MESSAGER
DES
SCIENCES HISTORIQUES
DE BELGIQUE.
MESSAGER
SES
SCIENCES HISTORIQUES
DE BELGIQUE.
Hecweil publié par
MM, J. DE SAITST-GENOIS , Archiviste de la Flandre Orientale} C, P. SERRCRE,
Professeur à l'Université ; PH. BLOMMAERT , Docteur en droit ; A. VOISIN ,
Conservateur de la Bibliothèque de l'Université; A. VAN LOKEREN , Avocat;
à Gaud.
AVEC LA COOPÉRATION HABITUELLE
De MM. F. Db Reiffenberg , Conservateur de la Bibliothèque nationale, et
A. ScHAYBs , Employé aux Archives du royaume , à Bruxelles.
Hnnh 1839.
IMPRIMERIE DE LEONARD HEBBELYNGK,
Vieille Citadelle, N» 48.
LISTE DES COLLABORATEURS.
MM. J. H. BoRMANS, professeur à l'Université de Liège.
R. Chalon, président des bibliophiles belges , à Bruxelles.
E. CooMANs, avocat, à Gand.
N- CoRNELissEN , membre de Tacadémie de Bruxelles , à Gand.
P. De Decker, directeur de la Revue de Bruxelles, à Gand.
H. Du Trieu, avocat , à Malines.
J. J. De Smet, membre de la Commission royale d'histoire, à Gand.
O. Delepierre, archiviste de la Flandre occideulale , à Bruges.
Fl. Frocheur , homme de lettres , à Bruxelles.
L. P. Gacharo, archivisie-général du royaume, à Bruxelles.
J. Gauthier, propriétaire , à Bruxelles.
V, GoETHALS, conservateur de la Bibliolh. de la ville de Bruxelles.
H. Helbig , à Liège.
Fr. HENNEBEr.T, arcliivi^îc de la ville de Tournai.
F. Henai-X, homme de lettres, à Liège.
J. Ketele, avocat, à Audenarde.
E. Lavalleye , professeur à lUniversilé de Liège.
J. J. Lambim , archivislc de la ville d'Ypres.
F. H Mertens, bibliothécaire de la ville d'Anvers.
Ch. Morren, professeur à l'Université de Liège.
M. L. PoLAiN, archiviste de la province de Liège.
C. PioT, avocat, àLonvain.
J. E. G. Roulez , professeur à l'Université de Gaud.
E. Tandel, professeur à l'Université de Liège.
Pr. Van Duyse, archiviste de la ville de Gand.
C. Vervier , président de la Commission des Monuments, à Gand.
Van der Meersch , docteur en médecine , à Audenarde.
L. A. Warnroenig, professeur à l'Université de Fribourg (Bade).
J. F. WiLLEMS , membre de la Commiss. royale d'histoire, à Gand.
%:»^4C^/
SUR LES
iîtottnoiejs frappces à ïlummcn,
PAR
JEAN II, SIRE DE WESEMAEL.
1415-1462.
Tous les numismales qui recueillent les monnoies du
moyen-âge ont pu faire la remarque que le nombre des
barons ou seigneurs subalternes, autres que les comtes et
les ducs, qui, en Belgique, ont exercé le droit de battre
monnoie, est comparativement beaucoup petit que celui,
qui, en France et en Allemagne, a joui de ce privilège.
Jusqu'ici on n'a pas songé à en rechercher la cause, ni à
étudier une question intéressante, non-seulement pour la
numismatique, mais encore pour l'histoire politique de
notre pays. Les bornes de cette notice ne nous permettront
pas d'examiner les motifs pour lesquels, dans quelques-
unes de nos provinces, les seigneurs ont conservé certains
droits régaliens (1), entre autres celui de frapper mon-
noie, tandis que dans d'autres, telles que la Flandre et le
Brabant, ils en furent dépouillés à une époque très-reculée.
En attendant que nous y revenions plus tard, nous allons
(1) On appelle droits régaliens ceux dont la possession constituait la
souveraineté. Tantôt ils étaient attachés aux terres mêmes , et cela de
temps immémorial , tantôt ils étaient exercés en vertu de privilèges et de
concessions. On peut consulter sur cette question : Von Beust, Sciagra-
phia jiiris monetandi, Leipzig, 1745, ia-i" , et Carrach, de Jlegali
fudendi monelam, Halla; , 174^, m-i:
1
(2)
prouver que les monnoics frappées par le sire de Wese-
mael, n'ont pas élé fabriquées au village de ce nom,
comme on l'a cru jusqu'ici.
Le savant Heylen est le premier, qui, dans son intéres-
sante dissertation sur les villes et autres endroits des Pays-
Bas , qui avaient un hôtel de monnoies aux XIV^ et XV^
siècles (1), ait parlé de celle du seigneur de Wesemael.
Deux chartes imprimées dans le recueil de Van Mieris (2),
lui en avaient révélé l'existence. Dans la première, qui
est une ordonnance de la comtesse Jacqueline , en date
du 13 novembre 1418, on assigne la même valeur aux
blancs de Jean de Wesemael qu'aux blancs de Bourgo-
gne. Les uns et les autres y sont portés à 4 gros. L'autre
pièce du 21 juillet 1421, émanée de Jean de Bavière,
mambour de Hollande, porte défense de recevoir dans
toute l'étendue de ce pays le florin de Namur et l'agnelet
de Wesemael {die Namensche gulden noch Wesemaehche
Lammekeii).
Heylen rapporte en outre qu'il avait trouvé la mention
d'écus {schilden) , de l'alloi de 14 1/2 carats, et de 69 au
marc, et que les agnelets, dont nous venons de parler,
étaient de 69 au marc. Ceci, dit-il, m'a été pleinement
confirmé par un manuscrit de M Gérard , dans lequel il
est dit encore que le même sire de Wesemael avait fait
frapper des florins du Rhin {Rhynsche guldens) de 14 1/2
carats d'alloi et de 74 pièces au marc (3).
(1) Ce mémoire est intitulé : Antwoord van den H.' Heylen op het
vi-aeystuk: Acn te toonen de steden of andere plavtsen der Nederlan-
den in de ipvlke de rcspectiere souvereynen yeldspecien hebben dnen
shiyen, yeduerende de A7F"= en XF° eeuwen. Brussd, 1787, iii-4».
Voyez p. 11, 12, 126 et 127.
(2) Grool Charterboek der Graaven van Holland, l\, 505 et 644.
(3) Il serait permis de douter que rexpression Rhynsche yuldens ne
s'applique pas aux monnaies des seigneurs de Wesemael. Heylen n'au-
rait-il pas lourundu':'
( 3)
Les recherches de ce savant lui avaient fait connaître
quatre espèces de monnoies, savoir 1" en or, les agnelets,
les écus et les florins de Rhin, 2° en argent, les blancs.
Il ignorait si toutes avaient été frappées par un ou par
plusieurs seigneurs de Wesemael.
Un autre doute que Heylen ne put éclaircir, fut celui
du lieu précis de la fabrication de ces espèces. 11 avait cru
que certains barons du Brabant et, entre autres, ceux de
Wesemael, y avaient joui du privilège de battre monnoie
nonobstant un article très-formel de la constitution de cette
province, qui s'y opposait et dont nous parlerons plus tard.
Cependant il paraît qu'il conserva quelques doutes à cet
égard, même pendant l'impression de son mémoire; car
dans la table raisonnée des matières à la fin du volume,
il s'exprime ainsi à l'article Wesemael : momioies frappées
à Wesemael, ou ailleurs, joar les seigneurs de ce lieu,
M. Lelewel, dans son savant ouvrage sur la numismati-
que du moyen-âge, a, d'après Heylen, placé le village de
Wesemael, parmi les endroits des Pays-Bas qui avaient
anciennement un hôtel de monnoies (1). La présente notice
prouvera que cette localité y figure à tort et nous aurons
peut-être ailleurs l'occasion de démontrer que telle autre
ville, telle autre seigneurie devrait également, pour diffé-
rents motifs, être rayée de la liste dressée par M. Lelewel (2).
(1) Vol. 11,296.
(2) Il est cviclent. par exemple, que jamais ou n'a frappé monnoie à
Wastines , village du Brabant wallon. M. Lelewel assigne à cette localité
les petites pièces représentées sous les N<" 35 et 36, pi. XX de son atlas.
Elles portent bastoubati. L'explication de ces lettres reste encore
une véritable énigme pour nous, et si nous n'étions embarrassés par
celles qui portent bâti, nous aurions aussi une conjecture à émettre.
Nous prendrions les quatre lettres b a s t pour les initiales des quatre
villes du Brabant, Bnurella , Antwerpia, Sylru-Ducis , Thème, qui
auraient pu frapper une monnoie commune, tandis que Louvain , la
capitale du duché, en frappait nue pour elle seule. — Ces lettres dési-
<;uent peut-être lui n«iu dlioninic ?
(M
Heylen (1) paraît n'avoir jamais vu des monnoies du
seigneur de Wesemael: par là il n'a pas été à même de nous
donner des renseignements exacts ni sur le lieu, ni sur la
date de leur fabrication. M. Lelewel lui-même (2) n'avait
rencontré qu'une pièce de billon , qui apparemment était
assez fruste , puisqu'il y avait lu moneta de kunrns. Plus
heureux que ces auteurs, nous avons trouvé, lors de la
vente du cabinet de feu M. le comte De Renesse, l'occasion
de nous procurer à peu près toutes celles qu'il possédait,
et par conséquent il nous est devenu possible de dire quel-
que chose de positif à leur égard.
Commençons par rechercher l'endroit où elles ont été
fabriquées. Nous avons vu que l'opinion commune admet-
tait que c'était à Wesemael.
Ce village situé à mi-chemin entre Louvain et Aerschol,
était autrefois une des baronnies les plus célèbres du Bra-
bant, parce que la dignité de maréchal héréditaire de ce
duché s'y trouvait attachée. Cette seigneurie avait donné
son nom à une famille qui figure dans notre histoire, dès
l'année 1 144, et qui, depuis lors, jusqu'à son extinction au
XV* siècle, augmenta toujours en richesse et en puissance.
A l'aide des ouvrages de De Vaddere et de Butkens (3),
nous aurions pu donner la liste à peu près complète des
seigneurs de Wesemael ; mais comme ce n'est pas en leur
qualité de barons du Brabant, qu'ils exercèrent le droit
de battre monnoie, et que d'ailleurs, il n'y a apparemment
qu'un seul membre de cette famille qui ait joui de cette
prérogative, cela devenait complètement inutile pour la
question que nous traitons.
(1) Du moins avant la publication de son ouvrage.
('i) Voir les Notes supplémentaires, pag. 7, fie ses Observations sur
le type, au vioyen-ùf/e, de la monnoie des Pays-Bas.
(3) De Vaddere, Traité de Voriyine des Ducs de Brabant, II. —
Butkens, Trophées du Brahanf, II, 125 cf 127.
(5 )
Malgré la haute importance de la terre de Wesemael et
le rang élevé de ceux qui la possédaient, ce serait une er-
reur de croire que quelqu'un, autre que le duc ou les
villes franches, en vertu de sa concession, ait jamais pu
exercer, en Brabant, du moins depuis le XIIP siècle,
le droit de battre monnoie. Là, comme au comté de
Flandre, les souverains avaient su de bonne heure enlever
la plupart des droits régaliens au petit nombre de leurs
grands vassaux qui s'en trouvaient en possession (1). Plus
tard, les villes franches obtinrent le privilège de faire
fabriquer la monnoie dans leurs murs. Dès lors nous voyons,
en Brabant, les villes tellement jalouses de cette pré-
rogative, qu'elles firent stipuler au prince que jamais il
n'aurait permis à qui que ce fut de frapper monnoie dans
toute l'étendue du duché, si ce n'est dans les villes et cela
sur leur avis. Cette disposition se trouve énoncée de la
manière la plus expresse dans la charte solennelle accor-
dée au Brabant, en 1313, à l'avènement de Jean III.
L'article 2 de ce pacte est ainsi conçu : on ne frappera, ?ii
fabriquera aucune monnoie ^ si ce n'est dans les villes
franches y et cela après avoir pris l'avis desdittes villes ^
ainsi que celui du pays, etc. (2).
Heylen avait connu cette clause si remarquable, et elle
l'avait embarrassé. Il l'explique, en disant qu'elle parais-
sait ne pas s'appliquer aux barons du Brabant. Cette
interprétation est tout-à-fait inexacte , et le savant acadé-
micien avait sans doute hésité lui-même à la donner.
(1) Il en fut tout autrement dans certaines parties de Belgique, telles
que le pays de Liège, le comté de Gueldre, etc., etc.
(2) Voici larticle en entier :/<e7«, datmen tioch slaen, noch maecken
en sa!, eenigh pcnninck in Brabandt, ten sy in rry steden, ende Inj
rade van onse voorz. steden, ende ons lundis, en desen penninck sal
men werderen, ende houden in goedcn poiticten by rade des roorsz.
steden, en des landts voorsz.^on- le traité dans Iooi'CH^, Pracfyke van
procedccren, I . 'à2.
( 6 )
Depuis l'année 1313, la même défense fut souvent
répétée , et il serait impossible de citer un seul seigneur
qui jamais ait fait exception à la règle générale.
C'est donc hors du Brabant qu'il faut chercher une terre
appartenant à la famille de Wesemael et à laquelle a été
attaché le droit régalien qui nous occupe. Heureusement
les monnoies que nous avons conservées, nous indiquent
clairement le lieu de leur fabrication. Elles nous appren-
nent que c'est à Rummen, village de l'ancien pays de Liège.
Rummen, Humigny , Ruminis , situé à trois quarts de
lieue de S'-Trond et à une lieue et demie de Léau , faisait
partie du comté de Loos , et formait anciennement une
seigneurie qui comprenait une étendue de quatre lieues.
Au dix-septième siècle , celte terre était encore connue
sous le nom de ville et hauteur de Ruminis.
Le jurisconsulte Robyns, qui a publié le recueil des
édits de ce comté (1) , avait déjà fait la remarque que
Rummen avait eu, au XV^ siècle, un hôtel de monnoies. Un
passage d'un recueil de privilèges de la ville de S'-Troud ,
lui avait appris celte particularité. Voici la traduction de
celte citation curieuse : le lundi avant la Chandeleur de
tannée 1419^ il a été arrêté entre les magistrats de la tille
et ceux du jiays que personne^ soit homme ou femme , ne
pourra introduire dans la ville ou la franchise la monnoie
que Von frajjpo actuellement à Maestricht , sous peine de
deux réaux et en outre la confiscation des espèces } la même
défense s'étend à la monnoie tant d'or que d'argent que
l'on fabrique à Rummen; ceux qui l' introduiraient ou la
itiettraient en circulation dans la ville ou la franchise ,
encomront la même peine (2),
(1) Statuta Lossensia, p. 170, à la suite de Mantelii historiœ Los-
sensis libri deceni.
(2) Op mactidach voor nnsser vronwen licht-dach amio 1419, is
vcrdiofjin met hecrcn l'itdc slaet dut niemant , xiychysy, vyff'oft
( 7)
Voilà un témoignage bien formel en faveur de l'existence
d'un hôtel de monnoies à Rummen, au XV^ siècle, qui vien-
drait dissiper tous les doutes , si quelqu'un pouvait en con-
server, après l'inspection des pièces gravées sur la planche
qui accompagne celte notice.
Nous faisons observer ici en passant que les monnoies
de Maestricht , dont il est également question dans le pas-
sage cité plus haut, sont celles frappées par les ducs de
Brabant , dans la seigneurie de Vroenhoven , enclavée
dans la ville prédite. Nous aurons apparemment l'occasion
de nous en occuper plus tard (1).
Mais revenons à Rummen. Nous avons dit plus haut
que cette terre était comprise dans l'ancien comté de
Loos; cependant ce ne sont pas les comtes de Loos, comme
l'a cru Robyns , mais des dynasles particuliers qui y
avaient leur hôtel de monnoies.
Louis IV, comte de Loos , donna, en 1331 , à Jeanne sa
sœur, dame de Quaetbeeck, et à Arnoul fils de cette dernière
la terre de Rummen (2). Cet Arnoul était fils de Guillaume
d'Oreille ou de Hurle. C'est donc probablement à dater de
cette époque que Rummen a dû avoir un hôtel de monnoies.
man, die moenfe oft gelt, dut men nu te Triecht sleet, in de stndt oft
vryheyt bringen en sal, op die pêne van twee realen ende 'f gelt ver-
loeren ende desgelycx van den gelde , gouwe en silvere dat men te Rum-
men sleet, en sal oeck niematit bieden, noch bringen in de stadt oft
vryeheyt op die selve pêne.
(1) Nous avons consigné dans le Messager des Arts, vol. VI p. 107, une
erreur de M. Hermand , relativement à une monnoie de Maestricht. Cet
article a été reproduit dans la Revue yumismatique, année 1838, p.457-
(2) L'acte de donation se trouve dans Mantelius. — Il parait que déjà
à une époque antérieure à l'année 1331 , Rummen avait des seigneurs
particuliers. Dans un ancien manuscrit appartenant à M. De Roovcre
de Roosemersch , de Bruxelles , à qui je dois ces renseignements , il
est dit que , Guillaume de Montferrand , seigneur d'Oreille , qui mou-
rut sans postérité, releva la dimc de Rummen, en 1313, et que celle
seigneurie aj.partenait, en 1329. à Jean de Montferrand.
( 8 )
Cet Arnoul est devenu célèbre , à cause de ses préten-
tions au comté de Loos. Voici son histoire en peu de
mots. Thierri de Heinsberg , comte de Loos , étant mort
sans enfants , Godefroi de Dalembrouck , son neveu et son
héritier, vendit ses prétentions, en 1363, à Arnoul
d'Oreille; ce seigneur descendait lui-même par sa mère,
comme nous venons de le voir, des anciens comtes de
Loos. Le chapitre de Liège, qui avait réclamé depuis plus
de trente ans le comte de Loos, comme lui étant dévolu,
faute d'héritiers directs , en revendiqua la possession.
Arnoul d'Oreille, ayant fait quelques excursions et ravagé
le pays, les Liégeois résolurent d'aller attaquer sa forte-
resse. Le siège du château de Rummen commença le 9
août 1365, et la place fut obligée de se rendre au bout de
neuf semaines. Elle fut rasée de fond en comble , et le com-
mandant, qui s'était défendu avec un courage héroïque,
eut la tète tranchée. Ce désastre ruina le parti du préten-
dant, qui, dénué de secours, fut obligé de transiger, au
bout de deux ans, avec ceux de Liège. L'évêque accorda à
Arnoul d'Oreille, ainsi qu'à Guillaume de Hamale, son
beau-frère, une rente viagère de 3000 florins, moyennant
l'abandon de tous les droits qu'ils auraient pu faire valoir
sur le pays de Loos.
Depuis lors le comté de Loos cessa d'avoir des sei-
gneurs particuliers et fut définitivement réuni à l'évèché
de Liège.
Malgré cette violente secousse , la terre de Rummen
conserva ses dynastes, qui restèrent très-puissants, puis-
que , nonobstant les démêlés d'Arnoul d'Oreille avec
ceux de Liège, ils avaient encore dans le siècle
suivant le droit de battre monnoie. Le château de
Rummen joua comme on voit un moment un rôle assez
important , et les historiens ne manquent pas de détails
sur les circonstances qui amenèrent sa destruction ;
( 9)
mais nous n'avons pu nous procurer des renseignements
complets sur le sort ultérieur de cette terre.
Nous avons dit que c'est eu faveur d'Arnoul d'Oreille
et de sa mère Jeanne, dame de Quaetbeeck et fille d'Ar-
noul VI. comte de Loos, que la terre de Rummen fui
détachée des autres possessions de la famille. Cet Arnoul
qui, depuis lors, est surtout connu sous le nom d'Arnoul
de Rummen, avait épousé une fille naturelle de Louis de
Maie, comte de Flandre, dont il n'eut pas d'enfants. Elle
mourut en 1367.
Il existe deux gros frappés par ce seigneur , qui sont
très-remarquables (1). Ils figurent sur notre planche sous
les N°' 7 et 8.
Le premier , déjà cité par M. Lelewel (2) , porte d'un
côté, autour du lion, f MONETA RUMENse*^ et au revers :
ARNO : QVC DOMNI. N'est-ce pas Arnoldi Quaetbeeck
domini? La seconde inscription est celle-ci : SIT NOME/i
Hotnim No^/RI IHesU XRIs^? BENEDICTVw.
L'autre pièce n'est pas moins intéressante. Celle-ci porte
autour du lion : t MONETA FRAN. D. — M. De Gosier, de ^
LouvaiU) qui en possède également un exemplaire dans son
riche médailler, croit pouvoir y lire MONETA FRAN.B. Sur
celui qui a servi à la gravure, les lettres, quoique bien
marquées, ne laissent pas que de se lire assez difficilement.
Au reste, quelle que soit la version que l'on adopte, nous
ne pouvons guères l'expliquer. Ces lettres se rapportent
évidemment à l'une ou l'autre terre possédée par Arnoul
de Rummen mais nous ignorons à laquelle.
(1) Ces deux pièces , ainsi que toutes celles représentées sur la plan-
che, font partie de la collection de l'auteur de cet'e notice.
(2) Observation sur le type des monnaies des Pays-Bas. Monnoic
de Liège, p. 14. — M- Lelewel a lu ki.ued'. mon exemplaire porte assez
clairement rumen, quoique les lettres m et e soient liées ensemble, comme
cela se voit encore sur d'autres pièces. Au revers . M. Lelewel a vu ovc'
au lieu do oic".
( 10 )
Au revers, il y a : APviSOM" DE RUMOI. et eusuile l'ins-
cription ordinaire : SIT: NOME/e : DotîiiM : Nos^RI : lUesV
XPhH BEmmCTYnt.
Ainsi Arnoul d'Oreille frappa monnoie en sa qualité
de seigneur de Rumraen , et en celle d'une autre localité
encore. Mais on ne pourrait guères soutenir qu'il a frappé
ces pièces vers 1363, lorsqu'il était prétendant au comté
de Loos, puisqu'on peut les faire remonter à l'année 1331,
lorsqu'il reçut, conjoinctement avec sa mère, la terre de
Rummen, ou du moins à l'époque de la mort de celte der-
nière, qui ne vécut pas long-temps après cette donation.
Nous ignorons si les successeurs immédiats d'Arnoul
frappèrent également monnoie. Sa sœur , épouse de Jean ,
sire de Hamal, porta la terre de Rummen dans celte der-
nière famille, et l'histoire fait ensuite mention d'un Gérard
Hane qui , en 1 383, fit relief de celte seigneurie à l'évêque
de Liège , Arnoul de Hornes ( I ).
Il s'agirait pour nous de savoir comment après l'exlinc-
lion de l'ancienne famille de Rummen , leur héritage a
passé à celle de Wesemael et de combler la lacune qui
existe depuis l'année 1367 jusqu'à l'année 1417 environ.
Nous aurions désiré, dans l'intérêt delà numismatique, de
donner une liste complète des seigneurs de Rummen , qui
tous peuvent avoir frappé monnoie, mais nous n'y avons
pas réussi, toutes nos recherches à cet égard ayant été
infructueuses.
Laissons donc le soin de remplir celle lacune à ceux qui
sont plus versés que nous dans l'histoire généalogique de
noire pays et passons directement à la famille de Wesemael.
Bulkens nous assure que c'est Jean II de Wesemael qui
acquit la terre de Rummen, mais il nous laisse ignorer
s'il hérita ou s'il acheta celle seigneurie. L'autorité de
(1) Délices du pays dr Licjr, \. W. \). 225, cl Ma/i(clins.
( H )
Bulkcns est ici du plus grand poids, d'autant plus qu'au-
cun témoignage historique ne vient la contredire, et que
d'ailleurs Jean II est le seul dans sa famille qui semble
avoir porté le titre de seigneur de Rummen.
Nous verrons plus tard pour quels motifs le comte de
De Renesse, dans son catalogue, avait attribué quelques
pièces à Jean I et les autres à Jean IL
Voici quelques particularités relatives à ces deux sei-
gneurs.
Jean I de Wesemael, père de celui dont nous nous oc-
cupons principalement, avait été d'abord chanoine d'U-
trecht, puis il devint seigneur de Wesemael, Westerloo,
Falais, etc.; avoué de Duffel, maréchal de Brabant, etc. II
mourut en 1417, en laissant un fils unique , qui est
Jean II, dit Mejonker Jan , sire de Wesemael, de Wes-
terloo, Falais, Fleron, avoué de Duffel, maréchal de
Brabant II acquit le pays de Malines, Anderstat, Rum-
men. Il avait épousé Jeanne de Bouchout, vicomtesse de
Bruxelles (1).
Quand ce seigneur succéda à son père, en 1417, il
devait avoir atteint depuis quelques années sa majorité;
car, déjà en 1415, il figure sous le titre de Joatines , filius
de Wesemael , conjointement avec son père dans l'acte
d'union, contracté entre les Brabançons et les Lirabour-
geois. Cette circonstance a pour nous une certaine impor-
tance, car elle sert à expliquer la différence des armoi-
ries que nous remarquons sur les monnoies de Jean, et
doit faire croire que ce seigneur était déjà en possession
de la terre de Rummen avant de succéder à son père.
Jean II mourut en 1464 (2). Il était le dernier de sa
famille. Son testament passé à Louvain, en 1462, nous a été
(1) Outre les auteurs déjà eifés, on peut voir : Hiildenbcrtjhe, Geboortc-
linie dcr hecren van Mecheleii. p. 21.
(2) Le Guide fidèle de Louvain.
( 12)
conservé (1). Dans celle pièce remarquable , il s'inlilule :
Noble et puissant , seigneur temporel de Wesemael et de
Phalais, de la terre de Malines, elc, maréchal héréditaire
du pays de Brahant (2). Par cet acte, il inslitue pour son
hérilier le duc Charles-le-Téméraire, de sorle que la sei-
gneurie de Wesemael, ainsi que la plus grande partie de
ses possessions , passèrent à la maison de Bourgogne. Quel-
ques autres terres, qu'il ne possédait qu'en emphyléose ,
retournèrent à d'autres familles. Celle de Rummen fut ap-
paremment du nombre.
Nous ferons remarquer en passant qu'un seigneur qui
se plaisait à prendre des titres aussi solennels, a dû user
largement des droits attachés à ses terres. Cela explique la
grande variété des monnoies qu'il fit frapper.
Les monnoies de Jean II de Wesemael sont devenues
aujourd'hui d'une rareté excessive. Je n'en ai rencontré
ni en or, ni en argent, dans aucun des cabinets de Bel-
gique que j'ai eu l'occasion de voir. Le cuivre même
manque à un grand nombre de collections , quoiqu'il
devrait être beaucoup plus abondant, parce qu'il avait une
circulation plus générale qui n'était pas défendue par des
ordonnances, comme celle des espèces d'or et d'argent.
Le cabinet de feu M. le comte De Reuesse offrait une
série des monnoies de Wesemael, composée de trois pièces
d'argent et de sept de cuivre. J'ai fait, lors de la vente,
l'acquisition de ces pièces, à l'exception d'une seule en
argent et d'une en cuivre, qui n'ont pas été retrouvées.
Depuis j'ai rencontré encore quelques pièces en cuivre.
Remarquons ici en passant que c'est d'après un système
vicieux et qui ne peut pas être suivi par les numismates
(1) Mirœi, Oj). diiil., I, 458.
(2) Nobilis et paient Joannes, dominus tempo ralis de Wesemale ,
(h: Phalnis et ti'rrœ Mcchliniensis. etc. , murescakiis h ère di tari us in
]ia(ria Bnibaittid'.
( 13 )
belges, que dans le catalogue de feu le comte De Renessc,
les monnoies des seigneurs de Wesemael , ainsi que celles
de Batenbourg , de Berg ('s Heerenberg) , de Brederode , de
Herstal , de Loos , de Reckhem , etc. , etc. , ont été enle-
vées aux Pays-Bas pour être classées sous la rubrique :
princes, ducs, comtes et seigneurs d' Allemagne. S'il fallait
retrancher de notre pays toutes les provinces qui , au
moyen-àge, relevaient directement ou indirectement de
l'empire, il ne resterait que le comté d'Artois et celui de
Flandre (la Flandre impériale exceptée , dont Alost était la
capitale et qui comprenait jusqu'à l'abbaye de S'-Bavon,
enclavée aujourd'hui dans la ville de Gand, et une partie
de cette ville même).
Venons maintenant à l'énuméralion de toutes les pièces
de Jean de Wesemael, tant de celles qui nous sont connues
par les citations de Heylen , que de celles que nous possé-
dons en nature.
Nos remarques sur les difiFérentes pièces exposeront les
motifs qui nous les ont fait attribuer toutes à Jean II,
contrairement à l'opinion de M. De Renesse.
En or :
L'extrait du livre aux privilèges de la ville de S^-Trond ,
rapporté plus haut , nous apprend qu'on frappait des
monnoies d'or à Rummen, en 1419, mais il nous laisse
ignorer les espèces.
Voici celles que nous connaissons:
I. Les agnelets.
II en est fait mention dans l'ordonnance de Jean de
Bavière, en date du 21 juillet 1421, pubbée par Mieris.
Ils étaient de 96 au marc.
II. Les écus {Schilden).
D'après le témoignage de Heylen, ils étaient de l'alloi
de 14 1/2 carats et de 69 au marc.
III. Les florins du Rliin {Rhynsche guldens).
( 14 )
De 1 4 1/2 carats d'alloi , de 74 pièces au marc.
C'est encore d'après Heylen que nous citons cette espèce.
Donnait-on quelque fois ce nom aux pièces seigneuriales
frappées sur le pied des florins du Rhin, ou bien le savant
académicien s'est-il trompé? C'est ce que nous ignorons.
Jusqu'ici on n'a pas retrouvé les monnoies d'or; venons
à celles d'argent.
IV. Les blancs {blanke?i).
Il en est fait mention dans l'ordonnance de la comtesse
Jacqueline, du 13 novembre 1418, que nous avons citée
plus haut.
Nous possédons un exemplaire de cette monnoie qui
figure sur la planche qui accompagne cet article, sous
leNM.
Ce blanc porte d'un côté Finscription : -J-IOHANneS : DE :
WESEMA/e : DomifwS : KVM?uetiy et au milieu les armoiries
de Wesemael, offrant, en langage héraldique, un écu de
gueules à 3 fleurs de lys , au pied posé d'argent , timbré
d'wi cercle d'or. L'écusson est surmonté de trois lambels.
La présence de ces lambels, qui ne se remarquent pas
sur toutes les monnoies, nous porte à croire que celles sur
lesquelles ils se trouvent ont été frappées avant la mort
de Jean I, c'est-à-dire, avant 1417. Le fils, qui en effet
s'intitule ici simplement Jean de Wesemael, et non Jean
seigneur de Wesemael, devait distinguer ses armoiries de
celles de son père.
Au revers , on lit : [ SIT : NOMEw : DoweNl : BENEDIC-
TVwî , et dans le champ, il y a une croix, cantonnée de
deux couronnes et de deux fleurs de lys.
L'ordonnance de la comtesse Jacqueline, du 13 novem-
bre 1418, ne fait mention que de cette seule pièce en ar-
gent ; cela prouve déjà, en quelque sorte, que les deux
monnoies qui suivent sont d'une date p'.us récente.
On est frappé de la ressemblance (]u'oîfre celle pièce
( 1-^ )
avec les blancs français , du roi Charles VI (1380-1422).
Le revers est toul-à-fait le même, et à l'avers, il n'y a que
les lambels, le cercle autour de l'écusson et l'inscriplion
qui constituent la différence.
C'est évidemment à dessein que le seigneur de Wesemael
a imité d'une manière aussi servile le type français, afin
que sa monnoie fut confondue avec la monnoie royale et
eut cours au même taux.
Jean-sans-Peur (1405-1419) frappa aussi en Bourgogne
des blancs à peu près pareils.
Le poids du blanc de Wesemael est de 2 gr. 8 milL, et
équivaut à celui des blancs français. Le titre de l'argent est
peut-être un peu inférieur.
V. Les kromsteerten.
Sous le N" 3 de notre planche, est représentée une de ces
pièces qui, chez nous, sont assez généralement connues sous
le nom de kro7iisteerten (Lions à la queue recourbée).
A l'avers , on lit : f lOHawraeS : Viotni^v^ : DE : WES-
MALE : Z : VRALais (1). Au milieu : lion debout, avec
écusson écartelé de Wesemael et d'une autre seigneurie.
Au revers : f MOnETa. NOVA ROM ANORVM : et au milieu
une croix pâtée, cantonnée des lettres : F A L S, qu'il faut
interpréter par Falais , ou Falesimn.
Falais, Fallais ou Phalais, dont il s'agit ici, est une com-
mune du pays de Liège, située sur la Méhaigne. Elle avait
autrefois un château fortifié et entouré par l'eau de cette
rivière. Guillaume I, seigneur de Wesemael, avait épousé,
en 1325, Jeanne, dame de Falais ; c'est sans doute lui qui
porta celle terre dans sa famille.
Cette pièce a été frappée après la mort du père de Jean II
(1417) , puisque celui-ci y prend les litres de seigneur de
Wesemael et de Falais, taudis que sur le blanc il s'intitule
(1) On sait que le signe Z équivaut sur les anciennes monnoics à ET,
et la lettre Z traversée d'une barre ^i ETC.
( 16 )
simplement Jean de Wesemael. On remarquera également
l'iibsence des lambels et les mots moneta nova, qui prou-
vent que ce n'est pas sa première monnoie.
L'expression moneta nova Romanorvm, pour moneta nova
rumensis , est assez curieuse. On croyait sans doute, au
XV siècle, que le château de Rummeu devait son origine
aux Romains. Des traditions pareilles sont attachées à un
assez grand nombre de localités de notre pays.
Le poids de cette pièce, qui n'est plus à fleur de coin, est
de 3 grammes 993 millièmes , c'est-à-dire précisément
celui d'un Kromsteert de Flandre , qui a un peu souffert.
Le titre de l'argent ne paraît pas tout-à-fait aussi bon.
Le type de cette pièce appartient évidemment à la Bel-
gique. Nous le trouvons dans nos différentes provinces. En
Flandre, sous Jean-sans-Peur (1405-1419): sous Philippc-
le-Bon avant qu'il eut hérité le duché de Brabant (1419-
1430) , Duhij , pi. LIV, n° 6. — En Brabant, sous Philippe
deS»-Pol (1427-1430). —En Hollande, sous Jacqueline et
Philippe-le-Bon (vers 1428). Alkemade , pi. XXXI, n"' 1
et 2 , et Duby , pi. LVI , n° 7 et 8. — A Liège , sous Jean de
Heinsberg, (1415-1456). De Renesse ,\A. XI , n° 3 (1).
Jean de Wesemael, qui avait d'abord imité le type
français, copia plus tard un genre de monnoie très-connu
en Belgique.
hes Kro7nsteerten avaient, si nous ne nous trompons, la
valeur d'un double gros.
VI. Les de?ni-kromsteerten.
Nous n'avons trouvé aucune mention de ces pièces ,
mais de l'existence des kromsteerten ou doubles gros, on
peut conclure à celle du 1/2 kromsteert , ou simple gros.
(1) La plupart de ces pièces font partie de notre collection ; nous ferons
connaître sous peu celles de Philippe de S'-Pol , duc de Brabant, qu'
sont inédites et d'une très-grande rareté. Le catalogue de Leclcrcqz
attribue par erreur un de ces gros à Pliilippe-le-Bon, sous ic N° 40 p. 114-
( 17 )
VIL Une monnoie ainsi décrite au catalogue du comte
De Renesse : à l'avers , f lOHS : DNS : DE : WESMALE : Z :
PHAL, Ecusson à trois fleurs de lys.
Au revers , | MOET— A : NOVA : — ROMAN— OR VM.
Croix cantonnée de F A L E,
Celte pièce ne s'est pas retrouvée lors de la vente de ce
cabinet, j'ignore ce qu'elle est devenue.
Elle s'explique suffisamment par tout ce que nous avons
dit sur notre n° V.
L'avers est sans doute semblable à celui du n" 1 de notre
planche , mais avec absence de lambels ; et le revers, à
celui du n° 3.
Venons maintenant au cuivre, qui sans être aussi rare
que l'or et l'argent, n'est cependant pas commun.
VIIL A l'avers : f lOHANwer DE- WESEMA/e. Ecusson
à fleurs de lys , chargé de trois lambels.
Au revers : f MONETA- DE- RVMMEw. Au milieu , croix
palée.
Cette pièce figure sous le n° 2 de notre planche.
On y reconnait facilement une imitation de la monnoie
des rois de France.
Une variété indiquée au catalogue de De Renesse, et que
je possède, porte WESEMAL, au lieu de WESEiVEA. Elle est
d'ailleurs d'une mauvaise conservation.
IX. t lOHANwes- DE- WESEMA/e. Ecusson à trois fleurs
de lys, mais sans lambels.
Au revers, f MONETA DE RVMME/i , croix pâtée.
Cette pièce figure sur la planche sous le N° 4. Elle ne
diffère du N" 2 que par l'absence des lambels. Elle est donc
d'une date postérieure et a été frappée après la mort de Jean L
On pourrait objecter que cette pièce porte simplement
Johannes de lFese?nael, au lieu de Johannes dominus de
TVesemael, comme cela se voit sur les autres. Mais on se
rappelcra qu'en général on ne tenait pas à exprimer les
2
( IB )
litres d'une manière solennelle sur la monnoie de cuivre,
comme sur celle d'or et d'argent.
J'ai remarqué que le cuivre de Wesemael, avec l'écusson
à lambels, est presque toujours moins bien conservé que
l'autre. Est-ce l'effet du hasard? ou est-ce, comme je le
pense , parce que réellement il est plus ancien?
X. Une pièce ainsi décrite au catalogue de De Renesse :
f lOH- DE WESMA... Armes à cinq quarts.
Revers : MON— ETA D— E RV... Croix avec lion.
Elle n'a pas été retrouvée lors de la vente.
XL A l'avers : f lOHANwes- DominuS- DE- WESEMA/e.
Armes à cinq quarts.
Revers : MONETA : NOVA : DE : RVMEw. Croix cléchée et
pâtée avec une fleur de lys au milieu.
Voyez le N° 5 de la planche.
J'en possède une variété, qui parait tout-à-fait semblable
à celle que je viens de décrire , si ce n'est que la fleur de
lys du milieu de la croix s'y trouve remplacée par la lettre
S. Cette pièce est malheureusement assez fruste pour le reste.
Sur une autre variété, il y a à l'avers : .... DE- WESE-
MALE, et au revers : MONETA- NOVA- DE- RVM. (1)
XII. A l'avers : ... HAN. DE. WES... Les armoiries à cinq
quarts.
Au revers, croix pâtée traversant toute l'inscription. Par
là elle diffère essentiellement des autres. Au milieu de la
croix la fleur de lys.
Cette pièce étant malheureusement très-fruste , il n'est
resté de l'inscription que les lettres D BE.
Jean de Wesemael imita pour les N°' XI et XII le cuivre
de Philippe-le-Bon.
Voilà toutes les monnoies de Jean II de Wesemael que
je suis parvenu à connaître.
(1) J'ai présumé que c'est celle indiquée an catalogue de De Renesse,
sous le n« 27952: mais où le mot ^0VA parait avoir (Hé oublié.
( 19 )
Le comte De Renesse ne possédait que des exemplaires
assez mal conservés des N"' X à Xll, y compris les variétés.
Il a énuméré dans son catalogue quelques légères variétés
de ces pièces; mais, avec la meilleure volonté du monde,
nous n'avons pas toujours pu retrouver les lettres qu'il y
avait lues.
Il a attribué à Jean I les pièces indiquées par nous,
sous les n"' IV, V, VII et VIII, et n'avait donné à Jean II
que les n°' XI et XII , avec des variétés de peu d'impor-
tance (1). Il paraît qu'il n'avait voulu laisser en général à
ce dernier que les cuivres, à l'écusson à 5 cinq quarts.
C'est donc la différence des armoiries qui paraît l'avoir
induit en erreur.
Jean de Wesemael frappa des monnoies avant et après
la mort de son père, arrivée en 1417; cela explique la
différence des armoiries. Les n°' 1 et 2 de notre planche
sont de la première époque.
Il imitait alors le type français , que Ton trouve encore
à la vérité sur le n° 4 , postérieur à la mort de Jean I ,
mais la conservation momentanée de l'ancien système se
(1) Voici l'ordre exact dans lequel les numéros du catalogue de
De Renesse correspondent avec ceux de notre notice et ceux de la
planche qui l'accompagne.
Jean I.
N» 27944 du catalogue, à notre N» IV. Planche N° 1.
27945 « » VII. » —
27946 » » V. » 3.
27947 » » rX- » 4-
27948 Variété de IX. » —
Jean II.
27949 du catalogue , à notre N" X. » —
27950 » » XI. » 5-
27952 Variété de XI. » —
27953 Autre variété de XI. » —
Je n'ai pu reconnaître le N» 27951. Le» N»' 2 et 6 de notre planche
ne faisaient pas partiede sa'collection.
( 20 )
comprend pour le cuivre, auquel on attachait moins d'im-
portance. D'ailleurs il était déjà essentiellement modifié
par la suppression des lambels.
C'est après la mort du père, et sans doute vers 1430,
qu'il adopta un nouveau type où il déploie tous ses titres.
Alors il copia la monnoie de Philippe-le-Bon, qui était
devenu duc de Brabant, et par conséquent son maître, et
dont la puissance égalait pour lors celle du roi de France.
Nous avons énuméré jusqu'à douze monnoies diffé-
rentes de Jean II de Wesemael, non compris quelques
variétés de cuivre de peu d'importance, mais nous n'avons
pas été assez heureux pour les rencontrer toutes. D'autres
y réussiront, et ils trouveront sans doute encore des pièces
nouvelles, car un seigneur aussi puissant que l'était Jean
II de Wesemael , un seigneur qui tenait tant à étaler des
titres pompeux et à imiter le roi de France et le duc de
Bourgogne, doit n'avoir rien négligé pour la fabrication
de sa monnoie et avoir fait frapper un système plus com-
plet encore que celui que nous connaissons.
Résumons ici en peu de mots le résultat de nos recher-
ches. Voici ce qu'elles nous ont appris :
Que le village de Wesemael, près de Louvain, figure à^
tort parmi les endroits qui autrefois avaient un hôtel de
monnoies, puisque cette localité, en vertu de l'ancienne
constitution du Brabant , ne pouvait pas en avoir.
Que le seigneur de Wesemael fabriquait sa monnoie au
château de Rummen, dans l'ancien comté de Loos, où
déjà dans le siècle précédent, Arnoul d'Oreille avait exercé
la même prérogative.
Et qu'enfin il n'y a que Jean II de Wesemael qui ait
pu frapper monnoie à Rummen, puisque d'après le témoi-
gnage de Butkens, que rien ne vient contredire, c'est lui
qui le premier acquit celte seigneurie.
C. P. Serrure.
( 21 )
ÎOe la Ipetnturc tn vtxxc.
Dans un numéro du journal \ Emancipation, du 1 1
juillet 1838, on annonçait qu'il est question de refaire à
S^^-Gudule, à Bruxelles, plusieurs vitraux peints, et l'au-
teur de l'article proposait pour l'un des sujets à traiter,
la copie de la Descente de Croix , de Rubens.
Nous applaudissons à une pensée qui tend à faire re-
fleurir une branche importante des arts dans notre pays,
et à y fonder, peut-être, une industrie productive, en
même temps que cette industrie contribuerait à embellir
nos plus beaux monuments de l'architecture fleurie des
X1I1« et XIV siècles. Depuis trop long-temps on semble
avoir pris à tâche de cacher les fûts élancés et la mysté-
rieuse ogive de nos églises, sous les capricieux rinceaux
d'un style reproduit par la mode, et donnant pour soutien
au code des institutions plébéiennes, le tabouret vermoulu
de l'œil-de-bœuf de Versailles, Comme si l'on pouvait ja-
mais avoir honte de ces monuments religieux, dont les
formes emblématiques nous reportent, par un enchaîne-
ment d'idées non interrompues, à l'origine du culte chré-
tien, et qui, du sol où nous prions, nous ramènent aux
temps les plus heureux du christianisme. D'ailleurs les
cendres de ses aïeux , sur lesquelles le clirélien est age-
nouillé, ne lui commandent-elles pas le recueillement,
comme tout ce qui l'entoure rappelle en lui l'enthousiasme
( ^2)
religieux qui anima ses ancêtres, et l'esprit de prière dont
s'enveloppe tout homme cherchant Dieu. Sous ces voûtes
d'où le génie normand fait descendre de si riches stalac-
tites, le peuple ne va pas admirer avec quel art le sculp-
teur a fouillé un bouquet de houx; mais en élevant ses
regards vers ces piliers qu'on ne saurait toiser qu'avec le
pin élevé des forêts, il comprend que la terre n'est pour
lui qu'une habitation passagère, il est involontairement
saisi d'un sentiment poétique , qu'il doit à l'aspect de ces
lieux pleins de grandeur et de majesté; car le soin impé-
rieux de son existence de chaque jour, ne lui permet pas
d'aller puiser ailleurs ces sentiments tout à la fois poétiques
et religieux qu'il éprouve. On se donne tant de peine pour
l'arracher à des habitudes grossières : ce livre de Dieu
mis entre ses mains, serait bien plus efficace que nos règle-
ments de police et toutes nos institutions philantropiques,
qui parlent au soldat le langage de la peur, et cherchent
vainement à frapper de crainte le prolétaire qui tient
dans sa main calleuse, sa fortune du lendemain. Mais ce
n'est pas impunément qu'on va tronquer le type de ce
grand style de bâtisse : il n'est point indifférent que les
parties de ces palais où les Titans eussent été à l'étroit ,
soient complètes, n'importe en quelle marqueterie; la
vaste nef de l'église de Strasbourg , une plaine immense
que borde un large fleuve, les Alpes brumeuses vues au
détour de quelque vieille ville, produisent des effets d'une
beauté sublime, comme tout ce qui est grand par sa masse,
son uniformité, l'harmonie de ses proportions, la magie
de ses effets de lumière; détruisez cette unité, jetez dans
tout cela un cahos de détails incohérents , vous n'aurez
qu'un imbroglio fatiguant , bon à amuser les enfants qu'on
mène voir l'élable de Bethléem en cire. Et cependant le
sentiment du beau s'est à tel point égaré, que la richesse
de la demeure du Roi des Rois a fini par ressembler à
( 23)
l'étalage d'un brocanteur. Des hautes verreries , ont dis-
paru ces figures gigantesques d'empereurs et de princes
empourprés , de saints et de chevaliers , couverts de rubis
et de lapis , et auxquels les siècles avaient commis la garde
de leur œuvre impérissable. A leur place, le vide, vide
effrayant pour l'œil le moins exercé à apprécier la force
d'un cube de pierres, à travers lequel une lumière irritante
semble accuser la vanité de l'homme, qui veut tout voir
à nu (1).
Sans doute une manie qui aujourd'hui fait rechercher
tout ce qui est vieux , a , en partie , donné naissance au
zèle de restauration qui croit pouvoir s'écarter enfin de la
règle qu'on s'était imposée du jour où l'on commença à
effacer le coup de marteau de l'Iconoclaste du XVP siècle,
pour perpétuer de génération en génération les barbares
ajustements d'alors. Espérons que, venant en aide à un goût
mieux raisonné, on ne verra plus le Saint des Saints drapé
comme une alcôve , lors même qu'on trouvera ailleurs des
cabinets de jeu ressemblant aux baptistères du moyen-âge,
et des boutiques de confiseurs et de bonbons, près desquel-
les on se croirait dans la cour des lions de Grenade. On
comprendra un jour que la nef d'une église, étant faite
pour contenir l'autel, il faut nécessairement que celui-ci
participe au caractère du vaisseau dans lequel il se trouve,
et qu'on ne peut considérer comme un meuble cet écha-
faudage de colonnes, qui du sol montent jusqu'à la clef des
voûtes.
La pensée de remplacer par du verre teint les vitraux
incolores , rendra à chaque bâtiment la quantité de
lumière calculée lors de sa construction. Les plus ancien-
nes églises, du style roman, ne présentent que de très-
(1) La fatigue qu'on éprouve dans certaines églises, depuis qu'il n'y a
que du verre blanc aux fenêtres, est telle , qu'il y en a , comme S'-Roch
à Paris, où Ion a été obligé de placer des rideaux d'étoffe partout.
.( 24 )
petites ouvertures; mais dès que les vides devinrent plus
grands que les pleins des murs de clôture, il fallut songer
à ménager le jour, et on employa le verre de couleur;
cette combinaison tient donc essentiellement aux plans de
l'architecte, et il est aussi important de ne pas s'en écarter
que de relever un mur sur son alignement primitif.
Ce projet nous mène à l'examen de cette question :
Qu'y a-l-il de vrai dans le préjugé que l'art de peindre en
verre (l) a été perdu; cet art est-il compris comme il doit
l'être, par ceux qui prétendent l'avoir ressuscité; peut-on
espérer de voir renaître l'école du maître verrier, et l'idée
de substituer à des cartons faits exprès pour lui des
tableaux peints à l'huile est-elle bonne à suivre?
L'opinion que la peinture en verre se perdait, remonte
déjà fort haut, et l'un de ceux qui l'accréditèrent, fut un
certain Guillaume Trompe , d'Utrecht , qui répara les
vitraux à Gouda, après l'ouragan de 1581 (2). Cependant
on n'a point cessé de connaître la nature du verre dont on
s'est anciennement servi ; on n'a jamais ignoré les matières
colorantes qui se mêlent à cette composition, ni par quels
procédés on les y fait pénétrer. Plusieurs ouvrages décri-
vent minutieusement les procédés à suivre : ceux d'An-
toine Neri, Ars vitraria firenze , 1612 ; du célèbre chi-
miste Hurkel, 1679, tous deux traduits par le baron
d'Holbach (Paris, 1752); les écrits d'Hundigner de Blan-
court, imprimés en 1697; ceux de Pierre Le Vieil, écrits
en 1731 , d'autant plus curieux que sa famille exerçait
depuis près de deux siècles l'art de peindre en y^vvç. ( son
fils les publia en 1772); le Journal économique de mars
1787, et un article inséré dans la Gazette d'Utrecht , en
(1) En employant le terme de jtciniure en verre , nons suivons
l'exemple de M. Brogniart qui a publié sur la matière d'intéressants
mémoires, lus à llnstitut de France.
(2) Fiorillo ; t. 2 , pag. 483.
(25 )
1773; les ouvrages du savant Langlois, du Pont de l'Arche,
réimprimés tout dernièrement à Rouen; enfin les articles
de l'Encyclopédie, et un mémoire lu à l'Institut de France ,
le 17 mars 1802, par M. Brogniart, sont les preuves écri-
tes de procédés prélenduement perdus , qui remontent
jusqu'à l'époque où ils étaient connus par une pratique
constante. Au temps de Neri, il n'y avait pas un siècle
qu'avaient été peints les vitraux de Gouda, réputés les
plus beaux du monde (1); la chapelle de la Vierge à
S"'-Gudule, à Bruxelles, ne fut achevée qu'en 1653 (2).
Van Diepenbeek, mort seulement en 1675 (3), était aussi
peintre en verre ; nous avons vu des armoiries, avec la date
de 1 709 , dont les couleurs étaient aussi belles que celles
d'aucuns vitraux anciens. Du vivant de Pierre Le Vieil , qui
écrivit en 1731 , il y avait encore un peintre verrier à
Paris : il paraît cependant que cet art était alors arrivé ,
sur le continent du moins, à son plus infime degré d'abaisse-
ment, et vers celle époque, on ne fabriquait plus, ni en
France , ni en Allemagne , de verre propre à la peinture
en verre , ni teint en masse. Cependant en Angleterre ,
William Peckil et Robert Scolt Godfrey offrirent encore ,
en 1768, des ouvrages qui furent admirés; vers le
même temps, on plaça à Oxford des vitraux dont on
vantait la beauté. Cependant , en général , cette peinture
n'offrait plus que des tons fades et monotones, qu'on étalait
sur du verre incolore, et dont on peut voir des échantil-
lons au Musée céramique de la fabrique de porcelaine , à
Versailles.
Il y eut donc interruption réelle d'environ trois quarts
de siècle dans la fabrique des maîtres en verrerie; il n'en
(1) Les peintures des fenêtres de léglise de Gouda , gravées par
Boëtius , 1736.
(2) Sanderus.
(3) Fiorillo , t. 3 , pag. 24.
( 26 )
existait plus: il fallait rechercher leurs procédés dans les
ouvrages qu'ils avaient laissés. En 180-4j un nommé Michel
Frank, de Nuremberg, peignit sur verre des armoiries, puis
des paysages, des sujets mythologiques; mais ce fut la res-
tauration des vitraux de Ratisbonne, commencée en 1821,
qui ramena entièrement la peinture en verre à son but
primitif. Ceux qui s'en étaient occupés dans les temps
modernes, avaient surtout voulu peindre de petits sujets,
employer plusieurs couleurs sur le même panneau , pour
éviter les plombs , dont l'effet paraissait peu agréable, sans
cependant recourir aux émaux dont nous parlerons plus
tard ; on voulut aussi introduire dans cette peinture des
nuances inconnues aux anciens ; ce qu'on fit de plus
remarquable en ce genre , furent les glaces peintes , expo-
sées en France en 1829. Cependant les nouveaux vitraux,
pour avoir voulu être supérieurs aux anciens, n'en présen-
taient pas l'éclat éblouissant; on restait d'accord qu'il y
avait telles couleurs, les rouges, les verts entre autres, qu'on
ne pouvait plus faire aussi belles qu'autrefois : les théories
étant parfaitement connues, on comprit toute l'impor-
tance de la pratique, dans laquelle nous sommes restés
inférieurs jusqu'ici. Presque dans tous les pays, se sont
alors formés quelques artistes qui , faute de connaître ce
qui avait été écrit et les essais tentés autour d'eux, ont cru
avoir retrouvé un secret perdu, tandis qu'ils n'avaient que
repris des travaux assez long-temps suspendus pour que
la tradition des ateliers se soit entièrement éteinte. Cepen-
dant on a fait depuis à Sèvres et en Bavière, ainsi qu'en
Suisse , de magnifiques vitraux avec les procédés des
anciens et qui laissent peu de chose à désirer ; quelques
échantillons non moins beaux sont dûs à des artistes isolés,
et sans contredit, une des productions les plus remarqua-
bles en ce genre, est la copie d'une ancienne verrerie par
M. Dony , exposée au salon de Gand de cette année (1838).
( 27)
Rien de plus simple que la manière de procéder pour
faire un tableau à l'huile; dès qu'il s'agit d'en transporter le
sujet en verre, le travail se complique singulièrement (1).
Il faut un verre composé tout exprès, qui ait la dureté
nécessaire pour pouvoir être exposé au feu de moufle,
sans se gondoler : l'art de le teindre en masse demande
des connaissances en chimie toutes particulières; il faut
encore une grande pratique pour la fabrication des oxides
métalliques colorants et pour les faire pénétrer dans les pan-
neaux de verre. Quelques mots sur la marche tenue par les
peintres verriers, ne seront pas inutiles pour faire com-
prendre en quoi consiste leur art, à ceux qui n'ont pas fait
de cet art une étude spéciale et auxquels nous voulons
prouver avec quelle facilité on peut le ressusciter.
La matière vitrée était connue des anciens ; ils en fai-
saient des vases de diverses formes, que nous avons trou-
vés dans les tombeaux, et qu'on voit dans presque tous les
cabinets d'antiquités romaines. S'-Jérôme en parle comme
étant employée en carreaux , dans les fenêtres , déjà à la fin
du IIP siècle , fenestrœ quœ vitro in tenues laminas fuso
obductœ erant. Il en est ensuite question dans S'-Grégoire
de Tours (2) ; les fenêtres de S'-Germain le Rond , aujour-
d'hui S'-Germain l'Auxerrois à Paris, que brisèrent les
Normands en faisant le siège de cette ville, étaient garnies
de verre , suivant la Chronique d'Abbon ; le pape Léon III ,
qui couronna Charlemagne à Rome , employa le verre
dans la construction de S'-Jean de Lalran (3). Vasari nous
dit que dans l'origine il était en forme d'yeux , le finestre si
facevaro in principio d' occhi bianchi^ e con argoli bianchi^
(1) C'est précisément à cause de cela que nous avons adopté , pour
signifier la peinture ou la couleur pénétrée dans le verre , des termes
qui ne peuvent convenir qu'à elle seule.
(2) De Gloria Martirum , I. I, c. 59.
(3) Anast. in Vit. Léon. III.
(28)
0 por colorati. Celle sorte d'assemblage de morceaux circu-
laires se trouve représentée dans beaucoup de tableaux du
XV^ siècle : à Bruges , dans celui de Jean Van Eyck , et nous
ne serions pas surpris d'en voir encore dans quelque vieille
bâtisse. Les fenêtres supérieures de l'église de Bourges sont
encore à compartiments circulaires ; dans le milieu est un
morceau de verre coloré. Les Italiens connaissaient très-
anciennement le verre de couleur, qu'ils employaient
pour la fabrication de la mosaïque. Au Vil" siècle , l'art
de teindre le verre passa en France, d'où il s'introduisit
en Angleterre ; il dût aussi de bonne heure pénétrer dans
le midi de l'Allemagne, où nous avons des preuves qu'il
fut employé plus d'un siècle avant que nous le voyons
dans les monuments du nord. S'-Willefrid fit venir de
France le verre qu'il employa à l'église de S'-Paulin
d'York , et les missionnaires anglais qui convertirent le
nord de la Germanie et la Frise, y importèrent sans doute,
avec le culte nouveau , les arts qui pouvaient les aider à
frapper l'imagination de ces peuples grossiers, pour y faire
pénétrer quelques vérités ; les effets magiques du verre co-
loré ne pouvaient être oubliés par ceux qui construisirent
les premières églises chrétiennes. Long-temps on se contenta
des assemblages qui représentaient une sorte de mosaïque
de diverses couleurs unies, sans songer à tracer sur ce verre
aucun dessin au moyen d'une couleur qui fil corps avec
le fond sur lequel elle était appliquée.
Le monument le plus ancien où il soit parlé de la pein-
ture en verre, est une lettre de l'abbé Gosbert de Tengersee
en Bavière, 983 à 1001 (1); les moines furent les pre-
miers peintres verriers, comme ils étaient aussi les plus
habiles artistes dont nous admirons les ouvrages dans les
(1) Pes anccd. 1. 6, et la plupart des auteurs qui ont traité de l'art
de peindre sur verre.
(29 )
manuscrits (1). Si les Allemands furent des premiers à
s'exercer dans cet art nouveau, dont les productions exci-
taient l'admiration , ils furent ensuite dépassés par les
Français et les Flamands, in questi arte hanno lavorato i
Francesi et i Fla7ninghi, dit Vasari. Les plus anciens mo-
numents qui nous soient restés de verres colorés et peints,
sont les vitraux de S'-Denis, du XIP siècle; ce sont de
simples contours, tracés avec une couleur noirâtre , qu'on
faisait imparfaitement pénétrer dans le verre en chauffant
celui-ci sur un lit de chaux; méthode vicieuse en ce que la
chaux absorbe une partie des sels du fondant , mêlé à la
couleur (2). Cependant Le Vieil parle encore de ce procédé ,
dont on m'a fait remarquer le défaut à la fabrique de
Sèvres même; l'action du temps vient ensuite ajouter son
effet à cette cause première de destruction, et il y a de ces
vitraux dont la couleur se dissolvait à l'eau; il y en a
même que j'ai entièrement dénaturés avec de l'acide
hydrocloronilrique, à 26 degrés. Jusqu'au XIV* siècle,
l'art fit peu de progrès, et le procédé technique resta le
même. Les verres de cette époque, qui avaient jusqu'à cinq
millimètres d'épaisseur, sont extrêmement gondolés; les
figures ne tournent pas : seulement on aperçoit des
hachures, souvent en partie effacées, dans les plis des
draperies. Le verre était teint en masse , en vert , bleu ou
jaune et couleur lie de vin : c'était le ton de chair; mais
ces couleurs acquirent plus de puissance au XV^ siècle. Le
rouge purpurin s'obtenait en étendant une couche de
verre rouge sur un plateau incolore; aujourd'hui on le
(1) In prœdicto monasterio omni divino dogmate erant ernditae diver-
sis usibus divini ofTicii... necnon quod nostris temporibus valde niirum
est. etiam scribendo et pingendo. Vit. S.HarUndis ctJleinulœ, act. ord.
S. Benedict.
(2) Le fondant est toujours un verre plus tendre que celui du panneau ;
il se compose de <lifrrrcntes manières. Voir l'article, dans l'Encyclopédie.
( 30 )
fait au moyen du tube du souffleur de verre. On était
moins habile alors, d'où résultait un slriage que Le Vieil
attribue à l'effet de la brosse; il est cependant probable
que ce défaut doit être attribué à d'autres causes : l'emploi
de la brosse eût empêché que la couleur ne fût aussi riche
et l'abbé Suger, qui en parle dans le compte rendu de
son administration, qui se trouve dans l'histoire de cette
abbaye par Félibien, le nomme miri vestiH^ \erre revêtu
ou doublé; ce qu'il n'eut pas dit s'il avait été peint à la
brosse. Ce verre était beaucoup plus cher que d'autres; en
1689, il coûtait encore 35 sols le pied (1). On a cru ne
pouvoir obtenir un beau rouge que par une dissolution
d'or; c'était souvent le seul résultat des travaux de ceux
qui cherchaient à faire de l'or avec de l'or, et il en existe
à Munich plusieurs morceaux qui n'ont point d'autre
origine. Cependant il est prouvé qu'avec le protoxide de
cuivre, on arrive au même but; mais jusqu'à présent les
fabriques de France n'ont point encore fourni de rouge
aussi beau que celui qui vient de Bohème. On n'est point
parvenu non plus à fabriquer du verre vert aussi foncé
de ton, aussi velouté que celui des anciens, et la différence
se fait surtout remarquer dans les restaurations de S^-Denis
et de S*-Germain des Prés.
On ne dessina d'abord que des ligures de petite propor-
tion, les grandes figures à torsons et à bourges sont du
XIII' siècle; pour chaque partie qui avait une couleur
différente, on prenait un morceau de verre de cette cou-
leur teint en masse -. le tout était réuni par des plombs, et
l'ensemble du sujet arrêté dans un cadre de fer, fixé avec
des clavettes au montant de la croisée : on pouvait démon-
ter toute une croisée par parties et la nettoyer facilement.
Dans les vitraux des siècles postérieurs, on n'a pas suivi
(1) Speth die lunst in linlicn.
( 31 )
celte méthode, et il en est résulté que les verres coloriés
sont tellement crasseux qu'on ne peut les nettoyer aujour-
d'hui sans en enlever la peinture ; on réussit le mieux avec
de la potasse pour cette opération.
Dans les bordures, il se trouve dès le XIP siècle des
morceaux où le bleu, le jaune, qu'on obtenait au moyen
du bois pourri qu'on trouve en poudre dans les vieux ar-
bres, et le noir sont appliqués sur le même morceau de
verre, mais ces couleurs sont très-mal fondues; on y re-
marque aussi des jours obtenus au moyen d'un grattage.
Ainsi dès l'origine trouve-t-on la trace des perfectionne-
ments obtenus plus tard dans la peinture d'émail, et celle
de nos jours a plusieurs tons sur le même morceau.
Sous le rapport de l'art, ces premiers travaux sont assez
grossiers : on jugerait mal par eux du talent des artistes
de ce temps. Nous avons comparé les dessins des vitraux
de S'-Denis avec le livre d'Heures de S'-Louis , qui est à
la Bibliothèque royale; non-seulement la proportion des
figures n'y est point aussi ramassée , mais il y a telle figure
dont le dessin est fort remarquable , celle de la femme
entre autres dans la miniature des Plaies d'Egypte; une
autre où les draperies accusent parfaitement le nu. Il y a
dés draperies très-bien ombrées; un groupe de lutteurs
et un cheval offrent une certaine entente de l'anatomie
dont on ne voit nulle trace dans les vitraux. Le MS. 2710
a plus de rapport avec les dessins de S'-Denis et de la Sainte-
Chapelle : il est du XUP siècle ; cependant il y a du mou-
vement dans les figures. Il y a des statues de ce temps, dont
on rencontre facilement les plâtres maintenant, et qui ont
un mérite réel; mais les vitraux n'étaient considérés, ainsi
que les statues à l'extérieur des églises, que comme un dé-
cor, où il ne fallait rechercher qu'un effet de masse. Sur
des morceaux de verre , qui n'avaient que quelques pou-
ces, on ne pouvait appliquer des teintes sans nuire à la
(32)
richesse de la couleur du verre teint en masse : dès-lors il
fallut se contenter de simples contours, et nous venons de
voir que ce n'étaient pas d'ailleurs les peintres les plus in-
struits qui s'appliquaient à ce genre de travail. Cependant
ces vitraux ont un ton de couleur fort harmonieux, obtenu
sans doute en partie par l'effet du temps qui a dépoli le
verre à l'extérieur ; aussi a-t-on observé qu'il eut été à
désirer que l'on eut dépoli les verres de l'église de Ratis-
bonne, et il serait à désirer qu'on ne négligeât pas ce moyen
dans la restauration d'anciennes verreries, afin d'éviter un
certain ton cru qui saute aux yeux à S'-Denis.
Dans le XV^ siècle, le talent du peintre en verre avait
atteint un haut degré de perfection; seulement le verre est
encore gondolé , mais les couleurs teintes en masse sont
admirables et partout les ombres soigneusement indiquées.
Pierre Le Vieil fait hoimeur à Jean Van Eyck de ce pro-
grès (1); les Allemands ont admis cette tradition, qui ne
remonte pas au-delà du XVI^ siècle , et en général il est
regardé comme l'inventeur des émaux , c'est-à-dire des
verres doubles, comme nous avons dit qu'on fabriquait le
verre purpurin, et à l'emploi desquels il aurait du moins
donné beaucou p d'extension. L'auteur d'une notice traduite
de l'anglais, insérée au Mercure de France, du mois de
novembre 1836, dit que ce perfectionnement eut pour
résultat de donner aux figures un relief qu'elles n'avaient
pas; que les peintures exécutées d'après ce système, au
temps de Primatice et sous la direction de Jean Cousin,
ne sont pas inférieures à celles d'Italie, et qu'elles ont plus
de vivacité de couleur. Nous nous sommes donné beaucoup
de peines pour savoir s'il existait quelque part des ouvra-
ges de ce genre à attribuer à Jean Van Eyck; on n'a pu
rien nous indiquer à ce sujet. Le savant auteur de \ Essai
(1) De l'Art de la Peinture sur verre , pag. 30 , I'« partie.
(33 )
sur la peinture sur verre , avec lequel nous sommes
entrés en correspondance à cet égard, mit à nous éclairer
une obligeance dont nous le prions de recevoir ici nos
remerciements; il n'avait acquis aucune preuve dans les
recherches qu'il poursuit depuis longues années, que Jean
Van Eyck ait peint lui-même sur verre : seulement il se
rappelait avoir vu à Paris, il y a quelque vingt ans, un
petit vitrail d'environ deux pieds en tous sens, représentant
un prince et sa femme, tous deux debout, supérieurement
vêtus, et supportant chacun d'une main un magnifique
reliquaire; il n'y avait point de monogramme, seulement
le millésime 1417. Les émaux incrustés dans les orfrois des
manteaux, les pierreries de la couronne de ces personnages,
firent, ainsi que le style et le caractère de cette composition,
croire à tous les amateurs, que ce morceau ne pouvait être
que de Jean Van Eyck : cette peinture a passé en Russie. Je
ne pense pas qu'avec l'esprit de critique dont on use à notre
époque, où l'on est parvenu à distinguer Jean Van Eyck
de ses élèves, et même quelques-uns de ceux-ci entre eux,
nous eussions pu assurer que ce vitrail, où ne pouvaient
se trouver certains tons brunâtres qui, dans les teintes, font
distinguer les ouvrages de Jean Van Eyck , fût réellement
de la main de ce maître : nous avons comparé beaucoup
de vitraux de la seconde moitié du XV siècle, avec une
grisaille fort connue de Jean Van Eyck , et il nous eut été
fort difficile de dire que quelques-uns ne sont pas du même
artiste. Nous n'avons point vu les vitraux faits au temps de
Primalice et ne pouvons juger de l'effet des émaux dont
on vient de parler ; ils doivent être rares. Cependant un
habile vitrier de Paris, occupé exclusivement de la restau-
ration d'anciens vitraux, nous assura avoir plus d'une fois
vu de ces sortes de vitraux, tant en bleu qu'en vert, comme
en rouge , mais point d'autres couleurs. Peut-être n'ont-ils
pas été employés pour les verreries d'église; ce que nous
3
( 34 )
serions portés à croire d'après l'observation de M. Bro-
gniart, dans son Mémoire sur la peinture sur verre, où il
dit, qu'ils n'étaient point nécessaires pour la peinture en
grand, ce qui vient à l'appui de nos observations.
Pour atteindre toute la perfection dont est susceptible
l'art du peintre verrier, il restait au XIV^ siècle encore
un pas à faire : c'était de donner plus de puissance aux
ombres ; on l'obtint en étendant un fond noir avant
d'appliquer la couleur locale, appropriée au sujet, là où
on voulait obtenir cette augmentation d'effet. On ne le
pourrait sans cela, qu'en revenant plusieurs fois avec la
même couleur sur la même pièce et en la faisant passer
autant de fois au feu , ce qui en rendrait le prix fort élevé.
Aujourd'hui ce fond noir s'applique à l'eau gommée ;
autrefois on employait une sorte de vernis, c'est ce qu'on
nomme la peinture d'apprêt. On en remarque facilement
l'emploi dans les beaux vitraux de la chapelle du S'-Sacre-
ment de l'église de S^^-Gudule , à Bruxelles , qui sont d'un
certain Jean Ack, peintre d'Anvers, suivant Guichardin et
Vasari (1), et non de Rogier, que nomme Sanderus.
Jusqu'ici nous avons vu que chaque partie du sujet
peint en verre, était un morceau à part, teint en masse;
c'est-à-dire que la couleur était mêlée à la pâte même du
verre avant qu'on le soufflât; on le choisissait d'après le
ton principal de sa couleur locale, et on étendait dessus les
ombres à la brosse qui y pénétraient au moyen d'une récuis-
son : toutes ces pièces sont rejointes par des plombs. On vou-
lut, tout en conservant la transparence du verre, qui se perd
par la brosse, éviter les plombs d'un effet désagréable dans
les vitraux de petite dimension : alors parurent les verres
émaillés, connus sous le nom de verres suisses. Ce sont des
tables de verre incolore, sur lesquelles on applique, au
(1) Descn'ttione di futi Paesi-Bassi, p. 131.
( 35 )
moyen du feu et suivant un contour premièrement tracé,
une ou plusieurs couclies, les unes à côté des autres, de
verre teint en masse, qu'on usait à la meule pour avoir
une couleur plus ou moins intense , ou pour atteindre le
fond. Aujourd'hui les émaux s'usent avec l'acide fluorique,
les nuances se peignent à la brosse du côté opposé où ont été
fixés les verres colorés. Ainsi une draperie bleue s'obtient
en coulant d'abord du verre de celte couleur sur toute
l'étendue qu'elle doit occuper; les plis et les ombres s'ob-
tiennent avec de la couleur foncée sur le côté opposé : on
applique ces couleurs au feu avec un verre alcalin, et elles
ne pénètrent guère dans l'épaisseur du verre, y adhèrent
seulement avec force et laissent à la surface souvent une
certaine rudesse. Voulant sur le même panneau figurer
un drapeau rouge avec une croix d'or , on coule du verre
purpurin à l'endroit que doit occuper le drapeau; on use
le milieu à l'émeri dans la forme d'une croix, et ayant
ainsi mis à nu le fond incolore, on teint cette partie en
jaune. On peut voir de très-beaux vitraux en ce genre au
Musée céramique de Sèvres. Jamais celte méthode n'a été
employée pour les grandes verreries, parce que les émaux
sont sujets à s'écailler, seulement quelquefois pour des
ornements et des armoiries, et les ouvriers dont on se
servait, étaient si peu entendus qu'il leur arrivait d'user à
la meule le côté incolore du verre , comme nous en avons
vu des exemples aux verreries de Bourges.
Toujours pour éviter les plombs, on voulut ensuite
peindre à la brosse différentes couleurs et toutes leurs
nuances sur le même panneau; il est résulté de cette
méthode , dans laquelle les Anglais se sont distingués , des
peintures qui manquaient entièrement de transparence
et de richesse de couleur. Nous l'avons déjà dit, il n'y a
que le verre teint en masse dont on puisse espérer cet effet,
qui est le principal mérite de la peinture en verre; il faut.
( 36 )
autant que possible, négliger les nuances pour ménager le
ton de couleur du verre pur. C'est une attention que
n'avaient pas toujours les peintres anciens des derniers
temps; trop souvent ils couvraient toute une verrerie de
leur brosse et n'offraient, avec beaucoup de saillie sans
doute, que des tons terreux, reproche que l'on peut même
adresser à quelques parties des beaux vitraux de la cha-
pelle de la Vierge , à S"'-Gudule.
La peinture en verre étant essentiellement une peinture
à effets, qui a besoin de transparence, et ne supportant pas
des nuances trop multipliées, qui détruisent la richesse de
couleur du verre teint en masse, il s'ensuit qu'elle est peu
propre à retracer les sujets de la peinture à l'huile , dont
elle ne doit pas chercher à reproduire la dégradation des
tons , les effets de perspective ni les couleurs indécises , et
qu'elle ne peut nullement servir, comme la mosaïque, à
éterniser le souvenir des ouvrages des grands maîtres, qui
ont employé des toiles ou des panneaux. L'idée de la
faire servir à celte fin, a été mise en avant sans que son
auteur ait sans doute réfléchi à la fragilité du verre , dont
la durée peut être détruite par la pierre lancée par le plus
petit gamin. Il est une autre considération , nous paraît-il,
qui doit empêcher de vouloir jamais copier pour un
vitrail d'église , un tableau , quel qu'il soit ; c'est que
jamais on n'en trouvera qui ait été composé pour remplir
l'espace d'une de ces immenses fenêtres d'église. Le sujet
de la Descente de Croix, de Rubens, serait perdu dans les
accessoires dont on devrait l'entourer. Il faut pour cela
des compositions à part , des sujets de figures richement
drapées, des fonds d'architecture où il y ait peu de per-
spective. On évitera la couleur de chair, qu'on n'obtiendra
point par cette variété de nuances fondues l'une dans
l'autre, qui en constitue le mérite, et font la principale
élude du peintre à l'huile. Ainsi faudra-t-il toujours
( 37)
renoncer à cette harmonie de tons, qui lui fait sans cesse
sacrifier les entourages, dont le verrier tire toutes ses res-
sources : chez lui , le vert , le rouge , le bleu et le jaune
s'entrechoquent avec toute la rudesse du langage , que
nous aimons à entendre comme expression des mœurs de
cette époque de transformation sociale, où cette peinture
prit naissance. C'est moins une imitation fidèle de la
nature qu'une sorte de représentation fantastique, dans
laquelle on croit voir agir des personnages sans corps;
la vue passe à travers , comme l'épée qui s'attaque à un
fantôme, et au lieu d'ombres, ils projettent sur le par-
vis du temple les teintes mystérieuses de la Jérusalem
céleste , dont les murs étaient d'or pur , transparents
d'améthystes, de calcédoines et de toutes sortes de pierres
précieuses.
L'art dont on redemande le rétablissement , doit être
considéré comme un produit de fabrique , auquel le
peintre vient prêter l'appui de son talent : le souffleur en
verre fournit les tables teintes en masse ; le chimiste fera
le choix des oxides vitrifiables, qu'il livrera au peintre, et
dirigera les feux de moufle ; un ouvrier , qui ne doit pas
manquer d'habileté et avoir des notions du dessin, réunira
les diverses pièces dans leur entourage de plomb. Ce n'est
donc pas des travaux d'un seul homme qu'on peut atten-
dre des résultats d'une véritable importance. Il n'y a en
Belgique ni fabrique, ni dépôt de verres teints, et aucun
marchand n'en fera venir des assortiments , s'il n'est cer-
tain d'un débit qu'arrête le défaut de matière première.
Les études du peintre d'histoire sont déjà assez multipliées
pour qu'il lui soit difficile d'acquérir de l'habileté dans
un laboratoire de chimie, en lui supposant même les
connaissances théoriques nécessaires, mais qui ne suffisent
pas. Ce n'est qu'autant qu'on aura en chimie des connais-
sances plus étendues , qu'on sera plus industrieux raanipu-
( 38 )
lateur, dit M. Brogniart (1), qu'on obtiendra les plus belles
couleurs et qu'on parviendra à les mieux fixer. Cette
réunion de personnes concourant au même but, ne s'est
pas formée jusqu'ici, malgré les circonstances favorables
où la Belgique s'est trouvée depuis 1815; c'est cependant
sur ce sol où les colonnes milliaires sont les tours des plus
belles églises, où l'amour des pompes du culte est universel,
où le sentiment religieux est un des caractères princi-
paux de la nation, qu'une telle réunion doit se former ,
dès qu'aura été donnée une impulsion que nous voudrions
contribuer à faire naitre.
En un temps si fécond en prodiges dûs au déve-
loppement de l'esprit d'association , il nous semble que
c'est encore de lui qu'on doit attendre l'initiative à
prendre. Le siège des opérations à fonder devrait être
Gand ou Bruxelles, à cause des universités, près desquelles
il serait plus facile de trouver les chimistes dont on a
besoin. Les frais se borneraient à l'acquisition d'un petit
local, pour l'établissement d'un feu de moufle , le labo-
ratoire du vitrier et le magasin de verres; le traitement
d'un chimiste et d'un ouvrier. On formerait un dépôt de
verres teints des fabriques de Gherty ou d'Allemagne ;
peut-être que pour quelques qualités, ils seraient livrés au
prix coûtant, ainsi que les couleurs. Le prix de cuisson de
chaque pièce, calculé par pouces carrés, serait fixé de ma-
nière à prévenir les abus que pourrait faire naître un re-
cours trop facile aux avantages qu'offrirait cette société. Dès
que la fabrication aurait pris quelqu'extension , nous ne
doutons pas que les frais de l'établissement, et les intérêts
du capitale avancer par actions, ne fussent bientôt couverts.
Nous espérons ce résultat ^ parce que le nombre d'églises
auxquelles manquent des vitraux peints est considérable ,
(1) Mémoire lu à rAcadémie le 7 juin 1828.
( 39 )
et que le prix n'en doit pas être très-élevé. Une figure de
quatre pieds de proportion , avec son encadrement en fer .
coûtait à Sèvres, en 1836, environ 400 francs. Plus on
acquerrera d'habitude, moins les prix seront élevés; on
en était venu autrefois à des résultats qui peuvent étonner
aujourd'hui : les vieilles croisées du Louvre, faites au temps
de Charles V, roi de France, ne revenaient pas à plus de
11 à 12 francs de notre monnaie, vingt-deux sols d'alors,
suivant Sauvai.
Dans un pays aussi industriel, on s'affranchirait bientôt
de l'obligation d'aller à l'étranger demander le verre
coloré; on lui livrerait même le verre incolore propre à
la peinture en verre, qu'on a tant de peine à se procurer
maintenant : bientôt les artistes dont le talent n'a point
atteint toute la perfection de l'art, ne seraient plus obligés
d'aller chercher au-dehors, dans les ateliers de décor, une
existence aisée ; ils viendraient se grouper autour des
maîtres de l'école , qui leur fourniraient des cartons. En
offrant à tous la faculté de faire recuire leurs vitraux peints,
on obtiendra l'avantage de ne pas devoir recourir néces-
sairement , pour se procurer ces vitraux, à des artistes dont
le mérite est quelquefois peu approprié au genre de travail
qu'on voudrait leur confier, et ainsi l'Ecole flamande ne
peut manquer de redevenir la première dans cette pein-
ture où elle a acquis jadis tant de renommée. A côté des
ateliers d'une première société, pourquoi ne s'en forme-
rait-il pas d'autres qui livreraient en concurrence , au
commerce étranger, cette sorte de décor religieux , tout
comme Lyon lui fournit les riches étoffes des ornements
d'autels; les artistes étudiant dans nos académies seraient,
pour ces établissements, des ouvriers tout trouvés, pour
lesquels ce serait un encouragement à ne pas négliger l'étude
des grandes compositions. Maintenant il suffit d'un homme
auquel le patronage du clergé ne peut faillir dans un
(40)
semblable projet, qui veuille mettre ces idées à exécution,
les compléter d'abord en y faisant entrer les détails qu'il
nous était interdit d'aborder, dans l'ignorance où nous
sommes des facilités locales à trouver dans une ville plutôt
que dans une autre; le moment ne peut être mieux choisi :
qui ne serait jaloux de restituer aujourd'hui à son pays
l'une de ses gloires artistiques les plus brillantes? La
réussite n'est-elle pas assurée , quand en même temps ou
s'adresse aux sentiments les plus intimes de la nation , et
qu'on a déjà osé aborder l'idée d'achever la tour de la
métropole archiépiscopale? (1)
Anvers, août 1838.
(1) Je n'avais pu me procurer, lorsque je m'occupais de cette notice,
l'ouvrage de M. le baron de Reiffenberg sur la peinture sur verre dans
les Pays-Bas. J'ai lu depuis ces curieuses recherches , auxquelles la
plume de l'élégant commentateur de Barante a prêté tout le charme de
son style , pour nous faire regretter davantage les belles verreries de
nos églises emportées en pays étranger. C'est avec une complaisance
amère qu'il se plait à énumércr une à une toutes ces pertes, que son
goût éclairé lui a rendu plus sensibles, et quil déplore en homme aimant
la gloire de son pays. A lui appartenait de lui restituer, dans l'invention
de l'art de peindre sur verre, une part trop souvent réduite à la citation
du verre de Jean de Bruges , et il l'a fait avec ce tact fin qui laisse arriver
la vérité sans blesser les prétentions rivales , et doit nous faire espérer
qu'il pourra quelque jour reprendre le fil de l'histoire de cette branche
des arts d'imitation , qu'il croit rompu à jamais , et le rattacher aux siècles
ou venue d'Orient, elle s'est naturalisée parmi nous avec le christianisme.
( 41 )
LITTÉRAIRES ET BIBLIOGRAPHIQUES
Sl'H
QUELQUES ANCIENNES mPKESSIONS DES l'AYS-BAS.
En publiant, il y a très-peu de temps (I), la liste des
ouvrages imprimés par notre célèbre Arend de Keyser ,
qui eut la gloire d'importer la typographie à Audenarde
et à Gand, la perte d'une partie de notre manuscrit,
nous a fait omettre deux opuscules fort rares, sortis des
presses du même artiste : ce qui fait monter à dix le
chiffre de ses impressions connues jusqu'ici. M. Du Puy
de Monlbruu , dans ses savantes Recherches (2) , avait
déjà indiqué exactement sept ouvrages publiés par Arend
de Keyser: plus heureux que lui, nous avons eu presque
toutes ces rarissimes éditions entre les mains , et nous
avons cherché à les décrire avec tout le soin qu'il y eut
mis lui-même, s'il se fut trouvé dans notre position. Voici
les intitulés de ces deux précieux opuscules, qui serviront
à compléter la liste de toutes les impressions connues
d'Arend de Keyser :
(1) Recherches historiques et bibliographiques sur la bibliothèque de
l'Université et de la ville de Gand. Gand, Annoot-Braeckraan , 1839;
in-S» de 82 pag., avec une pi. gravée.
(2) Reclierches hibllographi(iucs sur quelques impressions Néerlan-
daises du XV» et du XVI» siècles. Leide, Luchtmans, 1336; in-S» de
98 pag., avec des planches xylographiques.
( 42)
Tractatus de periciilis circa sacramejitmn eucharistie
contingentihîis. Petit in-4°, sans date, de 12 pages non chif-
frées; sur le frontispice, une figure gravée en bois, repré-
sentant la Sainte Gène.
Après ce titre, on lit à la seconde page : Incipit tractatus
de periculis que contingunt circa sacramentum eucharistie
et de remediis eorumdem, ex dictis Sancti Thome deAquino.
Souscription : Explicit de suffragiis misse i?fipressis Gan-
davi per Arnoldmn CesaWs (circa 1483).
Voici l'autre impression :
Tractaet van aliantie ende eendragticheyt tusschen die
drie staten van den hertoghdom van Brahant ende die van
Middelborch , Lutsenhorch , Vlaenderen , enz. : souscrip-
tion : Ghedaen tôt Ghent den eersten dach in mei 1488.
Petit in-folio, de 6 feuillets, à longues lignes, au nombre
de 38 la page pleine; sans nom d'imprimeur et sans date,
mais très-probablement de 1488.
Pour montrer que le dernier mot n'est pas encore dit
sur notre Arend de Keyser, nous nous empressons de
relever une erreur dont nous sommes seuls coupables et
qui n'appartient nullement à M. Fr. Vergauweu, biblio-
phile instruit, qui a bien voulu nous aider de ses investi-
gations particulières. Le Liber domini Mancini de passione
Doinini, n'est pas sorti des presses d'Arend de Keyser ,
comme nous l'avons écrit (1), mais bien de celles de son
fils Pierre : ainsi donc nous serions parvenus à découvrir
quinze impressions de ce typographe gantois, non compris
le grand tableau avec les armoiries des nobles de Gand ,
pièce aussi précieuse qu'intéressante, qui fait partie du
cabinet de M. l'architecte Goedlghebuer.
Nous appellerons en passant l'attention de tous ceux qui,
comme nous, s'occupent d'études bibliographiques, sur
(1) Page 66 de nos Rechercha déjà citées.
( 43)
deux imprimeurs gantois, Simon de Gock cl Judocus
Pelrus, de Halle, en Brabant. Nous avons déjà indiqué (1)
une de leurs impressions de l'année 1513: ils semblent
avoir exercé leur art dans notre ville, même avant Pierre
de Keysere, dont le premier livre avec date, connu jus-
qu'ici , remonte seulement à 1516.
Nous avons la douce jouissance de posséder dans notre
petite collection particulière de raretés un mince in-quarto,
dont l'énoncé va mettre en émoi tous les bibliophiles du
département du Nord : c'est une grammaire latine , avec
la date de 1518, imprimée à Cambrai, et dans laquelle
l'on a fait l'emploi de quelques caractères grecs! Ainsi
notre précieux in-quarto, qui ne porte malheureusement
pas de nom d'imprimeur, reculerait de cinq ans pour
Cambrai l'époque de l'introduction de l'imprimerie en
celte ville, puisqu'il est plus vieux de cinq ans que le
Voyage de Jacques Le Saige , auquel la plume facile et
spirituelle de M. Aimé Le Roy a consacré un si charmant
article dans les Archives historiques et littéraires du Nord
de la France et du Midi de la Belgique.
Voici la description de notre volume :
Rudimenta grainmatices ad instituendos iuvenes non
jKinmi conducentia. — rfAs;. Impressum Cameraci. Anno
Bomini. M. CCCCCXVIII. Sans nom d'imprimeur, :n-4*' de
6 feuillets. Beaux caractères gothiques.
Sans chiffres ni réclames, signatures Aii. — Aiiii. Au-
dessous du titre sont des armoiries, probablement de Cam-
brai : au bas de la page, ce distique :
Si me forte légat : studii compulsus amore
Parvuïus. Emuncta nare latinus erit.
Au verso du titre , on lit : sequitur aljjhabetutn grccum :
(1) Mêmes Rcchcrchus , page G7.
( 44 )
cette page est consacrée seule et exclusivement à la con-
naissance et à la prononciation des lettres grecques : cette
dernière était , à ce qu'il paraît, très-différente de la nôtre.
C'est ainsi , par exemple, que le ^ se prononçait zita, » ita,
fi thita, V gny, t taf, etc. Après l'explication des diphthon-
gues propres et impropres , suivent cinq règles pour la
prononciation. C'est à quoi se borne tout ce que notre
grammairien avait probablement à enseigner sur le grec.
Nous transcrirons le premier paragraphe du second
feuillet : il nous fera connaître ce qu'on entendait alors
par Grammaire :
Rudimenta Grammatices.
Quant artc?np)rofite}'is9 Graminaticam. Quid est Gram-
viatica ? Est ars recte loquendi. Recteque scribendi. Unde
dicitur Grammatica? citto twv ypaf^fx.KTciv. Hoc est a litteris.
Latine etiitn interpretatur grammatica litteraria. Quoi sunt
j)artes gra7nmaticesf Quattuor. Littera, Syllaha, Dictio et
Oratio.
Le reste de la grammaire, où tous les préceptes se ré-
duisent en questions et en réponses , est consacré au déve-
loppement très-succinct de ces quatre grandes divisions,
ce qui nous fait supposer que le maître devait donner bien
des explications verbales.
Les caractères grecs employés dans cet opuscule sont
assez semblables à ceux dont on se servait alors en Italie ,
et Cambrai est jusqu'à ce moment la première ville du
Nord de la France, qui aura eu l'honneur de faire usage
de ces caractères. On sait que chez nous l'immortel
Thierry Martens, qu'Erasme, qui s'y connaissait , saluait
du litre de premier typographe des Pays-Bas, s'était déjà
servi de caractères grecs dans quelques-unes de ses éditions
latines de 1501 et 1502, et qu'il eut la gloire d'y impri-
mer le premier livre grec, en 1513, et non en 1516 ,
comme le prétendait Lambinel. Voyez notre note au
( 45 )
N'* 4223, de la Biblioth. Hullhemiana , vol, 1. La gram-
maire grecque de Luscaris, Milan , per magistnim Diony-
sium Paravisinum , 1476, in-4", est regardée comme le
premier livre imprimé en grec.
Si nous avions eu la faculté de comparer les caractères
qui ont servi à l'impression de cet opuscule , avec ceux,
du voyage de Jacques Le Saige, peut-être reconnailrait-on
qu'il sort des presses de Bonaventure Brassart demnurant
en la rue sainct Jehan empres la Magdelaine.
Un haut fonctionnaire qui a laissé d'honorables souve-
nirs à Lille, M. le préfet Dieudonné, avait avancé, dans la
statistique, exellente du reste , qu'il a donnée du départe-
ment du Nord, en 1804, que la ville de Lille était la pre-
mière de ce Département, qui eût eu l'honneur de posséder
une imprimerie. Il citait à l'appui de son opinion le volume
des poésies sacrées d'un poète lillois, Frrmco^s Hœmus, Tnsu-
lisapud Guilielmum Hammelin , 1556. Depuis, de savantes
recherches ont prouvé qu'on imprimait à Valenciennes en
1500 et à Cambrai en 1520, de sorte que Lille loin «Toc-
cuper le premier rang, n'en occupait plus que le troisième.
Le peu de soin avec lequel les bibliographes et catalogra-
phes avaient transmis le titre de la première impression des
poésies d'Hœmus, et d'autres observations qu'il serait trop
long de rapporter ici, firent soupçonner que ce livre pou-
vait ne pas être sorti des presses lilloises. Des débats, aussi
intéressants qu'instructifs, s'élevèrent à ce sujet dans la
Revue du Nord et dans les Archives du nord de la France
et du midi de la Belgique. M. Duthillœul, bibliothécaire
de Douai , fut le premier , si nous ne nous trompons , à
émettre de doutes fondés sur l'authenticité de l'édi-
tion lilloise, qui fut défendue, mais avec beaucoup de
réserve, par M. Brun-Lavaine, archiviste de la ville de
Lille et M. Dufaitelle, bibliophile à Calais. Mais la ques-
tion resta indécise , faute de preuves.
( àQ )
Nous avons été assez heureux pour Irouver, sous le
11° 23,439 , dans le catalogue Van Hulthem , qui renferme
tant de trésors bibliographiques encore inexplorés, la pré-
tendue impression lilloise de 1556, livre introuvable,
comme l'appellent MM. Dufailelle et Dulhillœul. Nous al-
lons en donner une description exacte, qui, nous l'espé-
rons, ne laissera plus le moindre doute^ aux bibliophiles
les plus incrédules.
Francisci Hemi Insulani, sacrorum hymnorum lihri
duo. Ejusdem variorum cartninum sylva una. Insulis apud
Gulielmum Hamelin hibliojjolam sub msùjni hominis syl~
vestris. M.D.LVI. In-16, de 85 feuillets chiffrés au recto
seulement.
Ainsi donc Guillaume Hamelin, qui demeurait à l'en-
seigne de Vhomme sauvage, était bien libraire, bibliopola ,
et non imprimeur, et si les catalographes n'eussent pas
omis cette désignation, imprimée au titre même, il y a
long-lemps que le procès eût été jugé; ils auraient fait
épargner bien de l'encre et du papier : mais nous y au-
rions perdu les curieuses recherches auxquelles ce débat
a donné lieu.
Nous savons maintenant que Guillaume Hamelin était
seulement libraire; mais il n'est pas moins intéressant de
connaître quel est enfin l'imprimeur de ce livre introuva-
ble. C'est ce que nous apprend le dernier feuillet non chif-
fré, sur le recto duquel on lit ces seuls mots, imprimés eu
gros caractères S^-Augustin, qui contrastent singuhère-
ment avec l'exiguilé des caractères italiques du texte :
Impressum Parùiis per Michaëlem Fezandat.
Il ne reste plus par conséquent le moindre doute : la
première édition d'Hemus a été imprimée à Paris, par
Michel Fezandat, et j'en demande bien pardon à mes
amis, les bibliophiles lillois ; leur ville cesse non-seulement
d'occuper le troisième rang dans l'ordre chronologique de
(47)
riniroduclion de l'imprimerie dans le département du
Nord, mais elle est même rejetée jusqu'au commencement
du XVII'' siècle, si l'on ne produit pas d'autre livre que
celui cité par M. Duthillœul, comme la plus ancienne im-
pression lilloise qu'il connaisse (1).
Quant à Michel Fezandat, il est bien connu-: c'était un
habile typographe qui imprima pour Jean Petit, François
Regnault et Maurice de La Porte. 11 avait pour marque la
vipère qui s'attache, sans lui faire mal, au doigt deS'-Paul,
dans l'île de Malte, avec ces mots pour devise : Si Deus
pro nobis , quis contra nos? (2) Le savant et infaiUible
bibhophile, Charles Nodier, cite, comme imprimé chez
Michel Fezandat , le plus rare volume de la collection de
Baïf (3) , qui résulte de l'association de ce poète avec d'Her-
beray des Essars et Nicolas Denisot , surnommé le comte
d'Alsinois.
Si nous donnons quelque étendue à ces notes, c'est que
l'Hemus de 1556, ce petit volume, si rare qu'on en a
révoqué en doute l'existence, fixera non-seulement un
point important de l'histoire d'une des plus admirables
découvertes de l'esprit humain , pour ce qui concerne son
introduction dans la capitale delà Flandre française, mais
procurera encore d'utiles renseignements à notre histoire
littéraire et aux annales de la ville de Lille.
Nous ne nous arrêterons pas à relever les erreurs bi-
bliographiques commises dans l'indication des ouvrages
d'Hemus , par Valère André , Sanderus , Swertius , Paquot et
(1) Les Châtelains de Lille , par F loris van derHaer. A Lille, 1611.
chez Christofle Beys, imprimeur-libraire, rue de la Clef, à l'image de
S'-Luc. In-4°.
(2) Jean de la Caille , histoire de l'imprimerie et de la librairie,
p. 116.
(3) Tombeau de Marguerite de Valois. Var'is, Michel Fezandat, 1551,
in- 8. A-N-iiij. Voy. Mélanges tirés d'une petite bibliothèque. Paris,
1829, pag. 265.
( 48 )
l'auteur du manuscrit de la Biijliotlièquc de Lille intitulé :
Autours et écrivains de Lille (en latin) : ce travail nous
conduirait trop loin. Plus heureux qu'ils ne lont été, puis-
que nous avons sous les yeux les trois volumes du poète
lillois, nous allons nous efforcer d'en donner une descrij)-
lion exacte et détaillée. Quant à des renseignements sur sa
vie, on en trouvera suffisamment dans Paquol.
François Hemus, comme Ovide, ne paraît avoir écrit
qu'en vers : dans toutes ses préfaces, dans toutes ses rela-
tions avec ses amis les plus intimes, comme le prouve la
lecture de ses poésies, il dédaignait d'avoir recours à l'hum-
ble prose. C'était assez l'habitude de son temps et du siècle
suivant, époque à laquelle la Belgique a produit tant de
poètes latins.
Le premier livre des hymnes sacrées contient la para-
phrase des sept psaumes de la pénitence et d'autres poésies
analogues : le second, des hymnes en l'honneur des saints :
dans le premier, on remarque une poème d'assez longue
haleine sur la naissance du Christ, et dans le second un
autre poème, adressé à une religieuse , et dont le sujet est
l'éloge de la virginité.
Ses mélanges de poésies {diver^orum carminwn sylva
una) qu'on pourrait appeler profanes, par opposition aux
premières , commencent au feuillet 47 , et la préface en est
datée de Courtrai, \" août 1554.
L'une des premières pièces de celte partie, et des plus
importantes, est le poème sur l'incendie de Lille (1) en
1545, poème que Paquot croyait encore manuscrit, preuve
(1) L'historien le plus récent de Lille , M. De Rosny , consacre quelques
lignes à ce terrible désastre , connu sous le nom de grand feu de Lille ,
et cite à ce sujet le titre du poème d'Hemus, imprime, dit-il, ^jar
Guillaume Hameliti, le jilns ancien ou Vun de plus anciens impri-
meurs de cette ville. Histoire de Lii-le, Valenciennes . 1837, in-8",
«g., pag. IGG.
( 49 )
qu'il n'avait pas vu rédilion dont nous nous occupons, el
dont il donne le titre, bien que d'une manière incomplète.
Si la lecture des odes de François Hemus nous rappelle sou-
vent le prince des lyriques latins, par de nombreuses imi-
tations, ses hexamètres nous prouvent qu'il avait fait des
vers admirables de Virgile une étude bien assidue, car il
lui arrive parfois de lui emprunter même des vers entiers.
C'était chose permise alors, et nous pourrions citer vingt
poètes latins modernes qui sont dans le même cas. Du reste
ses poésies accusent beaucoup de facilité, une érudition
aussi variée qu'agréable et un goût qu'on ne rencontre pas
toujours dans les écrivains de cette époque.
Ce poème d'Hemusa dû produire, lorsqu'il parut, beau-
coup d'effet, si nous en jugeons par les vers qu'adressa à
l'auteur son ami François Simon, poète lillois, et dont
nous traduirons quelques distiques :
«Félicite-toi , charmante Lille, el envoie en même temps
»tes félicitations à ton poète. As-tu jamais pu espérer une
» telle gloire? Déjà ton renom est illustre, si l'on considère
»ta bravoure militaire, tes exploits guerriers et tes im-
» menses richesses ; maintenant ce livre va parcourir rapi-
» dément les contrées les plus lointaines pour y accroître ta
«renommée. Ton malheur fut heureux- cet incendie n'est
» plus déplorable , puisqu'un tel poème consacre le souve-
» nir de tes pleurs , etc. »
Parmi les autres pièces de ces mélanges, les unes sont
traduites du grec, telle que le Dialogue de Vénus et do
Cupidon , les autres sont des poésies fugitives adressées à
des amis, quelques-unes d'entre elles appartiennent au
genre dit erotique et bachique ; mais la justice exige que
nous disions à la mémoire d'Hemus, qu'elles sont écrites
avec un profond sentiment des convenances et qu'on n'y
trouve pas un vers qui puisse blesser l'oreille la plus dé-
licate. Une circonstance que Paquot n'a pas connue, c'est
4
{ 50 )
qu'avant d'embrasser l'état ecclésiastique, Hemus avait
éprouvé le plus vif attachement pour une jeune et mo-
deste courtraisienne, nommée Isabelle Villemeyne, à la-
quelle il consacra deux odes charmantes. Parla première,
il lui fait naïvement l'aveu de son chaste amour : la seconde
accompagne l'envoi d'un recueil de prières qu'il avait tra-
duites pour elle du latin. C'est pour ainsi dire un tendre
et vertueux adieu, dans lequel il lui dit qu'ils se retrouve-
ront enfin dans un monde meilleur, puisqu'il ne leur était
pas permis d'être unis en celui-ci :
Quando hic {nescio sorte qua sinistia)
Pertinaciteresl neyalum utrique.
Nous allons passer aux autres poésies d'Hemus, qui sont
plus connues, quoique leur apparition dans les catalogues
soit infréquente. Le premier exemplaire appartient encore
à la bibliothèque Van Hullhem , devenue aujourd'hui bi-
bliothèque royale, à Bruxelles; le second est de la collec-
tion de l'université de Gand.
Poemata Francisci Hœmi Insulani, ad référendum Pa-
trem D. Joannem Loaeuni , Prœpositum Eversamensem ;
jam jirimum in liicem édita. Antverpiœ, ex officina Chris-
toph. Planlini , M.D.LXXVIÏI. In-16 de 198 pages.
L'auteur du MS. de la bibliothèque de Lille, dont
M. Brun-Lavaine nous donne l'extrait dans la Revue du
Nord, février 1833, pag. 29-4, indique une autre édition
qui serait publiée chez le même imprimeur , un an après,
en 1579, édition inconnue à tous les bibliographes, et il
omet celle de 1578, dont l'existence est bien réelle, puis-
que nous l'avons sous les yeux. Aussi ne balançons-nous
pas à regarder comme une nouvelle erreur ce millésime
de 1579; elle nesurprendra pas de la part d'un biographe
qui néglige d'indiquer l'année de l'impression d'un livre
dont il donne le litre, et qui confond un grand in-8" avec
un in-16.
( 51 )
Noire volume conlient :
1° Dix-huit pages, y compris le litre, de pièces prélimi-
naires, parmi lesquelles une ode à la postérité (Vosteritati
henevolœ , pag. 8 à 16), dans laquelle le poète nous ra-
conte toute sa vie. C'est là que Paquot a puisé les détails
qui lui ont servi de matériaux pour son article biogra-
phique,
2" Funebrium lihri duo : 2irior ecclesiasticorum habet
tmnulos, aller làicorum (pag. 19-139).
3" Miscellaneormn carminum liber primus sacra coni-
plectens (pag. 149-204). — Liber secundus complectens
profana (pag. 205-245). — Liber tertius partini ethica,
partim encomiastica complectens (pag. 246-298).
Ce volume, comme l'indique le \\ire: pœmatajam pri-
mum in lucem édita , ne contient aucune des pièces qui
ont paru dans l'édition de Paris, 1556.
Pœmata Francisci Uœmi , Lnsulani , jam tertio in
lucem édita. Cortraci, apud Joannem Van Gliemmert ,
ad D. Martini^ in tribus Columbis. M.D.C.XXX. In-S"
de 282 pages , y compris 4 feuillets non chiffrés , pour la
dédicace et trois pièces de vers adi'essées à Hemus , les
deux premières par Guillaume De Steenhuyse, l'un de ses
anciens élèves, la troisième par un médecin de Courlrai,
Jean Stullius.
Comme il n'y a que 4 feuillets de liminaires, le texte
devrait commencer pag. 9, tandis qu'il ne commence que
pag. 17. La réclame du 4*^ feuillet indique cependant que
l'exemplaire est complet, et que Jean Van Ghemmerl , qui
a imprimé d'abord le texte de l'auteur, a donné à la pre-
mière page le chiffre 17, parce qu'il espérait probable-
ment que les liminaires auraient occupé deux feuilles et
non une seule.
Jean Van Ghemmert, que nous avons tout lieu de re-
garder comme le premier imprimeur de Courlrai, mais
( 52 )
qui avait déjà imprimé auparavant (en 1627), avait poiir
fleuron trois colombes , avec cette légende entre deux cor-
nes d'abondance : Estote si?iiplices sicut colombœ : au bas,
les armes de la ville entre des livres ouverts.
L'on se tromperait fort, si l'on croyait, sur la foi du
litre, que cette édition est la troisième des œuvres d'He-
mus: elle n'est que la réimpression fidèle des poésies éditées
chez Plantin, en 1578, moins les dix-huit feuillets de pièces
préliminaires, dont plusieurs, l'ode entre autres à la pos-
térité, méritaient assurément les honneurs d'une nouvelle
édition. Cette erreur , commise par le magistrat de Cour-
trai (senatus populusque Cortracencis ) , qui a pompeuse-
ment dédié cette réimpression au très-noble seigneur
Guillaume de Steenhuyze, conseiller du roi, etc., etc.,
provient de ce que l'édition de 1558, étant déjà devenue
d'autant plus rare qu'elle avait été imprimée hors du pays,
on a pu croire , faute de les avoir comparées , qu'elle était
d'un contenu identique avec celle de Plantin.
Guillaume Hamelin, qui vendait à Lille, mais n'impri-
mait pas les poésies d'Hémus, en 1556 , était déjà libraire
dans la même ville et demeurait sur le marché au Blé ,
en 1539 : il faisait alors imprimer pour son compte chez
un célèbre typographe gantois , Josse Lambert , dont nous
avons rencontré le livre suivant, qui n'est cité à ce que
nous sachions, par aucun bibliographe : ce livre, dont
nous possédons une copie manuscrite , étant singulière-
ment intéressant sous le rapport historique, nous ne
craignons pas d'en donner le titre en entier, quoiqu'il
soit un peu long :
Scnsuyvent les triomphantes et honorables entrées ,
faictes j)ar lo commandement du roy très christien Fran-
coys premier de ce nom , a la sacrée Majesté Impériale
Charles V. de ce no?n tousiours auguste, es villes de
Poictiers et Orléans. Avecque la harengue faicte 2icir le
( 33 )
halUif Dorlcans a sa dicte M. I. et la rcsponce de sa dicte
M. au dict Bailli f.
Item le honorable 7'ecueil que luy feit le dict roi très
christien , a son entrée du Chasteau de Fontayne Bleau.
Lan M D. XXXIX.
Item le complainte de Mars Dieu des hataylles sur la
venue de Lempereur en France , par Claude Chappuys
varlet de Chambre du roy. Le tout imprimé sur la copie
de celles , lesquelles ont été imprimées à Paris, /*«/■
jjrévileye du roi et diffeîices.
Item un eingramme de Clément Marot, sur la venue de
Lempereur en France. On les vent a Lille par Guillaume
Hamelin, Librayre demourant sur le marche au Blé,
dudict Lille. Souscription './wi/jnwe à Gand,pres Ihostel
de la ville par Josse Lambert, Lan 1539. Petit in-S" de,
32 fetiillels.
Ce Joos Lambert, qui signait Lambrecht , quand il im-
primait un ouvrage en flamand, était un homme fort re-
marquable, bien que nos biographes n'aient pas pensé à
s'occuper de lui, injustice que du reste il partage avec bien
d'autres encore: il fut tout à la fois philologue, grammai-
rien , imprimeur et graveur : peu de typographes surpas-
saient en son temps la beauté de ses impressions , celles
surtout de ses gravures, de ses empreintes de monnaies, et
l'on sait avec quelle ardeur les bibliophiles belges et fran-
çais recherchent ses ouvrages sur les monnaies. Nous avons
recueilli sur Josse Lambert des renseignements que nous
céderons avec bien du plaisir à la personne qui aurait le
loisir de lui consacrer une notice biographique.
Un autre typographe gantois , également fort remarqua-
ble, mais à un moindre degré peut-être , est Henri van den
Keere, éditeur du célèbre voyage en Orient du seigneur
Joos van Gistele. Ce livre étant excessivement curieux ,
nous croyons devoir en examiner la forme avec quelque
(54 )
nllcnliou : quant au voyage proprement dit, rexcellenl
article que lui a consacré M. Schayes, dans le Messager
des Sciences et des Arts, année 1836, nous dispense d'en
parler.
Voici la description de l'édition princeps de ce voyage
dont nous devons la publication et l'impression au zèle
de Henri van den Keere :
Tvoyaxje van Mher Joos van Ghistele, oft anders, texcel-
letit groot , zclds.iem cnde vremd voyage , ghedaen hy
îvylent, Edelen ende iceerden Heere , Mher Joos van
Ghistele. In zynen levene riddere , Heere van Axele, van
Maelstede ende van den Moere , etc. Tanderen tyd vier-
macl voorschepene van Ghendt. Tracterende van veel-
derande ivonderlicke ende vremde dynghen, geobserveerd
over d'zee. in dmi landen van Sclavonien , Griecken,
Turckien, Candien , Rhodes en Cyprès. Voords ooc in den
lande van Beloflen, Assirien , Arabien , Egypten, Ethyo-
pien, Barbarien, Indien, Perssen, Meden, Caldien ende
Tartarien : met der gheleghentheden der zeher landen
ende meer ander plaetsen , Insulsen ende steden, van
Eurojien. — ïe Ghendt, by Henric van den Keere, ghe-
zworen drucker van 's conynghs , ons gheduchte Heeren
Munten, M.CCCCC.LVII. Met gralie ende privilégie van
vier jaren. In-4°, caract. goth.
Au litre est le fleuron de l'imprimeur, représentant un
cadran solaire, au milieu duquel se trouve une tête de
mort. Autour on lit : Aenziet theynde , Van den Keeren.
Au verso, les armes de Messire Philippe de Liedekeercke
auquel l'ouvrage est dédié.
Le volume contient d'abord six feuillets, non cotés, de
liminaires; on y lit :
1° L'épitre dédicatoire de l'imprimeur (en français).
2" Un avertissement de l'imprimeur au lecteur (en fla-
mand).
(55 )
3° La liste des auleurs cités dans l'ouvrage.
4° La préface d'Ambroise Zeebout, prêtre, rédacteur de
la relaliou du voyage.
Suivent 348 pages chiffrées de texte, à la fin desquelles
on voit page 346, les armes de Josse van Ghistele, gravées
en bois; page 347 et 348, une pièce de vers de Henry
van den Keere, fils de Henri ^ à la louange de Van Ghis-
tele, et enfin le privilège, daté de Bruxelles le 6 juin et
le 5 août 1556.
Ce privilège accorde aussi à Henry van den Keere , la
permission d'imprimer les ouvrages suivants, que nous
n'avons jamais vus et que nous recommandons aux re-
cherches de nos bibliophiles , le dernier surtout : Com-
mentaria Plutarchi Chœronis de esu carnium. — Item,
ejiisdcm de supei'stitione. — Item, de complurium amici-
tia. — Item, Flores Terentie ex Heantontumerumeno ,
vernaculo Flandrorum idiomate.
L'éditeur était un homme instruit, comme l'était à son
époque , la plupart des imprimeurs ; il paraît même qu'il
s'était livré à la noble et pénible fonction d'instruire la
jeunesse , car son épitre dédicatoire est ainsi datée : A
Gand, de nostre Escole Françoise, ce samedi XI de juillet
Van de grâce M.D.IVI. H nous raconte, dans les termes
suivants, comment l'envie lui prit de publier le voyage
de Van Ghistele.
« Or est advenu , comme j'ai eu toutjours le cœur à
sl'estude, et esté curieus délivres et bones lettres, que
» cest yver passé soit tombé en nos mains le livre contenant
»le discours de très excellent, loingtain , rare et estrange
» Voyage, de, feu bone mémoire, Mon seigneur. Monsieur
» Josse de Ghistelles, à qui Dieu absolve, Pere-grand de
sma Dame vostre espouse Marie, Dame des Fossez, et de
«Heule, etc. En lisant lequel, j'y trouvai si bon goust et
«saveur, tant à cause de la bone phrase et élégant slile
( 56 )
» (pour le temps qu'il fust escript) que pour la belle, ex-
» presse et ample déclaration des lieus y allégués : choses
» admirables et cas estranges y contenus , envie m'est prins
» de le mettre en lumière et imprimer. »
Il nous apprend ensuite qu'il avait l'intention de le tra-
duire en français : « Pour l'assurance de laquele (votre
«protection) je ne craindrais la dent de l'envieuse ver-
» mine , aius m'auseray advancer , pour l'edvenir , de le
» faire parler françois, si vous et le temps me le permettez ,
»avec l'ayde du souverain seigneur et créateur de toutes
» choses. »
M. Schayes indique , au commencement de son inté-
ressant article, une édition de cet ouvrage qui aurait été
faite à Louvain, en 1530; c'est là évidemment une erreur,
qu'il est important de rectifier dans l'intérêt de nos étu-
des bibliographiques , car cette édition n'a jamais existé.
Nous nous étions d'adord livrés à des recherches pour la
découvrir, car c'eut été une bonne fortune pour nous, et
ne pouvant parvenir à arriver à notre but, nous nous
sommes adressés à M. Schayes lui-même , qui a r^-connu
avec nous qu'elle n'existait pas. Au reste l'épitre dédicatoire
de H. Van den Keere, de l'édition de 1557 , prouve à l'é-
vidence que l'impression de cette année est bien la pre-
mière.
A, Voisin.
é^ û'/'zyA-t^^-'i (■''
( 57)
tableau par iîlemling.
HAUTEUR, 00*" SS'^' ; LARGEUR, 00"" 16'='.
Tous les tableaux de Memling ne sont pas connus
comme ceux de Raphaël, qui sont annotés, comptés et
même dénomés jusqu'au dernier : quand le hasard en
fait encore découvrir , échappés qu'ils sont comme par
merveille aux dégoûtantes et vindicatives saturnales de
nos dissenlions religieuses du seizième siècle , ils ne nous
apparaissent presque toujours que ternis , endommagés
et qui pis est, souvent alors on les confie à des mains
inhabiles , qui donnent à Van Eyck , ce qui revient à
Memling et les travestissent d'une manière méconnaissa-
ble. Toutefois M. Warnkœnig vient de nous faire parve-
nir un petit tableau de l'un ceux que l'on peut nommer, à
juste titre, les chefs de toutes les écoles de peinture : à part
son mérite d'exécution , il est d'une conservation parfaite.
Ce tableau n'était pas isolé, mais il faisait le pendant
d'un autre de la même grandeur, qui représentait la Sainte-
Vierge, tandis que celui-ci nous offre S'<=-Barbe, M. de Issel,
de Fribourg, qui fut possesseur de ce tableau, pense qu'ils
formaient les deux battants d'un petit autel. L'autre tableau
était tout-à-fait gâté, soit par le temps, soit par la main
inhabile de celui qui avait voulu le restaurer.
S'^-Barbe est en méditation, les mains jointes; son esprit
s'est laissé entraîner à une profonde contemplation : les
traits de sa figure sont empreints d'une austère gravité ,
et au mouvement de son manteau, on pourrait croire que
primitivement elle était agenouillée.
( 58)
Ce pelit tableau porte tous les caractères du faire, du
coloris, du dessin et de la manière de draper du maître :
la tête et les mains sont traitées avec toute la candeur et
la finesse si familières à Memling ; les formes du nez et sur-
tout de la bouche, sont de la pureté la plus exquise : la
couleur des chairs est veloutée, c'est le type du coloris de
ce maître. La chevelure, d'une teinte dorée, tombe en tres-
ses légères sur ses épaules. L'arrangement des plis, qui ne
laissent point ignorer de gracieux contours, n'accusent
point cette raideur si souvent reprochée aux maîtres des
premiers siècles de la peinture à l'huile : la draperie sur-
tout qui couvre le bras droit est d'une grâce accomplie. La
conservation de ce tableau est rare ; à peine y a-t-il à rele-
ver une marque presqu'imperceptible sur la lèvre supé-
rieure, mais le temps a fait disparaître l'azur du manteau
qui pousse maintenant au noir. Le fond du tableau est orné
d'un riche site montueux, qu'anime un pâtre jouant de la
cornemuse : le ton et le feuille de ce paysage est identique
avec ceux que nous connaissons de ce maître ; le petit
temple qui s'élève au troisième plan, semble une répéti-
tion de celui qui se voit sur le tableau de l'Apocalypse de
Van Eyck, à l'église de S'-Bavon, à Gand. En somme, ce
charmant tableau, tel qu'il est, ne déparerait point la plus
belle galerie : maintenant il fait partie de la collection de
M. Baer, conseiller à la cour d'appel à Fribourg. Avant
lui, il appartenait à M. de Issel, de la même ville, qui l'a-
vait acheté d'un ancien moine de l'abbaye de Salem (Sal-
mansweiler), sécularisée en 1803, et dont les possessions
forment aujourd'hui la propriété de S. A. le marcgrave ,
Guillaume de Bade, qui y réside en été. Cette abbaye pos-
sédait'une riche collection de tableaux, et jusqu'à ce jour
il en est resté quatre de l'école flamande du XV<^ siècle qui
ornent les appartements du marcgrave.
( 59 )
LA
(îonfcàcrattan it ©crmonic,
ou
LE 4 OCTOBRE 1566.
D'inbooilingh is in zijne wiegh gchouden
En bakermat : hoe kan ik die voorby ?
Al wort de meick der moeder niet vergouden
Van 't kint, dit streek ton allerminstcn dy
Een klein bcuijs van mijn genegentlieden,
En groote zucht tôt mijn geboorteplaets.
VoNDELS Maeghdeii.
Celait en 1566 : une lettre écrite à la gouvernante
Marguerite, par d'Alava, ambassadeur d'Espagne à Paris,
sous la date du 26 août 1566 , ayant été interceptée j
les intéressés purent s'assurer, par leurs propres yeux,
qu'on engageait cette princesse à dissimuler avec le prince
d'Orange, ainsi qu'avec les comtes dEgmont et de Horne;
le roi Philippe ayant pris la résolution de les punir en
temps et lieu , et cela, d'après les termes mêmes de la
missive qui a été imprimée, de ma?iière à faire tinter les
oreilles de la chrétienté ^ dût-il mettre en danger tout le
reste de ses états.
On annonçait en même temps dans cette lettre, ou du
moins le bruit courait, qu'ivre du désir de vengeance, le
roi s'apprêtait à venir châtier la Flandre, et marcherait à
la tète d'une armée formidable.
Dans ces circonstances périlleuses, le prince d'Orange
(60)
ne perdit pas courage; il chercha un lieu sûr, dévoué à
sa cause, où son parti pourrait s'assembler. Aucune ville
ne lui parut plus propre à cette fin que Termonde. Une
convocation en ces murs fut donc arrêtée, pour y délibérer
sur les mesures à prendre; on choisit, pour s'y réunir, la
maison de Jean van Royen, que nous croyons avoir été
capitaine de la garde bourgeoise à celle époque. Chose
remarquable! c'était dans celte même maison où Philippe
avait logé quelques années auparavant, que maintenant
on allait se coaliser contre son fanatique despotisme!
Voilà qu'en effet le prince d'Orange, ainsi que les comtes
Louis de Nassau, d'Egmont, de Horne et de Hoogstralen,
chevaliers de la Toison d'or (1), volent à Termonde; ils
étaient suivis de quelques autres seigneurs, indiqués sous
le nom de partisans et cotiseillers d' Orange (2). Outre la
lettre écrite par d'Alava , le prince d'Orange leur en com-
muniqua une de l'infortuné Montigny, alors envoyé à
Madrid, dans laquelle ce dernier leur faisait connaître la
colère mal cachée de Philippe.
On balança trois partis dans cette assemblée : le premier
tendait à quitter le pays; le second à demeurer sur les
lieux, puisque les secours de leurs compatriotes ne leur
manqueraient pas au besoin pour repousser la force par
la force. Le troisième parti qu'on proposa , fut de se con-
fier à la clémence et à la justice du roi, qui en tout cas,
ne s'oublierait jamais au point de porter aux seigneurs
des Pays-Bas, une haine telle qu'il oserait méconnaître
ses devoirs envers eux; car, comme lui, ils étaient che-
valiers de la Toison d'or, et ils avaient plusieurs fois, au
(1) Consultez à cet égard : Strada, de la Guerre de Flandre (Paris,
1765); t. 1 , p. 384 et 415.
(2) Oranjes aeuhangeis en mcfleraedslieeren. Voyez Clironyke vaii
Vlacndercn , door Blootackcr en Vcruimnien (Bruggc, 1727) ; in-fol.
D. III, bl. 308.
( 61 )
prix de leurs biens et de leur sang, défendu la cause
commune (1).
Un chevalier, modèle de l'ancienne loyauté clievaleres-
que , adhéra seul à ce troisième parti : ce fut Egmont.
A cause de l'opinion vacillante du héros qui tenait les
forces de l'armée entre les mains, et que le peuple aimait
comme un père, amour dont il fournit des preuves lors du
martyre d'un homme plus brave que prudent, Strada (2)
et d'autres auteurs, d'après lui, prétendent que cette
assemblée eut lieu sans qu'on y prit aucune résolution ;
mais une chronique qui se distingue par une grande
exactitude (3) assure que les confédérés y résolurent de
s'insurger contre Philippe , et arrêtèrent d'invoquer à cet
effet le secours de l'empereur Maximilien.
L'historien Van Meerbeke (4) dit également, que la lec-
ture de la lettre écrite par l'ambassadeur d'Alava ou
d'Aldava , leur fit prendre la décision de courir aux
armes contre l'Espagne.
Burgundius (5) ne décide rien à cet égard , parce que
quelques personnes qui avaient assisté à celte assemblée,
ayant été apphquées à la torture par le duc d'Albe,
l'avaient fortement compromise ; mais elles s'étaient re-
(1) De Thou, Histoire universelle, t.V, livr. XL, p. 236. — Burgun-
dius, Historla Bclgica, lib. III, p. 401-407.
(2) T. I,p. 521.
(3) Chronyke van Vlaendercn, D. III, bl. 308.
(4) Chronyke van de gantsche wereld, Antw. 1620, in-fol. bl. 231.
(5) Pag. 407. De quo plerique postea ab Albano torti, atrociora
confessi sunt. Âtqtie anceps quidem est conjectura. Quia hoc se
niendacio libérasse cruciatu, morie?ites testabaiitur. Nos aliorum
judicio veriiatem reliiiquimus. De cetero prope otimes scriptoi-es
mecum coiisentiunt.
Burgundius du reste s'est trompé en fixant l'assemblée au 2 octobre.
L'historien philosophique Schiller a copié en grande partie cet auteur
dans le fait dont il s'agit.
(62)
tractées en mourant, et avaient confessé n'avoir porté
leurs accusations, que pour être délivrées de la torture.
Benlivoglio pousse ses doutes plus loin : non-seulement
il prétend que l'assemblée se sépara sans avoir pris aucune
résolution, mais il dit encore que la lettre d'Alava qu'on
intercepta , fut une fable inventée par le prince d'Orange.
Van Meteren n'élève aucun soupçon sur la vérité de cette
lettre, mais il glisse sur toutes les suites de cette assemblée.
Le prince d'Orange et le comte de Hoogstraten s'en
retournèrent à Anvers, et aucun d'eux n'osa se rendre à
Bruxelles, quoique différentes lettres les eussent engagés
à venir assister au conseil. Egraont seul fit ici encorQ une
exception.
La gouvernante Marguerite était instruite de ce qui
s'était passé à Termonde, soit par des espions, soit par la
trahison du comte de Mansfeld. L'imprudent Kgmont avait
écrit au comte en secret , pour lui communiquer qu'il
savait, par la lettre lue à ïermonde, que Philippe avait
résolu d'abattre quatre têtes de seigneurs , parmi les-
quelles se trouverait celle de Mansfeld. Egmont finissait
par lui demander conseil comme à un ami intime. Le
traître communiqua cette missive à Marguerite, et d'après
l'avis de la gouvernante il répondit à Egmont , pour l'en-
gager à se confier en la bonté royale. La gouvernante
s'empressa d'envoyer les deux lettres à Madrid , et de
recommander fortement à la cour l'odieux Blansfeld ,
qu'elle tâcha d'attirer entièrement à son parti , en lui
prodiguant les éloges et les caresses. Elle voulut également
apprendre de la bouche d'Egmont, quel avait été le résul-
tat de l'assemblée de Termonde. Pour toute réponse, il lui
montre une copie de la lettre d'Alava , et lui adresse les
plus vifs reproches. Elle pâlit d'abord, mais se remet bien-
tôt , et déclare hardiment que la lettre est supposée.
On put s'assurer bien vile , que la décision prise à Ter-
( 03 )
monde était insuffisante pour atteindre le but désiré. Peu
de temps après cette assemblée, les membres qui y avaient
concouru, se rendirent à Amsterdam, pour délibérer sur
les moyens ultérieurs à mettre en œuvre.
Il fallait que la ferme résolution de s'insurger fut déjà
prise, pour hasarder ouvertement ce second pas si plein
de dangers.
Le prince d'Orange, dans son éloquente apologie contre
l'abominable factum que Philippe lança contre lui, nie
d'avoir assisté à cette seconde assemblée ; ce qui nous
porte à croire que sa présence y aura été moins néces-
saire, à cause des déterminations déjà prises à Termonde.
En triant les archives de la ville de Termonde, nous
avons eu le bonheur de découvrir le rapport fait par
le Magistrat de cette ville au duc d'Albe, relativement
à la célèbre assemblée. Nous pensons que cette pièce,
écrite sur parchemin, était destinée à servir d'original;
mais que les ratures, qu'on avait trouvé convenable
d'y faire pour alléger l'inculpation , en ont empêché
l'envoi.
Voici cette charte, écrite en un contexte, que nous
avons ponctué et divisé pour en faciliter la lecture.
Tious Burghenf et Eschevins de la ville de Terreinonde ,
sçavoir faisons que , es fans colle giallement assamhlés avecq,
Christoffel De Rop , Lieutenant de Messgr. Joseph De Baenst
chevallier, sgr de dlelisont, Oostkerke , etc., grandtbailly de
la dicte ville et pays de T erre monde , elles eschevins de l'aimée
précédente , quinze cens soixante six.
Avons joinctement leii , communicquié et visité certains
poinctz et interrogatz , à nous envoyez de la part de don
Fernando Alvares de Toledo, duc d'Alve, lieutenant-gouverneur
et capitain-gcnéral , pour ausquelz satisfaire et respondre avons
certifié , attesté , certifiions et attestons pur cestes , estre véri-
table que le Jiurgliju^^ de la dicte ville , de Vannée précede7ite
( 64 )
la qnattriesme jour du, mois d'octobre (1) en la mesme année,
estant sur le marchié à'icelle ville , auroitveu entrer en l'hoterie
de l'estoille trois personnes de cheval portans livrée ; que lors
se serait addressché à eulx leur demandant à quij ils estaient j
quy luy respondoient qu'ilz estaient a 3Iansgr d'Egmonf. Ce ayant
leur demandoif au que icelluy Sgr estait? Sur quoy luy firent
respance qu'il apprachoit la dicte ville , et que dedens une bonne
demye heure il arriverait. Ce entendu ledict Burghmaistre s'est
incontinent trouvé au callegie et a icelluy donné à cognoistre
la venue dudict Sgr. quy lors advisèrent comment Hz useraient
vers ledict Sgr; portant la conclusion que le hailly , burghmais-
tre et deux eschevins , prins avecq eulx douze hallehardiers , quy
estaient pour lors en solde de la ville pour la garde et assurance
d'icelle , yroient au devant dudict Sgr. jusques à la porte nom •
mée la porte de Bruxelles; ce qu'ilz feisrent. Et illecq aians
arresté une demye heure serait arrivée ledict Sgr., et après avoir
faict et présenté les salutations a accoustume, le suyverent au
logis de Mansgr. de Paddeschoot (2) et avant quilz pouvient
(1) Burgundius {Historia Belgica, ad annum 1556 ab 1627, Antv.
1629), indique le 2 octobre : dans différents auteurs on trouve le 3 du
même mois. Il est évident que c'est une erreur.
(2) Dans le volume du Messager de 1838, nous avons consacré un
article à l'Eglise collégiale de cette ville, où nous avons émis l'opinion
probable que c'était chez Jeau van Royen , seigneur de Paddeschoot (un
endroit sous Hamme) , que l'assemblée , de 1566, avait eu lieu. Notre
opinion se trouve confirmée par cette partie du rapport. Voici la particu-
larité qu'un vieillard , dernièrement décédé , M. De Wolf de cette ville ,
m'a communiqué relativement à la mort du seigneur de Paddeschoot.
Il était capitaine de la garde bourgeoise et fit tendre des chaînes au
pont de la Dendre , qui alors était en pierres , pour empêcher le passage
de quelques séditieux qui voulaient se porter du marché aux Blés , dans
la diicction du Grand-Marché. Ceux-ci ayant brisé cet obstacle, le capi-
taine Jeau qui s'était posté au coin de la rue menant à la Grande Place,
fut occis. En mémoire du brave, la maison située du côté gauche, au coin
du marché , en y arrivant de la rue du Chevalier, fut chargée dallumcr
tous les huit jours un luminaire devant l'image de la Vierge.
Nous possédons les épitapbes relatives à la famille Van Royen , tirées
d'un MS. , porté sous le n» 167 au catalogue des livres de M. Hye-
ScUoutheet, en son vivant secrétaire de la ville de Gund , vendus
en 1833. Voyez également Lindanus.
( 65 )
approchier leâict logis, estait ledict Sgr. descendu de son cheval,
et monté en hault en quolcqiie chambre; où que lors Icsdictz
bailly , hiirghniaistre et cschevins entendirent que les aultrcs
Sgrs., assçnvoir le prince d'Orainges , le conte de Homes, et le
conte de lloogstratc y estaient aussy trestous en hault; lesquels
Sgrs. lesdictz hailly, burghinaistrc et cschevins attendaient une
heure ou environ cmhas audict logis, qui lors descendirent et
leur faisoient présent du vin de la dicte ville , selon l'ancienne
cousfume. Et ce faict, chacun de la dicte ville se retirait vers sa
maison, et lesdictz Sgrs. se mectoicnt à table pour disner, où
Hz ont faict rappeler Icsdicts bailly, burghmaistre et eschevins ,
lors retirés. Et eulx retournans estait ledict disner desjà fort
advanché , et près à inectre la déserte : et illecq ayantz estez
quelcque bon espace , se sont lesdictz Sgrs. relevez de la table ,
et aussy lesdictz de la ville; ce que voyant lesdictz Sgrs. ex-
hortaient lesditz de la ville ne se bougier de la table, par ce
quilz estaient venuz sur le tard; et quilz demourassent et fe-
raient bonne chière avecq les geiitilz hommes; à quoy lesdictz
de la ville obcyrenf , et estant debout, après avoir entendu que
le cincquiesme desdictz Sgrs. estait le conte Loys , frère dudict
prince d'Orainges, luy ont aussi présenté le vin de la ville , et
virent les dictz Sgrs. par ensemble retirer et monter en hault
dudict logis en quelque chambre à part (1), les attendant le
temps d'une heure et demye ou environ; quy lors sont descen-
duz (2), et hientost apirès montez à cheval , et pnrtiz de ladicte,
d'entre les dculx et trois heures dudict mesme après disner.
Ccrtiffions et attestons en oultre que lesdictz Sgrs. chascun do
sa chascune seraient estez arrivez en ladicte ville au jour que
dict est, environ une demye heure l'un après l'aultre , avant le
disner et avant les douze heures du midy; non scachans les
villes particulièrement dont chascun desdicts Sgrs. serait venu
en ladicte ville ; ny aussy avoir entendu pourquay ladicte as-
semblée se faisait, nayans aussi esté auparavant préadvcrtiz de
leur venue. Certiffions et attestons pardessus qu'avons examiné
(1) On a CiTacé dans le rapport les mots qui se trouvent ici en romain,
pour y substituer ceux : Sortir de la chambre.
(2) On a barré le mot descenduz ponr y suscrire le mot revenuz.
5
( 66 )
deuement sur serment en nos mai7is faict, la conipaignie et
mesnaige du Sgr. de Paddeschoot, les plus à propos et discretz;
lesquelz ont déclaré et affirmé et entre aultres le filz de la mai-
son competenient agie , que entre les huyet et noef heures audict
jour devant disner sont esté illecq arrivez trois personnes boitez
et esperonnez demandans si ccstuy estait le logis ou naguaires
auparavant aurait esté logé la princesse de Portugale (1) et
ayant entendu que si, ont incontinent demandé après la cuisine
disans que Monsgr. d'Egmont viendrait là disner avecq aultre
compnignie , et que l'on leur administrait ce que fault pour ser-
vice de la cuisine, comme lignes , estain platz et choses som-
blablcs : ce que fut faict, sans que quelcquuîi du mesnaige
entrait depuis en la dicte cuysine , sans scavoir parquy et au
nom duquel la provision ou despence se faisait; bien scachans
toutes fois que lesdictz trais personnes dessus nommez achap-
toient tout ce quil falloit pour ledict disner, et que Icsdicfs Sgrs.
sont venuz audict logis, l'un après V aultre, devant disner, après
les dix heures, et devant les onze heures, et departiz entre les
deux et trois heures après disner. Et n'ont entendu la cause de
l'arrivée desdictz Sgrs, ny aussy d'où Hz venaient, comme aussy
ils ignorent, sy lesdictz Sgrs. se seraient montrés sur les ram-
pars, rues ou marchiés de ladicte ville. En tesmoing de vérité
nous les csschevins dessus nommez avons faict mectre le scel
des causes de ladicte ville à ces présentes , le vingtcinquiesme
january l'an mil cinq cens soixante sept.
Ce rapport n'esl ni signé ni scellé : nous avons déjà
élabli notre présomption à cet égard. Egmont ne fut
arrêté que l'année suivante, et sa présence à la maison
(1) Quant à la maison de Jean van Royen, il nous parait assez probable
que c'était celle nommée ci-devant la Cigogne, alors tenante à Ihôtcl-de-
villeet que nous avons vu démolir. En ellct, il y avait dans cette maison
un appartement nommé la chambre des princes, (pii a «lu être destiné
à recevoir les nobles étrangers. Or quelques années avant rassemblée de
1566, Philippe II avait logé a la maison de Jean van Royen ; le maréchal
de Biron en fit autant en 1583; et Albert, ainsi ([ue sa fille Isabelle,
étant venus visiter le pays en 1600, y logèrent également. (P. Salomons
7 (trrlsch Jubile van Dendermonde , pag. 271 et 274).
( 67 )
de J. Van Royen fut un des griefs relatés contre lui au
procès dressé sous l'influence du duc d'Albe.
On se trompe en prétendant que le prince d'Orange
aurait adressé à Egmont, lors de son départ de Termonde,
les mots connus : o Je prévois que ton corps sera le pont
que les Espagnols fouleront aux pieds pour entrer en
Flandre. «C'est au château de Willebroek, que cette triste
prophétie fut adressée au malheureux comte.
Il ne conste pas seulement de l'endroit choisi pour une
assemblée politique, que Termonde était attaché au parti
d'Orange ; cela est également prouvé par les événements
qui suivirent cet assemblée. En effet, lorsque vers 1572,
le comte Louis de Nassau se fut emparé de la ville de
Mons , plusieurs villes abandonnèrent le parti du duc
d'Albe, ou durent céder aux armes du prince d'Orange,
entre autres Malines. Une troupe de 350 soldats, ennemis
des Espagnols, se rendit de cette dernière ville à Ter-
monde, où on les reçut avec joie. Quelque temps après,
Mons fut repris par le duc d'Albe , et les soldats qui occu-
paient Termonde se virent obligés de quitter ses murs. Bien-
tôt les Espagnols se portèrent sur Termonde : le Magistrat
s'empressa d'envoyer trois seigneurs au duc vindicatif pour
implorer son pardon^ mais ce ne fut qu'après une forte
opposition que les bourgeois de Termonde permirent aux
lances espagnoles de pénétrer dans leurs murs. Aussi la
ville ne fut pas seulement frappée d'une forte amende
pécuniaire , mais comme Malines, elle fut livrée au pillage
et à la dévastation (1),
La ville de Termonde ne perdit pas le souvenir de la
confédération que nous venons d'esquisser. Elle n'attendait
qu'une occasion favorable pour en renouveller la mémoire
d'une manière éclatante.
Cette occasion se présenta.
(1) Liiulaïuis, de Teueracmonda, p. 69 et alilii.
( 68 )
. Le 11 mai 1823, jour où le loi Guillaume visita Ter-
monde avec une solennilé extraordinaire , on érigea un
arc de triomphe devant la maison tenante à rilôlel-de-
VillCj nommée la Cigogne ; car là se trouvait la chambre
des princes {Prince?ika?ner), où, selon la tradition, l'assem-
blée confédérative avait eu lieu. Sur cet arc de triomphe,
se trouvait l'inscription suivante , de feu M. Périer :
GUILIELMO 1.
TESERAEMOXDA
LIBERTATIS. BELGICAE
INCCNABULA.
G'est-à -dire : Erigé à Guillaume I , j^ja/' la ville de Ter-
monde , berceau de la liberté des Pays-Bas.
De nouvelles constructions ont fait disparaître la vieille
hôtellerie la Cigogne. Quelque temps avant la révolution,
on avait formé le plan de placer dans le mur de l'hôtol-de-
ville, qui aboutissait ci-devant à la Chambre des Princes,
une pierre avec une inscription consacrée à rappeler le
glorieux événement qui s'était passé sur les lieux. Nous
n'avons pas encore renoncé à l'espoir de voir réaliser cette
noble pensée; et nous formons le vœu qu'on n'emploie point
une langue morte, pour rappeler aux citoyens ce grand
souvenir, éminemment patriotique. Après tout, le peuple
n'y perd rien quand on efface quelque inscription latine,
comme on l'a fait récemment sur la façade du tribunal de
Termonde , à cause de Vauspice Wilhelmo. Voici en atten-
dant celle que nous proposerions :
TER GEDACHTEXISSE
VAN HET BONDGEXOOTSCIIAP
DOOK PRISS WILLEM I
EK DE GRAVEN lODEWYK VAN NASSOCWEN , EGIÏONT ,
UOORN EN VAN HOOGSTRATEN ,
HIER TEGEN SPANJE GESLOTEN ,
DEJi IV OCTOBER MDLXVI ,
DE STAD DENDERMONDE ,
WJEO DER NEDEHLANDSCUE VRTfHElD.
MDCCC...
( Gd )
Gloire donc àTermoiide! son nom peut rayonner dans
les fastes de l'histoire.
Malgré M. De Smet qui , dans son Histoire de la Bel-
gique, a traité l'immortel fondateur de la liberté batave,
d'un manière peu affectueuse, pour ne rien dire de plus,
nous admirons l'immortel Nassau. Malgré M. Le Mayeur ,
qui a tâché de défendre indirectement le démon du Midi,
mais qui du moins n'a pas eu le tort de le faire en vers,
nous abhorrons l'indigne fds de Charles V,
Ce roi qu'avec Tibère a rélégué Thistoire ,
Tyran sans énergie, et conquérant sans gloire,
comme l'a dit un autre poète, qui a chanté les Belges en
beaux vers.
Les mots : Termonde fut le berceau de la liberté des
Pays-Bas! feront toujours palpiter notre cœur d'un noble
orgueil.
Termonde, 1839.
Van Duyse.
( 70 )
Ttotice l)tj5tDrtquc
SUR LE NOTARIAT BELGE.
L'instilulion du notariat se perd dans la nuit des temps.
Celte profession était inconnue chez plusieurs peuples de
l'antiquité. Il est certain que dans l'enfance du genre hu-
main, les contrats n'étaient que de simples promesses, qui
se faisaient en présence de quelques témoins, tel que ceci
se pratique encore chez certaines nations du nouveau
monde. Ces peuplades, lors qu'elles s'engagent à un acte
quelconque, se rendent au lieu le plus fréquenté de leurs
tribus; là elles traitent, elles conviennent, et elles inter-
pellent ensuite les passants et les témoins de se souvenir
de leurs contrats et d'en rendre témoignage au besoin.
La civilisation a3a7it peu -à- peu tiré l'humanité des
siècles de ténèbres et de barbarie, celte sorte de simples
promesses donna prise à la mauvaise foi, et l'on sentit la
nécessité d'avoir des conventions plus sûres, que la mé-
moire des assistants; alors on eut recours à l'écriture. Au
premier abord , les Phéniciens et les autres peuples mar-
chands, en contractant, écrivaient eux-mêmes leurs enga-
gements, et y apposaient leurs sceaux. Les sceaux , dont
les parties se servaient alors, ainsi que ceux dont ils firent
usage au moyen-âge, n'étaient pas des signatures comme
aujourd'hui, mais seulement de simples appositions d'un
( 71 )
cachet particulier à chacune , ou d'un signe , ou d'une
marque particulière.
Quelquefois aussi les parties écrivaient seulement au
bas de l'acte dressé par l'officier public (comme ceci se
pratiquait à Rome sous les Césars), qu'elles l'approuvaient,
sans y tracer leurs noms.
La profession de notaire naquit donc, comme toutes les
autres, du besoin delà société : quelques citoyens plus éclai-
rés se constituèrent en officiers publics pour recevoir les
actes, soit par l'appât du gain, soit par dévouement. —
L'importance de leurs fonctions détermina les législateurs
à leur donner des règlements particuliers. Ils furent dé-
clarés officiers publics, mais l'Ecriture sainte, les Pandectes
et les lois grecques nous apprennent que leur intervention
ne donnait aucun caractère de légalité aux actes qu'ils
avaient dressés; les contrats tiraient toute leur force de
l'apposition des sceaux des parties , des témoins et des
juges.
Les Argentiers d'Athènes et les Tabellions romains,
étaient tenus de présenter les actes qu'ils avaient rédigés,
au juge, qui y apposait le sceau public pour les rendre
authentiques.
Dans l'empire romain, les officiers publics, chargés de
recevoir les actes des citoyens , étaient des lettrés que les
horreurs de la guerre avaient réduits en esclavage. Les
Romains les nommaient scribae , parce qu'ils écrivaient;
cursorcs ou logographi , parce qu'ils écrivaient aussi vite
que la parole; notarii , parce qu'ils faisaient des notes;
tabelliones ou tabellarii, parce qu'ils écrivaient sur des
tablettes.
Les Digestes désignent sous la dénomination d^actuarii
ceux qui ne rédigaient que des contrats pour des négocia-
tions d'argent, tel que le dépôt, le prêl.
Il y avait encore à Rome une autre sorte d'officiers
{ 72 )
publics nommés actuaru, allachés aux préfets cl aux pro-
consuls; ceux-ci étaient chargés de recevoir les actes
d'adoption, d'émancipations, de manumissions , les testa-
ments et les donations à cause de mort.
Ils étaient tous officiers des magistrats; alors la distinc-
tion entre les greffiers et les notaires n'était pas aussi bien
établie que de nos jours. Les mêmes officiers écrivaient les
sentences et les actes.
Les notaires [nofaru) écrivaient les notes et les remet-
taient aux tabellions, qui seuls avaient le droit de rédiger
les actes sur ces notes. Cette nouvelle rédaction s'appellait
complectio contractas.
Les empereurs Honorius et Arcadius érigèrent les fonc-
tions des notaires en charges publiques, que tout citoyen
lettré devait exercer gratuitement à son tour.
L'envahissement de la Gaule belgique par les barbares,
fit disparaître, chez nous, l'institution du notarial, jus-
qu'en 803, que Charlemagne le rétablit.
Les Belges , à l'exception de ceux qui habitaient les
bords du Rhin et de la Moselle, ne connaissaient de con-
tra ts que celui de \ échange.
Les Germains ignoraient l'usage de l'argent monnayé.
Ils traitaient verbalement; mais ils assuraient leurs enga-
gements personnels et mobiliers par des signes symboli-
ques, soit pour les garantir, soit pour les consommer. Leur
parole était inviolable, ils subissaient la mort plutôt que
de la fausser; mais une fois fixés dans la Gaule belgique,
et vivant au milieu des Romains , ils n'y rencontrèrent
guères une loyauté réciproque, et sentant le besoin d'en
assurer l'exécution, ils adoptèrent l'usage d'écrire leurs
conventions, comme les autres habitants des Gaules.
Agathias nous apprend que ce n'est que vers le VI**
siècle de l'ère chrétienne, que les Francs commencèrent
à connaitrc les contrats et qu'ils les rédigèrent par écrit.
( 73 )
Dans l'ignorance de consacrer leurs ftlalions habituelles
par des actes écrits, même après qu'ils eurent acquis la
connaissance de la plupart des contrats, ils les rendaient
exécutoires par des formes symboliques : ainsi , pour faire
la délivrance d'un fond, le vendeur jcttait dans le giron
de l'acheteur un gazon; pour opérer une cession de biens
pour dettes, celui qui abandonnait ses biens ramassait une
poignée de poudre , qu'il plaçait sur le seuil de la porte de
son habitation , la face tournée vers l'intérieur de sa mai-
son; il la jcttait de la main gauche par-dessus les épaules de
son plus proche parent. Après celte cérémonie. Je cédant se
mettait en chemise , prenait une canne en main , et sautait
la haie de son enclos, après avoir fait serment par douze
témoins, qu'il n avait pas 7in sou de plus qu'il n'avait offert.
Ce fut Gharlemagne, qui le premier investit les notaires
du pouvoir d'imprimer à leurs actes un caractère d'auto-
rité publique.
Il limita leurs attributions dans l'expédition des actes
de jurisdiclion volontaire et contentieuse. Dans un de ses
Capitulaires de l'an 805, il les désigne sous la dénomina-
tion de jiidices chartularii , et oblige les évêques et les
vassaux de la couronne d'avoir chacun un judex chartu-
larius^ mais ses Capitulaires ne furent point exécutés, et
après sa mort , la Belgique replongée dans les ténèbres de
la barbarie , oublia les projets de réforme conçus par ce
grand prince.
Sous les règnes de nos souverains particuliers, les prin-
ces, les nobles et les hommes libres remettaient leurs actes
de vente , de donation et autres sur les autels, où un prê-
tre venait les prendre et les déposait ensuite dans les
archives de l'église.
Ces contrats étaient alors rédigés par les moines, qui
exerçaient à la fois les fonctions de notaire et d'avocat.
On en assurait l'exéculion par des signes symboliques,
( 74 )
tels qu'une bible, un chapeau, un cheveu , un gazon , etc.,
qu'on conservait dans les archives des églises avec le plus
grand soin.
Ducange nous apprend qu'on les attachait même à
l'acte, et qu'on les cachait en cas de danger, pour qu'un
tiers ne put s'en emparer. Au moyen-âge, c'était dans
une église, un monastère ou une abbaye, que les contrac-
tants se rendaient pour y passer un acte; le prêtre, après
sa rédaction, le transcrivait sur un livre d'église et en
déposait ensuite l'original dans les archives de la maison,
pour les mettre à l'abri des ravages des guerres intestines.
Il y avait dans chaque église, monastère ou abbaye un
garde d'archives, qui était en même temps trésorier et
secrétaire : une grande considération était attachée à ces
fonctions; il délivrait en son nom les expéditions des actes
dont la amservation lui était confiée. Il ne signait pas de
son nom, comme aujourd'hui, les actes originaux, ni
leurs expéditions; mais y apposait seulement le signe de
la croix , et un sceau ou un cachet particulier en cire.
Louis ÏX, roi de France, fut le premier législateur qui
établit l'uniformité de la profession des notaires et qui
régla leurs attributions. Aussi nos cours et conseils sou-
verains s'empressèrent, lors de leur érection, à prendre
pour base de l'institution du notariat, les ordonnances
de Louis IX.
Dès le XI" siècle, on rencontre en Belgique des officiers
publics, chargés de recevoir les actes des citoyens; mais ils
n'avaient aucun caractère d'autorité publique. Ils étaient,
pour îa plupart, attachés aux cours des nos princes, où ils
remplissaient en même temps les fonctions de notaires et
de secrétaires intimes (1).
Une instruction pour le conseil de Flandre , en date du
(1) Ces officiers étaient alors presque tous des moines.
( 75 )
J7 août 1409 , nous apprend que Maître Guyol de Boge
est classé comme notaire parmi les membres du même
conseil, et qu'il y est allaché comme substitut du cliance-
!ii;r de Flandre {advicem cance/hrii).
Robert I, comte de Flandre, investit, en 1089, son chan-
relier (1) dos fonctions de maître des notaires du comte.
Le titre de chancelier de Flandre était attaché à perpétuité
à la prévôté de S'-Donat à Bruges; mais, en 1560, il fut
réuni au nouvel évéché de Bruges , par Pie IV (2).
Le grand conseil de Malines , et les autres cours des pro-
vinces belgiques admirent aussi , dès leur érection , des
notaires parmi leurs membres , et les assujettirent aux
règlements de Louis IX.
Les notaires, reçus à une cour provinciale, avaient le
droit d'instrumenter dans tout son ressort. Ils pouvaient
même avoir deux résidences. Ils exerçaient souvent en
même temps les fonctions de notaire et de procureur.
Personne ne pouvait être nommé notaire s'il n'était âgé
de vingt-cinq ans, bon catholique, et s'il n'avait travaillé
j)endaiit plusieurs années chez un notaire. L'aspirant qui
venait de recevoir sa provision du souverain, était tenu,
avant d'entrer en fonctions, de prêter serment à la cour
dans le ressort de laquelle il allait instrumenter.
A Malines, à Namur, à Mons , à Luxembourg et à
Bruxelles , c'étaient les greffiers des cours où ils élaienl
admis, qui devaient présider leurs réunions, et légaliser
leiirs signatures ; celte légalisation n'était nécessaire que
lorsqu'on devait se servir de leurs actes dans le ressort
d'une autre cour. — Sous l'ancien régime, pour qu'un
(1) Cancellarium nostrura et omnium successorum nostrorum.... per-
Itetuo constituitiir, ciquc magisterium meorum notariorum et caj)pel-
tionini, et omnium clericorum in curia comilis scrvientium iiotestatem
foncedimus. (Wiraei, tom. I, pag. 359).
(2) MiRAEi . tom. I , pa^. 187.
{ 73 )
acte fùl valable , il devait être passé en présence de deux
lémuins, signé parles contractants, les témoins et le notaire.
Les parties contractantes pouvaient signer l'acte, en y
apposant une croix; mais les notaires et les témoins ne
le pouvaient pas, sous peine de nullité.
Les témoins devaient être , pour ne point entraîner la
nullité de l'acte auquel ils auraient assisté, âgés de vingt-
trois ans accomplis et bons catholiques.
Le fisc s'était emparé de ces places et en avait fait une
branche de finances. Un notaire avait-il rendu le dernier
soupir , on -mettait en quelque sorte sa place à l'encan, et
on la vendait au i^lus offrant. Telle était la déplorable JM)-
silion où par leur cupidité, les Espagnols, et ensuite les
Autrichiens, avaient mis l'institution du notariat.
L'électeur de Bavière, ayant, en 1704, besoin d'argent ,
supprima par un édit tous les notaires et en créa des nou-
veaux, à cAar^e de finances. Il institua en titre de propriété,
avec défenses de tous hommes de fiefs , aux bourgmestres
et échevins des municipalités, de recevoir à l'avenir des
contrats, nonobstant les dispositions des coutumes , qui le
leur permettaient.
Cet édit, aussi injuste qu'inconstitutionnel, fut rapporté
le 28 septembre 1706.
Un autre édit, du 10 décembre 1728 , établit le tahel-
lionage , qui n'a pu se maintenir qu'en quelques-unes de
nos provinces.
Le gouvernement ne put même jamais le faire exécuter
en Flandre; et les notaires, ainsi que les cours féodales,
les magistrats des villes et les gens de loi des campagnes ,
furent réintégrés dans leurs fonctions de recevoir et de
garder tous les actes, conformément aux coutumes et aux
dénombrements des seigneuries.
Quelques seigneurs justiciers de villages nommaient
aussi des notaires ; mais ceux-ci ne pouvaient exercer que
(77 )
dans l'étendue seulement de la justice qui les avait éta-
blis. Il n'existait aucune communauté entre eux, et ils
n'étaient soumis qu'aux seigneurs qui les avaient nommés
et à leurs tribunaux particuliers.
Les notaires apostoliques avaient été principalement
institués pour la prise de possession des bénéfices et des
autres actes ecclésiastiques. Ces charges étaient exercées
par des hommes qui ne faisaient aucune profession du
notariat ordinaire ; cependant ils en usurpaient souvent
les fonctions , ce qui donnait lieu à de fréquentes con-
testations entre eux et les notaires. Ils n'étaient soumis
à aucune discipline et ne connaissaient point d'autorité
supérieure pour leur régime ; mais ils furent obligés, sous
Joseph II (1785), de soumettre leur nomination au placet
roval.
En cet état , est intervenue la loi du 29 septembre et
6 octobre 1791 , qui a supprimé les notaires royaux et les
autres, ainsi que la 'vénalité et l'hérédité des offices. Cette
loi, rendue exécutoire en Belgique par la réunion de
celle-ci à la France , est la première qui ait formé de tou-
tes les classes de notaires un corps, sous la dénomination
de notaires publics ; mais elle était encore imparfaite et
ne reçut son entière exécution que par la promulgation
de la loi du 25 venlôse an XI, qui régit l'institution ac-
tuelle du notariat.
HiLàiRE Du Trieu.
( 78)
SUR *
LA DOMINATION FRANÇAISE EN BELGIQUE.
1792 — 1798.
=fS>^Jc
Le trop fameux baron prussien CIoolz qui , dans la révo-
lution française, changea son nom de baptême contre celui
du philosophe scythe Anacharsis, et s'intitula modestement
Y Orateur du genre humain, envoya, en 1792, à Dumou-
rier, conquérant de la Belgique, l'adresse suivante :
A Duniourier, vainqueur des Prussiens , des ffessois, des
Autrichiens et autres rebelles.
Général du genre humain !
L'irlandais Ward et le prussien Gerresheim sont animés
d'un zèle révolutionnaire. Leur bravoure égale la vôtre, et
leurs talents dirigés par votre génie, seront funestes à la
cause des rois. Amant de la victoire, vous allez engendrer
les départements de l'Escaut, de la Lys, de la Meuse infé-
rieure, de la Moselle inférieure, de Tlssel, des Bouches-du-
Rliin, etc. C'est ce que vous souhaite l'orateur du genre
humain.
Signé, A>A.GHARsis Clootz.
Le pauvre orateur du genre humain fut proscrit en 1794,
par la faction Robespierrrc, comme appartenant à celle
( 79 )
des Héberlistes, ultra-révolutionnaires et athées. Il périt
sur l'échafaud le 23 mars 1794. En recevant son arrêt de
mort, Anacharsis Clootz interjeta appel au tribunal du
genre humain (1).
(1) J. B. Clootz, baron prussien, connu sous le nom d'Anacharsis
Clootz , naquit à Clèves en 1755 et devint possesseur d'une fortune consi-
dérable, qu'il dissipa en peu de temps par son inconduite. Il était neveu du
célèbre De Pauw, chanoine de Xantcnct auteur des Considérations phi-
losopliiques sur les Egyptiens, sitr les Grecs et sur les Américains. Un
amour fanatique de la liberté et cette métaphysique subtile et nébuleuse
qui plait tant aux Allemands , ébranlèrent fortement son cerveau. Long-
temps avant la révolution française, dont il devint un des principaux cory-
phées, il avait donné de nombreux signes de folie. Le 19 juin 1790, Clootz
se présenta à la barre de TAssemblee nationale, suivi de plusieurs croche-
tcurs ramassés dans les ruisseaux de Paris et portant le costume de
différents peuples des quatre parties du globe, qu'il eut l'impudence
d'annoncer comme députés «le toutes les nations, et il prit la qualité
d'orateur du genre humain. Cette misérable farce . digne du Mardi-gras
et que son auteur qualifia d ambassade du genre humain , fut lionora-
blement accueillie par l'assemblée et obtint les honneurs de la séance.
Le 22 janvier 179'2, Clootz adressa à l'assemblée législative une lettre
qui commençait ainsi : « L'orateur du genre humain aux législateurs du
genre humain , salut! » Le 12 août, notre maitre-fou vint féUciter l'as-
semblée sur la journée du 10, dans laquelle le faible et bton Louis XVI
avait été expulsé de son palais par une horde de bandits, nomma le roi
de Prusse le Sardanaple du Nord et vomit les plus dégoûtantes injures
contre l'impératrice de Russie et l'infortunée Marie-Antoinette. Le 27
août, il revint supplier l'assemblée de mettre à prix la tête du monarque
prussien, du duc deBrunsv\ick, et célébra la bravoure deBrutus Anckar-
strôm, assassin de Gustave III . roi de Suède. Il prononça à ce sujet un
discours où il dit : « Charles I^"' eut un successeur : Louis XVI n'en aura
pas. Vous savez apprécier les têtes des philosophes , il vous reste de met-
tre à prix celles des tyrans ; — mon cœur est français , mon ame est
sans-culotte. » Il se déclara en même temps l'ennemi personnel de Jésus-
Christ. Anacharsis Clootz fut élu député à la Convention, où il vota la
mort du roi , au nom du genre humain , et il ajouta : Je condamne pa-
reillement à mort l'iiifàme Frédéric-Guillaume (le roi de Prusse). Dans
un ouvrage publié en 1792, Clootz pose en principe « que le peuple est
le souverain du monde: ([ue , de plus , il est Dieu ; que la France est le
berceau et le point de ralliement du peuple-Dieu; que les sots seuls
croient à un Être sin>rême, etc. , etc. » Clootz, devenu suspect à Robes-
( 80 )
Le Conseil exécutif provisoire de la répubique française
prit, le 6 novembre 1792, l'arrêlé révolutionnaire sui-
vant, qui anéantissait l'article du traité de Weslplialie par
lequel la république des Provinces-Unies s'était assuré le
monopole de la navigation sur l'Escaut et la Meuse :
a Le Conseil exécutif, délibérant sur la conduite des
armées françaises dans le pays qu'elles occupent, spé-
cialement dans la Belgique , un de ses membres a
observé :
» 1" Que les gênes ou les entraves, que jusqu'à présent la
navigation et le commerce ont souffertes tant sur l'Escaut
que sur la Meuse, sont directement contraires aux principes
fondamentaux du droit naturel, que tous les Français ont
juré de maintenir.
5)2'' Que le cours des fleuves est la propriété commune
et iniiliénable des habitants de toutes les contrées, arrosées
par leurs eaux; qu'une nation ne saurait, sans injustice,
prétendre au droit d'occuper exclusivement le canal d'une
rivière, et d'empêcher que les peuples voisins qui bordent
les rivages supérieurs ne jouissent du même avantage ;
qu'un tel droit est un reste des servitudes féodales, ou du
moins un monopole odieux qui n'a pu être établi ({ue par
la force, ni consenti que par l'impuissance ; qu'il est consé-
picrrc, et traduit devant le tribunal révolutionnaire comme faisant partie
delà faction des athées, fut condamné à mort le 23 mars 1794. En allant au
supplice, il apostropha Hébert pour rcmi)ôcher de prendre des sentiments
rcligf'cux dans ses derniers moments. Il demanda à être exécuté le der-
nier, (i afin, dit-il, d'avoir le temps d'établir certains principes pendant
que l'on ferait tondjcr les têtes de ses camarades. » La mort d'Anacbarsis
Clootz est un des crinjes de la révolution française. L'humanité réclamait
que l'orateur du genre humain fût cnchainé comme fou furieux et finit
sa carrière dans un des cabanons de Bicêtrc.
(81 )
quemmenl révocable dans tous les moments, et malgré
toutes les conventions, parce que la nature ne reconnaît
pas plus de peuples que d'individus privilégiés, et que les
droits de l'homme sont à jamais imprescriptibles.
» 3" Que la gloire de la république française veut que
partout où s'étend la protection de ses armées, la liberté
soit rétablie et la tyrannie renversée.
»4° Que lorsqu'aux avantages procurés au peuple belge
par les armées françaises (!), se joindra la navigation bbre
des fleuves et l'affranchissement du commerce de ces pro-
vinces, non-seulement ce peuple n'aura plus lieu de crain-
dre pour sa propre indépendance, ni de douter du désin-
téressement qui dirige la république {!!!), mais même
que les nations de l'Europe ne pourront dès-lors refuser
de reconnaître que la destruction de toutes les tyrannies
et le triomphe des droits de l' hotn?ne sonl la seule ambition
du peuple français.
»Le conseil frappé de ces puissantes considérations, ar-
rête : que le général commandant en chef les armées fran-
çaises dans l'expédition de la Belgique, sera tenu de prendre
les mesures les plus précises et d'employer tous les moyens
qui sont à sa disposition, pour assurer la liberté de la
navigation et des transports dans tout le cours de l'Escaut
et de la Meuse. »
Ce décret bienfaisant resta long-temps illusoire, comme
tous les décrets de la Convention et du Directoire qui n'or-
donnaient point quelqu'acte de spoliation et de tyrannie,
car alors les agents de l'autorité ne se montraient que
trop zélés pour leur donner l'exécution la plus prompte
et la plus complète. Lorsque Bonaparte, premier consul,
visita, en 1803, la ville d'Anvers, il répondit aux discours
d'apparat que lui adressèrent le conseil-général du dépar-
tement et celui de l'arrondissement : a J'ai parcouru votre
ville, elle ne présente que des décombres et des ruines:
6
( 82 )
elle ressemble à peine à une ville européenne; j'ai cru me
trouver ce matin dans une ville d'Afrique. Tout est à y
faire; port, quai, bassin dechouage... il faut enfin qu'elle
mette à profit les avantages immenses de sa centralité
entre le Nord et le Midi, de son (leuve magnifique et pro-
fond , et qu'elle devienne la cinquième ou la sixième ville
commerçante du monde.... On porte à 20 millions les fonds
nécessaires pour la confection de ces ouvrages : la guerre
ne nous permet pas de vous les accorder, mais dès à pré-
sent nous ferons ce que nous pourrons ; c'est à la ville et
au commerce à nous seconder au moins par des avances....
il faut marcher avec le temps ; il ne dépend pas toujours
de nous d'accélérer sa marche. »
Après notre révolution de 1789 qui eut une si triste fin,
l'empereur Léopold, faisant droit à tous les griefs élevés
par les Belges contre son prédécesseur, les rétablit dans
la plénitude de leurs anciens droits et privilèges. Mais tous
ses efforts pour ramener avec l'oubli du passé, la paix et
la concorde en Belgique , ne parvinrent point à triom-
pher des passions et de la'haine des partis. La prudence et
la modération qui ont si souvent manqué aux Belges, leur
faillirent encore dans cette occasion. La première invasion
des Français même , pendant laquelle la Belgique gémit
sous la plus horrible tyrannie qui apprit aux Belges
le triste sort que leur réservaient leurs libérateurs répu-
blicains, ne fut point capable d'inspirer des principes plus
sages aux principaux moteurs des troubles de 1787. La
lettre suivante, écrite par le prince Charles d'Autriche,
gouverneur-général des Pays-Bas, aux Etats de Brabant,
offre à ce sujet un document assez curieux. Nous la trans-
crivons sur l'original encore inédit:
(83 )
«Charles-Louis, archiduc d'Autriche, prince de Hongrie
et de Bohème, etc., gouverneur et capitaine-général des
Pays-Bas , etc. , etc. , etc.
»Très révérend, révérends pères en Dieu, nobles chers
et bien amés. Le comte de Limminghe, l'un d'entre vos
députés, s'étant permis en notre présence, dans une jointe
que nous avions rassemblée en notre palais, à l'interven-
tion de vos députés, le propos le plus révoltant et le plus
contraire aux sentimens que tout bon sujet de Sa Majesté
doit avoir, puisqu'il y a dit qii il préférait de ravoir en ce
pays les carmagnoles aux vexations actuelles ^ nous vous
faisons la présente pour vous dire que ne voulant plus
nous exposer à être témoins de propos aussi indignes et
d'ailleurs si peu compatibles avec la reconnoissance qui
devoit être si générale de tout ce que Sa Majesté a fait de-
puis son avènement, pour le bien de ce pays et de votre
province en particulier, ainsi qu'avec le respect qui nous
est dû, nous désirons que vous arrangiez à l'avenir les
députations que vous pourriez être dans le cas de nous
faire, de manière que le comte de Limminghe susdit n'en
soit plus. Et comme nous sommes persuadés que vos sen-
timens sont absolument contraires à ce que ce député a
exprimé , nous vous prévenons qu'en portant le fait à la
connoissance de l'empereur, nous en avons fait l'observa-
tion à ce monarque.
» x\ tant, cher révérend , révérends pères en Dieu , nobles,
chers et bien amés. Dieu vous ait en sa sainte garde.
» Bruxelles, le 10 août 1793.
Signé, Cha.rles-Louis.
Par ordonnance de S. A. R. ,
Signé , L. C. Van de Velde.
Au bas était écrit :
Aux États de Brahant ou à leurs députés.
( 84 )
En 1794, M. de Metternich, minisire plénipotentiaire,
réunit les députés des différentes provinces de la Belgique,
et les exhorta de la manière la plus pressante à joindre
leurs efforts à ceux de l'empereur pour triompher de l'en-
nemi , mais ses propositions furent accueillies avec la plus
grande froideur. Dès-lors l'empereur, vivement irrité contre
ses sujets belges, sur le dévouement desquels il avait cru
pouvoir compter, résolut d'abandonner la Belgique. La
perte de la bataille de Fleurus, où l'armée autrichienne
n'avait opposé qu'une molle résistance, lui en offrit
bientôt l'occasion. Ce qui prouve que cette retraite des
Autrichiens fut en quelque sorte volontaire et préparée de
longue main, c'est que depuis plusieurs mois on s'occupait
sans relâche à faire transporter à Vienne les archives de
l'état, les objets d'art et tous les effets appartenant au
gouvernement.
Pour preuve de leur désintéressement et que l'unique
but des républicains français était de ramener l'âge d'or
chez tous les peuples, que les armes de la république ve-
naient affranchir de la tyrannie des despotes, des nobles
et des prêtres, nos libérateurs, dès leur seconde entrée en
Belgique, en 1794, commencèrent par frapper dix-huit
villes de cette contrée d'une imposition de plus de soixante
millions de livres (602,908,75) , somme sextuple de celle
que produisaient annuellement les revenus de la Belgique
entière! Bruxelles fut imposée à 5,000,000 délivres, Anvers
à 10,000,000 , Malines à 2.000,000, Liere à 500,000, Gand
à 7,000,000, Audenarde à 500,000, Bruges à 4,000,000,
Ostende à 200.000, Ypres à 1 ,000,000, Courtrai à 300,000,
Louvain à 2,000,000 , Namur à 5,000,000 , Tournai à
4,000,000, Alost et Ninove à 4,000,000, Mous à 1,640,875
et Alh à 150.000 livres.
(85 )
Depuis la promulgation de la loi du 19 fructidor an V,
loi qui autorisait le Directoire exécutif à faire déporter tous
les prêtres insermentés, jusqu'au 18 brumaire an VIII,
9422 arrêtés de déportation furent lancés contre les prêtres
de la Belgique seule. Des ecclésiastiques assermentés ou
mariés même, des paysans pères d'une nombreuse famille,
dont tout le crime était d'avoir chanté au lutrin , des cui-
siniers , des jardiniers , des brasseurs, des apothicaires
attachés à quelque corporation religieuse, etc., etc., furent
enveloppés dans celte proscription. On était emprisonné
pour avoir fermé boutique le dimanche ou pour l'avoir
tenu ouverte le jour de décadi. Le bel âge d'or, le gouver-
nement libéral , tolérant et éclairé que celui de la répu-
blique française , qui heureusement ne trouve plus guère
aujourd'hui de preneurs que parmi les ignorants ou les
hommes pervers.
Le Directoire porta l'arrêté suivant , en date du 18 ven-
démiaire an VI (1797) : « Le Directoire exécutif, ouï le
rapport du ministre de la police générale; considérant
que Jean-Henri Franckenberg , se disant archevêque de
Malines, dans le département des Deux-Nèthes, a refusé,
tant en son nom qu'en celui de son prétendu clergé , de se
conformer à l'article 25 de la loi du 19 fructidor dernier,
relatif au serment à prêter par les ministres du culte j
considérant que son refus est fondé sur une doctrine sub-
vertive des bases fondamentales de toute association poli-
tique, en ce qu'il méconnaît la souveraineté du peuple,
et que par son exemple, il a entraîné à la révolte contre
les lois tous les prêtres de son arrondissement :
» Arrête, en vertu de l'article 24 de la loi du 19 fructidor
dernier :
( 86 )
» Art. I. Le nommé Jean-Henri de Franckenberg, se disant
archevêque de Malines, sera mis sur-le-champ en arresta-
tion et déporté.
» II, Les scellés seront apposés sur ses papiers : ceux qui
paraîtront mériter quelque attention, en seront distraits
pour être remis entre les mains du juge-de-paix de l'ar-
rondissement, qui en dressera inventaire et les remettra de
suite au ministre de la police générale,
»III, Le ministre de la police générale est chargé de
l'exécution du présent arrêté.
Pour expédition conforme ,
Le président du Directoire exécutif,
Signé, L, M. Reveilliere-Lepaux,
En vertu de ce décret inique, le cardinal-archevêque
fut arrêté et conduit à Bruxelles le 20 octobre 1797. Il
eut pour prison la ci-devant chambre des comptes, d'où il
fut déporté , le 23 octobre, à Cologne,
Dans une lettre que l'archevêque écrivit au commis-
saire du Directoire près de l'administration du canton de
Malines, pour rendre compte des motifs de son refus de
faire le serment exigé il s'exprima avec beaucoup de
dignité et de sagesse: « Citoyen commissaire, disait-il,
la religion catholique, apostolique et romaine que je pro-
fesse de tout mon cœur, et dont je suis un des premiers
pasteurs, obligé de donner l'exemple aux autres, me dé-
fend positivement de prêter un serment de haine, soit que
cette haine se rapporte à la personne d'un roi , soit qu'elle
regarde l'état delà royauté même. Dans le premier cas,
nous devons aimer notre prochain, quoiqu'il nous fasse
le plus grand mal. Dans le second cas, la royauté étant
bonne en elle-même et établie par Dieu même, elle ne
peut être un objet de haine. Il ne nous est donc pas per-
mis de haïr ni l'un ni l'autre, sans renoncer aux principes
(87)
du christianisme, moins encore de prendre Dieu à témoin
d'une action qu'il nous défend rigoureusement sous des
peines éternelles. Cette impossibilité, dans laquelle nous
nous trouvons de pouvoir remplir ce qu'on exige de nous
dans la présente circonstance, ne doit aucunement rendre
notre fidélité suspecte. Car je me flatte que vous voudrez
bien faire connaître au gouvernement , que ni moi ni
aucun membre de mon clergé, n'aurons la moindre diffi-
culté de promettre à la republique , même sous serment ,
s'il le faut, de ne jamais coopérer ni directement ni indi-
rectement au rétablissement de la royauté en France, et
que ledit gouvernement peut être entièrement assuré qu'il
n'aura jamais des infractions à punir dans les prêtres et
ne les trouvera en-deça de ses vues que lorsque la con-
stitution et ses lois ne se trouveront pas conciliables avec
les lois de Dieu et les préceptes de l'Évangile. Nous avons
donné et donnerons pour tout le reste des preuves éviden-
tes de notre soumission aux puissances auxquelles la divine
Providence nous a soumis; et le clergé belgique s'est si
sagement conduit jusqu'à cette heure, en souffrant avec
patience la perte de tous ses biens, qu'on n'a guères jus-
qu'ici trouvé de quoi faire des plaintes contre lui. Salut
et fraternité. »
Signé , Jean-Henri Frangkenberg ,
Archevêque de Maliîtes.
Beaucoup de personnes se souviennent qu'il n'était
bruit, en 1797, que de cette prétendue énergumène qui
fut publiquement exorcisée dans l'église de Montaigu. Le
docteur ô^ Huvelcmge , recteur de l'université de Louvain,
et les pères Kerckhofs et Vliegen , oratoriens, eurent beau
couvrir de reliques la prétendue possédée, l'inonder de
flots d'eau bénite et réciter le nec te lateat , satané , exor-
( 88)
ciso te immunde spiritus, adjuro te , serpens antique,
draco nequissime , et autres exorcismes du pastoral du
diocèse de Malines, ils y perdirent leur latin, et Satan
aurait fait long-temps la sourde oreille si l'arrêté suivant
ne fut venu le mettre à la raison :
a Le Directoire exécutif, après avoir entendu le rapport
du ministre de la police générale ;
» Vu différentes pièces , desquelles il résulte :
» Qu'une fille, prétendue possédée du diable, a été ame-
née de Louvain à la chapelle de Montaigu , département
de laDyle, pour y être exorcisée; que cette scène ridicule
a été la cause de rassemblements, dans lesquels les lois
et la morale publique ont été impudemment violées.
» Que les nommés ^Havelange , recteur de l'université
de Louvain, Kerckhofs çX Miegen, prêtres ex-oratoriens ,
ont été les instigateurs de cette jonglerie scandaleuse;
qu'ils se sont chargés du soin d'exorciser cette fille, qu'ils
ont accompagné cette opération de mille momeries reli-
gieuses, et qu'ils ont débité que celte fille ne survivrait
que deux ou trois jours à la sortie du diable.
» Considérant que ces trois ex-prêtres, en employant les
moyens les plus honteux pour égarer le peuple et le re-
mettre sous le joug du fanatisme, troublent l'ordre public
et ne peuvent être considérés que comme des hommes
très-dangereux , arrête ce qui suit :
»Les nommés d'Havelange, recteur de l'université de
Louvain, Kerckhofs et Vliegen, ex-oratoriens, seront
déportés en conformité de l'article 24 de la loi du 19
fructidor dernier.
j)Le ministre de la police est chargé de l'exécution du
présent arrêté.
Pour expédition conforme,
Le président du Directoire exécutif,
Signé, L. M. Revelliere-Lepaux.
( 89 )
Cet arrêté était daté du 28 vendémiaire an VI. La possé-
dée fut enfermée comme folle , au couvent des Sœurs-
Noires à Louvaiu. La leçon qu'on donna à Belzébulh fut
sévère; aussi ne sachons-nous pas que depuis lors il se soit
encore hasardé à venir faire de l'esclandre en Belgique.
Au mois de prairial de l'an VIII, la municipalité de
Bruxelles prit un long et surtout un très-singulier arrêté,
relatif à l'instruction publique et à la suppression de tout
ce qui tenait à l'ancien ordre de choses, qui y était qualifié
de monstrueux édifice, élevé par l' ignorance et les préjugés.
Par cet arrêté, il fut enjoint à tous les instituteurs et insti-
tutrices de fermer leurs classes les décadis et jours de
fêtes nationales; de mettre entre les mains de leurs élèves,
comme base de la première instruction , les droits de
l'homme et la constitution de l'an III ; de ne se servir dans
leurs écoles que du titre de citoyen et de citoyenne, et d'en-
seigner à leurs élèves la nouvelle division de l'année
républicaine. Il était ordonné aux commissaires de police
d'arracher les affiches où l'ancien calendrier serait accolé
au nouveau, et celles des maisons à louer où se trouveraient
les mots S'-Remi, mi-mars, Noël, S'-Jean, etc, Il était de
même ordonné aux cabaretiers et marchands ayant des
enseignes, portant des désignations telles que noms de
saints, cardinaux, princes, etc., de les changer dans le délai
d'une décade. L'usage des boulangers d'annoncer à cer-
tains jours la cuisson de leur pain par le son du cornet ou
autres instruments quelconques, leur fut interdit comme
rappellant l'ancien ordre des choses ; il fut statué de
ne tenir les marchés que les primidis, tridis, quintidis,
septidis, nonidis de chaque décade, etc., etc. Le dernier
article de cet arrêté ordonne le changement de noms de
(90)
plusieurs places, rues, hôpitaux et établissements publics.
Cette métamorphose était des plus ingénieuses , et les
noms nouveaux substitués aux anciens témoignent du
bon sens et du génie poétique et philosophique des
membres de cette sage municipalité. Le lecteur en jugera
par cet échantillon :
PREMIÈRE SECTION.
Anciennes dénominations.
Rue Sainte-Anne,
» des Petits Carmes ,
» de Notre-Seigneur,
» des Minimes ,
de la Samaritaine,
de N. D. de Grâce,
d'Enfer,
du Paradis ,
» de S'-Pierre , près de la porte
de Hal ,
Marclié de la Cliapelle,
»
Dénominations républicaines.
Rue de la Fécondité,
de la Jeunesse,
de la Vieillesse,
de rAmitié.
de la Prudence,
des Piquets,
du Vieux-Conte.
de l'Olympe.
n
»
»
»
I)
»
Rue des Bogards ,
» des Alexiens ,
du Curé,
de Notre-Seigneur,
du Diable,
de Saint-Guislain,
)i des Visitandines,
» des Brigittines,
Grande rue des Capucins ,
Petite rue des Capucins ,
Rue du Sacristain ,
1) de Saint-Jacques ,
» du Cercueil.
Marché de la Pourvoyance.
DEUXIÈME SECTION.
Rue de J. J. Rousseau.
» de la Révolution.
» du Petit-Coq.
)) de Voltaire,
n de la Malice.
)) du Courage.
H du Contrat social.
» du dix Août.
I) du Trésorier.
) du Travail.
I) de l'Adjudant.
» de Guillaume Tell.
Rue des Moines,
Rempart des Moines ,
Rue des Sœurs Noires,
» de N. D. du Sommeil,
)) de Sainte-Catherine,
» des Chartreux ,
Place de Jéricho ,
TR0ISIÈ9IE SECTION.
Rue des Exclus.
Rempart Cisalpin.
Rue de IHospitalité.
)) du Calendrier républicain.
» du Commerce.
» de l'Arsenal.
Place des Munitions.
(91 )
QDATRIÈÎIE
SECTIOPI.
Rue du Nom-Jésus ,
Rue de Mucius Scevola
» de Saint-Roch,
» de rOubli.
» du Samedi ,
» de Solon.
La rue du Curé, donnant dans celle
du Quai aux Tourbes,
» du Ratteau.
Celledu Curé, près de la rue Neuve,
» du Copiste.
Le cul-de-sac du Curé, dans la rue
du Pont-Neuf,
Cul-de-sac du Petit-Ho
Lagranderue du Grand-Béguinage, Rue de la République.
Treize autres rues de cette section reçurent le nom de
rues du Peuplier, du Cyprès, du Bouleau, de la Serpette,
de la Ruche, de la Belette, du Maronnier, du Lillas, de
la Pensée, de l'Accacia, du Muguet, du Sureau.
CINQUIÈME SECTION.
Rue de Saint-Pierre, Rue de la Clef.
» de Saint-Hubert , » du Chasseur.
» des Capucines , » du Sans-Souci.
Petite rue des Dominicains . Ruelle de la Démolition.
Rue d'Aremberg , Rue d'Anneessens.
SIXIÈME SECTION.
Montagne de Sion , Montagne de la Gloire.
» de Sainte-Elisabeth, » de la Félicité.
» des Oratoires ,
Cul-de-sac de Berlaimont,
Place de Sainte-Gudule.
)) de la Philosophie.
Rue de TÉducation.
Place du Beffroi.
SEPTIÈME SECTION.
Rue de la Magdelalne ,
» des Douze-Apôtres ,
)) Terarcken ,
» de Saint-Laurent,
» Notre-Dame ,
Gance Saint-Roch,
Cour Saint-Roch ,
Petite rue de la Magdelaine,
Rue des Paroissiens ,
Longue rue de l'Écuyer ,
Petite rue de l'Écuyer ,
Rue de l'Impératrice ,
Rue du Capitole.
» de la Démocratie.
» de la Postérité.
)) des Droits de l'Homme.
» de la Renommée.
Ruelle de l'Innocence.
Cour de l'Innocence.
Petite rue du Capitole.
Rue des Amis.
» de la Réunion.
» du Télégraphe.
» des Républicains.
( 92 )
Rue de l'Empereur , Rue du Peuple.
Plaine de la Cour, Plaine de l'Égalité.
Rue Royale , Rue de la Liberté.
H du Conseil, » de la Loi.
n Ducale , » de rÉgalitè.
)) disabelle , » de la Ribliothèque
» du Marquis, » du Citoyen.
Place de la Chancellerie , Place de la Vertu.
HUITIÈME SECTION.
Rue des Alexiens , Rue de la Révolution.
» des Grands Carmes , » de la Constitution.
» de Bavière, . » de la Fraternité.
Marché de Bavière. Marché de la Fraternité.
Le 4 thermidor de l'an III, le représentant du peuple
près des armées du Nord et de Sambre-el-Meuse, Giroust,
porta l'arrêté suivant :
tt Considérant, que dans quelques communes les proces-
sions hors de l'enceinte des égHses, ont donné lieu à des
rixes indécentes entre gens de différents cultes,
» Arrête ce qui suit :
» Art. I. Il ne sera fait provisoirement aucune procession
hors de l'enceinte des églises.
» II. Les commandants militaires tiendront la main à ce
que l'ordre et la décence ne soient aucunement troublés
dans l'exercice du culte. Le culte devant s'exercer dans
l'intérieur des églises, et non dans les rues environantes,
il ne pourra y avoir ni queues ni rassemblements aux por-
tails , etc., etc. »
Quelques prêtres à Bruxelles ne s'étant pas conformés
à cet arrêté, le citoyen Rouppe, alors commissaire du
Directoire, adressa la lettre suivante aux curés de cette
commune.
(93 )
Bruxelles, le 12 germinal, Tan IV"»' de la république
une et indivisible.
a Le commissaire du Directoire exécutif près de la mu-
nicipalité de Bruxelles.
» Je suis surpris, citoyen, qu'au mépris des lois qui vous
assurent le libre exercice de votre culte, dans l'enceinte
de vos églises respectives, vous vous permettiez encore de
porter processionnellement ce que vous appeliez votre
bon Dieu.
» Citoyen, votre désobéissance est coupable; yoire audace
est on ne peut plus répréhensible. Vous avez indignement
abusé de la douceur d'un gouvernement Juste et hu-
main (!), et ce n'est qu'à votre opiniâtreté seule que vous
devez attribuer les mesures de rigueur, qu'on pourrait
être dans le cas de prendre contre vous.
» Chargé de la surveillance et de l'exécution des lois, je
vous somme à vous conformer dorénavant au prescrit de
l'arrêté des représentants du peuple, du 4 thermidor
an III, publié dans cette commune le 5 du même mois, et
à ne plus porter le viatique que caché et sans flambeaux,
sonnette, baldaquin, surplis, queue ou suite de personnes,
ou autre signe extérieur quelconque; vous prévenant que
la moindre infraction au présent réquisitoire sera puni
suivant toute la rigueur des lois et que, si par des gestes
ou des signes quelconques, vous tâchiez d'attirer autour
de vous des attroupements prohibés par la loi, vous serez
responsable des suites et regardé comme perturbateur de
la tranquilité publique.
» Salut et fraternité.
Signé, N. RouppE (1).
(1)M. Rouppe, né dans le Brabant septentrional, se destina d'abord
à l'état ecclésiastique. Il étufiia en qualité de boursier au collège hollan-
dais à Louvain. Sous-diacre et bachelier en théologie, il soutint dans une
tiièse publique, le 24 février 1794, l'iiKUssolubilité du mariage, lu pri-
(94)
Le 15 germinal suivant, le commissaire du Directoire
adressa un second réquisitoire aux curés de Bruxelles,
relatif aux enterrements accompagnés de cérémonies reli-
gieuses. Il était conçu dans les termes suivants :
Le commissaire du Directoire exécutif près de la muni-
cipalité de Bruxelles. ■
Au citoyen.... curé de la paroisse de....
a Citoyen, on m'a dénonce que quelques-uns de vos col-
lègues ont osé prendre sur eux de ne pas se conformer à
l'arrêté des représentants du peuple du 4 thermidor , ni
au réquisitoire que je vous ai adressé, sous la date du 12
de ce mois : des prêtres en surplis , précédés d'une croix ,
ont paru hier, à trois heures de relevée, dans les environs
du Parc, et le hasard a voulu qu'ils ne sont pas tombés
dans les mains de la police.
«Citoyen, que ce soit la dernière fois que je me trouve
forcé à vous rappeler au respect et à l'obéissance de la loi !
Ne vous avisez plus de faire des restrictions ridicules, en
mauté (lu pape, etc., etc. A la seconde entrée des Fiançais, il quitta
la soutane, fut nommé secrétaire de la nouvelle municipalité et exerça
ensuite remploi de commissaire du Directoire exécutif à Louvain ,
puis à Bruxelles, où il sattira lestinie général de ses concitoyens, qui
lui offrirent, le 21 prairial de l'an VIII (1800), une médaille en or, à
laquelle était jointe la lettre suivante :
(( Les soussignés habitants de cette commune, au citoyen Rouppe ,
ci-devant commissaire du gouvernement près l'administration de la
Dyle.
«Citoyen, la médaille que nos députes vous offrent, en vous remettant
la présente , est un hommage ([ue nous nous plaisons à rendre à celui
qui a su concilier la philantrophie aux devoirs rigoureux que l'exécution
des lois lui imposait l'obligation de remplir : à ces titres, elle vous est
due, citoyen; veuillez lagrécr comme un bien faible gage de l'estime
que nous et nos concitoyens vous avons vouée , et puisse son emblème
vous rappeler notre gratitude aussi long-temps que nous conserverons
le souvenir de vos vertus. Salut et attachement. »
Suivaient plus de 3000 signatures.
(95 )
disant que l'arrêlé des représenlants, que mon réquisitoire
ne vous ont pas défendu les enterrements cérémonieux qui
prouvent que vous voulez maintenir l'inégalité jusqu'après
la mort. Sachez que tout signe de culte extérieur, sous
quelque dénomination que ce puisse être, est rigoureuse-
ment défendu hors de l'enceinte de votre éghse, dans
laquelle seule vous avez le droit d'exercer vos fonctions,
et les cérémonies de votre culte, sans que personne les
puisse troubler.
«Appréciez finalement que, si par une opiniâtreté cou-
pable, que je suis loin de vous supposer, vous osez encore
contrevenir, de quelque manière que ce soit , aux dispo-
sitions susdites , ce ne sera plus avec des mots qu'on vous
réduira à l'obéissance de la loi j non citoyen : je vous
montrerai alors que je sais faire respecter l'autorité pu-
blique, et que la responsabilité qu'elle nous impose, n'est
pas un mot vide de sens.
«Salut et fraternité.
Signé , N. RouppE ,
Commissaire du Directoire exécutif.
Suin , directeur des domaines nationaux dans la Bel-
gique , sous le Directoire , cite dans un écrit curieux et
devenu rare, wxùinXé, Désastreux effets de la contribution
militaire, une foule d'exemples de dilapidations commises
dans la vente de ces domaines. 11 rapporte entre autres que
des propriétés appartenant au duc d'Arenberg, et confis-
quées pendant son émigration, furent adjugées et livrées
pourl50,000 livres, quoiqu'elles en valussentplus de quinze
cent mille! Le château de Moerbeeck, avec 450 arpents de
terre, dont le produit annuel était de 36,000 livres, fut
vendu pour 12,000 livres, une fois payées; de sorte que le
capital était alloué poin- le tiers du revenu d'une année.
(96 )
Le château de Tamise , valant au moins 50,000 écus , fut
acquis au prix de 1800 livres. L'hôtel du prince deGavres
à Bruxelles, estimé aussi 50,000 écus, fut aliéné pour 200
livres. Un autre hôtel à Gand, dont les meubles d'un seul
appartement avaient coûté plus de 50,000 écus, fut vendu
avec les meubles pour 6000 livres. On vendit pour 13400
livres , la ferme de Sommay , appartenant à l'abbaye
d'Heylissem et valant au moins 250,000 livres. L'arche-
vêché de Malines fut acquis au prix de 900,000 francs en
bons, ce qui ne faisait qu'à-peu-près 8000 livres en numé-
raire. Le plomb seul des bâtiments valait davantage. Nous
ajouterons que le refuge de l'abbaye de Vlierbeeck à
Louvain, vaste bâtiment, construit en pierre de taille et
entouré d'un grand jardin, fut vendu pour 800 francs!
Ces faits et une foule d'autres de ce genre que nous passons
sous silence , donnent une idée du génie financier ou de
la probité des faiseurs de cette époque déplorable.
Peu de personnes se rappel ent que c'est le fameux
Cambacères que les amis des arts doivent , en quelque
sorte , accuser d'avoir été le moteur de la plupart des
actes de vandalisme commis pendant la révolution en
France et en Belgique. Ce futur archi-chancelier de l'em-
pire fit décréter par le conseil des cinq-cents, le 25 ventôse
de l'an V (1797), la vente de tous les bâtiments nationaux
qui ne tenaient pas à des propriétés rurales ou ne servaient
pas à leur exploitation. Ce n'est que depuis l'adoption de
cette loi funeste , digne plutôt des barbares du V siècle
que des législateurs d'un peuple civilisé de la fin du XVIII*,
que commença véritablement la destruction de celte foule
d'églises, d'abbayes, de châteaux et autres monuments qui
ornaient le sol de la France et de la Belgique, et dont nous
déplorons encore journellement la perte: c'est alors qu'on
( 97 )
abattit les châteaux de Marly, de Sceaux, de Choisy, de
Chantilly, dont la conservation avait cependant été dé-
crétée par la Convention nationale , la cathédrale de
Cambrai , Tabbaye de Si^-Bertin à S'-Omer , l'abbaye de
S'-Amand , l'église de S'-Nicaise à Reims , l'abbaye de
Villers, près de Nivelles, et nombre d'autres édifices Jion
moins remarquables. On alla jusqu'à mettre en vente
pour la démolir la superbe église de N. D. à Anvers ! Il se
forma alors des compagnies de démolisseurs , connues sous
le nom caractéristique de bande ?wire , nouvelle espèce
d'industriels toisant les édifices nationaux pour en vendre
les débris , estimant les monuments publics non par la
beauté de leur architecture et le génie des artistes qui les
avaient élevés, mais d'après la quantité de plomb, de
pierres et de bois qui entrait dans leur construction. Les
législateurs auteurs de la loi du 25 ventôse, braves et
honnêtes avocats ou propriétaires , ayant le bon sens de
ne voir dans les sculptures de Jean Goujon , de Germain
Pillon, du Puget , de Houdon, etc., et dans les temples
et les palais que des pierres taillées , ne refusaient point
de partager le gâteau avec les citoyens de la bande
noire , témoin l'honorable Crétel , futur ministre de
Napoléon , qui acheta et fit démolir la belle Chartreuse
de Dijon.
L'arrêté du Directoire exécutif, en date du 5 brumaire
an VI , qui ordonnait la séquestration et la vente des
biens, maisons presbytérales et églises des cures non des-
servies dans les neuf départements et de celles où le culte
serait exercé par des prêtres insermentés, ne fut pas moins
funeste aux beaux-arts que la loi du 25 ventôse. D'après
cet arrêté, tous les ornements et les objets d'art que ren-
fermaient les églises, furent vendus à vil prix; plusieurs de
ces édifices même furent démolis.
(98)
Lorsqu'à la fin du siècle dernier, une grande partie de
la Belgique poussée au désespoir, tenta de secouer le joug
de fer que lui avaient imposé les Français, les insurgés
de Salm, au pays de Liège, envoyèrent en 1798, la
sommation suivante aux villages voisins , pour les obliger
à prendre les armes :
« L'armée de Jésus-Christ. Pour combattre contre la
république, nous invitons et nous ordonnons à toutes les
communes de la Vaux-Ghavagne à se rendre à Salm et
sommons Grand-Mesnil et tous les environs d'alentour
et Grand-Mesnil à sommer la commune de Mormont , et
Mormont tous les environs, ci-devant terre de l'Empire,
pays de Stavelot, pays de Liège, pour se rendre à Vieux-
Salm, ou si non, s'ils ne se rendent pas sur-le-champ pour
avoir les ordres des généraux, ou s'ils ne se rendent pas
en-déans les vingt-quatre heures à Vieux-Salm, ils seront
punis d'être hachés et brûlés, tant filles et enfants que capa-
bles et non-capables de porter les armes.
» Fait au quartier-général à Salm, le 10 brumaire,
an VIL »
Le lecteur voudra bien nous dispenser de tout commen-
taire tant sur le fond que sur le style de cette pièce. La
lettre suivante prouve que les insurgés avaient cherché à
intéresser l'Autriche à leur cause. Cette lettre fut écrite par
le prince Charles, généralissime des armées autrichiennes,
à une personne qui occupa une place distinguée au con-
grès belge pendant la révolution de 1789, et qu'il nous
est défendu de nommer ici :
a Monsieur, j'ai exactement reçu la lettre par laquelle
vous me faites part de l'exécution d'un plan tendant à
seconder le succès de la bonne cause et les armes de
Sa Majesté impériale dans les Pays-Bas. Je m'empresse d'à-
(99)
bord de vous charger de témoigner aux deux chefs occupés
de la formalion du corps des Belges , toute la satisfaction
que m'inspire leur zèle pour le service de Sa Majesté. Vous
voudrez bien de plus leur déclarer, que non-seulement je
regarde la levée et le service de ce corps , comme d'un
intérêt immédiat et majeur pour l'avantage de la cause
commune et de nos opérations militaires , mais même
qu'aussitôt qu'il sera en état d'être utile, je me propose
de correspondre et de m'entendre avec ses chefs , sur les
moyens de combiner ses mouvements avec ceux de mon
armée. Veuillez donc assurer ces messieurs qu'en consé-
quence je donne mon approbation à ce projet et à toutes les
démarches qui pourraient tendre à le faire réussir. Il ne
me reste plus, Monsieur, qu'à vous offrir tous mes remer-
ciments pour votre zèle et votre empressement à me faire
connaître un objet aussi important. J'y joins avec plaisir
l'assurance des sentiments distingués , avec lesquels je
suis, etc.
» Signé , Charles.
«Au quartier-général de Douau-Eschingen , !e 8 octobre 1799. »
A. G. B. SCHAYES.
( 100 )
:3lnala0e0 mUques îï'(DuDragc0-
a»^»c-"
Verhandeliing over de nederlakdsche DiCHTKiwsT 15 Belgie,
sedert hare eerste opkomst tôt aen de dood van Albert en
Isahella, door F. A. Snellaert, doctorin de Geneeskunde.
Bekroond door de koninklyke Académie van wetenschap-
pen en fraeie letteren te Brussel, in de zitting van den
1 mei 1838. Brussel, Hayez, 1838. 111-4", bl. 288.
Das Franiœsisclie ist den Belgiern nur aufgeklebt , um
fruehei oder spaeter, vcie ein moderner sehlechter Kalk-
Sueberwurf von der sclioenern gothischen Slruktur ihres
Grundcbarakters wieder abzufallen.
WOLFGANC MENZEL.
La langue flamande est, sans contredit, un des éléments
les plus forts de notre nationalité : c'est par elle que le pré-
sent et le passé se touchent et se lient; les faits héroïques
de nos ancêtres ont été célébrés en flamand, et dans les
grandes crises politiques, ce fut dans cette langue que
retentirent les chants de vengeance qui précédèrent main-
tes fois la délivrance de notre patrie du joug étranger.
Opprimée depuis plus d'un siècle par un gouverne-
ment étranger, la Belgique était tombée dans un état de
marasme moral; la langue nationale était négligée, et pen-
dant toute cette période, aucun auteur de quelque nom ne
surgit parmi nous ; l'influence française s'étendait de plus
en plus, et dédaigner le flamand fut bientôt de mode. Le
gouvernement, au lieu de réprimer cette tendance perni-
( 101 )
cieuse, suivit l'impulsion générale en introduisant le fran-
çais dans l'administration, et maintenant un parti s'élève,
qui voudrait étendre davantage encore ce système, et qui
semble avoir pris à cœur d'opprimer , d'extirper , s'il est
possible , la langue du pays.
La nation qui se laisse dépouiller de sa langue, perdra
bientôt la mémoire de son origine , et , comme le jouet
des peuples voisins , elle rampera à la voix du premier
conquérant qui paraîtra à ses frontières.
C'est un des devoirs les plus sacrés d'un gouvernement
de réagir de toutes ses forces contre la marche de la nation,
faussée par l'influence morale d'une nation voisine j c'est
à lui de prendre sous sa protection la langue et la littéra-
ture nationales, et d'en encourager la culture par tous les
moyens qui sont en son pouvoir, car la faveur qu'on
accorde à l'élude d'un idiome étranger ne sert qu'à cor-
rompre l'esprit national.
La langue flamande, ose-t-on nous dire, n'a point de
force civilisatrice. Cependant notre patrie possède une litté-
rature ancienne qui ne le cède en rien à celle des plus grands
peuples, et dans l'époque actuelle même, les ouvrages qui
paraissent ici en flamand, l'emportent, tant sous le rapport
du mérite que sous celui du nombre, sur tout ce que les
Wallons font chez nous en français. Aussi M. Fred, Thiersch,
dans son ouvrage sur l'état actuel de l' instruction publique
dans les parties occidentales de V Allemagne , en Hollande ,
en France et en Belgique , pense plus sensément et avec
plus de justesse de l'avenir de la nationalité belge : a Mon
séjour à Gand, dit-il, m'avait appris à connaître le centre
d'une activité qui, prenant sa source au fond même de
l'ancien esprit des Flamands , a commencé à raviver les
racines de leur antique nationalité, et à développer de la
même manière l'industrie , les sciences et les arts. Gand ?
comme chef-lieu de la Flandre, a, par -là même, une
( 102 )
importance plus particulière et plus haute pour l'avenir
de la Belgique , même sous le rapport politique , que celle
que Bruxelles a dans le Brabant. A Bruxelles, tout ce qui
est indigène, tout ce qui tient à l'ancien esprit de la po-
pulation, se trouve envahi ou remplacé par l'esprit étran-
ger ou par celui de la nouveauté ; et si , le royaume réussit,
placé qu'il est sur la grande limite de la nation romane et
de la nation germanique , à se créer un esprit et une civi-
lisation particulière, ce ne peut être que par le développe-
ment de ce qu'il y a de national et d'indigène dans les deux
Flandres et par la prépondérance que cette partie du pays
pourra acquérir sur l'influence des autres provinces plus
françaises ou plus allemandes, » D'autres, au contraire,
regardent notre langue comme une langue morte, dont
la culture peut, pendant un certain temps encore, être
utile aux écrivains français pour leur mettre sous la main
les documents de notre histoire. « Que l'idiome flamand se
cultive, dit M. Van Hasselt, pour l'intelligence de noire
histoire, de notre passé, des choses qui ne sont plus, des
hommes qui ne sont plus. Qu'il se cultive pour aider à
compléter tout ce qu'il y a d'incomplet encore dans les
connaissances que nous possédons sur ces magnifiques
annales des Flandres et du Brabant, si obscures encore
à plus d'une de leurs pages. Qu'il se cultive pour donner
à tous ceux qui s'occupent d'études historiques en Belgi-
que , la clef de Van Heelu et de Van Velthem , de Melis
Stoke et de Van Blaerlant. » On refuserait bientôt toute
gloire littéraire à notre pays, et on y serait déjà venu si
l'histoire n'était là pour constater notre richesse en fait
d'ouvrages littéraires et d'oeuvres poétiques de tout genre.
Plus de dix ans se sont écoulés depuis que M. Willems
publia l'histoire de la littérature flamande. Wilsen Geys-
beek et Hofman von Fallersleben suivirent ses traces et
firent connaître plusieurs de nos anciens auteurs, par la
( 103 )
publication d'importants poèmes. Maintenant, en même
temps que M. Mone, archiviste-général à Garlsruhe, fait
paraître eu Allemagne une revue de notre littérature
(Uehersicht der Niederl. Volksliter. altérer zeit), M. Snel-
laert, médecin à Gand, publie dans le mémoire, dont
nous donnons le titre en tête de cet article, une œuvre
mieux conçue, qui, en même temps qu'elle nous donne
une idée générale des différentes époques, est encore
entraînante sous le rapport du style , et très-agréable à la
lectur.
L'écrit de Mone n'est que l'esquisse d'un plus grand
ouvrage; il nous donne les titres des productions littérai-
res , décrit les manuscrits, mais il effleure le contenu et se
contente de transcrire les premiers et derniers vers. Le mé-
moire de M. Snellaert est un tableau raisonné, dans lequel
la vie des poètes et les aventures des héros qu'ils célé-
braient dans leurs chants sont retracés avec des couleurs
aussi vives que vraies. Les événements politiques, les moeurs
de nos ancêtres et l'influence qu'ils eurent sur notre litté-
rature, y sont décrits de main de maître.
L'ouvrage est divisé en trois périodes. Dans la préface,
l'écrivain nous donne une idée des règles de prosodie ,
suivies par nos poètes du moyen-âge, et jette un coup-
d'œil sur les auteurs qui fleurirent avant le siècle de
Maerlant. « La poésie avant Maerlant, dit-il, était l'image
de la chevalerie ; elle était errante comme elle. Pour
abréger les longues soirées d'hiver, elle était assise au coin
du feu dans la grande salle du château ; sa voix mélo-
dieuse y consolait la jeune fille ou célébrait les tournois et
hauts faits des guerriers : pendant l'été, quand les champs
reverdissaient et brillaientdes couleurs les plus variées, elle
errait avec la châtelaine par les campagnes et les sombres
forêts, ou de château en château elle cherchait de nouvel-
les aventures et les illustrait dans des chants pleins de
( 104)
grâce et de force. Celte vie errante nous retrace l'esprit de
celte époque : les chevaliers habitaient les forts dont le
pays était hérissé, et les princes eux-mêmes résidaient
ordinairement dans l'un ou l'autre de leurs châteaux et
ne tenaient que rarement leur cour dans les villes, » Aussi
est-il à présumer que presque tous nos romans de cheva-
lerie appartiennent à cette période, et existaient avant le
temps deMaerlant, avant le XIIP siècle. Maerlant fut chez
nous le premier poète didactique, il critiquait vertement
celte poésie descriptive et romantique; et voulait instruire
autant que plaire par ses poésies: c'est à lui que nous
sommes redevables de la première chronique rimée; il
traduisit aussi la Bible et composa un grand nombre d'ou-
vrage, sur la morale, l'histoire naturelle et la religion,
A la page 63, il parle du poème du Renard : a Quel
poème, dit-il, peut être comparé à celui du Pvenard?
Les nations voisines élèvent avec orgueil leurs meil-
leures poésies ; nous ne craignons pas de comparer notre
poème allégorique avec tout ce qu'ils ont de meilleur
et dont ils sont les plus fiers. Quel tissu de fines intri-
gues ! Quelle variété de caractères dans les acteurs , qui
sont maintenus jusqu'à la fin dans leur véritable jour!
Renard est le type de l'intrigant; Isegrim, qui lui est op-
posé, pense que la justice et la raison ont toujours leur
cours: quel chagrin ne concoit-il pas quand il voit que la
vérité la mieux établie doit le céder au mensonge émiellé !
Le roi qui connaît les flatteurs et les estime à leur juste
valeur, est disposé à donner une bonne leçon aux mé-
chants, le roi perd tout son courroux à la voix de Renard,
qui lui apprend qu'il a entravé l'exécution d'un coup
d'état, et en parlant de bijoux et de trésors cachés, il
désarme la reine qui ne songe qu'à sa toilette. Avec quel
art , ne s'insinue-t-il pas dans la bonne grâce de Brun et de
Tibert dont il connait le faible? Le poète nous peint sous
( 105 )
ses véritables traits Courtois le flatteur, qui ne parle que
français. Qui ne rit point des mésaventures de Belyn ?
Grimbert est un exemple de bonne foi et d'amitié inviola-
bles. * — La langue et le style nous prouvent que le poème
a été composé à diverses époques par différents auteurs.
M. Willems a démontré que la première partie (les 3394
premiers vers ) a été écrite vers le milieu du XIP siècle, et
il attribue le reste à Guillaume Utenho\e, prêtre à Arden-
burch, qui vivait dans le XIIP siècle.
La première période du Mémoire s'étend jusqu'au
XV^ siècle, et l'auteur, après avoir parlé du poème fla-
mand des Niebelungen , dont M. le professeur Serrure
vient de trouver un nouveau fragment, passe en revue
les romans du cycle de Charlemagne et d'Arthur, et nous
donne en raccourci le contenu des principaux: de Charles
et Elegast, de Floris et Blancefleur, Renaut de Montal-
ban, Maugis, Lancelot , Walewein, Fergut, etc. Cette ma-
tière, dont chaque chapitre mériterait une dissertation
particulière, n'a été traitée que superficiellement , car le
cadre qu'on avait imposé à M. Snellaert était trop rétréci
pour contenir tous les détails sur les oeuvres littéraires de
ce siècle si riche en productions poétiques. Il serait à dési-
rer que l'Académie de Bruxelles mit au concours comme
sujet d'un mémoire spécial, la vie et les écrits de l'un ou
l'autre de nos grands écrivains, ou une époque ou une
branche de la littérature, afin qu'un écrit particulier de
chaque poète, de chaque époque, nous mît à même de
connaître avec plus de justesse les chants des siècles passés
et les faits héroïques de nos ancêtres. Le tableau que
M. Snellaert nous met sous les yeux , nous donne une idée
générale de chaque époque, mais il est loin de nous faire
connaître tous les auteurs, et toutes les compositions dont
notre littérature peut ajuste titre s'enorgueillir.
Le second chapitre contient la seconde période, qui
{ lOG)
commence au XV* siècle et s'étend jusqu'au XVII^ Notre
langue perdit, sous le gouvernement des princes bour-
guignons, sa pureté, et notre littérature sa vogue et sa
richesse. A la cour on parlait le français, et cet exemple
pernicieux s'étendit dans les villes de Flandre. Ce fut alors
aussi que les chambres de rhétorique s'élevèrent et que les
drames allégoriques et les refrains philosophiques furent
transplantés de France en Belgique. — Durant la troi-
sième période (1584-1632), les lettres se relèvent de nou-
veau; à la voix d'Ymmeloot, on quitta la route que sui-
vait la France, et une meilleure prosodie, qui est restée
jusqu'à nos jours, fut introduite; Olivier de Wree, Guil-
laume Van den Nieuwelant , Poirters écrivaient une lan-
gue plus douce et plus pure. Mais Daniel Heins et Van
Zevecote dominaient cette époque , tant sous le rapport de
l'élévation des idées que sous celui du rythme et de la pu-
reté du langage. Jacques Van Zevecote naquit à Gand,
vers 1596, et Willems le regarde comme le prince des
poètes belges; l'écrivain de ce mémoire le place comme
poète lyrique à côté de Hooft, et pense qu'une édition des
œuvres complètes de Zevecote et de Heins manque à la
gloire de notre pays.
Nous finirons cet article en transcrivant quelques lignes
de la post-face, qui retracent d'une manière forte, mais
juste, l'avenir de nos provinces flamandes et font connaître
les sentiments patriotiques dont l'auteur est animé. «Vers
le XVII* siècle , le joug étranger opprima de nouveau
le peuple des Pays-Bas méridionaux. Durant un certain
temps encore, la Belgique eut quelques Bardes dignes de
son antique splendeur, mais la barbarie couvrit bientôt
de ses noires ailes le pays découragé et énervé, et l'obscu-
rité la plus épaisse régna durant un siècle entier. Le temps
s'éclaircit depuis de plus en plus, et maintenant l'avenir se
fait voir sous de plus brillantes couleurs. Voulons -nous
( 107)
fonder un état sur des fondements stables , c'est sur la lan-
gue du pays qu'ils doivent reposer. La cultiver et l'illustrer
nous délivrera de l'esclavage moral , sous lequel nous som-
mes encore courbés. Non, nous ne pouvons nous rallier à
la France. Il ne peut exister entre la Belgique et ce pays
que des traités de bon voisinage. La France doit perdre
tout espoir de nous conquérir. Et quels moyens avons nous
de nous élever au yeux des étrangers, si nous méprisons
nous-mêmes la langue de nos ancêtres, si nous jie possé-
dons nous-mêmes la conscience de notre force et la dignité
d'une nation? Ou bien , veut-on que nous nous courbions
sous le sceptre français , que nous adoptions la langue et
les mœurs de cette nation ennemie? A cette proposition
je vois les Flamands tressaillir d'indignation! Non, nous
sommes , par notre langue et par le sang , Germains
d'origine, et tout ce qui est national chez eux, l'est chez
nous. Aussi l'Allemagne nous tend les bras comme à des
descendants de la même famille , tandis que la France
nous traite avec mépris et nous regarde comme une
branche bâtarde. Comprenons ces marques d'amour et
de mépris. Ce sont les expressions d'un sentiment intime,
dont les nations aussi bien que les particuliers sentent
l'impulsion. Soyons comme autrefois Germains de la
souche flamande , soyons Belges ! »
Pfl. Blommaert.
( 108)
OUDVLAEMSCHE GEDICHTEÎi DER XII", XIIP EN XIV'' EEUWEIt,
nitgegeven f/oor /owi;/ieer Ph. Blommaert. Ce;?/; 1838;
Uebbelynck, groot 8" , jo. VI en 128 (sur deux colonnes).
M. Philippe Blommaei't est un de nos philologues qui
ont rendu le plus de services à la littérature flamande.
Chaque année , le Letterkundig Jaerhoekje , dont tout le
monde aime à apprécier l'esprit et la rédaction, contient de
cet écri\ain quelques pièces de poésie, quelques ballades
qui sont toutes empreintes d'un profond caractère de natio-
nalité. Sous sa plume facile et agréable, la tradition popu-
laire revêt toutes les formes d'un drame palpitant d'intérêt.
En 1834, ce jeune littérateur entra en quelque sorte dans
la carrière, en publiant Liederick de Buck, poème en trois
chants, dans lequel il raconte en vers pleins de charmes
les aventures romanesques du premier forestier de Flandre,
cette Saga si connue, dont la véritable origine se perd dans
la nuit des temps. Dans la même année , il faisait paraître
avec MM. Willems, Serrure, Van Duyse, etc. , un recueil
périodique sous le titre àt JSederdidtsche Lctteroeffeningen.
Cet ouvrage, spécialement destiné à la langue et à l'histoire
de la Flandre, a malheureusement cessé trop vite d'exister.
En 1836, il publia pour la première fois le Théophilus ,
ce mystique et bizarre poème flamand du XIV^ siècle, qui
semble renfermer l'idée première du Faust, de Goethe. 11
y joignit trois autres productions poétiques de la même
époque, qui ne manquent ni d'originalité ni de verve, et
enrichît ce volume d'observations grammaticales, d'anno-
tations et d'un glossaire. Cet ouvrage fut suivi d'une
intéressante histoire des Chambres de Rhétorique de Gand
{Beknopte geschiedenis der Kamers vmiRhetorica, teGent),
à laquelle il annexa plusieurs documents inédits, concer-
nant l'organisation, la comptabilité, etc., de ces assemblées
qui donnent si bien la mesure du développement intellec-
( l09 )
luel de nos villes au moyen-âge. La rédaction du Bclgisch
Museimi doit aussi à M. Blommaert plusieurs articles, qui
tous ont pour but, la défense de la langue flamande et
l'histoire de la littérature.
Nous allons nous occuper de la dernière publication de
M. Blommaert, dont le litre se trouve en tête de cet article.
L'éditeur a réuni en un volume cinq vieux poèmes
flamands, qui n'avaient jamais vu le jour et qui se trou-
vaient transcrits dans un MS. de la bibliothèque Van
Hullhem. (Cat. Hullh. t. V, N° 192).
Nous dirons un mot de chacune de ces productions, en
y joignant les particularités qu'émet M. Blommaert dans
les petites préfaces dont il les fait précéder.
L De Trojciensche Oorlog. (La guerre de Troie.)
Ce poème a 1305 vers. L'idée de l'origine troyenne, attri-
buée aux Francs depuis les temps les plus anciens engagea
de bonne heure les poètes du moyen-âge à s'en emparer
pour rehausser la dignité de lanation à laquelle ils apparte-
naient. Peu-à-peu l'histoire de cette grande épopée militaire
fut altérée dans son ensemble, des traditions chevaleresques
vinrent promptement s'y mêler, et, l'imagination des poètes
aidant, il se trouva bientôt que l'admirable œuvre de Vir-
gile ne fut plus reconnaissable : histoire, géographie, noms
propres, tout se ressentit de cette confusion de faits homo-
gènes et étrangers. La lecture du Trojciensche Oorlog, con-
vaincra quiconque de la vérité de celte assertion. La mga
qui prétend que nous descendons des Troyens, est une des
plus anciennes qui existent. Nous ferons remarquer que l'on
peut consulter à ce sujet avec fruit deux excellentes disserta-
tions de M. Moue dans XAnzeiger^ 1 835 : Veher die Franken.
Le roman en vers dont nous nous occupons ici , appar-
tient au cycle classique; Seger (1) Dieregodgaf tn est
(1) En français ; Sohier Dieudonné ; en latin : Sigents Dcodaius.
( 110 )
l'auteur. M. Blommaerl pense que ce poème fut traité
originairement en flamand et que ce n'est pas une tra-
duction d'un vieux roman français.
Nous nous abstenons de donner l'analyse de cette pro-
duction, où, autour de l'histoire grecque, viennent se
grouper une foule d'incidents inventés par le poète. Nous
nous contenterons de dire que ce poème est divisé en cinq
parties.
r La fêle de Troie ; 2" le parlement (!) de Troie; 3° le
combat d'Hector et d'Achille; 4" Hector volant au secours
des combattants; 5" la mort d'Hector. — L'éditeur fait suivre
ce roman rimé de deux fragments du même roman publiés
par M. Ackersdyck , l'un contenant 739 vers, l'autre 370.
IL De Borc/ic/ravinne van Vergi. (La Châtellaine de
Vergy.)
Voici ce qu'en dit M. Blommaert dans la préface : ce
poème fut écrit au commencement du XIV" siècle , et
terminé le 24 mai 1315. Un poème français, traitant le
même sujet, fut pubHé par Barbazan, et contient 960 vers.
Le fond de ce roman n'a rien de commun avec la sanglante
tragédie qu'écrivit Dubelloy sous le titre de Gabrielle de
Vergy; l'histoire qui donna lieu à celte dernière, arriva
près de S'-Quenlin en Vermandois, tandis que la scène de
notre poème se passe en Bourgogne, près de Dijon; il
s'agit ici simplement d'une intrigue amoureuse entre une
châtelaine de Vergi et un chevalier de la cour de Bour-
gogne. Ce roman a 1 125 vers.
III. DU syn Seneka lereti. ( Ce sont les Maximes de
Sénèque.)
C'est une ancienne traduction d'un recueil latin intitulé :
Excerjita quœdam e libris Senecœ. Le poète flamand a
traité celle matière en forme de dialogue, entre un père
et un fds. Parfois le traducteur amplifie le texte original j
parfois il y intercalle des l'éflexions qui lui appartiennent ;
{ m )
on remarque aussi ça et là qu'il y a mêlé des idées et des
façons de voir qui sentent le pays où il était né. Les maxi-
mes de Sénèque contiennent 780 vers.
IV. Korte Rymkronyk van Braband. (Courte Chronique
rimée de Brabant.)
Cette chronique qui a 365 vers , M. Biommaert l'a
publiée d'après le MS. qui appartenait au savant Kluit ,
au bas de chaque page, il a soin de marquer les variantes
qu'il a rencontrées dans le texte de cette chronique qui se
trouve dans le MS. de Van Hulthem.
V. Reisvan Sinte Brandaen. (Voyage de S'-Brandaine).
Sous le rapport de la bizarrerie de conception et de
l'imagination qui préside partout à ce roman rimé de
2198 vers, il est difficile de trouver quelque chose de plus
singulier que le voyage de S'-Brandaine.
La légende de S'-Brandaine existe dans toutes les
langues de l'Europe. C'est un des plus anciens poèmes
flamands que nous possédions. M. Willems pense qu'il
appartient au XIP siècle. Ce roman étant la partie la plus
intéressante du volume, nous ne pouvons nous empêcher
d'en donner ici le sujet d'après M. Biommaert.
<i Saint-Brandaine lut un jour des choses si singulières
«qu'il n'y put croire et jeta le livre au feu. La même nuit
»lui apparut un ange qui lui ordonna de quitter sa patrie
» et de s'embarquer pour aller voir de ses propres yeux ,
»les merveilles auxquelles il n'avait point voulu ajouter
» foi , pour en écrire ensuite lui-même la relation et pour
«refaire ainsi le livre qu'il avait brûlé. Saint-Brandaine
» obéit , approvisionne un vaisseau pour 9 années et s'em-
» barque avec son chapelain et quelques moines. Après
«avoir erré une année, sans avoir touché la terre, ilsarri-
« vèrent à une grande forêt et s'empressèrent d'y descendre.
«A peine avaient-ils mis le pied sur l'île, qu'ils s'aperçu-
» rent que c'était un immense poisson. Aussi se hâtèrent-
( 112 )
» ils de remonter sur leur vaisseau ; le grand poisson se
» mit à leur poursuite et porta un coup si violent au navire
» qu'il manqua le renverser. A peine échappés à ce prfe-
» mier danger j ils aperçurent un monstre marin à moitié
«homme, à moitié femme; une prière du Saint les en
«délivra bientôt Ils se dirigent vers l'Orient et voient
» une belle église qui s'élève sur un rocher. Il y a là sept
» moines à qui une colombe et un corbeau apportent la
» nourriture. Puis nos voyageurs entrent dans la mer sau-
y>vage. Ils y trouvent au milieu des flots un rocher, sur
«lequel un homme est assis , seul depuis 99 ans : le Saint
»lui demande son nom? C'est un roi de Cappadoce, il a
» épousé sa sœur, qui lui a donné deux fils ; il a tué l'un de
»sa main, la foudre a écrasé l'autre. Après ce forfait, il est
» allé demander son pardon au pape ; une tempête en-
» gloutit son navire, tous ses compagnons périssent, lui seul
«échappe sur ce rocher.... Plus tard S'-Brandâine arrive
«dans une contrée fertile ; il y trouve le trou de l'enfer,
» d'où sortent des cris sinistres et étranges ; il se penche
» au-dessus de l'abyme et demande au prince qui règne en
«ce lieu, qui est là? Une voix lui répond : les parjures,
«les femmes injustes, les échevins prévaricateurs, les
«traitres, etc., sont plongés dans ce gouffre. Après plu-
» sieurs aventures où le diable et \auri sacra fmnes jouent
» un grand rôle, S'-Brandaine rencontre un dernier débri
«de Sodome, de Gomorre et de Boga, un malheureux
«pécheur que Dieu a condamné à errer éternellement eu
» mer , assis sur un gazon.
«Enfin un immense poisson entourra leur vaisseau, et
«ils naviguèrent encore 14 jours dans le cercle que for-
«mait ce poisson, lequel tenait sa queue dans la gueule.
«Alors ils jetèrent l'ancre, S'-lirandaine demanda à son
» chapelain Noé , s'il avait eu soin de tout écrire. Le cha-
«pelain répondit affirmativement. Nos voyageurs débar-
{ U3 )
»quèi'ciit , et le livre conlenant toutes les merveilles qu'ils
savaient vues, fut déposé sur l'autel de S^'^-Marie. »
Tel est le sujet sommaire de ce poème , qu'on pourrait
classer parmi les histoires incroyables de Palephate. On y
retrouve partout des idées qui appartiennent à l'Edda , et
nous ne serions pas étonné que le poète, en composant
cette oeuvre bizarre, eut pris pour modèle l'Apocalypse
de S'-Jeau, dont le voyage de S'--Brandaine paraît avoir
emprunté la forme descriptive. Le savant Goerres prétend
que cette légende repose sur d'anciens mythes bretons; il
la considère comme une sorte d'antique Bivina Comoedia,
qui a peut-être donné à Dante la première idée de son livre.
Quoiqu'il en soit, M. BJommaert fait remarquer que ce
n'est pas ici la traduction du vieux roman français, publié
par M. A. Jubinal, et qu'il y a même peu de ressemblance
entre ces deux productions poétiques,
La langue des cinq ouvrages rimes dont nous venons d'en-
tretenif le lecteur, se distingue par une grande pureté gram-
maticale et une absence presque générale de mots empruntés
au français ou au latin; aussi faut-il dire que ces productions
appartiennent à la bonne époque de la littérature flamande.
Une liste ou glossaire des vieux mots termine cet inté-
ressant volume, qui est imprimé avec cette exactitude
philologique à laquelle la science attache tant de prix.
En finissant cet article, nous ajouterons un mot encore :
nous regrettons que l'éditeur ait été si sobre de notes-
dans la Chro7iique rimée do Brabant, cette lacune se fait
surtout sentir. A la place des variantes du MS. Van Hul-
them, nous eussions mieux aimé de voir au bas des pages
quelques explications des passages difficiles, quelques
interprétations des noms propres altérés et rendus mé-
connaissables par le poète. Les connaissances de M. Blom-
maert eussent été ici au lecteur d'un grand secours.
Jules De Saint-Genois.
8
{ 114 )
bulletin 0ibli0grapl)itiue.
HISTOIRE ET GEOGRAPHIE DE BELGIQUE.
Flandrische Staats- und Rechtsgescliichte bis zum Jalir lâ08,
von L. A. Warnkœnig. Dritten Bandes Zweiten Abtheilung.
Tûbingen, 1839; in-8% p. VI et 244.
[Ce volume , dont le texte paraîtra dans le courant de l'année, contient
un choix de chartes, divisé en chapitres : 1" Freilassungsacte;2»Urkun-
denbetreffendSchutz-oder Allarhôrige(<r<i^<iariae7}er50wce),■3''Urkun-
den betreffend die Rechtsverhâltnisse von Submansores : 4» Urkunden
ùber Ministerialitâtsverhâltnisse, besonders von Villici, Schulteti und
Majores ; 5° Die àitesten criminalregister des klosters St. Pieter bei Gent ;
6» AusgeAviihlte urkunden betreffend das Gerichtswesen in Flanderen, etc.]
Recherches historiques et bibliograpliiques sur la biblio-
thèque de l'université et de la ville de Gand, par le biblio-
thécaire A. Voisin. Gand, 1839; in-S".
[Ce volume contient des notices sur Arnoud et Pierre De Keyser,
premiers imprimeurs de Gand , et sur la liste des ouvrages imprimés
par eux.]
Réception solennelle faite par la ville de Malines, à S. Em.
révérendissime Mgr. le cardinal Sterckx, le 23 octobre 1838.
Malines, 1838; in -8°, p. 36.
Essai sur l'histoire politique et constitutionnelle de la Bel-
gique, parV. A. Waille. Bruxelles, 1838; in-8".
Additions et corrections à la notice sur les archives de la
ville de Malines, de Monsieur L. P. Gachard, archiviste du
royaume de Belgique. Insérée dans son ouvrage intitulé Collec-
tion de Documents, etc. Troisième volume. — Première partie.
Malines, 1838; p. XX et 128, in-12.
Naedere opzoelcing der gevoelens van nog andere schry vers
nopeus de oude geschrevene chronjken, legenden der heyli-
{ 115 )
gen en hedendaegsche historien- fabelschr^'vers, tlienende tôt
staving onzer voorafgaende Naspeuring van de gevoelens der
schrjvers van de XYP en X\ II" eeuw. In druk uytgegeven teii
jaere 1837. Blalines, 1838; 46 pag. in-12.
[On doit ces deux publications à M. Gyseleers-Thys , archiviste de
Malines.]
De l'Industrie en Belgique. Sa situation actuelle. Causes de
décadence et de prospérité. Par M. N. Briavoinne. Bruxelles,
Soc. nat. pour la prop. des bons livres, 1839; 2 vol. Tom. I",
p. 4oO.
[Cet ouvrage est trèf-curieux et très-exact pour l'état actuel de l'in-
dustrie en Belgique ; mais les époques antérieures y sont à peine effleurées
et le système politique des deux Artevelde y est mis sous un faux jour.
L'erreur historique, qu'en moins d'une année (1379) 1400 meurtres fu-
rent commis à Gand, se retrouve dans cet écrit, quoique M. le professeur
Lenz en ait démontré toute la fausseté dans un article placé dans tes
Nouvelles Archives historiques (t. I, p. 95), intitulé : Recherches sur
l'état moral de la Flandre au XIV' siècle.]
Dictionnaire géographique du Luxembourg, par Ph. Van der
Maelen. Bruxelles, 1838; pag. 282 et 210 in-S".
Histoire de la religion catholique en Brabant , et en parti-
culier à Bruxelles, par le P. C. Smet; traduit du flamand par
M. l'abbé Tiron. — Bruxelles, Soc. nat. pour la propag. des
bons livres, 1839; in-8% p. 387.
Lectures relatives à l'histoire des sciences, des arts, des
mœurs et de la politique en Belgique et dans les pays limi-
trophes, par M. F. V. Goethals, tome IV^ Bruxelles, 1838;
in-8°, 374 p.
Carte topographique des frontières belges et hollandaises,
par le général-major Van Gorkum. Bruxelles, Etablissement
géographique, 1839; 12 feuilles.
Carte topographique des rives de l'Escaut occidental et du
canal de Gand à Terneusen, par Gheldolf. Ibid. , une feuille
grand monde.
Carte des poldres et des forts des deux rives de l'Escaut, par
H. Le Hon , officier d'infanterie. Ibid. , une feuille grand
colombier.
Géographie de la Belgique, par J. B. Bivort et A. WinkelL
Mons, Manceaux-Hoyois, 1839; in-12.
( HG )
BIOGRAPHIE.
Herzog Albrecht der Beherzte, Stammvater des K. Hauses
Sachsen. Von Dr. F. A. von Langenn. Leipzig, Heinriclis, 1838.
[Cette biographie se rattache à l'histoire de notre patrie. Albert de
Saxe était général en chef de l'armée allemande, dans la guerre que
l'empereur Maximilien fit dans les Flandres (1489-1491). Plus tard il
devint gouverneur de Frise et mourut à Embden en 1500.]
LITTÉRATURE.
De Leeuw van Vlaenderen, of de Slag der gulden Sporen;
door Hendrik Conscience, schryver van het Wonderjaer en
der Phantazy. Antwerpen, 1838; 3 deelen in-B", pag. 206,
194 et 190.
[Nous publierons un compte-rendu de cet ouvrage.]
Richilde, ou Épisodes de l'histoire de la Flandre, au XI'
siècle , par Coomans aine. Gand, L. Hebbelynck ; 2 vol. gr. in-1 '2,
pag. 200 et 207.
Le même ouvrage, grand in-4°, imprimé sur deux colonnes.
Gand , Hebbelynck , 1838; 2'= édition, p. 128.
[Cette édition de luxe renferme 10 lithographies, exécutées avec soin
par MM. J. Coomans, DeBlock, J. Jacops, Melzer et Corrcns. Ce roman
historique embrasse tout le règne si agité de la comtesse Richilde.
M. Coomans y a traité quelques épisodes avec autant d'exactitude
que d'intérêt. Il a surtout tiré un parti remarquable de l'existence des
populations sauvages qui habitaient alors le pays de Ghistelles. Ce sujet
entièrement neuf, occupe une grande partie du livre de M. Coomans.]
Le Livre des Salons, recueil littéraire, artistique et fashio-
nable. Bruxelles, 1839; in-B".
[Une livraison par semaine.]
Histoire de Gilion de Trasignyes et de dame Marie sa
femme, publiée d'après le manuscrit delà bibliothèque de
l'Université d'Iena , par 0. L. B. Wolff. Paris, Brockhom;
Leipzig, Weber, 1839; in-8°, XIV et 214 pag.
[La jolie légende de Gilion de Trasignies , qui fut connétable de
France sous S'-Louis , se retrouve dans l'histoire des comtes de
Mansfeldt et de Gleichen. Elle avait inspiré, au «lix-scpticme siècle,
un assez méchant roman. M. Baron, dans sa Mosaïque behje, en
a tiré une nouvelle piquante , mais peut-être écrite avec une caus-
( 117 )
ticité trop moderne. Cependant l'original restait toujours enfoncé dans
la poussière des bibliothèques. Seulement feu M. le comte de S'-Genois
en avait donné un extrait dans les Pairies du Hainaut, et M. Wolff
en avait publié à la suite de ses chansons populaires , im autre extrait
reproduit par SDI. Serrure et Voisin, à la (in du Livre de Baudouin.
M. Wolff, philologue connu par son goût et par son savoir, vient
d'en mettre au jour le te\te entier. Il a dédié son livre au duc de
Saxe-Altenbourg, comme protecteur éclairé de l'Université diena ,
et à M. le baron de Reiffenberg, comme homme de lettres, cultivant
la littérature du moyen-âge.]
PrijsTerz,en op de dood van Egmont, bekroond door het
ïlhetorijk van Sotteghem. Gent , Vanderliaeghen -Hulin ,
1839; in-8% p. 40.
[Les poèmes couronnés sont de M. Pr. Van Duyse et de M"' Van
Ackere , née Marie Doolaghe.]
Nederduitsch Jaerboekje Toor het jaer 1839. Gent, Vander-
haeghe-BIaja; 230 pag. in-12.
[Cet annuaire poétique contient des pièces devers deUtJI. Ledeganck,
Van Duyse, Rens, Blieck, Blommaert, De Laet , Vervier, Conscience,
M""= Van Acker, etc.]
Genoveva van Braband. — Historié van Godfried van Bouillon.
— liet Kasteel van Gaesbeek. — Het Leven van de H. Gudula.
— Het Leven van de H. Alena. — Een belgisch Huysgezin voor
J. C. — Eeuwige Grondregelen of Meditatien. — De Légende der
broeders Van Eyck. — De Légende van den H. Albert van Luyk.
— De Vlaemsche Robinson. Brussel , Maetschappy ter versprey-
dingvan goede boeken; 1838, in-32.
[Ces dix petits volumes forment la 1" série de la collection des livres
pojxdaires en flamand , dont la Société pour la propagation des bons livres
a entrepris la publication. Ce sont toutes traductions du français.]
Le Bourgeois de Gand , ou le Secrétaire du duc d'Albe, drame
en cinq actes et en prose, par M. Hipjwlyte Romand. Bruxelles,
1838.
Les deux Cousins, ou les Suites de l'Education, comédie en
trois actes et en vers, dédiée à S. A. S. le prince héréditaire
de Saxe-Cobourg-Gotha, par P. Bergeron, professeur à l'uni-
versité libre, etc., etc. Bruxelles, Parent, 1839; in-8° de 68
pages.
[Cet ouvrage, imprimé aux frais de Tautcur. n'est pas dans le com-
merce]
{ ns )
lets over Ferguut. Leyden , Hazenherg, 1838 ; in-8°.
[C'est une analyse critique de ce roman du cycle d'Arthur, composé
par un poète flamand du XIII« siècle , et publié récemment par le pro-
fesseur L. G. Visscher.]
Gent, dichtbespiegeling, door M'' Prudentius Van Duyse.
Gent, Vanderhaeghen-Hulin, 1839; 8 pag. in-S".
Napoléon en Belgique et en Hollande , en 1811, par Charlotte
De Sor. Bruxelles, Hauman, 1838; 2 vol. in-18.
PUBLIGA-TIONS PERIODIQUES.
Revue belge, 5° année, janvier et février. Liège, Jeune-
homme, 1839.
[Cette livraison contient un article fort important sur la bataille de
Steppe , par M. Polain ; — un travail tout d'actualité sur l'état de
l'instruction publique en Belgique , par M. De Haut ; — une chronique
pleine de mouvement et de chaleur, par M. A. Van Hasselt, etc., etc.]
Annuaire de l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Bruxelles. Cinquième année. Bruxelles, 1839; 148 p. in-12.
[Cet annuaire contient des notices biographiques sur G. Mol, par
A. Quctelet; sur J. P. Minkelcers, par Ch. Morren ; sur Richard Cour-
tois, par le même; sur F. J. Raynouard, par le baron de Reiffenbcrg;
et sur Jacques Goethals-Vercruysse, par A. Voisin.]
Belgisch Muséum^ 2^ deel, A^ aflevering. Gent, Gyselinck,
1838.
[Les principaux articles de cette livraison sont : 1» les chambres de
rhétorique de Furnes et des environs, par Ph. Blommaert ; — 2° droits
de la langue flamande au XIX^ siècle, par J. F. Willenis; — 3" charte
flamande du roi de France, de 1385; — 4° notice biographique sur Sidro-
nius Hosschius , et la traduction de la belle élégie Au Sommeil, par
Pr. Van Duyse; — 5° une pièce de poésie : Richesse et Pauvreté, par
C. J. Bogacrts; — 6» un article sur J. Van Macrlant, et sur le heu de
sa naissance, la ville de Damme , par J. F. Willcms.]
Revue de Bruxelles, livr. de février. Bruxelles, 1839.
[Cette livraison renferme : l» Une Conjuration en 1568, par le baron
J. de Saint-Génois ; — 2o Migrations des Flamands au XII"= siècle , par
G.; — 3» Huit jours à Newcastle en 1838, par Ch. 3Iorren; — 4» Bcl-
giqiie et Pologne , par P. De Decker ; — 5" un morceau de poésie , par
V. H. : — 60 articles ctraiig<"rs.]
( H9 )
Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles, pour l'an 1839,
par le directeur A. Quetelet. Bruxelles, Tircher; in-16.
Bulletin de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de
Bruxelles, n° % Bruxelles, Hayez, 1838; in-S".
[CcN" renferme des conimuiiications faites par MM. Scheidweiler,
Stas 5 Quetelet , De Sniet , De Reift'enberg , De Saint-Génois , Roulez.]
Compte-rendu des séances de la Commission royale d'histoire
ou Recueil de ses bulletins, t. II; N°' 1 à 6. Bruxelles, 1838 et
1839, Hayez ;in-8<'.
ÉCRITS POLITIQUES ET PAMPHLETS.
Staetkundigen catechismus voor het belgisch volk. Gend,
in-8°, p. 33.
Zamenspraken der Dooden over de rechten des volks,
gegrondvest op het natuerrecht van den mensch, door Sim-
pliciusPublicola. Gent, by C. Van Goelhem,1839; in-8°, p. SS.
Lettre au comte de Seneft-Pilsach , envoyé extraordinaire
d'Autriche à La Haye et à la conférence de Londres , par
L. F. De Robiano de Borsbeeck. Bruxelles , 1839 ; in-B".
La Lumière portée dans les ténèbres de la banque de Bel-
gique, dédié aux capitalistes belges, français, allemands et
hollandais, par P. H. Pauw, de Gand. Bruxelles, librairie belge-
française; 1838, in-12, p. 68.
Aux vrais Belges et aux Doctrinaires, par l'abbé Peurette.
Bruxelles, De Mat, 1838; in-18, pp. 21.
Les Masques arrachés , par De Prenne, avocat. Bruxelles, 1 839.
Aenspraek tôt het vlaerasche volk , gedaen door Hendrik
Conscience , op den vlaemschen Schouwburg te Antwerpen ,
den 6 february 1839. Antwerpen , L. J. De Cort; in-S", p. 12.
Des vingt-quatre Articles et du Luxembourg, par F. Dubois,
président du conseil provincial du Luxembourg, ia-8<'.
Lettre de bonne année à la conférence de Londres , par le
baron de Bacilly. Tournay, Massart, 1839; in-S".
Aux Armes ! Aux Armes ! ou la Honte et la Servitude ;
extraits d'une seconde édition de la brochure intitulée : Aux
peuples de l'Allemagne , de l'Italie , de la France , de la
( 120 )
Belgique, etc., augmentés de réflexions sur la jésuitocratie
et le doctrinarisme; par l'abbé Peurette. Bruxelles, J. De Mat,
1839; in-8°.
De l'honneur national à propos des vingt-quatre articles,
avec cette épigraphe : Bcati pacifici quoniam filii Dei voca~
buntiir, Math. V, 9. Bruxelles, Muquardt, 1839; in-8", IS pag.
Question politique , lettre à M. Thiers , par un pair de
France , relative aux affaires actuelles de la Belgique.
Bruxelles, Muquardt; 1839.
MÉDECINE.
Considérations critiques sur la phrénologie et la cranios-
copie, par F. J. Mathjssens. Bruxelles, Soc. encycl., 1839;
59 pag. in-12.
Mémoires de la Société de Médecine d'Anvers, 1838-1838.
Anvers, J. B. Heirstraeten, gr. in-8° à 2 col,, XVI et 68 p.
ARCHITECTURE.
Projet de communication entre le Marché aux Herbes et
la Montagne aux Herbes potagères à Bruxelles. Bruxelles ,
Hauman, 1838 ; in-8°, 12 p., avec une vue et un plan gravés.
Plan du palais de justice à construire à Bruxelles, dressé
par T. F. Suys, architecte du roi. Bruxelles, impr. du 3Ioniteur
Belge , 1838 ; in-fol., 6 pages de texte et 7 planches.
[L'auteur vient de faire de grandes modifications à ces plans.]
Plan du quartier Léopold, dressé par M. Suys , en exécution
de l'art. 4° des statuts de la Société civile pour l'agrandlsse-
raent et l'embellissement de la capitale de la Belgique.
Bruxelles, 1838; 1 feuille piano.
SCIENCES JURIDIQUES.
Code de l'Organisation judiciaire en Belgique, ou Recueil,
par ordre chronologique, de toutes les lois , décrets et ordon-
nances qui, depuis 1789 jusqu'en 1838, ont été rendus sur
cette matière; accompagné de notes, etc. , par Ch. L. Lefevi-e.
Bruxelles, Société typographique belge, 1839; gr. iu-S".
( 121 )
Dictionnaire de Droit commercial, par L. M. de Villeneuve
et G. Massé, augmenté en Belgique des modifications intro-
duites dans cette partie de la législation, Ibid., gr, in-B".
Traité de l'Action publique et de l'x^ction civile, en matière
criminelle, par M. Mangin. Edition mise en rapport avec la
législation belge. Ibid., V° livr. , gr, in-8".
ÉG0X03IIE POUTIQUE.
Indicateur belge, ou Guide du commerce et de l'industrie
pour 1839, Bruxelles, Beauhard-Riuche, in-8°.
Exposé historique des finances du royaume des Pays-Bas.
Bruxelles, De Mat, 1838.
Sur le Droit difFérentiel , par M. J.-C. Cassiers. Bruxelles ,
De Mat, 1838.
Le Répertoire administratif du Hainaut, par J. B. Bivort,et
précédé d'une notice, par Delecourt. Mons, Leroux, 1839;
gr. in-B**.
ASCETIQUE.
Meditatien op het lyden en de dood van Jésus, voor den
vasten , door H. M. Scliellens , pastor te Borgt-Loorabeek.
Mechelen, by P. J. Hanicq, 1839; in-B", p. 430.
Eerste en tweede Verslag van het belgische en buytenland-
sclie bybel-genootschap. Voorgedragen den -4 april 1837 en den
3 april 1838. Brussel, Hodd , 1839; 70 pag. in-8°,
Uytlegging van de twaelf artikelen des Geloofs, een lees-
boekje voor kinderen, door J. Pieters. Malines, Hanicq, 1838;
72 pag. in-18.
Een Maend van Jésus, of de Maend van January toegewyd
aen Jesus-Christus en geheyligd door meditatien van iederen
dag der maend, uit het fransch. Ibid. , 400 pag. in-S".
GRAM3LA.IRE.
Cours de prononciation de lecture à haute voix et de réci-
tation, d'après les grammaires les plus estimées, par un pro-
fesseur (Fred. lL),2«édit. Tournai, Casterraan, in-12, p. VI et 182.
[Ouvrage d'une utilité reconnue , qu'il serait heureux de voir adopter
( 122)
dans les établissements d'instruction publique. Nous félicitons l'auteur
de cet ouvrage d"avoir comblé par cet important et minutieux travail la
lacune qui existait dans cette partie si essentielle de l'éducation.]
Grammaire flamande, adaptée à la grammaire française de
Noël et Chapsal, par Cb. Yan der Vorst. Louvain, Van Linthout,
18g8;in-12.
OUVPiAGES DIVERS.
Traité complet sur les causes d'explosion des machines et
chaudières à vapeur et sur les raovens et mesures propres à
prévenir désormais les explosions, avec le texte annoté et
commenté de l'ordonnance ministérielle promulguée dans le
Moniteur Belge du -i décembre 1838 , sur la police des
machines à vapeur en Belgique , par D. Tack. Bruxelles ,
Jamar, 1839; in-S".
Catalogue des livres rares et précieux de la Bibliothèque
de feu M. Lamraens, première partie. Gand, 1839 ; in-8", deVI
et 406 pag.
[Il contient 6000 numéros. En fête se trouve une notice biographique
sur M. Lammens.]
L'Ecole dominicale considérée comme base fondamentale
du bonheur de la classe ouvrière, par Melchior J, C. Kramp.
Anvers, 1838; 141 pag. in-8°.
Notice sur un voyage horticole et botanique , en Belgique et
en Hollande ; par M. BafFeneau-Delile (Alire). Montpellier, 1 838 ;
in-8° de 72 pages.
[ Extrait du Bulletin de la Société d'Agriculture de IHérault et orné
de cinq planches , dont deux représentent les serres de M. le sénateur
Hendrickx, près de Gand : la troisième , les serres et l'orangerie de l'Uni-
versité de la même ville, et la quatrième . les serres de Louvain. L'auteur
donne des détails très-curieux sur les jardins botaniques de Bruxelles,
Gand , Liège, Anvers , Louvain et sur plusieurs collections particulières.]
Guide des officiers, sous-officiers et soldats de la garde civi-
que, revu et augmenté de l'uniforme des gardes. Bruxelles,
J. De Mat, 1839;in-12.
( 123 )
2mivBC ^C5 bulletins
BES SÉANCES DE LA COMMISSION ROÏALE d'UISTOIHE.
6^ Bulletin. — Séance du 3 novembre 1838 (1).
Il est donné lecture d'un arrêté royal qui nomme mem-
bre de la commission, en remplacement de M. Warnkœnig,
M. Duraortier, membre de la chambre des représentants et de
l'Académie,
Parmi la correspondance que le secrétaire fait connaître ,
M. le marquis de Fortia annonce qu'il publie en ce moment
Hugues Metellus, précédé d'une longue introduction sur la
Lotharingie ;
M. Francisque Michel promet d'envoyer sous peu une no-
tice de quelques manuscrits en vers et en prose relatifs à
l'histoire de Tournay. Il ajoute qu'il termine le second vo-
lume de ses chroniques anglo-normandes , ainsi que son
édition du Roman de Foulques Fitz-Warin ;
M. Lucien De Rosny, en mettant au jour des Nouvelles re-
cherches sur les rois de l'Epinette, y joindra une Notice sur la
fête des forestiers à Bruges;
M. Fréd. Wolf, secrétaire de la Bibliothèque impériale de
Vienne, fera parvenir incessamment un Essai sur les lois fran-
çaises et anglaises du moyen-âge et sur leurs formes primitives ;
M. Jules Desnovers, secrétaire de la société de l'histoire de
France, fait savoir que cette société, sur la proposition de
31. Guérard, membre de l'Institut, a arrêté la publication d'une
nouvelle édition de Philippe de Commines, dont on rétabli-
rait le texte , et qui serait en outre éclaircie par l'adjonction
(1) Ce 6= Bulletin complète le 2* volume des comi)tes rendus de la
Commission.
( 124 )
de pièces importantes conservées à la Bibliothèque royale et
dans les archives du rovaume;
M. A. Lacroix , archiviste de la province du Hainaut , a en-
voyé à M. De ReifFenberg, pour son Recueil de documents sur
le Hainaut, une notice historique extraite d'un mémorial des
années 1402-l-iâ2, relative aux différends de Jean de Bavière,
évêqne de Liège, et de Guillaume, comte de Hainaut, son frère.
Il y joint divers manuscrits héraldiques de son cabinet part-
iculier, dont il pense qu'on pourrait tirer quelques extraits (l),
M. De Reiffenberg, qui vient de visiter les archives commu-
nales de Mous, y a vu un tableau, formé en 177-4, d'après des
documents plus anciens, sur l'ordre des Etats du Hainaut, par
le greffier Dumont. Il est intitulé : Nohilis Hannoniœ coniita-
tus Descriptio , et contient, avec des légendes, les armoiries
coloriées de toutes les villes, bourgs, pairies, seigneuries et
nobles de la province. M. De Reiffenberg se propose d'en faire
prendre une copie pour en orner ses Monumenta ad Hannoniœ
historiani sjjectantia.
M. L. De Maslatrie, de l'école des Chartres, a examiné le
MS. latin, N" 5440, de la Bibliothèque royale de Paris, ren-
fermant les Annales Acquicinctenses. La feuille de garde ofiFre
la note suivante ;
« Ex mS'°. S. Pétri Gandavi.
• Annales quidam maxime Belgici et de terra sancta ab
. anno MCXLV ad annum MCCLXXXVIII.
• Annales Acquicinctensis monasterii. Sunt in hoc codice
« multa quce ex codice Acquicinctino édita sun t ab AubertoMirœo
» in auctariis ad chronicon Sigeberti nimirum ab anno MCLXIII
» usque ad annum MCCXXV. Sed tamen sunt istic variis in locis
• raulta quae non exstabant in auctario Acquicinctino. »
Le MS. a 278 pages. La partie publiée par Le Mire ne com-
mence qu'à la page 28 et ne va que jusqu'à la page 224. Il
y a donc au commencement du MS. , 27 pages inédites et à la
(1) M. Lacroix acliève en ce moment un inventaire analytique des
archives de Mons. Il est mi des éditeurs du recueil que fait imprimer la
société des bibliophiles de la même ville, et qui a pour objet la célèbre
Jacqueline de Bavière.
( 125 )
•
fin ii4 pages. Ces })artics non publiées, ainsi que les leçons
qui différeront du te^te de Le Mire, seront insérées dans le
Recueil sur le Uaiuaut, suivant la résolutiou déjà prise dans la
séance du 28 octobre 183-i.
M. De ReifFenberg dépose sur le bureau une description
d'un manuscrit dont l'acquisition a été proposée à la Biblio-
thèque royale :
« Généalogie ou descente de la noble et ancbiene maison
«de L'herniite, recopilié, curieusement recerchée et extraicte
»de divers autheurs , papiers et documens, par Nicolas de
» Campis , dict Bourgoigne , roy d'armes de Sa Majesté Ca th.
» Philippe II, roy des Espaignes et successivement de son fils
«Philippe III, et parachevée l'an MD.CII. » Grand in-fol., pap.,
orné d'une multitude d'armoiries coloriées, de portraits,
sceaux et autres dessins, etc.
L'auteur, Nicolas Deschamps, était né à Maubeuge. Il sui-
vit en Espagne le cardinal de Granvelle, qui lui fit obtenir
l'emploi de roi d'armes, du titre de llainaut, puis de Brabant
et enfin de Bourgogne. Eu 1580, il fut envoyé par le roi aux
Pays-Bas, pour porter l'ordre de la Toison d'or à plusieurs
seigneurs. Il mourut à Valladolid le 9 mai 160-i.
Deschauips dédie son travail, qui parait être fait avec un
soin extrême, à Jean l'Hermite , gentilhomme de la chambre
de Philippe II et de Philippe III; il s'étend dans cette dédicace
sur l'ancienneté reconnue de sa maison et sur celle de ses
armoiries de Sinople, au dizain ou patenotre d'or , enfilé et
houppe de même , mis en chevron, accompagné de trois quinte
feuilles d'argent percées , deux en chef et l'autre en pointe;
armoiries qui se trouvaient, dit-il , au chef de Jérusalem, sur
une médaille possédée par le roi d'Espagne, qui en fit cadeau
à Jean l'ilermite, en 1597. Elle portait pour légende Ntimus
pcregrinorum, et représentait le blason d'Albert l'Hermite,
patriarche de Jérusalem, en 1206. L'empreinte se voit au
revers du 222" feuillet.
Après cette dédicace, le savant roi d'armes entre en matière
et se borne à remonter à Pierre l'Hermite , dont il donne le
vrct/j^ pourtraict, ainsi que celui de Godefroid de Bouillon.
La vie de Pierre l'Hermite d'Amiens , est extraite mol à mot
( 126 )
d'un manuscrit, authentiqué, en 1305, par quatre hommes de
fief du Hainaut. On y lit qu'il épousa Béatrice de Roussy dont
il eût la postérité, qui a déjà été déduite dans un précédent
bulletin (1).
Cette vie est suivie d'un seconde biographie du même per-
sonnage, par Guillaume de Tyr et plusieurs autres écrivains.
Deschamps, sur le témoignage de quelques auteurs, attri-
bue à Pierre l'IIermite l'invention du chapelet.
A ce long morceau d'histoire succèdent plusieurs listes des
croisés de renom avec leurs armoiries; les noms des princes
et seigneurs qui furent à la bataille de Poitiers, en 13o6 :
parmi eux, on remarque Jean de Lalaing; les seigneurs et
chevaliers assiégés dans Audenarde par les Gantois , en
1380, etc., etc.
Il est peu de généalogies dressées d'une manière plus com-
plète et qu'on ait tâché de rallier plus étroitement à l'histoire.
Toutefois celle-ci n'y trouverait pas de fiiits nouveaux, du
moins de ceux qui lui appartiennent par leur importance. Il
a donc fallu que la Bibliothèque royale renonçât à cette ac-
quisition, puisque l'utilité et la valeur du manuscrit n'étaient
pas proportionnées au prix considérable qu'on en demandait.
M. E. Gachet, ayant à faire un voyage dans le Hainaut, a
saisi cette occasion pour recueillir des renseignements sur les
documents historiques qui concernent cette province. Parmi
les notes qu'il a remises à M. De Reiffenberg, chargé de travail-
ler sur le Hainaut, et qui roulent sur les archives de S'^-Wau-
dru, sur les archives provinciales, sur celle de la commune de
Beaumont , sur le cartulaire de S'-Denis en Broqueroie , etc., le
bulletin transcrit la pièce suivante :
« Extrait de l'inventaire des titres et papiers autrefois dé-
» posés aux archives du château à Boussu et actuellement au
• château de Beaumont. «(Suit la description qui occupe 26
pages d'impression).
M. le baron Jules de S'-Genois écrit que parmi les extraits
(1) Voyez page 343 du volume de 1838.
( 127 )
du compte des recettes et des dépenses de Guy de Dampierre ,
il a trouvé encore un nouveau rôîe contenant les dépenses et
les recettes faites par Makiaus , pendant le voyage de Guy
de Dampierre en Sicile, depuis le lundi après la Toussaint
(3 nov. 1270) jusqu'au mardi après la Chandeleur (4 février)
même année (1271). La suite du prince était fort nombreuse.
Outre une foule de grands seigneurs qui la composaient, on
y voyait son barbier, son pannetier, son bouteillier, son huis-
sier, son intendant des menues dépenses, son argentier, son
fauconnier, son aumônier, son tailleur, etc. Parmi tous ces
personnages, se trouve Adan-le-Menestrel, qui accompagne par-
tout Guy de Dampierre, à Palerme, à Messines, à Cosensa, à
Catane, à Mont-Réal. D'après ce compte, il paraîtrait que cha-
que personne recevait des mains de BInkiaus une certaine
somme proportionnée aux besoins de chaque jour, qu'on appe-
lait gages. Ainsi, le jour qu'Aclan-le-Blenestrel partit de Pa-
lerme pour Messines, on lui donna V sols VIII deniers, à
Messines il reçut VI sols VIII deniers, à Catane XX deniers.
Le comte Guy semble avoir affectionné particulièrement
les ménestrels; il entretenait avec eux une familiarité qui est
à elle seule un beau titre d'éloges pour ce prince si diverse-
ment jugé par les historiens. Arrivé de Palerme à Calabou-
îon (?) le lundi après Noël, au soir, nous voyons que fu là celé
nuit, et lendemain disnaavoec les ménestrels. A cette occasion,
il dépensa pour sa cuisine XI lib. XIII sols I denier; pour le
pain, CV sols; pour le vin, IIII lib. V sols; pour l'appartement
où ils dinèrent XV sols.
Ces renseignements semblent au premier abord être de peu
d'importance ; cependant lorsque toutes ces particularités épar-
pillées se réunissent ensuite pour expliquer la vie d'un hom-
me, on ne peut les négliger, surtout quand cet homme est
Adenez-le-Roy.
M. De S'-Genois, saisit cette occasion pour faire connaître
que son Inventaire des char très de Rupeî monde est achevé main-
tenant jusqu'à l'an 1300, et que cette première série contient
à peu près mille pièces différentes (chartes, diplômes, lettres,
bulles et rôles). Parmi ces pièces, il en est une grande quan-
( 128 )
tité qui concernent la lutte si célèbre des d'Avesnes et des
Dampierre, et la situation financière de la Flandre pendant
cette période du moyen-âge.
La seconde série comprendra toutes les chartes et autres
documents (des dépôts de Rupelmonde) d'une époque posté-
rieure. Le nombre en est estimé à ISOO. L'ancien dépôt des
Comtes est excessivement pauvre pour la partie bourgui-
gnonne, ainsi que pour l'époque subséquente. 11 n'y a peut-
être pas 100 pièces des comtes après Marguerite de Maie et
Philippe-le-Hardi.
Cette lettre est suivie d'un nouveau rapport de M. le doc-
teur Coremans sur les archives allemandes :
Depuis son dernier rapport, il a inventorié au-delà de 500
liasses, et restant fidèle à l'ordre adopté précédemment, il
consigne de la manière suivante ce qu'elles offrent de plus
saillant :
5 1. Réforme religieuse et époque de Charles -Quint.
Le nombre des volumes reliés s'élève à 'présent à 15, et
ils vont jusqu'en 1552 : mais des recherches postérieures ont
encore fait retrouver un grand nombre de pièces intéres-
santes relatives au même sujet :
1° Papiers concernant ce qui s'est passé à la diète de Ratis-
bonne, en 1532, et surtout à l'égard du concile-général;
2° Une suite de documents sur la réforme et sur d'autres
sujets, écrits de la main de Viglius; un traité sur la fondation
et les progrès de la cour impériale de Spire, par le même.
En outre, les pièces concernant les différents épisodes
historiques, auxquels se rapportent les volumes de la collec-
tion de documents sur la reforme, se sont notablement com-
plétées. Elles forment 5 à 6 volumes de supplément à la
collection précitée.
D'autres documents de la même époque ont été réunis et
méritent d'attirer l'attention. Ce sont des pièces concernant
les affaires de la Hongrie, les guerres et les négociations avec
les Turcs, l'ambassade de Gérard Weltwick à Constantinople,
en 1544. Enfin des papiers touchant le voyage du chevalier
( 129 )
de Balbi, envoyé, en loSO, près du roi de Perse, pour le porter
à déclarer la guerre aux Turcs en même temps que l'empe-
reur. Ces papiers sont curieux.
§ 2. Guerre de trente ans.
Les documents relatifs à cette période se sont augmentés
d'un très-grand nombre de liasses, de correspondances et
d'autres pièces qui jettent un grand jour sur les événements
majeurs. Tous les principaux personnages d'alors se montrent
à nous avec leurs passions, leurs espérances, leurs talents,
leurs vertus et leurs défauts.
Plusieurs lettres de Wallenstein sont venues se joindre à
celles déjà rassemblées. Cependant sa dernière lettre originale
est toujours celle du 28 novembre 1632, écrite un an et deux
mois avant sa mort. Dans un rapport précédent, en parlant des
Wallons commandés par un De Mérode , l'adjudant fidèle de
Wallenstein, il a été remarqué que la Belgique, sous le rap-
port militaire comme sous le rapport diplomatique, avait pris
une part très-remarquable à la guerre de trente ans, que la
gloire du duc de Friedlant fut en partie celle des Belges.
Cela est plus vrai encore de Tilly, un des plus illustres capi-
taines de l'Europe moderne, qui nous appartient et dans
l'armée duquel les Belges jouaient un rôle principal.
5 3. Histoire des Pays-Bas,
Des documents importants sont venus se joindre à ceux déjà
énumérés dans les précédents rapports, touchant le célèbre
traité de fédération qui, en 134^8, rattacha les destinées des
Pays-Bas à celles de l'Allemagne, et surtout touchant son
exécution jusqu'en 1700. Ban de la pragmatique sanction de
Charles-Quint, formant de toutes les provinces des Pays-Bas
l'état du cercle de Bourgogne, première transaction diploma-
tique reconnaissant la nationalité de nos provinces, pierre
fondamentale de tous les actes et traités postérieurs, dérivés
de cette nationalité. Ce traité restera toujours mémorable
pour nous.
La correspondance du conseiller de la Neuve-Forge, notre
ambassadeur à la diète de Batisbonne pendant tout le der-
9
{ 130)
nier quart du XVIP siècle, s'est augmentée d'uiie douzaine
de liasses. Elle offre aussi, sur la question des relations des
Pays-Bas avec la Belgique, les données les plus précieuses
De la Neuve-Forge, durant tout le temps de son ambassade
ne cessa de défendre, avec la plus grande énergie, le droit de
toutes les provinces à l'aide et protection de l'Allemagne, et
il prophétisait la chute de l'empire, du jour où il renoncerait
au cercle de Bourgogne, prophétie qui s'est complètement
réalisée.
Une multitude de documents relatifs à l'histoire de la Bel-
gique sous le gouvernement de la reine Marie de Hongrie, s'est
réunie à ceux indiqués antérieurement. Les correspondances
de la reine Marie forment à présent une suite intéressante et
riche en renseignements remarquables de tout genre. Ceci se
rapporte aussi aux pièces de celles du duc Philibert, de la
duchesse de Parme, du duc d'Albe , du grand commandeur
Requesens , du duc de Parme et du comte de Mansfeld. La cor-
respondance d'Albert-le-Magnanime avec les gouverneurs des
Pays-Bas, depuis 1557 jusqu'en 1579, a encore acquis une
nouvelle valeur par la découverte d'une suite de réponses
faites par ces gouverneurs aux lettres du duc. Ces réponses
donnent des détails sur les événements qui se passaient aux
Pays-Bas, et qui , rapportés par un duc d'Albe ou un Don Juan
d'Autriche, ont de l'importance. Il a été joint à cette corres-
pondance plusieurs lettres confidentielles du roi Philippe II,
à son ami intime de Munich sur la situation des Pays-Bas, en
1366 en 1567, et les mesures qu'il avait été forcé de prendre
pour rétablir l'ordre dans ces provinces. La duchesse de Parme
semblait avoir douté de l'opportunité des aveux faits dans
une des lettres du roi Philippe, et elle l'avait retenue à
Bruxelles Le roi mentionne cette circonstance dans une
autre lettre et entre dans de nouveaux détails sur les affaires
des Pays-Bas.
Les liasses du règne de l'archiduc Albert et de l'infante
Isabelle, se sont très-considérablement accrues; on ne croit pas
qu'il puisse exister une collection de documents donnant un
tableau plus fidèle du caractère politique et diplomatique de
ce temps. Une de ces liasses renferme des renseignements tout-
( 131 )
à-fait inconnus touchant le constructeur d'une œuvre souvent
admirée, de la machine hydraulique de Bruxelles. Ce con-
structeur est un Allemand, nommé Maître Georges Muller,
d'Augsbourg, qui a aussi construit à Bruxelles deux pompes,
l'une dans le labyrinthe et l'autre dans les écuries de la
cour.
Les documents de l'époque de l'archiduc Léopold-Guillaume
et plus encore de celle de l'électeur de Bavière, Maximilien
Emmanuel « le roi hleu «vainqueur des Turcs, se sont aug-
mentés de plus de moitié.
M. Corenians mentionne enfin une liasse contenant des
lettres confidentielles, écrites par les ministres de l'empereur
à Londres et à La Haye, concernant les négociations du fameux
traité de la Barrière ; ces lettres sont pleines d'intérêt.
§ h. — Histoire d' Allemagne.
Dans les liasses nouvellement inventoriées, plusieurs con-
tiennent des documents remarquables qui se rapportent
exclusivement à l'histoire d'Allemagne. Les révélations pi-
quantes sur les cours des empereurs Rodolphe II, Mathins et
Ferdinand 11, se sont complétées par la découverte de nou-
velles correspondances, entrant aussi en des détails impor-
tants sur les démêlés des princes de la famille d'Autriche,
au commencement du XVIP siècle. Une quantité d'autres cor-
respondances nous initient aux affaires politiques de l'Alle-
magne. Dans la seconde partie du XVIP siècle, ce sont celles
du baron de Metternich , du baron de Landsa (1673-1680), du
baron Goesse , notre résident à Berlin (1667-1703), etc., etc.
Bï. Gachard a adressé le rapport suivant (par extrait), daté
de Dijon, le 29 octobre 1838 , pour être mis sous les yeux de
la commission.
« Je vous annonçais dans ma dernière lettre que je partais
pour Aix , où l'on m'avait assuré qu'il existait des correspon-
dances du cardinal de Granvelle.
• J'y ai en effet trouvé 4 vol. gr. in-folio, intitulés Manus-
crits de Granvelle. ; mais j'ai reconnu qu'ils n'offraient qu'une
copie d une faible partie des documents conservés à Besançon.
( 132 )
Deux de ces volumes contiennent ce qiie l'abbé Boisot a
appelé l'Apologie de l'empereur Charles- Quint ; c'est un
recueil de mémoires, de lettres, d'instructions diplomatiques
ou de traités , relatifs aux différends que fit naitre la rivalité
de Charles-Quint et de François I, etc. Dans toute cette affaire,
la conduite de François I ne se montre pas, il faut bien en
convenir, sous un jour aussi brillant que les écrivains français
ont voulu le faire croire , etc.
»Dom Berthot avait pour \' Apologie de Charles-Quint une
estime particulière : il se trompe au reste lorsqu'il dit que
la plupart des pièces dont elle se compose sont originales.
C'est aux archives de Bruxelles que s'en conservaient les
originaux ; malheureusement on leur fit prendre, en 179-4, le
chemin de Vienne où ils sont restés.
«Les deux autres volumes intitulés Manuscrits de Granvclle,
renferment des dépèches adressées par Charles-Quint à ses
ambassadeurs en France, dans les années 1 531 -1 S35,et quelques
lettres envoyées au cardinal , écrites par lui-même. Ce que
j'y ai trouvé de plus intéressant, c'est une lettre du cardinal
à l'empereur Maximilien II, datée de Besançon, le 8 mai 1564,
et une lettre de Viglius au cardinal, écrite de Bruxelles le
9 du même mois, toutes deux relatives à sa retraite en Bour-
gogne. Vous savez que nos historiens attribuent cette retraite
à un ordre de Philippe II, et qu'ils en font un sujet de mor-
tification pour Antoine Perrenot : vous allez voir par les
extraits de ces lettres, que son départ de Bruxelles fut tout-
à-fait volontaire et que le roi n'y donna qu'à regret son con-
sentement.
» J'étais instruit que la bibliothèque d'Aix possède un
recueil volumineux des correspondances de Peiresc, et j'avais
conçu l'espoir d'y trouver des lettres de Ilubens, qui entre-
tenait avec ce savant des relations suivies. Mon attente n'a
pas été trompée. Dans l'un des volumes de cette (correspon-
dance, côté RS, il y a dix-sept lettres de notre grand peintre :
toutes sont en italien.
«Dans sa correspondance avec Dupuy, que j'ai fait copier à
Paris, Rubens s'occupe principalement des affaires politiques
et militaires de son temps. Les lettres conservées à Aix ,
( 133 )
offrent un intérêt supérieur; l'ami de Peiresc et de Valarés y
traite des questions d'archéologie qui lui étaient familières
tout autant que celles qui se rapportaient aux beaux-arts : il
y parle de ses ouvrages et de lui-même.
»Le bibliothécaire d'Aix , M. Rouard, m'a obligeamment
promis qu'il chercherait une personne capable de transcrire
correctement le texte italien de ces lettres.
• Après les manuscrits de Granvelle et les correspondances
de Peiresc , la bibliothèque d'Aix ne renferme plus que deux
ouvrages qui aient quelque intérêt pour la Belgique : le 1"
est une chronique de Tongres et du pays de Liège, jusqu'à
l'an IS31 , et l'autre est une relation détaillée de la bataille,
du siège et de la prise de S'-Quentin.
A mon passage par Ljon, je n'ai pas négligé de visiter la
bibliothèque de cette grande ville. Il existe un catalogue
imprimé en 3 vol. in-8°, des manuscrits qu'elle possède. Les
ouvrages qu'il renseigne sont au nombre de 1518 ; mais tout
au plus pourrait-on citer deux ou trois manuscrits qui aient
rapport à la Belgique.
» Les archives des ducs de Bourgogne, dont l'examen m'oc-
cupe ici (Dijon) depuis 8 jours, n'ont pas pour nous l'impor-
tance de celles des mêmes princes, conservées à Lille.
» Il s'en faut cependant que les Bénédictins qui ont com-
pulsé les archives de Dijon, aient fait connaître toutes les
pièces qui offrent de l'intérêt. J'en ai déjà recueilli un bon
nombre qui leur ont échappé, et ma liste se grossit chaque
jour. Je suis surtout heureux de la trouvaille d'une dixaine
d'actes sur les débats que fit naitre le mariage de Jacqueline
de Bavière avec le duc de Glocester, débats qui occupent une
place si marquante dans la vie agitée de cette aventureuse
princesse.
» Ici comme à Lille, on trouve réunies aux archives propres
des ducs celles de la chambre des comptes. J'ai remarqué
dans ces derniers, une série de comptes des recettes et des
dépenses générales de Philippe-le-Hardi, de Jean-sans-Peur
et de Philippe-le-Bon, qui précède et complète la collection
de Lille. Elle s'étend jusqu'à l'année 1423.
• J'avais infructueusement recherché à Lille les comptes de
( 134 )
la chambre aux deniers ou des dépenses de l'hôtel des ducs,
dans lesquels étaient indiqués journées par journées les
séjours de ces princes. Les archives de Dijon eu renferment
une quinzaine, qui appartiennent aux règnes de Philippe-le-
Hardj' et de Jean-sans-Peur. Je n'ai pas hésité à entreprendre
le dépouillement de l'itinéraire des deux princes dans les
comptes ci-dessus mentionnés. C'est un travail dont le fruit
me dédommagera de la peine qu'il m'aura coîité.
» Je terminerai par quelques mots sur la bibliothèque de
Dijon. Ce dépôt est riche de SOO manuscrits. Dans ce nombre
il en est un seul qui a de l'intérêt pour nous : c'est une
chronique de l'abbaye de Villers, qui commence à la fonda-
tion du monastère en 11-47, et fini à la mort du 46* abbé,
Mathias Hortebeek, arrivée en 1368.
» Ce manuscrit in-4" sur papier, provient de la maison de
Citeaux, de laquelle relevait, comme on sait, l'abbaye de
Villers.
• Je compte partir sous peu pour Paris, où j'achèverai les
travaux que j'ai commencés cet été dans les bibliothèques.»
M. le chanoine De Sraet lit une notice sur la Chronique de
Baudouin de jMnove.
« Peu intéressante dans les }»remiers temps, où l'auteur ne
fait que transcrire Sigebert de Gembloux , cette chronique
acquiert une importance majeure en se rapprochant de
l'époque à laquelle l'auteur entreprenait ce travail. Aussi
Aubert Le Mire, Kluyt, André Du Chesne et plusieurs autres
écrivains y ont puisé largement et avec confiance. Elle
demeura toutefois manuscrite jusqu'à ce que Ch. Louis Hugo,
abbé d'Estival , en Lorraine, et évèque de Ptolemaïde, entre-
prit de la publier et crut par là rendre un service signalé
aux lettres. Il l'inséra dans le recueil intitulé : Sacrœ anti-
quitatis monumenta historien et diploniatica, 2 vol. petit in-fol.,
le 1" sorti des presses d'Estival, 1723; le 2» de S'-Dié, 173J.
Mais Foppens a tort d'écrire que l'ouvrage de Baudouin de
Ninove se trouve dans le l*^"^ volume, et M. Warnkœnig, qui
copie cette erreur, n'avait pu voir sans doute le recueil de
l'abbé Hugo.
( 135 )
• Convaincu, par sa propre expérience, de la rareté de ces
monumenta, M. Warkœnig' se proposait de donner une place
à la Chronique de Baudouin de Ninove , parmi les chroniques
de Flandre , publiées par la commission , et nous nous
sommes rangés de son avis d'autant plus facilement qu'un
hasard heureux nous a rais entre les mains l'original même
de la chronique , qui vient de passer dans la bibliothèque de
* M. F. Vergauwen , membre de la chambre des représentants,
déjà riche en incunables et en manuscrits importants pour
l'histoire du pays.
»Ce manuscrit original provient de l'abbaye de Ninove où
l'on a eu soin de noter sur un des feuillets de garde que
l'auteur, en copiant d'un'e manière trop servile Sigebert
de Gembloux , s'est rendu complice de son injustice envers
Grégoire VIT et Pascal IL C'est un petit in-A" , écrit sur par-
chemin d'une main ferme, avec des majuscules de couleur
et quelquefois ornées d'arabesques. N'ayant pu le collationner
encore avec l'édition d'Hugo, j'ignore s'il est reproduit avec
exactitude dans les Sacrœ pionunienta antiquitatis; mais il est
sûr que le copiste s'en est tenu strictement au travail du
diacre Baudouin, et n'a tenu aucun compte de celui de ses
continuateurs , puisque la chronique finit dans l'édition de
S'-Dié, à l'an 129-4, avec la mort de Jean V, duc de Brabant.
» Après cette date , on lit dans le manuscrit des vers
composés par maitre Gilbert de Outre. Le même écrivain
raconte ensuite la naissance d'un monstre à deux têtes,
qui eut lieu au commencement de 1299 , dans la paroisse
d'Aygem, et une autre main ajoute la triste fin d'un sire
d'Enghien, pris et mis ù mort en lâ58, par le frère du comte
de Hainaut.
» Après ces faits détachés, se trouve la suite des abbés de
Ninove, écrite de la même main que la chronique jusqu'à
l'administration de Jean de Hartoux , et successivement
continuée par différents auteurs jusqu'au commencement
du XVIIP siècle. Les courtes notices qu'on y trouve , ne sont
pas mal faites; elles sont substantielles et présentent quelque-
fois des traits intéressants : il nous sera aisé de les conduire
jusqu'à la destruction de cette belle abbaye.
( 130 j
• Nous espérons que la chronique de Baudouin de Ninove,
ainsi complétée, sera bien accueillie des savants qui s'inté-
ressent à nos publications. »
M. De Ram prend la parole à son tour pour communiquer
deux notices, l'une sur un inventaire des chartes du comté
de Namur, l'autre sur des sermons de Sully, évèque de Paris,
au XII^ siècle.
1. Inventaire des chartes du comté de Namur.
M. Gachard a donné dans ses Analectes belgiques , fome I,
p. 223-246, une notice des principaux titres que contient
le chartrier de Namur, rédigé vers la fin du dernier siècle par
l'avocat Pierre François Motteau , greffier du magistrat de cette
ville. Le marquis du Chasteler avait dans sa bibliothèque un
autre inventaire des chartes du comté de Namur, volume
in-folio, rédigé en 1621 ; l'extrait suivant que nous avons
trouvé dans un recueil manuscrit d'Adrien Heylen , chanoine
régulier et archiviste de l'abbaye de Tongerloo , nous a paru
digne d'intérêt, puisqu'on y remarque également l'indication
de plusieurs documents qui n'ont été connus ni du P. de Marne
ni de Galliot.
Cet inventaire se compose de vingt chapitres, dont chacun
est précédé d'un sommaire et renferme l'analyse d'un nombre
de chartes, distinguées par des numéros. On lit au commen-
cement du manuscrit : « Cestui inventaire ou répertoire at
• esté doublé par charge de Jehan Polchit, conseiller et pro-
■ cureur général de Sa Majesté, au pays et au comté de
• Namur, en l'an 1621 , pour au futur demeurer au comptoir
• de l'office fiscal, à la meilleure direction des affaires de
• Sa Majesté. Signé, G. Polchit. 1622. »
(Suivent les sommaires des XX chapitres et l'analyse d'un
grand nombre de chartes.)
II. Sermons de Maurice de Sully, évéque de Paris, mort en 1 196.
M. Daunou a recueilli dans l'Histoire littéraire de la France ,
tome XV, pp. 1-49-158, les détails relatifs à la vie et aux écrits
de ce prélat, célèbre par le zèle qu'il a montré durant S6 ans,
pour la construction de la cathédrale de Paris.
( V67 )
La traduction française de ses sermons, que l'on croit avoir
été faite de son temps, ou du moins au commencement du
XIIP siècle, est un monument remarquable du langage de
cette époque. L'abbé Le Beuf, dans ses Recherches sur les
anciennes traductions en langue française, a fait connaître,
d'après un manuscrit conservé dans la bibliothèque du cha-
pitre de Sens, un sermon presque entier, avec le commence-
ment d'un autre. M. Daunon en a transcrit quelques lignes,
à la suite desquelles il a ajouté un fragment extrait d'un
manuscrit de Saint-Victor.
M. le professeur Bormans, de Liège, a découvert dernière-
ment, sur deux feuillets de parchemin, une instruction morale
qui renferme peut-être le langage de Maurice de Sully ,
lorsqu'il parlait au peuple. Ces feuillets étaient collées dans
l'intérieur de la couverture de la prima pars operurn sancti
Amhrosii épiscopi Meciiolanensis , in-i", sans indication de lieu
ni d'imprimeur; mais avec une Epistola prœmialis de F. Con-
radus Leontarius Blulhronnensis , qui finit par ces mots :
Ex arta valle ultra Basileanum birsam XII kal. sept, anno
D.MDVI.
L'écriture des deux feuillets est de la fin du XIII^ siècle , ou
certainement du commencement de 1300. Sur les trois pre-
mières colonnes se trouvent des sermons en latin, avec la sous-
cription : Expliciunt sermoîies 3Iauritii épiscopi Parisiensis;
une partie de la troisième colonne et les cinq suivantes ren-
ferment l'instruction, qu'on va lire transcrite par M. Bormans,
avec indication des leçons douteuses et des lacunes.
(Suit l'instruction qui roule sur les péchés capitaux, les
commandements de Dieu, etc). Au bas, une main beaucoup plus
récente, mais pourtant antérieure au XV^ siècle, a mis : Liher
conventus fratrum sancte crucis Huyensis Leodensis Diœcesis.
ouite de la notice de divers manuscrits concernant l'Histoire de
la Belgique. Indications analytiques de quelques publications
nouvelles. (Communiqué par le baron de Reifténberg).
Cette notice indique quelques manuscrits qui se trouvent
1° à Vienne , dans les bibliothèques Eugénienne et llodeudor-
( 13S )
lieniie; 2° à Rome, dans la bibliothèque du Vatican ; â" à Co-
blence, dans celle du Gymnase et de la ville; -4° à Bruxelles,
dans le cabinet de BI. De Roovere, d'où il en a déjà été indiqué
un grand nombre dans les précédents bulletins; S° à Mous,
dans la bibliothèque de la ville, d'où c'est également une suite,
et 6° à Malines, chez le libraire De Bruyn,
Quant aux publications nouvelles, elles se trouvent pour la
majeure partie annoncées dans les bulletins bibliographiques
du Messager,
Une table de matières, avec quelques additions et correc-
tions, termine ce 6," bulletin, qui complète le second volume
du compte rendu des séances de la Commission d'histoire.
(Il se vend au- prix de 6 francs chez Berthot , libraire à
Bruxelles, et chez Techener, à Paris).
( 139 )
€l)r0ttiquc tïC9 $cmcc$ et 2xt$, ei Daric'tc^»
FosTS BAPTISMAUX DE Satînt Gebmain , A TiRLEHOKT. — Quoiqiie d'unc
création toute récente, le Musée d'Antiquités à Bruxelles ren-
ferme déjà un assez grand nombre d'objets remarquables,
parmi lesquels une châsse en vermeil du XP ou du XIP siècle
et les fonts baptismaux dont nous donnons ici le dessin, méri-
tent particulièrement l'attention de l'arcliéologne et de l'his-
torien des arts eu Belgique, la première comme offrant pro-
bablement le plus ancien ouvrage de ciselure et d'orfèvrerie,
les seconds comme le plus ancien ouvrage de fonte d'une date
certaine, existant aujourd'hui dans ce royaume. Les fonts bap-
tismaux, qui proviennent de l'église paroissiale de Saint-Ger-
main àTirlemout (1), sont en cuivre et portent le millésime
de 11-49. Leur forme indique qu'à cette époque, le baptême
par immersion était encore d'usage chez nous. Ils ont un demi-
mètre trois centimètres de profondeur sur un demi-mètre
sept centimètres de largeur à l'ouverture. La face extérieure
du vase est partagée horizontalement en deux zones par une
bande ou côte, sur laquelle on a tracé l'inscription suivante :
CRISTUS, FO?iS VITE, FONTEM CUNDIDIT ISTC.M DT , NISI PER MEDIUM MISERI ,
READMus (2) AD IPSUM ; et pi US bas : verbo accedente ad elementum.
La zone supérieure est occupée par un bas-relief, représen-
tant quatorze niches ou arcades à plein cintre , soutenues
par de petites colonnes torses ; chacune desquelles con-
(1) Nous félicitons le gouvernement d'avoir fait l'acquisition de cet
antique et curieux monument , et nous espérons qu'il continuera à mon-
trer le même zèle pour les objets qui intéressent si vivement notre archéo-
logie nationale.
Note de la Red.
(2) Pour redeamus.
( 140 )
tient un groupe ou une figure isolée, le baptême du Christ
dans le Jourdain par Saint-Jean, le Clirist à la croix aux deux
côtés de laquelle se voient les figures à cheval de Longin per-
çant les flancs du Sauveur et d'un soldat qui lui présente le fiel
et le vinaigre, dans un petit vase attaché au bout d'un bâton,
l'Ascension du Christ, l'Agneau divin, les Évangélistes , les
apôtres Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-André, et une figure
debout devant un prie-Dieu, sur lequel est étendu un livre
(peut-être le Christ au jardin des Oliviers). Ce bas-relief est
d'un dessin et d'une exécution on ne peut plus barbares. La
zone inférieure n'a pour ornement qu'une espèce de rinceau
gravé en creux d'une manière très-grossière. Cette partie infé-
rieure du vase est partagée perpendiculairement par quatre
côtes, sur lesquelles on lit les mots qui suivent : anno dominice
INCARN\TI0N1SM°C° QUADRAGESIMO NONO, REGINANTE CoSRADO (l), EPISCOPO
HeNRICO II (2), DE....AISTE (3), MARCHIONE SEPTENNI GoREFRIDO. CcS foutS
reposaient sur un socle, des deux côtés opposés duquel sor-
taient à nii-corps la figure d'un lion et celui d'un griffon, ou
plutôt de deux monstres d'un style plus barbare encore que la
sculpture du reste de ce monument. Sur la croupe du premier
était assis un homme les pieds placés dans lesétriers, tenant
une coupe dans une main et levant l'autre vers le ciel. Le se-
cond porte un ange ou génie ailé, ayant les bras étendus. Ces
deux figures existent encore, mais le socle a disparu. Ce der-
nier était placé sur une base octogone en pierre et décorée à
chaque angle d'une tête de lion en bronze. Les fonts baptismaux
que nous venons de décrire ainsi que ceux de Termonde et de
Zedelgem (4), sont, sans contredit, les plus anciens monuments
de ce genre qui existent en Belgique; ils témoignent î'un et
l'autre de la profonde décadence dans laquelle la sculpture et
l'art du dessin étaient tombés aux XP et XIP siècles.
A. G. B. SCHAYES.
(1) C'est l'empereur Conrad III, mort en 1152.
(2) Evoque de Liège.
(3) Nous n'avons pu lire en entier ce mot en partie fruste, peut-être
est-ce dominante.
(4) Voyez le Messager des Sciences et des Arts, T» série, 1825,
p. 437, et 2-= série , 1838 , p. 233 et suiv.
( Ul )
Société d'Emulatios s. Bruges. — Une société d'émulation pour
l'histoire et les antiquités de la Flandre occidentale vient de
se former à Bruges. Les membres fondateurs sont MM. l'abbé
C. Carton , directeur de l'institut des Sourds-Muets et des
Aveugles, président; P. De Stoop , pharmacien, trésorier;
Edmond Veys, docteur en droit, secrétaire; l'abbé J. 0. Andries,
membre de la chambre des représentants; F. De Hondt; F. Van
de Putte ; J. Octave Delepierre , archiviste de la province;
et Bogaerts, professeur. Le règlement de cette société que
nous insérons ici, à été arrêté et approuvé par le comité, le
16janvierl839 :
Art. 1. La société a pour objet :
1° Ln recherche, l'analyse et la publication en entier ou
par extrait, dans un écrit périodique, des chartes et diplômes,
des anciens titres, des cartes et plans du moyen-àge, etc.,
propres à éclaircir l'histoire de nos Comtes en particulier et
celle de notre province en général.
2° La recherche et la publication intégrale ou par extrait,
des anciennes chroniques, des mémoires ou recueils histo-
riques, inédits ou trop peu connus.
3" La description des anciens monuments et des objets d'art
delà Flandre occidentale.
A" La biographie des personnes nées dans la province et qui
se sont illustrées par leurs talents, leurs productions ou leurs
services.
Art. 2. La société ne fera tirer les ouvrages qu'elle publiera
qu'au nombre de 12S exemplaires, qui tous seront numérotés
et signés par le président et le secrétaire.
Art. 3. La société est composée de vingt-cinq membres ef-
fectifs.
Art. -4. Les huit premiers membres fondateurs forment le
comité directeur.
Art. 5. Les membres du comité directeur doivent résider à
Bruges.
Art. 6. Le comité directeur remplace, à la majorité des
deux tiers des voix , les membres démissionnaires ou décédés.
Art. 7. Le comité est tenu de pourvoir au remplacement de
ses membres décédés ou démissionnaires, dans le délai d'un
( 142)
mois, a partir de la date du décès ou de la démission. Avant
d'avoir satisfait à cette condition , le comité ne sera plus com-
pétent pour prendre aucune décision.
Art. 8. Le comité directeur désigne les ouvrages à publier et
les publie sous sa responsabilité.
Art. 9. Le comité élit à la majorité des voix et pour le terme
de six années, un président, un secrétaire et un trésorier. Il
nomme aussi les membres effectifs.
Art. 10. Il y aura annuellement une séance générale dans
la première quinzaine de septembre ; le comité directeur y
rendra compte de sa gestion.
Art. 11. Les membres, réunis en séance générale, autorise-
ront, s'ils le jugent convenable, le comité directeur à pro-
poser, dans le courant de l'année, une ou plusieurs questions
sur un point de l'histoire provinciale, et ils distribueront des
prix ou médailles, s'il y a lieu.
Art. 12. Les ouvrages envoyés en réponse aux questions
proposées par la société, seront jugés en une séance extraor-
dinaire de tous les membres effectifs, sur un rapport de trois
membres du comité.
Art. 13. L'assemblée générale ainsi que le comité peuvent
nommer des membres honoraires.
Art. 14. Le nombre des membres honoraires ne pourra excé-
der celui des membres effectifs. '
Art. 13. Le titre de membre honoraire sera accordé de pré-
férence, aux personnes qui contribueront par leurs écrits,
ou par la communication de pièces inédites ou rares, à l'é-
claircissement de notre histoire.
Art. 16. L°s membres effectifs s'obligent à une rétribution
annuelle de 23 francs, exigible dans le premier trimestre de
chaque année.
Art. 17. Les membres effectifs seuls ont droit à un exem-
plaire de tous les ouvrages que publiera la société. Ces exem-
plaires seront tirés sur papier de choix.
Art. 18. Sera considéré de plein droit comme démission-
naire le membres qui, après deux invitations par écrit du
trésorier, faites à quinze jours d'intervalle, sera resté en dé-
faut de payer le montant de la rétribution.
( 143 )
Art. 19. Le comité et les membres réunis en séance générale
s'interdisent toute discussion politique.
Art. 20, Le comité directeur se mettra en communication
avec les autres sociétés savantes et négociera l'échange des
publications.
Fait et approuvé par le comité, à Bruges, le IGjanvier 1839.
Le Président,
Le Secrétaire, L'abbé C. Carton.
Edmond Yeys.
Poème DE Foppens sur Anderlecht. — M. J. Gautier, propriétaire
à Bruxelles, a eu l'obligeance de nous communiquer un poème
lat'n inédit deD. X. Foppens, qu'il a tiré d'un de ses manuscrits,
contenant l'éloge du chapitre de l'église de S'-Pierre à Ander-
lecht; nous nous empressons de l'insérer ici (comme document
d'histoire) avec la note que M. Gautier a bien voulu y joindre :
• Cette chronique a été écrite, dit-il, par D. X. Foppens;
elle est en tout semblable, pour le papier et l'écriture, à la
Chronique de Bruxelles du même auteur, qui se trouve à la
bibliothèque de Bourgogne. Elle fut composée vers l'an 1737,
et contient 11-4 vers latins avec deux titres, nous allons la
transcrire littéralement , sans nous arrêter aux fautes qui
peuvent s'y trouver, laissant à d'autres le soin de les corriger.
Premier titre :
ConCorDIa saLUberuDIv nxEn DEcoca
ET CAPITrirM I>"SIGMS ECCLESIAE
COLLEGIATAE SANCTI PETRI ASDERLECHTENSIS , .lUXTA BRBXEILAM ,
GRATULATORIO CARMINE EXHIBITA REVERENDO ADM. AC
AJIPLISS. DOMINO D. DOTIIMCO XAVERIO FOPPESS ,
BRrXELLENSI , PRESB\TERO , J , C , L. EJCSDE3I ECCLESIAE COLLEG.
CANOMCO AC DECANO , IN DIE INEUÎiDI KEDITUS AD RESIDENTIAM
JUI.II
ANSo MDCCLVII.
Anderlechtessis Volt CarMen.
Ad Bruxellensis praeclara Paraecia mures
Anderlechta jacct : quae jus civile colonis
Attribuit : re<;natciue illic purissimus aër ;
Rident prata, agri frumento seniper abundant.
Hic Zennae fluvius, prius atque interfluit Urbera ,
Prata aî^rosque rigat. sic miscens utile dulci.
( 144 )
Lactiferae vaccae prodncunt pingiic Biitynim,
Quod pro deliciis tofco celebratiir ia orbe,
Et sibi praeberi velleiit cum Cacsare rcges.
Pagi nomen.habet : sed adaeqiians oppida multa.
Insignes aedes hortis ornantur amoenis ;
Undiqne concurrit jucundus . et advena et hospes.
Conspicitur sancto sacrata ecclesia Petro,
Inclyta structuris, veterique décore capitulo,
Cujus principium Bruxella antiquius urbe ,
Bisque novem' praebendati numerantur in aede :
Régla majestas lioc iiartim, urbisques senatus
Nominat; ast plures proprio dat jure toparcba.
Tu quoque Praesidium praebes , sanctissime Guido,
Guido Brabantinae non infima gloria gentis.
Anderlechta dédit lucem , viditque bubulcum,
Custodera coluit Lakensis virginis aedes.
Tum peregrinantem suscepit Roma, decani
Anderlechtensis quondam socium Wonedulphi.
Felicem tandem niorientis in aede decani
Suspexit finem, conservât et ossa sepulti.
Patrono eximio nunc terque quaterque beata,
Cujus honorarunt mlracula plura sepulchrum ,
Cujus et ampUûcant anathemata plurima cultum.
Cessât [laus superis] fatalis cursus equorum.
Nec tamen inde minus veneratum turba Patrinum.
Haec Auderlechtae'descriptio pura localis.
Subsequitur nostri narratio vera capitli.
Hic servire Deo , regnare est: gloria nostra
Laetari in Domino, concordem ducere vitam,
Officiumque chori cum majestate tueri.
Kon hic insoliti fastus, odiosave régnât
In clero levitas, sibi quam gens Galiica praefert.
Dicimus hisce : vale, procul hinc, procul este profani.
Aurea simplicitas , quam nos docuere parentes ,
Hic sedem fisit : nec in hoc concedimus uili :
Lautius esto alibi, sed non est iaetius usquam.
Gasconent alii . seu Galli , sive Walones:
Contenti nos sorte humili , ridebimus omnes.
' 5
Sed nunc tempus adest, quo te, venerande Decane ,
Versibus aggredimur , tibi prospéra cuncta voventcs
( 145 )
Rcgina Hungariae pracsenti aestate Decanum
Vcldcnum abripuit , iiostri qui gloria coetus.
Sed non eripnit, quando ad majora vocavit.
Et Pétri , ad Pétri non est inglorius aedes
Transitas ; ad Grudios dum migrât ab Anderlechtâ.
Hic modo pro meritis , Griidiorum clarus in urbe
Pracpositus , matris qnoque cancellarius almae.
Amisisse virum rara virtute décorum ,
Ingratum nobis . non absque dolore fatemur.
Attamen est ratio misccndi gandia luctu ,
Dum sit translatum , plures comitantur honores.
Servit et ad nostrum promotio tanta decorem.
Rcgina Hungaridum victricibns aucta trophoeis,
Dcque Borussorum turibunda gente triomphans ,
Incljta Belgarum mater, cui fausta precamur,
Te successorem Veldeni e corpore nostro.
Foppenium, gratum nobis dédit esse decanum.
Notus eras pridem , confratrum verus amator,
Hinc quoque deliciae nostrae , coetusque voluptas.
Ferre jugum Domini teneris assuetus ab annis,
Anderlechtanâ tu prœbendatur in aede,
Ferme octo lustris sacra munia complevisti ;
Sedulus officiis nocturnis atque diurnis ;
Atque domus Domini satagens curare decorem ,
Vincuia amicitiae, per quae concordia régnât,
Sollicitus servare, animo velut omnibus unus.
Tum cantor, rectorquc chori, pietate et amore
Fervidus ac zelo pienns , quaecumque subisti
Munia , saepe etiam viris supcrantia vestras.
Adde , quod ex zelo , bis dénis circiter annis
Ut plebi utilior fieres, mnltosque juvares,
Sponte subintrasti sacramentalc tribunal ,
Omnibus assistens , seu sanis , seu moribundis.
Robore fortis eras , nulloque affecta dolore
Mens , accincta novos ardebat adiré labores :
Quando Viennensi noviter diplomate , noster
Designatus eras , clero applaudente , decanus.
Ast , Dcus a cujus dépendent omnia nutu;
Confringens cedros Libani ceu fusile vitrum ,
Prostravit vegetum : morbusque apoplecticus accr
Percutit in puncto brachiumque pcdemque sinistrum.
10
( 146 )
Cogimur infandiim versu rcnovarc rlolorcm !
Triste mnlum, quo non hoilic communhis ullnm !
Ecquis ab hoc casu liber, juvenisve senexve :
Diim sunt membra homiuum tenui pendentia filo ?
Qui sequitur Christum, qni quaerit régna polorum ,
Discat ferre crucem , patienter ferre dolores.
Hinc te detinuit lecto patientia, vincens
Ipsum etiam fortem , divinis subdita jussis.
Lenta redire soient, tali deperdita fato.
Sed Deus ilie bonus , qui percutiendo , salutcm
Dum vult , restituit moestis , solamina praebens ,
Nec nimium afiligi potitur quos diligit : ipse
(Ut sperare licet) votis precibusque rogatus,
Restituit vires , et quae sunt perdita , reddet.
Quando isthaec desunt , erit acceptanda voluntas.
Nec tibi déficient nostro de corpore amici,
Consilio, auxilioque vices supplere parati, -
Prisca valetudo donec sit reddita tuto.
Ista tibi ex animo sincero , et voce vovemus ,
Chare Decane; preces non desistemus ad astra
Ingeminare Deo , per quem bona cuncta petenda :
Donec te vegetum promptumque ad munia reddat.
Et pro praeterito luctu concédât avitam
Corporis atque animi, fuerat prout ante , salutem ,
Ut te longaevos liceat spectare per annos ,
Floreat et nostri felix concordia Coetus ,
Anderlechtane primaria Gloria terrac.
Voici le second titre qui se trouve à la fin :
FOIS CHROMCAE DeCaNO sUo, oLIM
CaktorI DoMIsIcO foppens , Laetameu
offerUkt Confratres.
Bague du XÏIl' siècle. — Un orfèvre de Gand acheta, dans les
derniers mois de l'année 1838, une bague d'or qu'un paysan
avait déterrée à Malle , village à une lieue de cette ville. Cette
bague porte une triple inscription en très-beaux caractères, qui
paraissent avoir été émaillés autrefois. Ces lettres qui remon-
tent au XllP siècle, se suivent sans aucune interruption et
sans aucun signe qui puisse faire supposer qu'il y ait des
mots écrits par abréviation.
( 147)
Voici les deux lignes qui se trouvent à la partie extérieure
de cette bague.
■f NOCrSOVDICVROlLE^SICI
f WOVDEMIESTSHERTSCEURftUEN.
A l'intéri-eur se lisent les lettres suivantes :
f WASnSIENMEVSALAEUnARESTERGAL
Cette dernière inscription est parfaitement conservée, de
manière qu'il n'y a aucun doute à former sur la lecture des
lettres; mais dans les deux premières lignes, les lettres r, t et t,
imprimées en italiques, pourraient peut-être se lire autrement.
Les lettres se déchiffrent assez facilement sans que l'on
trouve cependant le sens qu'elles peuvent offrir. Cette inscrip-
tion est-elle en français, en anglais ou en flamand? Quelques
lettres prises isolément forment des mots flamands du XIIl"
siècle, telles sont want, nie, ivoude-ini, hert, sceurt-i , lien y
noch, soud-i. Mais malgré cela , nous ne sommes pas parvenus
à leur donner un sens suivi. Il est à remarquer encore qu'il
existe une espèce de rime entre le milieu et la fin de chaque
ligne soudi , sici, mien, lien, sal, gai. Cette inscription se
compose donc apparemment de six vers. Ou peut donner ici
carrière aux conjectures. Le graveur a-t-il fait usage de
l'écriture mystérieuse, si commune au moyen-àge , qui
consistait tantôt dans la substitution d'une lettre à l'autre,
tantôt dans la suppression de quelques lettres?
Nous laissons à d'autres le soin d'expliquer le sens complet
de cet assemblage de lettres qui paraît si bizarre.
Cette bague appartient aujourd'hui à M. le professeur
Serrure.
Antiquités romaises, a Audenarde, — En creusant un puits
dans la basse-cour d'une auberge appelée den Sicitzer, à Aude-
uarde, l'on a trouvé le 3 septembre 1838, à dix ou onze pieds
de profondeur dans la terre, huit grands pots de terre-cuite,
retournés sur leur orifice. Des ouvriers ignorants en ont brisé
six, croyant qu'ils contenaient de l'argent; niais il n'en est
sorti qu'une poussière grisâtre, mêlée de petits os calcines.
( 148 )
Il est à croire que ces pots étaient autant d'urnes cinéraires,
renfermant les ossements réduits en cendre de quelques morts.
Deux de ces vases sont conservés en entier. Leur forme et la
nature de la poterie indiquent qu'ils appartiennent à l'épo-
que de la domination romano-germanique dans nos contrées.
Toute cette partie de la Flandre orientale jusqu'au-delà de
Renaix, est extrêmement curieuse pour l'archéologie de la
première période de notre histoire. Les nombreuses découver-
tes en antiquités qu'on y a faites depuis quelques années, ne
sauraient trop attirer la sollicitude des hommes instruits.
Passage Leîioîsmer a Liège. — Le 2-4 janvier dernier, eut lieu
l'inauguration du passage Lemonnier , à Liège. C'est une
galerie vitrée, de 160 mètres de longueur sur i de large, et
8 de hauteur. Des deux côtés s'étend une ligne splendide de
magasins qui ne tarderont pas à être ouverts. Le passage est
dallé en asphalte Au second étage, se trouve une grande et
belle salle, destinée à un bazar. Mais le café de la Rotonde
surpasse tout le reste en luxe et en élégance : on dirait un
palais des Mille et une Nuits. Ses décors sont de la plus grande
richesse et d'un goût exquis. L'escalier en spirale est en fer
de fonte, les marches en sont à jour; rien n'en égale la grâce
et la légèreté. Cette galerie sera écla'rée au gaz.
Galerie vitrée a Bruxelles. — Un édifice semblable à celui
dont nous venons de parler, mais exécuté sur des proportions
plus vastes et avec une plus grande magnificence encore , est
sur le point d'être élevé à Bruxelles; il consistera en une
galerie vitrée, longue de plus de 700 pieds, large de 30 et
d'une élévation considérable. Elle communiquera du Marché
aux Herbes à la rue des Bouchers, et de cette dernière à la
Montagne aux Herbes potagères. Les façades de la galerie
donnant sur ces différentes rues déploieront un grand luxe
d'architecture. Celle faisant face au Marché aux Herbes, sera
décorée de statues et bas-reliefs et de trois rangs de pilastres
doriques, ioniques et corinthiens, couronnés par une balus-
trade. Au rez-de-chaussée, un magnifique péristyle, formé de
huit colonnes doi'iqnes, donnera accès à la galerie pavée en
( 149 )
mosaïque, et offrant des deux côtés une longue suite de bril-
lants magiasins, ornés de marbre, de bronze et de glaces. En
un mot, ce monument effacera par sa richesse architecturale
et d'ornement, tout ce qui existe aujourd'hui en ce genre à
Londres et à Paris , où les édifices de cette espèce ne sont pas
rares, comme on sait. L'arrêté royal qui autorise l'expropria-
tion , pour cause d'utilité publique , de tous les terrains
nécessaires pour la construction de la galerie couverte, est
daté du 6 février. Les travaux devront être terminés dans
l'espace de quatre ans , aux frais de MM. Hauman et J. De Mol ,
auteurs du projet.
Passeport de l'a«née lâ49 (IB30). — Après avoir condamné
la fameuse secte des Flagellants, si célèbre par les cruautés
qu'elle exerça sur les Israélites, le pape Clément VI annonça
un grand et solennel jubilé à Rome pour l'année 13S0. A
cette occasion, il y eut un concours immense de pèlerins
dans la ville de Saint-Pierre. La Flandre ayant eu à souffrir
plusieurs grandes calamités publiques, ne resta pas en arrière
de la ferveur générale : beaucoup de fidèles de ce comté
se rendirent à Rome, afin d'obtenir de Dieu la fin des maux
qui désolaient leur patrie et le pardon des péchés, dont ces
maux paraissaient être le châtiment. Nous publions ici un
passeport, donné à cette occasion, par Louis de Maie à quel-
ques-uns de ces pèlerins.
Lettre de tesmoignage des gens alans à Ronmie , qu'ils sont de
bonne condition et renommée.
«Nous Loys, etc., faison savoir à tous que comme mestre
t Jehan Ilonin, sire Gerars de Munte, sire Jehan d'Osterzele,
• tout prestre, Bernard le Pape et Margriete de Munte, seur au
• devant dit sire Gerart de Munte, aient très-grande affection
»de visiter et acquerre les grands pardons qui ores sont à
»Romme-le-Grand , si comme on dise. Nous tesmoignons de
• vray, selonc le bonne information que nous en avons emve
»de plusieurs chevaliers, escuiers et bourgoys de noire pays
• de Flandres, asquels Nous adjoustons plaine foy, que lesdictes
» personnes sont bonne loyale geut de bonne famé et renom-
( 150 )
» mée et de bonne vraye vie et conscience ce que tousjours ont
• esté, bon, vray obéissant à nous et nos prédécesseurs et sont
» encore pour quoy nous prions à tous seigneurs , castelains ,
» prevos , gouverneurs , baillis, justicbiers , gardes de passages
• etdestroys, leurz fiex-tenant et autres quelconques, asquels
» ces lettres seront monstréez , que il et chascun d'eaux as
» dessusdictez personnes ne facent ne seufFrent estre faiz
Dgriefz, moleste, ne domage aucun en corps, ne en biens,
» ains les lessent et facent passer pasivlement par leurs pas-
« sages et destroys sans empeceraent aucun , quant en ce faisant
» cascuu de vous tant pour Dieu comme à nostre prière que
»Diex et Nous vous en sacent gré, et que Nous en soions remis
»à vous et cascun de vous. En tesmoing, etc. , donné à Bruges
»le second jour de jenvier l'an xlix (1349, nouv. st. 13S0).
«Par Monseigneur le conte présent Monseigneur de Rassi-
»ghem, Vous et Franchois Sloeve. [Signé), H. Yliederb. (Henri
»Van der Vliederbeke). »
Cette curieuse pièce est copiée d'un Registre aux Résolutions
du temps de Louis de Maie , comte de Flandre. On voit que les
passeports ne sont pas d'une origine aussi récente qu'on le
croirait bien.
Association pocr favoriser les Arts en Belgique. — Il vient de
se former à Bruxelles une association nationale, dont le but
éminemment utile, est de favoriser le progrès de l'art: peinture,
sculpture, dessin , gravure, musique, poésie, architecture. Elle
publiera un recueil intitulé laReîiaissatice, chronique des arts
et de la littérature, qui paraîtra deux fois par mois avec plan-
ches et vignettes. La direction de cette société est composée
de M3I. le prince de Ligne, président; le marquis de BeauflFort,
A. De Wasme-Pletincx, vice-présidents; A. Van Hasselt, secré-
taire; E. Laurent , trésorier. Toutes personnes qui voudront
faire partie de cette association, seront admises en prenant
une action de vingt francs , qui donne droit : 1° à un exem-
plaire du journal la Renaissance; 2° à un numéro, qui vaudra
au tirage au sort des objets acquis par la société, et qui gagnera
à la fin de l'année, soit un tableau, soit une lithographie, soit
un livre, soit une gravure. Cette association, qui est placée
( 151 )
sous le patronage de la Société des Beaux-Arts, achètera, au-
tant qu'elle le pourra, des ouvrages envoj'és par les artistes
belges aux expositions; elle fera chaque année des expositions
permanentes, et s'occupera de placer les productions des ar-
tistes; elle leur commandera des travaux, si ses moyens le lui
permettent ; elle contribuera à entretenir et à restaurer les
monuments publics de l'art ancien en Belgique; elle se fera
l'intermédiaire entre les artistes, les amateurs d'albums ou
de tableaux, les fabriques d'églises, les établissements et les
particuliers qui désirent des ouvrages d'art.
Lambert Massart a Paris. — Le feuilleton du journal français
la Presse, en date du 26 février dernier, est consacré à notre
habile musicien Lambert Massart. Ce feuilleton, écrit d'une
manière piquante, est de M. Henri Berthoud, de Cambrai, qui
depuis long-temps a reçu ses lettres de bourgeoisie dans le
monde littéraire de Paris. Aussi est-il digne d'un Parisien, qui
ne croit pas que le reste du monde vaille la peine qu'on en
parle d'une manière exacte. D'abord Massart est représenté
comme un gros Flamand blond et rose, et ce portrait est à la
fois trop chargé et trop poétique; ensuite on nous montre,
en 1823 , Massart enfant, jouant au cheval fondu avec le
prince Oscar de Suède. Or, si j'en crois V Almanach de Gotha,
le prince Oscar, né le -4 juillet 1799, avait, en 1823, environ
vingt-quatre ans; il se maria de plus cette année même, et il
ne semble pas que ce soit l'âge de jouer au cheval fondu avec
de gros Flamands de Liège. L'anecdote peut donc passer pour
apocryphe, et nous espérons que les biographes futurs ne la
recueilleront pas dans leurs compositions.
De R.
Beffroi de Gaisd. — La campanille qui couronne le Beffroi,
étant sur le point d'être démolie, parce qu'elle menace ruine,
nous faisons des vœux pour qu'elle soit reconstruite d'après le
plan primitif, déposé à l'hôtel-de-ville. Les journaux avaient
annoncé qu'on aurait suivi le plan de l'architecte Crul; mais
ce projet étant d'un très-mauvais goût, nous sommes persuadés
que l'on n'en fera pas usage.
( 152 )
ÉriTAPnES ANCIENNES. — Avant que les Iconoclastes de 1566
eussent détruit le couvent des Chartreux, à Roygem, faubourg
de Gand, il y avuit dans l'église de ce couvent quelques épi-
taphes fort anciennes; nous en transcrivons ici quelques-unes
d'après un recueil d'épitaphes du XVP siècle, appartenant à
M. J. De S' -Génois.
1° Sur une tombe en cuivre , on lisait l'inscription suivante
de 1321 :
Ex digna génie Gande?isi stirpe potenti
Simon erat natus Wilhard hic tuinulatus.
Prudens, pactficus , itiorosus et ore pudicus,
Lucens antistes studiose legerat artes.
Scriptura tritus erat ac in jure peritus
Slusœ curatus et ibi populo bene grutus ,
Plures prœbendas hahvit quod non reprehendas ,
Inde sacerdotes septem capiunt sihi dotes ;
Dotans Gandenses , fundavit Cartusienses
Quos illuc duxit precibus, quorum sibi luxit
M-C. ter, duplex, X. I. (1) quater ipse ceduples {9)
sa sibi meta vitœ, conceptio scmctœ Mariœ.
2° Eier light hegraven Michiel de Cock , cnape was van de
camere ende hôtelier veele jaeren ons edels heeren grave van
Vlaenderen Lodewyck van Maele , die starf intjaer 14^08, den
œiij decemher.
S° Jacet hic Nicolaus Wyt in tempore domini Ludovici piœ
vnemoriœ boni comitis Flandriœ, castellanus de Beveren XXXÎV
annis, specialis benefactor fratrum istius heremi, qui obiit
a° 1412, uîtima die mensis augusti. Anima ejus per misericor-
diam Dei régnât in pace.
•4" Hier light begraven Reynier de Kempe , die starf int jaer
ons Heeren 1S97 , den 23 october, hidt voor de siele. Hier light
hegraven Jo° Cecilie van Vaernewyck, Reyniers Kempens wyf
was, die starf int jaer l MO.
5" Anno Domini 1331, ïJi ocfava sanctormninnocentium, obiit
Hugo de Most; anima ejus requiescat in pace.
Dans cette église se trouvaient encore plusieurs épitaphes
des familles Steelant, Masseraen, Onredene, Halewyn. Les fe-
nêtres étaient en verres peints et portaient les armoiries de
beaucoup de nobles Gantois.
(1) Anno ï 321.
M^Ji-iu .J^.Miik^
1^-^
■<^
( 153 )
îîlenljODenstecn.
Communia Gandavionim
Turritis domibus, gazis, et gcnte siipciba
Brito, Philipp.
Ce ne serait point le chapitre le moins curieux de l'his-
loire de Gand que celui qui contiendrait la description
des anciennes maisons, qui s'élevaient jadis dans l'en-
ceinte de cette ville. Le nombre de ces vastes habitations
à créneaux et à tourelles, qu'on désignait sous le nom de
stee?i ou de hof, y était très-grand. Les plus considérables
étaient: la (/rande Ameide^ rue aux Vaches; \q Serbraem-
steeti, que Ryhove habitait au XVI* siècle, et dont M. De
Saint-Génois a donné une description dans le roman his-
torique (ï Ileînbysej \q Sanderswal , plus tard la Cour du
Prince, où naquit Charles-Quint; la maison d'Artevelde^
la cour de Ravestein, près l'église de S^-Michel ; la maison
aux tourelles [het huis metten torens) , rue des Champs; la
cour d'Egmont ou de Fiennes; la cour de VVacken; la
maison de Hembyse;le Gerardsteen ^ qui sert aujourd'hui
de caserne aux pompiers, et la maison d'Utenhove {Uten-
hovensteen) , Blarché du Vendredi.
De tous ces anciens manoirs, trois seulement ont con-
servé leur caractère primitif , leur première construction,
qui date d'une époque reculée : ce sont la grande Ameide,
( 154 )
le Gcrardsleen et la maison d'Uleiihove , dont la farade
était resiée intacte jusqu'à nos jours (1),
Le Marché du Vendredi élait autrefois le centre de la
cité, le forum de la ville, où les corporations armées s'as-
semblaient dans les dangers imminents qui menaçaient la
patrie, soit que le prince eut méconnu les droits de la na-
tion, ou qu'une armée ennemie approchât des frontières. Là
se faisaient aussi les inaugurations des comtes de Flandre,
où en présence des magistrats et du peuple, ils juraient le
maintien des privilèges , des lois et coutumes établies.
L'aspect de cette place est bien changé depuis l'époque où
les nombreuses armées d'Artevelde la couvraient; elle était
beaucoup plus grande alors qu'elle n'est aujourd'hui, car
le carré de maisons , adossé à l'édifice dit Salle de la Col-
lace (2) [Collatie-solre) ^ n'existait pas, et l'église de Saint-
Jacques dominait cette vaste étendue. Quelques grandes
maisons s'élevaient à l'entour, parmi lesquelles M. Diericx,
dans la description détaillée qu'il nous a donné de la ville,
distingue le Eogerhuis, la Maison des Gorroyeurs {Hude-
Tcttersstee?i) , celle du prélat de S'-liavon, des Marchands
de toiles [Lijnmakerssteen) , et des Horlogers (Ilurmakers-
steen).
Là s'élevait aussi la maison d'LUenhove, dont nous don-
nons ci-joint le dessin. La façade à fenêtres gothiques et à
(1) Au moment où nous imprimons cette notice, nous entendons tom-
ber les derniers vestiges de VVtenhoreiisteeîi. Nous ne savons comment
qualifier cet acte de vandalisme qu'on ne saurait trop flétrir. La Com-
mission des Monuments s'était adressée à la régence de Gand pour de-
mander la conservation de ce curieux monument , unique dans son genre
eu Belgique. Mais quchiue facile qu"eùt été pour notre administration
communale de s'épargner un acte de destruction, indigne de notre siècle,
elle n"a rien fait pour arracher V Utetihovertsteen à une démolition cer-
taine. Puissent le Bef/roi, la M(iiso7i des Bateliers, etc., ne pas éprouver
bientôt un sort semblable ! Note de laRëdact.
(2) On nommait Collaces, les assemblées générales des corporations et
des notables de la ville.
( 155)
tourelles, porte le caractère «lu XIV® siècle. Le terrain, où
celle maison est construite, louche par-derrière à la Lys,
et a une issue dans la petite rue latérale, dite Ziiivclstege;
il est à présinner que tout ce carré, où quelques maisons
furent bâties depuis , formait l'enclos de cette demeure. Les
caves spacieuses, et les voûtes en ogive, sont soutenues
par des colonnes rondes, dont les cliapileaux sont ornés de
fleurs de trèfle. Six marches conduisent dans la maison ;
le dedans a subi bien des changements; il n^a rien retenu
de l'époque primitive de sa fondation ; la division inté-
rieure, foile apparemment en cloisons de bois, a disparu
totalement. Un large escalier en pierres de taille mène au
premier étage , qui consiste en une grande salle de sept
croisées. Au second étage on découvre la charpente du toit,
qui repose du côté de la façade à dix pieds de distance
du mur, sur deux arcs en ogive, soutenus par une co-
lonne massive, qui a ses fondements dans le souterrain.
On prétend qu'anciennement des créneaux s'élevaient entre
les deux tourelles, et qu'une galerie en plate-forme était
établie entre le toit et le mur antérieur. Le tableau de
, W P. Goetghebuer, représentant la ville de Gand, peint
en 1534, ne laisse plus aucun doute à cet égard, car on
distingue fort bien que le couronnement de la maison était
en forme de créneaux.
Le document le plus ancien que nous trouvions sur ce
steen, est un acte de vente de 1450, par lequel Jean Uten-
hove cède tous les droits qu'il a sur cette maison, à Jacques
Utenhove, son oncle; nous transcrivons ici le contrat en
entier (1) :
a Kenîic, etc., dat Jan Utenhove, f' Jans, aen de Vrindach-
marct commen es, etc., ende heeft vercocht Jacop Utenhove, zinen
(1) Archives de la ville de Giind, cahier des actes et contrats des éche-
vins de la Kcurc , reg. 1448, 1449 , 1450 , f-> 32 v»».
( 156 )
oeni , al zijn deel ende recht, dat hy heeft in de huusivghen hier
naer verclaerst, te loetene, den grooten Steen an de Vrindach-
maerct, 't huus in de Veltstrate, daer die vorseide Jacop Uten-
hove, nu ter tijtinne tooont, ende de Cancelrie (1), in de Volder-
strate, metten Imsekins in den Paddenhouc, met allen den
ghelaghen ende aysementen, dicr toehehoren, van voren tôt
achter , ecrtvast ende naghelvast, metten erven , denselven
iij husen toehehorende ende anclevende. De groote Steen an
de Vrindachmaerct, ende 'thuiis in de Velstrate, vry huus ende
erve zijnde, van den wclkcn huuse ende erve de selve Jan Uten-
fu>ve, in also verre ah hy inné gherecht es, tcas wetteîik ontuut,
onthuust ende onteerft, ende de voornoemde Jacop Utenhove,
wasser toeghedaen, wettelic inné ghehuust ende gheerft, als in
zijn vry proper huus ende erve, ende de weftelike tcaerscip was-
ser afhelooft, ende tceder hevolen, alsoo 't hehoorde. Dese coep
is ghedaen omme de somme van 44 ponden, te hetalen 22^. gr.
te Lichtmisse eerstcommende, ende 22 pond, gr, te Lichtmisse,
anno SI daernavolgende, versekert, etc. Actum 6 maii anno
SO (1450). .
Par acte du 12 août 1476, Jean Utenhove, fils de
Jacques, vendit à Lievin Van Biervliet, pour une somme
de 8 livres, une partie de terrain avec une porte, ayant
issue dans la rue dite Zîdvel-stege (2).
\] Utenhovensteen appartenait, au XVP siècle, à la cor-
poration des Merciers, et lors de la confiscation effectuée
par Charles-Quint, après les troubles de 1539, cette maison
fut vendue, le 16 décembre 1542, aux sieurs De Hertoghe
et Gérard De Cleerc, pour la somme de 56 livres 18 solz
de gros, net argent, par-dessus toutes charges de 7-entes et
vins desfalcquiez (3). Durant les troubles du XVP siècle ,
(1) C'est la même maison qui appartenait, au XVI« siècle, à Jean
Van Hembyze.
(2) Arcliiv. de la ville de Gand, Jaer-register , p. 134
(3) Nous insérons ici l'acte qui contient toutes les maisons des corpo-
rations existantes à cette époque , et les prix pour lesquels elles ont été
( 157)
plusieurs séances du conseil des dix-huit el des notables y
furent tenues; les pièces du rez-de-chaussée servaient de
corps-de-garde. Le magistral de la ville, qui avait cette
vendues. — Cet acte se trouve aux Archives de la ville de Gand, au
registre intitulé: Den rooden boeck viet de riemen, f, f» 93 v», et le
conservateur, JM. Van Duijse, a eu la complaisance de nous eu remettre
une copie :
« Charles, par la divine clémence, empereur des Romains, tousiours
auguste, roi de Germanie, de Castille , de Léon, de Grenade, d'Ar-
ragon , etc.
» A noz bien aniez Ydrop de Waerhem, nostre conseillier et proca-
reur-général de Flandres, et Josse Van den Hecke, recepveur de nostre
extraordinaire de Flandres , ou Josse Laue , son commis , salut f
» Comme pour satisfaire à plusieurs adommagiez fie sainct Bavon , tant
à cause de leurs maisons abatues pour l'érection de nostre nouveau chas-
teau à Gand, que aultres de leurs rentes, qu'ilz ont euz sur icelles maisons,
selon les priseries et rachapts d"icelles ; aussi pour pluisieurs aultres satis-
faire et récompenser de leurs deuz , nous avons donné charge par noz
lettres , vendre les maisons , aians esté aux mestiei's de Gand, à nous
devoluz par confiscation, par -dessus celles qui par nous ont esté baillées
en récompense aux prevost et chanoines de sainct Bavon, et à aultres
particuliers , et est de par vous en ce faict telz dcbvoirs , que plusieurs
d'icelles sont vendues après pluisieurs cryées, et solempnitéz y requises,
net argent par-dessus* toutes charges de rentes et vins desfalcqniéz en
la sorte et manière que s'ensuyt. Premiers la maison qui fut des Bollen-
guiers, à la somme de 187 livres 6 solz de groz. La maison des Mosniers,
50 livres ung sold G deniers groz. La maison du mestier, nommé en
tliioys 5(:7(/7;ma/;e?^, 39 livres 18 solz de groz. La maison des Tisserans
de drap, sur le Contre, nommé la Cleppe, 18 livres 7 solz six deniers groz.
Quatre petites maisons ayans par-cydevant estez à la tierce ordre , que
occupèrent lesdicts tisserans de drap ; asscavoir, la première, nœuf livres
seize solz de groz; la seconde, 10 livres 14 solz II deniers gros, huict de-
niers paresis ; la tierce maison , 5 livres 12 solz 9 deniers gros , et la qua-
triesme maison, 10 livres 18 sols de groz. La maison du mestier des
Frùtiers, 53 livres 6 solz de groz. Lestampe de verjus aians esté audict
mestier des Frùtiers, 5 livres 17 soldz de groz. Encoire une anltremai-
soncelle venant desdits Frùtiers , estant située en une ruelle derrière
saint Nicolas, nommé In 't Nieusteixkcn, huict livres 18 solz de gros. La
maison dcsCuvellicrs, 99 livres 10 solz de groz. Une petite maisoncelle
venant desdictz Cuveliers , seize Uvres 8 soldz de groz : encoires une pe-
tite maisoncelle venant desdicts Cuveliers, 15 livres 18 solz de groz. La
( 158 )
maison en location, en fit l'acquisition, le 5 mai 1576,
pour la somme de 500 livres. Elle fut revendue dans la
suite, et passa en 1839, à M. Van der Gote, qui la dé-
maison des Corroijeurs, 19 livres 11 solz de groz. La maison en thioys
Stoeldraeyers, 25 livres 14 solz 10 deniers demy groz. La maison des Cou-
reurs de cnyr noir, 26 livres 9 solz de groz. La maison des Mesureurs
de bled, 53 livres 19 solz six deniers groz. La maison des Coureurs de
cuyr blanc, 54 livres 4 solz de groz. Une aultre maison , venant du mes-
tier des Avaleurs (1) de vin, parce qu'elle est chargée près autant qu'elle
vailloit, net 36 solz six deniers groz. Une petite maisonccUe où que de-
mourait ung relieur de libvres, venant aussy desdicts Avaleurs de vin,
6 livres 12 solz nœuf deniers groz. La principale maison des Krentellcurs
et Tisserans de taille, ^dl livres de groz : une petite maison venant dudict
mestier, ouquel leur varlet demourait, 8 livres 17 solz de gros. La maison
des Vieswariers (2), 69 livres 5 soldz de gros. La maison des Brasseurs,
avec les appartenances, 303 livres 3 solz 4 deniers groz, d"iceulx osté
52 livres de groz, que ont esté ordonnez pour satisfaire aux povres de
leur maison de derière , demeure net deux cent cincqnante-ung livres
trois solz 4 deniers groz. La maison des Tapisseurs , 97 livres 19 solz de
groz. La maison des Merchiers, avec les appartenances, vendue en deux
marchiez, 56 livres 18 solz de groz. La maison des Porteurs au sacq,
11 livres 8 solz de groz. La maison des Tordeurs dliuyle, 162 livres 17
solz de groz. Encoires une aultre petite maison venant desdictz tordeurs
d'huyie, située auprès de l'esglise de sainct Nicolas, 45 livres 18 solz
de groz. La maison des Poissonniers, sur le Marchié au poisson, 9 livres
15 solz 4 deniers groz. Une maisoncelle vers oost de la chapelle des
Ferres, venant desdictz Fevres , 8 livres 13 solz de groz. Une aultre
petite maisoncelle aussy venant desdicts Fevres , 8 livres 18 solz de
groz. La salle desdicts Fevres, 9 livres 16 solz de groz. Encoires
ime maisoncelle venant desdits Fevres, 17 livres 13 solz de groz. La
principale maison des Couturiers, 61 livres 18 solz de groz, par-dessus
20 solz de gros de rente héritière , au rachat du denier seize , que
ont esté retenuz sur icelle maison. Une aultre petite maison , venant
desdicts Couturiers, 20 livres 2 solz 6 deniers groz. Une petite maison,
venant des Couvreurs de tieules, située auprès du Groenenbriel , 13 livres
18 solz de groz. Une petite maisoncelle , venant du mestier des Orfèvres,
située en une ruelle derrière le Werregareu, 18 livres 6 solz de groz. La
maison des Bogaerdc, ayant esté auxdicts tisserans de drap, vendue en
(1) Oéchargeurs j avaler signifiait descendre.
(2J Fiippicrs.
( 159 )
molit la mcnie année j il l'a acquise pour la somme de
40,025 francs.
Il serait à désirer que ces anciens moniimenls, témoins
trois partyes, à charge de par rachctciir d'une partie démolir etabbalre
une grande tour, deux cent vinjft-trois livres ung sold de {yros.
» Montans cnsamMe lesdictcs vcndicions à la somme de 1930 livres
5 solz 6 deniers groz, deux deniers paresis. Et que pour le présent res-
tent seulement à vendre les principales maisons, que souloient appertenir
aux mcstiers des Mâchons, des Tanneurs, des Orfèvres, nommé le Samp-
son, et des Wijnmeters, et aultres quatre petites maisoncelles, que
soulloient estre au mestier des Carliers , le plupart d'icelles grandement
chargiez de rentes. Et pour ce que ce ne serait nostre profj t retenir les-
dictes maisons parce qu'ilz sont fort chargiez, comme dict est , et anicuns
«l'iceulx tendans àruyne. Aussy que les acheteurs, ayans acheté les dessus
dictes aultres maisons à leur sceurté. désirent estre de nostre part asseuréz
de leurs dicts achajjtz , et adheritéz en icculx comnie rie tout rapport nous
a esté faict. Si est il que nous ayans les vendicions de tontes les dessus
tlictes maisons pour aggréables, par l'advis et délibération de nostre très
chiere et très amée seur la royne douaigierc de Hongrie, de Bohème, etc.,
pour nous régente et gouvernante en noz ])ays de ])ar-deçà, vous avons
de rechief commis, ordonné et auctorisé, commectons, ordonnons et
auetorisons par ces présentes, les trois, les deux ou l'un de vous en par-
ticulier, qui mieux vacquier y pourra , pour exposer et mcctre à vente les
dessus dictes maisons, encoires à vendre, le tout selon et en la manière,
que ont esté vendues les aultres dessus dictes maisons , ou anltrement
ainsy que verrez estre à faire , pour nostre plus grand proufyt. Et dabon-
dant comparoir pardcvant noz csehevins de la kuere de Gand , landtheeren
et tous aultres juges et justiciers, que besoing et requis sera , et illec en
nostre nom faire deshéritance , cession et transport aussi avant que be-
soing soit, tant desdictes maisons et héritages y appartenans, par vous
vendues que des dessusdictcs , encoires à vendre au proufyt des ache-
teurs promettre garant en nostre nom.
n Et au surplus passer toutes aultres rccognoissanceset œuvres de loy,
en tel cas requises et nécessaires, pour la seurté diceulx acheteurs, leurs
hoyrs, ou ayans cause, saulf toutcsfois par vous recepveur rcspondre,
et faire compte et reliqua des deniers en venans, là et ainsy qu'il appar-
tiendra à nostre proufyt. promcctant en parolle de prince d'avoir pour
agréable, ferme et estable à tousjours ce que par vous, ou lun de vous ,
en ce que dessus desja est faict, et encoires sera faict, passé et besoin-
gnié, comme si nous mcsmes faict l'eussions. Car ainsi nous plait il.
Donné en nostre ville de Louvain , le 4*= jour d'octobre l'an de grâce 1542 ,
( 160 )
de noire gloire passée, et qui portent le cachet de grandeur
dont cette époque, le siècle d'Artevelde, était empreinte,
lussent conservés, et que le gouvernement prit des mesures
pour les préserver de toute dégradation; la façade de la
maison des Merciers n'était pas moins belle qu'élégante,
et pour llîisloire de l'art, c'était un monument des plus
curieux.
Ph. Blomma-ert,
de nostrc empire le xxiij« , et (îc nos régnes de Casfilic et atiltres le xxvij'.
Soubzescript par rcmpereur, et signé Veri-eyketi.Y.1 icelles lettres scel-
lées en cyre ronge, sur simple queue de parchemin.
» Et au dors desdictes letfres estait escript :
» Les chiefs trésorier-général, et commis des domaines et Gnances de
l'empereur nostrc sire, consentent en tant qu'en eulx est, le contenu ou
blancq de cestes , estre fourny et accompli tout ainsy par la mesme forme
et manière que Sa Majesté le veuit , et mandé estre faict par icelles escript
soubz les seings manuelz desdictz chiefs trésorier-général et commis, le
xxiiij<^ jour d'octobre 1542, soubszigné : Philippe de Lannoy, RufTault,
et Claissone. »
( 161 )
fitblt0tl)cque inanuscrite
DE
LA VILLE DE BRUGES.
Eu 1830, le savant Gustave Hœnel publia à Leipsig un
catalogue des livres manuscrits des bibliothèques de France,
de Suisse, de Belgique, d'Angleterre, d'Espagne et de Por-
lugal.
Dans cet ouvrage, fruit d'immenses recherches, la biblio-
thèque publique de Bruges est portée comme renfermant
2700 imprimés, et 480 manuscrits dont il donne les titres.
Le travail de M. Hœnel jouissant d'une réputation mé-
ritée sous bien des rapports et faisant autorité, je crois
qu'il est nécessaire de rectifier les erreurs dans lesquelles
il est tombé pour ce qui concerne Bruges, d'autant plus
que tout récemment M. Voisin s'est servi des renseignements
de l'ouvrage allemand, en y ajoutant pleinement foi.
La bibliothèque publique de Bruges renferme passé les
10,000 volumes , formant plus de trois mille articles, dont
en ce moment se refait le catalogue dans un nouvel ordre.
Dans les 480 articles manuscrits (nombre d'ailleurs inexact
et qui doit être porté à 536), cités par Hœnel, sont oubliés
la plus grande partie des ouvrages historiques que je vais
uidiquer, en entrant dans quelques détails puisés en partie
dans des noies laissées par M. Scourion, ancien bibliothé-
( 162 )
caire, notes dont j'ai eu l'occasion de vérifier par moi-
même loute l'exaclilude.
Le plus grand nombre de manuscrits proviennent de la
ci-devant abbaye des Dunes; aussi Irailent-ils pour la plu-
part de matières ihéoîogiques. Les écritures en général en
sont belles. Les plus anciennes sont du XIP siècle.
1" Un des plus précieux, quoiqu'il soit écrit sur papier,
est le recueil des comptes de la confrérie dite de S*-Jean
l'Evangéliste, à Bruges , dont les membres étaient des écri-
vains, des copistes de livres, des enlumineurs, des impri-
meurs, etc. Le premier de ces comptes est de 1454, et le
dernier de 1523. On voit par celui de 1456 à 1457, au
folio 13 verso, qu'avant la publication du fameux Psal-
viorum codex, de Mayence, le premier livre imprimé qui
ait paru avec date certaine, il y avait déjà à Bruges, et
parmi les membres de ladite confrérie, une famille dont
le nom patronimique était De Printere, c'est-à-dire l'im-
primeur (l). Il est à présumer que c'était la profession
d'imprimeur avec des planches gravées sur bois, qui avait
fait donner à Bruges le nom de De Printere à une famille.
Les autres articles qui méritent le plus d'attention parmi
les manuscrits historiques de notre bibliothèque, sont les
suivants :
2° Liber de naturis rerum, sur vélin , de la fin du XV^
siècle, et orné d'un grand nombre de miniatures curieuses.
3° Chronicon Monasterii S. Bertini, sur papier, écriture
du XV^ siècle. Cette chronique a été publiée par D. Mar~
lène, au tome 3 du Thésaurus Anecdotorum ; mais l'éditeur
bénédictin passe sous silence le fait concernant le person-
nage connu sous le nom de Papesse Jeanne, qui se trouve
(1) Labbé Glicsqiiièic a essayé de prouver, dans un article de Y Esprit
des Journaux, juin 1779, page 237 , que des 1445, douze ans avant les
premières éditions de Mayciicc , avec date, on vendait à Bruges des livres
imprimés et qu'on en faisait même commerce.
( 163 )
raconté tout an long dans noire manuscrit. Ce passage aui a
sans doute été omis comme fabuleux.
4° Vincentii Bellovacensis speculmn doctrinale ^ superbe
écriture du XV^ siècle, sur vélin. Ce livre est orné de mi-
niatures, dont plusieurs sont de nature à paraître au moins
singulières dans la copie d'un ouvrage ihéologique du cha-
pelain de S'-Louis.
5" Un cahier en papier d'une loterie tirée à Bruges en
1445, et dans laquelle a mis la veuve de Jan Van Eyck,
ce qui pourrait servir à fixer la date du décès de cet illustre
artiste brugeois, et prouve d'ailleurs combien les loteries
sont anciennes en Flandre (1).
6» Un Missel sur vélin, d'une très-belle écriture du
XV siècle, dans lequel sont posées diverses propositions
théologiques, entre autres que six mille messes suffisent
pour délivrer une ame du purgatoire, lors même que sans
ce secours, elle aurait dû y rester jusqu'à la fin du monde.
(1) 'V Encyclopédie méûiodique ou Dictionnaire des Jeux , qui fart
suite au tome 3 des Matliëmatiques, prétend , page 148, que l'usage des
loteries nous est venu d'Italie. On y avance que c'est sous le doge Erizzo
qu'elles ont commencé. Mais le doge n'est entré en fonctions qu'en 1646.
Donc notre registre de la loterie tirée à Bruges et au profit de la ville ,
eu 1 445 , prouve linexactitude de l'assertion des Encyclopédistes. D'après
cette antériorité de deux siècles, il parait que c'est dans la Belgique que
les loteries auraient pris naissance, et que de là elles seraient passées en
Italie, en France et en Angleterre. M. Noël , dans son nouveau Diction-
naire des Inventions, adnict aussi que les loteries seraient venues d'Italie.
Mais les mots lot et loterie, qui appartiennent à la langue teutonique,
n'ont été introduits que fort tard dans les langues italienne et française.
Ce qui semblerait prouver que c'est d'ici que sont parties les loteries, c'est
que déjà, avant la fin du XV'' siècle , celle de Bruges fut l'occasion d'un
cas de conscience sur la licititè de ces moyens , que les villes et ensuite
les états employèrent pour se procurer des bénéfices. Dans la dernière
des Questions quodlibitiques du docteur en tliéologie Jean Briard , vice-
chancelier de l'université de Louvain , dont l'ouvrage a été imprimé en
1527, long-temps après sa mort, l'on voit la solution de cette question,
soulevée à l'occasion de ce qui se pratiquait à Bruges.
^ ( 164 )
7 " Smtvna jjauperum in leylhus à Mwjistro Vacario. Ou
sait que ce légiste anglais vivait au milieu du Xll" siècle*
Ce manuscrit est sur vélin et d'une écriture du XllP siècle.
On ne connaît que cinq copies de cet ouvrage , qu'on a
fait imprimer depuis à Leipsig.
8" Ordonnance de la Toison d'or. Beau manuscrit du
XV siècle 5 sur vélin.
9° Plusieurs anciens livres de prières en latin, en fran-
çais et en flamand, écrits sur vélin et ornés de belles mi-
niatures, d'encadrements et d'arabesques. Quelques-uns
remontent au XIII^ siècle. Ce sont des dons faits à la bi-
bliothèque par M. le chevalier de Schietere de Lophem.
lO" Aîina/es de la ville de Bruges et du Franc jusqu'à
l'année 1763. Un volume in-folio de 1009 pages, d'une
écriture très-lisible. Cet ouvrage est à-peu-près en français
celui qui a été imprimé en flamand en cette ville, d'abord
en deux volumes petit in-S", sans nom d'auteur en 1738,
et depuis en 3 volumes en 1765, avec le nom de l'auteur
Charles Cuslis , ancien échevin de la ville. Les deux éditions
sont intitulées \Jaerboeken der stad Brugge. La première
finit à l'année 1700 et la seconde va jusqu'en 1765, qui
est celle de l'impression par Joseph Van Praet, imprimeur
du territoire du Franc.
11° Chronycke van den lande ende graefschepe van
Vlaenderen , gemaeckt door Jo. JSiclaeys Despaers (sic),
poorter en inboorlynck der stede van Brugghe, hacelier in
die rechten. 2 vol. in-folio, écrits sur papier et d'une lec-
ture difficile. Le tome P' a 709 pages et une table des noms-:
propres. Le tome 2'= a 572 pages et une table.
Cette chronique commence à l'an 405 et finit au 12 oc-
tobre 1492. Le deuxième volume s'ouvre par le régne de
Jean de Bourgogne, en 1405.
N. Despars fut bourgmestre des échevins de la ville de
Bruges, en 1578 et 1584, il est décédé en 1597. Sonépita-
( 165 )
plie dans la chapelle de l'hospice de la Poterie, dont il
était tuteur , porte qu'il était : nobilis vir litlcris, et armis
clarus, necnon anliquitatis indefessus ifidagcUor.
C'est abusivement que son nom est écrit Despaers . au
titre de la copie que nous avons de sa chronique. Divers
monuments irrécusables prouvent que son nom est Despars.
M. De Jonghe, professeur à l'Athenée de Bruges, fait en
ce moment imprimer celte chronique. Il est à regretter
qu'il n'ait pas accompagné cette publication de quelques
notes historiques , surtout comme elle contient des faits
entièrement neufs, qu'il eut été bien curieux de comparer
à ce que rapportent les autres historiens, M. Goethals ,
conservateur de la bibliothèque de Bruxelles , a donné
une biographie de Despars dans ses Lectures sur l'histoire
littéraire de la Belgique.
12° Chronyke van Vlaender-en, commençant comme suit :
Dit is de tufle van der Corniike (sic) van Vlaetideren ende
van der forestiers ende princhen, te loeten, VI forestiers
etide XXVII graeven van Vlaenderen, etc. Suit la table de 4
feuillets à deux colonnes, puis '.Eier beg/iint de Cornycke
van Vlae?ideren.... Anno Domini 621, in dien tyd datDeus
Ledit was paaus vanRoome. 238 feuillets, écrits à deux
colonnes, finissant in humant LXV (1465). Écriture du
XV*' siècle , in-folio assez grand.
L'auteur raconte à la page 79 verso, l'histoire d'après
laquelle le comte Baudouin, empereur de Constantinople,
qu'on croyait avoir perdu la vie, à la suite de la bataille
d'Andrinople , avait été fait prisonnier et envoyé comme
esclave en Syrie, où on lui faisait labourer la terre; que
des marchands d'Allemagne, étant venus à passer auprès
de lui, il comprit leur langage et se fit connaître à eux;
qu'ils le rachetèrent et l'emmenèrent jusqu'à Cologne; que
de là il envoya un message à la comtesse Jeanne, sa fille,
pour lui annoncer son retour, et que dans quatorze jours il
( 166 )
serait à Lille; queFerrandj l'époux de Jeanne, le fit arrêter
cl pendre à un arbre, à un demi-mille de Lille, daer nu
't klooster van Markette stneL
Au folio 79 verso, à l'année 1234, il est dit que Jeanne
étant décédée , fut enterrée au couvent de Marquette ,
(|u'elle avait fond'é ou fait construire. Le texte ajoute :
Meîi wille zegghen dat in dut clooster daer den hooghen
autaer staet, dat daer een boom stont van te vooren, daer
de goede graeve Boudin , keyser van Constantinopel , aen
gheliangen was.
Pas la moindre observation pour décharger Jeanne ou
son mari de cette grave inculpation !
Dans la chronique de Despars, il existe une explica-
tion très-probable de ce mystère historique , au sujet du
Baudouin mort chez les Bulgares, et de celui qui sous ce
nom fut pendu près de Lille.
13" Cronicke van Vlaenderen. Elle commence comme
suit : lut jaer ons Heeren 613, doe was paus te Roeme
Deus Dédit, en Eraclius loas keyser van Rome, en Lotha-
rius de Groote , coninc Cilperich suene , was cueninc van
Vrayickeryck, in desen tyd îoas een edelman in Bourg honen
geheeten Salvaert, en hy was lirinche van Dygon, etc.
Petit in-folio, papier de la grandeur d'un wv-k^ ordi-
naire. Ecriture en deux colonnes, du XVP siècle. L'ouvrage
finit: ûfe^i 23'""' dach van hoymaendtanno LXXVIII {\^1S).
Ce volume de 410 feuillets, contient surtout beaucoup de
détails sur ce qui se passa à Bruges et renferme un assez
grand nombre d'armoiries coloriées, et plusieurs minia-
tures peintes à l'aquarelle.
14° Nauiokeurige beschrymng van het land van den
Vryen (c'est-à-dire du Franc ou du Franconat de Bruges),
inhoudende een kort verhaeL... van aile de privilegien, oc-
troyen , transactien , aiypointementen , enz.^ enz.^ van de
jaere 8G3 tôt den j aère 1551, te saetnen vergadertuyt ver'
( 167 )
schei/de en autentique registers, etc. , hy (flieer an meester
AdriacnBaJtyn, liconliacl in bcide de rechten, greffier van
de caemer ende pensionaris 's tandis voornampt, anno 1 604.
In-folio de 135 fcuillels, écriture du XVIl^ siècle, sur
papier. Cet ouvrage, doiil nous avons inséré un abrégé
dans le Messager des Sciences et des Arts, année 1838, esl
tm exposé historique de l'état politique du Franc de Bru-
ges. M. Warnkœnig en a tiré grand parti dans son histoire
des Flandres.
Ce manuscrit mérite la confiance, parce que l'auteur a
travaillé sur les chartes et autres documents qu'il avait
sous les yeux. 11 indique presque toujours, à la fin de cha-
que article, les chartes sur lesquelles il se fonde et les car-
tulaires où elles se trouvent transcrites.
1 S^' JVet der stede van Bricgghe , begîiinnende van den
Jaere 1391 en vervolgkende toe den j aère 1767 ew voorder.
Après l'énoncé nominal et par année de tous les mem-
bres du magistratde celte ville, depuis 1331 jusqu'en 1771.
suit une petite chronique intitulée : Ghedinckiveerdighe
gheschiedetiissen binnen en omirent Brugghe vooren ghe-
valleti, en volgens dejaeren dat de selve ghebeiirt syn aen-
geteehent.
Ce croquis de chronique commence à l'année 565 et finit
le 3 août 1773. Papier, in-folio. La chronique comprend
45 feuillets.
16'' Nauiokeurighe beschryvinglie van de onde ende he-
dendagsche ghestaethedevan de edele endevermaerde stadt
Brugghe in Vlaenderen, door heer ende maester J. P. Van
Maele.
Ce volume format in-4'', écrit sur papier, ne traite que
des particularités de la ville de Bruges. L'auteur est mort
curé de la commune de Vladsloo , en 1735.
17° Levens der graeven van Vlaenderen ofte kart begryp
der zelve , wanneer sy aen de regeeringe syn gckomen,
( 168 )
kunne huioelycke en kinders, hunne dood en beyraef2ilael-
sen, met hunne grafsc/iriften en ejntajihieti , by een ver-
samelt door Petriis Ledoulx, konstschilder tenjaere 1808,
lot BrucjCjhe in Vlaenderen.
Ouvrage de peu de mérite pour le style, mais orné des
dessins coloriés de toutes les statues en pierre des comtes
de Flandre, qui décoraient autrefois la façade de l'hôlel-
de-ville, et dont il ne reste plus que les niches.
Nous avons reproduit ces statues par la lithographie,
d'après les dessins de M. De Vigne , dans nos Annales de
Bruges,
Le texte du manuscrit qui vient d'être cité , comprend
274 pages petit in-folio, d'une écriture très-lisible. Il finit
à l'année 1793.
18" Chronica Monasterii S. Andreœ upostolijiwtaBru-
gas, ordinis Benedicti, scrijita ah Arnulphio Goetkalsio ^
ejusdcm monasterii.
L'ouvrage est dédié à Jean Asset , abbé de ce monastère
depuis 1534 jusqu'en 1554. Il ne s'étend que jusqu'à l'an-
née 1504.
Nous avons publié (1) la presque totalité de cette chro-
nique curieuse et jusqu'aujourd'hui inédite, dont M. Jules
Van Prael, actuellement secrétaire du roi, avait traduit
deux ou trois chapitres à la suite de son travail sur l'ori-
gine des communes. Gand, 1829.
19° Un volume in-folio, écrit sur parchemin, écriture
du XV^ siècle, contenant les chroniques suivantes;
X" Chronicum abbatuvi Viturieiisium. 46 pages, commençant
à l'année 1147 et finissant en 1333.
2" Gesta vironim iUustriiim monasterii Vitiiriensis. 92 pages,
finissant à l'année 1380.
3°j0e origine monasterii Viridis Vallis in Zonid. S-4 pages,
finissant en l'année 143S.
(1) Chez Van de Castccic. Bruges. IS39 : 1 vol. in-S".
( 169 )
A° Primordiale monasterii canonicarum rcgalariwm Ruheœ-
Vallis in Zonid. 86 pages, finissant en 1-47J5.
5° Tractatus de origine monasterii Scptem Fontium. 18 pages.
A la fin du volume on lit cette note : Emjitis à dominis
dunetisibus \1 floreiiis à Carolo van Brusely biblinpolâ BrU'
gensi, anno 1614.
20° Wetten dcr stedc van Brugghe^ beginnende van den
jacre 1322, door J.A. Kerchove ^ priester^ anno 1670.
Continué ensuite par d'autres plumes jusqu'en 1792;
3 vol. in-folio sur papier
Ces fastes consulaires de la ville de Bruges contiennent
beaucoup d'annotations historiques, la plupart d'un intérêt
local.
21 o Yersaemelinge van aile de sepulturen ^ waepens ende
blasoenen die gevonden worden in aile de kercken binnen
de stad van Brugghe^ door 31. Ignace de Hooghe; 1789.
6 vol. in-folio, écrits sur papier et ornés d'une quantité
considérable de dessins très-bien coloriés.
C'est une collection d'un haut intérêt sous les rapports
historique et héraldique.
22" Incipit prologiis Ardensis ecclesiœ presbyteri Lam-
berti super Ghisnensem historiain et Arnoldum de Ghisnea.
In-folio, papier, 104 feuillets, écriture du XVP siècle.
Cette chronique de Lambert d'Ardres finit à l'année 1 200.
Elle se trouve imprimée dans la collection de J. P. Ludwig,
intitulée : Reliquiœ manuscriptormn ^ in-8°, Francof. , t. 8,
page 369; mais ce recueil, assez répandu en Allemagne, ne
se voit guère en Belgique. Nous n'avons pu comparer notre
manuscrit avec l'imprimé.
23°-(4//<? de wetten der stadBrugghe sedert hetjaer 1250,
ah mede het gedenkweerdigste dat er op yder jaer is voor-
gcvallcn, door Pieter Ledoulx ^ racd, schcpcn en hooftman
der seiccr stadt. 2 vol, in-folio, de l'écrilure de l'auteur.
24" Description historique de l'église collégiale et parois-
siale de S'-Souveur à Bruges. 12
< 170 )
Idem de l'ancienne église de S"'-Wàlburge, démolie
dnns l'année 1780.
Idem de l'érection du couvent des jésuites.
Idem de l'église paroissiale de S*-Jacques.
îdem des églises paroissiales de S -Gilles et de S**-Anne,
Idem d'un grand nombre de couvents et hôpitaux, par
M, Patrice Beaucourt,
Petits opuscules détachés, format in-4° , sur papier.
25° Recueil des inscriptions et armoiries de toutes les
tombes, épitaphes, sépultures, qui se trouvaient encore,
en 1691 , dans l'église cathédrale à Bruges, tirés des ma-
nuscrits de M. Corneille Gaillaert, et des mémoires de
M. Casetta, chanoine de cette église.
26<» Verzaemeling van d' epitaphien ende grafschrîften
liggende in do kercken der vrouwe cloosters, zoo ahdyen
als andere^ mitsgaders liospitalen en cajjellcn der stede van
Brugghe , hy een vergadert door Mhei' Ignace de Hooghe,
27° Description historique de l'église de S'-Donat , et de
l'ordre de la Toison d'or, créé en cette église en 1432, et
un recueil d'inscriptions sépulcrales.
Idem de l'église de S*-Basile ou chapelle du Saint-Sang,
par Beaucourt.
Tels sont les manuscrits de la bibliothèque de la ville
de Bruges qui concernent l'histoire de la Belgique ou plu-
tôt de la Flandre particulièrement, et dont pas un n'est
cité par 31. Hœncl.
Quant aux autres qui ont également été oubliés et qui
portent le chiffre de 480 à 536, ce sont pour la plupart des
ouvrages Ihéologiques, qui feront partie du catalogue rai-
sonné général des manuscrits que nous préparons, et (Jans
lequel seront rectifiés quelques autres erreurs de moindre
importance qui se sont glissées dans le travail du savant
Allemand,
Octave DELErjEURE.
( 171 )
De Vtxxsltntt it V®%xvt
DANS
LES MONUMENTS DES TE3IPS LES PLUS EECULÉS.
Ref'Iiercber l'origine de l'ogive serait un travail inutile;
apparemment existait-elle avant que les hommes fussent
en état de rédiger leurs annales. Plusieurs opinions ont été
émises sur la Question de savoir dans quel pays on employa
d'abord l'ogive: les uns soutiennent que ce fut dans le Nord
de l'Europe; que l'emploi de l'arc en tiers-point y provint
de la nécessité d'élever les toitures, pour les opposer avec
avantage aux pluies et aux neiges du climat; que l'exhaus-
sement des toits, qui exigeait l'exhaussement des voûtes,
donna naissance à l'arc à ogive. D'autres écrivains préten-
dent, au contraire, que l'ogive fut primitivement em-
ployée dans l'Orient. C'est pour jeter quelque lumière sur
cette intéressante question que nous allons indiquer un
grand nombre de monuments de long-temps antérieurs
au XIP siècle , où l'arc en tiers-point se trouve clairement
formulé. Toutefois qu'on ne s'attende pas à voir sur ce^
monuments l'ogive élégante et élancée telle que nous l'ad-
mirons dans nos beaux monuments gothiques des XIIP
et XIV° siècles : nous n'avons cherché à constater sur ces
monuments qu'un fait, l'existence de l'arc ou du cintre,
dont les lignes forment une pointe aiguë par leur inter-
( 172 )
section diagonale. Que cet arc se soit diversifié dans ses
contours, qu'il se soit relevé en spirale par le haut, qu'il
se soit évasé vers le milieu pour se rétrécir sur les im-
postes, il n'en est pas moins certain que c'est un arc en
tiers-point, mais diversement modifié. Venons aux faits (1).
C'est dans l'Indoustan que l'on voit les plus anciens
monuments où l'arc en ogive se trouve tracé : la pagode
de Jagrenat, située vers le haut de la côte d'Orixa , est le
plus ancien temple du pays; la tradition lui prêle une
antiquité toute fabuleuse : il aurait onze mille ans de date!
Sa tour (haute de 340 pieds) , qui surmonte une des en-
trées, est formée de divers étages, soutenues par des co-
lonnes, qui sont couronnées par des arcs en ogive, relevés
par le haut (2).
La pagode de Chedambaram ou Chalamhron, située au
même endroit , est faite sur le même plan ; ses voûtes
sont en ogive: on dit que ce temple existe depuis cinq
mille ans (3). La plupart des plus anciens temples de
Pagahm, dans le royaume d'Ava ou l'empire des Birmans,
ont un dôme cintré, surplombant une lourde bâtisse, dans
laquelle est placée l'image de Gaudma assis, a Quatre pas-
sages de forme gothique conduisent sous ce dôme; » ce sont
les expressions du major Michel Symes dans sa relation (4).
Le même voyageur dit plus loin (5) : « Les ruines de Ma-
valipouram, le Maliarpha de Plolémée, ville détruite de-
(1) Il eut été intéressant d'avoir pu placer sous les yeux des lecteurs
tous les monuments que nous allons i)asser en revue : mais le cadre du
Messager s'oppose à ce qu'un article soit accompagné d'un trop grand
nombre de gravures.
(2) Voyez Histoire et Essai sur V hidoustan, par Lcgoux-Deflaix, 1807;
tome I. pag. 118, pi. II.
(3) V. ii>id.,pag. 118ctl20.
(4) Relation de l'ambassade anglaise, envoyée en 1795 dans le royaume
d'Ava ou l'empire des Birmans. Paris, 1800; tome II, pag. 112.
(5) lbi.l.,tome III, pag. 234.
( 173 )
puis plusieurs siècles, est connue sotis le nom des sept
pngodes : leur architecture difFère totalement de celle qu'on
voit dans les temples des idoles, qui ont été bàlis depuis :
ces derniers sont tous dans le goût égyptien , ayant des
tours pyramidales, des portes sans cintre et des toits plats.
Mais l'architecture des pagodes de Mavalipouram appro-
che beaucoup de la gothique. L'espèce de voûte qui la
couvre n'est pas régulièrement cintrée, mais composée de
deux portions de cercle tronqué, qui en se réunisscmt par
le haut, forment une pointe. L'origine et la décadence de
cette ville se perdent dans la nuit des siècles : ce que les
Brahmes en disent est puisé dans le poème de Mahahharit,
mais leurs récits sont enlacés de tant d'événements fabu-
leux, qui ne se rattachent à aucun fait historique avéré ,
qu'il est impossible d'en tirer aucune induction propre à
fixer l'époque de la fondation de ces monuments. » Quoique
cette description ne soit point accompagnée de plans ou de
vues, il n'en résulte pas moins évidemment que la voûte
de ces monuments ne soit en ogive (l).
Les célèbres grottes de Karli, situées sur la route de
Bombay à Poonah, aux Indes anglaises, portent aussi des
traces évidentes de l'ogive (2). Ces grottes sont creusées dans
le roc à une élévation d'environ trois cents pieds au-dessus
(1) Tons les écrivains font la description la plus pompeuse de cet en-
droit. La montagne, disent-ils, vue d'une certaine distance, offre l'as-
pect d'un édiiice antique et majestueux : vers la base on remarque une
pagode d'un seul bloc ; elle parait avoir été taillée dans un rocher détaclié.
Un peu plus loin , il y a un groupe de figures humaines en bas-relief: un
escalier tournant conduit au haut de la montagne à un autre temple
creusé dans le roc : dans d'autres endroits on trouve divers morceaux de
sculpture qui ont rapport à la mythologie hindoue , tels qu'un éléphant
de grandeur naturelle, des pagodes, etc. Il a fallu des siècles pour tailler
et creuser tant d'objets étonnants. Voyez Rvchetch. Asiat. , tome I;
Daniell Antiquities ofindin, pi. I et II.
(2) Voyez Viens in Ihe East , coviprising India , Canton, and the
shores of ihe red sea, etc., by cajtlain Robert EUiot, 1831.
{ 174 )
de la mer. Les portes d'entrée sont surmontées d'ogives ,
légèrement relevées en spirale : un vaste cintre surhaussé
et entouré d'une platte bande, qui s'élève en pointe vers
le milieu, couronne ce magnifique péristyle, dont les pa-
rois sont couvertes de bas-reliei's en ronde bosse (1).
L'intérieur d'une des caves d'EUora , nommée Bisma
Rurm, a complètement une forme ogivale : la roche est
taillée en rainure, et offre l'image de la charpente d'un
navire. Au fond du temple, une énorme divinité hindoue
est assise sur une espèce de troue, dont le sommet se relève
légèrement en tiers-point.
Les relations des voyageurs nous ont manqué pour con-
tinuer des recherches à l'égard de l'ogive , sur l'antique
territoire de l'Asie : Kanake, au confluent du Gange et du
Kalini, Mat/ira, Beiulrabad , llastinajjour, Aude h , sur la
Dewa, et son vaste temple nommé Swergedrari , &^mÂoz//,
Prag ou Allahabhad, Gajah, Gour^ Ruttumpour, Kalberge
ou Ahssctiabad, capitale du plus ancien royaume indou,
connu sous le nom de Décan , Scringhatn, Maduié, la
Modura de Plolemée, capitale il y a deux mille ans de
la dynastie des Pandys , toutes villes de l'Indostan de la
plus haute antiquité et remarquables par les pagodes, les
ruines des palais et d'autres monuments, doivent offrir, à
(1) Kn'avaut des rochers où ces grottes sont creusées, on a taillé un
parvis d'environ cent pieds qiiarrés. Sur la gauche se trouve une colonne
haute de 25 pieds sur 1 1 pieds de diamètre : son sommet a la forme d'une
cloche où sont sculptés trois lions couchés : la colonne correspondante
du côté opposé a été enlevée, pour y bâtir un petit temple dédié à la
déesse Bowannée (divinité hraminc). Un vestibule précède les salles : trois
énormes éléjjhants sont taillés en haut-relief sur les cotés des parois. Les
salles s'étendent à 126 pieds de profondeur, sur une largeur de 46 pieds
anglais; elles sont élevées de 50 à 60 pieds. Un rang de coloiujes polygo-
nales règne autour des salles : les chapiteaux forment un tambour, sur-
monté déléphants, poi tant sur le dos trois personnages : tout y est
d'une exécution parfaite. Ces caves sont de construction Bhouddistc.
( 175 )
n'en pas douter, plus d'une trace de Tare en tiers-point. Les
énormes ruines de palais , de colonnades de marbre et de
pierre, d'inscriptions taillées dans le roc , de ponts avec des
arches voûtées, qui se rencontrent dans lîle de Geylan,
nous présenteraient aussi le même caractère d'arc (1).
(1) II est digne tie remarqne que l'on rencontre tin plus granci nombre
de CCS magnifiques grottes, dans un petit territoire sur les côtes du Ma-
labar, autrefois occupé par les Mabrattes. que dans aucmie autre partie
de l'Inde. Les caves A'Eléphanta, deEenera, d^Amboli, quelques antres
dans File de Salzette, celles <Ie Karli, d'EUora et de Kiokun, se trou-
vent tontes sur le territoire 3Iahratte. Jusqu'ici on n'est pas parvenu à
fixer l'époque de la construction de ces étonnantes excavations : tes sa-
vants anglais, qui s'occupent de recherches asiatiques , tombent d'accord
pour dire que ces grottes sont antérieures à l'expédition li'Alesandre-le-
Grand aux Indes. Au reste, voici ce que nous avons lu à ce sujet dans
un ouvrage périodique, intitulé le Grand Livre, journal de bibliogra-
phie, de littérature, etc. , 3« année, S» série, n» 4, 15 novembre 1835,
page 73 : Le révérend Stevenson de Poonah, auteur de la grammaire
Mahnitte, rapporte qu'il passa près d'un an à s'enquérir auprès des na-
turels du pays de la clef des inscriptions qui se trouvent dans les cavernes
de Karli : après des recherches infinies, il fit la collection de tous les
aljjhabets dont on se sert sur la côte occidentale de l'Inde : l'alphabet
allahabad donna une direction convenable à ses études et le mit bientôt
en état de lire quelques-unes des inscriptions de Earli.
Parmi les inscriptions, qu'il est parvenu à déchiffrer, se trouve la sui-
vante, taillée sur la façade du temple :
(( Où le vieux démon avide de meurtre, au pouvoir immense, à la voix
)) hennissante, rodait jadis frénétique au milieu de l'horrible monde des
» diables destructeurs, là dans le cours de l'année 101«= d&Shalivahana,
») fut construit le divin ermitage, ennemi de l'enfer, etc., etc. »
M. Stevenson pense pouvoir tirer, entre autres, la conséquence sui-
vante de l'interprétation de ces inscriptions : qu'il y a seize siècles et
demi que ce temple a été creusé. L'inscription votive, gravée sur la co-
lonne en face du temple (dont nous avons parlé pins haut) parait de la
même époque que les statues sculptées, et quoiqu'un peu effacée, la
partie où se trouvent les caractères numérkjues et quelques lettres i)la-
cées avant et après sont hemeusement dans un état parfait de conserva-
tion. Bien (piil ne soit pas anthentiquement établi qne l'érection de ces
monuments date du siècle de Shalivahana , toutefois le nom d'un de ses
successeurs, désigné par le titre non- équivoque de dominateur de Sha
vras , qu'on lit sur une colonne voishie , ne permet pas de conserver le
moindre doute sur ce point.
{ 176 )
Les Pélasges, dont ou ignore l'origine, mais qui s'éta-
blirent dans le Péloponèse dix-huit siècles avant notre ère,
nous ont laissé une idée positive de leur architecture dans
les ruines deTirynthe, de Mycènes, de la citadelle Larina
d'Argos et de l'édifice que l'on croit avoir été la trésorerie
d'Atrée. Les ruines des murailles deTirynthe, fondée quinze
siècles avant notre ère et saccagée 466 ans avant J.-C, ,
offrent encore aujourd'hui d'énormes pierres superposées
et qui ne sont pas équarries. Au sud de la ville on voit
aussi des galeries qui, dans leur état actuel, ont douze
pieds de haut; elles sont formées d'énormes blocs de pierre :
les portes ou fenêtres qu'on y remarque et qui communi-
quaient à d'autres constructions qui ont disparu , sont en
ogives (1).
Le tombeau ou la trésorerie d'Atrée àMicènes (fondée et
saccagée à la même époque que Tirynthe) est un monu-
ment architectonique très-curieux. Pausanias l'a vu et en
a rendu compte : les murailles diffèrent de celles de Tiryn-
the, en ce qu'elles sont formées de polygones irréguliers,
taillés et ajustés avec art. Toutes les portes sont surmontées
de fenêtres coniques, idée primitive de l'ogive (2). L'expres-
sion dont se sert Platon (400 ans avant J.-C), quand il
parle du monument à élever au premier magistrat qui aura
bien mérité de la patrie, est digne de remarque. «Sepul-
chrum, dit-il, illi sit fornix longior expulchrislapidibus. »
Platon ne semble-t-il pas indiquer une voûle en tiers-point?
La porte de l'Acropole d'Arpino, patrie de Marins et de
Cicéron, est encore d'origine pélasgique : elle ne forme pas
un angle, mais bien une ogive élancée, bâtie en grand
(1) Voyez VU Hivers pittoresque, Grèce, planche 5.
(2) Voyez la iilanche 7 du même ouvrage.
Il existe ù Paris, à la bibliothèque Mazaiine , une collection de soixante
monuments pélasyicjues, exécutés en jaspe colorié et faits d'après les des-
sins de Dodwell.
( 177 )
appareil (l). Si le clélaul de livres ne nous eût empêché de
pousser nos recherches plus loin , nous croyons que nous
eussions trouvé des traces fréquentes de l'arc en tiers-
point dans les ruines des nombreuses villes bâties dans
l'espace de terre compris entre le Tibre, l'Anio et le Liris,
et dont le caractère pélasgique est constaté par le témoi-
gnage d'Hérodote , de Strabon , de Denys d'Halicarnasse ,
de Pline et de Pausanias.
Nous indiquerons en outre d'autres ouvrages grecs et
romains, où l'ogive a été mise en œuvre :
A Tusculum, la voûte d'un aquedue.
A Tarquinie, une chambre sépulcrale.
En Sardaigne, près de Ploaghe, un des monuments dits
iNuraghes.
A SefFi-ech, dans la Cyrénaïque, les ruines d'un cime-
tière antique.
A Catane, l'entrée et la voûte d'un tombeau situé dans
le jardin du couvent de Sanla-Maria-in-Jesu (2).
Ces deux dernières constructions, qui doivent être attri-
buées à des Grecs , offrent le système de l'arc aigu avec des
claveaux , employés non pas comme une simple déviation
du mur perpendiculaire, mais comme l'arc qui offre le
plus de solidité.
Baalbeck, la ville du soleil, la merveille du désert jhkÙQ
par Antonin , porte des traces évidentes et bien arrêtées
de l'ogive sur ses murailles gigantesques : pour s'en con-
vaincre on n'a qu'à jeter les yeux sur la vue générale du
petit temple, prise de l'Ouest, dans le Voyage en Orient,
par Léon De Laborde. Paris , 1839.
(1) On a donné nn dessin de cette porte dans \c Magasin pittoresque,
année 1834, vol. 2, page 327.
(2) Voyez le discours de M. Ilittorff et les auteurs qu'il cite à l'appui,
rapporté dans l'ouvrage intitulé Congrès historique Européen, t. II,
p. 388.
( 178 )
L'Egypte nous en offre aussi des exemples : noua invo-
querons les galeries qui forment la partie postérieure du
Ramesseum à Thëbes, et les tombeaux près Nagadéh, dans
la haute Egypte (1).
Le Mexique a conservé dans ses forêts vierges des monu-
ments, dont aucune tradition n'est venue révéler les fon-
dateurs, et qui portent des traces évidentes de l'arc ogival :
entre autres l'entrée d'une galerie souterraine dans le voi-
sinage de la colline de Xocliichalco , près d'Antequera, est
construite dans ce style (2). Dans un autre ouvrage sur le
Mexique (3), nous avons trouvé un pont dont l'arche est
complètement ogivale: il est situé au village indien nommé
Chihuitlan, à une lieue de Tchuantepec.
Au premier abord, l'emploi de l'ogive dans des monu-
ments d'une antiquité si reculée, peut causer de l'étonne-
ment ; mais il cessera si l'on observe que « l'emploi des
voûtes et de leurs arcs fut le premier degré de perfection-
nement dans l'art de bâtir.... que la manière dont ce per-
fectionnement fut mis en œuvre, démontre et sa haute
antiquité et surtout la nécessité de la ibrme demi-sphé-
roïdale et de l'arc aigu, lors de l'origine des voûtes et des
arcs; que la construction des premières voûtes et des pre-
miers arcs n'étant autre chose qu'une supperposition d'as-
sises de pierre placées horizontalement les unes sur les
autres, de manière à dévier de la perpendiculaire pour
arriver par un rapprochement progressif à la rencontre
du centre; qu'il dut en résulter la forme demi-sphéroïdale
pour les voûtes j et pour les arcades celles d'arcs aigus; que
(1) Voyez VHistoire de l'expcdition française en Eyyjftu , Atlas,
tome I", planche 55.
(2) VojLZ le ma^iiiriqiic ouvrage mWinMi Antiquilé s mexicaines, etc.,
Itlaiiche 197.
(;i) Voyage j)iilorcsque dans les deux AmériqutSi publié par A. DOr-
bigiiy, planche 437.
{ 179 )
l'iuvcnlion el ia forme des voûtes s'expliquent donc tout
nalurellemeut par le moyen d'efforts graduels, auxquels
le principe de la construction des murs élevés perpendi-
culairement sert de basej que c'est de là que provient la
cause de la préexistence de l'arc aigu dans la plus haute
antiquité, avant l'emploi du plein-cinlre. » La justesse de
cette remarque, laite par M. Hittorff, sera facilement ap-
préciée et n'exige pas de commentaire.
Le sentiment inné du beau, la pureté et la simplicité
des formes , fit bientôt oublier aux Grecs et aux Romains
que l'arc en tiers-point avait préludé à leurs travaux; l'uni-
formité des lignes el la courbe régulière du plein-cintre
obtint d'eux une constante préférence. Aussi pendant une
longue suite d'années perd-on les traces des monuments,
soit dans l'Occident, soit dans l'Orient, où l'arc en tiers-point
ait été mis en pratique. Cène fut qu'au Vll^ siècle denotre
ère que l'usage universel s'en introduisit de nouveau en
Orient. A celte époque (610 ans après J.-C), Héraclius
régnait à Constantinople : on était arrivé à une de ces pha-
ses qui transforment la face du monde. Déjà l'Occident
était sous la dépendance de peuplades conquérantes, et à
l'Ouest l'Arabe se mettait en marche pour la conquête du
monde. Mahomet avait été assez habile pour réunir par
les liens d'un nouveau culte toutes les tribus arabes, diver-
gentes d'opinions religieuses. Ce culte, qui était enté sur
le vieux culte des Mages, du Judaïsme et du Christianisme,
else rattachait à celui du patriarche Abraham pour caresser
quelques vieux souvenirs nationaux, ce culte, dis-je, fit
emploi, du premier moment qu'il érigea des temples à
l'Eternel , de l'arc en tiers-point. La mosquée que Mahomet
érigea à la Mecque , servit de type à toutes celles que l'Isla-
misme fit bâtir depuis. L'emploi de l'ogive a-t-elle été reprise
par réminiscence d'anciennes constructions où elle avait
été pratiquée? ou n'a-l-elle été que la suite de la déca-
( 180 )
dence dans laquelle lésants étaient tombés alors? question
qu'il est difficile de résoudre, faute de données certaines.
Malheureusement le temple primitif de la Mecque, tel qu'il
fut bâti par Mahomet, n'existe plus; il a été réparé à tant
de reprises, sous tant de sultans, qu'il n'était plus qu'un
monument moderne, lorsqu'en 1626, il fut presque tota-
lement détruit, ainsi que la Ka'aba , par une terrible inon-
dation (I) , et aucun voyageur, antérieur à cette époque,
ne nous en a conservé un souvenir architectonique exact.
Cependant cette perte est moins à regretter, puisque
plusieurs monuments formulés sur celui-ci , sont parvenus
jusqu'à nous, presque conservés intacts par le fanatisme
musulman. Omar, qui succéda en 634 à Aboubeker, beau-
père de Mahomet, parvint à s'emparer de Jérusalem, qui
s'était défendue valeureusement contre ses armes. A cette
époque, il ne restait plus pierre sur pierre du temple
de Salomon : même paraît-il que l'espace qu'il occupait
avait été abandonné par les chrétiens (2). Saïd-ebn-batrik ,
historien arabe, raconte que le calyfe s'adressa à Sophro-
iiius pour savoir quel serait le lieu le plus propre de Jéru-
salem pour y élever une mosquée; le patriarche lui indiqua
les ruines du temple de Salomon. Omar en fit donc déblayer
les terres et il découvrit une roche où Dieu avait parlé à
(1) Voyez Voyage en Arabie , par Burchardt, tom. I, p. 134.
(2) Le temple de Salomon fut détruit par les Syriens, 600 ans avant
la naissance de J.-C. : après les soixante-dix ans de la captivité du peuple
de Dieu , Josué et Jozobabcl le relevèrent. Hérode TAscalonite rebâtit en
entier ce second temple : j)endant neuf ans, onze mille ouvriers y tra-
vaillèrent constamment. Eniin , à la prise de Jérusalem par Titus . la
deuxième année de Vespasicn,on le détruisit de fond en comble. Les
Hébreux , d'après l'idée qu'on peut s'en former sur la relation de l'Ecri-
turc sainte, et la description de Josèphe du premier et du second temple,
avaient le î^oùt du sombre et du grandiose dans leurs édifices, mêlé à un
enjjoucment pour les petits détails et les ornements reclierchés; mais ils
n'avaient aucune connaissance des ordres.
Voyez M. De Chateaubriand, liineraire de Paris à Jérusalem.
( 181 )
Jacob : la nouvelle mosquée en prit son nom Gàma-el-
Saklira, et fut aussi vénérée que celles de Médine et de la
Mecque. Quelques années plus tard, en 685, le calyfe
Abd-èl-Melck agrandit ce temple, et pour ruiner le parti
d'un prétendant à son trône, il fit de Jérusalem la ville
du pèlerinage, ce que Mahomet avait déjà songé de faire :
alors la Gâma-el-Sakra remplaça la Kdaha (1). Enfin le
successeur d' Abd-èl-Melck , le calyfe Oualyd (708 à 705)
couvrit cette mosquée d'un dôme : dans la suite, les Croisés
la convertirent en église chrétienne, et Saladin la rendit
à sa destination première.
Il est impossible de dire quelle est l'architecture de cette
mosquée à l'intérieur : il y a peine de mort contre tout
chrétien qui y entrerait, même s'il mettait seulement le
pied sur le parvis qui l'environne.
Ce parvis, autrefois la place du temple, est visible par
une fenêtre de la maison de Pilate : M. De Chateaubriand,
dans son Itinéraire, en fait une description détaillée (2) , et
dans un ouvrage intitulé : /a Te/re sainte et les lieux illus-
trés par les apôtres (3) , on voit une planche (jui donne
(1) La Ka'aba est un temple qui se trouve dans l'enceinte de la mosquée
de la Mecque : long-temps avant Mahomet, la Ka'aba était un objet de
vénération pour les Arabes, qui venaient y foire le ^oî^m/" (pèlerinage).
Ce temple qui doit son origine, sinon à Abraham (opinion fondée sur des
traditions assez explicites) rcj)réscntant le dogme de Tuiiité de Dieu chez
tous les peuples sémitiques, du moins à un personnage revêtu d'un ca-
ractère de sainteté, ce temple , dis-je, était le centre du culte religieux
des populations , qui, ainsi que les Hébreux, n'en admettaient qu'un seul
pour toute la nation. Au dire de Burehardt ( Voyatje en Arabie, t. I ,
p. 129), les hommes et les femmes étaient obligés d'y paraître dans uu
état de nudité complète. Ce temple était orné d'un grand nombre d'idoles
et de statues : quand Mahomet s'en empara , il renversa lui-même ces
figures; dans le nombre il y en avait qui représentaient des anges , Abra-
ham, et la vierge Marie, tenant sur les genoux Jésus le Messie.
(2) Voyez t. II, pag. 368, édit. de 1811. Paris.
(3) Voyez page 32.
( 182 )
une vue exacte de celte mosquée : c'est le système ogival
qui fut employé dans sa construction octogonale, toutes
les arcades y sont à double courbure (1).
Amrou, général du calyfe Omar, le même qui enleva
Jérusalem à l'empereu^r Héraclius , fit la conquête de
l'Egypte en 639. A peine s était- il rendu maître de cette
riche province qu'il songea à élever un palais à l'islamisme :
il le conçut sur de larges dimensions et à l'instar de la
mosquée de la Mecque. Ce fut àFostàt, près du Caire, qu'il
en fixa l'emplacement , à l'endroit même d'un antique
pyrée persan, ruiné depuis l'ère d'Alexandre. Les der-
nières colonnades de Memphis servirent de support aux
voûtes de la mosquée , qui forme une vaste enceinte de
péristyles, ayant sur un côté six rangs de colonnes et sur
les autres deux ou trois rangées. Dans ce vaste monument
on ne trouve aucun indice apparent de richesse dans les
ornements, tant vantée par les écrivains arabes; mais l'en-
semble du plan est d'une grandeur imposante. L'architecte
emprunta aussi aux édifices romains pour son embellisse-
ment : des chapiteaux corinthiens, des bases et des piédes-
taux y ont été ajustés comme par hasard, pour atteindre
une élévation de cinq mètres : à cette hauteur s'élèvent les
arcades en pierre bien appareillées: ces arcades sont
aiguës, formées de deux courbes ; c'est l'ogive d'une
forme peu élégante, il est vrai, mais elle y est nette-
ment dessinée : ce temple fut bâti de 639 à 645 de notre
ère (2).
En 677, le patriarche Yohannâfit construire à ses frais,
à Alexandrie, l'église de S'-Marc l'Evangéliste , nommée
(1) D'après Guillaume deTyr, les inscriptions anciennes, sculptées
au-dedans et au-dehors de cet édifice, attestent qu'Omar fut son fon-
dateur.
(2) Voyez les Monuments du Caire, dessinés par Coste. Paris. 1837-
1838, planche I.
( 183 )
êi-quamchâ par les Arabes : si cinq siècles et demi plus
tard elle n'eût été détruite, elle aurait pu nous fournir un
intéressant spécimen d'architecture. La comparaison entre
le style monumental chrétien primitif et celui de l'isla-
misme aurait peut-être pu étabhr plus d'un point de rela-
tion entre eux! l'emploi subit de l'ogive aurait peut-être
pu s'expliquer ? Les Arabes n'ont employé l'arc en tiers-
point que comme ils se sont servis des colonnes et chapi-
teaux romains et égyptiens , c'est-à-dire en adoptant l'u-
sage qu'en faisaient les peuples conquis par eux? Car
si l'on considère d'abord l'isolement dans lequel le Maho-
métan s'était placé par son fanatisme, qui lui défen-
dait tout emprunt aux autres peuples, et ensuite si l'on
songe qu'à l'époque de l'établissement de l'islamisme, la
culture de l'art ancien se perdait partout, on se trouvera
fort embarrassé pour rattacher le système de construction
des Arabes, qui surgit tout d'un coup, à tout autre sys-
tème architectural quelconque.
Cependant il existe encore à Alexandrie une ancienne
basilique, sous l'invocation de S'-Alhanase, qui peut nous
mettre quelque peu sur la voie du style architectural pri-
mitif chrétien. Cette église était autrefois primitive (nous
suivons ici mot à mot la description qu'en donne l'his-
toire militaire et scientifique de l'expédition française en
Egypte); elle a conservé le nom du saint auquel elle
était consacrée. Son enceinte forme un parallélograme,
entouré de quatre rangs de colonnes dans la partie du
fond, de deux rangées sur chaque côté, et d'une seule
dans la façade d'entrée : les colonnes antiques de mar-
bre portent des arcs qui soutiennent un plancher et for-
ment un portique couvert, dont Ls trois murailles et
le pavé sont revêtus de mosaïque en marbre... Au milieu
on voit un petit pavillon octogone qui renfermait le
monument précieux dans lequel on a reconnu le sarco-
( 184)
phage d'Alexandre-]e-Grand (1). Celte description est
accompa^^née d'une planche, qui représente cette anti-
que basilique : tous les arcs en sont recourbés à-peu-près
en fer à cheval. Cet exemple, isolé il est vrai, pourrait
nous faire soupçonner que les chrétiens des premiers
siècles auraient bien pu avoir fourni aux Arabes les pre-
miers éléments de leur type architectural; car bien souvent
au commencement de l'hégyre , ce furent des artistes chré-
tiens qui présidèrent aux travaux de calyfes. La reproduc-
tion, par le dessin, des monuments musulmans des diffé-
rentes époques et des différentes parties de l'Orient , serait
un travail du plus grand intérêt pour l'histoire de l'art ;
un tel travail ferait apprécier la part d'influence des mo-
numents anti-islaniiques sur l'art de bâtir de l'Arabe, et on
saurait s'il a fait quelque chose d'original. Toutefois il nous
paraît très-probable que la bataille àc Kadesia, dans l'Irak,
gagnée par Omar en 636, et qui décida du sort de l'em-
pire persan, dût avoir aussi une grande influence sur les
arts chez les Arabes. Quand ils s'emparèrent de Madain,
ancienne capitale de la Perse, la grandeur de cette ville, la
magnificence de ses édifices, leur luxe intérieur, dut vive-
ment les frapper. Et ne pourrait-on pas dire que c'est sous
la puissante impression des somptueux édifices des CosroëSf
qu'Omar fonda la ville de Bassora, à l'embouchure du Tigre
et de l'Euphrate, et celle de Coufa, et qu'il fit bâtir ses
mosquées à Jérusalem et ailleurs? Car, malgré leur mépris
pour les nations qui n'avaient pas adopté leur croyance,
les Arabes ne laissaient pas cependant de les consulter :
Omar ne s'adressa-t-il pas aux Perses pour savoir de quelle
manière ils computaient le temps? il n'est donc pas impro-
bable que les vainqueurs des Perses aient puisé chez ces
(1) Ce chef-d'œuvre du ciseau grec se trouve au British Muséum, à
Londres.
( 185)
derniers les principes de leur art de bâlir : et peut-être en
trouvera-t-on une preuve dans un genre de construction
dont ils ont fait un grand usage , genre exclusivement ré-
servé aux tombeaux de leurs princes? je veux dire des
voûtes sphériques ou dômes. En effet , il est certain que
dans toutes les provinces de l'Orient où l'Arabe a étendu
sa domination, on trouve des monuments bien antérieurs
à l'islamisme, couverts de dômes ou de tops: en Perse, les
pyrées ont cette forme, voire même les tombeaux j le
célèbre mausolée de Nakshi-Roustam en offre un exemple
remarquable (1). Quanta ce genre de monuments, on peut
admettre comme positif que les Arabes l'ont emprunté aux
Perses.
Quelques écrivains ne veulent fixer la naissance de l'ar-
chitecture arabe, proprement dite, qu'au règne d'Oualyd,
sixième calyfe ommiade (705-715). Le goût plus épuré de
ce prince fit adopter la coupe élégante et hardie du minaret,
qui ne tenait ni de la gravité égyptienne, ni delà régula-
rité grecque. Le dogme religieux des Arabes eut une in-
fluence directe sur leur genre d'ornement : la loi de Maho-
met interdisant toute représentation de figures d'hommes et
d'animaux, les architectes arabes exercèrent leur riante
imagination à multiplier et à combiner de mille manières
les diverses sortes de plantes, de fleurs et de feuillages de
leur contrées, et ils en couvrirent leurs monuments.
Quoiqu'il en soit, ce prince embellit son empire d'un
grand nombre de beaux édifices; il fit bâtir à Damas des
maisons d'asile, des caravensérails, \ç,Bimaristan, hôpital
qui servit de modèle au Moristandu Caire, et la magnifique
mosquée de Damas, connue sous le nom de Mesged-ên-Naby,
sur l'emplacement occupé par l'église de S*-Jean, que les
(1) V. le voyage de L. De Bruyne , et celui de Sir Ker- porter, Por-
ifirs fruvels in Georgia , Persiu , Babylonia , etc. , vol. I , p. 51.5.
M
( 186 )
chrétiens avaient conservée jusqu'à celle époque. Au XP
siècle, cette mosquée était regardée comme une des mer-
veilles du monde : ce temple fastueux ne coula pas moins
de qualre-vingt millions. Oualyd fit aussi embellir et
agrandir les monuments de la Mecque, de Médine et de
Fostàt.
En 702 , le gouverneur de l'Egj^pte , Qorrah-ben-cheryk,
éleva à Foslàl un temple nommé A^^\x\^El-yàmé-él-atyq (ou
la vieille mosquée] ; il est inutile de dire que celte mosquée
dût être construite sur le modèle et à l'instar de celles bâties
par son maitre. Nous ne connaissons , reproduits par le des-
sin, aucun des monuments élevés par ce prince : la chose
est d'autant plus regrettable que les historiens s'accordent
à dire que les mosquées d'Oualid ont servi de type aux
constructions élevées depuis par les Musulmans.
Après la mort d'Oualyd, l'intendant des finances de
l'Egypte, Asâmah, fit reconstruire le nilomèlre de Heloûan
à la pointe méridionale de l'île de Roudah,en 715. La co-
lonne nilomélrique , qui existe encore aujourd'hui au centre
de ce monument, est la même qu'Asâmah fit élever; la
forme particulière des caractères koufiques que l'on y re-
marque, concourt à confirmer cette opinion. En 814:, le
calyfe El-Mamoum le releva de ses ruines : l'inscription
placée dans le fliéqyâs au-dessus de l'entrée intérieure de
l'aqueduc , et les deux autres qui régnent le long de la
frise, autour du bassin nilomélrique, doivent être attri-
buées à cette époque. Le calyfe El-Motaouakel , eu 847,
restaura aussi le Bléqyàs : les inscriptions du midi et du
côté occidental de la frise du bassin , y ont été placées
par ce prince : enfin, en 1092, El-Mostan-ser-b-illah le
répara aussi et y ajouta une mosquée. Depuis cette époque,
le Méqyàs ne subit plus aucun changement important.
Lors de l'expédition française en Egypte, il conservait
encore sa forme primitive: elle est quadrangulaire, quatre
( 187 )
arcades supportent le bâtiment, trois sont pratiquées dans
les murs mêmes du bassin et immédiatement placées au-
dessus des colonnes , qui soutiennent la galerie inté-
rieure, et la quatrième est prise dans le massif de la
première portion de l'escalier : ces quatre arcades sont
en tiers-point (1).
Nous nous sommes étendus un peu plus longuement sur
le Méfjyâs, non parce qu'il est un des ouvrages les plus im-
portants des calyfes, soit par ses inscriptions et son usage,
soit par les diverses époques de l'histoire des Arabes aux-
quelles il se rattache; mais par la raison que quelques
écrivains, contrariés qu'ils étaient dans leur système par
l'existence de l'ogive à cette époque, et ignorant d'ailleurs
qu'elle eût été employée dans des monuments bien plus
anciens, se sont plu à ne regarder leMéqyâs, comme une
construction moderne. Cependant on ne peut nier que
ces quatre grandes arcades ogivales n'aient été construi-
tes de 705 à 847.
Le calyfat de Yézid ( 720 à 724 ) se fait remarquer par
une de ces guerres de destruction qui furent si funestes
aux arts : sur la prédiction d'un juif, ce prince donna l'or-
dre par tout son empire d'effacer les peintures des églises ,
soit sur bois, soit à fresque, et même celles qui se trou-
vaient sur les vases sacrés et sur les ornements d'autel.
Cette stupide profanation fut mise à exécution par des
Arabes et des Juifs : dans quelques endroits ces misérables
ne s'entendant pas, envinrent aux mains, et la lutte abou-
tissait d'ordinaire à la destruction de l'église.
Une carrière plus brillante pour les arts s'ouvrit à
l'avènement de Haroun-él-Rachyd : le faste et la magni-
ficence des anciens monarques persans présida à tous les
(1) Voyez le grand ouvrage sur TÉgypte , t. 15, État moderne, p. I ,
planche 23, et les Monvments du Caire, par Coste . planche 60.
( 188 )
édifices qu'il fit élever. Ce fut le prince le plus célèbre
de l'islamisme : contemporain de Charlemagne et cé-
lèbre comme lui, il porta la gloire musulmane à son
apogée.
Bagdad (l), fondée en 762, par El-Mansour-ben-Moham-
med, reçut de ce prince ses principaux embellissements :
non-seulement il en agrandit les palais, les collèges et les
autres monuments publics, mais il fit en outre étendre
cette royale résidence de l'autre côté du fleuve et réunir
les deux parties de la cité par un pont de bateaux. Un seul
des monuments bâtis par ce prince nous est connu , c'est
le monument de Zohiédë, son épouse favorite; il est bâti
en briques, surmonté d'un cône, sa forme est octogonale.
Les ouvertures qui découpent ses huit côtés sont couron-
nées d'arcs en ogive. On trouve cet édifice dans Ker-porler
(1) Cette ville, résidence des calyfcs, est située en-deçà dn Tigre, sur
les ruines de Ctésiphon et de Séleucie. A peu de distance de là on voit
encore debout deux des plus anciens monuments du monde : le premier
oITrc une masse compacte, bâtie de briques séchécs au soleil , qui semble
avoir supporté une construction plus élevée, propre eu même temps à un
observatoire et à un temple : genre d'édifice que l'on pourrait tout aussi
bien attribuer aux Cbaldéens qu'à tout autre peuple adonné au culte de
Bélus et à celui des astres. Cette masse imposante se noïnm(t Akarkouff,
les débris qui l'entourent , môme à une distance assez éloignée, font croire
qu'il existait jadis une ville en cet endroit ; la Genèse parle d'une cité, an
pays de Shinar, non loin de Babel , nommé Accad : mot qui a quelque
affinité avec Akarkouff.
Le second monument est bien autrement digne de notre attention : c'est
la tour de Babel. Cette montagne artificielle fut bâtie par Nemrod, dans
la plaine de Sbinar, à-peu-prcs deux siècles après le déluge. Dans la suite
elle servit de base au temple de Bélus , élevé par Nabucbodonozor six cents
avant J.-C. Nicbuhr avait aperçu cette imposante ruine, sans qu'il pi\t
en approcber. De retour dans sa patrie , ce célèbre voyageur se crut en
rlroit d'avancer l'existence de la tour de Babel; mais on le traita de vision-
naire. Depuis les investigations de M. C. J. Ricli, résident anglais à Bag-
da<l, sont venus confirmer ce que Niebulir en avait dit : aujourd'bui J{er-
poifrr, dans son Voyage en Perse , a dissipé l'ombre de doute qui pouvait
encore planer sur l'existence de cette tour. Cette imposante ruine se
i
( m )
(planche 67, lome 11)5 le même voyageur rapporte qu'il
existe aussi dans la ville de Ililluh^siiuée à l'ouest de Baby-
lone , une mosquée nommée Mesched-Esshems , bâtie dans
le même style , et qu'il regarde comme fort ancienne.
Le fils de ce prince célèbre , El-Mâmoûm , soutint digne-
ment le nom de son père; il releva, comme nous l'avons
vu plus haut, le Méqyâs et y ajouta des constructions con-
sidérables.
En 870, sous le calyfat de El-Motamed-ala-alah , Ahmed-
ben-Touloun devint gouverneur de l'Egypte '. à Fostât il fit
construire un nouveau palais sur un point élevé , et il dis-
tribua aux chefs sous ses ordres des parties de terrain à
l'entour , à charge d'y bâtir. Bientôt une nouvelle ville y
surgit comme par enchantement, ornée de mosquées, de
bains et d'autres monuments d'utilité publique. La princi-
nomme Birs-Nimrood : elle s'élève de 235 pieds anglais au-dessus de la
plaine. La tour , de forme carrée , est bâtie en briques cuites au four :
elle est fortement lézardée: le ciment, qui est entremêlé de brins de
paille, est si dur qu'il fut impossible à Ker-portcr, soit de disjoindre les
briques qu'il unissait, soit de l'enlever des briques, avec lesquelles il ne
faisait qu'une masse compacte. Cet énorme piédestal , qui sert de base
à la tour de Nabucbodonozor, et qui forme les restes de la tour de
Babel, est maçonnée avec des briques, seulement sechées au soleil: le
ciment est composé de bitume, mêlé avec de la paille bâchée d'après la
coutume des Chaldéens : dans le massif de la maçonnerie , on a pratiqué
des ouvertures pour y faire circuler l'air, afin de conserver les briques
dans un état de siccité parfaite : le résultat a répondu à l'attente de l'ar-
chitecte. Cette masse imposante , à laquelle tant de siècles ont porté peu
d'atteinte, défie la main destructrice des hommes; les débris qui l'entou-
rent semblent en avoir été détachés par le feu du ciel et sont, pour ainsi
dire , vitrifiés. Quand Ker-porter alla visiter ces ruines pour la deuxième
fois , trois énormes lions se reposaient sur leurs débris : ils étaient là
pour vérifier la prédiction d'Isaïe, qu'un jour Babylonc aurait servi de-
repaire aux bêtes fauves ! V. le même vol. p. 387.
Voyez Ker-portcr, t. II , pay. 310 et siiiv., ainsi que les planche s
qui sont eu regard et rei)résentant la tour de Babel. Voyez aussi :
u Second memoir on Bubylone , contuining an inqniry, etc. Lon-
don, 1818. .)
( 190 )
pale mosquée qu'il y fit bâtir subsiste encore aujourd'lmi,
c'est la Gamê-êhn-Touloim : il ne reste plus de traces ou du
moins que de très-vagues, des autres constructions élevées
par ses ordres.
Ce fut un chrétien qui présida à tous ces travaux : Tou-
loun ne permit point que l'on employât des colonnes de
marbre dans sa mosquée; l'architecte appuya donc ses
portiques sur des pilliers en briques, construits carrément,
et fit résulter la beauté du monument de son ordonnance,
qu'il imita, selon les mis, de la mosquée de la Mecque et
selon les autres de celle de Samarrah, et peut-être, ce qui
est très-vraisemblable, ne suivit-il que le plan des églises
primitives de sa religion. Touloun détermina lui-même la
l'orme d'un minaret indépendant de la mosquée : l'entrée
principale fut percée prcsqu'eu face de ce minaret. Trente-
trois petites fenêtres, aussi hautes que larges, formaient
comme un attique au-dessus des jiortes. Leurs trente-trois
ouvertures répondaient, deux à deux, à dix-sept arcades
ou entre-coîonnements dans les galeries intérieures. Son
plan offre une grande cour carrée de 90 mètres de côté :
trois côtés de la cour sont à deux rangs de nefs ; celui du
sanctuaire en a cinq. Tout son système architectural est en
tiers-point, et il existe un certain rapport dans la hauteur
et la largeur des nefs et des arcades. Ce temple, ainsi que
celui d'Amrou, offre l'architecture arabe primitive dans
toute sa pureté et exempte d'une foule de détails inutiles,
dont elle fut surchargée dans la suite. Cette mosquée fut
inaugurée en 879 de l'ère chrétienne (1). Nous ignorons
si l'aqueduc et la fontaine que Touloun fit ériger sous la
conduite du même architecte chrétien , existent encore : ce
même primée avait déjà fait bâtir, en 873, une mosquée
(l) Voyez la planche 7 et 8 de l'ouvrage sur le Caire, par M- Coste,
et la planche 31 du grand ouvrage sur l'Egypte.
( 191 )
noniniée Gamà-Tcnnour , sur lemontMoqalàm, endroit au-
quel la tradition avait afiFecté une sanctiiicalion antérieure,
A-peu-près un siècle plus tard, en 970, Djouhar , lieu-
tenant du calyfe Êl-Moezle-dys-illah , fit le tracé de l'en-
ceinte du Caire. Il y bâtit un palais calyfal et un autre pour
lui-même. A l'arrivée de son maître , il jeta les fondements
de la Gamâ-el-azhar, aujourd'hui le temple métropolitain
de cette capitale. Son sanctuaire est composé de neufs rangs
de nefs ou travées : l'édifice est soutenu par 380 colonnes en
marbre et porphyre, avec des bases et des chapiteaux en-
levés à des édifices romains. Les a rcades des deux principales
portes d'entrée sont soutenues par plusieurs petites colon-
nes, dans le style des portes de nos églises du XV* siècle. Son
ordonnance se rapporte à celle d'Amrou : les arcs d'entre
les colonnes sont formées par une ligne brisée en quatre
lignes droites et de trois angles , les fenêtres sont à arc aigu
et les portes d'entrée sont surmontées d'arcades à plein-
cintre (1),
La mosquée El-Hakim est l'ouvrage du sultan fatémile
Abou-el-Mansour ; déjà du temps de l'expédition française
en Egypte, elle était tombée en ruines : cependant alors
les piliers, quelques arcades et les minarets subsistaient
encore; elle fut bâtie de l'an 996 à 1020 : c'est toujours le
même système ogival qui a présidé à sa construction (2).
Cette mosquée semble flanquée par la porte Bâb-el-nasr,
percée dans la vieille enceinte du Caire : l'époque de sa
fondation remonte au règne d'El-Mostan-ser-b-illah , de
1036 à 1094.
Le calyfe Barkauk fonda , en 1 149 , la mosquée qui porte
son nom , elle se trouve encore dans un état de conserva-
(1) Voyez Coste, planches 17 et 8.
(2) Voyez le grand ouvrage sur l'Egypte, pi. 27, fig. I et pi. 28 ,
volume 1 8 , page 309 ,. note 4-
( 192 )
tioii parfait. Elle est bâtie en pierres de taille et surmoulée
de dômes, dont les ornements, tant à l'extérieur qu'à l'in-
térieur, sont travaillés avec beaucoup de recherche et de
goût. Cet édifice, tout-à-fait de style ogival, semble avoir
été bâti d'un seul jet: il offre, par l'accord qui règne
dans sa disposition et dans sa décoration, un bel exemple
de la seconde époque de l'architecture arabe, où l'art et
la science ont établi une espèce de système et de goût par-
ticulier à ce peuple (1). M. Coste observe qu'en général
ces ornements sont composés de feuilles, qui affectent
toujours les diverses combinaisons de la forme qu'on
donne à la fleur de lis du blason, qui est celle du lotus
des anciens Egyptiens, Cette remarque, dit-il, n'est peut-
être pas sans intérêt pour ceux qui cherchent l'origine de
• la fleur de lis, qui ne parut point sur les armes de France
avant les Croisades. La mosquée de Él-fakdaâny date de
1 150 à 1 154 , celle de Melik-el-nalih remonte vers 1 160 :
tous ces monuments sont supportés par des arcades de
forme ogivale.
Vers cette époque (1175), Saladin, d'illustre mémoire,
jeta les fondations de la citadelle du Caire et fit élever un pa-
lais dans son enceinte , connu sous la dénomination de pa-
lais de Joseph, de Yousouf prénom de Saladin. Ce palais
contient trenle-trois colonnes de granit monolithes; elles
n'ont pas été destinées pour ce monument, le diamètre n'est
pas le même pour toutes; les chapiteaux diffèrent entre
eux, le galbe approche plus du type corinthien que d'au-
cun autre. Ces colonnes sont de granit rouge et supportent
des arcadesen ogive; les frises sont couvertes d'inscriptions
arabes à lettres gigantesques : aux angles du plafond sont
des ornements en bois disposés en forme d'encorbeille-
ment.
(1) V. Coste, pi. 10, 11 , 12, 13 et 14.
( 193 )
Le 4" volume de Y Etat ancien du grand ouvrage sur
l'Egypte, page 67, et un mémoire de M. A. Lancret, sur
quelques parties de l'architecture des Arabes, inséré dans
le 18^ volume de \ État moderne du même ouvrage, p. 508,
contiennent plusieurs remarques précieuses sur ce mo-
nument: on y avance que le plan du divan de Joseph
représente celui des églises chrétiennes de la haute Egypte,
qu'on peut en dire autant des arcades et du reste de l'élé-
vation. On s'y demande si c'est une église convertie en
mosquée par Saladin ? ou bien si c'est un architecte chré-
tien qui fut chargé de sa construction, et qui aurait em-
prunté le style des édifices de sa religion? que celte
dernière supposition n'est pas' impossible, vu surtout que
le sanctuaire n'est pas tourné vers l'Orient; mais que,
quoiqu'il en soit, aucun édifice musulman ne ressemble
plus aux églises d'Egypte que ce monument.
Arrivés à l'époque des Croisades, il devient inutile de
pousser plus loin l'énumération de monuments où l'ogive
fut employée comme style. La nomenclature qui précède
des édifices des temps les plus reculés jusqu'au XII® siècle,
qui tousse trouvent dans l'Orient et exclusivement, fournit
la preuve que l'ogivea existé de temps immémorial dans les
contrées orientales du monde, non comme accident, mais
comme type architectural. L'histoire établit donc par une
suite non interrompue d'édifices, un chaînon qui lie nos
monuments gothiques à ceux de tous les peuples, de toutes
les croyances et de tous les siècles! Et il est assez remar-
quable que les plus anciens peuples du monde sont partis
de l'ogive pour atteindre au développement de l'arc circu-
laire, tandis que les peuples du moyen-âge ont suivi une
marche inverse pour arriver au zénith de leur sublime
architecture.
En présence de ces faits , nous ne devrions invoquer
l'opinion d'aucun écrivain qui s'est occupé de cette ques-
( 194 )
lion : cependant avant de finir cet article, nous ne pou-
vons nous empêcher de rappeler au souvenir de nos
lecteurs ce qu'en a dit M. De Chateaubriand, dans son
Itinéraire de Paris à Jérusalem : je cite d'après l'édition de
Paris de 1811 , époque qui met cet illustre voyageur hors
de toute atteinte de partialité en faveur d'aucune des opi-
nions émises sur cette question. A la page 378 du tome 2,
il dit : a Je crois apercevoir dans l'archileclure égyptienne,
si pesante, si majestueuse, si vaste, si durable, le germe
de cette architecture sarrasine, si légère, si riante, si pe-
tite, si fragile: le minaret est l'imitation de Fobélisque, les
moresques sont des hiéroglyphes dessinés au lieu d'hiéro-
glyphes gravés. Quant à ces forêts de colonnes qui com-
posent l'intérieur des mosquées arabes et qui portent une
voûte plate , les temples de Memphis , de Deudéra , de
Thèbes, de Méroué, offraient encore des exemples de ce
genre de construction. Placés sur la frontière deMetzzaïm,
les descendants d'Ismaël ont eu nécessairement fimagina-
tion frappée des merveilles des Pharaons : ils n'ont rien
emprunté des Grecs qu'ils n'ont point connus, mais ils ont
cherché à copier les arts d'une nation fameuse qu'ils avaient
sans cesse sous les yeux.... J'incline donc à croire que toute
architecture est sortie de fEgypte, même l'architecture
gothique : car rien n'est venu du Nord, hors le fer et la
dévastation. Mais cette architecture égyptienne s'est mo-
difiée selon le génie des peuples : elle ne changea guère
chez les premiers Hébreux , où elle se débarrassa seulement
des monstres et des dieux de f idolâtrie. En Grèce, où elle
fut introduite par Cécrops et Inachus, elle s'épura et de-
vint le modèle de tous les genres de beautés. Elle parvint
à Rome par les Toscans, colonie égyptienne ; elle y conserva
sa grandeur; mais elle n'atteignit jamais la perfection
comme à Athènes. Des apôtres, accourus de l'Orient, la
portèrent aux barbares du Nord; sans perdre parmi ces
( 195 )
peuples sou caractère religieux et sombre, elle s'éleva avec
les forêts des Gaules et de la Germanie; elle présenta la
singulière union de la force , de la majesté , de la tristesse
dans l'ensemble et de la légèreté la plus extraordinaire dans
les détails. Enfin elle prit chez les Arabes les traits dont nous
avons parlé; architecture du désert, enchanté comme les
oasis, magique comme les histoires contées sous la tente,
mais que les vents peuvent emporter avec le sable qui lui
servit d'abord de fondement, etc. »
Si l'on place l'opinion de M. De Chateaubriand , émise à
une époque où l'on traitait de barbare tout ce qui ne guin-
dait pas la raideur grecque ou romaine , en regard avec
les faits que nous venons de constater, il est impossible de
nier, à moins de pousser le scepticisme jusqu'au ridicule,
que l'ogive ne soit née dans l'Orient.
A.V.L.
{ 196 )
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BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE D'ANVERS.
L'origine de celte bibliothèque parait remonter à l'épo-
que de l'établissement de l'imprimerie en cette cité, par le
célèbre Thierry Martens, en 1476. Dans un registre de la
ville, cité par Papebrochius et Dierexsens, Antw. Christ.
Nasc. tom. III, pag. 247, il est fait mention d'un juriscon-
sulte qui légua sa collection de livres à Anvers, pour aug-
menter la bibliothèque publique. Ce jurisconsulte était le
secrétaire Guillaume Pauwels, et nous sommes heureux de
pouvoir faire connaître le catalogue de sa collection, en-
core inédit , et dont uous devons la communication à
l'obligeance du savant ami, M. J.-F.Willems (1). Ce cata-
(1) Acngaende den boeken die meester Willem Pauwels , wilen pen-
sionnaris der stad van Antw erpen , derselver stad in testamente
beset heeft.
Allen den ghenen die dese letteren zelen zlen oft horen Icscn, borger-
niccsters ende scliepcnen der stad van Antwerpen , saluyt!
Docn cont ende kennen openbaerlic dat wy van hère Cornelis Den
llont, priestcr, Costcnc Van Halmale , ende Pictcrcn De Bot, als e\ecu-
lucrs van den testamente wylen meester Willcms Panwels, advocacts
docn liy îeefde der voirs. stad, gehadt ende ontfangen hebben ende ons
J)y lien ducghdclijc acbtcrvolgendc den inventuris dacr op gcmacct ende
( 107)
logue esl d'autant plus intéressant qu'il pourra fixer l'époque
de l'impression de plusieurs ouvrages, sur lesquels on ne
pouvait former que des conjectures, et montrer de quoi
se composait alors la bibliothèque d'un jurisconsulte
belge.
Ainsi donc la bibliothèque d'Anvers existait déjà, au
moins en 1480 : elle était placée à la Maison-de-ville , et on
hier na geinsereert van stucke te stucke gelevert sijn de boeke desselfs
wylea meester Willems . die hy in cnde met synen test^mente deser
vores. stad goederticriyke gegeven ende gemaect heeft om die te leggen
in een camer tôt belioef cnde gcbrnke der pcnsionaris ende secretaryseii
cnde clercken der stad diencnde sonder die wccli te Icencn , te vercoepcn
oft te verthierene. Ende mids desen , achtervolgende der condicien in de
voirs. makinghe toegevoeght, soe ontlasten wy in den nanie ende van
wegen der voirs. stad dien voirgenoeraden wylen meester Willem , sine
wedmve ende executuers ende aile andere des qnifancie bchoevende van
al tgliene des hy ten tyde van sinon overlidene inder voirs. stad gehonden
nioclit sijn. Den inventaris voergekeurt volglit hier na ende es desen.
Inventarium librorum qtiondam magistri Wilhelmi Pauli legaiorum
opido Antwerpiensi et in sua domo repertonim.
Primo decretnm cum apparatu.
Item decretales.
Sextus Clémentine, Panormitanus super quarto et quinte decretalium,
parvum volumen : omnes simul in pressura et papiro.
Codex in pergameno.
Digestum vêtus in pergameno, cujus processus est per littcras.
Digestum inforciatum in papiro impressum.
Digestum novum in papiro cujus processus est per magna capita.
Instituta giosata.
Alla instituta scripta in papiro sive glosi.
Lectura Bartoli in papiro scripta super novem libros codicis.
Ejusdem lectura scripta super prima parte digcsti vctcris.
Lectura ejusdem super secunda parte fTveteris.
Duo volumina Bartoli super digesto novo.
Casus brèves Bartoli super codice.
Practica Ferrariensis scripta in papiro.
Alvarotus super feudis in papiro , non ligatus.
Summa Tancreti sive glosa in pergameno.
Tractatus Panormitani impressus de ordinc judiciornm.
( 198 )
ignore comment elle fut dispersée. On voit encore dans
Dierexsens qu'on en institua une nouvelle en 1505j elle
eut apparemment le sort de la première , dans les troubles
et les scènes de destruction dont Anvers fut le théâtre , plus
que toute autre ville de la Belgique, pendant les guerres
du XVl^ siècle.
Dans les premières années du siècle suivant, époque à
Singularia Ludovici de Roma super quinto dccietalium , impressa in
papiio.
Tractatus clausularum iii contractibus rescriptis , etc.
Appod (?) solitariim cditus per dorainum Vitalem de Cambanis.
Catholicon in papiro et pressura.
Biblia in papiro et pressura.
Ysidorus ethymologiaruni.
Laurentius de Valia.
Vegeitus de re militari scriptus.
Terrcntius cura commento Donati impressus.
Tractatus de clade niagnae Troj ae in papiro scriptus.
Valerius Maxiraus scriptus, sed non complétas.
Cotnmentura Valerii Maximi in pressura.
Epistoiœ faniiliares Tully.
Epistolae et exordia Gasparini.
Tulius de offîciis in pressura.
Epistolae Karoli in lilio.
Epistolae Senecae ad Lucillum scriptae in papiro.
Declamationes Quiutiliani.
Salustius in Lucium cum aliis tractatibus.
Spéculum regium et principum.
Paradoxa Tulii de senectutc.
Eneas de duobus amantibus cum aliis tractatibus in une volumine.
Rethorica Cyceronis cum praeceptis et Eleganciis Gaspariui.
In orconden van welken dinglien hebben wy borgermeesters ende sce-
penenvoirs. der voirs. stadscgel ten sakendcse letteren doen aenhangeu.
Gegeven int jaer 0ns Hceren duysent vier hondert ende tachtentich ,
na costume van scriivene shoefs van Camerijck , op ten vijften dach van
aprillc vore Passchcn.
Collationnata ctivi or iginali lit tera concordat.
80STVW.
( 199 )
laquelle les arts de la paix commençaient à relleurir aux
Pays-Bas, on forma une troisième collection de livres, qui
fut placée d'abord à la galerie de la Bourse et transpor-
tée, en 1663, à l'Hôtel-de-ville, où elle a été conservée
jusqu'à ce jour.
Le savant chanoine Aubert Le Mire en fut le premier
bibliothécaire et probablement aussi le fondateur ; il en a
publié, en 1609 , le catalogue qui est devenu d'une très-
grande rareté (l). François Swertius, son ami, dont le
nom est également connu dans l'histoire littéraire de
nos provinces , participa à ce travail. La préface qui est
très-courte, mais qui paraît avoir servi de cadre à la dis-
sertation que publia plus tard Sanderus, ne nous fournit
malheureusement aucune particularité littéraire ou biblio-
graphique, intéressante pour la Belgique. Elle nous apprend
seulement, après nous avoir fait rapidement passer en revue
les plus grandes bibliothèques anciennes et modernes et les
hommes qui en furent les créateurs, que les Anversois,
stimulés par d'aussi beaux exemples, songent enfin sérieu-
sement à établir chez eux un dépôt des connaissances hu-
maines : car «c'est là, ajoule-t-il , le seul ornement qui
semble manquer à leur ville , qui est la plus belle de
l'Europe , de l'Afrique et de l'Asie. » Cet éloge paraît un
I peu exagéré, car Anvers était alors bien déchue de sa
j splendeur, depuis les troubles du XVP siècle.
I Cette bibliothèque ne contenait alors que trois cent
cinquante-deux ouvrages, la plupart en latin et quel-
I (1) Bibliothecae Antverpianae primordia. Aubcrtus Mirœus , Bruxel-
lensis, canonicus et bibliothccarius Antv. colligendo publicabat. Antv. ,
apud Davidcm Martinuni , 1609; grand in-4<' de 24 pages, non com-
pris le titre et la préface qui occupent deux feuillets. Catalogue de la
Bibliothèque Van Hulthnn , vol. 4, pag. 6, w 22,578. Cet ouvrage
est si rare . qu'il n'a pas été connu de Paquot. Voyez ses Mémoi-
res, l. 143.
( 200 )
q»es-uns en grec : on y remarque la belle Bible d'Arias
Monlanus, qui sortait des célèbres presses de Plantin et
qui avait été donnée à la bibliothèque par le magistrat
d'Anvers. 11 est assez remarquable qu'on n'y trouve aucun
livre moderne, soit flamand, soit français : les savants en us
de cette époque ont sans doute craint de déroger à leur
dignité, en introduisant dans ce sanctuaire de la science,
les langues vulgaires, qui, dans d'autres pays, avaient ce-
pendant déjà fait des progrès notables et produit des ou-
vrages pour lesquels on abandonne aujourd'hui les Grecs
et les Romains.
Le Mire divise son catalogue méthodique en quatre sec-
tions principales; car nous ne parlerons pas de ses sub-
divisions. Ce sont :
La théologie.
La jurisprudence. %
La médecine.
L'histoire.
Cette dernière partie est la plus riche : après elle vient
la théologie; quant à la jurisprudence, elle ne compte que
quatre ouvrages; la médecine n'en a pas d'avantage.
Cette bibliothèque paraît avoir été fondée plutôt par la
générosité des habitants de la ville que par la munificence
de l'administration communale, qui ne figure dans les
dons que pour la bible d'Arias Montanus , dont il a déjà
été fait mention. Aubert Le Mire , qui en fut le donateur le
plus généreux, a eu soin d'ajouter après chaque ouvrage
le nom de celui qui en avait enrichi la bibliothèque nais-
sante. Si tous les conservateurs de dépôts publics avaient
cette attention, leurs collections, il n'y a pas de doute,
s'accroîtraient plus rapidement : car s'il est des hommes
qui aiment à cacher leurs bienfaits, combien ne s'en ren-
conlre-t-il pas d'autres qui sont flattés de voir leur géné-
rosité mise au grand jour. Celte remarque , au reste , trouve
( 201 )
plus rarement son application chez nous que chez d'autres
peuples plus méridionaux.
Parmi les autres bienfaiteurs de la hibliothèque d'An-
vers, dont Le Mire nous a conservé le nom , tels que Laurent
Beyerlynck, chanoine de la cathédrale de Notre Dame, le
doyen Jean Del Rio, Jean Gevaert, clianoiue et olficial, le
chevalier Antoine Berchem , le bourgmestre Nie. Roccoxe ,
l'ami de Rubens; Jacques Marchant, l'auteur de la Des-
cription de la Flandre : Jean Hovius; Jean Brant, se-
crétaire de la ville; Emanuel Ximènes, chevalier de l'or-
dre de Saint-Elienne; Jean Happaert, trésorier de la
ville; Louis Nonius, Antoniolti Sivori, consul de Gènes à
Anvers, etc. , on remarque surtout François De Sweert
ouSweerlius. qui devait lui-même posséder une grande
bibliothèque, si l'on en juge par les précautions qu'il
impose à ceux qui la visitent, comme l'indique l'in-
scription qu'il y avait fait placer (l). Cette inscrip-
tion, écrite en latin du temps d'Ennius, comme si
celui du siècle d'Auguste était à dédaigner, accuse le
mauvais goût de l'auteur, Prosper Stellart, moine de
l'ordre de Saint-Augustin. Nous n'en citerons qu'une
partie :
Quisquis es
Ilanc legem lege,
TIeriis et hœres edico tihi:
Musarum Apollinisque sacei' hic locus,
Multis clausus, jjaucis reclusus;
Si cinn jiaucis vivis, sapis,
Âdesto, inesto.
Quoscumque libros. qualeisvecunqiie
Spectabis inibi, libère
Tangito, legito.
(1) Swertius, AthenœBehjicœ, p. 55, et M. De RcifFcnbcrg, Archives
de Philologie, tome I.
14
( 202 )
Imjtressi net perturbantor :
MSS. nei tmujtmtorj
Adtentare secus
Capital esto.
Visi, lective, electi, placitive
Nei rofjantor, nei efferantor,
Jmportunus si sies
Exesto, abito.
Lors de la destruction des couvents, à la fin du XVIII®
siècle, elle fut considérablement augmentée par les biblio-
thèques de ces établissements : jusqu'à cette époque, elle
ne s'était accrue que par des présents, parmi lesquels ceux
de Plantin et de ses successeurs occupent la première
partie. En 1803, quelque temps après l'abandon qui en
fut fait par le gouvernement français , la bibliothèque
centrale, composée en grande partie des dépouilles des
couvents, fut transférée à l'hôtel-de-ville , et augmenta
encore l'ancienne collection qui fut ouverte au public le
1*"^ frimaire an XIV (21 novembre 1805). Dès lors, la ville
y alloua de temps en temps de petites sommes pour les
acquisitions : ensuite le crédit alloué devint régulier, et
jusqu'en 1836 fut porté à 1200 francs par an. Celui de 1837
fut de 2000 francs, et en 1838 il fut de 3600 francs. Tous
les hommes instruits espèrent que le conseil communal
sentira la nécessité de maintenir au moins ce dernier cré-
dit, afin de mettre la bibliothèque d'Anvers à même de
satisfaire aux besoins du public , surtout sous le rapport
des beaux-arts, des voyages, du commerce et de l'histoire,
et de la littérature des Pays-Bas.
Ce dépôt littéraire possède beaucoup d'ouvrages de
théologie : cependant comme les acquisitions ont toujours
été faites pour la faculté d'histoire, cette partie est mainte-
nant la plus riche et forme en général le tiers de la col-
lection.
La bibliothèque d'Anvers compte actuellement 14,000
( 203 )
volumes imprimés, et seulement 26 manuscrits. Si les ren-
seignements que nous avons recueillis ne sont pas erronés,
elle ne possédait plus en 1809 que 1500 volumes, ce qui
ferait croire qu'elle avait éprouvé de grandes pertes : eu
1826, ce nombre s'était déjà élevé à 6000.
L'école flamande , dont l'Académie d'Anvers est la pé-
pinière, brille en ce moment d'un nouvel éclat. Les
magistrats de celte ville qui, à diverses époques ont ac-
cordé de si nobles encouragements aux artistes et aux
hommes de lettres , rendraient , nous en sommes certains ,
un immense service aux peintres de cette école et à leurs
nombreux élèves, en leur fournissant, pour leurs études
historiques et de costumes, des ressources bibliographi-
ques que ceux-ci cherchent envain dans le dépôt d'Anvers
et qu'ils ne trouvent parfois qu'à Bruxelles ou à Gand.
M. Mertens, conservateur actuel de cette Bibliothèque,
en a rédigé avec soin un bon catalogue qui facilite les
recherches et empêchera le retour des dilapidations que
cet établissement a éprouvées autrefois et sans lesquelles il
devrait compter 25 à 30,000 volumes , comme plusieurs
autres villes, même de second ordre dans noire pays. Car
par sa population la \ille d'Anvers occupe le troisième
rang en Belgique, tandis que par sa bibliothèque elle
tient à peine le sixième rang.
A. Voisiîî.
( 204 )
Ce JTilsi bourreau k son pcre.
Biscite justitiam monitif et non iemjiere Divos,
Jusqu'à ce jour la Belgique a dû regretter de ne posséder
aucun recueil des récils populaires, qui se sont conservés
par la tradition, ou qui se trouvent consignés dans divers
écrits. Ces récits auxquels les Allemands donnent le nom
de sagen (1), pour les distinguer des légendes, reposent
assez généralement sur des fictions merveilleuses; souvent
elles peignent avec des traits fort caractéristiques l'époque
à laquelle on les rapporte : elles sont de l'histoire pour le
peuple; espérons que le moment n'est pas loin où une
main habile les réunira en faisceau ; espérons que sous ce
rapport la Belgique n'aura plus à envier un Grimm à nos
savants voisins, les Allemands.
En attendant, voici le fruit de nos recherches au sujet
d'une saga nationale, d'autant plus remarquable qu'elle a
donnée naisssance à des monuments d'art, dont un encore
nous est resté. ^
Voici comment quelques-uns racontent la chose. En 1 37 1 ,
deux gentilshommes de la Flandre s'étaient révoltés contre
leur prince, Louis de Maie. Ils furent condamnés à mort;
mais le prince promit la vie à celui des deux qui pourrait
(1) En flamand sage, zage {zegging) signifie récit populaire, tradi-
tionnel.
-Ae Ganût Le en Fandt Fraepe Sae père Se Taete Defuu
Maeis Se Heppe Rompe Si Grâce De Lfeu mccdxxi
Xm'b li
piJUy
il luoq é
( 205 )
se résoudre à décapiter son compagnon d'infortune. Le
fils, cédant aux instances de son père, entreprit de remplir
l'office de bourreau : il lève le bras pour frapper l'auteur
de ses jours , mais le glaive tombe brisé à ses pieds. D'au-
tres versions ajoutent que l'enfant dénaturé en reçut une
blessure mortelle.
C'était là un beau lliéme pour notre Vaernewyclc , qui
ne demande pas mieux que d'amuser, à tout prix, son béné-
vole lecteur, et que l'on voit toujours à l'affût des choses
mirifiques et singulières , arrivées depuis l'heure de la
création jusqu'à l'instant où il tient la plume : on est un
peu surpris de le voir glisser sur l'aventure de 1371; voici
comme le naïf chroniqueur en parle :
a En 1370 (style ancien), on plaça au Pont des exécu-
» tions le père et le fils en métal , en éternelle mémoire du
»fils qui y décapita son père (1). »
La poitrine du fils portait une lame avec cet écrileau ;
Dits DE wetteuchede der «tede van Giiendt;
Die boets [betere) uem die hier es ontrent (2).
P. Heelant.
(1) Anno XIII Iiondert LXX wcrden op die Hooftbrugge ghestelt dca
vader , ende dcn zone van metale , in eeiiwighen nienioi ie daer dcn zone
den vader onthoofde. Historié van Belgis , Ghendt, 1574, in-folio,
bl. 123.
Hooftbnigge est la syncope de Onthoofdbimgge ; aussi Meyerus le
designc-t-il par Pons capitalis. On y exécutait avec le glaive les bour-
geois de Gand , convaincus d'avoir perpétré certains crimes, déterminés
par les lois de leur commune, par exemple, ceux qui avaient commis un
viol ; tandis que les autres criminels étaient exécutés entre les balustrades
du château ( tusschen baillen ). Dicricx , Mémoires sur la ville de Gand,
1,457.
(2) Version qui nous parait préférable à celle donnée par d'autres :
•■•■Die loeis wacruclUi.i] ghclucrdc hier onifrent. »
Nous serions portés à croire que le nom de P. Ileelant est celui de
l'auteur du distique.
( 206 )
Sous la figure du père, on lisait ces mots en gaulois :
Ae GaNDT le en FaNDT FRAEPE SAE PERE SE TAETE DESCU.
MaEIS se HEPPE rompe si GRACE DE DiEU (1).
Ce monument exista jusqu'à la fin du dernier siècle.
Ces Vandales, qui voulaient effacer le dernier vestige du
passé, dussent-ils subir l'exécration des siècles à venir ,
les révolutionnaires français de 1794, enlevèrent ces figu-
res de bronze, qui, comme le ditDiericx, en rappelant la
punition d'un fils dénaturé, inspiraient l'horreur du crime.
Dignes rivaux des iconoclastes de 1578, qui abattirent la
statue en bronze de la Vierge placée du côté opposé , ils
brisèrent le monument historique de leur marteau cupide
et destructeur.
Le tableau destiné à conserver ce souvenir populaire,
échappa aux mains de la bande noire. 11 pend à la cham-
bre de la chapelle de notre Hôtel-de-ville, aujourd'hui
la salle de l'état civil. Cette toile intéressante, qui parait
appartenir au XV siècle, offre une composition remar-
quable pour l'époque à laquelle on peut l'attribuer. Le
regard s'attache d'abord aux deux criminels : le père,
à qui un religieux adresse les dernières exhortations ,
a les yeux légèrement bandés ; le fils tient le bras
levé, et le glaive a déjà presque entièrement perdu sa
lame. D'un côté se trouve le comte, près du bailli, la
baguette de justice à la main, et près de quelques gens
(1) Le tableau de rHôtel-de-ville, outre les inscriptions flamande et
Avalione, porte sur le ceinturon du fds-bourreau les mots : Ripcluple
ende haie MCCCLXXI. Nous ne tenterons pas d'expliquer cette ligne,
toute faite pour ijréparer des tortures aux Saumaises futurs.
Le Pont des exécutions et les figures en question se trouvent repro-
duits dans laFlandiia illustrala, Col. 1941, 1, 149. Nous ferons rcmar-
quer en même temps que Sanderus, eu écrivant Ae Gasdt le esfant
FRAPPE SVE PERE SE TA ET DES SU, au liCU de Se TAETE DESUU j C'Cst-à-dirC ,
sur sa tète, a donné une version tronquée.
( 207 )
de sa suite; du côté opposé, des spectateurs regardent
pleins d'anxiété, non loin de quelques gens de guerre. Sur
le pont, on aperçoit la maisonnette où se trouvait placée
une Madone : le château des Comtes se dessine dans le
lointain (1).
Cette aventure singulière est entourée de trop d'authen-
ticité pour qu'elle puisse donner lieu à des doutes, quant
au fond de la chose. Le siècle auquel on rapporte l'évé-
nement était barbare : c'est dire assez que sa justice
était bizarre et cruelle. La justice pénale n'est-elle pas la
mesure de la civilisation chez les peuples? Louis de Maie,
par un caprice de prince, ne relevant que de son bon plai-
sir et peu humain d'ailleurs, a voulu peut-être jouir d'une
lutte déchirante entre l'amour paternel et l'amour filial,
et s'assurer par lui-même lequel des deux triompherait;
peut-être aussi a-t-il cédé à l'usage de faire exécuter des
coupables par leurs complices; rajffinement de cruauté
digne d'une justice fantasque. Adrien Beyer , pension-
naire de Rotterdam, ne nous dit-il pas qu'anciennement,
il arrivait quelquefois aux juges d'exécuter eux-mêmes
leurs sentences , et qu'en Espagne , en Italie et en Alle-
magne, on donnait souvent la vie sauve à celui d'entre
plusieurs condamnés qui consentirait à servir de bour-
reau aux autres (2). Ne voyons-nous pas, un siècle plus
(1) Cette toile, haute et large d'environ 10 pieds, se trouve placée
au-dessus de la porte d'entrée de la salle désignée , et fait partie de la
boiserie , qui fut confectionnée en 1779. Il existe aux archives de la ville
une liste des tableaux se trouvant dans la ville de Gand, en date
du 3 septembre Mil . dressée par P. L. Spruyt, premier professeur de
l'Académie de peinture. Cette notice fort intéressante ne parle pas du
tableau du fils-bourreau.
(2) Musée des Familles, Paris 1833, in-4o, p. 30, où à l'appui de ce qui
précède on parle de notre sa(ja. Quid juris, si plusieurs criminels ambi-
tionnaient l'olfice momentané de bourreau? Tiraient-ils à lacouitc paille
comme les juges parfois dans des cas difficiles?
( 208 )
tard , le comte Charles de Valois infligeant une punition
de ce genre à ses pages, qui s'étaient amusés à lutter
entre eux : leur très-grâcieux seigneur, pour les pu-
nir de cette espièglerie qu'il avait trouvée trop forte ,
en fit enfermer trente-six dans un endroit bien clos ;
et les ayant fait dépouiller de tous leurs vêtements ,
il arma chacun d'eux d'une verge , dont ils devaient
se fustiger l'un l'autre à toute outrance , jusqu'à ce
que le noble justicier leur ayant dit : Assez, gentils
pages , ils eussent à répondre : Grand merci , mon
Seigneur! (1).
Un Augustin de cette ville , Ignace De Dycker , qui
publia, à Cologne, en 1648, des poésies latines, a con-
sacré quelques vers à la so^a que nous venons d'exa-
miner. Les voici :
Carcere dum pater et natus cohibentur eodem ,
Et manicis iisdem compedibusque sedent,
Pœnaque damnutis compar ceriicibus instat
{Fecerat una pain crimine pœna reos) ;
Solaque restaret feriendi colla vohmtas ,
Qui (jludmin vellet stringeie nemo fuit.
Ipse etiam (jeniior ferro submittere collum ,
Ultimaque a sœvo vialuit crise pâli,
Sanguine quam nati dcxtram violare paternam ;
Non j)otuit patris non meminisse jiatcr.
Exuerat , vitœ studio, sed viscera natus ,
lit licuit vilain extendere morte patris,
Atque truci collum messurus cuspide , librat
Sœvus inhumana tela cnienta manu.
Jflilius inyrato mox fractam {^res nova!) ferrum
Corruit attonitos judicis ante pedes.
L'intéressant manuscrit Bouck van memorie dor stadt
(l) Chron. van Ylacndercn , door Wyts , Blootacker en Verniinracn;
11,411.
( 209 )
Ghendt, conservé aux archives de la Flandre orientale ,
et qu'on peut regarder comme la source d'une foule de
notions remarquables sur cette ville, ne parle pas de ce
récit populaire (1).
P. Van Dlyse.
(1) Nous n'ajouterons qu'un mot à cette notice : M. Van Dnysc'a
obtenu la médaille fl'or au dernier concours de la Société royale des
Beaux-Arts et de Littérature de Gand , poiu- un poème eu langue
flamande, (jui retrace avec verve et élégance cette sanglante histoire.
Le Gentsche Vaderbenl vient de paraître.
Note de la rédaelion.
(210 )
Itotice
SDR LES
ARCHIVES DU CHATEAU DE RUPELMONDE.
Nos ancêtres altaclialent un grand prix à la conserva»
lion de leurs archives; ils punissaient des peines les plus
sévères ceux qui avaient osé y porter une main impie.
On connait le supplice auquel fut soumis Liévin Pyn^
accusé d'avoir violé le secret du Beffroi, en 1540.
Comme tous les grands feudataires du moyen-âge , les
comtes de Flandre avaient aussi leurs archives particuliè-
res, privées et publiques. Depuis les temps les plus reculés,
ils les conservaient dans deux châteaux forts. Ils avaient
choisi à cet effet , pour la Flandre flamingante , Rupel-
monde ; pour la Flandre wallonne ou française , la forte-
resse de Lille (1).
C'est seulement à dater de l'avènement de la maison de
Bourgogne qu'on trouve quelques renseignements cer-
tains sur la trésorerie des Chartes de Flandre, comme on
l'appelait alors, à l'occasion de la création de la chambre
des comptes, à Lille, en 1385 (1386) par Philippe-le-Hardi ;
les archives qui existaient dans cette ville furent réunies
(1) Wainkôuig. Histoire de la Flandre- 1, 8.
( 211 )
à la nouvelle institution. On y transporta de Rupelmonde
un grand nombre d'actes, de cartulaires, et d'autres docu-
ments (1).
Le premier personnage à qui il semble qu'ait été con-
fiée la garde des archives de Flandre, avec le titre de
trésorier des chartres, est Jacques de Libaufosse, secré-
taire du comte Louis de Maie, eu 1357. C'est ce qui semble
constaté par une quittance en français de cette même
année , par laquelle Jean Hardi reconnait avoir reçu
plusieurs titres et papiers des mains de Libaufosse (2).
Avant cette époque, tout porte à croire que les secrétaires
des comtes étaient en même temps gardes de chartes.
En 1387 nous ti-ouvons Pierre Blanchet, conseiller et
maître de requêtes de l'hôtel, et Thierry Gherbode, con-
seiller du duc, investis des fonctions dont nous nous
occupons. La même année ils dressent un inventaire de
toutes les pièces confiées à leui'S soins, d'après les 153
layettes où elles étaient contenues et qui toutes portaient
un signe particulier. Blanchet semble avoir cessé de
vivre en 1399; car de cette époque à 1421, on ne ren-
contre que Thierry Gherbode seul. M. Le Glay donne des
renseignements curieux sur ce dernier , dans sa notice
sur les Archives du département du Nord (3). Jean de la
Kethulle, conseiller et maître des requêtes de l'hôtel,
succède à Gherbode; il meurt en 1433. 11 est remplacé par
Georges dOostende, secrétaire du duc de Bourgogne. En
1485, nous trouvons Gérard Numan secrétaire des or-
donnances de l'empereur Maximilien, et de 1482 à 1488,
Barthélémy Trottin. Il est probable que ces deux person-
nages exerçaient les fonctions de gardes des chartes
{l)Ibi<I.,9.
(2) Archiv. FlaïKi. orient., Riipcini.
(3) NoUce sur les Arcliives du dt-paitemciit du ]\oiiI: Lille, 1839,
grand in-8'', pag. 15 et IG.
{ 212 )
ensemble. Car nous retrouvons encore Gérard Numari ,
comme secrétaire et audiencier de Piiilippe-le-Beau , en
1489 (I). Au dernier succède Pliiiippe Hanelon, premier
secrétaire audiencier de l'empereur et de l'archiduc
Charles. Ils ont pour remplaçant, en 1515, Guillaume
de le Walle d'Axpoele. conseiller de l'empereur. Pendant
qu'il était garde-chartres , Jean de Sauvage , seigneur
d'Escaubec(j, desservit pendant dix ans celte place pour
et au nom de G. de le Walle. Celui-ci mourut en 1540.
11 eut pour successeur au château de Rupelmonde , l'an-
diencier Pierre Verreyrken. Après lui vintViglius de Zui-
chem. La nomination d'un homme aussi éminent que
Viglius au poste de garde des Chartres, prouve l'impor-
tance que l'on attachait autrefois aux archives. Après avoir
donné sa démission de cette place, il devint garde-charlres
de Hollande. Il fut remplacé par Hermès de Wynghene,
maître des requêtes du conseil privé, à qui Philibert de
Bruxelles avait élé chargé de la part de l'empereur, par
acte du 15 avril 1551 , de remettre les archives de Rupel-
nunde. Il paraît qu après la retraite de Viglius, ce fut ce
Philibert de Bruxelles qui remplit l'emploi de garde de
chartes par intérim.
Après les troubles de 1568, les Archives de Rupelmonde
furent transportées à Gand. On les plaça d'abord dans
iuie des salles du Beffroi, ensuite à l'Hôtel-de-ville. Nous
trouvons dans les registres aux résolutions des Etats de
Flandre (2), une résolution du 19 juin 1581, portant que
les (piatre membres sont informés que les cliartes, monu-
ments etletrages du pays, déposés auparavant au château
de Rupelmonde, sont maintenant transportés à Gand sur
la demande des États , et qu'ils sont dans le plus grand
(1) U)i(l. , iia[î. 16 i?t 17. — Gacliard , Inventaires, I, 203.
(2) Connnençaiit an 22 janvier et finissant au 22 novembre I5S1.
Archives de la Fhuulre orientale.
( 213 )
désordre par suite de ce déplacement. C'est pounpioi ils
décident de les faire visiter et inventorier au plus tôt. A
cet elFet, ils adjoignent maître Jean Bellecliiere à maître
Gérolf van der Haghe, trésorier dcsdils Chartres, lis auto-
risent en même temps le magistrat de Gand de commettre
un ou plusieurs autres pour les assister dans celte opéra-
lion. D'après Diericx, la translation des Archives de Rupel-
mondc à Gand n'eut lieu qu'en 1582 , par ordre du duc
d'Alençon, que les mécontents avaient appelé au comté
de Flandre. Louis ilcuriblocq , alors conservateur de ce
dépôt, fut chargé de les transporter , conjointement avec
le bailli van Pottelsberghe, Gérolf van der Hage et deux
échevins de la keure de Gand.
Nous pensons qu'il ne s'agit ici que des documents
laissés à Kupelmonde , et dont lleuribiocq avait conserve
la garde.
11 semble qu'à cette époque beaucoup de documents
importants avaient été enlevés de la trésorerie des Char-
tres. Car eu 1581 , les communes du pays de Waes font
connaître aux Etats de Flandre que les privilèges , archi-
ves , cartu/aires et monuments , concernant celte partie de
la Flandre, se trouvent à Anvers entre les mains de par-
ticuliers qui avaient été échc» ins dans le pays de Waes.
Comme d'après les anciens privilèges nationaux, il est
défendu de transporter ou de laisser dans une autre pro-
vince, les archives qui intéressent le comté , les Etats^ par
leur résolution du 12 avril 1581, décident qu'ils se
joignent à ceux du pays de Waes et à ceux de la ville
de Gand, afm de réclamer les documents, pour la restitu-
tion desquels on a déjà tenté plusieurs démarches sans
résultats (1).
Lorsqu'un peu de tranquillité eut été rendue à nos
(1) Archives de la ville de Gand; lettres détachées.
( 214 )
provinces, si longtemps en proie aux horreurs de la
guerre, le roi Philippe II commit, par acte du 30 mars
1594, Jean d'Amman, écuyer échevin de Gand, pour
recevoir des mains de Jean Stercke, conseiller au conseil
de Flandre et maître des comptes à Lille , ainsi que
Screvel van Driel , aussi conseiller au même conseil , tous
les registres, chartes, inventaires, etc., concernant la
Flandre , qui naguères avaient fait partie du dépôt de
Rupelmoude et qui se trouvaient à cette époque encore
placées, partie dans la Maison-de- Ville de Gand, partie
dans le Beffroi et dans une chambre de la cathédrale , au-
dessus de celle du chapitre. Un local, destiné à servir de
trésorerie des chartes , avait été disposé au château élevé
par Charles-Quint. C'est là que Jean d'Amman fut chargé
de faire transporter ces précieux documents. Par acte du
même jour, le roi Philippe II nomma Jean Stercke et
Jérôme deBrabant, son conseiller en Flandre, pour re-
mettre et délivrer à Jean Richardot, conseiller du conseil
d'Etat et privé, président d'Artois, récemment nommé tré-
sorier ou archiviste des chartes de Flandre, les archives
de Rupelraonde et pour en dresser avec ce dernier un
nouvel inventaire. Empêché de vaquer à ce travail,
Jérôme de Brabant est remplacé par Screvel van Driel ,
par acte du 29 novembre 1595. Les procès-verbaux,
commissions et autres actes contenant ces détails, sont
transcrits dans l'Inventaire de l'an 1600, dont nous parle-
rons plus bas.
Il semble cependant que le local du nouveau château i
était peu propre à servir de trésorerie des Charles ; car
il fut ordonné, en 1595, au magistrat de Gand de faire
transporter au Beffroi les chartes de Sa Majesté \ voici lai
lettre que M. Gachard a eu l'obligeance de nous commu-
niquer à ce sujet :
(215)
A noz tres-chiers sires et espeaulx amys les eschevms e(
conseil de la ville de G and (1).
Tres-chiers sires etespennlx amys, se trouvans les chartres,
de sa majesté concernans le pays et conté de Flandres en lieu
mal propre au chasteau de Gand, nous avons advisé de pour la
conservation d'iceulx, les en retirer et les mettre à la tour du
Belfroy de ladicte ville, ou aussy entendons faire dresser l'in-
ventaire desdictes chartres, vous ayans bien voulu faire ceste
advertence , afin que donnez ordre que ledict Belfroy puist
doresenavant à ce servir, et que les clefz soient délivrez aux
commissaires ayans charge dudict transport et inventarisation,
et si daventure ladicte inventarisation ne se puist faire com-
modément audict Belfroy, par faulte de cheminée ou aultre
incommodité , ne veuillez délaisser en ce cas d'accomoder
lesdicts commissaires dune bonne chambre à la maison esche-
vinale de ladicte ville. Atant tres-chiers sires et espeaulx amys,
notre Seignieur vous ait en sa saincte garde. De Bruxelles au
bureau des finances du roy, le 20 de novembre 159o. D. V.
Les chief trésorier général
et commis desdicfes fivances ,
Signé , Croonendaele.
Tout porte à croire qu'il ne fut pas donné suite à cet
ordre. Car les chartes continuèrent à rester déposées au
nouveau château.
A dater de celte époque , un voile épais couvre les des-
tinées des archives de Rupelmonde. Il est à supix)ser que
classées et inventoriées avec ordre dans le nouveau châ-
teau de Gand, elles n'ont plus eu de fonctionnaire spé-
cialement chargé de veiller à leur conservation.
Les Français s'étaient emparés, en 1678, de la citadelle
de Gand; il parait que la trésorerie des chartes eût
considérablement à souffrir de cet événement. C'est ce que
(1) Advertcntien , decreten , keure 1595.
(216)
nous apprend une déclaration de Jacques Staîlns et de
Louis Spanoghe, conseillers au conseil de Flandre. Nous
ferons remarquer ici que J. Stalins avait remplacé Antoine
van der Piet, qui avait dans le principe été nommé avec
L. Spanoghe, pour ce travail. Après que l'armée française
eut évacué la ville de Gand, en 1679, ils furent commis
tous deux le 19 août de la même année, par le duc de Villa-
Hermosa, alors gouverneur-général des Pays-Bas, pour
aller visiter les archives du nouveau château. Ils y trou-
vèrent un effrayant désordre et des lacunes des plus déplo-
rables. Ils parvinrent cependant à en reclasser une partie
d'après l'ancien inventaire de 1387, Ils eu firent une nou-
velle copie et se contentèrent de placer un T (1) en marge
à chaque pièce qu'ils avaient retrouvée.
En 1716, il fut de nouveau question d'enlever les ar-
chives du château de Gand et de les placer dans un lieu
plus convenable; nous publions ici les lettres adressées
à ce propos par le gouvernement au magistrat de Gand.
Nous en devons la communication à l'obligeance de M. Ga-
chard, pour qui feu M. l'archiviste Parmentier les avait
copiées aux archives de la ville.
Messieurs ,
Voicy une lettre de Sa Majesté au sujet des archives qui
sont au château de Gand , afin d'avoir une autre place propre,
comme par ladite lettre à laquelle je me referre , et suis en
tout respect ,
Messsieurs ,
De Vos Seigneuries ,
Très-humble et très-obéissant serviteur ,
Signe , J. A. De la Tour.
Bruxelles le 18 janvier 1716.
(1) Ce qui signifie trouvé.
(217)
L'Empereur et Roy en son conseil d' Estât.
Chers et bien amés .... Aiant veu votre représentation du
14 de ce mois au sujet du transport des papiers , registres ,
documents et archives en notre ville de Gand , nous vous
faisons cette , pour vous ordonner de nous sugérer une place
ou Ion pourroit placer les papiers en question , et si notre
grand bailly ou vous, avés eu cy-devant , conjointement le
gouverneur du château et le président de notre conseil en
Flandres, chacun une clef des caisses ou coffres ou lesdits
papiers ont esté gardés cy-devant. A tant chers et bien amés ,
notre Seigneur vous ait en sa sainte garde. De Bruxelles le
16 de janvier 1716. Cor V.
Signé, J.n.LE Roy.
Messieurs ,
J'ay l'honneur de remettre à Vos Seigneuries le décret en
marge de la requête et pièces accusées au sujet des opérateurs,
dont l'official de la secrétairie s'estoit mespris, ra'aiant dit
lorsque la résolution fut prise , qu'elle regardoit les archives
au château de Gand, c'est que je cru autant plus facillement
que je n'avoit advertance ny de l'une ny l'autre affaire.
On nous dit icy que nous sommes à la veille de plusieurs
changemens , cependant tout va encore à l'ordinaire , je suis
en tout respect,
Messieurs ,
De Vos Seigneuries,
Très-humble et très-obéissant serviteur,
Signé , J. A. De r,* Tocr.
Bruxelles le 30 janvier 1716.
Messieurs,
En conséquence de celle qu'il a pieu à Vos Seigneuries me
faire le 28 du pasé , j'ay recommandé les deux encloses à
Monsieur le conseiller Van der Haghen au sujet des archives
enlevez du château de Gand , et me rendre plusieurs fois prez
IS
( 218 )
dudit seigneur pour y avoir expédition , ou du moins scavoir
son intention , puisque la requeste et retroactes à ce sujet,
estoient resté sous luy, dez le tems du comte de Kinigsegg ,
comme je l'en ay fait resouvenir, et luy donné explication de
ce qui s'estoit pasé , et qui cstoit de ma connoissance ; de sorte
qu'il s'agist, que ledit seigneur doit même faire la recherche
et reproduction desdites retroactes, puisqu'il n'y a personne qui
se mesle de ses papiers, et c'est qui cause cette longue nainerie
quoy que je fasse , au reste j'ay reconnu par le discours sur la
matière , que ce seigneur ne s'empresse la dessus , et qu'il
retombe sur son premier sentiment, qui est que pour décider
une affaire pareille, qui est jusques à la, il y deveroit avoir
tin conseil réglé, cependant, il a eu la bonté m'assurer de
faire recherche desdites papiers , et de les examiner pour
veoire si par la joincte il y poura estre délibéré, qui est la
chose, ou elle en est, et à quoy je travaille : dont cette pour
gouverne.
J'ay l'honneur d'estre en tout respect.
Messieurs ,
De Vos Seiyneîiries ,
Très-humble et très-obéissant seixitetir,
Signé , J. A. De la. Tour.
Bruxelles le 12 juillet 1717.
Il n'y a icy rien de particulier.
Nous croyons que c'est à la suite de cette négocatiou
que les archives de l'ancien château de Rupelmonde
furent déposées au Vieux-Bourg. Elles y furent placées
tlans une salle appelée chambre fiscale.
De 1717 à 1765, il n'est plus fait mention de l'ancienne
trésorerie des chartes. A cette époque le comte de Neny,
fils du comte Patrice de Neny . chef président du conseil
privé , fut chargé par l'Impératrice de visiter les archives
de Rupelmonde et de faire un rapport à ce sujet. Mal-
heureusement ce rapport . qui doit avoir été fort intéres-
sant, ne se trouve pas aux archives générales du royaume.
En 1770, le célèbre jurisconsulte Pfeffel vint examiner
( 219 )
ces litres au nom du roi de France , avec le conseiller de
Wynanls. Ce dernier, autorisé par le gouvernement autri-
trichien , délivra à Pfefifel, sous récépissé, un grand nom-
bre de pièces réclamées par la France. On eut le bon
esprit de laisser des copies des documents transmis.
Diericx rapporte la liste dos chartes données au com-
missaire du roi Louis XV (1). Le gouvernement français
restitua en même temps quelques pièces qui intéres-
saient la Belgique. Cet échange fut profitable aux deux
pays.
Les bâtiments du Vieux-Bourg ayant été vendus, en 1779,
au sieur Brisemaille pour en faire une fabrique, les char-
tes de Rupelmonde furent déposées dans une salle du
couvent des Jésuites, supprimé en 1773, et devenu
d'abord le siège du conseil de Flandre et ensuite du
tribunal civil. C'est là que Diericx les vit en 1812.
«Elles étaient dans un état pitoyable, dit-il, servant de
» pâture aux rats et aux souris. »
A cette époque il fut question de transporter ces pièces
à l'hôtel de la préfecture. M. le préfet Faipoult, qui fit tant
et de si bonnes choses pour le département , chargea
IHM. Hellebaut , avocat , et Wallez , bibliothécaire de la
ville , du transport de ces archives à la préfecture et de la
rédaction d'un nouvel inventaire (2). Ce travail fut com-
mencé; mais nous ignorons pourquoi il ne fut pas achevé.
Dans l'entretemps , ce qui restait de la trésorerie de Rupel-
monde fut laissé au tribunal de première instance, enfermé
sans ordre et sans soins dans un grand nombre de layettes
ou caisses de bois de chêne (3), qui, la plupart, portent
(1) Ibid. , note 1. — WarnliiJnig, I, 10, et note 1.
(2) De Bast , Recueil des Antiquités romaines et gauloises trouvées dans
la Flandre, pag. 459-461.
(3) Ibid.
( 220 )
encore sur leurs couvercles des suscriplions de la fiu du
XIV^ siècle 5 écrites à l'encre.
En 1830 , les derniers débris du précieux cliartrier de
Rupelmonde furent remis à M. L. de Bast, alors archiviste
de la province, par M. Van Maelsaecke. greffier du tribunal
de première instance qui parapha toutes les pièces délivrées.
BI. L. de Bast commença alors un premier triage et
classa provisoirement les chartes par ordre topographique.
D'après ce qui précède, on voit que la trésorerie des
Chartres de Rupelmonde fut soumise à bien des vicissitudes.
Les richesses qui la composaient ont diminué dans une
proportion effrayante, depuis 1387 jusqu'à ce jour. Le
chanoine de Bast estimait à un huitième ce qui restait des
anciennes Archives des Comtes. Aujourd'hui le nombre
des pièces, encore conservées dans ce dépôt, est de 1936,-
elles sont enfermées dans 120 cartons. Nous avons classé
les chartes de Rupelmonde d'après l'ordre chronologique,
de 1193 à 1560. Elles se répartissent par siècles de la
manière suivante :
De 1193 à 1299 — 986
DelSOO à 1399 — 620
De 1400 à 1499 — 230
De ISOO à 1560 — 100
1936
Les 986 pièces, qui embrassent l'époque de 11 93 à 1 299,
sont inventoriées, numérotées et analysées.
Parmi les documents des XV et XVP siècles se trouvent
tous les grands traités, accords et autres actes politiques,
conclus par la maison de Bourgogne et Charles-Quint
avec les puissances étrangères. En vain chercherait-on
dans cette nombreuse collection quelques éclaircissements
sur les deux Van Artevelde, sur la guerre de Gavre, sur
la captivité de Maximilien, sur la réforme et les premiers
troubles du XVF siècle. Quant aux documents du XlIPsiè-
( 221 )
cle, ils donnent des notions curieuses sur l'état financier
4e la Flandre, sur la vie privée et politique des comtes,
sur les privilèges accordés aux villes, elc. On y peut
puiser de précieux renseignements sur la guerre des d'A-
vesnes et des Dampierre.
Parmi ces pièces se trouve encore une foule de comp"
les, d'enquêtes civiles et criminelles, de sentences, etc.
Outre les documents que nous venons de décrire, il
y a aussi une collection de papiers , qui ont également l'ail
parti du dépôt de Rupel monde. Ce sont des minutes de
lettres, des copies, des mémoires, des rapports, etc., écrits
en flamand, en français, en lalin, en espagnol, en italien
ou en allemand, au XV^ siècle et au commencement du
XVI^. Le nombre de ces pièces peut s'élever à environ 500.
Dans cette collection il y a plusieurs lettres écrites en
caractères de convention , dont jusqu'ici nous n'avons pas
encore pu trouver la clef. Comme ces documents se rapport
lent au temps de l'élection de Charles-Quint, en qualité
d'empereur, ils pourraient bien être relatifs à ce grave
événement. Depuis que les restes du charlrier de Rupel^
monde ont été transportés dans le local actuel , il a encore
été acquis envii'on 100 pièces qui appartiennent nécessai-
rement à cette catégorie.
Nous croyons qu'il n'est pas sans utilité de faire con-
naître les travaux entrepris autrefois pour le classement
du charlrier de Rupelmonde.
Il n'existe pas de trace d'inventaire des chartes de Flan-
dre avant 1387. Cette même année, comme nous l'avons
vu , le duc Philippe chargea Pierre Bianchet et Thierry
Gherbode, gardes des chartes, de confectionner un réper-
toire de toutes les pièces confiées à leur surveillance (1).
En 1515 il fut dressé un nouveau répertoire, contenant
(1) L"originaI de cet inventaire n'existe pas aux Ai'cliivcs.
( 222 )
24 différents inventaires. Ou en fit aussi en 1524, 1540 et
1549. En 1552, Hermès de Wyughene copia l'inventaire
de 1387, auquel il eut soin de joindre les différentes com-
missions des gardes-chartresdeRupelmonde. Le duc d'Albe
ordonna, en 1569, de faire un nouveau répertoire des
chartes de Flandre.
Lorsque la trésorerie fut transportée au château de
Gand , par les soins de D'Amman et de Richardot , on in-
ventoria les pièces existantes. Les titres retrouvés furent
marqués d'un T sur la marge du registre. On fit la même
chose sur l'inventaire de 1679, dressé par Stalins et Spa-
noghe; ces deux derniers répertoires ainsi que celui de
1552, sont conservés en original aux archives. Une copie
de ces inventaires se trouve aux archives générales à
Bruxelles. L'inventaire de 1679 (1) forme un vol. in-folio
de 405 feuillets, d'une belle écriture. D'après les indica-
tions placées en marge, on voit que plus des 3/4 des char-
tes ne furent pas retrouvés. Qu'on juge du désordre ap-
porté dans la trésorerie du nouveau château de Gand!
Bien que depuis cette époque il y a encore bien des pièces
qui se soient égarées, nous en avons cependant retrouvée
encore parmi celles marquées d'un T. Nous ferons remar-
quer que beaucoup de pièces enlevées lors de la conquête
en 1678, se trouvent maintenant aux archives du Dépar-
iemet du Nord, à Lille.
En 1769, il fut dressé un nouvel inventaire des chartes
de Rupelmonde, qui étaient alors réparties en 83 layettes
et quelques sacs (2). Nous n'avons pas retrouvé aux archi-
ves l'inventaire de ces mêmes pièces, entrepris par MM. Hcl-
(1) En voici le titre : Inventaire des Chartres, titres et doctnne?ii
trouves en la trcsorie des Chartres de Flandre au 7iouveau chûteuu de
Gand, après l'évacuation de ladite ville par les armées de France ,
eu 1679.
(2)Dicncx,II, 523 en note.
( 223 )
lebaut etWalIez, en 1812, par ordre du préfet Faipoull.
, M. Lambin, arcliivisle de la ville d'Ypres, a publié dans
{^Messager des Sciences , année 1838 , t. VI , pag. 256-270,
deux extraits d'inventaires des chartes de Rupelmonde
très-curieux : le premier énumère les documents concer-
nant la ville d'Ypres qui reposaient au cliâteau de Rupel-
monde; le second contient la mention des copies des diffé-
rentes pièces levées par les quatre pensionnaires Borluut,
Groole, Lyndt et De Aula, députés de la part des quatre
membres de Flandre; ces extraits semblent avoir été faits
l'un en 1534, l'autre en 1552 ou 1569.
Les trois inventaires anciens que nous possédons, admet-
tant une classification qu'il est impossible d'adopter encore,
ne nous ont été d'aucune utilité dans V Inventaire analy-
tique général des chartes des Comtes, du déjiàt de Rupel-
monde^ que nous avons entrepris; ils ne peuvent servir
qu'à nous faire déplorer davantage les grandes pertes que
la trésorerie des chartres a éprouvées depuis le XIV° siècle*
Gomme nous l'avons dit, c'étaient autrefois les personnages
du plus haut rang qui étaient chargés de la garde des ar-
chives. En acceptant les fonctions de trésoriers des chartes,
ils se faisaient ordinairement remettre par leurs prédéces-
seurs un inventaire des titres qui allaient être confiés à leurs
soins. Ils faisaient un recolemeut sur cet inventaire et
tenaient note des augmentations, des soustractions et des
changements survenus dans le dépôt (1).
Si nous nous sommes étendus si longuement sur les ar-
chives de Rupelmonde, c'est qu'elles forment véritablement
le noyau du dépôt d'archives historiques qui est placé sous
notre garde.
Jules De S-visx-GEyoïs.
(l)DeJBast, jbid. .459.
( 224 )
iio 'cli:
:3lncien0 ttegistos
DES
MONNOIES DE BELGIQUE.
fi<ss«6»e=»
L'histoire monétaire des différents pays a fait, dans les
derniers temps , des progrès immenses par la découverte
et la publication de nombreuses espèces inconnues jusqu'à
ce jour. Il reste cependant un travail à faire qui pourrait
dissiper robscurilé qui règne encore sur un grand nombre
de points de cette partie de la Numismatique. Ce ne sont
pas, il est vrai, les personnes qui se bornent à former des
collections et à réunir des suites, qui peuvent exécuter
convenablement un travail aussi important, il semble
plutôt réservé à celles qui se trouvent à la tête des dépôts
d'archives ou qui ont fait une étude spéciale de la diplo-
matique et des antiquités du moyen-âge.
Nous voulons parler notamment du dépouillement et
de la pubhcation des chartes, diplômes, comptes et autres
documents qui sont relatifs aux monnoies. La plupart de
ces pièces sont encore inédites. Ce n'est cependant qu'en
les consultant que l'on peut connaître d'une manière pré-
cise, soit la valeur, soit le nom de telle ou telle pièce. En
s'appuyant sur des documents de cette nature, on ne court
pas risque de se perdre dans des conjectures inutiles. Le
( 225 )
traité de Le Blanc sur les monnoies de France, doit sans
doute une g.ande partie de l'autorilé dont il jouit, à
l'usage qu'a lait l'auteur de documents oilicicls, surtout
depuis la lin du Xill'= siècle juscpi'à l'époque à laquelle il
s'est arrêté.
Si ceux qui s'intéressent à l'histoire monétaire, voulaient
se livrer au travail que nous venons d'indiquer, on pour-
rait, pensons-nous, le diviser de la manière suivante :
1° Il faudrait recueillir et publier les passages les plus
intéressants de chartes et de chroniques, dans lesquelles il
est lait mention de telle ou telle monnoie. On pourrait
remonter à une époque très-reculée , et les diplômes éma-
nés des rois tant de la première que de la seconde race
fourniraient des renseignements assez nombreux.
2° 11 s'agirait de faire imprimer un Codex numisma-
tico-diplomaticus , dans lequel on réunirait soit pour une
province, soit pour tout un pays, les chartes, ordonnan-
ces, édits, etc., qui traitent de la fabrication des monnoies,
qui défendent la circulation de telle ou telle espèce, qui
ordonnent l'établissement ou la translation des hôtels de
monnoies, ou l'organisation des cours de monnoies, etc..
En faisant des recherches dans les différents dépôts d'ar-
chives, on découvrirait de nombreux documents, à partir
du X® siècle jusqu'au XVI", qui répandraient le plus grand
jour sur une foide de points encore obscurs ou tout-à-iait
inconnus jusqu'ici.
L'auteur de cet article possède déjà un grand nombre
de chartes relatives à la monnoie de Flandre, il se propose
de les augmenter encore et de les livrer à la publicité.
3° Enfin il faudrait dépouiller et analyser les comptes
de monnoies.
C'est sur ce dernier point que nous voulons attirer, pour
le moment, Fallention des savants belges.
Ce travail, nous l'avouons, serait excessivement long et
( 226 )
fastidieux, puisqu'il faudrait feuilleter et extraire un très-
grand nombre de volumes, tous manuscrits, et qui sont très-
souvent d'une écriture assez difficile. Mais aussi, une fois
l'analyse faite, quelle satisfaction déposséder, en quelque
sorte, une histoire monétaire officielle, de pouvoir dire
d'une manière positive l'époque laquelle ou a commencé
de fabriquer telle monnoie, de pouvoir préciser non-seule-
ment les dates auxquelles on frappa monnoie dans telle ou
telle localité, mais de pouvoir indiquer jusqu'au nombre
des pièces qui ont été frappées et de connaître toutes les
particularités relatives à leur fabrication. Il ne faudrait
plus renouveller sans cesse des calculs sur le poids et la
valeur intrinsèque des pièces, émettre des conjectures sur
leur nom, tout cela serait dorénavant établi d'une ma^
nière certaine.
M. Gachard, archiviste-général du royaume de Belgique,
a indiqué dans un rapport (1) adressé, en 1836, à M. le mi-
nistre de l'intérieur, les registres des monnoies qui se trou-
vent conservés aux archives du royaume. Dans ce rapport
il s'était borné à dire que ces registres appartenaient à
quinze villes des Pays-Bas, Il avait ajouté la remarque que
de ces quinze villes, six seulement avaient été citées par
Ghesquière comme ayant des hôtels de monnoies (2).
M. Gachard , n'ayant pu s'étendre dans son rapport sur
les registres qui nous intéressent et s'étant borné simple-
ment à indiquer d'une manière très-sommaire les villes
auxquelles ils appartiennent, nous nous sommes adressé
à M. A. G. B. Schayes, commis de première classe aux ar-
(1) Ce rapport a été reproduit dans le Messarjcr des Sciences et des
J.r/5, année 1836, pag. 230 et suiv,
(2) 31. Gachard , au lien de citer Ghesquière /aurait pu avoir recours
aux mémoires de lleyien et de Groehe,tous deux couronnés par l'Aca-'
demie de Bruxelles, dans lesquels ou trouve une liste bien plus complète
que celle fournie par Ghesquière.
( 227 )
chivcs du royaume, pour avoir un inventaire de ces re-
gistres. C'est à son obligeance que nous devons les ren-
seignements qui sui\ent :
IlNVEJSTAIRE DES CoMPTES DES MoîïNOlES , CONSERVES AUX ARCHIVES
DU ROYAUME, A BRUXELLES.
Brahant.
LODVJ
Ain
Six registres, comprenant les comptes des mon-
noies frappées dnns cette ville, pendant les
années 1410, U29 à U31, U66 à 147^.
ViLVORDE. . £^?i rejrù^re de l'année 1417,
Bruxelles. , Vingt-sept registres, des années 1419 à 1421,1434
à 1437, 1892, à lo9g, 1616 à 1695, 1712 à 1713,
1744 à 1745, 1766 à 1772, 1772 à 1779.
» Un registre de l'année 1601, intitulé : « Etat et re-
levé de la première boëte de Cornelis Van Lie-
Leck , maitre particulier de la raonnoie de
Bruges, de l'or et de l'argent qu'il a fait tra-
vailler et monnoyer à la monnoie de Bruxelles.
AflVEUs. . . Quarante registres, des nnnéesl-!iO^ à. l^OQ, 1^1^
au S juin 1488, 5 janvier 1489 au 26 jan-
vier 1581, 24 septembre 1584 au dernier
mars 1606, 1608, 1609, 1616 au dernier
juin 1636, 12 mai 1637 au 16 avril 1642, 1647,
1648, 1652, 1661 à 1682, 1685 à 1690, 1692 a
1707, 1711, 1712, 1743 àl746, 1749 a 1753.
En 1753, la raonnoie fut supprimée à Anvers et
transportée à Bruxelles.
M. Verachter, archiviste de la ville d'Anvers, qui recueille
avec un soin particulier tout ce qui est relatif à l'his-
toire monétaire de sa ville natale, a eu le courage de com-
pulser et d'analyser ces registres. Ce travail , qui lui a coûté
plusieurs mois, lui a iourni les notions les plus exactes sur
la monnoie d'Anvers.
( 228 )
Anvers et Brcxelles, Un registre, d'octobre 1376 à octobre 1378,
comprenant la nionnoie d'Anvers et celle de
Bruxelles.
Mai.ines. . . Un registre des années 1483, 1488 et 1489.
Bois-LE-Duc. Cinq registres, comptes de 1381 à 1384, 1389 à
mars 1394, mars 1393 à 1604, 1606 à 1609,
1614 à 1619, 1621 à 1624.
Zù/ibourg.
Maestriciit . Neuf registres, des années 1418, 1419, 1500 à
13S3, 1342 àl364, 1366 à 1380, 1382 à 1398,
1601 à 1621, 1624 à 1629, 1631 à 1632.
Gueklre.
NiMÈGUE. . . Un registre de la raonnoie battue au duché de
Gueldre,del474 à 1473.
Voici l'inlitulé de ce compte : a Compte Adrian de Lokere ,
maistre particulier, de la monnoye d'or et d'argent , faicte
et forgée aux nom et armes de mon très-redoublé et sou-
verain seigneur, monseigneur le duc Charles, duc de Bour-
goigne, de Brabant, de Lembourg, de Luxembourg et de
Glieldres, etc., en sa dicte duchié de Gheldres, selon et
ensuivant l'instruction, etc. (du 25 décembre 1474 au 4
février 1475 (vieux style).
Dans les lettres de commission jointes à ce compte,
Adrien de Lokere est nommé « en l'office de maistre par-
ticulier de nostre dicte monnoye de Gheldres. » Thierry
de Brakele est établi garde de la monnoie, et Huclion de
Maubeuge, contre^garde. Ces lettres sont datées du 15^
jour de novembre 1474.
On lit dans le compte , à l'article Dépenses : « Au dit
maistre particulier Adrian de Lokere , lequel à l'occasion
de ce que mou dit seigneur n'a point de monnoye en sa
ville de Nymmcghe, où il avoit ordonné de la tenre, a loué
une maison en icelle ville pour V liv. X s. gros par an. en
la présence de ladicle garde, etc. »
( 229 )
NiMÈCE et Armiem, 1480 à i-482j Arshem , NuiÈcnE et Z\ctbommel,
1482 à 1484.
NiMÈGUE, 1344 à 1S67, 1S69 à 1374, 1383 à 1391.
Luxembourg .
Ldxembocrg. Cinci registres, de 1302 à 1304, 1616 à 1617 , 1632
à 1644.
Flandre.
Bruges. . . Vingt-huit registres, com^iesAe^ vaonno\es àeY\?LX\.-
dre, battues en la ville de Brug'es, 1434 à 1438,
1467 àl481, 1483, 1486, 1490 à 1307, 1310 à
1318, 1320 à 1328,1327 à 1371, 1374 à 1392,
1600 à 1613, 1618 à 1624, 1627 à 1630, 1632
à 1663,1663 à 1703, 1709, 1712,1713, 1743,
1749 à 1733.
Uainaut.
Mo:«s. . . . Deux registres, àQ\^^\, 1382,1384 à 1387.
Tournaisis.
Tocrî^ai. . . Cinq registres, 1490 à 1491, 1498 à 1301, 1377 à
1600, 1604 à 1623, 1628 à 1643, 1643 à 1638.
Les comptes de l'année 1498 commencent au 18 juin et
vont jusqu'au 22 mars 1501; ils ont été rendus par Gui
Lombart, maître particulier de la monnoie de Tournai.
Il y a six comptes pour ces années. Voici le titre du pre-
mier : « C'est le compte d'une boëste de la monoye de
Touruay de deniers d'or , escuz au soleil à XXÏI carats et
ung VHP, à ung VHP de carat de remède de LXX deniers
de poix au mare de Paris, qui ont cours pour XXXVI sols
III deniers pièce, fait en achat par Guy Dimenche, dit
Lombart, maistre particulier de ladicte monnoye, Rasse
Barat tenant le compte d'icelle , dont ont esté faictes plu-
sieurs délivrances du XVIIII'^ jour de juing mil CCCC IIII^^
dix-huict, que la première délivrance fut faicte, jusques au
XIP de mai exclud mil CCCC IIII^'^ dix-neuf, en laquelle
boëste avoit XXI deniers d'or desdicts escuz, qui sont
( 230 )
IIIl" IF d'iceulx escus poisent LX marcs d'or achalé , marc
d'or fin VII'^^ X liv. III sols IIII deniers. »
On ignorait, pensons-nous, que les rois de France,
Charles VIII et Louis XII, eussent fait frapper monnoie à
Tournai. Il ne sera sans doute pas difficile de reconnaître
les écus au soleil, qu'ils ont fait battre dans cette ville.
JSamiir.
Namur . . . Un registre, 1421 à U26, U28 à 1433, avril 1497
à avril 1-499, octobre loOO à juin 1304, 1313 à
lolo, 1327, 1328.
Voici l'indication de tous les registres des comptes de
monnoies conservés aux archives du royaume. Nous igno-
rons s'il en existe encore dans d'autres dépôts. Apparem-
ment que ceux de Liège sont conservés aux archives de celte
province.
On remarquera l'absence des registres de Daelhem , au
Limbourg, où les anciens ducs de Brabant et ensuite Marie
de Bourgogne, vers 1480, firent battre monnoie.
Les registres de Gand manquent également : toutes les
recherches faites jusqu'ici, tant à Gand qu'à Bruxelles,
n'en ont rien fait découvrir- c'est une perte fâcheuse, car
il a été fabriqué dans la capitale de la Flandre un très-
grand nombre de monnoies, et cela à des époques très-
intéressantes de noire histoire. Les amateurs se rappelè-
rent les pièces frappées pendant la minorité de l'archiduc
Philippe-le-Bel , et les démêlés de Maximilien avec les
Flamands, celles frappées pendant et après le règne
éphémère du duc d'Alençon, etc. , etc.
C. P. Serruse.
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f 231 )
©our communale
»E LA TILLE DE CAND.
1183.
-aae*>£-Sî*»Oœai
Si dans la plupart des ville? du Nord de la France , les
communes n'ont été instituées ou légitimées qu'à la suite
de violentes commotions politiques , et après des luttes
acharnées entre le peuple et le suzerain, il n'est pas con-
stant qu'en Flandre elles doivent leur création aux mêmes
secousses. Les Comtes plus éclairés , plus raisonables sur leur
intérêts réels, se gardèrent bien d'anéantir les traces qui
se perpétuaient encore chez nos ancêtres, de la vieille
démocratie germanique : peut-être même augmentèrent-
ils de leur propre mouvement les privilèges municipaux ,
pour échapper aux terribles conséquences d'une lutte de
principes, pour ne pas mettre en contact le droit divin et
le droit non moins sacré du peuple. D'ailleurs l'expérience
leur avait appris que sous l'égide de la liberté , l'industrie
et le commerce prenaient tous les jours un essor plus
vaste , que le bien-être de leurs concitoyens tournait à
leur avantage, et qu'ils trouvaient chez eux, en maintes
( 232 )
circonstances, appui et assistance. Nos annales fournissent
des preuves irrécusables que les communes flamandes ont
été les plus puissants auxiliaires de leurs comtes contre
les empiétements des rois de France , et que plus d'une fois
les communes flamandes scellèrent du sang le plus pur de
leurs enfants, leur reconnaissance pour les institutions
libérales concédées par leurs comtes, Les graves diflicullés
qui se sont élevées quelquefois entre ces princes et leurs
sujets, ont eu moins pour objet le principe constitutif de
la commune en lui-même, que la violation du pacte fon-
damental.
Des détails ultérieurs sur les droits politiques de nos
communes seraient oiseux, quant au sujet que nous avons
à traiter ici : nous nous contenterons de constater une
seule des prérogatives du droit de commune, celle d'éle-
ver un monument en commémoration de l'établissement
de leurs droits politiques, en un mot, pour en prendre
acte. Aucun écrivain n'a contesté qu'une des prérogatives
les plus immédiates de l'institution d'une commune, ne
fàt le droit de construire un Beffroi , et d'y suspendre un
bourdon , prêt à réunir les citoyens au moindre danger.
C'est dans ce sens que plusieurs édits des rois de France,
ont été portés : lorsqu'en 1331 , Philippe VI supprima la
commune de Laon , il fit mentionner dans son ordonnance
« que les cloches qui furent de la commune jadis de Laon ,
le deux qui sont à la tour que l'on suelt dire le Beff'roi
soient appliquées à notre profit , et défendons que ladite
tour ne soit appelée Beffroi. »
Les lettres du roi Jean, données en décembre 1363,
permirent aux échevins et à la commune de Dourleus de
garder la tour de Beauval, pour y faire Beffroi et y tenir
prison.
Dans les coutumes d'Amiens cl d'Artois , on désigne par
Bcilroi la tour où l'on met la h an-cloche , campana banalis,
( 233 )
c'est-à-dire , la cloche destinée à convoquer les habitants
d'une ville. La charte d'affranchissement de S'- Valéry,
octroyée en 1376, par Jean, comte d'Artois, contient la
disposition suivante : a Item, nous avons donné et accordé
eschévinage , han-cloche grande et petite, pilori, scel et
banlieue aux maire, échevins et commune de S'-Valléry. »
L'étymologie du mot Beffroi est controversée par les lexi-
cographes : les uns le font dériver de bèei- , regarder ,
et de effroi; les autres le considèrent comme un mot
corrompu, et qu'il est simplement employé pour effroi.
Roquefort pense que ce mot a été emprunté par les
croisés aux Arabes , qu'il doit être pris dans le sens de
cloche qui servait à sonner l'alarme , et que dans la suite
on l'appliqua à la tour même où le bourdon se trouvait :
cette dernière explication s'adapte bien au but de son
institution.
»i Jadis ces Beffrois étaient assez nombreux, chaque corti"
mune était fière d'en posséder un; mais la manière ordi-
naire de les bâtir (souvent en bois) et l'impatience de les
voir terminés , étaient cause de leur décadence prématu-
rée. Les Gantois non moins jaloux de leurs privilèges ,
mais plus soigneux et plus prévoyants que leurs contem-
porains , voulurent ériger un monument plus durable et
plus en rapport avec l'importance de leur cité et leurs
richesses : ils jetèrent les fondations d'un monument colos-
sal , qui pût annoncer au loin la puissance de leur com-
mune et en transmettre le souvenir intact à leurs descen-
dants. Ce fut en 1183 qu'ils se mirent à l'ouvrage. Siger,
châtelain de Gand , en fit jeter les fondations : le plan
original de ce monument se trouve encore aux archives
de la ville; autrefois il reposait dans la layette T, n" 20,
du coffre de fer.
Ce dessin , d'un état parfait de conservation , est tracé à
l'encre de chine sur de la peau de vélin , et rehaussé en
16
( 234 )
quelques endroits d'azur et de cinabre : il est haut de 2"',20
et large de 0,40 (l).
On lit au dos dbeivcerp van den Beelfroete, et en carac-
tère plus petit : Sigerus castelamis Gandensis me fondavit
anno MCLXXXIII , III kal. maii.
Au premier abord on croirait que ce plan, qui fut
exécuté à peu près de point en point jusqu'à la corniche , se
trouve à l'abri de toute contestation, que son authenticité ne
peut être mise en doute ; loin de là , une controverse assez
acerbe s'est élevée entre M. le chanoine De Bast et le che-
valier Diericx. De Bast fut le premier qui fit usage de ce
plan, comme pièce probante; son authenticité lui parut
irréfragable. Diericx, au contraire, blessé dans son amour-
propre et mu par des préventions purement politiques,
qui souvent servirent de prétexte aux contradictions in-
cessantes qu'il opposait au chanoine , regarda cette pièce
comme apocryphe, parce qu'elle n'avait jamais été avouée
par les agents de la commune, fait qu'il déduisait de ce
qu'elle n'est ni signée ni paraphée par les magistrats, et
ensuite, il fondait son grand argument, sur ce que à
l'époque de 1183, il n'y avait pas à Gand de châtelain du
nom de Siger!
Mais fallait-il bien le concours joar éc7'it de la cojnmune
dans la permission d'élever un monument , qui n'était
que la conséquence d'une concession de privilèges oc-
troyée par le comte? Si ce plan (car beioeerp ne signifie
autre chose que projet , que plan soumis à une décision
quelconque), venait de la part du comte, il équivalait,
seul, à la permission donnée par une charte; mais si
ce projet avait été présenté par la commune même, où
est la preuve qu'il n'ait pas été accompagné d'une de-
mande signée ?
(1) Voyez le jS" 1 de la plaiiclie.
( 235 )
Et c'est celle deruière version qui est la plus admissible,
car le bewcerp en idiome flamand, en regard avec le
Sigerus castcllanus Gandcnsis me fondcwit , ne me paraît
êlre que le consentement donné par le comte ou son lieu-
tenant d'élever un Beffroi, sur la demande faite directe-
ment par les agents de la commune. Et est-il venu dans
l'idée de quelqu'un que les plans originaux de notre hôtel-
de-ville, d'après lesquels la partie existante a été exécutée,
soient supposés parce qu'ils ne sont signés par aucun
éclievin? je ne puis l'imaginer.
Maintenant j'arrive à l'argument de Diericx, qui au pre-
mier abord présente plus de réalité : en 1183, dit-il, il n'y
avait point de châtelain à Gand du nom de Siger, mais un
Roger, qui était en même temps châtelain de Courlrai. Ce
Roger épousa en secondes noces Marguerite, fille d'Arnould,
comte de Guines , qui lui assura sa vie durant la charge
de châtelain de Gand; en 1187, il la remplissait encore.
La fille de ce même Roger, Pelronille de Courlrai, épousa
Siger, fils d'Arnould, comte de Guines, qui reçut pour
dot de son beau-père la charge de châtelain de Gand.
Il signa en cette qualité, conjointement avec son beau-
père , qui prenait le titre de châtelain de Courlrai , un
diplôme en 1198, et seul, une charte de 1199. Ces faits,
je les admets comme constants : mais à quelle époque ce
mariage eut-il lieu ? C'est-ce que Diericx n'a pas prouvé,
et il est plus que probable que ce mariage fut célébré
bien antérieurement à 1198, car nous voyons que
Siger signa, comme témoin, avec son beau-père et ses
beaux-frères, plusieurs chartes en faveur de l'abbaye de
S'-Bavon , à Gand, dont une est de 1192, par laquelle
Baudouin IX fait cadeau d'une petite rente à cette abbaye,
et où Siger signe comme châtelain de Gand. En 1189,
dans une charte de donation de Philippe d'Alsace , il
signe S. Sigeri Ga?idavensis : dans une charte du même
( 236 )
comte de 1187, il s'inlilule Siger de Gant, et son beau-
père Roger y prend le litre de châtelain, sans plus; ses fils
Àrnould et Giselbert y apposèrent aussi leur signature.
Enfin dans une autre charte de Philippe d'Alsace, de 1183,
il signe à côté de Roger, châtelain, Sigerus de Gant. Ces
pièces se trouvent aux archives de la Flandre orientale, et
fournissent la preuve qu'un châtelain du nom de Siger,
existait à Gand à une époque antérieure à celle indiquée
par Diericx: châtelain , qui peut avoir jeté les fondations
du Beffroi, dont le projet ou le plan lui avait été pré-
senté par la commune de Gand.
Si ce plan eut été exécuté dans son entier, le Beffroi de
Gand aurait offert, par l'ensemble et l'élégance de ses pro-
portions, un des édifices de ce genre, les plus remarquables
de l'Europe : ses sveltes clochetons , entourés de légères
galeries découpées à jour, lui auraient donné un aspect
tout-à-fait aérien : la grande fenêtre trilobée est d'une
richesse de composition peu commune, et ces animaux
fantastiques, qui devaient orner ses côtés, auraient con-
couru à en augmenter la légèreté! Et que l'on veuille y
faire attention, la façon des ornements, des dessins qui
découpent les galeries , des pinacles enjolivés d'une ma-
nière si déhcate, dénotent parfaitement l'époque à laquelle
il faut faire remonter ce dessin, M. De Caumont , dans son
Cours d' Antiquités monumentales (1), détermine les carac-
tères du style ogival primitif, depuis 1 160 environ jusqu'à
1 300 , en ces termes : 1 ° les trèfles à feuilles arrondies ; la
première galerie en donne un exemple : 2° les quatre-feuil-
les , qui diffèrent des trèfles en ce qu'elles ont quatre lobes
au lieu de trois , forment le dessin de la galerie supérieure
et d'une partie de la grande fenêtre; 3" {es, fleurons cruci-
(l) V. cet ouvrage 4« partie, p. 233, chapitre 9 , et Atlas, pi. 55,
frîî. 2 . 3 . 4 . 5.
( 237 )
[ères, ou les qualres feuilles k 2)étales lancéolées, ornent
la toiture j 4° les trèfles à feuilles aiguës et lancéolées ,
surmontent les meneaux de la grande fenêtre j 5° les joma-
cles, espèces de pyramides trop peu élevées pour pouvoir
les confondre avec les clochetons : les quatre angles de la
corniche en soutiennent de forme hexagone, du dessin le
plus délicat.
M. De Caumont a observé, et on peut s'en rapporter à
lui , qu'à cette période , un changement remarquable
s'est opéré dans l'entablement des grands édifices par
l'addition des balustrades. On commença, au XIP siècle, à
couronner les corniches de ramj)es en pierre, et dès le
commencement du XIII^, ces balustrades deviennent l'ac-
cessoire ordinaire des corniches qui terminent les murs
principaux à l'extérieur. Les balustrades peuvent aider à
reconnaître l'âge des monuments, à cause des modifications
successives de leurs formes. Celles qui prédominent au
XIU^ siècle , sont portées sur des arcs ogives ou sur des
arcs trilobés , tantôt à colonnes , tantôt sans colonnes ,
quelques-unes sont ornées de trèfles et de quatre feuil-
les (1). Ces observations détaillées sur la balustrade , se
rapportent littéralement à la première galerie du Beffroi ;
de plus longs détails sont inutiles.
Les fenêtres sont étroites et allongées dans l'architecture
ogivale primitive; comme elles ressemblent en quelque sorte
à un fer de lance, les antiquaires anglais leur ont donné
le nom de lancettes (2). Les fenêtres du Beffroi ont tout-à-
fail ce caractère. Il y a encore une autre particularité à
annoter sur les caractères généraux de cette architecture
ogivale primitive, c'est que presque toujours auXIIP siècle,
les tours ont été couronnées par des flèches octogones ,
(1) Même volume , p. 247, 248, pi. 46, fig. 11. 12 et 14.
(2) Ib. , p. 251 ,pl. 46, fig, 16, 18,
( 238 )
tandis qu'antérieurement les tours de construction romane
étaient le plus souvent terminées par une pyramide à
quatre pans , comme le toit du BelTroi.
Amsi le caractère général de l'art, au XIl« siècle, vient à
l'appui de l'authenticité du plan de Siger, que deux autres
faits viennent d'ailleurs corroborer ; d'abord l'opinion de
Sanderus , qui dit : Anno 1171 « Sigero Vilain castetlano
gundavensi conditam quorumdam scriiita tradunt , et en
second lieu que c'est vers cette époque que la commune
de Gand reçut pour la première fois une sanction écrite.
Toutefois nos autres historiens se contrarient sur la
date de l'époque de la fondation du Beffroi : Sanderus,
qui adopte l'opinion de Gramaye , pense que ses fonda-
tions furent jetées en 1313, et qu'il ne fut achevé qu'en
1380, « fastigio anno 80 seqiiente imposito. » Vaernewyck
recule la fondation de quelques années ; il pense qu'il fut
bâti avant le XIV^ siècle, du temps des trente-neuf, sans
qu'il en connaissse le fondateur. Ces diverses opinions ne
peuvent être regardées comme des contradictions : quel-
ques explications vont le prouver. Je ne pense pas qu'il
puisse y avoir de doute sur la date de la fondation du Bef-
froi : il est facile de comprendre, quelle que fut la puissance
de la commune, qu'un monument à construire sur les
vastes proportions que Siger avait projetées, demanderait
un temps assez long. Survinrent les débats sanglants, qui
s'élevèrent dans la suite entre les comtes de Flandre et la
commune ; les deniers publics durent nécessairement en
souffrir et les travaux traîner en longueur. Ces travaux ?
commencés et abandonnés à diverses reprises , peuvent
avoir donné lieu aux opinions divergentes des écrivains,
sur la date précise de la fondation du Beffroi. Et pour
m'en assurer davantage , j'ai parcouru les comptes de la
ville de Gand pendant le XIII^ siècle. Malheureusement
ces comptes ne commencent qu'à l'année 1314 et finissent
( 239 )
à 1392, et leur continuité est souvent encore interrom-
pue; j'en ai extrait ce qui regarde les travaux exécutés
au Beffroi : ces diverses annotations m'ont semblé trop
curieuses pour ne pas les mettre sous les yeux de mes
lecteurs (1).
(1) Les voici :
(Les années 1314 ei 1316 ne mentionnent aucune dépense relative à
ce sujet : les années 1315, 17, 18 , 19 et 20 manquent).
— An. 1321. De cost van den werke ant Beelfroet an den drake te
brekene ende an den burneput.
Item M'" Janne Van Hacist die voer te Doornyck omme steene tè
copene te zicnrc teire en van 28 urden (cliaretccs).
Item M'" Janne van 650 voete winkelen , 53-10-0.
Item van den selven steenen uten sccpe te doene ende te slepene vor
'tBeelfroot, 4-17-8.
Item Sente Claren van 't crâne die men daer coclvt ende van voerne tôt
vor 't Beelfrot, 21-6-0.
Item Janne Versaren van 12 spcrren ten steilingen en van 2 gangen
daer men de steene mede uten watre... (manque), 7-0-0.
Item Gelnote den amman van ecn nieuwen reepe aen den crâne, 10-0-0.
Item van den selven steene uten scepe te doene en te slepene vor 't
Beelfrot , 8-5-0.
Item Janne Kerspeele van Anlonien van 3385 voete ordunen , 271-0-0.
Item van 250 voetcn winkelen , 20-0-0.
Item van 1 nauve ( navée) wercsteene, 10-0-0.
Item van 1 halvenauwe bolisch, 8-0-0.
Item van 100 voeten listen , 16-13-4. v
Item van 500 voeten stapsteene ,0-9-40.
Item Kcrspele ghelcend up veinsterwerk van den Belfroete 7 pond
groote , maeken 280; pond.
Item van al desen steene uten scepe te doene en te slepene ant Bel-
froit, 46 sch.
Item Arnould van Roybrouc van 66 voederen steenen talne in den
ouden spikere , 55 sch.
Item Segere van Everghem van 45 voederen van den selven , 37 schll,
6 den.
Item van Mesine Spuurs van 135 mudden caix, 75-4-0.
, Item Lievine Sloven van 280 en 16 1/2 mudden calx , 139-17-0 ende
12-16-8.
Item Balin van Eekerghem van 4 1/2 mudden cals.
( 240 )
Les détails qu'on vient de lire au renvoi , me font
croire que les travaux du Beffroi n'ont été repris que
vers 1321 : c'est à cet efifet qu'on fit alors l'acquisition
d'une grue et de cables. Les pierres dont on se servit ,
vinrent des carrières de Tournay et d'Antoing (couche de
Item van 4 nieuwcn zaekendaer men cale inné haelde, 0-13-0.
Item Andréas den gareelmaker van 19 gareelen , 40-10-0.
Item Bertrame van sinen dienste van calke ende gareelen tontfane bin-
iien dese jare , 9-13-4.
Item Woutre Pillinc den smed van smedewerken an den crâne, an de
cupene , an eemers , an eene ketine, au den burneput , van pondewerke ,
van amasse van 2 merieu die trocken an dengien van ustalene ende slepene
van 1 yserne ketene aen den reep van den arethe , van yserinneo ant-
boomen van steenhaken....
Item van 4 grooten hankers die legen int Beelfroit en 5 yserine balke
in de veinsterc van baken en spikingen ( somme mise en total avec d'au-
tres objets ).
Item van een zeem vate daermen 2 cupen afmaecte van andren cupeii,
eemers , tinen , berien , steenberien , tijnbome, outine hamers, nieuwen
cordewagene , van bastinen linen , van leederen , van een wielkine ten
engiene, van twee sciven van smerre ende olien an den crâne, 13-14-0.
Item van buren van een engiene , 3-5-0.
Item en van den huus te rumene dat rppe Bcclfret boven viel, 4-12-8.
Item 5 garsoenen van savele te delvene in den drake van onte ende ti-
chelen scoene te makene ende te dragen uten den drake tote in de halle
ende van den kelre in den drake te rumene , 0-42-4.
Item van havcssceden die men dede den werklieden van den Belfrote
ende Amerkine die de merien plcght te mennene.
En résumé on ajoute : « 'T gonne van dat d'ontfangcrs hebbcn utege-
geven van den vercke dat binnea dese jaere is gheworcbt ant Belfort,
2161-8-1. »
— Anno 1322. Après quelques mots effacés on lit : « Belfroite
van de drakene te brekene etc. , » et après quehjues annotations pour
dépenses , achat et transport de pierres , on continue :
, Item Meester Van Haelst van sinen taswerke van den Belfroite binnen
scven maendcnnaer alfoest, 8-6-6 grote , maken 355 pond.
Item Meester J. Van. (sic) 94 dagen die hy becft ghewrocht ant Bel-
Iroit, elken dag 3 grote tornois dat comt 47-6-8.
Item Meester J. Van Aelst die voer sondag voor S. Picterdagh en
S. Pauwels te Vliedcrscle omme 8 witte wilde stcene de repsen af tema-
(241 )
Basccq) ; on fit cependant emploi de pierres de Vliedersele,
village situé au pays d'Alost. Les travaux furent poussés
avec vigueur en 1322 et 1323 , et deux années plus lard ,
ils étaient assez avancés pour que l'on put placer sur la
tour la han-cloche : en 1327 , on paya la dépense pour la
kenc van dcn verwelve te sienre teere ende van dat de steene costen ende
van bringene te Ghend, 8-0-0.
(Ce Jean Van Aeist, maitre-ouvrier, travailla durant? mois au Beffroi)-
Item Kerspecle van Antonicn van 320 vocten cleenre ordune , 29-10-0.
Item van 740 voetengroot ord une, 59-0-50.
Item van 136 winkelen, 10-16-8.
Item van 310 V'" stapsteene, 5-10-0.
Item van 50 wildene....
Item van desen steene ute te doene en 's koningsteene van 61 naveen ,
18-6-8.
( Les mêmes dépenses , pour livraison de matériaux etc. , et pour jour-
nées, se répètent pendant toute Tannée, semaine par semaine.)
— Anno 1323. (On a côté à cette année les journées de travail , la li-
vraison de matériaux, comme brigues, pierres, fer, etc. . pendant 15
semaines , et s"clevant à 3834-0-0).
— Anno 1324. Item van den werke dat ghcwroclit es binnen dese
jare aen de hnnclocke ant Beelfort ende an den zetel daer de banclocke
hanct, 690-11-6.
— Anno 1325. Item van den werke ant Beelfroet, an dalle, an scepen-
liuus van dcr keure en van ghedeele, 70-16-7.
— Anno 1326. Nihil.
— Anno 1327. Some van den vverke dit ghewrocbt es ant Beellort
mettren veinstren, 185-16-1.
(Dans un double du compte de cette année, ces ouvrages sont spécifiés :
« Some van de werke ant Beelfort te deckene en de veinstren te makene,
185-16-1. n
— Anno 1328. ( On a émargé pour le Beffroi, y compris les travaux
exécutés à la halle et riiôtelde-ville , 255-16-5. )
— Anno 1329, 30 , 31 et 32. Nihil.
— Anno 1333. Somme van den werke antBeelfroit van den craene afte
doene, 46-6-1 1.
— Anno 1334. Somme van den werke datghcwrocht es binnen desen
jare an de bcrders te makene daer men naer hauwen sal steenen an de
molen van 't Beelfrot , 4-5-0.
— Anno 1335. Nihil. > »< ">
( 242 )
couverture d'une partie de la toiture, et il paraît qu'en
1333 tous les grands travaux étaient achevés, puisque
l'on descendît la grue. Les dépenses cotées à l'année 1334,
nous induisent à croire que les pierres de taille étaient
posées sur l'ouvrage à peu près en brut , et qu'on les
— Anno ]33G. Somme van dcn werke dat binnen desen jareghewrocht
es ant Beelfort metten stofTen van dcn steene diere ghecocht sijn , en
daer de roketiers van 3 roken vêle ghelt up ebben ende die si leveren al te
metten werke 9461-12-9.
— Anno 1337. Somme van den wcrckc dat ghcwroclit es ant Beelfort
mits dcn steene diere toegliccocht sijn en mits den taschwerke datter
ghehouwen es omme op te settene van dcn avant pryse gerrjoelen dat
men lieet gotieren ende manne diere staen en staen sullen, 2479-89.
— Anno 1338. Somme van den werckeomt Beelfroit ende berne camere
met dat hiin glieleent es npleveren , 199-17-4.
, — Anno 1339. Somme van den wercke an den stoel daer de ban-clocke
in lianget , 26-0-0;
— Somme van den vvercke an de stoel daer scepenc-c\oc\.& ende de
i>ïcercclocke in lianglu-n , 39-2-9.
— Annisl340, 41, 42. 43,44,45^46,47,48, 49, 1352 , 53, 54, ne
mentionnent aucune dépense. Les années 1350 et 1351 manquent.
— Anno 1355. Somme ant Beelfroit, 90-11-1.
— Anno 1356. ISihil.
-iiv*î^ Anno 1357. Van den vvercke ant Beelfroit , 5-4-5.
— Anno 1358, 59, 60, 61 et 62. Nibil.
— Anno 1363. (On travailla long-temps cette année au Befl'roi : mais
les travaux consistèrent surtout en travaux d'achèvement et de réparation
pour la ferai I le , etc.
On y mentionne une dépense pour lobjct suivant : « De cost van dcn
vvercke an de loegien daer de ^vachters in legghen up Sinte Niclaes
turre. »
— Anno 1364. Nihil.
— Anno 1365. Van den Beciforte endekamerenuit wulhuus, 55-5-10.
(On ne spécifie rien.)
— Anno 1 366. Van den wercke an de halle ant Beclfoert en ant garen-
huus, 199-8-7. (Sans détails. )
— Anno 1367, 1368. Kihil
— Anno 1369. Werckcn ant wulhuus Beelfroit 385-5-7.
— Anno 1370 à 1371. De cost van dcn clocke an Beelfort ende huur-
clocke in de 11'" maend
( 243 )
façonnait ensuite : d'ailleurs c'était une manière de Irayaiî-
1er adoptée dès le temps les plus reculés. En 1336 et 1337,
on exécuta encore des travaux considérables , surtout
d'embellissement pour les gargouilles et les statues qui
devaient orner la tour.
En 1339, on parle des dépenses faites pour la cloche
dite des échevins, schepene-clocke. Durant les vingt-quatre
ans qui suivent, les travaux furent presque nuls : en 1363,
on travailla long-temps au Beffroi , mais ce ne fut que
pour son entrelien ; je dois fixer l'attention des lecteurs
sur la dépense portée en compte cette année, pour les
réparations faites aux cabines des veilleurs de nuit , qui se
tenaient à cette époque sur la tour de S'-Nicolas.
A ce que je sache aucune pièce ne fait mention, avant
1370, d'une cloche intitulée huur-clocke , littéralement
la cloche à heures ; ne serait-ce pas à cette année qu'on
devrait rapporter le premier établissement d'une horloge
à la tour? Au reste, en 1376 et 1377, on dépensa des
sommes considérables , pour ce temps , à cause de cette
même cloche ou horloge.
Diericx , au vol. 2 , p. 61 , de ses Mémoires sur la ville
de Gand , prétend que la plus ancienne pièce où il soit
.... (La livraison de quelque sapins et d'autres bois.)
— Anno 1372. Van der hallene cnde Bcelfroet, 37-7-9^
— Anno 1376. Van dcn Beelfoorte en huurcclockc, 9664-0-14.
— Anno 1377. Dit sijn de coste van den vvercke binnen dese jare ele
ghesommecrt op 't sine.
Eerst van den Beelforte ende liuurclocke, 14394-11-11.
Van den drake , van den appelé ende van den huese , 2322-0-0. (On
n'entre dans aucun détail.)
— Anno 1380. Item van der huerclocke , 0-11-8.
— Anno 1381. Niliil.
— Anno 1382. An d'huurclocke, 3 sch.
— Anno 1386. 89, 90 et 92. Niliil. (Les autres années du XIII<= siècle
manquent.).
( 244 )
parlé du Beffroi, est un acte de l'an 1376. Le fait que je
viens de citer , prouve que c'est une erreur : j'ai fait faire
des recherches infinies aux archives de la ville pour retrou-
ver cette pièce, qui contient plusieurs détails intéressants,
mais dont quelques passages ont été mal copiés : elles ont
été infructueuses, elle ne se trouve pas au registre indi-
qué. Au dire de Diericx, cet acte contiendrait la soumis-
sion de construire à neuf la partie supérieure qui menaçait
ruine. Je n'y lis rien de pareil ; je vois dans la copie qu'il
en donne (vol. 2 de ses Mémoires^ p. 61 , note 1), que cer-
tains Jean et Nicolas Van Akerne s'obligent vis-à-vis de la
ville de Gand à suspendre la cloche à heures , et à con-
struire la toiture de la manière déterminée dans l'acte
même ; <t aise van der huer-clocken hanghene boven int
Belfroit , ende eene cappe te maeckene in der manieren
hier naer verclaert. » Il est vrai que plus loin on mentionne
qu'il faudra employer u de?i ouden stoel als soo verre als
profitelic es, » mais il n'en résulte pas que la partie supé-
rieure menaçât ruine et bien moins qu'il existât un toit.
Il est facile de se rendre compte de l'erreur dans laquelle
Diericx est tombé , si l'on considère qu'il n'avait pas con-
naissance des comptes de la ville , d'où il résulte évidem-
ment qu'à la date de 1376 , la tour du Beffroi n'était pas
encore achevée.
Cet acte contient quelques explications sur la forme
de la toiture , qu'il est bon de signaler : elle était divi-
sée en deux parties, dont la plus élevée formait un tube
octogone , haut de 28 pieds et large de 21. Chaque
pan du toit devait avoir une lucarne ou fenêtre , et il
fallait que le toit fût très-large, car il était exigé qu'on le
construisit de manière à ce que les eaux pluviales pus-
sent tomber au-delà des murs extérieurs, « ende cjhehulaet
waeteren ten hutersten cante van den mure. » Pour la
main-d'œuvre, les frères Van Ackerne n'avaient demandé
'{ 245 )
que Irente-huit livres de gros. Selon le manuscrit intitulé
Boek van jnenwrien der stad Gend (aux Archives de la
Flandre orientale), ce ne fut qu'en 1380 que la toiture du
Beffroi fut achevée. A cette époque cependant, tous les tra-
vaux n'étaient pas iinis, car en 1410 et 141 1 , il fut fait un
accord avec Jan Van der Donckt pour plusieurs ouvrages
de maçonnerie, évalués à la somme de 110 livres de gros;
il fallut également faire des échafaudages. Cette année,
plusieurs sommes sont portées en compte pour la ferraille,
la livraison de briques , leur transport sur la tour, etc., et
pour ouvrages exécutés à la charpente en dehors de la
tour. En 1413, on fit des réparations à l'horloge, an 't
orloij up 't Beelfroet. En 1451 , les échevins acquirent de
l'abbé de S -Pierre une cloche, pour le Beffroi : elle fut
payée à raison de trente-deux escalins par cent livres,
payables en trois termes. Celte cloche était celle dont on se
servait pour le couvre-feu et pour l'appel à l'ouvrage.
Jusqu'à l'année 1455 , les comptes ne parlent que de frais
d'entretien ; on mentionne , cette année , quelques frais
de réparation pour la demeure de l'horloger, qui se trou-
vait au Beffroi (1). En 1457, Boudin Van Wittevelde reçut
dix escalins pour des écussons (aux armes de la ville)
qu'il fit et plaça sur le toit au-dessus du cadran, et l'on
avança quelqu'argent à Jean Van Wechelen sur l'entre-
prise qu'il avait faite de construire une nouvelle horloge
et un nouveau cadran (2). L'année suivante, le même
Boudin Van Wittevelde, peintre, reçut cinq escalins pour
avoir peint en rouge la nouvelle horloge , et l'on paya
(1) De cost up 't Beelfroit in thuus daer de orloymeester vont
(2) — Anno 1457. Item ghegheven en betacit Meester Janne Van
Wechelen, op zyn werc dat hy ghenomen lieeft te makene, te wetene, een
nieu orloy ende eenen wysere ten orbueie van deser stede , van grooten
en dicten naer 't begryp en verclaers van eene bewerpe daer af zynde van
clken 100 ponden ghewicht. 27 sch. 9 den. (Comptes de la ville).
( 246 )
Jean Van Wcchclen pour l'horloge qu'il avait faite et qui
pesait 7822 livres, sur le pied marqué dans la note, et
en outre il reçut deux livres et demi pour un nouveau
marteau qu'il fit à l'usage de l'horloge (1). Enfin le peintre
Van der Meersch reçut six livres pour avoir exécuté des
blasons sur le toit, au-dessus d'un des cadrans, et un
ouvrage en peinture représentant les quatre évangélistes.
Quoiqu'il n'entre pas ici dans mon sujet de parler du
dragon qui surmonte la tour, nous ne pouvons passer sous
silence quelques passages des comptes de la ville où il est
parlé d'un monument quelconque, intitulé i^rae^e^, dra-
gon. On en fait surtout mention à l'année 1321 et 1377 : si
l'on se tenait rigoureusement à la signification du mot
dragon, Draeke , si on l'isolait, on pourrait supposer que
ces dépenses ont été faites pour le dragon qui surmonte
le Beffroi. Mais si l'on ne fait pas abstraction des circon-
stances qui l'accompagnent , il est impossible de se mé-
prendre sur la signification réelle de ce mot : or, on parle
de démolition du Draekene , du sable qu'on avait enlevé
au Draekene , de tuiles qu'on devait en extraire ; cela
(1) — Ànno 1458. Item gliegheven bî laste albovcn Boudin Van Wit-
ievelde, schildere, van dcn nicuwen horloge deser voermclde stede toebe-
hoorende, te schilderne root, van zynen dienste en werke aen dcn 15
décembre anno 58, 5 schell.
Item ghegheven ende betaelt Meester Van Wechelen, ter causen van
dennleuwen horloge ende cenen wysere die hem ten orbiirevan der stede
ghemaekt van grootten en dictcn naer 't begryp van cenen bewerpe daer
afzijnde, weghende t voorzcyde horloge met die er anclceft 7822 pont....
Item gegeeven itn beveclen van scepenen dcn vornoemden Meester
Janne Van Wechelen , van cenen nieuwcn hamerc te leverrie om te ma-
Uene dienen ter huereclocke antBeelfroyt, Mcghende 245 pont, te 2 den.
komt 2 p. 10 den.
Item Biaise Van der Meersch. schilder. van drien schilden vanwapenen
te makcne up t scaelgcdak an 't Beeli'royt boven den wysere ende van den
niakene de schildcrie van dcn selve wyze metten vicr evangelisten ende
diener ancleeft, in t gheclc 6 pond.
( 247 )
peul-il s'appliquer au dragon, à ce monument fanlaslique?
Certainement non , et la preuve évidente en est fournie
par ces mêmes comptes; car, en l'année 1321 , on paie les
intérêts du capital dû pour achat d'une maison et terrain
nommée le Dragon (1). Cette maison était située en face de
la maison échevinale, rue Haute-Porle.
Le même vague entoure donc toujours l'origine de notre
dragon, et les pièces qui auraient répandu quelque jour
sur son origine, ont apparemment disparu. La seule men-
tion que nous ayons rencontré et qui se rapporte directe-
ment au dragon, est de l'année 1445; la ville paya alors
à Nicolas Van der Meersch la somme de douze livres de
gros pour dorer le dragon ; à Jean Borchman , dix livres
de gros pour réparations au Dragon, van den Draeckene
te vermakene , et trente-deux livres à Jean De Bysere, et à
Nicolas Butsaert pour le descendre et le remonter (2),
Les comptes postérieurs de la ville ne mentionnent plus
que des dépenses pour entretien du Beffroi : en 1441 ,
Jean De Schepper fit plusieurs projets pour élever sur le
BejBfroi trois guérites pour les veilleurs, ivacht-hussekens.
Ce mot ne peut êlre pris dans un autre sens, car à la date
de 1442, le receveur de la ville porte en compte certaine
somme pour la bâtisse d'une nouvelle chambre au Beffroi.
(1) — Anno]321. Utegegevcn van husen ende erve dat de stede liecft
gliecocht.
Tecrsten ghaven d'ontfangcrs S. Symons Papen kindren van liuse
ende erve dat nien hiet in den Drake ende van 50 schcll. parasjse tjars
die de steden hemlieden sculdigh was elcs jars evelicke staende. 55 pon-
den groote maken 2200 ponden (payements).
(2) Item Claes Van der Meersch van zynen taschwercke van den vergnl-
dene van den vaenkins ende draeckc op 't Beelfroyt, van der levcringcn
ende hanghedade , 12 pond groote.
Item Janne Borchman van den drake te vermakene , 10 pond groote.
Item Janne De Bysere ende Clacyse Butsaert van den selven draeke op
onde afte doene . 32 pond groote.
( 248 )
En 15-43, les réparations qu'on dut faire à la toiture de
la campanille, furent achevées : elle était plus élevée que
l'ancienne et telle qu'on la voyait à l'année de la date de la
confection du manuscrit, où ce fait se trouve consigné (1).
Ce même manuscrit rapporte qu'en 1552, le carillon subit
des changements (2).
En 1684, le Beffroi se trouvait dans un état de dégra-
dation si avancé que les magistrats y firent exécuter
des travaux importants. Liévin Crul, prêtre et archi-
tecte, reçut ordre de faire le dessin du Beffroi, tel qu'il
existait alors , nous l'avons reproduit au n° 2 de la
planche: la vue est prise du côté qui fait face à la place du
Lion d'Or. On peut se convaincre par son inspection qu'on
suivit le plan de Siger dans sa distribution extérieure, à
une légère différence près, jusqu'à la corniche. La partie
supérieure est une lourde imitation du plan primitif, et
à l'exception des quatre clochetons, elle est bâtie en bois,
et n'offre aucun caractère architectural bien arrêté : il n'y
avait point de galerie au-dessus de la corniche ni sous le
carillon , et au lieu d'une flèche, la campanille était sur-
montée d'une poire. Des blasons entouraient le cadran de
l'horloge , qui était beaucoup plus petit que celui que
nous y voyons maintenant , et au-dessus de ce cadran il y
(1) Item in ditjaer enrle sccpendom van Gillis De Baenst was de cappe
van 't Beelfroet {jhedaen ende hooge gheresen gVielijc mon die nu siet
ende de draeke al nieuwe verghult ende weder op ghestelt.
Iteni in die voornoemde jacr . was de clocke ghenaemt Roelandt op-
ghewonden int nieuwe werk op sente Baerbelen dach ende "t nieuwe
voorslach dat sclioene om hooren en spelende opt voornoemde voorslach
veele scone... liedekens naer den tijd van de jaere.
(2) Item in ditjaer ende scependom voornoemd, in de maent van april,
was doen maeken een nieuwe accort op de weckcrs van den huercclocke
opt Beelfroet, ende in elcken weckere doen maeken eenen clepele, ende
was by den selven scepenen geordoneert dat nicn teiken sondaegh ende
heiichdagghe daer op beyhaerden souden van den 12 tiucren tôt den een
hiieren op de noene.
( 249 )
avait une ouverture, dont les parois étaient découpées par
des colonnes en faisceau. A cette époque, ou songea à bâtir
la partie supérieure en pierre; il semble même que l'or-
donnance en avait été portée le 5 février 1685 : Crul fut
chargé d'en faire un plan, qui se trouve aussi aux archi-
ves de la ville; d'après son évaluation, la main-d'oeuvre
et les matériaux n'auraient coûté que 1780 livres de gros.
Cet architecte reçut cinquante livres de gros pour ses
deux dessins et pour l'inspection qu'il avait prise du
Beffroi (1). Le projet de Crul n'eut point de suite, quoiqu'à
cette époque nous rencontrions un projet d'adjudica-
tion, pour la livraison de dix pilastres en pierre de Ba-
leghem ou de Hautem; en septembre 1689, on descendit le
dragon.
Au XVIII"' siècle , la charpente du Beffroi se trouvait
dans un très-mauvais état: en 1726, il fallut étabbr de
nouveaux tréteaux pour les bourdons, et d'après l'inscrip-
tion qui se trouve sur l'un des sommiers , cet ouvrage
fut exécuté par le maître charpentier Speelman , et coûta
600 livres. Mais ces réparations partielles n'avaient porté
qu'un demi-remède au mal; car, en 1771, les magis-
trats songèrent à faire au Beffroi des travaux assez con-
sidérables, pour que l'autorité souveraine crut devoir y
intervenir. La démobtion de la campanille était déjà
entamée , quand les magistrats reçurent de la part du
prince Charles Alexandre de Lorraine , le 14 août 1771,
une lettre par laquelle il leur demandait compte des
(1) Comptes de la ville, 1684 à 1G85, folio 168 v». Bctaelt aen heer
Livinus Crul, pb'':, de somme van vyftich pondeii fji-ootcn over syne de-
voiren ende diensten ghedaen infc visiteeren van het Belfort ende het
maekcn van twee modelien van den selven torre , cène ( lacune ) ende
dandere op de manière hoe den voornoemden torre opghemaekt soude
mouten worden in stecn, volghens dordorinautic van .den 5 ici). 1685 en
quittantic....
(Levcren en raaeken, in ailes 1780-0-0).
17
( 250 )
démolitions qu'on avait l'inlenlion de faire au Beffroi ,
s'enquérant du plan d'après lequel la restauration serait
faite et de l'avis des différents architectes consultés à cet
égard; entre-temps le prince fit arrêter tout ouvrage ulté-
rieur. Par suite de cette missive, non-seulement on consulta
les architectes de la ville de Gand. mais même ceux de Bru-
ges et d'Alost. Les architectes T'Kindt, Simoens, Malfeson,
Maelcamp, Vispoel, de Gand, De Wynsdun, de Bruges, et
d'autres personnes de l'art, constatèrent l'état de la tour.
Ils crurent qu'il fallait attribuer les crevasses (assez légères)
que l'on remarque à l'une des fenêtres, à ce que l'échafau-
dage qui supportait les cloches , était appuyé avec ses
jambes de force sur des corbeaux faisant corps avec les
murs, et que par les efforts qu'il fallait faire pour la mise
en branle des cloches , les murs s'étaient quelque peu
disloqués; ils constatèrent en outre que la maçonnerie en
pierres de taille, faite d'après l'ancienne méthode, était
excellente et le mortier de la plus grande dureté, mais
que le mauvais état de la charpente exigeait la démolition
de la campanille. Ces experts s'assurèrent en même temps
que la partie supérieure de la tour avait été frappée par
la foudre, et qu'une partie de la toiture sous le dragon
avait pris feu.
Le 22 août, ces avis furent transmis au prince de Lor-
raine , et les magistrats portèrent à sa connaissance que
^ce ne fut que sur le rapport d'experts qu'ils avaient résolu,
le 3 août, de faire démolir la poire au sommet de la tour
et d'enlever le dragon ; que cette démolition était exécutée
de moitié au reçu de la lettre de S. A., mais que cette
démolition ne devait aller que jusqu'à la lanterne où sont
suspendues les cloches du carillon. Là-dessus intervint la
permission du prince de faire les travaux nécessaires pour
la conservation de la tour, sous la direction de l'archi-
tecte TRindt.
( 251 )
Depuis celte époque , la forme de la tour esl restée la
même ; en 1815, on fut forcé de rebâtir un de ses angles
qui menaçait ruine. Ce fut l'architecte Van de Capelle que
l'on chargea de cette besogne.
A défaut de date précise de la construction du Beffroi , les
ornements qui entourent ses fenêtres à lancettes, révéle-
raient l'époque de leur construction et prouveraient en
même temps que l'on y employât un temps assez long , et
que sans perdre de vue le plan primitif, les architectes y
ajoutèrent les ornements adoptés par l'art de l'époque où
ils vivaient : en effet, nous avons vu sur le plan primitif
les fenêtres à lancettes privées de tout ornement, tandis
que le Beffroi offre ces mêmes fenêtres ornées de voussures
canelées, et soutenues par des colonnes appliquées sur les
parois des ouvertures; caractère distinctif des fenêtres du
XIIP au XIV^ siècle (1). Quelques-unes de ces fenêtres
existent encore du côté de S'-Bavon et de l'hôlel-de-ville ;
les autres sont ou claquemurées ou tout-à-fait défigurées
par des réparations subséquentes.
L'aspect de cette tour est imposant par sa masse (2): la
maçonnerie est en grand appareil , les pierres sont de la
couche de Basecq , le ciment de la meilleure qualité, et
aucune trace de décrépitude n'apparait encore sur ses
murs noircis par les siècles. Quelques écrivains prétendent
que la tour est plus large du haut que du bas : cette
erreur , car c'en est une , provient d'un passage de Vaer-
newyck , que l'on a mal interprété. Cet écrivain ne pré-
tend pas que le bâtiment lui-même soit plus large du
haut que du bas , mais uniquement que la corniche
dépasse le mur de trois pieds : ses termes sont explicites (3).
(1) Voyez De Caiimont, 4"" partie, pag. 251 , pi. 50-, n" 18.
(2) Voyez le n» 3 de la planche.
(3) Voyez Varnewyck , Historié r<m Beh/is ,\). 228, tome II.
( 252 )
Il existe encore une des statues, qui ornaient autre-
fois les angles de la tour; elle se trouve posée au-dessus
de la corniche , mais il est impossible d'en saisir le
caractère.
Le rez-de-chaussée qui a une issue du côté de la rue de
S*-Jean, est couvert d'une voûte, ainsi que la salle qui est
au-dessus, où l'on entre du côté opposé; ces deux places
n'ont aucune communication directe. La voûte de cette
dernière est portée par huit voussures, qui pi'ennent nais-
sance à un mètre de terre , et peuvent s'élever de 7 à 8
mètres; les murs y sont de l'épaisseur de 2'",20. C'est dans
Tune de ces salles qu'était le secret, lieu où l'on déposait
les chartes et privilèges des Gantois (1).
L'escalier en spirale se trouve dans l'angle droit , qui
fait face au Marché au Beurre , il a 236 marches; de là il
prend une direction oblique jusqu'à la première galerie.
En somme, du bas à la troisième galerie, on compte 386
marches, hautes de 16 centimètres, ce qui fait à peu prés
62 mètres d'élévation ; et à partir de ce point jusqu'au
sommet du dragon , il peut y avoir 10 mètres, ce qui en
tout, donnerait à la tour une élévation de 72 mètres ou
242 pieds de Gand,
L'intérieur de la tour est divisée en plusieurs étages ;
au-dessus de la seconde salle voûtée , se trouve celle
nommée la forge , et plus haut la chambre des sonneurs.
En cet endroit le diamètre de la tour, à partir du Marché
(1) Ce fut en 1400 quoE y transféra les chartes ; en 1432, on en dressa
un nouvel inventaire : à cet elfet, deux couiniissaires nommés par les éche-
vins, joints aux deux grands doyens et à un certain nombre des plus no-
tables bourgeois, s'y rendirent le 26 juin. Cet inventaire fut renouvelé
le 10 juillet 1525 , ainsi que le 9 août 1532. En 1539 , les trois clefs du
secret furent remises entre les mains de trois chefs-doyens de corpora-
tions , et le 28 août de la même année , on mit à mort , après une horrible
torture, Liévin Pien , échevin durant l'année 1538, parce qu"il avait
donné accès au secret.
( 253 )
au Beurre vers ia rue S»-Jeau, est de l^'^j^O, et du côlc
de S'-Iîavon vers S'-lNicolas, il n'est de 1 1'",90. Du côté de
^S'-Bavon, le mur est le plus épais, il a 2"',50, tandis que
des autres côlés^ il varie de 2 mètres à 2 mètres 12 cen-
timètres.
On voit que Tinlention primitive des architectes était
de réunir les quatre clochetons par une voûte : huit
corbeaux ont été placés dans les murs, où l'on a ma-
çonné des rainures assez profondes pour y recevoir
les voussures de la voûte. Enfin les angles sont forte-
ment liés entre eux, par les pierres qui donnent nais-
sance aux quatre clochetons , de manière que le plafond
présente une forme octogonale. A la chambre de Ihor-
loge , derrière les cadrans , les murs ne sont épais que
d'un peu plus d'un mètre, et l'on y remarque encore
parfaitement l'espèce de fenêtre , qui surmontait le
cadran dans le dessin que nous en a laissé l'abbé Crul.
Celte ouverture est large d'un mètre trente-huit centi-
mètres ; elle est entourée de voussures fortement entail-
lées sur les parois, et qui forment une espèce d'avant-
corps. Le mur sur lequel les cadrans actuels sont placés ,
est de construction très-moderne.
L'état de la charpente en général est mauvais, et exigera
des réparations considérables d'ici à peu de temps , toute-
fois sans qu'il semble nécessaire de devoir penser à une
démolition complète, comme le bruit en a couru dans
le public. Ce serait un acte de vandalisme gratuit et
inutile! les frais énormes qu'occasionnerait cette démo-
', lition, dépasseraient de beaucoup la somme qu'exigerait
i la reconstruction de la partie supérieure du Beffroi.
I Ces motifs doivent rassurer les amis des arts et des
anciennes institutions de la patrie contre un pareil at-
tentat, qu'on ne pourrait envisager aujourd'hui comme
un simple acte de barbarie indigne de notre époque ,
( 254 )
mais comme uïie stupidité qui ne trouverait son pen-
dant que dans la destruction de cette antique demeure
des seigneurs d'Utenhove , si bénévolement octroyée ,
et contre laquelle vient de protester la chùle de frêles
murailles , indignes qu'elles se sentaient de remplacer
des murs qui , pendant six siècles et demi , bravèrent
les intempéries de nos climats !
A. V. L.
g^'?'^Q-1f'T
( 255 )
^Inalgses critiques y(Dut)rage0.
Biographie universelle des Musiciens et Bibliographie géné-
rale DE LA Musique, par F. J. Fétis, maître de chapelle
du roi des Belges, et directeur du Conservatoire de
Bruxelles. Bruxelles, Leroux, libraire-édileur. t. I-IV,
1835-1837, gr.in-S".
L'Africain Marlianus Capella que Grolius commenta à
l'âge de quatorze ans, et qu'il se garda bien, sans doute,
de relire, une fois parvenu à l'âge mur, a réservé à la mu-
sique un chapitre où l'on a cru long-temps que toutes les
finesses de l'art étaient encloses , mais qu'un écolier qui
aurait suivi seulement huit jours les leçons de M. Fétis,
regarderait en pitié. Ce chapitre, destiné, entre autres,
à recommander le langage des sons mesurés, ne vaut pas,
suivant moi, ce qu'en dit le maître de M. Jourdain -.La
guerre ne vient-elle pas d'un manque d'union entre les
hommes, et si tous les hommes apprenaient la musique^ ne
serait-ce pas le moyen de s'accorder ensemble et de voir
dans le monde la paix universelle? Y o'ûà pourquoi l'on
aura appelé conservatoires les écoles musicales, attendu
qu'elles sont des moyens de conservation et d'harmonie.
Si cela est, et j'incline aie croire, aujourd'hui que la paix
est une nécessité impérieuse, absolue, inexorable, aujour-
dhui (ju'il n'y a que la concorde qui puisse nous sauver.
( 256 )
ô mes amis , apprenons tous la musique et , pour lu bien
savoir, courons vite chez M. Fétis.
Je ne dirai pas que M. Fétis est un de nos habiles musi-
ciens, comme on dit de MM. tel et tel qu'ils sont de nos
meilleurs poètes, de nos savants les plus profonds, attendu
que le vague et la banalité de ces éloges, n'expriment rien
et font mal au cœur; mais je ne craindrai pas d'affirmer
qu'il n'y a pas en Europe d'écrivain qui possède mieux que
M. Fétis la littérature et la théorie de la musique et qui en
ait mieux étudié l'histoire et les moindres particularités
curieuses. Ajoutez à cela que M. Fétis est un homme d'es-
prit et de goût, jugeant aussi bien d'un poème que d'une
partition, d'une question de philosophie et d'histoire que
d'une difficulté de contre-point, et que grâces à son rare
talent d'observation et à son commerce journalier avec les
premiers artistes et gens de lettres de tous les pays, il s'est
fait une provision d'aperçus, de remarques et d'anecdotes,
capables de défrayer cinq ou six académies.
Je voudrais, pour moi, pouvoir imprimer la conversa-
tion de M. Fétis et que ma mémoire me reproduisît fidèle-
ment les traits heureux qui assaisonnent ses récits. Je serais
certain d'en composer un bon livre qui ferait son chemin
dans le monde, sans lettrines, lettres tournures, fleurons,
vignettes ni autres illustrations, parce que tout ce luxe me
semble un peu puérile, ensuite parce que la mode de ce
clinquant littéraire sera bientôt passée; enfin, motif peut-
être plus solide , parce que je serais tenté de crier à ceux
qui se font imprimer :
Avant d'être illustrés , soyez d'abord illustres.
D'ailleurs, Slonsieur Racine et Monsieur Despréaux (ainsi
parle-t-on dans la Revue de Paris) ont été à la postérité
sur papier commun , dénué de culs-de-lampe et d'interca-
lations gravées, tandis que le plus beau vélin et les plan-
( 257 )
chcs d'Aliamet et de Longueil n'ont pu préserver de
l'obscuiilé Dorât et ses pareils. Tony Johannot et Madou
sauront-ils mettre d'autres médiocrités à couvert des mé-
pris de l'avenir?
Revenons à M, Fétis que de tels mépris n'atteindront
jamais. En lisant ses ouvrages, on s'aperçoit qu'il remonte
constamment aux sources, qu'il n'écrit pas sur ouï-dire,
que ses moindres assertions, il va les chercher scrupu-
leusement dans les originaux et qu'il a voué un culte par-
ticidier à l'érudition allemande. L'Allemagne est, en effet,
la terre classique du savoir, et la France commence à y
taire des incursions fréquentes. Mais les Français, après
s'être demandé jadis si un Allemand pouvait être un hom-
me d'esprit et avoir affecté un dédain charmant pour tout
ce qu'on pensait au-delà du Rhin, entraînés par une de
ces réactions si fréquentes chez eux, semblei;it donner dans
un excès contraire, en feignant d'admirer tout ce qui est
d'origine germanique et en offrant leur propre gloire en
holocauste à leurs estimables voisins.
La Biofjra'phie universelle des Musiciens est un livre
qui tient à la fois de l'Allemagne et de la France ; de
l'Allemagne, par l'étendue, la solidité, l'exactitude des
recherches; de la France, par l'élégance de la forme, la
méthode et l'économie. Cet ouvrage suppose une lecture
immense et une étonnante capacité d'appréciation. Les
gens du monde qui, avant tout, veulent être amusés, ap-
prendront avec plaisir qu'un grand nombre des articles
qu'il renferme, indépendamment du mérite bibliogra-
phique et musical, attachent par l'intérêt des détails et la
fidélité des portraits.
Quand M, Félis mit au jour son mémoire sur l'ancienne
musique belge, lequel n'était qu'un embryon de l'ouvrage
considérable qu'il poursuit maintenant avec tant de zèle
et au prix de tant de sacrifices, j'eus l'impertinence de lui
( 258 )
adresser une lettre (1) toute farcie de renseignements dont
il n'avait pas cru devoir faire usage. M. Fétis, dans la
préface de sa Biographie, s'est contenté de répondre poli-
ment que je m'étais trompé sur tous les points , ce qu'il
prouvait doctement, en établissant que j'avais pris cythara
pour une guitare, au lieu d'un hit/i (2).
M. Fétis a parfaitement raison : cythara est bien décidé-
ment un luth, et je ne sais où j'avais la tête en m'imaginant
non pas lui apprendre, mais lui rappeler quelque chose.
M. Fétis aurait pu me punir plus sévèrement, il ne l'a pas
pas fait et je l'en remercie. Voyez pourtant, son indul-
gence m'a gâté. Comme ces écoliers que la douceur de leur
maître rend plus audacieux, je retombe dans une faute
première, et compulsant mes notes, je vais essayer d'ajou-
ter quelque chose à son travail.
Ce rôle de la mouche du coche me plaît, quoique j'en
sente la nullité. Si je me trompe encore, M. Fétis voudra
bien m'absoudre; je lui promets au surplus, foi d'homme
d'honneur, de ne plus dire que cythara est xxwe guitare!
Je débute par la Belgique, rien de plus naturel : à Bel-
gis principùmiy et je cherche dans la Biographie des Mu-
siciens les noms d'ARsoLo et de Fer:na.nd, qui tous deux
appartenaient à la Flandre. Je ne les y trouve pas , et
pour y suppléer, je consulte un manuscrit de Custis, inti-
(1) Elle a été insérée d'abord dans le Recueil eiicijclopédique belge, et
iirée à part à une douzaine d'exemplaires, puis elle a reparu avec des
changements à la suite du Dimanche. M- Delmottc a daigne la citer
souvent dans sa Notice sur Roland De Lattre.
(2) Pag. CCXXIV de cette môme préface, M. Fétis semble trouver
mauvais que j'aie appelé Erycius Puteanus De Put, mais j'ai tiré cette
orthographe des manuscrits originaux de l'auteur, qui devait savoir com-
ment s'écrivait son nom. C'est fin reste une véritable vétille. Dans une
dissertation sur V Amour des Belges pour les livres, publiée par la
Société des Bibliophiles de Belgique , j'ai redressé ce que j'avais avancé
sur Louis Van Walbeke, quoique M. Fétis se borne à signaler la traduc-
tion vicieuse de lylluna.
( 259 j
lulé Fama Brugensis, cl j'y lis, au tome 1, page 66, ce
qui suit :
« Olaus Nicasius Arnoldi , religiosus cœnohii Dunensis ,
musicus fuit excellons , qui anno 1476 publicavit opéra
quœdam musicalia 8 vocum , quœ Caroli Pugnaci, Be/ga-
rumprincipi dedicavit. Obiit 1472, in cœnohio de Bavens-
herga, diœcesis Andomarensis. »
Tome II, p. 182 : » Joannes Ferna-Ndi's , Brugensis, Caroli
Fernandi f rater ,poeta et musicus stipendiarius Caroli } III,
Galloruni régis, apud quam maximo in pretio fuit, scrij)sit
carminé horas S. Crucis et cofnpassiom's beatœ Virginis,
Parisiis excusas; — de S. Joanne Baptista lihrum unum;
— Orationes, epistolas et epigrammata varia, teste Tri-
themio. » Ce Jean Fernand n'avait pas , au reste , été négligé
par A. Le Mire ni par Paquot; celui-ci mentionne aussi
son frère Charles (l).
M. Fétis n'en est encore qu'à la fin de la lettre G; il
n'oubliera pas que Sanderus parle de Hugbald , moine de
S'-Amand , et de Philippe Hertog , dans ses Scriptores
Flandriœ (2), et que Sweertius et Foppens ont consacré
quelques mots à Corneille Verdo^^gk, comme Tombeur (3)
a. Jean Van der Elst, qui a un article dans son livre.
Celui d'Adenez peut facilement se compléter mainte-
nant, grâces aux publications récentes de MM. P. Paris,
Francisque Michel, Van Hasselt et de quelqu'un que je
n'oserais nommer.
Imperialis rapporte que Juste-Lipse, auquel j'aurais été
charmé de mettre en main un rebec ou une ilute douçaine,
avait une si forte aversion pour la musique, que la sym-
phonie lui causait une mécancolie extrême (4).
(1) MwytiEloyiu, 1». 111 ; Paquot, 11, 102, 104.
(2) Pag. 70 et 140.
(3) Prov. Bclg. S. Amjiislini, p. 144.
(4) Vigncul-Marvillc ,11, 82.
( 260 )
Jean Van Loe, prieur d'Evergem, dédia à Jacques Slu-
TERius , d'Herzele , son poème de Sainte-Cécile , palrone des
ménétriers. Cette dédicace se lit dans les poésies mêmes
de Sluperius (Anvers, 1575) avec quelques autres pièces
en vers et une lettre en prose (1). Dans cette dernière,
Sluperius reçoit l'honorable qualification de Smmnus mu-
sicoru7n patrojius.
L'épître en vers contient ce passage :
Te duce, mellifluos sacra modulanttir in cède
Et résonant cantus organa nostra procut,
Te sine phonascus nihil est, sympltonia friyet
Nec fluil e rauco (jutture dulce mclos.
Un autre versificateur latin , Wallius, dont les poésies
ont paru également à Anvers en 1657, adressa à Antoine
BiESBROEGQ un poème (2) : Tenitorii Cortracensis summo
mmjistratui ah actis , MusiCiE artis cultori , sodalith
S. ÇtS£X\Am PR^FEGTO CREATO.
Georges d'Halewin (sa grammaire latine n'est pas une
chimère, quoique M. Van Hulthem fait présumé) avait écrit
sur la musique, au rapport de Sanderus (3).
Dans le The saur iprincipum... par alipoinena d'Eytzinger,
auteur dont j'ai fait le sujet d'un mémoire pour l'Acadé-
mie , on trouve un morceau intitulé : In tabulas musicas
Gerardi Nodiam Ârnhemiensis carmina Eytzingeri , Cor-
nclii Valerii Ultraj. et Joamits Vampelli (4).
Antoine Meyer, neveu de rhislorien, avait, suivant Pa-
quot (5) , laissé en manuscrit : Responsio pro musica, coram
natura judice.
C'était un grand musicienqu'Albert do Louvain , soixanle-
(1) Pag. 310-315.
(2) Pag. 94-96.
(3) De Gandav. , p. 46'.
(4) Pag. 383-384.
(5) Pag. 11, 37.
( 261 )
troisième évêque de Liège , dont Gilles d'Orval raconte
l'histoire romanesque (1).
Si je mets le pied en France , je m'aperçois que Desgo-
TEAUx a été passé sous silence. Et pourtant Descotea.ux
poussa la flûte allemande au plus haul point de perfection,
ainsi que la prononciation du chant , suivant les règles de
la grammaire et la valeur des letti-es. Ce musicien, qui floris-
sait sous la Régence, obtint cet éloge de Marais (2) : suivant
la clef des Caractères , La Bruyère a voulu peindre Des-
coteaux, en crayonnant son amateur de tulipes.
Pierre Guedron , plus favorisé que lui , a obtenu
une mention assez longue de M. Fétis. Ce Guedron est
nommé plusieurs fois dans la Confession de Sancy. Il pa-
raît que ce n'était pas seulement un compositeur et un
chanteur, mais encore un convertisseur. Nicolas Rapin,
dans son élégie sur la mort du poète Desportes, où il in-
troduit à l'enterrement de cet auteur tout ce qu'il y avait
à Paris de personnes considérables dans les lettres et les
beaux-arts, dit:
Et cumMalducto, Gcedro, cantore venis (3)
Ce vers a de plus l'avantage de conserver le nom du
chanteur Mauduit.
Guedron est cité dans la Confession avec Du Courroy,
qui a une bonne notice dans le recueil de M. Fétis.
Guill. Du Peyrot. auteur des Antiquités de la chapelle et
oratoire du roi de France (4), dit qu'il était sous-maître de
chapelle du roi Henri IV. LQPerroniana le loue fort, ce qui
a donné occasion à l'éditeur du Journal de Henri III (5)
(1) Hist. litt. de Ui France, XVIII, 434.
(2) Journal dans la Revue rétrospective, mars 1837, p. 438.
(3) Opéra, Paris, 1610 , in-4», pag. 49.
(4) Paris, 1645, I, 483.
(5) Cologne (Bruxelles. Foppeiis) , II, 296
( 262 )
de soupçonner que Du Courroy était un des gens em-
ployés par Du Perron à mettre en musique les paroles
qu'il rimait pour en faire des airs de cour, avant l'an-
née 1596.
Clément Marot nous a transmis le nom de Michel Hult,
joueur de flûte du cardinal de Lorraine. Je prends la liberté
de le recommander à M. Fétis; voici ce qu'en écrit le poète
de Bladame Marguerite :
Lors ton Michel n'a eu teste endormye ,
Ains est couru veoir la solemnité ,
Et a sonné à fluste et chalemeye ,
Tout à ton loz , honneur et dignité , etc.
J'omets le reste du Chant pastoral à Monseigneur le car-
dinal de Lorraine, qui ne pouvait oiiyr nouvelles de Michel
iluLT, Parisien, son joueur de flustes.
Si j'en avais le loisir, j'extrairais de Clément Marot quel-
ques autres mentions de musiciens.
Marais, invoqué tout-à-l'heure, parle d'une famille de
musiciens, du nom d'YTiER, qui pendant 300 ans y exerça
son art. Le dernier était mort en 1722 et, selon Marais, il
y en avait un autre du temps de Villon (1). Il est vrai que
dans le grand testament, Villon laisse un legs a Maistre
Ythier , Marchant. Le Diicliat est persuadé que Marchant
est le nom et non pas la profession du personnage , et il
n'en fait pas un musicien (2).
Ces notes décousues ne sont déjà que trop longues.
Je les terminerai par une petite nouvelle littéraire, c'est
que parmi les acquisitions que j'ai faites en octobre
1829, à la vente de la bibliothèque de l'abbaye du Parc,
j'ai acheté un manuscrit du XII^ siècle, contenant divers
ouvrages de médecine en vers et en prose ; à la fin est le
(1) Journal, Revue retrosjicciivc, fév. 1837, p. 314.
(2) OEuv. de F. Villon, La Haye , 1742 , p. 6 , 101 , 180.
( 263 )
traité de Ribarctus do jjulsihus , lequel est suivi d'un
hymne :
E\ja yaudeal ccclesia
Fidelium nova mater, etc.
lequel est accompagné de la musique en notation saxonne.
Il est probable qu'elle est l'ouvrage d'un moine belge. J'en
appelle à M, Félis. Oh! si je n'avais pas traduit cythara par
guitare!
Le baron De Reiffenberg.
1° De Leeuw van Vlvenderen, door H. Conscience. Ant-
werpen , 1839 (3 vol. in-S").
2° RiGHiLDE oic Episodes de l'histoire de la Flandre , au
ONZIÈME SIÈCLE, jjf^^' Coo?na?is , aîné. Gand, 1839 (2
vol. in-8°).
Aucune production littéraire n'est plus propre à l'illus-
tration de l'histoire que le roman historique. Et si une
série d'ouvrages de ce genre , au style chaleureux et aux
formes dramatiques , dont les sujets seraient pris dans
les annales de notre pays, existait chez nous, ils contri-
bueraient singulièrement à répandre la connaissance de
l'histoire nationale dans toutes les classes éclairées , et à
entretenir des sentiments de patriotisme et d'indépen-
dance.
. Walter Scott releva , aux yeux de l'Europe entière ,
l'Ecosse presqu'inconnue avant lui. Sa patrie semble re-
prendre sous sa plume magique , l'éclat des époques
héroïques, dont il nous a laissé des tableaux si ravissants.
La Flandre compte déjà quelques écrivains , qui ont
I traité des sujets nationaux avec succès . et grâce à leurs
( 264 )
écrits, plusieurs de nos héros ne sont plus ensevelis dans
l'oubli; déjà les noms de De Gouinck, Artevelde, Hem-
byzc. qui défendirent si courageusement l'étendard de la
Flandre , font vibrer le cœur de tout Belge.
Parmi les romans historiques belges, le Lion de Flandre,
de M. Conscience , occupe sans contredit une première
place. Ses deux premiers ouvrages ( Het Wonderjaer et
Pliantazy) lui avaient valu beaucoup d'honneur, mais
le Lion de Flandre qu'il vient de publier, l'emporte de
loin en mérite sur ses productions antérieures. Aussi le
sujet est-il des plus beaux. 11 nous retrace cette belle
époque où la Flandre surgit à la voix de De Goninck et
de Breydel , et refoule les soldats de la France au-delà
des frontières que leur esprit d'usurpation leur faisait
franchir.
Le plan de l'ouvrage est très-heureux. Les faits histo-
riques y sont, pour ainsi dire, conservés intacts; et l'in-
trigue amoureuse, qui n'est ici qu'une partie accessoire,
est empreinte d'un délicieux parfum de poésie. Le premier
volume contient le voyage du comte Gruy, de Winen-
dale à Gompiègne, lorsqu'il va réclamer contre l'empri-
sonnement de sa fille Malhilde ; le comte de Flandre et sa
suite y sont retenus prisonniers , et le roi de France
s'avance à la tête d'une forte armée dans la Flandre ; il
fait son entrée à Bruges. Dans le second volume sont
décrites les exactions des Français dans tout le pays, mais
principalement à Bruges , où De Goninck et Breydel se
mettent à la tète du parti flamand. Les Clauwaerts , ou
partisans du comte, s'emparent du château de Maie;
Ghatdlon sévit contre eux et veut se maintenir par la
force. Les Flamands patriotes quittent la ville de Bruges,
et s'assemblent sous l'étendard de Flandre que de De Go-
ninck a planté à S^'^-Groix, où l'éHte de la nation se réunit
Les phalanges flamandes défont l'armée française et s'em-
( 265 )
parent de la ville; Chatillon échappe à peine aux dangers
de celte journée. Le troisième voluinc nous retrace la
levée de troupes du roi de France , dont l'armée com-
mandée par le duc d'Artois, s'avance de nouveau vers nos
i'rontières. Les Flamands marchent à sa rencontre, et dans
le champ de Groeninge, près de Courtrai, se livre cette
bataille à jamais mémorable , qui délivra notre patrie du
joug étranger.
L'intrigue amoureuse , dont les chapitres servent de
point de repos entre les scènes de guerre et de carnage ,
peut se résumer en ceci : Adolphe de Nieuwland, écuyer
du comte Guy , est épris de la jeune Mathilde , fille de
Robert de Béthune , mais i! est loin d'oser lui déclarer ses
sentiments, surtout dans les circonstances où la famille
de Dampierre se trouve actuellement. Dans une dispute
de Robert et de Chatillon , il prend le parti du premier ,
et provoque Gui de Saint-Pol en combat singulier. Adolphe
reçoit des blessures dangereuses ; il est transporté dans le
château de Winendale, où pendant le voyage du comte vers
Compiègne, il est laissé aux soins de Mathilde, qui devient
à son tour amoureuse du chevalier courageux. Survien-
nent diverses aventures. Après avoir été faite prisonnière
par les Français , et délivrée dans la prise du château de
Maie par Breydel, Mathilde se trouve à l'abbaye de Groe-
ninge, lors de la bataille des Eperons d'or, où Adolphe se
distingua. Celui-ci finit par recevoir de Robert de Béthune,
en récompense de son héroïsme, la main de sa bien-aimée.
Le style de l'auteur est très-soigné, mais c'est surtout
dans les descriptions qu'il déploie ses plus grandes forces.
Il peint admirablement les sites pittoresques, les antiques
châteaux , les ruines et les vastes forêts de notre Flandre !
Où trouver dans notre langue des narrations plus serrées ,
des récits plus exacts de tournois , de chasse et de combats?
Le caractère des personnages y est conservé jusqu'à la fin:
18
( 266 )
la dignité, la résignation, dans le vieux comte Gui; le cou-
rage et la droiture de chevalier, dans Robert de Bétliune;
l'enthousiasme du patriote-guerrier dans De Goninck.
Soit qu'il décrive ou mette ses personnages en scène ,
descriptions ou dialogues étincellent d'esprit et de force;
sa diction est toujours analogue au sujet qu'il traite, soit
que la vengeance l'anime ou que les sentiments les plus
tendres du cœur l'agitent.
Le second roman, dont nous donnons le titre en tête
de cet article , est de M. Coomans. Il retrace une époque
de notre histoire, qui n'est pas moins intéressante ([ue
celle que M. Conscience a choisi. Au moyen-âge, deux
centres de mouvements, deux peuples énergiques habi-
taient des pays limitrophes sur les bords de l'Océan, la
Flandre et la France. Ces deux provinces servaient de li-
mites aux deux grandes races qui couvrent l'Europe, la
race germanique et la race romane, La France menaçait,
depuis l'usurpation d'Hugues Capet, les limites germani-
ques; mais la Flandre, les couvrant de son large bouclier,
était parvenu à les faire respecter. Sous l'époque romaine, la
Belgique et la Germanie avaient subi le joug des Romains;
sous les rois francs, la Gaule et l'Italie courbèrent le front.
Mais depuis le morcellement de l'empire de Charlemagne,
les nations romanes voulurent de nouveau s étendre vers
le Nord. Ce fut au XI^ siècle, du temps de Richilde, que ce
froissement se fit d'abord sentir.
Richilde, comtesse du Hainaut, après la mort du comte
Baudouin , son époux , voulut, en qualité de tutrice de ses
enfants, retenir les rênes du gouvernement de la Flan-
dre, malgré les dernières volontés du comte, approuvées
par les états des deux pays, qui avaient choisi Robert le
Frison pour gouverner la Flandre pendant la minorité
( 267 )
du jeune comte Arnould. Richilde employa tous les
moyens pour étendre son pouvoir , envoya ses adminis-
trateurs dans le pays et ne respecta point la décision des
états. La Flandre se ligua contre son gouvernemçnt des-
potique, et confia le pouvoir à Robert le Frison. Richilde
réunit ses feudataires, et soutenue par l'armée de France,
que commandait le roi lui-même, elle s'avance vers les
frontières de Flandre. Dans deux mémorables combats,
livrés les 21 et 22 février 1071, les armées françaises
furent défaites , et l'indépendance de la Flandre assurée.
Nous transcrivons ici la page 145 du second volume, oii
l'auteur dépeint avec l'élégance du romancier et la véra-
cité de l'historien les batailles de Bavinchove et de Gassel,
batailles aussi glorieuses pour notre pays, que celle de
Courtrai, quoique les détails en soient moins connus, elles
héros de celte journée aient été moins célébrés : « Pendant
que Richilde réussissait à entraîner la France tout entière
dans une lutte que sa tyrannie avait rendue nationale,
de personnelle qu'elle était dans le principe, Robert ne
restait pas inactif. Il fortifiait les villes, soulevait les cam-
pagnes, exerçait et encourageait les troupes, et se retran-
chait dans son quartier-général de Gassel , où il formait
barrière contre l'invasion. Décidé à se maintenir sur ce
point, qui était comme les Thermopyles de la Flandre, il
fit réparer les murs de la ville et creuser des fossés semi-
circulaires, garnis de tours de distance en distance. Ces
travaux bien défendus devaient présenter à l'ennemi des
obstacles presqu'insurmonlables. Mais Robert ne bornait
pas ses soins à la défensive. Il savait que les causes popu-
laires exigent des succès prompts et décisifs : il avait l'am-
bition d'attaquer Fennemi et l'espoir de le vaincre. Les
>milices, s'inspirant de son audace, n'attendaient que le
signal du combat. Tout ce que la Flandre comptait de
preux chevaliers, de courageux bourgeois et de braves
( 268 )
paysans était réuni sous la bannière de ce prince. JNous ne
ferons pas l'énuméralion des \illes et des districts qui
avaient fourni leur contingent à l'armée nationale, parce
qu'il est vrai de dire que le moindre hameau y comptait
ses représentants. Nous nous bornerons à conjecturer avec
les chroniqueurs que toutes ces forces réunies montaient à
environ 15,000 hommes, y compris les Anglais d'Edgard,
quelques centaines de Hollandais venus de la Zélaude, et
les Indépendants de Ghistelles, qui, à cette époque, pou-
vaient encore être regardés comme étrangers, tant à cause
de leur origine danoise que de leurs mœurs sauvages. Un
capitaine moins audacieux que Robert n'aurait peut-être
pas songé à opposer ce petit nombre de combattants à des
forces quadruples : mais après avoir calculé toutes les
chances, il vit, avec le coup-d'œil du génie, que le
triomphe était possible , et dès-lors il résolut délivrer ba-
taille. Il comprit comme par instinct que si la gloire des
grands conquérants pouvait se décomposer, on y trouve-
rait plus de bonheur et d'audace que de talent et de
prudence.
»Le 22 février, avant le lever du soleil, les chefs fla-
mands se réunirent sous une vaste tente adossée aux mu-
railles de la ville presqu'au sommet du mont. Ils y
trouvèrent le prince, qui avait passé la nuit à combiner
ses moyens d'attaque, de compagnie avec Boniface, Al-
bert, Herman, Wulfrid et Joseph de Knesselaere, ses amis
intimes.
>• Les chefs électrisés par une courte allocution se sépa-
rèrent à la hâte pour exécuter le plan arrêté. Lambert de
Bailleul et Baudouin de Nevele se mirent à la tête de la
cavalerie, forte de 800 hommes, et allèrent se placer aux
deux ailes du champ de bataille. Albert^ Henri de Loo et
Herman, entourés de 150 gentilshommes armés de toutes
pièces, se postèrent au centre, en avant d'un corps de trois
( 269 )
mille archers. Derrière ceux-ci' Vinrent"' se' ranger 2000
piqiiiers, soutenus par cinquante cavaliers nobles, sous
la conduite de WuUrid. Un corps de 3000 hallebardiers
occupa rextrême droite, où Robert se rangea avec Joseph
de Knesselaere, Gratien d'Eecloo et Boniface de Cassel,
Les Indépendants, conduits par Otton, acceptèrent volon-
tiers la mission de commencer Fatlaque. Edgard et ses An-
glais, appuyés à la montagne, formèrent une espèce de
corps de réserve, destiné à secourir ceux qui faibliraient
les premiers. Ces préparatifs achevés, Robert cria d'une
voix terrible : en avant! A ces mots répétés par les chefs,
les Flamands s'ébranlèrent et descendirent la montagne
au pas de course. En moins de cinq minutes ils atteignirent
l'ennemi.
»Tous ces mouvements furent exécutés avec une promp-
titude si audacieuse que les Français n'eurent pas le temps
de se mettre en mesure d'en empêcher le succès. Eustache
de Boulogne et Guillaume d'Osbern, qui seuls regar-
daient l'expédition comme sérieuse, s'étaient aperçus de
bon matin de l'activité qui régnait dans le camp opposé;
mais ils l'attribuèrent à des projets de retraite. Instruits des
faibles ressources de Robert , ils ne soupçonnèrent pas un
instant chez ce prince la résolution de présenter le combat
à une armée formidable qui comptait dans ses rangs la
meilleure cavalerie de l'Europe et des milices aguerries
par des campagnes glorieuses en Normandie et en Gas-
cogne. Ils se rendirent auprès du roi , où ils trouvèrent
Richilde, l'évêque de Paris et quelques seigneurs de la
cour. Ils annoncèrent que les Flamands se disposaient à
se retirer. Cette nouvelle parut chagriner vivement Phi-
lippe, qui allait reprocher au comte de Boulogne de
n'avoir pas attaqué la veille, lorsqu'un officier vint aver-
tir le général que les Flamands avançaient au lieu de
battre en retraite. L'incrédulité, puis le désordre et la
{ 270 )
terreur succédèrent à ce rapport véritable. Aussitôt le
tambour bat, le clairon sonne, on crie aux armes! Les
seigneurs montent à cheval et parcourent les rangs des
soldats étonnés. Les uns s'éveillent tout engourdis de froid;
les autres, abîmés de fatigue , s'efforcent de se réunir dans
le tumulte. Une partie de la cavalerie rassemblée à la hâte
se précipite en avant du front de bandière; dOsbern, de
Coucy et Philippe d'Arcq en tête soutiennent le premier
choc. Ces guerriers sauvent l'armée d'une déroule com-
plète, car les sauvages de Ghistelles et les archers d'Albert
ont déjà envahi le camp. Le choc est horrible! Les assail-
lants font des prodiges de bravoure. Mais ils sont arrêtés
devant le rempart d'acier que présente la cavalerie fran-
çaise. En vain les Indépendants jetant arcs et flèches, y
pénètrent-ils pour couper les jarrets des chevaux ; en vain
les gentilhommes flamands chargent-ils trois fois cet esca-
dron immobile : d'Osbern et les siens résistent à tant d'ef-
forts. Dans l'entretemps les Français s'arment , s'assemblent
et font face à leurs adversaires ; mais ils ne peuvent pro-
fiter de l'avantage du nombre, parce que les Flamands,
serrés en épaisses colonnes, n'offrent qu'un front étroit.
Cet ordre de bataille aurait été fatal à ces derniers si les
Français avaient pu les envelopper et les attaquer de flanc
et sur les derrières. Il n'en arriva pas ainsi. Comme si la
surprise avait paralysé leurs mouvements, les troupes du
roi et de Richilde restèrent en place, se contentant de
combattre et de mourir avec courage. Elles se maintin-
rent trois heures sur la défensive. Après avoir éprouvé des
pertes immenses , elles firent un effort pour tourner l'aile
droite des Flamands. Robert qui combattait en cet endroit,
se précipita avec quelques chevaliers dans un vide que ce
mouvement opéra sur la première ligne. Il renversa l'in-
fanterie picarde et pénétra jusqu'à la cavalerie qui en-
tourait le roi. Edgard jugea que le succès de la journée
(271 )
ticpcnclait de celte action hardie : il s'élança à la tête des
Anglais sur les pas de Robert. L'attaque fut exécutée avec
tant d'à-propos et de vigueur, que les Picards ébranlés
entraînèrent dans leur fuite et les troupes qui s'étaient
détachées du corps de bataille pour envelopper l'aile
droite, et la garde de Philippe. Ce prince ne songea pas à
résister plus long-temps. Il tourna bride; sans s'inquiéter
du sort réservé à l'élite de son royaume, que sa légèreté
et la cupidité de ses courtisans avaient immiscée dans une
querelle étrangère, il prit la route de S'-Omer. La retraite
honteuse du roi entraîna celle de toute l'aile gauche. Ro-
bert, vainqueur de ce côté, pouvait à son tour cerner le
reste de l'armée. Mais le lion de Flandre était moins heu-
reux sur un autre point. Les cavaliers de Lambert de Bail-
leul avaient plié devant les Hennuyers, qui écrasaient le
centre , où les archers d'Albert et les piquiers de VVulfrid
perdaient sans cesse du terrain. Richilde , dOsbern et le
comte de Boulogne inspiraient à leurs troupes une ar-
deur invincible; le jeune Arnould lui-même paraissait
être devenu homme tout-à-coup; renversé deux fois de
cheval , il s'était relevé deux fois pour se jeter au-de-
vant de sa mère. La présence de Richilde surtout, son
maintien guerrier, ses éloges, ses reproches, les flèches
qu'elle laucait elle-même, faisaient une loi aux moins
braves de ne pas fuir la mort quand une femme la bra-
vait. La mêlée était générale en cet endroit ; enfm, après
une résistance héroïque , Albert , son fidèle Olton , WuUrid,
Henri de Loo, Lambert de Bailleul et deux ou trois cents
autres braves, allaient succomber au nombre. Déjà les
Hennuyers crient triomphe! Déjà les Flamands ne leur
répondent plus que par les imprécations que leur arrache
la rage ou la douleur. Tout-à-coup le bailli de Cassel se
présente avec une partie de l'aile droite victorieuse :
Gare ! gare ! Flandre au Lion ! et il passe sur les blessés et
( 272 )
les cadavres, se jette sur reimemi , rarréle, l'épouvante,
le force de reculer. Les Flamands, un moment abattus,
reprennent courage; Albert rallie ses amis et se précipite
à pied contre les Hennuyers que le bailli décime en face.
La bataille change subitement d'aspect : les troupes de
Richilde, assaillies avec une ardeur inouïe, lâchent pied.
Le plus grand nombre se replie sur le camp, derrière
Bavinchove; la comtesse, son époux et ses fils, soutenus
par un millier d'hommes , prolongent seuls la lutte. La
bataille est perdue. D'Osbern n'en doute pas. Mais il a fait
son devoir : la retraite ne saurait le déshonorer; il saisit
les brides des chevaux d'Arnould et Baudouin et ordonne
aux siens de le suivre : on obéit. Richilde est entraînée
par la foule , tandis que les Flamands continuent à frapper
sans quartier. Cependant notre héroïne crie aux siens de
rester : elle veut combattre encore. Son regard de feu se
promène avec indignation sur l'armée française , plus
nombreuse encore que celle du vainqueur. Elle accuse
tout le monde de lâcheté, le roi, Eustache, de Goucy,
d'Osbern, ses fils mêmes qui l'abandonnent ! Alors, toute
à sa fureur, elle déchire les flancs de son coursier et s'é-
lance contre les cavaliers de Boniface de Cassel : — Fuyez,
misérables , et que ma mort soit pour vous une cause
éternelle de honte et de regrets.... mais les armes sont
baissées devant la comtesse , et son coursier, éventré par
le sauvage Sigurd, l'entraîne dans sa chute. Aussitôt on
s'empresse autour de Richilde, on lui arrache son poi-
gnard, on l'entraîne dans les rangs et de là dans la ville.
Cette capture importante fit cesser le combat à l'aile
gauche; au centre, les deux partis, comme par un accord
tacite , avaient reculé chacun sur ses retranchements.
Que se passait-il à l'aile droite? Qu'était devenu Robert?
Ce prince , enivré d'un premier succès , et instruit de la
fuite du roi , s'était mis à sa poursuite avec le peu de ca-
( 273 )
valiers qui purent le suivre. Il marolia sur les traces de
Philippe jusque sous les murs de S'-Omcr. Plusieurs fois il
fut sur le point de l'atteindre et de compléter sa victoire
par la prise du monarque. Arrivé aux portes de S'-Omer
il se vit si près de Philippe qu'il lui cria : Arrêtez. Mais
les portes s'ouvrirent, et elles se refermèrent quand le roi
les eut franchies. Au même instant parut le comte de Bou-
logne à la tête des fuyards. Robert comprit alors toute la
gravité de son imprudence : il s'efforça en vain de la ré-
parer. Les derniers venus l'entourèrent et le conduisirent
dans la ville , où il fut confié à la garde des habitants.
Philippe ne s'arrêta qu'à Renti, à trois lieues de S'-Omer et
à cinq de Cassel. »
Le même jour Richilde fut échangée contre Robert le
Frison, et le lendemain se livra la bataille de Cassel,
décrite à la page 161 : « Au moment du Richilde, ré-
paraissant au milieu de sa troupe, était portée en triom-
phe sous la tente des comtes Arnould et Baudouin, de
bruyants vivat retentissaient à l'autre bout du camp.
C'était le roi Philippe qui ramenait les fuyards. A voir les
transports de joie auxquels se livrait l'armée , on eut dit
qu'elle fêtait le retour d'un monarque victorieux ! Per-
sonne ne paraissait se ressouvenir des événements de la
veille , dans lesquels Philippe avait joué un rôle si peu
digne de son rang. Ses courtisans poussaient la flatterie
plus loin encore : caracolant à l'euvi autour du roi, quel-
ques-uns osaient le féliciter du courage qu'il avait déployé
en se précipitant sur les pas des fuyards pour les recon-
duire sur le champ de bataille. Philippe était trop vani-
teux pour mépriser les éloges, et il avait l'esprit trop
borné pour décerner l'adulation de l'insulte. Il sourit à
toutes ces hypocrites démonstrations et feignit un grand
désir de prendre sa revanche contre les Flamands, Cette
velléité guerrière excita des applaudissements plus sin-
( 274 )
cères. Les troupes crièrent unanimement : Auct; armes!
En ce moment Richilde reparut sur son coursier, accom-
pagnée de ses fils, de son époux, et de l'élite des Hennuyers.
Elle joignit sa voix à celle de la multitude : le roi ordonna
la reprise des hostilités. Ace signal les Français s'ébranlent
et vont se ranger en ligne devant les retranchements de
l'ennemi. Richilde et les Hennuyers sollicitent l'honneur
d'ouvrir l'attaque. Ils marchent vers Cassel, à la droite de
Bavinchove; les troupes françaises s'élancent sur la gauche
de ce hameau pour assaillir les Flamands sur tous les
points à la fois. Le choc est terrible. Les Flamands cèdent
et se replient sur la ville. Aussitôt leur camp est envahi
par les archers de Guillaume d'Osbern ; Eustache de
Boulogne, Richilde, de Coucy, Hoël et Robert de Nor-
mandie le suivent avec les Français et les Hennuyers
réunis. Déjà s'élèvent des cris de victoire.... Mais Robert
n'est pas vaincu. L'habile guerrier a retenu l'ardeur des
siens et les a fait reculer de quelques certaines de pas pour
attirer les assaillants au pied du mont Cassel, où, serrés
les uns contre les autres , entre des fossés et des ruisseaux
gonflés par l'orage, ils ne peuvent faire usage de leur ca-
valerie redoutable. Cette tactique produit un autre résul-
tat : les bataillons français sont en désordre : les chevaux
écrasent les fantassins, qui se blessent et s'étouffent....
Flandre au Lion! s'écrie alors Robert, et les Flamands
faisant volte-face , tombent sur les Français étonnés comme
une troupe de loups, qui a long-temps guetté une cara-
vane, fond sur elle dans une vallée étroite. Pas d'ordre
dans l'attaque ni dans la défense, pas de pitié chez les
uns, pas de merci pour les autres? Les Flamands frappent
avec fureur, leurs ennemis expirent avec courage! La
boucherie dura jusqu'au soir; le combat avait commencé
le matin à 10 heures. Enfin, après mille efforts pour res-
saisir l'offensive , après mille essais pour rompre les i
( 275 )
bataillons flamands et enlever les relrânchêméiils de la
montagne, les Français, partout repoussés, prennent la
fuite. Comme la veille, Philippe en donne le signal et se
jette à bride abattue sur le chemi| de S'-Omer. Comme
la veille aussi, les troupes de Richilde tiennent le mieux.
Elles s'assemblent près de Bavinchove et y combattent
encore deux heures après la retraite de leurs alliés. Les
Flamands les entourent, les pressent , les exterminent. La
victoire est complète : plus un seul homme ne répond
aux échos qui répètent au loin : Triomphe ! Flandre au
Lion ! »
Ph. Blommaert.
— 3=S>Sl^C=>—
f.«
( 276 )
< «-jaijj
B\x[Utx0 B\b[xo^ra\>\)ii]\xe,
HISTOIRE BELGIQUE.
Saggio storico e politico sulla rivoluzione Belgia , dei S""
Nothomb. Terza editione, accresointa di note e susseguita da
un' appendice, Traduzione dal franeese del D" Bald'" Tirelli,
daModena. Liégi, U. Desain, 1838 ; in- 18 de XVI et 521 pages.
Les Gestes des ducs de Brabant. De Brabantsehe Yeesten, of
Rijmkronijk van Braband, door Jan De Klerk, uitgegeven
door J. F. Willems, lid der koninglyke Académie van Brussel.
Brussel, M. Hayez; 1839. ïn-i% p. LXIX et 901.
[Cette publication est précédée d'une introduction curieuse sur l'au-
teur et les manuscrits de cette chronique ; à la page 605 se trouve le
Codex diplomalicus, contenant des chartes des ducs de Brabant jus-
qu'à l'an 1350, au nombre de 200, toutes inédites.]
Cronijcke van den lande eude graefseepe van "Vlaenderen,
gemaect door J'' Nicolas Despars, van de jaeren 405 lot 1492;
VGor de eerste mael in het licht gegeven door J. De Jonghe,
doctor in de letteren en wijsbegeerte , hoogleeraer by het
Atheneum te Brugge, enz. Brugge, 1839.
[Cet ouvrage se publie par livraisons: la treizième vient de paraître,
contenant les pages 353-512 du second volume, où il est traité princi-
palement du règne si agité de Louis de Maie.]
Histoire parlementaire du traité de paix du 19 avi*il 1839,
entre la Belgique et la Hollande, contenant, sans exception,
tous les discours qui ont été prononcés dans les chambres légis-
latives belges; précédée d'une introduction, des rapports, do-
cuments diplomatiques, etc., etc., et suivie des pièces relatives
à la signature et aux ratifications du traité. Bruxelles, 3Iary- >
MuUer, 1839; 2 forts volumes in-8" de 700 pages.
( 277 )
Histoire des ducs de Kourgogne, par De Barante, augmentée
d'un grand nombre de notes, par M. Marchai, conservateur des
manuscrits de la bibliothèque royale. Bruxelles, Grégoir,
Wouterset C'', 1839. (L'ouvrage aura dix volumes in-8", ornés
de 10 gravures).
[Nous ne concevons pas cet engoûment de quelques-uns de nos savants
pour la reproduction répétée de cette œuvre de Barante, qui fourmille
d'erreurs sur notre histoire, qui tronque les noms, altère les caractères
des personnages et rend les faits méconnaissables lorsqu'on les compare
avec les sources. En prenant les notes de MM. De Reiffenberg etGachard
et celles que M. Marchai joindra à son édition, on aurait reconstruit une
histoire des ducs de Bourgogne entièrement neuve. Pourquoi toujours
copier les autres. Faisons nous-mêmes. Le nom seul des éditeurs susmen-
tionnés suflit pour prouver que nous sommes capables de tenter l'entre-
prise.]
Jean l'Aveugle, roi de Bohème , comte de Luxembourg, mar-
quis d'Arlon ; Esquisses biographiques, par P. A. Lenz. Gand,
Annoot, 1839; 98 pag. in-S", avec une lithographie.
[Nous devons des remerciments sincères à M. le professeur Lenz pour
avoir retracé la vie de ce Jean l'Aveugle , dont le nom eut naguères tant
de retentissement et que notre insouciance d'aujourd'hui condamne pres-
qu'à l'oubli. Tous les détails de cette intéressante biographie reposent sur
des faits authentiques : M. Lenz ne manque jamais d'indiquer ses sources.]
Histoire du Limbourg, suivi de celles des comtés de Daelhem
et de Fauquemont, des Annales de l'abbaye de Rolduc, par
M. S. P. Ernst, curé d'Afden. Publiée avec notes et appendices
et précédée de la vie de l'auteur, par Ed. Lavalleye. Tomes I,
II et m. Liège, Collardin, 1837-39.
[Cet ouvrage formera 6 volumes.]
j Promenades historiques dans le pays de Liège, par le doc-
I teur Bovy. Liège, Collardin, 1839; 2 vol. in-S", avec pi.
I La Joyeuse-Entrée de Ferdinand de Bavière , par M. L. Polain.
Liège, Jeunehomme, 1839; 2-4 pag. in-S".
Ilet beclaech van joncheer Jan Van Hembyze , gedicht der
XVI® eeuw, uitgeg. door Ph. Blommaert. Gent, by D. J. Van-
! derhaeghen-Hulin , 1839. In-8% p. VIII et 60.
j Dagverhael van den oproer te Antwerpen, in 16S9, uitgeg.
! door C. P. Serrure. Gent, by D. J. Vanderhaeghen-Hulin, 1839.
!ln-8% p. XIX et 48.
I [Les deux ouvrages qui précèdent sont publiés par la société des Biblio-
( 278 )
philes flamands. Cette société , qui vient d'être fondée à Gand , a pour
but la publication d'anciens documents «n langue flamande; les ouvra-
ges qui paraîtront successivement, sont lo'imc chronique de Flandre,
d'après un manuscrit du XV'= siècle; 2" la guerre deGrimbcrge, poème
du XIV'^ siècle.]
Recherches historiques sur les voies d'écoulement des eaux
des Flandres, à l'occasion du projet de loi relatif à la construc-
tion du canal de Selzate ^ la mer du Nord, par l'abbé J. 0.
Andries. Bruges, Félix De Pachtere, 1839; in-8^ de 102 pages,
avec une carte.
[Ce travail, aussi utile que curieux, présente un aperçu très-complet
sur l'historique des tranchées, canaux, écluses, etc., construits na-
guères pour l'écoulement des eaux de la Flandre. Nous désirons que
cette importante brochure détermine la législature à faire creuser enfin
le canal de Selzate.]
LITTÉRATURE.
Bloemen myner lente, doorC. Ledeganck. Gent, byVander-
haeghen-Hulin, 1839. In-8% p. IV et 1S8.
De Gentsche Vaderbeul , romance, aen welke de gouden
eerepenning is toegekcnd door de Maetschapy)y van schoone
Kunsten te Gent. Gent, by D. Vanderhaeghen-Hulin, 1839.
In-B^p.VIIIet 12.
La Voix d'une jeune Ame, par Benoit Quinet. Bruxelles,
1839; 122 pag, in- 12.
Lofspraek der polders, door G. Du Villers, pastor van Mid-
delburg , in Vlaenderen. Gent, C. J. Van Ryckegem, 1839;
in-8% p. 22.
Robert de Vries, historisch tafereel uit de XP eeuw, door
J. B. C{oortmans). Gent, 1839; 22 pag. in-B".
Keus van dicht- en prozastukken , of Tael- en letterkundige
Verzameling. Kortryk, 1839; in-8°,
[Deux livraisons viennent de paraître et contiennent des pièces de
littérature en prose et en vers de MM. E. D'Haene, P. J. Renier et Mus-
seiy-Boudewyn.]
Poésies morales en français, en flamand et en latin; par
S. M. Coninckx. S»-Trond , 1839; 68 pag, in-12.
[L'auteur, qui était d'im grand âge, est mort le 14 avril 1839.]
( 279 )
Chronique des faits et gestes admirables de Maximilien I",
durant son mariage avec Marie de Bourgogne, translatée du
flamand en français pour la première fois, et augmentée d'é-
claircissements historiques et de documents inédits, par Octave
Delepierre, archiviste de la Flandre occidentale, Bruxelles,
1839; pag. XI et 480 in-8''.
Wevers-Almanak voor het jacr 0. H. J. C. 1839. Uitgegeven
door de vaderlandsche lijn-maetschappy. Brussel, 1839.
Elba und Waterloo. Ein historischer Roman von Ferdinand
Stolle. Leipzig, bel Eduard Meisner, 1838; 3 vol.
Légende der heylige Waldelrudis, gravin van Ilenegouwen
en patroners der stad Bergen. — Het leven van Rubens. —
Krijgsdaden der Belgen. — De monik Robert , geschiedenis
der Xll" eeuw. — Bemint uwe vjanden. — De Almoes. — Het
leven van Justus-Lipsius. — Salviati of de VergifFenis. — Be-
mint elkander. — Leven van Karel den Vijfden. Brussel ,
Maetsch. ter verspreyding van goede boeken , 1839; in-32.
[Ces dix petits volumes forment Ja 2« série de la Bibliothèque popu-
laire en langue flamande , publiée par la Société pour la propagation des
bons livres. ]
Antoine, ou le Blasphémateur converti, épisode belge, par
l'abbé Th. Normand. Bruxelles, De Mat, 1839; in-32.
Den kleynen Telemachus,of kort begryp van de lotgevallen
vanTelemachus,zoon van Ulysses. — Le petit Télémaque,avec
une double traduction, l'une conforme au génie de la langue
flamande avec le texte français en regard; l'autre, littéraire
et interlinéaire, conforme au génie de la langue française;
par l'abbé Olinger. Bruxelles, Deprez-Parent, 1839; in-12.
BIBLIOGRAPHIE.
Bibliotheca Gandavensis. Catalogue méthodique de la biblio-
thèque de l'Université de Gand; précédé d'une histoire de celte
bibliothèque, et suivi de tables de noms d'auteurs, etc., pu-
blié par le bibliothécaire Aug. Voisin. — I" vol. Jurisprudence.
Gand, C. Annoot-Braeckman, imprimeur de la ville, 1839;
in-B" de LXXXII et 394 pages, plus deux feuillets non chiffrés
pour le titre et lu dédicace et une gravure au trait.
[Ce catalogue qui se trouve aussi en vente à Bonn chez Marcus , et à
( 280 )
Paris chez Techeiîcr. contient : 1» des rfchfrches historiques et biblio-
i/mphiques sur la liibliothequt de Gand , avec des renseignements sur
Arcnd De Keyser, Simon De Coek et Judocus Petnis De Halle, ainsi que
sur Pierre De Keyser, premiers imprimeurs de cette ville et juscpiici fort
peu connus , pag I-LXXXII. — 1" Le catalogue des livres de jurispru-
dence, contenant 4359 numéros, pag. 1-338. — 3" La table alphabétique
des noms d'auteurs, traducteurs , commentateurs . etc. , pag. 339 -368.
— 4" La table des ouvrages anonymes . pag. 369-386. — La table des
divisions du catalogue méthodique , pag. 387-394.
Ce catalogue qui sera utile aux hommes de science, s'imprime aux
frais de la ville de Gand : il est le premier que publie une bibliothèque
en Belgique.]
VOYAGES.
Voyage en Hollande et en Belgique , sous le rapport de
l'instruclion primaire, des établissements de bienfaisance et
des prisons dans les deux pays, par Piamon de la Sagra. Paris,
impr. de M^^Husard, 1838; 2 vol. iu-8^
Le Yoyage à Surinam, description des possessions néerlan-
daises dans la Guyane, par P. J. Benoits, orué de cent dessins
pris sur nature par l'auteur, litliograph. par Madou et Lautcrs.
Bruxelles, Société des Beaux-Arts, 18S9; in-folio, 1""° livr.
MÉDECISE.
Rapport fait au conseil central de salubrité de Bruxelles,
sur les révaccinations, par SDI. les docteurs Eigot et Rieken.
Bruxelles, société typographique belge, 1839; broch. in-S".
Notice sur les travaux de Van den Zande, docteur en méde-
cine, professeur de physiologie et de l'art des accouchements
à l'Ecole de médecine , médecin de l'hôpital S'^-Elisabeth
d'Anvers, etc., etc., par C. Broeckx. Anvers, V^ J. B. Heirstrae-
ten, 1839; in-8° de 43 pages.
[Cette notice a été lue à la quatrième séance solennelle publique de
la Société de médecine d'Anvers, le 17 décembre 1838, et imprimée par
ordre de cette société.]
Dissertation sur la vie en général et en particulier sur la
vie humaine, par P. llaan, docteur en médecine, chirurgie et
accouchements. Louvain , Van Linthout et Van den Zande,
18S9; 100 pag. in-8".
I
( 281 )
Considérations criticfues sur la phrénologie et la cranios-
copie , par F. J. Mattliyssens. Cruxcllcs, Soc. cncyclogr. , 1839;
59 pag. in-12.
Précis élémentaire de raédecine légale, extrait des meilleurs
ouvrages généraux et spéciaux de médecine légale, suivi des
lois, arrêtés et règlements de police médicale et de police sa-
nitaire, par F. J. Matliyssens. Anvers, Heirstraeten, 1837 ; 2 vol.
in-l8,png. 4159 et 610.
BEAUX-ARTS.
La Galerie Van den Schrieck. Louvain, Ickx et Geets, 1839;
in-S".
Anatoniie appliquée aux Beaux-Arts, à l'usage des académies
de dessin, sculpture et peinture, par E. J. Verhaes, professeur
à l'académie de dessin et d'architecture de Termonde, en fran-
çais et en flamand. Bruxelles, établissement géograph. , 1838;
in-folio de 24 pages non chiffrées et avec 24 planches lith.
Description historique du Panthéon de Rome , par T. F. Suys,
architecte des palais et bâtiments royaux. Bruxelles, Hayez,
1838; 4 pages de texte, à deux colonnes, non compris le titre ,
et orné de 23 pi. lithographiées.
Les Délices de Spa et de ses environs, description nouvelle,
illustrée de douze vues, dessinées d'après nature par Th. Four-
mois. Bruxelles, Soc. des Beaux- Arts, 1839; 34 pages in-4°,
avec dix lithographies.
Bydragen voor de kunstgeschiedenis en kunstkennis der
oudheid, door F. A. Spyers, doctor in de wysbcgecrtc en let-
teren, leeraer aen het stads Atheneum te Gent, enz. Gent ,
D. J.Vanderhneghen-Hulin, 1839.
[La seconde livraison vient de paraître, de p. 33 à 64.]
Scènes de la vie des peintres de l'Ecole flamande et hollan-
daise, par Madou. Bruxelles, Société des Beaux- Arts, 1839.
[Ce majînifique ouvrage paraîtra par livraisons; il y en aura dix. Les
deux premières sont sorties; les peintres, dont la vie a offert une es-
quisse dans cette publication , sont Van der Mculen , Brouwer, Craesbeke
et Teniers. Les notices sont écrites par MM- De Stassart , De Reiffen-
19
( 282 )
beig , Cornelisscn , etc. Sous le rapport du texte, de rcxccution des
Ijlanches et de la typographie, les scènes de la Vie des Peintres ne lais
sent rien à désirer.]
MÉM.OIRES SCIENTIFIQUES.
Mémoires couronnés par l'Académie royale des Sciences et
Belles-Lettres de Bruxelles; tome XIV, F" partie. Bruxelles,
Hayez, 18â8; m-i\
[Ce volume contient : un mémoire sur la poésie flamande en Belgique,
par M. F. Snellaert, pag. 288; — de l'influence du règne de Charles-
Quint sur la législation et sur les institutions politifjues de la Belgique,
par E. Del Marmol , pag. 69.]
Mémoires de la Société de médecine d'Anvers, 1837-1838.
Anvers, Heirstraeten, petit in-4°, p. XV et 67.
ARITHMÉTIQUE.
Nieuwe Verhandcling overde tiendeelige rekenkunst, zynde
het werk verrykt met 1-iOO vraegstukken om door de Icerlin-
gen opgelost te worden naer het fransch, van J. C. en F. B. B.,
door Willem Van West. Brussel,Nat. Maetscb. ter verspr. van
goeden boeken. In-8°.
SCIENCES JURIDIQUES.
Manuel d'histoire du droit romain , par T. J. Smolders. Lou-
vain, Van Linthout, 1839; P^ partie, page 203.
ÉCRITS POLITIQUES ET PAMPHEETS.
De la politique du moment en Belgique, suivie de la ques-
tion de la dette hollandaise. Bruxelles, Soc. encyclogr.; 1 vol.
grand in-8°.
Adresse au peuple belge. Bruxelles, Soc. nation, (fév. 1839);
grand in-S".
Quelques mots sur la question du territoire, par un ancien
député (19 février 1839). Bruxelles, Hayez.
Les traîtres démasqués, ou les turpitudes des ministres et
hauts fonctionnaires de la Belgique, suivi du bon Curé de cam-
( 283 )
pagne; pamphlet à roccasion des 2-4 articles et des roueries
de la banque hollandaise, 2" édition. Bruxelles, Brismé; in-B".
De la liberté de l'Escaut, envisagée dans ses rapports avec
l'agriculture, l'industrie et le commerce. Bruxelles, ïïayez ,
1839;in-8% o6 pag.
Le général comte Belliard. Bruxelles, librairie militaire de
J. B. Petit; in-8% 28 pages.
Un mot aux Belges , par l'honorable W. L. Wellesley.
Bruxelles, Méline, 1839; in-8% 124 pag.
A Léopold, roi des Belges. 2'' lettre. Paris, imp. deTerzuoloj
in-8° d'une demi-feuille.
[Signée De Potter et datée du 29 janvier 1839. La 1'^'= lettre remonteà
sept ans.]
De la destitution de M. le baron de Stassart, par Louis La-
barre. Bruxelles, Géruzet, 1839.
De la Banque anglo-belge, ou Examen des conséquences
dangereuses qui seraient résultées de cet établissement pour
le commerce et l'industrie, par P. H. Pauw, de Gand. Brux. ,
Masure, 1839;in-8°.
De la question de l'Escaut, ou Examen du droit de péage
stipulé par l'article 9 du traité des 24 articles, avec les moyens
d'y faire face sans achat ni imposition générale sur le pays,
par le même. Ibid., in-12.
De la neutralité de la Belgique et de l'armée, par le major
du génie Laurissard-Fallot. Bruxelles, J. De Mat, 1839 ; in-B".
De la liberté de l'Escaut, envisagée dans ses rapports avec
l'agriculture, l'industrie et le commerce. Bruxelles, Hayez,
1839; in-Q".
La Belgique militaire et indépendante. Bruxelles, Hayez,
1839.
Des crises financières et de la réforme du système monétaire,
par Chitti. Bruxelles, Méline, 1839; in-8° de 140 pag.
Quelques considérations sur le péage de l'Escaut. Anvers,
mail839;in.8°de23pag.
Esquisses biographiques des principaux fonctionnaires tant
civils que militaires de la Belgique, par Aug. Holvoet. Brux.,
chez l'auteur, 147 pag. in-18.
( 284 )
PUBLICATIONS PÉRIODIQUES.
Nouvelles Archives historiques, philosophiques et littéraires,
revue trimestrielle, publiée par MM. J. B. D'IIanc , administra-
teur inspecteur de l'Université de Gand; F. Huet, P. A. Lenz
et H. G. Moke, professeurs à la même université. Gaud, Annoot.
Tome II, 2^ livraison.
Annales de la Société d'Emulation pour l'histoire et les an-
tiquités de la Flandre occidentale, publiées par les soins des
membres du comité directeur. T. I, N" 1. Bruges, Van de Cas-
teele-Werbrouck, 1839; in-S^pag. XII et 104.
[La société publiera quatre cahiers par an. Le numéro I contient : les
keures de Furnes (1240) et du village de Ter Pieté (1265), par F. V. —
Recherches historiques sur l'origine et la nature de la société dite con-
frérie de l'Ours blanc à Bruges, par F. V. — Charte de Marie de Bour-
gogne, de Tan 147G (eu flamand), par Octave D. — Notice sur les
anciens sceaux de la ville de Bruges , par Edmond Veys. — Notice bio-
graphique sur le P. Ferdinand Verbiest , missionnaire à la Chine, par
Fabbé C]
Bulletin de l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Bruxelles. N"' 5 et 6. Bruxelles, Hayez; in-S", avec â pi. col.
[Ces N" contiennent entre autres des communications historiques de
]M!\L De ReiOFenberg, Gachard , E. Cachet; différents rapports sur les
mémoires envoyés an concours de 1839, etc.]
Bévue de Bruxelles, publiée par MM. A Dechamps et P. De
Decker; avril et mai. Bruxelles, De Mat, 1839, in-18.
[Ce recueil, auquel ne coopèrent que des écrivains de notre pays,
continue à s'occuper avec sollicitude de la Belgique. Voici les principaux
articles de la livraison davril : Coup-d œil sur le mouvement religieux et
intellectuel en Allemagne. — La légende de S'-Lambert. — Caractères
des diverses époques sociales. — Le Château de Maldegem la loyale. —
Questions de politique extérieure, etc. — La livraison de mai contient:
Une leçon de M. Ahrens , par Tits. — Voyage du P. Bergcron et du
P. Molinet, par Gachard. — L'action sociale des papes, jugée par les
écrivains protestants , par J. Moeller. — Une Nuit blanche, par Coomans.
— Biographie de Ch. Van Berghem, secrétaire de l'archevêque deMaliiies,
par F. V. Goethals.- — Sous le t'die de Miscellanées, se trouvent les nou-
velles les plus importantes fie la religion, flu commerce, de l'industrie,
delà science, de l'histoire, des arts, de la littérature, de l'instruction
publique. Des analyses critiques , une chronique politique, un bulletin
bibliographique terminent les livraisons.]
( 285 )
Belgisch Muséum, 3" deel, 1*'^ aflevering. Cent, Gyselynck ,
1839; in-8«.
[Cette livraison est ornée de trois lithofrrapliies. Elle contient des ar-
ticles, sur les chambres de rliétoriqae de Courtrai, par F. Snellaert; —
sur l'uniformité' de la prononciation chez les anciens écrivains des Pays-
Bas , par J. David ; — sur Liéviu Mehus , par F. Speyers ; — quelques
conmiunications importantes de M. Willems, etc.]
Annales et bulletins de la Société de Médecine de Gand ,
année 1839. Gand, Gyselynck.
La Renaissance. Bruxelles, Soc. des Beaux-Arts. In-folio,
avec planches et vignettes.
[Cette publication se publie deux fois par mois : 6 numéros ont paru,
ornés de belles lithographies; ils contiennent des articles sur le Beffroi
de Gand , sur Schotel , sur Mindert Hobbema , sur la décadence de l'art
en Italie, etc.]
Annales de la Jurisprudence belge , ou Recueil des arrêts
de la cour de cassation et des cours d'appel du royaume, par
MM. Sanfourche, Laporte et Colmant. Bruxelles, 1839.
[ Il parait une livraison tous les mois.]
Journal historique et littéraire. Liège, P. Kersten , 1839;
V, 2« et 3« livraisons du tome IV.
Revue belge, publiée par l'association nationale; 5^ année,
mai. Liège, Jeunehomme, 1839.
[Articles de cette livraison : la Joyeuse-Entrée de Ferdinand de Ba-
vière à Liège , par M. L. Polain. — Marguerite d'Autriche , sa vie, sa
politique et sa cour, par J. J. Altmeyer. — Villes, paysages allemands ,
par Eug. Poulet.— Everard T' Serclaes, chronique brabançonne , par
Ph. L.]
GRAMMAIRE.
Dictionnaire wallon-français, dans lequel on trouve la cor-
rection de nos idiotismes vicieux et de nos wallonisnies, etc.,
par L. Remacle. 2^ édition, augmentée de plus de cent mille
mots. Liège, Collardin, 1839; 18 livraisons in-8''.
OUVRAGES DIVERS.
Manuel des Organistes de la campagne, par l'abbé T. Nor-
mand, Bruxelles, De Mat, 1839.
( 286 )
Grondregels en pligten der vaders en moeders, door Claude
Arvisinet. Brussel, Maetschappy ter verspreyding van goede
boeken, 18â9.
Description des machines et procédés consignés dans les bre-
vets d'invention, de perfectionnement et d'importation, tom-
bés dans le domaine public, Bruxelles, Deprez-Parent, 1839.
Essai d'une nouvelle méthode d'enseignement simultané
mutuel, français-flamand. Bruxelles, Soc. nat. pour la propag.
des bons livres, 18S9; petit in-8°.
Histoire populaire de la révolution française, par Théodore
Juste. Bruxelles, Jamar, 18S9; in-18.
[Avec une jolie lithographie de IMadou.]
Géographie élémentaire à l'usage des écoles primaires et
moyennes, second cours, par Pieterz et Mauvy. Bruxelles,
Deprez-Parent, 18â9; in-12.
Annuaire de l'Université catholique de Louvain pour l'an-
née 1 889 , orné de deux lithographies représentant le collège
des théologiens, dit du Saint-Esprit et le portrait de feu le pro-
fesseur P. Van Esschen. Louvain, Van Linlhout et Van den
Zande; in-18.
( 287 )
DES SÉANCES DE LA COMMISSION R 0 Y A L K u'iIISïOIRE.
Tome III. — l^" Bulletin. Séance du 15 décembre 1838.
Il est donné lecture de l'arrêté de M. le ministre de l'inté-
rieur qui règle les travaux relatifs à la confection de la table
chronologique des chartes et diplômes imprimés, concernant
l'histoire de la Belgique, ordonnée par l'arrêté royal du
8 décembre 1837 :
Art. 1. Ces travaux se feront sous la direction de la Commis-
sion royale d'histoire.
2. La commission désignera aux personnes qui y seront
employées, les ouvrages dont chacune d'elles aura à faire le
dépouillement.
%. Les conservateurs des différentes bibliothèques de l'état
seront invités par le département de l'intérieur à confier ,
pour un temps limité et sous reçu auxdits employés , les ou-
vrages dont le dépouillement leur aura été assigné.
■4. Ce dépouillement se fera d'après les règles suivantes :
5. Toutes chartes, diplômes, lettres patentes, lettres missi-
ves , ordonnances, instructions, commissions, règlements et
autres actes imprimés, qui concernent soit l'histoire de la
Belgique en général, soit l'histoire particulière de quelqu'une
des provinces, villes ou localités , dont elle est actuellement
composée, seront repris et analysés.
6. L'analyse de chaque pièce, formera la matière d'un bul-
letin séparé, écrit sur une carte.
7. Chaque analyse , toujours conçue en français, sera à la
fois claire, concise et complète, c'est-à-dire, qu'elle contieiv-
dra les noms des parties agissantes ou contractantes, avec
{ 288 )
leurs dignités essentielles et l'objet qu'elles se proposent, ou
Lien le sujet principal de l'acte, lorsqu'il renfermera plusieurs
articles différents. — En tête sera indiquée la date de la pièce
dans la langue qui y est employée, et avec toutes les circon-
stances qui s'y rapportent. — Ce bulletin se terminera par
l'indication , entre paranthèses, de l'ouvrage d'où la pièce aura
été extraite, ainsi que du volume et de la page où elle se
trouve, et enfin de l'édition dont on se sera servi, lorsque
plusieurs en seront connues.
8. Les personnes employées au dépouillement recevront une
indemnité, fixée provisoirement à quinze centimes par bulle-
tin. — La commission pourra proposer , en outre , de leur
accorder des gratifications supplémentaires, proportionnées à
l'intelligence et à la capacité dont elles auront fait preuve,
ainsi qu'à la difficulté du travail qu'elles auront exécuté.
9. Tous les trois mois chacune d'elles remettra à la com-
mission, rangés dans Tordre chronologique par volume, et
accompagnés de la liste détaillée des ouvrages dont ils présen-
teront le dépouillement , les bulletins formés par elle. —
L'indemnité à laquelle elles auront droit à raison du nombre
de bulletins formés et remis, leur sera immédiatement payée.
10. Des dispositions ultérieures détermineront le mode et
les principes, d'après lesquels tous les bulletins devront être
assemblés, coordonnés et révisés, pour en former la table
chronologique générale, destinée à être livrée à l'impression.
Le secrétaire fait l'analyse de la correspondance.
M. le comte De Montalembert annonce qu'il s'efforcera
d'introduire l'usage d'un compte rendu, semblable aux bul-
letins de la commission, dans les comités créés à Paris, par le
gouvernement français , pour recueillir et mettre au jour
les monuments inédits de Thistoire de France.
Le ministre de l'intérieur autorise la commission à échan-
ger ses publications avec celles de l'Académie royale d'histoire
de Madrid; et à cette occasion, M. le chev. d'Antoine y Layas,
chargé d'affaires d'Espagne , exprime son désir défavoriser,
autant qu'il est en lui, les relations littéraires de la Belgique
avec sa patrie.
Le comte De Lal.^ing , notre chargé d'affaires à Madrid,
( 289 )
deinande une note des manuscrits et objets d'arts précieux,
que l'on pourrait réclamer, comme ayant été jadis transportés
de Belgique au-delà des Pyrénées.
M. L. De Malastrie, au nom du directeur du Nouvel Écho du
Monde savant, demande l'échange de cette publication contre
le bulletin de la commission , par qui cette proposition est
accueillie avec plaisir.
MM. Gabriel Peignot et Du Sommerard s'empresseront de
fournir à la commission tous les renseignements qui seront en
leur pouvoir, le premier pour l'histoire de Bourgogne, le
second pour celle des arts en général.
Deux lettres écrites de Gorcum par M. G. G. Vreede, qui s'oc-
cupe de l'histoire diplomatique des Pays-Bas , ont pour but
d'obtenir des renseignements sur l'implacable ennemi de Bar-
neveld, l'ambassadeur de Hollande à la cour de France, Fran-
çois VaiiAerssen, fds du greffier des États-généraux, Corneille
Van Aerssen, autrefois pensionnaire de la ville de Bruxelles.
M. Vreede voudrait avoir des détails précis sur la naissance
et les premières années de Van Aerssen, afin de pouvoir juger
à fond de la position où cet homme d'état s'est vu placé dès
sa jeunesse. On s'éclairerait jusqu'à un certain point sur cette
recherche , en remarquant que sa famille tenait à celles
d'isselingen, Estourneel, Wielandt, etc., qui appartiennent à
la Belgique.
« Il y a, dit M. Vreede, nombre d'autres Belges qui ont con-
» sacré leurs talents à la cause des Provinces-unies, et dont le
» nom vivra à jamais dans l'histoire de la diplomatie ; tels sont
«Jacques Van Maldere, Noël De Caron , seigneur de Schoone-
»wale, Liévin Calvart, Marnix, etc. En Belgique comme en
• Hollande, on pourrait de part et d'autre se communiquer
» tout ce que les bibliothèques , archives et collections privées
«contiennent d'intéressant, et cette réprocité bienveillante ne
• serait peut-être pas un des moyens les moins puissants pour
• applanir les difficultés que la politique a fait naître, etc. »
M. Du Faitelle fait parvenir à la commission un numéro de
V Industriel Calaisicn, du 10 novembre 1838. On y lit que ce
littérateur a apporté un grand nombre de preuves en faveur
de la relation que fait Froissard de la prise de Calais, par
( 290 )
Edouard III, et du dévouement d'Eustache de S'-Pierre,
révoqué en doute par Bréquigny et par M. Clovis Bolard ,
dont la Société des Antiquaires de la Morinie a couronné le
mémoire.
M. X. lieuschlinjj met sous les yeux de la commission plu-
sieurs extraits des Mémoires inédits sur l'histoire du Luxem-
bourg, par l'abbé Tillot, mort en 17o0, et le père Bonaventure,
capucin : ces extraits seront examinés, et, s'il y a lieu, on y
reviendra dans le bulletin.
M. Serrure vient de faire une découverte qui n'est pas sans
importance pour la littérature du Nord en général, et pour
celle de la Flandre en particulier : c'est un second fragment
d'un texte des Blibeîungen , qui renferme la plus grande partie
de la 17" aventure : Comment Siegfried fut pleitré et mis au
tomheau.
L'écriture de ce fragment est de la fin du XIIP siècle (vers
1280), et a appartenu au volume dont M. Serrure possédait
déjà un feuillet, qui a été publié dans les Anzeiger de M. Mone
à Carlsrube , ensuite dans le journal pour la littérature alle-
mande de M. Van der Ilagben , à Berlin, et tout récemment par
M. Meyer , à Groningue.
BI. Em. Gachet qui, pour un recueil que l'on forme en An-
gleterre, a extrait des arcbives du royaume diverses pièces
relatives à Marie Stuart, adresse à la commission les documents
suivants, qui concernent les Anglais réfugiés en Belgique, vers
l'année 1S70 :
Lettre du duc d'Albe au roy, toucbant les Anglais réfugiés
par deçà. D'Anvers le 1-4" de février 1370.
Dans cette lettre (que le bulletin copie en entier) le duc
d'Albe rend compte au roi, d'après la charge que Sa Majesté
lui avait donnée d'assister les seigneurs et gentilshommes
anglais réfugiés par deçà , pour le fait de la religion catho-
lique , de la manière dont il a jugé le plus convenable de
régler ces secours, qu'il a assignés sur la recette des confisca-
tions , etc.
Suit une copie de l'ordonnance (que le bulletin donne aussi
textuellement), par laquelle il est enjoint à Martin Van den
Berghc, trésorier de l'épargne du roy, et commis à la recette
{ 291 )
générale des confiscations, de payer et distribuer par mois sur
la recette desdites confiscations aux seigneurs, gentilshommes
et pensionnaires d'Angleterre ci-dessous dénommés, réfugiés
par deçà pour le fait de la religion catholique, la somme de
700 livres du prix de 40 gros, monnaie de Flandres, la livre.
Savoir :
A la comtesse de Noorthumberland , 100 écus par mois.
A Charles Nevell, comte de Westmeland, SO —-
A Milord d'Ailes, SO —
A Chrisloffle et Cutbert Nevell, 40 —
A Agremond Ratelif , iO —
A Richard Norton , l'ancien, 18 —
A Frances Norton, son fils aine, 18 —
A Sampton Norton, son autre fils, 10 —
A Thomas Jlarckinfild, chevalier, 8 —
A George Chamberlayne, 6 —
Fait ensemble SBO écus de 40
patars pièce.
Fait à Anvers le 5 febvrier 1570.
M. De Sraet fait la communication qui suit :
« Le parchemin était souvent rare au moyen-âge et toujours
assez cher , les religieux qui s'occupaient à transcrire des
livres ou à composer des chroniques, en usaient avec beau-
coup d'économie, et, comme chacun sait, ils se servaient de
plusieurs moyens à cet effet. Effacer les caractères des manus-
crits, quelquefois plus utiles que ce qu'ils allaient y substituer,
et préparer ainsi un travail pénible à ceux qui nous révèlent
les mystères des Palimpsestes , n'était pas à la vérité la mé-
thode la plus ordinaire ; mais le plus souvent ils avaient
recours aux marges, aux interlignes et même aux feuillets
de garde d'ouvrages plus anciens, et mainte chronique im-
portante a été trouvée là.
» Je n'ai donc pas eu lieu d'être surpris en découvrant des
notes chronologiques dans une Bible manuscrite in memhranis,
qui a appartenu à la bibliothèque de l'abbaye de Floreffe, et
qui maintenant fait partie de celle de M. F. Vergauwen , à
Gand. Ce précieux ouvrage en deux vol., gr. in-fol., est enrichi
( 292 )
de miniatures exécutées avec autant de soin que de goût , et
passait à FlorefFe pour avoir été fait au XI® siècle ; on assure
même qu'un feuillet de garde, arraclié du livre lors de la
destruction de l'abbaye, indiquait le nom du peintre qui avait
illustré l'ouvrage à cette époque. Malgré cette tradition, nous
avons raison de croire que les deux volumes n'ont été termi-
nés qu'à la fin du Xll" siècle, ou même au commencement du
XllP. Le caractère de l'écriture et le terme où s'arrêtent les
notes écrites de la même main, nous semblent des preuves assez
solides pour rejeter la prétention à une plus baute antiquité.
»Le texte même de la bible et des prologues ordinaires de
S'-Jérôme, est précédé par différentes tables cbronologiques
et généalogiques; c'est sur les marges des premières que se
trouvent des notes, dont on pourrait former une chronique,
Malbcureusement l'auteur ne se borne pas aux événements du
pays, et ne donne presqu'aucun détail; cependant il fournit
quelques faits relatifs à l'histoire du pays de Liège et de
Namur, et en les confrontant avec Sigebert de Gembloux et
les auteurs publiés par Chapeauville, je me suis convaincu
qu'il ne les a point copiés.
» J'ai cru qu'il était utile d'en insérer ici un fragment, etc.
( ce fragment occupe -4 pages dans le bulletin , et en voici
quelques exemples : )
An. MC. Godefridus dux moritur in Jérusalem. Guibertus
papa ohit, Rainerus Qui est Pascalis , suecedit.
MCIX. Comètes apparnit.
MCXXVII. Carolus co}?ies Morinoruvi , Brugias antc altare,
et eadem die Guilielinus , cornes Scdernensium , interfîciuntur,
MCXLVII. Famés valida et eclipsis solis.
MCLXXX. Terra motus jior Coca, etc., etc.
M. le comte Cughen écrit au président, en date du \h dé-
cembre, que, conformément à l'intention qu'il avait déjà
manifestée , il mot à la disposition de la commission une
somme de 2000 francs, à décerner en prix à l'auteur du
meilleur travail historique, en réponse à une question dont
le donateur laisse le choix à la commission.
Celle-ci arrêtera dans la prochaine séance le programme
du concours.
( 29S )
S, De &erl*cbe domne lecture d'un nouvean rapport de
I. G»chard , dâlc de Paris le 1 1 décembre 18S8. En Toici
re\trîiîl :
« ûepais moa retour dans cette capitale, j'ai repris les
traraux que j'avais commencés cet été dans les archives âe^
affaire:» étrâng^eres et à la bibliotbcqpQe du Roi. -Tai visité aosâ
le* " eques de l'Arsenal , de l'Institut , de S'-Génevieve
«t îi i ;.iie.
• Je von< donnerai d'abord quelques détails sur les dernier?
établissements dont je n'ai pas eu encore l'occasion de vous
parler :
f La bLbîiotbèqne der.Vrsenaî. par le nombre et rimportance
des ouvrages manuscrits qu'elle renferme , tient le premier
rang après U bibliothèque rovale. Ainsi pour ne citer que les
livres qui ont rapport à la Belgique . on trouve a l'Arsenal :
' La chronique riroée de Philippe Moostes. que X. De Reif-
fenber^ a éditée, d'après un te\te plus ancien.
- re de Gilles De Chin de Berlavinont, en vers, et le
lyâudovn, conte de Flandre, et de Ferrant, fils du roi
... . iu^-a!, qui ont déjà été si^ales â la commission par
E, De Halâstrie,
» Le chevalier délibère, poème d'Olivier De la Marche, oa il
raconte la funeste hatail]e de Xancy : il en eïi«e des éditions
feites à Seudan et à Paris, mais elles fourmillent de fautes.
j T- - _ . ^g Georges Chastelain, intitule : Lemeitfe a la
Tî. ^ .,. -j. est pas cite au iiombre des prodoctioas de cet
ecrir.îln d^ns rarticle que lui a consacre la Biographie uni-
verselle.
' Une histoire très^uriettse « du vaillant chevalier monsei-
• gneur Jehan D'Avenues, conte de PontTen, de son fils le
• ooQtc Jehan, de soa biau-filc Th:^- ^: le Dommert et du
» pren et vaillant tarcq le Souldan i ^.n , qui d'eulx et de
• leur lij^ie desioeodv, > composée par Jean Daquesne.
>La coUeetioB de docomeats historiques que possède la
bibtâMbéque de l'Arsenal, n'est pas d'ailleurs sans importance,
laème p>our ce qiii concerne notre pays. Sans parler des chro-
nîqnes et recueils dont il ex.tste ailleurs plus d'ane copie , j y
ail
( 294 )
I
»Une chronique de France, de Flandres et d'Angleterre,
commençant en 1296 et finissant en 1370, « mise au net par
«David Aubert , clerc , l'an de grâce 1439, par le commande-
BUient de très-hault , très-excellent et très-puissant prince
«Philippe, par la grâce de Dieu, duc de Bourgoingne, etc. »
«Une chronique de France et de Hainaut, écrite en langue
rouchi ;
«Une chronique du Hainaut, commençant à la fondation de
Trêves, 1230 ans avant la fondation de Rome ;
» Le journal des voyages de Charles-Quint , par Van den Esse,
qui est déjà connu de la commission ;
«Des mémoires pour servir à l'histoire des ducs de Bour-
gogne de la V° et de la 2^ race;
«Une excellente copie du discours de Gaspard De Colligny,
sur ce qui se passa, durant le siège de Saint-Quentin, par
l'armée Hispano-Beige, en 13o7;
«Enfin un recueil des pièces concernant le cartel et le défi,
adressés par François I à Charles- Quint, copiées en 17-46, sur
les originaux qui reposaient à cette époque aux archives de
l'état à Bruxelles.
»La bibliothèque Mazarine contient un millier de manus-
crits; mais rien qui soit de quelque intérêt pour nous, autant
que j'ai pu en juger par un examen rapide, fait avec un des
conservateurs, car il n'y en a pas de catalogue.
» A la bibliothèque de S'^-Geneviève , le récit d'un voyage
fait en Belgique, en lGo2, par le père Dumolinet, de Tordre
des Ecoliers du Val, est presque le seul manuscrit qui ait fixé'
mon attention : on y lit des particularités sur les mœurs du
temps qvii m'ont paru mériter d'être recueillies.
» La bibliothè({ue de l'Institut possède, outre les manuscrite
de Godefroy , au nombre de 330 volumes environ , des docu-
ments historiques parmi lesquels j'ai remarqué :
• Une chronique de Hainaut, depuis la destruction de Troie
jusqu'à l'année 1-467, où elle paraît avoir été écrite;
» La chronique métrique composée par Martin Cottignies,
contenant les événements arrivés en France et en Flandres,'
depuis l'an lâ90 jusqu'à l'an 1-4-40.
Des mémoires et remarques sur l'histoire des ducs de Bour-
( 295 )
gogne, tirés des actes de la chambre des comptes de Dijon, par
le maître des comptes, Bauyn;
«Une belle copie faite au XV^ siècle, de l'ouvrage de Guil-
laume Pilastre, sur la Toison d'or;
«Une relation de la retraite de monsieur duc d'Orléans, en
Flandre, en 1632, où j'ai puisé quelques notions intéressantes
sur l'état de la Belgi(|ue à cette époque.
» Il me serait impossible , M. le président , à moins d'entrer
dans des détails qui me mèneraient trop loin, de vous donner
même un aperçu des résultats des recherches auxquelles je
me suis livré à la bibliothèque du Roi; je dois me contenter
de vous dire que, à l'heure qu'il est, j'y ai parcouru, dépouillé
et analysé au-delà de 200 manuscrits , contenant des chroni-
ques, des mémoires, des chartes, des lettres, des relations et
des négociations diplomatiques , enfin des documents de toute
sorte , relatifs à notre histoire nationale. Au milieu de cette
masse de matériaux historiques , l'époque sur laquelle j'ai
recueilli surtout des choses neuves et curieuses, est celle où
brillèrent nos deux illustres ducs Philippe-le-Bon et Charles-
le-Hardy, et c'est aussi l'époque la plus dramatique et la plus
glorieuse peut-être des annales de la Belgique, Je vous annon-
çais, dans ma première lettre, la découverte d'une série de
documents, inédits sur l'insurrection des Gantois, à laquelle
put seule mettre fin la défaite de Gavre, ainsi que de lettres
des habitants de Liège à Louis XI , écrites dans le temps de
leurs démêlés avec les princes de Bourgogne; depuis, j'ai
trouvé bien d'autres pièces qui répandent du jour sur ces
mêmes événements.
» J'ai vainement cherché à la bibiothèque du Roi, des docu-
ments qui auraient jeté de vives lumières sur les causes ,
l'origine et le développement de nos troubles civils et reli-
gieux au XVI® siècle.
«J'ai eu l'honneur de vous dire que les correspondances
des envoyés de France à Bruxelles , conservées au dépôt des
affaires étrangères, formaient environ 200 volumes. Toute
cette collection mériterait d'être compulsée et dépouillée ,
mais pour l'analyser , il faudrait pouvoir disposer de cinq
à six mois. Obligé, comme je l'étais, par les occupations
( 296 )
variées, entre lesquelles devaient se partager ici mes mo-
ments , de restreindre mon examen à quelques parties de
cette volumineuse collection , j'ai cru devoir donner la
préférence d'abord aux lettres des années 1780 à 1790 ,
qui comprennent le règne si agité de Joseph lî , et la
révolution brabançonne ; depuis j'ai parcouru les corres-
])ondances de plusieurs autres années , notamment celles de
1626 à 16â2, où je me flattais de trouver d'amples éclair-
cissements sur la conjuration qui fut formée sous Philippe IV,
pour soustraire la Belgique au joug de l'Espagne. Mes re-
cherches pour cet objet n'ont pas été heureuses (1).
» Dans le cours de ces dernières recherches, j'ai recueilli
des particularités à la fois intéressantes et neuves sur les
dégoûts que la cour de Madrid suscita à l'infante Isabelle,
pour déterminer cette princesse, si justement chérie des
Belges , à résigner le gouvernement des Pays-Bas , qu'elle
conserva néanmoins jusqu'à sa mort. D'autres ])articularités
non moins curieuses, sont celles qui ont trait à la part que
prit Rubens aux négociations de la paix entre l'Espagne
et l'Angleterre. La réunion de ces documents à ceux dont
je vous ai précédemment entretenu , formera un ensemble
de matériaux , dont pourra tirer parti celui qui voudra
refaire la vie du plus célèbre de nos peintres.
«Je pourrais vous parler encore de plusieurs manuscrits
contenant des pièces diverses que j'ai examinées au dépôt
des atïaires étrangères ; mais cette lettre est déjà bien
longue : je la terminerai donc , etc. »
Le baron Jules de S'-Genois adresse à la commission une
lettre relative aux comptes de Guy de Dampierre, dont il
lui a soumis des extraits, il y a quelques mois, en émet-
tant l'opinion qxiAdam le Ménestrel devait être sans doute
le fameux Adenez Le Roi , protégé en titre du duc de
Brabant ; mais une lettre de M. Paulin Paris , semblant
(1) M. Gachaifl a trouvé depuis dans un des vohimcs de la correspon-
dance de Bruxelles , qu'il n'avait pas encore parcouru à lépoque où H
écrivait ce rapport, des documents du plus haut intérêt sur la conjura-
tion de 1632.
( 297 )
prouver d une manière irrécusable qu'il s'agit dans les
extraits publiés, non pas d'AcIenez Le Roi, mais bien d'Adam
De la Halle , plus connu sous le nom caractéristique du
Bossu d'Arras, M. De S'-Genois s'estime heureux de pouvoir
se ranger à l'avis de [M. P. 'Paris , et il espère que la commis-
sion voudra bien accueillir cette rectification dans l'intérêt
de la vérité historique.
M. De ReifFenberg fait quelques remarques verbales :
« Les rapports de notre collègue M. Gachard, dit-il, nous
ont fait connaître les travaux commencés à Besançon, pour
la publication d'une partie des papiers du cardinal de Grand-
velle. Tandis que M. Gachard ne pouvait avoir accès à ces
archives, qu'il était chargé de consulter pour recueillir des
notions purcMuent relatives à la Belgique, nous nous empres-
sions de fournir des éléments au travail de nos voisins.
«En 1833 et 18â6, le département de l'Instruction pu-
blique en France, outre divers documents tirés des archives
du royaume , emprunta à notre bibliothèque royale , les
deux porte-feuilles que nous avons indiqués dans le volume
précédent et qui n'ont pas encore été restitués.
»0n vient encore d'envoyer à M, De Salvandy, un manus-
crit in-folio de 12B feuillets, formé de lettres originales
adressées au cardinal de Grandvelle, par plusieurs personnes.
A ces lettres il faut joindre des instructions du -4 juin 1574 ,
pour Don Pedro de Avila , marquis de Las Navas, ambassadeur
de Rome, signées Yo el.rey , et contre-signées Vargas; comme
ce volume sera sans doute dépouillé , je m'abstiens d'en
faire l'analyse et ne le signale ici que pour mémoire. »
M. De Reiffenberg ajoute qu'il a entre les mains la copie
de la chronique d'Anchin , dont M. De Malastrie a bien
voulu se charger. Les 23 pages du commencement et les
55 dernières du manuscrit de Paris, sont inédites, ainsi qu'on
l'a dit. Les Monumenta Hannoniœ contiendront de plus
toutes les variantes de quelque valeur , qui se trouvent
entre le manuscrit et le texte imprimé d'Aubert Le Mire,
avec un assez bon nombre d'additions , dont quelques-unes
sont longues et intéressantes. Il est à remarquer que la chro-
nologie des deux textes diffère beaucoup.
20
( 298 )
La commission décide qu'elle demandera au ministre
communication des rapports de M. Kreglinger , que , par
une mesure digne de sa sollicitude pour les lettres , il a
envoyé en Allemagne , afin d'y visiter les bibliothèques et
dépôts d'archives, et d'y rechercher les documents relatifs
au pays.
Une lettre de Paris de M. l'abhé Lacordaire, donne avis
que monseigneur l'archevêque de Paris, voulant seconder les
Bollandistes Belges dans leurs efforts pour la publication de
la fin des Acta Sanctorum, vient de nommer une commis-
sion , chargée de recueillir tous les documents propres à
cette vaste entreprise.
Suite des Inventaires de Manuscrits relatifs à la Belgique. —
Publications récentes, — Ventes publiques.
(Communiqué par le baron De Reiffenborg.)
A Vienne , en 18S6, on a entrepris un catalogue des ma-
nuscrits de la bibliothèque impériale. Le savant E. Endlichir
s'est chargé des Codices Philologici Latini , la seule partie
qui ait encore paru, Vindobonœ , 1836, in-4°, de X et iOl
pages , avec 3 planches.
Comme il arrive qu'un manuscrit contient plusieurs pièces
souvent très-disparates , cette division peut être consultée
avec fruit , même par les personnes qui se livrent à l'étude
de l'histoire du moyen -âge.
A Leipsig , M. E. G. Neumann, bibliothécaire de la ville,
a commencé en 1837, et continue en ce moment le cata-
logue des manuscrits conservés dans le dépôt commis à
sa garde. Ce travail n'est encore arrivé qu'à sa 3® livraison ;
en voici le titre : Catalogus librorum inanuscriptarum biblio-
thecœ senatoriœ civitatis Lipsiensis, in 4", 2 col., I-III livr.,
pp. 1-278, 9 pi. lithogr.
Aux pages 52, 107, 138 et \A\ , se trouvent quelques
articles qui peuvent concerner la Belgique.
A Dresde, M. Ch. Falkenstein , premier bibliothécaire du
roi de Saxe, vient de publier avec antidate, un livre intitulé ;
lieschreihung der kœniglichen offentlichcn Bibliothek zu Dres-
den. Dresden ,1839, in-8° de IV et 887 pp.
{ 299 )
La section réservée aux manuscrits a beaucoup d'étendue;
mais il s'y trouve peu de choses qui soient de nature à
intéresser nos provinces.
A Paris, le docteur A. Marsand a fait imprimer en 18SS,
à l'imprimerie royale, un catalogue raisonné des manuscrits
italiens de la bibliothèque du Roi. BI. Guizot ayant exhorté
l'auteur à poursuivre des explorations dans les autres biblio-
thèques de Paris , M. Marsand a donné, en 1838, un second
tome; l'ouvrage complet est intitulé : / manoscritti italiani
dele rcgie Bihliotheche di Parigi.
A Dijon, dans les archives du Grand- Hôpital , se trouve
un manuscrit in-folio, relatif à la fondation des hôpitaux
du S'-Esprit dans cette ville, ainsi qu'à Rome. M. G. Peignot
vient de donner une description détaillée et très-curieuse de
ce manuscrit, exécuté vers les années 1460-63 , et composé
en tout de 60 feuillets de parchemin , dont 22 sont couverts
de miniatures , où figurent Philippe-le-Bon et la duchesse
sa femme.
Pour les publications récentes, voir les bulletins bibliogra-
phiques du Messager des Sciences et des Arts.
Sous le titre le titre de Ventes publiques , le bulletin indique
le catalogue des vieux livres et manuscrits , délaissés par
BI. Ph. Parmentier, archiviste de la ville de Gand , et en
signale particulièrement quelques articles.
Post-scriptum. Au moment où s'achève l'impression du
bulletin , BI. Le Glay , archiviste du département du Nord ,
fait parvenir à la commission un volume intitulé : Ânalectes
historiques ou Documents inédits pour servir à l'histoire des
faits, des mœurs et de la littérature, Paris et Lille, 1838;
in-S", de 268 pages.
Cet intéressant volume est la réalisation du projet que
nous avions annoncé. Il se divise en trois parties : Histoire
littéraire , Histoire des mœurs , Histoire civile. La première
contient des lettres de J. Le Blaire, de J. F. Foppens , etc. ;
la seconde , des documents neufs sur les gages et appels de
bataille; la troisième, une lettre importante de Charles-Quint,
à propos de la captivité de François I, etc.
{ 300 )
€l)roniqixe ti^a $cunc($ et ^xi$, U \)aïiàc$.
Pierre sépclcrale a Postel. — Dans une excursion que nous
fîmes dans la Canipine, il y a quelque temps, nous fûmes frap-
pés de la beauté d'un monument sépulcral qui se voit encore
aujourd'hui dans l'ancienne abbaye de Postel, située à l'extré-
mité de la Campine et aux confins de la mairie de Bois-le-
Duc (1). Cette pierre, dont nous donnons la lithographie ci-
jointe, est un morceau d'art d'une exécution très-remarquable,
et c'est sans doute à ce titre qu'il a échappé à la destruction.
Ce monument, de marbre bleu et blanc, a 228 centimèti'es
de longueur sur 128 de largeur.
Il a été élevé à l'honneur du septième abbé de Postel, Jérôme
de Raveschot. Ce prélat, qui appartenait à une des plus an-
ciennes familles de la ville de Gand , et qui était allié aux
familles les plus illustres de la Flandre, était fils de messire
Robert de Raveschot, seigneur de Yoorde et de dame Marie
Catherine Standaert (2). Après avoir été curé de Luycx-Ghestel
(1) On peut voir sur l'abbaye de Postel, Foppens historia episco-
jxitus Sylvœducensis, pag. 235. mais surtout i/ey/e?«, historische Ver-
hrtiidcliiKjen over de Kempen, page 48, ainsi que les ouvrages cités par
cet auteur.
(2) Là famille Standaert a produit un grand nombre de personnages
«listingués. Voici quelques extraits de la gcnéalogic îles Standaert :
Léonard Standaert, capitaine intrépide, au service de la république
de Hollande {fiénëalogie de la famille Van der Nooi, par Azévédo).
Maximilien Antoine Standaert, membre du magistrat sénatorial de
Louvain (Divœi, Rcrum Loraniensinm, p. 12 , 39 et 87 ; Item Appen-
dice, ^.\\Q et U\).
Pierre Standaert , soixante-neuvième abbé de la célèbre abbaye de
' It.WKM'lllM)'!'
^^iiASTiiii HT
'XK?<:^
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r.K.Mir
'.^'♦•J' c^;.
M.Û.SK.N"
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me CONDITITS .lACET "<:::^^
Ri'AEl'iKVplS ADM.AC AMl'LISSlMl'S DDMINTS
DltMINTS nnUSONIMUS lUVESniOOT l)E l'AI'l'J.LE
BliJUS (ŒNOBIl ABAS SEl'TLMl'S
lîTvns ANNo on
COAD.lUTORl.E SIMIL AC l'JLEE ATI R.E'24
Alll XOBILISAC lUMIElS
KCCLESIAM J)E LlTrEXOESTEL ANXIS 17
nONrSPASTOR HEXIT.
( IIAS INCEKTIS ('.ECI.VIT
HOUIE CEUTUM ADIIT
TOTIM SE KUATUnU S liMTENDIT
ILIil RErENDANT
I'L\S.\DJ)Elu\lPr.ErES
UT
lUiyi lESCAT IN l'ACK
oniiT 7" I'EBIhaiui i7'j{i.
iii)i;rc)i'
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L Al'SAHn
r.;f
Lm'ii().\ii;ki;i;n;
[_DUK£
j.xiirEKi;A-NnJ
>s ii iy..
( 301 )
pendant dix-sept ans, il devint, en 1703, coadjuteur de l'abbé
de Postel, Grégoire Sichmans, auquel il succéda l'année sui-
vante (1),
Nous ferons observer en passant que c'est par erreur que.
ce prélat est appelé Jean de Ravesehot dans le Grand Théâtre
sacré du Brahant (t. Il, p, 108).
Il est réellement fâcheux qu'il n'existe pas de Musée central
dans lequel on puisse réunir les débris de nos anciennes égli-
ses, de nos anciens couvents, qui ont quelque mérite sous le
rapport de l'art. La révolution française a sans doute porté un
coup terrible à tous nos monuments religieux, mais la géné-
ration actuelle n'est pas assez soigneuse pour recueillir les
restes, qui se trouvent çà et là et qui tous les Jours courent
risque de se perdre ou d'être détruits.
CONTIKUATIO CnRONICI CONTRACTI ECCLESI^E PARCDENSIS. NouS
devons à l'obligeance de M. Th. De Jonghe, de Bruxelles, la
communication de la pièce suivante. C'est une continuation
de la chronique abrégée de l'abbaye de Parc (2). Elle est
du savant professeur de l'ancienne université de Louvain,
J. B. Van de Velde.
S'-Pierre-lez-Gand, primat de Flandre, prince de Camphin, etc., mort
le !<=' décembre 1759.
Jacques Bernard Standaert , gouverneur de la chambre des pauvres
de la ville de Gand , Tun des fondateurs de la maison de Force et de l'hos-
pice de S'- Antoine dans la même ville, mort le 18 août 1799.
(1) Hellin, dans le Supplément à l'histoire de l église de S^-Buvon,
p. 257, parle de cet abbé; mais il se trompe, pensons-nous, en disant
qu'il ne fut curé de Luycx-Ghestel que pendant sept ans , puisque Tépita-
phe porte dix-sept. Hellin nomme au nombre des seize quartiers Sallaert,
Hatisart, Engnere7i, au lieu de Sallaiit, Ausard, Enyuerrand.
On remarquera que sur la planche ci-jointe, par une distraction du
lithographe , le mot ahbas a été écrit abas.
(2) Chronicon coniractum insifjnis ecclesice Parchensis ordinis
prœmonstratensis juxta miiros Lovanienses. Lovanii, apud Petrum
Attg. Dcnique prope Academiani: 1726, jjp. 21 in ociavo, auctore
R. D. Hieronymo de Waersegghcre , 35 abbale hiijus monasterii.
( 302 )
Rev. adm. ac ampl. Dom. Alexander Slootnians, S. F. D. F.
trigesimus sextus abbas illi (1) canonicd electione stibrogaius
est, vir non dignitafe tantum, sed onini etiam virtutiim con-
spicuus. Nafus in pago de JVilryck, diocesis Antverpiensis ,
primo in ahbatiaFloreffiensi S. T. lector postulatus fuit, deinde
Lovanii prioris vacantiorum (2) officio decoratus, mox cathe-
drœ theologicœ in inonasterio admottis est. Postea per annos XII
saceîlani regii niunere in Fura Ducis functiis, exinde prœpositus
sanctinionialium vallis S. Catharinœ projye Bredam eligitur ac
mortuo siquidem duobus post annis Rev. adm. Dom. Hieronytno
de iVaersegghere, a serenissimd Belgii gubernatrice Maria Eli-
zabetha ad abbatialem dignitateni nominatus anno 1730, et
8 maii subséquente eâdem exornatur : tum ab Eminentissimo
Domino Thomâ Philippe, cardinale de Alsafiâ, archiepiscopo
Mechliniensi [a quo sacris infulis decoratus fuerai) constituitur
archidioccsis Mechliniensis judcx synodalis, deinde circariarimi
Brabantiœ et Frisiœ vicarius generalis creatur, demum statuum
Brabantiœ deputatus, raro exemplo octodecim annis munere illo
invicto animi fortitudine et constantid perfunctus est, tandem
hydropisi correptus, vitani cum morte commutavit anno 17S6,
ociava maii, œtatis 76, regiminis 26. Eique sticcessit :
Rev. adm. ac ampl. Dom. Ferdinandus de Loyers, ex pastore
de Corbeeck-over-Loo, trigesimus scptimus abbas Parchensis ,
natus in Castro de Chaltain, diocesis Namurcensis, qtd primum.
vicarius in fVackerzeele , ac dein in TVerchter, tum cellarius,
et postmodum abbatiœ provisor constituitur, tandem fato functo
rev. adtn. Domino Alexandre Slootmanno, a suis omnium votis
in abbatem electus , et ad eam dignitatem ab Augustissimà et
(1) R. D. Hieronymo de Waersegyhere , mortuo die 3 martii 1730.
(L'auteur de la chroniciuc abrégée.)
(2) On appelait à l'Université deLouvain Vacantiarum priores , cenx
d'entre les bacheliers qui proposaient les premiers arguments contre les
thèses du baccalauréat. Ils étaient ordinairement au nombre de trois
ou quatre, et leurs fonctions duraient un an. V. Paquot, Mémoires
pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-
Bas, de la principauté de Liège et de quelques contrées voisines.
Louvain, 1765, in-folio, I, p. 179, en note.
( 303 )
Apostoiicd Impératrice Regind Maria-Theresia nominatus anno
17ii6. Nominatum die 13 septembris ejusdeni anni installavit
rcv. ac ampl. Dum. Joannes Baptista Sophie, ahbas Grinibcr-
(jcnsis ac Brahantiœ ac Frisiœ circariœ vicarius gcneralis , sa-
crisque infulis decoravit die 26 ejusdem mensis Eminentissimus
Dom. Thomas Philippus, S. R. E. cardinalis de Alsatiâ, archi-
episcopus 3Iechliniensis. Fuit discipUnœ recjularis quam maxi-
mus zelator, ecclesiam viagiii/iccntissimis decoravit ornavientis,
variasque ctiam domus œdificavit pastorales. Tandem post regi-
luen sex annorum vivere dcsiit anno 1762, mensis fehruarii
die 13, œtatis 56. Eique suff'ectus fuit:
Rev. adm. ac ampl. Dom. Franciscus Généré, Lovaniensis
S. T. J. anno 1721 nntus, ex administratore bonorum nobilis-
siîiiœ abbatiœ Magni BigardU Blonialium, ordinis S. Benedicti,
propre Bruxellas, trigesimus sex tus ahbas Parcensis ab Augus-
tissimd Impératrice Regind Marid-Theresid die ^ junii 1762
nominatus, die 10 augusti ejusdem anni ab Eminentissvmo
archiepiscopo Mechliniensi sacris infulis decoratus est. Mox
statuum Brabantiœ deputatus per octo circiter annos muncre
illo non minima cum laude perfunctus est. Plures ab ahbatiâ
Parcensi depcndentes œdificavit aut restauravit ecclesias, non-
nulisque tahulis monasterii sui teniphim decoravit. BruxeUis
diem obiit supretnum 12 septembris 1770, œtatis 67, religiosm
professionis 38, sacerdotii 34, regiminis vero 17. Successif in
locum defuncti :
Rev. adm. et ampl. Dom. Simon Wouters, S. Th. B. F., natus
inpago de Wcrchter, trigesimus nonus abbas Parcensis.
Les renseignements qui suivent sont de M. Th. De Jonghe :
Le dernier abbé du Parc fut Simon Wouters, bachelier
formé en théologie. Il avait été auparavant lecteur en théo-
logie dans son abbaye, puis administrateur spirituel de l'ab-
baye du Grand Bigard, près de Bruxelles. 11 fut installé le
14 mars 1779, et reçut la mitre des mains de l'archevêque de
Malines le 21 du même mois. Il entra aux États de Brabant,
en qualité d'abbé du Parc, le 20 avril suivant. 11 fut nommé
député desdits États, au mois de mai 1784. 11 s'y distingua
par la violence de son opposition aux réformes de Joseph II,
( 304 )
qui supprima l'abbaye du Parc, en mars 1789 (1). Ce prélat
mourut le 23 novembre 1792 (2).
31elchior Nysmans lui succéda la même année. Il gouverna
l'abbaye du Parc jusqu'à l'époque de l'entrée de l'armée
française dans les Pays-Bas. Il se retira alors eu Allemagne ,
et accompagna le cardinal de Frankenberg à Emmericli et à
Bocholt. Après avoir émigré pendant plusieurs années , il
rentra dans sa patrie en 1802, après le concordat. Ce prélat
mourut le 17 décembre 1810.
(1) Son portrait a été gravé par J. Chevillet, en 1790. dans le Recueil
des portraits de nos seigneurs les États de Brabunt qui ont assisté
à V assemblée générale, tenue à Bruxelles depuis le 17 avril 1787
jusqu'au 5 décembre de la même année , avec tin appendice conte-
nant les jjortraits de MM. les abbés des abbayes pour lors vacantes,
ainsi que de MM. les chefs du troisième membre du tiers-état de
Van 1789, etc., gravés d'après les dessins originatix d' André Bernard
de Quertcnmont, jyeintre et directeur de l'Académie beUjique des
Beaux-Arts à Anvers, et membre ordinaire de V Académie électorale
de Dussetdorf. Anvers , 1790 , aux dépens de l'autear.
V. les brochures intitulées :
1. Het redit van den natuer vati de volkereti van de H. Roomsche
kerk ende van de civiele wetthen, geschondeti door de actuele af-
schafpnge van de abdije van Perck vy Loven, enz. 1789, p. 42.
2. Relaes van het tyrranig gedrag en wilkeurige bestiering vari den
zeer Eerweerden Heer Simon Wouters , geweeze?i prelaet van de
afgeschafte abdye van Perck, ten opzigten van zyne onderhoorige
religieusen. 1789, in octavo, p. 18.
3. Requeste met ses stukken annex door de heeren religieusen der
abdye van 's Heeren Perck by Loven, geprcsenteerd aen die seer eer-
weerden edele Heeren Staeten van den laîide en heitogdomme van
Brabant, in hunne générale vergaderinge gehouden te Brussel, op
den 18 dag dermaendjunii 1789. Gedrukt in Brabant, by JanBaptist
Van Werchter, vaderlandschen drukker, p. 31, in octavo.
Nysmans avait été curé à Notre Dame-au-Bois {Jésus Eyk), près de
Bruxelles, cnre qui dépendait de Tabbaye du Parc.
(2) Il y avait à cette époque à l'abbaye du Parc, outre l'abbé, 47 reli-
gieux, dont 27 étaient employés hors du monastère , dans les cures qui
eu dépendaient. Les dignitaires étaient labbé, le prieur, le circator,
le sous-prieur, le prévôt, le camerier (camerarius) . le lecteur et le
proviseur.
( 305 )
Dans l'église du Parc , on voit encore aujourd'hui le tom-
beau des abbés, construit au commencement du XVIII" siècle
par l'abbé Alexandre Slootmans. La Mort, en marbre blanc,
sortant d'un sarcophage de marbre noir, soutient une table
de marbre noir où sont inscrits les noms des abbés qui ont
successivement régi ce monastère. La Foi et l'Espérance, de
grandeur naturelle, accompagnent ce tombeau. Trois petits
génies ailés, dont un représente la Charité, et les deux autres
portent la mitre et les ornements pontificaux, voltigent au-
dessus de la Mort. Au centre, le Temps déroule une chaîne
d'écussons où sont les armoiries de tous les abbés. On y lit
l'inscription suivante :
D. 0. M.
MEMonia
AD3IODC3I RR. AC AJIPLL. DD. ABBATCM
HLJtS MONASTERII
I. Simon pr/bfuit 10 anms ob. 1142. 27 feb.
II. PiiiLippns PRjiFmT 23 asn. resigsavit 1165.
III. Thomas . etc.
XXXVI. Alexasder Slootmans. p. 26. ob. 1756. 8 maii.
XXXVII. Ferd. de Loyers pr^f. 5. ob. 1762. 15 febkuarii.
XXXVIII. Fra>c Généré pr^f. 16. ob. 1788. 12 sept.
XXXIX. Simon Wouters prjîf. 14. ob. 1792. 23 nov.
XL. Melchior Nysmass pr^. 18. ob. 27 dec. 1810.
R. L P.
L'écusson des deux derniers abbés est vide. D'après un ta-
bleau conservé encore aujourd'hui dans l'ancienne salle du
chapitre, ils doivent être : 1° Simon Wouters, d'azur au che-
vron d'or, accompagné en pointe d'une étoile d'argent;
IP Melchior Nysman, d'azur à trois étoiles d'argent, chargé
en abime d'un écusson d'argent, à cinq fleurs de lys de
gueules.
Particularités sdr la ville de Bruxelles. — A l'occasion de la
construction projetée du passage S'-Hubert à Bruxelles, nous
ferons remarquer que d'après les plans adoptés, une partie
de la maison du ci-devant métier des Orfèvres doit être
sacrifiée; cette maison nommée le Miroir, n'étant pas sans
quelque intérêt historique, nous pensons qu'il ne sera pas
( 306 )
hors de propos d'en faire mention ici. Elle fut élevée vers
l'an 1696, par ordre de la corporation des orfèvres; mais
ceux-ci , n'ayant pu subvenir aux frais de construction, furent
obligés de former une loterie, et distribuèrent le bas de leur
bâtiment en cinq habitations différentes, qui étaient les cinq
premiers prix; elles existent encore aujourd'hui.
Le métier des orfèvres était l'un des plus anciens de la ville
de Bruxelles, on ignore même son origine; toutefois il est
certain que vers l'an 1200 il demeurait un membre de cette
corporation au lieu dit Cantersteen; leurs privilèges furent
souvent renouvelés et confirmés par les souverains du pays.
Leurs armoiries ou marques distinctives étaient trois coupes
d'or, sur fond d'azur; on les voit encore sur le fronton du
bâtiment, de même que leur devise : Omnibus Omnia, et la
date de sa construction , M. DC. XCYL
Cette maison était surmontée autrefois de statues et autres
ornements, qui n'existent plus aujourd'hui.
Un membre de cette corporation, Jean Jacobs, fonda un col-
lège à Bologne, vers l'an 16o0, en faveur de jeunes Bruxellois
dont les parents exerçaient la profession d'orfèvre (1).
La tour du Miroir, ancien bâtiment qui renfermait les pri-
vilèges des bourgeois et les archives de la nation de Notre-
Dame, était adossée à la maison des orfèvres, et en faisait
partie; cette tour, ayant été fortement endommagée par le
bombardement de l'armée française en 169o, tomba le 7 no-
vembre 1696, vers trois heures de l'après-midi, et entraîna
dans sa chute deux autres maisons voisines.
On trouva dans ses ruines plusieurs coffres renfermant les
privilèges et franchises accordés aux habitans par le gouver-
neurs du pays. Les bourgeois ayant eu connaissance de cette
découverte, il se fit une fermentation, qui occasionna l'émeute
connue sous la dénomination de Spiccjelgasten, c'est-à-dire,
compères du miroir.
Les neuf nations formant le corps de la bourgeoisie de cette
(l) On peut voif sur la l'omlatio» Jacobs à Bologne . le Messatjer des
Avis de 1834, p. 41-49.
{Soie de la Rédaction.)
( 307 )
ville, assemblées, ordonnèrent que ces pièces fussent imprimées
et publiées en un recueil, sous le titre de : den Lmjster ende
Gloire van het Hertoghdom van Brahand, etc. Ils allouèrent
3000 florins pour les frais d'impression; 2000 florins furent
remis au sieur Van de Putten pour les avances qu'il avait
faites (1).
Ce recueil qui contient trois titres, français, cspafjnol et
flamand, fut dédié et présenté au roi d'Espagne Charles II,
par les doyens Pierre Van den Putten, Antoine du Pré, et
François 't Kindt. Le compilateur en fut Jean-Baptiste Ansems,
d'une ancienne famille praticienne de cette ville (2), prêtre,
protonataire apostolique, notaire royal, et recteur de la
chapelle S'^-Anne, rue de la Montagne. Il avait une si belle
voix que l'électeur de Bavière passant un jour devant cette
chapelle, pendant qu'il chantait, l'ayant entendu, en fut si
émerveillé qu'il le fit venir à sa cour, et le fit son aumônier;
mais il fut bientôt renvoyé à cause de sa mauvaise conduite.
Il était aussi très-grand partisan des privilèges du pays; on
rapporte qu'un jour les doyens des nations, ayant été invités
à un dîner au Mouïin de S^ -Michel , au Canal, Ansems se
rendit déguisé à la rue Haute, y arrêta un petit garçon qui
allait, portant au bout d'un bâton, les attributs de son métier,
à S'-Gilles; il lui dit qu'il avait quelque chose de mieux à y
placer et y ajouta l'écrit suivant, se retira et changea de
costume, afin de n'être pas reconnu :
Onse dekens syn uyf. schikken,
Om beter te connen knikhen;
Op den Molen van S. M'chiel ,
Terwyl ik tjaen naer S. Giel.
(1) M. Gacharcl a donné quelques détails intéressants sur le Liiyster
vanBrahant, dans ses Documents inédits co7icerna7it les Troubles de
la Belgique. Bruxelles, 1838, p. LVII.
{Note de la Rédaction.)
(2) Dans un manuscrit relatif aux anciens magistrats de Bruxelles,
qui m'appartient, on trouve un Henri Ansems , éclicvin vers l'année 1263
et suivantes , de la tribu de Caudenberg. Il portait d'or au lion naissant
de gueules , à la face d'azur, accompagnée de deux tours d'argent.
( 308 )
Tout le monde lut cet écrit; le garçon fut arrêté, mais ne
put indiquer l'auteur.
Le Luyster van Braband fut supprimé avant son entier
achèvement, par ordre du conseil de Brabant, et Ansems fut
enfermé au Treurenberg (1). Mais l'avocat fiscal de Brabant,
Ringler, en avait enlevé quelques exemplaires; il en donna à
ses amis. On imprima secrètement ce qui manquait, à savoir ce
qui est en caractères plus petits, à la fin de chacune des trois
parties. Les exemplaires de ce recueil se trouvent facilement,
mais sont rarement complets.
Sources : 1° Le manuscrit des magistrats de Bruxelles,
2° Fragments manuscrits inédits du conseiller de Brabant,
Del Marmol, etc., etc.
J. Gautier.
Nécrologie. — Joseph Paelinck. — Joseph Paelinck naquit le
20 mars 1781, à Oostacker, petit village situé sur la rive
droite ducanalqui conduit de Gandà Terneuzen. Son goût pour
la peinture se manifesta de bonne heure; de même que tous
les grands artistes, il sut vaincre les difficultés que lui offrait
sa position pour embrasser une carrière conforme à ses pen-
chants. Ses parents, quoique simples cultivateurs, s'aperçurent
bientôt du génie de leur enfant ; on résolut de l'envoj'cr à
l'Académie de peinture à Gand.Les progrès rapides que fit en
peu de temps le jeune Paelinck, lui attirèrent bientôt des pro-
tecteurs zélés et puissants. Il quitta l'Académie de Gand pour
se rendre à Paris, où il entra à l'école de David.
Les ouvrages de Joseph Paelinck se ressentirent toujours
des excellentes leçons de ce grand maitre ; la plupart de ses
tableaux se distinguent par une grande correction de dessin,
par le charme de la composition , et par une rigoureuse ap-
plication des traditions historiques. Paelinck remporta le pre-
mier prix de peinture, lorsque l'Académie de Gand mit au
concours le Jugement de Paris. Ce succès fut suivi de beau-
(1) Prison de Bruxelles qui n'existe plus depuis 1760, elle servait à
renfermer les détenus pour dettes; on peut en voir le dessin dans
Butkcns , Trophées du Brabant.
( 309 )
coup d'autres qui rendirent bientôt le nom de Paelinck
célèbre à l'étranger.
Il pei^^nit peu de temps après pour l'église cathédrale de
S'-Bavon : Sainte Colette recerant des mains du magistrat de
Gand, le diplôme pour l'etablissetiient de son couvent. Paelinck
fit également à Paris le portrait de l'impératrice Joséphine
qui se trouve probablement encore au salon de la Société des
Heaux-Arts; plusieurs commandes de ce genre lui furent
faites immédiatement après qu'il eût achevé ce portrait;
Paelinck remplissait les fonctions de professeur à l'Académie
de Gand, lorsqu'il éprouva le désir de voir l'Italie; la ville
lui accorda une pension de trois ans, afin de subvenir aux frais
de ce vovage.
C'est à Rome que Paelinck paraît avoir peint les tableaux
les plus remarquables; ce fut en cette ville qu'il acheva, pour
le palais Qairinal , les Embellissements de Raine par Auguste,
et qu'il peignit son admirable tableau de l' Invention de la
Sainte-Croix. Le peintre a saisi dans cette composition le mo-
ment où Saint-Macaire, afin de reconnaître la vraie croix de
celles qui avaient été trouvées à Jérusalem par l'impératrice
Hélène, les présente 4 une mourante qui se ranime au contact
de la véritable. Un grand nombre de figures ornent ce ta-
bleau; on y voit la mère de la malade, et plusieurs autres
'personnes dont la physionomie indique bien l'étonnement
qu'elles éprouvent à la vue de ce miracle. V Invention de la
Sainte-Croix se trouve encore dans l'église de S'-Michel à
Gand.
Paelinck a fait hommage à l'église d'Oostacker d'wn Christ À
la croix, en présence de la S'°- Vierge, de S'-Jean, et de la
Magdelaine.
On doit encore à ce peintre un grand nombre de tableaux,
dont les principaux sont: une sainte Famille, une Madone;
un Vieillard romain , qu'il fit pour sa réception à la Société
royale des Beaux-Arts : à son retour d'Italie il peignit à Gand
une Siizane au bain, qui fut envoyée à Londres.
Les portraits que fit Paelinck de la ftimille de Nassau, lui
valurent la protection du roi des Pays-Bas, qui lui accorda de
grands honneurs.
( 310 )
On ranjje encore parmi les tableaux les plus remarquables
(le Paelinck : la Belle Anthia, des Ephesiaques , de Xénophon,
pour lequel l'Académie de peinture de Gand lui décerna le
grand prix et une médaille d'honneur.
Son tableau : les Disciples d'Emaùs, est éfaleraent con-
sidéré comme un des excellents ouvrages de ce peintre.
La préférence que le public semble avoir accordée depuis
18B0 à la nouvelle école de peinture, qui se signale toutefois
en Belgique par quelques belles œuvres, parait avoir influé
d'une manière fâcheuse sur la santé de Paelinck. Admirateur
passioné des anciens maîtres, il ne put voir sans chagrin le
peu de cas que le public sembla faire de leurs partisans.
Le roi Léopold se chargea de réparer cette injustice, en
nommant Paelinck chevalier de son ordre. Cette distinction
honorable ne parvint point cependant à adoucir entièrement
son chagrin.
Il se renferma en lui-même et ne lutta que faiblement con-
tre les envahissements de la nouvelle école.
Les funérailles du peintre d'Oostacker ont eut lieu dans la
petite église d'ixelles. Les professeurs de l'Académie de pein-
ture de Bruxelles ont rendu les derniers devoirs à leur col-
lègue; plusieurs artistes distingués de la capitale figuraient
dans le cortège.
M. Alvin, secrétaire de l'Académie , a rappelé en peu de
mots la belle carrière fournie par Paelinck , et ses titres à la
gloire.
Ce discours a fortement ému les assistants ; chacun d'eux
en se retirant se souvenait du malheureux Gros, qui, par
suite d'un chagrin semblable à celui de Paelinck , se donna la
mort.
Concours de l'Académie de Bruxelles. — Voici pour la classe
des lettres, le programme des questions proposées pour le con-
cours de 18-iO, par l'Académie royale des sciences et belles-
lettres de Bruxelles.
Première question. Quels fui'enf les changements apportés
par le prince Maximilien-Kenri de Bavière (en 1684) à l'an-
cienne constitution liégeoise; et quels furent les résultats de ces
• ( 311 )
changements sur l'état social du pays de Liège, jusqu'à l'épo-
que de s% réunion à la France 9
L'Académie désire que cet exposé soit précédé , par forme
d'introduction, d'un tableau succinct, historique et critique
de l'ancien gouvernement liégeois, sans toutefois que l'au-
teur soit tenu de remonter au-delà du règne d'Albert de Cuick.
Deuxième question. Quelles ont été, jusqu'à la fin du règne
de Charles- Quint, les relations politiques, commerciales et
littéraires des Belges avec les peuples habitant les bords de la
Mer Baltique?
Troisième question. Quel a été l'état de la population, des
fabriques, des manufactures et du commerce dans les provinces
des Pays-Bas, depuis Albert et Isabelle jusqu'à la fin du siècle
dernier?
Quatrième question. Vers quel temps l'architecture ogivale,
appelée improprement gothique , a-t-eUe fait son apparition en
Belgique? quel caractère spécial cette architecture y a-t-elle
pris aux différentes époques ? quels sont les artistes les plus cé-
lèbres qui l'ont employée , les monuments les plus remarquables
qu'ils ont élevés?
Cinquième question. Les anciens Pays-Bas autrichiens ont
produit des jurisconsultes distingués, qui ont publié des trai-
tés sur l'ancien droit belgique, mais qui sont, pour la plupart,
peu connus ou négligés. Ces traités sont non-seulement pré-
cieux pour l'histoire de l'ancienne législation nationale, mais
contiennent encore des notions intéressantes sur notre ancien
droit politique; et, sous ce double rapport, le jurisconsulte
et le publiciste y trouveront des documents utiles à l'histoire
nationale.
L'Académie demande donc qu'on lui présente une analyse
raisonnée et substantielle , par ordre chronologique et de ma-
tières, de ce que ces divers ouvrages renferment de plus remar-
quable jmur l'ancien droit civil et politique de la Belgique.
L'Académie propose, dès à présent, pour le concours de
1841, les questions suivantes ;
Première question. Quel était l'état des écoles et autres éta-
blissements d'instruction publique en Belgique , depuis Charle-
magne jusqu'à la fin du XVII'' siècle? Quelles étaient les
( 312 )
matières qu'on y enseignait, les méthodes qu'on y suivait, les
livres élémentaires qto'on y employait, et quels professeurs s'y
distinguèrent le plus aux différentes époques ?
Deuxième question. Faire l'histoire de l'état militaire en
Belgique, sous les trois périodes hourguignone , espagnole et
autrichienne , jusqu'en 1794, en donnant des détails sur les
diverses parties de l' administration de l'armée, en temps de
guerre et en temps de paix.
L'Académie désire que le mémoire soit précédé, par forme
d'introduction, d'un exposé succinct de l'état militaire en
Belgique dans les temps antérieurs, jusqu'à la maison de
Bourgogne.
Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d'or
de la valeur de six cents francs. Les mémoires doivent être
écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et seront
adressés, franc de port, avant le \" février 18-40, à M. Que-
telet, secrétaire perpétuel.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les cita-
tions; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les
éditions et les pages des ouvrages qu'ils citeront
Les auteurs ne mettront point leurs noms à leurs ouvrages,
mais seulement une devise, qu'ils répéteront dans un billet
cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. Ceux qui se
feront connaître de quelque manière que ce soit, ainsi que
ceux dont les mémoires seront remis après le terme prescrit,
.seront absolument exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès
que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont dé-
posés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété,
sauf aux intéressés à en faire tirer des copies à leurs frais,
s'ils le trouvent convenable, en s'adressant à cet effet au se-
crétaire perpétuel.
Fait à Bruxelles, dans la séance du 7 mai 1839.
Pour l'Académie :
Le secrétaire perpétuel,
QDETEr,ET.
{ 313)
Uotitt
SUR
LA BIBLIOTHÈQUE DE BOURGOGNE,
A BRUXELLES.
« .... La plus riche et noble librairie du monde.... »
David Aubert , 1443.
L'origine de ce vaste dépôt de manuscrits, si précieux
pour riiistoire et la littérature de la Belgique, remonte à
la fin du XIV^ siècle. C'est Philippe-le-Hardi , duc de Bour-
gogne, qui doit en être regardé comme le véritable fon-
dateur. Ce prince aifable et généreux à l'excès, grand
protecteur des lettres et des arts, était instruit et curieux
de bons livres, pour l'acquisition desquels il fit des dépen-
ses très-considérables : il appela à sa cour, grands clercs j
orateurs, translateurs , indiciaires , escripvains , comme
on disait alors , pour satisfaire son goût et enrichir sa
librairie (1).
M. Peignot, dans son intéressant opuscule où il publie les
divers inventaires de Bourgogne , rapporte que Philippe
conclut un marché avec les frères Manuels, à vingt sols (2)
(1) C'est ainsi qu'elle se trouve désignée dans les anciens inventaires
de Bourgogne.
(2) Le marc d'argent flottait dans ce temps-là entre 5 livres 16 sols
et 6 livres 8 sols. Ainsi les 20 sols par jour équivalaient à 9 fr. de notre
monnaie actuelle , et les 600 livres données à Durand , à 5,400 fr. Les
400 écus d'or, dont il est question plus loin , valaient à peu près 6000 fr.,
€tles600écus, 9000 fr.
21
( 3ia )
par jour, pendant quatre fins , -pour jxir faire les ystoires (1)
crune très-belle et très-notahle bible par iceulx commencé;
et six cents livres furent données à maistre Jehan Dura^id,
son physicien (médecin) /jowr employer es escriptures et
2)erfection d'icelle bible.
Paul Donnedieu, Dyne et Jacques Pvaponde, libraires
lombards, établis à Paris, vendirent au duc plusieurs
livres. Donnedieu fit, à sa demande, deux grands ^/«^Z-
phoniers enlumhier et florir d'azur et de vermillon ^ pour
la somme de fr. 990-90 c.
Dyne Raponde lui céda, en 1399', un Tite-Live enluminé
de lettres d'or etd'imaiyes , pour le prix de 500 livres. Un
livre de la Propriété des choses , lui coûta 400 écus d'or.
Il eut de Jacques Raponde , moyennant 600 écus (9000 fr.)
une bible française très-bien ystoriée ^ armoriée de ses
armes , garnie de gros fei^meaux d'argent dorés. Le même
Raponde lui bailla, en 1400. un livre appelé la Légende
dorée , pour 500 écus d'or (7,500 fr. ), ystoriée de belles
ystoires à chascun son ystoire , armoyé aux armes de
Philippe , et couvert de veluiau en veinieil teint en graines
et ung belestui garny d' une tresse de soye à deux mordans,
armoyés aux armes du duc.
C'est aussi par les ordres du duc Philippe-le-ÏIardi, que
la très-savante Christine de Pisan (2) composa l'histoire
(1) Ce dernier mot signifie ici dessins, images.
(2) Cette femme poète , née à Venise , était fille de Thomas de Pisan,
natif de Bologne , qui sétait acquis une grande réputation par son
savoir dans l'astrologie. Christine suivit son père à Paris, en 1368, où
le roi Charles Y Pavait fait venir; elle épousa dans cette même ville, à
l'âge de 15 ans, Etienne Castel. Mais s'étant trouvée veuve à 25 ans et
chargée de trois enfants en bas-àge, elle trouva au milieu de sa douleur,
sa consolation dans les lettres, ayant composé un grand nombre d'ou-
vrages en prose et en vers.
On trouve le portrait de Christine de Pisan , dans son livre de la Cité
des Dames , qui repose à la Bibliothèque de Bourgogne. Elle est assise
sous un dais , la tête penchée sur la main gauche , et le coude appuyé
( 815 )
de Charles V (roi de France), comme elle le dit elle-même
dans le premier chapitre de cette histoire.
Voici ses propres expressions , qui donneront une idée
du style français (1) dans ce siècle où l'aurore de la litté-
rature commençait à poindre.
«... Pour ce moy Christine, femme souhz les ténèbres
d'ignorance au regard du clerc entendement , mais douée
de don de Dieu et nature, en tant camtne désir se peut
estendre en amour destude suivant le stilc des prime-
rains (anciens) et devanciers nos edifieurs en meurs rede-
vables à présent par grâce de Dieu et sollicitude de pensée,
emprons (entreprends) nouvelle compillation en stile prosal
et hors le commun ordre de mes autres jjassés , à ce meue ,
par prince monseigneur le duc de Bourgogne Philippe , filz
de Jehan , jiar la grâce de Dieu roy de France , jicir lequel
commandement ceste euvre ay emprise {2), suppliant sa
sur un bureau. Elle a le visage rond , les traits réguliers , le teint déli-
cat et assez d'embonpoint ; ses yeux sont fermés, et elle parait sommeil-
ler. UI^e robe bleue, brodée d'or par le bas. et doublée de feuille morte,
s'ouvre sur le sein et laisse entrevoir un corset pourpre brodé d'or.
(1) Maître Brunetto Latini, de Florence, qui vivait, selon M. Legrand
d'Aussy, vers 1260, rend bommage à la langue française en disant au
commencement de son livre du Trésors qui parle de la naissance de toutes
choses, et se trouve coté n» 11, 100 à l'inventaire de la Bibl. de Bourgogne.
« ... Et se aucuns demandoit por coy chis livre est escris en romains
solonc le langaifje de France puisque nos sûmes yialieyi. Je déroie
que cite est par deux raisons. L'une que nos somes en France. L'autre
por che que li parleir franchois est plus delitable et plus commune
à tous langaiges... » (C'est-à-dire répandue chez plus de nations).
Ainsi long -temps avant le Dante, qui est réputé pour le père de la
littérature italienne, notre langue (car nous parlons comme les Français,
le même langage des vastes contrées des Gaules), était celle des hommes
placés aux sommités de la grande société européenne.
(2) M. DeLaserna s'est trompé, en disant dans son Mémoire historique
sur la Bibliothèque de Bourgogne (Brux. 1809), que la Vie de Charles V
avait été composée pour Phiiippe-ie-Bon. Il est évident que Christine de
Pisan désigne dans cette dédicace, le duc Philippe-le-Hardi , fils de
Jcan-lc-Bon , roi de France, et non son petit-fds, le ducPhilippe-lc-Bon.
( 316 )
digne et vertueux humilité que le défaut de la faiblesse
de mon sçavoir soys suppleye, visant moy non instruite de
science... »
Plusieurs autres ouvrages commandés par le duc de
Bourgogne, attestaient son goût, et le désir de ne composer
sa librairie que de bons livres. Elle fut encore augmentée
des livres assez nombreux qu'il eut de la succession de
Louis de Maie , comte de Flandre , mort en 1384, et dont
il avait épousé la fille. Celle-ci était selon le témoignage
d'un auteur contemporain, « ... la jjlus noble dame alors
vivant et la plus riche jeulle possesseresse de crestienté.
Elle venait directement par femme de la lignée Charle-
maine... (1). »
M. Peignot, a publié l'inventaire de la librairie de Bour-
gogne, fait après la mort de Philippe-le-Hardi, en 1404.
Il a pour titre : Inventoire des livres et roumans de feu
monseigneur (Philippe-le-Hardi), à qui Bien pardonne ,
que maistre Richart le Conte , barbier de feu mon dict
seigneur, a euz en garde , et iceux ont été baillés à Fran-
chequin de Blandelze (2). Cet inventaire renferme les
titres de 59 volumes. Mais nous ferons remarquer que
dans un autre inventaire qui fait suite au précédent et
rédigé en 1405, le nombre de volumes est beaucoup plus
considérable; le récolement s'élève dans celui-ci à 1 17 ma-
nuscrits; il est question dans cet inventaire, il est vrai,
des livres de la duchesse Marguerite de Flandre, veuve
de Philippe-le-Hardi , morte à Arras , le 16 mars 1405.
Jean-sans-Peur, en héritant, en 1404, des riches posses-
sions de Phihppe-le-Hardi, hérita aussi de son goût pour
( I ) Voir le MS. n» 9949 , de linventairc de la Bibliothèque de Bourgogne.
(2) Ce Francliequin a été préposé, par ordre de Jean-sans-Peur. fils
et héritier de Philippc-lc-Hardi , à la garde de tous les biens-meubles
portés dans l'inventaire.
( 317 )
les lettres, mais sa vie orageuse (1) ne lui permit pas
de donner autant de soin que son père à raugmentalion de
sa librairie. Cependant on y trouvait plusieurs livres qui
portaient son nom, soit dans le prologue ou dédicace,
soit comme lui ayant été donnés eu présent, ou exécutés
par ses ordres : il acheta de Pierre Linl'ol, libraire de l'uni-
versil^de Paris, pour 150 écus d'or (2,250 ir.) un livre en
français, nommé Jalêre-le-Grand.
Mais il était réservé à Philippe-le-Bon, successeur de
Jean-sans-Peur, en 1419, de surpasser son père et son
aïeul et tous les princes de son siècle, par son goût pour
les lettres et son amour pour les livres, malgré les terribles
catastrophes qui signalèrent une trop grande partie de sa
carrière.
Ce prince, durant son long règne, quitta rarement
l'heureuse Flandre, où tous les genres de talents et d'indus-
trie étaient encouragés; il augmenta constamment une col-
lection prolypographique destinée à dépasser par sa riches-
se, les limites que le siècle semblait avoir posées.
C'est ici que commence une ère nouvelle pour la biblio-
thèque de Bourgogne , car ce n'est qu'à partir du règne
de Philippe-le-Bon, qu'elle prit véritablement un essor
remarquable.
Du premier abord, nous voyons ce grand prince recher-
(1) Ce prince qui fut assassiné sur le pont de Montereau , le 10 sep-
teinpre 1419, par ordre du Dauphin (Charles Vil), était , selon l'auteur
du MS. n° 9949. « ... Moult honnourant les sayes et vertueux, grant
justicier, homme apte à la guerre, amcmt les povres et les riches ,
gardant de oppression. Icellmj entre ses autres frères vainquit en
bataille les Lyegois en leur pays , et moult ama et soustint la cou~
ronne de France , dont et par envie de la diligence qu'il en fit. Il fut
soubz umhre de paix et amour mande à Monstreau (Montereau), où
il fut le hoir de lu couronne présent, viurdriercment occis après qu'il
avoit régenté ses pays dont les subjectz lamoient chiercment lespace
de quinze ans. m
( 318 }j
cher les livres avec passion; rien ne lui coulait pour
satisfaire ce goût. Aussi avait-il pris pour principe cette
maxime : L'éducation du souverain est la source du bon-
heur d'une nation.
Guidé par cette noble émulation du génie, il reconnait
l'indispensable nécessité de transmettre à ses enfants le
goût des sciences (1).
Véritable fondateur de la monarchie des Pays-Bas, il
fut in<:ontestablement le plus grand prince de son siècle ,
le rival et peut-être même le supérieur du roi de France,
son suzerain. — On n'a pas oublié que Guillaume Para-
din fait dire à Philippe-le-Bon , dans une grande assem-
blée : « ... Je vueil bien que chacun sçache, que si j'eusse
voulu, Je fusse roy (2). »
// était homme de belle stature , s'écrie un auteur con-
temporain , liault et droit, aiant face assurée coinme un
lyon et Joieuse en toute modération. Oncques homme à
son honneur ne toucha quil ne s'en vengast (3).
Arrière-petit-fils de la branche de Valois, il avait hérité
de l'amour des lettres, qui illustra les rois Jean-le-Bon et
Charles-le-Sage et les ducs Philippe-le-Hardi et Jean-sans-
Peur, ses ascendants. Mais il contribua beaucoup plus
qu'eux à la renaissance des lettres, en rallumant le flam-
beau des arts dans nos belles provinces, en prodiguant
l'or, l'outremer et les plus parfaites miniatures pour leur
embellissement , et en ordonnant la traduction en langue
française des meilleurs classiques.
(1) On sait que le nombre des bâtards reconnus par Philippe-le-Bon ,
était de dix-neuf (et non de dix-sept, comme le disent la plupart des
Généalogistes). Ils tenaient un rang à sa cour.
(2) Annales de Bourgogne , édition de Lyon , 1566 , pag. 883.
(3) Ce passage est extrait d'une généalogie inédite , faite pour Phi-
lippe-le-Bon. Cotée n» 9949 de l'inventaire de la Bibliothèque de Bour-
gogne ; ainsi que nous venons de limliquer plus haut.
( 319 )
La plupart de ces manuscrils qu'on admire encore
aujourd'hui dans la bibliollièque de Bourgogne, sont
presque tous sur vélin; la beauté de leur écriture et la
quantité d'ornements dont ils sont décorés, les rendent
infiniment précieux; leurs anciennes reliures, à en juger
par celles que l'on voit encore, étaient généralement en
velours de diverses couleurs, garnies de coins, de clous
et de fermoirs d'argent doré (1); tout ce luxe d'ornements
nous semble indiquer, que rien de ce qui pouvait rendre
un livre précieux, n'avait été épargné par le duc Philippe-
le-Bon.
C'est à ce prince que la Belgique est redevable de ses
premières collections scientifiques, d'où jaillirent les lu-
mières des connaissances humaines, qui avec celles parties
d'Italie après la prise de Conslantinople , en 1453, de-
vaient au XV^ siècle, éclairer la civilisation.
Après avoir bien organisé sa librairie , il établit à
Bruxelles un atelier de calligraphie, et il nomma directeur
de cette école des beaux-arts, le savant David Aubert, de
Hesdin. Cette nouvelle institution eut, dès son origine,
un parfait succès; les nombreux chefs-d'œuvre qu'elle
produisit sont admirés avec enthousiasme par nos érudits
du XIX^ siècle : les Belges peuvent, à juste titre, reven-
diquer l'honneur de ces productions nationales.
Le duc Philippe-le-Bon , pour avoir dans sa librairie des
ouvrages de toutes les sciences , appela à sa cour, des mé-
decins , des mathématiciens, des- jurisconsultes, des théo-
logiens , des poètes , des romanciers , des chrysographes et
des tachygraphes, qu'il récompensa généreusement, et
qu'il encouragea noblement par son estime, valeur plus
précieuse que l'or et l'argent. « Oui ! nous dit Olivier de la
(1) Les miniatures pagiriales des manuscrits n<" 9235 et 11129 ,^cor-
roborent entièrement cette allégation. On y voit des volumes reliés dans
ce genre.
( 320 )
Marche , « ... Nul ne s en allait de luy qu'il ne fut bien
recampensé (l). »
L'histoire littéraire du raoyen-âge nous a conservé les
souvenirs des grands écrivains qui s'illustrèrent dans la
carrière des belles lettres : n'est-ce pas alors que Georges
Chastelain, Martin-le-Franc , Monstrelet, la Marche, Phi-
lippe de Comines et tant d'autres , marchèrent en avant
dajis la Httérature de cette époque?
Philippe-le-Bon, après la réunion de toutes les provinces
belgiques sous sa domination, concentra au palais de
Bruxelles, les librairies des comtes de Flandre et des ducs
de Brabant, ses prédécesseurs (2).
(1) Liv. I , pag. 494.
(2) M. Barrois , de Lille , dans son excellent ouvrage sur les librairies
protypograpliiques , des fils du roi Jean ( impr. à Paris, en 1830),
signale l'existence aux archives de Dijon , de trois inventaires des
bibliothèques de Bourgogne.
Je dis, bibliothèques, car il est notoire que le duc Philippe-le-Bon ,
avait, vers 1430, trois dépôts littéraires en Belgique, un à Bruges . un à
Gand et un à Bruxelles.
Le premier de ces dépôts, selon l'inventaire cité par ce savant, renfer-
mait déjà en Tannée 1467 1037 MSS.
Celui de Gand était moins considérable , et ne dépassait
pas, selon l'inventaire fait en 1485, le nombre de 21 ))
Le dépôt de Bruxelles , dont l'inventaire fut confectionné
deux années plus tard que le précédent, constatait la pré-
sence de 746 »
Si nous additionnons le nombre de volumes de ces trois
librairies, nous trouvons 1804 3ISS»
Ce chiffre est considérable et pouvait constituer une riche librairie.
Eh , bien ! ces trois librairies du duc Philippe -le-Bon furent centralisées
au palais de Bruxelles, antérieurement à l'année 1443, puisque David
Aubert, écrivain contemporain, affirme (jue la librairie de Bourgogne,
en cette même année 1443, était la plus riche du monde. Cet auteur,
comme on voit, ne parle ici que d'un seul et unique dépôt littéraire
existant.
Les dates postérieures de la rédaction de ces inventaires (à la mort de
Philippc-lc-Bon) font présumer que ces diverses librairies, après leur
( 321 )
Ces anciens princes avait également aimé les lettres, et
ils composèrent même des poésies, tandis que les autres
monarques de l'Europe ne se livraient guères alors qu'à
des projets de bataille et de destruction.
Ces librairies étaient assez considérables, et ne prouvent
pas , comme les autres dépôts littéraires, la pénurie des
manuscrits à cette époque.
La maison de Bourgogne, selon le témoignage des
auteurs contemporains, s'était élevée à un si haut degré
de splendeur qu'elle faisait ombrage à toutes les cours de
l'Europe et en était l'admiration.
Philippe-le-Bon , au dire d'Olivier de la Marche, était
le j)lus riche prince de son tons , il fut si renommé que
to7it le monde en disait bien (liv. I , pag, 494).
On se formera une idée exacte de cette splendeur, lors-
qu'on saura que le duc Philippe entretenait à sa cour sept
cent quatre-vingt-douze serviteurs; ce nombre paraîtra
peut-être exagéré, mais nous nous rapportons à des do-
cuments authentiques qui se trouvent à la chambre des
comptes à Lille, et qui sont cités dans un manuscrit de la
bibliothèque de Bourgogne.
On peut croire qu'à partir de cette époque, si brillante
pour notre pays , la Belgique devait être placée au pre-
mier rang parmi les grands états européens.
En effet, il est démontré de la manière la plus incon-
testable, qu'elle était, eu égard au temps, supérieure à
jonction à la cour de Bruxelles, ne cessèrent de former des collections
séparées et sous les noms de leur séjour primitif.
M. Barrois a transcrit, avec une religieuse fidélité, le texte de ces
inventaires en faisant imprimer en belles lettres gothiques les Commen-
cemens et difjinimcns de chacun d'icculx volumes. Nous aurions désiré
qu'il se fût montré moins avare de notes , et qu'autant qu'il lui eût été pos-
sible, il eût désigné les manuscrits qui subsistent , ainsi que l'endroit où
on les conserve , quoiqu'ils soient eu majeure partie dans la bibliothèque
de Bourgogne.
( 322 )
l'empire Britannique actuel, comparé au reste de l'Eu-
rope (1).
La bibliothèque de Bourgogne, dès celte élévation du
duc Philippe-le-Bon, s'accrut d'une manière remarquable;
car alors . le chemin du progrès lui fut largement ouvert
par l'impulsion donnée aux études, et on peut dire qu'à
partir de cette période, elle tint le premier rang parmi les
belles collections littéraires. C'est alors aussi, que des hom-
mes éclairés se firent un devoir de transmettre à la posté-
rité l'état de splendeur de cette bibliothèque.
Si nous nous rapportons au témoignage d'un écrivain
contemporain, c'était la plus riche bibliothèque du monde.
Voici ce que dit David Aubert. dans sa Chronique abrégée
des Empereurs, reposant à la bibliothèque de Bourgogne.
« ... Très-renoimné et très-vertueux prince Vhilippe , duc
de Bourg otjne , a dès long-temps accoutumé de journelle-
ment faire devant luy lire les anciennes histoires j et pour
estre garny d'une librairie noti pareille à toutes autres , il
a dès son Jeune eaige eu à ses g aiges plusieurs translateurs,
grands clercs , experts , orateurs, historiens et escripvains,
et en diverses contrées en gros nombre diligemmeiit labou-
rans tant que aujourdliui , c'est le prince de la chrestien-
neté , sans réservation aucune , qui est le mieux garny de
(1) La Bourgogne, lArtois . les comtés de Rétliel et de Nevers étaient
alors réunis à nos provinces.
Le roi de France , Jean-le-Bon , après la fameuse bataille de Poitiers,
en 1356, fut conduit à Londres comme prisonnier du roi d'Angleterre.,
Son (ils, qui est notre Philippe-le-Hardi (on sait qu'il reçut ce surnom
à la même bataille de Poitiers, n'étant âgé de 13 ans: sa conduite fut digne
d'admiration), l'accompagna dans sa captivité: c'est en récompense de
cette bienveillance que son père lui donna le duché de Bourgogne et le
titre de premier pair de France. L'union de Philippe avec la comtesse
Marguerite de Flandre . devint la base du premier fondement de la
maison de Bourgogne , destinée à réunir sous sa domination jtoutes les
provinces belgiques. C'est sous Philippe-le-Bon, comme on sait, que
cette agglomération eut lieu.
( 323 )
authe?itique et riche librairie ^ corne tout se peut pleitiement
apparoir : et combien que au regard de sa très-excellente
mac/ H i fie e ne e, ce soit petite chose, toutes fois en doit-il eslre
perpétuelle mémoire, à celle fin que tout se mirent en ses
hautes vertus. "
Ou peut consulter aussi la Chronique de Naples, par le
même David Aubert , faite en 1443, et qui se trouve ac-
tuellement à la Bibliothèque du roi, à Paris, dont le pas-
sage analogue a été rapporté par M. De Laserna , dans son
Mémoire historique sur la Bibliothèque de Bourgogne.
Nous pourrions encore ajouter à la louange de Philippe-
le-Bon et au passage véridique de David Aubert, dont le
témoignage est ici d'une autorité prépondérante, les pa-
roles d'Olivier de la Marche lorsqu'il s'exprime à propos
du trépas du duc Phihppe.
Il mourut, dit-il (liv. I, pag. 494), le plus riche prince
de son tems, il laissa quatre cens mille escus d'or comptans,
soixante mille marcs d' argent en vaisselle courant , sans
les riches tapisseries , les bagues, la vaisselle d'or garnie
de pierreries et sa librairie moulte grande et moulte bien
estofjfée (fournie) etptour conclusion il mourut riche de deux
millions d'or en meubles seulement , et pour la seconde
extime , il mourut le plus large et le plus libéral duc de
son teins...
Phihppe-le-Bon, après avoir été le protecteur des scien-
ces pendant un règne glorieux de trente-sept ans sur toute
la Belgique, mourut à Bruges, en 1467.
Charles-le-Téméraire, son fils légitime, lui succéda dans
ses vastes états ; ce prince, de même que son père, avait le
goût des sciences, et il attira à sa cour les gens de lettres
elles personnes distinguées par leur savoir, qu'il encoura-
gea d'une manière très-libérale : c'est sous son règne, que
l'imprimerie fut apportée à Alost, en 1473, à Louvain,-
en 1474, et à Bruges, Anvers et Bruxelles, en 1476.
( 324 )
11 lit transcrire , pour son usage particulier, la Cyropédie
de Xénopbon. On prétend que c'est la lecture de ce même
livre qui le rendit si entreprenant dans les guerres.
Quoiqu'il en soit , nous aimons à le croire par les paroles
de Philippe de Comines, lorsqu'il dit dans son édition
d'Elzévir, à la page 361. « Il désiroit grande gloire , qui
estait ce qui plus le mettoit en ses guerres que nul autre
chose et eust bien voulu ressembler à ces anciens j>rinces ,
dont il a esté tant parlé après leur mort.., » Eh, bien ! le
héros de l'ancienne Grèce, dont parle Xénophon, était
propre à enflammer le cœur du duc Charles; Vasque de
Lucène, traducteur de la Cyropédie, semble aussi nous
dire que ce prince bourguignon prit pour modèle le grand
Cyrus , voici ce qu'il rapporte : « Quand aulcuns orront
lire ceste histoire du premier Cyrus translatée par r)ioy de
latin en français. Ensemble quand ils regarderont la très
grande similitude de sa vie, tueurs et conditiotis auxvostres,
je me doute qu'ils ne pensent que je ne laie point transla^
tée , mais faicte et co?nposée pour deux choses. La pre^
mière adfui de vous complaire en approuvant tous vos fais
et vos affections jiarceque de tout poins ressemblez ceulx
de Cyrus qui certes fut roy très glorieux et de grant renom.
— La seconde adfui de faire apparoir que les statuts et or-
donnances dudit Cyrus estoient de plus grant rigueur et
austérité que ne sont les vostres. . . tout ainsi quant vous vous
mirerez en ce livre et vous vous y verrez face en face (avec
Cyrus)«7zJo?/s doitestre eniyrisetenjoye inestimable,.. (1) »
Le duc Charles-le-Téméraire, à l'exemple de Scipion
(1) Ce texte, nous l'avons transcrit fulèlcment d'après roriginal qui se
trouve à la bibliothèque de Bourgogne, n» 1 1703. — M- Marchai , dans un
bulletin de l'Académie de Bruxelles (12 octobre 1833), donne quelques
détails sur cette Cyropédie qui est traduite sur le texte latin du Pogge ,
par Vasque de Lucène.
Ce savant académicien fait aussi comparaison des deu.\ textes , du
Pogge et de Philclfc.
( 325 )
l'Africain et de LucuUus(l), n'avait jamais quitté sa Cyro-
pédie; il est très-probable qu'il l'avait avec lui dans ses
bagages lorsqu'il fut défait à Morat. Ce précieux ma-
nuscrit que l'on croyait perdu et dont M. De Laserna
regrettait vivement la perte, vient d'être réintégré dans le
précieux dépôt d'où il était primitivement sorti.
C'est S. M. la reine, qui après l'avoir fait acquérir dans
une vente publique à Paris, en a fait don à la bibliothèque
de Bourgogne.
Après la mort tragique de Charles-le-Téméraire , arrivée
sous les murs de Nancy en 1477, les rênes de l'état tom-
bèrent dans les mains d'une jeune personne de vingt ans,
Marie de Bourgogne.
Il fut facile à Louis XI, qui depuis long-temps cherchait
le moment favorable pour anéantir la Maison de Bour-
gogne, dont la puissance lui faisait ombrage, de s'emparer
de l'Artois, de la Boui-gogne et des autres apanages qui
avaient été cédés par son bisaïeul à Philippe-le-Hardi.
Une chose assez singulière et qui mérite d'être rapportée
ici, c'est que ce roi ignorait, dans le principe, que le
duché de Bourgogne fût réversible à la couronne de
France, à défaut d'héritiers mâles. Louis XI, en appre-
nant la mort du duc Charles, éprouva une telle joie que
son caractère dissimulé ne lui permit pas même d'en cacher
les transports. Après s'être emparé de la Bourgogne, il y
nomma pour gouverneur-général, Georges de la Tré-
mouille, seigneur de Craon, son premier chambellan, et
dans l'ivresse de sa joie, lui donna tous les meubles et
joyaux du feu duc, qui étaient en la maison de Dijon (2j.
(1) Voyez De la Mothe Levayer. — Historiens grecs et latins.
(2) ÎJQÎ. Peigiiot et Barrois ont également pubîié !a liste des livres ,
compris dans linventaire du 16 mars 1477, rédigé par ordre de Louis XI
à Dijon, après la mort de Cliarles-le-Témeiaire.
Mais il est à remarquer que ces deux savants bibliopliiles français sont
ici en contradiction : M. Peignot désigne les titres de quatre-vingt-un
( 326 )
Mais parlons de l'époux de l'iiérilière de Bourgogne, qui
fut Maximilien, archiduc d'abord, ensuite empereur, et
voyons quelle face prend la bibliothèque de Bourgogne
sous son gouvernement.
Le règne de ce prince fut funeste à ce riche dépôt litté-
raire, qui éprouva des pertes considérables. Ce monarque
mesquin et mauvais financier, engagea et même abandonna
quelquefois à des Lombards et à des Juifs, les pierres pré-
cieuses des couvertures de manuscrits, et les volumes eux-
mêmes : pour comprendre cela , il faut se ressouvenir
qu'autrefois les livres se posaient à plat sur des pupitres
et des lutrins, ils y étaient souvent enchaînés.
C'est de cette époque que proviennent les livres de Bour-
gogne, qui sont dans les bibliothèques en Allemagne, en
France et en Suède (1).
L'archiduc Philippe-le-Beau, et surtout sa sœur Margue-
rite d'Autriche, née à Bruxelles le 10 janvier 1480, eurent
dès leur enfance un goût décidé pour l'étude. Us rétablirent
les désordres qu'avait causés leur père à la bibliothèque de
Bourgogne, en acquérant la plupart des manuscrits de
cette riche librairie qui se trouvaient éparpillés et en y
ajoutant les plus précieuses éditions princeps qui parais-
saient alors. On peut dire , que Marguerite d'Autriche fut
pour la Belgique, ce que François P" fut pour la France,
Cette princesse , si célèbre dans le monde littéraire du
XYP siècle, gouverna nos provinces sous la minorité de
volumes , et M. Bairois en parlant du même inventaire , n'en signale que
vingt-huit : cette diflerence est notable, et lune des deux listes est fau-
tive, bien qu'elles paraissent être rédigées toutes les deux d'après l'inven-
taire original.
(1) La bibliothèque de Stockholm possède un magnifique manuscrit de
la Cyropédie de Xénophon , provenant de l'ancienne bibliothèque de
Bourgogne. Celle <.le Lyon renferme également celui de la Répartition
tJu Pécheur. Voyez le n» 1105 du catalogue MS. de cette bibliothèque,
par M. Delandinc.
( 327 )
son neveu Gharics-Quint. Elle était remarquable, pour me
servir ici de l'expression de M. De Laserna, par son esprit,
sa gaieté et ses malheurs; la musique fut, sous son gouver-
nement, portée à un degré de perfection j usqu'alors inconnu.
Simple régente de quelques provinces, ajoute le même
savant, elle fit plus par son zèle et par son amour pour les
progrès des arts, que de grands monarques malgré l'éten-
due de leurs moyens.
Plusieurs savants d'une haute réputation s'attachèrent à
elle, on compte le célèbre Erasme de Rotterdam , Corneille
Agrippa, Jean-le-Maire des Be'ges, Remacîe de Floreiniesj
Pierre de la Rue, Josquin de Prés et Jean Molinet : ce
dernier fut son bibliothécaire.
On voit encore aujourd'hui à la bibliothèque de Bour-
gogne trois livres de musique, dans lesquels on trouve
quelques chansons composées par Marguerite d'Autriche:
souvent elle s'amusait à faire des rimes et des vers où l'on
remarque de la naïveté et des saillies d'esprit; c'est ainsi
qu'on trouve dans le troisième volume de la Fleur des His-
toires, n° 9258, qui a servi à son éducation, ces deux
lignes rimées écrites de sa main :
Penses à moi, 7na cousine,
C'est Maryot qui fit la rime.
On peut croire que sous la régence d'une princesse
aussi amie des belles-lettres qu'elle le fut, la bibliothèque
de Bourgogne ne devait rien laisser à désirer. Aussi,
s"accrut-t-elle considérablement à cette époque, tant par
des imprimés que par des manuscrits : parmi les manus-
crits qu'elle légua à ce riche dépôt, nous citerons celui
qui renferme les basses-danses uolées en musique, que
l'on dansait à la cour brillante de cette princesse.
La complainte qu'elle fit à la cour de France pour
Maximilien son père, à l'époque où elle était fiancée au
Dauphin (Charles VIII ). est connue de nos littérateurs.
( 328 )
Néanmoins, nous eu extrayons quelques vers, afin de
donner à juger à nos lecteurs de la littérature de cette
époque.
I.
Moy Marguerite, de toutes fleurs le chois,
Ay esté myse an yrand veryier franchois...
Pour demourer croisti'e, et chaiiter ai7ichois
Que fusse yratide, empres la fleur de lis.
Là ay receu tous biens, et tout esbanois,
Là ay veujoustes, danses et tournois;
Que ces yrandz biens me sont prins et fallis,
Pas n'en doivent les miens estre jolis.
II.
Je yay esté noblement arousée.
Plus de dix atis de très noble rosée.
Guidant estre royne, et espousee
Au Roy Charte, et corone j>ortée.
Mais bien parchoy que m,e suis abusée,
Par quoy doy estre, en mon cuer dolorée,
Car de par luy, ay esté refusée.
Et sy ma fait, hors du veryier osier,
Pour une aultre en mon lieu bouter.
III.
O vous, dames, damoiselles et pucelles,
Vous bourgeoises, gentile damoiselles.
Vous marchandes riches, et toutes celles
A marier, pre7iez cy exemplaire;
Mirez vous-y et lisez mes libelles.
N'alliez pas vos faces qui sont belles,
A hommes nulz, qui vous soient rebelles;
Comme de moy est fait, dont me doit desplaire.
Mais puisque à Dieu plaist j)ar raison me doit plaire.
Après la mort de Marguerite d'Autriche la (/ente de-
moiselle (1), arrivée à Malines en 1530. Charles-Quint
(1) Chacun sait que cette princesse fut fiancée, pour la troisième fois,
à Jean, fils de Ferdinand , roi de Castiile et d'Aragon. Le vaisseau sur
lequel elle était pour passer en Espagne, fallit périr par la violence de
la tempête. On dit que ce fut dans cette occasion qu'elle composa son
cpitaphe en ces termes :
Ci gist Margot la génie demoiselle ,
Qu'eut deu.r maris, et si mourut pucelle.
( 329 )
accablé du poids de sa vaste domination, donna pour
gouvernante aux Belges, Marie d'Autriche, sa sœur, reine
douairière de Hongrie. Cette princesse était digne de mar-
cher sur les traces de Marguerite, sa tante; comme elle,
elle eut soin d'augmenter la bibliothèque de Bourgogne,
en faisant apporter de Hongrie plusieurs manuscrits, dont
deux extrêmement précieux, quelle avait hérités de feu
son mari Louis H , mort à la bataille de Mohatz contre
les Turcs,
Ces manuscrits avaient été confectionnés pour le célèbre
Mathias Gorvin, roi de Hongrie (1), auquel avait succédé
LadislasVI,roideHongrieetde Bohème etpèredu dit Louis.
Le premier de ces deux manuscrits est un Missel , écrit
sur vélin; c'est un chef-d'oeuvre de calligraphie. M. le con-
servateur nous a fait connaître l'histoire de ce magnifique
manuscrit : il nous sera permis en profilant de cette bien-
veillante communication, de lui exprimer ici tous nos
remercîmenls : M. Marchai réunit deux qualités également
essentielles dans un bibliothécaire, t obligeance et l'instruc-
tion.
Ce livre fui fait par ordre de Mathias Corvin , à Florence,
en 1485, comme l'atteste la suscription du titre : Acta-
ventes de Actaventibus de Florentia , hoc opus illuîninavit
A. B. M. CCGG LXXXV.
Leporlraitduroiet deBéatrixd'Arragon, sa femme, sont
en style numismatique d'or, au bas du verso du feuil-
let 411. A la partie supérieure du texte et dans d'autres
endroits çà et là en ce volume, sont les insignes de la
Maison de Bourgogne et de la Toison d'or.
Il y a au commencement du texte deux pages en regard ,
(1) Ce monarque avait à Bude un très-belle bibîioUièqiie, qu'il enrichit
des ouvrages les plus curieui et des MSS. les plus rares ; on dit qu'il sa-
vait presque toutes les langues de l'Europe : sa cour était te rendez-vous
des plus excellents peintres d'Italie.
22
( 330 )
lie la plus grande magnificence; dans le lointain et en
perspective, on découvre la ville de Bude; on y lit sur
pourpre : Incipit orclo Missalis secundum consuetudineni
Ro?)ianœ Curiœ.
Au canon, il y a deux autres pages aussi en regard, dont
l'une représente le Calvaire. On reconnaît que Rubens
s'est inspiré sur ce livre pour composer un de ses plus
précieux tableaux : il y a par entourage , au milieu de
l'or et des plus riches arabesques, toute l'histoire du Nou-
veau Testament et le Jugement dernier.
Selon l'usage pour les Missels , il y a deux autres grandes
miniatures; l'une commence le proprium sanctnrum et
représente le Christ appelant S'-Pierre et son compagnon
au lac de Gapharnaiim , pour les faire pécheurs d'hom-
mes; l'autre, à la Toussaint, représente les Elus dans la
gloire céleste.
Depuis Charles-Quint, ce livre servait aux inaugura-
tions des ducs de Brabant; on voit aux deux pages des
miniatures du canon, l'empreinte bien reconnaissable de
la main d'Albert et de celle d'Isabelle qui firent serment
sur ce volume, le 26 novembre 1599. La cérémonie avait
lieu en plein air, par un temps neigeux, ces pages et
quelques autres endroits portent les marques du décalque
de la peinture occasionné par l'humidité. C'est sans doute
un souvenir, le bibliothécaire Miraeus l'a attesté sur une
des pages du volume : super his Evangelys seu missali
A/hertus et Isahella , B el(/ a r uni principes , suum jura-
mentum solemniter fecerunt 1599,
Auprès de cette attestation, il va celles des inaugurations
de Philippe V, le 21 février 17 ; du marquis de Prié, pour
Charles VI; de Marie-Thèrese, le 20 avril 1744; de Jo-
seph II, le 17 juillet 1781. Plusieurs de nos contempo-
rains ont vu la dernière cérémonie, qui était celle de
François 11 , en personne, le 23 avril 1794.
( 331 )
Ce manuscrit lui enrichi en Belgi([ue par de nouvelles
miniatures, entre autres d'une quantité de portraits qu'on
regrette de ne pas connaître ; l'école flamande voulut lutter
dans ce beau livre avec l'école italienne, l'on ne sait à
laquelle des deux on doit donner la préférence; car la
richesse des arabesques, des caraayeux, des insignes est
variée avec un art tellement admirable, que nos peintres
d'aujourd'hui tenteraient en vain de l'imiter.
Tels sont les détails que l'on peut donner succinctement
sur ce manuscrit très-connu.
Une notice sur ce Missel se trouve rapportée par M. l'abbé
Chevalier, dans l'ancien recueil des Mémoires de l'Acadé-
mie de Bruxelles, tom. 4, pag. 493 et suiv.
L'autre manuscrit de Marie d'Autriche, qui était en
cpjelque sorte la contre-partie de celui-ci , est à la biblio-
thèque de l'Escurial, à Madrid; c'est un magnifique Evan-
géliaire à lettres d'or et appelé par cette raison , le Livre
d' Or. Il fut donné à Philippe II, par Marié, sa tante.
En compensation de cette perte , il existe à la biblio-
thèque de Bourgogne, un manuscrit, qui peut servir de
comparaison à celui de l'Escurial. Comme celui-là, il
mérite à juste titre d'être appelé le Livre d' Or. C'est un
Psautier, petit in-folio, sur parchemin, d'un exécution
vraiment magnifique, écrit en lettres d'or et bleu dit
outremer ^ la confection de ce beau MS. a dû coûter une
somme immense. Il est d'une belle conservation, el l'or
des caractères, quoique saillant, n'a rien perdu de sa fraî-
cheur. Ce livre est orné d'un grand nombre de miniatures
croisées en colombier, sur fond d'or, d'azur ou de pourpre,
ces deux derniers fonds sont fleurs de lis d'or; elles parais-
sent être du Xllï^ siècle et ne se rapportent point au texte
des psaumes : on peut en conclure qu'elles sont tirées d'un
autre ouvrage et qu'à cause de leur bonté, et du prix
de l'or et de l'outremer, on les a intercalées dans le Psautier.
( 332 )
L'écriture est sur deux justifications, alternalivement
d'or et d'outremer. Les armoiries de Flandre et de Nevers,
qui sont apposées aux nombreux iconismes de ce livre,
sont la preuve irréfragable qu'il appartenait au comte
Louis de Maie ; les armoiries d'Artois, de Bourgogne-
Flandre , démontrent qu'il a été ensuite la propriété du
duc Philippe-le-Hardi , son gendre. Ce précieux manuscrit
forme aujourd'hui le n" 9961 de l'inventaire de la biblio-
thèque de Bourgogne.
Charles-Quint, dans une grande assemblée des Etats-
Généraux, tenue à Bruxelles le 25 décembre 1555, remit
à son fils , Philippe II , toutes les provinces belgiques.
Il ne nous appartient point de juger ici le règne de ce
prince (qui était d'ailleurs né et élevé au cabinet de
Madrid, parmi les Espagnols), par les atrocités qu'il fit
commettre sur nos ancêtres (l), mais par le goût héri-
ditaire des sciences et du travail qui, depuis deux siècles,
avait élevé si haut nos princes bourguignons.
Pendant les quatre années qu'il résida aux Pays-Bas,
il prit un soin particulier de sa librairie; il fil rassembler
tous les manuscrits épars qui se trouvaient dans plusieurs
villes , pour enrichir sa bibliothèque à la cour de Bruxel-
les. C'est alors que Viglius fut nommé, par une patente
du roi, le 12 avril 1559. trésorier et garde de la dite
bibliothèque. Ce citoyen vertueux et savant, qui se con-
cilia l'estime des deux partis pendant les troubles du
règne de Philippe II, fit rédiger l'inventaire de ce riche
dépôt pendant les années de 1577 à 1579 (2) ; nous devons
(1) Dans une notice sur les Gueux à l'Hôtel de Ctilembourg, imprimée
en 1838, j'ai fait connaître le caractère de Philippe II , à l'égard des
Belges.
(2) M. Voisin s'est donc trompé dans sa notice sur la bibliothèque de
Bourgogne {Revue de Bnix elles, juin 1839), lorsqu'il fait remonter la ré-
daction de cet inventaire , à l'époque de la mort de Charies-le-Téméraire.
( 333 )
justifier le mérite intrinsèque de cet inventaire, parce
qu'il fait connaître à la République des lettres, la richesse
de l'ancienne librairie de Bourgogne à celte même époque.
Elle renlermait aloi-s 958 MSS.
Et 683 imprimés.
Ce qui formait un total de 1641 volumes,
nombre assez considérable; mais l'on doit remarquer
qu'elle avait été plus nombreuse sous le duc Philippe-
le-Bon.
Cet inventaire est encore inédit: un employé de cet éta-
blissement, M. Van Beveren, en fait la transcription. Nous
avons lieu d'espérer que l'impression n'en sera pas indé-
finiment ajournée.
La bibliothèque de Bourgogne s'accrut considérable-
ment sous Philippe II, mais pendant les troubles et les
guerres intestines , ce dépôt fut presque stationnaire.
Il reprit pourtant son antique splendeur sous le règne
réparateur de nos bons archiducs Albert et Isabelle, en
1598. On doit dire avec justice, que leur règne fut pour
la Belgique, ce que le siècle de Philippe et d'Alexandre fut
pour la Grèce, et celui d'Auguste pour Rome.
Le savant Bruxellois, Aubert Le Mire, appelle Mirœus
selon la mode de son temps, fut leur bibliothécaire. C'était
un digne successeur de David Aubert et de Viglius ; il
jouissait de toute la confiance des archiducs; il fit un in-
ventaire vers l'an 1612 : cette pièce, transportée à Paris
en 1794, n'a pas encore été restituée.
Les règnes du cardinal-infant, de Léopold et de l'élec-
teur de Bavière, furent également favorables à la biblio-
thèque de Bourgogne.
Pendant le cours de cette période , un édit de l'an 1595 ,
renouvelé en 1684, ordonna aux libraires de déposer à la
Bibliothèque royale deux exemplaires , bien reliés en cuir,
de tous les ouvrages qu'ils feraient paraître, afin d'obtenir
( 334 )
le privilège. Ces édils, rappelés de nouveau en 1755 ^
furent abrogés par la loi française de 1793, au délrimeut
de la bibliothèque de Bruxelles et au bénéfice de celle de
Paris. En l'année 1817, une nouvelle loi des étals-généraux
unis fut également préjudiciable aux Belges; car sur cinq
des exemplaires dont le dépôt était prescrit au ministère,
il y en avait deux pour la bibliothèque de La Haye et rien
pour Bruxelles : mais aujourd'hui qu'une nouvelle biblio-
thèque royale des imprimés est fondée, nous devons récla-
mer toute la bienveillance du ministère pour la remise en
vigeur de ces anciens édits.
Revenons à l'époque de l'incendie de la cour en 1731 ;
il fut funeste à la bibliothèque de Bourgogne; plusieurs
manuscrits devinrent la proie des flammes, les autres fu-
rent relégués dans les souterrains de la chapelle du palais,
où ils restèrent, pour ainsi dire oubliés jusqu'en 1746»
La richesse manuscrite était réduite, par celte' catas-
trophe, à 527 volumes (1).
L'incendie avait été si violent pendant une semaine
entière, que selon le rapport de Foppens, dans ses Annales
de Bruxelles, les brandons s'élançaient jusqu'auprès de
l'église du Sablon : c'est aussi dans cet incendie que furent
brûlées les archives de Bourgogne.
Le maréchal de Saxe , commandant supérieur de l'armée
française, s étant rendu maître de Bruxelles en 1746,
trouva dans les souterrains de la chapelle du palais, le
dépôt des manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne,
dont le lieu de cachette était même ignoré de la plupart
des habitants de Bruxelles. Il fit enlever un grand nom-
bre de ces manuscrits que l'on transporta à Paris.
La faible partie des volumes qui restait encore, fut
transportée à son tour de la Vieille Cour en 1754, à la
(1) Fraiicqucn, catalogue inédit de la Bibliothèque de Bourgogne, 1731.
( 335 )
grande salle carrée (bàlie en 1625 par ordre de l'infanle)
dans la rue d'Isabelle , et mise sous la garde de Woulers ,
chanoine de Lierre.
Cet édifice occupait l'emplacement de l'escalier de la
bibliothèque et une partie de la rue.
Jusqu'en 1772, la bibliothèque de Bourgogne servait
uniquement à l'instruction et au délassement du gouver-
neur-général ; mais le bon prince Charles de Lorraine,
dont la mémoire sera éternellement chère aux Belges, la
fit ouvrir au public. Alors elle prit un nouvel essor lit-
téraire par les dons qu'on y faisait et par les achats de
manuscrits précieux.
Le prince Charles avait pour ministre le savant Cobeulzl,
qui le seconda parfaitement, qui fut le créateur de l'Aca-
démie des Sciences et qui mit à la disposition de ce corps
littéraire la bibliothè(iue de Bourgogne, pour travailler à
l'histoire nationale.
Une mort presque subite emporta Cobenlzl avant d'a-
voir vu l'ouverture de la bibliothèque au public.
Le prince de Starhemberg , successeur du comte de
Cobentzl, continua le même système, mais avec moins
de zèle.
Elle eut encore à souffrir une seconde invasion fran-
çaise, qui vint la spolier de nouveau en 1794 (les ma-
nuscrits enlevés par le maréchal de Saxe, avaienf été
restitués en 1770) ; des commissaires firent transporter à
Paris presque tous les manuscrits, sans laisser aucun récé-
pissé. Mais le gouvernement français les restitua en 1815 :
la plupart de ces volumes revinrent de la capitale du
monde civilisé , avec une riche reliure en maroquin rouge,
marquée au chiffre de Napoléon.
La bibliothèque de Bourgogne éprouva des pertes no-
tables pendant les deux translations opérées par la France
eii 1746 et 1794.
( 336 )
On s'est peu ressenti des suites de la première trans-
lation, qui avait été faite avec exactitude par le savant
Godefroi ; quelques volumes seulement furent oubliés
involontairement , et la restitution en eut lieu en vertu
du traité du 16 mai 1769.
Mais le second enlèvement sous la république française,
fut plus nuisible; il donna lieu à des plaintes, les com-
missaires français se refusèrent de dresser l'inventaire des
objets, qu'ils appelaient les conquêtes de la victoire.
Le 22 novembre 1815, le gouvernement des Pays-Bas
envoya à Paris des Belges, délégués pour recueillir les
manuscrits et les autres monuments littéraires et scienti-
fiques enlevés en Belgique.
Cette mission délicate présentait d'autant plus de diffi-
cultés, qu'il fallait choisir les manuscrits de Belgique et
sans inventaire, parmi les 100,000 volumes manuscrits qui
existaient alors dans la bibliothèque nationale à Paris.
On peut croire que dans une telle confusion de richesses
littéraires, plusieurs manuscrits auront échappé à la révi-
sion faite par les préposés belges. En effet, ceux qui ont
■visité la bibliothèque royale à Paris, ont dû remarquer un
Froissart magnifique, comme aussi un Quinte-Curce, la
Grandeur de Marie, le Flavius- Joseph, et plusieurs autres
beaux maimscrits enlevés à la Belgique sous la république
française.
Il nous semble qu'une demande émanée de la part du
gouvernement belge, au cabinet des Tuileries, suffirait pour
réclamer ces volumes; car, en toute justice, ces manuscrits
appartiennent à la Belgique, puisqu'ils ont été enlevés par
ordre des représentants de la république française.
Belges, faisons valoir nos droits, et espérons que le gou-
vernement français daignera satisfaire à cet acte d'éviction.
Pendant la réunion à la France sous le Directoire exé-
cutif, des commissaires venaient souvent inspecter les
( 337 )
dépôts de la Belgique; comme Ton craignait de nouvelles
translations, M. le conservateur De Laserna s'entendit avec
M. Gérard, archiviste de la chambre des comptes, pour
soustraire à leur rapacité le peu de manuscrits qui étaient
restés. On les cacha dans les tardes de la chambre des
comptes, ce qui se fit pendant la nuit et avec facilité, parce
que la bibliothèque avait été replacée dans l'hôte! actuel
des Travaux piibUcs, après la démolition de la salle de la
rue d'Isabelle , en 1795; la chambre des comptes était à
l'hôtel actuel des Finances, bâti exprès pour les archives,
et que l'on détourna de sa destination en 1821 , je ne sais
pour quelle raison.
Après la spoliation de la bibliothèque de Bourgogne ,
en 1794, le savant M. De Laserna rétablit une autre biblio-
thèque, par le soin qu'il prit de faire déposer dans le bâti-
ment de l'ancienne Cour à Bruxelles, tous les livres, qui
provenaient de la suppression des maisons religieuses. Cette
bibliothèque devint celle de l'Ecole centrale, qui depuis
cette époque se trouve placée dans les mêmes locaux.
L'ancienne bibliothèque de l'Ecole centrale a été partagée
en 1810 : les livres imprimés furent donnés par l'empereur
Napoléon à la ville de Bruxelles; les manuscrits, avec ceux
qui revinrent de Paris en 1815, restèrent à l'Etat. Ce der-
nier dépôt forme aujourd'hui la véritable bibliothèque de
Bourgogne.
C'est ainsi que se séparèrent les manuscrits de Bour-
gogne des impressions , qui devinrent la propriété com-
munale de cette ville : cette mesure déchargeait le trésor
impérial, sans préjudicier à l'utilité publique; c'était fort
bien aussi long-temps que la ville n'était qu'un chef-lieu
de département, mais aujourd'hui qu'elle est la capitale
d'un royaume, il y aurait peut-être de l'équité à revenir
sur cette mesure, en prenant des arrangements libres et
volontaires avec la ville; est-il juste qu'elle soit chargée
( 338 )
d'une espèce de servitude, en fournissant la communica-
tion de ses livres au gouvernement? A-l-elle les moyens
de faire des acquisitions pour s'élever au niveau de la
bibliothèque royale actuelle? Je parle uniquement dans
l'intérêt de l'utilité publique et de la splendeur nationale.
M. van Hulthem (1), dès l'année 1813, avait succédé
à M. De Laserna, lorsqu'au mois de mars 1827, un incen-
die, provenant de la négligence des ardoisiers, faillit dé-
truire en entier le palais du Musée. Le feu se manifesta
pendant qu'ils étaient allés dîner. M. Van Hulthem était
alors à Gand, il avait emporté les clefs avec lui, il fallut
briser les portes des armoires pour jeter les manuscrits
par les fenêtres.
C'est après cette catastrophe que M. Van de Weyer,
bibliothécaire de la ville, fut nommé conservateur de
la biblollîèque de Bourgogne.
Au mois de février 1830 , l'emploi de conservateur de
la bibliothèque de Bourgogne fut supprimé.
M. Lorlye, secrétaire archiviste de l'état à Bruxelles,
et M. Marchai, employé provisoire aux dites archives,
eurent ordre de reprendre ce dépôt et de le réunir aux
archives de l'état : ainsi les Saints-Pères^ les Bibles et les
Lihri precum , SiWài&aX faire partie des actes diplomati-
ques ?
Ces messieurs lardèrent à remplir cette mission désagra-
ble, jusqu'à cequ'aumois de juillet suivant, le prince royal
de Wurtemberg étant h Bruxelles avec le prince d'Orange,
M. le bourgmestre de Wellens informa M. Marchai, que
ces hauts personnages voulaient visiter la bibliothèque de
Bourgogne. MM. Lortye et Marchai renvoyèrent cet avis
à 31. Van de Weyer qui en avait encore le dépôt.
(1) Ce riche particulier, mort à Gand , en 1832 , a laissé aux amis des
sciences, nnc belle et nonibrcnsebibliodièciuc . qui a été acquise , comme
on sait, par le gouvernement.
{ 339 )
Une missive d'improbalion pour avoir lardé d'exéculcr
l'arrêlé de reprise, leur fui envoyée par l'adminishaleur
Van Ewyrk, el dès lors celle reprise cul lieu le 19 du
même mois. La révolution, donl les résullals lurenl la
séparation de la Belgique de la Hollande , éclala peu de
temps après.
Après un intervalle de dix mois, la bibliothèque de
Bourgogne fui réorganisée par un arrêté du régent,
M. le baron Surlel de Chokier, du 24 avril 1831 ; elle était
destinée, par cet arrêté, à devenir la base d'un Musée
historique, à renfermer des livres, des médailles, etc., etc.
M. Blarchal , intendant-général des provinces lilirien-
nes sous l'empire, fui nommé conservateur par ce même
arrêté. Cet estimable compatriote qui tient un rang distin-
gué parmi les savants, trouva en entrant en fonction, tous
les manuscrits gisant pêle-mêle par terre, dans la salle du
dépôt. Il eut le courage de les reclasser et de les déposer
dans des armoires convenablement appropriées à cet effet.
Il fit la réouverture de la bibliothèque de Bourgogne au
public, le jour même de l'arrivée du roi Léopold en Bel-
gique.
M. Marchai met en ce moment la dernière main à la
rédaction du catalogue de ces précieux manuscrits. Ce
grand ouvrage de plusieurs mille lignes d'impression ne
peut manquer d'attirer l'attention et mériter à son modeste
auteur, l'estime et la reconnaissance de tous les bibliogra-
phes éclairés ; car il sera en quelque sorte l'étalage d'un
proême de toutes les connaissances humaines, que dis-je?
il fera connaître à la face des nations nos richesses litté-
raires (1).
(1) La confection dun catalogue des manuscrits cîTre plus d'une
I difficulté , celle de la bibliothèque Harieiennc . des UISS. en Angleterre,
a demandé dix années de travail à ses infatigables collaborateurs: cette
<li(riculté, consiste, non-seulement dans l'écriture et ses nomI)reuscs
( 340 )
La nalion peut être fière de posséder dans sa capi-
tale, la bibliothèque de Bourgogne; ce riche dépôt ren-
ferme actuellement 20,000 ouvrages distincts (exclusive-
ment manuscrits) (1). Plusieurs de ces précieux ouvrages
sont encore inédits. Nous citerons entre autres la fa-
meuse collection des Âcta Sanctorum, du 16 octobre au
31 décembre. C'est sans contredit, la plus précieuse col-
lection agiographique de l'Europe. Il ne s'agit pas seule-
ment ici des miracles de la Vie des Saints, mais d'une
foule de découvertes historiques et archéologiques, qui
font de cette collection une mine inépuisable de trésors
pour notre histoire nationale.
On avait réuni à celte bibliothèque , avant notre
révolution de 1830, par les soins de M. Dugniole, alors
grand référendaire au ministère de l'intérieur, ce recueil
immense et précieux des Bollandistés de l'abbaye de Ton-
gerloo.
Nous sommes heureux de pouvoir annoncer aux savants
agiographes, que le gouvernement, dont les vues d'en-
abréviations , mais dans la grande diversité de matières que chaque
MS. renferme: on est donc obligé de repasser tous les MSS. feuillet par
feuillet : ce travail aussi long que fastidieux , est cependant indispensa-
ble pour la classification du catalogue par ordre de matières.
Oui! a (lit M. Beuchot , on ne connaît pas assez les difficultés que
présente Ibistoirc littéraire de la bibliographie à ceux qui la cultivent.
Les travaux de ce genre sont pénibles, minutieux, sans éclat, sans
gloire, sans profit aujourd'hui. Ils sont cependant utiles, et l'on doit
tenir compte à leurs autiurs des veilles nombreuses et des recherches
immenses que leur coûtent souvent ces ouvrages.
(1) Je dis vingt mille ouvrages distincts, car la chose la plus remar-
quable d'un manuscrit, cest la nature de son contenu: une bible par
exemple, renferme quelquefois des documents historiques, contemporains
de l'écrivain ; de simples Heures contiennent souvent des aventures che-
valeresques ou des pièces satyriques , tandis quimc chronique commen-
çant à la création du monde se termine quelquefois par un journal d'é-
troite localité.
( 341 )
couragcment sont si justement appréciées par les amis des
sciences, a déjà donné un subside à la nouvelle société
des Bollandistes de Bruxelles, pour la continuation de
l'impression de cet ouvrage.
Ce riche dépôt littéraire renferme également d'excellents
classiques grecs et latins, dont quelques-uns ont échappé
au sac de Constantinople en 1453 ; on voit sur l'un de ces
BISS. , la signature du fameux Chalchodplis. Il y a aussi
quelques livres arabes, hébreux, turcs, persans et irlan-
dais.
Le plus ancien que nous ayons remarqué, est un Sancti
Cœsarii opéra; c'est un traité ascétique, comme l'indique
son titre , par conséquent peu intéressant pour la science.
Mais sous le rapport de son ancienneté, il est extrêmement
précieux, et il paraît remonter au milieu du VIP siècle,
sous le règne du roi Dagobert I".
Dans plusieurs autres anciens manuscrits, on remarque
des Palimpsestes antérieurs à cette époque.
Nous ne prétendons pas entrer ici dans des détails sur
l'importance d'un grand nombre de ces manuscrits, nous
aimons mieux laisser au jugement des connaisseurs, le
soin d'en apprécier le mérite.
Un véritable honneur à rendre à nos productions lit-
téraires, ce serait d'encourager les écrivains à faire dépo-
ser leurs minutes dans la bibliothèque de Bourgogne.
Mais il faudrait régler par des dispositions quels seraient
les ouvrages dignes d'y être admis, et donner l'assurance
aux auteurs que , pendant leur vie entière , la bibliothè-
que se considérerait uniquement comme consignataire de
leurs écrits, qu'ils pourront à leur gré les retirer, pour
les modifier , les améliorer , pour les faire copier ou
imprimer en tout on en partie.
La bibliothèque de Bourgogne surpasse tous les autres
dépôts littéraires pour la beauté, et nous osons le dire, la
( 342 )
profusion des miniatures; leur belle exéculion rappelé le
pinceau de Van Eyck et de Hemling et donne une haute
idée du talent des miniatores du moyen-âge : leurs pein-
tures, d'une délicatesse extrême, présentent une foule de
détails touchés avec esprit, des draperies bien jetées, dont
les étoffes décèlent une finesse et une fermeté de pinceau
admirable; des intérieurs habilement ménagés, une mer-
veilleuse multitude de figures, dont les expressions sont aussi
naturelles que variées, et même, ce qui est plus rare, des
preuves de l'entente de la perspective. Quant au costume, il
est plein d'anachronismes; on voit que le peintre a constam-
ment substitué son siècle à ceux qui l'avaient précédé, et
qu'il a reproduit ce qu'il avait sous les yeux , au lieu de s'en
rapporter à la tradition ou à son imagination. Le catalogue
de la bibliothèque de Bourgogne, par M. Marchai, offrira
à ses lecteurs des copies fidèles de plusieurs de ces belles
miniatures (1). Une observation inspirée par l'inspec-
tion de toutes les figures, c'est que lorsqu'elles ont été
dessinées, la barbe n'était de mise ni parmi les séculiers,
ni parmi le clergé (2) et que les femmes relevaient leurs
cheveux de manière à les cacher entièrement sous le bon-
net pointu , recouvert d'une large gaze empesée, de forme
carrée ou triangulaire , dont leur tête était parée. La pou-
laine (3) revient partout, et l'affection de pousser le ventre
en avant paraît avoir été une des grâces à la mode parmi
le sexe.
(1) La confection de ces vignettes est confiée à M. Debrou , artiste dont
le talent et l'habileté nons font espérer le plus heureux résultat.
(2) Histoire des révolutions de la barbe des Français. Paris , Ponthieu,
1826, pag. 25.
(3) Souliers fort pointus , et dont la pointe s'allongeait en proportion
de la qualité de la personne qui les portait ; cette pointe était longue de
six pouces pour les particuliers , d'un pied pour les gens riches et de
deux pieds pour les princes. (Yoyez Roquefort, Gloss.de la lang. rom., 2.)
( 343 )
La célèbre bibliolhcque de Bourgogne, dont nous ve-
nons de retracer toutes les vicissitudes, est actuellement
située au palais de l'ancienne Cour. Le local se compose
de deux belles et grandes salles, dans lesquelles se trou-
vent les armoires fermées à ciels , contenant les manuscrits.
La première salle en entrant, qui fait face à la porte
d'entrée de la galerie des tableaux, est celle de la Reine
Louise. C'est de là que l'on jouit sur la ville et la cam-
pagne, d'une des plus belles vues que l'on puisse imaginer.
On remarque dans cette même salle, une inscription
dans laquelle l'histoire de cette bibliothèque est contenue
succintement, mais clairement; la voici :
CETTE AMIQCE BIBLIOTHÈQUE ROYALE,
FORMÉE DES LIBRAIRIES QUE LES DUCS DE BOURGOGNE AVAIENT CRÉÉES,
POUR l'instruction ET LE DÉLASSEMENT DES PRINCES DE LEUR SANG.
AUGMENTÉE PAR CHARLES-QUINT, PAR ALBERT ET ISABELLE,
RENFERMANT DES MANUSCRITS PRÉCIEUX DE DOUZE SIÈCLES,
TRANSPORTÉE EN PARTIE A PARIS EN 17-46, RESTITUÉE EN 1770.
ENLEVÉE DE NOUVEAU EN 1794 , RENDUE EN 181J5;
RÉDUITE AUX MSS. ; RÉUNIE AUX ARCHIVES EN 1830 PAR LE ROI DES P.-BAS.
REORGANISÉE ET RÉOUVERTE AU PUBLIC , EN 1 83 1 , ELLE s'eST TRÈS AUGMENTÉE :
ELLE EST RÉUNIE A LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE, CRÉÉE EN 1 8â7.
Mais c'est dans l'autre salle, celle de Marie-Thérèse, que
l'on doit admirer les vitraux peints, qui font face à la cour
du Musée. Le plus grand . celui qui se trouve superposé à
îa partie supérieure de la fenêtre, représente l'imitation
jd'une inscription tumulaire à la mémoire de nos meilleurs
Jjrinces; aux quatre coins, sont les armoiries du royaume
de Belgique, de Bourgogne, d'Autriche et d'Espagne, en
Souvenir de ces diverses dynasties qui régnèrent sur nos
provinces.
j A la partie inférieure de la même fenêtre, sont deux
[nédaillons en ovale, aux armoiries de Bourgogne et au
ihilFre du roi régnant; ils sont mis dans un encadrement
( 344 )
à ogives, afin que la fenêtre soit en harmonie avec la
srrande verrière et les médaillons.
Ces beaux vitraux ont été confectionnés par M. Capro-
nier, en 1832.
C'est dans cette même salle que l'on voyait jadis les
portraits des ducs de Bourgogne , enchâssés dans de som-
bres boiseries. Cette chronologie artistique se composait
des portraits suivants :
1" Louis de Maie, comte de Flandre, qui régna de 1346
à 1384; — 2° Marguerite de Brabant, de 1347 à 1368; —
3« Philippe-le-Hardi, de 1384 à 1404; ~ 4° Jean-sans-
Peur, de 1404 à 1419; ~ 5° Philippe-le-Bon, de 1419 à
1467; — 6° Charles-le-Téméraire, de 1467 à 1477; —
T Marie de Bourgogne, de 1477 à 1482; —8° Maximilien,
de 1477 à 1482; — 9- Philippe-le-Beau, de 1482 à 1506;
— 10" Charles-Quint, de 1506 à 1555; — IT Philippe II,
de 1 555 à 1 598 ; — 1 2° l'archiduc Albert , de 1 598 à 1 62 1 ;
— 13" l'infante Isabelle, de 1598 à 1633; — 14" le prince
Charles, de 1744 à 1780; - 15" Marie-Thérèse, de 1740
à 1780; — 1 6" Cobenzl , ministre en 1770; — 17" Joseph II,
de 1780 à 1790.
11 y a lacune, comme on voit, dans cette série chrono-
logique. Neuf de ces portraits sont anciens; les modernes
sont dûs aux pinceaux habiles et exercés de nos jeunes
artistes : MM. Diez, Storm, Van Hyck, Delvigne, Phiiip-
pekin et M"^ Fanny Corr.
Ces tableaux sont actuellement placés dans la salle
supérieure de ce dépôt.
La bibliothèque de Bourgogne s'est enrichie considéra-
blement sous le gouvernement actuel ; les achats des
manuscrits qui se font chaque jour, ont augmenté ce
dépôt à un tel maximum que les armoires sont presque
devenues insuffisantes.
Pour suppléer à ce défaut d'emplacement, on étabht
( 345 )
au-dessus des armoires cl dans les deux salles une galerie ,
dont l'éléganle simplicité répondra à la niajeslé du dépôt.
Nous ajouterons que cette bibliothèque n'a jamais été
si florissante que depuis la révolution de 1830.
On ne peut contester que cette antique librairie de nos
anciens princes bourguignons, ne soit aujourd'hui l'un des
ornements de la capitale. Elle transmettra à la postérité
l'amour des Belges pour la culture des sciences.
Les régnicoles et surtout les étrangers y viennent puiser,
chaque jour , des renseignements précieux sur toutes les
branches des connaissances humaines.
Parmi les augustes personnages qui l'ont honorée de leur
visite, nous citerons: LL. MM. les reines des Français et
des Belges, LL. AA. RR. les ducs d'Orléans, de Nemours et
le prince de Joinville.
En terminant ici notre narration sur la bibliothèque des
ducs de Bourgogne , nous devons féliciter le gouverne-
ment d'avoir l'ait, en 1836, l'acquisition de la précieuse
collection de livres du savant bibliophile Van Hulthem.
Cette heureuse acquisition, devenue le corollaire du
précieux dépôt des manuscrits de Bourgogne, est destinée
à former dans la capitale du royaume , une bibliothèque
digne de la nation, à l'instar des autres établissements de
ce genre qui existent dans les principales capitales de
l'Europe.
C'est en posant le fondement de ce nouvel édifice lit-
téraire, que les Belges seront appelés à ouvrir de nouveau,
à la face des nations , les belles et fécondes pages de leurs
annales.
La Belgique, cette terre classique des beaux-arts, vivra
désormais en état libre et indépendant, au milieu de l'Eu-
rope, sous l'égide du bonheur, fruit de la paixj si utile aux
nations.
Nous ne remplirions pas exactement la tâche que nous
( 346 )
nous sommes imposée, si nous passions sous silence la col-
lection elhnographiquej composée de costumes, d'arcs,
de flèches, de carquois, de berceaux, de pirogues, de san-
dales et de chevaux empaillés, qui ne se recommande pas
moins à l'attention de l'archéologue.
Cette collection ethnographique, qui faisait autrefois par-
tie du Musée de Bruxelles, se trouve aujourd'hui reléguée
dans une salle supérieure delà bibliothèque de Bourgogne.
Nos lecteurs nous sauront gré, sans doute, de leur don-
ner ici une description succincte de chacun de ces objets.
\° Un habit de cour, ayant appartenu au roi d'Angle-
terre, Charles II.
On sait que ce malheureux prince, après la mort tra-
gique de son père Charles F*^, fut poursuivi par Cronwel,
l'usurpateur du gouvernement.
Le jeune Charles II, pour échapper à ses mains san-
guinaires, vint se réfugier sur notre continent : Paris et
Bruxelles devinrent les séjours favoris de ce noble et in-
fortuné monarque, qui devait, après onze années de ca-
lamités passées sur une terre étrangère, remonter sur le
trône de ses prédécesseurs.
2" Le manteau de Montézuma, empereur du Mexique ,
entièrement confectionné en plumes rouges : ces plumes
remarquables sont superposées les unes aux autres.
3" L'arc et les flèches empoisonnées, renfermées dans
un carquois, à l'usage des Esquimaux. L'arc surtout est
supérieurement bien travaillé,
4" Le berceau de l'empereur Char le s- Quint. Ce berceau
est sans contredit l'un des objets les plus précieux de nos
antiquités nationales : une preuve irréfragable qu'il a ap-
partenu à Charles-Quint, c'est qu'on y aperçoit encore les
traces des armoiries de cet empereur.
5° JJne inrogue en cuir. Elle provient, selon la tradition
la plus commune, des sauvages du Mexique; sa longueur
( 347 )
mesure 5 mëlres et 56 centimèlrcs. Elle est remarquable
surtout en ce qu'elle ne peut contenir qu'un seul homme.
C'est au moyen de ce batelet que les naturels détruisent
les vaisseaux marchands, en plongeant dans la mer et en
faisant filtrer l'eau dans la cale du vaisseau, à l'aide d'un
instrument tranchant.
6° Une paire de sandales et un bouclier en bois, parfai-
tement conservés.
7° Le cheval empaillé de l'infante Isabelle, lorsqu'elle
fit son entrée à Bruxelles, lequel elle monta aussi au siège
d'Ostende en 1604. Il est de race andalouse et le même
qui, par sa nuance, a donné le nom à la couleur Isabelle :
ce cheval a porté une selle de 200,000 florins, garni de
diamants et de rubis.
8° Le cheval e7?ipaillé de l'archiduc Albert, qui lui sauva
la vie au long siège d'Ostende, de 1601 à 1604, où il reçut
une balle dans le poitrail.
Ce cheval morave est remarquable par sa petite taille-
il conserve encore aux pieds ses fers primitifs.
Nous n'entrerons pas ici dans des détails sur le mauvais
état de conservation de ces objets; leur existence seule nous
rappelle une foule de souvenirs historiques.
Un cabinet d'objets d'antiquités existait déjà à Bruxelles
dès le règne de Marguerite d'Autriche; car Albert Durer,
contemporain de cette princesse , raconte dans son Voyage
en Belgique (1) , qu'il a vu à la cour de Madame Blarguerite
deux chambres toutes remplies d'objets provenant du pays
d'or (Amérique).
Parmi ces objets, figuraient certainement le manteau de
Montèzuma et la pirogue que nous venons de mentionner.
«
(1) M. Van Hasselt a donné l'analyse et la traduction du Voyage d'Al-
bert Durer en Belgique '.Revue de Bruxelles, mois de décembre 1838 et
janvier 1839.
( 348 )
La Revue encyclo2Jédique , qui s'imprimait à Bruxelles
il y a quelques années, a inséré dans un de ses derniers
N"' (si ma mémoire est fidèle) une liste des objets d'anti-
quités que l'on conservait dans la grande écurie du palais
à Bruxelles. Cette liste ne fait point mention des objets
que nous venons de rapporter, à l'exception cependant
des deux chevaux.
Une autre revue périodique, l'^r^/s/e^ avait adressé dans
le temps, à l'autorité chargée de la direction des beaux-
arts, quelques questions relativement aux objets d'anti-
quités que devait posséder le Musée de cette ville.
Les objets d'antiquités dont parle YArtiste, sont précisé-
ment ceux qui se trouvent aujourd'hui à la bibliothèque
de Bourgogne (1).
Cette revue réclamait avec raison , contre l'insouciance
marquée que l'on montre pour ces richesses historiques,
dont les autres nations sont si fières et à la conservation
desquelles elles consacrent des fonds considérables.
Florian Frocheur.
(1) Nous devons dire que la présente rédaction était déjà achevée ,
lorsque nous apprîmes que ces objets avaient été réunis à ceux du
Musée d'Antiquités.
( 349 )
iîtanuBcrtts aut0grapl)c
0
!>E
M. LAMBIN,
AnClUVISTE DE LX VILLE D Y P H E S.
Après M. Gyseleers-Thys, archiviste de la ville de
Malines , M. Lambin peut être regardé comme le INesloi
des archivistes de la Belgique. Il a consacré toute sa
vie à recueillir des documents sur l'histoire nationale , et
principalement sur celle de la ville d'Ypres, son lieu
natal. Le nombre des renseignements qu'il a réunis est
immense. On jugera de l'activité de ce savant aussi con-
sciencieux que modeste, lorsqu'on saura qu'il a com-
posé trente-deux manuscrits, qui formeraient plus de cin-
quante volumes in-S", et qu'il a écrit de sa main environ
quatre-vingt volumes de toutes dimensions. Les archives
municipales, auxquelles il est préposé depuis tant d'an-
nées, ont été explorées par lui dans les moindres détails.
On sait que ce dépôt est un de ceux qui sont classés avec
le plus de soin , d'ordre et de méthode , et pour être
fidèles à la vérité, il faut le dire, tout Thonneur en revient
( 350 )
à M. Lambin , qui depuis quarante ans, s'est eu quelque
sorte cloîtré dans ses occupations archéologiques.
M. Lambin a bien voulu nous communiquer la liste
des différents ouvrages qui forment son précieux fond de
bibliothèque manuscrite. Nous ne pensons pas blesser sa
modestie en la publiant dans notre recueil ; nous croyons
d'autre part que ce sera rendre un service véritable à nos
lecteurs en leur faisant connaître quels précieux travaux
nous laissera M. Lambin après sa mort. Puisse-t-il dès à
présent en avoir assuré la conservation. La ville d'Ypres
qui vient d'ériger une bibliothèque, déjà même reconnue
par le gouvernement, sera probablement, nous le pensons
du moins, instituée légataire des nombreux MSS. dont nous
nous occupons.
Ouvrages et Recueils de sa cof/iposition.
N" 1.
Armoiries décrites d'un grand nombre de familles,
principalement de la province de Flandre, extraites de
quelques manuscrits inédits et de plusieurs ouvrages esti-
més. Ce recueil contient 220 pages grand in-8°.
N''2.
Additions à la Notice historique des ancietines institu-
tions littéraires de la Belgique , connues sous le nom de
Chambres de Rhétorique , insérée au Mémoire historique
sur la bibliothèque de Bourgogne, de M. Laserna-San-
lander, imprimé à Bruxelles, en 1809, Ces additions
classées dans l'ordre alphabétique, sont pour la plupart
extraites des archives de l'ancienne chambre dite d'Alpha
et Oméga, à Ypres, et contiennent en deux volumes,
à peu près 300 pages in-S".
N°3.
Additions à la notice intitulée : Etat des villes de la
( 351 )
Gaule helgiqiie, avant le douzième siècle , avec des re-
cherches étymologiques sur l'origine de leurs noms, de
M. F. Grigny, médecin (d'Ypres). Ces additions faites,
surtout sous ce dernier rapport, en ce qui concerne la
plupart des villages de la Flandre occidentale, sont sus-
ceptibles d'augmentations. In-8° de 173 pages.
Extraits d'un registre en parchemin, relié en bois et
couvert en cuir, intitulé : Chest li livres de toutes les
heures de le vile dJppre. Ces extraits sont composés des
plus anciens statuts du magistrat d'Ypres, tels que de
1206, 1213, 1278, 1286, 1287, 1288, 1291, 1294,
1295, et contiennent 44 pages in-S".
N°5.
Tafel van aile de familienaemen der personen die meer
of min, regtstreeks of anderzins, uitgeschenen hebben
geduerende de staetsomwenleling van Vlaenderen, ten
jaere 1789, begrepen in het v^erk getiteld : Dits die ex-
cellente Print-cronike van Vlaenderen, 41 bladzyden
in-12. — (Table alphabétique des noms de famille de
ceux qui, plus ou moins, directement ou indirectement,
se sont distingués pendant la révolution de 1789, extraits
de l'ouvrage intitulé : Dits die excellente Print-cronike
van Vlaenderen , 41 pages in- 12°.
Chartes émanées des rois d'Angleterre, déposées aux
archives d'Ypres, et qui concernent les anciennes relations
commerciales entre ce royaume et la Flandre, et dont
M. Lambin a formé des copies littérales et authentiques
pour la commission des Records, à Londres, qui s'occupe
de la recherche des actes relatifs à l'histoire d'Angleterre,
de 48 pages in-8°.
( 352 )
Verzaemeling vaii de gralschrifien die ten jaeren 1798
en 1799, nog in wezen Avaeren in de prochiekerken, kloos-
ters, kapellen, godshuizen en op de kerkhoven binnen
Ypre, waeronder verscheidene die in oude lyden aldaer
en in de kerken van de voorsteden gevonden wierden,
met afbeeldingen van de wapenschiklen , en verrykt met
alphabelische tafels der familienaemen, 4 vol. in-4°, in-
houdende ontreut 2000 bladz. — (Recueil des épilaphes
qui existaient encore à Ypres en 1798 et 1799, et parmi
lesquels il en est plusieurs qui se trouvaient jadis dans les
églises des anciens faubourgs de ladite ville , avec beau-
coup d'armoiries faites à la plume, des annotations généa-
logiques et des tables alphabétiques des noms des familles,
4 vol. in-4°, contenant à-peu-près 2000 pages.
Verzaemeling /an de voornaemste vryheden en voor-
regten , vergund door de graven van Vlaenderen en an-
dere vorsten aen de imvooners van Ypre , sedert het begin
der 12" eeuw^ , 4 deelen in-4°, inhoudcnde te zamen, met
de alphabetische en jaerv^yzende tafels, 496 bladz. Zeer
aenbelangend voor de plaetselj ke geschiedenis der mid-
deleeuwen. — (Extraits des cartulaires de la ville d'Ypres,
ou recueil des documents les plus importants, contenant
les concessions de privilèges et franchises faites aux habi-
tants d'Ypres par les comtes de Flandre et d'autres souve-
rains, à compter du 12° siècle, 4 vol. in-quarto, contenant
ensemble, avec les tables alphabétiques et chronologi-
ques, 496 pages. Très-intéressant pour l'histoire locale du
moyen-âge.
N°9.
Vernieuwingen van de wethouders en raeden der stad
Ypre, van 1366 tôt 1791 , met het vervolg tôt heden, en
( 353 j
voorgcgaen door de naemlyst van de schcpenendcr zelfde
stad van 1196 tôt 1365, met eene verliandeling over de
cerste instelliug dezer magislralen en de vcranderingen in
de wyze van vernieuwing ingevoerd, 3 declen in-^", in-
houdende entrent 800 bladeren. — (Renouvellements des
magistrats et conseillers d'Ypres, de 1366 à 1791, avec
la suite jusqu'à ce jour, précédés d'une liste nominative
des échevins de ladite ville, de 1 196 à 1365, et d'une no-
tice sur l'institution de ces magistrats et les changements
introduits dans le mode de leur élection , 3 vol in-d"*, grand
format, contenant à-peu-près 800 pages.
N° 10.
Tydrekenkundige en alphabetische naemlyst van aile
de l'amilien begrepen in de twee eerste deelen van het
handschrift onmiddelyk hiervooren, m-à° , grool formaet,
van 98 bladz. — (Table alphabétique et chronologique
des noms de famille contenus dans les deux premiers vo-
lumes de la collection indiquée immédiatement ci-dessus,
in-4" , grand format , de 98 pages.
N°ll.
Proevc van onderzoekingen op de aloude aenstelling,
het gezag en de voorregten van de kasteleinen en burg-
graven van Ypre, verrykt met eene geslacht- en geschied-
kundige lyst van degenen die met deze "waerdigheid zyn
bekleedgcTveest, enmeteenige onuitgegevene bescheeden,
in-4° van 250 bladz, (Essai de recherches sur l'institution,
l'autorité et les prérogatives des châtelains et des vicomtes
■11 d'Ypres , enrichi de la liste généalogique et historique de
îr| ces dignitaires et de plusieurs documents, la plupart iné-
il dits. En portefeuille, 250 pages in-4:°, grand format.
i N" 12.
! Aenbelangende bescheeden raekende de kerken , kloos-
il lers, godshuizcn, kapcllen, scholen en andere slichtingen
I
( 354 )
binneii Ypre, met aeiiteekeningen die de voornaemsle
historische gebeurtenissen der zelt'de slad kunnen ophel-
deren, en ook met alphabetische lafels, 2 deelen in-^",
het eerste inhoudende lOl bladz. , het tweede niet vol-
trokken. — (Documents intéressants relatifs aux églises,
couvents, hôpitaux, chapelles, écoles et autres établisse-
ments en la ville d'Ypres, avec des annotations qui peuvent
servir d'éclaircissements à quelques événements historiques
de la localité et des tables alphabétiques des matières,
2 vol. in-4°, le premier contenant 101 pages, le 2® non
achevé.
N° 13.
Geschiedkundige onderzoekingen op de aloude aen-
stelling van den voogd en de schepenen en raeden der
stad Ypre, en de opgevolgde veranderingen in de jaer-
lyksche vernieuwing ingevoerd , verrykt met geloofweer-
dige bescheeden en de wetten der Yprelingen, bevestigd
door Phihps van Elsatien, in 1171 of 1174, en met eene
lyst van de voogden van 1366 tôt 1791, in-4° , van 68
bladzyden, ten jaere I8l4 in druk uitgegeven. — (Recher-
ches historiques sur l'institution de l'avoué (bourgmestre),
des échevins et des conseillers de la ville d'Ypres, enrichies
de quelques documents inédits; avec un détail des chan-
gements introduits dans le renouvellement annuel de ces
magistrats, les lois et coutumes des Yprois, confirmées par
Philippe d'Alsace, en 1171 ou 1174, et une liste des
avoués de 1366 à 1791. Cet opuscule de 68 pages in-4'',
a été publié en 1814.
N° 14.
Un volume contenant : 1" Un coup-d'œil historique sur
les émeutes et troubles qui jadis ont eu lieu à Ypres; 2° une
dissertation sur les monuments consacrés à la mémoire
de nos aïeux; 3° l'origine, le progrès et la décadence de
( 355 )
la manufacture de draps à Ypres, en tout 72 pages in-4°.
N" 15.
Verzaemeling vau grafschriften in de kerken van eenige
sleden en dorpen van het Nederland le vinden , met ge-
leekende wapenschilden en eene tafel der familienaemen,
91 bladz. in-4". — (Recueil d'épitaphes qui existaient
jadis dans les Pays-Bas, enrichi d'armoiries faites à la
plume et d'une table alphabétique des noms de famille,
de 91 pages in-4°.
N° 16.
Lyst van een aenmerkelyk gelai boeken van aile slach
en formaten, binnen Ypre gedrukt sedert het jaer 1546,
tydstip van het invoeren der drukkery aldaer, en voor-
gegaen door de naemrol der genen die er het beroep van
drukker hebben uitgeoefend; in-4°. Niet vollrokken. —
(Catalogue d'un grand nombre de livres en tout genre et
format, publiés à Ypres, depuis l'an 1546, époque de
l'établissement de la première imprimerie en cette ville ,
précédé d'une liste de tous ceux qui y ont exercé la typo-
graphie; in-4°. Non achevé.
N° 17.
Coup-d'œil historique et critique sur les privilèges et
franchises concédés par nos anciens comtes, aux princi-
pales villes de la Flandre, suivi de quelques annotations
sur les chambres de rhétorique en général et sur l'origine
et la décadence de celles qui ont existé à Ypres, de 61
pages in-4". Ce coup-d'œil a été inséré dans les Annales
belgiques des Sciences, Arts et Littérature, livraison du der-
nier trimestre de 1817.
N" 18.
Verzaemeling van verscheidene bescheeden raekende
de stad Ypre en haere inwooners, gelrokken uit de ar-
( 358 )
chiveu, en inhoudeude, onder aiider, Ivvee oorspronke-
lyke opene brieven van Gui van Dampierre, van 1297 en
1298, by welke gezien wordl dat er alsdan te Ypre geld
gcmunt is geweest; de deelneming der Yprelingen in de
unie van Utrecht , in 1579 ; de overgave van Ypre, aen
den hertog van Parma, in 1584. enz. 49 b. in-4'', boven
den index, — (Recueil de plusieurs litres relatifs à la ville
d'Ypres et à ses habitants, extraits des archives de ladite
ville, et contenant, entre autres, deux lettres patentes de
Gui de Dampierre , de 1297 et 1298 , qui prouvent qu'alors
il a été fabriqué de la monnoie à Ypres; l'adhésion des
Yprois à l'union d'Utrecht, en 1579; la reddition de la
ville d'Ypres au prince de Parme, en 1584, etc., de 49
pages in-4°, non compris la table chronologique des
matières.
N» 19.
Annotatien getrokken uit de registers van résolu tien
van het magislraet van Ypre, of memoriael van geschie-
denissen en aenleekeningen raekende de koninklyke en
prinselyke gilden, en slukken van verscheiden aert, ge-
trokken uit de staetsschriften der zelfde stad, met eene
inleiding en eene alphabelische tafel, in-4'' , van 57 blad-
zyden. — (Annotations extraites des registres aux résolu-
tions des magistrats d'Ypres. ou Mémorial d'événements
historiques; on y a ajouté tout ce qu'on a découvert d'in-
téressant sur les confréries royales et autres , ainsi que
plusieurs documents inédits concernant l'histoire locale,
avec une introduction et une table des matières. 57 pages
in-4°.
N° 20.
Nieuwe vrucht van ledige uren, of bundel van ver-
scheidene slukken en aenleekeningen die kunnen dienen
tôt opheldering van ecuige punten van geschiedenis , ge-
trokken uit de archiven van Ypre : onder deze slukken
( 357 )
bevindeu er zich die van veel belang xijn. In-4:° van 98
bladzyden, onbegrepen de alphabelische tafel. — (Recueil
de plusieurs documents et d'annotations qui peuvent être
utiles pour l'éclaircissement de quelques points de l'his-
toire de la ville d'Ypres et qui ont été extraits de ses ar-
chives : parmi ces documents il s'en trouve qui sont d'un
intérêt majeur. In-4'' de 98 pages, plus une table alpha-
bétique des matières.
N" 21.
Diplômes inédits concernant les affaires de la ligue
hanséatique en Flandre, qui se trouvent dans les archives
de la ville d'Ypres , enrichis d'un précis historique de ces
documents qui sert de table, 136 pages in-^".
N° 22.
Revue succincte des annales de la ville d'Ypres, de 805
à 1827, en feuillets, in-4°.
N" 23.
Mémoire en réponse aux questions proposées par la
société des Antiquaires de la Morinie , à Sainl-Omer, sur la
halle aux draps et l'église de Saiul-Martin , à Ypres, cou-
ronné en 1833, enrichi d'un grand nombre de notes,
d'additions et des plans de ces deux monuments antiques,
in-4° de 72 pages.
N° 24.
Vervolg van de geschrevene jaerboeken van Ypre,
verzaemeld door Pieter-Martinus Ramaut, in 8 deelen
kleen in-folio. Dit vervolg beginnende met het jaer 1781,
en loopende tôt heden, 2 deelen zelfde formaet, inhou-
dende te zaemen 562 bladz. — (Continuation des annales
manuscrites d'Ypres, recueillies par Pierre-Martin Ramaut,
en 8 volumes petit in-folio. Cette continuation date du
mois de juin 1781, jusqu'à présent; 2 volumes même
format, contenant ensemble 562 pages.
( 358 )
N" 25.
De stad Yprc verheerlykt door haere hoogbaillius, of
geslacht- en geschiedkundige lyst van de ridders en
edellieden die met deze waerdigheid bekleed zijn ge*'
weest, van 't jaer 1096 lot in 1794, verrykt met eene
historische inleiding en eene alphabetische tafel der fa-
milic naemen , en versierd met de geteekende wapen-
schilden derzelfde hoogbaillius. In groot folio, 62 bladz.
— (La ville d'Ypres illustrée par ses grands-baillis, ou
liste généalogique et historique des personnes qui ont été
revêtues de cette dignité, depuis l'an 1096 jusq^i'en 1794,
grand in-folio de 62 pages, enrichie d'une introduction
historique, des armoiries des grand-baillis, faites à la
plume, et d'une table alphabétique des noms de famille.
N° 26.
Extraclen getrokken uit de registers van publicatien
gedaen van wege het magislraet van Ipre, van 1524
lot 1610, en inhoudende, onder meer ander, inlichingen
op de prysfeesten der rederykers die aldaer gegeven zyn
geweest, en ook op de vergaederingen en predikatien der
herdoopers, enz., 58 bladz. in-folio. — ■ (Annotations his-
toriques sur plusieurs points de l'histoire locale d'Ypres,
extraites des registres de publication des ordonnances des
magistrats de la dite ville, de 1524 à 1610. contenant,
entre autres , des renseignements importants sur les con-
cours des chambres de rhétorique qui ont eu lieu à Ypres;
les prêches des anabapistes, etc., etc., in-folio, 58 pages.
N" 27.
Beeldstormery binneu Yprc, in 1566, of aenteekenin-
gen getrokken uit Iwee registers van information en
interrogatien gedaen door den voogd en de schepenen,
aengaende het prediken der herdoopers, de beeldstor-
mery, enz., in-foHo, 44 bladz. Zeer aenbelaugend voor
( 359 )
de plaelselyke geschiedenis. — (Notions relatives aux
excès commis à Ypres et dans les environs, en 1566 ,
par les iconoclastes ; extraites de deux registres d'infor-
mations et d'interrogatoires faits par le magistrat, de
44 pages in-folio. Intéressant pour l'histoire locale.
N° 28.
De kasteleiny van Ypre verheerlykt door haere baillius,
of geslacht- en geschiedkundige lyst van de ridders en
edellieden die met deze waerdigheid bekleed zyn ge-
weest, van 't jaer 1367 tôt in 1794, verrykt met eene
korte beschryving van dezelfde kasteleiny, en eene tafel
der familie-naemen, en versierd met de geteekende wa-
penschilden derzelfde baillius , 49 bladz. in-folio.
— (La chàtellenie d'Ypres illustrée par ses baillis, ou
liste généalogique et historique des personnes qui ont été
revêtues de cette dignité, depuis l'an 1367 jusqu'en 1794,
in-folio, de 49 pages , avec une courte description de cette
chàtellenie, les armoiries des baillis, faites à la plume, et
une table des noms de famille.
N" 29.
Curiosités de la ville d'Ypres, en français et en flamand,
extraites des annotations historiques déposées aux archives
de celte ville , contenant un détail de tout ce que l'histoire
de la localité offre de plus intéressant; cahier de 16 pages
in-folio. On présume que ces annotations ont été recueil-
lies par Sanderus, auteur de l'ouvrage intitulé Flandria
illustrata.
N° 30.
Extraits des comptes des trésoriers de la ville d'Ypres ,
des années 1280 à 1402, en ce qui concerne l'histoire
locale et générale, les usages et les coutumes alors en
vigueur, etc. Ces extraits, composant un volume de 326
pages in-folio, non compris la table des matières, ren-
( 360 )
ferment des détails intéressants que l'on chercherait vai-
nement ailleurs. Une partie des mêmes extraits a été
insérée au Messager des Sciences et Arts de la Belgique,
1836, pag. 181 et suiv.
N'» 31.
Tableau historique des chartes et autres documents les
plus importants concernant la ville d'Ypres , et qui sont
déposés dans les archives de la régence, divisé eu deux
séries, la première contenant ceux émanés depuis les temps
les plus anciens jusqu'à la mort de Gui de Dampierre,
en 1305 , et la seconde composée de ceux qui datent
depuis cette dernière année jusqu'au règne de Charles 11,
en 1467, contenant tout ce qui peut contribuer à éclaircir
quelques points de l'histoire locale.
N" 32.
Glossarium van menigvuldige verouderde waelsche,
fransche en vlaemsche woorden , voorkomende in hand-
schriften en bescheeden van de 12", 13^, 14", 15" en 16"
eeuwen, rustende onder de archiven van Ypre, in-folio,
van 312 bladz. — (Glossaire contenant une multitude
d'anciens mots wallons, français et flamands, que l'on
rencontre dans des manuscrits et documents des 12®, 13®,
14", 15® et 16" siècles, déposés aux archives d'Ypres, de
312 pages in-folio. Il serait inutile de faire remarquer
que ce glossaire , fruit de plusieurs années de recherches,
peut être utile.
S II.
Copies faites jjar M. Lambin de manuscrits d'autres
auteurs et de documents historiques et inédits.
N" 33.
Geusianismus Flandriae Occidenlalis, auclore rev. pâtre
Carolo Wvnckio, s. theol. licent. ord. lî. Prœdicatorum
( 361 )
priore conv. Yprensis. Extrait seulement ce qui est arrivé
de plus intéressant à Ypres et dans ses environs, du ma-
nuscrit appartenant à M. Goelhals-Vercruysse, de Gour-
tray, 32 pages in-8".
N" 34.
Relation du siège de la ville d'Ypres, par les Anglais et
les Gantois, en 1383, extraite d'un fragment du manuscrit
de la chronique de Froissard, qui, en 1584, appartenait
au duc d'Arschot, et en 1618, à Jean De Lichtervelde , et
qui traite des événements de 1379 à 1389. Celte relation
contient 24 pages in-S".
N° 35.
Cort verliael van 't ghonne binnen de stadt van Ypre eu
daer omirent ghepasseert es de religie angaende tzydert
juny 1566 lot outrent half ougsl 1567, confirmerende in
eenighe pointen den heesch van den procureur-gene-
rael jeghens den grave Egmondt, door een onbekende
scliryver, 95 bladz. , in-8°. — (Relation succincte de tout
ce qui est arrivé à Ypres et dans ses environs, et qui a
rapport à la réformation, depuis le mois de juin 1566
jusques vers la mi-août 1567, et confirmant, en quelque
manière, les conclusions prises par le procureur-général
à charge du comte d'Egmont, par un auteur inconnu,
in-S" de 95 pages.
N° 36.
Note secrète sur le bombardement d'Ypres, en 1793,
par M. Jean-Boniface Rabaut, copiée sur la noie autographe
de l'auteur, 19 pages in-8"'.
N° 37.
Conspiration arrivée à Ypres, du tem.ps de Jacques
Van Artevelde et en après , ou articles de l'accusation
portée contre Piclre Le Vroede , Clays De Ketelare ,
24
( 362 }
Alard Lodebuc et Jehan Pinc, prévenus de complicité
dans l'assassinat du grand-bailli De Persenare ou Pryse-
nare, en 1363. Ces articles copiés du document original
déposé dans les archives de ladite ville, avec un avis
servant d'introduction et une table alphabétique , in-8°
de 22 pages.
N° 38.
Diplômes et autres documents anciens déposés en la
chambre des comptes à Lille et qui intéressent ou la ville
d'Ypres ou ses habitants; extraits de l'ouvrage intitulé
Monuments anciens de M, le comte de Saint-Génois,
53 pages in-4'', compris la table des principales matières.
N" 39.
Geschiedenissen voorgevallen zoo wel in Vlaenderen
als elders, en naemelyk binnen Ypre , van het jaer 1366
tôt 1443, naer het oorspronkelyk handschrift (van Olivier
van Dixmude), en inhoudende ook eenige byzondere
aenteekeningen die er naderhand bygevoegd en aen het
einde van dit afschrift gesteld zijn; verrykt met eene
voorrede , waer in den naem van den auteur van het
oorspronkelyk handschrift wordt bekend gemaekt; eene
Ivst van de verouderde woorden; en ook met eene
alphabetische tafel der voornaemste voorvallen, in-4° van
312bladz. Dit handschrift is, ten jaere 1835, in hetlicht
gegeven onder den tilel van Merkwaerdige Gebeurtenis-
sen, enz. — (Evénements qui ont eu lieu tant en Flandre
qu'ailleurs, et nommément à Ypres , depuis l'an 1366
jusqu'à l'an 1443, copiés d'après le manuscrit (d'Olivier
van Dixmude), qui contient aussi quelques annotations
historiques qui y oni été ajoutées plus tard, et qui sont
portées à la suite de cette copie, qui est enrichie d'une
préface, dans laquelle il est prouvé que van Dixmude est
l'auteur du manuscrit, ainsi que d'une table alphabétique
( 363 )
des principaux événements; in-4° de 312 pages. M. Lambin
a publié, en 1835, le dit manuscrit de Van Dixmude,
sous le titre de Merkivaerdige Gebeurtenissen , enz.
N° 40.
Geschiedenissen voorgevallen zoo wel in Vlaenderen als
elders en naemelyk binnen Yprc, van lict jaer 1443 loi
1479, en kunnende dienen lot vervolg van bel voor-
gaende bandschrifl , getrokken uii betgene van Pieter
van de Letuwe, in zynen lyd scbepen en raed van
kamer derzelfde stad; verrykt met eene voorrede en met
eene alphabeliscbe tafel der byzonderste gebeurtenissen
daer in verbandeld, 142 bladz. in-4". (Evénements qui
ont eu lieu tant en Flandre qu'ailleurs et principalement à
Ypres, depuis l'an 1443 jusqu'à l'an 1479, manuscrit qui
peut servir de suite à celui immédiatement ci-dessus.
Extrait de celui de Pierre van de Letuwe , en son vivant
échevin et conseiller de ladite ville, enrichi d'une préface
et d'une table alphabétique de ce qui est arrivé de plus
intéressant. in-4° de 142 pages. C'est de ce volume que
M. Lambin a extrait, en 1813, les lettres patentes et mis-
sives de Charles-le-Témeraire , qui forment le manuscrit
qui suit, et qui ont été publiées, en partie, par 5L Gachard,
quelques années plus tard.
N^ 41.
Lettres patentes et missives de Charles-le-Téméraire, duc
de Bourgogne et comte de Flandre, extraites du manus-
crit immédiatement ci-dessus, enrichies d'une table chro-
nologique de ces documents, dont les originaux n'existent
point , au moins , dans les archives d'Ypres, et d'un index
alphabétique des matières, in-4'' de 77 pages, sans les
tables.
N". 42.
Wethouders van Veurne-Ambachl, van 1491 tôt 1585,
( 364 )
en vau de stad en kasleleiny van Veurne . van 1586 tôt
1653, verrykt met eene alphabetische tafel van aile de
familie-naemen daer in voorkomende, 150 bladz. in-4°.
— (Magistrats de Furne-Ambacht, de 1491 à 1585, et de la
ville et châlellenie de Furnes, de 1586 à 1653, collection
de 158 pages in-4°, enrichie d'une table alphabétique des
noms de famille.
N" 43.
De Groonike van Vlaender, inhoudende het leven van
aile de forestiers ende graven , hoe zy gheregiert hebben
het lant ende hoe zy ghestorven zyn en waer zy begraven
zyn , in corte verhaeld, beghinnende met Liederyck de
Buck tôt Philippus ons gheduchticli heere, 1563. Voor
dezen tilel staet : deesen naervolghende bouck ofle Groo-
nike was ghemaect by Augustyn van Hernighem , int jaer
ons Heeren duust vyf hondert ende vier en tseslich, 1564.
In-4"van 116 bladz. — (Chronique de Flandre, contenant
la vie de tous les forestiers et comtes, leur règne, leurs
décès et les lieux où ils ont été inhumés, par forme d'a-
brégé, commençant à Lideric de Bue et fmissant au règne
de Philippe, notre souverain seigneur, 1563. Avant le
titre on lit : le présent livre et chronique a été composé
par Augustin van Hernighem, en l'an de notre Seigneur
mil cinq cent et soixante quatre. In-4" de 116 pages.
N° 44.
Cy comence listoire de la destruction du bon roy
Richart dEugleterre, jadis filzdu prince de Galles, depuis
Inn mil iij" iiij^^ et xvj, jusquez a l'an mil iij" iiij''* xix;
copié sur le manuscrit déposé aux archives d'Ypres, en
caractères du 14"= siècle. 67 pages in-4°.
., N" 45.
Sy après sensieut le veage que a fait Charles de Luxem-
bourg, Sr. de Beaufremez, capitein des villes et grant
( 365 )
château de Lesciuse, soux inonsr. le comte de Gavres
Sr. de Fiennes , par charge el nu nom de mon dict Sr., au
conté de Bourgogne, aulx obsèques et funérailles de feu
très noble et de recommandée mémoire très liault prince
Philberl de Chalon, prince dOrenge, etc., qui rendit
lame a Dieu le tiers-jours daoust mil v' trente , d'après le
manuscrit incomplet, 91 pages in-4''.
N" 4G.
Abrégé chronologique de l'histoire de la ville d'Ypres,
copié d'après le manuscrit autographe de M. le chanoine
Le Couvreur, qui paraît en être l'auteur, 136 pages in-4°,
enrichi par le copiste d'une table alphabétique des prin-
cipales matières, contenant 29 pages, en tout 165. Cet
ouvrage n'est point aussi exact qu'on aurait pu le désirer;
il renferme aussi des répétitions inutiles et des contradic-
tions que l'auteur aurait pu éviter s'il y eut porté plus
d'attention, •
N° 47.
Uittrek van een handschrift van Augustin van Herni-
ghera, in 1590, te Ypre, warandeerder van het koorn .
behelzende eenige aenbelangende geschiedenissen, welke
in Vlaenderen, en byzonderlyk le Ypre, van 1572 tôt
1591, hebben plaets gehad, i53 bladz. in-4". M. Malle-
brancke, pastor van Loo, en eenen van de geleerdste oud-
heidkundigen van het Nederland, bezat vyf boekdeelen
der handschriflen van onzen historieschryver. — (Extrait
d'un manuscrit d'Augustin van Hernighem, en 1590,
égard des grains, à Ypres, et qui contient quelques évé-
nements importants qui ont eu lieu en Flandre, et parti-
culièrement à Ypres, de 1572 à 1591 , in-4'' de 153 pages.
M. Mallebrancke , curé de Loo, et un des antiquaires les
plus érudils des Pays-Bas , possédait jadis cinq volumes en
manuscrits de Van liernighem.
( 366 >
N° 48.
Stichling van de abdy van Voormezeele , by Ypre , met
de levens en daeden van haere abten , van 't jaer 1068,
tôt haere afschaffing, in 1796, en eene korle opgave van
de voorregten aen deze abdy verleend door de pausen
en de graven van Vlaenderen, enz, , getrokken uit haere
overgeblevene en onuitgegevene archiven, 56 bladz. m-A°.
— (Fondation de l'abbaye de Voormezeele, lezYpres, avec
la vie et les gestes des abbés, de l'an 1068 jusqu'en 1796,
époque de sa suppression, et une courte notice des pri-
vilèges accordés à cette abbaye , par les papes et les comtes-
de Flandre, etc. Extrait de ses archives inédites, in-4:° de
56 pag.
N" 49.
Liste des présidents et conseillers du grand conseil,,
depuis sa résidence à Malines, ordonnée par Philippe
d'Autriche, surnommé le Beau, roi d'Espagne, le 22 jan-
vier 1503, Copiée d'après celle rédigée en 1787, par
M. Philippe-Jacques van Provyn de Pollinchove , alors
secrétaire de sa majesté audit grand conseil, et enrichie
d'une table alphabétique des noms desdits présidents et
conseillers; de la liste des capitaines de cercle aux Pays-
Bas et des noms des membres du comité ecclésiastique,
institué par l'empereur Joseph II, en 1786, 116 pages
in-4°.
N" 50.
Liste de tous les documents, de quelque nature qu'ils
soient d'une date antérieure à la deuxième moitié du
XUI^ siècle, écrits en français, et qui existent dans les
archives de la ville d'Ypres , suivie d'une autre liste des
diplômes, lettres et autres actes des rois de France, ainsi
que des documents semblables émanés d'autres princes et
personnages, mais concernant des événements relatifs à
( 367 )
l'histoire de France, et qui se Irouvenl dans les mêmes
archives; in-4° de 23 pages.
N° 51'.
Extraits des trois volumes des Généalogies des familles
les plus notables de la province de Flandre, dressées et
écrites par messire Jean-Louis De Joigny de Pamele,
prêtre, chanoine gradué du membre de Térouane, en la
cathédrale d'Ypres (mort le 21 novembre 1 697), 260 pag.
in-folio, grand format. Le manuscrit de M. De Joigny ap-
partenait, en 1814, à M. le comte DePeellaert, à Bruges.
Il est enrichi des armoiries peintes en couleurs et contient
des renseignements très-précieux, pour l'histoire des fa-
milles.
N" 52.
Register van de Leenen gehouden van het burggraef-
schap van Ypre, vernieuwd door M. Pieter-Philippus Car-
dinael , greffier van dit leenhof en intendent van Z-, E. den
marschalk-prins van Iseghem, burggrave van Ypre, met
eene opgevolgde curieuse beschryving van de toUen toe-
behoorende aen dit burggraefschap, 84 bladz, in-folio, —
(Registre des fiefs relevant de la cour féodale de la vicomte
d'Ypres, renouvelle par M. Pierre-Phihppe Cardinal,
grefîier de ladite cour féodale et intendant de S. E. le
maréchal prince d'Isenghien, vicomte d'Ypres, avec une
description curieuse de tous les tonlieux appartenant à
cette vicomte. In-folio de 84 pages.
N" 53.
Table générale des Recherches des antiquités et noblesse
de Flandres , par Philippe De L'Espinoy, écuyer, seigneur
de Térouane (imprimées à Douay, chez la veuve de Marc
Wyon, 1632), précédée de l'indication des erreurs et
omissions commises dans l'impression de l'ouvrage ,
29 pages in-folio.
( 368 )
Nous avons été admis à voir les manuscrits autographes
qu'on vient de citer, et nous pouvous assurer qu'il est im-
possible de mettre à de tels travaux plus de correction
et d'exactitude. Chaque manuscrit est prêt à être mis sous
presse. Déjà quelques-uns comme X Olivier van Dixmude ,
ont vu la lumière. Nous souhaitons de grand cœur que
les recherches historiques de M. Lambin soient un jour
publiées.
Parmi toutes ces élucubrations scientifiques, il en est peu
qui présentent autant d'intérêt que le n° 32. Ce glossaire
de vieux mois français, flamands et wallons serait d'une
grande utilité. Le soin, la patience, l'esprit de critique
qui ont présidé à ce minutieux travail sont une garantie
de l'importance qu'offrirait cette publication: nous enga-
geons fortement l'auteur à le faire imprimer. Nous ne nous
étendrons pas davantage sur le mérite du catalogue que
nous publions; il suffira de jeter un coup-d'œil sur le
litre de chacun des ouvrages qu'il fait connaître.
n.
( 369 )
Inflxuucc ic la Hcformc
A LOLVAIN.
S'il est vrai, comme le dit Montesquieu, clans son Esprit
des lois, que la religion exerce de l'influence sur les lois ,
et par conséquent sur la civilisation, il faut aussi que les
lois et la civilisation exercent, à leur tour, une influence
bien prononcée sur la religion. Cette vérité nous est dé-
montrée à l'évidence par l'histoire et par l'expérience
journalière.
Le catholicisme , dont les cérémonies les plus pompeu-
ses, les plus imposantes, étaient nées pendant le moyen-
âge, s'adaptait parfaitement bien aux esprits de l'époque;
c'est alors que cette religion donna l'élan à la civilisation;
c'est alors que le catholicisme fut le foyer des arts : ses
temples majestueux, ses nombreuses et augustes cérémonies
devaient nécessairement appeler à leur secours la poésie
et les arts (1).
Léon X, ce grand protecteur des arts, avait bien
compris l'esprit du catholicisme , mais il n'avait pas
(l) » Moïse et Homère, le Lyban et le Cytliéron . Solyrne et Rome,
Babyloiie et Athènes ont laissé leurs dépouilles à nos autels. » (Cliatcau-
briand, Esp, du Cluistianismc. pay. 5 cliap. 2).
( 370 )
saisi l'esprit de son siècle (1). Poêle, il comprit la poésie,
il encouragea les beaux-arts, mais ne se laissa pas entraî-
ner par les idées qui se développaient dans le Nord de
l'Europe, depuis la renaissance des lettres et l'invention
de l'imprimerie (2). La Belgique se ressentit également de
cette influence, et Louvain, qui avait embrassé avec en-
thousiasme la doctrine de Tanchelin (3) , suivit également
le mouvement général imprimé par Luther (4). D'ailleurs
les Louvanistes paraissaient avoir eu à se plaindre des
évêques de Liège, dans le diocèse desquels leur ville était
comprise:» Leodiensis episcopi jugum , quod extra omnem
rationis orhitam premeret, sœpius excutere conati sunt Lo-
vanienses (5).»
On connaît l'anecdote piquante rapportée par M. De Reif-
fenberg, au sujet de l'auto-da-fé des écrits de Luther,
dressé au Grand-3Iarché , vers 1521 (6). Cela seul prouve
quelle effervescence devait régner dans les esprits à cette
époque. Charles-Quint, outre ses édits sévères contre la doc-
trine des hérétiques, en publia un spécialement pour la
ville de Louvain. Celte pièce importante et qui voit ici le
jour pour la première lois, nous montre, à l'évidence,
que la réforme exerçait à Louvain une influence bien
grande. Voici cette pièce :
Carie by der (jratien Gots Roo?nsch keyser, etc., onsen
en yeminden den borymeestren, schepenen ende raedt onser
(1) Voir à ce sujet Varillas. Anecdotes de Florence, I. 6, p. 253; et
Jovis in Vita Leonis X , 1. 3. p. 188.
(2) Voir au sujet de sa poésie : Paul Jove Elog. cap. 82, p. 191 : la
Sage de Spelte: David Blondel , etc.
(3) Année 1113.
(4) Divœus Annal. Lov., 1. 1, p. 5. « Awno 1115, Andovcrpos ac
Lovanienses potissimnm infecerat. »
(5) Divœus , Reruni Lov.- l. 1 . cap. fi.
(6) Rcid'enberg, Archives philolojj., I. 1 , p. 44.
( 371 )
stadt van Locen , salut. Alsoo icy bij aiidere onse bn'evcn-
van placcaerf.e van do date vyftien dayen in octoher,
in t'jaer 1529^ op ende aengaende de extirpatie , piinitie
ende correctie van de secten Luterianen ende andere ge-
prohiheerde ende hérétique secten, allomine gepuhticeert,
de hennisse ende judicature van de genen die bevonden
souden worden contrarie onsen verhoden ende placcaerle
gedaen, of't eenige quaede oft vatsche opinion en doctrinen
tegens onse Heilige Kerken geloove ende tegend' ordonnantie
van Onse Moeder de Heylige kerk geleert , gesustineert,
oft andersins gesproken , of't vuyt gegeven hehbende , ge~
cmnmiteerthebhcn gehadt seeckeren commissen vuyt onsen
Raede van Brahant , om daer inné somjnierelijck ende
sonder langen train van processe te procederene. Ende
loant t'onser kennissen gecomen is , dat onsen meyer van
Loven onder syne bedrieve ende officie geapprehendeert
ende aengestast heef't eenige poorteren ende ingesetene
onseï' voornoe7nde stadt van Loven , als seer besmet wesende
van de secten Lutherianen^ ende tegen onse voornoeinde
verboden ende placcaerten gedaen hebbende , ende alsoo
gevallen in de penen in de selve o?ise brieven van placcaerte
begrepen , daer tegen ivy onsen voornoemden meyer belast
ende bevolen hebben met aider diligentie , navolgende onscr
voornoeinde brieven van j}laccaerte , te jjrocederen. Wy
desen aengesien , betroutuende volcomentlijck uicer ivijs-
heyt en stichtheyt ende discretien , ende overmits dat don
voornoemden onser commissen, mits andere occupation ,
niet gelegen en is tôt t'geene des voornoemd is , te ver-
staene , V ende elcker gerichte besundere hebben gecom-
mitteert, ende comitteron by desen de kennisse ende
judicature van de saecken van de voornoemde ende andere
tutheriaensche ende suspecte heriiique persoonen, die
onsen voornoemden meyere van Loven , binnen onser voor-
uoemde stadt van L^ovene , of't efdcrs bintien synen bedrivo
( 372 )
bevinden. ende aentasten sal, nyettegenstaende dut wy de
hennisse ende judicature van de voornoemdc ende gclycken
saecken hy onse brieve van placcaerte den voo/'noemden
onse coniissen hebben gecommitteert gehad; V daeromme
ordinerende ende seer ernstelijck bevelende by desen ,
dat gy ter instantie ende gevolge van den voornoeiiiden
ineyere inder voornoemde ende andere gelycken saeckeîi
sominierlijck ende sonder ordinaris oft langer treyn van
processe [in andere saecken voor V geobserveert) proce-
deert en doet procederen , ende partycn daerinne cort ,
onverthogeîi redit ende expeditie van justicien adminis-
treert, alsoo gy naervolgende onser voornoemde brieven
van placcaerten ende in goeds justicien , tôt conservatie
van onsen Heiligen Korsten Geloove suit bevinden behoo-
rende aider vuegen ende manieren , alsoo onsen voornoemde
placcaerte mogen ende behooren te doen . nyettegenstaende
eenïgen costumen onder t'dexele van de poirterien onser
voornoemde stadt van Loven. souden willen oft mogen
alléger en, oft prctenderen ter contrarien, ende sonder
prejuditie van de seine costumen ende stadt rechten i7i
andere saecken, ende dit al tôt onsen wederroepen, ende
van des te doene , eti des daer ofgependeert wy V volcomen
macht. authoriteyt ende sunderlijck bevel geven by desen.
0?itbieden voorts ende bevelen allen anderen onsen, ende
onsen vasallen oft der smalre liée r en, rechten, justicieren
etide ofjicieren e?ide dieneren binnen onser meyereye van
Loven gesetcn , dat sy V dit doende erstelijch terstaen
ende obedieren, ende den voornoemden onsen meyer van
Lovene in t'a])prekendeie?i ende aentasten van de voor-
noemde he?eticquen ende lulherianschc persoonen aile hulpe
ende assislentie duen, soo verre sy des van hem versocht
worden. JVunt ons alsoo gelieft. Gegeven in onser stadt
van Brussele , XVI daeg lien in meerte, in t'jaer Ons Ileeren
15.34, 9iae costume ons shnfl's van Brahanl ende van on-
( 373 )
ser keyserrycke t' XV, ende van Castilien t' XIX (1).
Je ne dirai rien de l'illégalité de cet acte, qui violait
les privilèges et coutumes de la ville; mais cela importait
peu à Charles : il devait poursuivre ses plans de politique.
Charles était d'autant plus intéressé à en agir de la sorte
envers Louvain, qu'il devait soustraire l'université à la
contagion générale : l'exemple des bourgeois aurait pu
devenir funeste aux étudiants.
C'est ainsi que déjà , en J526 . on avait sévi rigoureuse-
ment envers quelques bourgeois : « Anno 1526 den à ja-
miary, soo stojîden te Lovene op 't sckavot ses mans ende
ticee vrouioen die onder hun lieden . gelijck kun voorhouders
îDel over tac/itichjare?i gehouden hadden een kettery^dat sy
lieden gheen iverck en inueckten van het lleylich Sacrament^
maer aen hun lieden lijff en heeft men niet gedaen , 7naer
sy lieden sijn verhonden in groote dingen op hun lijff{^). n
La première effervescence passée, Louvain devint tran-
quille, et même celte ville fut regardée comme la plus
catholique des Pays-Bas. Cela n'avait rien d'étonnant ;
Louvain se trouvait dans la misère (3), et ses habitants dé-
pendaient entièrement des nombreux couvents que celte
ville renfermait et de son université, que le gouvernement
avait su s'attacher. Car, lorsque Jean Molanus proposa
à l'université, réunie au chapitre de S'-Pierre, de recevoir
comme sur-intendant de la garde de la ville Maximilien
de Colereau, seigneur de Glabbcke, elle déclina sa com-
pétence. Ensuite il lui proposa de prêter le serment de
fidéHlé au prince d'Orange et de le reconnaître comme
(1) Archives de la ville de Louvain , Chartes litt.. N" 35.
(2) Antw. Chron.
(3) Daas Tac te que le magistrat adressa, eu 1523. à Charles-Quint,
pour obtenir lautorisatiou nécessaire pour canaliser la Dyle, il est dit
que c'est la seule planche de salut poiu- une ville , dont les habitans
devaient éniigrer. poussés jiar la misère.
(374)
gouverneur du Brabanl; elle refusa nettement. Dans une
nouvelle assemblée, le sire de Cotereau proposa de recevoir
une garnison étrangère dans la ville; l'université déclara
que cela ne la regardait pas , et pria le magistrat de laisser
partir ceux de l'université dans le cas où Louvain receve-
rait une garnison (1).
Malgré cette réponse, deux compagnies d'Ecossais vin-
rent à Louvain pour y garder les remparts. Celte entrée
était favorisée par Cotereau, les deux frères chevaliers
Van den Tempele, et par quelques autres bourgeois par-
tisans du prince dOrange. Cependant la majeure partie
des bourgeois, qui avaient repoussé le prince d'Orange
lorsqu'il se présenta devant la ville, en 1572 (2) , fut très-
mécontente de ce changement. Aussi lorsque les Ecossais
apprirent la victoire de Don Juan, ils quittèrent tranquil-
lement la ville, de crainte d'être attaqués par les bourgeois.
Don Juan remercia aussi les Louvanisles de leur fidélité, et
leur promit les bonnes grâces du roi. Louvain fut dès lors
favorisé : un nouveau conseil du Brabant y fut établi, ainsi
qu'un conseil d'état et une cour féodale. Les Jésuites et les
Récollets, chassés d'Anvers parce qu'ils n'avaient pas voulu
prêter le serment de fidélité au prince d Orange, furent
envoyés par Don Juan à Louvain. Arrivés aux portes de
la ville, ils y furent reçus par le gouverneur avec une
escorte de 400 cavaliers et fantassins (3).
(1) Les parents en général n'aimaient pas le voisinage des soldats pour
leurs enfants qui étudiaient à l'université de Louvain ; ils les retiraient
tous, bien que la garnison fut espagnole : u Lovanii vero cum essem ,
undique ad me de prœsidio hispanico querelœ allatœ sunt, et sane
non parum inde Academia Lovaniensis jacturam patitur, cum Uberos
senos parentes, ob mil/tum consortium inde avocenf. ))(Epist. Viglii ad
Hopperum ; épis. 88, 6 sept. 1569).
(2) V. Gramaye, Lovanium , p. 4.
(3) Tassis , Cornent, de tumult. Belg. L 4 , S 34 ; De Thou, I. 69.
( 375 )
L'université, à laquelle l'exislence de la ville était si
intimement liée, fit plus que tout le reste (1) :a Sembla-
»bles roberies et destructions se firent en la ville de Gand ,
» Malines et a l'entour d'icelles ; et desoient les rebelles
K qu'ils feroient le mesme a Louvain et a Bruxelles a la veue
» de son alteze ; mais la bonne provision que fut mise par
»son alteze a Bruxelles, où elle feit capitaine le comte de
«Mansfelt et a Louvain par les docteurs de l université et
«gouverneur de la ville qui empêcheirent qu'ils ne purent
»leur intention (2). » Philippe II eut soin aussi de pur-
ger la bibliothèque de l'université. Il commanda au frère
Barth. Carr. De Miranda, de passer dans les Pays-Bas pour
y visiter les bibliothèques et particulièrement celle de
Louvain (3).
Depuis lors Louvain devint la ville la plus catholique ,
Albert et Isabelle la dotèrent d'un grand nombre de
couvents pour stimuler le zèle et la piété de ses habitants ;
aussi ce n'est pas sans motif que Parival, dans sa Descrip-
tion de Louvain , fait un éloge pompeux de la piété ,
honte et dévotion des Louvanistes.
C. PioT, avocat.
(1) Je traiterai particulièrement de l'innucnce de ces nouvelles doctri-
nes sur l'université.
(2) J. Hopperus , Recueil et Mém. des troubles des P.-B. du roy,
4"^ partie, c. 3, despMerics , feux etdpsfrucfio/i , etc. Hoyiick, t. II, p. 2.
(3) Rec. des act. et par. mem. de pliil. t, j). 105,
( 376 )
SLR
CucaiS îrcCcybc etCl)ri6t0pl)c îreColognc.
'«'^'rS5i'^3»=
Un des peintres les plus distingués de notre pays est
Lucas de Leyde, né dans la ville dont il porte le nom, en
1494 et mort en 1533; son père s'appelait Huitjeiis Jacobs-
zoon. Il était aussi graveur, et Vasari en dit : Sono le corn-
positioni délie storie di Luca piii osservati seconda l'ordine
delarte che quelle d' Alberto (Albert Durer). Cet éloge d'un
étranger, qui avait sous les yeux tout ce que l'Italie avait
produit de mieux, et la comparaison avec les productions
si belles du chef de l'Ecole allemande, nous donnent la
mesure du mérite réel de Lucas de Leyde. Cependant ses
ouvrages en peinture sont tellement rares que nous aurions
peine à en citer dans notre pays dont l'authenticité fût hors
de contestation. En offrant de temps en temps à nos lec-
teurs les traces de quelques tableaux de notre ancienne
Ecole, nous nous attacherons surtout à faire choix de ceux
qui peuvent offrir un type ou point certain de comparaison.
Le tableau de Lucas de Leyde, dont on voit le dessin ci-con-
tre, se trouve à Cologne et porte le monogramme connu
du peintre, qui est la première lettre de son nom. Il est
d'une parfaite conservation; le dessin en est correct, au-
cunement tourmenté, et la couleur, suave, manque cepen-
dant un peu de vivacité; mais elle a bien ce ton ivoire et
4^<i^^i
( 377 )
la Iransparence purliculicre à Lucas de Lcyde : les drape-
ries, largement jelécs , ont plus de prolondeur dans les
plis qu'on n'en remarque dans d'autres ouvrages du même
maître. Combien n'est-il pas à regretter que le tableau qui
se trouve à l'hôtel-de-ville de Leyde, représentant le Ju-
gement dernier, ait subi , dès 1 604 , une restauration
maladroite, à laquelle il faut attribuer le peu de relief des
ligures , dont presque partout les glacis ont disparu; cepen-
dant, comme l'authenticité de ce tableau est constatée pai-
Van Mander, il est bon à étudier pour connaître la manière
du peintre, très-rcconnaissable à ses ombres, souvent si
claires qu'elles semblent une ébauche, et aux touches plattes
et larges de ses lumières principales. Cette grande compo-
sition offre une multitude de groupes où l'on ne retrouve
pas ces altitudes forcées des temps gothiques, et majo^ré
l'opinion rapportée plus haut, il nous semble que sous le
rapport de la composition, Lucas de Leyde reste non-seule-
ment au-dessous d'Albert Durer, mais qu'il est surpassé
même par Quentin Matsys, mort avant lui, et par Jean
de Maubeuge, son contemporain, qui avaient tous deux
plus de fermeté dans le pinceau et dessinaient avec non
moins de correction que le peintre de Leyde.
Les Allemands ont sur notre peintre une opinion toute
différente de la nôtre, et croient reconnaître ses ouvra-
ges dans quelques tableaux qui ne ressemblent en aucune
façon à ceux que nous venons de citer. Il y en a plusieurs
dans les galeries du roi de Bavière, tous attribués à ce
peintre, à cause de leur parfaite analogie avec deux ta-
bleaux faisant partie du cabinet de feu M. Lievenberg, à
Cologne, et à l'égard desquels M. Fochem avait recueilli
une tradition qui les attribuait à Lucas de Leyde. Mais
l'un de ces tableaux avait été donné à l'éailise des Chartreux
de cette ville, en 1501; il ne pouvait donc être de notre
peintre, à peine âgé alors de sept ou huit ans. Ces tableaux
23
( 378 )
sont très-beaux j tant pour le dessin que par la manière de
traiter les couleurs. Il suffit cependant d'un léger examen
pour leur trouver un ton plus sec, une couleur moins ivoire
qu'aux tableaux avec lesquels nous les comparons : les
physionomies des personnages du peintre de Cologne sont
oblongues, celles de Lucas de Leyde sont toujours rondes;
les chairs sont décolorées chez l'un, surtout dans les ta-
bleaux de petite dimension, et au contraire très-animées
dans les tableaux du cabinet Lievenberg, dont l'auteur
fondait toutes ses teintes avec un soin que n'employait pas
Lucas de Leyde. Mais notre peintre l'emportait sur celui-ci
dans l'art de la composition ; il groupait parfaitement ses
figures, et l'artiste de Cologne suivait encore la raideur du
style bizantin, plaçant ses figures devant une draperie, ce
(jui caractérise tout-à-fait l'époque des Van Eyck. Cela seul
eût suffi pour les classer dans une époque beaucoup anté-
rieure au temps où vécut Lucas de Leyde, si on n'avait
persisté à vouloir y reconnaître ce peintre, à défaut de
savoir à qui attribuer ces tableaux.
Un hasard heureux a confirmé notre jugement, en nous
apprenant le nom du peintre des ouvrages faussement
attribués à notre école.
Nous avons dit que ces tableaux , représentant l'un
S'-André et S^^-Catherine , et l'autre S'-Thomas à Rome,
avaient été donnés à l'égUse des Chartreux de Cologne,
en 1501; ce fut par un nommé Binch, qui mourut le
8 juin de cette année, suivant une ancienne chronique ,
qui nous apprend que ces tableaux étaient ceux des autels.
Ils ornaient effectivement les autels qui étaient sous l'or-
chestre, et une autre chronique dit qu'en 1485, un frère-
lai, nommé Jean, paya 105 pièces d'or pour les tableaux
(le ces autels : cela ne nous apprend pas encore le nom du
y)einlre; maisen 1471 ,toujourssiiivantlamêmechronique,
je tableau de l'autel des Saints-Anges avait été peint par
1- • ( 379 )
Mai// c Christophe , et même antérieurement, le 24 sep-
tembre 1443, un certain De Goch avait fondé l'autel de la
Passion et payé 280 marcs d'argent pour ce tableau,
Blalheureusement le tableau des Sainls-Anges n'existe
plus, mais on connaît le nom du peintre colonais qui vé-
cut à l'époque où les tableaux furent donnés, et qui peignit
pour les Chartreux, chez qui ils se sont trouvés. Si ce n'est
là une preuve irrécusable, c'est du moins une grande
probabilité, et elle a paru suffisante aux hommes les plus
instruits, à Cologne, pour abandonner l'opinion ancienne
et inscrire dans leurs catalogues le nom d'un artiste re-
marquable, ignoré jusqu'ici de ses compatriotes.
Nous sommes redevables de ces renseignements sur ces ta-
bleaux de Cologne à notre estimable ami, M. Du Noël, con-
servateur du Musée de Cologne , et nous y attachons d'autant
plusdcprixqu'ilestdu petitnombre d'hommes dont les con-
naissances ne se croient point affranchies des règles d'une
saine critique, dès qu'il s'agit d'apprécier des objets d'arts
appartenant chez nous au temps de la Renaissance, Parent
du propriétaire de ce beau cabinet, que tous les souverains
ont admiré à Cologne, et que la mort vient d'enlever, nous
déplorerons avec lui une perte que les arts sentiront vive-
ment. M. de Lievenberg avait élevé dans sa collection un
monument aux arts de sa patrie; nous avons eu occasion
de faire remarquer, dans d'autres articles, combien étaient
intimes les rapports de caractères entre l'école de Cologne
et celle de notre pays, jusqu'au temps des Van Eyck, Dans
les ouvrages de Christophe, contemporain des peintres de
Bruges, nous voyons quelle marche suivit celle-ci lorsque
nous prîmes une autre route, qui devait nous conduire
plus tôt à l'imitation de la nature : autant par ce motif que
parce que le peintre colonois a été confondu avec Lucas
de Leyde, nous avons cru pouvoir présenter à nos lecteurs
un Irait du tableau de chacun des deux peintres.
( S80 )
Wtnx ïlois it Svmxtt
E:< MEME TEMPS.
Charles IV, dit le Bel, mourul le 31 janvier 1328.
Edouard III, roi d'Angleterre, petit-fils, par sa mère Isa-
belle, du roi Philippe-le-Bel, prétendait à la couronne de
France. Il avait pour concurrent Philippe de Valois, au-
quel il causa beaucoup d'embarras. Celui-ci nétait que ne-
veu de Philippe-le-Bel, et son droit fut cependant jugé le
meilleur parles pairs et les barons du royaume, parce
qu'il était du sang de France par les mâles ; d'ailleurs de tous
temps les femmes étaient exclues de la couronne, aussi
bien que ceux qui n'y pouvaient prétendre que par elles ;
comme il était arrivé à la mort de Philippe-le-Bel, qui laissa
trois fils, Louis Hutin, Philippe-le-Long, Charles-le-Bel,
et Isabelle, épouse d'Edouard II. Louis Hutin succéda à
son père et mourut après un règne très-court, laissant une
fille et la reine enceinte ; elle accoucha d'un garçon qui
ne vécut que quatre jours, et Philippe-le-Long, frère de
Louis Hutin, monta sur le trône, à l'exclusion de Jeanne,
fille de son prédécesseur.
Ainsi Edouard ne pouvait faire valoir ses prétentions à
la couronne de France , attendu que la loi salique s'y op-
posait formellement, mais il ne conserva pas moins le
'A
- /m-
?x£*\i ^'^^^l^^.*>i"
•'^ 'c^ ûi^<ir^<y .
( 3yi )
désir, ou plutôt l'iuiibitioa de faire revivre ses prétendus
droits.
Excité par Robert d'Artois, qui avait été banni pour
une fourberie criminelle, ets'élant attaché tous les princes
belges, à l'exception du comte de Luxembourg et de Louis
de Gréci, qui restait toujours uni à la France, Edouard
entreprit, en 1337, la guerre pour parvenir à son but.
Deux années plus tard (1), par le conseil de Jacques
Van Artevelde, chef des Gantois, ou plutôt protecteur de
la Flandre, et qui peu après fut victime de la haine de
la populace de Gand , il prend , pour engager les Flamands
dans son parti, le titre de roi de France, et marque Fan
1339 comme le premier de son règne, tandis que Phi-
lippe VI occupait le trône. Mais il ne se borna point à
s'arroger ce titre chimérique , et à écarleler les armes de
France avec celles d'Angleterre; il fit plus, car, après
avoir engagé les Flamands à se déclarer contre la France
(ce qu'ils firent d'autant plus volontiers qu'ils se rappe-
laient avec peine le démembrement de la Flandre wal-
lonne et la cession qu'ils avaient été contraints de faire,
en 1312, des villes de Lille, Douay, Béthune, et de quel-
ques autres places), il agissait en souverain de ce vaste
empire, et en exerçait le pouvoir comme s'il y eût porté
le sceptre.
En effet, Edouard, ayant égard à la loyauté, à l'obéissance
et aux services qui lui avaient déjà été rendus par les
(1) Ce fut vers ce temps , et pendant que les armées des deux rois ne
négligaient rien pour se nuire réciproquement, que les Anglais et les
Flamands pillèrent la petite ville d'Armenticres , mais ils furent inconti-
nent défaits près de Marquette. Dans cette rencontre, les comtes de Suf-
folck et de Salisbury furent faits prisonniers par les Français, comme
aussi le premier éclievin et le châtelain d'Ypres . qui avaient assisté à
ce pillage . avec beaucoup d'habitants armés de cette ville : il y eut un
grand nombre de Flamands (pii y furent tues ou blessés. Annales tiiti-
iiiiscr. (l'Vjtns.
( 382 )
habitants des bonnes villes de Gand, Bruges et Ypres et
par le commun pays de Flandre, et aux promesses de fidé-
lité qu'ils lui avaient faites, comme roi de France et leur
légitime souverain et seigneur, affranchit le comte de
Flandre, ainsi que ses sujets (qui cependant ne parta-
geaient point les sympathies de leur prince) , de tous liens ,
soumissions et obligations envers le pape, ainsi que de
toutes sentences d'excommunication, de suspension et d'in-
terdit, et de toutes peines et servitudes que ledit comte,
ses héritiers et successeurs, les nobles, les habitants, les
villes, terres, lieux, châtellenies et communes devaient au
chef de l'église; il ordonna que les forteresses qui existaient
en Flandre, seraient maintenues, sans pouvoir les démolir
en aucun temps; il rendit au comte, pour être réunies à
ses domaines, les villes de Lille, Douay, Bélhune, Orchies
et leurs châtellenies, ainsi que le comté d'Artois qui, de
toute ancienneté, appartenait au comte de Flandre; et re-
nonça à tous droits de possession que lui et ses prédéces-
seurs, rois de France, y avaient; il abandonna encore , au
comte de Flandre, la ville et la châlellenie de Tournay,
avec les seigneuries, émoluments et profits qui en dépen-
daient , pour les tenir en fief et hommage du roi de France ,
comme seigneur suzerain; il confirma tous les privilèges,
franchises et libertés dont les villes et les châtellenies de
Flandre étaient en possession, et tels qu'elles en jouissaient
du temps de Robert de Béthune; il promit que lui et ses
successeurs, rois de France, n'imposeraient jamais de tail-
les ni de contributions sur les Flamands ni sur le pays de
Flandre ; il promit encore de faire forger, dans son royaume
de France, ainsi que dans le Brabant et la Flandre, une
monnaie commune d'or et d'argent, qui aurait cours dans
les deux royaumes de France et d'Angleterre , et dans la
Flandre clleBriibant, cette monnaie devait être équivalente
à celle que fil frapper Philippe-lc-Bel; Edouard III prit
( 383 )
aussi sous sa protection el sauvegarde, dans loule l'élciiduc
de SCS étals de France, les Flamands et les Brabançons,
et il voulut que jamais ils ne pussent y être arrêtés pour
dettes anciennes ou communes des villes et. chàtellenies
de la province de Flandre , sauf dans le cas où les per-
sonnes arrêtées se seraient obligées personnellement au
paiement de ces dettes. Le roi d'Angleterre ne se borna
point à faire jouir les Flamands de tous les avantages
qu'ils auraient pu attendre de sa munificence, il répandit
aussi ses largesses sur les Aquitains, car aussitôt qu'il eût
pris le titre de roi de France, ceux-ci s'en allarmèrent,
parce que la décadence rapide des communes de Langue-
doc devait nécessairement occasioinier la ruine de toute
liberté municipale; mais pour leur ôter tout sujet de
crainte, il leur promit que, malgré sa prise de possession
du royaume de France qui, disait-iî, lui appartenait, il
ne leur ôterait ni leurs libertés, privilèges et coutumes,
ni leurs autres droits quelconques (1).
Les auteurs que nous avons consultés n'étant point en-
trés dans le détail de toutes les concessions faites par
Edouard III au comte de Flandre et à ses sujets, pour les
engager à épouser sa querelle avec Philippe de Valois,
nous avons cru qu'il ne serait pas indifférent aux ama-
teurs de notre histoire nationale de les connaître : l'analyse
qui précède a été extraite d'un document original et iné-
dit, qui porte la date du mercredi après la mi-carême de
l'an 1340, et qui se trouve déposé dans les archives de la
ville d'Ypres.
La guerre entre Edouard III et Phillippe VI durait en-
core en 1350, année en laquelle ce dernier mourut.
Lambiîv.
(1) TlùciTy , Hist. de ia cojjquête 'le l'Anyletcnc par les Normands ,
tom.lV.. pag. 103.
( 384 )
2i:i:)mbeau U §envi be toittl)em.
A BEERSELE. PKES DE Br.UXEI.LES.
— ^^«'©«c
Ce débris curieux du moyen-âge, qui va nous Qccuper
un instant, se trouve dans l'église du village de Beersele?
à deux lieues de Bruxelles, endroit devenu célèbre à cause
de son ancien château. Il fut épargné dans les guerres ci-
viles et les troubles religieux qui désolèrent le pays au sei-
zième siècle , mais il n'a pu échapper au vandalisme des
iconoclastes destructeurs du dix-neuvième, qui l'ont réduit
à l'état où il est aujourd'hui. Ce mausolée, dont il n'existe
plus que deux statues à demi-mutilées , a été placé dans
une niche contre la muraille, à gauche, en entrant dans
l'église; il est fait d'une pierre grise, imitant assez bien
le marbre et artistement exécuté pour l'époque: les deux
petites niches, placées au-dessous des têtes, sont d'un tra-
vail gothique délicat et curieux. Le lion et le chien que
l'on voit dans presque tous les anciens tombeaux , ont été
mutilés à tel point qu'on a peine à les reconnaître. Ces
statues étaient couchées autrefois sur une tombe, mainte-
nant détruite, élevée de quelques pieds au-dessus du sol.
et presque semblable à celle de Josse de Joigny, baron de
Pamele , dans leglise de Pamelc. à Audenardc.
Le cro(£uis que nous donnons ci-joint et (pii a été exac-
/^' ^-^^/<;,i.^ .->.-
( 385 )
Icmeiil dessillé sur les lieux, par M. Boussurd lils, de
Bruxelles, jeune paysagiste et dessinateur de beaucoup
d'espérance, sufRra pour donner une juste idée de la
situation actuelle du monument.
Les armoiries ou quartiers, qui n'étaient pas l'un des
moindres ornements de ce tombeaii, ont été incrustés dans
le mur au-dessous (l). On n'y trouve aucune inscription
ni épitaphe; nous pensons qu'il n'en a jamais existé : du
moins aucun auteur ^ à noire connaissance, n'en fait
mention.
Henri de Wilthem, sire de Beersele, Braine-Laleud,
Ruysbrouck, Plancenoit, etc., à la mémoire duquel ce
tombeau a été élevé, était arrière-petit-fils de Jean de
Corselaer ou Cosselaere, sire de Witthem (2), Wailwilre
et Machelen, fils naturel de Jean II, duc de Brabant et de
Lothier, et de Catherine de Cosselaere. Il était fils de Henri
de Witthem, chevalier, sire de Beersele, mort en 1444, qui
avait été élu échevin de Bruxelles, comme membre de la
famille patricienne de Sweerts, en 1402; il eut deux fem-
mes: l'une, Catherine de Berchem,dame de Routs, mourut
sans lui donner postérité; il épousa en secondes noces,
en 1406 . Blareuerite d'En^hien de Havre, dame de Braine-
Laleud et Plancenoit, veuve de Godefroid , sire de Som-
breffe, morte le 27 janvier 1445; fille de Jacques, sire de
Fagneules, mort le 12 décembre 1427, et de Marie, com-
tesse de Coucv, morte en 1416. Ils sont tous trois inhumés
dans l'église de Beersele, mais leur tombeau n'existe plus.
(1) Plusieurs membres de la même famille ayant été inhumés dans
cette église, ces armoiries sont les seuls indices, qui nous ont servi à
reconnaître exactement les noms des personnages qui nous occupent.
(2) Le château de Witthem, situé dans le duché de Limbourg,
fut assiégé sans succès, en 1285, par le comte de Gucldre , les sires
de Wesemacl et de Walhain. Voy. Butkcns, Trophées du Brahant,
loni. I". 308.
( 3SG )
Henri de Witthem , qui fait le sujet de la cette no-
tice, épousa, en 1438, Jacqueline de Glymes, fille de
Jean, sire de Glymes (1) , et de Jeanne , dame de Berges
et de Grimberghe; il mourut en 1454, elle en 1462;
laissant quatre enfants, parmi lesquels, l'aîné, nommé
Henri (2) , fut créé Amman de Bruxelles, en 1492 , et che-
valier de la Toison d'or en 1491. Il était chambellan de
Philippe-le-Beau et gouverneur de ses enfants. En 1488.
il fit la guerre aux Bruxellois qui s'étaient révoltés, pilla et
saccagea le pays; mais ceux-ci ayant réuni leurs forces,
allèrent mettre le siège devant le château deBeersele, qui,
après une vigoureuse résistance, fut contraint de se ren-
dre; les vainqueurs y mirent le feu, ils incendièrent éga-
lement celui de Braine-l'Aleud , et sa maison de Bruxelles.
Il avait épousé lsal>eau Desponts, dame d'Arquennes et
Petit-Rœulx; il mourut le 17 septembre 1515, elle le
3 juin 1503. Ils gisent à Beersele. On trouve une longue
épilaphe en vers sur ce seigneur dans le Théâtre sacré du
Brahant , par le baron Le Roy. Cette épitaphe est aujour-
d'hui détruite, mais il en existe une autre, que nous avons
découverte, devant le petit autel; c'est une simple pierre
sépulcrale. Nous la transcrivons, ici, fidèlement :
HIC JACET
UE.'SaiCCS DE WITTHEM , DOMIMJS
DE BEERSELE , AUREl \ELLERIS
£01ES. OBIÎT XVII SEPT. MDXV.
ET
ISABELLA DESPOMTS, EJOS
i xoR , OBIIT III jusn MDIII.
R. I. p.
(1) Aussi arrière-petit-fils de Jean de Cordekeiii , (ils naturel de
Jean II , duc de Brabant , et de Isabeau de Cordekein.
(2) C'est le inénic Henri de Witthem que tjous voyons parmi les com-
missaires nommés par la princesse Marie, en 1476, pour juyer Hu^joact
et Himbercoiirt, \oy. Mcssutjcr des Sciences j 1839; pa{}. 364.
( 387 )
Une parlicularité singulière dans les armoiiu-s de Wil-
Uicm, cest l'absence de la oolice de gueules, manjuc
dislinclive des bâtards de Brabant, quoique cette iamille
ait eu la même origine que celles de Dongelberghee, Brouls
ou Van Brecht , Van den Tyniplc, Van Mcchclcn,, etc., elc.
J. Gavtiepw
«*f/5-S'Ç^K-4
( 388 )
3.ual£!5e0 critiques îï'®ut)rcage5.
Mengelpoezy vmi F. J. Blieck, lid der Maetschappy van
Rhetorica te Wervick. Kortryk, by Jaspin. In-8", p. 140.
Bloejien myker Lente, door Ch. Ledeganck. Gent, by Vaii-
derhaeghen-Hulin. In-8°. p. 156.
Les progrès que noire pays a faits, depuis trente ans,
dans le champ autrefois si inculte des arts, sont très-sensi-
bles. Le XVIII^ siècle ne produisit aucun peintre de renom,
aucun poète dont les mélodies patriotiques relevassent
l'esprit abattu des Flamands; pleins d'admiration pour les
œuvres littéraires d'une nation voisine, ils semblaient
avoir oublié leur gloire passée Ci se soucier peu de l'a-
venir. ^
Maintenant un changement total s'est opéré dans l'esprit
des Belges. L'amour de la patrie s'est retrempé dans l'en-
thousiasme, que produisit la victoire de Waterloo. Nous
avons jeté les yeux sur nos propres annales, et les faits
héroïques de nos ancêtres ont trouvé des historiens pour
les répandre, des peintres pour les reproduire et des poètes
poiu' les célébrer.
Ce sont surtout les peintres et les poètes qui agissent
avec le plus de force sur l'esprit d'une nation, qui répan-
dent dans tous les rangs les mêmes désirs, les mêmes sen-
( 389 )
tinients d'indépemlance. si néfcssaires à un peuple,
ïurtout quand ce peuple se relève et secoue l'influence
OtJili-nalionale (jui le retint long-temps enchaîné. Aussi
grâce aux pinceaux de Palinck, Van Bree, Wappers, De
K:eyzer,Wouters,Verbouckhoven, Gallail et de tant d'autres
maîtres illustres. l'école flamande de peinture reprendra
bientôt lu place où Rubens et Van Dyck l'avaient élevée.
La littérature ressuscita en même temps, et déjà des écri-
vains du premier ordre se sont lait connaître : leurs
productions ne se recommandent pas moins par l'élé-
gance et la force de la diction, que par la marche des
idées et les sentiments qui y sont répandus. Si nous je-
tons les regards sur les ouvrages que cette année a vu
paraître, nous citerons avec orgueil les deux poèmes de
M. P. Van i)uyse,dont l'un, De Gentsche \ aderbeul, nous
retrace un récit populaire de la ville de Gand; l'autre,
De doocl van (jraef Egmont (la mort du comte d'Egmont )
en quatre chants, ne remet pas seulement en scène la
mort de ce héros, que le sanguinaire duc d'Albe sacrifia à
sa jalousie; mais toute cette époque des troubles, si désas-
treuse pour le pays, y est résumée en épisodes remarquables.
M. Conscience nous a donné son roman De Leeuw van
Vlaenderen (Le Lion de Flandre), dont nous avons fait
connaître la tendance et le contenu dans la livraison précé-
dente de ce recueil. M. C. Duvilliers, deMiddelburg, a publié
un poème descriptif sur les poldres, intitulé Lofspraek
der Polders , où il peint ce pays conquis sur l'Océan avec
ses digues, ses étangs et ses riches moissons; il rend sous
leurs véritables couleurs les sites pittoresques de celte
contrée, les occupations du cultivateur et les agréments de
la chasse. Si sa phrase n'est pas toujours concise, son vers
est au moins mélodieux et suave. M. F. Rens a placé dans
le Musée belge [Iiet Belgisch 31useiwi) une belle romance
contenant la fin malheureuse du comte de Flandre Charles-
( 390 )
Îe-Bon , massacré à Bruges. Il fera paraître sous peu une
édition complète de ses œuvres. Enfin les poésies de
MM. Blieck et Ledeganck sur lesquelles nous attirons par-
ticulièrement l'attention du lecteur, forment deux volu- |
mes, qui se distinguent autant par la vivacité du réc.i
que par le choix des sujets, puisés généralement dans les
chroniques flamandes.
Le premier volume contient un beau poème sur les
Belges, considérés sous le point de vue de la culture des
sciences et des arts. Il rehausse d'abord la gloire qu'ils
ont obtenue comme poètes, passe rapidement du siècle de
Van Maerlant au XVll'' siècle, admire les œuvres de Poir-
iers et de De Swaen, mais s'arrête plus long-temps à l'épo-
que actuelle. De la poésie il passe à la peinture , célèbre
Van Eyck, Rubens et l'école moderne. Puis il passe en
revue les musiciens de renom , les grands mathématiciens
et astronomes; il admire les produits de l'industrie belge,
les tapis de Bruxelles, les toiles de Gourtrai et les dentel-
les de Malines. Parmi les grandes pièces de poésies, nous
avons distingué une ode sur la mort du poète J. B. Hof-
raan, mort à Courtrai, le 2 août 1835, et une autre sur
l'indépendance et l'avenir de notre patrie. Mais les mor-
ceaux les plus agréalîles à la lecture et les mieux achevés,
.sont sans doute les ballades et les romances histcfriques,
parmi lesquelles nous avons remarqué le juge Herkenbald
à Bruxelles, en 1020 {Uerkenhalds vonnis) ; la sainte
Dymphne, patronne de Gheel; Edouard et Berthe; le
Jugement de Dieu; la Roche du Maudit; le médecin de
Cosme, etc. Toutes ces pièces sont écrites avec grand soin,
et le poète y exprime avec une aisance peu commune les
idées les plus élevées. Il rend ces dernières avec d'autant
plus de naturel, qu'il appiopie le rythme aux sentiments
qu'il veut rendre. Essayons de traduire ici quelques stro-
phes de l'élégie , Mes adieux à Ada ;
( 391 )
a Chère amie, les lieus, qui unirent si élroitement nos
iimes, sont donc rompus pour jamais; oublions le bon-
heur de ces instants, où je me jetais dans vos bras, où
un baiser imprimé sur vos lèvres, vous faisait connaître
tout mou amour. Alors nos ravissements étaient tels,
qu'aucune langue ne pourrait les dépeindre; nos joies
Ti'élaient point de ce monde, le poète les sent, mais ses
accords sont impuissants pour les redire.
1» Malheur à moi, Ada, dont le cœur brûla d'une flamme
véritable , et qui vis, malgré l'espoir le mieux fondé , mon
bonheur s'évanouir comme un songe et se changer en un
chagrin amer. — J'avais erré long-temps de malheur
en malheur, ne trouvant personne dont le sourire portât
la consolation dans mon cœur; je vous vis et me sentis
revivre, mais, hélas! pour tomber dans de plus profonds
regrets. Car après un court espace , malgré vos pro-
messes, je vous vis passer dans les bras d'un amant plus
heureux.
» lion Dieu! comment puis-je encore soutenir cette vie?
Les sentiers où je me traîne ne sont plus parsemés de fleurs,
et les doux songes qui voltigeaient autour de ma couche, ont
fui, ils ont fait place aux noirs soucis. N'essayez pas de me
consoler; toute ma vie, j'errerai seul , loin devons, j'éviterai
vos regards, car si mes yeux en pleurs rencontraient les
vôtres, mon cœur se briserait et je croirais sentir la froide
lame du poignard me percer le sein. »
Les poésies de M. Ledeganck ne sont ni moins soignées ,
ni moins polies. Les pièces qui se recommandent le plus,
par le fini et la force du coloris, sont celles qui portent
pour titres : L'avenir de la patrie ; Sur la mort de mon père;
Baudouin de Constantinople ; Frédéricet Mathilde ; Le piano
{lîet Klavier). Tâchons de rendre quelques passages de ce
dernier morceau: l'harmonie du vers et du rythme sur-
( 392 )
passe peut-être en beautés les sentiments qu'il y a expri-
més (l).
« Quand vos doigts , divin artiste . errent sur les touches
harmonieuses du piano, et mêlent avec élégance des sons,
qui se succèdent et changent rapidement , savez-vous que
ces accords, semblables à des paroles magiques, portent le
trouble dans mon ame et l'entrainent loin de la terre?
» Souvent aux beaux jours du printemps, quand le
soleil couchant jette ses derniers reflets, je parcours les
plaines fleuries de nos bords; là , j'entends le murmure
gazouillant du ruisseau, qui s'échappe à travers les vertes
prairies; mais bientôt le vent du soir s'empare de l'atmos-
phère et le feuillage ému se balance et laisse échapper des
sons plaintifs, comme de long soupirs.
» Ou, j'entends, dans le lointain, le tintement de la
sonnette et le mugissement des troupeaux; ou les soupirs
(i)Knnstenacr! wanneer uwvingren, Of de haisbcl , in de verte,
Zwevende over 'tglad klavier, Klinkt, by "t loeyen van liet vee,
Toonen door elkandreri slingren , Of de tortcl klaegt van smerte ,
In verwisselcnden zwier ; En met liaer klaegt de écho meô.
Weetgy dat in iiwe accoorden Of , gelijk een levcnd orgel ,
Als in wondre tooverwoorden , Zingt, met onvermoeibren gorgel ,
Dan een tael zicli liooren laet. Philomecl de vooglen voor,
Die ons hevig kan oiitroeren Die met haer Iict bosch bewooncn ,
Endengeest aen de aerdcontvoeren, En de vloed van hare toonen
Maer die 't liait alleen verstaet? Stroomt de brecde vonden door!
'k Wandel, in de lentedagen . By die duizend maetklankwyzen .
Dikwijis langs het open veld , By die stemmen der natuer,
Als de gouden zonnewagcn Die uit dank ten hemel ryzen ,
Naer hetkoele westen snelt. Als de smook van 'tontervucr,
Langs de groenbcvvassem zoonicn Trclt me een zalig zielsverrukken ,
Hoorik'tmurmlendbeekjenstroomen Door geen wooiden uittedrukken :
Dat al kabblend hencn vingt; En wat my alsdan vervoert ,
En by 'tsomber avondnaedren Wat mein hogcrkringdoet zweven,
lluischt de vpestwinddoor deblaedren, Voel ik, kunstenaer, weér herleven,
Trcurig , als een diep gczucht. Aïs iiw hand de snaren rocrt !
( 393 )
de la tourterelle, que l'écho ne rend pas: ou les doux
refrains du rossignol infatigable, qui fait retentir de ses
chants la forêt entière.
D A entendre ces voix si variées de la nature, qui
montent aux cieux, en signe de reconnaissance, comme
l'encens du feu sacré, je me sens l'ame émue, et je me
crois transporté dans les régions célestes; le même trouble
me saisit, artiste, quand vos doigts font vibrer les cordes
sonores de votre intrument.
» Oui, quand vos mains agiles errent sur les touches
harmonieuses du piano, et marient des sons avec une élé-
gance sans cesse changeante, alors vos accords, comme
des paroles magiques me révèlent des images, tantôt ten-
dres , tantôt sombres et effrayantes.
» Les notes légères , les tons gais nous peignent la folle
jeune.ss;', la marche guerrière des héros et le bruit de la joie.
Ja, wannccr u\v vlugge vingren , Dikwijls als de galmen stroomen ,
Zwevende over 't glad klavier, Ongekunsteld , lief en teêr,
Toonen door elkandren slingren , Zie ik , als in zachte droonien ,
In verwisselendcn zw ier, Lang verleden dagen weêr.
Dan ontstaen uit uwe accoorden , Hoop en vrees van vroeger leveu
Als uit de wondre toovemvoorden, Konien voor myne oogen zweven :
Beelden , nu eens overschoon , Soms lioudt my de vrcugd geboeid;
Dan eens somber of ontzettcnd , 5Iaer meest voei ik op niijn wangen
Of vertroostend , of verplettend , Eenen traen van \s ecmoed hangen
Naer de wending van uw toon ! Die voor vroeger rampen vloeit !
Ligte noten, blyde toonen Zeg ray, kunstnaer,Mat'sderedcu
Scliildren 'thupplen van de jeugd , Van de kracht dier mclody ?
Of den marsch van heidenzoneu, Kunt gy het gelieim outleden ,
Of liet schertsen van de vreugd. Van uw kunst , uw melody?
Trager maetzang , angstig stenend , Neen — natuerlijk is uw spelen ,
Schetsteenhart datzuclitcnd,weenend,Als de zang dcr Philomeleu .
Kermt om een ellendig lot ; By het ryzen van de zon .
Ofeen teérderklankeninenglen Als het suizcn der Zephieren .
Leert ans deeeuviige tael iler engicn. Door de kruin der populiercn ,
Eenc viiiM'ge beA tôt (rod ! Als het nintmlcn vnn de brou !
2G
( 394 )
Une mesure plus lente, plus pénible rend les gémissements
d'une ame, qui se lamente de son sort: des accords plus
doux nous apprennent le chant des anges, une prière fer-
vente qui s'élève vers Dieu.
» Souvent quant l'instrument bourdonne sans art, et
laisse échapper des thèmes nouveaux, alors je revois,
comme en songe, mes beaux jours qui ont fui, l'espérance
et les craintes de ma jeunesse. Parfois des idées riantes me
tiennent enchaîné , mais plus souvent je sens une larme
mouiller mes joues, témoignage de mes malheurs passés.
» Dites-moi, artiste, où vos mélodies puisent-elles celle
puissance et celle force? savez-vous découvrir le secret de
votre art? Non! — Tel que le chant du rossignol, le bruis-
sement du ruisseau , ou le murmure des zéphyrs , qui se
jouent dans le feuillage du peuplier, votre art vous a été
donné par la nature. »
Ph. Blomiviaf.rt.
{ 395 )
Ou lie tin 6ibli00rapl)ii|«c.
HISTOIRE DE BELGIQUE.
La bataille de Woeringcn, récit historique, par A. Voisin,
avec le dessin du tableau de N. De Keyzer, gravé par II. Brown.
Bruxelles, Soc. des Beaux-Arts, 1839; in-8°, pag. 40.
rSotice sur les archives des comtes, déposées au château de
Rupelmonde, par J. D, S. G. Gand, Ilebbelynck, 1839 ; in-8%
pag. 14.
[Extrait du Messager des Sciences, 1"= liv. 1839]
Particularités curieuses sur Jacqueline de Bavière, pu-
bliées par la Soc. des Bibliophiles de Mons. Bruxelles, lib. po-
Ivtechn. , 1839; in-8".
Mélanges historiques et littéraires par M. L. Polain, conser-
vateur des archives de la province de Liège. Liège , Jeune-
homme, 1839; in-12, pag. â39.
Trouvères, jongleurs et ménestrels du Nord de la France et
du Midi de la Belgique, par M. Arthur Dinaux (Trouvères de
la Flandre et du Tournaisis). Paris, Techener, 1839; in-S",
pag. 374.
Mémoire sur la part que les Flamands et d'aulres Belges
ont prise à la conquête de l'Angleterre, par les Normands,
par J. Gantrel. Gand, Annoot-Braeckman, 1839; pag. 83.
Vlaemsche Kronijk, of Dagregister van al het gène gcdenk-
weerdig vuorgevallen is, binnen de stad Gent, sedert den
lo july lo66 tôt 15 juny 1583; onderhouden in 't latijn door
Ph. De Kempenare, overgezet door J. P. Van Maie, pastor van
Bovekcrke, thans vnor de eerste mael uitgegeven, door
( 396 )
rii. D{lomiiiaert). Gent, by L. Hebbelynck; in-S", j)ag. 373.
Chronique de l'abbsîve de S'-André, d'après un niaïuiscrit
inédit; suivie de mélanges historiques et littéraires sur Bruges,
par 0. Delepierre, avocat, archiviste de la Flandre occid.
Bruges, in-8"; pag. SiO.
I Ce volume contient les 12 premiers cliapitres de la ciironiqne de Tab-
b.iyc de S'-André-lez-Biuges , jusquàlau 1240: suivent (juelques char-
tes accordées à cette abbaye et des mélanges sin Bruges. ]
LITTÉRATIRE.
Feeslkransvoorden weledelen heer Emmanuel-Bruno Qnaet-
fasleni (door P. Van Duyse). Gent, 18S9, Van der Haeghen-
Hulin; in-8°, pag. 8.
L'Ecuelle et la Besace, scènes historiques de XVI® siècle^
par E. Buschmann. Bruxelles, lib. polytechn., 1839; in-8°, de
X et 2S4 pag., avec une litlntgraphie.
Le Vœu du Héron, poème publié d'après un MS. de la
biblioth, de Bourgogne, par la Soc. des bibli()j)hiles de Mons.
Bruxelles, lib. poljtechn., 1839; in-8°.
Digt- en proza-stukken , uytgegeven door het tael- en letter-
lievend genootschap der katholyke hoogeschool te Leuven.
Leuven,Van Linthout et Van den Zande, 1839; X et 13opag.
in-12.
[Vingt-six membres . tant honoraires qu'ordinaires , ont concouru à la
rédaction de ce recueil. ]
Mengelpoëzy van F. J. Biieck, lid der maetschappy van
Rhethorica te Wervik. Kortryk, Jaspiu; in-8", pag. 1-40.
Mitraille. Poésies, par Eugène Gaussoin. Bruxelles, Hauman ;
in-18, pag. 220.
Nuées blanches, par Antonin Roques et F. Bogaerts. Anvers,
Jacobs, 1839; pag. 2\6.
Keus van dicht- en proza-stukken, of tael- en lelterkuudige
yerzanieling voor alleu. Kortryk, Gernaey-Hassaerf.
[La '.i' livraison vient de paraître et contient des pièces de poésie de
MM. J. F. Willems . Dhacne , Mussely et d'autres.]
Jules Vanard. Liège, Leroux, 1839; in-12, 2 vol.
( 397 )
Breydel. le bouclior de l>ruj>es, ou la balaillc de Courtrai
roman liistorique, pnr Jaspin aine. Courtrai, Jaspin, 18^9;
!i beaux vol., gr. iii-lo, avec six gravures.
[Cet ouvrage est la traduction du itramatiquc et remaniual>lc roriian
(lamand de M. H. Conscience, intitulé : De leeuw van Vlacndcien].
Notice biographique sur AYinand^'uyeu, peintre hollandais,
par Félix Bogaerts. Bruxelles, Soc. des Beaux-Arts, 1839;
in-'à".
Souvenirs d'un voyage en l'honneur de Schiller, par le
baron de Reiffenberg. Bruxelles, 3Iuquardt, 1839; in-S".
[Avec une planche].
SCIENCES -MATnÉîIATIQUES.
Oeuvres complètes de L. Euler, publiées par MM. Du Bois et
Drapiez, Moreau , Weiler et Steichen et Philippe Van der Mae-
len, accompagnées de figures exécutés par M. Madou. Bruxel-
les, 1839 , établiss. géograpli; 3 vol. in-8°, de XLIV , 347, 498
et 474. pag.
Meetkunde, inhoudende de manier om begank- en onbe-
gankelyke landen, bosschen , weilanden, vyvers en anderc
voorwerpen te meten en te verdeelen; tevensde dryhoekme-
ting, doorde sinus en logarithnius, door P. F. Verbockhaven,
oud gezworen landmeter. Brussel, B. Landrien, 1839; in-12,
pag. 260.
BIBLIOGRAPHIE.
Seconde partie du catalogue des livres et manuscrits rares
et précieux de la bibliothèque de feu M. P.-P.-C. Lammens,
Gand, Vanderhaeghen-Hulin, 1839; in-S", pag. 42S.
[Ce second volume contient pour les livres imprimes 6397 numéros ,
pour les manuscrits 152. ]
, MÉDECINE.
Autoplaslie après Famputation des cancers, par Ch. Philips,
de Liège. Bruxelles, Soc. encycl., 18§9; [»ag. oi.
( 398 )
De lu partujition des principales femelles domestir|ues, par
L. V. Dehvart, méd. vétér. de T" cl., prof, à l'école vétér. et
d'agriculture de l'État, à Cureghem-lez-Bru\eIles. Bruxelles ,
Soe%ncycl., 1839 ; pag. 186.
Traité de chirurgie vétérinaire par A. J. Brogniez, orné de
planches, exécutées par D. Meulenbergh. Bruxelles, Soc.
encyclogr., 1839; in-8".
[Première livraison avec planches coloriées.]
PHILOSOPHIE.
Ethnicœ seu philosophiœ moralis elenienta , secunda edit. ,
auctore N. J. De Cock. Lovanii, Van Linthout, 1839; in 8°.
INDUSTRIE ET COiVniERCE.
Description de la fabrication des bouches à feu en fonte de
fer et des projectiles à la fonderie de Liège, par le général
Huguenin, ex-directeur de la fonderie de Liège, traduit du
hollandais, par le cap. d'artillerie Ncuens. Liège, A. Le Roux
et coinp", 1839; pag. 290.
Guide du commerçant, ou conseils aux personnes qui veu-
lent s'adonner au négoce, publié par l'association nationale
pour le progrès de l'industrie linière. Bruxelles, 1839; in-12,
pag. 188.
La tenue des livres à parties doubles. Cours pratique en dix
leçons, par E. X. Renaudière, prof, à l'école centrale de com-
merce et d'industrie à Bruxelles. Bruxelles, J. Jamar; in-o",
pag. 136.
Des courbes des chemins de fer, par Aug. Xav. Van der
Elst, géomètre, ingénieur civil; sjstème breveté en Belgique;
suivi du calcul et du tracé des courbes sur le terrain.
Bruxelles, Deprez-Parent, 1839; in-B".
Industrie des chemins de fer, ou dessins«et descriptions des
principales machines locomotives, des tenders , waggons de
transports et de terrassements, voitures, diligences, rails, sup-
ports, plateformes mobiles, aiguilles, machines accessoires,
( 399 )
en usage sur les routes en ter (ie France, d'Angleterre, d'Alle-
magne, de Belgique, ete., publié sous les auspices du mijiistre
des travaux publics. Liège, A. Le Uoux, 1839; 6 livr. in-folio
de planches et autant de texte.
I'lIBHGATIO>S PÉRIODIQUES.
Revue des revues de droit. Recueil trimestriel, tome I , pre-
mière livraison. Bruxelles, Ad. Walilen, 1839.
Revue de Bruxelles, publiée par MM. A. Deschamps et
P. De Decker. Juin , juillet et août. Bruxelles, De Wasme et
Laurent, 1839; in-18.
[Principaux articles : De la politique et des intérêts de l'Allemagne en
Beigi((iic . par \V. Menzel. — Notice sur la bihiioth. de Bourgojjne, par
A. Voisin. — La Gaule à la lin du IV" siècle , par J. Kervyn. — Le
cbapitre et l'église de S"=-Waudrii , par A. G. B. Schayes. — État de la
pIiilosoi)hie moderne en Allemagne, par N. Mœller. — Le comte d'Eg-
niont. — Légendes. — Sur un MS- <le J. de Winghe. — Les Romances
espagnoles, par L. Bcllefroid. — Quehpies anecdotes sur Charles-Quint.
Nous remarquons avec plaisir que depuis le moisdejuillct, (pii commence
la troisième année, il y a une amélioration sensible dans la partie typo-
graphique de ce recueil. Chaque livraison aura dorénavant une lithogra-
phie. Déjà les portraits du comte d'Egmont et de Charles-Quint ont
paru. ]
Magasin belge universel et pittoresque. Recueil de bonnes
lectures. 2" année. Bruxelles, Soc. des Beaux-Arts, 1839 (jan-
vier à août). Avec vignettes.
La Renaissance, n"' IX, X et XI. Bruxelles, De Wasme, in-f".
18B9.
[Cliaque livraison a une lithographie.]
Revue belge, publ. par l'assQC nat., 6° année, juin et juillet ;
Liège, Jeunehomme, 1839.
[Ces livraisons contiennent entre autres : 1» Quelques journées de la
révolution belge. à Louvain. — Compte rendu des travaux de la conunis-
sion d'histoire , par A. Van Hasselt. — Evcrard T' Serclaes (suite et (in ) ,
par Ph. Lesbroussart. — Analyse criti([ue de Richilde, de M. Coomans,
par J. De Saint-Génois. — Au trou du Han , par l'aider. — Sur (juclqucs
localités du duché ilo Luxembourg, par 1). Mariin.]
( 400 )
Revue nationale de Belgique, 1" livr. Bruxelles, libr. poij-
technique, 1839; in-8°, pog. U4.
[Ce recueil périodique nouveau , dont jusqu'ici les articles ne portent
j)oint de signatures , paraîtra dix ou douze fois par an. La première li-
vraison contient : 1° Introduction. 2° Du caractcr<; de quelques événe-
ments et des hommes de la révolution du XVI' siècle. Dans ce travail rédigé
avec impartialité , l'auteur présente sous un jour, neuf pour le public ,
les causes premières delà haine des Espagnols contre les Flamands. Cet
aperçu historique nous semble fort remarquable : les positions de Charles-
Quint et de son fds Philippe II y sont bien dessinées. 3° De l'avenir de la
littérature en Belgique. 4° Politique étrangère. France : de la dernière
situation.]
Journal historique et littéraire, 6-4^ et 6o^ iiv. , annnée 18â9.
Liège, Kersten.
Bulletin de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de
Bruxelles, N°» 7 et 8. Bruxelles, Hayez, 1839; in-8°.
[Pour rHistoirc, ces bulletins contiennent, le !'='• : Le supplice d'Hu-
gonet et d"Himbercourt , par le chan. De Smet; le 2<= sur la bataille de
Noville, par le même: sur la population de quelques-unes de nos villes
au moyen-âge, par Willcms : sur la découverte des iles flamandes , par
Voisin: sur la compétence de la juridiction à laquelle furent soumis Hu-
gonet et Himbercourt, par J. De Saint-Génois: quelques documents
communiqués contradictoirement sur ce dernier point d'histoire, par
Gachard.]
GRAMMAIRE.
Nederduitsche spraekkunst, door Willem Van West. Eerste
en tweede deel. St-Truiden , Van West-Pluymers, 1839; in-S",
pag. 136.
Nouvelle grammaire française, à l'usage des écoles belges,
avec l'application des règles à l'histoire de la Belgique, par
R. Willequet et A. F. Guillerez. Gand, Lebrun-Devigne, 1839;
in-12,pag. 436.
Recueil de thèmes, d'exercices et de versions pour faciliter
l'étude de la langue flamande, par 11. Soraershausen , docteur
en philosophie, etc. Bruxelles, Hauman, 1839; 3 vol. in-12.
NouveauDictionnaire flamand-français et français-flamand,
parl'ahbé Olingrr,2« édit., revue, corrigée et augm. par l'au-
teur. Matines, P. J. Hanicq, 1839; 2 vol. gr. in-8°.
( 40J )
Suite de l'Alphabet français, ou second livre de Iccliirc,
d'après la méthode de non-épeHation, à l'usa^je de mes jeunes
élèves, par A. F. Van den Driessche. Bruxelles, Soc. nat., 1839;
in-32.
Le même ouvrage, par le même, pour le flamand. Ibid.
BOTANIQUE,
Observations sur la fleur du Blarica Corulea et sur la cir-
eulation des sucs dans ses poils, par Ch. Morren. Bruxelles,
Muquardt, in-8", 1839.
Recherches sur les hydrophiles de la Belgique, par le
même. Ibid. , in-4°.
Recherches sur les mouvements et l'anatomie du style des
Goldfussia anisojjfiijlla, par le même. Ibid., in-i".
Recherches sur le mouvement et l'anatomie du Stylidiuvi
gramini solium, par le même. Ibid. , in-4°.
[ Chacun de ces opuscules est accompagné de planches].
Mémoire sur la formation de l'indigo dans les feuilles du
Polygonum Tinctorium ou renouée tinctoriale, par Ch. Morren.
Bruxelles, 1839 ;in4''.
ARCHITECTURE.
Histoire de l'architecture de Th. Ilope, traduite de l'anglais
par A. Baron. Bruxelles, lib. poljtech., 1839; 2 vol., dont un
de planches, in-8°.
De l'existence de l'ogive dans les monuments des temps les
plus reculés, par A. V. L. Gand, Hebbelynck, 1839; in-B^jpag. 29,
[Extrait du Messager des Sciences , 1" liv. 1839.]
SCIENCES JURIDIQUES.
Supplément au manuel de justice militaire, par P. A. F. Gé-
rard. Bruxelles, Hauman, 1839; in-18,pag. 48-4.
Archives de droit et de législation, tom 1 , 3^ liv. Bru.xelles ,
Hauman, 1839; ia-18, pag. 241.
( 40:2 )
Loi du 21 ni;irs 1839 sur le timbre, annotée par L. Guil-
liaume, 1^'' commis ù la direction de l'enregistrement de la
province de Luxembourg'. Arlon, P: ^ Bruck, 1839.
POLITIQUE.
Recueil des traités politiques territoriaux et de commerce,
concernant le royaume des Pays-Bas, de 1814 à 1830. Bruxel-
les, lib. polytecli., 1839; l" vol..in-l8.
OUVRAGES DIVERS.
Notice sur l'aveugle sourde-muette, élève de l'institut des
soui'ds-muets et des aveugles de Bruges, par l'abbé C. Carton.
Bruges, Van deCasteelc, 1839; in- 8", pag. 80.
[Cette notice, aussi curieuse qu'instructive, témoigne des soins que
M. Carton ne cesse de donner à cette classe de malheureux , à qui la na-
ture a refusé la vue, Fouie et la parole. Elle est accompagnée du por-
trait d'Anne Timmermans, qui fait lobjet de cet opuscule.]
Rapport sur les travaux de la commission administrative de
l'institut royal des sourds-muets et des aveugles de Liège, de
18S0 à 1838. Liège , Dessain, 1839; in-8", pag. SI
Répertoire administratif du llainaut, par J. B. Bivort, pré-
cédé d'une introduction, par C. 11. Delecourt. Bruxelles, libr.
polytechn., 1839; in-8".
Carte topographique de la province du Limbourg, par
M. Groetaers, ingénieur des ponts et chaussées, Bruxelles,
établ. géogr. , 1839; 2 feuilles grand-aigle.
( 403 j
€l)r0niiîue î)ea 5inencc9 et ^rtïî, et Davictc;?.
Musée d'Antiquités de Bruxelles. — La ci-devant chapelle de
INassau-Orauge, fondée en lâ-40, supprimée au siècle dernier
et convertie depuis en magasin de Lierres, va bientôt recevoir
une plus noble destinatioii. Cet antique oratoire du palais
des Nassau et des gouverneurs-généraux des Pays-Bas autri-
eliiens, sera entièrement restauré pour servir de local au nou-
veau cabinet d'antiquités.
Les armures de nos vieux paladins et nos antiquités na-
tionales seront bien mieux placées sous ces voûtes gothiques
({ue dans une salle basse et rétrécie du palais de l'industrie.
La chapelle de Nassau, d'un style d'architecture tout particu-
lier, sera eile-mènie un petit monument fort curieux,
lorsqu'on aura fait disparaître les nombreuses dégradations
qu'elle a éprouvées depuis cinquante ans, lorsque sa voûte
offrira un ciel azuré, parsemé d'étoiles d'or, et que ses gran-
des fenêtres en ogive, aujourd'hui muraillées, reparaîtront
ornées de magnifiques vitraux peints (1).
Le cabinet d'antiquités, dont la création date à peine de deux
ans, contient déjà bon nombre d'objets remarquables, tels
que plusieurs armures du moyen-àge et des armes à feu des
XV^jW!" et XVIP siècles, d'un très-beau travail; des armes de
sauvages de l'Amérique ; le berceau de Charles-Quint ; les
chevaux que montaient les archiducs Albert et Isabelle; les
fonts baptismaux, dont nous avons donné la description dans
(1) Au moment où nous publions cetnrticlc. !o Hiustc d'Aiitiiiuitcs
vient (l'ètie ouvert au public , qui peut admirer les changements apportés
à celte ciiapellc.
( 404 )
le Messager des Sciences et des Arts , 1 8i58 ; tin grjind bassin rie
bronze, orné d'un magnifique bas-relief, représentant une
marche guerrière, etc. En antiquités romaines, le nouveau
musée est très-pauvre encore; le seul objet de cette époque
qu'on y voie jusqu'ici, est une grande amphore en terre, trou-
vée près de Tournai. Lorsque le nouveau local sera arrangé
on y transférera sans doute les autres antiquités romaines (1);
la pierre sépulcrale de^ Juste-Lipse , 'enlevée par les Français
à l'ancienne église des Recollets à Louvain ; les débris de la
fontaine de la porte de Hal, qui datait du règne de Charles-
Quint, et le tombeau en pierres bleues qui existait autrefois
dans la chapelle de Nassau , le tout presqu'abandonné aujour-
d'hui dans la cour du musée de Bruxelles.
Nouvel Hôpital civil de Lodvais. — Dans la notice sur l'hôpi-
tal civil de Louvian, par M. Piot [Messager des Sciences , 1838),
il est parlé du projet de rebâtir cet édifice. Ce projet
étant aujourd'hui en pleine exécution, nous allons donner,
comme complément de la notice de M. Piot, la description des
nouvelles constructions qui feront de l'hôpital de Louvain, un
des établissements de ce genre les plus beaux et les plus
étendus de la Belgique.
Le nouvel hôpital de Louvain ne s'élèvera point sur l'em-
placement même de l'ancien , mais à côté de celui-ci , et à cet
eiîet on s'est vu dans la nécessité de détourner le cours
de la Dyle, et de démolir un assez grand nombre de maisons,
(I) Ces antiquités consistent en plusieurs inscriptions sépulcrales et en
deux petits monuments votifs de la déesse gauloise ou germanique Neha-
leunia , trouvés avec plusieurs monuments semblables à Dombourg ,
dans lile de Walcheren. Sur l'un des deux premiers , donnés au siècle
dernier à l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles,
par un M. Van der Perre, de Zélande, la déesse Nehalennia, qui parait
avoir été une divinité protectrice du commerce et de la navigation, est
représentée assise, une corbeille de fruits sur les genoux et un cliicn a ses
côtés. Au-dessous on lit : Dcœ Nchdllcnniw S. Calvius sectmdinus oh
meliores actus. (Schayes, les Pays-Bas avant et durant la dom. rom.,
tom. 2, pag. 269).
( 405 )
;>ppartena-nl nux hospices, et donnant sur la rue de Bruxelles,
à laquelle l'édifice neuf fera face. De l'ancien hôpital on lais-
sera subsister l'église et la jjrande salle des malades, qui sera
convertie en oratoire , derrière lesquel se trouveront les cui-
sines, qui couimuniqueront avec les bâtiments principaux de
l'établissement, au moyen de galeriescouvertes. Alasuite del'o-
ratoire,on placera le bâtiment des bains qui aura au centre une
cour, et dont la façade, sur la rue, offrira un soubassement ou
rez-de-chaussée rustique, surmonté d'un étage à fenêtres cin-
trées. A droite du bâtiment des bains, une longue grille en fer
séparera de la rue une cour, en forme de trapèze, à gauche
de laquelle on trouvera la pharmacie, à droite les bureaux de
l'administration, et au centre une salle de consultations gra-
tuites, et la salle destinée aux malades entrant à l'hôpital.
Les bâtiments qui borderont trois faces de cette cour, se
composeront d'un rez-de-chaussée, d'un entresol, destiné aux
élèves internes et d'un étage éclairé de croisées cintrées. La
façade du bâtiment central sera ornée d'un avant-corps, per-
cée d'une porte cintrée, flanquée de quatre colonnes isolées,
de l'ordre dorique grec, qui s'élèveront jusqu'à l'imposte ou
prendra naissance l'archivolte de la porte. Les tympans du
cintre de la porte seront décorés de deux bustes, placés dans
des encadrements ronds. Au-dessus de cette partie régnera un
balcon, auquel communiqueront les croisées de l'étage , cou-
ronnées de corniches; le tout sera terminé par un fronton. Aux
quatre coins de la cour, seront quatre pavillons, par lesquels
on entrera aux salles des malades, au nombre de quatre, et
séparées chacune par un préau, destiné aux promenades des
convalescents.
Derrière cette cour se trouvera une seconde cour , dont les
bâtiments latéraux formeront avant-corps sur la première.
Les bâtiments de cette cour auront un rez-de-chaussée et
un étage à fenêtres cintrées. La façade centrale aura un avant »
corps, composé de trois arcades, surmonté d'un étage à fe-
nêtres cintrées et couronné par un fronton. Ces bâtiments
serviront à la clinique et au traitement des ophthalmiques-
Ou y établira un amphithéâtre de dissection et uu oratoire
pour les convalescents.
( 406 )
Toutes les constructions nouvelles couvriront une surfiice
de 96 mètres de longueur sur 90 de largueur : il y aura place
])0nr 230 malades. Les distributions intérieures sont arran-
gées on ne peut plus commodément. Les malades auront des
salles aérées de quatre côtés; leurs lits seront placés de ma-
nière à permettre une libre circulation autour de chacun
d'eux.
C'est M. Van Aerenberg, de Louvain, architecte de beaucoup
de mérite et professeur à l'Académie de cette ville, qui a
donné les plans du nouvel hôpital et qui est chargé de la
direction des travaux.
Statue en bronze be Rcbens. — M. Buckens . professeur de
sculpture et de ciselure à l'Académie de peinture de Liège ,
chargé du moulage et de la fonte de la statue colossale de
Rubens pour la ville d'Anvers, vient de couler à la fonderie
de canons de Liège, en présence du directeur et des officiers
de cet établissement, les principales parties de cette statue.
Cet habile artiste a jeté en moule, de la manière la plus heu-
reuse, les parties les plus difficiles de l'œuvre de Geefs.
Bientôt la ville d'Anvers pourra montrer avec d'autant
plus d'orgueil un monument digne du grand peintre, à la
gloire duquel il aura été élevé ,que ce monument sera exécuté
par deux Anversois , élèves de son Académie.
M. Buckens, statuaire, ciseleur et fondeur, qui, avant d'ar-
river à Liège, était attaché à la fonderie rovale de Munich,
où il a exécuté plusieurs ouvrages en bronze remarquables,
entre autres le magnifique monument colossal du roi Maxi-
milien, promet à la Belgique un artiste digne de marcher sur
les traces des Relier, des Bouchardon et de;? Girardon.
M. Buckens doit aussi couler, à la fonderie de canons, la
statue colossale en bronze de Grétrv.
A. S.
Bibliograpiue. — Un nouveau journal périodique, ayant
pour but la connaissance des livres, vient d'être fondé à
Paris, sous le titre de Revue Bihliograjihique , dirigé par le
savantM.Querard; cette revue est destinée sur ton ta faire connaî-
( 407 )
tre tout ce qui se public en lauo,ue française en Europe. Nous
voyons avec plaisir que la Belgique n'y est point négligée, et
que la plupart de nos nouveaux livres de science y sont men-
tionnés. Nous ferons remarquer que les directeurs de ce recuei 1
tirent principalement leurs notes bibliographiques du il/es-
sager des Sciences historiques et de la Revue de Bruxelles.
— M. Hennebert, archiviste de la ville de Tournai, connu
par plusieurs publications intéressantes, a aussi fait paraître
le l" numéro d'un recueil bibliographique, intitulé le Bihlio-
logue de la Belgique et dit, ]\ord de la France. Il se propose d'v
insérer des notices sur les livres rares, A cet effet, il demande
la collaboration de tous ceux qui s'occupent de bibliographie
ou de bibliologie. Nous désirerions que cette entreprise réus-
sit : jamais on a autant senti l'utilité de cette science toute
neuve, qui a pour but la connaissance des livres.
Diplôme de Charles-le-Gros. — Il e\is(e au greffe du tribunal
de première instance de Namur, une pièce fort curieuse, que
nous croyons inédite jusqu'aujourd'hui. Charles-le-Gros, qui
obtint l'Empire en 881 et fut déposé en 887, confirme le 5 des
kalendes, de novembre (26 octobre) de cette dernière année
une donnation faite à Sanction , père de S'-Gérard , et qualifié
dans l'acte de Vir vitœ vencrnhilcs. Cette charte est parfaite-
ment conservée , seulement le sceau qui était plaqué sur le
parchemin, est détruit. C'est une des pièces les plus anciennes
qui renferment nos dépôts d'Archives,
Décoi VERTES siiMisMATiQUES. — Oii a fait, daus les premiers
jours du mois de juillet dernier, dans un village du Brabant
septentrional, aux confins de la province d'Anvers, une trou-
vaille numismatique qui n'est pas sans intérêt. Elle consiste
en 118 anciennes monnoies belgiques, toutes en argent. Ce
petit trésor, après avoir été vendu à Bruxelles, a été apporté
ensuite a Gand.
Voici l'indication des pièces qui le composaient :
1 Double patard (ou iloublc sol) de Plii!ippe-ie-Bon, connu
sous le nom de I io.rlnndcr , frappé pour le Brabant, Cette
( 408 )
pièce était très-usée et la moins bien conservée de toutes.
1 Demi-patard de Maximilien etPliilippe, frappé à Anvers,
en U90.
2 Toisons de Philippe-le-Beau, de l'année 1498.
1 Double patard, frappé à Malines pendant la minorité du
même prince (connu sous le nom de double Malinois).
l Vieryzer du. même pour la Gueldre, de 1492.
37 Doubles patards du même Philippe-le-Beau, dont 10
pour la Flandre, sans indication de millésime; 3 pourNamur,
dont un de 1499 et deux de 1303; 8 pour la Hollande, de
1499, dont quelques-uns avec co noL, les autres avec ro no;
21 pour le Brabant , dont 4 de 1496,2 de 1498, 6 de 1500,
3 de 1303, et un frappé à Maestricht, en 1303 ( Trajecti in
Vrohof).
93 Doubles patards , frappés pendant la minorité de Char-
les, dont 2 de 1307, 2 de 1312, 1 de 1313, 4 dont le millé-
sime était plus lisible. Enfin
12 Patards, dont six frappés pour le Brabant, 4 pendant le
règne de Philippe-le-Beau, et deux sous celui de Charles-
Quint; 1 pour Maestricht, de 1313; 2 pour la Hollande, l'un
de Philippe et l'autre de Charles; 1 pour la Flandre, de Phi-
lippe; 2 pourNamur, de 1499.
21 Réaux de Charles-Quint, tous frappés à Anvers.
8 Demi-réaux du même, dont 3 frappés à Anvers, 4 en
Hollande et 1 en Flandre.
4 Patards du même, dont 3 frappés en Hollande et 1 à
Anvers.
21 Pièces de quatre patards ( Vierstiiiverspenningen ou
VUegers), de Charles-Quint; 6 de l'année 1336 (1), dont 4
frappés à Anvers et 2 en Flandre; 3 de l'année 1339, dont 3
frappées à Anvers, 1 en Flandre et 1 en Hollande; 10 de
l'année 1340, tous frappées à Anvers.
Enfin 2 exemplaires de la monnoie de l'évêque de Liège,
Erard de la Mark, semblable à celle qui se trouve représentée
dans l'ouvrage de M. le comte De Renesse, PI. 21 , N" 6.
(1) C'est la première armée que l'on a frappé cette espère de monnoie.
( 409 )
Toutes ces pièces élaient fortement oxidées, à l'exception
toutefois des toisons de Pliilippc-le-Beau et des reaux de
Charles-Quint, dont l'argent, étant d'un meilleur aioi, n'avait
nullement souffert d'un long enterrement.
On remarquera ([ue les plus récentes des pièces trouTécp,
sont de l'année loiO; ainsi c'est apparemment vers cet te époque
que ce petit trésor a été perdu ou enterré.
C. P. S.
Sociétés de littérature flamande. — La société de littérature
flamande de Gand [Bc tael is ganisck hetvolk) vient d'ouvrir
un concours et demande un mémoire en prose sur le règne
de Marie de Bourgogne (1476-1482); une pièce de poésie,
contenant l'éloge de Jacques d'Artevelde, ruwart de Flandre.
Une médaille, de la valeur de 800 francs, sera décernée à
l'auteur dont le mémoire en prose aura été satisfaisante; une
médaille de la valeur de loO francs à celui du poème. Les
réponses doivent être envoyées, avant le l" mars 1841, au
secrétaire de la société.
La société de littér. ture à Nieuport, portant pour devise ;
Van vroeschepe dinne, a célébré, le 18 du mois d'août, le ju-
bilé de la S30° année de son institution. A cette occasion la
société a donné un représentation théâtrale en langue fla-
mande : De Landsoldat (le Soldat), opéra en 3 actes, dont la
musique était composée par M. P. Van den Bussche, de la même
ville. Le président, M. De Jagher, a prononcé un discours en
vers, dans lequel il a fait ressortir l'utilité et l'influence ci-
vilisatrice des chambres de rhétorique.
Orthographe FLAMANDE. — Réunion de la commission instituée en
exécution de l'arrêté royal du, 6 septembre 1836, pour juger
des mémoires adressés au gouvernement au sujet des différend a
existants par rapport à l'orthographe et aux déclinaisons de
la langue flamande.
Présents les membres dont les noms suivent :
M. Willems, membre de l'Académie à Bruxelles, membre
de l'Institut roval néerlandais (ucdorlandsch, etc.), président;
27
( 410 )
31. J. -H. Boniiaiis, professeur à l'université de Liège, secrétaire
rapporteur;
Le révérend M. le chanoine J. David .professeur à l'univer-
sité de Louvnin, etc. ;
Le révérend 3L le chanoine J.-J. De Smet , membre de l'Aca-
démie royale de Bruxelles, etc. ;
M. L. d'Hulster, professeur à l'Athenée de Gand;
M. J.-F.-C. Verspreeuwen , professeur à l'Athénée d'Auver.=.
La commission étant convoquée par dépèche de M. le ministre
de l'intérieur et des affaires étrangères, du 13 de ce mois, à
l'effet d'entendre la lecture d'un rapport sur les mémoires,
qui ont concouru pour le prix d'honneur, prend connaissance
de ce rapport général et raisonné , présen té par M. le secrétaire
rapporteur, émet le vœu qu'il soit aussitôt que possible publié
par la voie de l'impression , et communiqué à tous les membres
de la société pour le progrès de la langue et de la littérature
flamandes.
Dans l'entretemps, et pour que le gouvernement et le public
instruit ne restent pas plus long-temps dans le doute relati-
vement à l'opinion particulière de la commission, au sujet des
différends existants, elle déclare (y étant expressément invitée)
qu'elle propose et recomande l'adoption des principes suivants
de langue et d'orthograpVie, comme déjà légitimés par l'au-
torité des meilleurs écrivains et conformes à l'usage très-an-
cien de nos ancêtres, et comme étant en même temps le moyen
le plus propre pour parvenir à l'unité dansl'orthographe de la
langue flamande :
1° La simple épellation vocale dans toutes les syllabes où la
voyelle est la lettre finale, à l'exception de l'e et de i'o longs
aigus (scherplange).
2" L'omission des accents, à l'exception de ceux de ces signes
qui sont en usage pour donner plus de force dans les expres-
sions ou contractions.
3" La formation des deux vovelles ei et 7<i avec le simple?,
ainsi que dans les diphtongues telles que vlein, schreien ,
knicn, luinerd.
Dans les deux voyelles ooy el mj ou ney , \ y est néccs.saire
( 411 )
et l'a s'allonge quand l'y n'est pas suivi d'une voyelle ,
comme strooy, strooyen, gestooyd , drayen, draey, gedraeyd.
4" L'usage du c/t avant la lettre t, partout où le g n'est pas
radical.
5° L'usage des arti<'Ies de et een dans le premier cas masculin
singulier, en omettant l'îi ouen dans les adjectii's, qui cepen-
dant prennent l'n au pluriel quand ils sont employés substanti-
vement.
6° Le maintien du dt dans la conjugaison des verbes qui se
terminent en dcn, comme gy tcordt, hiiidt; hondt, hy wordi,
vindt
7° Le maintien de Vn dans les adjectifs composés,
8° Ecrire paerd ou peerd, waerd ou weerd, etc. , indistincte-
ment.
La commission espère que ces règles de langue et d'orthogra-
pbe, qui sont presque toutes déjà admises par les écrivains
les plus renommés de la Belgique, seront suivies par tous, et
peuvent être partout introduites dans les écoles, à l'effet de ré-
tablir ainsi l'unité et de la conserver dorénavant dans la langue
écrite de toutes les contrées des Pays-Bas.
Fait à Bruxelles, en l'hôtel de M. le ministre de l'intérieur et
des affaires étrangères, le 8 août 1839.
J.-F. WiLLEms, président; J.-J. De Smet, chanoine;
J. Dwm , professeur; J. -F.-C. Verspreecwes ;
L. d'Hdlster, J.-H. BoRJiviNS, secrétaire rapp.
L'écriture ci-dessus est approuvée dans toutes ses parties,
par le soussigné membre de la commission qui n'a pu être pré-
sent à l'assemblée
Gand, le ^1 août 1839. C. Ledeganck.
Immédiatement après le prononcé de la décision relatée
plus haut, toutes les règles qui y sont proposées pour la lan-
gue et l'orthographe, ont été admises par les 18 révérends
professeurs de la première division du séminaire archiépis-
copal de 3Ialines, pour y être introduites, ainsi que dans tous
les collèges et écoles alliés à cette institution. Déjà tout un
système de livres classiques, conforme à cetlc décision , est
sous presse pour paraître dans peu de semaines avec approba-
tion de l'autorité ecclésiastique.
(^12 )
Le rapport de M. le professeur Bormans sera livré au pre-
mier jour à l'impression et formera un gros volume in-o°. On
y traite des points moins importants que la commission a lais-
sés intacts comme étant d'un intérêt secondaire. Entretemps
un extrait de ce rapport sera inséré dans le Belcjisch Bluseum,
pour éclairer le système par rapport à la formation des diphton-
gues ei, ou, oey , aey , etc. Nous pouvons toutefois annoncer,
dès à présent , que MM. les membres de la commission consi-
dérant \'y dans cette dernière consonnance comme le w dans
les mots, vrouw, trouw, schaduw, etc., et que l'e long disparaît
des mots de même nature ayant plusieurs syllabes, afin de
simplifier l'épeliation vocale, de manière qu'on ne dit pas
draeyen, mais drayen.
Ecrire ei , ni et de m an (au lieu de den man), ne peut pas
être considéré comme une innovation, ou comme un emprunt
fiiit aux Hollandais, puisque cette règle est déjà admise par les
meilleurs écrivains de notre pays , surtout par les poètes, à
l'exemple des temps antérieurs et d'après l'opinion des révé-
rends pères G. Smits et P. van lIove,dans leur traduction de la
S*°-Ecriture, imprimée à Anvers de 1744 à 1777, en 22 vol.
in-8°.
Rdines de SAiNT-Bwoiy , a G.vnd. — Les derniers vestiges de
l'antique abbaye de Saint-Bavon, fondée en 618, enfermées
maintenant dans l'enceinte de la Vieille Citadelle, sont aujour-
d'hui visitées par tous les amateurs d'archéologie. La chapelle
octogone de S'-Macaire, bâtie au XP siècle, y est entièrement
conservée. On a eu soin de la restaurer sans rien changer au
caractère primitif de l'édifice. Une partie de l'antique crypte
de S'^-Marie est pavée d'une mosaïque fort curieuse, mais qui
se détériore de jour en jour. Parmi ces ruines il y a des con-
structions qui remontent aux premiers siècles du christianisme.
On reconnait dans les 7nurailles encore existantes des traces
d'architecture de toutes les époques du moyen-âge; le style
roman , le plein-cintre, l'ogive, le gothique fleuri y sont réu-
nis de la manière la plus bizarre. On pourrait faire un cours
complet d'architecture religieuse en allant visiter ces derniers
débris d'une autre époque.
( 413)
ïlutncs
L'ÉGLISE DE SAINT-NICOLAS. EN GLAIN.
Parmi les restes d'architecture lombarde qui sont
encore debout dans les environs de la vieille cité lié-
geoise, l'un des plus curieux, sans contredit, sous le
rapport de l'art à celte époque reculée, est celui dont
nous offrons ici la reproduction fidèle. Située dans un
des sites les plus pittoresques, cette ruine couronne un
immense vallon , dont la Meuse baigne les pieds , et vient
donner plus de poésie encore à ce paysage si remarqua-
ble par les nombreux accidents de terrain qu'il présente.
Le prieuré de S'-Nicolas en Glain, auquel appartien-
nent les ruines qui font l'objet de cet article , paraît
remonter à un temps assez loin de nous ; au moins
le père Fisen , dans son Historia ecclesiœ leodiensis ,
part. I, pag. 241, rapporte-t-il sa fondation à l'année
1147, l'attribuant à deux frères, de la famille de War-
fusée, appelés Conrad et Antoine."
L'historien de l'abbaye de S^ - Laurent , dont le
savant Martène a inséré l'ouvrage dans le quatrième
volume de YAmplissima collectio, dit à la page 1088.
28
( àU )
J 45, que l'église fut consacrée, le 22 juillet 1151,
par l'évéque de Liège Henri II ; qu'en mémoire de
cette consécration , Gozelon de Hambrug et Emma , son
épouse , affeclèrent à l'autel principal de cette église
deux bonniers de terre, en retour de quoi l'abbé et
le couvent de S^-Laurent les firent participer à leurs
bonnes œuvres , ce qui fut confirmé par l'évéque. Selon
ce même écrivain, ce furent deux frères nommés
Gérard et Antoine, chevaliers, appartenant à la famille
de Bolzeez, qui firent bâtir cette église et qui y furent
enterrés; il avoue cependant que les archives de sa
maison, ne lui ont offert aucun document qui pût
constater d'une manière précise et absolue la date de
la foïidation de ce monument. D'un autre côté, le père
Martène a publié dans le volume que je viens de
citer, pag. 1181-1183, trois chartes relatives au prieuré
de S' - Nicolas en Glain , et se fondant sur ces docu-
ments, M. Ernst, dans son Tableau historique et chrono-
logique des suffragants ou co-écêques de Liège, p. 291,
émet l'opinion que la première des chartes imprimées
par D. Martène, pourrait peut-être' donner la date de la
fondation du monument qui nous occupe,- il appuie
cette assertion sur ce que la ressemblance des noms,
énoncés dans la charte de 1203, avec ceux des fonda-
teurs de l'église, aurait induit en erreur l'historien de
l'abbaye de S'-Laurent. Je ne peux admettre celle con-
jecture du savant chanoine de Rolduc. et je pense, au
contraire, que la charte vient confirmer la date de
1151, donnée par l'auteur cité. Celle charte de 1203
nous fait connaître qu'un nommé Bauduin donne
à l'église de S^- Nicolas en Glain, soixante bonniers
de terre situés à Atis , Bolezeies , Montegneies ; que
par cette donation confirmée par Gui , cardinal évê-
que de Paleslrine et légat du Saint - Siège , il est
A
r
!^:
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Jl^H/ta.-^ ■
( 415 )
relevé du vœu qu'il avait fait d'aller en Terre-Sainte,
vœu que des empêchements légitimes et des souf-
frances corporelles l'avaient forcé de ne pas accomplir
jusqu'alors. Le prélat ajoute ensuite : Ita guod quid-
qiiid possidebat extra civitatem leodienscm , nomi-
natini sexaginta bonnaria tenœ , vel plura in Ans,
in Bolezeies, in Montegneies jaccntia ecclesiœ beati
Nicolay in Glano , qu.e prius paupercul.v extiterat,
AD RELEVAISDAM EA.M ET SUSTENTANDOS MONAGHOS in CU DoO
servientes , erogavit ut ita prœdictœ jiaupercidœ
ecclesiœ per ipsum Balduinum subveniretur , et Deo
honeste ibi serviretur. Ce passage prouve certaine-
ment que l'église existait alors, et que de plus elle
était dans un tel état de délabrement et de misère ,
si je puis m'exprimer ainsi, que la donation de Bau-
duin arrivait fort à propos pour la sauver d'une ruine
complète. Il demeure donc bien établi , je pense , que
ces restes datent au moins de 1147; le caractère de
l'architecture semble même lui donner une existence
plus reculée encore, car elle appartient essentiellement
à la même époque que l'église S'^-Croix , à Liège , qui
fut bâtie dans le commencement du onzième siècle; et
l'église de S' -Nicolas qui nous occupe ici, pourrait
bien être de ce temps, car selon la plupart des his-
toriens et des chroniqueurs qu'il serait trop long de
citer ici, c'était à cette époque que l'architecture lom-
barde florissait dans l'ancien pays de Liège.
Ce monument religieux resta dans la possession
de l'abbaye de S^-Laurent jusqu'à la réunion du pays
de Liège à la France; deux prêtres y célébraient le
service divin et y remplissaient les fonctions pastorales.
Quand la vente des biens des monastères l'ut décrélèe ,
l'église de S'-Nicolas passa dans des mains particu-
lières; son inutilité instantanée et le peu de soins qu'on
(416 )
apportait à cette époque a la conservation des monu-
ments, et surtout des monuments chrétiens, furent la
cause première de l'état dans lequel se trouve aujour-
d'hui ces restes précieux.
L'édifice, dans sa plus grande hauteur, a 50 pieds;
l'élévation du pourtour de l'abside , est de 40 pieds.
La muraille du côté droit renferme un escalier de
2 1/2 pieds de largeur sur une hauteur de 5 1/2
pieds, conduisant à la galerie qui couronne l'abside,-
cette galerie , qui est d'une hauteur de 7 pieds sur
3 de largeur, est formée de colonnettes de 3 pieds
de hauteur sur 3 1/2 pouces de diamètre, qui sup-
portent des petites voûtes à plein -cintre ; chaque co-
lonnette est couronnée alternativement des chapiteaux
que nous reproduisons ici. Les fenêtres ouvertes à la
même hauteur que les colonnettes de l'abside, sont en
plein-cintre , supportées par deux colonnettes de chaque
côté, et reposent sur une corniche figurée litt. B.
Sept fenêtres de grande dimension forment l'abside;
trois d'entr'elles ont seules été ouvertes, les quatre
autres n'ont été qu'indiquées; elles sont séparées par de
grands pilastres plats, qui se lient entre eux par de
fausses voûtes , figurées au-dessus des fenêtres. Ce genre
de construction, en ménageant un jour plus favorable
et plus en harmonie avec la sainteté du lieu , doime
à l'extérieur plus de grâce et de légèreté; celles qui
ont été ouvertes sojit fermées aujourd'hui par une ma-
çonage de briques.
L'intérieur a été tout aussi maltraité que la partie
exposée immédiatement à l'action destructive de l'air
et du temps; le pavé du temple, qui contenait peut-
être quelques pierres tumulaires curieuses , a été dé-
truit; une seule de ces pierres , d'une assez grande
étendue . existe encore ; mais elle est enterrée sous
{ 417 )
une telle quantité de marchandises dont l'église est
remplie , qu'il nous a été impossible d'en aperce-
voir une seule lettre. M. Grisard, à qui appartien-
nent ces débris, a bien voulu nous promettre de
nous faire savoir quand celte pierre, qu'il croit avoir
été consacrée à la mémoire d'un abbé de S'-Laurent,
serait dégagée des entraves qui la cachent et nous
mettre ainsi dans la possibilité de la lire. Les murs
latéraux ont été replâtrés vers le milieu du siècle
dernier; ils ont subi une transformation telle, que le
caractère architectural primitif a complètement disparu.
Telles sont les données que nous avons pu recueillir
sur ces vieux fragments, si curieux à tant d'égards, sur-
tout pour l'histoire de l'art dans notre pays.
Le propriétaire actuel, M. Grisard, à ce que l'on
nous assure, a l'intention de faire réparer ces ruines
précieuses ; nous formons des vœux sincères pour que
l'exécution de cette pensée louable soit réalisée le
plus tôt possible, car nous pensons que si l'on tardait
quelque temps encore, ce monument serait complète-
ment perdu. JXous ne terminerons pas ces lignes sans
remercier M. Grisard de la bonté qu'il a eue de nous
laisser visiter sa propriété aussi longuement que nous
l'avons voulu , et nous le prions d'agréer ici l'hommage
public de notre gratitude.
Ed. L. L. L.
(418)
<!Iau0ej5 it la guerre (i)
DES
GANTOIS CONTRE LE DUC DE BOURGOGNE.
U50— U58.
Quand le syslème féodal vint à crouler en Flandre ,
vers la fin du XllP siècle, les villes s'élevèrent sur ses
ruines et parvinrent à un haut degré de puissance. Egales
aux villes libres de l'Allemagne, elles formaient, pour ainsi
dire, avec leur ressort, des étals indépendants, qui avaient
le droit de traiter avec d'autres étals.
Ce fut à cette époque que se consolida la division de la
Flandre en trois membres. Gand , Bruges et Ypres en
étaient les chefs-lieu. L'échevinage de ces villes avaient
réuni dans ses mains toutes les branches de l'administra-
tion et de la judicature, et servait de ressort aux moindres
villes de leur membre respectif. Les échevins réunis de
Gand, Bruges et Ypres formaient la cour supérieure et
bien souvent la représentation nationale de ce pays.
(1) Cette guerre est connue clans nos annales sous le nom dcGitetre
de Gavre.
( 419 >
Dès l'avènement de la maison de Bourgogne au comté
de Flandre, celle-ci lâcha de changer la forme administra-
tive établie, afin d'étendre son pouvoir. Durant de longues
années elle persista dans ce syslème, et parvint enfin à
son but quand la Flandre , exténuée par des guerres sans
cesse renaissantes, avait perdu ses relations commerciales
et en même temps ses richesses.
A peine Philippe le Hardi avait-il élé reconnu comte,
après la mort de Louis de Maie, qu'il s'empressa d établir
un conseil permanent à Lille, à l'instar de celui établi en
Bourgogne. Cette institution fut la première atteinte portée
à l'ancienne constitution du pays, elle bouleversait toute
la hiérarchie des tribunaux. En vain les Étals de Flandre
firent-ils des démarches à ce sujet, le conseil fut maintenu.
La seconde atteinte fut l'érection du quatrième membre
de Flandre (le Franc de Bruges), et les changements ap-
portés dans l'administration de la ville de Bruges, en 1439.
Jusqu'alors les ducs de Bourgogne avaient dû respecter
l'ancienne constitution de Gand; mais vers le milieu du
XV^ siècle, quand le duc Philippe, qui possédait déjà la
Picardie et l'Artois, eut réuni à ses possessions le Ilainaut,
le Brabant et la Hollande, il résolut d'abattre, à quelque
prix que ce fut, ce dernier boulevard des libertés du pays.
A l'occasion d'une gabelle que le duc voulut établir sur
le sel et que les Etats de Flandre refusèrent, Philippe se
brouilla avec la ville de Gand, croyant que c'était par l'in-
fluence du membre de Gand , que le subside avait été re-
jeté (1447), et afin de diminuer le pouvoir des Gantois,
il résolut de changer le mode de choisir les échevins et
prétendit que la charte oclroyée par Philippe le Bel, en
1301, fut exécutée à la lettre, sans égard aux changements
introduits depuis des siècles et reconnus par les comtes
ses devanciers.
Selon la charte de 1301, l'échevinage de Gand devait
( 420 )
être annuellement renouvelé. Le comte , ou des commis-
saires délégués par lui, choisissaient quatre électeurs, et
les échevins en nommaient également quatre au nom de la
ville. Si le comte n'envoyait point ses commissaires en
temps utile, les échevins avaient droit de nommer les huit
électeurs. Ces derniers choisissaient les vingt-six échevins,
divisés en deux Bancs, les échevins de la Keure et les éche-
vins des Parchons.
Mais de grands changements s'étaient introduits dans
l'administration de la ville de Gand et de toute la Flandre
sous la régence de Jacques Van Artevelde. A cette époque,
Gand se composait de trois membres : le membre des bour-
geois, celui des cinquante-deux métiers et celui des tisse-
rands. Chaque membre avait à sa tête un doyen, et ces
représentants des corporations jouissaient du même pou-
voir que les échevins; ils siégeaient avec eux. Le membre
des bourgeois avait droit d'élire trois échevins pour cha-
que banc; le membre des métiers, ainsi que celui des
tisserands, en choisissaient cinq, et ces candidats étaient
présentés aux électeurs par les doyens de chaque membre.
Les tribunaux des villes d'Audenarde , de Courtrai ,
d'Alost, du pays de Waes, des quatre Métiers, de Biervliet
et de Termonde avaient pour ressort l'échevinage de la
Keure, de Gand; les bourgeois forains [haechpoorters)
étaient pareillement placés sous leur jurisdiction.
Les bourgeois forains étaient des habitants de la cam-
pagne qui, inscrits dans l'une ou l'autre corporation de
Gand, choisissaient Gand pour domicile et n'étaient justi-
ciables que du magistrat de celte ville. Un grand nombre
de ces bourgeois étaient disséminés par tout le pays.
Les échevins de Gand entretenaient un corps d'oiiîciers,
appelés Chaperons blancs (1) [witte caproenen) , pour exé-
cuter leurs jugements et maintenir la police.
(1) A cause de leur costume.
( 421 )
Ce fut cette organisation que le duc làclia de changer.
Il voulut avoir une intluence directe sur la nomination
des échevins, et prélendit que le conseil de Flandre, qui
émanait directement de lui, servit de ressort à toute la
Flandre.
Pour parvenir à son but, il commença par contester le
mode établi d'élire les échevins et soutint par ses commis-
saires que la loi de 1301 fut remise en vigueur, A ce sujet
ilyeuldegrandesdiscusions, à la mi-août (i)de 1449, entre
les électeurs du comte et ceux de la ville. L'assemblée pour le
choix des échevins, dura trois jours. Cependant l'élection fut
faite selon les coutumes en usage depuis un temps immé-
morial. Le duc, fâché de se voir déchu de ses prétentions,
retira ses baillis et autres olîiciers de la ville de Gand.
Mais les Etats de Flandre intervinrent, et dans la session
qui eut lieu à Malines, il fut convenu entre la ville de
Gand et le duc, qu'une nouvelle élection aurait lieu à la
mi-carême (1450, nouv. s\.j\c),par manière de provision •
il y fut décidé que les huit éliseurs , sans que les deux
grands doyens, ni autre jiersmine quelconque s'en doye ni
devra mesler ou e^itremettre , choisiraient les échevins, et
pour ce que les ditz de Gand dient et maintiennent que
par ci-devant de tîès-loîig et ancien temps les éliseurs qui
ont été , ont fait leur élection des ditz vingt-six personnes
hors des trois membres de la ville de Gand , assavoir les
six du membre de la bourgeoisie, dix du membre des mes-
tiers et les autres dix du membre des tisserans , nonob-
staîit que ou devant dit privilège de V électioïi , ce ne soit
expressé ni contenu. A quoy par le procureur de mon dit
seigneur a été respondu entre autres choses, que si la dite
élection a été ainsi faite par ci-devant , ce a été de la
franche volonté et liberté des esliseurs, et sans auctme
(1) Époque du renouvellement annuel du magistrat.
( 422 )
contrainte nécessité ; encore 2ictr manière de provision et
sans préjudice du droit des parties et sans déroguer au
privilège cotnme dessus est dit, iceulx huit éliseurs ou la
cjreigneur partie d'eulx aussi de leur franc vouloir et sans
aucune contrainte , pourront eslire et éliront pour cette fois
les ditz vingt-six jjersonnes hors des ditz trois membres ,
assavoir six du membre de la bourgeoisie , dix du membre
des métiers et autres dix du membre des tisser ans , sans
ce toutefois que par ce soit aucun nouveau droit pétitoire
ou jiossessoire acquis ni con ferré à l'une ni à l'autre partie.
L'élection des échevins de la rni-août 1450, eut lieu
selon cet appointement et transaction. Mais le duc voulut
encore enlever tout pouvoir aux doyens, et soumettre le
tribunal des échevins de la Keure au ressort du conseil
établi par lui.
D'abord il tâcha de perdre les trois doyens, Daniel Ser-
sanders, Liévin Sneevoet et Lié vin De Potter, dans la con-
fiance que les corporations avaient en eux, et à cette fin
il envoya à Gand quatre commissaires, Pierre Tyncke,
Louis D'Hamere, Loy Coolbrant et Liévin Wic^e, munis
de lettres patentes, par lesquelles le duc déclarait que
les trois doyens étaient cause de toutes les difficultés sur-
venues entre lui et la ville de Gand. Le 9 juin 1451, un des
députés, Liévin Wicke, produisit ces lettres patentes en
plaine chambre des échevins ; ces lettres contenaient entre
autres (1) :
« De voorseide Daniel Sersanders, Lieveii de Potter, lÂeven
Sneevoet ende de hicere , hehhen gheloepen ende doen loepen,
(1) Les susnommés Daniel Sersanders , Liévin De Potter, Liévin Snee-
voet et leurs adhérents se sont mêlés , eux , leurs gens et alliés , le jour
et la nuit , parmi le peu])Ie: lui ont donné avis et renseignements contre
nous, dans le sens de leurs mauvais désirs et coupables prétentions,
leur assurant que nous voulons et désirons leur infliger des peines par
bannissemeut on autrement , parce qu'ils refusèrent de consentir à la
gabelle sur le sel , que nous demandions , il y a quatre ans environ. Ils
( 423 )
hy hueren lieden ende geallieerden , hy dagho ende by
nachtc , onder 'tgheniecne vole, ende hebben 't gheadverteert
ende ondenvesen , ende doen adverferen ende onderwysen al ter
conirarien van ons ende tôt hnren quadcn teille ende verdomy-
der meeninghen , zegghcnde ende doende stroyen onder 't ghe-
meene, dat icy se willen hebben ende begheren te hebben ghe-
corrigeert ende ghepugniert by banne oft andersins , omme dat
zy ons icederstonden ende wederseidcn de settinghe of bede van
den soute, die icy begheerden , dies es nu vier jaer of daer
ontrent' oec segghende dat icy de correctie ende pugnitie wel
ghedaen willen hebben up henilieden , maer die ons consentcrcn
wilden de voorseiden beden van den soute , ende die onse voor-
seide stede van Ghend ghestelt hebben in onser onghenaden ,
alsoe zy segghen , die draghen ende onderhouden tcy; ende en
tvillen niet ghedoeghen datter correxie of pugnitie afghesciede,
répandent aussi que nous désirerions bien les punir, mais que nous sou-
tenons et défendons ceux qui auraient voulu consentir à ce droit sur le sel ,
lesquels seraient cause que la ville de Gand a encouru notre disgrâce ,
et que nous ne voulons pas , qu'on leur inilige les peines qu'ils ont mé-
rité. Ils font aussi courir le bruit que je suis un prince injuste et mauvais
justicier. Ils agissent de cette manière, afin que le peuple leur soit sou-
mis et les soutienne, comme Seigneurs et Maîtres de notre ville, et afin
qu'ils se maintiennent dans leur gouvernement, à notre préjudice et
contre notre volonté. Ils disposent souverainement des offices de notre
ville , à leur profit , contrairement aux droits de notre seigneurie et pri-
vilèges de notre ville. De cette manière ils possèdent la ville de Gand,
contre notre volonté, et agissent comme s'ils en étaient les seigneurs,
et commandent au peuple comme s'il leur appartenait : c'est , pour ces
causes , que nous n'avons pas tenu notre résidence , ni ne la tenons
actuellement dans la dite ville , et surtout parce qu'ils disent et ré-
pandent que nous ne voulons pas faire justice , ni permettre qu'on la
fasse et qu'on punisse ceiix , qui sont cause que la ville de Gand est en
désaccord avec nous , et que nous les prenons sous notre protection
contre toute justice; cependant dans toute la cbrétienté nous sonmics
réputé pour un prince juste.... Nous avons ordonné et ordonnons à nos
aimés sujets Pierre Tyncke, Louis D'Hamerc , Eîoi Cowibrant et Liévin
Wicke, de déclarer, et de faire connaître , de répandre en notre nom,
partout où besoin sera, et aussi bien , en plaine séance des échevius
qu'ailleurs, le véritable état des affaires, afin que le peuple voie la vérité,
et sente combien on l'a trompé et séduit jusqu'à présent.
( 424 )
alsoe als icy se willen hebben up hemlieden , segghende voort,
alsoe ons anhrocht es , daticy prince van ongherechter justicien
zjin.... Endo dit doen zy omme te hliven hebbende ende t'on-
derhoudene onse voorseide ghemeene vole te hueren willen ende
in huer sithgectie , als Hecren ende Mecsters van onser stede ,
ende te blivene by huercr etinghe, siate ende gouvernemente ,
al ter contrarien van ons ende t'onsen oniville ende ondanke ,
alsoe voorseit es.,.. Dat zy van den ofjicien van onser stede
ghedaen hebben, t' hueren iville ende ghelieften, omme heur
ghesinguleerde profijt ende jeghen ende ter contrarien van onser
heerlijcheit ende van den privilegien van onser voorseide stede;...
ende jeghen onsen danc ende loille so houden zy besitten ende
ghebruken onse voorseide stede van Ghend, ende draghen hem-
lieden als Heeren van diere , ende niisleeden ende bedrieghen
ons aernie vole, ghelijc als oft hemlieden al toebehoerde , oni
dwelke uy ghelaten hebben ende alnoch laten te commen in ons
voorseide stede van Ghend ; ende ten surpluse daer zy segghen
ende stroyen dat. uy niet en corrighieren noch pugnieren en,
willen , noch ghedoeghen dat men corrigiere of pugniere de
ghuene , die 't wel verdient hebben, ende die onse voorseide
stede van Ghend ghestelt hebben in onser onghenaden , alsoe zy
segghen, ende dat wy die draghen ende bescudden jeghen rechf,
wy en hebben tôt noch toe , in aile de regione van kerstenhede
anders niet vermaert gheweest, dan over eenen prince, recht-
verdich ende van goeder justicien Hebben ghelast ende gheor-
dineert onsen gheminden ondersaten Pietren Tijnke , Lodewijc
Dhamere , Loy Coolbrant ende Lieven Wicke , dat zy allomme
ende overal daer des noot wesen soude , ende alsoe wel in de
vulle caniere van der wet, als eldre in onse voorseide stede van
Ghend, segghen , openbaren ende verclaren souden van onsen
weghe de waerheit van allen voorscreven zaken , tcn ende dat
onsen voorseide ghemeene vole van als onderwijst worde ende
daer af weet die gherechte waerheit , ende hoe dat tôt noch toe
hedroghen ende misleit is gheweest... »
En second lieu, il cila, le 26 juillet 1451 . devant son
conseil , lesdils doyens et les treize échevins de la Reurc
de l'année précédente (1450). Les doyens et échevins pro-
(^25 )
ieslèrent d'abord , soutenant que ces citations étaient
contre les privilèges de la ville de Gand, et que le conseil
du duc était incompétent pour les juger, que leurs juges
naturels étaient leurs pairs, l'échevinage des deux autres
membres de Flandre :
a Quœque etiam hujiismodi litterae et adjournamcnta essent
ci foretit contra privilégia , libertates, usiis etconsuetiidines ejus-
dem oppidi Gandensis, hacte nus etiam laudahiliter observata ,
imde per illas et illa ut sic ac aliis multis modis suis, loco et
tempore expriinendis, sentienfes se fore et esse oppressas et gra-
vatos, ac in dies plus posse opprimi atqiie gravari , ideoque à
litteris predictis , necnon potestate prefatis servienti etjanitori
per eas qiwmodolibet tradita, citationihtsque et adjournamentis
tnenioratis, ex certis scientiis et aliis omnibus melioribus modo,
via, jure et forma, quibus potuerunt, provocarunt et appella-
runt, ac quilibet ipsorum provocavit et appellavit, ^protestantes
expresse de hujusmodi eorum provocatione et appellatione insi-
nuanda, intimanda, notificanda et etiam proseqiienda, prouttihi
et quando fuerit ac erit oportunum et aliis prout esse moris at-
que stili. »
Cependant comme le duc présidait en personne son
conseil , ils comparurent à la troisième citation. Les éche-
vins furent accusés d'avoir, sans droit, banni Pierre Beys,
Pierre Heuribloc, Liévin Van den Pale et Gillis Ilugart,
officiers du duc; ce jugement fut annulé, et chacun d'eux
fut condanmé à un bannissement de vingt ans ; mais par
l'intercession des échevins qui gouvernaient alors la ville
de Gand, le duc ne fit pas exécuter la sentence , qui est
conçue en ces termes :
« .... Savoir faisons, que nous oyés et consltlerces toutes
choses dessus déclarées les confessions et recogaoissances
desdiz Ectorde Vuerhoute, Liévin Van der Stiche'.en. Rohrccht
van Merendré, Pieter Sersyraoens, Rog'ier Everwyn, Jehan
De Coninc, Roland de Wedergrate, Jehan Van den Bossche ,
Liévin Utendale, Gillis Tant, Loy De Pottelsherghe , Jt-han De
Cupere et Jehan De Yriese par eulx et chacun d'eulx faites ,
( 426 )
confessées et recognues sur les impétracion et demande de
nostre dit procureur-général en ceste partie et ainsi et par
la manière que dit est. Nous voulons nostre droit et seigneurie
en ce garder comme raison est, et tenuz y sommes, a nous
de notre autorité, seigneurie et puissance le ban par eulx
fait et prononcé sur et à l'encontre desdiz Pierre Beys, Pieter
Ileuribloc , Lievin Van der Pale et Gillis Hugart et de chacun
d'eulx , ainsi que dit est, déclare et déclarons par ces présen-
tes nul et de nulle valeur, et pour tel et comme fait par non
juge et qui n'avoient auctorité, ne puissance de ce faire,
l'avons miz et mettons du tout au néant par ces dites présen-
tes. Et en résumant , ce avons déclaré et déclarons comme
dessus, les diz Pierre Beys, Piètre llueribloc , Liévin Van den
Pale et Gillis Hugart et chacun d'eulx, quant à ce estre hom-
mes francs et liges en et partout nostre dit pays et conté de
Flandres et partout ailleurs, ainsi qu'ils étoient par avant
la publication dudit desraisonnable ban , en ordonnant et
commandant aux diz six échevins de Gand illecques présens,
pour eulx et leurs compagnons en loy absens, que le dit ban
et les diz Pierre Beys, Pierre llueribloc, Liévin Van den Pale
et Gillis Hugart, ainsi nullement et à tort banniz, ilz facent
trader et ester hors des registres de nostre dit ville de Gand.
Et en oultre veue et considérée la repentance et grande hu-
milité des dessus nommez Ector de Vuerhoute et de tous Icsdiz
autres ses consors en ceste partie, en faveur et contemplacion
aussi desdiz delà loy présente et de nostre dite ville de Gand,
qui moult humblement nous en ont supplié et requiz. Et par
espécial pour honneur et révérence de Dieu nostre benoit
créateur et voulans en ceste partie extendre nostre grâce et
miséricorde et la préférer à rigueur de justice, aux dessus'
nommez Ector de Vuerhoute, Liévin Van der Stichelen,
Robrecht Van Merendré, Pierre Sersymoens, Rogier Everwyn,
Jehan De Coninc, Roland De Wedergrate, Jehan Van den
Bossche, Liévin Utendale, Gillis Tant, Loy Pottelsberghe,
Jehan De Cupere et Jehan De Vriese, et a chacun d'eulx, en
inclinant favorablement aux supplicacions que dessus, a nous
quitié et pardonné et de nostre grâce espécial , quitons et par-
donnons par ces présentes les cas, offenses, meffais et delictz
( 427 )
dessus déclarez, par eulx commis et perpétrez à l'encontre de
nous et de nostre liaulteur et seijjneurie , Ijoniio famé et re-
nommée et à leurs biens non confisquiez sancuns en y a
ainsi qu'ilz estoient par avant, en imposant sur ce silence
perpétuel à nostre dit procureur-général et autres noz officiers
quelconques, satisfaction toutevoies faite a partie première-
ment. B
Mais le jugement qui condamnait les trois doyens au
bannissement , fut maintenu , malgré les promesses con-
traires du duc; et cet acte de sévérité causa un grand
mécontentement dans la ville de Gand.
Dans l'entrelemps, les députés du duc, Tyncke et DHa-
mere, continuaient leurs machinations, provoquaient des
émeutes et tâchaient de dominer les élections par la terreur.
Les Gantois envoyèrent une dépulation au duc, pour lui
faire des rémonslrances sur les troubles que ses envoyés
excitaient, et le prier de les éloigner de la ville; le duc
n'accéda point à leur demande, mais les maintint , ce qui
les rendit plus turbulents. Et quand éclala la conspiration ,
que Tyncke et D'Hamere avaient ourdie, pour massacrer
les principaux défenseurs des droits de la cité , les échevins
firent en vain des démarches pour que le bailli du duc
mit ses officiers en accusation. Le magistrat de Gand, envi-
sageant ce refus comme un déni de justice , traduisit les
deux criminels devant l'échevinage de la ville, qui les con-
damna à mort et les fit exécuter le 12 novembre 1451.
Le bailli et les autres employés du duc quittèrent de
nouveau la ville , et Philippe se prépara à la guerre. Il se
hâta de mettre des garnisons dans les villes du ressort de
Gand : à Audenarde, Alost, Termonde et Gourlrai. Les
Gantois, de leur côté , fortifièrent leur ville, construisirent
des remparts en plusieurs endroits, le long de l'Escaut,
dans le pays de Waes, et occupèrent les châteaux-forts qui
avoisinaient les villes possédées par le duc. Ils portèrent
aussi à la connaissance des États de Flandre le sujet qui
( 428 )
les forçait de recourir aux armes pour se défendre con-
tre l'agression imminente, et demandaient son interven-
tion; ils envoyèrent des meseages pour demander appui et
secours aux états voisins, à la ville de Liège , aux villes de
Hollande , aux gouvernements anglais et français. Nous
insérons ici la lettre qu'ils transmirent au roi de France,
parce qu'elle contient en partie les causes de cette guerre,
et donne un tableau fidèle du gouvernement arbitraire de
ce duc, que les écrivains serviles, aux gages de la cour de
Bourgogne, n'eurent pas honte de surnommer le Bon (1) :
a Très-excellent, très-haut et très-puissant prince, notre
très-cher sire et souverain seigneur nous nous recomman-
dons à votre royale Blajesté , tant et si très-humblement que
selon nature pouvons et vous signifions, très-excellent, très-
hault et très-puissant prince, notre très-cher sire et souverain
seigneur qui sur touts aultres devez être véritablement et
pleinement informé du gouvernement de ce pays de Flandres,
ensemble de Testât, affaires et dispositions de cette ville,
comment nous et les autres inhabitans d'icelui pays de Flan-
dres, avons longuement été grevés et chargés en plusieurs
divers manières, à scavoir par vendition et prestz de baillages
et autres ofiB.ces, lesquels pour ce ont été mis ez mains des
plus ofFrans, sans avoir eu regard aux personnes y commis
ne au bien de justice, icelle justice ausssi dissoulant et mettant
arrière. Après ce, par augmentation de viels toulieux et insti-
tution de nouveaux et les tenir, faire cueillir et recevoir outre
les termes consenties et accordées et contre la promesse et
scellé de notre très-redoubté seigneur et prince Monsgr. le
due de Bourgogne, comte de Flandres, aussi par tailles que
au commencement les a par doulceur et amiableté obtenus,
et depuis par subtilité, fraude et malice, et enfin mis force de
les obtenir violentement et par rigueur; avec ce par malvaix
(1) Nous sommes tentés de croire que le surnom de ^on a été donné
par ironie à ce Philippe de Bourgogne, dont le règne est inscrit en
{ettres de sang dans l'histoire de Liège et dans celle de la Flandre.
( 429 )
gouverneurs de \oy on cette dite ville , usaiis noloirenieat et
publiquement de voulenté , haine et avarice , donnant et dis-
cernant d'une seule manière , rendre en ses sentences abusives
et contrariant l'un l'autre devant deux parties, dont l'une
matière ne puet (juc l'une d'icclle avoir droit, vendans les
petits offices en cette dite ville , et prenant arf^^ent beaucoup
de fois des deux ])arties qui avoient à faire devers eulx à loj-,
rapinant et pillant par l'autorité de leur gouvernement de
toutes parts ce qu'ils ont peu; tant les biens de cette ville ,
comme aultrement, sans rien espagner et sans honte, ne
ceulx qui étoient povres à l'entrée de leur gouvernement su-
bitement ainsi enrichans, et délaissant les droits, privilèges,
franchises et liberté ou très-grand grief et cession de justice
de nous tous, et de plusieurs autres dudit pays (de Flandres), et
malvaix gouvernement et griefs, charges et plusieurs autres,
desquels l'en fera bien répétition en temps et lieu quant
besoing sera , par nous longuement endurées et souffertes et
trouve moyen que tels malvaix gouvernemens aient été dc-
bourse/v et privez dudit gouvernement, il a pieu à notre dit
très-redouté seigneur et prince, eulx et leurs adhérans, rece-
voir devers lui et les faire nommer en une générale congréga-
tion de ses trois Etats dudit son pays de Flandres, mandés
devers lui en sa ville de Malines ses espéciaulx amis, et nous
remontrer son indignation, et par leur advertissement ester
ses baillis et aultres officiers , nous délaissant et abandonnant
sans justice sept mois ou environ, et sans nous vouloir rece-
voir en sa grâce ne à une excusation, quelques humbles su-
plications, prières et requestes que lui avons sur ce faites et
fait faire par plusieurs et diverses fois, et ne pusmcs oncques
aultres choses obtenir que seulement lesdits baillis et officiers
qui nous furent renvoyés par provision. Et quant nous cuisda-
mes iceluy justice estre faite et administrée à ung chacun
sans exception de personnes, ainsi qu'il appartcnoit, et qu'ils
par nous requis ils le refusèrent par charge limitée qu'ils se
dirent avoir de notre dit très-redoubté seigneur et prince
de non procéder au préjudice de son gouverneur. Ainsi
n'étoit-ce que une fiction et umbre de justice pour contenter
le monde, que plus est. très-excellent, très-haultet très-puis-
29
( 430 )
sant prince, notre très-cher sire et souverain seigneur, les
malvaix. gouverneurs et leurs adhérons, ayant grant cré-
dence devers notre très-redoubté seigneur et prince, ont de-
puis tout ce envoyé en cette dite ville quatre nialvaix garçons,
et les telement qu'ils avoienl en propnst de y faire de nuit
ung crypar eulx advisé pour tuer leurs adversaires , et obtin-
rent lesdits nialvaix gouverneurs de notre dit très-redoubté
seigneur et prince que iceulx malvaix garçons eubrent ses
lettres patentes sous son scel de secret, contenant saulvegarde
de leurs personnes , et charge de dire et proposer devant
son peuple certaines choses au préjudice de notables person-
nes de ceste diste ville, ce qu'ils feirent en générale congré-
gation de peuple que nous appelions collace, et se advan-
cèrent de jour et de nuit en ce et en plusieurs autres choses
de émouvuir ledit peuple et détruire ceste dite ville se ils
eussent peu et sceu leur perverse inique et malverse voulenté
de faire le mal dont dessus est touchié. Les deux des quatre
furent prins et par l'absence desdits baillis et officiers qui ne
vouloyent entendre à l'exécution d'iceulx, mais se partirent
pour ce de ceste ville (de Gand), examinez, et depuis publi-
quement recognoissans leurs mauvaisetiez et dénommant
ceulx qui leurs en avoient donné la charge, décapitez, et
lesdits baillis et officiers se sont depuis continuellement tenuz
absens , et notre très-redoubté seigneur et prince nous a dé-
laissiez sans justice et de tout abandonnez, auquel étatsommes
encore. Jaçois ce que depuis nous avons envoyé notables am-
bassades des trois Etats de son dit pays de Flandres , et aultres
devers lui pour être mis en sa grâce et en justice, à laquelle
cause à la fin de éviter les desroys , roberies , grilleries, en-
sorcemens de femmes et aultres malvaises opérations deshor-
données, qui sans crainte eussent peu sourdre et multiplier
en ceste dite ville , veu que multitude de peuple ne puet être
conduite ne gouvernée sans justice , ou au moins sans crainte.
Il nous a convenu par grande nécessité pour être en crainte et
gouverné eslire chievetaignes, lesquels prenans les tenues de
justice au plus droiturcement qu'ils ont peu , et selon leurs
consciences, ont conduit et encore conduisent ledit peuple, et
ont fait et font toutes manières d'exécutions corporelles et
( 431 )
autres. ¥a combien que toutes extorsions, forces, violences,
griefs et exactions, nous avons patiament souffertes, cuidans
par ce convaincre, il a enfin pieu à notre dit très-redoubté
seijl^neur et prince, pour nous totalement détruire, faire pu-
blier ses mandemcMis de guerre, assembler son peuple... mettre
garnison en plusieurs de ses villes en son dit pars de Flandres
et clore les passages pareaue, par lesquels nous sont accoutu-
més estre menés bleds et aultres vivres , et ainsi sommes en
plaine guerre et nostre dit très-redoubté seigneur et prince ,
nous y)ar lesdits malvaix gouverneurs et leurs adliérans, la-
quelle guerre jncoit ce quelle nous est moult dure griefve
et desplaisant, plus que quelconque aultres que pourviesmet
avoir comme raison est. Car tous vrajs naturelz sujets doivens
sur toutes choses bien comprendre et doloir la rigueur et in-
dignation de leur naturel prince, nous avons entention, par
l'aide et grâce de Dieu, soutenir, puisque par nécessite et les
raisonsdessus touchées, le nous convient faire à la conservation
de notre dit souverain seigneur, estes gardien et conservateur
au mieux que pour vous, et nous à ce appliquer de corps,
chevance et de tout notre pouvoir, en vous suppliant, très-
excellent, très-hault et puissant prince, notre très-cher sire
et souverain seigneur en toute humilité, que de votre très-
noble et bénigne grâce vous plaise en ceste matière que vous
signiflfions, ainsy que naturellement tenus et obligez y som-
mes, et laquelle vous eussions despiecha signiffiée, se n'eussions
épn reigné de faire complainte de notre dit très-redoublé sei-
gneur et prince, et espère qu'il se deust avoir ravist de nous
conduire en justice et recevoir en sa grâce remédier gardant
votre haulteur et souveraineté, ainsi que à vous et votre très-
noble conseil semblera pertinent et expédient, et nous par ce
porteur sur ce signifier votre très-noble responsce, et icelui
porteur brief expédier, veu que le cas requiert célérité , afin
que nous sceu par icelle votre réponce ce qu'il vous en plaira
faire, nous puissions conduire et ordonner selon que besoin
nous sera. Au surplus, très-excellent, très-hault, très-puissant
prince, nostre très-cher sire et souverain seigneur, vous ren-
drons très-humblement de la bonne, franche amour à nous
remonstrée par ceux de votre cité de Tournay en cditz par
( 432 )
eulx publiez, à notre proufit, contenant défence que nul de
votre dit cité, né du Tournesis, ne nous fasse griefs ni guerre
en aulcune manière, pareillement de leurs très-amiables let-
tres depuis à nous envoyées, et se chose vous plaist nous com-
mander, nous nous offrons prêts et appeiller de l'accomplir de
bon loyal cuer à notre pouvoir, ainsy que vrays sujets doivent
et sont tenus de faire. Ce le Saint-Esprit qui votre très-excel-
lente, très-haute et très-noble personne ait en sa sainte garde,
et vousdoint bonne, victorieuse vie et longue, et accomplis-
sement de tous vos bons et très-nobles désirs. Écript en la
ville de Gand, le S-i'"" jour du moys de may , l'an 52.
Soussigné vos très-humbles et obéissans sujets les chévetaines,
échevins des deux bans , deux doyens-conseillers et toute la
communauté de la ville de Gand. »
Nous avons voulu donner dans cet article la mesure du
régime arbitraire d'un prince qui , étranger à nos mœurs,
à notre esprit d'indépendance, à tout ce qui nous était
cher, inspira aux Flamands une si juste et profonde aver-
sion pour cette domination des ducs de Bourgogne, qui
détruisit chez nous privilèges, libertés publiques et lan-
gage , qui faussa le caractère national , et nous rendit bâ-
tards au milieu d'un pays où les populations avaient tou-
jours conservé leur cachet d'originalité.
Les élections communales de Gand , de 1449 sont, pour
ainsi dire, le premier acte de ce drame sanglant qui ne
finit qu'à la mort d'Hugonet et d'Humbercourt, personni-
fication véritable du régime du bon plaisir des ducs de
Bourgogne.
Ph. Blommaert.
( 433 )
SUR LE PEINTRE VERIIAGIIEN.
—'-■BQi-)^itOts~~
Une négligence, qu'on pourrait peut-être qualifier
d'impardonnable, a lait oublier un peintre, dont notre
patrie peut s'enorgueillir à juste titre; mais cela s'ex-
pli(jue facilement : Verhaghen florissait malheureuse-
ment à une époque où tout ce qui était national était
reprouvé ; et notre vieille Ecole flamande , au coloris
brillant et suave, fut oubliée pour la couleur pâle de
l'école française de David; nos gracieuses compositions
durent alors céder le pas aux dessins roides et froids du
protégé de l'Empereur. Tout ce qui n'était pas de David,
tout ce qui n'était pas grec ou romain , paraissait à
peine digne d'attention.
Verhaghen, dont le pinceau original et fécond , s'était
acquis une réputation méritée sous le gouvernement autri-
chien, fut entièrement négligé après l'invasion française. Ce-
lui qui aurait admiré Verhaghen, lui, si partisan de l'Ecole
flamande, aurait été digne de figurer parmi les Pékins <^.\.
les têtes yothiques; car son genre facile et léger ne pou-
vait imiter la raideur exigée par la mode, et son pinceau
gothique rappelait trop notre vieille École. Verhaghen
était tellement négligé, que sa mort même passa inaper-
( 434 )
çue. Je lâcherai de relever la mémoire de cel artiste
distingué; peut-être lui assignera-l-on une place honora-
ble dans la galerie de nos peintres.
Pierre-Joseph Verhaghen naquit à Aerschot, le 19 mars
1728. Son père Guillaume, qui était receveur de cette
ville, lui donna une éducation, assez soignée pour cette
époque. Après avoir appris les premiers éléments de la
langue latine, il quitta son école à làge de 12 ans, et
s'adonna à la peinture par un hasard singulier. Un pein-
tre, nommé Van den Kerkhoven, ayant été appelé à Aer-
schot pour y nettoyer les tableaux de l'église de Notre-Dame,
remarqua le jeune Verhaghen, qui suivjiit constamment
ses travaux avec une attention toute particulière. Après
avoir examiné quelques-uns des dessins que Verhaghen
avait exécutés sans guide ni conseil, Van den Kerkhoven
crut qu'il pourrait en faire un excellent artiste, propre à
nettoyer les tableaux. Il lui donna d'abord quelques des-
sins à copier, et se l'attacha ensuite comme élève ou plutôt
comme apprenti. Verhaghen suivit son maître à Ihôpital
d'Aerschot, où il nettoya quelques tableaux ; de là il se
rendit au couvent de Parc-les-Dames, ensuite à Thestel et
à Everbode, pour y peindre une maison, appartenant à
l'abbaje. Revenu à Aerschot, toujours en compagnie de
son maître, il le quitta finalement, parce que les affaires
de Van den Kerkhoven le conduisaient trop loin.
Les progrès de Verhaghen , firent songer ses parents à
l'envoyer à l'Académie d'Anvers, alors dirigée par Beschey.
Il s'y rendit effectivement le 21 octobre, 1741.
Après avoir quitté cette école, il se fixa à Louvain, où
il épousa, le 28 janvier 1753, une demoiselle de cette ville,
nommée Jeanne Hensmans, qui le rendit père de sept
enfants, dont quatre garçons.
Travailleur infatigable, Verhaghen produisit une masse
de tableaux, qui se distinguaientpar un coloris particulier.
( 435 )
Sa répulation parvint enfin jusqu'au prince Charles de
Lorraine, qui le décora du lilrc de son peintre ordinaire,
le 13 mai 1771. Dès lors sa fortune parut assurée. L'impéra-
trice Marie-Thérèse, qui savait si bien encourager et pro-
téger les arls, résolut de le faire voyager aux frais du
gouvernement.
Il partit donc pour l'Italie, avec sou fils aîné, le 16
mai 1771; il visita la France, la Sardaigne, toute lllalie
et les pays soumis à la domination de f impératrice. Ver-
haghen avait laissé de son voyage une description exacte
et intéressante, rédigée par son fils; mais mallieureusement
elle est perdue. Tout ce que j'en connais m'a été commu-
niqué par son petit-fils, M. Quirini, de Louvain, d'après
les renseignements tirés des lettres que notre peintre
écrivit à son épouse
Arrivé à Paris, il y vit les principaux artistes de celte
capitale, entr'autres Pierre, premier peintre du roi; Well,
son premier graveur , et Chocin, son premier dessinateur
et architecte. Ces artistes l'engagèrent avec instance à
peindre l'un ou l'autre sujet; mais Verhaghen s'y refusa,
alléguant que fimpéralrice ne l'avait pas fait voyager
pour rester en France. 11 se rendit donc directement à
Lyon, et le 15 juin il écrivait à sa femme : « Qu'il avait vu
sur la route de très -beaux paysages; qu'il n'en avait
jamais rencontré de semblables, ni sur les tableaux, ni
sur les estampes; qu'il avait trouvé dans la voilure un
monsieur du Canada, resté sauvage jusqu'à l'âge de qua-
torze ans, et devenu maintenant l'homme le plus poli
du monde. » Il se vantait surtout des politesses et des
prévenances dont il avait été l'objet pendant toute la
route.
Ayant quitté Lyon le 18 juin, il commença deux jours
après, à parcourir les Alpes, dont il donne une description
simple et naïve. Enfin, il arriva à Rome le T'aoùl et y reçut
( 436 )
(le Denoot la lettre suivante (l) : Ik heb bei/do Ul. hrieven,
deti eersten uyt Milaenen en den tweeden uyt Bologne , wel
ontfangen , uyt welktrs inhout d'heer Méan een înemorie
heeft ojjgesteld en behandigt aenZ. U. denprins Stahren-
berg , die my [cdsoo JJl. mentie maekt ue. eenige historien
voor te stelle?i om voor de M. te schilderen en welkers com-
positie ghy in Italie synde soud konnen studeren) belast
heeft hem sommige op te geven. Il a donc cherché un
sujet dans la mythologie, le Testament et l'histoire an-
cienne, et il s'est finalement arrêté à Joas , mis sur le
trône en présence d'Athalie, ou bien au sacrifice d'I-
phigénie. Denoot engage Verhaghen à bien étudier et
à se pénétrer des chefs-d'œuvre qu'il rencontrera dans
l'Italie; et, afin qu'il ne paraisse pas être oisif, il lui
conseille de peindre quelque petit sujet , comme une
Madone avec S'-Jean et S'^-Thérèse, ou quelqu'autre
composition de ce genre.
Il peignit effectivement un Christ sur la croix, tour-
menté par les douleurs; cette petite composition fit déjà
du bruit dans le monde artistique de Rome; mais ce fut
surtout son Christ à Emaûs qui obtint un véritable suc-
cès : les Italiens ne voulaient ou plutôt ne pouvaient
croire que ce tableau fut de Verhaghen : ils durent s'en
assurer de leurs propres yeux. Rome fut tellement charmée
de son coloris, que sa réputation parvint jusqu'au pape
Clément XIV, qui voulut connaître notre peintre. Après
l'audience, le saint-père lui accorda indulgence plénière,
à l'heure de la mort, pour lui, ses parents et alliés jus-
(1) Traduction: J'ai reçu vos deux lettres, l'une datée de Milan ^
l'autre de Bologne. M. Méan a rédigé un mémoire , d'après leur con-
tenu . et l'a envoyé à S. A. le prince Stahrenberg . qui m'a chargé
de vous indiquer quelques sujets. De cette manière, vons serez à même
de peindre pour S. M. l'un et l'autre sujet historique, dont vous pourrez
étudier les modèles en Italie.
( 437 )
qu'au troisième degré et pour trente autres personnes à
son choix , et il lui donna en outre deu\ médailles
en or.
Les églises de S'-Norbert et des Récollels belges, à
Rome, voulurent posséder un de ses tableaux; la pre-
mière eut le Christ à Emaûs, et pour la seconde il exé-
cuta un S'^-Pierre,
Muni de bonnes lettres de recommandation, il vit à
Rome et dans ses environs tout ce qu'il y avait de plus
remarquable et de plus curieux. Il y lit quelques acquisi-
tions en tableaux, ligures, estampes, dessins d'architec-
ture, reliques, etc. Quelquefois en parlant d'un tableau
qu'il a vu, il se hasarde dans les lettres, qu'il écrivait à sa
femme, de donner ses opinions sur l'École italienne. C'est
ainsi que j'ai remarqué une lettre du 11 juillet 1772,
dans laquelle il dit : Hoc langer hoc meer verwnnder ik
my over die schoone en corecte sckilderinge van de ita-
liaensche meesters , bezonder Raphaël is wonder aenge-
nacvi. Hadden se de kloeke ordoiinantie gehad van onzen
Rubhens, dat had loonderhjk geweest'^ ieder figuer is tvon--
derlyk geteekend en ook zoo schoon en corekl geschildert;
ik zal 't mondelinkx heter expliceren (1). Un peu plus
loin dans la même lettre , il parle de l'impression que son
tableau a produit à Rome : Mijn stuk is volmackt en bevalt
ieder zeer iconderlyk; 't is nog tocl dat ik het nu maerlaten
toonen heh, nu ik o/j het vertrekken staen (2). Car, con-
(1) Traduction: Plus j'examine les tableaux, pins j'admire la manière
correcte et belle des peintres italiens. C'est surtout Raphaël (jui est admi-
rable. Si ces maitres avaient produit des compositions aussi vigoureuses
que celles de notre Rubens , leurs tableaux seraient atlmirables ; le
dessin de chaque ligurc est supérieurement bien soigne : je l'cxplicpierai
mieux de vive voix.
(2) Mon œuvre est achevée et plait singulièrement à chacun : c'est
encore bien que je ne l'ai exposée que maintenant , au moment de mou
départ.
( 438 )
tinue-l-il, si les Italiens m'avaient connu plutôt, j'aurais
eu trop de commandes; » et il n'aurait pas pu songer
à son retour, que sa femme pressait ardemment. Car
chaque lettre qu'elle lui envoyait était écrite dans ce but;
et Verhaghen, de son côté, faisait toujours des promesses
qu'il ne tenait pas, parce qu'il lui était impossible de
quitter ce pays enchanté. Pour ne pas trop la mécon-
tenter, il lui donne de temps à autre une description
naïve de tout ce qu'il rencontre, et il n'oublie pas de lui
rapporter ces cérémonies et ces spectacles pompeux, qu'on
ne rencontre que sous le beau ciel de l'Italie.
Après avoir été reçu de nouveau par le pape, qui lui
accorda des indulgences plénières, il quitta enfin Rome,
le 24 avril 1773. Ensuite il visita toutes les autres villes
de l'Italie, et arriva finalement à Vienne, où l'impératrice
le reçut. Il lui présenta son Christ à Emaûs , et un autre
tableau, représentant un trait de la vie de S^® -Thérèse,
patrone de l'impératrice; elle le trouva si beau, qu'elle
le fit mettre dans sa chambre à coucher. Son Christ fut
placé dans la chapelle du palais, et un troisième tableau
figura dans la galerie impériale, où son S'-Etienne brillait
déjà avec tant d'éclat.
L'impératrice le nomma son premier peintre et lui
donna une tabatière en or, avec le portrait en émail de
Marie-Christine. Elle voulut le retenir à sa cour, et lui pro-
mit même d'y faire venir toute sa famille ; mais il aima
mieux retourner dans sa patrie.
Il arriva finalement à Louvain, le 24 octobre 1773.
Tant de monde alla à sa rencontre, qu'il n'y eut plus
moyen de trouver en ville, ni chevaux, ni voitures. Un
de ses amis, le peintre Van Dorne , composa un poème à
l'occasion de son retour.
Sa nouvelle fortune ne fil qu'augmenter son courage; il
produisit encore une masse de tableaux. Enfin, il mourut
( 439 )
à Louvain le 3 avril 1811, et fut inhumé à Willzel.
Il élail honnête homme, artiste vertueux, ami des
mœurs, bon chrétien, simple et naïf dans sa manière de
■vivre, et, ce qui était rare pour un artiste de cette époque,
il était-trés-inslruil.
Je me permettrai maintenant d'ajouter quelques obser-
vations sur les tableaux de Verhaghen et sur son faire.
Ses premiers essais, quoique très-faibles, commencent
déjà à se distinguer par un coloris tout particulier ,
dont lui seul connaissait le secret; car tous ses imita-
teurs ont élé malheureux sous ce rapport. A côté d'une
couleur foncée, il aimait à placer son blanc, qu'il savait
rendre d'une manière si vive et si éclatante, que l'on a
cru long-lemps que Verhaghen possédait un secret parti-
culitr pour préparer cette couleur; mais son seul secret
consistait à employer son blanc à propos.
De même que Rubens aimait à jeter le rouge avec pro-
fusion sur ses toiles, de même Verhaghen y répandait lar-
gement l'oulre-mer. Son coloris devint encore plus bril-
lant et plus clair, lorsqu'il fut de retour de l'Italie. 11 sut
alors mêler à la couleur de chair une teinte bleuâtre, qui
donnait à ses figures un air de santé et de fraîcheur, qu'il
aurait élé difficile d'imiter autrement. Pour ce qui regarde
les draperies, les broderies, les habits pontificaux, les
tapis et tous les métaux en général, il savait peindre ces
objets avec tant de naturel qu'il serait impossible de l'imi-
ter. Sous ce rapport, il pourrait être d'une grande utilité
à nos jeunes artistes.
En général , son coloris était toujours poussé au bleu
clair, et je ne me ressouviens que de quelques rares ta-
bleaux dans lesquels il a employé le rouge; le jaune ne fut
appliqué qu'aux métaux. Les ciels de ses tableaux étaient
( 440 )
le plus souvent lourds, compacts et poussés au gris; car
s'il y avait mis du bleu, les couleurs bleuâtres de ses com-
positions n'auraient pas produit d'effet.
Ses compositions sont en général bien groupées, les
plans bien distribués; son pinceau léger et flexibe animait
toutes ses figures, mais malheureusement les têtes ne di-
saient jamais rien : on n'y trouve aucune expression (1).
On peut seulement deviner les passions de ses figures par
la pose qu'il leur a donnée, et surtout par les flexions im-
primées aux curieux, qu'il aimait toujours à placer sur
ses toiles depuis son retour de l'Italie. Ses têtes de femmes
avaient toutes un air de famille et de consanguinité qui
finit par ennuyer; mais il n'en était pas de même de celles
de ses vieillards , il savait leur donner une noblesse et
une dignité que peu d'artistes parvenaient à obtenir.
La fécondité du pinceau de Verhaghen lui faisait
négliger très - souvent le dessin et le fini de ses ta-
bleaux.
Au reste, je pense que le faire de Verhaghen n'est pas à
dédaigner ; il a suivi dans son coloris une route toute dif-
férente de celle de ses devanciers , et si on ne trouve pas
dans ses compositions un haut degré de perfection, on ne
contestera pas du moins qu'elles ne soient remplies de
génie. D'ailleurs Verhaghen était le seul peintre d'histoire
qui, à la fin du siècle passé, soutint la vieille réputation
delÉcole flamande. « La patrie des VanDyck, des Kubens
et des Crayer, dit le voyageur dans les Pays-Bas, en 1782,
peut à peine nommer deux peintres d'histoire, qui puis-
sent espérer d'être comptés parmis les grands hommes qui
ont rendu l'École flamande une des plus célèbres de l'Eu-
(1) Verhaghen était aussi uu malheureux peintre en portraits; il ne
savaifc'jamais saisir nne ph}sionomic.
{ 441 )
rope. L'un de ces peintres se nomme Verhaghen (1). » Ne
serait-il donc pas juste d'assigner à Verhaghen une place
parmi les peintres de notre brillante Ecole flamande ?
Pour faire connaître la fécondité de Verhaghen , je
me permettrai de donner ici , d'après le poème de Van-
dorne, une liste des tableaux qu'il peignit avant son dé-
part pour l'Italie :
Au collège de Berg à Louvain, la Naissance du Christ,
l'Adoration des Blages, l'offrande de Siméon, la Samari-
taine , le Christ nourissant 5000 personnes , le Christ avec
S*-Pierre près de la mer, le Christ sur le mont Thabor,
la Cène, la Résurrection, l'apparition à la Madelaine, la
descente du S'-Esprit; dans l'église de Tourine, la Madelaine
dans la maison du Pharisien; au petit collège à Louvain,
l'offrande disaac ; dans l'église des Sœurs-Noires à Lou-
vain. l'Adoration des Mages; au collège Baius à Louvain,
l'Assomption et une autre au collège S'-Michel; chez
M. Franzen, une allégorie sur l'hiver; au collège Pels, un
tableau de fleurs avec le Christ et S'-Jean; au collège
Viglius, la séparation d'Abraham et de Loth, la mort
d'Abel; à Etegem dans l'église, la Naissance du Christ, les
Liens de S'-Pierre: dans l'abbaye de Parc, deux épisodes
tirés de la vie de S'-Norbert (2); dans l'église de Lenninck ,
le Christ à Emaûs, S'-Pierre recevant les clefs; dans l'église
de S'-Quintin à Louvain, un purgatoire, qui appartient
à ses premiers ouvrages, deux tableaux d'après Crayer
représentant le Calvaire (3) et le martyre de S'-Quintin ,
le Christ au jardin des Oliviers (4) ; dans l'église de Lan-
(1) Le Voyageur , tom. I. , pag. 163.
(2) Après son retour de l'Italie , il a peint une foule de tableaux pour
cette abbaye.
(3) Il se trouve aujourd'hui dans l'église des Béguines à Louvain.
(4) Dans la suite il y ajouta cinq autres tableaux . dont les sujets sont
tirés delà Passion.
( 442 )
den, un Calvaire, qui est un de ses meilleurs tableaux;
chez les Frères-Mineurs, à Diesl, huit tableaux, représen-
tant des saints de cet ordre; à Louvain chez les Frères-
Mineurs. 1 3 tableaux dans le même genre, et un Christ sur
la croix, et dans leur église, la mort de S'-François et celle
de S'-Antoine; à Terbank, près de Louvain, un Christ et
un portrait de la supérieure; dans l'église d'Aerschot, le
lavement des pieds; au collège Vandael, 11 tableaux, tirés
de la vie de S'-Pierre, Pierre conduit par André chez le
Christ, sa vocation , Pierre chez le Christ , près de la mer,
reçoit les cle!'s, coupe l'oreille de Malchus, renie le Christ,
sa pénitence, la Pèche, la mort d'Ananie , la guérison des
boiteux, son martyre; chez M. De Bruyn à Louvain, une
Assomption; dans l'église des Dominicains à Louvain, une
Annonciation, la Visitation, la Naissance du Christ , l'of-
frande de Siméon, nn Calvaire, une Ascension, une Assomp-
tion; au collège hollandais, à Louvain, la Présentation,
l'Annonciation, la Visitation, la Vierge se reposant en
chemin avec Jésus et Joseph, l'Assomption.
Dans l'église de S'-Pierre à Louvain, cinq tableaux,
dont les sujets sont tirés de la vie de S'<^-31arguerite; dans
la chapelle de S«-Job à Louvain, un S'-Job (1); dans l'église
(1) Voici ce que le Voyage-ir des Pays-Bas en dit : « Dans la chapelle
qu'on nomme ici S'-Job, j'ai vu avec beaucoup de plaisir un tableau de
Verhaghen : il est composé avec esprit : il représente Job, assis sur une
pierre, au milieu d'un fumier; rien de i)lus naturel que l'attitude du
saint : le peintre n'a pas chargé sa composition: elle est simple : on n'y
voit point, comme le font ordinairement ceux qui traitent ce sujet , une
foule d'esprits infernaux acharnés à tourmenter Job : un seul de ces es-
prits parait dans les airs. On regarde ici ce tableau comme un des meil-
leurs qu'ait fait Verhaghen. L'on m'a dit que M. Josse, de Bruxelles, en
possédait deux du même maître qui représentaient la continence de
Scipion et celle d'Alexandre ; que M. d'Aguilar, pensionnaire des États,
possédait aussi un beau tableau de Verhaghen, qui représentait Abraham
renvoyant Agar , et que ce peintre considérait ce morceau comme
( 443 )
des Récollels à Halle, un S»-François et un S'-Antuine;
chez le consellierVan den Brandon, à Bruxelles, un Christ
à Emaûs; le même sujet se trouve dans l'église de ïurn-
hout; dans l'église de Cosen, un Calvaire: à Auwaert, une
Trinité; dans l'abbaye d'Averbode, diflérenles toiles très-
grandes et qui sont très-eslimées; les romj)ositions en sont
pleines de vie, mais les ciels méritent {jueUjucs rej)roches:
à Gand chez les Dominicains, l'offrande de Siméon; à
Hinsbergen, la Trinité couronnant la Vierge ; dans la ga-
lerie de Vienne, un S'-Etienne qu'on fait passer comme le
plus remarquable de ses tableaux, et pour lequel l'impé-
ratrice lui envoya cinq médailles en or, en témoignage de
sa satisfaction; la continence de Scipion, envoyé à l'im-
pératrice à Vienne: les filles de Loth, dont je viens de
parler dans la note; Virgile, lisant ses poésies devant Au-
guste, fut envoyé en Angleterre; une 3ladelaine aux pieds
du Christ dans l'abbaye de S'^-Gerlrude à Louvain. Tous
ces tableaux, que j'ai donnés à peu près dans l'ordre dans
lequel ils furent peints, ont été achevés depuis 1754 jus-
qu'en 1771.
Depuis son retour de l'Italie, il peignit une foule de ta-
bleaux qu'il serait presqu'impossible d'énumérer ; on en
voit un dans l'église de S'-Rombaut à Malines, plusieurs
autres dans l'église des Frères-Celliles à Louvain, où on
remarquera surtout le Christ, expliquant la loi nouvelle,
qui est d'un effet surprenant. Chez son fils, M. le curé
Verhaghen, à VVakkerzeel , on admire un Dieu le Père,
dont les habits pontificaux sont un véritable chef-d'œuvre.
un des meilleurs qu'il eut fait : quand je retournerai à Bruxelles, j'irai
voir s'il mérite l'éloge qu'il en fait. Je verrai aussi Loth et ses filles qui est
dans riiôtel d'Arenberg , dont plusieurs personnes ici m"ont parlé avan-
tageusement ( le Voyageur , tom. II , pag. 287 ). »
( 444 )
Verhaghen eut un frère, nommé Jean Joseph, et qu'on
désigne vulgairement par le nom de Pottekens-Verhaghen.
Il s'attacha surtout à peindre des pots et autres ustensils
de ménage, qu'il savait rendre avec une vérité frappante;
il avait aussi un talent supérieur pour peindre les métaux.
Quelquefois il se hasardait à peindre un intérieur d'une
maison villageoise avec quelques figures, d'une assez bonne
exécution ; mais les pots étaient la principale partie de son
tableau. On en trouve deux ou trois d'une exécution supé-
rieure chez M. l'avocat Quirini , à Louvain , et quelques-
uns, mais moins bons, dans les serres de M. Plaschart à
Wespelaer. On en rencontre très-souvent des copies, et il
faut être sur ses gardes pour ne pas se laisser tromper. Il
en est de même des tableaux de son frère.
G. PiOT, Avocat.
{ 445 )
toatcant
(note pour servir a bne biographie toursaisienne ).
Nicolas-Philippe Watcanl, chanoine de Tournai, vivait
au commencement du XVIIP siècle. C'était un homme
très-leltré ; il entretenait des relations avec plusieurs éru-
dits de l'époque, entre autres avec Jacques Lenfant, Ba-
luze, le P, Lelong, etc. Sa bibliothèque était riche en ma-
nuscrits et en curiosités littéraires. Lié d'amitié avec Jean
Godefroy, il lui procura plusieurs lettres originales de
Louis XII, de Marguerite d'Autriche, de Charles-Quint et
de Marguerite de Parme, que celui-ci a insérées dans son
ouvrage intitulé : Lettres du roy Louis XIL et du cardinal
d'Amboise, etc., 4 vol. in-12, Bruxelles, Foppens, 1712.
Jean Godefroy, qui préparait une édition de la chronique
de Jean Molinet, reçut de l'abbé Watcant jusqu'à six MSS.
différents de cet ouvrage ( ).
Le 7 décembre 1711 , il lui mandait : a Enfin je trouve
«à propos de travailler sur les lettres ô^Estienne de
^Tournai; il écrivoit en 1191, première année de son
(1) Parmi ces six manuscrits , il s'en trouvait deux complets : l'un en
un seul gros volume in-folio, l'autre provenant de N. Dulief avait trois
tomes. Les autres exemplaires étaient des volumes séparés.
30
f 448 )
sépiscopat, et il est mort en 1203, au mois d'octobre.
)) Voyez, je vous prie, si vous n'avez rien qui puisse
»élre de nature à y entrer. C'étoit un homme hardi; il
»a fait du fracas en Flandre; j'ai envie de donner tout
» ce qu'il a fait, soit fondation, soit donation, même les
» actes où il est intervenu. »
Ailleurs , il dit que ce recueil des lettres et actes
d'Etienne de Tournai formera deux volumes in-kP. L'abbé
Bignon, bibliothécaire du roi, le pressait vivement de
le publier et voulait l'aboucher avec Baluze, qui avait
entre les mains trente lettres inédites d'Etienne.
Au mois d'avril 1712 , l'ouvrage était sous presse;
le titre, dont il existe des épreuves, était ainsi conçu :
Epistolœ Stephani Tornacensis episcojn , ex antiquissimis
codicibus 31SS. auctiores et notis illustratœ tertio pro-
deunt , disciplinam ecclesiasticam, historiam et politiam
civitatis Tornacensis, temporum illius prœsulis certâ
fide exponentes , maxime ah anno MCXCII usquè ad
MCCIV. Quitus etiain adjecta est appendix actorum ve-
terum quorum in notis facta mentio est. Ope?'â et studio
Nicolai Philippi Watcant.
Dans une lettre à M. Godefroy, en date du 5 février,
l'abbé Watcant commence à craindre de s'être trop aven-
turé dans son travail : « Je suis d'avis, dit-il, que mon
T)Ustienne sera, imparfait tant que je n'aurai point examiné
"trois ou quatre MSS. des lettres de ce prélat, qui sont à
» Paris. Cependant, je ne négligerai rien de ce que je
«pourrai déterrer ici. »
Voilà les seules notions que j'ai pu recueillir sur ce pro-
jet de publication. A-t-il été effectué? Non, sans doute^
puisqu'il n'en reste pas de trace.
Je trouve encore le titre imprimé d'un autre ouvrage
de l'abbé W^atcant; il est de format in-folio et conçu en ces
termes : Prœcepta ïïilperici, Francorum régis , cum épis-
( 447 )
told CCXXXIX Stcphani Toi-naccnsis episcopi pro eccle-
siâ cathedrali tornacensi , quitus suprema illius ccclesiœ
juridictio stabiliter confirmatur et illustratur : adnota-
tiones adjecit Nicolaus Philippus Watcant^ illius ecclesiœ
canonicus. Tornaci , è typog raphia Jacohi Vincent , sub
signo S. Âugustini. 3IDCCXII.
L'abbé Walcai^t avait découvert une préface inédite
de l'histoii-e de l'église de Reims, par Flodoard. Je pos,
sède cette préface que je ferai imprimer sans doute dans
mes Analectes historiques.
Puissent ce peu d'indications mettre quelqu'un sur la
voie pour faire mieux connaître les titres littéraires de
Watcant , dont aucun biographe n'a parlé jusqu'ici.
J'ai à la vérité entre les mains plusieurs lettres adressées
par l'abbé Watcant au libraire Foppens, de Bruxelles, et à
Jean Godefroy; mais elles n'ajoutent rien aux renseigne-
ments ci-dessus. Toutefois, j'en citerai une, ne fut-ce que
pour donner une idée du style et du genre d'érudition
de ce chanoine. Elle est adressée au même Godefroy, garde
des chartes de la chambre des comptes de Lille :
1712, 25 août. Tournai.
« Monsieur,
» En faisant quelques recherches concernant mon ^s^^en-
«we^j'ai remarqué que Guillaume Hugonet, chancelier de
«Marie de Bourgogne, étoit frère de Philibert Hugonet,
» évêque de Mâcon en 1484, et tous deux neveux d'Etienne
» Hugonet, évêque de Mâcon en 1450. Voici ce qu'en dit
« Jacob Severt, in Chronologiâ historicà successionis hierar-
» chicœ antistitum Lugdunensis archiepiscopatiis Galliarum
y>primatûs et suffraganearum diocesiu7n, Part. 2. de matis^
ticonens. episc. fol. 214, n" 60 ; — Stephaniis II, cogno-
•oniento Hugonetus , etc., duos ncpotes ad virtutem opti~
1) masque scientias direxit , quorum aller Guillelmus major
( 448 )
8 natu , causidicus primùm Matisconi , tandein effectus
T) est cancellarius ducis Burgundiœ : pro fidâ cujus defen-'
!» sione incolœ civitatis Gandavensis inVlandrià ipsum necî
•A tradiderunt. Et passant à son successeur dans le n° 62, il
«dit : Philibertus Uugonetus Stephani antistitis nepos suo
» tempore clarus ac eruditus , adeôque creatus cardinalis
nS. R. E. dimi pur pur citas proficisceretur sununo pontifici
n grattas exhibiturus , ibi natiirœ satisfecit, ultimo kal.
Tioctobris anni 1484.
» J'ai cru devoir vous communiquer cette petite décou-
» verte par rapport à Molinet.
sMarchantius, in Fland. descript. lib. III, fol. 308 et
Bsuiv., parle du chancelier. Si je découvre autre chose, je
»vous l'envoirai d'abord,
)^At nunc ista tibt quœ tradimus, accipe lœto
ïtlntereà vultu, et prœsentibus annue cœptis.
»Je vous prie de me communiquer votre exemplaire
«d'Eâlienne; je vous le renverrai demain.
» Je suis très sincèrement et sans aucune réserve ,
Monsieur,
Votre très-humble et très-obèissatit serviteur ,
Watgaist. 1»
La petite découverte dont Watcant se prévaut ici, n'ap-
prit sans doute rien de nouveau à son érudit correspon-
dant. On sait depuis long-temps que Guillaume Hugonet
était bourguignon, neveu et frère des évêques de Màcon,
Etienne et Philibert Hugonet. Les auteurs de laGallia chris-
tiana parlent avec détail de cette parenté, IV, 1091, et
ne la donnent pas comme un fait nouvellement constaté.
D'ailleurs, il n'y avait pas grand mérite à découvrir une
assertion consignée dans un livre connu.
( 449 )
Enfin, il faut dire que le passage de Severl, cilé par
Watcant, est erroné pour ce qui touche le voyage de
Philibert Hugonet à Rome. Ce ne fut pas précisément pour
remercier le pape de lui avoir donné le chapeau de cardi-
nal que l'évêque de Màcon se rendit en Italie. Le véritable
motif que le détermina à quitter la France et à accepter
le titre de légat de Vilerbe, fut la mort de son frère le
chancelier, décapité avec Humbercourt par les Gantois
sous les yeux mêmes de Marie de Bourgogne, après avoir
été mis en jugement suivant un ordre exprès de cette prin-
cesse, découvert tout récemment (1).
Nicolas-Philippe Watcant est mort à Tournai , le 5
août 1751.
Le Glay.
{l)Le Messager des Sciences, année 1838, p. 364 , rapporte un acte
authentique du 28 mars 1476 ( v. st. ) par lequel Marie de Bourgogne
ordonne une instruction en forme sur les faits et griefs imputés à Guil-
laume Hugonet et à Humbercourt. On doit la découverte de cette com-
mission importante à M. Van Duysc . archiviste de la ville de Garni.
( 450 )
^ibittouô et ûorrectioujs
AUX LISTES CHRONOLOGIQUES
DES ANCIENNES IMPRESSIONS DE MAYENGE AVEC DATE,
QUI OST ÉTÉ PUBLIÉES JUSQU'A CE JOUR.
Déjà le savant ff^urclttoem irnhlm une liste chronologique
des premières impressions mayençaises avec date , depuis
l'invention de l'imprimerie jusqu'à l'année 1558, dans sa
Bibliotheca moguntina (Auguslae Vindelicorum, 1787 ou
1789, et Ulmae, 1787, in-d" (1). M. Schaab, dans celle qui
se trouve dans l'histoire de l'imprimerie (en allemand,
Mayence, 1830-31 , 3 vol. in-8'', tome 1", p. 329 à 621),
y fit plusieurs corrections et l'augmenta de quatre-vingts
articles. Cependant son travail n'est pas encore exempt
d'erreurs et d'omissions, et le but du présent article est de
les indiquer.
U59.
Durandi ( Guliehni ) Rationale dwinormn officiorum
6 octob., in-folio goth.
M. Schaab indique quarante-trois exemplaires sur par-
(l) M. de Servais, bibliographe belge distingué, a aussi laissé un
traité manuscrit sur ce sujet, sous \c \Jdrc <\e'. Annales Ujpofjiaphici
Moguntini, in-folio. Yoycz le catalogue de ses livres. Malines, 1808, in-
8", p. 413, n''5639.
(451 )
chemin de cet ouvrage (1). Il faut y ajouter un quarante-
quatrième, qui est celui de M. Kloss, de Francfort. Mal-
heureusement il manque à cet exemplaire trente-deux
feuillets à la fin (2).
1460.
Joannis Balbi de Janua Calholicon, in-folio goth.
Parmi les dix exemplaires sur parchemin connus du
Catholicon imprimé par Gutenherg , M. Schaab compte
en premier lieu celui de la bibliothèque impériale de
Vienne (3); c'est une erreur : la bibliothèque de Vienne
possède bien un exemplaire sur parchemin de cet ouvrage,
de l'édition que Gunther Zeiner imprima à Augsbourg
en 1489, mais elle ne possède l'édition de Mayence que sur
papier (4). On ne connait donc que neuf exemplaires sur
parchemin du Catholicon de Gutenberg. D'un autre côté,
il faut compter quatorze exemplaires connus sur papier,
au lieu des douze qu'indicjue M. Schaab, le treizième
étant celui de la bibliothèque de Vienne, et le quator-
zième , celui de M. Lammens , de Gand , qui a été vendu
au mois d'avril dernier. Cet exemplaire provenait du
prieuré de S'-Martin à Louvain. Les initiales en sont
ornées d'arabesques en couleurs et en or; il est partagé en
deux volumes (5).
1462.
Biblia sacra latina vulgatae editionis ', Moguntinae , Joh.
Fust et Petr. Schoejfer , 14 aug. ; 2 vol in-folio goth.
(1) Hist. de linvent. de l'imprimerie , t. I, p. 374.
(2) Catalogue of the library of D' Kloss of Francfort a/M. Londoii ,
1835 , in-8°, p. 94 , n« 1315. — M. Kloss vendit en Angleterre , en 1835 ,
/;«;• spéculation, sa belle et précieuse colleetion de livres imprimés, qu'il
avait rassemblée avec tant de soins depuis sa tendre jeunesse.
(3) Loc. cit. , p. 395.
(4) Gescbicbte der kaiscrl. ka-nigi. nofbibliotlicU zu Wieu , \on Ijj. l'r.
Eclen von Mosel; Wien , 1835, in-8'', p. 330.
(5) Première partie des livres rares et itrécieux de feu P. P. C. Lam-
mens : Gand, 1839. in-8", p. 4 . n" 24.
( 452 )
Aux dix exemplaires complets et incomplets, imprimés
sur papier, de cette bible, dont M. Schaab nomme les
anciens possesseurs, (on ignore ce que ces exemplaires sont
devenus,) (1), il faut ajouter le premier volume que possé-
dait M. de Servais^ à la vente des livres ce dernier, le li-
braire Collaer acheta ce volume pour la somme de 276
francs (2).
1474.
Herp (Bcnricus) Spéculum aureum decem preceptorum
Dei, 4 id. sept.; in-folio goth.
Outre l'exemplaire de cet ouvrage sur parchemin que
possède la bibliothèque royale de Paris, il s'en trouve un
second très-beau à la bibliothèque du grand-duc , à
Darmstadt.
1489.
Legenda et Miracula sancti Goaris édita per Mandal-
hertum , diacommi ad illustrem virum Marquardum ahba-
tem monasterii Prumie • petit in-4° goth.
Ce petit imprimé, qui est d'une grande rareté, était
resté inconnu à M. JJ urdtwein • M. Schaab en indique à
peine le titre; il mérite cependant bien une description
un peu détaillée.
Cet opuscule n'a quevingl-huit feuillets, avec les signa-
tures a. b. c. d. Il est certainement sorti des presses de
Jean Schoeffer: le titre est imprimé avec les grands ca-
ractères du Psautier, et le texte avec ceux du Diirandi
Rational, de 1459. Les lettres des sommaires ressemblent
pour la forme à celles du titre, mais elles sont plus petites
de moitié. La vie du saint se termine par la souscription
suivante :
Imjiensis Johannis gisen de Nasteden , artium Uberalium magis-
(1)L. C, p. 395.
(2) Catalogue des livres de la bibliotlièque de feu M. G. F. de Servais
Malincs : in-S" . p. 3 , n» 20.
( 453 )
tri, Legenda diui Gouris confessoris eximij , est impressa Moguncie,
anno Domini MCCCCLXXXIX (1).
1497.
{Joannis abbatis Bursfield) Liber de triplici regione
claustralium et spiriluali exercitio monachorum omnibus
religiosis non minus utilis quam necessarius , Joanne Vri-
temio , abbate Spanheimense emendante opusculum; petit
in-4° golh.
Celte première édition de cet ouvrage est resiée incon-
nue à Wurdtwein, à Panzer, à Schaab et à tous les biblio-
graphes. Elle est imprimée, ainsi que la seconde qui
parut l'année suivante et qui a 91 feuillets, par Pierre
Friedberg. M. le docteur /i/o^s les possédait toutes deux (2);
malheureusement son catalogue ne donne pas de descrip-
tion ultérieure de celte rare impression (3). M. Schaab,
en donnant le titre de l'édition de 1498, nomme par er-
reur l'abbé Trithème comme l'auteur et en même temps
comme le correcteur de cet ouvrage (4),- il ne fut que le
dernier.
1503.
Mercurius Trismegistus , de potestate ac sapientia Bei,
in vigilia psalmorum • in-4° golh.
M. le docteur Kloss possédait le seul exemplaire connu
de cet ouvrage, sorti des presses de Jean SchoefTer, qui
fut imprimé sur parchemin: mais il y manquait la feuille
B. 8. 3.)
(1) Voyez le catalogue de livres du duc de la Vallièrc , par Guillaume
de Bure, fds aine ; Paris, 1783 , t. 3 , p. 101, n» 4752, et Fr. Xav. Laire ,
Index libroruin ab inventa typographia ad annum 1500; Senonis, 1791,
t. 2 , p. 125, n» 10.
(2) Calalogue of D- Kloss, p. 154, n»» 2122 et 2123.
(3) Il est à regretter que dans ce catalogue, qui aurait pu être si utile
aux bibliographes et qui est d'une si jolie exécution typographique,
les ouvrages soient si mal classés et qu'il soit rédigé avec si peu de soins.
(4) Catalogue of D-^ RIoss , p. 182, n" 2540.
( 454 )
1 520.
* Missale Moguntinum; iii-folio.
Ouvrage qui est probablement imprimé par Jean
Schoeffer (1).
1527.
* De reformanda Ecclesia; in-4° (2).
Je panse que Jean Schoeffer est encore l'imprimeur de
cet opuscule.
1534.
* Bauren compas. Zu nutz und gut, ail den jenen so-
sich auff den compas nit vorstehn, oder den iiit aile zeyt
hey jnen haben , ist dise son urh in des menschen lincken
handt clerlich beschreiben und angezeygt leychtlich zu
gebrauchen; petit in-4°, avec grav. sur bois.
Cet imprimé n'est composé que de huit feuillets; Jacques
Koebel , secrétaire de la ville d'Oppenheim , se fait connaî-
tre dans la préface comme l'auteur de ce petit ouvrage (3).
Le titre est orné d'une gravure sur bois, représentant
trois paysans et une paysanne; au-dessus de cette gravure,
il y a des vers en langue allemande, et au-dessous on lit ;
Getruckt zu Meintz bey Peter Jordan ^ewy«;MDXXXIIII.
Sur le dernier feuillet, se trouvent les armes ou mar-
ques d'imprimeur de Pierre Jordan, qui consistent en un
sablier posé sur une boule garnie d'ailes ; au-dessus de ce
sablier se trouvent deux mains, qui tiennent une pierre
pour la briser (4).
(1) Catalogus librorum Fr. Jos Bodmann ; Moguntiae, 1823,in-12,
p. 5 , n° 55. — Pour éTïter des répétitions , toutes les impressions incon-
nues à MM. Wurdhvein et Schaab sont marquées d'un astérisque.
(2) Catalogue ofD-^ Kloss, p. 170 , n» 2356.
(3) Un nommé Jacques Koebet imprimait à Oppenheim (ancienne ville
du Palatinafc, à quatre lieues de Mayence) , au commencement du XVI-^
siècle. Si c'est le même que notre auteur, il devait alors avoir cédé son
imprimerie.
(4) La description que M. Schaab (I. c.. p. 586) donne de ces armes
n'est pas très-exacte.
( 455 )
Sous la boule, on lit le dicton suivant :
Das flu-ijende Gliick
Lest nicht seyn cliick.
Au-dessus de ces armes, il y a les vers allemands qui
suivent :
Fraeflicher Gewall steht , doch sein zeit,
Solanij der Herr dasselhitj leyd. '
Weiin dan7i des strnidlein ist verloff'en,
Thut Gotl den fraefelzwifach straffen.
Je possède le seul exemplaire connu de cet opuscule,
dont la rareté s'explique par le petit nombre de feuillets
dont il est composé , et par la raison qu'il se trouvait prin-
cipalement entre les mains des gens de la campagne, pour
lesquelles il était spécialement destiné. Il doit avoir été
lort goûlé et avoir trouvé un grand débit, car il en parut
dans la même année une autre édition (que je crois être la
seconde), sous le titre suivant :
Ein neio erfunden Sonnen uhr durch den schatten des
menschen, die gleychen stunde des tags sajnjJt den ungley-
chen stunden der planeten on cojnpas zu erfaren. — Ilctn
ein son uhr in einesjeden menschen linken handt. Ailes
durch Jacob KoEEELE beschreiben, 31ainz ,V%x^k Jordajs,
MDXXXIllI , in-8°, avec gravure sur bois (1).
La bibliothèque de la ville de Francfort possède un
exemplaire de cette édition , la seule dont les bibliographes
aient fait mention.
Geomantia. Kûnstlicher und rechtschaffner ghebrauch
der alten kleynen geomancey, mit icelcher durch Ililffder
Rechmmg ^ und des menschen Tauffnamens^ sampt der
Planeten wirkung , injren stunden, allen Adamskinderen ,
kûnfftiger zufall des guttemmd boesen eroeffnet wird, etc.;
petit in-4°, avec grav. sur bois.
Sous le long titre de cet opuscule on lit : Getruckt zu
(l)\Vurdt\vcin, Bibl. Moguiit., p. 167. et Schaab . 1. c , ii. 591.
( 456 )
Mayntz hey Peter Joudan MCCCCGXXXIIII. Ce litre est
orné d'une gravure sur bois, représentant un homme assis
à une table et occupé de calculs de géomancie, et deux
paysans. Ce petit imprimé qui est d'une grande rareté,
car il est demeuré inconnu à tous les bibliographes, n'a
en tout que vingt-quatre feuillets. J'en possède un exem-
plaire, auquel il manque malheureusement 2 feuillets , B 2
et 3. Je soupçonne que l'auteur anonyme de cet ouvrage
pourrait bien être également Jacques Koebel , qui fit paraî-
tre, deux années auparavant, un ouvrage latin chez le même
imprimeur, et qui est écrit dans le même goût que celui qui
nous occupe (1). La préface est remarquable; l'auteur
prétend y prouver, par l'apocalypse deS'-Jean , que l'usage
de son art n'est point diabolique ni impie, mais que l'on
peut s'en servir en bon chrétien comme de tous les autres
aris. — Les prophéties sont en vers , qui sont ornés d'en-
cadrements et d'arabesques.
Cet ouvrage parait également avoir eu deux éditions,
car je trouve dans le catalogue de M. Kloss un ouvrage
qui porte le titre suivant :
Geomantica : ein kunstdesioarsagenSyMainz,Vm^^ Jor-
dan; sans date, in-4° (2).
1537.
* Hessi [Helii Eobani ) Ludus de podagra , e vulgari
Germano in latiniwi carmen coactus, excud. Ivo Schoeffer:
in-4° (3).
(1) Voici le titre de cet ouvrage : Astrolabii declaratio, ejusdem usus
mircjuciindus, non modo astrologis, medicis , geograpliis, caeterisque
literarnm cultoribus : multum utilis et necessarius. Mogunt. , 1532,
excud. Pelr. Jordan, avec grav. sur bois. Voyez Schaab. 1. c, p. 586?
et Paufjcr, Annales tjpogr., t. VII, p. 420.
(2)^Catalogue of D'^ Kloss , p. 293, n° 4094.
(3)Ibid. . p. 138. n"1914.
( 457 )
1538.
' De chyromantia libri très authoris cujiisdam vetus-
tissimi por Joanncm Dryandrum reslituti Marpuryi , anno
1538. Mogimtiae excudehat Ivo Schoeffer^ anno 1538^
7nense septembris; in-8°, con fig.
Cet imprimé rarissime fut vendu chez le duc de la
Vallière pour le prix modique d'une livre 10 sols (1).
* Titi Livii Roemische Historien , jegundt mit gangem
Fleiss herichtigt , gebessert und gemehrt , gedruckt durch
Ivonem Schoeffer , in-folio avec grav, sur bois.
C'est la cinquième édition de la version allemande de
Tite Live , et la seconde de celles ou se trouvent les cinq
livres de la cinquième décade. La bibliothèque royale de
Dresde en possède un exemplaire (2).
Wurdtwein et Schaab n'indiquent aucune impression
sous cette année 1538 ; il n'était cependant pas probable
que les différentes presses qui existaient alors à Mayence
fussent restées oisives pendant une année entière.
1541.
* De vera Christi ecclesia quaestio necessaria [Joan
Cochlaei) ad Caes. Majestatem ut Ratisponae in conventu
imperiali discutiatur. Moguntiae ad divum Victor em [excud.
Franciscus Behem), 1541; in-S" (3).
Bergellannus [Joannes Arnoldus). De chalcographiae
inventione po'èma encomiasticum. Moguntiae ad Div. Vic-
torem excusum a Franscisco Behe?n, anno MDXLl, in -4°.
Il est singulier que Joannis (4) , Wurdtwein (5) et
(1) De Bure, Catalogue du duc de la Vallière ,1. 1" , p. 531 , n» 1832,
et les prix à la fin du tome 3, p. 16
(2) Ebert, Allgem. Bibliograpli. Lexicon ; Leipzig, 1821-30, in- 4», 1. 1,
p. 1003.
(3) Catalogue de Servais, p. 36 , n" 415.
(4) Scriptores rcrurn Mognnt. Francof. , 1722-27; in-fofio , t. 3,
p. 421-28.
(5) Bibliotheca Moguntina, p. 175.
( 458 )
Schaah (l) aient tous trois oublié d'indiquer le format
de cet ouvrage, mais il est plus singulier encore que ni
Brunet ni Ebert ne l'aient admis dans leurs ouvrages bi-
bliographiques, tandis que l'on peut hardiment classer
cet ouvrage parmi les plus rares et en même temps parmi
les plus remarquables par leur contenu.
On trouve des renseignements sur ce poème, qui a été
réimprimé dans plusieurs ouvrages, et sur son auteur,
dans Joannis, Script, rerum Mogunt., tome. 3, p. 423-28,
— Prosper Marchand^ Histoire de l'imprimerie, p. 11-17,
et Schaah, Hist. de l'wipr., t. 1, p. 88, 89 et 102.
1546.
"^ Statuta et Décréta synodi Dioces. Arcjentorat. Mo-
guntiae Fr. Behem, 1546; in-folio (2).
* De autoritate et jiolestatc generalis Concilii Testimo-
nia XXX solida ac merito irrefragabilia. Per Joan. Cocfi-
laeum, Mogunt. ad D. Vic.impr. p>er Franc. Behem, 1546,
petit in-8° (3).
1548.
"^ Joannis Calvini in acta synodi Tridentinae censura et
ejusdem brevis confutatio per Joan. Cochlaeum. ApiidD. Vie.
prope Mogunt., 1548, petit in-8" (4).
1549.
"^ De intérim brevis responsio Joan. Cochlaei ad pro-
lixum convictiorum et calumniaru?n librum Joannis Cal-
vini. AapudD. Vict. prope Mogunt.exe. aFr. Behem, 1549 ;
in-8° (5).
(1) Hist. de Pimpr., t. I , p. 601.
(2) Catalogus Biblioth. Guill. Baronis de Crassier : Leodii , Evcrardus
Kints, 1754, in-8°, p. 18 , n» 144.
(3) Catalogne de Servais, . p. 37 , n« 433.
(4) Ibid. , p. 38 , II" 443.
(5)Ibid., p. 38-39, ii" 453.
( 459 )
1550.
D. Conrndi Bruni de seditionibus libri sex, rationihus
et exemplis ex omni doctrinarum et authnrum (jenere lo-
cuplctati cura Joonnis Cochlaei in publicum cditi. Sequi-
tur EJusdeni do seditiosis ajypendix triplex contra quosdam
rebelles hujus temporis. Moguntiae apud. S. Vict. ex offi-
cin. Fr.Beliem typogruph.^ 1550; in-folio.
JVurdtwein et Schaab donnent Cochlaeus comme l'au-
teurdecetouvrage, tandis qu'il n'en est que rédileur;mais il
est l'auteur de l'appendix-IIs ne mentionnent ^om\Brunus.
1557.
* Titi Livii des aller Redsprechsten und hochberûmp-
testen Geschichtscheibers Roemischc Historien , jetzundt
mit gantzem Fleiss besic/itigt, gebessert und gemehrt, etc.
Getruckt in der churfurstlichen Statt Meyntz durch loonis
Schocffers sclige Erben MDLVII; in-folio, avec grav. sur
bois.
Ce titre est imprimé avec des lettres rouges et noires et
orné d'une gravure sur bois représentant des guerriers.
Sur le second feuillet se trouve la fameuse dédicace à l'em-
pereur Maximilien I, que Jean Schoeffer avait ajoutée à sa
première édition de la version allemande de Tite Live, de
l'année 1505. On lit sur le recto du dernier feuillet : Ge-
druckt in der loeblichcn und churfurstlichen Statt Meyntz,
durch Iconis Schoeffers seligen Erben, vollendet ani neun-
ten tag des mertzen, als man zalt nach der geburt unsers
lieben Herrn Jesu Christi MDL\ II. Sur le verso du même
feuillet se trouvent les armes des SclioeffL-r.
L'ouvrage a en tout 558 feuillelscomme l'édition de 1541,
et paraît être conforme en tout à cette dernière (1).
(l)On trouve la description de cette édilion dans Schaab. Hist. de
riini.r. . t. I . p. 599
( 460 )
Je possède un exemplaire de l'édition de 1557, dont
M. Schaab nie l'existence (2).
II existe donc neuf éditions mayençaises de la version
allemande de Ti te live, au lieu de sept que compte M. Schaab.
— Jean Schoeffer imprima les trois premières, dans les
années 1505, 1514 et 1523; Ivo Schoeffer, cinq autres,
dans les années 1533, 1538, 1541, 1546 et 1551 , et les
héritiers d'Ivo Schoeffer, la dernière en 1557.
H. Helbig.
(i) L. c. , p. 619, note 4. et p. 620, ainsi que dans les additions et
«■orrections du tome I". dans le tome 3 . pag- 464.
( 461 )
SUR LES
iîtonnoics frappcc5 à Uummcn,
SlPrLEMEST.
Peu de mois se sonl écoulés depuis la publication de
notre notice sur les monuoies frappées à Rummen, par
Jean II de Wesemael, et déjà nous pouvons faire paraître
un supplément assez important à notre premier travail.
Le champ de la numismatique du moyen-âge est tel-
lement vaste, et il a été si peu exploité jusqu'ici, qu'on est
sûr d'y rencontrer du neuf à chaque pas; mais à peine
a-t-on signalé une nouveauté, que cette nouveauté
devient partout une chose connue. Les pièces qui étaient
regardées naguères comme uniques , se trouvent bientôt
dans plusieurs collections; les localités auxquelles on n'a-
vait pu attribuer aucune monnoie , offrent bientôt une
suite monétaire nombreuse et variée.
Tel a été le cas pour les raonnoies frappées à Rummen.
Cette seigneurie, dont il y a peu de temps encore les mon-
noies étaient inconnues, doit figurer dorénavant parmi les
baronnies de Belgique qui, au moyen-âge, ont eu un hôtel
de monnoie en grande activité.
Dans notre première notice, nous avons attribué deux
pièces frappées à Rummen à Arnoul d'Oreille, et douze
autres à Jean II, seigneur de Wesemael; aujourd'hui nous
avons déjà plusieurs autres monnoies à faire connaître, et
ce qu'il y a d'intéressant, c'est que ces nouvelles décou-
vertes remplissent en partie la lacune qui existe dans
( 462 )
la suite des seigneurs de Rummen depuis Arnoul d'Oreille
jusqu'à Jean de Wesemael.
Différentes personnes nous ont aidé de leurs lumières,
soit en nous adressant des observations sur ce que nous
avions écrit précédemment, soit en nous faisant connaître
des pièces inédiles. C'est grâce à leurs bienveillantes com-
munications que nons pouvons compléter notre premier
travail.
Nous citons les amateurs qui ont bien voulu nous don-
ner des renseignements et nous leur témoignons ici notre
reconnaissance.
Ajoutons d'abord quelques mots à différents passages de
notre première publication.
M. Groebe, d'Amsterdam (1), nous a fait observer que la
monnoie de Rummen était mentionnée , non-seulement
dans les deux chartes publiées par Van Mieris, mais encore
dans une troisième, éditée par ce même auteur, et notam-
ment dans un acte, en date du 12 décembre 1423, émané
de Jean de Bavière. Cette pièce porte défense de recevoir
\q^ florins d'or de Rummen. a On introduit, y est-il dit, ou
» on répand dans nos états les florins forgés à Fauquemont ,
» à Rummen, ainsi que ceux fabriqués à Namur, dont
"les deux ne valent guères plus qu'une couronne de
«France (2). »
Ce passage vient encore à l'appui de ceux que nous
avons déjà cités pour mettre hors de doute l'existence de
la monnoie d'or de Rummen.
(1)M. Groebe est connu par une intéressante dissertation sur Ictat
(les inonnoies en Belgique, depuis l'année 1500 jusqu'à 1621 , ainsi que
par différentes publications sur la numismatique. Ce mémoire a été cou-
ronné par l'Académie de Bruxelles.
(2) Dat bij sominifjen personcn tu onsen lande fjehracht, endc ondev
de Iwjden (jeslroeijt en gestekcn werden (julden, die men te Valken-
hnrch ende Rummen slaet, cnde die Namenschc giddcns dler vêle niet
f/eh'f vu sijn dan die twee een franc ois en civnc.
( 463 )
La découver le, laite par M. De Gosier, d'un troisième
exemplaire du gros d'Arnoul d'Oreille, rcprésenlé sur notre
première planche sous le n" 8, a fait adopter définitive-
ment la lecture de f MONETA. FilAN. D.
Sur l'exemplaire qui a servi à la gravure, il n'était pas
possible de distinguer un petit lion qui se trouve dans la
bordure au-dessus de la croix , à la place d'un fleuron. On
sait que sur les gros de Flandre, la bordure est également
disposée de cette manière.
En parlant du Kromsteert de Jean de Wesemael , figuré
sur la pi, I, sous le n° 3 , nous avons dit que ce seigneur
avait copié pour ce type la monnoie des grands seigneurs
de Belgiqiie. Notre honorable confrère M. Chalon , nous a
fait observer que pour cette pièce on ne s'était pas contenté
d'imiter la monnoie de Philippe-le-Bon, mais qu'on l'a-
vait copiée delà manière la plus servile, en disposant même
la légende d'une manière contraire à l'usage général. En
effet , l'inscription , ne commence pas ici au haut de la
pièce, au-dessus de la tête du lion. On a eu soin de la re-
culer un peu, afin de faire correspondre les mots Z PHAL,
avec ceux de f PHS , qui se trouvent sur la monnoie de
Philippe-le-Bon.
C'est le même motif sans doute qui a fait adopter ici
l'orthographe de PHAL [Phalesium) Fallais, par /j/«^ tandis
que le même mot entre les bras de la croix, est écrit par f.
^khe^ium. Mais ici il devait correspondre aux lettres
F. L. A. D. que portent la monnoie de Flandre.
Tous les moyens étaient bons aux barons pour faire
confondre leur monnoie avec celles des grands seigneurs.
Dans leur imitation du type, ils allaient, pour ainsi dire,
jusqu'à la supercherie.
Voici maintenant les pièces nouvelles que nous avons à
faire connaître et que nous avons fait graver sur une se-
conde planche :
( 464 )
I. Une troisième monnoie d'argent d'Arnoul d'Oreille.
A l'avers, f ARNLD : DNS : -• QAECBEHE.
Ce qui veut dire, Arnoldus dominus de Quaecbehe.
II faudra donc lire Quaecbehe ou Quaecheke , au lieu de
Quaetheke , comme nous l'avions écrit précédemment. Au
reste, cette inscription prouve que nous avions bien expli-
qué les letlresQVC, qui se trouvent sur le gros représenté
sur la première planche sous le N° 7.
Au milieu, croix palée, reposant sur quatre globules.
Dans les quatre angles de la croix, il y a eu quatre let-
tres, dont une seule R est encore visible. Peut-être y a-t-il
eu RVME.
Au revers, t MONETA :|: NOVA tRVM-NCIS.
Au milieu , écusson dont il n'est plus possible de distin-
guer les armoiries.
L'état un peu fruste de cette pièce nous empêche de pou-
voir la décrire entièrement.
L'exempîairequia servi àla gravure appartient à la riche
collection de M. Van der Meer, à Tongres, qui a bien voulu
nous envoyer un dessin très-soigné de cette pièce, ainsi que
des n°' 3, 4 et 5 de la planche.
Cette monnoie est évidemment une imitation de celle
que la duchesse Jeanne de Brabant a fait frapper à Vilvorde
et dont il existe trois dimensions différentes. Il est donc
probable que Arnoul d'Oreille ne se sera pas borné à frap-
per la seule pièce que nous publions.
II. HENRIC : DNS : DE : RIVIA ■. Z : RVM.
C'est-à-dire, Henri seigneur de Rivière et de Rummen.
Trois fleurs de lys, surmontées d'une couronne.
Au revers, SIT : NOME : DNl : BENEDICTV.
Au milieu, croix fleurdelisée.
Cette pièce a une ressemblance frappante avec celles des
rois de France, ce sont les dernières qui ont sans doute
servi de modèle.
( 465 )
Celle inléressante pièce lail aujourdhui parlic de ma
colleclion. Je la dois à l'extrême obligeance de M. H. De
Sains, de Saint-Quentin, qui en a fait le sacrifice pour
compléter ma série des seigneurs de Rummen.
Voilà donc que la lerre de Rummen . dont nous ne con-
naissions jusqu'ici que deux seigneurs. Arnoul d'Oreille et
Jean de Wesemaele, a appartenu à Henri de Rivière.
Bulkens (1) fournit quelques renseignements sur ce
nouveau seigneur de Rummen.
On remarque dans la généalogie de la maison de
Stalle , descendant de celle d'Aerschot :
Henri de Diest, sire de Stalle, Rivière, etc. (2), qui
épousa, le 10 janvier 1410, Jeanne de Wesemael. Elle
mourut le 24 juillet 1474, et a été enterrée à l'église de
Saint-Pierre à Louvain.
Bulkens , tout en citant ce seigneur, ne compte pas
parmi ses titres celui de seigneur de Rummen, C'est une
lacune que la découverte de la monnoie nous permet de
remplir.
Mais il nous reste toujours une difficulté à résoudre :
c'est de savoir quels ont été les sires de Rummen depuis
Arnoul d'Oreille jusqu'à Henri de Rivière, et comment ce
dernier en est venu en possession.
Les armoiries de ce seigneur s'expliquent d'elles-mêmes.
Henri de Rivière n'a pas laissé d'enfants mâles, et sa
fille unique précéda sa mère au tombeau.
Cela servira à expliquer les pièces suivantes.
m. Avers , lOHANNA : DE WESE3IA :
Au milieu, armoirées écartelées de deux lions et de
deux fleurs de lys, avec un lion sur le tout.
Revers, MONETA : NOVA : DE RVM.
(1) Trophées du Brahant , t. I, pag. 38 et 127.
(2) Rivière est un village très-connu situé sur le Dcuicr , dont il tire
son nom. Il est à peu de distance de celui de Wcsemacl.
( 466 )
Croix pâtée, au milieu fleur de lys. Voyez planche 11^
n" 3.
Celte Jeanne de Wesemael est évidemment la femme
de Henri de Rivière, dont nous venons de parler. Elle
était sœur de Jean II de Wesemael, celui qui nous a pres-
qu'exclusivement occupé dans notre première notice.
A quelle époque a-t-elle frappé monnoie? à quelle
époque a-t-elle cédé la terre de Ruramen à son frère ?
Tout cela n'est pas encore établi jusqu'ici.
Il est probable cependant que Henri de Rivière aura
précédé sa femme au tombeau , que celle-ci aura continué
à frapper monnoie après sa mort , et qu'ensuite elle aura
vendu Rummen à son frère.
Cet pièce qui est de cuivre, appartient à la collection
de M. Van der Meer.
Il en existe des variétés qui ne dijffèrent que par l'inscrip-
tion.
IV. L'une porte d'un côté :
lOHANNÀ- DE- WESEMAL,
et de l'autre :
MONETA- NOVA- DE- RVM.
V. Sur une autre , on lit :
lOHANNA- DE- WESEM,
et
MONETA- NOVA- RVMMEN.
Nous devons la connaissance de ces deux pièces à l'obli-
geance de M. Lelewel.
VI. M. Van der Meer possède encore le cuivre repré-
senté sous le n" 4 de la planche II.
Avers, f lOHANNA : DE : WESMA (1).
Armes écartelées à quatre lions.
(1) La gravure des lettres finales du mot Wesma ne répond pas
exactement au dessin que nous avait communiqué M- Van der Meer.
( 461 )
Nous ne saurions expliquer pourquoi les armoiries de
celte pièce diffèrent de celles qui précèdent.
Revers, f MONETA : NOVA : RVM.
Croix pâtée, au milieu lion,
VII. Il existe une variété de cette pièce avec :
lOHANNA : DE : WESM.
sur l'avers.
C'est encore M. Lelew^el qui nous a signalé celte pièce.
VIII. Le beau double gros de Jean II de Wesemael,
gravé sur notre planche II , sous le n" 5, appartient à
M. Van der Meer.
Celte pièce pèse 37 décigrammes (1).
Avers,tIOHANNES : DEI : GKA : DNS :WESEMA- Z- RVM.
Au milieu, deux écussons surmontés d'un heaume re-
présentant un oiseau à ailes déployées. Dans le premier
écusson , les armes écarlelées de deux lions et de deux fleurs
de lys; dans le deuxième, un lion debout.
Revers, f SIT.-. NOMEN.-. DOMINI.-. BENEDIGTVM.
Croix pâtée , cantonnée de deux fleurs de lys et de deux
lions couronnés.
On connaît des gros , au même type que celui-ci , de
Jean IV, duc de Brabant (1415-1427); de Jean-sans-Peur,
comte de Flandre (1405-1419), et de Philippe-le-Bon,
avant qu'il eut hérité le duché de Brabant (1419-1430).
C'est évidemment l'une ou l'autre de ces mounoies qui
a servi de modèle à Jean de Wesemael.
Il est à remarquer que ce seigneur a adopté un heaume
plus orné que ceux que l'on voit sur les monnoies dont
nous venons de parler; il a également surmonté de cou-
ronnes les lions qui sont placés dans les angles de la croix.
(l)Voici le poids en décigrammes des deux gros au lion d'Arnoul d'Oreil-
le, représentés surla planche I : le H" 7 pèse 23 décigraïunics , et le n" 8,
31 décigrammes.
( 468 )
Ce qui n'avait pas été fait ni par Jean-sans-Peur, ni par
Philippe-le-Bon.
Cette monnoie est peut-être la seule sur laquelle un
baron belge, à une époque si reculée, ait pris le titre de
Dei gratia.
Ce double gros a eu sans doute des sous-divisions,
qu'un heureux hasard fera découvrir l'un ou l'autre jour.
IX. Enfin, M. Van der Meer possède un cuivre de Jean
de Wesemael semblable à celui figuré sous le n° 5, pi. I,
mais avec un lion sur le tout au lieu d'une fleur de lys.
Cette pièce, est au reste, semblable à ce n° 5, et comme
elle est assez fruste, on n'y lit plus d'un côté que le mot
WESEMA et de l'autre MONETA.
Depuis l'impression de notre première notice, dans la-
quelle nous avons indiqué (p. 11) l'année 1464 comme celle
de la mort de Jean II de Wesemael, nous avons trouvé
le jour précis de son décès , c'est le 26 septembre 1 464.
Dewez , dans son Histoire de la Belgique (l), cite un
document officiel qui le prouve (2). Mais cet auteur s'est
trompé en plaçant la mort de Jean de Wesemael en 1463;
son erreur provient de ce qu'il n'a pas tenu compte que
l'année 1464 ne finissait quau 31 mars.
Voilà ce que nous avions à ajouter à notre premier tra-
vail. Depuis lors on a découvert non - seulement des
pièces inédites, mais on nous a signalé de nouveaux
exemplaires de celles qui étaient déjà décrites ; c'est
(1) Tome IV, p. 400.
(2) En voici le texte : Na den doot wilen jonkeren Jans, in synen
iyd heer tôt Wesemale , mynheer den hertoge van Bourgognien ende
van Brabant in synen handen heeft doe?i nemen als haer toebehoo-
reîide tant van Mechelen... also geschiet synde tôt den sterfdage toe
jonkeren Jans , welk was den XXF/"<^° dach der muent van sejilem-
ber laesileden.
Gedaefi en gesloten op den F/'«" dach van meert , (ni jaer XIIIJ'
LXIIII.
( 469 )
ainsi que M. Van der Mcer nous a informé qu'il possédait
encore les n"' 2,4, 7 et 8 de notre première planche; et
que nous avons vu entre les mains de 31. Ducas, de Lille,
un deuxième exemplaire du n" I de la même planclie.
En résumé , nous connaissons déjà quatre seigneurs de
Rummen :
1" Arnoul d'Oreille, 1331-1365.
2" Henri de Diest , 1410(1).
3" Jeanne de Wesemael, vers 1415.
4° Jean II, seigneur de Wesemael depuis 1415 (?) jus-
qu'au 26 septembre 1464.
A ces quatre seigneurs nous pouvons attribuer vingt-
deux pièces , en y comprenant à la vérité quelques-unes
qui n'offrent que de légères variétés.
Ce nombre sera porté bien plus haut par les découver-
tes ultérieures soit de pièces à d'autres types, soit de sous-
divisions de monnoies déjà connues, telles que celles qui
figurent sur notre planche II, sous les n"' 1 et 5.
G. P. Serrure.
(1) La plupart de ces dates ne sont qu'approximalivcs. Des découver-
tes ultérieures permettront de les établir plus positivement.
( 470 )
^nal20e0 critiques V^mxûQts.
Oi.LA-PODRioA, jwar M. Mathieu. Mons, 1839 ; in- 18, 290 p.
Sous ce litre singulier, l'auteur des Passe-temps poéti-
ques , Monsieur Mathieu, de Mons^ vient de publier un
recueil de poésies, qui constitue en effet, comme le dit
le nom, un véritable pot-pourri, où sont réunis le sé-
rieux , le badin , l'acerbe , le burlesque.
Quelques-unes des pièces, imprimées dans ce volume,
ont déjà été livrées au public sous forme d'opuscules et
de brochures. Le morceau capital du livre est le poème sur
Roland de Lattre , dans lequel des beautés du premier
ordre s'allient à une versification riche et facile. Monsieur
Mathieu y a joint une curieuse notice biographique du
célèbre musicien montois. Nous félicitons l'auteur d'avoir
pris pour sujet une illustration belge , qu'on avait trop
long- temps reléguée dans l'ombre chez nous. 11 y a beau-
coup d'entraînement et de force dans cette belle pièce, qui
a toute l'élévation de l'ode, toute la vigueur du dithy-
rambe.
Roland de Lattre est suivi de quelques élégies, et de quel-
ques poésies légères. Un Suicide, le mont Panisel, la Neige,
à Sainte-Beuve , à M. le comte de Glymes , Byron et la
Liberté sont autant d'inspirations chaleureuses, qui attes-
tent uue imagination puissante et fortement colorée. Voilà
de la bonne et vraie poésie. Nous ne dirons pas la même
( 471 )
chose de quelques pièces de circonstances, qui déparent
vraiment ce recueil. Les personnalités , dont Monsieur
Mathieu a rempli son adresse à la Régence de la ville de
Mons^ déplairont à la plupart des lecteurs, surtout à ceux
pour qui la lutte électorale, entre les partis de Mons à
l'occasion du renouvellement des magistrats municipaux,
n'a guères d'intérêt.
Cette pasquinade un peu hargneuse fait tache : elle est
indigne du beau talent de Monsieur Mathieu. 3Ioins encore
aimons-nous les notes explicatives de cette pièce de vers ; par
respect pour le lecteur, il aurait dû en bannir certaines
particularités locales qu'on tolérerait à peine dans un rap-
port communal. U Industriel es,{ encore une sorte de satyre
du même genre. Si l'auteur a inséré ces choses dans l' Olla-
podrida pour grossir son volume , il a eu tort, à coup sûr :
ce n'est pas la quantité, mais la qualité qu'il faut, dit la
sagesse des nations. Si nous nous permettons ces observa-
lions, un peu crues peut-être , c'est que nous voyons avec
regret la fausse route où le poète montois s'élance. Cela est
d'autant plus fâcheux que le talent, le génie, l'esprit, grâ-
ces à Dieu! n'existent pas eu embryons chez lui , mais bien
en réalité. Déjà les Vasse-temps poétiques et d'autres pro-
ductions l'ont suffisamment prouvé. M. Mathieu joint une
diction pure et incisive à une imagination pleine de viva-
cité et d'originalité piquante.
Le Lumçon est une bluelte, un à propos d'intérêt local,
dont le style n'est guères relevé et les idées encore moins.
Le volume se termine par un vaudeville en vers, inti-
tulé : Deux mariages pour un. De la verve, de l'esprit,
beaucoup d'animation, une rime aisée, mais ça et là des
pensées un peu triviales, voilà ce que nous rencontrons
dans cette petite pièce dramatique, qui méritait certes
d'avoir plus de letenlisseraent qu'elle ne semble en avoir
obtenu.
( ^72 )
En somme ï Olla-podrida, le livre lie portàt-il même
pas ce tilre bizarre, est une production digne d'être lue et
relue; des qualités véritables en rachètent largement les
défauts et les imperfections; cent pages de moins, et
Monsieur Mathieu eut composé un ouvrage qui aurait
plu davantage et qui bien certainement lui eût attiré
plus de bienveillance.
Gloires et Misères, par Adolphe Siret. Bruxelles, Hau-
man, 1839; 2 vol. in- 18.
M. Adolphe Siret a débuté chez nous, l'an dernier, dans
le monde littéraire par un recueil de poésies, dont une
versification quelquefois facile, de suaves pensées^ certaine
élévation dans l'expression constituaient le principal mé-
rite.
Les Genêts furent suivis d'un fragment dramatique,
intitulé : Le dernier Jour du Christ, sujet grandiose qui
eut dû être traité d'une manière plus complète.
Gloires et Misères est le nouvel ouvrage que le jeune
auteur offre au public. Ce livre est un mélange de nou-
velles en prose et de pièces de vers, où nous avons trouvé
de l'imagination, une tournure de phrase en général
incisive ^ mordante , pleine d'effet , et ce qui est une qua-
lité devenu rare aujourd'hui, du naturel véritable en plu-
sieurs endroits.
Le but de l'écrivain a été de s'emparer de quelques
grands noms historiques , hommes , qui , nés avec une in-
telligence hors de ligne ou avec une puissance de volonté
inaltérable, se sont vus repoussés ici bas par le sort et mal
compris par le monde, et n'ont trouvé à reposer leur tête
( 473 )
que dans un hôpital ou sur la terre d'exil. Les noms d'Elisa
Mercœur,d'Hégesippe Moreau, de Vésale, de Clément Marot,
du Gamoëns, de Mozart devaient nalurellement se glisser ici
sous la plume de M. Siret; aussi a-t-il fait d'Elisa Mercœur
une histoire aussi touchante que vraie. SurHegesippe Mo-
reau , sa verve poétique a exhalé une iambe , qui nous sem-
ble un peu pâle de pensée et d'expression. Les infortunes de
l'anatomiste belge ont été dépeintes avec une désespérante
probabilité. La vie de Camoëns est un drame où l'élégance
de la forme s'unit à l'intérêt du récit; le poète portugais
vous fait pleurer. Mozart est encore un épisode remar-
quable par le ton de profonde sensibilité qui le caractérise.
Nous avons été étonnés de ne pas voir dans cette série
d'hommes malheureux et Chatterton, et Gilbert, et Gold-
smith, et Kotzebue, et le Tasse, et tant d'autres célébrités
acquises dans les larmes et les douleurs.
Nous ferons cependant ici à l'auteur une observation
essentielle. Nous espérons, pour l'humanité, qu'il s'est mé-
pris en supposant que les hautes intelligences soient, dès
leur berceau, vouées au malheur. Sous ce rapport, son
livre est une erreur grave, où nous regrettons que M. Siret
soit tombé. Aussi ne serait-il guèrcs difficile d'écrire la
contre-partie de Gloires et Misères. Il est plus d'un grand
génie à qui toutes les joies matérielles de ce monde étaient
échues en partage et qui n'en ont pas moins été de grands
génies ! S'il fallait croire sans réserve au titre du livre que
nous analysons, on consacrerait une immoralité qui, par
bonheur, n'existe pas dans la réalité des choses d'ici-bas.
Tout le monde connait l'horrible anecdote de la révolu-
tion française, dont M"« de Sombreuil est l'héroïne. M. Siret
a raconté cette histoire en vers pleins de force et d'en-
traînement. Nous lui savons gré de nous en avoir épargné
les hideux détails.
Pauline ou la Boîte de fer nous retrace la vie d'une
( 474 )
sœur ignorée de Van Dyck. Ici encore il y a imagination
et intérêt, quoiqu'assez peu de vraisemblance. — L'histoire
des haines sanglantes, (jui divisaient les ducs de Carrare
et leurs ennemis, est détaillée dans une Maiso?i malheu-
reuse.
Mais voici un fragment dramatique, où le poète a déve-
loppé une verve d'une grande puissance. Le Fils d'un em-
liereur met en présence dans le monastère de S'-Just
Gharles-Qiiint et ses deux fils Philippe et Don Carlos. On
conçoit qu'il y a là matière à produire de l'effet. Aussi,
sauf un peu d'exagératioii, lisons-nous dans cette pièce des
tirades où félévation de fidée se trouve unie à une facture
de vers, moins négligée qu'ailleurs. Nous aimons moins son
fragment d'un poème biblique, intitulé Jacob; cette pièce
estraide et inanimée; peut-être est-ce à cause de la sévé-
rité du sujet. \)an'& Pauvre fille , lettres d'une pauvre en-
fant séduite, qui écrit à sa mère qu'elle croit irritée , il y a
je ne sais quoi de naturel, d'entraînant qui vous attache,
malgré vous , à cette Gabrielle que le poète laisse cepen-
dant dans le vague, sans doute pour nous intéresser
davantage à elle. Quand on a lu cette correspondance,
qu'on dirait écrite avec des larmes, on se sent tout ému.
Parmi les pièces de vers que M. Siret a insérées dans
Gloires et Misères ^ nous avons remarqué surtout les sui-
vantes que nous recommandons à tous ceux qui aiment à
lire de la bonne poésie , non de mots , mais de sentiments :
Mélodie j 1839 Pictura , la Pauvreté honteuse.
Nous engageons maintenant M. Siret à s'essayer sur une
plus grande échelle. Les morceaux de prose qu'il vient de
donner au public sont des bluettes, sur lesquelles on ne
peut guères juger un écrivain , mais qui servent au moins
à constater qu'il y a chez lui de l'avenir et de l'imagination.
Plus d'expérience de la langue, du rythme^ de la versifi-
cation, plus de soin apporté dans la conlexture des phrases,
( 475 )
plus de cohésion dans l'ensemble de ses productions, et Tau-
leur des Genêts et de Gloires et Misères deviendra un écri-
vain dont notre pays pourra s'enorgueillir.
Ce qui nous semble manquer un peu à M. Siret, ce sont
des connaissances de fond, que jeune et laborieux comme
il est, il lui sera facile au reste d'acquérir. Qu'il le sache
bien, les publications, entièrement légères, ne sont pas
appelées chez nous à former à un écrivain une réputation
durable. On est un peu sérieux en Belgique , et peut-être
n'a-t-on pas tort.
Gloires et Misères plaira, nous en sommes sur, à tout
ceux qui lisent plus par le cœur que par les yeux; Gloires
et Misères est une pierre angulaire sur laquelle peut s'édi-
fier un avenir d'écrivain. Courage donc et marchez!...
Nouvelle GRAîniAiKE Française , à Fusage des Écoles belges,
parA.F. Guillerez.Gdind, Lebrun-Devigne, 1839; in-12,
pag. VIII et 436.
Si nous voyons encore publier tous les jours des livres
qui ont pour objet l'enseignement des éléments de la lan-
gue française, c'est qu'en effet, comme toute chose en ce
monde , la grammaire subit des changements et des amé-
liorations, qu'il faut consigner dans des écrits. De tous les
idiomes qui se parlent en Europe, peu présentent autant
de bizarreries, de caprices et de difiicullés que la langue
de nos voisins du midi. Voltaire lui-même avouait, au lit
de mort, qu'il ne la connaissait pas toute entière.
M. Guillerez vient de publier une nouvelle grammaire
à l'usage des écoles belges, qui, nous semble-l-il, doit faci-
liter extrêmement aux élèves la connaissance du français.
( 476 )
Nous n'entrerons pas ici dans les détails de son ouvrage,
les bornes de notre recueil ne nous le permettent point.
I! suffira de dire que nous y avons remarqué autant de
méthode que de clarié, deux qualités qui ne sauraient
être trop appréciées et des instituteurs et de ceux qui sui-
vent leurs cours.
Une heureuse innovation dislingue le livre de M. Guil-
lerez; tous ses exemples concernent la Belgique. Dans un
moment où le sens national cherche à se développer de
toutes façons, c'est une idée dont tout le monde saura gré
à l'auteur.
Toutes les règles sont appuyées de phrases qui , réunies
ensemble, forment une véritable histoire de notre pays.
Celte manière d'instruire les élèves est aussi agréable
qu'utile; elle ranime l'amour de la patrie, chose qui a été
trop long-temps négligée chez nous. Ce que nous nous
permettrons cependant de reprocher à Bl Guilierez, c'est
d'avoir donné, sous forme d'exemples grammaticaux,
un encens, souvent immérité , et à coup sûr toujours dé-
placé, a des noms contemporains, qui viennent à peine
de surgir en Belgique. Nous n'aimons pas cette exploitation
de la vanité! C'est dommage qu'une semblable tache dé-
pare un livre, estimable au reste sous d'autres rapports.
Quelque soit le mérite des poètes belges que M. Guilierez
a cités dans son chapitre de la versification , nous pensons
qu'il eut mieux fait en empruntant aux grands noms de
la France des citations qui auraient à la fois plus d'auto-
rité et d importance. Je sais bien que donner de la cou-
leur nationale à son ouvrage, telle a été l'honorable but
de l'auteur; mais aux yeux de critiques sévères, il paraîtra
toujours plus rationnel de puiser des exemples de langue
dans les écrits qui ont obienu le plus de renom et qui
peuvent être proposés comme modèles dans tous les gen-
res de lilléralure.
( 477 )
Des exercices orthographiques, appliqués à l'histoire
des Belges, terminent le volume. Nous répéterions encore
volontiers ici la réflexion que nous avons faite par rap-
port à la versification , mais les fragments , cités par
M. Guillerez, renferment tous des parties de l'histoire de
la Belgique, et comme le livre est écrit pour nous, on lui
pardonnera, en faveur de sa bonne intention, de n'avoir
point cité plutôt Montesquieu, Chateaubriand ou Sand,
Nous finirons cet aperçu, malheureusement trop in-
complet pour une publication de ce genre, en émettant le
vœu que la Nouvelle granunaire de M. Guillerez obtienne
tout le succès que mérite une œuvre où l'esprit de nationa-
lité marche en compagnie d'une instruction solide.
L'Inquisiteur , histoire liégeoise du XVI^ siècle . par
Alphonse Polain. Liège, Jeunehomme, 1839; in-S",
96 pag.
Sous ce titre sombre et terrible, qui rappelle si bien
les auto-da-fés et la torture, M. A. Polain, connu déjà par
sa collobaration à la Revue belge ^ vient de publier une
nouvelle historique qui se distingue par de la verve, de la
chaleur, une sage correction de style, une imagination
forte et inventive.
Toute la scène se passe au temps de Tévêque Erard de la
Marck, vers 1538. Jamolet est un moine dominicain, de
la plus hideuse trempe , qui est à la tête d'une sorte de tri-
bunal inquisitorial , devant lequel sont cités sans pitié tous
individus soupçonnés d hérésie. Henri, comte de Jem-
meppe, est un de ces jeunes hommes, à l'ame ardente, au
courage d'airain, à la volonté inébranlable, tel qu'il en
32
( 478 )
faut aux époques de commotions politiques en général et
aux romans historiques en particulier. Il aime Marguerite
de Bierset, pour qui Jamolet brûle de son côté d'un amour
délirant. Malhonet, le doyen des Febvres , est un créature
flexible comme de la cire, intriguante comme un homme
de rien. Ce qu'il veut , c'est être bourgmestre. Il fait cause
commune avec Jamolet pour arriver à son but. Mais la
vieille commune liégeoise s'émeut contre l'évêque et la
tyrannie du tribunal inquisitorial. Henri, déjà chef des
Rivageois, espèce de troupes vagabondes, qui avaient ar-
boré la bannière du mécontentement, se met à la tête du
peuple, mais il désigne bientôt pour le remplacer un
bourgeois , appelé Meunier. Dans l'entretemps, l'infâme
Jamolet a su s'emparer de Marguerite et de sa vieille tante
au château de Bierset,
Heureusement qu'un certain André, guidé par un es-
prit de vengeance et aidé du domestique de Henri et quel-
ques autres finit, par pénétrer dans l'habitation où le
moine est prêt à triompher par la violence de la résistance
de la jeune comtesse. Henri survient. Le peuple furieux
conduit Jamolet et son complice, Mathonet, au supplice,
le comte de Jemeppe épouse son amante au lit de mort de
sa tante , la comtesse de Bierset.
Telle est la charpente de ce drame , où Ton remarque
une action qui ne laisse pas se ralentir un instant la cu-
riosité du lecteur. C'est en faveur de l'intérêt qu'il a ré-
pandu sur son sujet, qu'il faut pardonner à M, A, Polain
d'avoir outré avec tant d'exagération le caractère du do-
minicain, d'avoir esquissé à peine quelques caractères,
dont il eut pu tirer le parti le plus favorable , d'être un
peu cru dans les détails des cruautés de Jamolet. 11 y a de
ces choses qu'il faut laisser deviner au lecteur.
Le passage , sans contredit , le plus remarquable de ce
livre , c'est la scène où l'évêque est mort, où le peuple a
( 479 )
envahi le palais, où les torches et les llambcaux éclairent
l'émeute populaire. Ce speclaclc ferait le sujet d'un
magnifique tableau. Si nous avions un vœu à émettre ,
nous voudrions que M, A. Polain s'emparât d'une de ces
grandes et terribles épisodes de l'histoire de Liège pour en
faire un roiuan historique. Le Sanglier des Ardetmes ou
Jeaîi sans piété sont des sujets bien beaux à traiter .'
J. S.
Histoire de la Belgique, ^jar G. H. Moke. Première partie.
Un volume in-S", de 236 pages.
M. Moke n'est pas nouveau-venu dans la carrière des
lettres. Il y est entré, passé douze à treize ans , par le jour-
nalisme, qui, en ces temps de préoccupations politiques,
semble devoir servir d'apprentissage aux jeunes talents. Il
ne tarda pas à trouver les colonnes d'un journal trop
étroites pour son imagination vive, et trop légères pour
ses études sérieuses. Il écrivit des romans historiques , dont
on a gardé souvenir. Bientôt après il se borna à l'histoire,
et nous livra des travaux qui, pour être empreints de
quelques idées systématiques, n'en donnaient pas moins
de grandes espérances. Ensuite, il se voua à l'enseignement
moyen et universitaire, qui forme aujourd'hui la base de
ses occupations. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent
que la variété des études nuise à leur succès. Une intelli-
gence bien conformée gagne à étendre son horizon , s'en-
richit de tout ce qu'elle voit, et trouve des forces nouvelles
dans chaque fait qu'elle recueille , dans chaque pensée
que fait jaillir la méditation. Les idées fausses, les élucu-
brations systématiques (résultats synonymes, la plupart
du temps), contre lesquelles les meilleurs esprits ne peu-
( 480 )
vent assez se prémunir , sont le produit net des considéra^
tiens étroites qu'inspire l'étude d'une seule des faces du
mystérieux et sombre édifice des connaissances humaines.
Bien savoir, c'est beaucoup savoir, n'en déplaise aux illus-
trations en us , qui, par prudence personnelle sans doute,
professent la maxime contraire. Inutile d'établir celte
restriction que les diverses branches que l'esprit cultive,
doivent correspondre au tronc auquel elles servent d'orne-
ment. Nous ne prétendons pas en effet que des études,
pour ainsi dire opposées et sans liaison sensible, puissent
se prêter un secours efficace. A parler absolumement, cette
dernière proposition est loin d'être insoutenable j mais
dans l'état présent des sciences et des relations sociales,
une universalité trop prononcée serait dangereuse, et il pa-
raîtrait difficile d'en apprécier les résultats. — Qu'il nous
soit permis de croire que l'application sérieuse de M. 3Ioke
au journalisme, à la littérature d'imagination, à l'histoire
et à l'enseignement lui a valu la rectitude de jugement et
la puissance de style qui dominent les autres qualités de
son dernier ouvrage.
Puisque nous voilà revenu , d'assez loin, à X Histoire de
la Belgique , ne quittons plus ce livre , et disons sommai-
rement au lecteur ce que nous en pensons.
On s'aperçoit tout d'abord que BI. Moke s'est placé à un
autre point de vue que ses devanciers. Au lieu d'écrire
l'histoire spéciale des diverses principautés dont la réunion
a formé la Belgique actuelle; de se montrer tantôt fla-
mand, tantôt brabançon, tantôt encore liégeois; de suivre
Tordre des faits et de sacrifier l'ordre chronologique, il se
pose au centre des provinces, et, adoptant la méthode
synchronistique , il efface les limites des petits états belges,
les confond comme en un seul royaume, et fait passer
sous nos yeux les événements importants sans distinc-
tion de sceptre ni de nationalité. Cette méthode offre des
{ 48t )
avantages, mais elle est exposée à des inconvénients.
Les avantages sont que le lecteur peu exercé ne confond
pas les dates; que les événements se déroulent clairs et
rapides, que les enseignements, qui en découlent, sont
mieux compris. Les inconvénients consistent en ce que
l'auteur s'expose à rapproclier des événements sans liaison,
à effacer des oppositions, à laisser dans l'ombre des par-
ticularités qui , pour être d'un intérêt secondaire , n'en ont
pas moins du prix aux yeux de l'historien. Celle espèce de
compensation a servi de prétexte aux esprits étroits pour
suivre presque généralement la méthode qu'on pourrait
nommer analytique, en opposition avec celle que nous
appellerions synthétique, si ces qualifications ne peignaient
sous des couleurs trop opposées des manières qu'il est dé-
sirable, si non facile d'harmonier. Hàtons-nous de dire
que des avantages et des inconvénients signalés plus haut,
M. Moke a su s'approprier les uns et éviter les autres. Il
saisit habilement les situations culminantes, autour des-
quelles il groupe avec tact les faits secondaires; les causes
sont bien posées, les effets heureusement déduits ; le récit
est concis et clair; le style est souvent élégant, parfois
élevé, toujours correct. Cet éloge général est flatteur ,
mais, nous le disons en conscience, il n'est pas exagéré.
Nous croyons notamment que M. Moke a expliqué avec
beaucoup de talent les grandes révolutions sociales et dy-
nastiques, qui ont agité nos provinces lors de l'invasion
des Romains, de la conquête des Francs, de la formation
de la Lotharingie , et de l'établissement des principautés
féodales qui se sont réunies, au XV« siècle, sous le sceptre
des ducs de Bourgogne. Dans plusieurs endroits de sou
livre, M. Moke a présenté les événements sous un jour si
heureux, que des lecteurs, rompus aux difficultés histori-
ques, lui sauront gré de ses efforts.
Cependant, ce compte rendu étant sincère, nous croyons
( 482 )
devoir, pour notre satisfaction propre et pour celle de
M. Moke, formuler ici quelques remarques critiques sur
lesquelles il nous est impossible de passer condamnation.
Libre à chacun ensuite d'en juger autrement que nous.
L'auteur parle constamment des Belges et de la Bel-
gique , comme si ces mots avaient eu quelque valeur de-
puis les Francs jusqu'à l'avènement de Philippe de Bour-
gogne, dit le Bon. Il suppose, que dans cet immense
intervalle, nos provinces formaient un tout plus ou moins
complet, qui eût un nom général, un caractère com-
mun. Or il n'en est rien , et M. Moke le sait mieux que
nous. Au moyen-âge, il n'y avait ni Belges ni Belgique,
pas plus que de Hollande, de Prusse , etc. La Belgique
actuelle ne comptait que des Flamands, des Hennuyers ,
des Brabançons, des Liégeois , des Namurois et des Luxem-
bourgeois. Le mot de Belge était même inconnu à nos an-
cêtres. Il nous semble donc faux de leur donner une qua-
lification commune, en dehors de leurs mœurs et de leurs
connaissances. On s'expose ainsi à donner au lecteur une
idée fausse du véritable état des choses. Nous savons bien
que M, Moke destine son livre aux écoles, et qu'il lui a
peut-être paru convenable d'imprimer un caractère na-
tional à son récit. Il aura craint que l'étranger ne nous
reproche de ne pas avoir eu de patrie pendant mille ans.
Nous n'acceptons pas cette explication : d'abord en histoire,
il faut être vrai avant tout ; ensuite, les noms flamands,
brabançons et liégeois sont aussi glorieux, aussi honorables
que le nom belge. Nos ancêtres ont possédé assez de ver-
tus pour ennoblir plusieurs noms. La France serait-elle
désespérée de savoir qu'elle n'est France que depuis neuf
siècles? Qu'était la France sous les premiers successeurs de
Charlemagne? Ne formait-elle pas, comme la Belgique, un
cahos de provinces sans cohésion, indépendantes les unes
des autres, et ciiacune fière d'elle-même? Il est bon sans
( 483 )
doute d'aider au patriotisme, de llatler les croyances ho-
norables, mais quand on a l'iionneur d'écrire au nom de
la vérité, c'est envers elle seule qu'il faut garder des mé-
nagements.
M. Moke a glissé par-ci par-là quelques assertions, qu'il
n'a pas vérifiées avec sa conscience habituelle. Les remar-
ques que nous pourrions faire à ce propos, sembleraient
futiles à bien de personnes, et elles sont en effet peu im-
portantes pour le commun des lecteurs. Cependant, nous
en dirons une , qui prouvera du moins que nous avons lu
M. Moke avec une scrupuleuse attention.
A la page 64, il est dit que les Normands cessèrent,
vers l'an 900, d'attaquer nos provinces. Ce fait est exact,
mais la raison qu'en donne l'auteur ne l'est point. En ef-
fet, M. Moke pense que les Normands n'osaient plus re-
paraître sur nos côtes. La vérité est qu'Un y avait plus de
Normands conquérants. La soif du pillage, la beauté des
sites de l'Europe méridionale, l'usage adopté par les ca-
dets de famille de la basse Germanie, du Danemarc et de
la Suède de chercher fortune par terre ou par mer, les
armes à la main, avaient, pendant plusieurs siècles, poussé
des armées de brigands vers la Méditerannéej plus tard
à la suite des conquêtes de Charlemagne en Germanie,
le fanatisme religieux des habitants du nord de l'Europe
les porta à continuer leurs excursions. A la cupidité
était venu se joindre le mobile non moins puissant de la
vengeance. Nous croyons fermement que les invasions des
barbares dans nos provinces , pendant le neuvième siècle ,
n'ont pas eu d'autre cause que la haine vouée par eux
aux Chrétiens. Nous pourrions, au besoin, appuyer cette
opinion de faits remarquables. Qu'arriva-t-il à la mort
de Charlemagne ? Les sanglantes conquêtes du grand
homme furent continuées d'une manière plus douce et
plus fructueuse par les prédicateurs chrétiens. Les Nor-
( 484 )
mands se converlirenl.... Cet événement grave , qui se
compléta à la fin du neuvième siècle, explique naturel-
lement pourquoi les barbares cessèrent d'épouvanter l'Eu-
rope civilisée. Ce serait une grande erreur de croire que
les exploits guerriers des Francs , des Flamands et des
Brabançons eussent arrêté les Normands. Ceux-ci n'avaient
pas moins de courage que ceux-là, et, vraiment, nos
pères de l'an 900 n'étaient pas plus redoutables que leurs
prédécesseurs. Reconnaissons que le christianisme seul a
mis un terme aux massacres qui ont fait, pendant plu-
sieurs siècles, une horrible boucherie de la brillante Eu-
rope de nos jours.
Voilà bien des lignes sur une seule ligne de M. Moke.
Mais, ainsi que nous l'avons dit, quand nous critiquons
un ouvrage, nous tenons à montrer que nous l'avons lu.
Encore un mot dans la même intention.
M. Moke a eu le bon esprit d'appeler nos pères des noms
qu'on leur connait; pour lui, Gharlemagne reste Charle-
magne, Clovis Glovis, etc. Nous l'en félicitons. Les termi-
naisons barbares doivent être reléguées dans les mémoires
scientifiques. Mais pourquoi a-t-il fait exception à l'égard
de Caries Martel f C'est une faute d'impression, à n'en pas
douter. Nous en dirons autant de la date de 913, assignée
à la bataille d'Hougarde. Il faut lire 1014. A propos de
fautes d'impression , nous recommandons la seconde édi-
tion de Y Histoire de la Belgique à l'attention particulière
de M. Moke. L'exemplaire, que nous possédons, laisse à
désirer sous ce rapport.
Nous avons fini avec la critique, et nous en sommes
charmé. Ce n'est pas sans peine que nous nous éteadons
sur des points accessoires, alors qu'au total le livre est
excellent. Nous résumerons brièvement notre opinion en
disant qu'à notre avis, l'histoire de M. Moke est su-
périeure, sous bien des rapports , à toutes celles que
( 485 )
possède notre littérature. Celte déclaration a d'autant
plus de poids, on nous permettra de le dire, que nous
avons nous même écrit une Histoire de la Belgique, et que
cette histoire, ainsi que nous avons l'honneur de le rap-
peler au lecteur, date de 1836. Nous sommes très-intime-
ment convaincu que notre livre n'est qu'un exercice caco-
graphique auprès de celui de M. Mokc.
Avis aux maisons d'éducation qui ont bien voulu
adopter provisoirement notre ouvrage... Mais avis inutile,
car le travail de M. Moke sera bientôt dans toutes les
mains.
COOMANS AÎWÉ,
( 486 )
6uUctin i3ibii0grapl)iiïue.
HISTOIRE DE BELGIQUE,
Dits de cronike ende genealopfie van den prinsen ende gra-
ven van den foreeste van Bue, dat heet Vlaenderen , van 863
tôt 1436, gevolgd naer het oorspronkelyk handsehrift van
Jan van Dixmude; uitgegeven door J, J. Lambin. Ypre, 1839 ,
Lambin; gr. in-S", pp. XXXV et 393.
[Cette chronique de Flandre , publiée avec ce soin minutieux auquel
M- Lambin nous a habitués depuis long-temps, est précédée d'une préface
sur l'économie même de l'ouvrage, et suivie d'un dictionnaire géographi-
que , d'un glossaire de vieux mots flamands et d'une excellente table al-
phabéticpie des matières.]
Betoog dat er uit de Commentani de Bello Gaîlico van Julius
Cœsar volstrekt geen bewys kan worden getrokken, als ofdie
veldheer of zyne krygsoversten in Noord-Nederland oorlog
zouden hebben gevoerd. Hertoghenbosch , by de Meline, 1839.
Beau traité de la diversité des natures des fiefs en Flandre.
Gand, Annoot, 1839; gr. in-8°, III et 9-i pag.
[Cet opuscule est publié avec soin par >!. Jules Ketele, d'Audenarde.
d'après un MS. qui est en la possession de M. le comte Vandermeere , de
Cruyshaiithcni.]
Précis de l'bistoire de la Belgique, à l'usage des écoles pri-
maires, tiré des meilleurs auteurs, par H. Thaon. Bruxelles,
Deprez-Pareiit, 1839.
La Belgique illustrée parles sciences, les arts et les lettres,
par Octave Delepierre. Bruxelles, Wablen, 1840; gr. in-12,
pag. 208.
[Cet ouvrage est imprimé avec un luxe, un soin typograpliique , une
élégance de formes auxquels nos imprimeurs n'ont gucres habitué les
( 487 )
.'iiitcurs belges. M. Wahlen na rien lait sortir de ses presses qui soit plus
beau. L"ouvra{je publié est la reproiliiction de VApenu des di-ioit-
vertes et inventions des Belges, livré à riaiprcssion . il y a quatre ans.
Quelqu"intéressantesque soient déjà les notes de M. Delcpierrc, nous eus-
sions voulu les voir plus complètes.]
Histoire du royaume des Pays-Ba.s depuis 181-4 jusqu'en 1830,
précédée d'un coup-d'œil sur notre ancien régime communal,
sur les révolutions belges des XVP et XVIP siècles et suivie
d'une esquisse de l'histoire du royaume de Belgique depuis la
révolution de 1830 jusqu'aujourd'hui; accompagnée de dis-
cours parlementaires, de notes et de pièces justificatives ,
par E. C. De Gerlache. Bruxelles, Rayez, 1839; 2 vol. in-8°,
de XXXIX et 362 et 311 pag.
[Le 2« volume ne contient que des documents. L'aperçu historique de
Tautcur sur la révolution brabançonne de 1789, est un des plus beaux
morceaux que Ton ait écrit sur notre histoire. Josej)h II y est jugé avec
un coup-d'œil aussi sage que profond.]
Histoire du Limbourg, suivie de celle des comtés de Daelhem
et de Fauquemont, des annales de l'abbaye de Rolduc, par
M. S. P. Ernst; publiée par M. E. Lavalleye, tom. IV. Liège,
Collardin, 1839; in-8'', pag. o8-i.
[Des notes aussi savantes que curieuses de l'éditeur accompagnent en-
core ce 4": volume des œuvres historiques du curé d'Afden.]
Particularités curieuses sur Jacqueline de Bavière , comtesse
de Hainaut. Première partie. Mons, Em. Hoyois, 1839; in-8°
de XXVII et î7o pages, avec 3 fac-similé.
[C'est le N» 7 des publications de la Société des Bibliophiles de Mons ;
elle est due à M. De Courtray.]
Pieimkronyk von Flandern, nach einer altniederlândschen
HandschriftmitAnmerkungenzuni crsten Mahl herausgegeben
von Eduard Kausler, konigl. Wûrtembergischen Arcbivrath zu
Stuttgart. Tûbingen,L. F, Fues, 18i0; in- 8°, pag. 711.
Belgium historical and pictoresque from french of A. Fcr-
rier. Bruxelles, Hauman, 1839.
Cronica monasterii de Dunis, per fratrem Adrianum But.
Brugis, 1839;typis Van deCasteele-Werbrouck, in-i°, pag. 181.
[Cette chronique . écrite vers la fin du XV« siècle, est le premier vo-
lume du recueil des documents concernant l'histoire et les antiquités de
la Flandre occidentale , publié par la Société dénuilation de Bruges. La
biographie dAdrien De Budt précède la chronique, et 4.5 chartes de
l'an 1128 à 1481 servent de pièces justificatives]
( 488 )
Seconde lettre sur Jacques de Gnyse, annaliste du Hainaut,
à M. le baron de Stassart, par A. A.ubenas. Paris, 1839; in-8°.
Histoire de la Belgique, par II. G. Moke. Gand, Bivort-Cro-
wie, 1839;in-8°, pp. 23G.
Révolution belge, 1828 ta 1829. Souvenirs personnels avec
pièces à l'appui, par De Potter, Bruxelles, Meline, 1839; 2 vol.
10-8° et post-scriptum, 371 , 323 et S3.
OEuvres complètes de J. J. Raepsnet, revues, corrigées et
considérablement augmentées par l'auteur, suivies de ses
œuvres posthumes. Gand, C. Annoot-Braeckman, 1839.
[Le quatrième volume vient de paraître.]
Cronijcke van den lande ende graefscepe van Vlaenderen,
gemaect door J, Nicolaes Despars, van -40b tôt 1492. Voor de
eerste mael in het licht gegeven door J. De Jonghe. Brugge,
1839.
[La 15^ livraison est publiée , elle contient le règne de Louis de Maie ,
de l'année 1382 à 1384.]
Tableau historique et pittoresque de Courtrai, par J. L. P,
Bruxelles, Hauman, in-18; 1839.
Histoire de la ville de Tournai, par J. B. Flamine. Tournai ,
Massart, 1839; in -8".
LITTÉRATURE.
Gedichten van F. Rens. Gent, Vandcrhaghen-Hulin , 1839;
in-8°, p. 161.
MyneGevangenissen. GedenkschriftenvanSilvio Pellico van
Saluzzo; uit het italiaensch vertaeld door A. D. Wouters. Brus-
sel, Desprez-Parent, 1839; in-18, pp. 387.
Hermann dcDronkaert, tooneelspel in een bedrvf, vrye na-
volging,door Era. Rosseels. Antwerpen , P. Van Bouwel, 1839;
in-8'', pp. 46.
L'Inquisiteur, histoire liégeoise du XVP siècle , par Alphonse
Polain. Liège, Jeunehomme , 1839; in-8°, pp. 96.
Olla-Podrida, par Adolphe Mathieu. Mons, Pierart, 1839;
in-18, pp. 286.
Reinaert de Vos, naer de oudste beryraing, ingerigt tôt
( 489 )
schoolgebruik , door J. F. Willems. Mcchclen, Ilanicq, 1839;
in-12,pp.VIetl30.
Gloires et Misères, par Adolphe Siret. Bruxelles , llauman ,
1840; 2 vol. iiî-18 ,de *252 et 236 pajy.
[Recueil <le nouvelles en prose et de pièces île poésie.]
Vaderlandsciie Poëzy, door Pr. Viin Diiyse. Gent, L. llebbe-
lynck, 1839; 3 vol. in-18.
[Le 1' ' volume vient de paraître.]
Rameaux : Odes, élégies et satyres, par Ernest Busehnian.
Anvers , De Corte , 1 840.
Le Faux Baudouin (Flandre etllainaut), 1225, par le baron
Jules de Saint-Génois. Bruxelles, Meline et Decq, 1840; 2 vol.
in-18 de Vm, §00 et 302 pp.
Sidronii Hosscbii, e societate Jesu , Elegiarum libri sex;
Guillielmi Becani , ex eadem societate, Idyllia et Elegiœ.
Bruxelles, Soc. nat. pour la prop. des bons liv. , 1839; in-8°.
Dichtstukken voor de Jeugd, door Van Keur. Bruxelles , Soc.
nat., 1839; in-8°.
ARCHÉOLOGIE.
Een woord over een der oudste kanonnen in Europa , door
F. De Vigne-Avé. Gent, Vanderhaeghen-Hulin , 1839; in-18,
pp. 10.
[Avec une gravure sur bois.]
Essai sur la peinture sur verre aux Pays-Bas, par le baron
De Reiffenberg. Bruxelles, Hajez, in^", 1839.
NUMISMATIQUE.
Beschrijving en afbeeldingen van uederlandsche gedenk-
penningen , welke sedert 181o tôt 1838 aan s' rijks munt tôt
ÎJtrecht werden geslagen. Bruxelles , Muquardt, 1839; in-4°,
avec planches.
VOYAGES.
De Bruxelles à Constantinople, par un touriste flamand (René
Spitaels). Bruxelles, 1840, 3 vol. in-18; libr. polytechnique.
[ Avec un frontispice gravé. ]
{ 490 )
Sclietsen uit de Nederlanden, door Louis Lax. (Uithethoog-
duitsch.) Inhoudeiide : ])c spoorweg. Hct matigheids-genoot-
schap. De toonkunstenaer van Amsterdam. Vervallen groofheid.
Luik. Van Luik naar Brussel. Brusseî. Antwerpen. Genl. Oos-
tende. Nymegen. Arnhem. Utrecht. Hollundsche lettcrkunde.
Amsterdam. Het hollandsche karachter. De Amsterdamsche ker-
mis , enz. Dordrecht, Van lloestyne en Breduis , 18â9; in-8°.
Beurmans Brussel und Paris. Cassel , Th. Fischer; 3 vol.
in -8°.
HYGIÈNE.
Instruction populaire sur les soins que l'on doit donner à
l'enfant nouveau-né et sur les soins hygiéniques que récla-
ment la grossesse et l'accouchement; par F. J. Matthyssens.
Anvers, L. J. De Corte, 1839; 37 pag.
[Avec une planche.]
ANATOMIE.
Tableau névrologique du corps humain, par Borreraans ,
ouvrage pnblié sous la direction particulière de M. Cartel, pro-
fesseur d'anatomie à l'école de médecine de Bruxelles. Bruxel-
les, Soc. des beaux-arts, 1839 ; in-8<', p. 32.
[Avec Atlas contenant 4 planches in piano.]
GÉOLOGIE.
Eléments de géologie , ou seconde partie des éléments
d'inorganomie particulière , par J. J. D'Oraalius d'Halloy ;
3« éd. Paris, 1839; in -8°.
Division de la terre en régions géographiques, d'après les
éléments de géologie du même. Paris, 1839; in-S".
[Avec un Atlas.]
CHIMIE.
Faits et vues détachés sur certains points de théorie chimi-
que, par Van Mons. Bruxelles.
(491 )
MATHÉMATIQIÎES.
Introduction à l'arithmétique commerciale, à rnsafje de
l'enseignement moyen, par A.Dujardin, professeur à l'Athenée
rojal de Bruxelles. Bruxelles, Deprez-Parent, 1839; première
partie, in-8°.
Arithmétique commerciale, par le même. Ibid., 1839; in-8°.
Eléments de trigonométrie rectiligne et sphérique,parGuil-
lery. Ibid., in-S", avec planches.
Algèbre élémentaire, par J. L. Wezel. Louvaiu, 1839; in-S",
Van Linthout et Van de Zande.
GÉOGRAPHIE.
Handboek tôt het leeren der aerdrykskunde in de lagere
scholen , door L. Rjsheuvels, onderwyzer. Antwerpen , J. Rys-
heuvels; in-18, bl. IX en 2U.
GRAaiMAIRE.
Eerste beginselen der nederduitsche spraekkunst ten ge-
bruike van lagere en middelbare scholen , door J. Pietersz ,
hoofdonderwyzer der lagere modelschool te Erussel. Brussel,
Deprez-Parent, 1839 ; in-12 , p. 176.
[Cette grammaire est écrite d'après les règles fixées par la commission
royale.]
Manuel de la conversation ou de la pureté du langage ,
recueil complet des locutions vicieuses les plus usitées en Bel-
gique avec leurs corrections , et suivi des locutions latines et
italiennes habituellement employées, avec leur traduction
française. 2° éd., Bruxelles, Deprez-Parenl, 1839; in-18.
Un mot sur la question d'ortographe flamande, par Mich.
Van der Voort, instituteur, membre de plusieurs sociétés de
littérature, auteur du Coup-d'œi! sur la langue et la litté-
rature flamande en Belgique. Anvers, J. Jacobs, 1839; in-8°,
pp. 11
Nouvelles remarques sur les patois romans usités en Belgi-
( 492 )
que, par le baron De Reiffenberg. Bruxelles, 1839; in-S",
Hayez.
Beslissing van de koninjïlyke tael-comraissie. Bruxelles, 1 8S9.
Woordenlyst voor spelling en uitspraek , door L. D'Hulsten
leeraer aen het Athenaeum van Gent, Gent , G. Annoot-Braeck-
man, 18^9; in-8% bl. 136.
[Sous ce titre, M. D'Hnlstcr donne un petit dictionnaire où tous les
noms non composés de notre langue se trouvent indiqués d'après le sys-
tème orthographique adopté par la commission royale. Il a eu soin de
marquer le genre des substantifs, le passé et participe des verbes , ainsi
que l'accentuation des noms-propres étrangers.]
BIOGRAPHIE.
Notice biographique sur le père Ferdinand Verbiest, mis-
sionnaire à la Chine , par l'abbé G. Garton , chev. de l'ordre
de Léopold, directeur de l'institut des sourds-rauets et des
aveugles de Bruges, etc. Bruges, Van de Casteele-Werbrouck,
1839 ; in-8°, p. 76 et 4 planches.
OUVRAGES PÉRIODIQUES,
Annales de la Société d'Émulation pour l'histoire et les an-
tiquités de la Flandre occidentale, 2^ livrais. Bruges, Van de
Gasteele,in-8°, 1839.
[Cette 2"= livraison de l'intéressant recueil que les membres de la Société
d'Émulation ont fondé à Bruges . renferme : 1° la suite du travail exact
et circonstancié de l'abbé Carton sur le missionnaire Verbiest; 2° une no-
tice sur les archives d'Ypres , par Lambin ; idem sur les archives de la
Flandre occidentale , par 0. Delepierre ; sur Jean Brandon , le chroni-
queur, par l'abbé Carton , etc.]
Journal historique et littéraire, octobre et novembre. Liège,
Kersten, 1839; in-8«.
Compte-rendu de la Commission royale d'histoire, tome III,
2« bulletin. Bruxelles, Hayez, 1839; in 8^
[Ce bulletin contient plusieurs communications historiques intéres-
santes , entre aulres : 1° sur la guerre de Grimberghe, par M. De Ram ;
2" sur le Rapiarium d'Adrien De But, parE. Gachct; 3° sur les XXXI rois
de Tournai, par le même; enfm un bulletin bibliographique termine le
cahier.]
( 493 )
Bulletin de l'Académie des sciences et belles -lettres de
Bruxelles, 10 et 11" bulletins. Bruxelles, llayez, 18S9.
Archives historiques et littéraires du Nord de la France et
du Midi de la Belgique, t. II, 2<^ livrais. Valenciennes , 1839;
in-B".
[Ce recueil se soutient toujours à la hauteur où Pont porté les travaux
des directeurs MM. A. Le Roy et A. Dinaux et de leurs savants collabo-
rateurs. Nous voyons avec plaisir que la Belgique n'y est point négligée.
C'est une des rares publications périodiques de France qui veuille un peu
s'occuper sérieusement de notre pays.]
Belgisch Muséum, S« deel, 8" en A" aflev. Gent, 1839,
Gyselynck.
[Ces livraisonscontiennent: NcderlandscheSagen, door Ph. Blommaert ;
— Overzicht van ecn oud handscluift , bevattende bybelsclie tafercclen ,
door Lambin; — Beslissing cler koninglyke tael-commissie; — Een woord
ovcr de protestaticn tegen de taelcommissie , door . J F. Willems ; — over
Zevecotius , door Bodel Nycnhuis : — ovcr de vlaenische banniercn, door
F. De Vigne-Avé ; — W. Beca;uis , door P. Van Dnysc; plusieurs plan-
ches curieuses servent d'illustrations à quelques articles. ]
Nouvelles Archives historiques, philosophiques et littérai-
res, etc., 3" livr., 2^ année. Gand , Annoot, 1839.
[Ce cahier contient un mémoire historique fort remarquable sur la part
que les Flamands et d'autres Belges ont prise à la conquête de l'Angle-
terre, par les Normands ; l'auteur est M. Gantrel. — Un prospectas d'une
nouvelle histoire de la Belgique, par H. G. Molic , et un travail philoso-
phique sur Bacon, par Fr. Huet, complètent cette livraison.]
Les Belges peints par eux-mêmes. Bruxelles , Raabé, 1839 ;
S" liv. in-B".
[Ce recueil, qui contiendra des aperçus piquants sur nos vieux types
flamands et wallons, parait toutes les semaines par livraisons. Les noms
de V. JoUy, F.Bogacrts.Labarre, Alfred Nicolas, De RcifTeubcrg. Siret,
Van Hasselt . qne nous rencontrons parmi les collaborateur? , promettent
un véritable succès à cette publication. De Keyser. Madon , Huart ,
Coomans , Baugniet. chargés d'illustrer les textes , rendront encore plus
intéressant chacun des cahiers qui sont promis aux souscripteurs.]
Revue belge. Août, septembre, octobre et novembre. Liège,
Jeunehomme, 1839.
[Voici les principaux articles de ces livraisons : Marguerite d'Autriche,
3"= et 4" articles, par Altmeyer; — une Soirée en ville; — l'Inquisiteur,
par A. Polain; — un Carbonaro , par A. Pirotte; —Plan d'organisation
33
' ( 494 )
d'une nouvelle prison à Liège, par A. Visschers ; — Poésie, par R. Ma-
réchal; • — Idriel et Notger, par M. Polain ; — Littérature, Voyages, par
Ph. Lesbroussart, etc. ]
Annales et bulletins de la Société de Médecine de Gand.
Gand,18a9, in-8°.
[Cinquième volume, 7* , 8*^ et 9« livraisons.]
Annales de la Société des sciences naturelles de Bruges ,
année 1839. Bruges. Premier volume.
Le Magnétophile, 4° et 5° livr. Bruxelles, 18S9; in-4°.
L'Abeille et l'Observateur médical réunis. Annales de méde-
cine belge et étrangère, par J. E. Lequime. Bruxelles, Société
encyclog., 1839.
Encyclographie des sciences médicales, publiée sous la di-
rection d'une Société de médecine. Bruxelles, Soc. encycl.
[Douze volumes par an.]
La Renaissance, 17", 18", 19" et 20" livr. Bruxelles , Soc. des
beaux-arts, 1839; in-.i''.
Revue nationale, 2" et S» livr. Bruxelles, 1839 ; lib. poly-
tych. In-8°.
Annales d'occulistique , dirigées par Florian Cunier, méde-
cin militaire. Namur, 1839; 2" livr.
[Vingt-quatre livraisons par an.]
STATISTIQUE, ÉCONOMIE POLITIQUE.
De l'industrie en Belgique, cause de décadence et de pros-
périté, sa situation actuelle, par M. N. Briavoinne; tome IL
Bruxelles, Eug. Dubois, 1839; in-8%pag. 570.
État de la marine belge marchande au 31 décembre 1838,
publiée par le Précurseur d' A.nyeTS. Anvers , tabl. in-fol.
Traité général des emprunts contractés par toutes les puis-
sances de l'Europe, et négociés dans toutes les bourses et
places de commerce, par Trioen. Bruxelles, 1839; in-18,
chez l'auteur.
The economist's neu Brussels guide, contening à short
account of Antwerp, Matines, etc. Bruxelles, Todd et Muquardt ,
1839; in-18.
Delà Banque de Belgique, par un actionnaire. Bruxelles,
Certhot, 1839.
( 495 )
Traité d'économie politique, par 0. I\au, professeur de
l'université de Heidelberg, traduit de l'allemand, pnr Fred.
De Kemmeter, professeur de l'université de Gand. Bruxelles,
1840;in-«°, pp. 410.
Exposé de la situation de la province de la Flandre Orien-
tale pour l'année 18â9. Gand , Van llycke{jem , 1839; in-8'',
108 et CXXXVIII pp.
Rapport sur l'aflministration et la situation des affaires de
la ville de Gand, lu en séance publique du conseil communal,
le U oct. 1839. Gand; in-8°, pp. 32.
Loi organique et règlement des universités de l'état, suivis
de quelques instructions de M. le ministre de l'intérieur et des
règlements des administrations provinciale et communiale
concernant la collation des bourses. Gand, Van der Ilaghen-
Hulin, 1839; in-S", p. 35.
De l'organisation de l'enseignement primaire en Belgique ,
dans ses rapports avec l'enseignement mo)'en et supérieur,
par C. J. Van Nerum. Gand, Annoot, 1839; in-8% IV et
126 pag.
[C'est la seconde partie de rintéressatit travail de M. Van Nerum sur
cette importante matière.]
Quelques mots sur l'état actuel de l'instruction primaire
en Belgique et sur la nécessité de l'améliorer, par Ed. Ducpe-
tiaux. Bruxelles, De Weissenbruch, 1839; in-8°, p. 24.
BIBLIOGRAPHIE.
Souvenirs de la Bibliothèque des princes de Ligne à Belœil;
recueillis par A. Voisin. Seconde édition, plus ample que la
première. Gand, Annoot-Braeckman , 1839; in-8°, de IV et
24 pages.
[Imprimé à 100 exemplaires , dont 20 sur double papier velin. Cet
opuscule bibliographique n'est pas dans le commerce. La première édition
fait partie de VUistoire des Bibliothèques de la Belgique , par M. Voi-
sin , volume in-8° d'environ 400 pages et qui doit paraître chez le même
imprimeur, dans le mois de janvier 1840.]
Catalogue de la bibliothèque de la chambre des représen-
tants. Bruxelles , H. Rémi ; in-B", p. 77.
( 496 )
OUVRAGES DIVERS.
La lumière sur la crise politique, commercinle et indus-
trielle de la Belgique, par Pauw, 1839.
[Pamphlet sans nom dimprimeur ou de lieu.]
Epitre aux hommes de lettres de Belgique, par M. S
avocat. Anvers, Janssens, 1839.
Règlement de la Société des sciences naturelles de Bruges.
Bruges, 1839; in -8°.
Discours prononcé à la salle des promotions, le 22 mars
1839, par P. L. R. De Ram , recteur de l'université de Lou-
vain, à l'occasion de la mort de Ch. J. Windischraann, profes-
seur d'anatomie. Lonvain, Van Linthout, 1839; in -8", pp. 22.
Centième et dernier coup-d'œil sur le salon d'exposition
par Louis Labarre. Bruxelles, Raabé , 1839; in-8o, pp. 22.
[Cet opuscule, adressé sous forme de lettre, au Feuilletoniste de l'In-
dépendant, pétille d'esprit et de verve. C'est une bonne satyre en prose,
dirigée contre certains aristarques étrangers, qui prétendent porter le scal-
pel de la critique sur toutes choses, même sur celles qu'ils ne connaissent
pas.]
Considérations sur le théâtre en Belgique et sur les difficul-
tés et les moyens d'y créer une scène nationale, par A. Th.
Van Hecke. Bruxelles, 1839; in-B", p. 69.
Verhandeling over de opvoeding der dochters en voorgegaen
van een uittreksel van den bevelbrief van Z. H. den aerts-
bisschop van Mechelen. Brussel; in-32. Soc. Nation., 1839.
Quelques vues sur l'émission d'une nouvelle monnoie d'or
en Belgique , par M, Aug. Hennau. Bruxelles, Eug. Dubois,
1839;in-8'',p. 49.
Les ordonnances royales et ministérielles des S avril et 24
juin 1839, sur la police et la surveillance des machines à
vapeur en Belgique, considérées dans les dangers et les vices
que leurs prescriptions présentent sous le rapport de la sûreté
publique et privée, sous celui de l'intérêt privé des indus-
triels, et sous le point de vue des progrès et du développement
de la machine à vapeur dans le pays, par Désiré Tack , ingé-
nieur-mécanicien à Gand. Bruxelles, 1839; in-8°, avec une
planche.
i
( 4Î>7 )
Statbtiqiie 6ibli00rapl)i{ïue.
ANNÉE 1839.
Certains journaux de nos voisins du midi ne cessent de nous
accuser d'être des pirates littéraires, de nous livrer exclusi-
vement à la contrefaçon de publications, étrangères à notre
pays. Partant de cette assertion, ils nous proclament incapa-
bles de rien produire en Belgique, font peser sur quatre mil-
lions d'individus le reproche qu'ils ne devraient adresser qu'à
certains grands libraires et faljricants de livres de Bruxelles,
et nous délivrent, sans plus d'examen , un brevet de Béotiens.
Cependant si nous ne sommes pas aussi féconds que d'autres
nations, si le goût d'écrire n'a pas encore obtenu chez nous
un droit de bourgeoisie aussi général qu'en France, il est faux
de dire que nous ne produisions rien d'original, de national,
de belge en fait d'écrits nouveaux.
Nous pensons donc faire plaisir à nos lecteurs en donnant
dorénavant, à la fin de chaque volume, un tableau statisti-
que des productions nouvelles qui auront paru en Belgique
pendant l'année. Ce travail sera facile à mettre à exécu-
tion au moyen du BiiUetin hihliographique, que nous avons
tâché de donner aussi complètement que possible dans le
Messager des Sciences. Nous craignons cependant que tous les
ouvrages , surtout les livres d'éducation en flamand, ne soient
point cités dans notre travail. Nous n'établissons donc nos cal-
culs que sur le bulletin dont nous venons de parler.
Le nombre des différents écrits originaux, qui ont paru en
Belgique du 1" janvier 1839 , est de 290 , ainsi repartis par
langue :
( 498 )
En fiauçais 1 92
En flamand 8'i
En latin 4
En allemand 5
En anglais 5
En italien 1
Voici les différentes branches des connaissances humaines,
dont traitent ces publications :
Histoire de Belgique 47
Littérature 69
Voyages 7
Bibliographie 6
Grammaire et lexicographie 30
Archéologie 2
Médecine, chirurgie et anatomie 11
Chimie et botanique 6
Économie politique et statistique 10
Écrits politiques et pamphlets 32
Recueils périodiques 18
Géographie 5
Sciences mathématiques 4
Sciences juridiques 7
Numismatique 1
Biographie . 2
Hygiène et géologie 3
Architecture 5
Ascétique 4
Stratégie 1
Beaux-Arts 5
Philosophie 1
Industrie et sciences commerciales 5
Mémoires scientifiques 3
Ouvrages divers IG
Total. ... 290
On remarquera que l'histoire de Belgique occupe une
grande place dans cette statistique. En effet, tout le monde
sait que c'est dans notre passé qu'il faut surtout chercher des
éléments de nationalité. Le chiffre des écrits purement litté-
raires est encore plus élevé. Car c'est le genre où il est
( 499 )
le plus facile de s'exercer. Celui des écrits politiques s'explique
par la position exceptionnelle où la Beljjique s'est trouvée cette
année, — Le nombre des écrits sur la grammaire est assez re-
marquable; les discussions auxquelles donnent lieu depuis
quelque temps les principes de grammatologie flamande prou-
vent l'intérêt que l'on porte à la langue, que l'on parle dans
les deux Flandres, les provinces d'Anvers, de Brabant et de
Limbourg. Encore n'avons-nous pu nous procurer la liste
d'opuscules flamands , qui se publient chaque année en p-rand
nombre, à Roulers, Courtrai , S'-Nicolas et Malines.
En comparant le relevé de cette année avec celui des deux
années précédentes, nous trouvons une diff'érence qui est tout
en faveur de 1 839.
En effet, en 1837, il a été publié 180 écrits;
et en 1838, . 210 .
On voit que nous avons toujours marché progressivement.
On annonce pour l'année 18-40 la publication de cinq nou-
veaux recueils périodiques, scientifiques ou littéraires, dont
trois en français et deux en flamand.
J. D. S. G.
( 500 )
2m[^$c bes bulletins
DES SEAICCES DE LA COMMISSION KOYALE D HI S T 0 I R E.
Tome 3, 2'' Bulletin. — Séance du 3 août 1839.
M. Dumortier, nommé membre de la commission, est in-
stallé en cette qualité.
Le compte de la recette et de la dépense de la commission
pour l'exercice 1838 est approuvé et sera transmis au dépar-
tement de l'intérieur.
La commission arrête ensuite l'ordre de ses publications.
Il est décidé qu'on achèvera immédiatement l'impression
du second volume des chroniques de Flandre, dont M. DeSmet
est l'éditeur, et que M. De Ram pourra mettre sous presse un
volume relatif à l'histoire du pays de Liège, contenant :
1° La chronique de Jean de Looz;
2° Celle de Théodoricus Pauli, De cladihus Leodiensium ;
3° Celle de Henricus de Merica, Compendiosa Historia de
cladihus Leodiensium.
4° Un poème en vieux français, tiré d'un manuscrit de
M. le professeur Serrure, et intitulé : La Correxion des
Liégeois ;
En même temps M. Gachard procédera à la publication
d'une relation des troubles de Gand sous Charles-Quint, rela-
tion qu'il a fait suffisamment connaître dans les bulletins
précédents.
Ces impressions achevées, il sera loisible à M. Willems de
mettre au jour le second volume de la clironique flamande
rimée de De Klerk et à M. De Reilfeuberg, les monuments
historiques du Hainaut et de Kaniur.
M. De Ram a déjà préparé le De Dynter, qui sera livré inces-
samment au public.
M. Dumortier propose la publication des mémoires de Renon
( 501 )
(le France, président d'Artois, sur la révolution des Pays-Bas
au XVI" siècle.
Il est invité à faire un rapport sur ces mémoires, sur l'in-
térêt qu'ils offrent et les faits nouveaux qu'ils contiennent.
Dans tous les cas, les publications antérieurement arrêtées,
devront être épuisées avant que l'on passe à une nouvelle
série.
La commission s'est empressée d'accueillir l'offre de M. le
comte J. Coghen , d'une somme de 2000 francs à donner en
prix dans un concours ouvert par elle.
Elle propose en conséquence , au nom de M. le comte J. Co-
ghen, un prix de 2000 francs à l'auteur d'un ouvrage, qui
réunira au mérite du fond celui de la forme, et où sera trai-
tée d'une manière satisfaisante : *
« L'histoire générale de la Belgique sous le gouvernement
» de la maison d'Autriche, depuis le mariage de Maximilien
«avec Marie de Bourgogne , jusqu'à l'abdication de Charles-
» Quint. »
La commission ne demande pas une histoire complète des
princes de la maison d'Autriche pendant cette période; mais
elle désire qu'on envisage uniquement le sujet dans ses rap-
ports avec la Belgique.
Les réponses rédigées soit en français, soit en flamand, et
dont l'étendue sera au moins d'un fort volume in-B" , devront
être envoyées, franches de port, avant le 1"' juillet 18-41, au
secrétaire de la commission.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur travail , mais
simplement une devise, répétée dans un billet cacheté avec
ce nom et leur adresse.
Ceux qui se feront connaître de quelque manière que ce
soit, ainsi que ceux dont le manuscrit aura été remis après
le terme fatal, seront irrévocablement exclus du concours.
Le secrétaire donne lecture d'un arrêté qu^cha^ge MM. Emile
Gachet, attaché à la commission, et Kreglinger, archiviste de
la province d'Anvers, de concourrir à la rédaction de la table
chronologique des chartes et diplômes relatifs à l'histoire de
la Belgique, et de se conformer à cet effet aux dispositions de
l'arrêté du 16 novembre 18â8.
{ 502 )
M. le ministre a approuvé un mémoire qui lui a été soumis
par le conservateur de la bibliothèque royale et en vertu du-
quel une partie des ouvrages littéraires et historiques, impri-
més aux frais de l'état, sera employée à établir des relations
et des cartels d'échange , avec les corps savnnts et les univer-
sités du continent et des contrées transinarines. Jusqu'à présent
il se distribue 103 exemplaires des chroniques, tant dans le
pays qu'à l'extérieur.
Correspondance.
Le secrétaire du cabinet annonce que le roi a daigné agréer
l'hommage du premier volume de la chronique de De Klerli.
Divers remercîments pour l'envoi de ce volume sont adressés
à la commission.
M. le major Geoffroy qui a eu l'obligeance de confier à la
commission l'original du Cantatorium de S'-Hubert, lequel est
encore entre les mains de M. De ReifFenberg, annonce qu'on
lui a fait des offres très-considérables de l'étranger pour l'ac-
quisition de ce précieux monument, mais qu'il aime mieux
en assurer la propriété à la Belgique. — Ses propositions seront
l'objet d'un examen particulier.
Le bulletin donne ensuite des extraits d'une lettre de
M. G. G. Vreede, de Gorcum , relative à plusieurs particularités
historiques, concernant les Pays-Bas et notamment aux négo-
ciations de Henry , comte deBerg, et du comte de Warfusée,
de la maison de Renesse, à La Haye au commencement de l'an*
née 1632, etc.
Communications et Lectures.
M. Gachard présente à la commission plusieurs cahiers
d'un recueil, formé par M. Lacroix, archiviste à Mons, des
particularités les plus curieuses consignées dans la collection
des registres aux résolutions du conseil de cette ville , laquelle
remonte à l'année 1404.
La commission émet le vœu que les archivistes de nos prin-
cipales villes se livrent, à l'exemple de M. Lacroix, au dé-
pouillement des registres aux résolutions du magistrat et des
corps qui , sous différentes dénominations , y représentaient
la commune. Ces documents abondent en détails ignorés et
( 503 )
qui n'intéressent pas seulement l'histoire locale, mais aussi
quelquefois l'histoire du royaume, comme le prouvent les
extraits tirés des retristrcs du conseil de ville de Mons.
M. De Rnm présente la justification de Tilly par rapport à
l'incendie de Magdebourg, en 1631 ; il cite nn article ])ubliè
dernièrement dans le troisième volume du recueil, intitulé :
Historisch-Poliiische Blattre fur dus katkolische Deutschland.
Cet article renferme plusieurs témoignages, qui justifient en-
tièrement ce célèbre général, que la Belgique compte avec gloire
parmi ses enfants, des accusations portées contre lui par la
]>lupart des historiens modernes, qui prétendent qu'il fit
mettre le feu à la ville de Magdebourg après l'avoir prise, et
qu'il encouragea des soldats au meurtre et au pillage.
Plusieurs rapports oflSciels et quelques récits d'historiens
contemporains, relativement à ces malheureux événements,
font partie de la justification présentée, et à ces témoignages
d'auteurs catholiques, M. De Ram en ajoute d'autres de plu-
sieurs protestants qui les confirment et qui doivent contri-
buer à efïÎTcer enfin de nos histoires modernes, les accusations
injustes contre Tilly et le blâme dont on flétrit encore
son nom.
Sur la guerre de Grimherghe , par M. De Ram.
Un des plus anciens monuments de notre littérature na-
tionale, c'est la chronique rimée de la guerre de Grim-
herghe composée en partie par un écrivain vivant au XIll'
siècle; l'autre partie est l'ouvrage d'un continuateur, qui
vivait vers 1400, comme il le dit lui-même.
La plupart des historiens modernes ont consulté cette
chronique et tous s'accordent à dire qu'elle renferme une
foule d'erreurs , de détails fabuleux et d'anachronisraes; mais
l'un d'eux, le savant auteur des Trophées du Brahant, est allé
beaucoup plus loin, et a relégué parmi les fables l'histoire
tout entière de cette longue guerre.
Quoiqu'il soit seul, ou à peu près seul de son avis, on est
cependant forcé d'avouer qu'il le fonde sur des preuves de
( 504 )
plus d'un genre, qui ne laissent pas que d'être fort embar-
rassantes. Il ne paraît pas que ce point ait été bien éclairci,
et que jusqu'à présent on ait pris soin de répondre à tous les
arguments de Butkens.
M. De Ram discute et démontre ensuite les erreurs princi-
pales qui se trouvent dans la chronique dont il s'agit; mais il
fournit en même temps des preuves d'après lesquelles il
est impossible de douter de la réalité de la guerre de
Grimberghe : il en conclut que cette chronique mérite
confiance et que Butkens n'a pas montré une bonne criti-
que, en rangeant cette guerre parmi les fables.
M. Bormans, professeur à l'université de Liège, donne
communication d'un vieux fragement d'un poème moderne ,
en français du XIIP siècle. (C'est une demi-feuille de par-
chemin, détachée d'une couverture, que le relieur a coupée
en quatre morceaux ; on a pu les réunir et y lire 160 vers
qui se trouvent au bulletin ).
Sur le Rapiarium d'Adrien De But , de Saeftinghe , par
M. Em. Gâche t.
C'est au hasard que je dois la connaissance du nouveau
MS. d'Adrien De But, que je signale à la commission d'his-
toire. Caché dans le catalogue des MSS. sous l'indication sui-
vante : Aegidii de Roy a, Brandi, Tabula decennalis, peu de
personnes auraient eu la fantaisie d'aller chercher dans ce
volume tout ce que j'y ai trouvé, tant il paraissait lourd,
indigeste, obscur et d'une lecture difi&cile. Le nom de Brand
ou Brandon me séduisit. Tout le monde sait que le seul MS.
connu de Brandon, fait partie de la bibliothèque de M. Lam-
mens (1). Je conçus l'idée que le MS. que nous possédons, pour-
rait peut-être nous en tenir lieu. J'allai donc a la décou-
verte dans ce volume, dont j'entrevoyais vaguement les auteurs
et dont il me fallait étudier le contenu : mais il est bon que
je le fasse mieux connaître.
(1) Il a été acheté à la vente de cette bibliothèque pour compte de la
bibliothèque royale de Bruxelles , au prix de 1760 francs.
( 505 )
Coté sous les N»» 7978-79, ce MS. forme un gros volume
petit format, in-folio; les premières feuilles sont en parche-
min, le reste est en papier. Il a encore ses couvertures ou ais
de bois; mais on a été obligé de lui remettre un dos de bazane.
Si nous nous en rapportons à une note, placée en tête du
premier feuillet contre la couverture, il proviendrait de
l'abbaye des Willelmites de Bruges, à qui un abbé des Dunes
l'aurait donné. Un peu plus bas on lit : Tu quicuinque es chro-
nicorum ignarus, lege cautc qtiœ in marginihus in hoc volumine
scrihuntur. Ces notes marginales sont de la propre main
d'Adrien De But, et il lésa même souvent signées de son nom
dans les termes suivants: ita est But. 11 y ajoute quelquefois
la figure du poisson qui porte en flamand son nom.
Ce MS. contient cinq grandes divisions; mais la partie sur
laquelle il faut surtout porter l'attention, c'est la chronique
proprement dite.
M. E. Gachet l'examine en détail , et cite les notes d'Adrien
De But les plus importantes. D'après une de ces notes, il ne
peut plus rester de doutes à personne, touchant la chronique
publiée sous son nom dans le Corpus chronicorum Flandriœ;
elle est bien évidemment de lui.
Sous l'année 1453, se trouve le Confessionnale d'Adrien
De But; c'est le récit de toutes les incertitudes qu'il éprouva
avant de prendre l'habit ecclésiastique. Il y entre dans d'assez
grands détails sur sa famille. Tous ces extraits, dit en termi-
nant M. E. Gachet, paraîtront sans doute suffisants pour carac-
tériser les notes d'Adrien De But, et pourront abréger les
recherches de M. le chanoine De Smet , qui prépare actuelle-
ment le manuscrit d'une autre chronique de ce même auteur
pour le second volume des chroniques de Flandre, et qui ne
peut manquer de la faire précéder d'une introduction sur la
vie et les ouvrages du frère Adrien de Saeftinghe.
Les XXXI rois de Tournay, par le même.
L'an 18S0, les plus notables bourgeois de Tournay résolu-
rent de célébrer une belle et noble fête de XXXI rois. Elle
fut fixée à l'année suivante, le lundi après la fête du S'-Sa-
crement. Pendant toute l'espace qui la précéda, voici ce qui
( 506 )
fut établi. Les compagnons de la fête se réunissaient chaque
dimanche dans un souper ou un dîner qu'ils donnaient cha-
cun à leur tour. Ils avaient fait une bannière et des pennons
de trompe de leurs armes, et chaque fois qu'ils dînaient ou
soupaient ensemble, la bannière était déployée et en même
temps résonnaient trompes, muses et callemeilles. Ils avaient
avec eux. un héraut et un ménestrel, costumés d'une mèrtiefiicon.
Le plus souvent le jour du dîner ou du souper, on goûtait
en ville ou à la campagne, et il n'arrivait pas à Tournay un
étranger de distinction qu'on ne s'empressât de l'inviter à faire
partie du banquet. S'il lui plaisait même de jouter avec les
compagnons, on l'armait et on le montait aux frais delà com-
pagnie.
On peut se figurer les immenses préparatifs qui furent faits
dans la ville à l'approche du terme fixé : bien long-temps
avant le A juin 1S331 , les bourgeois s'étaient mis à l'oeuvre.
Ils avaient fait faire un enclos sur la place du marché pour la
célébration de la joute solemnelle, le tout à leurs dépens, et
l'on avait surtout remarqué parmi ceux qui prenaient le
plus à cœur l'organisation de la fête, le sieur Jacques De Cor-
bry , l'un des plus riches bourgeois de la ville. Il n'y épargnait
ni son temps, ni sa peine, ni ses deniers : c'était à lui sans
doute que l'on devait l'idée de cette fête, car personne n'en-
courageait les travailleurs plus vivement que lui, et on le
voyait même au besoin mettre la main à l'œuvre.
Tous ces motifs engagèrent les compagnons à lui décerner
le nom du principal roi de la fête. On le nomme le roi Ghalot,
qui jadis conquit trente rois, comme l'ajoute le chroniqueur
à qui ces détails sont empruntés.
On s'aperçoit déjà que cette fête des XXXI rois n'était
qu'une variante des Tables rondes, qui étaient depuis long-
temps en usage. La chronique de Gilles Li Muisis, que M. le
chanoine Le Smet imprime actuellement , fait mention de
plusieurs fêtes du même genre qui eurent lieu à Tournay , dans
les années 1282 et 1290.
Le bulletin donne au surplus les noms de ces XXXI rois,
dans l'ordre où ils furent adoj)tés par les compagnons tournai-
iens, avec les noms des bourgeois qui ont joué un rôle dans
( 507 )
cette fête et il y joint inèiue les blasons de chacun, selon la
nomenclature fournie par le chroniqueur.
Le lundi et le mardi après la fête du S'-Sacrement de l'an-
née 1331, la ville de Tournay put donc jouir du spectacle de
cette solemnelle passe d'armes. Il s'y était rendu des com-
pagnons et des bourgeois de quatorze villes différentes pour
prendre part à la joute, et comme c'étaient tous nobles hom-
mes et riches bourgeois, les marchands en tirèrent grand
profit. On vit des cavaliers accourir en bien grand nombre de
Lille , de Valenciennes et de Bruges surtout. Il y en eut aussi
de Paris, de Senlis,de S'-Quentin , d'Amiens, de S'-Omer, de
Compiègne, d'Arras , de Doulens,d'Ardenbourg et de l'Écluse
et l'on compta qu'il y avait en tout cent seize cavaliers courants.
Tous ces détails sont tirés d'une chronique sans nom d'au-
teur, qui fait partie des manuscrits de l'État, et qui me semble,
par son contenu, devoir trouver sa place dans le recueil des
Chroniques de Flandres que publie M. le chanoine De Smet.
M. X. Heuschling avait communiqué à la commission un
extrait d'un manuscrit , appartenant au père Bûchen , prêtre,
demeurant à Kylbourg, grand duché du Luxembourg, et rela-
tif à l'histoire de cette province. La commission ayant désiré
en connaitre le contenu, voici le sommaire des trois volumes
tel qu'il a été présenté par M. De ReifFenberg :
Tome 1". Double mémoire sur la succession des souverains
du Luxembourg , leurs naissances, leurs familles, etc; mé-
moire sur le château, la ville et le parc de Luxembourg ; liste
de tous les gouverneurs, présidents, etc. Liste des événements
considérables, concernant le Luxembourg jusqu'en 17o0, etc.
Tome IP : Il traite du Luxembourg ecclésiastique , c'est-^-
dire des quatre paroisses et de ses établissements religieux.
Tome IIP : Il regarde la province du Luxembourg en géné-
ral, son étendue, sa situation, ses domaines, son gouverne-
ment, son commerce, etc. Cette partie est brièvement traitée
et composée de mémoires de diflFérentes mains.
M. Auguste Beaucourt, avocat à Bruges, a fait parvenir à
M. De Reiffenherg le deuxième volume d'un ouvrage manus-
( 508 )
crit (le son ancêtre , Beaucourt de Noortvelde, dont on a plu-
sieurs ouvrages imprimés.
Ce manuscrit est intitulé :
«Tableau fidèle des troubles et révolutions arrivées en Flan-
«dre et dans ses environs, depuis Charles, dit le Bon , XIII"
«comte et souverain de la susdite ci-devant province, jusqu'à
» l'an 1384. E{)oque de la réconciliation avec Philippe 11, roi
«d'Espagne, XXXI" comte de Flandre, ouvrage en deux vo-
» lûmes, qui peut servir d'introduction aux mémoires du
» révérend père Strada sur les révolutions dans le XVP et le
» XVII" siècle. » Ce travail porte la date de 1792,
M. De ReifFenberg met encore sous les yeux de la commis-
sion vingt cahiers in-folio et manuscrits, renfermant les Blé-
moires historiques et politiques de Charles Emmanuel , comte
d' Auxy-Neuville.
M. le comte d'Auxy s'occupe principalement du Hainaut et
de ce qui lui est personnel. Sa narration tient moins de place
que les pièces justificatives, dont plusieurs ont été publiées.
Cependant ces mémoires contiennent quelques faits entière-
ment neufs.
Le bulletin, comme les précédents, est terminé par la suite
des notices sur des manuscrits relatifs à la Belgique conservés,
soit dans les dépôts publics, soit par des particuliers; et l'indi-
cation de publications récentes, relatives aux travaux de la
commission, par M. De ReifFenberg.
Ces dernières publications sont au nombre de vingt-huit,
et parmi les manuscrits cités des bibliothèques royales de
Bruxelles et de Paris, de la bibliothèque impériale de Vienne ,
de la Bihlioteca hrancatiana de Naples et de celles deStuttgard
et de Bruges, il en est un (à Paris) qui contient deux pièces
relatives à l'histoire deTournay; un autre (à Vienne) qui con-
tient des privilèges de Bruges et de nombreux documents
pour la connaissance de l'ancien droit flamand, et enfin un
troisième (à Stuttgard) qui contient une chronique rimée de
Flandre depuis Lideric de Buck jusqu'en 1-404, dont M. Mone
donne nne idée dans son livre sur la littérature flamande
populaire, et que M. Kausler se propose de mettre au jour.
( 509 )
€l)roniqiîe bes Sciences et ^xt$, et Variétés.
— -■— i®9g&s«
BiBLiOTHÈQCE HISTORIQUE DE BELGIQUE. — Un dc nos abonncs de
Bruges, dans une lettre adressée à l'un des rédacteurs du
Messager des Sciences historiques, se plaint de l'inexactitude
qu'avait commise ce journal en annonçant (1) la Bibliothèque
historique de Belgique, par M, De Reiffenberg, comme étant
déjà sous presse.
Le Messager, en parlant de cet ouvrage , n'a fait que copier
ce qui se trouve sur la couverture des Bulletins de la commis-
sion d'histoire , dont M. De ReifFenberg est le rédacteur. Or
l'annonce de la Bibliothèque historique se lit encore en toutes
lettres sur le dernier de ces Bulletins, qui a paru en sep-
tembre 1839.
L'inexactitude ne viendrait donc pas de la rédaction du
Messager.
Mais nous pouvons assurer en outre qu'une ou deux feuilles
d'épreuves de cet ouvrage ont été réellement tirées, il y a
plus d'un an.
Au reste, nous partageons l'impatience de notre abonné,
nous désirons aussi vivement que lui la prompte publication
de \n Bibliothèque historique, que personne n'est plus à
même de donner au public que M. De Reiffenberg.
C. P. S.
Antverpia Christo nascens et crescens. — Tous ceux qui s'oc-
cupent chez nous d'études historiques, connaissent l'ouvrage
publié au siècle dernier par J. C. Diercxsens , curé de l'hôpi-
(1) Vol. 6 de 1838, pag. 108.
34
( 510 )
tal (le S^^-Élisabeth, à Anvers, sous Je titre de Antverpia Christo
Nascens et Crescens, seu Acta ecclesiam Antverpiensein ejusque
episcopos ac viros jnetate et doctrina conspicuos, concernentia.
L'auteur, tout en se proposant de ne faire qu'une histoire ecclé-
siastique d'Anvers, a cependant mêlé à son récit une foule de
détails relatifs aux événements dont cette ville avait été le
théâtre, et aux hommes qui s'y sont distingués par leur savoir,
leurs talents ou leurs vertus. Par là son livre est resté jus-
qu'ici le meilleur que nous ayons sur l'histoire d'Anvers.
Diercxsens s'est arrêté au commencement du XYIII^ siècle.
Aujourd'hui M. l'abbé J. SchaefFer, professeur d'histoire et
de philosophie au séminaire de Malines et archiviste de l'ar-
chevêché, se propose de continuer l'ouvrage de Diercxsens et
de le conduire jusqu'au XIX" siècle. M. SchaefFer a fait depuis
de longues années une étude toute spéciale de l'histoire ecclé-
siastique d'Anvers, et le poste qu'il occupe, l'a mis à même
de connaître cette partie mieux que tout autre.
Le public verra donc paraître avec plaisir une continuation
de l'ouvrage de Diercxsens. Ce livre renfermera l'histoire de
l'épiscopat de huit prélats, parmi lesquels les évêques Wellens
et De Nelis occupent une place si honorable. En outre, on y
trouvera des détails sur les fondations pieuses du XVIll^ siècle.
Viendra ensuite la suppression d'un grand nombre de cou-
vents sous Joseph II. Enfin, l'auteur racontera tout ce qui est
relatif à la révolution française, à cette grande catastrophe,
qui renversa en peu de mois ces nombreuses institutions
pieuses que nos ancêtres avaient élevées pendant une longue
suite de siècles.
Cette dernière partie de l'ouvrage ne sera pas la moins in-
téressante, car, quoique ces temps ne soient pas très-reculés
encore , nous sommes loin cependant de les connaître d'une
manière complète. L'ouvrage de M. Schaeffer ne formera
qu'un volume, dont le prix sera fixé d'après le nombre des
souscripteurs.
L'auteur fait un appel à tous ceux qui auraient quelques
documents inédits, relatifs à la période qu'il se propose de
traiter.
C. P. S.
( 511 )
LiTTÉiuTURK FLAMANDE. — Oii remarque en ce moment un in-
croyable mouAcment dans la littérature flamande. De toutes
parts on rivalise d'efForts pour la remettre en honneur et en
rendre le goût populaire. Aussi croyons-nous (jue toutes ces
tentatives seront couronnées d'un succès mérité. Car, ne l'ou-
blions pas, dans la langue que parlaient nos ancêtres, gît un
puissant élément de nationalité. A dater du 1'"' janvier pro-
chain, paraîtra à Gand tous les quinze jours un journal litté-
raire, y)ortant pour titre Kiinst- en Letlcrhlad. M. Snellaert,
déjà connu dans le monde intellectuel par son excellent mé-
moire sur la poésie flamande, sera le directeur de cette
nouvelle publication. Il sera assisté dans cette entreprise de
MM. Willems, Van Duyse , Rens et de quelques autres. Dans
le même temps, un autre recueil périodique fera son appari-
tion à Anvers, il portera le nom de Noord-Star et aura pour
collaborateurs MM. Conscience, De Laet, Van Uyswyck. Le
grand nombre de souscripteurs, qui se sont déjà abonnés à
ces revues , prouve suffisamment l'intérêt qu'elles inspirent
d'avance.
— La société de littérature flamande, qui s'est établie a
l'université catholique de Louvain, promet de ne pas rester
inactive. Déjà elle a jtublié un charmant recueil de poésie,
dont tout le monde a approuvé l'excellente tendance. Elle
vient de mettre maintenant au concours un poème sur l'inva-
sion des Normands en Belgique, en 880. Le lauréat obtiendra
une médaille et les honneurs de l'impression. L'œuvre doit
être envoyée au secrétaire de la société, avant le l*"^ juin 18-'»0.
— La société de littérature d'Anvers de Olyftak , ayant
pour devise Lnbore et Constantia , a décidé, dans sa séance
du 17 de ce mois, qu'à l'occasion de l'inauguration de la
statue de Rubens, elle décernera :
1" Une médaille en or de la valeur de deux cents francs, à
l'auteur de la meilleui-e pièce en vers sur : Anticerpcn ver ■
heerlykt door de groote mannen die het heeft voortgebracht;
2° Une médaille de la même valeur , à l'auteur du meil-
leur morceau en prose, ayant pour sujet : Lofrede op P. P
Rubens.
J. D. S. G.
( 512 )
Portrait db Pater De Jonghe. — La commission ])Our la con-
servation des monuments de la ville de Gand a acquis der-
nièrement, dans une vente publique, un beau portrait du
dominicain De Jongbe , plus connu sous le nom de Pater
De Jonglie , auteur d'une cbronique épbémeride de Gand,
nommée Gendsche Geschiedenis. C'est le seul portrait que l'on
possède de cet écrivain gantois, mort vers 1740.
Nécrologie. B. J. De Bruyn. — Un des bibliophiles les plus
zélés de la Belgique, M. Bernard-Joseph De Bruyn , né en 1778,
est mort le 26 septembre 1839, à Malines. Il avait passé toute
sa vie à réunir des livres, des manuscrits et des curiosités ar-
chéologiques. Bien que peu d'ordre régnât dans sa volumi-
neuse bibliothèque, l'amateur de bibliographie était toujours
sûr de s'amuser pendant des heures entières parmi les livres,
sans nombre , qu'il permettait à l'acheteur de visiter à son
aise. Il avait de grandes connaissances en bibliographie, et
recherchait constamment la conversation de gens instruits
dans cette partie. Doué d'une originalité de caractère, dont le
type se trouve raremant, il était bon, plein de complaisance,
et se fut mis en quatre pour obliger. Une des gravures, données
par la Renaissance, le N° 4, intitulé le Bibliomane, reproduit
la ressemblance parfaite de cet excellent vieillard.
Monument a élever a Maerlant. — Nous avons vu avec infini-
ment de plaisir, que dans la dernière session des états-pro-
vinciaux de la Flandre occidentale, M. le gouverneur a pro-
posé de porter annuellement au budget une certaine somme,
destinée à élever des monuments aux hommes qui ont illustré
cette province dans l'histoire. La proposition a été admise, et
sur la demande de M. l'abbé Carton , la Société d'émulation a
obtenu l'autorisation de faire des fouilles sous la tour de
l'église de Damme, afin de rechercher la pierre sépulcrale du
tombeau de Jacques Van Maerlant, le père de la poésie fla-
mande. Malheureusement ces fouilles n'ont pas eu le résultat
désiré. La pierre tumulaire que l'on croyait trouver, a été
vendue il y a quelques années, coupée en deux, retaillée et
( 513 )
j)lacee comme chapiteaux à l'entrée du cimetière de l'église
de la ville de l'Écluse (Zélande) (1).
Nous saisissons cette occasion pour exprimer le désir que
le gouvernenKMit donne à une de nos locomotives le nom de
Jacques Van 3laerlant. Ce sera un premier témoignage de re-
connaissance, donné à la mémoire de cette célébrité na-
tionale qui eut un si grand renom.
Tombeau du comte de Horjïe, a Weert. — Le tombeau du comte
de Borne (Philippe de Montmorency), décapité à Bruxelles, le
5 juin 1368, vient d'être découvert le 8 de ce mois, dans
l'église de S'-Martin, à Wecrt. On a trouvé le caveau conte-
nant les dépouilles mortelles du comte. Le cercueil, construit
en planches, était délabré par vétusté. Le squelette était in-
tact : le crâne se trouvait placé sur la poitrine. A gauche du
squelette et à côté du cercueil , était déposé une urne en étaiii
hérmétiquent fermée.
Sur le couvercle on lisait ces mots :
Heer en Grave van Iloorne.... , Wjuny 1368. Le reste de
l'inscription était indéchiffrable.
Le couvercle de l'urne a été, en présence de quelques
notabilités de la ville de Weert, scié à l'effet de s'assurer de
son contenu : un sable aromatique, répandant une forte
odeur, s'est offert aux yeux des assistants. Après en avoir ôté
les premières couches, on a découvert le cœur du comte , in-
tact, avec sa forme et sa couleur primitive , mais se réduisant
en poudre au toucher.
Un demi- siècle avant nous, la pierre sépulcrale existait
encore devant le maître autel de ladite église. Mais par suite
de changements survenus , ladite pierre a disparu.
C'est à la sollicitation et sur les instances de MM. les com-
missaires hollandais que ces recherches ont eu lieu.
Le roi Guillaume est dans l'intention de faire élever un
monument au compagnon du Taciturne; il en a donné une
assurance formelle à la ville de Weert.
(1) V. lintcressant rapport fait sur ces fouille?, par Tabbc Carton.
Bruges, 1839 , in-S".
( 514 )
Il est à regreter que le gouvernement belge n'ait pas pris
l'initiative de l'honneur à rendre aux mânes d'un des pre-
miers martvrs de nos libertés.
4
Il parait que le prince de Chiraay, allié à la famille du
comte, dispute au roi Guillaume l'honneur de contribuer aux
frais du monument.
L'ouverture solennelle aura lieu incessamment.
Ea attendant le tout a été remis dans son état primitif, et
l'urne soudée, a été triplement cachetée.
Trois procès-verbaux ont été dressés: 1" pour les archiTes de
l'église; 2° pour les archives de la commune; â^pour l'évéque.
Un mot SDR LES GEOLIERS — Il parait que de tout temps ceux
qui ont eu la garde des prisonniers, se sont montrés durs et
impitoyables, et que ce n'est pas gratuitement que l'épithète
de Geôliers est devenue une sorte d injure. Aux Xl\™* et X\™"
siècles, l'on rencontre plusieurs documents, constatant que
des mesures ont du être employées pour réprimer la rapacité
des Cipiers , comme l'on disait alors. Nous avons sous les yeux
des lettres patentes du duc Philippe de Bourgogne, par les-
quelles est réglé ce qu'on peut exiger des prisonniers pour
salaire, afin de mettre un terme au grand et excessif salaire
qu'exigent les châtelains et chepiers et autres officiers, ayant
garde des prisons au pays de Flandre.
Les prisonniers pauvres paieront trois sols six deniers pari-
sis , monnoie de Flandre, pour chaque jour naturel, de la-
quelle somme le châtelain aura deux sols, et sera tenu de
délivrer aux prisonniers jonù; . potage et cervoise : les autres
dix-huit deniers appartiendront au chepier on garde des pri-
sons pour le lit et les appartenances. Les prisonniers qui ne
seront pas détenus aux dépens du prince, et qui auront de
quoi payer, donneront six sols parisis par jour. Ils pourront
en outre avoir un demi-lot de vin par jour pour deux sols.
Cet acte est de 1401.
Redeva:«ces de ville \ ville. — Au moyen-âge, quantité de
villes étaient tributrices d'autres villes plus importantes , pour
certains objets en nature. C'était comme une sorte d'hommage
( 515 )
féoflal, qui servait à rapjtoler les ol)li|ïations auxquelles l'une
était tenue vis-à-vis de l'autre, en temps do guerre ou en
d'autres circonstances , établies très-souvent par des chartes
ou privilèges. Il paraît que de ce cliel' Bruges recevait an-
nuellement une certaine quantité de vin de la ville de
l'Ecluse. Une ordonnance du roi catholique de Léon, de Gre-
nade, archiduc d'Autriche etc., de l'année 1519, statue que
ceux de Bruges recevront immédiatement de ceux de l'Ecluse,
la quantité de vin qu'ils ont de toute anchienncté accousttwié
avoir, prendre et lever sur la ville de Lescluze , en la fourme et
manière que fait a esté le temps passé.
AitOLiTiON DE LA CONFISCATION EN 1^10. — Bien souveut lorsquc
les comtes de Flandre accordaient des immunités ou privi-
lèges aux villes, c'était dans leur propre intérêt plutôt que
dans celui du bien-être des habitants. L'on sait que le duc
Jean, en 1-410, affranchit les habitants du Franc, de qucl-
qu'état ou condition qu'ils fussent, de la confiscation de leurs
biens, tant fiefs et héritages que meubles , pour quelque fait ou
délit criminel qu'ils fassent ou conuncttent, excepté pour
méfait, qui serait perpétré et commis en et sur la personne
du comte, de sa femme et de ses enfants légitimes. Mais ce
que l'on ne sait pas aussi généralement, c'est que pour recon-
naître cette faveur, les bourgmestres et échevins du Franc
accordèrent au duc, du gré et consentement des habitants:
1° Dix mille écus d'or, appelés couronnes de France, payés
argent comptant; 2° remise de deux mille nobles, dûs par feu
le père du duc, à ceux du Franc, pour cause de certain prêt
à lui fait; W une rente perpétuelle de cinq cents livres parisis
par an. Et afin que ces clauses fussent plus fermement obser-
vées et accomplies, Jean, abbé de S'-André lès-Bruges, y a
opposé son scel avec celui des bourgmestres et échevins, ainsi
que le Franc avait coutume d'en user au temjjs passé enplusieurs
cas, touchant obligations et choses perpétuelles.
Octave Delepierre.
( 516 )
(BxxnxxB et ïlectiftcations.
Année 1839, pag. 403.
Nous avons dit que la chapelle de Nassau était affectée au
Musée d'artillerie. Nous nous empressons de rectifier cette as-
sertion. Ce local renferme les sculptures de Kessels.
Pag. 407.
Le diplôme de Charles-le-Gros a été publié dans le bulletin
de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, par
suite de la communication que lui en a faite M. le professeur
Borgnet, à Liège, par qui cette pièce a été découverte. Nous
renvoyons, au reste, nos lecteurs aux bulletins de l'Académie.
ERRATA.
Page 384, ligne 13, au lieu de au-dessous, ?«*e2 .■ au-dessus.
385, 7, » au-dessous, » au-dessus.
» 21 , » Routs , » Ranst.
» 27 , » Coucy , » Roucy.
386, 23, » hic jacet, » hiejacent.
» au bas , » Cordekein, » Cordekeni.
387 , ligne 2 , » colice , » cotice.
390 , 29 , » Cosme , » Côme.
487 , 26 , » Découvertes , » Trouvailles.
( 517 )
TABLE DES MATIÈUES.
ANNEE 1839.
notices et Dissertations.
Pag,
Sur les Monnoies frappées à Runamen, par Jean II, sire de
Weseraael, de 14 lo à 1-462; par C. P. Serrure 1
De la Peinture en verre, par £***** 21
Recherches littéraires et bibliographiques sur quelques
anciennes impressions des Pays-Bas; par A. Voisin ... -41
Tableau par Memling 57
La Confédération de Termonde, ou le -4 octobre IS66, par
Pr. Van Duyse S9
Notice historique sur le Notariat belge, par H, Du Trieu. 70
Variétés historiques sur la domination française en Bel-
gique; par A. Schayes 78
Utenhovensteen, par Ph Blommaert 153
Bibliothèque manuscrite de la ville de Bruges, par Octave
Delepierre 161
De l'existence de l'Ogive dans les monuments des temps
les plus reculés, par A. V. L 171
Notice sur la bibliothèque de la ville d'Anvers, par
A. Voisin 196
Le Fils bourreau de son père, par Pr. Van Duyse 20-4
Notice sur les Archives du château de Rupelmonde, par
J. De Saint-Génois 210
Anciens registres des monnoies de Belgique, par C. P. Ser-
rure 224
Tour communale de la ville de Gand , par A. V. L. . . . 231
3o
( 518 )
Notice sur la bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles,
par Florian Frocheur 313
Manuscrits autographes de M. Lambin , archiviste de la
ville d'Ypres 349
Influence de la réforme à Louvain, par C. Piot 369
Sur Lucas de Leyde et Christophe de Cologne 376
Deux rois de France en même temps; par Lambin .... 380
Tombeau de Henri de Witthem, à Beersele, près de
Bruxelles, par J. Gautier 38-4
Ruines de l'église de Saint-Nicolas, en Glain, par Ed.
L. L. L 413
Causes de la guerre des Gantois contre le duc de Bour-
gogne (U50-US3) , par Ph. Blomraaert -418
Notice biographique sur le peintre Yerhaghen, par C. Piot,
avocat -43^
Watcant, par Le Glay -445
Additions et corrections aux listes chronologiques des an-
ciennes impressions de Mayence avec date , qui ont été
publiées jusqu'à ce jour, par H. Helbig 430
Sur les Monnoies frappées à Rummen , par C. P, Serrure. 461
7imi^$t$ critiques.
Verhandeling over de NederlandscheDichtkunstin Belgie,
sedert hare eerste opkorast tôt aen de dood van Albert
en Isabella, door F. A. Snellaert, doctor in de genees-
kunde. Par Ph. Blommaert 100
OudvlaemscheGedichten der XIP, XIIP en XIV eeuwen,
uitgegeven door jonkheer Ph. Blommaert. Par J. De
Saint-Génois 108
Biographie universelledesMusicienset Bibliographie géné-
rale de la musique, par F. J. Fétis, maître de chapelle
du roi des Belges, et directeur du Conservatoire de
Bruxelles. Par le baron De ReifFenberg 253
De Leeuw van Vlaenderen , door H. Conscience, — Richilde
ou Episodes de l'histoire de la Flandre, au XP siècle,
par Coomans aîné. Par Ph. Blommaert 263
Mengelpoezy van F. J. Blieck, lid der Maetschappy van
{ 519 )
rhetorica te Wervick. Bloeinen iiiyner Icnlc , duor
Ch. Ledeganck. Par Ph. Blonimaert êii'à
011a Podrida, par M. Mathieu 470
Gloires et Misères, par Adolphe Siret -472
Nouvelle Grammaire française, à l'usage des écoles hcl-
ges,par A. F. Guillerez 475
L'Inquisiteur , histoire liégeoise du XVI^ siècle, par A. Po-
lain. 477
Histoire de la Belgique, par H. G. Mokc. Par Coomans aîné. 479
bulletin bibliûgrapliiqu^.
Histoire et géographie de Belgique. . . . 114, 276, 395, 486
Voyages 280, 489
Biographie 116, 492
Littérature 116, 278, 396, 486
Bibliographie 279, 397, 495
Beaux-Arts 281
Médecine, hygiène, anatoraie 120,280,397, 490
Philosophie 398
Botanique 401
Architecture 120, 401
Mémoires scientifiques 282
Sciences juridiques 282
Ascétique 121
Arithmétique, mathématiques 282, 397,491
Grammaire 121, 213, 491
Statistique, Économie politique 121, 398, 494
Publications périodiques 118,284, 399, 399, 492
Écrits politiques et pamphlets 119, 282, 402
Ouvrages divers 122, 285, 402, 496
Statistique bibliographique (année 1839) 497
Commission royale î)'l)i5toire.
Analyse du bulletin de la séance du 3 novembre 1838 . 123
15 décembre 1838 . 287
3 août 1 839 ... . 500
( 520 )
€l)r0ntr{uc bes Sciences et bes ^Tt9.
Fonts baptismaux de Saint-Germain, à Tirleraont lâO
Société d'Émulation , à Bruges 141
Poème de Foppens sur Anderlecht 143
Bague du XIIl" siècle 146
Antiquités romaines , à Audenarde 147
Passage Leraonnier à Liège 148
Galerie vitrée, à Bruxelles ib.
Passeport de l'année 1349 ( 1350) 149
Association pour favoriser les arts en Belgique 150
Land)ert Massart, à Paris 151
Beffroi de Gand ib.
Épitaplies anciennes 152
Pierre sépulcrale à Postel 300
Continuatio chronici contracti ecclesiœ Parchensis 301
Particularités sur la ville de Bruxelles 305
Nécrologie. — Joseph Paelinck 308
. B. J. De Bruyu 512
Concours de l'Académie de Bruxelles 310
Musée d'Antiquités de Bruxelles 403
Nouvel hôpital civil de Louvain 404
Statue en bronze de Rubens 406
Bibliographie ib.
Diplôme de Charles-le-Gros 407
Découvertes numismatiques ib.
Sociétés de littérature flamande 409
Orthographe flamande ib.
Ruines de S'-Bavon , à Gand 412
Bibliothèque historique de Belgique 509
Anlverpia Christo Nascens et Crescens ib.
Littérature flamande 511
Portrait de Pater De Jonghe 512
Monument à élever à Jacques Van Maerlant ib.
Découverte du tombeau du comte de Hoorn, à Weert . . 513
Un mot sur les geôliers 514
Redevances de ville à ville ib.
Abolition de la confiscation en 1410 513
' GETTY CENTER L'NRAJ^,^
^ ^125 00676 5495