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MESSAGER
DES SCIENCES HISTORIQUES,
DES ARTS
ET
DE LA BIBLIOORâPniE
DE BELGIQUE.
LISTE DES COLLABORATEURS.
MM. Baré de Comogne (le V"=), archéologue, à Hiiy.
Le cliev. de Bonar, à Waasen-Wildcii, près de Gratz (Styrie).
J. BoRGNET, archiviste de la province de, et à Namur.
R. CnALON, président des Bibliophiles belges, à Bruxelles.
Cii. DE CuÊNEDOLLÉ, dircct. du Bulletin du bibliophile belge, ^ Brux.
Ch. De Brou, graveur, ;\ Bruxelles.
LÉON de Bcrbure, compositeur, à Anvers.
D. De Haerne, membre de la Chambre des Représ., à Courlrai.
Men De Ring, antiquaire, à Strasbourg.
Le Chan. J. J. De Smet, membre de la Comm. royale d'hisl., à Gand.
0. Delepierre, consul de Belgique, à Londres.
A. Dubois, avocat, à Gand.
Florian Frocueur, attaché à la Bibl. de Bourgogne, à Bruxelles.
V. Gaillard, secrétaire de la Commission des Monuments, à Gand.
P. Génard, sous-bibliolhécaire de lu ville d'Anvers.
GvsELYNCK, à S'-Genois (Flandre occidentale).
F. Hacoez, à Mons
H. Helbig, bibliographe, à Liège.
IsiD. IIye, agrégé h l'Université de Gand.
Ed. Joly, archéologue, à Renaix.
J. Kervtn de Lettekhove, correspondant de l'Académie, à Bruges.
Le Glay, archiviste-général du département du Nord, à Lille.
F. NÈVE, professeur à l'Université de Louvain.
J. Petit de Rosen, à Liège.
Cu. PioT, premier commis aux Archives du royaume, à Bruxelles.
M. L. PoLAiN, archiviste de la province de et à Liège.
Alex. Pinchart, second commis aux Archiv. du royaume, à Brux.
Henry Raepsaet, avocat, à Audenarde.
J. E. G. Roulez, professeur à l'Université de Gand.
Ar. et Alex. Scuaepkens, archéologues, à Bruxelles.
A. ScDAYES, cons. du Musée d'antiq., d'amur. et d'artill., à Brux.
P. ScuELTEMA, ai'chiviste de la ville d'Amsterdam.
DÉSIRÉ ToiLLiEZ, ingénieur, à Jemmapes.
Fr. Van Duyse, archiviste de la ville de Gand.
G. Vervier, président de la Commission des Monuments, à Gand.
D. J. Van der Meerscii, docteur en médecine, à Audenarde.
Edm. Van der Straeten, à Audenarde.
Th. Van Lerius, avocat, à Anvers.
L. A. Warnkoenig, professeur à l'Université de Tûbingue.
M. Wolters, ingénieur en chef de la Flandre Orientale, à Gand.
MESSAGER
DIS semis HISTORIPS
DE LA BIBI^IOGRAPHIE
DE BELGIQUE.
MM. J. DE SAII\T-GE^OIS , Professeur-Ilibliolhécairc à l'Onivcrsilé;
C. p. SERRURE , Professeur d'histoire à rOniversitc ;
A. VAN LOKEREJi, Avocat, Eclievin et Arciiivisle honoraire de la ville;
P. C. VAN DER MEERSCII, Avocat et Archiviste de la Flandre orientale;
et Pn, KERVYN DE VOLKAERSREKE, Bibliothécaire de la Société royale des
Beaux-Arls et de Littérature;
A GAND.
année 1851.
■rr-g>»ffi^-<B
(©anà ,
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE DE L. nEBBELYiNCK,
Rue des Peignes , C.
ïlcconstructiau
CAMPANILLE DU BEFFROI DE GAND,
-aaesa^
Si noire nH-moire ne nous trompe point, c'est le 30
avril 1859 que l'on démolit, pour cause de sûreté publi-
que, le campanille en bois qui couronnait notre antique
tour communale et que Ton descendit le dragon en cuivre
qui le surmontait.
Peu de temps après M. Van Lokeren, aujourd'bui éclie-
viu de notre ville, publia dans ce recueil riiistorique de ce
respectable monument qui a bravé tant de siècles et tant
d'événements de toute nature.
Après douze ans d'bésitation, d'études longues et appro-
fondies cl d'un examen sérieux de la question sous toutes
ses faces, le Conseil communal, fidèle aux traditions de
grandeur et de puissance de la cité des Arteveldes, a décidé
à l'unanimité, sauf une voix, que le campanille du Beffroi
serait reconstruit dans un style autant que })ossible en liar-
monie avec le reste de l'édifice. Celte résolution a été
accueillie avec la plus grande faveur par la population
gantoise, qui y a vu un nouveau témoignage du respect
que nos magislrats conservent pour les héroïques souvenirs
du passé et pour ce vieil esprit communal qui fait la force
de notre Belgique constitutionnelle. A ce propos, un autre
échevin de notre ville, l'honorable M. De Pauw, dont on
connaît le zèle, l'empressement et le patriotisme, chaque
1851. 1
fois qu'il s'agit de gloiilier l'antique commune gantoise, a
publié un rapport circonstancié sur les différents points
qui ont été soumis à l'examen du Collège échevinal sur
cette grave question. Ce rapport oîi l'auteur s'est livré à
des appréciations morales tout-à-fait dignes du sujet, est
particulièrement remarquable par la signification politico-
bistorique qu'il a su donner à cet acte de l'administration
communale, désiré depuis tant d'années. A ce titre nous
avons pensé que ce travail devait trouver place dans notre
revue, où avait déjà été tracée l'bistoire arcbitecturale de
ce monument. Le dessin qui accompagne ce rapport, repro-
duit exactement le Beffroi tel (ju'il se présentera, lorsque
les ouvrages et réparations qu'on se propose d'y faire, seront
acbevés. Sept plans différents avaient été présentés au Con-
seil communal; l'arcbitecte de la ville, l'bonorable M. Roe-
landt, résumant ce qu'il y avait de bon dans cbacun d'eux,
en a composé le projet définitif tel qu'il a été adopté par
le Conseil communal. Les travaux de reconstruction com-
menceront cet été, et on espère qu'en 1854 on pourra
inaugurer le campanille avec le dragon qui lui sert de
couronnement.
3 —
Rapport fait en séance du Conseil communal du 8 février 1831,
par M. l'Echevin De Pauw, au nom de la Commission des
iracauXf etc., sur la reconstruction du campanille du Beffroi.
Messieurs et liouoraLlcs Collègues !
L"un de nos collègues, M. Pieters-.MorcI, a dit récemment dans un rapport
remarquable .- le Beffroi est le plus populaire de nos momoncnls. Oui, Mes-
sieurs, le Beffroi est le plus populaire de nos monuments, car il est le sym-
bole de l'idée communale, de tous temps si chère ù la Belgique; il est le signe
extérieur, éclatant d"un droit précieux : du droit concédé aux habitants de
notre ville de diriger par eux-mêmes le gouvernement intérieur de leur cite.
Le premier acte des communiers lors de l'établissement d'une commune
était (vous le savez, Messieurs), la construction d'un Beffroi.
Notre Beffroi est donc en quelque sorte la charte de fondation, l'acte de
naissance de la commune de Gand. Il est aussi l'emblème de son antique
puissance : depuis des siècles, les cloches du Beffroi ont, sur l'ordre des ma-
gistrats de Gand, appelé les Gantois au travail, au combat, aux réjouissances
publiques; et pendant bien des siècles aussi les voûtes du Beffroi ont abilré et
conservé intacts dans le coffre de fer, nos privilèges et les titres de nos fran-
chises communales.
Témoin glorieux et huit fois séculaire des hauts faits, des actions héroïques
de nos aïeux, notre Beffroi, par la hauteur et la solidité de ses murs de granit,
nous montre encore aujourd'hui quelle était la force et la fierté de nos pères,
et il nous avertit en quelque sorte, nous, leurs enfants, de marcher sur leurs
traces et de ne rien faire qui puisse cire indigne d'eux.
Aussi aux yeux de vous tous. Messieurs, qui comprenez la religion des sou-
venirs, de vous tous qui èles les fermes soutiens, les protecteurs constants
non-seulement de nos intérêts matériels, mais encore et surtout des intérêts
moraux et intellectuels de notre cité, à vos yeux, le Beffroi a toujours été le
plus beau titre de gloire de la ville de Gand. A la vérité le monument est
sévère, d'un aspect sombre, imposant, et il porte rt-mpreinte des siècles, mais
c'est par là même qu'il est doublement cher au cœur de tout vrai Gantois.
Notre Beffroi est pour nous ce qu'est pour un brave régiment, le vieux dra-
peau noirci par la poudre et déchiré par la mitraille. Aussi la question de
savoir si le Beffroi serait conservé n'a jamais été douteuse et elle doit l'èlrc
aujourd'hui moins que jamais.
En présence des résullate funestes produits dans d'autres pays par une
centralisation absolue et sans limites, nous devons veiller plus que jamais au
mriintien, à la glorilication de lidéc communale, type de notre nationalité, et
qui doit assurer notre indépendance dans l'avenir.
Loin de nous cependant toute pensée hostile au pouvoir central. Disons au
contraire que le pouvoir central doit être fort et respecté, mais ajoutons qu'il
doit ^tre en même temps aimé : or, jamais il ne sera aimé en Belgique s'il se
permet d'absorber, de concentrer en lui seul tous les droits, les droits des
provinces, des villes, des corps politiques, des individus.
Il en est de même de la capitale. Elle doit être la première ville du pays, la
plus riche, la plus splendide, la plus favorisée; mais elle doit laisser aux
autres villes l'air, l'espace, le soleil nécessaires à leur développement non-
seulement matériel, mais intellectuel.
Jamais nous ne comprendrons dans notre pays, qu'il puisse être bon et
juste de concentrer dans une seule ville tous les monuments, tous les chefs-
d'œuvre des arts, tous les moyens d'instruction, toutes les intelligences d'élite,
car alors l'intelligence en province ne dépassant plus un certain niveau, la
masse de la nation, privée des jouissances les plus pures de l'Ame, est con-
damnée à une sorte d'ilôtismc intellectuel au profit des privilégiés de la capi-
tale qui ne lui rendent en compensation que des livres et des journaux; pré-
sent presque toujours inutile, quelquefois funeste et que la province partage
d'ailleurs avec l'étranger.
Hâtons-nous d'ajouter, Messieurs, qu'heureusement rien de pareil n'est à
craindre sous notre gouvernement. Le roi connaît, il aime la Belgique, il sait
que notre pays est le véritale pays des franchises communales, et sa volonté
est que ces franchises demeurent intactes et respectées. S'il en fallait une
preuve nouvelle et éclatante nous la trouverions dans l'affaire qui nons oc-
cupe. Car le roi lui-même veut la restauration de notre vieux Beffroi, et il le
veut si bien que dans ce but un subside de 50,000 francs nous a été octroyé
par son gouvernement; et, déjà cette somme considérable se trouve depuis un
temps assez long (nous le disons avec une certaine pudeur) dans notre caisse
communale sans que nous ayons pu, jusqu'à présent, l'employer à l'usage
auquel elle est destinée.
Mais enfin notre Beffroi va être reconstruit et il va l'être en l'honneur de
l'idée communale que des esprits étroits ou passionnés qualifient de patriotisme
de clocher.
Terminons en jetant un coup d'oeil rapide sur les effets produits en noire
pays, d'un côté par le régime de la centralisation absolue, régime sous lequel
nous avons vécu du temps du consulat et de l'empire; et de l'autre côté par le
régime rétabli en 1815 d'une centralisation modérée et tempérée par l'esprit
communal.
— 5 —
Sous le premier de ces régimes, laiulis que Paris, malgré la fjuerte, voyuit
tous les jours s'élever de nouveaux et magnifiques monuments, surgir des in-
stitutions de toute csiicce, affluer dans son sein tous les chefs-d'œuvre des
arts, tous les hommes considérables de f empire; en un mot, tandis que Paris
devenait la merveille du monde; la province perdait tous ses honneurs, toute
son importance, et se trouvait réduite à n'avoir plus d'autre occupation,
d'autre souci que celui des intérêts matériels. Les départements n'étaient plus
rien que des champs et des fabriques.
Voyons quel a été pour la ville de Gand le bilan de ce régime.
En fait de monuments :
Construction de deux portes de ville et de trois pompes.
En fait d'institutions :
Création d'un lycée en remplacement d'autres collèges.
Voyons maintenant le bilan du deuxième régime.
En fait de monuments :
Construction du Palais de rUniversilé.
Des nouvelles casernes.
D'une aile de l'Académie de dessin.
Du Palais de Justice.
De la nouvelle salle de spectacle.
Des nouvelles serres.
Du nouvel Entrepôt.
Sans compter une quantité innombrable d'améliorations secondaires.
En outre création de notre port de mer.
Création de notre belle station où quatre chemins de fer viennent se réunir
comme en un nœud brillant, et où l'on voit s'élever des quartiers nouveaux,
je dirais presque une nouvelle ville.
Dans l'ordre moral :
Gand est devenu ville universitaire, le siège d'une cour supérieure de jus-
tice. Il y a clé établi une école du génie civil, une école normale, une école
industrielle, un conservatoire de musique, une école primaire supérieure et
de nombreuses écoles communales gratuites pour les enfants des deux sexes.
Cet état de choses est dû sans doute en partie à la longue paix dont nous
jouissons, mais il est dû en majeure partie au rétablissement de nos libertés
communales. 11 sufQt pour s'en convaincre de comparer les progrès des villes
de Belgique depuis 181a, aux progrès des villes d'un pays voisin depuis la
même époque.
K'avons-nous pas raison. Messieurs, de bénir un régime qui produit de
pareils fruits et ne dcvons-nou-- pa? nous attacher de plus en plu- aux insli-
— 6 —
tutions qui nous régissent? Et remarquez que, tandis que Gand prospérait,
les autres villes de Belgique prospéraient de même. Bruxelles n'est-elle pas
devenue une ville magnifique, un séjour enchanteur? Anvers ne brille-t-il pas
au premier rang comme métropole du commerce et des arts? Liège et toutes
nos autres villes ne sont-elles pas florissantes?
C'est par Tesprit communal qu'au moyen âge la Belgique a été grande,
penommmée dans le monde entier, et c'est par l'esprit communal qu'elle est
en voie de reconquérir sa grandeur passée.
Nous n'avons pas cru inutile ni inopportun d'exposer le côté moral de la
question soumise à votre délibération; nous passons maintenant à l'examen
des questions spéciales que vos commissions ont à résoudre :
1''° Question.
La tour est-elle solide et promet-elle encore une durée considérable?
Voici la réponse de la commission spéciale nommée en 1842 par le conseil :
« La commission estime : que les murs quoiqu'étant faiblement lézardés et
» ayant besoin de grandes réparations extérieures présentent encore toute la
» solidité nécessaire pour supporter un poids infiniment plus considérable que
» celui qu'ils ont supporté avant la dernière démolition du campanille. »
Et plus loin :
« En agissant ainsi et en entretenant convenablement l'édifice, la commis-
» sion estime qu'il pourra encore avoir une durée très-considérable. »
2® Question.
La reconstruction doit-elle avoir lieu en fer ou en bois?
Le fer a été préféré k l'unanimité.
Le projet avait été conçu en bois, en -pierres et en cuivre en 1843 et d'après
le devis détaillé, fait à cette époque, le coût était de fr. 177,126.
Le projet actuel de même hauteur que celui de 184b ne coûterait pas autant
même en supposant qu'on reconstruise les quatre tourelles du premier étage.
2» Le projet de 1843 pesait au-delà d'un million de kilogrammes, le projet
actuel ne pèse pas 500,000 kilogrammes.
3o Le bois périt dans les assemblages par l'humidité de l'air et n'a qu'une
durée limitée.
i» L'expérience a démontré que les flèches des tours sont fortement expo-
sées aux dangers de l'incendie.
â^ Question.
Le campanille existant pèse 166,358 kilogrammes, celui qu'on se propose
— 7 —
de consli-uirc pcscia 261,314 kilogrammes, les limiles fixées par le rapport
des experts de 1842 ne sont-elles pas dépassées par cet excédant de poids?
La commission déclare résoudre cette question négativement.
4° Question,
La partie du campanille encore existant et la partie démolie présentaient
ensemble aux eft'orls du veut une surface de 97 68.
Le campanille projeté en présentera 127.
La hauteur du campanille démoli était de 27 mètres.
Celle du campanille à construire est de 56 mètres.
La nouvelle construction pourra-t-ellc, en la supposant faite avec soin, ré-
sister aux efforts de la tempête?
La commission a tout lieu de croire qu'oui.
5® Question.
La commission est-elle satisfaite, au point de vue des règles de Tari, de
l'ossature de la construction indiquée par la silhouette mise sous ses yeux.
La commission répond affirmativement sous la reserve qu'il sera donné à
toutes les parties de la construction la force cl la liaison nécessaires.
6° Question.
La commission approuve-t-elle le nouveau modèle au point de vue artis-
tique?
La commission répond affirmativement; deux membres demandent qu'on
rétablisse les quatres tourelles du premier étage, les six autres membres
adoptent le modèle tel qu'il existe.
7" Question.
RÉSUMÉ DES DEVIS.
Construction du campanille l'r. 112,176 73
Travaux de consolidation 27,443 79
Placement du gaz et réflecteurs pour l'éclairage des cadrans
de l'horloge » 2,000 00
Construction d'une nouvelle horloge » 6,000 00
Renouvellement du mécanisme et rétablissement du cabinet
et du buffet du carillonncur » 1,000 00
Renouvellement du tambour de réveil et de son tréteau. » 600 00
Renouvellement partiel des anneaux et battants des cloches
du carillon » «,000 00
Total. . . . fr. 1. '54, 220 52
— 8 —
Celle évalualion est inférieure de fr. 3,490 48 à celle laite par l'honorable
rapporteur de la commission des finances.
8° et dernière Question.
Convient-il d'ouvrir les fenêtres du Beffroi et de les rétablir dans leur élut
primitif?
Celte question a été résolue affirmativement en 1842 par la commission spé-
ciale, mais nous proposons de réserver toute décision sur ce point, afin de mé-
nager les finances de la ville. D'ailleurs celte amélioration pourra, quand on
le désirera, être exécutée dans l'avenir.
La reconstruction du Beffroi, Messieurs, est une déclaration sollennelle que
dans votre pensée, l'avenir, le présent, le passé, doivent être unis par une
seule et même chaîne; que si la ville de Gand est libérale et amie du progrès,
elle est en même temps animée de l'esprit de conservation et d'un juste
respect pour la sagesse de nos ancêtres. En un mot, nous ne voulons pas que
la chaîne des temps soit interrompue; nous ne voulons pas dater de cinquante,
de soixante ans et prendre origine ù la fin du XYIII^ siècle ou au commen-
cement du XIX« seulement. Nous prétendons dater de neuf à dix siècles et
nous ne voulons faire qu'un avec nos aïeux.
ESSAI
SUR
LES RELATIONS COMMERCIALES DES BELGES AVEC LE NORD DE
l'iTALIE ET PARTICULIÉREAIENT AVEC LES VÉNITIENS, DEPUIS
LE XII<= jusqu'au XVI« SIÈCLE.
— rsag&ss-
Dans ce travail nous avons essayé d'esquisser le tableau de
nos relations avec le nord de l'Italie, et en particulier avec la
république de Venise, depuis le XII'' jusqu'au XVI*' siècle.
C'est aux croisades qu'il faut attribuer le mouvement que
Ton remarque dans la civilisation de l'Europe, au commen-
cement de la troisième période de l'époque dite du moyen
âge. En effet, à peine sont-elles organisées, que le commerce
prend de l'extension : la foi imprime une impulsion nou-
velle aux voyages maritimes. On se réveille à la voix d'un
Pierre l'IIermite et d'un saint Bernard; des provinces, des
royaumes entiers courent se ranger sous l'étendard de la
croix, et vont arracher aux infidèles une conquête pré-
cieuse pour leur foi et leur bravoure. On vit alors, comme
le dit Tasso, le guerrier des bords de l'Ébre désaltérer son
coursier aux eaux du Jourdain, et le sombre habitant du
Nord étonner le crédule arabe par le récit de ses lacs glacés.
Tous les écrivains sont d'accord que la marche de ces
nombreuses armées à travers des pays encore barbares, a
été la source de tous les rapports sociaux et de toutes les
relations commerciales chez les principaux peuples de
TEuropc. L'Orient apparut avec ses richesses, et les mers
— 10 —
du Midi devinrent le lieu de rencontre des navigateurs de
tous les pays. Plusieurs profitèrent de l'expérience qu'ils
avaient acquise dans ces excursions lointaines pour explorer
les parages inconnus de la Baltique. Dès lors une ère nou-
velle s'ouvrit à la navigation, par les communications qui
s'établirent entre la Méditerranée, l'Océan Atlantique et les
mers septentrionales. Les utiles transactions prirent un dé-
veloppement considérable; le commerce ne connut plus
d'entraves, et les trésors du Levant affluèrent en Europe.
Ce sont également ces premiers essais tentés au nom des
idées cbrétiennes, qui frayèrent plus tard la route à un
nouveau continent, et firent trouver aux Portugais le cbemm
des Indes orientales.
Cependant au commencement du XII'' siècle les villes
maritimes d'Italie avaient presqu'entièrement monopolisé
le commerce de l'Orient. Les contrées du Nord, les îles
Britanniques, les côtes occidentales de la France et de
l'Espagne y participaient à peine. Dès que Pise, Gènes et
Venise eurent commencé à en apprécier l'importance, elles
secouèrent le joug de leurs dominateurs, et proclamèrent
leur indépendance : une prospérité éclatante fut le fruit de
cette réaction.
Peu de temps après, les villes du nord de la France et
celles de l'Artois, de la Flandre et du Brabant, semblent
ressentir le contre-coup de l'alTranehissement des républi-
ques italiennes. Les Cbarles-le-Bon, les Tbiéri d'Alsace,
les Godefroid ne tardent pas à entrevoir le rang que leur
pays est appelé à tenir dans le monde commercial : aussitôt
l'industrie fait l'objet de leur protection et de toute leur
sollicitude, et des balles, des foires et des marcbés sont
établis partout. Nos vaisseaux fréquentent les ports de la
Méditerranée et de l'Arcbipcl : les navigateurs de ces mers
méridionales s'aventurent sur l'Atlantique et se montrent dans
les ports de la Flandre et de l'Angleterre, en même temps
— Il —
que nos guerriers, de retour de leurs premières expéditions,
révèlent à leurs compatriotes les arts et le luxe du Levant.
A la même époque, les Italiens, généralement connus
sous le nom de Lombards, fréquentaient déjà les foires de
nos principales villes, où ils apportaient des objets d'or-
fèvrerie : toutefois le commerce maritime des Belges avec
les Vénitiens ne semble pas remonter beaucoup au-delà de
la deuxième croisade. L'annaliste Meyer raconte qu'en 1 1 47,
une flotte composée de deux cents navires flamands, bra-
bançons et bataves, aida le roi Alphonse, allié du comte de
Flandre, à conquérir la ville de Lisbonne sur les Maures,
et qu'après celte expédition glorieuse, la flotte poursuivit
sa route jusqu'à Venise. C'est peut-être à cette première
apparition de vaisseaux belges dans l'Adriatique que l'on
doit rapporter l'origine des communications qui s'établirent
dans la suite entre nos provinces et cette célèbre république,
relations qui firent pendant quatre siècles la renommée et
la richesse des deux pays.
La navigation si imparfaite encore avant l'introduction de
l'usage de la boussole, le manque de connaissances nauti-
ques et géographiques, augmentaient la difficulté des com-
munications, et ne permettaient point de faire en une seule
saison d'été le trijjet du midi de l'Europe jusqu'à son extré-
mité du nord-ouest. Il fallait quatre mois aux Vénitiens
pour arriver en Flandre et autant pour retourner; ce qui
les mettait dans l'impossibilité de pousser vers le nord. Les
mêmes causes empêchaient les navigateurs allemands d'en-
treprendre des expéditions commerciales vers la France et
l'Espagne, encore moins dans la 3Iéditerranée. La route de
l'Elbe et du Weser off'rait en outre trop de dangers aux
Italiens. Quant aux Anglais, Français, Espagnols, Flamands
et Brabançons, ils ne s'aventuraient point encore dans la
mer Baltique. Le séjour d'hiver dans des contrées éloignées
et peu civilisées était sujet à beaucoup d'inconvénients : il
_ 12 —
eût même pu souvent absorber les bénéfices de rexpédition.
Les peuples commerçants et maritimes du Nord et du Midi
clierchèrent bientôt un moyen de se rapprocher et de
rendre leurs transactions plus aisées, en établissant un
entrepôt intermédiaire, et c'est la Flandre qui fut choisie.
Son heureuse position, ses foires et ses marchés publics,
la protection et la liberté presqu'illimitée dont y jouis-
saient les négociants étrangers, celle non moins grande
que les Flamands avaient obtenue en H64 et 1173, de
trafiquer et d'exporter les produits de leur industrie dans
tout le territoire d'Allemagne : tous ces avantages réunis
avaient désigné d'avance ce pays comme le point de con-
tact naturel des nations septentrionales et méridionales de
l'Europe. La baie de Zwyn était le port le plus favorable
de l'Océan germanique : des milliers de vaisseaux y pou-
vaient trouver un abri. Le canal qui le mettait en commu-
nication avec l'intérieur de la Flandre, facilitait les trans-
ports. La ville de Damme avait été fondée en M 68, et dès
II80, rapporte Philippe-le-Brelon, écrivain contemporain,
c'était le premier port du monde. Bruges, qui jouissait déjà
d'une certaine renommée, devint l'entrepôt général, et
acquit bientôt cette importance, presque fabuleuse aujour-
d'hui, que nous lui verrons conserver pendant trois siècles.
Les relations avec les villes du nord de l'Italie, et surtout
avec les marchands de Venise, Gènes, Pise et Lucques, pri-
rent dès lors une extension considérable.
Une nouvelle expédition pour la Terre-Sainte se prépa-
rait. Baudouin, comte de Flandre et de Ilainaut, s'étant
croisé, traita avec les Vénitiens pour fournir les vaisseaux
nécessaires au transport de ses troupes en Palestine, Un
concours de circonstances imprévues leur fit mettre à la
voile pour Conslantinople, dont le tyran Murzuphle s'était
emparé. La prise de celte ville, la plus grande du monde
connu d'alors, vint ajouter à la gloire des armes des chré-
— u —
tiens en Asie, et liaudouin fut élu empereur pour succéder
au trône d'Alexis (1200). Les Vénitiens qui avaient pris
une large part à l'entreprise, ne négligèrent aucun des
avantages qu'ils étaient en droit d'attendre d'un succès aussi
brillant. Ils se rendirent maîtres d'une portion de l'ancien
Péloponèse et de quelques-unes des îles les plus fertiles de
l'Archipel, et se réservèrent à Constantinople un quartier
qu'ils entourèrent de murs et fermèrent de portes. Plusieurs
branches importantes de commerce, dont cette cité avait
jusque-là le monopole, furent transportées dans les villes
maritimes des états d'Italie, devenues par les croisades des
centres d'activité. Aucun pays n'aurait pu en retirer plus
d'avantages. Cette péninsule qui dominait la IMédilcrranée
et qui communiquait avec toutes les parties du continent,
se trouvait dans la position la plus favorable. Les Vénitiens
et les Génois répandaient dans les autres contrées de l'Eu-
rope les riches productions des Indes qu'ils tiraient des
ports situés depuis les bouches du Don jusqu'à celles du i\il,
et auxquels ils avaient donné le nom fï Échelles du Levant.
Bruges, avec ses édifices somptueux, avec ses magasins
regorgeant de richesses, n'était pas la seule ville où se fai-
sait à cette époque du XIÏI'' siècle l'échange des marchan-
dises indigènes contre les produits méridionaux. Gand, qui
devait l'accroissement de ses manufactures à Philippe d'Al-
sace, et que plusieurs regardaient comme la ville la mieux
située de l'Europe; Anvers, déjà commerçante au siècle pré-
cédent, communiquaient également avec la mer. La première
de ces eités avait fait construire, en 1251, un canal jusqu'à
Damme. La ville de Lamenvlict ou l'Écluse qui recevait
les vaisseaux étrangers et nationaux par le Zwyn, et pour
laquelle la république de Gènes expédiait des navires char-
gés d'épiceries, de soufre, de salpêtre, etc.; Oslende, dont
le port commençait à être fréquenté; Ypres, qui fut lénni
à la mer, en 1 251 , par l'approfondissement de l'Yser jusqu'à
— u —
J\ieuj)ort; Arras, S'-Omer, Lille, Douai et bien d'autres
encore florissaient sous les duchesses Jeanne et Marcuerite
de Constantinople , et grandirent considérablement sous
leurs successeurs.
Vers la fin du XIP siècle s'était formée la fameuse con-
fédération ou ligue hanséatique entre les villes du nord de
l'Allemagne, pour repousser les pirates des mers septen-
trionales et se prémunir contre les divisions intérieures;
ligue qui devint dans la suite si formidable, qu'on a vu les
plus grands monarques rechercher son alliance et redouter
son inimitié. Plus de soixante-quatre villes, la plupart situées
sur l'Océan et sur de grands fleuves, se lièrent par un traité
solennel. Les membres de cette association puissante for-
mèrent le premier plan systématique de commerce qui ait
été connu dans le moyen âge, et le continuèrent en suivant
des lois communes faites dans leurs assemblées générales.
Ils choisirent différentes villes, dont Bruges était la plus
considérable, pour y établir des magasins et des comptoirs
généraux, où leur négoce se faisait avec beaucoup d'exacti-
tude et de régularité.
Le choix de la ligue fit entrer de grandes richesses dans
les Pays-Bas. Bruges, déjà si florissante, devint le point
de communication entre les négociants vénitiens, génois,
pisans et florentins et ceux des villes hanséatiques. C'est là
que les premiers apportaient les denrées de l'Inde avec les
produits des manufactures d'Italie, qu'ils échangeaient con-
tre les marchandises plus grossières des pays duXord. Les
Hanséates vendaient ensuite dans les ports de la mer Bal-
tique les cargaisons qu'ils recevaient des Lombards, ou bien
les transportaient, en remontant les fleuves du Weser, de
l'Elbe et de l'Oder, jusque dans l'intérieur de l'Allemagne.
Une semblable association, connue sous le nom de hanse
flamande ou hanse de Londres, unissait entre elles les
villes de la Flandre, de l'Artois et de l'Angleterre. Il s'était
15 —
aussi formé dans les différents États des compagnies ou
sociétés des négociants italiens ou lombards qui se mirent
sous la protection immédiate des gouvernements. Klles ob-
tinrent de grandes immunités, particulièrement dans les
Pays-Bas, et Ton suspendit à leur égard d'anciennes lois
barbares contre les étrangers. Beaucoup de ces marcbands
s'établissaient aux foires et aux marchés publics dans une
loge ou près d'une table, et y prêtaient à intérêt, ordinaire-
ment sur gage et à grosse usure. Au XIII« siècle les Pays-
Bas en étaient inondés : leur nom de lombards est demeuré
à ceux qui font ce trafic, ainsi qu'aux monts-de-piété.
Grâce à la faveur et à la protection dont jouissaient les
marchands dans nos provinces, le commerce extérieur avait
pris une extension presqu'incroyable. Son action était régu-
larisée par des lois et des tarifs qui établissaient une juste
réciprocité de garantie. Robert de Béthune, comte de Flan-
dre, avait même fondé à Bruges, en 1510, une chambre
d'assurances, où chacun pouvait faire préserver ses mar-
chandises de tous risques et périls, de feu ou d'eau, moyen-
nant une redevance proportionnée à leur valeur. Les Pays-
Bas étaient devenus, au commencement du XIV« siècle, le
centre des relations de l'Europe et l'entrepôt des richesses
du Nord et du Midi. Tout ce que produisait le sol ou l'in-
dustrie dans les contrées les plus éloignées venait sur les
marchés de la Flandre. Les denrées qui arrivaient à l'Écluse
par mev, devaient d'abord être apportées à Bruges avant
qu'elles pussent aller plus loin; il n'y en avait que quelques-
unes de peu d'importance dont la vente était permise à
Damme, à Houcke et à Munckenreede.
Le port de Bruges était habituellement fréqucjité par les
marchands de trente-quatre nations, dont un document
authentique de l'époque nous offre la liste, et parmi les-
quelles ne sont point comprises celles qui devraient figurer
en première ligne dans ce tableau, c'est-à-dire la France,
— 16 —
la Sicile et les républiques vénitienne, génoise et florentine.
L'Italie semble nous avoir envoyé de bonne bcure le drap
d'or et d'argent, le drap dit de Gènes, les perles, les ouvra-
ges d'orfèvrerie, des armes de prix, etc. : ces marchandises
y étaient même si communes que les trafiquants étrangers
venaient les acheter à Bruges. Si l'on ajoute à ces produits
ceux de la Flandre et des provinces voisines, on ne sera
pas surpris de la célébrité dont jouissait ce port belge, qui
n'avait pas encore de rival dans les autres contrées du Nord :
Venise seul peut-être l'égalait au Midi.
La plupart des villes avaient le droit de protéger leur na-
vigation. Un traité liait celles de Bruges, d'Anvers et de
l'Ecluse avec Venise. Les résultats de ces pactes commer-
ciaux étaient immenses : outre la garantie qu'ils établissaient
entre les parties contractantes, ils entretenaient des relations
directes et régulières, et permettaient aux uns et aux autres
de compter sur la vente des produits de leur industrie et de
réaliser la valeur de leurs cargaisons.
Le gouvernement de la république vénitienne envoyait
tous les ans, dans les différents ports étrangers lui servant
d'entrepôts, des escadres de quatre, cinq et quelquefois de
six grosses galéasses chargées. Il s'était réservé le droit d'ac-
corder la concession de ces expéditions à des compagnies;
ce qui assurait à celles-ci le monopole du commerce dans
les pays vers lesquels ces escadres étaient dirigées.
L'escadre qui faisait le plus long voyage était celle qu'on
appelait la flotte de Flandre. L'équipage de chaque navire
partant pour cette destination ne pouvait pas être de moins
de deux cents hommes. La flotte touchait d'abord aux diffé-
rents ports du royaume de Naples; puis elle devait aborder
en Sicile, où l'on chargeait les vaisseaux de toutes les pro-
ductions que cette ile fournissait aux peuples septentrio-
naux. L'escadre longeait ensuite toute la côte d'Afrique,
en passant par Tripoli, Tunis, Alger, Oran et Tanger :
— 17 —
elle laissait aux habitants de ces rivages les marcliaiulises
dont ils avaient besoin, et ceux-ci livraient en échange leur
froment, les fruits secs, l'ivoire et la poudre d'or. En sor-
tant du détroit de Gibraltar, la flotte allait continuer ses
opérations sur la côte du Maroc, puis elle prenait sa direc-
tion le long des côtes occidentales du Portugal, de l'Espagne
et de la France, et entrait dans les ports de Bruges, d'An-
vers et de Londres. Elle se pourvoyait en Angleterre et eu
Flandre de draps non teints, de laines fines pour alimenter
les manufactures vénitiennes, et faisait des échanges avec
les navires des villes hanséaliques, qui venaient chercher
dans les ports de ces pays ce que l'Orient, l'Egypte et les
côtes barbaresques offraient d'utile à la consommation des
nations du Ps'ord.
Les marchandises d'exportation qui composaient le char-
gement des vaisseaux de la république consistaient principa-
lement en épiceries, drogueries, aromates, vins, soies, laines
et cotons filés, fruits secs, huiles, borax, sel, cinabre, mi-
nium, camphre, crème de tartre, sucre, et en productions
des Indes et de l'Arabie, telles que l'encens, la myrrhe,
l'indigo, les perles, le bois d'ébène et autres, longuement
énumérées par Guicciardini dans son ouvrage. Le lest des
bâtiments se composait de terres colorantes et de mé-
taux. Mais ces matières premières offraient peu de bénéfice
aux négociants; la vente des marchandises fabriquées rap-
portait davantage : aussi chargeait-on en grande partie les
vaisseaux de glaces, de cristaux de toute espèce et de riches
étoffes d'or, de soie et de laine. Chaque voyage produisait
plusieurs milliers de ducats. C'est une de ces flottes, com-
posée de cinq galéasses chargées de marchandises des Indes,
qui vint, en 1518, à Anvers, pour y vendre sa cargaison
à la foire de cette ville. Après s'être munie de tout ce que
les manufactures de l'Angleterre, de la Flandre, du IJrabant
et du Hainaul, pouvaient fournir à l'Europe méridionale.
— 18 —
l'escadre redescendait vers le détroit de Gibraltar, s'arrêtait
à Lisbonne, à Cadix; s'approvisionnait de soies cernes dans
les ports d'Alicanle et de Barcelonne, et revenait à ^'enisc,
en côtoyant le Roussillon, le Languedoc, la Provence et
toute ritalie. Ce voyage durait un an.
V^cnise n'était point la seule ville de la Péninsule qui fit
un commerce aussi considérable avec nos provinces : Flo-
rence, Gènes, iMilan, Pise , Mantoue, Lucques , Vérone,
Brescia, Modène, Vicence, Naples et toute la Sicile, etc.,
apportaient également les produits de leur industrie parti-
culière ou des épiceries des Indes et du Levant. L'Espagne
aussi rivalisait sur nos marchés avec l'Italie, et nous livrait
du sucre, du safran, du coton fdé, des couleurs, etc.
Le commerce des Pays-Bas tant à l'intérieur qu'à l'exté-
rieur dut naturellement porter à un haut degré de perfec-
tionnement ses manufactures en tout genre. Aussi celles de
laine ou de draps, qui formaient une des principales bran-
ches de l'industrie, étaient-elles partout dans l'état le plus
florissant. Il n'est pas facile de remonter à son origine, ni
de se rendre compte de ses rapides progrès. C'est à cette
prospérité que nous devons l'érection dans beaucoup de nos
villes de ces halles qui excitent notre admiration par leur
belle et riche architecture. Les fabriques de ^'alenciennes
jouissaient d'une grande renommée dès le XP siècle, et vers
la fin du XIIP, il en existait dans les villes d'Ypres, Menin,
Poperingue, Furnes, Audenarde, Renaix, Termonde, Lille,
Tournai, Diest, S'-Omer, '\>'ervick, etc. Les troubles fré-
quents qui agitèrent Gand et Bruges, firent passer un nom-
bre considérable d'ouvriers à Bruxelles, à Tirlemont et sur-
toutà Louvain, où la plus grande partie de la population était
composée d'ouvriers foulons et tisserands, sous le règne de
Jean III, duc de Brabant. Les draps de ces villes étaient
exportés dans tous les pays étrangers. On peut juger à
quel prix on estimait nos étoffes en Italie, par un décret du
— Î9 —
grand conseil de Venise de 1272 : il y est dit que lorsque
les marchands vénitiens rapporteraient chez eux en reve-
nant des marchés et des foires de Flandre, une quantité
d'étoffes de lin ou de laine, égale en valeur aux marchan-
dises ex{K)rtées de \'enise, ils ne payeraient aucun droit
d'entrée. Cependant là ne se bornait pas l'industrie fla-
mande : les toiles, cette source de prospérité pour plusieurs
villes; les tapisseries, les cuirs, les armes et autres instru-
ments de fer et de cuivre s'expédiaient en grande quantité.
C'est encore en Flandre et en Angleterre que les négociants
de la Lombardie chargeaient l'ambre et l'étain qu'ils trans-
portaient jusqu'à Alexandrie.
Partout le commerce était favorisé : les souverains, les
seigneurs et les magistrats, tous à l'envi cherchaient à lui
donner les plus grandes facilités. Aux Pays-Bas, les négo-
ciants étrangers avaient obtenu des privilèges très-impor-
tants; ils y eurent même longtemps des juges particuliers.
Plusieurs fur-ent aussi revêtus de différentes charges honori-
fiques et remplirent des emplois publics. L'histoire rapporte
encore que lors de la guerre que la ville de Gand soutint
contre Philippe-lc-Bon, ce furent les négociants de Venise,
de Florence, de Milan, de Gènes, de Lucques, d'Espagne,
d Arragon, de Portugal et d'Ecosse, établis à Bruges, qui,
à la demande des états de Flandre, allèrent, le 4 avril 14.52,
à Termonde, pour exposer au prince les propositions de
la ville et pour en obtenir une trêve : preuve remarquable
de l'influence que les nations marchandes exerçaient à cette
époque, et de la considération dont elles jouissaient auprès
des souverains.
Cependant le commerce reçut un autre agrandissement.
La boussole qui était connue des marins provençaux sous le
nom de marinctte, et que les Anglais perfectionnèrent, se
répandit dans toute l'Europe, et vint donner à la navigation
un nouveau secours. Mais, tandis que l'activité et le génie
— 20 —
de riiommc triomphaient de tous les obstacles, comman-
daient aux éléments et prenaient possession de l'empire de
la mer, cet empire était en proie au brigandage et à la
violence, mille fois plus redoutables que les vents et les
tempêtes. On ne connaissait sur toutes les mers que le droit
du plus fort. Eu 1325, au mois de mai, des pirates anglais
se rendirent maitres d'une grande quantité de navires véni-
liens, chariïés de marchandises achetées en Flandre. En
revanche, peu de temps après, dix vaisseaux anglais furent
capturés et conduits à Venise. Les troubles qui agitèrent nos
provinces de 1434 à 1438, compromirent gravement le
commei'ce. On doit en partie en attribuer la cause à cette
anarchie qui régnait sur mer. Les Hanséates qui trafiquaient
à Bruges, furent maltraités sur ses côtes par des pirates;
d'autres faillirent être massacrés dans un tumulte à l'Écluse,
en 1456.
Ce fut sous le gouvernement des ducs de Bourgogne que
le commerce atteignit dans les Pays-Bas son plus haut degré
de splendeur. La Flandre était alors un marché fréquenté
par tous les peuples, et Bruges restait le centre de ce mou-
vement perpétuel, ^^ers la fin du XIV'' siècle, des négociants
de dix-sept royaumes différents y avaient leur domicile et
leur consul. Le représentant de la république vénitienne
est cité dès Î347. On montre encore aujourd'hui quelques
anciennes habitations consulaires, qui sont aussi remar-
quables par la magnificence de leur architecture que par
la richesse de leur ornementation. En 1455, treize nations,
sans compter les Vénitiens, les Lucquois, les Florentins,
les Milanais et les Génois, fréquentaient journellement la
bourse de Bruges fondée en 15G0. Une banque y avait é!é
établie, ainsi qu'à Anvers, par les Médicis, ces nobles négo-
ciants qui rendirent Florence capable de rivaliser avec les
autres villes de la Péninsule.
Venise, à la même époque, était la ville la plus florissante
— si-
da midi (le TlMirope. Le pavillon de S'-Marc se déployait
fièrement sur toute la Méditerranée, sur rAtlanli(juc et Iî»
mer du Nord; les flottes vénitiennes faisaient des conquêtes;
la république fondait de riches colonies, et s'arrogeait la
souveraineté du golfe Adriatique, a Cette ville, » rcmar(|ue
M. Pardessus, « devait à sa situation géographique, à plu-
sieurs siècles d'une indépendance peu contestée, à la marche
à la fois ferme et prudente de son gouvernement, aux cir-
constances qui lui avaient fait acquérir presque exclusive-
ment le commerce de l'empire grec, une supériorité évidente
sur les autres villes de l'Italie. »
Les valeureux croisés du XII'^ siècle n'eussent guères pu
prévoir que leurs pieuses expéditions dont ils n'attendaient
(\uhonnour et saincteté, opéreraient dans la civilisation un
des changements les plus marquants qu'offrent les annales
des peuples. En effet, bien que les progrès du commerce
depuis Godefroid de Bouillon jusqu'à Philippe-le-Bon, soient
peu considérables en comparaison de ceux dont les deux
derniers siècles ont été les témoins, cependant on les trou-
vera prodigieux si l'on examine le point de départ de ce
mouvement, et le peu de moyens dont on avait alors la
connaissance. Ce mouvement, du reste, ne pouvait manquer
de ressortir du fait des croisades. Un déplacement aussi
général dans les populations devait nécessairement mettre
en contact tous les degrés de civilisation. « Le commerce, »
dit le traducteur de Robertson, « tend à affaiblir les pré-
jugés qui entretiennent la séparation et l'animosité réci-
proque des nations; il rapproche les peuples des dilférentes
zones; il alimente la majeure partie des connaissances des
hommes, et en adoucit les mœurs. L'industrie les unit par
un des liens les plus forts de l'humanité, la nécessité de
pourvoir à leurs besoins naturels : elle les dispose à la paix,
en formant dans chaque état un ordre de citoyens person-
nellement intéressés au maintien de la tranquillité générale.
Dès que l'esprit de commerce pénètre dans un pays, aussitôt
— 22 —
lin nouveau génie anime son gouvernement, et y dirige les
alliances, les guerres et les négociations. » On en trouve les
preuves les moins équivoques dans l'histoire des états d'Ita-
lie, dans celle de la ligue hanséatique et des villes des Pays-
Bas, pendant la période dont nous avons esquissé le tableau.
La centralisation du pouvoir dans les mains de Philippe-
le-Bon contribua singulièrement à augmenter la prospérité
des Pays-Bas, et les relations qu'entretenaient ensemble
les Belges et les Vénitiens. Mais peu-à-peu des querelles
intestines s'élevèrent et la guerre civile s'alluma. Ou remar-
que dès lors les premiers symptômes d'un déplacement du
commerce maritime; et Bruges, ce vaste entrepôt des riches-
ses du Nord et du Midi, perdit son importance. Anvers
profita de sa chute. Ce fait ne s'accomplit pas toutefois
d'une manière instantanée; une longue suite d'événements
qui paraissent d'abord lui être restés totalement étrangers,
avaient préparé cette décadence depuis longtemps. La ville
de Calais, tombée au pouvoir d'Henri V, roi d'Angleterre,
était devenue une première rivale pour la capitale delà Flan-
dre. Depuis cette époque les vaisseaux et les marchandises
de l'Angleterre ne se rendaient plus que dans le port de Ca-
lais. Sous le règne des ducs de Bourgogne, la foire d'Anvers,
qui acquérait de plus en plus de la renommée, commença
à inspirer quelque jalousie aux marchands de Bruges, et,
en 1483, le magistrat défendit à ses citoyens de s'y rendre
comme de coutume. Cette mesure était des plus impoliti-
ques. L'archiduc Maximilien, éclairé peut-être par cette
démarche, assura l'année suivante les plus grands privi-
lèges aux négociants étrangers qui viendraient trafiquer à
Anvers. Les troubles dont la Flandre devint le théâtre, trois
ans plus tard, sous le gouvernement du même prince, dé-
terminèrent l'émigration de plusieurs marchands de Bruges
qui allèrent se fixer à Anvers, où, dès le commencement
du XIV" siècle, les Anglais avaient aussi établi une étape.
Une des principales causes de l'accroissement du commerce
— n —
iiiariliriie de celle ville fut rétablissemcnl de la soeiélé des
Marchands de la Confraternité, qui, en 14G4, abandoiinè-
renlMiddelbourg, on Zélande. En loH, les négocianls por-
tugais délaissèrent également Bruges pour Anvers. C'était
la nation la plus riche de toutes celles qui traliquaient alors
dans les Pays-Bas, car la conquête des Indes lui avait assuré
le monopole des produits de l'Orient; et les flottes de Lis-
bonne qui sa rendaient dans nos. ports ne comptaient pas
moins de vingt à ving-cinq navires, qui tous portaient une
cargaison de plus de vingt mille ducats. En 1S16, les
Espagnols et les autres nations marchandes qui fréquentaient
encore les ports de la Flandre, suivirent les Portugais; les
villes hanséatiques transférèrent à Anvers, où elles possé-
daient un comptoir depuis 1315, celui quelles avaient à
Bruges, et y firent élever un superbe palais. La même an-
née, les Galteroli, de Florence; les Bonvisi, de Lucques;
les Spiuola, de Gènes, et les négociants de Livourne furent
entraînés par l'exemple général. Bruges, au XVI'' siècle,
conserva cependant quelque commerce dans les laines, mais
ce ne fut plus qu'un point d'arrêt; à peine en est-il fait men-
tion dans les écrivains des siècles postérieurs.
Favorisée par la rencontre de toutes ces circonstances,
la ville d'Anvers atteignit bientôt une prospérité extraor-
dinaire. L'Escaut était couvert de flottes qui se dirigeaient
vers ce port, et le nombre des vaisseaux si considérable
qu'il leur fallait quelquefois attendre plusieurs semaines
avant de pouvoir débarquer leurs riches cargaisons. Sou-
vent même, le port ne suffisait pas à l'empressement des
négociants qui étaient obligés d'expédier leurs denrées par
terre. Ces canaux et ces quais d'une construction si remar-
quable, cette bourse, modèle de celle de Londres, ces bâti-
ments magnifiques destinés à recevoir les marchandises,
donnent une idée de Tancienne splendeur d'Anvers. Tou-
tes les villes maritimes d'Italie, d'Espagne, de France,
d'Allemagne, etc., y entretenaient des relations et y appor-
2-1
taient leurs produits. Le seul ai'ticle du marbre était, au
XVP siècle, l'objet d'une importation considérable : on voit
encore dans beaucoup de nos églises, des autels, des tom-
beaux ou des jubés en marbre amené de Venise, de Gènes,
de Florence et de Carrare. L'industrie des Anversois égalait
l'étendue de leur commerce : leurs fabriques de velours,
de satin et de damas avaient atteint la perfection de celles
de la Péninsule, et aucun pays n'offrait rien qui fût com-
parable à leurs broderies et à leurs ouvrages d'orfèvrerie.
Ce commerce ne fit que s'accroître sous le règne de Charles-
Quint, et jusqu'aux premières années de celui de Philippe II,
époque de son plus grand développement.
La décadence de Bruges fut comme le prélude de la chute
de Venise, ou plutôt leur ruine fut simultanée. Deux évé-
nements, arrivés à-peu près en même temps, changèrent
totalement les rapports commerciaux qui existaient entre
Venise et le reste du monde. Christophe Colomb avait dé-
couvert l'Amérique (1492), et V^asco de Gama était parvenu
aux Indes orientales par le cap de Bonne-Espérance (1498).
Dès lors la Méditerranée ne fut plus qu'un lac. Les navi-
gateurs qui ne se lancèrent point sur l'Océan, furent regar-
dés comme des marins timides; et l'industrie, délaissant
les traces frayées, chercha les routes inconnues. Il n'y eut
plus de raison pour que les marchandises de l'Inde et de la
Chine arrivassent en Europe par la Perse, l'Arabie et la
Syrie. L'Amérique offrit d'autres objets de commerce :
l'architecture navale et la navigation prirent un nouvel
essor; et ce peuple d'illustres négociants, établis au fond
de l'Adriatique, plus éloigné des marchandises et des prin-
cipaux lieux de consommation, ne put plus vanter ni l'éten-
due de son commerce, ni la force de sa marine : il se trouva
pour toujours déchu du rang où son industrie l'avait élevé
entre les nations.
Venise, quoiqu'ayant perdu cet empire du commci'ce
qu'elle avait possédé pendant l'espace de cinq siècles, où
— 2o —
nous Tavons suivie dans ses rapports avec nos provinces, se
flattait toutefois de pouvoir conserver son rang comme puis-
sance territoriale; mais les événements trompèrent ces cal-
culs d'une politique astucieuse. La prise de Padoiie, de
Vicence, de Trévise; celle de Vérone, de Berganie, de
Brescia et de plusieurs autres villes de la Romanie et du
royaume de Naples accrut Tidée qu'on avait de la puissance
de cette république au point qu'elle inspira de la crainte
non seulement aux princes de la Péninsule, mais encore
aux souverains placés au delà des monts. Ils conjurèrent sa
perte, et lui enlevèrent en un jour celte souveraineté qu'elle
n'avait obtenue qu'à grands frais, et après plusieurs siècles
de guerres. La ligue de Cambrai (1508) lui porta le der-
nier coup : l'empereur d'Allemagne, les rois de France et
d'Arragon, le pape et presque tous les princes d'Italie, ses
jaloux voisins, s'étaient coalisés pour la renverser; depuis
lors la république vénitienne ne conserva qu'un vain nom
de son ancienne splendeur. Un homme gigantesque parut,
lui enleva les trophées de ses conquêtes, et la déclara elle-
même partie de la république française (i).
Alexandre Pinchaut,
Seco7id commis aux Archives du Royaume.
(1) Nous avons jugé inutile et trop long pour un Essai, d'annoter à chaque
page les ouvrages dans lesquels se trouvent les faits dont nous parlons : il
sufllra, pensons-nous, de dire ici que nous avons consulté tous les auteurs
qui ont traité quelque point ou quelque époque de notre histoire commer-
ciale. Parmi les principaux ouvrages étrangers, ceux qui nous ont été le plus
utile, sont les suivants .- Frans Ernst Bcrg, de Nederlandvn en hel Ihinse-
vcrbond, Utrccht, 1833; Depping, Histoire du commerce entre le Levant et
l'Europe; C.-A. Marin, Storia civile e polilica del commercio de' Vcneziuni,
Venezia, 1789-1800; Macpherson, Annals of Commerce,- Robertson, Histoire
de Charles-Quint, traduite de l'anglais; A. -II. Heeren, Essai sur l'influence
des Croisades, ouvrage couronné par l'Institut de France, traduit de Tallc-
mand par Charles Villers, Paris 1808; Vcrwer, Nedcrlandl Zee^echl; Sarto-
rius, Geschichlc des hanscalisvhcn Dundcs; Van den Bogaerde, Essai sur l'im-
portance du commerce, de l'industrie et de la navigation dans les pays qui ont
formé jusqu'à 1850 le royaume des Paijs-Iias, depuis les premiers temps jus-
qu'à la révolution de 1830; Pardessus, Cullcclion des lois maritimes.
26 —
Wavïb £inî)ami5,
«a faïufllc. sc« amis.
Au moment où la ville de Termonde vient d'inaugurer,
par des fêtes splendides, le buste de Lindanus, son histo-
rien, on ne lira pas sans intérêt quelques détails inconnus
que nous avons recueillis sur la vie de cet auteur et sur sa
famille.
Lorsqu'en 1841 nous publiâmes sa biographie (i), en
émettant les premiers le vœu de lui voir ériger une statue,
nous avions déjà compulsé bon nombre de documents, qui
nous avaient permis d'établir sa généalogie et de rectifier
les erreurs répandues sur sa vie.
L'année dernière, nous eûmes le plaisir de communiquer
à 31. Clément Wytsman, pour sa Notice historique sur ta
ville de Termonde, quelques autres faits, découverts par
nous depuis 1842.
Nous faisons aujourd'hui suivre ici quelques particula-
rités, qui compléteront celles que M. Prudent Van Duyse a
rassemblées, dans la brochure relative aux fêtes jubilaires
de Termonde, qui a paru au mois d'août dernier.
D'abord nous ne pouvons admettre l'idée de M. Van
Duyse (2), qui, sur quelques vagues indications, veut chan-
(1) Dans le n" du 30 mai 18-41 du journal de Onpaylydige, de Termonde, et
dans le n» du 18 septcndM-c I8i2 de la même feuille, ai'liclcs signés L. d. IJ
(2) Lcvcnsihets van David Lindanus, pag. 7.
— 27 —
ger la date de la naissance de Lindanus, que Paquot et
<raatres auteurs fixent vers Tannée 1 570. Un seul fait suf-
fira pour confirmer la date de Paquot: c'est que déjà en io9a
Lindanus a été choisi par M""« Jacques Lauwers, recteur de
l'École latine, ou Collège communal, pour y remplir les
fonctions de sous-maître ou professeur, et que le chapitre
de N. D. de Termonde l'a admis, en celte qualité, au mois
de mai de la même année. Or, en supposant, avec M. Van
. Duyse, que Lindanus ne fût né que vers 1580, il n'aurait
eu, à cette époque, que quinze ans, âge auquel on ne peut
supposer qu'on lui eût confié l'instruction des élèves (i).
Une autre raison, en faveur de notre date, se trouve dans
cette circonstance, qu'Anne Van den Zype, son épouse, étant
née en loG8 (a), il est peu prohable que Lindanus eût, en
1603, épousé, à vingt-cinq ans, une femme qui en aurait
eu trente-sept; tandis que, né en 1570, il en eût eu trente-
cinq, en se mariant avec une personne qui n'était son aînée
que de deux ans. Nous continuerons donc, avec Paquot, à
fixer la date de la naissance de l'historien de Termonde
vers l'année 1370.
Lindanus fit ses humanités au collège des Frères Hié-
ronimites de Gand, où il eut pour professeurs les savants
Omer De Visscher, Josse De Kerckhove et Simon De
Kerckhove, son fils.
Ce collège, qui jouissait alors d'une grande vogue, était
établi, depuis 1429, dans l'ancienne demeure des chàle-
(1) Ad regendum gymnasium magistratus hujiis civitatis Tenerœmundanœ
prœscnlat dominiim et magistrum Lauwers, Doniini adniittunt. Idem Lauwers
prœsentavit Davidem Lindanum et doiniuum Ililduardum Van den Brielc suos
liypodidascalos. (Actes du chapitre de Noire Dame à Termonde, ad annum
1595).
(2) Anna Van den Zype, huysvrouwe van dliecr endc meester David Van
der Linden, greflîer-pensionnaris van den lande van Dendermonde, out
56 jaer. (Archives de la ville de Termonde, registre intitulé /fcniiessw van
1623 loi 16j3, folio 19).
— 28 —
lains de Gaiid, nommée k château de Gérard le Diable.
L'aspect sévère et presque redoutable de celte forteresse
du moyen âge, dut impressionner fortement l'imagination
du jeune étudiant, et le séjour qu'il y fit contribua sans
doute beaucoup à l'intéresser à nos antiquités nationales
et à lui donner le goût des rccbercbes historiques.
A dater de 1595, Lindanus remplit à Termonde les
modestes fonctions de professeur jusqu'en 1G05, époque à
laquelle son mérite exceptionnel attira sur lui l'attention
du magistrat de cette ville, qui voulait placer à la tête de
son École latine un homme qui put rendre à celle-ci (i)
la bonne renommée dont elle avait autrefois joui, grâce
aux Carys, Van der Meere, Lauwers, etc., qui l'avaient
successivement dirigée (2).
L'ancien concordat avec l'Écolàtre de N. D., qui depuis
(!) Dans son discours trinstallation ofliciclle, Lindanus lui-même convient
(jue cel (îlablissement d'instruction publique était fort déchu de son ancienne
sjjlendeur : « Supcresl, ut quisque quod suœ partis curet : ego ut juvcntulis
vestrre profcclui omnibus nervis incunibam : vos ut liberos vestros a domes-
licâ corruptclà arcealis : mihiquc ad banc rem tanlum aucloritalis quantum
par est tribuatis; ut eo modo palrium hoc Gymnasium ad pristinum vigorem,
unde nuper excidit, redeat; cl illum fructum bine Respublica ferat, quem ma-
jores vestri, qui tanto studio hoc Atbenœum moliti sunt, spcraverunt; et
prœsentis temporis calamitas poslulare vidclur. Ad quam rem si quid mea
opéra conferre poteril nusquam deero, parlim ut vestrfe exspectationi faciam
salis : parlim etiam ob insitum mihi alTectum erga banc Rempublicam quam
non secus atque ipsam meam Patriam amo. Quarc illi omne mcum studium
et quod reliquum vitce Deus dabit, libens merito dico consecroque. Dixi. »
(2) L'histoire de l'enseignement à Termonde présente trois époques dis-
tinctes. La première, pendant laquelle le Chapitre de N. D. et l'Ecolàlrc,
nommé par lui, dirigent exclusivement toutes les écoles, s'étend de la fon-
dation du chapitre jusqu'en 1529; la deuxième époque, pendant laquelle le
chapitre confie l'éreetiou et la direction d'une école d'humanités, ou collège,
au Magistrat de Termonde, qui subsidie cet établissement, va de 1529 à 1G27;
pendant la troisième i)ériode, de 1G27 à 1795, le collège municipal claul cédé
aux VV. Augustins, ceux-ci y donnent seuls l'enseignement, et le elinpilre et le
magistrat leur allouent fréquemment des subsides pour les distributions des
{>rix. Nous espérons un jour traiter ce sujet sur lequel nous avons rassemblé
un bon nombre de données intéressantes.
— 29 —
1 325 avait clé renouvelé par le Magistrat, de six en six ans,
le fut cncoi'e, sous les mêmes clauses, en 1607, et M'"'
Guillaume Baeyst, rÉcolàtre, concéda de nouveau à la ville
le droit de diriger l'École latine, sauf ratification du choix
du recteur et des professeurs par le chapitre. Les hourg-
mestre et échevins et M"^*' Guillaume Baeyst furent unanimes
pour conférer à Lindanus la dignité de Recteur, dont il avait
déjà commencé à exercer les fonctions en 1G05 (i) : le cha-
pitre ratifia ce choix avec empressement.
Le nouveau Recteur se montra digne de la confiance qu'on
avait placée en lui. Il réalisa tellement toutes les promesses
qu'il avait laites dans son discours d'installation, que lors-
que le concordat avec la ville, renouvelé en '1G07, prit fin
en 1G13, et que l'Écolàtrc, M"'' Jean De Kersmaker, reven-
diqua le droit de nommer seul le Recteur (2), il conserva à
David Lindanus la direction du collège.
(i) Dans un aelc du 12 décembre IGOa, qui est franscril au Registre Ken-
ncssen de la mènic année, aux archives de Termondc, Lindanus csl qualifié
ainsi : Mijnheer David Van dcr Linden, Reclor van de hoof/e schole dcscr siede,
en Anna Van den Zypc, syne ivetllge huysvrouive.
Un autre acte du 10 avril 1606 lui donne les mêmes qualifications.
(2) DD. Dccauus et Capilulum coUegiata; et parochialis Ecclcsiœ Bealœ
iMariœ oppidi Tenerœniundani, dyocesis Gandavensis, ad instanliani Doniini
et Magistri Jacoln De Kersmaker, scliolastici dictœ Ecclesiîe, lestimoniuni
vcritatis.
Cum scliolasicria in Ecclesià nostrà habeat jus docendi et pra^enlandi eos
qui ipsius permissu doecnl : et cum quondam Dominus et Magister Guilielmns
Baeyst, pia; menioria; seliolasticas dictœ Ecclesiœ, jus docendi perniiseril ad
certum tcmpus Exiniiis Dominis de Magistralu dicli Oppidi; cujus virtutc
eruditus vir Magister David Van dcr Linden, DD. Decano et Capitulo a Magislro
Gailiclmo Dacysl, sclioiaslico et eximiis DD. de Magistralu fuit pra\soulalus
et pro tempore acccplus : nunc vero cessante conlraclu jus illud docendi cl
prœsentandi sporlal soluni virtutc lilterarum ad Doniinum et Magistrum Jaco-
bum De Kcrsniakcr. Quod in testimonium vcritatis
liœc nuuiiri per sigillum dicti Capiluli cl ninnu (nolarii jussimus) Tcncra-
niundio V Jiilij ciD ncxni.
De tnandulo DD. Dccani cl Capiluli,
Locus sigilli. Jldocis De Bossi;n.
(Extrait des Archives de réglise collégiale de Termondc).
~ 30 —
Ce ne fut qu'en 1618 que les fatigues de vingt-trois an-
nées de professorat engagèrent Lindanus à abandonner le
Rectorat, pour ambitionner la place de Greffier-pensionnaire
de la ville et du pays de Termonde, position de haute con-
fiance à laquelle ses connaissances en droit lui permettaient
de prétendre.
Parvenu au but de ses désirs, Lindanus conserva ces
fonctions jusqu'à sa mort.
Comme nous l'avons dit plus haut, Lindanus avait épousé,
en ICOo, vers le temps où il obtint la place de recteur du
collège de Termonde, Anne Van den Zype, appartenant à
une excellente et ancienne famille de Malines (i); il en eut
trois filles : la première, Anne A'an der Linden, épousa à
Termonde, Paul De Smet, fils de Daniel; la deuxième,
Catherine Van der Linden, ne se maria point; la troisième,
Jeanne Van der Linden, née le 7 février 1620, épousa, le
12 décembre 1640, Ferdinand Van Haeltert, fils de Jean-
Baptiste et de Marguerite Colier, né le 24 juin 1616, décédé
en 1654 (2).
David Lindanus et sa femme moururent vers la même
époque, peut-être le même jour, le 21 septembre 1658 (3).
(1) Anne Van den Zype était fiUc dTIenri Van den Zype, s' de Couwendael
el d'Ouderniculen, et de Catherine Pamvels, sa première femme.
En secondes noces Henri Van den Zype épousa Claire Du Carne ; en troi-
sièmes noces, Anne Van Roth.
Dans VHisloire de la ville de Termonde, M. Clément Wytsman a inséré la
généalogie des descendants de Lindanus, que nous avions eu le plaisir de lui
communiquer.
(2) Registre des mariages de Tannée 1G40, à riiôtel-de-ville de Termonde.
Registre des décès, année 16o4, ibid.
(5) Comptes des Gbits-doubles, registre 23, aux archives de N. D. à Ter-
monde. Dans le compte collectif de 1030 à IC42 se trouve Tarticlo suivant :
« Ontvangcn ovcr den Pen.sionnaris Van der Linden en zync huysvrouwe,
obiit den 21 september 1658, en dat by moderalie van Mynhceren van hel
tiTiltel I Ib.XlII sch. IIII gr.
— SI —
Le chapitre autorisa le receveur des droits du Doiible-obit
à n'exiger de leurs héritiers que la somme réduite de i li-
vre 15 escalins 4 gros, prenant ainsi en considération, ou
leur état de fortune, ou les services que Lindanus avait
rendus à l'église et à la ville, peut-être ces deux raisons
à la fois.
A la mort de ses parents, Catherine Van der Linden,
renonçant au mariage, adopta un genre de vie qui la mit
à même de suivre les plus pieuses pratiques de dévotion,
sans faire abandon de sa liberté personnelle : elle embrassa
la troisième règle des Capucines, qu'on appelait commu-
nément en flamand Quesels, en latin Devotariœ.
Cette résolution si bonne en elle-même, causa cependant
du dommage à ses intérêts privés.
Lorsque, le 4 novembre 1G50, on fit, à Anvers, l'ouver-
ture du testament de son oncle maternel, l'archidiacre et
célèbre jurisconsulte, François Van den Zype, dit Zypœus,
qui venait de mourir, une clause, qui était relative aux trois
filles de Lindanus, souleva de prime abord des doutes, puis
des difficultés réelles, sur la manière dont les exécuteurs
testamentaires devaient l'interpréter.
François Van den Zype avait mis dans son testament,
écrit de sa propre main, le 50 juillet 1633, dix-sept ans
avant sa mort, à une époque où les trois enfants de Linda-
nus, ses nièces, étaient encore jeunes, qu'à son décès il
devait être payé à chacun d'elles, qui serait convenablement
établie, deux années de revenu d'une des bourses fondées
par le testateur avec les rentes qu'il avait acquises sur les
monts de piété de Valenciennes et de Lille.
Les termes du testament étaient ceux-ci : « FiUahus soro-
» ris meœ Annœ (i) singulis cuni ad matrimom'um seu ad
» alinm statum approdatum venerint (dono) duos annos ca-
(1) Annr Van den Zype était sœur consanguine de François Zypœus.
— 32 —
^ noues unius biirsœ cujiis possessor... tantisper cedere mit
» siipersederc debeat. »
Les mois stalum approbatum divisaient les cxéculcurs
lesta iiientai les et les héritiers, et pendant deux ans toute
décision était demeurée en suspens, lorsqu'ils convinrent
enfin, comme l'exigeait le testament (i), de s'en rapportera
l'arbitrage des deux plus doctes avocats d'Anvers, Antoine
Auselmo et Melchior Haecx.
La question leur fut posée ainsi :
Castis.
Sunt autem filiœ Annœ tma vocata Anna et altéra
Joanna, quœ ante obitum D"' testatoris nupserunt, et tertia
Catharina, devotaria non nupta, nec ad statiim approbatnm
venît, nisi Capucinœ tertiœ Regiilœ in sœcido conversantes
pro approbato statu habeantur, ,quod disputare poterit si
velit.
Quœritur
an Annœ et Joannœ dcbeantnr dno anni canonis imius
bursœ?
Item an Calharinœ similiter debeantur?
Les jurisconsultes d'Anvers opinèrent dans les termes
suivants :
Responsio.
Considerato casii et quœstione videtur subscriptis dubitan-
(I) Dans son fesfamenl Fr. Zypœus ilit : « Quod si ex tcstamento hoc nieo
» unquani nascatnr coulrovcrsia , volo ut hœrcdes cornmve libcri lile non
"ccntcndant, sed utraque p»vs unum advocaluui ulrimque sumat, qiiibus
«accédai R. D. Fr. Geloiiiiis (Geleyns), pasior sancli jEgidii Brugis, ncpos
» nosler, aul si is obicril, suniaut Iii advocalum Icrtium neuiri suspecluni
» qui ncgoUum finiani, et dccisione ila factà sletur, sive unanimilcr consen-
» sci-int sive ex volor-Lini plurilalc ai'bilraleiu sentcnliani dixcrint; caincjue
» dciisioncni pcrindc servari ciipio acsi buic tostaini-iilo inscripla essel. »
(Exlrnil du testanienl original, déposé aux ai'chives de la cathédrale
à Anvers. Cupsà testamcntorum novorum, n" 9.">).
13»
dum non esse, quin Annœ et Joannœ dcbeantur duo annui
canones unius bursœ, adeoque singulis earum;
Sed non deberi Catherinœ : vel ipse Reuerendus Z)'" testa-
tor, optinius voluntatis suce interpres, declaravit, dum con-
sultationum suarum canonicalium libro terlio consulU § i ,
nec beginas multoque minus devotarias dumtaxat statum
peculiarem habere censuit.
Ita responsum Antverplœ hdc xin oclobris cid idclif,
censura salvâ. Melchior IIaecx. Ant. Anselmo.
On voit que ce fut clans les ouvrages du testateur lui-
même que les arbitres trouvèrent une solution à la difii-
culté qu'on leur soumit. Ne pourrions-nous pas cependant
affirmer avec quelque fondement, que le bon arcbidiacre,
s'il eût encore vécu, se fut vivement récrié sur Tinterpréta-
lion forcée qu'on donnait aux mots statum approbatum, lui
qui dans ce même testament n'avait voulu exclure de ses
libéralités aucun de ses parents, même des plus éloignés (i).
(1) Voici quelques extraits du testament de Fr. Zypœus :
Fondations pieuses :
« Item eapitulo Antverpiensi pro anniversario meo et parentum mcorum et
missâ cum musicà solemni in festo sancli Francisci lego terras quas in
Poldero austriaco juxta Sassum Gandense nuper emi ad hoc finem a eapitulo,
ideoque ad illud reverti volui, etc —
Fondations de bourses d'étude :
» Quidquid ex prœbendà aut fructibus archidiaconatùs tempore mortis de-
bebilur applicetur in bursas studiorum inprimis consanguincorum ab alteruiro
avo meo Jacobo Van dcn Sj'pe, Domino de Audermculen, vel Joanne Du Carne
dcsccndentium, quibus tamcn semper etiam proponantur qui ex patrc descen-
dunt, atque bis qui ex pâtre siraul et maire, et quibus a pâtre descendentibus
studere volentibus litteris philosophice aut cuicuinquc altcri facullati, extranei
ctiam provisi posf sex mcnscs cedere teneantur rcquisili. Quod si autcni (ili;c
aliqua; consanguinea; a pâtre nostro descendentcs in seholis locenlur et in
pietatc bonis moribus et doctrinà extra œdes patcrnas instruantur, poterunl
eœ alicujus bursaî subsidio usque ad annuin drcimum octavuni coiupluluni
uti sicut studios! aliique externi eis etiam provisi ut supra cedere tenebuntur;
et inter eas on)nil>us prfcferentur si quœ aliquando ox utroque lalcre palris
atque matris noslrœ me altingcnirs se offerent. PosI sauguiucos assuniantur
paupercs Antverpienses, aut Mcclilinienses qui ex illis magis fuerinl idonei
5
— Si —
Catherine Van der Linilen fut donc frustrée du legs de
son oncle : peut-être dut-elle à cette circonstance que
D"'= Sara Du Carne, sœur du doyen du chapitre de Ter-
monde, Guillaume Du Carne, et helle-sœur de son grand-
père, Henri Van den Z} pe, lui légua, par testament du
10 mars 1657, une somme de 50 florins, avantage qu'elle
ne fit pas à Anne et Jeanne, ses sœurs (i).
Il existait entre François Van den Zype et David Linda-
nus une vive amitié, à laquelle la similitude de leurs desti-
seu spem majorcni prpebent imposterum Ecclesiœ vcl Reipublicœ mngis se
fore idoneos; singulœ autem bursse sunt eentum florenoruni annué, etc., etc.
» Insuper ad easdem bursas fundandas lego reditùs quos de prœsenti habeo
super montibus pictatis tam Valenchenis quam Tornaci ad florenos ducentos
annuos denario vigesimo.
Legs divers :
» Sorori meœ Annœ Van den Sype (lego) salinum meum nielius
Rdo pno Roberto Mynkens, S. T. B. Canonico Turnanlano, et RJ" Dn" Francisco
Geleneo, S. T. B. Pastori saneti jEgidii Brugis, Catherinœ Magdelensc Geleyns,
Annœ, Catherinse, Joannœ Van der Linden, duabus filiabus Annse Myntkens,
Franciscœ Mariœ Van Wamel, nepotibus et neptibus meis, lego singulis schi-
plium viginti quinque florenoruni iisque legatis niediantibus ab bœreditale
meâ excludo onines sorores earumve liberos, prœter eos qui ex paterno et
materno simul latere me contingunt, quos infrà hœredes institui; Joannai
Van den Zype eognalœ nostrœ devotariœ viginti quinque florenos, etc., etc.
(1) (Testament de demoiselle Sara Du Carne aux archives de la collégiale
de Terniondc). Les armoiries de la famille Du Carne sont un chevron de
et trois étoiles à six rais de —
La pierre tumulaire du doyen Guillaume Du Carne, qui se trouvait autre-
fois dans le grand chœur de cette église, portait Tinscription suivante, sur-
montée des armes du défunt :
D. 0. M.
MOMIMEMUM Rdi ADM. DHi
GtJLlELMl DU CARNE
J. ITR. L. HlîJUS ECCLESI.E DECAM
ET CANONICI
OBIIT 6a SEPTEMBRIS 1632.
R. I. P.
Guillaume Du Carne avait été élu doyen du chapitre le 28 février 1633, en
remplacement du vénérable Jacques Lauwers. Le même jour il prit posses-
sion du décanat, en présence de messire Adolphe Veranneman, chevalier,
S"" d'Appels, cl d'Egide Pce.
nées et la conformité de leurs goûts n'étaient point restées
étrangères. Dans sa jeunesse, en 1583, Lindanus avait clé
forcé d'abandonner avec son père, proscrit par Henibyse, la
ville de Gand, lieu de sa naissance, pour aller chercher un
asyle à Ternionde. De même, les parents de Zypseus,
cruellement persécutés à Malines, s'élaient-ils vus obligés,
cinq ans auparavant, de transporter à Anvers ce fils, qui
venait de naître, pour pouvoir lui faire recevoir le baptême.
Après avoir éprouvé l'un et l'autre les rigueurs des guerres
civiles, Lindanus et Zypœus, fixés dans les villes qui les
avaient adoptés, payèrent tous deux, par d'utiles et de sa-
vants travaux, la dette de reconnaissance que leurs cœurs
généreux sentaient avoir contractée. Parvenus à un âge
à-peu-près semblable, la carrière du pensionnaire du pays
de Termonde, comme celle du vicaire-général de l'évéché
d'Anvers, se termina doucement au milieu des regrets et
des pleurs de ses amis et de sa famille.
Dans son testament François Zypseus donna une dernière
preuve de l'estime qu'il professait pour le caractère de son
beau-frère.
Lindanus avait un jour dû intervenir comme tuteur avec
ytre Pierre de Ilammis (i) dans la vente d'une propriété de
(1) Nous pensons que le Mailre Pierre de Ilammis, dont il est question icL,
c-st le même qui a été chapelain à Ilaninie et successivement curé (persona)
de Gyscgem et chapelain de Téglise de N.-D., à Anvers, où il est décédé. Il
était né à Tamise et était parent du chanoine Pierre Van Damnie, prés duquel
il voulut être enterré.
Voici deux clauses assez curieuses de son testament, daté de l'année 1594 :
« Item in memoriam rclaxationis, quod anno 1379 in noclc Penlecoslcs ex
villA sancti Amandi Baesrode deduclus fuerini caplivus niililibus Pi'incij)is
Auriaci, spoliatus duriterquc tractatus, sextà die quasi divinitùs ex oorum
manibus, per.sohilis tamen 200 florenis, fuorini liberatus, hinc in gratiarum
actionem do et lego niiseris captivis in carceribus Aatverpia; dclenlis quatuor
Renenses (florenos) semel ut honestè recreari possint.
"Item do et rclinquo altari nieo in Ecclesià de Ilatunie dioeesis Gaiidavensis,
modo capellanus morier, ad honorcm B. M. V. pro reparatione allaris novem
florenos semel. »
— .^6 —
la famille Van den Zype, nommée Eeckeloo, située sous
Wavre-S'^'-Calherine, et quelques-uns des nomi)reux inté-
ressés dans cette vente s'étaient montrés mécontents de la
manière dont elle avait été effectuée.
François Zypseus, qui avait acheté la propriété vendue,
et qui avait pu apprécier la loyauté des deux tuteurs
dans cette affaire, voulut les garantir de toutes poursuites
de la part des autres membres de sa famille, et, dans ce but,
il inséra dans son testament la clause suivante, qui mettait,
après sa mort, à la charge de ses frères, Pierre et Guillaume
Van den Zype, toute indemnité qu'on aurait pu exiger de
Lindanus et de Hammls, du fait de leur gestion et de leur
tutelle :
« lidem fratres et hœredes mei Petrus et Gullielmus, si
quœ moveatur timquam cUfficnltas Davidi Lindano scribœ
Pensionnario territorii Tenerœmundensis soi^orio nostro,
tanquam olim tutori ex causa venditi prœdii nostri Eecke-
loo, eum hœredesque quondam HP'' Pétri Hammis, contu-
toris, indemnes servent, quia id prœdicto sororio promisi,
multo minus ab ipsis umquam moveri quâcumque ex hujus
tutelœ causa volo. »
Autant Zypfeus s'était-il plu à reconnaître la loyauté du
pensionnaire de Termonde et à faire l'éloge de ses ouvra-
ges (i), autant Lindanus avait confiance dans la science
profonde et dans les conseils de l'archidiacre d'Anvers. En
voici un exemple.
Le 26 juillet 1 657 mourut, à Termonde, le curé de N. D. ,
Théodore Van den Broeck, bachelier en théologie, natif
d'Anvers, qui avait été nommé curé à la mort du doyen
curé Jacques Lauvvers, en 1633. Le chapitre qui, depuis un
temps immémorial, avait exercé le droit de nommer le curé
(1) De Tererœmundd, p. IX.
De komine ejusque inslitutionv, p. V.
_ 87 —
de son église, ouvrit aussitôt un concours pour remplir
celle vacalure; trois concurrents se présenlèrenl; on leur
fit faire, pour examen, à chacun d'eux un sermon, et, le
4 août suivant, neuf jours seulement après la mort du curé
Van den Broeck, l'un des trois, nommé Arenls, qui était
confesseur de l'abbaye de Rosenberg à Waesmunster, ayant
fait preuve de plus d'éloquence que ses rivaux (i), fut élu
en remplacement du curé décédé.
La manière subreptice avec laquelle on avait piocédé à
celte élection, ne plut pas à l'évèque de Gand, iMgr. Antoine
Triest, qui aurait désiré réunir la nomination de tous les
membres du clergé paroissial à la collation du Diocésain.
Il voulut prendre aussitôt ses mesures pour déjouer à
l'avenir ces atteintes portées à son autorité, et il écrivit au
chapitre de Termonde, que dorénavant celui-ci eut à se
garder d'attenter encore aux droits de l'évèque de Gand.
Grande rumeur partni les chanoines, qui se récrient et
veulent prouver à Mgr. que depuis un temps immémorial
ils ont exercé sans entraves ce droit de nomination.
Réponse de l'évèque de Gand, qu'ils aient à montrer les
diplômes originaux sur lesquels ils basent leur prétention.
Embarras des chanoines, avis divers; enfin réunion en
assemblée extraordinaire.
Là tous les moyens de résister aux exigences de l'évèque
de Gand sont débattus et, trouvés insuffisants, il est con-
venu finalement de chercher conseil en dehors de la réunion.
Le Doyen du Chapitre et le secrétaire sont donc envoyés
en dépulation chez Lindanus, qu'on a jugé le plus apte à les
(I) RisoUilioiis du chapitre de Termonde :
Ullimà julii 1G57. Ordiaatur ut Rdus Dus Arcnts, conl'cssor in Rosenbcrfr,
(oncurrons ad piisloiaUim vacantcm veniat coneionnari iu ecelcsiA nnsirà
(quod bcnc fceil irnnio fuit laudabiiis) et alii duo concurrentes..
ia au;;usli l(i57... Dielus Arenls eieclus fui! pa.-lDr liujus ccclesiœ.
— 38 —
guider dans celte affaire; ils le prieiit de leur dire s'il n'a
pas parmi ses papiers quelques documents, ou s'il ne con-
naît pas, aux archives du chapitre, un acte quelconque qui
puisse les aider à défendre, contre Mgr. l'évèque de Gand,
le droit qu'ils ont toujours exercé, de disposer, en toute
manière, du pastorat de Termonde (i).
Lindanus reçoit la députation, touché de l'honneur que
lui fait le Chapitre en envoyant vers lui son digne chef. Il
recueille ses souvenirs, examine les documents inédits qu'il
possède sur l'église de i\. D., avoue que ses notions sont
insuffisantes pour répondre à la confiance qu'on a placé en
sa personne, et déclare enfin que le plus savant docteur en
droit canon des Pays-Bas de cette époque pourrait, dans
cette contestation, leur donner les meilleurs conseils; c'était
indiquer François Zypœus.
Les députés du chapitre suivirent le conseil de Linda-
nus, partirent pour Anvers, déposèrent le soin de leur
affaire entre les mains de l'auteur du Judex (2) et se virent
bientôt en possession des lettres de maintenue qui les con-
firmaient dans leur antique possession.
En se déclarant incompétent dans cette circonstance,
Lindanus montrait trop de modestie, car ce savant possé-
dait assez de connaissances en droit canonique, pour donner
au Chapitre de Termonde de bous conseils, qui eussent été
(1) « Ordinatum ut Decanus et Secrefarius adirent Dominum Lîndauum ad
înquirendum niim habeat aliqua documenta Capituli aut propria quœ possent
eapitulum juvare ad tuendum jus quod seniper habuit ad disponendum omni-
modo de pastoratu Tencrœmundensi contra Antonium Triest Episcopum Gan-
davensem qui conatur Capitulo subripere illud. »
(Délibération du chapitre du 22 août 1657).
(2) Les principaux ouvrages, composés par Fr. Zypœus, qui furent impri-
més du vivant de l'auteur sont : Judex, Magistratus, Senalor, libris IV exhi-
bilus; Antv. Vcrdusscn, IGj3, in-folio; Notifia juris Belgici, ibid., 1633, in-^-o.
Après sa mort on les réimprima et on y ajouta un grand nombre de con-
sultations : Fr. Zypa-i Opéra omnia, Antvcrpiœ, 1G75, 2 vol. in-folio.
— 39 —
suivis avec empressement. En outre, l'examen îles Ar-
chives du cliapilre, auquel ii venait encore de se livrer,
devait l'avoir éclairé suflisamment sur celle question de pri-
vilèges.
S'étant décidé à publier une deuxième édition de son
ouvrage principal, de Tenerœmundà, dont la première, im-
primée à Anvers, chez J. Verdussen, en 1612, in-^", avait
clé épuisée en peu d'années, Lindanus adressa, au mois
d'octobre 1636, la lettre suivante au chapitre (i) :
Aux très Révérends Seigneurs, Messieurs les
Doyen et Chapitre de VÉglise insigne de
Notre Dame à Termonde.
David Lindanus, votre très-humble serviteur, vous ex-
pose, que, d'après le conseil de plusieurs personnages, tant
prêtres que laïques, il a depuis longtemps commencé à pré-
parer une nouvelle édition de son Histoire de Termonde. A
celle fin il a consulté une grande quantité de documents,
dont on lui a communiqué fréquemment les originaux, et
il en a fait des extraits nombreux relatifs à son sujet.
Comme il pense que dans votre dépôt d'archives se trou-
vent bon nombre de pièces qu'il n'a pas encore rencontrées
(1) Cette requête se trouve aux archives de l'égise de N.-D., à Termonde;
elle est écrite de la main même de Lindanus; la voici :
« Admodum Reverendis Dominis D"is Dccana et Capitule insignis Ecclesiœ
Beatae Maria; Tenremundcnsis.
» Admodum Reverendi, dicit David Lindanus humillimus vester quod im-
pulsu aliquot magnatum , tam ccclesiasticorum quam sœcularium, jam diu
admovit manum novœ edilioni Tenvcmundœ,- ex plurimis arcliivis, quorum
iiic illic originalia vidit et qua; ad rem faciunt, multa excerpsit. Et quum
putct multa in scriniis vestris esse qua; aliàs non vidit, quœ tamcn vidcri et
scirc iutcrsit, supplicat inspectionis sibi fieri copiam, ad ornatum strii»ti et
antiquilatum vestrarum memoriam. Id quando exlemplo ncquit fieri sperat
saltcm ut sibi gratiœ futuruni (quod in promplu est) ut liceat liodie Obitua-
rium Ecck'sia? vidcrc, quoi! in parlcni favoris aecipict
J/ianilliiiius Rcvcrenlia' vcslriv,
D. Li>dam:s. »
_ 40 —
ailleurs, et qu'il lui importe d'examiner et de connaître, il
vous prie de bien vouloir lui en laisser prendre connais-
sance, dans le but d'en enrichir son ouvrage et de prouver
l'antiquité mémorable du chapitre.
S'il ne pouvait vous convenir dans ce moment de lui
accorder sa demande en entier, vous lui feriez chose très-
agréable, en lui permettant au moins de lui laisser exami-
ner YobitHaire de l'église, qu'il désire consulter sans retard.
Vous vous attirerez ainsi la reconnaissance
Du très-humble serviteur de vos Révérences,
D.Wm LiNDANUS.
Le chapitre accueillit cette demande, et accorda, à l'in-
stant même, ce que Lindanus n'avait osé solliciter que pour
un temps plus ou moins éloigné. On lui fit observer seule-
ment les règles établies pour les membres du Chapitre, de
ne faire les recherches qu'en présence des trois chanoines
dépositaires des clefs des armoires, et de ne garder chez
lui les pièces qu'on lui laisserait emporter, que pendant
huit jours, après en avoir donné un certificat détaillé au
secrétaire (i).
Moyennant ces conditions, qui étaient de bonne admi-
nistration, Lindanus put à son aise fouiller une deuxième
fois dans ce dépôt, qui alors était considérable (2), et il dut
y faire une moisson bien grande.
(1) Resolution du chapitre du 17 octobre 1656, enregistrée aux actes capi-
tuluires (Ibidem).
(2) Un ancien employé de cette église nous a assuré avoir vu, il y a une
trentaine d'années, que des personnes, attachées à la cure de Termonde ù
celte époque, allaient prendre librement à Fancienne salle du chapitre, des
liasses d'archives avec lesquelles elles activaient le feu du poêle de la sacristie.
Les reliures des registres des Actes du chapitre ont servi au même usage
comme pièces de résistance : elles étaient en chêne.
Lorsqu'on 1844, en classant les archives de la collégiale, nous fîmes relier
de nouveau celte précieuse collection, nous constalàmcs la perle des actes
— 41 —
iMalheureusemeiit, deux ans après, au moment peut-cire
où il mettait la dernière main à son travail, le vénérable
pensionnaire de Termonde cessait de vivre, et les fruits de
ses longues recherches, que dans la lettre précédente il dit
déjà être si nombreux, furent ou anéantis, ou perdus sans
laisser des traces.
Gramaye, qui réimprima l'ouvrage de Tenerœmmidd
dans ses antiquités du Brabant, en 1708, se contenta de
reproduire le texte de la première édition, sans y apporter
de changement ni d'augmentation.
Outre l'amitié constante qui unit Lindanus à Zypœus,
Justus Harduinus, le curé-poëte d'Audeghem, dont M. Pru-
dent Van Duyse a fait l'éloge dans le X<= volume du Bel-
(jisch Muséum, fut un des amis les plus dévoués de l'histo-
rien de Termonde. La mort des deux amis n'interrompit
pas même les relations suivies qui s'étaient formées entre
leurs familles; car D"'' Livine Harduyn, sœur ou nièce de
Justus Harduinus, tint encore, le 17 novembre 1G39, sur
les fonts du baptême à Termonde, l'enfant de Paul De Smet,
le petit-fils de Lindanus, à qui elle donna le prénom de
Liévin (i).
Cornélius à Marcka, l'élégant poète latin gantois, faisait
également le plus grand cas des ouvrages de son compa-
triote. En 1609 il lui adressa une ode saphique, en cinq
strophes, qui est imprimée au commencement du discours
capitulaires des années 1438 à 1462, de lo46 à 1559, de 1579 à 1395, de
1598 à 1GI7, et de 1783 à 1795.
Le premier registre de ces délibérations eoninience à Tannée 145C, sous le
doyen Sigerus Claerbout, qui fit reformer les statuts du cliapitrc.
Un grand nomltre de diplômes précieux que cite Lindanus dans sa Tcne-
rœmunda, ont disparu aussi.
Malgré ces pertes, ces archives offrent encore le plus grand intérêt pour
riiistoire de Termonde.
(I) Registre des baptêmes de l'année 1639, à l'État civil de Termonde.
— -;2 —
De homine (i). Plus tard composant une ode en llionneur
des Gantois célèbres de son siècle, ad clarissimos cives
meos, etc., il consacra à Lindanus la strophe suivante :
Tuqiie, ô œlernis celcbrande fastis
Docte Ver-Linden, generose vates,
Qucm salis noli Tenerœ labores
Undiquc claranl.
L'ode finit ainsi :
Vivile, ô cceli genus, œlernœ
Clara Gordunœ décora, ô Thalke
Filii, exlentis cumulare famam
Pergite sœclis.
Erycius Puteanus aussi fut lié d'une étroite amitié avec
David Lindanus.
A l'époque où celui-ci prononça son discours d'installa-
tion comme Recteur du collège de Termonde, il communi-
qua au célèbre professeur et historiographe de Louvain,
le manuscrit de cette dissertation, en même temps que
quelques poésies latines, réunies sous le titre de P/iyllis; la
lettre d'envoi de Lindanus finissait par ce souhait, que
Puteanus, quoique séparé de lui, voulut continuer de le
chérir.
La réponse de Puteanus respire tant d'amitié et tant
d'enthousiasme pour Lindanus, que nous nous permettrons
de la reproduire en son entier, laissant au lecteur le soin
de faire la part de l'exagération (jui y règne dans quelques
passages.
(1) L'exemplaire de ce discours, De homine cjusque inslilutione, qui appar-
tient à la Bibliothèque de la ville d'Anvers, porte eu tèle l'inscription sui-
vante, écrite de la main de Lindanus :
RIllO VIRO
DUO CAROLO MASIO
MAOO GASD.E PR.ÏSCLI
OBâERVANTI.£ ERCO
Auvlor D. D.
11 est relié en veau, frappé d'ornements en or.
— 43 —
Erycius Pnteanus
Davidi Lindano
Jam suo
S.
Ego te lion amem, ô veruni Musarum et Apollinis ger-
men? Imo levé amoris verbum est, observa et suscipio. In-
genii tiii floridam amœnitatem Phyllis indicat, divinitaleui,
ORATio. Macte didcedine illâ styli, macle robore : delectamur,
eriuUmur. Etenim et castam carminis lasciviam et fœcim-
datn sgntagmatis doctrhiam, comparatione quâdam admi-
ratus suni : aJleram ab Apolline ipso, alteram a Minervà
profluxisse. Tu vero Apollo, tu Minerva, id est, homine
altior, te ipso amœnior, Phyllidem pariter Hominemqne
nobis describis.
Quid amplius dicam? In lucem publicam profer hos flo-
res, hos fructus, et œternitatis Imidem prœmiumque ad-
mitte. Sic magis etiam amare incipiam, imo observare et
suscipere.
Vale tu jam Mens inter paucos, et me Tuum ama.
Lovanii vi eid. maii cid id viii.
Les mots in lucem publicam profer hos flores, hos fructus,
prouvent clairement que c'était seulement des manuscrits
du discours et des poésies sur Phyllis que Puteanus avait
pris connaissance. Il engage Lindanus à publier ces deux
ouvrages.
Sanderus, à qui sans doute avait été faite la même com-
munication (selon les habitudes des écrivains de cette épo-
que), dissuada, au contraire, Lindanus de publier Phyllis,
malgré et peut-être à cause de la Castam carminis lasciviam
que louait Puteanus.
Sanderus eût regretté de voir paraître, sous le nom dun
Recteur de collège, un recueil de poésies erotiques : il fil
donc bien de l'en détourner.
— 44 —
Aux détails précétlenls, que plusieurs années de leeher-
clies nous ont fait découvrir, si nous ajoutons l'éloge de
la lettre que Lindanus écrivit au Magistrat de la ville de
Gaud, en lui offrant un exemplaire de son ouvrage de Tc-
nerœmundâ, lettre remarquable que mit au jour le brillant
poëte improvisateur flamand, M. Prudent Van Duyse (i),
nous croirons avoir suffisamment fait connaître l'homme
honorable et l'écrivain distingué à qui Termonde vient d'ac-
corder un hommage éclatant de reconnaissance.
Puissent les fêtes brillantes qui ont été données dans
cette ville à l'occasion de l'inauguration du buste de Linda-
nus, exciter les jeunes intelligences, qui ont tant coopéré
à relever leur splendeur, à prendre, comme Lindanus, pour
but principal de leur ambition, l'honneur et la gloire de la
commune patrie !
Septembre 1850.
Léon de Birbire.
(I) Cette lettre est inpporlée il;ins la broeliui-e relalive aux l'èles de ler-
monde, qui a paru dans eelte ville au mois d'août dernier, ehez rimprimeur
J. Du Caju, fils.
nwf.
iiW \
45
ANTIQUITÉS
CELTO-GERMAMOUES, GALLO-ROMAINES ET GALLO-FRAXQUES (I),
Tnouvr.KS suu
LE TERRITOIRE DE RENAIX ET DANS Î.ES COMMUNES EIVVIRONNANTES.
(FtiRUKE OniB^TALE ET RAIISAtlT) .
§ie|>SBltns>os €!iaI8o-lîossi»îiici9.
Suite à notre jiiéciSdcnte notice.
D'après les recherches réitérées exécutées au cimetière
bcigo-roniain du Bois de Saint-Pierre dont notre précédente
notice a encore occupé les lecteurs du Messager (2), on était
(1) La découverte de bon nombre d'objets d'antiquités de la période Fran-
que, et plus spécialcnicnl cille d'un cimetière Mérovingien, dans une des
localités les plus intéressantes de la Flandre, à savoir, au village de Pefegheni,
près d'Audcnardc, nous ont déterminé à comprendre dans nos descriptions
ai'chéologiques une troisième catégorie d'antiquités nationales; de là, l'in-
dication nouvelle dont nous avons aujourd'hui accru notre titre.
(2) Ce cimetière n'est distant au plus que d'un kilomètre nord-est de l'église
de S*<=-Louise-Marie, en ce moment en voie de construction, et destinée à de-
venir le centre d'une nouvelle commune. Quant au cimetière du Mucrhden-
lioul, il s'en trouve à une distance à peu près égale, mais au nord-ouest. Ou
va donc voir renaître la vie et le mouvement dans ces lieux jadis habités par
nos ancêtres les Belgo-Romains, et redevenus déserts, sans doute à la suite
d'une de ces épouvantables commotions qui se sont succédé dans le cours
des IV« et Vc siècles, et qui ont abouti à la ruine de l'empire romain et à
l'anéantissement de la civilisation ancienne.
La route projetée d'Escornaix à Renaix, dirigée sur l'église de S"-Louisc-
Maric, passera entre les deux cimetières, mais à une distance moindre du
premier que du second.
— 46 —
certes en droit de supposer que toute exploration de terrain
ultérieure y eût été désormais infructueuse. Cependant l'é-
vénement est venu prouver qu'il y avait encore là une bonne
moisson d'antiquités à prendre, d'intéressantes observations
à continuer.
En terminant nos dernières fouilles, nous avions ren-
contré, à l'endroit que nous envisagions jusqu'alors coniFiie
l'extrême limite septentrionale du cimetière, toute une série
de sépultures, placées à une profondeur double de celle que
tenaient presqu'en général les groupes funéraires. Cette
position anormale était le résultat d'une combinaison, du
hasard peut-être; sinon elle devait être attribuée à un sur-
exhaussement du sol, engendré par les travaux d'exploita-
tion ou de dérodement du bois. Mais n'était-elle pas com-
mune à d'autres sépultures, distancées en dehors du terrain
exploré immédiatement à la suite de celles découvertes en
dernier lieu? Voilà la question qui nous préoccupait et qui
sollicitait de nous une solution. Au commencement du mois
d'octobre I80O, c'est-à-dire, dès que l'occasion nous parut
favorable, nous organisions de troisièmes fouilles; et cette
fois encore nous eûmes à nous féliciter d'avoir écouté notre
zèle, car notre persévérance nous valut un plein succès.
Ainsi que nous avions osé nous le promettre, plusieurs
sépultures, au nombre de quarante-cinq, furent de nouveau
successivement mises au jour. Elles étaient distribuées régu-
lièrement au côté nord du cimetière, sur une étendue de
quatre verges environ, et gisaient en général sous une cou-
che de terre de 0'",40 à 0"S60 d'épaisseur; circonstance qui
explique naturellement comment, lors de l'essouchement,
la pioche du dérodeur n'en avait point révélé l'existence,
abritées qu'elles étaient de ses atteintes.
Grains de collier en verre et en terre cuite émaillée, bra-
celets et fibules en bronze et en fer ont, cette fois encore,
considérablement accru notre collection, qui se serait en-
— 47 —
richie en oulro (run total de cent vingt-huit pièces <le pote-
rie, si les cinq septièmes de ces vases n'avaient été trouvés
en morceaux à leur lieu de gisement.
La planche X\l, jointe à cette note, représente ceux des
objets recueillis qui nous ont semblé mériter une mention
spéciale, et qui sont :
IV" 1 . Une jatte de forme assez originale, à larges rebords,
eu terre fine de couleur brune ayant Taspect du chocolat.
Hauteur, 0'",09; diamètre à l'ouverture, y compris le re-
bord, 0"Sl9.
Un vase semblable à celui-ci a été découvert dans un
tombeau, au château d'Aigremont, non loin de Lille. Voyez
De Bast, II'' Supplém. de ses Antiquités, p. 212, et pi. III,
fig. 9.
IV° 2. Un plateau de terre noirâtre, à texture celluleuse.
H. 0'",045, D. 0"%15.
Des vases affectant à peu près celle forme ont été rap-
portés, par ]>P Piosper Cuypers, des tumuli belgo-romains
d'Alphen. Voir Berigt omirent onde grafheuvels, n"' 9, 20
et oi des planches.
Celte grande analogie de conformation d'une pièce de
poterie à figure assez caractéristique, appuie notre dési-
gnation de tombeaux gallo- ou belgo-romains que nous
avons donnée autre part aux tumuli d'Alphen.
N" 5. Petite urne de terre brunâtre, à parois épaisses et
à texture celluleuse. II. 0", 10; D., à l'angle saillant, 0"\09.
Deux fossettes jumelles, marque très-fréquente sur les ur-
nes, y ont été imprimées sur le milieu du ventre.
N" 4. Petite jatte de fine terre grise, à couverte bronzée.
H. 0",06; D. 0™,H3.
N" 5. Autre petite jatte de fine terre grise, ornementée
dans le genre des petites urnes globuleuses. II. 0"',0.^i;
D. 0'",H3.
N" G. Plat de terre brune, à texture grossière, muni de
— 48 —
deux petites saillies eu guise danses. Haut. 0'^,0i5;
D. 0'%21.
N" 7. Très-belle soucoupe ou demi-bol, en terre rouge
lustrée. H. 0"',0o5; D. 0">,18. Au lieu d'un nom de potier,
la bande rectangulaire appliquée au centre, offre une série
de zigzags entrecoupés de points, ce qui probablement a été
la marque particulière d'une fabrique.
Le savant Brongniart dit que la poterie rouge lustrée était
particulièrement destinée aux usages domestiques, à cause
de ses qualités de fabrication supérieures à celles des autres
poteries anciennes : mais il ajoute qu'il ne connaît pas
d'exemple qui nous apprenne que la poterie rouge romaine
ait servi comme urnes ou vases funéraires (A. Brongniart,
Traité des arts céramiques, t. I, p. 452 et 456). L'expé-
rience de feu l'illustre Directeur de la Manufacture de
Sèvres est ici en défaut, car sans recourir à nos propres
observations, nous citerions mille découvertes qui démon-
trent à l'évidence que cette poterie était au contraire d'un
usage très-fréquent dans les funérailles.
N" 8. Grande potiche de belle terre grise, à surface nat-
tée comme celle des petites potiches globuleuses. ÏL 0"',15,
D. 0™,15. Cette variété de forme n'a été rencontrée que très-
rarement dans nos sépultures.
Une remarque que nous devons faire au sujet des di-
mensions des poteries, c'est qu'elles offrent bien souvent,
ainsi qu'on a pu s'en convaincre, des proportions relatives
d'une rigoureuse exactitude. Ceci prouve, selon nous, que
dans leurs travaux, les potiers de l'antiquité, cet ordi'e in-
fime d'artistes, au lieu de se laisser guider par le hasard,
se conformaient strictement à certaines règles d'estlictique;
à quoi il faut attribuer cette pureté de formes, cette grâce
et cette élégance de leurs œuvres, qui, si simples qu'elles
soient, surprennent et charment le regard.
Malgré de savants écrits, la technique des potiers de l'ère
— 49 —
romaine est encore peu connue; elle ne mérite pas d'être
traitée avec T indifférence que quelques-uns affectent pour
elle. Disons, à cette occasion, que l'histoire de la céramie
en général est une étude des plus sérieuses et destinée a
produire de féconds résultats. Un écrivain de grand talent,
M. Boucher de Perthes, a si bien fait pressentir cette vé-
rité dans son remarquable et hardi travail sur l'industrie
primitive et les arts à leur origine : « On pourrait presque
écrire l'histoire de l'homme, » dit-il en parlant des poteries
celtiques, « et le suivre, pas à pas, dans sa marche vers la
civilisation, puis, dans sa décroissance et son retour vers
la barbarie, en analysant les figures et les élémens de ces
poteries; et un archéologue pourrait dire d'un peuple: que
l'on me montre ses vases, je vous dirai quel il était » (Anti-
quités celtiques et antédiluviennes, p. 74).
L'autorité certes la plus compétente en cette matière,
l'auteur du Traité des arts céramiques, avait déjà aupara-
vant exprimé un sentiment analogue, lorsqu'il écrivait, au
sujet des poteries antiques non figurées : « La nature de leur
pâle, leur mode de façonnage, le style de leurs formes et de
leurs ornements, sont généralement constants chez les an-
ciens peuples, si éloignés de la versatilité des peuples mo-
dernes, soumis à tous les caprices des modes, cet instrument
destructeur de tout caractère national; ces particularités suf-
fisent souvent pour donner des lumières sur les peuples qui
habitaient les pays où l'on trouve ces poteries. «(Bron-
gniart. Traité des arts céramiques, t. I, p. 6).
N" 9. Urne de fine terre grise, ornée, à la partie bombée,
d'une série horizontale de fortes dépressions circulaires.
H. 0"',14, D. 0'",13. Ce cinéraire est le seul spécimen do
celte variété de conformation qu'aient fourni les fouilles.
Cependant on trouve assez fiéquemment des vases gallo-
romains offrant ce genre de décoration à fossettes. (Voir
De Caumont, De Bast, etc.)
4
— 50 —
Une belle (iole de verre verdàlre, à parois excessivement
minces, faisait partie d'une sépulture; malheureusement elle
était bi'isée et nous ne pûmes qu'en recueillir les morceaux.
A juger par ceux-ci, sa forme et ses dimensions avaient beau-
coup de rapport avec celles de la bouteille figurée au n" H
de notre planche XIIÏ, et décrite au n" 16 de l'article que
la dite planche accompagne. La découverte de vases de verre
est toujours excessivement rare dans nos localités. La fiole
en question et le petit lacrymatoire décrit à la page 70 de
nos Antiquités, sont les seules poteries de verre mises au
jour dans les diverses fouilles opérées au Bois de Saint-
Pierre.
N" 10. Beau grain de collier en verre verdâtre.
Un reproche que l'on fait au verre blanc des anciens,
c'est cette teinte verdâtre, plus ou moins prononcée, que
présentent même leurs produits les plus parfaits. Elle est
due à la présence du peroxyde de fer, provenant d'argile,
ou d'alumine contenue bien souvent dans les matières em-
ployées à sa fabrication. Aujourd'hui on évite autant que
possible d'introduire du fer dans le verre.
N" 1 1 . Grain de collier eu verre bleu très-foncé, décoré
de quatre larges globules opaques d'un blanc laiteux.
N" 12. Autre grain de collier en verre bleu foncé, décoré
d'un linéament blanc onduleux, à la façon de celui figuré à
la pl.VIÏ, n" S.
Les perles de verre, bien que plus répandues que les po-
teries, sont néanmoins une preuve plus manifeste encore
de la rareté du verre. Tant qu'objets de parure, elles déno-
tent que cette substance était convoitée par la vanité de
l'homme, qui y trouvait un moyen de distinction luxueuse.
Constatons toutefois que ce luxe n'était pas d'un goût
bien sévère, puisque les perles de verre figurant des an-
neaux ou des cylindres tranchés d'une épaisseur et d'un
diamètre souvent très-inégaux, ne pouvaient pas, réunies
— SI
on collier au moyen d'une courroie de cuir, d'un fil de
métal ou d'une autre substance, offrir une parure fort
gracieuse.
N" 15. Très-jolie petite fibule de bronze, émaillée à la
hase, de trois rosettes aux cercles concentriques blancs et
rouges, sur un fond triangulaire bleu. II nous plait derechef
de ranger dans la classe des boucles cVoreUles, la paire de
rdjules de celte espèce que nous avons trouvées réunies.
N° 14. Fibule en bronze blanchi ou saucé (argenté ou
étanié?) portant au dos un dessin élégant, bien que simple,
en mosaïque vitrée {in smalto). Quatre fibules semblables
gisaient réunies dans la même sépulture.
N° 15. Fibule en bronze, saucée et richement émaillée de
vert et de rouge.
N" IG. Charmante petite fibule, émaillée de vert pâle
dans l'ovale du centre, de rouge et de bleu dans les appen-
dices ronds latéraux. Cette agrafe a la plus parfaite ana-
logie avec nos broches ou épingles de cravate et de chemise
modernes.
N° 17. Fibule en bronze, travaillée à jour, et décorée
d'émaux rouges, verts et bleus.
Faisons remarquer, en passant, à propos de cette fibule
dont les bleus sont parfaitement conservés, que de tous les
émaux observés à nos antiques, les bleus sont ceux qui ont
le mieux résisté à l'action délétère du temps. Les verts ont
résisté le moins; en général, ils sont presque entièrement
décomposés
N" 18. Petite fibule non émaillée.
Parmi un grand nombre d'autres fibules de bronze, émail-
lées et non émaillécs, on en distingue particulièrement une
très-belle paire, semblables à celle dessinée au n" 4 de la
planche XII, et dont l'espèce était en quelque sorte unique
parmi les sépultures du Maerkelenhout. Si l'on excepte ce
genre d'agrafes, assez commun à ce qu'il parait, si Ton
02
écarte surtout celui moins rare encore figuré aux n"' 5 et i^
(le la pi. X, 3 de la pi. XI et 12 de la pi. XV (et notons
que les fibules de fer se rapportent généralement à ce type;
voir, pi. IV, fig. C et ,)1. Xï, fig. 3 et 4), on pourra dire,
au sujet des fibules, cet indispensable de la toilette chez les
anciens, que la forme et le travail en étaient aussi variés
que le nombre. Qu'on juge par là de l'excessive fécondité
de l'art ancien. Certes, nous n'oserions, jusqu'à présent,
affirmer que ces bijouteries fussent le produit d'ateliers
nationaux, mais nous n'admettrons jamais non plus que
les Gallo-Belges furent et restèrent, durant tout le temps
de leur sujétion, tributaires de la civilisation romaine, à la
manière, par exemple, des sauvages de l'Océanie, que ren-
dent heureux et fiers quelques grains de verroteries (rassades
de Venise) ou quelque autre colifichet de l'industrie euro-
péenne. Il y aurait injustice et ignorance à la fois à prêter
à nos pères si peu de tendance au perfectionnement, ce
serait méconnaître leur génie et leur aptitude bien connue
pour les arts du progrès (i).
N" 19. Fragment de fibule ou de boucle, ou espèce d'œil-
leton, auquel sont restés adhérents deux bouts de courroie
en cuir, ayant servi probablement à fixer le bronze au
vêtement.
Ce qui nous a engagé à mentionner ce numéro, c'est, on
(i) On croirait, à lire nos propres historiens, que nos ancêtres n'étaient
que des espèces de sauvages, ensevelis comme des bêles fauves, dans les ta-
nières de leurs bois, ou pataugeant au milieu de vastes et fangeux marécages.
Peut-être le docteur Klemm a-t-il dit avec raison des Germains, que jusqu'à
l'époque de la grande invasion des barbares et de l'introduction du christia-
nisme, ils n'étaient pas au-dessus de l'état de civilisation des peuplades sau-
vages du Nord de l'Amérique [Handbuch dcr germanischen Allcrthumskunde,
p. XIl et 35). Mais des Germains aux Belges la distance était grande, quant
au degré de civilisation. Il y avait entre ces derniers et leurs anciens frères
d'au-delà du Rhin, toute la différence du développement social qu'avait iné-
vitablement déterminé dans la Gaule-Belgique, linflucncc immédiate et active
de la longue domination romaine, A laquelle la Germanie avait su se sous-
traire.
— . 53 —
le conçoit, la parlicularilc de ces attaches en cuir. En ellct,
nous avions tant de fois entendu nier l'existence de restes
antiques en cuir, sous le prétexte spécieux que cette sub-
stance corruptible ne saurait résister longtemps à la décom-
position, que nous avions fini par professer un scepticisme
complet à cet égard. Aujourd'hui toutefois, nous avons la
conviction que le cuir peut traverser des siècles sans bien
notable altération; par conséquent, nous recommanderons
à nos confrères la plus grande circonspection, lorsqu'ils
auront à se prononcer sur l'authenticité de monuments de
cette nature. Ils pourront ainsi, non seulement éviter de
porter un jugement faux, mais aussi s'épargner le regret
d'avoir, comme tels écrivains qui brillent par leur sulfisance
et leur légèreté plutôt que par un véritable savoir, fait pe-
ser un soupçon de sottise ou de mauvaise foi sur le récit de
savants recommandables sous tous les rapports.
Indépendamment de plusieurs pièces dont la dégradation
est telle qu'on ne peut leur assigner aucune forme, on re-
marque, parmi les objets en fer trouvés dans les sépultures,
un grand nombre de fd)ules, dont quelques-unes furent
recueillies en compagnie de fibules de bronze, des anneaux,
des boucles, et surtout une paire de grands bracelets, de la
même forme que ceux de bronze dessinés aux planches IV
et V de notre travail. Toute trace d'ornementation sur ces
bijoux en fer a naturellement disparu par l'oxygénation du
métal, mais on peut supposer qu'ils ont été travaillés avec
autant de soin que ceux de bronze, soit damasquinés ou
ciselés, gravés ou estampillés.
Sur sept médailles de bronze retirées du fond d'urnes
cinéraires, deux seulement offrent encore quelques restes
de l'effigie; ce sont, un moyen bronze de l'empereur Ha-
drien et un grand bronze de Faustine mère.
Relativement à la disposition des sépultures, à l'arran-
gement et à l'ordonnance des objets dont elles sont ordi-
— o4 —
nairement constituées, les fouilles ne nous ont pas fourni
d'observations nouvelles à ajouter à celles que nous avons
consignées ailleurs; seulement, il nous a semblé devoir être
annoté, concernant un grand nombre de clous de fer qui
ont été recueillis, que plusieurs, comme à Montrœul-sur-
Haine, gisaient au fond des urnes, tandis que les autres
furent trouvés sur Taire des sépultures. Parmi ces clous,
il en est sur lesquels on remarque des vestiges évidents de
bois, il en est d'autres qui ont la pointe recourbée en cro-
chet; et ces derniers, avec une autre espèce à pointe longue
et Mlée, pourraient bien avoir servi d'agrafe, à l'instar de
l'épine du Germain; car nous avons remarqué qu'ils se trou-
vaient particulièrement dans des sépultures où il n'y avait
point de fdjules.
Sur les quarante-cinq sépultures explorées cette fois, une
seule consistait eu un petit amas de cendres et d'os calci-
nés, une autre montra le dépôt cinéraire enfermé entre des
tessons (pi. XVI, fîg. 20), trois étaient formées d'un seul
vase, et dans l'une de celles-ci de petites pierres enser-
raient l'urne (pi. XVÏ, fig. 21); dix se composaient de
deux vases (i), dix-neuf de trois, huit de quatre, deux de
cinq, et une seule de six vases. Il résulte de ce relevé, fait
avec exactitude, que les sépultures se constituaient le plus
ordinairement de trois vases. La planche XVI, n"' 20 à 27,
montre quelques groupes funéraires, que nous avons cru
pouvoir l'eproduire encore, pour donner une idée plus nette
de la disposition variée des vases dans les tombes, et pour
rendre aussi complètes que possible nos annotations tou-
chant les sépultures belgo-romaines.
On nous demande bien souvent si ces petites urnes, la
plupart d'une contenance moindre que celle d'un verre or-
(1) Dans une des sépultures à deux vases, une jat(e de terre rouge lustrée,
accompngnant une potiche de terre grise avce cendres, olfrait à Pouvcrturc
une petite pierre plate, qui y avait été ajustée en guise de couvercle.
— 53 —
(linaiie, lenfcrment bien les cendres d'un individu, e'csl-
à-dire, exactement tout ce qu'il reste d'un corps humain
incinéré? En effet, ce peu d'os et de cendres, qui tien-
draient aisément dans le creux de la main, est une chose
qui surprend tout le monde et qui provoque naturellement
le doute. Pour l'affirmative, on trouve, à la rigueur, une
explication dans la perfection bien connue des méthodes
de crémation des anciens. Mais en général, cette solution
ne satisfait pas, et Ton se sent porté à en chercher une
autre qui laisse moins de vague dans l'esprit. IVe peut-on
pas croire que les urnes ne contiennent pas toutes les
cendres d'un cadavre, mais seulement une faible partie,
la quantité jugée suffisante à la consécration des vases funé-
raires? Ce qui donne lieu surtout à cette supposition, c'est
la découverte de plusieurs de nos plus grandes urnes, qui ne
renfermaient au plus qu'une pincée de cendres. Ainsi que
dans mainte autre pratique religieuse, on pouvait ici ne
procéder que symboliquement. On prenait probablement
sur l'aire du bûcher une poignée des restes calcinés du
cadavre, et, en la versant solennellement dans l'urne, on
dédiait celle-ci aux mânes du défunt, en même temps que
les autres vases funéraires, puis on passait à la cérémonie
de l'inhumation. La déposition des cendres humaines dans
l'urne était donc une cérémonie funèbre qu'il ne faut pas
entendre dans un sens trop absolu. Du moins, c'est là l'opi-
nion qu'une observation constante a fait naître chez nous.
Il importe cependant de rapporter ici l'opinion de plu-
sieurs archéologues d'un grand mérite, selon laquelle il n'y
avait rien que les ossements seuls qui étaient recueillis dans
l'urne après l'extinction du bûcher (t). Ce sentiment, comme
on sait, est basé sur l'observation qu'on a faite que la plu-
(1) Selon les uns, on tamisait les cendres pour en séparer les ossements;
selon d"autrcs, les ossements étaient simpienieiil recueillis à l,i main sur l'aire
du bûcher.
— 56 —
part des urnes découvertes dans les cimetières ne renfer-
ment que des ossements et point de cendres, et que la
poussière cendrée mêlée quelquefois aux ossements, peut
provenir des ossements mêmes, dont une partie se serait
réduite en poudre par la longueur de temps. Il s'appuie,
en outre, sur les expressions ossuaria et ossilegium, em-
ployées par les anciens pour désigner, par Tune les petites
urnes, par l'autre le triste office des parents et des amis
du mort. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse d'écrivains
pour lesquels nous avons la plus grande déférence, elle ne
donne pas davantage, selon nous, la raison de la quantité
exiguë et si peu variable d'ossements humains dans les ur-
nes ici découvertes (2). Evidemment, si l'on avait soin de
rassembler tout ce qu'il restait d'ossements calcinés sur
l'aire du bûcher, après extinction du feu, cette quantité
devait varier à chaque incinération, et bien souvent fournir
de quoi remplir toute la capacité de l'urne, si pas au delà,
ainsi que nous l'avons observé à l'ouverture de tombeaux
d'une autre catégorie. Que l'incinération dût produire le
résultat normal offert par le contenu de nos urnes, c'est là
une chose qu'il serait certainement bien difficile de dé-
montrer.
Examinons maintenant quel a pu être le nombre total
des inhumations opérées en ce lieu du Bois de Saint-
Pierre qui a été l'objet d'une triple exploration de notre
part.
La première fouille a mis au jour soixante-sept sépultu-
res, la seconde quarante-neuf, et la fouille actuelle quarante-
cinq, quantités qui, réunies, nous donnent un total de cent
soixante-une inhumations. Pourtant celle somme ne repré-
(1) Au moins cette opinion coupe court à beaucoup de raisonnements sur
la manière dont on prétend que les anciens distinguaient les cendres du corps
de celles du bûcher.
— 57 —
sente point le chilFre réel des morts dont les restes ont été
rassemblés sur le point en question du Bois de S'-Pierre.
Par les considérations que nous avons exposées en un autre
lieu, on doit, si l'on veut obtenir un chiifre approchant de
la vérité, porter au double le résultat signalé; ce qui fait
monter le produit à trois cent vimjt-deux inliumations, nom-
bre qui n'est nullement exagéré.
ÏVous terminerons par une autre annotation, en rapport
direct avec la précédente, et qui nous fera connaître, en
même temps que la date des sépultures, l'espace de temps
durant lequel elles ont vraisemblablement été agglomérées
en ce lieu d'enterrement. Cette révélation nous est fournie
par les médailles recueillies dans les fouilles, d'après un
principe admis en archéologie, que la date des monnaies
découvertes à côté d'antiquités, indique le plus souvent
l'époque à laquelle le dépôt a été confié au sein de la terre.
Comme on a pu en faire la remarque, ces médailles appar-
tiennent aux règnes successifs des empereurs Trajan ,
Hadrien, Antonin-le-Pieux et IMarc-Aurèle (par une mé-
daille de Fausline la Jeune), lesquels ont occupé le trône
entre les années 98 et 180 de J. C. Or, nous trouvons là
une période de quatre-vingt-deux années, qui est approxi-
mativement celle durant laquelle notre cimetière fut en
activité.
On pourrait, à la rigueur, assigner à nos sépultures une
date moins reculée que celle de ces règnes, le numéraire
des princes restant souvent en circulation bien des années
après leur décès. Toutefois ici, la succession non inter-
rompue des règnes dans les monnaies découvertes, ne rend
pas vraisemblable une époque bien divergente de celle que
nous avons indiquée.
On pourrait supposer encore que notre cimetière a dû
son existence à une cause accidentelle, qu'il a été établi à
la suite d'une catastrophe, d'un combat, qu'il a été alimenté
— S8 —
par une population de passage, etc. ? Nos annotations ulté-
rieures déinontreront que ces hypothèses n'ont pas le moin-
dre fondement.
Renaix, le 10 octohre I80O.
E. JOLY.
Nota. Si nous avons relardé jusqu'à ce jour la publi-
cation de notre article lumuli, c'a été uniquement dans
rinlérét de nos descriptions; car nous avons voulu com-
pléter, autant que possible, par de nouvelles fouilles, les
renseignements que nous avions réunis sur ces curieux mo-
numents funéraires.
59 — ^
Jclijc 13ogaert0.
Sans regret nous rejetons le bouquet iloiit
les fleurs ont perdu leur parfum et leurs
riches couleurs
Ne nous plaignons pas quand, une à une,
s'évanouissent nos illusions; car Dieu l'a ainsi
voulu, afin quau terme de notre carrière nous
puissions, sans regret aussi, rejeter la vie
comme un bouquet flétri.
Félix DoGiEETS, Pensées et Maximes.
La tombe qui s'est ouverte pendant Tannée qui vient de
s'écouler, pour tant de célébrités scientifiques et littéraires,
vient de s'ouvrir encore une fois pour l'un des écrivains les
plus distingués que la Belgique possède et dont la postérité
gardera le nom avec reconnaissance, pour Félix-Glii-laume-
iMarie Bogaerts, né à Bruxelles le 2 juillet 1805 et mort à
Anvers le 16 mars 1851.
Depuis quelque temps la cruelle maladie qui conduisit
le brillant écrivain que nous pleurons, au tombeau, faisait
de rapides progrès. De jour en jour il sentait ses forces
diminuer et il pressentait que l'heure fatale ne tarderait
pas à sonner pour lui; mais il l'attendait avec calme et ré-
signation. La lettre qu'il nous écrivit au mois de décembre
dernier, en donne la preuve : « J'ai été retenu à Anvers, y
» disait-il, par le mal implacable qui m'étreint depuis bien-
» tôt quatre ans, et qui depuis deux mois menace de me briser
» enfin, je suis condamné à l'inaction la plus absolue et celte
» lettre est peut-être la dernière que j'ai eu le plaisir de vous
— fiO —
» écrire. Que la volonté de Dieu s'accomplisse! » Soumission
sublime aux décrets de la Providence, qu'un sentiment reli-
gieux profondément senti et une conscience pure, peuvent
seuls inspirer! Mais aussi pourquoi aurait-il craint l'appro-
che de la mort, lui qui avait consacré sa vie et les talents
dont le Ciel l'avait doué, à enseigner aux autres, en joignant
l'exemple aux préceptes, la pratique de toutes les vertus
chrétiennes! lui qui eut le droit d'imprimer en tête de ses
Œuvres : « Je n'ai jamais écrit une ligne dont je doive me
repentir. »
Le peu d'espace que nous avons à notre disposition ne
nous permet pas d'analyser d'une manière détaillée, toutes
les productions dont Félix Bogaerts a doté la littérature
belge; les plus remarquables, après avoir obtenu les hon-
neurs de plusieurs éditions, furent réunies sous le titre
d'OEuvREs COMPLÈTES cn un beau volume srand in-S", à deux
colonnes, imprimé à Anvers chez Buschman en 1850. Les
ouvrages qu'il renferme sont : i" Lord Strafford, roman
historique d'un grand intérêt, traduit en flamand eu 1846;
2° DvMPNE d'Irlande, léeende chrétienne; 5" El jMaestro bel
CAMPO, roman historique qui obtint un grand et légitime
succès. L'auteur y dépeint sous les couleurs les plus som-
bres, mais hélas! trop vraies, la désolation qui régnait à
Gand en 1567, lorsque celte ville avait pour gouverneur
l'impitoyable Alonzo Llloa, maestro del campo du farouche
duc d'Albe. Ce roman eut deux traductions anglaises et une
traduction italienne; 4" Mère et martyre, drame chrétien
en deux parties; 5" Les morts sortent quelquefois du tom-
beau. Nouvelle des plus attachantes, qui fut traduite en
flamand, en allemand et en anglais; 6° Quelques réflexions
SUR lE Juif errant de M. Eue, Sue. Dans cette pièce l'auteur
signale les dangers que renferme ce fameux roman, qui pour
le malheur de l'humanité a été lu et relu par tout le monde,
et qu'il cite avec raison comme l'une des œuvres les plus
- Gl —
iinpiulentes qui aient paru depuis bien des années, contre
le catholicisme; il aurait pu ajouter : et contre la société.
7" Poésies; 8" Épigram.mes; 9" Pensées et Maximes, traduites
en flamand; 10" De la destination des pyramides d'Egypte,
à propos de Vouvrage de M. Fialin de Persigny, $îtr le
même sujet. Dissertation fort remarquable à laquelle ÏM. de
Persigny, qui était loin alors de prévoir qu'il jouerait un
jour un rôle important dans la politique européenne, ré-
pondit par une intéressante lettre publiée à la suite de la
dissertation; 1 1" Histoire civile et religieuse de la colombe,
depuis les temps les phis reculés jusquà nos jours. Cet
ouvrage est incontestablement un des meilleurs qui soient
sortis de la plume de ce savant. Le poëte Van Duyse en
a donné l'analyse en quelques vers flamands fort gracieux
que nous nous emj)ressons de reproduire :
Ook zachter tafereelen leven,
0 Félix, op mv zuiver blad.
Wat blanke duif wil nader zweven,
Die 't lachend loof voor u vergat ?
Zij komf, met vricndclijke blikkcii,
Uit uwc lianden dagelijks pikken
Haci" ongczoclitcn morgcndisch.
Een stond, gehoorzacm haren lustcn,
Laet gij de nijvre veder nisfen,
En niaell dan haer geschiedenis (I).
12" Histoire du culte des saints en Belgique, envisagé
COMME élément SOCIAL. Le titre indique un travail impor-
tant, que l'auteur a traité avec le plus grand soin, n'ayant
eu en vue qu'un seul objet : « la démonstration d'une action
» morale féconde, autrefois, en innombrables conséquences
» heureuses, c'est, dit-il, une page de notre histoire civile
» que nous avons voulu écrire. » Ce travail est suivi par
les Litanies historiques des saints de la Belgique, dans
lesquelles Bogaerts a succinctement rappelé les particula-
(I) Gentschen Mercurhts, ii" WM (ISIil).
— 62 —
rites les plus saillantes de la biographie des principaux
élus dont la mémoire est chère au peuple belge; 15° la
Biographie de Mathieu Van Brée, précédée de quelques
observations sur la marche de l'art en Belgique, depuis la
mort de Rubens jusqu'à la réorganisation de l'Académie
d'Anvers au commencement du XIX" siècle, termine digne-
ment ce beau volume qui ne renferme pas toutes les pro-
ductions littéraires de Félix Bogaerts. Dans la préface il
indique lui-même celles qu'il a cru devoir éliminer; les
voici :
Ferdinand Alvarez de Tolède ; drame historique en
trois actes; joué ou théâtre royal de Bruxelles, en 1834.
Biographies de Quinten Metsvs, dans les Belges illustres;
— de Pu. ^^ ouwermans, dans les Scènes de la vie des pein-
tres; — de P. Van Regemorter, dans le Messager des Scien-
ces et des Arts de la Belgique (i), qui comptait encore à la
mort de ce peintre, Félix Bogaerts au nombre de ses colla-
borateurs; — de Wynand Nlyen, artiste dont la mort préma-
turée enleva , selon l'opinion de Bogaerts, à l'école hollan-
daise son plus vigoureux champion.
Bataille de Nieiport; Anvers, 184.4.
Le bon vieux temps en Belgique. « Ce petit livre est écrit
» en flamand, ce qui, à mon grand regret, » dit l'auteur,
« me force de l'exclure de la collection. Je l'aime de tout
» cœur, l'ayant rédigé sous la dictée, pour ainsi dire, d'une
» douzaine de vieillards, derniers et vénérables débris du
«siècle passé, et qui tous ont disparu aujourd'hui. » Il
nous parait que parceque ce livre est écrit en flamand, il
ne fallait pas l'exclure de la collection. Une pièce flamande
élégamment écrite, dont le sujet inspire un grand intérêt,
n'aurait certainement pas vicié dans les Œuvres complètes
d'un écrivain qui était fier de sa langue maternelle qui lui
(l)Tome VII (18.15), p. 021.
— 63 —
(levait quelques productions d'un mérité réel. Xous regret-
tons que Félix Bogaerts ait eu le triste courage d'imiter
à l'égard de cet enfant qu'il chérissait tant, la sévérité des
Junius Brutus et des Manlius Torqualus.
Dans la revue que nous venons de passer, nous n'avons
cité que les principaux ouvrages que le savant auteur de
VHistoire de la Colombe a légués à la postérité, sans nous
arrêter à ceux qu'il qualifie lui-même « de petite monnaie
» dont on est toujours prodigue, parce que la facilité avec
» laquelle on la répand , égale celle avec laquelle on
» l'acquiert. » Cependant si toute cette petite monnaie com-
posée d'articles en tous genres, de comptes-rendus, de no-
lices diverses, etc., était réunie, on trouverait assez de
matière pour ajouter un second volume aux OEuvres com-
plètes de ce laborieux écrivain, qui croyait pouvoir renon-
cer au travail parce qu'il avait acquis le droit de se reposer;
mais cette résolution prise sans doute dans un de ces mo-
ments d'abattement, que la maladie avait rendu plus fré-
quents, fut bientôt oubliée et pendant le courant de 1850,
ricO.NOGRAPHIE CHRÉTIENNE DE BELGIQUE et I'ElOGE HISTORIQUE
DE L0L'ISE-->I.\R1E, LA BIEN-AIMÉE ReINE DES BeLGES, virCUt Ic
jour.
Si à tous ces travaux on ajoute les occupations forcées
et journalières que lui donnaient ses fonctions de professeur
d'histoire et de géographie à l'Athenée d'Anvers, et celles
de secrétaire-perpétuel de l'Académie d'archéologie de Bel-
gique, dont il était un des fondateurs; on devra reconnaître
que bien peu de savants sont doués d'une activité aussi
soutenue.
Comme écrivain, Félix Bogaerts sera toujours compté
parmi les meilleurs que la Belgique ait produit. Style cor-
rect, gracieux et concis, phrase élégante sans jamais paraître
forcée, choix heureux d'images pittoresques et originales;
voila les qualités que l'on rencontre dans la plupart de ses
— 64 —
écrits. Enfin, sans vouloir établir un parallèle entre Bo-
gaerts et le célèbre baron de Reiffenberg, nous croyons
qu'on pourrait dire de lui ce que le poêle Mathieu disait de
ce savant polygraphe :
Pittoresque en son style, élégant et divers,
Actif, infatigable, à sa verve facile
Tout sujet s'est montré complaisant et docile;
Prose, vers, tout pour lui finit à force d'art
Par se faire en jouant et comme par hasard.
Félix Bogaerts était membre correspondant de l'Aca-
démie royale des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Bel-
gique et d'un grand nombre de compagnies savantes. Peu
de temps avant sa mort, Sa Majesté le roi des Pays-Bas
i'avait nommé chevalier de l'ordre de la couronne de Chêne.
Ph. Kervyn de Volkaersbeke.
65 —
Ces passe-temps
De nos jours, ranliquaire ne s'occupe plus exclusive-
ment, comme ou le faisait autrefois, de Tarchéologie
ancienne. Appliquant à l'étude des antiquités du moyen
âge cet esprit d'investigation dont on n'avait usé jusqu'ici
que pour arriver à connaître la manière de vivre des Grecs
et des Romains, il veut aussi savoir quelles étaient les
mœurs et les usages de nos ancêtres. A mon avis, il a rai-
son, car le sujet est tout aussi digne d'étude et nous louche
d'ailleurs de plus près.
Pour parvenir à cette connaissance, ce n'est pas à nos
historiens, à nos chroniqueurs qu'il faut recourir; c'est
surtout aux comptes des souverains et des communautés,
aux transactions entre particuliers, aux œuvres liKéraires,
en un mot, à tous les actes contemporains, de quelque na-
ture qu'ils soient; car on doit avant tout se pénétrer de cette
vérité, qu'il n'existe peut-être pas un bout de parchemin ou
de papier écrit qui ne contienne au moins quelque rensei-
gnement utile.
Parmi les documents que j'ai dû consulter pendant ces
dernières années, il n'en est aucun qui m'ait offert autant
de détails de ce genre que les Registres mix Transports de
la haute cour de Namur, précieuse collection qui a été clas-
sée dans la seconde moitié du siècle dernier, et qui s'étend
de 1530 à 1794. C'est là une mine des plus fécondes, sur-
tout en ce qui concerne le XV*= siècle.
s
— 66 —
Jelian Taillcfier, dit Flerus, occupait alors V office de la
dergie de Nmmir, en (rautres termes, il était le greffier de
l'échevinage, et il remplit ces fonctions pendant la plus
grande partie de ce siècle.
Durant celte longue carrière, carrière respectée, car le
clerc de la cour était un savant au regard de nos éche-
vins, mi-magistrals, mi-guerriers, on dirait que Taille-
fier s'est attaché à nous conserver mille détails que l'on
chercherait vainement ailleurs. Je ne parle pas ici des
curieux renseignements sur l'ancien droit civil et criminel
contenus dans les œuvres de loi, car ils sont communs à
toutes les collections de cette espèce; mais seulement des
documents lout-à-fait étrangers à la justice. Sous ce dernier
rapport, rien de plus curieux que ces embrievures et papiers
de la dergie, où, par ses notes jetées au hasard, Taillefier
nous initie aux détails les plus intimes de la vie privée de
nos pères. Il ne s'est point contenté de garnir les gardes de
ses registres (i) de comptes de nourrices, de prix de diners,
d'énigmes, de chronogrammes, etc., il en a semé l'intérieur
des volumes chaque fois que quelques pouces de papier blanc
restaient disponibles.
Le lecteur en jugera par les extraits que je vais mettre
sous ses yeux.
Vient d'abord un Remède pour V épidémie, scorbut et
esquinancie, remède assez ancien, car, à en juger par l'âge
du volume, il n'est guères postérieur à 1550. J'en livre
l'appréciation à nos modernes Esculapes, plus aptes que
moi à juger de son efficacité.
« Remède pour escuer [éviter) l'impédimie. Premiers, que
» on se warde del alaine des malades et maiement (surtout)
(1) Ces embrievures formaient en général des cahiers assez minces. Le gref-
fier du Magistral qui fil relier cette collection au siècle dernier, a eu soin de
conserver dans rinlérieur des volumes actuels, les couvertures et les gardes
(les anciens registres.
— 67 —
» en l'eure qu'il murent; et se j)rendeis un lingne drap
» ploiiet en 5 ou en 4 et le moilliez bien en fort vain aigre
» fait de vingne et pius (puis) le teneis à vostre bouée, à
» vous (vos) narines pour Talaine des malades et pour le
» malvaix aire, et se useiz une fie le quinzaine de Tbyriaca
» magna en teille manière : prendeis à chouchier (coucher)
» dou tbiriake graut ossi gros que d'une petite noisette de
» bos et le destrenpeis bien avec un voire (verre) de blanc
» vin et le laissiez jusquez à matin en teil point. Et pius le
» prendeis tôt à en jung cuer (à jeun). îtem prendeis le roelle
» d'un oignon à concilier et le meteis tenpreir (tremper) en
» fort vin aigre ut supra, et à matin le maingiez à en jeun
» cuer et se ne beveis nient et ce fereiz 2 fiies (fois) le
» sapmainne. Item, une fie le sabmainne vous prendereis
» III noisettes avelainez condist lombarde et 9 foillez (feuil-
» les) de ruwe à en jeun cuer. — Item, quant on sent le
» bocbe on ne doit point dormir, car il y est trop contraire.
» Et se on le sent ou batrial (au cou) ou en l'aisselle, ou
» doit bien fort loiier le petit doit à ce cosleit d'un boin fort
» nalier tant con y sente grande angoisse, et pius lui saignier
» ou bracb (au bras) à le vainc commune quant on voit que
» li maladie est avalée (retirée) vers l'angoisse dou doit. Et
» se on l'at en l'aine, on doit bien fort loyer le cbeville ensi
» que deseure est dit. Et quant li maladie est avalée on le
» doit saignier desous le cbeville. Et se on puet avoir d'une
» erbe con appelle flamula qui at petites foi lies rondes et
» une bocbetle en le racbine, se le loyés en lieu dou narlier
» ou moignon dou bracb se li maladie est desous l'aisselle,
» et le saingniez quant li maladie est traite devers l'ierbe.
» Et ensi quant il est en l'ainne, loiiez l'ierbe sur le cbe-
» ville et pius se le saingniez se li maladie s'est traisse
A ou avalée vers l'erbe eus es cbevillez dou piet. — Item
>' pour taiche (tache) condist Jeuwial Aostrc Danme (Joi/au
» Notre-Da)ne)f prendeis plantin et le broiiés bien en un
— 68 —
» morlior Et prcndeiz 1 lingne drap et le moilliez bien ou
» jus dou planlin, et le ploiies en 3 ou en 4 et le nietcis sur
» le mal et a fait que li draps resuwe (sèche), sel rmoilliez
«encor et le renieteiz sus tant de fiies qu'il soitwaris((7«én).
» — Item al skinanssie qui tient ou hatrial, on doit bien fort
» loiier les 2 petis dois des mains et les 2 petis arles {orteils)
» des piez cascun d'un narlier, car li sanc se trait todis a
» le partie blechié (i). »
A propos de remède, j'en citerais bien un autre contre la
peste; malbeureusement il est par trop long et je craindrais
d'abuser de la patience du lecteur. Je me contenterai donc
d'en insérer ici le préambule; on y voit assez bien ce que
c'était que cette maladie contagieuse qui fît tant de ravages
à Namur, principalement dans la seconde moitié du XVI*
siècle :
« Remède pour guérir de la peste. — La maladie conta-
» gieuse survient à l'home de deux sortes. L'une d'une froi-
» dure avecque tremblement de tout le corps suivye d'une
» heure et demye d'une si grande douleur de reins que il
» est impossible de l'endurer, laquelle ayant duré environ
» deux heures, il survient des apostumes, gayettes, enflures
» et charbons pcstilentieux allenlliour des bras et du col,
» lesquelles appercepvant l'on asseure que c'est la peste. »
« L'autre sorte survient avecque une grande chaleure et
» inflammation de tout le corps, suivy d'ung quart d'heure
» d'une sy grande paine et douleur de teste que il est im-
» possible de l'endurer, laquelle paine ayant deuré environ
» ung demy jour, il survient des apostumes, enflures, gayet-
» tes et charbons pcstilentieux allenthour des partyes hon-
(I) Ceci me rappelle la recette suivante que je trouve clans un manuscrit
(lu siècle dernier : « Rcnùde pour la jaunisse : il faut cuire un œuf dur dans
» l'urine du malade, et le percer aux deux bouts, et le mettre dans une motte
» de fourmis. Le malade guérira ù proportion que les fourmis mangeront
» Tceuf. ))
— 69 ~
» icuses, lesquelles appcrcevant, il fault cstrc asscuré que
» c est la peste. »
« Laquelle peste se cause et procède de cincque raisons:
» assavoir d'une indisposition de touts les corps des homes;
» 2'^ d'une appréhension; 3"^ d'une horreur et crainte, assca-
» voir quand quelqung entre dedans une maison pensant
» estre nette et est infestée, d'où le sang se vient à altérer;
» 4*= par la conversation des hommes infestez; l)" avecque
» perception d'ung mauvais air par lequel l'homme vient à
» estre infesté et prend la peste. »
Mais laissons là cette terrihle maladie et venons à des
choses plus gaies. Voici d'ahord un hillet adressé par notre
comte Guillaume I à un de ses conseillers; il est fort court
et je le donne ici comme spécimen de l'art épistolaire, au
XIV'= siècle :
« Le conte de Namur, seigneur de l'Escluze.
» Cher et bien amei feaul; nous vous prions bien aiïec-
» tueusement que vous soiez demain, à vespre, deleis nous
» à Namur, pour avoir voslre boin consel et avis lendemain
» sus certainez causes à nous très durement touchans. Et
» de ce ne nous voilliez nullement falir. Messire vous gart.
» Escript en nostre casteal de Namur, ce joedi i" jour de
» feverier. »
En qualité de greffier, de savant comme je l'ai dit tantôt,
Taillefier était le bras droit des échevins. C'était à lui que
l'on avait recours d'ordinaire pour les opérations plus ou
moins mathématiques, et pour ce que je serais assez tenté
d'appeler les détails du ménage de la cour échevinale. C'est
ainsi par exemple qu'il nous a conservé le menu d'un diner
qui fut offert par l'échevinage à Philippe Mangart, un des
conseillers de Philippe-le-Bon. Ce repas, qui eut lieu à
riiùlel-de-ville vers 1428, nous donne une idée des ban-
quets par lesquels nos anciens magistrats terminaient tou-
jours les affaires les plus épineuses :
— 70 —
« Despcns fais en Kabaret (i) le mardi 2o*^ jour d'avrilh
» que maieurs et eskevins donarent à disner maistre Plii-
» lippe Mangart.
» Premiers, au pain 13 heaumes.
» Oez (œufs) 5 id.
» Buire (beurre) 5 id.
» Fromage 4 id.
» Vin aigre 5 id.
» Pommez 2 id.
» 2 dozaines de haiUrichez 6 id.
» Peisson que le maieur achatat 40 id.
» Encores peisson que Gillekin achatat. . 50 id.
» Gravacez (écrevisses) 12 id.
» I pot de petit vin de 3 1/2 id.
» 22 quartes de blan vin, à 4 heaumes 1/2
le quarte 99 id.
» Hostel et cuisine 12 id.
» Montent ces parties, 3 griffons 56 1/2 heaumes. »
Pour un banquet officiel, le diuer est assez frugal, me
semble-t-il. Que penser après cela de cet injuste surnom
de la Gloutte dont on a baptisé, depuis si longtemps, la
bonne ville de Namur? A en juger par le menu, c'était un
jour maigre; aussi y voyons-nous apparaître les écrevisses,
ce poisson qui de nos jours figure si souvent sur les tables
namuroises.
Bien que j'aie rencontré fréquemment le mot hantriche
ou hautrkhe, je dois avouer que sa signification m'est in-
connue. Si je parviens quelque jour à la découvrir, le lec-
teur peut être certain que je lui en ferai part. En attendant,
admettons que ce sont des espèces de pâtés, peut-être même
des crènés ou des gazettes.
Taillefier ne se borne pas à enregistrer les dépenses de
(1) Nom donné à rHôtel-dt-vllk-.
— 71 —
la coui-, il mentionne aussi celles qui lui sonl lout-à-1'ait
propres. Ainsi par le marché conclu entre lui et son clerc,
Mathieu le Blond, on voit que ce dernier devait être salarié
« raisonnahlement chaque fois que son maitre en auroit
» besoin, » et qu'il recevait 3 heaumes pour chaque acte
rédigé. Quelques années plus tard, Taillefier changea son
système bureaucratique : son clerc Lorchon Clichet eut un
salaire fixe, savoir : une robe chaque année, et un clinkar
par mois.
A tout prendre, ces notes se comprennent encore dans
un volume d'œuvres de loi; mais celles qui suivent sont tout-
à-fait des détails de ménage. Il nous apprend, par exemple,
que les gages de sa meskine Ysabillou montaient par an à
trois griffons et que la nourrice d'un de ses enfants rece-
vait annuellement seize moutons de Brabant. Après nous
avoir donné ce renseignement, il note quelque part : « Mé-
» more que je Taillefer ay payé à cause de la nourrechon
» Catherinelte (i) ma fille, un clinckar. Mémore que ledit
» enfant fut osté et repris de la nouriche, au debout de deux
» mois. Ledit enfant est mort, ajoute-t-il; Dieu en ait Tàme! »
Comme on le voit, c'était un homme d'ordre que Taille-
fier. C'était aussi un cœur sensible, qui se montre à nu
dans le récit suivant où il est question d'un pèlerinage qu'il
fit à S'-Jacqucs en Galice, l'an 1454.
« Quant Taillefier se partit de Namur pour aller à S'-
» Jaqueme, Diex le conduist ! L'an 54, le joesdi IS*^ jour
» de JMarce après ce que Taillefier eut oyut messe ce jour
» en le chapelle de l'ospital S'-Jaqueme séant dehors le
» porte Saienial à Namur, ledit Taillefier huchat Noël son
» père, Willame Wilpont son oncle, Willame-sens-manièrc
» et Simoney Franke, tous là présens, et dist que partant
(1) N'est-ce pas ilominage de voir se perdre tous ces jolis diminutifs : Ysa-
billou, Calherinellc el tant d'autres!
— 72 —
» que on savoit bien del aller et qu'on ne sceit do revenir,
» il voloit et ordinoit par manière de testament que se
» IVostre-Seigneur Dieu fezoit sez volentés de li que tôt chu
» qu'il avoit, tant d'iretages comme de vestements, meisme
» le parchon de Johennin son frère qui estoit hors do pays,
» s'il ne revenoie et il fuist trespasseit, et de tous lesquels
» hiretages il dissoit yestre advesli, fuist adit Noël son père,
» auquel Noël si lez donnoit pour en disposer et ordenner
» tôt à sa bonne voUenté s'il ledit Taillefier ne revenoit,
» comme dit est. Et de ceste ordinance ledit Taillefier
» meisme en trayt lez dessusdis par lui appeliez à tes-
» moins. »
Après avoir fait celte espèce de testament in procinchi,
notre greffier se partit pour son long voyage. Il en revint,
heureusement pour nous, et quelques années plus tard il
inscrivait dans ses embrieviires ces naïves paroles qui achè-
vent de le peindre :
« In nomine Domini, amen. Le merquedy 15" jour de
» février (l'an 1447 primo die de luna), Lambillon filz légi-
» time de feu Noël de Freruix, cui Dieu pardoint, se party
» de la maison Taillefer de Fleruix son frère, où il avoit
» demouré despuis le trespas de son dit père, c'est assavoir
» le terme de 9 ans ou environ, et pour s'en aler demourer
» en la ville de Bruges et illec aprendre et proufîter du
» mieulx qu'il pourra. Nostre-Seigneur Dieu, par sa sainte
» et digne grâce, le veuille conduire et préserver et garder
» de mal et de tous périls. Amen, amen, amen ! »
En vérité, je ne connais rien de plus touchant que ce
souhait fraternel jeté enire deux œuvres de loi.
Cette singulière manie de notre greffier, de faire du re-
gistre de la cour une espèce d'agenda, nous a valu la con-
servation de pièces d'une haute importance pour l'histoire
de la ville de Namur; je veux parler des criées du peron
ou édits de l'échevinage publiés au XV'' siècle. Ces criées,
— 73 —
dont j'ai formé un recueil que je compte bien livrer quel-
que jour à la publicité, sont assez nombreuses; je me con-
tenterai d'en citer deux comme spécimens. Il faut savoir
qu'en qualité de greffier, c'était à Taillefier que revenait
l'honneur de crier ces édits. On se rendait d'abord sur les
degrés du Perron, puis sur les diverses places publiques;
un sergent sonnait de la trompe, le greffier tirait sa cédule
et la débitait au peuple en présence de quelques écbevins.
« Une criéie délie naissence do premier fil Monseigneur
» de Borgogne, conte de Namur. — L'an 1431 le mardi se-
» cond jour de janvier, fut crieit et publieit en pluisseurs
» lieux aval le ville de Namur, dele ordinance et du com-
» mandement le grant bailli de Namur, maistre Garin qui
» estoit chi devant venut pour oyr les compte dez ofticiers
» et le receveur général, lez gens dez trois engliezes Nostre-
» Dame, S'-Albain et S'-Piere, le contenu d'une cédulle chi
» après escripte, aie trompette sonante, dele quelle le teneur
» s'enssuit et est telle : On vous fait assavoir que pour les
» très bonnez et joieuses novellez qui sont sorvenuez que
» nostre très redobtée damme madamme la duchesse deBor-
» gogne, contesse de Namur, est acouchié d'un beau fli, on
» a appointié faire feste et cesser de toutes oeuvres, faire
» feux au vespre et bonne chière, et demain procession et
» messe solempnelle aux frères meneurs (i). »
L'autre édit qui date de 14H n'est pas moins curieux,
puisqu'il fait mention du jeu de l'échasse, ce divertissement
namurois par excellence :
« Oiiez, oiiez, que on vous fait assavoir, de par nostre
» tres-redobteit seingneur monseingneur le conte, se maieur
» et ses eskievins de Namur, que ne soit nuls qui voise ne
» monte sur escache, ne pour escachier ne pour jostcir, si
(I) Il s'agit ici d'Antoine, né le 30 décembre 1430 et morl le 31 seplem-
brc 1451.
— 74 —
» hait que sur l'amende à l'enseignement d'eskevin et les
» escachez perduez. Criet le 8'= jour de décembre au Perron
» à S'-Remi, présens Massart Colle, Michart et Jamar es-
» Revins. »
Avant d'eu finir avec la prose, il faut que j'insère ici une
lugubre prophétie que je ne me chargerai certes point d'in-
terpréter :
« En l'an mil IIIP et.... isteront hors d'une prison
» obscure ceux qui feront renier le nom de Dieu et seront
» démenez par les IIII eslemens jusques ad ce quil s'esmou-
» vera ung esperit qui aura le bouche d'os et le barbe de
» char, qui fera I si hault cry. Auquel cry s'esveillera ung
» homme qui fera parler les corps sans âmes. Et alors s'es-
» veilleront grant multitude de gens vestus de blanc et
» affublez de bestes mortes, lesquelx entreront ou ventre
» leur mère, et de là ne se partiront jusques ad ce que les
» enffans auront mengié leur père. »
Mais j'ai hâte d'en venir à la poésie. Et tout d'abord je
dois prévenir le lecteur que je n'entends point donner tout
ce qui va suivre comme inconnu, inédit. Quant à moi, je
ne l'ai vu nulle part, ce qui, après tout, ne prouve pas
grand'chose.
Voici d'abord venir une sentence dont personne, au temps
présent, ne contestera la justesse. Chacun sait en effet que
dans notre siècle éminemment progressif, libéral et démo-
cratique, la richesse et la noblesse ne sont comptées pour
rien, et qu'avec de la science on parvient à tout :
« Qui tous les sens de ce monde saroit
» Ou temps présent et point d'argent n'aroit,
» Et fuist sage comme fu saint Poul,
» Qui n'a riens on le tient pour foui. »
Si ces vers sont deTaillefîer, on avouera qu'ils ne sont
pas trop mauvais, ni pour le fond, ni pour la forme. Il en
est de même des suivants qui sont admirablement bien
placés en tète d'un registre d'actes judiciaires :
— 75 —
« Boin juge ne doit yeslre niée,
» Ossi bien au povre que ù riche,
» De faire loy apertcnicnt;
Il Raison nel vut-lt autrement. »
' Taillefîer n'est pas le seul greftîer qui se soit amusé à
inscrire des vers dans un registre aux transports; en voici
quatre qui appartiennent au XVU'' siècle :
« Je fis une maistresse ung jour par fantasie;
» Elle est belle et gaijard, chacun en at envye.
» Fy, fy aux amoureux à quy le cœur varie,
» Jamais fidel amour ne fut sans jalousie ! »
Ce quatrain est signé comme suit : «J'endure par l'amour,
» Ernest Zoude, Namurois, clercq du greiîe de la liaulte court
»de Namur, eagé de XXI ans en l'an 1652. »
Voici enûn quelques proverbes que j'extrais d'un volume
d'actes judiciaires de la cour de Vitrival (XVII* siècle);
plusieurs se trouvent, avec de légères variantes, dans le
recueil de M. Leroux de Lincy :
Contentement passe richesse;
Vive Warnier et sa maistresse
J'aime rarement.
Mais parfaitement.
Bienheureux qui a femme sage :
Car c'est l'ornement du mesnage.
Homme de paille vaut femme d'or.
Avant de cosnoistre unsç ami
Manger il faut muid de sel avecq luy.
Beauté et chasteté.
Sagesse et richesse.
Jeunesse et continence,
Vieillesse et point de maladie,
Vont rarement de compaignic.
L'amour et seigneurie
>'e veuillent point de compagnie.
— 76 —
Comme on le \^it, toujours ramour. Ces greffiers de-
vaient être de liers gaillards.
Parfois le bon Tailleiier s'égaie et se livre à Tépigramme.
Il en est une que je me garderai bien de traduire par respect
pour les dames, et le lecteur chaste me permettra de Tinsé-
rer ici comme simple étude de mœurs.
« Gallus gallinis ter quinque suffîcit unus;
» Sed ter quinque viri nou sulïiciunt niulieri. »
Il me semble avoir lu quelque part cette méchante épi-
gramme. Je préfère la suivante; malheureusement récriture
est si détestable que la fin m'est restée inintelligible, malgré
tous les efforts que j'aie faits pour la comprendre :
« Nota. »
« Les seiugneurs mengcnt les povrez gens,
» Les lombars mengent lez scingneurs,
» Les belles femmes mengent les lombars,
» Les boins compaingnons mengent les bêliez fcmmez,
» Les hostelains mengent les boins compaingnons,
» Li conuchieurs mengent les hostelains,
» Li puieuz mengent les conuchieurs
» Et li *A((i'e mengent les pius;
» Ensi passons-nous tous par le cul de skuve. »
Notre greffier ne dédaigne aucun genre : après l'épi-
gramme vient l'énigme. En voici une qu'il propose au
lecteur et que celui-ci a déjà, peut-être, entendue :
« Hic est, hic non est, hic jam fuit, hic modo non est,
» Est quod sit et iterum dici non potest. »
Voici maintenant ce qu'on appelait alors uwdictum:
« An rexit rex scit rex sit Karolum prcpe rexit,
» Tune dux it dux scit dux sit est beneduxit. »
La date du volume dans lequel elle se trouve placée, me
fait croire que l'énigme suivante fait allusion à la prise de
Luxembourg par le duc de Bourgogne, le 22 novembre 144-3;
mais je ne comprends pas la pensée de l'auteur. Un autre
sera sans doute plus habile que moi :
— Il — -
« Muses en un cul par IX fois,
» Boules y V fois tous vos dois,
» Rosics eut I, c'est la devise
» De Tan que Luxembourg fu prinse. »
Notez que ces vers fort singuliers sont immédiatement
précédés de cette courte prière :
« G bona erux, digna lignum super oninia ligua
» Me rege, me signa, servans de morte maligna. »
Après l'énigme, viennent les pronostics :
« Clara dies Pauli
» Multos fructus dénotant anni
» Si fuerint ncbule
» Perient animalia quœcunque (?)
» Si fuerint venti
» Désignât prclia genti.
» Si uix, vel pluina
» Désignât tempora kara. »
Mais ce que Taillefier affectionne surtout, ce sont les
chronogrammes. J'en citerai quelques-uns, car les chrono-
grammes de cette époque ne sont pas communs :
« fVr saCraMenta tVLIt
» brVXeLLe CorrVIt Ig>e. «
Je lis dans VHistoire de Bruxelles, par Henné et \\ au-
ters (I, 159) : « En 1383, selon quelques chroniques, un
» second enlèvement d'hosties eut lieu à Bruxelles , dans
» l'église de Sainte Gudule, par un nommé Clément. Nous
» n'avons trouvé aucun détail sur cet événement. »
CernItVr LeodU sedItIo spInosa
qVIxta jA>VAftlI xIMIs perICVLosa.
Il faut certainement omettre les D, et peut-être même
le J de JamiariL On obtient alors le 5 janvier 1332, ce
qui nous rapproche beaucoup de la date de la conspiration
de Pierre Andricas, puisque les historiens liégeois repor-
tent cet événement à l'année 1331. On sait que ce tribun
se réfugia à Namur, où il mourut peu de temps après. Je
signale ce chronogramme à M"" M. Polain et lui laisse le
soin de faire concorder les deux dates.
— 78 —
Le uVc dorLeans trespassa
Le saIm CLeMe>"t pol^T ne passa.
Toujours eu omettant les D, nous obtenons 1407, et la
S'-Clémeut tombe le 25 novembre, date de l'assassinat du
duc d'Orléans.
reMIs saCratYr karoLVs franCIe
ERGO frVstratVr hexrICVs axgLIe.
« Data continetur, » ajoute Taillefler, et en effet le roi
Charles VII fut sacré à Rheims le 17 juillet 1429. Comme
nous étions alors sous la domination du duc de Bourgogne
allié aux Anglais, il ne faudrait pas conclure de ce chrono-
gramme que les Français avaient les sympathies de Taille-
fier. Celui-ci ne conservait sans doute ces vers que comme
objet de curiosité, et en loyal sujet du souverain dont Ta-
vénement nous valait d'être mêlés, à notre tour, aux suerres
désastreuses de cette époque, il partageait les idées de sou
échevinage, qui l'année suivante « donnait de grasce une
«somme de 2 clinkars, ou 7 moutons 9 heaumes, au
» chevalcheur de Monseigneur le duc qui aporta à Aamur
» lez novellez dele prinse de la Pucelle et de ses coni-
» pliches (i). »
Voici un joli chronogramme où l'on trouve, comme le
dit notre greflier, « la dautte dele bataille de 3Iohelery (Mont-
Iheri), » laquelle se donna le IG juillet 1463 :
« A CheVaL, a CiieVaL, gens d'arMes, a CueVaL. »
Suit « la dautte de la destrucxou de Dinant » :
« CeCIdIt dIxam totaLIs destrVCtIo Magxa; »
Mais ici, il y a erreur ou quelque mot omis, car les let-
tres numérales ne donnent que 1560, et la ruine de Dinant
eut lieu en 1466.
(\)'Complc comm. 1430, fol. 32. .M. de Baraiite nous apprend que lorsque
la Pucelle d"0rléaus fut fuilc prisonnière au siège de Conipiègne, on écrivit à
toutes les villes de la domination de Bourgogne, pour annoncer cette grande
nouvelle.
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— 79 —
Enfin, un dernier cluonogranime indique la dale de la
mort de Philippe-le-Bon (1467) :
« eCCe obsCVratVs est soL prInCIpVM. »
Taillefier nous a également conservé quelques refrains
que plus d'une fois, peut-être, nos bons vieux échevins
chantèrent en attendant Touverture des plaids. Malheureu-
sement ce ne sont que des fragments. Une seule de ces
chansons, qui doit remonter aux premières années du
XV'' siècle, est complète Comme Taillefier a pris soin de
la noter, j'en donne ici le fac-similé. Voici les paroles qui
sont d'une naïveté charmante :
La belle se siet au piet de la tour
Qui pleure et sospir et maine grant dolour.
Son père li demande : Fille, que volcis-vous?
Voleis-vous raarit, ou volcis-vous seingnour?
— Je ne vuelhe marit ne je ne vuelhe singnour;
Je vuelhe le mien ami qui paurist en la tour.
— Par Dieu, ma belle fille, à celi faureis-vous
Car il serat pendut demain au point do jour.
— Père, s'on le pent se m'en souyeis desous.
Ensi diront les gens: Ce sont lovais amours.
Quant li père oyt ceste dure clamour
A sa fille rendi son cuer et sa vighour;
El li at dit : Ma suer, je vai ovrir ma tour;
Vous rareis vostre ami, si en fereis seingnour,
Vous rareis vostre ami sans y mètre sour.
S"en fereis vostre espeuz par bien et par amour,
La moitiet de ma terre areis par le douchour;
Je vuelhe que soit ensi, sans y meire destour.
Quant la belle choisi son ami par amour
Granl grasce en rendi son père sans demour.
Je pourrais multiplier ces citations, mais (et c'est là mon
but) je crois en avoir dit assez pour engager nos Monteil
futurs à parcourir attentivement les embrievures de Jehan
Taillefier, dit Flerus.
Jules Borgnet.
— BO
De» Pierres sphéroïdales
TAILLÉES ANCIEKSEMENT, ETC.
Parmi les inslrumeûts en pierre qu'on découvre, en si
grande quantité, sur la surface du globe et qui semblent
remonter, généralement, à l'enfance des peuples, on doit
distinguer ceux connus vulgairement, sous la désignation
de pierres de fronde qui ont, parait-il, jusqu'ici peu attiré
l'attention (i).
On a appelé ainsi des objets ronds, évidemment taillés
mais n'ayant pas exigé, pour leur parfaite et entière con-
fection, autant de travail que les autres instruments en
pierre, et n'ayant reçu d'autre poli que celui donné par
l'usage; on les a dénommés de cette manière, à cause de la
destination que les savants leur donnaient généralement;
les dénominations suivantes : fossiles, céraunites, etc., sont
dues à des origines que d'autres opinions leur attribuaient.
iNous avons eu l'occasion de remarquer de ces objets
dans les cabinets de MM. Joly et Bauters, à Renaix; Albert
Toilliez, à Mons, et Prosper Cuypers, antiquaire hollan-
dais, à Bruxelles; notre collection en renferme plusieurs
que nous devons, en partie, à l'obligeance de MM. Bauters
et Cuypers.
Ces pierres rondes ont été trouvées sur le sol ou au-
(1) Le savant M. De Caumont consacre seulement quelques lignes à ces
objets façonnes par l'Iiomme.
— 8i —
dessous du sol, sur les collines des environs de Renaix et
de Mons,et dans la Campine hollandaise; nous en possédons
une qui a été découverte en France, dans le département
de la Somme.
Ces objets ont été recueillis avec d'autres restes anciens.
Près de Renaix, un morceau de pierre de meule, de forme
ovoïde qui avait été, semble-t-il à M. Joly, transformé eu
pierre de fronde, a été recueilli, par cet antiquaire zélé, sur
l'emplacement d'une ancienne habitation gallo-romaine (i).
Le même observateur a trouvé un autre objet, eu silex,
figurant une façon de bouton ou de pommeau, avec un tout
petit trou au milieu. Il lui parait être une formation capri-
cieuse de la nature, plutôt que le travail de l'homme; cepen-
dant le dessin qu'il en donne (pi. V, fig. 6) présente une
forme régulière, mais non entièrement ovoïde (2).
Les mêmes objets ont été trouvés, dans les environs de
Mons, sur les emplacements d'ancienne fabrication d'in-
struments en silex (3). En Hollande, ils ont été recueillis
près de sépultures (4).
(1) Antiquités celto-germaniques et gallo-romaines, trouvées sur le terri-
toire de Renaix, etc. — Extrait du Messager des Sciences historiques, 1843,
p. 9.
(2) Antiquités celto-germaniques et Gallo-romaines, trouvées sur le terri-
toire de Renaix, etc. — Extrait du Messager des Sciences liistorifjues, 1843,
p. 29.
(5) Par notre parent et ami Albert Toilliez et par nous.
(i) M"" Prosper Cuypers a fait, en Ilollande, des fouilles dans un assez grand
nombre de tumuli; il a publié deux notices intéressantes sur le résultat de
ses travaux. H trouva, d'après la plus ancienne de ses notices (avril 1843),
une boule de 7 centimètres de diamètre, à une profondeur de 8 centi-
iuètres {Grafhcuvel, XXXI, p. 12. Cerigt omtrent eenige oude Graflieuvcis,
onder Alplien in Noord-Braband, etc.). D'après Tautre notice, Berigt omtrent
eenige oude Grafheuvelcn onder Baarle-Nassau, in Xoord-Braband, 1844, p. 5
cl 4, il fit la curieuse découverte relatée ci-après : Au sud de ceux-ci (tuimtli),
à une distance de 3 mètres à peine el à une profondeur de 0,23 à 0,30 centi-
mètres, sur une surface d'environ 30 centimètres carrés, se trouvaient, em-
pilés el placés l'un contre raulrc, quelques grands fragments d'urnes sur
G
— 82 —
Les pierres de fronde que nous avons vues, sont en silex,
en diverses espèces de grès, en argile et en léphrine; cette
dernière roche est seule étrangère à notre pays et est encore
lesquels il y avait une quantité de boules d'argile d'une forme grossière,
recouvertes d'autres fragments d'urnes composées de la même matière, tandis
que trois boulets d'argile semblable, percés de trous et d'une circonférence
moyenne de 16 ccnlimètres, étaient placés autour des plus petits; le tout se
trouvait environné d'une masse de charbon de bois (n» 4). 11 est inutile de
démontrer que les objets découverts ci-dessus, sont des pierres de combat ou
de fronde, arme en usage au commencement de la bataille aussi bien que
pour les embuscades. (M. Cuypers, pour avancer cette assertion, s'appuie,
avec raison, sur Tacite, Hist., lib. V, c. 17, et J.-P. Arend, Algemeenc Gesch.
des Vaderl., deel I, bladz. 180). Dans les lumuli de Bottendorf, on trouva un
boulet percé et grossièrement façonné, de la grosseur d'un poing (Klcnm,
Germ. Alterlh., § 24-8). Bussching, dans ses Antiquités de la Silésie, parle
aussi de boulets semblables, mais en pierre. Dans le Holslein, on trouva
également des boulets percés de cette manière et qu'on employait, suivant
l'opinion d'un savant antiquaire, de la même manière que les Patagons em-
ployent leurs boulets de guerre, tandis que Kisler, traitant des boulets percés
de trous et composés d'argile cuite au four, déterrés près de Schonwerda et
Bottendorf, les appelle de même pierres de combat ou de guerre. Ce lieu
servait-il à la fabrication de ces instruments de fronde? ce qui tendrait à le
faire croire, c'est la quantité considérable de charbon de bois qui s'y trouve
rassemblé. Ou bien, peut-être, a-t-il servi primitivement de place publique
pour les bûchers? Une remarque que j'ai été maintes fois dans l'occasion de
faire , et que je ne crois pas dénuée de tout fondement, c'est que parmi le
grand nombre de tiimuli que j'ai découverts, il se trouvait toujours du char-
bon de bois, mais en si petite quantité qu'il est impossible que cela pût for-
mer le restant d'un bûcher; tandis qu'à proximité d'une réunion de lumuli,
il y en avait toujours un qui semblait indiquer, par l'existence d'une masse
extraordinaire de charbon de bois, qu'il avait anciennement servi de bûcher.
Si l'endroit fouillé par nous servait à confectionner cet instrument de
fronde, comment se trouvait-il immédiatement dans le voisinage de trois
urnes cinéraires, sans compter celles qui ont, peut-être, été enlevées anté-
rieurement, par une main inconnue? La considération que les Germains
avaient pour leurs morts ne permet guère de conjectures à cet égard. Ces
balles devaient-elles peut-être servir à honorer une famille expérimentée
dans l'art de fronder et dont la cendre reposait dans les urnes? Quoiqu'il en
soit, S.-C. Wagener, dans son ouvrage : Ilandhuch der Vorzilglichsten in
Deulsehland entdcckten Allerthiimer aus heidnischer Zeit, § 598, demande si
les pierres rondes que l'on trouve dans un si grand nombre de tumuli, n'in-
diquent pas le lieu où fut déposée la cendre d'habiles l'rondeurs.
— 83 ~
en exploitation sur les bonis du Rhin : la détermination de
Targilc ne peut être révoquée en doute.
Ces pierres ont des dimensions à-peu-près les mêmes,
6 à 9 centimètres de diamètre; quelques-unes, en argile,
ont cependant une forme ovoïde et offrent de plus grandes
proportions; de plus, elles sont perforées dans le sens du
grand axe.
Il faut admettre que ces pierres ont appartenu à divers
peuples; celles qui ont été trouvées dans les environs de
Renaix et de Mons, doivent être contemporaines de la pé-
riode romaine. Le savant De Caumont dit, dans son cours
d'Antiquités monumentales, qu'on a découvert beaucoup de
pierres de fronde en France, le plus ordinairement dans les
emplacements gaulois. Celles de la Hollande, dont il est
parlé plus haut, ont une origine germanique.
Les pierres rondes ou ovoïdes ont servi à plusieurs usa-
ges; leur destination était, sans doute, différente, selon la
résistance de la matière, la forme donnée, etc. Ces destina-
tions, il faut les rechercher d'après celles d'objets analogues
qui existent aujourd'hui : les usages se conservent long-
temps, en effet, et les besoins, qui ne tiennent pas compte
des distances, font naître, en différents lieux, les mêmes
inventions.
Ainsi, les pierres qui ont une forme sphérique et une
résistance sufiîsante durent être lancées avec la main ou
avec la fronde, arme qui fut en usage chez plusieurs peu-
ples et dont on se servait encore en des temps peu éloi-
gnés (i). En Grèce , par exemple, chez les Athéniens,
(I) Les Francs ont continué de se servir de la fronde longtemps après l'in-
vention de la poudre à eanon. Au siège de Sancerrc, en 1572, les assiégés
se servaient de cette arme, pour épargner la poudre. Les pierres de fronde
furent en quelque sorte remplacées par les boulets. On faisait encore usage,
en Europe, de boulets de pierre en 1564 (p. 79 et 223 du Dictionnaire des
Inventions, etc., par M.M. Noël, Carpentier, etc., •{■« édition. Bruxelles, 1837).
ai
quelques-uns des soldats, armés à la légère, étaient desti-
nés à- lancer des pierres, soit avec la main, soit avec la
fronde (i). A la chasse du sanglier, on lançait, de même,
à cet animal, des traits et des pierres (2). Les anciens Bel-
ges, lorsque, du temps de César, ils attaquaient les places,
lançaient aussi des pierres contre les murailles. On distin-
guait des frondeurs, d'après les Commentaires du conqué-
rant des Gaules, dans les troupes romaines. Les Francs
ont, de leur côté, fait usaee de la fronde dans leurs armées.
Cependant, dans l'hypothèse que les pierres dont il s'agit
ici ont servi pour cette arme, on ne se rend pas compte des
soins apportés à la confection de projectiles semhlables (5).
Les boules en argile cuite, de faibles dimensions et gros-
sièrement faites, servaient-elles aussi pour la fronde? Elles
sont légères et ne devaient pas être d'un effet bien redouta-
ble. Ainsi, chez les Athéniens, les armés à la légère avaient,
dans les combats simulés, des mottes de terre (4). Nous pen-
sons toutefois que des boules en argile étaient lancées dans
un état d'incandescence, et que l'argile avait été préalable-
ment mêlée avec de la paille pour mieux la lier (5). L'aspect
de ces boulets certiCe l'exactitude de cette dernière asser-
tion. Un passage des Commentaires de César rend probable
la première; on y lit, en effet, au chapitre V, que les Ner-
viens, dans le siège qu'ils firent du camp de Cicéron, y
lancèrent, le septième jour de Vattaquc, nn grand vents'étant
élevé, des boules d'argile maniable embrasées (ferventes fusili
(1) J.-J. Barlhélcmy, Voyages du jeune Anacharsis, t. Il, p. 119.
(2) Id. id. t. IV, p. 7.
(3) Nous voyons cependant dans Tacite, Annales, Liv. XIII, XXXIX, que
les arbalétriers et les frondeurs romains lançaient au loin, sur les Arméniens,
des balles de plomb.
(4) J.-J. Barthélémy, Voyage du jeune Anaeharsis, t. II, p. 222.
(3) C'est ainsi que les briques crues, d'après Pockoke, étaient fabriquées
anciennement en Egypte; c'est encore ainsi qu'on le fait aujourd'hui en ce
pays et dans d'autres contrées de l'Orient.
Anciennement, le pisé était quelquefois mêlé de paille hachée.
— 8i5 —
ex ai'i^ilhi ghiiitles) el des dards éeliauirés, sur les huiles
qui, selon l'usage gaulois, élaieiil couvertes de chaume (i).
Le grand nomhre de houles d'argile cuile trouvées par
M, Cuypers, ne paraissent cependant pas avoir été destinées
à être projetées dans ce but. Les circonstances n'étaient
pas les mêmes ici. La découverte de cet antiquaire consiste
en effet en l'emplacement d'une fabrique de houles d'argile
cuite de diverses formes, reposant sur des fragments de vases
gigantesques, près de vases cinéraires. Quoiqu'il en soit,
la cuisson opérée par M. Cuypers de boules faites par lui
avec de l'argile prise sur place produisit le même résultat,
d'après ce que nous a dit cet archéologue.
Les pierres ovoïdes dont les dimensions étaient les plus
considérables et dont, suivant un intéressant passage de
l'une des notices de M. Cuypers, les unes étaient d'argile
cuite, les autres d'une roche résistante, servaient-elles de
leur côté pour la fronde? Quelle destination aurait eue alors
le trou cylindrique dont elles étaient perforées, suivant leur
grand axe? N'étaient-elles pas plutôt employées, comme on
le faisait jadis et comme on le fait encore aujourd'hui en
Amérique? iN'ous pensons que cette dernière hypothèse est
la plus vraisemblable. Des tribus de l'Amérique (2) ont eu
pour arme favorite les bolas des relations modernes; ce sont
trois boules de pierres à-peu-près de la grosseur de nos
boulets et attachées à trois cordes qui se nouent ensemble;
on les lançait adroitement autour des jambes d'animaux,
pour les faire tomber : les Pampéens se servent des bolas.
(I) Tacite mentionne aussi, dans ses Histoires, Liv. II, XXI, un su)terbc
aniphitéàtrc situé à Plaisance qui fut consumé, probablement par des lorclies,
des balles enflammées cl des traits incandescents qui furent lancés sur ce
monument.
(i) D'après un passage dTIrich Schmidel et daulres passages mentionnés
par M. Moke, dans son Histoire des peuples américains, publiée par la Bi-
bliothèque illustrée.
— 86 —
Les pierres rondes ou ovoïdes, travaillées, ODt non seule-
ment servi ainsi de moyens d'agression et pour se livrer
au plaisir de la chasse, mais elles ont été des objets d'uti-
lité publique et ont, en outre, été en usage comme moyens
d'amusement ou comme objets d'ornement.
Des pierres rondes ont été des objets d'utilité publique et
servaient pour peser ou pour d'autres usages. Les poids,
disent MM. Schulz et Paillette, dans une Notice sur une
pyrite stannifère, publiée par la Société géologique de
France (i), dont se servaient les anciens mineurs espagnols,
pour mesurer ou vendre le produit de leurs labeurs, étaient
de pierre et pourtant d'une aussi grande exactitude que ceux
de bronze. Comme les pierres qui ont servi pour l'attaque
et pour la chasse, celles-ci ne devaient pas être toutes tra-
vaillées. C'est ainsi qu'un ancien poids trouvé dans une
sépulture gallo-romaine, à Montrœul-sur-Haiue, consiste en
un caillou roulé ayant d'assez fortes dimensions (2). C'est
encore ainsi que, de nos jours, à Spiennes, village situé
près de Mons, les pierres de Saint- Amand dont nous parle-
rons plus loin et qu'on recueille sur un terrain communal
appelé bonniers de Saint-Amand, du nom du patron du
village, étaient employées comme poids, ce qui a été con-
staté, paraît-il, par des procès-verbaux. Nous avons vu au
Musée d'antiquités, à Bruxelles, trois poids en pierre qui,
d'après M. Schayes, savant conservateur de cet établisse-
ment public, proviennent de Bavai; ce musée ne possède
pas d'autres pierres sphéroïdales.
Un autre usage des pierres rondes est indiqué dans Ri-
chard Pockoke (3). A vrai dire, il n'est pas très-compré-
(1) Bulletin de la Société géologique de France, 2= série, t. Vil, feuilles 1-3,
page 19.
(2) Xotice sur plusieurs découvertes d'Antiquités faites à Lede, etc., par
M. Schayes; t. XIV, n" 10, des Bulletins de l'Académie royale de Belgique.
(3) Voyages en Orient, etc., t. I, p. 175 et 176.
— 87 —
Ijeusible, de la faute du traducteur sans doute. Voici le
passage relatif à cet usage : « On trouve dans la plaine autour
de cet édiflce (Temple du Labyrinthe), quantité de pierres
rondes percées dans le milieu; ce sont apparemment celles
des colonnes qui étaient autour, et qu'on liait ensemble par
le moyen de ces trous. » M'" J. J. Rifaud, de Marseille, qui
a passé treize années de sa vie en Egypte et qui a fait, avec
soin et une persévérance digne d'éloges, des fouilles pro-
ductives dans l'ancienne Thèbes, nous a dit que des pierres
rondes existent en effet au milieu des monuments de cette
contrée, qu'elles sont comparables à nos boulets et ont dû
être suspendues, par des crochets de fer, et placées deux
ou trois l'une près de l'autre, à des corniches.
Des pierres semblables, a-t-il été dit plus haut, ont été
aussi en usage, comme moyens d'amusement. Nous voyons,
en elTet, dans plusieurs auteurs, que des pierres étaient
lancées avec la main, en Grèce, par exemple, dans les jeux
du saut (i) et du disque (2); elles avaient, sans doute, la
conflguration d'un masse sphéroïdale ou ovoïde. Quelques-
unes de ces pierres étaient percées d'un trou pour y passer
une courroie, afin de les agiter circulairement et de les
lancer ensuite avec force (3). On apprenait aux filles de
Sparte à lancer, avec la main, le palet (4), qui, quelquefois
était en pierre; elles consacraient aussi des moments de la
journée au saut (5).
Nous citerons un seul objet en forme de boule qui prouve
que des pierres ont pu servir anciennement, comme elles
(1) Barthélémy, Voyages du jeune Anacharsis, etc., t. 111, p. 340 cl o4i;
ci C. Verdeyen, Manuel d'Anliquités grecques, t. I, p. 2ôj.
(2) Barthélcmy, Voyages du Jeune Anacharsis, etc., t. Ill, p. 340 et 341;
^1 Batissicr, Eléments d'Archéologie nationale, 1845, p. 156.
(5) Barthélémy, Voyages du jeune Anacharsis, etc., t. 111, p. 541.
(4) Id. id. t. IV, p. 149.
(3) Id. id. t. IV, p. 229.
— 88 —
le sont encore aujourd'hui, d'objets d'ornement. Il provient
de Tune des deux plus anciennes villes de la Belgique ac-
tuelle, Tournai, qui servit de résidence momentanée aux
rois francs. Il a été trouvé en celte ville, en 1635, dans le
voisinage de l'église S'-Brice, avec d'autres objets très-
curieux. Il consiste en une sphère en quarz hyalin transpa-
rent et a appartenu à Childéric P% père de Clovis; on le
remarque, au milieu du riche cabinet des médailles, à la
bibliothèque nationale à Paris.
Nous avons avancé plus haut que des projectiles en pierre
avaient été appelés fossiles. Cette désignation leur avait été
donnée vraisemblablement à cause de l'analogie de leurs
formes avec celle des oursins fossiles qu'on rencontre dans
les terrains crayeux, car il y en a qui ont cru voir le travail
de l'homme dans ces produits de la nature, et, il y a peu
de temps, Ton n'était pas encore fort d'accord sur la nature
et la destination de ces objets.
Nous avons distingué l'un de ces oursins fossiles dans
une série d'échantillons, d'origine gallo-romaine et franque,
découverts en France, en 1838, à Mont-Javoult (Oise), et
qui font partie des collections déposées à l'hôtel de Cluny,
à Paris; nous en avons aussi reconnu un dans les objets
représentés par M. Cuypers, dans l'une des planches jointes
à sa seconde notice (i). Celte double détermination est irré-
cusable.
(1) Voici la traduction du passage de la notice de M. Cuypers, qui est rela-
tive à l'objet reconnu par nous dans Tune de ses planches et dont il ignorait
l'origine, lors de la publication de son travail : « Il me paraît étrange com-
ment les anciens ont pu travailler une matière aussi dure et l'embellir d'or-
nements façonnés avec délicatesse, donnant à l'objet sculpté en relief une
forme de roue travaillée avec habilité (n» 11). Au surplus, j'ignore à quel
usage cet objet a pu servir, à moins qu'on ne veuille le considérer comme une
amulette. Dans la feuille périodique des Antiquités du Nord, citée dans l'ar-
ticle publié récemment dans le Vryen Pries, vol. 3, p. 67-107, par De Haan
Hetlema, Aperçu sur la littérature des Runes, il est fait mention d'une quantité
— 89 —
L'usage qu'on faisait des oursins fossiles peut élre in-
diqué par les noms qu'ils ont portés. Parmi ces noms, on
distingue celui d'Ovarmm. Wormius pensait, comme on
l'avait fait bien avant lui, que les oursins étaient des œufs
de serpent pétrifiés; ils ont aussi été appelés tonitra et
pierres judaïques (i).
Nous croyons, avec Fréret, M'' Amédée Thierry (2),
M. Gervais (3) et l'auteur du Catalogue du Musée des ther-
mes et de l'hôtel Cluny (4), que les échinites ou oursins
fossiles étaient les préfendus œufs de serpent qui, à l'époque
des Druides, étaient les premiers entre les préservatifs sa-
crés. Pline avait donné des renseignements sur la formation,
la conquête et l'usage de ces talismans gaulois, qui avaient
des vertus merveilleuses pour gagner les procès et obtenir
accès chez les rois (h).
de pierres de ce genre trouvées dans rintérieur et aux environs des urnes.
Suivant les observations de l'antiquaire llildebrand, elles sont appelées, en
général, Askehuil, ou roues du tonnerre, parce que dans le paganisme, elles
auraient servi à la vénération du dieu Thor, le Jupiter des Gei-mains, etc. Le
Dr Janssen, dans son traité sur les forts nationaux antiques, dit que taudis
que les tombes des Romains, même les plus simples, par exemple, celles qui
ne renfermaient aucun vase en pierre, se reconnaissaient, non-seulement
par les ouvrages de poteries, par leur forme, leur couleur et les ornements,
mais encore par des objets ou fragments de métaux, verre ou autres matières
composées, ne contenaient au contraire jamais aucun objet en silex. »
Cette dernière assertion est, croyons-nous, très-contestable.
Cette traduction, comme celle du passage relaté dans une autre note, sont
de M'' Théodore Cloudt, de Mons; nous le prions de recevoir ici nos vifs
remercîments pour son extrême obligeance. M. Cuypers et notre ami Alexan-
dre Pinchart nous avaient antérieurement donné des éclaircissements sur le
premier de ces passages.
(1) Voyez Dictionnaire pittoresque d'Histoire naturelle, etc., t. VI, p. SOO
et 510.
(2) Histoire des Gaulois, t. II, p. 138, Trésor historique et littéraire.
(3) .\uleur de l'arlicle Oursin du Dictionnaire d'histoire naturelle, etc.
(4) Catalogue du Musée des Thermes et de Ihôtel de Cluny, 1847. — .Mi-
nistère de l'Intérieur.
(5) Histoire des Gaulois, t. H, p. 158 et 159.
— 90 —
De Saint-Foix, dans ses intéressants Essais historiques sur
Paris, a dit (i) pour quelles causes le serpent a été regardé,
en Afrique, par l'homnie idolâtre, comme un être utile et
divin. Il était le symbole de la santé chez les Égyptiens, les
Grecs et les Romains. Son nom, en hébreu, signifiait
également la vie.
Au contraire, d'après les peuples du Nord, les serpents
avaient une destination diabolique (2); la même croyance
leur était attribuée dans les premiers temps du Chris-
tianisme; les serpents jouaient aussi un rôle dans les céré-
monies publiques et les croyances populaires du moyen âge;
dans les procès pour sortilège, on devait commencer par
annuler la puissance du vieux serpent; pondre des œufs était
enfin l'attribut de la sorcellerie (3).
Cette connaissance des oursins qu'on avait déjà en Egypte
il y a peut-être 5000 ou 4000 ans (4), qui est restée dans
la science et dans l'opinion populaire jusque dans le siècle
dernier, est, en quelque sorte, conservée dans un de nos
villages. Aujourd'hui encore, les oursins qu'on rencontre à
Spiennes, près de Mons, avec de nombreux échantillons en
silex, sont appelés, par le vulgaire, pierres de S^-Amand.
Une tradition ou une croyance a, sans doute, donné nais-
sance à cette dénomination.
(1) OEuvrcs complètes, t. IV, p. 297, elc.
(2) Essai hislorique sur les usages, les croyances, les traditions, les céré-
monies et pratiques religieuses et civiles des Belges anciens et modernes,
par A.-G.-B. Schayes, 1854, p. 14.
(3) Id , p. 191.
(4) M. Rifaud a trouvé, dans les fouilles de San, comme le témoigne le
prospectus de Touvrage qu'il publie sur son voyage en Egypte, etc, un frag-
ment de bas-relief qui représente une divinité assise sur un trône, tenant un
oursin dans ses mains ornées d'emblèmes et attributs. Cet oursin ne devait-il
pas indiquer le dieu auquel il était consacré? Cette découverte ne prouve-t-elle
pas qu'on devait attribuer, anciennement en Egypte, des vertus aux œitfs de
serpent? On sait que plusieurs divinités égyptiennes portaient des serpents
dans leurs attributs et que les serpents représentaient quelquefois les dieux
mêmes.
— 91 —
Il est à remarquer que des oursins se rciicoutreut quel-
quefois dans d'anciennes haches en silex, nommées générale-
ment, comme nous l'avons dit ailleurs, pierres de tonnerre,
cette circonstance seule a dû attirer sur eux l'attention.
Une conclusion à tirer de ce que nous avons dit sur les
oursins, c'est que ces fossiles sont connus depuis longtemps;
ils ont, comme on l'a vu, été le sujet de fables. C'est ainsi
que les ossements d'une grandeur extraordinaire, étaient
attribués aux Géants (i), idée qui dura jusqu'au XVIIl* siè-
cle et donna naissance à l'hypothèse d'un déluge universel
qui est mentionné dans les traditions des anciens peuples.
C'est à cette catastrophe qu'on attribuait la provenance des
fossiles. Cette croyance est parvenue jusqu'à nous. Nous
avons fait voir ailleurs (2) que des idées plus sensées avaient
cependant été émises, il y a plus de 2500 ans, par Xéno-
phane.
Ces idées sur l'origine, l'existence et la détermination
des fossiles et sur la diminution primitive des eaux et des
éruptions de la mer ont encore été émises, mais d'une ma-
nière moins explicite, par d'autres auteurs anciens posté-
rieurs àXénophane, tels que Strabon, Ovide, etc.
(1) Barthélémy, ouvrage cité, d'après Pausanias, t. IV, p. 307.
(2) Dans une Noie sur l'Histoire des fossiles communiquée, en 1848, à la
Classe des Sciences de l'Académie royale de Bruxelles.
Ces idées avaient été émises par Xénopliane, né à Colophon, colonie
ionienne de l'Asie Mineure, fondateur de l'école d'Élée et auteur du plus
ancien des poèmes philosopliiques qui ont clé conservés (Voyez Nouveaux
fragments philosophiques, par Victor Cousin. Paris, 1826).
Origènc prétendait que, selon Xénophane, la terre venait de l'eau. H lui
fait développer son opinion, dit M. Cousin, à-peu-près par les mêmes argu-
ments qui, chez nous, il y a quelque temps ont été employés à l'appui de la
même hypothèse. Xénophane dit qu'on trouve au milieu des terres et dans
les montagnes des coquillages de mer et il cite différents débris trouves à
Syracuse, à Parcs et à Mélite, et dont les empreintes s'étaient pétrifiées dans
le limon durci (Système de Voodward, émis en 1702?). Il admettait que la
surface de la terre était sujette à des révolutions. Tous les êtres devaient
sortir du limon de la terre; cette idée a été reproduite et étendue par De
!a .Marck.
— 92 —
Ces premières idées géologiques dues au jugeinenl des sens
ne sont renouvelées que vingt-deux siècles plus tard, lorsque
le raisonnement est entièrement appuyé sur la recherche
des faits. Venant remplacer à la fin du XVIP siècle, grâce
à l'apparition au XVP d'un esprit éminemment observateur,
Bernard Palissy, les idées étroites émises par des auteurs
du moyen âge, elles donnent naissance à une foule de sys-
tèmes émis successivement pour expliquer l'origine du
globe et ses modifications et qui ont pour effet immédiat
d'exciter des observations. Frascatori et Sténon remarquent,
l'un que des coquilles ne sont pas contemporaines, l'autre
qu'elles peuvent faire connaître l'âge relatif des couches.
Lehman et Rouelle classent au XVIIP siècle les terrains
d'après les fossiles. Grâce aux efforts de Pallas, Saussure,
Verner, Deluc, Dolomieu, De Buch, De Humbold, Cu-
vier, etc., la géologie positive et générale est bientôt fondée;
au XIX« siècle, la géologie explicative est basée sur des
faits. L'édifice de la science dont les bases, d'après Cuvier,
avaient été posées au XVIII" siècle est achevé au XIX*.
C'est donc aux fossiles qu'on doit la naissance de la
théorie de la terre, et par suite celle de la science; c'est
enfin leur étude qui la fera progresser.
Mai 1850.
Désiré Toilliez.
93 —
CAMPAGNE
DU
CORPS D'EXÉCUTIOiV DANS LE PAYS DE LIÈGE,
EN 1790,
EXTRAITE DES MÉMOIRES D'J GÉNÉRAL EICKEMEYER, ET TRADUITE DE l'aLLEMAND
PAR n. UELBIG.
Les lecteurs du Messager des Sciences historiques ne
liront pas peut-être sans intérêt celte relation, écrite par
un officier distingué, qui a fait la campagne contre les in-
surgés liégeois, et (jui devait donc à être bien renseigné sur
les faits qui s'y sont passés. Ce qui m'a engagé à la publier
ici, c'est que le livre dont elle est extraite et traduite,
n'est guère connu en Belgique (i), et que les événements
qui y sont racontés, ne le sont pas davantage.
(1) Voici le titre de ces mémoires : Dcnkwûrdigkeiten des Gênerais Eicke-
meyer, eheni. Kurmainz. Ingenieur-Obcrstlieutenants, sodann in Dienstc dtr
franzûsichen Republik. Herausgegebcn von Heinrich Kœnig. Frankfurl avi
Main, 1845; in-8".
Rodolphe-Henri Eickcmeyer, l'auteur de ces mémoires posthumes, naquit
à Mayence le il mars 1753, fit ses études à Mayence et à Paris, devint fort
jeune professeur de mathématiques à l'université de cette première ville et
olTicier supérieur du génie. Il était lieutenant-colonel lorsque Mayence fut
prise par les Français. Comme il passa peu de temps après au service de la
république française, qu'il servit avec distinction en qualité de général pen-
dant plusieurs années, cela le fit injustement soupçonner d'avoir livré la
forteresse à l'ennemi. En 1802 il se retira du service dans un petit bien ([uil
possédait à Algesheim dans les environs de Mayence, et y mourut le 9 sep-
tembre 1825. On a de lui plusieurs ouvrages estimes. On peut consulter sur
sa vie et ses ouvrages le Notiveau Nécrologe des Allemands; Hmenau, 1827-29,
in-8", année 1825, p. 910-957, et année 1827, p. ô^-ii, ainsi que les OEuvres
de Frédéric Lehne, Mayence, 1836-59, 5 vol. in-S», t. III, p. 149-200.
— 94 —
Nous nous approchons de cette époque mémorable, qui
attira l'attention de l'Europe entière sur les grands mouve-
ments de la France qui ébranlaient ce pays. Les habitants
du pays de Liège se crurent autorisés à suivre l'exemple
des Français et celui donné par les derniers événements
dans le Brabant. Ils avaient joui pendant des siècles d'un
système représentatif reconnu par l'empire d'Allemagne,
jusqu'à ce que, du temps de Louis XIV, un prince-évèque
puissant proJSta de la présence d'une armée française pour
se faire souverain absolu par la force. Quelques magistrats,
qui avaient osé maintenir les droits du peuple, furent accu-
sés de trahison, et moururent sur l'échafaud, de sorte que
les Liégeois, privés de leurs véritables représentants par
la destruction de leur constitution, n'avaient plus de voie
légale pour porter leurs plaintes devant le chef de l'em-
pire, car chaque association qui se formait pour ce but,
était dissoute et punie comme illégale.
Mais en 1789, le peuple se souleva en masse, et demanda
ses anciens privilèges, mais rien de plus. L'évèque, qui se
vit pressé de toutes parts, les lui assura solennellement
dans une assemblée à l'hôtel-de-ville de Liège, après quoi
il fut reconduit à son palais par les citoyens, qui poussaient
des cris de joie. Mais peu de jours après il s'enfuit clandes-
tinement de son château de plaisance de Seraing, se retira
à l'abbaye de S'-3Iaximin près de Trêves, accusa ses sujets
de rébellion auprès de la Chambre impériale et obtint contre
eux une sentence sévère. L'exécution de ce jugement fut
confiée aux électeurs du Palalinat et de Brandenbourg.
Tous deux firent entrer un nombre considérable de trou-
pes dans le pays de Liège; mais la Prusse retira ses troupes
peu de mois après, soit par conviction de la juste cause
des Liégeois, soit par d'autres motifs politiques, et les trois
électeurs ecclésiastiques entreprirent de combler cette la-
cune par les leurs.
— 9S —
A celle fin, une brigade, sous les ordres du général
comle de Ilalzfeld, composée de trois bataillons d'infanterie
et d'une division d'artillerie et de hussards, forte d'environ
quinze cents hommes, quitta Mayence au commencement de
mai 1790. Elle se joignit à Maseyck à la brigade de Co-
logne et du Palatinat, et le 25 mai, le corps d'exécution
ainsi réuni, fort d'environ quatre mille cinq cents hommes,
s'avança contre les insurgés, qui avaient pris les armes
depuis le dépari des Prussiens. Leur force principale se
trouvait à Liège; Tongres et lïasselt, deux villes un peu
susceptibles de défense, avaient de petites garnisons. Des
troupes légères, composées principalement de tirailleurs,
formaient une ligne d'observation, qui s'appuyait à droite
sur la Meuse, et à gauche sur le Brabant, en dessous de
Liège, dans une étendue de quatre à cinq lieues.
La marche eut lieu en une colonne, sur la petite ville de
Bilsen, distante de six à sept lieues. Lorsqu'on fut arrivé
près du couvent des dames nobles de Munster-Bilsen, qui
était plus proche d'une demi-lieue, on fît la rencontre d'un
parti de huit ou dix tirailleurs, lesquels, à l'approche de la
colonne, et lorsqu'elle était encore à une distance telle qu'ils
ne pouvaient lui faire aucun mal, déchargèrent leurs cara-
bines et prirent ensuite la fuite à grande hâte à travers les
champs de blé vers un petit bois voisin. Là-dessus une com-
pagnie de grenadiers mayençais et les hussards reçurent
ordre de s'avancer et de déblayer la plaine des ennemis.
C'était un dimanche matin vers onze heures, et les habi-
tants des fermes environnantes s'en retournaient justement
de la messe qu'ils avaient entendue à l'église du couvent.
Six ou sept de ceux-ci tombèrent victimes de la fureur guer-
rière des soldats, lesquels, au lieu d'armes, firent butin de
missels et de rosaires. Les troupes d'exécution prirent pos-
session, sans rencontrer la moindre résistance, du couvent
de femmes et de la petite ville de Bilsen, où, se reposant sur
— 98 —
leurs lauriers, ils restèrent trois jours pour réparer leurs
fatigues.
Le 26 dans la nuit, on partit pour la ville de Hasselt,
située sur la droite, à une distance d'environ trois lieues.
Mais au lieu de suivre la route qui y conduisait, on prit en
arrière par un détour de sept lieues, et on arriva l'après-diner
à la bruyère, entre Sonhoven et Hasselt, environ à une petite
lieue de cette dernière ville. Les troupes étaient extrême-
ment fatiguées par suite de pluies d'orage continuelles, et
de la marche sur les terrains glissants des bruyères. Un
trompette fut envoyé à Hasselt, pour sommer les insurgés
de se rendre; mais comme la nuit s'approchait et que le
trompette n'était pas encore retourné, on prit la résolution
d'entreprendre immédiatement l'attaque de la ville. Toute
la colonne se mit en mouvement sur la chaussée qui y con-
duisait en ligne droite à travers de petits bois.
A l'apparition de cette forte colonne de troupes, les in-
surgés furent saisis d'une telle frayeur, qu'ils opérèrent
leur retraite par la porte qui conduit à Tongres et à Liège.
Un canon en fer était placé audessus de la porte contre la-
quelle la colonne s'avançait. Quelques bourgeois eurent
l'idée de tirer contre les ennemis qui s'approchaient. Un
capitaine du Palatinat et un simple soldat furent blessés.
Ce fut là le signal de la fuite, qui eut lieu avec un grand
désordre, comme chacun tâchait de se sauver le plutôt pos-
sible sans s'embarrasser des autres, et que l'artillerie et
les voitures de munition devaient être tournées sur cette
chaussée étroite. Les troupes arrivèrent fatiguées et essouf-
flées sur la bruyère, où ou passa la nuit, et le lendemain
matin on retourna dans les anciens quartiers. La brigade
de Mayence fut placée de l'autre côté de la Meuse, dans la
petite ville de Sittard et les villages environnants.
Après cette entreprise manquée, on crut devoir attendre
des renforts, et se mettre en état de pouvoir attaquer dans
— 97 -^
les règles les deux villes de Hasselt et de Tongres, qui
étaient pourtant bien faiblement fortifiées. Un bataillon d'in-
fanterie de Trêves, une division d'artillerie et un escadron
de hussards du Palatinat vinrent renforcer le corps d'exé-
cution. Je reçus l'ordre de m'y rendre avec quelques canons
de siège. J'étais alors major du génie, emploi que je rem-
plissais en même temps que celui de professeur de mathé-
matiques.
J'arrivai à Sittard le 18 juin. Ma première occupation fut
de faire poser un pont sur la Meuse à Mase} ck, et de mettre
cette ville jadis fortifiée dans un état de défense suffisant
pour qu'elle put servir de place d'armes. Le corps d'exécu-
tion, sous les ordres du lieutenant-général prince d'Isen-
bourg du Palatinat, s'était accru jusqu'au nombre de sept
mille hommes; le général comte de Hatzfeld commandait
sous lui la brigade mayencaise, le général baron Wangcn
la brigade de Cologne ou de Miinster, et un prince d'Isen-
bourg celle du Palatinat.
Le 29 juin la brigade mayencaise passa la Meuse à Ma-
seyck, et le corps entier occupait les petites villes de Bree
et Béer et les villages des environs. On resta un mois dans
cette position et on avança de nouveau vers Miinster-Bilsen
et Hasselt. La brisade mavencaise se trouvait à l'aile droite
vers Hasselt, celle du Palatinat à la gauche vers Bilsen. La
première était munie de 1 artillerie de siège nécessaire pour
attaquer Hasselt, qu'on avait fortifié davantage depuis la
dernière attaque. Après avoir reconnu la place, j'avais sou-
mis aux généraux mon plan d'attaque. Il fut agréé. Mais
hélas, contre quels malheurs inouis mon beau plan devait-il
échouer! Que l'on s'imagine que dans la nuit suivante les
insurgés firent la tentative de tourner la brigade du Pala-
tinat et de l'attaquer par derrière. Elle ne réussit pas, à la
vérité, mais par contre, un lieutenant des hussards de
IMayence, qui conduisait une patrouille vers Hasselt, y per-
7
— 98 —
(lit la vie par quelques lirailleurs cachés denière des brous-
sailles. En outre la nouvelle se répandit, que les insurgés
recevaient de Liège des renforts considérables, et avaient
le projet d'attaquer le corps d'exécution sur tous les points.
Alors l'ardeur belliqueuse de nos hommes de guerre devait
naturellement se calmer! Beaucoup d'officiers même disaient
que ce n'était pas permis de sacrifier ainsi leurs gens pour
des a patriotes, » — un nom qui était alors équivalent à
celui de canaille. Bref, après s'être trouvé pendant dix jours
dans cette position, après avoir perdu un seul homme, le
lieutenant de hussards déjà cité, sans avoir tué un seul en-
nemi, mais après avoir fait trois prisonniers et pris trois
carabines, on battit en retraite vers les anciens cantonne-
ments, que l'on rapprocha seulement en les resserrant autour
de Maseyck.
Les troupes du Palatinat essayèrent de piller dans quel-
ques endroits par lesquels ils passèrent, mais ils en furent
empêchés par leurs chefs. Lorsqu'ils s'approchèrent de leurs
quartiers, quelques-uns d'entr'eux, qui formaient l'avant-
garde, déchargèrent leurs fusils dans un endroit où se trou-
vaient quelques maisons disséminées. Le chef du bataillon
qui suivait à quelque distance, y envoya un adjudant, pour
demander ce qui s'y passait. Celui-ci rapporta la nouvelle,
qu'on avait tiré sur les troupes qui passaient, d'une maison
située près de la chaussée. L'artillerie reçut immédiatement
l'ordre d'attaquer cette maison. On y jetta quelques obus,
et le feu s'y mit. Les habitants voulurent se sauver par la
fuite et furent tués, tandis que leurs deux enfants furent
blessés; deux personnes périrent dans la maison. Les sol-
dats, avides de butin, se répandirent alors, sous le prétexte
de chercher des armes cachées, dans les maisons environ-
nantes, se saisirent de ce qu'ils trouvèrent à leur conve-
nance et amenèrent des familles entières comme prisonniers
rebelles. Le jour suivant, celles-ci furent amenées, enchaî-
— 99 —
nées ou garotlées sur plusieurs charetles, sous escorte, à
Maseyck, au quartier-général. Je me trouvais justement
chez le général en chef, lorsque l'officier qui commandait le
détachement délivra le rapport. D'après celui-ci, les pri-
sonniers étaient des gens dans les habitations desquelles on
avait trouvé des armes; c'étaient aussi beaucoup de coups
de mousquet qui avaient été tirés de la maison incendiée sur
les troupes qui passaient. — Est-ce qu'il y a eu des soldats
tués par les coups tirés de cette maison? demanda le géné-
ral. La réponse fut : aucun. — Et la maison, continua
celui-ci, est située à peu de distance de la chaussée? — Elle
est située immédiatement contre cette chaussée, répliqua
l'officier. Le général se fit apporter les armes que l'on avait
trouvées, et qui étaient arrivées sur une charette. Elles con-
sistaient en vingt et quelques pièces de tous les genres; mais
cinq ou six seulement se trouvaient dans un état convenable
pour pouvoir en tirer un seul coup, mais elles étaient cou-
vertes de rouille à l'intérieur. L'ordre fut donné d'empri-
sonner les hommes, et de les bien traiter, mais de mettre
immédiatement en liberté les femmes et les enfants. Parmi
ces derniers se trouvaient aussi les deux orphelins, sous les
yeux desquels leurs parents avaient été tués la veille. L'un
avait reçu un coup de feu dans une jambe, une balle avait
effleuré le bras de l'autre, et le premier appareil n'avait pas
encore été mis à leurs blessures. Un lieutenant de Munster,
jeune homme que je nommerais volontiers ici, si son nom
ne m'était échappé, fit conduire les deux enfants à son
quartier, bander leurs blessures par un chirurgien, et les
soigner par les gens chez lesquels il logeait. Ceci parut pro-
bablement une conduite peu digne d'un guerrier, car le
chef de bataillon inlligea pour ce fait les arrêts à ce brave
officier. Sur l'ordre du général en chef on examina avec le
plus grand soin les décombres de la maison incendiée; on
n'y trouva pas la moindre trace d'armes, mais bien des restes
— 100 —
de corps brûlés. Personne ne fut rendu responsable de ce
qui s'était passé, et on abandonna le tout au gazon qui
devait couvrir ces débris.
Le mauvais succès de nos opérations militaires engagea
l'empereur, qui était d'ailleurs encore en guerre ouverte
avec les Pays-Bas, d'employer des mesures plus douces en-
vers les insurgés liégeois, auxquels on accorda maintenant
une partie de leurs demandes. Les négociations qui furent
continuées pendant plusieurs mois, pendant lesquels les
troupes de Trêves et du Palatinat se retirèrent, tandis que
celles de Mayence et de Miinster restaient dans une inacti-
vité totale. L'auteur de ces mémoires profita de cette sus-
pension d'armes sur un cbamp de bataille sans gloire pour
répondre à une question proposée par l'académie de Munich.
Ce travail se trouve inséré dans les écrits de cette académie.
Pendant ce temps, les insurgés du Brabant se soumirent.
Une armée autrichienne considérable se trouvait dans le
voisinage, et on pouvait maintenant regarder Taffaire avec
les Liégeois comme terminée. Malgré cela le corps d'exécu-
tion qui ne comptait plus que 2500 hommes, se mit de nou-
veau en mouvement vers le commencement de décembre.
La marche eut lieu à travers le pays de Juliers, vers la
petite ville de Visé, qui est située sur la rive droite de la
Meuse, à trois lieues en dessous de Liège. La brigade mayen-
çaise arriva le 8 décembre dans l'après-diner et prit posses-
sion de l'endroit sans rencontrer de résistance. Une petite
île est située devant cette ville, à laquelle ou parvient par un
pont de bateaux, et de là on passe à la rive opposée au
moyen d'un bac. Un lieutenant y fut envoyé avec quarante
grenadiers, et comme il ne prit pas la moindre précaution,
il fut attaqué par surprise pendant la nuit par un détache-
ment de tirailleurs qui y arriva de Liège en toute hâte.
Avant que ses gens pussent prendre les armes, quelques-uns
— 101 —
furent lues et blessés et la plus grande j)ai'lie fureiil fails
prisonuiers. Le reste se sauva par la fuite en prolitanl de
la nuit. Alors l'officier qui commandait le poste sur Tiic,
quoiqu'il eût deux canons avec lui, craignit aussi pour sa
sûreté et se relira sur la rive droite. Au point du jour les
insurgés parurent en grand nombre sur la rive gauche de
la Meuse. La bruit faux se répandit, qu'une seconde colonne
s'approchait de la ville sur la rive droite, motif suffisant
pour une prompte retraite, dans laquelle des provisions de
vivres et autres objets qui se trouvaient dans qualre-vingt-une
charrettes, tombèrent dans les mains de l'ennemi par le man-
que des attelages qui s'étaient sauvés pendant la nuit, au
milieu du bruit des armes. La brigade de Munster n'était
pas encore arrivée alors à Visé; elle avait trouvé bon de s'en
approcher à pas lents.
Ainsi se termina cette troisième et dernière croisade
contre les insurgés liégeois. L'empereur accepta le rôle de
médiateur. Les chefs de l'insurrection furent invités à se
rendre au quartier-général autrichien, et y furent bien réga-
lés. On leur promit tout, avec la réserve mentale de tenir
peu ou rien. Ils retournèrent à Liège et y effectuèrent un
désarmement général, après lequel les troupes autrichiennes
occupèrent sans rencontrer de résistance, Liège, Ilasselt,
Tongres et d'autres endroits. Le corps d'exécution les sui-
vait. Le hasard voulut que l'étal-major général mayençais
et le bataillon de grenadiers trouvèrent leurs quartiers
dans la riche ville de fabriques Verviers, la seule dans le
pays de Liège, où du moins la partie la plus notable des
habitants était dévouée à la cause du prince. Par cette rai-
son notre réception y fut extrêmement brillante. Des cou-
ronnes de laurier furent distribués par d'aimables dames;
des poèmes à notre louange, dans lesquels on nous aj)pelait
les sauveurs de la patrie, et où on nous comparait aux héros
de ranliquilé, furent chantés par de jolies (illes; des illumi-
— 102 —
nations avec des allégories flatteuses, des bals et de grands
festins eurent lieu. On peut s'imaginer avec quel orgueil
légitime nous acceptâmes tout cela! Ce qui était le mieux
fut que nous y séjournâmes quelques mois, pendant les-
quels les riches fabricants faisaient leurs efl"orts à se sur-
passer l'un Tautre pour nous bien régaler.
Les Liégeois devaient recevoir une nouvelle constitution;
mais avant que par suite de la marche si lente de la diplo-
matie allemande, le grand œuvre fut commencé, les Français
prirent possession du pays.
Au commencement du printemps de 1791, les troupes
d'exécution, couronnés par la victoire, revinrent àMayence
et se dirent avec beaucoup de complaisance : Ainsi nous
l'avons cependant emporté à la fin ! Beaucoup d'officiers
firent entendre leurs regrets, de ce que l'on ne leur eut
pas fourni l'occasion de répandre plus de sang des pa-
triotes (i).
Il y eut naturellement aussi des gens qui en riaient.
Ainsi, lorsqu'un jour plusieurs de ces héros se firent en-
tendre sur ce ton dans un estaminet à vin, un jeune homme
de la ville leur répliqua : « Lorsque j'étais encore enfant,
on m'a enseigné une fable qui me revient justement à la
mémoire, et que ces messieurs voudront bien me permettre
de raconter : un bouc vint à un ruisseau pour se désaltérer
(1) Bien peu d'années après ces événements, le 29 octobre 1793, les troupes
liégeoises et mayençaises se trouvaient réunies sous les mêmes drapeaux.
Elles assistèrent à Tun des plus beaux faits d'armes de l'armée impériale, à
l'attaque et à la prise des lignes des Français devant Mayence, sous les ordres
d'un Belge, du maréchal Clairfait. Le général Eickemeyer, l'auteur des mé-
moires dont on vient de lire un extrait, se trouvait dans l'armée française.
Ce furent même les hussards mayençais, et un corps d'infanterie liégeoise qui
pénétrèrent les premiers dans les lignes ennemis. L'armée française fut mise
dans une déroute comj)lèle; elle perdit environ 130 canons, une immense
quantité de munitions et de matériel de guerre et près de deux mille pri-
sonniers. Note du traducteur.
— 103 —
el devint fier lorsqu'il aperçut le reflet de ses cornes dans
l'eau. Si le loup était là, s'écria-t-il, comme je le recevrais
bien ! Celui-ci se trouvait par hasard dans le voisinage,
Tentendit, et en demanda raison au bouc; mais celui-ci
s'excusa en disant que ce qu'il venait de dire, il l'avait fait
après avoir bu. »
Si le conteur de celte fable eut été un Liégeois, il eût dû
expier sa plaisanterie par cent coups de bâton à la pro-
chaine parade; mais on n'était plus maintenant en pays
ennemi (i).
(I) Le Iraduclciir ayant \oulu liilèlemenl reproduire la manière un peu
triviale de raconter du général Eickemeyer, le leeteur est prié d être indul-
gent pour le style cl la forme littéraire de ce morceau.
Note de la Rédaction.
loi —
Hoiuc
SUR LE BARON ARNOUL DE VILLE,
INGÉNIEUR DE LA MACHINE HYDRAI'LIQIE DE MABLY.
»«Aft«
Les eaux de Versailles et la machine de Marly qui les
faisait mouvoir, ont été tant de fois décrites par les histo-
riens, les voyageurs et les mécaniciens; elles ont été si
souvent chantées et admirées par les poêles, qu'il nous
semble superflu d'en toucher mot ici. Notre but est de faire
connaître le véritable auteur de celte machine, construite
si ingénieusement qu elle excita l'admiration de tous ceux
qui l'ont vue, et que M"'' de Maintenon la faisait passer
pour une des merveilles du monde.
Tous ou à-peu-près tous les auteurs qui en ont parlé sont
d'accord pour en attribuer l'invention à Renenquin ou Ren-
kin De Sualème, mécanicien liégeois; tous s'accordent, à
peu d'exceptions près, pour enlever à Arnoul De Ville, éga-
lement Liégeois, la part qu'il eut dans la construction de
cette machine. A les entendre, ce dernier aurait simple-
ment recommandé à Colbert celui qui s'était déjà fait con-
naître si avanlageusemenl, dans le pays de Liège, par la
construction de différentes machines hydrauliques.
Examinons, en peu de mois, les preuves alléguées en
faveur de Rennequin. Ses partisans se fondent particu-
lièrement sur l'inscription tracée sur son tombeau, et qui
dit positivement qu'il était seul inventeur de la machine de
— lOo —
Marly. Weidier, dans son Tractatus de machinis hydra-
licis, a recueilli tous les renseignements qu'il avait pu se
procurer contre De Ville, renseignements qui ne constituent
aucune preuve directe ni concluante contre De Ville. On a
même invoqué pour Rennequin les faveurs accordées à sa
famille par le grand Roi, afin d'effacer totalement De Ville.
De Villenfagne se déclare également en faveur de Ren-
nequin. Selon lui, De Ville, en partant pour la France,
connaissait les talents supérieurs de Rennequin pour les
mécaniques : il s'en était servi avec succès pour faire venir
les eaux au château de Modave, sa propriété. Il va plus
loin encore et rapporte l'anecdote suivante, qui lui fut ra-
contée par un vieillard. Le jour que l'on devait faire jouer,
pour la première fois, les eaux de Marly, Louis XIV voulut
assister à ce spectacle; mais au moment où les ordres furent
donnés pour commencer l'opération, Rennequin n'était pas
à son poste et avait emporté le secret de son ouvrage. De
Ville ne put rien faire marcher jusqu'au moment où, par
des promesses nouvelles, il put engager Rennequin à mettre
la machine en mouvement. De Villenfagne invoque encore
le témoignage des Anecdotes intéressantes et secrètes de la
cour de Russie, pour détruire la gloire de De Ville.
Nous ne nierons pas les faits invoqués par les partisans
de Rennequin, mais encore nous nous inscrivons en faux
contre les faits allégués en sa faveur. Mais sont-elles sufîi-
santes pour enlever à De Ville la gloire d'avoir inventé la
machine de Marly? Peut-on en tirer la conséquence rigou-
reuse qu'il n'était pour rien dans la direction des travaux?
Peut-on admettre comme vrais tous ces on dit, en présence
d'actes authentiques? Nous ne le croyons pas.
Si l'inscription du tomheau de Rennequin est si con-
cluante, comme on le prétend; si elle constitue un titre
authentique de sa gloire, nous invoquerons en faveur de
De Ville un titre semblable. Au bas de son portrait on lit
— 106 —
également qu'il est rinveiiteur de la machine de Marly. Ce
titre nous semble tout aussi digne de foi que l'inscription
du tombeau de Rennequin, inscription qui y a été tracée
par sa famille, dans Tintenlion peut-être de relever la gloire
d'un de ses membres.
Les faveurs accordées à cette famille n'ont rien d'étonnant.
Rennequin était un mécanicien distingué, il avait travaillé
à la machine de Marly, et comme tel lui et sa famille pou-
vaient être récompensés par Louis XV, qui avait l'habitude
de rémunérer avec munificence. Oubliait-il De Ville? Au
contraire : il lui accorda des faveurs extraordinaires et au-
trement importantes que ceux dont Rennequin et sa famille
furent comblées, comme nous le ferons voir tantôt.
Reste encore à examiner les assertions des publicistes de
la fin du siècle dernier. Nous leur reprocherons en premier
de ne pas être contemporains des faits qu'ils avouent; en-
suite nous leur opposerons l'éditeur des lettres de Madame
de Maintenon, qui disait, en 1753, que l'ingénieur /Zoma/ic/,
dont elle parle à propos de la machine de Marly, s'appelait
De Ville.
Quant à la machine construite au château de Modave
par Rennequin, nous nous bornerons à faire observer que
celui-ci et De Ville furent appelés en France pour la con-
struction de la machine de Marly en 1675; que le premier
essai en fut fait en 1682, et que De Ville posséda le château
de Modave seulement en 1705 (i). Il ne peut donc avoir
appris à connaître Rennequin par la suite de la construc-
tion de la machine de Modave, à moins de supposer qu'elle
fut élevée lorsque ce château appartenait encore à l'évêque.
Dans ce dernier cas nous ne pouvons expliquer l'interven-
tion de De Ville dans celte construction, si l'on ne supposait
(1) Le 15 décembre 1684, Tévèque de Liège, Maximilicn-Henri de Bavière,
cil fil donc au cardinal de Furstembcrg.
— 107 —
qu'il en fût l'ingénieur. Car personne ne s'avisera de sou-
tenir qu'il était artisan. Il était noble, et son père reçut de
l'empereur Léopold, par diplôme du 14 janvier 1G86, le
titre de baron libre de l'empire Ce diplôme, qui contenait
sa généalogie, fut approuvé par le prince de Liège le 13 oc-
tobre de l'année suivante et enregistré à la chancellerie de
Liège.
Pendant qu'Arnoul De Ville fut en France, Tévêque de
Liège lui accorda, le 21 septembre 1686, la permission de
s'y faire naturaliser, le dispensant des serments qu'il lui
avait prêtés et de tous les devoirs de sa naissance. Dans
ces lettres il disait « qu'il ne se privait d'un sujet qui lui
était si cher et si recommandable, qu'en considération du
roi de France, puisqu'il lui était très-agréable par sa vertu
et son mérite particulier. »
Ce fut par lettres-patentes du mois de mai 1692 que
Louis XÏV le naturalisa « pour lui marquer l'estime qu'il
faisait de tant de recommandables services, qu'il lui avait
rendus, et continuait journalièrement à lui rendre, et pour
lui donner un témoignage public de sa bienveillance qui
put passer à sa postérité. » Ensuite le roi le reconnaisait
comme gentilhomme d'extraction, et voulut que lui et ses
enfants légitimes jouissent de tous les honneurs et privilèges
dont étaient investis les autres gentilshommes du royaume,
le dispensant de payer aucune finance ou indemnité.
Philippe V, petit-fils de Louis XIV, par lettres datées de
Milan le 19 octobre 1702, voulut à son tour reconnaître les
services rendus à son grand-père. Il naturalisa» Arnoul de
Mlle, natif du pays de Liège, gouverneur et directeur des
traveaux de la Seine pour les élévations des maisons royales
de Versailles, de Trianon et Marly. » Il le reconnut comme
règnicole de ses royaumes et i)rovinces et surtout de son
comté de iXamur, où il possédait des biens considérables.
Les considérants de ces lettres sont surtout trop curieux
— 108 —
pour ne pas nous permellre d'en citer ici quelques passages.
« Etant donc infoi'mé personnellement, dit-il, et ayant une
connaissance parfaite des agréables et importants services
que l'exposant rend depuis très-longtemps à notre très-cher
et très-amé bon frère et grand-père le roi de France et de
Navarre, jusques à se distinguer de tous les autres hommes
par ses travaux inouis et inventions tant nouvelles qu'utiles,
et qui semblent surpasser l'imagination humaine, les-
quels (travaux) nous avons tant de fois admiré, que nous
les avons vus, et sachant les grands et importants services
que ledit exposant a rendus et nous rend actuellement à
nous et à S. M. T. G., et lui voulant marquer notre satis-
faction particulière et lui donner un témoignage public de
notre bienveillance qui puisse être connu de l'avenir et pas-
ser à la postérité par témoignage de l'estime que notis faisons
de son rare et extraordinaire génie et des recomniandables
services qu'il a rendus au roi de France, notre grand-père,
et qu'il nous rend journellement; notre intention est qu'il
jouisse de tous les droits dont jouissent les régnicoles, etc. »
De pareils hommages rendus successivement par trois
souverains au génie de De Ville, nous semblent d'une im-
portance telle qu'ils contrebalanceront facilement tout ce que
l'on a dit contre lui. Le prince de Liège, Louis XIV et Phi-
lippe V en savaient, croyons-nous, plus sur son compte que
les auteurs de la fin du siècle dernier. Des actes semblables
d'une authenticité incontestable, sont plus dignes de foi
qu'une simple inscription d'un tombeau, élevé par la famille
de Rennequiu.
Désormais il sera impossible, croyons-nous, de faire en-
core passer De Ville comme un plagiaire ou un intrus qui
a voulu profiter du talent d'autrui pour parvenir.
Rennequin devra lui restituer une partie de la gloire qu'il
s'était acquise, et qu'il avait peut-être involontairement
usurpée par l'inscription de son tombeau.
Ch. Piot.
— 109 —
Cl)cminéc be Courtvai.
■ (EXPLICATIONS COMPLÉMENTAIRES).
Dans rarticle que nous avons publié dans le Messager
des Sciences, volume de.rannée 1848, sur la cheminée de
riiôlel-de-ville de Courtrai, il nous est arrivé plus d'une fois
d'éprouver des difficultés sérieuses pour expliquer quelques-
uns des sujets bizarres qui y sont représentés; il y en a
qui sont restés sans interprétation aucune. Cependant de
temps à autre nous parvenons à trouver la clé d'une de ces
énigmes dont d'ingénieuses allégories sont toujours le fond.
Nous avons dit à la page 511 du volume 1848 susmen-
tionné, que l'aiguille de la '2^ poutre qui soutient le plafond
de la salle où se trouve la cheminée décrite, nous présente
d'un côté une femme assise à califourchon sur un homme.
Mais nous n'avions pu découvrir la signification de cette
grotesque représentation.
Nous sommes à même de fournir aujourd'hui à cet égard
une explication convenable. Nous la rencontrons dans un
ancien conte en vers français, intitulé Le lay irAristote (i),
auquel cette scène fait allusion. Nous y voyons qu'une belle
Indienne, dont Arislote était devenu amoureux, avait telle-
ment subjugué le vieux philosophe qu'elle avait promis au
roi Alexandre de se montrer à lui, assise à califourchon
sur son dos, se servant du vieillard lui comme d'un cheval.
(I) Publir par BAnBAZA>, dans les Fabliaux cl Contes des Poêles françai
des Xle, XMs XlVe cl XVe siècles. Paris, 1808; l. III.
— 110 —
Voici comment le poêle rend la proposition faite de ce chef
au grave iVristote :
Mestres, ainçois qu'à vous foli,
Dist la Dame vous convient fere.
Por moi un moult divers afere
Se tant estes d'amor souspris ;
Quar un moult granz talcnz m'est pris.
De vous un petit chevauchier,
Desus ceste herbe en cest vergier;
Et si vueil, dist la Demoisele,
Qu'il ait sor vo dos une selc,
Si serai plus honestement.
Li mestres li respont briefment
Que ce fera il volentiers ,
Com cil qui est siens toz entiers
Bien l'a mis amors à desroi,
Quand la sele d'un palefroi
Li fet conporter à son col :
Or croi quil sanblera bien fol
Quand de sor le col li est mise
Et celé s'en est entremise,
Tant qu'ele li met sur le dos
Bien fit amors d'un viel rados,
Puisque nature le sermont
Que tout le meillor Clerc du mont
Fit comc roncin enseler,
Et puis a quatre piez aler
A chatonant par dessus l'erbe (1).
Dans les Fabliaux et contes, traduits et extraits par
Le Grand d'Aussy, t. I, pag. 275, 286 et 294 (Paris,
1829) , nous lisons d'excellentes explications du Lay
(TAristote.
La moralité qui résulte des vers que nous venons de
reproduire, est, comme on le voit, que l'amour fait faire
des folies aux plus sages et aux plus vieux :
Amour vainc tôt, et tôt vaincra,
Tant com li monde durera (2).
Nous trouvons ici une nouvelle preuve que les artistes
(i) Barbazan, p. 109 et 110.
(2) Ibid., I. I, 9G.
— 111 —
du moyen âge savaient souvent s'inspirer aux poésies et
aux romans populaires de cette époque, pour en faire
ressortir un enseignement moral.
Nous avons dit dans le môme article qu'une des poutres
de la salle de rhôtel-de-ville de Courtrai, décrite par nous,
représentait un homme descendu dans un panier et que
cette scène faisait allusion à une aventure du sorcier Vir-
gilius (i). i\ous aurions pu ajouter que cette aventure est
aussi attribuée à Ilippocrate, dans un fabliau français,
plus ancien que le roman du magicien Virgilius et qui est
connu sous le nom de : Lai iV Hippocrate (2). Le célèbre
médecin grec y apparaît aussi malmené qu'Aristote par une
femme dont il s'était épris, et livré comme lui à la risée
publique. La même moralité ressort des deux scènes dont
nous avons parlé, et où nous n'hésitons plus à reconnaître
les deux personnages les plus connus, les plus populaires
dans la scolastique du moyen âge. Ces sujets se trouvaient
également sculptés sur des chapitaux de l'église deS*-Pierre
de Caen, qui date du XIIP siècle, et sur la menuiserie des
stalles du chœur de l'église de Notre-Dame de Rouen (3).
C'étaient, on le voit, des sujets populaires que les artistes
aimaient à reproduire, même dans les églises, où on ne
devait s'attendre qu'à trouver le symbolisme chrétien !
J. D. S. G.
(1) Messager des Sciences, 1848, p. 512.
(2) Le Grand d'Aussy, ibid., i)p. 297 et ôG7.
(5) Ibid., p. 368.
— 112
€a 6ibliotl)cquc bc Oosauet.
C'est un des privilèges du génie, de donner à tout ce qu'il
louche une sorte de consécration, qui le protège contre l'in-
différence ou l'oubli, comme ces fleurs qui laissent après
elles un parfum durable qui charme et embaume.
Le hasard vient de me mettre entre les mains un cata-
logue de livres qui n'est remarquable ni par son étendue
ni par sa rédaction; il ne récèle l'indication d'aucune de
ces raretés ignorées ou impossibles, qui font bondir le cœur
du bibliomane, intéressent le bibliophile, et font sourire, à
l'occasion, le reste du genre humain. Mais sur le litre de
ce catalogue, j'ai aperçu le nom d'un grand homme, et je
l'ai feuilleté amoureusement. Vous-mêmes en lisant ce nom
en tète de cette page, ne vous étes-vous pas pris de quelque
intérêt au sujet qu'il annonce?
L'abbé Jacques-Bénigne Bossuet, neveu du prélat qui
illustra les mêmes noms par ses vertus et son éloquence,
hérita de la bibliothèque, comme de tous les biens de son
oncle, qui montra toujours pour lui une affection poussée
jusqu'à la faiblesse. Il en était cependant bien peu digne.
Mêlé à quelques circonstances de la vie de l'auteur du Dis-
cours sur r histoire universelle, il se montra passionné,
violent, emporté, et ses torts ont rejailli sur son oncle. C'est
ainsi que dans la déplorable controverse qui s'engagea à
propos de V Explication des Maximes des Saints^ le malheur
de Bossuet fut d'avoir son neveu pour agent à Rome.
— 118 —
Celui-ci a édité plusieurs ouvrages de son oncle, et publié
lui-même quelques volumes sans grande valeur sur la théolo-
gie. Ces travaux, et surtout le prestige du nom illustre qu'il
portait, lui valurent révéché de Troye. Il l'obtint en 171 G,
et le résigna en 1742. L'année suivante, il mourut à Paris,
âgé de 79 ans. Avec lui s'éteignit le nom de Bossuet.
Peu de temps avant sa mort, il avait vendu sa bibliothè-
que, dont les livres qu'il avait hérités de son oncle, formaient
le fond principal. Le catalogue comprend 14.o7 numéros (i).
La théologie y figure pour plus de la moitié. L'histoire y
est bien représentée; la littérature légère et la poésie y occu-
pent le moins de place. C'est une image fidèle du caractère
de Bossuet : prêtre pardessus tout, historien par occasion,
et partisan très-réservé de la poésie, en haine des ornements
mythologiques chez les anciens aussi bien que chez les mo-
dernes. Dans sa bibliothèque, on remarque aussi peu d'in-
dications de riches ou de rares exemplaires : Bossuet n'était
pas bibliophile; il n'aimait les livres que pour ses éludes.
Bien que l'on rencontre dans ce catalogue plusieurs ouvra-
ges dus à la plume de l'historien des Variations, je croirais
volontiers que l'abbé Bossuet conserva les livres qui rappe-
laient le souvenir de l'illustre évéque de Meaux. C'est ainsi
que je n'y trouve pas la 17e de saint Augustin, par Tillemont.
On sait que retenu à Paris par la maladie dont il mourut,
Bossuet en lisait quelques passages dans la soirée lorsqu'il
(I) Catalogue des livres de la Bibliothèque de Messieurs Bossuet, anciens
Évoques de Meaux et de Troyes, qui se vendra à Tamiable le Lundi 3. Dé-
cembre 17i2. dans une des Salles du Couvent des RR. PP. Augustins. Le prix
sera marqué sur chaque Livre. — Paris, M.DCC.XLII. In-S", IV et 104. pag.
On lit dans VAverlissement :k Outre les Livres dont on donne le Catalogue,
il y a un très-grand nombre de Volumes sur les mêmes matières, qui seront
exposes de même avec le prix marqué. »
Dans ce catalogue, rédigé avec assez peu de soin, on rencontre rarement
des ouvrages postérieurs à 1704, année de la mort de révéque de Meaux ; il
est donc probable que son neveu n'a guèrcs enrichi cette collection.
8
— 11/» —
n'avait pas de visites; il avait même fait venir son exem-
plaire de Meaux, « pour avoir, disait-il, la liberté d'y
marquer ce qu'il lui plairait (i). »
C'est à Meaux que je viens de trouver, en furetant chez
un bouquiniste, le catalogue qui fait l'objet de cette notice.
Aussi, on me l'a-t-on côté six fois sa valeur : en voyage,
tout se paye, même les rencontres les plus imprévues.
Meaux, 2 mai 1845.
J. P. DE R.
(1) MSS. de Tabbc Lcdicu, et de Bausset, Histoire de Dossuet, Liv.XlII, S 16.
lis —
LES DUCS DE BOURGOGNE,
Études sur les lettres, les arts et l'industrie pendant le
XV" siècle; par le Comte de Laborde, membre de r In-
stitut. — La Renaissance des Arts a la cour de France,
études sur le XVP siècle, du même auteur (i).
Lorsque Charles V expira le 16 septembre 1380, eu
adressant à son fils le vœu des patriarches : « Plaise à Dieu
» qu'à cestui Charle doint la rousée du ciel; que les lignées
» le servent et que s'inclinent devant luy les fils de sa mère! »
on pouvait déjà lire sur le front qu'il bénissait, le réveil des
ambitions coupables, prêtes à profiter de l'impuissance et
de la faiblesse de la royauté. Les lignées, loin de servir
Charles VI, devaient se disputer son sceptre de leurs mains
ensanglantées, et ce n'était point sur un champ de bataille
envahi par une armée étrangère, que le fils de sa mère
devait succomber à l'âge de trente-six ans.
Un fait important caractérise toutefois les rivalités qui se
produisent et se succèdent. Au dessus de la jalousie qui
excite Philippe le Hardi et Jean Sans Peur contre le duc
d'Orléans, se place la querelle des Bourguignons et des
Armagnacs, c'est-à-dire l'antique antagonisme de l'influence
(I) Malgré l'excessive sévérité avec laquelle M. le comte de Laborde a cru
devoir traiter le Messager des Sciences historiques, dans l'ouvrage qu'il vient
de publier, p. xxxi et xxxiii, nous accueillons volontiers le compte-rendu de
M'' K. de L., ne fut-ce que pour prouver que notre recueil a toujours su rendre
justice à qui il appartient et qu'il ei-aiut peu le dvlrûncmcnt dont le nifn;ice,
nous ne savons trop pourquoi, le savant et laborieux comte de Laborde.
Note de la Rédaction du Ulessarjer des Sciences.
— 116 —
seplenlrionale et de rinfliieiice méridionale, arborant, l'une
vis-à-vis de l'autre, leurs couleurs, leurs bannières, leurs
emblèmes et leurs implacables devises. D'un côté, nous
voyons le duc de Bourgogne, devenu flamand par intérêt
politique depuis qu'il a épousé Marguerite de Maie; de
l'autre, le duc d'Orléans presque italien par son mariage
avec Valentine de Milan. Le premier, plus puissant sous
Cbarles VI, entraîna la France vers le nord à la mêlée de
Roosebeke, au camp de l'Ecluse, à l'expédition de Gueldre;
le second voulait diriger toutes les forces de la monarcbie
vers le midi : s'il parvint à peine à conduire une armée en
Aquitaine, il ouvrit du moins au génie belliqueux de la
France vers les campagnes de l'Italie celte voie glorieuse
mais fatale dont les stations furent Fornoue, Seminare, Agna-
del, Ravenne, Novarre et Pavie, Des ducs de Bourgogne
sortira Charles-Quint que l'électeur de Saxe nommait Charles
de Gand; le duc d'Orléans sera l'aïeul de François I": der-
nier terme de ces rivalités qui en se développant de plus en
plus étaient devenues européennes.
Le même mouvement descendit de la haute région de la
politique pour dominer toute l'histoire des arts.
L'influence septentrionale, prépondérante sous les princes
de la maison de Bourgogne, eut son Apelles dans Jean Van
Eyck, et l'on serait tenté d'appliquer au duc Philippe le mot
célèbre d'Alexandre sur le peintre de Cos : Quod ejus arlem
tuni etiam sibi rjlorîae fore putabat.
Si l'influence méridionale n'apporta point la même auréole
au duc d'Orléans qui aimait vivement les arts, il faut tenir
compte et de sa fin prématurée et de la supériorité qu'assu-
raient aux pays de la domination bourguignonne, leurs
vastes richesses et leur civilisation plus avancée. L'influence
méridionale atteindra son apogée quand François F% arrière-
petit-fîls du duc d'Orléans, proclamera en France la gloire
de l'école italienne, représentée par les chefs-d'œuvre de
liaphaël et de Léonard de Vinci.
— 117 —
Ainsi ces deux iafluenees étudiées au point de vue des
arts eurent tour à tour leurs jours de triomphe et leurs
heures de faiblesse ou de décadence. L'une antérieure à
l'autre répandit une lumière si vive que ses rayons glissè-
rent jusqu'aux rivages de l'Italie pour féconder le berceau
de sa rivale. L'autre, venant plus tard, partant plus com-
plète et plus parfaite, n'effaça pas entièrement les souvenirs
de la première, même à la cour de François I".
M. le comte de Labordc a réuni dans deux publications
récentes, les documents les plus importants, les plus nom-
breux et les plus variés sur ces deux périodes de l'histoire
de l'art, illustrées par tant de noms fameux. Tout ce que les
recherches les plus patientes et les plus laborieuses peuvent
ajouter aux trésors de la critique et de l'érudition s'offre à
nous dans les travaux de M. de Laborde sous la forme la
plus utile et la moins contestable. Chaque appréciation a ses
sources, chaque jugement a ses preuves. Les vénérables
hommages que les âges chrétiens offrirent à Dieu en éle-
vant et en ornant ses temples, les splendides et frivoles dé-
lassements qui doraient les lambris des palais, les miracles
de la piété et les merveilles du luxe et de la richesse pré-
sentent tour à tour sous un aspect différent les traces du
progrès des arts. Les archives des princes et les cartulaires
des monastères mêlent leurs enseignements. Partout une
main habile a touché le feuillet et la ligne qui cachaient
sous la poussière des siècles leurs tardives révélations, et
désormais le même document qui fera vivre la générosité
du roi, du duc ou de l'abbé, amis des arts, éternisera en
même temps la gloire des sublimes artistes qu'ils proté-
gèrent : noble alliance de la puissance et du génie.
Le livre de M. de Laborde : les Ducs de Bourgogne, et
cet autre excellent livre qu'il a intitulé à si juste titre,
ÏHisloire de la renaissance des arts à la cour de France,
renfermeront le tableau complet de l'histoire de l'art aux
— 118 —
XV^ et au XVP siècle. Un seul volume a paru aussi bien
(lu premier que du second de ces ouvrages qui doivent for-
mer Tun et l'autre quatre volumes, mais nous les jugeons
trop importants pour attendre qu'ils soient achevés avant
d'en entretenir nos lecteurs (i).
L'un de ces volumes offre les données les plus précieuses
sur Jean Van Eyck; l'autre refait la biographie si peu
connue des Janet. Ces deux noms représentent les deux
époques dont nous parlions tout-à-l'heure; celle où l'école
flamande régnait sans partage et celle où bien qu'affaiblie,
elle luttait encore contre l'Italie dans ce siècle que la pos-
térité a appelé le siècle de Léon X.
Parlons d'abord de Jean Van Eyck; nous nous occuperons
plus tard de Jean Clouet, de même que l'œil va chercher
dans les nuages la cime la plus haute des montagnes avant
de se reposer sur les plans inclinés des collines.
M. de Laborde n'hésite pas à reconnaître quelle fut la
puissance de la glorieuse initiative de Jean Van Eyck :
et On verra, dit-il, quelles lumières nouvelles mon texte
» jettera sur les origines de l'école flamande et l'effet produit
» en Europe par cet art nouveau qui, pour la première fois,
» prenait la nature pour guide et était la nature même. Les
» peintres qui s'appelèrent plus tard chefs d'école, étaient
» venus de tous pays puiser à Bruges, comme à la source
» nouvelle et unique, les enseignements du maître; ils re-
» tournaient ensuite dans leur patrie, porter avec ses pro-
» cédés matériels perfectionnés, ses traditions fécondes. Nos
» peintres français y accoururent en foule; le plus illustre
» d'entre eux, René d'Anjou, poussé par le dieu des ba-
» tailles, cette fois protecteur des arts, y vint distraire les
» ennuis de sa captivité. On vit affluer les peintres italiens
(I) Au nioincnt où nous mettons sous presse, le second volume îles Ducs de
Bourgogne vient de paraître.
— 119 —
» et Aiilouello de Messine, le plus ancien et par cela même
» le plus célèbre; les peintres allemands, !\Iartin Schongauer,
» chef de Técole, Frédéric et Josse Ilcriin et tant d'autres
» moins connus qu'on retrouve sur la rive droite du Rhin...
» La marche et l'extension rapide de cette influence de l'art
» flamand m'a vivement préoccupé. Je l'ai suivie jusqu'au
» fond de Tltalie où loin de s'évanouir dans cette patrie des
» arts, sous les rayons de son soleil, l'école du nord gran-
» dit encore en associant ses qualités précieuses, ses con-
» quêtes nouvelles au génie naissant du cinque cento...
» Passagèrement la cour des ducs de Bourgogne a pu briller
» d'un éclat sans égal : passagèrement et pendant cette pé-
» riode, il a été donné à l'art flamand d'exercer sur le monde
» une influence prépondérante. » — jM. de Laborde ajoute
ailleurs : « C'est aux frères Van Eyck que nous dûmes de
» sortir entièrement des voies conventionnelles. Guidés par
» ces puissants talents, nous adoptâmes leur principe, l'imi-
» tation de la nature, et leurs moyens matériels si habile-
» ment perfectionnés, la peinture à l'huile. L'industrie mer-
» veilleuse des Flandres, leurs richesses exubérantes et le
» luxe de leurs princes durent rendre plus puissante encore
» cette influence. D'ailleurs, à la fin du XV'^ siècle, où
» trouver d'autres modèles? l'Italie sommeillait encore au
» milieu des trésors amoncelés par l'antiquité, l'Espagne,
» l'Allemagne et l'Angleterre n'avaient pas un artiste de
» valeur; nous suivîmes les Flamands dans leur résurrec-
» lion surprenante. »
D'après les documents mis au jour par M. de Laborde,
il est incontestable que Jean Van Eyck naquit à Maeseyck
ou Eyck-sur-Mcuse, et à ce sujet l'esprit du lecteur se laisse
aller invinciblement à un doute plein de mélancolie et de
poésie. Le peintre sublime qui multipliait ses admirables
créations pour faire vivre jusqu'à la dernière postérité tout
ce qu'avait louché son pinceau, n'élait-il pas un de ces
— 120 —
ignoti, un de ces miserrimi dont M. de Chateaubriand re-
trouva la dalle sépulcrale à Worcester? Jean Van Eyck qui
devait illustrer son siècle avait-il reçu de son père un nom
qui permît de le distinguer au milieu de ses contemporains
les plus obscurs? Conquérant heureux dans la carrière de
l'art, n'avait-il point, tel que plusieurs des Normands qui
subjuguèrent l'Angleterre au X^ siècle, emprunté son nom
d'abord à la ville qui l'avait vu naître, puis à la cité hospi-
talière qui l'avait accueilli, afin que sa gloire payât deux
fois la dette de la reconnaissance'^
Est-il toutefois bien certain que ce nom de Jean de Bru-
ges, celui sous lequel Jean Van Eyck fut le plus connu à
l'étranger, soit un nom nouveau dans les annales de l'art?
N'y eut-il pas un demi-siècle plus tôt un autre Jean de
Bruges, qui fut appelé à exécuter à Paris les précieuses
enluminures de la bible de Charles V? Jean Van Eyck, dans
celte hypothèse, ne serait plus l'homme de génie, humble
et modeste, car loin d'accepter un nom qui ne devait que
rappeler sa patrie adoptive, il l'eût revendiqué avec orgueil
par un motif tout différent, comme retraçant des succès
antérieurs aux siens.
On sait « qu'une très-belle bible en francoys, » offerte
en 1572 au roi de France Charles V, renferme ces vers :
A vous Charles, roy plain d'onnour
Présente et donne cestuy livre,
Et à genolz cy le vous livre
Jean Yaudetar votre servant.
et il faut ajouter qu'une main inconnue, mais plus moderne,
a placé en regard des enluminures cette note méniorative :
Joannes de Brugis fccit hanc picturam. De là l'opinion de
quelques érudits qui ont voulu trouver dans Jean Vaudetar,
le premier Jean de Bruges.
Néanmoins lorsqu'on remarque que la famille des Vau-
detar est mentionnée par les historiens comme l'une des
— 121 —
plus puissanles de ia bourgeoisie parisienne, lorsqu'on ob-
serve de plus que Jean Vaudetar, le donateur de la bible dont
nous nous occupons, est cité par le religieux de S'-Denis,
comme l'un de ces trois cents notables de la capitale du
royaume sur lesquels s'appesantirent les folles fureurs de
Charles VI, vainqueur à Roosebeke, le doute n'est plus
possible et l'on ne peut persister à attribuer à Jean Vau-
detar un surnom que rien ne saurait ni justifier, ni expli-
quer. La date même de l'annotation indique le véritable
sens qu'elle présente : c'est seulement après Jean Van Eyck
et quand sa gloire était déjà complète que l'on songea à
attribuer à rillustre artiste une œuvre qui était digne de lui
parce qu'elle était admirable : erreur dont on trouverait de
nombreux exemples dans nos cabinets et dans nos musées.
Jean Van Eyck que l'on devait surnommer plus tard
Jean de Bruges (sans aveux et sans prédécesseurs aussi
bien que sans héritiers sous l'un et l'autre de ces noms),
dut sans doute à la religion les inspirations qui éclairèrent
sa jeunesse, comme elles dominèrent toute sa vie, source
féconde de chefs-d'œuvre. Placé tour à tour sous la main
sévère de l'évèque de Liège, Jean sans Pitié, le démolisseur
de Dinant, et du duc Philippe de Bourgogne, l'exterminateur
de Gavre, il se réfugiait dans la contemplation de la gloire
divine et dans l'étude des célestes merveilles, comme le
chantre du Paradis Perdu se dérobait à la sombre amitié
de Cromwell, pour rafraîchir son âme désillusionnée aux
sources les plus pures des berceaux d'Eden.
Du reste le moment était favorable aux destinées de l'art.
La marche de la civilisation dont il ne se sépare jamais, les
progrès des lettres qui l'instruisent et l'éclairent, le déve-
loppement même du luxe qu'il ennoblit et embellit à son
tour, lui assuraient toutes les sympathies et tous les succès.
Son influence avait même pénétré dans l'ordre politique, s'il
est vrai que deux portraits, symboles de la foi conjugale pro-
— 122 —
mise et violée, livrèrent la France à la domination anglaise
et aux discordes civiles, Tun en donnant Isabeau de Bavière
pour épouse à Charles \l, l'autre en séparant Jean sans
Peur du duc d'Orléans.
Un compte publié par M. de Laborde, permet de fixer
d'une manière précise la date du départ de Jean V^an Eyck
de Liège et celle de son arrivée à la cour du duc de Bour-
gogne. Il est ainsi conçu : « A Jehan de Heik, jadis peintre
» et varlet de chambre de feu monseigneur le duc Jehan de
» Bavière, lequel monseigneur, pour l'abileté et souflîsance
» qu'il savoit estre de fait de peinture en la personne dudit
» Jehan de Heik, a retenu en son peintre et varlet de cham-
» bre, comme puet plus à plain apparoir par lettres sur ce
» scellées en sa ville de Bruges, le XIX* jour de may l'an
» mil CCCCXXV. »
Or, que se passa-t-il de 14-23 à 1441, pendant les seize
années que Jean Aan Eyck eut le titre officiel de peintre et
de varlet de chambre du duc Philippe de Bourgogne?
Assista-t-il aux fêles somptueuses qui marquèrent la fon-
dation de l'ordre de la Toison d'or? Est-il vrai qu'il peignit
Jacqueline de Hainaut, si célèbre par ses malheurs? Vit-il,
comme Monstrelet, dans les fers de la captivité Théroïne de
Domremy, qui ne permit, dit-on, jamais à aucun peintre de
reproduire ses traits, soit par pudeur, soit par humilité?
Jean \'an Eyck se trouvait-il à Bruges lorsqu'une multitude
furieuse massacra Maurice de ^"arssenaere et lorsque le duc
de Bourgogne, accouru pour le venger, faillit partager le
même sort? S'enfuit-il de Bruges pour se dérober aux ra-
vages de la peste de 1457 et à la triste image des supplices
qui y succédèrent? Quels furent pendant ces seize années
ses divers prolecteurs? Trouva-t-il des amis dévoués chez
ceux qui l'admiraient, et pourrait-on, en vertu des tra-
ditions de l'antique alliance des lettres et des arts, placer
parmi eux les Philippe de Commines, les Georges Chastc-
lain, les Olivier de la Marche?
— m —
Les comptes publiés par M. de Laborde qui nous appren-
nent tant de choses, n'offrent aucune solution à ces hypo-
thèses, mais ils renferment des preuves nombreuses de la
générosité du duc de Bourgogne vis-à-vis de Jean Van Eyck,
et tout indique que le duc de Bourgogne appréciait le talent
et les découvertes qu'il se plaisait à encourager.
Louis XI qui fut Tami du duc Philippe, moins peut-être
par reconnaissance que par certaines affinités de ruses et de
vices, aimait aussi les arts. On nous a conservé une note
adressée à un peintre d'Amiens, conçue en ces termes :
« Mestre Colin, il faut que vous faciez la pourlraiturc du
» roy nostre sire, le plus honneste que fere ce porra; habillé
» comme ung chasseur, à tout le plus beau visaige que
» pourrés fere et jeune et plain et ne le fectcs point chauve :
» le nelz aquillon, les cheveux plus longs derrière, le collet
» plus bas moiennemenf, Tordre plus longue et basse, Saint-
» Michel bien fait; Tespée plus cortet en fasson d'armes;
» les poulsses tous droiz, le chapoz bien renverssé, » Mais
il ne parait point que Louis XI ait admis près du trône les
hommes qui honoraient l'art par leurs travaux : alors même
qu'il les chargeait de faire» sa pourtraiture, » il ne se mon-
trait point à eux et se contentait de faire tracer un cro-
quis, de la main de son trésorier Jean Bourré. Philippe au
contraire s'approchait volontiers des artistes, qui l'appe-
laient le bon duc, et peu lui importait qu ils reproduississent
fidèlement toute la sévérité de ses traits sous les yeux des
communes qui avaient appris à le redouter. Tantôt Philippe
allait, suivi de ses conseillers et de ses chevaliers, « vcoir
» en son hostel certain ouvrage fait par Johannes d'Eyk. »
Tantôt il consentait à tenir sur les fonts du baptême l'un
de ses enfants. D'autres fois il le chargeait de missions
importantes.
Ce fut dans Tune de ces missions que Jean \ an Eyck
s'étant embarqué à rÉcluse sur une galère vénilieinie,
— 124 —
aborda en Portugal, où « cet excellent maislre en art de
» peinture jjeignit bien au vif la figure de madame Finfante.»
Pourquoi les historiens de Jean Van Eyck n'ont-ils pas
remarqué que l'infante Isabelle de Portugal était petite-fille
de Jean de Gand?
Il est assez probable que Jean Van Eyck accompagna
Baudouin de Lannoy et André de Toulongeon à la cour du
roi de Castille. Tout y respirait les combats et la guerre.
Une armée chrétienne secondait les efforts de JMohamed-el-
Hayzari qu'un usurpateur avait dépouillé du trône de Gre-
nade et elle eut sa part dans les honneurs du triomphe. Les
ambassadeurs bourguignons profitèrent de cette occasion
favorable pour se rendre à Grenade.
Au XII* siècle, le célèbre géographe arabe Mohamed-
el-Edrisi avait visité la Flandre, pays couvert de villages, et
les cités de Gand et de Bruges, célèbres l'une par ses pom-
peux édifices, l'autre par la fertilité de ses campagnes. Jean
Van Eyck accouru des mêmes rivages vers la patrie de
Mohamed-el-Edrisi, put admirer aux bords du Xénil le pa-
radis des poètes. Mohamed-el-Edrisi enrichissait dans ses
voyages ses cartes de quelques noms. Jean Van Eyck, plus
heureux, transfusait sur sa palette l'azur même du ciel
qui dore les jardins du Généralife et les coupoles aériennes
de l'Alhambra.
Les autres missions de Jean Van Eyck mentionnées par
M. de Laborde le conduisirent-elles également dans des
pays éloignés? on l'ignore. La nature même des missions
secrètes qui lui étaient confiées n'a pas permis aux scribes
de la maison de Bourgogne d'en parler avec tous les détails
qui aujourd'hui auraient tant de prix pour nous; nous y
remarquons seulement qu'en 1456 le peintre renvoyé au
trésorier ad componcndum, vit réduire de moitié le salaire
qui lui avait été promis. En 1456, le duc de Bourgogne
s'était vu dans la nécessité de lever honteusement le siège
— 12o —
(le Calais par suite d'un mouvement de défection dont les
Brugeois avaient donné l'exemple. Jean Van Eyck avait-il
comme bourgeois de Bruges, pris part à la retraite, ou bien
arriva-t-il que le duc Pbilippe voyant ses finances épuisées
crut devoir se montrer moins généreux? Cinq années s'écou-
lèrent avant que le duc de Bourgogne consentit à retourner
à Bruges. De pompeuses léjouissances saluèrent l'ère de la
réconciliation et de la paix : calme et paisible atmosphère
au sein de laquelle devait s'exhaler le dernier soupir de
Jean^'^an Eyck. Ses funérailles furent modestes, et si sa fille
retourna à jMaescyck pour y achever sa vie au sein d'un
cloître dans la méditation des mystères inefl'ablcs dont il
avait été donné au génie de son père d'entrevoir la splen-
deur, ce fut, comme nous l'apprend M. de Laborde, grâce
à un don de vingt-quatre francs qu'elle reçut du duc de
Bourgogne « pour Dieu et aulmosne. »
De 1441 à 1523, il y a plus qu'un siècle d'abaissement
et de décadence dans l'histoire de l'école flamande.
Un poêle italien avait surnommé Jean Van Eyck, il gran
Joannes. Jean Clouet fut connu de ses contemporains sous
le nom de Janet, qui passa à ses fils. Descendons du grand
Jean aux Janet.
Néanmoins, hâtons-nous de le dire, les Janet ne furent
point tout-à-fait indignes de représenter l'école de Jean Van
Eyck dans le siècle où triomphait avec tant d'éclat la renais-
sance italienne. Jean Clouet, peintre de François I" en vertu
des traditions qu'il représentait et auxquelles il resta con-
stamment fidèle, obtenant même que des encouragements
prodigués aux arts par la générosité royale, une part fût
employée à des achats faits en Flandre, eut certes le mérite
assez rare de résister courageusement à l'influence qui do-
minait pour conserver au XVI" siècle à la peinture, les
principaux caractères qui l'avaient élevée dans le siècle
jirécédenl. En effet tous ces portraits, cadre rétréci que les
— 126 —
Janet avaient accepté comme mieux approprié à leur talent,
offrent une hardiesse si heureuse, une facilité si abondante
qu'à plusieurs égards ils méritent encore de fixer l'admi-
ration.
Ronsard adressa à l'un des Janet quelques vers où Ton
retrouve une élégance imitée de l'antiquité :
Pein moy, Janet, pein moy, je te supplie
Sur ce tableau les beautez de m'amie...
Ha, je la voy, elle est presque portraite;
Encore un trait, encore un, elle est faite.
Lève les mains, ha mon Dieu, je la voy!
Bien peu s'en faut qu'elle ne parle à moy.
Régnier, moins heureux que Ronsard, fut réduit à adres-
ser à Fréminet la satire qu'il intitula son apologie :
On dit que le grand peintre, ayant fait un ouvrage, etc.
Et toutefois, alors même que le pinceau s'échappait de
la main glacée du dernier des Janet, la renommée acquise
aux peintres de portraits issus de l'école flamande conser-
vait tout son prestige.
En 1585, le célèbre auteur des Recherches historiques
de la France, Etienne Pasquier, rencontra à Troyes un
peintre flamand et nous reproduisons ce qu'il raconte à cet
égard comme un nouveau témoignage de l'influence exercée
par le talent des Janet : « La fortune a voulu, dit-il en
» parlant de lui-même, que Monsieur Pasquier ayant ren-
» contré un excellent peintre flamen, délibéra de se faire
» pourtraire par luy, et comme il dressoit le premier crayon,
» Pasquier ne sachant comme il estoit peint, dit au peintre
» qu'il luy fîst tenir un livre en ses mains; à quoy luy fut
» respoudu par le peintre qu'il y venoit à tard et que le
» coup estoit frappé d'autant qu'il l'avoit représenté sans
j> mains, et comme l'esprit de celuy qu'on pourtrayoit n'est
» guères oiseux, dès l'instant mesme, il fit ces deux vers :
» Nulla hic Paschasio manus est, lex Cincia quippe
» Caussidicos nullas sanxit liabere manus;
— 127 —
» tellement qu'il représentast aussi lost la naïfveté de sou
» esprit, comme le peintre, celle de son visage. Là, quelques-
» uns ayans veu ce crayon représenter au vif celuy que Ton
» avoit pourtrait, dirent au peintre qu'il avoit si heureuse-
» ment rencontré que si ce tableau estoit mis en monstre,
» il y en auroit plusieurs autres auxquels prendroit aussi
» envie d'estre peints : luy soucieux de son gain et de son
B honneur tout ensemble, ayant adjousté la dernière main
» à ce tableau, l'expose un jour aux yeux de tous, il fait une
» procession l'espace de vingt-quatre heures, aux uns agréant
» le visage, aux autres le distique. »
Etienne Pasquier répéta en vers le même éloge du pein-
tre flamand, dont la fantaisie devait être une source si
abondante d'épigrammes :
Le peintre qui dans son tableau
Cacha mes mains sous le rideau,
Traçant seulement mon visage,
Bien qu'il ait appresté à maints
Subjets de parler de mes mains,
Ne fit onc un si bel ouvrage...
Peintre, ainsi comme tu me peins,
L"advocat doit cstre sans mains.
'Se sont-ce pas les traditions de l'art flamand perpétuées
par les Janet et leurs disciples, qui préparèrent le brillant
accueil réseivé peu d'années plus tard au sein de la cour
d'une reine de France du sang des Médicis, à Pourbus et
à Rubens?
Remercions M. de Laborde d'avoir répandu tant de lu-
mières sur ces vastes questions de l'histoire de l'art étudié
dans les influences qu'il subit ou qu'il exerce, questions qui
deviennent insolubles dès que l'œil ne peut en saisir toutes
les phases et tous les anneaux. Ajoutons aussi que ses lon-
gues et précieuses recherches sur la maison de Bourgogne
n'embrassent pas uniquement les annales de l'art, mais
qu'elles s'étendent aux sciences et aux lettres, qu'elles tou-
— 128 —
client même en mille endroits à Ihistoire politique. Chris-
tine de Pisan, Olivier de la Marche, Georges Chastelain,
Philippe de Commines, rappellent la brillante pléiade des
panégyristes qui chantaient les hauts faits de la dynastie
bourguignonne, de même que l'on retrouve le souvenir de
ses intrigues dans les dons accordés aux Jossequiu, aux
Coustain et à Hans IVecker, père ou oncle du fameux comte
de Meulan, que Charles VIII envoya « percher au Mont-
faucon. » Déjà l'un des honorables collaborateurs du Mes-
sager avait rétabli dans un roman historique le nom d'Oli-
vier de jVecker, mais l'histoire celte fois moins exacte qu'une
œuvre de caprice et d'imagination, semble persister à le
traduire par celui d'Olivier le Diable.
Il serait aisé de choisir dans les travaux de M. le comte
de Laborde d'autres aperçus non moins féconds, d'autres
révélations non moins importantes. L'histoire de la civili-
sation au X\ "^ et au X\T siècle, offre un cliamp immense,
et là même est Técueil de tout compte-rendu qui préten-
drait offrir une analyse complète.
Nous ne regrettons pas moins de ne pouvoir reproduire
quelques-unes des considérations par lesquelles M. de La-
borde résume l'influence heureuse que la royauté et la puis-
sance exercèrent sur les destinées de l'art. Dès les premiers
temps du moyen âge, le mot courtoisie indiqua cet esprit
de politesse et d'élégance que l'on venait chercher à la cour
pour le reproduire et l'imiter :
Des miens estes et je des vos,
dit la Courtoisie aux barons et aux chevaliers dans le Ro-
man de Ham. Pendant quatre siècles, la courtoisie mo-
dérant les passions et adoucissant les mœurs, régna en
souveraine, jusqu'à ce qu'en \Qù^, Milton, alors âgé de
vingt-cinq ans, préludât, en l'attaquant dans un poëme my-
thologique, à la prose plus rude et plus violente des pam-
phlets où il devait insulter à la royauté :
— 129 —
Courtcsy oft is sooner found in lowly sheds
Wilh smoky ra fiers, than in tap"stry halls
And courts of princes, whence il first was namM.
Faire aujourtriuii Thistoire de la courtoisie dans le sens
que donne à ce mot M. de Laborde est une tâche triste et
pénible : c'est presque une notice nécrologique. La cour-
toisie était intimement liée aux fastes de la chevalerie. On
en trouve toutes les règles exprimées avec une naïveté déli-
cieuse dans le huitième chapitre des Faits de Bouciquaut
et dans la première partie de la Chronique de Jacques de
Lalaing. Combien ces souvenirs, resplendissant de poésie,
de grâce et d'amour, ne sont-ils point loin de nous? La lice
qui est ouverte n'est plus celle des tournois. La lance qui
brille dans nos mains a cessé d'être la lance émoussée que
Monstrelet nomme le fer de rocket. S'il faut chercher l'imase
de notre temps dans ceux qui l'ont précédé, on ne saurait
guère le comparer qu'au X\ P siècle, où la société entendit
avec effroi s'élever les cris des sectaires qui profanaient les
tombes et les ruines du passé.
Quel sort est réservé au milieu des nouvelles tempêtes qui
semblent nous attendre, à l'art qui partagea autrefois les
mutilations et les proscriptions promises à toutes les gloires?
Que deviendra au milieu d'une lutte pleine d'anxiété, ou
tout au moins de doute et d'incertitude, le goût, ce plaisir
délicat, comme l'appelle Montesquieu, émanant à la fois de
la paix sereine de l'âme et de l'activité joyeuse de l'esprit,
suave et léger parfum, qui, pour se dégager du calice des
fleurs, a besoin de tous les rayons du soleil?
M. de Laborde se contente de répondre ; Laissons passer
les républiques.
K. DE L.
ISO —
Un Mot
A propos des Annales de l'imprimerie elsevirienne, ou
Histoire de la famille des Elsevier et ses éditions, pat^
Charles Pieters. Gancl, Annoot-Braeckman, 1851 ;
m-8% 1« liv., I-LVI et 1-96 pag.
Dans un intéressant opuscule , intitulé : Analyse des
matériaux les plus utiles pour les futures annales de Vim-
primerie des Elsevier, publié à Gand en 1843, au nombre
de 50 exemplaires, M*^ Ch. Pieters, qui cultive la bibliogra-
phie Elsevirienne avec toute l'ardeur d'un fervent Elseviro-
phile, s'exprimait en ces termes : « J'invoque de nouveau
» la science, afin qu'elle nous procure un bon annaliste de
» l'imprimerie des Elsevier. A défaut de M. Brunet, à dé-
» faut du possesseur du catalogue de M. Adry, je voudrais
» que l'amour-propre, je dirai l'esprit national, qui ne man-
» que pas en Hollande, engageât quelque savant de ce pays
» à acquitter cette dette. Quoiqu'il en soit, à l'exemple de
» M' Gabriel Peignot, je mets avec plaisir à la disposition
» de ce futur annaliste ou de tout autre bibliographe, qui
» voudrait faire un ouvrage complet sur les Elsevier et leurs
» productions, la minime part de renseignements neufs ou
» d'éclaircissements utiles que cette courte analyse des prin-
» cipales recherches partielles qui les concernent, pourrait
» lui fournir. »
Cet appel n'a pas été entendu, ces vœux exprimés avec
une si bienveillante abnégation, n'ont pas été exaucés. Et,
disons-le, ils ne pouvaient l'être; car M. Pieters était la
— 131 —
seule personne qui pouvait entreprendre un tel travail et
espérer de le conduire à bonne fin.
En effet, M. Pielers s'y était préparé par de longues et
consciencieuses études, et en se formant la plus belle collec-
tion elseviriennc qui existe chez nous, il avait sous la main
les matériaux indispensables à la rédaction des futures an-
nales de cette illustre dynastie de typographes célèbres,
quand il acquit à la vente de M"" Jérôme Bignon, un des
descendants des plus zélés protecteurs en France des pre-
miers Elsevier, le précieux manuscrit de M. le professeur
Adry, dont un assez long extrait a été publié en 1806, dans
le Magasin Encyclopédique, et qui contient le catalogue de
la plus grande partie des productions des presses elsevi-
riennes. Dès lors M. Pieters devait faire taire les longues
hésitations et mettre résolument la main à l'œuvre.
La l"^" livraison a été distribuée jusqu'ici, les autres ne
tarderont pas sans doute à paraître. Les Annales des Else-
vier sont précédées d'une longue introduction, dans laquelle
l'auteur analyse et développe avec cette sagacité, qui dénote
une connaissance parfaite des moindres détails qui se ratta-
chent à son sujet, les résultats des investigations faites
depuis quelques années, pour dissiper 1er derniers nuages
qui entouraient encore l'origine et l'histoire de la famille
des Elsevier et de leur typographie. H [)rouve d'une manière
irrécusable, quoiqu'il ne pouvait encore avoir aucune con-
naissance des recherches faites récemment par M. Van Even,
et publiées dans un des derniers n"^ de VEendrayt, que les
Elsevier, originaires de Louvain, ne sont pas issus, comme
on l'a prétendu, d'une famille de grande extraction. Cette
introduction se termine par l'analyse du manuscrit de
M. Adry, dont M. Pieters donne de longs extraits pour
en faire apprécier l'importance.
La première partie des Annales est consacrée à la biogra-
phie de Louis I''', le chef de la famille, et à celles de ses
— 1S2 —
enfants el pelils-enfanls : Mathieu, Louis II, Gilles, Joost,
Bonavenlure, Abraham, Isaac et Jacob.
Ces notices faites avec le plus grand soin, contiennent
des renseignements extrêmement intéressants sur les pre-
miers membres de cette illustre famille. Chaque notice est
suivie du catalogue par ordre chronologique des éditions
sorties des presses elseviriennes depuis 1 S83 jusqu'en I Go6.
La partie bibliographique est traitée avec une exactitude
scrupuleuse. S'il y a quelques omissions, elles seront cer-
tainement très-peu nombreuses; en tout cas, elles ne con-
cerneront que les premiers temps des Elsevier, et on sait
que c'est précisément celte première époque qui a jeté le
moins d'éclat sur le nom de ces habiles imprimeurs.
M. Pieters a eu soin, aussi souvent que cela lui a été
possible, de donner succinctement, trop succinctement peut-
être, la description des ouvrages que renferment ses di-
vers catalogues. Il est à regretter, que l'auteur ait cru
devoir négliger de mentionner quelques particularités cu-
rieuses, concernant les livres qu'il avait à décrire, et qui
sont toujours lues avec tant d'avidité par les amateurs.
Ainsi nous aurions voulu y trouver la hauteur des beaux
exemplaires, surtout des chefs-d'œuvre en petit format,
qui ont fait la réputation de Bonaventure et d'Abraham.
M. Pieters sait par expérience que les véritables Elseviro-
jdiiles en agissent comme l'Empereur dans la formation
de sa garde; qu'ils n'admettent dans leur collection que les
exemplaires qui ont la taille voulue. Et pour ne citer que
quelques éditions prises au hasard dans les catalogues qui
ont déjà paru, pourquoi ne pas indiquer par exemple, qu'un
bel exemplaire du Tito Live de 1654, doit avoir 4 pouces
9 à H lignes de hauteur, que le César de 1635 doit avoir
4 pouces 8 à 10 lignes, le Pline de la même année 4 pouces
ÎO lignes, le Virgile de 1656, 4 pouces 8 à H lignes, etc.
Ensuite nous aurions désiré que M. Pieters eût fait con-
— 1S3 —
iiailre les éditions exéculées avec un luxe particulier, sur
vélin, sur un papier ou d'un format extraordinaires, ou
celles dont il existe des exemplaires non rognés. Dans un
ouvrage de bibliographie, surtout des Elsevier, ces détails
quelques minutieux ou puérils qu'ils paraissent, ne sont
pas sans intérêt pour les amateurs. D'ailleurs il y a tel
Elsevier, une des Républiques, par exemple, qui n'acquiert
réellement de la valeur que lorsque sa tranche est restée
intacte. Nous-méme, nous avons entendu offrir un jour
10,000 francs pour un exemplaire broché et non rofjné de
Ylmitation de Jésus-Christ, traduite par Corneille, dont le
premier exemplaire paraît être encore à trouver, tandis
que d'une condition ordinaire, cette édition vaut à peine
5 à 6 francs.
Quant aux exemplaires tirés sur vélin, ou ceux impri-
més sur grand papier, ou d'un format particulier, on sait
quel prix les amateurs y attachent. Qui ne sait par exem-
ple que le Boileau in-folio de 1718, dont les exemplaires
ordinaires se donnent à moins de 23 francs, s'est payé
quelquefois plus de 2000 francs en grand papier, que le
César de Tonson se paie jusqu'à 1000 francs en grand
papier, tandis qu'on peut l'avoir à moins de 130 francs
en papier ordinaire.
Et pour ce qui concerne les vélins, pourquoi M. Pieters
n'a-t-il pas jugé à propos de signaler à l'attention des bi-
bliophiles, l'exemplaire du Tacite de 1634, imprimé sur
vèlin, pourquoi s'est-il contenté de citer un seul exem-
plaire sur peau de vélin de l'édition de Heinsii de con-
temptu mundi, tandis qu'il est reconnu qu'il en existe trois,
dont l'un se trouve à la bibliothèque royale de La Haye, le
deuxième à Berlin et le troisième dans le catalogue de Sin-
ger et vendu en dernier lieu 38 livr. sterl., 17 sh. Pour-
quoi, quand il cite le tirage in-/*" du César de 1653 et
celui en 3 vol. in-folio, ne pas mentionner également les
— 13.i —
exemplaires en grand papier, de la Germanla antiqua de
Ciuvier, qui sont très-rares et d'autres encore.
Malgré ces légères lacunes, que, comme critique con-
sciencieux, nous avons cru devoir signaler, nous n'hé-
sitons pas à placer l'excellent travail de M. Pieters au
nombre des meilleures publications bibliographiques, qui
aient paru, et nous ne craignons pas d'être démenti, en
aflirmant que ses Annales de V Imprimerie Elsevirienne,
formeront un digne pendant aux Annales des Aides et des
Êlienne, publiées par le savant et érudit M. Renouard.
Les deux autres livraisons qui restent encore à paraître,
seront consacrées aux autres membres-imprimeurs de Tillus-
tre famille des Elsevier; l'ouvrage sera terminé par le cata-
logue des faux Elsevier.
Ce ne sera pas la partie la moins intéressante du travail
que nous venons d'analyser. M. Pieters paraît avoir trouvé
le fil d'Ariane, à l'aide duquel on pourra se retrouver au
milieu du dédale des faux Elsevier et des Elsevier supposés;
désormais la tête de Buffle, la Sphère ou la Sirène ne seront
plus des talismans infaillibles pour reconnaître les véritables
Elsevier , mais les Lettres grises serviront de pierre de
touche au moyen desquelles ou pourra distinguer les édi-
tions supposées de celles qui sont réellement dues aux pres-
ses elseviriennes.
iVous ne voulons pas terminer cette courte analyse, sans
féliciter sincèrement M. Anuoot-Braeckman des soins qu'il
a apportes à l'impression de ces Annales. Il semble en effet
que cet habile typographe a mis toute son ambition à don-
ner à l'exécution matérielle de cet ouvrage, un cachet de
perfection et d'élégance qui le rende digne des illustres ar-
tistes dont il était charge de perpétuer la gloire.
P.-C. Van der Meerscii.
— 133
Demande d'inforuiatioiis
TOUCHANT LES CHARTES ACCORDÉES A LA VILLE d'aMSTERDAM
TAR LES COMTES DE HOLLANDE, DE LA MAISON DE HAINAUT.
L'histoire d'Amsterdam présente une époque de pins d'un
demi-siècle où règne une assez grande obscurité et sur la-
quelle les archives de la Belgique répandraient peut-être une
lumière nouvelle; c'est l'époque des comtes de Hollande de
la maison de Hainaut. Dans la Chapelle de fer de la Vieille-
Eglise ou église de S*-Nicolas à Amsterdam (i), qui ren-
ferme les plus anciens privilèges de cette ville, on ne trouve
plus (si l'on n'en excepte un acte de péage octroyé en 1275
par Florent V et renouvelé en 1291) de lettres de comtes
avant celles que Guillaume IV donna en 154.2. Ici encore
on ne rencontre point de pièces émanant de sa sœur, qui
lui succéda au gouvernement du comté.
Ainsi, dans la Chapelle de fer ne se trouvent des lettres
ni de Jean I, dernier prince de la maison de Hollande, ni
de Jean d'Avesnes, le premier comte de Hollande de la
maison de Hainaut et, comme tel, nommé Jean H, ni de son
frère Gui de Hainaut, qui obtint de lui non seulement la
seigneurie d'Amstel, mais encore la ville d'Amsterdam, ni
enfin de Guillaume III et de sa fille lAIarguerite, tandis que
(1) J"ai public en 1848 une description de cette chapelle. Cette même année
j'ai donné de ces archives un inventaire analytique, qui a été publié dans la
nouvelle série de Mémoires de la seconde classe de llnstitut royal néerlandais
des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts, vol. I.
— 136 —
celles (le Guillaume IV se bornent à trois, datées toutes du
même jour, le 9 de décembre 1342.
Cette lacune dans une collection de documents qu'on a
toujours conservée avec le plus grand soin est remarquable;
elle pourrait facilement faire croire qu'à cette époque la
ville d'Amsterdam n'obtint d'autres chartes que les trois
que nous venons de citer : il existe cependant des preuves
du contraire. Un chroniqueur du XIV« siècle, qui s'appelle
le Clerc du bas pays près de la mer, dit que Gui de Hai-
uaiit, avant de devenir évéque d'Utrecht, donna à Amster-
dam beaucoup de franchises et de droits, qui servirent plus
tard à régir cette ville. La vérité de celte assertion fut
corroborée par la copie d'une charte donnée par Gui à
Amsterdam et qui fut trouvée dans un registre des archi-
ves du royaume à La Haye; l'archiviste Van Wijn l'a fait
connaître dans les publications de la 2« classe de l'Institut
royal des Pays-Bas (i). Dans cette charte, accordée proba-
blement en 1300 ou peu de temps après, il est déjà fait
mention de poorters à Amsterdam; ce qui prouve que
notre ville possédait déjà alors le droit de commune et
avait ainsi, avant ce temps, obtenu des privilèges commu-
naux. Cette charte en suppose une précédente, celle par
laquelle ces droits furent octroyés à Amsterdam; mais,
faute de posséder cette pièce, il est impossible de déter-
miner d'une manière certaine eu quelle année Amsterdam
devint une ville.
L'historien Cornélius (2) pense aussi qu'il est très-pro-
bable qu'Amsterdam a obtenu des privilèges particuliers
des autres comtes de Hollande, qui ont régné avant ou peu
après Florent V. Ce qui le lui fait croire, c'est une lettre de
(1) Qtielques mois sur la charte octroyée par Gui de llainaut à la ville d'Am-
sterdam, au commencement du XIV« siècle, par M"" H. Va>- Wijn, 9 avril 1812.
Cet écrit a paru dans la première partie des ouvrages précités, pag. ô-lôO.
(2) Description d'Amsterdam, p. 888.
— 137 —
Guillaume V, du i3 mai 1355 (i), pai' laquelle celui-ci
confirmait tous les privilèges octroyés aux habitants d' Am-
sterdam par son oncle Guillaume IV, qui périt à Stavercn
dans une bataille contre les Frisons, et par ceux de ses
ayeux qui avaient été comtes de Hollande. Comme dans
cet écrit il est parlé de plusieurs comtes, et comme la ville
ne peut produire pour Tépoque antérieure à celle de Guil-
laume IV d'autres privilèges émanant de comtes que ceux
de Florent, Cornélius suppose qu'il a existé plusieurs, lettres
pareilles; mais malheureusement elles sont aujourd'hui per-
dues. Cette conjecture est encore confirmée par quelques
mots de la charte précitée de Guillaume V; celle-ci fait
aussi mention d'une manière bien déterminée de privilèges
antérieurs de la ville d Amsterdam, qui, par suite de leur
ancienneté, étaient devenus obscurs ou s'étaient perdus par
iiasard.
J'ajouterai que dans le premier registre des privilèges
d'Amsterdam (2), livre en parchemin avec initiales colo-
riées des archives de celte ville, j'ai trouvé trois copies
de chartes que l'impératrice Marguerite accorda, comme
comtesse de Hollande, à la ville d'Amsterdam. Dans
l'une d'elles, elle déclare, de même que son fils, que ses
chers et fidèles habitants d'Amsterdam conserveront tous
les droits qu'ils possédaient écrits et scellés de la part des
comtes de Hollande, ses prédécesseurs. Dans le grand mé-
morial d'Amsterdam (s), j'ai aussi trouvé une lettre du
31 mars 1475, adressée par la ville à l'écoutète et à la ville
de Vollenhoven, dans laquelle on lit que, puisque la ville
d'Amsterdam était un membre et même le membre princi-
(1) Cette lettre est montionnéc dans mon inventaire des Archives de la cha-
pelle de fer, page i07. On peut la lire en entier dans le Grand livre de chartes
de Mieris, tome II, p. 842.
(2) Page l.
(5) Note 1, page 31.
10
— 138 —
pal du pays d'Amstel, sespoorters étaient exempts de droits
de péage à Vollenhoven, et qu'ils Tavaient été depuis deux
cents et même depuis trois cents ans, depuis si longtemps
du reste que personne ne se souvenait avoir ouï qu'il en
eût jamais été autrement. Ici donc on parle du XIP ou
XIII" siècle comme du temps où déjà les habitants d'Am-
sterdam avaient ce privilège.
Ces exemples viendront suffisamment, je pense, à l'appui
de mon opinion, que déjà avant le temps de Guillaume IV,
outre Florent V, d'autres comtes ou seigneurs encore oc-
troyèrent à Amsterdam des privilèges, qui cependant
ne sont plus connus aujourd'hui (i). La seconde classe de
l'Institut royal des Pays-Bas nomma en 1819, parmi ses
membres, une commission chargée de faire une enquête
sur les plus anciennes archives d'Amsterdam qu'on trouve
dans la Chapelle de fer. Dans leur rapport, qui a été pu-
blié dans les Mémoires de l'Institut (2), les membres de
celte commission émirent la conjecture que quelques-uns
des premiers privilèges d'Amsterdam auraient été trans-
férés à Mons par un des comtes de la maison de Hainaut.
Que si cependant cela n'avait pas eu lieu, il ne me paraît
néanmoins nullement improbable que les pièces qui man-
quent ont été conservées dans des copies, parce que an-
ciennement les comtes avaient pour la plupart l'habitude
de consigner dans des registres de parchemin les lettres
qu'ils donnaient. De pareils registres des comtes de Hai-
naut se trouveraient peut-être bien encore à Mons ou quel-
que part ailleurs en Belgique. Je ne serais pas non plus
étonné que les archives de Lille répandissent quelque lu-
(1) J'ai touché ce même point dans mon ouvrage, intitulé Oud en Nicuw,
tiré de Thistoire et de la littérature nationales, tome II, p. 9, à l'occasion de
la communication qui m'a été faite de quatre chartes inédites.
(2) Tome I, pag, 107-138.
— 139 -
mière sur ce point ou même qu'elles nous rendissent les
pièces censées perdues (i). Il me serait très-agréable de
recevoir de qui que ce soit et n'importe d'où quelques
éclaircissements sur cette question qui n'est pas sans inté-
rêt pour l'ancienne histoire de la capitale des Pays-Bas.
Amsterdam, 25 octobre 1850.
P. SCHELÏEMA.
(1) Celle idée m'esl venue après la lecture de la Nolice sur les cliarles di-
Flandre, placée en Icle de l'ouvrage inlércssant du baron Jules de Sainl-
Genois, intitulé Inventaire analijtiquc des chartes des comtes de Flandre.
uo
nct)ue bilîli00rapl)ique.
1" Essai sur ractivité du principe pensant considérée
dans l'instilution du langage. Ouvrage accompagné de
planches gravées et de figures intercalées dans le texte,
pour en faciliter Pintelligence; par Pierre Kersten. Paris et
Liège, 1851; in-8°, pag. XXXIII et 127.
M. Kersten, ancien professeur à rathcnée de Maestricht, et, en ce moment,
rédacteur-propriétaire du Journal historique et littéraire, de Liège, n'en est
plus à ses débuts comme philosophe. Les travaux philosophiques qu'il a déjà
publiés, les études sérieuses auxquelles il s'est livré depuis nombre d'années,
la lutte vigoureuse qu'il a soutenue par la défense de ses idées; tout cela lui .
donne le droit de parler, et de parler avec une incontestable autorité, dans
ces graves matières qui touchent au fondement des sociétés humaines.
Pour lui, comme pour tout esprit loyal et conséquent, toutes les grandes
vérités philosophiques se rattachent à la délicate et difficile question de
l'origine du langage.
C'est à l'étude approfondie de cette question qu'est consacré l'ouvrage dont
M. Kersten publie aujourd'hui la première partie, celle qui est relative au
langage en général. Cette partie, réellement élémentaire mais décisive, est
traitée avec cette clarté que peuvent seules donner une parfaite bonne foi el
une complète compréhension du sujet.
La base de toute philosophie étant la connaissance de nous-mêmes, l'auteur
cherche cette connaissance dans le langage qui n'est que la représentation,
l'image de la pensée rendue sensible.
Mais, la source de la pensée (ou du langage) est-elle en nous ou hors de
nous, en d'autres termes, la génération de la pensée (ou du langage) est-elle
naturelle et spontanée en nous, ou bien faut-il de toute nécessité le concours
de la société pour en féconder le germe déposé dans notre ame?
Voilà la question capitale, objet de tant de recherches, origine de tant de
contradictions, but de tant de systèmes, question redoutable qui se pose éter-
— Ul —
iifUement à Tenlrée du monde philosophique cl qu'il faut bien essayer de
résoudre une bonne fois.
Daprès M. Kerslen, le langage est aussi nécessaire à la société que la so-
ciété est nécessaire pour la formation du langage. Seulement, la société y est
nécessaire comme occasion indispensable et non pas comme cause. La vraie
cause du langage est la raison, agissant dans un état social quelconque, et à
l'aide de certains conditions d'organisation physique. La raison existe en
nous comme une lumière naturelle et primllive qui précède tout enseigne-
ment; mais, à cause de l'union de l'ame avec le corps, l'action de la raison ne
s'exerce pas toujours dans la plénitude de son énergie.
Le langage se forme de signes. Ces signes sont fugitifs et constituent le
langage en action que l'auteur expliquera dans la deuxième partie de son
ouvrage, ou ils sont fixes et forment le langage écrit, sujet de la troisième
partie.
Xous ne pouvons suivre M. Kersten dans toute la subtilité de ses déduc-
tions. Son travail est si substantiel qu'il se prête diflicilement ù une analyse.
Ce qui nous y a frappé, à toutes les pages, c'est la judicieuse simplicité des
observations et l'absence de tout esprit de système. Bien étudier les faits et
les étudier sans parti pris d'avance, là est le secret de toute philosophie vrai-
ment digne de ce nom. P. D.
2" Douai et Lille au XIIP siècle, par H. Duthillœul.
Douai, 18o0; in-4% pag. XIII et 200, avec carte et grav.
Sous le titre que nous venons d'indiquer, le laborieux bibliothécaire de la
ville de Douai a édite pour la première fois les pièces originales d'un impor-
tant procès criminel, mu en 1284. Outre que ce livre est une source inté-
ressante à consulter pour l'histoire du droit pénal et de la procédure dans
l'ancienne Flandre, nous y trouvons des détails tout-à-fait inconnus sur une
cruelle guerre intestine qui divisa pendant quelque temps les habitants de
Douai et de Lille et qui avait eu pour motif la rivalité communale qu'on
voyait régner depuis de longues années entre ces deux villes. Toutes ces
pièces ont été traduites en français moderne et enrichies de notes et d'ob-
servations pour faciliter l'intelligence des textes surannés. Elles sont tirées
des archives provinciales de la Flandre orientale à Gand, où elles font partie
de l'ancien dépôt de Rupclmonde, ville que, par erreur sans doute, M. Du-
thillœul place près de Bruges. Il est à regretter que l'éditeur, qui parait si
bien familiarisé avec Fhistoire du moyen âge, n'ait pas donné plus d'étendue
à son introduction cl résumé plus scientifiquement le contenu de ce curieux
dossier judiciaire.
— U2 —
S"* Histoire de rarchitecture en Belgique, par A. G. B.
Schayes. Tome III. Bruxelles, Jamar, 1830.
Ce troisième volume d'un ouvrage vraiment savant, qui dès son début a reçu
l'accueil le plus flatteur, contient l'époque de la transition ou romano ogivale,
c'est-à-dire la période de notre histoire architecturale qui a laissé dans notre
pays des traces aussi nombreuses que remarquables par la forme et la solidité
des constructions. Les descriptions de M. Schayes qui embrassent toutes les
parties de la Belgique, abondent en détails techniques et minutieux. Aucun de
nos monuments civils ou religieux n'y est oublié. Il passe même en revue les
moindres parties d'édifices qui offrent quelque intérêt pour l'historique de l'art
et présente ainsi un tableau complet de nos richesses dans cette partie. Les
noms des architectes de quelque renom ont été recueillis avec soin. L'auteur a,
en outre, le talent de semer son texte d'aperçus judicieux, qui tempèrent la
sécheresse inséparable d'un semblable travail.
4° La dernière Marquise du Pont d'Oye, par Léon W^oc-
quier. Bruxelles, 18b0; t. I, pag. 299.
OEuvre d'imagination, production toute littéraire, la Dernière Marquise du
Pont d'Oye n'en est pas moins une peinture fidèle et historique des mœurs
luxembourgeoises vers le milieu du XVII1« siècle. Ici encore on remarque
cette touche fine et délicate, cette aptitude à analyser l'esprit humain, cette
entente de l'art qui caractérisent les productions de M. Wocquier. Ce livre,
dont le 1er volume seul a paru, fait partie de cette série de romans historiques
que l'auteur se propose de consacrer au Luxembourg, son pays natal, esquis-
ses charmantes où la science s'unit habilement au drame et où il y a à glaner
pour l'histoire proprement dite des détails d'un intérêt incontestable. Nous
aimerions plus encore ses descriptions et ses peintures des émotions du cœur,
s'il les faisait moins longues. En les rendant trop prolixes, dans plusieurs
endroits du livre, M. Wocquier en fait, sans le vouloir, pâlir l'aimable éclat.
Il faut savoir se borner, même quand on est éloquent.
b° Acte de fondation de riiôpital de Maldeghem. Bruges,
ISoO, iu-8% pag. 48.
M. Voisin, vicaire-général à Tournai, a découvert dernièrement l'acte de
fondation de l'iiôpital de Maldeghem, établi par Arnoud de Maldeghem en
l'an 127d. En le publiant avec des notes de M. le chanoine Andries, il a
fourni une nouvelle preuve que l'hôpital de S'-Jean à Bruges possède illé-
— 148 —
gilinicmcnt, depuis des siècles, des biens cousidérables afleclés à une insti-
tution charitable du plat pays. Cette usurpation a donné lieu depuis quelque
temps à de puissantes réclamations en faveur du rétablissement de l'hôpital
de Maldeghem et de sa réintégration dans les anciennes possessions qui étaient
destinées à son entretien. Il serait heureux que celte grave affaire put sap-
planir sans occasionner de procès, et partant la dilapidation des biens des
pauvres. Puisse le pouvoir administratif, qui est chargé de la haute tutelle des
institutions de bienfaisance, trouver le moyen de terminer ce débat par une
composition amicale ou par une transaction. La justice et Ihumanité y gagne-
raient. A part lïntérét puissant qu'offre ce côté de la question, la brochure
que nous annonçons est en elle-même un document historique de la plus
haute importance; le testament d'Arnoud de Maldeghem reflète admirable-
ment les mœurs et les habitudes de nos contrées à la fin du XIIl^ siècle; et
les notes de M. Andries en expliquent d'une manière Irès-satisfaisante les
parties difficiles. Le portrait du fondateur Arnoud sert de frontispice à ce
travail.
6" De arme Edelman, door Heudrik Conscience. Anhver-
pen, 1851; in-I8, pag 208 et 4 planches.
Touchante histoire d"un gentilhomme pauvre et loyal qui a perdu sa fortune
en sauvant l'honneur de son frère et qui, pour cacher sa misère, au moment
où il faut établir sa fille, recourt aux expédients les plus comiques, s'ils
n'étaient en même temps tristes et poignants. L'auteur qui a pris définitive-
ment pour devise le simplex sigillum veri, s'est évidemment inspiré, dans ce
livre, du personnage de Ravenswood de la Fiancée de Lammermoor. Comme
Walter Scott, il intéresse constamment le lecteur aux souffrances qu'éprouve
cet homme de cœur et d'énergie sorti d'antique maison, à qui surviennent
toutes les peines, tous les soucis, toutes les humiliations de la misère, sans
qu'il les ait mérités, et qui aux yeux d'un public railleur et médisant passe
pour un harpagon avaricieux, digne de tout mépris.
7° Les Grands-malades, par Jules Borgnet. Namur, 1850;
in-8", pag. 106 et planches.
La question des léproseries ou ladreries est une des plus intéressantes de
riiistdire des misères publiques au moyen âge. La maladie de la lèpre, si
contagieuse, si redoutée, faisait alors d'une partie de Ihumanité une caste de
reprouvés et de parias qui n'étaient plus l'égis par le droit commun, et qui à
ce titre mérite d'èlre étudié au point de vue juridique. M. Borgnet a réuni
— u/« —
dans le volume que nous annonçons, tout ce qu'il a pu trouver de noies et de
renseignements sur l'iiôpital des Lépreux de Namur, nommés Grands malades.
La manièi-e complète et détaillée dont il a traité cette monographie, nous fait
émettre le désir qu'il veuille étendre ses recherches aux autres établissements
de ce genre qui existaient naguère en Belgique. De nombreuses citations,
des extraits de textes anciens et quelques documents originaux, édités sous
forme d'annexés, démontrent que l'auteur na rien négligé pour épuiser son
sujet. Les Grands-malades sont sans contredit un des meilleurs travaux histo-
riques que les Annales de la Société archéologique de Namur aient publiés.
8" Histoire politique et militaire de la Belgique, par
M»" R. Renard. — l'" partie; 2^ étude: la Belgique sous les
Romains.
Nous avons déjà parlé de la l^e étude de M. Resabd dans le Messager des
Sciences, 1847, p. 266. — Dans sa 2» étude, la Belgique sous les Romains,
M. Renard, après avoir apprécié l'organisation politique et militaire des
Romains dans leurs origines et leurs développements successifs jusqu'au
temps de l'invasion de César, s'attache à décrire la constitution physique de
notre pays à cette dernière époque, son agriculture, sa population et ses
diverses tribus, puis il expose en stratégiste le tableau des campagnes de
César et de la soumission de nos contrées; enfin il examine l'influence de la
domination romaine, et indique à grands traits les causes et les divers degrés
de la décadence de l'empire pour préparer ses lecteurs à l'intelligence des
conditions qui facilitèrent à la nation franque l'invasion de nos provinces.
Les deux études de M. Renard envisagent l'histoire primitive de nos an-
cêtres d'une manière complète. L'auteur rassemble à ce sujet toutes les no-
tions éparses dans les anciens auteurs; à Tétude approfondie des sources, il
joint la connaissance des opinions modernes sur ces temps reculés, il les
compare et les discute avec un esprit de critique éclairée, qui témoigne à la
fois et de l'étendue de ses recherches et de l'usage judicieux qu'il sait en
faire
Ajoutons que dans ces discussions érudites l'auteur a su éviter la trop
grande sécheresse de style, en les présentant sous un aspect neuf et ingé-
nieux; en un mot, qu'il a su rendre attrayantes des études consciencieuses
et approfondies sur des questions hérissées de doutes et de difficultés.
Sans contredit, les deux études de M. Renard doivent prendre rang parmi
les productions les plus remarquables publiées sur notre histoire nationale,
cl si la suite de son œuvre répond à ce -brillant début, on peut lui prédire
avec assurance un succès incontesté. A. G.
— lis —
9° Cours de Droit romain approfondi, par J. P. Molilor.
— Les Obligations. Tome I. Gand, L. Ilebbelynck, I80I;
in-8° de VIII et 488 pages.
S"il est une partie de notre droit pour la connaissance de laquelle les lois
romaines ont conservé cette utilité pratique qui en fait souvent le commen-
taire indispensable des lois actuelles, c'est bien la matière qui est traitée
dans le premier volume du cours de Molitor, et à laquelle cet auteur a su
donner, par sa manière de l'exposer, une importance nouvelle. H ne se con-
tente pas de retracer le système de la législation romaine avec cette parfaite
intelligence des principes, qui réduit à une théorie claire et rationnelle les
parties les plus obscures du droit, il indique aussi les rapports entre cette
législation et le droit moderne, de sorte que le lecteur est toujours averti
du degré d'intérêt que les décisions des anciens ont pu conserver dans les
controverses d'aujourd'hui. Eu lisant ces pages on conçoit aisément l'in-
térêt avec lequel les leçons de Molitor étaient accueillies par ses élèves et
Ton comprend qu'un des meilleurs juges en ces matières. M' V. Marcadé,
n'ait pas hésité à appeler Molitor un jurisconsulte éminent, en disant en
même temps de son ouvrage que c'est « une œuvre d'un haut mérite, accusant
» un long et patient labeur, œuvre digne de ces livres si consciencicusenient
» élaborés, si scrupideusement médités, dont on faisait tant autrefois, dont on
«fait si peu aujourd'hui, ...et devant être signalée à l'attention toute parlicu-
» Hère des hommes studieux. » {Revue critique de la Jurisprudence, livraison
de mars 1831, page 192).
D.
10° Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique, fondé
par le baron de Reifl'enberg, continué sous la direction de
M-- L. Alvin; 12^= année. Bruxelles, 1831; in-12.
M. Alvin, le nouveau conservateur de la Bibliothèque royale à Bruxelles,
qui semble devoir prendre ses fonctions au sérieux avec toute l'énergie d'un
administrateur expérimenté, avec tout le zèle d'un bibliophile instruit, vient
de publier le 12e volume de V Annuaire de la Bibliothèque royale. Nous y re-
marquons une magnifique pièce de poésie d'André Van Hasselt, sur la mort
de la Reine; des vers pleins de cœur et de nobles regrets de M^ Ad. Mathieu, sur
la mort du Baron de ReilTenberg; une savante dissertation paléographico-
historique, adressée sous forme de lettre par M. Bock à .M^ L. Beihmann, sur
le .MS. intitulé Libeh Giidosis; des poésies latines, extraites de quelques .MSS.
— U6 —
de la Bibliothèque de Bourgogne. — A partir de 1851, VAnnuairc iic sera
plus seulement consacré à la Bibliothèque royale; les deux bibliothèques des
universités de l'état y seront également représentées. C'est une amélioration
importante dont nous saurons gré à M. Alvin d'avoir pris l'iniative.
W" La Belgique depuis mil huit cent trente (1830-1848),
par Ch. Poplimont. Bruxelles, 1 848-1 8o0; in-8% liv. 1-36.
Personne ne niera que depuis 1850 le mouvement littéraire a pris, chez
nous, un essor extraordinaire. On ferait un fort beau volume de bibliogra-
phie des ouvrages sortis des presses belges, tant en français qu'en flamand,
pendant les vingt dernières années. A ce mouvement M^ Ch. Poplimont a con-
tribué déjà pour une large part; plusieurs de ses écrits ont eu un succès
mérité. L'œuvre que nous annonçons aujourd'hui est certes destinée à aug-
menter sa réputation dans cette partie. L'auteur voulant glorifier les résul-
tats de la Révolution de 1830, qui a consacré l'indépendance de la Belgique,
a présenté dans ce livre un tableau, esquissé à larges traits, de la réorgani-
sation des trois grands pouvoirs de l'état, de la création de son armée et des
progrès amenés par la constitution de notre nationalité. Son texte qui est
semé de détails intéressants, quoique la plupart connus, sur les hommes et
les choses de la Révolution, est orné du portrait du roi et des personnages
qui ont joué un rôle remarquable dans les événements de celte époque. Peut-
être le désir qui a animé M. Poplimont de payer un juste tribut de recon-
sance aux hommes qui ont fondé la nationalité politique de notre pays, lui
a-t-il fait négliger trop souvent les vues d'ensemble et les résumés généraux,
qui dans un semblable travail doivent, selon notre avis, prendre la place des
détails minutieux et des petits faits personnels. A part ce défaut, inhérent
sans doute à la nature du sujet, nous trouvons sur la marche ascendante
de l'industrie et du commerce, sur le mouvement politique et littéraire, sur
nos relations extérieures, sur tout ce qui enfin honore la Belgique d'aujour-
d'hui, des idées justes, exprimées avec élégance et où règne un patriotisme
de bon aloi.
12" Geen geluk zonder deugd, draina in drie bedryven,
door I. S. Van Doosselaere. Gent, Annoot, 1851; in-12,
pag. 64.
Ce drame bourgeois est dû à la plume d'un jeune typographe, M. Van
Doosselaere, qui, son travail d'ouvrier achevé, trouve encore du temps pour
se livrer avec fruit à la littérature et pour produire d'estimables écrits. Un
— U7 —
fond d'honnêteté toule llamande et la glorification des vertus domestiques
font le principal mérite de cette pièce qui est bien écrite et convenablement
dialoguée. Nous conseillons à l'auteur d'y supprimer quelques déclamations
qui ne sont que des hors-d'œuvres, et de racourcir çà et là certains monolo-
gues. Ce drame a été accueilli avec une faveur méritée sur le théâtre gantois.
lo" Het groot Beggynhof van Gent, door B. C. B. Mou-
laert, Predikhcer. Gent, Rousseau, 18oÔ; in-18, pag. XV
et 145.
L'institut des Béguines est propre à la Belgique. Il remonte à une haute
antiquité et a fait souvent l'objet de savantes recherches historiques. Le
P. Moulaert, à qui nous devons la monographie que nous annonçons, s'est plu
à donner l'historique du Grand Béguinage de Gand, qui est encore aujour-
d'hui le plus considérable du rojaume. 11 s'occupe de l'origine de ces com-
munautés religieuses et a soin de s'appuyer partout sur des sources respec-
tables. Son travail est complété par une notice biographique des Béguines
qui se sont rendues célèbres par leurs vertus et leur dévotion. Le livre se
termine par la liste des confesseurs attachés au Grand Béguinage depuis
l'an 1227, et par le tableau des Béguinages qui existaient en Belgique autre-
fois. — Ce petit ouvrage, écrit avec beaucoup de bonhommie, n'est pas sans
intérêt pour l'histoire ecclésiastique de notre ville.
148 —
CI)romi]ue bea Bcicncce et Des 2xi$, et Darie'te's.
AsciENSES Archives d'Afflighem. — M. Ralileubeck, consul de Saxe à
Bruxelles, a bien voulu nous communiquer la lettre ci-dessous, adressée
par le marquis de Eeauprez à la princesse de Mansfelt, Marie Christine d'Eg-
mont , veuve du prince Charles, mort en Hongrie en 1j95, sur l'étal des
archives dAlllighem en 1609.
Madame,
Je me suys, passé quelque temps transporté à Alïlighem, suyvant l'obliga-
tion en laquelle m'estoys constitué à lendroist de V. Ex"', pour y rechercher
entre les pappiers de l'abbaye si nen pourroy trouver aulcuns, servants à la
verilîlcation des quatre degrez de la généalogie qu'il vous a pieu de m'euvoyer,
pourquoy m'estanl addrcssé au prieur dudit lieu, me dict, ne leur en eslre
resté un seul par le désordre et dégast des troubles derniers, tant pour en
avoir perdu une bonne partie par le feu, qu'emblée la principalle par le feu
prince d'Orange, auquel les Estatz pour alors avoient conféré la dicte abbaye,
que pour laction quy peut encore prétendre le comte Maurice demain ou après,
ne les a voulu (quoy que demandez) jusques ores rendre ny restituer, trop bien
j'ai remarqué dans un certain mémoire venant de Monsieur l'Archevesque (qu'il
nat exhibé) que les fondateurs de là nestoyent ceulx de Vilain (selon que
V. Exce opinoit), mais Goddefroy à la Barbe, ducq de Brabant, et quy y est
inhumé avec d'aultres grands personnages quy s'y sont partie rendus moines,
partie bienfaict à la maison, entre Icsquelz il ny at seul nombre de ceulx que
recherchez et m'asseura d'estre tout le renseignement qu'il en avait. Au moyen
de quoy conviendra nécessairement s'adresser à Monsieur le comte d"Isen-
ghcm, ou bien aux siens pour avoir esclaircissemens desdits quatre degrez en
question, dont nonobstant qu'eusse eu aussi inspection du vieil registre aux
fiefs du Lieutenant de ccstc ville, et refœuillcté les miens, je ny ai rien de si
— U9 —
vieille ni postérieure date; sinon que depuis Madame la fille du ducq df Ven-
dosme de quoy il n"est débat ou question, trop bien j'ai découvert que Messire
Hugues Vilain posé en vostre quatrième degré, at délaissé une fille héritière,
nommée Dame Marie Vilain, laquelle espoussa .Messire Hugues, sire d'Authoing
et d'Espinoy, lequel trespassa l'an mil iij« xviij, et la dicte dame Marie l'an
mil iij<= xij, et sont enterrez touts deux au dits Authoing, au milieu du chœur,
dont je renvoyé à V. Ex^e ledit billet cy enclos, depuis lesquelz sera bien ayse
de joindre jusques à vostre personne, parce que seur postérité la plus belle
part est illecq inhumée, mais des précédents je nen recouvre rien à mon bien
grand regrect pour le désir que jay de servyr V. Ex«e, non seulement en ces
endroict, mais aussy en tout aultre que me jugerez capable d'être honoré de
vos commandements et d'une aussi humble volonté que je supplie le Créateur
de maintenyr V. Ex^c^
Madame,
en toute félicité, bonne longue et heureuse vye. Baisant très humblement les
mains d'icelle. Alost, ce xiijc de décembre 1609.
De V. Ex'e
Lt Ires humble e obéissant servitejo-,
Le S' De Beaiprez.
MÉDAILLE DE DucANGE. — Si de DOS jours on fait abus de médailles et de
statues, en les consacrant souvent à des personnages d'une valeur très-contes-
table, nous voyons avec plaisir qu'on se plait parfois à éterniser par le bronze
et le marbre la mémoire d'hommes utiles dont le mérite n"a pas toujours été
assez apprécié. Dccange, à qui nous devons le célèbre Glossarium infimae et
mcdiae latinilalis, a enfin reçu une récompense digne de ses travaux. La
Société des Antiquaires de la Picardie lui a érigé une statue en bronze à Amiens.
A cette occasion a été frappée une médaille de grand module, représentant
d'un côté l'illustre savant debout, tenant des chartes à la main, avec les mots :
Statue de bronze érigée par la Société des Antiquaires de la Picardie uvec le
concours de la ville d'Amiens et des souscriptions, 19 aoi'tt 1849; de l'autre, le
portrait de Ducange, avec la légende : C. Dufresne Ducange, né à Amiens le
8 décembre IGiO, mort à Paris le 25 octobre 1688. La statue est de Cai'do.\-,
et la médaille de A. J. De Pallis. Toutes deux font le plus grand honneur à
ces habiles artistes.
— 150 —
Histoire des Béguines delges. — Réfutation de l'ouvrage du D^ Hallmann.
— En donnant dans le Messager des Sciences historiques, année 18S0, p. 241,
une notice sur VHistoire de l'origine des Béguines belges, publiée à Berlin
en 1843, par le D^ Hallmann, nous n'avons pas eu la prétention d'offrir à nos
lecteurs un Compte-rendu critique de cet ouvrage, mais un simple Aperçu
anahjtique des matières qu'il contient. — Nous avons appris depuis, que le
livre de l'auteur allemand a été l'objet d'une critique sévère, dans un article
inséré au Journal historique et littéraire (publié à Liège par P. Kersten,
année 1843, p. 330 et 584), pendant notre séjour à l'étranger. L'auteur de
cet article, qui parait avoir étudié la question à fond, s'attache à réfuter tous
les arguments que le D' Hallmann fait valoir, pour attribuer la fondation des
Béguines à Lambcrt-le-B'egue. Nous croyons devoir signaler cette réfutation à
ceux de nos lecteurs que s'intéressent à cette grande controverse, et à ceux qui
seraient tentés de croire que nous partageons la manière de voir de l'auteur
allemand. Il suffira de relire notre aperçu pour se convaincre, que, n'ayant pas
fait une étude spéciale de la question, nous avons prudemment laissé au
Dr Hallmann la responsabilité de ses allégations.
Is. H.
Beigic.4. — Sous ce titre un savant hollandais, .Mr Robidé Van der Aa,
ancien fonctionnaire en Belgique avant 1830, avait formé une collection
précieuse de 1660 brochures et opuscules sur les événements qui préparè-
rent et qui suivirent la dernière Révolution belge. Cette collection vendue à
Arnhem, au mois de février dernier, a été acquise en entier au prix de
1100 fr., pour la bibliothèque de la Chambre des Représentants à Bruxelles,
où nous sommes persuadé que ces documents seront consultés avec fruit par
ceux qui s'occupent de cette importante époque de notre histoire politique.
Livre de lectures historiques belges. — Voici l'arrêté royal par lequel le
Ministre de l'intérieur vient de remettre au concours la composition d'un
livre de lectures historiques belges.
LÉopoLD, roi des Belges, à tous présents et à venir, salut.
Voulant établir sur des bases nouvelles le concours institue par arrêté
royal du 2 novembre 1848, pour la composition d'un livre de lectures his-
— 131 —
loriqucs belges; vu le rapporl et sur la proposition de noire Ministre de
l'intérieur, nous avons arrêté et arrêtons :
Art. l". Le concours institué par notre arrêté du 2 novembre 1848, pour
la composition d"un livre de lectures historiques belges, destine particu-
lièrement aux écoles primaires et moyennes, est renouvelé d'après les règles
suivantes :
Programme.
Un prix principal de quatre mille francs sera décerné à l'auteur de
l'ouvrage manuscrit auquel le jury, nommé par notre ministre de l'intérieur,
aura reconnu le double mérite du fond et de la forme.
Deux prix secondaires, l'un de deux mille francs, l'autre de mille cinq
cents francs, pourront être décernés aux auteurs d'ouvrages de moindre
importance.
L'ouvrage se composera, au choix de l'auteur, d'épisodes historiques, de
biographies, de descriptions de mœurs, de lieux, d'institutions, de tableaux
relatifs au développement intellectuel, commercial et politique du pays.
Indépendamment du sentiment patriotique et de la fidélité qui doivent
caractériser son travail, l'auteur s'attachera aux qualités du style et ne perdra
pas de vue qu'il s'agit, non d'une histoire de la Belgique proprement dite,
mais d'un ouvrage affranchi de la sécheresse d'un traité didactique; d'un
livre de lecture populaire qui mettra une science vraie à la portée du plus
grand nombre et qui, en vivifiant le patriotisme, formera le goût des nom-
breux lecteurs qu'il est destiné à instruire.
L'ouvrage devra former un volume in-12 ordinaire.
Les manuscrits couronnés deviendront la propriété du gouvernement, qui
se réserve de les faire imprimer et de les répandre. Ils pourront être traduits
soit du français en flamand, soit du flamand en français.
Le travail des concurrents devra être adressé au département de l'intr-
rieur avant le l*' juillet 18o2.
Les auteurs ne mettront point leurs noms à leurs ouvrages, mais sculr-
menlune devise qu'ils répèleront sur un billet cacheté, renfermant leur nom,
l'indication de leur lieu de naissance et leur adresse.
Sont admis au concours les ouvrages écrits en français et en flamand.
— 152 —
Art. 2. Les frais résultant de ce concours seront imputés sur le budget du
département de Tinférieur.
Art. 3. Notre ministre de Tintérieur est charge de Texécution du présent
arrêté.
Donné à Bruxelles, le 22 mars 1831. Léopold.
Par le Roi :
Le Ministre de l'intérieur, Ch. Rocier.
Le Moyen âge et la Renaissance. — Dans ce bel ouvrage qui se publie à
Paris et qui forme déjà 6 volumes in-i», nous voyons avec plaisir apparaître
la description de beaucoup d'objets d"art qui existent en Belgique. Nous y
signalerons entre autres .- 1» des verres peints des cabinets de MM. D'IIuy-
vetter et Verhelst, à Gand; 2» une boîte aux saintes huiles, de la collection
de M'' Ch. Onghena, ibid.; l'écu d'argent des anciens joueurs de trompe de
noire ville, conservé dans notre Musée historique; 4» plusieurs tableaux an-
ciens du Musée d'Anvers; b" des pièces remarquables et précieuses du Musée
d'artillerie, à Bruxelles; 6° le collier d'argent ciselé du métier des orfèvres
de Gand, appartenant à M. de Kerehove d'Ousselghem. Ce magnifique objet
de curiosité consiste en 16 chaînons, représentant chacun un sujet différent.
M. Devicke-Avé l'avait déjà publié dans ses Recherches historiques sur les
corporations. On peut obtenir séparément, à la librairie Muquardt en cette
ville, les planches où sont représentés ces trésors artistiques, si intéressants
pour nous.
.'f'-'f^
i^ ff(TfU.l*^^ SCiiÙ^C
7L Sf/mi^lr lit-
JACOBUS DE BUE .
SaTe ifiutfr
JJttiiuhrr .tcul/jt.
II.Se/l(tfJiU /it.
JOSEPH GHE5QUIERE.
/îî^Sm?^:;^..
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■/ /'. J^t/t />fiurK/ttif f.
• /, Jlt III < It ( r .<ci//u/.
S. SeAac^ih
PHILIPPU5V.
— 163 —
notice analytique et raieonnee
DU CATALOGUE DU MUSÉE d'aNVERS, RÉDIGÉ TAR M. JEAN-ALFRKD
DE LAET, PROFESSEUR AGRÉGÉ A l'uNIVERSITÉ DE GAND, ET
PUBLIÉ PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION' DE l'ACADÉMIE
ROYALE DES BEAUX-ARTS (l).
Le catalogue dont nous allons rendre compte, vit le jour
en 1849. Cet ouvrage succède à trois Notices, à la lecture
desquelles l'on ne sait ce qu'on doit iniprouver le j)lus, ou
des erreurs de dates et de noms propres, ou des indica-
tions fautives de maîtres qu'eltes contiennent, ou enfla des
suppositions de faits historiques que l'imagination trop
hardie de leurs rédacteurs y a introduits. Aussi est-ce à
bon droit que de semblables matériaux furent en général
mis au rebut, lorsque le Conseil d'administration de l'Aca-
démie royale d'Anvers eut résolu de doter le Musée d'une
description qui fit honneur à la métropole artistique de la
Belgique. M. De Laet ne pouvait donc se borner à améliorer
le travail d'un devancier; il lui fallait au contraire réunir
tous les éléments d'un ouvrage nouveau, qui devait com-
prendre, outre les œuvres d'art mentionnées dans la Nolice
de 1829, celles de la collection Van Ertborn, les acquisi-
tions faites par le Musée depuis 184-1, ainsi que les ta-
bleaux de l'ancien fonds de cet établissement, qui venaient
pour la première fois y réclamer leur place ou reprendre
(I) Anvers, imprimerie de J.-E. Buslimann. In-S".
18SI. (1
— 134 —
celle qu'on leur avait enlevée avant 1829. — Ceux-là seuls
qui ont été dans le cas de devoir se livrer à des recherches
quelconques, peuvent se faire une idée des difficultés que
M. De Laet a eues à vaincre pour parvenir aux résultats
importants que nous allons énumérer. Restitution d'un
nombre considérable de tableaux à leurs véritables auteurs,
dont on parait ne s'être pas donné autrefois la peine de
vérifier toujours les signatures; additions et rectifications
nombreuses aux notices concernant les artistes et tirées
des archives de l'ancienne Confrérie de S'-Luc à Anvers;
découvertes pleines d'intérêt relativement à des maîtres
dont ce catalogue est le premier à s'occuper, ainsi qu'à
d'autres peintres sur lesquels nous n'avions jusqu'ici que
peu ou point de notions; voilà en abrégé, ce qui frappe
tout d'abord le lecteur intelligent auquel l'ouvrage fort
bien écrit de M. De Laet sert de guide dans notre 3Iusée.
On concevra aisément, après ce que nous avons dit plus
haut, qu'une œuvre aussi difficile n'ait pas été toujours
suivie de résultats également heureux. Il était impossible
qu'au milieu d'une telle multitude de dates et de faits, il ne
se glissât un nombre plus ou moins considérable d'erreurs
et qu'on n'y découvrit des lacunes plus ou moins impor-
tantes. Nous en avons en effet remarqué plusieurs, et c'est
à les relever soigneusement, que nous avons employé une
partie des dernières vacances judiciaires, croyant de cette
manière être utile d'abord à l'art, ensuite au travail même
de M. De Laet, travail dont nous désirons la perfection.
Entrons en matière. — Le nouveau catalogue débute
par une introduction qui nous fait connaître les sources
consultées par le rédacteur, les mesures prises par la Com-
mission à laquelle il était tenu de présenter son travail, etc.
Ces détails offrent sans doute un grand intérêt, mais
nous aurions bien désiré qu'ils eussent été accompagnés
d'un précis historique sur la formation et l'accroissement
— \o^ —
de la première galerie de peinture du pays. Celte lacune
devait être facile à combler par M. De Laet qui avait fait
des recherches relatives au Musée, dans les archives de
la province d'Anvers, et qui, par conséquent, était à même
de raconter Torigine et l'augmentation de notre belle col-
lection. Mais la Commission dont nous avons déjà parlé
n'a pas voulu, paraît-il, de ce précis, pas plus que de la
mention des églises, chambres de serments, etc., aux-
quelles un grand nombre des tableaux qui composent le
Musée, ont été enlevés à la fln du siècle dernier. On n'a
en général excepté de cette mesure, que les objets d'art
provenant de l'ancienne Académie, ceux de la galerie
Van Ertborn, les autres dons et achats. Il résulte de là
que le catalogue est muet sur l'origine de la plupart des
œuvres d'art qui s'y trouvent renseignées. Cette omission
nous paraissant peu naturelle, nous en avons demandé le
motif à l'un des contrôleurs du travail de M. De Laet, et
il nous a été répondu, que Von avait voulu éviter de rappe-
ler des temps de spoliation. Nous n'aurons guère de peine
à prouver le peu de fondement de cette raison. Et en effet,
pour atteindre le but qu'elle se proposait, la Commission
aurait dû commencer par faire disparaître toutes les édi-
tions du Yoyarje pittoresque de la Flandre et du Brahant,
par J.-B. Descamps, l'ancien Guide d'Anvers, édité en
flamand et en français par Gérard Berbie, la vie de Rubens
réimprimée en cette ville en 1840 et augmentée de notes
fort intéressantes par M. A'ictor ^ an Grimbergen, etc. :
elle n'aurait pas du négliger non plus le catalogue manus-
crit des tableaux de l'école centrale de deux \èthes, dressé
le 28 vendémiaire an IX, ni de faire tenir sous clef, en
même temps que ce document, une partie plus ou moins
considérable des archives de la provinced'Anvers. Nousii'in-
sisterons point sur ces observations; mais nous émettons,
dans Tintérét de l'histoire de l'art, le vœu que la prochaine
— 156 —
édition du catalogue nous raconte la formation et l'accrois-
sement du Musée, et indique, autant que faire se pourra,
la provenance de chacun des numéros dont il est composé.
Nous nous permettrons encore deux observations géné-
rales, avant de nous arrêter à des détails. — L'introduc-
tion ne mentionne point, parmi les ouvrages consultés, la
plus ancienne Notice imprimée du Musée, celle de 1817,
dont nous possédons un exemplaire, mais elle signale avec
complaisance « un petit livre publié à la fin du siècle der-
nier, à Anvers, chez Gérard Berbie, sous le titre de :
Description des jnincipaux ouvrages de peinture et de
sculpture actuellement existants dans les églises, couvents
et lieux publics d'Anvers. » Ceux qui voudront se donner
la peine de confronter cet opuscule soit en français, soit
en flamand, avec le Voyage beaucoup trop vanté de Des-
camps, pourront se convaincre que l'œuvre éditée par
Berbie, n'est guère qu'un emprunt fait au peintre fran-
çais, dont la relation parut à Rouen en 1769, tandis que
le privilège d'imprimer accordé à Berbie ne porte que la
date du 3 février 1774. II n'est donc pas étonnant que si
Descamps ne s'est pas toujours donné la peine de lire les
noms des peintres dont les tableaux portent des signatures,
que s'il a confondu des artistes de même noms, mais de
prénoms diftërents, que s'il a mis un nombre considérable
de productions de nos anciennes écoles sur le compte de
maîtres qui y sont totalement restés étrangers; il n'est
donc pas étonnant, disons-nous, que toutes ces erreurs
aient été recueillies par Berbie, dont la compilation, aussi
bien que l'ouvrage cité de Descamps, n'a guère à nos
yeux, qu'une valeur topographique. Nous ne disons ceci,
qu'après avoir été à même de confi'onter avec des pièces
authentiques, les nombreuses méprises de l'un et de
l'autre, et nous engageons fortement les personnes qui
s'occupent de l'histoire des arts, à ne consulter les deux
— 137 —
élutiihralions dont nous parlons, qu'avec une exlrénie ré-
serve. Une dernière observation générale, c'est qu'à cha-
que nouvelle édition du catalogue du IMusée, on remarque
un certain nombre de tableaux ou de sculptures qui cessent
d'être exposés aux regards du public. Nous voyons certes
avec plaisir que plusieurs toiles mentionnées dans les an-
ciennes Notices vont reparaître dans la collection, où des
numéros leur ont été réservés; mais nous voudrions bien
connaître le motif qui empêche qu'on expose l'antique
statuette de S^-Luc, et du S^-Sébastien, ce derniei* exécuté
par Arlus Quellyn, le Vieux, que nous avons vus l'un et
l'autre dans les salles de la rue de Vénus, musée tempo-
raire en 1841 (i).
Nous nous contenterons de signaler en outre, le buste
en médaillon du célèbre géographe anversois, Abraham
Ortelius, qui portait le n° 252 dans le Svpplément à la
Notice de 1829, publié en 1841. Ce buste était accompa-
gné d'un globe terrestre et provient de l'église de l'abbaye
de S'-Michel, où l'un et l'autre ornaient une inscription
remarquable, que François Sweertius nous a conservée
dans ses Monumenta sepulcralia, et que nous désirerions
voir rétablir, bien que l'on y donne emphatiquement à
Piiilippe II, le titre de roi des rois (2).
Passons maintenant aux détails. — Le n" 2 du catalogue
indique comme représentant S^-Nicolas, un tableau de
Giotto, qu'il décrit ainsi : a Le saint, qui a la mitre en
(1) Ce S<-Luc provient de l'ancienne Confrérie de ce nom. — Le S'-Sdbus-
lien ornait dans notre ci-devant Cathédrale, les slalles du Jeune Serment de
l'arc {Gildvan dcnjuiigcn handboog). — Ces deux slatucllcs n'ont jamais clt>
cataloguées.
Un S^-François d'Assise en extase, peint dans le goiit de Muriilo, par Gode-
froi riinck, et qui se trouve au Musée, n'a point reçu de numéro, par suite
d'un oubli assez excusable du reste. Cette toile provient du cabinet de feu
-M. Jean-Adrien Sncyers, secrétaire de l'Académie d'Anvers.
(2) Autour ilu s^lobe se lisait la devise : Manu orno et vonlenino mente.
— 158 —
tète, est vêtu d'une tunique verte brodée d'or (i); à ses pieds
se voit une religieuse à genoux, probablement la donatrice
du tableau. » Si cette descriplion était exacte, nous aurions
à dcînander pour quel motif ou a reconnu dans cette figure
d'évéquc, plutôt S'-Nicolas, que tout autre saint pontife;
mais le catalogue ne nous fait connaître qu'en partie cette
composition de Giotto. Le saint, quel qu'il soit, étend l'une
de ses mains sur la tète de la religieuse dont il a été parlé;
il porte de l'autre trois lingots d'or. C'est à ce dernier signe
que l'on reconnaît en effet S^-Nicolas, évéque de Myre, en
Lycie, que les Italiens ont coutume de représenter ainsi
en mémoire de trois jeunes filles nobles, mais pauvres, aux
besoins desquelles il pourvut largement et qu'il sauva ainsi
de la prostitution (2).
Le S^-Jérôme, peint par Pierre Chrislopbsen (n° 9 du
catalogue), ne porte point, comme le dit M. De Lact, une
crosse papale, c'est-à-dire à six branches, mais bien une
crosse à quatre branches, avec laquelle on représente par-
fois le saint cardinal Bonaventure, évéque d'Alhano. Il est
hors de doute que Christophsen, en faisant tenir un livre à
S'-Jérôme, a voulu rappeler le souvenir de la fameuse tra-
duction des saintes Écritures, que l'on doit à ce célèbre
docteur de l'Église.
Le n" 13 du catalogue indique comme représentant
S^-Mcdard, un bienheureux « debout, nu-tête, ayant la ton-
sure monacale et vêtu d'un froc noir. Il tient la crosse de
la main gauche et un mors de la main droite. »
Nous constaterons d'abord que le froc noir dont il s'agit
ici, est l'habit de l'illustre et savant ordre de S'-Benoîl;
(1) Cette tunique n'est autre chose qu'une cliasuble du nioyen-àgc.
(2) Molanus, De his/oriaSS. imaginum et picturarum. Lovanii, MDCCLXXl.
— Le trait dont nous parlons se trouve reprt-senté an n" 106 du Musée, peint
|);ii' Ollion Vnn Veen.
— lo9 —
nous ajoulorons que nous avons cherché en vain le nom
d'un S'-Médard, ahhé bénédielin, dans trois martyrologes
diflërents, dans les dictionnaires de Moreri cl de Feller,
et même dans un ouvrage spécialement consacré à l'histoire
de la famille religieuse du grand cénohitedu mont Cassin(i).
IVous n'avons rencontré d'autre S'-Médard, qu'un évéque
de IVoyon, dont la fête se célèbre le 8 juin, et que nous
n'avons vu mentionné nulle part en qualité de Bénédictin.
— Il y a donc évidemment ici une erreur de nom.
Cette erreur serait bientôt redressée, si le mors dont
parle le catalogue, pouvait être considéré comme un collier
de prisonnier; ce qui ne fait pour nous aucun doute, après
plusieurs examens minutieux. Aussi le saint n'est-il autre
que S'-Léonard, vulgairement appelé S'-Liénard, fondateur
de l'abbaye de Nouailles, ordre de S'-Benoit, en France.
Ce bienheureux vivait au VI® siècle. Il quitta la cour de
Clovis, pour se retirer au monastère de Bénédictins, bâti
par ce prince à iMicy, à deux lieues d'Orléans, et qui était
alors gouverné par S'-Maximin ou Mesmin. Après avoir
passé quelque temps dans le cloitre, il embrassa la vie de
solitaire. Son grand amour des captifs lui a valu d'être re-
présenté avec des chaînes, des menottes et autres instru-
ments de sûreté, employés à l'égard des prisonniers (2).
L'auteur du n" 15 a eu probablement en vue le fait sui-
vant, en représentant S'-Léonard, un collier à la main. Un
(1) Abrégé de iltistoirc de l'ordre de S^-Benoist, où il est parlé des saints,
des hommes illustres, de la fondation cl des principaux événements des mo-
nastères, par "*••, de la Congrégation de S^-3Iaur. Paris, MDCLXXXIV,
2 vol. iii-i".
(2) Âlban Butler, Vies des Pères, des Martyrs et des autres principaux
Saints, G novembre. — Voyez aussi l'ouvrage cite dans la note précédente,
ainsi que les vrais principes de l'architecture ogivale et chrétienne et leur
renaissance au temps actuel, par A.-\V. Pugin , revu, augmenté et publié
d'après le texte anglais, par T. -H. King. Bruxelles, Gand et Leipzig, 1850;
in-i", p. 231.
— 160 —
lioinine dévot au saiat avait été jeté iiijuslenient dans une
prison de la ville de Limoges, où il avait le cou serré d'une
chaîne qui lui perniellait à peine de respirer. S'étant re-
commandé au bienheureux, celui-ci lui apparut et lui dit :
a Tu ne mourras point, mais tu vivras, et tu raconteras
les œuvres du Seigneur. Lève-toi et prends celte chaîne, et
porles-la dans mon église, pour qu'elle y soit appendue à
mon tombeau et qu'elle ne serve plus désormais à torturer
qui que ce soit (i). »
Le n° 2G, peint par Jean 3Iemling, nous offre, d'après
le catalogue, le portrait d'un moine vêtu d'un froc blanc.
M. De Laet s'est mépris en faisant passer pour un moine,
un chanoine régulier de l'ordre de S*-Norbert. Ce religieux
porte l'habit de chœur ordinaire des Prémontrés.
. La remarque que nous venons de faire, ne doit point
paraître futile à quiconque a vu le savant archiviste géné-
ral du royaume, M. Gachard, après avoir appelé du nom
de moines, les chanoines réguliers de Tongerloo, donner à
l'un de ces religieux, le savant M. Adrien Ileylen, le nom
de père, qui ne lui convient nullement (2).
Le volet de gauche de la face antérieure du double
diptyque attribué à Memling, et portant le n" 28, est indi-
qué comme le portrait d'un abbé revêtu du costume blanc
de l'ordre de Prémontré. C'est une erreur qui nous étonne
d'autant plus, que le catalogue signale notre diptyque
comme provenant de l'abbaye des Dunes lez-Bruges. Or
cette abbaye appartenant à l'ordre de Cîteaux (3), il y
(1) Pater Petr. Ribadineira en Paler Heribertus Rosweydus, S. J. Générale
légende der Ileijlighen. Antwcrpen, .MDCCXI, 2»" decl, bl. 4i3. — La vignette
des saillis du mois de novembre nous montre S'-Léonard, tenant la crosse
abbatiale d'une main, une chaîne de l'autre.
(2) Mémoire historique sur les BoUandisles et leurs travaux, dans le Messa-
ger des Sciences et des Arts de la lielijifjue, volume de 1833, p. 24^8.
(3) Voir la Flandria illuslratn d'Antoine Sandcrus, t. H, p. 9i. La Haye,
MDCCXXXIF. in-f".
— 161 —
avait, ce semble, lieu de se demander si le personnage dont
nous nous occupons, n'était pas, lui aussi, de cet ordre,
question qui doit être résolue affirmativement. Le prélat
est représenté en habit de chœur de Citeaux. Il en est
de même de Tabbé qui se trouve sur le volet de droite de
la face postérieure, et auquel M. De Laet a donné, par
suite d'une distraction évidente, le nom d'abbé de l'ordre
des Bénédictins de Prémontré.
Anvers doit des reraercimeuts au rédacteur du cata-
logue du 3Iusée, ainsi qu'à M. Léon De Burbure, qui se
sont donné tant de peines pour prouver, contrairement
aux assertions de M. Edouard Van Even, que Quentin
Massys appartient véritablement à une famille anversoise.
Nous ne pouvons qu'applaudir à la description des tableaux
de ce peintre, tout en faisant observer qu'il n'est pas exact
que l'on ait soustrait ou tenté de soustraire en 1794 aux
'■echerches des commissaires français, le triptyque du maî-
tre qui ornait dans la Catliédrale, l'autel de la chapelle de
la Circoncision. C'est ce qui nous a été affirmé par des
contemporains (i). Ce triptyque n'a été enlevé qu'en 1798,
pour être transporté à lécole centrale du département des
Deux->'èthes. Nous ajouterons qu'il se trouve en tête du
catalogue manuscrit, envoyé le 28 vendémiaire an L\ par
le préfet à l'administration du Musée des arts de Paris; et
que nous avons acquis aux archives de notre gouvernement
provincial, la preuve qu'à cette époque, on eu aurait volon-
tiers fait l'échange contre quelque tableau de Rubens enlevé
à notre ville par les agents de cette assemblée, souillée de
crimes et de rapines que l'on appelle la Convention natio-
nale. Annotons en passant, que les volets de la glorieuse
composition de Quentin 3iassys, portaient /nf//*- en grisaille,
d'après le catalogue, les figures de S^-Jean-Baptisle et de
(I) M. De Lact sest trompé du reste sur la foi de la \oIhc de 1820.
— 162 —
S'-Jean VÈvangéliste. Ce mol jadis voile un uclc de vaii-
•laîisnie autrefois commis à froid.
Le catalogue se trompe, en avauçant (jue la pierre sépul-
crale de Quentin Massys qui se voit au-dessous de l'enseve-
lissement de N. S., s'est trouvée avant 1G29, au cimetière
des Chartreux, hors les murs, où le célèbre artiste aurait
été enterré. Corneille ^'an der Geest, l'un des admirateurs
du grand peintre, dans une requête adressée au Magistrat,
dans celte même année 1629, et au sujet de la date lumu-
laire dont nous nous occupons; Corneille Van der Geest,
disons-nous, mentionne en toutes lettres que Mailre Quentin
a été enterré au pied de la tour de Notre Dame; c'est à l'oc-
casion de l'enlèvement des pierres sépulcrales du petit cime-
tière de la Cathédrale (situé près du Marché aux Gants),
que le Magistral permit au requérant d'appliquer celle de
Massys au pied de la tour (i).
Au n° 57 peint par Corneille Engelhrechtsen, nous ren-
controns de nouveau S^-Léonard ou Liénard, dont nous
avons parlé plus haut. Le costume ecclésiastique qu'il porte,
d'après le catalogue, est celui de l'ordre de S'-Benoit.
Le S*-Ihibert, exécuté par le même artiste (n" 58), ne
îjorte point la dalmatique, comme le dit le catalogue, mais
bien la chape. La dalmatique, en tant que vêtement prin-
cipal, ne convient qu'aux diacres, de même que la tunicelle
aux sous-diacres (2).
M. De Laet nous apprend à la fln de la notice qu'il a
(i) Van der Geest parle de 5000 nobles à la rose, comme prix de vcnle du
triplyquc de Massys, au lieu des 8000 que mentionne le catalogue. — Voyez
Alhrccht Durer in de Nedcrlandcn, nilf/egeven door Frédéric Vcrachler, Stads-
Archivarius. — Antwerpen, ISiO, bl. 58, nota 2. — Les notes nombreuses
que M. Veraclilcr a ajoutées à cette traduction, font le plus grand honneur
à son érudition.
(2) Voyez VOnomasticon clymolor/kum, inséré à la suite de la Romanorum
Pontificum brevis noiitia du chanoine Guillaume Burius, que nous citons plus
loin; y Dalmatien.
— 163 —
consacrée à Luc Jacobz, plus connu sous le non) de Luc de
Leyde, que le Urjqere (registre) de la Confi'érie de S'-Luc
mentionne parmi les francs-maîtres reçus en 1522, Lucas
de HoUaiukre (Luc le Hollandais), et demande si celle an-
notation se rapporte à Luc Jacobsz? Nous croyons pouvoir
répondre que cela est probable , puisque ce grand artiste
reçut à diner dans notre ville, vers le milieu de l'année 1321 ,
Albert Durer qui y exécuta son portrait à la pointe (i).
Le catalogue se trompe, en mentionnant comme portant
un glaive sur la garde duquel serait perchée une colombe
blanche, la Sainte représentée au volet de gauche du n° 59,
attribué à Luc de Leyde. C'est une croix que tient la Bien-
heureuse, et c'est à cette croix, à cette colombe et au démon
qui apparait à l'angle inférieur de gauche du tableau, que
l'on reconnait de la manière la plus indubitable, la célèbre
S"=-Marguerite d'Antioche (2).
Le martyre de S^-Sébastien, par Michel Van Cocxcyen
(n° 61), provient de l'autel que le vieux Serment de l'arc
possédait dans notre ci-devant Cathédrale (3). Le catalogue
mentionne ici à tort le vieux Serment de Tarbalète.
C'est la chambre de ce dernier Serment qu'ornait le
n° 68 du catalogue, indiqué comme représentant une fête
du Serment des archers. Voici la signification historique
de ce tableau, signification qui a échappé, sans doute par
(1) Verachler, Op. citai., pp. 79 et 81.
(2) Pater Pair. Ribadincira en Pater Heribert. Rosiceydns, S. J. Op. citât.,
l. II, p. ÎJG-57.
(5) Ce tableau vient d"ùtre restauré avec succès par M. Jean Lcemans.
Depuis cette opération, on lit ce qui suit, à la partie inférieure de gauche :
MICHEL D COCXCVEÎV /ETATIS SV.E
7(j
FE 1575
Il résulte de cette inscription, plus complète que celle donnée par le cata-
logue, que Michel Van Cocxcyen naquit en 1499 et non en 1497, eonime le
dit M. De Lael (Note ajoutée en décembre 1850).
-- 164 —
mégardc, à M. De Laet. Le duc de Brabant, Jean IV,
arrivé à Anvers en 1422, Iionora d'une visite le vieux
Serment de Tarbalète et lit briller son adresse en abattant
Toiscau. Il régala les confrères et fonda à perpétuité, en
souvenir de cette fête, une rente de quatre peelers de Lou-
vain, somme à laquelle s'étaient élevés les frais du banquet,
(ju'il voulut être renouvelé tous les ans. Le Serment fut en
outre redevable à la générosité de ce prince, d'une coupe
d'argent doré, que l'on nomma plus tard le duc Jean, et qui
était le prix d'un tir auquel notre souverain avait participé
à Louvain. Cette coupe qui parait avoir été enlevée pendant
la furie espagnole, circulait parmi les confrères lors de leurs
banquets solennels.
Papebrocbius qui rapporte ces particularités, ajoute que
de son temps le Serment possédait une clef de fer doré,
d'une bauteur de cinq pieds et demi, que l'on exposait an-
nuellement aux jours où les confrères et leurs femmes se
réunissaient pour faire bonne cbère, ce que l'on appelait
vryen brom (i). C'est une de ces réunions que représente
notre tableau. Le personnage désigné par le catalogue
comme le roi de la fête, n'est autre que le duc Jean IV,
une coupe d'argent à la main; le dossier du trône de ce
prince est orné de la clef dont nous venons de parler.
Cette précieuse composition fut donnée au Serment en
1495, aux termes de cette inscription que nous a conservée
le savant Jésuite cité plus baut :
Dit tafereel gaf Peeter De Gamerele,
Hier te deser slcde;
Godt verleent syn sele
Den eeuwigen vrede. M. CCCC. XCIII (2).
(1) Kiliaen dans son Elijmolof/icwm tcutonicm linguœ, traduit le substantif
hroemer, par le mol parasitus.
(2) D. l'aiiehrocliius S. J., Annules Anlv er pieuse s , t. f, p. 313-315. —
Voyez aussi F. -H. Mertcns et K.-L. Torfs, Gcschiedenis van Anhverpen,
11'' decl, hl. U'<-41(î. " Ce? ouvrages renferment la gravure du tableau.
— 163 —
Nous exprimons le vœu que cette inscription, et celles
que nous transcrirons plus loin, soient rétablies. C'est, ce
nous semble, le moins que l'on puisse faire pour recon-
naître la générosité ou la piété des donateurs.
Le catalogue mentionne au n" 85, un tableau d'un maître
inconnu, représentant un homme en prières, accompagné de
son patron, qu'on ne nous fait point connaître. Ce patron
qui tient une scie, instrument de son martyre, n'est autre
que l'apôtre S'-Simon le Cananéen.
Nous croyons ne point errer en considérant comme S""-
Jeanne de France, la bienbeureuse reine exposée sous le
n° 103, et qui, de ses mains jointes, tient un crucifix.
La multiplication des pains (n" 126 du catalogue), pro-
venant de l'autel des meuniers et des boulangers de notre
ancienne Catbédrale, est indiquée sous le nom de Jean
Van der Elburcbt, artiste de la première moitié du XVI*
siècle. Nous croyons que c'est à tort, et que ce tableau est
d'Ambroise Francken, le'^ieux, ainsi que feu M. de Reif-
fenberg l'a mentionné dans le Polygraphe belge (i). Ce qui
ne nous permet plus le moindre doute à cet égard, c'est la
preuve autbentique que ce dernier maître est l'auteur des
deux volets, représentant iS'otre Seigneur et la femme adul-
tère et la résurrection de la fille de Jaïre (a). Ces volets
ornent la cbapelle de S'-Jean, dans l'église de S'-Jacques
de cette ville, et la preuve dont nous parlons nous est
passée sous les yeux. Or, nous ne voyons point de diffé-
rence entre la manière de ces volets et celle du prétendu
tableau de Van der Elburcbt. Nous ne pouvons donc nous
(1) No 2.
(2) Le revers de ces magnifiques volets que nous n'hésitons point i'i regai'-
der comme les chefs-d'œuvre du maître, représente N. S. au monl des Oli-
viers, réconforlé par un ange. Au bas de la montagne, on remarque Pierre,
Jacques le Majeur et Jean endormis; au fond de la composition, Judas avec
sa bande.
— 166 —
rallier à ropinion du catalogue, opinion que l'auteur a du
reste abandonnée depuis 1849, pour embrasser la nôtre.
La notice que M. De Laet a consacrée à François De^>int,
plus connu sous le nom de François Floris, est exacte, à
cela près que la mère de ce célèbre peintre s'appelait Mar-
guerite et non 3Iarie Goos. Elle était enterrée avec son mari
Corneille, son fils François et plusieurs autres membres de
sa famille, au cimetière des Récollets d'Anvers. Xous don-
nons au bas de cette page l'inscription sépulcrale qui était
attachée à l'extérieur du mur oriental de l'éslise de ces
Pères, et que Papebrochius nous a conservée (i). Nous la
faisons suivre d'une autre inscription qui se lisait chez ces
Franciscains, à la mémoire du peintre Jean-Baptiste Floris,
né en 1617 et décédé en 16oa (2).
iSous n'avons rien à faire observer par rapport à la des-
cription du chef-d'œuvre de François Floris, la chûle des
unges rebelles (n" 152 du catalogue), si ce n'est que le cha-
pitre XII de l'Apocalypse de S^-Jean fournira au besoin des
explications sur la femme attaquée par un dragon couronné,
dans un coin du bas du tableau, ainsi que sur le monstre
(1) Bcati qui in Domino moriuntur. 1371. — Hier leet begraven Cornélius
De Vrint, alias Floris, steenlioiiwer, sterf a» lo38, dcn 17 september.
Ende syn huysvrouwe Margriete Goos, sterf a» 1377, den 11 october. Ende
syncn sone François Floris, schilder, sterf a° 1370, den 1 october. Ende
syneu sone Cornélius Floris, beeltsnyder ende architect, sterf a» 1373, den
20 october. Met Elisabet Machiels, syn huysvrouwe, sterf a» 1370, den
23 april. Ende Jacob Floris, sxlasscliriver, sterf a» 1381, den 8 juny. Met
Meclitel Jacobsen, syn hujsvrouwe, sterf a» 1380. Ende Susanna, dochler
van Cornelis Floris, ende Cornelis Floris, Cornelis sone, schilder ende beldt-
snydcr, sterf a" 1613, den 12 mcy. Ende .Jan Floris, sone van Cornelis den
derden, sterf den 2 meerl a" 1630. — Bidt voor de^sielen. — Papebrochius,
Op. citât., t. ni, p. 183-184. — La notice que le savant Jésuite a consacrée
à François Floris, est remplie d'intérêt : elle mérite Tattention de M. De Laet.
(2) SEPULTURE VA>" JOUAN BTA FLOUIS, CONSTSCIIIIDER,
STERFT OUDT 38 JARE> 19 JANUART 1633,
EJf DE EERBARE JOUff'' BARBARA VAN ALCKEMADE
SVSE WETTIGE HUYSVROl'WE STERFT 12 MEY 1633.
— 167 —
et ses adiiérents précipités à terre et que l'on remarque
un peu plus haut. Le maître a représenté dans la partie
supérieure (le la composition, deux esprits célestes qui mon-
trent un jeune enfant aux combattants, et dont le catalogue
ne parle point. Ce magnifique tahleau exécuté en loo4, a
été heureusement soustrait aux ravages des iconoclastes
de 1560. Il ornait dans Tancienne Cathédrale l'autel du
Serment des escrimeurs; il fut enlevé par les Français en
1794, exposé sous le n" 288 au Musée central des arts,
dont l'ouverture eut lieu à Paris le 18 germinal au MI (7
avril 1799), et revint à Anvers en 1813, mais non pour y
occuper sa place primitive (i).
Le catalogue mentionne sous le n° 15o, et sous le nom
de François Floris, un portrait de chanoine en prières
devant fiinage du Sauveur crucifié, et accompagné de son
patron. Ce portrait provient de la chapelle de S'-Luc de
notre ancienne Cathédrale et représente le révérend Guillau-
me Luc Boxtell, chanoine théologal de cette église, derrière
lequel se voit S'-Luc. Ce petit tableau porte les lignes sui-
vantes que nous y avons copiées :
ANXO d604
.BTATIS. SV.E, al
Aux deux côtés de la croix flotte une banderolle avec ces
mots :
!>• — GLoniA (In cruce gloria).
Un manuscrit de feu notre érudit concitoyen, M. Jean-
Baptiste Van der Straelen, manuscrit qui nous a mis sur
la trace de cette découverte, contient, outre les liiïnes citées
(I) On n'a point indique dans le catalogue, quels sont ceux des lahleanx
du Musée, qui nous furent enlevés en 1704 par les commissaires de la nation
toujours grande et toujours juste, comme la nommaient modeslemenl à cette
époque, ses farouches dominateurs. — Il va sans dire que celte observation
ne s'adresse point à M. De Lact.
— 163 —
en premier lieu, 1 inscription qui se lisait autrefois en ces
termes, au-dessous de ce portrait :
D. 0. M.
IIIC. GCILLIELMUS. LICAS. DOXTEIL. UCIfS. ECCL.
CASONICCS. THEOL. REQllESCIT. RiKA. VIR. PIETiTE. ET. DOCTRISA
0 A>XOS 09l3CVl KAL. IVS . .£TAT1S LIV
ASIM.C EICS BESE PRECARE VIATOR.
Ce tableau ayant été peint en IGOi, est et doit rester
étranger à François Floris, mort en 1570, mais il parait
appartenir à l'école de ce maître (i).
Le catalogue ne s'explique point sans une certaine hési-
tation sur les dates de la naissance et de la mort du peintre
Martin De Vos, auquel Anvers fut redevable au XVP siècle
de la conservation du fameux triptyque de Quentin Massys.
Une personne qui veut bien nous honorer de son amitié,
nous a permis de puiser largement dans un recueil ma-
nuscrit d'insci'iplions sépulcrales, et de donner des dates
positives sur les points en question. Ces dates résultent des
lignes suivantes, qui se lisaient dans la chapelle de S'-Luc,
dans la Cathédrale d'Anvers, sur la pierre tumulaire du
maitre :
SErCLTLT.E
VA>' MERTEN DE VOS, SCIIILDER
OUT 72 JAREX
STERFT 4- DECEMBER 1605
E>DE
JOHAKNA LE BOLCQ SïNE HOTSVROUWE
OUT 89 JAREN
STERFT 17 DECEMBER 1626.
Martin De Vos est né par conséquent en lo31 et décédé
en 1605. Son épouse Jeanne Le Boucq est nommée Jeanne
De Bock, dans un acte passé devant échevins à Anvers le
o août 1606.
Nous n'avons pas grand'chose à redire à la description
(1) .\jouU' au texte en mar.s 1831.
— 169 —
du n° 157, provenant de l'église des Récollets, et roprésen-
lant S^-Fi'ançois d'Assise et un de ses saints religieux, par
Martin De Vos. Seulement nous ferons observer que le sym-
bole de la rédemption que mentionne le catalogue, n'est autre
chose que le séraphin ailé qui imprima les stigmates à S'-
François sur le mont Alverne (i). Le pied droit du bien-
heureux repose sur un livre, le pied gauche sur le globe
terrestre.
M. De Laet ayant lu sur une verrière représentée au
numéro suivant, le mot H. Marteini, se demande si ce der-
nier nom signifie Martini? Nous croyons pouvoir répon-
dre négativement, cette famille, originaire de Lucques,
n'étant venue s'établir à Anvers que vers le milieu du XVII''
siècle, et longtemps par conséquent après la mort de ]Mar-
tin De Vos, auteur du n" 138. C'est ce qui résulte d'une
inscription sépulcrale des Martini, que l'on peut lire dans
la chapelle de N.-D., à S'-Jacques.
Les deux grisailles de Martin De Vos, décrites sous le
n" 1G9, ornaient avant 1733 l'autel que la Confrérie de
S'-Luc possédait dans la Cathédrale, d'où elles furent
transportées à l'Académie. Le catalogue n'en donne pas les
sujets, et nous avons vainement cherché à les trouver.
Le Jugement dernier, par Crépin Van den Broeck (n" 171
du catalogue), fut exposé en vente publique le 27 avril 1818,
par feu M. Jean-Adrien Sneyers, alors conseiller et depuis
secrétaire de l'Académie royale des Beaux-Arts à Anvers.
C'est sans doute à cette époque que M. Florent Van Ert-
born acquit ce tableau, dont M. Sneyers avait mal lu la
date (1471, au lieu de 1371).
(1) Sancii Palris Francisci vita a S. Boyiavenlttra S R. E. Ep. Cardùiali
Albanensi, seruphico Ecclesiœ Doctore, conscripta, p. 586-588. — Voir la
nouvelle édition des Beati Patris Francisci Assisiatis opéra omnia. Coloniœ,
Bonnœ et Bruxellis. MDCCCXLIX, in-12.
12
— 170 —
On a, par respect pour la tradition, dit le catalogue, con-
servé le nom de François Fourbus, le Vieux, au n" 175,
représentant wie prédicatioti de S^-Eloi. Le tableau, com-
me le fait observer M. De Laet, porte cependant la date
de 1588, tandis que l'on assigne celles de 1580 et de 1584,
à la mort du vieux Fourbus; il porte en outre un mono-
gramme gravé à la suite du catalogue, et où nous lisons
les lettres GLMB, qui n'ont certes rien de commun avec
le nom de l'auteur prétendu du n" 175. Nous croyons donc
que l'on fera bien de rompre désormais avec une tradition
inaugurée par le peintre Mensaert (i), continuée par Des-
camps et l'auteur anonyme de la Description éditée par
Berbie, et accueillie sans critique par les rédacteurs des
précédentes notices du Musée. Nous croyons de plus, que
s'il est impossible de retrouver le registre des comptes du
métier des forgerons, où l'auteur et le prix de ce tableau
doivent être renseignés, on fera bien de mentionner le
n° 175 au catalogue, comme ayant pour auteur un maître
inconnu, désigné par telles initiales. C'est ainsi que l'on
trouve dans la Notice de 1820, sous le n° 5, un Sauveur
en croix, accompagné de la S^'^-Vierge, de S^-Jean et de 5'^-
Marie Madelaine, tableau marqué des lettres LVN, que
l'on traduit aujourd'hui par Lambert Van Noort (2).
Le portrait de Pierson La Bues, tambour du Vieux Ser-
ment de Varc (n° 176), peint par Gilles Congnet, a été acheté
par leMusée, à M. Frédéric Verachter, archiviste communal.
Les notices consacrées à François Francken, le Vieux,
(1) Auteur du pitoyable ouvrage intitulé le Peintre amateur et curieux.
Bruxelles, P. De Bast, 1763. Ce précurseur du Voyage pittoresque de Des-
camps, n'est rien moins qu'avare d'anecdotes hasardées; il transforme des
statues en tableaux (p. 245, l^e partie), et son style est à la hauteur de sa
critique, c'est-à-dire au-dessous du médiocre.
(2) Le nouveau catalogue du Musée mentionne une huitaine de tableaux de
ce peintre, tableaux que feu Matthieu Van Brée avait un peu légèrement con-
damnés à l'oubli.
— 171 —
ainsi qu'à ses frères Jérôme et Ambroise, nous engagent à
insérer ici Tinscriplion sépulcrale de celle famille, qui se
lisait autrefois clans l'église paroissiale de S'-André, et qui
mettra M. De Laet à même de rectifier une erreur de date
relativement au décès d'Ambroise, le Vieux.
SEPULTCRE
VA^ NICOLAES FRANCKEN SCIllLDER VAN IlERENTHALS
STERFT 12 MEERT 1596
FRANCHOÏS FRANCKEN SYNEN SONE
STERFT 3 OCTOBER 1616
AMBROSIl'S FllA^•CKE^• SYNEN SONE
STERFT 26 OCTOBER 1618
CLARA nCKAERT AMBROSIUS IlUYSVROrWE
STERFT 29 Al'GUSTLS 1619
JERONIMUS FRANCKEN FHANCHOYS SONE
STERFT 17 MEERT 1623 (1)
AMBROSIl'S FRANCKEN FRANCIIOYS SONE
STERFT 8 AIGUSTUS 1632
ELISABETH MERTENS UUYSVROUW VAN FRANCIIOYS FROCKEN
STERFT 2 SEPTEMBER 1639
MAGDALENA FRANCKEN FRANCHOYS DOCIITER
STERFT 5 SEPTEMBER 1659
ENDE FRANCIIOYS FRANCKEN FRANCHOYS SONE
CONSTICH SCHILDER BINNEN SYN LEVEN
STERFT 6 MEY 1642
ENDE ELISABETH DE HOOGHE
STERFT 0 JANIARY 1701
GEESTELYCKE DOCHTER
ENDE MARIA DE HOOGHE BEGCYN TE MECIIELEN
STERFT 2 JANLARY 1696.
Le n" 178, représentant les disciples (VEmmaàs, et le
n" 179, r élection eu qualité cV apôtres, de S'-Paul et de S'-
Barnabé, proviennent l'un et l'autre de la cbapelle du très-
saint Sacrement de l'église paroissiale de S'-Georges. Ils y
servaient de volets à la Cène (n" 184), exécutée et signée
par Ambroise Francken, le Vieux, et quoique le catalogue
les fasse figurer sous le nom de son frère François, nous
(1) On voit que le Jérôme Francken dont il est fait mention à cet endroit
est Jérôme, le Jeune.
— 172 —
croyons qu'ils sont bien d'Ambroise, et qu'après mùr exa-
men, on embrassera notre opinion. Faisons observer ici en
passant, que c'est M. De Laet qui a restitué pour la pre-
mière fois la Cène à son auteur, et qu'il partage aujourd'hui
notre manière de voir relativement à ces battants.
Les Notices du Musée publiées en 1820 et en 1829,
avaient tenté de faire passer pour des portraits de mem-
bres de la famille de Franco y Feo de Briez, les deux volets
d'Adrien Thomas Key, qui portent aujourd'hui les n°^ 1 90
et 191. C'était une erreur grossière que le nouveau cata-
logue s'est gardé de reproduire, tout en ne faisant pas
connaître les personnes représentées. Nous allons combler
cette lacune. Les volets dont nous parlons ornaient avant
la désastreuse visite que nous firent les Français en 1794,
un tableau ayant pour sujet Notre Seigneur en croix entre
les larrons, tableau dont nous ignorons le sort. La partie
postérieure de ces battants représente la Cène : il serait à
désirer qu'on nous en fit l'exhibition de temps à autre (i).
Ces diverses compositions faisaient partie d'un monument
funéraire qui se trouvait au-dessus des stalles du chœur de
l'église des Récollets à Anvers et qui portait l'inscription
suivante :
SPECTA LECTOR lUC IN IMAGINE AFFECTUM
INTEGERRIMI VIRI DOMINI D. yEGIDIl DE SMIDT
QUI SICUT IN VITA HUJUS CONVENTUS
FIDELIS SYNDICUS AC BENEFACTOR EGREGIUS EXTITIT
ITA POST MORTEM SUI SL'ORDMQUE MEMORIAM ^ETERNAM
IIIC PONI VOLUIT. SEPULTIIS AD PEDEM SCMM.E AR,t!.
OBIIT A" 1574 12 MARTII (2).
(1) Dans l'état actuel des choses, les volets du Musée peints de deux côtés,
sont à moitié perdus pour l'art; aussi serait-il à désirer qu'on prît des me-
sures pour les mettre sur pivots, afin qu'on put les faire tourner.
(2) L'église prédite renfermait une pierre sépulcrale ornée d'armoiries et
portant l'inscription suivante :
SEPULTURE VAN CIELIS DE SMIDT COOPMAN, STERFT 12
MEERT li)74l ENDE JOUFf" MARY DE DKCKERE, SYNE
— 173 —
Les armoiries que Ton remarque au n" 191, qui devrait
précéder le 190™% sont celles de la famille De Smidt; celles
de la famille De Deckere ornent le tapis du n" 190. L'obli-
geance d'un ami qui descend de la famille De Smidt, nous
met à même de faire connaître les noms des personnes
peintes sur les deux volets. La première qui se présente
au n° 191, est Gilles De Smidt; il remplit, d'après l'épi-
taphe que nous venons de transcrire, la charge de syndic (i)
des Pères Récollets d'Anvers et fut un bienfaiteur insigne
de leur couvent. Il a laissé la réputation d'un homme émi-
nemment religieux et toujours prêt à faire le bien : aussi
le calme de la bonne conscience est-il empreint sur sa figure,
où respirent la franchise et la satisfaction la plus entière.
A côté de lui est agenouillée Anne De Smidt, la plus jeune
de ses filles (2). Derrière lui se montrent Vincent De
Smidt, son fils aine (5), Gilles (4), Nicolas (s) et Paschase
De Smidt, également ses fils (e). Le plus âgé des deux en-
HUYSVROUWE, STERFT 17 AIGUSTI 157i, STILO BnAB4NFI.ï.
E>DE VINCENT DE SMIDT, SYNEÎf SONE, STERFT
28 DECEMBER 1379. ENDE GIELÏS DE SMIDT STERFT
4 MEY lo94. ENDE JOSEPH VAN DEN BROECKE STERFT
24 OCTOBER 1637. ELISABETH VAN OPMEER,
SïNE nUTSVROUWE, STERFT 13 JANl'ARV 1643.
(1) Ce mot se traduit en flamand par : geestelyken vader. — Le syndic
donnait quittance des objets qu'on lui remettait pour le couvent. Cette charge
était ordinairement confiée à un laïque, parfois aussi à un ecclésiastique
séculier.
(2) Elle fut mariée trois fois : loà Jean Kesseleers; 2° à Arnould Van den
Eede, fils de Jacques et de Marie Preunen; S" à Pierre Roelanls. Elle mourut
à Francfort (sur le Mein?) en 1601, après avoir fondé des bourses, par testa-
ment du 14 mars de cette année.
(5) Vincent De Smidt épousa Anne Van den Crujce, fille de Fi'ançois et de
Josine De Mejere (ex matre De Boticq); elle mourut le 28 décembre 1579.
Son mari l'avait précédée au tombeau le 4 juillet de la même année.
(4) Gilles De SmidI, décédé le 4 mai 1394, avait épousé Catherine De
Ilcnnin.
(5) Nicolas De Smidt épousa Marptucrile Daems.
(6) Paschase De Smidt mourut célibataire, ainsi que son frère Jean.
— 174 —
fants qui se trouvent près de ce groupe, est leur frère Jean;
le moins âgé, leur frère Pierre (i),
La première des femmes représentées au n° 190, est
Marie De Deckere, épouse en secondes noces de Gilles
De Smidt, le père (2); leur fille Béatrix est agenouillée
derrière elle (3).
Le catalogue se trompe, en supposant qu'Otlion Van
Veen n'a pas laissé de descendance mâle. L'arrêt rendu par
le conseil souverain de Brabant le 17 novembre 1668, dans
la cause intentée en 1666 par les hérauts et rois d'armes
de S. M., des titres de Brabant et d'Artois, et de l'officier
fiscal, en qualité de partie jointe, contre Ernest Van Veen,
fils d'Othon, et poursuivie plus tard contre ses héritiers,
prouve suffisamment l'erreur de M. De Laet, erreur qui
doit être mise sur le compte d'une distraction, puisque
l'auteur cite notre arrêt comme imprimé en 1840, parmi
les notes de la nouvelle édition de la Vie de Rubens, publiée
par M. Victor Van Grimbergen. Othon Van Veen eut un
autre fils mort en bas âge, et qui fut enterré dans la cha-
pelle de S'-Roch, de l'église paroissiale de S'-Jacques, à
Anvers, comme le prouve l'inscription suivante :
CORNELIUS OTHONIS V^NII F. ^TAT. 6 OBIIT 1603 (4-).
C'est à tort que M. De Laet a considéré le bonnet dont
est coiffé l'évéque Jean Mirœus, peint par Othon Van Veen
et exposé sous le n" 197, comme celui d'un docteur en
théologie. Le bonnet que porte ce prélat, était commun
autrefois au clergé séculier anversois.
(1) Pierre De Smidt dont l'état mental laissait à désirer, mourut également
célibataire.
(2) Gilles De Smidt, le père, avait épousé d'abord Clémence Van Hove.
(5) Béatrix De Smidt épousa Jean Van den Broecke, docteur ès-droits, fils
de Jean, seigneur de Mallois, Helmont, etc., et de Marguerite Gillis {ex matrc
Anna De Dreen).
(i) Le nom du cardinal prince-évêquc de Liège, Gérard De Groesbeke, a
été, sans doute par suite d'une eri'cur typographique, changé en Graesbeke,
dans la notice qui concerne Othon Van Veen.
— 175 —
Nous ferons du reste observer en passant, que l'évèque
Jean Mirœus était non pas docteur , mais licencié en
théologie (i). — Le portrait dont nous venons de parler or-
nait en 1798 la salle capitulaire de N.-D.
V Adoration des Mages, par Abraham Janssens (n° 204
du catalogue), provient de l'église des Dominicains, au-
jourd'hui église paroissiale de S'-Paul, en cette ville. Ce
tableau qui se trouvait entre deux fenêtres de la petite nef
du sud, ornait l'épitaphe de Paschase Engelgrave. Nous
donnons ici l'inscription de ce monument :
AUDI MORTALIS
TERRA EX TERRA VEMMUS
TERRA AD TERRAS! REDIML'S
PASCHASIO ENGELGRAVE
MIRITO B. M. DISCEDENTI A" 1616 jET. 38
MOESTA UXOR MARIA JANSSENS
DISCEDENS A» 16.. /ET.
DECEM FOECINDA PROLIBUS
P. C.
Jacques Van Es, dont M. De Laet a fixé la mort à 1 621 ,
vivait encore en 1662, d'après ce que rapporte Papebro-
chius (2).
Le catalogue indique conjecturalement l'année 1574
comme la date de la naissance de ]\Iartin Pepyn (3). Il
résulte d'un fragment généalogique qu'on a bien voulu nous
communiquer, que ce maître vit le jour le 21 février lo75 :
il épousa, d'après ce document, Marie Huybrechts, L'un
des tableaux de l'autel de S'- Augustin, dans l'église de
(l)J.-F. Foppens, Ilisloria Episcopalus Anlverpicnsis. Bruxcllis, MDCCXVII,
P- 72. — Un élève de rancienne Université de Louvain nous a appris que les
docteurs en théologie portaient un bonnet de couleur rouge foncée.
(2) Annales Antverpienses, t. V, p. 223.
(3) Martin Pepyn était fils de Guillaume et de Catherine Van don Bcrghe.
— La Catherine Puppyn mentionnée au catalogue, était fille de Martin, dont
le nom s'écrit parfois de cette manière : elle fut baptisée le 13 février 1619.
— 176 —
l'hôpital (le S*<=-Élisabelh, porte le millésime 1626 ; le
S^-Norbert à genoux devant le très-S^-Sacretnent, à Notre-
Dame, celui de 1637 (i). On sait que ces productions sont
dues à l'artiste dont nous parlons.
En serait-il de même des deux tableaux numérotés 208
et 209, et qui représentent, d'après le catalogue, S^-Sébas-
tien bénissant une dame âgée et S^-Sébastien au milieu des
prisonniers, anciens volets de l'autel du ^'ieux Serment de
l'arc dans notre ci-devant Cathédrale? Cela parait au moins
douteux. Si les archives de ce Serment ne sont point in-
trouvables, on y rencontrera probablement des renseigne-
ments à cet égard. Nous croyons en attendant, que ces
battants peuvent être attribués à Ambroise Francken, le
Vieux, ce qui est aussi l'opinion actuelle de M. De Laet.
Le n" 208 a pour sujet S^-Sébaslien guérissant miracu-
leusement Zoé, femme de Nicostrate, laquelle était affligée de
mutisme depuis six ans. Les auteurs de l'histoire de l'Eglise
rapportent que S'-Sébastien délia la langue de cette future
martyre, en lui faisant sur la bouche le siene de la croix, tan-
dis que l'artiste fait bénir au Bienheureux la tète de Zoé.
L'un des deux personnages que M. De Laet a fait passer
pour des compagnons du Saint, n'est autre que Nicostrate,
qui embrassa la foi de J.-C, après avoir été témoin du pro-
dige opéré en la personne de sa femme, et qui scella plus
tard sa croyance de son sang. Nous ne pouvons guère consi-
dérer que comme des figures accessoires, le second des per-
sonnages dont nous nous occupons, ainsi que les quatre hom-
mes et la petite fille, en costume du XVI^ siècle, qui se trou-
vent dans ce tableau et qui sont évidemment des portraits.
Le n° 209 est indiqué à tort comme représentant une
apparition de S^-Sébastien. Voici l'explication de ce volet :
les deux captifs enchaînés que l'on y remarque, sont les
(1) Ces dates onl clé vciiliLcs sur lus tableaux.
— 177 —
saints Marc et Marcellien, nobles romains, déjà condamnés
au martyre, mais dont le supplice a été reculé, à la demande
de leurs proches, encore idolâtres et qui ont promis de ne
reculer devant aucun effort pour faire apostasier ces géné-
reux chrétiens. Le vieillard qui, d'après le catalogue, en-
courage le prisonnier, s'appelle Tranquillin : il est le père
de Marc et de Marccllien et adorateur des faux dieux, au
culte desquels il veut ramener ses fils, bien loin de les for-
tifier dans leur dessein de souffrir le martyre. La femme
qui montre aux captifs le sein qui les a nourris, c'est Marcie,
leur mère; elle aussi veut tenter leur constance, et c'est dans
ce but qu'elle est accompagnée de leurs épouses et de leurs
enfants. La présence de S'-Sébastien est inspirée par un plus
noble motif : le bienheureux soldat romain est instruit des
embûches qui se dressent sous les pas des futures victimes
de Dioclétieu. Il s'est chargé d'exhorter les prisonniers de
Nicostrate, sur lequel la grâce agira bientôt; il s'est chargé,
disons-nous, de les exhorter à préférer le salut de leurs
âmes, à l'amour de leurs proches et à faire généreusement
à Dieu, le sacrifice de leurs vies. Déjà le Saint a fini de
parler, et l'artiste nous le représente montrant à ceux qui
l'entourent, la lumière éclatante dans laquelle lui apparut
le Seigneur, accompagné de sept anges (i).
Le n° 2M , peint par Luc Franchoys, représente, d'après
M. De Laet, une apparition de la S^'-Vierge, à un saint de
Vordre des Carmes : nous espérons que la prochaine édition
du catalogue nous fera connaître le nom de ce Bienheureux.
— Cette composition de Luc Franchoys ornait autrefois le
chœur de l'église des Carmes déchaussés de Malines.
(1) Ce miracle eut lieu pendant la vie de S'-Sébastien et précéda celui que
retrace le n» 208; il eut pour suite la conversion de Tranquillin, de Marcie,
de leurs belles-filles et de leurs petits-enfants, qui tous subirent plus lard le
martyre. — Voyez Paler Peints Rihadineira en Paler Heriberlus Rosweyrlut,
S. ,/., Op. cil., len (leel, bl. 176-179.
— 178 —
Une faute typographique assez étrange s'est glissée au
commencement de la notice consacrée à P. P. Rubens : par
suite de cette erreur, qui nest pas unique, le lecteur peut
apprendre que Pierre Paul arriva à Anvers en lo80, un
an après la mort de son père, qui eut lieu en 1387. —
Nous n'avons du reste aucune observation à émettre rela-
tivement à cette notice, si ce n'est que Rubens ne fut pas
enterré de prime abord dans la chapelle qui porte son nom
à S'-Jacques, et qui ne fut fondée qu'après sa mort (i).
Nous nous permettrons deux remarques relativement au
n° 212, représentant Lonrjin ouvrant cf un coup de lance le
flanc sacré du Sauveur, l'un des chefs-d'œuvre de Rubens.
La première, c'est que la sainte femme qui cherche en vain
à consoler la Mère du Verbe fait chair, n'est autre que Marie
Cléophas (2). La seconde, que nous voudrions voir rétablir
au bas de ce tableau, l'inscription remarquable qui consta-
tait que l'ami du grand maître, Nicolas Rockox, le Jeune,
bourgmestre d'Anvers, avait orné de celte admirable pro-
duction, le maître autel de nos Récollets, autre don de ce
digne magistrat. Celte inscription souvent reproduite, se
lisait en ces termes, sur cet autel même :
Hanc Chrislo posait Consul Rockoxius aram,
Expressif tabulam Rubeniana manus.
Seu dexfram artificis, danlis seu pectora spectes,
Nil genio potuit nobiliore dari (5).
Le sujet historique du n" 214, peint par le même maître,
et qui ornait autrefois l'église des Carmes déchaussés à
Anvers, est S^^-Tkérèse délivrant des flammes du purga-
toire, Bernardin de Mendoza, de Villustre famille espagnole
(1) M. l'archivisfc Frédéric Vcrachter en a fait imprimer Tactc de fonda-
tion, dans son ouvrage intitulé : Le tombeau de Rubens. Anvers, 18i5,
p. 12-15.
(2) Joann., c. XIX, v, 2a.
(3) Papebrochius, Annales AntvcrpieiiseS; l. IV, p. liô.
— 179 —
de ce nom, fondateur d'un couvent de Thcrésienncs à Valla-
dolid. C'est ce que nous avons lu un jour au bas d'une
ancienne gravure de cette belle toile (i).
Le n° 21 o, connu vulgairement sous la dénomination de
Christ à la paille, ornait, ainsi que ses volets, Tépitaphe
de Jean .Micbielsen et de Marie Maes, qui se trouvait exposée
à un pilier près de l'autel de la corporation des fendeurs de
bois, dans notre ancienne Cathédrale (2).
Ces tableaux de Rubens étaient accompagnés de l'in-
scription suivante, qui laisse à désirer sous le rapport de
la clarté :
DEO OPT. MAX. SACR.
JACET IlOCCE >"0> JACET SEPILCHRO CODITOR >0S C0>D1TIJI
JOANMS INSTAR QCOD FlIT MICHILSII
NAM LEGE FATI SECCLO (sic) DEMORTCOS SON CONJUGI
MARI.E PUDIC.ï; MEME VULTU MASI.E
CCJl'S SIBI SIPERSTES IPSE VIVIT IX PR/ECORDIIS
SPIRATQ. Vives IS QUATERXO PIGSORE
REQUIEM CITO VIATOR APPRECARE PERPETEM
LOXGOS SIPERSTITI DIES XYXORIDI
OBIIT A» MDCXVH. XX JUXIl.
Le n° 218 et ses volets, représentant l'incrédulité de 5'-
Thomas, et les portraits du bourgmestre Aicolas Rockox,
le Jeune, et d'Adrienne Ferez, sa compagne, proviennent
de la chapelle de l'Immaculée Conception, fondée dans
l'église de nos Récollets, par l'honorable magistrat que nous
venons de nommer (5). Ce triptyque ])cint par Rubens,
ornait l'épitaphe de son noble ami, qui remplit neuf fois
(1) Consultez pour les détails, les Acia Scinclorum. au 13 octobre.
(2) Les lignes suivantes se trouvaient sur la pierre sépulcrale de ces époux :
SEPULTURE VAX JAX MICUIELSEN COOPMAN
STERFT 20 JCXV 1617
E5DE MARIA MAES SVXE IIUVSVROUWE
STERFT 24- JANUARï 1633.
Les volets dont nous parlons plus liaut, représentent à l'extérieur la
S^'^-Vierge et Notre Scignextr.
(3) Papcbrocliius, Op. Ht., t. IV, p. 423.
— 180 —
la charge de bourgmestre d'Anvers. — L'inscription sui-
vante, accompagnée des armoiries de Ptockox et de Ferez,
se lisait sur une pierre sépulcrale de l'église que nous ve-
nons de nommer : il serait convenable de la rétablir au bas
de ces tableaux.
D. 0. M.
NICOLiCS ROCKOX EQUES
HUIUS URBIS NOMES CONSCL
ADRIAX.E FEREZ C0?(11GI CARISSIME POSl'IT
CUM QUA VIGINTI ASSIS COSCORDITER VIXIT
DECESSIT XXH SEPTEMBRIS MDCXIX
-ET. LI
ILLE COSJICEM SECITCS PRIDIE ID. DECEMBRIS
A" MDCXL
BENE DE SCA BESE DE POSTERA ^TATE MERITUS (1).
N.-S.en croix, par Rubens (u" 220 du catalogue), ornait
la chapelle de la Portiuncule dans l'église de ces mêmes
Pères. — L'inscription de ce tableau était ainsi conçue :
MEMORIE
VAH DES EERSAMES CORSELIS DE WISTER
ES
SVSE FAMILIE
A" 1(567.
Nous serions charmé de voir dans la prochaine édition
du catalogue, les deux compositions de Théodore Van
Thulden (n°^ 225 et 224), figurer auprès du portrait peint
par ce maître, que possède le Musée. Rubens est assez riche
de son fonds, pour qu'on puisse se dispenser de faire ser-
vir les tableaux d'autres artistes, à enfler son contingent
aux yeux des lecteurs peu attentifs (i).
(1) Nous avons eu l'occasion de consulter des pièces qui prouvent le fonde-
ment de cet éloge.
(2) 11 est inutile, croyons-nous, de faire remarquer que tous les tableaux
de Rubens qui se trouvent au Musée, ont vu la France en 1794-, et n'en sont
revenus qu'en 181 il, à l'exception toutefois de la Vierge au Perroquet, qui
ravie à la Confrérie de S'-Lue, nous fut envoyée comme présent en 1801 (').
Ce prétendu présent n'est à nos yeux qu'une restitution. Les n"' 223 et 224
peints par Van Thulden, et qui proviennent de notre hôtel-de-ville, ont égale-
ment été enlevés en 1794 et n'ont revu Anvers qu'en 181d.
(*) Fr. Vcraclilcr, Le tombeau de Hubcus, p 20, nn(c Irc,
— 181 —
La notice sur François Snyders indique, d'après les ar-
chives de S'-Luc, la date de 1656-1657, comme celle de
la mort de ce grand peintre. L'inscription suivante qui se
lisait autrefois dans l'église de nos Récollets, servira à fixer
exactement l'époque du décès de Snyders :
SEPCLTL'RE
VAS DES EERSAME>- FRAKCIIOYS SSÏDERS SCHILDER
STERFT 19 AUGUSTES 1657
E>DE
DE EEHBARE MARGARITA DE VOS SYNE HCTSVROUWE
STERFT 2 SEPTEMBER lCi7.
Les cygnes et chiens (n° 229) et le tableau de nature
morte (n" 250), que le Musée possède de ce maître, lui
ont été donnés par feu M. le baron Philippe-Antoine-Joseph
De Prêt de Terveken, en échange de certaines toiles ren-
dues, il y a plusieurs années, à une église succursale de
cette ville.
La notice consacrée à Déodat Delmont est en partie à
refaire, quoiqu'elle contienne de bonnes données inédiles
jusqu'en 1849 : c'est ce qui sera aisément établi, lorsque
nous aurons prouvé que le Deodati et le Theodati dont parle
le catalogue, se résument en la personne de notre Delmont.
Un des registres mortuaires de S'-Jacques, conservé à
l'hôtel-de-ville et dont MM. les bourgmestre et échevins ont
bien voulu nous permettre la communication, à la fin des
vacances de 1849, contient à cet égard en ilamand ce qui
suit : « Novembre 1644. Item le 27 a eu lieu au chœur le
service funèbre du S"^ Déodat Del Mont, peintre, demeurant
rue du Prince, derrière la chapelle de Grâce. 56 flambeaux,
3 autels tendus de croix de talTetas blanc (i). Kacheté au
prix de 2 florins 8 sous, les messes funéraires (2). Philippe,
(1) Delmont, par conscqurnt, est mort cclcbatairc.
(2) C'csl-à-dire que moyennant le rachat de 2 florins 8 sous, la famille du
maître n'a pas fait célébrer pendant le temps accoutumé, les messes de
— 182 —
aux quatre couronnés (i); 8 musiciens, (exécuté) le dies
ire (sic) et le miserere; pendant loffertoire, il a été offert
8 florins k sous. — Total 47 florins 12 (a). »
Il résulte de cette annotation , que le Sieur Deodati
mentionné dans le registre a de S'-Luc, comme décédé
en 1644-1645, est bien la même personne que le célèbre
élève de Rubens, Déodat Delmont; il en résulte encore,
croyons-nous, que cet artiste et le Deodati peintre de Ter-
monde, reçu en 1609, en qualité de fils de maître, ne for-
ment qu'une individualité.
Remarquons en passant, que Delmont doit n'avoir pas
été maltraité sous le rapport des biens de la fortune, puis-
qu'on lui fît des funérailles de première classe et qu'il ha-
bitait une des maisons les plus considérables de la rue du
Prince.
Les Annales antverpienses de notre célèbre Papebrochius
fixent au 2a novembre 1645, la date du décès de Delmont;
c'est une erreur, comme nous venons de le démontrer. Le
savant religieux nous apprend que le nom flamand de notre
artiste s'écrivait Van der Mont. Entre autres détails dont
on pourra faire usage dans une prochaine édition du cata-
logue, il nous fait connaître que la Sodalité des mariés,
dirigée par les Jésuites d'Anvers, possédait deux grandes
compositions de ce maître : l'une représentait V Adoration
requiem, auxquelles on avait Ihabitude d'inviter les parents et les amis du
défunt, ce que Ton nomme encore de nos jours à Anvers, publieke haermissen.
Les 2 florins 8 sous tenaient lieu du droit qui serait revenu à réglise, en cas
d"autre détermination.
(1) Prénom et habitation de rentrcpreneur du service funèbre de Delmont.
(2) « November a» iG44. Item den 27 is geweest hetchoorlyck van S"" Deo-
datus Del Mont, schilder, woonachtig in de Prinse straet, achter de Capelle
van Gratien, met 56 flambeeuwen, 3 autaren behangen met witte tafife cruy.
sen, geredimeert voor 2 g. 8 st., sonder baere. Phlips in de 4 gekroonde;
musieek met 8, met den dies ire {sic) cnde miserere; onder het oflertorium,
den offer 8 g. 4 st. — Somma il g. 12. »
— 183 —
des Mages, la seconde, Jésus accablé sous le fardeau de la
croix. La suppression de la compagnie de Jésus, saluée avec
enthousiasme par les prétendus philosophes et les Jansé-
nistes, vînt, au siècle dernier, priver Anvers de ces œuvres
d'art. Lue autre Adoration des Mages, peinte par Delniont
pour le maitre autel des Falcontines de notre ville, et que
Papebrochius signale comme le chef-d'œuvre de cet ar-
tiste, disparut lors de la suppression du monastère de ces
religieuses, ordonnée par l'empereur Joseph II, de déplo-
rable mémoire (i).
Le seul tableau de Delniont, que possède encore notre
ville, est le n° 234 du Musée, représentant la Transfigura-
tion. Il ornait autrefois dans notre Cathédrale, l'épitaphedu
chanoine Philippe-Emmanuel Trogney, dont nous emprun-
tons littéralement V'mscv'i'^hon au Théâtre sacré du Brabani:
SALVATORI TRANSFIGURATO SACR.
HOC MOMMEMIM EST
R. D. PUILIPPI EMASCELIS {sic)
TROOESII,
Qll PER XLIV ASXORUM HIJIS
ECCL. CANOMCI SVBDUCONI GRADIIATUS
COMEMIS VIXIT, VARIAMQUE IRBIS ET CLERI
rORTl>AM ALTERAIS EXPERTIS, LIXCfARUa PERITIA,
RERUM l'SU, ITERATA ROH;£ PEREGRISATIONE,
ET \y AGE>D1S PRIDEXTIA, AC DEXTERITATE SPECTATCS,
DECESSIT AO DOMIXI M. DC. XrV.
«TATIS Sl'/E tXVm PRIDIE NON. JAXUARII.
Cette inscription peu intelligible a été probablement mal
copiée (2).
Le n" 23o, Êlie au désert, peint par Gaspard De Crayer,
(1) Papebrochius, Op. cit., t. IV, p. 456-437. — Le célèbre écrivain indi-
que, ainsi que le catalogue. Tannée lo81, comme celle de la naissance de
Delmont.
(2) Le catalogue manuscrit des tableaux de l'école centrale mentionne à
tort la composition dont nous venons de parler, comme provenant de l'an-
cienne église paroissiale de S'-Gcorgcs.
— 184 —
provient du cabinet de feu M. Nicolas Beeckmans, dont le
catalogue ne mentionne pas le prénom.
L'inscription de la pierre sépulcrale de notre célèbre
peintre Corneille De Vos, qui fut enterré avec son épouse
Susanne Cock, dans notre ancienne Cathédrale, établit que
la date de 1G44 proposée par le catalogue comme celle du
décès de cet artiste, ne saurait être adoptée. Voici la teneur
de cette inscription :
SEPULTURE
VA!^ CORXELIS DE VOS SCHILDER
STERFT 9 MEY 163 1
ENDE
SUSA>">A COCK SY>E IIUYSVROUWE
STERFT 29 JCJiY 1668
ENDE
JOANSES BAPTISTA DE VOS
STERFT 11 SEPTEMBER 1679
ELISABETH DE VOS
STERFT 21 JASCARY 1698.
Corneille De Vos était fils de Jean, né à Hulst, et d'Isa-
belle Van den Broeck (i).
M'' Frédéric Verachter, dans un de ses ouvrages déjà
cité (2), nous apprend que l'une des coupes d'argent doré,
qui se trouvent sur la table devant laquelle se tient le mes-
sager de S'-Luc, Abraham Grapheus (n''237 du catalogue),
était ornée du buste de .Jean Van Eyck, entouré de cette
inscription : Belganim splendor, et de celui d'Albert Durer,
entouré de cette autre : Germanorum decus. Cette coupe
était enrichie des armoiries de la noblesse anversoise, qui
en fit cadeau en 134.9, à la Confrérie de S'-Luc. — Le
portrait d'Abraham Grapheus, l'un des chefs-d'œuvre de
Corneille De Vos, fut transporté à Paris en 1794 et ne revit
Anvers quen 1813.
(1) Papebroclnus nous apprend dans ses Annales, t. V, p. 223, que Cor-
neille De Vos est né à Alost; il indique llulst coninic le lieu de naissance du
peintre de chasses, Paul De Vos.
(2) Albrecht Durer in de Nederlandcn, h\. 13, nota 4.
— 185 —
C'est à tort que le catalogue donne le nom de Carmélite,
à la religieuse qui se trouve au nombre des portraits peints
par Corneille De Vos et exposés sous le n" 258. Le costume
qu'elle porte, est celui de novice ou de sœur converse Ber-
nardine.
La Notice de 1829 a égaré M. De Laet, lors de la des-
cription du n''240 du catalogue, qui forme, avec l'admirable
portrait d'Abraham Grapheus, l'un des plus beaux titres
de gloire de l'artiste dont nous venons de parler. Le cata-
logue, d'accord avec la Notice citée, n'a vu dans la belle
toile de Corneille De Vos, que la famille S)ioeck offrant des
ornements sacerdotaux à Vabbé de S^-Michel à Anvers :
seulement l'œuvre de M. De Laet nous fait connaître de
plus, mais bien à tort cependant, que cet abbé avait nom
Jean-Chrysostome ^'an der Sterre (i), prélat de mérite,
dont la mémoire est chère aux amis des lettres et des arts (2).
Nous disons que M. De Laet s'est trompé, en avançant
que Corneille De Vos a peint dans ce tableau le portrait
du révérendissime abbé que nous venons de nommer. En
effet Papebrochius nous apprend au tome V de ses An-
nales (page 50), que Van der Sterre avait fait exécuter pour
l'ornement d'une cheminée de son quartier abbatial, un
grand tableau représentant S^-Norbert donnant devant V au-
tel, la crosse et la bénédiction abbatiale au Bienheureux
Waltmann, abbé de S^-Michel, derrière leciuel sont age-
nouillés les prélats de Tongerloo, d'Averbode et de Middel-
bourg, monastères issus de celui d'Anvers. Le savant Jésuite
ajoute que le Bienheureux Waltmann avait été peint sous
les traits de Jean-Chrysostome Van der Sterre. Le tableau
dont nous venons de parler, est un chef-d'œuvre d'Abraham
Van Diepenbeeck (3); il orne depuis plusieurs années, le
(1) Le catalogue écrit erronément Van de Sterre.
(2) Papebrochius, Op. cit., t. V, p. 50-31.
(3) Abraham Van Diepenbeeck, né à Bois-lc-Duc, épousa : 1" a SchcUe, en
15
— 186 —
chœur de i'église de S'-Frédégand à Deurne, près d'Auvers,
église desservie autrefois par nos iXorherlins, el à laquelle
il fut donné par Fun d'eux, feu M. ïlerman -Joseph Seer-
waert, curé de la paroisse. Nous avons vu de près cette
splendide composition, et nous y avons trouvé la conviction
la plus entière de l'erreur de M. De Laet.
Revenons à la toile du Musée, — Si réellement cette admi-
rahle production représentait le sujet indiqué par le cata-
logue, nous aurions de la peine à concevoir par suite de
quelle bizarrerie, l'artiste a peint le très-Saint Sacrement
au milieu de l'ostensoir que l'abbé accepte, d'après M. De
Laet, du chef de la famille Snoeck (i); nous ne pourrions
nous expliquer non plus l'expression étrange de l'homme
accroupi qui lient une hostie; nous ne saurions enOn com-
prendre le motif de la présence de quelques petits pains de
communion, don d'une valeur excessivement minime, que
l'on remarque sur ce que le catalogue appelle un plat de
vermeil, et ce que nous nommerons une patène : on nous
pardonnera ce souvenir de sacristie.
Mais tout cela deviendrait excessivement clair à nos yeux,
si l'on nous disait que cette toile a pour sujet les habitants
d'Anvers, qui, sous les traits de divers membres de la fa-
mille Snoeck, viennent remettre avec componction à notre
grand apôtre, S'-Norbert, le sacré Corps du Sauveur, que,
pendant le règne de l'hérésie de Tankelm, ils avaient tenu
caché dans les endroits les plus secrets de leurs maisons,
l'espace de dix à quinze ans.
juin IG37, Catherine Heuvick, fille de maître Luc, notaire à Anvers et secré-
taire à Schellc, et de Marie Verbert; 2» le 15 mai 1632, Anne Van der Dort.
Van Diepenbceck mourut en 1674 ou en 1673.
(I) Est-il bien certain que ce personnage doive élrc tenu pour le chef de
celte famille? Est-ce simplement parce qu'il précède les autres, qu'on lui re-
connaît cette qualité? Ne serait-il pas prudent, en l'absence de toute donnée
sur les Snoeck représentés dans ce tableau, de supprimer ."» l'avenir une
qualification exacte peut-être, mais hasardée?
— 137 —
A la suite de cette découverte, nous rectifierions de la
Fnanière suivante, la description du catalogue. — A droite,
S'-Norbert, suivi de cinq de ses religieux et accompagne
d'un laïque (i), est debout en costume abbatial (2). Il accepte
des mains d'un Anversois, agenouillé devant lui, un osten-
soir, au milieu duquel repose la très-Sainte Eucharistie.
Entre le Saint et le dernier personnage, et en partie caché
par les plis d'une chasuble, d'une chape et d'une étole, est
accroupi l'hérésiarque Tankelm qui lient une Hostie con-
sacrée et regarde d'un œil où règne un infernal dépit, le
restaurateur du culte de l'auguste Sacrement de l'autel à
Anvers. A gauche sont agenouillés d'autres Anversois, trois
hommes, deux femmes et trois enfants dont deux, placés
à l'avant-plan , présentent divers ornements d'églises et
quelques Hosties consacrées, sur une patène de vermeil.
Un groupe de spectateurs se tient dans le fond, etc.
Cette belle composition, transportée en France en 1794,
ne revit Anvers que vingt-un ans plus tard. Elle ornait
autrefois près de la chapelle du très-Saint Sacrement dans
l'église de l'abbaye de S'-Micliel , l'épitaphe de Nicolas
Snoeck et de sa femme Catherine Van Uytrecht. L'inscrip-
tion de ce monument nous a été communi({uée d\iprès Vori-
rjinal, par feu M. J.-B. Van der Straelen (3), l'un de nos
(1) Nous croj'ons inutile, après ce que nous avons dit à la page 160, de faire
rt'ssorlir combien à tort le catalogue qualifie de moines, les religieux qui
figurent dans ce tableau, et qui tous, y compris le S'-Norbcrl, sont des por-
traits. — Quant à loilicier laïque dont parle M. De Lact, nous pouvons lui
donner l'assurance que l'abbaye de S'-Miehel n'en avait pas à son service,
mais seulement des domestiques à gages. — L'abbé avait lui, un serviteur
spécialement attaché à sa personne et appelé en flamand kamerlinfj; il est
possible que C. De Vos ait placé ici le portrait de celui qui vivait en KlôO. —
Nous devons ces détails à une personne qui a très-bien connu nos chanoines
réguliers de la rue du Couvent et qui fréquentait souvent leur abbaye.
(2) Le Saint porte la crosse d'archevêque.
(3) M. J.-B. Van dcr Straelen a été lun des principaux collaborateurs de
\'Ouih topographie van Andverpen, ouvrage dont on parait s'obstiner depuis
— 188 —
plus consciencieux énidits. Elle était ainsi conçue, et prouve,
ce nous semble, victorieusement notre thèse :
D. G. M.
jEVITERNO deo
ET MAGNO A>TVERPI.E APOSTOLO SANCTO îfORBERTO,
CCI POST EXSmCTAM TAXCHELISI UERESIM (sic)
ASTVERPIESSES ABDITCJI I^' CISTIS ET FORAMIMBCS
PER X ALT XV A>SOS CORPtS DOSIIXICUM
COMPUJiCTI REFERUST :
AC BOS.E MEMORI.E XICOLAI SXOECK
QCl OBIIT XX. VU. OCTOB. M. D. C.V. Il
ET CATHARIN.B VkH UYTRECHT
Ol'.E DECESSIT X.X.III MART. .\'' M.D.C.XXX.
OPTIMORCM PARESTIM SIORUM
LIBERI ET U.ÏREDES MOESTI
P. P.
Le n" 241, représentant VAdoi-atmi des Mages, tableau
peint et signé par Corneille De ^'os, a été restitué à son
véritable auteur par M. De Laet. Cette composition portait
encore dans la Aotice de 1829, le nom de Simon De ^"os.
Elle provient de notre ancienne Cathédrale, où elle ornait
le monument de Guillaume Van 3Ieerbeeck, marchand de
cette ville, et de Barbe Kegelers, son épouse, aux environs
de l'autel des Arquebusiers. Les n^' 281 et 282 du catalogue
actuel , numéros mentionnés encore aujourd'hui comme
exécutés par Simon De Vos, et qui représentent ces époux,
accompagnés de leurs patrons, servaient de volets à cette
Adoration des Mages, laquelle était accompagnée de l'in-
scription suivante :
D. G. M
SEPCLTBRE VAX DEN EERSAMEJi
GtJILLIA» VA.N MEERBEECE
COOPMATf DESER STADT OVERLEDEN
DEN 27 OCTOBER 1652
quelque temp.s, à considérer comme seul auteur, le savant Willems. Nous
tenons cependant de très-bonne part, que le plus grand nombre des recher-
ches concernant les anciens noms de nos rues, ont été faites par deux de ses
collègues. — Cuique suum.
— 189 —
ESDE VAN DE EERBARE JÛfFVROlWE
BARBARA KEGELERS SYNE IILYSYli.
STERFT DEN IG MEERT A" 1630
BIDT VOOn DE SIELEN
Il est assez singulier que le n° 241 dépasse ses volets en
hauteur, mais cette singularité n'est pas unique au Musée.
La Cène, par Ambroisc Francken, le Vieux (n° 184), par
exemple, compte une hauteur de 2,75, tandis que ses volets,
les n"* 178 et 179, dont nous avons parlé, n'en atteignent
qu'une de 2,54.
Le n° 241 a été positivement reconnu en notre présence
par un contemporain de 1798, pour s'être trouvé à la place
assignée plus haut : cette personne ne se rappelait pas lui
avoir connu de volets, mais notre assertion à cet égard
repose sur l'affirmation écrite de feu notre savant concitoyen
M. Jean-Baptiste Van der Straelen, affirmation que nous
avons sous les yeux. Finalement le catalogue manuscrit de
l'an IX, d'accord en cela avec l'acte de vente du mobilier de
la Cathédrale, signale nos trois tableaux comme originaires
de cette église. Ce sont là, croyons-nous, des preuves pro-
pres à contenter les plus difficiles (i).
Nous n'avons aucune observation à faire valoir relative-
ment à la notice que jM. De Laet a consacrée à Gérard Zee-
gers, qui, d'après un registre de l'église de S'-Jacques, fut
enterré le 21 mars 1 651 , dans celle de l'abbaye de S'-Michel.
Papebrochius fixe la mort de cet artiste au 18 du même
mois (a).
La pitoyable Notice de 1829 a induit M. De Laet en
erreur relativement au sujet du n" 245, peint par Gérard
Zeegers et provenant de l'autel de la galerie à gauche de
(1) Ceci a été ajouté au texte en mars 1831. — Après avoir écrit ee qui
précède, nous avons acquis In preuve que les nos 28 1 et 282 ont été écourtés
sous une administration antérieure à celle d'aujourd'hui.
(2) Annales Anlvcrpicnscn, t. V, p. 43.
— 190 —
l'ancienne église de la Maison Professe des Jésuites, aujour-
d'hui la succursale de S'-CIiarles Borromée. Ce tableau
représente non pas S'-Stanislas de Kotska, mais S'-Louis
de Gonzague, héritier du marquisat de Castiglione, érigé
plus tard en principauté du S'-Empire romain, et qui, au
moment d'entrer dans la Compagnie de Jésus, cède à Alan-
toue le 2 novembre 1585, en présence de son père Ferdi-
nand, de sa mère Marthe de Tana Sautenia, de plusieurs
princes et princesses, les droits qu'il avait à la couronne
paternelle et les transporte à sou frère Rodolphe (i). Faisons
observer eu passant, qu'on ne s'explique guère la grande
affliction de la marquise de Castiglione, dans la composi-
tion de Zeegers, puisque l'histoire nous apprend que cette
bonne mère favorisa de tout son pouvoir la vocation de sou
bienheureux fils.
Le n" 247, peint par le même maître et qui représente
S^^-Claire en adoration devant f Enfant Jésus, ornait dans
notre ancienne Cathédrale, l'épitaphe de la famille Vits, qui
se trouvait dans la chapelle des Pelletiers. Le monument
portait l'inscription suivante :
DEO I5CARSAT0 SACRUM.
IN îfOVISSIMA TDBA IMMCTATIOiMS DIEM HIC EXSPECTAJiT
LACREXTICS VITS CIVIS BRCXELLESSIS
OBIIT 17 JAMARII A» 1695.
MARIA MOUTON EJDS UXOR
OBIIT 20 DIE JAXUARII 1689
R. D. FERDINAXDUS VITS H. E. C. CANONICUS
PRESBYTER ET PRIMUS ELECTUS CANTOR OBIIT 27 JULII 1715
ET BARBARA PHILIPPINA VITS DEO DEVOTA OBIIT 19 JULII 1691
MARIA ANNA VITS PR.ESCRIPTI CANONICI AUITA
OBIIT 5 SEPT. 1707
R. ADM. D. JOANNES DE WESE S. T. ET J. U. L.
CANONJCUS OFFICIALIS ARCDIPRESBYTER DEIN ARCHIDIACONUS,
OBIIT 50 SEPTEMBRIS 1678 ET QUIESCIT IN SUMMO CUORO.
LUX /ETEBNA LUCEAT EIS DOMINE
NE MORS TIBI SIT AMARA TE AD MORTEM SENE PARA.
(1) Conrad. Janningus S. J. Acla D. Aloysii Gonzagœ, juvcnis angelici.
AnlvcrpUr, MDCCVI. In-f». — Idem, Aela Sanctorutn, ad ^li^ junii.
— 191 —
Le frère Jésuite Daniel Zegers, ainsi que Papebrochius
en écrit le nom, naquit à Anvers en 1590, et y décéda dans
la Maison Professe de la Compagnie de Jésus, le 2 no-
vembre 1G6I. Jean Breughel de velours fut son maître,
comme le rapporte le catalogue; mais Rubens qui étoffa
plusieurs fois les tableaux du frère, ne fut point avare de
conseils à son égard. Papebrochius nous apprend que
Daniel, en reconnaissance des services que lui avait rendus
Corneille Schut, en peignant les flgures qui ornent quel-
ques-uns de ses chefs-d'œuvre, obtint de ses supérieurs
que cet artiste serait chargé d'exécuter pour le maître autel
de leur église, le Couronnement de la S^^-Vierge, magnifique
production qui, de nos jours, embellit encore ce temple. —
L'humble Daniel dont le peintre Jean Lievens avait retracé
les traits, à l'insu du modèle, quittait, nous dit son bio-
graphe, le noble exercice de la peinture, pour les travaux
les plus infimes des frères de la société, sans s'enorgueillir
aucunement de la faveur des princes (i).
Papebrochius rapporte ailleurs (2), que la Maison Pro-
fesse d'Anvers fut redevable à un tableau du frère Zegers,
de deux doigts de S'-Laurent, dont lui fit cadeau en 1658,
Frédéric-Guillaume, marquis de Brandebourg et électeur
du S'-Empire romain. Ces précieuses reliques exposées
encore aujourd'hui dans l'ancienne église de la Maison
Professe, sont annuellement honorées le 10 août, jour de
la fête du célèbre martyr. Le prince d'Orange, Frédéric-
Henri, avait reçu des Jésuites d'Anvers, au rapport de
Papebrochius, deux tableaux du frère Zegers, tandis que
le catalogue ne parle que d'un seul. Quant aux vastes pro-
priétés que la Société aurait possédées sur le territoire des
Provinces-Unies, Papebrochius n'en dit pas mot, ce qui
(1) Annales Anfverpienscs, t. V, p. 219-221.
(2) Op. cit., t. IV, p. 390-391.
— 192 —
n'étonnera point ceux qui savent que les Jésuites n'y comp-
taient guère que des stations de missions.
Le peintre Corneille Scliut, fils de Guillaume et de
Susanne Sclierville, appartenait à l'une de nos bonnes fa-
milles anversoises ; cet artiste avait épousé en premières
noces, Catherine Geensins, comme on peut s'en convaincre
au circuit méridional du chœur de l'église de S'-Jacques.
Anastasie Scelliers, mentionnée dans l'intéressante inscrip-
tion communiquée par M. De Laet, fut sa seconde femme.
(La suite à une prochaine livraison).
Théodore Y^^ Lerius.
193 —
ÉTUDES
SUR LE COMMERCE DE LA FLANDRE
Al' MOYEU -AGE (I).
Les Foire».
Pour peu que Ton se rende compte de la manière dont
se comporte une ville lors de sa formation, on voit que
tantôt elle nait d'un marché, tantôt ou contraire elle en
fait naitre, alors qu'elle existe à peine elle-même. Se ren-
contre-t-il, en effet, un lieu favorable à l'échange des pro-
duits, comme un confluent, l'endroit guéable d'une rivière,
l'entrée d'une vallée, les producteurs des environs ne tar-
dent pas à s'y réunir aux jours que l'usage établit bientôt;
les abris pour les hommes et pour les marchandises, pro-
visoires d'abord, deviennent permanents : le marché engen-
dre la ville. — S'agit-il, au contraire, d'une agglomération
d'hommes qui se forme à l'ombre d'un monastère ou d'un
puissant castel, son premier besoin est d'attirer les pro-
duits des alentours au sein de la ville naissante : la ville
engendre le marché. Ces marchés, du reste, utiles encore
de nous jours, étaient dans le haut moyen-àge d'autant
plus indispensables que presque tout le commerce devait
se faire par voie d'échange, par suite de la pénurie du
numéraire.
(l) C'est la troisième étude que nous publions : la première esl relative aux
étapes; la seconde au mouvement commercial de Bruges.
— 194 —
Les causes qui font naître, en un endroit quelconque, un
grand concours de peuple, c'est-à-dire un vaste débouché,
doivent influer, avec une eflicacité sans pareille, sur le
développement du marché. A cet égard Faction du chris-
tianisme fut des plus importantes : la foi était vive, et les
cérémonies religieuses produisaient sur un peuple encore
grossier une impression extraordinaire. Aussi les fêtes de
l'Eglise attiraient-elles une foule considérable; par suite, en
beaucoup d'endroits, le marché se tint le dimanche, et cet
usage était déjà tellement enraciné du temps de Charle-
magne que celui-ci ne put parvenir à le détruire (i). C'est
par ce motif que beaucoup de foires commencèrent soit un
jour de grande fête générale ou locale, soit le lendemain
de ce jour, et que plusieurs villes épiscopales devinrent
de grands marchés, par exemple en France : Rheims et
Troyes, Tricasses, Tricae, déjà fort fréquentés dans la pre-
mière moitié du V*" siècle (2); en Angleterre : Westminster,
York, Durham, Winchester, etc. L'on ne se contenta même
pas de profaner ainsi par le commerce les jours réservés au
Seigneur : les traflquants allèrent plus loin encore; ils dé-
posèrent leurs marchandises non-seulement dans les envi-
rons de l'église, non-seulement dans le portail ou le Nar-
thex, mais dans l'intérieur même du lieu saint (5). C'est
ainsi qu'à Ypres, à la foire de H27, plusieurs marchands
s'étaient établis dans l'église de S'-Pierre, m cathedra
S^'- Pétri (4). Il parait même qu'en beaucoup d'endroits le
clergé se prêtait de bonne grâce à cet usage, à cause du
grand rapport des droits de place : mais quand la discipline
devint plus rigoureuse et que la libéralité des seigneurs eut
assuré aux églises des revenus suffisants, les vendeurs furent
(1) Capit. I, 809, ch. 18.
(2) Sed. Apoll. Epist. ad S. Lupiim, 1. VI, cp. 4. — A» 427.
(3) Ht'LLMAN, Slâdteivcsen des mittelaUers, I, 286.
(4) AcUi Snncl. Mart. I, 185.
— 19o --
de nouveau chassés du temple. Toutefois, la convenance
du lieu ne sutïîsait pas pour rétablissement d'un marché :
il fallait en outre une institution seisneuriale; car le droit
de marché se trouvait au nombre des droits de banalité
compétents au propriétaire allodial d'une villa: avant l'épo-
que des chartes de liberté et de commune, les serfs et les
colons devaient se nourrir du produit de leur exploitation
et rapporter l'excédant à la scuria, fjrania, spicarium du
propriétaire de la villa : si, par hasard ils ne récoltaient
pas assez pour nourrir tous les individus attachés à
leur exploitation, la villa leur fournissait des provisions,
provenda (i). Permettre à ces colons de se réunir en un
endroit donné pour y trafiquer entre eux d'une partie de
l'excédant de leurs productions, c'était donc de la part du
propriétaire de la villa une concession, un premier acte
d'affranchissement, et cette concession, il était libre de la
faire sous telles conditions qui lui paraissaient convenables.
De là ces redevances, ces droits de place payés d'abord au
seigneur, puis à la ville, quand par rachat ou de toute
autre manière, elle avait obtenu qu'il lui abandonnât ses
prétentions.
Plusieurs localités, en Flandre, obtinrent au X'= siècle le
droit de marché (-2); mais il ne nous a pas été donné jus-
qu'ici de savoir à quelle époque on a commencé à y con-
céder des foires, c'est-à-dire des marchés où non-seulement
les colons pouvaient échanger les objets produits sur la
terre du seigneur dont ils relevaient, mais où il était libre,
même aux personnes étrangères à la villa, d'offrir en vente
toute espèce de marchandises. Quoique la plus ancienne
ordonnance qui nous soit parvenue sur cette matière ne
date que de 12o0 (3), nous trouvons cependant dès le
(1) Raepsaet, analyse 267.
(2) Meyer, ad an. 958.
(3) Comte de SAl^T-GE^■ols, Mon. une, liiT .
— 196 ~
XI' siècle une foire à Thourout, au XIP il en existait à
Messines, à Ypres, à Poperinghe, à Bruges, et en classant
d'après la date de leur institution les vingt-huit foires dont
l'origine nous est connue, on voit qu'il en a été fondé par
Robert le Frison (1071-1095) 1
Philippe d'Alsace (1168-1191) 1
Baudouin IX (11 94-1200) 1
Marguerite de Conslantinople (1244-1280) .... 4
Gui de Dampierre (1280-1305) 3
Louis de Nevers (1522-1346) 1
Philippe de Valois (1528-1550) 1
Louis de Malc (1546-1584) 4
Philippe le Hardi (1584-1405) 2
Jean sans Peur (1405-1419) 2
Philippe le Bon (1419-1467) 2
Charles le Téméraire (1467-1477) 2
Philippe le Beau (1494-1506) 1
Charles-Quint (1506-1 555). 2
Philippe II (1555-1598) _!_
28
Il est à remarquer du reste, que beaucoup de foires n'ont
pu trouver place dans ce tableau, parce que nous n'avons
pas découvert l'époque précise de leur institution, proba-
blement à cause de leur ancienneté même; telle est, par
exemple, celle de Gand. D'ailleurs la plupart de nos loca-
lités, de fort insignifiantes même, jouissaient de foires long-
temps avant qu'il en fût établi dans les grandes villes voi-
sines de la Flandre; c'est ainsi que celle de Malines ne
date que de 1409, celle d'Anvers de 1415, celle de
Bruxelles enfin de 1487.
Nous allons maintenant faire l'énumération des foires
qui, au XVII" siècle, existaient dans les diverses communes
de la Flandre ainsi que dans quelques villes voisines par-
— 197 —
ticiilièrement en relation avec celte province, en réunis-
sant ce que nous avons trouvé sur l'origine, le développe-
ment et les privilèges de chacune de ces foires. Toutefois,
nous donnerons d'abord l'analyse de la charte par laquelle
Dagobert établit, en l'année G50, une foire à S'-Denis près
de Paris (i), « Le roi fait savoir qu'il a fondé en l'honneur
de notre Seigneur et de S*-Denis une foire, qui tous les ans
devra commencer le 7 des Ides d'octobre et à laquelle seront
admis tous les marchands français et étrangers; qu'afin de
laisser à ceux de la Lombardie, de l'Espagne, de la Pro-
vence et des autres contrées éloignées le temps de s'y ren-
dre, cette foire durera quatre semaines, époque pendant
laquelle il sera défendu à tout marchand de trafiquer en
aucun lieu du propagus Parisiacus autre que S'-Denis.
Enfin le roi déclare donner à S'-Denis tout ce que rappor-
teront, dans cette ville pendant la durée de la foire, les
droits suivants : telonhim, navigium, ptortaticum, ripati-
cum, rotaticum, vultaticum, themonaticum, cespitatkiun,
piUveraticum, foraticurn, mestaticum, laudaticum, sauma-
ticum, salutatkum. » — Tous ces droits pesaient sur le
commerce.
Alost avait une foire annuelle en octobre (2); (aujour-
d'hui un marché annuel le 2'^ samedi d'octobre et une foire
de huit jours le premier dimanche de juillet).
Anvers. — Un diplôme de l'empereur Sigismond, en date
du 15 janvier 1415, établit à Anvers deux foires privili-
giées, l'une après la Pentecôte, l'autre au mois d'août (0).
Elles existent encore toutes deux et se tiennent : l'une, la
petite foire, le lundi avant la Pentecôte; l'autre, la grande
foire, le dernier lundi d'août; chacune d'elles dure vingt-
Ci) M1R.EUS, Op. dipL, l, 241.
(2) Marcii., 53.
(5) J.-B. GnAM., Anlc, U.
— 198 —
neuf jours. L'évéque de Canibray, Jean de Bourgogne, fils
naturel du duc Jean I, permit en 1448 d'ériger à chaque
foire, pendant quinze jours, des échoppes dans le cimetière
sous condition toutefois, que les marchands n'y pourraient
coucher, afin de ne point polluer le lieu sacré. Toutefois,
cette permission dût être bientôt retirée, malgré le grand
profit que l'église retirait de la location des échoppes : le
tumulte qui résultait d'une aussi grande agglomération de
gens, ne permettait pas aux prêtres de remplir convena-
blement leur ministère, et il en était résulté les plus dé-
plorables abus. Aussi une ordonnance intervint-elle qui
stipula 1° que les échoppes des marchands ne pourraient
plus être établies dans le cimetière; 2" qu'en compensation
de la perte qu'éprouvait par suite la fabrique de l'église,
le prince lui abandonnait sa part dans l'escalin payé par
chaque échoppe; 5° que l'Amptman qui recevait pour cha-
que échoppe une livre de Brabaut, était obligé, moyennant
cette rétribution, de veiller jour et nuit à leur garde. Quant
à l'escalin dont il vient d'être question, la ville avait droit
à un douzième, l'église et le prince chacun à la moitié des
onze douzièmes restants; c'est cette moitié que le prince
donna également à l'église (i).
La franchise de la foire de Pentecôte fut violée eu 1470,
par le duc Charles le Téméraire, qui y fit arrêter plusieurs
marchands français et tournaisieus ; la ville s'en plaignit
amèrement; aussi le duc lui fit-il remettre, le 14 juin de
cette année, un rescrit signé de sa main, dans lequel il
cherchait à s'excuser, en disant que ces arrestations avaient
été nécessitées par la politique générale; il promettait du
reste formellement que pareille chose ne se répéterait plus
à l'avenir (a).
(1) Dan. PATEon., Auii. Aulv., I, tô6.
(2)Ibid. M, lUi.
— 199 —
Voici quelques détails sur les foires d'Anvers à la lin du
XM" siècle. PendaiU la durée de la franchise, chacun pou-
vait venir à Anvers et y demeurer, puis s'en retourner
chez soi avec ses hiens et marchandises, en pleine sé-
curité, sans devoir craindre d'être inquiété pour aucune
espèce de dettes pendant tout son voyage. La foire de Pen-
tecôte commençait quinze jours avant cette fête : celle du
mois d'août, dite de S'-Remi ou S*-Bavon, le second diman-
che après la fêle de Notre-Dame. — L'une et l'autre du-
raient six semaines, y compris les quinze jours de prolon-
gation reçus par la coutume. Le paiement des changes et
des dépôts faits en foire avaient lieu, pour la première, le
10 août, pour la seconde, le 10 novembre, à moins que ces
paiements ne fussent retardés par le prince, soit pour sa
propre commodité, soit pour celle des marchands. Le paie-
ment des marchandises achetées en foire, se faisait un mois
plus tard.
Il y avait aussi à Anvers deux foires aux chevaux, dont
l'une se tenait aux Quatre-Temps de Pentecôte et durait
trois jours, l'autre, le mercredi après la Nativité de la
S'^-Vierge (8 septembre) : celle-là a lieu encore le mênîe
jour, mais celle-ci a été transportée au mercredi des Quatre-
Temps de septembre : on y amenait une quantité considé-
rable de chevaux de tous les pays, même du Danemarck;
le prince avait le droit de faire le premier choix, puis
c'était aux seigneurs de la ville à se pourvoir; alors seule-
ment, les marchands étaient libres de vendre à tout le
monde. Immédiatement après les foires aux chevaux, ve-
naient celles pour les cuirs de toute espèce de bêtes, secs,
eras et salés; cette vente-là durait encore deux ou trois
jours (i).
Ardenbourg. — Le 11 août 1208, Marguerite donna
(1) Giicii., 129.
— 200 —
aux habitants de cette ville une foire franche, qui com-
mençait le lendemain de la Trinité et durait quinze jours,
plus quatre jours pour les paiements selon l'usage de la
foire de Lille (i). Pour favoriser cette foire, le comte Gui
écrivit, en 1289, aux échevins des villes de Gand, Ypres,
Douai, Poperinghe, Bailleul, Grammont, Alost et Aude-
narde pour leur faire connaître les privilèges dont Ar-
denbourg jouissait et les prier d'engager les marchands de
draps à s'y rendre. Les trois premiers jours, dit-il, sont
consacrés à la vente des chevaux et les autres à celle des
draps (2). Elle a lieu encore le même jour. D'après Gra-
maye, Ardenbourg, qu'on nommait alors Roodenbourg,
jouissait du droit de marché dès QiS (3).
Armentières. — Le 9 mai il s'y tenait une foire, concé-
dée par Jean sans Peur en 1413 (4).
AuDENARDE, — Uuc foirc, nou privilégiée, après l'As-
cension (actuellement huit jours après cette fête), et une
autre établie par Louis de Maie en 1569, laquelle jouissait
de l'immunité d'arrêt (3).
Axel. — Annuellement deux foires : l'une en août,
l'autre en octobre (0). Actuellement le 1" de ce mois.
Bailleul. — En septembre, une foire spécialement re-
nommée pour les draps (7).
Bergue-S'-Winnoc. — Vers la fête de S'-Luc (18 oc-
tobre), une foire privilégiée durant neuf jours. Quatre
autres, non privilégiées, s'y tenaient, l'une pendant l'octave
de Pâques, l'autre, le surlendemain des Rameaux, la troi-
(1) 3fon. anciens, 617. — Warivk. FI. rechtsgcseh., ô, iirk. CXLII.
(2) Warnk., 5, p. ôS.
(5) Anl. Fland., lIC).
(/|.)March., 16.".
(5) SA^o., FI. m., m, 2G9.
(6)Marcii.,75.
(7) GuicH., Irad. de Rellcforest, p. 388.
— 201 —
sièine, au milieu du mois d'août, et la quatrième, le 3 no-
vembre (i).
BiERVLiET. — En juin, une foire assez fréquentée (2).
BouuBOURG avait une foire en juin, et une autre en sep-
tembre (5).
Bruges. — Baudouin le Jeune accorda à Bruges, en 958,
le droit de marché; mais le plus ancien privilège de foire
proprement dite, émane de Baudouin IX et date du mois
d'août 1200. Cette foire devait commencer le second jour
après roctave de Pâques, avoir la même durée que toutes
les foires de Flandre, enQn être réglée en toutes choses
d'après les usages observés à Thourout (4). Plus tard, il
se tint dans cette ville une autre foire au mois de jan-
vier (b). Toutes deux reçurent, à divers intervalles, de larges
privilèges. Chacun sait, du j*este, que fréquentée pendant
l'année entière par des marchands venus de tous les pays
du monde, Bruges jouissait d'une espèce de foire perpé-
tuelle. Un rôle fort curieux, conservé à la Bibliothèque
royale de France, fait connaître quels étaient, au XIll'' et
XIV*^ siècles, les pays dont les produits arrivaient à Bruges.
Publié pour la première fois par Legrand d'Aussy, dans ses
(1) GnAM., Ah/. FL, 149.
(2) M ARC II., ûO.
(5) Gram., 154.
(4) Warsk., fi. rcchfsgesrh., II, urk. n» 46. — Dans son Histoire de Flan-
dre, t. II, p. 500, note 4, M. Kervyn de Lctleuhove dit que la foire aux draps
se tenait à Bruges le jour de S'-Donat : il s'autorise d'un passage extrait de
la charte de donation de Thomas h Tabbaye de Clairvaix, mai 1259 [Thés,
anccd., I, 1011), le comte dit entre autres qu'il donne 50 livres, monnaie de
Flandre à prendre m peeunia quae nobis singidis annis debelur in hala Bru-
gensi, in qud paiini venduntur, die SU Donaliani quae est pridie Idtts octobris.
Comme nous n'avons trouvé nulle part ailleurs mention de celte foire spé-
ciale, nous croyons que la phrase die Sli Donaliani se rapporte à l'époque du
paiement et qu"il s'agit ici, non pas d'un droit de foire, mais d"un droit sur
la halle aux draps.
(3) Gram., 95.
■— 202 —
Fabliaux, il a été ensuite réimprimé dans les Proveriies et
dictons populaires de Crapelet, et reproduit par M. Ghel-
dolf (trad. de Warnkœnig), II, p. 512, et par M. Kervyn,
II, p. 500. — La foire de Bruges se tient à présent le 5 mai
et dure quinze jours.
Bruxelles. — Le privilège de foire franche ne lui fut
accordé quen 1487; de sorte que, avant ce temps, ses
habitants étaient obligés de se transporter avec leurs mar-
chandises, dans les villes étrangères (i).
Cassel obtint comme Bruges le droit de marché en
958 (2). Gui de Dampierre ayant accordé à cette ville
une foire franche qui commençait le samedi après Pente-
côte et durait jusqu'au mercredi suivant, les échevins de
Cassel déclarèrent par lettres de 1279, que si par suite le
produit du tonlieu venait à diminuer, la communauté in-
demniserait de ce chef le comte de Flandre (3). — Ce pri-
vilège fut confirmé par Philippe le Bon en 1425 (4).
CoMMiNES. — Une foire en octobre (b).
CoLRTRM fut aussi une des villes auxquelles Baudouin
le Jeune accorda, en 958, le droit de marché. — Une
foire aux chevaux, durant trois jours à partir du dimanche
avant la S'-Laureut (10 août), lui fut donnée en 1565 par
Louis de Maie, et transportée par Jean sans Peur au lende-
main de la S'-Barthélemy (25 août). En outre, Charles-
Quint concéda à cette ville, en 1550, une foire de huit jours,
à tenir vers les Pâques (c). Ces deux foires existent encore :
la première, durant laquelle la vente n'est plus limitée aux
(1) Veiiiioeven, Métn. cour, en 1777, p. ->/>.
(2) Meyer, 18 y".
(3) Monuments anciens, p. CCS.
(i) GRXM.,Ant. FI., 186.
(5) Marcii., p. 165.
(6) Cir.AM.. p. 60.
— 203 —
chevaux, mais s'étend à toute espèce de marchandises, com-
mence le mercredi après Pâques et dure quinze jours :
l'autre, le 21 août, et en dure quatorze.
Damme, — Foire annuelle en mai (i).
Dey\ze. — Le comte Gui confirma le privilège d'un
marché hebdomadaire dont celte ville jouissait depuis long-
temps : il lui accorda en outre un foire annuelle, devant
s'ouvrir tous les ans à la S'-Luc (18 octobre); plus tard
elle fut fixée au jour suivant (2), et elle se tient maintenant
le 24? octobre. — A la prière de Gautier de Nevele, sei-
gneur de Deynze, Gui confirma aussi aux habitants de cette
ville la foire qui se tenait à Peteghem le mardi après Pâques
closes : elle est fixée mamtenant au jour suivant.
Ces deux foires jouissaient de toute espèce de privilèges :
elles étaient libres, à manuuiti injectione et arrestis (3),
c'est-à-dire qu'on n'y pouvait arrêter personne, sinon pour
crimes exceptionnels.
DixMUDE jouissait d'une foire franche de trois jours,
les 21, 22 et 25 juillet, qui lui avait été accordée par Jean
sans Peur au mois de mai 1403. Charles-Quint, par ses
lettres de 1519, autorisa la ville à tenir comme de coutume
une foire franche de trois jours et défendit de molester,
arrêter ou détenir les marchands, sept jours avant et sept
jours après ladite foire : par d'autres lettres de la même
année, confirmées en 1618 par Albert et Isabelle, il donna
sauf-conduit à tous les marchands qui voulaient se rendre
à la foire de Dixmude, commençant la veille de la fête de
S"^'-]Marie-Madelaine (t)- La foire de Dixmude se tient ac-
tuellement le troisième dimanche de juillet et dure dix jours.
(1) MAncii., p. 55.
(2) Sa>d., III, 47.
(3) Ibid.
(i) Arch. de Dixni. — Ami. de la Soc d'émul. de Briigos, t. IV.
— 20i —
Douai. — En 126o, Marguerite de Conslantiiiople accorda
à cette ville une foire franche annuelle. Elle commençait le
dimanche avant l'Ascension et durait jusqu'à la veille de la
Pentecôte inclusivement : le jour de la Pentecôte commen-
çaient les paiements, qui se prolongeaient jusqu'à l'octave
de la Trinité inclusivement; on y suivait les usages et cou-
tumes de la ville de Lille. Les comtes de Flandre avaient
droit à la moitié de toutes les accises, tels que tonlieux,
droits d'issue, de place, de pesage, qui étaient prélevées
pendant la foire : l'autre moitié appartenait aux échevins et
à la ville de Douai : quant au revenu des halles de la ville,
les échevins avaient en tout temps le droit de les percevoir;
mais ceux-ci ne pouvaient forcer aucun forain à s'établir
dans les halles (i). Tous ceux qui se rendaient à cette foire
jouissaient du privilège de sauf-conduit (2).
Par suite du traité conclu à Paris en 1520, Lille, Douai
et Orchies restèrent définitivement à la France, qui ne les
restitua au comte de Flandre qu'en loG9 : pendant qu'elle
appartenait ainsi à la France, Douai obtint de Philippe de
Valois, en 154-6, la concession d'une foire de trois jours qui
devait commencer le 1" octobre, et emportait également
privilège de sauf-conduit (3). La foire du l'^'" octobre dure
actuellement neuf jours. Il s'y tient en outre une foire qui
commence le 1" juin et dure huit jours.
Éterre avait des foires annuelles , aux fêtes de la
S"'-Madelaine et de S'-Crispin : elles jouissaient de quinze
jours de franchise (4).
FuRNE. — Une foire commençant à la S'-Jacques (23 juillet)
y fut établie en lo9G, et gratifiée de l'immunité d'arrêts le
(1) Comte DE Saim-Genois, Mon. a)ic., 605.
(2) BuzEL., A7in. G. F. 291, D,
(3) Ibid. 345.
(4) Gramayk, Ant. FI., 1!»1.
— 203 —
25 septembre 15'21. Dans les temps anciens on y vendait
principalement des draps : mais au XVII«= siècle, on n'y
voyait guère plus que des céréales et des bestiaux. Cepen-
dant, à celle époque, il se tenait dans cette ville deux autres
foires aux bestiaux beaucoup plus renommées que celles de
la S'-Jacques; établies en lo9o, elles avaient lieu, Tune pour
le bétail maigre, le mercredi avant les Rameaux, l'autre
pour le bétail gras, au mois d'octobre (i). — • Actuellement
Furne jouit de trois foires, qui durent chacune huit jours :
une, le mercredi avant le dimanche des Rameaux; la se-
conde, le premier mercredi de mai, et la troisième, le pre-
mier mercredi d'octobre.
Gand. — Il est assez étrange que là où les annales ont
conservé la date de l'inslilution des foires dans plusieurs
bourgs d'une importance fort secondaire, elles soient com-
plètement muettes à cet égard pour ce qui concerne la ville
de Gand. Comme les archives de celle-ci ne fournissent
également aucun document ancien sur cette matière, il est à
supposer que le premier litre de concession aura été égaré
ou détruit à une époque fort reculée. Sauderus dit (2) que
généralement on en attribue l'établissement à Arnould :
mais nous ne possédons aucune pièce qui confirme cette
tradition, assez peu probable du reste. Quoiqu'il en soit,
les foires de Gand présentent celle particularité, que dans
le principe on ne les concéda que pour un temps déterminé.
Ce fut là probablement une politique suivie par les comtes,
afin de forcer la ville à payer chèrement chaque renouvel-
lement du privilège, et plus forte était la soFiime accordée,
plus long élail, sans doute, le lerme de la concession,
Le plus ancien octroi de foire dont il soil fait mention
dans les archives de cette ville, est celui du 9 juillet 1455.
(1) Gram.. Aul. FI., 14/».
iT: I. i:iS.
— Î06 —
— A la suile de la trop mémorable bataille de Gavre, les
Gantois s'obligèrent à payer au duc, en sept ans, une somme
de 250,000 nWers d'or (i); dès 1455, ils obtinrent la remise
d'une partie de cette somme, et l'autorisation de contracter
un emprunt pour effectuer les paiements qui leur incom-
baient encore. C'est en accordant ces faveurs au magistrat
que Philippe le Bon dit entre autres :
« Nous pour nous et nos hoirs et successeurs, contes et
» contesses de Flandre, auons à iceux exposans prolongé et
» prolongons le temps des assis, imposts et maletoltes mis
» sus et imposez en nostre dicte ville de Gand et aussi le
» temps des deux foires ou franches festes que leur auons
» octroiées estre tenues par chascun an en nostre dicte ville,
» l'une audict jour de Mi-Garème, et l'autre audict jour de
» saint Pierre (premier jour daoust), à durer icelles foires
» chascune par quinze jours, trois jours deuant et trois
» jours après, jusques à trente ans prouchains et entre-
» suiiians, commençans audict jour de mi-aoust prouchain
» venant, pour joyr par lesdicts exposans, lesdicts assis,
» aydes, imposts et maletoltes, ledict temps de trente ans
» et desdictes foires, dont la première a esté tenue à Mi-
» Carême dernier passé trois jours auant et trois jours
» après le temps d'icelles foires, et les deniers qui vicn-
» dront desdicts assis, imposts et maletoltes conuerlir et
» emploier au paiement des rentes et pensions viagères,
» qui seront ainsi vendues et dont nostre ville sera chargée
» chascun an et es autres affaires d'icelle nostre ville et non
» ailleurs : et lesquels assis etc., lesdicts exposans pour le
» relieuement et descharge du peuple de nostre dicte ville et
» des marchands pourront modérer et diminuer durant le-
» dict temps de trente ans, ainsi et quand bon leur sem-
>) blera pour le prouffit d'icelle nostre ville, et sans auoir
(I) KERVY^ i)F, Li:tt., IV, p. îî)7i.
— 207 —
» de nous licence ou pouuoir, pour ce faire autre que ces
» présentes. Et voulons en outre et octroions de nostre dicte
» grâce, que les habitants de nostre dicte ville de Gand et
» les marchands et autres gens qui hanteront et fréquente-
» ront lesdictes foires et franches festes joyssenl paisible-
» ment en alant, demourant et retournant, ensemble leurs
» biens, denrées et marchandises, durant le temps de la-
» dicte prolongation, des privilèges, sauf-conduits, seurtés,
» franchises et libertés ainsi et par la forme et manière que
» nos lettres octroiées auxdicts exposants sur Toctroy que
» leur allons fait desdictes foires pour le temps et terme
» de sept ans le contiennent : et lesquels priuiléges, sauf-
» conduits, franchises et libertés, nous prolongons et leur
» donnons et octroions pour ledict temps de trente ans
» que lesdictes foires ont à durer pour nostre octroy comme
» dict est.
» Et par considération dudict paiement que nous doiuent
» faire lesdicts exposants audict jour de mi-aoust prouchain
» venant, nous leur auons pour et au nom de ladicte ville
» donné remise et quittance, donnons, quittons et remet-
» tons de nostre dicte grâce, la quarte partie desdict assis,
» aydes, imposls et maletoltes, que auons par nos autres
» lettres réservé à nous sur toutes denrées, vivres et mar-
» chandises durant le temps desdictes foires, trois jours de-
» vant et trois jours après; pour ladicte quarte partie joyr
» et user par lesdicts exposans et estre leuée à leur prouffit
» ensemble et pareillement corne ils joyssent des autres trois
» parties d'iceulx assis, imposts, aydes et maletoltes (i). «
Ce fut seulement par un octroi du mois de décem-
bre 1497 que Gand obtint à titre perpétuel la concession
d'une foire. Philippe le Beau prenant en considération que,
par suite des guerres et divisions qui longtemps avaient
(I) Arch. (le lii ville ,1c c;and, Kcgistrc C, p. 90 sq.
— 2U8 —
régné en son comté de Flandre, la ville de Gand était
dépeuplée de gens, rendue comme « vague, déserte et in-
» habitée » et se trouvait en outre, accablée par des dettes
auxquelles toutes ses ressources ne pouvaient suffire, de
telle sorte qu'elle devait, « de jour en jour, plus ameurir,
■B et par de fin, écheoier en entière ruine et désolation, si
» par sa grâce elle n'était secourue, » accéda aux humbles
supplications de ses bien-aimés les échevins et habitants, et
permit pour leur venir en aide, qu'ils tinssent perpétuelle-
ment chaque année une foire et franche fête, durant l'es-
pace de quinze jours, c'est-à-dire depuis le jeudi après
Oculi jusqu'au jeudi après Judka, inclus. — Par cet oc-
troi que la ville de Gand avait sollicité comme un moyen
de rétablir ses finances, la prise de corps et le droit de
saisie, se trouvaient suspendus durant tout le temps de
la foire en faveur des marchands, facteurs, leurs gens ou
serviteurs, fussent-ils même ennemis du comte, bannis ou
fugitifs : tous étaient autorisés à venir, séjourner et re-
tourner, sans que leurs biens puissent être pris, saisis,
arrêtés ou autrement emj)échés, pour aucune espèce de
dettes, excepté celles contractées envers le comte ou du-
rant la foire même.
L'abbaye de S'-Pierre avait une foire spéciale qui se te-
nait sur la montagne platte (den platten berg), pendant la
kermesse de la paroisse; le prévôt y levait des droits sur
la toile ainsi que sur les porcs, les bœufs, les moutons
et autres bestiaux : ces droits sont mentionnés dans un
compte de 1458, reposant aux archives de la Flandre
orientale. Dans un ancien cartulaire de cette abbaye, on
trouve l'ordonnance suivante :
Tonlieu dû à la kermesse de S*-Pierre.
« Nous ordonnons de par le prévôt, le bailli et les éche-
vins qu'à la kermesse tout le monde puisse librement et
paisiblement vendre et acheter, aller et venir sans crainte
— 209 —
d'être arrêté pour dettes : que les marchands acquittent
scrupuleusement les droits dus, et que les préposés n'exi-
gent pas au-delà, sous peine pour les uns comme pour les
autres de 3 livres parisis d'amende, et en outre pour les
premiers, de confiscation de la marchandise fraudée : que
tous ceux qui vendent de la boisson donnent exactement
la mesure, sous peine d'un amende de 20 esc. par. et de
confiscation de la boisson. » — Vient ensuite le tarif des
droits dus, et au moment où la marchandise est amenée
sur l'emplacement de la foire, et au moment où elle est
vendue, ainsi que celui des droits de place pour les
échoppes (i).
Nous ne mentionnerons que pour mémoire la petite foire
dite potjens markt, où l'on ne vend que de la poterie et
qui, depuis une époque, fort reculée se tient sur la mon-
tagne de S'-Pierre, le jour de la Madeleine.
Pour ce qui est de la foire aux chevaux, elle a lieu d'an-
cienne date le lundi après le 9 mai, jour qui était jadis celui
de la kermesse de S'-Bavon : elle se tenait au W" siècle
sur un terrain relevant de la cour féodale de S'-Bavon, et
situé vis-à-vis de l'ancien cimetière de l'église S'-Sauveur; il
était dû douze deniers parisis pour chaque cheval qu'on y
attachait aux poteaux (2), mais lorsque Charles-Quint eut
fait construire la citadelle, les circonstances ne permirent
plus qu'on tint ce marché au même endroit : en looo, le
chapitre voulut l'établir au-delà des limites où l'on percevait
les accises de la ville; les échevins s'y opposèrent : mais
il semble que les difficultés furent applanies par transaction,
et dés lors la foire eut lieu comme actuellement, non loin
de la montagne de S'-Amand (3).
(1) DiER., Mém. sur la ville de Gand, H, 372.
(2) Regislre du fief de. la cour féodale de S'-Bavon renouvelé en I 491 , p. ^4.
— Arch, dclal'i. Or.
(S) DiEnicx, .Vp»i. sur la ville de Gand, 11, -411).
— 210 —
GiiisTELLEs. — Outre un marché permanent de serge
(sayette) , Cliarles-Quint y établit une foire annuelle en
novembre (i). De nos jours, le 9 de ce mois.
Hazebroek avait une foire en juin (2).
Ho.NDScHOOTE. — Sa foire commençait le premier ven-
dredi après la Pentecôte; on lui accorda en lool trois jours
de liberté d'arrêt (0).
HuLST avait deux foires annuelles, en mai et en août (4).
Lille avait le lendemain de la Décollation S'-Jean
(50 août) une foire très-suivie; elle durait cinq jours, pen-
dant lesquels il était permis à tous ceux qui avaient fait
des dettes ou commis des crimes d'entrer librement en
ville (o). Elle se tient encore à la même date, et dure neuf
jours.
La foire de Lille était déjà fort renommée dans la seconde
moitié du XIIP siècle. Les marchands de Castille, d'Espa-
gne, de Portugal, d'Arragon, de Navarre, de Catalogne, de
Gascogne et de Cahors, qui la fréquentaient, adressèrent à
la comtesse Marguerite une plainte dans laquelle ils articu-
laient quatre griefs différents :
1" Qu'on exigeait pour droit d'issue quatre deniers par
balle, quel qu'en était le nombre chargé sur le même charriot.
2" Qu'on exigeait le droit d'issue de toutes les marchan-
dises qu'on ramenait de la foire, et qui n'y avaient été ni
achetées ni vendues.
3" Que lorsqu'un paquet de draps n'était pas fermé, on
exigeait pour chaque pièce deux deniers.
4° Que des draps qui étaient achetés dans la ville on
(1)Gram., Ant. FI., 123.
(2)MAiicn., p. 93.
(3) Gram., 160.
(4) Reiffesberg, .)/«/». sur le commerce au XV^ cl A'V'/c siècle, p. 59.
(î»)BczEL,. GalloFlaml., 14.
— 211 —
exigeait le droit d'issue alors que les marchands avaieiif
déjà payé dans la ville quatre deniers par pièce.
Statuant sur ces réclamations, la comtesse répondit au
mois de mai 1270, que par considération pour les mar-
chands, elle avait décidé relativement à ces griefs de la ma-
nière suivante :
1" Que les marchands pourront mettre sur un char autant
de draps qu'ils voudront, et qu'ils paieront ensuite pour
droit d'issue, huit deniers pour un charriot et quatre deniers
pour une charrette, n'importe la quantité de draps dont ils
seront chargés.
2" Que toutes les marchandises amenées à la foire de
Lille et qui n'y auront pas été vendues pourront être rame-
nées à Bruges sans payer d'issue, mais que si on les con-
duit ailleurs, il sera dû huit deniers par charriot et quatre
deniers par charrette.
0° Que relativement à un paquet de draps non fermé, il
sera dû deux deniers par pièce de draps.
i° Qu'ils devront continuer à payer quatre deniers pour
les draps achetés dans la ville de Lille, hors du temps de
la foire (i).
L'année d'après, Marguerite institua une foire franche
pour les chevaux et toute espèce de bétail; celle-ci com-
mençait le lundi après la quinzaine de Pentecôte et durait
cinq jours. Un sauf-conduit général couvrait toutes les
personnes qui se trouvaient eu ce moment dans la ville ou
dans les faubourgs. On en exceptait seulement les bannis
et les gens qui s'étaient rendus coupables de laids faicts{-2).
Philippe le Bel, envieux, comme les rois de France le
furent toujours, de la prospérité des Flamands, cherchait
à les brouiller avec leur comte. Sous prétexte de la guerre
(J) \Var>k., fi. rechtsg., \\\, urk. CCL.
(2) Comlc DE Saist-Gesois, Mon. une, 655.
— 212 —
qu'il venait crentreprendre contre les xAnglais, il exigea que
celui-ci levât sur ses sujets un impôt extraordinaire du cin-
quantième denier sur tous les biens meubles et immeubles
de la Flandre sous la couronne et lui en remît la moitié. On
murmura contre cette taxe; mais Gui voulut Texiger par
la force; alors diverses villes recoururent à Philippe lui-
même, l'auteur de tous ces troubles. Douai lui offrit de
racheter l'impôt, moyennant 7000 livres. Lille, moyennant
6000. Le roi ne demandait pas mieux; il accepta ces som-
mes et prit ces villes sous sa protection; ainsi, tout en
soulevant les sujets contre leur souverain, il enchaînait
l'autorité du souverain sur ses sujets : c'est dans ces cir-
constances qu'il accorda aux Lillois, en 1296, un privilège
portant que pendant tout le temps que dureraient leurs foi-
res, huit jours avant et huit jours après, il serait libre à
chacun de se rendre à Lille avec toute espèce de biens et
d'en sortir, sans pouvoir être molesté pour dettes (i). Outre
ces foires, Lille possédait encore deux marchés hebdoma-
daires, le mercredi et le samedi; mais le premier était le
plus suivi (2).
Loo. — Une foire commençant le 8 octobre, à laquelle
on accorda, en 1446, trois jours de franchise, et un jour de
plus eu 1430 (3).
Malines. — Sa foire fut instituée en 1409 (4); le 20 dé-
cembre de cette année, Jean sans Peur accorda un sauf-
conduit général à tous les marchands qui voudraient s'y
rendre («).
Menin. — La foire de cette ville, établie en 15S1 par
Louis de Maie, commençait le 18 octobre et durait trois
(1) BuzEL., Ann. Gallo Fland., 303.
(2) BuzEi.., Gallo Fland., \i.
(3) Gram., Ant. FI., 133
(i) VERHOEVE^, p. 72.
(5) Lambin, Tyrlrck. Ujsl vun ouuifg. Jwndv. van Yprc. p. 33.
- 2Iâ —
jours (i). Elle a lieu encore à la même ilale; mais, ainsi
que la foire d'été qui commence le 24 juin, elle se prolonge
pendant neuf jours.
Messines. — La foire qui s'y tenait le 14 octobre a dû
être instituée à une époque bien reculée, puisque, déjà
en 1158, Tbierry d'Alsace lui accordait trois jours de pro-
longation (2). Elle était jadis tellement suivie qu'en 1.318 le
droit de quatre deniers par pièce de drap mise en vente,
produisit 646 florins (0).
MuDE jouissait d'une foire au commencement du prin-
temps et d'une autre au commencement de l'automne;
dès 1241 on y avait établi un marcbé bebdomadaire (4).
NiEUPOUT. — Louis de Maie accorda à cette ville, en 1564,
une foire de neuf jours, qui se tenait à la S'-Micbel (29 sep-
tembre) (s). Elle existe encore, commence le même jour et
a la même durée.
Maximilien, pour récompenser iNieuport d'avoir repoussé
les insinuations des Français, lui octroya en janvier 1494,
une seconde foire, qui avait lieu vers la S'-Jeau(6). Celle-ci
se tient maintenant le 29 juin et dure neuf jours.
OosTfiOLRG. — La foire d'Ooslbourg, établie par Gui de
Dampierre en 1296, commençait à la S'-Laurent et durait
trois jours (7). Elle était fort suivie à l'époque où Bruges
n'avait pas encore accaparé tout le commerce de celle partie
de la Flandre.
Orcihes. — En 1420, un incendie immense réduisit en
(1) Gram., 80.
(2) Comte de Sai>t-Ge>ois, Mon. anc, i~i.
(3)C.nAM., 181.
(4)Gr.\m., 118.
(3) Gr.\m., Ant. FI., 123.
(6) Lambim, Lysl, p. i\-
(7) Comte DE Saint-Genois, .Vo». n/c. , 8(51.
— ?.14 —
cendres la presque totalité de cette ville. Compatissant au
malheur de ses habitants, Philippe le Bon leur accorda une
foire qui devait s'ouvrir à la féîe de la Vierge (8 septembre)
et durer trois jours. Un sauf-conduit couvrait pendant une
semaine entière tous ceux qui s'y rendaient ou en reve-
naient — Cette foire fut très-fréquenlée : ce qui procura
aux habitans de grandes recettes et leur permit de restaurer
une quantité d'édifices (i).
OsTENDE. — La comtesse Marguerite accorda à cette ville,
au mois de juin 12G7, une place de quatorze verges de long
sur onze de large, pour y tenir franchement leur marché (2).
OuDENBOURG, à dcux Hcucs dc Bruges. — Autrefois pe-
tite ville marchande; elle avait en janvier une foire aux
chevaux, où Ton vendait en même temps toute espèce de
marchandises (s).
Popi-RiNGHE. — Philippe d'Alsace accorda, en 1187, au
couvent de S'-Bertin de pouvoir établir à toujours un mar-
ché à Poperinghe, le sixième jour de chaque semaine (4).
La foire venait en avril (a), maintenant le 26 de ce mois.
RooDENBOURG. — Voycz Ardcnbourg.
RoLLERS. — Une foire très-animée s'y tenait tous les ans
en septembre (e).
RuPELMONDE, — Louis dc Neverslui accorda, en 1330,
un jour démarché par semaine (7).
Saim-O.mer. — En 1269, Robert de Béthune accorda à
celte ville une foire comme celles qui se tenaient en Flan-
(1) Bi-ZEL., Ann. Gallo Fland., 583.
(2) Warnk., fi. recktsr/esch., III, uik. CLIV.
(5) Guicii., 387
(i) Mon. anc, 48i).
(3) M.VRCH., 9i.
(GjMarcii., 82.
(7) D'OiiDr.GH., II, 379.
— 213 —
dre et en Champagne, et promit aux habitants de U» fixer
à l'époque qui leur paraîtrait la plus convenable (i).
Steenvoorde jouissait d'un marché hebdomadaire, muni
des mêmes privilèges qui d'habitude étaient accordés aux
foires annales. Ce marché se tenait le samedi, et par suite
de ces avantages on y trouvait toujours un grand con-
cours de peuple (2).
Termonde, — Philippe le Hardi accorda, en 1597, une
foire annuelle de trois jours, fixée au mardi après la saint
Luc (18 octobre). Mais comme les foires de Bruxelles et de
Bevere avaient lieu vers la même époque, Charles-Quint
la transféra, en 15o0, au vendredi qui suivait le premier
samedi d'octobre; elle durait jusqu'au mardi exclusivement :
le premier de ces princes avait accordé, et le second con-
firma l'immunité d'arrêt, non-seulement pour tout le temps
de la foire, mais aussi pour la semaine avant et celle après;
les ennemis, les exilés, les fugitifs et les débiteurs du prince
étaient seuls exceptés. Le lundi de chaque semaine il y avait
dans cette ville un marché fort fréquenté, à cause des pri-
vilèges qui défendaient d'exiger les dettes le dimanche, le
lundi et le mardi (3).
Thielt. — En septembre (4) venait la foire de cette
ville, qui avait obtenu en 1220 la concession du droit de
marché (3).
TnouROLT. — Ce fut la quatrième ville à laquelle Bau-
douin le Jeune accorda un marché en 958. — Sa foire,
fondée par Robert le Frison (g), était la plus importante
du pays au XIL et XIII'^ siècle; nous possédons à cet égard
(1) 3fon. anc, 627.
(2) Sa>der., III, 73 ou 78.
(5) D.W. LiNDiXLS, 1. I, c. III, p.
(4)M.\Rcn., 81.
(li) Sand., III, 57.
(6) Corpus rhron. Fland., I, 7.")
— 216 —
deux pièces très-curieuses, Tune est un diplôme de iMar-
guerile et de son fds Gui, de rannée 12GG, énonçant ce
qu'on devait payer à Tiiourout pour tonlieu pendant la
foire (i); l'autre est l'ordonnance sur la foire de Tiiourout
publiée par M. Warnkoenig (II, p. 4-96) : son Histoire de
la Flandre étant entre les mains de tout le monde, il est
inulile d'analyser ce document. C'est à la foire de Thou-
rout que se rendaient les marchands osterlings, qu'assas-
sinèrent le karl Hendrik de Calloo et ses neuf complices,
meurtre que Baudouin à la Hache punit d'une manière si
épouvantable : « Choississez parmi vous, dit-il aux coupa-
» blés, celui qui servira de bourreau aux autres. » Sur leurs
refus, il les fit pendre tous dans la grande salle du château
de Winendalc (2). Dès le milieu du XIIP siècle, Bruges ab-
sorba tout le commerce de cette partie de la Flandre; aussi
elle brilla bientôt d'un tel éclat que Thourout, Ardenbourg
et toutes les villes environnantes, sauf Damme et l'Écluse,
furent dès-lors plongées dans l'oubli.
yVu XVP siècle il se tenait à Thourout une foire en juin,
et une autre eu juillet, où l'on vendait des chevaux et des
marchandises de diverses sortes (5); elles ont dégénéré main-
tenant en simples marchés annuels, fixés au 2o juin et au
11 juillet.
Wervicq avait une foire en août, le samedi après
l'Assomption : ce privilège avait été concédé par Gui de
Dampierre, et fut confirmé par Charles-Quint (i).
Ypres. — Au moment de l'assassinat de Charles le
Bou (2 mars 1127), se tenait à Ypres dans l'église de
S'-Pierre, la foire annuelle à laquelle s'étaient rendus de
(1) Sadterhjs, Urspr. gcsch. des duil. hanses. H, scif, 82-8'i-.
(2) Corp. cliroii. FI., I, p. 7'.), sq.
(3) GuicH., 387.
(4) Giioi., ir;i.
— 217 —
tous les pays du monde, une foule de marchands qui y
trafiquaient en pleine sécurité sous le gouvernement pater-
nel de ce vertueux prince. On y remarquait entre autres,
des orfèvres italiens, auxquels le comte avait acheté pour
21 marcs, une coupe d'un travail si extraordinaire, que
tous les liquides qu'on y versait, disparaissaient à l'instant,
au plus grand éhahissement des spectateurs émerveillés.
Dès que la nouvelle du crime horrihle commis dans l'église
de S*-Donat, parvint au milieu des marchands, tous ras-
semhlant leurs effets à la hâte, se mirent à fuir, jour et
nuit, racontant partout sur leur passage, les circonstances
de cet épouvantable événement (i).
Cette même année, Hugues de Payens, premier grand-
maitre, Godefroid de S*-Omer et sept autres Templiers
fondèrent une maison de leur ordre dans le faubourg
d'Ypres. Par suite de circonstances que les annales ne nous
ont pas révélées, la foire eut lieu bientôt sur un territoire
ap|)artenant aux Templiers, d'où elle prit le nom de Ton-
pelmarkt; elle se tenait alors pendant la semaine des Roga-
tions et durait huit jours. En 1171, Philippe d'Alsace
exempta de tous droits et tonlieux les marchandises que
les étrangers y apportaient (2). Les droits et émoluments
de cette foire appartenaient à l'ordre des Templiers, qui
percevaient aussi des revenus considérables sur la halle :
mais en 122.j, par suite d'un accord entre Olivier de la
Roche, grand-maître de l'ordre, et Jeanne de Constanlino-
ple, les Templiers transportèrent à la comtesse tous leurs
droits sur les revenus de la foire; moyennant cette cession,
Jeanne leur fit remise de la rente annuelle de 40 livres qu ils
lui devaient pour la terre de Sdipsen (3), Deux ans plus lard,
(1) GuALBERTCS, y^c^a Sanfi. mart, I, 183.
(2) Ann. Mss. d'Ypres. Mess, des Sciences, 1834, p. 189 et 191.
(3) Comte DE Saint-Genois, Mon. anc, 515. — W.\n>K.. FI. rechlsf).. Il, niili
S. 1C4.
IG
— 218 —
la foire qui se tenait encore dans le domaine des Templiers,
près de la ville, fut, avec l'autorisation du maître de l'or-
dre, transportée à l'intérieur de la ville (i). Une autre foire,
commençant le lundi de la deuxième semaine de Carême,
fut octroyée en 1476 (2). Par son diplôme du 1" mai 1498,
Philippe le Beau accorda un sauf-conduit à tous les mar-
chands qui s'y rendaient; ce sauf-conduit fut renouvelé par
Maximilien en 1512 (3). Personne n'ignore que les foires
d'Ypres étaient surtout renommées pour les étoffes de laine,
dont le tissage fut longtemps la principale industrie de ses
hahitants : à la seule foire de mars de 1514, il fut vendu
34720 pièces de draps (4); ce qui semhle confirmer l'asser-
tion de Gramaye, qui prétend qu'il existait alors dans cette
ville 4000 métiers de drapiers. — La foire aux chevaux se
tenait le quatrième jour de la semaine des Cendres (s).
Ypres possède actuellement deux foires; l'une commence
le second lundi après le jour des Cendres, et dure douze
jours; l'autre, le premier dimanche d'août, en dure huit.
ZwEVEZEELE. — Charlcs le Téméraire concéda à celte
commune une foire annuelle de trois jours, commençant le
lendemain de sa termesse, c'est-à-dire le premier diman-
che après la fête de S*-Michel. Tous les marchands qui
voulaient fréquenter cette foire, y pouvaient aller en pleine
sécurité, avec leurs facteurs, valets, serviteurs, biens, den-
rées et marchandises : un sauf-conduit général les couvrait
non-seulement durant la foire, mais trois jours avant et
trois jours après : pendant cette période, les officiers du
prince ne pouvaient les arrêter pour dettes, à moins qu'elles
n'eussent été contractées en ladite foire ou envers le souve-
(1) Meyer, ad an.
(2) Sand., II, 26-4.
(5) Lambin, Lyst, 4-1.
(4) Lambin, Mém. sur la lialh- d'Ypres, ]). 17.
(•")) Sand., 1. c.
— 219 —
rain : les bannis, les fugitifs et les ennemis du eomte
étaient cependant exceptés. Celte foire fut accordée à la
commune de Zwevezeele, surtout pour la récompenser de
sa fidélité durant les guerres civiles du règne de Philippe
le Bon et de Charles le Téméraire. Les habitants avaient
eu, pendant ces guerres, tellement à souffrir de la part des
ennemis du comte, qu'ils n'auraient jamais pu, sans cet
octroi, se relever de leur misère (i).
Comme tant d'autres institutions du moyen-àge, les foi-
res ont accompli leur destinée. Certes, au temps où les
voies de communication étaient rares, mauvaises et peu
sûres, où les moyens de transport étaient lents et coûteux;
lorsque chaque ville formait une principauté où les lois,
les coutumes et les péages étaient autres que dans la ville
voisine; lorsque tout seigneur avait ou s'arrogeait le droit
de rançonner le marchand qui traversait ses terres; lors-
que, enfin, l'industrie et le commerce étaient entravés par
des privilèges de toute nature, les foires ou franches fêtes
pouvaient être et étaient, en effet, des institutions utiles au
point de vue de l'intérêt général et profitables aux com-
munes qui en obtenaient l'octroi : en rapprochant les hom-
mes, en colportant partout les idées en même temps que les
raffinements du luxe, elles eurent une action immense sur
le développement de la civilisation.
Mais depuis que le règne des privilèges a cessé et que
la loi est devenue la môme pour tous; depuis que les com-
munications ont été rendues plus faciles et plus sûres; que
l'accroissement de la population a favorisé la division du
travail; que les marchands renonçant à la vie nomade, se
sont mis en boutique et ont pourvu les villes de magasins
(1) Ann. de la Soc. d'émul. de Bruges, 1844, p. 289.
— 220 —
parfaitement assortis; les foires ont perdu leurs avantages
et leur influence, et l'on peut dire qu'aujourd'liui, à part
quelques exceptions qu'expliquent des circonstances toutes
particulières, elles sont arrivées à une décadence com-
plète (2). On ne voit plus de riches caravanes visiter suc-
cessivement toutes les villes, tous les villages du pays, et y
encombrer les places publiques d'échoppes remplies des
marchandises les plus variées; tout au plus, aux jours de
kermesse, on aperçoit encore des marchands de pain d'épice
et de joujoux, des faiseurs de tours de passe-passe et des
blagueurs à la barbe longue et au chapeau pointu, offrant
d'une main des chaînes en chrysocale et de l'autre des bro-
chures socialistes.
y. Gaillard.
(1) Rapport fail nu Conseil communal de Gnml, le l'i jonvicr ISiS.
— 221
(gmbUmcô muuicipaujt'
MOYEN-AGE.
(25^)
On a reniar([ué qu'en général les archives civiles ou des
communes sont moins anciennes et surtout moins riches
que celles des corporations religieuses. Quoiqu'on puisse
assiguer comme cause première de cette supériorité des ar-
chives religieuses sur les autres, la priorité d'existence des
églises et des monastères sur les communes, on ne doit
cependant pas perdre de vue que la cause principale de
leur conservation est le respect qu'inspirait le caractère
sacré des archives monastiques pendant les guerres et les
troubles du moyen-âge, joint à la surveillance assidue
qu'exerçait sur elles le clergé, gardien intéressé des preu-
ves de ses richesses morales et matérielles. — Les archi-
ves civiles, manquant de ce prestige religieux, ont été plus
exposées aux vicissitudes que les commotions politiques ont
fait subir aux communes, et, par la suite, l'ignorance et la
négligence des administrations locales ont consommé la perte
de ces documents si précieux pour l'histoire.
C'est ainsi qu'une ville très-ancienne, Maestricht, ne pos-
sède plus dans ses archives que des pièces remontant au
XIV'= siècle : heureusement ses églises collégiales conservent
encore quelques pièces diplomali(jucs antérieures, qui ont
rapport à l'administration civile.
— 222 —
Nous avons trouvé ainsi, dans l'église de saint Servais,
un document communal concernant Maestricht, qui remonte
au commencement du XlIP siècle et qui offre un intérêt
particulier par les deux sceaux dont il est muni, représen-
tant les emblèmes municipaux de l'époque. Outre ce diplôme,
nous avons dans la même église rencontré plusieurs autres
documents, où des plaintes du chapitre de saint Servais
sont exposées aux empereurs et ducs contre les autorités
communales, pour infractions faites à ses privilèges par la
commune, pour violences commises contre ses gens et au-
tres actes préjudiciables, d'où surgirent souvent des troubles
violents dans la ville. D'autres pièces sont des mandements
d'empereurs d'Allemagne, de ducs de Brabant, de princes-
évéques de Liège, traitant des intérêts du chapitre et de
ceux de la ville. Les franchises importantes des collégiales,
les nombreux privilèges d'exemption en droits d'accises, de
péage, etc., dont elles jouissaient au détriment du trésor
communal, rendaient assez fréquente la contestation de ces
droits par la ville.
Le document historique communal dont nous venons de
parler en premier lieu, est une pièce originale, sur parche-
min, de 0"%27 sur 0"%16, auquel sont attachés deux sceaux
de la ville, les plus anciens qu'on connaisse. Il contient une
promesse, que font au nom de la ville de Maestricht ses
écoutètes et échevins, de respecter perpétuellement les pri-
vilèges de liberté et les droits de l'église de saint Servais.
Ces écoutètes et échevins sont ceux des deux juridictions
et représentent l'évèque de Liège et le duc de Brabant; ils
scellent de leurs sceaux la promesse d'établir entre le clergé
et les bourgeois de la ville une paix ferme et une concorde
perpétuelle. L'acte est dressé devant les députés de Hugues,
èvèque de Liège, et par ses ordres, dans le grand réfectoire
de l'église de saint Lambert, à Liège, en 1227. Otton,
doyen, et Hugues, ècolàlre de saint Paul, ainsi que Lam-
?1. ]
nnr^
SigilkuiL civivmi in Traie cto superiore.
kiiH-ilima civiiuu de ôupei-iore Trajecto.
J
A i i:iiaepAen6. i-ii I.Befferrez Se. et Lith.Ganl.
SCEAUX EN USA&E AU XDI^ ET XIV* SIECLE .
— 22^ —
bcrt de saiiU Denis, à Liège, furent les niédiateurs spéeia-
iement délégués à cet effet par Tévéque (i).
Nous reproduisons ici par un dessin de grandeur natu-
relle les deux sceaux du diplôme, d'après les originaux en
cire vert-pàle attachés au parchemin. Ces emblèmes de la
double autorité établie à IMaestricht, qui continua d'exister
jusqu'à la fln du siècle dernier, sont les plus anciens qu'on
connaisse jusqu'à présent de la ville. A juger des formes et
du style de ces petits bas-reliefs, nous reculons de quel-
ques années avant le millésime du diplôme la date de leur
confection; mais en tout cas, la date de celui-ci, 1227,
précise l'époque où ces images sigillaires étaient en usage
à Maestricht. Sur le plus grand des deux sceaux (le moins
mutilé et qui se trouve attaché au parchemin, à gauche, le
premier), est représenté un évèque, assis sur un siège an-
tique, tenant une crosse et un livre. C'est saint Servais,
comme l'indiquent les initiales placées près de la tète du
saint. A ses pieds, la ville qu'il protège, est représentée par
un mur à créneaux en demi-cercle, au-dessus et en retraite
duquel s'élève de chaque côté de l'évèque une tourelle en
style plein cintre, surmontée d'une croix, caractérisant l'an-
cienne basilique dédiée au saint pasteur. Sur la bordure
(1) Voici la pièce textuellement :
« In nomine sancte et indiviJue Trinifatis. Nos sculteti, scabini et uni-
vcrsitas civium in Trajecto, tam hominum episcopi quani ducis, profitemur
et promilliinus quodammodo et in perpetuum observabimus privilégia li-
bertatis et jura ecclesie beati Servatii in Trajecto. Et ne in posterum alic.
versuria hanc nostre voluntatis permissioneni studeat immutare, hanc
exinde conscribi et sigillis nostris fecimus communiri paginani; ad habcndam
aut. firmam pacera et perpetuam concordiam inter clerum et cives Trajec-
tenses. Acta sunt hec coram prioribus Leodiens. in niajori refectorio beati
Laniberli, ex ordinalione venerabilis patris nostri Ilugonis Leodiens. epis-
copi, mediantibus etiam Oltone decano, Hugone scolaslico sancti Pauli et
Lamberto custode sancti Dyonisii leodiens. , spccialitcr ad hoc ex parte
dicti patris nostri delegatis. Anno ab incarnationc Christi .M», ce", xx».
septimo in exaltatione sancte Crucis. »
— 224 —
sont sculptés les mots : sigillum civium de superioretrajecto.
Ce sceau append le premier au diplôme et figure Tautorité
liégeoise, qui s'énonce aussi la première dans la promesse;
elle avait donc à cette époque un saint Servais pour em-
blème (i).
Le second (en tète de notre planche), plus largement
sculpté que le précédent, offre une figure assise, tenant de
la main droite un glaive, et de la main gauche une clef;
elle a la tète ceinte d'une couronne, que surmonte au cen-
(1) Nous venons de dire que ce sceau est attaché au parchemin à gauche,
c'est-à-dire le premier, et que, par conséquent, il représente ici le pouvoir
de Liège, conformément ii l'ancienne préséance dont jouissaient ces échevins
sur les autres. Ceci est également l'opinion du père dominicain De Heer,
dans sa chronique inédite de la maison de son ordre à Maestricht.
Les échevins liégeois avaient naturellement le pas sur ceux du duc, parce
que le pouvoir qu'exerçait l'évéque sur la ville datait d'un temps très-reculé,
malgré que les preuves écrites n'en remontassent qu'au X» siècle; l'an-
cienne ville, à laquelle se lièrent dans la suite les faubourgs par extension,
avait toujours appartenu aux évèques de Liège.
Le chanoine Jean Hocsemius, dans Chapeauville, « de Hugone 72 episcopo
Leodiensi, » parle ainsi d'un différend surgi entre le duc et l'évéque, sur le
pouvoir mixte de Maestricht en 1296 : « Cum dux Brabantiae in prejudicium
ecclcsiae oppidi Trajectensis dominium occupasset, et propter hoc inter epis-
copum et ducem fuisset orta discordia, et demum per ipsos fuisset in arbitres
compromissum , arbitritalem sententiam protulerunt. Quocl locus antiquus
villae jurisdictionis esset episcopi, hoc excepto, quod omnes incolae loci
censum capitalem beato Petro Lovaniensi cum sua familia solventes, et cetera
ultra villani veterem ampliata ad ducis dominium pertinerent, et sic de
ecciesia per hoc arbitrium cnormiter fuit laesa, nam homines loci censum
solvunt quasi coramuniler sancto Petro. "
Le locus antiquus villae, la partie ancienne de la ville, était sous la juri-
diction liégeoise. Le saint titulaire de Maestricht représente donc ce noyau,
dont il est pour ainsi dire le fondateur, et ce sceau est par conséquent le plus
caractéristique pour la commune Le siège épiscopal avait été établi d'abord
dans l'église Notre-Dame ('), la plus ancienne paroisse de la ville, celte qui
jusqu'aux derniers temps représentait la juridiction liégeoise, tandis que les
Empereurs et plus tard leurs représentants, les ducs de Brabant, favo-
risèrent particulièrement l'église de saint Servais , qu'ils visitèrent souvent
cl où les ducs de Brabant furent intronisés lors de leur Joyeuse Entrée à
Maestricht.
(*) Annuaire de la piovince de Limbourj, 18'2S.
— 22o —
tre une fleur de lis. La clef et le glaive, emblèmes du pou-
voir, rappellent sur ce sceau l'autorité du duc de Brabant,
qui peu de temps auparavant en avait été spécialement
investi, à Maestricht, par l'Empereur. C'est le sceau des
magistrats brabançons, exerçant le pouvoir au nom du duc,
et qui se nomment dans le texte après ceux de Liège.
La clef est un ancien symbole de liberté et de puis-
sance. Comme tel il se mêlait aux emblèmes de juridiction
et de commandement qu'exerçaient les préfets romains dans
les provinces où ils étaient chargés de rendre la justice,
d'avoir soin que les denrées restassent à un prix modéré et
de tenir la main à la discipline militaire. On donne déjà
à la clef la même signification, dans l'ancien et le nouveau
Testament (i).
La partie qui manque au petit monument des anciennes
armoiries de Maestricht, dessiné sur notre planche I, se
retrouve sur un sceau de 1349, que nous reproduisons sur
notre seconde planche. Ce sceau, ainsi qu'un autre repré-
sentant l'évèque saint Servais, est attaché à un acte fla-
mand (2). On remarque que c'est une épée que la figure
représentée porte de la main droite. — Des dessins de ces
deux sceaux se trouvent dans une chronique inédite du cou-
vent des Dominicains à Maestricht, par le père De Heer, et
l'Annuaire de la province de Limbourg de 1829 les a repro-
(1) A Liège les échevins possédaient deux clefs comme emblèmes de leur
pouvoir. On fait remonter au VIII^ siècle linlroduction de ces symboles
d"autorité, époque de Térection du tribunal des échevins.
(2) Ce diplôme flamand de 1549 est relatif au pont sur la Meuse de .Maes-
tricht. En comparant ce sceau des échevins ducaux (figure avec glaive et
cleO à celui de 1227, on les trouvera, à bien peu près, égaux, malgré
Tespace de plus d'un siècle qui les sépare. Le second sceau appendu à ce
diplôme est ecclésiastique et servait à l'église de saint Servais, traitant dans
cet acte avec la ville pour lentrelien du pont. La figure de suint Servais
qui le décore, ressemble beaucoup à celle du sceau de la planche I. Le troi-
sième, celui des échevins liégeois, manquant à celle pièce, nous prive de
lavanlage de pouvoir le comparer à celui de 1227.
— 226 —
Unis d'après cette clironique; mais ces dessins et ces gra-
vures sont peu fidèles : nous avons été assez lieureux pour
pouvoir dessiner les nôtres d'après nature, ce qui nous a
permis de vérifier les formes des figures et les inscriptions
sur les originaux. Sur le premier sceau nous lisons :
se , tandis que le chroniqueur croit y lire : Sigillum
sancti Servatii. Comme la grande inscription circulaire
porte : sigillum civiu.m de superiore trajecto, elle indique
clairement que c'est le sceau de la ville et non de saint
Servais, c'est-à-dire de l'église de ce nom. Un sceau ecclé-
siastique de cette dernière se trouve reproduit sur notre
planche II : il représente un saint Servais. Son inscription
porte : sanctus episcopls.
On pourra comparer avec les sceaux civils (figure tenant
une épée et une clef), représentés sur les planches I et II, le
sceau ecclésiastique reproduit en tête de notre planche III;
il est de I22o et servait à l'église de iVotre-Dame. Ce beau
petit médaillon, len cire verte, représente la mère de Dieu
assise sur un siège; elle a la tète ceinte d'un diadème, orné
au centre d'une fleur de lis, symbole de la pureté virginale;
elle tient de la main droite un lis, et de la sauche un livre
ouvert, avec le monogramme: 31T. XPI. Mater Christi. Sa
tunique, serrée d'une large ceinture, est ornée aux man-
ches et au bord d'une bande à losanges; le disque, le lis et
le livre avec l'inscripiion distinguent bien clairement cette
vierge de la figure d'homme avec clef et épée qui orne le
sceau de 1227.
Le sceau des échevins du duc, de 1349, fait voir qu'à
cette époque l'emblème municij)al pour l'autorité braban-
çonne n'avait pas changé. Mais en 1578, celle-ci se servait
d'un sceau à fisure de saint Servais, tenant une clef et les
armes ducales; changement remarquable, puisqu'en 1227,
cet évéque représentait le pouvoir liégeois.
Au XV^ siècle, on rencontre un sceau réunissant sur un
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Sceau de 1 e^-u.-iL- i^ jut -^aiHc à MaeeLriôhb, 1225-
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."-rpau donUe XW^ et XV^"*^ siècles.
IBefferrer LiUi etSc-Gaiii
— 227 —
seul disque les symboles des deux pouvoirs avec les armoi-
ries particulières de la ville. Une gravure de ce sceau, qui
a paru dans l'Annuaire de 1829, est également rendue d'une
manière inexacte. Une empreinte originale, appendue à un
diplômede 1428, provenantdes archives de l'églisede sainte
Gertrude à Louvain, a servi à notre dessin, gravé sur la
pi. III, sous le sceau de Téglise Notre-Dame. Elle repré-
sente, dans une décoration architecturale, les deux évéques
patrons des villes de Liège et de Maestricht, l'étoile à cinq
pointes de cette dernière cité réunissant le groupe des deux
prélats. A gauche, se trouve pour l'autorité de Liège, saint
Lambert près du péron; à droite, pour le duc de Brabant,
saint Servais avec la clef et les armes ducales. L'écusson
particulier de la ville, de gueules à étoile d'argent de cinq
pointes, remplace sur ce sceau les créneaux, qui sur les
sceaux plus anciens représentaient la ville. Le champ de
l'écusson est orné de branches de verdure. L'inscription qui
entoure cette représentation porte : s. coe f tocius f opidi ~
TRAJECTE.NSIS f AD f cTs.
Ces six sceaux de Maestricht, dessinés d'après nature
sur des empreintes originales appendues aux pièces authen-
tiques, jetteront, croyons-nous, un nouveau jour sur les
plus anciens emblèmes municipaux de cette ville aux XIIi%
XIV'" et XV'^ siècles. Les symboles des pouvoirs civils de ces
différentes époques et les changements qu'ils ont subi suc-
cessivement, nous ont paru offrir de l'intérêt pour l'histoire
communale de la Belgique et des Pays-Bas.
Alexandre ScHAcrKENS.
— 228 —
RÉCIT DE LA GUERRE DE 1542
PAR GERARD LE PRINCE, CONTEMPORAIN.
Les manuscrits de même que les livres les plus insi-
gnifiants contiennent de bonnes choses. C'est ainsi que
nous avons trouvé un récit de la guerre de 1342 dans un
petit registre in-4°, qui se trouve au dépôt des archives
judiciaires à Mons. Ce registre que nous oserons décorer
du nom de manuscrit n'est autre que le mémorial de Gérard
le Prince, dans lequel il transcrivait ses dépenses et ses
recettes, conjointement avec la naissance de ses enfants et
d'autres notes généalogiques. Nous savons par ces anno-
tations que Gérard le Prince était avocat au grand conseil de
Malines, et greffier de la ville de Nivelles qu'il habitait. Il a
soin de nous faire connaître qu'il naquit le 5 mai 1515 :
une main inconnue a ajouté la date de sa mort arrivée le
19 décembre 1562. Gérard le Prince épousa le 50 novem-
bre 1558 Catherine Roys, de Tongres, dont il eut plusieurs
enfants. Il commença son mémorial cette même année, car
on lit au premier feuillet : S'ensîeult l'argent que fai eu de-
puys mon mariage. En voilà plus qu'il n'en faut pour faire
connaître l'auteur de ce récit qui est loin d'être dépourvu
d'intérêt : nous en avons peut-être déjà trop dit pour l'im-
portance de l'individu. Au reste voici sa narration :
« L'an XV*^ et XLII est arrivé ung cappitaine dit Martin
» Van Rossem , geldrois, es pays de Brabant (lequel se
— 229 —
» (lisoit cappilaiue général du roy de France), avec une
» grosse assemblée de gens, lequel apprès qu'il a esté des-
» cendu en Brabant, en la chainpaigne, se déclare ennemis
» de l'empereur, a brûlé et branscatté plusieurs villes et
» villaige, dont incontinent il est descendu à Hoocstraete,
» ayant pillié le cbasteau, et de là est venu devant Anwers,
» le jour S'-Jacques en jullet, cuydant pillier ou du moins
» branscatter ladite ville d' Anwers; et furent devant ladite
» ville trois ou quattre jours, et n'ont riens fait. Et apprès
» sont allé devant Lière, et ont esté rebouttez par plusieurs
» bon cop d'artillerie : puys sont passé l'eauwe à Duffel et à
» Walem, et estoit allors la gendarmerie de par-decbà à An-
» wers et à Lyère, et ont brusié Dufîel et \\'alem, pour ce
» que les pons estoient abbatus, et laissirent beaucop de
» leur artillerie en ladite eauwe qu'il avoient prins à
» Hoocstraete; et passirent de ceste à Malines, et s'en allè-
» rent devant Louvain, et en passant ont bruslez ung villaige
» dit Vespelaer, et cuydant surprendre ladite ville, mais en
» ont esté reboutté, dont les clercq et femmes de Louvain
» en auront toujours honneur. Lequel Martin passa ainsy
» par tout le pays de Brabant, bruslant, branscattant plu-
» sieurs villaiges, comme dit est, et s'en alla en France.
» Et incontinent alla nostre armée es pays de Clève et
» Julliers, brusler, branscatter le tout comme avoit fait
» Martin Van Rossem par le conseil du duc de Clève, lequel
» estoit ennemis à l'empereur et voloit tenir Geldre.
» L'an XV'= XLIII le XXV" jour de mey, arriva Tempc-
» leur à Gennes et fut allors sur l'eauwe XXI jour à grand
» tourment suyvant les lettres escript par ledit empereur à
» sa sœur la roynne de Ilongerie, gouvernante du Pays-Bas,
» laquelle receut les lettres le MII'^ jour de juing ensuy-
» vaut, dont il y eult pas tout le pays de par-dcchà grosse
» triumplie et joye cl procession général partoutte, car on
» cnydoit que ledit empereur estoit mort de son voyaige
— no —
» d'Argière (sic) tellement que par niouckerie les ennemis
» (lisoient que les cabbeliauwe l'avoient mengis et esloit
» auparavant tout le pays ensmeult partout.
» Alors fut gaignié Landerchiez des Franchois, et Yvois,
» Luxembourch, etc.
» Incontinent que l'empereur fust descendu es pays de
» par-dechà arriva tout droit devant une ville de Geldre
» appelé Duren, ensemble monsieur le prince d'Orenge,
» cappelaine général de par-dechà, et fut ladite ville gai-
» gnié d'assault, et de là passa la gendarmerie avant audit
» pays de Geldre tellement que tout le pays de Geldre se
» rendit à l'empereur le X^ jour de septembre, au que
» dessus, et illecq vient le duc de Clève pryé merchie à
» l'empereur tellement qui reut sa paix, fut touttefois privé
» de son pays, auparavant la venue de l'empereur gaingnée
» par nostre gendarmerie, combien que apprès reut aucune
» pièce de son pays, mais retient l'empereur les fortresse
» et passaige
» L'empereur ayant ainsy gaignié le pays de Geldre se
» lira avec son armée devant Landrechiez, et pensant em-
» peschier le rivitailiement des Franchois et de donner
» baittaille, ne fut fait aucun assault à la ville, et alors le
» roy de France et le dauphin avec son armée estoit à Cam-
» bray et Gambrésis et fut quasi prins sans ung traictre, et
» se retira ledit roy de nuyt, secrètement, quant noz gens
» viendrent lendemain audit Gambrésis pour donner ba-
» taille, et depuis tient l'empereur Cambray, et y fait faire
» ung casteau.
» Au mesme temps régna es pays ychi ung traictre nommé
» Nicolas le Borne, vulgairement appelle cappitaine Bus,
» lequel esloit de la maison de Monsieur de Buren, père
» du s'' de Buren à présent, et avoit gro crédit tant en court
» que à Monsieur de Buren, es aiïaires de guerre; lequel
» avoit entrepris sa Iraïson depuys les guerres et prinse de
— 231 —
» S'-Pol, l'an XV^ et XXVII jusqiies Tan XY' XLIII, et
» lors fina cl fut exécuté.
» Lequel Bus en sou temps faisoit gros empesciiement au
» pays de par-dechà es guerres, car fut cause de la reddi-
» tion de Duren avant que Tempereur vient; fut cause de la
» défaicte du prince d'Oreinge sur le chanipaigne venant
» avec VII ou Mil mil hommes de Breda à Anwers; fut
» cause du sauvement de Louvain, actendu qu'il estoit à
» Maline au conseil de la royne, où il fut dit que on en-
» voyeroit assistence assez à ceulx de Louvain, et lors fut
» envoyé audit Louvain avecq le s-" d'Aymeriez et le grant
» bailly du Brabant, pour conforter ceulx de Louvain, et
» fut ledit Bus illecq prisonnier par ledit Martin Van
» Rossem, en parlementant ceulx de Louvain avecq ledit
» Martin, et fut pareillement prisonnier à la défaite dudit
» prince devant Anvers le tout par finesse, toultefois fut
» tousjours ransonné; item fut cause que le roy de France
» ne fut prins audit chasleau de Cambrésis parcequ'il sca-
I) voit tout le secret de par-dechà, et en advertissoit le roy,
» et désira de trahir l'empereur s'il luy eult esté possible,
» ains Dieu ne le permis.
» Ledit Bus par la présumption et que la trahison estoit
» sy grande, et par la relation d'ung lucquoy qui fut
» exécuté, et qu'il l'avoit accusé, fut prins et fînablement
» exécuté à Gand, où la royne estoit lors, le IIIP de mars
» XV" XLIII, et moy je le vit décoller, et puys apprès
» copper en quattre quartiers : estoit homme de pétille
» stature, noire, et remply de ventre et crassolet. »
* Alexandre Pinchart.
— 232
Ce îpant tic iUeu^e à iUac9tricl)t,
on
Quelques additions aux Notes pour une future
biograpliie de Frère Romain, architecte.
Le R. F. Moulaert a inséré dans ce recueil, année 1850,
p. 260-271 , des Notes pour une future biographie du frère
Romain, architecte. Nous les avons lues avec un vif intérêt,
et nous remercions le savant Frère Prêcheur d'avoir attiré
Tattention sur la vie utile et si bien remplie et sur les tra-
vaux si remarquables de son illustre confrère.
C'est pour rentrer dans les vues de l'auteur, et contri-
buer pour notre faible part au travail plus complet que les
amis des arts et de la Belgique sont en droit d'exiger de
lui, que nous nous permettons de lui adresser par la voie
du Messager quelques moellons grossiers, destinés aux fon-
dations du monument qu'il se propose sans doute d'élever
plus tard à la gloire de l'architecte gantois.
Notre contingent, nous l'avouons sans peine, est bien
modeste; mais l'honorable Frèi'e Prêcheur ne le dédaignera
peut-être pas, en s'assurant que nous avons recouru à des
sources qui lui étaient restées inconnues. Ami de l'exacti-
tude historique, il nous saura quelque gré, croyons-nous,
de lui avoir indiqué des documents précieux dont il pour-
rait facilement obtenir communication au dépôt des archives
de la ville de Maestricht.
Le Frère .^loulaert dit, p. 262 : « Les habitants de Maes-
tricht réclamaient vivement un pont en pierre sur la Meuse,
en face de la ville, à l'endroit où ce lleuve présente une
grande largeur. L'entreprise était difficile. Frère Romain,
dont les talents étaient déjà connus, obtint l'honneur d'être
choisi par les États protestants de Hollande pour exécuter
ce grand ouvrage : et notre habile Dominicain uMiésita pas
un instant à répondre à la confiance que la Hollande avait
placée dans celui qui cultivait avec amour des arts que l'on
nomme communément libéraux. Ce pont remarquable, qui
a cinq cents pieds de longueur, fut commencé en 1684.
Notre frère Dominicain en jeta les fondements avec beau-
coup de bonheur; mais à peine en avait-il achevé la pre-
mière arche en pierre, qu'il dut abandonner cette œuvre,
pour se rendre immédiatement à Paris où l'attendait un
ouvrage encore plus important. »
Ce passage renferme plusieurs erreurs que, dans l'intérêt
de la vérité historique, il n'est pas inutile de signaler. Elles
ne doivent pas passer inaperçues, et encore moins, recevoir
une espèce de sanction dans un recueil aussi consciencieu-
sement rédigé que le Messager des Sciences historiques. 11
serait à craindre, en effet, que, sous son patronage, elles
ne fussent admises plus tard sans contrôle et sans examen
dans des ouvrages sérieux. C'est ce motif qui nous a fait
prendre la plume, et qui doit nous servir à la fois de justi-
fication et d'excuse.
Remarquons avant tout que ce ne furent pas les Etats
protestants de Hollande qui firent choix du frère Romain (i).
Le pont de bois sur la Meuse servant à relier Maestricht à
(1) La même erreur s'était aussi glissée dans le Dictionnaire des arlis-
tei (par l'abbé de Fontenay). Paris, 1776, pet. in-8», t. I^r, p. 609. Elle se
trouve déjà dans VAllgetneines Gelelirle» Lexicon, de Ch.-G. Jciclicr. Leipzig,
1751, in-4o; I. III, coL 2198. Ce biographe dit : « Bauete er 1684 auf Bcl'chl
der Staaten von Ilolland, zu Mastricht eine Brûcke, welche so vollkonimen
war, dass er dafûr von denselbcn eine ansehnliche Pension bckani. » Celle
dernière particularité nous paraît fort suspecte, et nous ne croyons pas à la
pension considérable accordée au frère Romain.
17
— 231 —
Wyck, appartenait depuis Tan 1Î39 au chapitre de l'église
de Saiut-Servais. Ce ne fut qu'en 1281 que l'on commença
de construire un pont de pierre. Il parai* que le chapitre
entretint mal le nouveau pont. En 1549, il intervint entre
lui et le Magistrat de la ville une transaction en vertu de
laquelle le chapitre devait supporter la dépense des répa-
rations ordinaires, mais il était stipulé en même temps que,
dans le cas de renouvellement d'une des arches, la ville
contrihuerait aux frais de reconstruction (i). Enfin, après
de longues contestations prolongées pendant trois siècles, le
chapitre abandonna, en 1646, le pont en toute propriété à
la ville. Ce ne furent donc pas les États généraux qui,
d'ailleurs, n'auraient pu prendre de détermination sans le
concours du prince-évéque de Liège, comme co-seigneur de
Maestricht (2), qui traitèrent avec le frère Romain, mais
(1) Résolutions magistrales du 13 avril 13i9, citées par l'auteur anonyme
des Essais historiques et critiques sur le département de la Meuse-inférieure .
Maestricht, an XI (1805), in-S», p. 173. Cet ouvrage, rempli de recherches
savantes, est de M. Pèlerin, ancien Pensionnaire de cette ville. Ajoutons en
passant en quoi consistaient ces fonctions. Les pensionnaires ou syndics, au
nombre de deux, l'un Liégeois et Tautre Brabançon de naissance, étaient
établis par commission du Magistrat, et confirmés par le Prince de Liège ou
par ses Commissaires déciseurs. Ils devaient être des jurisconsultes bien ver-
sez en pratique : ils étaient obligés de besoigner et d'adviser en toutes causes
eoncernantes le service de la ville, etc. V. le Recés de 1663, chap. XIV.
(2) Sur la souveraineté indivise de Maestricht, si bien exprimée par le
vieux dicton flamand :
®toeÊ ^uxm, un. ^ux,
rendu ainsi heureusement par cet hexamètre latin :
Trajectura neulri Domino, sed paret utrique,
V. Recueil der Recessen, voor de Regieringhe der sladt Maestricht, etc.,
Maestricht, P. Yan Ouwen, 1663, in-4»; Pèlerin, Essais, passim; Précis des
faits relatifs à la destitution et à la poursuite devant les tribunaux de mes-
sieurs Hennequin, un des bourgmestres, etc. (Liège, k. Haleng, 1821), in-t"
de 22 pp.; l'Observateur belge, t. XV, p 407 et suiv.; M. L. Polain, De la
souveraineté indivise des évéques de Liège et des Etats-généraux sur Maestricht,
Liégi-, 1831, in-S»; Ed. S. Mancel, La ville de Maestricht et ses droits à rft-
verses époques, Bruxelles, 1838, in-S".
— 2B5 —
bien le conseil de régence, ayant seul qualité pour le règle-
ment (les intérêts municipaux (i).
(1) Il n'est pas sans inlérùl de connaître la oomposllion du conseil de ville
à Maestricht. Les extraits que nous allons donner du Recueil des Rccés
émanez de la pari des deux Seigneurs et Princes de 3Iaestreeht, Tan 166a.
A Maeslreclit, par P. Boucher, imprimeur de la ville, lan 1688, in-A" de
160 pp. 0, prouveront que ce corps était compétent pour régler tout ce qui
était relatif au pont de Meuse. — Chap. III. De la police et régime de la ville
de Maeslrecht en général. 1. La magistrature, ou régime ordinaire de la ville
de Maestrecht, consiste en deux Hauts Escoulets, deux Bourguemaistres,
qualorse Esclievins, liuict Jurez, et deux Rentiers, ou Paymaistres, y joints
deux Pensionaires, et deux Secrétaires de la Basse Justice, desquels, et de
leurs fonctions, sera escrit ci-après r Et doivent les Membres de ladite Magis-
trature estre moitié Liégeois, et moitié Brabançons. 6. Le Magistrat susdit,
sera tenu de s'assembler à la Maison de Ville, tous les Lundi, à neuf heures
du malin précisément, pour y traiter, délibérer, et résoudre sur toutes
choses, concernantes le plus grand bien, et utilité, et Tadministratiou de
toute bonne Police de ladite Ville. 9. Les Bourguemaistres prœvolanl dans
rassemblée Magistrale, y proposeront toutes choses, et matières concernantes
la Magistrature, pour y estre mises en délibération : entendront et coUigeront
aussi distinctement les Voix, et opinions de tous les Membres, chacun à son
rang, et conclurront avec la pluralité d'icelles, en faisant former sur le pa-
pier une Résolution Magistrale, ou Recés. 10. Laquelle Resolution, ou Recés,
estant notule au pied que dessus, devra estre résumé à TAssemblée prochaine,
pour recevoir vigueur; et trois jours après, pour le plus, estre enregistré par
le Secrétaire de l'Assemblée, pour en estre accordé Extrait, ou Copie, la-
quelle ne se pourra nullement donner avant la resumption. 21. Lors qu'il
surviendroit des affaires de grande considération et importance, concernantes
Testât de la Ville, ou le service des Princes, sera le Magistrat renforcé des
gens notables de la Ville, qui sont les quatre Commissaires Instructeurs ("),
et puis tous ceux qui auront autrefois porté la charge dEcoulets, Bourgue-
maistres, Esclievins, Jurez ou Paymaistres, avec lesquels, à rexclusion de
tous autres, le Magistrat représentera le Corps entier, et Communauté de la
(*) Cette éililion française est ])res]ue aussi rare que réJition originale en fla-
mand. Recueil <ler Recessen, tôt Maestricht, geilnirkt by Petrus van Oii«en. Oidi-
naris Stadts Driicker, 1663, in-i" de 105 pp.
(**j Les Commissaires Instructeurs, au nombre de quatre, dont les deux de nais-
sance Liégeoise, sont instituez par Nous (le Prince de Liège) : et les deux antres, de
nativité Brabançonne, par leurs Hautes Puissances les Seigneurs Estais Généraux des
Provinces L'niés, se prennent et choisissent ordinairement hors des Bourgeois les plus
qualifiez, et plus honorables de la Ville, qui soyent este Bourgeois Tespacc de deux
ans entiers, et qui soyent bien versez en Droit, Coustumes et praticpie de ladite
Ville iCliapilre XIII, 1).
— 236 —
C'est ce que prouve à l'évidence le passage suivant, que
nous empruntons à l'excellente Notice historique anonyme
Ville, qu'on appelloil d'ancienneté le Large Conseil, ou en Flamend, den Bree-
den Raedl.
Chapitre IV. Touchant la Fabrique de la Ville.
1. Les Bourguemaistres sortant d'Office, qui sont continuez dans la Magis-
trature, ou bien les premiers Eschevins du costé Liégeois et Brabançon,
seront les premiers îlaisires de Fabrique de ladite Ville, et ne pourra le
Bou-Maistre, ou Architecte, entreprendre aucun Ouvrage, sans leur adveu,
et sans connoissance du Rentier, ou Pay-Maistre. 2. Lesdits premiers Maistres
de Fabrique, et Rentiers, ou Pay-Maistres, délibéreront, et projetteront au
plus grand ménage de la Ville, quels Ouvrages sont nécessaires, on non né-
cessaires, utils, ou inutils à la Ville, puis en feront rapport au Magistrat,
pour y eslre par icehii rcsoud et disposé, selon qu'il trouvera convenir.
Il résulte évidemment de la combinaison de tous les articles que nous ve-
nons de rapporter que le Magistrat de Maestricht n'avait nullement besoin de
l'autorisation des deux Seigneurs et Princes de Maestricht pour tout ce qui
était relatif au pont de Meuse, si important pour cette ville.
Pour rendre complète la démonstration de notre thèse, il ne nous reste
qu'à transcrire sans commentaire le chapitre XXXIV du Recés de 1663, in-
titulé : De l'entretien du Pont de Meuse et des finances à ce destinées. Il est
d'ailleurs rempli de détails si curieux, et généralement ignorés aujourd'hui,
que les lecteurs voudront bien excuser la longueur de cette citation.
1 . Le Magistrat sera obligé d'entretenir, et soigneusement conserver le
Pont de Meuse, le faisant exactement visiter tous les Ans, au Mois de Mai, ou
de Juin, lors que la Rivière est basse, par les Hauts Escoutets, et Bourgue-
maistres, les Intendants de Fabrique, les Pay-Maistres, Bou-Maistre, ou
Architecte, et le Masson sermenté de la Ville, en faisant soigneusement repa-
rer et prévenir la cheute, empirement apparent, et tous autres défauts.
2. Outre ce, fera reparer annuellement, et bien pourvoir, depuis le haut,
jusque aux fondements, par des Pilots (s'il est besoin), une Arche ou Arcade
dudit Pont, pour le moins. 3. Les fraix de cette réparation, avec ce qui en
dépend, devront d'oresenavant eslre portez dans les Contes du Pay-Maistre,
sous un Chapitre à part dans les Exposita, comme seront aussi pareillement
portez, sous un poste à part et sépare, dans la Recepte, les Moyens suivants,
que nous destinons et désignons, par cette, privativement et uniquement pour
rcntretien dudit Pont. 4. Tous Bourgeois et Surccans, tant Ecclésiastiques,
que Politiques, et Militaires, seront obligez de laisser, dans leur Testament,
Codicils, et autres dispositions, un Pattagon pour l'entretien du Pont, lors
qu'ils disposeront de plus de deux cents florins coursables ici; et en cas qu'ils
disposent dessous ladite somme, laisseront un demi Pattagon : Et cas arri-
vant que les Notaires oublieroient, ou negligeroient l'insertion dudit argent,
seront mulctables d'un tlorin d'or, pour chaque omission, au profit que
— 237 —
de M. J.-M. Van Heylerhoff am»- le pont de la Meuse à Maes-
trkht, insérée dans V Annuaire de la province de Limbourg,
année 1826, p. 99-1 19 (i). Il servira en même temps à rec-
tifier les autres données inexactes qui se sont glissées dans
le travail d'ailleurs si estimable du frère Dominicain : « Les
désastres antérieurs et les craintes continuelles que le déla-
brement du pont inspirait, dit le savant conseiller de régence
de Maestricht, engagèrent enfin, en 1683, les magistrats à
recourir au seul remède qui put parer à de nouveaux mal-
heurs, savoir le renouvellement entier du pont.
» Le 21 juin, la régence approuva la soumission faite par
François Romain, frère convers de Tordre des Dominicains,
à Maestricht, pour la reconstruction de la première arche
occidentale, qui se trouvait en fort mauvais état. Aux ter-
mes de cette soumission, l'entrepreneur s'obligea à rebâtir
l'arche avec les parapets dans l'espace de cinq mois et demi,
moyennant une somme de quatorze mille florins, argent de
dessus, et ne laisseront pas, pour ce, lesdits Héritiers, ou les Biens du Tes-
tateur, d'estre promptement exécutables pour ledit donatif ou subside.
5. Tous Délinquants condamnez, ou composants avec les Hauts Escoutets,
seront obligez de payer, pour l'entretien susdit, outre, et au dessus de leur
niulcte ou amende, un Pattagon, ou demi Pattagon, à proportion de leurs
Moyens. 6. Ceux qui viennent à estre condamnez dans des corrections, ap-
pellées en Flamend Forfailen et Meskeuren, payeront à Tcffet que dessus, au
dessus de leur mulcte, un ou deux florins, respectivement. 7. Toutes autres
condamnations, qui eschoiront, et seront destinées au profit de la Ville,
seront appliquées à renfretien susdit. 8. Ceux qui désirent acquérir la Bour-
geoisie de cette Ville, ne pourront estre admis à serment par les Hauts
Escoutets, ni Bourguemoistres, s'ils n'ont fourni préalablement deux florins
à l'entretien du Pont. 9. Ne pourront aussi les Maistres des Mestiers, ad-
mettre, ni présenter toiles Personnes pour Compagnons du Mesticr, ne soit
qu'ils payent autres deux florins, au dessus de l'argent, pour les Seaux
ordinaires, appelle en Flamend, het Emmer-gelt. 10. Lesdits Moyens et Re-
venus, destinez à la repai-ation du Pont, seront rendus annuellement au plus
Enchérisseur, avec les autres Moyens publics de celte Ville.
(1) Voyez ce que nous avons dit de ce recueil précieux dans le Bullclin du
bibliophile belge, t. VIII, p. 36.
— 2B8 —
Liège, payables entre les mains des pères Dominicains, à
des époques fixées dans Pacte d'adjudication (i).
» Le 3 juillet suivant, il fut délégué une commission,
composée des bourgmestres, des mai très de fabrique et de
François Romain, à refîet de constater, par une inspection
exacte, les réparations qu'exigeait le reste du pont, sur l'état
duquel des rapports alarmants avaient été faits.
» Le 50 mai 1684-, François Romain fit connaître à la
régence que la pile de la première arche du côté de la
porte aux houilles devait être démolie, aussi bien que la
moitié de la petite maison élevée en cet endroit. Cette dé-
molition n'étant point comprise dans l'accord primitif, ii
fut résolu, sur la demande de l'entrepreneur et d'après
l'avis d'une commission, de lui payer pour celte partie une
somme de quarante pattacons.
» Le 26 juin de la même année, on députa une commis-
sion pour aller prendre inspection des travaux à faire pour
la reconstruction de la pile démolie, ainsi que du corps de
(I) Voici les principales conditions auxquelles se soumit renirepreneur.
— De démolir Tarclic en question jusqu'aux anneaux places à environ cinq
pieds au dessus de la retraite (de veisnieding), et de la reconstruire avec de
bonnes pierres de Namur, suivant modèle; — de cramponner eu fer et en
plomb les pierres de cliaque quatrième couche; — de placer deux fortes
barres de fer, aussi longues que la largeur du pont, pour prévenir le déjette-
ment latéral de l'ouvrage; — il sera permis à l'entrepreneur d'employer,
dans la nouvelle construction, les pierres de l'ancien ouvrage, qui seront
trouvées bonnes, soit de soubassement, de cintre ou de moulure; — de
démolir le corps de garde et de le rebâtir à ses frais.
De plus il y est stipulé que quant aux accidents qui pourraient survenir
par des causes indépendantes du travail de l'entrepreneur, celui-ci ne sera
point obligé d'en prendre la réparation à sa charge; — que si cependant les
fondements des piles qui terminent le pont près de la ville n'étaient point
trouvés dans l'état convenable, les frais exigés pour leur réparation vien-
draient à charge de la ville.
L'acte portait les signatures suivantes : CI.-Ern. de Montagne; S. Groen-
lardt; i. Emericx; S. Van Panliuys; François Romain.
(Note de VAnnuah-e).
— 2S9 —
garde el d'une partie des parapets, et le 5 juillet le frère
Romain se chargea des réparations à faire au pont et non
mentionnées dans radjudicalion, moyennant une somme de
onze cents florins de Liège, y compris les matériaux et les
journées de travail.
» V'oilà en substance les détails des ouvrages faits à notre
pont, par François Romain, détails que nous avons jugés
assez intéressants pour nous y arrêter.
» Les procès-verbaux des séances du conseil municipal
prouvent évidemment que le pont, tel qu'il existe aujour-
d'hui, n'a pas été construit, ainsi qu'on l'a cru longtemps,
d'après les plans donnés par le frère François Romain : il
est au contraire démontré, par le cahier des charges de
l'entreprise, qu'il a reconstruit la première arche sur les
anciens fondements, et du reste fait quelques réparations
moins importantes, qu'exigeaient alors les autres parties
du pont. Ainsi cette reconstruction et celles qui l'ont suivie
au commencement du XVIIP siècle, et qui constituent le
renouvellement entier du pont, ont été faites d'après les
dimensions et les formes de l'ouvrage érigé vers la fin du
XIIF siècle.
» Mais quoique le frère Romain ne soit point l'architecte
du monument dont nous traitons (i), quoiqu'il ne soit que
l'entrepreneur delà reconstruction d'une partie de l'ouvrage,
cette circonstance ne doit point diminuer l'estime que font
naître en nous les talents de cet habile religieux : car, à
l'occasion de cet ouvrage, il donna des preuves si mar-
quantes de son génie et de ses connaissances, que par ordre
(I) Feu M. lingénieur en chef H. Guillery, ordinairement si exact et si
consciencieux dans ses recherches, a suivi l'opinion vulgaire, faute d'avoir
connu les sources auxquelles nous avons puisé pour notre travail. 11 dit dans
ses savantes Études sur la Meuse, p. 17 : « Le beau pont de Maestricht, com-
posé de neuf arches, a été bâti en 1683, par Jacques {sic) Roman, frère
dominicain. »La même erreur est reproduite à la table chronologique, p. 532.
Pont de Meuse, à Nanuir »
9
Pont (le Huy, »
7
Pont suspendu, à Seraing, »
»
Pont du Val-Benoît, à Liège,
5
Pont de la Boverie, à Liège,
5
Pont des Arches, à Liège, »
6
Pont de MaestrichI, »
9
— 240 —
supérieur il lut appelé en France, où Louis XIV lui conlia,
en 1685, la construction du pont royal, bâti sur la Seine,
vis-à-vis le grand pavillon du palais des Tuileries »
Il n'est pas hors de propos de remarquer que le pont de
Maestriclit est le plus long de tous ceux qui sont construits
sur la Meuse, depuis la frontière de France jusqu'à la prise
d'eau du canal de Bois-le-Duc, à l'aval de Maestriclit. On
s'en convaincra eu jetant les yeux sur le tableau suivant :
Pont de Binant, composé de 3 arches et d'une travée; long, totale, 107'n,50
» » 1) » lis™, 83
» >> M « 159™, 00
» » » débouché, 120n>,00
» » » long, totale, 130™, 00
» » » » 152m, 00
» » » » 129™, 60
» « » 160™, 00
Il a, y compris les parapets, 9 mètres 2 décimètres de
largeur. Les 9 arches ont respectivement pour ouverture, à
partir de la rive gauche : 12"%00;I2°%50; 12™,60; 15«,4.0;
15'",50; 12™,80; 12™,10, 12^,60 et 19'»,70. Les voûtes
sont en plein cintre, à l'exception de la neuvième qui est
surbaissée. Des piles de 4 mètres d'épaisseur séparent les
arches.
Outre les renseignements sur le frère Romain que nous
avons donnés dans le Bulletin du Bibliophile belge, t. VIII,
p. 43 (i), nous consignerons ici quelques particularités
qui le concernent, et qu'a ignorées son respectable confrère
Moulaert.Nous les puisons dans un manuscrit dePh. Baert,
reposant à la bibliothèque royale, et dont IM. de Reiffenberg
n'a pas fait usage pour l'édition qu'il a publiée en 1848 des
Mémoires de cet auteur sur les sculpteurs et architectes des
Pays-Bas.
(1) On peut encore consulter sur notre religieux VHistoire liltéraire du
rcf/nc (le Louis XIV, par Tabhé Lambert, et la Description historique de la
ville (le Paris, par Piganiol de la Force.
— 241 —
Nous avons trouvé dans un des documents annexés au
travail de Baert les lignes suivantes : « IQ^AptHlis 167!2
habitum laïcaleni susccpit gandensis latomus; die 7^ maii
1673, anno œtatis suœ 25 profcssîis est. » Si l'on pouvait
ajouter foi à celte indication, il en résulterait que la nais-
sance de François Romain devrait être reportée à Tan 1630,
et non à l'année 1646, date donnée entre autres par le père
Texte et dans le billet latin de part, dont nous ferons men-
tion dans un instant.
Par suite du zèle qui l'animait pour l'ordre auquel il
appartenait, le frère Romain procura l'établissement des
religieuses dominicaines à Menin. Sa sœur fut la première
supérieure du nouveau couvent.
Le frère Moulaert regrette avec raison que nous ne pos-
sédions pas de détails sur les nombreuses constructions
dues à la prodigieuse fécondité de l'architecte gantois.
Nous avons rencontré dans une copie des litterœ morlua-
riœ (i), jointe au manuscrit de Baert cette indication pré-
cieuse : « Quimjenti pontes, aggeres nec non palatia et œdi-
ficia in hanc horani ingenii illius sublimitalem testantur et
loquuntur. » Ce chiffre, dont rien ne nous fait suspecter la
vérité, est réellement étonnant.
Nous ne nous serions pas permis de communiquer ces
notes aux honorables rédacteurs du 3Iessager des Sciences
historiques, si nous n'avions été guidé par la pensée qu'elles
ne seront peut-être pas inutiles au futur biographe de l'ha-
bile et modeste enfant de la noble cité gantoise.
Ch. de Chénedollé.
(I) On lit au bas de celle copie : Concordat cum suo originali. Quod aUes-
lor /•'. [Icnricus Scracps ord. prœd. sacrisia Brux.
— 242 —
Eaoul îre (Êrcqui,
POEME INEDIT.
Henri III de BrabaiU cultivait les lettres. II avait attiré
à sa cour les esprits les plus éminents de son siècle, et il
fut même, sur la fin de ses jours, épris de la célèbre Barbe
de Verrue que les rives du Gardon virent naître, et qui,
pendant soixante ans, courut, le luth en main, toute l'Europe
de château en château. Nous avons encore quelques vers
latins de ce prince, qu il composa en l'honneur de cette
charmante trouveresse, qui eut, entre autres, la gloire de
laisser après elle dépositaires de son génie les trois muses
connues sous le nom des trois Roses. L'une d'elles fut la
célèbre Rose de Créqui, dont le nom resta depuis toujours
allié à celui de ses deux compagnes. Flore de Rose et Rose
d'Estrées, et qui, d'après ce que nous savons touchant
l'illustre trouveresse, qui lui apprit l'art du vers, dut vivre
dans la seconde moitié duXIIP siècle ou au commencement
du XIV«.
Au temps où Rose chantait ne devait point encore s'être
perdue la mémoire du bon chevalier Raoul dont elle était
une descendante, et dont la légende, trouvée, il y a deux
ans, parmi les papiers du poète Sédaine, était restée jus-
qu'à nos jours totalement ignorée. Rose l'a-t-elle elle-même
chantée? Est-ce une réminiscence de ces chants que, dans
un siècle plus rapproché de nous , un trouvère inconnu
s'est plu à raviver? Ce sont là des questions que nous nous
— 243 —
sommes posé, sans avoir néauinoius rien trouvé qui pùl
nous instruire à ce sujet.
La légende, telle qu'elle nous est parvenue, neuve, pour
les personnages qu'elle met en scène, ne l'est point pour la
forme dramatique. C'est une de ces aventures qu'on trouve
au moyen-âge attribuées à cent héros divers par les trou-
vères français, allemands et anglais. Ces récits se colpor-
taient de château en château. L'époque des Croisades était
le temps des longues absences, et rien de plus naturel que
les mêmes craintes d'un retour inespéré aient souvent fait
prendre les mêmes précautions de reconnaissance. Les
mêmes faits, les mêmes preuves devaient souvent se repro-
duire; et plus d'un chevalier, arrivé à la porte de son
chàtel, dut, comme le bon Raoul, y être méconnu sous ses
habits de mendiant, plus d'un, les traits appauvris par la
misère et les maladies, brunis par le soleil du désert, dut
avoir besoin de preuves pareilles à celles qu'il fournit, pour
reprendre sa place au foyer seigneurial.
Le chevalier Raoul, dont le nom n'est nulle part cité
historiquement dans les annales des Croisades, prit part,
selon la poétique légende, à l'expédition si impolitique Je
Louis Vil en Palestine.
On sait que quarante-sept ans s'étaient à peine écoulés
depuis la première croisade sous Godefroid de Bouillon,
que le royaume de Jérusalem, fondé par ce prince et ses
illustres compagnons, était aux abois, et que, dans l'état
de jalouses querelles où étaient les seigneurs des grands
fiefs de la Palestine, et dans l'abandon où se trouvaient le
l)eu de chevaliers qui étaient encore en Judée et que déci-
mait chaque jour le fer des Sarrasins, il était à craindre
que le sort d'Edesse, qui venait de tomber sous les coups
de Zengui et de Nourcddin, ne devînt aussi celui de Jéru-
salem. Le danger était imminent à moins que l'Europe,
aux cris d'alarme jetés par l'Orient, ne répondit en pre-
-■ 244 —
liant le glaive, et n'envoyât de nouveaux secours aux pro-
vinces envahies.
A la voix puissante de S'-Bernard et à l'appel de Rome
chrétienne, tous ceux que l'aiguillon du remords, des sen-
timents d'ambition ou de ferveur excitaient, prirent la croix.
Louis VII que tourmentait le souvenir des flammes de Vitri,
écouta cet appel, malgré les sages représentations de son
ministre, et avec quatre-vingt mille hommes, il se lança
dans cette expédition qui, influencée par les moines qui
l'avaient préchée, manqua principalement par le défaut
d'énergie qui seule produit de grandes actions. La reine
Éléonore suivit son époux, ainsi qu'une foule d'amazones
qui se jetèrent sur les traces des guerriers, au milieu des
chants des trouvères et des ménestrels. Les résultats de ce
pérégrinage où la voluptueuse reine se montra si galante
envers le prince d'Antioche, fut pour la France la perte de
la Guienne et du Poitou qu'elle avait apportés en dot à
Louis VII, et qu'il rendit, lorsque, par un acte plus impo-
litique encore que l'expédition malheureuse où il s'était
laissé entraîner, il la répudia par jalousie à son retour. Par
le nouveau mariage que, six semaines après, Eléonore con-
tracta avec Henri, comte d'Anjou et duc de Normandie, la
Guienne et le Poitou passèrent plus tard aux Anglais, quand
Henri eût pris possession de la couronne d'Angleterre.
Raoul de Créqui, que nous avons vu, d'après le poëme,
suivre Louis VII en Palestine, était fils de Gérard de Créqui
que citent les annales de la première croisade (i), et
d'Yolande de Ilainaut. Les larmes de Mahaut de Craon,
son épouse, enceinte de son premier enfant, ne purent le
retenir, et il s'arracha de ses bras, fier de pouvoir suivre
en Orient l'exemple de son vaillant père. Il avait quatre
(1) Voyez De Rcifrcnberg, Monuments pour servir à l'histoire des provinces
de Namur, de Ilainaut et de Luxemhourr/, T. V, Preuves el Noies, p. CXLVII-
— Meyer, folio 31 verso. — P. Roger, la Aoh. de Fr. aux croisad. 173.
— 245 —
frères, dont les deux aînés, Roger et Godfroid, se joignirent
à lui. Pour pouvoir un jour se faire reconnaître, il brisa,
en partant, son anneau et en laissa la moitié à son épouse
éplorée.
Les croisés, arrivés en Terre Sainte, eurent à soutenir
plusieurs rudes combats. Dans l'un d'eux où les Musulmans
restèrent vainqueurs, tombèrent la plupart des chevaliers
compagnons de Raoul. Les sires de Breteuil, de Maguenac,
de Montguai et plusieurs nobles écuyers, tels que Maurei,
Brimeu, Creisèque, Hesdin, Doisèque et Senipy furent tués.
Cléty, Jean des L rennes, Guillaume de Biaurin, Pierre
d' Aliènes, jeunes gens que leur courage emporta, payèrent
de leur sang leur intrépidité. Le seul sire de Bies, Jean
d'Azincourt et Hugues d'IIumièresne furent point renversés.
On avait vu tomber Créqui dans la mêlée, et la nouvelle de
sa mort se répandit au camp du roi; elle ne tarda point à
être portée à son épouse en Europe par le premier messager.
Mahaut était pendant ce temps accouchée d'un fils. Elle
pleura le père de son enfant, et pendant dix ans résista à
toutes les instances, que le sire de Renty fit auprès d'elle
pour obtenir sa main.
Créqui cependant n'était point mort.
Relevé du champ de bataille, grièvement blessé, mais
palpitant encore, il revint à la vie grâce aux soins qu'eurent
de lui les Musulmans, et demeura leur prisonnier pendant
ces dix ans. Ses deux frères étaient morts à ses côtés. Bau-
doin, l'un des deux plus jeunes restés en Europe, jaloux de
la naissance du fils de Créqui, poursuivait la mère de sa
haine, et menaçait de ravir à l'enfant son patrimoine. La
veuve, dans cette perplexité, pressée par son père, qui loin
d'elle, ne pouvait la protéger, consentit enfin à devenir
l'épouse de Renty. Elle allait convoler à de secondes noces,
quand Raoul, miraculeusement délivré de sa prison, parut
lui-même aux portes de son manoir.
— VtQ —
Toujours en effet fidèle à sa foi, malgré les persécutions
qu'on mit en œuvre pour Ten détourner, le bon chevalier
avait été condamné à mort, et déjà il avait, plein de rési-
gnation, fait à Dieu sa dernière prière. Dieu l'avait en-
tendu, et pendant son sommeil Raoul avait de la tour qui
le renfermait en Palestine été transporté eu Europe dans
les forêts qui l'avaient vu naître.
Dans le poëme est ici dépeint l'étonnement du chevalier
quand à son réveil, il se vit au sein de cette nature, si
différente de celle où il s'endormit, et qu'il ne sentit plus
à ses pieds ni à ses mains les chaînes au poids desquelles
il était habitué depuis si longtemps. Un bûcheron qui le
vit, le prit lui-même pour un sauvage, tant son teint était
hâlé, tant sa barbe était longue et sale. A l'exclamation
française qui échappe à cet homme lorsque Raoul l'inter-
roge en syrien, la surprise du chevalier ne fait que redou-
bler. Mais enfin tout s'explique, et il apprend qu'il est au
sein des forêts qui l'ont vu naître, aux portes de son châ-
teau. Il sait que son vieux père est mort; que son fils est
vivant; mais que lui-même, trahi dans son amour, il arrive
pour être témoin des noces auxquelles sa femme va con-
voler et pour lesquelles tout se prépare au manoir. Il se
reconnaît enfin, et s'avance jusqu'au pont du châtel. Par-
tout on le repousse, on le méconnaît. Il attend le cortège,
et quand il aperçoit son épouse, il se jette à sa rencontre.
11 se présente à elle comme un messager que son époux lui
envoie. Mais elle qui si longtemps l'a pleuré, elle qui a
reçu la nouvelle certaine de sa mort, refuse aussi d'en croire
ses paroles. Il se nomme enfin et veut se faire reconnaître.
Mais elle doute encore; elle doute jusqu'à ce qu'il lui ra-
conte les adieux qu'il lui fit la dernière nuit qu'il passa
avec elle et qu'il lui montre la moitié de l'anneau qu'il brisa
en sa présence et dont il lui laissa l'autre moitié.
La dame alors ne peut s'empêcher de croire et tombe
dans ses bras.
— 247 —
Mais elle-même avait perdu cette moitié de l'anneau.
Or, admirez la Providence... Taudis que cette scène se
passait sur le pont, s'ébattaient dans les fossés deux su-
perbes cignes, dont l'un avec son bec barboltant dans la
vase, ramena à la surface de l'eau le morceau d'anneau que
la dame un jour y avait laissé tomber. Ln des témoins qui
l'aperçoit, se précipite dans le fossé et rapporte à la châ-
telaine le fragment d'or, qui en effet s'ajuste à celui que le
chevalier lui avait présenté. Tout le monde crie miracle,
et se jette aux genoux de Raoul. Baudoin, à qui le retour
de son frère est annoncé, vient lui-même se jeter dans ses
bras, et obtient son pardon. Le repas des noces était pré-
paré, et il servit à fêler le retour du seigneur, qui, dit le
poënie en terminant, vécut encore plus de vingt ans en
grand amour avec sa femme, en eut encore sept enfants,
fonda un grand moutier, et fit de riches dons aux monas-
tères que ses ancêtres avaient fondés.
D'après une note que nous avons trouvée à la fin du
manuscrit qui nous a servi à transcrire la copie que nous
donnons de ce poëme, le chevalier Raoul aurait été enterré
dans l'église de l'abbaye de Loupvilliers, dont il avait été
l'un des bienfaiteurs. Cette note est suivie d'une généalogie
qui commence au X*' siècle avec Ramelin P"", sire de Cré-
qui, lequel épousa Avoye d'Avesne et en secondes noces
Alix de S'-Pol, et se termine avec Philippe de Créqui que
citent, dit l'auteur de la généalogie, des chartes de 1238,
1241 et 1254. Cette note et cette généalogie n'appartien-
nent point au poëme original, et ont évidemment été ajou-
tées à la copie que nous avons eue entre les mains, et qui
appartient à M. Matter, le savant auteur de VHistoire du
Musée d'Alexandrie. Le papier du manuscrit, l'écriture,
tout annonce que cette copie ne remonte point au-delà du
dernier siècle. Il est probable que la note et la table gé-
néalogique ont à cette époque été ajoutées à cette copie du
— 248 —
poenie, tlonl l'original est peut-être perdu et dont Fauteur
et la date nous sont inconnus.
Nous avons exprimé la pensée que Rose de Créqui avait
dû connaître les aventures de son aïeul, et qu'elle avait déjà
pu donner lieu à la légende dont celle que nous publions
n'est peut-être que la réminiscence. Ce poëme serait dans
ce cas d'un intérêt majeur et une trouvaille extrêmement
précieuse.
Cependant il est permis de se défier de son antiquité, et
nous sommes les premiers à reconnaître combien sa facture
a un caractère moderne, quoique d'un autre côté, nous
sachions combien ce caractère se retrouve aussi dans d'au-
tres poésies anciennes, dont la date cependant est incontes-
table. — Le renouvellement de la rime de deux vers en
deux vers dans les hexamètres ne remonte guère, il est vrai,
que vers le milieu du XV'' siècle; seulement l'on pourrait
demander si, quoique jusqu'à cette époque les strophes des
grandes épopées nationales ou chansons de gestes aient été
monorimes, les strophes chantées sous la forme hexamètre
n'ont point cependant adopté la rime renouvelée bien avant
ce temps. Il est certain du moins que déjà du Xi'^ siècle
datent les premiers essais du vers hexamètre, qu'au XIII" siè-
cle il était d'un emploi général, et qu'a ces deux époques
aussi la rime interposée servait généralement dans les balla-
des destinées à être chantées, comme parait l'avoir été celle
que nous publions.
Le doute est dans tous les cas permis dans cette question.
Nous ne tenterons point de l'écarter; notre but, en publiant
ce poëme, n'est que de provoquer à ce sujet une controverse
dont il surgira peut-être un incident qui permettra de sou-
lever le voile auquel nous n'avons encore osé toucher.
M. DE R.
— 2-49 —
iRaoïil de €réqiii,
roÈME (l).
Le roi Loys le josiie Iic')'anl eniprins le crois
Uoullieres li suihir tous les brafs Crencliois
Cueilles, prinches cl barons toute josne nobleisse
A senrolier Irestous monslroynt been de lie preisse
Euii poissant cliieualier jouxte le Boulonnoy
Treis noble posseisanl del cuentey de Ternoy
Le quint aueuk le uiel sire Gierard sen père,
Sic eroisia pour allier ous lius saints a le guicrrc
Cliiou cheualier esloy preux et de boen renom
Doutal)le cl qui porloy de Kreky le seurnom
Pour sic conij)aigne auoye espousicye eune feme
En cheilfi mesme anneye qecstoye foerl belle dame
Le dame esloye encheinle adonc Icnrolemcnl
Que fesit sen baron sans sen assentement
Maugriey us et cousteume dont feul si atrislieyc
Jonk on nen auoye ueûe de si déconforteye
Moes le boen chieualier féal et treis courtois
Par aniltcy se dame toudis reconforlois
Lcnliorlunl dassenlir a si saincle pourmeisse
Sans pleus len destourbier par si grande dcslreisse
Le uicl sire a le dame disoy en lenhorluiil^
Oullre mer giou cstey déviant men iosne temps
Enroliey on mauoye sans congicy de men j)crc
Sic en l'eu been geoyeu estiou me dame mcre
(1) Le manuscrit original est inconnu. La copie sur laquelle celle-ci a clé
transcrite, a été trouvée par M. Matter dans les paj)iers du poêle Sédaine,
«ju'il avait clé chargé de mettre en ordre, en septembre 184-8. — Pour con-
server à ce poënic toute sa valeur ancienne , nous n'avons jjoint touché à
l'orthographe cl nous nous sommes obstcnus de ponctuer.
18
— 2S0 —
Uos baron ueyra teil peregriner sien roy
Sen alier ous lieus saincts batailicr pour le foy
— Josne et preux de mourier oisieux en le Frenclie
A trente ans eil aroye uergogne et mesprisienche
A le parfin le dame poussiey par dévotion
Feut riesoul dassentir ou uœu de son baron
Senrolieres aueuk ly estiou deus de sies frères
Et vint septe escuyers rengieys subs se bannière
Quand le nouyct feut uenue deu trieste partement
Le dame dens sen lict plouroye amèrement
Le chiualier perplex oultraigiey de trieistesse
Le print enter sies bras et feit cheile pourmeisse
Giou te jure ma mie amour et feyaulteye
Sy ly prendant sie main sen anniau lia osteye
Soudain leyhant pompeu et mis en deus partye
Sy ly en bailla eune et uuardia le moytye
Cheile moytye danniau pour nos noepches beny
Tondis giou reuardereye come féal mary
Sie geamois geou reuien deu sainct peregrinaige
Giou uos raportereye de me foy cheu chier gaige
Quand le nouyct feut finey et ueneu le mastin
Le cheualier se dame a mesney par le mein
Empriey le uiel sire sen segneur et sen père
Ladjeurant quiel uoulsit toudis le tenir chiere
Le uiel sire le dame tout en plourant besia
Le chieualier en terre a gienous sie gietia
Chier sire men boen père pour men peregrinaige
Uoulsisiey nw bénir pour chiou lointain ueyaige
Le uiel sire sies hyeux et sies deus meins lieuant
Ou chiel clamia tout hault segneur omnipotent
Benisticys men cher filx en cheile saiucte guiere
Et sie le ramesney en se natale terre
Sie benict apriey ly deus de sies fieus mesneys
Apriey les acolia aueuk tous les croisieys
Que le boen cheualier mesnoye subs sie bannière
Pour allier conter lies turks en le saincte terre
— 251 —
Briefs adicus fcsit montant scn paslefroy
Adone trompes et clorions sonnieres a haultes vois
Le noble troupe estoye nurabrieuse et leglere
Eun escuyer portoy le crois seur le bannière
Sy chieuauchieres tant queils raleindires lost
Qui gea etoye en roule estant parlye pleusîost
Onk on ne auoye ucu cune sy beile armeye
Ne sy gcnle noblcisse ne sy been esquipeye
Lieschons lies chemines et allier oultre mer
Pour remembrer leurs foects faulroy eun libure entier
Cheile sie noble emprinse et sy numbrieuse armade
Estoye coires nommeye dies frencLois le croisiade
Rebrouchions vers le dame quy eu peu se acoukia
Deun biau fieus ky sie mère eun petit consolia
Le uiel sire en sentit eune teile liesse
Queil cachia de sen cœur tous riestans de triesteisse
En brief eil despechia dies Icstres ou chieualier
Empryes satalie ou payhis doultre mer
La eil feul aduisiey que deun fieus estoy père
Et quen sentey estoynt lenfenchon et sie mère
Cheile boisne nouueile grant j'oyey ly causia
Cheis affeins et amey soudain eil assemlia
Grant feste en feut mesneye aueucq sen parentaige
Dont boen numbre aueucq ly estoynt deu sainct ueyaige
Cheile grande liesse ne deuria mye lointemps
Aduint eune rencontre aueuk lies mescroyans
Lie chieualier mesnoye tout premier sie bannière
Et eun passiaige hatreckt lost estoy loin derrière
Deux bannières suijhoynt cheile deu chieualier
Et montoynt aprey ly cheu foert hatreckt sentier
Subs luers chiefs lies sires de Bresteul et Uarennes
De nobles chies trois routes faisoynt eune chenteine
Lies turks en hault deu mont le passiaige uuardoynt
Tout ousy dreus que greisle lueurs fleisches descochoynt
Sur lies crestiens montans liesqueus a coups despcyes
Combatoynt pour foercher de cheu hauU mont Icntreye
— 2S2 —
Lies frères ou cheualier Rogier et Godefroy
Fueres occhis dies turks ou premier desaroy
Auoeuck plusis de vint de luers pleus foerts gendarmes
Moes pour chiou lies crestiens ncn prendoynt meydallarmes
Lies mescroyans en liault tous been ou largue estoynt
Lies crestiens en montant uaillament combatoynt
Le sire de Creky deun moult et hault couriaige
Batailla lunguement pour foerchier le passiaige
Moes adonq quon auoye foerchiey lies mescroyans
Reuenaynt en luers plache toudis deus foes autant
La fueres occhis lies sires de Breteul et Uuarennes
De Marguenac et Montgay aultres par chinquentaines
Lies pleus preux qui estoynt entre lies escuyers
Qui auoynt been uuaignieys esprons die chieualiers
Fueres lies hoirs die Maumey de Brimeu de Creiseikc
Die Housdings die Sempy et le Boergne deisseike
Trestous y fueres occhis et been des uuarletons
Nobles et joesnes qui nauoyent mye barbes ous mentons
Ly Pietot die Clety auoeuk Jehan des Urennes
Uuillaume de Biaurin auoeuk Pieron Dallennes
Dies trois routes nestoynt pleus que vint combatans
Lies turks seur ly mont estoynt pleus de trois chents
Le chieualier en feit moult desconfîteure
Quis kehit seur lies morts trei perchey de naureures
Adonk le cueur failchit ou petit die mourants
Dies trois roules n'y estoynt pleus que septe riestanis
Tous aultres prins ou morts estendues de seur terre
Dies septe trois nanreys ensemble rebrouchiere
Lies noms dies cheualiers dies septe riescapeys
Deu poyhis di Ternoys feut le segneur deu Bieys
Aueuk Jehan Dasincourt et Hugues de Heumiere
Lies aultres estoynt uenues de Frenche en cheile guerre
Sie ratelndires lost eslians tous desconfits
Moult doeul en mesnieres luers affins et amys
Sic pourmires tirier die luers trespas uengianche
Et de cachier perdeus cheile maudite engianche
— ioi —
Râlons ueir que faisoyul pai- nouycl lies uiescioyans
Lies corps dies crestieiis niorls eils aloynt despouilians
Chetuy deu cheualier sens foerche et sins lumière
Emmy lies morts estoy gisant deseur la terre
Corne on le despouiliey sy tresmua been foert
Eun archier le ueyaut cryea eil ny est my mort
Sy ne le faut occhir chey le chief de le route
On ne racatera been ker sens neule double
Adonk en le querkia loyey en eun mantel
Seur eun keual eil feut mesuey en eun liamel
La ou en uisitea ses naurures morteiles
De seur liesqueles on meil unguens et apareiles
Le poure cheualier neauoye neul sentiment
Pour chiou queil auoye perdeu par troop de sang
Moes corne josne estoy et de foerte nateure
On cuidia queil polroy reuarir de cheys naurures (*)
Lies sens et le parole l'y eslyant retournej's
Cheu feut pour sie douloir die se calamyteys
Que de misieres las en eun sy dur seruayge
Uolray bien mieus morir que uiure en esclauayge
Le moestre quy lauoye a lypour son butin
Ly fesit amitey ly feit besier sie main
Le chleualier noyet mie rien de sen langaige
Moes ueit been queil ne uolay mye ly foere oultraige
Sy kieria a gienous mitan deun anniau dor
Queil mousfra quen auoye prins despouiliant son corps
Enclos en eun boursin auoeuk eun relikiaire
Qui ly fueres rendeus par pitey sie misiere
Gea eil sie uuarifloy cuidant sie racalrer
Pour deux chent besiant dor despekia messagier
Alost des frenchois moes focsant chou ueyaige
Feut occhis des creslicns qui lièrent moult carnaigc
{') Vers trop long.
2o4
Dîes mescro} ans boen numbre estant tous dcsconfil»
Ou par fond desourye sen moestre adonk sy enfuys
Paient queil ly suyhit en deure seruiteude
Sen esclauaige adonk comenchia ly estre reudc
Alost deu Roy Loys on cuidoy pour chierlein
Le cheualier oechls auoeuk pleus de uint
Been nobles escuyers seruians subs sie bannière
Sies affins et uassiaus auoeuk sies deux frères
Lies premiers messagiers qu'en Frenche en despekia
Aportieres nouueiles de tous cheys trépas là
Le dame en laprcndrant keut en terre pasmeye
Le uiel sire Gierard onkes not meye sartaye
Pau apriey morut le uiel sire dcnnuy
Le dame ot bccn uoleu morir auoeuk ly
Not estey lenfenchon pour quy le poure mère
Toute deseoufortey lamentoy sie misiere
Eun frère ou clieualier en Frcnclie demourey
Uoley dies castelleryes se foere adheritiey
Pour tollir le meneur de sen droit bieritaige
Pour cbiou le poure dame enduroye moult ouUraige
Lie poure chieualier quy gea estey meney
Ou poyhis de Sourye en se captiuetay
Poui-metoy been toudis sien racapt a sen moestre
Qui auoye conuenenchiey par eune boesne lestre
Moes faloy slapendant seruir et besoignier
Le poure esclaiue las ne sauoye neul mestier
Par pitey on li meit a uuardier lies ouailles
Subs eun preumier berkier quauoyc tros de bestailles
Lie poure esclaive las en uuardant sies troupiaux
Clanieye toudis a Dieus foere finer sies maux
Moes jamoes ne pouit oys neules nouueiles
De Frenche et diemouroy submys ous infidelles
Gea septe anneys passeyes de sie captiuetay
Morut sen moestre quy de ly auoye pitey
Uendeu feut ou markiey tout cnsy queune beste
Et uisctcy tout ncud dies pieys dusqua se teste
25i5
Sy feut uendeu been ker esliant coires foert biau
Deun grant corsiage quen nen uccoye my sy haull
Et disoy ton de ly questoy noble de Frenche
Qui seroy racatiey de nunibrieuse finenche
Sie esqueut a eun moestre foert deur et furieus
Qui hayoit tous crestiens et foerchenoy entre eux
Sy ly fcit endeurier lie pleus ruyde esclauaige
Et tout de preinie abord ly fesit foerche oultraige
Reynye tie loy tes gens giou tie dieslibrery
Teu uoy been que trestous eils tonts abandonney
Liesche tie chirchonchire nos propheite riesclame
Disoy teil teu aras terres pocuene et feme
Toudis le poursuihoy uolant quel reynia
A le loy dies crestiens et quen Mahom cuidia
Pour chiou en eune tour enclos kerkiey de keines
Le poure esclaiue feut mys a deures cadeines
Moes tandis quen Sourye tant de maux enduroye
Le dame estiou en Frenche persiecutaye estoye
Sien biau frère uoloy embler maugrey joustiche
Lies terres de Kreky ferssin et appendiche
Le père de le dame estoy loin demeurant
Ou poyhis de Bertaigne eun seigneur foert poissant
Moes par tros eslongiey pour foere le defenche
De sie fieule quy nauoye preys dyelle assiestanche
Sy uoloy que lie dame print pour sen defensieur
Eun deusicsme baron et foert noble segneur
Quy been ennamourey diechelle beile dame
Dies lointemps poursuylioy a lauoir pour se feme
Moes toudis en Sourye le poure esclaiue csloy
Ou coupleit deune tour quy naoye my de toict
Ou le soley dardoy sinon seur lies monfey
Ou assieyd eil estoy le loing de le journeye
Eune esculeye de rys et eune posteye dieaue
Eune maneye destrain tous lies jours eil auoye
Des mesnotes a sies meins a sies pieys des entraiues
Par eune lungue kcinc ou mur Icnoye liesclaiue
— 236 —
Daucunes foes sen moestre uoloy queil deschcndys
Pour reynyer se loy sie le pressoy tondis
Et le fesoy fessier auoeuk eune escourgieye
Dusquau sang ruchelier de se char escorchyey
Deurant preys de Iroes ans feut toudis martirey
Sans que peur des tormens eil uoulsy renyey
Sy ne pooit morir maugrey lent de soufifrenclie
Et sy nesperoy mye riechepuoir allegienche
Chiou mau maestro ueyant queil ne uoloy cangier
Que geamoes on uenoy pour lie racatier
Despitey ly disit diemain sans diferenche
Teu sera estrangley en me propre presenche
Lie poure esclaiue adonk se ueeant condempney
Qui morir desiroy de boene uoulontey
Se treuuia consoley entendent sie sentenche
Et que finer aloye se lungue penetenche
Remontey a le tour a gieuous sie gestia
A Dious a noter dame son asme commendia
Au boe» sainel Nicolay feit esliou se preere
Puis lassiey sendormeit coukiey a plate terre
Le jour estoy ueneu le soley sie lieuoy
Quant lesclaiue cuidia que Ion le reueillyoy
En eun bos sie treuuia et sies keynes rompues
Sy peasya queil resdoy ou auoye le berlue
Sies pyeys sies meins sentiant ny estre pleus attaquieys-
Eil sie dreschia tout droeit et sie meit a marchieys
Tout en brouchiant le bos cuidant emmy sien somme
Que deslibreye lavoye queuque pitoyale homme
Eil pourpensoy coment deu poyhis sortiroy
Ne recogneichanl mye le bos ou eil estoy
Moes en marchiant toudis eil treuuia eune uoye
Et ueil eun bosqueillon dont ot bcen moulte joyc
Le bosqueillon cuidia ueir eun grant reuenant
Qui lespenlia si foerl quoi! senfouy tout couriaul
Sy descarney estoy et tanney de wisiaige
Que deun urey reucnani auoy meyne et ymaige
— 257 —
Tout neud fors euii seylion sens meiiches el foert esli'oys
Qui a milan sies cuiches loul au pleus deschendoy
Eune foert lungue barbe et sic teste tondue
Se pieau toute nolrchye estoye treis foert peleue
Apriey lie bosqueillon courent et lie rateint
En langue de Sourye il kieria sen quemin
Adonk lie bosqueillon cuidant queil feut sauuiaige
Ly disil en frcnchois giou noyé myc uos langaige
Lie poure chieualier ne sauoye seil resdoy
Me dou le bosqueillon paroloy en frenchois
Men boen amey dis my en qucil lieus chy nos somme
Giou me treuue perdue et ny coguoys personne
Le fourets de Kerky on apeyle cheys bos
Seur lies marches de Flandre jouxte le Boulenos
Desit le bosqueillon liateu par queuque oraige
Captif en eun nauyre deseur mes foet naufraige
Soudein le fasche eu terre et lies deus bras en crois
Estendeu de sen long le cheualier clamoys
0 Dious omnipotens deu chiel et de la terre
Par queu miraucle a teu foet finer me misiere
De terre riesliesuay disit ou bousqueillon
Le uiel sire Gierard est eil en uie ou non
Le dame auoeuk sen fîeus toute le mesionneye
Et le frère sout eils ueiuants et en sancteye
Giea piecha le ueil sire dennuis est trespassey
Y a preys de dix ans et denpuis sen deschey
Balduin derain ficus ueut tollir Ihicritaige
Et pour chiou a le dame a foet foerche et oultraigc
Le père de le dame qui est coires uieuant
Auoeuk sen esueys ficus sunt ucneus essepreismcnt (*)
Pour le foerc assentir a nouveau mariaige
A cheile fin de uuardier ou meneur Ihieritaige
O Vers trop long.
— 2S8 —
Sie been le uuardera le sire de Renty
Proeche affîns eil estoy deu sire de Kreky
Foert poissant en uassiaux en moyens et en terre
Le dame ne pooit mieus coisir ne mieus foere
Le dame pour tout chiou uea se remarier
En huy a Iheure de sexte en le uea espeusier
Grand feste en y fera y a moult nobleisse
Lamosne on te donra eil y ara largieisse
Lie cheualier suyhit le uoye tout dusquau bout
Ou sortir de cheys bos sie recogncut par tout
Sie feut droict ou eastiau aueuk grande preisse
Ou tout cascuens esloye joyey et en liesse
Lies quiestcurs qui uuardoynt lies tours jouxte le pont
Le uceant preys dentrer ne lie uoulieres point
Que kieres teu cheens dou uien teu si sauuiaige
Eysteu eun melelot rescapey diescîaiuaige
Giou souis eun peregrin riestourney doultremer
Mes ameys a aos dame sie me faut paroler
Disit lie chieualier chest affoere qui preisse
Liesches me allier empriey le dame uos moestreisse
Nos dame ne peut mye enhuy teu paroler
Chey mastin ou moustier on le uea marier
En eyst a la tourner attens le ou passiaige
Ou eastiau ny entrera homme si treis sauuiaige
Eune heure aprey le dame suyhy de sies parens
Atourneye pour sies noepches de biaus acoustremens
Deschendy seur lie pont par sien fienchey mesneye
Et aloye ou moustier pour y estre epeusieye
Seur lie pont larrestia le poure chieualier
Giou uien me noble dame deu poyhis doultremer
Deu sire de Kreky uos annoneliier nouueilie
Le queu dempuis dis anseist en prision creudeille
Le dame ne auoye mye neul double deu trespas
De sien chier sire quen cuidoy mort ou combas
Conter lies mescroyhans moes deun amour fideile
Relicte auroyc uoleu demourier toudis teilc
— 259 —
Sie riespondy le dame urey niest myc uos raporl
En mesnant se bannière men baron kehit murt
Sies frères et uint troeis escuyers y restieres
Liesqueus tous fueres occhis fors septe quy sie sauuieres
Le sire de Kreky adonk ne feut occhy
Reprint le chieualicr car dame le ueychy
Rauisey been chey ray raaugrey taut de misiere
Connichey uos mary quy uos auoye sy kiere
Geamoes nie cuideroye que le soys men mary
Si teu ne me raconte chiou queil fesit le nouyct
De sen despartement quant dans mon lict coukiey
Giestoye sie treys dolente et sy deconfortey
Uos anniau despeusailes en deus geou le rompy
Uos printes le milan lauter geou le uuardy
Dame le ueychy coires de me foy cheu chier gaige
Que geadis giou uos ave baillyeye en mariaige
Adonk clamea le dame uos y estes men mary
Jou uos rciconguoy been meu baron sie kiery
Soudein enter sies bras se giesta transporteye
Sy esbahye estoye quyelle y reslia pasmeye
Moes en uoloy doublier le sire de Renty
Geadis amey astin deu sire de Kreky
Et disoy chey been ly a sen treys hault corsiagc
Moes joa ne le recognois my a sen uisiaige
Lie père de le dame leyaut been rauisey
Disit jou men remembre cheytly moes foert cangiey
Quand eil siéra uesteu et been lauey giesteime
Que tout cascuen lie riecongnichera de meisme
Quant lies sens de le dame fueres eun pau rapeurieye
Deuers sen fieus meneur y elle syeyc restourneye
Diseant ueney ueychy uos segneur et uos père
Ueniey le saleuter a deus genious en terre
Le sire prin sen fieus en sies bras le pressoyc
Le joesne demisicl foert bel enfain estoye
Et disoy chey dont nous que me kiere dame merc
Plouroye disiant tout eyst perdeu auoeuk uos pcrc
— 260 —
Slapendaut tous cascuens seur lie pont estanipys
Dames et chieualiers treslous been habeurys
Tous cascuen uoloy ueir et paroler ou sire
A riespondre a trestous sy ne pooit seufire
Deus cingnes subs lie pont siesbattoynt deseur lieau
De lueurs becqs tiroynt eune moitye danniau
Trey luisant deun rouby le dame leyhant ueu
Cryea chey le mitan de men anniau perdeu
Suer lies cingnes eun guiestreux deu pont en lieau saultia
Lueurs print cheile moitye danniau et la portea
Ou sire quy auoj^e lauter milan baillieye
Pour sic riecognisanclie a sie preime abordey
En raboutia ensemle cbeys deus moityes danniau
Quy auoynt engrauiey dedens euii escritiau
Deu nom deu sire auoeuk chely dichelle dame
Queil ly auoy donney en lespensiant se feme
Cascuens clamia miraucle moes chiou meye rien niestoy
Empriey de chely quy dieslibrey auoy
Lie poure chieualier par been pleus grand merueilles
Sie lueurs disit uos nen cuiderey uos oreilles
Sy rekiera le sire ou castiau remontier
Ou feut lauey uesteu mieus quen peut laeoustrer
Seur se teste tondeue en uestit eun uiel heaume
Adonk ne semloy pleus y estre oun sy sauuaige home
Lie banquet pour les noepccs estoy tout aprestey
Cascuens sie meit a taule a boire et festiney
Lie sire racuntia a le noble asemleye
Corne die liesclauaige et mort feut dieslibreye
Sy disit que sies keines estoynt riestey ou bos
Ou sestoy riesueilliey en lies kieria sictost
Tout le noble assemlyey feut lies ueir seur le plache
Ou tout cascuen a Dious a geenous rcndeit grachc
Ucneist a cheys nouueilles sien frère Biauduin
Le bocn sire Raoul ly pardoinia soudain
Lies guieres quauoy foel pour (ollir Ihieritaigc
Au josne Biauduin deuuiant sen esclauaige
— 261 —
Lointemps feut mesneye feste ou casliau de Krcky
Y feut cryey noel el largiesse en y fist
Dens lies poyhis uoesins en uoliea lies fameyes
Petietes et grandes gents trestous bien estonneyes
Le sire auoeuk le dame uesqueist pleus de uint ans
En grant amour et oeut encoires septe enfains
Fundia eun grant niouslier feist don ous monnastieres
Et amendia tous cheus quauoynt fondieys sies pères
Raoul de Créqui vécut jusqu'en 1181, il fut bienfaiteur
de l'abbaye de Loupvilliers en Boulenois et y est enterré.
— 282 —
Prix quiaiqiieuual d^histoive.
La commission chargée par M. le Minisire de l'intérieur
d'examiner les ouvrages d'histoire dont les auteurs pour-
raient être jugés dignes du prix quinquennal de oOOO fr.,
institué en 1845, a terminé sou travail à la fin du mois
d'avril dernier après avoir tenu plusieurs séances. C'est
M. Kervyn de Letteuhove, à qui a été décernée cette hono-
rable distinction pour son Histoire de Flandre, en 6 volumes
in-S". Ce prix, si légitimement acquis par quinze ans d'in-
fatigables recherches et de consciencieux travaux, a été
remis à M. Kervyn, dans la séance solennelle que l'Aca-
démie royale a tenue le 8 mai 1831, en présence d'un
public d'élite et des sommités littéraires du pays. Nous
croyons faire plaisir à nos lecteurs en reproduisant ici l'in-
téressant rapport que M. Moke a rédigé et lu, au nom de
cette commission, sur le résultat du prix quinquennal.
« Monsieur le Ministre,
L'intérêt que les peuples attachent à la connaissance de leur histoire a pour
principe cet esprit national qui les rend fidèles à eux-mêmes et à la patrie.
11 ne faut donc pas s"étonner de voir les études historiques prendre dans
notre pays un développement graduel à mesure que le sentiment de la na-
tionalité y devient plus profond. Rien, sans doute, n'eût jamais pu eflfacer
en Belgique les souvenirs glorieux du passé; mais le culte si vif et si général
dont ils sont aujourd'hui l'objet se lie au réveil de la vie publique et grandit
avec elle.
La reprise de ces éludes parmi nous date de la seconde moitié du dernier
siècle, époque où, sous le règne de Marie-Thérèse, une administration sage
et bienfaisante commençait à rendre la prospérité au pays et la confiance à
la nation. Alors parut la première /^i's^oïVe de la Belgiqxic, ouvrage du savant
— 263 —
et laborieux Des Roches, qui, dirigé dans ce travail par les vues profondes
et la haute raison de Nélis, sut sortir de la voie trop étroite de nos historiens
provinciaux, pour s'attacher à Tidée, encore si confuse, de noire unité poli-
tique. Cette idée parut aussi trouver un écho remarquable dans les mémoires
de FAcadémie naissante. Nous n'y voyons pins les habitants de chaque pro-
vince classés séparément sous des dénominations diverses, et le nom de
Belges, que les générations précédentes avaient paru oublier, y reprend sa
place légitime. Ce nom, que la science s'essayait ainsi à répéter, nos pères
l'inscrivirent bientôt après sur leurs drapeaux; mais le moment n'était pas
encore venu où l'Europe devait le reconnaître comme le symbole impérissable
de cette communauté de patrie sur laquelle repose désormais notre existence
nationale.
Pendant l'intervalle qui suivit ce premier effort, et lorsque la Belgique,
réunie à l'empire français, semblait devoir perdre sa foi en elle-même,
l'œuvre de Des Roches n'en fut pas moins reprise par Dewez, travailleur per-
sévérant, dont les pages un peu sèches préparèrent à ses successseurs une
tâche plus facile. Ce qui manqua jusqu'à la fin au mérite de ses ouvrages,
c'est le soin de la forme. La Belgique s'était montrée jusque-là plus riche en
savants qu'en écrivains, el ce ne fut qu'à l'époque de son indépendance
qu'elle trouva pour la défendre des hommes dont le langage atteignit à la
majesté de l'histoire.
L'ère nouvelle qui s'ouvrit alors ne fut pas seulement marquée par la
faveur qui s'attacha aux travaux historiques, mais encore par l'importance
qu'ils acquirent rapidement. L'érudition et le génie investigateur d'un
Willems, d'un Reiffenberg et d'autres auteurs contemporains, dont les tra-
vaux n'en sont pas moins remarquables pour n'être pas réunis el resserrés
dans un même faisceau, vinrent élargir et féconder le champ de la science.
Depuis lors, une foule de documents, jusqu'alors inconnus ou négligés, ont
été recueillis de toutes parts, et leur publication, en comblant les lacunes de
nos annales, en a plus d'une fois rectifié le sens. Des savants étrangers se
sont appliqués à leur tour à mettre en œuvre ces riches matériaux, soit pour
les rattacher plus fortement, soit pour reconstruire le vaste ensemble de
l'édifice social dont ils faisaient partie, el parmi ceux pour qui ce travail
restera un titre de gloire, il faudra toujours nommer .MM. Warnkœnig et Léo :
le premier a répandu un nouveau jour sur les institutions féodales et com-
munales de la vieille Flandre, le second sur les origines et les relations
politiques de nos anciennes maisons souveraines. En résumé, on peut dire,
sans exagération, que les vingt dernières années ont doublé la valeur des
éléments acquis à notre histoire nationale et l'authenticité des peintures
qu'elle est appelée à retracer.
— t64 —
Mais plus semble avancer vers son terme cette œuvre d'élaboration prépa-
ratoire et de critique laborieuse, qui prépare une base solide aux travaux
historiques, plus s'accroit et s"élève la grande tâche réservée à l'historien.
C'est à lui, en effet, de saisir la portée de chaque indication, le lien de cha-
que ordre de faits, le sens général de mille mouvements divers où la vie des
populations se déploie dans un ordre toujours logique, bien que toujours
varié. Sous ce rapport, notre histoire offre peut-être plus d'étendue et de
difficulté que celle des États les plus puissants de l'Europe : car il ne s'agit
point ici de suivre la formation progressive d'une de ces vastes monarchies
où toute la force vitale semble émaner d'un centre commun et rayonner pour
ainsi dire du souverain sur le pays. Parmi nous, les institutions politiques
semblent surgir le plus souvent de causes locales : chaque province a ses
propres lois, chaque ville ses libertés distinctes, et la vie commune, loin de
résulter de l'action suprême et incessante d'un pouvoir dominant, consiste,
au contraire, dans les rapports généraux de caractère, de tendance, de mœurs
et de civilisation qui rapprochent graduellement des populations indépen-
dantes. L'unité qui succède ainsi à leur isolement n'est point imposée ni
subie : elle naît de la force des choses, par le développement régulier d'élé-
ments similaires. Et si l'on nous en demandait la preuve, qu'on se rappelle
seulement combien il était loin de la pensée des dynasties étrangères, qui
ont régné sur nous depuis le temps de Charles-Quint, de préparer notre in-
dépendance nationale. C'est sous leur domination inatlentive que l'union de
nos provinces est devenue le résultat nécessaire d'une sorte de conformité
sociale lentement acquise et qui s'est trouvée faite avant même d'être recon-
nue. Il existe encore de nos jours des vieillards qui ont vu la Belgique autri-
chienne et liégeoise former deux États complètement séparés, tandis qu'un
lien politique imparfait semblait à peine rattacher le reste de nos provinces ;
mais où reste-l-il un Belge pour qui ces anciennes divisions soient autre chose
qu'un souvenir qui ne peut plus revivre?
Il n'y a pas d'étude plus digne de l'attention du penseur et du citoyen que
celle de cette formation intime et spontanée d'un peuple vivant de sa propre
vie : il n'y a pas d'expérience plus complète du développement naturel dune
société ; il n'y a pas de leçon plus significative que ses épreuves, tantôt glo-
rieuses, tantôt fatales, toujours en rapport avec son caractère et ses institu-
tions. L'opinion publique semble l'avoir compris, et elle a toujours applaudi
aux mesures prises par le Gouvernement pour favoriser les progrès de l'his-
toire nationale.
Ce n'est pas à nous. Monsieur le .Ministre, à vous rappeler quel sentiment
patriotique a dicté ces mesures. Dès 1834, la Commission d'histoire, instituée
— 26S —
sur votre proposition, fut chargée de publier, aux frais de lÉtat, les manus-
crits qui offraient le plus d'importance comme documents historiques. A côté
de ce grand travail qui se poursuit sans relâche, des prix spéeiaux ont été
fondés en 1841, pour une histoire du règne dAlbert et Isabelle, en 1848
et ISo], pour un livx'c de lectures historiques destiné aux masses. Ces fonda-
tions ont amené d'autres e.\emples de munificence qui se répéteront sans doute
à mesure que les administrations communales et les hommes qui emploient
noblement une grande fortune se feront honneur de s'associer aux efforts
généreux du Gouvernement. Mais une importance spéciale doit être attribuée
à l'établissement du prix quinquennal de cinq mille francs assigné à l'auteur
du meilleur ouvrage sur l'histoire du pays. Cette mesure, sollicitée d'abord
par l'Académie, fut adoptée, en 1843, sous le ministère de M. Van de Weyer.
Elle a pour caractère de perpétuer sous la forme d'une institution perma-
nente les récompenses publiques destinées au talent et au savoir de nos his-
toriens; et ces récompenses sont d'autant plus justes que jusqu'ici presque
tout était sacrifice dans leurs travaux.
L'époque est arrivée où ce prix quinquennal doit être décerné pour la
première fois, et le jury institué pour le choix du meilleur ouvrage a ter-
miné sa tâche : il vient maintenant vous en faire connaître le résultat et vous
exposer les principes qui l'ont dirigé dans son jugement.
Quoique la période quinquennale, qui s'est tei'minée avec l'année 1830,
ait vu paraître un grand nombre de travaux remarquables sur diverses par-
ties de notre histoire, quelques-uns des plus éminents ne se trouvent pas
encore complètement achevés, et ne pouvaient dès lors disputer le prix
acluel. Parmi les ouvrages qui remplissaient les conditions fixées, le premier
rang devait appartenir à celui qui réunirait au mérite de loeuvre limportanec
du sujet. C'est ainsi que des livres d'une valeur réelle, mais qui n'offraient ni
une vaste étendue de matières, ni une suite de recherches profondes, n'ont
pu être mis par nous que sur la seconde ligne, sans qu'il fût pour cela dans
notre pensée de leur attribuer aucun caractère d'infériorité. Un seul ouvrage,
parmi ceux qui ont été publiés dans celte période, nous a paru réunir à la
profondeur de Térudition et à la gravité du sujet le double mérite d'une
grande tâche vigoureusement remplie, et d'une forme dont l'élégance est
souvent remarquable : c'est l'Histoire de Flandre, publiée de 1847 à 1830,
I)ar M. Kervyn de Leltenhove. Sans fermer les yeux sur quelques imperfec-
tions que nous nous ferons aussi un devoir de signaler, nous avons été una-
nimes pour y reconnaître des peintures d'un grand intérêt historique, ren-
dues avec l'éclat d'un coloris brillant, et nous n'hésitons pas à regarder ce
livre comme digne de l'honneur du prix que nous croyons devoir lui décerner.
In examen plus développé justifiera cette proposition.
19
— 266 —
Lhistoire de nos grandes provinces présente une matière féconde à l'écri-
vain qui vcul retracer le développement de leurs premières institutions poli-
tiques, les époques dhéroïsme du moyen-âge et les grandes luttes de Tépoquo
communale. C'est surtout à ces deux derniers points que M. Kcr\yn s'est
attaché; et à la manière dont il les a traités, on reconnaît chez lui l'écrivain
qui s'est préparé à sa tâche par des recherches profondes, et dont la pensée
s'associe tout entière aux destinées du pays. .Mais quelque riches que soient
les éléments dune histoire provinciale, il est dangereux de vouloir l'étendre
au-delà de certaines limites; car du moment où la province, cessant de former
une souveraineté distincte, va s'unir et se confondre avec les autres parties
de l'État, elle n'a plus d'existence individuelle ni de rôle historique. C'est ainsi
que les annales particulières de la Flandre trouvent leur terme naturel, sinon
à la réunion des Pays-Bas sous le sceptre de Philippe le Bon, du moins après
la soumission des Gantois à la régence de Maximilien d'Autriche. M. Ker\Tn
semble n'avoir reconnu qu'après coup cette nécessité de son sujet, et après
avoir parcouru avec succès les parties essentielles de sa tâche, il s'est vu en-
traîné à terminer, par une esquisse assez aride, un tableau jusqu'alors large-
ment conçu et enrichi de détails précieux. Toutefois, cette stérilité qui dépare
le volume final de son ouvrage n'ôte rien au mérite soutenu des cinq premiers,
auxquels pouvait se borner son travail, et qui ont surtout fixé notre attention.
L'érudition vaste et variée de l'auteur se déploie dès la première partie de
son œuvre {l'époque féodale), et peut-être n'est-elle pas inutile pour rassurer
le lecteur contre les périlleuses fascinations d'un talent plein de poésie et
d'un esprit dont la sagacité se plaît aux aperçus nouveaux. 11 faut avoir soi-
gneusement examiné ces pages brillantes pour rendre justice à l'étude minu-
tieuse des faits qui s'y cache sous le mouvement rapide et pittoresque des
imasçes. M. Kervy'n a consulté avec amour toutes les sources, et il nous en
indique plusieurs qui avaient été ignorées avant lui. Peut-être cependant son
désir d'en révéler l'existence l'entraîne-t-il quelquefois à laisser dans l'ombre
des autorités que nous sommes accoutumés à respecter.
Sa théorie sur l'origine des populations du littoral, qu'il suppose tout-à-fait
distinctes de celles de l'intérieur du pays, rencontrera sans doute plus d'un
contradicteur; mais le portrait qu'il trace d'elles est plein de vérité locale.
Ce que l'on pourrait reprocher à ce premier volume, ce serait un peu d'in-
certitude dans le point de départ de l'écrivain, qui, n'ayant pas attaché beau-
coup d'importance aux vestiges de l'époque romaine, ne trouve aucune base
antique à Tordre de choses que lui présente la Flandre du VU" et du IX" siècle.
Cependant, il faut remarquer que ce défaut était presque inévitable dans
l'histoire particulière dune province : car pour se rendre compte des effets
— 267 —
de la domination des Romains en Belgique pendant cinq cents années, c'est
l'ensemble du jjays qu'il faut embrasser du regard.
Les trois volumes suivants forment la partie capitale de l'ouvrage. M. Ker-
vyn y fait preuve d'un talent plus ferme et d'une science plus sévère. Fidèle
au drapeau de son pays, il se montre surtout historien des communes fla-
mandes, dont il ne se lasse point de peindre les valeureux efforts. Nul encore
n'avait raconté si fidèlement les grandes scènes de leurs guerres et de leurs
révoltes, et si l'on peut craindre que ses sympathies patriotiques n'aient
quelquefois trop ennobli les figures quil avait à reproduire, c'est là un genre
de tort qui porte avec lui son excuse, quand le zèle de l'écrivain a la sincérité
d'une croyance religieuse. Aussi mettrions-nous à peine quelque réserve à
notre approbation pour un tableau d'ailleurs si remarquable, sans un genre
de lacunes que nous sommes forcés d'y indiquer. Les institutions du pays,
conditions essentielles de son existence politique, ne reçoivent pas de M. Ker-
vyn la même attention que les hommes et les événements. C'est là, croyons-
nous, le côté inférieur de son livre : sans doute les annales d'une province
ne doivent pas toujours présenter le tableau complet de son organisation
intérieure; mais il est à désirer que l'on puisse j reconnaître distinctement la
nature des pouvoirs qu'on y voit figurer, et quand l'Histoire de Flandre par-
viendra, comme tout l'annonce, à une seconde édition, l'auteur s'attachera
sans doute à la compléter sous ce rapport. Il sera plus facile alors à ses
lecteurs de s'intéresser aussi constamment que lui à la cause des communes,
cause dont la légitimité a besoin d'être mise pleinement en lumière et justifiée
par l'existence de droits positifs, avant qu'on puisse toujours adopter sans
scrupule l'enthousiasme de ses défenseurs et de ses martyrs.
Le cinquième volume de l'ouvrage, sans être au-dessous des précédents,
se ressent de la difficulté où se trouve l'auteur de faire rentrer dans une his-
toire spéciale les événements accomplis sous le règne de la maison de Bour-
gogne et sous la régence de Maximilien d'Autriche. Une partie des faits qu'il
rapporte ont un caractère trop général pour le cadre qu'il a choisi. Il se voit
donc forcé, tantôt de considérer à un point de vue tout flamand des actes
auxquels le pays entier prenait part, tantôt d'indiquer sans aucun développe-
ment des événements dune haute gravité historique. Mais la nature du sujet
auquel M. Kervyn s'était consacré rendait peut-être ce défaut inévitable, et
on n'en doit pas moins reconnaître que la foule de détails nouveaux qu'il nous
offre sur les troubles de Flandre à l'époque de Maximilien, donnent à cette
partie de son travail une valeur qu'on ne saurait contester.
Quant au sixième volume, dont nous avons déjà signalé le caractère plus
aride, sa forme est celle d'un simple appendice, et il devrait peut-être en
— 268 —
porter le titre. Il semble ajouter peu au mérite de l'ouvrage-, mais il ne sera
pas inutile à la science par les matériaux sur lesquels il appelle son attention.
En résumé, les imperfections que le jury a cru reconnaître dans quelques
parties de l'Histoire de Flandre ne sont point de nature à effacer les qualités
sérieuses et brillantes de Touvrage. Ces qualités, qu'une simple analyse fait
mal ressortir, le placent parmi les livres qui doivent honorer notre littérature
et qui enrichissent notre histoire. En signalant avec une attention sévère les
côtés les plus faibles de ce grand travail, nous n'avons pas voulu mettre la
censure à côté de l'éloge, mais donner à l'éloge sa juste valeur en faisant à la
critique la part la plus large que permît l'équité. »
Le baron E.-C. de Geblache, président;
Gachard, secrétaire; De Ram; baron
Jules de Saikt-Gesois ; Cn. Faider;
GnEiDOiF, et More, rapporteur.
— 269 —
Cljrmtique bes Sciences et Dca 2lrt9, et t)anéte'ô.
Ve.me de la Galerie Van Saceghem. — C'est avec un pénible serrement dv
cœur que nous voj'ons, une à une, disparaître de notre pays ces riches collec-
tions de gravures, de tableaux et d'objets d'art, jadis nos richesses, notre
orgueil. Peut-être nous en consolerions-nous facilement, si quelques-uns des
chefs-d'œuvre des maîtres anciens, enfants du sol belge, allaient enrichir nos
musées publics. Mais non, grâce à la parcimonie avec laquelle on traite les
Beaux-Arts sous le régime représentatif, il n'y a plus moyen pour le gou-
vernement, si bien intentionné qu'il soit, d'acquérir des sculptures, des es-
tampes ou des peintures de prix. .\près la dispersion des précieux cabinets
des Schamp, des Macs, des Bremaecker et de tant d'autres, la magnifique
collection de l'ancien sénateur M. Van Saceghem nous restait encore. Mais
celle-ci aussi devait nous quitter et laisser à Gand un vide qui ne pourra
plus se combler, tant les fortunes se divisent, tant le goût des arts a fait
place au positivisme des spéculations industrielles. Les tableaux de la galerie
Van Saceghem ont été mis en vente publique en juin 1831 et ont produit
au-delà de 329,000 francs : le prix d'achat en première main n'avait pas
atteint le chiffre de 200,000 fr. Ils avaient été acquis par M. Patureaii, de
Paris, par l'entremise de M^ Etienne Leroy, de Bruxelles. Le marché a été
conclu au commencement du mois d'avril dernier.
M. Patureau a présenté ces tableaux en vente publique à Bruxelles, les 2 et
3 juin 1831. Voici les prix qu'ont atteint les 150 tableaux de ce précieux
cabinet :
N'o' 1 et 2, Abshovcn (Jean), 210 fr. — N» 5, .\sscleyn, aOO fr. — N" 4,
liakhuyzen (L.), 770 fr. — N» o, Berchem (N.), 4500 fr., à M. Steyaerl, de
Bruges. — N» 6, Berckheyden (G.), 1030 fr. — N» 7, le même, -100 fr. —
N» 8, Bourdon (S.), 233 fr. — X's 9 et 10, Brekelcnkamp (G.), 1723 fr. —
N» 11, Breughel (J.), 213 fr. — iV 12, Breydrl (K.), 210 fr. — N'IS, Brou-
wer(A.), 230 fr. — N» 14, Coques (G.), 10,000 fr., à M. Lancuvilic, manda-
taire de Lord Hertford. — >'ol5, du même, 300 fr. — N» 16, Cuyp (A),
7700 fr. — .\"n 17, du même, 640 fr. — >"» 18, De Craycr (G.), 113 fr. —
— 270 —
Nos 19 et 20, 90 fr. — N° 21, Delairesse (G.), 160 fr. — N» 22, Desportes (F.),
1225 fr. — No 23, De Voys (A.), 110 fr. — N« 24, De Wilte (E.), 460 fr. —
No 23, Duchatellc, UO fr. — N» 26, Dujardin (K.), 400 fr. — No 27, Elzhai-
mer (A.), 70 fr. — N" 28, Fyt (J.), 700 fr. — N» 29 (?) — N'o 30, Haekert (J.),
1000 fr. — No 31, Hobbeina (M.), (haut. 72 cent. larg. HO cent, toile), à
Mr E. Leroy, pour compte de M. Patureau, 78,000 fr. — No 32, Jordaens (J).,
1075 fr. — No 33, Lingelbach (J.), 600 fr. — No 34, Maratti (C), 550 fr. —
No 35, Miel (J.), 460 fr. — No 56, Mieris (P.), le père, 27,200 fr., à M. Tancé,
de Lille. — No 37, Mignon (A.), 1800 fr. — N» 38, Molenaer (J.), 150 fr. —
No 59, Neefs (P.), 440 fr. — No 40, Peeters (B.), 200 fr. — N» 41, Poelen-
burg(C.), 400 fr. — N» 42, Potier (Paul), 1700 fr. — No 43, Querfurt (T.),
145 fr. — N" 44, le même, 145 fr. — N'o 45, Rembrant Van Rbyn, 600 fr.
— No 46, Rombaon (A.), 50 fr. — No 47, Rosa (S.), 173 fr. — No 48, Rotten-
hamer (J.) et Breughcl (J.), 810 fr. — Nos 4.9 et 50, Rubcns (P. P.), 11,100 fr.,
à M. le comte de Cornelissen, à Bruxelles. — N» 51, le même, 22,600 fr. —
N'o 52, le même, 5000 fr. — N» 53, le même, 5600 fr., au Musée de Bruxelles.
— No 54, le même, 2200 fr., M. Chapuis, à Bruxelles. — N» 55, Ruisdael (J.),
2700 fr. — No 5G, Scbuz, 420 fr. — N» 57, le même, 420 fr. — N'o 58, Sny-
ders, 923 fr. — N» 59, le même, 420 fr. — No 60, Sleen (J.), 2600 fr. —
No 61, Storck (A.), 250 fr. — No 62, Teniers (D.), 1200 fr. — No 63, le même,
060 fr. — No 64, Teniers (D.) et Monper, 1250 fr. — N'o 65, Van den Yck-
lioudt (G.), 200 fr. — N» 66, Van der Does (S.), 880 fr. — No 67, Van der
lIclst(B ), 500 fr. — No 68, Van der Heyden (J.), 8000 fr., à M. le baron
Dubois, à Londres. — N'o G9, Van der Neer (A.), 1400 fr. — N'o 70, Van de
Velde (G.), 7300 fr., à M. le baron Dubois. — No 71, le même, 2350. —
No 72, Van Dyck (A.), 320. — No 75, Van Goyen (J.), 520 fr. — N» 74, Van
Hugtenburg (J.), 890 fr. — No 73, Van Ostade (Adrien), 38,500 fr., à M. Sarg,
mandataire de M. Rolschild, de Londres. — No 76, Van Ostade (A.), 2930 fr.
— No 77, Van Osladc (J.), 520 fr. — N'o 78, Van Slingeland (P.), 155 fr. —
No 79, Vanuden (L.), 145 fr. — N'o 80, Van Utrecht (A.) et Teniers (D.),
1100 fr. — N'o 81, Weenix (J.), 1223 fr. — N'o 82, Wouvermans (Ph.),
17,600 fr., à M. Sarg. — No 83, le même, 7600 fr., au Musée de Bruxelles. —
No 84, le même, 1500 fr. — No 83, le même, 990 fr. — N» 86, Wynanls (J.)
et Van de Velde (A.), 5100 fr. — No 87, Zaafflcevcn (H.), 65 fr. — N'o 88, le
même, 120 fr.
En total, avec les tableaux compri.s sous le paragraphe « Tableaux par et
d'après différents maîtres, » depuis le no 89 à 130 (les n»» 102 et 103 par
llondius (A.), vendus 1100 fr., et le no 124, par Van Slry (J.), 1900 fr.), la
vente a produit la somme de 329,000 francs.
— 271 —
DÉCOUVERTE d'une PIlînRE TUMtILAIRE DE DEUX ABRÉS DE S'-BAVU^, A GaXD. —
La pioclic vient de tlélcrrcr, dans la courtine du Château espagnol, la pierre
lumulaire de deux abbcs de S*-Bavon.
Celte dalle, brisée en plusieurs pièces, est en pierre de Tournai polie;
elle a de 40 à GO centimôtrcs; les caractères sont du XIII» siècle. En voici
l'inscription :
UIC JACET ADELARD. ABB. GAND^.
ÔÔ"^* QUI OBUT 6 NONAS MARTIS
A^^o DNi 1099.
IlIC JACET EVERDEIUS S"** ABB. GANDN.
38"^ QUI OBIIT X" KL. MAIl ANNO
D~M 1206.
Cette découverte vient confirmer la véracité du chroniqueur Jean De Thiel-
rode, et éclaircir un doute sur les termes qu'il a employés en parlant du
décès d'Adelard : « SepuUus est, dit-il, in anteriori choro versus convenlum. »
Comme la crypte de S*<^-Maric n'a pas été démolie du temps de Charles-Quint
ou du duc de Parme, ce chœur antérieur se trouvait donc dans l'église con-
ventuelle, dont les moellons ont servi à la construction du Château.
Société royale des Beaux-Arts, a Ga?(d. — Cette société vient de reprendre
ses expositions particulières de tableaux, qui autrefois eurent une si heureuse
influence sur le progrès de la peinture et de la sculpture dans les Flandres.
Celle qui vient de s'ouvrir le 20 juin dernier, est remarquable sous plus d'un
rapport. La commission directrice et les amateurs y ont déjà acheté pour
plus de 4000 fr. d'objets d'art. Ces expositions se renouvelleront tous les ans
à la même époque, sauf l'année de l'exposition triennale gantoise.
Médaille a la mémoire du baron De Reiffenberg. — La société des Sciences,
des Arts et des Lettres de Hainaut et celle des Bibliophiles belges séant à Mons,
viennent de faire frapper à refligie du savant écrivain que la Belgique a perdu
l'an dernier, une médaille en bronze de moyenne grandeur, dont elles ont
confié l'exécution au talent bien connu de L. Wiener. Nous regrettons de le
dire, nous n'avons point reconnu dans le portrait gravé par l'habile artiste
les traits fins et caractéristiques du baron de ReilVenberg. La ressemblance
est entièrement manquée.
Tombeau de Godefroi de Bouillon et de Baudouin de Constantinople. — Nous
apprenons que M. le Ministre de l'intérieur a chargé un membre de l'Acadé-
mie de la rédaction d'une mémoire justificatif tendant à établir d'une manière
irrécusable que Godefroi de Bouillon appartient à la Belgique par sa nais-
— 272 —
sance, et que par conséquent le gouvernement belge est seul fondé en droit
aujourd'hui à faire rétablir son tombeau à Jérusalem. Par suite de ce travail
M. Blondeel de Ceulenbroeck, cliargé d'affaires de S. M. le Roi des Belges à
Constantinople, a reçu la mission de se rendre à Jérusalem pour procéder
sans retard, après s'être entendu avec les autorités locales, aux travaux de
restauration du monument de Godefroi de Bouillon, ainsi que de Baudouin
de Constantinople, qui sera entièrement réparé aux frais du trésor belge.
Académie royale de Belgique. — Voici le programme des questions à ré-
soudre pour la classe des lettres et des sciences morales et politiques :
1° Faire riiistoire de l'organisation militaire en Belgique, depuis l'avéne-
ment de Charlcs-Quint jusqu'à la mort du roi d'Espagne Charles II.
2» Quelles ont été, jusqu'à Tavénement de Charles-Quint, les relations po-
litiques et commerciales des Belges avec l'Angleterre?
3» Quelle est, dans l'organisation de l'assistance à accorder aux classes
souffrantes de la société, la part légitime de la charité privée et de la bien-
faisance publique?
i° Faire Thistoire, au choix des concurrents, de l'un de ces conseils : le
grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le conseil de Hainaut, le
conseil de Flandre.
5» Un mémoire sur la vie et les travaux d'Érasme, dans leurs rapports avec
la Belgique.
6o Quelle influence la Belgique a-t-elle exercée sur les Provinces-Unies sous
le rapport politique, commercial, industriel, artistique et littéraire, depuis
l'abdication de Charles-QuinI jusqu'à la fin du XVIIIe siècle?
7° Quel est le système d'organisation qui peut le mieux assurer le succès de
l'enseignement littéraire et scientifique, dans les établissements d'instruction
moyenne ?
Prix qci>qcex.>acx. — Un arrêté royal du 6 juillet 1831 porte :
Indépendamment du prix fondé par larrêté du i<"^ décembre 1845, il est
institué cinq prix quinquennaux de oOOO fr. chacun, en faveur des meilleurs
ouvrages qui auront été publiés en Belgique par des auteurs belges et qui se
rattacheront à une des catégories suivantes : 1" Sciences morales et politi-
ques; 2» littérature française; ô" littérature flamande; 4» sciences physiques
et mathématiques; o» sciences naturelles.
27â —
tloiice analytique ci raiaonnée
DU CATALOGUE DU MUSÉE d'aNVEUS, RÉDIGÉ PAR M. JEAN-ALFRED
DE LAET, PROFESSEUR AGRÉGÉ A l'u.MVERSITÉ DE GA\D, ET
PUBLIÉ PAR LE CONSEIL d'aDMIMSTRATION DE l'aCADÉMIE
ROYALE DES BEAUX-ARTS (l).
3=>«^»«»
Une bonne fortune dont nous sommes redevables à un
parent de Jacques Jordaeus, nous permet de donner sur la
famille de ce grand coloriste, des détails que nous croyons
inédits pour la plupart.
Le père de ce maitre s'appelait également Jacques; il
épousa le 2 septembre 1390, Barbe Van Wolscbaten, née
à Borgerbout, le 5 février 1569, décédée le H fé-
vrier 16o8 (a). De ce mariage naquirent : 1" Jacques
Jordaens , le célèbre artiste , baptisé à Notre-Dame le
20 mai 1595, et qui épousa dans la même église le 15
mai 1616, Calberine Van Noort, lillc du peintre Adam et
d'Élisabetb Nuyts, Jacques mourut le 18 octobre 1678,
après avoir causé à ses frères et sœurs, le cuisant chagrin
d'une apostasie dont les motifs sont encore un mystère et
à laquelle prit part sa femme qui décéda le 17 avril 1659,
ainsi que son beau-père. La tradition rapporte que les
(1) Suite cl fin. Voir pag. ISô.
(2) Jacques Jordaens, le père, mourut le 5 août 1613; il était fils de Pierre
et d"Anne Faulx. Barbe Van Wolsehalen était fille de .Martin et de Barbe Van
llulssen.
1851. 20
— 274 —
voisins tUî la rue Haute, où demeurait le malheureux Joi-
daens, ne le voyant plus fréquenter nos temples, soupçon-
nèrent le motif peu honorable de sa conduite (i).
2° Elisabeth Jordaens, Béguine, baptisée à Notre Dame
d'Anvers le 24 août 1 G 1 3, décédée à Bréda le 2 1 juillet 1 645;
5° Marie Jordaens, épouse de Pierre Laureyssens; 4" Abra-
ham Jordaens, baptisé à Notre Dame le 24 juin 1608,
décédé à Anvers, religieux de Tordre des ermites de S'-
Auguslin; 5° Madelaine Jordaens, Béguine, baptisée à Notre
Dame le 25 juillet 1605, décédée à Anvers le 26 avril 1667;
6° Isaac Jordaens, baptisé dans la même église le 24 juin
1608, mari de Catherine De Laport; 7" Anne Jordaens,
baptisée également dans la Cathédrale le 21 décembre 1597:
elle y épousa le 18 avril 1625, Zacharie DeVries, mort sans
postérité en août 1661; 8" Catherine Jordaens, religieuse
du tiers-ordre de S*-François; elle fut baptisée à Notre
Dame le 20 décembre 1600 et célébra son jubilé le 5 sep-
tembre 1671.
Le peintre Jacques Jordaens fut père de : 1° un fils, éga-
lement nommé Jacques, qui cultiva aussi la peinture et
mourut célibataire en Danemarck; 2° Elisabeth, décédée
le 18 octobre 1678 et enterrée avec ses parents, dans l'é-
glise réformée de Putte; 5" Anne Catherine, épouse de Jean
Weerts, né à Anvers en 1620, conseiller au Conseil souve-
rain de Brabant à La Haye, où il demeurait en 1680.
L'ensevelissement du Sauveur, peint par Jacques Jor-
daens, le Vieux (n" 255), provient de l'abbaye de S'-Sau-
(1) Tout ceci, comme M. Victor Van Grimbergen en a déjà fait l'observa-
tion, ne s'accorde guère avec ce que feu M. Norbert Cornelissen a inséré
en 1832 dans le Messager des Sciences et des Arts; mais ces détails ont sur
ceux de ce savant, l'avantage de l'exactitude. S'ils font peu d'honneur à Jor-
daens, il faut l'en plaindre.
M. Frédéric Verachter a communiqué une partie des renseignements que
nous avons transcrits plus haut, dans le Messager des Sciences et des Arts,
volume de 1832-1833, p. SOO.
— â7o —
veur, fondée à Anvers par Pierre Pot et Marie Terrebroots,
sa compagne, et non de l'église des Capucines, ainsi que
cela a été un jour erronément écrit.
En reconnaissance du don que Jordaens avait fait à la
Corporation de S'-Luc, en 1G65, des tableaux-plafonds re-
présentant le Péfjase (n" 2o6), et le Commerce et Vhidustrie
protégeanl les Beaux-Arts (n" 257), la Confrérie offrit à
l'artiste une aiguière en argent, accompagnée d'une pièce
de vers à sa louange (i).
Il est à remarquer qu'aucun des tableaux de Jordaens
que possède le ]Musée, n'a été transporté en France, à la
lin du siècle dernier.
L'inscription sépulcrale suivante, qui se trouvait dans
l'église des grands Carmes d'Anvers, permettra de fixer à
l'avenir d'une manière exacte, la date de la mort du célèbre
peintre Théodore Rombouts :
SEPULTURE
VAN DEM EERSAMEN BARTUOLOMEUS ROMBOUTS
STERFT 2 OCTOBER 1624
EADE
VAN DE EERBARE BARBARA DE GREVE
SÏNE HUVSVROUWE
STERFT 22 OCTOBER 163G (2)
ENDE
DEN VROMEN THEODORUS ROMBOUTS HAERIIEDER SOSE
SCIIILDER VERMAERT
STERFT 14 SEPTEMBER 1G57.
Le Père Papcbrochius, auquel nous avons déjà fait tant
d'emprunts, a indiqué exactement l'année de la mort de
Rombouts, qui, d'après le célèbre Jésuite, est né à Anvers
en 1597, date indiquée également par le catalogue (s). Nous
(1) J. C. E. baron Van Ertborn, Geschiedkundige aenteekcningen aengaende
de S'c luras gddc, enz. Anlwcrpcn, 1822, bl. 36-57.
(2) Le manuscril qu'on a bien voulu mellre à noire disposition, signale
celte date comme douteuse.
(3) Op. cit., t. IV, p. 364. — Cet arliste fut baptisé à Notre-Dame le
2 juillet 1597. Il eut pour parrain Thierry Sweerts, pour marraine Marie
— 276 —
croyons du reste que M. De Laet se trompe, en faisant bâtir
à Rombouts, l'hôtel avoisinant le palais du Roi, place de
Meir, à Anvers; Fauteur cité nous apprend eii effet que c'est
Gérard Zeegers qui se fit construire une belle habitation
au milieu de ladite place, vis-à-vis la rue des Claires (i).
Quoique les rivalités entre artistes soient de nos jours
choses malheureusement peu rares, nous ne consentons
point à admettre sans preuve la haine, que Rombouts
aurait, d'après le catalogue, vouée à Rubens, non plus que
le faste dont se serait targué le premier de ces artistes.
Des pièces irrécusables ont déjà fait justice d imputations
mal fondées, dirigées à l'adresse de certains maîtres et de
certains promoteurs des arts, par les Campo ^^'eyerman,
les Descamps et tutti quanti: n'accueillons donc pas légère-
ment les anecdotes que nous ont léguées ces Messieurs.
Rombouts, d'après Papebrochius, mourut au retour d'un
voyage en Italie (2).
Le n° 261, peint par Rombouts, représente le Christ pé-
De Mont. — Le vendredi 17 septembre 1627 il lui fit octroyé de passer hors
d'Anvers la première nuit de ses noces, sans perte de son droit de cité (jwor-
tersehap). II épousa ladite année Anne Van Thielen, dont il eut une fille
nommée Anne-Marie, baptisée à ^'otre-Dame le 7 août 1628.
(1) Op. cit., t. V, p. U.
(2) Voici l'inscription sépulcrale du peintre Jean Wildens, que le catalogue
indique comme Tauteur du paysage, au milieu duquel Rombouts a représenté
la S^^'-Famille (n" 260). Cette inscription se lisait dans notre ancienne Cathé-
drale ;
BEGRAEFPLàETS VAN J0A>>E5 WILDENS SCHILDER
STERFT 16 OCTOBER 1653
OUD 69 JAREN
ENDE
MARIA STAPPAERT SÏXE IIUYSVROLWE
STERFT 29 MEY 1624
ESDE
JOANNES WILDENS JO.NGMAN HINNEN SONE
STERFT ÔO DECEMBER 1633
OIT 52 JAREN.
Ainsi le célèbre Wildens est né en 1386.
— 277 —
Icrin reçu par S^-Augustin. Ce tableau j)rovient de réglise
des Augustins de Maliiies.
La uolice sur Antoine Van Dyck renferme une inexacli-
lude empruiilée à M. Victor Van Grimbergen, et qui nous
a été signalée de bonne part. Elle a pour objet la déter-
mination de l'endroit où est né le célèbre maître, et cet en-
droit n'est autre que la maison den berendans (la danse des
ours), située aen de yzere brug (au pont de fer), près du
vieux Marché aux grains , presque en face de l'ancien
hôtel de ville. Cette maison est marquée aujourd'hui sec-
lion 1, n° 759.
Le n" 262, peint par Van Dyck, et représentant le Sau-
veur en croix entre S^-Doniiniqve et S^^-Catherine de Sienne,
ne fut point exécuté pour le maître autel de l'église des Do-
minicains, comme le dit le catalogue, par suite sans doute
d'une erreur typographique, mais bien pour celui des Domi-
nicaines. Il est vrai que lorsque l'empereur Joseph II eut
jugé que ces religieuses étaient inutiles, ce chef-d'œuvre qui
composait l'épitaphe du père seul, et non des parents du
peintre, ne fut point vendu, mais transporté chez les Domi-
nicains, qui le conservèrent dans leur sacristie jusqu'en
1794, époque où il fut enlevé pour la France.
Le portrait de révèque d'Anvers, Jean Malderus (n''263),
provient de l'ancien Palais épiscopal, aujourd'hui l'hôtel du
gouverneur de la province. Ce tableau y avait été caché dans
un endroit secret, lors de la tourmente révolutionnaire; il
fut découvert eu 1812 et transporté au Musée par ordre du
préfet du déparlement des deux Nèlhes, baron d'Argenson.
— Le bonnet que porte cet évéque, n'est point celui de doc-
teur en théologie. Le prélat est vêtu d'un rochet et d'un
camail, au-dessous duquel on remarque sa croix pastorale.
Xous espérons voir supprimer dans la prochaine édition
du catalogue, l'anecdote relative au n" 266, le Sauveur en
croix, peint par ^'an Dyck et qui ornait avant 1794,
— 278 —
le quartier du prieur des Augustins d'Anvers. M. Van
Grimbergen a donné l'extrait du registre de ces pères, con-
cernant le paiement du grand tableau de Van Dyck, qui
se voit encore aujourd'hui dans leur ancienne église et qui
représente S'-Aiigustin en extase devant les attributs divins.
Eh bien ! nous ne craignons pas de l'avancer, parce que
nous parlons par suite d'une expérience née de plusieurs
recherches, si des difficultés avaient eu lieu entre le maître
et les religieux, et si elles n'avaient été terminées que par
le don du n" 206, le registre nous l'aurait dit. Nous reje-
tons donc, jusqu'à preuve contraire, l'anecdote mentionnée
par le pitoyable Mensaert et ses successeurs. iSous désirons
que cette historiette fasse place au récit du moyen énergique
qu'employa feu le peintre Pierre Van Regemorter, pour
nous faire restituer en 18 la, par le Musée de Rennes, ce
chef-d'œuvre dont Napoléon avait fait cadeau à cette an-
cienne capitale de la Bretagne (i).
Notons en passant, qu'à l'exception du n" 265, tous les
tableaux de Van Dyck, que possède le Musée, ont vu la
France en 1794 et n'en sont revenus qu'en 181o.
Le tableau de nature morte, peint par Adrien Van
Utrecht et portant le n" 268, a été acheté à iM"''' veuve Cor-
neille-François Van Lanschot, dont le mari a rempli les
fonctions de secrétaire honoraire de l'Académie d'Anvers.
Nous sommes charmés de pouvoir confirmer, sur la foi
de Papebrochius, écrivain en général si exact, la date
de 16o0, indiquée par le catalogue, comme celle du décès
de Jean Van Hoeck. Ce célèbre élève de Rubens est mort
à Bruxelles (2).
(1) Voir Félix Bogaerls, Xolice sur Pierre-Jean Van Regemorter, dans le
Messager des Sciences et des Arts, volume de 1832-1833, p. 224; l'auteur a
écrit erronément Rouen, au lieu de Rennes. — Voir surtout V. Van Grim-
bergen, Op. rit., p. 310.
(2) Op. cit., t. V, p. 42.
— 279 —
Le n°27o, peint i)ar ce maitre, et qui provient de l'église
de nos Récollets, représente, d'après le catalogue, S^-Antoine
de Padoue en adoration devant la S^^-Vierge; si Ton chan-
geait la dernière partie de la phrase, de cette manière :
devant l'Enfant Jésus que lui présente la S^'-Vierge, les
catholiques instruits n'auraient rien à ohjecter à l'indication
du sujet de ce tahleau.
Le savant Jésuite que nous ne citions, il n'y a qu'un
instant, nous fait connaître que Jean Van Bockhorst, dit
langen Jan, naquit à Munster en A\'estphalie, qu'il fut élève
de Jacques Jordaens, et qu'il peignit beaucoup dans notre
ville, où il mourut (i).
Papehrochius indique, ainsi que le catalogue, Tannée! 603,
comme celle de la naissance de Jean Cossiers, qu'il dit aussi
avoir été élève de Corneille De Vos. Il rapporte que le
prince-cardinal tenait ce maître en singulière estime (2).
Le catalogue se trompe, en fixant à l'année 1678, la date
du décès du célèbre peintre Simon De Vos. Cet artiste fut
en 1676, un des bienfaiteurs de la Maison des Orphe-
lins (A»ec/i(;'e«s huys) d'Anvers. Son portrait, par lui-même,
chef-d'œuvre que n'aurait pas désavoué notre immortel An-
toine Van Dyck, ornait autrefois l'institution dont nous
venons de parler. Il se trouve aujourd'hui dans la Maison
des Orphelines {muegden huys), et porte l'inscription sui-
vante qui constate Terreur du catalogue :
Simon De Vos heeft naer de konst
Hem zelfs hier uytgebeld
En tôt dcn armen zyne jonst
Acn iedcr voorgeslell
Mits den armen erfgenaem maekt
In de helfl van zyn goet
'K wcnsch dal daer door u hcrt geraeckt
Ghy ooek het selve doet.
Ob' 13. 8b. 1676, aetaf. 73.
(1) Op. cil., p. 2U.
(2) Ibid., p. 223.
— 280 —
On lit encore sur ce portrait les vers suivants :
Hy lecfde armelyk
Cm met zyn goel te maeekcn ryek
De caemer der ariueii
Bidl Godt syn siel wilt ontfermen (l).
Il résulte de ces inscriptions, que Simon De Vos, ayant
vécu pauvrement pour enrichir les indigents, auxquels il
laissa la moitié de sa fortune, décéda le 15 octobre 1676,
à l'âge de 73 ans (2).
C'est à tort que le catalogue signale le n» 283, peint par
Erasme Quellyn, le Vieux, comme représentant un miracle
de S^-Bruno. L'illustre fondateur de l'ordre des Chartreux
n'a jamais été chargé du fardeau de l'épiscopat, et cepen-
dant l'auteur du prodige porte la mitre d'évéque. Aussi ce
Bienheureux n'est-il autre que S'-Hugues, évéque de Lin-
coln en Angleterre, dont les Chartreux célèbrent la fête le
17 novembre. Il porte l'habit de son ordre et est du reste
très-reconnaissable au cygne qui se trouve près de lui, et
que le catalogue ne mentionne point. Pierre Dorlandus nous
apprend que notre S'-Hugues aimait beaucoup l'oiseau dont
nous venons de parler (0),
Le n° 283 provient du couvent des Chartreux de Lierre,
ainsi que le n° 284, également peint par Érasme Quellyn,
le Vieux. Le nom de S'-Bruno, qui se lit dans la description
de ce tableau, doit faire place àcelui deS'-ïIuguesdeLincoln.
Le n" 285, peint i)ar Théodore Van Thulden, provient
(!) Dry-honderd-vyflig-jaerige jubilé der berugte instcUinge van den dîenst
der aglhaerc Hceren Aelmoesseniercn der stad Antwerpen, gevierd den vyfden
van Winter-macnd MDCCCVIII, bl. 2j en 2(3. — Antwerpen, H. -P. Van der
Iley, in-4o. — Feu le révérend et très-érudit .M. François-Matthieu Van
Cannart dTIamaie, licencié en théologie de l'ancienne Université de Louvain,
ainsi que .M. Antoine Stips ont travaillé à cet intéressant ouvrage.
(2) Simon De Vos, fils d'Herman et d'Elisabeth Van Oppen, naquit le
28 octobre IG03.
(3) Cijgmim habebal in delicijs. — Chronicon Carthiisiensc, auc/ore Pclro Dor-
lando, Dicslensi, olim Carlhusicc Priore doctissimo. Coloniœ Agrippinœ, 1608*
— rù[ —
de l'ancienne abbaye de S'-Bernard sur TEscaiU, transfor-
mée en prison par les progressistes français. Le person-
nage qu'il nous montre et qui, à tort ou à raison, passait
dans les Notices de 1820 et de 1829, pour représenter un
Bernardin du nom de Van Thulden, lient, non pas un
bonnet de docteur, mais simplement celui de son ordre. Ce
religieux est peint en habit de choeur.
Nous serait-il permis, puisque nous venons de parler de
I abbaye de S'-Beruard, de demander pour quel motif on
s'est dispensé de replacer au 3îusée, un tableau de Jean
Breughel de velours, tableau que la Notice de [S'-JO décrit
ainsi : Vue de l'ancienne abbaye de S^-Bernard sur l'Escaut.
L'auteur a représenté dans ce tableau le retour des religieux
dans l'abbaye en 1587, après les troubles, et les réjouissan-
ces qui eurent lieu à cette occasion? Lors même que cette
production de Jean Breughel serait d'une importance mi-
nime au point de vue de l'art, encore faudrait-il l'exposer
comme monument historique. Il est sans doute inutile de
dire que cette œuvre provient du monastère de S'-Bcrnard.
Papebrochius fixe, comme le catalogue, à 1G09, la date
de la naissance de Pierre Van Lint et rapporte qu'après
avoir été pendant sept ans peintre du cardinal-doyen et
évéque d'Oslie, pour l'église duquel il peignit (rois tableaux
d'autel, qu'admirèrent les Italiens, notre artiste se rendit
en Danemarck, où il fut très-bien accueilli par le roi (i).
Le n" 288 qui représente le portrait de l'éminent person-
nage dont nous avons parlé, a été donné au Musée par notre
concitoyen, le colonel, aujourd'hui général Bernard Bottiers.
Nous n'avons pu vérifier si le n° 293, peint par II. -P.
Franck et qui provient de l'église des Récollets d'Anvers,
représente bien réellement, comme le dit le catalogue, une
tentative d'empoisonnement sur la personne de S^-François
(I) O;,. f,7,, t. V, p. 22:i.
— 282 —
d'Assise. La présence d'une mitre et dune crosse épisco-
pales aux pieds du Bieniieureux, que nous montre cette
toile, non encore exposée en ce moment, suffit du reste
pour nous faire rejeter la version de M. De Laet. On
sait en effet que Tliunible S'-François, loin de se laisser
imposer le lourd fardeau de Tépiscopat, recula même de-
vant les fonctions bien moins redoutables du sacerdoce.
Aussi sou bistorien, S'-Bonaventure, cardinal, évèqued'Al-
bano, ne fait-il aucune mention du miracle que retrace le
tableau de H. -P. Franck.
L'apparition de S^-Antoine de Padoue, également peinte
par H. -P. Franck (n° 29S), ornait autrefois l'autel de ce
Saint, dans l'église de nos Récollels. Au bas de cette com-
position, on remarque l'àue qui fut l'instrument de la con-
version de l'bérétique Bonvillo (i). — Le tableau dont nous
nous occupons, servait d'épitapbe à Alexandre Vau den
Broeck, aumônier d'Anvers en 1621, et à son frère Jean,
écbevin et trésorier de cette ville, comme le prouve l'in-
scription suivante qui se lit dans la partie inférieure ;
D. 0. M.
ET
SA.>"CTO ANTONIO A PADVA,
DD. ALEXANDER ET lOANNES
VAS DES BROEC& FRATRES. ILLE,
VRBIS ANTVERP. SEKATOR ET
QVESTOR : HIC ELEEMOSINARIVs,
PIO AFFECTV PICTVRAM HA.NC P. C.
ANAO MDCLII (2).
jVous avons été étonné, en parcourant la notice sur David
Tenicrs, le Jeune, de ne pas y trouver un mot des lettres-
patentes que ce peintre célèbre obtint en 1663, avec ses
(1) Cli.-J. Van den Ncsl, prêtre, Souvenirs d'Italie. Anvers, 1849, p. 285.
(2) La Notice de 1829, non contente de mentionner ce tableau signé, sous
le nom de Luc Franclioys, dont elle avait modernisé Tortliographe; cette
.Xotice, disons-nous, avait élalé au grand jour une étourderie peu commune,
en assignant pour sujet à celte toile, une prétendue Assomption de S'-Bona-
vcntxtre .' .' .'
— 2ti3 —
collègues de S'-Luc, du roi d'Espagne Piiilippe IV, pour
réreclion d'une Académie anversoise, semblable à celles de
Rome et de Paris (i). Nous verrons plus loin que les doyens
de S'-Luc apprécièrent comme un véritable bienfait, l'obten-
tion de cet octroi de S. M. catliolique, et qu'ils témoignè-
rent d'une manière durable leur reconnaissance envers le
marquis de Caracène, qui les avait aidés dans cette circon-
stance, de son crédit à la cour d'Espagne.
Le catalogue mentionne comme acheté à Gand à la vente
de feu M. Schamp d'Averscboot, les buveurs flamands de
David Teniers, le Jeune (n" 297) : c'est Schamp d'Ave-
schoot qu'il faut lire. — Le n" 297 a été acquis au prix
de 1 4,600 francs (2).
Les portraits peints par Godefroid Flinck (n° 299), pro-
viennent du cabinet de feu M. Jean-Adrien Sneyers, ancien
secrétaire de l'Académie d'Anvers.
C'est sans doute par distraction que le catalogue ortho-
graphie Gobau, le nom du célèbre peintre Antoine Goubau.
11 est vrai qu'à en croire M. De Laet, notre artiste écrivait
lui-même de la première manière, mais ce qui nous fait dou-
ter de l'exactitude de cette assertion, c'est, entre autres,
la signature A. Goubau qui se lit en toutes lettres, avec la
date de 1680, sur le tableau représentant la place Navona
à Rome (n° 301). Ce tableau provient de la commanderie
de Pitsenbourg de Mali nés (5).
Papebrochius loue autant les vertus que les talents de ce
maître qui fut baptisé à S'-Georges d'Anvers, le 27 mai 1616
et mourut célibataire (4).
Le savant Jésuite que nous venons de nommer, est dac-
(1) J. C. E. baron Van Eriborn, Op. cit., p. 31-55.
(2) Mcssur/er des Sciences historiques de Belgique, volume de 184-0, p. 52a.
(3) Voyez la signature donl nous venons de parler à la fin du catalogue,
planche B, n» 8.
(4) Op. cit., t. V, p. 228. — Antoine Goubau était (ils d Antoine cl de
Livine Cornet.
— 284 —
cord avec le catalogue, pour fixer à Tannée 1G18, la nais-
sance du peintre de fleurs, Jean-Philippe Van Thielen, qui
quitta, dit-il, Malines, pour venir apprendre son art à An-
vers auprès du célèbre frère Daniel Zegers, ce que les
supérieurs avaient souvent refusé à d'autres personnes (i).
La (juirlande de fleurs, exécutée par Van Thielen et expo-
sée sous le n° 502, provient de l'abbaye de S'-Bernard sur
l'Escaut. L'habile restaurateur du Musée, M. Jean Leemans,
met en ce moment la dernière main à une autre guirlande
de fleurs du même artiste, qui ornait autrefois le monastère
cité, et au milieu de laquelle se trouve représentée la Sainte
Vierge, tenant l'Enfant Jésus. îl n'est pas douteux que le
n° 302 n'ait été également étoffé d'un sujet religieux, avant
que feu Matthieu Van Bréc se fut avisé d'y substituer le
buste en bronze de V impératrice Marie-Louise . Il est à croire
que l'œuvre primitive n'aura pas été grattée à cette occa-
sion : et puisqu'il y a moyen de s'en assurer, nous expri-
mons le vœu qu'on nous la rende, s'il est possible.
Le n° 503 représentant V Ascension de N. S., peinte par
le Père Pennemaeckers, ornait la chapelle de S'-Didace,
dans l'église des Récollets d'Anvers, à l'ordre desquels ap-
partenait l'artiste. Le manuscrit auquel il nous a été permis
d'emprunter ces derniers détails, nous a fait connaître que
cette Ascension servait de monument funéraire à Juste Ca-
nis, Gantois de naissance. L'église des Piécollets renfermait
une pierre sépulcrale de cet homme de bien, qui ne borna
point ses libéralités à ce seul temple.
L'inscription de cette dalle tumulaire était ainsi conçue:
D. G. M.
MEMOniE
V\y JUSTO CASIS GEBOREN TE CEND
AELMOESSEMER DESER STADT (2)
(1) Op. rii., i. V, p. 220-221.
(2) Le tablrau des aiimonirrs d'Amers mnitionno Jiisie Caiiis ;i l'an-
née 10 13.
— 28o —
DIE STERFT A" 1G64- 21 APRIf.
ENDE CATH.lllINA DE Il.VSE
SYSE EERSTE UIYSVKOIWE
DIE STERFT A» 1610 8 OCTOBER
ENDE BASILIA PELGROS
SYNE TWEEDE IIUYSVROIWE
DIE STERFT A» 1641 il NOVEMDER.
Nous croyons pouvoir conclure de cette inscription, que le
tableau du P. Pennemaeckers ne saurait être de beaucoup
postérieur à Tannée 1664, époque du décès de Juste Canis.
Le manuscrit que nous venons de citer, rapporte que
dans celle même cbapelle de S'-Didace, se trouvait l'épi-
taphe du peintre Abrabam Matlbysscns, laquelle était ornée
d'un tableau exécuté par cet arlisle, et qui représentait
S^-Antoine de Padoiie, recevant l'Enfant Jésus des mains
de la S^^-Vierrje. Celte composition tenta en 1794 les com-
missaires de la rapace Convention nationale, qui la firent
transporter à Paris, où le général Pommereul en signale
rexislence en Tan VI (i). Ce tableau ne nous revint point
en 1813, et la liste des objets d'art enlevés, dressée à celte
époque, mentionne celte production comme n'étant ren-
seignée dans aucun inventaire.
Quoiqu'il en soit, nous croyons qu'on nous saura gré de
reproduire ici les quelques lignes qui se lisaient sur le mo-
nument de IMallbyssens :
ABRAHAM MATTUYSSENS
SCHILDER IS SY^E^ LEVES
WiS VAN DEN DERDES REGEL DES II. VADERS FRANCISCI
STERFT JO>GHMA>- A» 1649 DES 4 SEPTEMBER OIT 68 JAREN.
B. V. D. S.
Il résulte de ces lignes, que notre artiste né en I08I,
avait embrassé la règle du tiers-ordre de S'-François, et
qu'il mourut célibataire le 4 septembre 1649 (2).
(1) Extrait de l'art de voir dans les bemtx-arts, traduit ilc rilalicn de Milizia,
par le général Pommereul. Paris, an VI. — Le général écrit S'-Fra»rois, au
lieu de S^-Anloine de Padoue.
(2) On sait quo les personnes aflîliées au tiers-ordre de S'-Franrois d'Assise
— 206 —
L'église de Notre Dame possède une Mort de la 5'^-
Vierge, et Tautel de rancienne cliapelle du corps des Drsi-
incrs {lakenbereijders), rue de TEnipereur, une Assomption,
exécutées par ce maître (i).
La notice consacrée à Théodore Boeyermans ue sera l'objet
d'aucune observation de notre part : seulement nous dirons
en passant, que la date du la avril 1680, indiquée par
M. Félix Bogaerls, comme étant celle du décès de cet artiste,
trop peu apprécié hors de notre ville, nous avait été commu-
peuvent vivre dans le monde et même en Tétat de mariage. Ainsi renonciation
du célibat de 5Iatthyssens n'est pas une superfluité.
(1) Cet autel qui est orné d"un Sauveur accompagné de deux anges, figures
exécutées par le sculpteur Artus Quellyn, le Vieux, fut vendu le '27 brumaire
an Vil (17 novembre 1798) à certain citoyen Dringuen, pour la somme de
dix florins, argent courant de Brabant. Le marché comprenait en outre deux
petits tableaux et les boiseries à côté de l'autel. Ce Sauveur fut payé 60 florins
à l'artiste; on en compta 590 au menuisier Henri Hendrick {sic), pour la
confection de l'autel. C'est ce qui résulte des annotations suivantes qui nous
ont été communiquées d'après un registre de la chapelle : « 22 Xber 1653.
Artus Quellin, snijer van den Christus in den aulaer — 60 gis. — 7 feb. 1654.
Hendrick Hendrick, schrynicerker, 590 gis., voor het maken van den autaer. »
Le restant du mobilier de celle chapelle, qui renferme plusieurs œuvres d'art
remarquables, fut adjugé ledit jour pour trente florins, cinq sous. Heureuse-
ment il n'en fut rien enlevé par les acquéreurs.
Le document qui nous a fourni ces détails, a été copié récemment sur
l'original, signé du receveur des domaines Lafeuiliez et de J.-J. Verbelen,
officier municipal. Il contient, à partir du 18 et jusqu'au 27 brumaire
an VII (8-17 novembre 1798), les actes du pillage sacrilège de la Cathédrale,
de l'église paroissiale de S'-Georges, du couvent des Sœurs Noires, de la
chapelle des Bateliers, ainsi que la vente du mobilier de celle des Drapiers.
Le trop fameux Directoire Exécutif retira de ces diverses opérations une
somme totale de onze mille deux cent quarante-sept florins, sept sous, argent
courant de Brabant, soit fr. 20,638-58, c'est-ù-dire moins que la valeur du
maître autel de la Cathédrale, par exemple!!!
Quelque minime que soit cette somme, elle dépassa encore le prix d'esti-
mation qui ne s'élevait qu'à fr. 16,482-30, y compris celui du nombre rela-
tivement peu considérable d'œuvres d'art réservées pour l'école centrale du
département. En vérité ces exploits du philosopliisme rappellent à la mémoire
l'exclamation échappée au peu reeommandable .Mirabeau, lors de la discussion
du décret de spoliation des biens ecclésiastiques : « Si on ne peut pas les ven-
dre, qu'on les donne! •> — >'olc ajoutée en mai 1831.
— 287 —
iiiquée par une personne qui l'avait puisée en lieu sûr (i).
Le n° 504, que le catalogue intitule l' Ambassadeur, ainsi
que le n° 507, Anvers mère nourricière des peintres, sont
deux cadeaux faits par Boeyermans en 1CG6, à la Confrérie
de S'-Luc, laquelle, pour en témoigner sa reconnaissance,
fit don à l'artiste d'une coupe d'argent doré et d'une pièce
de vers (a). — La figure de la ville d'Anvers que l'on re-
marque au n° 507, était regardée autrefois comme le por-
trait de Marie Ruthven, la belle compagne de notre immor-
tel Antoine ^'an Dyck. Après l'avoir comparée avec une
gravure exécutée d'après ce maître, par Sclielte à Bolswert,
et représentant la fille de Patrice Uuthven, nous croyons
pouvoir nous ranger à l'ancienne opinion.
La piscine de Bethsaïde (n° 50o) , peinte par Boeyer-
mans, provient du couvent des Sœurs Noires d'Anvers. Ce
tableau contient l'inscription fautive suivante :
D. 0. M.
JESV CURISTO
\ns. FO>T
RELIGIOS.E EST
MiTER
HELEXA FAY
P. C.
1673
Il serait à désirer que les personnes dont les portraits
ornent le beau tableau de Boeyermans, intitulé par 31. De
Laet, la Visite (n" 506), pussent être connues, et puis-
qu'elles passent pour les membres d'une famille qui se
distingua par ses libéralités envers notre Séminaire, il ne
serait pas impossible que les archives de l'Évéché d'Anvers
qui sont conservées, au moins en partie, à l'Archevêché de
Malines, pussent mettre sur la voie de recherches fruc-
tueuses. — Le n° 506 provient de notre ancien Séminaire.
(1) Esquisse d'une histoire des aris en Belgique, etc. Anvers, 1841, p. 51.
— Boeyermans mourut célibataire.
(2) J. C. E. baron Van Ertborn, Op. cit., p. 37-38.
— 288 —
Si lecélèijre peintre d'animaux, Jean Fyt, est réellement
né en 162o, on ne peut guère admettre avec le catalogue,
que cet artiste qui n'avait, dans ce cas, que quinze ans à
l'époque de la mort de P. -P. Rubens, ait pu être appelé par
ce grand maître à l'aider dans ses travaux.
Le n° 511, peint par Fyt, provient de la commanderie
de Pitsenbourg à Matines; il représente aujourd'hui deux
lévriers dormant au pied d'un arbre, près de quelques per-
drix et d'un lièvre morts. Les Notices de 1817, n° 125, et
de 1820, n" 174, nous apprennent qu'à ces époques, une
Diane fatiguée de la chasse et endormie à V ombre d'une
touffe d'arbres, faisait partie de cette composition, et que
cette figure avait été exécutée par le peintre bruxellois,
\'ictor-Honoré Janssens. Un homme de mérite, mais qui
avait la malheureuse habitude de traiter fort peu respec-
tueusement les productions de nos anciens maîtres, avait
fait disparaître l'œuvre de Janssens, lorsque la Notice
de 1829 vit le jour (i).
Le calaloiïue orlhoïïraphie mal le nom de feu M. Charles-
Jean Slier d'Aerlselaer, donateur du tableau de Fyt, repré-
sentant le repas de l'aigle (n° 512).
Nous ne pouvons fournir aucun autre renseignement sur
François Goubau, dont le Musée possède un tableau et dont
31. De Laet a été le premier à parler, si ce n'est que
l'église de S'-Jacques est ornée d'une belle toile de ce maî-
tre, représentant le Sauveur étendu mort, signée et datée
de 1653, ainsi que d'un portrait du curé François Van dcn
Bossche, premier doyen du chapitre de cette ancienne Collé-
giale; ce por^rf«7 également signé, porte la date de lGo7 (2).
II est probable du reste que notre artiste est le même que
le François Goubau, fils de Charles et d'Anne Van der
(1) Voyez le n" 183 de ceUc Nol'iee.
(2) Ces dates ont été vérifiées sur les tableaux.
-- 289 —
Poorten, qui fut baptisé dans la Cathédrale d'Anvers, le
27 septembre 1G22. Il aurait épousé dans ce cas, Anne-
.Marie Van der Beken.
Le n° 519, peint par François Goubau et qui représente,
d'après le catalogue, un abbé et un frère de l'ordre de
S*-Norbert en adoration devant le S^-Sacrement, n'étant
point exposé, il nous est impossible de contrôler l'exacti-
tude de l'indication de M. De Laet.
La date de 1690 se lit sur un tableau de Marc-Antoine
Garibaldo, que possède une église de Bruges. Papebrochius
mentionne à l'année 169o, comme nouvellement peinte, la
Fuite en Egypte, exécutée par ce maître (n° 320), et qui
orna jusqu'en 1 798 , l'autel des Charpentiers dans notre
ancienne Cathédrale (i).
Lapiscine de Bethsaïde, peinte par Jean-Érasme Quellyn,
le Jeune (n"* 525 et 524), provient de l'église de l'abbaye
de S'-3Iichel. Lorsque cet ancien et célèbre monastère eut
été supprimé par nos arrogants dominateurs, ordre fut
donné de distraire du prétendu mobilier national qui se
trouvait à S'-Michel, les objets d'art dignes d'être réservés
pour le futur Muséum du département des Deux-Nèthes.
La magnifique composition de Jean-Érasme Quellyn, le
Jeune, fut comprise au nombre des tableaux classés dans
celte catégorie : échappée au danger d'être mise eu vente,
elle en courut bientôt un autre.
Les individus chargés de l'enlèvement de cette belle toile,
s'étaient imaginés d'abord qu'il était impossible de la retirer
intacte de la place qu'elle occupait. C'est ce que donne à
connaître une lettre du citoyen S. -P. Dargoune, commis-
saire du Directoire Exécutif près la municipalité d'Anvers.
Dans cette missive qui porte la date du 24 prairial,
an V (12 juin 1797), et qui est conservée aux archives de
(i) Op. cit., t. V, p. 3jl.
21
— 290 —
notre province, le susdit citoyen propose de diviser le ta-
bleau en plusieurs parties et de faire servir celles-ci aux
études des élèves de l'école centrale. Cet acte de vandalisme
ne vint point heureusement s'ajouter à tant d'autres dont
nous fûmes redevables aux Voltairiens français et au petit
nombre de Belges abâtardis qui soutenaient cette tourbe
iconoclaste.
Le tableau de Quellyn dont nous venons de parler, ser-
vait d'épitaphe à Ambroise Van Eyck, chanoine régulier de
S'-Michel, personne (i) et curé à Vosselaer et Beirs, ainsi
qu'à ses parents, Ambroise et Madelaine Bernaerts.
Nous exprimons le vœu que la partie supérieure (n" 524)
de la composition de Quellyn soit réunie à la partie infé-
rieure, la toile de ce maître dùl-elle être descendue au vesti-
bule du Musée.
Les n°' 525, 526 et 527 ornaient autrefois la nef méri-
dionale de l'église de l'abbaye de S'-Michel, Ils sont peints
par Jean-Érasme Quellyn, le Jeune, et représentent des
scènes du martyre que l'infâme Guillaume De la Marck,
comte de Lumey, fît souffrir avec ses dignes satellites, les
gueux de mer, à dix-neuf victimes que l'Eglise a placées sur
ses autels, et parmi lesquelles on compte deux chanoines
réguliers de l'ordre de S*-Norbert et onze religieux Fran-
ciscains. Le trop fameux Sanglier des Ardennes se souilla
de ce crime en 1372, après la surprise de la ville de Briel
en Hollande.
Le premier de ces tableaux a pour sujet S'- Adrien de
Hilvarenbeeck, curé de Munster en Hollande, et S'-Jacques
(1) Pcrsonatus est habere prœeminentiam in Ecclesia sine jurisdiclione nt
Prœcenlor. Rcbuff. , cap. I de consuetud. et ibi doct. — Le pcrsonnal est une
certaine préihnininee ou prérogative qu'un bénifice donne dans l'Eglise, sans
jurisdiclion, c. I, de consuclud., in 6». — Le per sonnât est qttelque chose de
7no{ns que Dignité, c. 2, (liKliim de clect., mais quelque chose de plus que le
simple office. — Durand de Maillanc, Dictionnaire de droit canonique et de pra-
tique bénéficiale, vcrbis Dignité, Personnal. Paris, M. DCC. LXI, 2 vol. in-i».
— 291 —
Lacopiiis, tous deux chanoines réguliers de Prémontré, arrê-
tés et entraînés en prison par la soldatesque de Luniey (i).
Le n" 526 représente le jugement de ces saints religieux
et de leurs compagnons. Celle toile est ornée des armes
d'un al)l)é et de celles de l'abbaye de S'-Michel (2).
Le martyre proprement dit est le sujet du n° 527 : nous
espérons que la prochaine édition du calalogue contiendra
à cet égard quelques détails de nature à faire reconnaître,
autant que possible, les diverses victimes de la barbarie des
gueux (5). — L'individu qui, à l'avant-plau de gauche, est
renversé et mordu par un chien enragé, n'est autre que le
féroce Lumey lui-même (4).
Quoique l'évèque d'Anvers, Gaspard Nemius (5), ancien
curé de Wervick et non Werwick, comme l'écrit le cala-
logue, ait été élevé aux honneurs du doctorat en théologie,
le bonnet dont est coiffé son portrait, exécuté par Jean-
Erasme Quellyn, le Jeune (n" 528), ce bonnet, disons-nous,
n'est pas celui de docteur. Le prélat est représenté vêtu d'un
rocbet et d'un camail. Ce tableau provient de notre ancienne
Cathédrale.
Le n" 550 indiqué par le catalogue, comme peint par
Jean-Erasme Quellyn, le Jeune, et que nous considérons
comme une production d'Érasme, le V ieux, ornait autrefois
le réfectoire des Chartreux de Lierre. Il représente, d'après
M. De Laet, S^-Bruno acjenouillé devant le Pape dont il
reçoit Vhabit de son ordre. Il y a ici une erreur évidente,
(1) Aubci'Ius Mirœus, Ordinis Prœmonstralensis chrotiicon. CoIoniiE Agrip-
pinfe, MDCXIII, pp. 22i et seq.
(2) Le catalogue qualifie à tort du moine, le S>-Xorbcrlin qui répond aux
imputations de ses ennemis.
(3) Voyez à ce sujet, Guillaume Eslius, docteur en théologie et cliancelier de
rUniversitc de Douay. Historiu Marlyruin Gorcomknsium. Duaci, .MDCHI.
(4) J.-J. De Smet, Histoire de la Belgique. Gand, 18ô2, t. Il, [i. ."i.').
{y>) Le véritable nom de ce prélat était Dubois. (Le Glay, Cameracum Chris-
lianum. Lille, 1849, p. 71).
— 292 —
puisque si le saint fondateur des Chartreux a reçu cet habit
des mains d'un dignitaire ecclésiastique, c'a été de celles
de S'-Hugues, évéque de Grenoble (i); et d'ailleurs l'évêque
que l'artiste nous montre assis sur un trône, est mitre, à la
vérité, mais sa mitre n'est point ornée de la couronne, signe
distinctifdu souverain Pontificat en 1084, époque de l'éta-
.blissement de la Chartreuse (2). Sauf ce point, nous croyons
pouvoir adhérer à l'explication du catalogue.
M. De Laet nous apprend que le martyre de sainte
Agathe (n^ù 0*2), autre production de Jean-Erasme Quellyn,
le Jeune, et qui ornait ci-devant l'église des Chartreux de
Lierre, servait de monument funèbre à demoiselle Agathe
Breethoeck, morte en 1684. Ce tableau porte l'inscription
suivante :
DONO d'''^ AGAT/E (5) BREETHOECK
IN HOC SACELLO SEPULT^ OBIIT
gA sept'"'» 1684
Le catalogue rapporte dans la notice sur Henri Van Min-
derhout, que les doyens de la Confrérie de S'-Luc d'Anvers
chargèrent le 9 septembre 1672, l'artiste dont nous parlons,
de peindre un tableau pour leur corporation. Nous sommes
étonné que M. De Laet, d'ordinaire si exact sous ce rap-
port, n'ait point ajouté que le n" 534, représentant wi port
du Levant, n'est autre chose que le tableau commandé à
Henri Van Minderhout. Cette toile orna jusqu'en 18M, la
grande salle de l'Académie établie jusqu'à cette époque,
au-dessus des galeries de la Bourse.
(1) Voir les Acla Sanclorum, au 6 octobre. — Le l'ail de la prise d'habit
des mains de S'-Hugues, y est considéré comme au moins douteux.
(2) On sait que le pape S'-Silvcslre, élu en 514, introduisit le premier
l'usage de celte mitre couronnée; que Boniface VIII, élu en 1294, y ajouta
une seconde couronne, et que la tiare ou triple couronne actuelle fut adoptée
par Urbain V, pape en 1362. — Voir la Romanorum Pontipcum hrevis noti-
tin etc., auclore Guilielmo Burio DruxeUensi, Eccl. Mclrop. MecliUn. Canonico
Zellariensi. — Augustœ Vindel., MDCCXXXIV, pp. 3Î), 36, 168 ot 179; in-8».
(3) Sic.
— 293 —
Nous croyons qu'après avoir lu les observations de M. De
Laet, relativement à une prétendue collaboration du peintre
Keerings avec Abrabam Genoels, on sera d'accord avec
nous, pour demander la suppression du nom du premier de
ces artistes, comme ayant exécuté en partie le n° 336,
Minerve et les Muses. Ce tableau figure sous le n" 143 dans
la Notice de 1820 : il y porte les noms de Théodore Boeyer-
mans et d'Abraham Genoels, que nous avons lus également
dans un manuscrit relatif à l'Académie. JNous ne croyons
pas du reste que Boeyermans ait réellement travaillé à cette
toile.
L'obligeance d'un membre de la famille Tassaert nous
met à même, non seulement de donner des renseignements
sur l'auteur de la réunion des philosophes (n" 338), enlevée
à la fin du siècle dernier, au Palais épiscopal d'Anvers (i),
mais aussi sur des descendants de cet ancien doyen de la
Corporation de S'-Luc. Nous communiquons d'autant plus
volontiers ces notes, qu'elles se rapportent en majeure par-
tie à des artistes.
Jean-Pierre Tassaert, le Vieux, auteur du n° 358, était
fils de Pierre et de Jeanne Floquet. Il fut baptisé dans la
Cathédrale d'Anvers le 7 mars 1G51, et épousa dans la
même église le 23 novembre 1G90, Catherine Lidts, bap-
tisée à Notre-Dame le 14 janvier 1662 (2). La dépouille
mortelle de notre artiste fut déposée dans le même temple
en 1724; celle de son épouse en juillet 1734.
De ce mariage naquit : Jean-Pierre Tassaert, baptisé
dans la Cathédrale, le 18 février 1700. Il épousa Claire-
Marie Brandts, et mourut le 29 juillet 1758, paroissien de
S'-Georges.
(1) Un grand nombre des tableaux de genre qui ornent le Musée, provien-
nent de notre résidence épiscopale.
(2) Elle était fille de Guillaume et de Marie De Vos.
— 29V —
Il eut pour fils : l" Jean-Pierre Tassaert, baptisé à
S'-Georges, le 19 août 1727. Ce célèbre sculpteur de Fré-
déric II, roi de Prusse, se maria à Paris, et mourut à Ber-
lin, le 21 janvier 1788. 2° Philippe Tassaert, baptisé à
S'-Georges, le 18 mars 1752. Il cultiva la peinture et se
maria en Angleterre avec une Irlandaise : on ignore l'épo-
que de son décès. Xe serait-ce pas à celui-ci, que revien-
drait l'épithète de Tassaert V Anglais, que la Notice de 1829
a donnée pour la première fois à son aïeul? Quoiqu'il en
soit, Philippe Tassaert eut un fils du même prénom, qui
fut baptisé à S'-Georges d'Anvers, et qui, devenu peintre,
décéda en voyage, sans postérité. Il existe encore aujour-
d'hui plusieurs descendants de Jean-Pierre Tassaert, le
Vieux.
Le portrait, peint par Godefroid Kneller et exposé
sous le n" 559, ornait avant 1798, la chapelle des Pelle-
tiers dans la Cathédrale d'Anvers. II représente le très-
révérend François De Cocq, chanoine et chantre de ladite
Cathédrale.
Le n° 540, la S^^-Vierge et l'Enfant Jésus, nous parait
un tableau de la fin tout au moins du XVF siècle. Le nom
de Jean Van Orley qu'il porte aujourd'hui, lui a été donné
en 1841 par un artiste qui a le défaut d'être un peu léger
dans les indications de cette espèce. Aussi espérons-nous
que la prochaine édition du catalogue ne reproduira plus
cette erreur.
M. De Laet se trompe, en fixant l'année 1722, comme
étant celle de la mort de Godefroid Macs; ce peintre décéda
le 50 mai 1700, ainsi que le prouve son inscription sépul-
crale, que l'on peut lire encore aujourd'hui dans l'église de
S'-Jacques, au pourtour méridional du chœur, pourtour
qui n'est pas l'endroit où notre artiste est enterré. Voici
cette inscription :
— !i9o —
j.
i
D. 0. M.
SEPULTURE
VAN
GODEFRIDUS MAES
VERSIAERDT CONSTSCHILDER
STIERF DEK 50 MEY 1700
E>°DE
JOSINA BAECKELANDT
SY>E Ul'YSVROUWE SURF
DEfi 22 JA>IARY 1709
R. I. P.
La signature G. Maes et la date de 1682 se lisent sur
V Assomption de N.-D., qui orue le maître autel de Téglise
de riiôpital de S'''-Élisabeth de Hongrie, à Anvers. Lemar-
ttjre de S^-Gcorges (n° 343 du Musée), exécuté par Maes,
provient du maître autel de l'église de ce nom, démolie du
temps des Vandales français.
Il nous semble, après avoir parcouru les dates données
par M. De Laet, dans la notice sur Pierre Ykens, que l'au-
teur du n" 343 du catalogue, ne peut avoir été le maitre
d'André-Corneille Lens, d'autant plus que le Pierre Ykens
du Musée se maria le 14 juillet 1671, dans l'église de
S'-Jacques, avec Marie-Anne Van Bredael. Jean Ykens et
Pierre Van Bredael furent les témoins de cette union. Il
n'est pas improbable que l'un et l'autre aient été les pein-
tres de ces noms et les pères respectifs des nouveaux
conjoints,
La S^^-Catherine disputant avec les philosophes (n" 345),
exécutée par Pierre Ykens, ornait avant 1798, l'autel des
Fripiers-Ciieurs publics, dans la Catbédrale d'Anvers. Pape-
brocbius qui l'y vit, la mentionne à tort comme peinte par
Jean Ykens, mais il nous apprend à Tannée 1695, qu'à cette
époque, c'était un tableau récemment acbevé (i).
Nous concluons de ce qui précède, que la qualification
(1) Op. cil., t. V, p. 3iO.
— 296 —
de Pierre Ykens, le Vieux, doit èlre rétablie dans la pro-
chaine édition du catalogue.
Nous ferons observer ici en passant, que la Notice
de 1820 signale deux autres tableaux de Pierre Ykens.
L'un portant le n° 161, représentait, d'après cet opuscule,
la communion de S^-Guillaume : nous n'avons jamais vu
cette composition, que le catalogue manuscrit de l'an IX
indique comme provenant de l'abbaye de S'-Bernard sur
l'Escaut. Le deuxième tableau portait le n° 163; il avait
pour sujet le renvoi d'Agar et d'Ismaël par Abraham, et
ornait autrefois la grande salle des réunions de la Corpora-
tion de S'-Luc.
Ces œuvres ne sont point comprises dans le catalogue
actuel, non plus que le n° 192 de la Notice de 1820, repré-
sentant une députation du Serment de l'escrime complimen-
tant un abbé de S^-Michel. Ce tableau était indiqué comme
peint par Jean Horemans, le Vieux.
Il n'est pas improbable, comme le dit le catalogue, que
les douze portraits, d'auteurs inconnus, exposés sous le
n" Soi, représentent des doyens de l'une ou de l'autre cor-
poration. Quoiqu'il en soit, nous croyons que des recher-
ches d'après des estampes, amèneraient peut-être, au moins
partiellement, la reconnaissance des personnages du n" 351 .
Le Père Luc Wadding raconte en ces termes, le sujet du
n" 3o8, œuvre d'un peintre inconnu et qui provient sans
nul doute, d'un couvent de Récollets : « Lorsque S'-Bona-
venture (de l'ordre des Frères Mineurs, évéque d'Albano et
cardinal), étudiait avec l'intérêt le plus soutenu, contem-
plait et annotait la vie du bienheureux François (d'Assise),
le glorieux S'-Thomas d'Aquin, dont les mérites étaient
célèbres à cette même époque, et qui était attaché à Bona-
venlure par les liens d'une grande charité, S'-Thomas
d'Aquin, disons-nous, se présentant à sa cellule, regarda
par l'ouverture de la porte, et aperçut S'-Bonaventure
— 297 —
enlevé en extase et miraculeusement soulevé de terie.
S'-Thomas se retirant, dit à ses compagnons : « Laissons
un saint travailler à la gloire d'un autre saint (i). »
La mort (VA bel, belle toile dun inailre inconnu (n" 3G1),
a été acquise des héritiers du défunt secrétaire de l'Acadé-
mie, M. Jean-Adrien Sneyers, dont elle ornait le cabinet.
Les mots suivants se lisent au bas de la Descente de croix
(n° 562), peinte par le Père Thys, Dominicain :
ReUgiosa soror Maria Le Bain DD.
Si le vieux Herreyns dont le Musée possède un tableau,
est le père du directeur de TAcadémie, Guillaume-Jacques,
il serait né le 17 janvier 1717, fut l'époux de Catherine
Praet et portait les prénoms de Jacques-François-Antoine.
Il peignit en 1773-1774 le plafond du petit chœur où repose
le très-Saint Sacrement, dans l'église paroissiale, et aussi
à cette époque, collégiale de S'-Jacques, à Anvers. Le ta-
bleau de Herreyns, le Vieux, qui se trouve au Musée sous
le n" 363, a pour sujet, Dieu le Père (2).
Le n" 366 fut peint par Govaerts, d'après J.-B. Des-
camps (3), à l'occasion de la paix conclue à Utrecht
en 1713, paix qui fut passer la Belgique sous la domination
de Charles VI, empereur d'Allemagne. Ce tableau repré-
sente, d'après l'auteur cité, le Temps montrant le portrait
de ce souverain, soutenu par V Amour, f Union et la Force;
la ville d'Anvers personnifiée sous la figure d'une belle
(1) Wadding, Annales Minoriim. — Lugduni, MDCXLVIII, t. VII, p. lOG;
in-f».
(2) Nous ignorons la provenance de cette toile : il en est de même de toutes
celles que nous passons en revue dans celle notice, sans rien indiquer à cet
égard, à Icxccption des tableaux dont lorigine est renseignée dans le cata-
logue actuel. Si nous n'avions éld pressé du temps, comme le dit le poète, il
nous aurait été facile de donner celle de la plus grande partie des œuvres
d'art qui se trouvent au Musée.
(3) Voyage pillorcs'jue de la Flandre et du Drabanl.
— 298 —
femme et S^-Georges, patron de la chevalerie (i), environné
d'anges; on y remarque les vices terrassés et plusieurs por-
traits de confrères du jeune Serment de l'arbalète, dont cette
composition ornait la salie.
Le catalogue orthographie fautivement le nom du peintre
Barthasar Beschey. C'est ce que prouve suffisamment la
signature de cet artiste, signature que l'on peut lire à la
planche C, n° 6, de l'ouvrage de M. De Laet.
JNous espérons que dans une nouvelle édition de ce tra-
vail, on paiera à la mémoire de Guillaume-Jacques Herreyns,
la dette de la reconnaissance des Anversois pour le grand
nombre de tableaux et la quantité assez considérable de
sculptures qu'il parvint à faire réserver pour l'école cen-
trale du département et qu'il sut ainsi soustraire à ce que
les Vandales de la fin du siècle dernier appelaient la vente
du mobilier national, et peut-être même à une destruction
complète.
Le n° 574 peint par Guillaume-Jacques Herreyns, pro-
vient de l'abbaye de Tongerloo. Il représente le portrait du
célèbre Jésuite Joseph Ghesquière, numismate distingué,
collaborateur de la gigantesque œuvre d'érudition des Acta
Sanctorum, éditeur des Acta Sanctorum Belgii selecta, etc.
Ghesquière porte l'habit de prêtre séculier, qu'il dût revêtir
après la suppression de l'illustre et savante compagnie de
Jésus.
Ce tableau contient l'inscription suivante :
ASALECTA BELGICA
MARTE SUO INCHOATà,
SED
A>^'0 1788 KALENDIS iVOVEMBniDCS
IMQUITATE TEMPORIS
INTERRUPTA,
CODEFRIDI IIERM.\.>S
T0>GERL0ENS1S ADBATIS
(I) Et du jeune Serment de rarbalète.
— 299 —
AUSPICIIS,
DIM, ADSPIRAMIBIS Sl'PERIS,
ULTIMUM
l'NA CUM ISFniDO TIIYSIO,
EJL'SDEM ABBATl.t: ALIMNO,
MA:<D>I IMPOSAT,
ILLUSTRARE PERREXIT
JOSEPIIUS GUESQUIERUS.
Dans la partie supérieure de droite, on lit ce qui suit
iETATIS 63
Ao 1793.
G. H* P.
Le n" 373, autre production de Herreyns, représente le
portrait de Jacques De Bue, Jésuite et collaborateur des
ActaSanctorum. Il porte également l'habit de prêtre sécu-
lier et provient, comme le précédent, de l'abbaye de Ton-
gerloo, leur dernière résidence religieuse, après la suppres-
sion de leur Compagnie (i).
L'inscription suivante se lit sur ce tableau :
ACTA SANCTORUM
A SECULO SESQUI ALTERO mCHOATA,
AB AKNO 1788
FESTA OMNICM SA>XTORUM LUCE
SDPPRESSA,
TVPORUM LIBERTATI,
GODEFRIDI OERMAKS
TONGERLOENSIS ABBATIS
CPM INDUSTRIA,
TUM IN DEUM SANCTOSQUE
PIETATE,
A>SO 1789, DIE XI MAJI
POSTLIMINIO REDDITA,
PERSEQl'ENTIBCS
EJUSDEM ADBATI.E ALl'MMS
DYCEIO, GOORIO, STALSIO,
SE DUCEM SOCIUMQUE PR^BL'IT
JACOBCS BUEt'S (sif).
(I) Voir Gadiai'd, Mémoire historique sur les Bollamlisfes et leurs Ira-
vaux, etc., dans le Messager des Sciences et des Arts de la Belgique, volume
de 1833, pp. 200 et suiv.
— 300 —
Oïl lit les mots suivants, dans la partie supérieure de
droite :
/ETATIS 6G
A» 1793.
G. IIERREIJItS F. (1).
Le n° 376, également peint par Herreyns, représente le
portrait du révérend Monsieur Jean-Jacques De Brandt,
d'Alost, qui en 1760, fut promu à Louvain, le dixième de
la troisième ligne (2). L'authenticité de ce portrait nous a
été alïirmée, entre autres, par M. Henri Schaefels, profes-
seur à notre Académie, qui a très-bien connu M. De Brandt.
Simon Denis était fils d'un officier autrichien : il naquit
à la citadelle d'Anvers et fut surnommé le louche (den
schelen). Ami intime de Balthasar-Paul Ommeganck, il en-
(1) 11 résulte des inscriptions transcrites ci-dessus, que Ghesquière est né
en 1750, et De Bue en 1727, tandis que les continuateurs des Acla Sanclorum
font naître le premier en 1751 et le second en 1728. 11 y a évidemment ici
une erreur de part ou d'autre : reste à savoir où elle se trouve. Ayant vérifié
notre texte, nous en garantissons l'exactitude.
Puisque nous venons de citer les nouveaux Bollandisfes, nous nous per-
mettrons de signaler à ces savants religieux, une lacune que nous avons
découverte dans la notice consacrée à leur prédécesseur, le père Jean-Pierre
Clé. Il est bien vrai, comme ils le rapportent, que cet ancien provincial prêta
le fameux serment de haine à la royauté, mais nous tenons d'un témoin auri-
culaire, à l'abri de toute suspicion, que le P. Clé se laissa peu après con-
vaincre d'erreur par le Rév. 31. Guill. J.-B. Van Bombergcn, pléban du
quartier nord de la Cathédrale d'Anvers, et qu'il rétracta généreusement entre
ses mains, le serment qu'il avait émis le 21 pluviôse an VI (9 février 1798),
avec une bonne foi difficile à concevoir, mais pourtant réelle. Les nouveaux
Bollandistcs ne disent mot de cette rétractation.
(2) 11 avait obtenu deux ans auparavant, le H« prix en rhétorique, au
collège de la très-S^e-Trinité à Louvain : le cours comptait 104 étudiants.
— Voir Mcmoria posluma. Xeniulum in annum MDCCCXI. — Calulogus
suorum Lovanii, discipulorum, prœmia udeptorum, edidil II. C. — Lovanii,
J. Meyer, p. 8-9.
L'auteur de cet opuscule est M. Hubert Collin, diacre, autrefois chanoine
d'Anloing, régent du collège ci-dessus nommé. Cet excellent pi'ofcsseur naquit
à MarnelTe, près de Iluy, le 26 septembre 1739, et décéda à Louvain le
13 juillet 1811. Les amateurs font cas de ses poésies latines qui n'existent
qu'en manuscrit.
gagea à diverses reprises eet artiste éminent, vers lequel
l'attirait une grande conformité d'âge et d'études, de venir
s'établir en Italie; mais ses efforts furent inutiles, car notre
célèbre paysagiste était trop attaché à sa famille et au sol
natal, pour ne pas les préférer à la terre étrangère, cette
terre s'appelàt-elle la belle Ausonie.
Simon Denis fut premier peintre du roi de IVaples. —
M. Clément Ommeganck, petit-fds de Balthasar-Paul, et à
l'obligeance duquel nous sommes redevables de ces détails,
y ajoute que la direction du Musée d'alors, se montra fort
peu soucieuse du legs des tableaux dont cet établissement est
redevable à Denis, et que ce ne fut qu'après avoir appris
l'arrivée prochaine de la famille de ce peintre à Anvers,
qu'elle se hâta de les exposer. ISous ajouterons que cette
exposition ne doit pas avoir été de longue durée, puisque
c'est M. le baron Gustave Wappers, conservateur actuel,
qui a fait placer au Musée, il y a peu d'années, les trois
compositions (n"" 577-579) de notre concitoyen.
M. Clément Ommeganck dont nous venons de parler,
a bien voulu nous mettre à même de rectifier plusieurs
inexactitudes qui se sont glissées dans la notice consacrée
à son célèbre aïeul (i). D'abord il n'est nullement vrai que
Balthasar-Paul Ommeganck, fils de Paul et de Barbe Lanen,
même à l'apogée de sa réputation, ait obtenu rarement plus
de 2000 à 2o00 francs de ses chefs-d'œuvre. Les notes et
lettres conservées par la famille du maître, prouvent que
ce prix était un des moindres qu'il obtenait pour des ta-
bleaux de petite dimension. Il a reçu 4000, 5000 et même
COOO francs de quelques-unes de ses compositions; de sim-
ples dessins lui ont été payés 1000 francs.
(1) Ces inexactiludes, ainsi que d'autres que nous avons relevées, ont été
empruntées k l'ouvrage de J. Immersccl j"" intitulé : De levens en werken (ter
hollandsclie en i^laemsche kunsischilders , beeldhouwers , graveurs en bouw-
mceslers.
— S02 —
Ce n'est pas eu 1814, mais eu 1815, que Ommegauck se
rendit en France pour y recliercher les chefs-d'œuvre de
l'art, que les spoliateurs de 1794 avaient confisqués au
profit de leur nation toujours grande et toujours juste. Il
n'est pas vrai qu'épouvanté par de prétendues menaces, au
sujet desquelles sa correspondance de 1813, que nous avons
vue, ne renferme pas un mot; il n'est pas vrai, disons- nous,
qu'épouvanté par de semblables menaces, Ommeganck ait
quitté la France, pour laisser à ses collègues, Pierre Van
Regemorter, Joseph-Denis Odevaere, Jean-J. Van Hal et
Charles-J. Stier, le soin de s'acquitter de la besogne com-
mune. Il revint au contraire à Bruxelles et de là à Anvers
avec nos chefs-d'œuvre, qu'il n'abandonna point le long de
la route qu'ils parcoururent, et faillit être écrasé dans la
première de ces villes, sous la chute de la caisse qui ren-
fermait V Assomption de N.-D., peinte par P. -P. Rubens
pour notre ancienne Cathédrale.
Un tableau d'Ommeganck exposé à Paris, quelque temps
après le retour d'une partie des œuvres de nos grands maî-
tres, y fut effectivement détérioré d'un coup de couteau,
comme le dit M. De Laet; mais sa version diffère de la
nôtre, en ce que le catalogue attribue cet acte de vandalisme
à un sentiment de vengeance dont l'artiste serait devenu
victime, à cause des services qu'il avait rendus à sa patrie
en 1813, tandis que le maître lui-même ne vit dans ce coup
de couteau, que l'effet d'une jalousie de peintres français.
Aussi refusa-t-il depuis d'exposer à Paris, quelles que fus-
sent les instances qu'on lui fit à cet égard.
L'acquéreur du tableau ainsi maltraité, avait effectivement
proposé à Ommeganck, de laisser son œuvre dansJ'état où
elle se trouvait, afin de perpétuer le souvenir de la brutalité
de ses ennemis; mais notre concitoyen ne voulut pas con-
sentir à celte demande, et il restaura lui-même cette pein-
ture, qu'il fit dans ce but, transporter à Anvers.
— SOB —
Ommeganck épousa le 26 juin 1780, M"^ Pétronille-
Isabelle-Jacqueliiie Parriii, et non Parent, ainsi que ledit
le catalogue (i). De ce mariage naquirent deux flis, dont
un mort en bas-âge, et sept filles.
Ici se terminent les notes que M. Clément Ommeganck
a bien voulu mettre à noire disposition. Nous allons y
ajouter quelques particularités importantes qui paraissent
n'avoir pas été connues de M. De Lael; nous les empruntons
à l'éloge de BaUhasar-Paul Ommeganck, prononcé le 15 fé-
vrier 1826, par le secrétaire de notre Académie royale, feu
M. Jean-Adrien Sneyers, dans la réunion du conseil de cette
institution. — Après avoir énuméré les litres honorifiques
conférés au célèbre paysagiste, litres parmi lesquels nous
remarquons celui de vice-président de notre Société royale
pour l'encouragement des beaux-arts, M. Sneyers nous
apprend que Ommeganck fut un de ceux qui fondèrent
en 1788, dans notre ville, une association artistique ayant
pour but, entre autres, d'exciter l'émulation par des expo-
sitions annuelles de productions de la peinture, de la sculp-
ture, etc.; de produire au grand jour des talents ignorés,
et de leur procurer l'occasion de se faire valoir (a). Cette
société servit de modèle à toutes celles du même genre qui
s'établirent dans d'autres villes du pays, et elle fut le ber-
ceau de la Société royale pour (' encouragement des Beaux-
Arts, dont les Anversois ont le droit d'être fiers. Ommeganck
mit successivement son activité au service de l'une et de
l'autre de ces institutions, et nous ne doutons point que la
prochaine édition du catalogue lui paiera un juste tribut
(1) Elle élait fille de Jean et de Pélronillc Sprangers, naquit le I i novem-
bre 1753 et mourut le 2G novembre 1820.
(2) Cette association prit le nom de Sociclé des Arls. Ommeganck envoya
quatre de ses tableaux à l'exposition qu'elle ouvrit du 1 au 1 1 septem-
bre 1790, dans la salle du Serment de l'escrime. C'est ce que nous ajqirciid
le catalogue de ladite année.
— SO-i —
d'éloges pour ce que l'arl et sa ville natale lui durent de ce
chef.
Une autre particularité rapportée par M. Sneyers, fait
trop d'honneur au célèhre maître, pour que nous la passions
sous silence. Au mois de juillet 181o, peu de jours après
la mémorahie hataille de Waterloo, la commission de la
Société pour l'encouragement des heaux-arls se réunit.
Ommeganck est présent : admirateur enthousiaste de la
gloire de notre ancienne école, il n'a pas oublié qu'en 1794,
de farouches dominateurs sortis du sein d'une nation dont
les gouvernements successifs ont, depuis des siècles, con-
voité la possession de nos belles provinces, avaient préludé
à une ère de pillages, en dépouillant nos temples, nos ab-
bayes, nos couvents, nos hôtels-de-ville, etc., d'une partie
des chefs-d'œuvre que la foi de nos pères et leur amour
pour l'embellissement du sol natal y avaient accumulés.
L'homme de bien (i), le patriote retrace la douleur encore
vivante qu'avait causée l'enlèvement des précieux monu-
ments du génie de nos vieux maîtres; il insiste sur l'équité
de la restitution de leurs productions immortelles, ravies
par un vainqueur impitoyable; cnlîn il démontre la nécessité
de leur retour au milieu de nous, pour stimuler les études
de l'école nationale.
La voix animée du sexagénaire ne retentit point en
vain (2) : une requête au roi est rédigée séance tenante,
pour demander que les pages illustres de nos glorieux ar-
tistes reviennent orner notre patrie, et cette requête porte
la chaude empreinte des sentiments que Ommeganck et
quelques-uns de ses collègues ont fait partager à l'assemblée.
Notre célèbre paysagiste ne pouvait manquer d'être au
{{) Ommeganck mérite ce tilrc, aussi bien que le peintre André-Corneille
Lens : aucun de leurs contemporains ne le leur contestera.
(2) Né le 23 décembre 173;), notre artiste allait atteindre cet ftge.
— ?30S —
nombre des commissaires chargés de la recherche de nos
chefs-d'œuvre, enlevés par les agents de laConvenlion : c'est
à l'occasion des services qu'il rendit à son pays en 1815,
que le roi Guillaume I lui conféra la croix de chevalier de
l'ordre du Lion Belgique (i).
Les Auversois sont loin d'avoir oublié que, lors du retour
de la plus grande partie des productions de l'art, dont la
Belgique avait été dépouillée en 1794, Balthasar-Paul Om-
meganck et ses collègues trouvèrent sur leur route une ville
où l'on se permit d'arrêter les chariots sur lesquels se trou-
vaient des œuvres magistrales ravies à des établissements
publics d'Anvers, de Malines, de Gand, de Bruges, de
Liège, etc., outre quelques tableaux provenant de la capitale
du Brabant méridional. Nos concitoyens se rappellent en-
core que l'on tenta de confisquer au profit de Bruxelles, les
monuments artistiques dont le retour était impatiemment
attendu, et qui se virent lout-à-coup destinés à former un
Musée général, à la possession duquel Bruxelles avait, au
dire de quelques-uns de ses habitants, des droits incontes-
tables. Anvers, du sein de laquelle était partie la demande
de restitution à charge de la France, s'indigna de ces pré-
tentions, sur lesquelles on voulait fonder une odieuse con-
fiscation. Une députation de notre ville, prévenue auprès
du roi, par un rapport du gouverneur de la province, baron
de Keverberg de Kessel, rapport qui constatait Vinquiétude
et l'agitation, auxquelles Anvers et Malines étaient livrées
par suite delà démonstrationbruxelloise(2); une députation,
disons-nous, se rendit auprès de Guillaume I et parvint à
faire abandonner d'aussi iniques projets. M. J.-B. Smils,
l'un des estimables citoyens envoyés à La Haye, transmit à
(J) Jan-Adr. Sneyers, Lofrede op DaUhazar-Paulus Onuneganck. — Ant-
werpen, H. -P. Van der Iley, bl. 1,2, 7, 12, 15 en 1//.
(2) Viclor Van Grimbergcn, Histurische levensbeschryving van P.P. Ru-
bens. cnz. — Anhvcrpcn, 1840, bl. 410.
22
— S06 —
celte occasion, au maire d'Anvers, le jugement suivant,
émané de la bouche du roi : « S. M. a exprimé sa satisfac-
tion sur l'amour des arts qui anime les Anversois et saura
apprécier la différence qui existe entre eux et les habitants
de Bruxelles pour ce qui regarde cet objet (i). »
Qu'on nous pardonne la digression un peu longue à la-
quelle nous venons de nous livrer : nous allons poursuivre
notre revue. — Le paysage montagneux aiec moutons, peint
par Balthasar-Paul Ommeganck (n" 580 du catalogue), a
été acheté par le Musée en 1846, non à la vente mortuaire
de yi""^ Baesten, née Ommeganck, mais à celle de M. Gabriel
Baesten, son époux.
M. De Laet a fautivement orthographié le nom du célèbre
peintre de fleurs, Jean-François Van Dael, dont le portrait
exécuté par Robert Lefèvre, est conservé au Musée (n" 581).
Nous ne nous occuperions point du tableau de Matthieu-
Ignace Van Brée, représentant la Mort de Rubens (n" 58*2),
si nous n'avions souvent entendu louer ce célèbre directeur
de l'Académie d'Anvers, des efforts auxquels il se livrait
pour inculquer à ses élèves le sentiment de l'exactitude
historique. C'est à ce titre que nous dirons quelques mots
de cette œuvre peu importante sous le rapport artistique.
Nous ferons observer d'abord que la présence de deux no-
taires à la scène douloureuse retracée par Van Brée, est
une double erreur : en effet le testament de notre grand
Rubens fut reçu le 27 mai 1640, trois jours avant sa mort,
et il le fut par le notaire Toussaint Guyot, exclusivement (^i).
On objectera peut-être que l'auteur du n° 582 n'a pu con-
naître cette circonstance, ce qui nous semble difficilement
(1) Idem. Op. cil., p. 422. — Les collègues de M. Smits étaient MM. Louis-
Simon Geelliand et François-Antoine Vcrdussen. ravi, il y a peu de mois,
aux arts et à sa famille.
(2) Victor Van Grimbergcn, Op. cit., p. 459. — Frédéric Vcrachter, Le
tombeau de Ruben.t, p. 4.
— â07 —
admissible. Quoiqu'il en soit, Van Brée n'a pu ignorer
qu'en 1640, pas plus qu'aujourd'hui, l'ecclésiastique qui
vient assister un moribond, ne se revêt point d'un sur-
plis et ne se fait point précéder d'un porte-croix et de
deux acolytes; que si les Franciscains avaient, comme les
autres ordres mendiants, l'habitude d'assister aux funé-
railles des personnes dont les familles ou les héritiers les
en priaient, ils ne remplissaient point dans la paroisse de
S'-Jacques, les fonctions de porte-cierges. Nous ajouterons
qu'il est au moins fort douteux que les Sœurs hospitalières
de notre ville se chargeassent en 1640 de soigner les ma-
lades à domicile; aussi la présence de l'une d'elles sur la
toile de Van Brée est-elle difficile à justifier.
Deux fautes d'orthographe se sont glissées dans la des-
cription de la Furie espagnole (n° 583), peinte par M. Fer-
dinand De Braekeleer, dont le nom même a été mal écrit (i).
11 faut lire Goswin Van Varick, au lieu de Van Vareick;
Jean Van de Werve, au lieu de Van der Werve.
L'infante Isabelle-Claire-Eiigénie, copie du portrait peint
par Antoine Van Dyck (n" 387), est représentée revêtue de
l'habit du tiers-ordre de S'-François, dans lequel elle voulut
être enterrée (2). Cette copie provient du ci-devant Palais
épiscopal d'Anvers.
La notice consacrée au célèbre sculpteur Artus Quellyn,
le Vieux, renferme une erreur que nous rectifierons, après
avoir fait connaître quelques particularités dont nous som-
mes redevables à l'obligeance d'un de nos concitoyens, qui
(1) Le catalogue porte De Braeckelcer.
(2) Cette pieuse princesse, après avoir accompli son année d'épreuve, fit
profession du tiers-ordre, pendant loctavc de S'-François en IG22, entre les
mains du père André de Soto. L'acte de profession signé de la main de notre
souveraine, était conservé autrefois parmi les archives du couvent des Ré-
collets de Bruxelles, où se trouvait également l'acte dacceptation dressé par
ledit père De Soto. — A. Sanderus, Chorographia sucra Brabantiœ, t. III,
p. 90. Hagœ Comitum, MDCCXXXVH.
308
compte rilluslre mailre au nombre des alliés de sa famille.
Arlus Quellyn, fils d'Érasme, le statuaire (i), et d'Elisa-
beth Van Uden, fut baptisé dans notre ancienne Cathédrale,
le 30 août 1G09; il épousa à S'-Jacqucs, le 1 août 1640,
Marguerite Verdussen, fille de Jean et de Barbe Van Sau-
wen, baptisée à Notre-Dame le 7 septembre 1615 (2). Ils
(I) Nous n'avions jamais rencontré l'indication d'une œuvre quelconque du
sculpteur Erasme Quellyn : un de nos amis vient d"èlre plus heureux. En
parcourant un registre de la Confrérie du doux Nom de Jésus {van den soeten
Naem Jésus), érigée en 1364 dans l'église des Dominicains, actuellement
paroissiale de S'-Paul à Anvers, il y a lu qu'en 1633, Abraham Malthyssens
et Bernard Plucquet, préfets de ladite Confrérie, avaient été désignes en
qualité d'architecics {houwmeesters) de stalles qu'on se proposait d'ériger
dans la chapelle de cette association pieuse, primitivement composée de céli-
bataires (jonr/limans). Entre autres mentions intéressantes, notre ami a trouvé
à l'année 1639, le paiement d'une somme de 156 florins, remise à Érasme
Quellyn, pour compte d'un certain Jean De Juploy; en 16^1, un paiement
de 320 florins à maître Jean de S'-Nicolas, sculpteur; deux autres, l'un de 30,
l'autre de 140 florins, le premier à maître Charles Van de Wouwere, le
second au fils d'Érasme Quellyn (Artus le Vieux?). En 164-1 et en 1642, ledit
Van de Wouwere reçut en outre une somme totale de 50 florins, pour con-
fection de divers ornements {(oofwerck) et de colonnettes, adaptés aux stalles
dont nous nous occupons; et à la même époque, il fut payé à la veuve
if Erasme Quellyn, 41 florins, à compte de ce qu'il avait sculpté pour ces
stalles, qui existent encore aujourd'hui à l'état de boiseries sans sièges.
Elles ont été en partie incorporées à l'église avec la chapelle qu'elles ornent,
en 1833, et régnent le long du mur méridional de cette chapelle; une autre
partie est adossée au mur opposé, jjrès du remarquable autel du S'-Rosaire,
sculpté par Jean-Pierre Van Baursheit. En 1631 il avait été paye à N. Ver-
bruggen (Pierre le Vieux?) 38 florins, pour l'achèvement de ces stalles,
et 30 à N. Quellyn (Arlus le Vieux?), pour la confection de deux colonnettes
qui y étaient destinées.
Ajoutons qu'au-dessus de ces belles stalles, à droite, du côté du midi, se
trouve une verrière exécutée par Jean De Labaer en 1653, aux frais de la
Confrérie du doux Nom de Jésus, et représentant VËnlrce triomphale du
Sauveur à Jérusalem. C'est ce qui résulte de l'annotation suivante du registre
cité : Aen den zelvcn {Jan De La Baer), voor een glaze vensicr, den Iriomph
van Jérusalem,... 200 gis. — Note ajoutée en février 1831.
(2) Érasme Quellyn cl Jean Verdussen, respectivement pères d'Artus et de
Marguerite, assistèrent comme témoins à ce mariage. Marguerite Verdussen
était sœur de ce magnanime père Jérôme Verdussen, Récollct du couvent de
_ S09 —
décédèrent sans postérité : aussi est-ce à tort que M. De
Laet a fait passer Artus Quellyn, le Jeune, artiste non
moins distingué que son homonyme Artus, le Vieux, pour
le fils de celui-ci. L'inscription sépulcrale suivante qui se
lisait dans l'église des Récollets d'Anvers, fait connaître la
date exacte du décès du sculpteur de l'iiôtel-de-ville d'Am-
sterdam :
SEPtLTURE
VAN JAN VERDCSSEN STEHFT
E>DE BARBARA VAN SAIWEN SY>E HUVSVROUWE
STERFT 17 SEPTEMBER 1638 OUDT 68 JAREN
ENDE ARTUS QUELLIMUS CONSTIGH BELTSNYDER
ALS TUYGHT HET VERMAERT STADTIlfYS VAN AMSTERDAM ETC.
STERFT 23 AUGLSTl 1668 OIT 39 JAREN
EHDE JOlFFe MARGARITA VERDUSSEN SYNE WETTIGUE
HOYSVRODWE STERFT 12 FEBRUARY 1668 (1).
Le buste en marbre du marquis de Caracène, exécuté par
Artus Quellyn, le Vieux (n« 588), ornait autrefois la grande
salle des réunions de la Corporation de S'-Luc. L'inscrip-
tion suivante qu'il serait convenable de rétablir, accom-
pagnait cette œuvre d'art :
ILLino ET EX™" D^°
DO LCDOVICO DE BENAVIDE
CARILLO ET TOLEDO
MARCIIIONI CARACEN.-E ETC.
QIOD ARIIS PICTORLE ACADEMIAM
PUILIPFI IIll
REGIS CATUOLICI
MIMFICENTIA STABILIRI CURAVIT
PICTORUM DECANI
IN GRATAM yETERNAMQlE
MEMORIAM UANC STATL'AM
POSUERUNT
166i.
Bruxelles, lequel avec son confrère Daniel Guyot, tomba en 1631 viclime de
son dévouement à secourir les Bruxellois atteints d"unc maladie contagieuse.
— A. Sanderus, Chorograpbia sucra Brabaiitiœ, t. III, p. 94.
(I) 11 résulte d'un acte de partage, passé le 4 février 1670, devant le no-
taire J.-B. Colyns, à .\nvers, que Arlus Quellyn, le Vieux, était frère
— 310 —
Nous avoQS fait allusion à cette inscription, lors de nos
remarques sur la notice de David Teniers, le Jeune.
Nous nous abstiendrons de toute observation relative-
ment à la notice sur Louis Willemssens, sculpteur de Guil-
laume III, roi d'Angleterre, à ce que rapporte M. Joseph
Van Erlborn (i). Voici Tépitaphe de ce célèbre statuaire
qui était enterré devant l'autel de l'Immaculée Conception
de N -D. et de S'-Anien, dans l'ancienne église paroissiale
de Saint-Georges :
JOA?INES CORVERS STERFT 15 JANCARll 1670
A>>A CLAES SYNE HCYSVROUWE
STERFT 15 DECEMBER 1646
llDOVICrS WILLEMSSENS STERFT 12 OCTOBER 1702
A>>A CORVERS STNE DUÏSVROIWE
STERFT 8 JANCàRY 1691
JOAXSA MARIA WILLEMSSEKS
STERFT 21 APRIL 1709.
On lisait autrefois l'inscription suivante, qu'il est dési-
rable de voir rétablir, au-dessous du buste en marbre du
comte de Monterey, gouverneur-général des Pays-Bas
catholiques (n" 589), buste donné et exécuté par Louis Wil-
lemssens, et qui ornait également la grande salle des réu-
nions de la Corporation de S'- Luc :
/ETERN.E MEMORI.E
ILLJII ET EX»' D»!
D. JOA>'>"IS DOMIMCI
DE ZCSIGA ET FOSSECA
COMITIS DE MONTEREY
ET FCEMES ETC.
BELG. ET BIRG. GUBERXS
SEDCLI PRCDENTIS
(lErasine, le peintre, et dlluberf. Cornélie Qiiellyii, épouse du célèbre
sculpteur Pierre Verbruggen, le Vieux, était leur sœur. C'est ce que notre
archiviste communal, M. Frédéric Verachter, a lu dans Tacte cité. M. De
Rcifîenbcrg s'est donc mépris, en faisant passer Cornélie, pour la nièce
d'Arlus. {MessaQcr des Sciences hisloriques de Belgique, volume de 1840,
p. 597).
(1) Dans VÀnnuaire du déparlement des Deux-IS'èlkes. Anvers, 1808.
— 311 —
INDEFESSI
QUOD ARTIS PICTORI.E ACiDEMIAM
MLSIS n UOC PAKNASSUM BEDICTIS
APOLLIMS AC APELLIS
PROTECTOR
OLIVIS COSJfXCTAM FOECODAVIT
nA>C STATUAM
EJUSDEM ACADEMIE DIRECTORES
DECAXI DD, CQ. MDCLXXV.
Les doyens de S'-Luc érigèrent ce buste, en reconnais-
sance des efforts, inutiles du reste, que le comte de Monte-
rev avait mis en œuvre pour terminer à l'amiable un procès
que la Corporation soutenait en 1670, depuis neuf ans,
contre le jeune Serment de Tare, auquel s'étaient joints les
cinq autres Serments d'Anvers. Ce procès avait pour objet
la violation d'un privilège de la Confrérie, en ce que le
jeune Serment de l'arc s'était arrogé le droit d'assumer
parmi ses membres, un de ceux de S'-Luc (i).
Nous ne ferons point d'observations sur la notice consa-
crée à Guillaume Kerricx, le Vieux, sculpteur et poëte (2),
quoique nous ayons des motifs fondés de croire que la date
de la naissance de cet excellent artiste est inexactement
rapportée. Nous croyons devoir donner ici son inscription
sépulcrale, qui se lisait autrefois dans l'église des Domini-
cains, aujourd'hui paroissiale de S'-Paul, à Anvers. En
voici la teneur :
MOnUMENTUM
GCILIELHI KERRICX ET BARBAR/E OGIER
COXJCGCM
OBIIT ILLE 20 JlMl 1719
IlLA VERO 18 MARTII 1720
ET POSTERCM (5).
(i) J. C. E. baron Van Ertborn, Geschiedkundige aentcekeningen aengaendt
de Sie-Lucas rjilde. enz., bl. 30, 51, 38 en 59.
(2) Ibid., p. 42.
(3) Sic. — Le poète Guillaume Ogicr, père de Tépousc de Guillaume
— 312 —
Nous bornerons au surplus nos remarques au buste en
marbre du gouverneur-général Maximilien-Emmanuel de
Bavière (n° 590), exécuté par Kerricx, et qui ornait égale-
ment la grande salle de S'-Luc. M. De Laet nous apprend
que ce portrait fut commandé au sculpteur, avec les orne-
ments nécessaires.\o\Q\ en quoi consistaient ces ornements :
auprès du buste, ou remarquait des génies représentant la
Renommée, la Peinture, la Sculpture, la Poésie, la Force, etc.
La Poésie écrivait ces vers :
AuEtusla In Facie Spirans
Mars Emicat Artc.
IXous ignorons si ces génies qui ont dû être transportés au
local actuel du Musée en 1811 (i), existent encore, auquel
cas il conviendrait de les replacer, ainsi que l'inscription
suivante qui se trouvait sur le piédestal du buste :
MAXIMILIANO EMMAMELI
S. R. IMPERU ELECTORI
DUCI BOIORIM
TACRI.VI DEBELLATORI
DEFENSORI BELGARUM
PRUDESTI FORTI.
Plus bas on lisait :
Kerricx, le Vieux, était enterré dans l'église de l'abbaye de S'-Michel, ù
Anvers. On lisait ce qui suit sur sa dalle lumulaire :
DIE HIER GEXOEGEN VO.ND I> DRUCR
BESIT KAER TYT HET IIOOGST GELUCK
LEVEN
DER
PATRIARCHEN ES PROPHETES
OGIER DIE VOSD
VUYT SEVEN SOND
VERMAECK ES STRAF
RIST IS DIT GHAF
STIERF
20 FEBRIARY 1689.
(1) J. C. E. baron Van Erlborn, Op. cil.., p. 51.
SIS
SEKCNISSIMI M;€CENATIS
AUGUSTAM MUXIFICENTIAM
vETERSlTATI
PINGUNT SCULPl'M CANUNT
COSSECRANTQUE
'PERENNI HOC GRATIDIDI.MS MOMMENTO
ACADEMICORUJl PRIMORES
AJiTVERPI^ MDCXCUII.
Ce buste fut érigé par les doyens, en reconnaissance de
quatre nouvelles lettres de franchise des charges publiques,
que Maximilien-Emmanuel avait accordées à la Confrérie de
S'-Lucen 1695 (i).
Le buste en marbre, sculpté par Jean-Pierre Van Baur-
sheit (u" 591), provient de rhùtel-de-ville d'Anvers. Le
personnage qu'il représente et que nous allons faire con-
naître, est décoré, non seulement de la Toison d'Or, comme
le dit le catalogue, mais en outre de l'ordre du Saint-Esprit.
yVussi est-ce le portrait de Philippe de France, duc d'Anjou,
petit-fils de Louis XIV, devenu en 1700, époque de l'exé-
cution de ce buste, roi des Espagnes et des Indes, en vertu
du testament de Charles II (2).
Nous avons lu aux archives de la province d'Anvers, il
y a quelque huit ou neuf ans, que les municipaux de cette
ville avaient été sur le point de vendre ce ci-devant tyran,
lors de la tourmente révolutionnaire. Le buste trouva grâce
aux yeux du commissaire du Directoire exécutif près cette
Municipalité, le citoyen S. -P. Dargonne, qui s'opposa à
l'aliénation de cette œuvre d'art et la fît transporter à l'école
centrale.
Comme il n'est pas improbable qu'à la suite de recbei-
ches dans les archives du royaume, on puisse parvenir à
découvrir le nom de l'auteur du monument funèbre cV Isa-
belle de Bourbon, comtesse de Charolais, femme de Charles
(1) Baron Van Erlborn, Op. cit.. p. il.
(2) .l.-J. De Smet, Histoire de la Belgique, t. ir, p. 109.
~ si; —
le Téméraire (n" 399), il serait à désirer que lors d'une
nouvelle édition du catalogue, la commission eût recours à
Tobligeance de notre savant archiviste-général, IM. Gacliard,
pour combler celte lacune.
Nous terminerons par une observation relative à la chaise
de Rubens (n° 400). Celle chaise aurait, d'après M. De Laet,
servi au grand maître dans l'année de son décanat de
S'-Luc, 1G51. Si le fait est exact, il eût pu, ce nous
semble, être étayc de quelques preuves, d'autant plus que
feu M. le baron Joseph C.-E. Van Ertborn nous paraît
avoir assez bien démontré que Rubens n'a jamais été do)^en
de S'-Luc (i).
Nous ne prendrons point congé du lecteur, sans rendre
un nouvel hommage aux patientes recherches de M. De Laet
et aux découvertes importantes qui les ont couronnées.
Quelques efforts encore, et la prochaine édition du catalogue
ne laissera plus rien à désirer.
Nous remercions encore une fois les personnes qui ont
bien voulu nous procurer une partie des renseignements
dont nous avons fait usage dans le cours de ce travail (2).
Anvers, Octobre 1850.
Thkodore Van Leruis.
(1) Op cil., p. 23-27.
(2) Celle notice était écrite depuis longtemps, lorsque M. Pierre Génaril,
sous-bibliolhécaire de notre ville, nous a fourni la preuve que le n» 59 du
Musée, peint par Jean Gossaert, dit Jean de Maubeuge, et qui représente les
saintes femmes pleurant la mort du Sauveur, est orné des armoiries de mes-
sire Adolphe de Bourgogne, seigneur de Beveren, de La Vere, etc., chevalier
delà Toison d'Or et amiral, mort le 7 décembre lîJiO et enterré dans l'église
de Beveren (Voyez A.-J.-L. Van dcn Bogaerdc, Geschiedenis van het land van
Waes, nie (leel, bl. 121). — M. Génard a vérifié également les armoiries qui
ornent le n" H-i-, tableau d'un peintre inconnu, et celte vérification lui a
démontré que le personnage reprcsenlé auilil numéro, n'est autre que le
prince d'Orange, Guillaume I.
— 313 —
Bapport
SUR L'ÉTAT DES MOMiMENTS HISTORIQUES ET ARTISTIOIJES
DE
LÀ VILL£ DE GAf^D,
RËUIGÉ AU NOM DE LA COMJIISSIOIV inSTITUÉE POUR LEUR CONSERVATIO\,
PAR
PH. KERVYN DE VOLKÂERSBEEE ,
Membre de ladite Commission.
AVANT-PROPOS.
Aucun pays, si loulefois on en exceple Tllalie, ne pos-
sède plus de richesses artistiques que la Belgique; c'est là
une vérité reconnue par tous ceux qui se sont occupés de
l'élude des arts chez les divers peuples de l'Europe. Son
école de peinture, sœur ainée de celle d'Italie, exerça dès
le X1V'= siècle une injluence prodigieuse et salutaire sur
les autres nations qui l'admiraient et qui venaient lui de-
mander de les initier aux merveilleux secrets de ses grands
mai très. « C'est aux frères Van Eyck, dit le comte de La-
borde dans son remarquable ouvrage, intitulé : La renais-
sance des arts à la cour de France, t. I, p. 9, que nous
dûmes de sortir entièrement des voies conventionnelles.
Guidés par ces puissants talents, nous adoptâmes leur prin-
cipe, l'imitation de la nature et leurs moyens matéi-icis si
habilement perfectionnés, la peinture à l'huile. Les Flan-
— 816 —
dres étaient alors, par le voisinage, par la parenté de leurs
souverains et les nôtres, tout aussi françaises que la France,
plus françaises que la Bretagne et la Guienne. Leur indus-
trie merveilleuse, leurs richesses exubérantes, le luxe de
leurs princes et les malheurs qui bientôt frappèrent la
France, durent rendre plus puissante encore cette influence.
D'ailleurs, à la fin du XIV* siècle, où trouver d'autres mo-
dèles? ritalie sommeillait encore au milieu des trésors
amoncelés par l'antiquité; l'Espagne, l'Allemagne et l'An-
gleterre n'avaient pas un artiste de valeur; nous suivîmes
les Flamands dans leur résurrection surprenante, mais
nous les suivîmes en faisant quelques réserves qui nous
permirent de rester Français dans nos imitations. »
Ces paroles extraites d'un ouvrage du plus haut intérêt,
dû à la plume d'un savant dont l'autorité en matière d'art
n'est contestée par personne, prouvent une fois de plus,
l'importance de notre ancienne école de peinture et les
droits de nos grands peintres à la reconnaissance de leur
patrie. Comment la postérité si souvent oublieuse des bien-
faits dont elle hérite, s'acquiltera-t-elle envers ces hommes
dont le génie l'a dotée de tant de chefs-d'œuvre divers? est-
ce en leur élevant des statues plus au moins colossales ou
en inscrivant leurs noms sur le frontispice d'un monument
que la moindre commotion politique peut abattre sans eu
laisser subsister de traces? Non, cette manière de rendre
hommage au génie est incomplète, si l'on n'entoure les
œuvres qu'il a créés, du respect et de la vénération dont
elles sont dignes.
Combien de souvenirs précieux pour l'histoire et les arts
n'avons-nous pas perdus au milieu des orages politiques qui
ont si souvent bouleversé notre pays, lorsque la multitude
abrutie et possédée du démon de la destruction se ruait
furieuse sur nos monuments les plus chers?
Cependant les commotions populaires quelque terribles
— 817 —
qu'elles puissent être, ne sont pas les seuls périls que les
arts aient à redouter. Il en est d'autres d'autant plus sérieux
qu'on ne les aperçoit que lorsqu'ils ont déjà produit leurs
désastreux effets. De ce nombre est l'Ignorance, ennemie
naturelle des arts et qui devient implacable lorsque la Cupi-
dité l'accompagne. C'est par elle que noire splendide et
riche cathédrale a vu mutiler en 1817, la plus belle créa-
tion des frères Van Eyck, V Adoration de Varjneau sans
tache, dont six panneaux ornent aujourd'hui la galerie du
roi de Prusse; et c'est encore par elle qu'Anvers s'est vu
enlever le célèbre Chapeau de paille de Ilubens. Pertes
irréparables que la Belgique regrettera éternellement!
11 existe encore un autre danger que nous ne pouvons
passer sous silence, notre ancienne école de peinture y est
parliculièicmenl exposée : c'est celui de tomber entre les
mains perfides de ces prétendus restaurateurs qui gâtent ou
détruisent impitoyablement tout ce qu'ils louchent. « Cette
espèce de nettoyeurs, dit Descamps, s'étend et augmente
tous les jours; je voudrais que les magistrats défendissent
de toucher, sans leur permission, aux ouvrages placés en
public, et qu'on fut certain du mérite de ceux à qui on
les confie; ce serait le moyen de conserver des produc-
tions qui intéressent ceux qui aiment les arts, et qui ser-
vent de modèles à ceux qui les étudient (i). »
Ces lignes écrites en 1769, ne sont plus rigoureusement
applicables à notre époque, depuis que les édifices publics
et les objets d'art qu'ils renferment, sont soumis à la sur-
veillance d'une commission spéciale chargée d'en constater
l'état de conservation, d'en dresser des inventaires et d'in-
diquer aux autorités compétentes, les restaurations qu'ils
auraient à subir.
Cette commission créée en 1818, fut légalement établie
fl) J. B. Desciinips, Yoijagc jiittoresquc de la Flandre et du Brabuiil, p. XI,
— S18 —
en 1823, sous la dénomination de : Commission pour la
CONSERVATION DES MONUMENTS ET OBJETS d'aRT DE LA MLLE DE
Gand, par un airèté organique des États provinciaux de
la Flandre orientale du 14 juillet et revéîu de la sanction
royale par arrêté de S. M. Guillaume I, daté de La Haye
du 5 décembre 1823 (i).
Nous ne relaterons pas tous les services que cette insti-
tution éminemment utile a rendus, il suffit pour se con-
vaincre de leur importance de jeter un regard sur ses
archives qui renferment des documents non moins intéres-
sants pour les artistes que pour les historiens et les archéo-
logues. Elle possède une bibliothèque qui s'accroit sen-
siblement et où Ton trouve quelques beaux manuscrits.
Ce fut en 1833 que la commission entreprit la création
d'un Musée historique. Cette heureuse idée obtint l'appro-
bation générale et voici comment un recueil scientifique de
Gand (i) rendit compte de cette résolution : « Tandis que
la commission pour la conservation des monuments s'oc-
cupe activement d'un travail important sur les monuments
historiques, sur l'origine du nom des rues et des places
publiques de l'ancienne capitale des deux Flandres; tandis
qu'elle fait rentrer dans les dépôts scientifiques de la pro-
vince ou de la ville les manuscrits ou les docunîents qui en
ont été distraits à diverses époques, elle a formé, sous les
auspices et la protection de la régence, le projet d'ériger
en cette ville un Musée historique belge. A peine ce projet
a-t-il été connu, qu'il a reçu d'un grand nombre de ci-
toyens, amis de leur pays et des arts, des encouragements
et des dons qui surpassent déjà les espérances des fonda-
teurs de cette nouvelle institution. »
On le voit, la commission animée d'un zèle aussi noble
(1) Mémorial ndiiiinislralif de la Flandre oricnlalc, 2<" annco, p. 108.
(2) Messager des Sciences, 1833, p. 304-.
— 319 —
qirédairé, répoiidail clignement au but qu'on s'était pro-
posé en la créant, mais c'est surtout dans les inspections
qui lui étaient imposées par l'article V de l'arrêté orga-
nique, qu'elle était appelée à rendre de signalés services.
Les comptes-rendus de ces espèces de revues tantôt géné-
rales tantôt partielles, rédigés avec une minutieuse exac-
titude, seront toujours utilement consultés par les savants
et les artistes.
Dans sa séance du 16 mars 1851 (i), la commission
résolut de faire une nouvelle inspection générale de tous
les édifices et objets d'art qui sont soumis à sa surveillance :
six de ses membres, Messieurs Van der Vin, Félix De Vi-
gne, Cbarles Onghena, Edmond De Busscher, Polydore Van
der Meerscli et kervyn de Volkaersbeke, rapporteur, furent
délégués pour remplir cette tàcbe que les nombreuses riches-
ses historiques et artistiques que Gand possède, rendaient
à la fois laborieuse, difficile et délicate.
Les rapports qui dans cette circonstance furent adressés
à la commission et à l'autorité communale, étant de nature
à piquer la curiosité par les faits nouveaux qu'ils renfer-
ment, nous avons cru devoir les publier, en y ajoutant
cependant quelques détails puisés aux meilleures sources,
mais dont le narré aurait paru superflu dans un rapport
officiel. *
Ces sources peuvent être divisées en deux catégories : la
première comprend les auteurs imprimés, tels que Sande-
rus, le chevalier Diericx, Descamps, Mensaert, Goesin-
Verhaeghe, Auguste Voisin, le comte de Laborde, Adolphe
Siret et bien d'autres encore dont l'opinion a une valeur
réelle et reconnue; tandis que la seconde, non moins im-
portante, est formée de docunicnls manuscrits, souvent
(I) La conimissiou Icnail primilivcmeul ses séances à IT'nivei'siU', mais
depuis peu d'années elle s'est fixée à rhôtcl-dc-villc, dans l'ancienne Trcso-
rcrir, où elle a réuni ses colieclions.
— §20 —
olliciels, puisés dans les archives publiques ou privées et
surtout dans celles des églises paroissiales où nous avons
recueilli des renseignements précieux et inconnus sur la
plupart des œuvres d'art que nos vieux monuments religieux
possèdent et même sur celles qu'ils ont perdues.
A cette deuxième catégorie appartiennent entre autres
les inventaires dressés à diverses époques par la commis-
sion des monuments, et la liste des tableaux appartenant à
des mains-mortes, qui se trouvent dans la ville de Gand,
jurisdiction du Magistrat de la ville, fait en présence de
Messieurs les Échevins de la Keure, par P. L. Spruyt,
premier professeur de l'Académie de peinture, en consé-
quence du décret de Sa Majesté du 5 septembre 1777. Ce
document, extrait des archives communales, est d'autant
plus curieux qu'il nous fait connaître des tableaux que la
ville ne possède plus aujourd'hui; aussi le publierons-nous
en entier avec la correspondance qui s'y rapporte, comme
pièce justificative, à la fin de l'ouvrage. Citons encore au
nombre des sources les plus fécondes que nous ayons con-
sultées, la belle collection de M"" P.-J, Goelghebuer. Formée
de longue main, avec toute la persévérance qui caractérise
l'homme convaincu de l'utilité de son entreprise, cette col-
lection est devenue désormais indispensable à tous ceux
qui s'adonnent à l'étude de l'histoire politique et artistique
de l'ancienne capitale de la Flandre.
En terminant nous dirons que nous formons les vœux les
plus ardents, afin que la commission chai'gée de veiller à la
conservation de nos monuments , rencontre auprès des
autorités compétentes, le puissant appui dont elle a besoin,
pour sauver d'une ruine totale les vénérables et glorieux
souvenirs que nous devons au génie de nos pères !
Gand, AoùtlSol.
— 321
I
EGLISE PAROISSIALE DE NOTRE-DAME ET LES CASERNES DE
SAINT-PIERRE.
Messieurs,
Conforinénieiit à la décision que vous avez prise de faire
une inspection générale des monuments et autres objets
d'arts qui sont soumis à votre surveillance, j'ai l'honneur
de vous faire connaître que le 2o mars dernier, vos délé-
gués se sont rendus aux casernes du génie situées sur la
plaine de S'-Pierre, et c'est avec regret qu'ils doivent décla-
rer que les peintures allégoriques qui couvrent le plafond
de l'ancien réfectoire de l'abbaye, aujourd'hui grande salle
d'armes, dues au pinceau de \"an Reysschoot, sont forte-
ment endommagées et demandent de promptes restaurations
si l'on ne veut les voir disparaître bientôt entièrement.
Le plafond de la bibliothèque actuellement convertie en
école régimentaire, est une magnifique composition allégo-
rique peinte par Simons, de Bruxelles. Ce plafond d'une
conservation satisfaisante, exige cependant dans quelques
endroits de légères réparations. Il serait à désirer que la
cloison qui divise cette belle salle en deux parties, fut
enlevée; elle détruit l'eflet du plafond et contribue pour
une large part dans les dégrations qu'il a subies.
Les bâtiments en style ogival qui entourent l'ancien préau,
demandent de sérieuses restaurations. Il serait déplorable
de voir disparaître ces derniers et vénérables débris de l'opu-
lente abbaye de S'-Picrre, comme ont disparu tant d'autres
souvenirs architecloniques, faute de prendre les précautions
que leur conservation exigeait.
— S22 —
Au-ilessiis de la |)oi'te d'entrée du corps de logis du sud
de la grande cour des casernes, on remarque un bas-relief
sculpté en pierre, représentant la résurrection de Lazare.
Cette sculpture est digne d'être conservée et devrait être
nettoyée.
En quittant les casernes, nous nous sommes rendus à
l'église de Notre Dame, où nous avons été reçus par mes-
sieurs les vicaires, auxquels un extrait du procès-verbal de
votre séance du 16 mars dernier a été remis.
Les statues qui ornent ce magnifique temple, dues au
ciseau de Gilles d'Anvers et de Géry Helderberg, sont
parfaitement conservées; mais c'est avec un sentiment de
profonde douleur que nous devons constater l'état de
délabrement dans lequel se trouve un des monuments
historiques les plus précieux que renferme notre ville, le
tombeau d'Isabelle d'Autriche, sœur de Charles-Quint
et femme de Christiern II, roi de Danemarck, de Suède
et de Norwège, morte en 1526 au château abbatial de
Zwynaerde et inhumée dans l'oratoire de l'abbaye de S'-
Pierre. Cette tombe entièrement en marbre, est tellement
délabrée qu'il reste peu d'espoir d'en conserver encore
longtemps les débris, si l'on ne s'empresse de prendre les
mesures nécessaires pour les préserver d'une destruction
totale. La commission pense qu'il conviendrait de recon-
struire ce mausolée dans usi style conforme à l'architecture
de l'église et digne de l'infortunée princesse dont il est
destiné à perpétuer la mémoire (i). A ce sujet nous trou-
vons dans la '2" édition de V Histoire de l'abbaye de S^-Pierre,
à Gand, par M. Edmond De Busscher, un passage digne
de fixer votre attention; le voici :
(1) Feu M. WiUcnis a donné dans le Dclffispli Muséum, l. II, page 196, une
inlércssanle noiice biographique sur Isabelle d'Aulriche, accompagnée de
deux gravures de son tombeau, d'après une copie du dessin de Arenl Van
Wyncndacle, donl Vorlginul apparliriil à la colleclion de M. Goelghcbucr.
— 32'a --
« Le gouveriicmeiit de Daiiemarck parait avoir conçu
» !a pensée généreuse et ré|)aralriec de relever le mausolée
» d'Isabelle d'Autriche, et depuis quelques années Thistoire
» de Chrisliern II a lixé l'attention des écrivains du Nord.
» Dès 1844, Cil. Ferd. Allen a publié à Copenhague la
» première partie de son ouvrage intitulé : De rébus Chris-
» liani secundi, Daniae, Norwegiae et Sueciae régis, cx-
» sulis comrnentalio. — Vers la même époque, le savant
» professeur danois Kalkar entreprit un voyage scientifique;
» il recherchait des manuscrits de théologie et recueillait
» tout ce qui pouvait offrir de l'intérêt pour le Danemarck,
') la Suède et la Norwège. H était chargé aussi par le
» ministre de l'intérieur de Danemarck de lui adresser un
» rapport sur le tombeau de la reine Isabelle, à Gand, et
» de lui indiquer la somme que nécessiterait la construc-
» tion d'un nouveau monument funéraire, digne de sa haute
» destination.
» M. Kalkar vint chez M. Serrure, professeur d'histoire
» à l'Universté de Gand, au moment où celui-ci allait s'ab-
» senter. M. Serrure le présenta à feu M. Willems, qui
» lui fit les honneurs de la ville. ■ — Le professeur Kalkar
» se rendit avec M. Willems et des gens de l'art à l'ex-
» oratoire de S'-Pierre, ils procédèrent à la vérification des
» ossements renfermés dans l'humble tombe actuelle et
» procès-verbal authentique en fut dressé. Le délégué danois
» consulta ensuite divers artistes, il joignit à son rapport
» le devis estimatif d'un mausolée à élever dans l'avant-
» nef de l'église de Notre-Dame de S'-Pierre, au fond du
» croisillon septentrional et en face de la chaire de vérité.
» Ce mausolée serait à peu près la l'cproduction de l'au-
» cien, d'après le dessin qu'en a laissé Arent Van Wynen-
» daele. — Sur l'invitation de M. Kalkar, MM. Serrure et
» A\'illems, philologue distingué qui nous fut ravi peu de
» temps après (1846), acceptèrent la mission d'en diriger
» les travaux. »
— 8'24 —
Nous ignorons si le gouvernement danois a renoncé au
projet (le reconstruire à ses frais le mausolée d'Isabelle
d'Autriche, mais nous espérons, Messieurs, que vous vou-
drez bien employer toute votre influence, afln que cette
malheureuse reine morte en exil et dont les cendres ont
été tant de fois troublées au milieu des tourmentes révolu-
tionnaires, obtienne enfin un lieu de repos digne de celle
qui fut la sœur du plus grand monarque du X\T siècle.
Quant aux belles grilles en fer doré qui ferment le
chœur, elles réclament aussi une restauration, plusieurs
ornements étant brisés (i).
Passons à l'inspection des tableaux que nous avons nu-
mérotés ainsi :
N° 1 . La Pèche miraculeuse, par A\^n Reysschoot.
Ce tableau provient de l'abbaye de Baudeloo (2).
* j\° 2 (5). L'Adoration des Mages, par Nicolas Roose.
Ce tableau demande une restauration très-importante.
11 provient de l'église des Jésuites, à Ypres (4).
* N" 5. Le Triomphe de la Religion, par Vax Thlldex.
Copie d'après Rubens.
* N° 4.. Le Triomphe de la loi nouvelle, par Van Thulde.n.
Copie d'après Rubens.
Il existe de ce tableau une estampe en deux feuilles gra-
vée par N. Lauwers.
* ÎV° S. S^-Liévin exorcisant une femme, par Gérard
Seghers.
(1) Ces grilles ont été faites à Cambrai. Voir Archives de la commission des
monuments, vol. A, p. 47.
(2) Voir Archives de la commission des monuments, vol. A, p. 5o.
(3) Tous les tableaux désignés ilans celle partie du rapport par un astéris-
que, ont été déposés par lu ville a l'église paroissiale de N. D. à S'-Pierre, en
vertu d'un arrêté du gouverneur de la Flandre orientale, du 5 novembre 18IG.
(4) Voir Archives de la commission des monuments, vol. A, p. 35.
— 323 —
Tableau provenant de l'église des Jésuites, à Gand; il
faisait i)artie d'une collection de seize toiles, représentant les
divers miracles de l'apôtre de la Flandre.
*N" 6. Le Couronnement d'épines, par Abraham Janssens.
N"?. Jésus-Christ et la Samaritaine, par Van Reyssciioot.
Ce tableau est en mauvais état.
N° 8. S^-Pierre sauvé de prison par un ange, par Antoine
Van den Heuvel.
Copie d'après le Dominiquain.
N" 9. S^-Pierre et S^-Antoine prenant leur repas dans
une grotte.
Ce tableau provient du réfectoire de l'abbaye de Saint-
Pierre. Il est en très-mauvais état.
*i\<' 10. S^-Christophe, par Tyssens.
N° 11. La Vierge, V Enfant Jésus et S^~ Joseph, entourés
d'anges au milieu d'un paysage.
Copie d'après Antoine \nn Dyck. Il existe une estampe
de ce tableau, gravée par Schelte à Bolsvsert, et connue
sous le nom de : la Vierge à la danse des anges.
*N" 12. Le Christ guérissant un aveugle-né, par Gérard
Seghers; par Van den Heuvel, selon l'invent. de 1777 (i).
* N" 13. La Vierge et l'Enfant Jésus distribuant des
chapelets à des moines de l'ordre de S^-Benoil, par Antoine
Van den Heuvel.
N° 14. Une procession.
Cette composition forme deux tableaux divisés, l'un en
trois panneaux et l'autre en deux, et orne de même que le
n" 13, la cbapclle dédiée à la Vierge Marie (2).
(1) Lorsque nous citons Tinvcntairc de 1777, c'est le document dont il est
question dans I'Avam-Propos, page 520.
(2) Le rapport que MM. Jean Scliamp, de Vaernewyck et L. Roolandl adres-
sèrent en 1824- à la commission des monuments, donne sur cette composition
des détails lii^toriques assez curieux pour que nous les reproduisions. « Ter
— 326 —
N" 15. IJÊcuijer de Tolila, roi des Goths, reconnu par
S^-Benoit. Magnifique toile de Gaspard De Crayer, qui
devrai l être nettoyée.
* i\M6. La Résurrection de Lazare, par Gérard Seghers;
par Van dcn iicuvel, selon l'inventaire de 1777.
Tableau faisant pendant au n° 12.
* N" 17. S^-Adrien, par Tyssens.
Tableau faisant pendant au n° 10.
N" 18. Incendie de la tour de V église de Notre-Dame à
S^- Pierre en 1753.
Tableau d'un intérêt bistorique et méritant une restau-
ration (i).
IV° 19. Allégorie représentant la prédestination de la
Vierge, par Vax Cleef.
N° 20. Le prophète Êlie nourri par les anges, par
» régler hand, » y est-il dit, « eene sehilderye in Iwee verdeell, op de eersie siet
» men de confraters dragcnde in processie liet gezcyde miraculeus beeld van
» G. L. Vrouwe; maer daer was een verscliil tusschen den pastor en de con-
» fralers, ofte deze processie zoude gepasseerd hebben in de Tykstraete, om
» redens dat de peste aldaer vêle menschen deed stervcn; men liet de decisie
» aen liel jugement van den bisscliop en den heer prelaet van S'-Pieter, de
» weike vcrklarendc dat deze processie, als by gewoonle door deze siraet zoude
» passeren, is door deze decisie en dienstwilligheid de pest aenstonds op-
»geliouden; dit is gebeurt in de raaend augusti der jaer ICOi. Op de Iweedc
» sehilderye is verbeeld de miraculeuse genezing van de bcgyne van Dooris-
» laere, gebeurt den 17 juny KiOô; door de intcrcessie van 0. L. Vrouwe.
» Den naem van dcn schildcr is niel bekcnd.
» Ter slinker zyde eene sehilderye alwaer verbeeld zyn dry andere
» mirakclen door de zclve intercessie. Deze stukken waeren le vooren in
» G. L. V. kerke. » — Voir Arch. de la comm. des monuments, vol. A, p. 59.
(1) Pendant la nuit du 50 décembre 1755, le feu du ciel incendia la flèche
de la tour de l'église paroissiale de N. D. à S'-Pierre; mais grâce aux. efforts
des habitants du quartier qui parvinrent à se rendre maîtres des flammes, le
rcsie de rédificc et les objets précieux qu'il rcnformiiit, furent sauvés. C'est
afin de conserver le souvenir de ce sinislre événement qu'on le rej)roduisit sur
la toile; on ignore par qui il est peint. La plupart des figures sont des por-
Irails. \o\v Arch. de la comm. des monuments, vol. A, p. 42.
— 327 —
Jacques Artois. Sujet gravé par Conrad Lauwers d'après
Ilubens.
Celte toile ornait autrefois le réfectoire de Tabbaye de
S'-Pierre.
N" 21. Le Christ entre les deux larrons, d'après Antoinr
Van Dyck.
Sujet dont il existe une gravure par Solicite à Bolswerf.
* N" 22. Un miracle de S^-Liévin, par Gérard Seghers.
Tableau faisant pendant au n" o et provenant de la même
église.
* iX" 25. Le Christ en croix, par Van Cleef.
Tableau qui exige une restauration.
* N" 24. S^-François Xavier discutant en présence de
V empereur du Japon.
Magnifique tableau peint en 1702 par J. E. Qlellin.
Cette toile, ainsi que les n"* 2o et 2G, provient de l'église
des Jésuites, à Bruxelles; elle mérite de même que ces deux
numéros, une restauration importante.
* N" 23. -ta Vérité soutenue par le Temps.
Copie d'après Rubens, par J. E. Qlellin.
* j\''2C. S^-François-Xavicr prêchant la foi aux Indiens,
par iVrcoLAS Roose (i).
]V° 27. Jésus-Christ guérissant un aveugle, par ^'an
Revssciioot.
Ce tableau provient de l'abbaye de Baudeloo.
N" 28. Les actes de la vie de S' -Pierre, la Cène et la
Résurrection de Notre Seigneur, eu onze tableaux peints par
(1) D'après une note insérée dans le rapport de 1824 {Archiv. de la comm.
des monumenis, vol. A, p. 4.3), un nbbé de S'-PieiTc ayant fait en 1779 l'ac-
quisition des deux tableaux qui figurent ici sous les n"* 24 et 26, se persuada
que S'-Franeois Xavier appartenait à l'ordre des Bénédictins. C'est sans doute
alin de faire partager son avis par tout le monde, qu'il décora ce saint du
manteau et de la croix des moines de cet ordre.
— 323 —
Van Dosselaer, figurent au-dessus des cintres du chœur;
quelques-uns de ces tableaux sont fortement endommagés.
La façade de cette belle église devrait être complètement
restaurée, et à cette occasion la commission demande que
Ton rétablisse dans le fronton les armoiries de l'abbaye de
S'-Pierre, qui y figuraient avant la révolution française, et
que les niches de cette belle façade, restées vides jusqu'à
présent, reçoivent enfin les statues qui leur sont destinées
d'après le plan primitif (i).
(î) Celle parlle du rapporl a é(é lue en st'ancc du 21 avril 1851,
fiad ifei\ci)\s' Sttfv^trmt / en 'wafT aj- a,hei>roitn aty ie m«u-te«$e
ccGeniact" ^Das
' jil'- U-H .^'C .
— §29 —
II
ÉGLISE PAROISSIALE DE SAINT-SAUVEUR.
Lorsque» lo40, Tempereiir Charles-Quint, voulant à la
fois défendre et contenir la puissante cité qui l'avait vu
naître, résolut d'ériger une citadelle sur remplacement
occupé par l'antique abbaye de S'-Bavon, l'église paroissiale
de S'-Sauveur, située dans l'enceinte de la nouvelle forte-
resse, subit le sort des bâtiments conventuels, quoique sa
construction commencée vers la fin du XV« siècle ne fut
pas encore achevée.
Charles de Croy, évêque de Tournai, se rendit alors à
Gand pour transférer en grande pompe les vases sacrés et
les reliques des saints de cette église à celle de l'hospice de
S'- Jacques et de là à la chapelle de la S^*"- Vierge aux souf-
frances de Dieu, appelée aussi Chapelle de l'Hôpital des
Aveugles, qui devint l'église paroissiale de S'-Sauveur (i).
(1) Parmi les objels que les marguilliers de l'ancienne église paroissiale de
S'-Sauveui- emportèrent, se trouvait la pierre tumulaire de Pierre Ihieribloc,
Doyen des corporations de Gand, et de sa femme Marie Mannins. Ces person-
nages y sont représentés coucliés. Au-dessus de la tctc de l'homme llolte une
banderoUe avec cette inscription : miserere mei deus; sur une banderolle sem-
blable flotlant au-dessus de la tète de la femme on lit : mater dei mémento mei.
Dans la bordure on voit les armoiries de Ilueribloc qui sont : de sable à un
busie de femme de carnalion, citevelé dur. Et eelte épi(aphe : ^^^kï lît'^it
l§u^.n ^mtihUt Me ^tef SeEra %nn "U^nuxin^t m ®|iral 14S8
ïî'k $tarî 1428. ÎÊTï ïiî gpdmaieBi. M>- P.-J. Coctgliebuer possède le
dessin de cette pierre.
24
— SâO —
En loCO, riminble chapelle disparut pour l'aire place à
un monument plus vaste et plus conforme à sa destina-
lion (i). Cependant on voulut conserver uu souvenir de la
construction primitive quelque modeste qu'elle fut, et on
laissa subsister devant la façade, du côté du port de Gand,
dit le chevalier Diericx dans ses Mémoires, la base et le
fût d'une colonne qui avaient appartenu à l'ancien bâtiment,
et qui y restèrent jusqu'en 1810, époque à laquelle on
donna au frontispice de cette église la forme qu'il a main-
tenant; forme, il faut bien en convenir, qui n'est nullement
en harmonie avec l'architecture générale de rédifice.
A ce sujet. Messieurs, qu'il me soit permis de vous
rappeler un acte de vandalisme dont malheureusement on
ne rencontre que trop d'exemples.
En 1804, un membre de la fabrique de l'église de Saint-
Sauveur, un nommé J. Goewie, trouvant que l'architecture
intérieure de ce monument religieux était surannée, entre-
prit de la moderniser et de la rendre, selon lui, beaucoup
plus élégante en masquant les piliers gothiques sous l'enve-
loppe carrée et disgracieuse qu'ils ont conservée jusqu'à ce
jour. Le zèle de ce fabricien alla si loin, qu'il s'engagea à
supporter seul, tous les frais de ce prétendu embellisse-
ment, par la déclaration suivante insérée dans le procès-
verbal de la séance des marguilliers, du 3 février 1806.
« Ik onderschreyen licl van de kerke van H. Kerst, verclaere met liet onder-
» teekenen dczer, voor myne rekeningc allcen te houden aile de bekostingen
» toi hier toe gedaen aen de verbeteringe van de selve kerke. Overzulkx dat
. (1) En tête de ce chapitre, nous donnons le dessin de cette chapelle, d'après
un MS. de Arent Van Wynendaele, peintre de la ville (stede sehilder), mort
à Gand le IG nov. 1592, dont il est fait mention dans la première partie de
ce raiiport. Ce MS. nous a conservé les dessins de la plupart des monumenis
détruits depuis li>40. La seconde vue représente l'église de S^-Sauveur bâtie
en lu66 et dont la façade a été changée en 1811. Les dessins originaux de
celte planche appartiennent à la colleclion de M"" P. J. Goeighebncr.
— SSl —
» ik myne medeliltcn, soo wel als de kerke sehe, vry sprcke van aile acii-
» spraekc onlrcnl de sehe hekostiiiLieii. lu teekcn der Macrlieyd liebbe ik dese
" onderleekend oui te vallideren dacr eiide soo bel bcboorl. »
.< Cent, a feb. 1806.
» J«. GOEWIE. »
Celle déclaralion resla sans cfïel, et l'église fut obligée
de supporter seule les frais de ces ridicules et inutiles
travaux.
La commission pense qu'il serait facile d'enlever le plâ-
trage qui couvre les anciens piliers, et j'ose dire sans
crainte de me tromper, que la fabrique actuelle de S'-Sau-
veur contribuerait pour une large part dans les dépenses
que celte restauration nécessiterait, si la ville, le gouver-
nement ou la province, daignaient lui accorder un subside.
L'église de S'-Sauveur ne possède que peu de tableaux;
savoir :
1° La Circoncision de Notre Seigneur.
2° Le Christ entre les deux larrons, triptyque de la fin
du XV' siècle.
5° Le Christ en croix, par Van Cleef,
Dans la même cbapelle on remarque dans l'épaisseur du
mur, un monument en pierre, représentant la Mise an tom-
beau du Christ; il porte la date de 1607.
4." Le Christ descendu de la croix, par Van Hanselaer.
5" Divers traits de la vie de Jésus-Christ, en douze
grands tableaux, qui ornent la partie supérieure du chœur
et de la grande nef, par Nicolas Roose.
Quelques-unes de ces toiles sont d'un grand mérite. Elles
demandent d'imporlantes restaurations, ainsi que les ca-
dres dont la sculpture est d'un goût parfait.
Çi° La Cène, bon tableau, peint en 1755, ornant l'autel
de la cbapelle du S'-Sacremcnt.
Le tabernacle mérite de fixer l'attention. Il est en bois
doré et sculpté dans le goût gracieux du WII'^ siècle.
7" La Cène.
— 3â2 —
8" Le Christ au temple, j)ar Va.n Hanselaer.
9" Le Christ descendu de la croix, d'après Rubens.
10° Même sujet (cintré).
11" Zft Fuite en Egypte, par Jean-Érasme Qlellin, beau
tableau peint en 1666, qui orne l'autel de la chapelle de
S'- Joseph. Au-dessus de la boiserie sculptée qui entoure
cette chapelle, on remarque une série de huit tableaux,
dont sept représentent des épisodes de la vie de Jésus-
Christ, et le huitième les armoiries de V archiduc Albert
d'Autriche soutenues par deux anges. Ces tableaux exci-
tèrent vivement la curiosité de mes collègues, qui me priè-
rent de faire des recherches dans les archives de l'église de
S^-Sauveur, pour y découvrir l'historique de celte com-
position (i).
Grâce à l'obligeance de Monsieur le curé De Vos, qui a
bien voulu me communiquer le livre de la confrérie de
S'-Joseph, je me trouve aujourd'hui à même de donner
quelques renseignements curieux sur cette célèbre asso-
ciation pieuse fondée en 1604, par les archiducs Albert
et Isabelle. Cependant, ce livre ne nous apprend pas à
quel événement elle doit son existence, mais il est permis
de supposer que les archiducs dont la piété était reconnue,
témoignèrent par cette fondation, leur reconnaissance au
Ciel, pour le succès que le marquis Ambroise de Spinola
venait d'obtenir à Ostende. En effet, la reddition de cette
place surnommée la nouvelle Troie, qui avait résisté pen-
dant plus de trois ans avec un courage héroïque à tous
les maux d'un horrible siése, était sans contredit, l'événe-
ment le plus heureux que les princes espagnols pouvaient
(1) Descamps cl Spruyt disent que ces tableaux sont de Henri Van Baelen,
tandis que Mensacrl les attribue à Jean Van Baelen. Un membre de la com-
mission, M. Van derVin, pense qu'ils sont rocuvrc de l'un des Franck.
— 383 —
désirer et pour lequel il est certain qu'ils adressèrent à
TEternel de ferventes actions de grâces (2).
Les personnages les plus considérables des Pays-Bas,
d'Espagne, de France, d'Italie et d'Allemagne, parmi les-
quels liguraieut des princes de sang royal, des évèques,
des abbés, des chevaliers de la Toison d'Or et des généraux
dont les noms glorieux sont acquis à l'histoire, se firent
inscrire dans la nouvelle confrérie et leur exemple fut
aussitôt suivi par presque toutes les communautés reli-
gieuses, abbayes, monastères, couvents et hospices des
Pays-Bas. Le temps, loin de diminuer la renommée dont
jouissait la pieuse association, ne fit que l'augmenter. C'est
ainsi qu'après la bataille de Prague livrée le 8 novem-
bre 1620, l'empereur Ferdinand II témoigna sa gratitude
au Ciel en se faisant inscrire avec tous les membres de sa
famille dans la confrérie de S'-Joseph fondée à S'-Sauveur.
Tous les ans, lors du renouvellement de la magistrature,
la confrérie faisait célébrer une messe solennelle à laquelle
assistaient les échevins de la Keure et des Parchons. Cet
usage fut établi en 1615 par Nicolas de iMontmorenci,
comte d'Estaires, Georges de 3Iontmorenci, baron de Croi-
silles, Adrien de Noyelle, seigneur de Croix, et Charles
(2) D'après une traduction flamande du Mancel de la confrérie dc glorieux
PATRIARCHE S. JosEPH, dcux petits volumcs devenus rares aujourd'hui, les
archiducs déférant aux pieuses solh'citations de Madeleine de Trazegnies,
fondcrcnl la confrérie de S'-Joscph dans l'église que cette noble recluse avait
choisie pour sa retraite. Lorsqu'en 1808 on renouvela le pavé de la chapelle
de S'-Joscph, on trouva le corps de cette sainte fille enfermé dans un cer-
cueil de plomh, dans une tombe recouverte d'une pierre sépulcrale sur la-
quelle était gravée cette épitaphe :
riir moratur dicni resurreclionis
nob, ac rev. soror Magdal. de
Tresigniez postquam vixissel
39 aiiuos in hic suo Salvalore
S. rcciusa, aniniain eidem reddidit
cxultans 3 maii 1C42 œt. 77.
Rcquicscat in pace.
— n'i —
d'Ideghem, seigneur de Wiese, délégués à celte époque pour
assister au renouvellemenl du magistrat.
Tous ces renseignements sont consignés avec une scru-
puleuse exactitude, dans le livre de la confrérie de S'-
Joseph; magnifique manuscrit, in-folio, sur parchemin, de
2o7 feuillets non paginés et dorés sur tranche. La reliure
de ce livre dont les États de Flandre firent présent à l'illustre
confrérie, est en velours rouge, garnie de clous et d'orne-
ments d'argent rehaussés de pierreries. Ces ornements for-
ment en quelque sorte un réseau d'arahesques, autour d'un
médaillon ovale représentent l'Enfant Jésus donnant la main
à la Vierge Marie et à S'-Josepli. Au-dessus de l'Enfant
Jésus on voit Dieu le Père et Dieu le S*-Esprit, signifiant
ensemble la S'^'-Trinité. Ce médaillon également eu argent,
est ciselé au repoussé. Aux quatre coins sont gravées les
armoiries de Gand, de Bruges, d'Ypres et du Franc. Une
ornementation analogue couvre le dos entre les nervures,
et il est à regretter que fermoirs aient disparu.
C'est par ce précieux document que l'on sait : que les huit
tableaux qui décorent la chapelle de S'-Joseph sont dus à
la générosité des archiducs; qu'ils ont coulé 500 florins, et
que la reliure du manuscrit dont je viens de parler a coûté
aux Étals de Flandre la somme de 100 florins.
Voici le titre de cet intéressant volume :
REGISTRE
DE LA CO.MRARIE DE LA
GLORIEUSE VIERGE MARL^ ET DU
BIENHEUREL'X SAliNCT JOSEPH
SON ESPOLX
FONDÉE EN l'ÉGLISE DE S. SAUVEUR
A GAND PAR LE PAPE CLEMENT
vni, A l'instante réquisition
DE NOZ SER*"'^ PRINCES
LES ARCHIDUCQZ
— SBS —
ALBERTUS ET ELISABETH CLARA
EUGENIA
Ai\NO K)Oi.
CE LIVRE AT ESTÉ DOWÉ PAR MESS"
LES ECCLESIASTICQUES ET QUATTRE
MEMBRES DE FLANDRES.
Une confrérie fondée sous de tels auspices devait possé-
der des richesses artistiques beaucoup plus considérables
que la plupart des autres institutions du même j^enre, qui
ne comptaient pas au nombre de leurs membres tout ce que
le pays et l'étranger avaient de plus distingué. En effet, le
livre de la confrérie de S'-Joseph en donne l'inventaire,
ainsi que les noms des donateurs. Ce document est assez
curieux pour mériter qu'il vous soit communiqué; le voici :
« -Mémoire des Bienfaiseurs à la Confrarie de S^-Joseph
tant par Aulmosnes que aultrement.
»Noz serenissimcs Princes Albert et Isabella Archidueqz d'Austrice ont
» pour faire la Table ilAutel de S'-Joseph donné la somme de deux cens
» cinquante florins.
» Monsieur Laraoral Prince de Ligne a donné pour serrer la chapelle de la
» Confrarie de S'-Joscph la somme de cent florins.
» Madame la Contesse de Herlyes, Dame de Glaison a donné une Tapieccrj c
» blanche de sept pieches, pour tapisser ladicte chapelle de S'-Joseph .
«Messire Bauduin de Renssy et Messire Jehan Parmenlier ont donné audict
«Aultel ung beau Calice d'argent dorré.
"Certaine dévote Personne a donné trois Imaiges qui sont dessus la table
»d"Aultel de ladicle chapelle, à scavoir : de Nre Dame, de S'-Joseph et de
» S'-Jean évangéliste.
» Monsieur et Madame de Croisilles ont donné ung beau reliquaire d'argent
» pour ladicte chapelle.
"Messire Nicolas de Montniorancy, Conte d"Estaires, etc., a composé et
"dedie à l'usaige et consolation des personnes ciirollées en ladicte Confrarie
»de S»-Joscpb, ung livre des Exercices Journalières à riionneurde S'-Josepli.
— §36 —
» Messire Jehan de Araada, Chevalier de S'-Jacques, etc., Gouverneur du
» chasteau de Gand, a fondé perpétuellement une messe chantée, à célébrer à
«TAulIel de S'-Joseph avecq une procession solempnelle à Tlionneur dudict
» S'-Joseph, laquelle messe et procession se célèbre tous les ans le Dimenche
» avant TAssention de Nostre Seigneur et en Icelle procession se doibt porter
» le S'-Sacrement et les imaiges de Jésus, Maria, Joseph.
» Mademoiselle Joosine Sanders, vefne de M. Jehan Hebbereclit, a donné à
» ladicte chapelle uug drap d'Aultel de lassement blancq avecq des estoilles et
» les passes semblables.
"Monsieur Florens Van Eeehaute, S'' d'Agriraont et Mad. Adriana Rym, sa
)i compaigne, ont donné ung bassin et deux .\mpulles d'argent avecq des bords
» dorez au mitan desquels sont gravés les Imaiges de Jésus, Maria, Joseph.
» Leurs Ser™«s Altesses ont encoires donné à la Confrarie pour faire ung
» Jésus d'argent, la somme de cent cinquante florins.
» Les Gentelz-Hommes de la Chambre de Son Altesse, et les Dames de la
» Ser™« Infante ont parensemble donné pour faire les deux Imaiges d'argent
» de la Vierge Marie et de S'-Joseph, dont les noms ensuj'vent :
LES C.WALLIERS.
» Don Louys de Velasco .
» Le Prince de Ligne.
» Don Gaston Spinola, conte de Brouay.
» Messire Charles de Lalaing, conte d'Hooehstrate.
» Le conte de Furstemberghe.
» Le baron de Zevemberghe.
» Le conte de Solre.
» Don Juan Nino de Tavara.
» Le conte de Santé Croix.
» Le Prince Despinoy.
» Le conte de Meghem.
» Seuor Pallavicino.
» Le conte de Pont de Vaulx, marquis de Mornay.
LES DAMES.
1) Dona Catalina Livia.
» Dona Maria Capata Manuel.
>' Mademoiselle de Pitthem.
» Mademoiselle de Balancon.
» Mademoiselle de S'f-.Udegonde.
» Mademoiselle de Willerval.
» Madame la contesse de Basquoy.
» Madame la contesse de la Ferc.
» Mademoiselle d'Aremberghe.
»Dona TcresQ Capata.
— S37 —
» Madame Louyse de Crueninglic, Dame de Croisilles, a donné ung beau
«Reliquaire de hois d"Eljbciine pour y enserrer une pieclie du Sej)ulclire de
» S'-Joseph, el une pieclie de la maison où il demeuroit avecq la Vierge avant
» qu'il alloit en Egipte.
» Certaines dévotes Personnes ont donné deux Anipulles d'argent avec les
» bords dorez.
«Madame Catharina Livia, contesse de Furstemberghe, a donné une Lampe
» d'argent.
« Monsieur Alexandre Lorabaert, prestre, a donné une couronne de cuyvre
» avecq des chandeliers.
» Mademoiselle la compaigne du capitaine Hasser a donné ung Goublet
» d'argent pour donner Tabluition aux communians.
» Leurs Serves A. A. ont donné la somme de cinq cents florins, pour faire
»huict painctures (1).
«Les quattre Membres de Flandres ont donné la somme de cent florins à
« radvancement dung nouveau Livre de la Confrarie, qui sera couvert d'ar-
gent (2).
» Le Ducq de Nieubourg a donné la somme de cent souverains d'argent pour
» faire
» Madame Anne de Croy, duchesse d'Arschot, a donné une Lampe de por-
» cbeleyne ornée d'argent dorré, avecq trois cent florins, à la fondation de
» l'huylle pour la faire brusler le loing de l'année.
» Mademoiselle Joleuta de Trejegny a donné une croix d'or.
» Certaine dévote Damoiselle a donné la somme de seize florins, pour faire «
De tous ces trésors, la confrérie de S'-Joseph n'a con-
servé que le livre qui nous les a fait connaître, les tableaux
qui ornent sa chapelle el deux reliquaires en argent. Tout
le reste, consistant en une valeur de onze cents onces d'ar-
gent, a été enlevé à la fin du siècle dernier par ordre de
l'empereur Joseph II qui, dans sa manie de tout réfor-
mer, trouva le moyen de battre monnaie à Vienne, avec
l'argenterie des églises et des couvents de Belgique.
(I) Ce sont les huit tableaux que Ion voit encore aujourd'hui au-dessus de
la boiserie qui entoure la chapelle de S'-Joseph.
(■2) C'est livre dont il a été question plus haut et qui renferme le doeumenl
reproduit ici.
25
— SS8 —
Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à sigualer à voire
attention, la chaire de vérité représentant Adam et Eve
chassés du paradis terrestre. Cette œuvre en bois de chêne
du sculpteur gantois Liévin Mensch, demande une légère
restauration; mais il est probable que la fabrique de l'église
qui a restauré avec beaucoup d'entente et de goût les boise-
ries de la sacristie, entreprendra également la restauration
de la chaire de vérité que Ton peut considérer avec rai-
son comme un des beaux monuments artistiques que notre
ville possède en ce genre (i).
(1) Celle partie du rapport a été lue on séance dii 1^ juin IS^il.
— 3g9 —
)Pc l'autorité bes t^ixcô t>e ôrabant
SCR LA
VILLE DE MAESTRICHT.
D'après l'opinion généralement admise, ce fut en 1204
que l'empereur Philippe II donna la ville de Maestricht et
l'église S'-Servais en fief à Henri I, duc de Brabant. De
cette époque donc daterait l'autorité des ducs de Brabant
sur la ville de Maesirichf. Cependant le même Henri, duc
de Lotharingie et de Brabant, invoque déjà ses droits souve-
rains sur la ville dans un privilège qu'il accorde en faveur
de l'église S'-Servais en 1205.
Foppens, dans son supplément à l'ouvrage de Mirseus,
p. 224, a publié ce diplôme auquel il donna la date de
1204, tandis que dans le cartulaire de l'église la même
pièce, copiée sur l'original par un notaire du chapitre au
XVII'' siècle, est datée de 1205. En donnant la préférence
à ce cartulaire manuscrit, dont toutes les pièces furent
collalionnées par les notaires du chapitre aux XVII'' et
XMII*^^ siècles, on aurait une preuve écrite de l'aulorilé des
ducs de Brabant sur Maeslricht, antérieure à la donation
qu'on regarde généralement comme l'origine du pouvoir de
ces princes sur cette ville. Une erreur de copiste semble ici
presque impossible, puisque l'indication de l'année est faite
dans le manuscrit en toutes lettres, anno Dominice incar-
nalionis millcsimo ducentesinio tertio, indication qui prèle
fort peu à une méprise à laquelle des chiffres peuvent don-
— 340 —
lier lieu plus facilement. Aussi le texte du diplôme publié
par Foppens, qu'il indique sur la marge, comme provenant
ex archkis capituli, et qu'il n'aura probablement pas copié
lui-même, présente tant de lacunes et d'inexactitudes (que
nous soulignons dans le nôtre), qu'on ne sera plus surpris
d'y trouver également une erreur de date (i).
(1) Voici le privilège d'après le manuscrit de Téglise (a) :
Privilegium Henriei Ducis Lotharingie, super cxcmplione offîciaUum et
Minislrorum Ecclesiae, ab omni jure forensi et civili.
« In nomine sancte et individue Trinitatis, Henricus dux Lotharingie, prin-
cipiim instituta majorumque traditiones sacris apicibus intitulari, et posteris
transmilti, prudentium ofpciosa [b) decrevit scduHtas , ne tractii temporum
suceessione personarum (c), que digiia sunt memoria per oblivionem [d] eva-
nescanl, ea igitur que a clementissimis imperatoribus et munifica regum
liberalitate ad laudeni et honorem Dei ecclesiis tradita sunt et asscripta (e),
non niinuere, sed augere, non retrahere, sed superogare fideliler intendimus,
ùi eo qui dives in omnes meriti nostri premium exspeclantes [f).
» Noverint ergo tam présentes quam futuri quod Heinricus (g) quintus Ro-
manoruni impcrator, inter leges plurimas et institutiones Ecclesie Beati Ser-
vatii in Trajecto anliquissimo tempore traditas, conscviptas, et sigillo regio
insignitas {h), hoc demum donationis, sue bcncficiuni oflîcialibus et ministris
ejusdem ecclesie (/) eoram imperii prineipibus conlulit et confirmavit, u( ipsi
quidem ab omni jure forensi et civili liberi permanercnt (A) et exempli, et
in se proclamantibus conductu domini seu magistri sui satisfaciant. Nos autem
ut omne bonum multiplicatum et in medio produelum splendidius elucescat,
EX coLLiTA xoBis EJUSDEM Loci poTESTATE prememorutis {[) oflîcialibus picnius
et expressius indu'gemus, ut videlicet pistores Ecclesie Beati Servatii, cam-
panarii , cellerarii , Breseedarii, Cervisiarii (m) , claustrales ministri , loci
(a) Les omissions dans le. diplôme de Foppens et la dilTérence de son texte avec
celui de notre diplôme, sont indiquées dans les notes suivantes :
(6) Dans Foppens : officia,
(c) Temporis apud successores personarum,
((Z) Oblivione.
(e) Adscripta.
(f) Foppens supprime toute la fin de cette phrase.
(g) Dans Foppens Henricus^
{h) Foppens a supprimé ces niols.
(i) Idem.
(k) Foppens met simplement : Permanercnt exempli, en supprimant liben et Vet
devant exempli.
(/) Dans Foppens, praenominatis .
[m] Dans Foppens, Bracsadani cerevisiarum.
— 8 il —
Sans invoquer la date du privilège ducal de notre cartu-
laire, nous ferons remarquer que le pouvoir suprême avait
été exercé à Maeslricht par les ducs de Lorraine déjà long-
temps avant que la donation en fief de la ville et de l'église
S'-Servais leur fut faite par Tempercur Phlippe II, parce
qu'ils étaient les vicaires des empereurs, le pays faisant
partie de l'empire d'Allemagne par la conquête que Louis
de Saxe en avait faite au IX'' siècle, prince dont les des-
cendants montèrent sur le trône de la Germanie. Eu deux
endroits du texte, le duc invoque ses droits souverains
sur la ville, d'abord, par les mots ex collatà nohis ejusdem
inira claustrum vel extra in oppido vel de foris iibiciinique locorum manentes
in oniui emptione, vel cujuscumque rei vendilione in qaalibet nego(iatioue
ab omni esactione, pelitione, collecta sive tallia ab omni quoque jure civili
vel forensi usquequaque liberi permaneant, ut imperpetuum absoluti.
» Ul aulem hec noslra donatio Deo ac bcatissimo patrono Servatio a nobis
cum omni devolione exhibita in perpetuum rata et inconvulsa permaneat pré-
sentera inde paginam conscribi et authoritatis nostre sigillo fecimus insignii-i,
statuentes et potestate qia fuxgimur firmissime precipieutes ne qua magna
bumilisve persona, dives vel pauper ausu temerario liuic nosire inslilulioni (ii)
obviare aliquatcnùs altemplet, quod qui feceril imUgnulionem noslram cum
ho)ioris sui periculo et rerum suarum dispendio gravissimo suslinebit, IIujus
rei testes sunt, Henricus Lovaniensis prepositus, Winricus decanus, Alewi?ius
Heribertus, Stcphnnus, Eselbertus, Gerardus, Wiricus cum eeteris canonicis
ccclesie Beali Servatii, Godefridus de Scoten, Gerardus de Jalia, Arnuldus, et
Gerardus de Diste, Rubinus de Thems, et alii quant plures (o), datum in
pleno capitulo Trajecti, anno Dominice incarnationis [p) millesimo ducen-
tcsimo tertio (q), indictione quinta, quarto idus niartii féliciter. Amen (r).
» Et erat prefecla littera sigillata uno sigillo ex alba cera dependente
cum duplici cauda pergamenea. Presens copia collationala per me Henricum
Lenssens notarium, inventa est cum suc originali de verbo ad verbuni con-
cordare. »
(n) Foppens supprime : ausu temei'ario, en mettant : Tenori liujus nostrae coiisti-
tutionis.
(o) Foi)pens supprime tout ce para{;raplie, à commencer de : Quod qui feceril, etc.,
jusqu'à : cl alii quam plures.
(p) Foppens a suiiprimi; ces mots.
(y) Dans Foppens : quarto.
(r) Foppens a supprimé ces mots.
— S42 —
loci potestale, qui sont clairs et précis pour faire entendre
sa puissance sur Maestricht, et, ensuite, par, et potestate
qua fumjimiir, qui les confirment.
La donation de la ville et de l'église S'-Servais paraît
donc n'avoir été en 1204 qu'une confirmation ou sanction
plus expresse par l'empereur d'une ancienne autorité exer-
cée à Maestricht, longtemps avant, par les ducs de Brabaut
au nom de leur maître, l'empereur, dont ils la tenaient.
La date du diplôme manuscrit qui porte l'année li205, in-
diction 3, le 4 mars, au lieu de l'indication 6 (en suivant
VArt de vérifier les dates), nous inspire plus de confiance,
malgré l'erreur de l'indiction — si celle-ci n'est pas de
l'époque — que celle donnée par Foppens. Celui-ci aura
probablement voulu rectifier le millésime d'après la dona-
tion de Philippe, et cela avec la même légèreté à laquelle il
faut attribuer les nombreuses inexactitudes qui se trouvent
dans son texte, telles que des phrases entières supprimées,
l'orlographe fautive de noms des témoins qui y sont men-
tionnés, erreurs que nous soulignons dans notre publication,
avec des notes rectificatives (i).
(1) Comme le eartulaire donne encore un privilège en faveur du clergé de
S'-Servais sous forme de lettre adressée à l'écoutête et aux échevins de Maes-
tricht, qui se rapporte évidemment au privilège de 1203, nous en faisons
suivre le texte. La pièce est sans date. Le duc y fait des reproches à la régence
de la ville de ce quelle enfreint les privilèges accordés par Tcmpereur Henri V
et que le duc a confirmés, et lui mande et ordonne de les respecter. Quoique
ce mandement soit sans date, on peut croire qu'il fut expédié parle duc Tannée
même où il donna le privilège dont il fait mention ici. Il est inédit et de la
teneur suivante :
Privilegium Henrici ducis Lotharingie ({110 precipit Scultcto et Scabinis Traj'ec-
tensibus ïit conservent privilégia sua iUesa.
a H. Dei gratia dux Lotharingie, dilectis suis inTrajecto scabinis et omnibus
burgensibus, salutem et omne bonum. Gravera et frequenlem querimoniam
decani et canonicorum Bcati Servalii deTrajecto audivimus super eo quod pri-
vilégia data ipsis , ab impcratoribus et a nobis cis confirmata , sepius infrin-
gilis per hoc quod exactiones ab oflicialibus suis exigitis; quia vero privilégia
roruni illesa volumus ipsis conservarc, per omnia vobis mandamus et preci-
— 34S —
La lettre impériale de Henri V, que le duc Henri rap-
pelle et confirme dans la sienne, fut encore renouvellée
par Richard, roi des Romains, à Aix-la-Chapelle eu 1268.
Elle fut inspectée et trouvée intacte la même année par
OllioUj doyen des églises d'Aix-la-Chapelle et de Maestricht.
Le cartulaire donne encore ces deux pièces, ainsi qu'une
troisième, ou vidimiis, du même privilège impérial, par
Martin Steenbergh, doyen de l'église S'^'-Gudule à Bruxelles,
en date de l'année 14-60. Les deux premières, celle de Ri-
chard et celle du doyen Othon, ne parlent que du privilège
original de l'empereur Henri V, et la troisième (celle du
doyen de S"-Gudule) rappelle les lettres des deux empe-
reurs, Henri et Richard, donnant à la lettre originale en-
tièrement transcrite dans leur confirmation, la date de mille-
simo centesimo nono, eu toutes lettres, tandis que Foppens,
p. 190 de son supplément, date ce privilège de l'empereur
Henri V, de 1 108, et y omet les mots : Xisi publicus mer-
cator fuerit, qui terminent la phrase : Qui in qnotidiana sua
familia et in convictu suo sit aliquod in cioitate peccaverit
nullum forense judilium sustinebit, qui se trouvent cepen-
dant dans les deux révisions des doyens précités. Cette
exception des marchands publics du privilège, dont jouis-
saient les ofliciaux et serviteurs du chapitre, savoir, de ne
pouvoir être jugés pour leurs délits que par la justice du
prévôt de S'-Servais, est assez remarquable pour ne pas la
supprimer dans le privilège. Faut-il attribuer cette lacune
pinius quatenus de cetero nuUam ab oflicialibus eorum requiratis vel rcquiri
sinatis exactionem, et omnia jura ipsorum, sicul in privilégie eontinelur quod
ab imperalore pie recordalionis Ileiirioo habcul, et sicut a nobis ipsa habeiit
confirmata eliain sine contradiclione tciiealis. Ita quod de cetero iiullam iiidc
audianms querimoniam.
»El eral predicta lillera sigillata uno sigillo ex alba cera dependcnic ciim
siinplici cauda parganienea, quod sigillum de parte erat fractum.
»H. Lensscns notarius collationavit et de verbe ad verbum concordare in-
veiiil. » U I,.
844
à la censure ou au peu d'exactitude du publiciste? On peut
encore ici croire à une erreur, comme c'est le cas dans la
publication du privilège du duc Henri. On se rappelle en
effet le soin que mettaient les corporations religieuses à
garder leurs archives, témoins de leur puissance et de leurs
richesses. On sait d'ailleurs qu'elles ont toujours rendu
l'accès de ces dépôts difficile à ceux qui voulaient les con-
sulter. Nous ne croyons pas être les premiers à signaler
le peu d'exactitude et de fidélité que Mirseus et sou savant
continuateur ont mis dans la publication de la précieuse
collection des monuments de l'histoire du pays, et la
seconde lacune et erreur de date du diplôme de l'empereur
Henri V, dans l'ouvrage de Foppens que nous venons de
signaler, nous fortifie dans l'opinion que nous avons sur
l'inexactitude de la date donnée par Foppens au privilège
du duc Henri concernant l'église S'-Servais.
Bruxelles, décembre 1850.
Alexandre Schaepkens.
— 345
ÏDatc
DE LA FÊTE DE S'-BURCHARD (i).
Parmi les fêtes mobiles de saints ou comptait celle de S*-
Burcliard, et Ton peut affirmer que le jour auquel on avait
coutume de la célébrer lorsqu'elle était encore soumise aux
conditions de fcte mobile, est une des questions que les
écrivains diplomatiques ont laissées dans le doute; le célè-
^ bre ouvrage des Pères Bénédictins : VÂtt de vérifier les
dates, contient à la section : catalogue des saints, la no-
tice suivante sur cette fête :
« S'-Burkard ou Burcbard, premier évéque de Wurtz-
bourg en 742; mort vers l'an 755; sa fête le 14 octobre;
autrefois en Allemagne, le jeudi après la fête de S'-Denis. »
Tous les auteurs qui font mention de cette fête ont copié
cet article : or le calendrier indique cinq fêtes de saints
ayant nom Denis : elles se célèbrent le 12 mars, le 25 mai,
le 5 octobre, le 9 octobre et le 26 décembre; puisque nous
sommes à même de prouver que ni les deux premiers, ni
le dernier de ces cinq jours de fête ne purent jamais ser-
vir de base au calcul qui établissait le jour de la fête de
S'-Burcliard, il nous reste à examiner laquelle des deux
fêtes de S'-Dcnis qui se célèbrent au mois d'octobre, scr-
(1) Extrait d'un inéinoirc, en italien, sur remploi des dates ecclésiastiques
comme dates diplomatiques, présenté à l'Académie de VAlcueo à Venise, par
le chevalier de Bonàr. Traduelion libre par l'auteur du mémoire.
— 346 —
vait de point de départ à ceux qui devaient calculer le jour
auquel serait fêté S'-Burchard.
S'il se fut agi de quelque contrée de la France, ou d'un
de ces pays liniitroplies qui ont toujours subi l'influence de
la France, la question serait facile à résoudre, car il n'y
aurait pas de doute que le jeudi après la fête de S^-Denis
ne fût celui que précédait la fête de S'-Denis, apôtre des
Gaules, honoré par l'Église le 9 octobre; mais puisqu'il
s'agit d'un pays étranger à la France, on peut raisonnable-
ment douter que la fête de S^-Denis dont il est question,
fût justement celle de S'-Denis de France et non pas celle
de S'-Denis l'Aréopagite, qui tombe au 3 octobre; il sem-
blerait même que de ces deux saints ce fût celui-ci dont
le culte devait être le plus généralement répandu parmi les
nations de la chrétienté, puisque le culte voué au saint
patron du royaume, éveille l'idée d'une vénération plus
fervente en France qu'ailleurs.
Cette incertitude rendrait donc doublement intéressant
l'examen d'un monument dans lequel la date: le jour de
S^-Burchard, apparaîtrait comme date diplomatique; à
moins qu'il ne fût prouvé que dans les lieux et à l'époque
où l'acte fut dressé, on célébrât déjà la fête de S'-Burchard
le 14 octobre.
Nous espérons arriver à la solution de cette question à
l'aide de quelques textes qui se rapportent à Thistoire de
la Prusse au moyen-àge.
Schulz, auteur de VHistoria Borussica, était secrétaire
du sénat de Dantzig, au XVI" siècle, et il écrivit son His-
toria Borussica à l'aide de documents que renfermaient
les archives du sénat de Dantzig : il rapporte textuelle-
ment une lettre écrite au sénat de celle ville par les députés
qui avaient accompagné le roi Casimir de Pologne dans
une de ces guerres contre les chevaliers de l'ordre teuto-
nique; cette lettre porte la date : «Au camp du roi devant
— S47 —
Lessen, le mardi après la fêle de S'-Burchard, l'an I4oo. »
Le baron de Wal, autenr du savant ouvrage ayant pour
titre : Histoire de l'ordre Teutonique, par un chevalier de
l'ordre (1784), fixe la date de celte lettre au mardi 21 oc-
tobre 1453, parce qu'il suppose qu'en 14oo la fête de
S'-Burcbard se célébrait le 14 octobre au pays de Dantzig,
pairie de ces députés; nous pensons que ce savant fut
porté à former celte opinion par des inductions tirées des
faits que nous allons exposer.
Nous savons que lorsque la célébration d'une fêle était
transportée d'un jour à un autre, celle mesure provenait
de ce que quelques nations avaient déjà introduit l'usage
de célébrer la dite fête à un jour autre que celui qu'y alfec-
lait la coutume générale, et que lorsque le saint Siège ap-
prouvait les raisons qui avaient motivé ce changement, le
pape sanctionnait ce procédé par une bulle qui enjoignait
à toutes les nations de la chrétienté de se conformer à cette
innovation. Ceci nous est démontré par le texte de la bulle
de l'an 1337, par laquelle Paul IV fixa au 18 janvier la
célébralion de la fêle de la Chaire de S'-Pierre à Rome que
l'on avait eu coutume de célébrer le 22 février; le saint Père
y dit : « Plusieurs nations ayant pris l'habitude de célébrer
la dite fêle le 18 janvier afin de mieux la distinguer de celle
de la Chaire de S'-Pierre à Anlioche, nous approuvons et
ordonnons, etc. »
L'habilude chez quelques nations de célébrer cette fête
le 18 janvier, a dû précéder de près d'un siècle la bulle qui
l'autorisa, car une date erronée, qu'ont reproduite tous les
historiens polonais, n'a pu, comme il a été prouvé, devoir
son origine qu'à une faute de calcul du chanoine Dlugoss,
fondé sur l'existence de cette habitude au temps où ce
prélat écrivait son histoire générale de Pologne qu'il mène
jusqu'à l'an 1480, époque de sa mort; c'est le savant
baron de Wal, qui quatre siècles plus tard débrouilla la
— 848 —
confusion jelée parmi les dates de certains événements par
cette erreur que tous les écrivains polonais avaient copiée
les uns après les autres.
Voici comment Dlugoss rapporte les événements dont il
s'agit :
La Prusse s'étant révoltée contre le Grand-maître de Tor-
dre teutoniquc, les ligueurs offrirent la souveraineté de ces
pays au roi Casimir IV de Pologne; ce prince l'ayant accep-
tée, fit au Grand-maître une déclaration de guerre pour pro-
téger ses nouveaux sujets contre l'ordre; cet acte porte la
date Cracoviae, ferià sextâ, die sancti Pelri ad Cathedram,
anno 1454, c'est-à-dire vendredi 18 janvier 1454, la fête
de la Chaire de S'-Picrre à Rome (Extrait de Dlugoss).
Voici comment de Wal relève l'incorrection de la valeur
donnée à cette date :
La bulle de 1537 ne nomme pas les Polonais parmi les
nations qui avaient l'habitude de célébrer cette fête le 18 jan-
vier; les Prussiens révoltés renoncèrent à leurs devoirs de
foi, hommage et sujétion envers leur souverain, le grand-
maître teutoniquc, par un acte solennel dressé à Ihorn et
portant la date : dimanche après la Purification, l'an 1454,
c'est-à-dire le 4 février 1454, cet acte ne fait aucune men-
tion du fait important, qu'ils s'étaient rangés sous l'obéis-
sance d'un nouveau souverain, et certainement l'acte par
lequel ils renonçaient à l'état de sujets du Grand-maître a
dû précéder la démarche de se déclarer sujets du roi de
Pologne; le grand-maître teutoniquc envoya une ambassade
qui assista au mariage du roi Casimir IV ave(; Elisabeth
d'Autriche, lequel se célébra à Cracovie le 10 février 1454,
démarche que le Grand-maître n'aurait pas faite si ce roi
lui eût déclaré la guerre en janvier Dans une lettre écrite
par les ligueurs au sénat de Dantzig, ceux-là marquent
qu'ils étaient arrivées à Cracovie, le lundi 18 février 1455.
11 paraît d'après le texte de cette missive qu'ils s'atten-
— 349 —
daieiit à être reçus par le roi dans deux ou trois jours;
il est donc évident que la déclaration, motivée par cette
entrevue, fut datée le vendredi 22 février 1454, jour de la
fête de la Chaire de S'-Pierre, car en ce temps la Pologne
célébrait au 22 février la Chaire d'Antioche et la Chaire de
Home (Extrait de De Wal).
Nous croyons pouvoir démontrer avec autant de certi-
tude laquelle des cinq fêles de S'-Denis réglait le jour de
la S'-Burchard autrefois en Allemagne, et résoudre aussi
la question : célébrait-on à Dantzig cette fête de S'-Bur-
chard le i4 octobre en 145o?
Scliutz dit que les députés dont il copie la lettre et qui
accompagnèrent le roi de Pologne dans la guerre contre les
chevaliers en 1455, se rendirent auprès de ce prince après
les conférences du roi de Pologne et de Télecteur de Bran-
debourg à Bramberg et à Neubourg : or les actes de la
conférence de Bramberg portent la date de 14 septem-
bre 1455; les pièces de la conférence de Neubourg sont
datées le 22 septembre 1455. Dlugoss dit que le roi de
Pologne se mit en campagne contre l'Ordre après ces con-
férences avec l'électeur; on voit par un autre texte du
même auteur que le roi Casimir retourna dans ses états au
mois de novembre 1455, « après avoir perdu beaucoup
de monde au siège de Lessen. »
Ces données nous font voir que ni la fête de S'-Denis,
religieux Bénédictin, honoré le 12 mars, ni celle de S'-Denis
de Milan, qui tombe le 25 mai, ni celle de S'-Denis, pape,
célébrée le 26 décembre, n'ont pu avoir aucun rapjjort
avec la fête de S'-Burchard; pour arriver à connaître la-
quelle des deux fêtes de S'-Denis, du mois d'octobre, servait
de base au calcul d'après lequel les députés datèrent leur
lettre, nous suivrons le même raisonnement qu'a employé
le savant baron de Wal pour démontrer que la date de cette
lettre n'était appuyée sur aucun calcul ayant rapport avec
la fête de S'-Denis.
— 3S0 —
Schulz marque que le roi Casimir, accompagné des
députés de la ville de Dantzig, lesquels ne quittèrent jamais
ce prince pendant cette campagne, que le roi arriva à Ihorn
le vendredi 10 octobre 1455; qu'il employa plusieurs jours
à faire passer la Vistule à son armée de 150,000 hommes,
passage qui s'eflectua à l'aide d'un pont de bateaux que le
roi Casimir avait commandé ad hoc; que lorsque toute
l'armée eut passé le fleuve, le roi, avec les députés et sa
cour, franchit le pont et suivant la route qu'avait prise ses
troupes, il rejoignit l'armée devant Lessen, ville forte, ap-
partenant à l'Ordre tcutonique, et sise au-delà du petit fleuve
de Moera; le même auteur a un autre texte plus détaillé:
La lettre des députés, qui se trouve reproduite dans
VHistoria Borussica, contient la relation, adressée au
sénat de Dantzig, de ce que le roi Casimir avait efi'ectué
depuis que les députés s'étaient mis à la suite de ce prince;
après avoir décrit de leur côté le passage de la Vistule à
Ihorn, ils marquent que le roi avait investi Lessen, l'avait
entourée d'une ligne de circonvallation, formée par des
gabions, et que pour faciliter ses communications, ce prince
avait fait démolir le pont de bateaux qui lui avait servi à
Ihorn et avait fait descendre la Vistule aux embarcations
jusqu'à Gaudentz, où l'on avait déjà commencé la construc-
tion d'un pont avec les dites embarcations; cette lettre est
datée : x\.u camp devant Lessen, mardi après la fête de S'-
BurchardU55.
Or pour trouver le quantième du mois où tombait ce
mardi, il nous faut chercher quel jour du mois d'octobre
venait la fête de S'-Denis, qui réglait celui de la fête de
S'-Burchard.
L'année 1455 ayant la lettre dominicale E, la fête de
S'-Denis l'Aréopagite, honoré le 3 octobre, tombait le pre-
mier vendredi de ce mois; si la fête de S'-Burchard se
célébrait le jeudi après, cette fête venait, l'an 1455, le
— 331 —
deuxième jeudi de ce mois, c'esl-à-dirc le 9 octobre; et le
mardi suivant, date de la lettre des députés d'après ce cal-
cul, eût été le deuxième mardi de ce mois, c'est-à-dire le
14 octobre, jour auquel le passage de la Vistule à Ihorn,
commencé le vendredi 10 octobre, dût avoir été à peine
accompli, jour auquel à plus forte raison n'auraient pu
être arrivés tous les événements que marque la lettre des
députés comme ayant eu lieu entre le vendredi 10 octobre
et le mardi du même mois, jour auquel ils écrivirent au
sénat; car quelque court que fut l'espace de t^mps indé-
terminé qui fut employé à passer la Vistule, et que Scbutz
qualifie de plures dies, et quelque rapide qu'ait pu être la
niarcbe des Polonais de Ihorn à Lessen, dislance, en ligne
droite de 12 lieues de Pologne (20 — 1 degré), — la con-
struction d'une ligne de circonvallalion formée par des ga-
bions, et dont parle la lettre comme d'un ouvrage acbevé,
la démolition du pont à Iliorn, qui naturellement n'eut lieu
qu'après le passage des troupes et de la cour du roi, l'arri-
vée des bateaux à Gaudentz, distance, en ligne droite, par
voie de terre, de 15 lieues de Pologne, et la construction
du pont à Gaudentz, marquée dans la lettre des députés
comme étant déjà commencée au jour que celle-ci fut écrite,
tous ces faits se réunissent pour nous indiquer qu'il faut
chercber dans une pbase plus avancée du mois d'octobre
la fête de S'-Denis, d'après laquelle les députés avaient
calculé la fête de saint Burcliard, selon la coutume de l'Alle-
magne à cette époque. Nous savons bien que la Prusse n'est
pas l'Allemagne; mais la Prusse dont il s'agit, était sous la
souveraineté du Grand-maitre teutonique, prince allemand;
et, comme partie des domaines de l'Ordre teutonique, la
Prusse appartenait à lAllemagne, et au commencement de
celte révolte les députés prussiens s'élaient rendus à\'ienne,
pour exposer leurs raisons à l'Empereur comme leur cbef
suprême, non pas comme cbef du Grand-maitre. La Prusse
— §52 —
suivait donc à cette époque les us et coutumes de l'AUe-
magne; la manière de calculer la fêle de S'-Burcliard, qui
était en vigueur en Allemagne, se pratiquait aussi en Prusse.
Nous voyons que Tautre fête de S'-Denis, célébrée de tout
temps, le 9 octobre, tombait l'année 1453, le deuxième
jeudi de ce mois; la fête de S'-Burcbard, qui se célébrait
le jeudi après la fête de S*-Denis, tombait le troisième jeudi
de ce mois, c'est-à-dire le 16 octobre, et le mardi après la
fête de S^-Burchard, jour auquel écrivaient les députés, était
le troisième mardi de ce mois, c'est-à-dire le 21 octobre,
date qui nous offre un espace de onze jours depuis l'arrivée
du roi Casimir à Ihoni, laps de temps dans lequel tous les
événements rapportés dans la lettre ont pu s'accomplir.
Nous avons rencontré la même date que le baron de Wal,
mais ce savant prend pour point de départ que la saint
Burchard se célébrait le 14. octobre au pays de Dantzig, en
1435, c'est une opinion qu'il nous reste à examiner, car
nous avons de bonnes raisons pour penser que cela n'était
point le cas, et les voici : l'année 1453, le 21 octobre étant
un mardi, il s'ensuit que le 14 de ce mois était aussi un
mardi; si ce mardi 14 eût été la fête de S'-Burchard, en
1433, les députés qui placèrent à leur lettre une date fondée
sur un calcul ayant cette fête pour base, n'auraient certes
pas négligé d'écrire tout simplement : mardi de l'octave de
la fête de S'-Burcbard ! Nous savons bien que la fête de
S'-Burcbard n'étant qu'une feria simplex, n'a pas d'octave
dans le calendrier ecclésiastique; mais dans le cas dont il
s'agit, nul doute que les députés ne se fussent servis de ce
terme. Nous croyons donc pouvoir établir, que la fête de
S'-Burcbard se célébrait autrefois en Allemagne le jeudi
après la fête de S'-Denis de France.
Château de Waitzen (Silésie), 1" juin 1831.
Le Chevalier de Boxar.
S53 —
ïtoticc l)t0tDrtquc
SUR VUE
VERRIÈRE A L'ÉGLISE DE NOTRE-DAME A ÂE^VERS.
Depuis la renaissance des belles-lettres en Belgique, les
études historiques scndjleut avoir eu pour but principal la
recherche de l'origine des monuments nationaux, ^'ieux
manuscrits, parchemins, actes, chartes, tout ce qui pou-
vait présenter le moindre rapport avec notre histoire, a été
exploré : rien n'a échappé à l'investigation de nos savants,
qui doués d'une patience digne des moines du moyen-âge,
passent leur vie à déchiffrer ces archives mystérieuses,
couvertes de la poussière de plusieurs siècles. Grâce à leurs
travaux immenses, à leur courage infatigable, la Belgique
sera bientôt à même de percer les nuages qui semblent
envelopper les monuments dus à la valeur, à l'opulence ou
à la piété de nos pères.
Les monuments que nous offre la peinture sur verre ont
surtout été l'objet des recherches les plus assidues. Consi-
dérés sous le rapport artistique comme une de nos gloires
nationales, ils justilîent en outre par leur valeur historique
tout l'intérêt qu'ils inspirent. En effet, quelles pages inté-
ressantes de notre histoire ne trouve-t-on pas représentées
sur ces magnifiques verrières, dont les siècles passés ai-
maient à orner nos églises! quels hauts faits, quels per-
sonnages éminents dont les noms brillent de l'éclat le plus
26
— zu —
pur dans les fastes de notre patrie? 11 sulïit d'entrer dans
une de nos églises gothiques pour voir dérouler devant soi
tout un passé glorieux, et être entouré des portraits des
personnages les plus illustres de notre nation.
Parmi les peintures sur verre qui ornent Tancienne ca-
thédrale d'Anvers, figure en première ligne une verrière
placée dans les has-côtés de l'église, au-dessus de la sacristie
de la chapelle du S'-Sacrement, et représentant la Cène.
Ce tahleau qui a constamment été un objet d'admiration
pour les connaisseurs, a plus d'une fois aussi excité la cu-
riosité des archéologues : le donateur y est peint agenouillé,
et ce personnage que le temps semblait vouloir couvrir d'un
voile mystérieux, avait résisté à toutes les investigations
faites pour le reconnaître.
Néanmoins les savants qui se sont occupés de cette pein-
ture, s'accordent tous en ce point, qu'ils y trouvent le por-
trait d'un membre de la famille Nassau, chevalier de la
Toison-d'or. Cet accord n'a pas de quoi surprendre, quand
on sait que la devise Se sera moy Nassau (i) se trouve en
toutes lettres dans la partie supérieure du tableau, et que
le personnage ainsi que ses armes sont décorés de la
Toison. Chose étrange et regrettable, le seul objet dont la
reconnaissance présentât en même temps une difficulîé
réelle à vaincre et une découverte historique assez impor-
tante à faire : le prénom du donateur, était resté jusqu'ici
une énigme.
Feu M"" N. Cornelissen, au tome VU des Annales hel-
giqacs, s'occupant de cette verrière, croit y trouver le
portrait tant soit peu défiguré du prince Guillaume d'Oran-
ge, dit le Taciturne; voici ce qu'il dit à ce sujet :
a Ce tableau représente la Cène au moment même où le
(I) Celle devise fut atloptéc par Engelbcrt II, eomte de Nassau, et portée
par les membres de sa faiDille jusque ce que eelle-ci prit pour cri de guerre :
Je maintiendrai, devise aciuclle du royaume des Pays-Bas.
— S55 —
Sauveur iiislilue l'Eucharistie; le donataire (?) est à ge-
noux, les mains jointes, et dans Taction d'adorer le mystère
qui semble s'accomplir sous ses yeux. Ce personnage est
Guillaume P% prince d'Orange. Les armoiries de seize
familles (i) auxquelles cette illustre maison avait été alliée,
sont des deux côtés de la fenêtre; les armes de la maison
même sont au milieu, et dans un fraginent d'inscription, le
mot Nassau s'est parfaitement conservé; mais la date de la
construction n'est plus indiquée.
» Cependant comme le prince et l'écusson sont décorés
du collier de la Toison-d'or, on peut naturellement inférer
de cette circonstance que le tableau n'a pas été peint
avant 1355, et les événements subséquents ne permettent
pas de croire qu'il ait pu l'être après 1563; or, s'il est plus
que probable d'après j)lusieurs indices, que déjà avant la
première époque le prince penchait pour certains dogmes
de la réforme, comment expliquera-t-on le motif qui l'a porté
à rendre ostensiblement un hommage public aussi solennel
au dogme de la présence réelle, adopté par la communion
de Rome, et rejeté par celle de Genève? — A moins qu'on
ne veuille insinuer que l'idée du sujet provient exclusive-
ment du peintre ou des marguilliers qui auront diiigé la
construction du tableau.
» Le travail appartient évidemment à cette époque, par
la forme des caractères et par la manière, le style et la com-
position. M. Van Brée, pour l'opinion duquel nous avons
en général une grande déférence, a examiné avec soin le
tableau, qui d'ailleurs a dû avoir été lithographie (2), et il
(1) Le tableau ne porte aujourd'hui que quatorze blasons; deux ont été
été remplacés par des morceaux de verre peint. I'. G.
(2) Nous possédons un exemplaire de cette litliographie qui est loin d'èlre
exacte : sans parler du prince qui y porte la barbe, quoique le personnage
représenté au vitrail n'en ait point, le dessinateur y a placé ù gauelie les
Idasons qui se trouvent à droite, et vice-versa.
— 356 —
semble croire que le portrait du donataire (?) est celui du
lils du prince d'Orange, de ce comte de Buren que le duc
d'AIbe avait fait enlever de Tunivcrsité de Louvain, et
conduire en Espagne; mais sur quoi le savant professeur
fonde-t-il cette opinion? Sur ce que le portrait ne res-
semble guère à ceux que nous avons du prince? Mais il
faut observer que ce n'est là qu'une copie de seconde ou
peut-être de troisième main; ce que nous voudrions cepen-
dant bien concéder, c'est que, brisée pendant le sac de
l'église en 1566, celte tête a été repeinte ou même qu'une
autre y a été substituée; mais toute l'économie de la com-
position entière indique que le type primitif du prince
agenouillé subsiste. »
Le baron de Reiffenberg dans son « Mémoire sur la pein-
ture sur verre aux Pays-Bas » (i), s'occupe aussi du tableau
en question, et après avoir rapporté l'article précédent de
M. Cornelissen, s'exprime de la manière suivante :
« Il a écbappé à M. Cornelissen que l'examen des quar-
tiers du donateur doit lever toute espèce de doute sur sa
personne, puisqu'ils déterminent son père et sa 7nère. Ne
pouvant vérifier la cbose en ce moment, je me contenterai
d'observer que les conjectures ne devaient pas nécessaire-
ment s'arrêter entre Guillaume I" et le comte de Buren, son
lils; ne peut-on pas aussi porter sa pensée sur Henri de
Nassau, comte de Vianden, baron de Breda et dcDiest, etc.,
lequel mourut le 14 septembre 1558, après avoir reçu le
collier de la Toison-d'or, au cbapitre tenu à l^ïiddelbourg
en 1505? On voit donc en dépit de l'aimable ignorant qui
présidait à l'éducation du marquis de la Janotière, que le
blason peut être bon à quelque cbose, et qu'il est possible
de faire tourner au profit de questions intéressantes tout ce
qu'il va chercher dans les vieilles sépultures. »
(I) Nouveaux Mémoires ilc rAcadémie royale de Belgique, t. VU.
-^ §57 —
La seule lecture des arlicles qui précèdent, l'ait aperce-
voir la faiblesse des arguments de leurs auteurs. El d'abord
M. Cornelissen n'est-il pas obligé de reconnaître le peu de
ressemblance qu'il y a entre le prince Guillaume I" et le
donateur de la verrière? Ne se trouve-t-il pas dans la né-
cessité absolue de fixer la confection du vitrail entre les
années 1555 et 15G3, vu qu'avant la première époque le
prince Guillaume P"^ n'était pas chevalier de la Toison-d'or,
et qu'après la seconde les événements politiques n'auraient
certes pas permis au chef des protestants de faire des dons
aux églises catholiques?
En vérité nous ne concevons pas pourquoi M. Cornelissen
persiste tant à vouloir reconnaître le Taciturne dans cette
figure agenouillée; la moindre attention faite au costume
lui aurait prouvé que le personnage appartient à une épo-
que antérieure à celle de ce prince.
D'ailleurs Guillaume d'Orange étant fils de Guillaume dit
le Vieil et de Julienne de Stolberg, les quartiers de sa mère
auraient nécessairement dû se trouver parmi les armoiries
de la peinture, et cependant aucun blason du côté maternel
de ce prince ne s'y trouve représenté. Cette dernière obser-
vation seule prouve d'une manière irrécusable l'erreur de
M. Cornelissen.
Partant, la supposition faite par feu IM. Van Brée tombe
d'elle-même : si le costume du personnage agenouillé est
déjà antérieur à l'époque de Guillaume, il le sera encore
davantage au temps du fils de ce prince. Il y a plus : le
prince Philippe de Buren ne devint chevalier de la Toison-
d'or que sous le roi Philippe III, et on se trouverait donc
forcé de reculer la date de la confection de la verrière
jusqu'au règne de ce monarque, c'est-à-dire à un temps où
la famille JXassau n'exerçait ))lus le moindre pouvoii- en
Belgique.
L'opinion du baron de Ileilfenbcrg est plus soulenable :
— 358 —
lleni'i (le Breda était marquis d'Anvers en 1504, et on
pourrait déduire de celle circonstance que le tableau avait
été peint entre l'année 1503, date de l'élévation de ce
prince à la dignité de chevalier de la Toison-d'or, et l'an-
née 1558, époque de sa mort. Si cependant, on suit le
conseil mèFiie du baron de Reiffenberg, et que Ton con-
fronte les armoiries de la peinture avec les quartiers du
prince, on découvre à l'évidence le peu de fondement de
l'assertion : les quartiers maternels du comte Henri étaient
liesse. Saxe, Catzenellcbogen, Nassau (i); or aucunes ar-
mes de ces nobles maisons ne se trouvent sur la verrière.
L'impossibilité dans laquelle se trouvaient deux savants
archéologues de préciser le nom du donateur du vitrail
de la Cathédrale, n'était-elle pas de nature à nous faire
désespérer de reconnaître ce personnage? Heureusement
qu'en ouvrant V Historiciim indyti ordinis velleris aurei
de Chillet, nous pûmes nous convaincre que des membres
de la famille Nassau, autres que Guillaume I et Henri de
Breda, avaient reçu le collier de la Toison-d'or. Ces ren-
seignements nous firent reprendre courage, et nous por-
tèrent à faire de nouvelles recherches. Nos efforts ne furent
pas perdus; après quelques jours de travail nous fûmes à
même de percer le mystère.
Parmi les chevaliers de l'ordre de la Toison-d'or reçus
en 1551 au chapitre de Tournay, nous trouvons le nom
de René de Nassau, surnommé de Châlons, et le premier
de sa famille qui ait porté le titre de prince d'Orange. Ce
seigneur fixa d'abord notre attention, et nous nous empres-
sâmes de dresser sa généalogie. L'examen de ses quartiers
nous prouva tout de suite que lui non plus, n'était pas le
donateur du tableau qui nous occupe : les armes de Claude
de Chàlons, mère de René, ne se trouvant pas sur la
peinture.
(1) Voyez Spincrus, De nobil., p. lii.
— 8S9 —
Un seul Nassau restait encore, et ce seigneur que nous
nous étions réservé pour le dernier, devait enfin finir notre
travail.
Engelbert II, un des plus illustres membres de la famille
Nassau, naquit de Jean comte de Nassau et Vianden, sei-
gneur de Grimberghe, Breda, S*-Vit, Bedenbach et Dael-
bourg, stadhouder du Brabant; et de Marie comtesse de
Looz, dame de Vucht, Gangelt, Herstal, Steenvoort, etc.
Descendant des plus ricbes maisons d'Allemagne et des
Pays-Bas, mais désirant fixer sa résidence dans ce dernier
pays, Engelbert de Nassau, en conformité du testament de
son père, prit en partage les seigneuries que sa famille
possédait dans nos provinces, et laissa à son frère les
propriétés d'Allemagne. Peu de temps après (en 1490),
il échangea les terres de Gangelt, Vucht et Mullem, qu'il
avait héritées de sa mère, contre les seigneuries de Diest,
Sichem et Daclhem et le marquisat d'Anvers, dont le
comte de Juliers était depuis quelque temps possesseur.
A ces litres, qu'il tenait de sa naissance, Engelbert en
joignit d'autres, qu'il mérita par ses qualités personnelles;
en 1475, il fut élu chevalier de la Toison-d'or, et les
brillants services qu'il ne cessait de rendre à ses souve-
rains le firent élever successivement, aux dignités de stad-
houder du Brabant, du Luxembourg, de burggrave de
Limbourg, de stadhouder d'Artois et de Hollande, et de
gouverneur-général des Pays-Bas. Quelques années avant
cette première nomination (en 1408), Engelbert avait con-
tracté mariage avec Limburge, fille de Charles marquis de
Bade, et s'était allié ainsi à une des plus importantes mai-
sons princières de l'Allemagne.
Après la mort de IMarie, duchesse de Bourgogne, le
comte Engelbert eut l'honneur d'épouser par procura-
tion en secret et au nom de son souverain Maximilieu
d'Autriche, la duchesse Anne de Bretagne; il vint ensuite
— 860 —
à la cour de France réclamer Marguerite trAutriche, que
Charles VIII avait répudiée pour épouser Anne, et signa
en 1493, le traité de Senlis, par lequel Maximilien re-
nonça au litre du duc de Bretagne pour être mis en pos-
session du reste de l'héritage de Bourgogne.
La fortune ne fut pas toujours favorable au comte de
Nassau : ayant suivi le duc Charles le Téméraire dans sa
malheureuse expédition contre les Suisses, il fut pris à la
bataille de Nancy, où périt le duc ainsi que la fleur de la
noblesse bourguignonne. Le prix de la rançon du comte,
qui montait à une somme considérable, fut payé en grande
partie par la ville de Breda.
A la bataille de Blangis, livrée le 5 août 1479, Engel-
bert fut pris de nouveau et emmené à Paris. Le prix de sa
rançon s'élévant à fr. 80,000, fut payé celte fois-ci par le
comte Jean de Nassau, frère du prisonnier.
Après une vie des plus glorieuses, après s'être signalé
en plusieurs combats et particulièrement en celui de Quine-
gaste, qu'il commanda et gagna avec le comte dcRomond,
Engclbert de Nassau, mourut à Bruxelles le 51 mai lo04
sans laisser de postérité légitime (i).
Ses restes mortels furent transportés à Breda, où ils
reposent dans le magnifique tombeau que le comte Henri
de Nassau, neveu et héritier d'Engelbert, y fit élever sur les
dessins du célèbre Michel-Ange.
La mort d'Engelbert ravit aux arts un de leurs protec-
teurs les plus éclairés. Ce prince avait fait construire le
palais Nassau à Bruxelles, et ce fut sous son gouvernement
qu'on acheva la tour de la grande église de Breda (2).
(1) n laissa un fils naturel, qu'il avait eu de Catherine Van lîaaflcn.
(2) Ce dernier fait est d'un grand inlérêt historique pour notre patrie : la
légende rapporte que rarcliitecle qui acheva la tour de la grande église de
Breda, fui le même que celui qui couslruisit la ilèclie de la calhédrale
d'Anvers. Celle tr;uliliou pourrait bien être une vérité. En effet, quand on
— §61 —
Après la mort crEiigelbert, les titres et les propriétés de
ce prince passèrent à son cousin Henri de Nassau, et le
fils de celui-ci, René de Chàlons, étant également mort
sans descendants, ils devinrent la propriété de Guillaume
le Taciturne, et ne contribuèrent pas peu à l'élévation de
cette maison de Nassau, qui devait remplir plus tard un
des rôles les plus importants de l'histoire nationale.
La confrontation des quartiers héraldiques d'Engelhert
avec les armoiries peintes dans le tableau de la cathédrale,
nous a pleinement convaincu de l'identité du personnage.
En effet les quartiers d'Engelbert étant du côté paternel :
Nassau, Vianden, de la Marck, Clèves, Polanen, de Hor-
nes, Salm, Valkenberg; et du côté maternel : lîeinsberg,
Voorne, Juliers, Angleterre, Solms, de Lippe, Munzen-
berg, Falckenstein (i), et les blasons de la verrière repré-
sentant les mêmes maisons, le moindre doute à cet égard
n'est plus possible (2).
Si nous voulions nous rendre compte des motifs qui ont
engagé le comte Engelbert à faire don de ce tableau à la
cathédrale d'Anvers, nous pourrions faire observer qu'un
prince qui acquiert la possession d'une nouvelle terre,
s'empresse de poser quelque acte, quelque monument
capable de rappeler cet événement aux siècles futurs.
Dirigé par une idée semblable, Alexandre le Grand bâtit
considère que le comte Engelbert était en même temps seigneur de Brcda et
marquis d'Anvers, au moment où l'on construisit ces deux monuments, il ne
paraît pas impossible qu'on ait chargé de rachèvemcnt de l'un des ouvrages,
rarchitecte qui s'acquittait si bien de l'autre. Une seconde considération
semble appuyer cette hypothèse : la grande ressemblance qui existe entre
la tour d'Anvers et celle de Breda pourrait faire supposer qu'une même main
a dirigé les travaux des deux monuments.
(1) Voyez la généalogie ci-jointe.
(2) Comme nous l'avons dit plus haut, le tableau ne porte plus que quatorze
blasons. La vérification de ces armoiries nous a coûté d'autant plus de peine,
qu'ayant été enlevées pendant l'invasion française, elles ont été replacées
depuis dans un ordre contraire ù celui qu'elles devaient tenir.
— â62 —
Alexandrie, Pompée éleva une colonne aux bords du Nil,
Trajan érigea sa colonne à Rome; cette même pensée fit
qu'en d'antres temps, lorsque d'autres mœurs régissaient
l'Europe, Rodolphe de Habsbourg édifia la cathédrale de
Strasbourg; que Christophe Colomb planta la croix sur un
monde, sa découverte glorieuse; et qu'en notre siècle Na-
poléon dota la capitale de son empire d'une colonne Ven-
dôme et d'un temple de la Gloire. Enfin, grâce à cette même
pensée, dans des régions inférieures, de simples princes
érigèrent de moindres monuments, et presque tous les no-
bles eurent des épitaphes dans leurs terres seigneuriales.
Un usage si antique, si répandu, pour ne pas dire uni-
versel, n'a-t-il pas aussi été cause de la confection de la
verrière de la cathédrale?
Engelbert de Nassau acquit de nouvelles terres, de nou-
veaux titres, il était le premier de sa famille qui portât le
titre de marquis d'Anvers; lui aussi avait donc intérêt à
ériger quelque monument capable de rappeler le souvenir
de cet événement, et de prouver à ses descendants l'an-
cienneté de leurs droits.
Et dans ce cas en quel lieu ce monument devait-il être
placé? N'était-ce pas dans la ville d'Anvers, dans la capi-
tale même du marquisat nouvellement acquis? Et de quelle
nature devait-il être? Dans ces temps de croyance pro-
fonde, lorsque la moindre action revêtait un caractère reli-
gieux, n'était-ce pas dans un temple, dans l'église princi-
pale, où constamment sous les yeux des fidèles, il put à la
fois leur rappeler le nom de leur prince et leur inspirer des
sentiments de respect et de piété?
D'ailleurs nous n'avons pas besoin d'attribuer exclusive-
ment à une idée d'ambition la création de cette peinture;
la piété reconnue d'Engelbert en a été peut-être le plus
grand stimulant. Une chose toutefois que nous pouvons
affirmer avec certitude, c'est que l'administration de la
_ 363 —
cathédrale ne flt pas élever le mouumeut : les recherches
faites à ce sujet par M. le chevalier Léon de Biirhure, ({ui
s'occupe en ce moment avec une infatigable assiduité de la
classification des archives de l'église de Notre Dame, garan-
tissent l'exactitude de nos paroles.
La découverte du nom du donateur change de beaucoup
la valeur de cette peinture. D'artistique qu'elle était exclu-
sivement jusqu'ici, elle devient historique, et comme telle
son importance n'est pas contestable. C'est non seulement
l'unique épitaphe qui existe à Anvers de la famille Nassau-
Dillenbourg, c'est peut-être le dernier monument artistique,
qui nous rappelle les anciens marquis d'Anvers.
Puisse l'administration de l'église de Notre-Dame, dont
l'amour pour les arts est depuis longtemps connu, faire
promptement restaurer le vitrail de la chapelle du S'-Sa-
crement. Puisse-t-el!e conserver aux arts et aux sciences
un monument dont l'intérêt ne fait que s'accroître à mesure
que nous nous éloignons du temps de sa création (i).
P. Génard.
(I) Nous nous serions volonlicr» occupes dans cède notice du peintre du
tableau objet de cet article, mais nous n'aurions pu émettre qu'une opinion
hasardée; toutefois nous croyons qu'à l'aide de nos recherches, il ne sera
pas dilllcilc de connaître plus tard le nom de l'auteur de ce magnifique vitrail.
— g6i
©elel)rte ^Hn^cicjen,
IIERALSGEGEBEN VON MITGLIEDERN DER K. BAYER. ARADEMIE DER
WISSENSCHAFTEN.
Munchen 71" 71, 3 mai I80I.
Il est peu de pays en Europe dont Thistoire politique
offre autant d'intéressants épisodes que l'histoire des pro-
vinces belles. De bonne heure les Pavs-Bas ont tendu au
self-rjovernement si cher au XIX^ siècle, et cependant si
rarement atteint, gouvernement que les provinces septen-
trionales possèdent depuis bientôt 500 ans et les provinces
méridionales seulement depuis peu d'années. Cette ten-
dance est un trait du caractère national qui se révèle au
XIIP et au XIV'' siècle, surtout dans ces riches cités où
dominait une forme à peu près républicaine; elle fut favo-
risée par les destinées du pays dont les souverains, après
Marie de Bourgogne, furent en même temps de puissants
monarques en Espagne ou en Allemagne, quoique d'autre
part les libertés populaires souvent menacées par eux aient
été anéanties en Belgique pendant plus de 200 ans. L'es-
prit d'indépendance nationale se réveilla néanmoins tou-
jours et conduisit enfin au but désiré. Une telle histoire a
dû trouver des admirateurs; on comprend donc que la
Hollande et la Belgique aient toujours possédé des histo-
riens de renom et que notamment l'histoire du soulèvement
des Pays-Bas contre Philippe II ait excité l'enthousiasme
de notre illustre Schiller.
Il y a trente ans, les études historiques en Belgique man-
quaient tie critique et ne produisaient pas de résultats en
— 365 —
rapport avec riniporlance du sujet. Dewez dans sa volu-
mineuse Histoire çjénèrale de la Bchjique, ne se tint pas à
une liaulcur convenable; il employa cependant ses maté-
riaux avec conscience et une certaine imparlialilé et ne
travailla pas au profit d'un parti politique, comme le fit
Tabbé De Smet qui le suivit d'assez près et qui en 1856
encore, dans la 4* édition de son Histoire de laBeUjique, se
présente comme le défenseur de l'orthodoxie catholique
dans toute sa rigueur, en se montrant sous un autre rap-
port partisan d'une liberté politique modérée. La l'évolu-
tion de 1830 imprima une vie nouvelle à l'historiographie
en Belgique, surtout en ce qui concerne le développement
politique du peuple et du pays (i), l'auteur de ces lignes
a lui-même essayé de faire d'après les sources une histoire
des institutions de l'ancienne Flandre, histoire que le tra-
ducteur français, M. Gheldolf, a fort améliorée. C'est sur-
tout vers les périodes révolutionnaires de 1566, de 1790
et de 1830 que les écrivains les plus distingués du pajs
ont tourné les regards; et ils se sont acquis une renom-
mée littéraire durable, les uns comme M. l'archiviste Ga-
chard, par la publication des documents, les autres comme
MM. \olhomb, Gérard et de Gerlache, par l'exposé classi-
que des faits.
Parmi les historiens belges de ces derniers temps, une
place importante a été occupée par M. Borgnet, professeur
d'histoire à l'Université de Liéce. Son infatigable et heu-
reuse activité ne peut être ignorée en Allemagne, surtout
de ceux qui s'occupent de l'histoire des États de l'Europe.
Élève et docteur en droit de l'Lnivcrsité de Louvain peu
d'années avant 1830, puis juge au tribunal de première
instance de Namur, et depuis 1837 professeur à Liège,
3L Borgnet s'est fait connaître dès 1854 par deux petits
(1) V. mon exposé do riiUtoriograjiliif belge ilans les Gelihrlc Anzeigen de
Munich, année 1841, n» 20 et suivants.
— 366 —
volumes, intitulés : Lettres sur la révolution braban-
çonne (Bruxelles, chez Berthot), et qui contiennent un
exposé fort intéressant du mouvement excité en Belgique
contre Joseph II. Ces lettres puhliées d'abord en feuilletons
dans le Journal de Namur, furent réunies par l'auteur et
augmentées de manière à en faire un tableau complet de
cet épisode de l'histoire de Belgique. Dans ce petit ouvrage
l'auteur montra un talent décidé d'historien, surtout en ce
qui touche l'exposé des faits, et si la profondeur et une
complète impartialité y manquent, on peut néanmoins y
reconnaître la vocation du jeune homme. De cet essai sor-
tit, dix ans plus tard, un ouvrage capital : V Histoire des
Belges à la fin du XVIII" siècle; histoire qui commence
par une introduction à 1700 et se termine avec l'incorpo-
ration de la Belgique dans la première république française.
Ici une étude approfondie des sources s'unit à un esprit
exclusivement historique et assure à ce livre une valeur
durable : comme membre de l'Académie royale de Belgique,
M. Borgnel a composé en outre plusieurs monographies
qui ne sont pas toutes connues de l'auteur de cette notice;
les amis de l'histoire du moyen-àge liront avec un intérêt
tout particulier dans le volume XIII (1845) des Mémoires
de l'Académie royale de Bruxelles, son étude sur le règne
de Charles le Simple; il y prouve combien il est familiarisé
avec les documents du X^ siècle, et combien aussi il a su
proflter de ceux qui ont été publiés dans les Monumenta
Germaniae historica, par notre Pertz et ses collaborateurs.
A la classe de ces monographies appartient le travail qui
fait l'objet de ce compte-rendu : Philippe II et la Belgique,
résumé politique de l'histoire de la révolution belge du
X\T siècle (loo3-lo98), imprimé dans le volume XXV des
Mémoires mentionnés plus haut (i).
(1) Un article critique du travail de M. Borgne! sur cette époque, a été pu-
blié par M. Kervyn de Volkaersbekc, dans le tome XXV, année 18a0, page 583
du Messager des Sciences hisloriqtces. {Xote de la rédaction).
— S67 —
Celte esquisse d'uue époque si i*emarquablc et si fré-
quemment traitée de l'histoire de Belgique, a le mérite
particulier de contenir un exposé qui s'aj)puie avec une
rigoureuse attention sur des documents authentiques et qui
expliquent clairement pourquoi la révolution triompha en
Hollande et succomba en Belgique. C'est un instructif con-
tingent fourni à l'histoire des révolutions, dont le dévelop-
pement naturel tel qu'il s'effectue sous nos yeux, démontre
que sans la direction d'une main éprouvée et sans un sen-
timent inébranlable de nationalité, elles ne produisent que
du mal, et au lieu de contribuer à assurer la liberté popu-
laire, elles ne font que la comprimer et même la détruire.
Dans son tableau, l'auteur nous montre la nécessité histo-
rique de la lutte suprême entre le catholicisme et le prin-
cipe naissant de la liberté de conscience; il nous montre
aussi comment les représentants de ces deux principes,
Philippe II et Guillaume le Taciturne, ne firent guères que
remplir une mission, où souvent il faut laisser sans la ré-
soudre la question de savoir si les motifs de leur conduite
furent ou ne furent pas toujours purs; au contraire on se
convainc aisément de la nécessité d'attribuer l'insuccès des
meilleurs plans soit à l'égoisme, à l'envie et à l'absence de
caractère des chefs du mouvement, soit aux préjugés et à la
fureur désordonnée des partis extrêmes ou de la populace
excitée par eux. Ce qui arriva en Belgique entre lo6G et
1598 s'est fréquemment reproduit depuis lors; cependant
les mêmes erreurs ne cessant d'avoir cours, ne devrait-on
pas en conclure que dans la voie du progrès politique,
la précipitation ne conduit pas ou ne conduit au but que
fort rarement? Mais revenons au livre en question.
Tout cet épisode qui commence à l'époque où Charles-
Quint en looo, abdique en faveur de son fils Philippe la
souveraineté des Pays-Bas, et s'arrête à celle où Philippe
lui-même les céda à sa fille Isabelle et à son cousin Albert
(l'Autriche, se divise en plusieurs périodes, ou, si ron
préfère, le drame compreud uue suite d'actes. Les viugt
premières aunées sont généralement favorables au main-
lien de l'unité et de la liberté de toutes les provinces; les
vingt-un dernières forment une période de transition à la
division des provinces du Nord et du Sud et à la perle
de la liberté politique dans celles-ci.
M. Borgnet commence par un exposé rapide de la situa-
tion du pays à l'époque de l'abdication de Charles-Quint
et pendant les premières années du gouvernement de son
fils. Vers 15G0, le pays se trouvait dans un état de grande
excitation et ne manquait pas de causes politiques de
mécontentement. Il y en avait entre autres pour la noblesse
belge, qui sous l'administration essentiellement espagnole
de Philippe occupa une position défavorable, tandis qu'elle
avait été puissante sous Charles-Quint et avait exploité
l'Espagne elle-même. Un mécontentement bien plus grand
encore existait parmi les partisans toujours plus nombreux
de la Réforme, qui avait pénétré de la France dans les pro-
vinces wallonnes et de rAllemagne dans les provinces fla-
mandes et était parvenue à s'y établir solidement, en dépit
des nombreuses victimes qu'avait faites sous Charles-Quint
l'exécution de ses édits religieux de 1550. Le mécontente-
ment n'était pas moindre dans une partie du clergé dont
la position était sensiblement changée, depuis que Phi-
lippe, de concert avec le pape, avait porté de 4 à 17 le
nombre des évcchés, et attribué aux nouveaux une partie
des revenus des plus riches abbayes. Enfin la partie sin-
cèrement catholique de la population craignait qu'on ne
donnât la forme de l'inquisition espagnole à l'inquisition
ecclésiastique, telle qu'elle existait depuis longtemps dans
le pays. Les principaux adversaires de Philippe (la noblesse
cl les protestants) ne manquèrent pas de propager et de con-
firmer des appréhensions populaires, qui du reste n'étaient
— 369 —
pas sans fondement. Les amis des nouvelles idées plus clair-
voyants, étaient convaincus que la liberté de religion ne
triompherait dans les Pays-Bas que par un combat à mort.
Les grands dépeignirent aussi Philippe comme un ennemi
des libertés politiques du pays, et un ennemi décidé à y
introduire le système de centralisation et d'absolutisme
qui existait déjà en Espagne. Si en réalité Philippe n'en
avait pas encore la pensée, du moins voulait- il s'en faire
un moyen pour maintenir l'unité et la pureté de l'ortho-
doxie catholique (i), et pour arriver à ce but il lui fallait
des troupes étrangères et l'argent du pays; ici ses plans
échouèrent complètement. Les chefs des Mécontents possé-
daient des ressources suffisantes pour préparer et exécuter
une révolte contre lui. L'habile exécuteur de la pensée de
Philippe fut au commencement le cardinal Granvelle, et
le principal organe de l'opposition, comme nous dirions
aujourd'hui, fut Guillaume d'Orange; entre eux se trou-
vait dans une position insoutenable la gouvernante Margue-
rite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint.
Les ennemis de Guillaume admettent que, dès le prin-
cipe, c'est-à-dire dès 1.^62, il forma le projet de dépouiller
à son profit Philippe II de la souveraineté en Belgique.
M. Borgnet ne cesse de le défendre contre cette imputa-
tion (2). Guillaume ne voulait que la liberté de conscience
et le rapport des édits de Charles-Quint; Granvelle tendait
à un but tout opposé. Il fallait donc avant tout son éloigne-
mcnt, et il eut lieu en 1564, sur les instantes prières de
(1) Dans les papiers du cardinal Granvelle récemment publiés se trouve
exprimée la pensée : Faire des dix-sept provinces un royaume avec Bruxelles
pour capitale, donner au pays une législation uniforme, restreindre les privi-
lèges des villes, construire des forteresses, proclamer ensuite une amnistie et
ne livrer an bras de la justice que les chefs des Mécontents (p. 9).
(2) Il dit encore (p. 100) que même plus lard Guillaume n'eut pas celte
tendance.
27
— 370 —
Margdcrile. La mesure cul celle conséquence immédiaîe
que la noblesse s'empara des places les plus lucralives, el
à défaul d'un conlrûle sérieux, utilisa à son profit les reve-
nus publics. On réclama alors le cbangemcut des édits reli-
gieux, mais en se maintenant, comme on dirait aujourd'hui,
sur le terrain de la légalité, au moyen de pétitions et de
députalions envoyées à Philippe. Tout fut vain. En octo-
bre loGo, il ne s'agissait que de savoir s'il fallait publier la
réponse négative de Philippe. La majoj'ilé du Conseil d'état
l'aurait voté à l'instigation du prince d'Orange, qui aurait
voulu par celte publication provoquer la révolte. M. Bor-
gnet admet cette version, tandis que Xàn Kampen (Histoire
des Pays-Bas) soutient au contraire que le prince n'assistail
pas à la séance du Conseil; opinion que semblent confirmer
les Archives de la maison d'Orange, publiées par M. Groen
Van Prinsîerer (II, 294), el dont l'auteur lui-même cite des
fragments (51, n" 2). Marguerite ordonna la publication, et
les conséquences prévues ne se firent pas longtemps atten-
dre. D'abord la .\oblesse se confédéra par l'acte bien connu
sous le nom de Confédération des Gueux, qui eut Bredc-
l'ode pour chef, et se renforça ensuite par l'accession d'un
grand nombre de bourgeois; plus tard vinrent les dévas-
tations des Iconoclastes.
Cette résolution eut donc aussi ses deux parties : les
premiers Confédérés furent les hommes de Golha de cette
époque, tandis qu'il faut comparer les Iconoclastes aux
démocrates extrêmes ou émeuliers {Krawallister) de nos
jours. Il ne parait pas qu'une alliance ait eu lieu entre ces
deux opinions, et si des Confédérés eurent une connais-
sance préalable des excès des Iconoclastes, ils ne furent
qu'en petit nombre. Philippe II qui dans l'intervalle avait
fait quelques concessions, en les déclarant nulles en secret,
décida alors d'envoyer le duc d'Albe dans les Pays-Bas.
Le premier acte du grand drame se termine à son arrivée.
— §71 —
Les dévastations des Iconoclastes éloignèrent des novateurs
tous les callioliqucs, et le prince d'Orange se réfugia en
Allemaiine. Le commencement de Tannée 1567 fut siiiiialé
par l'émigration de plus de 100,000 des habitants les plus
riches et les plus actifs de la Belgique. Le 22 juin, !c duc
d'Albe entra à Bruxelles.
Sa conduite en Belgique jusqu'au moment de son retour
en Espagne, et l'insuccès de ses cruautés inouïes, sont des
faits trop connus pour avoir besoin d'être rappelés ici.
M. Borgnet les éelaircit avec l'exactitude la plus conscien-
cieuse (pag. hh à 65); la conclusion finale à en tirer, c'est
que la force est insuffisante pour dompter des peuples à
conviction ferme; que les gouvernements eux-mêmes doi-
vent tôt ou tard rentrer dans les voies de la légalité, et
que, si la force intérieure d'un pouvoir a été brisée, il
suffit souvent d'un événement insignifiant pour occasioner
une révolution. Cet événement fut la prise de la Bricle par
les Gueux de mer, qui ouvrit un refuge assuré à la liberté
de la Hollande et des autres provinces septentrionales ses
alliées. L'entretien d'une nombreuse soldatesque avait pour
résultat de grands besoins financiers. Les Etats ayant réussi
enfin à écarter l'impôt du 10'^ et du 20'' denier sur le
revenu, le 5" acte commence avec la dissolution en 1575
de l'armée espagnole, livrée à la mutinerie. Philippe II
depuis un an se montrait désireux d'avoir la paix (p. G5),
et le prince d'Orange gouvernait la Hollande et la Zélande
sous le titre de Stalhouder. Quand Kequesens successeur
modéré du duc d'Albe, mourut à Bruxelles, les États
généraux se trouvèrent en position, par une confédération
avec ces deux provinces, de rétablir l'unité de l'état, afin
de sauver la liberté en ouvrant en commun de nouvelles
négociations avec Philippe; mais le manque d'unité fit
échouer tout et conduisit définitivement à la séparation des
provinces du Midi et de celles du \ord. Dans cette période
— 372 —
la politique du prince d'Orange commença à se mieux
dessiner; l'auteur la présente dans son vrai jour, briève-
ment il est vrai, mais sans omettre néanmoins aucune entre-
prise importante (pag. 67 à 100). Jusqu'au dernier moment
le prince resta fidèle à sa première pensée : réunir les
catholiques et les protestants, c'est-à-dire le pays entier, au
moyen de la liberté religieuse assurée par le lien fédératif.
Mais Philippe une fois devenu impossible, qui devait être
souverain? C'était là une question insoluble.
Les États généraux s'étaient dès lo7G emparés du gou-
vernement, après avoir mutilé le Conseil d'état tel que
Philippe l'avait constitué. Le prince d'Orange jouissait du
plus grand crédit sur cette assemblée, La Pacification de
Gand devait frayer la voie à une réconciliation avec Phi-
lippe; mais la tentative d'un accommodement avec le frère
naturel de Philippe, don Juan d'Autriche, échoua par la
duplicité de ce dernier. Le gouvernement de l'archiduc
Mathias, jeune prince de dix-neuf ans, qui fut placé sous la
tutelle du prince d'Orange, et qui avait à côté de lui ou
plutôt au-dessus de lui des Étals généraux omnipotents et
un Conseil d'état composé d'amis de Guillaume, ce gouver-
nement, disons-nous, ne se maintint pas. Après sa victoire
remportée à Gembloux sur l'armée de ses ennemis, don
Juan aurait pu reconquérir toute la Belgique; il hésita, et
ce plan fut après sa mort inattendue, en 1578, poursuivi
par Alexandre Farnèse, fils de Marguerite de Parme. Guil-
laume et le protestantisme avaient dans les provinces mé-
ridionales, et surtout dans les provinces wallonnes, trop
d'adversaires; le duc d'Arschot, de la maison de Croy,
travailla surtout contre le premier, et les États généraux
présentèrent encore la souveraineté à des princes étrangers,
au duc d'Anjou entre autres, ce frère insignifiant du roi
de France, Henri IIL
Guillaume sut, il est vrai, faire échouer momentanément
— 373 —
loules ces tentatives; il n'obtint cependant pour lui-même
que la dignité de Ruwai-t (Ruhcivart) en Brabant. Le ca-
ractère intolérant de l'Union proteslante d'Utrecbt (1578)
acheva la rupture. La révolution de 15G6 ne resta victo-
rieuse que dans les provinces du Nord; la Belgique s'ache-
mina vers une restauration ménagée par le traité d'Arras,
que des députés de la noblesse et du clergé conclurent en
1579 avec don Juan, et qui fut accomplie ensuite par les
talents militaires d'Alexandre Farnèse. Il fallait acheter
maint personnage politique.
Guillaume vit alors que la cause nationale ne pouvait
être sauvée qu'au moyen de secours étrangers, et il con-
seilla lui-même le choix du duc d'Anjou (1580); mais ce
plan échoua encore. L'élu déplut au pays, et la position
qu'on lui avait faite lui déplut à lui-même. Quand ensuite
les Etats généraux offrirent la couronne à Henri III, celui-ci
la refusa. Guillaume fut proscrit par Philippe et tomba en
1585 sous les coups de Balth. Gérard. L'indépendance de
la Hollande était assurée; quant à la Belgique, le récit de
sa soumission ne présente pas un bien grand intérêt. Le
règlement de ses destinées fut réservé à la diplomatie, et
toute énergie nationale disparut. En 1598, quand Albert
et Isabelle prirent possession de ces provinces qui venaient
de leur être cédées, les représentants du pays, par un
implacable absolutisme, ne furent pas même autorisés à
dire un dernier mot en faveur de la liberté mourante.
Ainsi se termina ce procès politique entre un peuple
libre et son souverain. Quiconque lira l'exposé qu'en a fait
l'ingénieux historien félicitera le pays qui le possède, et
l'époque elle-même d'avoir été traitée comme elle l'a été
par lui.
L. ^^^\Rl^Ko^'lG.
37 i
Uc5tC0
D'AUCUITECTURE CIVILE PRIVÉE DU MOYEX-AGE
A GAND.
(Xive ET XV« siècles).
Avec celte sagacité qui lui est propre en matière d'his-
toire de l'Art, M. Schayes nous a donné en peu de mots
dans son dernier ouvrage (i) quelques idées générales bien
claires, bien nettes sur le caractère véritable de notre archi-
tecture civile privée au moyen-àge. Dans nos villes, même
les plus riches, les plus industrieuses, comme Gand, Bru-
ges, Liège, Louvain, Ypres, la bourgeoisie et les artisans
habitaient, à peu d'exceptions près, de misérables demeu-
res, construites la plupart en torchis et en bois. II n'était
réservé qu'à de grandes et puissantes familles, à d'opulents
patriciens, de résider dans des maisons bâties en pierres et
en briques et auxquelles, pour ce motif même, nos ayeux
donnaient le nom de stcenen (2). Encore ces édifices, quoi-
que au-dehors d'un aspect imposant et grandiose, u'offraient-
ils le plus souvent, à l'intérieur, qu'une succession de salles
grandes et nues, de réduits repoussants et de couloirs som-
bres, mal commodes, souvent insalubres, dont on voudrait
(1) Histoire de l' Architecture en Belgique, lY, 80-90.
(2) En Frise slins.
A Van rien Evnfl<; bel
Cn.Onôhena 3c
RESTES D'ARCHirECTURE CIVILE PRIVEE DES XIV! ET XV! SIECLES
A GAND .
_ 373 —
à peine aujoiircrimi pour corps-de-gardos. Sous le rapport
du confort et des aisances de la vie, nous n'avons donc rien
à envier à ces dispositions architectoniques des maisons de
nos ancêtres. Rudes et grossiers pour eux-mêmes, ceux-ci
mettaient surtout leur orgueil dans la construction de
leurs imposantes cathédrales, de leurs hospices et hôpitaux
si largement dotés, de ces hauts beffrois où bourdonnait
tour à tour la cloche d'alarme et de réjouissance, de leurs
magnitiqucs hôlels-de-villc enfin, tous monuments symbo-
liques qui témoignaient à la fois de leur attachement à la
religion, de leur sollicitude pour les pauvres et les mal-
heureux, de leur respect pour les libertés communales,
qui faisaient surtout leur grandeur.
L'aspect actuel de nos villes ne saurait au reste donner
une idée de celui qui leur était propre autrefois. En effet
la plupart des habitations étaient composées d'un seul étage,
en général assez médiocrement élevé; les moindres édifices
un peu apparents, tels que : églises, maisons de (jildes et
de corporations, hôtels consulaires, abbayes, chapelles de
couvents, bourses, greniers d'abondance, salles de justices,
devaient facilement dominer les autres constructions civi-
les et se faire remarquer par leurs proportions plus vastes.
Il n'est donc pas étonnant qu'en voyant ces édifices relati-
vement sX considérables, ces tours si hautes en comparaison
des chétives bâtisses qu'elles semblaient écraser, des écri-
vains même très-judicieux, comme Louis Guichardin, se
soient longuement extasiés à la vue de nos villes toutes
hérissées de pareilles constructions.
A mesure que le bien-être matériel, fruit de l'industrie,
du commerce et d'un usage mieux tempéré de nos fi'anchises
communales, se développait dans nos grandes cités, l'archi-
tecture civile privée se modifiait aussi profondément, et à
la place de misérables habitations de bois et d'argile, cou-
vertes de chaume ou de paille, source de tant d'incendies
— S78 —
dans nos cilés au nioyen-àge, on vit les constructions en
pierre se généraliser pour toutes les classes de la société
et donner ainsi graduellement aux villes l'aspect extérieur
plus grandiose qu'elles ont aujourd'hui.
« A Gand, à Bruges, à Ypres, les steenen, dit Monsieur
Schayes (i), étaient bâtis avec tant de solidité qu'ils pou-
vaient servir, comme les palais des villes libres d'Italie,
d'asile et de lieux de défense à leurs nobles possesseurs
pendant les émeutes populaires qui bourdonnaient dans les
rues. » Des nombreuses constructions de ce genre qui exis-
taient autrefois à Gand, bien peu sont restées debout. Un
des steenen les plus curieux, connu sous le nom de Uuten-
hove-steen, était situé au Marché du Vendredi. 11 ne fut
démoli qu'en 1839. M"" Ph. Blommaert en a donné une
bonne description dans le Messager des Sciences, 1839,
p. ISo. Dans la rue aux Vaches on remarque encore une
vaste construction carrée, flanquée de grosses tours aux
trois quarts engagées, c'est la Grande Amende, type resté
assez entier de cette architecture moitié civile, moitié mili-
taire, qui hérissait nos anciennes cités. Du Serbraem-steen,
rue Basse, où retentit si souvent la voix impérieuse de
Ryhove, pendant les Troubles religieux qui désolèrent la
ville de Gand au XVI" siècle, on ne voit plus à l'extérieur
que des vestiges, sans caractère architectural particulier;
aujourd'hui on a taillé dans le vaste hôtel du fougeux tri-
bun, rival d'Iïembyze, une dixaine d'habitations bour-
geoises d'un parfait confort. Enfln nous citerons encore
le Gérard Dievel-steen, grand et sombre bâtiment carré,
situé sur un bras de l'Escaut, au quai du Reep, et qui
doit sans doute à sa position au bord de la rivière
d'être resté si longtemps respecté. Cet édifice appartient
au XIV" siècle.
(1) JJistoiic de l'Arcliikvture en lielf/ifjue, p. 85.
— â77 —
Mais pendant que ces vieux témoins d'un autre âge dis-
paraissent un à un, lentement et sans que leur chute étonne,
laissant à peine des traces d'une époque à la fois rude et
puissante qui déjà est loin de nous, il est cependant une
partie de notre ville qui conservera longtemps encore sa
physionomie primitive et où l'on retrouvera toujours l'an-
cien Gand, tel qu'il existait aux temps les plus reculés du
moyen-âge. Nous voulons pai'lerdes vastes souterrains qu'on
remarque dans le voisinage des rues Ilaule-Porte, Basse,
Marché au Beurre, Nederpolder, S'-Jean, etc. Là rien n'a
été changé, comme nous l'avons dit dernièrement dans un
autre recueil (i); caves creusées dans le sol, souvent profon-
des et tortueuses comme des catacombes, voûtes hardies,
soutenues par de gros piliers à frises grossières, murailles
épaisses, destinées à défier les ravages de l'humidité et du
temps, tout nous y est témoin de la solidité avec laquelle
nos ancêtres construisaient les édifices de quelque impor-
tance. Bien rarement ces caves ont été défoncées et alors
même que les maisons auxquelles elles appartenaient,
étaient divisées, réparées et dix fois reconstruites, on trou-
vait leurs fondements trop bien établis pour songer à leur
en substituer d'autres. De là ces traditions de passages
souterrains, de cachots, d'oubliettes, qui se rattachent aux
édifices privés et publics de plusieurs de nos anciennes
rues; de là ces vestiges de grandeur que l'on remarque
dans un nombre considérable d'habitations, mêmes de
mince apparence extérieure. Parmi ces souterrains nous
signalerons particulièrement ceux qui s'étendent encore
aujourd'hui sous l'antique pâté de maisons qui occupe le
coin des rues du Uefuge et de la Ilaute-Porte, vis-à-vis du
Sablon (2).
(1) Annales ilc la Société royale des Beaux-Arts, 111, 328.
(2) Dans une ilc ces caves a été trouvée dernièrcmcnl une antique lampe en
bronze décrite dans les Annales citées, III, 528-550.
— S78 —
D'autres restes d'anciennes constructions, souvent très-
intéressants pour l'histoire de l'Art, sont encore éparpillés
dans notre ville; mais masqués par des édifices modernes
ou par de vieilles murailles, on ne connaît pas toujours leur
existence. Lorsque du haut de la tour de la cathédrale de
S'-Bavon ou du Beiïroi, on plonge le regard dans ce capri-
cieux labirynthe de bâtisses de toute dimension, de tout
âgCj on découvre de temps en temps, dans une arrière-
cour, dans le coin d'un jardin ou au milieu de maisons
élevées récemment, des débris oubliés d'une architecture
qui n'oiïre plus aujourd'hui qu'un intérêt de curiosité, mais
que le propriétaire n'a pas toujours, qu'on veuille bien le
croire, conservés par amour pour l'Art.
La planche jointe à cet article reproduit un des restes
les plus remarquables de ce genre. Ces jolies constructions
sont cachées aujourd'hui d'un côté par les bâtiments de
l'hôtel du comte de Thiennes, rue Haute-Porte, et de l'autre
par une sombre et triste maison, qui occupe toute la partie
droite de la rue du Refuge et dont les fenêtres bouchées, la
façade mal-propre et l'état de délabrement général n'ont
rien qui puisse exciter l'attention. C'est dans la cour de
cette maison que s'élèvent les deux tours figurées sur le
dessin de M. Ongheua.
Ni Sanderus, ni Diericx, ni le commentateur de Marcus
Van Vaernewyck, ni Voisin, n'ont pu nous apprendre la
destination de ces constructions, qui n'appartiennent com-
plètement ni à l'architecture religieuse, ni à l'architecture
civile privée. La tradition populaire, cette dernière source
de la vérité, quand toutes les autres manquent, nous
apprend que c'était là le Refuge de S'-Bavon, c'est-à-dire
l'endroit où les religieux de cette abbaye cherchèrent un
asile à l'époque des Troubles du \^ !'■ siècle. Mais celte
opinion ne peut avoir aucune valeur, d'abord parce que
cette abbaye fut sécularisée et supprimée plus de vingt ans
— 379 —
avant les désordres des Icoiioclasles, ensuile parce que ce
monastère, sur remplacement duquel Charles-Quint fit
élever la citadelle dont nous voyons encore des parties,
ayant été fondé dans la ville de Gand même, ses moines
n'ont jamais eu besoin d'un refurjc dans l'acceptation propre
que l'on donnait communément à ce mot.
On sait que de temps immémorial la plupart des puis-
santes abbayes du plat pays avaient dans nos grandes cités
des espèces de pied-à-terre, qui s'appelaient hostellerie ou
cantine, en flamand herberr/e. Là prenaient gite les reli-
gieux des deux sexes qui étaient obligés de se rendre en
ville, ou bien les personnes laïques qu'ils y envoyaient
pour leurs affaires. Car il n'était pas facile de trouver
alors, même au sein de nos industrieuses cités, un loge-
ment sur, commode et surtout décent pour des personnes
ecclésiastiques. A des époques de troubles et de guerres
intestines, d'épidémies, de calamités publiques, quand l'in-
cendie, la peste ou le pillage menaçait les couvents du plat
pays, les moines allaient chercher un asile momentané
dans leur hostellerie.
Après les dévastations des églises et toutes les horreurs
impies qui ensanglantèrent l'année loGO, la plupart de ces
hostelleries servirent, comme on le pense bien, de Refuge
aux moines chassés partout de leurs paisibles retraites.
Ceux-ci voyant leur sécurité menacée pour longtemps en-
core, finirent souvent par y établir définitivement leur
résidence. Nous citerons entre autres les religieux de Bau-
deloo, au pays de ^^'aes, qui vinrent se fixer dans Vhostel-
lerie déjà fort considérable, qu'ils possédaient dès le milieu
du XW" siècle près du fossé d'Olton (i).
Les hostelleries des abbayes de Ninove etd'Eename étaient
(I) Aujoiinl'liiii la fiililiotlièquc publique et rAthcnOc royul. Dicricx, 3fc-
inoircs, II, 197.
— 380 —
situées près de Téglise de S'-Bavon. Leurs religieux y firent
un assez long séjour à l'époque susmentionnée. Les cou-
vents, connus à Gand sous le nom de Waerschoot, Oost-
Eecloo, Deynze, etc., étaient d'abord établis dans les loca-
lités de ce nom et n'arrivèrent en ville qu'après 156G.
On nous dira que l'abbaye de S'-Bavon par sa proxi-
mité de la grande cité dont elle faisait réellement partie,
n'avait pas besoin de semblables pied-à-terre. Mais nous
ferons observer que située sur la partie du territoire du
comté de Flandre qui, au moyen-âge, relevait de l'Empire
d'Allemagne, elle devait faire, comme nous dirions aujour-
d'hui, élection de domicile sur la territoire en-deca de l'Es-
caut, qui relevait du roi de France pour passer certains
actes qui, à cette époque, y auraient été sans valeur sans
cette formalité. Ensuite ces religieux qui étaient riches et
puissants, recevaient à chaque instant des étrangers de dis-
tinction (comme l'attestent les chroniques et les éphéméri-
des de ce monastère), que leur règle leur défendait déloger
dans l'enceinte de l'abbaye, et à qui il convenait cependant
d'assurer un gite honnête. Un incendie, des inondations,
des catastrophes quelconques pouvaient les forcer à s'exiler
momentanément de leurs bâtiments conventuels. Enfin plus
d'une fois, pendant le moyen-âge, l'interdit ou l'excommu-
nication frappait tour à tour, comme on le sait, l'Em-
pire ou le royaume de France et par conséquent aussi les
grands fiefs qui en relevaient. Dans de telles conjonctures,
lorsque c'était l'Empire qui était sous le coup de l'ana-
ihème ecclésiastique, l'abbaye de S*-Bavon avait un intérêt
réel à avoir toujours, dans l'autre partie du comté, une
retraite où elle pouvait continuer à se livrer aux prati-
ques du culte catholique sans enfreindre la discipline de
l'Eglise. Ces différents motifs suffisent pour établir que cet
antique monastèi'c a pu posséder une hosUileric ou can-
tine, au centre de la ville de (Jand et que, par assimilation,
— S8I —
on a donne à cette construction le nom de Reftifje (i).
D'après une autre tradition, ces restes feraient partie
de Tancien Steen des Rym, une des plus riches et des plus
puissantes familles patriciennes de la ville de Gand, d'où
sont sortis un grand nombre d'hommes recommandablcs
par leurs talents et leur science; nous citerons entre autres
Charles Rym, seigneur de Bellem, conseiller de Philippe II
et son ambassadeur près de la porte Ottomane (2). Selon
cette tradition, ce Steen occupait tout le carré formé par
l'hôtel du comte de Thiennes, la rue du Refuge et le pro-
longement de la rue des Rcgnesses ou Rynyasse, dont la
dénomination aurait été empruntée au nom de la famille
Rym. Ce qui est demeuré debout de cet édiflce n'est point
cependant de nature à confirmer cette tradition. Nous allons
entrer dans quelques détails à cet égard.
Les restes dont se composent les constructions qui nous
intéressent ici, paraissent appartenir à deux époques d'ar-
chitecture bien distinctes. La petite tour ronde à laquelle
est adhérente une muraille couronnée d'une espèce de cré-
neaux ou dentelure peu profonde, est, tout comme cette
muraille, bâtie en briques rouges et divisée en quatre
tronçons; elle était autrefois éclairée par de petites fenê-
tres carrées. Cette partie parait appartenir au commence-
ment du XIV'' siècle, et offre sous ce rapport un spécimen
de construction civile privée fort curieux. La grande tour
qui se termine en plate-forme et le joli édifice, en forme
de chevet de chapelle, soutenu, comme on le voit sur le des-
sin, par des arcades ogivales ouvertes, annonce une archi-
tecture plus récente, probablement de la fin du X^"'^ siècle.
Plusieurs édifices bâtis à Gand vers 1400 portent le même
(1) Nous ne savons sur quel fondement on a urétemlii que le refuge de
S'-Bavon occupait au contraire le côlé opposé de la rue du Refuge, doijl les
consiruelions atlcstent aussi une haute antiquité.
(2) Voyageurs lidfjcs, 1,31.
— obi —
cachet, entre autres les deux tours du Rabot et la tourelle
servant de corps-de-garde à la porte de Bruxelles. Ces par-
ties sont bâties en grandes pierres blanches, dites de Ben-
theni, de la même espèce que celles dont a construit la
cathédrale de S'-Bavon.
Celle tour est surmontée d'une sorte de campanille octo-
gone, qui date de I06G, si nous en croyons le millésime
sculpté sur la boiserie qui tapisse Tintérieur de ce petit
Belvédère. Les arcades, figurées à droite sur la gravure ont
été bouchées; mais leurs colonnes, aujourd'hui engagées
dans la muraille, annoncent qu'elles sont contemporaines
de la grande tour et de la chapelle. L'espèce de galerie
ouverte sous la chapelle forme un lavacrum ou lavatormm,
autour d'un puits d'une extrême profondeur, qu'on y voit
encore et d'où on extrait l'eau au moyen d'un bac dont la
corde glisse sur une poulie. Celte intéressante construction
a une grande analogie avec le puits de S'-3,ïacaire qui existe
à la plaine du Château des Espagnols (ancienne abbaye de
S'-Bavon). La clé de voûte de ce lavacrum représente une
figure de Christ, très-bien conservée. A droite delà grande
tour, on entre dans une belle salle de 24 pieds de longueur
sur 50 de largeur, dont le plafond en bois est soutenu par
deux grosses poutres en chêne, ornées de moulures, et dont
les quatre aiguilles qui reposent sur le mur, sont sculptées
et représentent quatre évêques, parmi lesquels S'-Augustin
et S'-Ambroise; ces sculptures exécutées très-délicatement,
ont été autrefois enluminées. Deux caves, à voussnre très-
élevée et placées l'une au-dessous de l'auire, sont creusées
sous la tour et semblent faire suite à une série d'autres
souterrains. On y arrive par un large escalier tournant, en
pierres, qui monte jusqu'au sommet de la plus haute tour
et conduit, à droite et à gauche, aux nombreuses cham-
bres, petits réduits et couloirs qui font encore aujourd'hui
de cet édifice un ensemble hybride, projjre à nous donner
une idée assez complète de l'habitation de nos pères.
— §8B —
Dans la parlie que nous regardons comme une cliapelle
ou oratoire, on remarque encore aux fenèlres des volels
dont la boiserie et la ferraille annoncent un travail du
XV^ siècle. La même ornemenlalion se montre dans d'au-
tres endroits de celte antique habitation.
En examinant une partie de rintérieur de riiôtel du
comte dcTIiiennes qui y est contigu, nous croyons pouvoir
tirer la conséquence que toutes ces constructions étaient
autrefois homogènes et ne formaient qu'un seul édifice;
nous voulons parler des arcades ouvertes, placées sous le
porche d'entrée de cet hôtel et qui sont de la même archi-
tecture que les celles représentées sur le dessin. Cette cir-
constance nous fait supposer que ces arcades formaient
autrefois une parallélogramme autour d'une cour ou préau,
dans un des coins de laquelle on voyait les tours et la cha-
pelle décrites plus haut; c'était là au reste les formes archi-
tectoniques ordinaires des steenen qu'on trouvait encore à
Gand, Bruges et Vpres au commencement du XVP siècle (i).
En résumé, si d'un côté les emblèmes religieux que nous
remarquons dans ces curieux restes d'architecture, nous
font supposer que cette bâtisse a été construite pour des
besoins religieux, nous devons avouer d'autre part que la
disposition de certaines parties de l'édifice annonce plutôt
une destination civile.
Quoiqu'il en soit, hostellerie de S'-Bavon ou steen de la
famille Rym, il est certain que cet édifice, sauf les parties
reproduites par la gravure, fût en grande partie reconstruit
vers 1366, c'est-à-dire plus de vingt ans après la séculari-
sation de l'abbaye de S'-Bavon, transformée en chapitre
cathédral et auquel par conséquent il ne pouvait plus servir
alors d" hostellerie, cantine, refufje ou herberrje. Les façades
de cette maison qui donnent dans les rues du Refuge et des
(1) ScHAYES, cilé, IV, p. 86, note 1.
— S84 —
Ilegnesses, si délabrées qu'elles soient, portent évidemment
le cachet de rarchiteclure de celte époque.
Comme nous n'avons pas d'éléments suffisants pour nous
prononcer sur la véritable destination de ces constructions,
nous aimons mieux abandonner la solution de cette ques-
tion à de plus sagaces que nous, pensant que la descrip-
tion de ces restes architectoniques d'une autre époque ne
seront pas sans intérêt pour l'histoire de l'architecture en
Belgique.
Nous terminerons en disant que la vue reproduite ici est
prise de la partie de la cour de l'hôtel dcThiennes, à la-
quelle les arcades, figurées sur le dessin, font face.
Jules de Saint-Genois.
— 386 —
notice l)i5tDrique
SDR
L'ANCIEN CHÂTEAU DE BOURGOGNE,
A AUDENARDE.
Une observation qui ne peut écliapper à celui qui par-
court avec attention les pages intéressantes de notre his-
toire nationale, c'est que pendant nombre de siècles, le
principe de centralisation gouvernementale, vers lequel
tendaient la plupart des nations voisines, ne se fît jour
ni dans les mœurs, ni dans les institutions de notre pays.
Les différents peuples qui s'en rendirent successivement
les maitres, y déposèrent tour à tour leur élément étran-
ger; puis, dégagés de tout contrôle, livrés à eux-mêmes,
nos ancêtres n'eurent entre eux que des rapports constam-
ment hostries, et les grands centres de population en s'as-
sociant à ces querelles intestines, rendirent longtemps leur
fusion nationale impossible (i).
L'avènement des Ducs de Bourgogne au trône de Flan-
dre fut une époque mémorable pour le développement
politique de notre nation. — Philippe le Hardi, premier
(1) Voir à ce sujet un article remarquable de M. Borgnet, inséré dans les
BuUclins de l'Académie royale des Sciences, des Lettres, etc., de Belgique,
tome XIV, p. ÎJ2i).
28
— 386 —
chef de celte maisoD, osa le premier introduire parmi nous
un système de centralisation gouvernementale, vaste et
difficile projet, qu'il n'eut pas la gloire de voir se réaliser
de son vivant, mais dont ses successeurs poursuivirent
l'impulsion avec une persévérante activité. La trop grande
étendue du pouvoir populaire, source de toutes ces cala-
mités déplorables, auxquelles nos belles provinces avaient
été si longtemps en proie, éveilla d'abord toute son atten-
tion. Mais avant que de songer à attaquer le mal dans sa
racine, il fallait en imposer militairement à cette masse
factieuse des grands centres de population de la Flandre
et du IJainaut, et opposer une digue insurmontable à leurs
débordements sans cesse renaissants. C'est dans ce but
qu'il fit construire un vaste réseau de chàleaux-forts sur
les différents fleuves en communication avec les principaux
foyers d'insurrection, à Ypres, à Nieuport, à Courtrai, à
Bruges, etc.
Une telle résolution était d'ailleurs la conséquence iné-
vitable du système d'attaque auquel il fallait faire face, les
fleuves étant jadis les voies de communication les plus
commodes et que suivaient tout naturellement les popula-
tions dans leurs courses dévastatrices.
A cette époque, la ville d'Audenarde, eu égard à son
importance stratégique, ne présentait point de défense
suflisante à sa sûreté. Les ouvrages d'art dont les éche-
vins l'entourèrent en 1290, pour s'opposer aux vues am-
bitieuses de la France, n'avaient pu arrêter, à plusieurs
reprises, les incursions désastreuses des Gantois. — Un
point important était complètement ouvert : c'était l'extré-
mité septentrionale de la forteresse où l'Escaut interrom-
pant la ceinture des ouvrages, laissait ses abords sans
obstacles, et offrait à l'assiégeant toutes les chances d'une
surprise nocturne. Celte surprise était d'autant plus à crain-
dre que les Gantois, malgré leur soumission récente (paix
— S87 —
de Tournai), étaienl loin d'être domptés. D'un coup-d'œil,
Philippe comprit la faute du magistrat, et, sans perdre de
temps, il prit des mesures pour épargner à la ville, dans le
cas d'une nouvelle rupture de la part des bourgeois de
Gand, le retour de si affreux désastres.
Dans ce but, il fit élever (en premier lieu, croyons-nous),
sur la rive gauche de l'Escaut, entre l'angle que forme ce
fleuve et son embranchement qui le rejoint, et en deçà de
l'enceinte des murs, une vaste tour carrée, coupée par le
haut en créneaux, et percée dans ses flancs, par de larges
meurtrières. Il lui donna le nom de Tour de Bourgogne.
Cet ouvrage ne servit que de préliminaires à une plus
grande entreprise. Soit que le duc le trouvât insuffisant
pour le rôle auquel il le destinait, soit qu'il voulut ména-
ger à la ville, dans le cas d'une prise, un dernier et vi-
goureux retranchement, il construisit sur l'autre rive, le
chàteau-fort auquel nous allons consacrer quelques faits
purement historiques (i), et dont les vicissitudes égalent
les destinées diverses que la ville d'Audenarde eut à par-
courir.
Cette forteresse fût bâtie en 158o (2), la seconde année
de l'avènement de Philippe le Hardi au trône de Flandre,
et reçut successivement diverses dénominations, dont voici
les principales :
Château de Bourgogne, du nom du fondateur.
Nouveau Château, par opposition au château construit
(1) Plusieurs de ces faits, inconnus jusqu'ici, nous ont été fournis par
M. Van Lerbcrghc, arcliivisle-bibliolhécaire de la ville d'Audenarde. Nous
lui en témoignons ici toute notre reconnaissance.
(2) Int selve jaer (1585), hecft liertoghe Philips lAudenarde doen maekcn
cen castecl te<;en die van Client ende van Ilenegauwc, liet zclve casieel lig-
gende op de sclielde die licelen wy hrl nieuw Castcel, naer den slicliler lieel,
als noch vvn van den torren, den bourgoynsclien torre, als gestielil van lier-
toghe Philips van Bourgoynden; den andercn terre licet de Perre.
(Chronique MS''', f» 83).
— g88 —
par Baudouin VI de Mous, et qui avait perdu toute l'im-
portance de sa destination primitive.
Château de la Ville, pour le distinguer du château des
barons de Pamele.
Château Royal, probablement depuis le séjour de Charles-
Quint ou de Philippe II.
La première dénomination prévalut jusqu'au remanie-
ment général de rédilîce, opéré en 1617 pour servir de
demeure aux gouverneurs de la ville; alors il fut appelé
Gouvernement.
A en juger par les traces qui nous en restent, sa forme
primitive était un carré régulier muni de fortes murailles,
faisant face à la tour de Bourgogne, située de l'autre côté
du fleuve (i). Dans la suite, Philippe le Hardi, ou ses
successeurs, dans le but d'y fixer de temps en temps leur
domicile, y donnèrent sans doute une extension plus con-
sidérable, eu la modelant sur la forme de la plupart des
châteaux-forts du moyen-âge. Alors le carré primitif, dont
les murailles colossales existent encore en leur entier,
servit de donjon, et était précédé d'un corps de logis. Une
cour ou bayle intérieur était ménagé entre les deux édifi-
ces. Le tout présentait une enceinte d'un carré oblong,
flanquée à chaque angle d'une tour cylindrique ayant quatre
mètres de diamètre. Des fossés larges et profonds en dé-
fendaient l'approche de trois côtés; l'Escaut protégeait le
quatrième. Une galerie crénelée couronnait l'édiûce, et
communiquait avec la tour de Bourgogne au moyen d'un
pont parfaitement couvert et pour ainsi dire suspendu
(1) Betaelt Picter de Wenne ende zynen ghescllen Lem vyfstere van dat
zy thijs gebrokcn hebben dwecrs dcr schcldcn tusschcn dcn nij'ciccn casteele
en de buurf/onsche lorre
(Comptes de la ville, année 1313).
Ce passage trace nettement la situation de la tour de Bourgogne. C'est
donc par erreur que M. Van Cauwenberghe, dans ses Lettres sur l'histoire
d'Audenarde, page 281, la suppose placée sur un des angles du château.
— S89 —
au-dessus du fleuve. Celte tour était couiine un ouvrage
avancé, une espèce de tète-de-pont devant la face septen-
trionale de l'Escaut, et condamnait rennemi à une première
attaque, après laquelle il était obligé de faire celle du châ-
teau. De cette manière, ces deux constructions se prêtaient
une mutuelle assistance. En temps de trouble, une grosse
poutre était mise transversalement sur le fleuve, et atta-
chée, au moyen d'une chaîne, d'un côté, au mur du châ-
teau, et, de l'autre, à celui de la tour de Bourgogne (i).
Cette barrière contribuait puissamment à la défense de ce
côté, en même temps qu'elle mettait obstacle aux tentati-
ves de fraude en matière d'octroi (2).
Le commandant du château et de la tour de Bourgogne
avait le titre de capitaine; son autorité n'était point sou-
mise à la juridiction échevinale. Il la tenait directement
du souverain. Avant d'entrer en charge, il prêtait serment
(1) Belaelt Joos Daelman, vande kelcne ondcr den nieuwcn castcele en dcn
boom, elc dagen up ende neder te laten, slutcnc ende ontdoeue zichten dcn
overlydcn van den coninc van Castillieu, van XIII ^^ekcn, te X seii. par
weke VI lib. X sch.
(Comptes de la ville, année 1506).
(2) Un passage du registre aux rentes de l'année 1337, nous apprend qu'il
existait à cette époque une tourelle sur le point de réunion de l'Escaut, appelé
bce, avec son embranchement principal. — Dans la suite, il n'en est plus
fait mention, comme il arrive pour les autres tours de la ville, soit pour leur
cntretion, soit pour leur bail. — Il est permis de croire qu'elle élail la même
que celle désignée dans la chronique manuscrite sous le nom de Perie, et qui
a donné son nom ù une grande partie du terrain avoisinaut. — Construite
probablement dans l'intérêt de la défense de ce point, mais trop faible et
trop isolée à cet effet, et devenue inutile par suite de la construction du gros
donjon de Bourgogne, elle aura été démoTic peu après. — Voici le passage en
question : Willem Lanctal nam in t' jaer LVIJ, le Sinte Andries daghc, den
torre in den bec, van kcrsavonde dar nast VI jaer lanc, ende alloes morhten
schepcnen hem dcn pacht onitvarven, ende oec den torre orboren, al ivondi dar
in, elc. La ruelle adjacente appelée aujourd'hui Pcrrcsiraelje, était autrefois
connue sous le nom de Decstraele. Il ne peut donc être question ici de la tour
située prés de la porte des Prairies, à l'endroit où l'Escaut et la branche qui
s'en détache, forment également un angle.
— 390 —
entre les mains du gouverneur et capitaine-général des
Flandres. Parmi les franchises attachées à ce poste, nous
mentionnerons celle qui l'exemptait des droits d'accises
sur la bière et le vin consommés au château (i).
La destination toute militaire de cette forteresse n'ex-
cluait point certains embellissements, et la magnificence
qui présidait aux palais ducaux, permet de croire que,
quand le besoin appelait nos anciens souverains à Aude-
narde, ils y trouvaient un séjour aussi splendide que bien
assuré.
Le premier fait remarquable qui se rattache au château,
est le séjour prolongé qu'y fît Jean sans Peur, successeur
de Philippe le Hardi. Le la avril UOo, jour de son inau-
guration au trône de Flandre, le nouveau duc reçut à Gand
une députalion qui lui soumit entre autres demandes, celle
de fixer sa résidence habituelle en deçà de la Lys. Le
prince répondit à la requête qu'il consentait à tout, et
choisit la ville d'Audenarde pour son séjour définitif. C'était
en quelque sorte une récompense réservée à la fidélité que
les habitants de cette ville avaient toujours montrée envers
leur souverain; mais en réalité, c'était un moyen de conju-
rer le danger qu'il encourait en séjournant au milieu d'une
population turbulente.
(1) Item betaelt Jacop Meeren ende zyne ghesellen als onghelJers van den
wyne van den jaere verleden, van zekere quantiteit van amen wyns die myn-
heere de Capitaine van den casteclc, ons gheduclite hcere te Pamele, voor zyn
slete enJe dispense in fsclve casteel gliedispenseert, heft van den baefmesse
LXVIIJ, totdenbaefmesse LXIX XX Z-.
(Comptes de la ville, année 1469).
Le capitaine recevait en outre une rénumération annuelle de soixante livres
parisis, pour les services qu'il rendait à la ville, en prohibant tout débit de
boissons au château :
Item betaelt mynen hcere den grave van Hoogstraten, capitain van den
casteele deser stede, enz., van dat hy geen wyn nochte hier, noch cok saete
en stcll int voorschrevcne casteel enandcrsins in danckbacricheden. . . LX L.par.
(Id. année 1545).
— 891 —
Le duc tint promesse. Peu de temps après son inaugu-
ration solennelle, il vint à Audenarde prendre possession
du Nouveau Château, en présence d'une foule nombreuse
accourue de tous côtes pour le saluer sur son passage. Son
épouse, Marguerite de Bavière, ne larda pas à Ty suivre.
Là ne se bornèrent pas les faveurs dont Jean sans Peur
combla les habitants. La chambre de justice et le conseil
du duc, appelé Grand Conseil de Flandre, furent alors
distraits de la cour des comptes à Lille , et transférés à
Audenarde. La plupart des chroniqueurs, eu mentionnant
ce fait, ne marquent pas Tendroit où la cour tint son siège.
Mais il n'est pas permis de douter que ce ne fût au château
de Bourgogne. C'était à celte époque la plus vaste construc-
tioQ de la ville et la mieux appropriée à celte destination.
C'était là que le prince avait fixé sa résidence; c'était là
qu'il pouvait traiter commodément les intérêts publics et
rendre la justice avec le concours de tous les dignitaires
attachés à son service. Quoiqu'il en soit, cette double fa-
veur eût pour la ville les plus heureux effets. Une cour
nombreuse, montée alors sur un pied vraiment royal, un
concours de nobles et de hauts dignitaires, et par un heu-
reux enchaînement de circonstances, une activité indus-
trielle dont les produits naissants commençaient à éveiller
l'admiration et l'envie des nations voisines, tel était alors
le spëclacle qu'offrait la ville d' Audenarde.
Malheureusement, elle ne devait pas en jouir longtemps.
Environ deux ans après, Jean sans Peur fut entouré de
tant de prévenances et accueilli avec un tel enthousiasme
dans la capitale des Flandres, que le prince séduit, résilia
son engagement et alla y rétablir le siège de ses prédéces-
seurs.
Toutefois, l'affection particulière qu'il portait à la ville
d'Audenarde, ne put lui faire oublier entièrement son an-
cien séjour. On trouvera plus loin, dans la liste de nos au-
— 892 —
cieus souverains qui ont séjourné au château, les diffé-
rentes époques auxquelles il revint habiter son manoir
féodal.
Le fils de Charles VII, depuis Louis XI, en révolte
ouverte avec son père, vint, quelque temps après, y cher-
cher un asile (i). Philippe le Bon, troisième duc de Bour-
gogne, sans approuver les projets criminels du Dauphin,
le reçut néanmoins généreusement dans ses états et pourvut
même à son enlretien.
Le 20 février 14-60, le fils rebelle arriva à Audenarde.
Il y fut reçu avec les honneurs dus à un prince du sang.
Tous les corps de métiers précédés de leurs bannières, le
conduisirent processionnellement au château^ où il séjourna
pendant plusieurs semaines (2).
Une chronique contemporaine rapporte que Charles VII,
piqué de cet accueil inespéré, laissa échapper cette saillie
à l'adresse de Philippe le Bon : « Le duc de Bourgogne
nourrit un renard qui mangera ses poules. » On sait de
quelle manière ces paroles prophétiques se réalisèrent dans
la suite.
En 1452, pendant le siège d' Audenarde par les Gantois,
l'énergique défense du château, commandé par le vaillant
capitaine Simon de Lalaing, seigneur de Montigny, fut le
salut de la ville. Une force numérique de trente mille hom-
mes, au rapport d'Olivier de la Marche, et une artillerie
considérable, pressaient la ville de tous côtés. Cinq bom-
bardes foudroyaient sans interruption les murailles du
(1) Vîtes et monuments d' Audenarde, dessinés et lithographies par F. Simo-
neau, accompagnés d'une description historique, par Jules Ketcle. In-fol. 1839.
Audenarde, imprimerie de Bevcrnacge frères. M. Ketele est le premier qui ait
appelé ratlcntion de ses compalriolcs sur le palais de nos anciens souverains.
(2) A une époque antérieure, il avait également séjourné à Audenarde; mais
il nous est impossible de préciser la demeure qu'il occupa. (Audenacrdsche
Mengclingen, uitgcgeven door L. Van Lerbcrghe, 11^ deci, p. 470).
— 393 —
château (i). Ou y fit si bonne contenance, que les Gantois
durent lever honteusement le siège.
En 1484", le même château cédait à la ruse. Deux écri-
vains, Olivier de la .Marche, et l'auteur anonyme d'une
chronique de Flandre, imprimée à Bruges, rapportent le
fait en détail; mais leur récit diffère totalement de celui
de la chronique locale, à laquelle nous nous rallierons de
préférence.
Marie, duchesse de Bourgogne, venait de mourir d'une
manière funeste à Bruges, laissant en bas âge deux en-
fants.
La régence fut vivement disputée; la Flandre se refusa
obstinément à reconnaître ÎMaxi milieu. Deux ans environ
se passèrent en contestations, lorsque Maximilien prit le
parti extrême de se faire reconnaître par la force. Après
s'être emparé de Termonde, l'archiduc se concerta pour se
rendre maître de la ville d'Audenarde. Il eut été impoliti-
que autant qu'aventureux de tenter cette entreprise par les
moyens ordinaires de la guerre. Les habitants d'Audenarde
en général, étaient fortement attachés à sa cause, mais ils
étaient dominés par une faction gantoise. Il fallait donc
éviter toute effusion de sang et leur épargner le désastre
d'un siège. D'un autre côté, Audenarde était devenue une
formidable place de guerre; en s'arrêtant donc longtemps
devant ses murs, Maximilien donnait aux Gantois le temps
d organiser leurs forces et d'accourir. Il recourut à un
stratagème.
Le château d'Audenarde était occupé à cette époque par
une garnison nombreuse. Deux autorités militaires y avaient
leur résidence : le capitaine Pierre de Mettenyc, récem-
(1) Dcn XV''" april (1452), schotcn die van Client vyf engiencn op licl eas-
leol, uni wekken mynhcer Siniocn oock dcdc sehieten.
(Chronique MS'S f» 106).
— B94 —
ment envoyé par le grand conseil de Gand, et Gaiilhier Van
Reclieni, préposé par la ville d'Audenarde comme gouver-
neur de la place. Ce dernier avait, à ce titre, la direction
suprême de tous les moyens de défense dont la ville dispo-
sait alors, et il lui était facile d'introduire furtivement un
corps de troupes étrangères dans Tenceinte de la place.
Maximilien, averti de cet état de choses, saisit le mo-
ment favorable pour tenter son entreprise. Il fit parvenir
secrètement à Van Rechem des lettres remplies de promes-
ses séduisantes. Le gouverneur, admis récemment dans la
bourgeoisie d'Audenarde, n'avait pu voir, sans en être
touché, les rudes épreuves auxquelles était soumise une
ville fidèle, par la cherté des subsistances , la stagnation
du commerce et les dures impositions d'une faction turbu-
lente. C'est assez dire que Maximilien le trouva entièrement
prêt à le seconder dans son entreprise.
Il fut convenu que l'Archiduc se présenterait devant le
château, la veille des Rois.
Le moment était habilement choisi. Les libations qui
accompagnent ces antiques saturnales et relâchent, d'ordi-
naire, tous les liens de la discipline, oflraient toutes les
chances d'une surprise nocturne.
Le o janvier 1485, vers minuit, Maximilien parut de-
vant Audenarde avec une escorte d'environ deux mille
hommes. Van Rechem se trouva à son poste. L'archiduc
prit les devants sur sa troupe et suivit le capitaine, qui lui
fit traverser la tour de Bourgogne, ainsi que le pont qui
communique de cette tour avec le château. Nul bruit ne se
faisait entendre, aucun obstacle ne se présentait à leur ren-
contre. Pourtant une crainte obsédait le prince : Philippe
de Clèves avait reçu l'ordre de se tenir en vue du château
et de l'entourer dès qu'il y serait entré; mais ce chef ayant
pris une autre direction, avait perdu les traces de son
maître et s'était avancé jusque sous la porte de Tournay.
— 895 —
Maxiinilien se voyant entouré seulement d'un petit nombre
(les siens, se crut un instant trahi. Mais bientôt rassuré, il
suivit les pas de Gauthier et parvint à Tintérieur du châ-
teau. Arrivé devant la chambre du capitaine endormi, le
gouverneur frappe sur la porte à coups redoublés, eu
criant : « Maximilien est sous les murs de la ville, le lais-
» sera-t-on entrer? » — « Comment, lui répond le capitaine
» avec surprise, livrer la ville à Tarchiduc sans l'autorisa-
» tion des bourgeois? non, jamais! » A ces mots, Maximi-
lien, transporté de fureur, pousse la porte avec une telle
violence, qu'elle cède à ses efforts, et s'élancant le glaive à
la main, vers le lit de Mettenye, menace de lui ôter la vie,
s'il refuse de se soumettre. Tout-à-coup Tépouse du mal-
heureux capitaine se précipite éplorée aux pieds du prince,
et d'une voix sanglottante : « Grâce, grâce, seigneur, lui dit-
elle, épargnez à votre bravoure un homme déjà vaincu. »
Maximilien se laissa attendrir : « Je vous fais grâce, dit-il
au capitaine, mais j'exige que vous quittiez à l'instant
même une ville où vous servez si opiniâtrement la cause
de l'insurrection. »
Pendant cette scène, la poignée de troupes qui avait suivi
Maximilien était parvenue dans l'enceinte du château, à la
faveur des plaisirs bruyants d'une garnison à demi-ivre.
Bientôt, maîtres de l'artillerie , ils font pleuvoir sur la
ville une masse de boulets dans la direction de l'église de
Pamele. L'épouvante fut au comble dans les rues. On de-
manda une trêve de quelques heures. Maximilien contrarié
par l'absence de Philippe de Clèves, l'accorda facilement.
Ce délai permit aux partisans de la cause gantoise de quitter
la ville. Le lendemain, Philippe de Clèves lit son entrée dans
Audenarde, et Maximilien fut acclamé comme souverain par
tous les habitants.
Tel est le récit connu de la surprise du château et de
la ville d'Audcnarde. Une remarque que le lecteur pourra
— 898 —
faire, c'est que ce château ne céda jamais devant la force
ouverte; car nous n'envisageons également le siège qu'en
firent les Gueux, en 1572, que comme une surprise.
A peine délivrés de la faction gantoise, les habitants
furent abandonnés à la merci d'une garnison étrangère,
composée en grande partie d'Allemands. Des menaces, des
cruautés de toute espèce, une insatiable avidité de rapines
signalèrent les premiers jours de leur arrivée : toute disci-
pline était foulée aux pieds. Il fallait un acte de courage de
la part des autorités, pour sauver la ville de ces horreurs.
Dans une querelle survenue entre les émeutiers et les bour-
geois, un des échevins assena un coup d'hallebarde qui attei-
gnit un des premiers et le renversa privé de vie. L'effroi
terrassa les autres meneurs. On se saisit des principaux
coupables et on les amena au château, où ils subirent le
dernier supplice (i).
C'est ici le lieu de hasarder un mot sur cette mystérieuse
histoii'c, que plusieurs écrivains passèrent prudemment
sous silence, et qui eut l'empereur Charles-Quint pour héros
et le château de Bourgogne pour théâtre.
Au commencement de novembre de l'année 1521, une
armée nombreuse investissait la ville de Tournai sous la
conduite du sire de Lannoy, grand écuyer de Charles-
Quint. L'empereur voulait réunir de nouveau ce boulevard
important à la Flandre, dans la crainte que François F'',
roi de France, devenu son ennemi acharné, ne tentât de
pousser plus avant ses conquêtes. Une pluie continuelle
ayant fait rétrograder l'armée française, le siège fut poussé
avec vigueur, et le mercredi 4 décembre, les troupes im-
périales prirent possession de la ville.
Pendant toute la durée des opérations, l'empereur s'était
tenu à Audenarde. Il y avait un séjour commode et assuré,
(1) Aiidenacrdschc Mcngclingcn, K' ilccl, p. 171.
— 897 —
cl d'où il lui était facile d'accourir promptement sur le
théâtre des opérations au moindre signal. A cet avantage,
il s'en joignait un autre : l'Escaut permettait d'envoyer au
camp impérial des munitions abondantes et des vivres de
toute espèce.
Il y arriva le 5 novembre, accompagné de son frère don
Ferdinand, de Marie, reine de Hongrie, sa sœur, de l'é-
véque de Tournai, du chancelier de Tournai, de son au-
mônier (i), de son grand conseil et de sou conseil privé,
d'une députation des quatre membres de la Flandre et
d'une nombreuse suite de personnages de distinction. Il fut
conduit processionnellement depuis la porte, appelée Baer-
poort, jusqu'au château de Bourgogne que commandait
alors Charles de Lalaing, seigneur d'Escornaix, etc., en
qualité de capitaine et de gouverneur de la ville. L'empe-
reur y fixa sa résidence. Or, ce fut sans doute là, qu'aban-
donné tout-à-coup à l'inaction et à la simplicité de la vie
privée, il vit pour la première fois la jeune Van der
Gheenst, attachée fort probablement à cette maison en qua-
lité de suivante ou de fille de chambre. Sa rare beauté,
jointe à une modestie virginale pleine de charmes, capti-
vèrent facilement un cœur inexpéi-imenté de vingt-et-un
ans. L'année suivante, Jeanne devint mère. Elle mit au
monde une fille qui devint, comme on sait, sous le nom de
Marguerite de Parme, gouvernante des Pays-Bas.
Le laconisme de la chronique locale (2), à l'endroit de
cette naissance, le mystère dont on l'enveloppa, et, plus
tard, les rapports entièrement contradictoires des courli-
(1) Pierre Numocr, qui décéda à Audenarde pendant le séjour de l'empereur
(2) La chronique locale relate ainsi celte naissance :
Inl Jaer XV^ XXII ghclach Junnekin van de buslacrdc dochlcr van Carolus
de vijfstc t Audenarde, hinnen Pamele op het Spey, ende wiert daer cliristen
ghcmaeekt. Dese Iramvde namaels den hcrtoghe van Parmcn cndc wiirl Ré-
gente van den Nederlanden (F» loi, V).
— §98 --
sans, empêchèrent plusieurs historiens recommandables
qui ont retracé cette partie de notre histoire nationale, de
donner des détails authentiques sur l'origine de celte illus-
tre princesse.
Deux écrivains, le père Strada et Grégoire Leti, moins
scrupuleux en matière de vérité histoiique, et peut-être
désireux de disculper Charles-Quint d'avoir aimé une
personne appartenant à une famille roturière, donnèrent
une origine noble à la mère de Marguerite, et bâtirent, sur
cette mystérieuse histoire, tout un récit fabuleux que la
sévère histoire ne peut admettre (i).
Ce problème historique attendait donc une solution, lors-
que M. Serrure (2), et après lui, M. Van der Meersch (3),
en comparant et discutant les différents faits qui s'y ratta-
chent, sont parvenus à un résultat qui a rallié les suffrages
de tous les savants. Leurs travaux ont pour principale base,
un acte destiné à servir de pièce à l'appui d'une supplique
que les parents devaient adresser à la duchesse pour en
obtenir quelques secours. En ce qui concerne notre sujet,
nous croyons donc pouvoir établir avec eux :
1° Que l'empereur Charles-Quint fit la connaissance de
Jeanne Van der Ghcenst pendant son séjour à Audenarde.
2° Que ce fut au château des ducs de Bourgogne et non
celui d'Escornaix.
s" Que Marguerite Van der Gheenst loin d'avoir été re-
gardée comme fille adoptive de la comtesse d'Hoogstraeten,
dont la différence de rang l'excluait incontestablement, a
(1) Deux épisodes romantiques ont été écrits sur le même sujet .- ]"un, rem-
pli d'inexactitudes d"un bout à Tautre, est intitulé : A la belle étoile, par Auguste
Arnould, auteur de Struensce; l'autre, entièrement conforme aux mœurs du
temps, jiorlc pour titre : Un premier amour de Charles Quint, par 31. le baron
Jules de Saint-Genois.
(2) Messager des Sciences cl des Arts, année 1856, page 417.
(5) Recherches historiques sur l'origine maternelle de .Mai-guerilc de Parme.
Gand, 1842.
— 399 —
été, selon loule vraisemblance, attachée au service de la
comtesse, au château de Bourgogne, en qualité de suivante
ou de fille de chambre.
Quatre ans plus tard, Charles, comte de Lalaing, baron
d'Escornaix, seigneur de Brakele et de S'-Aubin, près de
Douai, terminait ses jours au château de Bourgogne dont
il était capitaine. Successivement conseiller et chambellan
de l'empereur Maximilien, de Philippe le Beau et de Tem-
pereur Charles-Quint, et chevalier de la Toison d'or, il
obtint, en 1522, l'érection de sa baronnie en comté. Son
service funèbre fut célébré le 1" août, avec pompe dans
l'église de S"'-Walburge. Il fut enterré à S'-Aubin, dans
l'abbaye des Prés, ordre de Citeaux. Une pierre lumulairc
placée dans le chœur de l'église, portait l'inscription sui-
vante :
Cy fjist
Mcssire Charles, premier comte de Lalaing, baron d'Escornay, seigneur de
Brade et de S^-Aubin en Douay; en son tems conseiller et chambellan de 1res
haut et très puissant prince Maximilien, roy des Romains, et don Philippe de
Castille, et de l'empereur Charles V du nom; chevalier de l'ordre de la toison
d'or, gouverneur et capitaine du chasieau et ville d'Audenardc, fit plusieurs
voyages tant en guerre qu'en paix, et eust à femme Jacqueline de Luxembourg;
curent plusieurs beaux enfants ensemble, et ayant toute sa vie vécu calhoUcquC'
ment, vray amateur de noblesse, Irespassa chevalier sans reproche à l'vage ds
59 ans, au dict chasteau d'Audenardc, le 18 Juillet 1325.
Son épouse Jacqueline de Bavière, continua de séjourner
le reste de sa vie au château. La famille à laquelle elle
appartenait était également illustre. Elle était fille ainée
de Jacques I" de Luxembourg, seigneur de Fiennes, de
Sotteghem et d'Arc-Enghicn; chevalier de la Toison d'or,
gouverneur de Douai. Sa mère, Marie de Berlaymont, était
noble dame de\'ille, de la Hamayde, de Pommerœul, d'IIau-
lerange et de Vasières. Jacqueline de Luxembourg expira
au château en 1544 (i), laissant quatre enfants savoir :
(I) Ilcni bclaclt voor cen uutvaert by sccpcnen cnde by dcn advyse van dcn
— 400 —
1» Charles, second comle de Lalaing.
2" Philippe de Lalaing, comte d'IIoogslraelen, seigneur
de Ville, de Doorzeele, de Leuzc, etc. Nommé grand-hailli
à Audenarde, il se contenta, ainsi que son père, du titre
de capitaine du château d' Audenarde et de Peteghem, Dans
la suite, il fut crée chevalier de la Toison d'or, gouverneur
de Gueldre et de Zutphen, etc. Ce fut lui qui posa en 1526,
la première pierre de notre magnifique hôtel-de-ville; ce fut
encore lui, qui par sa ferme contenance au château, pendant
les trouhles de 1 559, prévint les horreurs de la guerre civile
dans notre cité, ainsi qu'on va voir.
3" Anne de Lalaing, d'abord chanoinesse à Mous, mariée
ensuite à Evrard, baron de PoUant, seigneur de Culenbourg
et de Witthem.
4° Marguerite de Lalaing, mariée à Jean, vicomte de
Montfort-sur-Yssel.
L'année 1539 fut une époque de trouble dans les princi-
paux centres de population de la Flandre, et Audenarde en
ressentit plus que toute autre ville le funeste contre-coup.
Retraçons-en brièvement les principales phases qui se ratta-
chent à notre objet.
Le dernier jour de la kermesse du faubourg de Bevere
avait attiré dans cette commune un concours de monde,
composé principalement d'ouvriers et d'industriels. Une
agglomération s'y étant formée, plusieurs cris séditieux se
firent entendre. Vers les 6 heures du soir, une troupe
de ces agitateurs entra en ville, en poussant des vociféra-
tions horribles, à travers lesquelles on distinguait des cris
raede gliedaen docnc binnen der procliic kerekc van S'-Wouborghe descr
slcde, in lavencssc van der ziclc van lioogh edele cndc mogliende vrauwc,
vranvvc Jacqueline van Luxemborch, cnz., overleden int casieel van dcn prin-
clic diîscr slcde, alwacr zou liaer leefdaglien ghercsideert cnde glicwoonl liecft,
brecderverclacrtin een quoyerkcninlioudcndc parliculariteyt... LIIJ L. VI sch.
(Comples de la ville, année 1544).
401
contre l'arrivée (run corps de troupes étrangères du côté
de llenaix. Sur la grande place, le cri de : Aux armes!
partit de la foule, et le nombre des malveillants grossit de
minute en minute. Toutes les remontrances de la part des
notables de la ville furent vaines. La fermentation devint
si grande, le tumulte si impétueux qu'aucune barrière ne
pût en arrêter le cours. Après s'être portés devant la de-
meure du pensionnaire Auvaing, qu'ils font prisonnier,
puis devant celle du bourgmestre, où le concours des no-
tables fut efficace, plusieurs émeutiers enfoncent les portes
de la halle, enlèvent toute l'artillerie et la rangent sur la
place. Entretemps le gros des séditieux s'était précipité à
la lueur d'une infinité de torches et au cri : feu! feu! vers
le château pour empêcher l'adjonction d'une garnison de
ce côté. On somme le capitaine Philippe de Lalaing de
venir au marché, donner des ordres en sa qualité de capi-
taine. Il répond avec sang froid qu'il est hors d'heure et
qu'il avisera pour le lendemain. Peu satisfaits de cette
réponse et prévoyant qu'il serait inébranlable au sujet de
l'entrée du château, ils lui demandent l'ouverture de la
tour de Bourgogne et de celle appelée Maleghys (i), pour
être à même d'observer, disent-ils, les communications du
château avec la campagne. Mais il n'obtiennent pas plus de
satisfaction sur ce point.
Entretemps la grande place était devenue un foyer d'in-
surrection. A l'enlour des pièces d'artillerie enlevées, sta-
tionnait une foule délirante et déchaînée. En un instant,
cette masse s'ébranle et court en désordre vers le château.
Cette fois, elle apporte à l'appui de ses prétentions cin(|
(I) Ccdc tour, silnée à droite du clu\tcau, faisiiil partie des rorlificalions de
la ville. Elle fut démolie en 1577.
« Belaclt Pieter Wcbbcglieer, Jacop ende Gillis De Rycke, voor lafbreken
vnu tien lorre fçenaenipt Maelgliys LX /,. par. »
(Comptes de la ville, année lo77).
29
— 402 —
pièces (l'artillerie. Deux de ces pièces sont placées dans
deux tours de la ville contiguës au château; les trois autres
sont braquées sur le grand pont en pierre, les bouches
tournées vers cette forteresse. Les séditieux croyaient sans
doute, par cet appareil formidable, ébranler une contenance
qui avait résisté aux clameurs et aux menaces. Il n'en fut
rien. Toutes les précautions étaient prises, et le capitaine
de Lalaing vit arriver le flot populaire avec une fermeté
pleine de calme qui imposa aux séditieux.
Il était onze heures du soir. Désespérés de rien obtenir,
la foule se dissipa lentement, laissant des postes armés
autour du château et sur le pont, et le reste de la nuit
s'écoula paisiblement.
Le lendemain 7 octobre, à la pointe du jour, après s'être
réunie au marché, la masse populaire se porte de rechef
vers la forteresse pour y renouveler ses prétentions. Comme
la veille, elle proteste de ses bonnes intentions et conjure
le capitaine de se rendre au marché, en lui offrant, en gage
de sincérité, plusieurs étages. Philippe de Lalaing, appa-
remment afin de traîner les choses en longueur, demande
qu'on veuille mettre les articles par écrit, ce qui est ac-
cepté. Dans l'intervalle, plusieurs insurgés renouvellent
leurs tentatives sur la tour de Bourgogne (i); deux pièces
sont traînées sur le bord du fleuve; mais si leurs eflorts
(1) La reine informée journellement par les soins de Philippe de Lalaing,
de l'élal des choses à Audcnardc, lui écrivit, le li octobre, la lettre suivante,
relative à la réparation du château et de la tour de Bourgogne : « Monsieur
d'Escornaix, si vous trouvez qu'il soit bcsoing et nécessaire de faire aucunes
réparations et ouvraigcs au chasteau d'Audenarde, pour la garde et seurcté
d'iceluy, et mêmes à la grosse tour dite de Bourgoingne, nous vous ordonnons
que, à diligence, y faites besognyer, à la moindre charge et plus grand prouflit
de l'Empereur, mon seigneur et frère, que possible vous sera, selon la fyance
que Sa Majesté et nous en avons en vous. — A tant, monsieur d'Escornaix,
Notre Seigneur vous ait en sa garde. — Escript à Bruxelles le XIIIJ'= jour
d'octobre XY» XXXIX. »
(Uelation des troubles de Gand sous Charles-Quint, par .M. Gachard).
— 403 —
(.Icmeurcnt infruclucux, les propos séditieux ne cessent pas.
Les choses en étaient à ce point, lorsqu'arriva niessirc
de Gavre, seigneur de Nokere. Accueilli comme en triom-
phe, il se rend au château, avec quehiues notables de
la ville pour tâcher de vaincre l'inflexible obstination du
capitaine; après une longue discussion, dans laquelle ils
épuisent tous les arguments possibles, De Lalaing consent
à envoyer son frère au marché; mais aussitôt la multitude
s'écrie : « Ce n'est pas l'homme que nous demandons, » et
court envahir la maison de la Cueillette, qui est détruite
de fond en comble. La forteresse est de nouveau cernée,
et la foule persiste, à grands cris, à demander l'occupation
de la tour de Bourgogne, ofTrant au capitaine d'y mettre
dix hommes de son choix et attachés à l'empereur. Enfin,
obsédé de conseils et forcé de céder à la nécessité, De La-
laing sortit du château, accompagné seulement de son
page; il laissa le commandement de la garnison à son frère.
Le peuple le suivit en foule jusqu'à l'hôtel-de-ville, en
disant : voilà notre capitaine! Aussitôt la cloche de la halle
appelle de sa voix lugubre les différentes corporations dans
leur local respectif. Dès cet instant, les forces des meneurs
sont appuyées par celles des corps de métiers. Dans le local
de la corporation de S'-.Michel, Jean Van den Broucke
sauta sur la table, et harangua ses confrères, en disant
qu'il fallait établir une ligne de circonvallation autour du
château, s'emparer de vive force de la tour de Bourgogne
et y mettre un poste. Ce discours fut appuyé par Guillaume
Van den Driessche, mais la proposition fut rejetée (i).
Pendant ce temps, la multitude amoncelée autour de
De Lalaing, lui renouvella les mêmes demandes et l'engagea
instamment à lui dire la vérité touchant l'arrivée prochaine
d'une garnison étrangère.
(I) Audciiaci-ilschc Mongi-liiigm, I<" dcol, p. 50 cl scq.
— 404 —
Alors, plein de sang froid, Philippe de Lalaing déclara
solennellement sur sa vie et son honneur qu'un tel bruit
était sans fondement, et exhorta le peuple, dans les termes
les plus touchants, à s'apaiser. Un calme profond succéda
à ces paroles, et, comme le soir approchait, la foule se re-
tira lentement et en bon ordre.
Là aboutirent les événements relatifs à la tentative d'occu-
pation du château et de la tour de Bourgogne. Ils ne furent
que le prélude des maux qui fondirent dans la suite sur
toute la ville, et dont nous épargnons au lecteur les affli-
geants détails.
S'il nous est permis d'apprécier, en passant, le caractère
de ce soulèvement populaire, nous dirons qu'il a eu pour
principe l'augmentation des impôts et la stagnation du
commerce, pour prétexte, l'arrivée d'une garnison, et,
pour signal, liniliative de la ville de Gand. Et quant à la
part secrète que les Gantois y ont eue, à en juger par la
simultanéité des troubles, il est naturel de croire qu'ils ont
été concertés. Les lettres échangées entre les meneurs des
deux villes et la présence d'un Gantois, au fort du tumulte,
viennent du reste confirmer cette opinion.
Le châtiment ne tarda pas de suivre. Le bras énergique
de l'empereur s'appesantit avec vigueur sur les principaux
coupables. .Jean Van den Broucke et Guillaume \'an den
Dricssche qui avaient proposé d'élever une ligne de circon-
vallation autour du château, furent, le premier, décapité,
et, le second, banni (i).
(1)« Jehan Van den Broucke a, le dit jour (de mai), au dit Audenarde, esté
exécuté par l'espée, suivant l'ordonnance et sentence de sa dite Majesté.
» Guillaume Van den Driessclie a, le dit V<^ jour de ma}', au dit Audenarde,
esté mis sur ung eschaffault, et fut perchiez sa langue et banni hors les pays
de sa dite Majesté, et tous ses biens confisquiez au prouffyt de Sa Majesté. »
(Relation des troubles de Gand sous Cliarles-QuinI, par M. Gacliard. Appen-
dice, p. 503).
Ghesien tproecs criminelic glicinstruccrt jeghens Jan Van den Broucke,
— 40o —
Eli déployant une sévénlô si rigide, Ciiarles-Quinl croyait
extirper à tout jamais les germes de la révolte. Nous ne
tarderons pas à voir combien ses espérances furent vaines.
En 1548, le landgrave de Ilesse-Cassei, comte de Cat-
seneluljoge, de Dietz, de Zigenheym et de Mdda, était re-
tenu prisonnier dans le chàleau-fort d'Audenarde. Voici
les circonstances fatales qui amenèrent l'infortune de cet
illustre captif.
Charles-Quint, dans son expédition contre les princes
luthériens, venait de gagner la bataille de Muhlberg. L'élec-
teur de Saxe, un des principaux chefs de la confédération
allemande, y fut fait prisonnier. Il ne restait plus que le
landgrave de Hesse qui eut pu faire quelque résistance;
mais ce prince n'osant point lutter avec des forces inéga-
les contre un adversaire aussi redoutable, se rendit au
camp impérial pour y faire sa soumission. Là, le duc
d'Albe enfreignant toutes les lois de la guerre et de l'huma-
nité, commande à sa garde espagnole d'entourer le land-
grave et de l'emmener en lieu de sûreté. Une fois maître
des deux principaux ressorts de la ligue protestante, l'em-
pereur retourna en Flandre, traînant à sa suite les deux
malheureux princes, et les offrant ainsi en spectacle dans
chaque lieu qu'il traversait.
Le 22 septembre, le landgrave de Hesse arriva à Aude-
nardc. Il était escorté de cent trente-sept fantassins et de
quarante cavaliers de la gendarmerie espagnole, tirés du
régiment de Lombardie, et commandés par le capitaine don
Juan de Guevara (t). On le conduisit immédiatement au
alias incllcr Hume, belasl van dat mcn iiiiicmen, cndc bewaercn zoudc den
torrc van Bourgognien; dat men ccncn graclil niaken zoudc achler tcastcel,
oni te beletien tgarnisocn dat daer inné niel commcn en zoude, etc.
(Audcnaerdsche Mengclingen, I>' deel, p. 212).
(I) C'était le sort de la ville d'être niolcslée par des troupes étrangères.
— La garde espagnole, pendant son séjour à Audenardc, y commit plusieurs
actes de violence qui nécessitèrent l'intervcnlion de l'alcade.
(Comptes de la ville, année lliiS).
— 406 —
château. Pendant son séjour dans cette forteresse, deux de
ses pages âgés de 12 ans, et élevés dans la religion luthé-
rienne, reçurent dans l'église de Paniele les premiers sacre-
ments de la religion catholique (i).
Vingt-et-un mois plus tard, l'infortuné captif fut conduit
à la citadelle de Malines, où il fut retenu avec son autre
compagnon d'infortune, Jean Frédéric, électeur de Saxe,
jusqu'au traité de Passau, qui accorda la liherté de religion
aux protestants et qui fit évanouir les espérances que
Charles-Quint avait conçues de rendre l'autorité impériale
absolue et héréditaire dans sa famille.
(La suite à la prochaine livraison).
EdxMOnd Van der Straeten.
(I) AutlcnacrJschc Mcngcliugcn, III^ dcel, p. 8. — La Vie de rcnincrcur
Charles V, par Lcli, t. III, p. 289.
-^ii5G .ja.irii-ivj.3rL
c'^C ri ri r
pniNjT,^
'T.r,'rY-MtiT^"'^'
— -107 —
2ean iJc Oenloo,
FONDEUR DU XVc SIÈCLE.
Les fonts de l'église de Saint-Martin à Wyk-iMaestiiclit,
qui datent des premières années de la renaissance de l'art
dans ce pays, nous conservent le nom d'un habile artiste
du XV^ siècle, qui n'est point connu jusqu'à présent ou
qui l'est peu.
Jean de Venloo est l'auteur de ce beau vase en style
renaissance, coulé en cuivre jaune. C'est un nom d'artiste
de plus à inscrire parmi ceux qu'on a découverts depuis
quelque temps, et dont l'existence nous est révélée par
son œuvre seule, car les anciens biographes n'ont pas fait
mention de lui.
Le vase de Saiut-.Marlin à Wyk porte Tannée 1482
et prend date, par conséquent, quarante-six ans après les
fonls en cuivre de l'église Notre-Dame de Hal, dont l'au-
teur, Willau7ne Le Febvre, fondeur en laiton à Tournay,
fut le premier signalé par le Messager des Sciences histo-
riques de Belgique, en 1856 (i). Le contemporain de cet
habile fondeur fut donc Jean de Venloo, artiste limbour-
geois, dont nous publions l'œuvre par notre dessin repré-
sentant les fonts de Saint-Martin, avec leur couvercle qui
fut ajouté au bassin plus de deux siècles après, en 1717.
Dans cet élégant lavacrum qui révèle le beau temps de la
(1) Vol. I8ÔG, p. 292
— 408 —
reiuiissancc de l'art, et qui fut sans doute un des premiers
qu'on exécuta dans ce goût dans le Limbourg, le style
ogival est complètement abandonné. Sa lige, posant sur
un pied largement profilé, porte la coupe ornée de mou-
lures et de six tètes, avec quelques ornements de détail,
tels que l'arcature sur le bord du bassin, la découpure
en quatre feuilles du pied, formes qui rappellent seules
l'art ogival, entièrement abandonné pour le reste dans ce
travail.
Les bénitiers et les fonts sont généralement ornés de
têtes. Ces têtes rappellent les boucbes par lesquelles l'eau
s'écoulait des bassins des anciens lavacra; ainsi les fonts
sont une réminiscence de l'eau vivante des fontaines et des
rivières où les premiers chrétiens se lavaient avant d'être
bénits; c'est le Jourdain dans lequel saint Jean le Précur-
seur baptisait le Christ. Au Musée royal d'antiquités de
l'État se trouve la représentation d'un baptême, sculpture
exécutée dans un rétable de l'époque ogivale. Les fonts y
représentent une fontaine, ornée de tètes qui vomissent
l'eau dans un second bassin entourant le pied de la coupe
principale. Ces tètes, qu'on retrouve à presque tous les
anciens fonts et auxquelles elles ne servent plus que comme
ornement, sont différemment représentées. Leur caractère
varie d'après l'époque où le meuble fut exécuté; leurs
coiffures se ressentent du temps où l'artiste vivait. Tantôt
une chevelure abondante s'échappe en boucles sous une
sorte de diadème, comme sur notre planche des fonts de
Saint-Martin, tantôt elles sont coiffées d'un bonnet ou ca-
puchon, comme sur le bénitier de Bilsen, où elles portent
des coiffures variées (sauf les mutilations qu'elles ont su-
bies), dans le goût du temps, comme aux fonts en pierre
du Musée royal d'antiquités de l'Etat.
Notre planche au trait des fonts de Wyk-Maestricht
donnera une idée des formes de ce vase, dont la coupe
— 409 —
avt'C son pied est seule Tœuvre de Tliabile fondeur de
Venloo (i).
Cette coupe, d'un profil gracieux et pur, couverte de
belles moulures, est en harmonie avec sa lige et son pied,
décorés des mêmes ornements. Son bord supérieur est dé-
coré d'une arcalure en forme d'anse de panier et la i)late-
bandc du pied est découpée en trèfle à quatre feuilles, ce
qui donne de la légèreté à cette partie de la fonte. Sur la
partie horizontale sont gravées en creux des arabesques en
feuillage, mêlés à celte inscription en caractères gothiques:
Joan de Venloo me fit ranuée du Seigneur 14-82 (2).
Nous espérons que les elTorts constants des artistes et
des archéologues à découvrir et à signaler les monuments
de l'art convaincront les conseils de fabrique de l'impor-
tance des anciens meubles d'église dont la conservation leur
est confiée, et qu'ainsi une foule de monuments curieux
nous seront conservés.
Arn. Schaepkens.
(1) Les fonts présentent, avec le couvercle et la croix, une hauteur d'envi-
ron l'n,90. Le couvercle est en cuivre battu.
(2) Jean de Venloo fut également fondeur de cloches. La cloeiic du village
(1 tsloo dans le Limbourg fut coulée par lui en 1480, romme Tindiquc une
inscrijilion qu'on lil sur celte cloche.
— 410 —
(iUljromiîuc bes $cknce$ H l)($ ^rts, et Dariétés.
s«0«<
Troisième Congrès littéraire holla>do-belge. — Ce troisième congrès s'est
tenu à Bruxelles les 50, 51 août et 1" septembre dernier; les discussions en
ont été suivies avec la même assiduité, avec la même attention qu'aux deux
congrès précédents, qui eurent lieu à Gand en 1849 et à Amsterdam en 1830.
Parmi les nombreux hommes de lettres et savants hollandais qui y ont pris
part, nous nous plairons à citer MM. Des Amorie Van der Hoeven, membre de
rinstilut néerlandais; le célèbre romancier Van Lennep, Alberdingk-Thym,
De Yries, Koenen, Suringar, Schleijer, De Jager, Bogaers, le poète couronné
du morceau écrit en l'honneur de la reine des Belges, Ten Kate, Van Lee,
Ruysch. Cette intéressante assemblée, présidée avec beaucoup de dignité et
d'impartialité par M. Nolet de Brauwere van Steeland, s'est occupée d'un
grand nombre de sujets littéraires et particulièrement de la confection d'un
dictionnaire général pour toutes les contrées qui parlent la langue flamande
ou hollandaise. La session du troisième congrès a été close le lundi, Je' sep-
tembre, par la nomination d'uu comité permanent chargé de l'organisation
provisoire des congrès suivants. Celui de Tannée prochaine aura lieu à
Utreclit. Nous ne finirons pas sans dire combien les discussions vraiment
scientifiques qui ont eu lieu pendant ces trois jours, ont ofifert de l'intérêt
pour l'avenir de la langue et de la littérature. Nous signalerons particulière-
ment un long rapport de M. De Vries sur la rédaction définitive du Diction-
naire en question, rapport dont la lecture a été écoutée pendant quatre
heures avec la plus religieuse attention, tant ce document se distinguait par
un savoir profond et un judicieux esprit de critique. — Des trois congrès
littéraires tenus jusqu'ici, c'est celui de Bruxelles où la question linguistique
a fait le plus de progrès.
QiEL EST le vrai NOM DE RoLAXD De Lattre? — C'cst le 8 Septembre 1831
que S. A. R. le duc de Brabant est venu poser la première pierre du monu-
ment, que les habitants de .Mons ont décidé d'élever à leur célèbre concitoyen,
— 411 —
le compositeur Roland De Lattre ou De Lassus, chanté avec tant iléloquencc
et de verve patriotique par un autre enfant de cette ville, l'énergique poëte
Adolphe Mathieu. C'est toujours avec un vif sentiment de plaisir et d'orgueil
national que nous enregistrons ces soleniiilés publiques, réparatrices d'un
long oubli et qui prouvent une fois de plus que la Belgique, pour être indus-
trielle et agricole, n'a pas abdiqué le sentiment des beaux-arts, ni renoncé
au culte de l'intelligence, ni perdu le souvenir des noms glorieux de ses fastes
artistiques et littéraires. A l'occasion de celle belle cérémonie, M. Emile Cachet
a publié une fine et spirituelle lettre, qui contient des vérités trop réelles pour
que nous ne nous empressions pas de la reproduire dans notre recueil :
Monsieur,
Voici une étrange aventure, qui prouve une fois de plus que les grands hom-
mes ne sont pas à l'abri de la mauvaise fortune, même après leur mort, quoi-
que le poëte en ait dit. La justice de la postérité? Erreur! — L'espoir de
léguer leur nom au pays qui les a vus naître? Abus et déception !
Les Monlois viennent de poser la première pierre du monument qu'ils veu-
lent élever à Roland De Lattre, et il s'agit, si on les en croit, d'un célèbre
compositeur qui vivait au XYI^ siècle, dont le génie fut admiré du monde
entier, et qui est vulgairement connu sous le nom d Orlando Lasso.
î\'esl-on pas surpris tout d'abord de cette singulière idée qu'on a eue de
donner à Orlando Lasso un autre nom que le sien? Si le maestro l'avait voulu,
il aurait bien pu sans doute conserver le nom de De Lattre, et s'il ne l'a pas
fait, a-t-on donc le droit de le lui donner? Que diriez-vous de gens qui, mé-
connaissant le nom de Voltaire, s'acharneraient à vouloir y substituer celui
d'.lrouct. Ceci me rappelle encore le célèbre Pielro Candido, dans lequel il
faut reconnaître le nom du Flamand Pierre De Wit. Et sans doute, je le veux
bien, mais laissez au moins à l'artiste le nom sous lequel il s'est illustré.
Je le répète, établir un pareil système, c'est vouloir forcer tout le monde à
apprendre une nouvelle histoire, et jeter sur le carreau plus d'un grand homme
devenu méconnaissable. Ainsi, par exemple, connaissez-vous l'illustre Schivar-
zerd? i\on, assurément. Et pourtant ce Schwarzcrd, c'est le fameux réfor-
mateur Mvlanchton, que vous connaissez, j'en suis sur, et qui avait jugé bon
de traduire en grec son nom allemand.
Mais il y a mieux pour le fait qui nous occupe, c'est que Roland De Lattre
est un mythe; Roland De Lattre n'a jamais existé. Ce nom n'est pas même la
traduction de celui qu'on veut exprimer, et Orlando Lasso peut à bon droit
s'indigner dans sa tombe d'une pareille substitution.
Voyons d'abord l'origine de ce quiproquo.
Henri Dclmotte, archiviste de Mons et littérateur Irès-spirilucl, voulut un
— -il2 —
jour, dans son aflfeclion pour sa ville natale, réveiller le souvenir du grand
compositeur du XVI»; siècle, et il lui consacra une curieuse et intéressante
notice. Or, on savait qu"Orlando Lasso était né à Mons et que son père avait
eu des démêles avec la justice pour avoir fabriqué de la fausse monnaie. IVotre
archiviste s'évertua donc à chercher dans les registres judiciaires du XY1« siè-
cle les traces de la condarauation du faux monnayeur, et, en effet, il rencontra
vers répoque indiquée, un certain De Lattre condamné pour cette espèce de
crime. Henri Delmolte n'en demanda pas davantage, et, dès lors, il fut évident
pour que le célèbre Orlando Lasso s'appelait, en wallon, Roland De Lattre,
et qu"il avait tout simplement italianisé son nom.
Voilù donc Roland De Lattre, jusqu'alors inconnu, qui fait son entrée dans
le monde. La Belgique raccucille avec sj'mpathie comme une gloire nationale;
on songe à lui élever une statue, ou écrit des vers, que dis-je, un poëme
en son honneur, une société d'harmonie se fait gloire de porter son nom ;
en un mot il va briller avec tant d'autres étoiles dans le ciel artistique des
Belges.
Eb bien ! ce n'était ni plus ni moins qu'un grand homme débaptisé.
Si Henri Delmotte avait agi prudemment, il aurait laissé au grand compo-
siteur son nom d'Orlando Lasso, et s"il tenait à connaître le véritable nom
wallon de son héros, il n'avait qu"à chercher avec un peu plus de patience
dans les registres de son vieux greffe, il aurait trouvé que ce nom c'était
Délassas. 11 y eut effectivement un condamné de ce nom vers la même époque,
demandez plutôt à l'archivisfe.
Delassus, on ne peut en douter, est un nom du pays, qui veut dire de lu
haut, comme Delavau signifie de là bas, en langage rouchi :
Or prions Jhésus
Qui ou ciel Lassus
Est, où il se délitte.
Comprenez-vous maintenant que ce mot Lassus soit devenu en italien Lasso,
rien de plus simple. De Lattre, au contraire, comment l'aurait-on changé?
Serait-ce en Lalro ou Laddro? La belle avance! car vous comprenez aussi
pourquoi notre musicien avait tenu à changer son nom.
El aujourd'hui où en sommes-nous? Il y a une société de Roland De Lattre
qui subsiste depuis plusieurs années, et dont le nom n'a aucun sens; il y a
un poëme à la gloire de ce même Roland, et la rime aussi bien que la mesure
veut que le héros s'y appelle De Lattre; entiu il y a une médaille et il va y
avoir une statue! C'est à merveille. Seulement Roland De Lassus ou plutôt
Orlando Lasso serait bien surpris de voir tout cela, s'il revenait en vie, et il
aurait le droit de dire : « Que ne m'a-t-on laissé le nom que j'ai rciuiu si glo-
— Ui —
rieux? et qu'avait-on besoin d'aller chercher dans les mémoires du bourreau
le nom <run misérable pendu, pour le glorifier à la plarc du mien? »
Je voudrais bien qu"on pùf empêcher ce vandalisme d'un nouveau genre.
Veuillez agréer, etc.
Emile Cachet.
CONCOrRS DRAMATIQrE I>STITl"É PAK LA SoCIÉTÉ DES GeNS DE LETTRES BELGES. —
Considérant que la littérature dramatique a sur l'esprit des peuples une im-
portance que tous les législateurs se sont plu à reconnaître; que c'est surtout
au théâtre qu'il est donné de faire revivre les grands souvenirs du passé et
d'inspirer, par la peinture fidèle des mœurs et des types nationaux, l'amour
de la patrie;
Le comité-directeur de la Socicté des Gens de Lettres belges, sur la proposi-
tion d'un de ses membres.
Arrête en principe :
Art. I^"". Un prix consistant en une médaille de cinq cents francs ou pareille
somme en espèces (au choix des concurrents), est institué par la Société des
Gens des Lettres belges, en faveur de la meilleure œuvre dramatique, enlièrc-
mcnt inédite, dont le manuscrit sera envoyé au comité, avant le l<^r mai 1852.
Art. m. Les genres admis sont la tragédie, le drame et la comédie.
Art. III. Le choix du sujet et de ses limites est facultatif, néanmoins les
pièces tirées de l'histoire nationale ou les éludes de mœurs sérieuses, auront
la préférence sur les sujets purement de fantaisie.
Art. IV. Le comité s'engage à faire les démarches nécessaires pour la repré-
sen'.ation de l'œuvre couronnée, sur la scène d'un des théâtres royaux de la
Belgique. Cette représentation concordera autant que possible, avec les fêtes
de septembre, ainsi que la remise solennelle du prix.
Art. V. Le jury sera composé de cinq membres, dont trois seront désignés
par l'AminisIration de la Société des Gens de Lettres belges,- un quatrième sera
choisi parmi les membres du comité de lecture près des théâtres royaux de
Bruxelles; enfin un cinquième sera nommé par le Gouvernement.
Art. VI. Le rapport du jury sera publié et distribué aux frais du comité.
Am. VII. Les concurrents joindront à leur envoi un billet cacheté, conte-
nant leur nom et leur adresse. La devise qu'ils auront placée en tète de leur
œuvre, sera répétée sur l'enveloppe de ce billet.
AiiT. \lll. Les manuscrits des œuvres envoyées au concours, resteront la
propriété du comité.
Art. IX. Des mesures seront prises pour empêcher le plagiat ou l'imitation
servile.
— 4U —
AiiT. X. L'œuvre couronnée sera publiée par les soins du comité. Des exem-
plaires de luxe en seront envoyés à toutes les sociétés littéraires et à toutes les
bibliothèques du royaume.
Ainsi arrêté sommairement en séance, pour être développé par la suite
comme de besoin.
Pour le comité,
Par ordre : Le Président,
Le Secrétaire, De Pellaert.
Louis Sciioonen.
Ancienne pièce d'artillerie trouvée a Honflecr. — Il a été parlé plusieurs
fois dans le Messager des Sciences du grand Canon de Gand. On peut encore
consulter à ce sujet Diericx, Mémoires, II, lii; P. -A. Le?(z, Nouvelles Archives,
II, 607; Voisin, Guide de Gand Ci" éd.), p. 500; F. De Vigne, Sur l'usage des
armes à feu. — Nous pensons qu'on ne lira pas sans intérêt l'article suivant
que nous extrayons d'un journal français : Très-ancienne pièce d'artillerie
trouvée dans les sables du Nouveau-Bassin d'Honfleur. « M. le directeur du
Musée départemental d'antiquités de Rouen a fait depuis peu l'acquisition
d'une très-ancienne pièce d'artillerie, trouvée, il y a deux ou trois ans, à sept
mètres de profondeur au-dessous du niveau des vases, dans l'emplacement
du nouveau bassin d'Honfleur. Cette pièce, si l'on en juge par sa construction
extraordinaire et lout-à-fait inusitée, ne saurait remonter moins haut que le
commencement du XVi^ siècle, ou même que la fin du XIV". Elle est du genre
de celles qu'on appelait bombardes, et qui étaient destinées à lancer des pierres
et toutes sortes de projectiles. Sa fabrication, qui a dû présenter de nom-
breuses difficultés, mérite une courte description. Elle est entièrement de fer
forgé de qualité supérieure. La partie intérieure du cylindre creux qu'elle
forme est composée de huit larges bandes, assemblées parallèlement, en forme
de douves de tonneau, et maintenues par une suite de manchons tubulaires,
au nombre de dix, qui les enveloppent complètement.
Cette pièce porte un mètre quatre-vingt huit centimètres de longueur, sur
trente-sept centimètres de diamètre à son embouchure, ce qui lui donne plus
d'un mètre de circonférence : son diamètre intérieur est de vingt-cinq centi-
mètres; elle pèse quatre cent soixante-neuf kilogrammes.
11 n'y a rien d'exagéré à prétendre que c'est probablement la plus ancienne
pièce d'artillerie de cette construction qui soit aujourd'hui conservée dans les
eolleclions de France. La Belgique seule peut lui opposer un monument d'une
époque à-peu-près contemporaine, et fabriquée de la même manière : nous
voulons parler du fameux canon appelé la Merveille de Gand, fondu, assure-
— 413 —
l-on, sous Philippe d'Artcvelde, dans la seconde moitié du XIY<= siècle, et
qu'on admire encore aujourd'hui dans celle dernière ville, près de la place
du Vendredi. »
Le Tombeau de l'architecte Van Overstraeten. — Le cimetière du mont
S'-Amand, ù Gand, vient de s'enrichir d'un monument que les amis des arts
ne contempleront jamais sans éprouver un serrement de cœur des plus péni-
bles; parce qu'ils se rappelleront que sous cette pierre sépulcrale repose
Louis Van Overstraeten, ce jeune artiste plein d'avenir dont l'existence déjà
marquée par tant de triomphes a été brisée tout-à-coup et au moment même
où de nouvelles palmes raltendaient, par une mort terrible dont le Messager
des Sciences historiques a rendu compte (1). Le monument est adossé conlre le
mur de la chapelle qui couronne la montagne. Entre deux pilastres on admire
un beau bas-relief dû au ciseau de notre habile sculpteur Joseph Geefs-RoelandI,
beau-frère du défunt. Ce bas-relief représente un ange dans l'attitude de la
prière, tenant ses mains sur un médaillon retraçant l'image du malheureux
artiste que le choiera enleva à la patrie. Ce morceau de sculpture parfailcment
conçu fait honneur à M. Geefs. Voici l'épilaphe inscrite sur le monument :
Icirepose Henri-Désiré-Louis Van Overstraeten, né à Louvain le 17 mai 1818.
décédé à Gand, victime du choiera, le "^i: juillet 184-9, auteur des plans de
l'église de S'-^-Marie à Sehaerbeek, 18'45, de l'architectonographie des temples
chrétiens, en iSiS, etc., etc., lauréat sur 63 concurrents au concours d'archi-
tecture pour l'appropriation des bas-fonds de la rwe Royale à Bruxelles, 184-7.
Au-dessus du socle on lit : Ce souvenir pieux a été élevé à sa mémoire par
son épouse Mathilde- Jeanne Roelandt.
NÉCROLOGIE. — La Belgique a perdu cette année l'un de ses plus illustres
compositeurs, Joseph Mengal, chevalier de l'ordre de Léopold, membre de
l'Académie royale et directeur du Conservatoire de Gand. Né en cette ville
en 1784, il y reçut les premières leçons de musique de son père et entra plus
tard au conservatoire de Paris, où il remporta successivement le 1" prix de
composition et le l" prix de cor.
Mengal fit jouer au théâtre Feydeau avec le plus grand succès une Nuit au
Château et les Infidèles, opéras-comiques en un acte, qui restèrent l'un et
l'auU'e pendant plus de vingt ans au répertoire.
Revenu à Gand en 1825, il y fit représenter successivement le Vampire,
opéra en trois actes, et un Jour à Vaueluse, opéra-comique en un acle.
(1) Voirie volume d.' l'année 18Î9, p. 3d9.
— ne —
Nommé directeur du conservatoire en 1833, il écrivit pour celte institution
nii grand nombre de morceaux de divers genres, qui atteste des capacités mu-
sicales hors ligne. Il y forma une foule d'élèves distingués et au nombre des-
quels il faut placer en première ligne le jeune Gevaert qui remporta en 1847,
à l'âge de 18 ans, le premier prix de composition musicale institué par le
gouvernement.
Décoré de l'ordre de Léopold en 1848 en récompense de ses services, et
nommé membre du grand jury, il continua jusqu'à ses derniers instants à
être utile à l'art dont il fut un des principaux ornements dans sa patrie.
Il dédia à la Société des Mélomanes la dernière œuvre sortie de sa plume.
C'est le grand choeur intitulé VInvocation, dont la première exécution a eu
lieu le 7 juillet dernier, au concours de chant d'ensemble ouvert par cette
société. Ce morceau d'une composition large et pleine de mélodie, dénote que
notre célèbre compatriote est mort dans toute Ténergie de son talent.
M. Mcngal a beaucoup produit et laisse dans des genres opposés, dans la
musique dramatique, religieuse, militaire et légère, la romance, des œuvres
qui lui survivront, surtout son Chevalier errant, qui a été en vogue dans toute
l'Europe.
Puissent ces détails empruntés aux journaux de Gand inspirer à une plume
habile l'idée d'écrire une biographie détaillée dans laquelle les productions
de ce compositeur seraient soumises à une analyse consciencieuse. Ce travail
serait d'une grande utilité pour l'art musical et ferait admirablement ressortir
les beautés dont les œuvres de Mcngal fourmillent.
VanDenBossche Pinx
Ch. On^hena Se.
yyi^k<f ^ //^/^^^^^^
— 417 —
Hobert €)dxas bT)uc>bc0l)em.
C'est presque toujours dans la vie [Tivce que repose
le secret de la vie publique.
Db LiMAnnsp, Histoire des Girondins.
Robert-Emmanuel-Adrien-Ghislain Helias d'Hlddegiiem,
qui consacra sa trop courte existence au service de sa
patrie et de la cité qui l'avait vu naître et où il mourut
le 31 janvier 1851, était issu d'une famille qui pendant
des siècles a fourni des magistrats distingués à la Flandre,
et dont il hérita les vertus et les éminenles qualités indis-
pensables aux hautes fonctions judiciaires qu'il remplit
pendant les dernières années de sa vie.
En 1817 il fut appelé au siège de juge du tribunal de
première instance à Audenarde, pour occuper deux ans plus
lard les mêmes fondions dans la capitale de la Flandre.
En 1850, il devint Président du tribunal de l'' instance,
et lors de l'organisation judiciaire qui eut lieu en 1852, il
arriva à la Cour d'appel en qualité de Président de cliambre.
Ayant embrassé les principes de la révolution de 1850,
il fut envoyé au Congrès national pour y prendre part aux
travaux qui devaient donner à la Belgique une constitution
que l'Europe considère aujourd'hui comme le chef-d'œuvre
des lois fondamentales, (i) Dans cette circonstance encore,
(1) Pour bien se rendre compte des services qu'IIclias d'IIuddcglicm rendit
au pays, il es! nécessaire de consulter les Discussions du Conyris nalionnl de
lu BelfjiqHc 1830-1831, mises en ordre et publiées par le chevalier Emile
Iluyltens, grelVier de la Chambre des représciilanls; o volumes gr. in-S».
Bruxelles, 1844-18ia.
18S1. - 30
— -UB —
la haute opinion que l'on s'élait formée des connaissances
législatives et des sentiments patriotiques de Robert Helias
d'Huddeghem, ne fut point déçue. « Il y prit comme tou-
» jours, dit M. Philippe Van de Velde, particulièrement à
» cœur les intérêts des Flandres et principalement ceux de
» la ville de Gand; car c'est à ses démarches, à son insis-
» tance, à sa persévérance surtout, que nous sommes en
» grande partie redevables de l'institution de la Cour d'ap-
» pel des deux Flandres; cet acte de patriotisme est à la
» connaissance de plusieurs d'entre nous, et personnelle-
» ment nous pouvons l'attester (i). »
Tant de services rendus à la patrie méritaient une ré-
compense qui ne se fît pas attendre. Par arrêté royal du
7 août 1845, Robert Helias d'Huddeghem qui était déjà
décoré de la Croix de fer, fut nommé chevalier de l'ordre
de Léopold. Pendant plusieurs années il siégea à la Cham-
bre de représentants, et continua à occuper jusqu'à sa mort
la dignité de Président à la Cour d'appel des deux Flandres.
Mais, de toutes ces dignités, il n'en est aucune qui le flatta
autant et dont il se sentit plus fier et plus heureux, que de
celle de conseiller communal de la ville de Gand, qui lui
fut conférée par mandat électif du 23 août 1848. Dans
ses moments d'épanchcment de cœur, il disait souvent à
ses amis : que cette élection était la seule récompense qu'il
eut jamais ambitionnée, parce qu'il la devait au suffrage
libre et spontané de ses concitoyens, et qu'il obtenait ainsi
de leur part, l'approbation la plus complète de sa conduite
judiciaire (2).
A tous ces mérites, Helias d'Huddeghem qui avait mon-
tré d'heureuses dispositions pour les travaux de l'esprit,
dispositions qui se réalisèrent bientôt par des succès aussi
(1) Discours prononcé par le Président Ph. Van de Velde, sur la tombe
Roliert Helias d'Huddeghem.
(2) Discours du Président Van de Velde.
— 419 —
brillanls que soutenus dans ses éludes, à tous ces méri-
les, dis-je, il joignait encore celui d'écrivain instruit et
judicieux,
Nous avons de lui un ouvrage imprimé à Gand en 1850,
in-8% chez Xixn Ryckegem-IIovaere, traitant de radminis-
iration de la justice aux Pays-Bas, sous le ministère de
Van Maanen, avec une analyse des principaux procès cri-
minels politiques et des autres persécutions depuis 1815,
jusqu'au 25 août 1850; et une autre brochure intitulée :
Précis historique des institutions judiciaires de la Belgique
depuis les temps les plus recidés jusc/u'à ce jour. Bruxelles,
H. Tarlier, 1851, in-8°.
Dans l'avant-propos de ce dernier écrit, l'auteur en es-
quissant à grands traits les qualités qui distinguent le
magistrat éclairé, probe et intègre, s'est à son insu dépeint
lui-même dans les lignes suivantes.
« Il est aussi important que les magistrats de l'ordre
judiciaire soient entourés de toute la considération que ces
hautes fonctions réclament; ils sont tout à la fois les dis-
pensateurs de la Justice et les interprètes de la Loi; placés
à la tète des peuples pour protéger l'innocence et pour
punir le vice : il est donc juste de ne confier l'adminis-
tration de la Justice qu'à ces personnages distingués par
leur savoir, par leur probité, et par leur assiduité au tra-
vail, qui sont prêts à sacrifier au bien public et leurs talents
et leurs plaisirs, et presque tous les moments de la vie. Il
faut de ces hommes courageux qui, aux prises avec l'homme
puissant, soutenu de ce que la faveur peut avoir de plus
redoutable, ne craignent point, en sacrifiant sans balancer
leurs plus justes espérances, de devenir avec joie les vic-
times illustres de la droiture et de la probité; qui sourds
aux promesses de la fortune, se renferment glorieusement
dans le sein de la vertu : aucun mélange de passions, d'in-
térêt, d'amour-propre ne pourrait troubler la pureté des
fonctions de leur ministère. »
— 420 —
Tous ceux qui out connu Robert Helias d'IIuddeghcm,
le reconnaîtront à cet énergique et noble langage.
Ces deux écrits ne sont pas les seuls qull ait laissés.
J'ai sous les yeux un manuscrit précieux auquel il tra-
vaillait depuis longtemps et même jusque peu de jours
avant sa mort, avec toute l'ardeur de Técrivain pénétré de
l'importance de son sujet. Dans cet ouvrage, dont le Précis
des institutions judiciaires n'était que le premier jalon, il
trace d'une manière aussi consciencieuse que nette l'his-
toire de la Justice dans les provinces belges. Voici le titre
de cette œuvre posthume :
Institutions judiciaires de la Belgique depuis les temps
les plus reculés jusqu'à 7ios jours.
Il suffit pour apprécier ce travail que l'auteur n"a pu
achever, de jeter un coup-d'œil sur la table des matières
qui y sont traitées; la voici :
PREMIÈRE PARTIE.
Première époque de rorganisation judiciaire. — Assemblées générales ou
comices.
CHAPITRE I.
Anciens Germains.
SECTION PRÉLIMIKAIRE.
SECTION n.
Mœurs des Germains.
SECTION III.
De lélat primitif de la société chez les Germains.
CHAPITRE II.
Origine et premier état du pouvoir judiciaire des Germains.
SECTION 1.
Circonstances particulières qui ont eu de Tinflucnce sur les institutions
judiciaires des Germains.
SECTION II.
Premier état de l'organisation judiciaire des Germains.
SECONDE PARTIE.
Seconde époque des institutions judiciaires, Des plaids ou assemblées dites :
Placila minora.
— 421 —
CHAPITRE UXIQIE.
Coufédcralion des nations germaniques pour obtenir des établissements
nouveaux. — Agrandissement de leurs états. — Organisation nouvelle de
l'ordre judiciaire.
SECTIOX I.
La réunion des petites peuplades forme des gouvernements plus étendus.
— Les pouvoirs se divisent et la circonscription des états est changée. — Les
Francs Germains devenus maîtres de la Belgique y changent la division
territoriale et civile des Romains.
SECTION II.
Division des pouvoirs.
SECTION m.
Des comtes. — Leurs attributs, comment ils étaient installés.
SECTION IV.
Des vicaires, vicarii, vice-comités, deuxième classe des officiers judiciaires.
SECTIOU v.
Des centurions, troisième classe des officiers judiciaires.
SECTION VI.
Classes d'habitants. — Les hommes libres concourent aux jugements des
plaids.
SECTION VII.
DifTérents plaids ou placila.
SECTION VIII.
Lieux des séances. — Composition et forme des plaids.
SECTION IX.
Vestiges de la procédure devant les plaids.
SECTION X.
Des délibérés, des jugements et de leur exécution dans les plaids.
SECTION XI.
Des lois et des usages qu'on a suivis à partir du YI^ siècle au X" siècle.
TROISIÈME PARTIE.
Troisième époque des institutions judiciaires. — Les échevins, scabini,
escabini, escapini, judices.
CHAPITRE I.
Institution d'une classe d'hommes libres tenus de se rendre aux plaids
lorsqu'ils étaient convoqués.
SECTION I,
Des causes qui ont obligé les souverains à prendre des mesures en faveur
des hommes libres, ou arimans, et à faire cesser les vexations à leur égard.
SECTION H.
De l'institution des échevins-jugcs.
— 422 —
SECTIOK 111.
Des assises ou rjouding el vicrschaere, précédées d\iiie franche vérité, éla-
blies par rcinpereur Cliarlemagnc.
SECTION IV.
De la procédure civile et des jugements devant les échevins.
SECTION V.
De la procédure criminelle et du droit criminel avant le régime féodal.
CH.\PITRE II.
Transition au régime féodal.
SECTION I.
De l'état de la société à la première introduction des bénéfices.
SECTION II.
Des bénéfices. — Avantages des vassaux.
SECTION III.
Des seigneurs. — Obligations du seigneur et des fidèles ou féaux.
SECTION IV.
Différence entre les juridictions libres et les juridictions propres ou terri-
toriales. Les premières concernaient les hommes libres, les autres les serfs,
les colons, les vassaux.
QUATRIÈME PARTIE.
Quatrième époque. — Des institutions judiciaires, féodalité, jugements par
pairs, cours et tribunaux des seigneurs. — Haute et basse justice. — Cours
féodales.
CHAPITRE I.
Fiefs héréditaires. — Deuxième période féodale.
SECTION I.
Comment les fiefs s'établirent en France et en Belgique.
SECTION II.
De la survivance des honneurs et des bénéfices, fiefs héréditaires, feodum.
SECTION III.
Origine des justices héréditaires, de la juridiction disciplinaire. Des pro-
priétaires des villac.
SECTION IV.
Division des justices seigneuriales, en haute, basse et moyenne justice.
SECTION V.
Jugements par les pairs des parties dans les justices seigneuriales. — Les
affaires relatives aux voisinages se jugeant pareillement par des voisins.
SECTION VI.
Organisation des cours de jiislire des seigneurs. — Observations sur les
cours féodales.
— 423 —
SECTION VII.
De la ]ii'ort''(luri' civile cl criiuiiielle ilaiis les Iribiuiaux el le» cours seigneu-
riales el féodales.
SECTION VIII.
Des plaintes pour tléni de justice, ou pour faux jugements. — Introduction
des appels dans la pratique judiciaire.
CH.\PITRE II.
Féodalité générale. — Troisième période féodale.
SECTION I.
L'axiome : nulle terre sans seigneur, gouverne presque tous les pays de
l'Europe.
SECTION II.
Des lois el des usages qu'on a suivis dans les tribunaux et les cours féodales
depuis le dixième jusf/u'au Ircizii-me siècle.
II est à regretter que Tauteur n'ait pas eu le temps de
terminer cet intéressant ouvrage qui jette certainement un
grand jour sur l'iiistoire judiciaire de la Belgique. Le plan
en est heureusement conçu; les sources les plus respecta-
bles, les modernes comme les anciennes, y sont scrupuleu-
sement citées, et partout règne ce sage esprit de critique,
cachet de l'historien sérieux. Espérons que ces utiles tra-
vaux ne seront pas perdus pour la science, et que ce ma-
nuscrit complété par quelque main habile, recevra bientôt
la publicité dont il est digne.
Robert Helias d'Huddcghem était fils d'Emmanuel-Fran-
çoi.s-Josep!i-AIoïse, écuyer, seigneur de Vlienderghem qui,
pendant sa longue carrière, occupa sous les divers gouver-
nements qui se sont succédés depuis la fin du siècle dernier
jusqu'en J8Ô8, époque de sa mort, de hautes et d'impoi-
lanles fonctions administratives, souvent diÛiciles à remplir
au milieu de l'agitation des partis. Mais dans ces diverses
positions, cet homme de bien sut toujours se concilier l'es-
time de ses concitoyens, tout en restant inébranlablement
attaché à ses coiiviclions polilitiucs. Il avait épousé en 1790
au château d'Ovghem, Marie-Caroline-Gliishiine comtesse
(le Lem, issue de l'une des plus illustres familles du pays.
Robert Ilelias d'Huddcghem, fruit de celte union épousa en
— 424 —
premières noces, le M mai 1855, Ilélène-Marie-Gliislaiiie
Kervyn, dont il n'eut point de postérité, et en secondes
noces, le 26 juin 1843, Angélique-Hyacinthe Van der
Brugrjen, qui lui donna un fils (i).
Le Président Ilelias d'Iîuddegliem laisse une belle biblio-
thèque et un grand nombre de manuscrits d'un haut intérêt
pour notre histoire nationale, dont plusieus de son bisaïeul
maternel, le vice -président Fa/i f/er Vynckt, l'illustre auteur
de V Histoire des Troubles du Pays-Bas sous Philippe II.
Gand, septembre 1851.
K. deV.
Nous faisons suivre ici le discours prononcé par M. le
président Ph. Van de Velde sur la tombe de Robert Helias
d'Huddeghem
Messieurs !
Une circonstance bien douloureuse nous réunit aujourd'hui : la Cour supé-
rieure des deux Flandres vient de perdre l'un des chefs distingués qui la pré-
sident; la ville de Gand se voit enlever l'un de ses magistrats municipaux.
La mort nous a ravi Robert-Emmanuel Helias d"Huddegliem; celte perte,
que naguère encore rien ne devait faire augurer, est d'autant plus affligeante
qu'elle nous prive d'un collègue dans toute la vigueur de l'âge, qui aurait pu
longtemps encore participer ù nos travaux, et continuer les services réels
qu'il a rendus à sou pays.
Robert-Emmanuel Ilelias d'Huddeghem appartenait à l'une des familles
distinguées de Gand, dont plusieurs membres illustrèrent le barreau, ainsi que
la magistrature des Flandres.
Brûlant du désir de marcher sur les traces de ses aïeux, il se livra de bonne
(1) Dans l'histoire généalogique et héraldique de quelques familles de
Flandre, par Kervyn de Volkacrsbeke, on trouve celle de la maison Helias
d'Huddeghem.
— 425 —
lieui-c à l'étude dus lois, et déjà à Tàge de 2G uns. il se vil, en 1817, aiipelc
à un siège de juge au tribunal de !''« instance d"Audenacrde; il s'y fit distin-
guer par son zèle et son activité : aussi fut-il, deux ans après, nommé, en la
même qualité, au tribunal du clief-lieu de la province. Nous l'y avons tous
connu, et nous savons avec quelle droiture, quelle équité, quelle justice et
quel esprit de conciliation, il s'acquittait de ces importantes fonctions.
En 1830 il fut placé à la tète du même tribunal, d'où il passa, lors de
l'organisation de 1832, ù la Cour d'appel, comme président de chambre. Il y
continua à développer toutes les qualités qui constituent un magistrat par-
fait, et, après avoir, pendant un quart de siècle, exercé ces fonctions judi-
ciaires avec distinction, il fut, à la satisfaction générale, décoré de l'ordre de
Léopold.
Modeste dans sa manière de vivre, il ne reclierchait pas les honneurs :
remplir conscicnsieusement les obligations que lui imposait la haute dignité
dont il était revêtu, c'était là, sa seule préoccupation, son seul désir; il ne
recherchait autre chose que l'amitié de ses collègues, l'assentiment du
barreau et la bienveillance de ses compatriotes : aussi nous a-t-il, dans ses
épanchements, plus d'une fois répété que l'élection récente, qui l'a fait entrer
au conseil communal, était la seule récompense qu'il avait jamais ambition-
née, parce qu'il la devait au suffrage libre et spontané de ses concitoyens,
et qu'il y obtenait de leur part, l'approbation la plus complète de sa conduite
judiciaire.
En 1850 il fut appelé au Congrès : il n'entre pas dans nos vues de vous
énumérer ici les actes de haute politique auxquels il concourut directement :
il me suffira de dire que, dans cette position, il prit, comme toujours, parti-
culièrement à cœur les intérêts des Flandres et principalement ceux de la
ville de Gand; car c'est à ses démarches, à son insistance, à sa persévérance
surtout, que nous sommes, en grande partie, redevables de l'institution de
la Cour d'appel des deux Flandres; cet acte de patriotisme est à la connais-
sance de plusieurs d'entre nous, et personnellement nous pouvons l'attester.
Vous parlerai-je de sa vie privée : rempli de sentiments religieux, chari-
table, toujours disposé à rendre service à ceux auxquels il pouvait être utile,
voilà. Messieurs, en deux mots les qualités et les vertus qui se trouvaient
réunies en lui; il méritait certes de jouir d'un parfait bonheur domestique,
mais la Providence, qui a voulu l'éprouver, en avait disposé autrement : des
pertes bien pénibles sont venues successivement l'affliger, et, de tout ce qui
lui avait été si cher, il n'avait conservé qu'un fils sur lequel devait se porter
désormais toute sa sollicitude.
Tel était. Messieurs, le magistrat que nous regrettons, tel était Ihonime
privé que vient de perdre une famille éplorce.
— 426 —
Après avoir pendant trente-trois ans rendu k chacun une justice pater-
nelle, mais sévère et équitable, il attendait avec calme et confiance Tarrèt
définitif de celui auquel chacun devra, tôt ou tard, rendre compte des actions
qu'il aura posées sur cette terre de résignation.
Pour lui-même. Messieurs, il ne redoutait aucunement cet instant suprême :
mais il devait abandonner ici-bas un être débile et faible, dont le sort futur
a dû nécessairement absorber et attrister ses derniers moments.
Etre menacé de se voir enlever la douce satisfaction de présider à l'éduca-
tion d'un enfant chéri qui n"a plus de mère, se voir priver de l'espoir de le
diriger vers la carrière dans laquelle lui-même, ainsi que la plupart de ses
ancêtres, ont occupé un rang supérieur, est une idée qui a dû Taffliger, et
qui était de nature à aggraver les germes de la maladie qui vient de l'enlever.
Dans ces moments d'amère réflexion, il n"aura pu chercher de consolation
que dans la certitude de trouver, dans sa famille, plusieurs membres qui
sauront consciencieusement remplir les vues qu'il avait, et qui entreprendront
et surveilleront l'éducation qu'il destinait à son fils.
C'était là, collègue tant regretté, la préoccupation de vos derniers instants;
mais tranquilisez-vous : du haut du ciel, où les actes de votre vie publique
et privée doivent vous faire admettre parmi les élus, vous verrez revivre
dans ce rejetton toutes les vertus héréditaires qui brillaient chez vous et dont
vos collègues garderont à tout jamais le souvenir.
Adieu ! après avoir, pendant si longtemps sur cette terre, rendu d'une
manière aussi digne la justice à vos concitoyens, avec confiance présentez-
vous là haut, à votre tour la justice divine vous attend et vous réserve sa
récompense.
— 427 —
notice l)iôtorxquc
SCR
L'ANCIEN CHATEAU DE BOURGOGNE,
A AUDENARDE (1).
D'autres prisonniers non moins illustres subirent une
triste captivité dans la même forteresse. A la suite de la
prise de Térouanne, un des plus forts boulevards de la
France, dont il ne reste plus aujourd'hui que le souvenir,
une grande partie de la noblesse française qui s'était pré-
cipitée au secours de la place, tomba entre les mains des
Espagnols. Ce furent les seuls débris qui échappèrent à la
fureur de l'armée victorieuse, et que les Espagnols, plus
avides d'or qu'humains et cléments., consentirent à recevoir
en otages.
Dix-huit de ces gentilshommes avec leurs gardes et leurs
domestiques furent transférés à Audenarde et enfermés dans
le château de la manière la plus étroite. Un état de dépenses
dressé le 11 septembre loo6, par le capitaine Cortewille,
et communiqué par M. Van Lcrberghe, nous livre exacte-
ment leurs noms. Les voici :
Charles, seigneur de Culant, lieutenant de la compagnie
du duc d'Etampes.
Cherf, capitaine.
(1) Suite el fin. Voir page 585.
— '.28 —
Sébastien ClKunbullain.
De Genly.
Jacques De la Roche.
Jacques de Courcelies.
Antoine de Mallortie.
Antoine De la lîaye.
Jean de Vesin.
Jean de Lefebure (dit Buisson).
Nicolas de Gonnelieu.
Le Vivier.
Balthasar de Vaulon.
Jean Mombre (dit Pirez).
Adolphe Desmarquetz.
Philibert Depuis (dit Warrou).
De Gargar.
Lesmary, capitaine.
Ces trois derniers, malgré toutes les précautions, parvin-
rent à s'évader nuitamment à travers la tour de Bourgogne;
mais ils furent bientôt surpris par un lieutenant de la forte-
resse d'Atb, dans les terres de la seigneurie de Ligne et
réintégrés dans le lieu de leur captivité. La ville d'Aude-
narde était tenue d'avancer provisoirement les fonds néces-
saires, tant pour leur entretien que pour leur traitement
qui s'élevait à cent quatre-vingt couronnes d'or par mois.
Ces avances, tirées des revenus de la ville, au milieu des
circonstances les plus critiques, et prolongées pendant plus
de trois ans consécutifs, soumirent notre cité à de pénibles
sacrifices (i).
(1) (De slc(le) hecft geslotcn de voornaoïnde Francoisen en liaer guarde
le gheven traitement van gelde, ter maende bedraegende tôt zcstien gcvan-
ghene, zes huerlicder knacpcn, en XII personnen voor hucrlieder guarde, tôt
180 gaude croonen, te vecrlig stnyvers stuc, de niacnd, op de incomsien dcr
stede naer dal zy bevonden licbbcn niet gestaet te wczen overmits hucr-
lieder groolc laslen Iselvc furnisseinent te continueren, zoo hcbben zy voorts
ghccontinucerd by verkooping van lyfrcnlen tcn laste dezcr slcde.
(Comptes de la ville).
— 429 —
En I5S6, les captifs recouvrèrent successivement leur
liberté moyennant une grosse rançon. Ils firent place à deux
autres gentilshommes de la première noblesse de France,
le connétabie de Montmorency et son quatrième fils. Ce
fut à la suite de la victoire glorieuse du duc d'Egmont à
S'-Qiientin, victoire qui ravit aux Français environ quatre
mille hommes et plus de deux cents nobles, qu'ils furent
emmenés à Audenarde et confiés à la garde du capitaine de
la forteresse. Le connétable était dangereusement blessé à
Tépaule gauche d'un coup d'arquebuse. Quand Tillustre
vainqueur passa à Audenarde, il alla visiter les infortunés
captifs et les fit traiter avec tous les égards dûs à leur mal-
heur et à leur rang (1.5o8).
JVous voici arrivés à un des plus intéressants épisodes
historiques qui aient rapport à notre sujet. Nous voulons
parler du siège du château de Bourgogne par les Gueux
en 1572, et des horreurs qui le suivirent.
La ville d'Audenarde, malgré une enceinte peu étendue,
avait à cette époque une population fort industrieuse et une
bourgeoisie considérable, qui lui donnaient une importance
politique qu'elle a perdue depuis. Une lettre de Philippe
de Lalaing, adressée à la reine gouvernante (i), nous ap-
prend que douze à quatorze mille personnes y vivaient du
métier de tapisseur.
Depuis six ans, Audenarde était agitée par des divisions
et des troubles incessants, dont l'origine et les progrès sont
suffisamment connus. On commençait pourtant à espérer
la paix. Malgré les odieuses vexations d'une garnison étran-
gère, les bourgeois étaient prêts d'acheter aux plus pénibles
sacrifices, un repos devenu nécessaire. Malheureusement,
par suite de ces désordres, de noinbreux ouvriers étaient
sans travail, et le découragement gagnait promptemcnt tous
les habitants.
(1) Relation des (roubles de Gand sous Charles-Quint, par M. Gachard.
— no —
Un décret intempeslif du duc d'Albe, venait de livrer
au dernier supplice plusieurs fauteurs de troubles et d'en
bannir quelques autres. Au nombre de ces derniers, se
trouvait un jeune homme remuant et audacieux, désigné
depuis, dans l'histoire, sous le nom de capitaine Blommaert.
Il appartenait à une des plus honnêtes familles bourgeoises
de la ville. Aigri plutôt que soumis à la suite de cet arrêt, il
s'était dévoué corps et àme aux novateurs, et il puisait dans
la vengeance le courage des plus audacieuses tentatives.
Devenu habile et expérimenté dans l'art de la guerre sous
les drapeaux du prince d'Orange, il avait pris Flessingue(i),
et cet exploit lui avait valu le titre de capitaine. Il avait
reçu dès lors une mission plus importante : celle d'appuyer
les mouvements de défense que faisait Maurice de Nassau
sur toute la ligne de l'Escaut et de s'emparer de sa ville
natale. Un stratagème habilement combiné venait de lui en
ouvrir les portes. A la tète d'une troupe d'ouvriers, de
paysans, d'aventuriers, connus sous le nom de Gueux,
Blommaert s'était facilement rendu maître des autorités
altérées par la frayeur et mal soutenues par une garde
bourgeoise numériquement faible et peu disciplinée.
Toutefois, il lui restait encore un pas à faire. Le château
des ducs de Bourgogne, quoique en partie délabré, pouvait
offrir une longue résistance. Ses larges fossés, ses hautes
murailles flanquées de tours, sa double enceinte protégeaient
encore efiicacement l'assiégé contre toute insulte. Sa posi-
tion favorisait, au surplus, l'entrée clandestine de troupes
royales. Aussi, bien que maîtres de l'artillerie, les rebelles
ne jugèrent pas prudent de s'aventurer plus avant dans la
ville et d'exercer leurs brigandages, avant de s'être empa-
rés de cette forteresse.
A l'approche de l'orage, le gouverneur du château, le
(1) Audenacrdsche Mengeliugcn, Ile Jccl, p. 284.
— VA —
brave et vaillant Cortewillc, dont le nom est à jamais impé-
rissable dans riiistoire, s'y était jeté avec une poignée de
troupes, décidé à s'y défendre jusqu'à la dernière extré-
mité. Aux menaces, aux promesses, aux sommations, il
opposa une fermeté inébranlable. L'attaque commença à
Tavant-porte du château qui tomba bientôt consumée par
les flammes. La seconde porte ayant été enlevée par le
même moyen, l'ennemi pénétra dans l'enceinte; là, un
feu nourri s'engage et se soutient de part et d'autre avec
un égal acharnement. Plusieurs victimes tombent percées
par les balles. Cette attaque par la porte principale n'avait
eu pour but que de faire tourner les forces de l'assiégé de
ce côté. Pendant que Cortewille et ses compagnons opposent
une héroïque résistance, une troupe de rebelles se précipite
vers la tour de Bourgogne, en incendie la porte, et s'y
établit sans coup férir. Dès lors c'en était fait du sort du
château; le découragement gagne promptement les assié-
gés, et la plus grande partie de ceux qui avaient juré de
sacrifler leur-vie pour leur maître, se jettent dans le fleuve
et se sauvent à la nage. Cortewille abandonné de presque
tous les siens, tandis que l'ennemi redoublait d'énergie, ne
se déconcerte pas. Il était retranché derrière la porte d'en-
trée de l'ancien donjon, et y soutenait presque seul, les
efl"orts impétueux d'une multitude d'assaillants. « Rends-
toi, » crie-t-on de toutes parts au gouverneur. « A qui me
rendrais-je? » répond Cortewille. « Au prince d'Orange! »
« Je ne me livrerai jamais à des traîtres qui prennent les
» armes contre Dieu et contre le roi. Plutôt mourir que de
» forfaire à mon serment! Telle est ma résolution; n'alten-
» dez rien de moi ; j'aurai assez de courage pour vous
» résister. » A ces paroles, le cri de : Mort au traître!
part de vingt bouches à la fois et est suivi d'une grêle de
l)rojecliles. La porte vole en éclats, et le malheureux gou-
verneur, atteint à la poitrine, tombe inanimé. Alors par un
— 432 —
raflîiiemeot de cruauté qui sera la honte éternelle de ceux
qui raccomplirenl, et la gloire de celui qui en fut l'objet,
les barbares se jettent à Tenvi sur le corps, le percent d'outre
en outre, et le précipitent, après l'avoir dépouillé, dans le
fleuve. Cet événement eut lieu le 7 septembre 1372 (i).
Maître du seul retranchement qui eût pu le contrarier
dans ses projets, Blommaert s'y installa et y tint le siège
de son conseil de Guerre, Le château de Pamele, entouré
d'une f;)ible enceinte, tomba également entre ses mains. Il
y enferma les autorités civiles et ecclésiastiques, au nombre
de dix-sept.
Trois des bourgeois les plus notables de la ville furent
enfermés au château de Bourgogne; ce furent : Pierre De
Moor, Florent Van der Donck et Pierre ^'an der Beken.
Dégagés de tout obstacle, les Gueux rompirent le frein
qui les retenait. L'église de S'^'-Walburge, celle de Pamele,
l'hôpital, le couvent du Val aux Vierges et les autres com-
munautés religieuses devinrent la proie de leurs rapines.
Les ornements les plus précieux qu'ils en arrachèrent furent
transportés par ordre du capitaine dans le château de Bour-
gogne.
Tout-à-coup, au milieu de ces dévastations, des nou-
velles peu rassurantes pour les rebelles, circulèrent de
bouche en bouche : Malines s'était rendue au roi d'Espagne
et une armée espagnole s'approchait à grandes journées vers
Audenarde. Toute la nuit, ils discutèrent sur le parti qui
leur restait à prendre. On résolut unanimement de cher-
cher le salut dans la fuite et de se diriger en toute hâte
vers l'un ou l'autre port de mer. Mais avant de partir, il
fallait se débarasser des prisonniers. Un conseil est tenu
au château. Divers avis y sont émis sur la manière dont
on les ferait périr. Ou convint unanimement de les préci-
piter dans le fleuve, au milieu du silence de la nuit.
(I) Audcnacrdschc Mengclingcn, I» deci, p. 3G6.
— 4S3 —
(i Octobre) Aussilôt les malheureuses victimes sont em-
menées au nouveau château, où on leur annonce leur arrêt
de mort. Cet arrêt attendu depuis longtemps, ne trouble
point la sérénité de leur àme. Leur premier mouvement est
de se jeter à genoux et de jurer de mourir pour la foi. Il
est huit heures du soir: le bourreau se saisit de la pre-
mière victime : c'était Pierre Van den IlenLle, licencié en
théologie et curé de la seconde portion de S'MValhurge.
Nul soupir, nulle plainte, nulle larme, ne viennent trahir
en lui la moindre émotion. Conduit dans le lavoir, il y est
accablé d'injures et de blasphèmes. On le dépouille de ses
vêtements, et, conjme le dernier des criminels, on lui lie
ignominieusement les mains et les pieds; puis, Tayant traîné
jusqu'à la fenêtre, on le précipite dans le fleuve. Les seules
paroles qui s'échappent de la bouche de la victime sont
celles-ci : « Seigneur, que votre volonté se fasse; je remets
mon ame entre vos mains, »
Ce sacrifice consommé, les cinq autres ecclésiastiques
subirent le même supplice avec la plus héroïque résigna-
tion. Ce furent :
Paul Van Coye, Personne de S"=-Walburge.
Jacques De Deckere.
Jean Van Braecle, bachelier en théologie.
Jean Van Opstael, licencié en théologie et curé de Pa-
mele, et
Jacques la Ilamayde ou d'Anvaing, âgé de 60 ans.
Selon un écrit du temps, ce vieillard infirnîc et débile
aurait flotté d'une manière miraculeuse sur la surface de
l'eau, à l'endroit où le courant du fleuve est le plus rapide,
et aurait été sauvé par le dévouement de quelques paysans
à 1576 pas du château. Le père Robyn njoute qu'il a sur-
vécu encore quelques années à ses tortures, et qu'il a été
enterré conjointement avec les autres victimes, dont les
restes mortels avaient été soigneusement recueillis.
5i
— AU —
Quoiqu'il en soit, une pierre tuniulaire placée derrière
le maître autel de l'église de S"'-Walburge, perpétue la mé-
moire de leur glorieux martyre. En voici l'inscription :
Sépulture van de cerwecrdighe heeren meesler Paulus Van Coye persoon,
meester Pieter Van den Enden beede lineentiaten; ende meester Jan Van
Brade bacelier in der godtheyt, pasioors van de I"', II« ende IV*" portîe dezer
kercke, meester Jacob De Decker presbyter, welkc eerweerdighe heeren zyn
met den eerweerdighen meester Jan Van Upstalle, pastoor van Pamele, ende
heer Jacob Van Anvaing, presbyter, den VU seplcmbris M D LXXII, naer
t lislich innemen dezer slede van de heretycken gbevanghen ghenomen, ende
ghebonden in tcasteel van Pamele, tôt heurlieden vertrecken, ende doen in
den duysteren avont gheleydt int nieu easteel, aldaer ontcleedt tôt op lieur-
lierder hemde, de handen op den rugghe, de beenen boven de knien, ende
boven de knoessels ghebonden; ende métier lioofde voren door de venster
van den was-huyse gescholen in den Schelde, ende alsoo conslantelyck om
Christus gheloove ghestorven in den Heere behalven H. Anvaing die MDLXXVI
stappen vloeltende, wonderlyck vcrlost is. Anno M D LXXII, den IV oclober.
franCIsCVs sChaLda MVndat saCra Corpoba qVIîvqVe.
La fureur sanguinaire des rebelles était loin d'être rassa-
siée, mais leur rôle touchait à son terme. Prêts à quitter
le château de Bourgogne pour aller porter leurs cruautés
dans celui de Pamele qui renfermait les autorités civiles,
ils allaient se saisir de Pierre De Moor, de Florent Van
der Donck et de Pierre Van der Beken, trois bourgeois no-
tables de la ville, épargnés jusqu'alors à leur rage. Déjà
un coup de stylet avait atteint l'un d'eux, et l'avait précipité
du haut de l'escalier, quand tout-à-coup, aux lamentations
de la victime expirante, se mêle une voix formidable, criant :
Sauvez-vous !
Ce fut le signal de la délivrance d'Audenarde; les Gueux
au milieu du plus grand désordre, gagnèrent en toute hâte
les portes de la ville, et à dix heures du soir ils avaient
tous quitté nos murs. Le comte de Roeulx, à la tête d'un
corps de troupes, fit incontinent après son entrée â Aude-
— 435 —
narcle, et y fut reçu avec les plus grandes dénionstralions
de joie.
Telles furent les principales circonstances qui signalè-
rent la prise du château de Bourgogne. On connaît le sort
des rebelles, et en particulier celui de Blonimaert. Peu
d'annales offrent des pages aussi lugubres; et notre plume
se serait refusée à en retracer les affreux détails, si la vérité
et l'exactitude n'étaient le premier devoir de tout écrivain
consciencieux (i).
Ici commence, pour le château de Bourgogne, une lon-
gue série de vicissitudes qui se prolongent jusqu'à nos
jours (2).
Malgré les fréquentes réparations qu'on y avait faites
en 1582, 1595 et 1596, il n'était guère plus en état de
soutenir les épreuves formidables du canon, sans subir une
reconstruction à-peu-près totale. Son éloignement du centre
des habitations, sa position en face de vastes campagnes,
à portée de canon de la montagne de Kerselaer, et sur un
point où l'angle, tracé par l'enceinte, se prononce d'une
(1) Klagl-sehrift van Joan. DésiJ. Waclckens, p. II et seq. — Yetzweirlius,
De subdolà ac fiirlivà Gucusiorum in civitatcm Aldenardcnsem irruptione,
p. 10 et seq. — Robijn, Historié van den ooi'si)i'ong, voortgang en ondergang
der kelterye binnen en entrent Audenaerde, p. 79 et seq.
(2) Voici ]es noms de quelques souverains qui ont passé la nuit au cliàleau
de Bourgogne, avant sa reconstruction. Plusieurs autres souverains qui ont
résidé différentes époques, à Audenarde, auraient pu être compris dans cette
liste. Mais comme l'endroit de leur séjour n"a point été expressément désigné,
nous avons préféré, pour plus d'exactitude, les omettre.
Philippe le Hardi, les 24 et 23 février; les 13 et 23 avril 1398, et le
10 octobre 1401.
Jean sans Peur, le U avril 1404; en 1403, pendant 2 ans; le 15 sep-
tembre, les 7, 8, 9, 10 et 11 novembre 1413; le 8 mai et le 1" octobre 1414.
Charles te Téméraire, le 6 août 1468.
Marie de Bourgogne, le 30 mai 1480.
Maximilien, le 50 août 1513, pendant 8 jours.
Charlcs-Quinl, le 5 novembre 1521, pendant six semaines.
Philippe II. le 8 juillet 1:157.
— 4âG —
nmuière sensible, l'exposait à des attaques plus dangereuses
que les autres bâtiments. Le sommet de l'édifice avait été
de nouveau labouré par les boulets, à la suite du siège du
duc de Parme, en 1582, et sa base était minée par les eaux.
Eu outre, depuis les progrès de l'artillerie et l'invention de
cette ingénieuse forme d'ouvrages défensifs appelés bastions,
l'art de fortifier les places avait reçu d'importantes amélio-
rations, que le génie de V^auban porta dans la suite au plus
haut point de sa perfection. Son rôle militaire était donc
devenu complètement inutile. On en fit le siège des gouver-
neurs ou baillis d'Audenarde.
Déjà à diverses reprises, les archiducs Albert et Isabelle
avaient émis le vœu de le voir approprié à cette destination.
La ville contente de se décharger du soin de fournir le
logement au bailli, accorda, en ICI G, au sieur Rolleghem,
qui exerçait alors ces fonctions, l'autorisation de vendre la
demeure qu'il occupait sur la place (i), à la condition
d'affecter la somme qui en proviendrait à la reconstruction
du château de Bourgogne (2). Elle lui accorda en outre
2000 florins. Le 7 janvier 1617, arriva l'acte d'agréation
de la part des archiducs. Il fut bientôt suivi d'une somme
de GOOO florins; la chàtellenie en fournit 1200, et la ville
contribua en tout pour 5000 fl. A l'aide de cette somme,
le château subit une transformation presque totale. La
façade principale fut renouvelée en son entier, telle à peu
près qu'on la voit aujourd'hui; les deux façades latérales
reconstruites en grande partie. Le sommet de l'édifice fut
couvert d'une toiture; les galeries subsistèrent. L'intérieur
fut divisé en douze places, dont une servit de chapelle. La
même année le bailli ou gouverneur prit possession de sa
nouvelle demeure.
(1) Actuellemenl la l)ra.s.scrk' de M""' veuve VanJcrpiclc.
(2) Archives de la ville d'Audenarde.
— 437 —
Peudant le bonibarclcmeiit crAudcnarde en 1G84-, (jui
dura cinquaiite-liuit heures, la loilure et la eharpenlc furent
coinplélemcnt détruites par les boulets. Les gouverneurs
tinrent alors leur résidence dans le château de Paniele.
Le siège de 1745 le soumit à de plus rudes épreuves
encore. Le point d'attaque ayant élé dirigé principalement
sur le front septentrional de la place qui se déployait en
vue du château, une artillerie nombreuse et bien combinée
y fit, pendant deux jours, de si grands ravages, qu'après
la reddition de la ville, sou aspect ne ressemblait plus qu'à
des ruines. La même année ses murailles furent relevées et
le bâtiment fut mis en élat de servir d'hôpital à la garnison
française qui occupa depuis nos murs. Les travaux furent
entrepris par un certain Terling pour la somme de 4022 liv.
19 sous G deniers, monnaie de France. Cette destination
ne fut qu'éphémère.
En 1781, le conseil aulique ayant décidé la démolition
de ce qui restait des fortih'cations d'Audenarde, Marie
Christine et Albert Casimir, lieutenants-généraux des Pays-
Bas, firent procéder à la vente des terrains et bâtiments
militaires appartenant à l'état. Le gouvernement, faisant
partie du 6*^ lot, fut acquis par P. F. Scepers, qui y établit
des moulins à eau, pour la mouture des farines destinées
au commerce d'exportation vers les colonies américaines.
Joseph II lui en octroya le privilège le 21 décembre 1782(0.
Ce privilège accordé par le souverain, en vue de procurer
(1) La mcnie année, un typographe parisien, nommé Melinet, y transporta
un matériel d"impi-imerie considérable; mais il est inexact, comme on Ta
avancé, que le livre intitulé : De la parfaite inleUif)ence du commerce, y a vu
le jour. — Au témoignage irrécusable île M. Bevernaege, en la demeure de
qui cet ouvrage a été imprimé, nous ajouterons celui d'un prospectus, au
bas duquel figure en toutes lettres : De l'imprimerie de Dominique Bevernaege,
rue Krekelput à Atidenarde. Ce qui achève de nous convaincre, c'est que cer-
lains caractères typographiques qui le composent, sont identiques ù ceux que
porte rcntèle de l'ouvrage
— 488 —
quelque soulagement à la classe laborieuse de la ville, aiusi
que Scepers en avait donné l'assurance, servirent au con-
traire à une indigne exploitation. Par suite de l'accapare-
ment, le prix des céréales acquit insensiblement une hausse
extraordinaire; en moins de deux ans, il monta de 16 florins
le sac. Un malaise dans la classe ouvrière devait s'en sui-
vre, et ce malaise devait aboutir à des désordres.
Le 8 mars 1790, quelques bourgeois déterminés, affligés
du douloureux spectacle qu'offraient tous les jours à leurs
regards, des vieillards, des femmes, des enfants affamés,
parcourant les rues et laissant éclater un sombre désespoir,
s'unissent dans le faubourg de Bevere et y conviennent una-
nimement, d'enlever de gré ou de force, un bateau chargé
de cent sacs de froment, pour le distribuer aux familles
souffrantes. Le bateau se trouvait à quelques pas du châ-
teau, en face du couvent des Religieuses de Sion. Ils s'y
rendent aussitôt au cri de : Allons chercher notre cuisson!
De rue en rue, la troupe grossissait insensiblement. Au mo-
ment de mettre à exécution leur complot, le bourgmestre
se présente devant eux; il les conjure paternellement de
ne rien tenter par violence et les assure en même temps
qu'il prendra toutes les mesures nécessaires, pour faire
cesser les odieuses spéculations dont le peuple est victime.
Ces paroles ramènent le calme. Un des principaux bour-
geois de la ville est député vers le château pour solliciter
une entrevue. L'ouverture de la porte lui est refusée. Le
magistrat lui-même se présente revêtu de ses insignes. On
lui répond insolemment que l'entrée est interdite à qui que
ce soit. Alors la foule qui entourait l'édifice, poussée à bout
par cette grossière insolence, se précipite avec une impé-
tuosité inouïe vers l'entrée principale de l'établissement,
force la porte, brise les fenêtres et dévaste tout l'intérieur.
Une partie du mobilier est consumée par les flammes; une
autre est jetée dans le fleuve. Le mécanisme intérieur des
— 439 —
moulins, soumis à raction de la flainuie, est totalement
anéanti. De tout ce que le bâtiment renferme, le grain seul
reste intact et est distribué aux plus nécessiteux. Celte
destruction commencée à sept heures du soir, se prolongea
fort avant dans la matinée. Vainement les différentes auto-
rités de la ville, assemblées en comité, usèrent-elles de
toute leur influence pour arrêter la destruction du mobi-
lier. Leurs efforts réussirent seulement à préserver de tout
dommage une partie du bâtiment. Aussitôt que la multitude
eût assouvi sa vengeance, un corps de volontaires, organisé
à la hâte, entoura rétablissement pour en empêcher l'accès,
et tout rentra dans le calme (i).
Quelque temps après ce désastre, le propriétaire y éta-
blit une scierie de bois, également mue par les eaux, qu'il
céda, en 1803, à son beau-fils, .^r Carpentier, de Bruxelles.
En 1817, le tribunal de première instance y flxa son
siège jusqu'à la fin de l'année 1823. Il y a lieu de croire
que l'intérieur du bâtiment fut convenablement distribué et
décoré à cet effet, car un journal du temps, en parlant de
sa nouvelle destination, l'appelle « un des plus beaux pré-
toires du royaume. »
Le 1 9 avril 1 82.3, le château de Bourgogne, compris dans
le tracé des nouvelles fortifications que le génie hollandais
projetait d'élever du côté septentrional de la place, fut
acquis par l'ancien gouvernement, avec une grande pai'tie
du terrain environnant, pour la somme de 44,000 florins
des Pays-Bas.
Ce projet était en voie d'exécution, quand la révolution
de 1830 vint interrompre les travaux. Le nouveau gouver-
nement qui surgit alors, ayant abandonné jusqu'à nouvel
ordre, l'achèvement de la place, céda cette propriété à la
(1) Extrait dune relation du temps imprimée à Audenarde, sous le titre de r
JHerkivccrdige bcschryviiiff van dcn vreedcn en groutozaemen oploop oflv ver-
nicliging van Itel oud vermaerd slerk Kaslcel, genoemd Itct Gouvernement.
— .;'.o —
ville, qui y établil un abattoir. Réunie de nouveau aux do-
maines de TEtat en 1840, elle fut une seconde fois convertie
en infirmerie militaire, destination qu'elle remplit encore
aujourd'hui.
Quand en 1846, l'achèvement des fortifications d'Aude-
narde fut décidé par nos chambres législatives, le ministre
de la guerre reculant sans doute devant les frais considé-
rables qu'eût entraîné la continuation du projet du génie
hollandais, adopta un autre tracé, et le château fut encore
laissé intact.
Par suite de ses différents remaniements, et surtout de-
puis sa reconstruction, cette ancienne forteresse n'offre plus
cet air vénérable, cet aspect monumental qui commande
l'attention, A peine l'étranger qui visite notre ville, y jelte-
l-il un coup-d'œil. Pourtant, avec un peu d'attention, on
distingue fort bien, à travers les constructions modernes,
plusieurs restes de sa forme primitive. Aux deux angles de
la face droite, des débris de tours percées de meurtrières;
à la face latérale gauche, donnant sur l'Escaut, les murailles
colossales de l'ancien donjon qui commandait la campagne
et dont quelques-unes ont jusqu'à 5 mètres d'épaisseur. A
l'intérieur, de profonds souterrains, l'ancienne cour et l'en-
trée du donjon, dont la voûte est bâtie en plein cintre (i).
Au moyen de légères modifications, l'ancienne demeure
des ducs de Bourgogne pourrait encore, au besoin, servir
d'ouvrage défensif, et soutenir, avec avantage, une partie
de son ancien rôle.
Edmond Van der Straeten.
(I) Une partie des fondements de la grosse four de Bourgogne subsiste
eneore. On y a renconln-, à diverses époques, des monnaies de Louis de Maie
et de Piiilippc le Hardi qui figurent dans les colleclions de nos numismates.
— 441 —
ïlappcrt
SUR L'ÉTAT DES MONUMENTS BISTORIOUES ET ARTISTIQUES
DE
LA VILLE DE GÂND,
BÉDIGÉ ATJ KOM DE L\ C03IMISSI0!V INSTITUÉE POUR LEUR COSSERVaTIOIÏ,
PAR
PH. KERVYN DE VOLRÂERSBEKE ,
Membre de ladite Commission.
III
ÉGLISE PAROISSIALE DE SAINT-JACQUES.
Quoique nous ne puissions fixer exactement la date à la-
quelle l'église paroissiale de S'-Jacques a été construite, il
est certain que sa fondation remonte aux premières années
du XII'' siècle. « Nous ne saurons jamais, dit le chevalier
» Diericx dans ses Mémoires sur la ville de Garni, en quel
» temps fut fondé l'église de S'-Jacques, et si Sandcrus
» rapporte que ce fut vers l'an HOO, il se sert de l'expres-
■» sion fertur (on dit) : ce qui indique assez clairement que
» ses recherches pour constater l'époque avaient été infruc-
« tueuses. »
Pour nous aussi cette date est restée un mystère, mal-
32
— 442 —
gré les eflorts que nous avons faits pour la découvrir. Mais
les siècles ont laissé tant de traces de leur passage sur les
murs noircis de cet édifice, qu'il devient possible d'assigner
à sa construction une date approximative, sans doute peu
éloignée de la date authentique que les principaux chro-
niqueurs fixent à Tannée 1120; c'est-à-dire à l'époque
de la reconstruction de la plupart des édifices, réduits en
cendres par le terrible incendie qui dévora une pailie de
la ville.
Quant à son architecture, nous dirons franchement que
nous ne partageons pas l'opinion de feu M. Voisin, qui
trouve qu'elle « ne présente rien de remarquable. » Il nous
paraît au contraire que les deux tours romanes, qui can-
tonnent la façade principale et dont le savant archéologue
Schayes a donné la description dans son Histoire de Varchi-
lecture en Belgique, peuvent être comptées au nombre des
monuments les plus curieux de notre ville; mais il est à
regretter que les changements faits en 1667 et plus tard,
en aient détruit l'harmonie architecturale. Cependant il se-
rait facile de rétablir cette façade dans son style primitif.
Les dépenses que cette restauration nécessiterait, seraient
supportées en grande partie, nous sommes fondés à le
croire, par les habitants de la paroisse de S'-Jacques, si le
gouvernement, la province ou la commune consentaient à
allouer pour ces importants travaux un subside raisonnable.
Jetons maintenant un regard sur les nombreux tableaux
et autres objets d'art que l'église renferme. Cet examen
nous convaincra que toutes les descriptions qu'on en a
données, sont non-seulement très-incomplètes mais encore
très-inexactes.
Si nous nous trouvons aujourd'hui à même de remplir
la lacune laissée par nos prédécesseurs, nous le devons,
hàtons-nous de le dire, à l'obligeance de Monsieur le curé
Ilobette, qui nous a ouvert les archives de l'église, source
— 443 —
féconde où nous avons puisé la partie la plus importante
(le nos renseignements.
En entrant par le grand portail, la première chapelle qui
s'offre à nos regards dans la nef latérale de droite, est la
CHAPELLE DE SAIXT-JOSEPH.
Le tableau d'autel représente La fuite en Êrjypte, par
Louis Gcrbo. Il porte celle inscription :
A>xo 1810 Fam. Dm. Lcce Maes Gand. mcrcat. toxebat,
FECIT ET INV. LoUIS GeRBO.
CHAPELLE DES AMES DU PURGATOIRE.
L'autel est orné d'un beau tableau de Maes-Canini, re-
présentant le vieux Tobie envoyant son fils avec Vange. Il
est marqué : îMaes-Camm p'. Gand. 1829.
Contre le mur entre les fenêtres, on remarque un autre
tableau cintré, représentant les âmes du purgatoire déli-
vrées par les anges, par Gaspard De Craeijer.
Celte toile appartenait autrefois à la confrérie de la
Sainte-Trinité. L'extrait suivant, tiré des comptes de cette
confrérie, de l'année 1670, eti fournit la preuve.
Ilciii belaelt dcn cerslcn juny aen S"" Jaspar de Craeyer, acht pond gr.
voor cen schililcrye rcprcscntcrendc de verlossinglie door de Engels van de
sielen int vaghevuer, conforme de ordonnanlie ende quillansic, VIII lib.
Cette chapelle anciennement dédiée à St-Martin, patron
des Wynschrocders (avaleurs de vin), confrérie qui fut sup-
primée après la révolution française, comme le furent toutes
les autres corporations, qui avaient fait quelques siècles
auparavant la force et la richesse de la puissante capitale
de la Flandre; cette chapelle, disons-nous, était alors fer-
mée par une magnifique barrière en chêne, représentant
l'histoire de la fabrication du vin, depuis la recolle du rai-
sin jusqu'à la mise du liquide en futaille, sculptée en relief
— 444 —
dans cinq médaillons ovales, réunis à de gracieuses colon-
nettes par une vigne chargée de feuilles et de fruits artis-
tement fouillés et travaillés à jour. Un sixième médaillon
représentait le patron de la confrérie à cheval, jetant son
manteau à un pauvre.
Cette belle sculpture, vendue il n'y a pas trente ans à
un spéculateur anglais, en même temps que d'autres objets
précieux que nous rappellerons à votre souvenir, a été rem-
placée par un grillage en fer battu, uniforme pour toutes
les chapelles qui entourent Téglise.
CHAPELLE DE SAiNT-CORNEILLE.
Le tableau d'autel représente S^-CorneiUe bénissant des
enfants malades, peint en 1815 par /. De Loose.
Sous la fenêtre on voit une composition peinte sur trois
panneaux, représentant la prédication et le martijre de
S^-Liévin. Des vues prises dans l'ancienne abbaye de
S'-Bavon, sont reproduites dans le lointain.
Le martyre de S^-Corneille, peint sur toile, est exposé
en face de l'autel.
CHAPELLE DE LA SAINTE-CROIX.
Le tableau ovale qui orne l'autel, retrace le Christ entre
les deux larrons. 11 est peint sur bois par Michel Coxie,
ainsi que les deux autres, représentant la Naissance de
Jésus-Christ et sa Réssurrection, encadrés dans la boiserie.
« Mais, dit Descamps, en parlant de ces productions, le
» calvaire autrefois carré a été ajusté d'une forme presque
» ronde et ensuite lavé et presque usé. » En effet, les mau-
vaises restaurations que ces tableaux ont subies à diverses
époques, ne permettent plus de reconnaître le pinceau du
célèbre Coxie.
Dans la partie de la boiserie qui couvre le mur en face
— 445 —
de l'aulel, ou voit encore deux tableaux; Tan représente
h prodige du serpent d'airain élevé par Moïse, et l'autre
l'Invention de la croix, peints sur toile par De Cleef. Au-
dessus de ceux-ci, la muraille est décorée dans foute sa lar-
geur et en partie dans sa hauteur d'une grisaille sur toile
d'un beau faire, servant d'encadrement à un tableau mé-
diocre de petite dimension, représentant la Salutation an-
gélique. Au bas de la grisaille, exécutée en l'honneur de la
famille Luytens, qui dota l'église de S^-Jacques de ses plus
beaux ornements en marbre, comme nous le verrons plus
loin, on lit une inscription flamande donnant le crayon gé-
néalogique de cette famille (i).
Cinq petits anges tenant chacun un instrument de la
passion du Sauveur, décorent la corniche de la boiserie.
Admirablement sculptés en bois par une main habile mais
inconnue, il est vraiment surprenant que la fabrique de
l'église ait pu les soustraire à la rapacité des spéculateurs
étrangers.
(I) Voici cette inscription :
D. 0. M.
Ter sal. memorie
van Jaecques Luytens fs Jaccques
ende Jenne Alaerts fa Passcharis
syne huysvrouwe
stierf 20 februari 1640 aut 82 jaercn
syn huysvrauwe 21 maerte IGiô aut 77 jaeren
Hebben verweckt eenen erfgheuame
met name Jaecques Luytens
getrauwt met Lucie van Hauweghem fa Baudewins,
is gestorvcn 20 februari 1G36 aut 50 jaeren
syn huysvrouwe 24 april 1661 aut 52 jaeren.
welck geprocreert hebben 3 kinderen
te wetcn
Jaecques stierf 20 augusty 1630 aut 19 jaeren
Jan Bap'.
Piettr i^n octobcr 16G0 aut 27 jaeren
Marie
Jenne 17^" mey 1653 dach hacrder gheboortc
R. 1. r. Amen 1697
— 446 —
Eu sortant de cette chapelle pour se rendre à celle de
S'^'-Barbe, on passe devant un petit monument funèbre in-
crusté dans la muraille et élevé à la mémoire de Jean de
Dixmude et de sa femme Jacqueline Dullaert (i).
CHAPELLE DE SAINTE-BARBE.
La confrérie à laquelle cette chapelle est réservée, for-
mait autrefois avec celle de la S"^-Trinilé, dite : de la Fon-
taine, celle de S"=-Agnès, dite : de Boomlooze-mande, et
celle de Maria feeren, dont nous aurons occasion de par-
ler plus loin , les quatre chambres de Rhétorique de
Gand. La première avait sa chapelle à l'église paroissiale
(1) Ce monument est décoré (3e ces huit qualiers :
Dixmude. Waeie. vanden Ilole. Reypliins
Dullaert. Kcerberch. de Lespine. de Laval,
et porte Tinscriplion suivante :
Sépulture vanden Edelen ende weerden
Heere Joncheer Jan van Dixmude mer. Joos
zone, Rudderc, ende van vrauwe Margriete
vanden Hole, Schiltcnapc licere vanden Balghe,
Groot-Scîiactevveghe etc. melgaders eerbare
ende discrète Joncvrouwe Jacquelyne Dullaerts,
dochter van Ghyselbrecht ende Marie de Lespine,
voorseytz Joncheer Jans lievc gheselnede die
aehterlatende heeren Lievcn Canonynck
vander cathédrale kercke van Sente Baefs
binnen deser stede, Thilips Canonynck van
onser vrauwe te Dcndermonde, Joncheer
Jan ende Joncvrauwc Ouinline ghetraut
hebbende M'' Bartliolomeus de Bisscop
Jans zone, hucrlieder ghetrauwe kinderen
hebbcn doen maken dese memorie ende zyn
overlcden dese weerelt Jonckeer Jan vander
oude van LXX Jaren overleet, dcn XX" sproclc
XVcLlI, ende Joncvrouwe Jaquelyne vanden oude
van LXIIII Jaren overleet den, XYII^t» mey
XVi'LXIIII wiens zielen
ghenadich zy Godt
Almacblicli.
— U7 —
de S'-Nicolas, la seconde avait la sienne à l'église de
S'-Jean, aujourd'hui St-Bavon, et la troisième à l'église pa-
roissiale de S'-Jacques. La confrérie de S''-Barbe, dont
l'origine remonte aux dernières années du XV« siècle, avait
sa chapelle à l'église de Notre-Dame à S'-Pierre, puis elle
vint s'établir à S'-Jacques, où elle réside encore aujour-
d'hui (i).
Le rétable de l'autel, entièrement en marbre sculpté,
qu'une main ignorante a badigeonné à l'huile, renferme
un tableau représentant Sainte-Barbe portée sur un miage,
le calice et l'hostie à la main; au bas est un blessé couché,
invoquant cette Sainte pour obtenir la guérison de ses bles-
sures, par Jean De Cleef. Cette œuvre est l'une des premiè-
res de ce maître.
Une boiserie en chêne d'un beau style, ornée de deux
médaillons, dans lesquels le baptême et le martyre de
S"'-Barbe sont sculptés en bas-relief, entoure la chapelle.
Cette boiserie a été exécutée en 174G, aux frais de la con-
frérie et il est possible qu'elle est l'œuvre de Jacques Mar-
tens, qui travaillait à cette époque pour l'église de Saint-
Jacques (2). Toutefois, nous n'affirmons pas que le con-
fessionnal qui porte le millésime de 1712, soit de la même
main, quoique les statues de S^-Pierre, de la Madelaine
repentante, de VHmnilité et de la Pénitence, qui le déco-
rent, soient dignes d'un artiste distingué. Ces sculptures
devraient subir la même restauration que le rétable de
l'autel, car là aussi la couleur à l'huile a étendu ses ra-
vages.
(1) Plusieurs savants ont écrits sur les chambres de Rhétorique, mais
il s'en faut que tous les documents aient été consultés. Les archives com-
nuinales de Gand possèdent un gros volume in-folio, dans lequel on a
réuni toutes les pièces qu'on a pu trouver, concernant ces associations
littéraires. Ce volume est intitulé: lUictorique-Kamcrs in Vlacndcrcn. 1^37
ad 1819.
(2) Resohaic-Boeck. I702-I7r)0.
— 448 —
CHAPELLE DE SAINT-AMBROISE.
Le tableau d'autel reprôgente S^-Ambroise 7'éprimandant
le prince Théodose, Cette belle toile qui ne porte point de
signature, est due au magique pinceau de Nicolas Roose (i).
Le second tableau qui orne celle chapelle est la vaste
composition du Jugement dernier, par le même, « compo-
» sition considérable, dit Descamps, où le génie de l'auteur
» est sans bornes (2). » Cette belle œuvre, exécutée en mé-
moire de Pierre van der Haegben et de sa femme Fran-
çoise de ?»evt, comme l'atteste l'inscription placée au bas
du cadre {3), a été restaurée en 1685, par Jean De Cleef,
pour la modique somme de trente-deux escalins (4). Depuis
celte époque, de soi-disant restaurateurs n'ont fait qu'ajou-
ter aux dégradations que le temps et le soleil ont fait subir
à cette vaste composition (s).
(1) Voyez : Descamps, .Mensaert, Spruyt, dans l'invenlaire de 1777, et
les archives de la Commission des monuments, vol. A, p. 196.
(2) Vie des Peintres, t. I, p. 289. Paris, 17a3.
(3) D. G. M.
ET PYS MASIEVS D>\E FRANCISC.E DE XETT F*' MCOLAI
DILECT-E CO.MVGIS OCTAVO CAL, AVG, 1656, PR.EREPT.E,
POSVIT, PETRVS VAN HAEGBEX PETRI FUS QVI SEPT,
CAL, 9brIS 1640, SECVIVS, et eod exopposito
MO>"VME>"TO SEPVLTVS, MEMORIAM CHRISTI
IVDICAXTIS POSTERIS RELIQVIT.
REQVIESCAST IS PAGE
16iO.
(4) Den 13 july (1683) betaelt aen Mr Joannes De Clcef voor vermaecken
ende repareren van de scliilderye van t'oordeel, als p. billet, ordounantie
ende quittantie, — XXXII schellingen gr.
(3) Il y a quelques années, le prédécesseur du curé actuel crut devoir
faire subir à celte toile, des changements qui devaient avoir pour résultat
de détruire en grande partie l'effet de l'œuvre de Nicolas Roose, mais l'ar-
tiste qui fut chargé de cette mutilation eut le bon esprit de ne se servir
que de couleurs à la colle, faciles à faire disparaître.
— 449 —
CHAPELLE DE NOTRE-DAME, DITE MAUL\ T EEREN.
Celle chapelle est réservée à la célèbre confrérie de ce
nom que l'on complaît autrefois, de même que celle de
S"^-Barbe dont nous avons déjà parlé, au nombre des qua-
tre chambres de Rhétorique si célèbres dans les annales
littéraires et dramatiques de la Flandre. Elle fut fondée
en 1478, quoique ses statuts ne reçurent la sanction du
Magistrat de Gand qu'en 1484 (i).
Les archives de la confrérie de Maria feeren sont peu
nombreuses, mais elles renferment des renseignements cu-
rieux et peut-être inconnus sur la constitution et les usages
de cette association dramatique qui comptait Thisloriogra-
phe Marcus van Vaernewyck au nombre de ses poêles.
Le plus ancien livre des comptes qu'elle possède encore,
commencé eu 1556, nous apprend que le beau tableau de
l'autel, représentant l'Assomption de la Vierge, dû au pin-
ceau de Jean De Chef, n'a coûté que trente-six livres de
gros, comme l'atteste l'extrait suivant, tiré des comptes
de 1675 à 1679.
Item betaelt aen Joannes De Cleef
over een nieu schilderye, Maria ter Eeren,
ende het accomoderen van liet oude
stuck, conforme syne quittancie de
somme van — 36 lib.
Deux paysages oblongs avec figures, représentant, l'un :
la Sainte Vierge délivrant les âmes du purgatoire, l'autre :
l'Annonciation, décorent les murs au-dessus du revètemeut
en marbre blanc et noir qui entoure la chapelle. Ce revê-
tement et le banc de communion, sont l'œuvre du sculpteur
(1) Dans un intéressant article sur les quatre chambre de Rhétorique
de Gand, inséré dans le Belgisch Muséum, t. I, p. il7, M"- Ph. Blommaert
a publié les statuts de Maria t'cercn, extraits du registre de cette société,
conservé aux archi\cs de réglisc de S'-Jacques.
— 430 —
gantois Jacques Marlens, qui vivait vers le milieu du siècle
dernier (17o4), Il est probable qu'il sculpta également les
statuettes du Sauveur et de la 3Ière de Dieu, qui se trou-
vent à l'entrée de la cbapelle.
CHAPELLE DE SAINT-NICOLAS.
Le tableau d'autel représente Saint-Nicolas distribuant
des aumônes en bénissant une pauvre vieille femme, par
Le Plat. Il est marqué : G.-L. Plat, anno 1684.
Une belle toile par Don Antonio van den Heuvel, repré-
sentant le couronnement d'épines, décore le mur à côté de
l'autel. Puis, au-dessus du confessionnal sculpté dans le
meilleur goût et portant le millésime de 1G95, on voit un
paysage avec figures, d'une exécution des plus médiocres.
CHAPELLE DE SAINT-LIBOIRE.
Le tableau d'autel représente les apôtres S^-Pierre et
S^'Paul à genoux, en extase devant Venfant Jésus, qui
leur apparaît sur le globe terrestre soutenu par les anges,
par De Cleef.
Le confessionnal sculpté eu chêne et décoré des statuettes
de S^-Pierre et de la Madelaine repentante, d'une belle exé-
cution.
CHAPELLE DE SAINTE-ANNE.
Une sainte famille, par De Cleef, orne l'autel. Eu face
on voit les Vendangeurs, par Nicolas Roose; très-belle
composition exécutée pour le rétable de la chapelle des
Wynschroeders, dont nous avons donné la description plus
haut. Cette magnifique toile exige d'urgentes restaurations.
CPAPELLE DE SAINT-LIÉVIN.
Le tableau d'autel représente le martyre du patron de la
chapelle, par De Cleef.
— 431 —
Au-dessus du confessionnal on remarque un trypli(|tie
digne de fixer l'aUcntion. Le sujet du milieu, peint sur
toile, nous oflVe le baptême du Christ, sur le volet de droite
Jean de Claerbout et ses huit fils sont représentés à genoux
dans le costume du XV[I<= siècle; sa femme, Catherine van
Pilcke et sa fille unique Catherine de Claerbout, figurent
sur le volet de gauche. Les revers de ces deux panneaux
retracent les images de S^-Jean Baptiste et de S^^-Catherine.
Au bas de ce tryptique, on lit l'inscription suivante :
Hier voren in S-Licvens capelle licht
begraven den eersamen Jan Clarbout dane
metgaders ioncvroii Catelyne van Pilcke
syn huysvrou in houwclicke gliewcest twee
vyftich jaeren, iicbben Isamen gbehal neglien
kinderen, Joos, Jan, Bauduin, Adribaen,
Antbonic, Ghyselbrecbt, Caiclinc, Antlionie,
Machiel.
CHAPELLE DE SAI.ME-CATHERINE.
Le martyre de cette Sainte, peint sur toile par Robert
Van Ondenaerde, orne Tautel. « Ce tableau a du mérite, dit
» Descamps; mais, ajoute-t-il, les têtes n'ont ni noblesse ni
» caractère. »
CHAPELLE DE LA SALNTE-TRIMTÉ.
Si la chapelle que nous venons de quitter n'offre rien de
très-remarquable, il n'en est pas de même de celle où nous
entrons.
L'autel construit en 1669, entièrement en marbre blanc
et noir, est orné d'une fort belle toile de Gaspard De
Crayer, représentant la rédemption des esclaves chrétiens.
Les comptes de celle confrérie, fondée en 164-2 par l'évéque
Antoine Triest, pour le rachat des esclaves chrétiens, nous
apprennent par l'extrait suivant, que celte toile a coûté
cent livres de gros.
— 432 —
Item betaelt ilen vyfdcn jaiiuai- XVl^ ncghen en sestich, aen S"" Jaspaer
De Craycr hondcrt en thicn pond gr. cnde dal over dcn scliildcrye voir den
Autaer van de H. H. Dryvuldichheyt, conforme de ordonnantie milschaders
noch twee pont acht seh. over den schilderye staende boven de voorkerck
deure. Samen volghens de quitansie, — l'exil lib. VIII scb. gr.
Autour de la chapelle règne un revêtement en marbre
orné de pilastres, dont les chapiteaux sont soutenus par
de gracieuses tètes d'anges. Au-dessus de ce revêtement
en face de l'autel, on remarque une des plus vastes com-
positions de Jean De Cleef, les Trinitaires rachetant les
esclaves chrétiens. Dans cet œuvre, l'élève en traitant le
même sujet que son maître Gaspard De Crayer, a prouvé
qu'il était digne de marcher sur les traces de l'illustre
peintre qui lui confia l'achèvement de ses ouvrages avant
de mourir. Ce tableau que Descamps regarde comme le
chef-d'œuvre de ce maître, est le seul de celte église qui
porte le monogramme de Jean De Cleef (I D C. F* 1698).
La quittance de l'artiste est encore conservée dans les ar-
chives de la confrérie, la voici :
Den onderschreven bekendl ontfanghen te hebben uyter liandt van Myn
Heer Duyvelant, de somme van hondert ponden groote permissie, dat over
de schilderye dick ghemaekt ende ghelevert hebbe staende in de cappelle
van ald. H. Dryvuldicheyt, representerende de verlossinge van de christene
slaevcn. Actum desen 9 july 1698.
JoA\"NES De Cleef.
CHAPELLE DE NOTRE-DAME DE LA CO.NSOLATIO.N, DITE ONSE
LIEVE VROUWE TEN TROOST.
L'autel est orné d'une toile admirable, représentant la
Mère de Dieu intercédant auprès de son divin fils pour
la rjiiérison des infirmes, par Gaspard De Craycr. Ce
tableau est compté au nombre des meilleurs de ce grand
peintre.
— 4oB —
CHOEUR.
Si Ton excepte la ealliédrale, Gand ne possède aucune
église dont le chœur puisse être comparé, lanl pour la ri-
chesse que pour le hon goût de ses ornements, à celui de
S'- Jacques, hien que cette partie de Téglise ait considéra-
blement perdu, depuis que les magnifiques stalles qui pro-
longeaient le chœur actuel jusqu'aux piliers de la tour, ont
été vendues à un spéculateur anglais. Ces stalles qui exci-
taient l'admiration générale, étaient l'œuvre de deux ar-
tistes gantois, Jacques Coppens et Jean Hebbelynck, qui
terminèrent leurs travaux en 1719. Antérieurement à cette
époque, le chœur de S'-Jacques était orné d'autres stalles
qui eurent sans doute à soutTrir des excès des Iconoclastes
pendant les troubles du XVI'' siècle, car les comptes de
l'église nous apprennent, qu'en loG8 le sculpteur Bau-
douin De Vos fut chargé de les restaurer.
Le maitre-autel entièrement en marbre blanc et noir,
est orné d'un très-beau tableau, représentant le Martijre
de S^-Jacques, par Jean Bockhorst, dit — Langen-Jan. Celte
toile a été offerte à l'église de S'-Jacques, par Marie-Anne-
Thérèse d'Hane, comme l'attestent les armoiries et l'in-
scription suivante placées au bas du tableau :
DOXO DEDIT D. J0A>. DE JoNGUE ET Dla MarIA VAN DER
Haguen conilges Ponebat kob. D'à Maria-A>>a-Tueresa
d'Haxe, ex filia neptis.
Si nous consultons les comptes de l'année 1601, nous
trouvons qu'à cette époque le sculpteur Jacques Haustraete
sculpta quatre anges pour les colonnes du maitre-autel,
ainsi que la statue du patron de l'église qui le surmonte.
Dans le chœur à droite de l'autel, on remarque le ta-
bernacle, haute et élégante tourelle d'architecture grecque,
dont la flèche couronnée d'un pélican dans son aire, lou-
che au sommet de l'ogive qui joint les colonnes de l'édi-
— 4o-i —
lice. Les marbres les plus précieux ont été employés à la
conslruclion de ce gracieux monument. Les six faces visi-
bles (lu soubassement destiné aux vases sacrés, sont fer-
mées par des portes en cuivre travaillées à jour en arabes-
ques, se joignent au centre à un médaillon gravé au burin,
représentant pour cbaque porte un sujet différent, tiré de
l'ancien et du nouveau Testament, savoir : le Calvaire, —
le sacrifice d'Abraham, — le grand-prêtre Alchimelech
présentant les pains sanctifiés à David, — le prodige du
serpent d'airain, — la manducation de V Agneau pascal,
d'après l'ancienne loi, — et les Juifs nourris de la tnanne
céleste dans le désert.
Le millésime de 1593 gravé sur chacune de ces portes,
fait supposer qu'elles appartiennent à une époque bien an-
térieure à la construction du tabernacle, au-dessous duquel
nous lisons i'inscrintion suivante :
nie JACEXT Ds JOA>\ES BApta ET Da
.Maria Lcytos, oui siarmore uoc ciiorum
et eucharistiam decorarcm
OBIIT ILLE lia 7bris 1704
ILLA 2a july 1703
REQUIESCAXT IN FACE.
Ce tabernacle peut être compté parmi les plus belles
pièces de ce genre que la Belgique possède; mais hélas !
n'est-il pas déplorable que la brosse profanatrice du badi-
geonneur n'ait pas plus respecté la tourelle sacrée que les
sculptures et l'autel de la chapelle de S"=-Barbe? Espérons
que la fabrique de l'église, mieux inspirée, ne reculera pas
devant de légères dépenses, pour rendre à ce monument
son premier éclat.
Vers la fin du XVIP siècle, le tabernacle avait sa place
sur le maitre-autcl comme dans la plupart des temples ca-
tholiques, et à ce sujet les comptes de l'année 1G81 nous
— 45S —
disent, que les peintures qui couvraient les portes étaient
de la main de Jean De Cleef (i).
Pour achever Tinspection du sanctuaire, il ne nous reste
plus qu'à jeter un coup-d'œil sur la tombe de Guillaume
de Bronchorst et de sa femme IMarie de Warluzel, beau
monument funèbre en marbre blanc, où les défunts sont
représentes couchés, les mains jointes et les pieds appuyés
sur un chien. Ce morceau de sculpture qui n'est pas sans
mérite a été exécuté en 1693 par Jean Matlheys (2),
(1) IG8I — Item befaelt aen S"" Joannes De Cleef de somme van dry
pondcn twaelf schellingen groote over het schildereu van de twee deurcn
in het labernaeckel van den hoogen autaer met het schilderen van de
sielen in vaeghevier dienende in den vasten inde meditatie, volgens sjne
quillanlie, dus — III lib. XII sch. gr.
(2) 1695 — Item betaelt aen Jan Matlheys beeldisnyder over het mae-
ken van een niarbcle tombe in den choor, volgens het accord ende quitln.
— lib. 183-6-8.
La tombe de Guillaume de Bronchorst et de sa femme Marie de War-
luzel est décorée de ces huit quartiers :
Broscdorst. Warluzel.
BoSHt'YSES-DIT-GuiNES BOXNIERES-SOVATRE ,
Yliet. Cortesbacu.
SuYS. Hallewin-Maldegiiem.
et de répitaphe suivante :
D. 0. M.
Gcilielmus a Broxcuorst et Maria de Warlcsel
Ortus atque origims aobilitate scppares,
iliustrissim^e domcs avita decora,
Vliet.e, Bocchorsti, Vooruouti et plcres titclos,
et ?(omi>'a, terras, et opes posteris reliqieruxt,
ille, au : sal : mdcxxxv. ^t : lxvi. xv kal : feb :
ii.ec, an : mdcxxxvi, .£t : lx. iix kal : feb ;
Derrière la tombe, dans la nef latérale on lit :
ADESDl.M VIATOR.
GuiLiELMCS A Bronchorst et Maria de Wariizel
IIIC siti Sl">T.
ÏIIALAMI DUM VIVEREM TU.MLLI, DL'M reviviscent,
CONSORTES.
ILLUSTRIA NUPER JiOMINA SU.\C CIXIS TE UMBRA.
HUMANA OMNIA VANA SUNT ET INAKIA
iETERKA SEQDERE.
— 4o6 —
Derrière le chœur eu face de la chapelle de Maria
feeren, on voit un grand tableau dont la partie supérieure
représente le mystère de V Eucharistie, et la partie infé-
rieure un sujet de l'ancien Testament : le grand-prêtre
Alchimelech donnant les pains sanctifiés à David, peint
en 1752 par Frans Pilsen (i). Nous aurons occasion de
revenir sur ce peintre, lorsque nous parlerons de la sa-
cristie.
Contre les piliers de la tour, dans le revêtement en mar-
bre qui les couvre, on remarque les portraits de St-Pierre
et de S^-Paul, peints sur toile par Van Hu/fel.
La chaire de vérité d'un style à la fois simple, élégant
et sévère, est l'œuvre du célèbre sculpteur gantois Charles
Van Poucke. Sur les quatre faces on admire/le gracieux
bas-reliefs en marbre, représentant : i" la Naissance de
Jesus-Christ, 2° la Bénédiction des enfants, 0" le Christ et
(1) Le registre des résolutions de la fabrique de l'église, séance du 5 jan-
vier 1732 contient f" 14 \° -. « Ten selven daeghe syn voornoemde heeren
van den eedt over een ghecommcn ende gheaccordeert met S"" Frans Pilsen,
schilder binnen dose stadt tôt het macken ende schilderen een groot stuck
ofte schilderye van boven representercnde het aider H. Sacrament des autacrs,
ende van onder eenighe personagien van het voornoemde hoogweirdigh
misterie, ■«elcke voornoemde schilderye sal dienen ende ghestelt worden
in een groot cieraet-werck achter den hooghen autacr deser kcrcke, waer
van mentie ghemaeckt is by resolulie van den S<=n bcr 1731 hier vooren
fo 10 v" en 11 recto, dit omme ende voor de somme van veerticli ponden
grooten steerck wisselghclt, voor welcke voornoemde somme hy sal verobli-
geert syn de voornoemde schilderye te maecken ende schilderen inghevol-
ghe de schitse door hem hedent aen d'heeren van den eedt ghecxhibeert,
emmers ailes buyten critique ende reproche mitsgaders daer toe te leveren
den noodighen doeck ende voordere toebehoorlen al het ghone alsoo by
hem is gheaccepteert ten wclckcn effecte hy dese heeft onderleekent. »
— Les comptes de la fabrique de l'église de S'-Jacques, du 1er mars 1731
au 3 mars 1733, contiennent : « Betaelt aen Jacobus .Martens mcester beell-
houder de somme van zes-en-derligh ponden grooten over den arbeyt ende
leveringhe van bout tôt het becllhoudcne werk staendc achter den hoogen
autaer deser kerke als by rekeninge, specificalie, ordonnancie, — 5G lib.
— 457 —
la Samaritaine et 4" la Salutation angélique (1). Au-dessous
de la chaire, Tarlisle a placé la statue en marbre de Saint
Jacques expliquant les saintes Écritures au peuple. Quant
à la rampe de Fescalier figurant une vigne artistement tra-
vaillée et les autres sculptures en chêne, nous croyons
qu'elles ont été exécutées d'après les dessins et sous la di-
rection de Charles Van Poucke, par Jacques De la Geye,
sculpteur habile mais ardent révolutionnaire, que les Ja-
cobins élevèrent, lors de leur invasion en Belgique, à
la charge de commissaire de police de la section de la
Liberté.
A quelques pas de la chaire de vérité, contre l'un des
piliers qui soutiennent la tour, s'élève le mausolée d'un
bienfaiteur de rhumanilé, de Jean Palfyn, le célèbre in-
venteur du forceps, qu'une femme poëte et mère. Maria
Doolaeghe, illustra dans ses chants (2). Le monument dû
au ciseau de Charles Van Poucke, représente une femme
versant des pleurs sur la tombe de Palfijn. Cette statue
qui inspire une véritable douleur, bien drapée et parfaite-
ment posée, est unedes meilleures productions de ce maître.
Le cénotaphe porte l'inscription suivante :
(1) Le registre des résolutions de la fabrique de l'église, du 2 mars 1787,
fo 196 v", contient le contrat passé par devant notaire entre les marguilliers
et Charles Van Poucke. 11 y est stipulé que celui-ci devait exécuter les tra-
vaux prescrits pour la somme de 4,000 florins argent de change. Selon
cet acte le 2^ bas-relief devait représenter Jésus-Christ prêchant au lemple,-
cl le 3e, Jésus réprimandant les Juifs qui accusaient icne femme d'adullire
(2) Les six premiers vers de ce poème semblent être faits exprès pour
le mausolée de Palfyn, les voici :
'k Ben moedcr : 't zcgt gcnoeg, opdat ik voor u kniel" —
Den warnien loon u zing', geofferd door de zicl;
Op uw cerwaerdig graf, Palfyn, gcbloemle strooije;
Erkenteiyk nedcrzink', de lianden samenpiooije,
En 't dankgcbcd u slorlc, u, die aen 't zvvak gesjaclit,
Nacst Gode de eerste, hulp in doodsgevaren bragt.
— 453 —
D. 0. M.
ET IMMORTALI
PALFIM GESIO
CUBA
COLLECII MEDICI HlIfS URBI5
JERE LT MlMFICtMlA
PLCRICM
BOSARUM ARTICM REMCSERAIORDM
ERECTUM AN>0 1784.
Le premier inop.ument élevé à Paifyii en 1783, se trouve
en face de celui-ci. Ce n'est qu'un simple cippe en marbre
noir, au milieu duquel sont suspendus en trophée, entre
deux rameaux de chêne, les forceps et les autres instru-
ments de chirurgie inventés par cet habile praticien (i).
Avant de nous rendre à la Sacristie, il est nécessaire
que nous jetions un regard sur le jubé. L'architecture eu
est gracieuse et parfaitement en harmonie avec celle adop-
tée dans le chœur et dans les cliapelles. Ici encore nous
découvrons un sculpteur de mérite, Jean Prendhome, qui
exécuta en 1695, les deux anges qui couronnent le buffet
de l'orgue (2).
(1) A. Voisin a écrit une intéressante notice sur la vie et les travaux de
Palfyn.
(2) Item betaelt aen Jan Prendhome, M"" beeldtsnydcr ovcr het maeken
van S'-Jacob ende twee engelen boven t"doxhaeI, als per billet, ord. ende
quitt., lib. 5-3-4 [Comptes de l'église de l'année 1695).
Le jubé nous rappelle que nous avons cherché vainement dans les ar-
chives de l'église de S'-Jacques, un exemplaire d'une œuvre musicale, pu-
bliée en lG6a par J. Van der Wielen, maitre de musique de cette église.
Cet ouvrage, petit in-4'', d'une rareté extrême, dont M^ C.-P. Serrure pos-
sède un exemplaire qu'il a bien voulu nous communiquer, est intitulé :
CAMIONES NATALITI.E QDATUOR ET QUIXQCE TAM VOCIBUS QCAM I.'»STBUME:yTIS
DECAMANDE. Al'CTORE J. VA^DER WIELEN ECCLESI* PAROCHIALIS S. lACOBI GANDAVI
MUSICO-PR/EFECTO.
ANTVERPI.E APtD I1.£REDES PETRI PIIALESII , TVPOGRAPHI MtSICES, AD INSIGNE
DAVIDIS REGIS. M. DC. LXV.
La vignette du titre représente, le roi David dans un cercle, sur lequel
on lit : Laudate domiml'm in psalterio et cytuara.
— 439 —
Sacristie.
Vers le milieu du XVIP siècle, une nouvelle sacristie
fut ajoutée à raiiciennc, et les comptes de 1G65 nous ap-
prennent qu'un certaiu Jacques Jfoens peignit un tableau
pour la cheminée.
En 1751 cette partie de Tédifice fut reconstruite et
agrandie, et Frans Pilsen fut chargé de peindre pour la
boiserie de la cheminée de la chambre dite : de boeleniers-
kamer, un tableau représentant l'apôtre de VEspagne, prê-
chant VÊvangile au peuple. Ce tableau bien touché et
d'un beau coloris, ressemble si peu aux œuvres que nous
connaissons de cet artiste, qu'il faut pour se convaincre,
qu'il est réellement dû au pinceau de Pilsen, plus connu
comme graveur que comme peintre, le témoignage irrécu-
sable des comptes de l'église de S'-Jacques, où nous trou-
vons :
Betacit aen Frans Pilsen de somme van vyfligh guldens wisselgell, ovcr
het sehilderen van het schouwsluck in de seliauwe dei- sacristye deser kerke,
aïs per ordonnantie en quit. comt in courant gelt, — lib. 9-14-3 {Regislre
des Comptes du a mars 1733 au 2 juillel 1783) (I).
Sur la cheminée nous avons remarqué deux superbes
reliquaires en ébène, garnis de bas-reliefs en argent re-
poussé d'un beau travail, représentant des sujets tirés des
croisades. Ces reliquaires appartiennent à la confrérie de
la S'^-Trinité.
Disons ici un mot du fameux ciboire que Voisin croyait
(I) Lorsque Ion jette les yeux sur Tensemble des travaux de menui-
serie de la chambre, dite : de Boeleniers-kamer, on doit reconnaître que le
tableau a été fait exprès pour la boiserie. Opinion que les comptes ilu
3 mars 1735 au 2 juillet 1733, conlirment par i'cNlrail suivant : >< Belacit
acn l'icier Verpoest meester schrynwercker over syn billet van leveiliifflie
der twcc archive cassen ende boeserye der scliauwe in de sacristye deser
kcrckc, als per ordcie en quit. — lib. 3G-4-7. »
— 460 —
d'or massif, parce que Marcus van Vaernewyck l'avait dit
avant lui. Cette belle pièce d'orfèvrerie, du poids de
53 marcs, 6 onces et 2 esterlins, n'était pas un ciljoire
d'or massif, mais bien un ostensoir en vermeil, garni de
pierres précieuses et de perles fines, dont il existe encore
un dessin du X^T siècle, conservé dans la collection de
M'P.-J. Goetghebuer et que nous produisons ici en gravure.
L'exactitude de ce dessin, trouvé dans un exemplaire
in-4° de VHistorie van Belgis du poète van Vaernewyck,
n'est pas seulement prouvée par l'époque à laquelle il a
été exécuté, mais encore par un ancien inventaire repo-
sant aux archives de l'église de S'-Jacques, où toutes les
parties de l'ostensoir sont spécifiées (i). Celte admirable
production, due sans doute à l'un de nos plus célèbres ci-
seleurs flamands du XV'= siècle, a disparu il y a long-
temps, du trésor de l'église.
Cette perle n'est pas la seule que les arts aient à déplo-
rer. Comme la plupart des temples chrétiens aux XYl^ et
XVII'' siècles, Téglise paroissiale de S'-Jacques possédait
de magnifiques verrières, peintes par Rombaut Van de
Vekene, le célèbre peintre sur verre, qui exécuta quelques-
(1) Nous extrayons de cet inventaire les paragraphes suivants :
Aider eerst een christaelen cruj-se hanghende an de remonstrance glie-
stoffeert met gaut en gheslimeert ses ponden grooten.
Item, een gauden herfe hanghende an de zelve remonstrance weghende
seven inghelschens glieslimeert twee guldens den inghelsche sonder fatsoen.
Item, een gauden cruysken hanghende als voorcn gheestimeert op twyn-
tich schellynghen grooten.
Item, de remonstrance weghende een hondert en sevenensestich oneen
ghestimeert met het vergulden ende fatsoen twyntich schellynghen d'once.
Item, het macnlje van de voorse remonstrance weeglit twee oneen een
half geestimeert als vooi-en.
Item, een vergulden croone met twee hondert ende eencntwyntich fyne
peerlen dienende tôt de selve remonstrance weghende Ihyen onccn met de
peerlen geestimeert twAntich schellyngen d'once ende de peerlen toi drye
stuyvers het sluck.
Ch. On^hena «.^c.
— 461 —
uns des inagniliques vitraux qui onieut encore l'église de
S'- Jacques, à Anvers (i).
Les comptes de Tannée 1604 nous apprennent, que cet
artiste fut chargé de peindre cinq verrières, représentant
l'abbé de S*-Pierre et le Castillan, sujet ((ue nous avons
vainement cherché à expliquer (2). Le 27 novembre 1603,
Van de Vekene passa un acte avec les membres de la fa-
brique de l'église, par lequel il s'engageait à peindre six
verrières, rappelant U histoire de V apôtre de VEsparjne,
entièrement semblables à celles qu'il avait faites peu de
temps auparavant, pour l'église de S'-Jacques à An-
vers (3).
Puisque nous parlons de peinture, il convient de jeter
un regard sur les tableaux que la fabrique de l'église a
cru devoir mettre au rebut et parmi lesquels il s'en trouve
(1) Voyez le Dictionnaire des peintres, par Ad. Siret.
(2) 1604^ — Belaeit Rombaut Van de Vekene ghelaes senvere van And-
werpen voor de ghelaes-veynsters van den Al)t van S'-Pieters ende den
Castiliaen, mitsgaders X sch. gp. van proniissieghelt, tsaemen, — lib. XXVI,
X sch. gr.
Betaelt Mensius de Praet voor maeken van den iserwerck om het coper-
werck aen te vlechten tôt bescliermen van den ghelaes veynslers tôt vyf
veynsters ten II p. tsuck mits by daertoe moeste leveren de yseren raemkens
omme de veynsters van het glas mede vast te maeken, fsaemen X lib. gr.
Item, betaelt Pierre De Mettere voor zynen liaerbeyt van het vlechten
van den coperdraet van voorseide veynsters, I tôt XX sch. gr. ende dan-
der tôt XXV sch. gr. stick, bedragt de somme van VI lib. gr.
Betaelt Ghceraert Van Hasseck voor coperdraet te vlechten van vyf veyns-
ters ora tmaeken van den arnasschie tôt beschudden van de ghelaes veyns-
lers, — IX lib. XVIII gr.
(ô) Voici cette acte :
Dezen 27 november 1603 zyn pasloors ende keercmeesters van S'-Jacobs
kcercke in Ghendt ter eendere ende Rombaut Van de Vekene ter andere
met elcaudcrcn veraccordecrl van tmaeken van zes ghclaesveynsters in de
zelve keercke in der maniercn naervolghende : in den eersten dat hy Rom-
baut belooft heeft zoo hy doet by dczen, dezelve te maeckene mette hislo-
rye van S'-Jucops, in aider vormen ende manicren, zoo die zyn slacndo in
S'-Jacobs kcercke binncn AndMcrpcn, mette zclvc coleurcn die danof zullcn
~ 462 —
qui sont bieu certainement dignes d'un meilleur sort; tels
sont :
1° Le Baptême du Christ, bonne toile qui ornait autre-
fois l'autel de la cbapelle réservée aux fonts baptismaux.
Ce tableau peint en 1681 et attribué à Jean De Cleef, a
beaucoup souffert; cependant il mérite l'importante restau-
ration dont il a besoin, pour reprendre la place qu'il occu-
pait jadis.
•2° La Mort de S^^-Anne, bon tableau en très-mauvais état.
5° La Fuite en Egypte.
4° La Vierge Marie apparaissant à S^-Jucques au milieu
d'une forêt.
5" S^-Jacqnes combattant les infidèles.
0° S'-Jacques expliquant les saintes Écritures.
Ces quatre derniers tableaux sont des paysages avec
figures, qui décoraient autrefois le chœur au-dessus des
anciennes stalles.
Il est fâcheux que jusqu'à ce jour, on n'ait pas encore
songé à sauver ces tableaux, qui ne sont pas sans quelque
mérite, d'une destruction complète et inévitable au milieu
des débris de mobilier de toute espèce, qui encombrent
l'étroit réduit où ils sont relégués.
tien monslcr wezen enJe daer toe temployeren tbeste bourgoens gheîas enile
lool, endc in duppersie roiidcn zullcn glicstcll worden de wapcne van de
gliene die ghevende, al twclcke de voornomde Rombaut belooft te doene
in aider besler vormen cnde maniercn dat doendelic wort, ende die alle-
gader te stellcne ende rechtene, al ter goeder trauwen ende zonder arghe-
list tcn lancxsten onthier ende alf ougste naestcommende, dies zullen de
j"seren roedcn, by my te doen maecken betaeld worden by der keercke,
daer vooren de voornocmde Rombaut zal hebben dertliien ponden grooten
Yoor elcke veynstere, die de voornocmde pasloor ende keercmccsters bem
daer vooren beloven te betalene of emmers ben te bewyscnc up de gbc-
vers van dies, verbindcndc in al tgbcne voorscreven by Rombaut zynen
persoon endc goedynglicn présent ende toccommcndc , toorconden elcx
hanteecken.
RoMBOIDT Va>- de VeKEXE.
_ 463 —
Pour terminer rinspeclion de Téglise paroissiale de Saint-
Jacques, il ne nous lesle plus, Messieurs, qu'à monter à
la grande tour qui, pendant les premières années du siècle
dernier, résonnait encore des joyeux accords d'un carillon
dont il n'existe plus de vestiges aujourd'hui.
Quatre cloches de différentes dimensions sont suspen-
dues à la charpente. Les deux plus anciennes datent de
l'année 1G28. A cette époque, une souscription fut ouverte
parmi les habitants de la paroisse, pour couvrir les dé-
penses de cinq nouvelles cloches, dont l'exécution fut
confiée aux fondeurs lorrains François et Nicolas De-
lespine et Nicolas Chaboteau. S'-.Jacques, S'-Sauveur,
S'^-Marie, S'-Liévin et S'^-Barbe, devinrent les patrons des
nouvelles cloches, auxquelles ils donnèrent leurs noms.
Cent ans plus lard, le gros bourdon Jacques, s'étant fêlé,
on le fît refondre, puis il subit une dernière transformation
en 181.3. La cloche Liéviti ou Barbe, nous ne saurions
dire laquelle des deux, ayant été vendue à l'église de Saint-
Étienne, périt dans le terrible incendie qui consuma cette
église en 1858. Ces cloches étaient ornées de l'image de
leur patron, des armoiries de la ville et de celles du pre-
mier échevin de la Keure, Guillaume de Blasere, sculptées
par Emjelbert Van Zijll (t).
(1) Guillaume de Blasere, seigneur de Vassenpoorle, Castre et HeUcbus,
capitaine du château de Gand, élu premier échevin du collège des Parchons
en 1G18, premier échevin de la Keure en 1622, 1028 et 1630, nommé
ensuite Gouverneur de Courtrai, devint Grand-Bailli d'Audenardc en 1646.
A cette occasion la ville lui offrit une somme de 1200 livres parasis pour
meubler son Iiotcl (lot acnkoop van tapylen. Voyez Audcnaerdsche Afoigclin-
gen, I« deel, bl. 568). Pendant la même année il assista en qualité de
commissaire royal au renouvellement de la magistrature en Flandre. Il
mourut à .\udcnarde en 16o6 sans s'être marié. Guillaume de Blasere
était fils de Gérard et de Florence Le Poyvre, dame de Hellcbus, et petit-
fils de Jacques, conseiller au conseil de Flandre et de Catherine Bette; il
])ortail : d'urgent au chevron de guetdes, accompagné de trois trompes de
— 46-i —
Quant aux deux autres cloches, Salualor et Marie, elles
subsistent encore. La première porte celte inscription :
Salvator boven al gepresen
is my den naeme ghegheven
Vant ghemeente van S. Jacobs
Hier in ghescreven
Dm met Godt
te verzoenen goet
in al ons tegenspoet.
anno 1628.
Au-dessus de cette inscription, qui entoure la partie
supérieure de la cloche, règne un cordon d'environ six
centimètres de largeur, représentant, chose digne de re-
marque à une époque où ce genre d'ornementation n'était
plus en usage, une danse macabre de quatre personnages.
La mort tenant un jeune homme par la main, le menace
d'une pique, celui-ci donne l'autre main à un vieillard au
sourire sardouique, vêtu en magistrat, qu'un autre sque-
lette cherche à entraîner. Ce qui veut dire, croyons-nous,
que la mort frappe indistinctement les jeunes et les vieux.
■V).3tt.
sable, embouchées et virolées d'or, posées en pal. Il brisait ses armoirie
d'un tau d'or sur le chevron de Técu, sans doute en mémoire de son aïeule
Catherine Bette, dont la famille portait : d'azur à trois laux ou béquilles
de S^-A)iloine d'or.
— 463 —
La seconde cloche, Marie, appartenant à la même épo-
que, porte à la partie supérieure l'inscription suivante :
Maria is myncn naem op dese clocke ghescreven
van tgliemccnle van S. Jacobs biniien Ghendt gheglievcn,
van de loreynnooscn ghegotcn con paer
om Godt met luyden te dancken int doncker en claeren, anno 1G28.
L'église de S'-Jacques possédait autrefois des revenus
considérables, dont une partie consistant en biens-fonds et
en rentes, était atîectée au soulagement des malheureux
sous la dénomination de cotidiaenen distributien ou mense
du S'-Esprit. Nous avons trouvé dans les archives de
l'église une charte datée du 4 mai 1565 qui nous apprend
que Bernard-Alven de Herzele, seigneur de Rontglo (Ron-
sele), dont l'habitation était située près du cimetière de
S'-Jacques, fut le fondateur de cette institution philan-
thropique. Ce fait explique la présence des armoiries de
cette famille, au bas du sceau de l'église de S'-Jacques,
sur la bordure duquel on lit : s. cotidianaru. sa. iacobi,
GANDENSIS (l).
(i) Celte partie du rapport a été lue eu séance du 19 octobre 1831,
— 466 —
lïnc anîDi'c incbitc
DE MARTI>ETZ PASQUALIS.
A 3Î. DE SAi?>T-GENOis, Rêcluctcur du xMessager des Sciences.
Monsieur,
Le hasard, auquel on doit tant d'heureuses trouvailles,
me fit dernièrement tomber sous la main, parmi d'anciens
cahiers de cours universitaires auxquels on n'accorde guère
d'attention s'ils ne se recommandent par aucun nom célèbre,
un manuscrit aux apparences modestes, mais dont le titre
suflîsait pour exciter vivement ma curiosité. Je le transcris
ici, avec les erreurs d'accents qui s'y trouvent :
Traité
sur la réintégration des Etres, dans leur première propriété,
vertu et puissance spirituelle divine.
Par Doni Murtinetz Pasqualis.
Venant de ]\P de S^-3Iartin.
Puis, à la première page, à côté du titre reproduit avec
cette faute : traitté pour traité, se lisait :
Commencé la copie le 19 juillet et fini le 14 août 1818.
F. Gandard colonel, à Veuey en Suisse.
Ce nom de Martinclz Pasqualis qui offrait à ma curiosité
l'intérêt de l'inconnu, celui de Saint-j\Iartin qui me rappe-
lait les pensées pleines de délicatesse et de sentiment que
— 467 —
j'avais lues Jans un livre ouvert sur toutes les tables (i),
enfin le nom de ce coin de la Suisse qui fait penser aux
pages éloquentes d'un autre philosophe, c'était plus qu'il
ne fallait pour attirer mon attention sur le livre et son
auteur, sur le mérite de l'ouvrage, et puis sur cette ques-
tion qu'on se pose toujours en pareilles circonstance : Cette
œuvre n'a-t-elle jamais vu le jour? J'obtins d'emporter le
manuscrit pour examiner la question à loisir, et je vous
communique les résultats de mes recherches, résultats qui
peuvent présenter quelque intérêt pour ceux qui, comme
moi, s'intéressent aux moindres détails de l'histoire des
lettres.
Le Traité sur la réintégration des êtres est un cahier in-4.",
de 149 pages, d'une écriture serrée, régulière et très-lisi-
ble, pouvant former, d'après mes calculs approximatifs, la
matière d'environ 2o0 à 275 pages du Messarjer des Scien-
ces. La copie est correcte et paraît très-fidèle, jusque dans
certaines fautes qui se reproduisant trop fréquemment
pour qu'on puisse les attribuer à l'inattention du copiste,
semblent plutôt résulter d'une prononciation vicieuse de
l'écrivain.
Faisons maintenant connaissance avec l'auteur.
Martinetz Pasqualis, que les biographes désignent comme
le fondateur de la secte des Marti nistes, est appelé par
Saint-x>Iartin « son premier éducateur » et semble, si l'on
peut juger du maitre par le disciple, avoir appartenu à
cette série de mystiques parmi lesquels se rangent Bœhni
que Saint-Martin a traduit, et Swedenborg. On ne cite du
reste de Pasqualis aucune œuvre imprimée, mais M. Gence
nous apprend, dans la biographie qu'il nous a donnée de
lui (a), « qu'un traité de réintégration contenant ce que
(1) Le Magasin Pittoresque, treizième annOe (184u), p. 550 el 557.
(2) Riorjruphk universelle de Micliaiul, art. Marlinez Pasqualis.
— 468 —
Marlinez Pasqualis (i) avait écrit de sa doctrine et qu'il
lisait ou dictait à ses disciples, est resté inédit, » paroles
qui ne peuvent s'appliquer qu'à l'œuvre dont nous avons
une copie sous les yeux.
Le Traité sur la réintégration n'est donc pas complète-
ment inconnu, quoique les auteurs n'aient point donné de
détails précis sur les doctrines qu'y enseignait Pasqualis.
Ils se sont contentés de dire que \e philosophe inconnu(cesl
le nom que Saint-Martin se donnait en signant ses ouvra-
ges) (2), a puisé une bonne partie de sa doctrine dans les
écrits de son maître (0). J'aurais voulu juger de la vérité
de cette assertion par la comparaison de l'écrit de Martinetz
avec celui des ouvrages du disciple, qui par la nature du
sujet, doit s'en rapprocher le plus, et qui a pour titre :
De Vesprit des choses, ou coup cVceil philosophique sur la
nature des êtres et sur l'objet de leur existence, ouvrage dans
lequel lliomme est considéré comme étant le mot de toutes
les énigmes. Je n'ai pu trouver cet ouvrage. Cependant, par
ce que j'ai lu des autres productions du philosophe inconnu,
j'ai pu voir qu'il y avait au fond des écrits du disciple et
du maître ce même spiritualisme mystique enveloppé d'une
terminologie étrange, de formules et de chiffres qui le ren-
dent presque insaisissable à une première lecture, à cette
différence près entre les deux auteurs, que Saint-Martin
est moins obscur dans les détails, que sa pensée est moins
vague que celle de son maitre et son style plus correct, tan-
dis que la pensée de Pasqualis est quelquefois une énigme
(1) M. Geuce et tous les recueils biographiques écrivent Marlinez, tandis
que le manuscrit porte Martinetz.
(2) Des Erreurs et de la Vérité. — Le Tableau Naturel. — L'Homme du
désir, etc.
(3) Voyez l'art. Saint-Martin de M, Gence dans la Biographie universelle de
Michaud. — Quant à la notice biographique que le même auteur a publiée
séparément en 1824, je n'ai pu la trouver.
— 469 —
et que son style décèle fréquemnienl railleur qui est encore
peu familiarisé avec la langue qu'il emploie.
Au reste, je ne puis mieux faire connaître sa manière
d'écrire qu'en transcrivant ici deux passages, qui donne-
ront en même temps une idée des bases de sa doctrine.
Le Traité sur la réintégration des êtres n'est qu'une expli-
cation métaphysique de tous les grands faits de la Bible :
la création, la première faute, Gain, le sacrifice d'Abra-
ham, le déluge. Moïse, etc. Partout l'auteur trouve des
révélations, des formules, des types, des symboles, des
prophéties. Il croit saisir la loi des êtres dans les grandes
scènes bibliques et voit dans l'Ancien Testament une pre-
mière révélation de la nature de l'homme, de son sort ici-
bas et de sa destinée au-delà de cette vie. C'est ainsi que
les paroles suivantes, qu'il place dans la bouche de Noë
au sortir de l'arche, sont l'expression de sa pensée sur le
Déluge, et nous pouvons ajouter sur la Création de tous les
élres :
« Qu'il fe souviene (1) terre et vous animaux raisonables et irraisonables,
que le terrible fléau dont vous êtes les témoins, a servi de punition aux cri-
minels envers le Créateur, et en même temps qu'il vous souviene de la misé-
ricorde et de la bonté divine qui vous a délivré de cet horrible châtiment; les
eaux qui se sont élevées jusqu'aux portes du firmament, et qui ont dérobé
toute la nature à vos yeux, vous représentent le néant où était la nature
universelle avant que le Créateur eut conçu dans son imagination d'opérer
la création tant spirituelle que temporelle; il vous fait voir clairement que
tout être temporel vient immédiatement par l'ordre de sa pensée et de sa
volonté, et que tout être spirituel divin vient directement de son émanation
éternelle; gardez-vous de confondre la création avec l'émanation; la création
n'appartient qu'à la matière apparente, qui n'étant provenue de rien si ce
n'est de l'imagination divine, doit rentrer dans le néant, mais l'émanation
appartient aux êtres spirituels qui sont réels et impérissables; tous les esprits
existeront éternellement dans une personalité distincte dans le cercle de la
divinité. L'éternel est appelé Créateur, non seulement pour avoir créé l'uni-
(1) J'ai conservé l'ortographc e( les fautes de l'original.
— -Î70 —
vers, mais aussi parce qu'il ne cesse et ne cessera jamais de créer des vertus
et des puissances d'actions spirituelles en faveur des êtres qui émanent
de lui. »
La pensée de l'auleur est souvent moins claire, ce qui
arrive surtout lorsqu'il cherche la signification des faits
dans les propriétés des nombres, comme dans le passage
suivant :
Que peut représenter la dispersion des tribus d'Israël sous Roboam qui
en perdit sept cnlièremenl, et laissa tomber les autres en esclavage, sans
que jamais le lieu de retraite des premières a été connu ni de Roboam ni
des hommes des cinq tribus tombées en esclavage! Que représente un pareil
événement sinon la véritable allusion du mal et du bien provenus de deux
sortes d'esprits bons et mauvais? Voyez si ce que je vous ai dit à ce sujet n'est
point clair, puisque le nombre deux est celui de confusion; voyez aussi dans
la séparation des tribus d'Israël en deux parties, si le nombre septénaire de
ces tribus que les hommes de la terre ont perdues de vue, n'est pas le
véritable type des heureux que l'Éternel retire d'entre les profanes et les
impurs
Voyez encore si celte séparation n'offrait pas le véritable tableau de la
mort naturelle temporelle par la séparation de l'ame avec le corps; les 12 tri-
bus par leur intime liaison ne formoient qu'un seul corps, mais lorsque toute
unité a été divisée en deux parties distinctes, l'une étant en privation, l'autre
est tombée dans le néant spirit jel, et dans l'ignorance, de même que lorsque
l'ame est unie au corps, elle forme temporellement une unité parfaite avec
lui, mais lorsqu'elle se sépare de son corps, elle forme alors deux divisions
distinctes, dont l'une en répétition du nombre majeur septénaire des tribus,
demeure, si elle est juste, sous la protection divine et sous les ailes de la
Gloire de l'Éternel, et l'autre, en répétition du nombre quinaire des tribus
errantes, reste sur la terre en privation de toute action spirituelle jusqu'à sa
parfaite réintégration. C'est par cette observation que vous pouvez concevoir
l'avènement de la révolution qui surviendra à l'univers entier, lorsque celui
qui le vivifie se séparera de lui, car c'est l'image des corps particuliers; cette
matière restera errante ou dans l'inaction jusqu'à ce qu'elle soit entièrement
dissipée; telle est la loi qui donnera fin à toutes choses temporelles.
Les deux passages que nous venons de transcrire, mon-
trent les théories de Pasqualis sur l'origine et sur la fin de
— .'.71 —
toutes choses. Si l'on y dépouille sa pensée des formes bi-
zarres dont il l'a revêtue, on y trouve un spiritualisme qui
parait moins étrange, faisant partie d'un ensemble complet
de doctrine philosophique que nous laisserons à d'autres le
soin de juger, mais qui à nos yeux ne manque ni d'origi-
nalité, ni de profondeur.
Le Traité sur la réintégration des êtres finit au règne de
Saùl; la note suivante écrite de la même main que le corps
du manuscrit nous apprend que l'œuvre de Pasqualis est
restée incomplète :
L'auteur n'a pas été plus loin dans ce traité qui devait
être beaucoup plus long; cest surtout à la venue du Christ
qu'il devait être le plus important, selon ce c/u'il a dit lui-
même à ses amis.
Celte note doit être de Saint-Martin lui-même, qui,
comme nous l'avons vu, a eu en sa possession le manuscrit
primitif de traité de la réintégralion. Le disciple, en nous
conservant l'écrit du maitre, nous apprend ce que l'œuvre
eût embrassé s'il avait été donné à l'auteur de la pouvoir
continuer. Lui-même , marchant sur les traces de Pas-
qualis et poussant ses études dans la direction que « son
premier éducateur » leur avait imprimée, développa ses
idées et compléta son système, au point que nous pouvons
dire que sans les écrits de Saint-Martin les doctrines de
Pasqualis et jusqu'à son nom seraient aujourd'hui complè-
tement ignorés. Singulière ressemblance entre le nom le
plus obscur de la philosophie et l'un des noms les plus glo-
rieux : Socrate aussi ne nous est connu que par ce que ses
disciples nous ont transmis de lui, et l'on parvient à peine
à distinguer dans leurs écrits ce qui n'appartient qu'aux dis-
ciples, de ce qui est la pensée du maître. Dans le domaine
de la philosophie les brevets de perfectionnement ne feraient
pas naitre moins de difiicullés qu'en industrie. Il semble
— 472 —
que ce soit une loi de notre nature qu'à ceux qui s'enga-
gent dans des voies que nul n'a parcourues avant eux, il ne
suffise pas de l'activité et de la vie d'un homme pour par-
venir à ces résultats qui font le succès ou la condamnation
de leur tentative
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération très-
stinguée.
Gand, le 2o septembre 1851.
D.
— 173 —
rétenùari bc firabaut
AU MOYEN-AGE.
Une nation a beau changer de culte, de gouvernement,
de lois, il survit toujours dans ses mœurs quelque vieille
coutume , dont l'annaliste cherche à se rendre compte dans
ses études.
De Vadder, dans son Traité de f origine des ducs de Bra-
bant (i), cite un manuscrit de la guerre des Stadingers,
qui prouve que la charge de guidon du duché de Brabant
était héréditaire dans la famille qui possédait la seigneurie
d'Asche, franchise ou bourg voisin de Tabbaye d'Afflighem
dans laquelle l'étendard ducal était gardé en temps de paix.
Au douzième siècle, s'il faut en croire Gilles d'Orval,
dans son histoire, cet étendard (du moins celui que faisait
porter devant lui Godefroid-le-Barbu à la bataille de Duras
en 1129), était fait de panaches, et était posé sur un cha-
riot traîné par quatre bœufs (2). C'était un présent de la
reine d'Angleterre, fille du duc, qu'elle-même, dit l'histo-
rien, avait confectionné.
Dans les temps plus rapprochés de nous, le drapeau flot-
tant aux couleurs et au lion de Brabant, que surmontait
(1) 111-4". Bruxelles, M.DC.LXXII.
(2) Alexandcr cpiscopus {f.eodicnsis) Lovaiiiensem duccm piignalurtis ora-
tionmn munilus chjpcis, triduano indivto Jcjunio, in congrtnnu impur, immc-
morabilem sub moenibus Durachii fugavit et protrivil e.rcrrilinn cciplu dncis
vexillo, dicio gallice stakdart, opère plumario a rcf/ina AntjUac eo iitisso,
quud fustu superbiat qiiadrigu boum ferebul.
34
— 47i —
fer d'une lance, remplaça les panaches de Godcfroid. Mais
le chariot pour le service du guidon, continua d'être fourni
par l'abhaye, ainsi que le prouvent les registres de la
chambre des comptes de l'an 1440. 11 y est dit que la censé
de Berchem, appartenance d'Afflighem, devait fournir les
deniers propres à cet effet, obligation qui, plus tard, lors-
que cette censé eut été ruinée, fut assignée à la censé d'Oidet,
qui relevait de la même abbaye. La chronique du couvent
parle de la même obligation, et ajoute que le maître des
chartons du duc de Brabant recevait soixante couronnes
de France, outre les dix florins que devaient payer les cen-
sés d'Oidet et d'Hullincourt (i).
Afflighem fut fondé vers l'an 1085 par six pieux cheva-
liers, que les prédications de Véderic, personnage renommé
par sa sainte éloquence, portèrent à cet acte de religieux
dévouement.
La petite église qu'ils élevèrent n'était encore entourée
que de peu de cabanes, lorsque trois ans après, Gérard II,
évèque de Cambray, vint en faire la dédicace aux deux
apôtres S'-Pierre et S'-Paul. Cependant le duc Henri III,
avoué du pays de Brabant, donna en 1086 au nouveau
monastère vingt-cinq censés de ses alleux situés en la ville
d'Asche, avec la dîme de l'église primaire du lieu. God-
froid, frère du comte, participa à cette libéralité dont ren-
dirent témoignage vingt-six chevaliers et ecclésiastiques;
parmi les premiers figurait un Wautier d'Asche. Fulgence,
que l'on dit avoir été moine de S'-Pierre au mont Blandin-
lez-Gand, fut nommé premier abbé d'Afflighem (1087).
Ce monastère, grâce aux dons du souverain, et aux dona-
tions que lui firent les familles qui se succédèrent dans la
(1) Magisler aurigarnm ducis Brabantiae, dira quod solvilur de curribns,
decem florenos rhencnscs, quos cnrtis IluUincourlicu et OideUlca solvebant,
sexaginla coronas Francicas rccipit. Clironic. Ailligliciii.
— 475 —
possession de la seigneurie d'Asclie, ne larda pas à acquérir
une grande importance. Ses abbés obtinrent le premier
rang parmi tous ceux du Brabant, et les ducs se firent un
honneur de s'en reconnaître les légitimes avoués (i).
Nous ignorons à quelle époque l'étendard ducal lui fut
confié. La plus ancienne mention qui soit faite du dépôt de
cette enseigne dans l'abbaye d'Alllighem, date de la guerre
des Stadingers, et par conséquent de 125-4, époque où la
dignité de guidon héréditaire fut, à ce qu'il paraît, conférée
à Guillaume de Grimberge. On sait que cette guerre des
Stadingers fut une espèce de croisade dirigée contre les
habitants de Staden, au diocèse de Brème, lesquels s'étaient
révoltés contre leur évéque. Le pape Grégoire IX lança
contre eux les foudres de l'Église. A sa voix, Florent, comte
de Hollande, Thierry de Clèves, Guillaume de Juliers,
Wautier, avoué de Mali nés, Robert de Béthune et de Ter-
monde, Guillaume de Locre, son frère, et une foule d'auti-es
puissants seigneurs, du nombre desquels fut le sire de
Grimberge, se rangèrent sous les ordres du duc Henri H
le Magnanime, qui, avec une rare prudence, conduisit à
fin cette expédition, et gagna, sous les murs d'Oldensché
une bataille fameuse, dans laquelle se distingua surtout le
brave chevalier à qui l'étendard ducal avait été confié (2).
Guillaume de Grimberge avait, en 1225, épousé Elisabeth,
dernière héritière de l'ancienne maison d'Asche, et il avait
-reçu d'elle celte terre en mariage. Il est à présumer que
l'abbaye d'Afïlighem ne fut pas une des dernières à se join-
dre au mouvement belliqueux que le nonagénaire pontife
de Rome provoqua en Belgique. Le prestige religieux atta-
ché aux drapeaux était alors bien grand, et le rang que
l'abbaye d'Afïlighem avait pris en Belgique, donnait à la
(1) Charles de 1297 el 1298.
(2) V. DiVAEUS, Rer. Brahant.
— 476 —
garde que les souverains lui avaient confiée de leur ban-
nière, un caractère d'autant plus sacré que le lieu qui la
recelait, était plus révéré. Le sire Grimberge, en la rece-
vant de Tabbé, au nom du duc, dans la guerre sainte, où
la bannière de l'abbaye se mêla à celle des autres princes et
seigneurs et que guida l'étendard de Brabant, se montra
digne à la journée d'Oldensché de cette réputation de bra-
voure qu'il s'était faite depuis longtemps; il continua depuis
de la porter, sa vie durante, dans toutes les circonstances,
et plus lard nous trouvons ses successeurs dans la seigneu-
rie d'Ascbe revêtus de la charge de guidon, un des quatre
offices palatins héréditaires de Brabant (i).
Cette coutume qui exista au moyen-àge de confier aux
lieux saints les signes de ralliement des armées, était une
réminiscence de ce qui se faisait à ce sujet au commencement
du Christianisme, coutume que la nouvelle religion avait
sanctifiée alors, et qui datait d'une croyance et d'une épo-
que bien reculée.
L'antiquité payenne avait attaché aux drapeaux quelque
chose de sacré, sur les rives du Nil comme dans les mon-
tagnes de la Suède, sur les bords du Tibre comme dans la
Germanie. Quand Hérodote nous dit (2) que les enseignes
des Égyptiens étaient dues à leurs défaites, et que vaincus
par leurs voisins, à cause de l'indiscipline et des faux
mouvements de leurs armées, ils imaginèrent de placer sur
des piques devant leurs fronts de bataille des représentations
d'animaux, Hérodote cite une origine en effet très-proba-
ble; mais il ne mentionne point la similitude que ces figures
d'animaux avaient avec les divinités qui devaient présider
aux combats, similitude cependant, qui, avec la connais-
sance que nous avons du culte de ce peuple, où les animaux
(1) Les (rois autres claienl les oflîces de Sénéchal, tic Chanilullan et de
Maréchal.
(2) BUjI. Itisf., I, 2(i.
— 477 —
jouèrent un si grand rôle, est plus que probable aussi.
Il en fut de même cliez les Germains, qui, d'après un
passage de Tacite (»), avant d'entrer en campagne, reti-
raient des enceintes consacrées aux dieux, les figures des
bêtes fauves ou les bêtes fauves elles-mêmes qui devaient
les guider à la victoire; car s'il en faut croire Metho-
dius (2), les Alains, les Bourguignons et les Suèves, qui
s'allièrent entre eux pour entrer sur les terres romaines, por-
taient devant leur front de bataille une cage dans laquelle
un cbat vivant était renfermé. Les peuples du Nord en
général, d'après ce que nous apprennent les monuments
de la mytbologie, étaient persuadés que par la force des
encbantements et des évocations, les dieux et les déesses
apparaissaient aux bommes sous des formes d'animaux.
Les figures des bêtes fauves, comme enseignes militaires,
n'étaient donc que symboliques; et c'était en réalité les
génies protecteurs de la nation que les Germains opposaient
à leurs ennemis, pour obtenir la victoire.
Chez les Romains, les enseignes ne furent pas moins
sacrées. On dit qu'une touffe de foin, attachée au fer d'une
lance, guida d'abord les bandes de Romulus. Mais, lorsque
le culte religieux eut été institué, de symboliques figures
d'animaux, telles que le loup, le cheval, le sanglier, le
minotaure et l'aigle qui devint le signe exclusif des légions,
remplacèrent cet agreste signe de ralliement,
A ces figures mythiques qui avaient plus ou moins rap-
port à l'origine et à la religion des Romains, s'en joigni-
rent cependant plus tard quelques autres, telles que l'élé-
phant que portait la cinquième légion, en mémoire de la
valeur avec laquelle elle combattit, pendant les guerres
(1) //iA7.,L. IV, c. 12.
(2) V. C M.«Liis, Commenlar. Lusal., L. Il, c. XI, dans Hoffmann, licritm
Lusttl. scripll., t. I, p. 172.
— .478 —
civiles, les éléphants de Scipion (i); le lion, signe de l'in-
tî'épidité de la légion Félix, instituée par Auguste (2); le
bélier qui, sur la colonne Trajane, orne aussi une enseigne
légionnaire; et le dragon, qu'après sa victoire sur les Daces,
peuple chez lequel celte mystérieuse figure Jouait le prin-
cipal rôle comme symbole militaire, Trajan donna à une
autre légion, et qui devint par la suite le signe de rallie-
ment de la cavalerie légère. Ammien Marcelin rapporte
que ce dragon était en cuivre creux et que le vent, en
s'engouffrant dans son intérieur, lui faisait rendre un son
retentissant.
Au milieu des nombreux emblèmes, qui servirent à dis-
tinguer les cohortes, images d'empereurs, tours, murail-
les, éperons de vaisseaux, couronnes de chêne, main levée
vers le ciel, etc., tous objets qui devaient avoir un but
significatif, se trouvaient souvent aussi des figures d'ani-
maux.
Xénophon, dans sa Cyropédie, parle de l'aigle d'or, aux
ailes déployées, qui, chez les Perses, était placé sur une
pique devant le char de bataille du roi. Chez les peuples
germains du Nord, où le culte odinique était surtout en
honneur, c'était le corbeau, oiseau consacré au soleil, qui
surmontait le drapeau.
Chez toutes ces nations, le principe divin attaché aux
étendards fut le même.
Le Christianisme, loin d'affaiblir ce religieux prestige,
le consacra au contraire, lorsque Constantin eut remplacé
par la croix l'aigle de Jupiter.
Les Germains, qui après tant de luttes indécises sur
le Rhin et sur le Danube, finirent par envahir l'empire
d'Occident, et par former de ses débris des états indépen-
(1) V. Appien, Bell, civ., 2, 96, édit. Scliweigli, II, 508.
(2) V. Claudien, I)c Bello gildanico, 421, (T.
— 479 —
danls, adoptèrent tous à leur tour le nouveau culte. En
prenant la croix, comme uni(|ue symbole divin, ils n'atta-
chèrent plus aux flgures d'animaux qui continuèrent d'orner
leurs enseignes, les mêmes idées mythiques qu'ils y avaient
attachées dans leurs forêts (car les dieux dont ces figures
avaient élé la personniûcatiou, n'existaient plus); mais ils les
conservèient comme symboles de la nation et comme signes
héraldiques. Quand Théodoric, chez les Ostrogolhs, fut
élevé sur le bouclier, le lion qui ornait son drapeau reçut
une couronne comme symbole de la royauté; l'idée reli-
gieuse qui y avait primitivement été rattachée pendant le
temps où les Goths avaient été soumis au culte odinique,
avait disparu.
Les chefs et les pontifes, chez toutes les tribus germa-
niques devenues chrétiennes, chez les Lombards, chez les
Goths, chez les Francs, chez les Saxons en Bretagne,
s'efforcèrent de maintenir l'ancien prestige des ensei-
gnes. La politique autant que la religion le voulaient.
Pour le conserver, ils déposèrent ces enseignes, en temps
de paix, dans les églises, sous la sauvegarde du saint
dont souvent ces drapeaux prirent le nom, comme, avant
la migration de ces peuples, elles avaient été placées
dans les enceintes sacrées, sous la garde des dieux.
Clovis, arrivé sur la Loire, fit vœu d'orner le tombeau
de S'-Martin, si le saint lui donnait la victoire. Après
la fuite de ses ennemis, la chappe de S'-Martin devint
elle-même le signe de ralliement de son armée (i). Cet
étendard joua par la suite le plus grand rôle. Déposé dans
l'abbaye de même nom à Tours, il n'en sortait que dans
les circonstances les plus orageuses. Le duc d'Anjou, au
XI" siècle, le fît encore porter devant lui dans ses guerres
contre Philippe-Auguste (2). On lui attribuait des miracles;
(1) HoNonius, Sermo de sanclo Marlino. — M. in Gemma aiiimae, cap. 128.
(2) V. le nilu(de sancti Martini cl Yvdit royal de 1181.
— 480 —
et lors des troubles qui surgirent entre Robert et les fils
d'Oton, Tbibaut et Etienne, ce fut autour de ce drapeau
que se déroula le long drame de leurs guerres (i).
L'étendard de S'-Maurice ne fut pas moins célèbre. C'est
à lui que la tradition rapportait le succès des armes de
Cbarlemagne contre les Sarrasins. Plus tard Hugues Capet
fit présent de cette enseigne au roi Edelstan d'Angle-
terre (2).
Un autre étendard de S^-Maurice joua aussi un très-grand
rôle dans les querelles qui, au quatorzième siècle, surgi-
rent entre l'arcbevêque Oton de Magdebourg et le margrave
de Misnie (5).
L'oriflamme, en France, ce drapeau aux fleurs de lis
d'or, n'eut pas moins de renommée. C'était l'étendard de
S*-Denis, que la tradition, au moyen-âge, disait avoir été
donné par Dieu même à Clovis, mais qui, cependant ne
fut regardé comme le palladium du royaume que sous les
rois de la troisième race, et lorsque le drapeau de S'-Martin
ne fut plus porté. L'oriflamme, suspendue au-dessus de la
cbàsse de S'-Denis, ne sortait de l'abbaye que lorsqu'un
danger menaçait l'état. Le roi lui-même, avant de se met-
tre en campagne, allait la recevoir des mains de l'abbé, et
le guidon à qui il la confiait, jurait de la défendre au péril
de sa vie, et de la rendre au couvent. Guillaume Martel,
qui périt à la bataille d'Azincourt, est peut-être le dernier
chevalier qui porta l'oriflamme. Cependant il en existait
encore une autre dans l'abbaye de 1594, ainsi que le
prouve un inventaire de l'abbaye de cette année.
Le régime féodal, importé dans les Gaules par les Francs,
(1) Chronic. S. Martini. — Glober Rudolphds, Hisl., L. V, c. 2. — Hist.
Franc, ub anno 900 ad unn. 1285, Scripll., p. SG,
(2) Ingulf, f/ist. Monast. Croijladensis, dans les Hisl. Angl., p. 178. —
WiLHELM DE WALMSBunc, De GesHs Anff., L. M, c. C.
(3 Rerum lirunsiv. scriplt., I. 111, p. 579,
— 481 —
en Italie par les Goths et les Lombards, eu Espagne par
les Suèves et les Wisigoths, et qui, sur le sol germanique
se développa surtout après que l'Empire fut devenu électif,
tendit à multiplier les enseignes. Non seulement chaque
grand vassal de la couronne eut le sien, et en fut investi,
mais encore chaque seigneur, chaque ville, chaque couvent
eut sa bannière. Leur nombre s'accrut surtout lorsqu'à la
voix de Rome chrétienne, toute l'Europe occidentale prit
le glaive pour combattre les Infidèles d'Orient. Les églises
adoptèrent pour symbole le saint auquel elles étaient consa-
crées; les princes, les symboles de force et de valeur que
représentaient les mêmes animaux qui, chez les Germains
leurs ancêtres, ou chez les Romains, avaient été consacrés
aux dieux de la foudre ou des combats.
Déjà lorsque les Goths, et ensuite les Lombards, descen-
dirent dans la péninsule italique, les longues guerres qu'ils
avaient eues à soutenir contre les Romains, les avaient
en partie initiés à la lactique romaine. Les drapeaux,
fanons (fahncr) que portaient les premiers ; les bannières
{bancl, banner) que portèrent les seconds, mais qui les uns
et les autres finirent par être communs à tous les peuples
d'origine germanique, reçurent comme nous l'avons vu pour
le drapeau de Théodoric, les figures d'animaux, qui d'abord
avaient servi d'enseignes, comme symboles héraldiques. Le
drapeau, fcmon (Gundfanon (i), pour exprimer l'étendard
de guerre, celui qui surtout appartenait à toute la nation),
paraît avoir été de bonne heure en usage parmi les Goths,
même dans les forêts de la Germanie et de la Dacie. Le
(1) Des deux mots gund, guerre, bataille, et fanon, morceau d'étoffe flot-
tant, drapeau. Comparez pour les diverses acceptions de ce mots : dans
Ulpiiilas, le S^' cliap. de S'-Marc, v. 22. — Dans la loi des Allcmanes, le
lit. 59 (GO) et le tit. 84- (85). — Le poëme d'Olfrid, III, li, 204, le Glossaire
de .1. G. W'ACMTEn, p. 412. — Schneller, Baïrisches Worlerburh. l"- PS
p. 553, etc. etc.
— 482 —
band ou banner, étendard long et étroit suspendu à un
petit bâton transversal qui s'attachait au fer d'une lance,
parait au contraire avoir été imité des enseignes légion-
naires des îloniains, par les Lombards, les ^ andales et les
Francs (i). Cependant chez les Romains, l'étoffe de ces ban-
nières était carrée et de petite dimension, le plus souvent
pourpre, bordé d'or (2), quoique, dans quelques circon-
stances, cette couleur variât, comme celle du drapeau azur
qu'Auguste donna à Agrippa, en mémoire de la bataille
navale dans laquelle il se distingua (3), et celui à deux
nuances qu'Aurélien donna à Valérien (4),
L'étendard de guerre ou bannière royale, chez les Lom-
bards, le Gundfanon, était au contraire d'une grande di-
mension. En temps de paix, il était suspendu dans le dôme
de Pavie.
Après la conquête de l'Italie par Charlemagne, et à me-
sure que, sur les débris de son empire, se formèrent dans
la Péninsule les divers états indépendants du moyen-âge,
]es g inul fanons se multiplièrent. Chaque état, chaque abbé,
chaque évéque finit par avoir le sien.
En France , le pénon , qui succéda à la chappe de
S'-Martin, n'était que l'étendard royal, le gundfanon de
France que l'oriflamme remplaça. Ce pénon fut au XIl'' siè-
cle planté sur un échafaud, au haut d'un mat qui posait
sur un chariot, traîné par des bœufs couverts de housses
de velours, sur lesquelles se lisaient des devises et les chif-
(1) Comparez : Procope, Bell. Vandal., 22, I, 418, édit. de Bonn. — Paul
Diacon, L. I, c. 29, dans Muratori, Scriplt. rerum ilal., t. I, P. 1, p. 4-17. —
ScHiLTER, Glossar., p. 76, — et Ar^oldi, au mot banner, dans YAHgemeine
Encyclopédie der Wissenschaflen und Kiinsie, 7», P» B., l^e section; et Wach-
TER, même ouvrage, au mot Fahnen, Al* P».
(2) Ex TTopcpùpstç xal XP'JTOv. Cédreaus, L, 1, 0. V. aussi : Capitoli> , in
Gordian. 81. Amm. Marcel, 15.
(3) SuÉT,, Oclavian., 22. — Dion Cass., Ilisl. .'il, 21.
(4-) Vopiscis, in Aurcl., 15.
— -J83 —
fies du |)ri!ice régnant. La religion renlourait de son
auréole, comme chez les Germains primitifs à l'égard de
leurs enseignes. Elle y allachait quelque chose de divin.
Chaque malin un prêtre disait la messe au pied de celle
machine, qui jour et nuit était confiée à la garde de dix
chevaliers. C'est d'Italie, où ces sortes d'étendards avaient
été mis en usage, vers la fin du W siècle, qu'il vint en
France, à la même époque où, comme nous l'avons vu au
commencement de ce mémoire, il fut aussi introduit en
Brabant.
Les villes d'Italie, devenues puissantes, et toujours en
guerre avec l'Empire, avaient mis une certaine ostentation
à agrandir outre mesure ces colossales bannières, où se
montraient peintes leurs armoiries, ou l'image du samt
sous la protection duquel elles s'étaient placées. Souvent
même, le Christ surmontait le bouton qui la retenait. Par
une politique qui rappelle celle que, dans les temps an-
ciens, la religion avait mis en usage en Germanie, le clergé
cherchait à consacrer par un prestige divin l'idée religieuse
qui se rattachait à elle. Un des plus célèbres de ces chars
fut celui que faisait rouler devant lui l'archevêque Héribert
de Milan, et dont le roi des Romains, Frédéric, tenta en
vain de s'emparer dans la guerre qu'il fît à celle ville
en 1162 (i). Plus tard en 1257, il tomba au pouvoir de
l'empereur Frédéric II, qui le fit porter en triomphe à
Rome (2).
Les villes épiscopales ou les républiques libres du Rhin
eurent aussi de telles bannières, et l'on voit encore dans la
Bibliothèque de Strasbourg l'étendard de celle ville, qui par
sa dimension ne pouvait être autrement porté, et un autre
semblable, mais de plus petite dimension, qui se portait à
(1) Selon Mdratori. — Selon Sismorde de Sismokdi , Ilisl. des rép. du
moyen-âge, en 1160.
(2) V. Fnr.nEnrs, Rer. gcrmauir. Scripll., t. 1, p. 551.
— 484 —
bras dans les occasions moins solennelles. Sur l'une et
l'autre, la Vierge tenant sur ses genoux le Christ enfant,
étend les bras comme j30ur marquer la protection qirelle
accorde à la cité. C'était dans la cathédrale qu'au moyen-
âge cette bannière était suspendue (i), et elle n'en sortait
que dans les dangers les plus pressants. L'étendard de
S'-Lambert, à Liège, ne fut pas moins célèbre. Comme en
France, pour l'oriflamme, comme en Brabant, pour l'éten-
dard du duché, le chevalier à qui elle était confiée, après
que l'évèque l'avait bénie, jurait de la rendre à l'église à
la fin de la guerre. Le char que l'empereur Oton IV con-
duisit contre Philippe-Auguste à la bataille de Bouvines,
en 1214, portait un dragon au sommetdu drapeau, au-dessus
de l'aigle, qui avait remplacé S'-]Michel comme symbole
héraldique de cette bannière (2). Philippe d'Alsace, comte
de Flandre, pendant les guerres contre la France, avait
aussi fait placer sur un chariot élevé sur quatre roues, sa
terrible enseigne sur laquelle était peint un dragon, qui,
dit l'historien, jetait du feu par les yeux, par les oreilles
et par la bouche (3).
Par ces nombreux exemples, il nous est prouvé qu'au
douzième et au treizième siècles, les chariots destinés à
porter l'étendard national, le (jiindfanon, étaient en usage
dans toute l'Europe occidentale. Celui qui, comme nous
l'avons vu, figura dans la première moitié du douzième
siècle, à la bataille de Duras, était donc conforme aux
mœurs guerrières de l'époque; — c'était sous la protection
des deux apôtres S'-Pierre et S*-Paul, patron de l'abbaye
d'Afflighem, que la bannière qui le surmontait était placée;
coutume qui, d'après ce que j'ai rapporté plus haut, montre
(I) Chronic. de Koeningshovcn, ('dit. de Scliillcr, p. 375.
(2, V. Guii.LELMi Bbitonis Armorici Philipp. II, 20-51, dans Bouqucl, p. 257.
(3) OuDEGiiERST, Annales de Flandres, I, AGI. — Meyer, Ann. Fland, ad
ann. 1186. — J. de Saint-Gekois, les Dragons au moyen-âge.
— 485 —
combien à travers les siècles, malgré les changements de
culte, Tancien respect germanique pour les drapeaux s'était
conservée intact.
Cependant le pénon brabançon parait avoir déjà été d'un
usage moins général au treizième siècle. Sous Jean I, à la
bataille de A\ oeringen , où Tarchevéque de Cologne était
assis sur un char en forme de tour, la bannière ducale,
noire et ornée du lion d'or aux griffes et à la langue de
gueules (i), était simplement portée à dos de cheval. En
l'absence du chevalier d'Asche, alors très-malade (2), c'était
le chevalier liasse de Grez qui la tenait. Sous ce chef-
étendard étaient venues se ranger vingt-trois autres ban-
nières des vassaux et alliés du duc, entre autres celle de
Cologne. Le cheval du sire de Grez ayant été renversé, et la
bannière étant tombée avec lui, elle fut relevée par le sire
d'Ouden, qui de concert avec ^\'autier de la Chapelle con-
tinua de la porter à cette journée mémorable qui annexa
le Limbourg au Brabant et donna au duc le beau surnom
de Victorieux.
A la bataille de Scheut, que le comte de Flandre, Louis
de Maie, gagna le 17 août 1556, sur le duc Wenceslas,
second époux de la duchesse Jeanne, fille de Godfroid, la
bannière ducale était portée par le guidon héréditaire du
duché, Jean d'Asche, qui au milieu de la plus épouvantable
mêlée, fut renversé avec elle. Robert qui paraît avoir été
frère du précédent, la portait à la bataille de Baswilre, où
Wenceslas fut fait prisonnier.
Depuis le commencement du XII'' siècle jusqu'en 14^21,
la charge de guidon héréditaire resta dans la famille de
Grimberge, qui était investie de la seigneurie d'Asche.
Guillaume avait en 1413 été nommé Amman de Bruxel-
(1) V. les noies de Putanecs dans le Praelium voringanutn, p. 2(i.
(2) Infirmalus usque ad mortem, Tiiqmas de Cantimpré, L. Il, c. (î, p. i)ô>
nn8.
— 486 —
les par le duc Anloiue. Dépossédé quelque temps après de
celte dignité par ceux de cette ville, il y avait été réintégré
en \i[7 par le duc Jean IV. Mais en 1418, victime d'une
nouvelle sédition, il fut emprisonné, et fut enfin l'année
suivante dégradé et proscrit avec plusieurs autres seigneurs
brabançons (i). Ses biens furent confisqués, et la seigneurie
d'Asche fut donnée à Philippe de S'-Paul et de Liguy, frère
du duc Jean IV.
Philippe la donna à son tour, en 1421, en fief à Pierre
de Pipenpoy, qui la restitua à Jean lïl de Grimberge, le
dernier mâle de sa race.
La fille aînée de Jean, mariée à Josse, seicueur d'Hier-
ges, n'eut elle-même qu'une fille qui épousa Guillaume de
A\\deux. La seigneurie d'Asche lui échut comme fief, et
elle la laissa à sa fille Marguerite, qui la porta par mariage
dans la famille de Coutereau. Par cet acte, celle-ci se
trouva investie de la charge de guidon de Brabant, atta-
chée à cette seigneurie. Guillaume de Coutereau, créé
premier marquis d'Asche par Philippe IV", roi d'Espagne,
par lettres données le 7 décembre 1663, exerça encore
cette charge en 1666, et lors de l'inauguration de Char-
les II, roi d'Espagne, il porta l'étendard en tète des sei-
gneurs des étals de Brabant.
Les secousses politiques du XV*" siècle et les change-
ments qu'amena dans les mœurs la réforme de Luther; les
querelles religieuses et sanglantes qui en furent la suite,
tendirent à ôler aux drapeaux leur ancien prestige religieux.
— On continua, il est vrai, à les bénir; dans les pays catho-
liques, et chaque peuple implora pour les siens l'assistance
du Très-Haut. Mais la croyance que la Divinité elle-même
ou que les saints combattaient avec eux, s'affaiblit de plus
en plus; et il n'y resta plus attaché que l'idée d'honneur,
(1) Hist. manusc. de Jacques d'Esciiies.
— 487 —
mot bien froid en comparaison de celle foi vive qui animait
les anciens peuples germains et les vainqueurs de Rome,
et qui prêta tant de poésie au moyen-àge. Avec la cheva-
lerie expirante s'éteignit donc l'auréole sacrée des éten-
dards, et comme conséquence, les grandes dignités, confiées
dans l'Empire et dans les divers duchés qui en relevaient,
aux puissants vassaux dont les familles en avaient été inves-
ties, perdirent toute leur importance. Quand la charge de
Gonfanonicr ne fut plus qu'un titre honorifique; qu'au
drapeau qu'il portait ne fut plus rattaché l'idée du principe
divin et du salut de la patrie; quand enfin l'étendard ne
fut plus qu'un symbole extérieur de puissance, qui devait
rappeler la présence du souverain, tout l'éclat dont celte
dignité avait été entourée s'évanouit à jamais.
M. De Ring.
488 —
HectifUaliong et ^ÎJbitiûns
A LA NOTICE ANALYTIQUE ET RAISONNÉE DU CATALOGUE DU
MUSÉE d'aNVERS, RÉDIGÉ PAR M. JEAN-ALFRED DE LAET,
PROFESSEUR AGRÉGÉ A l'uNIYERSITÉ DE GAND , ET PUBLIÉ
PAR LE CONSEIL d'aDMINISTRATION DE l'ACADÉMIE ROYALE
DES BEAUX-ARTS.
Nous avons dit à la page 281 tle ce volume, que l'an-
cienne abbaye de S'-Bernard sur l'Escaut avait été trans-
formée en prison par les progressistes français. Si le fait
était vrai, ce ne serait pas l'unique de l'espèce, mais nous
devons avouer que nous avons erré en l'énonçant. S'-Ber-
nard servit sous le régime français d'bôpital temporaire et
d'établissement d'instruction pour les marins. Le gouver-
nement du roi Guillaume I lui assigna en 1819 sa desti-
nation actuelle (i).
Ailleurs nous avons affirmé que le triptyque de Quentin
Massys ayant pour sujet X ensevelissement de N. S., la tète
de S^-Jean Baptiste présentée à Hérodiade, et S^-Jean
V Èvangéliste dans V huile bouillante, n'a pas été soustrait
en 1794, aux recberches des commissaires français, qu'on
(1) Mémoire à l'appui du projet de loi sur les prisoiis, présenté à la chambre
des représentants de Belgique, dans la séance du 5 décembre 18-44, p. cLXXin.
Bruxelles, ISia. — >'ous croyons que le rapport de iMédecins auquel nous
empruntons ces détails, est exact quant à ce point, ce qui n'est pas le cas
pour certains faits antérieurs qu'il relate.
— 489 —
n'a pas même tenté de l'y soustraire, et qu'il continua jus-
qu'en 1798, d'orner l'autel de la chapelle de la Circoncision
dans noire Cathédrale.
Nous avons invoqué à l'appui de ces faits, des témoi-
gnages contemporains. Pour prouver que l'on peut s'y ar-
rêter, nous allons extraire de l'acte de vente du mobilier
de la Cathédrale (i), ce qui concerne les tableaux et l'autel
en question. Nous copions littéralement, « 98. Un aulel en
marbre, chef-cfœtwre en architecture (2), appelle la cha-
pelle de la Circoncision, trois tableaux représentant la
passion, avec deux portes en cuivre, y compris le marche-
pied du dit autel, également en marbre, adjugés pour cent
soixante-un florins au C*^" Bloom. Estimation 600 francs.
En marge du lot, pour parler le langage châtié du receveur
des domaines, on lit ce qui suit : Les 5 beaux tableaux
réservés. — Reçu f. 161. — Notre assertion est donc
prouvée quant au dernier point, ce qui permet de s'en
rapporter avec fondement pour les deux premiers, aux
contemporains dont nous avons invoqué les souvenirs (5).
Il résulte d'une communication verbale dont nous som-
mes redevable à 31. F. -II. Mertens, bibliothécaire de notre
ville, que lorsque des jours moins mauvais furent arrivés,
les marguilliers de Notre-Dame réclamèrent leur triptyque,
et que cette demande fut d'abord accueillie par le préfet
du département des Deux-Nèthes. C'est ce qui est prouvé
par des documents oflîciels reposant aux archives de la
(1) Nous avons cité à la page 286, ce document qui commence au 18 bru-
maire an VII (8 novembre 1798).
(2) On voit que tout en vouant nos œuvres d"art aux hasards des enchères
qui en pouvaient amener la destruction, ce qui ne fut que trop souvent le
cas, les agents de l'impiété gouvernementale étalaient de petites prétentions
à la connaissance du beau.
(5) A la page 162, ligne 9, une erreur lypograpliique nous fait j)arler d'une
date tumulaire de Quentin Massys : c'est dalle lumuluirc qu'il faut lire.
3S
— 499 —
province d'Anvers. Plus lard , sans que nous sachions
pour quel motif, cette décision fut rapportée (i).
Il nous reste à dire quelques mots d'un tableau de Ber-
nard Van Orley et de deux volets d'Henri Van Balen, que
nous avions omis lors de notre première revue.
(1) Voici quelques dates importantes de Tliisfoire de la Cathédrale à la fin
du dernier siècle et au comaïencement de celui-ci : 21 septembre 1797, ces-
sation du service divin, ordre aux ecclésiastiques de déposer Phabit clérical.
27 du même mois, fermeture de l'église; roflicicr municipal Uocliel, Tun des
zélateurs de cette œuvre impie, y est blessé mortellenient à la tète d'un coup
de marteau; 15 août 1798 et jours suivants, Joseph Vermeulen, commissaire
estimateur du mobilier national pour l'arrondissement d'Anvers, et J.-J. Yer-
belen, officier municipal, se transportent à la ci-devant église paroissiale dite
la Calhédralc, à l'effet d' inventorier et d'estimer tout le mobilier qui s'y trouve,
pour la vente en être faite par les préposes des domaines nationaux. Vermeu-
len fait assortir ceux des dits meubles paraissant devoir être réunis et vendus
en articles séparés. — 8 novembre 1798 et jours suivants. A rexceptiou d'un
nombre assez considérable de tableaux et de quelques chefs-d'œuvi'c de sculp-
ture réservés pour l'école centrale, les agents d'une nation éti'angèrc gouver-
née par l'impiété, font procéder par lots ou par articles, à l'adjudication au
plus offrant et dernier enchérisseur, des autels, tableaux, statues, épitaphcs,
orgues, jubés, stalles, etc., qui ornent la Cathédrale. Plusieurs monuments
de sculpture, parmi lesquels la statue de S^-Eloi, admirable production d'Artus
Quellyn, le Jeune, sont détruits sur place. Quelques-uns des acquéreurs
d'autels font attacher des cables à leurs colonnes, pour les abattre plus aisé-
ment; lorsque ce moyen fait défaut, des chevaux viennent en aide aux icono-
clastes. Pour que ces animaux puissent circuler sans danger, une partie du
pavé de l'église a été enlevée {n° 213 de l'acte de vente). Addition faite, il se
trouve que les divers marchés ont produit une somme totale de 17,270 francs
SI centimes. Au retour du calme, ceux qui ont pris part à Tœuvre des des-
truction, sont traités par les gens de bien, avec l'horreur et le mépris qu'ils
méritent. — Après avoir couru de sérieux dangers d'èlre démolie, la Cathé-
drale voit se lever des jours plus sereins. — 15 février 1800, Tadministration
supérieure décide que Notre-Dame sera rendue au culte. — 19 avril de la même
année. Les clefs du temple sont remises à l'ancien concierge J.-P. Yan Dyck,
qui se met à y travailler le 21 suivant. Le 50 du même mois, les quatre mar-
guilliers en exercice en 1797, reprennent leurs fonctions et confirment leur
concierge dans son emploi. — 10 juillet à 5 1/2 heures de l'après-midi. Pose
de la première pierre du pavé actuel. — 10 septembre 1801. Concordat entre
le premier consul Napoléon Donai)arte et S. S. le pape Pic VII. — IG mai 1802.
Réouverture de l'église devenue simple paroissiale, au culte catholique.
Dès les premiers temps de l'administration du préfet dlîcrhouville, nommé
— 491 —
Le 11° 44 peint par Bernard Van Orley, et représentant
VAdoraiion des Blarjes, provient elTeclivement, comme le
dit le Catalogue, du monument que la famille Claris pos-
sédait dans notre ancienne Cathédrale; les volets de cette
œuvre d'art otTraient les portraits et les armoiries de Louis
Clarys, ou Claris, ou Clarisse, et de Dame Marie Le Bat-
teur, sa compagne. Ces battants exécutés par un artiste
inconnu, ont été transportés à l'école centrale. S'ils existent
encore, comme cela est possible, on fera bien de les placer
au Musée.
L'inscription du monument dont nous venons de parler,
était ainsi conçue :
D. 0. M.
IlIC EXPECTANT RESl'RitECTlONEM SUAM
D. LUDOVICUS CLARYS
ET
D. MARIA LE BATTra'R CONJUGES
OBIIT ILLE 2G MARTII 1594
ILLA VERO H JANCARII 1586
REQUIESCANT
IN PACE
On voit qu'il n'est nullement question dans cette épi-
taphe du titre de comtes de Clermont ou plutôt Clairmont,
dont parle M. De Laet. Don Louis Roger Clarisse, cheva-
lier de l'ordre de S'-Jacques de Spallia (sic), conseiller
d'état et de finances, est le premier qui fut revêtu de cette
en celle qiKililé le j mars 1800, les niarguilliers de N.-D. réclamèrent à
diverses époques, et souvent avec succès, une partie des œuvres d'art échap-
pées ù la destruction et conservées à l'école centrale. Le triptyque de Quentin
Massys se trouvait au nombre des morceaux redemandés en première ligne.
F. -H. Merlens en K.-L. Torfs. Gcschicdcnis van Antwcrpcn, VI" dccl ,
4e stuk, bladz. 604-611. — Actes originaux manuscrits d'estimation et de
vente du mobilier de la Cathédrale, etc. — Récit d'un témoin oculaire. —
J.-A.-F. Pauwels. DanU- en ecrgalm, de onhcvlehle Macgd en Moeder Godts
Maria, Iroostersse dcr hedrukte, nopens de gewenschte herstellinge van hacrcn
lo/felijlicn ecr-dienst, in de Cathédrale kerke van 0. A. Vrouivc lot /Intwcr-
pcn, loegezongen. Antwcrpcn, 1802; in-4», bl. 10 en 11, nota S.
— 492 —
qualité, et ce en vertu de lettres patentes octroyées le
19 février 1653, par le roi d'Espagne Philippe ÏV (i).
Les concerts d'Aurjes (n"' 199 et 200) peints par îîenri
Van Balen, servaient dans notre ancienne Cathédrale, de
volets au monument de Philippe Ileemssen et d'Anne Van
Eelen, dont les patrons ont été exécutés en grisaille sur
la face postérieure de ces battants. Le tableau du milieu
a pour sujet la S^""- Vierge, V Enfant Jésus au-dessus duquel
planent des anges portant les instruments de la Passion, et le
petit S^- Jean-Baptiste. Cette production de Henri Van Balen
a été rendue à Notre-Dame : raccourcie, elle orne aujour-
d'hui l'autel de la petite chapelle des fonts baptismaux.
L'inscription suivante accompagnait autrefois cette com-
position :
GODT TER EERE EN GEDACHTENIS VAX
PHILIPS HEEMSSEN COOPMAN
STERF 12 JULY 1634 OUDT 74 JAEP. i MAENDES
EN
ANNA VAN EELEN SYNE HOïSVROUWE
STERF 23 MEERT 1022, OUDT 68 JAER. X MAENDEN.
BIDT VOOR DE SIELEN.
Voici l'extrait de l'acte de vente du mobilier de la Cathé-
drale, qui concerne cette épitaphe. 10. Un grand tableau
fermant, représentant la Vierge et l'Enfant Jésus, et un
autre tableau portant inscriptioîi de différents noms d'une
confrérie, adjugés pour quinze sols au C"" Cokselimberg .
— Estimation 8 francs — En marge. Le tableau réservé.
— Reçu f. » 15.
Nous terminerons ces additions par faire mention d'une
statue de Jean-Pierre Tassaert, qui était conservée au Musée
des Petits-Augustins de Paris, en l'an X, et qui repré-
(1) Voyez le Supplément aux Trophées de Brabanl de Chr. But/cens, loin, l,
page 375. — Quant à Tordre de S'-Jacques de Spatha ou Spada, on peut
consulter la J urisprudentia heroica de Christyn, à l'article des ordres mili-
taires.
— 493 —
sentait ï Amour prêt à saisir ses traits. Feu M. Alexandre
Lenoir fait un grand éloge de cette production de Tassaert,
aux prénoms duquel il ajoute celui d'Antoine (J.-P.-A.).
Il nous apprend aussi que notre concitoyen fut élève de
Michel-Ange Slodtz (i), et qu'il dût le développement de
ses talents à ce statuaire qui lui conflait rébauclie de ses
propres ouvrages. Tassaert, d'après M. Lenoir, laissa un
fds, graveur distingué (^2).
Ces pages étaient écrites, lorsque nous avons parcouru
l'ouvrage du savant comte de Laborde, intitulé : La renais-
sance des arts à la cour de France. L'auteur nous paraît
y avoir très-bien démontré que le portrait du dauphin
François II (n" 66), que le catalogue du JMusée attribue
à Jean Holbein, est réellement une production de François
Clouet, dit Janet (5). Ailleurs il indique Jean Foucquet
(1) On sait que Sébastien, le premier des Slodtz qui vint d'établir à Paris,
avait vu le jour à Anvers. — Quant à Tassaert, nous ignorons ce qui a pu auto-
riser M. Lenoir à le qualifier de sculpteur français né à Anvers, à moins que
ce ne soit son arrivée en France dès son enfance, assertion que, faute de ren-
seignements positifs, nous n'admettons ni ne rejetons. Quoiqu'il en soit, nous
savons que ce n'est pas d'hier que les Français tentent d'accaparer autant
que possible, nos hommes célèbres dans tous les genres.
(2) Description historique et chronologique des monuments de sculpture
réunis au Musée des monuments français, par Alexandre Lenoir, fondateur et
administrateur de ce Musée. Paris, an X, p. 311, n" 366.
Les amateurs des arts et des études historiques savent gré à feu M. Lenoir
des efforts qu'il a déplojés, plus d'une fois même au péril de sa vie, pour
sauver de la destruction les statues, tombeaux, peintures sur verre, etc., qui
composèrent jusqu'en 1816, le Musée des monuments français. Pourquoi
faul-il, hélas! que les sentiments de limpiélé la plus grossière (celle du misé-
rable Dupuis, l'auteur de l'Origine de tous les cultes) viennent souvent souiller
les pages de M Lenoir? Comment cet artiste, après avoir vu le philosophisme
à l'œuvre, n'a-(-il pas refusé toute approbation à cette secte, qui ne rougissant
point de rendre à la raison le culte uniquement dû au Très-Haut, osa brûler
rencens devant de viles prostituées , images trop liilèles des intelligences
dégradées de ses sophistes et de leurs propensions par trop naturelles?
(3) Op. cit., p. 90-92.
— 494 —
comme peintre du n° lOG, représentant, d'après M. De
Laet, iine Vierge avec VEnfant Jésus, entourée d'anges
bleus et rouges, et mentionnée par lui sans nom de maître.
Il ajoute que ce tableau renferme bien certainement le
portrait de la fameuse Agnès Sorel, et que feu M. Florent
Van Ertborn l'acquit à Paris. Notre intention du reste
n'est pas d'examiner si cette œuvre d'art est aussi remar-
quable, sous le rapport de la peinture, que le dit M. de
Laborde, mais nous devons avouer que ses plaintes au
sujet de la place qu'occupe ce panneau, nous paraissent
un peu exagérées (i).
Anvers, octobre 1831.
Théodore Van Lerius.
Encore une lïecilOcatioBs.
Nous avons dit à la page 167 de ce recueil, que le
n° 153 du Musée représente le révérend Guillaume Luc
Boxtell, cbanoine tbéologal de la Catbédrale d'Anvers,
accompagné de S'-Luc. Nous avons ajouté que ce tableau
portant la date de lôOi, était et devait rester étranger
à François Floris, mort en 1370. Cette dernière preuve
est à l'abri de toute critique. Ce qui Test un peu moins,
c'est la traduction beaucoup trop libre que nous nous
sommes permise de ces mots de l'inscription mentionnée
(1) Op. cit., p. 168-169.
— 493 —
à la page 1G8 : Guillidmus. Lucas. BoxlclL L'emploi d'un
point après chacune des expressions qui composent les
deux premières lignes de cette épitaphe nous a induit en
erreur. Si l'on n'avait fait usage de ce signe que pour les
termes mis en abrégé, nous aurions lu Boxtellamis, au
lieu de Boxtell, mais nous eussions probablement dû re-
culer à traduire Lucas. Quoiqu'il en soit, grâce à l'obli-
geance d'un ami qui n'entendait point parler de notre cha-
noine pour la première fois, nous pouvons affirmer que
cet ecclésiastique avait nom Guillaume Luyckx, natif de
Boxtel, au Brabant septentrional. Le Bienheureux qui se
voit derrière lui , n'est autre par conséquent que Saint
Guillaume, représenté sans aucun signe distinclif; ce qui
explique comment M"^ J.-B. Van der Straelen a pu le
considérer comme S'-Luc, en traduisant littéralement le
Lucas de l'inscription.
L'acte de vente du mobilier de la Cathédrale d'Anvers
contient mot à mot ce qui suit, au sujet de ce tableau et
des autres objets d'art que renfermait la chapelle de S'-Luc:
95. Un idem (autel en bois) avec iin soleil au-dessus, deux
figures, un confessionnal, un épitaphe en bois, la balus-
trade eu marbre sculpté, cinq figures aussi en marbre,
et un tableau, adjugés pour vingt-cinq flor : à Adnet. —
Estimation 40 francs. — En marge se trouve ce qui suit :
2 tableaux réservés. — Reçu ^d fl.
Le second de ces tableaux représente S^-Luc peignant
la S^^-Vierge qui tient rEnfant divin : cette production de
Martin De Vos, le Vieux, figure au Musée sous le n" 15G.
Cet honnête Adnet qui trouvait moyen de se procurer
pour 2o florins argent courant de Brabant, un autel eu
bois, un confessionnal, un encadrement d'épitaphe égale-
ment en bois, une balustrade en marbre sculpté et sept
statues, dont cinq aussi en marbre; cet honnête Adnet,
disons-nous, peut être signalé à bon droit, comme le plus
— 496 —
grand acquéreur du mobilier de notre Cathédrale, où vingt-
cinq marchés différents kii furent adjugés à lui seul, et
quatre autres en compagnie de gens du même acabit.
Parmi les marchés de la première catégorie, nous cite-
rons comme n'ayant pas été le moins désavantageux, celui
des tombeaux en marbre sur lesquels étaient couchées les
statues en pierre des évcques d'Anvers, François Sonnius,
Liévin Torrentius, Jean Mirœus et Jean Maklerus. M. Ad-
net acquit ces quatre monuments au prix de 6 florins dix
sous, argent courant de Brabanl ! Celui de l'évéque Marins
Ambroise Capello, entièrement exécuté en marbre, y com-
pris la figure du prélat et un ange qui tient ses armoiries,
fut heureusement réservé pour l'école centrale et restitué
depuis à Notre-Dame. Quoique ce monument passe avec
raison pour un des chefs-d'œuvre d'ArtusQuellyn, le Jeune,
et que la sculpture des quatre autres, à en juger d'après les
gravures que l'enferme Le Théâtre sacré du Brabant, n'ait
pas été dénuée de mérite, le citoyen Joseph Vermeulen,
commissaire-estimateur du prétendu mobilier national pour
l'arrondissement d'Anvers, n'en avait pas moins cru pou-
voir porter à quarante francs, la valeur totale de ces cinq
épitaphes.
En vérité, le cœur se soulève de dégoût et d'indignation,
lorsqu'on parcourt les pages où sont consignées adminis-
Irativement de par le bras droit des spoliateurs, décoré du
nom de régie des domaines nationaux, les actes de dépré-
dation qui dépouillèrent à jamais notre ancienne Cathé-
drale d'un nombre considérable d'œuvres artistiques du
plus haut mérite et de tant de souvenirs historiques qui
rappelaient des noms illustres dans les fastes de notre pa-
trie. Ce fut un rude coup porté à nos anciens sculpteurs,
dont deux surtout, Guillaume Paludanus ou Van den
Broeck et Jean Colyns de Noie, qu'il ne faut point confon-
dre avec son frère Robert, ni avec André, ne comptent
— 497
plus depuis, à notre connaissance, une seule production
dans notre pays (i).
Anvers, le 50 novembre 1851.
Théodore Van Lerius.
(1) riiilippe Baert dans ses Mémoires sur la sculplcurs cl archileclcs des
Pays-Bas, publiés par feu M. le baron de Reiftenberg dans les tomes XIV
et XV des Bulletins de la Commission royale d'Iiisloire, dit avoir fait de vaines
recherches pour découvrir des ouvrages du premier de ces sculpteurs. La
Cathédrale dWnvers renfermait cependant le monument en marbre d'Antoine
Bool et de Marie Van Santvoort, exécuté par ce maître, qui fut enterré
ù S'-Jacques, et non à Xotre-Dame, ainsi que Técrit Baert. H mourut, non
le 11, mais le 2 mars 1379, comme le prouve son épitaphe recueillie par
Fr. Sweertius dans ses Monumenta scpulcralia. — Jean Colyns de Noie avait
sculpté avec son frère Robert, d'après ce que rapporte Sweertius, huit sta-
tues en pierre de prophètes , qui ornaient les balustrades de la chapelle
de la S'«-Vierge , dans la Cathédrale. Quatres de ces flgures , y compris
Tune de ces balustrades et les piliers en cuivre dont elle était garnie, furent
adjugées en 1798, à certain Jacobs, au prix de 188 florins argent courant
de Brabant. Adnet paya de 187 florins de la même monnaie, les quatre
autres, la deuxième balustrade et ses colonnes en cuivre.
Baert dont nous venons tout récemment de faire la connaissance, ne doit
point être confondu avec .M.M. jlensacrt. Descamps et C<^ (*).
(") Nniis apprenons que le Catalogne du Musée d'.4nvers, tiré en 1059 à
3000 exemplaires, est sur le point d'être épuisé. Aussi sonje-t-on déjà à en faire
une seconde édition, dans laipielle il semble qu'on se propose bien de faire usajc
des excellents renseignements et des rcelificalions publiés par M. Va:< I.ekius dans
le lUessayer des Sciences historiques de ICiJl. Nous faisons des vœux pour que
celle nouvelle édition soit confiée par la Commission, aux soins intcllijents de
Mr J. A. De I.aet, qui, dans la l'" édition de ce catalogue, a montré son aptitude
spéciale h ce {jenre de travaux.
(Note de la Réilaction du Mcssiiycr des Sciences historiques).
— 498 —
I.ît CoiBfisissaac de 1.&&.
— -s3âa^'-
Nous pensons qu'on ne lira pas sans un certain intérêt
les notes que nous avons prises clans une de nos excursions
à Loo, aujourd'iuii humble commune de la Flandre occi-
dentale, mais dans laquelle on ne saurait méconnaître quel-
ques vestiges de son ancienne splendeur.
L'hôtel de-ville porte la date de 15G6 : on y conserve
à peine quelques débris des anciennes chartes, parmi les-
quelles nous en avons distingué quatre, à cause de l'intérêt
historique qu'elles paraissent de nature à inspirer ; ce
sont :
\° Lettres en date de Furnes, mil trois cens trente et
deux, par lesquelles Louis de Nevers, comte de Flandre,
pardonne à ceux de Loo les peines qu'ils peuvent avoir en-
courues par leur rébellion. Le comte ordonne en même
temps que la loi établie pour la ville de Furnes, ait égale-
ment cours en celle de Loo. (Cette charte originale a été
« publiée, présent monsieur le comte dess. dict et son con-
seil, le premier jour de may l'an 1552, » avec sceau et
contre-sceau de cire verte, pendant en las de soie verte).
2" Lettres en date de Lille, ran de grâce mil CCC. qua-
tre vins et quatre, par lesquelles Philippe, fils du roi de
France, et comte de Flandre, ainsi que Marguerite sa femme,
pardonnent à la ville de Loo tout ce qu'elle avait méfait
contre leur autorité dans les commotions qui ont eu lieu
en Flandre, et confirment les privilèges de ladite ville.
— 499 —
(Original, avec débris de sceau en cire verle, pendant en
las de soie verte).
3° Lettres en date du 19 mars 1445, par lesquelles Phi-
lippe, comte de Flandre, octroie à ceux de Loo d'avoir
« esward et scel, drapper leurs draps de toutes laines et
faire la drapperie comme ci-devant. »
4° Lettres datées de Malines, 4 novembre 1530, par les-
quelles Charles V accorde à la ville de Loo et aux paroisses
de Loo, Alveringhem et Pollinchove d'élever « uug métier
et stil de sayetrie de telle couleur que bon leur semblera, »
et faire telles ordonnances à ce sujet qu'elles trouveront
convenables, sauf à ce qu'il y ait toujours une différence
entre ces sayeries et celles d'ÎIontscote.
Il y avait deux métiers de sayeltrie, composés chacun
de 80 hommes.
Nous avons vu les chartes de foires franches des années
1446 et 1450, dont parle Sanderus (Nundinas dico 8 oc-
tobris inchoatas et liberlatem trklui anno 1646, quatridiii
anno 1450 consecutas).
Les chartes de l'abbaye de S'-Pierre, fondée en 1095, et
dont le seul colombier est resté debout, ont passé aux ar-
chives de l'évéché de Bruges (i). La riche bibliothèque de
cette abbaye de chanoines réguliers de l'ordre de S'-Augus-
tin, a été éparpillée lors de sa suppression par les Fran-
çais, les moines en ayant eux-mêmes emporté la majeure
partie.
L'abbaye a laissé quelques-unes de ses riches curiosités
à l'église de Loo, qui, sans être remarquable par son archi-
tecture, se distingue toutefois par son étendue et ses em-
bellissements. Une partie du chœur est construite dans le
style architectural duXIV'= siècle. D'antiques chasubles d'un
(i) On nous a dit qu'un de nos académiciens les a utilisées pour démontrer
que deux voies romaines avaient existé aux environs de Loo, dont lune par-
tait de la Wcsl-porte vers Thérouannc.
— 800 —
travail remarquable el brodées d'or, de belles boiseries, et
quelques tombeaux en marbre blanc, qui ouvrent la série
des épitaphes, toutes inscrites sur pareil marbre, toutes
adossées contre les murs intérieurs de l'église dans son
pourtour, tel est l'béritage que l'église de Loo a conservé
de l'abbaye.
La première de ces inscriptions porte : Sepultura rev.
D. JOANNIS ReYNAERT nUJL'S LOCI ABBATIS QUI OBHT ANNO 1644,
25 JAN. Avec armoiries et la légende : corde puro.
On lit sur la seconde : llic jacetR. D. Remigius de Zaman,
PRIMUS AERAS A GrEG. 15 PP. MITRA DONATUS, QUI POSTQUAM
53 ANNIS HUIC ABBAT. PREFUÎSSET ET SEX OFF. PAT. PUB. FUNC-
TUS E8SET IIUNCQUE LOCUM RESTAURASSAT, OBIIT 7 AUG. 1637
AET. suAE 66. Avec armoiries et la devise : Semina metes.
Rien n'est plus brillant que les peintures sur verre de
trois fenêtres. Ces œuvres de l'art ont été conservées in-
tactes; elles représentent : La Naissance du Christ, l'Enfant
divin présenté à S'-Siméon, et la Madone donnant le rosaire
à S'-Dominique.
Le maitre-autel est orné d'un magnifique tableau, dû au
pinceau de Jean Boekborst, dit Lanrjen-Jan. Il représente
la scène terrible du Calvaire, le Seigneur en croix entre
deux larrons, Marie, S'-Jean, la Madeleine, etc. M. Siret
a oublié ce chef-d'œuvre dans son Dictionnaire des Peintres.
Contre un des piliers de ce beau temple, on voit avec
plaisir l'hommage rendu par un peintre de Loo au lieu
de sa naissance. C'est une jolie et poétique composition,
représentant les sept œuvres de Charité, mais qui laisse
quelque peu à désirer sous le rapport de la correction du
dessin. Sous ce tableau de cabinet, le peintre a écrit : Ge-
jond aen deze kerk door J.-A . Senavc, kunstschildcr binnen
Paris, rjeb. in Loo 7 sept, in heljacr 1758.
Wie die tvill au II God bchaagen,
Mocl don arnivn ondcrsihruagen.
— SOI —
S^-Charles-Boromée offrant des secours spirituels à des
pestiférés, est une bonne copie faite par Uecour, de Loo,
d'après une toile qui orne l'une des églises de Bruges.
Comme Senave, Recour, élève de l'Académie de Bruges, a
eu l'idée patriotique d'offrir au temple du Seigneur l'obole
du peintre, en lui donnant ce tableau plein de fraîcheur.
Le tableau d'autel retraçant le martyre de S'-Pierre, est
une copie du chef-d'œuvre créé par llubens pour l'orne-
ment d'une église de Cologne.
Félix Bocqué, de Furncs, a demandé à son génie quinze
inspirations sur les quinze mystères de la Vierge : toutes
ne sont pas heureuses. Le peintre fait bien les draperies.
Les stalles du chœur ne manquent pas d'élégance.
Quant aux autres édifices empreints d'un caractère reli-
gieux, que possède la commune de Loo, nous citerons la
Maison des vieilles Femmes, portant le millésime de 1685,
élevée à l'endroit où se trouvait primitivement un hôpital
qui datait du XI'= siècle. Nous avons également visité la cha-
pelle d'une communauté de Sœurs grises, bâtie en 15G0.
Sous les auspices de la commune, ces respectables lilles
se sont consacrées à l'instruction des jeunes filles, dont le
nombre s'élève à 120. Une autre école communale pour
les garçons ne compte qu'environ 70 élèves.
Au commencement du XVÎ'' siècle, il existait à Loo trois
sociétés de Rhétorique. Quoique protégée par le curé, la
dernière de ces associations dramatiques, donna sa dernière
représentation en 1827. Aujourd'hui le théâtre est le seul
souvenir qui en subsiste encore.
Nous avons vu à l'hôtel-de-ville un imprimé sur parche-
min, établissant qu'en 1726 cette Rhétorique fut réunie
à deux autres sociétés de l'endroit. L'en-téte porte: Statnten
der oude cjeconfirmeerde lijtelfjilde van Roeijen, geseijt Fon-
teynisten, Crwjsbroeders Al in 't groen (Société de l'arba-
lète), met die van Sinncn Jonck (Société de S'^^-Barbe, à
l'arquebuse), geconfîrmeert te Brussel d juli 1726.
— ë02 —
On dirait que la nature toujours jeune, a voulu offrir
aux liabitanls de Loo une compensation quelconque pour la
grandeur éclipsée de leur ville. A l'endroit même où sem-
blent encore veiller à la conservation de la cité deux vieilles
tours, qui forment la West-porle, s'élève un if gigantesque
au tronc noueux et brisé, mais vivace dans plusieurs de ses
rejetons. Enraciné dans le mur du jardin voisin, il s'étend
au-dessus d'une eau dormante, et appuie ses rameaux vas-
tes et verdoyants jusque contre les murs attenant à l'anliquc
West-porte. Le peuple qui, chez nous comme en France,
associe le grand nom de César à tout ce qui est antique et
frappe vivement son imagimation qu'il substitue à l'his-
toire, le peuple, disons-nous, raconte que c'est à cet arbre
célèbre dans toute la contrée, que cet illustre capitaine
attacha mainte fois son coursier.
L'ancienne ville, fortifiée au XIV'" siècle, avait quatre
portes, mais le char destructeur de la guerre a passé par là.
Les fondements du château du comte se trouvent à l'en-
droit dit le 3[ont terrible.
Hàtons-nous de revenir aux œuvres fécondes de la na-
ture; qu'il nous soit encore permis de parler d'un immense
noyer, autre célébrité dans la classe des arbustes utiles.
11 embellit l'endroit dit Drobbelaer, situé à une demi-lieue
de la commune de Loo. Malheureusement, nous n'avons pu
nous assurer par nous-mêmes jusqu'à quel point il mérite
de prendre place parmi les aibres qu'on cite en Europe
pour leur immense développement. Son tronc doit avoir
18 pieds de circonférence. Comme il fournit quelquefois
environ 80,000 noix à l'heureux fermier qui en a la jouis-
sance, le produit de ce noyer a suffi en certaines années
pour payer le montaiU de son fermage.
Il est bien déchu l'antique héritage de Guillaume, comte
de Loo, qui vengea la mort du comte de Flandre, Charles
le Bon et fut digne de lui succéder. La paroisse de Loo
— SOS —
compte aujourdliui à peine 1700 habitants. Toutefois,
grâce à la soliicitiide de son magistrat, un meilleur avenir
semble lui sourire : depuis environ cinq ans, au-delà de
50,000 francs ont été employés pour établir de nouvelles
communications aux environs; par ce moyen des chemins
de terre, impraticables pendant quatre mois de l'année, ont
été métamorphosés en chemins vicinaux qui vont ouvrir
une nouvelle ère de prospérité pour une commune encore
si importante du temps où l'auteur de la Flanclria illus-
trata, copiant Grammaye, lui consacra quelques pages.
Les fils illustres de Loo que cite Sanderus, ont subi le
sort de leur berceau : ils sont inconnus aujourd'hui à la
plupart de nos compatriotes. Le savant Jacobus Nicolcms,
dont Joannes Gruterus édita les travaux dans l'appendice
de sa Lampas crilica, méritait un meilleur sort,
YkS DUYSE.
504
QUESTIONNAIRE
HISTORIQUE, BIOGRAPHIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE.
Chacun de nous, si ignorant qu'il soit, sait quelque
chose que son voisin ne sait pas. A son tour celui-ci con-
naît souvent ce que nous ignorons complètement, et ce que
nous serions bien aises d'apprendre. Non omnia possunms
omnes est un de ces vieux adages populaires dont la vérité
est toujours neuve. Il y aurait cependant un moyeu défaire
un peu mentir ce respeclable proverbe, en ce qui cou-
cerne les faits qui sont du domaine de la science. Il ne
s'agirait pour cela que de former une association d'hom-
mes instruits, communicatifs et zélés, s'occupant à peu
près des mêmes études et des mêmes recherches et s'obli-
geant à se communiquer mutuellement les renseignements
qui intéresseraient plus particulièrement chacun d'eux.
Une abondante moisson de détails oubliés, négligés ou
inconnus, se trouverait bientôt à la disposition de chaque
membre dune pareille association et le mettrait à même
de compléter sans effort et sans fatigue, le travail spécial
dont il s'occupe.
Je suppose six personnes se réunissant ainsi pour éclair-
cir l'histoire d'une époque donnée; la première se consa-
crerait aux faits politiques, la seconde à la biographie des
hommes célèbres, la troisième à des recherches sur l'état
des arts, la quatrième aux institutions judiciaires, la cin-
quième à l'histoire ecclésiastique, la sixième à la numis-
— 30S —
maliqiie. Toutes les six elles se niellent à l'œuvre, et tout
en explorant les matériaux qui concernent la partie qu'elle
a particulièrement choisie, chacune d'elles consigne, à la
hâte, les renseignements qui ont de l'importance pour les
autres. A un jour donné, on fait le dépouillement de toutes
les notes ainsi recueillies, et il se trouve que nos six tra-
vailleurs obtiennent en une fois tous les éléments scientifi-
ques que chacun d'eux aurait dû rechercher isolément et à
grande peine dans des livres et des documents qu'il aurait
peut-être négligés.
En attendant qu'on puisse mettre quelque jour chez nous
en pratique cette utile idée, qui suppléerait à de longs et
pénibles travaux, la Rédaction du Messager des Sciences
veut tenter un essai qui conduirait au même but, mais par
une voie détournée, c'est-à-dire, en publiant à la fin de
chaque livraison de ce recueil un questionnaire historique,
biographique et bibliographique, aux demandes duquel
nous prions instamment toutes les personnes instruites et
bienveillantes de vouloir bien répondre {Affranchir).
Les Hollandais, qui font, en fait de science, de fort bon-
nes et utiles choses, nous ont déjà devancés dans cette
entreprise, en publiant un recueil périodique sous le nom
àQ,]Savorschcr (T Investigateur). Un certain nombre de per-
sonnes, chargées de la direction de cette revue, y posent une
foule de questions de toute espèce, invitant les hommes de
tous les pays à leur en adresser la solution. Ceux-ci à leur
tour sont priés de faire à la Rédaction des demandes de
renseignements utiles de toute nature, et il s'échange
ainsi entre ceux qui savent et ceux qui ne savent point, une
série de notices historiques, artistiques, numismatiques,
archéologiques , philologiques et autres dont tout lecteur
peut, au moins une fois dans sa vie, tirer profit.
Bien que nous n'approuvions point toutes les Nîigœ
qu'on a accueillies dans le .Yoiorsc/K'>' jusqu'ici, nous avons
— 506 —
été si frappés de Tutilité de réchange que nous signalions
tout à riicure, que nous avons voulu consacrer dorénavant
une partie de notre recueil à des questions du même genre et
aux réponses que l'on trouvera bon de nous y faire. Pourvu
qu'elles soient sérieuses, qu'elles aient un caractère scienti-
fique et qu'elles rentrent dans le cadre de nos travaux habi-
tuels, nous les recevrons toutes, questions et demandes,
avec la même reconnaissance. Nos correspondants qui dési-
reront conserver l'anonyme, peuvent être assurés que leur
nom ne sera point publié.
1. Vliege (PiERnE), natif de GanJ. — Il existe un beau portrait à l'eau
forte, sans nom de graveur, de ce personnage, qui doit avoir été de son
temps un célèbre orateur, si nous en croyons les vers suivants, inscrits
sous ledit portrait :
« Hier siet ghy uytglieheelt dien omit en wysen man
» Die eenen Cicero in 't vlaemscli besehaemen kan;
» Wicns wel hegaefde tongh en onghvmccn vcrstandl
» Toi eere, prys en lof streckt van syn vaderlandt
» 't Welck oock ghetuyghen sal de Amsleldamsche stadt
» Die van hem thooren spreken hceft het ghcluek gehadt. »
Sous le portrait on lit :
Petrus Vliege ghcboren van Gendt.
Au-dessus : ICk VLIege Doon MHn Verstant (166i).
On désire avoir des renseignements sur ce pei'sonnage. Quand est-il mort?
Quelles fonctions a-t-il occupées? A-t-il laissé des écrits?
2. Voyageurs Belges. — Pirard de Laval, né ù Stenibert près de Ver-
viers vers 1370, et qui résida près de cinq ans aux Iles Maldives, écrivit
la relation de son voyage, sous le titre de Discours du voyage des Fran-
çais aux Indes-Orientales. Il y donna à la France l'idée d'une Compagnie
des Indes : celle-ci le nomma son premier armateur. Ce voyage, cité avec
éloge par Buffon et Raynal, a été publié à Paris, en IGll, en 1015 et
en 167!); existe-t-il dans quelque bibliothèque publique ou privée?
G.
— S07 —
3. Diarlum Algericnse. — Le savant historiographe anvcrsois, J.-B. Gra-
maye, a piil)lié sur les côtes barbaresqucs, un intéressant ouvrage sous le
titre de : Afrlccu itlusiratœ libri decem. 11 existe ensuite du même auteur une
deseription de son voyage à Alger, sous le titre de : Diarium Algcrknse,
Athi, 1622, in-S". Quelqu'un possèdc-t-il ce volume devenu si rare qu'il ne
se trouve dans aucune bibliothèque publique de Belgique?
G.
4. Foire de Watervliet. — La commune de Watervliet, en Flandre, avait
autrefois une foire célèbre. Sait-on à quelle époque elle fut établie?
0. P.
5. Balfard. — Balgfard ou Balfard était au moyen-âge une redevance
seigneuriale, dont il est souvent fait mention dans les documents histo-
riques de la Flandre. En quoi consistait cette redevance, et quel est Fori-
gine de son nom?
0.
6. Chanson sur le sire de l'Isle-Admn. — Le sire de l'Isle-Adam fut, comme
on sait, un des principaux assassins de Jean-sans-Peur à Montereau. Van
Meteben raconte que ce seigneur fut, quelques années après, battu par les
Brugeois dans une rencontre de guerre et qu'à cette occasion on composa
une complainte flamande que l'on chantait encore à Bruges au XVI^ siècle.
Quelqu'un connaît-il celle complainte?
0.
7. De quelle époque datent chez nous les églises dédiées à l'apôtre S'-Pierre.
0.
8. Veuglaires. — On sait qu'au siège du château de Poucke en 1433,
le brave chevalier Jean de Lalaing fut tué d'un coup de vcuglaire. Cette
arme qui parait avoir eu quelque aflinité avec nos canons ou fusils de rem-
part, est citée dans une foule de relations de sièges de places fortes fla-
mandes. Sait-on l'origine du nom de Vcuglaire? Était-ce une machine à
feu, desservie conséqucmraenl par la poudre? Ou bien n'était-ce qu'une sorte
de picrricr?
K. P.
— 50« —
€l)r0nique bfs 0nence9 et îïes 2lrt$, et 'Oaxxéih.
Épitaphe d'Éloi Holcart. — Nous avons parcouru un manuscrit d'an-
ciennes épiiaplics d'églises de Gand, appartenant aux frères Callion, qui
tous deux portent un amour filial à tout ce qni peut intéresser la gloire
de l'ancienne cité. Nous y avons lu l'épitaplie latine de Houcarl ou Hoeckaert,
maître es-arts de l'université de Paris, décédé à Gand vers 1540, et qui a mis
en vers latins quelques vies des Saints, telles que celles de S'-Liévin, Bertaut et
S'^-Colette, ainsi que les Refcrcynen d'Anne Byns, outre qu'il a publié quel-
ques autres ouvrages dont parle Foppens (I, 238). Nous ne sachons pas que
l'épitaphe de cet homme utile, qui tenait une école à Gand, au Zandberg, ait
jamais été imprimée. Elle nous apprend qu'il trépassa à l'âge de 46 ans.
Malheureusement l'ignorance du copiste, assez peu clerc, l'a tellement
défigurée qu'elle exige des corrections.
Voici comme nous proposerions de la lire :
Consummavi opus hoc, niihi rjuod, Pater aime, dedisli,
Ut fieret per me docta juventa tua.
Nunc ad te venio, dmn sex meu compulat actas
Annos atque decem lustra; rude opto dari,
Eligins tuus Houcarius ; per secida tecum
Da veniatn, ob nati vulnera quinque lui.
Tu, qui mors mortis, quae inferna claustra momordil,
Da nohis vitaj dona perrennis. Amen.
El, pia divorum princeps, put mater Jcsu,
Scd vitae, Eligio conciliato Patrem.
Au lieu de fieret, au 2" vers, le MS. porte faceret; au lieu de tua, il donne
sua; le -i" a rudem, je lis rude; le Ce, sui, je lis tui; le 7<' commençait par :
Da, qui mors mortcm; le dernier par : Sal vivifici.
Le copiste y a ajouté une noie au sujet de la place qu'occupait cette
épitaphe dans l'église de S'-Bavon : Priino intrando ad dcxtram sive me-
ridiem, in primo sacello septem dolorum B. Virginis (alias de Vontcapelle),
sub turri in parietc seplentrionali juxta altarc in aerc est cpitaphium ma-
gislri Eligii Houcarii ludimagistri, in Monte Arenoso, qui obiit 4» Novcmbris
a» Domini iliii. PR. Van Duyse.
— 809 —
TwiERnv Merte>s. — Dans les Recherches sur cet archi-typographe, par
De Gand, on trouve à la page 75, la descriplion suivante d'un des nom-
breux ouvrages de cet habile imprimeur alostois : Aurce cpistole Johannis
Pici Mirandule viri omnium mortalium doclissimi cloqucnlissimique , etc.,
tandis que la souscri]>tion du dernier feuillet porte, d'après l'exemplaire
de M. Vergauwcn : Impressum anm Domini M. quingenlissimo (sic) nono.
xxviii Novembris In-i».
L'archiviste Van Duyse possède une édition postérieure de cet ouvrage,
sortie des mêmes presses. — On y lit au dernier feuillet : Anno Domini
M. quingentesimo secundo. Oclavo Kalcndas Oclobris. In-4o.
Document sur le Comte d'Egmont, — On sait que Philippe II écrivit au
comte d'Egmont, entre autres, les lignes suivantes : « Ce m'a esté plaisir
d'avoir entendu par vos lettres, que, en suyvant ce que j'avais mandé à
ma sœur de faire généralement rcnouveller les sermens que vous ayez re-
nouvelle les vostres, non pour besoing que je tenois qu'il en fut pour vostrc
personne, mais pour le bon exemple que vous y avez donné à tous aultres ,
que j'espère ils ensuyvront. Aussy ne me ce a esté moins de plaisir d'enten-
dre les bons devoirs que vous faites et l'assistencc que vous donnez et les
offres que vous aviez faictes à madicte sœur, dont je vous mereye, etc. »
Quelle hypocrisie !! ! quelle duplicité!!! ajoute M. Gachard, en rappelant
textuellement une partie de cette lettre, inédite jusqu'alors, dans ses Docu-
ments concernant l'histoire de la Belgique (fivnxcWcs , 1833, p. âiô).
Or, celte missive est datée du 2G mars 15G7, et quelques jours plus
lard (13 avril), le duc d'Albe quittait Madrid, le glaive de l'ange extermi-
nateur à la main.
Des historiens de l'époque racontent que le 26 août 1566, Alava, ambassa-
deur d'Espagne à Paris, avait écrit à Marguerite pour qu'elle dissimulât,
afin de ménager le triumvirat des Pays-Bas qui oflusquait Philippe, « vu
qu'il sauroit bien s'assurer d'eux en temps et lieu et les punir de manière à
faire tinter les oreilles à toute la chrétiennclé . » L'authenticité de cette lettre,
interceptée par les intéressés et que la Gouvernante argua de faux, est de-
meurée douteuse. Mais un fait bien sûr, bien authentique, c'est qu'au
commencement du mois de juillet de la même année, le Roi tint pour
agréable le don que la Flandre se proposait d'olTrir au comte d'Egmont ,
comme une marcjue de gratitude pour le courage qu'il avait déployé en
différentes circonstances très-critiques. Ceci résulte d'un document faisant
partie des archives de la ville de Gand, et conçu en ces termes .-
« Sur la remonsirancc faicle au Roy de la part des qualtrc membres
3G.
— 510 —
de son pays de Flandres, comme prenant regard à raûeclion que le Prince
de Gavres, conte d'Egmont, gouverneur du dlct pays, portoit et avoil tous-
iours porté à iceulx et les peines, travaulx et dangiers qu'il^voit passe
pour leur deffence et luilion , ilz avoienl esté meuz d'accorder au dict
Trince de Gavres en don gratuit la somme de trente mil livres, de qua-
rante gros, monnoie du dict pays de Flandres, pour une fois, soubz le bon
plaisir et agréation de Sa Majesté. Sa dicte Majesté, le tenant pour agréa-
ble, a eonsenty et consent que le dict don gratuit sortisse son effect, en
la manière que les diets quatre membres l'ont advisé et ofl'ert, sans que
ce leur puist ou pourra tourner à préjudice quelconque; et que pour tant
myeulx trouver les dicls deniers, ilz se puissent ayder par telz moyens
que par l'adveu de leur conuine et notables ils trouveront myeulx convenir.
» Faict au bois de Segovia, le vi jour de juillet, Tan quinze cens
soixante six.
» Ainsi signé par Sa Majesté : Piiles. Cacheté du petit cachet d'icelle sa
Majesté. Et plus bas estoit cscript : Par ordonnance de Sa Majesté, signé
par le secrétaire Cortewille. — Collacionné aux lettres originales et
trouvé accorder par moi : signé, M. S.nouckaert. »
Une année ne s'était pas encore écoulée depuis que le roi avait signé
cette pièce, et déjà son juge-bourreau répondait à Sabine de Bavière, qui
implorait à ses genoux, la liberté de son mari : Rassurez-vous, Madame, il
sortira demain de prison. Il en sortit effectivement.
Et ce même jour, le a juin 1368, roula sur l'échafaud la tète de ce d'Eg-
mont , qui avait frappé de terreur et mis à deux doigts de sa perle la
France, de ce d'Egmont, qui fut un modèle d"héroïsnie chevaleresque; mais
qui, avec l'intention d'éviter la guerre civile, n"cut pas l'énergie nécessaire
pour comprimer une foule tumultueuse, parce qu'il n'avait ni le cœur dou-
ble ni la main de fer du rival de sa gloire militaire.
Pn. Van Divse.
Le GRAVEin Wiener. — Le Uoi voulant donner à M. Léopold Wiener un
témoignage de haute satisfaction, pour la médaille de feu notre Reine que
cet habile graveur vient d'exécuter, lui a fait adresser avec une lettre très-
flatteuse, une superbe bague en brillants, ornée de son chiffre.
L'œuvre importante qui a valu à l'artiste cette marque de satisfaction de
S. M. contient de face le portrait de la Reine, très-largement et à la fois
très-finement modelé, et de plus d'une ressemblance frappante. C'est bien
certainement la reproduction la plus exacte des traits de Louise-Marie d'Or-
léans, reine des Belges, dont nous avons vu, depuis un an, tant de portraits
gravés, dessinés, peints, ciselés et sculptés. Le revers est d'un dessin très-
— su —
compliqué et très-heureusemcnl conçu; l'ange protecteur de la I{clj;i(iuc,
agenouillé au centre, étend ses bras au-dessus de deux médaillons, et plus
haut, la Paix et la Liberté en soutiennent un troisième; dans ces trois médail-
lons sont, très-ressemblants aussi, les bustes du prince royal, du comte de
Flandre et de la princesse Cliarlolte. Au bas, sur un ruban qui s'enroule
avec goût dans les ornements des cartouches, se lit la divise : Patrice spes
altéra crcsce. Cette composition, agencée avec goiit et d"un excellent style
numismatique, est ciselée avec beaucoup d'art et de finesse. Tous les ama-
teurs de médailles, toutes les personnes qui ont conservé le souvenir de la
reine voudront avoir cette belle médaille, une des plus importantes, sinon la
plus importante, qui aient été faites dans notre pays.
Mesures de rigueur prises cotre les anciennes Chambres de Rhétorique.
— Voici une nouvelle preuve des mesures que le gouvernement espagnol
crut devoir prendre contre l'esprit hostile qui animait nos sociétés de rhé-
torique à l'époque où s'annonçait déjà de loin l'éruption du volcan politico-
religieux dans notre pays.
« Très chiers et bien amez :
« Les Bailly, Mayeur et Eschevins de la ville de Renaix, nous ont par
leur rcqueste donné à entendre que suyvant les anchiennes coustumes de
faire, le collège iuré de la Réthoricque audict Renailx pour décorer la feste
de leur procession, ils avoient institue aulcuns pris pour inciter et pro-
voquer les Réthoriciens voisins à les venir gaigner, nous priant leur oc-
troyer permission généralement pour tous venans et depuis retraindant
icelle pour quatre -compaignies d'Audenaerds et une de Courtray, et que
leur voulsissions octroyer et pour ceste fois, iceulx de la Réthoricque puis-
sent faire ladicte assemblée, et achever leurs jeuz, et comme au temj)S qui
court, nous estimons toutes telles assemblées, principalement sur fondement
de jeuz de Réthoricque, dangereuses et suspectes, nous n'avons peu accor^
der ausdiclz de Renaix leur dicte rcqueste : vous en ayant bien voulu advcrtir,
l)our vous requérir et de par sa Majesté ordonner, si vous appercevez que
iceulx de Renaix ou aultres voulsissent se advancher de faire telles assem-
blées, que vous y obviez à vostre pouvoir, sans auleunement les admectre,
puisqu'il n'en peult venir du bien, mais plustost scandale et inconvénient.
» A tant, très chiers et bien amez, nostre Seigneur vous ayt en sa saincte
garde.
» De Bruxelles, le xxvij" iour de May XV^ soixante-quatre.
» Soubzeript : Margareta. Et tout bas, signé : V.\nder Aa. Et sur le dos cstoil
escript : A nos très chiers et bien amez, les président et gens du Conseil
du Roy, .Monseigneur, en Flandres. »
— 312 —
Ce document est transcrit du Registi'c : Placcaeten ende ordonnantien,
bcginncndc den 20 meye 1564 ende eyndende den 10 april 1370, faisant par-
lie de la collection des M registres du dépôt des archives de la ville de
Gand. — Nous nous bornons à ajouter que ni Cops, ni La Serna Santander
ne font aucune mention de la chambre de Rhétorique de Renaix.
Pr. y. D.
Hectiftfation.
Nous tenons à faire amende honorable d'une erreur légère qui nous est
échappée à la page 194. In cathedra Sti-Peiri, doit se traduire par : le
jour de la fête de la Chaire de S'-Pierre ; nous maintenons du reste nos
allégalions, confirmées par le témoignage du savant Iluliman, 1. 1., mais
n'avons plus d'exemple à citer pour la Belgique. — Nous remercions le
Journal historique et littéraire de nous avoir signalé celte inadvertance.
V. G.
ERRATA.
Année 1S50.
Page 381, ligne 18, au lieu de ercdi, lisez : credi.
381, ligne 2 (note), au lieu de étranglé, lisez : étranglée.
532, lignes 2 et 28, au lieu de Dulloz, lisez : Dalloz.
533, ligne 16 et 27, au lieu de Hanegraaf, lisez : Ilanegraeff.
Année 1S51.
Pag. 242, ligne 14, au lieu de du vers, lisez : des vers.
244, ligne 14, au lieu de les résultats, lisez : le résultat.
249, vers 16, au lieu de Jonk, lisez : Konk.
249, dernière ligne de la noie, au lieu de abstenus, lisez : abstenus.
230, vers 13, au lieu de pompeu, lisez : rompeu.
250, ligne 18, reuardcreyc, lisez : uuardereye.
251, ligne 2, au lieu de adone, lisez : adonk.
532, ligne dernière, au lieu de Waitzen, lisez : Waasen-Wilden (Styrle).
407, ligne 13, au lieu de quarante -six, lisez : trente-six.
SIS
TABLE DES fôiATIÈRES.
ANNÉE 1851.
notices et IDisscvtationa,
Reconslruclion du campanillc du Beffroi de Cand 1
Essai sur les relalions commerciales des Belges avec le nord de ritalic
et particulièrement avec les Vénitiens , depuis le XII'' jusqu'au
XVI« siècle; par Alexandre Pincliart 9
David Lindanus, sa famille, ses amis; par Léon de Burbure .... 26
Antiquités cclto-germaniques, gallo-romaines et gallo-franques, trou-
vées sur le territoire de Renaix et dans les communes environnantes;
par E. Joly •4a
Félix Bogacrls; par Pli. Kervyn de Volkaersbcke ....... 39
Les Passe-temps d'un greffier d'autrefois; par Jules Borgnet .... 65
Des pierres sphéroïdales taillées anciennement, etc.; par Désiré Toilliez. 80
Campagne du corps d'exécution dans le pays de Liège, en 1790; ti'a-
duit de l'allemand par II. Hclbig 93
Notice sur le baron Arnoul de Ville; par Ch. Piot 104
Cheminée de Courtrai (explications complémentaires); par J. de Saint-
Génois 109
La bibliothèque de Bossuet; par J. Petit de Rosen 112
Les Ducs de Bourgogne, études sur les lettres, les arts et Tindustric
pendant le XV» siècle; par le comte de Laborde, membre de l'Insti-
tut. Par Kervyn de Lettenhove 115
Un mot à propos des Annales de l'imprimerie elsevirienne, par Charles
Pieters. Par P. C. Van der Mccrsch 150
Demande d'informations touchant les chartes accordées à la ville d'Am-
sterdam par les comtes de Hollande, de la maison de Ilainaut; par
P. Sclicllcma 15a
— su —
Noticeanalytique et raisonnée du catalogue du Musée d'Anvers, rédigé
par M. Jean-AlfreJ De Laet, professeur agrégé à l'Université de
Gand, et publié par le Conseil d'Administration de l'Académie royale
des Beaux-Arts. Par Théodore Van Lerius. I^e partie 133
Idem, 2e partie 273
Additions et rectifications au même article 488
Eludes sur le commerce de la Flandre au moyen-âge. — Les Foires.
— Par V. Gaillard 193
Emblèmes municipaux du moyen-âge. Par Alexandre Schaepkens. . 221
Récit de la guerre de loiS, par Gérard Le Prince, contemporain. Par
Alexandre Pinchart 228
Le Pont de .Meuse à Maestricht, ou quelques additions aux notes pour
une future biographie de Frère Romain, architecte. Par Ch. de Chê-
nedollé 232
Raoul de Créqui, poème inédit. Par M. De Ring 24-2
Prix quinquennal d'histoire, rapport 262
Rapport sur l'état des monuments historiques et artistiques de la ville
de Gand, rédigé au nom de la commission instituée pour leur con-
servation, par Ph. Kervyn de Volkaersbeke 31a
Suite au même rapport Ml
De lautorité des Ducs de Brabant sur la ville de Maestricht. Par
-41exandre Schaepkens 339
Date de la fête de S'-Burchard. Par le chevalier de Bonàr .... 543
Notice historique sur une verrière à l'église de IN'otre-Dame à Anvers.
Par P. Génard 533
Gelehrte Anzeiger, herausgcgeben von milgliedern dcr K. Bayer. Aka-
demie der wissenschaften. Par L. Warnkonig 564
Restes d'architecture civile privée du moycn-àge, à Gand (XlVe et
XVe siècles). Par Jules de Saint-Génois 374
Notice historique sur l'ancien château de Bourgogne, à Audenarde.
Par Edmond Van dcr Straeten 583 et 427
Jean de Venloo, fondeur du XV« siècle. Par Arn. Schaepkens . . . 407
Robert Relias d'Huddeghem, par K. de V 417
Une œuvre inédite de Martinetz Pasqualis. Par D 466
L'étendard de Brabant, au moyen-âge ; par M^" De Ring. , . . . 473
La commune de Loo, par Van Duysc 498
Questionnaire historique, biographique et bibliographique .... 504
— 515 —
€l)r0nique bca $ciaxcc$ et tf($ ^vla»
Anciennes Archives d'Afllighcm 148
Médaille de Ducangc 149
Histoire des Béguines belges 150
ttelgica, collection de 1660 brochures Ib.
Livre de lectures historiques belges Ib.
Le Moyen-âge et la Renaissance 132
Vente de la Galerie Van Saccgheni, à Gand 269
Découverte d'une pierre tumulaire de deux abbés de S'-Bavon, à Gand. 271
Société royale des Beaux-Arts, à Gand Ib.
Médaille à la mémoire du baron de Reiffenberg Ib.
Tombeau de Godefroi de Bouillon et de Baudouin de Constantinople. . 76.
Académie royale de Belgique. Programme des questions à résoudre . 272
Prix quinquennaux Ib.
Troisième Congrès littéraire hollando-bclge 410
Quel est le vrai nom de Roland De Lattre? Ib.
Concours dramatique institué parla Société des Gens de lettres belges. 413
Ancienne pièce d'artillerie trouvée à Ilonfleur 414
Tombeau de l'architecte Van Overstraeten 415
NÉCROLOGIE : Joseph .Mengal Ib,
Épilaphe d'Éloi Houcart 508
Thierry Martens 509
Document sur le comte d'Egmont Ib.
Le graveur Wiener . , jjlO
Mesures de rigueur prises contre les anciennes chambres de rhétorique 31 1
'?;
3^::
— SS6 —
CirPavei^'cs et LSiBiogB*np!ilcs».
^. Plan du nouveau Campanille du Beffroi de Gand (Ch. Ongliena) . 1
2. Antiquités celto-gcrmaniques, etc., pi. XIV , . 4a
3. Fac-similé d'une chanson notée du XV^ siècle 79
A. Buste de Philippe V, roi d"Espagne 133
5. Sceaux en usage aux XI I^ et XlVe siècles 223
6. Sceaux civils et ecclésiastiques du XIV« siècle 224
7. Sceau double. XIN" cl XV^ siècles 226
8. Portrait de Joseph Ghesquière 298
Portrait de Jacques De Bue 209
10. Église de S'-Sauveur, à Gand (Ch. Oughena) o29
11. Armoiries de la famille de Nassau 361
12. Ruines d'architecture privée du moycn-àgc ù Gand (Ch. Onghena). 574
13. Fonts de Tcglise de S'-Martin à Wyk-Macslricht (1482) ... 407
14. Portrait de Robert Ilclias d'IIuddcghcm (Ch. Onghena). . . . 417
16. Ostensoir en vermeil de l'église de S'-Jacqucs, à Gaud (Idem) . 4G0
GETTY CENTER LINRARY