai pilé 
huit à dix pelotes de cire brute avec des feuilles de rofes; 
mais les pelotes ne font point devenues pour cela de véri¬ 
table cire. 

Quoique quantité d’abeilles foient occupées dans l’in¬ 
térieur de chaque ruche à mettre la cire en œuvre, 6c à 
perfectionner les cellules qui en font faites , quoique beau¬ 
coup d’autres travaillent à divers autres ouvrages, 6c quoi¬ 
qu’il y en ait beaucoup à ia campagne pour y faire des ré¬ 
coltes, le nombre de celles qui font en repos, efl encore 
très-grand dans chaque ruche, 6c beaucoup plus grand que 
le nombre de toutes les autres priées enfemble. On y voit 
des maffesd’un volume confidérable, formées par plufieurs 
milliers de mouches accrochées les unes aux autres. Celles 


* Premier 
Decennium 
ann . 8. obf. j, 
P a S• 7• 


432 Mémoires pour l'Histoire 

qui font fj tranquilles, pendant que d’autres le donnent 
tant de peine & de foins, joui fient apparemment d’un 
repos quelles ont mérité par le travail. Elles reprennent 
des forces pour être en état d’agir, lorlque les abeilles 
actuellement employées à des exercices fatiguants, au¬ 
ront befoin de fe repofor. Il eft plus naturel de penlêr 
qu’elles partagent ainfi leur travail par des intervalles de 
repos, peut-être afTés courts, que de croire, comme j’ai 
connu des gens qui le penfoient après les avoir oblèr- 
vées, quelles avoient alternativement des jours ouvriers, 
pour ainfi dire, & des jours de fête; que celles qui avoient 
travaillé un jour, ne travailloient pas le jour fuivant ; ou 
au moins, que les mêmes abeilles ne fortoient pas tous les 
jours de la ruche. 

Ce fentiment qui n’eft appuyé fur aucune preuve, ne 
feroit vrailémblable qu’en cas que le nombre des abeilles 
qui fortent chaque jour d’une ruche, ne fût pas égal à celui 
des abeilles qu’elle contient ; car s'il lui efl égal, ou plus 
grand, il efl plus naturel de penfer que l’abeille qui eft reve¬ 
nue chargée de la campagne, fe repofe pendant un certain 
temps, que de croire quelle continue de fe donner les mê¬ 
mes fatigues pendant tout le jour. Il m’a donc femblé que 
pour décider cette queftion, ilfalloit fça-voir quel efl à peu 
près le rapport du nombre des abeilles qui fortent de la ruche 
dans chaque jour propre au travail, avec le nombre des 
abeilles de la ruche. Au lieu de compter le nombre de 
celles qui en fortent, j’ai compté le nombre de celles qui 
y rentrent, ce qui revient au même, & qui efl plus facile. 
J’ai, dis-je, compté à différentes heures du jour les abeilles 
qui rentroient dans leur ruche pendant un certain nombre 
de minutes, & j’ai compté celles qui rentroient dans diffé¬ 
rentes ruches plus ou moins peuplées. Il y a eu des ruches 
ou j’ai vû rentrer environ cent mouches par minute, tantôt 

plus 



des Insectes. VIII. Mem . 433 

plus cependant & tantôt moins, de forte que je crois 
pouvoir prendre ce nombre pour un nombre moyen. Il 
y avoit donc par heure fix mille abeilles qui rentroient 
dans la ruche dont je parle. Or on peut luppoier que 
l’affluence avoit été la même depuis cinq heures du 
matin jufques à fept heures du loir, & en cela je ne crois 
pas qu’on fuppofe trop, parce que s’il y avoit des heures 
où elle avoit été moindre, elle avoit été plus grande dans 
d’autres. D’ailleurs, les abeilles fortent «quelquefois dès 
quatre heures du matin, & 11e ceffent de lortir que vers 
les huit heures du foir; mais au lieu de compter celles 
qui leroient rentrées pendant feize heures, nous nous 
contentons de compter celles qui leroient rentrées pen¬ 
dant quatorze heures ; leur nombre eh quatorze fois 
6000, ou 84000. 

Le nombre exaél des abeilles qui habitoient la ruche 
dont il s’agit, m’étoit inconnu; mais j’ai fiait allés d’obfer- 
vations fur celui des abeilles de différentes ruches, pour 
avoir lieu de croire que je ne me tromperai pas beaucoup 
fur l’évaluation que j’ai faite du nombre de celles de cette 
ruche. J’ai cllimé qu’il pouvoit être d’environ 1 8000 mou¬ 
ches. Ainli le nombre des 84000 qui étoient rentrées, 
n’avoit pu être rempli qu’en fuppolant que chaque abeille 
étoit au moins fortie quatre fois dans la journée pour aller 
faire des récoltes à la campagne, & que quelques-unes 
étoient lôrties cinq fois, j’ai compté les mouches qui 
rentroient dans des ruches fi peu peuplées que j’aurois cru 
être fur de gagner, li j’eiiffe parié quelles ne contcnoient 
pas 6000 abeilles. Cependant j’ai efflmé à 50 le nombre 
de celles que j’y voyois rentrer par minute, ou à 3000 
par heure. Chacune de celles-ci fortoit donc au moins 
deux fois par jour de plus que chacune des autres, environ 
fept fois. Enfin, nous venons devoir à combien d’autres 
Tome V . I i i 


434 Mémoires pour l’Histoire 

ouvrages quantité d’abeilles font occupées pendant tout le 
jour dan's la ruche ; & nous en devons conduire que fi 
le nombre de celles qui font en repos, e-jft grand, il n’eft 
pas compolé pendant long temps des mêmes mouches; 
qu’à induré qu’il y en a quelques-unes qui fe joignent 
au gros pour fe tenir tranquilles, il y en a d’autres qui en 
partent pour reprendre le travail. 

Le calcul que nous venons de rapporter, conduit à 
en faire un autre, qui feul eût fuffi pour prouver que 
les abeilles ne mettent pas en œuvre la cire brute telle 
qu’elles la rapportent, quelles la mangent; & qui apprend 
de plus, qu’il n’y a qu’une très petite partie de celle qu’elles 
ont digérée, qui foit convertie en cire propre à être em¬ 
ployée à la çonfïrudlion des cellules. Dans le Printemps, 
il y a des jours où du matin au foir on ne voit rentrer 
que des abeilles chargées de deux pelotes de cire brute, 
& où au moins le nombre de celles qui y reviennent char¬ 
gées des deux pelotes, eft beaucoup plus confidérable que 
le nombre de celles qui reviennent à vuide. Suppofons 
néantmoins le nombre de ces dernières égal à celui des 
autres. Dans une ruche telle que la première des deux 
dont nous avons parlé ci-deffus, dans celle où 84000 
abeilles rentrent par jour, elles y apportent donc 84000 
pelotes dans une journée, & cela, dans la fuppofîtion 
qu’il n’y a que la moitié des abeilles qui y en rapportent. 
Quelque petite & quelque légère que foit chaque pelote, 
toutes enfemble doivent faire un poids affés confidérable 
par rapport à la quantité des matières contenues dans une 
ruche. Pour fçavoir à peu près à quoi il pouvoit aller, 
j’ai pefé avec foin, & cela à différentes fois, les pelotes de 
cire brute que j’avois enlevées à des abeilles avant qu’elles 
euffent eu le temps de s’en décharger dans la ruche, Sc 
j’ai trouvé que huit pelotes pefoient un grain. En divifànt 


des Insectes. VIII. Mem. 435 
84000 par huit, ou a donc; ie poids des grains de eue 
brute qui étoient apport» dans une journée dans i inté¬ 
rieur de la ruche dont nou parlons^ Ce poids cft de 10500 
grains,&la livren’eft compoiëeque de 92 16grains. Ainft 
la récolte de cire brute faite dans une leule journée peloit 
plus d’une livre. Or il y a dans une année plulieurs jours 
d’une aufit grande récolte. 11 y en a fouvent quinze à 
feize de fuite, loit vers la mi-May, foit vers le commen¬ 
cement de Juin ; enfin, dans les jours moins favorables, 
les abeilles ne laiffent pas de rapporter encore de la cire 
brute dans la ruche. Pendant lept à huit mois confécutifs 
que les abeilies fartent, elles doivent ramafïgr plus de 
cent livres de cette matière, Si peut-être beaucoup plus. 
Cependant, fi on tire au bout d’une année la cire d’une 
ruche f'emblabie à celle dont il efl queftion, on n’y en 
trouvera peut-être pas deux livres. D’où il fuit que les 
abeilles n’extraient de la cire brute qu’une afîes petite por¬ 
tion de véritable cire; que la plus grande partie de cette 
matière fert à les nourrir, & que le refle fort de leur corps 
fous la forme d’excréments. 

Dans quelques années j’ai vû les abeilles de plulieurs 
ruches en panier, revenir pour la plupart chargées de cire 
brute du matin au loir; Si cela, pendant la fin d’Avril, 
Si une bonne partie du mois de Mai. Quand après piufieurs 
femaines d’une (i grande récolte, je faifois renverfer ces 
ruches pour en examiner l’intérieur, je n’y pouvois dé¬ 
couvrir ni gâteaux nouvellement conflruits, ni des gâteaux 
allongés ou élargis. Qu’avoient-elles donc fait de toi te 
la cire brute qu’elles avoient ramaffée! Elles pouvoient en 
avoir mis une portion en referve dans les cellules; mais 
il efl évident quelles en avoient mangé la plus grande 
partie. 

11 efl à remarquer que les faux-bourdons, qui ne travaillent 

I i i ij 


436 Mémoires pour l’Histoire 

point aux ouvrages de cire, ne prennent pour toute nourri¬ 
ture que du miel, du moins dans bien des centaines de ces 
groffes mouches que j’ai ouvertes, n’en ai-je jamais trouvé 
une qui eût dans le canal des aliments de la cire brute. 

Outre les befoins qui exigent que les abeilles faffent 
des récoltes de cire brute, elles en ont d’autres qui les 
engagent à s’aller charger d’une autre matière. Leur ha¬ 
bitation ne doit avoir que les ouvertures qui y tiennent 
lieu de portes. Par-tout ailleurs elle doit être très-clolè. 
Nos mouches ont à craindre que les infeéles qui en veu¬ 
lent à leur miel, que ceux qui en veulent à leur cire, 8 c 
que ceux cpii leur en veulent à elles-mêmes, ne trouvent 
en différents endroits du corps delà ruche, des ouvertures 
par où ils puiffent s’y introduire.il eff plus facileauxabeilles 
de s’oppoler aux incurfions de leurs ennemis, quand elles 
n’ont qu’une porte ou peu de portes à garder. Enfin, les 
entrées ne doivent pas être feulement bouchées aux in- 
feéies, elles le doivent être à la pluye 8 c à l’air. Il importe 
fur-tout aux abeilles d’être logées bien chaudement, com¬ 
me nous le prouverons dans le dernier Mémoire de ce 
volume. Auffi, un de leurs premiers foins, lorfqu'elles font 
nouvellement établies dans une ruche, eft de boucher 
toutes les ouvertures, toutes les fentes qui s’y peuvent 
trouver, 8 c elles veulent qu’elles foient folidement bou¬ 
chées. Celles que j’ai miles dans des ruches vitrées, dont 
les bords des carreaux étoient, comme ceux des carreaux 
de nos fenêtres, recouverts de bandes de papier,& cela, du 
côté de l’intérieur de la ruche, ces abeilles, dis-je , n’ont 
pas manqué de ronger ce papier. En le rongeant, elles 
mettoient pourtant à découvert les ouvertures qui fe trou- 
voient entre le bois & le verre; mais c’eff qu’elles fe pro- 
pofoient d’y appliquer une matière moins pénétrable à 
l’eau, que celle qu’elles avoient ôtée. 


des Insectes. VIII. Metn. 437 

II lemble que les abeilles pourroient faire ufage de la 
cire pour rendre leurs ruches très-cloles; mais il leur a été 
enleigné de Te Tervir d’une autre matière qui, Tans doute, 
y elt plus propre, qui s’étend & s’attache mieux, & qui a 
beaucoup plus de ténacité. La matière dont nous voulons 
parler, n’a pas été inconnue aux Anciens. Pline même 
en dilîingue de trois fortes différentes, dont la première 
qu’il regarde comme le fondement de tout le travail des 
abeilles, elt appellée metys, la Teconde pijfoceron, &l la 
troifiéme propolis; mais le nom de propolis elt celui au¬ 
quel la plupart des Auteurs Te font tenus, & les deux autres 
ne font propres qu’à défgner de la propolis plus ou moins 
pure, plus ou moins mêlée avec de la cire, de laquelle, 
au relie, la propolis diffère extrêmement. Elle Te laiffe 
aiTément diffoudre par TeTprit de vin, & par l’huile de 
térébenthine. En un mot, elle elt une réTine, qui avec le 
temps, Te durcit beaucoup dans la ruche, mais qui peut 
toujours être ramollie par la chaleur. 

Celle qu’on trouve dans différentes ruches, & même 
dans différents endroits de la même ruche, offre non- 
feulement des variétés par rapport à la confiltance, elle 
en offre auffi par rapport à la couleur & à l’odeur. Elle 
elt une des matières auxquelles 011 a donné une place dans 
les boutiques des Apothicaires ; & pourquoi n’y en auroit- 
elle pas eu une! Communément elle répand une odeur 
agréable quand elle elt échauffée. George Piétorius dans 
Ton Traité des abeilles, veut qu’on choififfe celle qui a 
une couleur jaune, qui a beaucoup d’odeur, qui reffemble 
au Ityrax, & qui, comme la réfine appellée maltic, peut 
Te lailfér étendre. Pline dit que de Ton temps on la Tublti- 
tuoit au galbanum, & qu’elle a une odeur forte. Mais il 
elt ordinaire d’en trouver qui a une odeur aromatique, qur 
ne Tçauroit manquer de plaire, &il y en a qui Tembleroit 

I 1 i ifj 


458 Mémoires pour l’Histoire 

mériter d’être mile au rang des parfums. La couleur 
de la furface extérieure de la propolis, eft un brun rou¬ 
geâtre, mais tantôt plus claire, 6c tantôt plus foncée; elle 
tire tantôt plus fur le brun, & tantôt plus fur le rouge. 
La couleur de l’intérieur, celle des fragments qu’on dé¬ 
tache, approche davantage de celle de la cire, elle eft plus 
jaunâtre. Celle qu’on a diffoute, loit dans l’elprit de vin, 
l'oit dans l’huile de térébenthine, pourrait être fubftituée 
aux vernis qu’on employé pour donner une couleur d’or 
à l’argent, ou à l’étain réduit en feuilles, qui ont été ap¬ 
pliquées, loit lur du cuir, loit lur du bois. Elle pourroit 
de même fervir pour dorer mieux qu’on ne fait les ou¬ 
vrages de bimbloterie. Elle donne une belle couleur d’or 
aux métaux blancs & polis, liir lefqueis elle eft étendue. 
Il ne peut lui manquer qu’un peu de brillant, qui lui 
feroit ajoûté, fi on i’incorporoit avec le maltic ou le fan- 
darac. 

Dans le temps que les abeilles mettent en œuvre la 
propolis, elle eft molle ; comme un bitume elle eft propre 
à être étendue pour efpalmer la ruche ; mais elle prend 
de jour en jour plus de confiftance, & devient bien plus 
dure que la cire. Elle peut toujours être ramollie par la 
chaleur; lorfqu’on en tire un morceau ramolli, par deux 
bouts oppofés, il fe briffe étendre & ne fe caffe qu’après 
avoir été allongé en fil; ce qui n’arrive pas à la cire dans 
un fembîable cas. 

Ii elt bien plus difficile de voir des abeilles chargées de 
cette matière quelles employent à boucher les fentes de la 
ruche, & à en enduire les parois, qu’il ne l’eflde les voir 
chargées de la matière quelles convertiffent en cire. Elies 
n’ont pas befoin d’apporter dans leur ruche autant de la 
première matière que de la fécondé. Ce n’eft guéres que 
dans les premiers temps où elles fe font établies dans une 


des Insectes. VIH. Mew. 439 

ruche, qu’elles ont befoin de celle-là, ou lorfque dans la 
fuite il fe fait quelque trou. Audi malgré toutes mes ru¬ 
ches vitrées ai-je paffé plufieurs années fans parvenir à 
appercevoir des abeilles chargées de propoiis. Peut-être 
efl-ce faute d’avoir connu les heures favorables. Je les 
épiois indifféremment à toutes celles du jour, & plûtôt 
même le matin que J’après midi; & je fuis à préfent fort 
dilpofé à croire que fi les abeilles choififïent par préfé¬ 
rence les heures du matin pour ramaffer la cire brute, 
elles prennent celles du loir pour faire la récolte de la ma¬ 
tière qu’elles employent à mafliquer. La première fois 
que j’ei-î vis des abeilles chargées, ce fut en Juillet fur 
les cinq heures & demie du foir. J’avois toujours eu 
envie de fçavoir fi elles donnoient à la propolis quelque 
préparation comme elles en donnent une à la cire brute, 
û elles étoient obligées de la manger, ou fi elles l’em- 
ployoient telle quelles l’apportoient à la ruche. Mon 
doute fut éclairci dès que j’eus obfervé des abeilles qui en 
étoient chargées. J’en remarquai plufieurs qui avoient à 
leurs jambes poftérieures deux plaques lenticulaires rou¬ 
geâtres , affés femblabies par leur figure aux pelotes de cire 
brute, mais dont les bords étoient plus applatis. Comme 
plufieurs de ces mouches étoient fi proches des carreaux 
de verre, qu’elles les touchoient, il me fut aiféderecon- 
noître foit avec mes yeux feuis, foit avec mes yeux aidés 
delà loupe, que cette matière étoit précifément la même 
que la propolis employée à lutter les jointures & les fentes, 
quelle n’étoit point un affemblage de petits grains comme 
l’efl la cire brute. 

Un autre objet de ma curiofité, étoit de fçavoir com¬ 
ment l’abeille qui portoit à fes jambes les deux plaques 
d’une matière que je fçavois très-ténace, parvenoit à les 
en détacher. C’efl fur quoi j’eus encore le plaifir d’être 


44-0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
bien-tôt inftruit. Je vis que des compagnes attentives 
épargnoient à la mouche la peine de fe débarraffer d’une 
matière qui lui avoit affés coûté à ramaffer & à apporter. 
Je vis bien tôt une abeille qui alla prendre avec les dents 
une petite portion de cette matière, qui étoit fi bien collée 
contre une des jambes de l’autre. Elle faifoit des elîorts 
pour arracher ce que fes dents tenoient faifi, elle le ti- 
railloit. Cette petite portion s’allongeoit comme s’allon- 
geroit en pareil cas une gomme réfineulè qui n’auroit pas 
pris encore toute la dureté, mais qui auroit beaucoup plus 
de confillance qu’il n’en faut pour être en état de couler. 
Quand la mouche, après avoir tiré à plulieurs repriles, 
étoit parvenue à léparer du refte de la maife cette petite 
portion, la tenant entre les ferres, elle la tranlportoit à 
quelqu’un des endroits où il y avoit une fente à boucher. 
Une autre mouche remplaçoit celle-ci fur le champ; & 
quelquefois deux mouches arrachoient en même temps à 
chacune des deux jambes poftérieures de i abeille de la 
gomme réfineulc. Ainfi peu-à-peu les petites pelotes 
qu’elle avoit apportées, lui étoient enlevées par des mou¬ 
ches qui ne tardoient pas à les employer. 

On croit que c’eft lur les peupliers, fur les bouleaux & 
fur les faules, que les abeilles vont prendre la propolis; 
le hazard n’a pas voulu que je leur y aye vu faire cette 
récolte. Je ne crois pourtant pas qu’elle leur foit fournie 
par ces feuls arbres. J’ai vû des abeilles dans des pays où 
il n’y avoit ni peupliers, ni bouleaux, ni huiles; c’étoit 
donc fur d’autres arbres qu’elles s’étoient pourvues de la 
réfine qui leur ell nécefifaire. Mais quand j’aurois obfervé 
des abeilles fur les arbres où elles prennent la propolis, il 
n’y a pas apparence que j’euffe réuffi à voir auffi bien 
comment elles s’en chargent, que je l’ai vû dans une cir- 
couftance particulière. Une opération qui avoit demandé 

que 


des Insectes. VIII. Ment. 44t 
que j’ôtafie le bouchon du trou fiipérieur d une de mes 
ruches vitrées, demanda auffi que je n’y fille pas rentrer 
ce bouchon en entier. Il avoit été fcellé par de la pro¬ 
polis, & la partie qui en étoit enduite, refia au-defius du 
bord du trou. Des abeilles de cette ruche qui s’apper- 
çurent qu’il y avoit là une matière quelles avoient été 
obligées d’aller chercher au loin depuis peu de jours, Sc 
qui 11e s’étoit pas encore defiechée, en voulurent profi¬ 
ter. J’en vis trois à quatre attroupées defius. Une y refia 
feule par la fuite, & travailla à la détacher dans un endroit 
placé auffi favorablement qu’il eût pu être fi je l’eufie 
choifi moi-même. Cette gomme tenace, & qui s’étoit 
defiechée depuis quelle avoit été apportée à la ruche, 
ne cédoit qu’à des tiraillements redoublés, néantmoins 
elle fe laiffoit encore étendre. L’abeille s’en chargea ; elle 
s’en fit fur chaque jambe une pelote d’une grofleur énor¬ 
me. Auffi y fut-elle occupée bien du temps. Une grande 
demi-heure fe pafia avant qu’elle fut parvenue à fe donner 
fa charge. Cette matière incomparablement plus difficile 
à détacher que ne le font les poufiiéres des étamines, & 
plus difficile à manier, ne permettoit pas à l’abeille d’aile^ 
vite, circonfiance heureufe pour i’Obfervateur. Je l’exa¬ 
minai la loupe à la main pendant toute la demi-heure. Je 
voyois avec plaifir combien elle étoit obligée de donner 
de coups de dents, & de tirailler pour arracher un petit 
grumeau de cette matière; elle le pefirifloit enfuite avec 
fes dents. Les deux premières jambes aidoient à achever 
de le façonner; une de celles-ci s’en chargeoit enfuite, & 
le donnoit à la fécondé jambe du même côté, qui le 
portoit à la troifiéme, qui l’y appliquoit fur le tas com¬ 
mencé: dèsqu’elle l’y avoit appliqué, elle le tapoit avec fa 
palette, elle lui donnoit trois à quatre coups. La mouche 
cJioififioit la propolis le moins defiechée, celle qui ayoit 
Tome V. . K k k 


442 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
encore aflfés de vifcofité pour fe coller à la petite pelote. 
Elle laiiïoit tomber les fragments qui fembloient trop fecs, 
& elle les négligea comme inutiles, comme n’étant plus 
propres à être mis en oeuvre. 

Les abeilles ne fe contentent pas de boucher les trous 
de la ruche avec la propolis, elles enduifent de cette ma¬ 
tière les bâtons en croix qui aident à foûtenir les gâteaux, 
&fouvent elles en étendent fur une grande partie des parois 
intérieures. C’eft apparemment ce qui a donné lieu aux 
Anciens, & à Pline entr’autres, de dire qu’elles fe fervoient 
de propolis comme de colie, pour attacher les gâteaux à 
la ruche, parce qu’ils auront trouvé entre les parois de la 
ruche Si le gâteau une couche de cette réfine. Mais ce 
n’efl pas précifément pour cela, qu’elles l’employent. J’ai 
détaché un grand nombre de gâteaux qui avoient été Lits 
dans des ruches nouvellement habitées, j’ar examiné leurs 
attaches. Si je les ai toujours trouvées de pure cire. 

Les abeilles ne fouffrent que le moins qu’elles peuvent 
des corps étrangers dans leur ruche. Quand il s’y en 
trouve qui ne font pas d’un poids fupérieur à leurs forces, 
elles les portent dehors. Mais il arrive quelquefois à des 
infeéfes, Si fur tout à des limaces mal-aviiées, Si à des 
limaçons peu inftruits, d’entrer dans une ruche. Si de 
s’y promener jufques fur les gâteaux de cire. On ne 
fera pas étonné que les abeilles n’épargnent pas des en¬ 
nemis fi lourds, qu’à force de piquûres elles les tuent. 
Mais qu’en faire après qu’ils font morts! Les abeilles ne 
peuvent pas fonger à tranfporter de fi lourds fardeaux; 
elles craignent cependant les mauvaifes odeurs que ces 
cadavres répandroient dans la ruche en fe corrompant. 
Pour n’y être pas expofées, elles les embaument, elles les 
couvrent de toutes parts de propolis. M. Maraldi a déjà 
rapporté qu’il avoit yû un limaçon quelles en avoient 



des Insectes. VIIL Mem. 443 
enduit par-tout. J’ai vu des faits femblables plufieurs fois; 
j’ai vu des limaces, dont la peau s’étoit apparemment un 
peu deflechée, qu’elles avoient cachées fous une enve¬ 
loppe de cette réfine. J’obfervai un jour qu’elles avoient 
employé la même matière pour une femblable fin & avec 
plus d’œconomie, fur un limaçon. Il avoit appliqué les 
bords de l’ouverture de fa coquille contre un carreau de 
verre; au moyen de la liqueur vifqueufe, dont il étoit 
pouryû, il s’étoit attaché là fixement, comme il fe fût 
attaché dans la cavité d’un mur contre une pierre, pour 
y refier jufqu’à ce que la pluye l’eût invité à fe mettre 
en marche. Les abeilles jugèrent à propos de l’y attacher 
plus folidement qu’il ne sy étoit attaché lui-même, & 
plus folidement qu’il ne l’eût voulu. Elles appliquèrent 
une épaiffe ceinture de propolis tout autour de l’ouver¬ 
ture de la coquille, & contre le carreau de verre. La co¬ 
quille fe trouva donc arrêtée par une matière bien autre¬ 
ment ténace que celle avec laquelle le limaçon l’avoit afiii- 
jettie, & par une matière qu’il n’étoit pas en fon pouvoir 
de ramollir en répandant de l’eau deffus, comme il peut 
ramollir celle qu’il employé. 

J’ai offert à des abeilles de la térébenthine, & du bitume 
liquide. J’ai mis de ces matières auprès de leurs ruches, 
pour voir fi elles ne les fubfiitueroient pas à la propolis, 
pour maftiquer les ouvertures de leur logement. Je n’ai 
pas obfervé quelles ayent tenté de s’en fervir. Le vrai eft 
que j’ai négligé de faire cette expérience dans les temps 
qui dévoient être choifîs par préférence. J’ai négligé de 
mettre ces matières à la difpofition des abeilles qui avoient 
été nouvellement établies dans une ruche. 

Nous devons revenir à parler dune récolte plus im¬ 
portante pour nos mouches, que celle de la propolis, de 
la récolte du miel. Nous avons prouvé qu’elles mangent la 

Kkkij 


* PI. 50. 
10 & 12 


444 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
cire brute, qu’elles s’en nourrirent; mais elle n’efl pas leur 
feul aliment, & nous fommes difpenfés d’en donner des 
preuves. On fçait affés que ce n’eft pas pour nous qu’elles 
font des provifions de miel; qu’il y a des jours, & même 
des faifons, qui ne leur permettent pas d’aller chercher 
de quoi vivre à la campagne, &où elles y iroient inutile¬ 
ment ; qu’alors elles confument le miel qu’elles avoient 
ramaffé dans des temps plus favorables; que fi leur récolte 
a été trop petite, ou leur confommation trop grande & 
trop prompte, elles font réduites à mourir de faim. Mais 
nous n’avons encore confédéré les abeilles que dans i’inf- 
tant où elles enlevoient avec le bout de leur trompe, cette 
liqueur de deflus les glandes neélariféres des fleurs. Il nous 
refie à voir ce qu’elles font de celle qu’elles en ont tirée, & 
des moyens auxquels elles ont recours pour la conferver. 

La trompe de l’abeille efl une efpéce de langue carti- 
iaginpufe & velue, qui, après avoir ramaffé des goutte¬ 
lettes de miel fur quelque fleur, les conduit à la bouche. 
Là fe trouve une véritable langue plus courte & charnue, 
qui pouffe vers l’œfophage le miel qui lui a été apporté. 
Dans les abeilles, & généralement dans les mouches, on 
peut laifferle nom d’œfophage à toute la portion du ca¬ 
nal des aliments, qui, du fond de la bouche, fc rend dans 
le corps après avoir traverfé le corcelet. Mais la première 
portion du canal qu’on peut obferver dans le corps, la 
plus pîoche du corcelet, doit être regardée commel’eflo- 
mac, ou, pour parler plus exactement quand il s’agit des 
abeilles, comme leur premier eftomac. L’œfophage fait 
donc paffer le miel qu’il a reçu, dans le premier eftomac. 
Celui-ci efl plus ou moins renflé, félon qu’il en contient 
une plus grande ou une plus petite quantité. Quand il efl 
h- vuide*, il a dans toute fon étendue un diamètre égal ; il ne 
“ fcmble être qu’un fil blanc & délié: mais iorfqu’ii efl bien 


des Insectes. VIH . Mem . 445 
rempli de miel, il a la figure d’une veffie oblongue *. Les * pi. 30 . f. s , 
enfants qui vivent à la campagne, connoiflent cette veffie, 11 • “/• 

& ils la cherchent même dans le corps des abeilles, & fur- 
tout dans celui des bourdons velus, pour en boire le miel. 

Ses parois font fi minces & fi tranfparentes, qu’elles 1 affi¬ 
lent voir la couleur de la liqueur qu’elles renferment. M. 

Maraldi paroît avoir pris cette partie pour une fimple 
veffie ouverte par un bout, pour un lac aveugle. Un auffi 
grand Anatomifte que Swammerdam, ne pouvoit man¬ 
quer de la reconnoître pour ce quelle efi ; il lui a donné 
le nom d’eftomac comme nous le fui donnons. 

Après l’étranglement où ce premier eftomac finit, 
commence le fécond cltomac *, qui efi un tuyau cy lin- * Fig. io, 
drique en grande partie, & contourné; il cfi entouré par 11 ^ 
des cordons charnus pôles les uns auprès des autres, com¬ 
me les cerceaux d’un tonneau; il relîèmble à un tonneau 
couvert de cerceaux d’un bout à l’autre. Ce font autant 
de mufcles circulaires. Un étranglement * fait encore la * Fig. i z.l. 
féparation du fécond eftomac Si des intefiins. Ceux-ci 
font tantôt flafques *, & tantôt renflés *, félon qu’ils font * Fig. 11 & 
pleins ou vuides. On trouve la cire brute dans le fécond lz ' u 
efiomac & dans les intefiins, mais on ne trouve jamais * r ‘ s ' i0 * u 
que du miel dans le premier eftomac. 

Chaque fleur ne fournit à l’abeille qu’une bien petite 
quantité de liqueur. Elle efi obligée d’en parcourir plu¬ 
sieurs les unes après les autres, avant que d’être parvenue 
à remplir fon premier efiomac autant qu’il le peut être. 

Ariftote leurdonne une confiance dans le goût journalier, 
qui n’eft rien moins que certaine. Il dit que la même abeille 
ne va pas d’une fleur fur une fleur d’un autre genre; 
qu’elle va d’une violette à une violette, Si non d’une vio¬ 
lette à une fleur de prirnever,par exemple. J’ai pourtant vû 
bien des fois la même abeille aller fucceffivement fuccer 

Kkk iij 




44.6 Mémoires pour l'Histoire 

plufieurs différentes fortes de fleurs qui orn oient uneplatte- 
bande. Quoi qu’il en foit, quand l’abeille a fuffilâmment 
rempli l'on eflomac de miel, elle retourne à fa ruche. 
Dès qu’elley efl entrée, elle va chercher une cellule dans 
laquelle elle le puiffe dégorger. 

C’efl ordinairement dans un certain ordre que les abeilles 
rempliffent de miel les cellules. Elles commencent par les 
fupérieures des gâteaux fupérieurs, lorfqu’il y a plufieurs 
rangs de gâteaux. C’efl fur le bord d’une des cellules, dont 
le tour efl d’être remplie, que la mouche qui arrive de la 
campagne s’arrête; elle fait entrer fa tête dedans, & elle 
y verfe bientôt tout ce qu’elle a apporté de liqueur. AL 
Alaraldi a très-bien remarqué, que l’endroit par lequel elle 
fait fortir le miel defon corps, efl au-deffus de la trompe, 
& tout près des dents; c’eft-à dire, que le miel fort par 
cette ouverture que nous appelions la bouche. Swammer- 
dam qui n’a pas connu cette ouverture, a penfé que les 
abeilles le rejettoient par le petit trou qu’il croyoit au bout 
de leur trompe ; mais l’opération de fe vuider de miel, 
feroit alors, pour les abeilles, auffi longue, & peut-être 
plus longue que ne l’a été celle de s’en remplir. Car il y a 
lieu de croire, que le miel ne fort pas du corps de l’abeille, 
tel qu’il y elt entré, & Swammerdam l’a jugé ainfi; il y a 
lieu de croire, qu’il y efl digéré, qu’il y reçoit une coétion. 
Il efl donc très-vraifemblable, que quand l’abeille le rend, 
il efl plus épais que quand elle l’a pris, & qu’il ne feroit 
plus aulfl ailé à la mouche de le faire paffer par une ouver¬ 
ture excelfivement étroite. 

Pour que le premier eflomac d’une abeille puiffe faire 
fortir le miel qu’il contient, s’en vuider entièrement, il doit 
être capable de fe contracter comme le premier eflomac 
des ruminants: il l’eft auffi, &defe contracter fucceffive¬ 
ulent & alternativement dans différentes de fes portions. 


des Insectes. VIII. Mem. 447 
On ne devrait avoir aucune peine à lui fuppofer cette 
force; mais je n’ai pas befoin de la lui fuppofer, car j’ai 
vu qu’il l’a. Je trouvai un matin deux abeilles languifïàntes 
dans un poudrier où je leur avois laiffé paffer la nuit, & où 
je îl’avois pas oublié de leur donner du miel. Je les con¬ 
damnai à être les vidâmes de ma curiofité ; pour exami¬ 
ner leur intérieur, jç leur* ouvris le ventre ; leur premier 
eftomac étoit bien rempli de miel; il étoit très-diflendu 
en forme de vefTie. Mais ce que j’obfervai dans celui de 
chacune de ces mouches de plus remarquable, très-dif- 
îindement & pendant long-temps, ce furent des mouve¬ 
ments de contradion & des mouvements de dilatation. 
Une portion de parois de l’eftomac s’approchoit du cen¬ 
tre, & s’en éloignoit enfuite,&ce ij’étoit pas toujours la 
même portion qui me fàifoit voir ces mouvements. Celle 
que j’avois vû d’abord s’agiter, ceffoit de le mouvoir. Une 
autre,quelquefois antérieure, & quelquefois poftérieure, 
fe mettoit en jeu à fon tour. La liqueur qui remplit un 
canal,& qui y eff prelTée, fortira par celui des bouts qui 
fera ouvert. Ainfi quand la bouche de la mouche permet 
au miel de fortir, il fort; & quand cette ouverture efl 
fermée, le miel efî pouffé vü s la partie poftérieure. 

Une cellule a une grande capacité par rapport à ce 
qu’une abeille peut y dégorger de miel en une feule fois. 
Audi faut-il que plufieurs mouches viennent s’y vuider 
de celui qu’elles ont recueilli & préparé, avant que d’en 
remplir une entièrement. 11 n’eft pas poffible de voir com¬ 
ment elles le dégorgent dans les cellules ordinaires. Ce 
font de petits pots faits d’une matière opaque, & dans 
iefquels les abeilles qui les veulent remplir entrent les unes 
après les autres la tête la première. Mais nos ruches vitrées 
nous offrent fouvent des cellules moins régulières que les 
ordinaires, & plus longues, dans chacune defquelles on 


* PI. 30.fi: 

S. 


448 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
peut voir fuccefïivement plufieurs mouches. Les longues 
cellules, & d’une figure irrégulière dont je veux parler, 
font appliquées immédiatement contre les carreaux de 
verre *. Elles font quelquefois partie d’un grand gâteau, 
dont un des côtés ell attaché contre un carreau de verre, 

. & fouvent elles font partie d’un gâteau très-petit qui a 
été confirait pour en foûtenir iTn plus grand auquel il efl . 
uni par un de fes bords, pendant que par le bord oppo- 
fé, il l’efl contre le carreau. On peut donc voir fouvent 
contre les carreaux de verre des cellules tronquées, des 
cellules auxquelles il manque deux de leurs pans & plus, 

& dont chacune efl fermée par une portion convenable 
d’un carreau. Les abeilles y mettent du miel comme dans 
les autres cellules.Lorfqu’on en confidérera quelques-unes 
de celles qui 11e font encore remplies qu’en partie, mais 
plus ou moins, on ne doit pas manquer défaire une re¬ 
marque, c’eft que la dernière couche de miel efl aifée à 
diflinguer de celle qui précédé ; je veux dire, que depuis 
le fond de la cellule, jufqu’aflés près de l’endroit qui ell 
encore vuide, tout paroît d’une même nuance, mais 
que la dernière couche fe fait diflinguer du refie. Elle 
femble être ce que la crême%fl fur du lait. Cette crème 
ou croûte de miel, pour ainfi dire, fe voit également, 

& efl également épaiffe dans les cellules où il n’y a en¬ 
core que très-peu de miel,& dans celles qui en ont beau¬ 
coup. Comme on ne rifque guéres de fe tromper en fup- 
pofant aux abeilles les induflries qui conviennent à leur 
travail, je fuis tenté de croire que cette couche efl faite 
d’un miel qui a plus de confiflancc que le miel des autres 
couches, moins de difpofition à couler, & qui fert auffi 
à retenir celui qui efl par derrière. Au refie, cette dernière 
couche, n’efl pas un plan perpendiculaire à l’axe de la cel¬ 
lule, & n’efl pas même un plan, elle efl contournée ; les 

abeilles 


des Insectes. VIII. Alem. 449 
abeil'es lui font prendre à deffein cette courbure, & elles 
la lui confervent. Il ne m’a pas été difficile de voir des 
abeilles apporter du miel dans ces fortes de cellules. Lorl- 
qu’elles y étoient entrées la tête la première, elles s’arrê- 
toient près de la croûte de miel : elles faifoient paffier fous 
cette croûte les deux bouts de leurs premières jambes*. 
Dans le moment qu’elles y étoient paffées, je voyois une 
groffie goutte qui pcnétroit fous la croûte, & qui, en fe 
mêlant avec le relie, perdoit bientôt fa figure arrondie. 
Les jambes en perçant la croûte, avoient apparemment 
ménagé une entrée à la goutte de miel. Dans environ 
deux minutes, la même mouche a ordinairement donné 
deux pareilles gouttes. Avant que de le retirer, elle façonne 
avec les jambes la croûte, elle lui donne la courbûre con¬ 
venable ; les filaments qu’elle en tire font vifibles. 

Au refie, cen’eft pas toûjours en portant fon miel dans 
une cellule, qu’une mouche s’en défait. Souvent elle en 
trouve le débit en chemin. Quand elle rencontre de fcs 
compagnes qui ont befoin de nourriture, & qui n’ont pas 
eu le temps d’en aller chercher, elle s’arrête, elle redrelfe 
& étend la trompe, afin que l’ouverture par laquelle le miel 
peut foi tir, fe trouve un peu par-delà les dents. Elle poulfe 
du miel vers cette ouverture. Les autres mouches qui fça- 
vent bien que c’eft là qu’il faut le prendre, y portent le 
bout de leur trompe & le fuccent. La mouche qui n’a 
pas été arrêtée en chemin, fe rend fouvent aux atteliers 
des travailleufes, c’eft-à-dire, aux endroits où d’autres 
abeilles font occupées, foit à conflruire de nouvelles cel¬ 
lules, foit à polir &. à border des cellules déjà faites ; elle 
leur offre du miel, comme pour empêcher quelles ne 
foient dans la néceffité de quitter leur travail pour en aller 
chercher. 

Tome V 


* P!. 30. fig. 
S. 


; LU 


*PÎ. 32. 

i. m m n 


450 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

Entre les cellules qui ont été remplies de miel, les unes 
font delïinées à fournir celui qui elt néceffaire à la con- 
fommation journalière des abeilles, & les autres doivent 
conferver celui qui fervira à les nourrir dans les temps où 
elles iroient inutilement en chercher fur les plantes. Dans 
les mois même où plus de plantes font en fleur, & où, 
ce qui revient au même, plus déplantés peuvent donner 
de la liqueur miellée, il y a des jours où des pluyes abon¬ 
dantes, d’autres ou des froids trop rudes pour la faifon, 
retiennent les mouches dans leur ruche. C’efl alors qu’elles 
ont recours au miel deftiné à être confumé le premier. 
Celles que leur travail a empêchées de fortir, & auxquelles 
le miel qui leur étoit néceffaire n’a pas été offert à temps 
par celles qui en ont rapporté de la campagne, les travail- 
îeufes, dis je, vont prendre dans des ceiiulcs celui dont 
elles ont hefoin.. 

Mais ce n’efl que dans les temps de grande néceffité, 
qu’on touche au miel ffui eft contenu dans un très-grand 
nombre de cellules très-aifées à diflinguer des autres. Celles 
dont le miel eff comme à l’abandon, lont ouvertes, & les 
fig. autres font fermées*. Elles font comme autant de petits 
u,u pots de confiture oudefyrop, qui ont chacun leur cou¬ 
vercle, & un couvercle bien folide, & qui le bouche her¬ 
métiquement, car il eft fait de même matière que le pot. 
Je veux dire, que les abeilles donnent un couvercle de 
cire à chacune des cellules qui contiennent le miel quelles 
fe propofent de conferver pour leur provifion. Quand la 
faifon a été favorable à la récolte de cette épaifie liqueur, 
on trouve dans chaque ruche plufieurs gâteaux, dont 
toutes les cellules font ainfi bouchées. 

Dès qu’on a vu les abeilles bâtir des alvéoles, on ne doit 
pas être embarraffédefçavoir comment elles peuvent faire 


des Insectes. VIII. Menu 451 
un tel couvercle, qui n’ell qu’une lame platte, dont la 
ligure ell déterminée par le contour de l’ouverture. Elles 
commencent par mettre une ceinture de cire fur le bord 
d’un des côtés, & enfuite fur tous les autres côtés. L’ou¬ 
verture elt rendue plus étroite. Une fécondé ceinture ap¬ 
pliquée contre la première, réduit l’ouverture à un trou 
li petit qu’il peut être bouché par un lcul grain de cire. 
On voit pourtant que ce couvercle ne fçauroit être fait 
& appliqué fans beaucoup d’adrefle de la part de l’abeille. 
La cellule efl pleine de, miel julques a (Tés près du bord, 
& il faut non-feulement appliquer, mais conftruire le cou¬ 
vercle fur la furface de ce miel fans toucher au miel, fans 
qu’il mouille la cire que l’abeille met en œuvre. 

On pourroit croire queje fais cette difficulté plus grande 
qu’elle n’elt, que les abeilles n’ont garde de remplir cha¬ 
que alvéole julques au bord. Si même on fe rappelle que 
les gâteaux font pofés à peu près verticalement, & que la 
pofition de chaque alvéole ne s’éloigne pas beaucoup de 
i’horifontale, ilfemblera que les abeilles ne doivent pas les 
remplir entièrement; que fi elles le faifoient, le miel ne 
manqueroit pas de couler hors d’un alvéole, qui refteroit, 
comme il relie fouvent, plufieurs jours fans être bouché. 
Cette coiffidération m’a fait douter fi les cellules étoient 
auffi pleines qu’elles le paroiffent quelquefois; & pour 
m’adurer de ce qui en ell, j’ai détaché un morceau de 
gâteau qui n’en avoitque débouchées; j’ai enfuite enlevé 
fucceffivement le couvercle à plufieurs cellules : je les ai 
trouvées auffi pleines qu’il étoit poffible qu’elles lefuflent, 
tout au plus près des bords. J’ai obfervé la même choie 
dans plufieurs de ces cellules dont j’ai parlé ci-delfus, qui 
font bouchées d’un côté par le verre d’un carreau de la 
ruche. Comment arrive-t-il donc que le miel ne découle 

LU ij 


4)2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
pas Je ces cellules, pendant quelles font ouvertes & pofces 
prefqu’horilbntalement ! Le fait eft que réellement le miel 
n’en découle pas. J’ai pofé des morceaux de gâteaux, dont 
j’avois ouvert les cellules, comme elles le font dans la ruche. 
J’en ai pofé d’autres même plus defavantageufement ; ce¬ 
pendant en 24 heures aucune goutte de miel n’eft fortiede 
ion petit vafe. Cette efpéce de crème ou de croûte de miel 
que nous avons fait connoître ci-deffus, eft peu coulante, 
& aide à retenir le refte du miel qui l’eft davantage. D’aii- 
ieurs, fi on fût attention que ie miel eft toûjours une 
liqueur épaifle, que le vafe, le tube dans lequel il eft con¬ 
tenu, a peu de diamètre, & que le miel s’attache bien con¬ 
tre la cire, on trouvera allés de dénouements de la diffi¬ 
culté. Si on divife par la penlce la longueur du tube de 
cire, en une infinité de petites tranches parallèles à l’ou¬ 
verture, on jugera que la dernière tranche de miel ne doit 
pas être poufiee en dehors, & ainfi de tranche en tranche, 
li le poids de chaque particule de la tranche eft foûtenu 
contre les particules voifines par fon adhéfion avec elles; 
& fi la fortune des efforts que font en avant toutes les par¬ 
ticules d’une tranche, peut être arrêtée par l’adhéfion des 
particules qui en font l’enceinte, contre les parois du tube. 
Enfin, on voit affiés que cet effet dépend & du diamètre 
du tube, & de la ténacité du miel ; que fi du miel étoit 
contenu dans un vafe beaucoup plus grand & fcmblablc- 
ment placé, qu’il en couleroit. Les abeilles, comme fi elles 
ie fçavoient, ne donnent pas à leurs alvéoles un diamètre 
qui mettrait ie miel en état d’en dégoûter. 

Si elles prennent la précaution de fermer les cellules 
dans lefquelles elles veulent conferver du miel, ce n’eft 
donc pas pour l’empêcher de couler dehors; ce n’eft pas 
auffi parce quelles craignent de paffier fur des gâteaux 


des Insectes. VIII. Mem. 453 

dont les cellules ouvertes font pleines de miel ; elles le font 
journellement. Qu’on ne croye pas non plus que ce foit 
pour le deffendre contre celles qui font gloutonnes & pa- 
reiïeufes; qui fe gorgeroient de miel s’il n’y avoit qu’à en 
prendre, & pour qui la peine de défceller une cellule eft 
quelque choie. Une autre raifon les a engagées à tenir bien 
clos le miel qu’elles fe propofent de garder; elles lui veulent 
une certaine liquidité, elles n’aiment pas celui qui a pris de 
la confiftancc jufques àdevenirdur&grainé. Or tout celui 
qui fe trouveroit dans des cellules ouvertes feroit du miel 
dur & grainé avant la fin de l’hyver; la chaleur confidé- 
rable qui régné dans une ruche, pourroit en peu de mois 
faire évaporer la plus grande partie de la liqueur à laquelle 
il doit fa fluidité. 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU HUITIEME MEMOIRE. 

Planche XXX. 

La Figure 1 repréfente en entier lin petit gâteau de cire. 
Les plus grands gateaux ont eu une figure approchante 
de celle de celui-ci; lorfque les abeilles ont commencé 
à les conftruire, ils ont tous été des ovales plus ou moins 
allongés. Les fondements d’un très-grand nombre de cel¬ 
lules, forment le bord de ce gâteau. 

La Figure 2 fait voir une cellule a, pofée fur trois autres. 
Le contour a, efl rebordé, b t, le tuyau exagone qui fait la 
plus longue partie de chaque alvéole. 

Dans la Figure 3, on n’a que les bafes de trois alvéoles 
vues du côté convexe, b, c } d, ces trois bafes, dont chacune 

LU iij 


4)4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ell formée par trois rhombes; entre ces trois bafes, il y a 
celle d’une quatrième cellule, <7, qui efl vue du côté con¬ 
cave, & qui efl faite de trois rhombes, dont chacun efl 
fourni par une des bafes b,c,d. Une épingle paffe ici au 
travers de chacun des rhombes qui forment le fond a 
d’une quatrième cellule. 

La Figure 4 montre le plan de trois cellules, Si de la 
quatrième ; la bafe de celle-ci efl faite par le concours 
de trois rhombes, dont chacun appartient à une bafe 
d’une différente cellule. Cette figure, en un mot, efl la 
projeélion de trois cellules vues de fitee par leur ouver¬ 
ture, au travers defquelles on voit la bafe d’une cellule 
appuyée fur celles-ci, Sc qui a fon ouverture du côté 
oppofé à celui où efl la leur, b, c, d, les trois cellules 
vues par leur ouverture, a, la cellule vue feulement par 
la convexité de fa bafe, & dont la bafe efl faite par le 
concours de trois rhombes, fournis par les trois cellules 
h, c, d. Chacune des trois épingles p, p, p, qui paffent 
au travers des rhombes qui forment le fond de la cellule 
o, fe trouve dans une cellule différente. 

La Figure 5 repréfente en grand, comme les précéden¬ 
tes, une feule cellule, dont l’ouverture efl embas. e,f g, 
les trois rhombes qui, par leur rencontre mutuelle, tom- 
pofent la bafe de cette cellule. 

Dans la Figure 6, une cellule a, dont l'ouverture efl en 
o, efl pofée fur deux cellules b , c ; un des rhombes de la 
bafe de chacune de celles-ci, fournit un fupport à un des 
rhombes de la cellule a. 

La Figure7 fait voir une coupe des trois cellules de la 
figure 6. Cette coupe montre comment deux des rhombes 


des Insectes. VIII. Mem. 455 

de l’avéole a, font appuyés fur deux des rhombes des 
alvéoles é&c. Les lignes bd, cd, font communes à deux 
alvéoles^ 

La Figure 8 repréfente de grandeur naturelle plufieurs 
cellules de forme irrégulière, qui d’un côté, & de celui 
qui eft ici en vue, n’étoient point fermées par des lames 
de cire, elles l’étoient par le verre d’un carreau contre 
lequel elles étoient appliquées. Plufieurs de ces cellules 
font remplies de miel, & quelques-unes ne le font qu’en 
partie, c, c, c, &c. coupes des couvercles de quelques- 
unes des cellules pleines de miel, a, a, deux abeilles qui 
verfent du miel dans deux cellules qui en contiennent 
encore peu. p, marque auffi une cellule qui n’a du miel 
que jufqu’en p ; & près de p, on peut remarquer la 
coupe de la pellicule, de fefpéce de crème qui eft à la 
furface du miel. On peut auffi remarquer la pellicule 
dans la plupart des autres cellules, comme m,m, & quel¬ 
ques-unes c, c, &c. ou le miel ne va pas jufqu’au cou¬ 
vercle. 

La Figure 9 montre très en grand, & à peu près dans 
fi pofition naturelle, tout le conduit dans lequel paffent 
les aliments de l’abeille, le miel & la cire brute. Pour 
mettre ce conduit à découvert, on a emporté la partie 
fupérieure des anneaux du corps, a, l’anneau où eft l’anus. 
c, le corcelet. f, partie du canal, qui peut être regardé 
comme un prolongement de l’œfophage. u, le premier 
eftomac, ou la vefîie à miel, e, le fécond eflomac, qui 
ici eft à peu près contourné comme il l’efl naturellement. 
En p, font des fragments des poulinons de l’abeille, que 
nous ferons mieux connoître dans l’hiftoire des bourdons 
velus. 


456 Mémoires pour l’Histoire 

Les Figures 1 o, 11 & 12 repréfentent en grand com¬ 
me la précédente, le canal des aliments de l’abeille, mais 
elles le repréfentent dans fon entier, & dans des pofitions 
& des états differents, a, dans ces trois figures eft le bout 
du corps, l’endroit où eff l’anus, f, partie de l’œfophage 
ou du canal, qui, après avoir traverfé le corcelet, fe rend 
dans le corps, u, le premier eftomac ou la veffie à miel; 
elle eft pleine, figure 1 1, & vuide, figure 1 o & 1 2. e, le 
fécond eftomac, qui, dans la figure 1 1 , fait une partie 
des plis qu’il Fait naturellement, & qui, dans la figure 10, 
cft très-allongé, i, les inteftins, pleins dans la figure 1 o, 
vuides dans la figure 1 1, & qui ont été allongés beaucoup 
plus qu’ils ne le fônt naturellement dans la figure 12: ils 
deviennent néantmoins bien autrement longs qu’ils ne le 
’ font dans cette dernière figure, pour peu qu’on les tire 
pour les ôter déplace. î, figure 1 o & 1 1, lacis ou frange de 
vaiffeaux jaunes qui fe trouvent à la jonction du premier 
eftomac avec le fécond. Ces vaiffeaux n’ont point été 
donnés à la figure 12. 

Planche XXXI. 

Les Figures de cette Planche repréfentent en grand des 
alvéoles d’abeilles, & quelques autres alvéoles propres à 
aider à entendre ce qu’a d’admirable la ftruélure de ceux 
pour lefquels les abeilles i'e font déterminées. 

La Figure 1 eft celle d’un alvéole dont l’ouverture a 
été mife en embas, afin que la pyramide qui en fait le fond, 
fut en vue. ape o, un des trois rbombes dont eft princi¬ 
palement compofée la pyramide, e, & a, font les deux 
angles aigus de ce rhombe. o, & p, fes deux angles obtus. 
r, & q , les deux autres rhombes, qui, avec le premier, 

forment 


des Insectes. VIIL Mew. 457 
forment en p, l’angle de la pyramide ou du fond de la cellu¬ 
le. Les rhombes -y, font en tout femblables & égaux au 
rhombe ap ë'o. C’eft la perfpeéïive feule qui produit les 
différences qui le trouvent dans cette ligure entre les an¬ 
gles de ce dernier & ceux des autres, ofbc, o cd^, deux 
pans de l’exagone, dont le premier eft rectangle jufques en 
of,&i dont l’autre l’eft de même jufques en o £. Ces deux 
pans pris en entier font des trapèzes aobc, cdco, parce 
que l’un fournit lé triangle afo,&. l’autre le triangle c^o, 
pour remplir la moitié d’un des angles rentrants de la py¬ 
ramide formée par les trois rhombes. Les quatre autres 
pans de l’exagone font femblables à un des deux qui font 
ici en vue. 

La Figure 2 fait voir la pyramide compofée des trois 
rhombes par fa face convexe, comme elle ell vue dans 
la figure précédente, mais tirée de défiais le tube exa- 
gone. 

La Fig. 3 montre le tube cxagone, duquel la pyramide 
delà figure 2, a été féparée. Les angles faillants 0,0,0 ,de 
cette pyramide, figure 2, dont chacun efi un angle obtus 
d’un des rhombes, le logent dans les angles rentrants 0,0,0, 
du tube exagone; & les fommets e, a, a, des angles ren¬ 
trants de la pyramide, fig. 2, s’appuyent fur les lommets 
a,a,a,de s angles faillants du tube exagone, fig. 3. Les trian¬ 
gles oaf, foa, rempliffent cette même figure, ils remplit- 
lent les cavités des angles rentrants de la pyramide. 

DanslaFig.4,lapyramide compofée des trois rhombes, 
montre fon intérieur, la concavité, au lieu que c’efi fou 
extérieur, fa convexité qui eft vûe dans les figures 1 & 2. 

La Figure 5 eft deftinée à repréfenter une irrégularité 
Tome V . Mmm 


4-5B MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
que les abeilles mettent pour l’ordinaire dans la conftruc- 
tion de leurs cellules. L’arête a b, formée par deux pans de 
î’exagone, ne va pas toujours rencontrer l’angle rentrant 
<i, de la pyramide; quelquefois elle rencontre cnf un des 
côtés qui forment ce dernier angle; d’où il fuit, qu’un des 
pans de l’exagone eft plus grand que le pan auquel il eft 
joint, &qu’ainfi le tube n’eft pas un exagone régulier. 

La Figure 6 fait voir deux cellules ajuftées l’une contre 
l’autre, comme fe trouvent celles de i’aifemblage def- 
quelles les geâteaux de cire font formés, bd, l’ouverture 
d’une des cellules, gh, celle de l’autre. Un des rhombes 
du fond pyramidal d’une de ces cellules, eft appliqué con¬ 
tre un rhombe du fond pyramidal de l’autre cellule. On 
ne voit que le rhombe r, de la cellule gh, &le rhombe f 
de la cellule bd ; elles en ont chacune un troifiéme qui 
eft caché par la difpofttion des figures, comme il eft aifé 
de l’imaginer. On imagine auiïi aifément comment un 
des rhombes d’une troifiéme cellule, dont l’ouverture fe¬ 
rait tournée du côté de bd, pourrait être ajufté fur le 
rhombe r;Si comment un des rhombes d'une quatrième 
cellule dont l’ouverture ferait tournée vers g h, pourrait 
s’appliquer fur le rhombe f 

La Figure 7 repréfente une cellule exagone à fond py- 
ramidal beaucoup plus allongé, plus aigu que celui pour 
lequel les abeilles fe font déterminées, y a 00, yeoo, deux 
des trois rhombes dont eft fait en grande partie le fond 
pyramidal. 0,0 ; o, o, angles obtus de ces rhombes. a, y; e.p, 
leurs angles aigus. Ici ce font des angles aigus qui fe ren¬ 
contrent au fommet de la pyramide, au lieu que dans la 
figure 1, ce font des angles obtus, a b c f; fe de, deux par- 
dès reéfanglcs des pans de hexagone, baoc, coed, pans 



des’ Insectes. VIII. Mem. 459 

de hexagone faits en trapeze, 6c qui fourniffent les trian¬ 
gles ao f, e fo, pour remplir les angles rentrants de la 
pyramide formée par les trois rhombes. 

La Figure 8 fait voir le tube exagone de deflus lequel 
la pyramide compolëe des trois rhombes a été tirée. 
Cette pyramide a été repréfentée féparément, figure 9. 
Les angles rentrants 0,0,0, de la pyramide, figure 9, doi¬ 
vent recevoir les angles faillants 000, du tube exagone, 
figure 8, 6c les angles rentrants du tube, a, a, e, les angles 
faillants a, a, e, de la pyramide, figure 9. * 

La Figure 1 o repréfente un tube exagone à fond plat, 
6c dont le fond eft en dedus. Si les pans de ce tube ont 
une largeur égale à celle des pans des tubes des figures 1 6c 
7,6c que la hauteur a b, de fes pans foit égale au plus long 
côté a b, du trapeze abco, qui fait un des pans du tube 
de la figure 1, ou au plus long côté 0 c, d’un des trapèzes 
oc b a, du tube de la figure 7, M. Kœnig a très-bien dé¬ 
montré que les capacités de ces trois cellules, figures r, 
7 6c 10, font égales, mais qu’il y a plus de cire employée 
pour la cellule de la figure 10, que pour toutes les autres 
à fond pyramidal; 6c que celle de toutes les cellules où la 
cire efî le plus épargnée, figure 1, a chaque angle obtus o,p, 
de fes rhombes, de 109 degrés 26 minutes, 6c les angles 
aigus e,a ,chacun de 70 degrés 34. minutes; ce font aufîi 
ces derniers rhombes que les abeilles font le plus volontiers. 

Les Figures 1 1 6c’ii nous donnent les plans de fonds 
pyramidaux, faits de quatre figures. Nous aurions pu faire 
repréfenter un très-grand nombre d’exemples de ces fortes 
de variétés, fi nous enflions fait repréfenter toutes celles 
que nous avons obfervées. Car entre les cellules dont nous 

Mmm ij 




4 60 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

avons vu les fonds, qui, au lieu d’être faits de trois rhom- 
bcs égaux, letoient feulement de deux, & de deux au¬ 
tres pièces à plus de côtés, nous en avons trouvé dont 
ies deux rhombes étoient tantôt plus petits & tantôt plus 
grands que les deux autres pièces, & cela, en bien des 
proportions différentes. Enfin, nous avons obfervé de 
grandes variétés entre les figures des pièces du fond, qui 
n’avoient pas celle de rhombe. 







jI- J o piii?. 4 6e JWiem . g . de Z ïfiet ■ des Insectes ■ Tant 




JTaussaj Scu/c? 
































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ttaSArani JaUf 

























des Insectes. IX. Mem. 4 6 1 
NEUVIEME MEMOIRE. 

DE LA FECONDATION, 

ET DE LA PONTE 


DE LA MERE ABEILLE. 

L ’Automne & l’Hyver font ordinairement périr 
beaucoup d’abeilles: telle ruche qui, dans le milieu 
de l’Eté, fembloit contenir à peine toutes celles qui l’ha- 
bitoient, paroît fouvent déferle vers la fin de l’Hyvcr ; 
elle efl alors un logement beaucoup trop vafle pour les 
mouches qui y font reliées. Mais vers la mi-May, ou vers 
le commencement de Juin, cette même ruche ne fuffit 
plus à toutes celles qui y font nées; elle peut fournir un 
eflaim, une colonie compolée de plufieurs milliers de 
mouches, & relier encore alfés peuplée. Cette multipli¬ 
cation paraîtrait admirable, quand toutes les abeilles qui 
ont palfé l’Hyver, y auraient eu part ; elle le devient 
bien autrement, lorfqu’on fçait quelle ell due à une feule 
mere. Cette mere, que nous avons prouvé* être fi chere * Mémoire 
aux autres abeilles, a été connue des Anciens ; mais ils 
n’ont pas connu fes véritables, ou plutôt fa feule & unique 
fonction. Us lui ont donné toutes les connoilTances,toute 
la prévoyance, toute la l'agelfe, en un mot, toutes les qua¬ 
lités, & même toutes les vertus nécelïaires pour gouverner 
un peuple nombreux fur lequel ils lui ont accordé le pou¬ 
voir le plus defpotique. Us ont penfé que tout ne fe faifoit 
dans la ruche que par fes ordres; & ils lui ont mis la force 
en main pour faire executer ce qu’elle ordonne. Si des 

Mmm iij 


462 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
mouches vont recueillir à la campagne, Toit la cire, foie 
le miel ; fi d’autres conftruifent des alvéoles dans l’intérieur 
de la ruche; fi d’autres rempiiîTent des alvéoles de miel, 
6 c fi d’autres bouchent les alvéoles pleins avec un cou¬ 
vercle de cire; fi d’autres ont foin des vers qui doivent 
devenir des mouches ; fi d’autres tranfportent hors de la 
ruche toutes les ordures; fi d’autres attaquent les infectes 
qui veulent s’y introduire ; enfin, tout ce que font les 
abeilles, foit dedans la ruche, foit dehors, on a voulu que 
ce fut en conléquence des ordres de la reine ou du roy. 
Une tête de mouche qui fuffiroit à tant de vues diffé¬ 
rentes , feroit une grande & forte tête, & bien refpcétable. 
Mais celle de la mere abeiiie eft exempte apparemment 
de tous les foins dont on i’auroit dû croire lurchargée. 
Si elle régné, c’eft fur des fujets qui fçavent à chaque 
inffant ce que le bien de leur lociété exige qu’ils falfent, 
6 c qui ne manquent pas de le faire ; ils n’ont jamais 
befoin de recevoir des ordres. La feule fonction de la 
mere, 6c une fondtion dont l’importance femble connue 
des autres abeilles, 6c qui leur rend cette mere fi pré- 
cieufe , eft de mettre au jour une nombreufe poftérité. 

Quoique cette mouche fe foit fait difiinguer de tout 
temps des autres par fa grandeur 6c par fa figure, fon fexe 
n’a pas été bien connu des Anciens. Swammerdam eft 
même, je crois, le premier des Modernes qui l’ait déter¬ 
miné fur des preuves inconteftables. La plupart des An¬ 
ciens ont cru que cette longue abeille ctoit un mâle, & 
le feu! mâle de la ruche, 6c ils lui ont donné le nom de 
roy. Moufet a adopté ce fentiment, quoiqu’il fçût que 
Pline 6c d’autres Auteurs anciens avoient afluré, ou au 
moins foupçonné, quelle étoit fémelle, 6c qu’elledonnoit 
naiflance à d’autres mouches qui dévoient régner après 
elle. Car les Anciens ne laifloient pas de croire que la 


des Insectes. IX. Mem. 463 
génération des infeéïes, ou de la plupart des infeéïes, fe 
faifoit d’une manière analogue à celle dont fe fait la géné¬ 
ration des plus grands animaux, quoiqu’ils cruffent qu’ils 
naiiïoient aufii de corruption. La Fable du Berger Arifiée, 
fi agréablement racontée par Virgile, n’a pas empêché cc 
Poète célébré de parler des abeilles qui naifloient par une 
autre voye, mais qui, dans le fond, n’étoit pas moins mi- 
raculeufe. Les Anciens, au refie, 11e s’en font pas tenus 
à croire que la chair corrompue du taureau, pouvoit fe • 
transformer en abeilles; mais ils ont penfé que c’étoit de 
eette chair que les meilleures dévoient venir. Un lion cor¬ 
rompu en pouvoit fournir de plus courageufes, &même 
de trop courageufes ; c’efi de la tête de ce noble animal 
que les rois & les princes de ces mouches dévoient, félon 
eux, tirer leur origine. Des vaches pourries pou voient 
donner des abeilles plus douces & plus traitables ; un fim- 
ple.veau n’en pouvoit faire naître que de foibles. Il nous 
doit paraître bien étrange, que des elprits d’ailleurs d’une 
bonne trempe, fe foient livrés à de pareilles fiéïions : fi 
nous euflîons vécu dans leur fiécle, nous eufiîons rêvé 
comme eux, & ils raifonneroient comme nous, ou peut- 
être mieux que nous, s’ils vivoient dans le nôtre. Nous 
devons nous trouver heureux d’être nés dans un temps 
ou la raifon eft venue à bout de détruire tant de préjugés, 
& où elle nous a montré les routes certaines que nous de¬ 
vons fuivre pour découvrir la vérité. Nous devons.nous 
trouver heureux d’avoir été précédés par un Maître tel 
que Defcartes, qui nous a appris à difeuter les idées les 
plus reçûes, & à n’adopter que celles qui n’ont rien pour 
nous que de clair & d’évident. Quels fervices un feul 
homme n’a-t’il pas rendus à tout le genre humain ! 

Dans des temps donc où l’on croyoit des faits, & où au 
moins on les débitoit fans avoir afles examiné les preuves 


464 Memoîres pour l’Histoire 

qu’on avoit de leur réalité, les uns ont penfé, comme nous 
l’avons déjà dit, que les rois étoient des mâles, & d’autres 
qu’ils étoient des femelles qui ne donnoient naiffance qu'à 
des fémellesqui leur devenoient femblables. Parmi les uns 
& les autres, il y en a eu qui ont regardé les abeilles ordinai¬ 
res comme les mâles, & d’autres qui les ont regardées com¬ 
me des femelles qui produifoient des abeilles de leur même 
{exe. D’autres, & G eorghis Piâorius eft un de ceux-ci, ont 
prétendu quelles s’accouploient les unes avec les autres. 
Un Auteur Angloisqui a publié unTraité fur ces mouches, 
auquel il a donné le titre de AI on archia Fœminina , cft de 
ceux qui veulent que les reines mettent des reines au jour. 
Si que les abeilles communes foient meres d’abeilles com¬ 
munes. Ces mouches plus groffes&moins longues que les 
reines, que nous avons dit être les mâles, les faux-bour¬ 
dons, il les fait les enfants des abeilles ordinaires. D’autres 
ont regardé ces faux-bourdons comme ne contribuant, en 
rien à la génération des mouches d’une ruche, & d’autres, au 
contraire, ont voulu qu’ils fufïent des femelles. Quelques- 
uns même ont cru que les rois des abeilles dévoient leur 
naifTance aux faux-bourdons ; au lieu que Pline donne les 
faux-bourdons pour des mouches imparfaites produites par 
des abeilles furannées. En un mot, toutes les combinaifons 
qui peuvent être faites par rapport au fexe, & au non-fexe 
des trois fortes de mouches, l’ont été, & il y en a eu quel¬ 
qu’une d’adoptée & de donnée pour la vraye par quelque 
Auteur. 

Enfin, il y a eu beaucoup d’Anciens,& il y a eu même 
des Modernes, qui ont nié que les abeilles, d’aucune des 
trois fortes connues, miffent au jour, foit des œufs, foit 
des vers. Ils ont rendu la génération ordinaire des abeilles 
tout auffi fabuleufe que leur prétendue génération extra¬ 
ordinaire, que celle que l’on faifoit dépendre des chairs 

pourries. 


des Insectes. IX . Mem . 4 65 

pourries. Ariftote nous a appris qu’un fentiment aiïes 
ïuivi de fon temps, croit que les abeilles ne mettoient 
au jour ni œufs ni vers; & c’efl même le fentiment que 
Virgile a préféré: il allure quelles dédaignent les plai- 
firs de l’amour, mais qu’aufli les douleurs de l’enfan¬ 
tement leur font inconnues ; que c'eft fur des plantes 
qu’elles recueillent leurs petits. On a prétendu qu’elles 
aîloient chercher fur les fleurs, une matière qu’elles por- 
toient dans leur ruche après l’avoir rendue propre à être 
une femence, d’où fortiroient des vers qui, par la fuite, 
deviendraient des abciiies. On a été partagé fur l’efpéce 
de plante où les abeilles lçavoient trouver cette mervcil- 
leufe matière. Les uns vouioient que ce fût fur les fleurs 
du cerinthé, d’autres fur celles de l’olivier, & d’autres fur 
celles du rofeau. L’Auteur du Printemps de l’abeille, 
Alexandre de Montfort, dit que le roy eft formé du fuc 
que les abeilles tirent des fleurs; que les abeilles ordinaires 
font tantôt procréées de miel, & tantôt de gomme; que les 
tyrans, c’efl à-dire, que les fémelles qui ne parviennent 
pas à être fouveraines d’une ruche, 6c les faux-bourdons 
font formés de gomme feulement. Croiroit-on que de tels 
fcntiments enflent pû fe perpétuer jufqu’à nous ! Néant- 
moins un Auteur qui a beaucoup étudié les abeilles, 
qui a donné de fort bons préceptes fur la manière de les 
gouverner, a fait entrer dans fon petit Ouvrage * une *Trakèj7tf- 
Diflertation fur leur génération, dans laquelle il prétend 
établir par des raifonnements 6c des obfcrvations, que îyzo. a 
cette cire brute que les abeilles apportent à leurs jam- j^l’ T c / us 
bes, étoit vivifiée dans la ruche; que comme les vers de 
certaines mouches, c’efl fa comparaifon, naiflent de chair 
pourrie, de même les vers qui doivent devenir des abeilles 
naiflent de la cire brute que la chaleur de la ruche a fait 
corrompre. 

Tome V. 


. Nnn 


^66 Mémoires pour l’Histoire 

Qu’on nous pardonne de nous être arrêté à rapporter 
tant de rêveries; elles font propres au moins à apprendre 
combien on eft en rifque de s’égarer, lorfqu’au lieu de 
confulter la nature, on choilit entre les idées que l’ima¬ 
gination fournit, & lorfqu’on prend pour vrayes celles 
qui plaifent le plus. Il faut pourtant avouer qu’il y avoit 
des difficultés confidérables à vaincre pour s’inftruire de 
la manière dont fc fait la génération des abeilles ; mais 
on devoit s’en tenir à dire qu’on i’ignoroit, jufques à ce 
qu’on eût des observations propres à inflruire. Quand on 
n’a pas des ruches vitrées, & même quand on n’a pas des 
ruches vitrées d’une certaine forme, on ne fçauroit par¬ 
venir à voir ce qui fe paffe dedans. Malgré ies ruches 
de la cpnftrudtion la plus favorable, certaines opérations 
rares, &qui fe font trop avant d'ans l’intérieur, peuvent 
échapper à I’Obfervateur le plus attentif & le plus affidu. 
Il reffoit néantmoins un moyen fur de déterminer au 
moins le fexe de chaque forte d’abeilles, & un moyen 
auquel Swammerdam n’a pas manque d’avoir recours, la 
diffeélion ; d’examiner les parties intérieures des différentes; 
fortes de mouches d’une ruche. 

Quoique les parties intérieures d’animaux, auffi petits 
que le font la plupart des infeéles, &. que le font nos 
mouches, doivent être extrêmement petites, celles que 
la nature leur a accordées pour perpétuer leur efpécc, 
font pour l’ordinaire aifées à rcconnoître; elles tiennent 
beaucoup de place dans la capacité du corps, fouvent 
plus que tout le canal des aliments, & que toutes les au¬ 
tres parties cnfemble. Auffi fi on ouvre le corps de cette 
abeille, qui furpaffe fi fort en longueur celui des abeilles 
ouvrières, dans des temps favorables, on y trouve des 
grains oblongs, très-fenfibles à la vue fimple, & qu’on ne 
fçauroit méconnoître pour des œufs, pour peu qu’on air 


des Insectes. IX . Mcm . 4 6j 
obfervé des œufs d’infeétes. On voit en même temps 
beaucoup d’autres grains de moins en moins gros que 
les premiers. Enfin , on en apperçoit un nombre prodi¬ 
gieux de plus petits, & qui, pour être mieuxdiftingu es, 
demandent à être cherchés avec la loupe. L’infpeélion 
de l’intérieur de cette abeille, apprend donc quelle efî une 
mere qui efl en état de mettre au jour une très-nombreufe 
poflérité. 

Mais, comme je viens de le dire, il faut choifir des 
temps pour l’ouvrir, fi on veut lui trouver des œufs bien 
formés, bien diflinéls, Sc d’une grandeur fenfible à la vue 
fiimple. Il faut prendre les temps où elle efl en pleine ponte. 
Tel efl celui où un nouvel elfaim n’a été mis dans une 
ruche que depuis huit à dix jours, &. tels font aulfi dans 
la plupart des ruches, les mois d’Avril & de May. Si on 
ouvre des corps de différentes meres en Hyver, comme 
j’en ai ouvert plaideurs fois, ordinairement on n’y trouve 
point d’œufs d’une grandeur fenfible; ils y font tous fi petits 
que la plus forte loupe peut à peine les faire appercevoir. 
Ce qu’il y a de defagréable dans cette expérience, c’efl 
qu’en la faifant, on perd une ruche d’abeilles, on perd 
cette nombreufe poflérité qui eût été rnife au jour par la 
mere qu’on a fut périr fi cruellement; cette poflérité qui 
eût travaillé utilement pour nous. 

On a moins de regret de faire périr les faux-bourdons,’ 
leur vie moins importante efl fixée à une durée plus courte, 
fouvent à quelques femaincs. Quand on en tient un entre 
fes doigts, il arrive quelquefois qu’on voit fortir de fa 
partie poflérieure deux cornes charnues *, lifTes, polies, * 
humides & jaunâtres,qui, par leurpofition ééleur figure, 5 
ont allés l’air de parties deftinées à accompagner celle 
qui doit opérer la fécondation. Si on ouvre leur corps, 
on le trouve prefque rempli par de gros vaifTeaux blancs 

Nnn ij 


468 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
tortueux, accompagnés d’appendices. Ces vaiffcaux ont de 
îafolidité,& contiennent une liqueur laiteufe. Toutes ces 
parties que nous décrirons mieux dans la fuite, & la liqueur 
laiteufe dont elles font pleines, portent à juger qu’elles font 
deftinées à rendre les œufs féconds, & à regarder comme 
mâles les mouches à qui elles font propres. 

Enfin , en quelque temps de l’année que l’on ouvre le 
corps des abeilles ordinaires, on n’y trouve aucune diffé¬ 
rence remarquable. Le canal des aliments eft plus ou 
moins rempli ; il a tantôt plus & tantôt moins de miel, 
tantôt plus & tantôt moins de cire brute, mais en dehors 
de ce canal on ne découvre aucune partie analogue à des 
ovaires ; on n’y obferve aucune partie qui contienne des 
grains qu’on puifie foupçonner être des œufs; & on n’y 
découvre aucune partie analogue aux parties mâles des au¬ 
tres infeétes. Il paroît donc par i’infpection de l’intérieur 
de ces abeilles, & par la comparaifon qu’on en fait avec 
celui des meres, & avec celui des faux-bourdons, qu’elles 
ne font ni mâles ni femelles, qu’elles font abfolumcnt dé¬ 
pourvues de fexe. Ce que l’anatomie nous fait connoître 
par rapport à l’état de chacune de ces trois fortes de mou¬ 
ches, peut encore être confirmé par des obfervations déci- 
fives faites fur des mouches en vie. 

La mere abeille le lient ordinairement dans l’intérieur 
de la ruche, dans quelqu’une de ces efpéces de places ou 
de rues que biffent entr’eux deux gâteaux. Si elle en fort, 
fi elle fe rend fur la furface extérieure d’un des gâteaux 
qui font en vue, cen’eft que dans des cas rares, mais qui 
font ceux où l’on doit être plus curieux de t’obferver. 
Elle n’y vient que lorfquc les cellules dont il eft compo- 
fé,ou au moins plufieurs de ces cellules font vuides.Elîey 
vient pour pondre des œufs dans quelques-unes de celles- 
ci. Dès que cela eft fait, elle retourne dans l’intérieur de 



des Insectes. IX. Menu 469 
fon palais. Quoique ces temps foient rares & cl’a fi es courte 
duree, ils font moins difficiles à faifir qu’on ne le croiroit. 

Quand on a des ruches vitrées & confiantes favorable¬ 
ment, qu’on en aille obfervcr une où un effiaim n’efl logé 
que depuis peu de jours, & qu’on l’obferve à différentes 
reprifes depuis fept à huit heures du matin jufques à dix, 
on ne fera pas beaucoup de jours fans y voir la mere 
occupée à pondre; du moins m efl-il (buvent arrivé de 
l’y voir dans de pareilles circon flan ces. L’ardeur avec la¬ 
quelle les abeilles travaillent dans la ruche où elles font 
nouvellement logées, efl incroyable. Nous dirons ailleurs 
que des gâteaux de cire affés grands, longs de plus de huit 
à neuf pouces, font quelquefois l’ouvrage d’une feule jour¬ 
née. Ce n’efl pas principalement pour avoir des alvéoles 
où elles puiffent mettre du miel en provifion, qu’elles re¬ 
doublent alors d’activité; un motif plus puiffant paraît 
les animer. Elles femblent fçavoir que leur reine efl preffée 
par le befoin défaire des œufs, & il faut une cellule à cha¬ 
cun de ceux qu’elle efl prête à pondre. Auffi fi on exa¬ 
mine les cellules nouvellement faites, il y en auraplufieurs 
dans chacune defquelles on découvrira un petit corps 
blanc *, arrondi, mais oblong, & qui efl comme piqué par * pj. ,5. $ 
un de fes bouts dans l’angle folide de l’alvéole, ou au 
moins tout auprès dans une des couiiffes formées par 
deux des rhombes qui concourent avec le troifiéme à 
former l’angle folide. Ce petit corps efl un œuf qui efl 
en l’air, & plus ou moins incliné à l’horifon, car ce 
n’efl précifément que par un de fes bouts qu’il efl arrêté 
au fond de l’alvéole. Les ouvrières ont beau faire de la 
diligence dans ces premiers temps, elles ont quelquefois 
peine à fuffire à la fécondité de la mere. Auffi va-t-elle 
quelquefois dépofer fes œufs dans des cellules qui ne 
font encore qu’ébauchées, dans des cellules dont les pans 

N n 11 iij 


47 ^ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
de hexagone n’ont pas encore à beaucoup près la longueur 
qu’ils doivent avoir, & qu’on ne manque pas de leur 
donner dans la fuite. Mais ordinairement le travail des 
abeilles fournit à la mere plus de cellules qu’il ne lui en 
faut. Auprès de chacune de celles où elle a lailfé un œuf, 
on en remarquera fouvent un grand nombre qui font 
parfaitement vuides ; plufieurs de ces dernières auront 
des œufs à leur tour, & peut-être dès le lendemain. Si on 
épie le moment favorable, on furprendra la mere dans le 
temps où elle fera occupée à donner à chacune de celles- 
ci , l’œuf qu’elle eft deftinée à recevoir. 

Mais fi l’on veut raffembler les circonflances les plus fa¬ 
vorables pour faire voir la mere dans la plus importante 
de fes opérations, on logera un effaim dans une de ces 
*Pï. 23.% ruches extrêmement plattes*, que nous avons décrites dans 
^ le cinquième Mémoire ; dans une de ces ruches, dont l’é- 
paifTeur ne permet aux abeilles que de placer deux gâteaux 
l’un vis -à-vis l’autre, &où elles font obligées de compen- 
fer par l’étendue de chaque gâteau, ce quelles ne peuvent 
avoir par le nombre. Non-feulement les occafions d’obfer- 
verla mere abeille font par-là beaucoup multipliées, mais 
on cft à portée de la voir de plus près, parce que les deux 
gâteaux l'ont nécefîairement placés très-proche des car¬ 
reaux de verre. C’elt aulli fur-tout dans des ruches de cette 
cfpéce, que j’ai vû, autant de fois que je l’ai voulu, la 
mere dans le temps qu’elle faifoit fa ponte. Je l’ai vûé 
aufii dans des ruches vitrées d’une autre forme, & il pa- 
roît quelle y a été très-bien vue par M. Maraldi. Si j’ai 
indiqué le matin, comme le temps le plus favorable, c’ell 
que dans une année où je fuis parvenu bien des fois à 
furprendre des meres dans cette importante opération, de¬ 
puis le 29 Avril jufques au 3 1 May, ç’a toujours été de¬ 
puis fept à huit heures du matin jufques à dix. Je ne veux 


des Insectes. IX. Mem. 471 

pas pourtant faire penfer, & je ne penlè pas que ces heures 
l'oient les feules du jour qui y l'oient dcïtinées ; beaucoup 
d’autres heures y font peut-être egalement bonnes, fans 
en excepter celles de la nuit. 

Il ne le palfe rien de bien fingulier pendant que la 
mere fait fa ponte; car ce îfelt plus une fmgularité, après 
tout ce que nous avons rapporté ailleurs, devoir d’autres 
mouches lui faire cortege; elles le lui font en tout temps. 
Le cortege que je lui ai vû alors , a été quelquefois plus, 
quelquefois moins nombreux. Allés fouvent, il a été 
compofé d’une douzaine de mouches; mais quelquefois 
il a été lî mal fourni, qu’il étoit à peine compofé de 
quatre à cinq. Celles qui lêmblcnt faire alors leur cour 
à leur fouveraine, font à peu près difpofées en cercle 
autour d’elle, & toutes ont la tète tournée vers elle. 
Cette mouche fi cherie, quoique preffée alors par le 
befoin de faire fes œufs, marche alfés lentement, ou, 
comme on l’a voulu, gravement. Elle regarde dans les 
cellules fur lefquclles elle palfe, elle fait entrer fucceflive- 
ment fa tête dans l’ouverture de pluficurs. Quand après 
avoir examiné l’intérieur d’une cellule, elle a reconnu 
quelle étoit vuide & nette, & quelle l’a trouvée à fort 
gré, elle fe retourne bout par bout; elle y introduit fon 
derrière, & l’y fait avancer jufques à ce qu’une partie con- 
fklérable de fon corps y foit logée; c’eft-à-dire, jufques à 
ce que fon derrière foit alfés près du fond de la cellule, 
pour que l’œuf qui va fortir puifle y être appliqué par 
lin de fes bouts. Il fort enduit d’une matière vifqueufe qui 
colle contre la cire la partie qui la touche. 

Un œuf ejl pondu & mis en place dans un infant. A 
peine la mere s’elfelle enfoncée autant qu’elle a voulu 
s’enfoncer dans une cellule, qu’elle en fort pour aller 
faire la même manœuvre dans une cellule voifine ; & ainfi 


47- MEMOIRES POUR L ? HlSTOIRE 
Je celluie en cellule: c’eft-à-dire, qu après s’étre afîùrée 
qu’une cellule cil vuide & propre, elle entre dedans par 
fâ partie poftérieure, & quelle y laide un œuf. Je liai 
jamais vû aucune de ces mouches venir commencer fa 
ponte devant moi. Les ruches vitrées ont des volets de 
bois qu’il faut ouvrir pour voir les gâteaux de cire. Quand 
on les ouvre, 1 intérieur fe trouve plus éclairé, & cette 
augmentation de lumière qui peut par elle-même déplaire 
à la merc mouche, lui fait découvrir un fpeélateur devant 
lequel elle ne cherche pas à paroître. Je n’en fuis pour¬ 
tant pas plus difpofé à croire que ce foit la pudeur qui la 
retienne. Je ne fçais comment on s’efl prêté à accorder 
une telle vertu à des infeétes, quelque riante qu’en foit 
l’idée. On a même voulu nous faire penfèr que les abeilles 
ordinaires étaient très-inftruites de ce que leur reine ati- 
roit à fouffrir fi elle n’étoit pas cadrée pendant une opé¬ 
ration qui fe doit paffer dans les ténèbres. Nous avons dit 
ailleurs que les abeilles en s’accrochant les unes aux autres, 
fçavent former des maffes de cent figures différentes. On 
a prétendu que dans le temps dont nous parlons, elles fe 
dilpofoient devant la mere en efpéce de rideau. Mais à qui 
veulent elles cacher leur reine! Par qui pourrait-elle être 
vue ordinairement que par des abeilles telles que celles 
qui la cachent ! Enfin , s’il y avoit pour une mouche de 
findécence à frire des œufs, toute indécence ferait fàuvée 
dès que la partie d’où ils fortent eft cachée dans la celiule, 
& que la mere eft alors pofée comme le font en tant d’au¬ 
tres cas les abeilles ordinaires qui entrent dans des cellules 
le derrière le premier. H peut y avoir des mouches difi 
polées en rideau pendant que la mere pond ; mais ce 
n’eft pas parce quelle pond qu’elies font difpofées de 
ia forte. Je n’ai jamais vû de pareils rideaux le former, 
pour me dérober la mere qui étoit occupée à pondre. 


des Insectes. IX. Mem. 473 
A la vérité ii eût été quelquefois difficile aux abeilles de 
prendre cet arrangement dans mes ruches plattes ; mais 
j’ai vû pondre des meres dans d’autres ruches. Il y a plus, 
j’en ai quelquefois vû pondre une dans des cellules qui 
étoient très - proches des carreaux de verre, pendant 
quelle négligeoit des celiules vuides qui en étoient affiés 
éloignées. Ce n’étoit donc pas par néceffité que cette 
mere avoit renoncé à la pudeur. 

O11 nous a donné auffi le temps où la reine fait fes 
œufs, pour un temps de fête 6c de réjouifïance; fi cela 
étoit, ce petit peuple feroit trop heureux, ii feroit pres¬ 
que toûjours en joye, car la mere pond dans la plûpart 
des mois de l’année. A force de fe réjouir, il courroit 
pourtant rifque de périr de faim. Dans les plus grandes 
monarchies, pendant que la reine donne à l’état un hé¬ 
ritier défi ré, les artifans font occupés dans leurs bouti¬ 
ques à leurs travaux ordinaires; le peuple ne fçait rien de 
ce qui fe paffie alors d’important au palais de fon roy, ou 
agit comme s’il n’en fçavoit rien. II en eft.de même dans 
chaque monarchie d’abeilles. De même les travaux de la 
ruche ne font point interrompus pendant la ponte de la 
mere; on y apporte le miel 6c la matière de la cire, on 
conffiuit, on polit des cellules tout comme à l’ordinaire. 
Si pourtant on veut appuyer fur une comparaifon fort 
honorable à nos abeilles, on aimera peut-être à trouver 
une forte de parité entre les mouches qui font cortège à la 
mere dans des moments fi importants, avec les grands qui, 
par leur rang 6c leur place, doivent être inffruits les pre¬ 
miers du prélènt que la reine va faire à l’état. Les mouches 
au moins qui font alors autour de la mere, cherchent 
à fe rendre agréables. On ne peut prendre que pour des 
efpécesd’hommages, ou que pour des careffes préférables 
aux hommages, les mouvements quelles font faire à leur 
Tome V. . O o o 


474 MEMOIRES POUR L’HlSTOÏRE 
trompe pour la lécher, la frotter doucement, la nettoyer, 
&pour lui offrir du miel très-pur, fi elle en a befoin. 

Après avoir vû une mere entrer fucceffivement le der¬ 
rière le premier dans deux ou trois cellules, & après avoir 
découvert avec ma loupe l’œuf qu’elle avoit laiffé dans 
chacune, je l’ai vûe quelquefois fe tenir tranquille pen¬ 
dant fix à fept minutes; c’étoit alors que redoubloient les 
careffes des mouches de fa petite cour. C’étoit alors fur- 
tout qu'elles la iéchoient avec leur trompe, & qu’elles 
déchoient principalement fesderniers anneaux, apparem¬ 
ment pour les nettoyer. Deux ou trois mouches y 
étoient occupées à la fois. Je n’ai guéres obfervé qu’elle 
ait pondu plus de cinq à fix œufs de fuite fans prendre 
élu repos, & ordinairement elle en a pondu au plus huit 
à dix devant moi; foit que je n’aye jamais commencé à 
i’obferver que quand fa ponte du jour étoit avancée, foit 
que le grand jour & ma préfence la déterminaffent à par¬ 
tir, elle rentroit alors entre les gâteaux, peut-être pour y 
chercher des alvéoles vuides qui fuffent moins à décou¬ 
vert. 

Il y a des temps où la mere paffe des jours, & fans doute 
bien des jours de fuite fans foire des œufs, mais ce n’eft 
pas au Printemps; c’eft alors qu’eft le fort de fa ponte. 
Dans cette faifon, elle ne foit pas apparemment fortirde 
fort corps le même nombre d’œufs dans chaque journée; 
& il n’eft pas poffible de déterminer le nombre de ceux 
qu’elle en fait fortir dans la journée où elle en pond le 
plus ; mais on peut juger combien elle en pond com¬ 
munément par jour dans cette faifon, combien alors fo 
fécondité eft grande, par le nombre des mouches qui 
conapofent un effaim qui prend l’effor vers le 20 ou le 
2.5 de May. Lorfqu’ii eft fojti de la ruche, cette ruche 
cft fouYem auffi peuplée ou plus peuplée qu’elle i etoit 


des Insectes. IX. Mem. 475 
au commencement de Mars. Leffaim, fans être des 
forts, peut être compofé de plus de 12000 abeilles. La 
mere a donc pondu plus de 12000 œufs dans moins de 
deux mois, dans partie de celui de Mars, & dans celui 
d’Avril, car les 20 jours qui relient du mois de May, 
ne doivent pas être comptés; c’eft pendant ces 20 jours 
que les abeilles de l’eflaim qui fe lont transformées les 
dernières, ont pris leur accroilTement ; elles ont dû naître 
d’œufs pondus vers la fin d’Avril ou le commencement 
de May. Si pour avoir un terme moyen, on divife par 
60 les 1 2000 œufs qui ont été pondus en moins de deux 
mois, on trouve que la mere a dû pondre chaque jour de 
ces deux mois environ 200 œufs. Quelque confidérable 
pourtant que foit cette fécondité, nous avons donné un 
exemple d’une fécondité beaucoup plus grande* dans une *7W iv. 
mouche vivipare à deux ailes, puifque nous avons compté P a & e 4 l 7 ^ 
plus de 20000 vers vivants dans fon corps, dont chacun 
devoit par la fuite devenir une mouche lèmblabie à celle 
dans le corps de laquelle il étoit contenu. 

La fécondité de la mere abeille a cependant encore de 
quoi paroître merveilleufe ; & peut-être aura-t-on même 
peine à croire qu’elle aille jufqu’où nous venons de la 
porter. On fe preffe peut-être de nous faire une objec¬ 
tion. On demande quelle certitude nous pouvons avoir 
que c’efi la mere abeille qui a fait tous les œufs qui ont 
fourni un elïaim de mouches. On nous accordera volon¬ 
tiers que la mere pond ; mais on 11e nous accordera pas 
qu’elle ponde feule. On demandera quelle certitude on 
peut avoir que les abeilles ordinaires 11e font pas chacune 
au moins quelques œufs. On pourra ajoûter que celles-ci 
entrent quelquefois dans des cellules le derrière le pre¬ 
mier, comme y entre la mere; qu’on en trouve des cen¬ 
taines de mortes dans cette pofition dans les ruches dont 

O00 ij 


476 Mémoires pour l’Histoire 

les mouches font péries de froid ou de faim. On peut 
avoir du penchant à penfer que fi les grandes abeilles, 
celles qu’on appelle des reines, mettent au jour des œufs, 
ce ne font que de ceux qui donnent des reines, & que les 
abeilles ordinaires doivent faire des œufs qui donnent des 
abeilles ordinaires. Enfin, la preuve anatomique que nous 
avons rapportée, peut n’avoir pas affés de force fur ceux 
qui n’imaginent pas poffible de bien diftinguer les unes 
des autres, les parties intérieures d’animaux fi petits, lis pen- 
feront volontiers que quatre à cinq œufs à peine vifiblcs, 
& les parties qui les renfermeroient, pourraient très-bien 
échapper à l’Obfervateur. Or il fuffiroit pour fournir à 
un effaim, que chaque abeille ordinaire pondît quatre à 
cinq œufs. Mais dans cette fuppofition, la mcre ne met¬ 
trait au jour que des fémeiles ; cette conféquence offre un 
moyen de fe convaincre que la fuppofition, quoiqu’affés 
vraifemblable, n’efi pas vraye ; on n’aura qu’à remarquer les 
cellules dans lefquelles on aura vû pondre une mere. Des 
œufs qu’elle aura laiffés dans les cellules d’une grandeur or¬ 
dinaire, naîtront des vers qu’on verra dans la fuite fe trans¬ 
former dans des abeilles ouvrières, dans des abeilles de la 
plus petite taille. La longue abeille, celle qui efi décorée 
du nom de reine, elt donc la mere des abeilles communes. 
Si ces dernières abeilles en pouvoient produire de telles 
qu’elles font, la nature n’eût pas mis la reine en état de 
donner naiffance à ces fortes de mouches. 

Enfin, nous avons parlé ailleurs de cellules plus grandes 
que les cellules ordinaires, dont font compofés certains 
gâteaux ou certaines portions de gâteaux, & nous avons 
dit que ce font les cellules dans lefquelles croiffcnt les vers 
qui fe transforment dans les groffes mouches, que nous 
nommons les mâles. II lèra encore aifé de s’affurer que 
ecs vers fortent d ’œufs ponduspar la reine, qui, en un 


des Insectes. IX. Mem. 4.77 

mot, & dans le fens naturel, eft la mere de tout l'on petit 
peuple, ou au moins de toute la partie du peuple qui naît 
élans fa ruche. 

Cette mouche femble avoir des connoidances bien fin- 
guliéres, &desconnoiiïancesque je lui ai entendu envier 
par des dames: elles étoient choquées & fe plaignoient de 
ce que la mere abeille femble fçavoir quelle forte de mou¬ 
che doit naître de l’œuf qu’elle va mettre au jour, pu if- 
qu’elle fe donne bien de garde de pofer dans une cellule à 
mâle, dans une grande cellule, un œuf d’où il ne doit 
venir qu’une abeille ordinaire, & qu’elle ne lailfe jamais 
dans une petite cellule, dans une cellule ordinaire, un œuf 
qui doit donner un faux-bourdon. Les dames dont je parle, 
trouvoient mauvais que la nature eût b bien inftruit de 
fimples mouches, pendant quelle leur lailfe ignorer de quel 
fexe eft l’enfant quelles doivent mettre au jour. Les œufs 
auxquels les plus grolfes mouches doivent leur naiflance, 
font plus gros que ceux qui la donnent à des mouches plus 
petites. La mere eft apparemment douée d’un fentiment 
qui lui apprend quand l’œuf quelle va faire fortir elf plus 
gros que les œufs ordinaires, & qu’il doit être mis dans 
une grande cellule. 

Outre les deux fortes d’œufs dont nous venons de par¬ 
ler, on doit penfer que la mere mouche a encore à en 
pondre d’une troifiéme forte. Ce ne leroit pas affés quelle 
donnât nailîànce à plufieurs milliers de mouches ouvriè¬ 
res, à plufieurs centaines de mâles, elle doit la donner à 
d’autres mouches propres à devenir desmeres, à d’autres 
mouches qui perpétuent fefpéce. Il faut quelle ponde au 
moins un œuf, d’où nailTe l’abeille qui conduira hors 
de la ruche trop peuplée une colonie qui ne fubfdleroiî 
pas fans cette mouche. La mere doit donc pondre, & 
pond des œufs d’où doivent fortir des mouches propres à 

O o o iij 


478 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE 
être meres à leur tour. Elle le fait, & nous allons voir 
que les travailleufes paroiffent fçavoir quelle le doit faire. 
Dans la rigueur, il fuffiroit qu’il naquit chaque année 
dans chaque ruche autant de meres mouches qu’il en fort 
d’efiaims ; mais le nombre des meres qui y naiffent, efl; 
fouvent beaucoup plus grand que celui des e(faims qui 
en fortent. La nature ne paroît pas s’être embarraftee de 
l’œconomie par rapport à la multiplication des êtres orga- 
nilés. Combien de millions de graines d’ormes font per¬ 
dus chaque année, pour une qui donne un germe qui 
parvient à être un grand arbre! Entre les milliers d’œufs 
jettés dans l’eau par une carpe, combien y en a-t-il peu 
dont les embryons deviennent de grandes carpes ! Nous ne 
trouverons pourtant pas d’exemple d’une pareille prodiga* 
lité dans le nombre des œufs de la mere abeille, propi es à 
donner d’autres meres abeilles. Elle n’a pour l’ordinaire à 
en pondre que i y à 20 par an ; quelquefois elle n’en pond 
que 3 ou 4, & quelquefois elle n’en pond point du tout ; & 
dans ce dernier cas, la ruche ne donne pas d’effaim. 

Les abeilles ouvrières à qui les meres font fi cheres, 
paroiffent auffi s’intéreffer beaucoup pour les œufs qui en 
doivent donner, & les regarder comme bien importants. 
Elles conftruifent des alvéoles particuliers où ils doivent - 
être dépofés. Elles ne fe contentent pas comme pour les 
œufs d’où fortent les mâles, de faire des alvéoles plus 
grands que ceux des mouches ordinaires, mais d’ailleurs 
conftruits fur le même modèle ; elles abandonnent leur 
architeéïure ordinaire, quand il s’agit de bâtir des loge¬ 
ments dans lelquels doivent être élevés des vers qui de¬ 
viendront des mouches reines. Elles ne font point alors 
des alvéoles exagones; elles en conftruifent d’une forme 
moins propre à nous plaire, mais qui paroît peut-être 
plus belle aux abeilles. Elles leur donnent une figure 


des Insectes. IX. Mem. 479 
arrondie Sc oblongue * plus grolfe près d’un de Tes bouts * pi. p g . 
qu’à l’autre, & dont la itirface extérieure eft pleine de pe- 2 • ro - 
tites cavités. Si les abeilles ne nous parodient pas avoir 
été occupées de la beauté & de l’élégance de ces cellules, 
elles doivent nous paroître avoir été très-attentives à leur 
procurer delà folidité ; elles leur en donnent tant, qu’elles 
en femblent mal faites, qu’elles en femblent lourdes Sc 
maffives. 

La cire qui eft employée avec une œconofnie fi géo¬ 
métrique dans la conftruéïion des cellules exagones, eft 
employée avec profufion dans celle des logements où les 
reines doivent être élevées; rien ne coûte alors aux abeilles. 

J’ai pefé une de ces cellules qui méritent d’être diftinguées 
des autres par l’épithete de royales, contre des cellules 
exagones, Sc j’ai vû qu’il en falloit environ cent de ces 
dernières pour égaler le poids de l’autre. Cependant la 
cellule royale n’étoit pas encore finie, elle n’avoit pas 
toute fit longueur, Sc n’étoit pas de celles qui font les plus 
grandes ; je crois qu’il y en a telle qui pefie autant que 
i 50 cellules ordinaires. Après tout, ce n’efi pas trop que 
la dépenjp faite pour bâtir une efpéce de louvre, ou au 
moins une maifon royale, furpalfe 100 ou 150 fois celle 
que demande la conftrudion d’un fimple logement de 
particulier. 

Les abeilles ne parodient pas non plus chercher à mé¬ 
nager le terrein, quand il s’agit de placer une de ces cel¬ 
lules qui doit être le berceau d’une reine. C’eft quelquefois 
furie milieu même d’un gâteau qu’elles iapofent *, comme * Fig. ?. h t >. 
s’il lui convenoit d’avoir une place diftinguée. Plufieurs 
cellules communes font facrifiées à lui fervir de bafe& de 
fupport. Le plus fouvent les cellules royales pendent du 
bord inférieur d’un gâteau ordinaire *, comme les flalac- * Fig. ?, re , 
îitespendent de la voûte des cavernes. Il y en a quelquefois co > 


4$0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
*pi. 52. fi g. qui pendent de meme le long d’un des côtés d’un gâteau 
;• ’ r c, ' o .f i f ' s ‘ qui ne touche pas les parois de la ruche. Ce qui ma paru 
très-confiant, c’efi que leur gros bout eft en haut, & que 
leur longueur, leur axe eft dans un plan vertical, de forte 
que leur longueur eft prefque perpendiculaire à celle des 
cellules ordinaires. Les figures qu’a données Swammerdam 
des cellules royales, feroient prendre une toute autre idée 
de leur pofition. Cependant cette pofition n’efi pas fans 
doute indifférente, & il s’enfuit une fingularité que nous 
aurons lieu de faire plus remarquer dans un autre Mé¬ 
moire ; c’eft que la nymphe qui doit fe transformer dans 
une fémelle, eft tout autrement pofée que la nymphe qui 
doit fe transformer dans une abeille ouvrière, &que celle 
qui fe doit transformer dans un mâle. La première a pré- 
cifément la tête en embas, pendant que les autres font 
pofée horilontalement, & même un peu en enhaut. 

Quand une cellule royale n’cft encore que commencée, 
^Ejg. 3.g,g, e j| e 3 a fïe S la figure d’un gobelet *, ou plus précifément 
1 ° r ' 0l ce jj e t p un c { e ces calices defîinés à contenir un gland, & 
d’où le gland eftforti. Quelquefois ce calice, comme celui 
du gland, a un pédicule ; mais à mefure que les mouches 
prolongent la cellule, elles lui font perdre cefte figure. 
Loin de la tenir evafée, elles la rétréciffent de plus eu 
plus, de forte que le bout inférieur eft plus menu que le 
* Fig. 1. 0, fupérieur. Elles laiffent ce bout inférieur ouvert * juf- 
ques à ce que le temps de le fermer foit venu, ce qui 
n’efi que lorfque le ver qui a cru dedans, eft prêt à fe 
métamorphofer. Elles donnent à plufieurs de ces cellu¬ 
les diftinguées 1 5 à 16 lignes de longueur. La furface 
de celle qui n’eft encore qu’ébauchée, qui a encore la 
*Ug-4. 0. figure d’une coupe, eft affés fouvent liffe *; par la fuite 
elle devient raboteufe; il femble que les abeilles bayent 
fculptée en efpécc de guilochis. Ce pourroit être plutôt 

pour 


des Insectes. IX. Ment. 481 

pour la fortifier que pour l’orner, qu’elles y auroient atta¬ 
ché de petits cordons de cire. Mais ces cordons font faits 
pour une autre fin, ce font les fondations grofliéres de 
cellules ordinaires; c’efi de quoi quelques faits m’ont inl- 
truit. J’avois été embarralTé pour les abeilles ouvrières des 
cellules royales qui pendoient au bas des gâteaux * ; il me * PI- 3 ^- 
paroilfoit que ces cellules dévoient les incommoder par la *’ 
fuite, lorfqu’il s’agiroit de prolonger la partie du gâteau 
d’où elles pendoient. Mais j’ai oblèrvé que les ouvrières 
attendent à allonger ce gâteau jufqu a ce que les femelles 
loient forties des alvéoles dans lefquels elles font nées. 

Alors elles raccourcifient les cellules royales, & elles en 
bêtifient de communes defiùs, pour étendre le gâteau; 
celui-ci fe trouve feulement un peu plus épais qu’ailleurs, 
avoir une efpéce de nœud dans chacun des endroits où il 
y a eu une cellule royale. C’eft ce que j’ai vû pratiquer à 
des abeilles dont j’ai parlé dans le cinquième Mémoire, 
auxquelles j’avois donné des portions de gâteaux d’où 
pendoient des alvéoles où il y avoit des vers ou des nym¬ 
phes qui dévoient devenir des mouches fémelles. Ceci ap¬ 
prend qu’il y a telle faifon où on ne retrouvera plus dans 
une ruche les cellules royales qui y étoient au Printemps. 

C’efi donc dans chacune de ces cellules plus longues 
& plus folides que les autres & d’une autre forme, que la 
mere abeille pond un œuf dont l’embryon doit devenir 
avec le temps une mouche capable de pondre à fon tour. 

Il faudrait que les abeilles ordinaires fçuiïent combien il 
y a de ces œufs dans le corps de leur reine, fi elles fai- 
foient un nombre de cellules qui fût exactement égal à 
celui de ces œufs. Elles fçavent tant de chofes, quelles 
pourraient bien encore fçavoir cela. Ce que je crois cer¬ 
tain, c’efi quelles font au moins autant de ces fortes de 
cellules que la mere a befoin d’en trouver de faites, & 

Tome V . P p p 


482 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
peut-être en font-elles plus qu’il 11e lui en faut. Je 11’en 
ai vû que deux ou trois dans quelques ruches, & j’en ai 
compté jufques à 40 dans d’autres. 

Quand on fe rappelle que les abeilles ordinaires bâ- 
tiffent des cellules de trois efpéces, & quelles femblent en 
proportionner le nombre à la quantité de chaque forte 
d’œufs qui doit être pondue par la mere, on ch tenté de 
les croire douées de quelque fcns qui les infhuit de la 
quantité de chaque forte d’œufs, qui doit paraître au 
jour. On a perfuadé, il y a quelques années, à ceux qui 
font trop avides de prodiges, qu’une fille de Lilbonne 
avoit une vue qui perçoit au travers des objets les plus 
opaques pour nous ; qui lui faifoit difiingucr h le fœtus 
contenu dans le ventre de la mere étoit mâle ou fé- 
melle ; ceux qui ont été afies crédules pour recevoir un 
pareil fait comme vrai, n’héfiteroient pas apparemment 
à penfer que les abeilles ouvrières ont des veux qui voyent 
&difiingucnt les uns des autres, les œufs renfermés dans 
les ovaires de la mere. 

Au refie, le nombre des cellules obfongues & arrondies 
efi toujours fi petit dans chaque ruche, & elies font pla¬ 
cées dans des endroits fi fréquentés,qu’on ne fçauroit fe 
promettre de furprendre une mere pendant qu’elle efi oc¬ 
cupée à pondre dans quelqu’une de ces cellules. Mais en 
cfi-il befoin ! Dès qu’on s’efi bien afitiré qu'il n’y a dans 
chaque ruche qu’une mouche qui donne naiflfance à tant 
d ouvrières & à tant de mâles, il n’efi pas permis de douter 
quelle ne la donne à quelques abeilles qui, comme clic, 
doivent être des nières. Ce que l’imagination ne nous per¬ 
met d’accorder qu’avec plus de peine, c’efi que toutes ces 
abeilles nécefiàires pour compofer un nombreux eflaim, 
ayent pu être mifes au jour en fept à huit femaines par 
une feule mouche: mais fi on ouyre le corps d’une mere 


des Insectes. IX. Mem. 483 

dans un temps convenable, on ic trouvera rempli dune 
fi prodigieufe quantité d’œufs, qu’on ceffera d’être furpris 
du nombre des abeilles qui naiifènt d’une tcuie reine, fur- 
tout li on penfe qu’outre les œufs actuellement vif blés, 
il y en a un nombre beaucoup plus grand de ceux qui n’ont 
pas encore acquis la grolfeur qui peut les rendre lenfibles 
à nos yeux. 

Les œufs de la mere abeille, comme ceux de tant d’au¬ 
tres mouches dont nous avons parlé, & comme ceux des 
papillons, font diftribués en deux ovaires, dont l’un clt à 
droite & l’autre à gauche. Swammerdam a donné très en 
grand une figure de ces ovaires de la mere abeille, qui m’a 
paru fi bien entendue, que j’ai mieux aimé m’en tenir à 
la faire paraître réduite *, que d’en faire defiîner une nou- * PI 32. 
velle qui aurait pu n’être pas aulfi parfaite que la fienne. s ' 

J’ai adopté avec plaifir fa figure, comme j’ai adopté ail¬ 
leurs celle de Malpighi qui repréfente les ovaires du pa¬ 
pillon fémclle du ver à foye. D’ailleurs pour Lire de/finer 
une nouvelle figure des ovaires de la mere abeille, j’euffe 
été obligé de faire périr piufieurs meres, & on ne fe réfoud 
que dans une grande nécelfité à en tuer même une feule, 
quand on penfe au nombre des mouches auxquelles elle 
alloit donner la vie ; & quand on penfe qu’en la faifant périr 
on condamne à mourir bientôt tant de milliers de mou¬ 
ches qui habitoient avec elle. 

Chaque ovaire * d’une mere abeille, reflemble dans * f; 

l’effenticl à un de ceux de diverfes autres mouches, & f 00 

b c c c c t% 

en particulier, à un de ceux des cigales qui a été repré- 
fenté dans ce volume, planche 19 figure 10. Je veux dire 
que l’ovaire de la mouche à miel eft un alfemblagc de 
vaiffeaux *, qui tous tirent leur origine du même en- *aeet 
droit *, cjui tous vont aboutir à un canal commun *, & * a - 
qui tous font remplis d’œufs dans le temps de la ponte. * te ‘ 

PPP ij 




C/q 


484 Mémoires pour l’Histoire 

J’ai cru obferver une efpéce de refervoir charnu, un vaif- 
feau extrêmement gros en comparaifon de chacun de ceux 
qui compolent l’ovaire, d’où tous ceux-ci partent. Quand 
on ouvre une mere dans des temps où celui de fa ponte 
eft encore éloigné, comme j’en ai ouvert plufieurs en 
Hy ver, & dans d’autres faifons, alors les vaiffeaux de cha¬ 
que ovaire ne forment qu’une efpéce d’écheveau, ou plu¬ 
tôt de paquet de fis pofés les uns contre les autres, & 
parallèlement les uns aux autres, & de fils plus déliés que 
les cheveux, auffi fins peut-être que des fils de vers à foye. 
Au moyen d’une loupe très forte, on y apperçoit pour¬ 
tant de petites inégalités, ori croit voir à chaque fil de 
petits nœuds. Mais quand la mouche efi en pleine ponte. 
Ion corps ne femble être rempli que d’un nombre prodi¬ 
gieux de differentes files d’œufs, qui,de la partie antérieure 
du corps, fe rendent à la partie pofférieure. Les œufs les 
plus proches de celle-ci, font longs, & tels que ceux qu’on 
peut obferver dans les alvéoles de cire; mais ceux qui font 
*PI. 32.fig. plus près de la partie antérieure*,font plus courts, ils ont 
a ‘ line figure plus approchante de celle des œufs qui nous 

*b,c, c,c. font les plus connus. Les premiers œufs *,ou, plus exacte¬ 
ment, ceux qui paroiiïcnt être les premiers de chaque file, 
font très petits, on a befoin de la loupe pour les voir, 
pendant que les autres font beaucoup plus longs & plus 
gros qu’il ne faut pour être très-fenfibles à la vue fimple. 
Ces derniers femblent être à découvert, parce que les parois 
des vaiffeaux qui les renferment,font extrêmement minces. 
C’cff une remarque que d’autres infectes nous ont déjà 
donné occafion de faire plufieurs fois. Enfin, tous les 
vaiffeaux d’un même ovaire aboutiffent à un vaiiïeau beau- 
*te; te. coup plus grand*, dans lequel ils fie déchargent fùcccffi- 
vement de leurs œufs. Comme il y a deux ovaires, il y a 
donc deux grands canaux ou conduits qui fe rendent à 


des Insectes. IX. Menu 4S5 
un canal commun *, qui a été regardé comme la matrice * pj. 32 . ^ 
par Swammerdam. Il ne relie pas beaucoup de chemin à s - 11U 
faire à ceux qui font dans cette dernière cavité pour fortir 
hors du corps de la mouche. C’efi dans ce court chemin 
que Swammerdam veut qu’ils foient enduits de la liqueur 
vifqueulè propre à les tenir arrêtés par un de leurs bouts 
contre le fond d’un alvéole. L’analogie conduit aiepenfer. 

Nous avons vû ailleurs des refervoirsdeftinésà fournir de 
la liqueur gluante, propre non-feulement à coller les œufs 
des papillons contre les corps fur lefquels ils font dépofés, 
mais qui, en l'e delféchant, peut même faire des loges à 
ces œufs. L’analogie ne veut peut-être pas de même qu’un 
petit corps fphérique * qui tient à la cavité dans laquelle * g , 
tous les œufs de la mere abeille fe rendent, foit deftiné à 
fournir la liqueur vifqueufe. Maipighi au moins a donné 
un ufage plus important à un femblable corps, & placé de 
même dans les papillons. Mais l’incertitude où nous fom- 
mes encore fur l’ulagede parties d’un volume confidérable 
qui fe trouvent dans l’intérieur des grands animaux, telle 
qu’eft la ratte.&c. doit nous empêcher de prononcer affir¬ 
mativement fur les ufages des parties intérieures des in- 
feéfes, lorfqu’iis ne font pas très évidents. 

Ce que chaque ovaire des meres abeilles a de plus re¬ 
marquable, c’ef le nombre des vaiffieaux à œufs dont il efl 
compofé. Swammerdam après avoir defefperé de venir à 
bout de les féparer les uns des autres à caufe de la quan¬ 
tité prodigiCufe des ramifications des trachées, qui les tien¬ 
nent liés; & ayant tenté inutilement de les compter tous, 
n’a pas cru courir rifque de fe tromper, en affinant que 
chaque ovaire avoit plus de i 50 vaiffieaux deffinés à con¬ 
tenir des œufs. Si le nombre de ces vaiffieaux efl ici con- 
fidérablement plus grand qu’il ne l’efi dans les ovaires de 
beaucoup d’autres infeéïes, les vaiffieaux font plus courts. 

PpP'ij 


486 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
Swammerdam a pourtant compte dans chacun de ceux 
d’une abeiile 17 œufs. Chaque ovaire avoit donc 1 50 fois 
i7œufs,ou 2 5 50 œufs, & les deux ovaires en renfermoient 
y 100, On ne doit plus avoir de peine à accorder qu’une 
abeille puiffe mettre au jour en fept à huit femaines 10 à 
12000 abeilles ou davantage, lorfqu’on lui peut compter 
5 100 œufs à la fois; car on imagine aifément que le nom¬ 
bre de ceux qui ne font pas vifibles, qui grofiiront pendant 
le temps que les autres feront pondus, &. qui prendront 
leur place dans les ovaires, que le nombre de ces œufs 
qui échappent à nos yeux par leur petitefîe, furpafle plu- 
fieurs fois le nombre clés autres. 

Si l’examen des parties intérieures de la merc abeille efl 
propre à nous frire voir quelle peut feule fuffire à donner 
la vie à tant de milliers d’abeilles qui naiiïént chaque année 
dans une ruche, l’examen des parties intérieures des faux- 
bourdons n’eft pas moins propre à nous convaincre qu’ils 
font deftinés à rendre les œufs féconds, qu’ils font les 
mâles. Dès qu’on a mis à découvert l’intérieur de leur 
corps*,on reconnoît que fa cavité nef prefque occupée 
que par des vaiffeaux&des relervoirs, dont billage ne peut 
être que de préparer & de contenir la liqueur propre à vivi¬ 
fier les œufs. Quelques parties d’un volume confidérabJe 
par rapport à celui du lieu où elles font logées, font plus 
blanches que le lait, & elles doivent leur couleur à la li¬ 
queur quelles renferment. Enfin, on ne trouve aucune 
partie qui rcffemble à celles dont nous parlons dans le 
corps des fémelles, ni dans celui des abeilles ouvrières. 

On prend même en certains temps des faux-bourdons 
qui ont fait fortir de leurs corps, & qui tiennent en dehors 
clés parties qui leur font propres, & qui femblent ne pou¬ 
voir être que celles qui caraélérifent le fexe des mâles; 
en certains temps, on en trouve qui portent à leur derrière 


des Insectes. IX. Mem. 487 
deux cornes charnues *, aufli longues que le tiers ou la ; * pi. 33.^. 
moitié de leur corps, qui s’écartent l’une de l’autre en 5 & 6. c, c. 
s’éloignant de leur baie commune. Cette baie cfl alTés 
maflive. Entre les deux cornes paroît quelquefois un corps 
charnu * qui s’élève au-deffus du derrière en fecontour- *Fig. j,6& 
liant en arc. Si le faux-bourdon qu’on a pris ne montre 11 ' 
pas les parties dont nous venons de parler, s’il les tient 
cachées dans fon corps, on peut le forcer de les faire voir 
en prefïant fon ventre entre deux doigts. En ménageant 
la preffion, on oblige à paraître au jour différentes pièces 
formées & difpofées avec beaucoup d’appareil & d’art, & 
des pièces dont on 11e trouve point de veftiges dans les 
meres ni dans les ouvrières. C’eft précifément au bout pof- 
térieur du corps des abeilles ordinaires & des meres, que 
le dernier de leurs anneaux s’cntr’ouvre. C’elf là qu’c fl 
l’anus,& c’eft de-là même que l’aiguillon fort ; mais le bout 
du corps des faux-bourdons n’eft point percé; le dernier 
anneau eft recourbé vers le ventre, & c’eft fous le ventre, 

& fort prés du bout poftérieur, qu’on remarque un en¬ 
droit * à peu près circulaire comme un petit bouton ap- *Fig. 3 £4, 
plati, dont la couleur eft différente de celle du refte; elle 
cft cannelle. Ce qui paroît de couleur cannelle eft un arc 
annulaire qu’on peut appelfer intérieur; il part de deffous 
l’anneau. De-là fortent aullî les bouts de deux lames *, qui * Fig. 4. e,c. 
enfemble forment une efpéce de pince. Quand elles s’é¬ 
cartent l’une de l’autre, elles (aillent une ouverture par 
laquelle la preffion peut faire fortir les parties qui font pro¬ 
pres au mâle. C’eft aufîî dans la même ouverture que fe 
trouve celle de l’anus. 

Pendant qu’on preffe entre deux doigts le ventre près 
de l’endroit de couleur cannelle, & après qu’on a forcé 
la fente à s’entr’ouvrir, 011 voit paraître une'efpéce de 
veftie toute pointillée de points roux *. La veftie groffit * Fig. 7, m . 


* PI. 33. fig- 
7 - c > c - 

* d, u. 


* Fig. 9. OC. 


♦Fig. 1 0, o c. 


* d. 


»u. 


* Fig. 11 .u. 
&pl. 3*.% 
a. u. 


488 Mémoires pour l’Histoire 

de plus en plus lorfqu’on continue ia preffion, de nou¬ 
velles portions membraneufes fortent. La partie qui efl 
fortie alors a des inégalités ; elle elt groffe & oblongue ; 
fon bout a une figure qui approche de ’celle d’un 
mafque velu, il efl couvert de poils roux ferrés les uns 
contre les autres, à peu près comme ceux de nos draps 
de caflor. Si on confklére cette partie par-defTus, on y 
peut remarquer deux enfoncements circulaires * à côté 
l’un de l’autre, dans des membranes blanches, 6c deux 
autres plus petits 6c plus bruns * pofés fur une ligne 
dirigée félon la longueur du corps. Quand on continue 
de preffer, on voit fortir de chacun des deux premiers 
enfoncements une efpéce de corne charnue *, qui de très- 
moufle qu’elle étoit d’abord le deviendra de moins en 
moins à mefure qu’elle s’allongera, ôc qui quand elle fera 
entièrement dehors, fe terminera en pointe *. A de s ordi¬ 
nairement les pointes de ces deux cornes membraneufes 
font rougeâtres, & ce qui fuit efl jaunâtre dans une moi¬ 
tié de la longueur. Pendant que les cornes fe montrent, 
les deux autres enfoncements, ceux qui font fur la ligne 
qui paffe entre les cornes, s’élèvent. De celui qui efl le 
plus près des cornes, il ne fort qu’une partiemembraneu- 
fe * couverte de poils, Sc qui forme un petit monticule 
velu. Mais de l’enfoncement le plus éloigné fort une par¬ 
tie * dont il n’a fouvent paru qu’une portion , quand les 
deux cornes fe montrent déjà dans leur entier. Si on ne 
ceffe pas de preffer, la dernière partie que nous voulons 
faire obferver, s’élève de plus en plus, & en s’élevant elle 
fe contourne en arc, en portion de cerceau dont la con¬ 
cavité efl tournée vers le dos de l’infeéle'Cet arc, car 
c’ell le nom que nous lui laifferons, paroît dans toute fà 
longueur, quand on peut compter fur fa furface convexe, 
cinq bandes d’un velu rouffeâtie/éparéespar des intervalles 

blancs. 


des Insectes. IX. Mem. -489 

Mânes & lilîes , plus larges que les bandes roufTcâtres; il a 
alors une longueur environ égale à celle de la moitié d’une 
des cornes, & il n’efl que de peu moins gros à Ton bout qu’à 
fon origine. Tout ce qui a a paraître n’a pas encore paru. 

Si on redouble la preiïion, on fait fortir du bout de l’arc 
une partie blanche *, qui bientôt le furpafïe en grofTeur. * PI. 34. fg. 
Elle s’allonge & groiïît continuellement. Elle petit devenir 
beaucoup plus longue que les cornes. Elle 11e le contourne 
pas toujours de la même manière; mais à inclure qu’elle 
fe montre, elle force l’arc à defcendrc vers la baie velue. 

Sur cette partie qui s’eft montrée la dernière, & fur la face 
la plus proche du corps, on peut obferver deux petites 
pièces écailleufes *, que leur couleur fait affés diflinguer * e. 
du relie. 

On doit chercher à voir dans l’intérieur du corps de 
îa mouche, ces mêmes parties que nous venons d’en faire 
fortir. Elles n’y font pourtant pas auffi fcnfibles qu’elles le 
font lorfqu’elies en font dehors. A mefure qu’elles for- 
tent , elles fe gonflent confidérablement ; elles 11’y font pas 
même celles dont on cft le plus frappé. Lorfqu’on a ou¬ 
vert le corps d’un faux-bourdon, foit par-delTus*, foit par- * Fig. S. 
deffous *, on remarque bien plûtôt une maffe formée par » Fig. 9. 
l’afTemblage de plufieurs corps, fouvent d’un blanc qui 
furpaffe celui du lait. Vient-011 à développer cette maffe*, * Fig. 7. 
on la trouve compofée principalement de quatre corps 
oblongs *. Les deux plus longs Si les deux plus gros de ces * ff; d,d. 
corps *, tiennent à une efpéce de cordon tortueux * que * f,f 
Swammerdam a appellé la racine de la partie du mâle, & * **. 
il a donné le nom de veficules feminales îiux deux corps 
blancs & longs que nous venons de confidérer. Deux au¬ 
tres corps oblongs * comme les précédents, mais qui ont * qd, <jJ. 
lin diamètre qui n’eft guéres que la moitié de celui des 
premiers, & qui font plus courts, ont été appelles par le 
Tome V . Q q q 


49 ^ MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
même Auteur, les vai fléaux déférents. Chacun d’eux coirt- 
Pi. 34.. fig. munique avec une des veficuies feminales *, près de l’en- 
V’t' droit où celles-ci s'unifient avec le cordon tortueux. De 
l’autre bout de chacun de ces vaiffeaux déférents, part un 

* x. vaifleau afles délié *, qui, après quelques plis & replis, 

* t. aboutit à un corps un peu plus gros*, mais difficile à déga¬ 

ger des trachées qui l’environnent. Swamfnerdam regarde 
ces deux derniers corps comme les tefticules.Nous avons 
* d,d. donc deux corps d’un volume afles confidérabie *, qui 
communiquent avec deux autres corps encore plus longs 
*/,/. & plus gros *. Ces quatre corps ont un tiflù cellulaire 
rempli d’une liqueur laiteufe qu’on en peut tirer par cx- 

* r. prdhon. Le cordon * long & tortueux auquel tiennent 

les deux plus grands de ces corps, ceux qui ont été nom¬ 
més les veficuies feminales ; ce cordon, dis je, cil fans- 
doute le conduit par lequel la liqueur laiteufe peut loi tir. 
Après s’être plié & replié plufieurs fois, il s’élargit, ou, fi 
l’on veut, ii le termine à une efpéce de vefîie ou de lac 

* /. charnu *. On trouve cette dernière partie plus ou moins 

allongée, & plus ou moins applatie dans différents mâles. 
En l’appellant le corps lenticulaire ou la lentille, nous lui 
donnons un nom qui préfente une image afles reflem- 
blante de la figure qu’il a conflamment dans tous les faux- 
bourdons dont les parties intérieures ont acquis de la 
confiflance dans l’cljrrit de vin. Ce corps efl donc une 
lentille afles renflée, dont une moitié ou à peu près de la 
*oc. circonférence-, efl bordée par deux lames * écailieufes, de 
couleur de marron, qui fuivent la courbure de fou con¬ 
tour. Un petit cordon blanc qui fait le vrai bord de la 
lentille, efl pourtant vihble, & les fépare l’une de l’autre. 
Cette lentille efl un peu oblongue. Aufli pour nous ex¬ 
primer plus commodément, lui donnerons-noifs deux 
bouts que nous diflinguerons l’un de l’autre par le nom 


DES' Insectes. IX. Mem. 491 
de poftérieur *, 8c par celui d’antérieur *. Le bout anté- * pi. 34.. fig. 
rieur, le plus proche de la tête, eft celui ou s’inferele ca- 7- '• 
nal qui part des veficules fcminales ; le bout oppofé, le T e> e ' 
plus proche de l’anus, eh le poftérieur. C’cft d’auprès de 
ce dernier que partent les deux lames écailieules, dont 
chacune s’élargit pour venir couvrir une partie de la Lee 
de la lentille. Au-deftous de l’endroit où chaque lame s’eft 
le plus élargie, elle a une efpéce d’échancrûre qui lui fait 
deux pointes moufles d’inégale longueur, 8 c dont la plus 
longue eft fur la circonférence de la lentille. Outre ces 
deux lames écailleufes, il y en a deux autres * de la même * n. 
couleur, plus étroites 8c au moins plus courtes de la moitié, 
dont chacune eft pofée tout proche d’une des précéden¬ 
tes, &dont l’origine eft auprès de l’origine de celle quelle 
accompagne, c’eft-à-dire, au bout poftérieur de la lentille. 

Le refte de cette lentille eft blanc 8 c membraneux. Dcfon 
bout poftérieur part un tuyau *, un canal de même blanc, * /. 

8 c de même membraneux, du diamètre duquel il eft diffi¬ 
cile de juger, car les membranes qui le forment font vifi- 
blement pliftees. A un des côtés de ce tuyau eft attachée 
une petite partie charnue qui a quelque chofe de la 
figure d’une palette * dont une des faces feroit concave, * p. 

8 c auroit fes bords gaudronnés. L’autre Lee de cette pa¬ 
lette eft convexe. En quelques circonftances les gaudrons 
fe relevent, leurs bouts excédent le refte du contour, 
ils forment des efpéces de rayons qui font paroître la 
palette très-joliment ouvragée *. Elle eft couchée fur la * Fig. 5 &6. 
lentille, elle s’y applique par fa partie concave; mais elle 
ne lui eft pas adhérente. Swammerdam a paru difpofé à 
croire que cette palette eft la partie qui caraéïérife le 
mâle. 

Les parties dont nous venons de parler, 8 c qui font les 
plus vifibles dans le corps du Lux-bourdon, ne font point 

Qqq ij 


49- MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
encore de celles qui en fortent les premières, ni de celles 
qui, hors du corps, le font le plus remarquer. Si on con- 
fidére le canal ou i’efpéce de lac qui part du bout pofié- 
rieur de la lentille, fi on le confidére, dis-je, du côté op- 
pofé au bord de la lentille qui fait la lëparation des deux 
grandes plaques écailleulès,on voit diftinéîement ce corps 
*PI. 34.. fig. que nous avons appelle l’arc *; on peut compter les cinq 
7 ‘ u% bandes velues difpofées tranfverfalement; elles lont de cou¬ 
leur fauve, pendant que le relie elt blanc. Cet arc femble 
même hors du canal membraneux, parce qu’il n’ell cou¬ 
vert que par une membrane très-tranlparente : par un de 
fes bouts, il atteint prefque le corps lenticulaire, & par 
l’autre, il le termine à l’endroit où le canal membraneux 
* 771 ■ lé joint à des membranes phlfées & jaunâtres * qui font une 
efpéce de fac qui s’applique contre les bords de l’ouverture 
préparée pour tailler fortir toutes les parties deltinées à la 
fécondation. Les membranes roulfeâtres dont nous par¬ 
lons, font celles que la preffion oblige à fe montrer les 
*Pl. 35.fi», premières en dehors*, celles qui forment cette maffe al- 
7, s ] on gée, dont le bout eft une efpéce de mafque velu. En¬ 
fin , à ce fac, fait de membranes roulfeâtres, tiennent deux 

* P!- 34-appendices * d’un jaune rougeâtre & rouges même à leur 

7 bout. ,Cefont ces appendices qui paroiffent en dehors fous 

* Fîg. 1,2 & la forme de cornes L 

3 ' L,c ‘ Quand en preffant le ventre d’un faux-bourdon peu à 

peu, mais de plus en plus, & avec précaution, on fait fuc- 
celfivement fortir de nouvelles parties, ces partiesfc mon¬ 
trent par la face oppofée à celle qu’elles prefentent Iorfi- 
quelles font dans le corps. La furface de ces parties qui 
étoit alors l’intérieure, devient l’extérieure, il leur arrive 
ce qui arrive à un bas qu’on retourne. Si l’entrée du 
bas qu’on veut retourner étoit fixée contre un cerceau, 
& qu’on commençât à renverfer le bas peu à peu, en 



des Insectes. IX. Mem. 493 

commençant par la bande la plus proche de l’ouverture, 

& ainfi de fuite, de façon qu’on lift fortir le talon & le pied 
les derniers, on auroit dans le retournement du bas une 
image de la manière dont fe retournent les parties du 
mâle des abeilles pour paroître en dehors. Quand on con- 
noît leur difpofition dans l’intérieur, il eft aifé de juger de 
l’ordre dans lequel elles doivent fe montrer à l’extérieur. 

Le fac rouffeâtre *, qui eft le plus près de l’ouverture, doit * PI. 33. %, 
paroître le premier*, & comme une portion de fâ furface 7 ‘ 
intérieure eft velue, elle fournit lemalque velu. Les bafès 
des cornes * doivent enfuite commencer à fe faire voir *. * pi. 34 . f, g . 
L’arc doit paroître enfuite*. Quand l’arc eft entièrement 7- c > c - 
lorti, il faut redoubler laprefîîon pour faire fortir denou- * 3 3- fi g* 

velles parties; car c’eft par le bout de cet arc que fort le * F -, 10 & 
corps lenticulaire qui prend alors une figure très-allon- n. «. 
gée *. Malgré cette figure il eft aifé *à reconnoître, & if *PI. 34. fig, 
eft évident qu’il a été renverfé, parce que fur un de fes 3 ' 
côtés, on trouve les plaques écailleufes * que nous avons * e, 
décrites, & la face par laquelle on les voit, eft concave, 
au lieu que celle par laquelle on les voit dans le corps, efc 
convexe. 

Swammerdam a parlé de la partie en palette *, & l’a *Fig. 
fait représenter comme une de celles que le retournement 7 ' p ‘ 
des parties qui fortent hors du corps du faux-bourdon 11e 
manque pas de faire paroître; mais j’ai tout lieu de croire 
quelle ne fe montre que lorfqu’il arrive quelque déchire¬ 
ment confidérable. J’ai obligé à fortir du corps de plus de 
cent faux-bourdons preffés les uns après les autres, tout 
ce que la preffion en pouvoit faire fortir, fans parvenir à 
voir une palette à découvert, & j’ai ainfi preffé de fuite des 
centaines rie faux-bourdons à bien des reprifes différentes. 

Il ne m’efi arrivé de voir la palette en dehors que dans des" 
cas rares, &Iorfquej’appercevois un déchirement dans les 

Qqq "j 


494 Mémoires pour l’Histoire 

parties qui étoient proches du bout de l’arc. Un de ces 
cas rares aura été vu aidli par Swammerdam, 6c il l’aura 
pris pour un cas ordinaire. Ce célébré Auteur ne paroît 
pas avoir eu a (Tés de faux-bourdons à fa difpofition. Il 
parle de quelques-uns qui lui furent donnés, comme 
d’un préfent qui mérite qu’il cite celui de qui il le reçut. 
Pour moi qui en ai eu autant que j’en ai voulu, j’ai exa¬ 
miné fur plus d'un millier peut-être, fi la partie dont il 
elt quehion, étoit de celles qui peuvent paroître en dehors 
à découvert. 

Quand la preffion efl pouiïce loin, il arrive fouvent 
qu’il fort du lait épais, & en alfés grande quantité, du bout 
de la partie qui a paru la dernière. Mais il y a plus d’ap¬ 
parence qu’il fort en fi grande quantité par une ouverture 
faite par déchirement, que par une ouverture dehinée à 
le laiffer échapper. 

Un appareil de tant de parties, & de parties fi fingulié- 
rementdifpofées, qui contiennent une liqueur laiteufe, 6 c 
qu’on oblige à paroître hors du corps, 6c dont piufieurs 
viennent s’y montrer naturellement, forceroient de re- 
connoître les faux-bourdons pour les abeilles mâles, ceux 
qui auroient le plus d’envie de douter de leur fexe. Le 
retournement qui arrive dans ces parties, lorfqu'elles pa- 
roiffent au jour, ch admirable; 6c Swammerdam a bien 
fçu l’admirer. Il ne fe lafTc point d’en parler avec furprilc. 
Ce retournement de tant de parties ne lui a paru reflèm- 
bler à aucune des méchaniques que d’autres animaux 
font voir. Il ne lui a pas échappé de faire remarquer, 
que des parties qui avoient peu de volume pendant 
quelles étoient dans le corps, en avoient un confidérablc 
lorfqu’elles en étoient dehors; 6c il a très-bien obfervé que 
l’air eh principalement employé à les enfler 6c à les dihen- 
dre: des milliers de trachées qui lé rendent aux parties de 


des Insectes. IX. Mem. 495 
la génération, peuvent fournir tout l’air néceffaire à un 
jeu fi merveilleux. 

Une niere abeille qui fe trouve feule de fon fexe dans fa 
ruche, comme elle s’y trouve en certains temps, avec fept 
à huit cens, & quelquefois avec plus de mille faux-bour¬ 
dons, paroity être au milieu d’un très-nombreux ferait de 
mules. On a prétendu cependant qu’elle n’en fouffroit au¬ 
cun fe joindre à elle ; & il eft vrai que jufqu’ici perfonne ne 
l’a vu unie à un mâle, ou perfonne au moins n’a écrit qu’il 
l’y avoit vû unie : mais c’elt un des cas où la preuve néga¬ 
tive ne fçauroit avoir beaucoup de force, car fans vou¬ 
loir donner de la pudeur à cette mouche, il 11’y a aucune 
rai fon de penfer qu’elle quitte l’intérieur de la ruche où 
elle aime tant à le tenir, lorfqu’elle veut permettre à un 
mâle de rendre fes œufs féconds. 11 11’y a pas apparence 
qu’elle cherche alors à s’expofer aux veux des fpeélateurs. 
Nous ne fommes pas à portée de voir des adions qui 
doivent fe palier dans les ténèbres, & qui doivent nous 
être cachées par des voiles faits de gâteaux de cire, & 
de plufieurs couches d’abeilles ordinaires. Dès que cette 
femelle a un fi grand nombre de mâles à la difpolition, 
l’analogie femble vouloir quelle s’accouple comme s’ac¬ 
couplent les femelles de tant d’autres infedes. Cette preu¬ 
ve tirée de l’analogie devient très-forte, lorfqu’on fçait ce 
que nous avons établi ailleurs *, que les républiques des 
guêpes, comme celles des abeilles, font compolces de 
trois fortes de mouches, de guêpes ouvrières, de guêpes 
mâles & de guêpes femelles ; que ce font les guêpes ou¬ 
vrières qui font le gros de celles d’un guêpier; que quoi¬ 
qu’on y trouve en certains temps plufieurs meres, leur 
nombre cil toujours petit ; N que le nombre des mâles- 
inférieur à celui des guêpes ouvrières , furpaffe beau¬ 
coup celui des meres. Si de plus on a vû, comme j’ai 


* Ale moires 
de l’Acadé¬ 
mie 1 y 1 g, 
Page 2j 0 . 


496 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE 
rapporté l’avoir vû, des mâles guêpes s’accoupler avec 
des femelles guêpes, il ne femblera pas qu’il y ait lieu 
de douter que dans les républiques des abeilles qui ref- 
femblent fi fort à celles des guêpes, les meres abeilles ne 
s’accouplent avec les mâles abeilles. Enfin, je rapporterai 
dans un autre Mémoire que j’ai vû l’accouplement d’une 
efpéce de mouches du genre auquel appartiennent les 
abeilles qui habitent des ruches, que j’ai vû l’accouple¬ 
ment de ces groffes abeilles qu’on appelle des bourdons, 
& que nous nommerons des bourdons velus. Pourquoi 
croiroit-on donc que la mere abeille ne fe joint avec au¬ 
cun mâle! 

Le grand nombre des mâles eft peut-être ce qu’011 
peut alléguer de plus fort contre l’accouplement de la 
mere abeille ; car, dira-t-on, failoit-il tant de mâles pour 
une feule femelle ! Ils lui ont été accordés fans doute 
pour de bonnes raifons, mais que nous ne fommes pas 
en état de deviner. D’ailleurs, nous verrons dans la fuite 
que ces mâles ne font pas deffinés à une feule mere, ils 
font fûts pour toutes les meres qui doivent naître dans 
la ruche. Enfin, comme nous venons de le dire, la nature 
a de même donné un grand nombre de mâles à un petit 
nombre de meres guêpes. 

Un fentiment foûtenu dès le temps d’Ariftote, veut 
que les œufs des abeilles foient fécondés, comme on croit 
communément que le font ceux (les poiffons ; qu’après 
avoir été pondus, ils foient arrofés d’un lait qui a la vertu 
de les vivifier. Les mâles des abeilles paroiffent très-pro-» 
près à fournir ce lait. Mais ceux qui auront obfervé des 
œufs, & en grande quantité, d’où des vers naiffent jour¬ 
nellement, & cela, dans des temps où il ne paroît aucun 
faux-bourdon dans la ruche, & dans des temps où nous 
prouverons qu’il 11’y en a aucun, ceux, dis-je, qui l’auront 

obfervé 



des Insectes. IX. Mem. 497 
obfervé, croiront qu’il eft bien démontré que les œufs de 
la mere abeille 11e font pas fécondés par le lait des faux- 
bourdons qui a été répandu fur eux. Charles Butler avoit 
peut-être connu la force de cette démonftration ; car après 
avoir dit dans un endroit de fa république féminine, que 
les œufs des abeilles font fécondés comme ceux des poifi 
fons, il dit plus loin que les abeilles font fécondées par une 
certaine vertu admirable. 

Mais un Auteur dont l’autorité efl bien d’un autre 
poids que celle de Butler, & que toutes celles des An¬ 
ciens par rapport à la queftion que nous examinons, 
Swammerdam, en un mot, a penfé comme eux, que la 
mere abeille étoit fécondée fans accouplement, & par une 
efpéce rie vertu femblable à celle au moyen de laquelle 
Butler a cru que les abeilles ordinaires 1 etoient, 6c c’eft 
fur quoi il s’eft expliqué beaucoup plus nettement. Son 
fentiment ne fçauroit manquer de paroître fort étrange. 
Obligés, comme nous lefommes, de le rapporter, nous 
craignons qu’il ne paroiiTe trop ridicule à ceux qui n’ont 
pas afïes médité les profonds myftéres de la génération 
des animaux. Swammerdam a donc cru qu’il fuffifoit à 
la mere abeille de fe trouver auprès des mâles, pour être 
fécondée; que les vapeurs, que les efprits qui s’exhalent 
du corps des mâles, pouvoient vivifier les œufs qui font 
dans le corps de la fémelle. Enfin, il a dit, 6c il faut bien 
le redire après lui, que la fémelle peut être fécondée par 
l’odorat. Quand celaferoit, peut-être n’en devrions-nous 
pas être fi étonnés. Afïurément nous ignorerons toujours 
pourquoi cette Sageffe qui ne manque jamais de choifir 
les moyens les plus parfaits de parvenir à fes fins, a voulu 
que les efpéces des animaux fe perpetuaffent au moyen des 
mâles 6c des fémelies; pourquoi elle n’a pas voulu que les 
deux fexes fuffent toujours réunis dans chaque animal. 
Tome V . Rrr 


49S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
Si nous y étions moins accoûtumés que nous le fommes, 
nous ferions extrêmement furpris de la nécefîité du con¬ 
cours des deux fexes. Il s’en faut bien que nous fçachions 
alfés en quoi 6c comment chaque fexe contribue à l’œu¬ 
vre de la génération. Les œufs des fémeiles depuis qu’ils 
font œufs renferment - ils des embryons qui n’ont be- 
foin que de fe développer pour devenir des animaux 
parfaits l ou ces œufs reftent-ils fans embryons jufqu’à ce 
que le mâle leur en ait donné î font-ils uniquement defii- 
nés à recevoir & à faire croître quelques-uns des embryons 
qui ont palfé du corps du mâle dans celui de la fémellel 
Ce dernier fentiment, quoiqu’appuyé par les obfervations 
qui ont fait voir à Leeuwenhoek de petits vers dans les 
liqueurs laiteufes des mâles d’animaux de différentes efpé- 
ces, n’efl pas encore auffi prouvé qu’il feroit à fouhaiter. 
Ç’a été inutilement que j’ai cherché à plufieurs reprifes de 
ces vers dans le lait des mâles des abeilles, foit que cette li¬ 
queur n’en contienne pas réellement, foit que je ne les aye 
pas cherchés dans les temps convenables,ou, foit enfin qu’ils 
y foient fi petits que les plus forts mlcrofcopes ne fçauroient 
les rendre fenlïbles. Mais je propoferai en paffant à ceux 
qui aiment à faire des recherches avec les microfcopes à 
liqueurs, de tâcher de découvrir de petits vers dans les 
liqueurs laiteufes des mâles d’un grand nombre d’efpéces 
d’infeétes. Ce font des obfervations que je n’ai pas eu le 
temps de faire autant que je l’euffe fouhaité, 6c qui peu¬ 
vent répandre du jour fur la grande quefiion dont il s’agit 
actuellement. 

Swammerdam a été pour le fentiment qui veut que 
l’embryon ait toujours été renfermé dans l’œuf de la fé- 
melle ; mais qu’il n’y peut croître qu’après avoir été vivi¬ 
fié par le mâle. Ce grand Anatomifie, qui avoit beaucoup 
étudié la ftru&ure admirable des parties de la génération. 



des Insectes. IX. Man. 499 
fçavoit qu’il n’étoit guéres poffible d’imaginer qu’une por¬ 
tion même très-petite, de la liqueur laiteufedu mâle, pût 
être portée jufques aux œufs d’une femelle de quelque 
efpéce d’animaux que ce foit; d’où il lui fembloit qu’on 
devoit conclurre que les œufs ne pouvoient être fécondés 
que par la vapeur, que par i’efprit de cette liqueur : & c’efl 
ce qu’il a taché de prouver par des exemples qui lui ont été 
fournis par les accouplements d’animaux de beaucoup 
d’efpéces différentes. Dès-lors, au moins-, lefentiment de 
Swammerdam par rapport à la fécondation de la inere 
abeille, n'a plus tout le ridicule qu’on a cru lui trouver 
d’abord. Car après tout la vapeur vivifiante qui environ¬ 
nera une mere abeille qui efl entourée de mâles, cette 
vapeur quelle refpirera par les ftigmates difpofés le long 
de fon corps, pourreit être auffi bien portée à fes œufs 
par des conduits préparés à cette fin, que peut être portée 
aux œufs d’une fémelle d’une autre efpéce, la vapeur qui 
s’exhale de la petite quantité de liqueur laiteufe qu’un feul 
mâle a laiffée à l’entrée d’un canal, qui eft affés éloignée 
des œufs. Dans le fyfteme de ceux qui veulent avec beau¬ 
coup de probabilité, que les embryons foient fournis par les 
mâles ; dans ce fyfteme où on n’eft point effrayé de ce 
que de tant de millions de vers propres à devenir des ani¬ 
maux plus parfaits, il y en a fi peu qui y parviennent; 
dans ce fyfteme, dis-je, on pourroit fuppofer ces embryons 
auffi petits qu’on auroit befoin qu’ils le fuffent, auffi petits 
que les corpufcules qui agiffent fur notre odorat, & fuppo¬ 
fer que des milliers de ces petits embryons s’exhalent du 
corps des mâles. 

Mais nous nous jettons bien avant dans le pays des 
conjeétures. Celles que nous venons de rapporter mon¬ 
trent feulement qu’il ne feroit pas impoffible qu’une 
mere abeille fût fécondée par des mâles dont elle ne feroit 

Rrrij 


500 Mémoires pour l’Histoire 

qu’environnée ; mais nous devons avouer que pour ad¬ 
mettre que la fécondation de cette fémelle efl opérée 
d’une façon fi différente de celle dont font opérées les 
fécondations des fémelles des autres infeétes, il faudrait 
y être forcé par des preuves auxquelles il n’y eût rien 
à répliquer, & Swammerdam n’en a pas donné de telles. 
C’en efl une bien foible, fi même c’en eif une, que de 
dire, comme il a fait, que fi on renferme fept à huit 
abeilles mâles dans une boîte, lorfqu’on l’ouvre dans la 
fuite, on efl frappé par l’odeur qui s’en exhale ; odeur beau¬ 
coup plus forte que celle que répandraient en pareil cas des 
abeilles ouvrières, & à laquelle la première odeur ne ref- 
femble point. Qui n’auroit jamais vu de bouc s’accoupler 
avec une chevre, aurait donc une preuve encore meilleure 
à alléguer contre l’accouplement de ces animaux. Le bouc 
efl bien autrement en état de faire impreffion fur fa fe¬ 
melle , par la pénétrante odeur qu’il laiffe par-tout où il 
paffe. 

Les autres raifons par lefquelles Swammerdam a pré¬ 
tendu établir un fentiment fi fîngulier, ne me paroiffent 
guéres meilleures. Elles fe réduifent à deux principales, 
dont l’une efl, qu’il n’a pu trouver aux parties du mâle 
deflinées à la génération, à celles que la preffion fait fortir 
de fon corps, aucune iffue à la liqueur laiteufe. Ce n’efl 
pas affés pour croire qu’il n’y en a pas, de ne l’avoir pas 
vûe. Elle peut être affés petite pour échapper à nos yeux. 
D’ailleurs, il peut fe faire que dans les temps de l’accou¬ 
plement, elle s’ouvre, quoiqu’elle foit tenue fermée con¬ 
tre la preffion des doigts. 

La fécondé raifon de Swammerdam efl tirée de la dis¬ 
proportion entre le volume des parties du mâle par lef¬ 
quelles la jonélion devrait fe faire, & celle de l’ouverture 
dans laquelle elles deyroient être introduites : mais cette 



des Insectes. IX . Man . 501 

difproportion ne m’a pas paru aufîï grande qu’il l’a trou¬ 
vée. Nous pouvons juger mal du volume des parties qui 
caraélérifent le mâle, quand nous en jugeons par celui 
qu’elles ont lorfque nous les avons forcé de paroîtré en 
preflant le ventre. Il peut y avoir des inftants où tout fe 
proportionne, foit de la part du mâle, foit de la part de la 
femelle. 

Il y a donc tout lieu de croire que la fécondation de 
la mere abeille n’elt pas opérée de la façon extraordinaire 
dont Swammerdam a cru qu’elle l’étoit. Il eft plus naturel 
de penfer quelle eft, comme dans les autres animaux, une 
fuite de la jonélion de la fémelle avec le mâle. On ne 
fçauroit fe promettre de voir cette jonélion dans les ru¬ 
ches, même les moins peuplées, la mere y étant prefquc 
toujours cachée par des gros d’abeilles ordinaires. Mais 
j’ai cru devoir chercher à faire accoupler un mâle avec 
une mere dans un lieu où leur accouplement ne pourroit 
m’échapper. J’eus vers la fin de May une mere qui avoic 
donné naifïànce à un grand nombre de mouches, &qui 
étoit prête à la donner à beaucoup d’autres. La ruche d’où 
cette mere fut tirée, pouvoit à peine contenir toutes les 
abeilles qui y habitoient avec elle. Son ventre étoit rem¬ 
pli d’œufs, parmi lefquels il y en avoit une grande quan¬ 
tité de prêts à être mis au jour. Il en fortit plufieurs de 
ceux-ci par une bleflùre mortelle que je lui fis mal adroi¬ 
tement & malgré moi. Après l’avoir eue plufieurs heures 
en ma poftelfion, je lui crevai le ventre en la maniant, & 
dès qu’il fut crevé, je 11’héfitai plus à le lui ouvrir tout 
du long, & j’y trouvai une quantité d’œufs difficile à 
nombrer. Quand j’en vins à ouvrir cette mere, elle avoit 
déjà eu une aventure fâcheufe, mais qui avoit été plus 
volontaire de ma part, que celle de la playe du ventre. 
Elle avoit été tirée de l’eau prefque noyée. II n’eft pas 

Rrr iij 


502 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
temps d’expliquer pourquoi je l’avois prefque noyée, on 
en trouvera les railons dans le Mémoire fuivant. Il fuffit 
actuellement de dire, qu après 1 avoir léchée & réchauffée, 
je lui redonnai fa première vigueur, & qu alors je la mis 
dans un poudrier où je la renfermai avec fept à huit m⬠
les. J’étois curieux de voir comment ils fe comporteroient 
avec elle. Ils avoient été pris dans fa propre ruche. Us la 
traitèrent cependant avec une indifférence à laquelle je ne 
m’attendois pas, avec l’indifférence la plus parfaite. Us ne 
lui firent aucune des careffes que des abeilles ordinaires 
n’auroient pas manqué de lui faire. Pendant près de deux 
heures que je la laiffai avec eux, ils ne tinrent aucun 
compte d’elle. 

Parmi la plupart des animaux, les mâles ne cherchent 
les femelles, & ne leur font des careffes, que lorfqu’elles 
ont hefoin d’être fécondées. Notre mere abeille n’avoit 
pas befoin de l’être. Elle n’étoit pas une jeune mere. 
Lctat de fes ailes prouvoit auffi bien fon âge que les 
rides de notre vifage prouvent notre vieilleffe. Les bafes 
des deux ailes fupérieures étoient déchiquetées, de petits 
morceaux en étoient tombés. Enfin, ce qui étoit plus 
décifif, fon ventre étoit plein d’œufs, & d’œufs à terme. 
D’ailleurs, revenue depuis peu de temps des portes de la 
mort, il n’étoit pas étonnant qu’elle ne fouhaitât pas les 
mâles, & que les mâles n’euffent pas pour elle les empref- 
fements qu’ils auraient pu avoir dans un autre temps. 

Les obfervations que j’avois envie de faire, demandoient 
que je renfermafle avec des mâles, une fémelle qui n’eût 
pas encore fouffert leurs approches, ou qui ne les eût pas 
fouffert affés de fois. Vers la mi-Juin, on m’en apporta 
une que j’eus lieu de croire être telle qu’il me la falloit. 
Elle avoit été trouvée le matin auprès d’une ruche dans 
laquelle un effaim avoit été mis la veille. Nous verrons dans 


des Insectes. IXXMem . 503 
la fuite qu’il y a quelquefois des reines furnuméraires dans 
les effaims; celle-ci en étoit une de l’effaim dont je viens de 
parler, 6c elle avoit fauve fa vie par la fuite. Le bon état de 
les ailes 6c fa couleur faifoient juger qu’elle étoit encore 
jeune ; 6c le volume de fon corps moins grand que celui 
d’une fémelle prête à pondre , fembloit prouver qu’elle 
n’avoit que des œufs extrêmement petits. Je la renfermai 
dans un poudrier, où je mis bien-tôt avec elle un mâle 
que j’avois fait prendre dans une de mes anciennes ruches. 
Le caraélére de la jeune reine me parut fe démentir dès 
que le mâle eut été introduit auprès d’elle. Je n’avois ja¬ 
mais vu que des reines abeilles accoûtumées à être fêtées 
à chaque inftant par les mouches ouvrières, à en recevoir 
des préfents de miel, mille careffes, 6c mille petits foins de 
touteefpece. Auffi vis-je avec quelque furprife, que tou¬ 
tes les prévenances que les abeilles ordinaires ont pour 
une mere, la jeune reine les avoit pour le mâle que j’a¬ 
vois mis auprès d’elle. Non contente de s’être approchée 
de lui, elle ne tarda pas à allonger fa trompe, tantôt pour 
lécher fucceffivement différentes parties du corps de ce 
mâle, tantôt pour lui offrir du miel. Elle tourna tout 
autour de lui en le careffant toujours, foit avec fa trompe, 
foit avec fes pattes. Le faux-bourdon, ainfi que le plus im- 
bécille de tous les mâles, foûtenoit tant d’agaceries, comme 
fi elles lui euffentétédûes. Il n’en paroiffoit aucunement 
touché ; il fembloit que ce fût par pure bonté qu’il fe laiffoit 
dater. Au bout d’un quart cî’heure pourtant, il s’anima 
un peu ; lorfque la fémelle placée vis-à-vis de lui en regard, 
broffoit avec fes jambes la tête de ce mâle, 6c quelle faifoit 
jouer doucement fes antennes, le mâle faifoit auffi jouer les 
fiennes. Les antennes de celui-ci, 6c les antennes de celle-la, 
fefrottoientmutuellementôcdoucement. L’une 6c l’autre 
courboient enfuite leur corps en deffous 6c le redreffoient, 


504 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE 
& ils firent ce manège à bien des reprifes. La femelle redou¬ 
bla enfuite de vivacité, &fe mit dans des pofitions qui ne 
s’accommodent pas avec les idées qu’on a voulu nous don¬ 
ner de fa pudeur ; c’efi fe fervir de termes foibles, que de 
n’appeller ces pobtions qu’immodefies. Elle monta fur le 
corps du mâle; & comme fi ç’eut été à elle à faire ce que font 
les mâles des infeéles des autres efpéces, elle recourboit fou 
corps, & cberchoitàen appliquer le bout contre le bout de 
celui du mâle. Après avoir obfervé ces manèges, & les avoir 
vû répéter pendant plus de deux heures, je fus obi igé de qu it- 
ter mes deux mouches & la campagne pour me rendre à 
Paris, où une de nos affemblées de l’Académie m’appclloit. 
Mais plufieurs perfonnes que je lailfai chésmoi, & une en- 
tr’autres,auxyeuxde laquelle je me fie autant qu’aux miens 
propres, ne cédèrent d’obferver ce qui fe palfa pendant le 
refie de l’après-midi, & me rendirent compte à mon retour, 
de ce qu’elles avoient vû. Ils revirent une infinité de fois de 
la part de la fémelle, les mêmes agaceries que j’avois vues ; 
mais ils n’apperçurent rien d’abfolument complet. 

Le mâle pourtant devint plus adfiif, il s’anima déplus 
en plus. Il fit fortir de fon bout poftérieur les deux cornes 
* **6 y 'ff c ^ amues partie courbée en arc qui efi entr’elles *, 

J/ Cl 111 cette partie que nous avons aufii nommée l’arc, & qui 
* «> j^aroît être celle au moyen de laquelle le mâle & la fémelle 
s’unifient, s’ils s’unifient. Le fèns dans lequel cette partie 
efi contournée, femble aufii demander que pour l’accou¬ 
plement la fémelle foit pofée fur le mâle, comme nous 
avons vû qu’elle s’y poloit. L’arc peut alors rencontrer 
le derrière de la fémelle, & il ne le pourrait fi le mâle 
au contraire étoit lur la fémelle; ou il faudrait, comme 
le pratiquent en pareil cas les mâles de quelques autres in- 
fedes, qu’il ramenât le bout de fon corps fous le ventre 
de la fémelle. Enfin, on obferya des temps de tranquillité, 

& on 


des Insectes. IX. Mem. 505 
Si on en obferva d’autres où les carefles recommencè¬ 
rent. Le mâle tomba enfuite dans un repos de trop lon¬ 
gue durée. Pour le remettre en mouvement, la fémelie 
làiliffoit le corcelet de ce mâle avec fes dents, elle le fou- 
levoit un peu; quelquefois pour le foûlever davantage, 
elle faifoit palier fa tête fous le corps de celui-ci. Mais 
tous fes foins pour le ranimer furent inutiles; il étoit mort. 
Quand on eut reconnu qu’il i’étoit, on en donna un autre 
plein de vigueur à la femelle. On me raconta combien on 
avoit été touché de voir que la préfence de ce dernier, n’a- 
voit point détourné la fémelie des carelfes qu’elle faifoit, 
des bons offices qu’elle cherchoit à rendre à celui qui avoit 
perdu la vie. Je le trouvai le foir à mon retour auprès de 
la fémelie, ayant hors du corps les parties qui caradérifent 
le fexe des mâles. 

Pour tenir chaudement la jeunemere pendant la nuit, 
après avoir ôté d’avec elle, Si le mâle mort & le mâle vi¬ 
vant, je renfermai dansfon poudrier une centaine d’abeil¬ 
les ordinaires. Le lendemain je voulus voir comment elle 
fe comporteroit avec le nouveau mâle que je me propofois 
de lui donner. Ce même jour, dès le matin, je me pro¬ 
curai encore une autre mere, qui, comme la précédente, 
me parut être une jeune mere. Il n’importe d’expliquer 
ici comment je la pris, en faifant paffer les mouches d’une 
ruche pleine dans une ruche vuide. Dans deux différents 
poudriers j’eus donc deux fémelles. J’appellerai celle de 
l’un, la première mere; Si celle de l’autre, la fécondé mere. 
Je leur donnai à chacune un mâle. J’obfervai ce qui fe 
paffoit dans l’un Sc dans l’autre poudrier, pendant pref- 
que toute la journée. Us furent toute la matinée pôles fur 
mon Bureau, Si je les eus auprès de moi dans les endroits 
où je me tins pendant la plus grande partie de l’après midi. 
Tout ce que je vis ne fut pourtant prefque que ce que 
Tome V. . Sff 


506 Mémoires pour l’Histoire 

j’avois vû la veille ; mêmes caraïbes de la part de l’une 6c 
l’autre femelle pour leur mâle; 6c pendant un temps allés 
long, chaque mâle y répondit très-froidement. L’un 6c 
1 autre eurent pourtant des moments ou ils parurent s’a¬ 
nimer; quelquefois même ils pafférent l’un 6c l’autre fur 
le corps de leur femelle. Mais je furpris plufieurs fois 
chaque femelle dans la plus indécente des pofturcs. Je 
la furpris bien des fois fur le corps de ion mâle, recour¬ 
bant le bout de fon derrière, 6c cherchant à l’appliquer 
contre cet endroit qui efl en delfous, 6c près du bout 
du corps du mâle , 6c d’où fortent les parties qui paroif- 
fent faites pour la fécondation. Dans des moments mê¬ 
me, je vis le derrière de la fémelle bien appliqué contre 
cet endroit ; mais il n’y refia appliqué qu’un inftant. La 
jonélion du mâle avec la fémelle fe réduiroit-elle à cela! 
Cet inflant fuffiroit-il pour que ce qui efl néceffaire de 
liqueur féminalc pour féconder une partie des œufs, fût 
introduit dans le corps de la fémelle! Et feroit-ce au moyen 
de pareilles jonctions répétées un grand nombre de fois, 
que tous les œufs recevraient fucceffivement des embryons 
en état de fe développer ! C’efl fur quoi je n oierais pro¬ 
noncer. Au moins cet accouplement, quoique de courte 
durée, reffembleroit-il à d’autres dont nous avons des 
exemples dans la Nature; celui de la plupart des oifeaux 
ne dure qu’un inflant.Swammerdam veut même que celui 
du coq avec la poule fè faffe fans qu’il introduite dans le 
corps de celle-ci, aucune partie folide. 

Au refie, il paraît hors de doute que dans la ruche 
la mere fait les avances aux mâles qui lui plaifent, comme 
je les lui ai vû faire dans les poudriers ; c’efl à elle à les 
tirer de leur état d’indolence 6c de froideur. Ce renver- 
fement d’ordre femble même néceffaire; car dès qu’il a 
été établi qu’une feule fémelle habiterait avec un millier 





des Insectes. IX. Mem. 507 
de mâles, il devoit l’être que ces mâles nauraient pas 
trop d ardeur pour elle. Elle n aurait aucun repos li tous 
la recherchoient ; ils ne lui bifferaient pas le temps de 
prendre des aliments, ni celui de pondre; au lieu quelle 
vit tranquille au milieu de ces mâles indolents, parmi leff 
quels elle choifit ceux qui font les plus ailes à animer. 

Quelque difficile, au refte, qu’il puiffe paraître, de 
décider li l’accouplement de la inere abeille le réduit à ce 
que j’ai vû, je crois qu’il n’eft pas impoffible de fe mettre 
en état de pouvoir prononcer avec certitude fur cette 
queffion ; 6c peut-être le lerois-je actuellement fi j’euffe 
penfé plutôt au moyen d’y parvenir. Les éclairciffements 
que ne pouvoient donner mes deux meres, pourraient 
être donnés par une inere qu’on fçauroit n’avoir jamais 
eu de communication avec des mâles, 6c à laquelle on 
en accorderait un ou deux avec lefquels on la bifferait 
pendant une journée. On mettrait enfuite cette mere 
dans une ruche où il n’y aurait que des abeilles ouvrières. 
Si on voyoit naître des vers propres à devenir des abeil¬ 
les dans les cellules de cette ruche, on ferait certain qu’il 
n'aurait fallu pour féconder les œufs de cette mère, que 
les accouplements qu’on aurait vû fe faire dans le pou¬ 
drier. La feule difficulté qu’on peut trouver à faire cette 
expérience, c’ell d’avoir une mere bien vierge, une mere 
qui n’ait point habité avec des mâles ; 6c c’eft à quoi on 
peut parvenir, en ôtant d’une ruche une de ces cellules 
défiguré particulière 6c très-reconnoiffable, danslefquelles 
les vers qui fe transforment en meres, prennent leur ac- 
croiffement. Lorfqu’on aura obfervé de ces cellules, 6c 
qu’on en aura remarqué quelqu’une de bouchée, qu’on 
la détache; alors 1a mouche y eft fous b forme de nym¬ 
phe , ou le ver efi prêt à prendre cette forme. Il ne s’a¬ 
gira que de tenir cette cellule à peu près auffi chaudement 

Si fi; 


50S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
hors de la ruche, qu’elle l’étoit dans la ruche; & pour 
cela, il n’y a qu a la renfermer dans un tube de verre 
qu’on portera pendant le jour dans fon gouiïet, & qu’on 
placera pendant la nuit lous le chevet du lit dans le pli 
du drap. J’ai pris ces foins pendant huit à neuf jours, 
pour une cellule qui ne les méritoit pas. Je la couvai, 
pour ainfi dire, croyant quelle contenoit une femelle, 
& j’avois lieu de le croire, parce qu’elle étoit bouchée 
de toutes parts : le hazard avoit voulu que la porte qui 
avoit laiffé fortir la mouche fémelle, fe fût fi bien refer¬ 
mée, après quelle en fut fortie, qu’il ne fembloit pas que 
la cellule eût jamais été ouverte. Au refte, quand on fçait 
qu’on peut flaire naître dans les gâteaux de cire tirés hors 
tîe la ruche, des abeilles ordinaires & des mâles, lorfque 
les cellules de ces gâteaux font pleines de nymphes, on 
ne doutera pas qu’on n’y puiffe faire naître de même des 
fémelles. La plus grande difficulté confifte à avoir des cel¬ 
lules qui contiennent des nymphes prêtes à fe transfor¬ 
mer en mouches fémelles, parce que ces cellules font très- 
rares en comparaifon des autres. Comme il n’v a pour¬ 
tant guéres de ruches où on n’en puiffie trouver plufieurs 
chaque année, on peut réuffir à faire l’expérience que 
nous propofons. Nous nous promettons bien de la ten¬ 
ter cette année; & nous prions ceux qui aiment l’Hiftoire 
naturelle, de chercher à la faire. Elle doit éclaircir une 
queffion très-curieufe. 

Mais pour dire encore quelque chofe des deux meres 
dont chacune avoit été tenue dans un poudrier avec un 
mâle, vers le midi je m’apperçus que le mâle que j’avois 
donné à la première, étoit mort. Ce cadavre étoit pofé 
tranfverlàlement fur le corps delafémelle.qui le foûlevoit, 
comme fi elle eût eu efpérance de le ranimer. Je lui ôtai 
ce mâle, & je lui en donnai un autre qui mourut encore 


des Insectes. IX. Mertt. 509 
auprès d'elle fur les trois à quatre heures. Il fembleroit 
que les careffes de la femelle avoient été fatales aux mâles, 
quelles avoient opéré clans ces mâles , quelque indolents 
qu’ils femblent être, une diffipation d’elprits, un épuife- 
ment qui leur avoit été funefte : mais ce qui doit m’em¬ 
pêcher de regarder cette caufe de leur mort, comme 
abfolument certaine, c’eft que j’en trouvai quelques-uns 
de morts le même jour, dans un poudrier où j’en avois 
renfermé un grand nombre, & où ils n’avoient point de 
femelle avec eux. 

La première fémelle mourut elle-même la nuit fuivante 
par un accident qu’il eh inutile de rapporter ici ; mais je 
dois dire que j’ouvris fon corps, 6c il étoit nécehàire que 
je l’ouvrilfe. Je n’y trouvai aucun œuf de groffeur fenfi- 
ble à la vue fimple. A peine la plus forte loupe me pou- 
voit-elle faire appercevoir des files de petits grains dans 
ces conduits où les œufs font vifibles fans le fecours d’au¬ 
cun verre, lorfque la mere elt en pleine ponte. Nous avons 
rapporté ci-devant, qu’une mere qui avoit le corps rempli 
de gros œufs, n’avoit tenu aucun compte des mâles. 11 y 
a donc apparence que les meres qui careffent les mâles, 
font celles qui ont befoin d’être fécondées. La fécondé 
de mes deux dernières meres, n’avoit pas le ventre plus 
gros que la première. Je ne crus donc pas nécefiaire de 
l’ouvrir pour m’alfûrer qu’elle n’avoit pas des œufs plus 
avancés que ceux de l’autre. Je pris un parti plus doux. 
Après avoir peint fon corcelet avec un vernis jaune, je 
la mis dans une ruche où, outre la mere naturelle, j’en 
avois déjà introduit une autre à laquelle j’avois donnée une 
livrée rouge. Ce n’eft pas ici le lieu de parler de ce qui le 
palfa dans la ruche où étoient ces trois reines, il fuffit de 
dire actuellement que celle à livrée jaune fut fort bien 
reçûe par les abeilles ordinaires. 


S f f iij 


jIO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
La fécondation & la ponte de la mere abeille nous four¬ 
ni dent encore des faits dignes d 'être remarqués, & de la 
certitude defquels ii ed ailé de le convaincre. Nous avons 
déjà dit que comme les poules d’une balfe-cour pondent 
journellement, de même la mere abeille pond dans pref- 
que tous les mois de l’année, fi on en excepte ceux d’une 
trop rude failon. Mais les poules ont befoin de vivre avec 
le coq pendant toute l’année ; fi elles redoient plufieurs 
femaines de fuite fans Ibuffiir les approches, leurs œufs 
feroient dériles, au lieu que ce n’ed que pendant quelques 
femaines que la mere abeille a befoin de vivre avec des 
mâles. Quand le temps ed venu où elle a pour eux une 
indifférence dont nous avons rapporté un exemple, ou, 
plus exactement, quand le temps ed venu où ils ne font 
plus néceffaires aux femelles nouvellement nées dans la ru¬ 
che, les abeilles ordinaires déclarent la plus cruelle guerre 
à ces mâles. Pendant trois à quatre jours elles en font une 
tuerie effroyable. Malgré la fupériorité qu’ils fembleroient 
avoir par leur taille, ils ne fçauroient tenir contre les ou¬ 
vrières qui font armées d’un poignard qui porte le venin 
dans les playes qu’il fait. D’ailleurs, le nombre des abeilles 
furpaffe confidérablement celui des mâles, & elles n’ont 
point de honte de fe joindre trois ou quatre enfemble con¬ 
tre un feul. Tant que ces jours de carnage durent, on en 
voit du matin au loir d’acharnées fur des mâles qu’elles 
traînent morts ou mourants hors de la ruche. Ceux même 
qui ne font pas encore parvenus à l’état de mouche, qui 
font encore fous la forme de ver ou fous celle de nymphe, 
ne f®nt pas épargnés. Les abeilles arrachent ces vers de 
ces mêmes cellules qu’elles avoient condruiles pour eux 
en d’autres temps, & dans lesquelles elles avoient même 
pris foin de les nourrir. Leur haine s’étend alors fur tout 
ce qui ed mâle, ou qui peut le devenir. Elles font tout ce 





des Insectes. IX . Mem . 511 
qui cfl en elles pour qu’il n’en relie, ni ne puiffe y en avoir 
de longtemps dans la ruche. 11 va des ruches où ces car¬ 
nages le font plutôt, & d’autres où ils le font plus tard, 
parce qu’il y en a où les mâles ont commencé à naître 
ou plûtôt ou plus tard que dans les autres. Dans telle 
ruche, la tuerie des mâles arrive dans le mois de Juin; 
dans d’autres, c’clt dans le mois de Juillet; & ce n’a été 
que dans le mois d’Août que j’ai vu malfacrer les mâles 
de certaines ruches; mais elles étoient de celles où un 
efïaim avoit été mis au mois de May. 

Qu’on fuppolè avec nous pour un moment, ce que 
nous promettons de prouver dans la fuite, que les abeilles 
parviennent à exterminer tous les mâles de leur ruche, foit 
dans le mois de Juin, foit dans celui de Juillet, foit dans 
celui d’Août ; depuis le jour où le dernier d’une ruche a été 
tué, la mere de cette ruche n’en reverra plus jufqu’au 
Printemps de l’année fuivante; elle ne fçait ce que c’efl 
que de fortir de chés elle pour aller en chercher dans d’au¬ 
tres ruches où il pourroit en être refié. Cependant, la 
mere qui, dès le mois de Juin a été privée de tous fes 
mâles, ne laiffera pas de faire beaucoup d’œufs féconds 
dans le refie de l’Eté & au commencement de l’Automne. 
Ce fera fur-tout au Printemps de l’année fuivante quelle 
pondra affés d’œufs pour fournir un efïaim de mouches, 
& qu’entre ces œufs il y en aura qui donneront des abeilles 
ordinaires, d’autres qui donneront des mâles, & d’autres 
qui donneront desquelles. Ces derniers œufs ont donc 
été fécondés neuf à dix mois avant qu’ils ayent été pondus, 
& cela lors qu’ils étoient d’une petiteffe que nous ne fçau- 
rions imaginer. Après l’avoir été, ils font refiés auffi long¬ 
temps dans le corps de la mere mouche, pour y prendre 
tout l’accroiffement qu’ils doivent avoir pris Jorfqu’ils en 
fortent, que le fœtus humain refie dans le corps de fa mere, 


512 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
avant qu’il foit devenu un enfant en état de voir le jour. 
Mais les fœtus humains demandent pour naître bien con¬ 
ditionnés, de demeurer à peu près neuf mois dans le corps 
de la mere ; & entre les œufs de la même abeille, quel¬ 
ques-uns contiennent des fœtus parfaits, quoiqu’ils foient 
mis au jour quelques femaines feulement après qu’ils ont 
été fécondés, & peut-être plutôt. C’eft de quoi on a des 
preuves dans les nouveaux eiïaims. 11 eftfort fingulier que 
pendant que des œufs ne fortent avec l’embryon qu’ils 
renferment, que neuf à dix mois après qu’ils ont été fé¬ 
condés, d’autres fortent aulfi parfaits au bout de quelques 
femaines, & que d’autres fortent dans tous les temps in¬ 
termediaires. 

Mais on demandera, & on doit demander s’il eft bien 
fûr qu’il ne relie aucun mâle caché parmi tant de mou¬ 
ches! fi on peut être bien certain qu’il n’y en ait pas 
quelques-uns qui ayent échappé à un carnage prefque 
général î Le Mémoire fuivant apprendra les moyens qui 
nous ont mis en état de parler affirmativement fur cet 
article ; qu’ils étoient tels qu’il n’étoit pas poffible qu’un 
feul mâle pût fe dérober à nos yeux, s’il avoit été dans 
une des ruches où nous le cherchions. 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU NEUVIEME MEMOIRE. 

Planche XXXII. 

L A Figure i repréfente une portion d’un gâteau de cire, 
dont les alvéoles qui font en minimum, font remplis de 
miel & fermés; ils ont chacun leur couvercle de cire. Les 
alvéoles qui font en b b, ont auffi chacun un couvercle, 
mais un peu plus relevé que celui des autres, parce que des 
nymphes ou des vers prêts à fe transformer en nymphes, 

lont 


des Insectes. IX. Mcm. 51 3 

font logés dans ces alvéoles, r, oc, ai, font trois cellules, 
de celles dans lefquelles croiffent les vers qui le métamor- 
phofent en mères abeilles, de celles que nous ax ons nom- 
ruées des cellules royales; elles pendent du bord inférieur 
du gâteau. La cellule o c, efl encore très-courte, & devoit 
être allongée parles abeilles. Les cellules r, & d, l'ont cha¬ 
cune en état de recevoir un œuf. o, leur ouverture. 

La Figure 2 fait voir un morceau d’un gâteau de cire, 
à un des côtés duquel font attachées deux cellules royales. 
or, or, ces deux cellules. Leur bout inférieur o, efl actuelle¬ 
ment fermé, comme Tell le bout de chacune de celles dans 
lefquelles il y a une nymphe, ou un ver prêt à devenir 
nymphe. 

Dans la Figure 3 , une cellule royale efl poféefurdes cel¬ 
lules ordinaires qui ont été un peu élevées pour lui faire un 
appuy. h, cette cellule. 0, fon ouverture, g, g, marquent 
deux cellules royales qui ne font que commencées, qui 
font faites encore en gobelet, ou en calice de gland. 

Dans la Figure 4., une cellule royale a fon ouvertures, 
en enhaut, c’eft-à-dire, dans un fens contraire à celui où 
elle efl naturellement ; auffi peut-on voir l’intérieur de là 
cavité. Cette cellule qui n’eft que commencée, a la figure 
d’un gobelet; fa furface efl liffe; les abeilles n’y avoient pas 
fait encore unefculpture femblable à celle qu’a l’extérieur 
des cellules plus avancées. 

La Figure 5 repréfente en grand les ovaires d’une mere 
abeille, & les conduits par lefquels paffent les œufs pour 
fortir du corps. Elle a été deffinée d’après celle de Swam- 
inerdam, qui efl ici beaucoup réduite. La grandeur qu’on 
lui a donnée, afernblé fuffifante pour faire paroître diflinc- 
tement toutes les parties dont elle efl compofée. a ht 000, 
un des ovaires, qui efl compofé d’un grand nombre de 
yaiffeaux tels que celui qui efl marqué aooot, dans chacun 
Tome V. . T11 


514 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
deiqueis des œufs font mis à la file. Si j’euffe voulu faire 
quelque changement dans la figure de Swammerdam » 
j’euffe fait ajouter en a, unvaiffeau afiesgros, à peu près 
auffi gros que celui qui efi au-deffous de t, duquel tous 
ceux qui compofent l’ovaire m’ont paru tirer leur origine. 
b c c 1 c c c b, efl l’autre ovaire. On remarquera qu’il n’efi: 
pas auffi piein d’œufs que le premier, & c’efi à deffein 
que Swammerdam ne l’a pas fait repréfenter parfaitement 
femblable à l’autre. 11 a voulu qu’un des ovaires donnât 
idée de l’état d’une mere très-féconde, & l’autre de celui 
d'une mere qui l’ell moins, ou dont la ponte efl avancée. 
Quand on ouvre une mere qui n’efi pas en état de pon¬ 
dre^ qui n’y iera pas lï tôt,comme j’en ai ouvert plulieurs 
de celles-ci en Hyver, alors chaque ovaire eft un affem- 
blage de filets qui, dans toute leur longueur, font tels 
que les portions les plus proches de c,c,c,&.c. Il n’efi pas 
néccfiaire d’avertir que les vaiffeaux c, c, c,c, ont été écar¬ 
tés les uns des autres près de leur bout , pour les rendre 
plus fenfibles, que tous les bouts font naturellement réu¬ 
nis comme ceux de l’autre ovaire le font en a. re,t e, deux 
conduits à l’un deiqueis aboutiffent tous les vaiffeaux d’un 
des ovaires , & de même ceux de l’autre ovaire fe rendent à 
l’autre conduit, e, œufs qui paroiffentdans chacun des con¬ 
duits te, te. vi, le grand canal dans lequel les conduits te, tc„ 
portent les œufs.g', petit corps fphérique que Swammer¬ 
dam croit defiiné à fournir la liqueur vifqueufe dont les 
œufs doivent être enduits. <7, deux vaiffeaux aveugles qui 
partent d’un même tronc implanté fur le grand canal. 
Swammerdam foupçonne qu’ils font defiinés à faire la lé- 
cretion de la liqueur vifqueufe. n, n, mufcles qui fervent au 
jeu de l’aiguillon, u, la vcfiie à venin, f, le vaiffeau qui lui 
porte le venin, que Swammerdam affin e avoir vu divifé en 
deux branches £ £. f l’aiguillon, dd f les deux pièces qui 


des Insectes. IX . Mem . 515 

font un étui à l’aiguillon. Une infinité de trachées lient les 
vaiffeaux des deux ovaires, & leur fournirent de l’air. En¬ 
tre les deux ovaires, il y a une veffie x, que Swammerdam 
regarde comme une veffie pulmonaire. 

Planche XXXIII. 

Les Figures 1 & 2 rcpréfentent en grand une jambe 
de la dernière paire d’une abeille mâle. La figure 1 la 
montre par la face extérieure, & la figure 2 en fait voir 
la face intérieure. Si on compare cette jambe avec une 
de celles de la même paire d’une abeille ouvrière *, & une * PI. 26. 
de celles d’une mere abeille, on remarquera, figure 1, que 
la partie p, que nous avons nommée la palette triangulaire, 
n’a point un enfoncement tel que l’a la jambe de l’abeille 
ouvrière; cette cavité eft néceffaire à la jambe de celle-ci, 
pour recevoir & confcrver la cire brute. Elle eût été inu¬ 
tile à la jambe du mâle qui ne ramaffe pas cette matière. 

La même cavité n’a pas suffi été donnée à la jambe de la 
mere abeille, parce que cette mouche n’a pas été faite 
pour travailler. La jambe de la figure 2, a deux broffes 
de poils très-fins, <St très-preffés les uns contre les autres. 

L’une de ces broffes p, eft attachée à la face intérieure 
de la palette triangulaire, & l’autre b, l’eft à la face de la 
partie fuivante. La jambe de la mere abeille n’a point de 
pareilles broffes. Comme elle ne va jamais fur les fleurs, 
elle n’efl pas fujette à fe poudrer des pouffiéres de leurs 
étamines. D’ailleurs, elle n’a pas befoin de fe broffer elle- 
même pour ôter de fes poils les pouffiéres ou autres or¬ 
dures qui peuvent s’y attacher; elle a à fon fervice un 
grand nombre de mouches qui prennent volontiers ce 
foin. Il falioit que le mâle qui va quelquefois fur les fleurs, 
pût lui-même fe nettoyer, c’eft un office que les abeilles 
ordinaires ne lui rendroientpas. Mais les broffes des jambes 


5 T 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
d-u mâle n’avoient pas befoin d’être faites de poils aufïi 
longs & suffi rudes que font ceux des jambes des abeilles 
ouvrières. 11 fufiit <[ue les broffes de ceux-là puiffent faire 
tomber les poufliéres attachées à quelques-unes de leurs 
parties ; au lieu que les broffes des ouvrières, doivent retenir 
les pouffiéres qu’eiies ôtent à quelqu’autrc partie ; elles fer¬ 
vent à en faire des amas néceffaircs. 

La Figure 3 fait voir un mâle abeille par-deffous, de 
grandeur naturelle. En a efl l’anus , & l’ouverture ]>ar la¬ 
quelle fortent les parties qui caradérifent le fexe de cette 
mouche. 

La Figure q. efl le bout poflérieur du corps du mâle de 
la figure précédente, extrêmement grofîi & vu du même 
côté, a, l’anus, c, c, deux plaques analogues aux crochets 
qu’on trouve ordinairement au derrière des mâles des in- 
fedes de différentes claffcs & de différents genres, c , car¬ 
tilage, fous lequel les crochets c, c, font fouvent cachés, 
au moins en partie. 

Les Figures 5 & 6 font voir l’une par-deffus, & l’autre 
par-defious, un mâle de grandeur naturelle, qui a fait 
fortir de fou corps les deux cornes charnues, & l’arc qui 
efl entr’elies. c,c, les deux cornes charnues, u, l’arc. 

La Figure 7 repréfente le bout poflérieur du corps du 
mâle vû avec une forte loupe, & par deffus, dans l’inflant 
où la prefîion a commencé à faire paroître en dehors les 
parties qui conflitucnt l'on fexe. ff le dernier anneau. 
ff ce, membrane blanche très-diflendue. c, c, deux enfon¬ 
cements, de chacun delquels la preffion continuée fera 
fortir une corne charnue, d, autre enfoncement qui a 
quelques poils, u , quatrième enfoncement, duquel doit 
s’élever par la fuite la partie faite en arc. m, le bout de 
la partie qui s’eft montrée ; il efl extrêmement velu, & a 
une reffemblance groffiérc avec un mafque. 




des Insectes. IX. Mem. 517 

Dans la Figure 8, on voit le deflous de ce dont on voit 
le deflus dans la figure 7. m, le mafque velu, n, marque 
l’arc qui efl apperçû au travers des membranes qui le 
couvrent. 

La Figure 9 montre les deux cornes charnues qui ont 
commencé à s’élever au-defïiis des enfoncements c, c, de 
la figure 7. c, c, font dans la figure 9 ces deux cornes. 

Dans la Figure 10, les cornes c, c, qui 11e commen- 
çoient qu a-s’élever dans la figure 9, paroiffent dans toute 
leur longueur. La petite cavité d, de la figure 7, efl ici 
remplie; en fa place efi un petit monticule velu. 11, fiarc qui 
efl; forti en partie, m, le mafque. 

La Figure 1 1 fait voir par-deflous, les parties qui font 
vues par-deflus dans la figure précédente, & dans un 
inflant où la preflion a forcé l’arc à fortir. u, l’arc, c , c, 
les cornes, m, le mafque. 

Ces cornes avec le mafque, ont paru à un Auteur 
avoir de la reflembiance avec la tête d’un bœuf ou d’un 
taureau ; c’efl même une merveille fur laquelle il s’efl fort 
récrié. Peut-être qu’il n’en a pas fallu davantage dans des 
temps où on le contentoit des raifons les plus frivoles, 
pour faire penfer que les abeilles pouvoient venir d’un 
taureau pourri. 

Planche XXXIV. 


Les premières Figures de cette Planche font encore 
deftinées à repréfenter les parties propres aux mâles des 
abeilles , que la preflion continuée fait fortir de leur 
corps; Si les autres figures repréfentent ces parties dans 
l’état où elles font dans le corps même ; toutes les par¬ 
ties qu’elles nous font voir font extrêmement groflies, 
mais elles ne le font pas toutes également. 

La Figure 1 ne repréfente qu’une portion de la figure 

Ttt iij 


51 3 Mémoires pour l’Histoire 

2, mais plus groffie. c,c, les cornes. La portion ce, de 
chacune efi ordinairement d’un jaune rougeâtre, u, l’arc, 
fur lequel on compte aifément cinq bandes de poils, 
tranfverfaîes. m, le mafque, dont les poils font ici plus 
fenfibles que dans les figures de la planche précédente. 

La Figure 2 fait voir de côté, des parties qui ne font 
vues que par-deffus & par-defTous dans les figures de la 
planche précédente, a, partie fupérieure d’un anneau, c, c, 
les cornes, m, le mafque. u, l’arc. 

La Figure 3 nous montre les parties qui ont été for¬ 
cées de fbrlir du corps du mâle, par une preffion plus 
longue & plus forte que celle qui a fait paroître les par¬ 
ties qui paroiffcnt dans les autres figures. F.n u, cil l’arc qui 
n’eft plus reconnoiffable, tant il efi gonflé & allongé. Tout 
ce qu’on voit de charnu, depuis u, jufques enj', efi forti 
par le bout de l’arc des figures 1 & 2.7/, efi un cartilage brun, 
le même qui efi marqué par la même lettre, figure7. Au 
lieu qu’il efi vu par fon côté convexe dans cette dernière 
figure, il efi vû dans la figure 3, par fon côté concave. 

Dans la Figure 4, nous trouvons les effets d’une prefi- 
fion encore plus grande que celle qui donne les parties de 
la figure 3. c, c, les cornes, u, l’arc, qui a été contraint 
«le defeendre en bas par les parties qui font forties de fon 
bout. Alors pourtant cet arc efi plus défiguré qu’il 11e 
i’cfl ici ; mais pour marquer fa pofition, on lui a confervé 
une forme qu’il a prefque perdue, p, la partie que nous 
avons nommée la palette, & que je n’ai jamais vû paroî¬ 
tre que lorfqu’il s’efl fait un déchirement en b, ou aux 
environs. 

Nous aurions pû faire deffiner beaucoup de figures 
moyennes entre les figures 3 & 4. mais nous n’avons 
pas cru le devoir faire, parce que ces deux dernières figu¬ 
res & toutes les intermédiaires, n’ont rien d’affés confi* 



des Insectes. IX . Mem . 519 

tant. Lorfque ia preffion devient afles forte pour obliger 
des parties à fortir du bout de l’arc, figure i & 2 , elle 
produit des dérangements qui 11e font pas toujours les 
mêmes. 

Dans la Figure 5, les gaudrons de la palette font plus 
nets que ceux de la palette p, figure 4.; & cela, parce 
qu’ils n’ont pas été dérangés par une preffion outrée. 

Dans la Figure 6 , les gaudrons de la palette paroiffent 
plus détachés les uns des autres que dans la figure 5, & il 
eft affés ordinaire de les trouver difpofés comme ils le 
font dans cette figure 6. 

La Figure 7 repréfente les parties propres au mâle des 
abeilles, telles qu’elles font lorfqu’après avoir ouvert fou 
corps on les en a tirées, & qu’on les a étendues afin 
que les unes ne cachaffent pas les autres, a, le bout pof- 
térieur du corps, le déifias du dernier anneau. f,f, les véfi- 
cules féminales. d, I, les vaifïeaux déférents, q, q, étran¬ 
glements par lequel les vaiffeaux déférents communiquent 
avec les véficules féminales. x, x, vaiffeaux tortueux, 
qui ont plus de longueur qu’ils n’en ont ici, & qui fe ren¬ 
dent aux tefticules. t, t, les tefiicules. r, canal dans lequel 
les véficules féminales peuvent porter leur liqueur laiteufe, 
& que Swammerdam appelle la racine de la partie du mâle. 
4 l’endroit où le canal précédent fe joint au corps que 
nous avons nommé la lentille. / /, la lentille, i e, i e, deux 
plaques brunes & écailleufes ou cartilagineufes, qui for¬ 
tifient la lentille près d’un de fes bords, n, autre plaque 
cartilagineufe. Sur la ftee de la lentille qui ne fçauroit 
paraître dans cette ligure, il y a deux plaques femblables à 
celles qui font marquées ie, &. n, elles y font femblable- 
ment placées, k, canal fait de membranes pliffées, qui parc 
du bout pofîérieur de la lentille. p, la palette gaudronnée. 
u, l’arc ; il paroît au travers des membranes qui ie couvrent. 


520 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
m, les membranes qui forment cette elpéce de lac charnu; 
qui, lorfqu’il elt hors du corps, a à fon bout un malque 
velu. c,c, les deux cornes, dont l’une efl étendue; l’autre 
eh pliée; elles le font toutes deux naturellement, & plus 
pliées que celle qui l’eft ici. 

La Figure 8 montre les parties du male arrangées 
comme elles le font dans fon corps, & comme elles y 
paroilfent lorfqu’on a emporté la partie fupérieure de 
chaque anneau. Le trait £ iyy a, marque le contour du 
ventre. f,f, les véhicules féminaies. d, d, les vai(féaux défé¬ 
rents. x, x, vaiffieaux tortueux qui doivent aboutir aux 
tefticules, lefquels ne paroilfent pas dans cette figure, & 
ne font pas ailés à dégager des trachées qui les envelop¬ 
pent. 4 L lentille à laquelle fe rend le canal r l. 

La Figure 9 fait voir les parties du mâle dans l’état où 
elles paroilfent lorfqu’on a emporté les parties d’anneaux 
qui recouvrent le ventre. Le trait ££j y y a, marque le 
contour du dos fur lequel font pofées les parties qui font 
aéfuellement vifibles. f,f, les véhicules féminaies. 4 la len¬ 
tille. e , une des plaques écailleufes qui fortifie un des cô? 
tés de la lentille. 



DIXIEME 




ri. 3 -2 pu> . 5 2 o Alan - a- de ! Hlslr- des hure êtes. Tatz . $ . 



If<zu*rj'£zr‘£{, S czUf- 


























Sauf 







































































Fl . j'it.tt Sxc'jfl.-ni .1 ./,• / Wi/? ,//. /o/Alh/f.m.'' 



Fut s. 


F,., - 


Fut7 




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Fut fi 
































des Insectes. X. Mon. 


521 


!§ 3 ! ZI €€ ;, 2 €€ 


D 1 X I E M E Al E' M 0 1 R E. 


DES MOYENS DE FAIRE PASSER 

LES ABEILLES D’UNE RUCHE 

DANS UNE AUTRE; 

Et comment on peut examiner une à une toutes celles 

Aune ruche . 

I L importe également à ceux qui élèvent tles abeilles 
dans la vue de profiter de leurs travaux, N à ceux qui 
cherchent principalement à s’inftruire de leur Hifioire, 
de fçavoir les moyens de forcer celles d’une ruche de 
palier dans une autre. On le met par-là en poffeffion de 
toute la cire & de tout le miel de la ruche dont elles ont 
été chaiïees. Si ce procédé femble avoir quelque choie 
d’injufte, au moins la cruauté n’y efl-eile pas jointe à 
l’injuflice, comme elle l’efl dans la pratique ufitée en 
beaucoup de pays, où, pour s’emparer de tout ce que ces 
mouches ont ramaffé, on a la barbarie de les faire périr 
elles-mêmes, où on les étouffe toutes dans leur propre 
habitation. Il y a même des circonftances où c’cft leur 
rendre un bon office que de leur faire quitter un loge¬ 
ment qui eft rempli de gâteaux de cire, quoique ce foit 
pour les établir dans un autre qui eft dénué de tout. Lors¬ 
que ces fauffes teignes dont nous avons parlé dans le troi- 
fiéme volume, fe font trop multipliées dans une ruche, les 
abeilles n’ont rien de mieux à faire que de la leur aban¬ 
donner. Elles ne fçauroient lùffire à y conftruire autant 
de cellules que ces fauffes teignes en détruifent. On fert 
Tome K . V u u 


522 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

donc alors les mouches, en les forçant de prendre un 
parti qu’elles auroient dû prendre d’elles-mêmes. 

Ce n’eft au fil qu’en mettant toutes les abeilles hors de 
la ruche dans laquelle elles font établies, qu’on peut par¬ 
venir à s’a durer de piufieurs fûts effentiels à leur Hiftoire; 
de piufieurs faits que nous avons avancés dans les Mé¬ 
moires précédents, fans en avoir encore prouvé la réalité : 
comme de s’alfurer que pendant prefque toute l’année, 
il n’y a dans chaque ruche qu’une rnere; de fçavoir le 
temps d'une a (Tés courte durée pendant lequel il peut y 
en avoir piufieurs; de fe convaincre que les ruches font 
ordinairement dépourvues de mâles pendant au moins huit 
à neuf mois conlécutifs. Mais avant que d’expliquer les 
moyens nouveaux que nous avons employés pour certi¬ 
fier ces faits, nous devons parler des moyens qui ne font 
pas ignorés, & auxquels on fçait avoir recours pour faire 
paffer les abeilles d’une ruche dans une autre. 

Nous fiippoferons d’abord que la ruche dont on veut 
déloger les mouches, & celle où on les veut faire entrer, 
font en panier d’ozier ou d’autre bois propre à être en¬ 
trelacé, & que leur figure tient de la conique. Ce que 
nous aurons dit de celles-ci pourra être aifément appliqué 
aux ruches de toute autre figure, de toute autre matière, 
& de toute autre ftrucfhire. La manière la plus ufitée & 
une des plus fimples de faire paffer les mouches d’un pa¬ 
nier dans un autre, efl celle que nous allons décrire la 
première. 

Les ruches en panier, comme tous les vafes coniques, 
n’ont qu’une feule & très-grande ouverture, celle de leur 
bafe, mais qui efl; bouchée par l’appuy plat fur lequel elles 
font pofées. On commence par renverfer fans deffus 
* Pi. 3 5 . fig. deffous, la ruche peuplée * qu’on veut rendre déferte, par 
mettre fon ouverture en enhaut. Comme on a befoin de 



DES I N S E C T E S. X. Mcm. 523 
fa maintenir pendant du temps dans cette pofition, avant 
que de la renverfer 011 a eu loin de creulèr en terre un 
trou fur le fond duquel on pofe fon fommet & dans 
lequel elle entre de cinq à fix pouces. La terre qui a été 
ôtée pour faire le trou étant rapprochée de la ruche, aide 
encore à la foûtenir. Sans creulèr même la terre, on peut 
fuppléer à l’appuy qui manque à la ruche renverfée, 
par quelques grolfes pierres. Il n’eft guercs néceffaire 
d’avoir pour cette opération , comme quelques-uns font, 
une efpéce de trépied fait de trois pièces de bois difpofécs 
triangulairement & alfujettics avec trois autres pièces qui 
foûtiennent le triangle parallèlement à l’horifon. 

On imagine bien qu’il efl très-fimple de renverfer une 
ruche fans deffus défions, Si de la retenir en cet état; 
mais de le faire, peut paroître une mauvaife commiffion 
pour celui qui s’en charge; il femble devoir être expofé à 
bien des piquûres. II le feroit auffi, s’il choifffoit pour 
cette opération, les heures d’un jour chaud, où lefoleil efl 
le plus ardent; mais le foir, lorfque le foleil efl couché. 

Si le matin, lorfqu’il ne paroît pas encore fur fhorifon , 
ou qu’il s y efl peu élevé, on peut fouvent renverfer la 
ruche Si la teffir renverfée, fins qu’il en forte une feule 
mouche. Cependant, comme d’un moment à l’autre, 
elles peuvent ceffcr d’être tranquilles, qu’il faudra même 
bien-tôt les faire mouvoir, la prudence veut que celui 
qui les doit inquiéter, fe précautionne contre leurs atta¬ 
ques; il faut même le fçavoir faire de façon qu’à quelque 
heure du jour qu’on veuille les tourmenter, on le puiffe 
fans rifque. 

C’eft fur-tout pour le vifage qu’on a à craindre : pour 
le deffendre Si pour deffendre le col, on a un camail * de * Pï- 3 5 - 
toile forte, dont le devant efl fermé par une efpéce de maf- 1 ' 
que de toile de crin *, de toile à tamis très-chaire, & au * m . 

V u u ij 


524 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE 
travers de laquelle on voit comme au travers d’un verre. Je 
fais donner de larges manches à ce camail, qu’on lie avec 
* PI. 3 j. %. un ruban *,auprès des poignets. Le bas du camail doit aufïï 
1 ■ c > c ' être tenu bien applique contre le corps par une ceinture *. 

Des bas ordinaires ne fuffilènt pas pour deffendre les jam¬ 
bes ; des bottines de cuir mol, de celles qui font faites 
en bottes & qui fe laiffent appliquer contre la jambe par 
une jarretière mife au-deffous du genou, feraient ad¬ 
mirables. Au défaut de pareilles bottines, on s’en peut 
faire une très-bonne à chaque jambe en la couvrant d’une 
ferviette qui y fait plufieurs tour», & qui eft retenue par 
une ficelle tortillée deffus depuis le bas jufques au haut 
de la jambe. Des gants ordinaires ne mettent pas les mains 
en fureté; l’aiguillon peut paffer au travers de ceux d’un 
chamois épais. Quelques Auteurs recommandent des gants 
de laine; ils prétendent que les abeilles ne piquent pas 
dans la laine; il n’y a rien de moins vrai. Ce qui l’efi, 
c’eft que des gants faits d’une groffe laine font meil¬ 
leurs que des gants d’un cuir mince. Une efpéce de bourre 
qui fe trouve deffus, fait qu’il y a plus loin jufques à la 
main pour faire pénétrer l’aiguillon; mais les abeilles fça- 
vent très-bien le diriger entre des floccons de cette bourre; 
dans beaucoup de circonfiances , j’ai vû les mains de 
celui à qui j’avois donné de ces gants, & des plus épais, 
remplies de piquûres. Pour que les mains foient hors 
de rifque, c’en eft à peine affés de donner deux gants à 
chacune , un de peau fous celui de laine. 

Il n’cfl point de temps où on ne puiffe affronter les 
abeilles quand on s’efi muni contre leur aiguillon, comme 
nous venons de le preferire ; mais ceux qui font aguer¬ 
ris avec elles, négligent une partie de ces précautions, 
ils ne redoutent que médiocrement leurs piquûres. On 
peut donc être en état d’agir fans rifque fur la ruche qui 




des Insectes. X. Mem. 525 

a etc mife le haut en bas & arrêtée dans cette pofition. 

Elle peut alors fervir d’appuy à une ruche vuide dont on 
la couvre*. Si les diamètres des deux ruches font égaux, * PL35. 
elles s’ajliftent l’une fur l’autre ; Si fi le diamètre de la bafe 7 * 
de l’une furpafle un peu le diamètre de la bafe de l’autre, 
line des deux entre un peu dans l’autre. 11 n’eft prefque 
pas poftible que les deux ruches foient appliquées l’une 
contre l’autre fans laifter des vuides qui font autant de 
portes par lefquelles les abeilles pourroient fortir ; mais on 
peut boucher ces vuides furie champ avec quelque terre 
grafte ramolie par l’eau, ou avec de la bouze de vache. 

Pour les boucher plus folidement, je fais volontiers en¬ 
tourer les deux ruches à leur jonélion, par une bande de 
toile*, faite d’une longue ferviette ou d’une petite nappe * fi^. s. 
rendue étroite par des plis redoublés. Plufieurs tours d’une 
petite corde arrêtent cette bande de toile contre l’une & 
contre l’autre ruche. 

Pendant qu’on a fait les difpofitions dont nous venons 
de parler, on a commencé à mettre le trouble parmi les 
abeilles, on cherche à l’y augmenter pour les déterminer 
à quitter la ruche inférieure où elles font. Si à monter 
dans la fupérieure. On prend deux baguettes de bois, 
line de chaque main, avec lefquelles on frappe alterna¬ 
tivement contre deux côtés oppolés de la ruche inférieure. 

Les ébranlements que caufent les coups réitérés, & le bruit 
qui les accompagne , inquiètent les mouches. Bien-tôt 
on les entend bourdonner, & leurs bourdonnements vont 
en augmentant. Elles fe mettent en mouvement. Quel¬ 
ques-unes fe déterminent à abandonner une habitation 
qui eft fans deftiis deftous, & où on ne les laide pas tran¬ 
quilles , pour pafter dans une autre qui n’eft pas ébranlée 
comme la première par des coups continuels; d’autres 
fuivent celles-ci. Quand la mere eft de celles qui fe font 

V u u iij 








* O 


52 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
déterminées à partir, le plus grand nombre des mouches 
fe trouve bien tôt dans la ruche fupérieure : mais lorfque 
la mere efl plus pareffeufe ou plus affectionnée à tout ce 
qui ell dans l’on ancien logement, on battrait quelque¬ 
fois pendant des heures entières fans que les coups clé- 
terminaffent les abeilles à déménager. On reconnoît l’ef¬ 
fet qu’ils ont produit, en appliquant i’oreiiie contre la 
ruche fupérieure. Quand on entend bien du bruit 
dans celle-ci, c’cft un figne certain que beaucoup de 
mouches s’y font rendues, de on peut féparer alors les 
deux ruches l’une de l’autre. 

Lorfque les coups de baguette ne produifent pas un 
effet affés prompt, fans féparer les deux ruches je fais 
mettre en embas la fupérieure que je fais bien-tôt remet¬ 
tre en enhaut. Et enfin, je les fais agiter à bras autant 
qu’il eft poffible. Ainfi, on ne manque pas de détermi¬ 
ner un nombre d’abeilles à paffer dans la ruche vuide; Si, 
quelque petit qu’il foit, il fuffit pour la faire devenir le 
logement de toutes les autres, fur-tout fi on porte fur le 
champ la ruche qu’on veut remplir dans la place où étoit 
celle qu’on veut vuider. C eft une circonflance très-effen- 
tieile & de laquelle je ne trouve pas qu’on ait affés fongé à 
» PI. 3 5 . fig. avertir. Dès qu’elle y aura été mife *, on étendra un drap * 
par terre auprès de la nouvelle ruche, & l’on fecouera rude- 
Fig. 10. nn. ment p ur j c ( { ra p l’ancienne ruche dont l’ouverture fera en 
embas. On donnera même des coups de cette ruche con¬ 
tre le terrain que le drap couvre. L’effet de ces fecouffes 
Si de ces coups, fera de faire tomber fur le drap, des gros de 
mouches qui s’étoient obftinées à relier dans leur ancien 
logement. Le drap n’efl ici néceffaire que pour recevoir les 
gâteaux pleins de miel qui pourraient tomber eux-mêmes. 
Si qui deviendraient mal propres s’ils tomboient fur la 
terre. Les mouches qui font en tas fur le drap, & qui fe 


des Insectes. I Mem. 527 
trouvent tout près de l’endroit où elles avoient coutume 
de Te rendre, dirigent leur marche vers ce même endroit. 

On en voit de larges files & bien continues qui tendent 
à y arriver. A mefure que les mouches de ces files par¬ 
viennent à une ruche où il y a déjà plufieurs de leurs 
compagnes, elles entrent dedans en foule. Afin même 
qu’elles trouvent un chemin plus facile & plus court, 
on placera une planche *, de manière qu’un defes bouts * PI. 35.%. 
porte fur le drap, & l’autre fur l’appuy de la ruche. 

La circonffance de pofer la nouvelle ruche auprès de 
l’ancienne, contribue fi fort à la réuffite du déménage¬ 
ment qifon veut faire, qu’elle pourroit difpenfer de toutes 
les premières pratiques que nous avons enfeignées, qu’il 
futhroit de fecoucr fur le drap la ruche habitée, d’obliger 
ainfi les abeilles à la quitter, pour les déterminer à aller 
s’établir dans l’autre. On peut pourtant réuffir à faire en¬ 
trer les mouches dans une ruche qui n’eff pas placée fi fa¬ 
vorablement. 

Il y a toûjours un certain nombre d’abeilles qui, mal¬ 
gré les fecouffes qu’on a données à leur ancienne ruche, 
quoiqu’on l’ait frappée rudement contre terre un grand 
nombre de fois, s’opiniâtrent à y demeurer ; mais bien¬ 
tôt on les met dans la néceffité d’aller rejoindre le gros: 
car on ôte les uns après les autres les gâteaux de la ruche. 

On coupe avec un couteau le plus près qu’il eft poffible 
des parois, celui qu’on veut détacher. Quand on tire ce 
gâteau hors de la ruche, plufieurs abeilles y font crampon¬ 
nées ou courent defTus. On les balaye avec les barbes d’une 
plume, Si on les fait tomber fur le drap. Tous les gâteaux 
ayant été ainfi retirés les uns après les autres, ce qui refie 
d’abeilles dans l’ancienne ruche efl peu confidérable; en 
la frappant contre terre deux ou trois fois, on les fait tom¬ 
ber; & enfin, on tranfporte au loin la ruche que l’on vient 


528 MEMOIRES POUR UHlSTÔIRE 
de vuider de mouches Si de gâteaux, afin que l’autre fe 
peuple plus paifihlemem N plus promptement. 

Lorfqu’on veut déloger des mouches d’une ruche où 
elles ne font pas établies depuis long temps, & où elles 
n’ont pas encore fait beaucoup de gâteaux, l’opération 
de les faire palier dans une autre elf extrêmement fimple. 
Lefoir ou le matin on frappe la ruche dans laquelle elles 
font, contre une terre unie ou contre le déifias d’une table 
pofée à terre. Les mouches qui ne font pas -entre dés g⬠
teaux, ne peuvent pas ré fi fier aux fecoufies qui ont palfé 
jufques à elles; elles tombent en malle. Le peu de g⬠
teaux qu’il y a dans la ruche tombe quelquefois en mê¬ 
me temps. Comme ils font petits, ils n’ont que de foi- 
blés attaches, & ils ne tiennent encore qu’au haut de la 
ruche. On couvre de la nouvelle ruche le gros des abeilles 
qui eft par terre; elles montent dedans & s’accommodent 
de l’échange qu’on les a obligé de faire. Nous dirons ail¬ 
leurs qu’on réunit quelquefois enfemble deux efiaims foi- 
bles, ou qu’on joint un efiaim foible à un efiaim plus 
fort, ce qu’on appelle marier enfemble deux efiaims. Une 
des plus commodes façons de faire ces mariages, de faire 
pafier les abeilles d’une ruche dans une autre déjà habitée, 
eft celle que nous venons d’expliquer; fur les abeilles qu’on 
a fait tomber de leur ruche, on met la fécondé ruche dans 
laquelle font les abeilles auxquelles ôn veut les aftocier. 

Mais ces moyens de faire pafier les abeilles d’une ruche 
dans une autre, ne font pas de ceux qui peuvent convenir 
à un Obfervateur qui veut fçavoir s’il y a pluralité de 
meres dans une ruche, s’il y a des mâles, ou s’il 11’y en a 
pas. Tout fe pafie trop tumulruairement alors pour qu’il 
puifte faire de bonnes obfervations. On peut tirer un peu 
plus de parti d’une autre manière d’obliger les abeilles à 
déménager, & très-anciennement connue. Les premiers 

Auteurs 


des Insectes. X. Mem. 529 
Auteurs qui ont parlé des abeilles, ont fçu que toute 
fumée leur déplaît, & qu’on pouvoit l’employer pour 
les rendre plus traitables. On a fçu il y a long-temps 
qu’on pouvoit s’en fervir avec fuccès, lorfqu’on vouloit 
leur ôter une partie de leur cire & de leur miel, ce 
qu’on appelle châtrer une ruche. Quand on a conduit 
la fumée lur l’endroit où elles font le plus entalfées, 
elles l’abandonnent. Un gâteau quelles cachoient entiè¬ 
rement à nos yeux, elt entièrement à découvert au bout 
de quelques inftants ; il n’y relie pas une feule mouche. 
La fumée les incommode, elle les étourdit, elle les 
enyvre; elle peut même les enyvrer au point de les ren¬ 
dre incapables de fe mouvoir, au point de les faire pa- 
roître mortes, & même de les faire mourir. Toute fumée, 
comme celle des herbes féches, ou à demi-féches, efl ca¬ 
pable de produire cet effet fur elles ; mais il n’y en a 
point dont il foit plus commode de fe fervir, que celle 
d’un linge tortillé auquel on a mis le feu & dont on a 
éteint la flamme, ou celle d’un papier tortillé. J’évite- 
rois de me fervir de fumée des mèches où on peut avoir 
introduit du fouffre. L’odeur en peut être trop prompte¬ 
ment funelle aux abeilles. Dans bien des circonltances 
où l’on veut s’approcher de près des gâteaux de ces 
mouches, on fe met à l’abri de leurs piquûres, en tenant 
à la main un linge qui répand beaucoup de fumée, fur- 
tout fi on a foin de s’entourer d’une elpéce d’athmolphére 
de cette fumée. 

Ce n’eft pas feulement pour manœuvrer plus à fon 
aife aux environs des ruches, que l’on peut fe fervir de la 
fumée, on peut l’employer pour faire palfer les abeilles 
d’une ruche dans une autre, & voici de quelle manière. 
Nous continuons de fuppofer que la ruche dont on veut 
ies faire fortir, 6c celles où on veut les faire entrer, font des 
Tome V . X x x 


r3O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ruches en panier. On coupera plufïeurs des brins de bois 
du fommet de la première, on y fera un trou de deux 
ou trois pouces de diamètre : plus le trou fera grand 
& plus le iucc'ès de l’opération fera prompt. On fera en¬ 
trer le haut de cette ruche dans une autre qu’on pofera 
defTus, & qui y fera naturellement foûtenuë& fixée. Tout 
étant ainfi dilpolë, on introduira fur l’appuy de la ruche 
peuplée, des linges ou des papiers qui répandront de la 
fumée. Pour la mieux déterminer à monter j’ai quel¬ 
quefois fait un trou au fommet de la ruche vuide & fu- 
périeure. La fumée porte le trouble dans la ruche habi¬ 
tée; on y entend bientôt du murmure, & enfuite un bour¬ 
donnement confidérable. Les mouches abandonnent les 
endroits les plus enfumés ; elles montent vers le haut de 
la ruche, & celles qui trouvent le trou qu’on y a fait, en 
profitent pour entrer dans un lieu où la vapeur qui les 
tourmente n’a pas encore pénétré. Il m’efi arrivé quel¬ 
quefois de déterminer affés vite celles que je finnois à 
paffer dans la ruche où je les vouiois; mais quelquefois 
auffi il a fallu les fumer long-temps, mettre fous leurs 
ruches, & à bien des rcprifes, des rechauds où il n’y avoit 
qu’autant de feu qu’il en falloir pour faire répandrebeaur 
coup de fumée aux matières qui le couvraient. 

Un des inconvénients de cette opération, c’efl que 
quand les abeilles ne le déterminent pas affés tôt à quitter 
leur ruche, quand elles donnent le temps à la fumée de 
les étour lir, il y en a beaucoup qui volant ou marchant 
au hazard, ou qui cherchant à fôrtir par le bas de la ruche, 
fe jettent dans l’endroit où elle efî le plus épaiffe, & dans le 
feu même qui l’entretient. Alors il en périt un bon nom¬ 
bre, non-feulement de celles qui font tombées dans le 
feu, mais même de celles qui ont été trop attaquées par 
L vapeur. Ordinairement néantmoins on ne les force 


des Insectes. X Mem . 531 
à fortir qu’après avoir renouvellé plufieurs fois les matières 
qui répandent la fumée; pour cela, on efl obligé de tirer 
de dedans la ruche le rechaud ou le fupport plus plat ou 
font les matières qui font trop brûlées, ou qui fe font trop 
éteintes; ce qui ne fe peut faire fans foûlever le bas de la 
ruche, Si fans y ouvrir, pour ainfi dire, une large porte 
dont une partie des abeilles peut profiter pour fortir. 
D’ailleurs, en renouvellant fouvent le feu, on les expofè 
davantage au rifque de fe brûler. 

Pour faire entrer la fumée plus commodément, j’ai 
quelquefois poféla ruche dont je voulois chafferles mou¬ 
ches, fur un rondeau percé de plufieurs trous qui avoient 
un pouce ou un pouce Si demi de diamètre. Le fond d’un 
bacquet fait d’un tonneau fcié en deux inégalement, m’a 
fourni le fond que je faifois percer, Si fur lequel je pofois 
la ruche. Mais avant que de l’y pofer, je faifois faire une 
efpéce de petit édifice qui foûtenoit en l’air à quatre à 
cinq pieds de terre le bacquet percé. Deux planches, par 
exemple,parallèles l’une à l’autre dont chacune avoit un 
defes bouts appuyé fur le bord d’un mur de terraffe afTés 
bas, Sc dont l’autre bout étoit foûtenu en dehors de 
la terraffe par un montant de bois ; deux planches, dis- 
je, ainfi difpofées, faifoient mon édifice. Elles étoient 
écartées de manière que le vuide qui étoit entr’elles étoit 
moins grand que le diamètre du bacquet qu’elles dévoient 
po r ter. Ce bacquet étant donc placé fur ces deux planches. 
Si la ruche habitée étant pofée fur le bacquet, rien n’étoit 
plus fimple que de fumer les abeilles ; il n’y avoit qu’à 
tenir le rechaud hors de la ruche, mais fous le fond fur 
lequel je l’avois établie. On renouvelloit dans le rechaud 
tout autant de fois qu’on levouloit, les matières propres 
à donner beaucoup de fumée, Sc les abeilles étoient peu 
en rifque de fe venir jetter dans le feu ; elles 11e cherchoient 

Xxx ij 


* Pî. 22 . fi 
6. & PI. 2. 
fig. 1,2,3 
S- 


* Pi. 24.. 
S* 


532 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
pas à fortir par des trous où il y avoit une fumée trop 
épaiffe. Cette manière de fumer les abeilles ma paru 
bonne. Quand on les a forcées pour la plupart à mon¬ 
ter dans la ruche fupérieure, on achevé le refte comme 
nous avons dit qu’on l’achevoit dans le cas de la ruche 
qu’on a battue pour en chaffer les mouches; c’eff à-dire, 
qu’on fépare les deux ruches l’une de l’autre ; qu’on ôte 
un à un les gâteaux de l’ancienne ruche, & qu’on fait 
tomber les abeilles qui font delfus auprès de la nouvelle 
ruche en balayant ces gâteaux avec les barbes d’une 
plume. 

Je me fuis fouvent fervi de flacons d’un verre très- 
tranfparent pour un ulage fort différent de celui auquel 
on les employé ordinairement. Au lieu de les remplir de 
liqueur, je les ai fouvent remplis de mouches à miel. Sou¬ 
vent j’ai eu en bouteilles toutes les mouches d’une ruche; 
& un des moyens & le premier dont je me fuis fervi pour 
y réuffir, a été de les fumer. C’eft fur-tout pour parvenir 
plus aifément à faire fortir de la ruche les mouches, & 
à les recevoir quand elles fortiroient, dans tel vafe que je 
voudrais, que j’ai fait faire des ruches vitrées en cône tron- 
g. qué *, & qui à leur partie fupérieure ont un trou rond. 
Ces mêmes ruches ont un fond qui les ferme. Après 
avoir bouché les petits trous qui fervent de portes aux 
abeilles, avec de petits bouchons de papier, j’ouvrais pour 
un infant un des chaffis vitrés du bas, & je faifois entrer 
dans la ruche des linges qui répandoient beaucoup de 
fumée. Sur le champ je débouchois le trou du haut de 
ig. la ruche, & je mettois fur ce trou * & dans une pofition 
renverfée, la bouteille ou le poudrier dans lequel je vou- 
lois faire entrer les abeilles, & dans lequel entraient bien¬ 
tôt celles qui cherchoient à fuir la fumée qui les incom- 
modoit. Quand ce poudrier avoit affés d’abeilles, je le 


DES I N S E C T E s. X. Mem. 5 3 3 
rctirois, je le couvrois pour y retenir celles qui y étoient. 
Si je mettois un autre poudrier en là place, qui à fon tour 
fe remplilToit d’abeilles au point où je le fouhaitois. 

On pourroit croire que chaque fois qu’on retire un 
poudrier de dell'us la ruche, qu’il s’en échappe bien des 
abeilles, quelque chofequ’on fade,avant qu’ili’oit bouché. 
Si qu’il s’en échappe de même par le trou de la ruche, 
avant qu’il foit couvert par le nouveau poudrier, fi nous 
ne rappellions une manœuvre très-(impie Si dont nous 
avons déjà parlé , qui met en état de faire tout cela làns 
qu’aucune abeille puilfe s’envoler. Cette petite manœu¬ 
vre demande feulement qu’on foit pourvû de deux quar- 
rés de papier égaux Sc plus grands qu’ils n’ont beloin de 
l’être pour boucher le poudrier. Quand on elt content du 
nombre des abeilles qui font entrées dans le poudrier, on 
fait glilfer les deux quarrés de papier pôles l’un fur l’au¬ 
tre fur le deffus de la ruche, pour les faire palfer entre 
ce dclfus Si le poudrier. Les deux feuilles de papier glifi 
. fées fous le poudrier, n’occafionnent jamais un vuidc 
ailes grand pour donner paffage à des abeilles. Enfin, 
quand on a fait gliffer ces deux quarrés jufques à ce que 
leur milieu foit vis-à-vis celui du trou, toute com¬ 
munication elt ôtée aux abeilles de la ruche avec celles 
du poudrier. Ce qui refie alors à faire elt bien facile, mais 
demande quatre mains. Quelqu’un retient avec les deux 
fiennes le quarré de papier qui elt immédiatement appli¬ 
qué fur la ruche, pendant qu’une autre perfonne enleve 
l’autre quarré de papier Si le poudrier contre les bords de 
l’ouverture duquel il eft appliqué, Si fait fur le champ de 
ce papier un couvercle qu’on ne fera plus obligé de te¬ 
nir, parce qu’après avoir plié le papier tout autour des 
bords, comme il convient qu’il le foit, on l’arrête avec 
une ficelle au-deffous.des rebords de l’ouverture. Alors 

Xxx iij 


534 MEMOIRES pour l’Histoire 
on n’a plus qu’à placer {ouverture d’un nouveau poudrier 
fur le quarré de papier qu’on tient fur le trou de la 
ruche, & de manière que les centres des deux ouvertu¬ 
res foient à peu près vis-à-vis l’un de l’autre. On retire 
auffi-tôt le papier en le faifant glifïer, & les abeilles de la 
ruche entrent dans ce fécond poudrier, comme d’autres 
étoient entrées dans le premier. 

On peut donc faire paffer ainfi toutes ou prefque toutes 
les abeilles de la ruche, dans autant de bouteilles ou de pou¬ 
driers qu’on veut ; & par conféquent on eft maître de ne 
remplir chaque poudrier qu’autant qu’il le doit être pour 
qu’on puilfe efpérer de voir les unes après les autres les 
abeilles qu’il contient, 6 c y dillinguer les unes des autres 
celles qui font de différent fexe. On a même le temps 
d’examiner ces abeilles, lorfqu’eiies fe rendent de la ru¬ 
che dans la bouteille, fur - tout fi cette bouteille eft de 
celles qui ont un col long & étroit. 

Au lieu de la fumée, on peut fe fervir de l’eau pour 
faire paffer les abeilles dans autant de poudriers qu’on 
voudra, 6 c pour les faire fimplement paffer d’une ruche 
dans une autre. C’eft peut-être même la manière la plus 
commode de faire ces fortes d’opérations, 6 c avec la moin¬ 
dre perte de mouches, 6 c avec moins de rifque d’être 
piqué. Elle ii’elt pas abfolument ignorée, mais elle n’eft 
pas affés connue ; je ne l’ai trouvé décrite nulle part ; 
6 c je ne fçais point d’endroit où on s’en ferve pour obli¬ 
ger les abeilles à changer de ruche. Tout ce qu’elle de¬ 
mande de plus difficile à avoir, 6 c dont on efl affés ordi¬ 
nairement pourvû à la campagne, c’ell un bacquet, une 
efpéce de cuvier qui ait autant de profondeur que la 
ruche dont on veut faire fortir les abeilles, a de hau¬ 
teur. Un tonneau défoncé par un bout, peut dans le 
befoin fournir un tel bacquet ; -il a toûjours plus de 


des Insectes. X. Mem. 535 

profondeur qu’il n’en faut, & affés de diamètre pour rece¬ 
voir une ruelle ordinaire. On fera le loir une ouverture 
d’un pouce &demi, ou de deux pouces de diamètre, à la 
partie fupérieure de celle dont on veut faire fortir les abeil¬ 
les. On pofera enfuite cette ruche dans fa fituation ordi¬ 
naire dans un bacquet ; & lorfqu’elle y fera, & que les 
abeilles que le tranfport peut avoir miles en mouvement, 
fêleront tranquillifées, on ajullera la ruche dans laquelle 
on les veut faire entrer, fur celle où elles font. O11 bou¬ 
chera tous les vuides qui fe trouveront entre les bords de 
la ruche fupérieure & la ruche inférieure, avec de la glaife. 
Dès qu’on fait tout cela le foir, on le fait aifément, & 
avec peu de rifque d'être piqué. Si on veut fe ménager 
toutes les commodités, on aura attention de placer le 
bacquet où eft la ruche, auprès du puits ou du refervoir 
qui fournira l’eau dont on aura befoin. Le lendemain dès 
le matin, avant que les abeilles ayent encore longé à aller 
à la campagne, on jettera quelques fceaux d’eau dans le 
bacquet. On y en jettera julques à ce que l’eau ôte aux 
mouches toutes les forties qu’elles auroiem pû trouver 
dans les endroits où les bords de la ruche & le fond du 
baquet ne fe touchent pas affés exactement. On achèvera 
enfuite le refie à fou aife; il ne s’agira que de verfer fuccef- 
fivement des fceaux d’eau. A mefure que l’eau s’élèvera fur 
le fond du bacquet, elle entrera & s’élèvera dans la ruche. 
Les abeilles qui craignent d'être lùbmergées, gagnent des 
endroits plus élevés quand elles voyent que l’eau atteint 
leurs gâteaux; à melure quelles voyent l’eau monter plus 
haut dans leur ruche , elles font contraintes de s’ap¬ 
procher de fon fomrnet; elles profitent de l’ouverture 
quelles y trouvent, pour fortir & pour paffer dans l’autre 
ruche qu’on leur a préparée. Lorfque cette dernière eft 
vitrée, comme l’ont été fouyent celles qui m’ont fervi à 


53 6 Mémoires pour l’Histoire 

cette expérience, & qu’on a laide les volets de bois ou¬ 
verts , on voit dans certains moments les abeilles s’y 
rendre en foule pour fe fauver de l’inondation. Quel¬ 
quefois pourtant on ne les force toutes à quitter une 
habitation qui leur étoit chere, qu après l’avoir entière¬ 
ment remplie d’eau. Alors il ne refie plus qu’à féparer la 
nouvelle ruche de l’ancienne, & à la pofer proche du 
bacquet fur un appuyfolide, au moins jufques à ce que 
les grands mouvements l'oient calmés; & pour le mieux, 
on la porte enfuite dans la place où étoit l’ancienne ru¬ 
che ; cette circonflance n’eft pourtant pas abfolument 
néceffaire. 

On imagine bien qu’entre les mouches qu’on a voulu 
chaffer, il y en a eu de parelfeufes, qui ne fe font pas affés 
prelfées de fuir l’eau qui les venoit chercher; que d’autres 
ont volé trop étourdiment vers l’eau ; que d’autres dans 
l’agitation générale y font tombées. Aulfi quand on a 
retiré l’ancienne ruche du bacquet, la furface de l’eau 
paroît quelquefois couverte de mouches noyées ou de 
mouches qui fe noyent. Malgré ce défaftre apparent, il 
relie encore vrai, que de tous les moyens de faire palfer 
les mouches d’une ruche dans une autre, il n’y en a au¬ 
cun qui mette en état d’y parvenir avec une auffi petite 
perte de mouches. On doit avoir foin de pêcher fur le 
champ , toutes celles qui flottent fur l’eau. 11 n’efl point 
d’inftrument plus commode pour cela, qu’une écumoire 
ordinaire. Qu’on étende enfuite les mouches qu’on a 
pêchées, fur une ferviette pofée par terre auprès de la 
nouvelle ruche; li l’air ell doux, & fur-tout fi le Soleil 
fe montre de temps en temps, on verra toutes les abeilles 
ianguiflantes reprendre vigueur : on verra même re¬ 
tourner à la vie celles qu’on croyoit noyées, devenir 
vigoureufes comme les autres, & toutes fe rendront 

à la 


des Insectes. A”. Mem . 537 

à la ruche où leurs compagnes font établies. Enfin, oh 
ne Içauroit croire combien il en périt peu. J’ai fait p!u- 
fieurs fois de ces opérations, dont chacune ne m’a pas 
coûté une douzaine de mouches. Il en périt bien autrement 
même dans les ruches qu’on bat pour obliger les abeilles à 
déloger, parce que, comme nous l’avons dit, elles ne pa fi¬ 
rent pas toutes de bonne grâce, dans celle qu’on leur a 
eldhnée ; il y en a un grand nombre qu’on ôte de deffus les 
gâteaux, en les balayant avec une plume; plulieurs de celles- 
ci fe trouvent emmiellées. Les gâteaux coupés ou bribes 
JaifTentcoulerdumielquienenduitd’autres; & le miel qui 
bouche leurs fligmates, les fait périr. Enfin , beaucoup 
d’autres abeilles trop irritées, piquent les gants, les bas, les 
habits de celui qui les inquiété ; elles (aident leur aiguillon 
dans les piquûres, & il leur en coûte la vie. 

Les gâteaux qu’on retire de la ruche dont l’eau a chafîe 
les abeilles, ont fouvent bien des cellules dans chacune 
defquelles une mouche étoit nichée dans le moment de 
l’inondation; l’eau les y a lurprifes. Ce font celles qui font 
le plus en danger de périr; fouvent elles n’ont pas la force 
de fie retirer de leur loge qui eft pleine d’eau en partie; 
mais on les fauve, fi on fe donne la peine de les en tirer 
avec attention ; c’efl-à-dire, fi on les manie afTés légère-, 
ment pour ne les point bleffer. 

Le leul inconvénient que l’on peut trouver dans cette 
pratique , c’efl que tous les gâteaux font mouillés. Ceux 
dont les cellules font vuides, & ceux dont les cellules 
ont du couvain, c’eft-à-dire, des œufs, des vers, ou 
des nymphes, n’en fçauroient être endommagés; la cire 
ne fçauroit être altérée par l’eau qui la mouille : mais 
les gâteaux qui contiennent du miel en peuvent foufïrir. 
Le miel qu’on tire enfuite de ces gâteaux, reffemble au 
vin qui vient de raifins cueillis dans des jours de pluye; 
Tome V . Y y y 


1538 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
il dt mêlé avec un peu d’eau. Cet inconvénient n’efl 
pourtant pas grand ; car on eft même obligé d’avoir re¬ 
cours à beaucoup plus d’eau, lorlcju’on ne veut point 
laifïer de miel aux gâteaux de cire. D’ailleurs cet in¬ 
convénient ne tombe que fur le miel d’une partie des 
cellules; car tout celui qui dt dans des cellules fermées 
par un couvercle de cire, n’dt point mouillé. 

Swammerdam a eu recours à l’eau iorlqu’il a voulu 
examiner les abeilles d’une ruche; il les a noyées, 6c ii a 
remarqué ce que les expériences dont je viens de parler, 
m’ont donné occafion de voir bien des fois, que beaucoup 
d’abeilles qui paroi fioi-ent notées revenoient à la vie, 6c 
reprenoient leur première vigueur. On lçait depuis long¬ 
temps que les mouches de plulieurs elpéces, que les mou¬ 
ches les plus communes dans nos appartements, aprèsavoir 
été tirées de l’eau comme parfaitement mortes, redevien¬ 
nent fouvent en état de marcher 6c de voler, fi on les ré¬ 
chauffe peu à peu. Ce retour à la vie a été regardé com¬ 
me une efpéce de rél'urredion. Ce prétendu miracle le 
réduit à ce que certains inlècftes perdent pour du temps 
tout mouvement fans ceffer de vivre. Il m’a paru que je- 
pouvois faire ulage de ce fait anciennement connu , pour 
m’inftruire fur 1 hiftoire des abeilles, fans être obligé de 
faire périr trop de milliers de mouches fi indnftrieufes, 
6c pour la vie delquelles on ne peut manquer de s’mtc refi¬ 
ler. Il me paroifioit dur d’étreobligé de faire mourir toutes 
celles d’une ruche chaque fois qu’une circonftance par¬ 
ticulière demandoit que je pu fie examiner une mere ou 
un mâle; toutes les fois que j’avois à m’affûrer s’il y avoit 
des unes ou des autres dans une ruche, 6c combien il y 
en avoit. Nous ne fommes pas afies convaincus intérieu¬ 
rement, du droit que nous croyons avoir fur la vie des ani» 
maux, nous ne le fommes pas afies qu’ils font privés d® 


des Insectes. X. Mem. 539 
fentimcnt, pour n’avoir pas quelque peine à en facrifier 
dans un inftant, un très-grand nombre à notre curiofité. 

Je penfai donc que je pouvois au moyen de l’eau, ren¬ 
dre en toute faifon les abeilles d’une ruche au (fi traitables 
que fi elles euiïent été mortes , & me donner un moyen 
fur de les examiner une à une tout autrement que je 11e 
l’avois pu, en les faifant fimplcment j)a(Ter dans des pou¬ 
driers ou dans des (laçons de verre; que je n’avois qu’à 
mettre toutes celles d’une ruche dans le même état où 
j’avois mis une partie de celles que j’avois fait changer 
de domicile par le moyen de l'eau ; les mettre dans un 
état où elles paroîtroient noyées, & duquel je pourrois 
enfuite les tirer avec le fecours de la chaleur. Néantmoins 
avant que d’en faire l’expérience, je crus devoir m’aiïurer 
du temps pendant lequel une abeille pouvoit reftcr fous 
i’eau dans une forte de létargie ; m’infiruire s’il feroit 
d’afles longue durée pour me donner celui de faire tou¬ 
tes les oblèrvations que j’aurois à faire fur ces mouches. 
Je commençai donc par chercher à connoître la lon¬ 
gueur du temps pendant lequel on pouvoit tenir des 
abeilles fous l’eau, comme mortes, fans qu’elleslefufient 
réellement. J’y en tins d’abord quelques-unes pendant 
quelques minutes, & je les y tenois bien réellement. 
Leur légèreté tend à les ramener à la furface, Tnais 
je les forçois de refier fubmergées au moyen d’un tam¬ 
pon de papier aflfés gros pour être arrêté lui-même fous 
l’eau par l'on frottement contre les parois du vafe qui 
étoit un poudrier de verre. Les abeilles fur lefquellts je 
faifois l’expérience, étoient fous ce tampon de papier. 
Après avoir ramené à la vie celles qui n’étoient refiées 
fous l’eau que pendant quelques minutes, je tentai d’y 
«n ramener qui avoient été fubmergées pendant un quart 
d’heure. Les fuccès me conduifirent à éprouver ce qui 

Yyy ij 


540 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
arriveroit à celles qui feroient tenues dans l’eau pendant 
une demie-heure, & pendant deux heures. Enfin , j’y en 
lai fiai d’autres pendant plus de neuf heures de fuite, & 
je vis que les abeilles qui avoient relié dans l’eau pendant 
ce temps, & qui au bout d’une minute ou deux y avoient 
paru mortes, ne l’étoient pas réellement. Quoique neuf 
heures doivent paraître un temps bien long pour un ani¬ 
mal dans un tel état, je ne fçai pas fi c’elt le terme de 
celui où nos mouches y peuvent refier vivantes. J’en ai 
eu que j’ai retirées de l’eau mortes au bout de 21 heures, 
6 l on pourrait même en retirer de mortes au bout de trois 
à quatre heures. Le plus ou le moins de vigueur des mou¬ 
ches qu’on met à une telle épreuve, peut faire qu’elles 
la foûtiennent plus ou moins long-temps. La tempéra¬ 
ture de l’air ou plûtôt celle de l’eau , doit aufii entrer pour 
beaucoup dans le fuccès. Mes expériences ont fiemblé 
prouver le contraire de ce qu’on aurait peut-être attendu, 
que les abeilles vivent plus long-temps dans de l’eau 
froide que dans de l’eau chaude. Il y a pourtant en 
ceci des limites qui peuvent être déterminées par des ex¬ 
périences que je 11’ai point tentées, parce que le principal 
objet que j’avois-en vue, ne demandoit pas que je les fifie» 
Celles que j’ai rapportées ont été faites dans un lieu où 
la température de l’air étoit marquée par fept à huit de¬ 
grés au-deffiis de la congélation, & où celle de l’eau étoit 
apparemment à peu près la même. Mais j’ai remarqué afies 
conftamment ce qu’on devoit attendre, que les abeilles qui 
avoient été plus long-temps couvertes d’eau, étoient aufii 
plus long-temps à fe ranimer. Quand on les en tire, elles 
11e différent en rien des abeilles mortes ; elles ont alors 
pour la plupart, leur trompe allongée ; j’en ai pourtant 
vû quelques-unes, mais très- peu , qui l’avoient pliée. 

Après que je les avois retirées de l’eau, je commençois 


des Insectes. X. Mem. 541 
par les effuyer, & je les mettois enfuite fur un papier 
près du feu, mais pourtant à une diftance telle que ma 
main y eût pu relier fans foulfrir. Quelquefois aulïi je 
les tenois dans lin poudrier. Attentif alors à leur état 
pour lequel j’étois inquiet, j’examinois fi elles donnoient 
quelques figues de vie. C’ell ordinairement par le bout 
de leur trompe qu’elles commencent à en donner ; il 
elt la première de leurs parties extérieures où l’on apper- 
çoit un petit mouvement; il le courbe un peu , & quel¬ 
quefois il fe redrelfe enfuite : on revoit fouvent trois ou 
quatre de ces mouvements dans le bout de la trompe 
avant que d’en découvrir dans aucune partie du corps. Le 
bout de quelqu’une des jambes en fiait voir enfuite de 
fcmblablcs. La trompe recommence à fe mouvoir; les 
bouts de quelques autres jambes fe meuvent à leur tour. 

Les mouvements fe font enfuite dans une plus grande 
portion de chaque jambe; quelqu’une d’elles paroît avoir 
repris tou tes fes forces, & les autres reprennent les leurs fuc- 
celfivement : la trompe fe plie, & enfin la mouche devient 
en état de marcher & de voler. Celles qui n’ont pas été 
tenues long-temps dans l’eau , font voir du mouvement 
au bout de leur trompe dans la minute même où on les 
a approchées du feu. Celles qui ont été plus long-temps 
fous l’eau, relient quelquefois fept à huit minutes ou plus 
auprès du feu avant que de faire aucun mouvement. Mais 
quand elles ont une fois donné un figne de vie , elles font 
en état de marcher en moins de trois à quatre minutes. ' 

Des lettres imprimées en différentes années du Mercure 
Suide *, & qui ont été diélées par un vrai amour pour le * 
genre humain, nous ont confirmé une vérité de l’efpéce 173+ & 
de celle dont nous venons de parler, mais bien autrement 175 
importante, ôc qui ne devroit être ignorée en aucun pays» 

C’ell que les hommes mêmes 11e perdent pas la vie fous 

-Y y y iij 


542 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’eau auffi vite qu’on le croit communément. Qu’entre 
ceux qu’on retire de l’eau fous laquelle ils ont été retenus 
pendant plufieurs heures, il y en a qui, quoiqu’ils pa¬ 
rodient parfaitement morts, pourraient être lamés fi on 
tentoit pour leur redonner la vie, tout ce que l’amour 
que nous nous devons mutuellement voudrait qu’on ten¬ 
tât ; c’efl-à-dire, li on les foignoit, fi on les chauffoit, fi 
on les agitoit, li on leur failoit prendre des liqueurs fpii i- 
tueulès, fi on introduifoit dans leurs inteflins, ibit de l’air, 
l'oit de la fumée de tabac, l'oit certaines liqueurs chaudes, 
&c. & c’eft ce qui efl prouvé par des faits qu’on doit lire 
avec plaifir, & dont on devrait chercher à inftruire les ha¬ 
bitants de tous les lieux fitués fur les bords des rivières, 
des lacs, & de la mer. 

Mais pour revenir à nos abeilles, dès que j’ai été affés 
certain par le fuccès des expériences que j’ai rapportées, 
du temps pendant lequel elles peuvent être tenues fous 
l’eau fans y périr, je n’héfitai point à profiter du moyen 
que ces expériences me fourniffoient d’examiner toutes 
les mouches d’une ruche, l’une après l’autre. Ce fut vers 
la fin de Décembre que j’en fis ulàge pour la première 
fois. Je voulois fçavoir s’il étoit bien vrai qu’il n’y 
eût alors qu’une mere dans chaque ruche, & qu’il n’y 
eût pas un feul mâle. ALa première épreuve fut faite fur 
une ruche peu peuplée ; il me fut aifé de fçavoir pré- 
cilément le nombre de les mouches, il n’alloit qu’à en¬ 
viron 2500. Le froid du jour, & le befoin que j’avois 
d’avoir du feu dans la fuite de l’opération, me détermi¬ 
nèrent à la faire dans mon cabinet. J’y fis apporter un 
bacquet qu’on remplit d’eau. La ruche dont je voulois 
avoir toutes les abeilles à ma difpofition, étoit vitrée, & 
une de celles que j’ai fait compofer de plufieurs boîtes 
* PL M-fîg- pofées les unes lur les autres*. Les trois boitesfupérieures 


des Insectes. X. Mem. 543 
étoient les feules qui euffent des gâteaux de cire & des 
abeilles. On lépara ces trois boîtes des autres, &dès qu’on 
les en eut lëparées, 011 les plongea dans l’eau; on les y 
enfonça même, jufques à ce qu elle s’élevât de quelques 
pouces au-dellus de la boîte fupérieure: elles ne tardè¬ 
rent pas à en être remplies; & bientôt toutes les abeilles 
furent plus baignées qu’elles ne l’euffent voulu ; bientôt 
la doie du bain devint trop forte pour la plupart des mou¬ 
ches; il leur ôta toute faculté de le mouvoir. Je conti¬ 
nuerai pourtant à me fervir de l’cxpreffion de baigner 
les abeilles, plûtôt que de celle de les noyer, parce que 
réellement on ne les noyé pas dans cette opération, 
quoiqu’on les baigne outre mefure. La boîte inférieure 
étoit ouverte par deffous; les fluctuations de l’eau en fai— 
foient lôrtir des mouches que leur légèreté portoit à la 
furface. Le plus grand nombre de celles-ci ne paroifloit 
plus animé; il y en avoit pourtant quelques unes plus 
vigoureufës que les autres, ou fur leiquelles l’eau avoit 
moins opéré, qui battoient des ailes, mais fur un liquide 
contre lequel elles ne pouvoient agir avec fuccès. C etoit 
leur épargner des tourments, & les mettre plutôt dans 
l’état où je les vouiois, que de leur faire perdre leur refle 
de forces; pour cela, on les enfonçoit dans l’eau avec le 
premier infiniment qu’on trouvoit Ions fa main. Enfin, 
on retourna fans déifias deffous les boîtes qui formoienr 
la ruche. Une partie des mouches qui y étoient refiées 
comme plus'légeres que l’eau, s’élevèrent bientôt à fa fur- 
fice ; on détacha enfuite tous les gâteaux de cire les uns 
après les autres. Si à mefure qu’on en avoit retiré un de 
la ruche Si de l’eau, on le balayoit fucceffivement des 
deux côtés avec une plume, pour faire tomber dans le 
bacquet les mouches qui s’étoient cramponnées contre ce 
gâteau, & qui nel’avoient point abandonné depuis quelles 


544 Mémoires pour l’Histoire 

s en ctoient faifies, comme les malheureux té làififènt dans 
un naufrage de la première planche qu’ils trouvent. Aucun 
naufrage, aucune inondation, fut-elle plus confidérabie 
que celle du Gange qui arriva il y a quelques années, ne 
fait voir fur les eaux à la fois autant de corps humains qu’il 
y avoit d’abeilles fur la furface de l’eau du bacquet. 

Quand le bain eut mis tant de mouches dans un état 
parfaitement femblable à celui de mort, on s’occupa à les 
pécher: c’cll ce qui peut être fait dans un temps affés 
court; & la cuiline fournit pour le faire deux fort bons 
inflruments, une écumoire & une paffoire à pois. On 
laifToit.égouter pendant un inflant celles qu’on avoit en¬ 
levées avec l un ou avec l’autre. J’avois eu foin de faire 
difpofer une très-grande table affés près du bacquet, dont 
plus d’une moitié étoit couverte de lèrviettes qui y étoient 
étendues, & dont l’autre l’étoit de feuilles de papier gris. 
Dès que les abeilles dont l’écumoire étoit remplie, étoient 
un peu égoutées, on la renverfoit fur une des ferviettes; 
en peu de temps, toutes les mouches furent ainfi tranfpor- 
tées fur la table. L’eau fut bientôt écumée de toutes celles 
qui H ottoient à fa furface. C etoit un fpeélacle affés fingu- 
licr, & qui avoit cependant quelque choie de trille, de voir 
tant d abeilles fi aétives & même fi redoutables quelques 
inflants auparavant, en tas, ou étalées fur la table, fans 
aucune apparence de vie. Des gens qui ne font pas ordi¬ 
nairement fort compatifTants pour les animaux, plulieurs 
domefliques qui étoient autour de moi, jxaur m’aider 
dans les différentes manœuvres, paroiffoient touchés de 
ce fpeélacle ; ils ne pou voient s’empêcher de four ire, lorf- 
que je dilois qu’on verroit peut-être encore ces mêmes 
abeilles apporter de la cire & du miel à la ruche; ils le 
difoi.en.t entr’eux, & tout bas, qu’ils voleroient eux-mê¬ 
mes, fi jamais ces mouches lé fervoient de leurs ailes. 

Elles 


des Insectes. X. Mem. 545 
Elles étoient dans letat où je les voulois, aulîî traita¬ 
bles aflurément qu’on pouvoit les defirer ; & mes expé¬ 
riences précédentes me raiïuroient contre toutes les appa¬ 
rences , & me promettoient qu elles retourneroient à la 
vie dès que je voudrais les faire vivre. Mais avant que de 
le vouloir, il falloit remplir l’objet de mon expérience, 
les examiner une à une pendant qu’elles me permettoient 
de le frire à l’aile. J’avois avec moi une perfonne qui aime 
i’Hiftoire naturelle, &qui m’a fourni des obfervations qui 
font entrées dans les volumes précédents, & plus que des 
obfervations, des deffeins très-parfaits; qui feconnoiffoit 
comme moi en abeilles de différent fexe; elle les avoit def 
fmées. Elle & moi, nous nous mîmes à les examiner, à 
les trier, pour ainfidire, une à une, avec plus de foin qu’on 
n’en apporte à trier les grains de caffé. Ce que je voulois 
fçavoir, c’étoit principalement fi nous trouverions une 
mere, & fi nous n’en trouverions qu’une, & fi nous ne 
trouverions aucun mâle, parce que c’étoit le temps où il 
n’y en devoit pas avoir. Carfuppofé qu’il n’y eût qu’une 
mere & point de mâle, f par la fuite après avoir rendu 
la vie à cette mere, elle pondoit des œufs féconds, il étoit 
prouvé inconteflablement que les meres n’ont pas befoin 
d’avoir des mâles dans le temps qu’elles pondent ; & qu elles 
ont été privées de tout commerce avec eux pendant plu- 
fieurs mois qui ont précédé celui où elles recommencent 
leur ponte. 

Nous mettions à l’écart d’un plus gros tas, un tas d’a¬ 
beilles gros comme un petit œuf; nous efïuiyons bien 
avec la ferviette celles dont il étoit compofé; & pour les 
mieux féchcr, nous les faifions paffer fur un papier gris 
où nous les examinions les unes après les autres. Toutes 
celles qui avoient palfé par l’examen, & qui étoient féches 
déjà en partie, étoient jettées dans un poudrier; & quand 
Tome V . Zzz; 


546 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRÉ 
on jugeoit y en avoir fait entrer affés, on le fermoit avec 
un couvercle quelquefois de papier gris, & quelquefois de 
gaze. Enfin on portoit ce poudrier auprès du feu, qui 
devoit achever de fécher les abeilles. 

A peine le poudrier avoit refié quelques inflants auprès 
du feu, qu’on voyoit plufieurs de les mouches fe ranimer. 
Diverfes circonftances avoient fait & feront néceffairement 
en toute opération pareille, que toutes les mouches ne fe¬ 
ront pas tenues fous l’eau pendant un temps également 
long; auffi y en avoit-il quelques-unes fur la table même 
qui commençoient déjà à fe mouvoir; & parmi celles qui 
fembloient les plus mortes, il y en eut qui me donnèrent 
des fignes de vie qui me déplurent, & qui leur furent 
plus funefles que le bain. Je prenois avec ma main 
des poignées de celles qui fembloient les plus privées de 
vie, & je les y étendois pour les examiner plus vite & 
de plus près; je ne me deliois aucunement d’elles; je ne 
penfois pas que la chaleur que je leur communiquois leur 
redonneroit bientôt des forces; que quelques-unes qui 
n’en avoient pas repris affés pour marcher, en avoient 
affés pour me piquer. Comme fi le defir de la ven¬ 
geance ne les eut point quittées, comme s’il eut été ce 
qui les ranimoit, avant que d’avoir pû mouvoir ni ailes 
ni jambes, elles faifoient fortir leur aiguillon, & l’enfon- 
çoient dans ma chair. Je fouffris plus de dix à douze 
piquûres pareilles, & cela, parce que je croyois que 
j’avois été piqué les premières fois pour avoir pris avec 
les mouches qui fembloient parfaitement mortes, de 
celles qui étoient revenues de leur état léthargique. Ce 
ne fut qu’après avoir éprouvé que les premières même 
étoient à redouter, que je ceffai d’en prendre dans ma 
main. Le vrai efl que les piquûres que je reçus furent 
bien moins douloureufes que ne le font les piquûres 


des Insectes. X. Mem. 547 
ordinaires de ees mouches. La force renaiffante de l’abeille 
fuffifoit pour faire pénétrer l’aiguillon dans ma chair ; 
mais elle ne fuffifoit pas pour comprimer alfés la vejffie 
à venin, pour faire paffer ailes de liqueur cauftique dans 
la bleffure. Si pourtant on tient les abeilles fous l’eau plus 
long-temps que je ne l’avois fait, on n’aura rien à en 
craindre; & ce fera pour elles-mêmes un bien, puifqu’on 
Içait que celles qui ont piqué, & laiflé comme elles lail- 
fent ordinairement leur aiguillon dans la playe, périflent 
bientôt. 

Nous avions examiné plus des deux tiers des abeilles, 
lorfque nous parvînmes à trouver une mere ; elle fut la 
feule que nous trouvâmes, & la feule aulfi qui fut dans la 
ruche. S’il y en eût eu une autre, il n’étoit pas polfible 
quelle nous eût échappé. Nous n’étions pas moins atten¬ 
tifs à chercher des mâles; mais malgré toutes nos atten¬ 
tions, qui furent poulfées jufques au fcrupule, nous ne 
pûmes en trouver un feul. Alfés de fignes extérieurs les 
rendent aifés à reconnoître : de crainte pourtant que ces 
fignes ne nous trompalfcnt, dès que quelque mouche 
nous paroilfoit un peu plus grolfe que les autres, pour 
nous affiner qu’elle n’étoit pas un faux-bourdon, nous ne* 
manquions pas de lui prelferle ventre; l’aiguillon que nous 
faifionsfortir ne nouspermettoit plus d’avoir aucune incer¬ 
titude. Nous venons de faire entendre qu’entre les abeilles 
ordinaires d’une ruche, il y en a de plus grolfes les unes que 
les autres; mon Jardinier qui les remarquoit bien, lesnom- 
moit les fuilfes de la reine. Ces mouches peuvent pour¬ 
tant ne paroître plus grolfes, que parce qu’elles ont le ven¬ 
tre plus plein de miel ou de cire brute. 

Enfin, toutes les mouches furent mifes dans neuf à 
dix poudriers, dont il v en avoit un extrêmement grand ; 
tous furent portés auprès du feu. On ne donna que peu de 

» Z z z ij 


548 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
mouches à celui où la mere fut renfermée, peut-être 
une cinquantaine. Nous étions plus inquiets pour le fort 
de cette feule mere, que pour celui de toutes les autres 
abeilles enfemble; leur vie dépendoit de la fienne; fi elle 
périlfoit, toutes dévoient périr, la ruche devoit être dé¬ 
truite. Il n’y en avoit point qui parût plus morte. Nous la 
tinmes alfés long-temps fur nos mains ; nous la maniâmes, 
mais doucement, à bien des reprifes, car tout le monde 
en pareil cas veut voir & manier une mere abeille. Nous 
ne pûmes appercevoir le plus leger mouvement dans au¬ 
cune de les parties; elle fe ranima pourtant, mais un peu 
plus tard que plufieurs de celles qui étoient dans l'on pou¬ 
drier. 

Si le fpeélacle des mouches étalées fur une table où 
elles paroilfent toutes fans vie & bien noyées, avoit eu 
quelque chofe de trille, la fcene étoit changée; on les 
voyoit avec piaifir refTu(citer, en quelque façon, dans tous 
les poudriers qui étoient autour de la cheminée. Après 
leur avoir vû remuer le bout de leur trompe, & les bouts 
de leurs jambes, leurs jambes achevoient de fe dégour¬ 
dir, elles fe pofoient delfus, elles marchoient; & à mefure 
quelles achevoient de lécher, elles prenoient plus de vi¬ 
gueur. Quoiqu’on les eût elfuyées, elles n etoient pas par¬ 
faitement féches ; afin que l’eau qui s’en évaporoit, ne 
le ralfemblât pas en trop grande quantité fur le fond du 
poudrier, chaque poudrier étoit renverfé, l’eau s’en écou- 
loit au travers du papier gris, ou des mailles de la gaze qui 
faifoit le couvercle. Quand les abeilles font mouillées, 
elles font brunes, même noirâtres ; en féchant, elles deve- 
noient roulfes. On les voyoit monter à la partie fupérieure 
du poudrier, s’y accrocher,& s’accrocher les unes aux autres, 
former, foit desgrouppes, foit des guirlandes, foit d’autres 
figures, comme elles en forment dans les ruches ordinaires 


des Insectes. X Mem. 549 
en fe cramponnant les unes aux autres. Dès que quelques- 
unes de celles qui étoient dans le poudrier où étoit la 
mcre, furent en état de marcher, elles parurent oublier 
l’état languiflant où elles étoient elles-mêmes, pour 1e 
placer autour d’elle, pour en prendre foin. Le premier 
ufage quelles firent de leur trompe, fut de s’en fervir à 
la lecher. 

Pendant que toutes les mouches rctournoient à la vie, 
on failoit lécher leur ancienne habitation, & quelques-uns 
des gâteaux de miel qu’on en avoit tirés, qu’on arrêta en- 
fuite avec de petits hâtons au haut de la ruche. Toutes 
•les parties dont elle étoit compofée, furent renfilés en 
place, & elle fe trouva préparée pour recevoir fes anciennes 
habitantes, qui étoient en état elles-mêmes d’y retourner, 
& d’y faire leurs manœuvres ordinaires. On la renverfa 
pourtant le haut en bas,parce qu’il parut commode d’ou¬ 
vrir une des fenêtres qui étoient proche du fond, & qu’on 
vouloit faire tomber les abeilles fur les gâteaux de miel. 
Par cette fenêtre ouverte, on vuida les poudriers les uns 
après les autres. Celui où étoit la mere futvuidé le troi- 
fiéme; ainfi, quand elle entra dans la ruche, il y avoit déjà 
alfcs de mouches pour lui compofer une nombreufe cour, 
& quand les abeilles des autres poudriers furent miles dans 
la même ruche, elles fe trouvèrent.réunies à leur reine. 
Avec un petit balai compofé de quelques plumes, on 
faifoit rentrer dans la ruche, celles qui en vouloient fortir. 
Enfin, quand toutes y furent logées, on ferma la fenêtre, 
& la ruche fut portée auprès du feu, qui devoit achever 
de la fécher & les mouches qui pouvoient être humides, 
ôl leur donner de la vigueur. Cette ruche peuplée de mou¬ 
ches très-vives, qui toutes avoient été comme noyées Sc 
étendues fur une table à trois heures & demi après midi, 
fe trouva vers les fix heures repeuplée par les mêmes 

Zzz iij 


550 Mémoires pour l’Histoire 

mouches qui avoient repris toute leur activité. La plupart 
relièrent auprès du feu dans des poudriers, pendant plus 
de deux heures ; il en périt très-peu, moins que dans les 
opérations les plus ulitées pour faire palfer les mouches 
d’une ruche dans une autre ; il n’en coûta la vie qu’à quel¬ 
ques-unes de celles qui étoient dans des cellules, & qui 
furent difficiles à en ôter, & à celles qui s’aviférent de fe 
fervir de leur aiguillon. 

Je me fuis arrêté volontiers à détailler cette première 
expérience, non-feulement parce qu’elle eh curieufe par 
elle-même, & qu’elle a été le modèle de plufieurs autres 
que j’ai répétées dans la fuite, mais encore parce qu’elle 
eh une fource féconde de beaucoup d’expériences fin- 
guliéres & même utiles, qui peuvent être faites fur les 
abeilles. Elle ne me donna pourtant pas toutes les con- 
noiffimces que je m’en étois promis ; car j’elpérois 
qu’elle m’apprendroit incontehablement h une mere qui 
fe trouvoit en Décembre dans une ruche où il n’y avoit 
aucun mâle, feroit au printemps des œufs féconds; & cette 
mere ne vécut pas j niques à ce temps-là; elle périt avec 
toutes fes compagnes vers le 20 Janvier. L’opération 
qu’avoient foufferte ces mouches, ne fut pourtant pas la 
caufe de leur mort. Je ne les laiffiù pas manquer de miel. 
Avant que de quitter .la campagne, j’eus de plus l’attention 
de les mettre dans une chambre; mais elles 11’y furent pas 
encore affiés chaudement ; j’ai tout lieu de croire qu’un froid 
affiés confidérable qui furvint vers la mi-Janvier, les fit périr: 
elles étoient toutes mortesle 20. Les mouches d’une autre 
ruche auffi peuplée, périrent toutes dans la même cham¬ 
bre huit à dix jours plutôt. Des mouches de plufieurs 
autres ruches que j’ai baignées dans la fuite, m’ont affiés 
prouvé qu’elles peuvent très-bien foûtenir cette opéra¬ 
tion , qui peut nous procurer dans la fuite beaucoup de 


des Insectes. X. Mem. 551 
connoifTances par rapport à i’hiftoire de ces mouches, 
parce qu’elle donne la facilité de faire une infinité d’ex¬ 
périences qu’on n’eût pas ofc fe promettre de tenter; nous 
allons en indiquer quelques-unes, tant de celles que nous 
avons faites, que de celles que nous nous propofons de 
faire, & que des curieux pourront faire comme nous. 

Le temps qu’une ruche fubfifie ne conclut rien pour 
la durée de la vie des mouches qui l’habitent. Une ruche 
•pourroit durer dix ans, quoique les abeilles ordinaires y 
vêcuflent à peine une année, & quoique la durée de la 
vie d’une mere ne fût que de douze à treize mois, & cela, 
parce que toutfe rénouvelle dans une ruche comme dans 
une grande ville. Les mouches qui naiffent remplacent 
celles qui périflent. On peut fe mettre en état de l'çavoir 
fi la vie de la mère efi; de plufieurs années , & fi celle des 
abeilles ordinaires n’cft que d’un an. Après avoir baigné 
les abeilles d’une ruche & les avoir bien efluyées, rien ne 
fera plus ailé que de leur faire à chacune une tache de 
quelle couleur on voudra avec un pinceau. Elles n’en 
feront point incommodées, fi on met la tache fur leur 
corcelet. Pour cette expérience, on fe fervira d’un vernis 
qui puilfe féchcr alfés vite. Je me fuis fervi pour l’ordi¬ 
naire de celui à lacque fait avec de l’efprit de vin. Tantôt je 
les ai colorées de rouge, tantôt de jaune & quelquefois de 
bleu, iorfque je ne voulois pas que les abeilles portalfent la 
même livrée. Je n’ai pas eu cependant encore la patience 
de vernir toutes les abeilles d’une ruche, quoique celle qu’il 
eût fallu n’eût pas été bien grande; mais j’en ai au moins 
verni cinq cens d’une même ruche, qui, malgré leur nou¬ 
vel habit, ne furent pas plus mal reçues de celles avec 
lelquelles elles étoient en focieté. De ces cinq cens abeilles 
marquées de rouge en Avril, & que je reconnoiffois dans 
les mois fiiivants lorfqu’elies alloient à la campagne, je 


552 Memoir.es pour l’Histoire 

lien vis pas une en vie clans le mois de Novembre. Pendant 
ceux de Septembre & d’Oétobre j’avois été éloigné de mes 
ruches. 

Ceft un moyen fur de réunir dans une même ruche, 
îans guerre & fans combats, les abeilles de plufieurs ruches 
différentes, que de les y mettre enfemble après les avoir 
tirées du bain. On les accoutume à vivre enfemble, lorf- 
qu’après les avoir léchées, on a eu attention de renfermer 
dans le même poudrier, de celles des différentes ruches. 
Etre revenues à la vie dans le même lieu, équivaut à 
être nées dans la même habitation. 

C’eft auffi par ce moyen qu’on peut donner & que j’ai 
donné en différents temps de l’année, tout autant de rneres 
que j’ai voulu à une même ruche peuplée. On peut dis¬ 
tinguer ces meres les unes des autres, par des marques de 
différentes couleurs fur le corcelet. On peut faire porter 
la livrée de chaque mere aux abeilles qui étoient dans fa 
ruche; & on verra fi ces abeilles lui feront plus dévouées 
qu’aux autres meres. 

On peut par ce moyen faire des échanges de meres, 
donner à une ruche la mere d’une autre ruche, & réci¬ 
proquement. 

Quelle manière plus aifée peut-on avoir de s’afîurer, 
fans faire périr les abeilles, s’il n’y a pas des temps où il y 
a plufieurs meres dans une ruche, combien il y en a dans 
la ruche qui eff prête à donner un effaim ! C’eft auffi le 
moyen auquel j’ai eu recours pour m’en inftruire. 

Dès qu’on aura marqué une mere dans la faifon con¬ 
venable , on pourra fçavoir fûrement fi le nouvel effaim 
eft conduit par une jeune mere, comme il y a grande 
apparence qu’il l’eft, ou s’il eft conduit par la vieille mere. 
Mais pour revenir à l’ufageque j’ai fait de ce moyen, pour 
m’affûrer par le plus exaét examen, que jufques à ce que 

le temps 


des Insectes. A". Man. 533 

îe temps des e (Faims approche, ii n’y a dans chaque ruche 
qu’une feule mere, & quelle y multiplie alors fans mâle, 
je dois dire que je baignai les abeilles de trois ruches les 
premiers jours d’Avril; l’une le 5, l’autre le 9, & l’autre le 
i f, & que j’en baignai deux autres à la fin du même mois, 
le 25. Dans chacune de ces cinq ruches, je ne trouvai 
qu’une mere, Si je ne pus y trouver un feul mâle. 
Dans celle qui fut baignée le 1 1, & de même dans celles 
qui le furent le 2 5, il y avoit du couvain dans tous les 
états, Si des œufs récemment mis au jour. Ces meres 
avoient donc pondu, Si leurs œufs avoient réuffi quoi¬ 
qu’elles fufFent privées de mâles. Quand on voudroit 
poufîer la fuppofition jufques à imaginer que les mâles 
•étoient péris hors de chacune des ruches quelques jours 
avant l’opération que j’avois fait foûtenir aux mouches, 
on feroit au moins obligé d’avouer, que les meres peu¬ 
vent continuer leur ponte long-temps après que leurs 
mâles font morts; car ces meres pondirent bientôt, & 
donnèrent naiffance à des abeilles dans les nouvelles ru¬ 
ches où je les fis paffer. Mais il n’y avoit ni couvain ni 
œufs dans les gâteaux de la ruche que je baignai le 3 Avril, 
Si la mere que j’en retirai ne fut pas long-temps dans le 
nouveau logement que je lui donnai, fans m’apprendre 
qu’elle étoit féconde. 

Au lieu de m’arrêter à prouver davantage un fait qui 
n’a plus befoin de l’être, je dois apprendre à ceux qui 
feront curieux de baigner des abeilles, que les bains que 
j’ai répétés ne m’ont pas tous aufli bien réuffi que le 
premier ; qu’il m’eft arrivé plus d’une fois de perdre 
plus des trois quarts des abeilles, Si quelquefois plus des 
fept huitièmes. Ce n’eft qu’après avoir fait Si refait plu- 
fieurs fois les opérations, même les plus fimples, qu’on 
parvient à fçavoir éviter tous les accidents qui peuve t eu 
TomeV* . A a a a 


554 Mémoires pour l’Histoire 

empêcher la réuflitc, qu’on parvient à les faire aulfi par- 
faitement qu’il eft polîible. Les inconvénients à éviter 
pour faire réuffir le bain des abeilles, peuvent être di- 
vilés en ceux de deux temps différents, en ceux qui arri¬ 
vent depuis qu’on baigne les mouches jufques à ce qù’on 
les ait tirées hors de l’eau, comme noyées ; & en ceux 
qui arrivent depuis qu’elles ont été tirées de l’eau jufques 
à ce qu’elles foient remifes en ruche. 

Plus on les baignera en grande eau 6 c moins on aura 
à craindre du bain, comme bain. Pour avoir baigné deux 
ruches de fuite dans l’eau d’un même tonneau qui n’a voit 
gueres plus de diamètre que les ruches que j’y fs entrer 
fucceffivement , je perdis prefque toutes leurs abeilles. 
Lorfque la quantité d’eau qui lave les gâteaux de miel 
eft petite, cette eau lé trouve bien- tôt trop emmiellée par 
les abeilles mêmes qu’on fait entrer dedans. L’état vio¬ 
lent où elles fe trouvent, les oblige à fe vuider par les deux 
bouts; elles jettent alors du miel par leur trompe, 6 c 
rendent des excrements mielleux. L’eau dans laquelle trop 
de miel 6 c trop d’excrcments gluants ont été délayés,, 
devient elle-même trop gluante. Les abeilles mouillées 
de cette eau , font dans un état femblable à l’état de 
celles qui ont été enduites d’huile. La matière vifqueufe 
qui s’introduit dans leurs fligmates , s’y fixe pour n’en 
plus fortir ; elle arrête la refpiration , ou elle la rend 
trop difficile. On voit l’effet de cette eau , même fur le 
corps des abeilles ; celles qui n’ont été mouillées que 
par une eau ordinaire, 1e féchent vite, 6 c en féchant 
reprennent une couleur rouffe; au lieu que les autres ont 
beau lécher, jamais elles ne redeviennent rouffes, elles 
relient d’un brun luiftant. 

Pour éviter le mauvais effet d’une pareille eau, on aura 
deux grands bacquets l’un auprès de l’autre. Dans l’un de 



des Insectes. X Ment . 55j 

ces bacqucts , on fe contentera de plonger la bafe de la 
ruche julques à environ un pouce ou deux de haut; 
pendant qu’un homme lafoûtiendraen cet état, un autre 
battra delius avec une baguette. Les mouches inquiétées 
par les coups & le bruit de cette baguette, font détermi¬ 
nées à voler: plufieurs tombent dans i eau; le nombre de 
celles qui y tombent cil plus grand que celui des autres; 
en changeant un peu la ruche de place & en produifant 
des agitations dans l’eau, ces abeilles font conduites à la 
furface; on les prend à mefure avec une écumoire ou 
avec une paiToire à pois, & on les porte dans ic fécond 
bacquct, dans l’eau duquel celles qui avoient encore une 
apparence de vie, achèvent de la perdre. Enhn , on ne 
vient à plonger entièrement la ruche dans l’eau, que quand 
les mouches qui y relient font obllinées à lé tenir fur les 
gâteaux. Au bout de quelques inllants, on retire la ruche 
de l’eau , on détache les gâteaux, & on balaye avec une 
plume, les mouches qui font reliées delfus ; on les fait 
tomber dans le premier bacquct. Dans quelques-unes 
des opérations qui ont mal réulfi, je faifois détacher les 
gâteaux pendant que la ruche étoit fous l’eau Sc renverfée 
fins delïus delFous ; je nepenfoispas combien ce procédé 
étoit mauvais. Les gâteaux brifés lailfoient couler beau¬ 
coup île miel , év donnaient prife à l’eau fur celui qu’ils 
contenoient; l’eau en devenoit trop chargée. Un avan¬ 
tage encore qu’il y a â battre la ruche avant que de la 
plonger entièrement dans l’eau , c’ef qu’il relie très-peu 
de mouches dans les cellules ; les coups de baguette les 
déterminent à en fortir: outre qu’il y a toujours du rifque 
à les en tirer lorfqu’elles ont perdu tout mouvement, cela 
efl long. 

Après avoir fiit palier les mouches dans le fécond 
bacquct, quand elles y paraîtront toutes mortes, on les 

Aaaa i; 


556 Mémoires pour l’Histoire 

portera fur des ferviettes étendues fur une grande table, 
foit dans une chambre, foit à l’air, félon la laifon. Avec 
les ferviettes on elfuycra les mouches, & on les rendra le 
plus lèches qu’il fera poffible. Je perdis une grande partie 
des abeilles d’une ruche, pour m’être contenté de les laiffer 
un peu égouter fur une table de bois fur laquelle clics 
éioient immédiatement polées, &. pour les avoir miles, 
trop mouillées dans des poudriers. 

J’en perdis encore beaucoup de celles d’une autre ru¬ 
che , qui cependant avoient été alfés bien effuyées, parce 
que j’en mis une trop grande quantité dans chaque pou¬ 
drier. A peine avois-je biffé le quart ou le tiers du pou¬ 
drier vuide ; & c’en efl trop que le quart foit plein. En 
pofant les premières immédiatement fur le bois, j’avois 
voulu mettre hors de rifque de périr, celles qui repren¬ 
draient trop tôt des forces, hors de rifque de piquer, com¬ 
me elles le font fouvent, les ferviettes, & d’y laiffer leurs 
aiguillons. Mais quand on les a tenues affés de temps dans 
l’eau , on a celui de les effuyer avant qu’elles deviennent 
en état de piquer. Pour ne pas courir le rifque foi-même 
de fentir l’aiguillon de quelques-unes, il faut prendre 
avec une cuiilier d’argent, le tas qu’on vient d’efîiiyer &. 
qu’on veut faire entrer dans le poudrier. 

Les poudriers de verre dont je me fuis fervi pour plu- 
fieurs operations de cette efpcce, & pour plufieurs même 
qui ont très-bien réuffi , font cependant des vafes des 
moins propres pour achever de Lire fécher les abeilles. 
La plus grande partie de l’eau que la chaleur fait évapo¬ 
rer du corps des mouches, s’attache contre le verre, elle 
remouille les abeilles. Or, & c’efl une remarque que j’ai 
eu occafion de faire plus de fois que je ne l’euffe fouhaité, 
la chaleur qui ne ferait propre qu’à ranimer les abeilles 
dans toute autre circonftance, fait promptement périr 


des Insectes. X. Mem. y57 

celles qui font mouillées. Plufieurs fois après avoir vu 
toutes les abeilles d’un poudrier ranimées & en mouve¬ 
ment, je les ai vû périr toutes en moins d’un quart d heure, 
fans que je pu (Te attribuer leur mort à d’autre caufe qu’à 
la chaleur qui avoit fait pénétrer l’eau dans leurs fligma- 
tes , quoique cette chaleur n’eut pu être qu’agréable à des 
mouches plus lèches ou tenues dans un lieu moins hu¬ 
mide. 

J’ai penfé à un moyen de leur faire fou tenir la meme 
chaleur fans danger ; j’ai fublîitué aux poudriers de verre,, 
d’autres vafes,que je nomme des féchoirs, &. qui en font; 
ils ont tous les avantages qu’on peut leur fouhaiter. Ce 
font desefpécesde paniers* en formede bouteilles, dont * pi . 3 
les parois font de toile à tamis la plus grolfiére & par confé- 2- 
quent la plus claire. Quatre montants * du même bois dont * Fig. 
on fait les paniers, font attachés par chacun de leurs bouts 
à un cercle, à un anneau de même matière. Un des an¬ 
neaux plus grand que l’autre, fait le fond du l'échoir, Sc 
le plus petit en fait le collet. C’ed fur ce bâtis qu’on coud 
une toile à tamis qui l’environne de toutes parts. On le 
contente pourtant de la coudre autour de l’anneau du 
collet* au-delfus duquel elfe s’élève, & au-delfus duquel * Fig. 
on la lie avec un ruban *, comme on lie la gueule d'un lac; * ff , 
& cela, lorfqu’on a mis dans le féchoir les abeilles qu’on 
y veut. Il feroit inutile de faire remarquer combien ces 
féchoirs ont davantage fur les poudriers de verre; mais 
je dois dire que ces mêmes féchoirs m’ont fait pcnler 
qu’après avoir elfuyé grolfiércment les abeilles, il n’y 
avoit rien de mieux pour les rdfuyer plus à fond, & 
fans les expofer à perdre leur aiguillon, que de les éten¬ 
dre fur de grands tamis, d’où on les tire enfuite avec une 
cuillier d’argent pour les mettre dans les féchoirs. On voit 
allés que la grandeur des féchoirs elt arbitraire. 

A a a a iip 


558 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

Ce qui eft très-important, c’eft de ne fonger à faire 
rentrer les abeilles dans une ruche, qu’après qu’elles ont 
repris toute leur vigueur, quaprès quelles font devenues 
bien ronfles, qu’après les avoir vues en grouppe ou en 
guirlandes dans les féchoirs. Pour métré trop prefle d’en 
remettre dans une ruche, il m’eft arrivé une fois de perdre 
prefque toutes celles que j’avois baignées; elles tombè¬ 
rent les unes fur les autres au fond de la ruche ; elles s’y 
trouvèrent raffemblées dans une mafle trop épaiffe, de 
dont l'humidité ne pouvoit s’échapper. Celles qui étoient 
au-deiïous des premières couches, &. à plus forte raifon 
celles qui étoient dans les dernières couches, étoient 
accablées par ie poids des mouches des couches l'upé- 
rieures, & clies étoient trop foibles pour s’en tirer. Les 
excrements qu’elles rendaient, humeétés par l’eau qui fe 
trouvoit entr’elles, s’étendirent fur leurs fligmates & les 
mirent dans un état où les fecours que je voulus leur 
donner trop tard, leur furent inutiles ; car ce ne fut que 
le lendemain, c’eft - à - dire, au bout de douze heures, 
que je les vis en fi mauvais état, & que je voulus les 
chauffer. 

Mais on aura un fuccès plus heureux, on perdra à 
peine quelques mouches de chaque ruche, fi on les 
baigne & féche avec les précautions qui viennent d’être 
indiquées. Les temps les plus chauds ne font peut-être 
pas les plus favorables à cette opération: outre les pre¬ 
mières abeilles que je baignai à la fin de Décembre, je 
baignai celles d’une ruche le 10 de Novembre au milieu 
d’un jardin, à des heures du matin oit le thermomètre 
n’étoit qu’à deux degrés j au-defïus de la congélation ; je 
perdis cependant auffi peu de ces abeilles qu’il eft pof- 
fibie d’en perdre dans le changement de ruche le plus 
heureux. J’ajouterai en paffant, que parmi ces abeilles qui 


des Insectes.!. Ment . 559 
furent baignées en Novembre, il n’y avoit qu’une feule 
mere, & aucun mâle. 

Quand on voudra baigner des abeilles dans les belles 
faifons de l’année, ce fera toujours le matin qu’il faudra 
ie faire. On doit même être attentif à choifir une journée 
où le Soleil fe leve brillant, & où on peut fe promettre 
de le voir tel plufieurs heures de fuite ; car alors tout 
s’exécute avec une grande facilité dans le milieu d’un 
jardin. Le Soleil même féche les abeilles qu’on vient 
d’effuyer fur la table, Si il achevé de les lécher Si de les 
ranimer quand il agit fur les féchoirs où on les a renfer¬ 
mées. On aura foin fur-tout de celui où eft la mere, Si 
de faire reprendre vigueur à celle-ci, Sc aux mouches 
qu’011 lui a données pour compagnes, ie plutôt qu’il fera 
polfible. Quand cette mere reparaîtra pleine de forces» 
on la fera entrer dans la ruche avec quelques centai¬ 
nes d’abeilles ; en voilà alfés pour faire entrer cnluite 
aifément dans la même ruche toutes les autres abeilles 
fur-tout, Si cette circonftance eft elfentielle, fila ru¬ 
che cft placée où étoit auparavant celle dont les mou¬ 
ches ont été baignées. Pour ne les y faire entrer que 
lorsqu'elles feront en bon état, on étendra une nappe 
ou plufieurs ferviettes devant cette ruche, c’eft-à-dire 
du côté où font les entrées. A mefure que les mouches 
d’un féchoir paraîtront avoir repris leurs forces, on le 
vuidera fur une des ferviettes. Là les mouches achève¬ 
ront de fe fécher; Si on verra bientôt celles qui feront 
en état de marcher, diriger leur route vers la ruche. On 
vuidera ainfi tous les féchoirs les uns après, les autres. 
Si leurs mouches rentreront dans la ruche ; il ne refera 
fur les ferviettes que celles qui auront perdu leur aiguil¬ 
lon , Si que celles à qui quelque autre accident aura ôté 
ia vie. 




560 MEMOIRES POUR l’HiSTOIRË 
Les opérations qui m’ont le plus mal réuffi, celles qui 
m’ont fait perdre le plus d’abeilles, m’ont fourni uneremar- 
que qui ne doit pas être oubliée, & qui a été confirmée 
par ce qui eft arrivé en d’autres circonftanccs ; c’eft qu’il 
fembie que la vie de la mere peut réfifler à ce qui eft 
capable de faire périr les abeilles ordinaires. Cela devoit 
être ainfi, puifque la vie de toutes les autres dépend de 
la fienne; & ce qui devoit être, eft. Les différentes opé¬ 
rations qui m’ont fait perdre tant de mouches ordinaires, 
n’ont jamais fait périr une feule mere, ou, plus exacte¬ 
ment, je n’en ai eu qu’une qui ait péri; mais ce fut par 
lin accident contre lequel la nature n’a pas eu befoin de 
prendre des précautions. Elle ne fut repêchée au fond 
d’un tonneau, qu’au bout de trois heures ; elle y avoit été 
entraînée par une croûte de terre qui avoit été détachée 
de deffus la ruche, & qui l’y avoit recouverte. L’écumoire 
-avec laquelle on la tirade-là lui caffa une jambe. Toutes ou 
prefque toutes les abeilles qui étoient auprès d’elle, ne 
revinrent point à la vie. La mere quoiqu’eftropiée reprit 
des forces, & je la confèrvai vivante pendant plufieurs 
jours. Après une nuit très-froide, j’ai trouvé quelquefois 
toutes les abeilles mortes ou mourantes fur le fond d’une 
ruche. Quand parmi ces abeilles, il y en a eu en état 
d’être ranimées par la chaleur, la mere a toujours été une 
de celles-ci. 11 eft vrai auffi qu’elle eft de celles qui font 
le moins expofées au froid, qu’elle eft couverte par les 
autres; & il eft vrai que toutes les autres la foignent autant 
qu’il eft en elles. Ses ftigmates, par exemple, ne feront pas 
auffi poiffés de miel, ou n’en referont pas auffi long-temps 
poiffés, que ceux des abeilles ordinaires; elle ne courra pas 
autant de rifque d’être étouffée par le miel; car ces der¬ 
nières lèchent la mere avec leur trompe, avec beaucoup 
plus de foin quelles ne lèchent une abeille commune. 

Indépendamment 


DES I N S E C T E S. X. Menu 5 6 I 
Indépendamment de ce que font les abeilles ordinaires 
pour confcrver la vie de leur reine, il m’a paru que cette vie 
précieufe peut fe foûtenir contre des accidents qui feroient 
funefles aux autres mouches, comme cela devoit être. 

N’avant trouvé confiamment qu’une feule mere dans 
chacune des différentes ruches que j’ai examinées dans les 
mois de l’année où il n’en devoit pas fortir d’clfaims, j’ai 
cherché à en voir plufieursà la fois dans celles où j’avois 
lieu de préfumer qu'il y avoit un clfaim prêt à partir. Les 
pluyes & les froids du printemps, ont rendu l’année 1739 
tardive en effaims. Aucune de mes ruches, ni aucune 
de celles de mes voifins , 11’en avoient encore donné, 
lorfque je me déterminai le 23 Mai, à en baigner une 
qui étoit h peuplée, que lorfque les nuits étoient chau¬ 
des , il y avoit des pelottons d’abeilles qui les paffoient 
en dehors de la ruche. Pendant le jour, j’en avois vû 
fortir des mâles. Quoique ces figues ne loient pas cer¬ 
tains , ils font pourtant de ceux qui annoncent la fortie 
prochaine d’un effaim. Les mouches de cette ruche ayant 
été tenues fous l’eau pendant le temps néceflaire pour les 
mettre dans un état femblable à celui des mouches mor¬ 
tes , elles en furent tirées & étailées fur une table. Trois 
perfonnes qui fe connoifïbient bien en meres, s’occupè¬ 
rent à les examiner une à une : afin même qu’on ics 
épluchât avec plus d’attention, & pour fatisfaire encore 
un autre objet de curiofité, j’exigeai qu’on les comptât. 
Je voulois fçavoir le nombre de mouches que pouvoir 
contenir un panier de grandeur ordinaire , lorfqu’il 
étoit bien rempli d’abeilles. La hauteur de celui-ci étoit 
environ de 19 pouces, & le diamètre de fa bafe de 17. 
J’avois l’œil fur mes ouvriers, qui avoient autant d’en¬ 
vie de trouver des meres, que j’en pouvois avoir qu’ils en 
trouvaiïbnt; en découvrir une en pareil cas, c’cft avoir le 
gros lot. On compta vingt-fix mille quatre cens vingt-fix 
Tome V. . B b b b 


562 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
abeilles communes qui avoient été baignées; je dis qui 
avoient été baignées, parce que toutes ne le furent pas. 
La ruche fut plongée dans l’eau à huit heures du matin; 
c’èft-à-dire, à une heure où il y en avoit déjà plufieursà 
ia campagne. On compta fept cens mâles. 

Malgré le grand nombre des mouches communes de 
ia ruche en quèftion; & quoiqu’il y eût déjà iept cens 
mâles transformés, on ne put parvenir qu’à trouver une 
feule mere. La ruche n’étoit pas auffi prête à donner un 
effaim que je l’avois cru. J’examinai tous les gâteaux avec 
foin ; j’y trouvai dix cellules à fémeiles, mais dont quelques- 
unes n’étoient encore qu’ébauchées, & dont les plus avan¬ 
cées n avoient pas à beaucoup près, toute la longueur 
qu’elles auroient eue par la fuite. Une feule & qui étoit la 
plus longue de toutes, avoit un ver encore ailés petit, & 
qui n’auroit pu être en état de fortir hors de fa loge fous 
la forme d’une mouche mere, de plus de 12a 15 jours. 
Ce n’étoit donc qu’après un pareil nombre de jours, qu’un 
eiïaim auroit pü prendre l’eilbr. Cette expérience prouve 
que dans les temps qui précédent de peu celui de lafortie 
d’un eifaim, les ruches les plus peuplées n’ont encore 
qu’une mere. 

La même expérience nous apprend de plus, qu’une 
ruche eft fournie de mâles avant que les vers qui doivent 
devenir des meres, foient en état de fe transformer. Dès 
que les mouches fémeiles fortent de leurs cellules, il y a 
dans la ruche plus de mâles qu’il n’en faut pour les féconder. 

La ruche dont je viens de parler avoit en tout cinq 
gâteaux de cire pofés parallèlement les uns aux autres. Je 
fus curieux de compter, mais groffiérement, le nombre 
de leurs cellules; c’eft-à-dire, qu’en prenant des termes 
moyens de longueur & de largeur, je réduifois chacun de 
ces gâteaux de forme irrégulière, à un gâteau de ligure 
reétangle. Suivant ce calcul groflicr dans lequel je ne crois 


DES I N S E C T E S. X. Mem. 563 
pis m’être trompé par excès, le nombre des cellules alloit 
à plus de cinquante mille. De ces cinquante mille cellules, 
il y en avoit plus de vingt mille pleines de couvain ; c’eft-à- 
dire, pleines, foit d’œufs, foit de vers, f'oit de nymphes. 
La mere avoit cependant le ventre rempli de plufieurs 
milliers d’œufs, d’autant de milliers qu’il pouvoir en con¬ 
tenir, & de beaucoup d’œufs prêts à être pondus. C’eff 
de quoi je fus infiruit malgré moi ; en la pouffant mal 
adroitement pour la faire entrer dans une ruche vitrée, 
je lui crevai le ventre ; des œufs auffi gros que ceux qui 
font dépofés dans les cellules, fortircnt par la bleffure. 11 
n’y avoit pas d’efpérance qu’une pareille pJaye pût être 
guérie, aufîi n’héfitai-je point à la faire périr fur le champ: 
je lui ouvris le corps; & ce fut ^ilors que je vis qu’il étoit 
plein d’œufs en tous états. Une partie confidérable, & pro¬ 
bablement la plus confidérable partie des mouches de la 
riche, c’eft-à-dire, de plus de vingt-huit à vingt-neuf 
mille, devoit fa naiffance à cette mere ; elle l’avoit donnée 
à plus de vingt mille autres mouches qui étoient encore 
dans les cellules fous la forme de couvain; &. cependant, 
elle avoit le corps plein de plufieurs milliers d’œufs. Voilà 
line fécondité bien étonnante. 

Parmi les cellules, il y en avoit environ deux mille cinq 
cens vingt de celles où les vers qui deviennent des mâles 
prennent leur accroiffement ; & plus de la moitié de ces 
cellules étoit occupée, foit par des vers, foit par des nym¬ 
phes dans lefqueiles ils s’étoient transformés. Nous avons 
dit ci-devant qu’on avoit trouvé fept cens mâles dans cette 
ruche; il auroit donc dû y en avoir plus de deux mille. 11 
eft bien furprenant que tant de mâles foient deftinés à fi 
peu de fémelles, & naiffent pour être tous tués au bout 
de quelques femaines. 

Des ruches,quoique peu peuplées d’abeilles ordinaires, 
ne laiffent pas d’avoir un allés grand nombre de males. 

Bbbb ij 


564- Mémoire pour l’Histoire 

Après avoir compté les abeilles ordinaires d’une ruche que 
j’avois baignée, je ne lui en trouvai que deux mille neuf 
cens, 6c je lui trouvai quatre cens cinquante mâles. 

Ces mâles vivroientbien plus long-temps qu’ils ne font, 
ils pafFeroient l’hiver comme le paffent la mere6c les abeil¬ 
les ouvrières, fi celles-ci ne les condamnoient pas6c ne les 
mettoient pas à mort. Car quoique nous ayons dit que 
nous n’avions pas trouvé un feul mâle dans les ruches que 
'nous avions baignées, foit dans l’automne, foit en hiver, 
foit au commencement du printemps, il y a quelquefois 
des ruches où il en refie dans toutes ces faifons, 6c on n’a 
pas befoin d’en baigner les mouches pour les y trouver. 
On les en voit fortir 6c on les y voit rentrer. Ce que 
nous avons voulu établir 6c ce que nous avons bien prou¬ 
vé, c’eft que les mères peuvent être extrêmement fécon¬ 
des, quoiqu’elles foient huit à neuf mois fans avoir de 
communication avec des mâles ; il femble même que de 
vivre avec eux pendant ces huit à neuf mois, 11e puiffeque 
nuire à leur fécondité. Il arrive, quoique très rarement, 
que les abeilles ouvrières 11e parviennent pas à les tuer tous 
dans le temps, quelles défeipérent peut-être d’y pouvoir 
réuffir; 6c quelles le refolvent aies laiffer tranquilles. Alors 
elles paffent avec eux l’automne 6c au moins une partie de 
l’hiver. Ce fait, quoique rare, eft connu de ceux qui font 
commerce de mouches à miel ; mais loin qu’ils augurent 
bien par rapport à la multiplication, des ruches où des 
mâles font refîés dans un temps où il ne devrait pas y en 
avoir, ce font des ruches fur lefquellcs ils ne comptent 
plus 6c qu’ils regardent comme perdues. Ils crovent que 
les mâles mangent tout le miel des abeilles; ils en man¬ 
gent affurément; mais une ruche bien pleine de miel, 
aurait de quoi en fournir pendant l’hiver 6c le commen¬ 
cement du printemps, aux abeilles 6c aux faux-bourdons. 
I! y a donc lieu de croire qu’ils nuifent à la ruche de 


des Insectes. X. Mem . 565 
quelqu’autre façon. Il fe pourroit faire qu’ils empêchaffent 
que l’ancienne mere & les nouvelles meres qui y naiffent, 
ne fuffent fécondées au printemps & au commencement 
de l’été; en un mot, dans le temps où elles ont befoin de 
l’étre. S’ils 11’étoient pas auffi indifférents qu’ils nous l’ont 
paru dans le dernier Mémoire, on pourroit croire, que 
trop vieux pour contribuer à la génération, ils empêchent 
les jeunes mâles de s’approcher des reines. Peut-être y a- 
t-il plus que cela; peut-être que les œufs font altérés dans 
le corps des meres qui vivent trop long-temps avec des 
mâles, que les embryons de ces œufs périfTent. 

Ce ne font là que des conjeélures, & qui probablement 
relieront toujours conjeélures ; mais ce que je fçaisde cer¬ 
tain , c’efl que j’ai eu trois ruches, & chacune des trois 
dans une année différente, où des mâles en grand nom¬ 
bre relièrent en vie pendant l’automne & pendant partie 
de l’hiver, & que je les perdis toutes trois de la même 
manière. Une de ces ruches m’avoit donné au commen¬ 
cement de Juin , le plus fort effaim que j’aye vu. Après 
qu’il fut parti, lorfque j’examinai les mouches qui avoient 
demeuré dans l’ancienne habitation , j’y crus voir autant 
de faux-bourdons que d’autres abeilles. Le nombre de 
ceux-ci, au moins, étoit peu inférieur au nombre de celles- 
là. Inutilement entrepris-je d’aider aux ouvrières à les dé¬ 
truire. J’en tuai plus de cinq cens , & ce ne fut pas a Ifes; 
ils vécurent encore en grand nombre avec elles. Dans les 
beaux jours d’hiver & les premiers du printemps, les mou¬ 
ches de cette ruche aboient à la campagne comme celles 
des autres, & les mâles y aboient quelquefois avec elles. 
Mais le printemps n’étoit encore gueres avancé, quand 
il m arriva un matin de trouver la ruche défcrtc ; fes 
mouches favoient abandonnée. Tout fe paffa de même 
par rapport aux deux autres des trois ruches dans lefquel- 
les beaucoup de bourdons s etoient confervés pendant 

Bbbb iij 


S-^V 


566 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
l’hiver, elles furent meme abandonnées de meilleure heure; 
l’une le fut dès le commencement de Février, & l’autre 
à la fin du même mois. Ce n’étoit pourtant pas parce que 
les provisions manquoient, que les abeilles lé déterminè¬ 
rent à quitter la dernière. Elles y laifiérent plus de douze 
livres de très-bon miel. Le nombre des ouvrières que j’y 
trouvai mortes, n’alloit pas à trente ou quarante; les autres 
étoient parties avec la mcre.-Le nombre des mâles morts 
furpafîoit quatre à cinq fois celui des ouvrières mortes. 

M. de Moraiec Lieutenant d’artillerie à Saumur, & du 
génie inventif duquel on a des preuves dans le Recueil des 
machines approuvées par l’Académie, a imaginé une ma¬ 
nière fimple& fûre de détruire tous les mâles d’une ruche 
dans le temps où ils ne peuvent plus que nuire. Il a ima¬ 
giné de mettre devant les trous qui permettent aux mou- 
$. fig. ches d’entrer dans leurs ruches, des efpéces de portes *. 
Chacune efi faite d’une petite lame de fer blanc coupée 
quarrément, & dont un des bouts efi roulé pour laiffer 
paffer un fil de fer fur lequel la porte peut fe mouvoir. 

* Eig- î- Le même fi! de fer peut porter plufieurs portes pareilles*, 
autant qu’il y a de trous allignés par lelquels les abciiles 
peuvent entrer. On arrête le hidefer qui efi chargé de tou¬ 
tes les portes, à une hauteur telle qu’une abeille ordinaire 
puifle pafler librement fous la porte; mais de manière 
aufii que ce.te difiance foit trop petite pour le volume du 
faux-bourdon : celui-ci pourtant ne laiffe pas de fortir 
aifément quand il le veut ; il foûieve la porte; légère 
comme elle l’efi, elle lui fait peu de réfifiance. Mais s’il 
efi aile au faux-bourdon de la loûlever pour fortir, il n’en 
efi pas de même pour rentrer. C efi une foûpape qui peut 
être pouffée vers le dehors de la ruche, & qui 11e peut 
l’être vers le dedans, elle efi arrêtée par le bois. Tous les 
mâles qui font une fois fortis de leur ruche, 11e peuvent 
donc plus efpérer de rentrer ; Si on efi maître de les tuer 


# 


des Insectes. X. Mem. 5 67 
pendant qu’ils font des efforts inutiles pour y parvenir, 
ou de les Lifter tuer par ies abeilles ordinaires. 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU DIXIEME MEMOIRE. 

Planche XXXV. 

La Figure 1 eft celle d’un camail propre à mettre à 
couvert contre les piquûres des abeilles, le vifage, la tête 
ëi la col de celui qui eft obligé de les inquiéter, & même 
de les irriter, m, mafque de crin, c’elî-à-dire, de toile à 
tamis, c, c, cordons qui fervent à attacher une des man¬ 
ches fur un des bras, dd, cordons propres à tenir le camail 
appliqué bien exactement fur la poitrine. 

La Figure 2 repréfente un de cesféchoirs, au moyen 
defquels l’on relfuye & l’on ranime les abeilles qui ont été 
tirées du bain comme mortes. Les parois de ce l'échoir 
font faites d’une toile à tamis, étendue & affujettie fur 
un bâtis d’ofier. En g, finit le bâtis d’ofier. go, peut être 
appelléle col du féchoir. Ce col pourroit être plus long 
qu’il ne l’eft ici, & il n’en feroit que plus commode. 11 
efi à propos de mettre un anneau de fil de fer auprès de 
fon ouverture 00; il la tient ronde dans les temps où l’on 
veut faire entrer les abeilles, & ce qui importe plus, dans 
celui où on veut les faire fortir du féchoir. Le cordon 
cc, fert à lier le col du féchoir, afin que les abeilles qui ont 
repris vigueur, n’en puiflent fortir que lorlqu’on le leur 
permet. p,p, poignées qui mettent en état de manier le 
féchoir fans rifque, lors même que les abeilles font deve¬ 
nues très vives. 

La Figure 3 montre le bâtis du féchoir fur lequel la 
toiie à tamis peut être appliquée & arrêtée comme elle 
l’eft dans la figure 2. 


$ 6 $ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

Les Figures 5 font voir Je ces portes ou foûpapcs 
que M. de Moraiec a imaginé de mettre aux ruches dont 
on veut détruire les mâles. La figure q. a quatre trous ou¬ 
verts, & un feul couvert en partie par une foûpape. Les 
quatre trous de la figure 5, ont chacun leur foûpape. 
L’ouverture qui eft entre le bord inférieur du trou, & 
celui de la porte, fuffit pour laiffer paffer librement une 
abeille. Mais le faux-bourdon ne peut fortir qu’en foûle- 
vant la foûpape, & il ne lui eft plus poffible de la foulever 
quand il veut rentrer. 

La Figure 6 fait voir une ruche qu’on a renverfée fans 
deffus deffous pour faire paffer fes abeilles dans une autre 
ruche ; on l’a fait entrer en terre jufqu’en rr, pour la main¬ 
tenir ainfi renverfée. 

Dans la Figure 7, une ruche ff dans laquelle on veut 
loger les abeilles, a été pofée fur la ruche de la figure 6. 

La Figure 8 repréfente les ruches rr,& ff de la figure 
précédente, entourées à leur jonétion d’une grande fer- 
viette liée autour d’elles avec de la ficelle; & cela pour 
fermer tous les paffages que les abeilles pourroient trouver. 

La Fig. 9 fait voir la ruche ff.de s figures précédentes, 
pofée fur l’ancien appuy de la ruche rr; beaucoup de mou¬ 
ches y font déjà entrées, & d’autres continuent à s’y rendre. 

La Figure 1 o eft celle de la ruche r r, des figures 6,7 
& 8, dont la plûpart des mouches ont été châffées, & dont 
celles qui reftent fortent pour s’acheminer vers la ruche ff 
11 n, eft une nappe fur laquelle la ruche r, a été lécouéc./r, 
planche difpofée en manière de pont pour abbréger le 
chemin aux mouches qui font en route pour fe rendre à 
la ruche f f 

La Figure 11 repréfente un cuvier plein d’eau, dans 
lequel une ruche a été baignée. Les abeilles flottent fur 
l’eau de ce cuvier. 


ONZIEME 























































/Cju/zW /Aii* 




















des Insectes. XI. Mem. 569 

* dÜlt&tCJüï'X,*JC&CK& 
ONZIEME MEMOIRE , 


DE CE QUI SE PASSE 

DANS CHAQUE ALVEOLE 

D’UNE RUCHE 


Depuis qu’un œuf y a été dépofé, jufques à ce que le 
ver fort i de cet œuf parvienne à être une abeille. 

N Ous devons retourner à ces alvéoles dans le fond 
de chacun defquels nous avons vû * que lamere avoit 
laide, ou, pourainli dire, planté un œuf ; car nous avons 
fait remarquer que cet œuf, qui a cinq à fix fois plus de 
longueur que de diamètre, n’a d’appuy que par un de fes 
bouts; il eft en l’air, il s’en faut même peu qu’il ne foit 
parallèle à l’horifon *. C’eft une pofition dans laquelle il ne 
refteroit pas, s’il n’y étoit retenu par quelque efpéce de 
colle ; mais il eft fi leger que la colle la plus foible, un peu 
de miel épais, fuffiroit pour l’affujettir. Pour peu que 
l’épingle avec lequel on en détache un, foit mouillée, il 
s’y tient dans la pofition où on l’y a mis * : à la vérité, il 
n’y eft pas auffi folidement arrêté qu’il i’cfl au fond de fa 
cellule. Ses deux bouts font arrondis; l’un des deux * eft 
plus gros que l’autre *. C’eft le fupérieur, le plus éloigné 
du fond de la cellule, qui eft conftamment le plus gros; 
preuve encore que la mere abeille n’a pas eu befoin d’être 
attentive à lui donner des appuis. Sa figure n’eft pas droite, 
il a un peu de courbure. Ces œufs font d’un blanc un peu 
bleuâtre qui tire fur le girafol. Ils n’ont pour enveloppe, 
comme ceux de tant d’autres efpéces d’infeéles, qu’une 
Tome V . C c c c 


* Mémoire 

IX. 


* PI. 36. fîg. 
1. 0. 


* Fig. 2. 


* b. 


570 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
membrane flexible; l’œuf lui-même l’efl, on peut le plier 
prefque en deux, & lui faire reprendre cnfiiite là première 
flgure. A la vue Ample, & même avec une loupe de trois 
à quatre lignes de foyer, il paroît extrêmement lifle; mais 
fi on le confidére avec un microfcope qui grolfllfe extrê¬ 
mement , on apperçoit un travail qu’on croit fur fa fur- 
face, & qui eft peut-être dans fon intérieur. Swammer- 
dam a dit qu’il paroît alors comme s’il étoit couvert 
d’écailles. Ce que j’ai vu, c’efl que près de les bouts, il 
y a des traits droits qui forment des eljpéces de lozanges 
très-allongés. 

Jufques ici nous avons fait entendre que la mere ne 
îaifloit qu’un œuf en chaque cellule. C’efl pourtant une 
réglé qui fouflre des exceptions, & le cas où elle en fouffre 
efl aifé à prévoir. Si la mere preflee par le befoin de pondre, 
ne trouve pas autant de cellules vuides quelle a d’œufs 
dans le corps qu’elle n’y peut plus retenir, il ne lui refle 
d’autre parti à prendre, que d’en dépofer plufieurs dans 
chaque cellule. J’ai vûaufli quelquefois,des cellules qui en 
avoient deux, quelques-unes qui en avoient trois, & d’au¬ 
tres qui en avoient jufques à quatre. La première fois que 
j’obfervai des cellules dont chacune contenoit plus d’un 
œuf, ce fut dans une petite ruche où j’avois mis une nacre 
avec trop peu d’ouvrières; à peine en avoit elle fix cens 
à fon fervice; & elle eût eu befoin d’y en avoir autant de 
milliers qu’elle y en avoit de centaines. Le petit nombre 
de mouches ne put fournir à conflruire autant de cellules 
que la mere avoit befoin d’en avoir à fa difpofition. Plu- 
heurs de celles qui furent conflruites furent même rem¬ 
plies du miel néceflaire pour vivre au jour le jour. Dans 
ie peu de cellules dont la mere put difpofer, elle mit prcL 
que par-tout les œufs deux à deux. Je ne pus fuivre ce 
qui arriva à ccs œufs, car la mere & fa petite troupe 


des Insectes. XL Mem. 571 

abandonnèrent la ruche, & peut-être la mere ne l'aban¬ 
donna-t-elle que pour tâcher de fe faire recevoir dans 
une autre mieux peuplée, & où elle pût pondre à Ion 
aile. 

Avant que j’aye été bien inftruit de toutes les atten¬ 
tions qu’il fâiloit avoir en baignant les abeilles, j’ai perdu 
un grand nombre de celles à qui je faifois foûtenir cette 
opération : dans une ruche que j’avois affés mal peuplée, 
des abeilles qui m’étoicnt reliées d’un bain mal fait,& où 
pourtant je mis bien le double des mouches qu’il y avoit 
dans l’autre ruche dont je viens de parler, celles que j’y 
établis ne purent encore conflruire le nombre de cellules 
que la fécondité de la mere demandoit. Aulft en vis je 
un matin plu fieu rs qui avoient deux œufs, & quelques- 
unes qui en avoient jufqucs à trois. La mere qui fçavoit 
apparemment ce qu’elle devoit fe promettre de mieux 
pour l’avenir de fes ouvrières, n’abandonna pas fa ruche. 
C’ell de quoi je fus fort content, parce que j’étois curieux 
defçavoir ce qui arriverait aux œufs furnumeraires. Une 
cellule ne peut fervir qu’à élever un ver, deux, & à plus 
forte raifon, trois vers y feraient mal à leur aife. 11 vient 
un temps où l’infeéle fous fi première forme, ou fous celle 
de nymphe, remplit la cellule en entier. Les abeilles qui 
fçavent cela, comme elles fçavent tout ce qu’elles ont 
befoin de fçavoir, & qui, comme nous le verrons dans 
l’inftant, prennent un grand intérêt à la vie des vers, re¬ 
marquèrent apparemment les cellules où trop d’œufs 
avoient été dépofés; elles n’en laifferent qu’un dans cha¬ 
cune. Au bout de 24. heures je 11e vis plus qu’un œuf 
dans plufieurs des cellules où j’en avois vu deux ou même 
trois; & au bout de deux jours toutes n’en avoient qu’un 
feul. Dans ces deux jours beaucoup de cellules nouvelles 
avoient été çonftruites ; mais je 11e fçais fi les abeilles 


5 Jl MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

avoient porté dans quelques-unes de ces nouvelles cellit- 
ies les œufs quelles avoient ôtés aux anciennes. Se fuffent- 
elles contentées de tirer les œufs furnumeraires de chaque 
cellule, les euffent-elles abandonnés à leur mauvais fort, 
elles euffent toûjours fait une a<fhon utile. Si au lieu de 
facrifier les vers qui dévoient fortir de ces œufs, elles les 
euffent épargnés, tout ce qui en feroit arrivé, c’dl qu’ils 
feraient péris plus tard, & qu’ils auraient fait languir, & 
peut-être périr des vers qui ne pouvoicnt manquer de 
venir à bien dès qu’ils referaient feuls. 

Il arrive quelquefois dans des ruches dont les mouches 
n’ont pas été auffi mal traitées que celles dont je viens 
de parler, dans des ruches très-peuplées & très-fournies de 
gâteaux, qu’il y a quelques cellules qui ont deux œufs; 
& cela arrive, quand la mere n’en trouve pas de vu ides & de 
nettes, lorfque trop de cellules font remplies de miel ou 
de couvain, c’eft-à-dire, félon la définition que nous 
avons déjà donnée de ce dernier terme, d’œufs, de vers 
ou de nymphes. 

La plupart des Auteurs qui ont écrit fur les abeilles 
fans les avoir examinées avec des yeux affés éclairés & 
affés attentifs, ont prétendu qu’elles couvoient les œufs 
dépofés dans les cellules, comme les oifeaux couvent les 
leurs. Plufieurs ont chargé les mâles de cette fonélion v 
quelques - uns même ne les défignent que par le nom 
de mouches couveufes. Ce fentiment efl affés commun 
aux Auteurs qui ont donné des préceptes pour bien 
gouverner les abeilles. Vandergroen, par exemple, dans 
* imprimé à ouvrage qu’il a intitulé, le Jardinier des Pays-Bas *, 
Bruxelles en veut q ue Jès qu’un effaim efl forti d’une ruche , on 
la renverfe, on vifite tous les gâteaux, & il preferit de 
couper la tête avec un couteau bien affilé h toutes les mou¬ 
ches qui couvent, & même à celles de ces mouches qui ne 


des Insectes. XL Mem. 573 

font pas encore fontes des cellules. D’autres qui ont fait 
attention qu’on trouve pendant prefque tous Jes mois de 
l’année, foit des œufs, foit des vers naiiïants, dans la plu¬ 
part des ruches, quoique ces ruches foient dépourvues de 
faux-bourdonspendantplusdehuit ou neuf mois entiers, 
ont chargé les abeilles ordinaires du foin de couver. 

M. Maraldi n’a pas cru que les abeilles couvalfent les 
œufs à la manière des oifeaux; il fçavoit très-bien que 
l’on ne voit point une abeille le tenir conftamment dans 
une cellule où il y a un œuf. Mais il a cru quelles avoient 
une fiçon de couver qui leur eft particulière, que des 
abeilles alloient fe pofer fur les bords des ouvertures des 
cellules à œufs, & qu’en agitant leurs ailes avec vîtefte, 
elles produifoient une chaleur propre à fair éclorre les 
vers. Quoiqu’il foit certain, comme nous le prouverons 
dans la fuite, que les mouvements que fe donnent à la 
fois les abeilles d’une ruche, peuvent faire naître allésfubi- 
tement un grand degré de chaleur , on ne doit pas atten¬ 
dre que celle d’une ruche foit fenfibiement augmentée 
par l’agitation des ailes d’un petit nombre de mouches. 
L’œuf qui eft au fond d’une cellule ne peut gueres être 
échauffé par la mouche qui meut avec vîtefte fes ailes 
au - deftùs de l’ouverture de cette cellule. Mais ce qui 
doit parfaitement défabufer de l’idée qu’on a eue de faire 
couver les abeilles de quelque manière que ce foit, c’eft 
qu’on peut obferver que les cellules à œufs font fouvent 
les plus abandonnées; elles font louvent plus à découvert 
que les autres; les mouches ne palfent deft'us que quand 
la route qu’elles ont prife l’exige. Les œufs ne demandent 
pour être couvés, que la chaleur qui eft répandue dans la 
ruche, chaleur qui fouvent approche fort de celle qu’une 
poule peut donner aux œufs fur lefquels elle refte conf- 
îammeat pofée, & qui quelquefois la furpaffe. 


574 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
Le moment ou un ver fort de Ton œuf n’efl pas ai fé à 
failir, & il m’a échappé. Je l’eufîe mieux épié que je n’ai 
fait, fi j’euffe foupçonné qu’il dût avoir quelque chofe de 
particulier à m’offrir. Ce qui eff certain, & ce que je me 
fuis contenté de fçavoir, c’elf qu’au bout de deux ou de 
trois jours, félon qu’il fait plus ou moins chaud , on peut 
trouver le ver dans le fond de la cellule. Si on attend à 
l’y chercher quatre ou cinq jours après que l’œuf a été 
pondu, on l’y trouve plus grand qu’on n’auroit cru qu’il 
devoit être. Son accroiffeinent & toutes fes métamor- 
pholès fe font affés vite dans les faifons favorables. 

Qu’on remarque, comme je l’ai fait plufieurs fois, une 
cellule dans laquelle un œuf vient d’être dépofé, fi on ne 
vient la revoir qu’au bout de vingt à vingt-un jours, on pour¬ 
ra arriver dans le moment où la mouche à laquelle cet œuf 
a donné naiffance, travaille à fortir de fa cellule, & eff prête 
à prendre l’effor. Je mis des mouches en ruche le 25 dit 
mois de Mai; le lendemain elles travaillèrent avec ardeur à 
faire des gâteaux ; le 27, j’obfervai quantité de cellules dans 
chacunedefquelles il yavoit un œuf;le 17 Juin, chacune 
de ces cellules donna à la ruche une nouvelle mouche. J’ai 
fait des obfervations femblables bien des fois, & dans des 
faifons favorables quoique plus ou moins avancées. 
Depuis que le ver eff né jufques à ce que le temps de 
fa première métamorphofe approche, il eff toujours dans 
* pi. 36.% la même attitude; il eff long *, & il fe tient roulé en an- 
3 ^ neau, de manière que fa tête touche fon derrière *. L’an- 
* 1 lg . 5 c ’* neau qu’il forme eff plein ou prefque plein ; le milieu en 

eff rempli par les parties charnues du ventre. On diflingue 
différentes lignes blanches, qui des côtés fe dirigent à peu 
près vers un centre commun. Le ver eff ainfî appliqué 
prefque contre le fond de fa cellule. Ce fond ne femble 
pas trop propre à le recevoir à caufe de fa figure angulaire; 


des Insectes. XI . Mem. 57^ 
mais fi on fe rappelle la pofition de la cellule, que fa coupe 
tranfverfàle eft prefque perpendiculaire à l’horifon , on 
jugera que le ver en doit peu prelfer le fond par fon poids. 
Si on en retire un & qu’on examine le fond de la cellule, 
on verra même que le ver y étoit pôle plus mollement 
qu’on ne l’avoit penfé : on y appercevra une couche aftes- 
épaiffe d’une efpéce de gelée ou de bouillie qui a une cou¬ 
leur blancheâtre; elle fait, pour ainfi dire, le lit fur lequel le 
ver elt couché, ou, plus exactement, le dofticr de fon liège. 

Cette même matière fur laquelle le ver eft mollement 
appuyé, eft aufîi celle dont il fe nourrit. Il feroit incapable 
de l’aller chercher; il ne feroit pas même en fon pouvoir 
de fe traîner hors de fa loge. Mais il peut y être tranquille; 
il y fera toujours pourvû abondamment de tout lenéccf- 
fiire. Les abeilles ordinaires font les nourrices que la 
nature a accordées aux vers; elle leur a donné pour eux 
une affeélion fur laquelle on peut plus compter qu’on 
ne peut compter parmi les hommes fur celle des nour¬ 
rices que les meres choififfent à leurs enfants. A plufieurs 
heures du jour, on voit une abeille entrer la tête la pre¬ 
mière dans la cellule où il y a un ver, y relier quelque 
temps. Ce qu’elle y fait ne peut être obfcrvé, mais on eft 
fur au moins quelle fournit au ver la matière dent il doit 
fe nourrir, & qu’elle en renouvelle la provifion. Après 
que cette abeille eft fortie, on en voit quelquefois une 
ou plufieurs autres fuccefFivement & en différents temps 
qui mettent leur tête à l’entrée de la même cellule, comme 
pour reconnoître fi le ver qui y eft lo^é, a tout ce qu’il lui 
faut : un coup d’œil fuffit pour le leur apprendre ; fouvent 
elles paffent outre dans l’inftant; & ce n’cft quelquefois 
qu’après avoir examiné beaucoup de cellules les unes après* 
les autres, quelles entrent dans une quelles ont reconnue 
n’avoir pas été pourvût fuffifamment.. 


576 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
Quand une abeille refie pendant quelques inflants dans 
la cellule d’un ver, c’eft fans doute pour y dégorger de 
cette efpéce de bouillie ou de gelée contre laquelle le 
corps du ver eft appliqué & dont il eft entouré. On pour- 
Xoit douter fi cette matière que nous regardons comme 
celle dont il fe nourrit, n’eft pas plûtôt celle dont il fe 
yuide ; mais ce doute ne paraîtra pas affés fondé, lorfqifon 
fe rappellera que tous les vers auxquels ceux-ci font analo¬ 
gues, rejettent très-peu ou 11e rejettent prefque point d’ex¬ 
créments; & fur-tout lorfqifon fçaura que les plus jeunes 
vers ont autant de cette matière dans leurs cellules, que 
ceux d’un âge plus avancé en ont dans les leurs. Loin même 
quelle aille en s’y accumulant, comme elle le devrait fi elle 
étoit compoféedes excréments, elle va en diminuant, on 
n’en trouve plus dans les cellules habitées par des vers prêts 
à fe métamorphofer. D’ailleurs, elle a fi peu de reffem- 
blanceavecdes excréments,qu’il paraît inconteflablequ’eile 
eft la matière qui doit fournir à l’accroiffement du ver. 

Il y a ailes de cette bouillie dans chaque cellule pour en 
pouvoir prendre avec la tête d’une épingle à trois ou quatre 
reprifes différentes, de petites maffes de la groffeur de la tête 
de l’épingle, fans ce qui refie trop étendu fur le fond de 
la cellule pour pouvoir être enlevé d’une façon fi groffiére. 
On peut donc goûter de cette matière. Si on l’a prife dans 
la cellule d’un jeune ver, on la trouve abfolument infipide 
telle qu’une efpéce de colle de farine. Swammerdam qui 
a obfervé cette efpéce de gelée, paraît embarraffé comme 
on doit letre , fui*l’endroit où les abeilles la prennent. 
Il s’échappe à la vérité de certains arbres, une feve qui 
s’épaiffit & s’accumule fur l’ouverture qui l’a laiffé for- 
tir , & qui, autant que les yeux 6 c le goût en peuvent 
juger, a beaucoup de reffemblance avec la gelée en quef- 
tion ; mais Swammerdam a très-bien remarqué que les 

abeilles 


des Insectes. A 7 . Mem . 577 

abeilles ne trouveroient pas de cette feve épaifTie en hiver, 
au milieu duquel elles ont quelquefois des vers à nourrir. 
II y a donc plus d’apparence, comme il paroît difpofe 
à le croire, que le miel, j’y ajoûterois la cire brute que 
les abeilles ont fait palier dans leur corps , y reçoivent 
une préparation qui les fait devenir l’efpéce de bouillie 
qui elt l’aliment des vers. 

Quelques obfervations qui ont échappé à Swammer- 
dam, 'car à qui n’en échappe-t-il pas! me confirment dans 
cette idée; &. ces obfervations m’ont paru curieufes par 
elles-mêmes; elles nous apprennent que les abeilles pro¬ 
portionnent la nourriture à l’état des vers; quelles leur 
en donnent de différentes félon leur âge &. leurs forces. 
Quand j’ai goûté de la bouillje qui étoit dans les cellules 
des vers dont la grandeur étoit au-dclfus de la moyenne, 
je ne l’ai plus trouvée fi infipicle que celle que j’avois tirée 
des cellules de vers plus jeunes; je lui ai trouvé une lé¬ 
gère pointe de fucre ou de miel. La matière tirée de 
cellules de vers plus âgés, avoit un goût de miel plus 
marqué, très-fenfible. Enfin, dans les cellules vies vers 
prefque à terme, la gelée avoit un goût très-fucré. Je dis 
fucré, car fa douceur n’avoit pas le fade du miel, une petite 
acidité y étoit pourtant jointe. Les différences que le goût 
fait appercevoir, ne font pas les feules qui fe trouvent 
entre la matière du fond des cellules des jeunes vers & 
celle des cellules des vers plus âgés; des yeux attentifs y 
en peuvent appercevoir d’autres. La matière des premières 
cellules reffemblc plus à de la bouillie, elle efl plus blan- 
cheâtre; & celle des dernières reffemble plus à de la gelée, 
le blanc en a difparu, elle efl plus tranfparente; & elle tire 
tantôt fur le jaunâtre & tantôt fur le verdâtre. Enfin , la 
matière des cellules des vers d’un âge moyen, entre les 
âges de ceux dont nous venons de parler, eft d’une couleur 
Tome V . D d d d 


57S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
moyenne entre les couleurs des matières des autres cellules. 
Il femble que ce foit par degrés que les abeilles conduifent 
les vers à être en état de fe nourrir de miel dont ils doivent 
vivre en grande partie fous la forme de mouches. 

Ces vers font de ceux qui font dépourvûs de jambes, 
elles leur eu fient été bien inutiles, puifqu’ils dévoient 
paffer leur vie de ver roulés dans une cellule. Outre la 
différence que la grandeur met entre les plus jeunes & ceux 
qui font à terme, il n’y en a gueres d’autre fi ce n’efi que les 
premiers ont leurs anneaux mieux marqués; & que regardés 
de quelque diftance, ils paroiffent d’un blanc bleuâtre, pref- 
qu’ardoifés. Le fond de leur blanc cft altéré par un bleu 
foncé tirant fur le brun, qui efl répandu dans quelques- 
unes de leurs parties intérieures ; mais en croiffant, ils de¬ 
viennent prefque par-tout d’un blanc de lait. Il faut appor¬ 
ter quelqu’attention pour parvenir à les tirer hors de leurs 
cellules fans les bleffer. Lorfqu’ils en font dehors , on 
reconnoît qu’ils font incapables de fe traîner fur la place 
où on les a mis ; ils allongent un peu leur partie anté- 

Pl. 36. fig. rieure *; ils la contractent enfuite , & fe donnent quelques 
légers mouvements qui prouvent à la vérité qu’ils font en 
vie, mais qui les font regarder comme très-engourdis & 
comme très-foibles. 

Fig.p&io. Leur tête * demande qu’on les place dans la clafTe des 
vers qui en ont une de figure confiante. Leur mufeau 
confidéré à la loupe , paroît auffi décider que leur genre 
ou leur claffe fubordonnée efi celle des vers qui ont une 
bouche qui a de la reffemblance avec celle des chenilles; 
car la partie antérieure de la tête ou le bout du crâne, a 
une lèvre fupérieure, & on lui trouve en défions, une 
* Ifl • lèvre inférieure compofée de trois parties *, comme l’eft 
celle des chenilles, & comme l’efi celle de beaucoup de 
vers. Il ne refie qu’à trouver à leur tête, deux dents ou 


DES I N S E C T E S. XL Mem . 579 
crochets qui répondent aux deux dents des chenilles, 6c 
à celles des vers de la dalle où nous voulons mettre ces 
vers des abeilles. Ceux-ci, qui 11’ont qu’à avaler une forte 
de bouillie, n’ont pas befoin d’avoir de fortes dents; ils 
n’en ont auffi que deux foibles & difficiles à appercevoir. 

On commence à s’affiirer que les environs de la bouche 
ont tics parties dures, comme écailleufes, h l’on conduit 
Ion doigt fur la tête de derrière en avant. O11 lent des 
parties qui frottent plus rudement que des chairs. Mais 
lî on confidérele delfus de la tête dans un jour favorable, 
on trouve les deux crochets analogues à ceux des vers dans 
la clalfe defqueis nous voulons les lailfer. Ces deux 
crochets * fuivent le contour du bout fupérieur de la tête ; * P!. 36.%. 
ils'le terminent près de la lèvre fupérieure par une petite 9 ’ c> c ‘ 
pointe écailleufe 6c jaunâtre. Ils font fi exactement appli¬ 
qués contre le contour de la tête, qu’il ne leroitpas pof- 
fible de les y dillingucr, fi on n’avoit les deux mains libres 
pendant qu’on les regarde à la loupe; c’eft-à-dire, li 011 
n’avoit fur le nez une de ces lunettes à loupe dont nous 
a/^ns enleigné ailleurs à fe fervir, qui donnent l’ulàge 
d’une main de plus. Swammerdam à qui ce fccours man- 
quoit, avoué naturellement qu’il n’a pu bien voir les par¬ 
ties de la tête de ce ver; 6c cela, ajoûte-t-il, faute d’une 
main qui pût les écarter les unes des autres; car l’une de 
fes mains étoit occupée à tenir le ver, 6c l’autre à tenir la 
loupe. Mon nez étant chargé de la loupe, j’ai eu la main 
néceffiaire pour éloigner avec la pointe d’une épingle , un 
des crochets du contour de la tète contre lequel il étoit 
appliqué. 

En deffious de la tête * on trouve la levre inférieure; * Fî g . 19. 
la partie*qui en fait le milieu s’élève jufques à la levre* f 
fupérieure 6c même par-deffius, comme s’élève la levre 
d’une bouche humaine dont la mâchoire inférieure fe 

Dddd ij 


580 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
porte trop en devant. Le bout de cette partie eft comme 
taillé quarrément; il a quelquefois lui-même l’air d’une 
efpéce de bouche; je-veux dire qu’en certains temps, 
on y voit une cavité obiongue formée par des chairs 
pliffées; mais quelquefois il fort de cette cavité, une pe¬ 
tite lame charnue qui eft taillée quarrément. Nous prou¬ 
verons bientôt que ces fortes de vers fçavent filer, & c’ell 
dans cette lame charnue que la filière ell placée. Les deux 
Pi. 36.%. autres parties * de la levre inférieure, celles qui en font 
les côtés, diminuent infenfiblement de grofteur en s’é¬ 
loignant de leur bafe; elies fe terminent par des pointes 
fines, roufteâtres, dures & comme écailleufes. Ces poin¬ 
tes font peut-être des infiruments utiles au ver, lorfqu’il 
place les fils de foye qu’il tire de fa filière. Elles ont aiïfîi 
à leur face intérieure au-deffous de la pointe, comme 
deux à trois petites dentelures jaunâtres & écailleufes. La 
*f partie * qui eft entre celles-ci & la plus confidérabie de la 
levre inférieure, eft appellée la langue par Swammerdam ; 
ce feroit une langue qui fe trouveroit en entier hors de 
la bouche. Les conformations des infeéles ont des cho^s 
plus bifarres; mais on peut trouver une vraye langue dans, 
la cavité de la bouche, à des infeéfes qui ont une partie 
femblable à celle dont nous parlons. De-là il fuit qu’elle 
ne doit encore être prife que pour la plus confidérabie 
partie de la levre de nos vers d’abeilles, dont nous ne 
fiçaurions gueres nous promettre de voir la vraye langue. 
Celle-ci eft apparemment dans la cavité qui fe trouve 
entre la levrefupérieure& l’inférieure, cavité que Swam¬ 
merdam ne fcmble pas avoir connue; & cela encore, faute 
d’avoir eu la facilité de féparer les unes des autres, les 
parties de la tête pendant qu’il les oblervoit. 

Avant que de quitter cette tête, nous y devons faire 
Fig. 10. },i, remarquer deux petits globes * dont il y en a un de chaque 


des Insectes. XL Ment. 581 
côté , environ à (Mance égale du bout antérieur & du 
bout pofïérieur. Iis l'ont auffi blancs que le relie, mais 
plus luifants, & on ne peut les prendre que pour deux 
yeux ; ils font l’un & l’autre dans un enfoncement qui leur 
fait une efpéce d’orbite. 

Les vers les plus gros & les plus blancs , ont tout du 
long du dos *, depuis la tête jufques à l’anus, une raye 
jaunâtre: quoiqu’elle femble être fur la peau , elle n’y elt 
pas réellement ; la peau ne paroît colorée que parce quelle 
laide voir le conduit des aliments qui elt étendu en ligne 
droite, & rempli d’une matière d’un jaune fauve. C’elt 
apparemment la blancheur du relie du corps, & fon air 
douillet & dodu qui ont tenté Swammerdam, & qui lui 
ont donné envie de fçavoir quels goûts avoient ces vers. 
Je m’en luis d’autant plus volontiers rapporté à fon expé¬ 
rience, qu’il dit leur avoir trouvé un goût trèsdéfigréa- 
ble, femblable à celui du lue pancréatique des poilfons, 
& qui, ce qui en donnera une idée à plus de gens, laide 
au gofier une imprelfion femblable à celle du lard rance. 

Sous le ventre *, on croit voir de didance en didance, 
des plis plus blancs que le rede, difpofés parallèlement 
les uns aux autres, & tranfverfalement. O11 ed porté à 
croire, que ce font ceux qui fe font dans les endroits où 
le ver fe courbe. Quand on examine ces prétendus plis 
de plus près, on reconnoît que ce font des vaideaux, qui 
pour être d’un blanc argenté, ont plus d’éclat que le blanc 
de tout le rede du corps & que celui de la peau au travers 
de laquelle ils paroident ; en un mot, que ces vaideaux 
font des trachées. On peut s’en convaincre aifément;on 
paflera fous l’un d’eux la pointe d’une épingle, & on le 
forcera de s’élever au-dediis de la peau déchirée; alors 
on verra que le vaideau qu’on a enlevé, a confervé fa fon¬ 
dait' , quoiqu’il foit ouvert, Si qu’il a une blancheur 

Dddd iij 


* PI. 3 6. fig. 
11. 


* Fig. ï 2» 
t, t, t. 


582 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
argentée; deux caraéléres qui diflinguent les trachées des 
autres vaiffeaux. Si même 011 tire de fuite deux ou trois 
de ces vaiffeaux hors du corps du ver, quelqu’un d’eux 
6c peut-être tous les trois, feront voir que leur flruélure 
* Tome IV. efl telle que nous avons trouvé celle des trachées * des 
i'A "22 'fo. vers aquatiques qui donnent les mouches à corcelct 
}Z • armé, 6c telle que nous avons dit alors qu’il y avoit 

apparence qifétoit la flruélure de toutes les trachées des 
inlèéles. Nous avons prouvé que les trachées de ces vers 
aquatiques étoient faites d’un fil cartilagineux d’une pro- 
digieufe fineffe, roulé en fpirale , comme le lil d’argent 
dont on fait ces ornements appelles cannetilles ou bouil¬ 
lons ; on voit que la flruélure des trachées des vers 
des abeilles, efl la même. Le tuyau qu’on a brife pour 
l’élever au-deffus de la peau , laiffe paroître à un de fés 
bouts, un fil qui s’efl dévidé 6c qui lé dévide davantage 
li on parvient à le prendre entre fes doigts, 6c qu’on le tire 
enfui te. 

*PI Les fligmates * de ces vers, quoique très-petits, 6c quoi- 

iz-ft/JAc’ que dépourvus d’un rebord jaunâtre qui aide à faire diflin- 
guer ceux de divers infeéles,ne font pas difficiles à trouver; 
on 11’a qu’à fuivre une trachée tranfverfale *, elle aboutit 
de chaque côté tout auprès d’un ffigmate. On trouve 
de la forte la fuite des fligmates de chaque côté ; la ligne 
fur laquelle ils font rangés, efl marquée par une trachée 
qui va de la tête à la partie poflérieure. C’cfl fur ces deux 
longues trachées que font pofés immédiatement les fligma¬ 
tes ; d’auprès de chacun de ceux-ci part un tronc de tra¬ 
chée très-court, mais auffigros que les trachées tranfver- 
fiiles du ventre; il s’élève vers le dos 6c jette deux bran¬ 
ches déliées, qui elles-mêmes fourniffent des ramifica¬ 
tions. 

Endefiôusdu ver, près de fa tête, on voit des trachées 


* t. 


des Insectes. XL Mem. 583 
qui forment diverfes ondes ; on diftingue de plus d’autres 
ondes blancheâtres formées par des parties intérieures vûes 
au travers de la peau. 

L’anus du ver eft à fon dernier anneau, & n’eft deftiné 
qu’à rendre peu d’excréments ; jamais il n’en rejette lors¬ 
qu'on tient le ver entre fes doigts; c’eft pourtant un temps 
où les vers qui ont à fe vuider, ne manquent guéres de 
le faire. 

Dans les ftaifons favorables à l’accroiiïèment des in- 
feeftes, j’ai remarqué des cellules où la mere abeille venoit 
pondre. J’ai enfuite obfervé au bout de huit jours, que 
chacune de ces cellules étoit remplie par un ver qui n’avoit 
plus befoin de prendre d’aliment, c’elt-à-dire, qui n’avoit 
plus à croître : d’où il fuit que tout le croît de chacun de 
ces vers avoit été fait en moins de fix jours, puifquenous 
avons vu que ce n’eft guéres que deux jours après que 
l’œuf a été pondu que le ver en fort. Dès qu’il naît il fe 
roule, mais le rouleau qu’il forme alors eft li petit qu’il 
laiffe bien du vuide entre fa circonférence & les parois 
de la cellule. Bientôt, c’eft-à-dire, au bout de deux 
jours ou environ, ce vuide eft rempli : ce même rou¬ 
leau formé par le ver s’applique contre le contour de 
la portion de la cellule, à laquelle il répond. D’ailleurs le 
ver étant devenu plus long, un feul tour ne fuflit plus 
pour la longueur de fon corps. La tête fe trouve pofée 
au-deiïùs du pénultième anneau. Ses autres dimenfions 
doivent augmenter, & augmentent en même temps. Or 
puifque dès les premiers jours le rouleau étoit un rouleau 
plein, le corps que fa pofition empêche de s’étendre du 
dos vers le ventre, ne peut s’étendre que vers les côtés; 
il eft forcé de prendre une figure applatie *. La coupe * PI. 36. %, 
d’un anneau qui, dans les premiers temps étoit circulaire, 7 & 
eft alors ovale. J’ai fouyent ouvert des cellules qui avoient 


5S4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
été détachées des autres, & elles me fembloicnt contenir 
deux vers pôles l’un fur l’autre,parce que je n’imaginois pas 
qu’un leul ver roulé pût occuper une aulfi longue portion 
d’une cellule que celle qu’il occupe quand il eft applati ail 
point où le roulement demande qu’il le foit ; mais dès que 
j’avois ôté ce ver de place, & que je l’avois mis en quelque 
forte en liberté, l'on corps reprenoit de la rondeur. 

11 vient donc un temps où le ver doit le trouver mal 
à fon aile d’être roulé, & où il doit chercher à lé mettre 
dans une autre pofition, à s’allonger. Ce temps arrive 
quand celui où il doit le métamorpholèr pour la première 
fois, cil proche. C’eftauffi alors que les abeilles qui jufques- 
là lui avoient apporté des aliments convenables, celfent 
de lui en donner qui lui feraient inutiles. Elles connoilfent 
qu’il n’a plus befoin de manger ; & elles longent à le 
mettre hors de rifque d’être inquiété dans fon alvéole, 
où il ne doit plus même avoir de communication avec 
l’air extérieur. Le dernier des foins quelles prennent 
pour lui, eft celui de le renfermer dans fa petite loge, 
d’en murer, pour ainfi dire, l’ouverture avec de la cire. 
Pluficurs abeilles travaillent à la fois , ou les unes après 
* PI. 36.fig. les autres, à faire un couvercle de cire * à la cellule, & 
c Wc 7 ' C> ‘ l Appliquer exactement fur les bords, ceux - ci lui fervent 
d’appuis. Ain fi lever fe trouve renfermé dans une efpéce 
de boite de cire fcellée hermétiquement. La manière 
dont les abeilles s’y prennent pour faire le couvercle de 
cire, ne fuppofe rien que nous ayons befoin d’expliquer; 
la façon en eft plus fimple que celle des cellules exago- 
nes, & la même que celle des couvercles des cellules à 
miel. 

C’eft après que le ver a été ainfi renfermé dans fa cel¬ 
lule, qu’il fe déroule, fe redrefle & s’allonge. Julques-là, 
il n’avoit eu d’autre peine que celle de manger. Son corps 

avoit 


des Insectes. XI . Mem . 58? 

avoit été dans le plus parfait repos ; mais les befoins de 
l'on état futur demandent qu’il commence à travailler. La 
peau qui le couvrira lorfqu’il fera nymphe, elt apparem¬ 
ment plus délicate que celle qui le couvre pendant qu’il 
eft ver; elle ne doit pas être expofée lorfqu’elle eft nou¬ 
velle &excefîivement tendre, à toucher immédiatement 
les parois de la cellule ; le ver fonge à les tapiffer de foye; 
il fçait filer comme le fçavent les chenilles. C’eft un fait 
qui a échappé à M. Maraldi, & qui pouvoit très-bien 
échapper à un bon obfervateur, mais que Swammerdam 
n’a pas ignoré. Je crois feulement que ce dernier a fait filer 
lever de trop bonne heure; il l’a mis à l’ouvrage avant que 
l’alvéole eût fon couvercle de cire; & il m’a toûjours paru 
que le ver 11e commençoit à filer qu’après qu’il avoit été 
renfermé de toutes parts. La portion de la toile qu’il 
ourdit, qui fe trouve à l’ouverture de la cellule, pour- 
roit être gâtée par les abeilles qui mettent le couvercle 
de cire, fi elle étoit déjà faite alors, comme Swammerdam 
l’a voulu. Malgré toute l’adreffe que nous fçavons aux 
abeilles, il ne paroît nullement poffible qu’elles pufïent 
parvenir à appliquer la cire auffi parfaitement qu’elle eft 
appliquée fur toute cette portion de la toile; au lieu que 
le ver ne fait là que ce qu’il fait ailleurs quand il couche 
& colle exactement fur le couvercle, des fils de foye très- 
proches les uns des autres , & qui fe croifent. 

La toile de foye que file notre ver, eft extrêmement 
fine & extrêmement ferrée; elle fuit exactement toutes 
les faces & les angles de la cellule à laquelle elle fert, pour 
ainfi dire, de chemife. On pourrait très-bien ne pass’ap» 
percevoir qu’une cellule eft tapiffée de cette toile, fi on 
le contentoit de lui ôter fon couvercle & d’en confidérer 
le dedans avec des yeux qui ne feraient aidés du fecours 
d’aucun verre. Mais fi on vient à brifèr une cellule dans 
Tome V • Eeee 


* PI. 3 6. fig. 
ij. cfcd. 


58 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOÏRE 
toute fa longueur, ou plutôt à en brifer plulieurs à la fois, 
& cela,en rompant un gâteau rempli de celles dont chacune 
a un ver ou une nymphe, & qui font toutes fermées par 
ieur couvercle de cire ; les calibres du gâteau font voir 
alors plulieurs cellules ouvertes longitudinalement; & on 
remarque que le ver ou la nymphe de chaque cellule, ne 
paroît qu’au travers d’une pellicule rouffeâtre *. Cette pel¬ 
licule 11’a rien de commun avec les parois de cire qui ont 
été rompues ; plus flexible & d’ailleurs forte, elle s’eft 
décollée de deflus la portion de la cellule qui a été em¬ 
portée par le déchirement. 

En rompant ainfi des cellules, on fe convainc donc 
aifément que chaque ver a foin de lapider la fienne d’une 
toile de foye; mais on en pourrait rompre, & c’eft même 
ce qui arrivera le plus fouvent, qui feroient juger que le 
ver file une enveloppe qui efl beaucoup plus épaifle que 
nous ne l’avons laifle imaginer, & qui efl réellement cinq 
à fix , peut-être huit à dix , & peut-être vingt fois plus 
épaifle. Aufli n’eft-elle pas l’ouvrage d’un feul ver; elle 
n’efl pas une enveloppe Ample ; elle efl compoiée de plu- 
fieurs toiles qui ont été miles les unes fur les autres. Nous 
avons déjà dit que moins de trois femaines après que le 
ver efl né, il efl èn état de fortir de fa loge fous la forme 
de mouche. L’habitation qu’il laifle vuide efl nettoyée fur 
le champ par les abeilles, & efl rendue aufli propre qu’elle 
Tétoit d’abord, à fervir à élever un autre ver; la mere 
abeille y peut venir & y vient pondre. Le fécond ver qui 
habite çette cellule, y file comme le premier y a filé, 
avant que de fe métamorphofer. La même cellule peut 
donc être tapiflee d’une nouvelle toile de foye piufieurs 
fois dans une année; & lorfqu’une ruche a fubfifté pendant 
plulieurs années, il y a telle cellule qui a fervi fucceflive- 
anent d’habitation à bien des yers, & qui par conféquent? 


des Insectes. X/. Mem. 587 
a rcçû fucceffivement bien des îoiics de foye. Elles font 
fi minctÿ qu’il en faut un grand nombre d’appliquées les 
unes lur les autres avant que le logement en foit rendu 
fenfiblement plus étroit. On pourroit s’affûrerdu nombre 
des vers qui le font transformés en mouches dans chaque 
cellule, fi on le donnoit la patience de féparer les unes 
des autres les pellicules qui s’y trouvent, car elles font 
féparables. La cellule qui en a plufieurs, loin d’en valoir 
moins, eft plus forte & plus folide que les autres; elle eft 
moins en rilque d'être brifée que celles qui ne font que 
de cire ; la tapifferie eft ici capable de foûtenir les murs. 

Pour féparer d’une cellule l’enveloppe, foit fimple, foit 
compofée, dans fon entier, Swammerdam a eu recours à 
lin moyen un peu long, mais commode; c’eft de tenir 
pendant quelques jours la cellule dans l’efprit de vin ; il 
agit fur la cire, & fait quelle ed bien moins adhérente à 
la toile de foye qu’elle n’y eft naturellement. M. Maraldi 
qui avoit oblèrvé la pellicule ou l’afTemblage de pellicules 
qui recouvre une cellule, ne s’en étoit pas fait une jufte 
idée; il a cru que chaque pellicule fimple étoit la dépouille 
que le ver avoit laiffée lorlqu’il s’étoit transformé: iln’avoit 
pas affes penfé combien il eût été difficile que cette peau 
fè fût moulée exactement dans les angles que forment les 
pans de hexagone; car il n’y a que le fond de la cellule 
qui prenne un peu de rondeur, où les arrêtes des angles 
foient effacées par les toiies. Au refte, s’il eût ouvert plu¬ 
fieurs cellules bouchées récemment, il fèroit parvenu à en 
obferver dont l’intérieur auroit été tapiffé, quoique le ver 
eût encore fa première forme; ainfi, il fe fût convaincu que 
ce n’eft pas de fa dépouille qu’il la.tapiffe; il auroit pu auffi 
furprendre le ver occupé à filer. Enfin, fi on examine au 
microfcope ou feulement avec une forte loupe cette pel¬ 
licule , malgré fon tiffu ferré on reconnoît qu elfe eft 

Eeee ij 


588 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
faite de fils très-déliés, appliqués les uns contre les autres, 
& que fa ftruélure cfl toute autre que celle d’uncjteau. 

Ce n’efl pas feulement par la forme de leurs cellules 
que les vers qui fe doivent transformer en fémelles, font 
traités avec difiindtion ; nous venons de dire que plu- 
fieurs œufs de ceux d’où doivent naître des abeilles ordi¬ 
naires, font fuccefïivement pondus dans la même cellule; 
mais on donne une cellule neuve à chacun de ces œufs 
plus précieux d’où doivent éciorredes vers qui devien¬ 
dront des meres. Les obfervations que j’ai faites le prou¬ 
vent. Je n’ai jamais trouvé une cellule royale tapiffée que 
d’une feule toile de foye; & j’ai vii les abeilles détruire 
les cellules royales dans lefquelles des fémelles étoient 
nées, ou n’en laiffer que les fondements fur lelquels elles 
élevoient des cellules exagones. Enfin, ce qu’ellesavoient 
confervé de chaque cellule royale fe trouvoit dans la fuite 
.entièrement renfermé dans l’intérieur d’un gâteau. Ce que 
nous avons dit ailleurs.* de la pofition la plus ordinaire à 
ces cellules, fait voir que les abeilles font dans la néceffité 
de les détruire, fi elles veulent prolonger les gâteaux de 
cire du bord defquels elles pendent. Je rapporterai une 
feule obfervation, qui prouve inconteftablement cette 
deftruélion des cellules royales. Je baignai une ruche qui 
m’avoit donné l’année précédente deux effiims, & tle la¬ 
quelle il n’en étoit point encore forti le 6 de JuiHet de 
l’année où elle fut baignée. Après avoir examiné fes g⬠
teaux les uns après les autres, je 11’y pû trouver aucune 
cellule royale; elle en avoit pourtant eu au moins deux 
l’année précédente. Plufieurs couches de fils de foye ap¬ 
pliquées fucceffivemcnt fur les parois de la même cellule 
exagone, la rendent moins fragile; mais les cellules royales 
font fi folidement confinâtes, que la multiplication des 
couches de foye leur feroit très-inutile. 


des Insectes. XI . Mem . 5g 9 

Je dois faire remarquer que les abeilles fe donnent bien 
de garde de porter au ver plus d’aliments qu’il n’en peut 
confommer Avant que de Hier fa coque, il achevé de man¬ 
ger toute l'a provifion de gelée; ainfi, il rend le fond de 
fa cellule net & fec : on ne voit pas même qu’il y foit refié 
d’excréments. Après avoir rendu fon logement propre, 
après l’avoir tapiffé de foye, il continue de lè tenir allongé; 
le temps où il devoit être roulé efl fini. Il paffe un jour 
ou plus tout étendu; & enfin, le moment arrive où il va 
changer d’état, où il fe défait de la peau fous laquelle il 
paroiffoit ver, pour devenir nymphe *. Nous avons parlé 
il au long en différents endroits, delà manière dont s’ac¬ 
complit la métamorphofe des chenilles en crifalides, & 
celle des vers de divers genres qui doivent devenir des 
mouches à quatre ailes, en nymphes incapables de véri¬ 
table mouvement progrefîif, qu’il l'eroit très-inutile que 
nous nous arrêtaffions à décrire comme fe fait le change¬ 
ment d’état du ver d’abeille. On fçait affés que fa peau 
doit fe fendre fur le dos, que la nymphe fort peu à peu 
par la fente qui s’y efl faite, quelle force cette peau à aller 
en arriére, que la nymphe s’en tire toute entière; & que 
dès quelle s’efl défaite de cette enveloppe, on lui peut 
trouver toutes les parties extérieures d’une abeille, les 
antennes, les jambes & la trompe qui font ramenées 
en devant du côté du ventre ; & que ces parties n’ont 
plus befoin que de prendre de la confiftance pour être 
en état de fournir à tous les ufages auxquels elles font 
deflinées. 

Ces faux-bourdons, ces mâles que les abeilles maffacrent 
impitoyablement dans le mois de Juillet, quelquefois un 
peu plutôt & quelquefois un peu plus tard, ont été l’objet 
de leurs foins pendant qu’ils prenoient leur accroiffcmcnt 
fous la forme de vers qui ne différoient que par leur 

Eeee iij 


* Pî. 3 6.fig. 
14. 


590 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
grandeur, de ceux qui deviennent des abeilles fans fexe. Ces 
dernières leur portent les mêmes aliments quelles portent 
aux autres vers, & avec la même aflkluité; & enfin, quand 
il y en a quelqu’un de prêt à fe métamorphofer, elles ont 
aufi'i l’attention de mettre un couvercle de cire à fa cel¬ 
lule. Quand les cellules où ils font ne le feroient pas difiin- 
guer des autres par leur grandeur, on les reconnoîtroit 
. fig. parla forme du couvercle *. Ce couvercle efi une calotte 
c > c ' fenfiblement plus relevée en dehors que n’efi celle d’une 
cellule de ver qui doit devenir une abeille ordinaire. On 
voit dans certains temps des gâteaux entiers ou des por¬ 
tions de gâteaux dont toutes les cellules ont de ces cou¬ 
vercles relevés. 

Les vers qui doivent devenir des faux-bourdons, naifi- 
fent d’œufs femblabies à ceux d’où lortent les vers qui 
doivent devenir des abeilles communes, mais peut-être 
un peu plus gros. Ces premiers vers avoient befoin de 
cellules plus grandes que celles des autres , parce qu’ils fe 
transforment en des mouches dont la grandeur furpalfe 
confidérablement celle des abeilles ouvrières. Quoique 
ces mouches mâles foient confidérablement plus grandes 
que les autres, M. Maraldi rapporte qu’il trouva dans 
une ruche dont on avoit fait périr toutes les mouches, un 
grand nombre de faux-bourdons qui n’étoient gu ères plus 
gros que des abeilles ordinaires. Il m’eft arrivé une ieufe 
fois de voir de ces petits mâles, & j’en ai même conlèrvé 
un dans mon recueil d’infeélesfecs. Dès qu’on n’en trouve 
pas ordinairement de ceux - ci dans les ruches, en quel¬ 
que faifon qu’on les v cherche, il y a plus d’apparence 
que quelquefois des mâles refient petits par quelque cir- 
conftance qui s’efi trouvée contraire à leur accroifi'ement, 
qu’il n’y en a qu’ils foient une cfpéce particulière rie faux- 
bourdons. Nous avons parlé des cas de néceflité où la 


des Insecte s . XI. Man. 591 

mcre abeille clépofe deux & même trois œufs dans le 
même alvéole, ne peut-il pas auffi arriver que les abeilles 
ouvrières ne faffent pas à temps les grands alvéoles dans 
lefquels les vers mâles peuvent croître à leur aife, ou que 
ceux qui font faits fe trouvent tous remplis de miel î 
Alors la mere abeille feroit obligée de dépofer dans des 
cellules ordinaires les œufs qui donnent naiffance à des 
vers qui fe transforment en mâles ; le corps de chaque 
ver étant trop & trop tôt ferré par les parois de fa cel¬ 
lule, ne pourrait parvenir à prendre le- volume qu’il au¬ 
rait pris dans une plus grande cellule. 

L’amour des abeilles ordinaires pour les vers nés dans 
leur ruche, eft alfés marqué par les foins & les attentions 
quelles ont pour eux ; mais il m’a paru curieux de fçavoir 
ficet amour s'étendrait jufques à des vers qui auraient pris 
nailfance dans une autre ruche ; & nous verrons dans la 
fuite que j’avois même raifon de fouhaiter que cela fût. 
J’ai donné aux abeilles de plufieurs ruches, des portions de 
gâteaux que j’avois tirées d’autres ruches, & dont les cel¬ 
lules étoient remplies de couvain en tous états. Les unes 
l’étoient d’œufs, d’autres de vers nailfants, d’autres de vers 
très-gros, de vers dont les cellules étoient bouchées de 
cire. D’autres cellules de ces mêmes portions de gâteaux 
contenoient des nymphes de différents âges, c’eft-à-dire, 
de celles qui n’étoient nymphes que depuis peu de temps,. 
& de prêtes à devenir mouches; Si enfin on y en pouvoir 
trouver de tous les âges moyens. Les nymphes n’ont 
plus befoin du fecours des abeilles ordinaires; elles font 
devenues des mouches dans la nouvelle ruche où elles ont 
été tranfportées, Si ont augmenté le nombre de celles qui 
l’habitoient. Mais je n’ai point vu les abeilles de cette ru¬ 
che prendre foin des œufs Si des vers nés dans une autre 
ruche ; elles ont même traité ces derniers avec la plus 


592 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
grande barbarie; elles les ont arrachés de leurs cellules, 8 c 
les ont jettés hors de la ruche; elles les ont fait périr im¬ 
pitoyablement. 

Dans bien des circondances, je les ai vû traiter avec 
îa même cruauté des vers nés parmi elles-mêmes. Lorf- 
que quelque accident fait tomber un gâteau ou quelque 
portion de gâteau remplie de couvain, fur le fond d’une 
ruche qui n’ed pas bien pleine, on voit les abeilles s’at¬ 
trouper deffiis; elles ne font grâce à aucun des vers qui 
fe trouvent dans des cellules ouvertes, elles les en tirent, 
les tuent & les vont jetter au loin. Elles peuvent être excu- 
fables alors, peut-être même méritent-elles d’être louées. 
C’ed un ouvrage au-deffus de leurs forces que celui de re¬ 
mettre le gâteau dans fon ancienne place; & dès qu’il rede 
où il ed tombé, il n’ed peut-être pas poffible d’entretenir 
autour des vers le degré de chaleur qui leur ed néceflaire; 
ils périroient à la longue de froid ; les abeilles aiment mieux 
leur donner une mort prompte, que de les laider languir 
trop long temps. 

Elles agiffent pourtant de la même manière dans un 
autre cas, où loin de me paraître dignes des éloges que 
M. Maraldi leur adonnés, elles me femblent plus difficiles 
à judifier. J’ai vû tomber des gâteaux pleins de couvain en 
tous états fur le fond d’une ruche extrêmement pleine de 
gâteaux 8 c d’abeilles; elles s’affembloient, comme l’a dit 
M.Maraldi, fur laportion qui étoit tombée; mais loin d’en 
foigner les vers, comme il a pcnfé qu’elles le faifoient, 
elles n’épargnoient que ceux des cellules fermées : elles 
pouvoient pourtant entretenir autour d’eux une chaleur 
fuffifante; mais une autre raifon apparemment ne leur per- 
mettoit pas d’efpérer qu’ils vindent à bien. Les cellules qui, 
quand elles étoient dans leur première pofition, avoient 
leur axe prefque horifontal, l’avoient alors vertical ; les 

vers 


des Insectes. XL Mcm. 595 
vers fe trouvoient donc dans une polit ion fort différente 
de celle où ils avoient été, & dans laquelle il n’étoit peut- 
être pas poffible qu’ils achevaffent de prendre leur accroif- 
fément, & qu’ils le transformaffent. 

Enfin, il arrive quelquefois que les abeilles de certaines 
ruches , arrachent les vers des alvéoles, qu’elles les tuent 
& quelles en tranfportent les cadavres au loin, quoiqu’il 
ne (oit arrivé aucun dérangement aux gâteaux, quoiqu’ils 
foient tous reliés dans leur place. Un tel procédé elt affu- 
rément bien étrange, & s’accorde mal avec l’affeétion ten¬ 
dre que les abeilles montrent généralement pour les vers de 
leur habitation. Néantmoins il elf apparemment fondé fur 
des raifons que nous trouverions bonnes, fi les abeilles 
pouvoient plaider leur caufe devant nous. Entre celles que 
j’en imagine, la trop grande fécondité de la mere en peut 
être une ; lorfqu’elle va à un tel point que prefque tous 
les gâteaux de la ruche font remplis de couvain, dans un 
temps qui invite à faire une abondante recoite de miel; 
alors pour trouver où mettre le miel dont il cil nécefîaire 
que les abeilles de cette ruche fe fournifTent, elles font 
contraintes de vuider les cellules remplies par les vers, il 
faut qu’elles fe réfolvent à les tuer. Car après tout, la 
première chofe efh de fonger à donner de quoi vivre à 
tout le peuple de h république. Ç a été auffi dans un temps 
où des abeilles pouvoient faire facilement, & en peu de 
jours, de grandes récoltes de miel, que je leur ai vû tuer 
des vers qui eux-mêmes dévoient être bientôt des abeilles 
ouvrières. Elles peuvent encore faire un carnage de ces 
vers, dans une autre circonftance, fans mériter qu’on leur 
en reproche la cruauté, fçavoir, lorfqu’elles font en li 
grand nombre dans leur ruche, qu’elles trouvent à peine 
à s’y tager, & que leur mere ne met point au jour des 
œufs d où des femelles doivent fortir, ou que ceux de 
Tome K . Ffff 


594 MEMOIRES pour l’HistqJre 
cette efpéce qu’elle a pondus ont mal réuffi. Des mou¬ 
ches qui raifonneroient & prévoiroient, & nous avons 
affés de preuves que nos abeilles agi (fient comme fi elles 
raifonnoient & prévoyoient, voyant qu’il n’y a pas lieu 
d’attendre qu’une colonie pût être conduite hors de la 
ruche, concluraient à empêcher le nombre des mouches 
de s’y multiplier trop ; elles verraient la néceflité de fa cri- 
fier au moins une partie des vers qui doivent devenir des 
mouches, aux mouches qui ont toute leur vigueur. Enfin, 
des raifons peut-être encore meilleures que nous ne fça- 
vons pas deviner, les forcent a cette cruauté. Nous ne 
fçavons pas h des vers qui nous parodient bien condi¬ 
tionnés, ne font pas attaqués de quelque maladie; h les 
abeilles dans lefquelles ils lé métamorphoferoient, ne fe¬ 
raient pas trop foibles, &c. 

J’ai penfé qu’il pourrait y avoir une ci;confiance oit 
les abeilles prendraient foin des vers nés dans une ruche 
étrangère, içavoir, lorfqu’après leur avoir ôte tous ceux 
qu’elles avoient vu naître, on ne leur donnerait à foigner 
que des vers qui devraient leur naiffance à une reine ou 
mere à elles inconnue. Ce ferait un étrange projet, •& 
qui ne pourrait tomber que dans.l’efprit d’un tyran exé¬ 
crable , que celui de fe donner le fpecfacle de faire palier 
réciproquement tous les habitants d’une grande ville dans 
une autre, en les obligeant de laiffcr chacun dans leurs 
maifons, toutes leurs provifions, tous leurs meubles, & 
jufques aux enfants à la mammelie; d’obliger, par exem¬ 
ple, tous les habitants de Roüen , de laiffer leurs maifons 
dans l’état où elles font, pour aller s’établir dans celles 
d’Orléans dont les habitants auraient été chaffés, pour 
aller occuper à leur tour les maifons abandonnées à Rouen. 
Sans être trop barbare, on peut imaginer de fe donner 
un fpedacle du même genre avec des ruches. Il peut 


des Insectes. XI. Alan. 595 
paraître curieux de voir ce qui fe pafferoit fi ioriqu’apres 
avoir chaffé toutes les abeilles d’une ruche, après les avoir 
forcé d’abandonner leurs gâteaux de cire pleins de miel 
& de couvain en tous états, on obiigeoit les abeilles d’une 
autre ruche de fortirde leur habitation pour aller s’établir 
dans la première ruche dont les mouches auraient été chaf- 
lées, &qui fe trouverait bien pourvue de tout ; & enfin, fi 
en échange on donnoit aux premières mouches la féconde 
ruche garnie de gâteaux faits par les mouches qu’on aurait 
établies dans la première ruche. J’ai tenté de faire cet 
échange entre des mouches qui étoient dans des ruches en 
panier. Je fis paffer de la manière dont je l’ai expliqué * ail- * Mm, 
leurs & fans avoir recours à l’eau, les abeilles d’une ruche 
alfés fournie de gâteaux, dans une ruche vuide. Pour faire 
cette expérience, je m’y pris dès le matin dans le mois de 
Mars. Quand toutes ou prefque toutes les abeilles furent 
forties de la première j^iche, je forçai les abeilles d’une autre 
ruche bien pourvûe elle-même de gâteaux, à aller s’établir 
dans le logement qui venoit d’être abandonné, & où elles 
dévoient trouver tout ce qui leur étoil néceffaire. Dès 
quelles y furent entrées, dès que la ruche quelles habi- 
toient auparavant fut vuide, je fis faire un fécond démé¬ 
nagement aux abeilles que j’avois forcé d’abandonner la 
première ruche, à celles qui avoient été mifes dans la ru¬ 
che dépourvue de tout; je les fis paffer dans la ruche des 
mouches qui étoient en pofTeffion delà leur. Ainfi fut fait 
l’échange de ruches toutes meublées & auxquelles rien d’ef- 
fenticl ne manquoit, & il fut fait plus vite qu’on nefe l’ima¬ 
ginerait. Les manœuvres qu’il demanda furent finies en 
moins de cinq quarts d’heure. La faifon dans laquelle je le 
fis, n’etoit pas favorable à un déménagement de mouches. 

Les fecouffes qu’on donna aux ruches pour déterminer les 
abeilles à en fortir plus vite, détachèrent quelques gâteaux ; 

' Lffifij 


5 ]C )6 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE 
le vuide en devint plus grand dans les ruches ; auffi y en 
eut -il une dont les mouches ne purent rélifter aux froids 
qui furvinrent au bout de douze à quinze jours, elles péri¬ 
rent. Les autres qui étoient en plus grand nombre & dans 
une ruche mieux fournie de gâteaux, foûtinrent ces mêmes 
froids. Au refle, les parois opaques de ces ruches, ne me 
permirent pas de voir à mon gré comment les abeilles le 
comportoient dans l’intérieur; mais j’eus tout lieu de croire 
qu’elles prirent en afleélion les vers qu’elles y trouvèrent; 
j’en ai une très-forte preuve. Si elles n’cuflènt pas voulu 
avoir foin de ces vers, elles les euffent laifle périr ; & fans 
attendre même qu’ils fuftent morts, elles n’euffent pas 
manqué de les arracher de leurs cellules & de les jetter 
hors de la ruche, ou au moins fur fon appui ; mais je ne 
pus trouver fur l’appui aucun ver, & je ne pus voir de 
mouches occupées à en tranfporter; ce qui prouve cjue 
les vers furent bien traités par les avilies. Je me promets 
de répéter la même expérience fur des ruches vitrées, fur 
lefquelles jhufte commencé à la faire, fi, lorfque je la fis, 
j’en euffe eu deux dont j’euffe pu difpofer. 

Si les abeilles ordinaires prennent non-feulement tant 
de foins pour élever les vers qui doivent leur devenir 
femblables, fi elles en prennent de pareils pour ceux qui 
doivent fe transformer en faux-bourdons , on penfe bien 
quelles font au moins auffi attentives aux vers qui fe 
doivent métamorphofer en fémelles ou reines ; que lorf¬ 
que ces derniers vers n’ont plus à croître, elles n’ou¬ 
blient pas de fermer leurs cellules avec un épais couver¬ 
cle de cire. Nous devons même rapporter une obfer- 
vation qui prouve qu’elles font tout avec profufion, 
lorfqu’il s’agit de ces vers. Nous avons déjà vu quelles 
dépendent plus en cire pour conftruire une cellule à cha¬ 
cun de ceux-ci, quelles n’en dépendent pour en conftruire 


des Insectes. XL Mem. 597 
cent, ou cent cinquante, à des vers communs. Elles leur 
donnent auffi la nourriture avec plus de prodigalité. J’ai 
dit que lorfque les vers qui deviennent des abeilles commu¬ 
nes étoient prêts de fe transformer en nymphes, ou qu’ils 
s’y étoient transformés, on ne trouvoit plus au fond de leur 
cellule, de cette bouillie qui y elt portée pour les nourrir. 
J’ai ouvert plufieurs cellules devers qui deviennent des fe¬ 
melles , après que le ver y avoit été renfermé, & j’y ai vû un 
volume de bouillie égal à celui du ver. Cette bouillie fem- 
bloit une cfpéce de ragoût affaifonné; je-lui ai trouvé un 
goût légèrement lucre, mêlé avec de l’aigre & du poivré. 
Dans les cellules royales dont les vers s’étoient transformes 
en nymphes, j’ai remarqué une plaque de cette bouillie 
allés épailfe, & qui avoit plus ou moins de confiftance, 
félon qu’il y avoit plus ou moins de temps que la nymphe 
s’étoit tirée de la peau du ver. 

Ce relie d’aliment femble pourtant aulïi fuperflu aux 
nymphes qui doivent devenir meres, qu’à celles qui de¬ 
viennent des abeilles ouvrières; elles n’ont pas plus befein 
& ne font pas plus en état de manger les unes que les autres; 
il fembleroit même n’être propre qu’à les incommoder. 
Mais quand on ouvre avec précaution une cellule * où 
cil une de ces nymphes royales renfermée *,on voit que 
fon logement a plus de capacité proportionnellement que 
celui des autres nymphes, qu’elle ne le remplit pas à beau¬ 
coup près. C'elt contre le fond, c’cft-à-dire, contre le bout 
fupérieurdela cellule qu’eft appliquée la couche de bouillie 
qui n’a pas été mangée; & entre cette couche & le derrière 
de la nymphe, il relie un grand vuide. Sa tête elt à l’autre 
bout tout près du couvercle. 

Nous devons encore remarquer ici combien la nature 
a voulu que dès leur naiflance les femelles fulTent diftin- 
guées des autres abeilles. Au lieu que les nymphes de 

Ffff iij 


* PI. 3 6 . tig 

I 5 . U II. 

* 11 . 



598 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
celles-ci font pofées prelque horifontaiemcnt,& ont même 
la tête un peu plus élevée que le derrière, les nymphes 
royales font poièes verticalement ayant la tête en embas. 
Le pian de l’anneau que forme un ver ordinaire, roulé dans 
fa cellule, efi vertical; & le plan de l’anneau du ver qui 
doit devenir mere, efi horiforîtal. Tout cela fuit de la dif¬ 
férente difpofition des cellules des uns & de celles des 
autres. 

Entre des cellules d’où des meres étoient forties, j’en 
ai trouvé qui avoient été ouvertes par le côté, mais plus 
ordinairement elles le font par le bout. L’ancienne mere 
11 attend pas à pondre un œuf dans une cellule royale, 
julques à ce que les mouches ordinaires aycnt donné à 
cette cellule toute la longueur qu’elle doit avoir. J’ai vu 
des vers dans quelques-unes qui avoient encore la figure 

*PI. 32. fig. d’un calice de gland *. 

K Nous avons déjà dit que lorfque le couvercle de cire 

a été une fois mis aune cellule, le ver qui y eft renfermé, 
de quelque efpéce qu’il foit, n’a plus befoin de fecours 
étrangers; il file, il fe transforme enfuiteen nymphe qui 
d’abord efi extrêmement blanche. Par la fuite, lés yeux 
prennent une teinte de rouge qui devient de plus en plus 
forte , & des poils grifâtres paroiffent fur le corps & fur 
le corcelet. Quand toutes les parties de la nymphe ont ac¬ 
quis la confifiance qui convient aux parties d’une mou¬ 
che , alors l’abeille efi en état de paroître au jour. Elle 
commence par fe défaire de l’enveloppe mince, d’une 
efpéce de voile blanc qui tenoit toutes fes parties exté¬ 
rieures emmaillotées ; enfuite elle fait ufage de fes dents 
pour s’ouvrir une fortie qui lui permette de quitter un 
logement qui efi devenu pour elle une prifon. Avec une 
de fes dents elle perce le couvercle de cire de la cellule 
environ vers le milieu; cllefaifit enfuite entre cette même 


des Insectes. XI. Mem. 599 
dent Si l’autre une petite portion de cire ; elle la hache; 
elle la fait tomber ; elle a prife alors pour continuer de 
hacher peu à peu le couvercle, d’aggrandir l'ouverture 
commencée. A rpefure que cette ouverture devient plus 
grande, on voitparoître une plus grande portion de la tète. 
Enfin, au bout de deux à trois heures , iorfque la mouche 
naiftante eft vigoureufe, & Iorfque la faifon eh favorable, 
clleparvient à rendre l’ouverture fuflifantc pour lui permet- 
tre de fortir. Des mouches moins fortes , Si dans des jours 
peu chauds, font quelquefois plus d’une demi-journée à 
y parvenir. Cet ouvrage même eft au-deffus des forces de 
quelques-unes; il y en a qui périffent dans leur cellule 
aprèsy avoir fait une ouverture par laquelle leur tête feule 
ou une partie de leur tête peutpafter; c’eft ce qui n’arri- 
veroit pas fi, commeSwammerdam la cru, les abeilles qui 
ont mis les couvercles venoient les ôter dans des temps 
où loin d’être néceiïaircs, ils ne font plus qu’incommodes. 
Mais Swammerdam n’avoitpu que deviner fur cet article, 
n’ayant point eu de ruches vitrées, les feules qui peuvent 
donner la facilité de voir les abeilles en travail. 

Quand donc la jeune mouche eft parvenue à avoir affés 
ouvert fa cellule, elle en fait fortir fa tête & enfuite fes 
premières jambes qu’elle cramponne fur les bords du trou, 
& fur lefquelles elle fe tire en avant. Bientôt les autres 
jambes font à portée de fortir à leur tour; Si alors elle 
n’eft pas long-temps à dégager le relie de fon corps. Elle 
paroît toute entière à découvert; die fe pofe fur fes fîx 
jambes fur le gâteau de cire, affés près de la cellule quelle 
vient de quitter. Ses ailes achèvent de fe déplier Si de 
s’affermir : fon corps Si toutes fes parties extérieures font 
encore mouillées ; mais quand l’air chaud de l’intérieur 
de la ruche ne fuffiroit pas pour les féchcr vite, elles 
11e refteroient pas long-temps humides. Les abeilles qui 


6 qo MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
apperçoivent celle qui vient de naître, le rendent autour 
d’elle, & femblent lui marquer la joye qu’elles ont de la 
voir, par de bons offices; deux ou trois fè placent autour 
d’elle , la lèchent & l’efïuyent fucceffivement de toutes 
parts avec leur trompe; quelques-unes même la lui pré- 
fentent pleine de miel qu’elles ont dégorgé. 

■ Prefique dans le même temps d’autres abeilles qui voyent 
la cellule qui vient d’être abandonnée, cherchent à la re¬ 
mettre en état de recevoir un nouvel œuf, en état de fervir 
à élever une autre abeille, ou à la rendre un valè propre & 
net , & dans lequel du miel puiffe être dépofé.M.Maraldi 
afliïre avoir obfervé une cellule dans laquelle cinq œufs fu¬ 
rent pondus fucceffivement,& defquelsfortirent cinq abeil¬ 
les en moins de trois mois. La mouche nouvellement née 
a laiffé dans la cellule deux dépouilles, celle qui lui donnoit 
d’abord la forme de ver, & celle qui la faifoit paroître une 
nymphe. Cette cellule eft bientôt apperçûe par une an¬ 
cienne abeille qui ne tarde pas à y entrer la tête la pre¬ 
mière ; elle faifit avec fes dents une des dépouilles ; elle lort 
auffi-tôt, & va la tranfporter hors de la ruche. Une autre 
abeille entre fur le champ dans la même cellule, & retire la 
fécondé dépouille pour la tranfporter au loin. Enfin, plu- 
fieurs abeilles qui entrent les unes après les autres dans 
cette même cellule, ôtent toutes les petites ordures qui 
peuvent y avoir été laiffées; tels font les fragments de 
cire qui y font tombés, lorlque le couvercle a été percé. 
Mais elles ne donnent aucune atteinte à la tenture de 
foye dont le ver en a tapiffé les parois avant que de fc 
métamorphofer ; elle ne nuit en rien à l’intérieur, & 
rend la cellule plus lolide. D’autres abeilles achèvent en 
même temps doter tout ce qui peut refier du couvercle, 
de bien dreffer, de bien unir tous les bords du contour 
de la cellule; en un mot, elles la mettent dans l’état d’une 

cellule 


des Insectes. XI. Mem. 601 
cellule nouvellement cond uite, tant elles la réparent avec 
foin. 

Mais retournons à l’abeille que nous avons vû naître; 
elle eft ailée alors à diftinguer des autres par fa couleur; 
celle des vieilles abeilles dt plus roulfe, la fienne dt plus 
grilâtre ; les anneaux de cette dernière font plus bruns; 
les poils qui l'ont couchés deffus, & ceux des autres 
parties lont blancs: le blanc des poils joint au brun noir 
des anneaux forme la couleur grilâtre. A mefure que 
les abeilles vieillilfent, leurs poils deviennent de plus en 
plus roux, & le brun des anneaux s’éclaircit; tle forte 
que les différences de nuances, mettent en état quel¬ 
qu’un qui a occafion de voir fouvent des abeilles, de 
diltinguer les jeunes de celles d’un âge moyen, & de 
diltinguer même celles-ci des vieilles. L’abeille qui vient 
de naître, a le ventre gros ; fi on l’ouvre, on le trouve 
très plein de miel ; elle a donc encore celui quelle avoit 
pris lorfqu’elle avoit la forme de ver ; aulfi avons-nous 
remarqué que le miel fcmble entrer dans la compofition 
de la dernière bouillie qui eft donnée au ver. Peut-être 
même que les abeilles, outre la bouillie, lui donnent du 
miel avec leur trompe; peut-être que comme les abeilles 
fe nourriflent de cire brute & de miel, le ver eft nourri 
de miel & de bouillie. 

A peine toutes les parties de la jeune abeille font aftes 
delféchées, à peine fes aîles font-elles en état d’être agitées, 
qu’elle fçait tout ce quelle aura à faire dans le refte de là 
vie. Qu’on ne s’étonne pas quelle foit fi bien inftruite, 
& de fi bonne heure; elle l’a été par celui même qui l’a 
formée. Elle l'emble fçavoir qu’elle eft née pour fa focieté, 
Si quelle doit travailler à s’acquitter des foins qu’on a 
pris pour elle ; elle marche fur les gâteaux, S< cherche 
à aller jouir du grand air. D’autres abeilles qui lortent 
Tome V. . G g g g 


602 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

continuellement de la ruche, lui apprennent où font les 
portes ; elle ne manque pas de guides qui lui montrent le 
chemin. Comme les autres elle Tort de l’habitation com¬ 
mune, & va comme elles chercher des Heurs ; elle y va 
feule, 8 c n’eft point embarraffée enfuite de retrouver la 
route de la ruche, même quand elle y veut retourner pour 
la première fois. Ce ne font pas l'es feuls befoins qui la 
déterminent à voler fur les plantes. Nous avons déjà vû fes 
compagnes lui offrir du miel ; û elle va donc en puiferdans 
le fond des fleurs ouvertes, c’efl moins pour s’en nourrir 
que pour commencer à travailler pour le bien commun, 
pour en ramaffer quelle puiflê porter dans les endroits où 
il eft mis en dépôt. Ce qui prouve bien que ce n’efl pas 
pour fon interet particulier quelle recueille du miel, c’efl 
que dès fa première fortie,elle fait quelquefois une récolte 
de cire brute. M. Maraldi allure qu’il a vû revenir à la 
ruche des abeilles chargées de deux greffes boules de cette 
matière, le jour même quelles étoient nées. 

Quand des abeilles ont commencé à naître dans une 
ruche, il n’en naît pas pour une chaque jour; il y a tel . 
jour où plus de cent fortent de leurs cellules. Des g⬠
teaux, ou de très-grandes portions de gâteaux qui ne 
montroient que des cellules fermées, au bout de quatre 
à cinq jours n’ont plus que des cellules ouvertes, parce 
que les mouches qui y étoient renfermées en font forties. 
Alors la ruche fe peuple journellement, 8 c en quelques 
femunes le nombre de les habitants devient fi grand» 
qu elle peut à peine les contenir; c’efl ce qui donne lieu 
aux effaims qui fourniront la matière du Mémoire fuivant» 


des Insectes. XI. Mem. 603 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU ONZIEME MEMOIRE. 

Planche XXXVI. 

La Figure 1 repréfente un alvéole Je cire, grofti Couvert 
tout du long, pour faire voir un œuf J’abeiile attaché par 
un Je fes bouts contre le fond, cc, l’alvéole ouvert, o, l’œuf. 

Dans la Figure 2, un œuf d’abeille o b, eft vû plus groiïr 
que dans la figure i. b, fon petit bout, qui ici eft co'lé 
contre l’épingle, & qui efi celui que l’abeille colle contre 
ie fond de la cellule. 

Les Figures 3 & 4 font celles d’un des vers qui fe trans¬ 
forment en abeilles ouvrières, à peu près de la grandeur à 
laquelle il parvient quand il a pris tout fon accroiftement. 
Il eft vû de côté & par-defifus, figure 3, & par-deftbus, 
figure 4. /, fa tête. 

La Figure 5 eft une projection d’une cellule vue parle 
bout ouvert. Un ver roulé eft placé au fond de cette cellule. 

La Figure 6 nous montre auffi un ver roulé dans une 
cellule qui a été à moitié ouverte tout du long; mais le 
rouleau compofc du ver, n’cft pas ici parallèle au fond de 
la cellule, comme il i’eft naturellement. 

Les Figures 7 & 8 repréfentent encore deux portions de 
cellules ouvertes&groftiies, dans chacune defquelles eft un 
ver. Dans l’une & dans l’autre le ver eft vû par le dos. On 
peut remarquer que celui de la figure 8, forme un anneau 
plus large que n’eft l’anneau fait par le ver de la figure y, ôc 
par celui de la figure y Ce dernier qui a étéfuppofé pris 
dans un état où il avoit beaucoup à croître, rempliftbit 
déjà prefque toute la circonférence de la cellule dans l’en¬ 
droit où il étoit pofé. Dès que ce ver a crû en reliant toû- 
jours roulé, Ion corps a donc été forcé de s’élargir vers 

Gggg >‘j 


6 04 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE 

les côtés, de former un anneau plus large tel qu’efi celui 
du ver de la figure 8. 

La Figure 9 fait voir par-defius, la tête d’un ver d’abeille 
extrêmement grofile. i, i, fes yeux, c, c, deux crochets qui 
s’appliquent contre la lèvre fupérieure./;/,/, les trois pièces, 
qui enfemble compofent la lèvre inférieure. Les pièces 1 , 1 , 
font terminées par des pointes brunes & écailleufès. f, la 
partie la plus confidérable de la lèvre inférieure, dans le 
bout de laquelle efi la filière. 

La Figure 10 montre par-defious, la tête qui efi vue 
par dcfïus dans la figure précédente. I, l,f, les trois pièces 
dont efi compofée la lèvre inférieure. 11 fort actuellement 
du bout de la partie/j une pièce coupée quarrément que le 
ver ne fait fortir que dans certains inftants. 

Les Figures 1 1 & 1 2 font en très-grand, celles du ver 
qui n’a que fa grandeur naturelle dans les figures 3 & q.. 
Il efi vû de côté & par-defius, figure 1 i,& par-defious, 
figure 12. a, fa tête./, f, f, figure 1 2, marquent trois des 
ftigmates; dans cette figure font trois trachées 

qui aboutifient aux trois ftigmates précédents. 

La Figure 13 repréfente un alvéole ouvert tout du 
long, cd c, bords de l’ouverture, df efi une toile defoye 
d’un brun clair qui renferme une nymphe. 

La Figure iq. efi celle d’une nymphe d’abeille vue du 
côté du ventre, & à peu près de grandeur naturelle. 

La Figure 1 5 montre de face un morceau de gâteau, 
dont la plupart des cellules font vuides; des abeilles ordi¬ 
naires qui y ont pris leur accroifiement, en font forties. 
c , c, quelques cellules qui ont encore leurs couvercles, & 
dans iefquelles des nymphes qui doivent devenir des abeil¬ 
les ouvrières, font encore renfermées, m ,abeille qui vient 
de fe dépouiller des enveloppes de nymphe, & qui a rongé 
le couvercle de fa cellule dont elle fc prépare à fortir. 


des Insectes. XI. Mem. 6 oj 

rf, eft une cellule royale, uu, portion de cire qui a été 
emportée pour mettre à découvert l’intérieur de cette 
cellule, n, la nymphe, qui doit devenir une abeille fé- 
melle. On voit quelle n’occupe qu’une partie afles pe¬ 
tite de la capacité de fon logement, où elle eft la tête en 
embas. 

La Figure 16 eft celle d’un morceau de gâteau qui 
r’eft compofé que de ces cellules dans lefquclles des vers 
qui doivent devenir des abeilles ordinaires croiftent fous la 
forme de ver. Plufieurs de ces cellules c,c,c, font actuel¬ 
lement fermées, m, abeille, qui après s’être transformée, 
& avoir rongé le couvercle de fa cellule, travaille à en for- 
tir, & en eft déjà fortie en partie, h, h, font des cellules, 
dont les ouvertures fe trouvent fur la face du gâteau op- 
polée à celle qui eft ici en vue. 

La Figure 17 repréfente un morceau de gâteau com- 
pofé de cellules, danslefqueiles croiftent les vers qui doi¬ 
vent devenir des abeilles mâles. La plupart des cellules qui 
paroiiïent ici, ont un couvercle. En comparant ces cel¬ 
lules avec celles de la figure i 5, on remarque non-feu¬ 
lement quelles font plus grandes que les autres, mais 
on voit de plus, que leurs couvercles ont une convexité 
que n’ont pas les couvercles ries autres cellules. Les 
couvercles des cellules à mâles, s’élèvent au-deffus des 
tords de l’ouverture. 0,0, quelques cellules ouvertes. 
En k k,é toit un bord du gâteau. On doit faire attention, 
que plufieurs des cellules qui s’y trouvent, ont des figures 
irrégulières. Quelques-unes qui ont fix côtés, les ont très- 
inégaux; d’autres ne femblent avoir que quatre ou cinq 
côtés, parce qu’un ou deux de leurs côtés font fi petits, 
qu’à peine peut-on les diftinguer des autres. L’endroit de 
la ruche où ces cellules étoient placées, n’étoit pas un de 
ceux où les abeilles cherchent à mettre à profit tout 

G SSg ii î 


606 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 

i’elpace; elles avoient négligé, comme elles négligent quel¬ 
quefois en pareils cas, la régularité de leur architecture, 
dans la conftrudion de quelques cellules qui n etoient 
deftinées qu a recevoir du miel. J’ai obfervé fouvent de 
ces fortes de cellules, placées hors des plans des gâteaux, 
qui avoient fix pans, dont deux des oppofés étoient égaux, 
& qui, enfemble, étoient à peu près aufli grands que les 
quatre autres pans pris aulft enfemble. 





































i 




















des Insectes. XII. Mem. 6 07 

DOUZIEME MEMOIRE. 

DES ESSAIMS. 

L Orsque la faifon devenue plus douce a permis à 
une mere abeille de recommencer fa ponte qui avoit 
été interrompue pendant les froids de l’hiver, elle fait 
chaque jour un grand nombre d’œufs dont chacun vaut 
à la ruche une nouvelle abeille, qui y paroît au bout de 
trois femaines ou environ, & qui y eft en état de s’occuper 
aux différents travaux. Alors les pertes que la ruche avoit 
faites pendant l’automne & pendant l’hiver fe reparent; 
elle acquiert journellement de nouveaux habitants, elle 
fe repeuple. Mais ce n’eft qu’après quelle s’eft repeuplée 
de mouches ouvrières, que la mere pond des œufs qui 
doivent donner de ces mouches qui paffentdans l’oifiveté 
line vie affés courte, &. qui ne font deftinées qu’à rendre 
féconds les œufs que la même mere pondra par la fuite. 
Si ceux qui doivent être pondus par des meres qui naî¬ 
tront bientôt. Enfin , on revoit donc paroître des faux- 
bourdons ou mâles dans cette ruche qui avoit été huit ou 
neuf mois fans en avoir aucun. Quand les mâles s’y loin 
multipliés, quelques nouvelles fémeiles, ou une nouvelle 
fémclle au moins, n’efi pas éloignée du temps où elle doit 
fortir de la cellule dans laquelle elle a pris ion accroiffe- 
ment fous la forme de ver, & où elle eft encore lous celle 
de nymphe. De nouvelles mouches ouvrières fortent auffi 
chaque jour des leurs. La ruche le trouve fournie de mou¬ 
ches des trois fortes, & fe trouve quelquefois fi remplie 
d’abeilles ordinaires, que là capacité ne iuffit pas pour 
les loger à l’aife. 


* PI. 22. fîg 
S- 


608 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

Quand l’habitation eft devenue trop petite pour conte¬ 
nir tout Ton peuple, il convient qu’il en forte une colonie 
qu’on appelle un eiïliim, qui aille chercher ailleurs un éta- 
bliflement. Il faut qu’une partie des abeilles fe réfolve à 
fe féparer des autres, qu’il y en ait qui fe déterminent à 
quitter pour toujours leurs compagnes & l # 5 lieu de leur 
liai fiance. C'eft un paru pourtant quelles ne prendraient 
jamais fi elles n’y étoient déterminées par un chef, ou fi 
elles ne pouvoient fe promettre d’en avoir un; c’eft-à- 
dire, fi elles n’avoient à leur tête une reine propre à per¬ 
pétuer l’empire qu’elles vont fonder. Nous avons vu que 
lorfqu’elles font privées d’une reine capable de donner 
line grande poflérité, elles n’ont plus le courage d’en¬ 
treprendre aucun travail, qu’elles longent à peine à fe 
nourrir. Mais pendant que le nombre des abeilles ordi¬ 
naires femultiplioit dans la ruche, une ou même plufieurs 
fémelles y font nées ; & une feule fuffit pour conduire 
i’effaim. 

Quoique la trop grande quantité des abeilles d’une 
ruche puilfe être une des caufes qui déterminent une 
colonie à fe féparer du refie, ce n’eft donc pas une caufe 
qui y fuffife feule. J’ai eu plufieurs fois des ruches qui 
étoient très-pleines de mouches, & plus pleines qu’elles 
11e pouvoient l’être, dont une partie des leurs étoient obli¬ 
gées de fe tenir dehors, ramaffées en peloton, fans que 
ces ruches ayent donné d’effaim. D’autres ruches, au- 
contraire, dans lefquelles il y avoit beaucoup de vuide, 
m’ont fouvent donné des effaims. Pour m’a durer même 
de ce fait, que ce n’eft pas précifément parce que les 
mouches fe trouvent trop à l’étroit dans leur ruche qu’el- 
les fe partagent, j’en ai logé dans des ruches d’une très- 
• grande capacité, telle qu’efl celle en tour quarrée * ; j’ai 
vû fortir un efTaim.de cette dernière ruche quoiqu’avant 

Ta fortie 


des Insectes. XII . Mem . 6 09 

fi fortieplus des trois quarts de ia ruche fuftent vuides. S’il 
n’y a pas dans la ruche une jeune mere propre à mettre au 
jour une nombreufe poftérité, quelque grande qu’y foit a 
quantité des mouches,elles y referont toutes. Impatient de 
ce que des ruches exceffivement peuplées, ne m’avoient pas 
donné les eflaims que j’en attendois, &. curieux de fçavoir 
fi la caille n’en devoit pas être attribuée à ce que dans cha¬ 
que fociété compofée de tant d’autres mouches il n’y avoit 
qu’une feule mere, je baignai quelques-unes de ces ruches ; 
après avoir examiné à l’ailé & une à une, toutes leurs mou¬ 
ches, je ne trouvai efFeéîivement qu’une feule mere dans 
chacune de celles qui n’avoient pas donné d’elfaim. 

Mais forfqu’une nouvelle mere a quitté la dépouille de 
nymphe, en peu de jours clic eft fécondée & elle eft prête 
à pondre, & eft par conféquent en état de fe mettre à la 
têted’une troupedifpoféeàlafuivre. Divers contre-temps, 
dont piufieurs peuvent venir de la température de l’air, 
comme du froid, de la pîuye & du vent, font capables 
de retarder la fortie de l’eftaim. Je nefçais fi la jeune mere 
ne feroit pas prête à le conduire dès le jour même de la 
naiftance ou le lendemain. Au moins ai-je fait une expé¬ 
rience qui ne permet pas de douter qu’elle n’y foit pro¬ 
pre au bout de quatre à cinq jours. 

Une expérience curieufe rapportée dans le cinquième 
Mémoire, m’a appris ce fait, dont il ne fembleroit pas facile 
de s’alïiirer, parce qu’il n’eft guéres poflible, même dans 
les ruches dont la conftrudïion eft la plus favorable, de 
parvenir à voir naître une mere, & qu’elle y pourrait vi¬ 
vre pendant piufieurs mois fans qu’on l’y apperçût. L’ex¬ 
périence dont je veux parier, & d’une partie de laquelle 
feulement j’ai rendu compte, eft celle que je fis pour 
fçavoir fi la feule efpérance de voir bientôt naître une 
mere parmi elles, fuffiroit pour déterminer des abeilles 
Tome V . Hhhh 


6lO MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
au travail. Je mis clans une ruche piatte quelques cellules 
où étoient renfermées des nymphes qui dévoient devenir 
des meres ; & je fis entrer dans cette ruche environ mille 
à quinze cens abeilles ordinaires , & à peu près une 
vingtaine de mâles. J’ai dit que ces mouches qui n’euf- 
fent fait aucun ouvrage fi, n’ayant point de mere, elles 
enflent été privées de l’efpérance d’en avoir une, avoient 
été détérminées à travailler, parce quelles pouvoient fe 
îa promettre. Elles travaillèrent néantmoins un peu mol¬ 
lement pendant deux ou trois jours, après lefquels elles 
parurent s’occuper avec ardeur à des ouvrages de toutes 
efpéces, comme à faire de nouvelles cellules, & à en 
remplir de miel. Je ne doutai pas alors qu’il n’y eût 
parmi elles, une fémelle nouvellement née; je ne parvins 
pourtant pas à la voir; mais elle fut vue par une perfonne 
qui en étoit aufli curieufeque moi, & qui fe connoifloit 
aufli-bien en meres: j’examinois chaque jour les cellules, 
& je ne pouvois cependant y appercevoir des œufs. 

Ces abeilles avoient été miles dans la ruche avec les 
cellules d’où des meres dévoient fortir le 18 Juin. Lorf- 
que j’allai les oblerver le r~j au matin, comme j’avois fait 
dans tous les jours précédents, je remarquai qu’elles for- 
toient en petit nombre de leur ruche, que celles qui y 
revenoient de la campagne, n’étoient point chargées. 
J’ouvris un des volets, & je vis au travers d’un carreau 
de verre, que tout y étoit dans un parfait repos. Jefoup- 
çonnai qu’il s’agifloit de quelqu’entreprifc confidérable, 
qu’elles vouloient tenter la grande aventure du change¬ 
ment d’habitation. Je fus encore plus confirmé dans ce 
foupçon, lorfque fur les onze heures je ne pus voir aucune 
mouche fortir de la ruche ni y entrer, pendant plus d’un 
quart d’heure. Je devois prévoir ce qu’annonçoit cette 
ànaétion fi générale. Les abeilles que je me fuis obfliné à 


des Insectes. XII. Mem. 6 11 
ïoger tant de fois dans une très-petite ruche, 6c qu’elles fe 
font de leur côté obflinées à quitter, m’avoient appris 
quelles fe préparoient par la ceffation de tout travail, à 
aller chercher un autre logement. Ce fait eh un de ceux 
qui appartiennent à la l'ortie des elfaims dont nous trai¬ 
tons actuellement. Il n’y a point de ligne qui indique aulft 
fûrement qu i! y en a un qui fe difpofe à prendre l’elfor, 
que lorfque le matin à des heures où le Soleil brille 6c où 
le temps eh favorable au travail, les abeilles fortent en 
petit nombre d’une ruche dont elles fortoient en grande 
quantité les jours précédents, 6: quelles y rapportent 
peu de cire brute. Une telle façon de fe comporter 
l'emble forcer d’accorder à ces mouches plus d’efprit, 
6 c de prévoyance qu’on ne voudrait ; elle embarrafîc 
extrêmement celui qui veut expliquer toutes leurs ac¬ 
tions par un pur méchanifme. Ne paraît-il pas prou¬ 
ver que dès le matin toutes les habitantes d’une ruche, 
ou prefque toutes, font inflruites d’un projet qui ne fera 
exécuté que vers midi ou quelques heures après î Car on 
demandera pourquoi ces mouches qui travaiiloient la 
veille avec activité, celfent-elles dès le matin de faire de 
l’ouvrage dans une habitation quelles abandonneront vers 
midi, ft ce n’ell parce qu’elles fçavent qu’elles la doivent 
abandonner! C’elt une hiftoire très-connuë que celle de 
ce vieux grenadier , qui étant dans un repos parfait pen¬ 
dant que fes camarades étoient occupés à établir leurs 
tentes, répondit à fon Général, M. de Turenne, qui le 
queftionna fur fa tranquillité, qu’il fçavoit bien que l’ar¬ 
mée ne devoit pas relier dans ie camp où elle étoit. 
Toutes nos mouches ou prefque toutes nos mouches, 
fcmhlent avoir prévu la marche que leur reine veut leur 
faire fùre, comme ce vieux foldat avoit prévu celle que 
le Général devoit faire faire à l’armée. 


H h h h ij 


6 1 2 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE 

Pour revenir aux abeilles qui ont donné lieu à la der¬ 
nière remarque, je les lis veiller pendant le refte de la 
matinée du 27. A une heure & demie après midi on 
m’annonça qu’elles étoient toutes en l’air. On ne m’apprit 
que ce que j’avois compté qu’on m’apprendroit même 
plutôt. Je me rendis dans le jardin où elles formoient 1111 
tourbillon que je vis s’approcher d’un poirier en builfon, 
fur une branche duquel elles ne tardèrent pas à fe ralïem- 
bler. Là, elles elTuyérent fur les trois heures, une grolfe 
ondée de pluye, & fur les fix heures, on les remit dans 
la même ruche quelles avoient abandonnée. Je n’elpérois 
pas trop de les y voir relier, quoique le luccès de l’aven¬ 
ture du jour eût dû dégoûter la mere d’en tenter une 
nouvelle. Le lendemain, elles ne parurent pas difpofées 
à demeurer dans un logement quelles avoient déjà quitté 
une fois; je ne les vis point aller à la campagne, ou très- 
peu y allèrent, & n’en rapportèrent point de cire brute. 
Je les fis donc veiller encore; & ce fut à midi & demi 
qu’elles prirent l’elfor une fécondé fois, & qu’on m’em 
avertit : j’arrivai dans le jardin pendant quelles étoient 
encore toutes en l’air. Le gros s’approcha d’un pommier 
en builTon, au pied duquel je me rendis ; je ne tardai pas 
à en voir qui s’arrêtèrent autour d’une de lès branches; 
je cherchai à y découvrir la mere; & je défefpérois déjà 
de l’appercevoir par l’épailfeur de la couche de mouches 
qui s’y étoit formée, lorfque j’en remarquai une plus 
grolfe que les autres qui arrivoit, & qui fe pofa fur une 
feuille diftante d’environ un pied de l’endroit où le gros 
fe réuniffoit.. Une douzaine d’abeilles vinrent fe placer 
autour d’elle. Cette mere étoit une des plus longues & 
des plus grolfes meres que j’aye vûes; bientôt elle quitta 
la feuille, elle le rendit fur la branche, & toute la troupe 
des mouches s’y réunit. 


des Insectes. XIL Mem . 6 13 

Je longeai à les placer clans une autre ruche; mais je 
fus impatient d’examiner les gâteaux de celle quelles 
avoicnt abandonnée. Le nombre des cellules pleines de 
miel ctoit grand par rapport à celui des cellules qui n en 
avoient pas; mais ces dernières avoient des œufs ; j’en 
trouvai même jufques à quatre dans une feule cellule, 
& deux ou trois dans la plûpart des autres: d’où il fem- 
ble que ce qui avoit déterminé la mere à partir, ne- 
toit pas précifément un dégoût pour la ruche où elle 
étoit née & à laquelle rien ne manquoit, mais quelle 
avoit voulu tenter fortune pour trouver des ouvrières 
qui puffent fuffire à lui faire alfés de cellules pour loger 
les œufs quelle étoit prête à mettre au jour. Je fongeai 
à lui préparer un logement qui pût fuppléer à ce que les 
ouvrières n’avoient pû lui procurer; je fis difpofer dans 
une autre ruche plufieurs grands gâteaux de cire dont les 
cellules étoient vuides. Mais avant que la mere pût re- 
connoître l’état de cette ruche, avant que je l’y pufic 
faire entrer avec lès mouches, je les vis toutes partir au 
bout d’une demie-heure, de l’endroit où elles s’étoient 
pofées: elles s’élevèrent trop à mon gré; une partie pafia 
fur le mur du jardin ; elles prirent l’efTor au delfus du toit 
de la maifon ; je 11e pus les lu ivre des yeux ; & elles furent 
pour toûjours perdîtes pour moi. 

Le regret que j’eus de les perdre ne fut pas grand ; elles 
m’avoient appris une grande partie de ce que je fouhaitois 
fçavoir d’elles; que l’elpéranee de voir naître une mere 
fuffit feule pour empêcher les abeilles ordinaires de s’a¬ 
bandonner à l’oifiveté. Elles m’avorent appris de plus, 
qu’une mere eft en état de pondre cinq à fix jours après 
quelle sert tirée de fa dépouille de nymphe; car depuis 
que les abeilles dont il s’agit, furent miles dans la ruche, 
jufques à leur première fortie, jufques à celle du 27 Juin, 

Hhhh iij 


6 14 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
il ne fe paffa que neuf jours. Il y en avoit au moins deux 
ou trois qu’elles y étoient quand la mere fut en état d’y 
paroître, de fortir de l’état de nymphe. Elle avoit fans 
doute déjà pondu des œufs le jour où elle fe détermina 
à aller chercher un autre établifTement ; ces œufs pou- 
voient avoir été pondus dès la veille. Ainfi, nous avons 
au moins trois à quatre jours à déduire des neuf, pour 
déterminer le nombre de ceux au bout defquels la mere 
commença fa ponte. Au relie, c’eft-là un de ces faits 
qu’on n’a pas befoin de fçavoir dans une plus grande 
précifion. 

Un autre fait dont j’aurois fouhaité être inftruit, 
c’efl fi les œufs qui avoient été pondus étoient féconds; 
fi les vingt mâles, ou à peu près, que je m’étois contenté 
d’accorder à cette mere, avoient autant opéré que l’euf- 
fent fait piufieurs centaines de mâles, plus d’un millier 
qui enflent vécu avec elle, fi elle fut née dans la ruche 
où elle devoir naître naturellement. Mais c’efl un fait 
dont je ne pus être inftruit, parce que je ne trouvai dans 
les cellules aucun ver éclos. 

Quoi qu’il en foit, il efl au moins vrai que la jeune 
reine efl en état de conduire un effaim hors de la ruche 
où elle efl née, quatre à cinq jours après quelle y a paru 
avec des ailes; & quand elle s’y détermine , fes œufs ont 
déjà été fécondés. C’efl ce que beaucoup de preuves con¬ 
courent à établir. Le plus grand nombre des mâles refie 
dans l’ancienne ruche; quelquefois on a peine à en trou¬ 
ver quelques-uns dans l’effaim, & quelquefois on ne peut 
parvenir à y en voir un feul. Enfin, dans une ruche où 
lin eflaim n’étoit établi que depuis aq. heures, j’ai fouvent 
obfervé des gâteaux dans les cellules defquels j’ai vû des 
œufs, & des œufs d’où des vers n’étoient pas long-temps 
à éclore. 


des Insectes. XII. Mem. 615 

Dans différents pays les effaims fortent en différents 
temps; 6c dans le même pays , ils fortent tantôt plus tard 
6 c tantôt plutôt, félon que la faifon a été plus ou moins 
favorable. Ceux des ruches qui étoient bien peuplées à 
la fin de l’hiver, paroiffent ordinairement plutôt que ceux 
des ruches qui étoient alors mal fournies de mouches. 
Dans ce pays, les ruches ne donnent guéres d effaims, 
ou, comme on les appelle encore, de jettons, que vers la 
fni-Mai pour le plutôt, 6c pour le plus tard, par de-là la 
mi-Juin. 

Plufieurs figues annoncent la fortie prochaine d’un 
effairn, ou en termes de l’art, qu’une ruche jettera ou 
effaimera bientôt. Les faux-bourdons qu’on voit paroî- 
tre dans la ruche, apprennent qu’elle devient en état de 
jetter ; 6c il ne faut pas s’attendre que celle où on ne peut 
découvrir aucune de ces mouches mâles, jette. Un autre 
ligne, mais qui, comme nous l’avons déjà dit, n’eft nul¬ 
lement infaillible , c’eft lorfque la quantité des mouches 
paroît très-grande, 6c trop grande dans une ruche; lorf- 
quelles femblent s’y trouver fi mal à leur aife, qu’une 
partie en fort 6c fe tient en dehors, foit contre le fupport 
de la ruche, lôit contre la ruche même; lorfqu’il y en a 
ainfi en dehors des tas d’ammoncelées à milliers les unes 
fur les autres. Mais le moins équivoque de tous les 
fignes, 6c qui annonce l’événement pour le jour même, 
c’eft lorfque les abeilles d’une ruche ne vont pas à la cam¬ 
pagne en auffi grande quantité qu’elles avoient coutume 
dy aller, quoique le temps fenible les y inviter. 

Dans les ruches qui efîaimeront bientôt, on entend le 
foir, 6c même pendant la nuit, un bourdonnement qu’on 
n’entend point dans les autres ruches. Tout femble y être 
dans l’agitation. Il arrive au contraire quelquefois que 
pour y entendre du bruit, il faut en approcher très-près 


61 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
l’oreille, & qu’elle n’eft frappée que par des Ions clairs & 
aigus qui paroi dent n’être produits que par l’agitation des 
ailes d’une feule mouche. Ceux qui fçavent mieux que 
moi le langage des abeilles, ont dit des merveilles de ces 
fons; ils prétendent que c’eft la nouvelle reine qui fait 
ce bruit; qui harangue peut-être la troupe quelle veut 
engager à fortir, ou qui, avec une efpéce de trompette, 
les anime pour leur donner le courage de tenter une 
grande aventure. Charles Butler, l’Auteur de la Monar¬ 
chie féminine, donne une toute autre fignilication au 
bruit aigu & varié dont nous parlons. 11 dit qu’il femble 
que l’abeille qui afpire à devenir reine, fupplie la reine 
mere par des lamentations & par des gémiffements de lui 
accorder la permifïion de conduire une colonie hors de 
la ruche; que la reine ne fe rend quelquefois à de fi tou¬ 
chantes prières, qu’au bout de deux jours ; que quand 
elle y acquiefce, elle répond à la fuppüante d’une voix 
plus pleine & plus forte; que lorfqu’on a entendu la 
mere accorder cette permifïion, on peut efpérer dès le 
lendemain d’avoir un eflaim, fi le temps n’cfï pas contraire 
àfafortie. Enfin, les Auteurs qui ont traité des abeilles, 
pourroient fournir de quoi étendre beaucoup l’effay du 
Diétionnaire fur le langage des bêtes, qu’un ingénieux 
Auteur s’elt diverti à nous donner. Le même Butler, dont 
nous venons de parler, a déterminé toutes les modulations 
du chant de l’abeille fuppliante ; les différentes clefs fur lef- 
quelles elles fe font, & les fons dont elles font compofées ; 
& de même celles des chants de la reine mere. Il prétend 
qu’il n’eff pas permis à celle qui veut s’élever au rang fu- 
prême, d’imiter les chants de la fouveraine; malheur à 
la jeune femelle fi cela lui arrive; de ne le fait que 
par un efprit de révolte; elle en eft punie fur le champ 
par la perte de fa tête. L’ancienne reine fait plus, dans 

le même 


des Insectes. XII. Mem. 6 17 

le même moment elle fait ôter la vie à plulieurs des abeilles 
qui avoient été réduites. 

Mais pour parler de faits plus certains, ces divers chants, 
ou ces fons plus ou moins graves, & plus ou moins aigus, 
que les abeilles font entendre, font produits par des coups 
plus ou moins prompts de leurs aîies contre l’air, & peut- 
être auffi par des coups donnés à l’air par leurs ailes dif¬ 
féremment inclinées; car leurs ailes font lesfeuls organes 
de leur voix ; elles trouvent toujours de l’air prêt à être 
frappé. AuiTi me paroît-il peu néceflaire d’avoir recours, 
comme l’a fait Swammerdam, à l’air que les fligmates 
peuvent fournir, éè il eft ailé de prouver qu’il 11e produit 
ici aucun effet. Il n’eft pas fûr que les fligmates laiffent 
fortir dans les temps ordinaires, même quelques bulles 
d’air, & il faudrait que des jets continus en fortifTent, & 
que ces jets fuffent modifiés par le trou même par lequel 
ils fortent. Les ailes ne ferviroient par leur mouvement, 
qu’à lui donner plus de modifications: or, fi cela étoit, 
une abeille dont les ailes auraient été coupées, nous fe¬ 
rait encore entendre des fons, qui, à la vérité, pourraient 
être différents de ceux de l’abeille pourvue d’ailes; mais 
au moins l’abeille qui aurait perdu les bennes, ne ferait 
pas rendue parfaitement muette, comme elle l’eff 

Ce n’eft guéres que lorfque le Soleil a échauffé l’air, 
que fur les dix a onze heures du matin, & jufques vers 
les trois heures après midi, que les effaims fortent des ru¬ 
che, &. cela félon l’endroit où elles fontpofées. Les mou¬ 
ches qui font dedans, & qui y font en trop grand nombre, 
y font naître une chaleur déjà confidérable. Lorfque cette 
chaleur eft augmentée par l’action du Soleil fur une ruche, 
ou fur fes environs, elles 11e la peuvent plus foûtenir. Celles 
qui étoient encore irréfolues, font alors déterminées à 
partir. Quelques heures d’un temps chaud & couvert, 
TomcV . I i i i 


61 B Mémoires pour l’Histoire 

produilcnt aulfi l’effet qu’un coup de Soleil produit fur 
le champ. Ceux pour qui les ruches lont un objet digne 
d’attention, les doivent veiller dans les jours & aux heures 
que nous venons d’indiquer ; car il cil important d’etre 
prélent à la lortie de l’efTaim pour ne le pas perdre. 

Dans le moment qui précédé celui où il va partir, il 
fe fait un bourdonnement dans la ruche plus fort que les 
bourdonnements ordinaires; plulieurs mouches marchent 
avec vïteffe vers les ouvertures qui permettent d’en loi tir; 
elles lortent & prennent l’eîlor. Si la nouvelle reine cfb 
à la tête des premières qui font parties, ou h elle lis mit 
de près, dans i’inflant même d’autres abeilles marchent en 
foule après elle, & s’élèvent en l’air; dans l’inflant l’air des 
environs eli plus rempli d’abeilles, qu’il ne i’eft en certains 
jours d’hiver de gros flocons de neige. Enfin, dans bien 
moins d’une minute, dans quelques fécondés, toutes celles 
qui doivent compolcr l’elfaim abandonnent la ruche,&fe 
diljaerfent en l’air. 

Toutes ne femblent voltiger que pour examiner en 
quel endroit il leur convient de fe raifembler. 11 ne pa- 
roît pas que ce foit la reine qui faffe le choix du lieu. 
PI u fieu rs mouches auxquelles une branche d’arbre a plu, 
fe déterminent à venir le pofer deffus; elles y font fuivies 
de beaucoup d’autres. Les différentes forties des petites 
troupes d’abeilles de diverfes ruches où je les avois miles. 
Si fur-tout de la petite ruche vitrée où je les avois voulu 
faire relier contre leur gré, ces différentes forties, dis-je, 
ne dévoient pas différer de celles des effaims; Si il nous a 
été plus aile d’oblèrver ce qui fe paffoit parmi ces petites 
troupes d’abeilles, que dans îles elpéces d’armées de ces 
mouches. Ces petites troupes nous ont appris que la mere 
fe pôle auprès de la branche fur laquelle les abeilles fe raf- 
femblent ; & que ce n’efl que quand la couche qu’elles 


des Insectes. XII. Mem. 6 19 

forment autour de cette branche s’eftépaiflie, que ia mcre 
va fe joindre au gros : dès quelle s’y eft réunie, le peloton 
déjà formé grofTit d’in fiant en inflant; les abeilles qui font 
encore répandues en l’air, fe preffent de fe rendre où font 
ies autres; toutes enfemble forment bientôt un maiïifcom- 
pofé de mouches cramponnées ies unes aux autres par 
les jambes, & plus ou moins gros proportionnellement 
à la quantité de celles qui font lbrties de la ruche. Quoi¬ 
qu’elles l'oient à découvert, elles s’y tiennent tranquilles; 
fouvent en moins d’un quart d’heure tout devient calme; 
& on ne voit guéres voltiger plus de mouches autour de 
l’effaim raffemblc, qu’on en voit autour d’une ruche or¬ 
dinaire dans un temps chaud & favorable au travail. 

C’eft ordinairement dans des jardins qu’on place les 
abeilles , afin quelles y trouvent au moins quelques 
fleurs à portée, quelles ne foient pas toujours obligées 
d’aller en chercher au loin. On court moins de rifquc 
de perdre les eflaims, lorfque ces jardins font plantés d’ar¬ 
bres peu élevés, tels que font ceux en buiffon,que îorf- 
qu’ils ne font remplis que de très-hauts arbres. Il y a tou¬ 
jours à craindre pour l’eflaim quand les mouches qui le 
compofent s’élèvent beaucoup en l’air en fortant de la 
ru ch eide haut vol qu’elles ont pris, les engage à un vol 
plus long. Alors elles paffent ies limites du jardin où font 
les ruches, & fouvent elies vont plus loin que ne les peu¬ 
vent fuivre les yeux qui les ont vu partir. Quelquefois 
elies vont fi loin, que les recherches qu’on fait pour re¬ 
trouver l’eflaim, deviennent inutiles. Un moyen générale¬ 
ment connu, & qui réuflit afles fouvent, de faire defeen- 
dre celles qui prennent un eflor trop haut, « 5 c qui fe tien¬ 
nent trop élevées en l’air, c’ellde jetter vers elles à pleines 
mains du fable ou de la terre en poudre. Les grains dont 
elles font frappées, les déterminent à s’abbaifièr; elles les 

I i i i ij 



620 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
prennent peut-être pour des gouttes depluye; l’abri le plus 
proche leur paroi t alors le meilleur. 

Une autre pratique aufîi généralement & auffi ancien¬ 
nement connue, mais de la valeur de laquelle je ne luis 
pas aufîi convaincu , c’eft celle de frapper fur des chau- 
derons, ou fur des poêles dans 1 inftant où l’effaim vient de 
partir. On prétend que cette efpéce de charivari détermine 
les abeilles à prendre plutôt le parti de fe fixer & de fe 
raffembjer. Le bruit du tonnerre fait retourner à leur ru¬ 
che celles qui font à la campagne; & on a penfé appa¬ 
remment que le bruit dont nous venons de parler, pou- 
voit de même engager celles qui font difperlées en l’air, 
à chercher un afÿle. Mais elles peuvent plutôt fe mépren¬ 
dre en confondant une pluye de fable avec une pluye 
d’eau, qu’en confondant le bruit d’un chauderon avec 
celui du tonnerre. Il y a apparence qu’elles le connoif- 
fent mieux en tonnerre; car quelque tintamarre qu’on 
fàfle avec de pareils inflruments, on ne voit pas que 
celles qui font fur les fleurs en foient effrayées, <S quelles 
s’en preffent davantage de retourner à leur habitation. 

Lorfqu’on attend des eflaims, on doit avoir eu foin 
de préparer d’avance, des ruches pour les loger. Si celui 
qui vient de fortir s’efl placé fur la tige ou lurquclque bran¬ 
die d’un arbre peu élevé, tels que ceux en builron , de 
prendre cet effaim , de le faire paffer dans la ruche qu on 
fui a deflinée, eft une operation plus facile qu’on ne fé 
f’imagineroit , & qu’on peut entreprendre une demi- 
heure après que les grands mouvements ont été calmés; 
fur-tout, fi le Soleil n’efl pas trop brillant &. trop ardent. 
On peut pourtant différer de plufieurs heures, jufqucs à 
une heure ou deux avant que le Soleil fe couche. Si le 
Soleil donnoit fur l’effaim, il y auroit du rifque à atten¬ 
dre; l’effaim pourroit partir & aller dans un autre endroit 


des Insectes. XII. Mem. 62 1 
t>îi il fcroit difficile de le trouver. La caufe la plus capa¬ 
ble de l’y déterminer , fera ôtée, fi avec une grande nappe 
on lui fait une efpéce de tente, ou fi on lui en fait une 
avec des franches bien chargées de feuilles. 

Ceux qui fe font plu à nous raconter des merveilles de 
ces mouches, ont prétendu fçavoir qu’avant quel’eflaim 
s’expofe à foi tir delà ruche, quelques-unes de celles qui 
doivent le compofer, vont reconnoître l’endroit où il leur 
conviendra de s’établir; ils ont donné à la nouvelle reine, 
des marêchaux-dcs-logis, qui, à la vérité, font affics mal¬ 
habiles : car en fuppofant ce qui fera, je crois fuppofer le 
vrai, que ce n’eft que quand l’effaim cil forti de la ruche, 
que quelques-unes îles mouches qui le compofent, fe 
décident cà l’infpeélion des objets des environs pour le 
lieu où elles fe doivent établir ; le choix de ce lieu ne 
Lit pas honneur au génie de ces mouches; c’eft ordinai¬ 
rement autour d’une branche d’arbre quelles fe fixent, où 
cxpolëes à toutes les injures de l’air, elles ne pourraient 
fubfifter. Qu’on ne dite pas que ce lieu n’a été pris que 
comme un entrepôt; il y a une preuve forte qu’il efi re¬ 
gardé comme un établiffement à demeure, en ce que, 
Jdrfqu’on n’en retire les abeilles qu’au bout de cinq à fix 
heures, on y trouve déjà quelque petit gâteau de cire 
quelles y ont fiit II efi vrai qu’elles n attendraient pas 
peut-être plufieurs jours à quitter ce lieu d’elles-mêmes; 
mais ce ne ferait qu’après avoir appris qu’il n’étoit pas 
convenable, parce quelles y auraient lôuffèrt, foit trop 
de chaud, fort trop de froid, ou quelles y auraient été 
trop tourmentées par le vent & la pluy'e. 

Auffi . quand on les a Lait entrer dans une ruche, ne 
font-elles pas long-temps à reconnoître quelles y font 
mieux qu’où elles seraient placées elles-mêmes; elles y 
rcfküt pour l’ordinaire. Si l’effiaim, comme je l’ai déjà 

1 i i i iij 


622 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
dit, s’eft pofé fur quelque branche d un arbre en buif- 
fon , ou quelqu autre branche peu élevée, rien n’êftplus 
facile que de le faire palier dans la ruche; les mouches y 
iroicnt fouvent d’elles-mêmes h on la foutenoit pendant 
quelque temps au - delfus de leur branche. Le plus fur 
pourtant & le plus court, cil de tenir la ruche renverfée; 
c’eff-à-dire, fa grande ouverture en enhaut, & tout auprès 
des abeilles. Si elle n’eft point trop lourde ou d’une figure 
inconnpode, l’homme qui la fondent avec le bras de la 
* Voyés la main gauche *, peut avec la main droite faire tomber les 
Vignette, abeilles dedans. La prudence veut que celui qui le charge 
de cette opération , lé mette hors de rifque d’être piqué 
par celles qui peuvent s’irriter, c’elb à-dire, qu’il ait Ion 
camail fur la tête & fes mains couvertes de gands. Il y a 
pourtant des payfans, qui, en chemife, à vifage décou¬ 
vert &. les mains nues, ne fe font point une affaire de faire 
tomber les abeilles dans la ruche. L’opération s’exécute 
encore plus commodément quand deux hommes s’entr’ai- 
dent, quand l’un tient la ruche, & que l’autre, foit avec 
fa main , foit avec une efpéce de petit balay, ou quelque 
petit rameau, fait tomber les mouches. 

On ne doit pas être inquiet fi elles ne tombent pas tou¬ 
tes dans la ruche, s’il y en a des pelotons qui tombent à 
côté,& fi beaucoup d’autres s’envolent. C’en eff affés, 
fi une partie confidérable de l’effaim y a été jettée. Sur 
le champ, on n’a qu’à pofer la ruche à terre tout près de 
l’arbre, dans la fituation où elle doit être naturellement; 
c’eft-à-dire, qu’à la pofer fur là baie. On aura pourtant 
attention de biffer des ouvertures entre les bords de la 
bafe & le terrain fur lequel elle eff. Les abeilles qui font 
tombées à terre, vont bientôt rejoindre leurs compagnes; 
mais il fuit qu’elles trouvent des paflàges libres pour ar¬ 
river. Celles qui fe font difperfées en l’air, fe rendenvauffi 


des Insectes. XII. Mem. 623 

pour la plupart, à la ruche. Il y en a pourtant, & quel¬ 
quefois en afies grand nombre, qui s’obflinent à retour¬ 
ner fur la branche où elles étoient auparavant ; pour leur 
en faire perdre l’envie, on frotte cette branche avec des 
feuilles dont l’odeur leur déplaît, comme des feuilles de 
fureau & de rue , & on y arrête de petits paquets de ces 
mêmes plantes. Enfin, fi cela ne fufiiit pas, on fume avec 
la fumée d’un linge, celles qui perfiftent à y vouloir refier. 

Au lieu qu’on cherche à rendre défagréable aux abeil¬ 
les l’endroit d’où on les a retirées, avant que de leur offrir 
une autre habitation, on a cherché à la mettre en état de 
leur plaire ; on a eu foin de la bien nettoyer ; on en a 
frotté les parois avec des herbes ou des fleurs dont elles 
aiment l’odeur, comme avec des feuilles de melifie, avec 
des fleurs de fèves, &c. ou ce qui vaut autant que de flatter 
leur odorat, on enduit légèrement quelques endroits des 
parois de ce qui peut le plus flatter leur goût, de miel; 
quelques-uns y étendent de la creme. Ces petites pré¬ 
cautions ne fçauroient faire de mal, mais je ne les crois 
pas nécefl'aircs; tout a fort bien réuffien diverfes circonf- 
tances où je n’y point eu recours. 

Si on fait l’emménagement des abeilles vers midi ou 
peu après, on doit avoir attention de pofer la nouvelle 
ruche de manière que le Soleil ne la puifie pas trop 
échauffer. Si l’arbre auprès duquel elle efl, ne lui donne 
pas afies d’ombre, on peut lui faire une tente avec une 
nappe, ou tout Amplement une efpéce de fouillée , en 
la couvrant de divers branchages chargés de feuilles. 
On la lardera où on l’a rnife, jufques à ce que le Soleil 
fuit couché ou prêt de fe coucher; & alors, on la trans¬ 
portera doucement fur le fupport qu’on lui a defiiné âc 
fur lequel on veut qu’elle refie. 

L’eflaim que nous venons de Elire prendre, étoit placé 


6 24 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 

le plus favorablement qu’il efl poffible, cv ils ne fe placent 
pas toujours fi bien. 11 y en a tel qui va fe percher fur 
d’affés petites branches de très-hauts arbres, & ils ne peu¬ 
vent pas fe mettre plus mal. Selon la ligure de l’arbre, 
feion la dilpohtioa de fes branches 6c félon fa hauteur, 
il faut avoir recours à des expédients différents. Le génie 
de celui qui ne veut pas lailîer perdre cet elfaim , doit lui 
faire choifir les manœuvres qui conviennent. Si la hau¬ 
teur à laquelle il cil, n’eft pas exceffive, un homme monté 
fur une échelle appuyée contre la tige de l’arbre, peut 
quelquefois tenir la ruche rcnverfée au-deffous de felïaim, 
pendant qu’un autre homme qui a grimpé fur l’arbre, fait 
tomber les abeilles dans cette ruche avec un balay qui a 
lin manche d’une longueur fuffifànte. Si l’effaim efl trop 
près du bout des branches pour que l’homme monté fur 
une,échelle appuyée contre la tige de l’arbre, puiffepré- 
fenter la ruche défions cet elfaim , on peut attacher la 
ruche à une longue & forte perche, & la pofer enfuite 
de manière qu’elle puiffe recevoir les abeilles lorfqu’on 
les fera tomber. Si tout cela n’eft pas exécutable & qu’on 
trouve des branches au-deffous de celle où efi l’effaim, 
on peut étendre une nappe fur ces branches, faire tom¬ 
ber les mouches fur la nappe, les envelopper prompte¬ 
ment, & defcendre,ou jetter enfuite en bas la nappe pleine 
de mouches. Enfin, on étendra par terre la nappe, &on 
pofera la ruche fur l’endroit où efl le gros des abeilles; 
ordinairement les autres ne tarderont pas à s’y rendre : 
mais fi elles n’y paroiffoient pas affés dilpofées, on les y 
détermineroit en dirigeant la fumée d’un linge fur celles 
qui font trop écartées de la ruche. Il y a encore un autre 
moyen d’avoir l’effaim qui eft fur une branche, c’efl de 
couper ou feier cette branche en l’agitant le moins qu’il 
efl poffible ; fi on n’y travaille qu'après que le Soleil fera 

couché. 


des Insectes. XII. Mem. 62 5 
couché, les abeilles ne l'abandonneront point; elies lè [aide¬ 
ront defcendreau bas de l’arbre avec la branche coupée; & 
il fera alors ailé de les faire entrer dans une ruche. 

Un grand trou de mur, ou un grand trou de tronc d’ar¬ 
bre vaut pour un eflaim une ruche; celui qui en trouve 
un & qui s’y niche, a bien mieux fçû choifir le iieu où il 
devoit s’établir, que ne le fçavent choifir les effaims qui 
fe contentent des dehors d’une branche d arbre. IVÎais 
l’effaim qui a eu l’habileté de fe loger fi bien , s’clî ] î...cé 
au plus mal pour celui qui a droit delfus, & qui veut le 
faire paffer dans une ruche: il y en a pourtant des moyens, 
mais différents félon la pofition du trou. Souvent il faut 
commencer par en aggrandir l’ouverture, & le pis aller 
eft alors de puifer les abeilles dedans avec quelqu’efpéce 
de cuillier, comme celles à pot, & de les verfer à mefurc 
dans la ruche. Cela peut s’exécuter avec fuccès le foir, 
fur-tout fi l’air eft froid. 

Pour expliquer tout de fuite comment on établit un 
cffaiin dans une ruche, nous avons laiffé beaucoup de 
queftions à éclaircir auxquelles il nous faut revenir. Une 
de celles qu’on n’aura pas manqué de nous faire, c’eft ft 
un effaim n’a pas qi*clquefois deux meres, ou même s’il 
11’en a pas quelquefois un plus grand nombre ! Nous 
avons prouvé dans le neuvième Mémoire, que dans la 
même année il naît dans beaucoup de ruches, bien plus 
d’une fémelle. S’il n’y en devoit naître qu’une, il n’auroit 
pas été affés pourvu à la multiplication des abeilles; les 
furnuméraires d’une ruche manqueraient fouvent de la 
conductrice qui leur eft effentielle. Mille accidents peu¬ 
vent faire périr le petit ver contenu dans un œuf, avant 
que ce ver foit parvenu à fe métamorphofer en mouche. 
Ce ne ferait donc pas affés que la mere ne pondit chaque 
année, qu’un de ces œufs qui doivent donner des femelles. 
Terne V . Ivkkk 


616 Mémoires pour l’Histoire 

Nous avons rapporté aufti, que dans la même ruche nous 
avions trouvé julques à quarante cellules,de celles qui tout 
deftinéesà recevoir de ces œufs diftingués; que vingt-deux 
de ces cellules royales n'étoient pas encore finies, mais 
que de dix des autres, dix fémeiles étoient déjà forties, & 
que dans les huit autres cellules il y avoit huit femelles, loit 
fous la forme de ver, foit fous celle de nymphe qu’elles 
dévoient quitter, pour paraître fuccelfivement dans la 
ruche avec des ailes, dans un intervalle de peu de jours. 
Comme il eft certain que le froid, la pluye & le vent, 
peuvent retarder de plufieurs jours la l'ortie de la troupe 
qui veut abandonner la ruche, il eft évident que dans 
le moment où l’eftaim va partir, il peut y avoir plufieurs 
jeunes fémeiles. La feule queftion ell donc fi alors il y en 
a plufieurs qui fortent avec l’cflaim. 

Cette queftion a été décidée uniformément par tous 
ceux qui ont traité des abeilles, à commencer par Ariftote. 
Tous alfürent, & nous prouverons qu’ils ont eu raifon 
de l’alfûrer, qu’il arrive quelquefois qu’un eftaim a deux 
rois ou deux reines. Us nous ont raconté ce qui fe pafte 
dans ce cas, qui n’cft pas rare. Ils veulent qu’alorsleftaim 
fe partage conftamment en deux; & *1 eft réel que quel¬ 
quefois les mouches qui le compofent, fe divifent en deux 
troupes. On voit alors fur le même arbre ou fur deux arbres 
aftesproches l’undel’autre,deux tas d’abeilles.Un desdeux 
eft ordinairement bien moins confidérable que l’autre; 
l’un ne fera quelquefois qu’un peloton pas plus gros que 
le poing, pendant que l’autre aura plus de volume qu’une 
tête humaine. Chacune de ces portions de Leftaim, a fa 
reine. Quelle que foit la circonftance qui a fait que la reine 
du petit peloton a entraîné fi peu de mouches à la linte,or¬ 
dinairement fa troupe ne lui eft pas fidelie. Les expériences 
que nous ayons rapportées ailleurs fur des abeilles mifes 


DES I N S E C T E S. XII. Mefn. 627 
en petit nombre dans de petites ruches, ont appris quelles 
n’aiment pas à vivre en des focietés peu nombreufes,& que 
la reine elle-même n’elt pas contente quand elle a peu de 
mouches à Ton fervice; elle (cm b le en fçavoir les inconvé¬ 
nients: peu àpeuaulli, ily ades mouches qui fedétachenc 
du peloton, & qui vont rejoindre le gros. Le peloton di¬ 
minue d’inftant en inftant; & quand il cft réduit à un petit 
nombre de mouches, celles-ci enfemblc & la mere même, 
vont fe réunir aux autres. L’effaim alors a deux meres. 

Il pourrait bien n y avoir eu que du malheur élans le 
fort de la mere qui a etc abandonnée par fa troupe; peut- 
être que fi ic hazard lui fut été auffi favorable qu’à l’au¬ 
tre, elle eût été la pins fuivie. Mais dans des temps où 
on cherchoit plus à raconter des faits agréables que des 
faits vrais, 011 l’on donnoit ce qu’on imaginoit devoir 
être, pour ce qu’on avoit vû, dedans des temps où l’on 
regardoit le gouvernement des abeilles comme le modèle 
du plus parfait gouvernement monarchique, on nous a 
parlé de la mere heureufe comme du véritable roy, & qui 
avoit toutes les qualités qui la rendoient digne de l’être; 
qui avoit même un extérieur propre à fe faire refpecler. 
Au lieu que la femelle infortunée a été traitée comme 
une miférable mouche, indigne de la puiffance fouve- 
rainc qu’elle avoit voulu ufurper; on lui a prodigué les 
noms d’ufurpateur & de tyran ; on a voulu que fa figure 
fût hideufe & eût quelque chofe de méprifable. C’cft 
d’après Arifiote que Virgile a dépeint l’une & l’autre, 
qu’il nous a dit que les extérieurs de ces deux rois étoient 
fort différents; que l’un avoit des écailles rougeâtres, qui 
brilloientde tachesd’or, que fa figure étoitnoble; au lieu 
que l’autre étoit défagréable à voir, qu’il fembloit couvert 
de poufiiére, qu’il avoit un large ventre; enfin, qu’il 11e 
méritoit que la mort. 

Kkkkij 


628 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE 

On peut lire avec plaifir tout le mal qui a été cîit de 
cette pauvre mouche par Alexandre de Montfort, dans 
l’ouvrage auquel il a donné le titre du Printemps de la 
mouche h miel, qu’il allure être le fruit de pluficurs années 
d’obfervations, & qu’il a rempli de moralités. Il nomme 
cette mouche malheureufe, le tyran ou le prince brouillé ; 
il dit que fa couleur trifle, fou ventre gros, fes jambes fea- 
breufes & fes gefes languijfants, font figues d'envie, d’ava¬ 
rice, d’ambition, de gourmandfe, de lâcheté & deparejfe, Sic. 
due ce prince brouillé a un accent, rude qui retentit dans tout 
le quartier (lorfqu’il eh encore dans la ruche) carcffant la 
nouvelle gendarmerie, qu’il tâche J'enyvrer & d’attirer à la 
révolte contre fou fouverain. 

Le prince brouillé fort (de la ruche) avec l’effabn, s’é¬ 
loigne du roy comme un traître ou comme une pièce de mau¬ 
vais alloy qui ne s’ofe produire. Auffi-tot que le Soleil lui 
luit fur la tête, fes mauvaifes humeurs s’éveillent, & font 
révolter une partie de ce petit peuple, qui fe va brancher avec 
lui, ou elles fe perdraient fous ce mauvais chef, ne fût que 
reconnoiffant leur faute, elles l’effacent s’allant incontinent 
remettre auprès du roi légitime, &c. De forte que ce prince 
brouillé fe voyant abandonné, fe va rejoindre au gros de 
l’effaim. 

Ces vermeil fes befioles qui fe picquent pour ce qui touche 
l'honneur de leur chef, conjurent la ruine de ce brouillon, &c. 
elles lui courent fus,le déchirent, le foulent aux jùeds; de forte 
que dès le lendemain on le trouve mort, étranglé fous la ruche 
avec dix ou douve abeilles, comme vidimes tres-malheureufes. 

Tous les Auteurs qui ont traité cette mouche comme 
un ufurpateur, lui donnent la trille fin que nous venons 
de raconter dans les termes d’Alexandre de Montfort. Ils 
alfurent qu’on la trouve morte le lendemain au bas de la 
ruche. Charles Butler veut que, lorfque la première reine 


des Insectes. XII. Mem. 62 9 

a pris polfelfion de Ton capitole, qu’après que l’empire lui 
a etc accordé, la fécondé en rang foit condamnée à mort 
par arrêt du peuple, & que fur le champ l’arrêt foit exécuté. 
Il ne nous raconte pas qu’il ait vu faire cette exécution; 
mais il nous parie des combats terribles qui durèrent pen¬ 
dant deux jours dans une ruche où deux forts e(faims 
ctoient entrés, & qui ne finirent que lorfqu’une des meres 
eut été tuée. 

Mais pour fubftituer des faits plus fimples & plus vrais, 
a ceux qu’on a chargés de circonftances que l’imagination 
s’efl più au moins à embellir, il efi très-certain que l’el- 
faim qui fort d’une ruche, a quelquefois deux meres. J’en 
ai même eu deux l’année dernière, dont chacun en avoit 
trois; & il peut y avoir des cas où un elfaim en aura un 
plus grand nombre. 11 paroît certain encore, & c’elt un 
fait bien fingulier, que toutes les meres furnuméraires font 
tuées dans la ruche où l’e(faim a été logé; qu’on n’y con- 
ferve la vie qu’à une feule; que jufques à ce que cette 
grande & cruelle exécution ait été faite, les abeilles ne fe 
mettent pas férieufement au travail. La première preuve 
que j’en rapporterai, me fera fournie par un des elfaimsque 
je viens de citer, qui avoit trois meres. Il l'ortit de la ruche 
le i 2 Juin; les mouches dont il étoit compofé fe parta¬ 
gèrent en deux bandes ; le gros s’arrêta autour d’une bran¬ 
che d’un pommier en builfon, & la cinquième ou fixiéme 
partie environ fe pofa fur la branche d’un poirier aulfi 
en buiiïon, du même quarré que le pommier, & qui en 
étoit éloigné d’une vingtaine de pas. La petite troupe 
relia conftamment pendant plus d’une heure dans la place 
qu’elle avoit choifie^ mais elle fe débanda enfuite ; quel¬ 
ques mouches commencèrent à s’en détacher pour aller 
rejoindre le gros; d’inflant en infant elles furent fuivies 
de quelques autres; enfin, le relie du peloton s’envola 

Kkkkiij 


6^0 MEMOIRES pour l’Histoïre 
à la fois, le difperfa en l’air, & ces mouches difperfées 
vinrent bientôt fe réunir à leurs compagnes; toutes les 
mouches de l’eflaim fe trouvèrent ne faire plus qu’une 
feule maffe. Le partage qui s’y étoit fait d’abord, me fit 
juger qu’il devoit avoir deux meres ; la fuite m’apprit qu’il 
en avoit même trois. Ainfi, le nombre des divifions qui 
fe font dans un effaim , n’efi; pas toujours égal à celui des 
meres. D’autres obfervations m’ont appris qu’il n’arrive 
pas même toujours qu’un efifaim qui a deux meres, fe 
divife. 

Je fus attentif à fuivre lVfTaim dont je viens de parler; 
je le fis mettre le foir dans une de ces ruches plattes *, 
où il efl j)lus ailé de voir ce qui fe palfe. Il y entra 
pailiblcment, & le lendemain tout m’y parut très-calme; 
je ne vis point dans la ruche de ces combats qu’on dit 
qui s’y livrent tant que la pluralité des meres y lubfifie. 
Les mouches ne me femblerent qu’y avoir été trop tran¬ 
quilles ; l’ouvrage de leur journée fut fort peu de choie. 
Le jour fuivant, fur les trois heures après midi, il me pa¬ 
rut y avoir plus de mouches en l’air en dehors de cette 
ruche, < 3 cfur-tout auprès de fes portes, qu’il n’auroit dû y 
en avoir. J’ouvris un des volets pour obferver ce qui le 
paffoit dans l’intérieur ; & je fus bientôt certain que le 
trouble y avoit régné. Les mouches avoient abandonné 
le haut de la ruche où elles s’étoient tenues le premier 
jour, 8 c deux petits gâteaux qu’elles y avoient conftruits ; 
la partie la plus élevée du maffif quelles formoient, étoit 
vers le milieu du logement. J’eus lieu de croire qu’il s’étoit 
fait quelque expédition fanglante; j’examinai le terrain du 
devant de la ruche, j’y trouvai quelques mouches mortes, 
parmi lefquelles il y avoit une mcrc. 

Pendant le jour où fe fit cette expédition, les abeilles 
lie travaillèrent point; elles pafferent même la nuit entière 


des Insectes. XII. Mem. 631 

près du fond de leur ruche, fans regagner le haut; je les 
revis dans cette pofition lorfque j’allai les vifiter fur les 
fept heures du matin. Lorfque j’y retournai vers les dix 
heures, je trouvai une fécondé mere morte affés près de 
l’endroit où j’avois trouvé la première. C’étoit la dernière 
de celles qui dévoient périr; aulft l’ordre avoit il été remis 
dans la ruche; les abeilles en occupoient la partie fupé- 
rieure ; elles s’étoient placées comme elles l’avoient été 
d’abord, & comme elles le dévoient être; & elles fe livrè¬ 
rent au travail avec ardeur. 

L’effaim dont je viens de parler, n’efl pas le feul de 
ceux que j’ai eu dont deux meres ont été tuées. Une des 
meres d’un autre que j’avois aulfi logé le foir dans une 
ruche vitrée, fut trouvée morte le matin tout près de la 
ruche, & une fécondéfémelle fut trouvée morte à peu près 
dans le même endroit vers les deux heures après midi du 
même jour.Malgré le nombre des meres, ce dernier effaim 
11e s’étoit point divilé ; mais le nombre de ces meres l’em¬ 
pêcha peut-être de refier paifiblement fur l’arbre où il s’é¬ 
toit établi. Après qu’il y eut demeuré deux heures, quoi¬ 
qu’il y fût à l’abri des rayons du Soleil, il fe détermina à 
le quitter; il prit même un long vol; il traverfa un bras 
de la Marne qui fépare le jardin où il étoit, d’une ilîe, 
fur un des arbres de laquelle il alla fe fixer; on parvint à 
l’y trouver, & on l’y prit le foir. J’ai eu auffî quelques 
autres effaims de chacun defquels une feule mere a été 
mile à mort le jour d’après celui où les abeilles étoient 
entrées dans une ruche, & quelquefois un jour plus tard. 

Quand des reines furnumeraires font nées dans une 
ruche, ce ne font pas uniquement celles qui partent avec 
un effaim, qui font tacriliées. Le fort de celles qui refient 
dans leur ruche natale n’eft pas plus heureux; elfes y font 
miles à mort; & quelquefois on y en tue un bon nombre. 


632 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
On m’apporta un matin fix meres qu’on avoit trouvées 
mortes fur l’appuy d’une même ruche qui avoit donné 
un eftaim la veille. 

Il efl donc inconteflable, qu’il y a des temps où les. 
abeilles nefouffrent pas plufieurs fémelles, & qu’il n’en faut 
qu’une feule aux abeilles d’un elfaim. Mais quels font les 
motifs qui déterminent ces mouches à en prendre une 
pour reine à l’exclufion des autres ! Il y a grande appa¬ 
rence que celle qui parvient à ce haut rang, en ell la plus 
digne. Ce n’eft pourtant pas, & il n’eft pas befoin de le 
dire férieufement, parce quelle eft douée de toutes les 
vertus morales qu’on lui a cru néceffaires. Nous ne de¬ 
vons pas craindre non plus qu’on croye que les meres 
qui ont été mifes à mort, méritoient une fi trille fin, 
parce qu’elles avoient la noirceur dame propre aux ufur- 
pateurs & aux tyrans, & de plus, tous les vices auxquels 
Alexandre de Montfort a alluré qu’elles étoient fujettes. 
Probablement, la reine qui eft confervée, a dans le plus 
haut degré la vertu qui intéreffe les abeilles, mais une 
vertu phyfique , celle de mettre beaucoup d’œufs au 
jour, d’y en mettre plus que n’y en euffent mis les fémelles 
qui ont été immolées au bien public. Lorfqu’il y en a plu- 
feurs de nées dans une ruche, il n’eft pas néceffaire que 
les mouches qui doivent compofer l’effaim prêt à fortir, 
en viennent à une élection pour fe donner une fouve- 
raine. Souvent fans doute elles acceptent pour reine celle 
qui sert offerte à l’être; un moment peut-être en décide. 
Je veux dire, qu’entre les fémelles nouvellement nées, 
celle qui eft affés aétive, affés inquiette pour fortir la pre¬ 
mière de la ruche, peut déterminer les abeilles qui fe trou- 
voient mal de leur ancienne habitation, à fe mettre à fi 
fuite pour chercher un nouveau logement. Si encore un 
rayon de Soleil fait partir brufquement une troupe de 

mouches 


des Insectes. XII. Mem. 635 

mouches de la ruche, & qu’une femelle parte avec elles, 
beaucoup d’autres mouches font déterminées à fortir en 
même temps; toutes de concert doivent accepter pour 
reine la fémelle qui efl parmi elles, fans l’avoir choifie 
autrement. Malgré l’elpéce de hazard qui décide alors de 
ia fouveraineté, peut-être effelle accordée comme dans 
les plus fameufes monarchies, à la mouche qui y a le plus 
de droit par fa nai(Tance. La première née eft probable¬ 
ment celle qui a acquis le plus de vigueur, qui a été plu¬ 
tôt fécondée, qui eft la plus prête à pondre des œufs, Sc 
celle qui a eu le plus d’impatience de prendre l’effor. S’il 
eft arrivé qu’elle ait été plus pareffeufe, fi une de Tes ca¬ 
dettes eft fortie la première, alors au moins c’eft la plus 
digne qui a été prife pour reine. 

Le feul cas qui puilTe mettre dans une fituation em- 
barraffante les mouches qui compofent un effaim, Si qui 
fembleles obligera faire des aétions barbares, c’eft quand 
il y a parmi elles plufieurs meres. Ce cas femble les met¬ 
tre dans la néceflité de choifir. Si entre ces meres, il y 
en avoit une d’une forme majeftueufe & toute brillante 
d’or, Si que l’or parût auffi beau aux abeilles qu’à nous, 
& fi les autres fémelles avoient une figure ignoble Si 
même hideufe, Si qui fût telle pour les abeilles, leur 
choix feroit facile à faire. Je crois qu’il l’cft auffi. Quoi¬ 
qu’on ne trouve pas entre l’extérieur de l’abeille qui reftc 
fouveraine, Si l’extérieur de celles qui font condamnées 
à mort, les grandes différences dont nous venons de par¬ 
ier, on y en trouve quelques-unes. La première m’a toû- 
jours paru d’une couleur plus rougeâtre que les autres; Si 
c’en étoit afies pour mettre en droit, lorsqu’on en a parlé 
poétiquement, de faire entrer l’or dans fa parure. Les 
autres font plus brunes, Si elles m’ont toûjours femblé 
moins groffes. Ariftote a dit auffi que le vrai roi eft rou*. 
Tome V .LUI 


6 34 MEMOIRES POUR l’Histoire 
& que l’autre eft noir, ce quife réduit à être plus brun. Les 
ineres, comme les autres abeilles, deviennent plus rouge⬠
tres en vieilliftant; le moment où elles Te font transfor¬ 
mées eft celui où elles font le plus brunes : enfin, àinefure 
que les œufs qu’elles ont dans le corps, grofti fient, leur 
corps grofiit. De-là il paroît, comme nous l’avons dit, 
que celle qui eft confervée pour reine, eft la première 
née & la plus prête à pondre. 

Mais d’être la plus prête à pondre , doit être par rap¬ 
port aux abeilles, la circonftance eflcntielle & décifive ; & 
j’ai des preuves que la mere qui avoit été choifie, s’étoit 
trouvée dans cette circonftance favorable. J’ai ouvert le 
corps de neuf à dix jeunes fémelles auxquelles la vie avoit 
été ôtée dans différentes ruches, & il n’y en a eu aucune 
à laquelle j’aye pû trouver un feul œuf d’une grofteur 
fenlible. La plus forte loupe n’a pû même me faire ap- 
percevoir dans le corps de quelques-unes, de ces petits 
grains qui font des œufs qui ont beaucoup à croître. Si 
j’eufie ouvert le corps de la fémelle qui avoit été confer¬ 
vée dans chacune des ruches hors defquelles les autres 
fémelles avoient été jettées mortes, je leu fie trouvé rem¬ 
pli d’œufs dont plufieurs auroient été très-fenfibles. Je 
puis donner ce dernier fait pour aufii certain que fi je 
l’eufte vu, puifque j’ai trouvé des œufs dans quelques-unes 
de ces ruches, au bout de aq heures , & dans d’autres au 
plus tard, au bout de deux ou trois jours. 

Quelquefois entre les fémelles qui naifient la même 
année dans une même ruche, il y en a trois ou quatre 
d’heureufes. 11 y en avoit eu trois de celles-ci dans la ru¬ 
che où j’ai dit que j’avois trouvé quarante cellules royales, 
de dix defquelles dix fémelles étoient forties ; de ces dix 
fémelles il y en avoit eu trois qui établirent trois petits 
empires, trois dont chacune refta fouyeraine d’une 


des Insectes. XII. Afem. 6] 5 

nouvelle ruche. Lorfque je baignai l’ancienne ruche d'où 
ces trois elfaims étoient fortis en moins de i j jours, j’y 
trouvai une jeune fémelle avec une autre qui étoit pro¬ 
bablement fa mere. Trois à quatre effaims lortent donc 
quelquefois de la même ruche les uns après les autres, 
dans des intervalles de cinq à fix, & tantôt dans des in¬ 
tervalles de dix à douze jours. Des meres nées les unes 
après les autres, deviennent propres à être les conductrices 
de colonies quelles font en état de faire multiplier. Dans 
ces mêmes ruches où il y a eu trois à quatre femelles for¬ 
tunées , il y en a eu ordinairement un plus grand nombre 
de malheureufes. 

Mais elt-ce par les abeilles même nouvellement établies 
dans une ruche, que la mere ou les meres furnuméraires font 
miles à mort! Comment cela s’accorde-1-il avec cet amour 
fi vif pour toutes les meres en général dont les abeilles 
nous ont donné tant de preuves dans le cinquième Mé¬ 
moire! Ne feroit-ce point plutôt que deux meres jaloufes 
l’une de l’autre, fe livrent un combat dont la plus foible 
cft la viélime! C’eft ce que je n’ai pû parvenir à voir. Ce 
qui pourrait faire penfer que les deux meres, quoique très- 
pacifiques naturellement, s’attaquent l’une l’autre, c’ell: 
qu’elles font armées d’aiguillons dont elles n’ont gueres 
d’autre occafion de faire ufage, car elles ne s’en fervent 
pas contre les abeilles de leur ruche. Malgré pourtant le 
refpeCl qu’ont ces dernières pour les meres, malgré l’a¬ 
mour quelles leur témoignent, il pourrait bien y avoir 
des temps où elles ne balanceraient pas à leur ôter la vie. 
Nous avons vu qu’après avoir pris des foins infinis des 
vers qui deviennent des abeilles mâles, qu’après avoir bien 
vécu avec ces mâles, il vient un temps où elles en font 
lin furieux carnage. Elles font capables des meilleures 
aCtions & de celles qui nous femblent les plus barbares, 

LUI ij 


6]6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
félon que Se bien de leur fociété le demande ; elles ont 
été inftruites à faire tout ce qui y convénoit le mieux. 
Des abeilles nouvellement miles dans une ruche, ont allés 
à travailler pour conlîruire la quantité des rayons de cire 
néceffaire pour fournir à loger les vers qui naîtront des 
ceufs que la jeune & féconde reine va pondre, à ramaf- 
ler tout le miel qui doit être mis en referve dans la ruche. 
Leur inftincft leur apprend que pendant plufieurs fcmaines 
ou plufieurs jours au moins, il faudrait qu’elles fuiïent ca¬ 
pables défaire une fois plus d ouvrage quelles n’en peuvent 
faire, pour fuffire à deux reines; elles ne pourraient loger 
& foigner les vers qui naîtraient de leurs œufs. Le meilleur 
parti à prendre ell donc de facrifier une de ces reines. 

Quand les abeilles fe trouvent fupérieuresà leur travail, 
quand elles ont rempli leurs ruches de beaucoup de g⬠
teaux bien fournis de miel & de cire brute, elles peuvent 
n’avoir plus de raifons de craindre la pluralité des meres; 
telle étoit la fituation des abeilles que nous avons vu être 
empreffées à rendre de bons offices à la reine étrangère 
que nous leur avions offerte. Alors elles font le plus grand 
accueil à une fémelie quelles euffent immolée fi elle eût 
été introduite parmi elles dans les temps où elles fe trou- 
voient dans une nouvelle habitation dénuée de tout. Ou 
fi l’on veut, qu’une mere ne l'oit jamais tuée que par uns 
autre mere, ce qui efî bien auffi probable, la mere qui a 
à fa difpofition tous les gâteaux d’une ruche, n’eft point 
jaloufe qu’une autre les partage, quand il lui paraît qu’il y 
en a affés pour elles deux. Mais je puis être fort mal inflruit 
de la politique des abeilles & de la façon équitable de pen- 
fer que je viens de leur accorder. La fuite des faits que j’ai 
à rapporter, fera au moins voir encore bien du fingulier 
dans les dilférentes manières dont les mêmes femelles lont 
traitées en différents temps dans la même ruche. 


des Insectes. XII. Mem. 6 37 
Par le moyen du bain j’eus le 1 5 Juin à ma difpoli- 
tion, une mere que je tirai d’une ruche ancienne, mal 
fournie de mouches & de couvain. Cette mere qui juf- 
qucs-là avoit fait peu d’œufs, paroifToit en état d’en pon¬ 
dre beaucoup par la fuite ; elle avoit le corps long Si 
renflé. Après lui avoir peint le corcelet avec un vernis 
rouge, qui, étant très-ficcatif, fut bientôt fec, je i’intro- 
duifisdans une ruche quarrée éêplatte où un fort eflaim 
navoit été logé que le 10 du même mois; mais où il 
avoit travaillé avec beaucoup d’aclivité; il y avoit déjà 
frit deux gâteaux, dont chacun étoit aufli grand qu’une 
des moitiés d’une des faces de la ruche, & qui avoient 
beaucoup de cellules pleines de miel. Je fis entrer la 
mere à laquelle j’avois donné une livrée rouge, par un 
trou percé au milieu de la pièce fupérieure de la ruche. 
Si cela, à cinq heures Si demie du foir. Dès quelle 
y fut entrée, elle dilparut, elle fe cacha entre les deux 
gâteaux ; mais fon arrivée n’occafionna aucun tumulte 
fenfible; il parut quelle avoit été bien reçue. Au bout 
d’une heure, je la vis appliquée contre un des carreaux 
de verre, Si entourée de plulieurs abeilles qui fèmbloient 
occupées à la nettoyer, & qui peut-être vouloient lui 
ôter la tache rouge. Le jour fuivant fur les huit heures du 
matin, mon jardinier que mon exemple a rendu curieux 
d’obferver les abeilles, vint m’avertir qu’il avoit vu la mere 
rouge, qu’il l’avoit fuivie des yeux, qu’il avoit remarqué 
qu’elle avoit fait entrer fa tête dans une cellule vuide, Sc 
qu’enfuite s’étant retournée bout par bout, elle y avoit 
introduit fon derrière, Si qu’elle devoir être occupée à 
pondre. Lorfque j’arrivai, je la trouvai fur le même gâteau 
où il l’avoit vûe, mais elle n’étoit plus dans une cellule. 
Des mouches qui l’entouroient, s’ouvroient pour lui 
îaiflèr le palfage libre à mel'ure quelle allait en avant-; 

lui üj 


6 38 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

quelques-unes de celles qui lui failoient cortège, lui lé- 
choient le derrière , comme elles ont coutume de le 
lécher à une mere qui vient de dépoler un œuf. Je vis 
enfuite qu’elle fit entrer l'a tête fuccefTiveinent dans plu- 
fieurs cellules ; mais dans chacune delquelles il y avoit 
déjà un peu de miel ; ne les ayant pas trouvées telles 
qu’elle les vouloit, elle quitta la l'urface extérieure du g⬠
teau où elle étoit, pour aller peut-être en chercher qui 
fuffent à fon gré dans l’intérieur de la ruche. Ceci le palïa 
dans un temps ou piuficurs meres furnuméraires des nou¬ 
veaux effaims furent tuées ; & on croit bien que je fus 
attentif à examiner chaque jour, fi je ne trouverois pas 
l’une des deux meres dont il s’agit, morte auprès de la 
ruche. Je n’y trouvai ni l’une ni l’autre. Dix à douze 
jours après, je donnai une troifiéme mere à la même ru¬ 
che, à laquelle je fis porter une livrée jaune. Je ne pus 
depuis parvenir à en voir aucune des trois; elles le tinrent 
trop conflamment dans l’intérieur de la ruche & dans les 
gros de mouches, au moins aux heures où je cherchois 
à les voir. Mais jufques au mois de Septembre, je ne pus 
parvenir à en trouver une morte, quelqu’attention que 
j’euffe apportée à la chercher. 

Les vacances qui m’éloignerent de Paris, me mirent 
pendant deux mois hors d’état de pouvoir obferver les 
dehors & l’intérieur de cette ruche. A mon retour, c’eft- 
à-dire, après la Touffaints, je me déterminai à la baigner, 
pour fçavoir fi les trois meres lui étoient reliées. Lorfque 
f'es mouches parurent bien noyées, lorfqu’elles furent 
toutes dans un état femblable à celui de mort, je les 
examinai à mon aife, & avec foin une à une. Je les 
comptai même, & j’en trouvai plus de fept mille, ce qui, 
dans une pareille faifon, eft un nombre de mouches 
affés confidérable pour une ruche. Parmi elles il iî y fc ayoi£ 


des Insectes. XI 1. Mem. 639 
aucun mâle, aulfi netoit-ce pas le temps où il y en de¬ 
voir avoir. Enfin, ce qui étoit l’objet elfentiel, c’étoit de 
retrouver les meres, & des trois qui y avoient été quelques 
mois auparavant, je n'en trouvai qu’une feule, & proba¬ 
blement lamere naturelle; au moins fon corcelet n’étoit- 
il coloré ni de jaune, ni de rouge. Quand on fuppolè- 
roit que le verni de fon corcelet avoit été emporté, on 
ne fçauroit guéres fuppofer qu’il n’en fût pas refié la 
moindre tache. La inere marquée de rouge, & la mere 
marquée de jaune avoient donc péri ,&, félon toute appa¬ 
rence, de mort violente. Si ce font les abeilles qui immo¬ 
lent les meres étrangères après leur avoir fait tant d’ac¬ 
cueil , on feroit tenté de croire qu’elles les prennent à 
l’eiïai; qu’elles ne les gardent que jufqu’à ce qu’elles fe 
foient affûtées que leur fécondité ne furpaffe pas celle de 
leur reine naturelle ; que peut-être celle-ci efi la facrifiéè 
quand il s’en efi préfenté une plus féconde. On n’auroit 
pas befoin d’accorder tant de politique aux abeilles, fi orr 
étoit fûr qu’une mere efi facrée pour elles, que toute mue 
ne peut être tuée que par une autre mere. Alors la plus' 
courageufe & la plus forte fe rendroit la feule fouveraine 
en arrachant la vie à fes rivales. Les expériences qui peu¬ 
vent infiruirefur-tout ceci, ne font pas impofiibles,quoi¬ 
que je ne fois pas encore parvenu à les faire. 

J’eus dans le mois de Décembre une mere tirée d’une 
niche, dont prefque toutes les autres mouches avoient 
péri ; de languifiante quelle étoit, je parvins à la rendre 
forte & vigoureufe en la chauffant avec précaution. Pour 
lui conferver la vie, & pour faire en même temps une des 
expériences qui m’étoit néceffaire, je la logeai dans une 
niche vitrée & conique. Cette ruche étoit bien remplie 
de cire & de miel ; depuis laTouflaints je la tenois dans 
mon cabinet, à Paris, bien fermée de toutes parts; j’avois 


6 4 q Mémoires pour l’Histoire 

eu peur que le nombre des abeilles n’y fût pas fuffifanC 
pour qu’elles puflent réfifler au froid de l’hiver ; je l’y 
tenois encore par rapport à d’autres vues. Dès que la 
mere étrangère fut entrée dans la ruche, je ceffai de la 
voir; elle gagna le gros des abeilles qui fe trouvoit affés 
près du fond de la ruche. Il ne me fut donc pas poflible 
d’obferver comment elle fut traitée. Mais bientôt j’en¬ 
tendis un grand murmure; le bourdonnement alla tou¬ 
jours en augmentant; & les abeilles, de tranquilles qu’elles 
étoient, devinrent agitées. S’il nous cfl permis d’inter¬ 
préter la caufe de ce bruit & de cette agitation, nous ne 
î attribuerons qu’à l’efpéce de joye que les abeilles té- 
moignoient d’avoir une fécondé reine; celles qui avoient 
été les premières inftruites du grand événement, l’appre- 
îîoient aux autres : ce qui efl fur, c’efl que ce bruit ne 
fut point un bruit de guerre; l’arrivée de la fécondé reine 
ne caufa aucun combat dans la ruche. J’eus beau obfer- 
ver pendant plufieurs jours de fuite, je ne vis point aug¬ 
menter le petit nombre des mouches mortes qui y étoit, 
lorfque la nouvelle mere fut introduite : elle ne parut 
point parmi les mortes; elle eût été aifée à diflinguer 
par fa grandeur; mais ce qui l’auroit rendue encore beau¬ 
coup plus reconnoiffable, c’efl que j’avois eu foin de 
peindre en rouge avec du vernis, prefque toute la partie 
llipéricure de fon corcelet. Avant que je l’euffe introduite 
dans la ruche, les abeilles y fembloient être dans un en- 
gourdiffement dont fa préfence les fit fortir, & dans le¬ 
quel elles ne retombèrent plus. Tous les jours fuivants, 
elles me firent entendre des bourdonnements tantôt plus 
forts tantôt plus foibles, que je n’entendois pas dans les 
jours qui avoient précédé; elles furent beaucoup plus en 
mouvement, elles mangèrent beaucoup davantage. Dès 
Içs premiers jours de Février je portai cette ruche à h 

Campagne; 


des Insectes. XÎJ. Ment. 641 
campagne. Lorfqu’au bout de deux fcmaincs, ou environ, 
je retournai la voir, je la trouvai prefque dépeuplée; ce 
11’étoit point parce que la faim, ou le froid avoit fait 
périr une grande partie de fes mouches; on ne les avoit 
pas laide manquer de miel ; & fi elles n’eu dent pu foû- 
tenir le froid, on eût trouvé les mortes fur le fond de 
la ruche où il n’y en avoit que quelques-unes de celles- 
ci. Il y a donc grande apparence qu’une des meres aban¬ 
donna la ruche pour alier s’établir en quelqu’autre en¬ 
droit avec les mouches qui la voulurent fuivre. Il reda 
cependant une des deux meres dans l’ancien logement, 
je 11e fçais laquelle : la feule preuve que j’en ai, car je 
11e la vis pas, eft une preuve fuffifante, c’ed qu’au com¬ 
mencement du mois de Mars les abeilles de cette ruche 
allèrent faire des récoltés à I3 campagne, elles revenoient 
chargées. La ruche ne fut pourtant pas long-temps fans 
être entièrement deferte. Cette mere accompagnée de 
trop peu d’ouvrières, prit apparemment un parti fem- 
blable à celui que nous avons vu prendre à toutes les 
meres qui ont été mifes dans la petite ruche vitrée avec 
trop peu de mouches ordinaires; elle alla chercher ailleurs 
line meilleure fortune. 

L’expérience d’introduire une fécondé mere dans une 
ruche, me parut devoir être faite dans une circonflance 
differente de celles où j’en ai ci-devant donné de furnu- 
méraires. J’avois une ruche en panier, fi peuplée depuis 
plufieurs femaines, qu’une partie de fes abeilles étoit obli¬ 
gée de fe tenir dehors en grouppe, foit pendant le jour, 
l'oit pendant la nuit. Cependant cette ruche n’avoit pas 
encore donné d’effaim le 25 Juin. II me fembloit que 
je n’en pouvois attribuer la caufe qu’à ce qu’il n’y étoit 
point né de fémeile. Je fus curieux de voir ce qui arri¬ 
verait fi j’y en faifois entrer une très en état de pondre. 
TorneV . Mm mm 


6+2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
La mere d’une ruche dont j’avois déjà eu trois elfaims, 
fut deftinée à cette expérience. Depuis quelques jours je 
Pavois fait paffer dans une nouvelle ruche avec fes ou¬ 
vrières, qui y avoient déjà commencé quelques gâteaux 
de cire, Sc dans lefquels la mere avoit tlépofë des œufs. 
Après l’avoir tirée du bain qui me mit en état de la dé¬ 
mêler des mouches de fa troupe, après lui avoir rougi 
le delfus du corcelet, & enfin, après lui avoir fait re¬ 
prendre toute fa vigueur, je la polai fur les fept heures 
& demie du matin fous cette ruche en panier, qui ne pou- 
voit contenir toutes fes abeilles, & de laquelle cepen¬ 
dant aucun elfaim n’ëtoit forti. Bientôt elle me fut cachée 
par tant de mouches, qu’il ne me fut plus polfibJe de la 
voir. Il efl à préfumer qu’elle fut bien reçue par les abeil¬ 
les ordinaires; elle n’occafionna aucun tumulte fenfible. 
Le foir je fis pancher le panier pour fçavoir fi je ne par¬ 
viendrais pas à voir la mere que j’y avois introduite. Je 
l’y vis; elle y étoit dans une guirlande d’autres mouches. 
Quelle que fut la caufe pour laquelle elle étoit refté-là, 
& qui l’avoit empêché de pénétrer dans l’intérieur du 
palais, avec un brin de paille je la détachai de fa guir¬ 
lande, je la fis tomber fur l’appui de la ruche; mais bien¬ 
tôt elle le quitta, elle fe mêla avec d’autres abeilles, je 
celfai de la voir, & je fis remettre la ruche dans la pofi- 
tion naturelle. 

Je ne m’attendois pas que le fuccès de cette expérience 
ferait tel qu’il fut. Lorfque le lendemain 26 j’allai dès 
le matin pour voir la ruche dont il s’agit, je trouvai la 
mere marquée de rouge morte ; je la trouvai dans une 
allée qui eft au long d’une terralfe fur laquelle la ruche 
étoit placée, & vis-à-vis cette ruche. Pourquoi cette mere 
féconde n’avoit-elle pas été épargnée, & cela dans une. 
circonfiance où elle fembloit précieufe aux mouches ? 


des Insectes. XII. Mem. 643 
qui dévoient attendre avec impatience une reine qui les 
conduisît hors d’un logement où elles ne pouvoient pas 
toutes fe tenir à la fois! Ne reiremblons point à ces Hif- 
toriens qui paroilfent avoir été prélents aux converfations 
les plus fecrettes qui ont été tenues dans les cabinets 
des Rois & des Miniftres. Avouons fans peine que les 
principes fur lefquels les abeilles agiffent, ne nous font 
pas ailes connus. La mort de la mere étrangère pourrait 
pourtant, avec allés de vraifemblance, être mile fur le 
compte de la mere régnante; elle pouvoit avoir des rat¬ 
ions de vouloir la perte de cette reine étrangère, dont fes 
ouvrières dévoient être fort contentes. Quoi qu’il en foit, 
cette ruche n’étoit pas favorable aux nouvelles reines. 

Le y Juillet j’en trouvai une tout auprès de'cette ruche, 
qui fans doute y étoit née, & y avoit été mile à mort. 

La reine«rouge ne palfa qu’une journée dans la ruche, 
pendant l’après-midi de laquelle il fit de l’orage & une 
grande pluye. Peut-être que fans cette pluye, & lans cet 
orage, elle eût eu un fort plus heureux, qu’elle fe fût 
déterminée à fortir, & qu’elle eût été fuivie d’autant de 
mouches qu’il y en a dans les meilleurs eliaims. 

II eft confiant au moins, qu’un jour de grande pluye, ou 
qu’un orage, retient dans la ruche, l’effaim qui n’attend 
pour en fortir, qu’à y être déterminé par un beau temps. 

Un Soleil brillant, fur-tout s’il donne fur la ruche, hâte 
les mouches de prendre leur parti; il augmente la cha¬ 
leur qui les environne, que leur nombre rendoit déjà 
trop grande. O11 peut fe rappeller une des aventures * des *MémoireV 
mouches mifes dans une de nos petites ruches vitrées, 
celle oùles mouches la quittèrent pendant que je les obfer- 
vois, parce que je les avois expolées aux rayons du Soleil, 
qui, après avoir traverfé les carreaux de verre, tomboient 
fur elles. Par une raifon contraire, des jours trop froids 

Mm mm ij 


644 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
pour la faifon , empêchent lafortie des eflaims. Mais des 
jours d’un chaud pefant, des jours où, quoique le Soleil 
31e fe montre pas, on trouve la chaleur incommode, font 
encore de ceux où les ruches jettent. 

Diverfes autres circonflances peuvent déterminer la 
jeune mere à prendre i’effor. 11 arrive dans les ruches des 
événements dont nous ne hommes pas en état de fçavoir 
les caufes, qui y mettent fubitement toutes les mouches 
en agitation, qui jettent le trouble par-tout. Qu’on foit 
auprès d’une ruche, on y reliera fouvent pendant un 
temps confidérable fans entendre qu’un leger murmure ; 
mais tout d’un coup on entendra enfuite un bourdon¬ 
nement confidérable ; les abeilles femblcront être toutes 
failles en même temps d’une terreur panique : on les 
verra toutes quitter leur ouvrage pour courir de diffé¬ 
rents côtés. Que dans un de ces moments d« trouble, 
une jeune mere fe trouve près des ouvertures de la ruche, 
qu’elle forte, elle fera furie champ fuivie par une nom- 
breufe troupe de mouches avec laquelle elle partira. 

Quelquefois les abeilles après être forties de la ruche 
dans la quantité nécelfairepour compofer un elfaim, après 
s’être difperfées en l’air, & même après s’être ralfemblées 
fur un arbre, retournent à leur domicile natal. On prévoit 
que cela doit arriver, fi elles n’ont pas été fuivies par une 
jeune reine, qui, quoiqu’elle eût paru aux portes de la 
ruche & prête à les accompagner, n’a pas eu le courage 
de faire ufage de fes ailes. Si la jeune mere eft fortie 
avant que d’avoir été fécondée, avant que le temps de fa 
ponte fut ailes prochain, ce peut-être pour elle une rai- 
ion de rentrer dans la ruche qu’elle s’étoit trop preflee 
de quitter ; & fes ouvrières ne manquent pas d’y retour¬ 
ner avec elle. 

Ceux qui paffent pour les plus entendus dans l’ce«onomie 


des Insectes. XII . Mem. 5 

des abeilles, croyent qu’il Convient d’empêcher dejetter 
les ruches qui font foibles en mouches. Il y aurait à crain¬ 
dre de perdre l’ancienne ruche & la nourelle où l’effaim 
aurait été mis, parce que l’une & l’autre 11e feraient, pas 
fuffilamment peuplées ; auffi a-t-on enfeigné des moyens 
d’empêcher de jetter celles qui font peu fournies d’abeilles. 
Un de ces moyens quand la ruche n’eft qu’un panier, eft 
fimple; c’eft de retourner le panier, de mettre le devant 
derrière. C’eft fur-tout fur le devant du panier que les 
mouches travaillent, c’eft le devant qu’elles rempliffent 
d’abord de gâteaux. Quand le derrière eft devenu le de¬ 
vant, les abeilles fe trouvent plus au large quelles n’y 
croyoient être; elles ont encore de l’ouvrage à faire, & 
pour lequel elles ne font pas en trop grand nombre. 

Un autre expédient auquel on a recours, c’eft de don¬ 
ner une hauffe à la ruche; c’eft-à-dire r quelle que loit fa 
figure, de lui donner une bafe creufe qui augmente fa 
capacité; de mettre, par exemple, fous un panier d’ofier 
ou de paille, une efpéce d’anneau d’ofier ou de paille dont 
le diamètre de la partie fupérieure eft égal à celui du bas 
delà ruche, & qui, à fa partie inférieure, en a un plus grand. 
A l’égard de la hauteur de la haulfe, on lui en donne plus 
ou moins, félon qu’on veut augmenter plus ou moins 
la capacité de la ruche. Mais l'effet de l’un & de l’autre 
de ces expédients, n’eft rien moins que certain, puifque 
nous avons rapporté dès le commencement de ce Mé¬ 
moire, que nous avions vû fortir un effaim d’une ruche 
dont plus des deux tiers de la capacité étoient vuides. 

Les ruches qui ont déjà donné un ou deux forts effaims, 
quelque fortes qu elles fuffent, deviennent des ruches mal 
peuplées; & s’il en fort un troifiéme ou un quatrième 
effaim, ces derniers font ordinairement trop foibles. Le 
moyen le plus fur de conferver ces effaims, eft d’en réunir 

Mm mm iij 


6^.6 Mémoires pour l’Histoire 

deux enfemble, ce qu’on appelle marier des e(faims. Nous 
avons expliqué d’avance dans le dixiéme Mémoire, com¬ 
ment on peut parvenir à faire de ces fortes de mariages. 

Quand on a beaucoup de ruches placées dans le même 
alignement, 6 c par conféquent dans la même expofition, 
il arrive quelquefois que le même jour, à la même heure, 
& prefque dans le même moment, deux effaims partent 
de deux ruches différentes, qu’ils fe mêlent dans l’air, & 
qu’ils fe réuniffent enfemble. Quoique ces deux effaims 
réunis ayent deux meres, ils font dans un cas différent de 
celui de l’effaim forti d’une feule ruche avec deux meres ; 
car chacun des deux premiers étoit accompagné des mou¬ 
ches néceffaires pour le nouvel établiffement. Il pourroit 
fe faire que ces deux meres vécuffent dans la même ruche. 
Cependant fi les deux effaims font forts, on trouve qu’il 
convient mieux de les féparer dans deux ruches différen¬ 
tes; lorfqu’on les loge on fait tomber à peu près la moitié 
de la maffe dans une des ruches, 6c l’autre moitié dans 
l’autre. On s’y prend encore d’une manière un peu diffé¬ 
rente ; on fait entrer dans une même ruche toutes les mou¬ 
ches, & Iorfqu’elles y font devenues tranquilles, vers le foir 
on fecouë cette ruche pour en faire tomber à peu près la 
moitié des mouches, foit fur la terre, foit fur une nappe, 
6c on couvre les mouches qui font tombées, d’une ruche 
qu’on tient préparée. Afin que ce partage foit bien fait, il 
faut qu’il fe trouve une nacre dans chaque ruche. Si une 
des deux en étoit privée, on le reconnoîtroit le lendemain 
par la manière dont fes abeilles fe comporteraient. II fau¬ 
drait encore en venir à les réunir, pour tenter enfuite un 
partage plus heureux. 

Lorfqu’une ruche donne pluficurs effaims dans l’année, 
celui qui eft forti le premier eft toujours le meilleur de 
tous. Outre qu’il eft le plus nombreux, il fe met au travail 


des Insectes. XII. Mem. 647 
dans une faifon plus favorable, dans une faifon où la 
campagne fournit le plus aux récoltes de cire & de miel; 
& enfin, il a plus de temps pour travailler avant l’hiver. 
Ces avantages des premiers e(faims fur les autres, fuffifent 
aftûrément pour expliquer pourquoi ils réuffiffent mieux. 
M. de la Ferriere qui nous a donné un Traité fur les mou¬ 
ches à miel, prétend pourtant que les nouveaux eflaims 
l’emporteroient furies féconds, ceux-ci fulfent-ils auflî 
nombreux ou plus nombreux, par une autre raifon, parce 
qu’ils font compofés de mouches plus exercées. Mais cette 
propofition auroit demandé à être appuyée par des preu¬ 
ves qu’on n’a pas données. Il y a grande apparence que 
l’abeille née depuis deux jours eft auITi habile & aufti labo- 
rieufe que celle qui a vécu plufieurs femaines, ou même 
plufieurs mois. 

Cette propofition de M. de la Ferriere, nous conduit 
au moins à éclaircir une queftion qui nous a dû déjà être 
faite, & à laquelle on a dû s’attendre que nous fatisferions. 
De quelles mouches l’efTaim efl-il compoféî Lanouvelle 
reine n’eft elle fuivie que par de jeunes abeilles, par des 
abeilles nouvellement nées ! Il ne paroît point du tout 
que ce /oit la conformité de l’âge qui lui ait affectionné 
line partie de celles de la ruche. Nous avons dit ailleurs 
qu’on connoiffoit à peu près celui de ces mouches à leur 
couleur, que les jeunes étoient plus brunes & avoient des 
poils blancs, &que les plus vieilles avoient des poils roux 
& des anneaux moins bruns. Parmi celles qui fe font mifes 
à la fuite de la nouvelle reine, on en obferve de ces 
deux couleurs, & de toutes les nuances moyennes qui 
font entre deux. Enfin, fi on examine celles qui font refi¬ 
lées dans l’ancienne ruche, on y en remarquera de même 
de jeunes, de vieilles & de celles d’un âge moyen. L’ef- 
faim eft donc compofé d’abeilles de tous âges, & il refie 


•64S MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
des abeilles de tous âges dans la ruche. Celles nui le l'ont 
trouvées auprès des ouvertures quand la nouvelle reine 
eft fortie, font forties avec elle ; & celtes qui étoient oc¬ 
cupées dans l’intérieur & dans des endroits élevés, n’ont 
point été entraînées par l’efpéce de tumulte qui s’efi fait 
au bas de la ruche. 

Mais efl - il bien certain , comme nous l’avons fuppofé 
jufqu’ici avec tous ceux qur ont parlé des abeilles, que ce 
foit toujours une jeune mere qui te mette à la tête de la 
colonie! La vieille reine ne pcurroit-elle point prendre 
du dégoût pour fon ancienne habitation î Enfin, ne pour- 
roit-elle pas être déterminée par quelque circonftancc 
particulière, à abandonner toutes tes poffeffions à la jeune 
mere î Je fierois en état de fatisfaire à cette queftion autre¬ 
ment que par des vraitemblances, fans des contre-temps 
qui ont frit périr les mouches des ruches à la mere de 
chacune defquelles j’avois mis une tache rouge fur le 
corcelet, ou qui ont empêché ces ruches de jetter; mais 
j’efpére être dans la fuite en état de parler plus affirmati¬ 
vement. Il efi pourtant très-probable que c’ell toêijours, 
ou prefque toujours une jeune mere qui fe met à la tête 
de i’effiaim. J’ai vu beaucoup de nreres qui étoient forties 
avec des effiiims, & je n’en ai jamais vû aucune qui n’eût 
les ailes bien faines; au lieu que j’ai obtervé dans plusieurs 
ruches anciennes, tics meres dont la bafe de l’aile étoit 
déchiquetée, & de laquelle de petits lambeaux étoient 
tombés. 

La couleur de celles qui avoient conduit des effaims 
m’a paru moins rougeâtre que la couleur des vieilles meres. 
Quand celle d’une ruche périt, fi elle y périt dans un 
temps où de jeunes femelles font prêtes à te transformer, 
il efl tout naturel qu’elle foit remplacée par une de celles- 
ci. On pourrait être tenté de croire que la vieille mere 

efi du 


des Insectes. XII. Mem. 649 
efl du nombre des femelles qui font fouvent facrifiées au 
bien public dans la ruche même. Cependant toutes les 
femelles mortes dans ce temps, qu’il m’a été permis d’ob- 
ferver, m’ont paru être des fémelles nouvellement méta- 
morphofées. 

La mere qui a plus de mouches dans fa ruche, y elî 
tenue plus chaudement pendant tout l’hiver. Le prin¬ 
temps vient pour elle plutôt que pour les autres ; elle peut 
recommencer (à ponte de meilleure heure. Nous lça- 
vons que la ponte des poules eft retardée ou même ar¬ 
rêtée par le froid, & qu’on Lit pondre pendant l’hiver 
celles qu’on tient dans des caves ou dans d’autres lieux 
chauds. Il en doit être de même des infeéles. I! y a quel¬ 
quefois des rneres abeilles qui pondent en hiver, j’ai quel¬ 
quefois trouvé dans le mois de Janvier, du couvain en 
tous états dans une ruche. Quelle que foit la caufe pour 
laquelle les abeilles fe multiplient h fort dans certaines 
ruches en comparaifon de ce qu’elles fe multiplient dans 
d’autres, je crois devoir dire combien il peut y avoir de 
mouches dans certains e(faims. Je crois devoir raconter 
comment je parvins à connoître à peu près le nombre de 
celles qui compofoient le plus confidérable e(Taim que 
j’aye vû. 

Dans un de mes jardins de Charenton, il y a une butte 
allés élevée fur laquelle j’avois placé une ruche vitrée 
d’une grande capacité *. Cette ruche quoique très-peu- *pi. 22. fig. 
plée de mouches, palfa une année fans donner d’elîaim ; 5 * 
mais l’année fuivante elle en donna un, qui feul valoit 
plufieurs clftums ordinaires. En montant à la butte dont 
je viens de parler, on trouve diverfes terralfes. Une 
allée de figuiers eft plantée tout du long du pied de la 
première; leurs branches tombent fur cette même ter¬ 
naire. Le neuvième Juin fur les 10 heures du matin, une 
Tome V. . Nnnn 


6 50 Mémoire pour l’Histoire 

nuée d’abeillesTortit de la ruche de la butte. Ces mouches 
loin de s’élever en fortant, s’abaifTérent, & vinrent le pla¬ 
cer à louhait ; elles commencèrent à fe pofer fur deux me¬ 
nues branches de figuier, fur deux de celles qui pendoient 
au-deflus de la terrafle. Ces branches étoient peu dihan¬ 
tes l’une de l’autre, & à peu près parallèles l’une à l’autre; 
les mouches s’y attroupèrent, & en fi grand nombre, que 
les branches qu’elles avoientchoifies, qui n’étoient pas plus 
greffes que le pouce, n’étoient pas allés fortes pour rélifter 
au poids dont elles étoient chargées ; elles furent contrain¬ 
tes de ceder. La dernière portion de chaque branche fut 
amenée à être perpendiculaire à l’horilbn fur une longueur 
de plus de deux pieds : bientôt même une de ces deux 
branches fe trouva chargée d’un poids prefque double ; 
les abeilles de l’autre vinrent fe réunir aux fiennes. Je 
craignis, non fans fondement, qu’elle ne pût réfilter à un 
fi grand fardeau, je fis paffer deffous une fourche de 
bois * dont le bout fut piqué en terre; je la fis foutenir 
comme on foûtiem les branches trop chargées de fruit— 
Toutes, ou prefque toutes les abeilles fe rendirent fur cette 
branche ; & malgré le fupport, elles amenèrent fon bout 
très-près de la terre de la terraffe ; il en étoit au plus éloigné 
d’un ou de deux pouces. La maffeque forment les mouches 
attroupées eft de différente figure dans différents efïàims,. 
fa figure même eff différente dans le même eiTaim en diffé¬ 
rents temps. Celui dont nous parlons, étoit plus gros que 
* t, e. partout ailleurs à fon bout inférieur *. Sa figure étoit celle 
d’un parallelepipede dont deux des côtés avoient chacun 
environ fix à fept pouces de largeur fur fept à huit de 
hauteur. Sur ce parallelepipede de mouches s’élevoit une 
pyramide, qui, infenfiblement s’arrondiffoit. Le paralle¬ 
lepipede & la pyramide avoient enfemble plus de deux 
pieds de hauteur. 


DES INSECTES. XII. Ment. 6 5 r 

Dans un tel maflif de mouches, il devoit y en avoir 
lin nombre bien confidérable. Je fus curieux de connpî- 
tre ce nombre. La manière d’y parvenir étoit de com¬ 
mencer par connoître le poids de l’eflàim. Il étoit place 
fi commodément, qu’il fèmbloit s’être mis exprès pour 
m’inviter à le pefer; quand je l’eufle placé moi-même, 
je 11’eufle pu le mettre mieux. Il me parut donc qu’il me 
(croit alfés facile de parvenir à le peler avec une balance 
Romaine ; & voici comment je m’y pris. On entoura d’une 
ficelle *, la branche qui portoit l’eflaim, alfés près de la *PI. q7.fi», 
partie fupérieure de cet eflaim, & on l’y arrêta bien par 2> c,d ' 
un nœud *. Au-defTus de l’endroit où cette ficelle étoit * n. 
arrêtée, on avoit eu foin de former une boucle deftinée à 
iaiffer paffer le crochet * de la romaine, & au moyen de * c . 
laquelle l’effaim pourrait être fufpendu en l’air. 

Apres cette petite préparation, on pafla une perche de 
bois * dans cet anneau de fer * de la romaine qui efl au- * Fig. 1. u, 
deffus du fléau , & qui fert à la fufpendre. Deux boni- * a. 
mes entre lefquels étoit l’effaim, furent chargés de foûte- 
nir la perche qui portoit la romaine; un de fes bouts fut 
mis fur l’épaule de l’un, & l’autre bout fur l’épaule de 
l’autre; enfin, on pafla le crochet * de la romaine qui efl * c „■ 
deftiné à porterie poids dans la boucle de la ficelle qui fe 
trouvoit au-deffus de l’eflaim. Il ne refta plus alors qu’à 
couper la branche du figuier, Si à la couper fins l’agiter 
trop, fans inquiéter l’effaim qui y étoit attaché; c’efl ce 
qui fut exécuté aifément &. promptement. Dès que la 
branche eût été coupée, elle ne fut plus foûtenuë que 
par la corde dans laquelle le crochet de la romaine étoit 
paffé; il fut donc facile de la pefer avec l’eflaim dont elle 
étoit chargée; on eut le temps de pefer & repefer à loifîr. 

Pendant tout celui qui fut néceflaire à cette opération, les 
mouches ne fe troublèrent point, elles relièrent tranquilles, 

Nnnn ij 


6>2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
Il y eut pourtant un mitant qui donna quelqu'inquié- 
tude à un des domdiiques qui foûtenoit la perche. Lit 
gros de mouches le détacha, prit l'a route vers une 
de les jambes & monta deiius : il craignit, &. il eut 
quelque lieu de le craindre , que tout l’elïaim ne lè dé¬ 
terminât à préférer fa jambe * la branche de figuier; 
mais il en lut quitte pour un peu d’inquiétude. Les 
mouches qui s’étoient aifemblées fur fit jambe, ne furent 
pas long-temps à retourner vers leurs compagnes qui 
ne s’étoient pas déterminées à les luivre. On fit durer 
l’opération au-delà de ce qu’il étoit nécclfaire, parce 
qu’il y avoit des plaques d’abeilles fur la terraife qu’on 
eût voulu voir réunies au gros ; mais enfin, on s’en tint 
à pefer celles qui étoient attachées à la branche, 6. la 
branche elle-même. On trouva que le tout pefoit huit 
livres, & on arbitra qu’il eût pelé huit livres & demie, fi 
les abeilles qui étoient en plaques par terre, 6c celles qui 
ctoient en l’air, eullent été réunies aux autres. Sur le 
champ on préfenta à cet elïaim une ruche dans laquelle 
on força une partie des mouches d’entrer, 6c dans laquelle 
les autres fe rendirent de bonne grâce. On eut alors la 
branche fur laquelle elles avoiênt été jufques-là, on la 
pela, fon poids n’étoit que de fix onces. Celui des mou¬ 
ches peut donc être mis à huit livres, fans rifque de le 
mettre trop fort. 

Mais combien fuit-il de mouches pour faire un poids 
de huit livres! Alfurément, il doit en falloir un grand 
nombre. Pour connoître à peu près ce nombre, je mis 
l’après-midi dans un des bail in s d’une balance, une demi- 
once^ dans l’autre badin, autant de mouches qu’il en fallut 
pour faire équilibre. Ces mouches étoient de celles qui 
avoient été tuées dans des combats acharnés qui fe livrè¬ 
rent dans la ruche, à l’occalion d’une troupe d étrangères 


des Insectes. XII. Mem. 6 53 
qui s’y introduifit,&dont j’ai parlé ailleurs*. Cent foixante- 
huit de ces mouches mortes, nepeférent que la demi-once. 
Dans une once, il y a donc trois cens trente-fix mouches; 
& dans feize onces ou une livre, il y en a cinq mille trois 
cens fôixante-feize. Par conféquent, l’effaim qui pefoit 
huit livres, étoit compofé de quarante-trois mille huit 
mouches. A la vérité, les mouches vivantes de l’eflàim 
pouvoient être plus pelantes que celles qui avoient été 
tuées. Celles-ci pouvoient s’être vuidées. Plufieurs des 
autres pouvoient être chargées de cire. J’ai auffi trouvé 
quelquefois des mouches mortes qui étoient plus pelan¬ 
tes; j’en ai pefé dont il ne falloit que deux cens quatre- 
vingt pour faire une once. Par ces confidérations, rédui- 
fons fi l’on veut le nombre de nos mouches, à quarante 
mille. Il eft encore plus confidérable que celui des habi¬ 
tants de plufieurs grandes villes. Je ne crois pas qu’il fût 
relié dans l’ancienne ruche, à beaucoup près, autant d’a¬ 
beilles qu’il en étoit forti. Elle avoit un nombre de faux- 
bourdons fi confidérable, qu’ils ne purent être détruits 
pendant l’été ; aulfi cette ruche fut abandonnée au prin¬ 
temps. 

Charles Butler, qui apparemment avoit pris la peine de 
pefer des abeilles, dit que q.4.80 mouches font à peu près le 
poids d’une livre, ce qu’on trouvera ne s’éloigner pas beau¬ 
coup de ce que nous avons déterminé, h on compare la 
forte livre Angloife à la nôtre de feize onces. Par ce poids, il 
apprécie le mérite des effaims. Il dit qu’un excellent efïàim 
pefe fix livres Angloifes; un bon, cinq livres; un médiocre, 
quatre. Il 11’a point dit la manière dont il a pefé les effaims, 
mais il eft tout fimple de l’imaginer pour les cas où ils ne 
font pas auffi favorablement placés que l’étoit celui dont 
nous venons de déterminer le poids ; car il ne s’agit que de 
pefer la ruche dans laquelle l’on en veut loger un, & d’avoir 

N nnn iij 


* Mem. v ; 


6 54 MEMOIRES POUR L’HiSTOïRE 
eu foin d’attacher à cette ruche un crochet ou une corde; 
au moyen de laquelle on la pourra pefer une fécondé fois, 
dès que les mouches y feront toutes entrées,&avant qu’elles 
ayent eu le temps d’y travailler, c’elt-à-dire, dès le jour 
même où elles y auront été établies. L’excès du lècond 
poids fur celui qu’on avoit trouvé à la ruche, fera le poids 
de l’eflaim, & mettra en état de calculer à peu près le 
nombre des mouches dont il eh compofé. J’ai aflès ordi¬ 
nairement la curiofité de faire pefer ainfi les eflaims que 
mes ruches me donnent. J’en ai eu quelquefois de fi légers 
qu’ils ne pefoient pas line livre. 

Si l’effaim qui a été mis dans une ruche,s’y trouve bien, 
il n’y eh pas long-temps dans l’inaèiion ; quoique toutes 
les mouches y paroiffent en repos, quoiqu’il n’en forte 
aucune pour aller à la campagne, foit quelles n’y l'oient pas 
difpofées, foit que le temps ne le permette pas, il y en 
a pourtant qui travaillent à faire des gâteaux ; & ce n’efl; 
fouvent que quand elles ont fait des morceaux longs de 
plus d’un demi-pied ou d’un pied, & larges de plufeurs 
pouces, qu’on s’apperçoit que parmi ces mouches qu’on 
croyoit parfaitement oifives, il y en a eu plufeurs de très- 
occupées, ou plutôt que toutes ont été occupées tour 
à tour. 

Une des marques que les mouches aiment la ruche 
qu’on leur a donnée, c’eft quand elles y montent aufli 
haut qu’elles peuvent monter, & que c’elt-là qu’elles fe 
mettent en grouppe. C’eft au fi au haut de la ruche qu’elles 
attachent ordinairement les premières cellules du premier 
gâteau. Le maffif qu’elles forment n’elt pas alors maffif juf- 
qu au centre ; les abeilles y confervent un vuide dans lequel 
elles fepropofent de travailler; elles y conftruifent fuccef- 
fivement un grand nombre d’alvéoles de cire. Ce n’eft que 
quand l’alfemblage de ces cellules compofe déjà un affes 


des Insectes. XII. Mem . 655 

long 6c large gâteau, quelles le laiflent à découvert. 

La pluye ne difcontinua pas pendant deux jours qui 
fuivirent celui où il m’étoit arrivé d’établir un efiaim dans 
une ruche. Il ne fut pas polfible pendant ces deux jours 
à aucune des abeilles de fortir, 6c toutes les fois que je les 
regardois au travers des carreaux de verre, elles me pa- 
roifToient dans une efpéce d’engourdiflfement, tant elles 
fe mouvoient peu. Cependant au bout de ces deux jours, 
je vis un gâteau qui avoit plus de quinze à feize pouces- 
de long, 6c quatre à cinq de large. La formation de ce 
gâteau auroit été difficile, ou plûtôt impoffible à expli¬ 
quer à ceux qui ont cru que la cire n’étoit que de la cire 
brute que l’abeillepeftrit, 6c quelle humeéle de quelque 
liqueur pendant qu’elle la peffiàt. Où les abeilles qui n’é- 
îoient point forties de leur ruche, auroient-elies pris la 
cire brute qui y avoit été nécefiaire! Quelques douzaines 
d’abeilles au plus, qui pouvoient en avoir des pelotes à leurs 
jambes, lorfque toutes avoient été logées dans la ruche, 
n’auroient pas eu de quoi fournir même à quelques cellules. 
Mais on n’eft plus ernbarraffé à trouver de quoi former un 
grand gâteau, dès qu’on fçait, ce que nous avons prouvé 
ailleurs, que les abeilles en font fortir la matière de leur* 
intérieur, de leur eftomac 6c de leurs inteffins. Quelque 
peu qu’il y en ait dans le corps d’une abeille, dès qu’il' 
y en a dans les corps de prefque toutes celles d’un 
effiaim, il y en a de quoi fournir à bien de l’ouvrage.. 
Enfin, les gâteaux qui font faits dans la circonfiance dont' 
nous venons de parler, prouvent incontefiablement que" 
les abeilles digèrent la cire brute pour la convertir en vé¬ 
ritable cire. 

Lorfque le temps efi favorable à î’eflaim mis en ruche, - , 
îorfqu’un air doux 6c un beau Soleil invitent dès le lende¬ 
main les mouches à fortir de leur nouvelle habitation,elles'» 


656 MEMOIRES POUR L’HiSTOÎRE 
vont à la campagne. Quelques-unes, mais c’eft le plus petit 
nombre, reviennent avec des pelotes de cire brute. Celles 
qui ne parodient pas rapporter de cette matière, en appor¬ 
tent peut-être de plus prête à être mife en œuvre; elles l’ont 
fait palier dans leurs eftomacs pour l’en faire fortir toute 
préparée. C’eft une chofe admirable que l’aélivité avec 
laquelle elles travaillent dans la nouvelle ruche. Quelque¬ 
fois en moins de iq. heures, elles font des gâteaux de 
plus de vingt pouces de long fur fept à huit de large. J’ai 
vû quelquefois des ruches plus d’à moitié remplies de cire 
en quatre à cinq jours. Auifi un efiaim fait-il louvent plus 
de cire dans les premiers quinze jours, qu’il n’en fait dans 
tout le refte de l’année. Pour tirer des abeilles grand parti 
en cire, il fembleroit donc qu’il n’y auroit qu’à les faire dé¬ 
loger tous les quinze jours. Mais il faut que le nombre des 
ouvrières qui périffent journellement, foit remplacé par 
d’autres auxquelles la mere donne naiftance; & fi on ôtoit 
fi fréquemment à une ruche tous les gâteaux de cire, on 
ôteroit en même temps les œufs & le couvain qui doivent 
l’entretenir auiïi peuplée qu’elle i’eft, Si même la rendre 
plus peuplée. 

La conftruélion des gâteaux de cire n’eft pas le feul ou¬ 
vrage qui occupe les abeilles nouvellement établies dans 
une ruche; elles en vifitent tous les coins Si recoins, elles 
en ôtent toutes les ordures ou tout ce qui eft pour elles 
des ordures. Quand les carreaux de verre font retenus par 
des bandes de papier collé. Si que ces bandes font en-de¬ 
dans de la ruche, ces bandes, comme nous l’avons déjà dit, 
déplaifent aux abeilles, elles les regardent comme une mal¬ 
propreté; elles les rongent Si en emportent les fragments 
hors de la ruche. En ôtant ce papier, elles rendent pourtant 
leur habitation moins clofe, elles y font des ouvertures 
quelles n’y aiment pas ; aufli 11e tardent-elles guéres à les 

boucher, 


des Insectes. XII. Ment. 657 
Loucher, comme nous l’avons dit ailleurs, avec un maltic 
plus folide que celui que nous employons à un ufage fem- 
Llahle, avec cette efpéce de réfute rougeâtre, & d’une 
agréable odeur, qui a été nommée propolis. Elles bou¬ 
chent avec la même matière toutes les autres ouvertures 
qu’on peut avoir lailfiées à la ruche. Enfin, lorfque l’cfiaim 
étoit confidérable, & lorfqu’il a paru de bonne heure, il 
donne quelquefois lui-même un autre elfiiim dès la même 
année; il elt pourtant plus ordinaire aux environs de Paris, 
de 11e les voir jetter que l’année fuivante. 


EXPLICATION DES FIGURES 
DU DOUZIEME MEMOIRE. 
Pl.anche XXXVII. 


La Figure 1 fiait voir un petit efiaim d’abeilles attaché 
à une branche d’arbre, qui a une figure qu’ils ont alfés 
ordinairement, ee, cet elfiiim. 

La Figure 2 repréfente un elfiiim beaucoup plus con¬ 
fidérable que le précédent, le plus confidérable que j’aye 
vu, & les difpolitions au moyen defquelles je parvins à le 
peler avant que de le faire entrer dans une ruche, f tige 
ou grolfie branche du figuier, fur une des petites bran¬ 
ches duquel les mouches fe raffiemblerent. Le pied de ce 
figuier étoit planté au bas d’une terralfie, dont t,t, efl le 
déifias, r, r, r, &c. branches qui ont été coupées pour em¬ 
pêcher la figure d’être trop confufe. e e , h h, i i, l’effiaim qui 
par fon poids forçoit la petite branche à laquelle il s’étoit 
attaché à être dans une pofition verticale. La portion in¬ 
férieure de l’elfiiim eehh, eut d’abord la figure cl’un pa¬ 
rallélépipède, mais les angles de ce parallelepipede s’effacè¬ 
rent par la fuite, p, perche qui fut mife comme on la voit 
Tome V . O 000 


6 58 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ici pour foûtenir avec fa fourche la branche trop chargée 
par les mouches, d, corde que je fis attacher autour de 
la branche de leflaim lorfque je me fuspropofé de le pe- 
fer. n , nœud de la corde autour de la branche, c, le cro¬ 
chet d’une romaine qui eft engagé dans une boucle de la 
corde. //, levier qui paffoit dans l’anneau de fer a, auquel 
la romaine étoit fufpendue. 



























































>/ s7- M " n 11 














4 




des Insectes. XIII. Mem . 6 59 

TREIZIE'AI E AI E'AI 0 1 RE. 
DES SOINS QU’ON DOIT PRENDRE 

DES ABEILLES 

POUR LES CONSERVER, 

LES FAIRE MULTIPLIER, 

ET POUR PROFITER DE LEURS TRAVAUX. 

C E S Tociétés de mouches fi indufirieuTes, pour les¬ 
quelles les Mémoires précédents ont dû nous rem¬ 
plir d’admiration, travaillent pour nous: nous ne Tommes 
pourtant pas obligés de leur fçavoir grand gré de leurs 
ouvrages, que nous nous approprions contre leur inten¬ 
tion; mais celui qui les a fi bien inftruites, fçavoit que 
nous profiterions de leurs travaux ; & c’eft à lui que notre 
reconnoiflance eft due. Notre intérêt nous porte à Tou- 
haiter la multiplication de ces mouches, & à y contribuer 
autant qu’il efi en nous. On ne fçauroit avoir trop de ces 
ouvrières qui ne vivent point à nos dépens, & qui, Tans 
que nous Toyons obligés de labourer, de planter, de Tenter 
& de cultiver pour elles, font des récoltes qui nous font 
extrêmement utiles. Quoique le miel ne Toit pas aulfi re¬ 
cherché qu’il l’étoit dans les temps où Ton ne connoilToit 
point ou preTquepoint le Tucre, il a encore une valeur; ii 
efi: au rang des aliments Tains & des remedes doux. Mais fi 
le miel a un peu perdu, la cire a beaucoup gagné; la con- 
fommation en efi confidérablement augmentée dans tous 
les pays policés, & plus peut-être en France, 6 c Tur-tout à 

O o o o ij 


6 ' 6 o Mémoires pour l’Histoire 

Paris, qu’en aucun pays & aucun lieu du monde. Il feroit 
à fouhaiter qu’elle pût feule fuffire à nous éclairer, qu’on 
pût le palTer pour cet ufage, de toutes les autres matières 
combullibles. 

11 n’y a plus de pays barbare fi le commerce y conduit, 
où la valeur de la cire l'oit ignorée , comme elle l’étoit au¬ 
trefois chés les Livoniens, qui prenoient pour un marc 
inutile,& rejettoient les gâteaux dont le miel avoit été expri¬ 
mé. On va la chercher dans toutes les contrées où on en 
peut faire des récoltes, qui font le produit du travail, loit des 
abeilles qu’on tient en ruche, loit de celles qui habitent 
des creux de troncs d’arbres dans des forêts. 11 faut four¬ 
nir à la confommation que tant d’arts en font. La Méde¬ 
cine & la Chirurgie Jçavent s’en fervir pour nous donner 
des fecours ; mais la quantité que nous en brûlons furpafie 
beaucoup la quantité de celle qui eft employée à tous les 
autres ulages enlcmble. On épargneroit chaque année des 
Tommes confidérables au Royaume, fi on n’étoit plus 
obligé de tirer de la cire des pavs étrangers. Ce n’eft pas 
ici la matière première qui nous manque, ce. ne font que 
les ouvrières néceffaires pour la mettre en œuvre. Quels 
regrets n’auroit-on pas, fi, dans un pays rempli de coteaux 
les mieux expofés, couverts de vignes chargées de rai fin s à 
maturité, & propres à donner le meilleur vin, on étoit obli¬ 
gé, faute de vendangeurs, de laiffer pourrir ou fécher tant 
de raifins fur les ceps! fi on n’avoit des ouvriers que pour 
faire la récolte de ceux de quelques petits clos voifins des 
maifons! Nous n’y faifons point d’attention , nous ne nous 
avifons pas d’en avoir des regrets, quoique nous foyons 
tous les ans dans un cas femblabie par rapport aux récol¬ 
tes de cire & de miel. Le nombre des fleurs qui remplif- 
fent la campagne, eft immenfe en comparaifon de ce¬ 
lui des fleurs des jardins, des champs & des prairies qui 


des Insectes. XIII. Mem. 66 \ 
environnent chaque village; c’eft-à-dire, que la quantité 
des fleurs qui ont de la cire & du miel qui y font en pure 
perte, cfl immenfe, en comparaifon de la quantité des 
Heurs fur lelquelies les abeilles en vont recueillir. Enfin, il 
eri évident qu’une quantité de cire& de miel qui furparie 
prodigieufement celle que nous fournit le Royaume cha¬ 
que année, eft perdue, parce que nous manquons d’abeilles 
qui aillent la ramafier. 

On ne doit pas mettre néantmoins au nombre des 
choies poriïbles, le projet de faire recueillir chaque année, 
toute la cire Si tout le miel, ni même la plus grande par¬ 
tie de la cire & du miel que les plantes du Royaume four- 
niffent ; mais il n’eri pas hors de vraifemblance, il eft 
même très-probable qu’on y pourroit augmenter confi- 
dérablement ces deux fortes de récoltes, puifqu’il n’y a 
qu’à y multiplier les abeilles. Il eft étonnant combien il y 
en a peu dans divers cantons du Royaume où elles le 
trouvent très-bien. Je comtois en Poitou un grand nom¬ 
bre de paroiffes , fituées auprès des bois, environnées de 
prairies, & qui ont des champs où l’on fente du bled itoir; 
c’eft-à-dire, des paroiffes fituées au mieux pour les abeilles, 
& où il y en a cependant très-peu. La plûpart des métai¬ 
ries n’ont point de ruches; Si il ne devroit pas y avoir un 
jardin de payfan qui n’en eût. Ceux cependant qui ont 
commencé d’en avoir, y font un profit qui les engage à 
les conlèrver. Le Gouvernement fi attentif aujourd’hui 
au bien public, pourroit tirer les gens de la campagne de 
l’indolence où ils font fur cet article, en leur donnant des 
aflurances, que non-feulement leur taille ne feroit point 
augmentée a caufedes produits qui leur pourroient venir 
des abeilles; mais en accordant même chaque année une 
petite diminution de taxe à celui qui aurait un certain nom¬ 
bre de ruches. On pourroit, par exemple, fixer à cinq fols 

Oooo iij 


66 z Mémoires pour l’Histoire 
ou environ de diminution par ruche, ou Amplement ac¬ 
corder cette diminution ou une plus grande par chaque 
ruche au-deffus d’un certain nombre; par exemple, dix 
fols pour chacune des ruches qu’on auroit par de-là le 
nombre de dix ou de vingt. 

Mais eût- on affés éclairé les payfans fur leurs anciens 
intérêts,& par l’objet d’un intérêt nouveau, leur eût-on 
fait délirer à tous, d’avoir des ruches d’abeilles, & d’en 
avoir beaucoup, tout ce qui en arriverait, c’eft qu’elles 
feraient une marchandife plus fouhaitée, & qui par-là de¬ 
viendrait plus cbere; mais de cela précifément le nom¬ 
bre des ruches n’en deviendroit'pas plus grand dans le 
Royaume. Il n’en eft pas des abeilles comme des vers à 
foye, qu’on eft maître de multiplier autant que l’on veut 
quand on a de quoi les nourrir & qu’on en prend foin. 
On n’efl pas maître de faire éclorre des abeilles, comme 
on l’eft de faire éclorre des vers à foye. II n’efl pas mê¬ 
me temps de fonger à en faire venir des pays étrangers. 
Peut être que par la fuite on pourra établir un commerce 
de ruches d’abeilles avec ceux qui ramaffent une grande 
quantité de leur cire dans de vaftes forêts; qu’on pourra 
leur apprendre à vendre les abeilles mêmes après les avoir 
mifes dans des logements convenables. Mais c’eft là une 
de ces vûes, qui, quand elles réuffiroient, ne réuffiroient 
de long temps. II faut que bien des circonfîances fe foient 
réunies, avant que nous voyions des vailfeaux revenir 
d’Afrique chargés de ruches d’abeilles, comme ils le font 
de Nègres ; ou, avant que nous faffions paffer en France les 
abeilles des forêts du Nord, qui font peut-être celles qui 
s’accommoderaient le mieux de notre climat. 

Il ne nous refie donc aéluellement qu’à fonger aux 
moyens de faire multiplier dans le Royaume, les abeilles 
qui y font ; & ces moyens fe réduifent à empêcher qu’il 


des Insectes. XIII. Mem. 66 3 
n'y périfle autant de ruches qu’il en périt chaque année. 
Tous les Auteurs, tant anciens que modernes, qui ont 
écrit de la vie ruflique, ont donné des préceptes par rap¬ 
port aux l'oins qu’on doit prendre des abeilles dans le 
cours de l’année. Ces préceptes font aufii rapportés, Se 
quelquefois avec plus détendue, dans des traités particu¬ 
liers dont les Auteurs fe font bornés à parler des mouches 
à miel : nous tâcherons de ne rien obmettre dans ce Mé¬ 
moire , de ce qui a été dit d’utile pour conferver ces mou¬ 
ches Se pour en tirer plus de profit. Mais ce qui nous a 
paru le plus elfentiel, c’elt de difeuter les moyens qu’on 
peut employer plus fûrement pour les empêcher de périr 
pendant l’hiver Se au commencement du printemps; car 
c’efl alors qu’arrive chaque année la grande mortalité des 
abeilles. 

On perd tous les ans dans plufieurs provinces du 
Royaume, Se même aux environs de Paris, un grand 
nombre de ruches, parce qu’on veut les perdre. 11 s’y cft 
établi une pratique aufil mal entenduë que barbare, car 
elle eft contraire aux intérêts de ceux qui y ont recours. 
Pour avoir le miel & la cire, on n’y fçait autre choie que 
de faire périr toutes les mouches par qui les récoltes en 
ont été faites avec tant d’adrelfe Se de foins. Quand une 
ruche eft devenue bien pefante, quand elle elt bien rem¬ 
plie de gâteaux de cire qui ont beaucoup de miel, on fait 
lin trou en terre capable de recevoir le bas de la ruche; 
dans le fond de ce troui on jette quelques linges foufirés 
6e tout allumés, on pôle aulfi tôt la ruche deffus la vapeur, 
6e on ramené tout autour affés de terre pour empêcher 
les mouches Se la fumée même de s’échapper. L’odeur 
forte de lôuffre dont la ruche fe trouve bientôt remplie, 
étouffe dans peu de temps toutes les miférables abeilles. 

On a même enfeigné différents moyens pour cette 


I 


664 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
belle opération. Vandergroen que nous avons déjà cité, 
ou Je Jardinier des Pays-Bas, prefcrit d’allumer cinq à 
fjx tourbes dans un trou creufé en terre, & de mettre la 
ruche dans ce trou quand les tourbes commencent à fil¬ 
mer. Il nous apprend que d’autres fe fervent de fumée de 
veffes de loup : qu’on fait tomber dans un bacquet les 
mouches étouffées & celles qui ne font qu’étourdies, où 
on les pile avec les gâteaux de miel & de cire. Voilà un 
beau procédé ! Butler donne de même des moyens de les 
faire périr par la fumée du louffre & par celle des veffes 
<le loup. Il veut prouver de plus que cette voye eft la feule 
de tirer du profit des abeilles en Angleterre. Qu’il n’y a 
que dans des pays plus abondants en fleurs, comme la 
Grece, la Sicile & l’Italie, où il convienne de les châtrer; 
c’eft - à-dire, de partager avec elles la cire & le miel. 

Dans les endroits où ce procédé auffi mal-habile que 
cruel, efl en ufàge, on cherche à le juflifier, en difant que 
l’on ne fait périr de la forte que de vieilles mouches de 
qui il n’y a plus rien à attendre, qui ne donneroient pas 
d’effaim l’année fui van te, & qui mangeraient pendant 
l’hiver, une grande partie du miel qu’elles ont amaffé. 
Le vrai efl auffi, que c’efl à l’envie d’avoir quelques livres 
de miel de plus, qu’011 fterifie tant d’ouvrières capables 
par elles-mêmes d’en ramaffer d’autre, & de contribuer 
à élever de nouvelles ouvrières par lefquelles elles feraient 
remplacées quand elles viendraient à périr : car par rap¬ 
port à la cire, il n’y a à craindre Aucune diminution pour 
celle qu’on laiffe pendant l’hiver dans la ruche. Mais 
ceux qui allèguent de fi mauvaifes raifons pour mettre 
à mort tant de mouches laborieufes, fçavent - ils auffi 
fûrement qu’ils le difent, qu’elles n’euffent pas fubfiflé 
encore plufieurs années, pendant lefquelles elles euffent 
donné des effiiims dont chacun eût lui-même produit 

d’autres 


des Insectes. XIII. -Ment. 66 5 
d’autres eflaims! S’il y a telle ruche dont les mouches pé¬ 
riment par quelque accident au bout de quatre à cinq ans, 
ou plûtôt, il y en a d’autres qui durent huit à dix ans; & un 
de mes payfans en a conlérvé une pendant plus de trente 
années. Combien d’effaims eu fient été perdus, fi on eût 
fait périr les mouches de cette dernière ruche lorfqu elles 
ne l’avoient habitée que pendant trois ou quatre ans! 

C’eft même entendre mieux fes intérêts par rapport 
à la quantité de miel & de cire qu’on retire d’une ruche, 
de lui retrancher en différentes années & en différentes 
faifons de l’année, une partie de ce quelle en a , comme 
on le pratique en divers pays, que de vouloir tout lui ôter 
à la fois. La fomme des quantités que l’on en tire à plu- 
lieurs reprifes, excède probablement la quantité que l’on 
en retire en prenant à la fois tout ce qu’elle a; & en con- 
fervant les mouches, on conferve les eflaims quelles don¬ 
nent, & les eflaims de ces eflaims. 

Enfin, fi on veut enlever aux mouches d’une ruche 
tout le produit de leur travail, faut-il vouloir en même 
temps leur ôter la vie! Ne devroit-on pas plûtôt cher¬ 
cher à la leur prolonger! Ne doit-on pas tout tenter 
pour elles! Pourquoi ne les pas faire paffer dans une au¬ 
tre ruche! Si la faifon n’eftpas trop avancée, la néceffité 
où elles fe trouveront de travailler, les mettra en état de 
pourvoir leur nouvelle habitation pour y paffer l’hiver. 
Si on a pour elles les mêmes attentions qu’on a pour les 
abeilles des ruches foibles, on parviendra peut-être à les 
faire vivre julques à la faifon où la campagne fournira à 
tous leurs befoins. Enfin, nous allons voir dans le mo¬ 
ment , que quantité de ruches qu’on appelle des ruches 
foibles, ne périffent pendant l’hiver, que parce quelles 
ne font pas affés peuplées. Pourquoi ne pas réunir aux 
mouches d’une ruche foible, celles auxquelles on veut 
Tome V. • P PP P 


666 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
ôter tout ce qu elles ont de cire & de miel i Ces mouches 
réunies vivroient pendant l’hiver, & on auroit au prin¬ 
temps une ruche bien peupiée d’abeilles , qui dédomma- 
geroient avec ulure du peu de miel qu’il auroit fallu leur 
donner pour fubfifter, s’il avoit fallu leur en donner. 

Alexandre de Montfort dans fon Printemps des abeil¬ 
les, dont nous avons déjà parlé, cite une loi faite par un. 
Grand-Duc de Tolcane, qui défend de faire ainfi mou¬ 
rir les abeilles , fous peine de punition arbitraire. Une pa¬ 
reille loi devroit être établie dans tous les pays policés; & 
fi die l’eût été en France, nous y aurions apparemment 
beaucoup d’abeilles qu’une avidité mal entendue nous a 
fait perdre. 

Mais dans les pays où l’on ne fait pas périr de gayeté 
de cœur des mouches li utiles, on perd beaucoup de ru¬ 
ches chaque année, depuis le mois de Novembre jufques 
à la fin d’Avril. Il y a telle année où l’on en perd plus de 
la moitié, & il n’y en a gueres où l’on n’en perde quel¬ 
ques-unes. Nous n’entrerons point aétueilement dans le 
détail (les maladies auxquelles les abeilles font lu jet tes, ni 
des remèdes par lelquels on prétend les guérir, car ces 
mouches ont depuis long-temps leurs médecins. Nous 
ne voulons d'abord parler que des deux grands fléaux qui 
détruifènt les ruches entières, ce font le froid àx la faim» 
Si l’on défëndoit les abeilles contre l’un & l’autre, on (è 
trouverait prefque toujours au mois de Mai, le même 
nombre de ruches qu’on avoit à l’entrée de 1 hiver. 

Eli-il li difficile de défendre les abeilles contre le froid 
Sc la faim l 11 i’efî plus qu’on ne le croirait Les précau¬ 
tions prifes contre le froid peuvent elles -mêmes faire 
mourir les abeilles de faim 11 a été établi avec une fagefîe 
que nous ne pouvons nous empêcher d’admirer, c’efl- 
à-dire, avec cette fageffe ayec laquelle tout a été fait Sc 


des Insectes. XIII . Mem . 66 7 

compafle dans la nature, que dans la plupart du temps 
où la campagne ne peut rien fournir aux abeilles, elles 
n’ont plus beloin de manger. Le froid qui arrête la vé¬ 
gétation des plantes, qui fait perdre à nos prairies & à 
nos champs leurs fleurs, met les abeilles dans un état où 
la nourriture cefle de leur être néceffaire; il les tient dans 
une efpéce d’engourdiflement pendant lequel il ne fe fait 
chés elles aucune transpiration, ou au moins, pendant 
lequel la quantité de ce quelles tranfpirent efl fi peu 
confidérabte, qu’elle peut n’être pas réparée par des ali¬ 
ments, lans que leur vie courre rilque. £n hiver pendant 
qu’il gele, on peut confidérer fans crainte l’intérieur des 
ruches qui n’ont pas des parois tranfparentes; car on peut 
les coucher fur le côté, & même les renverfer fans deiïùs 
deffous, fans mettre aucune abeille en mouvement. On 
les voit entaflees & très-preflees les unes contre les autres; 
peu de place aufli leur liiffit alors : elles font ordinaire¬ 
ment entre les gâteaux vers leur partie inférieure, ou au 
plus, vers le milieu de la hauteur de la ruche. 

Si le dégel furvient, fi l’air fe radoucit, & fur-tout fl 
les rayons du Soleil tombent fur la ruche & l’échauffent, 
les mouches à miel fortent de leur efpéce de léthargie ; 
elles agitent leurs ailes, elles fe mettent en mouvement, 
i’aélivité leur efl rendue. Mais les befoins de prendre des 
aliments reviennent alors, & la campagne ne pouvant leur 
en fournir, elles ont recours au miel & à la cire brute 
qu’elles ont mis en provifion dans leur ruche. Elles ôtent 
les couvercles qui bouchent les alvéoles où efl contenu 
le miel qu’elles veulent manger le premier : elles com¬ 
mencent par confirmer celui des gâteaux inférieurs, & 
réfervent pour le dernier, celui des cellules les plus éle¬ 
vées. Elles ont une bonne raifon apparemment de man¬ 
ger d’abord le miel qui a été ramaflé le dernier, mais qui 

Pppp ij 


663 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
peut ne nous être pas connue. Celui des cellules infe¬ 
rieures eft celui d’Eté ou d’Autorane, qui ne leur paroît 
pas auffi propre à être confèrvé, qui peut-être s’épaiffit 
plus vite que celui du Printemps. 

Mais ce à quoi nous voulons faire faire attention, c’eft 
que plus l’air doux continue pendant l’hiver, plus les 
abeilles confument de miel, plus elles diminuent jour¬ 
nellement la provifion qu’elles en avoient faite, & plus 
elles courent rifque de l’avoir entièrement confumée 
avant que la chaleur du Soleil échauffe fuffifamment & 
affés conflamment la terre pour faire paroître des fleurs. 
Les abeilles qui ont été miles tard en ruche, qui n’ont pu 
parvenir à frire une récolte de miel affés confidérable, 
l'ont les premières réduites à jeûner, & enfuite à mourir 
de faim. 

J’ai à rapporter une obfervation propre à montrer com¬ 
bien un air affés doux pour laiffer aux abeilles leur vigueur, 
eft à craindre pour elles pendant l’hiver. Un eflaim que 
j’avois mis dans une ruche vitrée au commencement de 
Juin , y travailla beaucoup par rapport au nombre des 
mouches dont il étoit compolé. Les parties fupérieures 
des gâteaux furent remplies de miel. Cependant comme 
le nombre des mouches ne me paroiffoit pas grand dans 
cette ruche , je craignis pour elles le froid de l’hiverJ. 
D’ailleurs , j’étois bien aife d’obferver des abeilles qui 
pendant l’hiver même fe trouveroient dans un air tem¬ 
péré. Après avoir bien bouché toutes les ouvertures de 
la ruche où étoient celles dont je viens de parler, je la fis 
porter à Paris & placer dans le cabinet même où je me 
tiens ordinairement. Pendant la plus grande partie du 
jour, la température de l’air y étoit marquée par dix à 
douze, & affés fouvent par quinze degrés au-deffus 
de la congélation ; ce qui indique un chaud à peu près 


des Insectes. XIII. Mem66g 

!cl que celui des beaux jours du printemps. Là ces abeil¬ 
les, qui étoient très-bien pourvues de miel par rapport à 
leur nombre, à qui il en fût relié beaucoup au mois d’A- 
vril, fi elles euflent été tenues dans un jardin , mangèrent 
prefque tout le leur avant la lin de Février; & elles fe- 
roient péries de faim, fi je n’euffe pris le parti de les met¬ 
tre dans un lieu plus froid, ou de leur donner d’autre 
miel. 

Un certain degré de froid efi donc favorable aux abeil¬ 
les ; celui qui 11e fait que les engourdir, les met hors de 
danger de manquer trop tôt de vivres : mais un degré de 
froid trop grand, un degré qui fait plus que les engour- 
dir.leur efi funefie. Ainfi dans les rudes hivers les abeilles 
courent rifque de mourir de froid, & dans les hivers doux, 
elles font expofées à mourir de faim. Des Auteurs qui 
ont allés bien traité de la manière de gouverner les abeilles, 
prétendent même qu’il en périt plus dans les hivers doux 
que dans les grands hivers ; on en voit afies la caufe. 
Ceci pourtant ne peut être vrai qu’avec certaines refiric- 
tions ; qu’en fuppofiint que quoique l’hiver ait été long, 
le degré de froid n’a pas été exceflif. Celles de mes ruches 
qui étoient fuffifamment peuplées, ont très-bien foûteim 
le dernier hiver, quoiqu’il puiffe tenir rang parmi les plus 
longs & les plus rudes hivers. 

Cependant chaque abeille par elle-même n’efi pas en 
état de foûtenir long-temps un grand degré de froid, un 
degré de froid bien moins confidérable que celui qui fuf- 
fit pour congeler l’eau. Je ne connois aucun infeéîeà qui 
la chaleur foit auffi nécefiaire. Elles périfient de froid dans 
un air dont la température paroîtroit afies douce à tous les 
infeéles de notre climat. Comment peuvent-elles donc 
vivre, lorfqu’on laifie les ruches qu’elles habitent dans des 
jardins pendant des hivers où le froid fait delcendre la 

Pppp iij 


ôyo MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
liqueur du thermomètre de plufieurs degrés au - défions 
de celui de la congélation, de dix à douze degrés î C’efl; 
que l’air qui les environne immédiatement, efi bien éloi¬ 
gné d’avoir le degré de froid qu’a l’air du refte du jardin; 
elles l’échauffent. On ne feroit pas étonné qu’un homme 
qui fe feroit endormi pendant une forte gelée au milieu 
d’un jardin, y fût mort de froid, pendant que des hommes 
euffent pu avoir affés&même trop chaud dans un petit 
cabinet bâti au milieu de ce jardin , où ils le feroient 
trouvés en fi grand nombre & fi prefics les uns contre 
les autres, qu’ils nauraient pu s’y remuer. Les abeilles 
ferrées les unes contre les autres, échauffent l’air de leur 
ruche, comme des hommes échaufferaient celui du ca¬ 
lai net ou nous venons de les entaffer. 

On aura peut-être peine à croire que des mouches, 
qui, lorfque nous les touchons, ne font pas fur nos doigts 
line impreffion fenfible de chaleur, foient capables de 
répandre dans l’air qui les environne, une chaleur telle 
que nous la voulons faire imaginer. On ne pourra pour¬ 
tant s’empêcher de fe rendre aux expériences qui le prou¬ 
vent inconteftablemcnt. Dans le mois de Janvier, j’ob- 
fervai un jour fur les deux heures après midi, que la li¬ 
queur d’un thermomètre que j’avois piacé en dehors d’une 
ruche vitrée, mais tout auprès de cette ruche, étoit à trois 
degrés au-deffous de la congélation. Un carreau de verre 
qui étoit caffé près d’un coin, me donna la facilité d’y 
faire entrer la boule & partie du tube du thermomètre 
dont je viens de parler. Après que j’eus ôté le thermomètre 
de defiùs fon cadre, je retirai le bois mince qui rempiif- 
foit la place du morceau de verre qui étoit tombé ; & par 
cette ouverture, je fis paffer la boule du thermomètre 
dans la ruche. Je ne pus pourtant l’y faire pénétrer bien 
avant ; les gâteaux de cire l’arrêtèrent ; & les gâteaux fur 


des Insectes. XIII. Mem. 671 
lefqucls elle fut arrêtée, étoient affés éloignés de ceux 
entre lefqucls étoient les abeilles. La liqueur cependant 
ne tarda pas à s’élever dans le tube ; elle monta a dix de¬ 
grés au - de dus de la congélation; elle eût monté beau¬ 
coup plus haut, fi la boule eût pu être pofée plus près 
des mouches ; & h cette boule eût pu être mife au milieu 
du maffif quelles formoient, la liqueur fe fût peut-être 
autant & plus élevée quelle ne s’élève dans plufieurs de 
nos jours chauds d’Eté. 

Dans le mois de Mai, je fis pafier par le trou * de la * pi. 24.%. 
traverfe fupérieure d’une ruche platte & vitrée, la boule 1 & -• 
d un thermomètre; & après l’avoir fait defeendre dans la 
ruche de cinq à fix pouces, j’arrêtai en dehors le tube 
de ce thermomètre. Quelques heures auparavant j’avois 
logé dans celle dont je parle, un elfaim peu nom¬ 
breux. Ses mouches n étoient point encore montées au 
haut de la ruche. & elles y montèrent par la fuite. La 
boule du thermomètre fe trouva prelque au centre du 
maffif quelles formèrent. Je marquai la hauteur où, au 
bout de quelques heures, elles avoient Lit éle/er la li¬ 
queur dans le tube. Alors je retirai le thermomètre, & le 
remis fur la planche; & je vis que les abeilles avoient fait 
prendre à la liqueur une chaleur exprimée par 3 1 degrés, 
c’efl à-dire, une chaleur plus grande que celle de nos plus 
chauds jours d’été; Si qui efi a peu près celle que prennent 
les oeufs fous la poule qui les couve. 

Les abeilles dont je viens de parler, étoient tranquilles^ 
mais quand elles marchent ou que fans voler , & fans même 
changer de place, elles agitent leurs ailes, comme cela leur 
arrive fouvent, elles font bien naître un autre degré de 
chaleur .l’ai coniervé pendant I hiver des abeilles dans une 
ruche conique Sc vitré*-, où je les avois fût paffer fans leur 
avoir donné aucun gâteau de cire, ii m’eft fouvent arrivé 


6j2 MEMOIRES POUR l'H'ISTOIRE 
de les obferver, ou de leur donner du miel, pendant que 
je les tenois dans un endroit où l’air n’avoit que peu de 
degrés de chaleur au-deffus delà congélation. Les carreaux 
de verre delà ruche paroilToient froids à mes doigts. Quand 
il m’arrivoit d’inquiéter ces mouches, foit à deffein, foit 
fans lavoir voulu; quand le grouppe quelles formoientfe 
rompoit,&que tumultuairement elles le déterminoient à 
marcher de divers côtés, & à faire un grand bourdonne¬ 
ment , dans peu d’inflants une chaleur fi confidérabie étoit 
produite dans la ruche, que lorfque je touchois avec mes 
doigts ces mêmes carreaux de verre qui m’avoient paru 
froids, je les trouvois auffi chauds qu’ils eulfent été lï je 
les eulfe tenus près du feu, & expolés à un degré de chaleur 
qu’on a peine à foûtenir. 

Après avoir tourmenté des abeilles pour les déter¬ 
miner à quitter leur panier, & à palfer dans un autre, 
lorfque j’en fuis venu à tirer les gâteaux, j’ai obfervé que 
leur cire étoit très-ramoliie. Il arrive aulfi quelquefois que 
les gâteaux chargés de miel tombent au fond de la ruche, 
lorfque la chaleur qui y régné a rendu leurs attaches trop 
molles. 

D’autres que moi, & M. Maraldi entr’autres, ont re¬ 
marqué que les abeilles échauffent l’air de leur ruche lors¬ 
qu'elles agitent leurs ailes ; mais ils ne me paroilfent pas 
avoir alfigné la véritable caufe de cette augmentation de 
chaleur. Ils femblent avoir cru que les battements des ailes 
échauffoient l’air contre lequel ils agilfoient, qu’alors l’air 
étoit échauffé, comme l’eft un corps folide frotté avec 
vîtelfe contre un autre corps folide. Je ne fçais fi un fluide 
tel que l’air, peut être échauffé de la forte ; & il y a 
grande apparence que non. Le corps folide eft échauffé 
parce qu après un intervalle très-court, les mêmes parties 
qui avoient été frappées ou choquées, le font encore, 8 c 


DES I N S E C T E S. XIII. Mem. 673 
cela à un très-grand nombre de rcprifes différentes; mais 
la petite maffe d’air fur laquelle eft tombé le premier coup 
d’aile, 11’eft pas celle fur laquelle tombe le fécond coup; 
de nouvel air prend la place de celui qui a été frappé & 
chaffé. Ce font les abeilles elles-mêmes qui s’échauffent 
en agitant leurs ailes & en marchant, comme nous nous 
mettons en lueur pendant qu’il gele très-fort en courant 
ou en faifint des efforts redoublés. Les abeilles qui ont 
acquis un plus grand degré de chaleur parles mouvements 
quelles fe font donnés, communiquent de cette chaleur 
à l’air qui les touche, comme cet air communique enfuite 
de fa fienne aux carreaux de verre. 

De tout ce que nous venons de dire, il fuit que plus 
le nombre des mouches à miel qui habitent une ruche, 
eft grand, & moins il eft à craindre que l’air ne devienne 
alfés froid pour les faire périr. Auffi, pendant que des 
mouches ont vécu dans des ruches expo fées dans mon 
jardin à des degrés de froid de fîx à fept degrés au-deffous 
de la congélation , & même de dix à douze, j’ai eu d’au¬ 
tres mouches qui font pérics, quoique leurs ruches fuf- 
fent dans des chambres dont l’air n’avoit pris que le degré 
de froid de l’eau qui fe gele. Ces dernières ruches entou¬ 
rées d’un air plus tempéré que celui qui entourait les au¬ 
tres , en avoient intérieurement un plus froid. Les mou¬ 
ches qui y étoient en petit nombre, n avoient pas pu en¬ 
tretenir dans l’intérieur de fa ruche, un air auffi chaud 
que celui qui étoit répandu dans l’intérieur des autres. On 
fouffre du froid au fpedacle dans des jours où l’air exté¬ 
rieur n’eft pas extrêmement froid, fi la fàlle eft mal rem¬ 
plie de fpeélateurs, Sc dans des jours où il gele dehors, 
mais où le parterre eft agité de ffots, on y a trop chaud. 

J’ai vu plufieurs ruches périr au printemps, c’eft-à-dire, 
dans les mois d’Avril & de Mai, qui n etoient expoiées 
Tome V • Qftftft 


6 74 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
qu’à un même froid, ou à des froids moindres que ceux 
qu’elles avoient foutenus pendant l’hiver. Il ne fera pas 
difficile de rendre raifon de ce fait, quand onfçauraqu’à 
la lortie de l’hiver, beaucoup de mouches qui prennent 
trop-tôt l’effor, meurent avant que de pouvoir rentrer dans 
leur ruche ; que journellement il y en a qui font failles 
dehors par le froid, & qui n’ont pas la force de regagner 
leur habitation. Or, Il au milieu d’Avril une ruche cü 
fenfiblemcnt moins peuplée qu’elle ne l’étoit en Janvier 
ou en Février, l'es mouches ne feront pas en état de fe 
défendre contre un froid égal à celui auquel elles ont 
réfffié. 

Après tout, on ne devroit pas craindre de voir périr 
des abeilles de froid pendant l’hiver, fl on pouvoit les 
reffufeiter par un moyen auffi fimple que celui que nous 
ont appris Varron & Columelle. Ils difent que pour les 
faire revivre il n’y a qu’à les mettre fur la cendre chaude, 
fur celle de figuier fur-tout. Il n’y auroit même rien déplus 
commode, que de tenir pendant tout l’hiver fes abeilles 
dans une efpéce d’état de mort, pour leur rendre la vie 
quand la belle faiion feroit revenue. Malheureufement, 
il y a beaucoup à rabattre de l’idée qu’on a voulu nous 
donner de cette réfurreéfion ; nous allons examiner à 
quoi elle doit être réduite; il nous en refera quelques 
faits curieux & même utiles pour la confervation de ces 
mouches. 

Nous avons affés dit que lorfqu’il n’y a plus qu’un cer¬ 
tain degré de chaleur dans leur ruche, elles fe tiennent 
amoncelées & très - preffées les unes contre les autres, 
qu’elles font comme engourdies, qu’elles n’ont plus alors 
befoin de prendre de nourriture ; c’efl dans cet état qu el¬ 
les paffent une grande partie de l’hiver. Mais pour peu 
qu’on Jes échaudé, ou fi on les prend avec la main, on leur 


des Insectes. XIII. Man. 67j 
voit faire des mouvements qui prouvent de refie quelles 
font en vie. Si le degré de chaleur de l’air qui les envi¬ 
ronne, diminue jufques à un certain point, en un mot, 
fi elles font faifies de froid, au lieu quelles ne paroiffoient 
auparavant qu’engourdies, elles parodient véritablement 
mortes. Des milliers d’entr’elles n’ont plus la force de 
conferver les mufcles de leurs jambes dans la contraction 
néceflaire pour les tenir cramponnées dans les jambes 
des autres; le maffifde mouches fe défait alors peu à peu; 
il s’en détache des pelotons qui tombent fur le fond de 
la ruche. Si on va donc vifiter une ruche après une nuit 
pendant laquelle le froid a attaqué les mouches trop ru¬ 
dement , on les trouve empilées f ur le fond ; elles y fem- 
blent véritablement mortes; on peut les prendre à poignée 
fans rien craindre de leurs aiguillons ; il lemble quelles ne 
feront jamais en état de s’en fervir, ni d’aucune de leurs 
parties extérieures. Quelquefois les abeilles quoique dans 
un état auffi fâcheux que l’état de celles qui font tom¬ 
bées fur le fond de la ruche, ne tombent pas, ou il n’en 
tombe que quelques petits pelotons ; le frottement des 
gâteaux qui aide à les arrêter, fupplée à ce qui peut man¬ 
quer de force pour tenir les jambes des unes accrochées 
aux jambes des autres : quelquefois même les crochets des 
pieds de la mouche inférieure font cramponnés fi à pro¬ 
pos dans les jambes de la fupérieure, qu’ils ne s’en déga¬ 
gent pas lorfqu’ellcs meurent l’une 6c l’autre; quelquefois 
on trouve des guirlandes de mouches parfaitement mor¬ 
tes , auffi bien faites 6c plus folides que celles des mouches 
vivantes. 

Si les abeilles tombées fur le fond de la ruche, ou celles, 
qui, quoique refiées plus haut entre les gâteaux, n’en pa¬ 
rodient pas moins mortes, ne font pas dans cet état depuis 
trop long-temps, on les rappelle a la vie en les mettant 

Qqqq ij 


6 y 6 Mémoires pour l’Histoire 

fur ia cendre chaude, comme l’a rapporté Columelle; ou, 
ce qui elt plus commode, & qui ne les rend pas fi pou- 
dreules, on n’a qu’à les mettre dans des poudriers de verre 
ou dans des féchoirs, comme nous y avons mis celles qui 
avoient été baignées, & les approcher d’un feu doux. 
Dès qu’il les a réchauffées, on en voit quelques-unes 
qui le donnent de petits mouvements ; peu à peu toutes 
fe raniment; & en moins d’un quart d’heure, elles ont 
repris la vigueur qui leur efl naturelle, elles lont en état 
d’être remiles dans leur ancienne habitation. Quand un 
Soleil brillant fuccéde au froid de la nuit, & que les 
rayons tombent lur la ruche dans laquelle on a fait rentrer 
les abeilles ranimées, on peut la laifler dans fa première 
place; mais fi le froid continue, on bouchera toutes les 
ouvertures de cette ruche, & on la portera dans un lieu 
tempéré. 

J’ai eu quelquefois des ruches dont toutes les abeilles 
paroiffoient fans vie, quoiqu’elles fuffent reliées entre les 
gâteaux. Alors pour les ranimer fans caufer aucun déran¬ 
gement dans les gâteaux, j’ai fait entrer fous la ruche & 
j’ai pôle fur Ion fond, un petit pot de terre qui contenoit 
un peu de braife couverte de beaucoup de cendre chaude. 
La chaleur qui fe répandoit dans la ruche, étoit bientôt 
alfés confidérable pour donner aux abeilles la force de le 
mouvoir; quelquefois au bout d’une heure ou deux, lors¬ 
que l’air extérieur étoit devenu moins froid, elles fortoient 
pour aller à la campagne, à leur ordinaire. 

Quelqu’un qui lera attentif à vifiter le matin fes ru¬ 
ches , lorfque le froid de la nuit aura été plus confidé¬ 
rable que celui des nuits précédentes, & qui y lera atten¬ 
tif, non feulement pendant l'hiver, mais fur-tout après 
les nuits froides du printemps, en pourra fiuvcr chaque 
année qui feroient péries par ce manque d’attention. En 


des Insectes. XIII. Mem. 677 

chauffant les abeilles, il les tirera d’un état trop femblable 
à celui de la mort où le froid les avoit miles; mais il 11e 
faut pas trop tarder à les en tirer; fi on les y laiffoit pen¬ 
dant plu(ieurs jours, ce feroit fans fuccès qu’on auroit 
recours au remède; au moins fi elles avoient été iaifies 
par un grand froid. 

Je lai déjà avancé, un froid qui feroit affés leger pour 
nous & pour le commun des infedes, en eft un trop grand 
pour les abeilles. Il y a plus : un air affés doux pour nous, 
e(t un air trop froid pour elles. Je vais le prouver par des 
expériences qui apprendront combien la chaleur eft né- 
ceffaire à ces mouches. Vers la fin de Novembre, je ren¬ 
fermai deux douzaines d’abeilles dans un poudrier de gran¬ 
deur médiocre, c’eft-à-dire, dans un poudrier d’environ 
quatre pouces de hauteur, & de deux & demi de diamè¬ 
tre. Je le plaçai dans un cabinet dont la température de 
l’air fut pendant un jour entier, entre quatre à cinq de¬ 
grés au-deffusde la congélation. En moins d’une heure 
toutes les mouches y parurent mortes, & elles parurent 
telles pendant tout le jour. Le foir je les fis chauffer feu¬ 
lement autant qu’il falloit pour fçavoir fi elles n ctoient 
point mortes réellement, pour les mettre en état de donner 
quelques figues de vie. Toutes en donnèrent, & furie 
champ je les remis dans le cabinet où elles dévoient re¬ 
devenir comme mortes. Le lendemain je les chauffai dès 
le matin, je les trouvai encore en vie. Je les laifiai ainfi 
dans un état de mort, où elles étoient mifes par un de¬ 
gré de température d’air exprimé par quatre à cinq degrés 
au-deffus de la congélation ; je les laiffai, dis-je, dans cet 
état pendant trois jours, examinant chaque foir & chaque 
matin, fi elles pouvoient être ranimées; mais au bout du 
troifiéme jour, je les trouvai véritablement mortes Douze 
mouches mifes dans un autre poudrier de même grandeur 

Qqqq iij 


678 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
à peu près que le précédent, auprès duquel il fut placé, 
ne furent réchauffées que de 2q. heures en 24, heures. Au 
bout du troifiéme jour, ce fuL inutilement que je les ap¬ 
prochai du feu, toutes étoient privées de vie. 

Le premier de Décembre, je mis une douzaine & demie 
d’abeilies très-vives dans un autre poudrier, & qui fut tenu 
dans un air bien plus doux que celui où avoient été les 
poudriers précédents. Il refta dans le cabinet où je tra¬ 
vaille; la liqueur du thermomètre s’y éleva pendant le jour, 
à plus de quinze degrés ; & pendant la nuit, elle ne def- 
cendit pas à plus de onze degrés. Dans un air auffi doux 
que celui du printemps, les abeilles ne parurent plus en 
état de le mouvoir au bout de trois heures ; & les tenta¬ 
tives que je fis au bout de trois jours pour leur en rendre 
la puiffance, furent inutiles; toutes étoient péries fans ref- 
fource. 

Je n ai point averti que j’avois mis un peu de miel 
contre le couvercle de chacun de ces poudriers. C’étoit 
une précaution afi’és inutile pour les abeilles dès quelles 
étoient tombées en léthargie; mais c’étoit afin quelles man- 
geaffent autant qu’elles voudraient avant que d’y tomber. 
C’efl: donc de froid & non de faim qu’étoient péries des 
mouches dans un endroit dont l’air étoit doux. Elles ont 
befoin d’être environnées d’un air plus chaud ; réunies 
enfemble elles font prendre un grand degré de chaleur 
à l’air de leur ruche. Pour fçavoir quel elf ce degré de 
chaleur dans lequel une abeille ou un petit nombre d’a¬ 
beilles peut vivre, j’en renfermai une feule dans un 
tube de verre long d’un peu plus de trois pouces, dont 
le diamètre intérieur étoit de neuf lignes. Un des bouts de 
ce tube étoit fcellé hermétiquement, & l’autre bout étoit 
bouché par un bouchon de liege. Pendant le jour je portai 
ce tube dans mon gouffet avec la feule mouche qui y 


des Insectes. XIII. Mem. 679 
étoit renfermée, 6c je le tenois pendant la nuit fous le 
chevet de mon lit, tout près de moi. La mouche eut 
alfés chaud, clic conferva auiïi toute fon activité dans un 
tube tenu toujours dans des lieux où l’air avoit autant de 
chaleur qu’il en a dans nos jours d été qui nous parodient 
trop chauds, dans des lieux où la liqueur du thermomètre 
monte à près de 28 à 29 degrés. Chaque fois que j’exa- 
minois cette mouche, je la voyois marcher le long des 
parois du tube. Celle-ci étoit dans le cas des abeilles qui ont 
befoin de prendre de la nourriture. J’avois eu foin d’en¬ 
duire de miel le bout intérieur du bouchon, mais peut- 
être avec trop peu d’ceconomie; elle venoit le fuccer de 
temps en temps, & probablement trop fouvent. Elle ne 
vécut que fix jours, au bout defquels elle périt, non de 
froid ni de faim, mais peut-être d’avoir trop mangé de 
miel, ou au moins pour s’être trop frottée contre celui 
du bouchon. Un jour avant qu’elle mourut, fon corps 
parut plus brun qu’à l’ordinaire, plus luifant & comme 
mouillé; il l’avoit été de miel 6c encore des excréments 
quelle avoit rendus trop liquides & en trop grande quan¬ 
tité pour avoir trop mangé. La liqueur vifqueufè dont le 
corps étoit enduit, s’étoit infinuée dans les ftigmates, 6c 
les avoit bouchés. La mouche avoit péri par une caufe 
femblabie à celle qui fait périr tous les infeéles dont on a 
huilé les fligmates. 

Quand j’ai mis dans un tube pareil à celui dont je viens 
de parler, huit à dix mouches, elles n’y font pas reliées Ix 
long-temps en vie; quelquefois elles y font mortes en moins 
de vingt-quatre heures; auffi leur corps a-t-ilparu mouillé 
au bout de quelques heures ; il l’a été par les excréments 
quelles ont rendus; ceux des unes font nécelfairement 
tombés fur les autres; 6c celles qui ont frotté leurs corps 
contre les parois du verre, l’ont chargé d’une humidité 


68 O MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 

nuifible. Les abeilles qui font en grouppe dans une ruchè; 
fe feraient périr mutuellement fi elles rendoient leurs 
excréments pendant qu’elles font ainfi réunies; quand elles 
veulent les faire fortir de leurs corps, elles fe détachent 
du gros, & elles les font tomber fur le fond de la ruche. 
On dit que les abeilles font fujettes au dévoyement, qu’a- 
lors elles rendent des excréments très-liquides. En tout 
temps leurs excréments n’ont pas beaucoup de confdtance. 
Lorlque celles d’une ruche qu’on tient en chambre, s’en 
échappent, qu’elles fe rendent fur les vitres, elles ne man¬ 
quent guéres d’y faire des jets d’une matière jaunâtre, qui 
n’efl qu’une bouillie peu épaiffe ; quelquefois leurs excré¬ 
ments font encore plus liquides. Quand l’abeille qui les 
doit rendre fe trouve affoibfie,<Scquc par parcfFe ou man¬ 
que de force, elle les rend où elle lé trouve, fa maladie eft 
plus funefle à fes compagnes qu’à elle-même. J ’ai eu en 
ruche des mouches auxquelles j’avois ôté tous leurs gâteaux 
& auxquelles pour dédommagement je donnois du miel. 
Je leur en donnai d’abord fobrement, & je les confervai 
en vie pendant plus de trois femaines ; mais je le leur don- 
nai enfiiite avec trop d’abondance, elles en mangèrent 
trop, bientôt elles eurent le dévoyement, elles fe mouil¬ 
lèrent les unes les autres ; au bout de quelques jours, 
elles tombèrent mortes fur le fond de la ruche, & au/fi 
mouillées qu’elles l’euffent été fion les eût plongées dans 
une eau bien chargée de miel. 

Malgré tout ce que nous avons dit de la chaleur né- 
ceffairepour entretenir la vie des abeilles, on peut, fans 
trop de furprife, en voir qui paffent l’hiver dans les forêts 
du Nord. Nous n’avons pas befoin de les fuppofer d’une 
efpécc différente de l’efpéce de celles que nous avons dans 
le Royaume. On pourrait croire que le climat où elles 
font nées les rend moins fenfibles au froid ; mais dès 

quelles 


DES I N S E C T E S. XIII. Mem. 68 r 
quelles fe trouvent répandues en grande quantité dans 
les forêts, c’elt une preuve que le pays efl favorable à leur 
multiplication, qu’il leur fournit de quoi faire d’amples 
récoltes de cire & de miel. Or, dès que des abeilles fe 
trouveront logées en très-grand nombre dans un tronc 
d’arbre & bien pourvues de miel, il n’y a point de froid 
quelles ne puifïent braver. D ailleurs un tronc d’arbre, 
non habité par les abeilles, ne doit pas renfermer un air 
auffi froid que l’efl l’air extérieur. Il efl probable que les 
coips organilës pour végéter, ont, comme les animaux, 
un degré de chaleur qui les deffend contre le froid de 
l’air extérieur, tant que leur organilhtion n’efl pas détruite. 
Il efl pourtant fingulier que dans des pays extrêmement 
chauds ét dans des pays extrêmement froids, il y ait des 
abeilles qui nous fourniffent de la cire. On peut lire dans 
Aldrovande, l'énumération de ces pays incommodes, foit 
par la chaleur exceffive, foit par le froid exceffif, où elles 
réuffdfent. 

Ceux qui ont obfervé des mouches dans différentes 
faifons de l’année, demanderont comment il le peut faire 
qu’elles fortent fouvent de leurs ruches pendant que l’air 
extérieur ne tient la liqueur du thermomètre élevée qu a 
quatre à cinq degrés au-deffus de la congélation ! comment 
celles qui prennent alors l’effor ne périffent pas toutes! La 
réponfe efl premièrement qu’il en périt de celles-ci, fçavoir, 
celles qui étoient tropfoibles.ouqui ont trop refié à la cam¬ 
pagne. Mais en fécond lieu, les autres, celles qui retournent 
à leur domicile, doivent être comparées à un homme qui 
s’eft chauffé auprès d’un bon feu, & qui, lorfqu’il le quitte 
pour s’expofer à un air froid , marche très-vite , ou s’oc¬ 
cupe de quelque exercice violent. Les abeilles ont chaud 
quand elles fortent de leur ruche, l’exercice d’agiter leurs 
ailes entretient une partie de leur chaleur ; elle efl de mêmç 
Tome V . Rrrr 


682 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
entretenue par les mouvements qu’elles fe donnent en 
fucçant les Heurs, & en dépouillant les étamines de leurs 
pouffiércs. 

Nous venons d’établir la théorie d’où doivent être tirés 
les meilleurs préceptes fur lefquels le .puiHent conduire 
ceux qui ne veulent rien négliger pour empêcher leurs 
abeilles de périr pendant l’hiver & au commencement du 
printemps: mais le palîage de la théorie à la pratique, a 
ici, comme dans tous les cas, les difficultés. Il eft cer¬ 
tain que li au lieu de laiffier les ruches pendant l’hiver dans 
des jardins expolées à toute la rigueur du froid, on le leur 
fait palier dans des lerres ou dans quelqu’autre lieu cou¬ 
vert 6 c fermé de toutes parts, dans une chambre; il eft 
certain, dis-je, qu elles n’y feront pas auffi en danger de 
périr de froid. C’ell auffi une pratique très - ancienne 6 c 
en ufage encore dans beaucoup de pays, de boucher tou¬ 
tes les ouvertures des ruches vers le commencement de 
Novembre, ôc de les tranfporter enfuite dans une ferre, 
dans un cellier, ou dans quelque endroit équivalent. 
Comme ce lieu n’eft pas ordinairement un de ceux qu’on 
habite & où l’on fait du feu, quoique l’air y foit plus tem¬ 
péré que l’air extérieur pendant la plus grande partie de 
l’hiver, il eft allés froid pour tenir les abeilles dans cette 
efpéce d'engourdilïément qui leur ôte le befoin de man¬ 
ger; ce qui ies met hors de rifque de mourir de faim , 
pourvu qu’elles ne fbient pas entièrement dépourvues 
de miel. 

Le lieu qui fera ailes chaud pour conferver la vie à des 
ruches très-peuplées ou palîablement peuplées, ne ielèra 
pas allés pour des ruches qui ont très-peu de mouches. 
Plus le nombre des mouches y fera petit, 6 c plus elles 
demanderont à être dans un air doux. Ces dernières pé¬ 
riront dans une ferre, dans un cellier, où les autres feront 


DES I N S E C T E S. XIII. Me/n. 68 j 
bien. Les inftruments qui ne femblcnt faits que pour les 
Phyficiens, ne feroient pas inutiles à ceux qui ont de 
grandes ménageries de ruches, fi on pouvoit les engager 
à y avoir recours. En tenant des thermomètres dans les 
lieux où ils feroient palfer l’hiver aux ruches, ils feroient 
en état de connoître la température de l’air de ce lieu, de 
juger li l’air ne s’y refroidit point trop pour les ruches foi- 
bles. Ils poùrroient même juger plus Ivirement & immé¬ 
diatement de lctat de celui de chaque ruche. Je voudrois 
une ouverture à un de leurs côtés environ vers le milieu 
de leur hauteur ou plus bas, de diamètre convenable; 
c’eft à - dire, une ouverture capable de laiiTer entrer dans 
la ruche la boule d’un thermomètre. Dans les temps or¬ 
dinaires, cette ouverture feroit bouchée par un bondou 
femblable à ceux des tonneaux ; on ôteroit ce bondon, 
& on introduiroit la boule du thermomètre dans la ru¬ 
che, dans les temps où le froid de l’air extérieur feroit feu - 
fiblement augmenté. Le thermomètre apprendroit le degré 
de chaleur de la ruche, & en même temps fi cette ruche 
peut être laiffée où elle eft , ou fi elle demande à être 
tranfportée dans un lieu plus chaud, ou, ce qui revient 
au même, s’il eft nécellaire de lui donner des couvertures 
qui confervent fa chaleur & qui même peuvent contribuer 
à la faire devenir plus grande. 

Toute fimple qu’eft cette pratique, il ne faut gueres 
efpérer qu’on y ait recours ; on veut encore des choies 
plus limples; Sc c’eû beaucoup qu’on fe donne le foin de 
mettre des abeilles dans des ferres pendant l'hiver. Quand 
le froid ou la faim les font périr dans une ruche, il n’y 
en réchappe pas une. D’autres caufes produifent dans 
diverfes ruches des mortalités qui ne font pas fi générales ; 
mais qui fouvent changent une ruche forte en une ruche 
foible. Lorfqu’on vient à la renverfer un peu, on voit fur 

Rrrr ij 


684 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
fon fond, une couche épaiffie de mouches mortes, & cette 
couche sepaiffit journellement. Il peut y avoir de ces mou¬ 
ches qui meurent, parce qu’elles ont atteint le terme qui 
efi prefcrit à la plus longue durée de la vie des abeilles. Le 
plus grand nombre alors efî pourtant de celles qui meurent 
avant que d’être arrivées à ce terme ; quelque maladie les 
attaque & termine leurs jours. Les mouches qu’on tient à 
couvert dans des ruches qui font fermées de toutes parts» 
font beaucoup plus fujettes à des maladies, que les mou¬ 
ches dont les ruches ont été laiffées dans des jardins, & 
qui ont une ouverture par laquelle l’air fe peut renou- 
veller, & par laquelle elles peuvent fortir lorfqu’il vient 
quelque beau jour. L’air trop renfermé dans les autres 
ruches, s’y corrompt de jour en jour; il eft infeéïé de l’o- 
deurdes abeilles qeii périment&fèpourriffent dans la ruche 
même. Enfin, il devient excelfivement humide, il fe charge 
de tout ce qui tranfpire du corps des mouches; auffi les 
gâteaux fur lefquels elles ne fe tiennent pas, le couvrent- 
ils de moififïures. Si nous refpirions un air aulfi mal lain» 
nous n’y réfifterions pas; & pourquoi les abeilles feroient- 
elles en état de le foûtenir i C’efl ce qui fait que malgré 
les rifques qu’on fait courir aux ruches qu’on laide pen¬ 
dant tout l’hiver en plein air, plufieurs croyent que le 
meilleur parti encore, eft de les y lailfer, qu’elles ne s’aL 
foibliftent pas autant que dans les maifons. 

M. l’Abbé de la Ferriere, après avoir pelé les inconvé¬ 
nients qu’il y a de part & d’autre, fe détermine fagement» 
ce me lèmble, pour un parti moyen. Il veut qu’on laifte 
toutes les ruches fortes expofées à l’air extérieur, & qu’on 
iranfporte dans les ferres les ruches foibles. Les ruches 
bien peuplées font en état de fe deffendre contre les plus 
grands froids; mais la difficulté elt de fauver les ruches 
foibles, & même les ruches médiocrement peuplées. 


des Insectes. XIII. Man. 68j 

Comme il m’a toujours paru à fouhaiter qu’on pût 
îaiiïer pendant l’hiver les ruches dans les memes endroits 
où elles ont été pendant les autres faifons, j’ai fait des ten¬ 
tatives pour voir, fi, quoiqu’cn plein air on ne pourroit 
pas mettre les ruches foibles en état de réfifïer au froid ; 
ïi on ne pourroit pas l’empêcher de pénétrer trop dans 
leur intérieur. Le premier moyen que j’ai tenté, a été de les 
bien empailler, de mettre autour de chaque ruche, une 
couche de paille épaiffe de plus de quinze à feize pouces. 
On peut imaginer diverfes manières d’arrêter la paille fur 
la ruche, & choifir entre ces manières. Celle dont je me 
fuis fervi, & fur-tout, pour les ruches vitrées, & entre 
celles-ci, pour les ruches qui étant minces donnoient 
plus de prilè au froid, a été de planter des picqucts au¬ 
tour de chaque ruche, qui lafurpafloient en hauteur, ôc 
d’empiler bien la paille entre elle & les picquets. Malgré 
cette robe de paille, dans plufieurs années différentes, 
toutes les mouches de quelques unes de mes ruches font 
péries; mais il efi plus que probable que ce n’a jamais 
été de froid ; car quand je fuis venu à examiner les g⬠
teaux de cire, je n’y ai pas trouvé une goutte de miel ; il 
eftdoncà croire que c’étoit de faim qu’elles étoicnt mor¬ 
tes , & que je n’avois pas été affés attentif à fuppléer à la 
trop petite provifion de miel qu’elles avoient faite pen¬ 
dant l’été. 

Les Anciens ont enfeigné une manière de deffendre 
les abeilles contre le froid, à laquelle on ne croira pas à 
proposd’avoiF recours. C’efïde remplir en partie la ruche 
d’oifeaux qu’on a fait deffécher, après leur avoir vuidé le 
corps. 

J’ai tenté un autre moyen de deffendre les abeilles 
contre le froid; & pour pouvoir compter plus fûrement 
fur fou fuccès, s’il en ayoit, je m’en fuis fervi dans les 

.Rrrr iij 


686 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
circonltances les plus clécilives, c’elt-à dire, que je m’en 
i'uis fervi pour tacher de conferver des ruches qu’on ne 
devoit pas efpérer de voir palier l’hiver. J’achetai trois de 
ces ruches au commencement de Novembre 1738. Je 
demandai à un Marchand d’abeilles les trois plus mau- 
vaifes de l'on rucher; je n’avois pas à craindre qu’il ne me 
les donnât meilleures que je ne les voulois. Je ne les lui 
payai que la moitié du prix que j’avois coutume de lui 
payer les ruches médiocres, & il fut très-content du marché. 
Dans une de ces ruches il n’y avoit que deux ou trois 
poignées d’abeilles placées entre des gâteaux très-l'ccs. Je 
joignis à ces trois ruches une des miennes qui 11’étoit pas 
bien forte, quoique meilleure que les autres. Mon deffein 

PI. 38. fig. étoit de les placer chacune dans un tonneau mis debout *, 
Si défoncé par erihaut, & de remplir IVfpace qui rederoic 
entre les parois du tonneau & la ruche, d’une matière 
capable de la deffendre. Je les plaçai donc dans quatre 
tonneaux. Je fis remplir de terre lèche & bien prelfée 
tout le vuide qui fe trouvoit dans deux tonneaux, Si je 
fis remplir le vuide des deux autres avec du foin fin Sc 
court que les balayeures de mon grenier avoient fourni. 
On empila ce foin le mieux qu’il fut polfible. La terre 
& le foin furent mis en comble au-delïus du bord du 
tonneau. Les ruches ne furent pourtant pas pofées im¬ 
médiatement fur le fond de chaque tonneau ; elles en 

* Fig. 10. furent mifes à une d illance de quatre à cinq pouces*. 

Sur le fond de deux des tonneaux on étendit une cou^ 

* dd ff’ che de terre *, Si fur celui des deux autres, on en mit 

une de foin. Sur cette couche, foit de terre, foit de foin, 
* ff on mit un fécond fond de bois *. Les pièces de bois qur 
avoient auparavant fermé le tonneau par le bout où i[ 
étoit ouvert, fervirent à faire ce fécond fond. 

Je ne m’étois pas fimplement propofé de bien Couvrir 


des Insectes. XIII. Mem. 687 

mes ruches, ce qui peut être fait de différentes manières, 
ôl ce que font quelques gens de la campagne plus in¬ 
du ftrieux que les autres, en mettant les leurs dans des 
tas de bled. Je vouiois que les abeilles qui habitoient des 
ruclies très-bien couvertes puffent fortir quand le beau 
temps les y inviterait ; que l’air de la ruche pût être re¬ 
nouvelle : enfin, quelles ne fuffent pas fujettes aux in- 
convenients auxquels font expofées celles qu’on tient dans 
des chambres. Auffi avant que de les mettre chacune dans 
leur tonneau, avois-je eu loin de faire faire un trou au 
tonneau tout près du fécond fond, tout près de celui fur 
lequel la ruche étoit pofée, capable de laiffer paffer un 
tuyau de bois de forme quarrée *. Quatre étroits mor- *pr. 38. fîg, 
ceaux d’une planche mince,arrêtés les uns contre les autres 10 & 1 1 - t0 - 
par des clous d’épingle, formoient ce tuyau, dont la façon 
n’avoit pas été chère; deux de les côtés, le fupérieur & 
l’inférieur, avoient chacun près de deux pouces de large, 

& chacun des deux autres n’avoit que fix à fept lignes de 
largeur. On voit d’avance que ce tuyau étoit le chemin 
que j’avois préparé aux abeilles. J’en fis entrer un des 
bouts dans chaque tonneau, affés avant pour que la ru¬ 
che pût pofer deffus; & l’autre bout lailloit en dehors du 
tonneau de quelques pouces. Enfin il falloit longer à em¬ 
pêcher les mouches de ces ruches fi mal fournies de miel, 
de mourir de faim. Sur le fond de chaque tonneau, je 
mis une terrine qui contenoit environ trois quarterons 
de miel, & qui étoit couverte par -deffus d’un papier pi¬ 
qué d’une infinité de petits trous. Si cela afin que les mou¬ 
ches puffent aller fuccer le miel fans s’en empâter. Le 
tuyau étant ajuflé à chaque tonneau, & la terrine pleine 
de miel étant polée fur le milieu de (on fond, je fis entrer 
dans chacun de ces tonneaux la ruche que je lui vouiois 
donner; & je fis remplir comme je l’ai dit, tout le Vuide 


688 Mémoires pour l’Histoire 

qui fe trouvoit entre les parois intérieures du tonneau, & 
ia furface extérieure de la ruche. 

Des deux ruches qui furent couvertes de terre, l’une 
étoit celle qui avoit été prife parmi les miennes, & l’au¬ 
tre étoit la piusfoiblede celles que j’avois achetées. C'en: 
fur-tout pour le fort de cette dernière que j’étois inquiet. 
Ses mouches fe tinrent tranquilles pendant les mois de 
Novembre, de Décembre & de Janvier. Pour Içavoir Ci 
au lieu d’être Amplement tranquilles, elles n’étoient pas 
mortes, à la fin de Décembre je fis découvrir la ruche, 
& je lui donnai quelques petits coups; de pareils coups 
déterminent les mouches qui ne font qu’engourdies, à fc 
mouvoir. Ceux que je donnai firent naître un bourdonne¬ 
ment parmi les mouches, de la vie delquelles j’avois lieu de 
douter. C’étoit tout ce que je voulois. Je les fis recouvrir 
fur le champ. J’eus de même le plaifir de les entendre 
bourdonner vers la fin de Janvier, dans une circonftunce 
femblable à la précédente. Enfin, dans des jours doux 
du mois de Février, Si dans beaucoup plus de jours du 
mois de Mars, je les vis fortir de leur tonneau par le che¬ 
min que je leur avois préparé ; je les vis revenir de la 
campagne chargées de cire brute. Audi le commence¬ 
ment de ce mois fut-il beau; mais la fin du même mois 
Se le commencement d’Avril ayant été rudes, elles celfé- 
rent de fortir, Si ne fortirent plus du tout dans des jours 
devenus un peu plus doux. Je les jugeai mortes, Si quand 
j’eus fait découvrir leur ruche, je trouvai qu’elles l’étoient; 
mais c’étoit faute d’avoir eu de quoi manger. Dès que je 
les renfermai , elles n’avoient point de miel dans leurs 
gâteaux; & je leur en avois donné une trop petite provi- 
fion dans leur terrine, elles l’avoient entièrement conlu- 
mée; il eût fallu la renouveller. Mais il n’en réfulte pas 
moins de l’expérience précédente, que les abeilles feront 

bien 


des Insectes. XIIL Ment. 689 

bien aefendues contre le froid, dans des ruches couvertes 
de terre lèche, & je dois ajouter, de terre qui n’elï pas 
cxpolée à être mouillée par la pluye; car il y avoit un 
toit de paille au -delfus de mes ruches. Mais il ne faut 
pas lailTer manquer d’aliments les abeilles qu’on met en 
état de ré fi lier a l’hiver. 

Les mouches de l’autre ruche que j’avois couverte de 
terre, outre le miel que je leur avois donné, en avoient 
dans leurs gâteaux. Aullt celles-ci refiérent-clles vigoureu- 
ies. Qu’on ne craigne pas que la terre conlèrve trop d’hu¬ 
midité dans l’habitation; fi la terre dont elle efl entourée elt 
lèche, elle s’imbibera de tout ce qui tranfpire d’humide 
de la ruche, & elle le laiffera enfui te évaporer. En voici 
îa preuve. Lorfque je couvris mes deux ruches de terre, 
celle que j’y employai n’étoit pas allés lèche à mon gré; 
je ne m’étois pas préparé d'ailes loin à cette expérience; 
la couleur de cette terre étoit encore brune; & fi je l’cufCe 
fiait allés lécher, elle eût dû être grife, couleur de cendre. 
Quand au printemps je la tirai du tonneau, je vis qu’une 
couche d’un pouce d’épailfeur, ou plus, qui entouroit 
immédiatement la ruche, étoit très-grilè, c’elt-à-dire, très- 
féche, pendant que le relie étoit encore brun. La chaleur 
de la ruche avoit léché parfaitement la terre qui la touchoit. 

Les mouches de deux ruches foibles qui avoient été 
mifes chacune dans un tonneau où elles étoient entourées 
de foin empilé, nefoûtinrent pas moins bien l’hiver & les 
commencements du printemps , que celles de la ruche 
précédente. Ces deux ruches devinrent très-fortes, très- 
fournies de mouches; & une remarque qui ne doit pas 
être obmife, c’ell que je ne trouvai pas une douzaine de 
mouches mortes fur le fond de l’une & de l’autre; elles 
iî avoient point péri dans celles-ci, comme elles périlTenC 
fouvent dans les ruches qu’on tient dans des ferres. 

Tome V - S fff 


690 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

De quinze ruches que j’avois aciietées en Décembre, 
& auxquelles j’avois fait palfer l’hiver dans une chambre 
clofe, quatre me parurent très-foibles à la fin de Février; 
je les fis porter alors dans le jardin, & je les mis dans quatre 
tonneaux qui avoient des tuyaux de bois propres à laifler 
fortir & rentrer les mouches. Après avoir bien bouché les 
Vüides qui pouvoient refier entre le contour de la ruche 
& le fond du tonneau, avec de la bouze de vache, je fis 
remplir de paille courte & bien empilée les efpaces qui 
étoient entre les parois du tonneau Si fa ruche. Les abeilles 
de chacune de ces quatre ruches, fe font bien trouvées 
d’être ainfi couvertes; elles ont été à la campagne toutes 
les fois que le temps le leur a permis; non-feulement elles 
ont foûtenu un printemps afies rude, mais elles fe font 
multipliées ; par la fuite leurs ruches font devenues très- 
peuplées. 

Mais l’hiver dont nous venons de fortir, celui de 1740. 
a été extrêmement propre à m’apprendre combien on 
pouvoit compter fur l’expédient dont il s’agit pour dé¬ 
fendre les abeilles contre le froid. Je mis quatre ruches 
très-peu fournies d’abeilles, de la manière dont il a été 
expliqué, en quatre tonneaux, dans chacun defquels on 
fit entrer de la terre bien féche, qui remplifioit lesvuides 
qui fe trouvoient entre les parois du tonneau Si ceux de 
la ruche, & au - defius de laquelle elle étoit élevée en 
dôme. Je donnai à chaque ruche un vafe qui contenoit 
environ une livre de miel. Quoique ces ruches fufient peu 
peuplées, elles ont été très-bien deffendues contrôle long 
<& rude froid de cet hiver» Inftruit par une de mes ruches 
de la première expérience, je ne voulus pas laiffer les 
abeilles de celles-ci en rifque de périr de faim. Je vifitai 
leur intérieur au commencement d’Avril. Je trouvai vui- 
des les vafes dans lefquels je leur avois donné du miel 


des Insectes. XI 11 Mem. 6 9 1 
J en hs remettre une livre dans chacun ; au moyen de 
quoi, les abeilles de ces ruches fe (ont trouvées en état 
de faire des récoltés de cire brute dès que les fleurs ont 
commence a s épanouir, & fe portent fi bien aujourd’hui 
quinziéme de Mai, qu’elles font de celles dont j’attends 
des eflaims. 

De mes quatre dernières ruches, il y en a pourtant eu 
une dont j’ai perdu les abeilles; mais elles ne m’ont été 
enlevées ni par le froid, ni par la faim, ni par aucune 
maladie. Elles ont abandonné leur habitation quoique 
bien fournie de miel, comme je m’y étois attendu, & je 
ne fçais où elles ont été loger. Un très-grand nombre de 
mâles s’étoit confervé dans cette ruche, & j’ai dit ailleurs 
que les abeilles avec lcfquelies il y en avoit eu pendant 
l’hiver, abandonnoient leur ruche au plûtard au com¬ 
mencement du printemps ; qu’au moins cela eft arrivé à 
toutes celles de mes ruches dont les mâles n’avo/ent pas 
été tous tués pendant l’été. 

Les expériences précédentes me perfuadent que c’efl 
un très-bon moyen de conferver fes ruches, que de les 
mettre dans des tonneaux où on les couvrira de quelque 
matière propre à empêcher le froid d’agir contre elles au¬ 
tant qu’il eût fait. Je ne décide pas encore fur le choix de 
la matière; fi on doit prendre par préférence de la terre, 
du fable, du foin ou de la paille. Toute matière qui arrê¬ 
tera l’aélion de l’air froid, & qui ne fera pas trop humide, 
peut être employée avec fuccès; d’ailleurs fopération eft 
extrêmement facile. Il eft peu de payfans à la campagne 
qui nayent de vieux tonneaux; & ce ne feroit pas un 
objet de depenfe même pour des gens de leur état, que 
de fe fournir d’autant de tonneaux qui ne font plus bons 
pour mettre du vin, qu’ils auraient de ruches. Les mê¬ 
mes tonneaux leur ferviroierit pendant une longue fuite 

S f ff ij 


602 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 

/ 

d’années. De grands paniers d’ofier, comme on en fait 
en piuncurs endroits, pourroient fervir au même ufage. 

Mais ceux qui ont une très-grande quantité de ruches, 
<& à qui ii faudroit autant de tonneaux que s’ils avoient à 
faire une grande récolte de vin, peuvent fe paffer abfolu- 
ment de tonneaux, & défendre très-bien leurs ruches 
d’une façon au moins équivalente. Ils les arrangeront les 
unes auprès des autres fur des planches qui formeront 
une elpéce de table très-longue & étroite, ou une très- 
longue tablette. Des planches mifes de clian de chaque 
côté & tout du long de cette tablette, feront propres à 
foutenir la terre, le fable, le foin ou la paille dont on 
voudra couvrir les ruches; c’efi-à-dire, que les ruches fe 
trouveront renfermées entre deux longues cloifons de 
planches qui s’élèveront plus haut qu’elles. Ces cloifons 
ne feront pas cheres à faire pourvu qu’on ait des plan¬ 
ches; elles pourront être faites fans ménuifier; on main¬ 
tiendra les planches les unes au-deffus des autres avec des 
picqucts, comme les jardiniers maintiennent celles dont 
ils entourent quelquefois leurs couches. 

Dans bien des campagnes, on fait volontiers & à peu 
de frais des clayes; les clayes pourront être fubfîituées aux 
planches , elles feront moins cheres & d’un auffi bon 
ulàge. Enfin, il ne s’agit que de contenir la matière qu’on 
veut employer pour couvrir les ruches, & on voit a fies 
qu’il y a à choifir entre les manières de le faire fans grande 
dépenfe. On voit auffi que plus la couverture qu’on leur 
donnera fera épaiffe, & mieux elles feront deffendues. 
Enfin, on ne doit pas oublier de laiffer à chaque ruche, 
une ouverture par laquelle les mouches en puiffent fortir; 
car l’avantage de la pratique que nous propofons fur celle 
de mettre les ruches dans les ferres, c’eft de ce quelle per¬ 
met aux mouches de profiter des beaux jours, de prendre 


des Insectes. XIII. Mem. 693 

Je temps en temps i’effor; ce qui peut contribuer à les 
défendre contre les maladies auxquelles elles font expo- 
fées quand elles demeurent trop long-temps renfermées 
dans un air qui ne fe renouvelle pas. 

Les mulots font mis au rang des ennemis des abeilles. 
Je doute pourtant qu’il y en ait d’affés hardis pour ofer 
entrer dans une ruche dont les mouches ont leur activité 
ordinaire. Ils fe tireroient mal d’une pareille expédition ; 
ils ne réfuteraient pas au nombre des piquûres qu’ils au- 
roicnt à effuyer. Mais ils peuvent avec très-peu de rifque, 
faire de grands ravages parmi des abeilles engourdies de 
froid. Il faut faire en forte que les ruches qu’on laiffe en 
plein air, foicnt placées de manière qu’il ne leur foit pas 
aile d’y entrer. C’cft une des raifons pour lefquelles on ne 
doit leur lailfer à chacune, qu’une très-petite ouverture; 
& que la bafe qui les fupporte, doit être élevée de terre, 
& avoir des pieds le long dcfquels il ne foit pas ai/e au 
mulot de monter, & dilpofcs de manière fous la hafè 
qu’ils foutiennent, que le mulot foit dans l’impoffibilité 
de venir fur cette bafe, parce que pour y arriver, il fau¬ 
drait qu’il pût marcher contre le delfous étant à la ren- 
verfe. Dans une nuit un mulot pourrait détruire la ruche 
la mieux peuplée. Après en avoir vifité une placée dans 
le jardin un jour où il geloit très-fort, je ne retournai 
la vifiter qu’au bout de deux jours; je trouvai toutes fe s 
mouches mortes & mangées en partie, & d’une façon fm- 
guliére : il n’y avoit que le corcelet & la tête de chacune 
qui euffent été mangés; on ne trouvait que des corps. Les 
crottes de mulot qui étoient parmi ces relies d’abeilles, 
deceloient l’animal qui avoit fait tant de carnage. Dans 
le mois de Mai même, lorfqu’après des nuits froides j’ai 
renverfé des ruches qui n’avoient pas été affés bien placées,, 
ü m’eft arrivé piufieurs fois d’en yoir fortir des mulots,. 

Sfffiij 


* PI. 38 
7 - 


694 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
& de trouver ies débris de leur repas, c’effà dire, les corps 
des abeilles dont ils avoient mangé la tête & le corcelet. 
Aufîi des gens attentifs ne manquent-ils pas de tendre des 
fouriciéres auprès des ruches, ou des quatres de chiffre. 

Ce ne feroit pourtant pas affés que d’avoir fongé effi- 
cacement à défendre les mouches contre le froid , il ne 
faut pas leur laiffer fouffrir la faim. On doit de temps 
en temps aller vifiter les ruches, fur-tout quand des jours 
doux font fuivis de jours froids ou pluvieux qui empêchent 
ies abeilles de fortir. C’efl alors qu’il eft à craindre qu’elles 
11e manquent de miel, que n’ayant pas la reffource d’aller 
en ramaffer à la campagne, elles 11e périffent de faim chés 
elles, fi tout celui quelles y avoient, a été confumé. 

Si l’on veut bien avoir les attentions que nous venons 
de prefcrire , on fauvera chaque année un grand nombre 
de ruches; 6c on parviendra à les multiplier beaucoup 
dans le Royaume, où il ne fçauroit y en avoir trop. Car 
de les fauver pendant l’hiver & le commencement du prin¬ 
temps , eft le point le plus effentiel pour leur multiplica¬ 
tion. Elles demandent pourtant encore quelques atten¬ 
tions dans le cours de l’année. Les Auteurs qui ont pu¬ 
blié des traités fur la manière de les gouverner, ont donné 
divers préceptes dont nous allons rappeller les plus impor¬ 
tants, 6c ceux qui ne fe trouvent pas déjà dans nos Alé- 
moires précédents ou qui 11’y font pas affés développés. 

Chaque pays a des efpéces de ruches qu’on y prend par 
préférence. Aux environs de Paris , on ne connoît que 
ces paniers de figure à peu près conique, faits d’ofier, 
ou de bois noir, ou bois punais, ou de bois rouge. Dans 
d’autres pays, on donne la même figure aux ruches, mais 
fig. on les fait de cordons de paille de feigle *, qui font le 
nombre de tours neceffaire pour fournir à la hauteur 6c à 
la capacité de la ruche. Vandergroen dit que i’ufagc du 





des Insectes. XIII. Mem. 69y 
Brabant eft de Te fervir de ces fortes de ruches. Ce font 
suffi celles qui font en ufage en Beauce. Ce font peut-être 
celles qui doivent être préférées, ce font peut-être les plus 
propres à défendre les abeilles contre le froid, & celles qui 
en été s’échauffent plus lentement; deux raifons pour lef- 
quelles les ruches de terre cuite employées en quelques 
endroits, font les plus mam i-ffes de toutes. Des troncs d’ar¬ 
bres * creux font des ruches durables, & où les abeilles fe * pi. 3 s. 
trouvent bien ; les payfans qui en peuvent avoir de cette ?• 
efpécc s’en fervent volontiers. Les ruches faites de planches, 
font encore fort bonnes *. Je crois que celles qu’on fait de- * Fig. 8. 
corce de liège, dans les pays où les lièges font communs, 
font des meilleures, Palladiiis les donne auffi pour telles. 

De quelque matière que foient les ruches dont 011 fe 
fert, les curieux & même ceux qui penfentà l’utilité, de- 
vroient écrire deffus chacune ce qu’ellepefe, y attacher une 
petite pièce de plomb où leur poids fût marqué, comme 
les Fleuriftes en mettent dans leurs pots où ilsfèment des 
graines. Avec cette petite attention, on pourroit porter 
un jugement affés fur de lctat de chaque ruche à l’entrée 
de l’hiver, & on jugeroit de celles qui demanderoient à 
être tenues plus chaudement. L’Auteur de la Monarchie 
féminine prétend, qu’on ne peut efpérer de conferver les 
mouches qui, à la fin de l’automne, ne pefent avec la cire 
de le miel, que dix à douze livres Angloilcs de net, le poids 
de la ruche déduit ; qu’en nourriflànt celles qui en pefent 
environ quinze, on peut efpérer de les fauver; que celles 
qui pefent entre quinze à vingt livres, n’ont pas befoin; 
ou ont peu befoin, qu’on fonge à les nourrir; mais qu’il 
n’y a rien à craindre pour celles qui pefent entre vingt & 
trente livres. Ces régies ne font pourtant pas abfolument 
certaines. Les gâteaux pleins de miel pourroient faire urffe 
trop grande partie du poids, & les abeilles en pourroient 


Voyés la 
Vignette. 


6()6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRË 
faire une trop petite partie, ou au contraire, fi les gâteaux 
étoient vuides de miel. Un curieux qui a pefé les ruches 
avant l’hiver, peut encore les repefer avec plaifir lorlqu’il 
eft pafle, pour voir ce qu’elles ont perdu de leur poids 
pendant cette rude faifon. 

On étend un enduit fur l’extérieur de celles qui font 
en panier. Dans quelques pays on les revêtit de plâtre; 
dans d’autres de mortier fait de chaux & de fable; & dans 
d’autres pays on fe contente de les lutter avec une elpéce 
de lut fait de cendre mêlée avec de la bouze de vache. 
On veut au moyen de ces enduits mettre l’intérieur de 
la ruche à l’abri de lapluye. D’ailleurs ces ruches qui font, 
pour ainïî dire, tiiïues, ont une infinité rie trous par où 
Pair pourroit entrer. Les abeilles ne pourroient parvenir 
de long-temps à les boucher tous avec de la propolis, à 
efpalmer toutes les parois intérieures. 

Le rucher, c’eft-à-dire, l’endroit où font toutes les ru¬ 
ches, doit toujours être dans une expofition telle que les 
rayons du Soleil l’échauffent pendant une grande partie 
de la journée. II ne doit jamais être expolé au nord; le 
mieux eft qu’il le foit au midi, & de manière qu’il profite 
de bonne heure du Soleil levant, & que le Soleil foit prêt 
de fe coucher lorlqu’il le quitte. Mais comme on n’a pas 
toujours des terrains difpofés à fouhait, on efl quelquefois 
obligé de placer des ruches au levant,& d’autres au cou¬ 
chant. Quoique le Soleil leur foit favorable, il y a des 
jours où il pourroit leur être contraire, parce qu’il a trop 
de force. Lorfque l’intérieur des ruches eft très-échaufié, 
les mouches en fouffrent &: leur cire fe fond. Si on a at¬ 
tention de conftruire un petit toit *, & de placer les ruches 
deffous, elles n’ont plus à craindre la trop grande ardeur 
du Soleil ; & ce qui eft encore une fort bonne chofe, elles 
font à couvert de la pluye. Ceux qui 11’ont que peu de 

ruches. 


des Insectes. XIII. Mefh. 6 97 

ruches, négligent alfés ordinairement de leur donner le 
toit dont nous venons de parler, quoiqu’il foit un ouvrage 
tres-fimple, & dont la matière n’elt pas cliere; car il peut 
être fait de quelques paillalfons foûtenus en l’air par de 
petites perches plantées en terre. 

Ceux qui fe difpenfent de donner un toit commun à 
toutes leurs ruches, leur donnent alfés ordinairement à 
chacune une couverture, une chappe de paille *. Avec un * 
brin dofier on lie le bout d’une botte de longue paille; 5 
on ouvre enfuite cette botte en cône creux, & on la met 
fur la ruche qu’elle deffend contre la pluie & contre le 
Soleil trop ardent. Il y a beaucoup de gens à la campagne 
qui poudent la négligence jufques à refuler à leurs ruches 
des couvertures li fimples. 

L’eau efl peut-être au rang des chofes nécelfaires aux 
abeilles; Coiumelle allure que fi l’eau leur manque, elles 
ne peuvent faire ni miel ni cire, ni élever leurs petits: 
mais elles ne font pas aulli délicates fur fes qualités, que 
quelques-uns font prétendu. Je leur ai vu fouvent préférer 
l’eau qui croupilfoit dans mon jardin dans des bacquets où 
ctoient des inleéles aquatiques, à celle du bras de rivière 
qui coule le long du même jardin. 

Après que la rude faifon efl palfée, vient le temps où 
les abeilles font d’abondantes récoltes, & où leur nombre 
croît journellement. Les ruches fe trouvent abondam¬ 
ment fournies de cire Se de miel, & trop fournies de 
mouches; il faut qu’il en forte des ellaims. Tout ce que 
nous avons dit dans le Mémoire précédent de la fortie 
de ces elfaims & de la manière dont on les doit prendre, 
nous exempte d’en parler à préfent. 

Des pays qui peuvent être mis au nombre de ceux 
qui nous fournilTent le plus de bled de toutes efpéces, 
des pays qui n’ont prefque que de grandes plaines dont 

Tome V . T111 


698 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ia terre efi fertile, mais qui ont peu de prairies arrofées 
par des ruifleaux, ces pays, dis-je, ceffent dans bien 
des années de fournir aux abeilles de quoi faire des récol¬ 
tes , long-temps avant que les faifons qui les retiennent 
chés elles foient proches; fur-tout lorfque, comme aux 
environs de Paris, on ell dans i’ufage d’arracher des 
champs tout le chaume, «St en même temps les herbes 
qui s’y trouvent. Dans les pays dont nous venons de 
parler, lorfque l’été efl fec, après que les foins ont été 
coupés, «St au moins dès que les bleds font mûrs, tout 
efî aride dans la campagne; les abeilles ont beau la par¬ 
courir, elles n’y trouvent point ou y trouvent fi peu de 
fleurs, qu’à peine celles que la fortune favorife le plus, 
parviennent à ramaffer quelques pelotes de cire brute, 
qu’à peine recueillent-elles de quoi fe nourrir hors de leur 
ruche ; mais elles ne trouvent pas de miel à y apporter. 
Quelle différence alors entre la fituation de ces abeilles 
&la fituation de celles qui font dans des pays remplis de 
prairies arrofées d’eau, qui y fait éclore continuellement 
de nouvelles fleurs, «St des pays où l’ombre clés bois en¬ 
tretient une humidité «St une fraîcheur, qui font végéter 
vigoureufement beaucoup de plantes pendant les étés les 
plus chauds l 

Il a paru en 1735 une defcription de l’Egypte, faite par 
M. l’Abbé le Mafcrier, fur les Mémoires de M. Maillet, 
qui a été Conful au Caire pendant plufieurs années, où 
on nous raconte les foins qu’on a pris de tout temps, ôc 
qu’on prend encore dans ce pays, où font nés la plupart 
des Arts «St des Sciences, pour mettre les abeilles en état 
de faire les plus grandes récoltes de cire «St de miel. L’ar- 
îicle dont je veux parler ert fi curieux, «St il peut être fi 
utile, que je crois le devoir tranfcrire en entier. Le voici. 
m Je ne dois pas oublier de yous parler des abeilles ou 


des Insectes. XI IL Ment. 6 99 

mouches à miel. Il y en a une très-grande quantité dans « 
ce pays, 6c on y conferve encore aujourd’hui un ufage« 
introduit par les anciens Egyptiens, de les nourrir « 
d’une manière très - fmguliére. Vers la fin d’Oéîobre, « 
lorfique le Nil en baillant a lai fie aux laboureurs le temps « 
d’enfemencer les terres, la graine de fainfoin efi une« 
de celles qu’on Terne des premières, 6c qui rapporte le« 
plus de profit. Comme la haute E gypte efi plus chaude « 
que la bafie, 6c que les terres y font xle même plutôt « 
découvertes de l’inondation , le lainfoin y croît au fit et 
plutôt. La connoiflance que l’on en a, fait qu’on y en- <c 
voye de toutes les parties de l’Egypte, les ruches à miel « 
qui s’y trouvent, afin que les abeilles jouifient demeil-« 
leure heure de la richefle des fleurs qui naiflent dans« 
ces contrées plutôt qu’en aucun autre endroit du « 
Royaume. Ces ruches parvenues à cette extrémité de« 
l’Egypte , y font eut allées en pyramides fur des bateaux « 
préparés pour les recevoir, après avoir été toutes nunie- « 
rotées par les particuliers qui les y dépofent. Là ces« 
mouches à miel paiflent dans les campagnes pendant « 
quelques jours; enfuite, lorlqu’on juge quelles ont à« 
peu près moiflonné le miel 6c la cire qui le trouvent « 
dans les environs à deux ou trois lieues à la ronde, on « 
fait defeendre les bateaux, qui les portent deux ou trois « 
autres lieuës plus bas, 6c on les y laifle de même à pro- « 
portion autant de temps qu’il efi néceflàire pour moil-« 
Tonner les richefles de ce canton. Enfin, vers le commen- « 
cernent de Février, après avoir parcouru toute l’Egypte, « 
elles arrivent à la mer, d’où l’on repart pour les conduire « 
chacune dans le lieu de leur domicile ordinaire; car on « 
a foin de marquer exactement fur un regître, chaque « 
quartier d’où partent les ruches au commencement de « 

Ja faifon, leur nombre, 6c les noms des particuliers qui<c 

T t t t ij 


» Tarn. III. 
ï a S- 37' 


700 MEMOIRES POUR L’HiSTOÎRE 
»Ies envoyait; auffi - bien que les numéros des bateaux 
» où elles ont été arrangées, relativement à leur habi- 
» tation. 

Ne feroit-ce point la pratique que nous venons de rap¬ 
porter, qui auroit donné lieu à divers paiïàges, qui fem- 
blent prouver qu’en Orient les abeilles avoient autrefois 
des conducteurs qui les menoient à la campagne, comme 
nos bergers y mènent les troupeaux de moutons; que les 
mouches à miel, plus dociles encore que ces derniers ani¬ 
maux, étoient déterminées par un feul coup de lifflet à for- 
tir de leur ruche, à y rentrer, àpaffer d’une prairie à une 
autre, à fe rendre au bord d’un ruiffeau; qu’enfîn, toutes 
celles d’un village fe rendoient auprès de leur gouverneur, 
qui les conduifoit par-tout où il le jugeoit à propos! Quel¬ 
que pofitifque foit fur cela lepaffage de Saint Cyrille, rap¬ 
porté dans l’agréable ouvrage, & fi connu fous le titre du 
SpeCtacle de la nature*, on elt bien tenté de croire, que 
les coups de fifflet donnés peut-être pour le départ ou pour 
les mouvements qu’on vouloit faire faire fur le Nil aux ba¬ 
teaux chargés de ruches, ont occafionné tout ce qui a été 
dit de l’obéiflance des abeilles. Ce qui elt certain, c’elt que fi 
celles d’Egypte ou dequelques autres cantons de l’Orient, 
étoient capables d etre ainli drelTées, elles avoient une do¬ 
cilité que les nôtres n’ont point. Toutes celles que nous 
connoifions rentrent quand elles veulent dansleurs ruches; 
celles qui ont fait leurs provifions ne manquent point de 
s’y rendre pendant que d’autres en fortent ; & cette efipéce 
de circulation ne finit qu’avec le coucher du Soleil, fi le 
jour n’eft point trop froid ou pluvieux. 

Ce que nous devons plutôt chercher qu’à donner de 
1 éducation aux abeilles, à quoi nous travaillerions fans 
fùccès, c’eft fi nous n’avons point de rivière en France 
fur laquelle nous puifïions les faire voyager utilement.,. 


des Insectes. XIII. Mem. 7 of 
comme on le fait fur le Nil. C’ett ce qui mérite d'être 
examiné. Alexandre de Montfort nous dit que les Ita¬ 
liens voilins des rivages du Pô, ont un foin de leurs abeil¬ 
les pareil à celui qu’en ont les Egyptiens, qu’ils remplif- 
fent de ruches des barques qu’ils conduifent au voifinage 
des montagnes de Piedmont; qu’à mefure que Je produit 
des récoltes des mouches augmente, les barques qui de¬ 
viennent plus chargées s’enfoncent davantage dans l’eau, 
& que les bateliers ne ramènent les barques que quand 
ils les jugent alfés chargées. J’ignore fi cette pratique s’efl 
confervée en Italie.. 

Ce n’eft pas feulement par eau qu’on peut voiturer les 
abeilles avec avantage. Columelle nous a appris que les 
Grecs ne manquoient pas chaque année de tranfporter les 
abeilles de i’Achaie dans l’Attique, & cela parce que dans 
un temps où les Heurs de l’Achaïe étoient paffées, celles 
del’AttiquescpanouiHoient. Alexandre de Montfort nous- 
dit auHi qu’on en ufoit de même dans le pays de Juliers;. 
qu’en certain temps on y tranfportoit les abeilles au pied 
de montagnes chargées de thim Sc de ferpolet. 

Qu’on ne croye pas, au relie, qu’il n’a été accordé 
qu’aux Greesdc à d’autres E trangers, & qu’il nel’eft aujour¬ 
d’hui qu’aux Egyptiens, de prendre des Joins pour mettre 
leurs abeilles à portée de faire d’abondantes récoltes. Un 
de ces Particuliers, dont le Royaume n’a pas alfés, nommé 
M. Proutaut, établit une Blanchilferie de cire en 1710 a 
Yevre-la-Ville, DiocèCeôc Généralité d’Orléans, Ôc à une 
lieuë de Petiviers. Pour la fournir en partie de cire, qu’il 
ne fût pas obligé d’acheter, il fongea habilement à raflem- 
bler autant de ruches d’abeilles qu’il en pourrait nourrir; 
II s’elt appliqué à les foigner comme elles méritoient de 
l’être, pendant toute fa vie, c’eft-à-dire, jufqu’en 1737: 
Son fils a continué de foûtenir un établilfement qui lui 

T Ut iij 


702 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
avoit été laide en bon état. J’ai fouhaité avoir des Mé¬ 
moires fur la manière dont on y gouverne les abeilles, 
& j’ai pu me promettre d’en avoir des meilleurs & des 
plus fuis, puifque M. du Hamel eft voifin de campagne 
d’Yevre-la-Ville. Ce n’eft aufli que d’après ceux qu’il m’a 
fournis, que je vais parler. C’eft fur les fainfoins des envi¬ 
rons d’Yevre-la-Ville que les abeilles vont faire leurs prin¬ 
cipales récoltes, & l’expérience a appris que fon territoire 
peut, année commune, nourrir cinq à lix cens ruches 
pendant les mois de May & de Juin ; mais il y a des 
années où deux cens cinquante paniers auroient peine à 
y fubfifter. En toute année, quand les fleurs font pafiees, 
on fonge à retirer les abeilles d’un pays où les campagnes 
ne fourniflent plus rien, pour les conduire dans des pays 
où elles puiflent mieux employer leur temps. Lorfque la 
fécherefle a été caufe que les fainfoins ont donné peu de 
fleurs, ou des fleurs qui ont paflfé trop vite, on tranfporte 
les ruches dans des lieux qui étant naturellement couverts, 
ont en grand nombre des plantes fleuries ou prêtes à fleurir. 
Dans les années très-pluvieufes, & même dans celles qui ne 
le font que médiocrement, les abeilles trouvent de quoi dans 
les plaines de Beauce,& on les y rnene. Les fleurs de melilot, 
de cheneviére bâtarde, & celles de diverfes autres plantes, 
y offrent aux mouches de quoi Lire des récoltes. Dans les 
années où les fleurs defainfoin ont été abondantes & ont 
duré, ce n’efl qu’à la fin de Juin, qu’on fait quitter aux 
ruchesles environs d’Yevre,pour mettre de nouvelles cam¬ 
pagnes à la difpofition de leurs mouches. Le voyage qu’on 
leur fait faire, foit du côté de la Beauce, foit du côté du 
Gâtinois, félon le canton pour lequel on a cru devoir fe 
déterminer, ce voyage, dis-je, n’eft ordinairement que de 
fix à fept lieues. Mais lorfqu’on croit que les abeilles ne 
tëouveroient ni dans l’un ni dans l’autre de ces pays, de quoi 


des Insectes. XIII. Mem. 703 
s’occuper utilement, on lesmene en Sologne vers le com¬ 
mencement d’Août. On fçait quelles y auront à leur dif- 
polition quantité de champs de flarrafins fleuris, & qui le 
lèront jufque vers la fin de Septembre. 

Mais de quelque façon que l’année fe foit comportée, 
on efl en ufage d’envoyer en Sologne au mois d’Août, les 
eflaims tardifs & ceux qui ont peu travaillé, & d’y envoyer 
aufli les mouches qui fe trouvent dans un état femblable 
à celui des eflaims, celles qu’on a fait pafler depuis peu de 
temps d’un panier dans un autre. Quoiqu’après la lin de 
Septembre, ces mouches ne puiflent guéres trouver de 
quoi ramaffer même en Sologne, parce qu’il ne refle plus 
guéres alors de fleurs de bled noir, M. Prouteau les y 
laifl'oit pafler l’hiver. Il a quelquefois eflayé de les flûre 
revenir en Septembre avant que les chemins fuflent gâtés, 
mais cela 11e lui a pas réuflî. Quelle qu’en foit la caufe, 
l’expérience lui a appris qu’il valoir mieux ne faire revenir 
les ruches de Sologne, qu’en May, c’efl-à-dire, dans un 
temps où elles ne font pas retenues chés elles par les 
rigueurs de la l’aifon, &. où les fleurs de la campagne four- 
niflent à celles qui fortent, de quoi fe remettrede la fatigue 
du voyage. 

Car de pareils voyages doivent réellement fatiguer les 
abeilles ; on ne les tranfporte pas aulfi doucement que 
celles qui navigent fur le Nil ou fur le Pô. C’efl en char¬ 
rette qu’on les voiture, & fi on ne les conduiloit avec des 
attentions & des précautions que nous croyons devoir dé¬ 
tailler, on courroitrifqued’enfairepérirbeaucoupen route. 
Entre les ruches qu’on a à tranfporterjes unes ont plufieurs 
gâteaux de cire, & les autres n’en ont point ou prefque 
point. Les premières demandent qu’on prenne des foins 
qui feroient inutiles aux autres. Les gâteaux feroient en 
danger d’être détachés par les ébranlements de la voiture. 


704 Memoihes pour l’Histoire 

fi on ne les mettoit en état d’y réfifter ; ils ne font pas afles 
folidement aflujettis: on les aflujettit mieux qu’ils ne le 
font, au moyen d’une ou de plusieurs petites baguettes de 
bois qu’on fait entrera force dans la ruche, & qu’on pôle 
horifontalement, & perpendiculairement au plan des g⬠
teaux ; elles en prelfent les bords inférieurs fans les briler. 
On a encore une petite attention, c’eft d’appuyer les 
bouts de ces baguettes contre deux endroits où lont deux 
des montants du bâtis de la ruche. Souvent les mouches 
elles-mêmes travaillent pendant la route à attacher les g⬠
teaux contre ces petits bâtons; & elles le feroient avant le 
départ, fi on leur en donnoit le temps. 

Les abeilles peu au fait du bien qu’on leur veut faire,’ 
ne foûtiendroient pas patiemment l’opération dont nous 
parlons; aulh pour les empêcher d’être inquiettes, com¬ 
mence-t-on par les fumer. On les étourdit & les enyvre 
avec de la fumée; alors on couche fans rifque la ruche fur 
le côté, & on y difpofe les bâtons deftinés à maintenir les 
gâteaux. 

Dès que cela eft fait, on pofe la ruche fur une ferpil- 
iiére, c’eft-à-dire, fur une toile très - groftiére & très- 
claire. Cette dernière circonftance importe, parce qu’il 
eft néceflaire par la fuite que l’air de la ruche puifle fe 
renouveller. On releve les bords de cette ferpilliére fur 
le corps de la ruche contre lequel on les tient bien appli¬ 
qués au moyen d’une ficelle qui fait plufieurs tours. L’on 
arrange enfuite dans la charrette les ruches dont les gâteaux 
font aflujettis, & où les abeilles font renfermées de manière 
à n’en pouvoir fortir. Les charrettes dont on fe fert à cet 
ufage dans la Manufadure de Yevre, font faites exprès. 
Leurs ridelles ont quatorze à feize pieds de long, fur trois 
pieds Si demi de hauteur. La diftance entre Jes deux ridel¬ 
les, ou, ce qui eft la même choie, la largeur de la charrette 

eft telle 


des Insectes. XIII. Mem. 705 

eft teile que deux ruches y peuvent être placées, de lorte 
qu’on peut les arranger fur le fond de la charrette en deux 
files parallèles l’une à l’autre. Nous ne devons pas oublier 
de faire obferver que les ruches y doivent être pofées le 
haut en bas. C’eft encore par rapport aux gâteaux, qu’on 
eft obligé de leur donner une pofition qui elt celle que 
les abeilles aiment le moins. Les gâteaux ne fe trouvent 
pas pendants comme ils le feroient, fi les ruches étoient 
placées comme elles le font naturellement ; leur propre 
poids ne tend plus à les détacher. Toutes les ruches 
en panier font terminées par une poignée de bois. La 
poignée de chaque ruche palfe au-delfous du fond de 
la charrette. On a eu foin de lailfer de chaque côté un 
vuide entre deux planches, & c’elt dans ce vuide qu’on 
fait entrer Içs poignées des ruches de chaque file. Ces 
deux files compofcnt une première couche, un premier 
lit de ruches fur lequel on en met un fécond. Enfin, 
après avoir calé les ruches, on les arrête le plus fixement 
qu’on peut avec des cordes. L’attention elfentielle par 
rapport à celles du fécond lit, c’efi de les placer de ma¬ 
nière quelles ne couvrent que le moins qu’il efi polfible 
les ruches inférieures, quelles n’empêchent pas l’air d’v 
entrer. 

Nous n’avons parlé jufques ici que des ruches qui ont 
beaucoup de gâteaux. On fe contente de boucher avec 
une ferpilliére, l’ouverture de celles qui n’en ont point 
ou qui n’en ont que de très-petits. Enfin, comme il n’y 
a pas de raifon qui demande que ces dernières foient po¬ 
fées le haut en bas, on les met dans leur pofition ordi¬ 
naire, ayant feulement attention de les placer de manière 
que l’air puilfe s’introduire au travers de la ferpilliére. 

Chaque charrette peut contenir depuis trente jufques à 
quarante-huit ruches. On ne doit frire marcher que la nuit 
Tome V. . V u u u 


yo6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
celle qui en eft chargée, pour peu qu’il fafte chaud. Ce 
n’eft que dans des journées fraîches qu’on peut voiturer 
les ruches pendant le jour. Quoiqu’on doive fouhaiter de 
les conduire promptement au terme, on doit éviter de 
faire trotter les chevaux, & être attentif à choifir les che¬ 
mins les plus unis; en un mot, cahotter les abeilles le 
moins qu’il eft poiïïble: quelques attentions même qu’on 
apporte, il en coûte toujours la vie à bien des mouches. 
Ce n’eft pas que les cahots, précifément comme cahots, 
leur l'oient extrêmement contraires ; ils le font principa¬ 
lement, parce qu’ils mettent les abeilles en rifque d’être 
étouffées par la chaleur. Ce que nous avons dit de celle 
qu’elles entretiennent dans leur ruche par leur feule pré- 
fence, doit faire imaginer qu’il fait très-chaud dans les 
ruches où l’air ne peut s’introduire qu’au tpvers d’une 
toile lâche. Mais ft on fe rappelle que nous avons fait 
oblèrver que lorfqu’ellcs s’y agitent, elles y augmentent 
la chaleur au-delà de ce qu’on aurait pu penfer; que par 
leur agitation, elles rendent au milieu de l’hiver les car¬ 
reaux de verre fi chauds, qu’ils femblent avoir été tenus 
auprès du feu; fi, dis-je, on fe rappelle ce fait, on ju¬ 
gera que les cahots qui déterminent en été, les abeilles à 
être dans un mouvement continuel, peuvent être caufe 
qu’elles feront monter la chaleur de leur ruche à un degré 
qu’elles ne pourront foutenir. 

On a remarqué que les mouches qui étoient dans des 
ruches vuides de cire, ne pouvoient gueres être tranfpor- 
tées à plus de fept à huit lieues de fuite. Elles n’ont point 
de miel, 6c cependant elles auraient befoin de prendre 
des aliments, pour réparer les pertes quelles ont faites par 
une tranfpiration plus grande que l’ordinaire, 6 c qui a 
été néccftairement produite par l’agitation dans laquelle 
on les a tenues. Si à la fin de la nuit elles ne font pas 


des Insectes. XIII. Mem. 707 
rendues à leur terme, on les fait fé/ourner où elles le 
trouvent. On ote les ruches de delfus la charrette, on 
les pôle à terre ; Si apres avoir délie la corde cjui tient la 
ferpilliére, on ménage au bas de chaque ruche, une ouver- 
tuie par laquelle les mouches fortent pour aller prendre 
leurs repas à la campagne. Le loir, quand elles font tou¬ 
tes rentrées, on referme les ruches, & on les remet dans 
la charrette pour leur faire continuer le voyage. Quand 
elles font arrivées au terme, on les diftribue dans les jar¬ 
dins ou dans les champs qui font auprès d?s maifons de 
différents paylans; eiles ne coûtent rien à ceux qui veulent 
bien les fouffrir auprès de chés eux; auffi, pour une très- 
petite Ibmme pour chacune,conlèntent- ils de veiller même 
à ce qui peut leur être néceffaire. 

Combien chaque province du Royaume n’a-t-elle pas 
d'endroits au moins auffi favorablement litués pour les 
abeilles, qu’Yevre-la-Ville! Quel fercit par an le produit 
de la cire Si du miel dans le Royaume, s’il avoit autant 
d’habitants auffi éclairés & auffi entendus que M. Proutaut, 
qu’il y a de ces lieux heureufement litués pour les abeilles, 
& dans chacun defquels on pourroit les faire multiplier! 
Combien y a-t-il d’endroits qui, comme Yevre-la-Viile, 
pourroient entretenir cinq à fix cens ruches! L’exemple de 
M. Proutaut a déjà ouvert les yeux à les voifins. Plulleurs 
fe font déterminés à foigner les abeilles, quoique moins en 
grand. Il eh à défirer qu’un Ci bon exemple gagne de pro¬ 
vince en province. LeMiniftére, dont le zele pour le bien 
oublie eft fi connu, peut beaucoup contribuer à y faire en¬ 
treprendre de pareils établiffements. Il jugera fans doute 
que ceux qui y donneront leurs foins,mériteront d’être pro¬ 
tégés, d’être difïingués par des grâces, de ceux qui vivent 
dans l’indolence; il peut déterminera faire des entreprifes 
de cette efpéce, beaucoup de particuliers qui relient dans 

V u u u ij 


708 Mémoires pour l’Histoire 
i’oifiveté, en les y invitant par des grâces offertes, comme 
des exemptions de taille, ou par d’autres privilèges. 

Nous avons avoué dans un autre Mémoire, que nous 
ignorions encore fi la durée de la vie de chaque mou¬ 
che à miel n’étoit que d’une, ou fi elle étoit de plu- 
fieurs années, comme beaucoup d’Auteurs l’ont cru lu? 
une affés mauvaife raifon , fur le temps qu’une ruche 
relie peuplée. C’efl juger que la vie des habitants d’une 
ville, efl d’autant d’années qu’il y en a que cette ville 
fubfifle. Des'expériences que nous avons indiquées pour¬ 
ront apprendre dans la fuite combien de temps une abeille 
peut vivre. Mais outre celles qui périffent tous les ans 
de mort naturelle, il en périt beaucoup de mort violente. 
Elles ont hors de leurs ruches des ennemis redoutables ; 
malgré leur aiguillon , des oifeaux de différentes efpéces 
les avalent toutes vivantes; & parmi les infeéles, parmi 
les mouches mêmes, il y en a qui leur font fupérieures 
en force, qui les attaquent & qui les tuent pour les man¬ 
ger. J’ai vû fouvent des frelons & même des guêpes de 
i’efpéce la plus commune, de celles qui ne font gueres 
plus groffes que les abeilles, roder en voltigeant autour 
d’une ruche, y épier le moment favorable pour tomber 
fur une mouche laborieufe& qui revenoit de la campagne 
fatiguée & chargée de cire; celle-ci faifoit des efforts inu¬ 
tiles pour fedéfendre, dansl’inftant elle étoit mifeà mort^ 
Quelquefois la guêpe s’envoloit au loin en emportant fà 
proye; quelquefois elle fe pofoit affés près, & oyvroit à 
belles dents le ventre de l’abeille pour fuccer tout ce qut 
y étoit contenu. J’ai vû de même quelquefois des abeilles 
occupées fur les fleurs à faire leur récolte, ou qui s’y ren- 
doient pour la faire, qui étoient enlevées par des guêpes 
ou par des frêlons. On prétend qu’il a été impoffible 
d’établir des abeilles dans quelques-unes de nos Mes de 


des Insectes. XIII. Mem. 7 c 9 

l'Amérique, parce que les guêpes qui y font en trop grand 
nombre, les détruifent toutes. Le mal quelles font dans 
ce pays-ci à nos ruches, n’eft pas grand, & ne vaut pas 
ia peine qu’on tente tous les moyens de les faire périr que 
nous ont indiqués des Auteurs bien intentionnés pour 
les abeilles. 

Les araignées qui font la guerre à tous les infeéles aux¬ 
quels elles l'ont fupérieures en force, quoi qu’on en ait 
dit, ne font pas fort redoutables aux abeilles. On a mis 
auffi les fourmis au nombre des infectes qu’il faut éloigner 
des ruches; elles ne font pas à craindre aux abeilles mê¬ 
mes ; elles feroient très-capables d’en vouloir à leur miel; 
mais elles paroilTent fçavoir à quoi elles s’expoferoient, 
fi elles ailoient piller celui d’une ruche bien peuplée. J’ai 
admiré fouvent le choix que certaines fourmis avoient fait 
du lieu où elles s’étoient établies, de ce qu’elles avoient 
fçu en trouver un qui raffembloit des avantages que 
tout autre n’eût pu leur offrir. En ouvrant les volets de 
mes ruches vitrées, j’ai vû fouvent des milliers de four¬ 
mis qui étoient entre ces volets & tes carreaux de verre; 
elles y avoient tranfporté leurs œufs, leurs vers & leurs 
nymphes, dont 1e nombre égaloit & furpaffoit quelque¬ 
fois celui des fourmis mêmes. Où auroient-elles pu trou¬ 
ver un endroit dans 1e jardin qui eût un pareil degré de 
chaleur & auffi confiant î Mais on n’appereevoit aucune 
fourmi en dedans de ces mêmes ruelles qui en avoient 
tant en dehors ; elles auraient trouvé de relie des ouver¬ 
tures pour y entrer, dont fans doute elles avoient grande 
envie, & ce quelles n’euffent pas manqué de faire, fi le 
miel eût été moins bien gardé; Quand j’ai laiffé pendant 
quelques heures dans te jardin, des ruches dont tes mou¬ 
ches étoient péries, alors tes fourmis qui n’avoient rien 
à craindre, n’ont pas manqué d’aller fe régaler du mief 

Vu uu iij 


* Ton. 111. 
Mem. VIII. 

P a 3- 2 4S‘ 


yiO MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
qui y étoit refté; mais je 11e les ai point vu aiier inquié¬ 
ter les abeiiles dans des ruelles bien vives. 

Les préceptes donnés par les Anciens, ne veulent pas 
qu’on fbuffre les lézards, les grenouilles, les crapauds, 
auprès des ruches.' Quand ces animaux peuvent attraper 
des abeilles, ils les mangent affurément, comme ils man¬ 
gent tant d’autres infectes; mais ils en attrapent fi peu 
dans le cours d’une année, qu’ils ne diminueront jamais 
fenfiblemcnt le nombre de celles d’une ruche. 

Les oifeaux font bien autrement redoutables aux abeil¬ 
les. J’ai vu fouvent à regret les moineaux attroupés autour 
de mes ruches, & qui, fous mes yeux, prenoient leurs 
mouches & lesavaloient comme des grains de bled. G’eft 
aufTi l’efpéce d’oifeauxqui en détruit le plus, ôl qui feule 
en détruit plus que toutes les autres enfemble; car, quoi 
qu’on ait dit contreles hirondelles, je ne croispas quelles 
faffent de grandes captures d’abeilles. 

Elles ont des ennemis qui ne leur en veulent pas à elles- 
mêmes, & qui cependant font les plus à craindre pour 
leurs républiques. Je veux parler de ces fauffes teignes, 
dont nous avons donné ailleurs une hiftoire * qui nous 
difpenfe de dire à préfent comment elles fe conduifent 
pour être en fûreté pendant qu’elles hachent les gâteaux 
de cire; comment elles percent de longues fuites de cel¬ 
lules pour fe nourrir de cire, à laquelle feule elles en veu¬ 
lent. Nous avons fait connoître les différentes efpéces de 
papillons dans lefqucls les différentes efpéces de ces fauffes 
teignes fe métamorphofent. Quand on peut tuer de ces 
papillons, on ne leur doit pas faire grâce; les abeilles ne 
fèmbient pas affés infimités de ce qu’elles en ont à crain¬ 
dre; elles les laiffent quelquefois dans leur ruche fans les 
pourfuivre; elles paroiffent ignorer que ce font ces papil¬ 
lons qui donnent nai(Tance aux fauffes teignes qui font 


/ 


des Insectes. XIII. Mem. 711 

tant de ravages dans leurs gâteaux. Letat où iont certai¬ 
nes portions des gâteaux, des toiles, des tuyaux de foye 
qu’on y voit, des fragments de cire hachée menu qui font 
fur le fond d’une ruche, apprennent à celui qui la vifite, 
fi elle eft infeélée de ces faufTes teignes. Il doit fans héfi- 
ter, couper les portions de gâteaux où elles fe font éta¬ 
blies. Enfin, fi elles ont attaqué un trop grand nombre 
de gâteaux, il faut faire palier les abeilles dans une autre 
ruche; elles pourraient être forcées, mais trop tard, à 
quitter la leur. Il y a pourtant des temps où les abeilles 
fçavent faire la guerre aux faufTes teignes. Après avoir 
vu partir une mouche chargée d’un long corps blanc, 
j’ai été examiner le fardeau dont elle s’étoit déchargée 
à dix ou douze pas de la ruche; & j’ai quelquefois trouvé 
qu’il étoit une faufTe teigne de la plus grande efpéce, & 
prête à fe transformer en nymphe. 

C’eft aux abeilles mêmes que s’attaque un petit in¬ 
fecte *, qui les fucce pour fe nourrir. Elles ont été ac- *pi. 58.%, 
cordées à une efpéce de poux qu’on ne trouve point fur 
les autres mouches. Les jeunes abeilles n’en ont point; ce 
ne font que les vieilles, & les vieilles de certaines ruches 
qui font fu jettes à cette vermine. Ordinairement on n’en 
peut découvrir qu’un fur chaque abeille ; & pour le voir, 
il ne faut pas beaucoup le chercher. Il eff rougeâtre, à 
peu près de la groffeur de la tête d’une très-petite épin¬ 
gle; il fe tient prefque toujours fur le corcelet; on ferait: 
porté à le prendre pour un petit grain de cire brute qui 
y ferait refié attaché : mais quand on l’examine avec une 
loupe même foible, on ne peut s’y méprendre; on dis¬ 
tingue très-bien la plupart de Tes parties; fon corps pa¬ 
raît luifant & écailleux , comme le font les fix jambes qui 
le foûtiennent. Si on a recours à une forte loupe, on 
yoit fur fon enveloppe écailleufe, une grande quantité de 


712 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
poils. On ne trouve point une forme de tête à fa partie 
pi. 38.fig. antérieure; le bout en femble coupé quarrément *, & 
2- cela, parce qu’il fe recourbe en delfous; & cette por¬ 

tion recourbée va en diminuant de grolfeur, fe termi¬ 
ner par une pointe fine, qui eft fans doute le bout de 
* Fig. i, & la trompe *. En defifiis, la partie qui fe recourbe, a de 
3 ° u chaque côté un tubercule allés élevé; on peut foupçon- 
ner que ces deux tubercules font les yeux de l’infeéle. 
Après la partie antérieure, font trois anneaux bien mar¬ 
qués, de chacun defquels part une paire de jambes. II 
faut bien chercher fur le corps les féparations des autres 
anneaux pour les appercevoir ; mais elles font plus fenfi- 
bles du côté du ventre. Le pied qui termine chaque jambe 
forme une efpéce de palette bordée au moins de trois à 
quatre crochets. On voit avec plaifir comment les cro¬ 
chets de chaque pied fe cramponnent fur les poils de l’a¬ 
beille, qui foutiennent le petit animal fans fe courber fous 
le poids. Souvent je l’ai trouvé près du col de la mou¬ 
che, près de l’origine de fes ailes, & quelquefois près de 
celle de quelque jambe. Je ne crois pas la trompe capa¬ 
ble de percer les écailles qui recouvrent le corcelet de 
l’abeille; mais elle peut s’introduire dans les articulations 
où la flexibilité étant néceflaire, il a fallu que l’écaille 
manquât. 

On n’a pas bonne idée des ruches dont la plupart des 
mouches ont de ces poux, & peut-être a-t-on raifon, 
parce qu’il eft plus ordinaire de les trouver aux mouches 
des vieilles qu’à celles des nouvelles ruches; ils ont eu 
plus le temps de fe multiplier; mais font-ils réellement 
beaucoup de mal aux mouches ! c’efl: ce qu’on ne fçait 
pas trop, au moins paroît-il fur qu’ils ne leur caufcnt pas 
beaucoup de douleur, ni même qu’ils ne les inquiètent 
pas ; car quoiqu’il ne foit peut - être pas aufli ailé à la 

mouche 


des Insectes. XIII. Mem. 7 i 3 
mouche de faire pafler quelqu’une de les jambes fur ion 
coicelct, que lur quelqu autre partie de ion corps ; & que 
ce l'oit peut-être ce qui détermine le pou à s’y placer, il 
cft fouvent dans des endroits où une jambe de la mouche 
peut être portée, & d’où elle pourroit le faire tomber, & 
où cependant il lui eft permis de reiîer tranquille. On a 
néantmoins regardé ces petits infedes comme très nui- 
fibles aux abeilles. On a enfeigné des moyens de les faire 
périr, que je ne crois pas bien certains. Un des remèdes 
des plus vantés pour en délivrer les abeilles, eft de les 
arroièr d’urine, d’en jetter fur elles dans la ruche avec 
line efpéce de goupillon ; mais l’urine ne m’a pas paru 
nuifi funelte à ces poux qu’on l’a penfé; & il y en au- 
l'oit bien peu qui s’en trouveroient mouillés. Un autre 
remède, car il y a pour les maladies des abeilles, comme 
pour les nôtres, des remèdes à choilir, c’eüde les arroièr 
d’eau-de-vie; Sc un autre, c’ell de les fumer. 

Une maladie des abeilles plus confidérable que la pé¬ 
diculaire, écdont nous avons déjà parlé, c’efl le dévoye- 
rnent; quelques-uns de leurs Médecins l’attribuent au 
miel nouveau dont elles fe nourriflent au printemps & 
dans des jours froids. Pour me mettre aulîi au rang de 
ceux qui ont difeouru fur les caulès de leurs maladies, je 
dirai que je crois que celle-ci ne vient pas précisément 
de la qualité du miel; mais de ce que les abeilles l’ont 
pris pour toute nourriture, de ce quelles n’ont pu fe 
nourrir en partie de cire brute. J’ai dit ailleurs que 
i’avois donné le flux de ventre aux abeilles que je n’a- 
vois nourries que de miel ; & j’ai dit en même temps 
combien cette maladie leur efl funefle, parce quelles fe 
mouillent réciproquement de leurs excréments. Audi des 
Auteurs tels que Vandergroen, qui ont donné de bons 
préceptes pour loigner les abeilles, aflùrent que le flux de 
Tome V* . Xxxx 


* M l'Abbé 
de Li Ferrure. 


714, MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 
ventre vient à celles qui manquent de pain, c’efl-à-dire, 
à celles qui manquent de cire brute. La recette prefcrite 
par un Auteur intelligent* contre cette maladie, & à la¬ 
quelle beaucoup d’autres reviennent, efl d’une demi livre 
de lucre, autant de bon miel, une chopine de vin rouge,& 
environ un quarteron de fine farine de fève, le tout mêlé 
en Tenable, qu’on préfentera aux abeilles fur une afîictte. 
Si je voulois faire le réformateur, je diminuerais la dofe 
du miel. Mais j’aime mieux propofer mon remède; celui 
qui me paroît le plus fur, efl de tirer de quelque autre 
ruche,fi on-y en peut trouver, un gâteau dont les cellules 
foient remplies de cire brute, & de le donner aux abeilles 
malades. On voit quelquefois les abeilles ronger par em- 
bas, leurs propres gâteaux de cire. Je croirois volontiers 
qu’elles n’en viennent là que quand la cire brute leur 
manque ; & qu’à fou défaut, elles mangent un peu de 
cire; quelles en choififfent les fragments où il efl refié 
de la cire imparfaite. 

Quoique M. l’Abbé de la Ferriere nous ait donné 
beaucoup des avis utiles par rapport aux abeilles, j’ap¬ 
préhende qu’il n’ait mis au rang de ce qui efl à craindre 
pour elles, un aliment qui leur efl néceffiire. Il dit que la 
rougeole leur efl fatale. Ce qu’il appelle la rougeole, efl 
une efpéce de mielfauvage. C’efl une matière rouge, épaijjè, 
qui 11 emplit jamais que la moitié des trous des rayons. Cette 
matière ejl plus amère que douce; elle devient jaunâtre, & 
engendre des vers ou grillots qui font périr les mouches, &c. 
Il veut qu’on ait grand foin doter tout ce vilain miel. On 
voit qu’il a été déterminé à le vouloir par une très-mau- 
vaife phyfique, parce qu’il a cru que des vers pouvoient 
naître d’une matière corrompue. Mais ce miel fauvage n’efl 
point du miel, c’efl de la cire brute très-néceffaire pour la 
nourriture & pour les ouvrages des abeilles. 


des Insectes. XIII . Mcm . 715 
J'ai lu avec plus de plaifir ce que M. l’Abbé de la Fer¬ 
rière a écrit dans le chapitre xvi. de fa fécondé Partie, 
iur la mortalité des abeilles, ce qu’il y rapporte me paraît 
très-vrai. Il remarque qu’il y a deux failons qui épuifeot 
les ruches de mouches; fçavoir, l’automne, & cela lorf- 
que les feuilles commencent à tomber, & le commence¬ 
ment du printemps. Il ne croit pas dire trop quand il 
alfùre qu’il meurt plus du tiers des mouches de chaque 
ruche en automne, & qu’il n’en meurt pas moins au prin¬ 
temps; &. c’elt ce qui l’empêche de croire avec certains 
Auteurs, quelles vivent fept ans, & avec d’autres, quelles 
en vivent dix. Les grandes mortalités dont nous venons 
de parler lui parodient prouver que les mouches ordb 
naires ne vivent gueres qu’un an. Il penfe avec beaucoup 
de fondement, que les mouches le renouvellent dans 
chaque ruche tous les ans, ou au moins tous les deux 
ans. Il ne veut pas que ce foit le froid qui fade péri r 
celles qui meurent en automne; fouvent pourtant il y a 
beaucoup de part; il furprend celles qui ont hazardé de 
fortir pendant que l’air étoit encore doux, mais qui eft 
devenu trop froid avant leur retour. Il veut que celles 
qui meurent alors, meurent de vieillede & épuifées des 
fatigues de l’été, & que les jeunes mouches alors tuent les 
vieilles qui mourroient bientôt de langueur. Enfin, pour 
confirmer fa première alfertion, il allure que lorfqu’on fait 
périr deux ruches qui femblent également fortes, c’efî-a- 
dire, qui font également pelantes, l’une au mois de Juin 
ou de Juillet, & l’autre, au moisd’Avril ou de .Mars, on 
ne trouve pas dans la dernière, la moitié au plus, ou Je 
tiers des mouches de l’autre. 

Lorfqu’on a été attentif à prendre pour les abeilles, 
tous les foins qui peuvent contribuer à les conferver, à 
les multiplier, & à leur faire faire de grandes récoltes, on 

Xxxx ij 


yi 6 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 
a acquis le droit de partager avec elles, les fruits de leurs 
Ira vaux. Néantmoins je trouverai toujours trop dur de leur 
enlever, non-feulement tout ce quelles ont ramaffé, mais 
de les faire périr elles-mêmes pour l’avoir. On le trouve 
de même dans la plupart des pays du Monde ; dans le 
plus grand nombre des provinces du Royaume, on fe 
contente de prendre une portion des gâteaux de chaque 
ruche, ce qu’on appelle la châtrer ou la tailler. Dans dif¬ 
férents pays, on les châtre en différentes faifons ; dans 
quelques-uns, c’efi à la fin de Février ou dans le mois 
de Mars. On peut alors, fans faire tort aux moue lies, 
leur ôter une grande partie du miel qui leur eft refié de 
leur provision d’hiver. Elles n’ont hefôin qu’on leur laide 
que ce qu’il leur en faut pour paffer les jours rudes qu’il 
peut y avoir jufqu’au commencement de Mai. On peut 
aufii leur ôter alors, plufieurs de leurs gâteaux de cire qui 
font vuides de miel, fur-tout ceux dont la cire efi deve- 
nuë trop noire On peut raffraîchir par embas la plupart 
des gâteaux. Pendant qu’on enleve ainfi aux abeilles, ce 
qu’elles pourront remplacer bien vite, on leur îend de 
bons offices fi on eft attentif à ôter les faufies teignes qui 
ont crû dans la ruche. 

Le petit ouvrage qui a pour titre, Traité des mouches 
à miel, & dont la fécondé Edition a été imprimée à Paris 
en i 697- nous rapporte les différents temps dans lefquels 
on dépouille les abeilles d’une partie de leur cire & de 
leur miel dans différentes provinces du Royaume. Il dit 
qu’en Champagne, c’efi vers la fin de Juin; aux environs 
de Paris, au commencement de Juillet; en Normandie, 
au commencement d’Août ; en Provence, à la fin de 
Septembre; & qu’en Poitou & en Limofin, on ôte les 
Ratifiés qu’on a données aux ruches au commencement 
d’Oélobre, & qu’on coupe tous les gâteaux qui fe trouvent 


des Insectes. XIIL Mem. 717 

clans ccs haufles. Le temps de cette opération doit non- 
leulement varier dans différentes provinces, il doit varier 
dans différents cantons de la même province, & même y 
varier dans différentes années; car il en efl de cette récolte 
comme de toutes les autres fur lefquelles les faifons in¬ 
fluent tant. Nous ne pouvons faire la nôtre qu après que 
les abeilles ont eu fait la leur ; 6 c elles la font plutôt ou 
plus tard, félon que le pays où elles font 6 c félon que l’an¬ 
née ont donné plutôt ou plus tard des fleurs. Il ne faut 
donc pas prendre à la rigueur ce qu’a rapporté l’Auteur 
du Traité des abeilles. Je connois des cantons du Poitou, 
par exemple, où l’on ne fçait ce que c’efl que de donner 
des hauffes aux ruches, 6 c où on les châtre dès la fin de 
Février; 6 c d’autres où ce n’efl qu’en Juillet ou en Août. 

C’efl une efpéce d’expédition militaire d’enlever de 
l’intérieur d’une ruche, des gâteaux que des milliers 
de mouches bien armées font très-difpofécs à défendre. 
Auffi celui qui l’entreprend doit-il avoir mis fon vifage 
à l’abri au moyen du carnail *, 6c avoir fes mains dans * pi, 
de bons gants. Il y a pourtant des gens à la campagne qui '• 
bravent afles les piquûres des mouches pour aller fiiire 
le ravage chés elles fans s’être cuiraffés ; mais auffi com¬ 
mence-t-on toujours par endormir, ou du moins par 
étourdir l’ennemi. Les uns veulent que pour châtrer une 
ruche, on prenne l’heure de midi, parce que plus d’a¬ 
beilles font alors à la campagne: mais celles qui rcflent 
dans la ruche font alors plus aétives, plus difficiles à étour¬ 
dir; 6 c celles qui reviennent de la campagne continuelle¬ 
ment, incommodent fort pendant l’opération. D’autres 
penfent, 6 c je penfe comme eux, qu’il vaut mieux choi- 
fir le matin , temps où elles font encore engourdies. 

Pour les engourdir davantage, à quelque heure du jour 
qu’011 veuille opérer fur leur ruche, on commencera par 

Xxxx iij 


yiS MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE 
les fumer. On foûieve un peu la ruche, & l’on y fait en¬ 
trer la fumée d’un tampon de linge qu’on tient à la main. 
La fumée qui les incommode & qui les étourdit, les oblige 
à monter le plus haut qu’il leur elïpofhble. Un coup d’œil 
jetté dans cette ruche, apprend quels font les gâteaux qu’il 
convient de couper; & c’elf de defïus ceux ci qu'il faut 
chaffer les mouches, c’eft-à-dire, que ce font ceux fur lef- 
quels il faut faire aller la fumée. Une fumée qui a duré 
quelques minutes, a ordinairement conduit les mouches 
où on les veut, & leur a fait perdre une partie de leur 
aèfivité. Alors on prend la ruche, on la couche fur une 
chaife, fur une fellette de bois, fur un banc; tout appuy 
qui la foûtient à une hauteur commode pour couper où 
l’on veut, cft bon. Si le châtreur elt bien outillé, il a un 
couteau dont la lame eft un peu courbe, comme celle des 
ferpettes; mais il peut fe fervir d’un couteau ordinaire; 
les gâteaux les plus pleins de miel, n’oppofent pas une 
réfiltance bien difficile à vaincre. Pendant tout le temps 
que l’opération dure, il eft à propos de conferver un tam¬ 
pon de toile qui répande de la fumée pour chaffer les 
mouches de deffus les gâteaux qu’on veut avoir, quand 
elles y font en trop grand nombre. La pofition des 
gâteaux pleins de miel, & la pofition de ceux qui font 
très-vieux, déterminent à détacher ceux d’un côté plu¬ 
tôt que ceux d’un autre, à les détacher en entier, ou à 
les couper à quelque diftance du haut. Enfin, on eft 
convenu, & il y a une forte d’équité & même de nécef- 
fité, de laiffer aux abeilles à peu près la moitié de leur 
miel. 

Celui qui opère eft ordinairement un homme qui 
connoît les ruches, qui fçait que les cellules bouchées 
par des couvercles qui ne font pas fi plats que ceux qui 
ferment les cellules à miel, font remplies par du couvain. 


des Insectes. XIII. Af cw . 7 , 9 
c’efl - à-dire, par des nymphes ou par des vers prêts à le 
transformer en ny mphes. Il le donne bien degardede cou¬ 
per les gâteaux qui doivent dans la fuite peupler la ruche 
& fournir même aux effaims. Mais fouvent il n’efl pas a (Tés 
attentif à ne pas couper les gâteaux dont les alvéoles ne 
font remplis que de couvain moins apparent, que de très- 
jeunes vers. 11 faudrait pourtant porter l’attention jufques 
à épargner tous les gâteaux qui font pleins d’œufs, & or¬ 
dinairement on ne savile pas feulement d’y regarder. 
Avant que de couper un gâteau dont les alvéoles fem- 
blent vuides, on devrait en rompre un petit morceau, 
& examiner fi dans le fond de chacun de ces alvéoles qui 
paroi ffent vuides, il n’y a pas un œuf. Si on yen décou¬ 
vre, le refie du gâteau mérite d’être confervé, puifqu’en 
moins de trois fèmaines il donnera autant de mouches 
qu’il a de loges. 

Quelques Auteurs preferivent de ne couper que les 
gâteaux qui font vers le derrière de la ruche ; mais on doit 
s’affujettir à cette réglé, ou fedifpenferdelàfuivre,félon 
que les gâteaux les plus pleins de miel fe trouvent placés. 
Après qu’on a ôté à une ruche tout ce qu’on veut lui 
ôter, on la remet en place. Le côté auquel on a le plus 
ôté, doit être mis en devant, c’efl-à-dire, être le plus 
expofé au Soleil, parce que c’eft de ce côté là que les 
abeilles travaillent plus volontiers. 

M. l’Abbé de la Ferriere confeille de coucher le loir 
les ruches qu’on veut tailler dans le mois de Mars. Le 
matin fuivant on trouve beaucoup de facilité à faire l’o¬ 
pération. Les mouches font alors fi engourdies par le 
froid de la nuit, qu’il n’efl prefque pas néceffaire de les 
fumer. D’ailleurs, fi on a eu attention de mettre en haut 
le côté où font les gâteaux auxquels on ne veut point 
toucher, on trouvera ceux qu’on veut couper abfolumen* 


720 MEMOIRES TOUR L’HlSTOIRE 
dégarnis de mouches, parce que c’dt vers le haut quelles 
fe lont attroupées pendant la nuit. 

On peut non-feulement partager avec les abeilles leur 
cire & leur miel, on peut ne leur en rien lailTer. Cette 
pratique eft meme celle qu’on préféré à la Manufacture 
d’Yevre-la-Ville, dont nous avons parlé ci-devant. Ordi¬ 
nairement on n’y châtre point les ruches, on oblige les 
abeilles à paffer de celle dans laquelle elles ont bien tra¬ 
vaillé, dans une vuide de tout. Mais on a attention de le 
faire dans un temps où la campagne fournit abondam¬ 
ment aux mouches laborieufes de quoi réparer ce qui leur 
a été enlevé. Si les environs d’Yevre la-Ville ne lont pas 
alors alfés fournis de fleurs, on les voiture dans un pays 
où l’on fçait quelles ne leur manqueront pas,c’efl-à dire, 
tantôt dans les plaines de Bcauce, tantôt dans des endroits 
couverts du Gâtinois, 6c tantôt en Sologne; 6c cela félon 
que l’année & la laifon le demandent 11 n’y auroit rien 
à dire contre la pratique de faire paffer les abeilles d’une 
ruche dans une autre, h on pouvoit lauver le couvain de 
ïa première. Les meilleures pratiques ont des inconvé¬ 
nients; celui de Lire périr le couvain fera rendu moin¬ 
dre, fi on choifit pour faire le déménagement des abeilles, 
le temps où il y a peu de couvain dans l’ancienne ruche. 

Je ne dirois que tout ce que le monde fçait, & ce qui 
a été dit & redit dans mille ouvrages, fi je m’arrêtois à 
expliquer comment on tire le miel des gâteaux, & com¬ 
ment on réduit enfuite les gâteaux en pains de cire. On 
a dû entendre, fans que nous en ayons averti, qu’à mefure 
que les gâteaux font coupés, on les met dans des plats 
qui reçoivent le miel qui en découle. Perfonne n’ignore 
que les gâteaux les plus blancs donnent le plus beau miel; 
que le miel que l’on en laiffe dégoutter, en les mettant, foit 
dans des chauffes, foit dans des tamis, &c. efl pl us beau que 

celui 


des Insectes. XIII . Mem . y 21 

celui qu on en tire par expreffion ; qu’il faut pourtant 
mettre les gâteaux fous une preffe, fi l’on veut en faire 
fortir tout le miel qui y efl. Que lorfqu’on fe contente 
tic les preffer dans une lerviette dont on roule les deux 
bouts dans des feus oppofés, on ne parvient pas à en 
tirer autant de miel, que lorfqu’on les comprime fous 
des cfpéccs de Preffoirs. 

Enfin, qui ne fçait pas qu’il n’y a plus qu’à mettre dans 
lin chauderon qui contient un peu d’eau, les gâteaux dont 
le miel a été exprimé; que l’eau empêche que la cire ne fe 
brûle ou noirciffe pendant quelle fond ; & qu’après quelle 
elt fondue, on la verfe fur une ferviette que deux hommes 
tiennent étendue au-deffus d’un plat creux qui contient de 
1 eau l La cire qui paffe au travers de cette efpéce de filtre 
groffier, tombe dans le plat. On roule la ferviette, on 
la ferre pour contraindre toute la cire à fortir. I! refie 
dans la ferviette une quantité de marc affés confidérabJe, 
fournie par tout ce que les gâteaux avoient qui n’étoit 
ni cire ni miel. La cire qui a coulé dans le vafe qui con- 
tenoit un peu d’eau froide, s’y fige & forme un pain. II 
feroit plus curieux d’apprendre comment au moyen de 
plufieurs manipulations, 011 fait perdre à cette cire fa cou¬ 
leur jaune, comment on la rend de la cire très-blanche; 
mais ceci appartient à l’Hifloire des Arts; & nous ne dé- 
fefpérons pas de l’expliquer dans un autre temps. 

On fçait qu’il y a des miels qui différent en qualité, 
qu’il y en a qui font bien fupérieurs aux autres ; ils doi¬ 
vent tenir des plantes dont ils ont été tirés. Le miel de 
Narbonne a à Paris une réputation que les miels des au¬ 
tres cantons du Royaume n’y ont pas. Les abeilles trou¬ 
vent autour de Narbonne des plantes quelles ne trouvent 
pas en Sologne ; peut-être auffi que dans différents cli¬ 
mats, les mêmes plantes fourniffent un fuc miellé, plus 
Tome V - Y y y y 


y 22 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
ou moins parfait. Ce fuc, comme le vin, doit fe fentir 
du terroir. J’ai voulu tenter s’il n’y auroit pas moyen de 
faire faire aux abeilles un miel d’un goût plus relevé que 
celui des meilleurs miels qui nous font connus, un miel 
qui eût un goût qui approchât plus de celui du fucre. 
Pour y parvenir, je mis des abeilles à même de porter 
dans leurs alvéoles, du fucre au lieu de miel. Dans une 
faifon où elles pouvoient à peine trouver à la campagne 
de quoi vivre, j’en lis paffer une petite république dans 
une ruche vitrée qui n’étoit gueres plus grande que la 
plus petite de celles dont j’ai parlé dans le cinquième 
Mémoire. Je portai cette ruche dans mon jardin de Paris, 
& je hs mettre auprès une afliette où il y avoit toûjours 
du fucre délayé avec de l’eau à confiftance de firop. Les 
mouches qui auroient été obligées de faire au loin des 
courfès qui leur auroient peu produit, s’accommodoient 
de la liqueur qui étoit fi fort à leur portée, & qui ne leur 
manquoit pas. Ces abeilles firent de petits gâteaux de 
cire; & au bout de quelques jours les cellules d’un de 
ces gâteaux, furent pour la plûpart, remplies de miel. 
On n’a pas befoin de fçavoir quel fut le fort de ces mou¬ 
ches ; je dois feulement dire que je leur ôtai bientôt ce 
gâteau qui contenoit du miel que je croyois devoir être 
tout fucre. Je lui trouvai effecffiveinent un goût plus rele¬ 
vé que celui du miel ordinaire; mais d’ailleurs, il étoit de 
véritable miel. J’aurois cru qu’il fe ferait grainé plus vite 
que ne fe graine le miel ordinaire; mais depuis près de 
quatre ans que je le garde, il eft refié clair, tranfparent, 
& coulant comme il l’étoit d’abord, & n’efi nullement 
en grain. Cette expérience eft très-propre à confirmer ce 
que nous avons dit ailleurs, que le miel eft travaillé dans 
le corps des abeilles; s’ii ne l’étoit pas, les cellules de mon 
petit gâteau n’euffent dû être remplies que d’un firop de 


des Insectes. XIII. Mem. 723 

lucre. Peut-être aufli ce ürop a-t-il été mêlé avec un 
peu de miel ordinaire que les abeilles avoient été re¬ 
cueillir à la campagne; mais il a dû y entrer peu de celui- 
ci : le nombre des abeilles qui s’en tenoient au lucre, fur- 
pafloit de beaucoup celui des abeilles qui alloient à la 
campagne. 

Au relie, dans des temps où les abeilles trouvoient 
afTés de miel à la campagne, je les ai vu méprifer le fucre 
en poudre dont j’avois rempli des afliettes que j’avoispo- 
fées auprès de ruches très-peuplées. 

Les miels différent encore plus entr’eux par la couleur, 
que par le goût. Le plus blanc eft le plus eltimé; il y en a 
de plus ou de moins jaune. La couleur du plus blanc 
s’altère lorfqu’il vieillit. Le vieux miel des ruches elt ordi¬ 
nairement jaune ; mais il y en a qui l’elt dès qu’il vient 
d’être dépofé dans les alvéoles. J’en ai oblervé d’une 
couleur qu’il efl beaucoup plus rare de lui trouver; & je 
n’en ai oblervé qu’une feule fois de cette couleur. Il pa¬ 
roi doit fi vert dans les cellules, qu’elles fembloient rem¬ 
plies du jus d’herbe le plus vert. D’ailleurs, fon goût fut 
trouvé plus agréable que celui des miels ordinaires. Dans 
la même ruche, il y avoit pourtant quelques gâteaux de 
cire nouvelle pleins de miel jaunâtre. Pourquoi la plûpart 
des vieux gâteaux de cette ruche avoient-ils du miel vert 
pendant que celui de toutes mes autres ruches étoit blanc 
ou jaune! Eft-ce que les abeilles de cette ruche avoient 
été le puifer dans des endroits où n alloient pas les abeil¬ 
les des autres ruches! N’y a-t-il pas plus d’apparence que 
la difpofition de l’intérieur des mouches de cette ruche 
avoit été caufe de ce que la couleur de fon miel différoit 
de la couleur du miel des autres ruches! J’en ai mis dans 
des pots d’un verre blanc & tranfparent, il ne paroiffoit 
plus alors aufli vert qu’il le paroiffoit lorlqu’il étoit dans 

Yyyy ij 


724 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE 
tics cellules d’une cire un peu brune ; il y avoit à peine 
une légère nuance de vert. 

Ce n’eft pas feulement en couleur & en goût que les 
miels peuvent différer entr’eux, ils peuvent différer par des 
qualités qu’il nous importerait fort de pouvoir connoître. 
Quoique le miel foit communément très- fain , il peut y 
en avoir dont Tillage ferait funefîe. C’efl de quoi la der¬ 
nière des aventures de cette fameule retraite des dix mille 
nous a donné une preuve bien authentique. Xenophon 
rapporte que ceux des Grecs, qui, après avoir traverfé 
avec tant de peine & de courage, une fi grande étenduë 
de pays ennemi, eurent le bonheur d’arriver auprès de 
Trebifonde, y trouvèrent plujîeurs ruches d’abeilles; les 
foldats, dit cet Auteur, n’en épargnèrent pas le miel; il leur 
prit un dévoyentent par haut & par bas fuivi de rêveries; 
en forte que les moins malades rejjembloietu à desyvrognes, 
& les autres, à des perfonnes ftrieufes ou moribondes. Ou 
yoyoit la terre jonchée de corps comme après une bataille; 
perfontte néant moins n’en mourut, & le mal cejfa le lende¬ 
main, environ à la meme heure qu’il avoir commencé; de forte 
que Us foldats fe levèrent le troiféme & le quatrième jour, 
mais en l’état oit on cjl après avoir pris une forte médecine. 
M. de Tournefort, qui a rapporté ce paffage dans iadix- 
feptiéme lettre de fon voyage du Levant, où il parle de 
Trebifonde, étoit plus en état queperfonne de nous ins¬ 
truire de la plante de laquelle les abeilles pouvoient avoir 
tiré un miel fi à craindre; il penfe que c’efl: quelqu’une des 
* 111. Vol. efpéces de Chamezrhododendros *, qu’il a trouvées auprès 
pa °' 7 °‘ de Trebifonde. Plufieurs Auteurs anciens, 6c quelques 
modernes, ont parlé du miel qui cauloit des vertiges. 
C’efl fur quoi on peut confulter encore la lettre de M. 
de Tournefort que nous venons de citer. 

Comme il y a des différences entre les miels, il y en a 


des Insectes. XIII. Man. 725 

entre les cires faites par différentes abeilles, dont celle qui 
a été le plus remarquée, clt que les unes font plus difficiles 
à blanchir que les autres. On ne peut parvenir à donner un 
beau blanc à la cire de certains pays ; &. dans le même 
pays, la cire qu’on tire de quelques ruches ne peut jamais 
préndrc toute la blancheur qu’on parvient à donner à celle 
des autres ruches. A la Blanchifferie d’Yevre-la-Ville, on 
préféré les cires de Sologne à celles du Gâtinois; mais on y 
regarde les cires de la foret de Fontainebleau, comme bien 
inférieures même à ces dernières; on affine quelles ne de¬ 
viennent jamais bien blanches. Nous avons dit ailleurs que 
les abeilles 11e font que de la cire blanche dont la couleur 
s’altère, qui jaunit & noircit même par la fuite; N nous 
avons dit dans le même endroit, que la cire qui ne vient 
que de fortir des mains, pour ainfi dire, ou plus exactement, 
des pattes de certaines abeilles, a la blancheur de la plus belle 
bougie, pendant que la cire qui vient d’être faite par d’autres 
abeilles, rcffemble à de la bougie qui a jauni à l’air. La der¬ 
nière cire doit être plus difficile à blanchir que l’autre. 

Nous ne devons pas finir l’hiftoire des abeilles fans par¬ 
ler du produit qu’on peut efpérer chaque année de cha¬ 
que ruche. C’elt le point efîentiel, & c’efl ce qui peut 
engager à prendre des loins pour elles dans les temps où 
elles en demandent. Tout ce que nous avons rapporté 
julques ici, a affes fait entendre que ce produit doit extrê¬ 
mement varier félon les pays; que dans le même pays, il 
ne fçauroit être le même tous les ans; que toutes les ru¬ 
ches n’ayant pas des meres également fécondes, elles ne 
font pas également pourvues d’ouvrières; que par confé- 
quent, il y a bien plus d’ouvrage fait dans la même an¬ 
née dans certaines ruches, que dans d’autres. Mais pour 
donner quelque idée de ce qu’on en peut attendre dans 
des endroits du Royaume dont la fituation n’eft pas des 

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yi 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 
plus favorables aux mouches, nous dirons qu’à la Blan- 
chifferie d’Yevre près de Petiviers, où la pratique nef! 
point de châtrer les abeilles, mais de les changer de panier, 
& de profiter ainfi de tout ce qu elles ont fiait julques alors; 
qu’à î evre, dis-je, fuivant les Mémoires que j’en ai eus de 
M.du Hamel, un bon effaimdedeuxanspeutdonnerdcux 
livres & demie de cire, & vingt-cinq à trente livres de miel ; 
& que valeur moyenne, on arbitre la dépouille de chaque 
ruche à deux livres de cire, & à vingt livres de miel. Si l’on 
joint à ce produit celui de l’eflaim, on conclurra qu’un 
grand nombre de ruches qui ne coûtent prefque rien dans 
le cours de l’année, peuvent être à la campagne un objet 
digne d’attention. A Charenton mes ruches ne m’ont ja¬ 
mais donné plus de deux livres de cire, & fouvent qu’une 
livre & demie ou cinq quarterons; mais les abeilles don¬ 
nent bien d’autres produits dans les pays où elles trouvent 
pendant la plus grande partie de l’année des fleurs en abon¬ 
dance. On nous parle de contrées où on les taille tous les 
quinze jours & même plus fouvent. Je ne crois pas cela 
impoffible; car aux environs de Paris, les abeilles d’un 
bon effaiin font fouvent en moins de quinze jours plus 
de cire quelles n’en font dans tout le relie de l’année. 
Elles travaillent par-tout, d’autant plus qu’elles font plus 
dans la néceffité de travailler, fi la campagne peut fournir 
à leurs récoltes. 

EXPLICATION DES FIGURES 

DU TREIZIEME MEMOIRE . 

Planche XXXVIII. 

L Es Figures \, 2 & 3 repréfentent un pou d’abeille 
groffi au microfcope. La figure 1 le montre vû de côté. 
t, fa trompe qui fie recourbe en-ddfous. 


des Insectes. XIII. Mem. 

La Figure 2 fait voir le pou par-deffus, & par le bout 
poftérieur. Alors fa tête femble cou])ée quarrément en ee; 
& cela parce quelle fe recourbe vers le ventre. 

La Figure 3 eft celle de l’infcde vû du côté du ventre. 
{, fa trompe. 

La Figure 4 repréfente une jambe du pou plus groffie 
qu’elle ne l’eft dans les figures précédentes. Le pied par 
lequel elle le termine eft armé de crochets en c. 

On n’a pas donné d’échelle des figures qui fuivent, qui 
font celles de différentes ruches, parce qu’outre que les 
grandeurs des ruches ont quelque chofe d’arbitraire, on a 
déterminé en différents endroits des Mémoires les pro¬ 
portions qu’on leur veut communément. Les figures 1 o & 
1 1 font faites fur une échelle plus petite que celle des au¬ 
tres figures. Cela eft indifférent en foy, & ne l’étoit pas par 
rapport à la place qui leur reftoit. 

La Figure 5 eft celle d’une ruche en panier qui eft cou¬ 
verte d’une chappe de paille npp. En n, eft la poignée de 
la ruche, elle y eft cachée par la paille, a a, appui de la 
ruche, qui eft une efpéce de rondeau de plâtre, e , entrée 
de la ruche. 

Dans la Figure 6, la ruche en panier eft comme dans 
la figure 5, couverte d’une chappe de paille, mais qui 
y eft affujettie par deux cerceaux, cc, dd , les deux cer¬ 
ceaux. 

La Figure 7 repréfente une ruche faite de cordons de 
paille. 11, la poignée de la ruche. 

La Figure 8 montre une ruche compofée de quatre 
planches, op rf, une des planches du côté. 0f u x, la plan¬ 
che du derrière de la ruche, tt ho, toit de cette ruche, 
qui eft fait de tuiles creufes. Les trous par où les mouches 
entrent dans la ruche font perces dans la face oppolee a 
celle qui eft en vue. 


yiS MEMOIRES POUR l’HISTOIRÊ 

La Figure 9 eft celle d’une ruche faite d’un tronc d’ar¬ 
bre creux, c c ,planche qui en couvre l’ouverture fupérieure. 
00, trous qui permettent aux abeilles d’entrer & de fortir. 

La Figure 1 o repréfente la coupe d’un tonneau dans 
lequel une ruche a été logée & entourée de terre de 
toutes parts, afin que l'es mouches fiiflent défendues con¬ 
tre le froid, c c dd, coupe du tonneau, dont le fond eft 
en dd, & porte une couche de terre.//! fécond fond pofé 
fur la couche de terre précédente, & qui fert d’appui im¬ 
médiat à la ruche, t, tuyau de bois, dont un bout eft en 
dehors du tonneau; c’eft le conduit par lequel les abeilles 
peuvent fortir quand elles y font invitées par un air aftes 
chaud. I, languette fur laquelle fe pofe l’abeille qui retourne 
à la ruche, o, entrée du tuyau, r, la ruche. Le vuide qui 
refte entr’eile & les parois du tonneau, eft rempli de terre 
féche, qui s’élève en un, au-deffus des bords fupérieurs 
du tonneau. 

La Figure 1 1 fait voir un tonneau dans lequel une 
ruche eft logée, entourée & couverte de terre, un ton¬ 
neau tel que celui dont la figure 10 donne la coupe, nu, 
terre qui s’élève au de (fus des bords fupérieurs de l’ou¬ 
verture du tonneau, toi, le conduit par lequel les abeilles 
fortent de la ruche, & y rentrent quand il leur plaît. 


Fin du cinquième Volume . 








































































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