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Full text of "Messager des sciences historiques, des arts et de la bibliographie de Belgique"

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MESSAGER 

DES  SCIENCES  HISTORIQUES, 

DES  ARTS 


ET 


DE    LA    BIBLIOORâPniE 

DE  BELGIQUE. 


LISTE  DES  COLLABORATEURS. 

MM.  Baré  de  Comogne  (le  V"=),  archéologue,  à  Hiiy. 

Le  cliev.  de  Bonar,  à  Waasen-Wildcii,  près  de  Gratz  (Styrie). 

J.  BoRGNET,  archiviste  de  la  province  de,  et  à  Namur. 

R.  CnALON,  président  des  Bibliophiles  belges,  à  Bruxelles. 

Cii.  DE  CuÊNEDOLLÉ,  dircct.  du  Bulletin  du  bibliophile  belge,  ^  Brux. 

Ch.  De  Brou,  graveur,  ;\  Bruxelles. 

LÉON  de  Bcrbure,  compositeur,  à  Anvers. 

D.  De  Haerne,  membre  de  la  Chambre  des  Représ.,  à  Courlrai. 

Men  De  Ring,  antiquaire,  à  Strasbourg. 

Le  Chan.  J.  J.  De  Smet,  membre  de  la  Comm.  royale  d'hisl.,  à  Gand. 

0.  Delepierre,  consul  de  Belgique,  à  Londres. 

A.  Dubois,  avocat,  à  Gand. 

Florian  Frocueur,  attaché  à  la  Bibl.  de  Bourgogne,  à  Bruxelles. 

V.  Gaillard,  secrétaire  de  la  Commission  des    Monuments,  à  Gand. 

P.  Génard,  sous-bibliolhécaire  de  lu  ville  d'Anvers. 

GvsELYNCK,  à  S'-Genois  (Flandre  occidentale). 

F.  Hacoez,  à  Mons 

H.  Helbig,  bibliographe,  à  Liège. 

IsiD.  IIye,  agrégé  h  l'Université  de  Gand. 

Ed.  Joly,  archéologue,  à  Renaix. 

J.  Kervtn  de  Lettekhove,  correspondant  de  l'Académie,  à  Bruges. 

Le  Glay,  archiviste-général  du  département  du  Nord,  à  Lille. 

F.  NÈVE,  professeur  à  l'Université  de  Louvain. 
J.  Petit  de  Rosen,  à  Liège. 

Cu.  PioT,  premier  commis  aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles. 

M.  L.  PoLAiN,  archiviste  de  la  province  de  et  à  Liège. 

Alex.  Pinchart,  second  commis  aux  Archiv.  du  royaume,  à  Brux. 

Henry  Raepsaet,  avocat,  à  Audenarde. 

J.  E.  G.  Roulez,  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

Ar.  et  Alex.  Scuaepkens,  archéologues,  à  Bruxelles. 

A.  ScDAYES,  cons.  du  Musée  d'antiq.,  d'amur.  et  d'artill.,  à  Brux. 

P.  ScuELTEMA,  ai'chiviste  de  la  ville  d'Amsterdam. 

DÉSIRÉ  ToiLLiEZ,  ingénieur,  à  Jemmapes. 

Fr.  Van  Duyse,  archiviste  de  la  ville  de  Gand. 

G.  Vervier,  président  de  la  Commission  des  Monuments,  à  Gand. 
D.  J.  Van  der  Meerscii,  docteur  en  médecine,  à  Audenarde. 
Edm.  Van  der  Straeten,  à  Audenarde. 

Th.  Van  Lerius,  avocat,  à  Anvers. 

L.  A.  Warnkoenig,  professeur  à  l'Université  de  Tûbingue. 

M.  Wolters,  ingénieur  en  chef  de  la  Flandre  Orientale,  à  Gand. 


MESSAGER 

DIS  semis  HISTORIPS 


DE  LA  BIBI^IOGRAPHIE 

DE  BELGIQUE. 

MM.  J.  DE  SAII\T-GE^OIS ,  Professeur-Ilibliolhécairc  à  l'Onivcrsilé; 

C.   p.  SERRURE ,  Professeur  d'histoire  à  rOniversitc  ; 

A.  VAN  LOKEREJi,  Avocat,  Eclievin   et  Arciiivisle  honoraire  de  la  ville; 

P.  C.  VAN  DER  MEERSCII,   Avocat  et  Archiviste  de  la  Flandre  orientale; 

et  Pn,  KERVYN  DE  VOLKAERSREKE,   Bibliothécaire  de   la  Société  royale  des 
Beaux-Arls   et  de  Littérature; 

A  GAND. 


année  1851. 


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(©anà , 


IMPRIMERIE  ET  LITHOGRAPHIE  DE  L.   nEBBELYiNCK, 

Rue  des  Peignes ,  C. 


ïlcconstructiau 


CAMPANILLE  DU  BEFFROI  DE  GAND, 


-aaesa^ 


Si  noire  nH-moire  ne  nous  trompe  point,  c'est  le  30 
avril  1859  que  l'on  démolit,  pour  cause  de  sûreté  publi- 
que, le  campanille  en  bois  qui  couronnait  notre  antique 
tour  communale  et  que  Ton  descendit  le  dragon  en  cuivre 
qui  le  surmontait. 

Peu  de  temps  après  M.  Van  Lokeren,  aujourd'bui  éclie- 
viu  de  notre  ville,  publia  dans  ce  recueil  riiistorique  de  ce 
respectable  monument  qui  a  bravé  tant  de  siècles  et  tant 
d'événements  de  toute  nature. 

Après  douze  ans  d'bésitation,  d'études  longues  et  appro- 
fondies cl  d'un  examen  sérieux  de  la  question  sous  toutes 
ses  faces,  le  Conseil  communal,  fidèle  aux  traditions  de 
grandeur  et  de  puissance  de  la  cité  des  Arteveldes,  a  décidé 
à  l'unanimité,  sauf  une  voix,  que  le  campanille  du  Beffroi 
serait  reconstruit  dans  un  style  autant  que  })ossible  en  liar- 
monie  avec  le  reste  de  l'édifice.  Celte  résolution  a  été 
accueillie  avec  la  plus  grande  faveur  par  la  population 
gantoise,  qui  y  a  vu  un  nouveau  témoignage  du  respect 
que  nos  magislrats  conservent  pour  les  héroïques  souvenirs 
du  passé  et  pour  ce  vieil  esprit  communal  qui  fait  la  force 
de  notre  Belgique  constitutionnelle.  A  ce  propos,  un  autre 
échevin  de  notre  ville,  l'honorable  M.  De  Pauw,  dont  on 
connaît  le  zèle,  l'empressement  et  le  patriotisme,  chaque 

1851.  1 


fois  qu'il  s'agit  de  gloiilier  l'antique  commune  gantoise,  a 
publié  un  rapport  circonstancié  sur  les  différents  points 
qui  ont  été  soumis  à  l'examen  du  Collège  échevinal  sur 
cette  grave  question.  Ce  rapport  oîi  l'auteur  s'est  livré  à 
des  appréciations  morales  tout-à-fait  dignes  du  sujet,  est 
particulièrement  remarquable  par  la  signification  politico- 
bistorique  qu'il  a  su  donner  à  cet  acte  de  l'administration 
communale,  désiré  depuis  tant  d'années.  A  ce  titre  nous 
avons  pensé  que  ce  travail  devait  trouver  place  dans  notre 
revue,  où  avait  déjà  été  tracée  l'bistoire  arcbitecturale  de 
ce  monument.  Le  dessin  qui  accompagne  ce  rapport,  repro- 
duit exactement  le  Beffroi  tel  (ju'il  se  présentera,  lorsque 
les  ouvrages  et  réparations  qu'on  se  propose  d'y  faire,  seront 
acbevés.  Sept  plans  différents  avaient  été  présentés  au  Con- 
seil communal;  l'arcbitecte  de  la  ville,  l'bonorable  M.  Roe- 
landt,  résumant  ce  qu'il  y  avait  de  bon  dans  cbacun  d'eux, 
en  a  composé  le  projet  définitif  tel  qu'il  a  été  adopté  par 
le  Conseil  communal.  Les  travaux  de  reconstruction  com- 
menceront cet  été,  et  on  espère  qu'en  1854  on  pourra 
inaugurer  le  campanille  avec  le  dragon  qui  lui  sert  de 
couronnement. 


3  — 


Rapport  fait  en  séance  du  Conseil  communal  du  8  février  1831, 
par  M.  l'Echevin  De  Pauw,  au  nom  de  la  Commission  des 
iracauXf  etc.,  sur  la  reconstruction  du  campanille  du  Beffroi. 

Messieurs  et  liouoraLlcs  Collègues  ! 

L"un  de  nos  collègues,  M.  Pieters-.MorcI,  a  dit  récemment  dans  un  rapport 
remarquable  .-  le  Beffroi  est  le  plus  populaire  de  nos  momoncnls.  Oui,  Mes- 
sieurs, le  Beffroi  est  le  plus  populaire  de  nos  monuments,  car  il  est  le  sym- 
bole de  l'idée  communale,  de  tous  temps  si  chère  ù  la  Belgique;  il  est  le  signe 
extérieur,  éclatant  d"un  droit  précieux  :  du  droit  concédé  aux  habitants  de 
notre  ville  de  diriger  par  eux-mêmes  le  gouvernement  intérieur  de  leur  cite. 

Le  premier  acte  des  communiers  lors  de  l'établissement  d'une  commune 
était  (vous  le  savez,  Messieurs),  la  construction  d'un  Beffroi. 

Notre  Beffroi  est  donc  en  quelque  sorte  la  charte  de  fondation,  l'acte  de 
naissance  de  la  commune  de  Gand.  Il  est  aussi  l'emblème  de  son  antique 
puissance  :  depuis  des  siècles,  les  cloches  du  Beffroi  ont,  sur  l'ordre  des  ma- 
gistrats de  Gand,  appelé  les  Gantois  au  travail,  au  combat,  aux  réjouissances 
publiques;  et  pendant  bien  des  siècles  aussi  les  voûtes  du  Beffroi  ont  abilré  et 
conservé  intacts  dans  le  coffre  de  fer,  nos  privilèges  et  les  titres  de  nos  fran- 
chises communales. 

Témoin  glorieux  et  huit  fois  séculaire  des  hauts  faits,  des  actions  héroïques 
de  nos  aïeux,  notre  Beffroi,  par  la  hauteur  et  la  solidité  de  ses  murs  de  granit, 
nous  montre  encore  aujourd'hui  quelle  était  la  force  et  la  fierté  de  nos  pères, 
et  il  nous  avertit  en  quelque  sorte,  nous,  leurs  enfants,  de  marcher  sur  leurs 
traces  et  de  ne  rien  faire  qui  puisse  cire  indigne  d'eux. 

Aussi  aux  yeux  de  vous  tous.  Messieurs,  qui  comprenez  la  religion  des  sou- 
venirs, de  vous  tous  qui  èles  les  fermes  soutiens,  les  protecteurs  constants 
non-seulement  de  nos  intérêts  matériels,  mais  encore  et  surtout  des  intérêts 
moraux  et  intellectuels  de  notre  cité,  à  vos  yeux,  le  Beffroi  a  toujours  été  le 
plus  beau  titre  de  gloire  de  la  ville  de  Gand.  A  la  vérité  le  monument  est 
sévère,  d'un  aspect  sombre,  imposant,  et  il  porte  rt-mpreinte  des  siècles,  mais 
c'est  par  là  même  qu'il  est  doublement  cher  au  cœur  de  tout  vrai  Gantois. 
Notre  Beffroi  est  pour  nous  ce  qu'est  pour  un  brave  régiment,  le  vieux  dra- 
peau noirci  par  la  poudre  et  déchiré  par  la  mitraille.  Aussi  la  question  de 
savoir  si  le  Beffroi  serait  conservé  n'a  jamais  été  douteuse  et  elle  doit  l'èlrc 
aujourd'hui  moins  que  jamais. 

En  présence  des  résullate  funestes  produits  dans  d'autres  pays  par  une 
centralisation  absolue  et  sans  limites,  nous  devons  veiller  plus  que  jamais  au 


mriintien,  à  la  glorilication  de  lidéc  communale,  type  de  notre  nationalité,  et 
qui  doit  assurer  notre  indépendance  dans  l'avenir. 

Loin  de  nous  cependant  toute  pensée  hostile  au  pouvoir  central.  Disons  au 
contraire  que  le  pouvoir  central  doit  être  fort  et  respecté,  mais  ajoutons  qu'il 
doit  ^tre  en  même  temps  aimé  :  or,  jamais  il  ne  sera  aimé  en  Belgique  s'il  se 
permet  d'absorber,  de  concentrer  en  lui  seul  tous  les  droits,  les  droits  des 
provinces,  des  villes,  des  corps  politiques,  des  individus. 

Il  en  est  de  même  de  la  capitale.  Elle  doit  être  la  première  ville  du  pays,  la 
plus  riche,  la  plus  splendide,  la  plus  favorisée;  mais  elle  doit  laisser  aux 
autres  villes  l'air,  l'espace,  le  soleil  nécessaires  à  leur  développement  non- 
seulement  matériel,  mais  intellectuel. 

Jamais  nous  ne  comprendrons  dans  notre  pays,  qu'il  puisse  être  bon  et 
juste  de  concentrer  dans  une  seule  ville  tous  les  monuments,  tous  les  chefs- 
d'œuvre  des  arts,  tous  les  moyens  d'instruction,  toutes  les  intelligences  d'élite, 
car  alors  l'intelligence  en  province  ne  dépassant  plus  un  certain  niveau,  la 
masse  de  la  nation,  privée  des  jouissances  les  plus  pures  de  l'Ame,  est  con- 
damnée à  une  sorte  d'ilôtismc  intellectuel  au  profit  des  privilégiés  de  la  capi- 
tale qui  ne  lui  rendent  en  compensation  que  des  livres  et  des  journaux;  pré- 
sent presque  toujours  inutile,  quelquefois  funeste  et  que  la  province  partage 
d'ailleurs  avec  l'étranger. 

Hâtons-nous  d'ajouter,  Messieurs,  qu'heureusement  rien  de  pareil  n'est  à 
craindre  sous  notre  gouvernement.  Le  roi  connaît,  il  aime  la  Belgique,  il  sait 
que  notre  pays  est  le  véritale  pays  des  franchises  communales,  et  sa  volonté 
est  que  ces  franchises  demeurent  intactes  et  respectées.  S'il  en  fallait  une 
preuve  nouvelle  et  éclatante  nous  la  trouverions  dans  l'affaire  qui  nons  oc- 
cupe. Car  le  roi  lui-même  veut  la  restauration  de  notre  vieux  Beffroi,  et  il  le 
veut  si  bien  que  dans  ce  but  un  subside  de  50,000  francs  nous  a  été  octroyé 
par  son  gouvernement;  et,  déjà  cette  somme  considérable  se  trouve  depuis  un 
temps  assez  long  (nous  le  disons  avec  une  certaine  pudeur)  dans  notre  caisse 
communale  sans  que  nous  ayons  pu,  jusqu'à  présent,  l'employer  à  l'usage 
auquel  elle  est  destinée. 

Mais  enfin  notre  Beffroi  va  être  reconstruit  et  il  va  l'être  en  l'honneur  de 
l'idée  communale  que  des  esprits  étroits  ou  passionnés  qualifient  de  patriotisme 
de  clocher. 

Terminons  en  jetant  un  coup  d'oeil  rapide  sur  les  effets  produits  en  noire 
pays,  d'un  côté  par  le  régime  de  la  centralisation  absolue,  régime  sous  lequel 
nous  avons  vécu  du  temps  du  consulat  et  de  l'empire;  et  de  l'autre  côté  par  le 
régime  rétabli  en  1815  d'une  centralisation  modérée  et  tempérée  par  l'esprit 
communal. 


—  5  — 

Sous  le  premier  de  ces  régimes,  laiulis  que  Paris,  malgré  la  fjuerte,  voyuit 
tous  les  jours  s'élever  de  nouveaux  et  magnifiques  monuments,  surgir  des  in- 
stitutions de  toute  csiicce,  affluer  dans  son  sein  tous  les  chefs-d'œuvre  des 
arts,  tous  les  hommes  considérables  de  f  empire;  en  un  mot,  tandis  que  Paris 
devenait  la  merveille  du  monde;  la  province  perdait  tous  ses  honneurs,  toute 
son  importance,  et  se  trouvait  réduite  à  n'avoir  plus  d'autre  occupation, 
d'autre  souci  que  celui  des  intérêts  matériels.  Les  départements  n'étaient  plus 
rien  que  des  champs  et  des  fabriques. 

Voyons  quel  a  été  pour  la  ville  de  Gand  le  bilan  de  ce  régime. 

En  fait  de  monuments  : 

Construction  de  deux  portes  de  ville  et  de  trois  pompes. 

En  fait  d'institutions  : 

Création  d'un  lycée  en  remplacement  d'autres  collèges. 

Voyons  maintenant  le  bilan  du  deuxième  régime. 

En  fait  de  monuments  : 

Construction  du  Palais  de  rUniversilé. 

Des  nouvelles  casernes. 

D'une  aile  de  l'Académie  de  dessin. 

Du  Palais  de  Justice. 

De  la  nouvelle  salle  de  spectacle. 

Des  nouvelles  serres. 

Du  nouvel  Entrepôt. 

Sans  compter  une  quantité  innombrable  d'améliorations  secondaires. 

En  outre  création  de  notre  port  de  mer. 

Création  de  notre  belle  station  où  quatre  chemins  de  fer  viennent  se  réunir 
comme  en  un  nœud  brillant,  et  où  l'on  voit  s'élever  des  quartiers  nouveaux, 
je  dirais  presque  une  nouvelle  ville. 

Dans  l'ordre  moral  : 

Gand  est  devenu  ville  universitaire,  le  siège  d'une  cour  supérieure  de  jus- 
tice. Il  y  a  clé  établi  une  école  du  génie  civil,  une  école  normale,  une  école 
industrielle,  un  conservatoire  de  musique,  une  école  primaire  supérieure  et 
de  nombreuses  écoles  communales  gratuites  pour  les  enfants  des  deux  sexes. 

Cet  état  de  choses  est  dû  sans  doute  en  partie  à  la  longue  paix  dont  nous 
jouissons,  mais  il  est  dû  en  majeure  partie  au  rétablissement  de  nos  libertés 
communales.  11  sufQt  pour  s'en  convaincre  de  comparer  les  progrès  des  villes 
de  Belgique  depuis  181a,  aux  progrès  des  villes  d'un  pays  voisin  depuis  la 
même  époque. 

K'avons-nous  pas  raison.  Messieurs,  de  bénir  un  régime  qui  produit  de 
pareils  fruits  et  ne  dcvons-nou--  pa?  nous  attacher  de  plus  en  plu-  aux  insli- 


—  6  — 

tutions  qui  nous  régissent?  Et  remarquez  que,  tandis  que  Gand  prospérait, 
les  autres  villes  de  Belgique  prospéraient  de  même.  Bruxelles  n'est-elle  pas 
devenue  une  ville  magnifique,  un  séjour  enchanteur?  Anvers  ne  brille-t-il  pas 
au  premier  rang  comme  métropole  du  commerce  et  des  arts?  Liège  et  toutes 
nos  autres  villes  ne  sont-elles  pas  florissantes? 

C'est  par  Tesprit  communal  qu'au  moyen  âge  la  Belgique  a  été  grande, 
penommmée  dans  le  monde  entier,  et  c'est  par  l'esprit  communal  qu'elle  est 
en  voie  de  reconquérir  sa  grandeur  passée. 

Nous  n'avons  pas  cru  inutile  ni  inopportun  d'exposer  le  côté  moral  de  la 
question  soumise  à  votre  délibération;  nous  passons  maintenant  à  l'examen 
des  questions  spéciales  que  vos  commissions  ont  à  résoudre  : 

1''°  Question. 

La  tour  est-elle  solide  et  promet-elle  encore  une  durée  considérable? 

Voici  la  réponse  de  la  commission  spéciale  nommée  en  1842  par  le  conseil  : 

«  La  commission  estime  :  que  les  murs  quoiqu'étant  faiblement  lézardés  et 
»  ayant  besoin  de  grandes  réparations  extérieures  présentent  encore  toute  la 
»  solidité  nécessaire  pour  supporter  un  poids  infiniment  plus  considérable  que 
»  celui  qu'ils  ont  supporté  avant  la  dernière  démolition  du  campanille.  » 

Et  plus  loin  : 

«  En  agissant  ainsi  et  en  entretenant  convenablement  l'édifice,  la  commis- 
»  sion  estime  qu'il  pourra  encore  avoir  une  durée  très-considérable.  » 

2®  Question. 

La  reconstruction  doit-elle  avoir  lieu  en  fer  ou  en  bois? 

Le  fer  a  été  préféré  k  l'unanimité. 

Le  projet  avait  été  conçu  en  bois,  en -pierres  et  en  cuivre  en  1843  et  d'après 
le  devis  détaillé,  fait  à  cette  époque,  le  coût  était  de  fr.  177,126. 

Le  projet  actuel  de  même  hauteur  que  celui  de  184b  ne  coûterait  pas  autant 
même  en  supposant  qu'on  reconstruise  les  quatre  tourelles  du  premier  étage. 

2»  Le  projet  de  1843  pesait  au-delà  d'un  million  de  kilogrammes,  le  projet 
actuel  ne  pèse  pas  500,000  kilogrammes. 

3o  Le  bois  périt  dans  les  assemblages  par  l'humidité  de  l'air  et  n'a  qu'une 
durée  limitée. 

i»  L'expérience  a  démontré  que  les  flèches  des  tours  sont  fortement  expo- 
sées aux  dangers  de  l'incendie. 

â^  Question. 

Le  campanille  existant  pèse  166,358  kilogrammes,  celui  qu'on  se  propose 


—  7  — 

de  consli-uirc  pcscia  261,314  kilogrammes,  les  limiles  fixées  par  le  rapport 
des  experts  de  1842  ne  sont-elles  pas  dépassées  par  cet  excédant  de  poids? 
La  commission  déclare  résoudre  cette  question  négativement. 

4°   Question, 

La  partie  du  campanille  encore  existant  et  la  partie  démolie  présentaient 
ensemble  aux  eft'orls  du  veut  une  surface  de  97  68. 

Le  campanille  projeté  en  présentera  127. 

La  hauteur  du  campanille  démoli  était  de  27  mètres. 

Celle  du  campanille  à  construire  est  de  56  mètres. 

La  nouvelle  construction  pourra-t-ellc,  en  la  supposant  faite  avec  soin,  ré- 
sister aux  efforts  de  la  tempête? 

La  commission  a  tout  lieu  de  croire  qu'oui. 

5®  Question. 

La  commission  est-elle  satisfaite,  au  point  de  vue  des  règles  de  Tari,  de 
l'ossature  de  la  construction  indiquée  par  la  silhouette  mise  sous  ses  yeux. 

La  commission  répond  affirmativement  sous  la  reserve  qu'il  sera  donné  à 
toutes  les  parties  de  la  construction  la  force  cl  la  liaison  nécessaires. 

6°  Question. 

La  commission  approuve-t-elle  le  nouveau  modèle  au  point  de  vue  artis- 
tique? 

La  commission  répond  affirmativement;  deux  membres  demandent  qu'on 
rétablisse  les  quatres  tourelles  du  premier  étage,  les  six  autres  membres 
adoptent  le  modèle  tel  qu'il  existe. 

7"  Question. 

RÉSUMÉ    DES    DEVIS. 

Construction  du  campanille l'r.    112,176  73 

Travaux  de  consolidation 27,443  79 

Placement  du  gaz  et  réflecteurs  pour  l'éclairage  des  cadrans 

de  l'horloge »        2,000  00 

Construction  d'une  nouvelle  horloge »       6,000  00 

Renouvellement  du  mécanisme  et  rétablissement  du  cabinet 

et  du  buffet  du  carillonncur »        1,000  00 

Renouvellement  du  tambour  de  réveil  et  de  son  tréteau.  »  600  00 

Renouvellement  partiel  des  anneaux  et  battants  des  cloches 

du  carillon »       «,000  00 

Total.     .     .     .  fr.    1. '54, 220  52 


—  8  — 

Celle  évalualion  est  inférieure  de  fr.  3,490  48  à  celle  laite  par  l'honorable 
rapporteur  de  la  commission  des  finances. 

8°  et  dernière  Question. 

Convient-il  d'ouvrir  les  fenêtres  du  Beffroi  et  de  les  rétablir  dans  leur  élut 
primitif? 

Celte  question  a  été  résolue  affirmativement  en  1842  par  la  commission  spé- 
ciale, mais  nous  proposons  de  réserver  toute  décision  sur  ce  point,  afin  de  mé- 
nager les  finances  de  la  ville.  D'ailleurs  celte  amélioration  pourra,  quand  on 
le  désirera,  être  exécutée  dans  l'avenir. 

La  reconstruction  du  Beffroi,  Messieurs,  est  une  déclaration  sollennelle  que 
dans  votre  pensée,  l'avenir,  le  présent,  le  passé,  doivent  être  unis  par  une 
seule  et  même  chaîne;  que  si  la  ville  de  Gand  est  libérale  et  amie  du  progrès, 
elle  est  en  même  temps  animée  de  l'esprit  de  conservation  et  d'un  juste 
respect  pour  la  sagesse  de  nos  ancêtres.  En  un  mot,  nous  ne  voulons  pas  que 
la  chaîne  des  temps  soit  interrompue;  nous  ne  voulons  pas  dater  de  cinquante, 
de  soixante  ans  et  prendre  origine  ù  la  fin  du  XYIII^  siècle  ou  au  commen- 
cement du  XIX«  seulement.  Nous  prétendons  dater  de  neuf  à  dix  siècles  et 
nous  ne  voulons  faire  qu'un  avec  nos  aïeux. 


ESSAI 


SUR 


LES  RELATIONS  COMMERCIALES  DES  BELGES  AVEC  LE  NORD  DE 
l'iTALIE  ET  PARTICULIÉREAIENT  AVEC  LES  VÉNITIENS,  DEPUIS 
LE    XII<=    jusqu'au    XVI«    SIÈCLE. 

— rsag&ss- 

Dans  ce  travail  nous  avons  essayé  d'esquisser  le  tableau  de 
nos  relations  avec  le  nord  de  l'Italie,  et  en  particulier  avec  la 
république  de  Venise,  depuis  le  XII''  jusqu'au  XVI*'  siècle. 

C'est  aux  croisades  qu'il  faut  attribuer  le  mouvement  que 
Ton  remarque  dans  la  civilisation  de  l'Europe,  au  commen- 
cement de  la  troisième  période  de  l'époque  dite  du  moyen 
âge.  En  effet,  à  peine  sont-elles  organisées,  que  le  commerce 
prend  de  l'extension  :  la  foi  imprime  une  impulsion  nou- 
velle aux  voyages  maritimes.  On  se  réveille  à  la  voix  d'un 
Pierre  l'IIermite  et  d'un  saint  Bernard;  des  provinces,  des 
royaumes  entiers  courent  se  ranger  sous  l'étendard  de  la 
croix,  et  vont  arracher  aux  infidèles  une  conquête  pré- 
cieuse pour  leur  foi  et  leur  bravoure.  On  vit  alors,  comme 
le  dit  Tasso,  le  guerrier  des  bords  de  l'Ébre  désaltérer  son 
coursier  aux  eaux  du  Jourdain,  et  le  sombre  habitant  du 
Nord  étonner  le  crédule  arabe  par  le  récit  de  ses  lacs  glacés. 

Tous  les  écrivains  sont  d'accord  que  la  marche  de  ces 
nombreuses  armées  à  travers  des  pays  encore  barbares,  a 
été  la  source  de  tous  les  rapports  sociaux  et  de  toutes  les 
relations  commerciales  chez  les  principaux  peuples  de 
TEuropc.  L'Orient  apparut  avec  ses  richesses,  et  les  mers 


—   10  — 

du  Midi  devinrent  le  lieu  de  rencontre  des  navigateurs  de 
tous  les  pays.  Plusieurs  profitèrent  de  l'expérience  qu'ils 
avaient  acquise  dans  ces  excursions  lointaines  pour  explorer 
les  parages  inconnus  de  la  Baltique.  Dès  lors  une  ère  nou- 
velle s'ouvrit  à  la  navigation,  par  les  communications  qui 
s'établirent  entre  la  Méditerranée,  l'Océan  Atlantique  et  les 
mers  septentrionales.  Les  utiles  transactions  prirent  un  dé- 
veloppement considérable;  le  commerce  ne  connut  plus 
d'entraves,  et  les  trésors  du  Levant  affluèrent  en  Europe. 
Ce  sont  également  ces  premiers  essais  tentés  au  nom  des 
idées  cbrétiennes,  qui  frayèrent  plus  tard  la  route  à  un 
nouveau  continent,  et  firent  trouver  aux  Portugais  le  cbemm 
des  Indes  orientales. 

Cependant  au  commencement  du  XII''  siècle  les  villes 
maritimes  d'Italie  avaient  presqu'entièrement  monopolisé 
le  commerce  de  l'Orient.  Les  contrées  du  Nord,  les  îles 
Britanniques,  les  côtes  occidentales  de  la  France  et  de 
l'Espagne  y  participaient  à  peine.  Dès  que  Pise,  Gènes  et 
Venise  eurent  commencé  à  en  apprécier  l'importance,  elles 
secouèrent  le  joug  de  leurs  dominateurs,  et  proclamèrent 
leur  indépendance  :  une  prospérité  éclatante  fut  le  fruit  de 
cette  réaction. 

Peu  de  temps  après,  les  villes  du  nord  de  la  France  et 
celles  de  l'Artois,  de  la  Flandre  et  du  Brabant,  semblent 
ressentir  le  contre-coup  de  l'alTranehissement  des  républi- 
ques italiennes.  Les  Cbarles-le-Bon,  les  Tbiéri  d'Alsace, 
les  Godefroid  ne  tardent  pas  à  entrevoir  le  rang  que  leur 
pays  est  appelé  à  tenir  dans  le  monde  commercial  :  aussitôt 
l'industrie  fait  l'objet  de  leur  protection  et  de  toute  leur 
sollicitude,  et  des  balles,  des  foires  et  des  marcbés  sont 
établis  partout.  Nos  vaisseaux  fréquentent  les  ports  de  la 
Méditerranée  et  de  l'Arcbipcl  :  les  navigateurs  de  ces  mers 
méridionales  s'aventurent  sur  l'Atlantique  et  se  montrent  dans 
les  ports  de  la  Flandre  et  de  l'Angleterre,  en  même  temps 


—  Il  — 

que  nos  guerriers,  de  retour  de  leurs  premières  expéditions, 
révèlent  à  leurs  compatriotes  les  arts  et  le  luxe  du  Levant. 

A  la  même  époque,  les  Italiens,  généralement  connus 
sous  le  nom  de  Lombards,  fréquentaient  déjà  les  foires  de 
nos  principales  villes,  où  ils  apportaient  des  objets  d'or- 
fèvrerie :  toutefois  le  commerce  maritime  des  Belges  avec 
les  Vénitiens  ne  semble  pas  remonter  beaucoup  au-delà  de 
la  deuxième  croisade.  L'annaliste  Meyer  raconte  qu'en  1 1 47, 
une  flotte  composée  de  deux  cents  navires  flamands,  bra- 
bançons et  bataves,  aida  le  roi  Alphonse,  allié  du  comte  de 
Flandre,  à  conquérir  la  ville  de  Lisbonne  sur  les  Maures, 
et  qu'après  celte  expédition  glorieuse,  la  flotte  poursuivit 
sa  route  jusqu'à  Venise.  C'est  peut-être  à  cette  première 
apparition  de  vaisseaux  belges  dans  l'Adriatique  que  l'on 
doit  rapporter  l'origine  des  communications  qui  s'établirent 
dans  la  suite  entre  nos  provinces  et  cette  célèbre  république, 
relations  qui  firent  pendant  quatre  siècles  la  renommée  et 
la  richesse  des  deux  pays. 

La  navigation  si  imparfaite  encore  avant  l'introduction  de 
l'usage  de  la  boussole,  le  manque  de  connaissances  nauti- 
ques et  géographiques,  augmentaient  la  difficulté  des  com- 
munications, et  ne  permettaient  point  de  faire  en  une  seule 
saison  d'été  le  trijjet  du  midi  de  l'Europe  jusqu'à  son  extré- 
mité du  nord-ouest.  Il  fallait  quatre  mois  aux  Vénitiens 
pour  arriver  en  Flandre  et  autant  pour  retourner;  ce  qui 
les  mettait  dans  l'impossibilité  de  pousser  vers  le  nord.  Les 
mêmes  causes  empêchaient  les  navigateurs  allemands  d'en- 
treprendre des  expéditions  commerciales  vers  la  France  et 
l'Espagne,  encore  moins  dans  la  3Iéditerranée.  La  route  de 
l'Elbe  et  du  Weser  off'rait  en  outre  trop  de  dangers  aux 
Italiens.  Quant  aux  Anglais,  Français,  Espagnols,  Flamands 
et  Brabançons,  ils  ne  s'aventuraient  point  encore  dans  la 
mer  Baltique.  Le  séjour  d'hiver  dans  des  contrées  éloignées 
et  peu  civilisées  était  sujet  à  beaucoup  d'inconvénients  :  il 


_   12  — 

eût  même  pu  souvent  absorber  les  bénéfices  de  rexpédition. 
Les  peuples  commerçants  et  maritimes  du  Nord  et  du  Midi 
clierchèrent  bientôt  un  moyen  de  se  rapprocher  et  de 
rendre  leurs  transactions  plus  aisées,  en  établissant  un 
entrepôt  intermédiaire,  et  c'est  la  Flandre  qui  fut  choisie. 
Son  heureuse  position,  ses  foires  et  ses  marchés  publics, 
la  protection  et  la  liberté  presqu'illimitée  dont  y  jouis- 
saient les  négociants  étrangers,  celle  non  moins  grande 
que  les  Flamands  avaient  obtenue  en  H64  et  1173,  de 
trafiquer  et  d'exporter  les  produits  de  leur  industrie  dans 
tout  le  territoire  d'Allemagne  :  tous  ces  avantages  réunis 
avaient  désigné  d'avance  ce  pays  comme  le  point  de  con- 
tact naturel  des  nations  septentrionales  et  méridionales  de 
l'Europe.  La  baie  de  Zwyn  était  le  port  le  plus  favorable 
de  l'Océan  germanique  :  des  milliers  de  vaisseaux  y  pou- 
vaient trouver  un  abri.  Le  canal  qui  le  mettait  en  commu- 
nication avec  l'intérieur  de  la  Flandre,  facilitait  les  trans- 
ports. La  ville  de  Damme  avait  été  fondée  en  M  68,  et  dès 
II80,  rapporte  Philippe-le-Brelon,  écrivain  contemporain, 
c'était  le  premier  port  du  monde.  Bruges,  qui  jouissait  déjà 
d'une  certaine  renommée,  devint  l'entrepôt  général,  et 
acquit  bientôt  cette  importance,  presque  fabuleuse  aujour- 
d'hui, que  nous  lui  verrons  conserver  pendant  trois  siècles. 
Les  relations  avec  les  villes  du  nord  de  l'Italie,  et  surtout 
avec  les  marchands  de  Venise,  Gènes,  Pise  et  Lucques,  pri- 
rent dès  lors  une  extension  considérable. 

Une  nouvelle  expédition  pour  la  Terre-Sainte  se  prépa- 
rait. Baudouin,  comte  de  Flandre  et  de  Ilainaut,  s'étant 
croisé,  traita  avec  les  Vénitiens  pour  fournir  les  vaisseaux 
nécessaires  au  transport  de  ses  troupes  en  Palestine,  Un 
concours  de  circonstances  imprévues  leur  fit  mettre  à  la 
voile  pour  Conslantinople,  dont  le  tyran  Murzuphle  s'était 
emparé.  La  prise  de  celte  ville,  la  plus  grande  du  monde 
connu  d'alors,  vint  ajouter  à  la  gloire  des  armes  des  chré- 


—  u  — 

tiens  en  Asie,  et  liaudouin  fut  élu  empereur  pour  succéder 
au  trône  d'Alexis  (1200).  Les  Vénitiens  qui  avaient  pris 
une  large  part  à  l'entreprise,  ne  négligèrent  aucun  des 
avantages  qu'ils  étaient  en  droit  d'attendre  d'un  succès  aussi 
brillant.  Ils  se  rendirent  maîtres  d'une  portion  de  l'ancien 
Péloponèse  et  de  quelques-unes  des  îles  les  plus  fertiles  de 
l'Archipel,  et  se  réservèrent  à  Constantinople  un  quartier 
qu'ils  entourèrent  de  murs  et  fermèrent  de  portes.  Plusieurs 
branches  importantes  de  commerce,  dont  cette  cité  avait 
jusque-là  le  monopole,  furent  transportées  dans  les  villes 
maritimes  des  états  d'Italie,  devenues  par  les  croisades  des 
centres  d'activité.  Aucun  pays  n'aurait  pu  en  retirer  plus 
d'avantages.  Cette  péninsule  qui  dominait  la  IMédilcrranée 
et  qui  communiquait  avec  toutes  les  parties  du  continent, 
se  trouvait  dans  la  position  la  plus  favorable.  Les  Vénitiens 
et  les  Génois  répandaient  dans  les  autres  contrées  de  l'Eu- 
rope les  riches  productions  des  Indes  qu'ils  tiraient  des 
ports  situés  depuis  les  bouches  du  Don  jusqu'à  celles  du  i\il, 
et  auxquels  ils  avaient  donné  le  nom  fï Échelles  du  Levant. 
Bruges,  avec  ses  édifices  somptueux,  avec  ses  magasins 
regorgeant  de  richesses,  n'était  pas  la  seule  ville  où  se  fai- 
sait à  cette  époque  du  XIÏI''  siècle  l'échange  des  marchan- 
dises indigènes  contre  les  produits  méridionaux.  Gand,  qui 
devait  l'accroissement  de  ses  manufactures  à  Philippe  d'Al- 
sace, et  que  plusieurs  regardaient  comme  la  ville  la  mieux 
située  de  l'Europe;  Anvers,  déjà  commerçante  au  siècle  pré- 
cédent, communiquaient  également  avec  la  mer.  La  première 
de  ces  eités  avait  fait  construire,  en  1251,  un  canal  jusqu'à 
Damme.  La  ville  de  Lamenvlict  ou  l'Écluse  qui  recevait 
les  vaisseaux  étrangers  et  nationaux  par  le  Zwyn,  et  pour 
laquelle  la  république  de  Gènes  expédiait  des  navires  char- 
gés d'épiceries,  de  soufre,  de  salpêtre,  etc.;  Oslende,  dont 
le  port  commençait  à  être  fréquenté;  Ypres,  qui  fut  lénni 
à  la  mer,  en  1 251 ,  par  l'approfondissement  de  l'Yser  jusqu'à 


—  u  — 

J\ieuj)ort;  Arras,  S'-Omer,  Lille,  Douai  et  bien  d'autres 
encore  florissaient  sous  les  duchesses  Jeanne  et  Marcuerite 
de  Constantinople ,  et  grandirent  considérablement  sous 
leurs  successeurs. 

Vers  la  fin  du  XIP  siècle  s'était  formée  la  fameuse  con- 
fédération ou  ligue  hanséatique  entre  les  villes  du  nord  de 
l'Allemagne,  pour  repousser  les  pirates  des  mers  septen- 
trionales et  se  prémunir  contre  les  divisions  intérieures; 
ligue  qui  devint  dans  la  suite  si  formidable,  qu'on  a  vu  les 
plus  grands  monarques  rechercher  son  alliance  et  redouter 
son  inimitié.  Plus  de  soixante-quatre  villes,  la  plupart  situées 
sur  l'Océan  et  sur  de  grands  fleuves,  se  lièrent  par  un  traité 
solennel.  Les  membres  de  cette  association  puissante  for- 
mèrent le  premier  plan  systématique  de  commerce  qui  ait 
été  connu  dans  le  moyen  âge,  et  le  continuèrent  en  suivant 
des  lois  communes  faites  dans  leurs  assemblées  générales. 
Ils  choisirent  différentes  villes,  dont  Bruges  était  la  plus 
considérable,  pour  y  établir  des  magasins  et  des  comptoirs 
généraux,  où  leur  négoce  se  faisait  avec  beaucoup  d'exacti- 
tude et  de  régularité. 

Le  choix  de  la  ligue  fit  entrer  de  grandes  richesses  dans 
les  Pays-Bas.  Bruges,  déjà  si  florissante,  devint  le  point 
de  communication  entre  les  négociants  vénitiens,  génois, 
pisans  et  florentins  et  ceux  des  villes  hanséatiques.  C'est  là 
que  les  premiers  apportaient  les  denrées  de  l'Inde  avec  les 
produits  des  manufactures  d'Italie,  qu'ils  échangeaient  con- 
tre les  marchandises  plus  grossières  des  pays  duXord.  Les 
Hanséates  vendaient  ensuite  dans  les  ports  de  la  mer  Bal- 
tique les  cargaisons  qu'ils  recevaient  des  Lombards,  ou  bien 
les  transportaient,  en  remontant  les  fleuves  du  Weser,  de 
l'Elbe  et  de  l'Oder,  jusque  dans  l'intérieur  de  l'Allemagne. 

Une  semblable  association,  connue  sous  le  nom  de  hanse 
flamande  ou  hanse  de  Londres,  unissait  entre  elles  les 
villes  de  la  Flandre,  de  l'Artois  et  de  l'Angleterre.  Il  s'était 


15  — 


aussi  formé  dans  les  différents  États  des  compagnies  ou 
sociétés  des  négociants  italiens  ou  lombards  qui  se  mirent 
sous  la  protection  immédiate  des  gouvernements.  Klles  ob- 
tinrent de  grandes  immunités,  particulièrement  dans  les 
Pays-Bas,  et  Ton  suspendit  à  leur  égard  d'anciennes  lois 
barbares  contre  les  étrangers.  Beaucoup  de  ces  marcbands 
s'établissaient  aux  foires  et  aux  marchés  publics  dans  une 
loge  ou  près  d'une  table,  et  y  prêtaient  à  intérêt,  ordinaire- 
ment sur  gage  et  à  grosse  usure.  Au  XIII«  siècle  les  Pays- 
Bas  en  étaient  inondés  :  leur  nom  de  lombards  est  demeuré 
à  ceux  qui  font  ce  trafic,  ainsi  qu'aux  monts-de-piété. 

Grâce  à  la  faveur  et  à  la  protection  dont  jouissaient  les 
marchands  dans  nos  provinces,  le  commerce  extérieur  avait 
pris  une  extension  presqu'incroyable.  Son  action  était  régu- 
larisée par  des  lois  et  des  tarifs  qui  établissaient  une  juste 
réciprocité  de  garantie.  Robert  de  Béthune,  comte  de  Flan- 
dre, avait  même  fondé  à  Bruges,  en  1510,  une  chambre 
d'assurances,  où  chacun  pouvait  faire  préserver  ses  mar- 
chandises de  tous  risques  et  périls,  de  feu  ou  d'eau,  moyen- 
nant une  redevance  proportionnée  à  leur  valeur.  Les  Pays- 
Bas  étaient  devenus,  au  commencement  du  XIV«  siècle,  le 
centre  des  relations  de  l'Europe  et  l'entrepôt  des  richesses 
du  Nord  et  du  Midi.  Tout  ce  que  produisait  le  sol  ou  l'in- 
dustrie dans  les  contrées  les  plus  éloignées  venait  sur  les 
marchés  de  la  Flandre.  Les  denrées  qui  arrivaient  à  l'Écluse 
par  mev,  devaient  d'abord  être  apportées  à  Bruges  avant 
qu'elles  pussent  aller  plus  loin;  il  n'y  en  avait  que  quelques- 
unes  de  peu  d'importance  dont  la  vente  était  permise  à 
Damme,  à  Houcke  et  à  Munckenreede. 

Le  port  de  Bruges  était  habituellement  fréqucjité  par  les 
marchands  de  trente-quatre  nations,  dont  un  document 
authentique  de  l'époque  nous  offre  la  liste,  et  parmi  les- 
quelles ne  sont  point  comprises  celles  qui  devraient  figurer 
en  première  ligne  dans  ce  tableau,  c'est-à-dire  la  France, 


—  16  — 

la  Sicile  et  les  républiques  vénitienne,  génoise  et  florentine. 
L'Italie  semble  nous  avoir  envoyé  de  bonne  bcure  le  drap 
d'or  et  d'argent,  le  drap  dit  de  Gènes,  les  perles,  les  ouvra- 
ges d'orfèvrerie,  des  armes  de  prix,  etc.  :  ces  marchandises 
y  étaient  même  si  communes  que  les  trafiquants  étrangers 
venaient  les  acheter  à  Bruges.  Si  l'on  ajoute  à  ces  produits 
ceux  de  la  Flandre  et  des  provinces  voisines,  on  ne  sera 
pas  surpris  de  la  célébrité  dont  jouissait  ce  port  belge,  qui 
n'avait  pas  encore  de  rival  dans  les  autres  contrées  du  Nord  : 
Venise  seul  peut-être  l'égalait  au  Midi. 

La  plupart  des  villes  avaient  le  droit  de  protéger  leur  na- 
vigation. Un  traité  liait  celles  de  Bruges,  d'Anvers  et  de 
l'Ecluse  avec  Venise.  Les  résultats  de  ces  pactes  commer- 
ciaux étaient  immenses  :  outre  la  garantie  qu'ils  établissaient 
entre  les  parties  contractantes,  ils  entretenaient  des  relations 
directes  et  régulières,  et  permettaient  aux  uns  et  aux  autres 
de  compter  sur  la  vente  des  produits  de  leur  industrie  et  de 
réaliser  la  valeur  de  leurs  cargaisons. 

Le  gouvernement  de  la  république  vénitienne  envoyait 
tous  les  ans,  dans  les  différents  ports  étrangers  lui  servant 
d'entrepôts,  des  escadres  de  quatre,  cinq  et  quelquefois  de 
six  grosses  galéasses  chargées.  Il  s'était  réservé  le  droit  d'ac- 
corder la  concession  de  ces  expéditions  à  des  compagnies; 
ce  qui  assurait  à  celles-ci  le  monopole  du  commerce  dans 
les  pays  vers  lesquels  ces  escadres  étaient  dirigées. 

L'escadre  qui  faisait  le  plus  long  voyage  était  celle  qu'on 
appelait  la  flotte  de  Flandre.  L'équipage  de  chaque  navire 
partant  pour  cette  destination  ne  pouvait  pas  être  de  moins 
de  deux  cents  hommes.  La  flotte  touchait  d'abord  aux  diffé- 
rents ports  du  royaume  de  Naples;  puis  elle  devait  aborder 
en  Sicile,  où  l'on  chargeait  les  vaisseaux  de  toutes  les  pro- 
ductions que  cette  ile  fournissait  aux  peuples  septentrio- 
naux. L'escadre  longeait  ensuite  toute  la  côte  d'Afrique, 
en  passant  par  Tripoli,  Tunis,  Alger,  Oran  et  Tanger  : 


—  17  — 

elle  laissait  aux  habitants  de  ces  rivages  les  marcliaiulises 
dont  ils  avaient  besoin,  et  ceux-ci  livraient  en  échange  leur 
froment,  les  fruits  secs,  l'ivoire  et  la  poudre  d'or.  En  sor- 
tant du  détroit  de  Gibraltar,  la  flotte  allait  continuer  ses 
opérations  sur  la  côte  du  Maroc,  puis  elle  prenait  sa  direc- 
tion le  long  des  côtes  occidentales  du  Portugal,  de  l'Espagne 
et  de  la  France,  et  entrait  dans  les  ports  de  Bruges,  d'An- 
vers et  de  Londres.  Elle  se  pourvoyait  en  Angleterre  et  eu 
Flandre  de  draps  non  teints,  de  laines  fines  pour  alimenter 
les  manufactures  vénitiennes,  et  faisait  des  échanges  avec 
les  navires  des  villes  hanséaliques,  qui  venaient  chercher 
dans  les  ports  de  ces  pays  ce  que  l'Orient,  l'Egypte  et  les 
côtes  barbaresques  offraient  d'utile  à  la  consommation  des 
nations  du  Ps'ord. 

Les  marchandises  d'exportation  qui  composaient  le  char- 
gement des  vaisseaux  de  la  république  consistaient  principa- 
lement en  épiceries,  drogueries,  aromates,  vins,  soies,  laines 
et  cotons  filés,  fruits  secs,  huiles,  borax,  sel,  cinabre,  mi- 
nium, camphre,  crème  de  tartre,  sucre,  et  en  productions 
des  Indes  et  de  l'Arabie,  telles  que  l'encens,  la  myrrhe, 
l'indigo,  les  perles,  le  bois  d'ébène  et  autres,  longuement 
énumérées  par  Guicciardini  dans  son  ouvrage.  Le  lest  des 
bâtiments  se  composait  de  terres  colorantes  et  de  mé- 
taux. Mais  ces  matières  premières  offraient  peu  de  bénéfice 
aux  négociants;  la  vente  des  marchandises  fabriquées  rap- 
portait davantage  :  aussi  chargeait-on  en  grande  partie  les 
vaisseaux  de  glaces,  de  cristaux  de  toute  espèce  et  de  riches 
étoffes  d'or,  de  soie  et  de  laine.  Chaque  voyage  produisait 
plusieurs  milliers  de  ducats.  C'est  une  de  ces  flottes,  com- 
posée de  cinq  galéasses  chargées  de  marchandises  des  Indes, 
qui  vint,  en  1518,  à  Anvers,  pour  y  vendre  sa  cargaison 
à  la  foire  de  cette  ville.  Après  s'être  munie  de  tout  ce  que 
les  manufactures  de  l'Angleterre,  de  la  Flandre,  du  IJrabant 
et  du  Hainaul,  pouvaient  fournir  à  l'Europe  méridionale. 


—   18  — 

l'escadre  redescendait  vers  le  détroit  de  Gibraltar,  s'arrêtait 
à  Lisbonne,  à  Cadix;  s'approvisionnait  de  soies  cernes  dans 
les  ports  d'Alicanle  et  de  Barcelonne,  et  revenait  à  ^'enisc, 
en  côtoyant  le  Roussillon,  le  Languedoc,  la  Provence  et 
toute  ritalie.  Ce  voyage  durait  un  an. 

V^cnise  n'était  point  la  seule  ville  de  la  Péninsule  qui  fit 
un  commerce  aussi  considérable  avec  nos  provinces  :  Flo- 
rence, Gènes,  iMilan,  Pise ,  Mantoue,  Lucques ,  Vérone, 
Brescia,  Modène,  Vicence,  Naples  et  toute  la  Sicile,  etc., 
apportaient  également  les  produits  de  leur  industrie  parti- 
culière ou  des  épiceries  des  Indes  et  du  Levant.  L'Espagne 
aussi  rivalisait  sur  nos  marchés  avec  l'Italie,  et  nous  livrait 
du  sucre,  du  safran,  du  coton  fdé,  des  couleurs,  etc. 

Le  commerce  des  Pays-Bas  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'exté- 
rieur dut  naturellement  porter  à  un  haut  degré  de  perfec- 
tionnement ses  manufactures  en  tout  genre.  Aussi  celles  de 
laine  ou  de  draps,  qui  formaient  une  des  principales  bran- 
ches de  l'industrie,  étaient-elles  partout  dans  l'état  le  plus 
florissant.  Il  n'est  pas  facile  de  remonter  à  son  origine,  ni 
de  se  rendre  compte  de  ses  rapides  progrès.  C'est  à  cette 
prospérité  que  nous  devons  l'érection  dans  beaucoup  de  nos 
villes  de  ces  halles  qui  excitent  notre  admiration  par  leur 
belle  et  riche  architecture.  Les  fabriques  de  ^'alenciennes 
jouissaient  d'une  grande  renommée  dès  le  XP  siècle,  et  vers 
la  fin  du  XIIP,  il  en  existait  dans  les  villes  d'Ypres,  Menin, 
Poperingue,  Furnes,  Audenarde,  Renaix,  Termonde,  Lille, 
Tournai,  Diest,  S'-Omer,  '\>'ervick,  etc.  Les  troubles  fré- 
quents qui  agitèrent  Gand  et  Bruges,  firent  passer  un  nom- 
bre considérable  d'ouvriers  à  Bruxelles,  à  Tirlemont  et  sur- 
toutà  Louvain,  où  la  plus  grande  partie  de  la  population  était 
composée  d'ouvriers  foulons  et  tisserands,  sous  le  règne  de 
Jean  III,  duc  de  Brabant.  Les  draps  de  ces  villes  étaient 
exportés  dans  tous  les  pays  étrangers.  On  peut  juger  à 
quel  prix  on  estimait  nos  étoffes  en  Italie,  par  un  décret  du 


—   Î9  — 

grand  conseil  de  Venise  de  1272  :  il  y  est  dit  que  lorsque 
les  marchands  vénitiens  rapporteraient  chez  eux  en  reve- 
nant des  marchés  et  des  foires  de  Flandre,  une  quantité 
d'étoffes  de  lin  ou  de  laine,  égale  en  valeur  aux  marchan- 
dises ex{K)rtées  de  \'enise,  ils  ne  payeraient  aucun  droit 
d'entrée.  Cependant  là  ne  se  bornait  pas  l'industrie  fla- 
mande :  les  toiles,  cette  source  de  prospérité  pour  plusieurs 
villes;  les  tapisseries,  les  cuirs,  les  armes  et  autres  instru- 
ments de  fer  et  de  cuivre  s'expédiaient  en  grande  quantité. 
C'est  encore  en  Flandre  et  en  Angleterre  que  les  négociants 
de  la  Lombardie  chargeaient  l'ambre  et  l'étain  qu'ils  trans- 
portaient jusqu'à  Alexandrie. 

Partout  le  commerce  était  favorisé  :  les  souverains,  les 
seigneurs  et  les  magistrats,  tous  à  l'envi  cherchaient  à  lui 
donner  les  plus  grandes  facilités.  Aux  Pays-Bas,  les  négo- 
ciants étrangers  avaient  obtenu  des  privilèges  très-impor- 
tants; ils  y  eurent  même  longtemps  des  juges  particuliers. 
Plusieurs  fur-ent  aussi  revêtus  de  différentes  charges  honori- 
fiques et  remplirent  des  emplois  publics.  L'histoire  rapporte 
encore  que  lors  de  la  guerre  que  la  ville  de  Gand  soutint 
contre  Philippe-lc-Bon,  ce  furent  les  négociants  de  Venise, 
de  Florence,  de  Milan,  de  Gènes,  de  Lucques,  d'Espagne, 
d  Arragon,  de  Portugal  et  d'Ecosse,  établis  à  Bruges,  qui, 
à  la  demande  des  états  de  Flandre,  allèrent,  le  4  avril  14.52, 
à  Termonde,  pour  exposer  au  prince  les  propositions  de 
la  ville  et  pour  en  obtenir  une  trêve  :  preuve  remarquable 
de  l'influence  que  les  nations  marchandes  exerçaient  à  cette 
époque,  et  de  la  considération  dont  elles  jouissaient  auprès 
des  souverains. 

Cependant  le  commerce  reçut  un  autre  agrandissement. 
La  boussole  qui  était  connue  des  marins  provençaux  sous  le 
nom  de  marinctte,  et  que  les  Anglais  perfectionnèrent,  se 
répandit  dans  toute  l'Europe,  et  vint  donner  à  la  navigation 
un  nouveau  secours.  Mais,  tandis  que  l'activité  et  le  génie 


—  20  — 

de  riiommc  triomphaient  de  tous  les  obstacles,  comman- 
daient aux  éléments  et  prenaient  possession  de  l'empire  de 
la  mer,  cet  empire  était  en  proie  au  brigandage  et  à  la 
violence,  mille  fois  plus  redoutables  que  les  vents  et  les 
tempêtes.  On  ne  connaissait  sur  toutes  les  mers  que  le  droit 
du  plus  fort.  Eu  1325,  au  mois  de  mai,  des  pirates  anglais 
se  rendirent  maitres  d'une  grande  quantité  de  navires  véni- 
liens,  chariïés  de  marchandises  achetées  en  Flandre.  En 
revanche,  peu  de  temps  après,  dix  vaisseaux  anglais  furent 
capturés  et  conduits  à  Venise.  Les  troubles  qui  agitèrent  nos 
provinces  de  1434  à  1438,  compromirent  gravement  le 
commei'ce.  On  doit  en  partie  en  attribuer  la  cause  à  cette 
anarchie  qui  régnait  sur  mer.  Les  Hanséates  qui  trafiquaient 
à  Bruges,  furent  maltraités  sur  ses  côtes  par  des  pirates; 
d'autres  faillirent  être  massacrés  dans  un  tumulte  à  l'Écluse, 
en  1456. 

Ce  fut  sous  le  gouvernement  des  ducs  de  Bourgogne  que 
le  commerce  atteignit  dans  les  Pays-Bas  son  plus  haut  degré 
de  splendeur.  La  Flandre  était  alors  un  marché  fréquenté 
par  tous  les  peuples,  et  Bruges  restait  le  centre  de  ce  mou- 
vement perpétuel,  ^^ers  la  fin  du  XIV''  siècle,  des  négociants 
de  dix-sept  royaumes  différents  y  avaient  leur  domicile  et 
leur  consul.  Le  représentant  de  la  république  vénitienne 
est  cité  dès  Î347.  On  montre  encore  aujourd'hui  quelques 
anciennes  habitations  consulaires,  qui  sont  aussi  remar- 
quables par  la  magnificence  de  leur  architecture  que  par 
la  richesse  de  leur  ornementation.  En  1455,  treize  nations, 
sans  compter  les  Vénitiens,  les  Lucquois,  les  Florentins, 
les  Milanais  et  les  Génois,  fréquentaient  journellement  la 
bourse  de  Bruges  fondée  en  15G0.  Une  banque  y  avait  é!é 
établie,  ainsi  qu'à  Anvers,  par  les  Médicis,  ces  nobles  négo- 
ciants qui  rendirent  Florence  capable  de  rivaliser  avec  les 
autres  villes  de  la  Péninsule. 

Venise,  à  la  même  époque,  était  la  ville  la  plus  florissante 


—  si- 
da midi  (le  TlMirope.  Le  pavillon  de  S'-Marc  se  déployait 
fièrement  sur  toute  la  Méditerranée,  sur  rAtlanli(juc  et  Iî» 
mer  du  Nord;  les  flottes  vénitiennes  faisaient  des  conquêtes; 
la  république  fondait  de  riches  colonies,  et  s'arrogeait  la 
souveraineté  du  golfe  Adriatique,  a  Cette  ville,  »  rcmar(|ue 
M.  Pardessus,  «  devait  à  sa  situation  géographique,  à  plu- 
sieurs siècles  d'une  indépendance  peu  contestée,  à  la  marche 
à  la  fois  ferme  et  prudente  de  son  gouvernement,  aux  cir- 
constances qui  lui  avaient  fait  acquérir  presque  exclusive- 
ment le  commerce  de  l'empire  grec,  une  supériorité  évidente 
sur  les  autres  villes  de  l'Italie.  » 

Les  valeureux  croisés  du  XII'^  siècle  n'eussent  guères  pu 
prévoir  que  leurs  pieuses  expéditions  dont  ils  n'attendaient 
(\uhonnour  et  saincteté,  opéreraient  dans  la  civilisation  un 
des  changements  les  plus  marquants  qu'offrent  les  annales 
des  peuples.  En  effet,  bien  que  les  progrès  du  commerce 
depuis Godefroid  de  Bouillon  jusqu'à Philippe-le-Bon,  soient 
peu  considérables  en  comparaison  de  ceux  dont  les  deux 
derniers  siècles  ont  été  les  témoins,  cependant  on  les  trou- 
vera prodigieux  si  l'on  examine  le  point  de  départ  de  ce 
mouvement,  et  le  peu  de  moyens  dont  on  avait  alors  la 
connaissance.  Ce  mouvement,  du  reste,  ne  pouvait  manquer 
de  ressortir  du  fait  des  croisades.  Un  déplacement  aussi 
général  dans  les  populations  devait  nécessairement  mettre 
en  contact  tous  les  degrés  de  civilisation.  «  Le  commerce,  » 
dit  le  traducteur  de  Robertson,  «  tend  à  affaiblir  les  pré- 
jugés qui  entretiennent  la  séparation  et  l'animosité  réci- 
proque des  nations;  il  rapproche  les  peuples  des  dilférentes 
zones;  il  alimente  la  majeure  partie  des  connaissances  des 
hommes,  et  en  adoucit  les  mœurs.  L'industrie  les  unit  par 
un  des  liens  les  plus  forts  de  l'humanité,  la  nécessité  de 
pourvoir  à  leurs  besoins  naturels  :  elle  les  dispose  à  la  paix, 
en  formant  dans  chaque  état  un  ordre  de  citoyens  person- 
nellement intéressés  au  maintien  de  la  tranquillité  générale. 
Dès  que  l'esprit  de  commerce  pénètre  dans  un  pays,  aussitôt 


—  22  — 

lin  nouveau  génie  anime  son  gouvernement,  et  y  dirige  les 
alliances,  les  guerres  et  les  négociations.  »  On  en  trouve  les 
preuves  les  moins  équivoques  dans  l'histoire  des  états  d'Ita- 
lie, dans  celle  de  la  ligue  hanséatique  et  des  villes  des  Pays- 
Bas,  pendant  la  période  dont  nous  avons  esquissé  le  tableau. 
La  centralisation  du  pouvoir  dans  les  mains  de  Philippe- 
le-Bon  contribua  singulièrement  à  augmenter  la  prospérité 
des  Pays-Bas,  et  les  relations  qu'entretenaient  ensemble 
les  Belges  et  les  Vénitiens.  Mais  peu-à-peu  des  querelles 
intestines  s'élevèrent  et  la  guerre  civile  s'alluma.  Ou  remar- 
que dès  lors  les  premiers  symptômes  d'un  déplacement  du 
commerce  maritime;  et  Bruges,  ce  vaste  entrepôt  des  riches- 
ses du  Nord  et  du  Midi,  perdit  son  importance.  Anvers 
profita  de  sa  chute.  Ce  fait  ne  s'accomplit  pas  toutefois 
d'une  manière  instantanée;  une  longue  suite  d'événements 
qui  paraissent  d'abord  lui  être  restés  totalement  étrangers, 
avaient  préparé  cette  décadence  depuis  longtemps.  La  ville 
de  Calais,  tombée  au  pouvoir  d'Henri  V,  roi  d'Angleterre, 
était  devenue  une  première  rivale  pour  la  capitale  delà  Flan- 
dre. Depuis  cette  époque  les  vaisseaux  et  les  marchandises 
de  l'Angleterre  ne  se  rendaient  plus  que  dans  le  port  de  Ca- 
lais. Sous  le  règne  des  ducs  de  Bourgogne,  la  foire  d'Anvers, 
qui  acquérait  de  plus  en  plus  de  la  renommée,  commença 
à  inspirer  quelque  jalousie  aux  marchands  de  Bruges,  et, 
en  1483,  le  magistrat  défendit  à  ses  citoyens  de  s'y  rendre 
comme  de  coutume.  Cette  mesure  était  des  plus  impoliti- 
ques. L'archiduc  Maximilien,  éclairé  peut-être  par  cette 
démarche,  assura  l'année  suivante  les  plus  grands  privi- 
lèges aux  négociants  étrangers  qui  viendraient  trafiquer  à 
Anvers.  Les  troubles  dont  la  Flandre  devint  le  théâtre,  trois 
ans  plus  tard,  sous  le  gouvernement  du  même  prince,  dé- 
terminèrent l'émigration  de  plusieurs  marchands  de  Bruges 
qui  allèrent  se  fixer  à  Anvers,  où,  dès  le  commencement 
du  XIV"  siècle,  les  Anglais  avaient  aussi  établi  une  étape. 
Une  des  principales  causes  de  l'accroissement  du  commerce 


—  n  — 

iiiariliriie  de  celle  ville  fut  rétablissemcnl  de  la  soeiélé  des 
Marchands  de  la  Confraternité,  qui,  en  14G4,  abandoiinè- 
renlMiddelbourg,  on  Zélande.  En  loH,  les  négocianls  por- 
tugais délaissèrent  également  Bruges  pour  Anvers.  C'était 
la  nation  la  plus  riche  de  toutes  celles  qui  traliquaient  alors 
dans  les  Pays-Bas,  car  la  conquête  des  Indes  lui  avait  assuré 
le  monopole  des  produits  de  l'Orient;  et  les  flottes  de  Lis- 
bonne qui  sa  rendaient  dans  nos. ports  ne  comptaient  pas 
moins  de  vingt  à  ving-cinq  navires,  qui  tous  portaient  une 
cargaison  de  plus  de  vingt  mille  ducats.  En  1S16,  les 
Espagnols  et  les  autres  nations  marchandes  qui  fréquentaient 
encore  les  ports  de  la  Flandre,  suivirent  les  Portugais;  les 
villes  hanséatiques  transférèrent  à  Anvers,  où  elles  possé- 
daient un  comptoir  depuis  1315,  celui  quelles  avaient  à 
Bruges,  et  y  firent  élever  un  superbe  palais.  La  même  an- 
née, les  Galteroli,  de  Florence;  les  Bonvisi,  de  Lucques; 
les  Spiuola,  de  Gènes,  et  les  négociants  de  Livourne  furent 
entraînés  par  l'exemple  général.  Bruges,  au  XVI''  siècle, 
conserva  cependant  quelque  commerce  dans  les  laines,  mais 
ce  ne  fut  plus  qu'un  point  d'arrêt;  à  peine  en  est-il  fait  men- 
tion dans  les  écrivains  des  siècles  postérieurs. 

Favorisée  par  la  rencontre  de  toutes  ces  circonstances, 
la  ville  d'Anvers  atteignit  bientôt  une  prospérité  extraor- 
dinaire. L'Escaut  était  couvert  de  flottes  qui  se  dirigeaient 
vers  ce  port,  et  le  nombre  des  vaisseaux  si  considérable 
qu'il  leur  fallait  quelquefois  attendre  plusieurs  semaines 
avant  de  pouvoir  débarquer  leurs  riches  cargaisons.  Sou- 
vent même,  le  port  ne  suffisait  pas  à  l'empressement  des 
négociants  qui  étaient  obligés  d'expédier  leurs  denrées  par 
terre.  Ces  canaux  et  ces  quais  d'une  construction  si  remar- 
quable, cette  bourse,  modèle  de  celle  de  Londres,  ces  bâti- 
ments magnifiques  destinés  à  recevoir  les  marchandises, 
donnent  une  idée  de  Tancienne  splendeur  d'Anvers.  Tou- 
tes les  villes  maritimes  d'Italie,  d'Espagne,  de  France, 
d'Allemagne,  etc.,  y  entretenaient  des  relations  et  y  appor- 


2-1 


taient  leurs  produits.  Le  seul  ai'ticle  du  marbre  était,  au 
XVP  siècle,  l'objet  d'une  importation  considérable  :  on  voit 
encore  dans  beaucoup  de  nos  églises,  des  autels,  des  tom- 
beaux ou  des  jubés  en  marbre  amené  de  Venise,  de  Gènes, 
de  Florence  et  de  Carrare.  L'industrie  des  Anversois  égalait 
l'étendue  de  leur  commerce  :  leurs  fabriques  de  velours, 
de  satin  et  de  damas  avaient  atteint  la  perfection  de  celles 
de  la  Péninsule,  et  aucun  pays  n'offrait  rien  qui  fût  com- 
parable à  leurs  broderies  et  à  leurs  ouvrages  d'orfèvrerie. 
Ce  commerce  ne  fit  que  s'accroître  sous  le  règne  de  Charles- 
Quint,  et  jusqu'aux  premières  années  de  celui  de  Philippe  II, 
époque  de  son  plus  grand  développement. 

La  décadence  de  Bruges  fut  comme  le  prélude  de  la  chute 
de  Venise,  ou  plutôt  leur  ruine  fut  simultanée.  Deux  évé- 
nements, arrivés  à-peu  près  en  même  temps,  changèrent 
totalement  les  rapports  commerciaux  qui  existaient  entre 
Venise  et  le  reste  du  monde.  Christophe  Colomb  avait  dé- 
couvert l'Amérique  (1492),  et  V^asco  de  Gama  était  parvenu 
aux  Indes  orientales  par  le  cap  de  Bonne-Espérance  (1498). 
Dès  lors  la  Méditerranée  ne  fut  plus  qu'un  lac.  Les  navi- 
gateurs qui  ne  se  lancèrent  point  sur  l'Océan,  furent  regar- 
dés comme  des  marins  timides;  et  l'industrie,  délaissant 
les  traces  frayées,  chercha  les  routes  inconnues.  Il  n'y  eut 
plus  de  raison  pour  que  les  marchandises  de  l'Inde  et  de  la 
Chine  arrivassent  en  Europe  par  la  Perse,  l'Arabie  et  la 
Syrie.  L'Amérique  offrit  d'autres  objets  de  commerce  : 
l'architecture  navale  et  la  navigation  prirent  un  nouvel 
essor;  et  ce  peuple  d'illustres  négociants,  établis  au  fond 
de  l'Adriatique,  plus  éloigné  des  marchandises  et  des  prin- 
cipaux lieux  de  consommation,  ne  put  plus  vanter  ni  l'éten- 
due de  son  commerce,  ni  la  force  de  sa  marine  :  il  se  trouva 
pour  toujours  déchu  du  rang  où  son  industrie  l'avait  élevé 
entre  les  nations. 

Venise,  quoiqu'ayant  perdu  cet  empire  du  commci'ce 
qu'elle  avait  possédé  pendant  l'espace  de  cinq  siècles,  où 


—   2o   — 

nous  Tavons  suivie  dans  ses  rapports  avec  nos  provinces,  se 
flattait  toutefois  de  pouvoir  conserver  son  rang  comme  puis- 
sance territoriale;  mais  les  événements  trompèrent  ces  cal- 
culs d'une  politique  astucieuse.  La  prise  de  Padoiie,  de 
Vicence,  de  Trévise;  celle  de  Vérone,  de  Berganie,  de 
Brescia  et  de  plusieurs  autres  villes  de  la  Romanie  et  du 
royaume  de  Naples  accrut  Tidée  qu'on  avait  de  la  puissance 
de  cette  république  au  point  qu'elle  inspira  de  la  crainte 
non  seulement  aux  princes  de  la  Péninsule,  mais  encore 
aux  souverains  placés  au  delà  des  monts.  Ils  conjurèrent  sa 
perte,  et  lui  enlevèrent  en  un  jour  celte  souveraineté  qu'elle 
n'avait  obtenue  qu'à  grands  frais,  et  après  plusieurs  siècles 
de  guerres.  La  ligue  de  Cambrai  (1508)  lui  porta  le  der- 
nier coup  :  l'empereur  d'Allemagne,  les  rois  de  France  et 
d'Arragon,  le  pape  et  presque  tous  les  princes  d'Italie,  ses 
jaloux  voisins,  s'étaient  coalisés  pour  la  renverser;  depuis 
lors  la  république  vénitienne  ne  conserva  qu'un  vain  nom 
de  son  ancienne  splendeur.  Un  homme  gigantesque  parut, 
lui  enleva  les  trophées  de  ses  conquêtes,  et  la  déclara  elle- 
même  partie  de  la  république  française  (i). 

Alexandre  Pinchaut, 

Seco7id  commis  aux  Archives  du  Royaume. 

(1)  Nous  avons  jugé  inutile  et  trop  long  pour  un  Essai,  d'annoter  à  chaque 
page  les  ouvrages  dans  lesquels  se  trouvent  les  faits  dont  nous  parlons  :  il 
sufllra,  pensons-nous,  de  dire  ici  que  nous  avons  consulté  tous  les  auteurs 
qui  ont  traité  quelque  point  ou  quelque  époque  de  notre  histoire  commer- 
ciale. Parmi  les  principaux  ouvrages  étrangers,  ceux  qui  nous  ont  été  le  plus 
utile,  sont  les  suivants  .-  Frans  Ernst  Bcrg,  de  Nederlandvn  en  hel  Ihinse- 
vcrbond,  Utrccht,  1833;  Depping,  Histoire  du  commerce  entre  le  Levant  et 
l'Europe;  C.-A.  Marin,  Storia  civile  e  polilica  del  commercio  de'  Vcneziuni, 
Venezia,  1789-1800;  Macpherson,  Annals  of  Commerce,-  Robertson,  Histoire 
de  Charles-Quint,  traduite  de  l'anglais;  A. -II.  Heeren,  Essai  sur  l'influence 
des  Croisades,  ouvrage  couronné  par  l'Institut  de  France,  traduit  de  Tallc- 
mand  par  Charles  Villers,  Paris  1808;  Vcrwer,  Nedcrlandl  Zee^echl;  Sarto- 
rius,  Geschichlc  des  hanscalisvhcn  Dundcs;  Van  den  Bogaerde,  Essai  sur  l'im- 
portance du  commerce,  de  l'industrie  et  de  la  navigation  dans  les  pays  qui  ont 
formé  jusqu'à  1850  le  royaume  des  Paijs-Iias,  depuis  les  premiers  temps  jus- 
qu'à la  révolution  de  1830;  Pardessus,  Cullcclion  des  lois  maritimes. 


26  — 


Wavïb  £inî)ami5, 

«a    faïufllc.   sc«    amis. 


Au  moment  où  la  ville  de  Termonde  vient  d'inaugurer, 
par  des  fêtes  splendides,  le  buste  de  Lindanus,  son  histo- 
rien, on  ne  lira  pas  sans  intérêt  quelques  détails  inconnus 
que  nous  avons  recueillis  sur  la  vie  de  cet  auteur  et  sur  sa 
famille. 

Lorsqu'en  1841  nous  publiâmes  sa  biographie  (i),  en 
émettant  les  premiers  le  vœu  de  lui  voir  ériger  une  statue, 
nous  avions  déjà  compulsé  bon  nombre  de  documents,  qui 
nous  avaient  permis  d'établir  sa  généalogie  et  de  rectifier 
les  erreurs  répandues  sur  sa  vie. 

L'année  dernière,  nous  eûmes  le  plaisir  de  communiquer 
à  31.  Clément  Wytsman,  pour  sa  Notice  historique  sur  ta 
ville  de  Termonde,  quelques  autres  faits,  découverts  par 
nous  depuis  1842. 

Nous  faisons  aujourd'hui  suivre  ici  quelques  particula- 
rités, qui  compléteront  celles  que  M.  Prudent  Van  Duyse  a 
rassemblées,  dans  la  brochure  relative  aux  fêtes  jubilaires 
de  Termonde,  qui  a  paru  au  mois  d'août  dernier. 

D'abord  nous  ne  pouvons  admettre  l'idée  de  M.  Van 
Duyse  (2),  qui,  sur  quelques  vagues  indications,  veut  chan- 


(1)  Dans  le  n"  du  30  mai  18-41  du  journal  de  Onpaylydige,  de  Termonde,  et 
dans  le  n»  du  18  septcndM-c  I8i2  de  la  même  feuille,  ai'liclcs  signés  L.  d.  IJ 

(2)  Lcvcnsihets  van  David  Lindanus,  pag.  7. 


—  27   — 

ger  la  date  de  la  naissance  de  Lindanus,  que  Paquot  et 
<raatres  auteurs  fixent  vers  Tannée  1 570.  Un  seul  fait  suf- 
fira pour  confirmer  la  date  de  Paquot:  c'est  que  déjà  en  io9a 
Lindanus  a  été  choisi  par  M""«  Jacques  Lauwers,  recteur  de 
l'École  latine,  ou  Collège  communal,  pour  y  remplir  les 
fonctions  de  sous-maître  ou  professeur,  et  que  le  chapitre 
de  N.  D.  de  Termonde  l'a  admis,  en  celte  qualité,  au  mois 
de  mai  de  la  même  année.  Or,  en  supposant,  avec  M.  Van 
.  Duyse,  que  Lindanus  ne  fût  né  que  vers  1580,  il  n'aurait 
eu,  à  cette  époque,  que  quinze  ans,  âge  auquel  on  ne  peut 
supposer  qu'on  lui  eût  confié  l'instruction  des  élèves  (i). 

Une  autre  raison,  en  faveur  de  notre  date,  se  trouve  dans 
cette  circonstance,  qu'Anne  Van  den  Zype,  son  épouse,  étant 
née  en  loG8  (a),  il  est  peu  prohable  que  Lindanus  eût,  en 
1603,  épousé,  à  vingt-cinq  ans,  une  femme  qui  en  aurait 
eu  trente-sept;  tandis  que,  né  en  1570,  il  en  eût  eu  trente- 
cinq,  en  se  mariant  avec  une  personne  qui  n'était  son  aînée 
que  de  deux  ans.  Nous  continuerons  donc,  avec  Paquot,  à 
fixer  la  date  de  la  naissance  de  l'historien  de  Termonde 
vers  l'année  1370. 

Lindanus  fit  ses  humanités  au  collège  des  Frères  Hié- 
ronimites  de  Gand,  où  il  eut  pour  professeurs  les  savants 
Omer  De  Visscher,  Josse  De  Kerckhove  et  Simon  De 
Kerckhove,  son  fils. 

Ce  collège,  qui  jouissait  alors  d'une  grande  vogue,  était 
établi,  depuis  1429,  dans  l'ancienne  demeure  des  chàle- 

(1)  Ad  regendum  gymnasium  magistratus  hujiis  civitatis  Tenerœmundanœ 
prœscnlat  dominiim  et  magistrum  Lauwers,  Doniini  adniittunt.  Idem  Lauwers 
prœsentavit  Davidem  Lindanum  et  doiniuum  Ililduardum  Van  den  Brielc  suos 
liypodidascalos.  (Actes  du  chapitre  de  Noire  Dame  à  Termonde,  ad  annum 
1595). 

(2)  Anna  Van  den  Zype,  huysvrouwe  van  dliecr  endc  meester  David  Van 
der  Linden,  greflîer-pensionnaris  van  den  lande  van  Dendermonde,  out 
56  jaer.  (Archives  de  la  ville  de  Termonde,  registre  intitulé /fcniiessw  van 
1623  loi  16j3,  folio  19). 


—  28  — 

lains  de  Gaiid,  nommée  k  château  de  Gérard  le  Diable. 

L'aspect  sévère  et  presque  redoutable  de  celte  forteresse 
du  moyen  âge,  dut  impressionner  fortement  l'imagination 
du  jeune  étudiant,  et  le  séjour  qu'il  y  fit  contribua  sans 
doute  beaucoup  à  l'intéresser  à  nos  antiquités  nationales 
et  à  lui  donner  le  goût  des  rccbercbes  historiques. 

A  dater  de  1595,  Lindanus  remplit  à  Termonde  les 
modestes  fonctions  de  professeur  jusqu'en  1G05,  époque  à 
laquelle  son  mérite  exceptionnel  attira  sur  lui  l'attention 
du  magistrat  de  cette  ville,  qui  voulait  placer  à  la  tête  de 
son  École  latine  un  homme  qui  put  rendre  à  celle-ci  (i) 
la  bonne  renommée  dont  elle  avait  autrefois  joui,  grâce 
aux  Carys,  Van  der  Meere,  Lauwers,  etc.,  qui  l'avaient 
successivement  dirigée  (2). 

L'ancien  concordat  avec  l'Écolàtre  de  N.  D.,  qui  depuis 

(!)  Dans  son  discours  trinstallation  ofliciclle,  Lindanus  lui-même  convient 
(jue  cel  (îlablissement  d'instruction  publique  était  fort  déchu  de  son  ancienne 
sjjlendeur  :  «  Supcresl,  ut  quisque  quod  suœ  partis  curet  :  ego  ut  juvcntulis 
vestrre  profcclui  omnibus  nervis  incunibam  :  vos  ut  liberos  vestros  a  domes- 
licâ  corruptclà  arcealis  :  mihiquc  ad  banc  rem  tanlum  aucloritalis  quantum 
par  est  tribuatis;  ut  eo  modo  palrium  hoc  Gymnasium  ad  pristinum  vigorem, 
unde  nuper  excidit,  redeat;  cl  illum  fructum  bine  Respublica  ferat,  quem  ma- 
jores vestri,  qui  tanto  studio  hoc  Atbenœum  moliti  sunt,  spcraverunt;  et 
prœsentis  temporis  calamitas  poslulare  vidclur.  Ad  quam  rem  si  quid  mea 
opéra  conferre  poteril  nusquam  deero,  parlim  ut  vestrfe  exspectationi  faciam 
salis  :  parlim  etiam  ob  insitum  mihi  alTectum  erga  banc  Rempublicam  quam 
non  secus  atque  ipsam  meam  Patriam  amo.  Quarc  illi  omne  mcum  studium 
et  quod  reliquum  vitce  Deus  dabit,  libens  merito  dico  consecroque.  Dixi.  » 

(2)  L'histoire  de  l'enseignement  à  Termonde  présente  trois  époques  dis- 
tinctes. La  première,  pendant  laquelle  le  Chapitre  de  N.  D.  et  l'Ecolàlrc, 
nommé  par  lui,  dirigent  exclusivement  toutes  les  écoles,  s'étend  de  la  fon- 
dation du  chapitre  jusqu'en  1529;  la  deuxième  époque,  pendant  laquelle  le 
chapitre  confie  l'éreetiou  et  la  direction  d'une  école  d'humanités,  ou  collège, 
au  Magistrat  de  Termonde,  qui  subsidie  cet  établissement,  va  de  1529  à  1G27; 
pendant  la  troisième  i)ériode,  de  1G27  à  1795,  le  collège  municipal  claul  cédé 
aux  VV.  Augustins,  ceux-ci  y  donnent  seuls  l'enseignement,  et  le  elinpilre  et  le 
magistrat  leur  allouent  fréquemment  des  subsides  pour  les  distributions  des 
{>rix.  Nous  espérons  un  jour  traiter  ce  sujet  sur  lequel  nous  avons  rassemblé 
un  bon  nombre  de  données  intéressantes. 


—  29  — 

1 325  avait  clé  renouvelé  par  le  Magistrat,  de  six  en  six  ans, 
le  fut  cncoi'e,  sous  les  mêmes  clauses,  en  1607,  et  M'"' 
Guillaume  Baeyst,  rÉcolàtre,  concéda  de  nouveau  à  la  ville 
le  droit  de  diriger  l'École  latine,  sauf  ratification  du  choix 
du  recteur  et  des  professeurs  par  le  chapitre.  Les  hourg- 
mestre  et  échevins  et  M"^*'  Guillaume  Baeyst  furent  unanimes 
pour  conférer  à  Lindanus  la  dignité  de  Recteur,  dont  il  avait 
déjà  commencé  à  exercer  les  fonctions  en  1G05  (i)  :  le  cha- 
pitre ratifia  ce  choix  avec  empressement. 

Le  nouveau  Recteur  se  montra  digne  de  la  confiance  qu'on 
avait  placée  en  lui.  Il  réalisa  tellement  toutes  les  promesses 
qu'il  avait  laites  dans  son  discours  d'installation,  que  lors- 
que le  concordat  avec  la  ville,  renouvelé  en  '1G07,  prit  fin 
en  1G13,  et  que  l'Écolàtrc,  M"''  Jean  De  Kersmaker,  reven- 
diqua le  droit  de  nommer  seul  le  Recteur  (2),  il  conserva  à 
David  Lindanus  la  direction  du  collège. 

(i)  Dans  un  aelc  du  12  décembre  IGOa,  qui  est  franscril  au  Registre  Ken- 
ncssen  de  la  mènic  année,  aux  archives  de  Termondc,  Lindanus  csl  qualifié 
ainsi  :  Mijnheer  David  Van  dcr  Linden,  Reclor  van  de  hoof/e  schole  dcscr  siede, 
en  Anna  Van  den  Zypc,  syne  ivetllge  huysvrouive. 

Un  autre  acte  du  10  avril  1606  lui  donne  les  mêmes  qualifications. 

(2)  DD.  Dccauus  et  Capilulum  coUegiata;  et  parochialis  Ecclcsiœ  Bealœ 
iMariœ  oppidi  Tenerœniundani,  dyocesis  Gandavensis,  ad  instanliani  Doniini 
et  Magistri  Jacoln  De  Kersmaker,  scliolastici  dictœ  Ecclesiîe,  lestimoniuni 
vcritatis. 

Cum  scliolasicria  in  Ecclesià  nostrà  habeat  jus  docendi  et  pra^enlandi  eos 

qui  ipsius  permissu  doecnl  :  et  cum  quondam  Dominus  et  Magister  Guilielmns 

Baeyst,  pia;  menioria;  seliolasticas  dictœ  Ecclesiœ,  jus  docendi  perniiseril  ad 

certum    tcmpus  Exiniiis  Dominis  de  Magistralu   dicli  Oppidi;    cujus  virtutc 

eruditus  vir  Magister  David  Van  dcr  Linden,  DD.  Decano  et  Capitulo  a  Magislro 

Gailiclmo  Dacysl,  sclioiaslico  et  eximiis  DD.  de  Magistralu  fuit  pra\soulalus 

et  pro  tempore  acccplus  :  nunc  vero  cessante  conlraclu  jus  illud  docendi  cl 

prœsentandi  sporlal  soluni  virtutc  lilterarum  ad  Doniinum  et  Magistrum  Jaco- 

bum  De  Kcrsniakcr.  Quod in  testimonium  vcritatis 

liœc  nuuiiri  per  sigillum  dicti  Capiluli  cl  ninnu   (nolarii  jussimus)  Tcncra- 

niundio  V  Jiilij  ciD  ncxni. 

De  tnandulo  DD.  Dccani  cl  Capiluli, 

Locus  sigilli.  Jldocis  De  Bossi;n. 

(Extrait  des  Archives  de  réglise  collégiale  de  Termondc). 


~  30  — 

Ce  ne  fut  qu'en  1618  que  les  fatigues  de  vingt-trois  an- 
nées de  professorat  engagèrent  Lindanus  à  abandonner  le 
Rectorat,  pour  ambitionner  la  place  de  Greffier-pensionnaire 
de  la  ville  et  du  pays  de  Termonde,  position  de  haute  con- 
fiance à  laquelle  ses  connaissances  en  droit  lui  permettaient 
de  prétendre. 

Parvenu  au  but  de  ses  désirs,  Lindanus  conserva  ces 
fonctions  jusqu'à  sa  mort. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  Lindanus  avait  épousé, 
en  ICOo,  vers  le  temps  où  il  obtint  la  place  de  recteur  du 
collège  de  Termonde,  Anne  Van  den  Zype,  appartenant  à 
une  excellente  et  ancienne  famille  de  Malines  (i);  il  en  eut 
trois  filles  :  la  première,  Anne  A'an  der  Linden,  épousa  à 
Termonde,  Paul  De  Smet,  fils  de  Daniel;  la  deuxième, 
Catherine  Van  der  Linden,  ne  se  maria  point;  la  troisième, 
Jeanne  Van  der  Linden,  née  le  7  février  1620,  épousa,  le 
12  décembre  1640,  Ferdinand  Van  Haeltert,  fils  de  Jean- 
Baptiste  et  de  Marguerite  Colier,  né  le  24  juin  1616,  décédé 
en  1654  (2). 

David  Lindanus  et  sa  femme  moururent  vers  la  même 
époque,  peut-être  le  même  jour,  le  21  septembre  1658  (3). 


(1)  Anne  Van  den  Zype  était  fiUc  dTIenri  Van  den  Zype,  s'  de  Couwendael 
el  d'Ouderniculen,  et  de  Catherine  Pamvels,  sa  première  femme. 

En  secondes  noces  Henri  Van  den  Zype  épousa  Claire  Du  Carne  ;  en  troi- 
sièmes noces,  Anne  Van  Roth. 

Dans  VHisloire  de  la  ville  de  Termonde,  M.  Clément  Wytsman  a  inséré  la 
généalogie  des  descendants  de  Lindanus,  que  nous  avions  eu  le  plaisir  de  lui 
communiquer. 

(2)  Registre  des  mariages  de  Tannée  1G40,  à  riiôtel-de-ville  de  Termonde. 
Registre  des  décès,  année  16o4,  ibid. 

(5)  Comptes  des  Gbits-doubles,  registre  23,  aux  archives  de  N.  D.  à  Ter- 
monde.  Dans  le  compte  collectif  de  1030  à  IC42  se  trouve  Tarticlo  suivant  : 

«  Ontvangcn  ovcr  den  Pen.sionnaris  Van  der  Linden  en  zync  huysvrouwe, 
obiit  den  21  september  1658,  en  dat  by  moderalie  van  Mynhceren  van  hel 
tiTiltel I  Ib.XlII  sch.  IIII  gr. 


—  SI  — 

Le  chapitre  autorisa  le  receveur  des  droits  du  Doiible-obit 
à  n'exiger  de  leurs  héritiers  que  la  somme  réduite  de  i  li- 
vre 15  escalins  4  gros,  prenant  ainsi  en  considération,  ou 
leur  état  de  fortune,  ou  les  services  que  Lindanus  avait 
rendus  à  l'église  et  à  la  ville,  peut-être  ces  deux  raisons 
à  la  fois. 

A  la  mort  de  ses  parents,  Catherine  Van  der  Linden, 
renonçant  au  mariage,  adopta  un  genre  de  vie  qui  la  mit 
à  même  de  suivre  les  plus  pieuses  pratiques  de  dévotion, 
sans  faire  abandon  de  sa  liberté  personnelle  :  elle  embrassa 
la  troisième  règle  des  Capucines,  qu'on  appelait  commu- 
nément en  flamand  Quesels,  en  latin  Devotariœ. 

Cette  résolution  si  bonne  en  elle-même,  causa  cependant 
du  dommage  à  ses  intérêts  privés. 

Lorsque,  le  4  novembre  1G50,  on  fit,  à  Anvers,  l'ouver- 
ture du  testament  de  son  oncle  maternel,  l'archidiacre  et 
célèbre  jurisconsulte,  François  Van  den  Zype,  dit  Zypœus, 
qui  venait  de  mourir,  une  clause,  qui  était  relative  aux  trois 
filles  de  Lindanus,  souleva  de  prime  abord  des  doutes,  puis 
des  difficultés  réelles,  sur  la  manière  dont  les  exécuteurs 
testamentaires  devaient  l'interpréter. 

François  Van  den  Zype  avait  mis  dans  son  testament, 
écrit  de  sa  propre  main,  le  50  juillet  1633,  dix-sept  ans 
avant  sa  mort,  à  une  époque  où  les  trois  enfants  de  Linda- 
nus, ses  nièces,  étaient  encore  jeunes,  qu'à  son  décès  il 
devait  être  payé  à  chacun  d'elles,  qui  serait  convenablement 
établie,  deux  années  de  revenu  d'une  des  bourses  fondées 
par  le  testateur  avec  les  rentes  qu'il  avait  acquises  sur  les 
monts  de  piété  de  Valenciennes  et  de  Lille. 

Les  termes  du  testament  étaient  ceux-ci  :  «  FiUahus  soro- 
»  ris  meœ  Annœ  (i)  singulis  cuni  ad  matrimom'um  seu  ad 
»  alinm  statum  approdatum  venerint  (dono)  duos  annos  ca- 

(1)  Annr  Van  den  Zype  était  sœur  consanguine  de  François  Zypœus. 


—  32  — 

^  noues  unius  biirsœ  cujiis possessor...  tantisper  cedere  mit 
»  siipersederc  debeat.  » 

Les  mois  stalum  approbatum  divisaient  les  cxéculcurs 
lesta iiientai les  et  les  héritiers,  et  pendant  deux  ans  toute 
décision  était  demeurée  en  suspens,  lorsqu'ils  convinrent 
enfin,  comme  l'exigeait  le  testament  (i),  de  s'en  rapportera 
l'arbitrage  des  deux  plus  doctes  avocats  d'Anvers,  Antoine 
Auselmo  et  Melchior  Haecx. 

La  question  leur  fut  posée  ainsi  : 

Castis. 

Sunt  autem  filiœ  Annœ  tma  vocata  Anna  et  altéra 
Joanna,  quœ  ante  obitum  D"'  testatoris  nupserunt,  et  tertia 
Catharina,  devotaria  non  nupta,  nec  ad  statiim  approbatnm 
venît,  nisi  Capucinœ  tertiœ  Regiilœ  in  sœcido  conversantes 
pro  approbato  statu  habeantur,  ,quod  disputare  poterit  si 
velit. 

Quœritur 
an  Annœ  et  Joannœ  dcbeantnr  dno  anni  canonis  imius 
bursœ? 

Item  an  Calharinœ  similiter  debeantur? 

Les  jurisconsultes  d'Anvers  opinèrent  dans  les  termes 
suivants  : 

Responsio. 
Considerato  casii  et  quœstione  videtur  subscriptis  dubitan- 


(I)  Dans  son  fesfamenl  Fr.  Zypœus  ilit  :  «  Quod  si  ex  tcstamento  hoc  nieo 
»  unquani  nascatnr  coulrovcrsia  ,  volo  ut  hœrcdes  cornmve  libcri  lile  non 
"ccntcndant,  sed  utraque  p»vs  unum  advocaluui  ulrimque  sumat,  qiiibus 
«accédai  R.  D.  Fr.  Geloiiiiis  (Geleyns),  pasior  sancli  jEgidii  Brugis,  ncpos 
»  nosler,  aul  si  is  obicril,  suniaut  Iii  advocalum  Icrtium  neuiri  suspecluni 
»  qui  ncgoUum  finiani,  et  dccisione  ila  factà  sletur,  sive  unanimilcr  consen- 
»  sci-int  sive  ex  volor-Lini  plurilalc  ai'bilraleiu  sentcnliani  dixcrint;  caincjue 
»  dciisioncni  pcrindc  servari  ciipio  acsi  buic  tostaini-iilo  inscripla  essel.  » 

(Exlrnil  du  testanienl  original,  déposé  aux  ai'chives  de  la  cathédrale 
à  Anvers.  Cupsà  testamcntorum  novorum,  n"  9.">). 


13» 


dum  non  esse,  quin  Annœ  et  Joannœ  dcbeantur  duo  annui 
canones  unius  bursœ,  adeoque  singulis  earum; 

Sed  non  deberi  Catherinœ  :  vel  ipse  Reuerendus  Z)'"  testa- 
tor,  optinius  voluntatis  suce  interpres,  declaravit,  dum  con- 
sultationum  suarum  canonicalium  libro  terlio  consulU  §  i , 
nec  beginas  multoque  minus  devotarias  dumtaxat  statum 
peculiarem  habere  censuit. 

Ita  responsum  Antverplœ  hdc  xin  oclobris  cid  idclif, 
censura  salvâ.  Melchior  IIaecx.  Ant.  Anselmo. 

On  voit  que  ce  fut  clans  les  ouvrages  du  testateur  lui- 
même  que  les  arbitres  trouvèrent  une  solution  à  la  difii- 
culté  qu'on  leur  soumit.  Ne  pourrions-nous  pas  cependant 
affirmer  avec  quelque  fondement,  que  le  bon  arcbidiacre, 
s'il  eût  encore  vécu,  se  fut  vivement  récrié  sur  Tinterpréta- 
lion  forcée  qu'on  donnait  aux  mots  statum  approbatum,  lui 
qui  dans  ce  même  testament  n'avait  voulu  exclure  de  ses 
libéralités  aucun  de  ses  parents,  même  des  plus  éloignés  (i). 

(1)  Voici  quelques  extraits  du  testament  de  Fr.  Zypœus  : 

Fondations  pieuses  : 

«  Item  eapitulo  Antverpiensi  pro  anniversario  meo  et  parentum  mcorum  et 

missâ  cum  musicà  solemni  in  festo  sancli  Francisci lego  terras  quas  in 

Poldero  austriaco  juxta  Sassum  Gandense  nuper  emi  ad  hoc  finem  a  eapitulo, 
ideoque  ad  illud  reverti  volui,  etc — 

Fondations  de  bourses  d'étude  : 

»  Quidquid  ex  prœbendà  aut  fructibus  archidiaconatùs  tempore  mortis  de- 
bebilur  applicetur  in  bursas  studiorum  inprimis  consanguincorum  ab  alteruiro 
avo  meo  Jacobo  Van  dcn  Sj'pe,  Domino  de  Audermculen,  vel  Joanne  Du  Carne 
dcsccndentium,  quibus  tamcn  semper  etiam  proponantur  qui  ex  patrc  descen- 
dunt,  atque  bis  qui  ex  pâtre  siraul  et  maire,  et  quibus  a  pâtre  descendentibus 
studere  volentibus  litteris  philosophice  aut  cuicuinquc  altcri  facullati,  extranei 
ctiam  provisi  posf  sex  mcnscs  cedere  teneantur  rcquisili.  Quod  si  autcni  (ili;c 
aliqua;  consanguinea;  a  pâtre  nostro  descendentcs  in  seholis  locenlur  et  in 
pietatc  bonis  moribus  et  doctrinà  extra  œdes  patcrnas  instruantur,  poterunl 
eœ  alicujus  bursaî  subsidio  usque  ad  annuin  drcimum  octavuni  coiupluluni 
uti  sicut  studios!  aliique  externi  eis  etiam  provisi  ut  supra  cedere  tenebuntur; 
et  inter  eas  on)nil>us  prfcferentur  si  quœ  aliquando  ox  utroque  lalcre  palris 
atque  matris  noslrœ  me  altingcnirs  se  offerent.  PosI  sauguiucos  assuniantur 
paupercs  Antverpienses,  aut  Mcclilinienses  qui  ex  illis  magis  fuerinl  idonei 

5 


—  Si  — 

Catherine  Van  der  Linilen  fut  donc  frustrée  du  legs  de 
son  oncle  :  peut-être  dut-elle  à  cette  circonstance  que 
D"'=  Sara  Du  Carne,  sœur  du  doyen  du  chapitre  de  Ter- 
monde,  Guillaume  Du  Carne,  et  helle-sœur  de  son  grand- 
père,  Henri  Van  den  Z}  pe,  lui  légua,  par  testament  du 
10  mars  1657,  une  somme  de  50  florins,  avantage  qu'elle 
ne  fit  pas  à  Anne  et  Jeanne,  ses  sœurs  (i). 

Il  existait  entre  François  Van  den  Zype  et  David  Linda- 
nus  une  vive  amitié,  à  laquelle  la  similitude  de  leurs  desti- 


seu  spem  majorcni  prpebent  imposterum  Ecclesiœ  vcl  Reipublicœ  mngis  se 
fore  idoneos;  singulœ  autem  bursse  sunt  eentum  florenoruni  annué,  etc.,  etc. 
»  Insuper  ad  easdem  bursas  fundandas  lego  reditùs  quos  de  prœsenti  habeo 
super  montibus  pictatis  tam  Valenchenis  quam  Tornaci  ad  florenos  ducentos 
annuos  denario  vigesimo. 

Legs  divers  : 

» Sorori  meœ  Annœ  Van  den  Sype  (lego)  salinum  meum  nielius 

Rdo  pno  Roberto  Mynkens,  S.  T.  B.  Canonico  Turnanlano,  et  RJ"  Dn"  Francisco 
Geleneo,  S.  T.  B.  Pastori  saneti  jEgidii  Brugis,  Catherinœ  Magdelensc  Geleyns, 
Annœ,  Catherinse,  Joannœ  Van  der  Linden,  duabus  filiabus  Annse  Myntkens, 
Franciscœ  Mariœ  Van  Wamel,  nepotibus  et  neptibus  meis,  lego  singulis  schi- 
plium  viginti  quinque  florenoruni  iisque  legatis  niediantibus  ab  bœreditale 
meâ  excludo  onines  sorores  earumve  liberos,  prœter  eos  qui  ex  paterno  et 
materno  simul  latere  me  contingunt,  quos  infrà  hœredes  institui;  Joannai 
Van  den  Zype  eognalœ  nostrœ  devotariœ  viginti  quinque  florenos,  etc.,  etc. 

(1)  (Testament  de  demoiselle  Sara  Du  Carne  aux  archives  de  la  collégiale 

de  Terniondc).  Les  armoiries  de  la  famille  Du  Carne  sont  un  chevron  de 

et  trois  étoiles  à  six  rais  de — 

La  pierre  tumulaire  du  doyen  Guillaume  Du  Carne,  qui  se  trouvait  autre- 
fois dans  le  grand  chœur  de  cette  église,  portait  Tinscription  suivante,  sur- 
montée des  armes  du  défunt  : 

D.  0.  M. 

MOMIMEMUM   Rdi   ADM.    DHi 

GtJLlELMl  DU  CARNE 

J.    ITR.    L.   HlîJUS  ECCLESI.E  DECAM 

ET  CANONICI 

OBIIT   6a  SEPTEMBRIS    1632. 

R.  I.  P. 
Guillaume  Du  Carne  avait  été  élu  doyen  du  chapitre  le  28  février  1633,  en 
remplacement  du  vénérable  Jacques  Lauwers.  Le  même  jour  il  prit  posses- 
sion du  décanat,  en  présence  de  messire  Adolphe  Veranneman,  chevalier, 
S""  d'Appels,  cl  d'Egide  Pce. 


nées  et  la  conformité  de  leurs  goûts  n'étaient  point  restées 
étrangères.  Dans  sa  jeunesse,  en  1583,  Lindanus  avait  clé 
forcé  d'abandonner  avec  son  père,  proscrit  par  Henibyse,  la 
ville  de  Gand,  lieu  de  sa  naissance,  pour  aller  chercher  un 
asyle  à  Ternionde.  De  même,  les  parents  de  Zypseus, 
cruellement  persécutés  à  Malines,  s'élaient-ils  vus  obligés, 
cinq  ans  auparavant,  de  transporter  à  Anvers  ce  fils,  qui 
venait  de  naître,  pour  pouvoir  lui  faire  recevoir  le  baptême. 

Après  avoir  éprouvé  l'un  et  l'autre  les  rigueurs  des  guerres 
civiles,  Lindanus  et  Zypœus,  fixés  dans  les  villes  qui  les 
avaient  adoptés,  payèrent  tous  deux,  par  d'utiles  et  de  sa- 
vants travaux,  la  dette  de  reconnaissance  que  leurs  cœurs 
généreux  sentaient  avoir  contractée.  Parvenus  à  un  âge 
à-peu-près  semblable,  la  carrière  du  pensionnaire  du  pays 
de  Termonde,  comme  celle  du  vicaire-général  de  l'évéché 
d'Anvers,  se  termina  doucement  au  milieu  des  regrets  et 
des  pleurs  de  ses  amis  et  de  sa  famille. 

Dans  son  testament  François  Zypseus  donna  une  dernière 
preuve  de  l'estime  qu'il  professait  pour  le  caractère  de  son 
beau-frère. 

Lindanus  avait  un  jour  dû  intervenir  comme  tuteur  avec 
ytre  Pierre  de  Ilammis  (i)  dans  la  vente  d'une  propriété  de 


(1)  Nous  pensons  que  le  Mailre  Pierre  de  Ilammis,  dont  il  est  question  icL, 
c-st  le  même  qui  a  été  chapelain  à  Ilaninie  et  successivement  curé  (persona) 
de  Gyscgem  et  chapelain  de  Téglise  de  N.-D.,  à  Anvers,  où  il  est  décédé.  Il 
était  né  à  Tamise  et  était  parent  du  chanoine  Pierre  Van  Damnie,  prés  duquel 
il  voulut  être  enterré. 

Voici  deux  clauses  assez  curieuses  de  son  testament,  daté  de  l'année  1594  : 

«  Item  in  memoriam  rclaxationis,  quod  anno  1379  in  noclc  Penlecoslcs  ex 
villA  sancti  Amandi  Baesrode  deduclus  fuerini  caplivus  niililibus  Pi'incij)is 
Auriaci,  spoliatus  duriterquc  tractatus,  sextà  die  quasi  divinitùs  ex  oorum 
manibus,  per.sohilis  tamen  200  florenis,  fuorini  liberatus,  hinc  in  gratiarum 
actionem  do  et  lego  niiseris  captivis  in  carceribus  Aatverpia;  dclenlis  quatuor 
Renenses  (florenos)  semel  ut  honestè  recreari  possint. 

"Item  do  et  rclinquo  altari  nieo  in  Ecclesià  de  Ilatunie  dioeesis  Gaiidavensis, 
modo  capellanus  morier,  ad  honorcm  B.  M.  V.  pro  reparatione  allaris  novem 
florenos  semel.  » 


—  .^6  — 

la  famille  Van  den  Zype,  nommée  Eeckeloo,  située  sous 
Wavre-S'^'-Calherine,  et  quelques-uns  des  nomi)reux  inté- 
ressés dans  cette  vente  s'étaient  montrés  mécontents  de  la 
manière  dont  elle  avait  été  effectuée. 

François  Zypseus,  qui  avait  acheté  la  propriété  vendue, 
et  qui  avait  pu  apprécier  la  loyauté  des  deux  tuteurs 
dans  cette  affaire,  voulut  les  garantir  de  toutes  poursuites 
de  la  part  des  autres  membres  de  sa  famille,  et,  dans  ce  but, 
il  inséra  dans  son  testament  la  clause  suivante,  qui  mettait, 
après  sa  mort,  à  la  charge  de  ses  frères,  Pierre  et  Guillaume 
Van  den  Zype,  toute  indemnité  qu'on  aurait  pu  exiger  de 
Lindanus  et  de  Hammls,  du  fait  de  leur  gestion  et  de  leur 
tutelle  : 

«  lidem  fratres  et  hœredes  mei  Petrus  et  Gullielmus,  si 
quœ  moveatur  timquam  cUfficnltas  Davidi  Lindano  scribœ 
Pensionnario  territorii  Tenerœmundensis  soi^orio  nostro, 
tanquam  olim  tutori  ex  causa  venditi  prœdii  nostri  Eecke- 
loo, eum  hœredesque  quondam  HP''  Pétri  Hammis,  contu- 
toris,  indemnes  servent,  quia  id  prœdicto  sororio  promisi, 
multo  minus  ab  ipsis  umquam  moveri  quâcumque  ex  hujus 
tutelœ  causa  volo.  » 

Autant  Zypfeus  s'était-il  plu  à  reconnaître  la  loyauté  du 
pensionnaire  de  Termonde  et  à  faire  l'éloge  de  ses  ouvra- 
ges (i),  autant  Lindanus  avait  confiance  dans  la  science 
profonde  et  dans  les  conseils  de  l'archidiacre  d'Anvers.  En 
voici  un  exemple. 

Le  26  juillet  1 657  mourut,  à  Termonde,  le  curé  de  N.  D. , 
Théodore  Van  den  Broeck,  bachelier  en  théologie,  natif 
d'Anvers,  qui  avait  été  nommé  curé  à  la  mort  du  doyen 
curé  Jacques  Lauvvers,  en  1633.  Le  chapitre  qui,  depuis  un 
temps  immémorial,  avait  exercé  le  droit  de  nommer  le  curé 


(1)  De  Tererœmundd,  p.  IX. 

De  komine  ejusque  inslitutionv,  p.  V. 


_  87  — 

de  son  église,  ouvrit  aussitôt  un  concours  pour  remplir 
celle  vacalure;  trois  concurrents  se  présenlèrenl;  on  leur 
fit  faire,  pour  examen,  à  chacun  d'eux  un  sermon,  et,  le 
4  août  suivant,  neuf  jours  seulement  après  la  mort  du  curé 
Van  den  Broeck,  l'un  des  trois,  nommé  Arenls,  qui  était 
confesseur  de  l'abbaye  de  Rosenberg  à  Waesmunster,  ayant 
fait  preuve  de  plus  d'éloquence  que  ses  rivaux  (i),  fut  élu 
en  remplacement  du  curé  décédé. 

La  manière  subreptice  avec  laquelle  on  avait  piocédé  à 
celte  élection,  ne  plut  pas  à  l'évèque  de  Gand,  iMgr.  Antoine 
Triest,  qui  aurait  désiré  réunir  la  nomination  de  tous  les 
membres  du  clergé  paroissial  à  la  collation  du  Diocésain. 

Il  voulut  prendre  aussitôt  ses  mesures  pour  déjouer  à 
l'avenir  ces  atteintes  portées  à  son  autorité,  et  il  écrivit  au 
chapitre  de  Termonde,  que  dorénavant  celui-ci  eut  à  se 
garder  d'attenter  encore  aux  droits  de  l'évèque  de  Gand. 

Grande  rumeur  partni  les  chanoines,  qui  se  récrient  et 
veulent  prouver  à  Mgr.  que  depuis  un  temps  immémorial 
ils  ont  exercé  sans  entraves  ce  droit  de  nomination. 

Réponse  de  l'évèque  de  Gand,  qu'ils  aient  à  montrer  les 
diplômes  originaux  sur  lesquels  ils  basent  leur  prétention. 

Embarras  des  chanoines,  avis  divers;  enfin  réunion  en 
assemblée  extraordinaire. 

Là  tous  les  moyens  de  résister  aux  exigences  de  l'évèque 
de  Gand  sont  débattus  et,  trouvés  insuffisants,  il  est  con- 
venu finalement  de  chercher  conseil  en  dehors  de  la  réunion. 

Le  Doyen  du  Chapitre  et  le  secrétaire  sont  donc  envoyés 
en  dépulation  chez  Lindanus,  qu'on  a  jugé  le  plus  apte  à  les 


(I)  RisoUilioiis  du  chapitre  de  Termonde  : 

Ullimà  julii  1G57.  Ordiaatur  ut  Rdus  Dus  Arcnts,  conl'cssor  in  Rosenbcrfr, 
(oncurrons  ad  piisloiaUim  vacantcm  veniat  coneionnari  iu  ecelcsiA  nnsirà 
(quod  bcnc  fceil  irnnio  fuit  laudabiiis)  et  alii  duo  concurrentes.. 

ia  au;;usli  l(i57...  Dielus  Arenls  eieclus  fui!  pa.-lDr  liujus  ccclesiœ. 


—   38  — 

guider  dans  celte  affaire;  ils  le  prieiit  de  leur  dire  s'il  n'a 
pas  parmi  ses  papiers  quelques  documents,  ou  s'il  ne  con- 
naît pas,  aux  archives  du  chapitre,  un  acte  quelconque  qui 
puisse  les  aider  à  défendre,  contre  Mgr.  l'évèque  de  Gand, 
le  droit  qu'ils  ont  toujours  exercé,  de  disposer,  en  toute 
manière,  du  pastorat  de  Termonde  (i). 

Lindanus  reçoit  la  députation,  touché  de  l'honneur  que 
lui  fait  le  Chapitre  en  envoyant  vers  lui  son  digne  chef.  Il 
recueille  ses  souvenirs,  examine  les  documents  inédits  qu'il 
possède  sur  l'église  de  i\.  D.,  avoue  que  ses  notions  sont 
insuffisantes  pour  répondre  à  la  confiance  qu'on  a  placé  en 
sa  personne,  et  déclare  enfin  que  le  plus  savant  docteur  en 
droit  canon  des  Pays-Bas  de  cette  époque  pourrait,  dans 
cette  contestation,  leur  donner  les  meilleurs  conseils;  c'était 
indiquer  François  Zypœus. 

Les  députés  du  chapitre  suivirent  le  conseil  de  Linda- 
nus, partirent  pour  Anvers,  déposèrent  le  soin  de  leur 
affaire  entre  les  mains  de  l'auteur  du  Judex  (2)  et  se  virent 
bientôt  en  possession  des  lettres  de  maintenue  qui  les  con- 
firmaient dans  leur  antique  possession. 

En  se  déclarant  incompétent  dans  cette  circonstance, 
Lindanus  montrait  trop  de  modestie,  car  ce  savant  possé- 
dait assez  de  connaissances  en  droit  canonique,  pour  donner 
au  Chapitre  de  Termonde  de  bous  conseils,  qui  eussent  été 


(1)  «  Ordinatum  ut  Decanus  et  Secrefarius  adirent  Dominum  Lîndauum  ad 
înquirendum  niim  habeat  aliqua  documenta  Capituli  aut  propria  quœ  possent 
eapitulum  juvare  ad  tuendum  jus  quod  seniper  habuit  ad  disponendum  omni- 
modo  de  pastoratu  Tencrœmundensi  contra  Antonium  Triest  Episcopum  Gan- 
davensem  qui  conatur  Capitulo  subripere  illud.  » 

(Délibération  du  chapitre  du  22  août  1657). 

(2)  Les  principaux  ouvrages,  composés  par  Fr.  Zypœus,  qui  furent  impri- 
més du  vivant  de  l'auteur  sont  :  Judex,  Magistratus,  Senalor,  libris  IV  exhi- 
bilus;  Antv.  Vcrdusscn,  IGj3,  in-folio;  Notifia  juris  Belgici,  ibid.,  1633,  in-^-o. 

Après  sa  mort  on  les  réimprima  et  on  y  ajouta  un  grand  nombre  de  con- 
sultations :  Fr.  Zypa-i  Opéra  omnia,  Antvcrpiœ,  1G75,  2  vol.  in-folio. 


—  39  — 

suivis  avec  empressement.  En  outre,  l'examen  îles  Ar- 
chives du  cliapilre,  auquel  ii  venait  encore  de  se  livrer, 
devait  l'avoir  éclairé  suflisamment  sur  celle  question  de  pri- 
vilèges. 

S'étant  décidé  à  publier  une  deuxième  édition  de  son 
ouvrage  principal,  de  Tenerœmundà,  dont  la  première,  im- 
primée à  Anvers,  chez  J.  Verdussen,  en  1612,  in-^",  avait 
clé  épuisée  en  peu  d'années,  Lindanus  adressa,  au  mois 
d'octobre  1636,  la  lettre  suivante  au  chapitre  (i)  : 

Aux  très  Révérends  Seigneurs,  Messieurs  les 
Doyen  et   Chapitre  de  VÉglise  insigne  de 
Notre  Dame  à  Termonde. 
David  Lindanus,  votre  très-humble  serviteur,  vous  ex- 
pose, que,  d'après  le  conseil  de  plusieurs  personnages,  tant 
prêtres  que  laïques,  il  a  depuis  longtemps  commencé  à  pré- 
parer une  nouvelle  édition  de  son  Histoire  de  Termonde.  A 
celle  fin  il  a  consulté  une  grande  quantité  de  documents, 
dont  on  lui  a  communiqué  fréquemment  les  originaux,  et 
il  en  a  fait  des  extraits  nombreux  relatifs  à  son  sujet. 

Comme  il  pense  que  dans  votre  dépôt  d'archives  se  trou- 
vent bon  nombre  de  pièces  qu'il  n'a  pas  encore  rencontrées 


(1)  Cette  requête  se  trouve  aux  archives  de  l'égise  de  N.-D.,  à  Termonde; 
elle  est  écrite  de  la  main  même  de  Lindanus;  la  voici  : 

«  Admodum  Reverendis  Dominis  D"is  Dccana  et  Capitule  insignis  Ecclesiœ 
Beatae  Maria;  Tenremundcnsis. 

»  Admodum  Reverendi,  dicit  David  Lindanus  humillimus  vester  quod  im- 
pulsu  aliquot  magnatum ,  tam  ccclesiasticorum  quam  sœcularium,  jam  diu 
admovit  manum  novœ  edilioni  Tenvcmundœ,-  ex  plurimis  arcliivis,  quorum 
iiic  illic  originalia  vidit  et  qua;  ad  rem  faciunt,  multa  excerpsit.  Et  quum 
putct  multa  in  scriniis  vestris  esse  qua;  aliàs  non  vidit,  quœ  tamcn  vidcri  et 
scirc  iutcrsit,  supplicat  inspectionis  sibi  fieri  copiam,  ad  ornatum  strii»ti  et 
antiquilatum  vestrarum  memoriam.  Id  quando  exlemplo  ncquit  fieri  sperat 
saltcm  ut  sibi  gratiœ  futuruni  (quod  in  promplu  est)  ut  liceat  liodie  Obitua- 
rium  Ecck'sia?  vidcrc,  quoi!  in  parlcni  favoris  aecipict 

J/ianilliiiius  Rcvcrenlia'  vcslriv, 
D.  Li>dam:s.  » 


_  40  — 

ailleurs,  et  qu'il  lui  importe  d'examiner  et  de  connaître,  il 
vous  prie  de  bien  vouloir  lui  en  laisser  prendre  connais- 
sance, dans  le  but  d'en  enrichir  son  ouvrage  et  de  prouver 
l'antiquité  mémorable  du  chapitre. 

S'il  ne  pouvait  vous  convenir  dans  ce  moment  de  lui 
accorder  sa  demande  en  entier,  vous  lui  feriez  chose  très- 
agréable,  en  lui  permettant  au  moins  de  lui  laisser  exami- 
ner YobitHaire  de  l'église,  qu'il  désire  consulter  sans  retard. 

Vous  vous  attirerez  ainsi  la  reconnaissance 

Du  très-humble  serviteur  de  vos  Révérences, 

D.Wm  LiNDANUS. 

Le  chapitre  accueillit  cette  demande,  et  accorda,  à  l'in- 
stant même,  ce  que  Lindanus  n'avait  osé  solliciter  que  pour 
un  temps  plus  ou  moins  éloigné.  On  lui  fit  observer  seule- 
ment les  règles  établies  pour  les  membres  du  Chapitre,  de 
ne  faire  les  recherches  qu'en  présence  des  trois  chanoines 
dépositaires  des  clefs  des  armoires,  et  de  ne  garder  chez 
lui  les  pièces  qu'on  lui  laisserait  emporter,  que  pendant 
huit  jours,  après  en  avoir  donné  un  certificat  détaillé  au 
secrétaire  (i). 

Moyennant  ces  conditions,  qui  étaient  de  bonne  admi- 
nistration, Lindanus  put  à  son  aise  fouiller  une  deuxième 
fois  dans  ce  dépôt,  qui  alors  était  considérable  (2),  et  il  dut 
y  faire  une  moisson  bien  grande. 


(1)  Resolution  du  chapitre  du  17  octobre  1656,  enregistrée  aux  actes  capi- 
tuluires  (Ibidem). 

(2)  Un  ancien  employé  de  cette  église  nous  a  assuré  avoir  vu,  il  y  a  une 
trentaine  d'années,  que  des  personnes,  attachées  à  la  cure  de  Termonde  ù 
celte  époque,  allaient  prendre  librement  à  Fancienne  salle  du  chapitre,  des 
liasses  d'archives  avec  lesquelles  elles  activaient  le  feu  du  poêle  de  la  sacristie. 

Les  reliures  des  registres  des  Actes  du  chapitre  ont  servi  au  même  usage 
comme  pièces  de  résistance  :  elles  étaient  en  chêne. 

Lorsqu'on  1844,  en  classant  les  archives  de  la  collégiale,  nous  fîmes  relier 
de  nouveau  celte  précieuse  collection,  nous  constalàmcs   la  perle  des  actes 


—   41    — 

iMalheureusemeiit,  deux  ans  après,  au  moment  peut-cire 
où  il  mettait  la  dernière  main  à  son  travail,  le  vénérable 
pensionnaire  de  Termonde  cessait  de  vivre,  et  les  fruits  de 
ses  longues  recherches,  que  dans  la  lettre  précédente  il  dit 
déjà  être  si  nombreux,  furent  ou  anéantis,  ou  perdus  sans 
laisser  des  traces. 

Gramaye,  qui  réimprima  l'ouvrage  de  Tenerœmmidd 
dans  ses  antiquités  du  Brabant,  en  1708,  se  contenta  de 
reproduire  le  texte  de  la  première  édition,  sans  y  apporter 
de  changement  ni  d'augmentation. 

Outre  l'amitié  constante  qui  unit  Lindanus  à  Zypœus, 
Justus  Harduinus,  le  curé-poëte  d'Audeghem,  dont  M.  Pru- 
dent Van  Duyse  a  fait  l'éloge  dans  le  X<=  volume  du  Bel- 
(jisch  Muséum,  fut  un  des  amis  les  plus  dévoués  de  l'histo- 
rien de  Termonde.  La  mort  des  deux  amis  n'interrompit 
pas  même  les  relations  suivies  qui  s'étaient  formées  entre 
leurs  familles;  car  D"''  Livine  Harduyn,  sœur  ou  nièce  de 
Justus  Harduinus,  tint  encore,  le  17  novembre  1G39,  sur 
les  fonts  du  baptême  à  Termonde,  l'enfant  de  Paul  De  Smet, 
le  petit-fils  de  Lindanus,  à  qui  elle  donna  le  prénom  de 
Liévin  (i). 

Cornélius  à  Marcka,  l'élégant  poète  latin  gantois,  faisait 
également  le  plus  grand  cas  des  ouvrages  de  son  compa- 
triote. En  1609  il  lui  adressa  une  ode  saphique,  en  cinq 
strophes,  qui  est  imprimée  au  commencement  du  discours 


capitulaires  des  années  1438  à  1462,  de  lo46  à  1559,  de  1579  à  1395,  de 
1598  à  1GI7,  et  de  1783  à  1795. 

Le  premier  registre  de  ces  délibérations  eoninience  à  Tannée  145C,  sous  le 
doyen  Sigerus  Claerbout,  qui  fit  reformer  les  statuts  du  cliapitrc. 

Un  grand  nomltre  de  diplômes  précieux  que  cite  Lindanus  dans  sa  Tcne- 
rœmunda,  ont  disparu  aussi. 

Malgré  ces  pertes,  ces  archives  offrent  encore  le  plus  grand  intérêt  pour 
riiistoire  de  Termonde. 

(I)  Registre  des  baptêmes  de  l'année  1639,  à  l'État  civil  de  Termonde. 


—  -;2  — 

De  homine  (i).  Plus  tard  composant  une  ode  en  llionneur 
des  Gantois  célèbres  de  son  siècle,  ad  clarissimos  cives 
meos,  etc.,  il  consacra  à  Lindanus  la  strophe  suivante  : 

Tuqiie,  ô  œlernis  celcbrande  fastis 
Docte  Ver-Linden,  generose  vates, 
Qucm  salis  noli  Tenerœ  labores 
Undiquc  claranl. 

L'ode  finit  ainsi  : 

Vivile,  ô  cceli  genus,  œlernœ 
Clara  Gordunœ  décora,  ô  Thalke 
Filii,  exlentis  cumulare  famam 
Pergite  sœclis. 

Erycius  Puteanus  aussi  fut  lié  d'une  étroite  amitié  avec 
David  Lindanus. 

A  l'époque  où  celui-ci  prononça  son  discours  d'installa- 
tion comme  Recteur  du  collège  de  Termonde,  il  communi- 
qua  au  célèbre  professeur  et  historiographe  de  Louvain, 
le  manuscrit  de  cette  dissertation,  en  même  temps  que 
quelques  poésies  latines,  réunies  sous  le  titre  de  P/iyllis;  la 
lettre  d'envoi  de  Lindanus  finissait  par  ce  souhait,  que 
Puteanus,  quoique  séparé  de  lui,  voulut  continuer  de  le 
chérir. 

La  réponse  de  Puteanus  respire  tant  d'amitié  et  tant 
d'enthousiasme  pour  Lindanus,  que  nous  nous  permettrons 
de  la  reproduire  en  son  entier,  laissant  au  lecteur  le  soin 
de  faire  la  part  de  l'exagération  (jui  y  règne  dans  quelques 
passages. 


(1)  L'exemplaire  de  ce  discours,  De  homine  cjusque  inslilutione,  qui  appar- 
tient à  la  Bibliothèque  de  la  ville  d'Anvers,  porte  eu  tèle  l'inscription  sui- 
vante, écrite  de  la  main  de  Lindanus  : 

RIllO  VIRO 

DUO  CAROLO  MASIO 

MAOO  GASD.E  PR.ÏSCLI 

OBâERVANTI.£  ERCO 

Auvlor  D.  D. 
11  est  relié  en  veau,  frappé  d'ornements  en  or. 


—  43  — 

Erycius  Pnteanus 

Davidi  Lindano 

Jam  suo 

S. 

Ego  te  lion  amem,  ô  veruni  Musarum  et  Apollinis  ger- 
men?  Imo  levé  amoris  verbum  est,  observa  et  suscipio.  In- 
genii  tiii  floridam  amœnitatem  Phyllis  indicat,  divinitaleui, 
ORATio.  Macte  didcedine  illâ  styli,  macle  robore  :  delectamur, 
eriuUmur.  Etenim  et  castam  carminis  lasciviam  et  fœcim- 
datn  sgntagmatis  doctrhiam,  comparatione  quâdam  admi- 
ratus  suni  :  aJleram  ab  Apolline  ipso,  alteram  a  Minervà 
profluxisse.  Tu  vero  Apollo,  tu  Minerva,  id  est,  homine 
altior,  te  ipso  amœnior,  Phyllidem  pariter  Hominemqne 
nobis  describis. 

Quid  amplius  dicam?  In  lucem  publicam  profer  hos  flo- 
res, hos  fructus,  et  œternitatis  Imidem  prœmiumque  ad- 
mitte.  Sic  magis  etiam  amare  incipiam,  imo  observare  et 
suscipere. 

Vale  tu  jam  Mens  inter  paucos,  et  me  Tuum  ama. 

Lovanii  vi  eid.  maii  cid  id  viii. 

Les  mots  in  lucem  publicam  profer  hos  flores,  hos  fructus, 
prouvent  clairement  que  c'était  seulement  des  manuscrits 
du  discours  et  des  poésies  sur  Phyllis  que  Puteanus  avait 
pris  connaissance.  Il  engage  Lindanus  à  publier  ces  deux 
ouvrages. 

Sanderus,  à  qui  sans  doute  avait  été  faite  la  même  com- 
munication (selon  les  habitudes  des  écrivains  de  cette  épo- 
que), dissuada,  au  contraire,  Lindanus  de  publier  Phyllis, 
malgré  et  peut-être  à  cause  de  la  Castam  carminis  lasciviam 
que  louait  Puteanus. 

Sanderus  eût  regretté  de  voir  paraître,  sous  le  nom  dun 
Recteur  de  collège,  un  recueil  de  poésies  erotiques  :  il  fil 
donc  bien  de  l'en  détourner. 


—  44  — 

Aux  détails  précétlenls,  que  plusieurs  années  de  leeher- 
clies  nous  ont  fait  découvrir,  si  nous  ajoutons  l'éloge  de 
la  lettre  que  Lindanus  écrivit  au  Magistrat  de  la  ville  de 
Gaud,  en  lui  offrant  un  exemplaire  de  son  ouvrage  de  Tc- 
nerœmundâ,  lettre  remarquable  que  mit  au  jour  le  brillant 
poëte  improvisateur  flamand,  M.  Prudent  Van  Duyse  (i), 
nous  croirons  avoir  suffisamment  fait  connaître  l'homme 
honorable  et  l'écrivain  distingué  à  qui  Termonde  vient  d'ac- 
corder un  hommage  éclatant  de  reconnaissance. 

Puissent  les  fêtes  brillantes  qui  ont  été  données  dans 
cette  ville  à  l'occasion  de  l'inauguration  du  buste  de  Linda- 
nus, exciter  les  jeunes  intelligences,  qui  ont  tant  coopéré 
à  relever  leur  splendeur,  à  prendre,  comme  Lindanus,  pour 
but  principal  de  leur  ambition,  l'honneur  et  la  gloire  de  la 
commune  patrie  ! 

Septembre  1850. 

Léon  de  Birbire. 


(I)  Cette  lettre  est  inpporlée  il;ins  la  broeliui-e  relalive  aux  l'èles  de  ler- 
monde,  qui  a  paru  dans  eelte  ville  au  mois  d'août  dernier,  ehez  rimprimeur 
J.  Du  Caju,  fils. 


nwf. 


iiW   \ 


45 


ANTIQUITÉS 

CELTO-GERMAMOUES,  GALLO-ROMAINES  ET  GALLO-FRAXQUES  (I), 


Tnouvr.KS  suu 


LE    TERRITOIRE     DE    RENAIX    ET    DANS     Î.ES    COMMUNES    EIVVIRONNANTES. 

(FtiRUKE    OniB^TALE    ET    RAIISAtlT)  . 

§ie|>SBltns>os  €!iaI8o-lîossi»îiici9. 

Suite  à  notre  jiiéciSdcnte  notice. 

D'après  les  recherches  réitérées  exécutées  au  cimetière 
bcigo-roniain  du  Bois  de  Saint-Pierre  dont  notre  précédente 
notice  a  encore  occupé  les  lecteurs  du  Messager  (2),  on  était 

(1)  La  découverte  de  bon  nombre  d'objets  d'antiquités  de  la  période  Fran- 
que,  et  plus  spécialcnicnl  cille  d'un  cimetière  Mérovingien,  dans  une  des 
localités  les  plus  intéressantes  de  la  Flandre,  à  savoir,  au  village  de  Pefegheni, 
près  d'Audcnardc,  nous  ont  déterminé  à  comprendre  dans  nos  descriptions 
ai'chéologiques  une  troisième  catégorie  d'antiquités  nationales;  de  là,  l'in- 
dication nouvelle  dont  nous  avons  aujourd'hui  accru  notre  titre. 

(2)  Ce  cimetière  n'est  distant  au  plus  que  d'un  kilomètre  nord-est  de  l'église 
de  S*<=-Louise-Marie,  en  ce  moment  en  voie  de  construction,  et  destinée  à  de- 
venir le  centre  d'une  nouvelle  commune.  Quant  au  cimetière  du  Mucrhden- 
lioul,  il  s'en  trouve  à  une  distance  à  peu  près  égale,  mais  au  nord-ouest.  Ou 
va  donc  voir  renaître  la  vie  et  le  mouvement  dans  ces  lieux  jadis  habités  par 
nos  ancêtres  les  Belgo-Romains,  et  redevenus  déserts,  sans  doute  à  la  suite 
d'une  de  ces  épouvantables  commotions  qui  se  sont  succédé  dans  le  cours 
des  IV«  et  Vc  siècles,  et  qui  ont  abouti  à  la  ruine  de  l'empire  romain  et  à 
l'anéantissement  de  la  civilisation  ancienne. 

La  route  projetée  d'Escornaix  à  Renaix,  dirigée  sur  l'église  de  S"-Louisc- 
Maric,  passera  entre  les  deux  cimetières,  mais  à  une  distance  moindre  du 
premier  que  du  second. 


—  46  — 

certes  en  droit  de  supposer  que  toute  exploration  de  terrain 
ultérieure  y  eût  été  désormais  infructueuse.  Cependant  l'é- 
vénement est  venu  prouver  qu'il  y  avait  encore  là  une  bonne 
moisson  d'antiquités  à  prendre,  d'intéressantes  observations 
à  continuer. 

En  terminant  nos  dernières  fouilles,  nous  avions  ren- 
contré, à  l'endroit  que  nous  envisagions  jusqu'alors  coniFiie 
l'extrême  limite  septentrionale  du  cimetière,  toute  une  série 
de  sépultures,  placées  à  une  profondeur  double  de  celle  que 
tenaient  presqu'en  général  les  groupes  funéraires.  Cette 
position  anormale  était  le  résultat  d'une  combinaison,  du 
hasard  peut-être;  sinon  elle  devait  être  attribuée  à  un  sur- 
exhaussement du  sol,  engendré  par  les  travaux  d'exploita- 
tion ou  de  dérodement  du  bois.  Mais  n'était-elle  pas  com- 
mune à  d'autres  sépultures,  distancées  en  dehors  du  terrain 
exploré  immédiatement  à  la  suite  de  celles  découvertes  en 
dernier  lieu?  Voilà  la  question  qui  nous  préoccupait  et  qui 
sollicitait  de  nous  une  solution.  Au  commencement  du  mois 
d'octobre  I80O,  c'est-à-dire,  dès  que  l'occasion  nous  parut 
favorable,  nous  organisions  de  troisièmes  fouilles;  et  cette 
fois  encore  nous  eûmes  à  nous  féliciter  d'avoir  écouté  notre 
zèle,  car  notre  persévérance  nous  valut  un  plein  succès. 

Ainsi  que  nous  avions  osé  nous  le  promettre,  plusieurs 
sépultures,  au  nombre  de  quarante-cinq,  furent  de  nouveau 
successivement  mises  au  jour.  Elles  étaient  distribuées  régu- 
lièrement au  côté  nord  du  cimetière,  sur  une  étendue  de 
quatre  verges  environ,  et  gisaient  en  général  sous  une  cou- 
che de  terre  de  0'",40  à  0"S60  d'épaisseur;  circonstance  qui 
explique  naturellement  comment,  lors  de  l'essouchement, 
la  pioche  du  dérodeur  n'en  avait  point  révélé  l'existence, 
abritées  qu'elles  étaient  de  ses  atteintes. 

Grains  de  collier  en  verre  et  en  terre  cuite  émaillée,  bra- 
celets et  fibules  en  bronze  et  en  fer  ont,  cette  fois  encore, 
considérablement  accru  notre  collection,  qui  se  serait  en- 


—  47  — 

richie  en  oulro  (run  total  de  cent  vingt-huit  pièces  <le  pote- 
rie, si  les  cinq  septièmes  de  ces  vases  n'avaient  été  trouvés 
en  morceaux  à  leur  lieu  de  gisement. 

La  planche  X\l,  jointe  à  cette  note,  représente  ceux  des 
objets  recueillis  qui  nous  ont  semblé  mériter  une  mention 
spéciale,  et  qui  sont  : 

IV"  1 .  Une  jatte  de  forme  assez  originale,  à  larges  rebords, 
eu  terre  fine  de  couleur  brune  ayant  Taspect  du  chocolat. 
Hauteur,  0'",09;  diamètre  à  l'ouverture,  y  compris  le  re- 
bord, 0"Sl9. 

Un  vase  semblable  à  celui-ci  a  été  découvert  dans  un 
tombeau,  au  château  d'Aigremont,  non  loin  de  Lille.  Voyez 
De  Bast,  II''  Supplém.  de  ses  Antiquités,  p.  212,  et  pi.  III, 
fig.  9. 

IV°  2.  Un  plateau  de  terre  noirâtre,  à  texture  celluleuse. 
H.  0'",045,  D.  0"%15. 

Des  vases  affectant  à  peu  près  celle  forme  ont  été  rap- 
portés, par  ]>P  Piosper  Cuypers,  des  tumuli  belgo-romains 
d'Alphen.  Voir  Berigt  omirent  onde  grafheuvels,  n"'  9,  20 
et  oi  des  planches. 

Celte  grande  analogie  de  conformation  d'une  pièce  de 
poterie  à  figure  assez  caractéristique,  appuie  notre  dési- 
gnation de  tombeaux  gallo-  ou  belgo-romains  que  nous 
avons  donnée  autre  part  aux  tumuli  d'Alphen. 

N"  5.  Petite  urne  de  terre  brunâtre,  à  parois  épaisses  et 
à  texture  celluleuse.  II.  0",  10;  D.,  à  l'angle  saillant,  0"\09. 
Deux  fossettes  jumelles,  marque  très-fréquente  sur  les  ur- 
nes, y  ont  été  imprimées  sur  le  milieu  du  ventre. 

N"  4.  Petite  jatte  de  fine  terre  grise,  à  couverte  bronzée. 
H.  0",06;  D.  0™,H3. 

N"  5.  Autre  petite  jatte  de  fine  terre  grise,  ornementée 
dans  le  genre  des  petites  urnes  globuleuses.  II.  0"',0.^i; 
D.  0'",H3. 

N"  G.  Plat  de  terre  brune,  à  texture  grossière,  muni  de 


—  48  — 

deux  petites   saillies  eu   guise   danses.    Haut.    0'^,0i5; 
D.  0'%21. 

N"  7.  Très-belle  soucoupe  ou  demi-bol,  en  terre  rouge 
lustrée.  H.  0"',0o5;  D.  0">,18.  Au  lieu  d'un  nom  de  potier, 
la  bande  rectangulaire  appliquée  au  centre,  offre  une  série 
de  zigzags  entrecoupés  de  points,  ce  qui  probablement  a  été 
la  marque  particulière  d'une  fabrique. 

Le  savant  Brongniart  dit  que  la  poterie  rouge  lustrée  était 
particulièrement  destinée  aux  usages  domestiques,  à  cause 
de  ses  qualités  de  fabrication  supérieures  à  celles  des  autres 
poteries  anciennes  :  mais  il  ajoute  qu'il  ne  connaît  pas 
d'exemple  qui  nous  apprenne  que  la  poterie  rouge  romaine 
ait  servi  comme  urnes  ou  vases  funéraires  (A.  Brongniart, 
Traité  des  arts  céramiques,  t.  I,  p.  452  et  456).  L'expé- 
rience de  feu  l'illustre  Directeur  de  la  Manufacture  de 
Sèvres  est  ici  en  défaut,  car  sans  recourir  à  nos  propres 
observations,  nous  citerions  mille  découvertes  qui  démon- 
trent à  l'évidence  que  cette  poterie  était  au  contraire  d'un 
usage  très-fréquent  dans  les  funérailles. 

N"  8.  Grande  potiche  de  belle  terre  grise,  à  surface  nat- 
tée comme  celle  des  petites  potiches  globuleuses.  ÏL  0"',15, 
D.  0™,15.  Cette  variété  de  forme  n'a  été  rencontrée  que  très- 
rarement  dans  nos  sépultures. 

Une  remarque  que  nous  devons  faire  au  sujet  des  di- 
mensions des  poteries,  c'est  qu'elles  offrent  bien  souvent, 
ainsi  qu'on  a  pu  s'en  convaincre,  des  proportions  relatives 
d'une  rigoureuse  exactitude.  Ceci  prouve,  selon  nous,  que 
dans  leurs  travaux,  les  potiers  de  l'antiquité,  cet  ordi'e  in- 
fime d'artistes,  au  lieu  de  se  laisser  guider  par  le  hasard, 
se  conformaient  strictement  à  certaines  règles  d'estlictique; 
à  quoi  il  faut  attribuer  cette  pureté  de  formes,  cette  grâce 
et  cette  élégance  de  leurs  œuvres,  qui,  si  simples  qu'elles 
soient,  surprennent  et  charment  le  regard. 

Malgré  de  savants  écrits,  la  technique  des  potiers  de  l'ère 


—  49   — 

romaine  est  encore  peu  connue;  elle  ne  mérite  pas  d'être 
traitée  avec  T indifférence  que  quelques-uns  affectent  pour 
elle.  Disons,  à  cette  occasion,  que  l'histoire  de  la  céramie 
en  général  est  une  étude  des  plus  sérieuses  et  destinée  a 
produire  de  féconds  résultats.  Un  écrivain  de  grand  talent, 
M.  Boucher  de  Perthes,  a  si  bien  fait  pressentir  cette  vé- 
rité dans  son  remarquable  et  hardi  travail  sur  l'industrie 
primitive  et  les  arts  à  leur  origine  :  «  On  pourrait  presque 
écrire  l'histoire  de  l'homme,  »  dit-il  en  parlant  des  poteries 
celtiques,  «  et  le  suivre,  pas  à  pas,  dans  sa  marche  vers  la 
civilisation,  puis,  dans  sa  décroissance  et  son  retour  vers 
la  barbarie,  en  analysant  les  figures  et  les  élémens  de  ces 
poteries;  et  un  archéologue  pourrait  dire  d'un  peuple:  que 
l'on  me  montre  ses  vases,  je  vous  dirai  quel  il  était  »  (Anti- 
quités celtiques  et  antédiluviennes,  p.  74). 

L'autorité  certes  la  plus  compétente  en  cette  matière, 
l'auteur  du  Traité  des  arts  céramiques,  avait  déjà  aupara- 
vant exprimé  un  sentiment  analogue,  lorsqu'il  écrivait,  au 
sujet  des  poteries  antiques  non  figurées  :  «  La  nature  de  leur 
pâle,  leur  mode  de  façonnage,  le  style  de  leurs  formes  et  de 
leurs  ornements,  sont  généralement  constants  chez  les  an- 
ciens peuples,  si  éloignés  de  la  versatilité  des  peuples  mo- 
dernes, soumis  à  tous  les  caprices  des  modes,  cet  instrument 
destructeur  de  tout  caractère  national;  ces  particularités  suf- 
fisent souvent  pour  donner  des  lumières  sur  les  peuples  qui 
habitaient  les  pays  où  l'on  trouve  ces  poteries.  «(Bron- 
gniart.  Traité  des  arts  céramiques,  t.  I,  p.  6). 

N"  9.  Urne  de  fine  terre  grise,  ornée,  à  la  partie  bombée, 
d'une  série  horizontale  de  fortes  dépressions  circulaires. 
H.  0"',14,  D.  0'",13.  Ce  cinéraire  est  le  seul  spécimen  do 
celte  variété  de  conformation  qu'aient  fourni  les  fouilles. 
Cependant  on  trouve  assez  fiéquemment  des  vases  gallo- 
romains  offrant  ce  genre  de  décoration  à  fossettes.  (Voir 
De  Caumont,  De  Bast,  etc.) 

4 


—  50  — 

Une  belle  (iole  de  verre  verdàlre,  à  parois  excessivement 
minces,  faisait  partie  d'une  sépulture;  malheureusement  elle 
était  bi'isée  et  nous  ne  pûmes  qu'en  recueillir  les  morceaux. 
A  juger  par  ceux-ci,  sa  forme  et  ses  dimensions  avaient  beau- 
coup de  rapport  avec  celles  de  la  bouteille  figurée  au  n"  H 
de  notre  planche  XIIÏ,  et  décrite  au  n"  16  de  l'article  que 
la  dite  planche  accompagne.  La  découverte  de  vases  de  verre 
est  toujours  excessivement  rare  dans  nos  localités.  La  fiole 
en  question  et  le  petit  lacrymatoire  décrit  à  la  page  70  de 
nos  Antiquités,  sont  les  seules  poteries  de  verre  mises  au 
jour  dans  les  diverses  fouilles  opérées  au  Bois  de  Saint- 
Pierre. 

N"  10.  Beau  grain  de  collier  en  verre  verdâtre. 

Un  reproche  que  l'on  fait  au  verre  blanc  des  anciens, 
c'est  cette  teinte  verdâtre,  plus  ou  moins  prononcée,  que 
présentent  même  leurs  produits  les  plus  parfaits.  Elle  est 
due  à  la  présence  du  peroxyde  de  fer,  provenant  d'argile, 
ou  d'alumine  contenue  bien  souvent  dans  les  matières  em- 
ployées à  sa  fabrication.  Aujourd'hui  on  évite  autant  que 
possible  d'introduire  du  fer  dans  le  verre. 

N"  1 1 .  Grain  de  collier  eu  verre  bleu  très-foncé,  décoré 
de  quatre  larges  globules  opaques  d'un  blanc  laiteux. 

N"  12.  Autre  grain  de  collier  en  verre  bleu  foncé,  décoré 
d'un  linéament  blanc  onduleux,  à  la  façon  de  celui  figuré  à 
la  pl.VIÏ,  n"  S. 

Les  perles  de  verre,  bien  que  plus  répandues  que  les  po- 
teries, sont  néanmoins  une  preuve  plus  manifeste  encore 
de  la  rareté  du  verre.  Tant  qu'objets  de  parure,  elles  déno- 
tent que  cette  substance  était  convoitée  par  la  vanité  de 
l'homme,  qui  y  trouvait  un  moyen  de  distinction  luxueuse. 

Constatons  toutefois  que  ce  luxe  n'était  pas  d'un  goût 
bien  sévère,  puisque  les  perles  de  verre  figurant  des  an- 
neaux ou  des  cylindres  tranchés  d'une  épaisseur  et  d'un 
diamètre  souvent  très-inégaux,  ne  pouvaient  pas,  réunies 


—  SI 


on  collier  au  moyen  d'une  courroie  de  cuir,  d'un  fil  de 
métal  ou  d'une  autre  substance,  offrir  une  parure  fort 
gracieuse. 

N"  15.  Très-jolie  petite  fibule  de  bronze,  émaillée  à  la 
hase,  de  trois  rosettes  aux  cercles  concentriques  blancs  et 
rouges,  sur  un  fond  triangulaire  bleu.  II  nous  plait  derechef 
de  ranger  dans  la  classe  des  boucles  cVoreUles,  la  paire  de 
rdjules  de  celte  espèce  que  nous  avons  trouvées  réunies. 

N°  14.  Fibule  en  bronze  blanchi  ou  saucé  (argenté  ou 
étanié?)  portant  au  dos  un  dessin  élégant,  bien  que  simple, 
en  mosaïque  vitrée  {in  smalto).  Quatre  fibules  semblables 
gisaient  réunies  dans  la  même  sépulture. 

N°  15.  Fibule  en  bronze,  saucée  et  richement  émaillée  de 
vert  et  de  rouge. 

N"  IG.  Charmante  petite  fibule,  émaillée  de  vert  pâle 
dans  l'ovale  du  centre,  de  rouge  et  de  bleu  dans  les  appen- 
dices ronds  latéraux.  Cette  agrafe  a  la  plus  parfaite  ana- 
logie avec  nos  broches  ou  épingles  de  cravate  et  de  chemise 
modernes. 

N°  17.  Fibule  en  bronze,  travaillée  à  jour,  et  décorée 
d'émaux  rouges,  verts  et  bleus. 

Faisons  remarquer,  en  passant,  à  propos  de  cette  fibule 
dont  les  bleus  sont  parfaitement  conservés,  que  de  tous  les 
émaux  observés  à  nos  antiques,  les  bleus  sont  ceux  qui  ont 
le  mieux  résisté  à  l'action  délétère  du  temps.  Les  verts  ont 
résisté  le  moins;  en  général,  ils  sont  presque  entièrement 
décomposés 

N"  18.  Petite  fibule  non  émaillée. 

Parmi  un  grand  nombre  d'autres  fibules  de  bronze,  émail- 
lées  et  non  émaillécs,  on  en  distingue  particulièrement  une 
très-belle  paire,  semblables  à  celle  dessinée  au  n"  4  de  la 
planche  XII,  et  dont  l'espèce  était  en  quelque  sorte  unique 
parmi  les  sépultures  du  Maerkelenhout.  Si  l'on  excepte  ce 
genre  d'agrafes,  assez  commun  à  ce  qu'il  parait,  si  Ton 


02 


écarte  surtout  celui  moins  rare  encore  figuré  aux  n"'  5  et  i^ 
(le  la  pi.  X,  3  de  la  pi.  XI  et  12  de  la  pi.  XV  (et  notons 
que  les  fibules  de  fer  se  rapportent  généralement  à  ce  type; 
voir,  pi.  IV,  fig.  C  et  ,)1.  Xï,  fig.  3  et  4),  on  pourra  dire, 
au  sujet  des  fibules,  cet  indispensable  de  la  toilette  chez  les 
anciens,  que  la  forme  et  le  travail  en  étaient  aussi  variés 
que  le  nombre.  Qu'on  juge  par  là  de  l'excessive  fécondité 
de  l'art  ancien.  Certes,  nous  n'oserions,  jusqu'à  présent, 
affirmer  que  ces  bijouteries  fussent  le  produit  d'ateliers 
nationaux,  mais  nous  n'admettrons  jamais  non  plus  que 
les  Gallo-Belges  furent  et  restèrent,  durant  tout  le  temps 
de  leur  sujétion,  tributaires  de  la  civilisation  romaine,  à  la 
manière,  par  exemple,  des  sauvages  de  l'Océanie,  que  ren- 
dent heureux  et  fiers  quelques  grains  de  verroteries  (rassades 
de  Venise)  ou  quelque  autre  colifichet  de  l'industrie  euro- 
péenne. Il  y  aurait  injustice  et  ignorance  à  la  fois  à  prêter 
à  nos  pères  si  peu  de  tendance  au  perfectionnement,  ce 
serait  méconnaître  leur  génie  et  leur  aptitude  bien  connue 
pour  les  arts  du  progrès  (i). 

N"  19.  Fragment  de  fibule  ou  de  boucle,  ou  espèce  d'œil- 
leton,  auquel  sont  restés  adhérents  deux  bouts  de  courroie 
en  cuir,  ayant  servi  probablement  à  fixer  le  bronze  au 
vêtement. 

Ce  qui  nous  a  engagé  à  mentionner  ce  numéro,  c'est,  on 

(i)  On  croirait,  à  lire  nos  propres  historiens,  que  nos  ancêtres  n'étaient 
que  des  espèces  de  sauvages,  ensevelis  comme  des  bêles  fauves,  dans  les  ta- 
nières de  leurs  bois,  ou  pataugeant  au  milieu  de  vastes  et  fangeux  marécages. 
Peut-être  le  docteur  Klemm  a-t-il  dit  avec  raison  des  Germains,  que  jusqu'à 
l'époque  de  la  grande  invasion  des  barbares  et  de  l'introduction  du  christia- 
nisme, ils  n'étaient  pas  au-dessus  de  l'état  de  civilisation  des  peuplades  sau- 
vages du  Nord  de  l'Amérique  [Handbuch  dcr  germanischen  Allcrthumskunde, 
p.  XIl  et  35).  Mais  des  Germains  aux  Belges  la  distance  était  grande,  quant 
au  degré  de  civilisation.  Il  y  avait  entre  ces  derniers  et  leurs  anciens  frères 
d'au-delà  du  Rhin,  toute  la  différence  du  développement  social  qu'avait  iné- 
vitablement déterminé  dans  la  Gaule-Belgique,  linflucncc  immédiate  et  active 
de  la  longue  domination  romaine,  A  laquelle  la  Germanie  avait  su  se  sous- 
traire. 


— .   53  — 

le  conçoit,  la  parlicularilc  de  ces  attaches  en  cuir.  En  ellct, 
nous  avions  tant  de  fois  entendu  nier  l'existence  de  restes 
antiques  en  cuir,  sous  le  prétexte  spécieux  que  cette  sub- 
stance corruptible  ne  saurait  résister  longtemps  à  la  décom- 
position, que  nous  avions  fini  par  professer  un  scepticisme 
complet  à  cet  égard.  Aujourd'hui  toutefois,  nous  avons  la 
conviction  que  le  cuir  peut  traverser  des  siècles  sans  bien 
notable  altération;  par  conséquent,  nous  recommanderons 
à  nos  confrères  la  plus  grande  circonspection,  lorsqu'ils 
auront  à  se  prononcer  sur  l'authenticité  de  monuments  de 
cette  nature.  Ils  pourront  ainsi,  non  seulement  éviter  de 
porter  un  jugement  faux,  mais  aussi  s'épargner  le  regret 
d'avoir,  comme  tels  écrivains  qui  brillent  par  leur  sulfisance 
et  leur  légèreté  plutôt  que  par  un  véritable  savoir,  fait  pe- 
ser un  soupçon  de  sottise  ou  de  mauvaise  foi  sur  le  récit  de 
savants  recommandables  sous  tous  les  rapports. 

Indépendamment  de  plusieurs  pièces  dont  la  dégradation 
est  telle  qu'on  ne  peut  leur  assigner  aucune  forme,  on  re- 
marque, parmi  les  objets  en  fer  trouvés  dans  les  sépultures, 
un  grand  nombre  de  fd)ules,  dont  quelques-unes  furent 
recueillies  en  compagnie  de  fibules  de  bronze,  des  anneaux, 
des  boucles,  et  surtout  une  paire  de  grands  bracelets,  de  la 
même  forme  que  ceux  de  bronze  dessinés  aux  planches  IV 
et  V  de  notre  travail.  Toute  trace  d'ornementation  sur  ces 
bijoux  en  fer  a  naturellement  disparu  par  l'oxygénation  du 
métal,  mais  on  peut  supposer  qu'ils  ont  été  travaillés  avec 
autant  de  soin  que  ceux  de  bronze,  soit  damasquinés  ou 
ciselés,  gravés  ou  estampillés. 

Sur  sept  médailles  de  bronze  retirées  du  fond  d'urnes 
cinéraires,  deux  seulement  offrent  encore  quelques  restes 
de  l'effigie;  ce  sont,  un  moyen  bronze  de  l'empereur  Ha- 
drien et  un  grand  bronze  de  Faustine  mère. 

Relativement  à  la  disposition  des  sépultures,  à  l'arran- 
gement et  à  l'ordonnance  des  objets  dont  elles  sont  ordi- 


—    o4    — 

nairement  constituées,  les  fouilles  ne  nous  ont  pas  fourni 
d'observations  nouvelles  à  ajouter  à  celles  que  nous  avons 
consignées  ailleurs;  seulement,  il  nous  a  semblé  devoir  être 
annoté,  concernant  un  grand  nombre  de  clous  de  fer  qui 
ont  été  recueillis,  que  plusieurs,  comme  à  Montrœul-sur- 
Haine,  gisaient  au  fond  des  urnes,  tandis  que  les  autres 
furent  trouvés  sur  Taire  des  sépultures.  Parmi  ces  clous, 
il  en  est  sur  lesquels  on  remarque  des  vestiges  évidents  de 
bois,  il  en  est  d'autres  qui  ont  la  pointe  recourbée  en  cro- 
chet; et  ces  derniers,  avec  une  autre  espèce  à  pointe  longue 
et  Mlée,  pourraient  bien  avoir  servi  d'agrafe,  à  l'instar  de 
l'épine  du  Germain;  car  nous  avons  remarqué  qu'ils  se  trou- 
vaient particulièrement  dans  des  sépultures  où  il  n'y  avait 
point  de  fdjules. 

Sur  les  quarante-cinq  sépultures  explorées  cette  fois,  une 
seule  consistait  eu  un  petit  amas  de  cendres  et  d'os  calci- 
nés, une  autre  montra  le  dépôt  cinéraire  enfermé  entre  des 
tessons  (pi.  XVI,  fîg.  20),  trois  étaient  formées  d'un  seul 
vase,  et  dans  l'une  de  celles-ci  de  petites  pierres  enser- 
raient l'urne  (pi.  XVÏ,  fig.  21);  dix  se  composaient  de 
deux  vases  (i),  dix-neuf  de  trois,  huit  de  quatre,  deux  de 
cinq,  et  une  seule  de  six  vases.  Il  résulte  de  ce  relevé,  fait 
avec  exactitude,  que  les  sépultures  se  constituaient  le  plus 
ordinairement  de  trois  vases.  La  planche  XVI,  n"'  20  à  27, 
montre  quelques  groupes  funéraires,  que  nous  avons  cru 
pouvoir  l'eproduire  encore,  pour  donner  une  idée  plus  nette 
de  la  disposition  variée  des  vases  dans  les  tombes,  et  pour 
rendre  aussi  complètes  que  possible  nos  annotations  tou- 
chant les  sépultures  belgo-romaines. 

On  nous  demande  bien  souvent  si  ces  petites  urnes,  la 
plupart  d'une  contenance  moindre  que  celle  d'un  verre  or- 

(1)  Dans  une  des  sépultures  à  deux  vases,  une  jat(e  de  terre  rouge  lustrée, 
accompngnant  une  potiche  de  terre  grise  avce  cendres,  olfrait  à  Pouvcrturc 
une  petite  pierre  plate,  qui  y  avait  été  ajustée  en  guise  de  couvercle. 


—  53  — 

(linaiie,  lenfcrment  bien  les  cendres  d'un  individu,  e'csl- 
à-dire,  exactement  tout  ce  qu'il  reste  d'un  corps  humain 
incinéré?  En  effet,  ce  peu  d'os  et  de  cendres,  qui  tien- 
draient aisément  dans  le  creux  de  la  main,  est  une  chose 
qui  surprend  tout  le  monde  et  qui  provoque  naturellement 
le  doute.  Pour  l'affirmative,  on  trouve,  à  la  rigueur,  une 
explication  dans  la  perfection  bien  connue  des  méthodes 
de  crémation  des  anciens.  Mais  en  général,  cette  solution 
ne  satisfait  pas,  et  Ton  se  sent  porté  à  en  chercher  une 
autre  qui  laisse  moins  de  vague  dans  l'esprit.  IVe  peut-on 
pas  croire  que  les  urnes  ne  contiennent  pas  toutes  les 
cendres  d'un  cadavre,  mais  seulement  une  faible  partie, 
la  quantité  jugée  suffisante  à  la  consécration  des  vases  funé- 
raires? Ce  qui  donne  lieu  surtout  à  cette  supposition,  c'est 
la  découverte  de  plusieurs  de  nos  plus  grandes  urnes,  qui  ne 
renfermaient  au  plus  qu'une  pincée  de  cendres.  Ainsi  que 
dans  mainte  autre  pratique  religieuse,  on  pouvait  ici  ne 
procéder  que  symboliquement.  On  prenait  probablement 
sur  l'aire  du  bûcher  une  poignée  des  restes  calcinés  du 
cadavre,  et,  en  la  versant  solennellement  dans  l'urne,  on 
dédiait  celle-ci  aux  mânes  du  défunt,  en  même  temps  que 
les  autres  vases  funéraires,  puis  on  passait  à  la  cérémonie 
de  l'inhumation.  La  déposition  des  cendres  humaines  dans 
l'urne  était  donc  une  cérémonie  funèbre  qu'il  ne  faut  pas 
entendre  dans  un  sens  trop  absolu.  Du  moins,  c'est  là  l'opi- 
nion qu'une  observation  constante  a  fait  naître  chez  nous. 
Il  importe  cependant  de  rapporter  ici  l'opinion  de  plu- 
sieurs archéologues  d'un  grand  mérite,  selon  laquelle  il  n'y 
avait  rien  que  les  ossements  seuls  qui  étaient  recueillis  dans 
l'urne  après  l'extinction  du  bûcher  (t).  Ce  sentiment,  comme 
on  sait,  est  basé  sur  l'observation  qu'on  a  faite  que  la  plu- 


(1)  Selon  les  uns,  on  tamisait  les  cendres  pour  en  séparer  les  ossements; 
selon  d"autrcs,  les  ossements  étaient  simpienieiil  recueillis  à  l,i  main  sur  l'aire 
du  bûcher. 


—  56  — 

part  des  urnes  découvertes  dans  les  cimetières  ne  renfer- 
ment que  des  ossements  et  point  de  cendres,  et  que  la 
poussière  cendrée  mêlée  quelquefois  aux  ossements,  peut 
provenir  des  ossements  mêmes,  dont  une  partie  se  serait 
réduite  en  poudre  par  la  longueur  de  temps.  Il  s'appuie, 
en  outre,  sur  les  expressions  ossuaria  et  ossilegium,  em- 
ployées par  les  anciens  pour  désigner,  par  Tune  les  petites 
urnes,  par  l'autre  le  triste  office  des  parents  et  des  amis 
du  mort.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  hypothèse  d'écrivains 
pour  lesquels  nous  avons  la  plus  grande  déférence,  elle  ne 
donne  pas  davantage,  selon  nous,  la  raison  de  la  quantité 
exiguë  et  si  peu  variable  d'ossements  humains  dans  les  ur- 
nes ici  découvertes  (2).  Evidemment,  si  l'on  avait  soin  de 
rassembler  tout  ce  qu'il  restait  d'ossements  calcinés  sur 
l'aire  du  bûcher,  après  extinction  du  feu,  cette  quantité 
devait  varier  à  chaque  incinération,  et  bien  souvent  fournir 
de  quoi  remplir  toute  la  capacité  de  l'urne,  si  pas  au  delà, 
ainsi  que  nous  l'avons  observé  à  l'ouverture  de  tombeaux 
d'une  autre  catégorie.  Que  l'incinération  dût  produire  le 
résultat  normal  offert  par  le  contenu  de  nos  urnes,  c'est  là 
une  chose  qu'il  serait  certainement  bien  difficile  de  dé- 
montrer. 

Examinons  maintenant  quel  a  pu  être  le  nombre  total 
des  inhumations  opérées  en  ce  lieu  du  Bois  de  Saint- 
Pierre  qui  a  été  l'objet  d'une  triple  exploration  de  notre 
part. 

La  première  fouille  a  mis  au  jour  soixante-sept  sépultu- 
res, la  seconde  quarante-neuf,  et  la  fouille  actuelle  quarante- 
cinq,  quantités  qui,  réunies,  nous  donnent  un  total  de  cent 
soixante-une  inhumations.  Pourtant  celle  somme  ne  repré- 


(1)  Au  moins  cette  opinion  coupe  court  à  beaucoup  de  raisonnements  sur 
la  manière  dont  on  prétend  que  les  anciens  distinguaient  les  cendres  du  corps 
de  celles  du  bûcher. 


—   57   — 

sente  point  le  chilFre  réel  des  morts  dont  les  restes  ont  été 
rassemblés  sur  le  point  en  question  du  Bois  de  S'-Pierre. 
Par  les  considérations  que  nous  avons  exposées  en  un  autre 
lieu,  on  doit,  si  l'on  veut  obtenir  un  chiifre  approchant  de 
la  vérité,  porter  au  double  le  résultat  signalé;  ce  qui  fait 
monter  le  produit  à  trois  cent  vimjt-deux  inliumations,  nom- 
bre qui  n'est  nullement  exagéré. 

ÏVous  terminerons  par  une  autre  annotation,  en  rapport 
direct  avec  la  précédente,  et  qui  nous  fera  connaître,  en 
même  temps  que  la  date  des  sépultures,  l'espace  de  temps 
durant  lequel  elles  ont  vraisemblablement  été  agglomérées 
en  ce  lieu  d'enterrement.  Cette  révélation  nous  est  fournie 
par  les  médailles  recueillies  dans  les  fouilles,  d'après  un 
principe  admis  en  archéologie,  que  la  date  des  monnaies 
découvertes  à  côté  d'antiquités,  indique  le  plus  souvent 
l'époque  à  laquelle  le  dépôt  a  été  confié  au  sein  de  la  terre. 
Comme  on  a  pu  en  faire  la  remarque,  ces  médailles  appar- 
tiennent aux  règnes  successifs  des  empereurs  Trajan , 
Hadrien,  Antonin-le-Pieux  et  IMarc-Aurèle  (par  une  mé- 
daille de  Fausline  la  Jeune),  lesquels  ont  occupé  le  trône 
entre  les  années  98  et  180  de  J.  C.  Or,  nous  trouvons  là 
une  période  de  quatre-vingt-deux  années,  qui  est  approxi- 
mativement celle  durant  laquelle  notre  cimetière  fut  en 
activité. 

On  pourrait,  à  la  rigueur,  assigner  à  nos  sépultures  une 
date  moins  reculée  que  celle  de  ces  règnes,  le  numéraire 
des  princes  restant  souvent  en  circulation  bien  des  années 
après  leur  décès.  Toutefois  ici,  la  succession  non  inter- 
rompue des  règnes  dans  les  monnaies  découvertes,  ne  rend 
pas  vraisemblable  une  époque  bien  divergente  de  celle  que 
nous  avons  indiquée. 

On  pourrait  supposer  encore  que  notre  cimetière  a  dû 
son  existence  à  une  cause  accidentelle,  qu'il  a  été  établi  à 
la  suite  d'une  catastrophe,  d'un  combat,  qu'il  a  été  alimenté 


—  S8  — 

par  une  population  de  passage,  etc.  ?  Nos  annotations  ulté- 
rieures déinontreront  que  ces  hypothèses  n'ont  pas  le  moin- 
dre fondement. 

Renaix,  le  10  octohre  I80O. 

E.   JOLY. 

Nota.  Si  nous  avons  relardé  jusqu'à  ce  jour  la  publi- 
cation de  notre  article  lumuli,  c'a  été  uniquement  dans 
rinlérét  de  nos  descriptions;  car  nous  avons  voulu  com- 
pléter, autant  que  possible,  par  de  nouvelles  fouilles,  les 
renseignements  que  nous  avions  réunis  sur  ces  curieux  mo- 
numents funéraires. 


59  —  ^ 


Jclijc  13ogaert0. 


Sans  regret  nous  rejetons  le  bouquet  iloiit 
les  fleurs  ont  perdu  leur  parfum  et  leurs 
riches  couleurs 

Ne  nous  plaignons  pas  quand,  une  à  une, 
s'évanouissent  nos  illusions;  car  Dieu  l'a  ainsi 
voulu,  afin  quau  terme  de  notre  carrière  nous 
puissions,  sans  regret  aussi,  rejeter  la  vie 
comme  un  bouquet  flétri. 

Félix  DoGiEETS,  Pensées  et  Maximes. 


La  tombe  qui  s'est  ouverte  pendant  Tannée  qui  vient  de 
s'écouler,  pour  tant  de  célébrités  scientifiques  et  littéraires, 
vient  de  s'ouvrir  encore  une  fois  pour  l'un  des  écrivains  les 
plus  distingués  que  la  Belgique  possède  et  dont  la  postérité 
gardera  le  nom  avec  reconnaissance,  pour  Félix-Glii-laume- 
iMarie  Bogaerts,  né  à  Bruxelles  le  2  juillet  1805  et  mort  à 
Anvers  le  16  mars  1851. 

Depuis  quelque  temps  la  cruelle  maladie  qui  conduisit 
le  brillant  écrivain  que  nous  pleurons,  au  tombeau,  faisait 
de  rapides  progrès.  De  jour  en  jour  il  sentait  ses  forces 
diminuer  et  il  pressentait  que  l'heure  fatale  ne  tarderait 
pas  à  sonner  pour  lui;  mais  il  l'attendait  avec  calme  et  ré- 
signation. La  lettre  qu'il  nous  écrivit  au  mois  de  décembre 
dernier,  en  donne  la  preuve  :  «  J'ai  été  retenu  à  Anvers,  y 
»  disait-il,  par  le  mal  implacable  qui  m'étreint  depuis  bien- 
»  tôt  quatre  ans,  et  qui  depuis  deux  mois  menace  de  me  briser 
»  enfin,  je  suis  condamné  à  l'inaction  la  plus  absolue  et  celte 
»  lettre  est  peut-être  la  dernière  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  vous 


—  fiO  — 

»  écrire.  Que  la  volonté  de  Dieu  s'accomplisse!  »  Soumission 
sublime  aux  décrets  de  la  Providence,  qu'un  sentiment  reli- 
gieux profondément  senti  et  une  conscience  pure,  peuvent 
seuls  inspirer!  Mais  aussi  pourquoi  aurait-il  craint  l'appro- 
che de  la  mort,  lui  qui  avait  consacré  sa  vie  et  les  talents 
dont  le  Ciel  l'avait  doué,  à  enseigner  aux  autres,  en  joignant 
l'exemple  aux  préceptes,  la  pratique  de  toutes  les  vertus 
chrétiennes!  lui  qui  eut  le  droit  d'imprimer  en  tête  de  ses 
Œuvres  :  «  Je  n'ai  jamais  écrit  une  ligne  dont  je  doive  me 
repentir.  » 

Le  peu  d'espace  que  nous  avons  à  notre  disposition  ne 
nous  permet  pas  d'analyser  d'une  manière  détaillée,  toutes 
les  productions  dont  Félix  Bogaerts  a  doté  la  littérature 
belge;  les  plus  remarquables,  après  avoir  obtenu  les  hon- 
neurs de  plusieurs  éditions,  furent  réunies  sous  le  titre 
d'OEuvREs  COMPLÈTES  cn  un  beau  volume  srand  in-S",  à  deux 
colonnes,  imprimé  à  Anvers  chez  Buschman  en  1850.  Les 
ouvrages  qu'il  renferme  sont  :  i"  Lord  Strafford,  roman 
historique  d'un  grand  intérêt,  traduit  en  flamand  eu  1846; 
2°  DvMPNE  d'Irlande,  léeende  chrétienne;  5"  El  jMaestro  bel 
CAMPO,  roman  historique  qui  obtint  un  grand  et  légitime 
succès.  L'auteur  y  dépeint  sous  les  couleurs  les  plus  som- 
bres, mais  hélas!  trop  vraies,  la  désolation  qui  régnait  à 
Gand  en  1567,  lorsque  celte  ville  avait  pour  gouverneur 
l'impitoyable  Alonzo  Llloa,  maestro  del  campo  du  farouche 
duc  d'Albe.  Ce  roman  eut  deux  traductions  anglaises  et  une 
traduction  italienne;  4"  Mère  et  martyre,  drame  chrétien 
en  deux  parties;  5"  Les  morts  sortent  quelquefois  du  tom- 
beau. Nouvelle  des  plus  attachantes,  qui  fut  traduite  en 
flamand,  en  allemand  et  en  anglais;  6°  Quelques  réflexions 
SUR  lE  Juif  errant  de  M.  Eue,  Sue.  Dans  cette  pièce  l'auteur 
signale  les  dangers  que  renferme  ce  fameux  roman,  qui  pour 
le  malheur  de  l'humanité  a  été  lu  et  relu  par  tout  le  monde, 
et  qu'il  cite  avec  raison  comme  l'une  des  œuvres  les  plus 


-  Gl    — 

iinpiulentes  qui  aient  paru  depuis  bien  des  années,  contre 
le  catholicisme;  il  aurait  pu  ajouter  :  et  contre  la  société. 
7"  Poésies;  8"  Épigram.mes;  9"  Pensées  et  Maximes,  traduites 
en  flamand;  10"  De  la  destination  des  pyramides  d'Egypte, 
à  propos  de  Vouvrage  de  M.  Fialin  de  Persigny,  $îtr  le 
même  sujet.  Dissertation  fort  remarquable  à  laquelle  ÏM.  de 
Persigny,  qui  était  loin  alors  de  prévoir  qu'il  jouerait  un 
jour  un  rôle  important  dans  la  politique  européenne,  ré- 
pondit par  une  intéressante  lettre  publiée  à  la  suite  de  la 
dissertation;  1 1"  Histoire  civile  et  religieuse  de  la  colombe, 
depuis  les  temps  les  phis  reculés  jusquà  nos  jours.  Cet 
ouvrage  est  incontestablement  un  des  meilleurs  qui  soient 
sortis  de  la  plume  de  ce  savant.  Le  poëte  Van  Duyse  en 
a  donné  l'analyse  en  quelques  vers  flamands  fort  gracieux 
que  nous  nous  emj)ressons  de  reproduire  : 

Ook  zachter  tafereelen  leven, 

0  Félix,  op  mv  zuiver  blad. 

Wat  blanke  duif  wil  nader  zweven, 

Die  't  lachend  loof  voor  u  vergat  ? 

Zij  komf,  met  vricndclijke  blikkcii, 

Uit  uwc  lianden  dagelijks  pikken 

Haci"  ongczoclitcn  morgcndisch. 

Een  stond,  gehoorzacm  haren  lustcn, 

Laet  gij  de  nijvre  veder  nisfen, 

En  niaell  dan  haer  geschiedenis  (I). 

12"  Histoire  du  culte  des  saints  en  Belgique,  envisagé 
COMME  élément  SOCIAL.  Le  titre  indique  un  travail  impor- 
tant, que  l'auteur  a  traité  avec  le  plus  grand  soin,  n'ayant 
eu  en  vue  qu'un  seul  objet  :  «  la  démonstration  d'une  action 
»  morale  féconde,  autrefois,  en  innombrables  conséquences 
»  heureuses,  c'est,  dit-il,  une  page  de  notre  histoire  civile 
»  que  nous  avons  voulu  écrire.  »  Ce  travail  est  suivi  par 
les  Litanies  historiques  des  saints  de  la  Belgique,  dans 
lesquelles  Bogaerts  a  succinctement  rappelé  les  particula- 

(I)  Gentschen  Mercurhts,  ii"  WM  (ISIil). 


—  62  — 

rites  les  plus  saillantes  de  la  biographie  des  principaux 
élus  dont  la  mémoire  est  chère  au  peuple  belge;  15°  la 
Biographie  de  Mathieu  Van  Brée,  précédée  de  quelques 
observations  sur  la  marche  de  l'art  en  Belgique,  depuis  la 
mort  de  Rubens  jusqu'à  la  réorganisation  de  l'Académie 
d'Anvers  au  commencement  du  XIX"  siècle,  termine  digne- 
ment ce  beau  volume  qui  ne  renferme  pas  toutes  les  pro- 
ductions littéraires  de  Félix  Bogaerts.  Dans  la  préface  il 
indique  lui-même  celles  qu'il  a  cru  devoir  éliminer;  les 
voici  : 

Ferdinand  Alvarez  de  Tolède  ;  drame  historique  en 
trois  actes;  joué  ou  théâtre  royal  de  Bruxelles,  en  1834. 

Biographies  de  Quinten  Metsvs,  dans  les  Belges  illustres; 
—  de  Pu.  ^^  ouwermans,  dans  les  Scènes  de  la  vie  des  pein- 
tres; —  de  P.  Van  Regemorter,  dans  le  Messager  des  Scien- 
ces et  des  Arts  de  la  Belgique  (i),  qui  comptait  encore  à  la 
mort  de  ce  peintre,  Félix  Bogaerts  au  nombre  de  ses  colla- 
borateurs; —  de  Wynand  Nlyen,  artiste  dont  la  mort  préma- 
turée enleva ,  selon  l'opinion  de  Bogaerts,  à  l'école  hollan- 
daise son  plus  vigoureux  champion. 

Bataille  de  Nieiport;  Anvers,  184.4. 

Le  bon  vieux  temps  en  Belgique.  «  Ce  petit  livre  est  écrit 
»  en  flamand,  ce  qui,  à  mon  grand  regret,  »  dit  l'auteur, 
«  me  force  de  l'exclure  de  la  collection.  Je  l'aime  de  tout 
»  cœur,  l'ayant  rédigé  sous  la  dictée,  pour  ainsi  dire,  d'une 
»  douzaine  de  vieillards,  derniers  et  vénérables  débris  du 
«siècle  passé,  et  qui  tous  ont  disparu  aujourd'hui.  »  Il 
nous  parait  que  parceque  ce  livre  est  écrit  en  flamand,  il 
ne  fallait  pas  l'exclure  de  la  collection.  Une  pièce  flamande 
élégamment  écrite,  dont  le  sujet  inspire  un  grand  intérêt, 
n'aurait  certainement  pas  vicié  dans  les  Œuvres  complètes 
d'un  écrivain  qui  était  fier  de  sa  langue  maternelle  qui  lui 

(l)Tome  VII  (18.15),  p.  021. 


—  63  — 

(levait  quelques  productions  d'un  mérité  réel.  Xous  regret- 
tons que  Félix  Bogaerts  ait  eu  le  triste  courage  d'imiter 
à  l'égard  de  cet  enfant  qu'il  chérissait  tant,  la  sévérité  des 
Junius  Brutus  et  des  Manlius  Torqualus. 

Dans  la  revue  que  nous  venons  de  passer,  nous  n'avons 
cité  que  les  principaux  ouvrages  que  le  savant  auteur  de 
VHistoire  de  la  Colombe  a  légués  à  la  postérité,  sans  nous 
arrêter  à  ceux  qu'il  qualifie  lui-même  «  de  petite  monnaie 
»  dont  on  est  toujours  prodigue,  parce  que  la  facilité  avec 
»  laquelle  on  la  répand ,  égale  celle  avec  laquelle  on 
»  l'acquiert.  »  Cependant  si  toute  cette  petite  monnaie  com- 
posée d'articles  en  tous  genres,  de  comptes-rendus,  de  no- 
lices  diverses,  etc.,  était  réunie,  on  trouverait  assez  de 
matière  pour  ajouter  un  second  volume  aux  OEuvres  com- 
plètes de  ce  laborieux  écrivain,  qui  croyait  pouvoir  renon- 
cer au  travail  parce  qu'il  avait  acquis  le  droit  de  se  reposer; 
mais  cette  résolution  prise  sans  doute  dans  un  de  ces  mo- 
ments d'abattement,  que  la  maladie  avait  rendu  plus  fré- 
quents, fut  bientôt  oubliée  et  pendant  le  courant  de  1850, 

ricO.NOGRAPHIE  CHRÉTIENNE  DE  BELGIQUE  et  I'ElOGE  HISTORIQUE 
DE  L0L'ISE-->I.\R1E,   LA    BIEN-AIMÉE  ReINE  DES    BeLGES,   virCUt  Ic 

jour. 

Si  à  tous  ces  travaux  on  ajoute  les  occupations  forcées 
et  journalières  que  lui  donnaient  ses  fonctions  de  professeur 
d'histoire  et  de  géographie  à  l'Athenée  d'Anvers,  et  celles 
de  secrétaire-perpétuel  de  l'Académie  d'archéologie  de  Bel- 
gique, dont  il  était  un  des  fondateurs;  on  devra  reconnaître 
que  bien  peu  de  savants  sont  doués  d'une  activité  aussi 
soutenue. 

Comme  écrivain,  Félix  Bogaerts  sera  toujours  compté 
parmi  les  meilleurs  que  la  Belgique  ait  produit.  Style  cor- 
rect, gracieux  et  concis,  phrase  élégante  sans  jamais  paraître 
forcée,  choix  heureux  d'images  pittoresques  et  originales; 
voila  les  qualités  que  l'on  rencontre  dans  la  plupart  de  ses 


—  64  — 

écrits.  Enfin,  sans  vouloir  établir  un  parallèle  entre  Bo- 
gaerts  et  le  célèbre  baron  de  Reiffenberg,  nous  croyons 
qu'on  pourrait  dire  de  lui  ce  que  le  poêle  Mathieu  disait  de 
ce  savant  polygraphe  : 

Pittoresque  en  son  style,  élégant  et  divers, 
Actif,  infatigable,  à  sa  verve  facile 
Tout  sujet  s'est  montré  complaisant  et  docile; 
Prose,  vers,  tout  pour  lui  finit  à  force  d'art 
Par  se  faire  en  jouant  et  comme  par  hasard. 

Félix  Bogaerts  était  membre  correspondant  de  l'Aca- 
démie royale  des  Sciences,  Lettres  et  Beaux-Arts  de  Bel- 
gique et  d'un  grand  nombre  de  compagnies  savantes.  Peu 
de  temps  avant  sa  mort,  Sa  Majesté  le  roi  des  Pays-Bas 
i'avait  nommé  chevalier  de  l'ordre  de  la  couronne  de  Chêne. 

Ph.  Kervyn  de  Volkaersbeke. 


65   — 


Ces  passe-temps 


De  nos  jours,  ranliquaire  ne  s'occupe  plus  exclusive- 
ment, comme  ou  le  faisait  autrefois,  de  Tarchéologie 
ancienne.  Appliquant  à  l'étude  des  antiquités  du  moyen 
âge  cet  esprit  d'investigation  dont  on  n'avait  usé  jusqu'ici 
que  pour  arriver  à  connaître  la  manière  de  vivre  des  Grecs 
et  des  Romains,  il  veut  aussi  savoir  quelles  étaient  les 
mœurs  et  les  usages  de  nos  ancêtres.  A  mon  avis,  il  a  rai- 
son, car  le  sujet  est  tout  aussi  digne  d'étude  et  nous  louche 
d'ailleurs  de  plus  près. 

Pour  parvenir  à  cette  connaissance,  ce  n'est  pas  à  nos 
historiens,  à  nos  chroniqueurs  qu'il  faut  recourir;  c'est 
surtout  aux  comptes  des  souverains  et  des  communautés, 
aux  transactions  entre  particuliers,  aux  œuvres  liKéraires, 
en  un  mot,  à  tous  les  actes  contemporains,  de  quelque  na- 
ture qu'ils  soient;  car  on  doit  avant  tout  se  pénétrer  de  cette 
vérité,  qu'il  n'existe  peut-être  pas  un  bout  de  parchemin  ou 
de  papier  écrit  qui  ne  contienne  au  moins  quelque  rensei- 
gnement utile. 

Parmi  les  documents  que  j'ai  dû  consulter  pendant  ces 
dernières  années,  il  n'en  est  aucun  qui  m'ait  offert  autant 
de  détails  de  ce  genre  que  les  Registres  mix  Transports  de 
la  haute  cour  de  Namur,  précieuse  collection  qui  a  été  clas- 
sée dans  la  seconde  moitié  du  siècle  dernier,  et  qui  s'étend 
de  1530  à  1794.  C'est  là  une  mine  des  plus  fécondes,  sur- 
tout en  ce  qui  concerne  le  XV*=  siècle. 

s 


—  66  — 

Jelian  Taillcfier,  dit  Flerus,  occupait  alors  V office  de  la 
dergie  de  Nmmir,  en  (rautres  termes,  il  était  le  greffier  de 
l'échevinage,  et  il  remplit  ces  fonctions  pendant  la  plus 
grande  partie  de  ce  siècle. 

Durant  celte  longue  carrière,  carrière  respectée,  car  le 
clerc  de  la  cour  était  un  savant  au  regard  de  nos  éche- 
vins,  mi-magistrals,  mi-guerriers,  on  dirait  que  Taille- 
fier  s'est  attaché  à  nous  conserver  mille  détails  que  l'on 
chercherait  vainement  ailleurs.  Je  ne  parle  pas  ici  des 
curieux  renseignements  sur  l'ancien  droit  civil  et  criminel 
contenus  dans  les  œuvres  de  loi,  car  ils  sont  communs  à 
toutes  les  collections  de  cette  espèce;  mais  seulement  des 
documents  lout-à-fait  étrangers  à  la  justice.  Sous  ce  dernier 
rapport,  rien  de  plus  curieux  que  ces  embrievures  et  papiers 
de  la  dergie,  où,  par  ses  notes  jetées  au  hasard,  Taillefier 
nous  initie  aux  détails  les  plus  intimes  de  la  vie  privée  de 
nos  pères.  Il  ne  s'est  point  contenté  de  garnir  les  gardes  de 
ses  registres  (i)  de  comptes  de  nourrices,  de  prix  de  diners, 
d'énigmes,  de  chronogrammes,  etc.,  il  en  a  semé  l'intérieur 
des  volumes  chaque  fois  que  quelques  pouces  de  papier  blanc 
restaient  disponibles. 

Le  lecteur  en  jugera  par  les  extraits  que  je  vais  mettre 
sous  ses  yeux. 

Vient  d'abord  un  Remède  pour  V épidémie,  scorbut  et 
esquinancie,  remède  assez  ancien,  car,  à  en  juger  par  l'âge 
du  volume,  il  n'est  guères  postérieur  à  1550.  J'en  livre 
l'appréciation  à  nos  modernes  Esculapes,  plus  aptes  que 
moi  à  juger  de  son  efficacité. 

«  Remède  pour  escuer  [éviter)  l'impédimie.  Premiers,  que 
»  on  se  warde  del  alaine  des  malades  et  maiement  (surtout) 

(1)  Ces  embrievures  formaient  en  général  des  cahiers  assez  minces.  Le  gref- 
fier du  Magistral  qui  fil  relier  cette  collection  au  siècle  dernier,  a  eu  soin  de 
conserver  dans  rinlérieur  des  volumes  actuels,  les  couvertures  et  les  gardes 
(les  anciens  registres. 


—  67  — 

»  en  l'eure  qu'il  murent;  et  se  j)rendeis  un  lingne  drap 
»  ploiiet  en  5  ou  en  4  et  le  moilliez  bien  en  fort  vain  aigre 
»  fait  de  vingne  et  pius  (puis)  le  teneis  à  vostre  bouée,  à 
»  vous  (vos)  narines  pour  Talaine  des  malades  et  pour  le 
»  malvaix  aire,  et  se  useiz  une  fie  le  quinzaine  de  Tbyriaca 
»  magna  en  teille  manière  :  prendeis  à  chouchier  (coucher) 
»  dou  tbiriake  graut  ossi  gros  que  d'une  petite  noisette  de 
»  bos  et  le  destrenpeis  bien  avec  un  voire  (verre)  de  blanc 
»  vin  et  le  laissiez  jusquez  à  matin  en  teil  point.  Et  pius  le 
»  prendeis  tôt  à  en  jung  cuer  (à  jeun).  îtem  prendeis  le  roelle 
»  d'un  oignon  à  concilier  et  le  meteis  tenpreir  (tremper)  en 
»  fort  vin  aigre  ut  supra,  et  à  matin  le  maingiez  à  en  jeun 

»  cuer  et  se  ne  beveis  nient et  ce  fereiz  2  fiies  (fois)  le 

»  sapmainne.  Item,  une  fie  le  sabmainne  vous  prendereis 
»  III  noisettes  avelainez  condist  lombarde  et  9  foillez  (feuil- 
»  les)  de  ruwe  à  en  jeun  cuer.  —  Item,  quant  on  sent  le 
»  bocbe  on  ne  doit  point  dormir,  car  il  y  est  trop  contraire. 
»  Et  se  on  le  sent  ou  batrial  (au  cou)  ou  en  l'aisselle,  ou 
»  doit  bien  fort  loiier  le  petit  doit  à  ce  cosleit  d'un  boin  fort 
»  nalier  tant  con  y  sente  grande  angoisse,  et  pius  lui  saignier 
»  ou  bracb  (au  bras)  à  le  vainc  commune  quant  on  voit  que 
»  li  maladie  est  avalée  (retirée)  vers  l'angoisse  dou  doit.  Et 
»  se  on  l'at  en  l'aine,  on  doit  bien  fort  loyer  le  cbeville  ensi 
»  que  deseure  est  dit.  Et  quant  li  maladie  est  avalée  on  le 
»  doit  saignier  desous  le  cbeville.  Et  se  on  puet  avoir  d'une 
»  erbe  con  appelle  flamula  qui  at  petites  foi  lies  rondes  et 
»  une  bocbetle  en  le  racbine,  se  le  loyés  en  lieu  dou  narlier 
»  ou  moignon  dou  bracb  se  li  maladie  est  desous  l'aisselle, 
»  et  le  saingniez  quant  li  maladie  est  traite  devers  l'ierbe. 
»  Et  ensi  quant  il  est  en  l'ainne,  loiiez  l'ierbe  sur  le  cbe- 
»  ville  et  pius  se  le  saingniez  se  li  maladie  s'est  traisse 
A  ou  avalée  vers  l'erbe  eus  es  cbevillez  dou  piet.  —  Item 
>'  pour  taiche  (tache)  condist  Jeuwial  Aostrc  Danme  (Joi/au 
»  Notre-Da)ne)f  prendeis  plantin  et  le  broiiés  bien  en  un 


—  68  — 

»  morlior  Et  prcndeiz  1  lingne  drap  et  le  moilliez  bien  ou 
»  jus  dou  planlin,  et  le  ploiies  en  3  ou  en  4  et  le  nietcis  sur 
»  le  mal  et  a  fait  que  li  draps  resuwe  (sèche),  sel  rmoilliez 
«encor  et  le  renieteiz  sus  tant  de  fiies  qu'il  soitwaris((7«én). 
»  —  Item  al  skinanssie  qui  tient  ou  hatrial,  on  doit  bien  fort 
»  loiier  les  2  petis  dois  des  mains  et  les  2  petis  arles  {orteils) 
»  des  piez  cascun  d'un  narlier,  car  li  sanc  se  trait  todis  a 
»  le  partie  blechié  (i).  » 

A  propos  de  remède,  j'en  citerais  bien  un  autre  contre  la 
peste;  malbeureusement  il  est  par  trop  long  et  je  craindrais 
d'abuser  de  la  patience  du  lecteur.  Je  me  contenterai  donc 
d'en  insérer  ici  le  préambule;  on  y  voit  assez  bien  ce  que 
c'était  que  cette  maladie  contagieuse  qui  fît  tant  de  ravages 
à  Namur,  principalement  dans  la  seconde  moitié  du  XVI* 
siècle  : 

«  Remède  pour  guérir  de  la  peste.  —  La  maladie  conta- 
»  gieuse  survient  à  l'home  de  deux  sortes.  L'une  d'une  froi- 
»  dure  avecque  tremblement  de  tout  le  corps  suivye  d'une 
»  heure  et  demye  d'une  si  grande  douleur  de  reins  que  il 
»  est  impossible  de  l'endurer,  laquelle  ayant  duré  environ 
»  deux  heures,  il  survient  des  apostumes,  gayettes,  enflures 
»  et  charbons  pcstilentieux  allenlliour  des  bras  et  du  col, 
»  lesquelles  appercepvant  l'on  asseure  que  c'est  la  peste.  » 

«  L'autre  sorte  survient  avecque  une  grande  chaleure  et 
»  inflammation  de  tout  le  corps,  suivy  d'ung  quart  d'heure 
»  d'une  sy  grande  paine  et  douleur  de  teste  que  il  est  im- 
»  possible  de  l'endurer,  laquelle  paine  ayant  deuré  environ 
»  ung  demy  jour,  il  survient  des  apostumes,  enflures,  gayet- 
»  tes  et  charbons  pcstilentieux  allenthour  des  partyes  hon- 

(I)  Ceci  me  rappelle  la  recette  suivante  que  je  trouve  clans  un  manuscrit 
(lu  siècle  dernier  :  «  Rcnùde  pour  la  jaunisse  :  il  faut  cuire  un  œuf  dur  dans 
»  l'urine  du  malade,  et  le  percer  aux  deux  bouts,  et  le  mettre  dans  une  motte 
»  de  fourmis.  Le  malade  guérira  ù  proportion  que  les  fourmis  mangeront 
»  Tceuf.  )) 


—  69  ~ 

»  icuses,  lesquelles  appcrcevant,  il  fault  cstrc  asscuré  que 
»  c  est  la  peste.  » 

«  Laquelle  peste  se  cause  et  procède  de  cincque  raisons: 
»  assavoir  d'une  indisposition  de  touts  les  corps  des  homes; 
»  2'^  d'une  appréhension;  3"^  d'une  horreur  et  crainte,  assca- 
»  voir  quand  quelqung  entre  dedans  une  maison  pensant 
»  estre  nette  et  est  infestée,  d'où  le  sang  se  vient  à  altérer; 
»  4*=  par  la  conversation  des  hommes  infestez;  l)"  avecque 
»  perception  d'ung  mauvais  air  par  lequel  l'homme  vient  à 
»  estre  infesté  et  prend  la  peste.  » 

Mais  laissons  là  cette  terrihle  maladie  et  venons  à  des 
choses  plus  gaies.  Voici  d'ahord  un  hillet  adressé  par  notre 
comte  Guillaume  I  à  un  de  ses  conseillers;  il  est  fort  court 
et  je  le  donne  ici  comme  spécimen  de  l'art  épistolaire,  au 
XIV'=  siècle  : 

«  Le  conte  de  Namur,  seigneur  de  l'Escluze. 

»  Cher  et  bien  amei  feaul;  nous  vous  prions  bien  aiïec- 
»  tueusement  que  vous  soiez  demain,  à  vespre,  deleis  nous 
»  à  Namur,  pour  avoir  voslre  boin  consel  et  avis  lendemain 
»  sus  certainez  causes  à  nous  très  durement  touchans.  Et 
»  de  ce  ne  nous  voilliez  nullement  falir.  Messire  vous  gart. 
»  Escript  en  nostre  casteal  de  Namur,  ce  joedi  i"  jour  de 
»  feverier.  » 

En  qualité  de  greffier,  de  savant  comme  je  l'ai  dit  tantôt, 
Taillefier  était  le  bras  droit  des  échevins.  C'était  à  lui  que 
l'on  avait  recours  d'ordinaire  pour  les  opérations  plus  ou 
moins  mathématiques,  et  pour  ce  que  je  serais  assez  tenté 
d'appeler  les  détails  du  ménage  de  la  cour  échevinale.  C'est 
ainsi  par  exemple  qu'il  nous  a  conservé  le  menu  d'un  diner 
qui  fut  offert  par  l'échevinage  à  Philippe  Mangart,  un  des 
conseillers  de  Philippe-le-Bon.  Ce  repas,  qui  eut  lieu  à 
riiùlel-de-ville  vers  1428,  nous  donne  une  idée  des  ban- 
quets par  lesquels  nos  anciens  magistrats  terminaient  tou- 
jours les  affaires  les  plus  épineuses  : 


—  70  — 

«  Despcns  fais  en  Kabaret  (i)  le  mardi  2o*^  jour  d'avrilh 
»  que  maieurs  et  eskevins  donarent  à  disner  maistre  Plii- 
»  lippe  Mangart. 

»  Premiers,  au  pain 13  heaumes. 

»  Oez  (œufs) 5      id. 

»  Buire  (beurre) 5       id. 

»  Fromage 4       id. 

»  Vin  aigre 5       id. 

»  Pommez 2      id. 

»  2  dozaines  de  haiUrichez 6       id. 

»  Peisson  que  le  maieur  achatat 40       id. 

»  Encores  peisson  que  Gillekin  achatat.  .  50       id. 

»  Gravacez  (écrevisses) 12       id. 

»  I  pot  de  petit  vin  de 3  1/2  id. 

»  22  quartes  de  blan  vin,  à  4  heaumes  1/2 

le  quarte 99       id. 

»  Hostel  et  cuisine 12      id. 

»  Montent  ces  parties,  3  griffons  56  1/2  heaumes.  » 

Pour  un  banquet  officiel,  le  diuer  est  assez  frugal,  me 
semble-t-il.  Que  penser  après  cela  de  cet  injuste  surnom 
de  la  Gloutte  dont  on  a  baptisé,  depuis  si  longtemps,  la 
bonne  ville  de  Namur?  A  en  juger  par  le  menu,  c'était  un 
jour  maigre;  aussi  y  voyons-nous  apparaître  les  écrevisses, 
ce  poisson  qui  de  nos  jours  figure  si  souvent  sur  les  tables 
namuroises. 

Bien  que  j'aie  rencontré  fréquemment  le  mot  hantriche 
ou  hautrkhe,  je  dois  avouer  que  sa  signification  m'est  in- 
connue. Si  je  parviens  quelque  jour  à  la  découvrir,  le  lec- 
teur peut  être  certain  que  je  lui  en  ferai  part.  En  attendant, 
admettons  que  ce  sont  des  espèces  de  pâtés,  peut-être  même 
des  crènés  ou  des  gazettes. 

Taillefier  ne  se  borne  pas  à  enregistrer  les  dépenses  de 

(1)  Nom  donné  à  rHôtel-dt-vllk-. 


—  71   — 

la  coui-,  il  mentionne  aussi  celles  qui  lui  sonl  lout-à-1'ait 
propres.  Ainsi  par  le  marché  conclu  entre  lui  et  son  clerc, 
Mathieu  le  Blond,  on  voit  que  ce  dernier  devait  être  salarié 
«  raisonnahlement  chaque  fois  que  son  maitre  en  auroit 
»  besoin,  »  et  qu'il  recevait  3  heaumes  pour  chaque  acte 
rédigé.  Quelques  années  plus  tard,  Taillefier  changea  son 
système  bureaucratique  :  son  clerc  Lorchon  Clichet  eut  un 
salaire  fixe,  savoir  :  une  robe  chaque  année,  et  un  clinkar 
par  mois. 

A  tout  prendre,  ces  notes  se  comprennent  encore  dans 
un  volume  d'œuvres  de  loi;  mais  celles  qui  suivent  sont  tout- 
à-fait  des  détails  de  ménage.  Il  nous  apprend,  par  exemple, 
que  les  gages  de  sa  meskine  Ysabillou  montaient  par  an  à 
trois  griffons  et  que  la  nourrice  d'un  de  ses  enfants  rece- 
vait annuellement  seize  moutons  de  Brabant.  Après  nous 
avoir  donné  ce  renseignement,  il  note  quelque  part  :  «  Mé- 
»  more  que  je  Taillefer  ay  payé  à  cause  de  la  nourrechon 
»  Catherinelte  (i)  ma  fille,  un  clinckar.  Mémore  que  ledit 
»  enfant  fut  osté  et  repris  de  la  nouriche,  au  debout  de  deux 
»  mois.  Ledit  enfant  est  mort,  ajoute-t-il;  Dieu  en  ait  Tàme!  » 

Comme  on  le  voit,  c'était  un  homme  d'ordre  que  Taille- 
fier.  C'était  aussi  un  cœur  sensible,  qui  se  montre  à  nu 
dans  le  récit  suivant  où  il  est  question  d'un  pèlerinage  qu'il 
fit  à  S'-Jacqucs  en  Galice,  l'an  1454. 

«  Quant  Taillefier  se  partit  de  Namur  pour  aller  à  S'- 
»  Jaqueme,  Diex  le  conduist  !  L'an  54,  le  joesdi  IS*^  jour 
»  de  JMarce  après  ce  que  Taillefier  eut  oyut  messe  ce  jour 
»  en  le  chapelle  de  l'ospital  S'-Jaqueme  séant  dehors  le 
»  porte  Saienial  à  Namur,  ledit  Taillefier  huchat  Noël  son 
»  père,  Willame  Wilpont  son  oncle,  Willame-sens-manièrc 
»  et  Simoney  Franke,  tous  là  présens,  et  dist  que  partant 


(1)  N'est-ce  pas  ilominage  de  voir  se  perdre  tous  ces  jolis  diminutifs  :  Ysa- 
billou, Calherinellc  el  tant  d'autres! 


—  72   — 

»  que  on  savoit  bien  del  aller  et  qu'on  ne  sceit  do  revenir, 
»  il  voloit  et  ordinoit  par  manière  de  testament  que  se 
»  IVostre-Seigneur  Dieu  fezoit  sez  volentés  de  li  que  tôt  chu 
»  qu'il  avoit,  tant  d'iretages  comme  de  vestements,  meisme 
»  le  parchon  de  Johennin  son  frère  qui  estoit  hors  do  pays, 
»  s'il  ne  revenoie  et  il  fuist  trespasseit,  et  de  tous  lesquels 
»  hiretages  il  dissoit  yestre  advesli,  fuist  adit  Noël  son  père, 
»  auquel  Noël  si  lez  donnoit  pour  en  disposer  et  ordenner 
»  tôt  à  sa  bonne  voUenté  s'il  ledit  Taillefier  ne  revenoit, 
»  comme  dit  est.  Et  de  ceste  ordinance  ledit  Taillefier 
»  meisme  en  trayt  lez  dessusdis  par  lui  appeliez  à  tes- 
»  moins.  » 

Après  avoir  fait  celte  espèce  de  testament  in  procinchi, 
notre  greffier  se  partit  pour  son  long  voyage.  Il  en  revint, 
heureusement  pour  nous,  et  quelques  années  plus  tard  il 
inscrivait  dans  ses  embrieviires  ces  naïves  paroles  qui  achè- 
vent de  le  peindre  : 

«  In  nomine  Domini,  amen.  Le  merquedy  15"  jour  de 
»  février  (l'an  1447  primo  die  de  luna),  Lambillon  filz  légi- 
»  time  de  feu  Noël  de  Freruix,  cui  Dieu  pardoint,  se  party 
»  de  la  maison  Taillefer  de  Fleruix  son  frère,  où  il  avoit 
»  demouré  despuis  le  trespas  de  son  dit  père,  c'est  assavoir 
»  le  terme  de  9  ans  ou  environ,  et  pour  s'en  aler  demourer 
»  en  la  ville  de  Bruges  et  illec  aprendre  et  proufîter  du 
»  mieulx  qu'il  pourra.  Nostre-Seigneur  Dieu,  par  sa  sainte 
»  et  digne  grâce,  le  veuille  conduire  et  préserver  et  garder 
»  de  mal  et  de  tous  périls.  Amen,  amen,  amen  !  » 

En  vérité,  je  ne  connais  rien  de  plus  touchant  que  ce 
souhait  fraternel  jeté  enire  deux  œuvres  de  loi. 

Cette  singulière  manie  de  notre  greffier,  de  faire  du  re- 
gistre de  la  cour  une  espèce  d'agenda,  nous  a  valu  la  con- 
servation de  pièces  d'une  haute  importance  pour  l'histoire 
de  la  ville  de  Namur;  je  veux  parler  des  criées  du  peron 
ou  édits  de  l'échevinage  publiés  au  XV''  siècle.  Ces  criées, 


—  73  — 

dont  j'ai  formé  un  recueil  que  je  compte  bien  livrer  quel- 
que jour  à  la  publicité,  sont  assez  nombreuses;  je  me  con- 
tenterai d'en  citer  deux  comme  spécimens.  Il  faut  savoir 
qu'en  qualité  de  greffier,  c'était  à  Taillefier  que  revenait 
l'honneur  de  crier  ces  édits.  On  se  rendait  d'abord  sur  les 
degrés  du  Perron,  puis  sur  les  diverses  places  publiques; 
un  sergent  sonnait  de  la  trompe,  le  greffier  tirait  sa  cédule 
et  la  débitait  au  peuple  en  présence  de  quelques  écbevins. 

«  Une  criéie  délie  naissence  do  premier  fil  Monseigneur 
»  de  Borgogne,  conte  de  Namur.  —  L'an  1431  le  mardi  se- 
»  cond  jour  de  janvier,  fut  crieit  et  publieit  en  pluisseurs 
»  lieux  aval  le  ville  de  Namur,  dele  ordinance  et  du  com- 
»  mandement  le  grant  bailli  de  Namur,  maistre  Garin  qui 
»  estoit  chi  devant  venut  pour  oyr  les  compte  dez  ofticiers 
»  et  le  receveur  général,  lez  gens  dez  trois  engliezes  Nostre- 
»  Dame,  S'-Albain  et  S'-Piere,  le  contenu  d'une  cédulle  chi 
»  après  escripte,  aie  trompette  sonante,  dele  quelle  le  teneur 
»  s'enssuit  et  est  telle  :  On  vous  fait  assavoir  que  pour  les 
»  très  bonnez  et  joieuses  novellez  qui  sont  sorvenuez  que 
»  nostre  très  redobtée  damme  madamme  la  duchesse  deBor- 
»  gogne,  contesse  de  Namur,  est  acouchié  d'un  beau  fli,  on 
»  a  appointié  faire  feste  et  cesser  de  toutes  oeuvres,  faire 
»  feux  au  vespre  et  bonne  chière,  et  demain  procession  et 
»  messe  solempnelle  aux  frères  meneurs  (i).  » 

L'autre  édit  qui  date  de  14H  n'est  pas  moins  curieux, 
puisqu'il  fait  mention  du  jeu  de  l'échasse,  ce  divertissement 
namurois  par  excellence  : 

«  Oiiez,  oiiez,  que  on  vous  fait  assavoir,  de  par  nostre 
»  tres-redobteit  seingneur  monseingneur  le  conte,  se  maieur 
»  et  ses  eskievins  de  Namur,  que  ne  soit  nuls  qui  voise  ne 
»  monte  sur  escache,  ne  pour  escachier  ne  pour  jostcir,  si 


(I)  Il  s'agit  ici  d'Antoine,  né  le  30  décembre  1430  et  morl  le  31  seplem- 
brc  1451. 


—  74  — 

»  hait  que  sur  l'amende  à  l'enseignement  d'eskevin  et  les 
»  escachez  perduez.  Criet  le  8'=  jour  de  décembre  au  Perron 
»  à  S'-Remi,  présens  Massart  Colle,  Michart  et  Jamar  es- 
»  Revins.  » 

Avant  d'eu  finir  avec  la  prose,  il  faut  que  j'insère  ici  une 
lugubre  prophétie  que  je  ne  me  chargerai  certes  point  d'in- 
terpréter : 

«  En  l'an  mil  IIIP  et....  isteront  hors  d'une  prison 
»  obscure  ceux  qui  feront  renier  le  nom  de  Dieu  et  seront 
»  démenez  par  les  IIII  eslemens  jusques  ad  ce  quil  s'esmou- 
»  vera  ung  esperit  qui  aura  le  bouche  d'os  et  le  barbe  de 
»  char,  qui  fera  I  si  hault  cry.  Auquel  cry  s'esveillera  ung 
»  homme  qui  fera  parler  les  corps  sans  âmes.  Et  alors  s'es- 
»  veilleront  grant  multitude  de  gens  vestus  de  blanc  et 
»  affublez  de  bestes  mortes,  lesquelx  entreront  ou  ventre 
»  leur  mère,  et  de  là  ne  se  partiront  jusques  ad  ce  que  les 
»  enffans  auront  mengié  leur  père.  » 

Mais  j'ai  hâte  d'en  venir  à  la  poésie.  Et  tout  d'abord  je 
dois  prévenir  le  lecteur  que  je  n'entends  point  donner  tout 
ce  qui  va  suivre  comme  inconnu,  inédit.  Quant  à  moi,  je 
ne  l'ai  vu  nulle  part,  ce  qui,  après  tout,  ne  prouve  pas 
grand'chose. 

Voici  d'abord  venir  une  sentence  dont  personne,  au  temps 
présent,  ne  contestera  la  justesse.  Chacun  sait  en  effet  que 
dans  notre  siècle  éminemment  progressif,  libéral  et  démo- 
cratique, la  richesse  et  la  noblesse  ne  sont  comptées  pour 
rien,  et  qu'avec  de  la  science  on  parvient  à  tout  : 

«  Qui  tous  les  sens  de  ce  monde  saroit 

»  Ou  temps  présent  et  point  d'argent  n'aroit, 

»  Et  fuist  sage  comme  fu  saint  Poul, 

»  Qui  n'a  riens  on  le  tient  pour  foui.  » 

Si  ces  vers  sont  deTaillefîer,  on  avouera  qu'ils  ne  sont 
pas  trop  mauvais,  ni  pour  le  fond,  ni  pour  la  forme.  Il  en 
est  de  même  des  suivants  qui  sont  admirablement  bien 
placés  en  tète  d'un  registre  d'actes  judiciaires  : 


—  75  — 

«  Boin  juge  ne  doit  yeslre  niée, 
»  Ossi  bien  au  povre  que  ù  riche, 
»  De  faire  loy  apertcnicnt; 
Il  Raison  nel  vut-lt  autrement.  » 

'  Taillefîer  n'est  pas  le  seul  greftîer  qui  se  soit  amusé  à 
inscrire  des  vers  dans  un  registre  aux  transports;  en  voici 
quatre  qui  appartiennent  au  XVU''  siècle  : 

«  Je  fis  une  maistresse  ung  jour  par  fantasie; 
»  Elle  est  belle  et  gaijard,  chacun  en  at  envye. 
»  Fy,  fy  aux  amoureux  à  quy  le  cœur  varie, 
»  Jamais  fidel  amour  ne  fut  sans  jalousie  !  » 

Ce  quatrain  est  signé  comme  suit  :  «J'endure  par  l'amour, 
»  Ernest Zoude,  Namurois,  clercq  du  greiîe  de  la  liaulte  court 
»de  Namur,  eagé  de  XXI  ans  en  l'an  1652.  » 

Voici  enûn  quelques  proverbes  que  j'extrais  d'un  volume 
d'actes  judiciaires  de  la  cour  de  Vitrival  (XVII*  siècle); 
plusieurs  se  trouvent,  avec  de  légères  variantes,  dans  le 
recueil  de  M.  Leroux  de  Lincy  : 

Contentement  passe  richesse; 
Vive  Warnier  et  sa  maistresse 

J'aime  rarement. 
Mais  parfaitement. 

Bienheureux  qui  a  femme  sage  : 
Car  c'est  l'ornement  du  mesnage. 

Homme  de  paille  vaut  femme  d'or. 

Avant  de  cosnoistre  unsç  ami 
Manger  il  faut  muid  de  sel  avecq  luy. 

Beauté  et  chasteté. 
Sagesse  et  richesse. 
Jeunesse  et  continence, 
Vieillesse  et  point  de  maladie, 
Vont  rarement  de  compaignic. 

L'amour  et  seigneurie 

>'e  veuillent  point  de  compagnie. 


—  76  — 

Comme  on  le  \^it,  toujours  ramour.  Ces  greffiers  de- 
vaient être  de  liers  gaillards. 

Parfois  le  bon  Tailleiier  s'égaie  et  se  livre  à  Tépigramme. 
Il  en  est  une  que  je  me  garderai  bien  de  traduire  par  respect 
pour  les  dames,  et  le  lecteur  chaste  me  permettra  de  Tinsé- 
rer  ici  comme  simple  étude  de  mœurs. 

«  Gallus  gallinis  ter  quinque  suffîcit  unus; 

»  Sed  ter  quinque  viri  nou  sulïiciunt  niulieri.  » 

Il  me  semble  avoir  lu  quelque  part  cette  méchante  épi- 
gramme.  Je  préfère  la  suivante;  malheureusement  récriture 
est  si  détestable  que  la  fin  m'est  restée  inintelligible,  malgré 
tous  les  efforts  que  j'aie  faits  pour  la  comprendre  : 

«  Nota.  » 
«  Les  seiugneurs  mengcnt  les  povrez  gens, 
»  Les  lombars  mengent  lez  scingneurs, 
»  Les  belles  femmes  mengent  les  lombars, 
»  Les  boins  compaingnons  mengent  les  bêliez  fcmmez, 
»  Les  hostelains  mengent  les  boins  compaingnons, 
»  Li  conuchieurs  mengent  les  hostelains, 
»  Li  puieuz  mengent  les  conuchieurs 
»  Et  li  *A((i'e  mengent  les  pius; 
»  Ensi  passons-nous  tous  par  le  cul  de  skuve.  » 

Notre  greffier  ne  dédaigne  aucun  genre  :  après  l'épi- 
gramme  vient  l'énigme.  En  voici  une  qu'il  propose  au 
lecteur  et  que  celui-ci  a  déjà,  peut-être,  entendue  : 

«  Hic  est,  hic  non  est,  hic  jam  fuit,  hic  modo  non  est, 
»  Est  quod  sit  et  iterum  dici  non  potest.  » 

Voici  maintenant  ce  qu'on  appelait  alors  uwdictum: 

«  An  rexit  rex  scit  rex  sit  Karolum  prcpe  rexit, 
»  Tune  dux  it  dux  scit  dux  sit  est  beneduxit.  » 

La  date  du  volume  dans  lequel  elle  se  trouve  placée,  me 
fait  croire  que  l'énigme  suivante  fait  allusion  à  la  prise  de 
Luxembourg  par  le  duc  de  Bourgogne,  le  22  novembre  144-3; 
mais  je  ne  comprends  pas  la  pensée  de  l'auteur.  Un  autre 
sera  sans  doute  plus  habile  que  moi  : 


—    Il    — - 

«  Muses  en  un  cul  par  IX  fois, 

»  Boules  y  V  fois  tous  vos  dois, 

»  Rosics  eut  I,  c'est  la  devise 

»  De  Tan  que  Luxembourg  fu  prinse.  » 

Notez  que  ces  vers  fort  singuliers  sont  immédiatement 
précédés  de  cette  courte  prière  : 

«  G  bona  erux,  digna  lignum  super  oninia  ligua 
»  Me  rege,  me  signa,  servans  de  morte  maligna.  » 

Après  l'énigme,  viennent  les  pronostics  : 

«  Clara  dies  Pauli 

»  Multos  fructus  dénotant  anni 

»  Si  fuerint  ncbule 

»  Perient  animalia  quœcunque  (?) 

»  Si  fuerint  venti 

»  Désignât  prclia  genti. 

»  Si  uix,  vel  pluina 

»  Désignât  tempora  kara.  » 

Mais  ce  que  Taillefier  affectionne  surtout,  ce  sont  les 
chronogrammes.  J'en  citerai  quelques-uns,  car  les  chrono- 
grammes de  cette  époque  ne  sont  pas  communs  : 

«  fVr  saCraMenta  tVLIt 
»  brVXeLLe  CorrVIt  Ig>e.  « 

Je  lis  dans  VHistoire  de  Bruxelles,  par  Henné  et  \\  au- 
ters  (I,  159)  :  «  En  1383,  selon  quelques  chroniques,  un 
»  second  enlèvement  d'hosties  eut  lieu  à  Bruxelles ,  dans 
»  l'église  de  Sainte  Gudule,  par  un  nommé  Clément.  Nous 
»  n'avons  trouvé  aucun  détail  sur  cet  événement.  » 

CernItVr  LeodU  sedItIo  spInosa 
qVIxta  jA>VAftlI  xIMIs  perICVLosa. 

Il  faut  certainement  omettre  les  D,  et  peut-être  même 
le  J  de  JamiariL  On  obtient  alors  le  5  janvier  1332,  ce 
qui  nous  rapproche  beaucoup  de  la  date  de  la  conspiration 
de  Pierre  Andricas,  puisque  les  historiens  liégeois  repor- 
tent cet  événement  à  l'année  1331.  On  sait  que  ce  tribun 
se  réfugia  à  Namur,  où  il  mourut  peu  de  temps  après.  Je 
signale  ce  chronogramme  à  M""  M.  Polain  et  lui  laisse  le 
soin  de  faire  concorder  les  deux  dates. 


—  78  — 

Le  uVc  dorLeans  trespassa 

Le  saIm  CLeMe>"t  pol^T  ne  passa. 

Toujours  eu  omettant  les  D,  nous  obtenons  1407,  et  la 
S'-Clémeut  tombe  le  25  novembre,  date  de  l'assassinat  du 
duc  d'Orléans. 

reMIs  saCratYr  karoLVs  franCIe 
ERGO  frVstratVr  hexrICVs  axgLIe. 

«  Data  continetur,  »  ajoute  Taillefler,  et  en  effet  le  roi 
Charles  VII  fut  sacré  à  Rheims  le  17  juillet  1429.  Comme 
nous  étions  alors  sous  la  domination  du  duc  de  Bourgogne 
allié  aux  Anglais,  il  ne  faudrait  pas  conclure  de  ce  chrono- 
gramme que  les  Français  avaient  les  sympathies  de  Taille- 
fier.  Celui-ci  ne  conservait  sans  doute  ces  vers  que  comme 
objet  de  curiosité,  et  en  loyal  sujet  du  souverain  dont  Ta- 
vénement  nous  valait  d'être  mêlés,  à  notre  tour,  aux  suerres 
désastreuses  de  cette  époque,  il  partageait  les  idées  de  sou 
échevinage,  qui  l'année  suivante  «  donnait  de  grasce  une 
«somme  de  2  clinkars,  ou  7  moutons  9  heaumes,  au 
»  chevalcheur  de  Monseigneur  le  duc  qui  aporta  à  Aamur 
»  lez  novellez  dele  prinse  de  la  Pucelle  et  de  ses  coni- 
»  pliches  (i).  » 

Voici  un  joli  chronogramme  où  l'on  trouve,  comme  le 
dit  notre  greflier,  «  la  dautte  dele  bataille  de  3Iohelery  (Mont- 
Iheri),  »  laquelle  se  donna  le  IG  juillet  1463  : 

«  A  CheVaL,  a  CiieVaL,  gens  d'arMes,  a  CueVaL.  » 

Suit  «  la  dautte  de  la  destrucxou  de  Dinant  »  : 

«  CeCIdIt  dIxam  totaLIs  destrVCtIo  Magxa;  » 

Mais  ici,  il  y  a  erreur  ou  quelque  mot  omis,  car  les  let- 
tres numérales  ne  donnent  que  1560,  et  la  ruine  de  Dinant 
eut  lieu  en  1466. 


(\)'Complc  comm.  1430,  fol.  32.  .M.  de  Baraiite  nous  apprend  que  lorsque 
la  Pucelle  d"0rléaus  fut  fuilc  prisonnière  au  siège  de  Conipiègne,  on  écrivit  à 
toutes  les  villes  de  la  domination  de  Bourgogne,  pour  annoncer  cette  grande 
nouvelle. 


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—  79  — 

Enfin,  un  dernier  cluonogranime  indique  la  dale  de  la 
mort  de  Philippe-le-Bon  (1467)  : 

«  eCCe  obsCVratVs  est  soL  prInCIpVM.  » 

Taillefier  nous  a  également  conservé  quelques  refrains 
que  plus  d'une  fois,  peut-être,  nos  bons  vieux  échevins 
chantèrent  en  attendant  Touverture  des  plaids.  Malheureu- 
sement ce  ne  sont  que  des  fragments.  Une  seule  de  ces 
chansons,  qui  doit  remonter  aux  premières  années  du 
XV''  siècle,  est  complète  Comme  Taillefier  a  pris  soin  de 
la  noter,  j'en  donne  ici  le  fac-similé.  Voici  les  paroles  qui 
sont  d'une  naïveté  charmante  : 

La  belle  se  siet  au  piet  de  la  tour 
Qui  pleure  et  sospir  et  maine  grant  dolour. 
Son  père  li  demande  :  Fille,  que  volcis-vous? 
Voleis-vous  raarit,  ou  volcis-vous  seingnour? 

—  Je  ne  vuelhe  marit  ne  je  ne  vuelhe  singnour; 
Je  vuelhe  le  mien  ami  qui  paurist  en  la  tour. 

—  Par  Dieu,  ma  belle  fille,  à  celi  faureis-vous 
Car  il  serat  pendut  demain  au  point  do  jour. 

—  Père,  s'on  le  pent  se  m'en  souyeis  desous. 
Ensi  diront  les  gens:  Ce  sont  lovais  amours. 

Quant  li  père  oyt  ceste  dure  clamour 
A  sa  fille  rendi  son  cuer  et  sa  vighour; 
El  li  at  dit  :  Ma  suer,  je  vai  ovrir  ma  tour; 
Vous  rareis  vostre  ami,  si  en  fereis  seingnour, 
Vous  rareis  vostre  ami  sans  y  mètre  sour. 
S"en  fereis  vostre  espeuz  par  bien  et  par  amour, 
La  moitiet  de  ma  terre  areis  par  le  douchour; 
Je  vuelhe  que  soit  ensi,  sans  y  meire  destour. 
Quant  la  belle  choisi  son  ami  par  amour 
Granl  grasce  en  rendi  son  père  sans  demour. 

Je  pourrais  multiplier  ces  citations,  mais  (et  c'est  là  mon 
but)  je  crois  en  avoir  dit  assez  pour  engager  nos  Monteil 
futurs  à  parcourir  attentivement  les  embrievures  de  Jehan 
Taillefier,  dit  Flerus. 

Jules  Borgnet. 


—   BO 


De»  Pierres  sphéroïdales 

TAILLÉES    ANCIEKSEMENT,    ETC. 


Parmi  les  inslrumeûts  en  pierre  qu'on  découvre,  en  si 
grande  quantité,  sur  la  surface  du  globe  et  qui  semblent 
remonter,  généralement,  à  l'enfance  des  peuples,  on  doit 
distinguer  ceux  connus  vulgairement,  sous  la  désignation 
de  pierres  de  fronde  qui  ont,  parait-il,  jusqu'ici  peu  attiré 
l'attention  (i). 

On  a  appelé  ainsi  des  objets  ronds,  évidemment  taillés 
mais  n'ayant  pas  exigé,  pour  leur  parfaite  et  entière  con- 
fection, autant  de  travail  que  les  autres  instruments  en 
pierre,  et  n'ayant  reçu  d'autre  poli  que  celui  donné  par 
l'usage;  on  les  a  dénommés  de  cette  manière,  à  cause  de  la 
destination  que  les  savants  leur  donnaient  généralement; 
les  dénominations  suivantes  :  fossiles,  céraunites,  etc.,  sont 
dues  à  des  origines  que  d'autres  opinions  leur  attribuaient. 

iNous  avons  eu  l'occasion  de  remarquer  de  ces  objets 
dans  les  cabinets  de  MM.  Joly  et  Bauters,  à  Renaix;  Albert 
Toilliez,  à  Mons,  et  Prosper  Cuypers,  antiquaire  hollan- 
dais, à  Bruxelles;  notre  collection  en  renferme  plusieurs 
que  nous  devons,  en  partie,  à  l'obligeance  de  MM.  Bauters 
et  Cuypers. 

Ces  pierres  rondes  ont  été  trouvées  sur  le  sol  ou  au- 


(1)  Le  savant  M.  De  Caumont  consacre  seulement  quelques  lignes  à  ces 
objets  façonnes  par  l'Iiomme. 


—  8i    — 

dessous  du  sol,  sur  les  collines  des  environs  de  Renaix  et 
de  Mons,et  dans  la  Campine  hollandaise;  nous  en  possédons 
une  qui  a  été  découverte  en  France,  dans  le  département 
de  la  Somme. 

Ces  objets  ont  été  recueillis  avec  d'autres  restes  anciens. 
Près  de  Renaix,  un  morceau  de  pierre  de  meule,  de  forme 
ovoïde  qui  avait  été,  semble-t-il  à  M.  Joly,  transformé  eu 
pierre  de  fronde,  a  été  recueilli,  par  cet  antiquaire  zélé,  sur 
l'emplacement  d'une  ancienne  habitation  gallo-romaine  (i). 
Le  même  observateur  a  trouvé  un  autre  objet,  eu  silex, 
figurant  une  façon  de  bouton  ou  de  pommeau,  avec  un  tout 
petit  trou  au  milieu.  Il  lui  parait  être  une  formation  capri- 
cieuse de  la  nature,  plutôt  que  le  travail  de  l'homme;  cepen- 
dant le  dessin  qu'il  en  donne  (pi.  V,  fig.  6)  présente  une 
forme  régulière,  mais  non  entièrement  ovoïde  (2). 

Les  mêmes  objets  ont  été  trouvés,  dans  les  environs  de 
Mons,  sur  les  emplacements  d'ancienne  fabrication  d'in- 
struments en  silex  (3).  En  Hollande,  ils  ont  été  recueillis 
près  de  sépultures  (4). 


(1)  Antiquités  celto-germaniques  et  gallo-romaines,  trouvées  sur  le  terri- 
toire de  Renaix,  etc.  —  Extrait  du  Messager  des  Sciences  historiques,  1843, 
p.  9. 

(2)  Antiquités  celto-germaniques  et  Gallo-romaines,  trouvées  sur  le  terri- 
toire de  Renaix,  etc.  —  Extrait  du  Messager  des  Sciences  liistorifjues,  1843, 
p.  29. 

(5)  Par  notre  parent  et  ami  Albert  Toilliez  et  par  nous. 

(i)  M""  Prosper  Cuypers  a  fait,  en  Ilollande,  des  fouilles  dans  un  assez  grand 
nombre  de  tumuli;  il  a  publié  deux  notices  intéressantes  sur  le  résultat  de 
ses  travaux.  H  trouva,  d'après  la  plus  ancienne  de  ses  notices  (avril  1843), 
une  boule  de  7  centimètres  de  diamètre,  à  une  profondeur  de  8  centi- 
iuètres  {Grafhcuvel,  XXXI,  p.  12.  Cerigt  omtrent  eenige  oude  Graflieuvcis, 
onder  Alplien  in  Noord-Braband,  etc.).  D'après  Tautre  notice,  Berigt  omtrent 
eenige  oude  Grafheuvelcn  onder  Baarle-Nassau,  in  Xoord-Braband,  1844,  p.  5 
cl  4,  il  fit  la  curieuse  découverte  relatée  ci-après  :  Au  sud  de  ceux-ci  (tuimtli), 
à  une  distance  de  3  mètres  à  peine  el  à  une  profondeur  de  0,23  à  0,30  centi- 
mètres, sur  une  surface  d'environ  30  centimètres  carrés,  se  trouvaient,  em- 
pilés el  placés  l'un   contre  raulrc,  quelques  grands  fragments  d'urnes  sur 

G 


—  82  — 


Les  pierres  de  fronde  que  nous  avons  vues,  sont  en  silex, 
en  diverses  espèces  de  grès,  en  argile  et  en  léphrine;  cette 
dernière  roche  est  seule  étrangère  à  notre  pays  et  est  encore 


lesquels  il  y  avait  une  quantité  de  boules  d'argile  d'une  forme  grossière, 
recouvertes  d'autres  fragments  d'urnes  composées  de  la  même  matière,  tandis 
que  trois  boulets  d'argile  semblable,  percés  de  trous  et  d'une  circonférence 
moyenne  de  16  ccnlimètres,  étaient  placés  autour  des  plus  petits;  le  tout  se 
trouvait  environné  d'une  masse  de  charbon  de  bois  (n»  4).  11  est  inutile  de 
démontrer  que  les  objets  découverts  ci-dessus,  sont  des  pierres  de  combat  ou 
de  fronde,  arme  en  usage  au  commencement  de  la  bataille  aussi  bien  que 
pour  les  embuscades.  (M.  Cuypers,  pour  avancer  cette  assertion,  s'appuie, 
avec  raison,  sur  Tacite,  Hist.,  lib.  V,  c.  17,  et  J.-P.  Arend,  Algemeenc  Gesch. 
des  Vaderl.,  deel  I,  bladz.  180).  Dans  les  lumuli  de  Bottendorf,  on  trouva  un 
boulet  percé  et  grossièrement  façonné,  de  la  grosseur  d'un  poing  (Klcnm, 
Germ.  Alterlh.,  §  24-8).  Bussching,  dans  ses  Antiquités  de  la  Silésie,  parle 
aussi  de  boulets  semblables,  mais  en  pierre.  Dans  le  Holslein,  on  trouva 
également  des  boulets  percés  de  cette  manière  et  qu'on  employait,  suivant 
l'opinion  d'un  savant  antiquaire,  de  la  même  manière  que  les  Patagons  em- 
ployent  leurs  boulets  de  guerre,  tandis  que  Kisler,  traitant  des  boulets  percés 
de  trous  et  composés  d'argile  cuite  au  four,  déterrés  près  de  Schonwerda  et 
Bottendorf,  les  appelle  de  même  pierres  de  combat  ou  de  guerre.  Ce  lieu 
servait-il  à  la  fabrication  de  ces  instruments  de  fronde?  ce  qui  tendrait  à  le 
faire  croire,  c'est  la  quantité  considérable  de  charbon  de  bois  qui  s'y  trouve 
rassemblé.  Ou  bien,  peut-être,  a-t-il  servi  primitivement  de  place  publique 
pour  les  bûchers?  Une  remarque  que  j'ai  été  maintes  fois  dans  l'occasion  de 
faire ,  et  que  je  ne  crois  pas  dénuée  de  tout  fondement,  c'est  que  parmi  le 
grand  nombre  de  tiimuli  que  j'ai  découverts,  il  se  trouvait  toujours  du  char- 
bon de  bois,  mais  en  si  petite  quantité  qu'il  est  impossible  que  cela  pût  for- 
mer le  restant  d'un  bûcher;  tandis  qu'à  proximité  d'une  réunion  de  lumuli, 
il  y  en  avait  toujours  un  qui  semblait  indiquer,  par  l'existence  d'une  masse 
extraordinaire  de  charbon  de  bois,  qu'il  avait  anciennement  servi  de  bûcher. 
Si  l'endroit  fouillé  par  nous  servait  à  confectionner  cet  instrument  de 
fronde,  comment  se  trouvait-il  immédiatement  dans  le  voisinage  de  trois 
urnes  cinéraires,  sans  compter  celles  qui  ont,  peut-être,  été  enlevées  anté- 
rieurement, par  une  main  inconnue?  La  considération  que  les  Germains 
avaient  pour  leurs  morts  ne  permet  guère  de  conjectures  à  cet  égard.  Ces 
balles  devaient-elles  peut-être  servir  à  honorer  une  famille  expérimentée 
dans  l'art  de  fronder  et  dont  la  cendre  reposait  dans  les  urnes?  Quoiqu'il  en 
soit,  S.-C.  Wagener,  dans  son  ouvrage  :  Ilandhuch  der  Vorzilglichsten  in 
Deulsehland  entdcckten  Allerthiimer  aus  heidnischer  Zeit,  §  598,  demande  si 
les  pierres  rondes  que  l'on  trouve  dans  un  si  grand  nombre  de  tumuli,  n'in- 
diquent pas  le  lieu  où  fut  déposée  la  cendre  d'habiles  l'rondeurs. 


—  83  ~ 

en  exploitation  sur  les  bonis  du  Rhin  :  la  détermination  de 
Targilc  ne  peut  être  révoquée  en  doute. 

Ces  pierres  ont  des  dimensions  à-peu-près  les  mêmes, 
6  à  9  centimètres  de  diamètre;  quelques-unes,  en  argile, 
ont  cependant  une  forme  ovoïde  et  offrent  de  plus  grandes 
proportions;  de  plus,  elles  sont  perforées  dans  le  sens  du 
grand  axe. 

Il  faut  admettre  que  ces  pierres  ont  appartenu  à  divers 
peuples;  celles  qui  ont  été  trouvées  dans  les  environs  de 
Renaix  et  de  Mons,  doivent  être  contemporaines  de  la  pé- 
riode romaine.  Le  savant  De  Caumont  dit,  dans  son  cours 
d'Antiquités  monumentales,  qu'on  a  découvert  beaucoup  de 
pierres  de  fronde  en  France,  le  plus  ordinairement  dans  les 
emplacements  gaulois.  Celles  de  la  Hollande,  dont  il  est 
parlé  plus  haut,  ont  une  origine  germanique. 

Les  pierres  rondes  ou  ovoïdes  ont  servi  à  plusieurs  usa- 
ges; leur  destination  était,  sans  doute,  différente,  selon  la 
résistance  de  la  matière,  la  forme  donnée,  etc.  Ces  destina- 
tions, il  faut  les  rechercher  d'après  celles  d'objets  analogues 
qui  existent  aujourd'hui  :  les  usages  se  conservent  long- 
temps, en  effet,  et  les  besoins,  qui  ne  tiennent  pas  compte 
des  distances,  font  naître,  en  différents  lieux,  les  mêmes 
inventions. 

Ainsi,  les  pierres  qui  ont  une  forme  sphérique  et  une 
résistance  sufiîsante  durent  être  lancées  avec  la  main  ou 
avec  la  fronde,  arme  qui  fut  en  usage  chez  plusieurs  peu- 
ples et  dont  on  se  servait  encore  en  des  temps  peu  éloi- 
gnés (i).  En  Grèce ,  par  exemple,  chez  les   Athéniens, 


(I)  Les  Francs  ont  continué  de  se  servir  de  la  fronde  longtemps  après  l'in- 
vention de  la  poudre  à  eanon.  Au  siège  de  Sancerrc,  en  1572,  les  assiégés 
se  servaient  de  cette  arme,  pour  épargner  la  poudre.  Les  pierres  de  fronde 
furent  en  quelque  sorte  remplacées  par  les  boulets.  On  faisait  encore  usage, 
en  Europe,  de  boulets  de  pierre  en  1564  (p.  79  et  223  du  Dictionnaire  des 
Inventions,  etc.,  par  M.M.  Noël,  Carpentier,  etc.,  •{■«  édition.  Bruxelles,  1837). 


ai 


quelques-uns  des  soldats,  armés  à  la  légère,  étaient  desti- 
nés à- lancer  des  pierres,  soit  avec  la  main,  soit  avec  la 
fronde  (i).  A  la  chasse  du  sanglier,  on  lançait,  de  même, 
à  cet  animal,  des  traits  et  des  pierres  (2).  Les  anciens  Bel- 
ges, lorsque,  du  temps  de  César,  ils  attaquaient  les  places, 
lançaient  aussi  des  pierres  contre  les  murailles.  On  distin- 
guait des  frondeurs,  d'après  les  Commentaires  du  conqué- 
rant des  Gaules,  dans  les  troupes  romaines.  Les  Francs 
ont,  de  leur  côté,  fait  usaee  de  la  fronde  dans  leurs  armées. 
Cependant,  dans  l'hypothèse  que  les  pierres  dont  il  s'agit 
ici  ont  servi  pour  cette  arme,  on  ne  se  rend  pas  compte  des 
soins  apportés  à  la  confection  de  projectiles  semhlables  (5). 
Les  boules  en  argile  cuite,  de  faibles  dimensions  et  gros- 
sièrement faites,  servaient-elles  aussi  pour  la  fronde?  Elles 
sont  légères  et  ne  devaient  pas  être  d'un  effet  bien  redouta- 
ble. Ainsi,  chez  les  Athéniens,  les  armés  à  la  légère  avaient, 
dans  les  combats  simulés,  des  mottes  de  terre  (4).  Nous  pen- 
sons toutefois  que  des  boules  en  argile  étaient  lancées  dans 
un  état  d'incandescence,  et  que  l'argile  avait  été  préalable- 
ment mêlée  avec  de  la  paille  pour  mieux  la  lier  (5).  L'aspect 
de  ces  boulets  certiCe  l'exactitude  de  cette  dernière  asser- 
tion. Un  passage  des  Commentaires  de  César  rend  probable 
la  première;  on  y  lit,  en  effet,  au  chapitre  V,  que  les  Ner- 
viens,  dans  le  siège  qu'ils  firent  du  camp  de  Cicéron,  y 
lancèrent,  le  septième  jour  de  Vattaquc,  nn  grand  vents'étant 
élevé,  des  boules  d'argile  maniable  embrasées  (ferventes  fusili 


(1)  J.-J.  Barlhélcmy,  Voyages  du  jeune  Anacharsis,  t.  Il,  p.  119. 

(2)  Id.  id.  t.  IV,  p.  7. 

(3)  Nous  voyons  cependant  dans  Tacite,  Annales,  Liv.  XIII,  XXXIX,  que 
les  arbalétriers  et  les  frondeurs  romains  lançaient  au  loin,  sur  les  Arméniens, 
des  balles  de  plomb. 

(4)  J.-J.  Barthélémy,  Voyage  du  jeune  Anaeharsis,  t.  II,  p.  222. 

(3)  C'est  ainsi  que  les  briques  crues,  d'après  Pockoke,  étaient  fabriquées 
anciennement  en  Egypte;  c'est  encore  ainsi  qu'on  le  fait  aujourd'hui  en  ce 
pays  et  dans  d'autres  contrées  de  l'Orient. 

Anciennement,  le  pisé  était  quelquefois  mêlé  de  paille  hachée. 


—  8i5  — 

ex  ai'i^ilhi  ghiiitles)  el  des  dards  éeliauirés,  sur  les  huiles 
qui,  selon  l'usage  gaulois,  élaieiil  couvertes  de  chaume  (i). 
Le  grand  nomhre  de  houles  d'argile  cuile  trouvées  par 
M,  Cuypers,  ne  paraissent  cependant  pas  avoir  été  destinées 
à  être  projetées  dans  ce  but.  Les  circonstances  n'étaient 
pas  les  mêmes  ici.  La  découverte  de  cet  antiquaire  consiste 
en  effet  en  l'emplacement  d'une  fabrique  de  houles  d'argile 
cuite  de  diverses  formes,  reposant  sur  des  fragments  de  vases 
gigantesques,  près  de  vases  cinéraires.  Quoiqu'il  en  soit, 
la  cuisson  opérée  par  M.  Cuypers  de  boules  faites  par  lui 
avec  de  l'argile  prise  sur  place  produisit  le  même  résultat, 
d'après  ce  que  nous  a  dit  cet  archéologue. 

Les  pierres  ovoïdes  dont  les  dimensions  étaient  les  plus 
considérables  et  dont,  suivant  un  intéressant  passage  de 
l'une  des  notices  de  M.  Cuypers,  les  unes  étaient  d'argile 
cuite,  les  autres  d'une  roche  résistante,  servaient-elles  de 
leur  côté  pour  la  fronde?  Quelle  destination  aurait  eue  alors 
le  trou  cylindrique  dont  elles  étaient  perforées,  suivant  leur 
grand  axe?  N'étaient-elles  pas  plutôt  employées,  comme  on 
le  faisait  jadis  et  comme  on  le  fait  encore  aujourd'hui  en 
Amérique?  iN'ous  pensons  que  cette  dernière  hypothèse  est 
la  plus  vraisemblable.  Des  tribus  de  l'Amérique  (2)  ont  eu 
pour  arme  favorite  les  bolas  des  relations  modernes;  ce  sont 
trois  boules  de  pierres  à-peu-près  de  la  grosseur  de  nos 
boulets  et  attachées  à  trois  cordes  qui  se  nouent  ensemble; 
on  les  lançait  adroitement  autour  des  jambes  d'animaux, 
pour  les  faire  tomber  :  les  Pampéens  se  servent  des  bolas. 


(I)  Tacite  mentionne  aussi,  dans  ses  Histoires,  Liv.  II,  XXI,  un  su)terbc 
aniphitéàtrc  situé  à  Plaisance  qui  fut  consumé,  probablement  par  des  lorclies, 
des  balles  enflammées  cl  des  traits  incandescents  qui  furent  lancés  sur  ce 
monument. 

(i)  D'après  un  passage  dTIrich  Schmidel  et  daulres  passages  mentionnés 
par  M.  Moke,  dans  son  Histoire  des  peuples  américains,  publiée  par  la  Bi- 
bliothèque illustrée. 


—  86  — 

Les  pierres  rondes  ou  ovoïdes,  travaillées,  ODt  non  seule- 
ment servi  ainsi  de  moyens  d'agression  et  pour  se  livrer 
au  plaisir  de  la  chasse,  mais  elles  ont  été  des  objets  d'uti- 
lité publique  et  ont,  en  outre,  été  en  usage  comme  moyens 
d'amusement  ou  comme  objets  d'ornement. 

Des  pierres  rondes  ont  été  des  objets  d'utilité  publique  et 
servaient  pour  peser  ou  pour  d'autres  usages.  Les  poids, 
disent  MM.  Schulz  et  Paillette,  dans  une  Notice  sur  une 
pyrite  stannifère,  publiée  par  la  Société  géologique  de 
France  (i),  dont  se  servaient  les  anciens  mineurs  espagnols, 
pour  mesurer  ou  vendre  le  produit  de  leurs  labeurs,  étaient 
de  pierre  et  pourtant  d'une  aussi  grande  exactitude  que  ceux 
de  bronze.  Comme  les  pierres  qui  ont  servi  pour  l'attaque 
et  pour  la  chasse,  celles-ci  ne  devaient  pas  être  toutes  tra- 
vaillées. C'est  ainsi  qu'un  ancien  poids  trouvé  dans  une 
sépulture  gallo-romaine,  à  Montrœul-sur-Haiue,  consiste  en 
un  caillou  roulé  ayant  d'assez  fortes  dimensions  (2).  C'est 
encore  ainsi  que,  de  nos  jours,  à  Spiennes,  village  situé 
près  de  Mons,  les  pierres  de  Saint- Amand  dont  nous  parle- 
rons plus  loin  et  qu'on  recueille  sur  un  terrain  communal 
appelé  bonniers  de  Saint-Amand,  du  nom  du  patron  du 
village,  étaient  employées  comme  poids,  ce  qui  a  été  con- 
staté, paraît-il,  par  des  procès-verbaux.  Nous  avons  vu  au 
Musée  d'antiquités,  à  Bruxelles,  trois  poids  en  pierre  qui, 
d'après  M.  Schayes,  savant  conservateur  de  cet  établisse- 
ment public,  proviennent  de  Bavai;  ce  musée  ne  possède 
pas  d'autres  pierres  sphéroïdales. 

Un  autre  usage  des  pierres  rondes  est  indiqué  dans  Ri- 
chard Pockoke  (3).  A  vrai  dire,  il  n'est  pas  très-compré- 

(1)  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  2=  série,  t.  Vil,  feuilles  1-3, 
page  19. 

(2)  Xotice  sur  plusieurs  découvertes  d'Antiquités  faites  à  Lede,  etc.,  par 
M.  Schayes;  t.  XIV,  n"  10,  des  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

(3)  Voyages  en  Orient,  etc.,  t.  I,  p.  175  et  176. 


—  87  — 

Ijeusible,  de  la  faute  du  traducteur  sans  doute.  Voici  le 
passage  relatif  à  cet  usage  :  «  On  trouve  dans  la  plaine  autour 
de  cet  édiflce  (Temple  du  Labyrinthe),  quantité  de  pierres 
rondes  percées  dans  le  milieu;  ce  sont  apparemment  celles 
des  colonnes  qui  étaient  autour,  et  qu'on  liait  ensemble  par 
le  moyen  de  ces  trous.  »  M'"  J.  J.  Rifaud,  de  Marseille,  qui 
a  passé  treize  années  de  sa  vie  en  Egypte  et  qui  a  fait,  avec 
soin  et  une  persévérance  digne  d'éloges,  des  fouilles  pro- 
ductives dans  l'ancienne  Thèbes,  nous  a  dit  que  des  pierres 
rondes  existent  en  effet  au  milieu  des  monuments  de  cette 
contrée,  qu'elles  sont  comparables  à  nos  boulets  et  ont  dû 
être  suspendues,  par  des  crochets  de  fer,  et  placées  deux 
ou  trois  l'une  près  de  l'autre,  à  des  corniches. 

Des  pierres  semblables,  a-t-il  été  dit  plus  haut,  ont  été 
aussi  en  usage,  comme  moyens  d'amusement.  Nous  voyons, 
en  elTet,  dans  plusieurs  auteurs,  que  des  pierres  étaient 
lancées  avec  la  main,  en  Grèce,  par  exemple,  dans  les  jeux 
du  saut  (i)  et  du  disque  (2);  elles  avaient,  sans  doute,  la 
conflguration  d'un  masse  sphéroïdale  ou  ovoïde.  Quelques- 
unes  de  ces  pierres  étaient  percées  d'un  trou  pour  y  passer 
une  courroie,  afin  de  les  agiter  circulairement  et  de  les 
lancer  ensuite  avec  force  (3).  On  apprenait  aux  filles  de 
Sparte  à  lancer,  avec  la  main,  le  palet  (4),  qui,  quelquefois 
était  en  pierre;  elles  consacraient  aussi  des  moments  de  la 
journée  au  saut  (5). 

Nous  citerons  un  seul  objet  en  forme  de  boule  qui  prouve 
que  des  pierres  ont  pu  servir  anciennement,  comme  elles 


(1)  Barthélémy,  Voyages  du  jeune  Anacharsis,  etc.,  t.  111,  p.  340  cl  o4i; 
ci  C.  Verdeyen,  Manuel  d'Anliquités  grecques,  t.  I,  p.  2ôj. 

(2)  Barthélcmy,  Voyages  du  Jeune  Anacharsis,  etc.,  t.  Ill,  p.  340  et  341; 
^1  Batissicr,  Eléments  d'Archéologie  nationale,  1845,  p.  156. 

(5)  Barthélémy,  Voyages  du  jeune  Anacharsis,  etc.,  t.  111,  p.  541. 
(4)  Id.  id.  t.  IV,  p.  149. 

(3)  Id.  id.  t.  IV,  p.  229. 


—  88  — 

le  sont  encore  aujourd'hui,  d'objets  d'ornement.  Il  provient 
de  Tune  des  deux  plus  anciennes  villes  de  la  Belgique  ac- 
tuelle, Tournai,  qui  servit  de  résidence  momentanée  aux 
rois  francs.  Il  a  été  trouvé  en  celte  ville,  en  1635,  dans  le 
voisinage  de  l'église  S'-Brice,  avec  d'autres  objets  très- 
curieux.  Il  consiste  en  une  sphère  en  quarz  hyalin  transpa- 
rent et  a  appartenu  à  Childéric  P%  père  de  Clovis;  on  le 
remarque,  au  milieu  du  riche  cabinet  des  médailles,  à  la 
bibliothèque  nationale  à  Paris. 

Nous  avons  avancé  plus  haut  que  des  projectiles  en  pierre 
avaient  été  appelés  fossiles.  Cette  désignation  leur  avait  été 
donnée  vraisemblablement  à  cause  de  l'analogie  de  leurs 
formes  avec  celle  des  oursins  fossiles  qu'on  rencontre  dans 
les  terrains  crayeux,  car  il  y  en  a  qui  ont  cru  voir  le  travail 
de  l'homme  dans  ces  produits  de  la  nature,  et,  il  y  a  peu 
de  temps,  Ton  n'était  pas  encore  fort  d'accord  sur  la  nature 
et  la  destination  de  ces  objets. 

Nous  avons  distingué  l'un  de  ces  oursins  fossiles  dans 
une  série  d'échantillons,  d'origine  gallo-romaine  et  franque, 
découverts  en  France,  en  1838,  à  Mont-Javoult  (Oise),  et 
qui  font  partie  des  collections  déposées  à  l'hôtel  de  Cluny, 
à  Paris;  nous  en  avons  aussi  reconnu  un  dans  les  objets 
représentés  par  M.  Cuypers,  dans  l'une  des  planches  jointes 
à  sa  seconde  notice  (i).  Celte  double  détermination  est  irré- 
cusable. 


(1)  Voici  la  traduction  du  passage  de  la  notice  de  M.  Cuypers,  qui  est  rela- 
tive à  l'objet  reconnu  par  nous  dans  Tune  de  ses  planches  et  dont  il  ignorait 
l'origine,  lors  de  la  publication  de  son  travail  :  «  Il  me  paraît  étrange  com- 
ment les  anciens  ont  pu  travailler  une  matière  aussi  dure  et  l'embellir  d'or- 
nements façonnés  avec  délicatesse,  donnant  à  l'objet  sculpté  en  relief  une 
forme  de  roue  travaillée  avec  habilité  (n»  11).  Au  surplus,  j'ignore  à  quel 
usage  cet  objet  a  pu  servir,  à  moins  qu'on  ne  veuille  le  considérer  comme  une 
amulette.  Dans  la  feuille  périodique  des  Antiquités  du  Nord,  citée  dans  l'ar- 
ticle publié  récemment  dans  le  Vryen  Pries,  vol.  3,  p.  67-107,  par  De  Haan 
Hetlema,  Aperçu  sur  la  littérature  des  Runes,  il  est  fait  mention  d'une  quantité 


—  89  — 

L'usage  qu'on  faisait  des  oursins  fossiles  peut  élre  in- 
diqué par  les  noms  qu'ils  ont  portés.  Parmi  ces  noms,  on 
distingue  celui  d'Ovarmm.  Wormius  pensait,  comme  on 
l'avait  fait  bien  avant  lui,  que  les  oursins  étaient  des  œufs 
de  serpent  pétrifiés;  ils  ont  aussi  été  appelés  tonitra  et 
pierres  judaïques  (i). 

Nous  croyons,  avec  Fréret,  M''  Amédée  Thierry  (2), 
M.  Gervais  (3)  et  l'auteur  du  Catalogue  du  Musée  des  ther- 
mes et  de  l'hôtel  Cluny  (4),  que  les  échinites  ou  oursins 
fossiles  étaient  les  préfendus  œufs  de  serpent  qui,  à  l'époque 
des  Druides,  étaient  les  premiers  entre  les  préservatifs  sa- 
crés. Pline  avait  donné  des  renseignements  sur  la  formation, 
la  conquête  et  l'usage  de  ces  talismans  gaulois,  qui  avaient 
des  vertus  merveilleuses  pour  gagner  les  procès  et  obtenir 
accès  chez  les  rois  (h). 


de  pierres  de  ce  genre  trouvées  dans  rintérieur  et  aux  environs  des  urnes. 
Suivant  les  observations  de  l'antiquaire  llildebrand,  elles  sont  appelées,  en 
général,  Askehuil,  ou  roues  du  tonnerre,  parce  que  dans  le  paganisme,  elles 
auraient  servi  à  la  vénération  du  dieu  Thor,  le  Jupiter  des  Gei-mains,  etc.  Le 
Dr  Janssen,  dans  son  traité  sur  les  forts  nationaux  antiques,  dit  que  taudis 
que  les  tombes  des  Romains,  même  les  plus  simples,  par  exemple,  celles  qui 
ne  renfermaient  aucun  vase  en  pierre,  se  reconnaissaient,  non-seulement 
par  les  ouvrages  de  poteries,  par  leur  forme,  leur  couleur  et  les  ornements, 
mais  encore  par  des  objets  ou  fragments  de  métaux,  verre  ou  autres  matières 
composées,  ne  contenaient  au  contraire  jamais  aucun  objet  en  silex.  » 

Cette  dernière  assertion  est,  croyons-nous,  très-contestable. 

Cette  traduction,  comme  celle  du  passage  relaté  dans  une  autre  note,  sont 
de  M''  Théodore  Cloudt,  de  Mons;  nous  le  prions  de  recevoir  ici  nos  vifs 
remercîments  pour  son  extrême  obligeance.  M.  Cuypers  et  notre  ami  Alexan- 
dre Pinchart  nous  avaient  antérieurement  donné  des  éclaircissements  sur  le 
premier  de  ces  passages. 

(1)  Voyez  Dictionnaire  pittoresque  d'Histoire  naturelle,  etc.,  t.  VI,  p.  SOO 
et  510. 

(2)  Histoire  des  Gaulois,  t.  II,  p.  138,  Trésor  historique  et  littéraire. 

(3)  .\uleur  de  l'arlicle  Oursin  du  Dictionnaire  d'histoire  naturelle,  etc. 

(4)  Catalogue  du  Musée  des  Thermes  et  de  Ihôtel  de  Cluny,  1847.  —  .Mi- 
nistère de  l'Intérieur. 

(5)  Histoire  des  Gaulois,  t.  H,  p.  158  et  159. 


—  90  — 

De  Saint-Foix,  dans  ses  intéressants  Essais  historiques  sur 
Paris,  a  dit  (i)  pour  quelles  causes  le  serpent  a  été  regardé, 
en  Afrique,  par  l'homnie  idolâtre,  comme  un  être  utile  et 
divin.  Il  était  le  symbole  de  la  santé  chez  les  Égyptiens,  les 
Grecs  et  les  Romains.  Son  nom,  en  hébreu,  signifiait 
également  la  vie. 

Au  contraire,  d'après  les  peuples  du  Nord,  les  serpents 
avaient  une  destination  diabolique  (2);  la  même  croyance 
leur  était  attribuée  dans  les  premiers  temps  du  Chris- 
tianisme; les  serpents  jouaient  aussi  un  rôle  dans  les  céré- 
monies publiques  et  les  croyances  populaires  du  moyen  âge; 
dans  les  procès  pour  sortilège,  on  devait  commencer  par 
annuler  la  puissance  du  vieux  serpent;  pondre  des  œufs  était 
enfin  l'attribut  de  la  sorcellerie  (3). 

Cette  connaissance  des  oursins  qu'on  avait  déjà  en  Egypte 
il  y  a  peut-être  5000  ou  4000  ans  (4),  qui  est  restée  dans 
la  science  et  dans  l'opinion  populaire  jusque  dans  le  siècle 
dernier,  est,  en  quelque  sorte,  conservée  dans  un  de  nos 
villages.  Aujourd'hui  encore,  les  oursins  qu'on  rencontre  à 
Spiennes,  près  de  Mons,  avec  de  nombreux  échantillons  en 
silex,  sont  appelés,  par  le  vulgaire,  pierres  de  S^-Amand. 
Une  tradition  ou  une  croyance  a,  sans  doute,  donné  nais- 
sance à  cette  dénomination. 


(1)  OEuvrcs  complètes,  t.  IV,  p.  297,  elc. 

(2)  Essai  hislorique  sur  les  usages,  les  croyances,  les  traditions,  les  céré- 
monies et  pratiques  religieuses  et  civiles  des  Belges  anciens  et  modernes, 
par  A.-G.-B.  Schayes,  1854,  p.  14. 

(3)  Id  ,  p.  191. 

(4)  M.  Rifaud  a  trouvé,  dans  les  fouilles  de  San,  comme  le  témoigne  le 
prospectus  de  Touvrage  qu'il  publie  sur  son  voyage  en  Egypte,  etc,  un  frag- 
ment de  bas-relief  qui  représente  une  divinité  assise  sur  un  trône,  tenant  un 
oursin  dans  ses  mains  ornées  d'emblèmes  et  attributs.  Cet  oursin  ne  devait-il 
pas  indiquer  le  dieu  auquel  il  était  consacré?  Cette  découverte  ne  prouve-t-elle 
pas  qu'on  devait  attribuer,  anciennement  en  Egypte,  des  vertus  aux  œitfs  de 
serpent?  On  sait  que  plusieurs  divinités  égyptiennes  portaient  des  serpents 
dans  leurs  attributs  et  que  les  serpents  représentaient  quelquefois  les  dieux 
mêmes. 


—  91  — 

Il  est  à  remarquer  que  des  oursins  se  rciicoutreut  quel- 
quefois dans  d'anciennes  haches  en  silex,  nommées  générale- 
ment, comme  nous  l'avons  dit  ailleurs,  pierres  de  tonnerre, 
cette  circonstance  seule  a  dû  attirer  sur  eux  l'attention. 

Une  conclusion  à  tirer  de  ce  que  nous  avons  dit  sur  les 
oursins,  c'est  que  ces  fossiles  sont  connus  depuis  longtemps; 
ils  ont,  comme  on  l'a  vu,  été  le  sujet  de  fables.  C'est  ainsi 
que  les  ossements  d'une  grandeur  extraordinaire,  étaient 
attribués  aux  Géants  (i),  idée  qui  dura  jusqu'au  XVIIl*  siè- 
cle et  donna  naissance  à  l'hypothèse  d'un  déluge  universel 
qui  est  mentionné  dans  les  traditions  des  anciens  peuples. 
C'est  à  cette  catastrophe  qu'on  attribuait  la  provenance  des 
fossiles.  Cette  croyance  est  parvenue  jusqu'à  nous.  Nous 
avons  fait  voir  ailleurs  (2)  que  des  idées  plus  sensées  avaient 
cependant  été  émises,  il  y  a  plus  de  2500  ans,  par  Xéno- 
phane. 

Ces  idées  sur  l'origine,  l'existence  et  la  détermination 
des  fossiles  et  sur  la  diminution  primitive  des  eaux  et  des 
éruptions  de  la  mer  ont  encore  été  émises,  mais  d'une  ma- 
nière moins  explicite,  par  d'autres  auteurs  anciens  posté- 
rieurs àXénophane,  tels  que  Strabon,  Ovide,  etc. 


(1)  Barthélémy,  ouvrage  cité,  d'après  Pausanias,  t.  IV,  p.  307. 

(2)  Dans  une  Noie  sur  l'Histoire  des  fossiles  communiquée,  en  1848,  à  la 
Classe  des  Sciences  de  l'Académie  royale  de  Bruxelles. 

Ces  idées  avaient  été  émises  par  Xénopliane,  né  à  Colophon,  colonie 
ionienne  de  l'Asie  Mineure,  fondateur  de  l'école  d'Élée  et  auteur  du  plus 
ancien  des  poèmes  philosopliiques  qui  ont  clé  conservés  (Voyez  Nouveaux 
fragments  philosophiques,  par  Victor  Cousin.  Paris,  1826). 

Origènc  prétendait  que,  selon  Xénophane,  la  terre  venait  de  l'eau.  H  lui 
fait  développer  son  opinion,  dit  M.  Cousin,  à-peu-près  par  les  mêmes  argu- 
ments qui,  chez  nous,  il  y  a  quelque  temps  ont  été  employés  à  l'appui  de  la 
même  hypothèse.  Xénophane  dit  qu'on  trouve  au  milieu  des  terres  et  dans 
les  montagnes  des  coquillages  de  mer  et  il  cite  différents  débris  trouves  à 
Syracuse,  à  Parcs  et  à  Mélite,  et  dont  les  empreintes  s'étaient  pétrifiées  dans 
le  limon  durci  (Système  de  Voodward,  émis  en  1702?).  Il  admettait  que  la 
surface  de  la  terre  était  sujette  à  des  révolutions.  Tous  les  êtres  devaient 
sortir  du  limon  de  la  terre;  cette  idée  a  été  reproduite  et  étendue  par  De 
!a  .Marck. 


—  92  — 

Ces  premières  idées  géologiques  dues  au  jugeinenl  des  sens 
ne  sont  renouvelées  que  vingt-deux  siècles  plus  tard,  lorsque 
le  raisonnement  est  entièrement  appuyé  sur  la  recherche 
des  faits.  Venant  remplacer  à  la  fin  du  XVIP  siècle,  grâce 
à  l'apparition  au  XVP  d'un  esprit  éminemment  observateur, 
Bernard  Palissy,  les  idées  étroites  émises  par  des  auteurs 
du  moyen  âge,  elles  donnent  naissance  à  une  foule  de  sys- 
tèmes émis  successivement  pour  expliquer  l'origine  du 
globe  et  ses  modifications  et  qui  ont  pour  effet  immédiat 
d'exciter  des  observations.  Frascatori  et  Sténon  remarquent, 
l'un  que  des  coquilles  ne  sont  pas  contemporaines,  l'autre 
qu'elles  peuvent  faire  connaître  l'âge  relatif  des  couches. 
Lehman  et  Rouelle  classent  au  XVIIP  siècle  les  terrains 
d'après  les  fossiles.  Grâce  aux  efforts  de  Pallas,  Saussure, 
Verner,  Deluc,  Dolomieu,  De  Buch,  De  Humbold,  Cu- 
vier,  etc.,  la  géologie  positive  et  générale  est  bientôt  fondée; 
au  XIX«  siècle,  la  géologie  explicative  est  basée  sur  des 
faits.  L'édifice  de  la  science  dont  les  bases,  d'après  Cuvier, 
avaient  été  posées  au  XVIII"  siècle  est  achevé  au  XIX*. 

C'est  donc  aux  fossiles  qu'on  doit  la  naissance  de  la 
théorie  de  la  terre,  et  par  suite  celle  de  la  science;  c'est 
enfin  leur  étude  qui  la  fera  progresser. 

Mai  1850. 

Désiré  Toilliez. 


93  — 


CAMPAGNE 

DU 

CORPS  D'EXÉCUTIOiV  DANS  LE  PAYS  DE  LIÈGE, 

EN  1790, 

EXTRAITE    DES    MÉMOIRES    D'J    GÉNÉRAL    EICKEMEYER,    ET    TRADUITE    DE    l'aLLEMAND 

PAR    n.     UELBIG. 


Les  lecteurs  du  Messager  des  Sciences  historiques  ne 
liront  pas  peut-être  sans  intérêt  celte  relation,  écrite  par 
un  officier  distingué,  qui  a  fait  la  campagne  contre  les  in- 
surgés liégeois,  et  (jui  devait  donc  à  être  bien  renseigné  sur 
les  faits  qui  s'y  sont  passés.  Ce  qui  m'a  engagé  à  la  publier 
ici,  c'est  que  le  livre  dont  elle  est  extraite  et  traduite, 
n'est  guère  connu  en  Belgique  (i),  et  que  les  événements 
qui  y  sont  racontés,  ne  le  sont  pas  davantage. 

(1)  Voici  le  titre  de  ces  mémoires  :  Dcnkwûrdigkeiten  des  Gênerais  Eicke- 
meyer,  eheni.  Kurmainz.  Ingenieur-Obcrstlieutenants,  sodann  in  Dienstc  dtr 
franzûsichen  Republik.  Herausgegebcn  von  Heinrich  Kœnig.  Frankfurl  avi 
Main,  1845;  in-8". 

Rodolphe-Henri  Eickcmeyer,  l'auteur  de  ces  mémoires  posthumes,  naquit 
à  Mayence  le  il  mars  1753,  fit  ses  études  à  Mayence  et  à  Paris,  devint  fort 
jeune  professeur  de  mathématiques  à  l'université  de  cette  première  ville  et 
olTicier  supérieur  du  génie.  Il  était  lieutenant-colonel  lorsque  Mayence  fut 
prise  par  les  Français.  Comme  il  passa  peu  de  temps  après  au  service  de  la 
république  française,  qu'il  servit  avec  distinction  en  qualité  de  général  pen- 
dant plusieurs  années,  cela  le  fit  injustement  soupçonner  d'avoir  livré  la 
forteresse  à  l'ennemi.  En  1802  il  se  retira  du  service  dans  un  petit  bien  ([uil 
possédait  à  Algesheim  dans  les  environs  de  Mayence,  et  y  mourut  le  9  sep- 
tembre 1825.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages  estimes.  On  peut  consulter  sur 
sa  vie  et  ses  ouvrages  le  Notiveau  Nécrologe  des  Allemands;  Hmenau,  1827-29, 
in-8",  année  1825,  p.  910-957,  et  année  1827,  p.  ô^-ii,  ainsi  que  les  OEuvres 
de  Frédéric  Lehne,  Mayence,  1836-59,  5  vol.  in-S»,  t.  III,  p.  149-200. 


—  94  — 

Nous  nous  approchons  de  cette  époque  mémorable,  qui 
attira  l'attention  de  l'Europe  entière  sur  les  grands  mouve- 
ments de  la  France  qui  ébranlaient  ce  pays.  Les  habitants 
du  pays  de  Liège  se  crurent  autorisés  à  suivre  l'exemple 
des  Français  et  celui  donné  par  les  derniers  événements 
dans  le  Brabant.  Ils  avaient  joui  pendant  des  siècles  d'un 
système  représentatif  reconnu  par  l'empire  d'Allemagne, 
jusqu'à  ce  que,  du  temps  de  Louis  XIV,  un  prince-évèque 
puissant  proJSta  de  la  présence  d'une  armée  française  pour 
se  faire  souverain  absolu  par  la  force.  Quelques  magistrats, 
qui  avaient  osé  maintenir  les  droits  du  peuple,  furent  accu- 
sés de  trahison,  et  moururent  sur  l'échafaud,  de  sorte  que 
les  Liégeois,  privés  de  leurs  véritables  représentants  par 
la  destruction  de  leur  constitution,  n'avaient  plus  de  voie 
légale  pour  porter  leurs  plaintes  devant  le  chef  de  l'em- 
pire, car  chaque  association  qui  se  formait  pour  ce  but, 
était  dissoute  et  punie  comme  illégale. 

Mais  en  1789,  le  peuple  se  souleva  en  masse,  et  demanda 
ses  anciens  privilèges,  mais  rien  de  plus.  L'évèque,  qui  se 
vit  pressé  de  toutes  parts,  les  lui  assura  solennellement 
dans  une  assemblée  à  l'hôtel-de-ville  de  Liège,  après  quoi 
il  fut  reconduit  à  son  palais  par  les  citoyens,  qui  poussaient 
des  cris  de  joie.  Mais  peu  de  jours  après  il  s'enfuit  clandes- 
tinement de  son  château  de  plaisance  de  Seraing,  se  retira 
à  l'abbaye  de  S'-3Iaximin  près  de  Trêves,  accusa  ses  sujets 
de  rébellion  auprès  de  la  Chambre  impériale  et  obtint  contre 
eux  une  sentence  sévère.  L'exécution  de  ce  jugement  fut 
confiée  aux  électeurs  du  Palalinat  et  de  Brandenbourg. 
Tous  deux  firent  entrer  un  nombre  considérable  de  trou- 
pes dans  le  pays  de  Liège;  mais  la  Prusse  retira  ses  troupes 
peu  de  mois  après,  soit  par  conviction  de  la  juste  cause 
des  Liégeois,  soit  par  d'autres  motifs  politiques,  et  les  trois 
électeurs  ecclésiastiques  entreprirent  de  combler  cette  la- 
cune par  les  leurs. 


—  9S  — 

A  celle  fin,  une  brigade,  sous  les  ordres  du  général 
comle  de  Ilalzfeld,  composée  de  trois  bataillons  d'infanterie 
et  d'une  division  d'artillerie  et  de  hussards,  forte  d'environ 
quinze  cents  hommes,  quitta  Mayence  au  commencement  de 
mai  1790.  Elle  se  joignit  à  Maseyck  à  la  brigade  de  Co- 
logne et  du  Palatinat,  et  le  25  mai,  le  corps  d'exécution 
ainsi  réuni,  fort  d'environ  quatre  mille  cinq  cents  hommes, 
s'avança  contre  les  insurgés,  qui  avaient  pris  les  armes 
depuis  le  dépari  des  Prussiens.  Leur  force  principale  se 
trouvait  à  Liège;  Tongres  et  lïasselt,  deux  villes  un  peu 
susceptibles  de  défense,  avaient  de  petites  garnisons.  Des 
troupes  légères,  composées  principalement  de  tirailleurs, 
formaient  une  ligne  d'observation,  qui  s'appuyait  à  droite 
sur  la  Meuse,  et  à  gauche  sur  le  Brabant,  en  dessous  de 
Liège,  dans  une  étendue  de  quatre  à  cinq  lieues. 

La  marche  eut  lieu  en  une  colonne,  sur  la  petite  ville  de 
Bilsen,  distante  de  six  à  sept  lieues.  Lorsqu'on  fut  arrivé 
près  du  couvent  des  dames  nobles  de  Munster-Bilsen,  qui 
était  plus  proche  d'une  demi-lieue,  on  fît  la  rencontre  d'un 
parti  de  huit  ou  dix  tirailleurs,  lesquels,  à  l'approche  de  la 
colonne,  et  lorsqu'elle  était  encore  à  une  distance  telle  qu'ils 
ne  pouvaient  lui  faire  aucun  mal,  déchargèrent  leurs  cara- 
bines et  prirent  ensuite  la  fuite  à  grande  hâte  à  travers  les 
champs  de  blé  vers  un  petit  bois  voisin.  Là-dessus  une  com- 
pagnie de  grenadiers  mayençais  et  les  hussards  reçurent 
ordre  de  s'avancer  et  de  déblayer  la  plaine  des  ennemis. 
C'était  un  dimanche  matin  vers  onze  heures,  et  les  habi- 
tants des  fermes  environnantes  s'en  retournaient  justement 
de  la  messe  qu'ils  avaient  entendue  à  l'église  du  couvent. 
Six  ou  sept  de  ceux-ci  tombèrent  victimes  de  la  fureur  guer- 
rière des  soldats,  lesquels,  au  lieu  d'armes,  firent  butin  de 
missels  et  de  rosaires.  Les  troupes  d'exécution  prirent  pos- 
session, sans  rencontrer  la  moindre  résistance,  du  couvent 
de  femmes  et  de  la  petite  ville  de  Bilsen,  où,  se  reposant  sur 


—  98  — 

leurs  lauriers,  ils  restèrent  trois  jours  pour  réparer  leurs 
fatigues. 

Le  26  dans  la  nuit,  on  partit  pour  la  ville  de  Hasselt, 
située  sur  la  droite,  à  une  distance  d'environ  trois  lieues. 
Mais  au  lieu  de  suivre  la  route  qui  y  conduisait,  on  prit  en 
arrière  par  un  détour  de  sept  lieues,  et  on  arriva  l'après-diner 
à  la  bruyère,  entre  Sonhoven  et  Hasselt,  environ  à  une  petite 
lieue  de  cette  dernière  ville.  Les  troupes  étaient  extrême- 
ment fatiguées  par  suite  de  pluies  d'orage  continuelles,  et 
de  la  marche  sur  les  terrains  glissants  des  bruyères.  Un 
trompette  fut  envoyé  à  Hasselt,  pour  sommer  les  insurgés 
de  se  rendre;  mais  comme  la  nuit  s'approchait  et  que  le 
trompette  n'était  pas  encore  retourné,  on  prit  la  résolution 
d'entreprendre  immédiatement  l'attaque  de  la  ville.  Toute 
la  colonne  se  mit  en  mouvement  sur  la  chaussée  qui  y  con- 
duisait en  ligne  droite  à  travers  de  petits  bois. 

A  l'apparition  de  cette  forte  colonne  de  troupes,  les  in- 
surgés furent  saisis  d'une  telle  frayeur,  qu'ils  opérèrent 
leur  retraite  par  la  porte  qui  conduit  à  Tongres  et  à  Liège. 
Un  canon  en  fer  était  placé  audessus  de  la  porte  contre  la- 
quelle la  colonne  s'avançait.  Quelques  bourgeois  eurent 
l'idée  de  tirer  contre  les  ennemis  qui  s'approchaient.  Un 
capitaine  du  Palatinat  et  un  simple  soldat  furent  blessés. 
Ce  fut  là  le  signal  de  la  fuite,  qui  eut  lieu  avec  un  grand 
désordre,  comme  chacun  tâchait  de  se  sauver  le  plutôt  pos- 
sible sans  s'embarrasser  des  autres,  et  que  l'artillerie  et 
les  voitures  de  munition  devaient  être  tournées  sur  cette 
chaussée  étroite.  Les  troupes  arrivèrent  fatiguées  et  essouf- 
flées sur  la  bruyère,  où  ou  passa  la  nuit,  et  le  lendemain 
matin  on  retourna  dans  les  anciens  quartiers.  La  brigade 
de  Mayence  fut  placée  de  l'autre  côté  de  la  Meuse,  dans  la 
petite  ville  de  Sittard  et  les  villages  environnants. 

Après  cette  entreprise  manquée,  on  crut  devoir  attendre 
des  renforts,  et  se  mettre  en  état  de  pouvoir  attaquer  dans 


—  97  -^ 

les  règles  les  deux  villes  de  Hasselt  et  de  Tongres,  qui 
étaient  pourtant  bien  faiblement  fortifiées.  Un  bataillon  d'in- 
fanterie de  Trêves,  une  division  d'artillerie  et  un  escadron 
de  hussards  du  Palatinat  vinrent  renforcer  le  corps  d'exé- 
cution. Je  reçus  l'ordre  de  m'y  rendre  avec  quelques  canons 
de  siège.  J'étais  alors  major  du  génie,  emploi  que  je  rem- 
plissais en  même  temps  que  celui  de  professeur  de  mathé- 
matiques. 

J'arrivai  à  Sittard  le  18  juin.  Ma  première  occupation  fut 
de  faire  poser  un  pont  sur  la  Meuse  à  Mase}  ck,  et  de  mettre 
cette  ville  jadis  fortifiée  dans  un  état  de  défense  suffisant 
pour  qu'elle  put  servir  de  place  d'armes.  Le  corps  d'exécu- 
tion, sous  les  ordres  du  lieutenant-général  prince  d'Isen- 
bourg  du  Palatinat,  s'était  accru  jusqu'au  nombre  de  sept 
mille  hommes;  le  général  comte  de  Hatzfeld  commandait 
sous  lui  la  brigade  mayencaise,  le  général  baron  Wangcn 
la  brigade  de  Cologne  ou  de  Miinster,  et  un  prince  d'Isen- 
bourg  celle  du  Palatinat. 

Le  29  juin  la  brigade  mayencaise  passa  la  Meuse  à  Ma- 
seyck,  et  le  corps  entier  occupait  les  petites  villes  de  Bree 
et  Béer  et  les  villages  des  environs.  On  resta  un  mois  dans 
cette  position  et  on  avança  de  nouveau  vers  Miinster-Bilsen 
et  Hasselt.  La  brisade  mavencaise  se  trouvait  à  l'aile  droite 
vers  Hasselt,  celle  du  Palatinat  à  la  gauche  vers  Bilsen.  La 
première  était  munie  de  1  artillerie  de  siège  nécessaire  pour 
attaquer  Hasselt,  qu'on  avait  fortifié  davantage  depuis  la 
dernière  attaque.  Après  avoir  reconnu  la  place,  j'avais  sou- 
mis aux  généraux  mon  plan  d'attaque.  Il  fut  agréé.  Mais 
hélas,  contre  quels  malheurs  inouis  mon  beau  plan  devait-il 
échouer!  Que  l'on  s'imagine  que  dans  la  nuit  suivante  les 
insurgés  firent  la  tentative  de  tourner  la  brigade  du  Pala- 
tinat et  de  l'attaquer  par  derrière.  Elle  ne  réussit  pas,  à  la 
vérité,  mais  par  contre,  un  lieutenant  des  hussards  de 
IMayence,  qui  conduisait  une  patrouille  vers  Hasselt,  y  per- 

7 


—  98  — 

(lit  la  vie  par  quelques  lirailleurs  cachés  denière  des  brous- 
sailles. En  outre  la  nouvelle  se  répandit,  que  les  insurgés 
recevaient  de  Liège  des  renforts  considérables,  et  avaient 
le  projet  d'attaquer  le  corps  d'exécution  sur  tous  les  points. 
Alors  l'ardeur  belliqueuse  de  nos  hommes  de  guerre  devait 
naturellement  se  calmer!  Beaucoup  d'officiers  même  disaient 
que  ce  n'était  pas  permis  de  sacrifier  ainsi  leurs  gens  pour 
des  a  patriotes,  »  —  un  nom  qui  était  alors  équivalent  à 
celui  de  canaille.  Bref,  après  s'être  trouvé  pendant  dix  jours 
dans  cette  position,  après  avoir  perdu  un  seul  homme,  le 
lieutenant  de  hussards  déjà  cité,  sans  avoir  tué  un  seul  en- 
nemi, mais  après  avoir  fait  trois  prisonniers  et  pris  trois 
carabines,  on  battit  en  retraite  vers  les  anciens  cantonne- 
ments, que  l'on  rapprocha  seulement  en  les  resserrant  autour 
de  Maseyck. 

Les  troupes  du  Palatinat  essayèrent  de  piller  dans  quel- 
ques endroits  par  lesquels  ils  passèrent,  mais  ils  en  furent 
empêchés  par  leurs  chefs.  Lorsqu'ils  s'approchèrent  de  leurs 
quartiers,  quelques-uns  d'entr'eux,  qui  formaient  l'avant- 
garde,  déchargèrent  leurs  fusils  dans  un  endroit  où  se  trou- 
vaient quelques  maisons  disséminées.  Le  chef  du  bataillon 
qui  suivait  à  quelque  distance,  y  envoya  un  adjudant,  pour 
demander  ce  qui  s'y  passait.  Celui-ci  rapporta  la  nouvelle, 
qu'on  avait  tiré  sur  les  troupes  qui  passaient,  d'une  maison 
située  près  de  la  chaussée.  L'artillerie  reçut  immédiatement 
l'ordre  d'attaquer  cette  maison.  On  y  jetta  quelques  obus, 
et  le  feu  s'y  mit.  Les  habitants  voulurent  se  sauver  par  la 
fuite  et  furent  tués,  tandis  que  leurs  deux  enfants  furent 
blessés;  deux  personnes  périrent  dans  la  maison.  Les  sol- 
dats, avides  de  butin,  se  répandirent  alors,  sous  le  prétexte 
de  chercher  des  armes  cachées,  dans  les  maisons  environ- 
nantes, se  saisirent  de  ce  qu'ils  trouvèrent  à  leur  conve- 
nance et  amenèrent  des  familles  entières  comme  prisonniers 
rebelles.  Le  jour  suivant,  celles-ci  furent  amenées,  enchaî- 


—  99  — 

nées  ou  garotlées  sur  plusieurs  charetles,  sous  escorte,  à 
Maseyck,  au  quartier-général.  Je  me  trouvais  justement 
chez  le  général  en  chef,  lorsque  l'officier  qui  commandait  le 
détachement  délivra  le  rapport.  D'après  celui-ci,  les  pri- 
sonniers étaient  des  gens  dans  les  habitations  desquelles  on 
avait  trouvé  des  armes;  c'étaient  aussi  beaucoup  de  coups 
de  mousquet  qui  avaient  été  tirés  de  la  maison  incendiée  sur 
les  troupes  qui  passaient.  —  Est-ce  qu'il  y  a  eu  des  soldats 
tués  par  les  coups  tirés  de  cette  maison?  demanda  le  géné- 
ral. La  réponse  fut  :  aucun.  —  Et  la  maison,  continua 
celui-ci,  est  située  à  peu  de  distance  de  la  chaussée? —  Elle 
est  située  immédiatement  contre  cette  chaussée,  répliqua 
l'officier.  Le  général  se  fit  apporter  les  armes  que  l'on  avait 
trouvées,  et  qui  étaient  arrivées  sur  une  charette.  Elles  con- 
sistaient en  vingt  et  quelques  pièces  de  tous  les  genres;  mais 
cinq  ou  six  seulement  se  trouvaient  dans  un  état  convenable 
pour  pouvoir  en  tirer  un  seul  coup,  mais  elles  étaient  cou- 
vertes de  rouille  à  l'intérieur.  L'ordre  fut  donné  d'empri- 
sonner les  hommes,  et  de  les  bien  traiter,  mais  de  mettre 
immédiatement  en  liberté  les  femmes  et  les  enfants.  Parmi 
ces  derniers  se  trouvaient  aussi  les  deux  orphelins,  sous  les 
yeux  desquels  leurs  parents  avaient  été  tués  la  veille.  L'un 
avait  reçu  un  coup  de  feu  dans  une  jambe,  une  balle  avait 
effleuré  le  bras  de  l'autre,  et  le  premier  appareil  n'avait  pas 
encore  été  mis  à  leurs  blessures.  Un  lieutenant  de  Munster, 
jeune  homme  que  je  nommerais  volontiers  ici,  si  son  nom 
ne  m'était  échappé,  fit  conduire  les  deux  enfants  à  son 
quartier,  bander  leurs  blessures  par  un  chirurgien,  et  les 
soigner  par  les  gens  chez  lesquels  il  logeait.  Ceci  parut  pro- 
bablement une  conduite  peu  digne  d'un  guerrier,  car  le 
chef  de  bataillon  inlligea  pour  ce  fait  les  arrêts  à  ce  brave 
officier.  Sur  l'ordre  du  général  en  chef  on  examina  avec  le 
plus  grand  soin  les  décombres  de  la  maison  incendiée;  on 
n'y  trouva  pas  la  moindre  trace  d'armes,  mais  bien  des  restes 


—    100  — 

de  corps  brûlés.  Personne  ne  fut  rendu  responsable  de  ce 
qui  s'était  passé,  et  on  abandonna  le  tout  au  gazon  qui 
devait  couvrir  ces  débris. 

Le  mauvais  succès  de  nos  opérations  militaires  engagea 
l'empereur,  qui  était  d'ailleurs  encore  en  guerre  ouverte 
avec  les  Pays-Bas,  d'employer  des  mesures  plus  douces  en- 
vers les  insurgés  liégeois,  auxquels  on  accorda  maintenant 
une  partie  de  leurs  demandes.  Les  négociations  qui  furent 
continuées  pendant  plusieurs  mois,  pendant  lesquels  les 
troupes  de  Trêves  et  du  Palatinat  se  retirèrent,  tandis  que 
celles  de  Mayence  et  de  Miinster  restaient  dans  une  inacti- 
vité totale.  L'auteur  de  ces  mémoires  profita  de  cette  sus- 
pension d'armes  sur  un  cbamp  de  bataille  sans  gloire  pour 
répondre  à  une  question  proposée  par  l'académie  de  Munich. 
Ce  travail  se  trouve  inséré  dans  les  écrits  de  cette  académie. 

Pendant  ce  temps,  les  insurgés  du  Brabant  se  soumirent. 
Une  armée  autrichienne  considérable  se  trouvait  dans  le 
voisinage,  et  on  pouvait  maintenant  regarder  Taffaire  avec 
les  Liégeois  comme  terminée.  Malgré  cela  le  corps  d'exécu- 
tion qui  ne  comptait  plus  que  2500  hommes,  se  mit  de  nou- 
veau en  mouvement  vers  le  commencement  de  décembre. 
La  marche  eut  lieu  à  travers  le  pays  de  Juliers,  vers  la 
petite  ville  de  Visé,  qui  est  située  sur  la  rive  droite  de  la 
Meuse,  à  trois  lieues  en  dessous  de  Liège.  La  brigade  mayen- 
çaise  arriva  le  8  décembre  dans  l'après-diner  et  prit  posses- 
sion de  l'endroit  sans  rencontrer  de  résistance.  Une  petite 
île  est  située  devant  cette  ville,  à  laquelle  ou  parvient  par  un 
pont  de  bateaux,  et  de  là  on  passe  à  la  rive  opposée  au 
moyen  d'un  bac.  Un  lieutenant  y  fut  envoyé  avec  quarante 
grenadiers,  et  comme  il  ne  prit  pas  la  moindre  précaution, 
il  fut  attaqué  par  surprise  pendant  la  nuit  par  un  détache- 
ment de  tirailleurs  qui  y  arriva  de  Liège  en  toute  hâte. 
Avant  que  ses  gens  pussent  prendre  les  armes,  quelques-uns 


—  101   — 

furent  lues  et  blessés  et  la  plus  grande  j)ai'lie  fureiil  fails 
prisonuiers.  Le  reste  se  sauva  par  la  fuite  en  prolitanl  de 
la  nuit.  Alors  l'officier  qui  commandait  le  poste  sur  Tiic, 
quoiqu'il  eût  deux  canons  avec  lui,  craignit  aussi  pour  sa 
sûreté  et  se  relira  sur  la  rive  droite.  Au  point  du  jour  les 
insurgés  parurent  en  grand  nombre  sur  la  rive  gauche  de 
la  Meuse.  La  bruit  faux  se  répandit,  qu'une  seconde  colonne 
s'approchait  de  la  ville  sur  la  rive  droite,  motif  suffisant 
pour  une  prompte  retraite,  dans  laquelle  des  provisions  de 
vivres  et  autres  objets  qui  se  trouvaient  dans  qualre-vingt-une 
charrettes,  tombèrent  dans  les  mains  de  l'ennemi  par  le  man- 
que des  attelages  qui  s'étaient  sauvés  pendant  la  nuit,  au 
milieu  du  bruit  des  armes.  La  brigade  de  Munster  n'était 
pas  encore  arrivée  alors  à  Visé;  elle  avait  trouvé  bon  de  s'en 
approcher  à  pas  lents. 

Ainsi  se  termina  cette  troisième  et  dernière  croisade 
contre  les  insurgés  liégeois.  L'empereur  accepta  le  rôle  de 
médiateur.  Les  chefs  de  l'insurrection  furent  invités  à  se 
rendre  au  quartier-général  autrichien,  et  y  furent  bien  réga- 
lés. On  leur  promit  tout,  avec  la  réserve  mentale  de  tenir 
peu  ou  rien.  Ils  retournèrent  à  Liège  et  y  effectuèrent  un 
désarmement  général,  après  lequel  les  troupes  autrichiennes 
occupèrent  sans  rencontrer  de  résistance,  Liège,  Ilasselt, 
Tongres  et  d'autres  endroits.  Le  corps  d'exécution  les  sui- 
vait. Le  hasard  voulut  que  l'étal-major  général  mayençais 
et  le  bataillon  de  grenadiers  trouvèrent  leurs  quartiers 
dans  la  riche  ville  de  fabriques  Verviers,  la  seule  dans  le 
pays  de  Liège,  où  du  moins  la  partie  la  plus  notable  des 
habitants  était  dévouée  à  la  cause  du  prince.  Par  cette  rai- 
son notre  réception  y  fut  extrêmement  brillante.  Des  cou- 
ronnes de  laurier  furent  distribués  par  d'aimables  dames; 
des  poèmes  à  notre  louange,  dans  lesquels  on  nous  aj)pelait 
les  sauveurs  de  la  patrie,  et  où  on  nous  comparait  aux  héros 
de  ranliquilé,  furent  chantés  par  de  jolies  (illes;  des  illumi- 


—  102   — 

nations  avec  des  allégories  flatteuses,  des  bals  et  de  grands 
festins  eurent  lieu.  On  peut  s'imaginer  avec  quel  orgueil 
légitime  nous  acceptâmes  tout  cela!  Ce  qui  était  le  mieux 
fut  que  nous  y  séjournâmes  quelques  mois,  pendant  les- 
quels les  riches  fabricants  faisaient  leurs  efl"orts  à  se  sur- 
passer l'un  Tautre  pour  nous  bien  régaler. 

Les  Liégeois  devaient  recevoir  une  nouvelle  constitution; 
mais  avant  que  par  suite  de  la  marche  si  lente  de  la  diplo- 
matie allemande,  le  grand  œuvre  fut  commencé,  les  Français 
prirent  possession  du  pays. 

Au  commencement  du  printemps  de  1791,  les  troupes 
d'exécution,  couronnés  par  la  victoire,  revinrent  àMayence 
et  se  dirent  avec  beaucoup  de  complaisance  :  Ainsi  nous 
l'avons  cependant  emporté  à  la  fin  !  Beaucoup  d'officiers 
firent  entendre  leurs  regrets,  de  ce  que  l'on  ne  leur  eut 
pas  fourni  l'occasion  de  répandre  plus  de  sang  des  pa- 
triotes (i). 

Il  y  eut  naturellement  aussi  des  gens  qui  en  riaient. 
Ainsi,  lorsqu'un  jour  plusieurs  de  ces  héros  se  firent  en- 
tendre sur  ce  ton  dans  un  estaminet  à  vin,  un  jeune  homme 
de  la  ville  leur  répliqua  :  «  Lorsque  j'étais  encore  enfant, 
on  m'a  enseigné  une  fable  qui  me  revient  justement  à  la 
mémoire,  et  que  ces  messieurs  voudront  bien  me  permettre 
de  raconter  :  un  bouc  vint  à  un  ruisseau  pour  se  désaltérer 


(1)  Bien  peu  d'années  après  ces  événements,  le  29  octobre  1793,  les  troupes 
liégeoises  et  mayençaises  se  trouvaient  réunies  sous  les  mêmes  drapeaux. 
Elles  assistèrent  à  Tun  des  plus  beaux  faits  d'armes  de  l'armée  impériale,  à 
l'attaque  et  à  la  prise  des  lignes  des  Français  devant  Mayence,  sous  les  ordres 
d'un  Belge,  du  maréchal  Clairfait.  Le  général  Eickemeyer,  l'auteur  des  mé- 
moires dont  on  vient  de  lire  un  extrait,  se  trouvait  dans  l'armée  française. 
Ce  furent  même  les  hussards  mayençais,  et  un  corps  d'infanterie  liégeoise  qui 
pénétrèrent  les  premiers  dans  les  lignes  ennemis.  L'armée  française  fut  mise 
dans  une  déroute  comj)lèle;  elle  perdit  environ  130  canons,  une  immense 
quantité  de  munitions  et  de  matériel  de  guerre  et  près  de  deux  mille  pri- 
sonniers. Note  du  traducteur. 


—   103    — 

el  devint  fier  lorsqu'il  aperçut  le  reflet  de  ses  cornes  dans 
l'eau.  Si  le  loup  était  là,  s'écria-t-il,  comme  je  le  recevrais 
bien  !  Celui-ci  se  trouvait  par  hasard  dans  le  voisinage, 
Tentendit,  et  en  demanda  raison  au  bouc;  mais  celui-ci 
s'excusa  en  disant  que  ce  qu'il  venait  de  dire,  il  l'avait  fait 
après  avoir  bu.  » 

Si  le  conteur  de  celte  fable  eut  été  un  Liégeois,  il  eût  dû 
expier  sa  plaisanterie  par  cent  coups  de  bâton  à  la  pro- 
chaine parade;  mais  on  n'était  plus  maintenant  en  pays 
ennemi  (i). 


(I)  Le  Iraduclciir  ayant  \oulu  liilèlemenl  reproduire  la  manière  un  peu 
triviale  de  raconter  du  général  Eickemeyer,  le  leeteur  est  prié  d  être  indul- 
gent pour  le  style  cl  la  forme  littéraire  de  ce  morceau. 

Note  de  la  Rédaction. 


loi   — 


Hoiuc 


SUR  LE   BARON    ARNOUL  DE   VILLE, 

INGÉNIEUR    DE    LA    MACHINE    HYDRAI'LIQIE    DE    MABLY. 


»«Aft« 


Les  eaux  de  Versailles  et  la  machine  de  Marly  qui  les 
faisait  mouvoir,  ont  été  tant  de  fois  décrites  par  les  histo- 
riens, les  voyageurs  et  les  mécaniciens;  elles  ont  été  si 
souvent  chantées  et  admirées  par  les  poêles,  qu'il  nous 
semble  superflu  d'en  toucher  mot  ici.  Notre  but  est  de  faire 
connaître  le  véritable  auteur  de  celte  machine,  construite 
si  ingénieusement  qu  elle  excita  l'admiration  de  tous  ceux 
qui  l'ont  vue,  et  que  M"''  de  Maintenon  la  faisait  passer 
pour  une  des  merveilles  du  monde. 

Tous  ou  à-peu-près  tous  les  auteurs  qui  en  ont  parlé  sont 
d'accord  pour  en  attribuer  l'invention  à  Renenquin  ou  Ren- 
kin  De  Sualème,  mécanicien  liégeois;  tous  s'accordent,  à 
peu  d'exceptions  près,  pour  enlever  à  Arnoul  De  Ville,  éga- 
lement Liégeois,  la  part  qu'il  eut  dans  la  construction  de 
cette  machine.  A  les  entendre,  ce  dernier  aurait  simple- 
ment recommandé  à  Colbert  celui  qui  s'était  déjà  fait  con- 
naître si  avanlageusemenl,  dans  le  pays  de  Liège,  par  la 
construction  de  différentes  machines  hydrauliques. 

Examinons,  en  peu  de  mois,  les  preuves  alléguées  en 
faveur  de  Rennequin.  Ses  partisans  se  fondent  particu- 
lièrement sur  l'inscription  tracée  sur  son  tombeau,  et  qui 
dit  positivement  qu'il  était  seul  inventeur  de  la  machine  de 


—   lOo  — 

Marly.  Weidier,  dans  son  Tractatus  de  machinis  hydra- 
licis,  a  recueilli  tous  les  renseignements  qu'il  avait  pu  se 
procurer  contre  De  Ville,  renseignements  qui  ne  constituent 
aucune  preuve  directe  ni  concluante  contre  De  Ville.  On  a 
même  invoqué  pour  Rennequin  les  faveurs  accordées  à  sa 
famille  par  le  grand  Roi,  afin  d'effacer  totalement  De  Ville. 
De  Villenfagne  se  déclare  également  en  faveur  de  Ren- 
nequin. Selon  lui,  De  Ville,  en  partant  pour  la  France, 
connaissait  les  talents  supérieurs  de  Rennequin  pour  les 
mécaniques  :  il  s'en  était  servi  avec  succès  pour  faire  venir 
les  eaux  au  château  de  Modave,  sa  propriété.  Il  va  plus 
loin  encore  et  rapporte  l'anecdote  suivante,  qui  lui  fut  ra- 
contée par  un  vieillard.  Le  jour  que  l'on  devait  faire  jouer, 
pour  la  première  fois,  les  eaux  de  Marly,  Louis  XIV  voulut 
assister  à  ce  spectacle;  mais  au  moment  où  les  ordres  furent 
donnés  pour  commencer  l'opération,  Rennequin  n'était  pas 
à  son  poste  et  avait  emporté  le  secret  de  son  ouvrage.  De 
Ville  ne  put  rien  faire  marcher  jusqu'au  moment  où,  par 
des  promesses  nouvelles,  il  put  engager  Rennequin  à  mettre 
la  machine  en  mouvement.  De  Villenfagne  invoque  encore 
le  témoignage  des  Anecdotes  intéressantes  et  secrètes  de  la 
cour  de  Russie,  pour  détruire  la  gloire  de  De  Ville. 

Nous  ne  nierons  pas  les  faits  invoqués  par  les  partisans 
de  Rennequin,  mais  encore  nous  nous  inscrivons  en  faux 
contre  les  faits  allégués  en  sa  faveur.  Mais  sont-elles  sufîi- 
santes  pour  enlever  à  De  Ville  la  gloire  d'avoir  inventé  la 
machine  de  Marly?  Peut-on  en  tirer  la  conséquence  rigou- 
reuse qu'il  n'était  pour  rien  dans  la  direction  des  travaux? 
Peut-on  admettre  comme  vrais  tous  ces  on  dit,  en  présence 
d'actes  authentiques?  Nous  ne  le  croyons  pas. 

Si  l'inscription  du  tomheau  de  Rennequin  est  si  con- 
cluante, comme  on  le  prétend;  si  elle  constitue  un  titre 
authentique  de  sa  gloire,  nous  invoquerons  en  faveur  de 
De  Ville  un  titre  semblable.  Au  bas  de  son  portrait  on  lit 


—  106  — 

également  qu'il  est  rinveiiteur  de  la  machine  de  Marly.  Ce 
titre  nous  semble  tout  aussi  digne  de  foi  que  l'inscription 
du  tombeau  de  Rennequin,  inscription  qui  y  a  été  tracée 
par  sa  famille,  dans  Tintenlion  peut-être  de  relever  la  gloire 
d'un  de  ses  membres. 

Les  faveurs  accordées  à  cette  famille  n'ont  rien  d'étonnant. 
Rennequin  était  un  mécanicien  distingué,  il  avait  travaillé 
à  la  machine  de  Marly,  et  comme  tel  lui  et  sa  famille  pou- 
vaient être  récompensés  par  Louis  XV,  qui  avait  l'habitude 
de  rémunérer  avec  munificence.  Oubliait-il  De  Ville?  Au 
contraire  :  il  lui  accorda  des  faveurs  extraordinaires  et  au- 
trement importantes  que  ceux  dont  Rennequin  et  sa  famille 
furent  comblées,  comme  nous  le  ferons  voir  tantôt. 

Reste  encore  à  examiner  les  assertions  des  publicistes  de 
la  fin  du  siècle  dernier.  Nous  leur  reprocherons  en  premier 
de  ne  pas  être  contemporains  des  faits  qu'ils  avouent;  en- 
suite nous  leur  opposerons  l'éditeur  des  lettres  de  Madame 
de  Maintenon,  qui  disait,  en  1753,  que  l'ingénieur /Zoma/ic/, 
dont  elle  parle  à  propos  de  la  machine  de  Marly,  s'appelait 
De  Ville. 

Quant  à  la  machine  construite  au  château  de  Modave 
par  Rennequin,  nous  nous  bornerons  à  faire  observer  que 
celui-ci  et  De  Ville  furent  appelés  en  France  pour  la  con- 
struction de  la  machine  de  Marly  en  1675;  que  le  premier 
essai  en  fut  fait  en  1682,  et  que  De  Ville  posséda  le  château 
de  Modave  seulement  en  1705  (i).  Il  ne  peut  donc  avoir 
appris  à  connaître  Rennequin  par  la  suite  de  la  construc- 
tion de  la  machine  de  Modave,  à  moins  de  supposer  qu'elle 
fut  élevée  lorsque  ce  château  appartenait  encore  à  l'évêque. 
Dans  ce  dernier  cas  nous  ne  pouvons  expliquer  l'interven- 
tion de  De  Ville  dans  celte  construction,  si  l'on  ne  supposait 

(1)  Le  15  décembre  1684,  Tévèque  de  Liège,  Maximilicn-Henri  de  Bavière, 
cil  fil  donc  au  cardinal  de  Furstembcrg. 


—  107  — 

qu'il  en  fût  l'ingénieur.  Car  personne  ne  s'avisera  de  sou- 
tenir qu'il  était  artisan.  Il  était  noble,  et  son  père  reçut  de 
l'empereur  Léopold,  par  diplôme  du  14  janvier  1G86,  le 
titre  de  baron  libre  de  l'empire  Ce  diplôme,  qui  contenait 
sa  généalogie,  fut  approuvé  par  le  prince  de  Liège  le  13  oc- 
tobre de  l'année  suivante  et  enregistré  à  la  chancellerie  de 
Liège. 

Pendant  qu'Arnoul  De  Ville  fut  en  France,  Tévêque  de 
Liège  lui  accorda,  le  21  septembre  1686,  la  permission  de 
s'y  faire  naturaliser,  le  dispensant  des  serments  qu'il  lui 
avait  prêtés  et  de  tous  les  devoirs  de  sa  naissance.  Dans 
ces  lettres  il  disait  «  qu'il  ne  se  privait  d'un  sujet  qui  lui 
était  si  cher  et  si  recommandable,  qu'en  considération  du 
roi  de  France,  puisqu'il  lui  était  très-agréable  par  sa  vertu 
et  son  mérite  particulier.  » 

Ce  fut  par  lettres-patentes  du  mois  de  mai  1692  que 
Louis  XÏV  le  naturalisa  «  pour  lui  marquer  l'estime  qu'il 
faisait  de  tant  de  recommandables  services,  qu'il  lui  avait 
rendus,  et  continuait  journalièrement  à  lui  rendre,  et  pour 
lui  donner  un  témoignage  public  de  sa  bienveillance  qui 
put  passer  à  sa  postérité.  »  Ensuite  le  roi  le  reconnaisait 
comme  gentilhomme  d'extraction,  et  voulut  que  lui  et  ses 
enfants  légitimes  jouissent  de  tous  les  honneurs  et  privilèges 
dont  étaient  investis  les  autres  gentilshommes  du  royaume, 
le  dispensant  de  payer  aucune  finance  ou  indemnité. 

Philippe  V,  petit-fils  de  Louis  XIV,  par  lettres  datées  de 
Milan  le  19  octobre  1702,  voulut  à  son  tour  reconnaître  les 
services  rendus  à  son  grand-père.  Il  naturalisa»  Arnoul  de 
Mlle,  natif  du  pays  de  Liège,  gouverneur  et  directeur  des 
traveaux  de  la  Seine  pour  les  élévations  des  maisons  royales 
de  Versailles,  de  Trianon  et  Marly.  »  Il  le  reconnut  comme 
règnicole  de  ses  royaumes  et  i)rovinces  et  surtout  de  son 
comté  de  iXamur,  où  il  possédait  des  biens  considérables. 
Les  considérants  de  ces  lettres  sont  surtout  trop  curieux 


—   108  — 

pour  ne  pas  nous  permellre  d'en  citer  ici  quelques  passages. 
«  Etant  donc  infoi'mé  personnellement,  dit-il,  et  ayant  une 
connaissance  parfaite  des  agréables  et  importants  services 
que  l'exposant  rend  depuis  très-longtemps  à  notre  très-cher 
et  très-amé  bon  frère  et  grand-père  le  roi  de  France  et  de 
Navarre,  jusques  à  se  distinguer  de  tous  les  autres  hommes 
par  ses  travaux  inouis  et  inventions  tant  nouvelles  qu'utiles, 
et  qui  semblent  surpasser  l'imagination  humaine,  les- 
quels (travaux)  nous  avons  tant  de  fois  admiré,  que  nous 
les  avons  vus,  et  sachant  les  grands  et  importants  services 
que  ledit  exposant  a  rendus  et  nous  rend  actuellement  à 
nous  et  à  S.  M.  T.  G.,  et  lui  voulant  marquer  notre  satis- 
faction particulière  et  lui  donner  un  témoignage  public  de 
notre  bienveillance  qui  puisse  être  connu  de  l'avenir  et  pas- 
ser à  la  postérité  par  témoignage  de  l'estime  que  notis  faisons 
de  son  rare  et  extraordinaire  génie  et  des  recomniandables 
services  qu'il  a  rendus  au  roi  de  France,  notre  grand-père, 
et  qu'il  nous  rend  journellement;  notre  intention  est  qu'il 
jouisse  de  tous  les  droits  dont  jouissent  les  régnicoles,  etc.  » 

De  pareils  hommages  rendus  successivement  par  trois 
souverains  au  génie  de  De  Ville,  nous  semblent  d'une  im- 
portance telle  qu'ils  contrebalanceront  facilement  tout  ce  que 
l'on  a  dit  contre  lui.  Le  prince  de  Liège,  Louis  XIV  et  Phi- 
lippe V  en  savaient,  croyons-nous,  plus  sur  son  compte  que 
les  auteurs  de  la  fin  du  siècle  dernier.  Des  actes  semblables 
d'une  authenticité  incontestable,  sont  plus  dignes  de  foi 
qu'une  simple  inscription  d'un  tombeau,  élevé  par  la  famille 
de  Rennequiu. 

Désormais  il  sera  impossible,  croyons-nous,  de  faire  en- 
core passer  De  Ville  comme  un  plagiaire  ou  un  intrus  qui 
a  voulu  profiter  du  talent  d'autrui  pour  parvenir. 

Rennequin  devra  lui  restituer  une  partie  de  la  gloire  qu'il 

s'était  acquise,  et  qu'il  avait  peut-être   involontairement 

usurpée  par  l'inscription  de  son  tombeau. 

Ch.  Piot. 


—  109  — 


Cl)cminéc  be  Courtvai. 


■  (EXPLICATIONS   COMPLÉMENTAIRES). 

Dans  rarticle  que  nous  avons  publié  dans  le  Messager 
des  Sciences,  volume  de.rannée  1848,  sur  la  cheminée  de 
riiôlel-de-ville  de  Courtrai,  il  nous  est  arrivé  plus  d'une  fois 
d'éprouver  des  difficultés  sérieuses  pour  expliquer  quelques- 
uns  des  sujets  bizarres  qui  y  sont  représentés;  il  y  en  a 
qui  sont  restés  sans  interprétation  aucune.  Cependant  de 
temps  à  autre  nous  parvenons  à  trouver  la  clé  d'une  de  ces 
énigmes  dont  d'ingénieuses  allégories  sont  toujours  le  fond. 
Nous  avons  dit  à  la  page  511  du  volume  1848  susmen- 
tionné, que  l'aiguille  de  la  '2^  poutre  qui  soutient  le  plafond 
de  la  salle  où  se  trouve  la  cheminée  décrite,  nous  présente 
d'un  côté  une  femme  assise  à  califourchon  sur  un  homme. 
Mais  nous  n'avions  pu  découvrir  la  signification  de  cette 
grotesque  représentation. 

Nous  sommes  à  même  de  fournir  aujourd'hui  à  cet  égard 
une  explication  convenable.  Nous  la  rencontrons  dans  un 
ancien  conte  en  vers  français,  intitulé  Le  lay  irAristote  (i), 
auquel  cette  scène  fait  allusion.  Nous  y  voyons  qu'une  belle 
Indienne,  dont  Arislote  était  devenu  amoureux,  avait  telle- 
ment subjugué  le  vieux  philosophe  qu'elle  avait  promis  au 
roi  Alexandre  de  se  montrer  à  lui,  assise  à  califourchon 
sur  son  dos,  se  servant  du  vieillard  lui  comme  d'un  cheval. 


(I)  Publir  par  BAnBAZA>,  dans  les  Fabliaux  cl  Contes  des  Poêles  françai 
des  Xle,  XMs  XlVe  cl  XVe  siècles.  Paris,  1808;  l.  III. 


—  110  — 

Voici  comment  le  poêle  rend  la  proposition  faite  de  ce  chef 
au  grave  iVristote  : 

Mestres,  ainçois  qu'à  vous  foli, 

Dist  la  Dame  vous  convient  fere. 

Por  moi  un  moult  divers  afere 

Se  tant  estes  d'amor  souspris  ; 

Quar  un  moult  granz  talcnz  m'est  pris. 

De  vous  un  petit  chevauchier, 

Desus  ceste  herbe  en  cest  vergier; 

Et  si  vueil,  dist  la  Demoisele, 

Qu'il  ait  sor  vo  dos  une  selc, 

Si  serai  plus  honestement. 

Li  mestres  li  respont  briefment 

Que  ce  fera  il  volentiers , 

Com  cil  qui  est  siens  toz  entiers 

Bien  l'a  mis  amors  à  desroi, 

Quand  la  sele  d'un  palefroi 

Li  fet  conporter  à  son  col  : 

Or  croi  quil  sanblera  bien  fol 

Quand  de  sor  le  col  li  est  mise 

Et  celé  s'en  est  entremise, 

Tant  qu'ele  li  met  sur  le  dos 

Bien  fit  amors  d'un  viel  rados, 

Puisque  nature  le  sermont 

Que  tout  le  meillor  Clerc  du  mont 

Fit  comc  roncin  enseler, 

Et  puis  a  quatre  piez  aler 

A  chatonant  par  dessus  l'erbe  (1). 

Dans  les  Fabliaux  et  contes,  traduits  et  extraits  par 
Le  Grand  d'Aussy,  t.  I,  pag.  275,  286  et  294  (Paris, 
1829)  ,  nous  lisons  d'excellentes  explications  du  Lay 
(TAristote. 

La  moralité  qui  résulte  des  vers  que  nous  venons  de 
reproduire,  est,  comme  on  le  voit,  que  l'amour  fait  faire 
des  folies  aux  plus  sages  et  aux  plus  vieux  : 

Amour  vainc  tôt,  et  tôt  vaincra, 
Tant  com  li  monde  durera  (2). 

Nous  trouvons  ici  une  nouvelle  preuve  que  les  artistes 


(i)  Barbazan,  p.  109  et  110. 
(2)  Ibid.,  I.  I,  9G. 


—  111  — 

du  moyen  âge  savaient  souvent  s'inspirer  aux  poésies  et 
aux  romans  populaires  de  cette  époque,  pour  en  faire 
ressortir  un  enseignement  moral. 

Nous  avons  dit  dans  le  môme  article  qu'une  des  poutres 
de  la  salle  de  rhôtel-de-ville  de  Courtrai,  décrite  par  nous, 
représentait  un  homme  descendu  dans  un  panier  et  que 
cette  scène  faisait  allusion  à  une  aventure  du  sorcier  Vir- 
gilius  (i).  i\ous  aurions  pu  ajouter  que  cette  aventure  est 
aussi  attribuée  à  Ilippocrate,  dans  un  fabliau  français, 
plus  ancien  que  le  roman  du  magicien  Virgilius  et  qui  est 
connu  sous  le  nom  de  :  Lai  iV Hippocrate  (2).  Le  célèbre 
médecin  grec  y  apparaît  aussi  malmené  qu'Aristote  par  une 
femme  dont  il  s'était  épris,  et  livré  comme  lui  à  la  risée 
publique.  La  même  moralité  ressort  des  deux  scènes  dont 
nous  avons  parlé,  et  où  nous  n'hésitons  plus  à  reconnaître 
les  deux  personnages  les  plus  connus,  les  plus  populaires 
dans  la  scolastique  du  moyen  âge.  Ces  sujets  se  trouvaient 
également  sculptés  sur  des  chapitaux  de  l'église  deS*-Pierre 
de  Caen,  qui  date  du  XIIP  siècle,  et  sur  la  menuiserie  des 
stalles  du  chœur  de  l'église  de  Notre-Dame  de  Rouen  (3). 
C'étaient,  on  le  voit,  des  sujets  populaires  que  les  artistes 
aimaient  à  reproduire,  même  dans  les  églises,  où  on  ne 
devait  s'attendre  qu'à  trouver  le  symbolisme  chrétien  ! 

J.  D.  S.  G. 


(1)  Messager  des  Sciences,  1848,  p.  512. 

(2)  Le  Grand  d'Aussy,  ibid.,  i)p.  297  et  ôG7. 
(5)  Ibid.,  p.  368. 


—  112 


€a  6ibliotl)cquc  bc  Oosauet. 


C'est  un  des  privilèges  du  génie,  de  donner  à  tout  ce  qu'il 
louche  une  sorte  de  consécration,  qui  le  protège  contre  l'in- 
différence ou  l'oubli,  comme  ces  fleurs  qui  laissent  après 
elles  un  parfum  durable  qui  charme  et  embaume. 

Le  hasard  vient  de  me  mettre  entre  les  mains  un  cata- 
logue de  livres  qui  n'est  remarquable  ni  par  son  étendue 
ni  par  sa  rédaction;  il  ne  récèle  l'indication  d'aucune  de 
ces  raretés  ignorées  ou  impossibles,  qui  font  bondir  le  cœur 
du  bibliomane,  intéressent  le  bibliophile,  et  font  sourire,  à 
l'occasion,  le  reste  du  genre  humain.  Mais  sur  le  litre  de 
ce  catalogue,  j'ai  aperçu  le  nom  d'un  grand  homme,  et  je 
l'ai  feuilleté  amoureusement.  Vous-mêmes  en  lisant  ce  nom 
en  tète  de  cette  page,  ne  vous  étes-vous  pas  pris  de  quelque 
intérêt  au  sujet  qu'il  annonce? 

L'abbé  Jacques-Bénigne  Bossuet,  neveu  du  prélat  qui 
illustra  les  mêmes  noms  par  ses  vertus  et  son  éloquence, 
hérita  de  la  bibliothèque,  comme  de  tous  les  biens  de  son 
oncle,  qui  montra  toujours  pour  lui  une  affection  poussée 
jusqu'à  la  faiblesse.  Il  en  était  cependant  bien  peu  digne. 
Mêlé  à  quelques  circonstances  de  la  vie  de  l'auteur  du  Dis- 
cours sur  r histoire  universelle,  il  se  montra  passionné, 
violent,  emporté,  et  ses  torts  ont  rejailli  sur  son  oncle.  C'est 
ainsi  que  dans  la  déplorable  controverse  qui  s'engagea  à 
propos  de  V Explication  des  Maximes  des  Saints^  le  malheur 
de  Bossuet  fut  d'avoir  son  neveu  pour  agent  à  Rome. 


—   118  — 

Celui-ci  a  édité  plusieurs  ouvrages  de  son  oncle,  et  publié 
lui-même  quelques  volumes  sans  grande  valeur  sur  la  théolo- 
gie. Ces  travaux,  et  surtout  le  prestige  du  nom  illustre  qu'il 
portait,  lui  valurent  révéché  de  Troye.  Il  l'obtint  en  171  G, 
et  le  résigna  en  1742.  L'année  suivante,  il  mourut  à  Paris, 
âgé  de  79  ans.  Avec  lui  s'éteignit  le  nom  de  Bossuet. 

Peu  de  temps  avant  sa  mort,  il  avait  vendu  sa  bibliothè- 
que, dont  les  livres  qu'il  avait  hérités  de  son  oncle,  formaient 
le  fond  principal.  Le  catalogue  comprend  14.o7  numéros  (i). 
La  théologie  y  figure  pour  plus  de  la  moitié.  L'histoire  y 
est  bien  représentée;  la  littérature  légère  et  la  poésie  y  occu- 
pent le  moins  de  place.  C'est  une  image  fidèle  du  caractère 
de  Bossuet  :  prêtre  pardessus  tout,  historien  par  occasion, 
et  partisan  très-réservé  de  la  poésie,  en  haine  des  ornements 
mythologiques  chez  les  anciens  aussi  bien  que  chez  les  mo- 
dernes. Dans  sa  bibliothèque,  on  remarque  aussi  peu  d'in- 
dications de  riches  ou  de  rares  exemplaires  :  Bossuet  n'était 
pas  bibliophile;  il  n'aimait  les  livres  que  pour  ses  éludes. 

Bien  que  l'on  rencontre  dans  ce  catalogue  plusieurs  ouvra- 
ges dus  à  la  plume  de  l'historien  des  Variations,  je  croirais 
volontiers  que  l'abbé  Bossuet  conserva  les  livres  qui  rappe- 
laient le  souvenir  de  l'illustre  évéque  de  Meaux.  C'est  ainsi 
que  je  n'y  trouve  pas  la  17e  de  saint  Augustin,  par  Tillemont. 
On  sait  que  retenu  à  Paris  par  la  maladie  dont  il  mourut, 
Bossuet  en  lisait  quelques  passages  dans  la  soirée  lorsqu'il 


(I)  Catalogue  des  livres  de  la  Bibliothèque  de  Messieurs  Bossuet,  anciens 
Évoques  de  Meaux  et  de  Troyes,  qui  se  vendra  à  Tamiable  le  Lundi  3.  Dé- 
cembre 17i2.  dans  une  des  Salles  du  Couvent  des  RR.  PP.  Augustins.  Le  prix 
sera  marqué  sur  chaque  Livre.  —  Paris,  M.DCC.XLII.  In-S",  IV  et  104.  pag. 

On  lit  dans  VAverlissement :k  Outre  les  Livres  dont  on  donne  le  Catalogue, 
il  y  a  un  très-grand  nombre  de  Volumes  sur  les  mêmes  matières,  qui  seront 
exposes  de  même  avec  le  prix  marqué.  » 

Dans  ce  catalogue,  rédigé  avec  assez  peu  de  soin,  on  rencontre  rarement 
des  ouvrages  postérieurs  à  1704,  année  de  la  mort  de  révéque  de  Meaux  ;  il 
est  donc  probable  que  son  neveu  n'a  guèrcs  enrichi  cette  collection. 

8 


—  11/»  — 

n'avait  pas  de  visites;  il  avait  même  fait  venir  son  exem- 
plaire de  Meaux,  «  pour  avoir,  disait-il,  la  liberté  d'y 
marquer  ce  qu'il  lui  plairait  (i).  » 

C'est  à  Meaux  que  je  viens  de  trouver,  en  furetant  chez 
un  bouquiniste,  le  catalogue  qui  fait  l'objet  de  cette  notice. 
Aussi,  on  me  l'a-t-on  côté  six  fois  sa  valeur  :  en  voyage, 
tout  se  paye,  même  les  rencontres  les  plus  imprévues. 

Meaux,  2  mai  1845. 


J.    P.   DE   R. 


(1)  MSS.  de  Tabbc  Lcdicu,  et  de  Bausset,  Histoire  de  Dossuet,  Liv.XlII,  S  16. 


lis  — 


LES  DUCS  DE  BOURGOGNE, 

Études  sur  les  lettres,  les  arts  et  l'industrie  pendant  le 
XV"  siècle;  par  le  Comte  de  Laborde,  membre  de  r In- 
stitut. —  La  Renaissance  des  Arts  a  la  cour  de  France, 
études  sur  le  XVP  siècle,  du  même  auteur  (i). 


Lorsque  Charles  V  expira  le  16  septembre  1380,  eu 
adressant  à  son  fils  le  vœu  des  patriarches  :  «  Plaise  à  Dieu 
»  qu'à  cestui  Charle  doint  la  rousée  du  ciel;  que  les  lignées 
»  le  servent  et  que  s'inclinent  devant  luy  les  fils  de  sa  mère!  » 
on  pouvait  déjà  lire  sur  le  front  qu'il  bénissait,  le  réveil  des 
ambitions  coupables,  prêtes  à  profiter  de  l'impuissance  et 
de  la  faiblesse  de  la  royauté.  Les  lignées,  loin  de  servir 
Charles  VI,  devaient  se  disputer  son  sceptre  de  leurs  mains 
ensanglantées,  et  ce  n'était  point  sur  un  champ  de  bataille 
envahi  par  une  armée  étrangère,  que  le  fils  de  sa  mère 
devait  succomber  à  l'âge  de  trente-six  ans. 

Un  fait  important  caractérise  toutefois  les  rivalités  qui  se 
produisent  et  se  succèdent.  Au  dessus  de  la  jalousie  qui 
excite  Philippe  le  Hardi  et  Jean  Sans  Peur  contre  le  duc 
d'Orléans,  se  place  la  querelle  des  Bourguignons  et  des 
Armagnacs,  c'est-à-dire  l'antique  antagonisme  de  l'influence 

(I)  Malgré  l'excessive  sévérité  avec  laquelle  M.  le  comte  de  Laborde  a  cru 
devoir  traiter  le  Messager  des  Sciences  historiques,  dans  l'ouvrage  qu'il  vient 
de  publier,  p.  xxxi  et  xxxiii,  nous  accueillons  volontiers  le  compte-rendu  de 
M''  K.  de  L.,  ne  fut-ce  que  pour  prouver  que  notre  recueil  a  toujours  su  rendre 
justice  à  qui  il  appartient  et  qu'il  ei-aiut  peu  le  dvlrûncmcnt  dont  le  nifn;ice, 
nous  ne  savons  trop  pourquoi,  le  savant  et  laborieux  comte  de  Laborde. 

Note  de  la  Rédaction  du  Ulessarjer  des  Sciences. 


—  116  — 

seplenlrionale  et  de  rinfliieiice  méridionale,  arborant,  l'une 
vis-à-vis  de  l'autre,  leurs  couleurs,  leurs  bannières,  leurs 
emblèmes  et  leurs  implacables  devises.  D'un  côté,  nous 
voyons  le  duc  de  Bourgogne,  devenu  flamand  par  intérêt 
politique  depuis  qu'il  a  épousé  Marguerite  de  Maie;  de 
l'autre,  le  duc  d'Orléans  presque  italien  par  son  mariage 
avec  Valentine  de  Milan.  Le  premier,  plus  puissant  sous 
Cbarles  VI,  entraîna  la  France  vers  le  nord  à  la  mêlée  de 
Roosebeke,  au  camp  de  l'Ecluse,  à  l'expédition  de  Gueldre; 
le  second  voulait  diriger  toutes  les  forces  de  la  monarcbie 
vers  le  midi  :  s'il  parvint  à  peine  à  conduire  une  armée  en 
Aquitaine,  il  ouvrit  du  moins  au  génie  belliqueux  de  la 
France  vers  les  campagnes  de  l'Italie  celte  voie  glorieuse 
mais  fatale  dont  les  stations  furent  Fornoue,  Seminare,  Agna- 
del,  Ravenne,  Novarre  et  Pavie,  Des  ducs  de  Bourgogne 
sortira  Charles-Quint  que  l'électeur  de  Saxe  nommait  Charles 
de  Gand;  le  duc  d'Orléans  sera  l'aïeul  de  François  I":  der- 
nier terme  de  ces  rivalités  qui  en  se  développant  de  plus  en 
plus  étaient  devenues  européennes. 

Le  même  mouvement  descendit  de  la  haute  région  de  la 
politique  pour  dominer  toute  l'histoire  des  arts. 

L'influence  septentrionale,  prépondérante  sous  les  princes 
de  la  maison  de  Bourgogne,  eut  son  Apelles  dans  Jean  Van 
Eyck,  et  l'on  serait  tenté  d'appliquer  au  duc  Philippe  le  mot 
célèbre  d'Alexandre  sur  le  peintre  de  Cos  :  Quod  ejus  arlem 
tuni  etiam  sibi  rjlorîae  fore  putabat. 

Si  l'influence  méridionale  n'apporta  point  la  même  auréole 
au  duc  d'Orléans  qui  aimait  vivement  les  arts,  il  faut  tenir 
compte  et  de  sa  fin  prématurée  et  de  la  supériorité  qu'assu- 
raient aux  pays  de  la  domination  bourguignonne,  leurs 
vastes  richesses  et  leur  civilisation  plus  avancée.  L'influence 
méridionale  atteindra  son  apogée  quand  François  F%  arrière- 
petit-fîls  du  duc  d'Orléans,  proclamera  en  France  la  gloire 
de  l'école  italienne,  représentée  par  les  chefs-d'œuvre  de 
liaphaël  et  de  Léonard  de  Vinci. 


—  117   — 

Ainsi  ces  deux  iafluenees  étudiées  au  point  de  vue  des 
arts  eurent  tour  à  tour  leurs  jours  de  triomphe  et  leurs 
heures  de  faiblesse  ou  de  décadence.  L'une  antérieure  à 
l'autre  répandit  une  lumière  si  vive  que  ses  rayons  glissè- 
rent jusqu'aux  rivages  de  l'Italie  pour  féconder  le  berceau 
de  sa  rivale.  L'autre,  venant  plus  tard,  partant  plus  com- 
plète et  plus  parfaite,  n'effaça  pas  entièrement  les  souvenirs 
de  la  première,  même  à  la  cour  de  François  I". 

M.  le  comte  de  Labordc  a  réuni  dans  deux  publications 
récentes,  les  documents  les  plus  importants,  les  plus  nom- 
breux et  les  plus  variés  sur  ces  deux  périodes  de  l'histoire 
de  l'art,  illustrées  par  tant  de  noms  fameux.  Tout  ce  que  les 
recherches  les  plus  patientes  et  les  plus  laborieuses  peuvent 
ajouter  aux  trésors  de  la  critique  et  de  l'érudition  s'offre  à 
nous  dans  les  travaux  de  M.  de  Laborde  sous  la  forme  la 
plus  utile  et  la  moins  contestable.  Chaque  appréciation  a  ses 
sources,  chaque  jugement  a  ses  preuves.  Les  vénérables 
hommages  que  les  âges  chrétiens  offrirent  à  Dieu  en  éle- 
vant et  en  ornant  ses  temples,  les  splendides  et  frivoles  dé- 
lassements qui  doraient  les  lambris  des  palais,  les  miracles 
de  la  piété  et  les  merveilles  du  luxe  et  de  la  richesse  pré- 
sentent tour  à  tour  sous  un  aspect  différent  les  traces  du 
progrès  des  arts.  Les  archives  des  princes  et  les  cartulaires 
des  monastères  mêlent  leurs  enseignements.  Partout  une 
main  habile  a  touché  le  feuillet  et  la  ligne  qui  cachaient 
sous  la  poussière  des  siècles  leurs  tardives  révélations,  et 
désormais  le  même  document  qui  fera  vivre  la  générosité 
du  roi,  du  duc  ou  de  l'abbé,  amis  des  arts,  éternisera  en 
même  temps  la  gloire  des  sublimes  artistes  qu'ils  proté- 
gèrent :  noble  alliance  de  la  puissance  et  du  génie. 

Le  livre  de  M.  de  Laborde  :  les  Ducs  de  Bourgogne,  et 
cet  autre  excellent  livre  qu'il  a  intitulé  à  si  juste  titre, 
ÏHisloire  de  la  renaissance  des  arts  à  la  cour  de  France, 
renfermeront  le  tableau  complet  de  l'histoire  de  l'art  aux 


—   118  — 

XV^  et  au  XVP  siècle.  Un  seul  volume  a  paru  aussi  bien 
(lu  premier  que  du  second  de  ces  ouvrages  qui  doivent  for- 
mer Tun  et  l'autre  quatre  volumes,  mais  nous  les  jugeons 
trop  importants  pour  attendre  qu'ils  soient  achevés  avant 
d'en  entretenir  nos  lecteurs  (i). 

L'un  de  ces  volumes  offre  les  données  les  plus  précieuses 
sur  Jean  Van  Eyck;  l'autre  refait  la  biographie  si  peu 
connue  des  Janet.  Ces  deux  noms  représentent  les  deux 
époques  dont  nous  parlions  tout-à-l'heure;  celle  où  l'école 
flamande  régnait  sans  partage  et  celle  où  bien  qu'affaiblie, 
elle  luttait  encore  contre  l'Italie  dans  ce  siècle  que  la  pos- 
térité a  appelé  le  siècle  de  Léon  X. 

Parlons  d'abord  de  Jean  Van  Eyck;  nous  nous  occuperons 
plus  tard  de  Jean  Clouet,  de  même  que  l'œil  va  chercher 
dans  les  nuages  la  cime  la  plus  haute  des  montagnes  avant 
de  se  reposer  sur  les  plans  inclinés  des  collines. 

M.  de  Laborde  n'hésite  pas  à  reconnaître  quelle  fut  la 
puissance  de  la  glorieuse  initiative  de  Jean  Van  Eyck  : 
et  On  verra,  dit-il,  quelles  lumières  nouvelles  mon  texte 
»  jettera  sur  les  origines  de  l'école  flamande  et  l'effet  produit 
»  en  Europe  par  cet  art  nouveau  qui,  pour  la  première  fois, 
»  prenait  la  nature  pour  guide  et  était  la  nature  même.  Les 
»  peintres  qui  s'appelèrent  plus  tard  chefs  d'école,  étaient 
»  venus  de  tous  pays  puiser  à  Bruges,  comme  à  la  source 
»  nouvelle  et  unique,  les  enseignements  du  maître;  ils  re- 
»  tournaient  ensuite  dans  leur  patrie,  porter  avec  ses  pro- 
»  cédés  matériels  perfectionnés,  ses  traditions  fécondes.  Nos 
»  peintres  français  y  accoururent  en  foule;  le  plus  illustre 
»  d'entre  eux,  René  d'Anjou,  poussé  par  le  dieu  des  ba- 
»  tailles,  cette  fois  protecteur  des  arts,  y  vint  distraire  les 
»  ennuis  de  sa  captivité.  On  vit  affluer  les  peintres  italiens 


(I)  Au  nioincnt  où  nous  mettons  sous  presse,  le  second  volume  îles  Ducs  de 
Bourgogne  vient  de  paraître. 


—  119  — 

»  et  Aiilouello  de  Messine,  le  plus  ancien  et  par  cela  même 
»  le  plus  célèbre;  les  peintres  allemands,  !\Iartin  Schongauer, 
»  chef  de  Técole,  Frédéric  et  Josse  Ilcriin  et  tant  d'autres 
»  moins  connus  qu'on  retrouve  sur  la  rive  droite  du  Rhin... 
»  La  marche  et  l'extension  rapide  de  cette  influence  de  l'art 
»  flamand  m'a  vivement  préoccupé.  Je  l'ai  suivie  jusqu'au 
»  fond  de  Tltalie  où  loin  de  s'évanouir  dans  cette  patrie  des 
»  arts,  sous  les  rayons  de  son  soleil,  l'école  du  nord  gran- 
»  dit  encore  en  associant  ses  qualités  précieuses,  ses  con- 
»  quêtes  nouvelles  au  génie  naissant  du  cinque  cento... 
»  Passagèrement  la  cour  des  ducs  de  Bourgogne  a  pu  briller 
»  d'un  éclat  sans  égal  :  passagèrement  et  pendant  cette  pé- 
»  riode,  il  a  été  donné  à  l'art  flamand  d'exercer  sur  le  monde 
»  une  influence  prépondérante.  »  —  jM.  de  Laborde  ajoute 
ailleurs  :  «  C'est  aux  frères  Van  Eyck  que  nous  dûmes  de 
»  sortir  entièrement  des  voies  conventionnelles.  Guidés  par 
»  ces  puissants  talents,  nous  adoptâmes  leur  principe,  l'imi- 
»  tation  de  la  nature,  et  leurs  moyens  matériels  si  habile- 
»  ment  perfectionnés,  la  peinture  à  l'huile.  L'industrie  mer- 
»  veilleuse  des  Flandres,  leurs  richesses  exubérantes  et  le 
»  luxe  de  leurs  princes  durent  rendre  plus  puissante  encore 
»  cette  influence.  D'ailleurs,  à  la  fin  du  XV'^  siècle,  où 
»  trouver  d'autres  modèles?  l'Italie  sommeillait  encore  au 
»  milieu  des  trésors  amoncelés  par  l'antiquité,  l'Espagne, 
»  l'Allemagne  et  l'Angleterre  n'avaient  pas  un  artiste  de 
»  valeur;  nous  suivîmes  les  Flamands  dans  leur  résurrec- 
»  lion  surprenante.  » 

D'après  les  documents  mis  au  jour  par  M.  de  Laborde, 
il  est  incontestable  que  Jean  Van  Eyck  naquit  à  Maeseyck 
ou  Eyck-sur-Mcuse,  et  à  ce  sujet  l'esprit  du  lecteur  se  laisse 
aller  invinciblement  à  un  doute  plein  de  mélancolie  et  de 
poésie.  Le  peintre  sublime  qui  multipliait  ses  admirables 
créations  pour  faire  vivre  jusqu'à  la  dernière  postérité  tout 
ce  qu'avait  louché  son  pinceau,  n'élait-il  pas  un  de  ces 


—    120  — 

ignoti,  un  de  ces  miserrimi  dont  M.  de  Chateaubriand  re- 
trouva la  dalle  sépulcrale  à  Worcester?  Jean  Van  Eyck  qui 
devait  illustrer  son  siècle  avait-il  reçu  de  son  père  un  nom 
qui  permît  de  le  distinguer  au  milieu  de  ses  contemporains 
les  plus  obscurs?  Conquérant  heureux  dans  la  carrière  de 
l'art,  n'avait-il  point,  tel  que  plusieurs  des  Normands  qui 
subjuguèrent  l'Angleterre  au  X^  siècle,  emprunté  son  nom 
d'abord  à  la  ville  qui  l'avait  vu  naître,  puis  à  la  cité  hospi- 
talière qui  l'avait  accueilli,  afin  que  sa  gloire  payât  deux 
fois  la  dette  de  la  reconnaissance'^ 

Est-il  toutefois  bien  certain  que  ce  nom  de  Jean  de  Bru- 
ges, celui  sous  lequel  Jean  Van  Eyck  fut  le  plus  connu  à 
l'étranger,  soit  un  nom  nouveau  dans  les  annales  de  l'art? 
N'y  eut-il  pas  un  demi-siècle  plus  tôt  un  autre  Jean  de 
Bruges,  qui  fut  appelé  à  exécuter  à  Paris  les  précieuses 
enluminures  de  la  bible  de  Charles  V?  Jean  Van  Eyck,  dans 
celte  hypothèse,  ne  serait  plus  l'homme  de  génie,  humble 
et  modeste,  car  loin  d'accepter  un  nom  qui  ne  devait  que 
rappeler  sa  patrie  adoptive,  il  l'eût  revendiqué  avec  orgueil 
par  un  motif  tout  différent,  comme  retraçant  des  succès 
antérieurs  aux  siens. 

On  sait  «  qu'une  très-belle  bible  en  francoys,  »  offerte 
en  1572  au  roi  de  France  Charles  V,  renferme  ces  vers  : 

A  vous  Charles,  roy  plain  d'onnour 
Présente  et  donne  cestuy  livre, 
Et  à  genolz  cy  le  vous  livre 
Jean  Yaudetar  votre  servant. 

et  il  faut  ajouter  qu'une  main  inconnue,  mais  plus  moderne, 
a  placé  en  regard  des  enluminures  cette  note  méniorative  : 
Joannes  de  Brugis  fccit  hanc  picturam.  De  là  l'opinion  de 
quelques  érudits  qui  ont  voulu  trouver  dans  Jean  Vaudetar, 
le  premier  Jean  de  Bruges. 

Néanmoins  lorsqu'on  remarque  que  la  famille  des  Vau- 
detar est  mentionnée  par  les  historiens  comme   l'une  des 


—  121    — 

plus  puissanles  de  ia  bourgeoisie  parisienne,  lorsqu'on  ob- 
serve de  plus  que  Jean  Vaudetar,  le  donateur  de  la  bible  dont 
nous  nous  occupons,  est  cité  par  le  religieux  de  S'-Denis, 
comme  l'un  de  ces  trois  cents  notables  de  la  capitale  du 
royaume  sur  lesquels  s'appesantirent  les  folles  fureurs  de 
Charles  VI,  vainqueur  à  Roosebeke,  le  doute  n'est  plus 
possible  et  l'on  ne  peut  persister  à  attribuer  à  Jean  Vau- 
detar un  surnom  que  rien  ne  saurait  ni  justifier,  ni  expli- 
quer. La  date  même  de  l'annotation  indique  le  véritable 
sens  qu'elle  présente  :  c'est  seulement  après  Jean  Van  Eyck 
et  quand  sa  gloire  était  déjà  complète  que  l'on  songea  à 
attribuer  à  rillustre  artiste  une  œuvre  qui  était  digne  de  lui 
parce  qu'elle  était  admirable  :  erreur  dont  on  trouverait  de 
nombreux  exemples  dans  nos  cabinets  et  dans  nos  musées. 

Jean  Van  Eyck  que  l'on  devait  surnommer  plus  tard 
Jean  de  Bruges  (sans  aveux  et  sans  prédécesseurs  aussi 
bien  que  sans  héritiers  sous  l'un  et  l'autre  de  ces  noms), 
dut  sans  doute  à  la  religion  les  inspirations  qui  éclairèrent 
sa  jeunesse,  comme  elles  dominèrent  toute  sa  vie,  source 
féconde  de  chefs-d'œuvre.  Placé  tour  à  tour  sous  la  main 
sévère  de  l'évèque  de  Liège,  Jean  sans  Pitié,  le  démolisseur 
de  Dinant,  et  du  duc  Philippe  de  Bourgogne,  l'exterminateur 
de  Gavre,  il  se  réfugiait  dans  la  contemplation  de  la  gloire 
divine  et  dans  l'étude  des  célestes  merveilles,  comme  le 
chantre  du  Paradis  Perdu  se  dérobait  à  la  sombre  amitié 
de  Cromwell,  pour  rafraîchir  son  âme  désillusionnée  aux 
sources  les  plus  pures  des  berceaux  d'Eden. 

Du  reste  le  moment  était  favorable  aux  destinées  de  l'art. 
La  marche  de  la  civilisation  dont  il  ne  se  sépare  jamais,  les 
progrès  des  lettres  qui  l'instruisent  et  l'éclairent,  le  déve- 
loppement même  du  luxe  qu'il  ennoblit  et  embellit  à  son 
tour,  lui  assuraient  toutes  les  sympathies  et  tous  les  succès. 
Son  influence  avait  même  pénétré  dans  l'ordre  politique,  s'il 
est  vrai  que  deux  portraits,  symboles  de  la  foi  conjugale  pro- 


—  122  — 

mise  et  violée,  livrèrent  la  France  à  la  domination  anglaise 
et  aux  discordes  civiles,  Tun  en  donnant  Isabeau  de  Bavière 
pour  épouse  à  Charles  \l,  l'autre  en  séparant  Jean  sans 
Peur  du  duc  d'Orléans. 

Un  compte  publié  par  M.  de  Laborde,  permet  de  fixer 
d'une  manière  précise  la  date  du  départ  de  Jean  V^an  Eyck 
de  Liège  et  celle  de  son  arrivée  à  la  cour  du  duc  de  Bour- 
gogne. Il  est  ainsi  conçu  :  «  A  Jehan  de  Heik,  jadis  peintre 
»  et  varlet  de  chambre  de  feu  monseigneur  le  duc  Jehan  de 
»  Bavière,  lequel  monseigneur,  pour  l'abileté  et  souflîsance 
»  qu'il  savoit  estre  de  fait  de  peinture  en  la  personne  dudit 
»  Jehan  de  Heik,  a  retenu  en  son  peintre  et  varlet  de  cham- 
»  bre,  comme  puet  plus  à  plain  apparoir  par  lettres  sur  ce 
»  scellées  en  sa  ville  de  Bruges,  le  XIX*  jour  de  may  l'an 
»  mil  CCCCXXV.  » 

Or,  que  se  passa-t-il  de  14-23  à  1441,  pendant  les  seize 
années  que  Jean  Aan  Eyck  eut  le  titre  officiel  de  peintre  et 
de  varlet  de  chambre  du  duc  Philippe  de  Bourgogne? 
Assista-t-il  aux  fêles  somptueuses  qui  marquèrent  la  fon- 
dation de  l'ordre  de  la  Toison  d'or?  Est-il  vrai  qu'il  peignit 
Jacqueline  de  Hainaut,  si  célèbre  par  ses  malheurs?  Vit-il, 
comme  Monstrelet,  dans  les  fers  de  la  captivité  Théroïne  de 
Domremy,  qui  ne  permit,  dit-on,  jamais  à  aucun  peintre  de 
reproduire  ses  traits,  soit  par  pudeur,  soit  par  humilité? 
Jean  \'an  Eyck  se  trouvait-il  à  Bruges  lorsqu'une  multitude 
furieuse  massacra  Maurice  de  ^"arssenaere  et  lorsque  le  duc 
de  Bourgogne,  accouru  pour  le  venger,  faillit  partager  le 
même  sort?  S'enfuit-il  de  Bruges  pour  se  dérober  aux  ra- 
vages de  la  peste  de  1457  et  à  la  triste  image  des  supplices 
qui  y  succédèrent?  Quels  furent  pendant  ces  seize  années 
ses  divers  prolecteurs?  Trouva-t-il  des  amis  dévoués  chez 
ceux  qui  l'admiraient,  et  pourrait-on,  en  vertu  des  tra- 
ditions de  l'antique  alliance  des  lettres  et  des  arts,  placer 
parmi  eux  les  Philippe  de  Commines,  les  Georges  Chastc- 
lain,  les  Olivier  de  la  Marche? 


—  m  — 

Les  comptes  publiés  par  M.  de  Laborde  qui  nous  appren- 
nent tant  de  choses,  n'offrent  aucune  solution  à  ces  hypo- 
thèses, mais  ils  renferment  des  preuves  nombreuses  de  la 
générosité  du  duc  de  Bourgogne  vis-à-vis  de  Jean  Van  Eyck, 
et  tout  indique  que  le  duc  de  Bourgogne  appréciait  le  talent 
et  les  découvertes  qu'il  se  plaisait  à  encourager. 

Louis  XI  qui  fut  Tami  du  duc  Philippe,  moins  peut-être 
par  reconnaissance  que  par  certaines  affinités  de  ruses  et  de 
vices,  aimait  aussi  les  arts.  On  nous  a  conservé  une  note 
adressée  à  un  peintre  d'Amiens,  conçue  en  ces  termes  : 
«  Mestre  Colin,  il  faut  que  vous  faciez  la  pourlraiturc  du 
»  roy  nostre  sire,  le  plus  honneste  que  fere  ce  porra;  habillé 
»  comme  ung  chasseur,  à  tout  le  plus  beau  visaige  que 
»  pourrés  fere  et  jeune  et  plain  et  ne  le  fectcs  point  chauve  : 
»  le  nelz  aquillon,  les  cheveux  plus  longs  derrière,  le  collet 
»  plus  bas  moiennemenf,  Tordre  plus  longue  et  basse,  Saint- 
»  Michel  bien  fait;  Tespée  plus  cortet  en  fasson  d'armes; 
»  les  poulsses  tous  droiz,  le  chapoz  bien  renverssé,  »  Mais 
il  ne  parait  point  que  Louis  XI  ait  admis  près  du  trône  les 
hommes  qui  honoraient  l'art  par  leurs  travaux  :  alors  même 
qu'il  les  chargeait  de  faire»  sa  pourtraiture,  »  il  ne  se  mon- 
trait point  à  eux  et  se  contentait  de  faire  tracer  un  cro- 
quis, de  la  main  de  son  trésorier  Jean  Bourré.  Philippe  au 
contraire  s'approchait  volontiers  des  artistes,  qui  l'appe- 
laient le  bon  duc,  et  peu  lui  importait  qu  ils  reproduississent 
fidèlement  toute  la  sévérité  de  ses  traits  sous  les  yeux  des 
communes  qui  avaient  appris  à  le  redouter.  Tantôt  Philippe 
allait,  suivi  de  ses  conseillers  et  de  ses  chevaliers,  «  vcoir 
»  en  son  hostel  certain  ouvrage  fait  par  Johannes  d'Eyk.  » 
Tantôt  il  consentait  à  tenir  sur  les  fonts  du  baptême  l'un 
de  ses  enfants.  D'autres  fois  il  le  chargeait  de  missions 
importantes. 

Ce  fut  dans  Tune  de  ces  missions  que  Jean  \  an  Eyck 
s'étant  embarqué   à  rÉcluse  sur   une  galère  vénilieinie, 


—  124  — 

aborda  en  Portugal,  où  «  cet  excellent  maislre  en  art  de 
»  peinture  jjeignit  bien  au  vif  la  figure  de  madame  Finfante.» 
Pourquoi  les  historiens  de  Jean  Van  Eyck  n'ont-ils  pas 
remarqué  que  l'infante  Isabelle  de  Portugal  était  petite-fille 
de  Jean  de  Gand? 

Il  est  assez  probable  que  Jean  Van  Eyck  accompagna 
Baudouin  de  Lannoy  et  André  de  Toulongeon  à  la  cour  du 
roi  de  Castille.  Tout  y  respirait  les  combats  et  la  guerre. 
Une  armée  chrétienne  secondait  les  efforts  de  JMohamed-el- 
Hayzari  qu'un  usurpateur  avait  dépouillé  du  trône  de  Gre- 
nade et  elle  eut  sa  part  dans  les  honneurs  du  triomphe.  Les 
ambassadeurs  bourguignons  profitèrent  de  cette  occasion 
favorable  pour  se  rendre  à  Grenade. 

Au  XII*  siècle,  le  célèbre  géographe  arabe  Mohamed- 
el-Edrisi  avait  visité  la  Flandre,  pays  couvert  de  villages,  et 
les  cités  de  Gand  et  de  Bruges,  célèbres  l'une  par  ses  pom- 
peux édifices,  l'autre  par  la  fertilité  de  ses  campagnes.  Jean 
Van  Eyck  accouru  des  mêmes  rivages  vers  la  patrie  de 
Mohamed-el-Edrisi,  put  admirer  aux  bords  du  Xénil  le  pa- 
radis des  poètes.  Mohamed-el-Edrisi  enrichissait  dans  ses 
voyages  ses  cartes  de  quelques  noms.  Jean  Van  Eyck,  plus 
heureux,  transfusait  sur  sa  palette  l'azur  même  du  ciel 
qui  dore  les  jardins  du  Généralife  et  les  coupoles  aériennes 
de  l'Alhambra. 

Les  autres  missions  de  Jean  Van  Eyck  mentionnées  par 
M.  de  Laborde  le  conduisirent-elles  également  dans  des 
pays  éloignés?  on  l'ignore.  La  nature  même  des  missions 
secrètes  qui  lui  étaient  confiées  n'a  pas  permis  aux  scribes 
de  la  maison  de  Bourgogne  d'en  parler  avec  tous  les  détails 
qui  aujourd'hui  auraient  tant  de  prix  pour  nous;  nous  y 
remarquons  seulement  qu'en  1456  le  peintre  renvoyé  au 
trésorier  ad  componcndum,  vit  réduire  de  moitié  le  salaire 
qui  lui  avait  été  promis.  En  1456,  le  duc  de  Bourgogne 
s'était  vu  dans  la  nécessité  de  lever  honteusement  le  siège 


—   12o   — 

(le  Calais  par  suite  d'un  mouvement  de  défection  dont  les 
Brugeois  avaient  donné  l'exemple.  Jean  Van  Eyck  avait-il 
comme  bourgeois  de  Bruges,  pris  part  à  la  retraite,  ou  bien 
arriva-t-il  que  le  duc  Pbilippe  voyant  ses  finances  épuisées 
crut  devoir  se  montrer  moins  généreux?  Cinq  années  s'écou- 
lèrent avant  que  le  duc  de  Bourgogne  consentit  à  retourner 
à  Bruges.  De  pompeuses  léjouissances  saluèrent  l'ère  de  la 
réconciliation  et  de  la  paix  :  calme  et  paisible  atmosphère 
au  sein  de  laquelle  devait  s'exhaler  le  dernier  soupir  de 
Jean^'^an  Eyck.  Ses  funérailles  furent  modestes,  et  si  sa  fille 
retourna  à  jMaescyck  pour  y  achever  sa  vie  au  sein  d'un 
cloître  dans  la  méditation  des  mystères  inefl'ablcs  dont  il 
avait  été  donné  au  génie  de  son  père  d'entrevoir  la  splen- 
deur, ce  fut,  comme  nous  l'apprend  M.  de  Laborde,  grâce 
à  un  don  de  vingt-quatre  francs  qu'elle  reçut  du  duc  de 
Bourgogne  «  pour  Dieu  et  aulmosne.  » 

De  1441  à  1523,  il  y  a  plus  qu'un  siècle  d'abaissement 
et  de  décadence  dans  l'histoire  de  l'école  flamande. 

Un  poêle  italien  avait  surnommé  Jean  Van  Eyck,  il  gran 
Joannes.  Jean  Clouet  fut  connu  de  ses  contemporains  sous 
le  nom  de  Janet,  qui  passa  à  ses  fils.  Descendons  du  grand 
Jean  aux  Janet. 

Néanmoins,  hâtons-nous  de  le  dire,  les  Janet  ne  furent 
point  tout-à-fait  indignes  de  représenter  l'école  de  Jean  Van 
Eyck  dans  le  siècle  où  triomphait  avec  tant  d'éclat  la  renais- 
sance italienne.  Jean  Clouet,  peintre  de  François  I"  en  vertu 
des  traditions  qu'il  représentait  et  auxquelles  il  resta  con- 
stamment fidèle,  obtenant  même  que  des  encouragements 
prodigués  aux  arts  par  la  générosité  royale,  une  part  fût 
employée  à  des  achats  faits  en  Flandre,  eut  certes  le  mérite 
assez  rare  de  résister  courageusement  à  l'influence  qui  do- 
minait pour  conserver  au  XVI"  siècle  à  la  peinture,  les 
principaux  caractères  qui  l'avaient  élevée  dans  le  siècle 
jirécédenl.  En  effet  tous  ces  portraits,  cadre  rétréci  que  les 


—  126  — 

Janet  avaient  accepté  comme  mieux  approprié  à  leur  talent, 
offrent  une  hardiesse  si  heureuse,  une  facilité  si  abondante 
qu'à  plusieurs  égards  ils  méritent  encore  de  fixer  l'admi- 
ration. 

Ronsard  adressa  à  l'un  des  Janet  quelques  vers  où  Ton 
retrouve  une  élégance  imitée  de  l'antiquité  : 

Pein  moy,  Janet,  pein  moy,  je  te  supplie 
Sur  ce  tableau  les  beautez  de  m'amie... 
Ha,  je  la  voy,  elle  est  presque  portraite; 
Encore  un  trait,  encore  un,  elle  est  faite. 
Lève  les  mains,  ha  mon  Dieu,  je  la  voy! 
Bien  peu  s'en  faut  qu'elle  ne  parle  à  moy. 

Régnier,  moins  heureux  que  Ronsard,  fut  réduit  à  adres- 
ser à  Fréminet  la  satire  qu'il  intitula  son  apologie  : 

On  dit  que  le  grand  peintre,  ayant  fait  un  ouvrage,  etc. 

Et  toutefois,  alors  même  que  le  pinceau  s'échappait  de 
la  main  glacée  du  dernier  des  Janet,  la  renommée  acquise 
aux  peintres  de  portraits  issus  de  l'école  flamande  conser- 
vait tout  son  prestige. 

En  1585,  le  célèbre  auteur  des  Recherches  historiques 
de  la  France,  Etienne  Pasquier,  rencontra  à  Troyes  un 
peintre  flamand  et  nous  reproduisons  ce  qu'il  raconte  à  cet 
égard  comme  un  nouveau  témoignage  de  l'influence  exercée 
par  le  talent  des  Janet  :  «  La  fortune  a  voulu,  dit-il  en 
»  parlant  de  lui-même,  que  Monsieur  Pasquier  ayant  ren- 
»  contré  un  excellent  peintre  flamen,  délibéra  de  se  faire 
»  pourtraire  par  luy,  et  comme  il  dressoit  le  premier  crayon, 
»  Pasquier  ne  sachant  comme  il  estoit  peint,  dit  au  peintre 
»  qu'il  luy  fîst  tenir  un  livre  en  ses  mains;  à  quoy  luy  fut 
»  respoudu  par  le  peintre  qu'il  y  venoit  à  tard  et  que  le 
»  coup  estoit  frappé  d'autant  qu'il  l'avoit  représenté  sans 
j>  mains,  et  comme  l'esprit  de  celuy  qu'on  pourtrayoit  n'est 
»  guères  oiseux,  dès  l'instant  mesme,  il  fit  ces  deux  vers  : 

»  Nulla  hic  Paschasio  manus  est,  lex  Cincia  quippe 
»  Caussidicos  nullas  sanxit  liabere  manus; 


—  127  — 

»  tellement  qu'il  représentast  aussi  lost  la  naïfveté  de  sou 
»  esprit,  comme  le  peintre,  celle  de  son  visage.  Là,  quelques- 
»  uns  ayans  veu  ce  crayon  représenter  au  vif  celuy  que  Ton 
»  avoit  pourtrait,  dirent  au  peintre  qu'il  avoit  si  heureuse- 
»  ment  rencontré  que  si  ce  tableau  estoit  mis  en  monstre, 
»  il  y  en  auroit  plusieurs  autres  auxquels  prendroit  aussi 
»  envie  d'estre  peints  :  luy  soucieux  de  son  gain  et  de  son 
B  honneur  tout  ensemble,  ayant  adjousté  la  dernière  main 
»  à  ce  tableau,  l'expose  un  jour  aux  yeux  de  tous,  il  fait  une 
»  procession  l'espace  de  vingt-quatre  heures,  aux  uns  agréant 
»  le  visage,  aux  autres  le  distique.  » 

Etienne  Pasquier  répéta  en  vers  le  même  éloge  du  pein- 
tre flamand,  dont  la  fantaisie  devait  être  une  source  si 
abondante  d'épigrammes  : 

Le  peintre  qui  dans  son  tableau 
Cacha  mes  mains  sous  le  rideau, 
Traçant  seulement  mon  visage, 
Bien  qu'il  ait  appresté  à  maints 
Subjets  de  parler  de  mes  mains, 
Ne  fit  onc  un  si  bel  ouvrage... 
Peintre,  ainsi  comme  tu  me  peins, 
L"advocat  doit  cstre  sans  mains. 

'Se  sont-ce  pas  les  traditions  de  l'art  flamand  perpétuées 
par  les  Janet  et  leurs  disciples,  qui  préparèrent  le  brillant 
accueil  réseivé  peu  d'années  plus  tard  au  sein  de  la  cour 
d'une  reine  de  France  du  sang  des  Médicis,  à  Pourbus  et 
à  Rubens? 

Remercions  M.  de  Laborde  d'avoir  répandu  tant  de  lu- 
mières sur  ces  vastes  questions  de  l'histoire  de  l'art  étudié 
dans  les  influences  qu'il  subit  ou  qu'il  exerce,  questions  qui 
deviennent  insolubles  dès  que  l'œil  ne  peut  en  saisir  toutes 
les  phases  et  tous  les  anneaux.  Ajoutons  aussi  que  ses  lon- 
gues et  précieuses  recherches  sur  la  maison  de  Bourgogne 
n'embrassent  pas  uniquement  les  annales  de  l'art,  mais 
qu'elles  s'étendent  aux  sciences  et  aux  lettres,  qu'elles  tou- 


—   128  — 

client  même  en  mille  endroits  à  Ihistoire  politique.  Chris- 
tine de  Pisan,  Olivier  de  la  Marche,  Georges  Chastelain, 
Philippe  de  Commines,  rappellent  la  brillante  pléiade  des 
panégyristes  qui  chantaient  les  hauts  faits  de  la  dynastie 
bourguignonne,  de  même  que  l'on  retrouve  le  souvenir  de 
ses  intrigues  dans  les  dons  accordés  aux  Jossequiu,  aux 
Coustain  et  à  Hans  IVecker,  père  ou  oncle  du  fameux  comte 
de  Meulan,  que  Charles  VIII  envoya  «  percher  au  Mont- 
faucon.  »  Déjà  l'un  des  honorables  collaborateurs  du  Mes- 
sager avait  rétabli  dans  un  roman  historique  le  nom  d'Oli- 
vier de  jVecker,  mais  l'histoire  celte  fois  moins  exacte  qu'une 
œuvre  de  caprice  et  d'imagination,  semble  persister  à  le 
traduire  par  celui  d'Olivier  le  Diable. 

Il  serait  aisé  de  choisir  dans  les  travaux  de  M.  le  comte 
de  Laborde  d'autres  aperçus  non  moins  féconds,  d'autres 
révélations  non  moins  importantes.  L'histoire  de  la  civili- 
sation au  X\  "^  et  au  X\T  siècle,  offre  un  cliamp  immense, 
et  là  même  est  Técueil  de  tout  compte-rendu  qui  préten- 
drait offrir  une  analyse  complète. 

Nous  ne  regrettons  pas  moins  de  ne  pouvoir  reproduire 
quelques-unes  des  considérations  par  lesquelles  M.  de  La- 
borde résume  l'influence  heureuse  que  la  royauté  et  la  puis- 
sance exercèrent  sur  les  destinées  de  l'art.  Dès  les  premiers 
temps  du  moyen  âge,  le  mot  courtoisie  indiqua  cet  esprit 
de  politesse  et  d'élégance  que  l'on  venait  chercher  à  la  cour 
pour  le  reproduire  et  l'imiter  : 

Des  miens  estes  et  je  des  vos, 

dit  la  Courtoisie  aux  barons  et  aux  chevaliers  dans  le  Ro- 
man de  Ham.  Pendant  quatre  siècles,  la  courtoisie  mo- 
dérant les  passions  et  adoucissant  les  mœurs,  régna  en 
souveraine,  jusqu'à  ce  qu'en  \Qù^,  Milton,  alors  âgé  de 
vingt-cinq  ans,  préludât,  en  l'attaquant  dans  un  poëme  my- 
thologique, à  la  prose  plus  rude  et  plus  violente  des  pam- 
phlets où  il  devait  insulter  à  la  royauté  : 


—  129  — 

Courtcsy  oft  is  sooner  found  in  lowly  sheds 

Wilh  smoky  ra fiers,  than  in  tap"stry  halls 

And  courts  of  princes,  whence  il  first  was  namM. 

Faire  aujourtriuii  Thistoire  de  la  courtoisie  dans  le  sens 
que  donne  à  ce  mot  M.  de  Laborde  est  une  tâche  triste  et 
pénible  :  c'est  presque  une  notice  nécrologique.  La  cour- 
toisie était  intimement  liée  aux  fastes  de  la  chevalerie.  On 
en  trouve  toutes  les  règles  exprimées  avec  une  naïveté  déli- 
cieuse dans  le  huitième  chapitre  des  Faits  de  Bouciquaut 
et  dans  la  première  partie  de  la  Chronique  de  Jacques  de 
Lalaing.  Combien  ces  souvenirs,  resplendissant  de  poésie, 
de  grâce  et  d'amour,  ne  sont-ils  point  loin  de  nous?  La  lice 
qui  est  ouverte  n'est  plus  celle  des  tournois.  La  lance  qui 
brille  dans  nos  mains  a  cessé  d'être  la  lance  émoussée  que 
Monstrelet  nomme  le  fer  de  rocket.  S'il  faut  chercher  l'imase 
de  notre  temps  dans  ceux  qui  l'ont  précédé,  on  ne  saurait 
guère  le  comparer  qu'au  X\  P  siècle,  où  la  société  entendit 
avec  effroi  s'élever  les  cris  des  sectaires  qui  profanaient  les 
tombes  et  les  ruines  du  passé. 

Quel  sort  est  réservé  au  milieu  des  nouvelles  tempêtes  qui 
semblent  nous  attendre,  à  l'art  qui  partagea  autrefois  les 
mutilations  et  les  proscriptions  promises  à  toutes  les  gloires? 
Que  deviendra  au  milieu  d'une  lutte  pleine  d'anxiété,  ou 
tout  au  moins  de  doute  et  d'incertitude,  le  goût,  ce  plaisir 
délicat,  comme  l'appelle  Montesquieu,  émanant  à  la  fois  de 
la  paix  sereine  de  l'âme  et  de  l'activité  joyeuse  de  l'esprit, 
suave  et  léger  parfum,  qui,  pour  se  dégager  du  calice  des 
fleurs,  a  besoin  de  tous  les  rayons  du  soleil? 

M.  de  Laborde  se  contente  de  répondre  ;  Laissons  passer 
les  républiques. 

K.   DE    L. 


ISO  — 


Un  Mot 

A  propos  des  Annales  de  l'imprimerie  elsevirienne,  ou 
Histoire  de  la  famille  des  Elsevier  et  ses  éditions,  pat^ 
Charles  Pieters.  Gancl,  Annoot-Braeckman,  1851  ; 
m-8%  1«  liv.,  I-LVI  et  1-96  pag. 


Dans  un  intéressant  opuscule ,  intitulé  :  Analyse  des 
matériaux  les  plus  utiles  pour  les  futures  annales  de  Vim- 
primerie  des  Elsevier,  publié  à  Gand  en  1843,  au  nombre 
de  50  exemplaires,  M*^  Ch.  Pieters,  qui  cultive  la  bibliogra- 
phie Elsevirienne  avec  toute  l'ardeur  d'un  fervent  Elseviro- 
phile,  s'exprimait  en  ces  termes  :  «  J'invoque  de  nouveau 
»  la  science,  afin  qu'elle  nous  procure  un  bon  annaliste  de 
»  l'imprimerie  des  Elsevier.  A  défaut  de  M.  Brunet,  à  dé- 
»  faut  du  possesseur  du  catalogue  de  M.  Adry,  je  voudrais 
»  que  l'amour-propre,  je  dirai  l'esprit  national,  qui  ne  man- 
»  que  pas  en  Hollande,  engageât  quelque  savant  de  ce  pays 
»  à  acquitter  cette  dette.  Quoiqu'il  en  soit,  à  l'exemple  de 
»  M'  Gabriel  Peignot,  je  mets  avec  plaisir  à  la  disposition 
»  de  ce  futur  annaliste  ou  de  tout  autre  bibliographe,  qui 
»  voudrait  faire  un  ouvrage  complet  sur  les  Elsevier  et  leurs 
»  productions,  la  minime  part  de  renseignements  neufs  ou 
»  d'éclaircissements  utiles  que  cette  courte  analyse  des  prin- 
»  cipales  recherches  partielles  qui  les  concernent,  pourrait 
»  lui  fournir.  » 

Cet  appel  n'a  pas  été  entendu,  ces  vœux  exprimés  avec 
une  si  bienveillante  abnégation,  n'ont  pas  été  exaucés.  Et, 
disons-le,  ils  ne  pouvaient  l'être;  car  M.  Pieters  était  la 


—  131  — 

seule  personne  qui  pouvait  entreprendre  un  tel  travail  et 
espérer  de  le  conduire  à  bonne  fin. 

En  effet,  M.  Pielers  s'y  était  préparé  par  de  longues  et 
consciencieuses  études,  et  en  se  formant  la  plus  belle  collec- 
tion elseviriennc  qui  existe  chez  nous,  il  avait  sous  la  main 
les  matériaux  indispensables  à  la  rédaction  des  futures  an- 
nales de  cette  illustre  dynastie  de  typographes  célèbres, 
quand  il  acquit  à  la  vente  de  M""  Jérôme  Bignon,  un  des 
descendants  des  plus  zélés  protecteurs  en  France  des  pre- 
miers Elsevier,  le  précieux  manuscrit  de  M.  le  professeur 
Adry,  dont  un  assez  long  extrait  a  été  publié  en  1806,  dans 
le  Magasin  Encyclopédique,  et  qui  contient  le  catalogue  de 
la  plus  grande  partie  des  productions  des  presses  elsevi- 
riennes.  Dès  lors  M.  Pieters  devait  faire  taire  les  longues 
hésitations  et  mettre  résolument  la  main  à  l'œuvre. 

La  l"^"  livraison  a  été  distribuée  jusqu'ici,  les  autres  ne 
tarderont  pas  sans  doute  à  paraître.  Les  Annales  des  Else- 
vier sont  précédées  d'une  longue  introduction,  dans  laquelle 
l'auteur  analyse  et  développe  avec  cette  sagacité,  qui  dénote 
une  connaissance  parfaite  des  moindres  détails  qui  se  ratta- 
chent à  son  sujet,  les  résultats  des  investigations  faites 
depuis  quelques  années,  pour  dissiper  1er  derniers  nuages 
qui  entouraient  encore  l'origine  et  l'histoire  de  la  famille 
des  Elsevier  et  de  leur  typographie.  H  [)rouve  d'une  manière 
irrécusable,  quoiqu'il  ne  pouvait  encore  avoir  aucune  con- 
naissance des  recherches  faites  récemment  par  M.  Van  Even, 
et  publiées  dans  un  des  derniers  n"^  de  VEendrayt,  que  les 
Elsevier,  originaires  de  Louvain,  ne  sont  pas  issus,  comme 
on  l'a  prétendu,  d'une  famille  de  grande  extraction.  Cette 
introduction  se  termine  par  l'analyse  du  manuscrit  de 
M.  Adry,  dont  M.  Pieters  donne  de  longs  extraits  pour 
en  faire  apprécier  l'importance. 

La  première  partie  des  Annales  est  consacrée  à  la  biogra- 
phie de  Louis  I''',  le  chef  de  la  famille,  et  à  celles  de  ses 


—   1S2  — 

enfants  el  pelils-enfanls  :  Mathieu,  Louis  II,  Gilles,  Joost, 
Bonavenlure,  Abraham,  Isaac  et  Jacob. 

Ces  notices  faites  avec  le  plus  grand  soin,  contiennent 
des  renseignements  extrêmement  intéressants  sur  les  pre- 
miers membres  de  cette  illustre  famille.  Chaque  notice  est 
suivie  du  catalogue  par  ordre  chronologique  des  éditions 
sorties  des  presses  elseviriennes  depuis  1 S83  jusqu'en  I  Go6. 

La  partie  bibliographique  est  traitée  avec  une  exactitude 
scrupuleuse.  S'il  y  a  quelques  omissions,  elles  seront  cer- 
tainement très-peu  nombreuses;  en  tout  cas,  elles  ne  con- 
cerneront que  les  premiers  temps  des  Elsevier,  et  on  sait 
que  c'est  précisément  celte  première  époque  qui  a  jeté  le 
moins  d'éclat  sur  le  nom  de  ces  habiles  imprimeurs. 

M.  Pieters  a  eu  soin,  aussi  souvent  que  cela  lui  a  été 
possible,  de  donner  succinctement,  trop  succinctement  peut- 
être,  la  description  des  ouvrages  que  renferment  ses  di- 
vers catalogues.  Il  est  à  regretter,  que  l'auteur  ait  cru 
devoir  négliger  de  mentionner  quelques  particularités  cu- 
rieuses, concernant  les  livres  qu'il  avait  à  décrire,  et  qui 
sont  toujours  lues  avec  tant  d'avidité  par  les  amateurs. 
Ainsi  nous  aurions  voulu  y  trouver  la  hauteur  des  beaux 
exemplaires,  surtout  des  chefs-d'œuvre  en  petit  format, 
qui  ont  fait  la  réputation  de  Bonaventure  et  d'Abraham. 
M.  Pieters  sait  par  expérience  que  les  véritables  Elseviro- 
jdiiles  en  agissent  comme  l'Empereur  dans  la  formation 
de  sa  garde;  qu'ils  n'admettent  dans  leur  collection  que  les 
exemplaires  qui  ont  la  taille  voulue.  Et  pour  ne  citer  que 
quelques  éditions  prises  au  hasard  dans  les  catalogues  qui 
ont  déjà  paru,  pourquoi  ne  pas  indiquer  par  exemple,  qu'un 
bel  exemplaire  du  Tito  Live  de  1654,  doit  avoir  4  pouces 
9  à  H  lignes  de  hauteur,  que  le  César  de  1635  doit  avoir 
4  pouces  8  à  10  lignes,  le  Pline  de  la  même  année  4  pouces 
ÎO  lignes,  le  Virgile  de  1656,  4  pouces  8  à  H  lignes,  etc. 

Ensuite  nous  aurions  désiré  que  M.  Pieters  eût  fait  con- 


—  1S3  — 

iiailre  les  éditions  exéculées  avec  un  luxe  particulier,  sur 
vélin,  sur  un  papier  ou  d'un  format  extraordinaires,  ou 
celles  dont  il  existe  des  exemplaires  non  rognés.  Dans  un 
ouvrage  de  bibliographie,  surtout  des  Elsevier,  ces  détails 
quelques  minutieux  ou  puérils  qu'ils  paraissent,  ne  sont 
pas  sans  intérêt  pour  les  amateurs.  D'ailleurs  il  y  a  tel 
Elsevier,  une  des  Républiques,  par  exemple,  qui  n'acquiert 
réellement  de  la  valeur  que  lorsque  sa  tranche  est  restée 
intacte.  Nous-méme,  nous  avons  entendu  offrir  un  jour 
10,000  francs  pour  un  exemplaire  broché  et  non  rofjné  de 
Ylmitation  de  Jésus-Christ,  traduite  par  Corneille,  dont  le 
premier  exemplaire  paraît  être  encore  à  trouver,  tandis 
que  d'une  condition  ordinaire,  cette  édition  vaut  à  peine 
5  à  6  francs. 

Quant  aux  exemplaires  tirés  sur  vélin,  ou  ceux  impri- 
més sur  grand  papier,  ou  d'un  format  particulier,  on  sait 
quel  prix  les  amateurs  y  attachent.  Qui  ne  sait  par  exem- 
ple que  le  Boileau  in-folio  de  1718,  dont  les  exemplaires 
ordinaires  se  donnent  à  moins  de  23  francs,  s'est  payé 
quelquefois  plus  de  2000  francs  en  grand  papier,  que  le 
César  de  Tonson  se  paie  jusqu'à  1000  francs  en  grand 
papier,  tandis  qu'on  peut  l'avoir  à  moins  de  130  francs 
en  papier  ordinaire. 

Et  pour  ce  qui  concerne  les  vélins,  pourquoi  M.  Pieters 
n'a-t-il  pas  jugé  à  propos  de  signaler  à  l'attention  des  bi- 
bliophiles, l'exemplaire  du  Tacite  de  1634,  imprimé  sur 
vèlin,  pourquoi  s'est-il  contenté  de  citer  un  seul  exem- 
plaire sur  peau  de  vélin  de  l'édition  de  Heinsii  de  con- 
temptu  mundi,  tandis  qu'il  est  reconnu  qu'il  en  existe  trois, 
dont  l'un  se  trouve  à  la  bibliothèque  royale  de  La  Haye,  le 
deuxième  à  Berlin  et  le  troisième  dans  le  catalogue  de  Sin- 
ger et  vendu  en  dernier  lieu  38  livr.  sterl.,  17  sh.  Pour- 
quoi, quand  il  cite  le  tirage  in-/*"  du  César  de  1653  et 
celui  en  3  vol.  in-folio,  ne  pas  mentionner  également  les 


—   13.i  — 

exemplaires  en  grand  papier,  de  la  Germanla  antiqua  de 
Ciuvier,  qui  sont  très-rares  et  d'autres  encore. 

Malgré  ces  légères  lacunes,  que,  comme  critique  con- 
sciencieux, nous  avons  cru  devoir  signaler,  nous  n'hé- 
sitons pas  à  placer  l'excellent  travail  de  M.  Pieters  au 
nombre  des  meilleures  publications  bibliographiques,  qui 
aient  paru,  et  nous  ne  craignons  pas  d'être  démenti,  en 
aflirmant  que  ses  Annales  de  V Imprimerie  Elsevirienne, 
formeront  un  digne  pendant  aux  Annales  des  Aides  et  des 
Êlienne,  publiées  par  le  savant  et  érudit  M.  Renouard. 

Les  deux  autres  livraisons  qui  restent  encore  à  paraître, 
seront  consacrées  aux  autres  membres-imprimeurs  de  Tillus- 
tre  famille  des  Elsevier;  l'ouvrage  sera  terminé  par  le  cata- 
logue des  faux  Elsevier. 

Ce  ne  sera  pas  la  partie  la  moins  intéressante  du  travail 
que  nous  venons  d'analyser.  M.  Pieters  paraît  avoir  trouvé 
le  fil  d'Ariane,  à  l'aide  duquel  on  pourra  se  retrouver  au 
milieu  du  dédale  des  faux  Elsevier  et  des  Elsevier  supposés; 
désormais  la  tête  de  Buffle,  la  Sphère  ou  la  Sirène  ne  seront 
plus  des  talismans  infaillibles  pour  reconnaître  les  véritables 
Elsevier  ,  mais  les  Lettres  grises  serviront  de  pierre  de 
touche  au  moyen  desquelles  ou  pourra  distinguer  les  édi- 
tions supposées  de  celles  qui  sont  réellement  dues  aux  pres- 
ses elseviriennes. 

iVous  ne  voulons  pas  terminer  cette  courte  analyse,  sans 
féliciter  sincèrement  M.  Anuoot-Braeckman  des  soins  qu'il 
a  apportes  à  l'impression  de  ces  Annales.  Il  semble  en  effet 
que  cet  habile  typographe  a  mis  toute  son  ambition  à  don- 
ner à  l'exécution  matérielle  de  cet  ouvrage,  un  cachet  de 
perfection  et  d'élégance  qui  le  rende  digne  des  illustres  ar- 
tistes dont  il  était  charge  de  perpétuer  la  gloire. 

P.-C.  Van  der  Meerscii. 


—   133 


Demande  d'inforuiatioiis 

TOUCHANT    LES    CHARTES    ACCORDÉES    A    LA     VILLE     d'aMSTERDAM 
TAR  LES  COMTES  DE   HOLLANDE,   DE   LA  MAISON  DE   HAINAUT. 


L'histoire  d'Amsterdam  présente  une  époque  de  pins  d'un 
demi-siècle  où  règne  une  assez  grande  obscurité  et  sur  la- 
quelle les  archives  de  la  Belgique  répandraient  peut-être  une 
lumière  nouvelle;  c'est  l'époque  des  comtes  de  Hollande  de 
la  maison  de  Hainaut.  Dans  la  Chapelle  de  fer  de  la  Vieille- 
Eglise  ou  église  de  S*-Nicolas  à  Amsterdam  (i),  qui  ren- 
ferme les  plus  anciens  privilèges  de  cette  ville,  on  ne  trouve 
plus  (si  l'on  n'en  excepte  un  acte  de  péage  octroyé  en  1275 
par  Florent  V  et  renouvelé  en  1291)  de  lettres  de  comtes 
avant  celles  que  Guillaume  IV  donna  en  154.2.  Ici  encore 
on  ne  rencontre  point  de  pièces  émanant  de  sa  sœur,  qui 
lui  succéda  au  gouvernement  du  comté. 

Ainsi,  dans  la  Chapelle  de  fer  ne  se  trouvent  des  lettres 
ni  de  Jean  I,  dernier  prince  de  la  maison  de  Hollande,  ni 
de  Jean  d'Avesnes,  le  premier  comte  de  Hollande  de  la 
maison  de  Hainaut  et,  comme  tel,  nommé  Jean  H,  ni  de  son 
frère  Gui  de  Hainaut,  qui  obtint  de  lui  non  seulement  la 
seigneurie  d'Amstel,  mais  encore  la  ville  d'Amsterdam,  ni 
enfin  de  Guillaume  III  et  de  sa  fille  lAIarguerite,  tandis  que 


(1)  J"ai  public  en  1848  une  description  de  cette  chapelle.  Cette  même  année 
j'ai  donné  de  ces  archives  un  inventaire  analytique,  qui  a  été  publié  dans  la 
nouvelle  série  de  Mémoires  de  la  seconde  classe  de  llnstitut  royal  néerlandais 
des  Sciences,  des  Lettres  et  des  Beaux-Arts,  vol.  I. 


—  136  — 

celles  (le  Guillaume  IV  se  bornent  à  trois,  datées  toutes  du 
même  jour,  le  9  de  décembre  1342. 

Cette  lacune  dans  une  collection  de  documents  qu'on  a 
toujours  conservée  avec  le  plus  grand  soin  est  remarquable; 
elle  pourrait  facilement  faire  croire  qu'à  cette  époque  la 
ville  d'Amsterdam  n'obtint  d'autres  chartes  que  les  trois 
que  nous  venons  de  citer  :  il  existe  cependant  des  preuves 
du  contraire.  Un  chroniqueur  du  XIV«  siècle,  qui  s'appelle 
le  Clerc  du  bas  pays  près  de  la  mer,  dit  que  Gui  de  Hai- 
uaiit,  avant  de  devenir  évéque  d'Utrecht,  donna  à  Amster- 
dam beaucoup  de  franchises  et  de  droits,  qui  servirent  plus 
tard  à  régir  cette  ville.  La  vérité  de  celte  assertion  fut 
corroborée  par  la  copie  d'une  charte  donnée  par  Gui  à 
Amsterdam  et  qui  fut  trouvée  dans  un  registre  des  archi- 
ves du  royaume  à  La  Haye;  l'archiviste  Van  Wijn  l'a  fait 
connaître  dans  les  publications  de  la  2«  classe  de  l'Institut 
royal  des  Pays-Bas  (i).  Dans  cette  charte,  accordée  proba- 
blement en  1300  ou  peu  de  temps  après,  il  est  déjà  fait 
mention  de  poorters  à  Amsterdam;  ce  qui  prouve  que 
notre  ville  possédait  déjà  alors  le  droit  de  commune  et 
avait  ainsi,  avant  ce  temps,  obtenu  des  privilèges  commu- 
naux. Cette  charte  en  suppose  une  précédente,  celle  par 
laquelle  ces  droits  furent  octroyés  à  Amsterdam;  mais, 
faute  de  posséder  cette  pièce,  il  est  impossible  de  déter- 
miner d'une  manière  certaine  eu  quelle  année  Amsterdam 
devint  une  ville. 

L'historien  Cornélius  (2)  pense  aussi  qu'il  est  très-pro- 
bable qu'Amsterdam  a  obtenu  des  privilèges  particuliers 
des  autres  comtes  de  Hollande,  qui  ont  régné  avant  ou  peu 
après  Florent  V.  Ce  qui  le  lui  fait  croire,  c'est  une  lettre  de 

(1)  Qtielques  mois  sur  la  charte  octroyée  par  Gui  de  llainaut  à  la  ville  d'Am- 
sterdam, au  commencement  du  XIV«  siècle,  par  M""  H.  Va>-  Wijn,  9  avril  1812. 
Cet  écrit  a  paru  dans  la  première  partie  des  ouvrages  précités,  pag.  ô-lôO. 

(2)  Description  d'Amsterdam,  p.  888. 


—  137  — 

Guillaume  V,  du  i3  mai  1355  (i),  pai'  laquelle  celui-ci 
confirmait  tous  les  privilèges  octroyés  aux  habitants  d' Am- 
sterdam par  son  oncle  Guillaume  IV,  qui  périt  à  Stavercn 
dans  une  bataille  contre  les  Frisons,  et  par  ceux  de  ses 
ayeux  qui  avaient  été  comtes  de  Hollande.  Comme  dans 
cet  écrit  il  est  parlé  de  plusieurs  comtes,  et  comme  la  ville 
ne  peut  produire  pour  Tépoque  antérieure  à  celle  de  Guil- 
laume IV  d'autres  privilèges  émanant  de  comtes  que  ceux 
de  Florent,  Cornélius  suppose  qu'il  a  existé  plusieurs,  lettres 
pareilles;  mais  malheureusement  elles  sont  aujourd'hui  per- 
dues. Cette  conjecture  est  encore  confirmée  par  quelques 
mots  de  la  charte  précitée  de  Guillaume  V;  celle-ci  fait 
aussi  mention  d'une  manière  bien  déterminée  de  privilèges 
antérieurs  de  la  ville  d  Amsterdam,  qui,  par  suite  de  leur 
ancienneté,  étaient  devenus  obscurs  ou  s'étaient  perdus  par 
iiasard. 

J'ajouterai  que  dans  le  premier  registre  des  privilèges 
d'Amsterdam  (2),  livre  en  parchemin  avec  initiales  colo- 
riées des  archives  de  celte  ville,  j'ai  trouvé  trois  copies 
de  chartes  que  l'impératrice  Marguerite  accorda,  comme 
comtesse  de  Hollande,  à  la  ville  d'Amsterdam.  Dans 
l'une  d'elles,  elle  déclare,  de  même  que  son  fils,  que  ses 
chers  et  fidèles  habitants  d'Amsterdam  conserveront  tous 
les  droits  qu'ils  possédaient  écrits  et  scellés  de  la  part  des 
comtes  de  Hollande,  ses  prédécesseurs.  Dans  le  grand  mé- 
morial d'Amsterdam  (s),  j'ai  aussi  trouvé  une  lettre  du 
31  mars  1475,  adressée  par  la  ville  à  l'écoutète  et  à  la  ville 
de  Vollenhoven,  dans  laquelle  on  lit  que,  puisque  la  ville 
d'Amsterdam  était  un  membre  et  même  le  membre  princi- 

(1)  Cette  lettre  est  montionnéc  dans  mon  inventaire  des  Archives  de  la  cha- 
pelle de  fer,  page  i07.  On  peut  la  lire  en  entier  dans  le  Grand  livre  de  chartes 
de  Mieris,  tome  II,  p.  842. 

(2)  Page  l. 

(5)  Note  1,  page  31. 

10 


—  138  — 

pal  du  pays  d'Amstel,  sespoorters  étaient  exempts  de  droits 
de  péage  à  Vollenhoven,  et  qu'ils  Tavaient  été  depuis  deux 
cents  et  même  depuis  trois  cents  ans,  depuis  si  longtemps 
du  reste  que  personne  ne  se  souvenait  avoir  ouï  qu'il  en 
eût  jamais  été  autrement.  Ici  donc  on  parle  du  XIP  ou 
XIII"  siècle  comme  du  temps  où  déjà  les  habitants  d'Am- 
sterdam avaient  ce  privilège. 

Ces  exemples  viendront  suffisamment,  je  pense,  à  l'appui 
de  mon  opinion,  que  déjà  avant  le  temps  de  Guillaume  IV, 
outre  Florent  V,  d'autres  comtes  ou  seigneurs  encore  oc- 
troyèrent à  Amsterdam  des  privilèges,  qui  cependant 
ne  sont  plus  connus  aujourd'hui  (i).  La  seconde  classe  de 
l'Institut  royal  des  Pays-Bas  nomma  en  1819,  parmi  ses 
membres,  une  commission  chargée  de  faire  une  enquête 
sur  les  plus  anciennes  archives  d'Amsterdam  qu'on  trouve 
dans  la  Chapelle  de  fer.  Dans  leur  rapport,  qui  a  été  pu- 
blié dans  les  Mémoires  de  l'Institut  (2),  les  membres  de 
celte  commission  émirent  la  conjecture  que  quelques-uns 
des  premiers  privilèges  d'Amsterdam  auraient  été  trans- 
férés à  Mons  par  un  des  comtes  de  la  maison  de  Hainaut. 
Que  si  cependant  cela  n'avait  pas  eu  lieu,  il  ne  me  paraît 
néanmoins  nullement  improbable  que  les  pièces  qui  man- 
quent ont  été  conservées  dans  des  copies,  parce  que  an- 
ciennement les  comtes  avaient  pour  la  plupart  l'habitude 
de  consigner  dans  des  registres  de  parchemin  les  lettres 
qu'ils  donnaient.  De  pareils  registres  des  comtes  de  Hai- 
naut se  trouveraient  peut-être  bien  encore  à  Mons  ou  quel- 
que part  ailleurs  en  Belgique.  Je  ne  serais  pas  non  plus 
étonné  que  les  archives  de  Lille  répandissent  quelque  lu- 


(1)  J'ai  touché  ce  même  point  dans  mon  ouvrage,  intitulé  Oud  en  Nicuw, 
tiré  de  Thistoire  et  de  la  littérature  nationales,  tome  II,  p.  9,  à  l'occasion  de 
la  communication  qui  m'a  été  faite  de  quatre  chartes  inédites. 

(2)  Tome  I,  pag,   107-138. 


—  139    - 

mière  sur  ce  point  ou  même  qu'elles  nous  rendissent  les 
pièces  censées  perdues  (i).  Il  me  serait  très-agréable  de 
recevoir  de  qui  que  ce  soit  et  n'importe  d'où  quelques 
éclaircissements  sur  cette  question  qui  n'est  pas  sans  inté- 
rêt pour  l'ancienne  histoire  de  la  capitale  des  Pays-Bas. 

Amsterdam,  25  octobre  1850. 

P.    SCHELÏEMA. 


(1)  Celle  idée  m'esl  venue  après  la  lecture  de  la  Nolice  sur  les  cliarles  di- 
Flandre,  placée  en  Icle  de  l'ouvrage  inlércssant  du  baron  Jules  de  Sainl- 
Genois,  intitulé  Inventaire  analijtiquc  des  chartes  des  comtes  de  Flandre. 


uo 


nct)ue  bilîli00rapl)ique. 


1"  Essai  sur  ractivité  du  principe  pensant  considérée 
dans  l'instilution  du  langage.  Ouvrage  accompagné  de 
planches  gravées  et  de  figures  intercalées  dans  le  texte, 
pour  en  faciliter  Pintelligence;  par  Pierre  Kersten.  Paris  et 
Liège,  1851;  in-8°,  pag.  XXXIII  et  127. 

M.  Kersten,  ancien  professeur  à  rathcnée  de  Maestricht,  et,  en  ce  moment, 
rédacteur-propriétaire  du  Journal  historique  et  littéraire,  de  Liège,  n'en  est 
plus  à  ses  débuts  comme  philosophe.  Les  travaux  philosophiques  qu'il  a  déjà 
publiés,  les  études  sérieuses  auxquelles  il  s'est  livré  depuis  nombre  d'années, 
la  lutte  vigoureuse  qu'il  a  soutenue  par  la  défense  de  ses  idées;  tout  cela  lui  . 
donne  le  droit  de  parler,  et  de  parler  avec  une  incontestable  autorité,  dans 
ces  graves  matières  qui  touchent  au  fondement  des  sociétés  humaines. 

Pour  lui,  comme  pour  tout  esprit  loyal  et  conséquent,  toutes  les  grandes 
vérités  philosophiques  se  rattachent  à  la  délicate  et  difficile  question  de 
l'origine  du  langage. 

C'est  à  l'étude  approfondie  de  cette  question  qu'est  consacré  l'ouvrage  dont 
M.  Kersten  publie  aujourd'hui  la  première  partie,  celle  qui  est  relative  au 
langage  en  général.  Cette  partie,  réellement  élémentaire  mais  décisive,  est 
traitée  avec  cette  clarté  que  peuvent  seules  donner  une  parfaite  bonne  foi  el 
une  complète  compréhension  du  sujet. 

La  base  de  toute  philosophie  étant  la  connaissance  de  nous-mêmes,  l'auteur 
cherche  cette  connaissance  dans  le  langage  qui  n'est  que  la  représentation, 
l'image  de  la  pensée  rendue  sensible. 

Mais,  la  source  de  la  pensée  (ou  du  langage)  est-elle  en  nous  ou  hors  de 
nous,  en  d'autres  termes,  la  génération  de  la  pensée  (ou  du  langage)  est-elle 
naturelle  et  spontanée  en  nous,  ou  bien  faut-il  de  toute  nécessité  le  concours 
de  la  société  pour  en  féconder  le  germe  déposé  dans  notre  ame? 

Voilà  la  question  capitale,  objet  de  tant  de  recherches,  origine  de  tant  de 
contradictions,  but  de  tant  de  systèmes,  question  redoutable  qui  se  pose  éter- 


—  Ul  — 

iifUement  à  Tenlrée  du  monde  philosophique  cl  qu'il  faut  bien  essayer  de 
résoudre  une  bonne  fois. 

Daprès  M.  Kerslen,  le  langage  est  aussi  nécessaire  à  la  société  que  la  so- 
ciété est  nécessaire  pour  la  formation  du  langage.  Seulement,  la  société  y  est 
nécessaire  comme  occasion  indispensable  et  non  pas  comme  cause.  La  vraie 
cause  du  langage  est  la  raison,  agissant  dans  un  état  social  quelconque,  et  à 
l'aide  de  certains  conditions  d'organisation  physique.  La  raison  existe  en 
nous  comme  une  lumière  naturelle  et  primllive  qui  précède  tout  enseigne- 
ment; mais,  à  cause  de  l'union  de  l'ame  avec  le  corps,  l'action  de  la  raison  ne 
s'exerce  pas  toujours  dans  la  plénitude  de  son  énergie. 

Le  langage  se  forme  de  signes.  Ces  signes  sont  fugitifs  et  constituent  le 
langage  en  action  que  l'auteur  expliquera  dans  la  deuxième  partie  de  son 
ouvrage,  ou  ils  sont  fixes  et  forment  le  langage  écrit,  sujet  de  la  troisième 
partie. 

Xous  ne  pouvons  suivre  M.  Kersten  dans  toute  la  subtilité  de  ses  déduc- 
tions. Son  travail  est  si  substantiel  qu'il  se  prête  diflicilement  ù  une  analyse. 
Ce  qui  nous  y  a  frappé,  à  toutes  les  pages,  c'est  la  judicieuse  simplicité  des 
observations  et  l'absence  de  tout  esprit  de  système.  Bien  étudier  les  faits  et 
les  étudier  sans  parti  pris  d'avance,  là  est  le  secret  de  toute  philosophie  vrai- 
ment digne  de  ce  nom.  P.  D. 

2"  Douai  et  Lille  au  XIIP  siècle,  par  H.  Duthillœul. 
Douai,  18o0;  in-4%  pag.  XIII  et  200,  avec  carte  et  grav. 

Sous  le  titre  que  nous  venons  d'indiquer,  le  laborieux  bibliothécaire  de  la 
ville  de  Douai  a  édite  pour  la  première  fois  les  pièces  originales  d'un  impor- 
tant procès  criminel,  mu  en  1284.  Outre  que  ce  livre  est  une  source  inté- 
ressante à  consulter  pour  l'histoire  du  droit  pénal  et  de  la  procédure  dans 
l'ancienne  Flandre,  nous  y  trouvons  des  détails  tout-à-fait  inconnus  sur  une 
cruelle  guerre  intestine  qui  divisa  pendant  quelque  temps  les  habitants  de 
Douai  et  de  Lille  et  qui  avait  eu  pour  motif  la  rivalité  communale  qu'on 
voyait  régner  depuis  de  longues  années  entre  ces  deux  villes.  Toutes  ces 
pièces  ont  été  traduites  en  français  moderne  et  enrichies  de  notes  et  d'ob- 
servations pour  faciliter  l'intelligence  des  textes  surannés.  Elles  sont  tirées 
des  archives  provinciales  de  la  Flandre  orientale  à  Gand,  où  elles  font  partie 
de  l'ancien  dépôt  de  Rupclmonde,  ville  que,  par  erreur  sans  doute,  M.  Du- 
thillœul place  près  de  Bruges.  Il  est  à  regretter  que  l'éditeur,  qui  parait  si 
bien  familiarisé  avec  Fhistoire  du  moyen  âge,  n'ait  pas  donné  plus  d'étendue 
à  son  introduction  cl  résumé  plus  scientifiquement  le  contenu  de  ce  curieux 
dossier  judiciaire. 


—  U2  — 

S"*  Histoire  de  rarchitecture  en  Belgique,  par  A.  G.  B. 
Schayes.  Tome  III.  Bruxelles,  Jamar,  1830. 

Ce  troisième  volume  d'un  ouvrage  vraiment  savant,  qui  dès  son  début  a  reçu 
l'accueil  le  plus  flatteur,  contient  l'époque  de  la  transition  ou  romano  ogivale, 
c'est-à-dire  la  période  de  notre  histoire  architecturale  qui  a  laissé  dans  notre 
pays  des  traces  aussi  nombreuses  que  remarquables  par  la  forme  et  la  solidité 
des  constructions.  Les  descriptions  de  M.  Schayes  qui  embrassent  toutes  les 
parties  de  la  Belgique,  abondent  en  détails  techniques  et  minutieux.  Aucun  de 
nos  monuments  civils  ou  religieux  n'y  est  oublié.  Il  passe  même  en  revue  les 
moindres  parties  d'édifices  qui  offrent  quelque  intérêt  pour  l'historique  de  l'art 
et  présente  ainsi  un  tableau  complet  de  nos  richesses  dans  cette  partie.  Les 
noms  des  architectes  de  quelque  renom  ont  été  recueillis  avec  soin.  L'auteur  a, 
en  outre,  le  talent  de  semer  son  texte  d'aperçus  judicieux,  qui  tempèrent  la 
sécheresse  inséparable  d'un  semblable  travail. 

4°  La  dernière  Marquise  du  Pont  d'Oye,  par  Léon  W^oc- 
quier.  Bruxelles,  18b0;  t.  I,  pag.  299. 

OEuvre  d'imagination,  production  toute  littéraire,  la  Dernière  Marquise  du 
Pont  d'Oye  n'en  est  pas  moins  une  peinture  fidèle  et  historique  des  mœurs 
luxembourgeoises  vers  le  milieu  du  XVII1«  siècle.  Ici  encore  on  remarque 
cette  touche  fine  et  délicate,  cette  aptitude  à  analyser  l'esprit  humain,  cette 
entente  de  l'art  qui  caractérisent  les  productions  de  M.  Wocquier.  Ce  livre, 
dont  le  1er  volume  seul  a  paru,  fait  partie  de  cette  série  de  romans  historiques 
que  l'auteur  se  propose  de  consacrer  au  Luxembourg,  son  pays  natal,  esquis- 
ses charmantes  où  la  science  s'unit  habilement  au  drame  et  où  il  y  a  à  glaner 
pour  l'histoire  proprement  dite  des  détails  d'un  intérêt  incontestable.  Nous 
aimerions  plus  encore  ses  descriptions  et  ses  peintures  des  émotions  du  cœur, 
s'il  les  faisait  moins  longues.  En  les  rendant  trop  prolixes,  dans  plusieurs 
endroits  du  livre,  M.  Wocquier  en  fait,  sans  le  vouloir,  pâlir  l'aimable  éclat. 
Il  faut  savoir  se  borner,  même  quand  on  est  éloquent. 

b°  Acte  de  fondation  de  riiôpital  de  Maldeghem.  Bruges, 
ISoO,  iu-8%  pag.  48. 

M.  Voisin,  vicaire-général  à  Tournai,  a  découvert  dernièrement  l'acte  de 
fondation  de  l'iiôpital  de  Maldeghem,  établi  par  Arnoud  de  Maldeghem  en 
l'an  127d.  En  le  publiant  avec  des  notes  de  M.  le  chanoine  Andries,  il  a 
fourni  une  nouvelle  preuve  que  l'hôpital  de   S'-Jean  à  Bruges  possède  illé- 


—  148  — 

gilinicmcnt,  depuis  des  siècles,  des  biens  cousidérables  afleclés  à  une  insti- 
tution charitable  du  plat  pays.  Cette  usurpation  a  donné  lieu  depuis  quelque 
temps  à  de  puissantes  réclamations  en  faveur  du  rétablissement  de  l'hôpital 
de  Maldeghem  et  de  sa  réintégration  dans  les  anciennes  possessions  qui  étaient 
destinées  à  son  entretien.  Il  serait  heureux  que  celte  grave  affaire  put  sap- 
planir  sans  occasionner  de  procès,  et  partant  la  dilapidation  des  biens  des 
pauvres.  Puisse  le  pouvoir  administratif,  qui  est  chargé  de  la  haute  tutelle  des 
institutions  de  bienfaisance,  trouver  le  moyen  de  terminer  ce  débat  par  une 
composition  amicale  ou  par  une  transaction.  La  justice  et  Ihumanité  y  gagne- 
raient. A  part  lïntérét  puissant  qu'offre  ce  côté  de  la  question,  la  brochure 
que  nous  annonçons  est  en  elle-même  un  document  historique  de  la  plus 
haute  importance;  le  testament  d'Arnoud  de  Maldeghem  reflète  admirable- 
ment les  mœurs  et  les  habitudes  de  nos  contrées  à  la  fin  du  XIIl^  siècle;  et 
les  notes  de  M.  Andries  en  expliquent  d'une  manière  Irès-satisfaisante  les 
parties  difficiles.  Le  portrait  du  fondateur  Arnoud  sert  de  frontispice  à  ce 
travail. 

6"  De  arme  Edelman,  door  Heudrik  Conscience.  Anhver- 
pen,  1851;  in-I8,  pag   208  et  4  planches. 

Touchante  histoire  d"un  gentilhomme  pauvre  et  loyal  qui  a  perdu  sa  fortune 
en  sauvant  l'honneur  de  son  frère  et  qui,  pour  cacher  sa  misère,  au  moment 
où  il  faut  établir  sa  fille,  recourt  aux  expédients  les  plus  comiques,  s'ils 
n'étaient  en  même  temps  tristes  et  poignants.  L'auteur  qui  a  pris  définitive- 
ment pour  devise  le  simplex  sigillum  veri,  s'est  évidemment  inspiré,  dans  ce 
livre,  du  personnage  de  Ravenswood  de  la  Fiancée  de  Lammermoor.  Comme 
Walter  Scott,  il  intéresse  constamment  le  lecteur  aux  souffrances  qu'éprouve 
cet  homme  de  cœur  et  d'énergie  sorti  d'antique  maison,  à  qui  surviennent 
toutes  les  peines,  tous  les  soucis,  toutes  les  humiliations  de  la  misère,  sans 
qu'il  les  ait  mérités,  et  qui  aux  yeux  d'un  public  railleur  et  médisant  passe 
pour  un  harpagon  avaricieux,  digne  de  tout  mépris. 

7°  Les  Grands-malades,  par  Jules  Borgnet.  Namur,  1850; 
in-8",  pag.  106  et  planches. 

La  question  des  léproseries  ou  ladreries  est  une  des  plus  intéressantes  de 
riiistdire  des  misères  publiques  au  moyen  âge.  La  maladie  de  la  lèpre,  si 
contagieuse,  si  redoutée,  faisait  alors  d'une  partie  de  Ihumanité  une  caste  de 
reprouvés  et  de  parias  qui  n'étaient  plus  l'égis  par  le  droit  commun,  et  qui  à 
ce  titre  mérite  d'èlre  étudié  au  point   de  vue  juridique.  M.  Borgnet  a   réuni 


—  u/«  — 

dans  le  volume  que  nous  annonçons,  tout  ce  qu'il  a  pu  trouver  de  noies  et  de 
renseignements  sur  l'iiôpital  des  Lépreux  de  Namur,  nommés  Grands  malades. 
La  manièi-e  complète  et  détaillée  dont  il  a  traité  cette  monographie,  nous  fait 
émettre  le  désir  qu'il  veuille  étendre  ses  recherches  aux  autres  établissements 
de  ce  genre  qui  existaient  naguère  en  Belgique.  De  nombreuses  citations, 
des  extraits  de  textes  anciens  et  quelques  documents  originaux,  édités  sous 
forme  d'annexés,  démontrent  que  l'auteur  na  rien  négligé  pour  épuiser  son 
sujet.  Les  Grands-malades  sont  sans  contredit  un  des  meilleurs  travaux  histo- 
riques que  les  Annales  de  la  Société  archéologique  de  Namur  aient  publiés. 

8"  Histoire  politique  et  militaire  de  la  Belgique,  par 
M»"  R.  Renard.  —  l'"  partie;  2^  étude:  la  Belgique  sous  les 
Romains. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  l^e  étude  de  M.  Resabd  dans  le  Messager  des 
Sciences,  1847,  p.  266.  —  Dans  sa  2»  étude,  la  Belgique  sous  les  Romains, 
M.  Renard,  après  avoir  apprécié  l'organisation  politique  et  militaire  des 
Romains  dans  leurs  origines  et  leurs  développements  successifs  jusqu'au 
temps  de  l'invasion  de  César,  s'attache  à  décrire  la  constitution  physique  de 
notre  pays  à  cette  dernière  époque,  son  agriculture,  sa  population  et  ses 
diverses  tribus,  puis  il  expose  en  stratégiste  le  tableau  des  campagnes  de 
César  et  de  la  soumission  de  nos  contrées;  enfin  il  examine  l'influence  de  la 
domination  romaine,  et  indique  à  grands  traits  les  causes  et  les  divers  degrés 
de  la  décadence  de  l'empire  pour  préparer  ses  lecteurs  à  l'intelligence  des 
conditions  qui  facilitèrent  à  la  nation  franque  l'invasion  de  nos  provinces. 

Les  deux  études  de  M.  Renard  envisagent  l'histoire  primitive  de  nos  an- 
cêtres d'une  manière  complète.  L'auteur  rassemble  à  ce  sujet  toutes  les  no- 
tions éparses  dans  les  anciens  auteurs;  à  Tétude  approfondie  des  sources,  il 
joint  la  connaissance  des  opinions  modernes  sur  ces  temps  reculés,  il  les 
compare  et  les  discute  avec  un  esprit  de  critique  éclairée,  qui  témoigne  à  la 
fois  et  de  l'étendue  de  ses  recherches  et  de  l'usage  judicieux  qu'il  sait  en 
faire 

Ajoutons  que  dans  ces  discussions  érudites  l'auteur  a  su  éviter  la  trop 
grande  sécheresse  de  style,  en  les  présentant  sous  un  aspect  neuf  et  ingé- 
nieux; en  un  mot,  qu'il  a  su  rendre  attrayantes  des  études  consciencieuses 
et  approfondies  sur  des  questions  hérissées  de  doutes  et  de  difficultés. 

Sans  contredit,  les  deux  études  de  M.  Renard  doivent  prendre  rang  parmi 
les  productions  les  plus  remarquables  publiées  sur  notre  histoire  nationale, 
cl  si  la  suite  de  son  œuvre  répond  à  ce  -brillant  début,  on  peut  lui  prédire 
avec  assurance  un  succès  incontesté.  A.  G. 


—  lis  — 

9°  Cours  de  Droit  romain  approfondi,  par  J.  P.  Molilor. 
—  Les  Obligations.  Tome  I.  Gand,  L.  Ilebbelynck,  I80I; 
in-8°  de  VIII  et  488  pages. 

S"il  est  une  partie  de  notre  droit  pour  la  connaissance  de  laquelle  les  lois 
romaines  ont  conservé  cette  utilité  pratique  qui  en  fait  souvent  le  commen- 
taire indispensable  des  lois  actuelles,  c'est  bien  la  matière  qui  est  traitée 
dans  le  premier  volume  du  cours  de  Molitor,  et  à  laquelle  cet  auteur  a  su 
donner,  par  sa  manière  de  l'exposer,  une  importance  nouvelle.  H  ne  se  con- 
tente pas  de  retracer  le  système  de  la  législation  romaine  avec  cette  parfaite 
intelligence  des  principes,  qui  réduit  à  une  théorie  claire  et  rationnelle  les 
parties  les  plus  obscures  du  droit,  il  indique  aussi  les  rapports  entre  cette 
législation  et  le  droit  moderne,  de  sorte  que  le  lecteur  est  toujours  averti 
du  degré  d'intérêt  que  les  décisions  des  anciens  ont  pu  conserver  dans  les 
controverses  d'aujourd'hui.  Eu  lisant  ces  pages  on  conçoit  aisément  l'in- 
térêt avec  lequel  les  leçons  de  Molitor  étaient  accueillies  par  ses  élèves  et 
Ton  comprend  qu'un  des  meilleurs  juges  en  ces  matières.  M'  V.  Marcadé, 
n'ait  pas  hésité  à  appeler  Molitor  un  jurisconsulte  éminent,  en  disant  en 
même  temps  de  son  ouvrage  que  c'est  «  une  œuvre  d'un  haut  mérite,  accusant 
»  un  long  et  patient  labeur,  œuvre  digne  de  ces  livres  si  consciencicusenient 
»  élaborés,  si  scrupideusement  médités,  dont  on  faisait  tant  autrefois,  dont  on 
«fait  si  peu  aujourd'hui,  ...et  devant  être  signalée  à  l'attention  toute  parlicu- 
»  Hère  des  hommes  studieux.  »  {Revue  critique  de  la  Jurisprudence,  livraison 
de  mars  1831,  page  192). 

D. 

10°  Annuaire  de  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique,  fondé 
par  le  baron  de  Reifl'enberg,  continué  sous  la  direction  de 
M--  L.  Alvin;  12^=  année.  Bruxelles,  1831;  in-12. 

M.  Alvin,  le  nouveau  conservateur  de  la  Bibliothèque  royale  à  Bruxelles, 
qui  semble  devoir  prendre  ses  fonctions  au  sérieux  avec  toute  l'énergie  d'un 
administrateur  expérimenté,  avec  tout  le  zèle  d'un  bibliophile  instruit,  vient 
de  publier  le  12e  volume  de  V Annuaire  de  la  Bibliothèque  royale.  Nous  y  re- 
marquons une  magnifique  pièce  de  poésie  d'André  Van  Hasselt,  sur  la  mort 
de  la  Reine;  des  vers  pleins  de  cœur  et  de  nobles  regrets  de  M^  Ad.  Mathieu,  sur 
la  mort  du  Baron  de  ReilTenberg;  une  savante  dissertation  paléographico- 
historique,  adressée  sous  forme  de  lettre  par  M.  Bock  à  .M^  L.  Beihmann,  sur 
le  .MS.  intitulé  Libeh  Giidosis;  des  poésies  latines,  extraites  de  quelques  .MSS. 


—   U6  — 

de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne.  —  A  partir  de  1851,  VAnnuairc  iic  sera 
plus  seulement  consacré  à  la  Bibliothèque  royale;  les  deux  bibliothèques  des 
universités  de  l'état  y  seront  également  représentées.  C'est  une  amélioration 
importante  dont  nous  saurons  gré  à  M.  Alvin  d'avoir  pris  l'iniative. 

W"  La  Belgique  depuis  mil  huit  cent  trente  (1830-1848), 
par  Ch.  Poplimont.  Bruxelles,  1 848-1 8o0;  in-8%  liv.  1-36. 

Personne  ne  niera  que  depuis  1850  le  mouvement  littéraire  a  pris,  chez 
nous,  un  essor  extraordinaire.  On  ferait  un  fort  beau  volume  de  bibliogra- 
phie des  ouvrages  sortis  des  presses  belges,  tant  en  français  qu'en  flamand, 
pendant  les  vingt  dernières  années.  A  ce  mouvement  M^  Ch.  Poplimont  a  con- 
tribué déjà  pour  une  large  part;  plusieurs  de  ses  écrits  ont  eu  un  succès 
mérité.  L'œuvre  que  nous  annonçons  aujourd'hui  est  certes  destinée  à  aug- 
menter sa  réputation  dans  cette  partie.  L'auteur  voulant  glorifier  les  résul- 
tats de  la  Révolution  de  1830,  qui  a  consacré  l'indépendance  de  la  Belgique, 
a  présenté  dans  ce  livre  un  tableau,  esquissé  à  larges  traits,  de  la  réorgani- 
sation des  trois  grands  pouvoirs  de  l'état,  de  la  création  de  son  armée  et  des 
progrès  amenés  par  la  constitution  de  notre  nationalité.  Son  texte  qui  est 
semé  de  détails  intéressants,  quoique  la  plupart  connus,  sur  les  hommes  et 
les  choses  de  la  Révolution,  est  orné  du  portrait  du  roi  et  des  personnages 
qui  ont  joué  un  rôle  remarquable  dans  les  événements  de  celte  époque.  Peut- 
être  le  désir  qui  a  animé  M.  Poplimont  de  payer  un  juste  tribut  de  recon- 
sance  aux  hommes  qui  ont  fondé  la  nationalité  politique  de  notre  pays,  lui 
a-t-il  fait  négliger  trop  souvent  les  vues  d'ensemble  et  les  résumés  généraux, 
qui  dans  un  semblable  travail  doivent,  selon  notre  avis,  prendre  la  place  des 
détails  minutieux  et  des  petits  faits  personnels.  A  part  ce  défaut,  inhérent 
sans  doute  à  la  nature  du  sujet,  nous  trouvons  sur  la  marche  ascendante 
de  l'industrie  et  du  commerce,  sur  le  mouvement  politique  et  littéraire,  sur 
nos  relations  extérieures,  sur  tout  ce  qui  enfin  honore  la  Belgique  d'aujour- 
d'hui, des  idées  justes,  exprimées  avec  élégance  et  où  règne  un  patriotisme 
de  bon  aloi. 

12"  Geen  geluk  zonder  deugd,  draina  in  drie  bedryven, 
door  I.  S.  Van  Doosselaere.  Gent,  Annoot,  1851;  in-12, 
pag.  64. 

Ce  drame  bourgeois  est  dû  à  la  plume  d'un  jeune  typographe,  M.  Van 
Doosselaere,  qui,  son  travail  d'ouvrier  achevé,  trouve  encore  du  temps  pour 
se  livrer  avec  fruit  à  la  littérature  et  pour  produire  d'estimables  écrits.  Un 


—   U7  — 

fond  d'honnêteté  toule  llamande  et  la  glorification  des  vertus  domestiques 
font  le  principal  mérite  de  cette  pièce  qui  est  bien  écrite  et  convenablement 
dialoguée.  Nous  conseillons  à  l'auteur  d'y  supprimer  quelques  déclamations 
qui  ne  sont  que  des  hors-d'œuvres,  et  de  racourcir  çà  et  là  certains  monolo- 
gues. Ce  drame  a  été  accueilli  avec  une  faveur  méritée  sur  le  théâtre  gantois. 

lo"  Het  groot  Beggynhof  van  Gent,  door  B.  C.  B.  Mou- 
laert,  Predikhcer.  Gent,  Rousseau,  18oÔ;  in-18,  pag.  XV 
et  145. 

L'institut  des  Béguines  est  propre  à  la  Belgique.  Il  remonte  à  une  haute 
antiquité  et  a  fait  souvent  l'objet  de  savantes  recherches  historiques.  Le 
P.  Moulaert,  à  qui  nous  devons  la  monographie  que  nous  annonçons,  s'est  plu 
à  donner  l'historique  du  Grand  Béguinage  de  Gand,  qui  est  encore  aujour- 
d'hui le  plus  considérable  du  rojaume.  11  s'occupe  de  l'origine  de  ces  com- 
munautés religieuses  et  a  soin  de  s'appuyer  partout  sur  des  sources  respec- 
tables. Son  travail  est  complété  par  une  notice  biographique  des  Béguines 
qui  se  sont  rendues  célèbres  par  leurs  vertus  et  leur  dévotion.  Le  livre  se 
termine  par  la  liste  des  confesseurs  attachés  au  Grand  Béguinage  depuis 
l'an  1227,  et  par  le  tableau  des  Béguinages  qui  existaient  en  Belgique  autre- 
fois. —  Ce  petit  ouvrage,  écrit  avec  beaucoup  de  bonhommie,  n'est  pas  sans 
intérêt  pour  l'histoire  ecclésiastique  de  notre  ville. 


148  — 


CI)romi]ue  bea  Bcicncce  et  Des  2xi$,  et  Darie'te's. 


AsciENSES  Archives  d'Afflighem.  —  M.  Ralileubeck,  consul  de  Saxe  à 
Bruxelles,  a  bien  voulu  nous  communiquer  la  lettre  ci-dessous,  adressée 
par  le  marquis  de  Eeauprez  à  la  princesse  de  Mansfelt,  Marie  Christine  d'Eg- 
mont ,  veuve  du  prince  Charles,  mort  en  Hongrie  en  1j95,  sur  l'étal  des 
archives  dAlllighem  en  1609. 

Madame, 

Je  me  suys,  passé  quelque  temps  transporté  à  Alïlighem,  suyvant  l'obliga- 
tion en  laquelle  m'estoys  constitué  à  lendroist  de  V.  Ex"',  pour  y  rechercher 
entre  les  pappiers  de  l'abbaye  si  nen  pourroy  trouver  aulcuns,  servants  à  la 
verilîlcation  des  quatre  degrez  de  la  généalogie  qu'il  vous  a  pieu  de  m'euvoyer, 
pourquoy  m'estanl  addrcssé  au  prieur  dudit  lieu,  me  dict,  ne  leur  en  eslre 
resté  un  seul  par  le  désordre  et  dégast  des  troubles  derniers,  tant  pour  en 
avoir  perdu  une  bonne  partie  par  le  feu,  qu'emblée  la  principalle  par  le  feu 
prince  d'Orange,  auquel  les  Estatz  pour  alors  avoient  conféré  la  dicte  abbaye, 
que  pour  laction  quy  peut  encore  prétendre  le  comte  Maurice  demain  ou  après, 
ne  les  a  voulu  (quoy  que  demandez)  jusques  ores  rendre  ny  restituer,  trop  bien 
j'ai  remarqué  dans  un  certain  mémoire  venant  de  Monsieur  l'Archevesque  (qu'il 
nat  exhibé)  que  les  fondateurs  de  là  nestoyent  ceulx  de  Vilain  (selon  que 
V.  Exce  opinoit),  mais  Goddefroy  à  la  Barbe,  ducq  de  Brabant,  et  quy  y  est 
inhumé  avec  d'aultres  grands  personnages  quy  s'y  sont  partie  rendus  moines, 
partie  bienfaict  à  la  maison,  entre  Icsquelz  il  ny  at  seul  nombre  de  ceulx  que 
recherchez  et  m'asseura  d'estre  tout  le  renseignement  qu'il  en  avait.  Au  moyen 
de  quoy  conviendra  nécessairement  s'adresser  à  Monsieur  le  comte  d"Isen- 
ghcm,  ou  bien  aux  siens  pour  avoir  esclaircissemens  desdits  quatre  degrez  en 
question,  dont  nonobstant  qu'eusse  eu  aussi  inspection  du  vieil  registre  aux 
fiefs  du  Lieutenant  de  ccstc  ville,  et  refœuillcté  les  miens,  je  ny  ai  rien  de  si 


—  U9  — 

vieille  ni  postérieure  date;  sinon  que  depuis  Madame  la  fille  du  ducq  df  Ven- 
dosme  de  quoy  il  n"est  débat  ou  question,  trop  bien  j'ai  découvert  que  Messire 
Hugues  Vilain  posé  en  vostre  quatrième  degré,  at  délaissé  une  fille  héritière, 
nommée  Dame  Marie  Vilain,  laquelle  espoussa  .Messire  Hugues,  sire  d'Authoing 
et  d'Espinoy,  lequel  trespassa  l'an  mil  iij«  xviij,  et  la  dicte  dame  Marie  l'an 
mil  iij<=  xij,  et  sont  enterrez  touts  deux  au  dits  Authoing,  au  milieu  du  chœur, 
dont  je  renvoyé  à  V.  Ex^e  ledit  billet  cy  enclos,  depuis  lesquelz  sera  bien  ayse 
de  joindre  jusques  à  vostre  personne,  parce  que  seur  postérité  la  plus  belle 
part  est  illecq  inhumée,  mais  des  précédents  je  nen  recouvre  rien  à  mon  bien 
grand  regrect  pour  le  désir  que  jay  de  servyr  V.  Ex«e,  non  seulement  en  ces 
endroict,  mais  aussy  en  tout  aultre  que  me  jugerez  capable  d'être  honoré  de 
vos  commandements  et  d'une  aussi  humble  volonté  que  je  supplie  le  Créateur 
de  maintenyr  V.  Ex^c^ 

Madame, 

en  toute  félicité,  bonne  longue  et  heureuse  vye.  Baisant  très  humblement  les 
mains  d'icelle.  Alost,  ce  xiijc  de  décembre  1609. 

De  V.  Ex'e 
Lt  Ires  humble  e  obéissant  servitejo-, 
Le  S'  De  Beaiprez. 

MÉDAILLE  DE  DucANGE.  —  Si  de  DOS  jours  on  fait  abus  de  médailles  et  de 
statues,  en  les  consacrant  souvent  à  des  personnages  d'une  valeur  très-contes- 
table, nous  voyons  avec  plaisir  qu'on  se  plait  parfois  à  éterniser  par  le  bronze 
et  le  marbre  la  mémoire  d'hommes  utiles  dont  le  mérite  n"a  pas  toujours  été 
assez  apprécié.  Dccange,  à  qui  nous  devons  le  célèbre  Glossarium  infimae  et 
mcdiae  latinilalis,  a  enfin  reçu  une  récompense  digne  de  ses  travaux.  La 
Société  des  Antiquaires  de  la  Picardie  lui  a  érigé  une  statue  en  bronze  à  Amiens. 
A  cette  occasion  a  été  frappée  une  médaille  de  grand  module,  représentant 
d'un  côté  l'illustre  savant  debout,  tenant  des  chartes  à  la  main,  avec  les  mots  : 
Statue  de  bronze  érigée  par  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Picardie  uvec  le 
concours  de  la  ville  d'Amiens  et  des  souscriptions,  19  aoi'tt  1849;  de  l'autre,  le 
portrait  de  Ducange,  avec  la  légende  :  C.  Dufresne  Ducange,  né  à  Amiens  le 
8  décembre  IGiO,  mort  à  Paris  le  25  octobre  1688.  La  statue  est  de  Cai'do.\-, 
et  la  médaille  de  A.  J.  De  Pallis.  Toutes  deux  font  le  plus  grand  honneur  à 
ces  habiles  artistes. 


—  150  — 

Histoire  des  Béguines  delges.  —  Réfutation  de  l'ouvrage  du  D^  Hallmann. 

—  En  donnant  dans  le  Messager  des  Sciences  historiques,  année  18S0,  p.  241, 

une  notice  sur  VHistoire  de  l'origine  des  Béguines  belges,  publiée  à  Berlin 

en  1843,  par  le  D^  Hallmann,  nous  n'avons  pas  eu  la  prétention  d'offrir  à  nos 

lecteurs  un  Compte-rendu  critique  de  cet  ouvrage,  mais   un   simple  Aperçu 

anahjtique  des  matières  qu'il  contient.  —  Nous  avons  appris  depuis,  que  le 

livre  de  l'auteur  allemand  a  été  l'objet  d'une  critique  sévère,  dans  un  article 

inséré  au  Journal  historique  et  littéraire  (publié  à  Liège  par  P.   Kersten, 

année  1843,   p.  330  et  584),  pendant  notre  séjour  à  l'étranger.  L'auteur  de 

cet  article,  qui  parait  avoir  étudié  la  question  à  fond,  s'attache  à  réfuter  tous 

les  arguments  que  le  D'  Hallmann  fait  valoir,  pour  attribuer  la  fondation  des 

Béguines  à  Lambcrt-le-B'egue.  Nous  croyons  devoir  signaler  cette  réfutation  à 

ceux  de  nos  lecteurs  que  s'intéressent  à  cette  grande  controverse,  et  à  ceux  qui 

seraient  tentés  de  croire  que  nous  partageons  la  manière  de  voir  de  l'auteur 

allemand.  Il  suffira  de  relire  notre  aperçu  pour  se  convaincre,  que,  n'ayant  pas 

fait  une  étude  spéciale  de  la  question,  nous  avons   prudemment  laissé  au 

Dr  Hallmann  la  responsabilité  de  ses  allégations. 

Is.  H. 

Beigic.4.  —  Sous  ce  titre  un  savant  hollandais,  .Mr  Robidé  Van  der  Aa, 
ancien  fonctionnaire  en  Belgique  avant  1830,  avait  formé  une  collection 
précieuse  de  1660  brochures  et  opuscules  sur  les  événements  qui  préparè- 
rent et  qui  suivirent  la  dernière  Révolution  belge.  Cette  collection  vendue  à 
Arnhem,  au  mois  de  février  dernier,  a  été  acquise  en  entier  au  prix  de 
1100  fr.,  pour  la  bibliothèque  de  la  Chambre  des  Représentants  à  Bruxelles, 
où  nous  sommes  persuadé  que  ces  documents  seront  consultés  avec  fruit  par 
ceux  qui  s'occupent  de  cette  importante  époque  de  notre  histoire  politique. 

Livre  de  lectures  historiques  belges.  —  Voici  l'arrêté  royal  par  lequel  le 
Ministre  de  l'intérieur  vient  de  remettre  au  concours  la  composition  d'un 
livre  de  lectures  historiques  belges. 

LÉopoLD,  roi  des  Belges,  à  tous  présents  et  à  venir,  salut. 

Voulant  établir  sur  des  bases  nouvelles  le  concours  institue  par  arrêté 
royal  du  2  novembre  1848,  pour  la  composition  d'un  livre  de  lectures  his- 


—  131  — 

loriqucs   belges;  vu  le   rapporl  et  sur   la  proposition   de   noire   Ministre  de 
l'intérieur,  nous  avons  arrêté  et  arrêtons  : 

Art.  l".  Le  concours  institué  par  notre  arrêté  du  2  novembre  1848,  pour 
la  composition  d"un  livre  de  lectures  historiques  belges,  destine  particu- 
lièrement aux  écoles  primaires  et  moyennes,  est  renouvelé  d'après  les  règles 
suivantes  : 

Programme. 

Un  prix  principal  de  quatre  mille  francs  sera  décerné  à  l'auteur  de 
l'ouvrage  manuscrit  auquel  le  jury,  nommé  par  notre  ministre  de  l'intérieur, 
aura  reconnu  le  double  mérite  du  fond  et  de  la  forme. 

Deux  prix  secondaires,  l'un  de  deux  mille  francs,  l'autre  de  mille  cinq 
cents  francs,  pourront  être  décernés  aux  auteurs  d'ouvrages  de  moindre 
importance. 

L'ouvrage  se  composera,  au  choix  de  l'auteur,  d'épisodes  historiques,  de 
biographies,  de  descriptions  de  mœurs,  de  lieux,  d'institutions,  de  tableaux 
relatifs  au  développement  intellectuel,  commercial  et  politique  du  pays. 

Indépendamment  du  sentiment  patriotique  et  de  la  fidélité  qui  doivent 
caractériser  son  travail,  l'auteur  s'attachera  aux  qualités  du  style  et  ne  perdra 
pas  de  vue  qu'il  s'agit,  non  d'une  histoire  de  la  Belgique  proprement  dite, 
mais  d'un  ouvrage  affranchi  de  la  sécheresse  d'un  traité  didactique;  d'un 
livre  de  lecture  populaire  qui  mettra  une  science  vraie  à  la  portée  du  plus 
grand  nombre  et  qui,  en  vivifiant  le  patriotisme,  formera  le  goût  des  nom- 
breux lecteurs  qu'il  est  destiné  à  instruire. 

L'ouvrage  devra  former  un  volume  in-12  ordinaire. 

Les  manuscrits  couronnés  deviendront  la  propriété  du  gouvernement,  qui 
se  réserve  de  les  faire  imprimer  et  de  les  répandre.  Ils  pourront  être  traduits 
soit  du  français  en  flamand,  soit  du  flamand  en  français. 

Le  travail  des  concurrents  devra  être  adressé  au  département  de  l'intr- 
rieur  avant  le  l*'  juillet  18o2. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leurs  noms  à  leurs  ouvrages,  mais  sculr- 
menlune  devise  qu'ils  répèleront  sur  un  billet  cacheté,  renfermant  leur  nom, 
l'indication  de  leur  lieu  de  naissance  et  leur  adresse. 

Sont  admis  au  concours  les  ouvrages  écrits  en  français  et  en  flamand. 


—   152  — 

Art.  2.  Les  frais  résultant  de  ce  concours  seront  imputés  sur  le  budget  du 
département  de  Tinférieur. 

Art.  3.  Notre  ministre  de  Tintérieur  est  charge  de  Texécution  du  présent 
arrêté. 

Donné  à  Bruxelles,  le  22  mars  1831.  Léopold. 

Par  le  Roi  : 

Le  Ministre  de  l'intérieur,  Ch.  Rocier. 

Le  Moyen  âge  et  la  Renaissance.  —  Dans  ce  bel  ouvrage  qui  se  publie  à 
Paris  et  qui  forme  déjà  6  volumes  in-i»,  nous  voyons  avec  plaisir  apparaître 
la  description  de  beaucoup  d'objets  d"art  qui  existent  en  Belgique.  Nous  y 
signalerons  entre  autres  .-  1»  des  verres  peints  des  cabinets  de  MM.  D'IIuy- 
vetter  et  Verhelst,  à  Gand;  2»  une  boîte  aux  saintes  huiles,  de  la  collection 
de  M''  Ch.  Onghena,  ibid.;  l'écu  d'argent  des  anciens  joueurs  de  trompe  de 
noire  ville,  conservé  dans  notre  Musée  historique;  4»  plusieurs  tableaux  an- 
ciens du  Musée  d'Anvers;  b"  des  pièces  remarquables  et  précieuses  du  Musée 
d'artillerie,  à  Bruxelles;  6°  le  collier  d'argent  ciselé  du  métier  des  orfèvres 
de  Gand,  appartenant  à  M.  de  Kerehove  d'Ousselghem.  Ce  magnifique  objet 
de  curiosité  consiste  en  16  chaînons,  représentant  chacun  un  sujet  différent. 
M.  Devicke-Avé  l'avait  déjà  publié  dans  ses  Recherches  historiques  sur  les 
corporations.  On  peut  obtenir  séparément,  à  la  librairie  Muquardt  en  cette 
ville,  les  planches  où  sont  représentés  ces  trésors  artistiques,  si  intéressants 
pour  nous. 


.'f'-'f^ 


i^ ff(TfU.l*^^  SCiiÙ^C 


7L  Sf/mi^lr  lit- 


JACOBUS    DE  BUE . 


SaTe  ifiutfr 


JJttiiuhrr  .tcul/jt. 


II.Se/l(tfJiU   /it. 


JOSEPH  GHE5QUIERE. 


/îî^Sm?^:;^.. 


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■/  /'.     J^t/t  />fiurK/ttif    f. 


•  /,  Jlt  III  <  It  (  r    .<ci//u/. 


S.  SeAac^ih 


PHILIPPU5V. 


—   163   — 


notice  analytique  et  raieonnee 

DU  CATALOGUE  DU  MUSÉE  d'aNVERS,  RÉDIGÉ  TAR  M.  JEAN-ALFRKD 
DE  LAET,  PROFESSEUR  AGRÉGÉ  A  l'uNIVERSITÉ  DE  GAND,  ET 
PUBLIÉ  PAR  LE  CONSEIL  D'ADMINISTRATION'  DE  l'ACADÉMIE 
ROYALE    DES    BEAUX-ARTS  (l). 


Le  catalogue  dont  nous  allons  rendre  compte,  vit  le  jour 
en  1849.  Cet  ouvrage  succède  à  trois  Notices,  à  la  lecture 
desquelles  l'on  ne  sait  ce  qu'on  doit  iniprouver  le  j)lus,  ou 
des  erreurs  de  dates  et  de  noms  propres,  ou  des  indica- 
tions fautives  de  maîtres  qu'eltes  contiennent,  ou  enfla  des 
suppositions  de  faits  historiques  que  l'imagination  trop 
hardie  de  leurs  rédacteurs  y  a  introduits.  Aussi  est-ce  à 
bon  droit  que  de  semblables  matériaux  furent  en  général 
mis  au  rebut,  lorsque  le  Conseil  d'administration  de  l'Aca- 
démie royale  d'Anvers  eut  résolu  de  doter  le  Musée  d'une 
description  qui  fit  honneur  à  la  métropole  artistique  de  la 
Belgique.  M.  De  Laet  ne  pouvait  donc  se  borner  à  améliorer 
le  travail  d'un  devancier;  il  lui  fallait  au  contraire  réunir 
tous  les  éléments  d'un  ouvrage  nouveau,  qui  devait  com- 
prendre, outre  les  œuvres  d'art  mentionnées  dans  la  Nolice 
de  1829,  celles  de  la  collection  Van  Ertborn,  les  acquisi- 
tions faites  par  le  Musée  depuis  184-1,  ainsi  que  les  ta- 
bleaux de  l'ancien  fonds  de  cet  établissement,  qui  venaient 
pour  la  première  fois  y  réclamer  leur  place  ou  reprendre 

(I)  Anvers,  imprimerie  de  J.-E.  Buslimann.  In-S". 

18SI.  (1 


—  134  — 

celle  qu'on  leur  avait  enlevée  avant  1829.  —  Ceux-là  seuls 
qui  ont  été  dans  le  cas  de  devoir  se  livrer  à  des  recherches 
quelconques,  peuvent  se  faire  une  idée  des  difficultés  que 
M.  De  Laet  a  eues  à  vaincre  pour  parvenir  aux  résultats 
importants  que  nous  allons  énumérer.  Restitution  d'un 
nombre  considérable  de  tableaux  à  leurs  véritables  auteurs, 
dont  on  parait  ne  s'être  pas  donné  autrefois  la  peine  de 
vérifier  toujours  les  signatures;  additions  et  rectifications 
nombreuses  aux  notices  concernant  les  artistes  et  tirées 
des  archives  de  l'ancienne  Confrérie  de  S'-Luc  à  Anvers; 
découvertes  pleines  d'intérêt  relativement  à  des  maîtres 
dont  ce  catalogue  est  le  premier  à  s'occuper,  ainsi  qu'à 
d'autres  peintres  sur  lesquels  nous  n'avions  jusqu'ici  que 
peu  ou  point  de  notions;  voilà  en  abrégé,  ce  qui  frappe 
tout  d'abord  le  lecteur  intelligent  auquel  l'ouvrage  fort 
bien  écrit  de  M.  De  Laet  sert  de  guide  dans  notre  3Iusée. 

On  concevra  aisément,  après  ce  que  nous  avons  dit  plus 
haut,  qu'une  œuvre  aussi  difficile  n'ait  pas  été  toujours 
suivie  de  résultats  également  heureux.  Il  était  impossible 
qu'au  milieu  d'une  telle  multitude  de  dates  et  de  faits,  il  ne 
se  glissât  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  d'erreurs 
et  qu'on  n'y  découvrit  des  lacunes  plus  ou  moins  impor- 
tantes. Nous  en  avons  en  effet  remarqué  plusieurs,  et  c'est 
à  les  relever  soigneusement,  que  nous  avons  employé  une 
partie  des  dernières  vacances  judiciaires,  croyant  de  cette 
manière  être  utile  d'abord  à  l'art,  ensuite  au  travail  même 
de  M.  De  Laet,  travail  dont  nous  désirons  la  perfection. 

Entrons  en  matière.  —  Le  nouveau  catalogue  débute 
par  une  introduction  qui  nous  fait  connaître  les  sources 
consultées  par  le  rédacteur,  les  mesures  prises  par  la  Com- 
mission à  laquelle  il  était  tenu  de  présenter  son  travail,  etc. 
Ces  détails  offrent  sans  doute  un  grand  intérêt,  mais 
nous  aurions  bien  désiré  qu'ils  eussent  été  accompagnés 
d'un  précis  historique  sur  la  formation  et  l'accroissement 


—    \o^   — 

de  la  première  galerie  de  peinture  du  pays.  Celte  lacune 
devait  être  facile  à  combler  par  M.  De  Laet  qui  avait  fait 
des  recherches  relatives  au  Musée,  dans  les  archives  de 
la  province  d'Anvers,  et  qui,  par  conséquent,  était  à  même 
de  raconter  Torigine  et  l'augmentation  de  notre  belle  col- 
lection. Mais  la  Commission  dont  nous  avons  déjà  parlé 
n'a  pas  voulu,  paraît-il,  de  ce  précis,  pas  plus  que  de  la 
mention  des  églises,  chambres  de  serments,  etc.,  aux- 
quelles un  grand  nombre  des  tableaux  qui  composent  le 
Musée,  ont  été  enlevés  à  la  fln  du  siècle  dernier.  On  n'a 
en  général  excepté  de  cette  mesure,  que  les  objets  d'art 
provenant  de  l'ancienne  Académie,  ceux  de  la  galerie 
Van  Ertborn,  les  autres  dons  et  achats.  Il  résulte  de  là 
que  le  catalogue  est  muet  sur  l'origine  de  la  plupart  des 
œuvres  d'art  qui  s'y  trouvent  renseignées.  Cette  omission 
nous  paraissant  peu  naturelle,  nous  en  avons  demandé  le 
motif  à  l'un  des  contrôleurs  du  travail  de  M.  De  Laet,  et 
il  nous  a  été  répondu,  que  Von  avait  voulu  éviter  de  rappe- 
ler des  temps  de  spoliation.  Nous  n'aurons  guère  de  peine 
à  prouver  le  peu  de  fondement  de  cette  raison.  Et  en  effet, 
pour  atteindre  le  but  qu'elle  se  proposait,  la  Commission 
aurait  dû  commencer  par  faire  disparaître  toutes  les  édi- 
tions du  Yoyarje  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  Brahant, 
par  J.-B.  Descamps,  l'ancien  Guide  d'Anvers,  édité  en 
flamand  et  en  français  par  Gérard  Berbie,  la  vie  de  Rubens 
réimprimée  en  cette  ville  en  1840  et  augmentée  de  notes 
fort  intéressantes  par  M.  A'ictor  ^  an  Grimbergen,  etc.  : 
elle  n'aurait  pas  du  négliger  non  plus  le  catalogue  manus- 
crit des  tableaux  de  l'école  centrale  de  deux  \èthes,  dressé 
le  28  vendémiaire  an  IX,  ni  de  faire  tenir  sous  clef,  en 
même  temps  que  ce  document,  une  partie  plus  ou  moins 
considérable  des  archives  de  la  provinced'Anvers.  Nousii'in- 
sisterons  point  sur  ces  observations;  mais  nous  émettons, 
dans  Tintérét  de  l'histoire  de  l'art,  le  vœu  que  la  prochaine 


—    156   — 

édition  du  catalogue  nous  raconte  la  formation  et  l'accrois- 
sement du  Musée,  et  indique,  autant  que  faire  se  pourra, 
la  provenance  de  chacun  des  numéros  dont  il  est  composé. 
Nous  nous  permettrons  encore  deux  observations  géné- 
rales, avant  de  nous  arrêter  à  des  détails.  —  L'introduc- 
tion ne  mentionne  point,  parmi  les  ouvrages  consultés,  la 
plus  ancienne  Notice  imprimée  du  Musée,  celle  de  1817, 
dont  nous  possédons  un  exemplaire,  mais  elle  signale  avec 
complaisance  «  un  petit  livre  publié  à  la  fin  du  siècle  der- 
nier, à  Anvers,  chez  Gérard  Berbie,  sous  le  titre  de  : 
Description  des  jnincipaux  ouvrages  de  peinture  et  de 
sculpture  actuellement  existants  dans  les  églises,  couvents 
et  lieux  publics  d'Anvers.  »  Ceux  qui  voudront  se  donner 
la  peine  de  confronter  cet  opuscule  soit  en  français,  soit 
en  flamand,  avec  le  Voyage  beaucoup  trop  vanté  de  Des- 
camps, pourront  se  convaincre  que  l'œuvre  éditée  par 
Berbie,  n'est  guère  qu'un  emprunt  fait  au  peintre  fran- 
çais, dont  la  relation  parut  à  Rouen  en  1769,  tandis  que 
le  privilège  d'imprimer  accordé  à  Berbie  ne  porte  que  la 
date  du  3  février  1774.  II  n'est  donc  pas  étonnant  que  si 
Descamps  ne  s'est  pas  toujours  donné  la  peine  de  lire  les 
noms  des  peintres  dont  les  tableaux  portent  des  signatures, 
que  s'il  a  confondu  des  artistes  de  même  noms,  mais  de 
prénoms  diftërents,  que  s'il  a  mis  un  nombre  considérable 
de  productions  de  nos  anciennes  écoles  sur  le  compte  de 
maîtres  qui  y  sont  totalement  restés  étrangers;  il  n'est 
donc  pas  étonnant,  disons-nous,  que  toutes  ces  erreurs 
aient  été  recueillies  par  Berbie,  dont  la  compilation,  aussi 
bien  que  l'ouvrage  cité  de  Descamps,  n'a  guère  à  nos 
yeux,  qu'une  valeur  topographique.  Nous  ne  disons  ceci, 
qu'après  avoir  été  à  même  de  confi'onter  avec  des  pièces 
authentiques,  les  nombreuses  méprises  de  l'un  et  de 
l'autre,  et  nous  engageons  fortement  les  personnes  qui 
s'occupent  de  l'histoire  des  arts,  à  ne  consulter  les  deux 


—  137  — 

élutiihralions  dont  nous  parlons,  qu'avec  une  exlrénie  ré- 
serve. Une  dernière  observation  générale,  c'est  qu'à  cha- 
que nouvelle  édition  du  catalogue  du  IMusée,  on  remarque 
un  certain  nombre  de  tableaux  ou  de  sculptures  qui  cessent 
d'être  exposés  aux  regards  du  public.  Nous  voyons  certes 
avec  plaisir  que  plusieurs  toiles  mentionnées  dans  les  an- 
ciennes Notices  vont  reparaître  dans  la  collection,  où  des 
numéros  leur  ont  été  réservés;  mais  nous  voudrions  bien 
connaître  le  motif  qui  empêche  qu'on  expose  l'antique 
statuette  de  S^-Luc,  et  du  S^-Sébastien,  ce  derniei*  exécuté 
par  Arlus  Quellyn,  le  Vieux,  que  nous  avons  vus  l'un  et 
l'autre  dans  les  salles  de  la  rue  de  Vénus,  musée  tempo- 
raire en  1841  (i). 

Nous  nous  contenterons  de  signaler  en  outre,  le  buste 
en  médaillon  du  célèbre  géographe  anversois,  Abraham 
Ortelius,  qui  portait  le  n°  252  dans  le  Svpplément  à  la 
Notice  de  1829,  publié  en  1841.  Ce  buste  était  accompa- 
gné d'un  globe  terrestre  et  provient  de  l'église  de  l'abbaye 
de  S'-Michel,  où  l'un  et  l'autre  ornaient  une  inscription 
remarquable,  que  François  Sweertius  nous  a  conservée 
dans  ses  Monumenta  sepulcralia,  et  que  nous  désirerions 
voir  rétablir,  bien  que  l'on  y  donne  emphatiquement  à 
Piiilippe  II,  le  titre  de  roi  des  rois  (2). 

Passons  maintenant  aux  détails.  —  Le  n"  2  du  catalogue 
indique  comme  représentant  S^-Nicolas,  un  tableau  de 
Giotto,  qu'il  décrit  ainsi  :  a  Le  saint,  qui  a  la  mitre  en 


(1)  Ce  S<-Luc  provient  de  l'ancienne  Confrérie  de  ce  nom.  —  Le  S'-Sdbus- 
lien  ornait  dans  notre  ci-devant  Cathédrale,  les  slalles  du  Jeune  Serment  de 
l'arc  {Gildvan  dcnjuiigcn  handboog).  —  Ces  deux  slatucllcs  n'ont  jamais  clt> 
cataloguées. 

Un  S^-François  d'Assise  en  extase,  peint  dans  le  goiit  de  Muriilo,  par  Gode- 
froi  riinck,  et  qui  se  trouve  au  Musée,  n'a  point  reçu  de  numéro,  par  suite 
d'un  oubli  assez  excusable  du  reste.  Cette  toile  provient  du  cabinet  de  feu 
-M.  Jean-Adrien  Sncyers,  secrétaire  de  l'Académie  d'Anvers. 

(2)  Autour  ilu  s^lobe  se  lisait  la  devise  :  Manu  orno  et  vonlenino  mente. 


—  158  — 

tète,  est  vêtu  d'une  tunique  verte  brodée  d'or  (i);  à  ses  pieds 
se  voit  une  religieuse  à  genoux,  probablement  la  donatrice 
du  tableau.  »  Si  cette  descriplion  était  exacte,  nous  aurions 
à  dcînander  pour  quel  motif  ou  a  reconnu  dans  cette  figure 
d'évéquc,  plutôt  S'-Nicolas,  que  tout  autre  saint  pontife; 
mais  le  catalogue  ne  nous  fait  connaître  qu'en  partie  cette 
composition  de  Giotto.  Le  saint,  quel  qu'il  soit,  étend  l'une 
de  ses  mains  sur  la  tète  de  la  religieuse  dont  il  a  été  parlé; 
il  porte  de  l'autre  trois  lingots  d'or.  C'est  à  ce  dernier  signe 
que  l'on  reconnaît  en  effet  S^-Nicolas,  évéque  de  Myre,  en 
Lycie,  que  les  Italiens  ont  coutume  de  représenter  ainsi 
en  mémoire  de  trois  jeunes  filles  nobles,  mais  pauvres,  aux 
besoins  desquelles  il  pourvut  largement  et  qu'il  sauva  ainsi 
de  la  prostitution  (2). 

Le  S^-Jérôme,  peint  par  Pierre  Chrislopbsen  (n°  9  du 
catalogue),  ne  porte  point,  comme  le  dit  M.  De  Lact,  une 
crosse  papale,  c'est-à-dire  à  six  branches,  mais  bien  une 
crosse  à  quatre  branches,  avec  laquelle  on  représente  par- 
fois le  saint  cardinal  Bonaventure,  évéque  d'Alhano.  Il  est 
hors  de  doute  que  Christophsen,  en  faisant  tenir  un  livre  à 
S'-Jérôme,  a  voulu  rappeler  le  souvenir  de  la  fameuse  tra- 
duction des  saintes  Écritures,  que  l'on  doit  à  ce  célèbre 
docteur  de  l'Église. 

Le  n"  13  du  catalogue  indique  comme  représentant 
S^-Mcdard,  un  bienheureux  «  debout,  nu-tête,  ayant  la  ton- 
sure monacale  et  vêtu  d'un  froc  noir.  Il  tient  la  crosse  de 
la  main  gauche  et  un  mors  de  la  main  droite.  » 

Nous  constaterons  d'abord  que  le  froc  noir  dont  il  s'agit 
ici,  est  l'habit  de  l'illustre  et  savant  ordre  de  S'-Benoîl; 


(1)  Cette  tunique  n'est  autre  chose  qu'une  cliasuble  du  nioyen-àgc. 

(2)  Molanus,  De  his/oriaSS.  imaginum  et  picturarum.  Lovanii,  MDCCLXXl. 
—  Le  trait  dont  nous  parlons  se  trouve  reprt-senté  an  n"  106  du  Musée,  peint 
|);ii'  Ollion  Vnn  Veen. 


—  lo9  — 

nous  ajoulorons  que  nous  avons  cherché  en  vain  le  nom 
d'un  S'-Médard,  ahhé  bénédielin,  dans  trois  martyrologes 
diflërents,  dans  les  dictionnaires  de  Moreri  cl  de  Feller, 
et  même  dans  un  ouvrage  spécialement  consacré  à  l'histoire 
de  la  famille  religieuse  du  grand  cénohitedu  mont  Cassin(i). 
IVous  n'avons  rencontré  d'autre  S'-Médard,  qu'un  évéque 
de  IVoyon,  dont  la  fête  se  célèbre  le  8  juin,  et  que  nous 
n'avons  vu  mentionné  nulle  part  en  qualité  de  Bénédictin. 
—  Il  y  a  donc  évidemment  ici  une  erreur  de  nom. 

Cette  erreur  serait  bientôt  redressée,  si  le  mors  dont 
parle  le  catalogue,  pouvait  être  considéré  comme  un  collier 
de  prisonnier;  ce  qui  ne  fait  pour  nous  aucun  doute,  après 
plusieurs  examens  minutieux.  Aussi  le  saint  n'est-il  autre 
que  S'-Léonard,  vulgairement  appelé  S'-Liénard,  fondateur 
de  l'abbaye  de  Nouailles,  ordre  de  S'-Benoit,  en  France. 
Ce  bienheureux  vivait  au  VI®  siècle.  Il  quitta  la  cour  de 
Clovis,  pour  se  retirer  au  monastère  de  Bénédictins,  bâti 
par  ce  prince  à  iMicy,  à  deux  lieues  d'Orléans,  et  qui  était 
alors  gouverné  par  S'-Maximin  ou  Mesmin.  Après  avoir 
passé  quelque  temps  dans  le  cloitre,  il  embrassa  la  vie  de 
solitaire.  Son  grand  amour  des  captifs  lui  a  valu  d'être  re- 
présenté avec  des  chaînes,  des  menottes  et  autres  instru- 
ments de  sûreté,  employés  à  l'égard  des  prisonniers  (2). 

L'auteur  du  n"  15  a  eu  probablement  en  vue  le  fait  sui- 
vant, en  représentant  S'-Léonard,  un  collier  à  la  main.  Un 


(1)  Abrégé  de  iltistoirc  de  l'ordre  de  S^-Benoist,  où  il  est  parlé  des  saints, 
des  hommes  illustres,  de  la  fondation  cl  des  principaux  événements  des  mo- 
nastères, par  "*••,  de  la  Congrégation  de  S^-3Iaur.  Paris,  MDCLXXXIV, 
2  vol.  iii-i". 

(2)  Âlban  Butler,  Vies  des  Pères,  des  Martyrs  et  des  autres  principaux 
Saints,  G  novembre.  —  Voyez  aussi  l'ouvrage  cite  dans  la  note  précédente, 
ainsi  que  les  vrais  principes  de  l'architecture  ogivale  et  chrétienne  et  leur 
renaissance  au  temps  actuel,  par  A.-\V.  Pugin  ,  revu,  augmenté  et  publié 
d'après  le  texte  anglais,  par  T. -H.  King.  Bruxelles,  Gand  et  Leipzig,  1850; 
in-i",  p.  231. 


—  160  — 

lioinine  dévot  au  saiat  avait  été  jeté  iiijuslenient  dans  une 
prison  de  la  ville  de  Limoges,  où  il  avait  le  cou  serré  d'une 
chaîne  qui  lui  perniellait  à  peine  de  respirer.  S'étant  re- 
commandé au  bienheureux,  celui-ci  lui  apparut  et  lui  dit  : 
a  Tu  ne  mourras  point,  mais  tu  vivras,  et  tu  raconteras 
les  œuvres  du  Seigneur.  Lève-toi  et  prends  celte  chaîne,  et 
porles-la  dans  mon  église,  pour  qu'elle  y  soit  appendue  à 
mon  tombeau  et  qu'elle  ne  serve  plus  désormais  à  torturer 
qui  que  ce  soit  (i).  » 

Le  n°  2G,  peint  par  Jean  3Iemling,  nous  offre,  d'après 
le  catalogue,  le  portrait  d'un  moine  vêtu  d'un  froc  blanc. 

M.  De  Laet  s'est  mépris  en  faisant  passer  pour  un  moine, 
un  chanoine  régulier  de  l'ordre  de  S*-Norbert.  Ce  religieux 
porte  l'habit  de  chœur  ordinaire  des  Prémontrés. 
.  La  remarque  que  nous  venons  de  faire,  ne  doit  point 
paraître  futile  à  quiconque  a  vu  le  savant  archiviste  géné- 
ral du  royaume,  M.  Gachard,  après  avoir  appelé  du  nom 
de  moines,  les  chanoines  réguliers  de  Tongerloo,  donner  à 
l'un  de  ces  religieux,  le  savant  M.  Adrien  Ileylen,  le  nom 
de  père,  qui  ne  lui  convient  nullement  (2). 

Le  volet  de  gauche  de  la  face  antérieure  du  double 
diptyque  attribué  à  Memling,  et  portant  le  n"  28,  est  indi- 
qué comme  le  portrait  d'un  abbé  revêtu  du  costume  blanc 
de  l'ordre  de  Prémontré.  C'est  une  erreur  qui  nous  étonne 
d'autant  plus,  que  le  catalogue  signale  notre  diptyque 
comme  provenant  de  l'abbaye  des  Dunes  lez-Bruges.  Or 
cette  abbaye  appartenant  à  l'ordre  de  Cîteaux  (3),  il  y 


(1)  Pater  Petr.  Ribadineira  en  Paler  Heribertus  Rosweydus,  S.  J.  Générale 
légende  der  Ileijlighen.  Antwcrpen,  .MDCCXI,  2»"  decl,  bl.  4i3.  —  La  vignette 
des  saillis  du  mois  de  novembre  nous  montre  S'-Léonard,  tenant  la  crosse 
abbatiale  d'une  main,  une  chaîne  de  l'autre. 

(2)  Mémoire  historique  sur  les  BoUandisles  et  leurs  travaux,  dans  le  Messa- 
ger des  Sciences  et  des  Arts  de  la  lielijifjue,  volume  de  1833,  p.  24^8. 

(3)  Voir  la  Flandria  illuslratn  d'Antoine  Sandcrus,  t.  H,  p.  9i.  La  Haye, 
MDCCXXXIF.  in-f". 


—   161   — 

avait,  ce  semble,  lieu  de  se  demander  si  le  personnage  dont 
nous  nous  occupons,  n'était  pas,  lui  aussi,  de  cet  ordre, 
question  qui  doit  être  résolue  affirmativement.  Le  prélat 
est  représenté  en  habit  de  chœur  de  Citeaux.  Il  en  est 
de  même  de  Tabbé  qui  se  trouve  sur  le  volet  de  droite  de 
la  face  postérieure,  et  auquel  M.  De  Laet  a  donné,  par 
suite  d'une  distraction  évidente,  le  nom  d'abbé  de  l'ordre 
des  Bénédictins  de  Prémontré. 

Anvers  doit  des  reraercimeuts  au  rédacteur  du  cata- 
logue du  3Iusée,  ainsi  qu'à  M.  Léon  De  Burbure,  qui  se 
sont  donné  tant  de  peines  pour  prouver,  contrairement 
aux  assertions  de  M.  Edouard  Van  Even,  que  Quentin 
Massys  appartient  véritablement  à  une  famille  anversoise. 
Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  la  description  des  tableaux 
de  ce  peintre,  tout  en  faisant  observer  qu'il  n'est  pas  exact 
que  l'on  ait  soustrait  ou  tenté  de  soustraire  en  1794  aux 
'■echerches  des  commissaires  français,  le  triptyque  du  maî- 
tre qui  ornait  dans  la  Catliédrale,  l'autel  de  la  chapelle  de 
la  Circoncision.  C'est  ce  qui  nous  a  été  affirmé  par  des 
contemporains  (i).  Ce  triptyque  n'a  été  enlevé  qu'en  1798, 
pour  être  transporté  à  lécole  centrale  du  département  des 
Deux->'èthes.  Nous  ajouterons  qu'il  se  trouve  en  tête  du 
catalogue  manuscrit,  envoyé  le  28  vendémiaire  an  L\  par 
le  préfet  à  l'administration  du  Musée  des  arts  de  Paris;  et 
que  nous  avons  acquis  aux  archives  de  notre  gouvernement 
provincial,  la  preuve  qu'à  cette  époque,  on  eu  aurait  volon- 
tiers fait  l'échange  contre  quelque  tableau  de  Rubens  enlevé 
à  notre  ville  par  les  agents  de  cette  assemblée,  souillée  de 
crimes  et  de  rapines  que  l'on  appelle  la  Convention  natio- 
nale. Annotons  en  passant,  que  les  volets  de  la  glorieuse 
composition  de  Quentin  3iassys,  portaient /nf//*- en  grisaille, 
d'après  le  catalogue,  les  figures  de  S^-Jean-Baptisle  et  de 

(I)  M.  De  Lact  sest  trompé  du  reste  sur  la  foi  de  la  \oIhc  de  1820. 


—  162  — 

S'-Jean  VÈvangéliste.  Ce  mol  jadis  voile  un  uclc  de  vaii- 
•laîisnie  autrefois  commis  à  froid. 

Le  catalogue  se  trompe,  en  avauçant  (jue  la  pierre  sépul- 
crale de  Quentin  Massys  qui  se  voit  au-dessous  de  l'enseve- 
lissement  de  N.  S.,  s'est  trouvée  avant  1G29,  au  cimetière 
des  Chartreux,  hors  les  murs,  où  le  célèbre  artiste  aurait 
été  enterré.  Corneille  ^'an  der  Geest,  l'un  des  admirateurs 
du  grand  peintre,  dans  une  requête  adressée  au  Magistrat, 
dans  celte  même  année  1629,  et  au  sujet  de  la  date  lumu- 
laire  dont  nous  nous  occupons;  Corneille  Van  der  Geest, 
disons-nous,  mentionne  en  toutes  lettres  que Mailre Quentin 
a  été  enterré  au  pied  de  la  tour  de  Notre  Dame;  c'est  à  l'oc- 
casion de  l'enlèvement  des  pierres  sépulcrales  du  petit  cime- 
tière de  la  Cathédrale  (situé  près  du  Marché  aux  Gants), 
que  le  Magistral  permit  au  requérant  d'appliquer  celle  de 
Massys  au  pied  de  la  tour  (i). 

Au  n°  57  peint  par  Corneille  Engelhrechtsen,  nous  ren- 
controns de  nouveau  S^-Léonard  ou  Liénard,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut.  Le  costume  ecclésiastique  qu'il  porte, 
d'après  le  catalogue,  est  celui  de  l'ordre  de  S'-Benoit. 

Le  S*-Ihibert,  exécuté  par  le  même  artiste  (n"  58),  ne 
îjorte  point  la  dalmatique,  comme  le  dit  le  catalogue,  mais 
bien  la  chape.  La  dalmatique,  en  tant  que  vêtement  prin- 
cipal, ne  convient  qu'aux  diacres,  de  même  que  la  tunicelle 
aux  sous-diacres  (2). 

M.  De  Laet  nous  apprend  à  la  fln  de  la  notice  qu'il  a 

(i)  Van  der  Geest  parle  de  5000  nobles  à  la  rose,  comme  prix  de  vcnle  du 
triplyquc  de  Massys,  au  lieu  des  8000  que  mentionne  le  catalogue.  —  Voyez 
Alhrccht  Durer  in  de  Nedcrlandcn,  nilf/egeven  door  Frédéric  Vcrachler,  Stads- 
Archivarius.  —  Antwerpen,  ISiO,  bl.  58,  nota  2.  —  Les  notes  nombreuses 
que  M.  Veraclilcr  a  ajoutées  à  cette  traduction,  font  le  plus  grand  honneur 
à  son  érudition. 

(2)  Voyez  VOnomasticon  clymolor/kum,  inséré  à  la  suite  de  la  Romanorum 
Pontificum  brevis  noiitia  du  chanoine  Guillaume  Burius,  que  nous  citons  plus 
loin;  y  Dalmatien. 


—   163  — 

consacrée  à  Luc  Jacobz,  plus  connu  sous  le  non)  de  Luc  de 
Leyde,  que  le  Urjqere  (registre)  de  la  Confi'érie  de  S'-Luc 
mentionne  parmi  les  francs-maîtres  reçus  en  1522,  Lucas 
de  HoUaiukre  (Luc  le  Hollandais),  et  demande  si  celle  an- 
notation se  rapporte  à  Luc  Jacobsz?  Nous  croyons  pouvoir 
répondre  que  cela  est  probable ,  puisque  ce  grand  artiste 
reçut  à  diner  dans  notre  ville,  vers  le  milieu  de  l'année  1321 , 
Albert  Durer  qui  y  exécuta  son  portrait  à  la  pointe  (i). 

Le  catalogue  se  trompe,  en  mentionnant  comme  portant 
un  glaive  sur  la  garde  duquel  serait  perchée  une  colombe 
blanche,  la  Sainte  représentée  au  volet  de  gauche  du  n°  59, 
attribué  à  Luc  de  Leyde.  C'est  une  croix  que  tient  la  Bien- 
heureuse, et  c'est  à  cette  croix,  à  cette  colombe  et  au  démon 
qui  apparait  à  l'angle  inférieur  de  gauche  du  tableau,  que 
l'on  reconnait  de  la  manière  la  plus  indubitable,  la  célèbre 
S"=-Marguerite  d'Antioche  (2). 

Le  martyre  de  S^-Sébastien,  par  Michel  Van  Cocxcyen 
(n°  61),  provient  de  l'autel  que  le  vieux  Serment  de  l'arc 
possédait  dans  notre  ci-devant  Cathédrale  (3).  Le  catalogue 
mentionne  ici  à  tort  le  vieux  Serment  de  Tarbalète. 

C'est  la  chambre  de  ce  dernier  Serment  qu'ornait  le 
n°  68  du  catalogue,  indiqué  comme  représentant  une  fête 
du  Serment  des  archers.  Voici  la  signification  historique 
de  ce  tableau,  signification  qui  a  échappé,  sans  doute  par 


(1)  Verachler,  Op.  citai.,  pp.  79  et  81. 

(2)  Pater  Pair.  Ribadincira  en  Pater  Heribert.  Rosiceydns,  S.  J.  Op.  citât., 
l.  II,  p.  ÎJG-57. 

(5)  Ce  tableau   vient   d"ùtre    restauré  avec  succès   par  M.   Jean   Lcemans. 
Depuis  cette  opération,  on  lit  ce  qui  suit,  à  la  partie  inférieure  de  gauche  : 

MICHEL    D  COCXCVEÎV   /ETATIS  SV.E 

7(j 
FE  1575 
Il  résulte  de  cette  inscription,  plus  complète  que  celle  donnée  par  le  cata- 
logue, que  Michel  Van  Cocxcyen  naquit  en  1499  et    non  en  1497,  eonime  le 
dit  M.  De  Lael    (Note  ajoutée  en  décembre  1850). 


--  164  — 

mégardc,  à  M.  De  Laet.  Le  duc  de  Brabant,  Jean  IV, 
arrivé  à  Anvers  en  1422,  Iionora  d'une  visite  le  vieux 
Serment  de  Tarbalète  et  lit  briller  son  adresse  en  abattant 
Toiscau.  Il  régala  les  confrères  et  fonda  à  perpétuité,  en 
souvenir  de  cette  fête,  une  rente  de  quatre  peelers  de  Lou- 
vain,  somme  à  laquelle  s'étaient  élevés  les  frais  du  banquet, 
(ju'il  voulut  être  renouvelé  tous  les  ans.  Le  Serment  fut  en 
outre  redevable  à  la  générosité  de  ce  prince,  d'une  coupe 
d'argent  doré,  que  l'on  nomma  plus  tard  le  duc  Jean,  et  qui 
était  le  prix  d'un  tir  auquel  notre  souverain  avait  participé 
à  Louvain.  Cette  coupe  qui  parait  avoir  été  enlevée  pendant 
la  furie  espagnole,  circulait  parmi  les  confrères  lors  de  leurs 
banquets  solennels. 

Papebrocbius  qui  rapporte  ces  particularités,  ajoute  que 
de  son  temps  le  Serment  possédait  une  clef  de  fer  doré, 
d'une  bauteur  de  cinq  pieds  et  demi,  que  l'on  exposait  an- 
nuellement aux  jours  où  les  confrères  et  leurs  femmes  se 
réunissaient  pour  faire  bonne  cbère,  ce  que  l'on  appelait 
vryen  brom  (i).  C'est  une  de  ces  réunions  que  représente 
notre  tableau.  Le  personnage  désigné  par  le  catalogue 
comme  le  roi  de  la  fête,  n'est  autre  que  le  duc  Jean  IV, 
une  coupe  d'argent  à  la  main;  le  dossier  du  trône  de  ce 
prince  est  orné  de  la  clef  dont  nous  venons  de  parler. 

Cette  précieuse  composition  fut  donnée  au  Serment  en 
1495,  aux  termes  de  cette  inscription  que  nous  a  conservée 
le  savant  Jésuite  cité  plus  baut  : 

Dit  tafereel  gaf  Peeter  De  Gamerele, 

Hier  te  deser  slcde; 

Godt  verleent  syn  sele 

Den  eeuwigen  vrede.  M.  CCCC.  XCIII  (2). 

(1)  Kiliaen  dans  son  Elijmolof/icwm  tcutonicm  linguœ,  traduit  le  substantif 
hroemer,  par  le  mol  parasitus. 

(2)  D.  l'aiiehrocliius  S.  J.,  Annules  Anlv  er pieuse  s ,  t.  f,  p.  313-315.  — 
Voyez  aussi  F. -H.  Mertcns  et  K.-L.  Torfs,  Gcschiedenis  van  Anhverpen, 
11''  decl,  hl.  U'<-41(î.   "  Ce?  ouvrages  renferment  la  gravure  du  tableau. 


—  163  — 

Nous  exprimons  le  vœu  que  cette  inscription,  et  celles 
que  nous  transcrirons  plus  loin,  soient  rétablies.  C'est,  ce 
nous  semble,  le  moins  que  l'on  puisse  faire  pour  recon- 
naître la  générosité  ou  la  piété  des  donateurs. 

Le  catalogue  mentionne  au  n"  85,  un  tableau  d'un  maître 
inconnu,  représentant  un  homme  en  prières,  accompagné  de 
son  patron,  qu'on  ne  nous  fait  point  connaître.  Ce  patron 
qui  tient  une  scie,  instrument  de  son  martyre,  n'est  autre 
que  l'apôtre  S'-Simon  le  Cananéen. 

Nous  croyons  ne  point  errer  en  considérant  comme  S""- 
Jeanne  de  France,  la  bienbeureuse  reine  exposée  sous  le 
n°  103,  et  qui,  de  ses  mains  jointes,  tient  un  crucifix. 

La  multiplication  des  pains  (n"  126  du  catalogue),  pro- 
venant de  l'autel  des  meuniers  et  des  boulangers  de  notre 
ancienne  Catbédrale,  est  indiquée  sous  le  nom  de  Jean 
Van  der  Elburcbt,  artiste  de  la  première  moitié  du  XVI* 
siècle.  Nous  croyons  que  c'est  à  tort,  et  que  ce  tableau  est 
d'Ambroise  Francken,  le'^ieux,  ainsi  que  feu  M.  de  Reif- 
fenberg  l'a  mentionné  dans  le  Polygraphe  belge  (i).  Ce  qui 
ne  nous  permet  plus  le  moindre  doute  à  cet  égard,  c'est  la 
preuve  autbentique  que  ce  dernier  maître  est  l'auteur  des 
deux  volets,  représentant  iS'otre  Seigneur  et  la  femme  adul- 
tère et  la  résurrection  de  la  fille  de  Jaïre  (a).  Ces  volets 
ornent  la  cbapelle  de  S'-Jean,  dans  l'église  de  S'-Jacques 
de  cette  ville,  et  la  preuve  dont  nous  parlons  nous  est 
passée  sous  les  yeux.  Or,  nous  ne  voyons  point  de  diffé- 
rence entre  la  manière  de  ces  volets  et  celle  du  prétendu 
tableau  de  Van  der  Elburcbt.  Nous  ne  pouvons  donc  nous 


(1)  No  2. 

(2)  Le  revers  de  ces  magnifiques  volets  que  nous  n'hésitons  point  i'i  regai'- 
der  comme  les  chefs-d'œuvre  du  maître,  représente  N.  S.  au  monl  des  Oli- 
viers, réconforlé  par  un  ange.  Au  bas  de  la  montagne,  on  remarque  Pierre, 
Jacques  le  Majeur  et  Jean  endormis;  au  fond  de  la  composition,  Judas  avec 
sa   bande. 


—   166  — 

rallier  à  ropinion  du  catalogue,  opinion  que  l'auteur  a  du 
reste  abandonnée  depuis  1849,  pour  embrasser  la  nôtre. 

La  notice  que  M.  De  Laet  a  consacrée  à  François  De^>int, 
plus  connu  sous  le  nom  de  François  Floris,  est  exacte,  à 
cela  près  que  la  mère  de  ce  célèbre  peintre  s'appelait  Mar- 
guerite et  non  3Iarie  Goos.  Elle  était  enterrée  avec  son  mari 
Corneille,  son  fils  François  et  plusieurs  autres  membres  de 
sa  famille,  au  cimetière  des  Récollets  d'Anvers.  Xous  don- 
nons au  bas  de  cette  page  l'inscription  sépulcrale  qui  était 
attachée  à  l'extérieur  du  mur  oriental  de  l'éslise  de  ces 
Pères,  et  que  Papebrochius  nous  a  conservée  (i).  Nous  la 
faisons  suivre  d'une  autre  inscription  qui  se  lisait  chez  ces 
Franciscains,  à  la  mémoire  du  peintre  Jean-Baptiste  Floris, 
né  en  1617  et  décédé  en  16oa  (2). 

iSous  n'avons  rien  à  faire  observer  par  rapport  à  la  des- 
cription du  chef-d'œuvre  de  François  Floris,  la  chûle  des 
unges  rebelles  (n"  152  du  catalogue),  si  ce  n'est  que  le  cha- 
pitre XII  de  l'Apocalypse  de  S^-Jean  fournira  au  besoin  des 
explications  sur  la  femme  attaquée  par  un  dragon  couronné, 
dans  un  coin  du  bas  du  tableau,  ainsi  que  sur  le  monstre 


(1)  Bcati  qui  in  Domino  moriuntur.  1371.  —  Hier  leet  begraven  Cornélius 
De  Vrint,  alias  Floris,  steenlioiiwer,  sterf  a»  lo38,  dcn  17  september. 
Ende  syn  huysvrouwe  Margriete  Goos,  sterf  a»  1377,  den  11  october.  Ende 
syncn  sone  François  Floris,  schilder,  sterf  a°  1370,  den  1  october.  Ende 
syneu  sone  Cornélius  Floris,  beeltsnyder  ende  architect,  sterf  a»  1373,  den 
20  october.  Met  Elisabet  Machiels,  syn  huysvrouwe,  sterf  a»  1370,  den 
23  april.  Ende  Jacob  Floris,  sxlasscliriver,  sterf  a»  1381,  den  8  juny.  Met 
Meclitel  Jacobsen,  syn  hujsvrouwe,  sterf  a»  1380.  Ende  Susanna,  dochler 
van  Cornelis  Floris,  ende  Cornelis  Floris,  Cornelis  sone,  schilder  ende  beldt- 
snydcr,  sterf  a"  1613,  den  12  mcy.  Ende  .Jan  Floris,  sone  van  Cornelis  den 
derden,  sterf  den  2  meerl  a"  1630.  —  Bidt  voor  de^sielen.  —  Papebrochius, 
Op.  citât.,  t.  ni,  p.  183-184.  —  La  notice  que  le  savant  Jésuite  a  consacrée 
à  François  Floris,  est  remplie  d'intérêt  :  elle  mérite  Tattention  de  M.  De  Laet. 

(2)  SEPULTURE  VA>"  JOUAN  BTA  FLOUIS,    CONSTSCIIIIDER, 
STERFT  OUDT  38  JARE>    19  JANUART  1633, 

EJf  DE  EERBARE  JOUff''  BARBARA  VAN  ALCKEMADE 
SVSE  WETTIGE  HUYSVROl'WE  STERFT   12  MEY    1633. 


—   167  — 

et  ses  adiiérents  précipités  à  terre  et  que  l'on  remarque 
un  peu  plus  haut.  Le  maître  a  représenté  dans  la  partie 
supérieure  (le  la  composition,  deux  esprits  célestes  qui  mon- 
trent un  jeune  enfant  aux  combattants,  et  dont  le  catalogue 
ne  parle  point.  Ce  magnifique  tahleau  exécuté  en  loo4,  a 
été  heureusement  soustrait  aux  ravages  des  iconoclastes 
de  1560.  Il  ornait  dans  Tancienne  Cathédrale  l'autel  du 
Serment  des  escrimeurs;  il  fut  enlevé  par  les  Français  en 
1794,  exposé  sous  le  n"  288  au  Musée  central  des  arts, 
dont  l'ouverture  eut  lieu  à  Paris  le  18  germinal  au  MI  (7 
avril  1799),  et  revint  à  Anvers  en  1813,  mais  non  pour  y 
occuper  sa  place  primitive  (i). 

Le  catalogue  mentionne  sous  le  n°  15o,  et  sous  le  nom 
de  François  Floris,  un  portrait  de  chanoine  en  prières 
devant  fiinage  du  Sauveur  crucifié,  et  accompagné  de  son 
patron.  Ce  portrait  provient  de  la  chapelle  de  S'-Luc  de 
notre  ancienne  Cathédrale  et  représente  le  révérend  Guillau- 
me Luc  Boxtell,  chanoine  théologal  de  cette  église,  derrière 
lequel  se  voit  S'-Luc.  Ce  petit  tableau  porte  les  lignes  sui- 
vantes que  nous  y  avons  copiées  : 

ANXO  d604 
.BTATIS.   SV.E,    al 

Aux  deux  côtés  de  la  croix  flotte  une  banderolle  avec  ces 
mots  : 

!>•  —  GLoniA  (In  cruce  gloria). 

Un  manuscrit  de  feu  notre  érudit  concitoyen,  M.  Jean- 
Baptiste  Van  der  Straelen,  manuscrit  qui  nous  a  mis  sur 
la  trace  de  cette  découverte,  contient,  outre  les  liiïnes  citées 


(I)  On  n'a  point  indique  dans  le  catalogue,  quels  sont  ceux  des  lahleanx 
du  Musée,  qui  nous  furent  enlevés  en  1704  par  les  commissaires  de  la  nation 
toujours  grande  et  toujours  juste,  comme  la  nommaient  modeslemenl  à  cette 
époque,  ses  farouches  dominateurs.  —  Il  va  sans  dire  que  celte  observation 
ne  s'adresse  point  à  M.  De  Lact. 


—   163  — 

en  premier  lieu,  1  inscription  qui  se  lisait  autrefois  en  ces 
termes,  au-dessous  de  ce  portrait  : 

D.  0.  M. 

IIIC.    GCILLIELMUS.    LICAS.    DOXTEIL.    UCIfS.    ECCL. 

CASONICCS.  THEOL.  REQllESCIT.   RiKA.   VIR.   PIETiTE.    ET.   DOCTRISA 

0  A>XOS  09l3CVl   KAL.  IVS .    .£TAT1S  LIV 

ASIM.C  EICS  BESE  PRECARE  VIATOR. 

Ce  tableau  ayant  été  peint  en  IGOi,  est  et  doit  rester 
étranger  à  François  Floris,  mort  en  1570,  mais  il  parait 
appartenir  à  l'école  de  ce  maître  (i). 

Le  catalogue  ne  s'explique  point  sans  une  certaine  hési- 
tation sur  les  dates  de  la  naissance  et  de  la  mort  du  peintre 
Martin  De  Vos,  auquel  Anvers  fut  redevable  au  XVP  siècle 
de  la  conservation  du  fameux  triptyque  de  Quentin  Massys. 
Une  personne  qui  veut  bien  nous  honorer  de  son  amitié, 
nous  a  permis  de  puiser  largement  dans  un  recueil  ma- 
nuscrit d'insci'iplions  sépulcrales,  et  de  donner  des  dates 
positives  sur  les  points  en  question.  Ces  dates  résultent  des 
lignes  suivantes,  qui  se  lisaient  dans  la  chapelle  de  S'-Luc, 
dans  la  Cathédrale  d'Anvers,  sur  la  pierre  tumulaire  du 
maitre  : 

SErCLTLT.E 

VA>'   MERTEN  DE  VOS,   SCIIILDER 

OUT  72  JAREX 

STERFT  4-  DECEMBER  1605 

E>DE 

JOHAKNA    LE  BOLCQ  SïNE  HOTSVROUWE 

OUT  89  JAREN 

STERFT  17  DECEMBER  1626. 

Martin  De  Vos  est  né  par  conséquent  en  lo31  et  décédé 
en  1605.  Son  épouse  Jeanne  Le  Boucq  est  nommée  Jeanne 
De  Bock,  dans  un  acte  passé  devant  échevins  à  Anvers  le 
o  août  1606. 

Nous  n'avons  pas  grand'chose  à  redire  à  la  description 


(1)  .\jouU'  au  texte  en  mar.s  1831. 


—   169  — 

du  n°  157,  provenant  de  l'église  des  Récollets,  et  roprésen- 
lant  S^-Fi'ançois  d'Assise  et  un  de  ses  saints  religieux,  par 
Martin  De  Vos.  Seulement  nous  ferons  observer  que  le  sym- 
bole de  la  rédemption  que  mentionne  le  catalogue,  n'est  autre 
chose  que  le  séraphin  ailé  qui  imprima  les  stigmates  à  S'- 
François  sur  le  mont  Alverne  (i).  Le  pied  droit  du  bien- 
heureux repose  sur  un  livre,  le  pied  gauche  sur  le  globe 
terrestre. 

M.  De  Laet  ayant  lu  sur  une  verrière  représentée  au 
numéro  suivant,  le  mot  H.  Marteini,  se  demande  si  ce  der- 
nier nom  signifie  Martini?  Nous  croyons  pouvoir  répon- 
dre négativement,  cette  famille,  originaire  de  Lucques, 
n'étant  venue  s'établir  à  Anvers  que  vers  le  milieu  du  XVII'' 
siècle,  et  longtemps  par  conséquent  après  la  mort  de  ]Mar- 
tin  De  Vos,  auteur  du  n"  138.  C'est  ce  qui  résulte  d'une 
inscription  sépulcrale  des  Martini,  que  l'on  peut  lire  dans 
la  chapelle  de  N.-D.,  à  S'-Jacques. 

Les  deux  grisailles  de  Martin  De  Vos,  décrites  sous  le 
n"  1G9,  ornaient  avant  1733  l'autel  que  la  Confrérie  de 
S'-Luc  possédait  dans  la  Cathédrale,  d'où  elles  furent 
transportées  à  l'Académie.  Le  catalogue  n'en  donne  pas  les 
sujets,  et  nous  avons  vainement  cherché  à  les  trouver. 

Le  Jugement  dernier,  par  Crépin  Van  den  Broeck  (n"  171 
du  catalogue),  fut  exposé  en  vente  publique  le  27  avril  1818, 
par  feu  M.  Jean-Adrien  Sneyers,  alors  conseiller  et  depuis 
secrétaire  de  l'Académie  royale  des  Beaux-Arts  à  Anvers. 
C'est  sans  doute  à  cette  époque  que  M.  Florent  Van  Ert- 
born  acquit  ce  tableau,  dont  M.  Sneyers  avait  mal  lu  la 
date  (1471,  au  lieu  de  1371). 


(1)  Sancii  Palris  Francisci  vita  a  S.  Boyiavenlttra  S  R.  E.  Ep.  Cardùiali 
Albanensi,  seruphico  Ecclesiœ  Doctore,  conscripta,  p.  586-588.  —  Voir  la 
nouvelle  édition  des  Beati  Patris  Francisci  Assisiatis  opéra  omnia.  Coloniœ, 
Bonnœ  et  Bruxellis.  MDCCCXLIX,  in-12. 

12 


—  170  — 

On  a,  par  respect  pour  la  tradition,  dit  le  catalogue,  con- 
servé le  nom  de  François  Fourbus,  le  Vieux,  au  n"  175, 
représentant  wie  prédicatioti  de  S^-Eloi.  Le  tableau,  com- 
me le  fait  observer  M.  De  Laet,  porte  cependant  la  date 
de  1588,  tandis  que  l'on  assigne  celles  de  1580  et  de  1584, 
à  la  mort  du  vieux  Fourbus;  il  porte  en  outre  un  mono- 
gramme gravé  à  la  suite  du  catalogue,  et  où  nous  lisons 
les  lettres  GLMB,  qui  n'ont  certes  rien  de  commun  avec 
le  nom  de  l'auteur  prétendu  du  n"  175.  Nous  croyons  donc 
que  l'on  fera  bien  de  rompre  désormais  avec  une  tradition 
inaugurée  par  le  peintre  Mensaert  (i),  continuée  par  Des- 
camps et  l'auteur  anonyme  de  la  Description  éditée  par 
Berbie,  et  accueillie  sans  critique  par  les  rédacteurs  des 
précédentes  notices  du  Musée.  Nous  croyons  de  plus,  que 
s'il  est  impossible  de  retrouver  le  registre  des  comptes  du 
métier  des  forgerons,  où  l'auteur  et  le  prix  de  ce  tableau 
doivent  être  renseignés,  on  fera  bien  de  mentionner  le 
n°  175  au  catalogue,  comme  ayant  pour  auteur  un  maître 
inconnu,  désigné  par  telles  initiales.  C'est  ainsi  que  l'on 
trouve  dans  la  Notice  de  1820,  sous  le  n°  5,  un  Sauveur 
en  croix,  accompagné  de  la  S^'^-Vierge,  de  S^-Jean  et  de  5'^- 
Marie  Madelaine,  tableau  marqué  des  lettres  LVN,  que 
l'on  traduit  aujourd'hui  par  Lambert  Van  Noort  (2). 

Le  portrait  de  Pierson  La  Bues,  tambour  du  Vieux  Ser- 
ment de  Varc  (n°  176),  peint  par  Gilles  Congnet,  a  été  acheté 
par  leMusée,  à  M.  Frédéric  Verachter,  archiviste  communal. 

Les  notices  consacrées  à  François  Francken,  le  Vieux, 


(1)  Auteur  du  pitoyable  ouvrage  intitulé  le  Peintre  amateur  et  curieux. 
Bruxelles,  P.  De  Bast,  1763.  Ce  précurseur  du  Voyage  pittoresque  de  Des- 
camps,  n'est  rien  moins  qu'avare  d'anecdotes  hasardées;  il  transforme  des 
statues  en  tableaux  (p.  245,  l^e  partie),  et  son  style  est  à  la  hauteur  de  sa 
critique,  c'est-à-dire  au-dessous  du  médiocre. 

(2)  Le  nouveau  catalogue  du  Musée  mentionne  une  huitaine  de  tableaux  de 
ce  peintre,  tableaux  que  feu  Matthieu  Van  Brée  avait  un  peu  légèrement  con- 
damnés à  l'oubli. 


—    171   — 

ainsi  qu'à  ses  frères  Jérôme  et  Ambroise,  nous  engagent  à 
insérer  ici  Tinscriplion  sépulcrale  de  celle  famille,  qui  se 
lisait  autrefois  clans  l'église  paroissiale  de  S'-André,  et  qui 
mettra  M.  De  Laet  à  même  de  rectifier  une  erreur  de  date 
relativement  au  décès  d'Ambroise,  le  Vieux. 

SEPULTCRE 

VA^  NICOLAES  FRANCKEN  SCIllLDER  VAN  IlERENTHALS 

STERFT    12   MEERT    1596 

FRANCHOÏS    FRANCKEN  SYNEN  SONE 

STERFT   3   OCTOBER    1616 

AMBROSIl'S  FllA^•CKE^•   SYNEN   SONE 

STERFT  26   OCTOBER   1618 

CLARA  nCKAERT  AMBROSIUS  IlUYSVROrWE 

STERFT  29  Al'GUSTLS    1619 

JERONIMUS  FRANCKEN   FHANCHOYS  SONE 

STERFT    17   MEERT    1623   (1) 

AMBROSIl'S  FRANCKEN  FRANCIIOYS  SONE 

STERFT   8  AIGUSTUS   1632 

ELISABETH    MERTENS  UUYSVROUW  VAN   FRANCIIOYS   FROCKEN 

STERFT  2    SEPTEMBER    1639 

MAGDALENA  FRANCKEN   FRANCHOYS  DOCIITER 

STERFT  5  SEPTEMBER  1659 

ENDE  FRANCIIOYS  FRANCKEN   FRANCHOYS  SONE 

CONSTICH  SCHILDER  BINNEN  SYN   LEVEN 

STERFT  6  MEY   1642 

ENDE   ELISABETH   DE   HOOGHE 

STERFT  0  JANIARY  1701 

GEESTELYCKE  DOCHTER 

ENDE   MARIA  DE   HOOGHE   BEGCYN  TE   MECIIELEN 

STERFT  2  JANLARY    1696. 

Le  n"  178,  représentant  les  disciples  (VEmmaàs,  et  le 
n"  179,  r élection  eu  qualité  cV apôtres,  de  S'-Paul  et  de  S'- 
Barnabé,  proviennent  l'un  et  l'autre  de  la  cbapelle  du  très- 
saint  Sacrement  de  l'église  paroissiale  de  S'-Georges.  Ils  y 
servaient  de  volets  à  la  Cène  (n"  184),  exécutée  et  signée 
par  Ambroise  Francken,  le  Vieux,  et  quoique  le  catalogue 
les  fasse  figurer  sous  le  nom  de  son  frère  François,  nous 

(1)  On  voit  que  le  Jérôme  Francken  dont  il  est  fait  mention  à  cet  endroit 
est  Jérôme,  le  Jeune. 


—   172  — 

croyons  qu'ils  sont  bien  d'Ambroise,  et  qu'après  mùr  exa- 
men, on  embrassera  notre  opinion.  Faisons  observer  ici  en 
passant,  que  c'est  M.  De  Laet  qui  a  restitué  pour  la  pre- 
mière fois  la  Cène  à  son  auteur,  et  qu'il  partage  aujourd'hui 
notre  manière  de  voir  relativement  à  ces  battants. 

Les  Notices  du  Musée  publiées  en  1820  et  en  1829, 
avaient  tenté  de  faire  passer  pour  des  portraits  de  mem- 
bres de  la  famille  de  Franco  y  Feo  de  Briez,  les  deux  volets 
d'Adrien  Thomas  Key,  qui  portent  aujourd'hui  les  n°^  1 90 
et  191.  C'était  une  erreur  grossière  que  le  nouveau  cata- 
logue s'est  gardé  de  reproduire,  tout  en  ne  faisant  pas 
connaître  les  personnes  représentées.  Nous  allons  combler 
cette  lacune.  Les  volets  dont  nous  parlons  ornaient  avant 
la  désastreuse  visite  que  nous  firent  les  Français  en  1794, 
un  tableau  ayant  pour  sujet  Notre  Seigneur  en  croix  entre 
les  larrons,  tableau  dont  nous  ignorons  le  sort.  La  partie 
postérieure  de  ces  battants  représente  la  Cène  :  il  serait  à 
désirer  qu'on  nous  en  fit  l'exhibition  de  temps  à  autre  (i). 
Ces  diverses  compositions  faisaient  partie  d'un  monument 
funéraire  qui  se  trouvait  au-dessus  des  stalles  du  chœur  de 
l'église  des  Récollets  à  Anvers  et  qui  portait  l'inscription 
suivante  : 

SPECTA  LECTOR  lUC  IN  IMAGINE  AFFECTUM 

INTEGERRIMI  VIRI  DOMINI  D.   yEGIDIl    DE  SMIDT 

QUI  SICUT  IN  VITA  HUJUS  CONVENTUS 

FIDELIS  SYNDICUS  AC  BENEFACTOR  EGREGIUS  EXTITIT 

ITA  POST  MORTEM  SUI  SL'ORDMQUE  MEMORIAM  ^ETERNAM 

IIIC  PONI  VOLUIT.    SEPULTIIS  AD  PEDEM  SCMM.E  AR,t!. 

OBIIT  A"   1574   12  MARTII  (2). 

(1)  Dans  l'état  actuel  des  choses,  les  volets  du  Musée  peints  de  deux  côtés, 
sont  à  moitié  perdus  pour  l'art;  aussi  serait-il  à  désirer  qu'on  prît  des  me- 
sures pour  les  mettre  sur  pivots,  afin  qu'on  put  les  faire  tourner. 

(2)  L'église  prédite  renfermait  une  pierre  sépulcrale  ornée  d'armoiries  et 
portant  l'inscription  suivante  : 

SEPULTURE  VAN   CIELIS  DE  SMIDT  COOPMAN,   STERFT    12 
MEERT   li)74l  ENDE  JOUFf"  MARY  DE  DKCKERE,  SYNE 


—  173  — 

Les  armoiries  que  Ton  remarque  au  n"  191,  qui  devrait 
précéder  le  190™%  sont  celles  de  la  famille  De  Smidt;  celles 
de  la  famille  De  Deckere  ornent  le  tapis  du  n"  190.  L'obli- 
geance d'un  ami  qui  descend  de  la  famille  De  Smidt,  nous 
met  à  même  de  faire  connaître  les  noms  des  personnes 
peintes  sur  les  deux  volets.  La  première  qui  se  présente 
au  n°  191,  est  Gilles  De  Smidt;  il  remplit,  d'après  l'épi- 
taphe  que  nous  venons  de  transcrire,  la  charge  de  syndic  (i) 
des  Pères  Récollets  d'Anvers  et  fut  un  bienfaiteur  insigne 
de  leur  couvent.  Il  a  laissé  la  réputation  d'un  homme  émi- 
nemment religieux  et  toujours  prêt  à  faire  le  bien  :  aussi 
le  calme  de  la  bonne  conscience  est-il  empreint  sur  sa  figure, 
où  respirent  la  franchise  et  la  satisfaction  la  plus  entière. 
A  côté  de  lui  est  agenouillée  Anne  De  Smidt,  la  plus  jeune 
de  ses  filles  (2).  Derrière  lui  se  montrent  Vincent  De 
Smidt,  son  fils  aine  (5),  Gilles  (4),  Nicolas  (s)  et  Paschase 
De  Smidt,  également  ses  fils  (e).  Le  plus  âgé  des  deux  en- 


HUYSVROUWE,  STERFT   17  AIGUSTI    157i,   STILO  BnAB4NFI.ï. 

E>DE  VINCENT  DE  SMIDT,   SYNEÎf  SONE,   STERFT 

28   DECEMBER    1379.    ENDE    GIELÏS  DE  SMIDT  STERFT 

4  MEY    lo94.    ENDE  JOSEPH  VAN  DEN  BROECKE  STERFT 

24  OCTOBER    1637.   ELISABETH  VAN  OPMEER, 

SïNE  nUTSVROUWE,   STERFT    13  JANl'ARV    1643. 

(1)  Ce  mot  se  traduit  en  flamand  par  :  geestelyken  vader.  —  Le  syndic 
donnait  quittance  des  objets  qu'on  lui  remettait  pour  le  couvent.  Cette  charge 
était  ordinairement  confiée  à  un  laïque,  parfois  aussi  à  un  ecclésiastique 
séculier. 

(2)  Elle  fut  mariée  trois  fois  :  loà  Jean  Kesseleers;  2°  à  Arnould  Van  den 
Eede,  fils  de  Jacques  et  de  Marie  Preunen;  S"  à  Pierre  Roelanls.  Elle  mourut 
à  Francfort  (sur  le  Mein?)  en  1601,  après  avoir  fondé  des  bourses,  par  testa- 
ment du  14  mars  de  cette  année. 

(5)  Vincent  De  Smidt  épousa  Anne  Van  den  Crujce,  fille  de  Fi'ançois  et  de 
Josine  De  Mejere  (ex  matre  De  Boticq);  elle  mourut  le  28  décembre  1579. 
Son  mari  l'avait  précédée  au  tombeau  le  4  juillet  de  la  même  année. 

(4)  Gilles  De  SmidI,  décédé  le  4  mai  1394,  avait  épousé  Catherine  De 
Ilcnnin. 

(5)  Nicolas  De  Smidt  épousa  Marptucrile  Daems. 

(6)  Paschase  De  Smidt  mourut  célibataire,  ainsi  que  son  frère  Jean. 


—   174  — 

fants  qui  se  trouvent  près  de  ce  groupe,  est  leur  frère  Jean; 
le  moins  âgé,  leur  frère  Pierre  (i), 

La  première  des  femmes  représentées  au  n°  190,  est 
Marie  De  Deckere,  épouse  en  secondes  noces  de  Gilles 
De  Smidt,  le  père  (2);  leur  fille  Béatrix  est  agenouillée 
derrière  elle  (3). 

Le  catalogue  se  trompe,  en  supposant  qu'Otlion  Van 
Veen  n'a  pas  laissé  de  descendance  mâle.  L'arrêt  rendu  par 
le  conseil  souverain  de  Brabant  le  17  novembre  1668,  dans 
la  cause  intentée  en  1666  par  les  hérauts  et  rois  d'armes 
de  S.  M.,  des  titres  de  Brabant  et  d'Artois,  et  de  l'officier 
fiscal,  en  qualité  de  partie  jointe,  contre  Ernest  Van  Veen, 
fils  d'Othon,  et  poursuivie  plus  tard  contre  ses  héritiers, 
prouve  suffisamment  l'erreur  de  M.  De  Laet,  erreur  qui 
doit  être  mise  sur  le  compte  d'une  distraction,  puisque 
l'auteur  cite  notre  arrêt  comme  imprimé  en  1840,  parmi 
les  notes  de  la  nouvelle  édition  de  la  Vie  de  Rubens,  publiée 
par  M.  Victor  Van  Grimbergen.  Othon  Van  Veen  eut  un 
autre  fils  mort  en  bas  âge,  et  qui  fut  enterré  dans  la  cha- 
pelle de  S'-Roch,  de  l'église  paroissiale  de  S'-Jacques,  à 
Anvers,  comme  le  prouve  l'inscription  suivante  : 

CORNELIUS  OTHONIS  V^NII  F.  ^TAT.   6  OBIIT  1603  (4-). 

C'est  à  tort  que  M.  De  Laet  a  considéré  le  bonnet  dont 
est  coiffé  l'évéque  Jean  Mirœus,  peint  par  Othon  Van  Veen 
et  exposé  sous  le  n"  197,  comme  celui  d'un  docteur  en 
théologie.  Le  bonnet  que  porte  ce  prélat,  était  commun 
autrefois  au  clergé  séculier  anversois. 

(1)  Pierre  De  Smidt  dont  l'état  mental  laissait  à  désirer,  mourut  également 
célibataire. 

(2)  Gilles  De  Smidt,  le  père,  avait  épousé  d'abord  Clémence  Van  Hove. 

(5)  Béatrix  De  Smidt  épousa  Jean  Van  den  Broecke,  docteur  ès-droits,  fils 
de  Jean,  seigneur  de  Mallois,  Helmont,  etc.,  et  de  Marguerite  Gillis  {ex  matrc 
Anna  De  Dreen). 

(i)  Le  nom  du  cardinal  prince-évêquc  de  Liège,  Gérard  De  Groesbeke,  a 
été,  sans  doute  par  suite  d'une  eri'cur  typographique,  changé  en  Graesbeke, 
dans  la  notice  qui  concerne  Othon  Van  Veen. 


—   175  — 

Nous  ferons  du  reste  observer  en  passant,  que  l'évèque 
Jean  Mirœus  était  non  pas  docteur ,  mais  licencié  en 
théologie  (i).  —  Le  portrait  dont  nous  venons  de  parler  or- 
nait en  1798  la  salle  capitulaire  de  N.-D. 

V Adoration  des  Mages,  par  Abraham  Janssens  (n°  204 
du  catalogue),  provient  de  l'église  des  Dominicains,  au- 
jourd'hui église  paroissiale  de  S'-Paul,  en  cette  ville.  Ce 
tableau  qui  se  trouvait  entre  deux  fenêtres  de  la  petite  nef 
du  sud,  ornait  l'épitaphe  de  Paschase  Engelgrave.  Nous 
donnons  ici  l'inscription  de  ce  monument  : 

AUDI  MORTALIS 

TERRA  EX  TERRA  VEMMUS 

TERRA  AD  TERRAS!  REDIML'S 

PASCHASIO   ENGELGRAVE 

MIRITO  B.   M.   DISCEDENTI  A"  1616  jET.   38 

MOESTA  UXOR  MARIA  JANSSENS 

DISCEDENS  A»  16..   /ET. 

DECEM  FOECINDA  PROLIBUS 

P.  C. 

Jacques  Van  Es,  dont  M.  De  Laet  a  fixé  la  mort  à  1 621 , 
vivait  encore  en  1662,  d'après  ce  que  rapporte  Papebro- 
chius  (2). 

Le  catalogue  indique  conjecturalement  l'année  1574 
comme  la  date  de  la  naissance  de  ]\Iartin  Pepyn  (3).  Il 
résulte  d'un  fragment  généalogique  qu'on  a  bien  voulu  nous 
communiquer,  que  ce  maître  vit  le  jour  le  21  février  lo75  : 
il  épousa,  d'après  ce  document,  Marie  Huybrechts,  L'un 
des  tableaux  de  l'autel  de  S'- Augustin,  dans  l'église  de 


(l)J.-F.  Foppens,  Ilisloria  Episcopalus  Anlverpicnsis.  Bruxcllis,  MDCCXVII, 
P-  72.  —  Un  élève  de  rancienne  Université  de  Louvain  nous  a  appris  que  les 
docteurs  en  théologie  portaient  un  bonnet  de  couleur  rouge  foncée. 

(2)  Annales  Antverpienses,  t.  V,  p.  223. 

(3)  Martin  Pepyn  était  fils  de  Guillaume  et  de  Catherine  Van  don  Bcrghe. 
—  La  Catherine  Puppyn  mentionnée  au  catalogue,  était  fille  de  Martin,  dont 
le  nom  s'écrit  parfois  de  cette  manière  :  elle  fut  baptisée  le  13  février  1619. 


—   176  — 

l'hôpital  (le  S*<=-Élisabelh,  porte  le  millésime  1626  ;  le 
S^-Norbert  à  genoux  devant  le  très-S^-Sacretnent,  à  Notre- 
Dame,  celui  de  1637  (i).  On  sait  que  ces  productions  sont 
dues  à  l'artiste  dont  nous  parlons. 

En  serait-il  de  même  des  deux  tableaux  numérotés  208 
et  209,  et  qui  représentent,  d'après  le  catalogue,  S^-Sébas- 
tien  bénissant  une  dame  âgée  et  S^-Sébastien  au  milieu  des 
prisonniers,  anciens  volets  de  l'autel  du  ^'ieux  Serment  de 
l'arc  dans  notre  ci-devant  Cathédrale?  Cela  parait  au  moins 
douteux.  Si  les  archives  de  ce  Serment  ne  sont  point  in- 
trouvables, on  y  rencontrera  probablement  des  renseigne- 
ments à  cet  égard.  Nous  croyons  en  attendant,  que  ces 
battants  peuvent  être  attribués  à  Ambroise  Francken,  le 
Vieux,  ce  qui  est  aussi  l'opinion  actuelle  de  M.  De  Laet. 

Le  n"  208  a  pour  sujet  S^-Sébaslien  guérissant  miracu- 
leusement Zoé,  femme  de  Nicostrate,  laquelle  était  affligée  de 
mutisme  depuis  six  ans.  Les  auteurs  de  l'histoire  de  l'Eglise 
rapportent  que  S'-Sébastien  délia  la  langue  de  cette  future 
martyre,  en  lui  faisant  sur  la  bouche  le  siene  de  la  croix,  tan- 
dis  que  l'artiste  fait  bénir  au  Bienheureux  la  tète  de  Zoé. 

L'un  des  deux  personnages  que  M.  De  Laet  a  fait  passer 
pour  des  compagnons  du  Saint,  n'est  autre  que  Nicostrate, 
qui  embrassa  la  foi  de  J.-C,  après  avoir  été  témoin  du  pro- 
dige opéré  en  la  personne  de  sa  femme,  et  qui  scella  plus 
tard  sa  croyance  de  son  sang.  Nous  ne  pouvons  guère  consi- 
dérer que  comme  des  figures  accessoires,  le  second  des  per- 
sonnages dont  nous  nous  occupons,  ainsi  que  les  quatre  hom- 
mes et  la  petite  fille,  en  costume  du  XVI^  siècle,  qui  se  trou- 
vent dans  ce  tableau  et  qui  sont  évidemment  des  portraits. 

Le  n°  209  est  indiqué  à  tort  comme  représentant  une 
apparition  de  S^-Sébastien.  Voici  l'explication  de  ce  volet  : 
les  deux  captifs  enchaînés  que  l'on  y  remarque,  sont  les 

(1)  Ces  dates  onl  clé  vciiliLcs  sur  lus  tableaux. 


—    177  — 

saints  Marc  et  Marcellien,  nobles  romains,  déjà  condamnés 
au  martyre,  mais  dont  le  supplice  a  été  reculé,  à  la  demande 
de  leurs  proches,  encore  idolâtres  et  qui  ont  promis  de  ne 
reculer  devant  aucun  effort  pour  faire  apostasier  ces  géné- 
reux chrétiens.  Le  vieillard  qui,  d'après  le  catalogue,  en- 
courage le  prisonnier,  s'appelle  Tranquillin  :  il  est  le  père 
de  Marc  et  de  Marccllien  et  adorateur  des  faux  dieux,  au 
culte  desquels  il  veut  ramener  ses  fils,  bien  loin  de  les  for- 
tifier dans  leur  dessein  de  souffrir  le  martyre.  La  femme 
qui  montre  aux  captifs  le  sein  qui  les  a  nourris,  c'est  Marcie, 
leur  mère;  elle  aussi  veut  tenter  leur  constance,  et  c'est  dans 
ce  but  qu'elle  est  accompagnée  de  leurs  épouses  et  de  leurs 
enfants.  La  présence  de  S'-Sébastien  est  inspirée  par  un  plus 
noble  motif  :  le  bienheureux  soldat  romain  est  instruit  des 
embûches  qui  se  dressent  sous  les  pas  des  futures  victimes 
de  Dioclétieu.  Il  s'est  chargé  d'exhorter  les  prisonniers  de 
Nicostrate,  sur  lequel  la  grâce  agira  bientôt;  il  s'est  chargé, 
disons-nous,  de  les  exhorter  à  préférer  le  salut  de  leurs 
âmes,  à  l'amour  de  leurs  proches  et  à  faire  généreusement 
à  Dieu,  le  sacrifice  de  leurs  vies.  Déjà  le  Saint  a  fini  de 
parler,  et  l'artiste  nous  le  représente  montrant  à  ceux  qui 
l'entourent,  la  lumière  éclatante  dans  laquelle  lui  apparut 
le  Seigneur,  accompagné  de  sept  anges  (i). 

Le  n°  2M ,  peint  par  Luc  Franchoys,  représente,  d'après 
M.  De  Laet,  une  apparition  de  la  S^'-Vierge,  à  un  saint  de 
Vordre  des  Carmes  :  nous  espérons  que  la  prochaine  édition 
du  catalogue  nous  fera  connaître  le  nom  de  ce  Bienheureux. 
—  Cette  composition  de  Luc  Franchoys  ornait  autrefois  le 
chœur  de  l'église  des  Carmes  déchaussés  de  Malines. 


(1)  Ce  miracle  eut  lieu  pendant  la  vie  de  S'-Sébastien  et  précéda  celui  que 
retrace  le  n»  208;  il  eut  pour  suite  la  conversion  de  Tranquillin,  de  Marcie, 
de  leurs  belles-filles  et  de  leurs  petits-enfants,  qui  tous  subirent  plus  lard  le 
martyre.  —  Voyez  Paler  Peints  Rihadineira  en  Paler  Heriberlus  Rosweyrlut, 
S.  ,/.,  Op.  cil.,  len  (leel,  bl.  176-179. 


—  178  — 

Une  faute  typographique  assez  étrange  s'est  glissée  au 
commencement  de  la  notice  consacrée  à  P.  P.  Rubens  :  par 
suite  de  cette  erreur,  qui  nest  pas  unique,  le  lecteur  peut 
apprendre  que  Pierre  Paul  arriva  à  Anvers  en  lo80,  un 
an  après  la  mort  de  son  père,  qui  eut  lieu  en  1387.  — 
Nous  n'avons  du  reste  aucune  observation  à  émettre  rela- 
tivement à  cette  notice,  si  ce  n'est  que  Rubens  ne  fut  pas 
enterré  de  prime  abord  dans  la  chapelle  qui  porte  son  nom 
à  S'-Jacques,  et  qui  ne  fut  fondée  qu'après  sa  mort  (i). 

Nous  nous  permettrons  deux  remarques  relativement  au 
n°  212,  représentant  Lonrjin  ouvrant  cf  un  coup  de  lance  le 
flanc  sacré  du  Sauveur,  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  Rubens. 
La  première,  c'est  que  la  sainte  femme  qui  cherche  en  vain 
à  consoler  la  Mère  du  Verbe  fait  chair,  n'est  autre  que  Marie 
Cléophas  (2).  La  seconde,  que  nous  voudrions  voir  rétablir 
au  bas  de  ce  tableau,  l'inscription  remarquable  qui  consta- 
tait que  l'ami  du  grand  maître,  Nicolas  Rockox,  le  Jeune, 
bourgmestre  d'Anvers,  avait  orné  de  celte  admirable  pro- 
duction, le  maître  autel  de  nos  Récollets,  autre  don  de  ce 
digne  magistrat.  Celte  inscription  souvent  reproduite,  se 
lisait  en  ces  termes,  sur  cet  autel  même  : 

Hanc  Chrislo  posait  Consul  Rockoxius  aram, 

Expressif  tabulam  Rubeniana  manus. 
Seu  dexfram  artificis,  danlis  seu  pectora  spectes, 

Nil  genio  potuit  nobiliore  dari  (5). 

Le  sujet  historique  du  n"  214,  peint  par  le  même  maître, 
et  qui  ornait  autrefois  l'église  des  Carmes  déchaussés  à 
Anvers,  est  S^^-Tkérèse  délivrant  des  flammes  du  purga- 
toire, Bernardin  de  Mendoza,  de  Villustre  famille  espagnole 


(1)  M.  l'archivisfc  Frédéric  Vcrachter  en  a  fait  imprimer  Tactc  de  fonda- 
tion, dans  son  ouvrage  intitulé  :  Le  tombeau  de  Rubens.  Anvers,  18i5, 
p.  12-15. 

(2)  Joann.,  c.  XIX,  v,  2a. 

(3)  Papebrochius,  Annales  AntvcrpieiiseS;  l.  IV,  p.  liô. 


—  179  — 

de  ce  nom,  fondateur  d'un  couvent  de  Thcrésienncs  à  Valla- 
dolid.  C'est  ce  que  nous  avons  lu  un  jour  au  bas  d'une 
ancienne  gravure  de  cette  belle  toile  (i). 

Le  n°  21  o,  connu  vulgairement  sous  la  dénomination  de 
Christ  à  la  paille,  ornait,  ainsi  que  ses  volets,  Tépitaphe 
de  Jean  .Micbielsen  et  de  Marie  Maes,  qui  se  trouvait  exposée 
à  un  pilier  près  de  l'autel  de  la  corporation  des  fendeurs  de 
bois,  dans  notre  ancienne  Cathédrale  (2). 

Ces  tableaux  de  Rubens  étaient  accompagnés  de  l'in- 
scription suivante,  qui  laisse  à  désirer  sous  le  rapport  de 
la  clarté  : 

DEO  OPT.   MAX.  SACR. 

JACET   IlOCCE  >"0>  JACET  SEPILCHRO  CODITOR  >0S   C0>D1TIJI 

JOANMS  INSTAR  QCOD   FlIT  MICHILSII 

NAM  LEGE  FATI  SECCLO  (sic)  DEMORTCOS  SON  CONJUGI 

MARI.E  PUDIC.ï;  MEME  VULTU  MASI.E 

CCJl'S  SIBI   SIPERSTES  IPSE  VIVIT  IX  PR/ECORDIIS 

SPIRATQ.    Vives  IS   QUATERXO   PIGSORE 

REQUIEM  CITO  VIATOR  APPRECARE  PERPETEM 

LOXGOS  SIPERSTITI  DIES  XYXORIDI 

OBIIT  A»  MDCXVH.    XX  JUXIl. 

Le  n°  218  et  ses  volets,  représentant  l'incrédulité  de  5'- 
Thomas,  et  les  portraits  du  bourgmestre  Aicolas  Rockox, 
le  Jeune,  et  d'Adrienne  Ferez,  sa  compagne,  proviennent 
de  la  chapelle  de  l'Immaculée  Conception,  fondée  dans 
l'église  de  nos  Récollets,  par  l'honorable  magistrat  que  nous 
venons  de  nommer  (5).  Ce  triptyque  ])cint  par  Rubens, 
ornait  l'épitaphe  de  son  noble  ami,  qui  remplit  neuf  fois 


(1)  Consultez  pour  les  détails,  les  Acia  Scinclorum.  au  13  octobre. 

(2)  Les  lignes  suivantes  se  trouvaient  sur  la  pierre  sépulcrale  de  ces  époux  : 

SEPULTURE  VAX  JAX  MICUIELSEN  COOPMAN 

STERFT  20  JCXV   1617 

E5DE  MARIA  MAES  SVXE  IIUVSVROUWE 

STERFT  24-  JANUARï   1633. 

Les  volets    dont   nous   parlons   plus   liaut,   représentent    à  l'extérieur    la 
S^'^-Vierge  et  Notre  Scignextr. 

(3)  Papcbrocliius,  Op.  Ht.,  t.  IV,  p.  423. 


—  180  — 

la  charge  de  bourgmestre  d'Anvers.  —  L'inscription  sui- 
vante, accompagnée  des  armoiries  de  Ptockox  et  de  Ferez, 
se  lisait  sur  une  pierre  sépulcrale  de  l'église  que  nous  ve- 
nons de  nommer  :  il  serait  convenable  de  la  rétablir  au  bas 
de  ces  tableaux. 

D.  0.  M. 

NICOLiCS  ROCKOX  EQUES 

HUIUS  URBIS   NOMES  CONSCL 

ADRIAX.E  FEREZ   C0?(11GI  CARISSIME  POSl'IT 

CUM  QUA  VIGINTI   ASSIS  COSCORDITER  VIXIT 

DECESSIT  XXH  SEPTEMBRIS  MDCXIX 

-ET.    LI 

ILLE  COSJICEM   SECITCS  PRIDIE    ID.    DECEMBRIS 

A"   MDCXL 

BENE  DE  SCA  BESE  DE  POSTERA  ^TATE  MERITUS  (1). 

N.-S.en  croix,  par  Rubens  (u"  220  du  catalogue),  ornait 
la  chapelle  de  la  Portiuncule  dans  l'église  de  ces  mêmes 
Pères.  —  L'inscription  de  ce  tableau  était  ainsi  conçue  : 

MEMORIE 

VAH  DES  EERSAMES  CORSELIS  DE  WISTER 

ES 

SVSE  FAMILIE 

A"   1(567. 

Nous  serions  charmé  de  voir  dans  la  prochaine  édition 
du  catalogue,  les  deux  compositions  de  Théodore  Van 
Thulden  (n°^  225  et  224),  figurer  auprès  du  portrait  peint 
par  ce  maître,  que  possède  le  Musée.  Rubens  est  assez  riche 
de  son  fonds,  pour  qu'on  puisse  se  dispenser  de  faire  ser- 
vir les  tableaux  d'autres  artistes,  à  enfler  son  contingent 
aux  yeux  des  lecteurs  peu  attentifs  (i). 

(1)  Nous  avons  eu  l'occasion  de  consulter  des  pièces  qui  prouvent  le  fonde- 
ment de  cet  éloge. 

(2)  11  est  inutile,  croyons-nous,  de  faire  remarquer  que  tous  les  tableaux 
de  Rubens  qui  se  trouvent  au  Musée,  ont  vu  la  France  en  1794-,  et  n'en  sont 
revenus  qu'en  181  il,  à  l'exception  toutefois  de  la  Vierge  au  Perroquet,  qui 
ravie  à  la  Confrérie  de  S'-Lue,  nous  fut  envoyée  comme  présent  en  1801  ('). 
Ce  prétendu  présent  n'est  à  nos  yeux  qu'une  restitution.  Les  n"'  223  et  224 
peints  par  Van  Thulden,  et  qui  proviennent  de  notre  hôtel-de-ville,  ont  égale- 
ment été  enlevés  en  1794  et  n'ont  revu  Anvers  qu'en  181d. 

(*)  Fr.  Vcraclilcr,  Le  tombeau  de  Hubcus,  p   20,  nn(c  Irc, 


—  181   — 

La  notice  sur  François  Snyders  indique,  d'après  les  ar- 
chives de  S'-Luc,  la  date  de  1656-1657,  comme  celle  de 
la  mort  de  ce  grand  peintre.  L'inscription  suivante  qui  se 
lisait  autrefois  dans  l'église  de  nos  Récollets,  servira  à  fixer 
exactement  l'époque  du  décès  de  Snyders  : 

SEPCLTL'RE 

VAS  DES  EERSAME>-  FRAKCIIOYS  SSÏDERS  SCHILDER 

STERFT   19   AUGUSTES  1657 

E>DE 

DE  EEHBARE  MARGARITA  DE  VOS  SYNE  HCTSVROUWE 

STERFT  2  SEPTEMBER  lCi7. 

Les  cygnes  et  chiens  (n°  229)  et  le  tableau  de  nature 
morte  (n"  250),  que  le  Musée  possède  de  ce  maître,  lui 
ont  été  donnés  par  feu  M.  le  baron  Philippe-Antoine-Joseph 
De  Prêt  de  Terveken,  en  échange  de  certaines  toiles  ren- 
dues, il  y  a  plusieurs  années,  à  une  église  succursale  de 
cette  ville. 

La  notice  consacrée  à  Déodat  Delmont  est  en  partie  à 
refaire,  quoiqu'elle  contienne  de  bonnes  données  inédiles 
jusqu'en  1849  :  c'est  ce  qui  sera  aisément  établi,  lorsque 
nous  aurons  prouvé  que  le  Deodati  et  le  Theodati  dont  parle 
le  catalogue,  se  résument  en  la  personne  de  notre  Delmont. 
Un  des  registres  mortuaires  de  S'-Jacques,  conservé  à 
l'hôtel-de-ville  et  dont  MM.  les  bourgmestre  et  échevins  ont 
bien  voulu  nous  permettre  la  communication,  à  la  fin  des 
vacances  de  1849,  contient  à  cet  égard  en  ilamand  ce  qui 
suit  :  «  Novembre  1644.  Item  le  27  a  eu  lieu  au  chœur  le 
service  funèbre  du  S"^  Déodat  Del  Mont,  peintre,  demeurant 
rue  du  Prince,  derrière  la  chapelle  de  Grâce.  56  flambeaux, 
3  autels  tendus  de  croix  de  talTetas  blanc  (i).  Kacheté  au 
prix  de  2  florins  8  sous,  les  messes  funéraires  (2).  Philippe, 


(1)  Delmont,  par  conscqurnt,  est  mort  cclcbatairc. 

(2)  C'csl-à-dire  que  moyennant  le  rachat  de  2  florins  8  sous,  la  famille  du 
maître   n'a  pas  fait  célébrer  pendant  le  temps  accoutumé,   les  messes   de 


—   182  — 

aux  quatre  couronnés  (i);  8  musiciens,  (exécuté)  le  dies 
ire  (sic)  et  le  miserere;  pendant  loffertoire,  il  a  été  offert 
8  florins  k  sous.  —  Total  47  florins  12  (a).  » 

Il  résulte  de  cette  annotation ,  que  le  Sieur  Deodati 
mentionné  dans  le  registre  a  de  S'-Luc,  comme  décédé 
en  1644-1645,  est  bien  la  même  personne  que  le  célèbre 
élève  de  Rubens,  Déodat  Delmont;  il  en  résulte  encore, 
croyons-nous,  que  cet  artiste  et  le  Deodati  peintre  de  Ter- 
monde,  reçu  en  1609,  en  qualité  de  fils  de  maître,  ne  for- 
ment qu'une  individualité. 

Remarquons  en  passant,  que  Delmont  doit  n'avoir  pas 
été  maltraité  sous  le  rapport  des  biens  de  la  fortune,  puis- 
qu'on lui  fît  des  funérailles  de  première  classe  et  qu'il  ha- 
bitait une  des  maisons  les  plus  considérables  de  la  rue  du 
Prince. 

Les  Annales  antverpienses  de  notre  célèbre  Papebrochius 
fixent  au  2a  novembre  1645,  la  date  du  décès  de  Delmont; 
c'est  une  erreur,  comme  nous  venons  de  le  démontrer.  Le 
savant  religieux  nous  apprend  que  le  nom  flamand  de  notre 
artiste  s'écrivait  Van  der  Mont.  Entre  autres  détails  dont 
on  pourra  faire  usage  dans  une  prochaine  édition  du  cata- 
logue, il  nous  fait  connaître  que  la  Sodalité  des  mariés, 
dirigée  par  les  Jésuites  d'Anvers,  possédait  deux  grandes 
compositions  de  ce  maître  :  l'une  représentait  V Adoration 


requiem,  auxquelles  on  avait  Ihabitude  d'inviter  les  parents  et  les  amis  du 
défunt,  ce  que  Ton  nomme  encore  de  nos  jours  à  Anvers,  publieke  haermissen. 
Les  2  florins  8  sous  tenaient  lieu  du  droit  qui  serait  revenu  à  réglise,  en  cas 
d"autre  détermination. 

(1)  Prénom  et  habitation  de  rentrcpreneur  du  service  funèbre  de  Delmont. 

(2)  «  November  a»  iG44.  Item  den  27  is  geweest  hetchoorlyck  van  S""  Deo- 
datus  Del  Mont,  schilder,  woonachtig  in  de  Prinse  straet,  achter  de  Capelle 
van  Gratien,  met  56  flambeeuwen,  3  autaren  behangen  met  witte  tafife  cruy. 
sen,  geredimeert  voor  2  g.  8  st.,  sonder  baere.  Phlips  in  de  4  gekroonde; 
musieek  met  8,  met  den  dies  ire  {sic)  cnde  miserere;  onder  het  oflertorium, 
den  offer  8  g.  4  st.  —  Somma  il  g.  12.  » 


—  183  — 

des  Mages,  la  seconde,  Jésus  accablé  sous  le  fardeau  de  la 
croix.  La  suppression  de  la  compagnie  de  Jésus,  saluée  avec 
enthousiasme  par  les  prétendus  philosophes  et  les  Jansé- 
nistes, vînt,  au  siècle  dernier,  priver  Anvers  de  ces  œuvres 
d'art.  Lue  autre  Adoration  des  Mages,  peinte  par  Delniont 
pour  le  maitre  autel  des  Falcontines  de  notre  ville,  et  que 
Papebrochius  signale  comme  le  chef-d'œuvre  de  cet  ar- 
tiste, disparut  lors  de  la  suppression  du  monastère  de  ces 
religieuses,  ordonnée  par  l'empereur  Joseph  II,  de  déplo- 
rable mémoire  (i). 

Le  seul  tableau  de  Delniont,  que  possède  encore  notre 
ville,  est  le  n°  234  du  Musée,  représentant  la  Transfigura- 
tion. Il  ornait  autrefois  dans  notre  Cathédrale,  l'épitaphedu 
chanoine  Philippe-Emmanuel  Trogney,  dont  nous  emprun- 
tons littéralement  V'mscv'i'^hon  au  Théâtre  sacré  du  Brabani: 

SALVATORI   TRANSFIGURATO   SACR. 

HOC   MOMMEMIM   EST 

R.    D.   PUILIPPI   EMASCELIS  {sic) 

TROOESII, 

Qll    PER  XLIV  ASXORUM   HIJIS 

ECCL.    CANOMCI  SVBDUCONI   GRADIIATUS 

COMEMIS  VIXIT,  VARIAMQUE  IRBIS   ET  CLERI 

rORTl>AM   ALTERAIS  EXPERTIS,   LIXCfARUa  PERITIA, 

RERUM  l'SU,  ITERATA  ROH;£  PEREGRISATIONE, 

ET  \y  AGE>D1S  PRIDEXTIA,    AC  DEXTERITATE  SPECTATCS, 

DECESSIT  AO  DOMIXI   M.   DC.   XrV. 

«TATIS  Sl'/E  tXVm  PRIDIE  NON.  JAXUARII. 

Cette  inscription  peu  intelligible  a  été  probablement  mal 
copiée  (2). 

Le  n"  23o,  Êlie  au  désert,  peint  par  Gaspard  De  Crayer, 


(1)  Papebrochius,  Op.  cit.,  t.  IV,  p.  456-437.  —  Le  célèbre  écrivain  indi- 
que, ainsi  que  le  catalogue.  Tannée  lo81,  comme  celle  de  la  naissance  de 
Delmont. 

(2)  Le  catalogue  manuscrit  des  tableaux  de  l'école  centrale  mentionne  à 
tort  la  composition  dont  nous  venons  de  parler,  comme  provenant  de  l'an- 
cienne église  paroissiale  de  S'-Gcorgcs. 


—   184  — 

provient  du  cabinet  de  feu  M.  Nicolas  Beeckmans,  dont  le 
catalogue  ne  mentionne  pas  le  prénom. 

L'inscription  de  la  pierre  sépulcrale  de  notre  célèbre 
peintre  Corneille  De  Vos,  qui  fut  enterré  avec  son  épouse 
Susanne  Cock,  dans  notre  ancienne  Cathédrale,  établit  que 
la  date  de  1G44  proposée  par  le  catalogue  comme  celle  du 
décès  de  cet  artiste,  ne  saurait  être  adoptée.  Voici  la  teneur 
de  cette  inscription  : 

SEPULTURE 

VA!^  CORXELIS  DE  VOS  SCHILDER 

STERFT   9   MEY    163 1 

ENDE 

SUSA>">A  COCK  SY>E  IIUYSVROUWE 

STERFT    29  JCJiY  1668 

ENDE 

JOANSES  BAPTISTA  DE  VOS 

STERFT    11    SEPTEMBER   1679 

ELISABETH  DE  VOS 
STERFT  21  JASCARY   1698. 

Corneille  De  Vos  était  fils  de  Jean,  né  à  Hulst,  et  d'Isa- 
belle Van  den  Broeck  (i). 

M''  Frédéric  Verachter,  dans  un  de  ses  ouvrages  déjà 
cité  (2),  nous  apprend  que  l'une  des  coupes  d'argent  doré, 
qui  se  trouvent  sur  la  table  devant  laquelle  se  tient  le  mes- 
sager de  S'-Luc,  Abraham  Grapheus  (n''237  du  catalogue), 
était  ornée  du  buste  de  .Jean  Van  Eyck,  entouré  de  cette 
inscription  :  Belganim  splendor,  et  de  celui  d'Albert  Durer, 
entouré  de  cette  autre  :  Germanorum  decus.  Cette  coupe 
était  enrichie  des  armoiries  de  la  noblesse  anversoise,  qui 
en  fit  cadeau  en  134.9,  à  la  Confrérie  de  S'-Luc.  —  Le 
portrait  d'Abraham  Grapheus,  l'un  des  chefs-d'œuvre  de 
Corneille  De  Vos,  fut  transporté  à  Paris  en  1794  et  ne  revit 
Anvers  quen  1813. 


(1)  Papebroclnus  nous  apprend  dans  ses  Annales,  t.  V,  p.  223,  que  Cor- 
neille De  Vos  est  né  à  Alost;  il  indique  llulst  coninic  le  lieu  de  naissance  du 
peintre  de  chasses,  Paul  De  Vos. 

(2)  Albrecht  Durer  in  de  Nederlandcn,  h\.  13,  nota  4. 


—   185   — 

C'est  à  tort  que  le  catalogue  donne  le  nom  de  Carmélite, 
à  la  religieuse  qui  se  trouve  au  nombre  des  portraits  peints 
par  Corneille  De  Vos  et  exposés  sous  le  n"  258.  Le  costume 
qu'elle  porte,  est  celui  de  novice  ou  de  sœur  converse  Ber- 
nardine. 

La  Notice  de  1829  a  égaré  M.  De  Laet,  lors  de  la  des- 
cription du  n''240  du  catalogue,  qui  forme,  avec  l'admirable 
portrait  d'Abraham  Grapheus,  l'un  des  plus  beaux  titres 
de  gloire  de  l'artiste  dont  nous  venons  de  parler.  Le  cata- 
logue, d'accord  avec  la  Notice  citée,  n'a  vu  dans  la  belle 
toile  de  Corneille  De  Vos,  que  la  famille  S)ioeck  offrant  des 
ornements  sacerdotaux  à  Vabbé  de  S^-Michel  à  Anvers  : 
seulement  l'œuvre  de  M.  De  Laet  nous  fait  connaître  de 
plus,  mais  bien  à  tort  cependant,  que  cet  abbé  avait  nom 
Jean-Chrysostome  ^'an  der  Sterre  (i),  prélat  de  mérite, 
dont  la  mémoire  est  chère  aux  amis  des  lettres  et  des  arts  (2). 

Nous  disons  que  M.  De  Laet  s'est  trompé,  en  avançant 
que  Corneille  De  Vos  a  peint  dans  ce  tableau  le  portrait 
du  révérendissime  abbé  que  nous  venons  de  nommer.  En 
effet  Papebrochius  nous  apprend  au  tome  V  de  ses  An- 
nales (page  50),  que  Van  der  Sterre  avait  fait  exécuter  pour 
l'ornement  d'une  cheminée  de  son  quartier  abbatial,  un 
grand  tableau  représentant  S^-Norbert  donnant  devant  V au- 
tel, la  crosse  et  la  bénédiction  abbatiale  au  Bienheureux 
Waltmann,  abbé  de  S^-Michel,  derrière  leciuel  sont  age- 
nouillés les  prélats  de  Tongerloo,  d'Averbode  et  de  Middel- 
bourg,  monastères  issus  de  celui  d'Anvers.  Le  savant  Jésuite 
ajoute  que  le  Bienheureux  Waltmann  avait  été  peint  sous 
les  traits  de  Jean-Chrysostome  Van  der  Sterre.  Le  tableau 
dont  nous  venons  de  parler,  est  un  chef-d'œuvre  d'Abraham 
Van  Diepenbeeck  (3);  il  orne  depuis  plusieurs  années,  le 

(1)  Le  catalogue  écrit  erronément  Van  de  Sterre. 

(2)  Papebrochius,  Op.  cit.,  t.  V,  p.  50-31. 

(3)  Abraham  Van  Diepenbeeck,  né  à  Bois-lc-Duc,  épousa  :  1"  a  SchcUe,  en 

15 


—   186   — 

chœur  de  i'église  de  S'-Frédégand  à  Deurne,  près  d'Auvers, 
église  desservie  autrefois  par  nos  iXorherlins,  el  à  laquelle 
il  fut  donné  par  Fun  d'eux,  feu  M.  ïlerman -Joseph  Seer- 
waert,  curé  de  la  paroisse.  Nous  avons  vu  de  près  cette 
splendide  composition,  et  nous  y  avons  trouvé  la  conviction 
la  plus  entière  de  l'erreur  de  M.  De  Laet. 

Revenons  à  la  toile  du  Musée,  —  Si  réellement  cette  admi- 
rahle  production  représentait  le  sujet  indiqué  par  le  cata- 
logue, nous  aurions  de  la  peine  à  concevoir  par  suite  de 
quelle  bizarrerie,  l'artiste  a  peint  le  très-Saint  Sacrement 
au  milieu  de  l'ostensoir  que  l'abbé  accepte,  d'après  M.  De 
Laet,  du  chef  de  la  famille  Snoeck  (i);  nous  ne  pourrions 
nous  expliquer  non  plus  l'expression  étrange  de  l'homme 
accroupi  qui  lient  une  hostie;  nous  ne  saurions  enOn  com- 
prendre le  motif  de  la  présence  de  quelques  petits  pains  de 
communion,  don  d'une  valeur  excessivement  minime,  que 
l'on  remarque  sur  ce  que  le  catalogue  appelle  un  plat  de 
vermeil,  et  ce  que  nous  nommerons  une  patène  :  on  nous 
pardonnera  ce  souvenir  de  sacristie. 

Mais  tout  cela  deviendrait  excessivement  clair  à  nos  yeux, 
si  l'on  nous  disait  que  cette  toile  a  pour  sujet  les  habitants 
d'Anvers,  qui,  sous  les  traits  de  divers  membres  de  la  fa- 
mille Snoeck,  viennent  remettre  avec  componction  à  notre 
grand  apôtre,  S'-Norbert,  le  sacré  Corps  du  Sauveur,  que, 
pendant  le  règne  de  l'hérésie  de  Tankelm,  ils  avaient  tenu 
caché  dans  les  endroits  les  plus  secrets  de  leurs  maisons, 
l'espace  de  dix  à  quinze  ans. 


juin  IG37,  Catherine  Heuvick,  fille  de  maître  Luc,  notaire  à  Anvers  et  secré- 
taire à  Schellc,  et  de  Marie  Verbert;  2»  le  15  mai  1632,  Anne  Van  der  Dort. 
Van  Diepenbceck  mourut  en  1674  ou  en  1673. 

(I)  Est-il  bien  certain  que  ce  personnage  doive  élrc  tenu  pour  le  chef  de 
celte  famille?  Est-ce  simplement  parce  qu'il  précède  les  autres,  qu'on  lui  re- 
connaît cette  qualité?  Ne  serait-il  pas  prudent,  en  l'absence  de  toute  donnée 
sur  les  Snoeck  représentés  dans  ce  tableau,  de  supprimer  ."»  l'avenir  une 
qualification  exacte  peut-être,  mais  hasardée? 


—   137  — 

A  la  suite  de  cette  découverte,  nous  rectifierions  de  la 
Fnanière  suivante,  la  description  du  catalogue.  —  A  droite, 
S'-Norbert,  suivi  de  cinq  de  ses  religieux  et  accompagne 
d'un  laïque  (i),  est  debout  en  costume  abbatial  (2).  Il  accepte 
des  mains  d'un  Anversois,  agenouillé  devant  lui,  un  osten- 
soir, au  milieu  duquel  repose  la  très-Sainte  Eucharistie. 
Entre  le  Saint  et  le  dernier  personnage,  et  en  partie  caché 
par  les  plis  d'une  chasuble,  d'une  chape  et  d'une  étole,  est 
accroupi  l'hérésiarque  Tankelm  qui  lient  une  Hostie  con- 
sacrée et  regarde  d'un  œil  où  règne  un  infernal  dépit,  le 
restaurateur  du  culte  de  l'auguste  Sacrement  de  l'autel  à 
Anvers.  A  gauche  sont  agenouillés  d'autres  Anversois,  trois 
hommes,  deux  femmes  et  trois  enfants  dont  deux,  placés 
à  l'avant-plan ,  présentent  divers  ornements  d'églises  et 
quelques  Hosties  consacrées,  sur  une  patène  de  vermeil. 
Un  groupe  de  spectateurs  se  tient  dans  le  fond,  etc. 

Cette  belle  composition,  transportée  en  France  en  1794, 
ne  revit  Anvers  que  vingt-un  ans  plus  tard.  Elle  ornait 
autrefois  près  de  la  chapelle  du  très-Saint  Sacrement  dans 
l'église  de  l'abbaye  de  S'-Micliel ,  l'épitaphe  de  Nicolas 
Snoeck  et  de  sa  femme  Catherine  Van  Uytrecht.  L'inscrip- 
tion de  ce  monument  nous  a  été  communi({uée  d\iprès  Vori- 
rjinal,  par  feu  M.  J.-B.  Van  der  Straelen  (3),  l'un  de  nos 


(1)  Nous  croj'ons  inutile,  après  ce  que  nous  avons  dit  à  la  page  160,  de  faire 
rt'ssorlir  combien  à  tort  le  catalogue  qualifie  de  moines,  les  religieux  qui 
figurent  dans  ce  tableau,  et  qui  tous,  y  compris  le  S'-Norbcrl,  sont  des  por- 
traits. —  Quant  à  loilicier  laïque  dont  parle  M.  De  Lact,  nous  pouvons  lui 
donner  l'assurance  que  l'abbaye  de  S'-Miehel  n'en  avait  pas  à  son  service, 
mais  seulement  des  domestiques  à  gages.  —  L'abbé  avait  lui,  un  serviteur 
spécialement  attaché  à  sa  personne  et  appelé  en  flamand  kamerlinfj;  il  est 
possible  que  C.  De  Vos  ait  placé  ici  le  portrait  de  celui  qui  vivait  en  KlôO.  — 
Nous  devons  ces  détails  à  une  personne  qui  a  très-bien  connu  nos  chanoines 
réguliers  de  la  rue  du  Couvent  et  qui  fréquentait  souvent  leur  abbaye. 

(2)  Le  Saint  porte  la  crosse  d'archevêque. 

(3)  M.  J.-B.  Van  dcr  Straelen  a  été  lun  des  principaux  collaborateurs  de 
\'Ouih  topographie  van  Andverpen,  ouvrage  dont  on  parait  s'obstiner  depuis 


—  188   — 

plus  consciencieux  énidits.  Elle  était  ainsi  conçue,  et  prouve, 
ce  nous  semble,  victorieusement  notre  thèse  : 

D.  G.  M. 

jEVITERNO  deo 
ET  MAGNO  A>TVERPI.E  APOSTOLO  SANCTO  îfORBERTO, 

CCI  POST    EXSmCTAM  TAXCHELISI   UERESIM  (sic) 

ASTVERPIESSES  ABDITCJI  I^'  CISTIS  ET  FORAMIMBCS 

PER  X  ALT  XV  A>SOS  CORPtS  DOSIIXICUM 

COMPUJiCTI  REFERUST  : 

AC  BOS.E  MEMORI.E  XICOLAI  SXOECK 

QCl  OBIIT  XX. VU.    OCTOB.   M. D. C.V. Il 

ET  CATHARIN.B  VkH  UYTRECHT 

Ol'.E  DECESSIT  X.X.III   MART.    .\''  M.D.C.XXX. 

OPTIMORCM  PARESTIM  SIORUM 

LIBERI   ET  U.ÏREDES  MOESTI 

P.    P. 

Le  n"  241,  représentant  VAdoi-atmi  des  Mages,  tableau 
peint  et  signé  par  Corneille  De  ^'os,  a  été  restitué  à  son 
véritable  auteur  par  M.  De  Laet.  Cette  composition  portait 
encore  dans  la  Aotice  de  1829,  le  nom  de  Simon  De  ^"os. 
Elle  provient  de  notre  ancienne  Cathédrale,  où  elle  ornait 
le  monument  de  Guillaume  Van  3Ieerbeeck,  marchand  de 
cette  ville,  et  de  Barbe  Kegelers,  son  épouse,  aux  environs 
de  l'autel  des  Arquebusiers.  Les  n^'  281  et  282  du  catalogue 
actuel ,  numéros  mentionnés  encore  aujourd'hui  comme 
exécutés  par  Simon  De  Vos,  et  qui  représentent  ces  époux, 
accompagnés  de  leurs  patrons,  servaient  de  volets  à  cette 
Adoration  des  Mages,  laquelle  était  accompagnée  de  l'in- 
scription suivante  : 

D.  G.  M 

SEPCLTBRE  VAX  DEN  EERSAMEJi 

GtJILLIA»  VA.N  MEERBEECE 

COOPMATf  DESER  STADT  OVERLEDEN 

DEN  27   OCTOBER   1652 


quelque  temp.s,  à  considérer  comme  seul  auteur,  le  savant  Willems.  Nous 
tenons  cependant  de  très-bonne  part,  que  le  plus  grand  nombre  des  recher- 
ches concernant  les  anciens  noms  de  nos  rues,  ont  été  faites  par  deux  de  ses 
collègues.  —  Cuique  suum. 


—   189  — 

ESDE  VAN   DE   EERBARE  JÛfFVROlWE 

BARBARA  KEGELERS  SYNE  IILYSYli. 

STERFT  DEN    IG    MEERT   A"    1630 

BIDT  VOOn   DE  SIELEN 


Il  est  assez  singulier  que  le  n°  241  dépasse  ses  volets  en 
hauteur,  mais  cette  singularité  n'est  pas  unique  au  Musée. 
La  Cène,  par  Ambroisc  Francken,  le  Vieux  (n°  184),  par 
exemple,  compte  une  hauteur  de  2,75,  tandis  que  ses  volets, 
les  n"*  178  et  179,  dont  nous  avons  parlé,  n'en  atteignent 
qu'une  de  2,54. 

Le  n°  241  a  été  positivement  reconnu  en  notre  présence 
par  un  contemporain  de  1798,  pour  s'être  trouvé  à  la  place 
assignée  plus  haut  :  cette  personne  ne  se  rappelait  pas  lui 
avoir  connu  de  volets,  mais  notre  assertion  à  cet  égard 
repose  sur  l'affirmation  écrite  de  feu  notre  savant  concitoyen 
M.  Jean-Baptiste  Van  der  Straelen,  affirmation  que  nous 
avons  sous  les  yeux.  Finalement  le  catalogue  manuscrit  de 
l'an  IX,  d'accord  en  cela  avec  l'acte  de  vente  du  mobilier  de 
la  Cathédrale,  signale  nos  trois  tableaux  comme  originaires 
de  cette  église.  Ce  sont  là,  croyons-nous,  des  preuves  pro- 
pres à  contenter  les  plus  difficiles  (i). 

Nous  n'avons  aucune  observation  à  faire  valoir  relative- 
ment à  la  notice  que  jM.  De  Laet  a  consacrée  à  Gérard  Zee- 
gers,  qui,  d'après  un  registre  de  l'église  de  S'-Jacques,  fut 
enterré  le  21  mars  1 651 ,  dans  celle  de  l'abbaye  de  S'-Michel. 
Papebrochius  fixe  la  mort  de  cet  artiste  au  18  du  même 
mois  (a). 

La  pitoyable  Notice  de  1829  a  induit  M.  De  Laet  en 
erreur  relativement  au  sujet  du  n"  245,  peint  par  Gérard 
Zeegers  et  provenant  de  l'autel  de  la  galerie  à  gauche  de 


(1)  Ceci  a  été  ajouté  au  texte  en  mars  1831.  —  Après  avoir  écrit  ee  qui 
précède,  nous  avons  acquis  In  preuve  que  les  nos  28 1  et  282  ont  été  écourtés 
sous  une  administration  antérieure  à  celle  d'aujourd'hui. 

(2)  Annales  Anlvcrpicnscn,  t.  V,  p.  43. 


—   190  — 

l'ancienne  église  de  la  Maison  Professe  des  Jésuites,  aujour- 
d'hui la  succursale  de  S'-CIiarles  Borromée.  Ce  tableau 
représente  non  pas  S'-Stanislas  de  Kotska,  mais  S'-Louis 
de  Gonzague,  héritier  du  marquisat  de  Castiglione,  érigé 
plus  tard  en  principauté  du  S'-Empire  romain,  et  qui,  au 
moment  d'entrer  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  cède  à  Alan- 
toue  le  2  novembre  1585,  en  présence  de  son  père  Ferdi- 
nand, de  sa  mère  Marthe  de  Tana  Sautenia,  de  plusieurs 
princes  et  princesses,  les  droits  qu'il  avait  à  la  couronne 
paternelle  et  les  transporte  à  sou  frère  Rodolphe  (i).  Faisons 
observer  eu  passant,  qu'on  ne  s'explique  guère  la  grande 
affliction  de  la  marquise  de  Castiglione,  dans  la  composi- 
tion de  Zeegers,  puisque  l'histoire  nous  apprend  que  cette 
bonne  mère  favorisa  de  tout  son  pouvoir  la  vocation  de  sou 
bienheureux  fils. 

Le  n"  247,  peint  par  le  même  maître  et  qui  représente 
S^^-Claire  en  adoration  devant  f Enfant  Jésus,  ornait  dans 
notre  ancienne  Cathédrale,  l'épitaphe  de  la  famille  Vits,  qui 
se  trouvait  dans  la  chapelle  des  Pelletiers.  Le  monument 
portait  l'inscription  suivante  : 

DEO   I5CARSAT0  SACRUM. 

IN  îfOVISSIMA  TDBA  IMMCTATIOiMS  DIEM  HIC  EXSPECTAJiT 

LACREXTICS  VITS  CIVIS  BRCXELLESSIS 

OBIIT    17  JAMARII  A»   1695. 

MARIA  MOUTON  EJDS  UXOR 

OBIIT  20  DIE  JAXUARII    1689 

R.    D.    FERDINAXDUS  VITS  H.    E.   C.   CANONICUS 

PRESBYTER  ET  PRIMUS  ELECTUS  CANTOR  OBIIT  27  JULII    1715 

ET  BARBARA  PHILIPPINA  VITS  DEO   DEVOTA  OBIIT    19  JULII    1691 

MARIA  ANNA  VITS  PR.ESCRIPTI  CANONICI  AUITA 

OBIIT  5  SEPT.    1707 

R.    ADM.   D.  JOANNES  DE  WESE  S.   T.   ET  J.   U.   L. 

CANONJCUS  OFFICIALIS  ARCDIPRESBYTER   DEIN  ARCHIDIACONUS, 

OBIIT  50  SEPTEMBRIS    1678  ET  QUIESCIT  IN  SUMMO   CUORO. 

LUX  /ETEBNA  LUCEAT  EIS  DOMINE 

NE  MORS  TIBI    SIT  AMARA  TE  AD  MORTEM  SENE  PARA. 


(1)  Conrad.  Janningus  S.    J.    Acla  D.  Aloysii  Gonzagœ,  juvcnis  angelici. 
AnlvcrpUr,  MDCCVI.  In-f».  —  Idem,  Aela  Sanctorutn,  ad  ^li^  junii. 


—  191   — 

Le  frère  Jésuite  Daniel  Zegers,  ainsi  que  Papebrochius 
en  écrit  le  nom,  naquit  à  Anvers  en  1590,  et  y  décéda  dans 
la  Maison  Professe  de  la  Compagnie  de  Jésus,  le  2  no- 
vembre 1G6I.  Jean  Breughel  de  velours  fut  son  maître, 
comme  le  rapporte  le  catalogue;  mais  Rubens  qui  étoffa 
plusieurs  fois  les  tableaux  du  frère,  ne  fut  point  avare  de 
conseils  à  son  égard.  Papebrochius  nous  apprend  que 
Daniel,  en  reconnaissance  des  services  que  lui  avait  rendus 
Corneille  Schut,  en  peignant  les  flgures  qui  ornent  quel- 
ques-uns de  ses  chefs-d'œuvre,  obtint  de  ses  supérieurs 
que  cet  artiste  serait  chargé  d'exécuter  pour  le  maître  autel 
de  leur  église,  le  Couronnement  de  la  S^^-Vierge,  magnifique 
production  qui,  de  nos  jours,  embellit  encore  ce  temple.  — 
L'humble  Daniel  dont  le  peintre  Jean  Lievens  avait  retracé 
les  traits,  à  l'insu  du  modèle,  quittait,  nous  dit  son  bio- 
graphe, le  noble  exercice  de  la  peinture,  pour  les  travaux 
les  plus  infimes  des  frères  de  la  société,  sans  s'enorgueillir 
aucunement  de  la  faveur  des  princes  (i). 

Papebrochius  rapporte  ailleurs  (2),  que  la  Maison  Pro- 
fesse d'Anvers  fut  redevable  à  un  tableau  du  frère  Zegers, 
de  deux  doigts  de  S'-Laurent,  dont  lui  fit  cadeau  en  1658, 
Frédéric-Guillaume,  marquis  de  Brandebourg  et  électeur 
du  S'-Empire  romain.  Ces  précieuses  reliques  exposées 
encore  aujourd'hui  dans  l'ancienne  église  de  la  Maison 
Professe,  sont  annuellement  honorées  le  10  août,  jour  de 
la  fête  du  célèbre  martyr.  Le  prince  d'Orange,  Frédéric- 
Henri,  avait  reçu  des  Jésuites  d'Anvers,  au  rapport  de 
Papebrochius,  deux  tableaux  du  frère  Zegers,  tandis  que 
le  catalogue  ne  parle  que  d'un  seul.  Quant  aux  vastes  pro- 
priétés que  la  Société  aurait  possédées  sur  le  territoire  des 
Provinces-Unies,  Papebrochius  n'en  dit  pas  mot,  ce  qui 


(1)  Annales  Anfverpienscs,  t.  V,  p.  219-221. 

(2)  Op.  cit.,  t.  IV,  p.  390-391. 


—   192  — 

n'étonnera  point  ceux  qui  savent  que  les  Jésuites  n'y  comp- 
taient guère  que  des  stations  de  missions. 

Le  peintre  Corneille  Scliut,  fils  de  Guillaume  et  de 
Susanne  Sclierville,  appartenait  à  l'une  de  nos  bonnes  fa- 
milles anversoises  ;  cet  artiste  avait  épousé  en  premières 
noces,  Catherine  Geensins,  comme  on  peut  s'en  convaincre 
au  circuit  méridional  du  chœur  de  l'église  de  S'-Jacques. 
Anastasie  Scelliers,  mentionnée  dans  l'intéressante  inscrip- 
tion communiquée  par  M.  De  Laet,  fut  sa  seconde  femme. 

(La  suite  à  une  prochaine  livraison). 

Théodore  Y^^  Lerius. 


193  — 


ÉTUDES 
SUR   LE    COMMERCE    DE    LA    FLANDRE 

Al'  MOYEU -AGE  (I). 

Les  Foire». 

Pour  peu  que  Ton  se  rende  compte  de  la  manière  dont 
se  comporte  une  ville  lors  de  sa  formation,  on  voit  que 
tantôt  elle  nait  d'un  marché,  tantôt  ou  contraire  elle  en 
fait  naitre,  alors  qu'elle  existe  à  peine  elle-même.  Se  ren- 
contre-t-il,  en  effet,  un  lieu  favorable  à  l'échange  des  pro- 
duits, comme  un  confluent,  l'endroit  guéable  d'une  rivière, 
l'entrée  d'une  vallée,  les  producteurs  des  environs  ne  tar- 
dent pas  à  s'y  réunir  aux  jours  que  l'usage  établit  bientôt; 
les  abris  pour  les  hommes  et  pour  les  marchandises,  pro- 
visoires d'abord,  deviennent  permanents  :  le  marché  engen- 
dre la  ville.  —  S'agit-il,  au  contraire,  d'une  agglomération 
d'hommes  qui  se  forme  à  l'ombre  d'un  monastère  ou  d'un 
puissant  castel,  son  premier  besoin  est  d'attirer  les  pro- 
duits des  alentours  au  sein  de  la  ville  naissante  :  la  ville 
engendre  le  marché.  Ces  marchés,  du  reste,  utiles  encore 
de  nous  jours,  étaient  dans  le  haut  moyen-àge  d'autant 
plus  indispensables  que  presque  tout  le  commerce  devait 
se  faire  par  voie  d'échange,  par  suite  de  la  pénurie  du 
numéraire. 


(l)  C'est  la  troisième  étude  que  nous  publions  :  la  première  esl  relative  aux 
étapes;  la  seconde  au  mouvement  commercial  de  Bruges. 


—  194  — 

Les  causes  qui  font  naître,  en  un  endroit  quelconque,  un 
grand  concours  de  peuple,  c'est-à-dire  un  vaste  débouché, 
doivent  influer,  avec  une  eflicacité  sans  pareille,  sur  le 
développement  du  marché.  A  cet  égard  Faction  du  chris- 
tianisme fut  des  plus  importantes  :  la  foi  était  vive,  et  les 
cérémonies  religieuses  produisaient  sur  un  peuple  encore 
grossier  une  impression  extraordinaire.  Aussi  les  fêtes  de 
l'Eglise  attiraient-elles  une  foule  considérable;  par  suite,  en 
beaucoup  d'endroits,  le  marché  se  tint  le  dimanche,  et  cet 
usage  était  déjà  tellement  enraciné  du  temps  de  Charle- 
magne  que  celui-ci  ne  put  parvenir  à  le  détruire  (i).  C'est 
par  ce  motif  que  beaucoup  de  foires  commencèrent  soit  un 
jour  de  grande  fête  générale  ou  locale,  soit  le  lendemain 
de  ce  jour,  et  que  plusieurs  villes  épiscopales  devinrent 
de  grands  marchés,  par  exemple  en  France  :  Rheims  et 
Troyes,  Tricasses,  Tricae,  déjà  fort  fréquentés  dans  la  pre- 
mière moitié  du  V*"  siècle  (2);  en  Angleterre  :  Westminster, 
York,  Durham,  Winchester,  etc.  L'on  ne  se  contenta  même 
pas  de  profaner  ainsi  par  le  commerce  les  jours  réservés  au 
Seigneur  :  les  traflquants  allèrent  plus  loin  encore;  ils  dé- 
posèrent leurs  marchandises  non-seulement  dans  les  envi- 
rons de  l'église,  non-seulement  dans  le  portail  ou  le  Nar- 
thex,  mais  dans  l'intérieur  même  du  lieu  saint  (5).  C'est 
ainsi  qu'à  Ypres,  à  la  foire  de  H27,  plusieurs  marchands 
s'étaient  établis  dans  l'église  de  S'-Pierre,  m  cathedra 
S^'-  Pétri  (4).  Il  parait  même  qu'en  beaucoup  d'endroits  le 
clergé  se  prêtait  de  bonne  grâce  à  cet  usage,  à  cause  du 
grand  rapport  des  droits  de  place  :  mais  quand  la  discipline 
devint  plus  rigoureuse  et  que  la  libéralité  des  seigneurs  eut 
assuré  aux  églises  des  revenus  suffisants,  les  vendeurs  furent 


(1)  Capit.  I,  809,  ch.  18. 

(2)  Sed.  Apoll.  Epist.  ad  S.  Lupiim,  1.  VI,  cp.  4.  —  A»  427. 

(3)  Ht'LLMAN,  Slâdteivcsen  des  mittelaUers,  I,  286. 

(4)  AcUi  Snncl.  Mart.  I,  185. 


—   19o  -- 

de  nouveau  chassés  du  temple.  Toutefois,  la  convenance 
du  lieu  ne  sutïîsait  pas  pour  rétablissement  d'un  marché  : 
il  fallait  en  outre  une  institution  seisneuriale;  car  le  droit 
de  marché  se  trouvait  au  nombre  des  droits  de  banalité 
compétents  au  propriétaire  allodial  d'une  villa:  avant  l'épo- 
que des  chartes  de  liberté  et  de  commune,  les  serfs  et  les 
colons  devaient  se  nourrir  du  produit  de  leur  exploitation 
et  rapporter  l'excédant  à  la  scuria,  fjrania,  spicarium  du 
propriétaire  de  la  villa  :  si,  par  hasard  ils  ne  récoltaient 
pas  assez  pour  nourrir  tous  les  individus  attachés  à 
leur  exploitation,  la  villa  leur  fournissait  des  provisions, 
provenda  (i).  Permettre  à  ces  colons  de  se  réunir  en  un 
endroit  donné  pour  y  trafiquer  entre  eux  d'une  partie  de 
l'excédant  de  leurs  productions,  c'était  donc  de  la  part  du 
propriétaire  de  la  villa  une  concession,  un  premier  acte 
d'affranchissement,  et  cette  concession,  il  était  libre  de  la 
faire  sous  telles  conditions  qui  lui  paraissaient  convenables. 
De  là  ces  redevances,  ces  droits  de  place  payés  d'abord  au 
seigneur,  puis  à  la  ville,  quand  par  rachat  ou  de  toute 
autre  manière,  elle  avait  obtenu  qu'il  lui  abandonnât  ses 
prétentions. 

Plusieurs  localités,  en  Flandre,  obtinrent  au  X'=  siècle  le 
droit  de  marché  (-2);  mais  il  ne  nous  a  pas  été  donné  jus- 
qu'ici de  savoir  à  quelle  époque  on  a  commencé  à  y  con- 
céder des  foires,  c'est-à-dire  des  marchés  où  non-seulement 
les  colons  pouvaient  échanger  les  objets  produits  sur  la 
terre  du  seigneur  dont  ils  relevaient,  mais  où  il  était  libre, 
même  aux  personnes  étrangères  à  la  villa,  d'offrir  en  vente 
toute  espèce  de  marchandises.  Quoique  la  plus  ancienne 
ordonnance  qui  nous  soit  parvenue  sur  cette  matière  ne 
date  que  de  12o0  (3),  nous   trouvons  cependant  dès  le 

(1)  Raepsaet,  analyse  267. 

(2)  Meyer,  ad  an.  958. 

(3)  Comte  de  SAl^T-GE^■ols,  Mon.  une,  liiT . 


—  196  ~ 

XI'  siècle  une  foire  à  Thourout,  au  XIP  il  en  existait  à 
Messines,  à  Ypres,  à  Poperinghe,  à  Bruges,  et  en  classant 
d'après  la  date  de  leur  institution  les  vingt-huit  foires  dont 
l'origine  nous  est  connue,  on  voit  qu'il  en  a  été  fondé  par 

Robert  le  Frison  (1071-1095) 1 

Philippe  d'Alsace  (1168-1191) 1 

Baudouin  IX  (11 94-1200) 1 

Marguerite  de  Conslantinople  (1244-1280)  ....  4 

Gui  de  Dampierre  (1280-1305) 3 

Louis  de  Nevers  (1522-1346) 1 

Philippe  de  Valois  (1528-1550) 1 

Louis  de  Malc  (1546-1584) 4 

Philippe  le  Hardi  (1584-1405) 2 

Jean  sans  Peur  (1405-1419) 2 

Philippe  le  Bon  (1419-1467) 2 

Charles  le  Téméraire  (1467-1477) 2 

Philippe  le  Beau  (1494-1506) 1 

Charles-Quint  (1506-1 555). 2 

Philippe  II  (1555-1598) _!_ 

28 

Il  est  à  remarquer  du  reste,  que  beaucoup  de  foires  n'ont 
pu  trouver  place  dans  ce  tableau,  parce  que  nous  n'avons 
pas  découvert  l'époque  précise  de  leur  institution,  proba- 
blement à  cause  de  leur  ancienneté  même;  telle  est,  par 
exemple,  celle  de  Gand.  D'ailleurs  la  plupart  de  nos  loca- 
lités, de  fort  insignifiantes  même,  jouissaient  de  foires  long- 
temps avant  qu'il  en  fût  établi  dans  les  grandes  villes  voi- 
sines de  la  Flandre;  c'est  ainsi  que  celle  de  Malines  ne 
date  que  de  1409,  celle  d'Anvers  de  1415,  celle  de 
Bruxelles  enfin  de  1487. 

Nous  allons  maintenant  faire  l'énumération  des  foires 
qui,  au  XVII"  siècle,  existaient  dans  les  diverses  communes 
de  la  Flandre  ainsi  que  dans  quelques  villes  voisines  par- 


—  197  — 

ticiilièrement  en  relation  avec  celte  province,  en  réunis- 
sant ce  que  nous  avons  trouvé  sur  l'origine,  le  développe- 
ment et  les  privilèges  de  chacune  de  ces  foires.  Toutefois, 
nous  donnerons  d'abord  l'analyse  de  la  charte  par  laquelle 
Dagobert  établit,  en  l'année  G50,  une  foire  à  S'-Denis  près 
de  Paris  (i),  «  Le  roi  fait  savoir  qu'il  a  fondé  en  l'honneur 
de  notre  Seigneur  et  de  S*-Denis  une  foire,  qui  tous  les  ans 
devra  commencer  le  7  des  Ides  d'octobre  et  à  laquelle  seront 
admis  tous  les  marchands  français  et  étrangers;  qu'afin  de 
laisser  à  ceux  de  la  Lombardie,  de  l'Espagne,  de  la  Pro- 
vence et  des  autres  contrées  éloignées  le  temps  de  s'y  ren- 
dre, cette  foire  durera  quatre  semaines,  époque  pendant 
laquelle  il  sera  défendu  à  tout  marchand  de  trafiquer  en 
aucun  lieu  du  propagus  Parisiacus  autre  que  S'-Denis. 
Enfin  le  roi  déclare  donner  à  S'-Denis  tout  ce  que  rappor- 
teront, dans  cette  ville  pendant  la  durée  de  la  foire,  les 
droits  suivants  :  telonhim,  navigium,  ptortaticum,  ripati- 
cum,  rotaticum,  vultaticum,  themonaticum,  cespitatkiun, 
piUveraticum,  foraticurn,  mestaticum,  laudaticum,  sauma- 
ticum,  salutatkum.  »  —  Tous  ces  droits  pesaient  sur  le 
commerce. 

Alost  avait  une  foire  annuelle  en  octobre  (2);  (aujour- 
d'hui un  marché  annuel  le  2'^  samedi  d'octobre  et  une  foire 
de  huit  jours  le  premier  dimanche  de  juillet). 

Anvers.  — Un  diplôme  de  l'empereur  Sigismond,  en  date 
du  15  janvier  1415,  établit  à  Anvers  deux  foires  privili- 
giées,  l'une  après  la  Pentecôte,  l'autre  au  mois  d'août  (0). 
Elles  existent  encore  toutes  deux  et  se  tiennent  :  l'une,  la 
petite  foire,  le  lundi  avant  la  Pentecôte;  l'autre,  la  grande 
foire,  le  dernier  lundi  d'août;  chacune  d'elles  dure  vingt- 


Ci)  M1R.EUS,  Op.  dipL,  l,  241. 

(2)  Marcii.,  53. 

(5)  J.-B.  GnAM.,  Anlc,  U. 


—  198  — 

neuf  jours.  L'évéque  de  Canibray,  Jean  de  Bourgogne,  fils 
naturel  du  duc  Jean  I,  permit  en  1448  d'ériger  à  chaque 
foire,  pendant  quinze  jours,  des  échoppes  dans  le  cimetière 
sous  condition  toutefois,  que  les  marchands  n'y  pourraient 
coucher,  afin  de  ne  point  polluer  le  lieu  sacré.  Toutefois, 
cette  permission  dût  être  bientôt  retirée,  malgré  le  grand 
profit  que  l'église  retirait  de  la  location  des  échoppes  :  le 
tumulte  qui  résultait  d'une  aussi  grande  agglomération  de 
gens,  ne  permettait  pas  aux  prêtres  de  remplir  convena- 
blement leur  ministère,  et  il  en  était  résulté  les  plus  dé- 
plorables abus.  Aussi  une  ordonnance  intervint-elle  qui 
stipula  1°  que  les  échoppes  des  marchands  ne  pourraient 
plus  être  établies  dans  le  cimetière;  2"  qu'en  compensation 
de  la  perte  qu'éprouvait  par  suite  la  fabrique  de  l'église, 
le  prince  lui  abandonnait  sa  part  dans  l'escalin  payé  par 
chaque  échoppe;  5°  que  l'Amptman  qui  recevait  pour  cha- 
que échoppe  une  livre  de  Brabaut,  était  obligé,  moyennant 
cette  rétribution,  de  veiller  jour  et  nuit  à  leur  garde.  Quant 
à  l'escalin  dont  il  vient  d'être  question,  la  ville  avait  droit 
à  un  douzième,  l'église  et  le  prince  chacun  à  la  moitié  des 
onze  douzièmes  restants;  c'est  cette  moitié  que  le  prince 
donna  également  à  l'église  (i). 

La  franchise  de  la  foire  de  Pentecôte  fut  violée  eu  1470, 
par  le  duc  Charles  le  Téméraire,  qui  y  fit  arrêter  plusieurs 
marchands  français  et  tournaisieus  ;  la  ville  s'en  plaignit 
amèrement;  aussi  le  duc  lui  fit-il  remettre,  le  14  juin  de 
cette  année,  un  rescrit  signé  de  sa  main,  dans  lequel  il 
cherchait  à  s'excuser,  en  disant  que  ces  arrestations  avaient 
été  nécessitées  par  la  politique  générale;  il  promettait  du 
reste  formellement  que  pareille  chose  ne  se  répéterait  plus 
à  l'avenir  (a). 


(1)  Dan.  PATEon.,  Auii.  Aulv.,  I,  tô6. 
(2)Ibid.  M,  lUi. 


—   199  — 

Voici  quelques  détails  sur  les  foires  d'Anvers  à  la  lin  du 
XM"  siècle.  PendaiU  la  durée  de  la  franchise,  chacun  pou- 
vait venir  à  Anvers  et  y  demeurer,  puis  s'en  retourner 
chez  soi  avec  ses  hiens  et  marchandises,  en  pleine  sé- 
curité, sans  devoir  craindre  d'être  inquiété  pour  aucune 
espèce  de  dettes  pendant  tout  son  voyage.  La  foire  de  Pen- 
tecôte commençait  quinze  jours  avant  cette  fête  :  celle  du 
mois  d'août,  dite  de  S'-Remi  ou  S*-Bavon,  le  second  diman- 
che après  la  fêle  de  Notre-Dame.  —  L'une  et  l'autre  du- 
raient six  semaines,  y  compris  les  quinze  jours  de  prolon- 
gation reçus  par  la  coutume.  Le  paiement  des  changes  et 
des  dépôts  faits  en  foire  avaient  lieu,  pour  la  première,  le 
10  août,  pour  la  seconde,  le  10  novembre,  à  moins  que  ces 
paiements  ne  fussent  retardés  par  le  prince,  soit  pour  sa 
propre  commodité,  soit  pour  celle  des  marchands.  Le  paie- 
ment des  marchandises  achetées  en  foire,  se  faisait  un  mois 
plus  tard. 

Il  y  avait  aussi  à  Anvers  deux  foires  aux  chevaux,  dont 
l'une  se  tenait  aux  Quatre-Temps  de  Pentecôte  et  durait 
trois  jours,  l'autre,  le  mercredi  après  la  Nativité  de  la 
S'^-Vierge  (8  septembre)  :  celle-là  a  lieu  encore  le  mênîe 
jour,  mais  celle-ci  a  été  transportée  au  mercredi  des  Quatre- 
Temps  de  septembre  :  on  y  amenait  une  quantité  considé- 
rable de  chevaux  de  tous  les  pays,  même  du  Danemarck; 
le  prince  avait  le  droit  de  faire  le  premier  choix,  puis 
c'était  aux  seigneurs  de  la  ville  à  se  pourvoir;  alors  seule- 
ment, les  marchands  étaient  libres  de  vendre  à  tout  le 
monde.  Immédiatement  après  les  foires  aux  chevaux,  ve- 
naient celles  pour  les  cuirs  de  toute  espèce  de  bêtes,  secs, 
eras  et  salés;  cette  vente-là  durait  encore  deux  ou  trois 
jours  (i). 

Ardenbourg.  —  Le  11   août    1208,  Marguerite  donna 

(1)  Giicii.,  129. 


—  200  — 

aux  habitants  de  cette  ville  une  foire  franche,  qui  com- 
mençait le  lendemain  de  la  Trinité  et  durait  quinze  jours, 
plus  quatre  jours  pour  les  paiements  selon  l'usage  de  la 
foire  de  Lille  (i).  Pour  favoriser  cette  foire,  le  comte  Gui 
écrivit,  en  1289,  aux  échevins  des  villes  de  Gand,  Ypres, 
Douai,  Poperinghe,  Bailleul,  Grammont,  Alost  et  Aude- 
narde  pour  leur  faire  connaître  les  privilèges  dont  Ar- 
denbourg  jouissait  et  les  prier  d'engager  les  marchands  de 
draps  à  s'y  rendre.  Les  trois  premiers  jours,  dit-il,  sont 
consacrés  à  la  vente  des  chevaux  et  les  autres  à  celle  des 
draps  (2).  Elle  a  lieu  encore  le  même  jour.  D'après  Gra- 
maye,  Ardenbourg,  qu'on  nommait  alors  Roodenbourg, 
jouissait  du  droit  de  marché  dès  QiS  (3). 

Armentières.  —  Le  9  mai  il  s'y  tenait  une  foire,  concé- 
dée par  Jean  sans  Peur  en  1413  (4). 

AuDENARDE,  —  Uuc  foirc,  nou  privilégiée,  après  l'As- 
cension (actuellement  huit  jours  après  cette  fête),  et  une 
autre  établie  par  Louis  de  Maie  en  1569,  laquelle  jouissait 
de  l'immunité  d'arrêt  (3). 

Axel.  —  Annuellement  deux  foires  :  l'une  en  août, 
l'autre  en  octobre  (0).  Actuellement  le  1"  de  ce  mois. 

Bailleul.  —  En  septembre,  une  foire  spécialement  re- 
nommée pour  les  draps  (7). 

Bergue-S'-Winnoc.  —  Vers  la  fête  de  S'-Luc  (18  oc- 
tobre), une  foire  privilégiée  durant  neuf  jours.  Quatre 
autres,  non  privilégiées,  s'y  tenaient,  l'une  pendant  l'octave 
de  Pâques,  l'autre,  le  surlendemain  des  Rameaux,  la  troi- 

(1)  3fon.  anciens,  617.  —  Warivk.  FI.  rechtsgcseh.,  ô,  iirk.  CXLII. 

(2)  Warnk.,  5,  p.  ôS. 
(5)  Anl.  Fland.,  lIC). 
(/|.)March.,  16.". 

(5)  SA^o.,  FI.  m.,  m,  2G9. 

(6)Marcii.,75. 

(7)  GuicH.,  Irad.  de  Rellcforest,  p.  388. 


—  201  — 

sièine,  au  milieu  du  mois  d'août,  et  la  quatrième,  le  3  no- 
vembre (i). 

BiERVLiET.  —  En  juin,  une  foire  assez  fréquentée  (2). 

BouuBOURG  avait  une  foire  en  juin,  et  une  autre  en  sep- 
tembre (5). 

Bruges.  —  Baudouin  le  Jeune  accorda  à  Bruges,  en  958, 
le  droit  de  marché;  mais  le  plus  ancien  privilège  de  foire 
proprement  dite,  émane  de  Baudouin  IX  et  date  du  mois 
d'août  1200.  Cette  foire  devait  commencer  le  second  jour 
après  roctave  de  Pâques,  avoir  la  même  durée  que  toutes 
les  foires  de  Flandre,  enQn  être  réglée  en  toutes  choses 
d'après  les  usages  observés  à  Thourout  (4).  Plus  tard,  il 
se  tint  dans  cette  ville  une  autre  foire  au  mois  de  jan- 
vier (b).  Toutes  deux  reçurent,  à  divers  intervalles,  de  larges 
privilèges.  Chacun  sait,  du  j*este,  que  fréquentée  pendant 
l'année  entière  par  des  marchands  venus  de  tous  les  pays 
du  monde,  Bruges  jouissait  d'une  espèce  de  foire  perpé- 
tuelle. Un  rôle  fort  curieux,  conservé  à  la  Bibliothèque 
royale  de  France,  fait  connaître  quels  étaient,  au  XIll''  et 
XIV*^  siècles,  les  pays  dont  les  produits  arrivaient  à  Bruges. 
Publié  pour  la  première  fois  par  Legrand  d'Aussy,  dans  ses 


(1)  GnAM.,  Ah/.  FL,  149. 

(2)  M  ARC  II.,    ûO. 

(5)  Gram.,  154. 

(4)  Warsk.,  fi.  rcchfsgesrh.,  II,  urk.  n»  46.  —  Dans  son  Histoire  de  Flan- 
dre, t.  II,  p.  500,  note  4,  M.  Kervyn  de  Lctleuhove  dit  que  la  foire  aux  draps 
se  tenait  à  Bruges  le  jour  de  S'-Donat  :  il  s'autorise  d'un  passage  extrait  de 
la  charte  de  donation  de  Thomas  h  Tabbaye  de  Clairvaix,  mai  1259  [Thés, 
anccd.,  I,  1011),  le  comte  dit  entre  autres  qu'il  donne  50  livres,  monnaie  de 
Flandre  à  prendre  m  peeunia  quae  nobis  singidis  annis  debelur  in  hala  Bru- 
gensi,  in  qud  paiini  venduntur,  die  SU  Donaliani  quae  est  pridie  Idtts  octobris. 
Comme  nous  n'avons  trouvé  nulle  part  ailleurs  mention  de  celte  foire  spé- 
ciale, nous  croyons  que  la  phrase  die  Sli  Donaliani  se  rapporte  à  l'époque  du 
paiement  et  qu"il  s'agit  ici,  non  pas  d'un  droit  de  foire,  mais  d"un  droit  sur 
la  halle  aux  draps. 

(3)  Gram.,  95. 


■—  202  — 

Fabliaux,  il  a  été  ensuite  réimprimé  dans  les  Proveriies  et 
dictons  populaires  de  Crapelet,  et  reproduit  par  M.  Ghel- 
dolf  (trad.  de  Warnkœnig),  II,  p.  512,  et  par  M.  Kervyn, 
II,  p.  500.  —  La  foire  de  Bruges  se  tient  à  présent  le  5  mai 
et  dure  quinze  jours. 

Bruxelles.  —  Le  privilège  de  foire  franche  ne  lui  fut 
accordé  quen  1487;  de  sorte  que,  avant  ce  temps,  ses 
habitants  étaient  obligés  de  se  transporter  avec  leurs  mar- 
chandises, dans  les  villes  étrangères  (i). 

Cassel  obtint  comme  Bruges  le  droit  de  marché  en 
958  (2).  Gui  de  Dampierre  ayant  accordé  à  cette  ville 
une  foire  franche  qui  commençait  le  samedi  après  Pente- 
côte et  durait  jusqu'au  mercredi  suivant,  les  échevins  de 
Cassel  déclarèrent  par  lettres  de  1279,  que  si  par  suite  le 
produit  du  tonlieu  venait  à  diminuer,  la  communauté  in- 
demniserait de  ce  chef  le  comte  de  Flandre  (3).  —  Ce  pri- 
vilège fut  confirmé  par  Philippe  le  Bon  en  1425  (4). 

CoMMiNES.  —  Une  foire  en  octobre  (b). 

CoLRTRM  fut  aussi  une  des  villes  auxquelles  Baudouin 
le  Jeune  accorda,  en  958,  le  droit  de  marché.  —  Une 
foire  aux  chevaux,  durant  trois  jours  à  partir  du  dimanche 
avant  la  S'-Laureut  (10  août),  lui  fut  donnée  en  1565  par 
Louis  de  Maie,  et  transportée  par  Jean  sans  Peur  au  lende- 
main de  la  S'-Barthélemy  (25  août).  En  outre,  Charles- 
Quint  concéda  à  cette  ville,  en  1550,  une  foire  de  huit  jours, 
à  tenir  vers  les  Pâques  (c).  Ces  deux  foires  existent  encore  : 
la  première,  durant  laquelle  la  vente  n'est  plus  limitée  aux 


(1)  Veiiiioeven,  Métn.  cour,  en  1777,  p.  ->/>. 

(2)  Meyer,  18  y". 

(3)  Monuments  anciens,  p.  CCS. 
(i)  GRXM.,Ant.  FI.,  186. 

(5)  Marcii.,  p.  165. 

(6)  Cir.AM..  p.  60. 


—  203  — 

chevaux,  mais  s'étend  à  toute  espèce  de  marchandises,  com- 
mence le  mercredi  après  Pâques  et  dure  quinze  jours  : 
l'autre,  le  21  août,  et  en  dure  quatorze. 

Damme,  —  Foire  annuelle  en  mai  (i). 

Dey\ze.  —  Le  comte  Gui  confirma  le  privilège  d'un 
marché  hebdomadaire  dont  celte  ville  jouissait  depuis  long- 
temps :  il  lui  accorda  en  outre  un  foire  annuelle,  devant 
s'ouvrir  tous  les  ans  à  la  S'-Luc  (18  octobre);  plus  tard 
elle  fut  fixée  au  jour  suivant  (2),  et  elle  se  tient  maintenant 
le  24?  octobre.  —  A  la  prière  de  Gautier  de  Nevele,  sei- 
gneur de  Deynze,  Gui  confirma  aussi  aux  habitants  de  cette 
ville  la  foire  qui  se  tenait  à  Peteghem  le  mardi  après  Pâques 
closes  :  elle  est  fixée  mamtenant  au  jour  suivant. 

Ces  deux  foires  jouissaient  de  toute  espèce  de  privilèges  : 
elles  étaient  libres,  à  manuuiti  injectione  et  arrestis  (3), 
c'est-à-dire  qu'on  n'y  pouvait  arrêter  personne,  sinon  pour 
crimes  exceptionnels. 

DixMUDE  jouissait  d'une  foire  franche  de  trois  jours, 
les  21,  22  et  25  juillet,  qui  lui  avait  été  accordée  par  Jean 
sans  Peur  au  mois  de  mai  1403.  Charles-Quint,  par  ses 
lettres  de  1519,  autorisa  la  ville  à  tenir  comme  de  coutume 
une  foire  franche  de  trois  jours  et  défendit  de  molester, 
arrêter  ou  détenir  les  marchands,  sept  jours  avant  et  sept 
jours  après  ladite  foire  :  par  d'autres  lettres  de  la  même 
année,  confirmées  en  1618  par  Albert  et  Isabelle,  il  donna 
sauf-conduit  à  tous  les  marchands  qui  voulaient  se  rendre 
à  la  foire  de  Dixmude,  commençant  la  veille  de  la  fête  de 
S"^'-]Marie-Madelaine  (t)-  La  foire  de  Dixmude  se  tient  ac- 
tuellement le  troisième  dimanche  de  juillet  et  dure  dix  jours. 


(1)  MAncii.,  p.  55. 

(2)  Sa>d.,  III,  47. 

(3)  Ibid. 

(i)  Arch.  de  Dixni.  —  Ami.  de  la  Soc  d'émul.  de  Briigos,  t.  IV. 


—  20i  — 

Douai.  — En  126o,  Marguerite  de  Conslantiiiople  accorda 
à  cette  ville  une  foire  franche  annuelle.  Elle  commençait  le 
dimanche  avant  l'Ascension  et  durait  jusqu'à  la  veille  de  la 
Pentecôte  inclusivement  :  le  jour  de  la  Pentecôte  commen- 
çaient les  paiements,  qui  se  prolongeaient  jusqu'à  l'octave 
de  la  Trinité  inclusivement;  on  y  suivait  les  usages  et  cou- 
tumes de  la  ville  de  Lille.  Les  comtes  de  Flandre  avaient 
droit  à  la  moitié  de  toutes  les  accises,  tels  que  tonlieux, 
droits  d'issue,  de  place,  de  pesage,  qui  étaient  prélevées 
pendant  la  foire  :  l'autre  moitié  appartenait  aux  échevins  et 
à  la  ville  de  Douai  :  quant  au  revenu  des  halles  de  la  ville, 
les  échevins  avaient  en  tout  temps  le  droit  de  les  percevoir; 
mais  ceux-ci  ne  pouvaient  forcer  aucun  forain  à  s'établir 
dans  les  halles  (i).  Tous  ceux  qui  se  rendaient  à  cette  foire 
jouissaient  du  privilège  de  sauf-conduit  (2). 

Par  suite  du  traité  conclu  à  Paris  en  1520,  Lille,  Douai 
et  Orchies  restèrent  définitivement  à  la  France,  qui  ne  les 
restitua  au  comte  de  Flandre  qu'en  loG9  :  pendant  qu'elle 
appartenait  ainsi  à  la  France,  Douai  obtint  de  Philippe  de 
Valois,  en  154-6,  la  concession  d'une  foire  de  trois  jours  qui 
devait  commencer  le  1"  octobre,  et  emportait  également 
privilège  de  sauf-conduit  (3).  La  foire  du  l'^'"  octobre  dure 
actuellement  neuf  jours.  Il  s'y  tient  en  outre  une  foire  qui 
commence  le  1"  juin  et  dure  huit  jours. 

Éterre  avait  des  foires  annuelles ,  aux  fêtes  de  la 
S"'-Madelaine  et  de  S'-Crispin  :  elles  jouissaient  de  quinze 
jours  de  franchise  (4). 

FuRNE. — Une  foire  commençant  à  la  S'-Jacques  (23  juillet) 
y  fut  établie  en  lo9G,  et  gratifiée  de  l'immunité  d'arrêts  le 


(1)  Comte  DE  Saim-Genois,  Mon.  a)ic.,  605. 

(2)  BuzEL.,  A7in.  G.  F.  291,  D, 

(3)  Ibid.  345. 

(4)  Gramayk,  Ant.  FI.,  1!»1. 


—  203  — 

25  septembre  15'21.  Dans  les  temps  anciens  on  y  vendait 
principalement  des  draps  :  mais  au  XVII«=  siècle,  on  n'y 
voyait  guère  plus  que  des  céréales  et  des  bestiaux.  Cepen- 
dant, à  celle  époque,  il  se  tenait  dans  cette  ville  deux  autres 
foires  aux  bestiaux  beaucoup  plus  renommées  que  celles  de 
la  S'-Jacques;  établies  en  lo9o,  elles  avaient  lieu,  Tune  pour 
le  bétail  maigre,  le  mercredi  avant  les  Rameaux,  l'autre 
pour  le  bétail  gras,  au  mois  d'octobre  (i).  — •  Actuellement 
Furne  jouit  de  trois  foires,  qui  durent  chacune  huit  jours  : 
une,  le  mercredi  avant  le  dimanche  des  Rameaux;  la  se- 
conde, le  premier  mercredi  de  mai,  et  la  troisième,  le  pre- 
mier mercredi  d'octobre. 

Gand.  —  Il  est  assez  étrange  que  là  où  les  annales  ont 
conservé  la  date  de  l'inslilution  des  foires  dans  plusieurs 
bourgs  d'une  importance  fort  secondaire,  elles  soient  com- 
plètement muettes  à  cet  égard  pour  ce  qui  concerne  la  ville 
de  Gand.  Comme  les  archives  de  celle-ci  ne  fournissent 
également  aucun  document  ancien  sur  cette  matière,  il  est  à 
supposer  que  le  premier  litre  de  concession  aura  été  égaré 
ou  détruit  à  une  époque  fort  reculée.  Sauderus  dit  (2)  que 
généralement  on  en  attribue  l'établissement  à  Arnould  : 
mais  nous  ne  possédons  aucune  pièce  qui  confirme  cette 
tradition,  assez  peu  probable  du  reste.  Quoiqu'il  en  soit, 
les  foires  de  Gand  présentent  celle  particularité,  que  dans 
le  principe  on  ne  les  concéda  que  pour  un  temps  déterminé. 
Ce  fut  là  probablement  une  politique  suivie  par  les  comtes, 
afin  de  forcer  la  ville  à  payer  chèrement  chaque  renouvel- 
lement du  privilège,  et  plus  forte  était  la  soFiime  accordée, 
plus  long  élail,  sans  doute,  le  lerme  de  la  concession, 

Le  plus  ancien  octroi  de  foire  dont  il  soil  fait  mention 
dans  les  archives  de  cette  ville,  est  celui  du  9  juillet  1455. 


(1)  Gram..  Aul.  FI.,  14/». 
iT:  I.  i:iS. 


—  Î06  — 

—  A  la  suile  de  la  trop  mémorable  bataille  de  Gavre,  les 
Gantois  s'obligèrent  à  payer  au  duc,  en  sept  ans,  une  somme 
de  250,000  nWers  d'or  (i);  dès  1455,  ils  obtinrent  la  remise 
d'une  partie  de  cette  somme,  et  l'autorisation  de  contracter 
un  emprunt  pour  effectuer  les  paiements  qui  leur  incom- 
baient encore.  C'est  en  accordant  ces  faveurs  au  magistrat 
que  Philippe  le  Bon  dit  entre  autres  : 

«  Nous  pour  nous  et  nos  hoirs  et  successeurs,  contes  et 
»  contesses  de  Flandre,  auons  à  iceux  exposans  prolongé  et 
»  prolongons  le  temps  des  assis,  imposts  et  maletoltes  mis 
»  sus  et  imposez  en  nostre  dicte  ville  de  Gand  et  aussi  le 
»  temps  des  deux  foires  ou  franches  festes  que  leur  auons 
»  octroiées  estre  tenues  par  chascun  an  en  nostre  dicte  ville, 
»  l'une  audict  jour  de  Mi-Garème,  et  l'autre  audict  jour  de 
»  saint  Pierre  (premier  jour  daoust),  à  durer  icelles  foires 
»  chascune  par  quinze  jours,  trois  jours  deuant  et  trois 
»  jours  après,  jusques  à  trente  ans  prouchains  et  entre- 
»  suiiians,  commençans  audict  jour  de  mi-aoust  prouchain 
»  venant,  pour  joyr  par  lesdicts  exposans,  lesdicts  assis, 
»  aydes,  imposts  et  maletoltes,  ledict  temps  de  trente  ans 
»  et  desdictes  foires,  dont  la  première  a  esté  tenue  à  Mi- 
»  Carême  dernier  passé  trois  jours  auant  et  trois  jours 
»  après  le  temps  d'icelles  foires,  et  les  deniers  qui  vicn- 
»  dront  desdicts  assis,  imposts  et  maletoltes  conuerlir  et 
»  emploier  au  paiement  des  rentes  et  pensions  viagères, 
»  qui  seront  ainsi  vendues  et  dont  nostre  ville  sera  chargée 
»  chascun  an  et  es  autres  affaires  d'icelle  nostre  ville  et  non 
»  ailleurs  :  et  lesquels  assis  etc.,  lesdicts  exposans  pour  le 
»  relieuement  et  descharge  du  peuple  de  nostre  dicte  ville  et 
»  des  marchands  pourront  modérer  et  diminuer  durant  le- 
»  dict  temps  de  trente  ans,  ainsi  et  quand  bon  leur  sem- 
>)  blera  pour  le  prouffit  d'icelle  nostre  ville,  et  sans  auoir 

(I)  KERVY^  i)F,  Li:tt.,  IV,  p.  îî)7i. 


—  207   — 

»  de  nous  licence  ou  pouuoir,  pour  ce  faire  autre  que  ces 
»  présentes.  Et  voulons  en  outre  et  octroions  de  nostre  dicte 
»  grâce,  que  les  habitants  de  nostre  dicte  ville  de  Gand  et 
»  les  marchands  et  autres  gens  qui  hanteront  et  fréquente- 
»  ront  lesdictes  foires  et  franches  festes  joyssenl  paisible- 
»  ment  en  alant,  demourant  et  retournant,  ensemble  leurs 
»  biens,  denrées  et  marchandises,  durant  le  temps  de  la- 
»  dicte  prolongation,  des  privilèges,  sauf-conduits,  seurtés, 
»  franchises  et  libertés  ainsi  et  par  la  forme  et  manière  que 
»  nos  lettres  octroiées  auxdicts  exposants  sur  Toctroy  que 
»  leur  allons  fait  desdictes  foires  pour  le  temps  et  terme 
»  de  sept  ans  le  contiennent  :  et  lesquels  priuiléges,  sauf- 
»  conduits,  franchises  et  libertés,  nous  prolongons  et  leur 
»  donnons  et  octroions  pour  ledict  temps  de  trente  ans 
»  que  lesdictes  foires  ont  à  durer  pour  nostre  octroy  comme 
»  dict  est. 

»  Et  par  considération  dudict  paiement  que  nous  doiuent 
»  faire  lesdicts  exposants  audict  jour  de  mi-aoust  prouchain 
»  venant,  nous  leur  auons  pour  et  au  nom  de  ladicte  ville 
»  donné  remise  et  quittance,  donnons,  quittons  et  remet- 
»  tons  de  nostre  dicte  grâce,  la  quarte  partie  desdict  assis, 
»  aydes,  imposls  et  maletoltes,  que  auons  par  nos  autres 
»  lettres  réservé  à  nous  sur  toutes  denrées,  vivres  et  mar- 
»  chandises  durant  le  temps  desdictes  foires,  trois  jours  de- 
»  vant  et  trois  jours  après;  pour  ladicte  quarte  partie  joyr 
»  et  user  par  lesdicts  exposans  et  estre  leuée  à  leur  prouffit 
»  ensemble  et  pareillement  corne  ils  joyssent  des  autres  trois 
»  parties  d'iceulx  assis,  imposts,  aydes  et  maletoltes  (i).  « 

Ce  fut  seulement  par  un  octroi  du  mois  de  décem- 
bre 1497  que  Gand  obtint  à  titre  perpétuel  la  concession 
d'une  foire.  Philippe  le  Beau  prenant  en  considération  que, 
par  suite  des  guerres  et  divisions  qui  longtemps  avaient 

(I)  Arch.  (le  lii  ville  ,1c  c;and,  Kcgistrc  C,  p.  90  sq. 


—  2U8  — 

régné  en  son  comté  de  Flandre,  la  ville  de  Gand  était 
dépeuplée  de  gens,  rendue  comme  «  vague,  déserte  et  in- 
»  habitée  »  et  se  trouvait  en  outre,  accablée  par  des  dettes 
auxquelles  toutes  ses  ressources  ne  pouvaient  suffire,  de 
telle  sorte  qu'elle  devait,  «  de  jour  en  jour,  plus  ameurir, 
■B  et  par  de  fin,  écheoier  en  entière  ruine  et  désolation,  si 
»  par  sa  grâce  elle  n'était  secourue,  »  accéda  aux  humbles 
supplications  de  ses  bien-aimés  les  échevins  et  habitants,  et 
permit  pour  leur  venir  en  aide,  qu'ils  tinssent  perpétuelle- 
ment chaque  année  une  foire  et  franche  fête,  durant  l'es- 
pace de  quinze  jours,  c'est-à-dire  depuis  le  jeudi  après 
Oculi  jusqu'au  jeudi  après  Judka,  inclus.  —  Par  cet  oc- 
troi que  la  ville  de  Gand  avait  sollicité  comme  un  moyen 
de  rétablir  ses  finances,  la  prise  de  corps  et  le  droit  de 
saisie,  se  trouvaient  suspendus  durant  tout  le  temps  de 
la  foire  en  faveur  des  marchands,  facteurs,  leurs  gens  ou 
serviteurs,  fussent-ils  même  ennemis  du  comte,  bannis  ou 
fugitifs  :  tous  étaient  autorisés  à  venir,  séjourner  et  re- 
tourner, sans  que  leurs  biens  puissent  être  pris,  saisis, 
arrêtés  ou  autrement  emj)échés,  pour  aucune  espèce  de 
dettes,  excepté  celles  contractées  envers  le  comte  ou  du- 
rant la  foire  même. 

L'abbaye  de  S'-Pierre  avait  une  foire  spéciale  qui  se  te- 
nait sur  la  montagne  platte  (den  platten  berg),  pendant  la 
kermesse  de  la  paroisse;  le  prévôt  y  levait  des  droits  sur 
la  toile  ainsi  que  sur  les  porcs,  les  bœufs,  les  moutons 
et  autres  bestiaux  :  ces  droits  sont  mentionnés  dans  un 
compte  de  1458,  reposant  aux  archives  de  la  Flandre 
orientale.  Dans  un  ancien  cartulaire  de  cette  abbaye,  on 
trouve  l'ordonnance  suivante  : 

Tonlieu  dû  à  la  kermesse  de  S*-Pierre. 

«  Nous  ordonnons  de  par  le  prévôt,  le  bailli  et  les  éche- 
vins qu'à  la  kermesse  tout  le  monde  puisse  librement  et 
paisiblement  vendre  et  acheter,  aller  et  venir  sans  crainte 


—  209  — 

d'être  arrêté  pour  dettes  :  que  les  marchands  acquittent 
scrupuleusement  les  droits  dus,  et  que  les  préposés  n'exi- 
gent pas  au-delà,  sous  peine  pour  les  uns  comme  pour  les 
autres  de  3  livres  parisis  d'amende,  et  en  outre  pour  les 
premiers,  de  confiscation  de  la  marchandise  fraudée  :  que 
tous  ceux  qui  vendent  de  la  boisson  donnent  exactement 
la  mesure,  sous  peine  d'un  amende  de  20  esc.  par.  et  de 
confiscation  de  la  boisson.  »  —  Vient  ensuite  le  tarif  des 
droits  dus,  et  au  moment  où  la  marchandise  est  amenée 
sur  l'emplacement  de  la  foire,  et  au  moment  où  elle  est 
vendue,  ainsi  que  celui  des  droits  de  place  pour  les 
échoppes  (i). 

Nous  ne  mentionnerons  que  pour  mémoire  la  petite  foire 
dite  potjens  markt,  où  l'on  ne  vend  que  de  la  poterie  et 
qui,  depuis  une  époque,  fort  reculée  se  tient  sur  la  mon- 
tagne de  S'-Pierre,  le  jour  de  la  Madeleine. 

Pour  ce  qui  est  de  la  foire  aux  chevaux,  elle  a  lieu  d'an- 
cienne date  le  lundi  après  le  9  mai,  jour  qui  était  jadis  celui 
de  la  kermesse  de  S'-Bavon  :  elle  se  tenait  au  W"  siècle 
sur  un  terrain  relevant  de  la  cour  féodale  de  S'-Bavon,  et 
situé  vis-à-vis  de  l'ancien  cimetière  de  l'église  S'-Sauveur;  il 
était  dû  douze  deniers  parisis  pour  chaque  cheval  qu'on  y 
attachait  aux  poteaux  (2),  mais  lorsque  Charles-Quint  eut 
fait  construire  la  citadelle,  les  circonstances  ne  permirent 
plus  qu'on  tint  ce  marché  au  même  endroit  :  en  looo,  le 
chapitre  voulut  l'établir  au-delà  des  limites  où  l'on  percevait 
les  accises  de  la  ville;  les  échevins  s'y  opposèrent  :  mais 
il  semble  que  les  difficultés  furent  applanies  par  transaction, 
et  dés  lors  la  foire  eut  lieu  comme  actuellement,  non  loin 
de  la  montagne  de  S'-Amand  (3). 

(1)  DiER.,  Mém.  sur  la  ville  de  Gand,  H,  372. 

(2)  Regislre  du  fief  de.  la  cour  féodale  de  S'-Bavon  renouvelé  en  I  491 ,  p.  ^4. 
—  Arch,  dclal'i.  Or. 

(S)  DiEnicx,  .Vp»i.  sur  la  ville  de  Gand,  11,  -411). 


—  210  — 

GiiisTELLEs.  —  Outre  un  marché  permanent  de  serge 
(sayette) ,  Cliarles-Quint  y  établit  une  foire  annuelle  en 
novembre  (i).  De  nos  jours,  le  9  de  ce  mois. 

Hazebroek  avait  une  foire  en  juin  (2). 

Ho.NDScHOOTE.  —  Sa  foire  commençait  le  premier  ven- 
dredi après  la  Pentecôte;  on  lui  accorda  en  lool  trois  jours 
de  liberté  d'arrêt  (0). 

HuLST  avait  deux  foires  annuelles,  en  mai  et  en  août  (4). 

Lille  avait  le  lendemain  de  la  Décollation  S'-Jean 
(50  août)  une  foire  très-suivie;  elle  durait  cinq  jours,  pen- 
dant lesquels  il  était  permis  à  tous  ceux  qui  avaient  fait 
des  dettes  ou  commis  des  crimes  d'entrer  librement  en 
ville  (o).  Elle  se  tient  encore  à  la  même  date,  et  dure  neuf 
jours. 

La  foire  de  Lille  était  déjà  fort  renommée  dans  la  seconde 
moitié  du  XIIP  siècle.  Les  marchands  de  Castille,  d'Espa- 
gne, de  Portugal,  d'Arragon,  de  Navarre,  de  Catalogne,  de 
Gascogne  et  de  Cahors,  qui  la  fréquentaient,  adressèrent  à 
la  comtesse  Marguerite  une  plainte  dans  laquelle  ils  articu- 
laient quatre  griefs  différents  : 

1"  Qu'on  exigeait  pour  droit  d'issue  quatre  deniers  par 
balle,  quel  qu'en  était  le  nombre  chargé  sur  le  même  charriot. 

2"  Qu'on  exigeait  le  droit  d'issue  de  toutes  les  marchan- 
dises qu'on  ramenait  de  la  foire,  et  qui  n'y  avaient  été  ni 
achetées  ni  vendues. 

3"  Que  lorsqu'un  paquet  de  draps  n'était  pas  fermé,  on 
exigeait  pour  chaque  pièce  deux  deniers. 

4°  Que  des  draps  qui  étaient  achetés  dans  la  ville  on 


(1)Gram.,  Ant.  FI.,  123. 
(2)MAiicn.,  p.  93. 

(3)  Gram.,  160. 

(4)  Reiffesberg,  .)/«/».  sur  le  commerce  au  XV^  cl  A'V'/c  siècle,  p.  59. 
(î»)BczEL,.  GalloFlaml.,  14. 


—  211    — 

exigeait  le  droit  d'issue  alors  que  les  marchands  avaieiif 
déjà  payé  dans  la  ville  quatre  deniers  par  pièce. 

Statuant  sur  ces  réclamations,  la  comtesse  répondit  au 
mois  de  mai  1270,  que  par  considération  pour  les  mar- 
chands, elle  avait  décidé  relativement  à  ces  griefs  de  la  ma- 
nière suivante  : 

1"  Que  les  marchands  pourront  mettre  sur  un  char  autant 
de  draps  qu'ils  voudront,  et  qu'ils  paieront  ensuite  pour 
droit  d'issue,  huit  deniers  pour  un  charriot  et  quatre  deniers 
pour  une  charrette,  n'importe  la  quantité  de  draps  dont  ils 
seront  chargés. 

2"  Que  toutes  les  marchandises  amenées  à  la  foire  de 
Lille  et  qui  n'y  auront  pas  été  vendues  pourront  être  rame- 
nées à  Bruges  sans  payer  d'issue,  mais  que  si  on  les  con- 
duit ailleurs,  il  sera  dû  huit  deniers  par  charriot  et  quatre 
deniers  par  charrette. 

0°  Que  relativement  à  un  paquet  de  draps  non  fermé,  il 
sera  dû  deux  deniers  par  pièce  de  draps. 

i°  Qu'ils  devront  continuer  à  payer  quatre  deniers  pour 
les  draps  achetés  dans  la  ville  de  Lille,  hors  du  temps  de 
la  foire  (i). 

L'année  d'après,  Marguerite  institua  une  foire  franche 
pour  les  chevaux  et  toute  espèce  de  bétail;  celle-ci  com- 
mençait le  lundi  après  la  quinzaine  de  Pentecôte  et  durait 
cinq  jours.  Un  sauf-conduit  général  couvrait  toutes  les 
personnes  qui  se  trouvaient  eu  ce  moment  dans  la  ville  ou 
dans  les  faubourgs.  On  en  exceptait  seulement  les  bannis 
et  les  gens  qui  s'étaient  rendus  coupables  de  laids  faicts{-2). 

Philippe  le  Bel,  envieux,  comme  les  rois  de  France  le 
furent  toujours,  de  la  prospérité  des  Flamands,  cherchait 
à  les  brouiller  avec  leur  comte.  Sous  prétexte  de  la  guerre 


(J)  \Var>k.,  fi.  rechtsg.,  \\\,  urk.  CCL. 
(2)  Comlc  DE  Saist-Gesois,  Mon.  une,  655. 


—  212  — 

qu'il  venait  crentreprendre  contre  les  xAnglais,  il  exigea  que 
celui-ci  levât  sur  ses  sujets  un  impôt  extraordinaire  du  cin- 
quantième denier  sur  tous  les  biens  meubles  et  immeubles 
de  la  Flandre  sous  la  couronne  et  lui  en  remît  la  moitié.  On 
murmura  contre  cette  taxe;  mais  Gui  voulut  Texiger  par 
la  force;  alors  diverses  villes  recoururent  à  Philippe  lui- 
même,  l'auteur  de  tous  ces  troubles.  Douai  lui  offrit  de 
racheter  l'impôt,  moyennant  7000  livres.  Lille,  moyennant 
6000.  Le  roi  ne  demandait  pas  mieux;  il  accepta  ces  som- 
mes et  prit  ces  villes  sous  sa  protection;  ainsi,  tout  en 
soulevant  les  sujets  contre  leur  souverain,  il  enchaînait 
l'autorité  du  souverain  sur  ses  sujets  :  c'est  dans  ces  cir- 
constances qu'il  accorda  aux  Lillois,  en  1296,  un  privilège 
portant  que  pendant  tout  le  temps  que  dureraient  leurs  foi- 
res, huit  jours  avant  et  huit  jours  après,  il  serait  libre  à 
chacun  de  se  rendre  à  Lille  avec  toute  espèce  de  biens  et 
d'en  sortir,  sans  pouvoir  être  molesté  pour  dettes  (i).  Outre 
ces  foires,  Lille  possédait  encore  deux  marchés  hebdoma- 
daires, le  mercredi  et  le  samedi;  mais  le  premier  était  le 
plus  suivi  (2). 

Loo.  —  Une  foire  commençant  le  8  octobre,  à  laquelle 
on  accorda,  en  1446,  trois  jours  de  franchise,  et  un  jour  de 
plus  eu  1430  (3). 

Malines.  —  Sa  foire  fut  instituée  en  1409  (4);  le  20  dé- 
cembre de  cette  année,  Jean  sans  Peur  accorda  un  sauf- 
conduit  général  à  tous  les  marchands  qui  voudraient  s'y 
rendre  («). 

Menin.  —  La  foire  de  cette  ville,  établie  en  15S1  par 
Louis  de  Maie,  commençait  le  18  octobre  et  durait  trois 

(1)  BuzEL.,  Ann.  Gallo  Fland.,  303. 

(2)  BuzEi..,  Gallo  Fland.,  \i. 

(3)  Gram.,  Ant.  FI.,  133 

(i)  VERHOEVE^,  p.  72. 

(5)  Lambin,  Tyrlrck.  Ujsl  vun  ouuifg.  Jwndv.  van  Yprc.  p.  33. 


-  2Iâ  — 

jours  (i).  Elle  a  lieu  encore  à  la  même  ilale;  mais,  ainsi 
que  la  foire  d'été  qui  commence  le  24  juin,  elle  se  prolonge 
pendant  neuf  jours. 

Messines.  —  La  foire  qui  s'y  tenait  le  14  octobre  a  dû 
être  instituée  à  une  époque  bien  reculée,  puisque,  déjà 
en  1158,  Tbierry  d'Alsace  lui  accordait  trois  jours  de  pro- 
longation (2).  Elle  était  jadis  tellement  suivie  qu'en  1.318  le 
droit  de  quatre  deniers  par  pièce  de  drap  mise  en  vente, 
produisit  646  florins  (0). 

MuDE  jouissait  d'une  foire  au  commencement  du  prin- 
temps et  d'une  autre  au  commencement  de  l'automne; 
dès  1241  on  y  avait  établi  un  marcbé  bebdomadaire  (4). 

NiEUPOUT.  —  Louis  de  Maie  accorda  à  cette  ville,  en  1564, 
une  foire  de  neuf  jours,  qui  se  tenait  à  la  S'-Micbel  (29  sep- 
tembre) (s).  Elle  existe  encore,  commence  le  même  jour  et 
a  la  même  durée. 

Maximilien,  pour  récompenser  iNieuport  d'avoir  repoussé 
les  insinuations  des  Français,  lui  octroya  en  janvier  1494, 
une  seconde  foire,  qui  avait  lieu  vers  la  S'-Jeau(6).  Celle-ci 
se  tient  maintenant  le  29  juin  et  dure  neuf  jours. 

OosTfiOLRG.  —  La  foire  d'Ooslbourg,  établie  par  Gui  de 
Dampierre  en  1296,  commençait  à  la  S'-Laurent  et  durait 
trois  jours  (7).  Elle  était  fort  suivie  à  l'époque  où  Bruges 
n'avait  pas  encore  accaparé  tout  le  commerce  de  celle  partie 
de  la  Flandre. 

Orcihes.  —  En  1420,  un  incendie  immense  réduisit  en 


(1)  Gram.,  80. 

(2)  Comte  de  Sai>t-Ge>ois,  Mon.  anc,  i~i. 
(3)C.nAM.,  181. 

(4)Gr.\m.,  118. 

(3)  Gr.\m.,  Ant.  FI.,  123. 

(6)  Lambim,  Lysl,  p.  i\- 

(7)  Comte  DE  Saint-Genois,  .Vo».  n/c. ,  8(51. 


—  ?.14  — 

cendres  la  presque  totalité  de  cette  ville.  Compatissant  au 
malheur  de  ses  habitants,  Philippe  le  Bon  leur  accorda  une 
foire  qui  devait  s'ouvrir  à  la  féîe  de  la  Vierge  (8  septembre) 
et  durer  trois  jours.  Un  sauf-conduit  couvrait  pendant  une 
semaine  entière  tous  ceux  qui  s'y  rendaient  ou  en  reve- 
naient —  Cette  foire  fut  très-fréquenlée  :  ce  qui  procura 
aux  habitans  de  grandes  recettes  et  leur  permit  de  restaurer 
une  quantité  d'édifices  (i). 

OsTENDE.  — La  comtesse  Marguerite  accorda  à  cette  ville, 
au  mois  de  juin  12G7,  une  place  de  quatorze  verges  de  long 
sur  onze  de  large,  pour  y  tenir  franchement  leur  marché  (2). 

OuDENBOURG,  à  dcux  Hcucs  dc  Bruges.  —  Autrefois  pe- 
tite ville  marchande;  elle  avait  en  janvier  une  foire  aux 
chevaux,  où  Ton  vendait  en  même  temps  toute  espèce  de 
marchandises  (s). 

Popi-RiNGHE.  — Philippe  d'Alsace  accorda,  en  1187,  au 
couvent  de  S'-Bertin  de  pouvoir  établir  à  toujours  un  mar- 
ché à  Poperinghe,  le  sixième  jour  de  chaque  semaine  (4). 
La  foire  venait  en  avril  (a),  maintenant  le  26  de  ce  mois. 

RooDENBOURG.  —  Voycz  Ardcnbourg. 

RoLLERS.  —  Une  foire  très-animée  s'y  tenait  tous  les  ans 
en  septembre  (e). 

RuPELMONDE,  —  Louis  dc  Neverslui  accorda,  en  1330, 
un  jour  démarché  par  semaine  (7). 

Saim-O.mer.  —  En  1269,  Robert  de  Béthune  accorda  à 
celte  ville  une  foire  comme  celles  qui  se  tenaient  en  Flan- 


(1)  Bi-ZEL.,  Ann.  Gallo  Fland.,  583. 

(2)  Warnk.,  fi.  recktsr/esch.,  III,  uik.  CLIV. 
(5)  Guicii.,  387 

(i)  Mon.  anc,  48i). 

(3)  M.VRCH.,  9i. 
(GjMarcii.,  82. 

(7)  D'OiiDr.GH.,  II,  379. 


—  213  — 

dre  et  en  Champagne,  et  promit  aux  habitants  de  U»  fixer 
à  l'époque  qui  leur  paraîtrait  la  plus  convenable  (i). 

Steenvoorde  jouissait  d'un  marché  hebdomadaire,  muni 
des  mêmes  privilèges  qui  d'habitude  étaient  accordés  aux 
foires  annales.  Ce  marché  se  tenait  le  samedi,  et  par  suite 
de  ces  avantages  on  y  trouvait  toujours  un  grand  con- 
cours de  peuple  (2). 

Termonde,  —  Philippe  le  Hardi  accorda,  en  1597,  une 
foire  annuelle  de  trois  jours,  fixée  au  mardi  après  la  saint 
Luc  (18  octobre).  Mais  comme  les  foires  de  Bruxelles  et  de 
Bevere  avaient  lieu  vers  la  même  époque,  Charles-Quint 
la  transféra,  en  15o0,  au  vendredi  qui  suivait  le  premier 
samedi  d'octobre;  elle  durait  jusqu'au  mardi  exclusivement  : 
le  premier  de  ces  princes  avait  accordé,  et  le  second  con- 
firma l'immunité  d'arrêt,  non-seulement  pour  tout  le  temps 
de  la  foire,  mais  aussi  pour  la  semaine  avant  et  celle  après; 
les  ennemis,  les  exilés,  les  fugitifs  et  les  débiteurs  du  prince 
étaient  seuls  exceptés.  Le  lundi  de  chaque  semaine  il  y  avait 
dans  cette  ville  un  marché  fort  fréquenté,  à  cause  des  pri- 
vilèges qui  défendaient  d'exiger  les  dettes  le  dimanche,  le 
lundi  et  le  mardi  (3). 

Thielt.  —  En  septembre  (4)  venait  la  foire  de  cette 
ville,  qui  avait  obtenu  en  1220  la  concession  du  droit  de 
marché  (3). 

TnouROLT.  —  Ce  fut  la  quatrième  ville  à  laquelle  Bau- 
douin le  Jeune  accorda  un  marché  en  958.  —  Sa  foire, 
fondée  par  Robert  le  Frison  (g),  était  la  plus  importante 
du  pays  au  XIL  et  XIII'^  siècle;  nous  possédons  à  cet  égard 


(1)  3fon.  anc,  627. 

(2)  Sa>der.,  III,  73  ou  78. 

(5)  D.W.  LiNDiXLS,  1.  I,  c.  III,  p. 
(4)M.\Rcn.,  81. 

(li)  Sand.,  III,  57. 

(6)  Corpus  rhron.  Fland.,  I,  7.") 


—  216  — 

deux  pièces  très-curieuses,  Tune  est  un  diplôme  de  iMar- 
guerile  et  de  son  fds  Gui,  de  rannée  12GG,  énonçant  ce 
qu'on  devait  payer  à  Tiiourout  pour  tonlieu  pendant  la 
foire  (i);  l'autre  est  l'ordonnance  sur  la  foire  de  Tiiourout 
publiée  par  M.  Warnkoenig  (II,  p.  4-96)  :  son  Histoire  de 
la  Flandre  étant  entre  les  mains  de  tout  le  monde,  il  est 
inulile  d'analyser  ce  document.  C'est  à  la  foire  de  Thou- 
rout  que  se  rendaient  les  marchands  osterlings,  qu'assas- 
sinèrent le  karl  Hendrik  de  Calloo  et  ses  neuf  complices, 
meurtre  que  Baudouin  à  la  Hache  punit  d'une  manière  si 
épouvantable  :  «  Choississez  parmi  vous,  dit-il  aux  coupa- 
»  blés,  celui  qui  servira  de  bourreau  aux  autres.  »  Sur  leurs 
refus,  il  les  fit  pendre  tous  dans  la  grande  salle  du  château 
de  Winendalc  (2).  Dès  le  milieu  du  XIIP  siècle,  Bruges  ab- 
sorba tout  le  commerce  de  cette  partie  de  la  Flandre;  aussi 
elle  brilla  bientôt  d'un  tel  éclat  que  Thourout,  Ardenbourg 
et  toutes  les  villes  environnantes,  sauf  Damme  et  l'Écluse, 
furent  dès-lors  plongées  dans  l'oubli. 

yVu  XVP  siècle  il  se  tenait  à  Thourout  une  foire  en  juin, 
et  une  autre  eu  juillet,  où  l'on  vendait  des  chevaux  et  des 
marchandises  de  diverses  sortes  (5);  elles  ont  dégénéré  main- 
tenant en  simples  marchés  annuels,  fixés  au  2o  juin  et  au 
11  juillet. 

Wervicq  avait  une  foire  en  août,  le  samedi  après 
l'Assomption  :  ce  privilège  avait  été  concédé  par  Gui  de 
Dampierre,  et  fut  confirmé  par  Charles-Quint  (i). 

Ypres.  —  Au  moment  de  l'assassinat  de  Charles  le 
Bou  (2  mars  1127),  se  tenait  à  Ypres  dans  l'église  de 
S'-Pierre,  la  foire  annuelle  à  laquelle  s'étaient  rendus  de 


(1)  Sadterhjs,  Urspr.  gcsch.  des  duil.  hanses.  H,  scif,  82-8'i-. 

(2)  Corp.  cliroii.  FI.,  I,  p.  7'.),  sq. 

(3)  GuicH.,  387. 

(4)  Giioi.,  ir;i. 


—  217  — 

tous  les  pays  du  monde,  une  foule  de  marchands  qui  y 
trafiquaient  en  pleine  sécurité  sous  le  gouvernement  pater- 
nel de  ce  vertueux  prince.  On  y  remarquait  entre  autres, 
des  orfèvres  italiens,  auxquels  le  comte  avait  acheté  pour 
21  marcs,  une  coupe  d'un  travail  si  extraordinaire,  que 
tous  les  liquides  qu'on  y  versait,  disparaissaient  à  l'instant, 
au  plus  grand  éhahissement  des  spectateurs  émerveillés. 
Dès  que  la  nouvelle  du  crime  horrihle  commis  dans  l'église 
de  S*-Donat,  parvint  au  milieu  des  marchands,  tous  ras- 
semhlant  leurs  effets  à  la  hâte,  se  mirent  à  fuir,  jour  et 
nuit,  racontant  partout  sur  leur  passage,  les  circonstances 
de  cet  épouvantable  événement  (i). 

Cette  même  année,  Hugues  de  Payens,  premier  grand- 
maitre,  Godefroid  de  S*-Omer  et  sept  autres  Templiers 
fondèrent  une  maison  de  leur  ordre  dans  le  faubourg 
d'Ypres.  Par  suite  de  circonstances  que  les  annales  ne  nous 
ont  pas  révélées,  la  foire  eut  lieu  bientôt  sur  un  territoire 
ap|)artenant  aux  Templiers,  d'où  elle  prit  le  nom  de  Ton- 
pelmarkt;  elle  se  tenait  alors  pendant  la  semaine  des  Roga- 
tions et  durait  huit  jours.  En  1171,  Philippe  d'Alsace 
exempta  de  tous  droits  et  tonlieux  les  marchandises  que 
les  étrangers  y  apportaient  (2).  Les  droits  et  émoluments 
de  cette  foire  appartenaient  à  l'ordre  des  Templiers,  qui 
percevaient  aussi  des  revenus  considérables  sur  la  halle  : 
mais  en  122.j,  par  suite  d'un  accord  entre  Olivier  de  la 
Roche,  grand-maître  de  l'ordre,  et  Jeanne  de  Constanlino- 
ple,  les  Templiers  transportèrent  à  la  comtesse  tous  leurs 
droits  sur  les  revenus  de  la  foire;  moyennant  cette  cession, 
Jeanne  leur  fit  remise  de  la  rente  annuelle  de  40  livres  qu  ils 
lui  devaient  pour  la  terre  de  Sdipsen  (3),  Deux  ans  plus  lard, 

(1)  GuALBERTCS,  y^c^a  Sanfi.  mart,  I,  183. 

(2)  Ann.  Mss.  d'Ypres.  Mess,  des  Sciences,  1834,  p.  189  et  191. 

(3)  Comte  DE  Saint-Genois,  Mon.  anc,  515.  — W.\n>K..  FI.  rechlsf)..  Il,  niili 
S.  1C4. 

IG 


—  218  — 

la  foire  qui  se  tenait  encore  dans  le  domaine  des  Templiers, 
près  de  la  ville,  fut,  avec  l'autorisation  du  maître  de  l'or- 
dre, transportée  à  l'intérieur  de  la  ville  (i).  Une  autre  foire, 
commençant  le  lundi  de  la  deuxième  semaine  de  Carême, 
fut  octroyée  en  1476  (2).  Par  son  diplôme  du  1"  mai  1498, 
Philippe  le  Beau  accorda  un  sauf-conduit  à  tous  les  mar- 
chands qui  s'y  rendaient;  ce  sauf-conduit  fut  renouvelé  par 
Maximilien  en  1512  (3).  Personne  n'ignore  que  les  foires 
d'Ypres  étaient  surtout  renommées  pour  les  étoffes  de  laine, 
dont  le  tissage  fut  longtemps  la  principale  industrie  de  ses 
hahitants  :  à  la  seule  foire  de  mars  de  1514,  il  fut  vendu 
34720  pièces  de  draps  (4);  ce  qui  semhle  confirmer  l'asser- 
tion de  Gramaye,  qui  prétend  qu'il  existait  alors  dans  cette 
ville  4000  métiers  de  drapiers.  —  La  foire  aux  chevaux  se 
tenait  le  quatrième  jour  de  la  semaine  des  Cendres  (s). 

Ypres  possède  actuellement  deux  foires;  l'une  commence 
le  second  lundi  après  le  jour  des  Cendres,  et  dure  douze 
jours;  l'autre,  le  premier  dimanche  d'août,  en  dure  huit. 

ZwEVEZEELE.  —  Charlcs  le  Téméraire  concéda  à  celte 
commune  une  foire  annuelle  de  trois  jours,  commençant  le 
lendemain  de  sa  termesse,  c'est-à-dire  le  premier  diman- 
che après  la  fête  de  S*-Michel.  Tous  les  marchands  qui 
voulaient  fréquenter  cette  foire,  y  pouvaient  aller  en  pleine 
sécurité,  avec  leurs  facteurs,  valets,  serviteurs,  biens,  den- 
rées et  marchandises  :  un  sauf-conduit  général  les  couvrait 
non-seulement  durant  la  foire,  mais  trois  jours  avant  et 
trois  jours  après  :  pendant  cette  période,  les  officiers  du 
prince  ne  pouvaient  les  arrêter  pour  dettes,  à  moins  qu'elles 
n'eussent  été  contractées  en  ladite  foire  ou  envers  le  souve- 


(1)  Meyer,  ad  an. 

(2)  Sand.,  II,  26-4. 
(5)  Lambin,  Lyst,  4-1. 

(4)  Lambin,  Mém.  sur  la  lialh-  d'Ypres,  ]).  17. 
(•"))  Sand.,  1.  c. 


—  219  — 


rain  :  les  bannis,  les  fugitifs  et  les  ennemis  du  eomte 
étaient  cependant  exceptés.  Celte  foire  fut  accordée  à  la 
commune  de  Zwevezeele,  surtout  pour  la  récompenser  de 
sa  fidélité  durant  les  guerres  civiles  du  règne  de  Philippe 
le  Bon  et  de  Charles  le  Téméraire.  Les  habitants  avaient 
eu,  pendant  ces  guerres,  tellement  à  souffrir  de  la  part  des 
ennemis  du  comte,  qu'ils  n'auraient  jamais  pu,  sans  cet 
octroi,  se  relever  de  leur  misère  (i). 


Comme  tant  d'autres  institutions  du  moyen-àge,  les  foi- 
res ont  accompli  leur  destinée.  Certes,  au  temps  où  les 
voies  de  communication  étaient  rares,  mauvaises  et  peu 
sûres,  où  les  moyens  de  transport  étaient  lents  et  coûteux; 
lorsque  chaque  ville  formait  une  principauté  où  les  lois, 
les  coutumes  et  les  péages  étaient  autres  que  dans  la  ville 
voisine;  lorsque  tout  seigneur  avait  ou  s'arrogeait  le  droit 
de  rançonner  le  marchand  qui  traversait  ses  terres;  lors- 
que, enfin,  l'industrie  et  le  commerce  étaient  entravés  par 
des  privilèges  de  toute  nature,  les  foires  ou  franches  fêtes 
pouvaient  être  et  étaient,  en  effet,  des  institutions  utiles  au 
point  de  vue  de  l'intérêt  général  et  profitables  aux  com- 
munes qui  en  obtenaient  l'octroi  :  en  rapprochant  les  hom- 
mes, en  colportant  partout  les  idées  en  même  temps  que  les 
raffinements  du  luxe,  elles  eurent  une  action  immense  sur 
le  développement  de  la  civilisation. 

Mais  depuis  que  le  règne  des  privilèges  a  cessé  et  que 
la  loi  est  devenue  la  môme  pour  tous;  depuis  que  les  com- 
munications ont  été  rendues  plus  faciles  et  plus  sûres;  que 
l'accroissement  de  la  population  a  favorisé  la  division  du 
travail;  que  les  marchands  renonçant  à  la  vie  nomade,  se 
sont  mis  en  boutique  et  ont  pourvu  les  villes  de  magasins 

(1)  Ann.  de  la  Soc.  d'émul.  de  Bruges,  1844,  p.  289. 


—  220  — 

parfaitement  assortis;  les  foires  ont  perdu  leurs  avantages 
et  leur  influence,  et  l'on  peut  dire  qu'aujourd'liui,  à  part 
quelques  exceptions  qu'expliquent  des  circonstances  toutes 
particulières,  elles  sont  arrivées  à  une  décadence  com- 
plète (2).  On  ne  voit  plus  de  riches  caravanes  visiter  suc- 
cessivement toutes  les  villes,  tous  les  villages  du  pays,  et  y 
encombrer  les  places  publiques  d'échoppes  remplies  des 
marchandises  les  plus  variées;  tout  au  plus,  aux  jours  de 
kermesse,  on  aperçoit  encore  des  marchands  de  pain  d'épice 
et  de  joujoux,  des  faiseurs  de  tours  de  passe-passe  et  des 
blagueurs  à  la  barbe  longue  et  au  chapeau  pointu,  offrant 
d'une  main  des  chaînes  en  chrysocale  et  de  l'autre  des  bro- 
chures socialistes. 


y.  Gaillard. 


(1)  Rapport  fail  nu  Conseil  communal  de  Gnml,  le  l'i  jonvicr  ISiS. 


—  221 


(gmbUmcô   muuicipaujt' 


MOYEN-AGE. 


(25^) 


On  a  reniar([ué  qu'en  général  les  archives  civiles  ou  des 
communes  sont  moins  anciennes  et  surtout  moins  riches 
que  celles  des  corporations  religieuses.  Quoiqu'on  puisse 
assiguer  comme  cause  première  de  cette  supériorité  des  ar- 
chives religieuses  sur  les  autres,  la  priorité  d'existence  des 
églises  et  des  monastères  sur  les  communes,  on  ne  doit 
cependant  pas  perdre  de  vue  que  la  cause  principale  de 
leur  conservation  est  le  respect  qu'inspirait  le  caractère 
sacré  des  archives  monastiques  pendant  les  guerres  et  les 
troubles  du  moyen-âge,  joint  à  la  surveillance  assidue 
qu'exerçait  sur  elles  le  clergé,  gardien  intéressé  des  preu- 
ves de  ses  richesses  morales  et  matérielles.  —  Les  archi- 
ves civiles,  manquant  de  ce  prestige  religieux,  ont  été  plus 
exposées  aux  vicissitudes  que  les  commotions  politiques  ont 
fait  subir  aux  communes,  et,  par  la  suite,  l'ignorance  et  la 
négligence  des  administrations  locales  ont  consommé  la  perte 
de  ces  documents  si  précieux  pour  l'histoire. 

C'est  ainsi  qu'une  ville  très-ancienne,  Maestricht,  ne  pos- 
sède plus  dans  ses  archives  que  des  pièces  remontant  au 
XIV'=  siècle  :  heureusement  ses  églises  collégiales  conservent 
encore  quelques  pièces  diplomali(jucs  antérieures,  qui  ont 
rapport  à  l'administration  civile. 


—  222  — 

Nous  avons  trouvé  ainsi,  dans  l'église  de  saint  Servais, 
un  document  communal  concernant  Maestricht,  qui  remonte 
au  commencement  du  XlIP  siècle  et  qui  offre  un  intérêt 
particulier  par  les  deux  sceaux  dont  il  est  muni,  représen- 
tant les  emblèmes  municipaux  de  l'époque.  Outre  ce  diplôme, 
nous  avons  dans  la  même  église  rencontré  plusieurs  autres 
documents,  où  des  plaintes  du  chapitre  de  saint  Servais 
sont  exposées  aux  empereurs  et  ducs  contre  les  autorités 
communales,  pour  infractions  faites  à  ses  privilèges  par  la 
commune,  pour  violences  commises  contre  ses  gens  et  au- 
tres actes  préjudiciables,  d'où  surgirent  souvent  des  troubles 
violents  dans  la  ville.  D'autres  pièces  sont  des  mandements 
d'empereurs  d'Allemagne,  de  ducs  de  Brabant,  de  princes- 
évéques  de  Liège,  traitant  des  intérêts  du  chapitre  et  de 
ceux  de  la  ville.  Les  franchises  importantes  des  collégiales, 
les  nombreux  privilèges  d'exemption  en  droits  d'accises,  de 
péage,  etc.,  dont  elles  jouissaient  au  détriment  du  trésor 
communal,  rendaient  assez  fréquente  la  contestation  de  ces 
droits  par  la  ville. 

Le  document  historique  communal  dont  nous  venons  de 
parler  en  premier  lieu,  est  une  pièce  originale,  sur  parche- 
min, de  0"%27  sur  0"%16,  auquel  sont  attachés  deux  sceaux 
de  la  ville,  les  plus  anciens  qu'on  connaisse.  Il  contient  une 
promesse,  que  font  au  nom  de  la  ville  de  Maestricht  ses 
écoutètes  et  échevins,  de  respecter  perpétuellement  les  pri- 
vilèges de  liberté  et  les  droits  de  l'église  de  saint  Servais. 
Ces  écoutètes  et  échevins  sont  ceux  des  deux  juridictions 
et  représentent  l'évèque  de  Liège  et  le  duc  de  Brabant;  ils 
scellent  de  leurs  sceaux  la  promesse  d'établir  entre  le  clergé 
et  les  bourgeois  de  la  ville  une  paix  ferme  et  une  concorde 
perpétuelle.  L'acte  est  dressé  devant  les  députés  de  Hugues, 
èvèque  de  Liège,  et  par  ses  ordres,  dans  le  grand  réfectoire 
de  l'église  de  saint  Lambert,  à  Liège,  en  1227.  Otton, 
doyen,  et  Hugues,  ècolàlre  de  saint  Paul,  ainsi  que  Lam- 


?1.  ] 


nnr^ 


SigilkuiL  civivmi  in  Traie cto  superiore. 


kiiH-ilima  civiiuu  de  ôupei-iore  Trajecto. 


J 


A  i  i:iiaepAen6.  i-ii  I.Befferrez  Se.  et  Lith.Ganl. 

SCEAUX  EN  USA&E     AU  XDI^  ET  XIV*  SIECLE . 


—  22^  — 

bcrt  de  saiiU  Denis,  à  Liège,  furent  les  niédiateurs  spéeia- 
iement  délégués  à  cet  effet  par  Tévéque  (i). 

Nous  reproduisons  ici  par  un  dessin  de  grandeur  natu- 
relle les  deux  sceaux  du  diplôme,  d'après  les  originaux  en 
cire  vert-pàle  attachés  au  parchemin.  Ces  emblèmes  de  la 
double  autorité  établie  à  IMaestricht,  qui  continua  d'exister 
jusqu'à  la  fln  du  siècle  dernier,  sont  les  plus  anciens  qu'on 
connaisse  jusqu'à  présent  de  la  ville.  A  juger  des  formes  et 
du  style  de  ces  petits  bas-reliefs,  nous  reculons  de  quel- 
ques années  avant  le  millésime  du  diplôme  la  date  de  leur 
confection;  mais  en  tout  cas,  la  date  de  celui-ci,  1227, 
précise  l'époque  où  ces  images  sigillaires  étaient  en  usage 
à  Maestricht.  Sur  le  plus  grand  des  deux  sceaux  (le  moins 
mutilé  et  qui  se  trouve  attaché  au  parchemin,  à  gauche,  le 
premier),  est  représenté  un  évèque,  assis  sur  un  siège  an- 
tique, tenant  une  crosse  et  un  livre.  C'est  saint  Servais, 
comme  l'indiquent  les  initiales  placées  près  de  la  tète  du 
saint.  A  ses  pieds,  la  ville  qu'il  protège,  est  représentée  par 
un  mur  à  créneaux  en  demi-cercle,  au-dessus  et  en  retraite 
duquel  s'élève  de  chaque  côté  de  l'évèque  une  tourelle  en 
style  plein  cintre,  surmontée  d'une  croix,  caractérisant  l'an- 
cienne basilique  dédiée  au  saint  pasteur.  Sur  la  bordure 


(1)  Voici  la  pièce  textuellement  : 

«  In  nomine  sancte  et  indiviJue  Trinifatis.  Nos  sculteti,  scabini  et  uni- 
vcrsitas  civium  in  Trajecto,  tam  hominum  episcopi  quani  ducis,  profitemur 
et  promilliinus  quodammodo  et  in  perpetuum  observabimus  privilégia  li- 
bertatis  et  jura  ecclesie  beati  Servatii  in  Trajecto.  Et  ne  in  posterum  alic. 
versuria  hanc  nostre  voluntatis  permissioneni  studeat  immutare,  hanc 
exinde  conscribi  et  sigillis  nostris  fecimus  communiri  paginani;  ad  habcndam 
aut.  firmam  pacera  et  perpetuam  concordiam  inter  clerum  et  cives  Trajec- 
tenses.  Acta  sunt  hec  coram  prioribus  Leodiens.  in  niajori  refectorio  beati 
Laniberli,  ex  ordinalione  venerabilis  patris  nostri  Ilugonis  Leodiens.  epis- 
copi, mediantibus  etiam  Oltone  decano,  Hugone  scolaslico  sancti  Pauli  et 
Lamberto  custode  sancti  Dyonisii  leodiens. ,  spccialitcr  ad  hoc  ex  parte 
dicti  patris  nostri  delegatis.  Anno  ab  incarnationc  Christi  .M»,  ce",  xx». 
septimo  in  exaltatione  sancte  Crucis.  » 


—  224  — 

sont  sculptés  les  mots  :  sigillum  civium  de  superioretrajecto. 
Ce  sceau  append  le  premier  au  diplôme  et  figure  Tautorité 
liégeoise,  qui  s'énonce  aussi  la  première  dans  la  promesse; 
elle  avait  donc  à  cette  époque  un  saint  Servais  pour  em- 
blème (i). 

Le  second  (en  tète  de  notre  planche),  plus  largement 
sculpté  que  le  précédent,  offre  une  figure  assise,  tenant  de 
la  main  droite  un  glaive,  et  de  la  main  gauche  une  clef; 
elle  a  la  tète  ceinte  d'une  couronne,  que  surmonte  au  cen- 


(1)  Nous  venons  de  dire  que  ce  sceau  est  attaché  au  parchemin  à  gauche, 
c'est-à-dire  le  premier,  et  que,  par  conséquent,  il  représente  ici  le  pouvoir 
de  Liège,  conformément  ii  l'ancienne  préséance  dont  jouissaient  ces  échevins 
sur  les  autres.  Ceci  est  également  l'opinion  du  père  dominicain  De  Heer, 
dans  sa  chronique  inédite  de  la  maison  de  son  ordre  à  Maestricht. 

Les  échevins  liégeois  avaient  naturellement  le  pas  sur  ceux  du  duc,  parce 
que  le  pouvoir  qu'exerçait  l'évéque  sur  la  ville  datait  d'un  temps  très-reculé, 
malgré  que  les  preuves  écrites  n'en  remontassent  qu'au  X»  siècle;  l'an- 
cienne ville,  à  laquelle  se  lièrent  dans  la  suite  les  faubourgs  par  extension, 
avait  toujours  appartenu  aux  évèques  de  Liège. 

Le  chanoine  Jean  Hocsemius,  dans  Chapeauville,  «  de  Hugone  72  episcopo 
Leodiensi,  »  parle  ainsi  d'un  différend  surgi  entre  le  duc  et  l'évéque,  sur  le 
pouvoir  mixte  de  Maestricht  en  1296  :  «  Cum  dux  Brabantiae  in  prejudicium 
ecclcsiae  oppidi  Trajectensis  dominium  occupasset,  et  propter  hoc  inter  epis- 
copum  et  ducem  fuisset  orta  discordia,  et  demum  per  ipsos  fuisset  in  arbitres 
compromissum ,  arbitritalem  sententiam  protulerunt.  Quocl  locus  antiquus 
villae  jurisdictionis  esset  episcopi,  hoc  excepto,  quod  omnes  incolae  loci 
censum  capitalem  beato  Petro  Lovaniensi  cum  sua  familia  solventes,  et  cetera 
ultra  villani  veterem  ampliata  ad  ducis  dominium  pertinerent,  et  sic  de 
ecciesia  per  hoc  arbitrium  cnormiter  fuit  laesa,  nam  homines  loci  censum 
solvunt  quasi  coramuniler  sancto  Petro.  " 

Le  locus  antiquus  villae,  la  partie  ancienne  de  la  ville,  était  sous  la  juri- 
diction liégeoise.  Le  saint  titulaire  de  Maestricht  représente  donc  ce  noyau, 
dont  il  est  pour  ainsi  dire  le  fondateur,  et  ce  sceau  est  par  conséquent  le  plus 
caractéristique  pour  la  commune  Le  siège  épiscopal  avait  été  établi  d'abord 
dans  l'église  Notre-Dame  ('),  la  plus  ancienne  paroisse  de  la  ville,  celte  qui 
jusqu'aux  derniers  temps  représentait  la  juridiction  liégeoise,  tandis  que  les 
Empereurs  et  plus  tard  leurs  représentants,  les  ducs  de  Brabant,  favo- 
risèrent particulièrement  l'église  de  saint  Servais ,  qu'ils  visitèrent  souvent 
cl  où  les  ducs  de  Brabant  furent  intronisés  lors  de  leur  Joyeuse  Entrée  à 
Maestricht. 

(*)  Annuaire  de  la  piovince  de  Limbourj,  18'2S. 


—  22o  — 

tre  une  fleur  de  lis.  La  clef  et  le  glaive,  emblèmes  du  pou- 
voir, rappellent  sur  ce  sceau  l'autorité  du  duc  de  Brabant, 
qui  peu  de  temps  auparavant  en  avait  été  spécialement 
investi,  à  Maestricht,  par  l'Empereur.  C'est  le  sceau  des 
magistrats  brabançons,  exerçant  le  pouvoir  au  nom  du  duc, 
et  qui  se  nomment  dans  le  texte  après  ceux  de  Liège. 

La  clef  est  un  ancien  symbole  de  liberté  et  de  puis- 
sance. Comme  tel  il  se  mêlait  aux  emblèmes  de  juridiction 
et  de  commandement  qu'exerçaient  les  préfets  romains  dans 
les  provinces  où  ils  étaient  chargés  de  rendre  la  justice, 
d'avoir  soin  que  les  denrées  restassent  à  un  prix  modéré  et 
de  tenir  la  main  à  la  discipline  militaire.  On  donne  déjà 
à  la  clef  la  même  signification,  dans  l'ancien  et  le  nouveau 
Testament  (i). 

La  partie  qui  manque  au  petit  monument  des  anciennes 
armoiries  de  Maestricht,  dessiné  sur  notre  planche  I,  se 
retrouve  sur  un  sceau  de  1349,  que  nous  reproduisons  sur 
notre  seconde  planche.  Ce  sceau,  ainsi  qu'un  autre  repré- 
sentant l'évèque  saint  Servais,  est  attaché  à  un  acte  fla- 
mand (2).  On  remarque  que  c'est  une  épée  que  la  figure 
représentée  porte  de  la  main  droite.  —  Des  dessins  de  ces 
deux  sceaux  se  trouvent  dans  une  chronique  inédite  du  cou- 
vent des  Dominicains  à  Maestricht,  par  le  père  De  Heer,  et 
l'Annuaire  de  la  province  de  Limbourg  de  1829  les  a  repro- 

(1)  A  Liège  les  échevins  possédaient  deux  clefs  comme  emblèmes  de  leur 
pouvoir.  On  fait  remonter  au  VIII^  siècle  linlroduction  de  ces  symboles 
d"autorité,  époque  de  Térection  du  tribunal  des  échevins. 

(2)  Ce  diplôme  flamand  de  1549  est  relatif  au  pont  sur  la  Meuse  de  .Maes- 
tricht. En  comparant  ce  sceau  des  échevins  ducaux  (figure  avec  glaive  et 
cleO  à  celui  de  1227,  on  les  trouvera,  à  bien  peu  près,  égaux,  malgré 
Tespace  de  plus  d'un  siècle  qui  les  sépare.  Le  second  sceau  appendu  à  ce 
diplôme  est  ecclésiastique  et  servait  à  l'église  de  saint  Servais,  traitant  dans 
cet  acte  avec  la  ville  pour  lentrelien  du  pont.  La  figure  de  suint  Servais 
qui  le  décore,  ressemble  beaucoup  à  celle  du  sceau  de  la  planche  I.  Le  troi- 
sième, celui  des  échevins  liégeois,  manquant  à  celle  pièce,  nous  prive  de 
lavanlage  de  pouvoir  le  comparer  à  celui  de  1227. 


—  226  — 

Unis  d'après  cette  clironique;  mais  ces  dessins  et  ces  gra- 
vures sont  peu  fidèles  :  nous  avons  été  assez  lieureux  pour 
pouvoir  dessiner  les  nôtres  d'après  nature,  ce  qui  nous  a 
permis  de  vérifier  les  formes  des  figures  et  les  inscriptions 
sur  les  originaux.   Sur  le  premier   sceau  nous  lisons  : 

se ,  tandis  que  le  chroniqueur  croit  y  lire  :  Sigillum 

sancti  Servatii.  Comme  la  grande  inscription  circulaire 
porte  :  sigillum  civiu.m  de  superiore  trajecto,  elle  indique 
clairement  que  c'est  le  sceau  de  la  ville  et  non  de  saint 
Servais,  c'est-à-dire  de  l'église  de  ce  nom.  Un  sceau  ecclé- 
siastique de  cette  dernière  se  trouve  reproduit  sur  notre 
planche  II  :  il  représente  un  saint  Servais.  Son  inscription 
porte  :  sanctus episcopls. 

On  pourra  comparer  avec  les  sceaux  civils  (figure  tenant 
une  épée  et  une  clef),  représentés  sur  les  planches  I  et  II,  le 
sceau  ecclésiastique  reproduit  en  tête  de  notre  planche  III; 
il  est  de  I22o  et  servait  à  l'église  de  iVotre-Dame.  Ce  beau 
petit  médaillon,  len  cire  verte,  représente  la  mère  de  Dieu 
assise  sur  un  siège;  elle  a  la  tète  ceinte  d'un  diadème,  orné 
au  centre  d'une  fleur  de  lis,  symbole  de  la  pureté  virginale; 
elle  tient  de  la  main  droite  un  lis,  et  de  la  sauche  un  livre 
ouvert,  avec  le  monogramme:  31T.  XPI.  Mater  Christi.  Sa 
tunique,  serrée  d'une  large  ceinture,  est  ornée  aux  man- 
ches et  au  bord  d'une  bande  à  losanges;  le  disque,  le  lis  et 
le  livre  avec  l'inscripiion  distinguent  bien  clairement  cette 
vierge  de  la  figure  d'homme  avec  clef  et  épée  qui  orne  le 
sceau  de  1227. 

Le  sceau  des  échevins  du  duc,  de  1349,  fait  voir  qu'à 
cette  époque  l'emblème  municij)al  pour  l'autorité  braban- 
çonne n'avait  pas  changé.  Mais  en  1578,  celle-ci  se  servait 
d'un  sceau  à  fisure  de  saint  Servais,  tenant  une  clef  et  les 
armes  ducales;  changement  remarquable,  puisqu'en  1227, 
cet  évéque  représentait  le  pouvoir  liégeois. 

Au  XV^  siècle,  on  rencontre  un  sceau  réunissant  sur  un 


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Sceau  de  1  e^-u.-iL-  i^  jut -^aiHc  à  MaeeLriôhb,  1225- 


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."-rpau  donUe   XW^  et  XV^"*^  siècles. 


IBefferrer  LiUi  etSc-Gaiii 


—  227   — 

seul  disque  les  symboles  des  deux  pouvoirs  avec  les  armoi- 
ries particulières  de  la  ville.  Une  gravure  de  ce  sceau,  qui 
a  paru  dans  l'Annuaire  de  1829,  est  également  rendue  d'une 
manière  inexacte.  Une  empreinte  originale,  appendue  à  un 
diplômede  1428,  provenantdes  archives  de  l'églisede  sainte 
Gertrude  à  Louvain,  a  servi  à  notre  dessin,  gravé  sur  la 
pi.  III,  sous  le  sceau  de  Téglise  Notre-Dame.  Elle  repré- 
sente, dans  une  décoration  architecturale,  les  deux  évéques 
patrons  des  villes  de  Liège  et  de  Maestricht,  l'étoile  à  cinq 
pointes  de  cette  dernière  cité  réunissant  le  groupe  des  deux 
prélats.  A  gauche,  se  trouve  pour  l'autorité  de  Liège,  saint 
Lambert  près  du  péron;  à  droite,  pour  le  duc  de  Brabant, 
saint  Servais  avec  la  clef  et  les  armes  ducales.  L'écusson 
particulier  de  la  ville,  de  gueules  à  étoile  d'argent  de  cinq 
pointes,  remplace  sur  ce  sceau  les  créneaux,  qui  sur  les 
sceaux  plus  anciens  représentaient  la  ville.  Le  champ  de 
l'écusson  est  orné  de  branches  de  verdure.  L'inscription  qui 
entoure  cette  représentation  porte  :  s.  coe  f  tocius  f  opidi  ~ 

TRAJECTE.NSIS  f  AD  f  cTs. 

Ces  six  sceaux  de  Maestricht,  dessinés  d'après  nature 
sur  des  empreintes  originales  appendues  aux  pièces  authen- 
tiques, jetteront,  croyons-nous,  un  nouveau  jour  sur  les 
plus  anciens  emblèmes  municipaux  de  cette  ville  aux  XIIi% 
XIV'"  et  XV'^  siècles.  Les  symboles  des  pouvoirs  civils  de  ces 
différentes  époques  et  les  changements  qu'ils  ont  subi  suc- 
cessivement, nous  ont  paru  offrir  de  l'intérêt  pour  l'histoire 
communale  de  la  Belgique  et  des  Pays-Bas. 

Alexandre  ScHAcrKENS. 


—  228  — 


RÉCIT  DE    LA  GUERRE  DE   1542 


PAR    GERARD    LE    PRINCE,    CONTEMPORAIN. 


Les  manuscrits  de  même  que  les  livres  les  plus  insi- 
gnifiants contiennent  de  bonnes  choses.  C'est  ainsi  que 
nous  avons  trouvé  un  récit  de  la  guerre  de  1342  dans  un 
petit  registre  in-4°,  qui  se  trouve  au  dépôt  des  archives 
judiciaires  à  Mons.  Ce  registre  que  nous  oserons  décorer 
du  nom  de  manuscrit  n'est  autre  que  le  mémorial  de  Gérard 
le  Prince,  dans  lequel  il  transcrivait  ses  dépenses  et  ses 
recettes,  conjointement  avec  la  naissance  de  ses  enfants  et 
d'autres  notes  généalogiques.  Nous  savons  par  ces  anno- 
tations que  Gérard  le  Prince  était  avocat  au  grand  conseil  de 
Malines,  et  greffier  de  la  ville  de  Nivelles  qu'il  habitait.  Il  a 
soin  de  nous  faire  connaître  qu'il  naquit  le  5  mai  1515  : 
une  main  inconnue  a  ajouté  la  date  de  sa  mort  arrivée  le 
19  décembre  1562.  Gérard  le  Prince  épousa  le  50  novem- 
bre 1558  Catherine  Roys,  de  Tongres,  dont  il  eut  plusieurs 
enfants.  Il  commença  son  mémorial  cette  même  année,  car 
on  lit  au  premier  feuillet  :  S'ensîeult  l'argent  que  fai  eu  de- 
puys  mon  mariage.  En  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  faire 
connaître  l'auteur  de  ce  récit  qui  est  loin  d'être  dépourvu 
d'intérêt  :  nous  en  avons  peut-être  déjà  trop  dit  pour  l'im- 
portance de  l'individu.  Au  reste  voici  sa  narration  : 

«  L'an  XV*^  et  XLII  est  arrivé  ung  cappitaine  dit  Martin 
»  Van  Rossem ,  geldrois,  es  pays  de  Brabant  (lequel  se 


—  229  — 

»  (lisoit  cappilaiue  général  du  roy  de  France),  avec  une 
»  grosse  assemblée  de  gens,  lequel  apprès  qu'il  a  esté  des- 
»  cendu  en  Brabant,  en  la  chainpaigne,  se  déclare  ennemis 
»  de  l'empereur,  a  brûlé  et  branscatté  plusieurs  villes  et 
»  villaige,  dont  incontinent  il  est  descendu  à  Hoocstraete, 
»  ayant  pillié  le  cbasteau,  et  de  là  est  venu  devant  Anwers, 
»  le  jour  S'-Jacques  en  jullet,  cuydant  pillier  ou  du  moins 
»  branscatter  ladite  ville  d' Anwers;  et  furent  devant  ladite 
»  ville  trois  ou  quattre  jours,  et  n'ont  riens  fait.  Et  apprès 
»  sont  allé  devant  Lière,  et  ont  esté  rebouttez  par  plusieurs 
»  bon  cop  d'artillerie  :  puys  sont  passé  l'eauwe  à  Duffel  et  à 
»  Walem,  et  estoit  allors  la  gendarmerie  de  par-decbà  à  An- 
»  wers  et  à  Lyère,  et  ont  brusié  Dufîel  et  \\'alem,  pour  ce 
»  que  les  pons  estoient  abbatus,  et  laissirent  beaucop  de 
»  leur  artillerie  en  ladite  eauwe  qu'il  avoient  prins  à 
»  Hoocstraete;  et  passirent  de  ceste  à  Malines,  et  s'en  allè- 
»  rent  devant  Louvain,  et  en  passant  ont  bruslez  ung  villaige 
»  dit  Vespelaer,  et  cuydant  surprendre  ladite  ville,  mais  en 
»  ont  esté  reboutté,  dont  les  clercq  et  femmes  de  Louvain 
»  en  auront  toujours  honneur.  Lequel  Martin  passa  ainsy 
»  par  tout  le  pays  de  Brabant,  bruslant,  branscattant  plu- 
»  sieurs  villaiges,  comme  dit  est,  et  s'en  alla  en  France. 

»  Et  incontinent  alla  nostre  armée  es  pays  de  Clève  et 
»  Julliers,  brusler,  branscatter  le  tout  comme  avoit  fait 
»  Martin  Van  Rossem  par  le  conseil  du  duc  de  Clève,  lequel 
»  estoit  ennemis  à  l'empereur  et  voloit  tenir  Geldre. 

»  L'an  XV'=  XLIII  le  XXV"  jour  de  mey,  arriva  Tempc- 
»  leur  à  Gennes  et  fut  allors  sur  l'eauwe  XXI  jour  à  grand 
»  tourment  suyvant  les  lettres  escript  par  ledit  empereur  à 
»  sa  sœur  la  roynne  de  Ilongerie,  gouvernante  du  Pays-Bas, 
»  laquelle  receut  les  lettres  le  MII'^  jour  de  juing  ensuy- 
»  vaut,  dont  il  y  eult  pas  tout  le  pays  de  par-dcchà  grosse 
»  triumplie  et  joye  cl  procession  général  partoutte,  car  on 
»  cnydoit  que  ledit  empereur  estoit  mort  de  son  voyaige 


—  no  — 

»  d'Argière  (sic)  tellement  que  par  niouckerie  les  ennemis 
»  (lisoient  que  les  cabbeliauwe  l'avoient  mengis  et  esloit 
»  auparavant  tout  le  pays  ensmeult  partout. 

»  Alors  fut  gaignié  Landerchiez  des  Franchois,  et  Yvois, 
»  Luxembourch,  etc. 

»  Incontinent  que  l'empereur  fust  descendu  es  pays  de 
»  par-dechà  arriva  tout  droit  devant  une  ville  de  Geldre 
»  appelé  Duren,  ensemble  monsieur  le  prince  d'Orenge, 
»  cappelaine  général  de  par-dechà,  et  fut  ladite  ville  gai- 
»  gnié  d'assault,  et  de  là  passa  la  gendarmerie  avant  audit 
»  pays  de  Geldre  tellement  que  tout  le  pays  de  Geldre  se 
»  rendit  à  l'empereur  le  X^  jour  de  septembre,  au  que 
»  dessus,  et  illecq  vient  le  duc  de  Clève  pryé  merchie  à 
»  l'empereur  tellement  qui  reut  sa  paix,  fut  touttefois  privé 
»  de  son  pays,  auparavant  la  venue  de  l'empereur  gaingnée 
»  par  nostre  gendarmerie,  combien  que  apprès  reut  aucune 
»  pièce  de  son  pays,  mais  retient  l'empereur  les  fortresse 
»  et  passaige 

»  L'empereur  ayant  ainsy  gaignié  le  pays  de  Geldre  se 
»  lira  avec  son  armée  devant  Landrechiez,  et  pensant  em- 
»  peschier  le  rivitailiement  des  Franchois  et  de  donner 
»  baittaille,  ne  fut  fait  aucun  assault  à  la  ville,  et  alors  le 
»  roy  de  France  et  le  dauphin  avec  son  armée  estoit  à  Cam- 
»  bray  et  Gambrésis  et  fut  quasi  prins  sans  ung  traictre,  et 
»  se  retira  ledit  roy  de  nuyt,  secrètement,  quant  noz  gens 
»  viendrent  lendemain  audit  Gambrésis  pour  donner  ba- 
»  taille,  et  depuis  tient  l'empereur  Cambray,  et  y  fait  faire 
»  ung  casteau. 

»  Au  mesme  temps  régna  es  pays  ychi  ung  traictre  nommé 
»  Nicolas  le  Borne,  vulgairement  appelle  cappitaine  Bus, 
»  lequel  esloit  de  la  maison  de  Monsieur  de  Buren,  père 
»  du  s''  de  Buren  à  présent,  et  avoit  gro  crédit  tant  en  court 
»  que  à  Monsieur  de  Buren,  es  aiïaires  de  guerre;  lequel 
»  avoit  entrepris  sa  Iraïson  depuys  les  guerres  et  prinse  de 


—  231  — 

»  S'-Pol,  l'an  XV^  et  XXVII  jusqiies  Tan  XY'  XLIII,  et 
»  lors  fina  cl  fut  exécuté. 

»  Lequel  Bus  en  sou  temps  faisoit  gros  empesciiement  au 
»  pays  de  par-dechà  es  guerres,  car  fut  cause  de  la  reddi- 
»  tion  de  Duren  avant  que  Tempereur  vient;  fut  cause  de  la 
»  défaicte  du  prince  d'Oreinge  sur  le  chanipaigne  venant 
»  avec  VII  ou  Mil  mil  hommes  de  Breda  à  Anwers;  fut 
»  cause  du  sauvement  de  Louvain,  actendu  qu'il  estoit  à 
»  Maline  au  conseil  de  la  royne,  où  il  fut  dit  que  on  en- 
»  voyeroit  assistence  assez  à  ceulx  de  Louvain,  et  lors  fut 
»  envoyé  audit  Louvain  avecq  le  s-"  d'Aymeriez  et  le  grant 
»  bailly  du  Brabant,  pour  conforter  ceulx  de  Louvain,  et 
»  fut  ledit  Bus  illecq  prisonnier  par  ledit  Martin  Van 
»  Rossem,  en  parlementant  ceulx  de  Louvain  avecq  ledit 
»  Martin,  et  fut  pareillement  prisonnier  à  la  défaite  dudit 
»  prince  devant  Anvers  le  tout  par  finesse,  toultefois  fut 
»  tousjours  ransonné;  item  fut  cause  que  le  roy  de  France 
»  ne  fut  prins  audit  chasleau  de  Cambrésis  parcequ'il  sca- 
I)  voit  tout  le  secret  de  par-dechà,  et  en  advertissoit  le  roy, 
»  et  désira  de  trahir  l'empereur  s'il  luy  eult  esté  possible, 
»  ains  Dieu  ne  le  permis. 

»  Ledit  Bus  par  la  présumption  et  que  la  trahison  estoit 
»  sy  grande,  et  par  la  relation  d'ung  lucquoy  qui  fut 
»  exécuté,  et  qu'il  l'avoit  accusé,  fut  prins  et  fînablement 
»  exécuté  à  Gand,  où  la  royne  estoit  lors,  le  IIIP  de  mars 
»  XV"  XLIII,  et  moy  je  le  vit  décoller,  et  puys  apprès 
»  copper  en  quattre  quartiers  :  estoit  homme  de  pétille 
»  stature,  noire,  et  remply  de  ventre  et  crassolet.  » 

*  Alexandre  Pinchart. 


—  232 


Ce  îpant  tic  iUeu^e  à  iUac9tricl)t, 


on 


Quelques  additions    aux  Notes   pour  une  future 
biograpliie    de   Frère  Romain,  architecte. 


Le  R.  F.  Moulaert  a  inséré  dans  ce  recueil,  année  1850, 
p.  260-271 ,  des  Notes  pour  une  future  biographie  du  frère 
Romain,  architecte.  Nous  les  avons  lues  avec  un  vif  intérêt, 
et  nous  remercions  le  savant  Frère  Prêcheur  d'avoir  attiré 
Tattention  sur  la  vie  utile  et  si  bien  remplie  et  sur  les  tra- 
vaux si  remarquables  de  son  illustre  confrère. 

C'est  pour  rentrer  dans  les  vues  de  l'auteur,  et  contri- 
buer pour  notre  faible  part  au  travail  plus  complet  que  les 
amis  des  arts  et  de  la  Belgique  sont  en  droit  d'exiger  de 
lui,  que  nous  nous  permettons  de  lui  adresser  par  la  voie 
du  Messager  quelques  moellons  grossiers,  destinés  aux  fon- 
dations du  monument  qu'il  se  propose  sans  doute  d'élever 
plus  tard  à  la  gloire  de  l'architecte  gantois. 

Notre  contingent,  nous  l'avouons  sans  peine,  est  bien 
modeste;  mais  l'honorable  Frèi'e  Prêcheur  ne  le  dédaignera 
peut-être  pas,  en  s'assurant  que  nous  avons  recouru  à  des 
sources  qui  lui  étaient  restées  inconnues.  Ami  de  l'exacti- 
tude historique,  il  nous  saura  quelque  gré,  croyons-nous, 
de  lui  avoir  indiqué  des  documents  précieux  dont  il  pour- 
rait facilement  obtenir  communication  au  dépôt  des  archives 
de  la  ville  de  Maestricht. 

Le  Frère  .^loulaert  dit,  p.  262  :  «  Les  habitants  de  Maes- 
tricht réclamaient  vivement  un  pont  en  pierre  sur  la  Meuse, 


en  face  de  la  ville,  à  l'endroit  où  ce  lleuve  présente  une 
grande  largeur.  L'entreprise  était  difficile.  Frère  Romain, 
dont  les  talents  étaient  déjà  connus,  obtint  l'honneur  d'être 
choisi  par  les  États  protestants  de  Hollande  pour  exécuter 
ce  grand  ouvrage  :  et  notre  habile  Dominicain  uMiésita  pas 
un  instant  à  répondre  à  la  confiance  que  la  Hollande  avait 
placée  dans  celui  qui  cultivait  avec  amour  des  arts  que  l'on 
nomme  communément  libéraux.  Ce  pont  remarquable,  qui 
a  cinq  cents  pieds  de  longueur,  fut  commencé  en  1684. 
Notre  frère  Dominicain  en  jeta  les  fondements  avec  beau- 
coup de  bonheur;  mais  à  peine  en  avait-il  achevé  la  pre- 
mière arche  en  pierre,  qu'il  dut  abandonner  cette  œuvre, 
pour  se  rendre  immédiatement  à  Paris  où  l'attendait  un 
ouvrage  encore  plus  important.  » 

Ce  passage  renferme  plusieurs  erreurs  que,  dans  l'intérêt 
de  la  vérité  historique,  il  n'est  pas  inutile  de  signaler.  Elles 
ne  doivent  pas  passer  inaperçues,  et  encore  moins,  recevoir 
une  espèce  de  sanction  dans  un  recueil  aussi  consciencieu- 
sement rédigé  que  le  Messager  des  Sciences  historiques.  11 
serait  à  craindre,  en  effet,  que,  sous  son  patronage,  elles 
ne  fussent  admises  plus  tard  sans  contrôle  et  sans  examen 
dans  des  ouvrages  sérieux.  C'est  ce  motif  qui  nous  a  fait 
prendre  la  plume,  et  qui  doit  nous  servir  à  la  fois  de  justi- 
fication et  d'excuse. 

Remarquons  avant  tout  que  ce  ne  furent  pas  les  Etats 
protestants  de  Hollande  qui  firent  choix  du  frère  Romain  (i). 
Le  pont  de  bois  sur  la  Meuse  servant  à  relier  Maestricht  à 

(1)  La  même  erreur  s'était  aussi  glissée  dans  le  Dictionnaire  des  arlis- 
tei  (par  l'abbé  de  Fontenay).  Paris,  1776,  pet.  in-8»,  t.  I^r,  p.  609.  Elle  se 
trouve  déjà  dans  VAllgetneines  Gelelirle»  Lexicon,  de  Ch.-G.  Jciclicr.  Leipzig, 
1751,  in-4o;  I.  III,  coL  2198.  Ce  biographe  dit  :  «  Bauete  er  1684  auf  Bcl'chl 
der  Staaten  von  Ilolland,  zu  Mastricht  eine  Brûcke,  welche  so  vollkonimen 
war,  dass  er  dafûr  von  denselbcn  eine  ansehnliche  Pension  bckani.  »  Celle 
dernière  particularité  nous  paraît  fort  suspecte,  et  nous  ne  croyons  pas  à  la 
pension  considérable  accordée  au  frère  Romain. 

17 


—  231  — 

Wyck,  appartenait  depuis  Tan  1Î39  au  chapitre  de  l'église 
de  Saiut-Servais.  Ce  ne  fut  qu'en  1281  que  l'on  commença 
de  construire  un  pont  de  pierre.  Il  parai*  que  le  chapitre 
entretint  mal  le  nouveau  pont.  En  1549,  il  intervint  entre 
lui  et  le  Magistrat  de  la  ville  une  transaction  en  vertu  de 
laquelle  le  chapitre  devait  supporter  la  dépense  des  répa- 
rations ordinaires,  mais  il  était  stipulé  en  même  temps  que, 
dans  le  cas  de  renouvellement  d'une  des  arches,  la  ville 
contrihuerait  aux  frais  de  reconstruction  (i).  Enfin,  après 
de  longues  contestations  prolongées  pendant  trois  siècles,  le 
chapitre  abandonna,  en  1646,  le  pont  en  toute  propriété  à 
la  ville.  Ce  ne  furent  donc  pas  les  États  généraux  qui, 
d'ailleurs,  n'auraient  pu  prendre  de  détermination  sans  le 
concours  du  prince-évéque  de  Liège,  comme  co-seigneur  de 
Maestricht  (2),  qui  traitèrent  avec  le  frère  Romain,  mais 

(1)  Résolutions  magistrales  du  13  avril  13i9,  citées  par  l'auteur  anonyme 
des  Essais  historiques  et  critiques  sur  le  département  de  la  Meuse-inférieure . 
Maestricht,  an  XI  (1805),  in-S»,  p.  173.  Cet  ouvrage,  rempli  de  recherches 
savantes,  est  de  M.  Pèlerin,  ancien  Pensionnaire  de  cette  ville.  Ajoutons  en 
passant  en  quoi  consistaient  ces  fonctions.  Les  pensionnaires  ou  syndics,  au 
nombre  de  deux,  l'un  Liégeois  et  Tautre  Brabançon  de  naissance,  étaient 
établis  par  commission  du  Magistrat,  et  confirmés  par  le  Prince  de  Liège  ou 
par  ses  Commissaires  déciseurs.  Ils  devaient  être  des  jurisconsultes  bien  ver- 
sez en  pratique  :  ils  étaient  obligés  de  besoigner  et  d'adviser  en  toutes  causes 
eoncernantes  le  service  de  la  ville,  etc.  V.  le  Recés  de  1663,  chap.  XIV. 

(2)  Sur  la  souveraineté  indivise  de  Maestricht,  si  bien  exprimée  par  le 
vieux  dicton  flamand  : 

®toeÊ  ^uxm,  un.  ^ux, 

rendu  ainsi  heureusement  par  cet  hexamètre  latin  : 

Trajectura  neulri  Domino,  sed  paret  utrique, 
V.  Recueil  der  Recessen,  voor  de  Regieringhe  der  sladt  Maestricht,  etc., 
Maestricht,  P.  Yan  Ouwen,  1663,  in-4»;  Pèlerin,  Essais,  passim;  Précis  des 
faits  relatifs  à  la  destitution  et  à  la  poursuite  devant  les  tribunaux  de  mes- 
sieurs Hennequin,  un  des  bourgmestres,  etc.  (Liège,  k.  Haleng,  1821),  in-t" 
de  22  pp.;  l'Observateur  belge,  t.  XV,  p  407  et  suiv.;  M.  L.  Polain,  De  la 
souveraineté  indivise  des  évéques  de  Liège  et  des  Etats-généraux  sur  Maestricht, 
Liégi-,  1831,  in-S»;  Ed.  S.  Mancel,  La  ville  de  Maestricht  et  ses  droits  à  rft- 
verses  époques,  Bruxelles,  1838,  in-S". 


—  2B5  — 

bien  le  conseil  de  régence,  ayant  seul  qualité  pour  le  règle- 
ment (les  intérêts  municipaux  (i). 


(1)  Il  n'est  pas  sans  inlérùl  de  connaître  la  oomposllion  du  conseil  de  ville 
à  Maestricht.  Les  extraits  que  nous  allons  donner  du  Recueil  des  Rccés 
émanez  de  la  pari  des  deux  Seigneurs  et  Princes  de  3Iaestreeht,  Tan  166a. 
A  Maeslreclit,  par  P.  Boucher,  imprimeur  de  la  ville,  lan  1688,  in-A"  de 
160  pp.  0,  prouveront  que  ce  corps  était  compétent  pour  régler  tout  ce  qui 
était  relatif  au  pont  de  Meuse.  —  Chap.  III.  De  la  police  et  régime  de  la  ville 
de  Maeslrecht  en  général.  1.  La  magistrature,  ou  régime  ordinaire  de  la  ville 
de  Maestrecht,  consiste  en  deux  Hauts  Escoulets,  deux  Bourguemaistres, 
qualorse  Esclievins,  liuict  Jurez,  et  deux  Rentiers,  ou  Paymaistres,  y  joints 
deux  Pensionaires,  et  deux  Secrétaires  de  la  Basse  Justice,  desquels,  et  de 
leurs  fonctions,  sera  escrit  ci-après  r  Et  doivent  les  Membres  de  ladite  Magis- 
trature estre  moitié  Liégeois,  et  moitié  Brabançons.  6.  Le  Magistrat  susdit, 
sera  tenu  de  s'assembler  à  la  Maison  de  Ville,  tous  les  Lundi,  à  neuf  heures 
du  malin  précisément,  pour  y  traiter,  délibérer,  et  résoudre  sur  toutes 
choses,  concernantes  le  plus  grand  bien,  et  utilité,  et  Tadministratiou  de 
toute  bonne  Police  de  ladite  Ville.  9.  Les  Bourguemaistres  prœvolanl  dans 
rassemblée  Magistrale,  y  proposeront  toutes  choses,  et  matières  concernantes 
la  Magistrature,  pour  y  estre  mises  en  délibération  :  entendront  et  coUigeront 
aussi  distinctement  les  Voix,  et  opinions  de  tous  les  Membres,  chacun  à  son 
rang,  et  conclurront  avec  la  pluralité  d'icelles,  en  faisant  former  sur  le  pa- 
pier une  Résolution  Magistrale,  ou  Recés.  10.  Laquelle  Resolution,  ou  Recés, 
estant  notule  au  pied  que  dessus,  devra  estre  résumé  à  TAssemblée  prochaine, 
pour  recevoir  vigueur;  et  trois  jours  après,  pour  le  plus,  estre  enregistré  par 
le  Secrétaire  de  l'Assemblée,  pour  en  estre  accordé  Extrait,  ou  Copie,  la- 
quelle ne  se  pourra  nullement  donner  avant  la  resumption.  21.  Lors  qu'il 
surviendroit  des  affaires  de  grande  considération  et  importance,  concernantes 
Testât  de  la  Ville,  ou  le  service  des  Princes,  sera  le  Magistrat  renforcé  des 
gens  notables  de  la  Ville,  qui  sont  les  quatre  Commissaires  Instructeurs  ("), 
et  puis  tous  ceux  qui  auront  autrefois  porté  la  charge  dEcoulets,  Bourgue- 
maistres, Esclievins,  Jurez  ou  Paymaistres,  avec  lesquels,  à  rexclusion  de 
tous  autres,  le  Magistrat  représentera  le  Corps  entier,  et  Communauté  de  la 

(*)  Cette  éililion  française  est  ])res]ue  aussi  rare  que  réJition  originale  en  fla- 
mand. Recueil  <ler  Recessen,  tôt  Maestricht,  geilnirkt  by  Petrus  van  Oii«en.  Oidi- 
naris  Stadts  Driicker,  1663,  in-i"  de  105  pp. 

(**j  Les  Commissaires  Instructeurs,  au  nombre  de  quatre,  dont  les  deux  de  nais- 
sance Liégeoise,  sont  instituez  par  Nous  (le  Prince  de  Liège)  :  et  les  deux  antres,  de 
nativité  Brabançonne,  par  leurs  Hautes  Puissances  les  Seigneurs  Estais  Généraux  des 
Provinces  L'niés,  se  prennent  et  choisissent  ordinairement  hors  des  Bourgeois  les  plus 
qualifiez,  et  plus  honorables  de  la  Ville,  qui  soyent  este  Bourgeois  Tespacc  de  deux 
ans  entiers,  et  qui  soyent  bien  versez  en  Droit,  Coustumes  et  praticpie  de  ladite 
Ville  iCliapilre  XIII,  1). 


—  236  — 

C'est  ce  que  prouve  à  l'évidence  le  passage  suivant,  que 
nous  empruntons  à  l'excellente  Notice  historique  anonyme 

Ville,  qu'on  appelloil  d'ancienneté  le  Large  Conseil,  ou  en  Flamend,  den  Bree- 

den  Raedl. 

Chapitre  IV.  Touchant  la  Fabrique  de  la  Ville. 

1.  Les  Bourguemaistres  sortant  d'Office,  qui  sont  continuez  dans  la  Magis- 
trature, ou  bien  les  premiers  Eschevins  du  costé  Liégeois  et  Brabançon, 
seront  les  premiers  îlaisires  de  Fabrique  de  ladite  Ville,  et  ne  pourra  le 
Bou-Maistre,  ou  Architecte,  entreprendre  aucun  Ouvrage,  sans  leur  adveu, 
et  sans  connoissance  du  Rentier,  ou  Pay-Maistre.  2.  Lesdits  premiers  Maistres 
de  Fabrique,  et  Rentiers,  ou  Pay-Maistres,  délibéreront,  et  projetteront  au 
plus  grand  ménage  de  la  Ville,  quels  Ouvrages  sont  nécessaires,  on  non  né- 
cessaires, utils,  ou  inutils  à  la  Ville,  puis  en  feront  rapport  au  Magistrat, 
pour   y    eslre   par  icehii  rcsoud  et  disposé,  selon   qu'il  trouvera   convenir. 

Il  résulte  évidemment  de  la  combinaison  de  tous  les  articles  que  nous  ve- 
nons de  rapporter  que  le  Magistrat  de  Maestricht  n'avait  nullement  besoin  de 
l'autorisation  des  deux  Seigneurs  et  Princes  de  Maestricht  pour  tout  ce  qui 
était  relatif  au  pont  de  Meuse,  si  important  pour  cette  ville. 

Pour  rendre  complète  la  démonstration  de  notre  thèse,  il  ne  nous  reste 
qu'à  transcrire  sans  commentaire  le  chapitre  XXXIV  du  Recés  de  1663,  in- 
titulé :  De  l'entretien  du  Pont  de  Meuse  et  des  finances  à  ce  destinées.  Il  est 
d'ailleurs  rempli  de  détails  si  curieux,  et  généralement  ignorés  aujourd'hui, 
que  les  lecteurs  voudront  bien  excuser  la  longueur  de  cette  citation. 

1 .  Le  Magistrat  sera  obligé  d'entretenir,  et  soigneusement  conserver  le 
Pont  de  Meuse,  le  faisant  exactement  visiter  tous  les  Ans,  au  Mois  de  Mai,  ou 
de  Juin,  lors  que  la  Rivière  est  basse,  par  les  Hauts  Escoutets,  et  Bourgue- 
maistres, les  Intendants  de  Fabrique,  les  Pay-Maistres,  Bou-Maistre,  ou 
Architecte,  et  le  Masson  sermenté  de  la  Ville,  en  faisant  soigneusement  repa- 
rer et  prévenir  la  cheute,  empirement  apparent,  et  tous  autres  défauts. 
2.  Outre  ce,  fera  reparer  annuellement,  et  bien  pourvoir,  depuis  le  haut, 
jusque  aux  fondements,  par  des  Pilots  (s'il  est  besoin),  une  Arche  ou  Arcade 
dudit  Pont,  pour  le  moins.  3.  Les  fraix  de  cette  réparation,  avec  ce  qui  en 
dépend,  devront  d'oresenavant  eslre  portez  dans  les  Contes  du  Pay-Maistre, 
sous  un  Chapitre  à  part  dans  les  Exposita,  comme  seront  aussi  pareillement 
portez,  sous  un  poste  à  part  et  sépare,  dans  la  Recepte,  les  Moyens  suivants, 
que  nous  destinons  et  désignons,  par  cette,  privativement  et  uniquement  pour 
rcntretien  dudit  Pont.  4.  Tous  Bourgeois  et  Surccans,  tant  Ecclésiastiques, 
que  Politiques,  et  Militaires,  seront  obligez  de  laisser,  dans  leur  Testament, 
Codicils,  et  autres  dispositions,  un  Pattagon  pour  l'entretien  du  Pont,  lors 
qu'ils  disposeront  de  plus  de  deux  cents  florins  coursables  ici;  et  en  cas  qu'ils 
disposent  dessous  ladite  somme,  laisseront  un  demi  Pattagon  :  Et  cas  arri- 
vant que  les  Notaires  oublieroient,  ou  negligeroient  l'insertion  dudit  argent, 
seront  mulctables    d'un    tlorin   d'or,   pour  chaque   omission,   au    profit  que 


—  237  — 

de  M.  J.-M.  Van  Heylerhoff  am»-  le  pont  de  la  Meuse  à  Maes- 
trkht,  insérée  dans  V Annuaire  de  la  province  de  Limbourg, 
année  1826,  p.  99-1 19  (i).  Il  servira  en  même  temps  à  rec- 
tifier les  autres  données  inexactes  qui  se  sont  glissées  dans 
le  travail  d'ailleurs  si  estimable  du  frère  Dominicain  :  «  Les 
désastres  antérieurs  et  les  craintes  continuelles  que  le  déla- 
brement du  pont  inspirait,  dit  le  savant  conseiller  de  régence 
de  Maestricht,  engagèrent  enfin,  en  1683,  les  magistrats  à 
recourir  au  seul  remède  qui  put  parer  à  de  nouveaux  mal- 
heurs, savoir  le  renouvellement  entier  du  pont. 

»  Le  21  juin,  la  régence  approuva  la  soumission  faite  par 
François  Romain,  frère  convers  de  Tordre  des  Dominicains, 
à  Maestricht,  pour  la  reconstruction  de  la  première  arche 
occidentale,  qui  se  trouvait  en  fort  mauvais  état.  Aux  ter- 
mes de  cette  soumission,  l'entrepreneur  s'obligea  à  rebâtir 
l'arche  avec  les  parapets  dans  l'espace  de  cinq  mois  et  demi, 
moyennant  une  somme  de  quatorze  mille  florins,  argent  de 


dessus,  et  ne  laisseront  pas,  pour  ce,  lesdits  Héritiers,  ou  les  Biens  du  Tes- 
tateur, d'estre  promptement  exécutables  pour  ledit  donatif  ou  subside. 
5.  Tous  Délinquants  condamnez,  ou  composants  avec  les  Hauts  Escoutets, 
seront  obligez  de  payer,  pour  l'entretien  susdit,  outre,  et  au  dessus  de  leur 
niulcte  ou  amende,  un  Pattagon,  ou  demi  Pattagon,  à  proportion  de  leurs 
Moyens.  6.  Ceux  qui  viennent  à  estre  condamnez  dans  des  corrections,  ap- 
pellées  en  Flamend  Forfailen  et  Meskeuren,  payeront  à  Tcffet  que  dessus,  au 
dessus  de  leur  mulcte,  un  ou  deux  florins,  respectivement.  7.  Toutes  autres 
condamnations,  qui  eschoiront,  et  seront  destinées  au  profit  de  la  Ville, 
seront  appliquées  à  renfretien  susdit.  8.  Ceux  qui  désirent  acquérir  la  Bour- 
geoisie de  cette  Ville,  ne  pourront  estre  admis  à  serment  par  les  Hauts 
Escoutets,  ni  Bourguemoistres,  s'ils  n'ont  fourni  préalablement  deux  florins 
à  l'entretien  du  Pont.  9.  Ne  pourront  aussi  les  Maistres  des  Mestiers,  ad- 
mettre, ni  présenter  toiles  Personnes  pour  Compagnons  du  Mesticr,  ne  soit 
qu'ils  payent  autres  deux  florins,  au  dessus  de  l'argent,  pour  les  Seaux 
ordinaires,  appelle  en  Flamend,  het  Emmer-gelt.  10.  Lesdits  Moyens  et  Re- 
venus, destinez  à  la  repai-ation  du  Pont,  seront  rendus  annuellement  au  plus 
Enchérisseur,  avec  les  autres  Moyens  publics  de  celte  Ville. 

(1)  Voyez  ce  que  nous  avons  dit  de  ce  recueil  précieux  dans  le  Bullclin  du 
bibliophile  belge,  t.  VIII,  p.  36. 


—  2B8  — 

Liège,  payables  entre  les  mains  des  pères  Dominicains,  à 
des  époques  fixées  dans  Pacte  d'adjudication  (i). 

»  Le  3  juillet  suivant,  il  fut  délégué  une  commission, 
composée  des  bourgmestres,  des  mai  très  de  fabrique  et  de 
François  Romain,  à  refîet  de  constater,  par  une  inspection 
exacte,  les  réparations  qu'exigeait  le  reste  du  pont,  sur  l'état 
duquel  des  rapports  alarmants  avaient  été  faits. 

»  Le  50  mai  1684-,  François  Romain  fit  connaître  à  la 
régence  que  la  pile  de  la  première  arche  du  côté  de  la 
porte  aux  houilles  devait  être  démolie,  aussi  bien  que  la 
moitié  de  la  petite  maison  élevée  en  cet  endroit.  Cette  dé- 
molition n'étant  point  comprise  dans  l'accord  primitif,  ii 
fut  résolu,  sur  la  demande  de  l'entrepreneur  et  d'après 
l'avis  d'une  commission,  de  lui  payer  pour  celte  partie  une 
somme  de  quarante  pattacons. 

»  Le  26  juin  de  la  même  année,  on  députa  une  commis- 
sion pour  aller  prendre  inspection  des  travaux  à  faire  pour 
la  reconstruction  de  la  pile  démolie,  ainsi  que  du  corps  de 


(I)  Voici  les  principales  conditions  auxquelles  se  soumit  renirepreneur. 
—  De  démolir  Tarclic  en  question  jusqu'aux  anneaux  places  à  environ  cinq 
pieds  au  dessus  de  la  retraite  (de  veisnieding),  et  de  la  reconstruire  avec  de 
bonnes  pierres  de  Namur,  suivant  modèle;  —  de  cramponner  eu  fer  et  en 
plomb  les  pierres  de  cliaque  quatrième  couche;  —  de  placer  deux  fortes 
barres  de  fer,  aussi  longues  que  la  largeur  du  pont,  pour  prévenir  le  déjette- 
ment  latéral  de  l'ouvrage;  —  il  sera  permis  à  l'entrepreneur  d'employer, 
dans  la  nouvelle  construction,  les  pierres  de  l'ancien  ouvrage,  qui  seront 
trouvées  bonnes,  soit  de  soubassement,  de  cintre  ou  de  moulure;  —  de 
démolir  le  corps  de  garde  et  de  le  rebâtir  à  ses  frais. 

De  plus  il  y  est  stipulé  que  quant  aux  accidents  qui  pourraient  survenir 
par  des  causes  indépendantes  du  travail  de  l'entrepreneur,  celui-ci  ne  sera 
point  obligé  d'en  prendre  la  réparation  à  sa  charge;  —  que  si  cependant  les 
fondements  des  piles  qui  terminent  le  pont  près  de  la  ville  n'étaient  point 
trouvés  dans  l'état  convenable,  les  frais  exigés  pour  leur  réparation  vien- 
draient à  charge  de  la  ville. 

L'acte  portait  les  signatures  suivantes  :  CI.-Ern.  de  Montagne;  S.  Groen- 
lardt;  i.  Emericx;  S.  Van  Panliuys;  François  Romain. 

(Note  de  VAnnuah-e). 


—  2S9  — 

garde  el  d'une  partie  des  parapets,  et  le  5  juillet  le  frère 
Romain  se  chargea  des  réparations  à  faire  au  pont  et  non 
mentionnées  dans  radjudicalion,  moyennant  une  somme  de 
onze  cents  florins  de  Liège,  y  compris  les  matériaux  et  les 
journées  de  travail. 

»  V'oilà  en  substance  les  détails  des  ouvrages  faits  à  notre 
pont,  par  François  Romain,  détails  que  nous  avons  jugés 
assez  intéressants  pour  nous  y  arrêter. 

»  Les  procès-verbaux  des  séances  du  conseil  municipal 
prouvent  évidemment  que  le  pont,  tel  qu'il  existe  aujour- 
d'hui, n'a  pas  été  construit,  ainsi  qu'on  l'a  cru  longtemps, 
d'après  les  plans  donnés  par  le  frère  François  Romain  :  il 
est  au  contraire  démontré,  par  le  cahier  des  charges  de 
l'entreprise,  qu'il  a  reconstruit  la  première  arche  sur  les 
anciens  fondements,  et  du  reste  fait  quelques  réparations 
moins  importantes,  qu'exigeaient  alors  les  autres  parties 
du  pont.  Ainsi  cette  reconstruction  et  celles  qui  l'ont  suivie 
au  commencement  du  XVIIP  siècle,  et  qui  constituent  le 
renouvellement  entier  du  pont,  ont  été  faites  d'après  les 
dimensions  et  les  formes  de  l'ouvrage  érigé  vers  la  fin  du 
XIIF  siècle. 

»  Mais  quoique  le  frère  Romain  ne  soit  point  l'architecte 
du  monument  dont  nous  traitons  (i),  quoiqu'il  ne  soit  que 
l'entrepreneur  delà  reconstruction  d'une  partie  de  l'ouvrage, 
cette  circonstance  ne  doit  point  diminuer  l'estime  que  font 
naître  en  nous  les  talents  de  cet  habile  religieux  :  car,  à 
l'occasion  de  cet  ouvrage,  il  donna  des  preuves  si  mar- 
quantes de  son  génie  et  de  ses  connaissances,  que  par  ordre 


(I)  Feu  M.  lingénieur  en  chef  H.  Guillery,  ordinairement  si  exact  et  si 
consciencieux  dans  ses  recherches,  a  suivi  l'opinion  vulgaire,  faute  d'avoir 
connu  les  sources  auxquelles  nous  avons  puisé  pour  notre  travail.  11  dit  dans 
ses  savantes  Études  sur  la  Meuse,  p.  17  :  «  Le  beau  pont  de  Maestricht,  com- 
posé de  neuf  arches,  a  été  bâti  en  1683,  par  Jacques  {sic)  Roman,  frère 
dominicain.  »La  même  erreur  est  reproduite  à  la  table  chronologique,  p.  532. 


Pont  de  Meuse,  à  Nanuir     » 

9 

Pont  (le  Huy,                        » 

7 

Pont  suspendu,  à  Seraing,   » 

» 

Pont  du  Val-Benoît,  à  Liège, 

5 

Pont  de  la  Boverie,  à  Liège, 

5 

Pont  des  Arches,  à  Liège,   » 

6 

Pont  de  MaestrichI,              » 

9 

—  240  — 

supérieur  il  lut  appelé  en  France,  où  Louis  XIV  lui  conlia, 
en  1685,  la  construction  du  pont  royal,  bâti  sur  la  Seine, 
vis-à-vis  le  grand  pavillon  du  palais  des  Tuileries   » 

Il  n'est  pas  hors  de  propos  de  remarquer  que  le  pont  de 
Maestriclit  est  le  plus  long  de  tous  ceux  qui  sont  construits 
sur  la  Meuse,  depuis  la  frontière  de  France  jusqu'à  la  prise 
d'eau  du  canal  de  Bois-le-Duc,  à  l'aval  de  Maestriclit.  On 
s'en  convaincra  eu  jetant  les  yeux  sur  le  tableau  suivant  : 

Pont  de  Binant,  composé  de  3  arches  et  d'une  travée;  long,  totale,  107'n,50 

»            »  1)  »            lis™,  83 

»           >>  M  «            159™, 00 

»             »  »  débouché,  120n>,00 

»            »  »  long,  totale,  130™, 00 

»            »  »  »            152m, 00 

»            »  »  »            129™, 60 

»  «  »            160™,  00 

Il  a,  y  compris  les  parapets,  9  mètres  2  décimètres  de 
largeur.  Les  9  arches  ont  respectivement  pour  ouverture,  à 
partir  de  la  rive  gauche  :  12"%00;I2°%50;  12™,60;  15«,4.0; 
15'",50;  12™,80;  12™,10,  12^,60  et  19'»,70.  Les  voûtes 
sont  en  plein  cintre,  à  l'exception  de  la  neuvième  qui  est 
surbaissée.  Des  piles  de  4  mètres  d'épaisseur  séparent  les 
arches. 

Outre  les  renseignements  sur  le  frère  Romain  que  nous 
avons  donnés  dans  le  Bulletin  du  Bibliophile  belge,  t.  VIII, 
p.  43  (i),  nous  consignerons  ici  quelques  particularités 
qui  le  concernent,  et  qu'a  ignorées  son  respectable  confrère 
Moulaert.Nous  les  puisons  dans  un  manuscrit  dePh.  Baert, 
reposant  à  la  bibliothèque  royale,  et  dont  IM.  de  Reiffenberg 
n'a  pas  fait  usage  pour  l'édition  qu'il  a  publiée  en  1848  des 
Mémoires  de  cet  auteur  sur  les  sculpteurs  et  architectes  des 
Pays-Bas. 

(1)  On  peut  encore  consulter  sur  notre  religieux  VHistoire  liltéraire  du 
rcf/nc  (le  Louis  XIV,  par  Tabhé  Lambert,  et  la  Description  historique  de  la 
ville  (le  Paris,  par  Piganiol  de  la  Force. 


—  241   — 

Nous  avons  trouvé  dans  un  des  documents  annexés  au 

travail  de  Baert  les  lignes  suivantes  :  « IQ^AptHlis  167!2 

habitum  laïcaleni  susccpit  gandensis  latomus;  die  7^  maii 
1673,  anno  œtatis  suœ  25  profcssîis  est.  »  Si  l'on  pouvait 
ajouter  foi  à  celte  indication,  il  en  résulterait  que  la  nais- 
sance de  François  Romain  devrait  être  reportée  à  Tan  1630, 
et  non  à  l'année  1646,  date  donnée  entre  autres  par  le  père 
Texte  et  dans  le  billet  latin  de  part,  dont  nous  ferons  men- 
tion dans  un  instant. 

Par  suite  du  zèle  qui  l'animait  pour  l'ordre  auquel  il 
appartenait,  le  frère  Romain  procura  l'établissement  des 
religieuses  dominicaines  à  Menin.  Sa  sœur  fut  la  première 
supérieure  du  nouveau  couvent. 

Le  frère  Moulaert  regrette  avec  raison  que  nous  ne  pos- 
sédions pas  de  détails  sur  les  nombreuses  constructions 
dues  à  la  prodigieuse  fécondité  de  l'architecte  gantois. 
Nous  avons  rencontré  dans  une  copie  des  litterœ  morlua- 
riœ  (i),  jointe  au  manuscrit  de  Baert  cette  indication  pré- 
cieuse :  «  Quimjenti  pontes,  aggeres  nec  non  palatia  et  œdi- 
ficia  in  hanc  horani  ingenii  illius  sublimitalem  testantur  et 
loquuntur.  »  Ce  chiffre,  dont  rien  ne  nous  fait  suspecter  la 
vérité,  est  réellement  étonnant. 

Nous  ne  nous  serions  pas  permis  de  communiquer  ces 
notes  aux  honorables  rédacteurs  du  3Iessager  des  Sciences 
historiques,  si  nous  n'avions  été  guidé  par  la  pensée  qu'elles 
ne  seront  peut-être  pas  inutiles  au  futur  biographe  de  l'ha- 
bile et  modeste  enfant  de  la  noble  cité  gantoise. 

Ch.  de  Chénedollé. 


(I)  On  lit  au  bas  de  celle  copie  :  Concordat  cum  suo  originali.  Quod  aUes- 
lor  /•'.  [Icnricus  Scracps  ord.  prœd.  sacrisia  Brux. 


—   242  — 


Eaoul   îre  (Êrcqui, 


POEME    INEDIT. 


Henri  III  de  BrabaiU  cultivait  les  lettres.  II  avait  attiré 
à  sa  cour  les  esprits  les  plus  éminents  de  son  siècle,  et  il 
fut  même,  sur  la  fin  de  ses  jours,  épris  de  la  célèbre  Barbe 
de  Verrue  que  les  rives  du  Gardon  virent  naître,  et  qui, 
pendant  soixante  ans,  courut,  le  luth  en  main,  toute  l'Europe 
de  château  en  château.  Nous  avons  encore  quelques  vers 
latins  de  ce  prince,  qu  il  composa  en  l'honneur  de  cette 
charmante  trouveresse,  qui  eut,  entre  autres,  la  gloire  de 
laisser  après  elle  dépositaires  de  son  génie  les  trois  muses 
connues  sous  le  nom  des  trois  Roses.  L'une  d'elles  fut  la 
célèbre  Rose  de  Créqui,  dont  le  nom  resta  depuis  toujours 
allié  à  celui  de  ses  deux  compagnes.  Flore  de  Rose  et  Rose 
d'Estrées,  et  qui,  d'après  ce  que  nous  savons  touchant 
l'illustre  trouveresse,  qui  lui  apprit  l'art  du  vers,  dut  vivre 
dans  la  seconde  moitié  duXIIP  siècle  ou  au  commencement 
du  XIV«. 

Au  temps  où  Rose  chantait  ne  devait  point  encore  s'être 
perdue  la  mémoire  du  bon  chevalier  Raoul  dont  elle  était 
une  descendante,  et  dont  la  légende,  trouvée,  il  y  a  deux 
ans,  parmi  les  papiers  du  poète  Sédaine,  était  restée  jus- 
qu'à nos  jours  totalement  ignorée.  Rose  l'a-t-elle  elle-même 
chantée?  Est-ce  une  réminiscence  de  ces  chants  que,  dans 
un  siècle  plus  rapproché  de  nous ,  un  trouvère  inconnu 
s'est  plu  à  raviver?  Ce  sont  là  des  questions  que  nous  nous 


—  243  — 

sommes  posé,  sans  avoir  néauinoius  rien  trouvé  qui  pùl 
nous  instruire  à  ce  sujet. 

La  légende,  telle  qu'elle  nous  est  parvenue,  neuve,  pour 
les  personnages  qu'elle  met  en  scène,  ne  l'est  point  pour  la 
forme  dramatique.  C'est  une  de  ces  aventures  qu'on  trouve 
au  moyen-âge  attribuées  à  cent  héros  divers  par  les  trou- 
vères français,  allemands  et  anglais.  Ces  récits  se  colpor- 
taient de  château  en  château.  L'époque  des  Croisades  était 
le  temps  des  longues  absences,  et  rien  de  plus  naturel  que 
les  mêmes  craintes  d'un  retour  inespéré  aient  souvent  fait 
prendre  les  mêmes  précautions  de  reconnaissance.  Les 
mêmes  faits,  les  mêmes  preuves  devaient  souvent  se  repro- 
duire; et  plus  d'un  chevalier,  arrivé  à  la  porte  de  son 
chàtel,  dut,  comme  le  bon  Raoul,  y  être  méconnu  sous  ses 
habits  de  mendiant,  plus  d'un,  les  traits  appauvris  par  la 
misère  et  les  maladies,  brunis  par  le  soleil  du  désert,  dut 
avoir  besoin  de  preuves  pareilles  à  celles  qu'il  fournit,  pour 
reprendre  sa  place  au  foyer  seigneurial. 

Le  chevalier  Raoul,  dont  le  nom  n'est  nulle  part  cité 
historiquement  dans  les  annales  des  Croisades,  prit  part, 
selon  la  poétique  légende,  à  l'expédition  si  impolitique  Je 
Louis  Vil  en  Palestine. 

On  sait  que  quarante-sept  ans  s'étaient  à  peine  écoulés 
depuis  la  première  croisade  sous  Godefroid  de  Bouillon, 
que  le  royaume  de  Jérusalem,  fondé  par  ce  prince  et  ses 
illustres  compagnons,  était  aux  abois,  et  que,  dans  l'état 
de  jalouses  querelles  où  étaient  les  seigneurs  des  grands 
fiefs  de  la  Palestine,  et  dans  l'abandon  où  se  trouvaient  le 
l)eu  de  chevaliers  qui  étaient  encore  en  Judée  et  que  déci- 
mait chaque  jour  le  fer  des  Sarrasins,  il  était  à  craindre 
que  le  sort  d'Edesse,  qui  venait  de  tomber  sous  les  coups 
de  Zengui  et  de  Nourcddin,  ne  devînt  aussi  celui  de  Jéru- 
salem. Le  danger  était  imminent  à  moins  que  l'Europe, 
aux  cris  d'alarme  jetés  par  l'Orient,  ne  répondit  en   pre- 


-■  244  — 

liant  le  glaive,  et  n'envoyât  de  nouveaux  secours  aux  pro- 
vinces envahies. 

A  la  voix  puissante  de  S'-Bernard  et  à  l'appel  de  Rome 
chrétienne,  tous  ceux  que  l'aiguillon  du  remords,  des  sen- 
timents d'ambition  ou  de  ferveur  excitaient,  prirent  la  croix. 
Louis  VII  que  tourmentait  le  souvenir  des  flammes  de  Vitri, 
écouta  cet  appel,  malgré  les  sages  représentations  de  son 
ministre,  et  avec  quatre-vingt  mille  hommes,  il  se  lança 
dans  cette  expédition  qui,  influencée  par  les  moines  qui 
l'avaient  préchée,  manqua  principalement  par  le  défaut 
d'énergie  qui  seule  produit  de  grandes  actions.  La  reine 
Éléonore  suivit  son  époux,  ainsi  qu'une  foule  d'amazones 
qui  se  jetèrent  sur  les  traces  des  guerriers,  au  milieu  des 
chants  des  trouvères  et  des  ménestrels.  Les  résultats  de  ce 
pérégrinage  où  la  voluptueuse  reine  se  montra  si  galante 
envers  le  prince  d'Antioche,  fut  pour  la  France  la  perte  de 
la  Guienne  et  du  Poitou  qu'elle  avait  apportés  en  dot  à 
Louis  VII,  et  qu'il  rendit,  lorsque,  par  un  acte  plus  impo- 
litique encore  que  l'expédition  malheureuse  où  il  s'était 
laissé  entraîner,  il  la  répudia  par  jalousie  à  son  retour.  Par 
le  nouveau  mariage  que,  six  semaines  après,  Eléonore  con- 
tracta avec  Henri,  comte  d'Anjou  et  duc  de  Normandie,  la 
Guienne  et  le  Poitou  passèrent  plus  tard  aux  Anglais,  quand 
Henri  eût  pris  possession  de  la  couronne  d'Angleterre. 

Raoul  de  Créqui,  que  nous  avons  vu,  d'après  le  poëme, 
suivre  Louis  VII  en  Palestine,  était  fils  de  Gérard  de  Créqui 
que  citent  les  annales  de  la  première  croisade  (i),  et 
d'Yolande  de  Ilainaut.  Les  larmes  de  Mahaut  de  Craon, 
son  épouse,  enceinte  de  son  premier  enfant,  ne  purent  le 
retenir,  et  il  s'arracha  de  ses  bras,  fier  de  pouvoir  suivre 
en  Orient  l'exemple  de  son  vaillant  père.   Il  avait  quatre 

(1)  Voyez  De  Rcifrcnberg,  Monuments  pour  servir  à  l'histoire  des  provinces 
de  Namur,  de  Ilainaut  et  de  Luxemhourr/,  T.  V,  Preuves  el  Noies,  p.  CXLVII- 
—  Meyer,  folio  31  verso.  —  P.  Roger,  la  Aoh.  de  Fr.  aux  croisad.  173. 


—  245  — 

frères,  dont  les  deux  aînés,  Roger  et  Godfroid,  se  joignirent 
à  lui.  Pour  pouvoir  un  jour  se  faire  reconnaître,  il  brisa, 
en  partant,  son  anneau  et  en  laissa  la  moitié  à  son  épouse 
éplorée. 

Les  croisés,  arrivés  en  Terre  Sainte,  eurent  à  soutenir 
plusieurs  rudes  combats.  Dans  l'un  d'eux  où  les  Musulmans 
restèrent  vainqueurs,  tombèrent  la  plupart  des  chevaliers 
compagnons  de  Raoul.  Les  sires  de  Breteuil,  de  Maguenac, 
de  Montguai  et  plusieurs  nobles  écuyers,  tels  que  Maurei, 
Brimeu,  Creisèque,  Hesdin,  Doisèque  et  Senipy  furent  tués. 
Cléty,  Jean  des  L rennes,  Guillaume  de  Biaurin,  Pierre 
d' Aliènes,  jeunes  gens  que  leur  courage  emporta,  payèrent 
de  leur  sang  leur  intrépidité.  Le  seul  sire  de  Bies,  Jean 
d'Azincourt  et  Hugues  d'IIumièresne  furent  point  renversés. 
On  avait  vu  tomber  Créqui  dans  la  mêlée,  et  la  nouvelle  de 
sa  mort  se  répandit  au  camp  du  roi;  elle  ne  tarda  point  à 
être  portée  à  son  épouse  en  Europe  par  le  premier  messager. 

Mahaut  était  pendant  ce  temps  accouchée  d'un  fils.  Elle 
pleura  le  père  de  son  enfant,  et  pendant  dix  ans  résista  à 
toutes  les  instances,  que  le  sire  de  Renty  fit  auprès  d'elle 
pour  obtenir  sa  main. 

Créqui  cependant  n'était  point  mort. 

Relevé  du  champ  de  bataille,  grièvement  blessé,  mais 
palpitant  encore,  il  revint  à  la  vie  grâce  aux  soins  qu'eurent 
de  lui  les  Musulmans,  et  demeura  leur  prisonnier  pendant 
ces  dix  ans.  Ses  deux  frères  étaient  morts  à  ses  côtés.  Bau- 
doin, l'un  des  deux  plus  jeunes  restés  en  Europe,  jaloux  de 
la  naissance  du  fils  de  Créqui,  poursuivait  la  mère  de  sa 
haine,  et  menaçait  de  ravir  à  l'enfant  son  patrimoine.  La 
veuve,  dans  cette  perplexité,  pressée  par  son  père,  qui  loin 
d'elle,  ne  pouvait  la  protéger,  consentit  enfin  à  devenir 
l'épouse  de  Renty.  Elle  allait  convoler  à  de  secondes  noces, 
quand  Raoul,  miraculeusement  délivré  de  sa  prison,  parut 
lui-même  aux  portes  de  son  manoir. 


—  VtQ  — 

Toujours  en  effet  fidèle  à  sa  foi,  malgré  les  persécutions 
qu'on  mit  en  œuvre  pour  Ten  détourner,  le  bon  chevalier 
avait  été  condamné  à  mort,  et  déjà  il  avait,  plein  de  rési- 
gnation, fait  à  Dieu  sa  dernière  prière.  Dieu  l'avait  en- 
tendu, et  pendant  son  sommeil  Raoul  avait  de  la  tour  qui 
le  renfermait  en  Palestine  été  transporté  eu  Europe  dans 
les  forêts  qui  l'avaient  vu  naître. 

Dans  le  poëme  est  ici  dépeint  l'étonnement  du  chevalier 
quand  à  son  réveil,  il  se  vit  au  sein  de  cette  nature,  si 
différente  de  celle  où  il  s'endormit,  et  qu'il  ne  sentit  plus 
à  ses  pieds  ni  à  ses  mains  les  chaînes  au  poids  desquelles 
il  était  habitué  depuis  si  longtemps.  Un  bûcheron  qui  le 
vit,  le  prit  lui-même  pour  un  sauvage,  tant  son  teint  était 
hâlé,  tant  sa  barbe  était  longue  et  sale.  A  l'exclamation 
française  qui  échappe  à  cet  homme  lorsque  Raoul  l'inter- 
roge en  syrien,  la  surprise  du  chevalier  ne  fait  que  redou- 
bler. Mais  enfin  tout  s'explique,  et  il  apprend  qu'il  est  au 
sein  des  forêts  qui  l'ont  vu  naître,  aux  portes  de  son  châ- 
teau. Il  sait  que  son  vieux  père  est  mort;  que  son  fils  est 
vivant;  mais  que  lui-même,  trahi  dans  son  amour,  il  arrive 
pour  être  témoin  des  noces  auxquelles  sa  femme  va  con- 
voler et  pour  lesquelles  tout  se  prépare  au  manoir.  Il  se 
reconnaît  enfin,  et  s'avance  jusqu'au  pont  du  châtel.  Par- 
tout on  le  repousse,  on  le  méconnaît.  Il  attend  le  cortège, 
et  quand  il  aperçoit  son  épouse,  il  se  jette  à  sa  rencontre. 
11  se  présente  à  elle  comme  un  messager  que  son  époux  lui 
envoie.  Mais  elle  qui  si  longtemps  l'a  pleuré,  elle  qui  a 
reçu  la  nouvelle  certaine  de  sa  mort,  refuse  aussi  d'en  croire 
ses  paroles.  Il  se  nomme  enfin  et  veut  se  faire  reconnaître. 
Mais  elle  doute  encore;  elle  doute  jusqu'à  ce  qu'il  lui  ra- 
conte les  adieux  qu'il  lui  fit  la  dernière  nuit  qu'il  passa 
avec  elle  et  qu'il  lui  montre  la  moitié  de  l'anneau  qu'il  brisa 
en  sa  présence  et  dont  il  lui  laissa  l'autre  moitié. 

La  dame  alors  ne  peut  s'empêcher  de  croire  et  tombe 
dans  ses  bras. 


—  247  — 

Mais  elle-même  avait  perdu  cette  moitié  de  l'anneau. 
Or,  admirez  la  Providence...  Taudis  que  cette  scène  se 
passait  sur  le  pont,  s'ébattaient  dans  les  fossés  deux  su- 
perbes cignes,  dont  l'un  avec  son  bec  barboltant  dans  la 
vase,  ramena  à  la  surface  de  l'eau  le  morceau  d'anneau  que 
la  dame  un  jour  y  avait  laissé  tomber.  Ln  des  témoins  qui 
l'aperçoit,  se  précipite  dans  le  fossé  et  rapporte  à  la  châ- 
telaine le  fragment  d'or,  qui  en  effet  s'ajuste  à  celui  que  le 
chevalier  lui  avait  présenté.  Tout  le  monde  crie  miracle, 
et  se  jette  aux  genoux  de  Raoul.  Baudoin,  à  qui  le  retour 
de  son  frère  est  annoncé,  vient  lui-même  se  jeter  dans  ses 
bras,  et  obtient  son  pardon.  Le  repas  des  noces  était  pré- 
paré, et  il  servit  à  fêler  le  retour  du  seigneur,  qui,  dit  le 
poënie  en  terminant,  vécut  encore  plus  de  vingt  ans  en 
grand  amour  avec  sa  femme,  en  eut  encore  sept  enfants, 
fonda  un  grand  moutier,  et  fit  de  riches  dons  aux  monas- 
tères que  ses  ancêtres  avaient  fondés. 

D'après  une  note  que  nous  avons  trouvée  à  la  fin  du 
manuscrit  qui  nous  a  servi  à  transcrire  la  copie  que  nous 
donnons  de  ce  poëme,  le  chevalier  Raoul  aurait  été  enterré 
dans  l'église  de  l'abbaye  de  Loupvilliers,  dont  il  avait  été 
l'un  des  bienfaiteurs.  Cette  note  est  suivie  d'une  généalogie 
qui  commence  au  X*'  siècle  avec  Ramelin  P"",  sire  de  Cré- 
qui,  lequel  épousa  Avoye  d'Avesne  et  en  secondes  noces 
Alix  de  S'-Pol,  et  se  termine  avec  Philippe  de  Créqui  que 
citent,  dit  l'auteur  de  la  généalogie,  des  chartes  de  1238, 
1241  et  1254.  Cette  note  et  cette  généalogie  n'appartien- 
nent point  au  poëme  original,  et  ont  évidemment  été  ajou- 
tées à  la  copie  que  nous  avons  eue  entre  les  mains,  et  qui 
appartient  à  M.  Matter,  le  savant  auteur  de  VHistoire  du 
Musée  d'Alexandrie.  Le  papier  du  manuscrit,  l'écriture, 
tout  annonce  que  cette  copie  ne  remonte  point  au-delà  du 
dernier  siècle.  Il  est  probable  que  la  note  et  la  table  gé- 
néalogique ont  à  cette  époque  été  ajoutées  à  cette  copie  du 


—  248  — 

poenie,  tlonl  l'original  est  peut-être  perdu  et  dont  Fauteur 
et  la  date  nous  sont  inconnus. 

Nous  avons  exprimé  la  pensée  que  Rose  de  Créqui  avait 
dû  connaître  les  aventures  de  son  aïeul,  et  qu'elle  avait  déjà 
pu  donner  lieu  à  la  légende  dont  celle  que  nous  publions 
n'est  peut-être  que  la  réminiscence.  Ce  poëme  serait  dans 
ce  cas  d'un  intérêt  majeur  et  une  trouvaille  extrêmement 
précieuse. 

Cependant  il  est  permis  de  se  défier  de  son  antiquité,  et 
nous  sommes  les  premiers  à  reconnaître  combien  sa  facture 
a  un  caractère  moderne,  quoique  d'un  autre  côté,  nous 
sachions  combien  ce  caractère  se  retrouve  aussi  dans  d'au- 
tres poésies  anciennes,  dont  la  date  cependant  est  incontes- 
table. —  Le  renouvellement  de  la  rime  de  deux  vers  en 
deux  vers  dans  les  hexamètres  ne  remonte  guère,  il  est  vrai, 
que  vers  le  milieu  du  XV''  siècle;  seulement  l'on  pourrait 
demander  si,  quoique  jusqu'à  cette  époque  les  strophes  des 
grandes  épopées  nationales  ou  chansons  de  gestes  aient  été 
monorimes,  les  strophes  chantées  sous  la  forme  hexamètre 
n'ont  point  cependant  adopté  la  rime  renouvelée  bien  avant 
ce  temps.  Il  est  certain  du  moins  que  déjà  du  Xi'^  siècle 
datent  les  premiers  essais  du  vers  hexamètre,  qu'au XIII"  siè- 
cle il  était  d'un  emploi  général,  et  qu'a  ces  deux  époques 
aussi  la  rime  interposée  servait  généralement  dans  les  balla- 
des destinées  à  être  chantées,  comme  parait  l'avoir  été  celle 
que  nous  publions. 

Le  doute  est  dans  tous  les  cas  permis  dans  cette  question. 
Nous  ne  tenterons  point  de  l'écarter;  notre  but,  en  publiant 
ce  poëme,  n'est  que  de  provoquer  à  ce  sujet  une  controverse 
dont  il  surgira  peut-être  un  incident  qui  permettra  de  sou- 
lever le  voile  auquel  nous  n'avons  encore  osé  toucher. 

M.   DE  R. 


—  2-49  — 

iRaoïil  de  €réqiii, 

roÈME   (l). 


Le  roi  Loys  le  josiie  Iic')'anl  eniprins  le  crois 
Uoullieres  li  suihir  tous  les  brafs  Crencliois 
Cueilles,  prinches  cl  barons  toute  josne  nobleisse 
A  senrolier  Irestous  monslroynt  been  de  lie  preisse 

Euii  poissant  cliieualier  jouxte  le  Boulonnoy 
Treis  noble  posseisanl  del  cuentey  de  Ternoy 
Le  quint  aueuk  le  uiel  sire  Gierard  sen  père, 
Sic  eroisia  pour  allier  ous  lius  saints  a  le  guicrrc 

Cliiou  cheualier  esloy  preux  et  de  boen  renom 
Doutal)le  cl  qui  porloy  de  Kreky  le  seurnom 
Pour  sic  conij)aigne  auoye  espousicye  eune  feme 
En  cheilfi  mesme  anneye  qecstoye  foerl  belle  dame 

Le  dame  esloye  encheinle  adonc  Icnrolemcnl 
Que  fesit  sen  baron  sans  sen  assentement 
Maugriey  us  et  cousteume  dont  feul  si  atrislieyc 
Jonk  on  nen  auoye  ueûe  de  si  déconforteye 

Moes  le  boen  chieualier  féal  et  treis  courtois 
Par  aniltcy  se  dame  toudis  reconforlois 
Lcnliorlunl  dassenlir  a  si  saincle  pourmeisse 
Sans  pleus  len  destourbier  par  si  grande  dcslreisse 

Le  uicl  sire  a  le  dame  disoy  en  lenhorluiil^ 
Oullre  mer  giou  cstey  déviant  men  iosne  temps 
Enroliey  on  mauoye  sans  congicy  de  men  j)crc 
Sic  en  l'eu  been  geoyeu  estiou  me  dame  mcre 

(1)  Le  manuscrit  original  est  inconnu.  La  copie  sur  laquelle  celle-ci  a  clé 
transcrite,  a  été  trouvée  par  M.  Matter  dans  les  paj)iers  du  poêle  Sédaine, 
«ju'il  avait  clé  chargé  de  mettre  en  ordre,  en  septembre  184-8.  —  Pour  con- 
server à  ce  poënic  toute  sa  valeur  ancienne ,  nous  n'avons  jjoint  touché  à 
l'orthographe  cl  nous  nous  sommes  obstcnus  de  ponctuer. 

18 


—  2S0  — 

Uos  baron  ueyra  teil  peregriner  sien  roy 
Sen  alier  ous  lieus  saincts  batailicr  pour  le  foy 
—  Josne  et  preux  de  mourier  oisieux  en  le  Frenclie 
A  trente  ans  eil  aroye  uergogne  et  mesprisienche 

A  le  parfin  le  dame  poussiey  par  dévotion 
Feut  riesoul  dassentir  ou  uœu  de  son  baron 
Senrolieres  aueuk  ly  estiou  deus  de  sies  frères 
Et  vint  septe  escuyers  rengieys  subs  se  bannière 

Quand  le  nouyct  feut  uenue  deu  trieste  partement 
Le  dame  dens  sen  lict  plouroye  amèrement 
Le  chiualier  perplex  oultraigiey  de  trieistesse 
Le  print  enter  sies  bras  et  feit  cheile  pourmeisse 

Giou  te  jure  ma  mie  amour  et  feyaulteye 
Sy  ly  prendant  sie  main  sen  anniau  lia  osteye 
Soudain  leyhant  pompeu  et  mis  en  deus  partye 
Sy  ly  en  bailla  eune  et  uuardia  le  moytye 

Cheile  moytye  danniau  pour  nos  noepches  beny 
Tondis  giou  reuardereye  come  féal  mary 
Sie  geamois  geou  reuien  deu  sainct  peregrinaige 
Giou  uos  raportereye  de  me  foy  cheu  chier  gaige 

Quand  le  nouyct  feut  finey  et  ueneu  le  mastin 
Le  cheualier  se  dame  a  mesney  par  le  mein 
Empriey  le  uiel  sire  sen  segneur  et  sen  père 
Ladjeurant  quiel  uoulsit  toudis  le  tenir  chiere 

Le  uiel  sire  le  dame  tout  en  plourant  besia 
Le  chieualier  en  terre  a  gienous  sie  gietia 
Chier  sire  men  boen  père  pour  men  peregrinaige 
Uoulsisiey  nw  bénir  pour  chiou  lointain  ueyaige 

Le  uiel  sire  sies  hyeux  et  sies  deus  meins  lieuant 
Ou  chiel  clamia  tout  hault  segneur  omnipotent 
Benisticys  men  cher  filx  en  cheile  saiucte  guiere 
Et  sie  le  ramesney  en  se  natale  terre 

Sie  benict  apriey  ly  deus  de  sies  fieus  mesneys 
Apriey  les  acolia  aueuk  tous  les  croisieys 
Que  le  boen  cheualier  mesnoye  subs  sie  bannière 
Pour  allier  conter  lies  turks  en  le  saincte  terre 


—  251   — 

Briefs  adicus  fcsit  montant  scn  paslefroy 
Adone  trompes  et  clorions  sonnieres  a  haultes  vois 
Le  noble  troupe  estoye  nurabrieuse  et  leglere 
Eun  escuyer  portoy  le  crois  seur  le  bannière 

Sy  chieuauchieres  tant  queils  raleindires  lost 
Qui  gea  etoye  en  roule  estant  parlye  pleusîost 
Onk  on  ne  auoye  ucu  cune  sy  beile  armeye 
Ne  sy  gcnle  noblcisse  ne  sy  been  esquipeye 

Lieschons  lies  chemines  et  allier  oultre  mer 
Pour  remembrer  leurs  foects  faulroy  eun  libure  entier 
Cheile  sie  noble  emprinse  et  sy  numbrieuse  armade 
Estoye  coires  nommeye  dies  frencLois  le  croisiade 

Rebrouchions  vers  le  dame  quy  eu  peu  se  acoukia 
Deun  biau  fieus  ky  sie  mère  eun  petit  consolia 
Le  uiel  sire  en  sentit  eune  teile  liesse 
Queil  cachia  de  sen  cœur  tous  riestans  de  triesteisse 

En  brief  eil  despechia  dies  Icstres  ou  chieualier 
Empryes  satalie  ou  payhis  doultre  mer 
La  eil  feul  aduisiey  que  deun  fieus  estoy  père 
Et  quen  sentey  estoynt  lenfenchon  et  sie  mère 

Cheile  boisne  nouueile  grant  j'oyey  ly  causia 

Cheis  affeins  et  amey  soudain  eil  assemlia 

Grant  feste  en  feut  mesneye  aueucq  sen  parentaige 

Dont  boen  numbre  aueucq  ly  estoynt  deu  sainct  ueyaige 

Cheile  grande  liesse  ne  deuria  mye  lointemps 
Aduint  eune  rencontre  aueuk  lies  mescroyans 
Lie  chieualier  mesnoye  tout  premier  sie  bannière 
Et  eun  passiaige  hatreckt  lost  estoy  loin  derrière 

Deux  bannières  suijhoynt  cheile  deu  chieualier 
Et  montoynt  aprey  ly  cheu  foert  hatreckt  sentier 
Subs  luers  chiefs  lies  sires  de  Bresteul  et  Uarennes 
De  nobles  chies  trois  routes  faisoynt  eune  chenteine 

Lies  turks  en  hault  deu  mont  le  passiaige  uuardoynt 
Tout  ousy  dreus  que  greisle  lueurs  fleisches  descochoynt 
Sur  lies  crestiens  montans  liesqueus  a  coups  despcyes 
Combatoynt  pour  foercher  de  cheu  hauU  mont  Icntreye 


—  2S2  — 

Lies  frères  ou  cheualier  Rogier  et  Godefroy 

Fueres  occhis  dies  turks  ou  premier  desaroy 

Auoeuck  plusis  de  vint  de  luers  pleus  foerts  gendarmes 

Moes  pour  chiou  lies  crestiens  ncn  prendoynt  meydallarmes 

Lies  mescroyans  en  liault  tous  been  ou  largue  estoynt 
Lies  crestiens  en  montant  uaillament  combatoynt 
Le  sire  de  Creky  deun  moult  et  hault  couriaige 
Batailla  lunguement  pour  foerchier  le  passiaige 

Moes  adonq  quon  auoye  foerchiey  lies  mescroyans 
Reuenaynt  en  luers  plache  toudis  deus  foes  autant 
La  fueres  occhis  lies  sires  de  Breteul  et  Uuarennes 
De  Marguenac  et  Montgay  aultres  par  chinquentaines 

Lies  pleus  preux  qui  estoynt  entre  lies  escuyers 
Qui  auoynt  been  uuaignieys  esprons  die  chieualiers 
Fueres  lies  hoirs  die  Maumey  de  Brimeu  de  Creiseikc 
Die  Housdings  die  Sempy  et  le  Boergne  deisseike 

Trestous  y  fueres  occhis  et  been  des  uuarletons 
Nobles  et  joesnes  qui  nauoyent  mye  barbes  ous  mentons 
Ly  Pietot  die  Clety  auoeuk  Jehan  des  Urennes 
Uuillaume  de  Biaurin  auoeuk  Pieron  Dallennes 

Dies  trois  routes  nestoynt  pleus  que  vint  combatans 
Lies  turks  seur  ly  mont  estoynt  pleus  de  trois  chents 
Le  chieualier  en  feit  moult  desconfîteure 
Quis  kehit  seur  lies  morts  trei  perchey  de  naureures 

Adonk  le  cueur  failchit  ou  petit  die  mourants 
Dies  trois  roules  n'y  estoynt  pleus  que  septe  riestanis 
Tous  aultres  prins  ou  morts  estendues  de  seur  terre 
Dies  septe  trois  nanreys  ensemble  rebrouchiere 

Lies  noms  dies  cheualiers  dies  septe  riescapeys 
Deu  poyhis  di  Ternoys  feut  le  segneur  deu  Bieys 
Aueuk  Jehan  Dasincourt  et  Hugues  de  Heumiere 
Lies  aultres  estoynt  uenues  de  Frenche  en  cheile  guerre 

Sie  ratelndires  lost  eslians  tous  desconfits 
Moult  doeul  en  mesnieres  luers  affins  et  amys 
Sic  pourmires  tirier  die  luers  trespas  uengianche 
Et  de  cachier  perdeus  cheile  maudite  engianche 


—  ioi  — 

Râlons  ueir  que  faisoyul  pai-  nouycl  lies  uiescioyans 
Lies  corps  dies  crestieiis  niorls  eils  aloynt  despouilians 
Chetuy  deu  cheualier  sens  foerche  et  sins  lumière 
Emmy  lies  morts  estoy  gisant  deseur  la  terre 

Corne  on  le  despouiliey  sy  tresmua  been  foert 
Eun  archier  le  ueyaut  cryea  eil  ny  est  my  mort 
Sy  ne  le  faut  occhir  chey  le  chief  de  le  route 
On  ne  racatera  been  ker  sens  neule  double 

Adonk  en  le  querkia  loyey  en  eun  mantel 
Seur  eun  keual  eil  feut  mesuey  en  eun  liamel 
La  ou  en  uisitea  ses  naurures  morteiles 
De  seur  liesqueles  on  meil  unguens  et  apareiles 

Le  poure  cheualier  neauoye  neul  sentiment 

Pour  chiou  queil  auoye  perdeu  par  troop  de  sang 

Moes  corne  josne  estoy  et  de  foerte  nateure 

On  cuidia  queil  polroy  reuarir  de  cheys  naurures  (*) 

Lies  sens  et  le  parole  l'y  eslyant  retournej's 
Cheu  feut  pour  sie  douloir  die  se  calamyteys 
Que  de  misieres  las  en  eun  sy  dur  seruayge 
Uolray  bien  mieus  morir  que  uiure  en  esclauayge 

Le  moestre  quy  lauoye  a  lypour  son  butin 

Ly  fesit  amitey  ly  feit  besier  sie  main 

Le  chleualier  noyet  mie  rien  de  sen  langaige 

Moes  ueit  been  queil  ne  uolay  mye  ly  foere  oultraige 

Sy  kieria  a  gienous  mitan  deun  anniau  dor 

Queil  mousfra  quen  auoye  prins  despouiliant  son  corps 

Enclos  en  eun  boursin  auoeuk  eun  relikiaire 

Qui  ly  fueres  rendeus  par  pitey  sie  misiere 

Gea  eil  sie  uuarifloy  cuidant  sie  racalrer 
Pour  deux  chent  besiant  dor  despekia  messagier 
Alost  des  frenchois  moes  focsant  chou  ueyaige 
Feut  occhis  des  creslicns  qui  lièrent  moult  carnaigc 


{')  Vers  trop  long. 


2o4 


Dîes  mescro}  ans  boen  numbre  estant  tous  dcsconfil» 
Ou  par  fond  desourye  sen  moestre  adonk  sy  enfuys 
Paient  queil  ly  suyhit  en  deure  seruiteude 
Sen  esclauaige  adonk  comenchia  ly  estre  reudc 

Alost  deu  Roy  Loys  on  cuidoy  pour  chierlein 
Le  cheualier  oechls  auoeuk  pleus  de  uint 
Been  nobles  escuyers  seruians  subs  sie  bannière 
Sies  affins  et  uassiaus  auoeuk  sies  deux  frères 

Lies  premiers  messagiers  qu'en  Frenche  en  despekia 
Aportieres  nouueiles  de  tous  cheys  trépas  là 
Le  dame  en  laprcndrant  keut  en  terre  pasmeye 
Le  uiel  sire  Gierard  onkes  not  meye  sartaye 

Pau  apriey  morut  le  uiel  sire  dcnnuy 
Le  dame  ot  bccn  uoleu  morir  auoeuk  ly 
Not  estey  lenfenchon  pour  quy  le  poure  mère 
Toute  deseoufortey  lamentoy  sie  misiere 

Eun  frère  ou  clieualier  en  Frcnclie  demourey 
Uoley  dies  castelleryes  se  foere  adheritiey 
Pour  tollir  le  meneur  de  sen  droit  bieritaige 
Pour  cbiou  le  poure  dame  enduroye  moult  ouUraige 

Lie  poure  chieualier  quy  gea  estey  meney 
Ou  poyhis  de  Sourye  en  se  captiuetay 
Poui-metoy  been  toudis  sien  racapt  a  sen  moestre 
Qui  auoye  conuenenchiey  par  eune  boesne  lestre 

Moes  faloy  slapendant  seruir  et  besoignier 

Le  poure  esclaiue  las  ne  sauoye  neul  mestier 

Par  pitey  on  li  meit  a  uuardier  lies  ouailles 

Subs  eun  preumier  berkier  quauoyc  tros  de  bestailles 

Lie  poure  esclaive  las  en  uuardant  sies  troupiaux 
Clanieye  toudis  a  Dieus  foere  finer  sies  maux 
Moes  jamoes  ne  pouit  oys  neules  nouueiles 
De  Frenche  et  diemouroy  submys  ous  infidelles 

Gea  septe  anneys  passeyes  de  sie  captiuetay 
Morut  sen  moestre  quy  de  ly  auoye  pitey 
Uendeu  feut  ou  markiey  tout  cnsy  queune  beste 
Et  uisctcy  tout  ncud  dies  pieys  dusqua  se  teste 


25i5 


Sy  feut  uendeu  been  ker  esliant  coires  foert  biau 
Deun  grant  corsiage  quen  nen  uccoye  my  sy  haull 
Et  disoy  ton  de  ly  questoy  noble  de  Frenche 
Qui  seroy  racatiey  de  nunibrieuse  finenche 

Sie  esqueut  a  eun  moestre  foert  deur  et  furieus 
Qui  hayoit  tous  crestiens  et  foerchenoy  entre  eux 
Sy  ly  fcit  endeurier  lie  pleus  ruyde  esclauaige 
Et  tout  de  preinie  abord  ly  fesit  foerche  oultraige 

Reynye  tie  loy  tes  gens  giou  tie  dieslibrery 
Teu  uoy  been  que  trestous  eils  tonts  abandonney 
Liesche  tie  chirchonchire  nos  propheite  riesclame 
Disoy  teil  teu  aras  terres  pocuene  et  feme 

Toudis  le  poursuihoy  uolant  quel  reynia 
A  le  loy  dies  crestiens  et  quen  Mahom  cuidia 
Pour  chiou  en  eune  tour  enclos  kerkiey  de  keines 
Le  poure  esclaiue  feut  mys  a  deures  cadeines 

Moes  tandis  quen  Sourye  tant  de  maux  enduroye 
Le  dame  estiou  en  Frenche  persiecutaye  estoye 
Sien  biau  frère  uoloy  embler  maugrey  joustiche 
Lies  terres  de  Kreky  ferssin  et  appendiche 

Le  père  de  le  dame  estoy  loin  demeurant 
Ou  poyhis  de  Bertaigne  eun  seigneur  foert  poissant 
Moes  par  tros  eslongiey  pour  foere  le  defenche 
De  sie  fieule  quy  nauoye  preys  dyelle  assiestanche 

Sy  uoloy  que  lie  dame  print  pour  sen  defensieur 
Eun  deusicsme  baron  et  foert  noble  segneur 
Quy  been  ennamourey  diechelle  beile  dame 
Dies  lointemps  poursuylioy  a  lauoir  pour  se  feme 

Moes  toudis  en  Sourye  le  poure  esclaiue  csloy 
Ou  coupleit  deune  tour  quy  naoye  my  de  toict 
Ou  le  soley  dardoy  sinon  seur  lies  monfey 
Ou  assieyd  eil  estoy  le  loing  de  le  journeye 

Eune  esculeye  de  rys  et  eune  posteye  dieaue 
Eune  maneye  destrain  tous  lies  jours  eil  auoye 
Des  mesnotes  a  sies  meins  a  sies  pieys  des  entraiues 
Par  eune  lungue  kcinc  ou  mur  Icnoye  liesclaiue 


—  236  — 

Daucunes  foes  sen  moestre  uoloy  queil  deschcndys 
Pour  reynyer  se  loy  sie  le  pressoy  tondis 
Et  le  fesoy  fessier  auoeuk  eune  escourgieye 
Dusquau  sang  ruchelier  de  se  char  escorchyey 

Deurant  preys  de  Iroes  ans  feut  toudis  martirey 
Sans  que  peur  des  tormens  eil  uoulsy  renyey 
Sy  ne  pooit  morir  maugrey  lent  de  soufifrenclie 
Et  sy  nesperoy  mye  riechepuoir  allegienche 

Chiou  mau  maestro  ueyant  queil  ne  uoloy  cangier 
Que  geamoes  on  uenoy  pour  lie  racatier 
Despitey  ly  disit  diemain  sans  diferenche 
Teu  sera  estrangley  en  me  propre  presenche 

Lie  poure  esclaiue  adonk  se  ueeant  condempney 
Qui  morir  desiroy  de  boene  uoulontey 
Se  treuuia  consoley  entendent  sie  sentenche 
Et  que  finer  aloye  se  lungue  penetenche 

Remontey  a  le  tour  a  gieuous  sie  gestia 
A  Dious  a  noter  dame  son  asme  commendia 
Au  boe»  sainel  Nicolay  feit  esliou  se  preere 
Puis  lassiey  sendormeit  coukiey  a  plate  terre 

Le  jour  estoy  ueneu  le  soley  sie  lieuoy 
Quant  lesclaiue  cuidia  que  Ion  le  reueillyoy 
En  eun  bos  sie  treuuia  et  sies  keynes  rompues 
Sy  peasya  queil  resdoy  ou  auoye  le  berlue 

Sies  pyeys  sies  meins  sentiant  ny  estre  pleus  attaquieys- 
Eil  sie  dreschia  tout  droeit  et  sie  meit  a  marchieys 
Tout  en  brouchiant  le  bos  cuidant  emmy  sien  somme 
Que  deslibreye  lavoye  queuque  pitoyale  homme 

Eil  pourpensoy  coment  deu  poyhis  sortiroy 
Ne  recogneichanl  mye  le  bos  ou  eil  estoy 
Moes  en  marchiant  toudis  eil  treuuia  eune  uoye 
Et  ueil  eun  bosqueillon  dont  ot  bcen  moulte  joyc 

Le  bosqueillon  cuidia  ueir  eun  grant  reuenant 
Qui  lespenlia  si  foerl  quoi!  senfouy  tout  couriaul 
Sy  descarney  estoy  et  tanney  de  wisiaige 
Que  deun  urey  reucnani  auoy  meyne  et  ymaige 


—  257  — 

Tout  neud  fors  euii  seylion  sens  meiiches  el  foert  esli'oys 
Qui  a  milan  sies  cuiches  loul  au  pleus  deschendoy 
Eune  foert  lungue  barbe  et  sic  teste  tondue 
Se  pieau  toute  nolrchye  estoye  treis  foert  peleue 

Apriey  lie  bosqueillon  courent  et  lie  rateint 
En  langue  de  Sourye  il  kieria  sen  quemin 
Adonk  lie  bosqueillon  cuidant  queil  feut  sauuiaige 
Ly  disil  en  frcnchois  giou  noyé  myc  uos  langaige 

Lie  poure  chieualier  ne  sauoye  seil  resdoy 

Me  dou  le  bosqueillon  paroloy  en  frenchois 

Men  boen  amey  dis  my  en  qucil  lieus  chy  nos  somme 

Giou  me  treuue  perdue  et  ny  coguoys  personne 

Le  fourets  de  Kerky  on  apeyle  cheys  bos 
Seur  lies  marches  de  Flandre  jouxte  le  Boulenos 
Desit  le  bosqueillon  liateu  par  queuque  oraige 
Captif  en  eun  nauyre  deseur  mes  foet  naufraige 

Soudein  le  fasche  eu  terre  et  lies  deus  bras  en  crois 
Estendeu  de  sen  long  le  cheualier  clamoys 
0  Dious  omnipotens  deu  chiel  et  de  la  terre 
Par  queu  miraucle  a  teu  foet  finer  me  misiere 

De  terre  riesliesuay  disit  ou  bousqueillon 
Le  uiel  sire  Gierard  est  eil  en  uie  ou  non 
Le  dame  auoeuk  sen  fîeus  toute  le  mesionneye 
Et  le  frère  sout  eils  ueiuants  et  en  sancteye 

Giea  piecha  le  ueil  sire  dennuis  est  trespassey 
Y  a  preys  de  dix  ans  et  denpuis  sen  deschey 
Balduin  derain  ficus  ueut  tollir  Ihicritaige 
Et  pour  chiou  a  le  dame  a  foet  foerche  et  oultraigc 

Le  père  de  le  dame  qui  est  coires  uieuant 

Auoeuk  sen  esueys  ficus  sunt  ucneus  essepreismcnt  (*) 

Pour  le  foerc  assentir  a  nouveau  mariaige 

A  cheile  fin  de  uuardier  ou  meneur  Ihieritaige 


O  Vers  trop  long. 


—  2S8  — 

Sie  been  le  uuardera  le  sire  de  Renty 
Proeche  affîns  eil  estoy  deu  sire  de  Kreky 
Foert  poissant  en  uassiaux  en  moyens  et  en  terre 
Le  dame  ne  pooit  mieus  coisir  ne  mieus  foere 

Le  dame  pour  tout  chiou  uea  se  remarier 
En  huy  a  Iheure  de  sexte  en  le  uea  espeusier 
Grand  feste  en  y  fera  y  a  moult  nobleisse 
Lamosne  on  te  donra  eil  y  ara  largieisse 

Lie  cheualier  suyhit  le  uoye  tout  dusquau  bout 
Ou  sortir  de  cheys  bos  sie  recogncut  par  tout 
Sie  feut  droict  ou  eastiau  aueuk  grande  preisse 
Ou  tout  cascuens  esloye  joyey  et  en  liesse 

Lies  quiestcurs  qui  uuardoynt  lies  tours  jouxte  le  pont 
Le  uceant  preys  dentrer  ne  lie  uoulieres  point 
Que  kieres  teu  cheens  dou  uien  teu  si  sauuiaige 
Eysteu  eun  melelot  rescapey  diescîaiuaige 

Giou  souis  eun  peregrin  riestourney  doultremer 
Mes  ameys  a  aos  dame  sie  me  faut  paroler 
Disit  lie  chieualier  chest  affoere  qui  preisse 
Liesches  me  allier  empriey  le  dame  uos  moestreisse 

Nos  dame  ne  peut  mye  enhuy  teu  paroler 
Chey  mastin  ou  moustier  on  le  uea  marier 
En  eyst  a  la  tourner  attens  le  ou  passiaige 
Ou  eastiau  ny  entrera  homme  si  treis  sauuiaige 

Eune  heure  aprey  le  dame  suyhy  de  sies  parens 
Atourneye  pour  sies  noepches  de  biaus  acoustremens 
Deschendy  seur  lie  pont  par  sien  fienchey  mesneye 
Et  aloye  ou  moustier  pour  y  estre  epeusieye 

Seur  lie  pont  larrestia  le  poure  chieualier 

Giou  uien  me  noble  dame  deu  poyhis  doultremer 

Deu  sire  de  Kreky  uos  annoneliier  nouueilie 

Le  queu  dempuis  dis  anseist  en  prision  creudeille 

Le  dame  ne  auoye  mye  neul  double  deu  trespas 
De  sien  chier  sire  quen  cuidoy  mort  ou  combas 
Conter  lies  mescroyhans  moes  deun  amour  fideile 
Relicte  auroyc  uoleu  demourier  toudis  teilc 


—  259  — 

Sie  riespondy  le  dame  urey  niest  myc  uos  raporl 

En  mesnant  se  bannière  men  baron  kehit  murt 

Sies  frères  et  uint  troeis  escuyers  y  restieres 

Liesqueus  tous  fueres  occhis  fors  septe  quy  sie  sauuieres 

Le  sire  de  Kreky  adonk  ne  feut  occhy 
Reprint  le  chieualicr  car  dame  le  ueychy 
Rauisey  been  chey  ray  raaugrey  taut  de  misiere 
Connichey  uos  mary  quy  uos  auoye  sy  kiere 

Geamoes  nie  cuideroye  que  le  soys  men  mary 
Si  teu  ne  me  raconte  chiou  queil  fesit  le  nouyct 
De  sen  despartement  quant  dans  mon  lict  coukiey 
Giestoye  sie  treys  dolente  et  sy  deconfortey 

Uos  anniau  despeusailes  en  deus  geou  le  rompy 
Uos  printes  le  milan  lauter  geou  le  uuardy 
Dame  le  ueychy  coires  de  me  foy  cheu  chier  gaige 
Que  geadis  giou  uos  ave  baillyeye  en  mariaige 

Adonk  clamea  le  dame  uos  y  estes  men  mary 
Jou  uos  rciconguoy  been  meu  baron  sie  kiery 
Soudein  enter  sies  bras  se  giesta  transporteye 
Sy  esbahye  estoye  quyelle  y  reslia  pasmeye 

Moes  en  uoloy  doublier  le  sire  de  Renty 
Geadis  amey  astin  deu  sire  de  Kreky 
Et  disoy  chey  been  ly  a  sen  treys  hault  corsiagc 
Moes  joa  ne  le  recognois  my  a  sen  uisiaige 

Lie  père  de  le  dame  leyaut  been  rauisey 
Disit  jou  men  remembre  cheytly  moes  foert  cangiey 
Quand  eil  siéra  uesteu  et  been  lauey  giesteime 
Que  tout  cascuen  lie  riecongnichera  de  meisme 

Quant  lies  sens  de  le  dame  fueres  eun  pau  rapeurieye 
Deuers  sen  fieus  meneur  y  elle  syeyc  restourneye 
Diseant  ueney  ueychy  uos  segneur  et  uos  père 
Ueniey  le  saleuter  a  deus  genious  en  terre 

Le  sire  prin  sen  fieus  en  sies  bras  le  pressoyc 
Le  joesne  demisicl  foert  bel  enfain  estoye 
Et  disoy  chey  dont  nous  que  me  kiere  dame  merc 
Plouroye  disiant  tout  eyst  perdeu  auoeuk  uos  pcrc 


—  260  — 

Slapendaut  tous  cascuens  seur  lie  pont  estanipys 
Dames  et  chieualiers  treslous  been  habeurys 
Tous  cascuen  uoloy  ueir  et  paroler  ou  sire 
A  riespondre  a  trestous  sy  ne  pooit  seufire 

Deus  cingnes  subs  lie  pont  siesbattoynt  deseur  lieau 
De  lueurs  becqs  tiroynt  eune  moitye  danniau 
Trey  luisant  deun  rouby  le  dame  leyhant  ueu 
Cryea  chey  le  mitan  de  men  anniau  perdeu 

Suer  lies  cingnes  eun  guiestreux  deu  pont  en  lieau  saultia 
Lueurs  print  cheile  moitye  danniau  et  la  portea 
Ou  sire  quy  auoj^e  lauter  milan  baillieye 
Pour  sic  riecognisanclie  a  sie  preime  abordey 

En  raboutia  ensemle  cbeys  deus  moityes  danniau 
Quy  auoynt  engrauiey  dedens  euii  escritiau 
Deu  nom  deu  sire  auoeuk  chely  dichelle  dame 
Queil  ly  auoy  donney  en  lespensiant  se  feme 

Cascuens  clamia  miraucle  moes  chiou  meye  rien  niestoy 
Empriey  de  chely  quy  dieslibrey  auoy 
Lie  poure  chieualier  par  been  pleus  grand  merueilles 
Sie  lueurs  disit  uos  nen  cuiderey  uos  oreilles 

Sy  rekiera  le  sire  ou  castiau  remontier 
Ou  feut  lauey  uesteu  mieus  quen  peut  laeoustrer 
Seur  se  teste  tondeue  en  uestit  eun  uiel  heaume 
Adonk  ne  semloy  pleus  y  estre  oun  sy  sauuaige  home 

Lie  banquet  pour  les  noepccs  estoy  tout  aprestey 
Cascuens  sie  meit  a  taule  a  boire  et  festiney 
Lie  sire  racuntia  a  le  noble  asemleye 
Corne  die  liesclauaige  et  mort  feut  dieslibreye 

Sy  disit  que  sies  keines  estoynt  riestey  ou  bos 
Ou  sestoy  riesueilliey  en  lies  kieria  sictost 
Tout  le  noble  assemlyey  feut  lies  ueir  seur  le  plache 
Ou  tout  cascuen  a  Dious  a  geenous  rcndeit  grachc 

Ucneist  a  cheys  nouueilles  sien  frère  Biauduin 
Le  bocn  sire  Raoul  ly  pardoinia  soudain 
Lies  guieres  quauoy  foel  pour  (ollir  Ihieritaigc 
Au  josne  Biauduin  deuuiant  sen  esclauaige 


—  261  — 

Lointemps  feut  mesneye  feste  ou  casliau  de  Krcky 
Y  feut  cryey  noel  el  largiesse  en  y  fist 
Dens  lies  poyhis  uoesins  en  uoliea  lies  fameyes 
Petietes  et  grandes  gents  trestous  bien  estonneyes 

Le  sire  auoeuk  le  dame  uesqueist  pleus  de  uint  ans 
En  grant  amour  et  oeut  encoires  septe  enfains 
Fundia  eun  grant  niouslier  feist  don  ous  monnastieres 
Et  amendia  tous  cheus  quauoynt  fondieys  sies  pères 

Raoul  de  Créqui  vécut  jusqu'en  1181,  il  fut  bienfaiteur 
de  l'abbaye  de  Loupvilliers  en  Boulenois  et  y  est  enterré. 


—  282  — 


Prix  quiaiqiieuual  d^histoive. 


La  commission  chargée  par  M.  le  Minisire  de  l'intérieur 
d'examiner  les  ouvrages  d'histoire  dont  les  auteurs  pour- 
raient être  jugés  dignes  du  prix  quinquennal  de  oOOO  fr., 
institué  en  1845,  a  terminé  sou  travail  à  la  fin  du  mois 
d'avril  dernier  après  avoir  tenu  plusieurs  séances.  C'est 
M.  Kervyn  de  Letteuhove,  à  qui  a  été  décernée  cette  hono- 
rable distinction  pour  son  Histoire  de  Flandre,  en  6  volumes 
in-S".  Ce  prix,  si  légitimement  acquis  par  quinze  ans  d'in- 
fatigables recherches  et  de  consciencieux  travaux,  a  été 
remis  à  M.  Kervyn,  dans  la  séance  solennelle  que  l'Aca- 
démie royale  a  tenue  le  8  mai  1831,  en  présence  d'un 
public  d'élite  et  des  sommités  littéraires  du  pays.  Nous 
croyons  faire  plaisir  à  nos  lecteurs  en  reproduisant  ici  l'in- 
téressant rapport  que  M.  Moke  a  rédigé  et  lu,  au  nom  de 
cette  commission,  sur  le  résultat  du  prix  quinquennal. 

«  Monsieur  le  Ministre, 

L'intérêt  que  les  peuples  attachent  à  la  connaissance  de  leur  histoire  a  pour 
principe  cet  esprit  national  qui  les  rend  fidèles  à  eux-mêmes  et  à  la  patrie. 
11  ne  faut  donc  pas  s"étonner  de  voir  les  études  historiques  prendre  dans 
notre  pays  un  développement  graduel  à  mesure  que  le  sentiment  de  la  na- 
tionalité y  devient  plus  profond.  Rien,  sans  doute,  n'eût  jamais  pu  eflfacer 
en  Belgique  les  souvenirs  glorieux  du  passé;  mais  le  culte  si  vif  et  si  général 
dont  ils  sont  aujourd'hui  l'objet  se  lie  au  réveil  de  la  vie  publique  et  grandit 
avec  elle. 

La  reprise  de  ces  éludes  parmi  nous  date  de  la  seconde  moitié  du  dernier 
siècle,  époque  où,  sous  le  règne  de  Marie-Thérèse,  une  administration  sage 
et  bienfaisante  commençait  à  rendre  la  prospérité  au  pays  et  la  confiance  à 
la  nation.  Alors  parut  la  première /^i's^oïVe  de  la  Belgiqxic,  ouvrage  du  savant 


—  263  — 

et  laborieux  Des  Roches,  qui,  dirigé  dans  ce  travail  par  les  vues  profondes 
et  la  haute  raison  de  Nélis,  sut  sortir  de  la  voie  trop  étroite  de  nos  historiens 
provinciaux,  pour  s'attacher  à  Tidée,  encore  si  confuse,  de  noire  unité  poli- 
tique. Cette  idée  parut  aussi  trouver  un  écho  remarquable  dans  les  mémoires 
de  FAcadémie  naissante.  Nous  n'y  voyons  pins  les  habitants  de  chaque  pro- 
vince classés  séparément  sous  des  dénominations  diverses,  et  le  nom  de 
Belges,  que  les  générations  précédentes  avaient  paru  oublier,  y  reprend  sa 
place  légitime.  Ce  nom,  que  la  science  s'essayait  ainsi  à  répéter,  nos  pères 
l'inscrivirent  bientôt  après  sur  leurs  drapeaux;  mais  le  moment  n'était  pas 
encore  venu  où  l'Europe  devait  le  reconnaître  comme  le  symbole  impérissable 
de  cette  communauté  de  patrie  sur  laquelle  repose  désormais  notre  existence 
nationale. 

Pendant  l'intervalle  qui  suivit  ce  premier  effort,  et  lorsque  la  Belgique, 
réunie  à  l'empire  français,  semblait  devoir  perdre  sa  foi  en  elle-même, 
l'œuvre  de  Des  Roches  n'en  fut  pas  moins  reprise  par  Dewez,  travailleur  per- 
sévérant, dont  les  pages  un  peu  sèches  préparèrent  à  ses  successseurs  une 
tâche  plus  facile.  Ce  qui  manqua  jusqu'à  la  fin  au  mérite  de  ses  ouvrages, 
c'est  le  soin  de  la  forme.  La  Belgique  s'était  montrée  jusque-là  plus  riche  en 
savants  qu'en  écrivains,  el  ce  ne  fut  qu'à  l'époque  de  son  indépendance 
qu'elle  trouva  pour  la  défendre  des  hommes  dont  le  langage  atteignit  à  la 
majesté  de  l'histoire. 

L'ère  nouvelle  qui  s'ouvrit  alors  ne  fut  pas  seulement  marquée  par  la 
faveur  qui  s'attacha  aux  travaux  historiques,  mais  encore  par  l'importance 
qu'ils  acquirent  rapidement.  L'érudition  et  le  génie  investigateur  d'un 
Willems,  d'un  Reiffenberg  et  d'autres  auteurs  contemporains,  dont  les  tra- 
vaux n'en  sont  pas  moins  remarquables  pour  n'être  pas  réunis  el  resserrés 
dans  un  même  faisceau,  vinrent  élargir  et  féconder  le  champ  de  la  science. 
Depuis  lors,  une  foule  de  documents,  jusqu'alors  inconnus  ou  négligés,  ont 
été  recueillis  de  toutes  parts,  et  leur  publication,  en  comblant  les  lacunes  de 
nos  annales,  en  a  plus  d'une  fois  rectifié  le  sens.  Des  savants  étrangers  se 
sont  appliqués  à  leur  tour  à  mettre  en  œuvre  ces  riches  matériaux,  soit  pour 
les  rattacher  plus  fortement,  soit  pour  reconstruire  le  vaste  ensemble  de 
l'édifice  social  dont  ils  faisaient  partie,  el  parmi  ceux  pour  qui  ce  travail 
restera  un  titre  de  gloire,  il  faudra  toujours  nommer  .MM.  Warnkœnig  et  Léo  : 
le  premier  a  répandu  un  nouveau  jour  sur  les  institutions  féodales  et  com- 
munales de  la  vieille  Flandre,  le  second  sur  les  origines  et  les  relations 
politiques  de  nos  anciennes  maisons  souveraines.  En  résumé,  on  peut  dire, 
sans  exagération,  que  les  vingt  dernières  années  ont  doublé  la  valeur  des 
éléments  acquis  à  notre  histoire  nationale  et  l'authenticité  des  peintures 
qu'elle  est  appelée  à  retracer. 


—  t64  — 

Mais  plus  semble  avancer  vers  son  terme  cette  œuvre  d'élaboration  prépa- 
ratoire et  de  critique  laborieuse,  qui  prépare  une  base  solide  aux  travaux 
historiques,  plus  s'accroit  et  s"élève  la  grande  tâche  réservée  à  l'historien. 
C'est  à  lui,  en  effet,  de  saisir  la  portée  de  chaque  indication,  le  lien  de  cha- 
que ordre  de  faits,  le  sens  général  de  mille  mouvements  divers  où  la  vie  des 
populations  se  déploie  dans  un  ordre  toujours  logique,  bien  que  toujours 
varié.  Sous  ce  rapport,  notre  histoire  offre  peut-être  plus  d'étendue  et  de 
difficulté  que  celle  des  États  les  plus  puissants  de  l'Europe  :  car  il  ne  s'agit 
point  ici  de  suivre  la  formation  progressive  d'une  de  ces  vastes  monarchies 
où  toute  la  force  vitale  semble  émaner  d'un  centre  commun  et  rayonner  pour 
ainsi  dire  du  souverain  sur  le  pays.  Parmi  nous,  les  institutions  politiques 
semblent  surgir  le  plus  souvent  de  causes  locales  :  chaque  province  a  ses 
propres  lois,  chaque  ville  ses  libertés  distinctes,  et  la  vie  commune,  loin  de 
résulter  de  l'action  suprême  et  incessante  d'un  pouvoir  dominant,  consiste, 
au  contraire,  dans  les  rapports  généraux  de  caractère,  de  tendance,  de  mœurs 
et  de  civilisation  qui  rapprochent  graduellement  des  populations  indépen- 
dantes. L'unité  qui  succède  ainsi  à  leur  isolement  n'est  point  imposée  ni 
subie  :  elle  naît  de  la  force  des  choses,  par  le  développement  régulier  d'élé- 
ments similaires.  Et  si  l'on  nous  en  demandait  la  preuve,  qu'on  se  rappelle 
seulement  combien  il  était  loin  de  la  pensée  des  dynasties  étrangères,  qui 
ont  régné  sur  nous  depuis  le  temps  de  Charles-Quint,  de  préparer  notre  in- 
dépendance nationale.  C'est  sous  leur  domination  inatlentive  que  l'union  de 
nos  provinces  est  devenue  le  résultat  nécessaire  d'une  sorte  de  conformité 
sociale  lentement  acquise  et  qui  s'est  trouvée  faite  avant  même  d'être  recon- 
nue. Il  existe  encore  de  nos  jours  des  vieillards  qui  ont  vu  la  Belgique  autri- 
chienne et  liégeoise  former  deux  États  complètement  séparés,  tandis  qu'un 
lien  politique  imparfait  semblait  à  peine  rattacher  le  reste  de  nos  provinces  ; 
mais  où  reste-l-il  un  Belge  pour  qui  ces  anciennes  divisions  soient  autre  chose 
qu'un  souvenir  qui  ne  peut  plus  revivre? 

Il  n'y  a  pas  d'étude  plus  digne  de  l'attention  du  penseur  et  du  citoyen  que 
celle  de  cette  formation  intime  et  spontanée  d'un  peuple  vivant  de  sa  propre 
vie  :  il  n'y  a  pas  d'expérience  plus  complète  du  développement  naturel  dune 
société  ;  il  n'y  a  pas  de  leçon  plus  significative  que  ses  épreuves,  tantôt  glo- 
rieuses, tantôt  fatales,  toujours  en  rapport  avec  son  caractère  et  ses  institu- 
tions. L'opinion  publique  semble  l'avoir  compris,  et  elle  a  toujours  applaudi 
aux  mesures  prises  par  le  Gouvernement  pour  favoriser  les  progrès  de  l'his- 
toire nationale. 

Ce  n'est  pas  à  nous.  Monsieur  le  .Ministre,  à  vous  rappeler  quel  sentiment 
patriotique  a  dicté  ces  mesures.  Dès  1834,  la  Commission  d'histoire,  instituée 


—  26S  — 

sur  votre  proposition,  fut  chargée  de  publier,  aux  frais  de  lÉtat,  les  manus- 
crits qui  offraient  le  plus  d'importance  comme  documents  historiques.  A  côté 
de  ce  grand  travail  qui  se  poursuit  sans  relâche,  des  prix  spéeiaux  ont  été 
fondés  en  1841,  pour  une  histoire  du  règne  dAlbert  et  Isabelle,  en  1848 
et  ISo],  pour  un  livx'c  de  lectures  historiques  destiné  aux  masses.  Ces  fonda- 
tions ont  amené  d'autres  e.\emples  de  munificence  qui  se  répéteront  sans  doute 
à  mesure  que  les  administrations  communales  et  les  hommes  qui  emploient 
noblement  une  grande  fortune  se  feront  honneur  de  s'associer  aux  efforts 
généreux  du  Gouvernement.  Mais  une  importance  spéciale  doit  être  attribuée 
à  l'établissement  du  prix  quinquennal  de  cinq  mille  francs  assigné  à  l'auteur 
du  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  du  pays.  Cette  mesure,  sollicitée  d'abord 
par  l'Académie,  fut  adoptée,  en  1843,  sous  le  ministère  de  M.  Van  de  Weyer. 
Elle  a  pour  caractère  de  perpétuer  sous  la  forme  d'une  institution  perma- 
nente les  récompenses  publiques  destinées  au  talent  et  au  savoir  de  nos  his- 
toriens; et  ces  récompenses  sont  d'autant  plus  justes  que  jusqu'ici  presque 
tout  était  sacrifice  dans  leurs  travaux. 

L'époque  est  arrivée  où  ce  prix  quinquennal  doit  être  décerné  pour  la 
première  fois,  et  le  jury  institué  pour  le  choix  du  meilleur  ouvrage  a  ter- 
miné sa  tâche  :  il  vient  maintenant  vous  en  faire  connaître  le  résultat  et  vous 
exposer  les  principes  qui  l'ont  dirigé  dans  son  jugement. 

Quoique  la  période  quinquennale,  qui  s'est  tei'minée  avec  l'année  1830, 
ait  vu  paraître  un  grand  nombre  de  travaux  remarquables  sur  diverses  par- 
ties de  notre  histoire,  quelques-uns  des  plus  éminents  ne  se  trouvent  pas 
encore  complètement  achevés,  et  ne  pouvaient  dès  lors  disputer  le  prix 
acluel.  Parmi  les  ouvrages  qui  remplissaient  les  conditions  fixées,  le  premier 
rang  devait  appartenir  à  celui  qui  réunirait  au  mérite  de  loeuvre  limportanec 
du  sujet.  C'est  ainsi  que  des  livres  d'une  valeur  réelle,  mais  qui  n'offraient  ni 
une  vaste  étendue  de  matières,  ni  une  suite  de  recherches  profondes,  n'ont 
pu  être  mis  par  nous  que  sur  la  seconde  ligne,  sans  qu'il  fût  pour  cela  dans 
notre  pensée  de  leur  attribuer  aucun  caractère  d'infériorité.  Un  seul  ouvrage, 
parmi  ceux  qui  ont  été  publiés  dans  celte  période,  nous  a  paru  réunir  à  la 
profondeur  de  Térudition  et  à  la  gravité  du  sujet  le  double  mérite  d'une 
grande  tâche  vigoureusement  remplie,  et  d'une  forme  dont  l'élégance  est 
souvent  remarquable  :  c'est  l'Histoire  de  Flandre,  publiée  de  1847  à  1830, 
I)ar  M.  Kervyn  de  Leltenhove.  Sans  fermer  les  yeux  sur  quelques  imperfec- 
tions que  nous  nous  ferons  aussi  un  devoir  de  signaler,  nous  avons  été  una- 
nimes pour  y  reconnaître  des  peintures  d'un  grand  intérêt  historique,  ren- 
dues avec  l'éclat  d'un  coloris  brillant,  et  nous  n'hésitons  pas  à  regarder  ce 
livre  comme  digne  de  l'honneur  du  prix  que  nous  croyons  devoir  lui  décerner. 

In  examen  plus  développé  justifiera  cette  proposition. 

19 


—  266  — 

Lhistoire  de  nos  grandes  provinces  présente  une  matière  féconde  à  l'écri- 
vain qui  vcul  retracer  le  développement  de  leurs  premières  institutions  poli- 
tiques, les  époques  dhéroïsme  du  moyen-âge  et  les  grandes  luttes  de  Tépoquo 
communale.  C'est  surtout  à  ces  deux  derniers  points  que  M.  Kcr\yn  s'est 
attaché;  et  à  la  manière  dont  il  les  a  traités,  on  reconnaît  chez  lui  l'écrivain 
qui  s'est  préparé  à  sa  tâche  par  des  recherches  profondes,  et  dont  la  pensée 
s'associe  tout  entière  aux  destinées  du  pays.  .Mais  quelque  riches  que  soient 
les  éléments  dune  histoire  provinciale,  il  est  dangereux  de  vouloir  l'étendre 
au-delà  de  certaines  limites;  car  du  moment  où  la  province,  cessant  de  former 
une  souveraineté  distincte,  va  s'unir  et  se  confondre  avec  les  autres  parties 
de  l'État,  elle  n'a  plus  d'existence  individuelle  ni  de  rôle  historique.  C'est  ainsi 
que  les  annales  particulières  de  la  Flandre  trouvent  leur  terme  naturel,  sinon 
à  la  réunion  des  Pays-Bas  sous  le  sceptre  de  Philippe  le  Bon,  du  moins  après 
la  soumission  des  Gantois  à  la  régence  de  Maximilien  d'Autriche.  M.  Ker\Tn 
semble  n'avoir  reconnu  qu'après  coup  cette  nécessité  de  son  sujet,  et  après 
avoir  parcouru  avec  succès  les  parties  essentielles  de  sa  tâche,  il  s'est  vu  en- 
traîné à  terminer,  par  une  esquisse  assez  aride,  un  tableau  jusqu'alors  large- 
ment conçu  et  enrichi  de  détails  précieux.  Toutefois,  cette  stérilité  qui  dépare 
le  volume  final  de  son  ouvrage  n'ôte  rien  au  mérite  soutenu  des  cinq  premiers, 
auxquels  pouvait  se  borner  son  travail,  et  qui  ont  surtout  fixé  notre  attention. 

L'érudition  vaste  et  variée  de  l'auteur  se  déploie  dès  la  première  partie  de 
son  œuvre  {l'époque  féodale),  et  peut-être  n'est-elle  pas  inutile  pour  rassurer 
le  lecteur  contre  les  périlleuses  fascinations  d'un  talent  plein  de  poésie  et 
d'un  esprit  dont  la  sagacité  se  plaît  aux  aperçus  nouveaux.  11  faut  avoir  soi- 
gneusement examiné  ces  pages  brillantes  pour  rendre  justice  à  l'étude  minu- 
tieuse des  faits  qui  s'y  cache  sous  le  mouvement  rapide  et  pittoresque  des 
imasçes.  M.  Kervy'n  a  consulté  avec  amour  toutes  les  sources,  et  il  nous  en 
indique  plusieurs  qui  avaient  été  ignorées  avant  lui.  Peut-être  cependant  son 
désir  d'en  révéler  l'existence  l'entraîne-t-il  quelquefois  à  laisser  dans  l'ombre 
des  autorités  que  nous  sommes  accoutumés  à  respecter. 

Sa  théorie  sur  l'origine  des  populations  du  littoral,  qu'il  suppose  tout-à-fait 
distinctes  de  celles  de  l'intérieur  du  pays,  rencontrera  sans  doute  plus  d'un 
contradicteur;  mais  le  portrait  qu'il  trace  d'elles  est  plein  de  vérité  locale. 
Ce  que  l'on  pourrait  reprocher  à  ce  premier  volume,  ce  serait  un  peu  d'in- 
certitude dans  le  point  de  départ  de  l'écrivain,  qui,  n'ayant  pas  attaché  beau- 
coup d'importance  aux  vestiges  de  l'époque  romaine,  ne  trouve  aucune  base 
antique  à  Tordre  de  choses  que  lui  présente  la  Flandre  du  VU"  et  du  IX"  siècle. 
Cependant,  il  faut  remarquer  que  ce  défaut  était  presque  inévitable  dans 
l'histoire  particulière  dune  province  :  car  pour  se  rendre  compte  des  effets 


—  267  — 

de  la  domination  des  Romains  en  Belgique  pendant  cinq  cents  années,  c'est 
l'ensemble  du  jjays  qu'il  faut  embrasser  du  regard. 

Les  trois  volumes  suivants  forment  la  partie  capitale  de  l'ouvrage.  M.  Ker- 
vyn  y  fait  preuve  d'un  talent  plus  ferme  et  d'une  science  plus  sévère.  Fidèle 
au  drapeau  de  son  pays,  il  se  montre  surtout  historien  des  communes  fla- 
mandes, dont  il  ne  se  lasse  point  de  peindre  les  valeureux  efforts.  Nul  encore 
n'avait  raconté  si  fidèlement  les  grandes  scènes  de  leurs  guerres  et  de  leurs 
révoltes,  et  si  l'on  peut  craindre  que  ses  sympathies  patriotiques  n'aient 
quelquefois  trop  ennobli  les  figures  quil  avait  à  reproduire,  c'est  là  un  genre 
de  tort  qui  porte  avec  lui  son  excuse,  quand  le  zèle  de  l'écrivain  a  la  sincérité 
d'une  croyance  religieuse.  Aussi  mettrions-nous  à  peine  quelque  réserve  à 
notre  approbation  pour  un  tableau  d'ailleurs  si  remarquable,  sans  un  genre 
de  lacunes  que  nous  sommes  forcés  d'y  indiquer.  Les  institutions  du  pays, 
conditions  essentielles  de  son  existence  politique,  ne  reçoivent  pas  de  M.  Ker- 
vyn  la  même  attention  que  les  hommes  et  les  événements.  C'est  là,  croyons- 
nous,  le  côté  inférieur  de  son  livre  :  sans  doute  les  annales  d'une  province 
ne  doivent  pas  toujours  présenter  le  tableau  complet  de  son  organisation 
intérieure;  mais  il  est  à  désirer  que  l'on  puisse  j  reconnaître  distinctement  la 
nature  des  pouvoirs  qu'on  y  voit  figurer,  et  quand  l'Histoire  de  Flandre  par- 
viendra, comme  tout  l'annonce,  à  une  seconde  édition,  l'auteur  s'attachera 
sans  doute  à  la  compléter  sous  ce  rapport.  Il  sera  plus  facile  alors  à  ses 
lecteurs  de  s'intéresser  aussi  constamment  que  lui  à  la  cause  des  communes, 
cause  dont  la  légitimité  a  besoin  d'être  mise  pleinement  en  lumière  et  justifiée 
par  l'existence  de  droits  positifs,  avant  qu'on  puisse  toujours  adopter  sans 
scrupule  l'enthousiasme  de  ses  défenseurs  et  de  ses  martyrs. 

Le  cinquième  volume  de  l'ouvrage,  sans  être  au-dessous  des  précédents, 
se  ressent  de  la  difficulté  où  se  trouve  l'auteur  de  faire  rentrer  dans  une  his- 
toire spéciale  les  événements  accomplis  sous  le  règne  de  la  maison  de  Bour- 
gogne et  sous  la  régence  de  Maximilien  d'Autriche.  Une  partie  des  faits  qu'il 
rapporte  ont  un  caractère  trop  général  pour  le  cadre  qu'il  a  choisi.  Il  se  voit 
donc  forcé,  tantôt  de  considérer  à  un  point  de  vue  tout  flamand  des  actes 
auxquels  le  pays  entier  prenait  part,  tantôt  d'indiquer  sans  aucun  développe- 
ment des  événements  dune  haute  gravité  historique.  Mais  la  nature  du  sujet 
auquel  M.  Kervyn  s'était  consacré  rendait  peut-être  ce  défaut  inévitable,  et 
on  n'en  doit  pas  moins  reconnaître  que  la  foule  de  détails  nouveaux  qu'il  nous 
offre  sur  les  troubles  de  Flandre  à  l'époque  de  Maximilien,  donnent  à  cette 
partie  de  son  travail  une  valeur  qu'on  ne  saurait  contester. 

Quant  au  sixième  volume,  dont  nous  avons  déjà  signalé  le  caractère  plus 
aride,  sa  forme  est  celle  d'un  simple  appendice,  et  il  devrait  peut-être  en 


—  268  — 

porter  le  titre.  Il  semble  ajouter  peu  au  mérite  de  l'ouvrage-,  mais  il  ne  sera 
pas  inutile  à  la  science  par  les  matériaux  sur  lesquels  il  appelle  son  attention. 
En  résumé,  les  imperfections  que  le  jury  a  cru  reconnaître  dans  quelques 
parties  de  l'Histoire  de  Flandre  ne  sont  point  de  nature  à  effacer  les  qualités 
sérieuses  et  brillantes  de  Touvrage.  Ces  qualités,  qu'une  simple  analyse  fait 
mal  ressortir,  le  placent  parmi  les  livres  qui  doivent  honorer  notre  littérature 
et  qui  enrichissent  notre  histoire.  En  signalant  avec  une  attention  sévère  les 
côtés  les  plus  faibles  de  ce  grand  travail,  nous  n'avons  pas  voulu  mettre  la 
censure  à  côté  de  l'éloge,  mais  donner  à  l'éloge  sa  juste  valeur  en  faisant  à  la 
critique  la  part  la  plus  large  que  permît  l'équité.  » 

Le  baron  E.-C.  de  Geblache,  président; 
Gachard,  secrétaire;  De  Ram;  baron 
Jules  de  Saikt-Gesois  ;  Cn.  Faider; 
GnEiDOiF,  et  More,  rapporteur. 


—  269  — 


Cljrmtique  bes  Sciences  et  Dca  2lrt9,  et  t)anéte'ô. 


Ve.me  de  la  Galerie  Van  Saceghem.  —  C'est  avec  un  pénible  serrement  dv 
cœur  que  nous  voj'ons,  une  à  une,  disparaître  de  notre  pays  ces  riches  collec- 
tions de  gravures,  de  tableaux  et  d'objets  d'art,  jadis  nos  richesses,  notre 
orgueil.  Peut-être  nous  en  consolerions-nous  facilement,  si  quelques-uns  des 
chefs-d'œuvre  des  maîtres  anciens,  enfants  du  sol  belge,  allaient  enrichir  nos 
musées  publics.  Mais  non,  grâce  à  la  parcimonie  avec  laquelle  on  traite  les 
Beaux-Arts  sous  le  régime  représentatif,  il  n'y  a  plus  moyen  pour  le  gou- 
vernement, si  bien  intentionné  qu'il  soit,  d'acquérir  des  sculptures,  des  es- 
tampes ou  des  peintures  de  prix.  .\près  la  dispersion  des  précieux  cabinets 
des  Schamp,  des  Macs,  des  Bremaecker  et  de  tant  d'autres,  la  magnifique 
collection  de  l'ancien  sénateur  M.  Van  Saceghem  nous  restait  encore.  Mais 
celle-ci  aussi  devait  nous  quitter  et  laisser  à  Gand  un  vide  qui  ne  pourra 
plus  se  combler,  tant  les  fortunes  se  divisent,  tant  le  goût  des  arts  a  fait 
place  au  positivisme  des  spéculations  industrielles.  Les  tableaux  de  la  galerie 
Van  Saceghem  ont  été  mis  en  vente  publique  en  juin  1831  et  ont  produit 
au-delà  de  329,000  francs  :  le  prix  d'achat  en  première  main  n'avait  pas 
atteint  le  chiffre  de  200,000  fr.  Ils  avaient  été  acquis  par  M.  Patureaii,  de 
Paris,  par  l'entremise  de  M^  Etienne  Leroy,  de  Bruxelles.  Le  marché  a  été 
conclu  au  commencement  du  mois  d'avril  dernier. 

M.  Patureau  a  présenté  ces  tableaux  en  vente  publique  à  Bruxelles,  les  2  et 
3  juin  1831.  Voici  les  prix  qu'ont  atteint  les  150  tableaux  de  ce  précieux 
cabinet  : 

N'o'  1  et  2,  Abshovcn  (Jean),  210  fr.  —  N»  5,  .\sscleyn,  aOO  fr.  —  N"  4, 
liakhuyzen  (L.),  770  fr.  —  N»  o,  Berchem  (N.),  4500  fr.,  à  M.  Steyaerl,  de 
Bruges.  —  N»  6,  Berckheyden  (G.),  1030  fr.  —  N»  7,  le  même,  -100  fr.  — 
N»  8,  Bourdon  (S.),  233  fr.  —  X's  9  et  10,  Brekelcnkamp  (G.),  1723  fr.  — 
N»  11,  Breughel  (J.),  213  fr.  —  iV  12,  Breydrl  (K.),  210  fr.  —  N'IS,  Brou- 
wer(A.),  230  fr.  —  N»  14,  Coques  (G.),  10,000  fr.,  à  M.  Lancuvilic,  manda- 
taire de  Lord  Hertford.  —  >'ol5,  du  même,  300  fr.  —  N»  16,  Cuyp  (A), 
7700  fr.  —  .\"n  17,  du  même,   640  fr.  —  >"»  18,  De  Craycr  (G.),   113  fr.  — 


—  270  — 

Nos  19  et  20,  90  fr.  —  N°  21,  Delairesse  (G.),  160  fr.  —  N»  22,  Desportes  (F.), 
1225  fr.  —  No  23,  De  Voys  (A.),  110  fr.  —  N«  24,  De  Wilte  (E.),  460  fr.  — 
No  23,  Duchatellc,  UO  fr.  —  N»  26,  Dujardin  (K.),  400  fr.  —  No  27,  Elzhai- 
mer  (A.),  70  fr.  —  N"  28,  Fyt  (J.),  700  fr.  —  N»  29  (?)  —  N'o  30,  Haekert  (J.), 
1000  fr.  —  No  31,  Hobbeina  (M.),  (haut.  72  cent.  larg.  HO  cent,  toile),  à 
Mr  E.  Leroy,  pour  compte  de  M.  Patureau,  78,000  fr.  —  No  32,  Jordaens  (J)., 
1075  fr.  —  No  33,  Lingelbach  (J.),  600  fr.  —  No  34,  Maratti  (C),  550  fr.  — 
No  35,  Miel  (J.),  460  fr.  —  No  56,  Mieris  (P.),  le  père,  27,200  fr.,  à  M.  Tancé, 
de  Lille.  —  No  37,  Mignon  (A.),  1800  fr.  —  N»  38,  Molenaer  (J.),  150  fr.  — 
No  59,  Neefs  (P.),  440  fr.  —  No  40,  Peeters  (B.),  200  fr.  —  N»  41,  Poelen- 
burg(C.),  400  fr.  —  N»  42,  Potier  (Paul),  1700  fr.  —  No  43,  Querfurt  (T.), 
145  fr.  —  N"  44,  le  même,  145  fr.  —  N'o  45,  Rembrant  Van  Rbyn,  600  fr. 

—  No  46,  Rombaon  (A.),  50  fr.  —  No  47,  Rosa  (S.),  173  fr.  —  No  48,  Rotten- 
hamer  (J.)  et  Breughcl  (J.),  810  fr.  —  Nos  4.9  et  50,  Rubcns  (P.  P.),  11,100  fr., 
à  M.  le  comte  de  Cornelissen,  à  Bruxelles.  —  N»  51,  le  même,  22,600  fr.  — 
N'o  52,  le  même,  5000  fr.  —  N»  53,  le  même,  5600  fr.,  au  Musée  de  Bruxelles. 

—  No  54,  le  même,  2200  fr.,  M.  Chapuis,  à  Bruxelles.  —  N»  55,  Ruisdael  (J.), 
2700  fr.  —  No  5G,  Scbuz,  420  fr.  —  N»  57,  le  même,  420  fr.  —  N'o  58,  Sny- 
ders,  923  fr.  —  N»  59,  le  même,  420  fr.  —  No  60,  Sleen  (J.),  2600  fr.  — 
No  61,  Storck  (A.),  250  fr.  —  No  62,  Teniers  (D.),  1200  fr.  —  No  63,  le  même, 
060  fr.  —  No  64,  Teniers  (D.)  et  Monper,  1250  fr.  —  N'o  65,  Van  den  Yck- 
lioudt  (G.),  200  fr.  —  N»  66,  Van  der  Does  (S.),  880  fr.  —  No  67,  Van  der 
lIclst(B  ),  500  fr.  —  No  68,  Van  der  Heyden  (J.),  8000  fr.,  à  M.  le  baron 
Dubois,  à  Londres.  —  N'o  G9,  Van  der  Neer  (A.),  1400  fr.  —  N'o  70,  Van  de 
Velde  (G.),  7300  fr.,  à  M.  le  baron  Dubois.  —  No  71,  le  même,  2350.  — 
No  72,  Van  Dyck  (A.),  320.  —  No  75,  Van  Goyen  (J.),  520  fr.  —  N»  74,  Van 
Hugtenburg  (J.),  890  fr.  —  No  73,  Van  Ostade  (Adrien),  38,500  fr.,  à  M.  Sarg, 
mandataire  de  M.  Rolschild,  de  Londres.  —  No  76,  Van  Ostade  (A.),   2930  fr. 

—  No  77,  Van  Osladc  (J.),  520  fr.  —  N'o  78,  Van  Slingeland  (P.),  155  fr.  — 
No  79,  Vanuden  (L.),  145  fr.  —  N'o  80,  Van  Utrecht  (A.)  et  Teniers  (D.), 
1100  fr.  —  N'o  81,  Weenix  (J.),  1223  fr.  —  N'o  82,  Wouvermans  (Ph.), 
17,600  fr.,  à  M.  Sarg.  —  No  83,  le  même,  7600  fr.,  au  Musée  de  Bruxelles.  — 
No  84,  le  même,  1500  fr.  —  No  83,  le  même,  990  fr.  —  N»  86,  Wynanls  (J.) 
et  Van  de  Velde  (A.),  5100  fr.  —  No  87,  Zaafflcevcn  (H.),  65  fr.  —  N'o  88,  le 
même,  120  fr. 

En  total,  avec  les  tableaux  compri.s  sous  le  paragraphe  «  Tableaux  par  et 
d'après  différents  maîtres,  »  depuis  le  no  89  à  130  (les  n»»  102  et  103  par 
llondius  (A.),  vendus  1100  fr.,  et  le  no  124,  par  Van  Slry  (J.),  1900  fr.),  la 
vente  a  produit  la  somme  de  329,000  francs. 


—  271  — 

DÉCOUVERTE  d'une    PIlînRE    TUMtILAIRE   DE    DEUX  ABRÉS     DE    S'-BAVU^,   A   GaXD.    — 

La  pioclic  vient  de  tlélcrrcr,  dans  la  courtine  du  Château  espagnol,  la  pierre 
lumulaire  de  deux  abbcs  de  S*-Bavon. 

Celte  dalle,  brisée  en  plusieurs  pièces,  est  en  pierre  de  Tournai  polie; 
elle  a  de  40  à  GO  centimôtrcs;  les  caractères  sont  du  XIII»  siècle.  En  voici 
l'inscription  : 

UIC  JACET  ADELARD.    ABB.    GAND^. 
ÔÔ"^*  QUI  OBUT  6  NONAS  MARTIS 

A^^o  DNi  1099. 

IlIC  JACET  EVERDEIUS  S"**  ABB.   GANDN. 
38"^  QUI  OBIIT  X"  KL.  MAIl  ANNO 
D~M  1206. 

Cette  découverte  vient  confirmer  la  véracité  du  chroniqueur  Jean  De  Thiel- 
rode,  et  éclaircir  un  doute  sur  les  termes  qu'il  a  employés  en  parlant  du 
décès  d'Adelard  :  «  SepuUus  est,  dit-il,  in  anteriori  choro  versus  convenlum.  » 
Comme  la  crypte  de  S*<^-Maric  n'a  pas  été  démolie  du  temps  de  Charles-Quint 
ou  du  duc  de  Parme,  ce  chœur  antérieur  se  trouvait  donc  dans  l'église  con- 
ventuelle, dont  les  moellons  ont  servi  à  la  construction  du  Château. 

Société  royale  des  Beaux-Arts,  a  Ga?(d.  —  Cette  société  vient  de  reprendre 
ses  expositions  particulières  de  tableaux,  qui  autrefois  eurent  une  si  heureuse 
influence  sur  le  progrès  de  la  peinture  et  de  la  sculpture  dans  les  Flandres. 
Celle  qui  vient  de  s'ouvrir  le  20  juin  dernier,  est  remarquable  sous  plus  d'un 
rapport.  La  commission  directrice  et  les  amateurs  y  ont  déjà  acheté  pour 
plus  de  4000  fr.  d'objets  d'art.  Ces  expositions  se  renouvelleront  tous  les  ans 
à  la  même  époque,  sauf  l'année  de  l'exposition  triennale  gantoise. 

Médaille  a  la  mémoire  du  baron  De  Reiffenberg.  —  La  société  des  Sciences, 
des  Arts  et  des  Lettres  de  Hainaut  et  celle  des  Bibliophiles  belges  séant  à  Mons, 
viennent  de  faire  frapper  à  refligie  du  savant  écrivain  que  la  Belgique  a  perdu 
l'an  dernier,  une  médaille  en  bronze  de  moyenne  grandeur,  dont  elles  ont 
confié  l'exécution  au  talent  bien  connu  de  L.  Wiener.  Nous  regrettons  de  le 
dire,  nous  n'avons  point  reconnu  dans  le  portrait  gravé  par  l'habile  artiste 
les  traits  fins  et  caractéristiques  du  baron  de  ReilVenberg.  La  ressemblance 
est  entièrement  manquée. 

Tombeau  de  Godefroi  de  Bouillon  et  de  Baudouin  de  Constantinople.  —  Nous 
apprenons  que  M.  le  Ministre  de  l'intérieur  a  chargé  un  membre  de  l'Acadé- 
mie de  la  rédaction  d'une  mémoire  justificatif  tendant  à  établir  d'une  manière 
irrécusable  que  Godefroi  de  Bouillon  appartient  à  la  Belgique  par  sa  nais- 


—  272  — 

sance,  et  que  par  conséquent  le  gouvernement  belge  est  seul  fondé  en  droit 
aujourd'hui  à  faire  rétablir  son  tombeau  à  Jérusalem.  Par  suite  de  ce  travail 
M.  Blondeel  de  Ceulenbroeck,  cliargé  d'affaires  de  S.  M.  le  Roi  des  Belges  à 
Constantinople,  a  reçu  la  mission  de  se  rendre  à  Jérusalem  pour  procéder 
sans  retard,  après  s'être  entendu  avec  les  autorités  locales,  aux  travaux  de 
restauration  du  monument  de  Godefroi  de  Bouillon,  ainsi  que  de  Baudouin 
de  Constantinople,  qui  sera  entièrement  réparé  aux  frais  du  trésor  belge. 

Académie  royale  de  Belgique.  —  Voici  le  programme  des  questions  à  ré- 
soudre pour  la  classe  des  lettres  et  des  sciences  morales  et  politiques  : 

1°  Faire  riiistoire  de  l'organisation  militaire  en  Belgique,  depuis  l'avéne- 
ment  de  Charlcs-Quint  jusqu'à  la  mort  du  roi  d'Espagne  Charles  II. 

2»  Quelles  ont  été,  jusqu'à  Tavénement  de  Charles-Quint,  les  relations  po- 
litiques et  commerciales  des  Belges  avec  l'Angleterre? 

3»  Quelle  est,  dans  l'organisation  de  l'assistance  à  accorder  aux  classes 
souffrantes  de  la  société,  la  part  légitime  de  la  charité  privée  et  de  la  bien- 
faisance publique? 

i°  Faire  Thistoire,  au  choix  des  concurrents,  de  l'un  de  ces  conseils  :  le 
grand  conseil  de  Malines,  le  conseil  de  Brabant,  le  conseil  de  Hainaut,  le 
conseil  de  Flandre. 

5»  Un  mémoire  sur  la  vie  et  les  travaux  d'Érasme,  dans  leurs  rapports  avec 
la  Belgique. 

6o  Quelle  influence  la  Belgique  a-t-elle  exercée  sur  les  Provinces-Unies  sous 
le  rapport  politique,  commercial,  industriel,  artistique  et  littéraire,  depuis 
l'abdication  de  Charles-QuinI  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe  siècle? 

7°  Quel  est  le  système  d'organisation  qui  peut  le  mieux  assurer  le  succès  de 
l'enseignement  littéraire  et  scientifique,  dans  les  établissements  d'instruction 
moyenne  ? 

Prix  qci>qcex.>acx.  —  Un  arrêté  royal  du  6  juillet  1831  porte  : 
Indépendamment  du  prix  fondé  par  larrêté  du  i<"^  décembre  1845,  il  est 
institué  cinq  prix  quinquennaux  de  oOOO  fr.  chacun,  en  faveur  des  meilleurs 
ouvrages  qui  auront  été  publiés  en  Belgique  par  des  auteurs  belges  et  qui  se 
rattacheront  à  une  des  catégories  suivantes  :  1"  Sciences  morales  et  politi- 
ques; 2»  littérature  française;  ô"  littérature  flamande;  4»  sciences  physiques 
et  mathématiques;  o»  sciences  naturelles. 


27â  — 


tloiice  analytique  ci  raiaonnée 

DU  CATALOGUE  DU  MUSÉE  d'aNVEUS,  RÉDIGÉ  PAR  M.  JEAN-ALFRED 
DE  LAET,  PROFESSEUR  AGRÉGÉ  A  l'u.MVERSITÉ  DE  GA\D,  ET 
PUBLIÉ  PAR  LE  CONSEIL  d'aDMIMSTRATION  DE  l'aCADÉMIE 
ROYALE    DES    BEAUX-ARTS   (l). 


3=>«^»«» 


Une  bonne  fortune  dont  nous  sommes  redevables  à  un 
parent  de  Jacques  Jordaeus,  nous  permet  de  donner  sur  la 
famille  de  ce  grand  coloriste,  des  détails  que  nous  croyons 
inédits  pour  la  plupart. 

Le  père  de  ce  maitre  s'appelait  également  Jacques;  il 
épousa  le  2  septembre  1390,  Barbe  Van  Wolscbaten,  née 
à  Borgerbout,  le  5  février  1569,  décédée  le  H  fé- 
vrier 16o8  (a).  De  ce  mariage  naquirent  :  1"  Jacques 
Jordaens ,  le  célèbre  artiste ,  baptisé  à  Notre-Dame  le 
20  mai  1595,  et  qui  épousa  dans  la  même  église  le  15 
mai  1616,  Calberine  Van  Noort,  lillc  du  peintre  Adam  et 
d'Élisabetb  Nuyts,  Jacques  mourut  le  18  octobre  1678, 
après  avoir  causé  à  ses  frères  et  sœurs,  le  cuisant  chagrin 
d'une  apostasie  dont  les  motifs  sont  encore  un  mystère  et 
à  laquelle  prit  part  sa  femme  qui  décéda  le  17  avril  1659, 
ainsi  que   son  beau-père.  La  tradition  rapporte  que  les 


(1)  Suite  cl  fin.  Voir  pag.  ISô. 

(2)  Jacques  Jordaens,  le  père,  mourut  le  5  août  1613;  il  était  fils  de  Pierre 
et  d"Anne  Faulx.  Barbe  Van  Wolsehalen  était  fille  de  .Martin  et  de  Barbe  Van 
llulssen. 

1851.  20 


—  274  — 

voisins  tUî  la  rue  Haute,  où  demeurait  le  malheureux  Joi- 
daens,  ne  le  voyant  plus  fréquenter  nos  temples,  soupçon- 
nèrent le  motif  peu  honorable  de  sa  conduite  (i). 

2°  Elisabeth  Jordaens,  Béguine,  baptisée  à  Notre  Dame 
d'Anvers  le  24  août  1 G 1 3,  décédée  à  Bréda  le  2 1  juillet  1 645; 
5°  Marie  Jordaens,  épouse  de  Pierre  Laureyssens;  4"  Abra- 
ham Jordaens,  baptisé  à  Notre  Dame  le  24  juin  1608, 
décédé  à  Anvers,  religieux  de  Tordre  des  ermites  de  S'- 
Auguslin;  5°  Madelaine  Jordaens,  Béguine,  baptisée  à  Notre 
Dame  le  25  juillet  1605,  décédée  à  Anvers  le  26  avril  1667; 
6°  Isaac  Jordaens,  baptisé  dans  la  même  église  le  24  juin 
1608,  mari  de  Catherine  De  Laport;  7"  Anne  Jordaens, 
baptisée  également  dans  la  Cathédrale  le  21  décembre  1597: 
elle  y  épousa  le  18  avril  1625,  Zacharie  DeVries,  mort  sans 
postérité  en  août  1661;  8"  Catherine  Jordaens,  religieuse 
du  tiers-ordre  de  S*-François;  elle  fut  baptisée  à  Notre 
Dame  le  20  décembre  1600  et  célébra  son  jubilé  le  5  sep- 
tembre 1671. 

Le  peintre  Jacques  Jordaens  fut  père  de  :  1°  un  fils,  éga- 
lement nommé  Jacques,  qui  cultiva  aussi  la  peinture  et 
mourut  célibataire  en  Danemarck;  2°  Elisabeth,  décédée 
le  18  octobre  1678  et  enterrée  avec  ses  parents,  dans  l'é- 
glise réformée  de  Putte;  5"  Anne  Catherine,  épouse  de  Jean 
Weerts,  né  à  Anvers  en  1620,  conseiller  au  Conseil  souve- 
rain de  Brabant  à  La  Haye,  où  il  demeurait  en  1680. 

L'ensevelissement  du  Sauveur,  peint  par  Jacques  Jor- 
daens, le  Vieux  (n"  255),  provient  de  l'abbaye  de  S'-Sau- 

(1)  Tout  ceci,  comme  M.  Victor  Van  Grimbergen  en  a  déjà  fait  l'observa- 
tion, ne  s'accorde  guère  avec  ce  que  feu  M.  Norbert  Cornelissen  a  inséré 
en  1832  dans  le  Messager  des  Sciences  et  des  Arts;  mais  ces  détails  ont  sur 
ceux  de  ce  savant,  l'avantage  de  l'exactitude.  S'ils  font  peu  d'honneur  à  Jor- 
daens, il  faut  l'en  plaindre. 

M.  Frédéric  Verachter  a  communiqué  une  partie  des  renseignements  que 
nous  avons  transcrits  plus  haut,  dans  le  Messager  des  Sciences  et  des  Arts, 
volume  de  1832-1833,  p.  SOO. 


—  â7o  — 

veur,  fondée  à  Anvers  par  Pierre  Pot  et  Marie  Terrebroots, 
sa  compagne,  et  non  de  l'église  des  Capucines,  ainsi  que 
cela  a  été  un  jour  erronément  écrit. 

En  reconnaissance  du  don  que  Jordaens  avait  fait  à  la 
Corporation  de  S'-Luc,  en  1G65,  des  tableaux-plafonds  re- 
présentant le  Péfjase  (n"  2o6),  et  le  Commerce  et  Vhidustrie 
protégeanl  les  Beaux-Arts  (n"  257),  la  Confrérie  offrit  à 
l'artiste  une  aiguière  en  argent,  accompagnée  d'une  pièce 
de  vers  à  sa  louange  (i). 

Il  est  à  remarquer  qu'aucun  des  tableaux  de  Jordaens 
que  possède  le  ]Musée,  n'a  été  transporté  en  France,  à  la 
lin  du  siècle  dernier. 

L'inscription  sépulcrale  suivante,  qui  se  trouvait  dans 
l'église  des  grands  Carmes  d'Anvers,  permettra  de  fixer  à 
l'avenir  d'une  manière  exacte,  la  date  de  la  mort  du  célèbre 
peintre  Théodore  Rombouts  : 

SEPULTURE 

VAN  DEM   EERSAMEN  BARTUOLOMEUS  ROMBOUTS 

STERFT  2  OCTOBER  1624 

EADE 

VAN  DE  EERBARE  BARBARA  DE  GREVE 

SÏNE  HUVSVROUWE 

STERFT  22  OCTOBER  163G  (2) 

ENDE 

DEN  VROMEN  THEODORUS  ROMBOUTS  HAERIIEDER  SOSE 

SCIIILDER  VERMAERT 

STERFT    14  SEPTEMBER    1G57. 

Le  Père  Papcbrochius,  auquel  nous  avons  déjà  fait  tant 
d'emprunts,  a  indiqué  exactement  l'année  de  la  mort  de 
Rombouts,  qui,  d'après  le  célèbre  Jésuite,  est  né  à  Anvers 
en  1597,  date  indiquée  également  par  le  catalogue  (s).  Nous 

(1)  J.  C.  E.  baron  Van  Ertborn,  Geschiedkundige  aenteekcningen  aengaende 
de  S'c  luras  gddc,  enz.  Anlwcrpcn,  1822,  bl.  36-57. 

(2)  Le  manuscril  qu'on  a  bien  voulu  mellre  à  noire  disposition,  signale 
celte  date  comme  douteuse. 

(3)  Op.  cit.,  t.  IV,  p.  364.  —  Cet  arliste  fut  baptisé  à  Notre-Dame  le 
2  juillet  1597.   Il  eut  pour  parrain  Thierry  Sweerts,   pour  marraine  Marie 


—  276  — 

croyons  du  reste  que  M.  De  Laet  se  trompe,  en  faisant  bâtir 
à  Rombouts,  l'hôtel  avoisinant  le  palais  du  Roi,  place  de 
Meir,  à  Anvers;  Fauteur  cité  nous  apprend  eii  effet  que  c'est 
Gérard  Zeegers  qui  se  fit  construire  une  belle  habitation 
au  milieu  de  ladite  place,  vis-à-vis  la  rue  des  Claires  (i). 

Quoique  les  rivalités  entre  artistes  soient  de  nos  jours 
choses  malheureusement  peu  rares,  nous  ne  consentons 
point  à  admettre  sans  preuve  la  haine,  que  Rombouts 
aurait,  d'après  le  catalogue,  vouée  à  Rubens,  non  plus  que 
le  faste  dont  se  serait  targué  le  premier  de  ces  artistes. 
Des  pièces  irrécusables  ont  déjà  fait  justice  d  imputations 
mal  fondées,  dirigées  à  l'adresse  de  certains  maîtres  et  de 
certains  promoteurs  des  arts,  par  les  Campo  ^^'eyerman, 
les  Descamps  et  tutti  quanti:  n'accueillons  donc  pas  légère- 
ment les  anecdotes  que  nous  ont  léguées  ces  Messieurs. 

Rombouts,  d'après  Papebrochius,  mourut  au  retour  d'un 
voyage  en  Italie  (2). 

Le  n°  261,  peint  par  Rombouts,  représente  le  Christ  pé- 

De  Mont.  —  Le  vendredi  17  septembre  1627  il  lui  fit  octroyé  de  passer  hors 
d'Anvers  la  première  nuit  de  ses  noces,  sans  perte  de  son  droit  de  cité  (jwor- 
tersehap).  II  épousa  ladite  année  Anne  Van  Thielen,  dont  il  eut  une  fille 
nommée  Anne-Marie,  baptisée  à  ^'otre-Dame  le  7  août  1628. 

(1)  Op.  cit.,  t.  V,  p.  U. 

(2)  Voici  l'inscription  sépulcrale  du  peintre  Jean  Wildens,  que  le  catalogue 
indique  comme  Tauteur  du  paysage,  au  milieu  duquel  Rombouts  a  représenté 
la  S^^'-Famille  (n"  260).  Cette  inscription  se  lisait  dans  notre  ancienne  Cathé- 
drale ; 

BEGRAEFPLàETS  VAN  J0A>>E5  WILDENS  SCHILDER 

STERFT   16  OCTOBER   1653 

OUD  69  JAREN 

ENDE 

MARIA  STAPPAERT    SÏXE  IIUYSVROLWE 

STERFT  29  MEY   1624 

ESDE 

JOANNES  WILDENS  JO.NGMAN   HINNEN   SONE 

STERFT  ÔO  DECEMBER   1633 

OIT  52  JAREN. 

Ainsi  le  célèbre  Wildens  est  né  en  1386. 


—  277  — 

Icrin  reçu  par  S^-Augustin.  Ce  tableau  j)rovient  de  réglise 
des  Augustins  de  Maliiies. 

La  uolice  sur  Antoine  Van  Dyck  renferme  une  inexacli- 
lude  empruiilée  à  M.  Victor  Van  Grimbergen,  et  qui  nous 
a  été  signalée  de  bonne  part.  Elle  a  pour  objet  la  déter- 
mination de  l'endroit  où  est  né  le  célèbre  maître,  et  cet  en- 
droit n'est  autre  que  la  maison  den  berendans  (la  danse  des 
ours),  située  aen  de  yzere  brug  (au  pont  de  fer),  près  du 
vieux  Marché  aux  grains ,  presque  en  face  de  l'ancien 
hôtel  de  ville.  Cette  maison  est  marquée  aujourd'hui  sec- 
lion  1,  n°  759. 

Le  n"  262,  peint  par  Van  Dyck,  et  représentant  le  Sau- 
veur en  croix  entre  S^-Doniiniqve  et  S^^-Catherine  de  Sienne, 
ne  fut  point  exécuté  pour  le  maître  autel  de  l'église  des  Do- 
minicains, comme  le  dit  le  catalogue,  par  suite  sans  doute 
d'une  erreur  typographique,  mais  bien  pour  celui  des  Domi- 
nicaines. Il  est  vrai  que  lorsque  l'empereur  Joseph  II  eut 
jugé  que  ces  religieuses  étaient  inutiles,  ce  chef-d'œuvre  qui 
composait  l'épitaphe  du  père  seul,  et  non  des  parents  du 
peintre,  ne  fut  point  vendu,  mais  transporté  chez  les  Domi- 
nicains, qui  le  conservèrent  dans  leur  sacristie  jusqu'en 
1794,  époque  où  il  fut  enlevé  pour  la  France. 

Le  portrait  de  révèque  d'Anvers,  Jean  Malderus  (n''263), 
provient  de  l'ancien  Palais  épiscopal,  aujourd'hui  l'hôtel  du 
gouverneur  de  la  province.  Ce  tableau  y  avait  été  caché  dans 
un  endroit  secret,  lors  de  la  tourmente  révolutionnaire;  il 
fut  découvert  eu  1812  et  transporté  au  Musée  par  ordre  du 
préfet  du  déparlement  des  deux  Nèlhes,  baron  d'Argenson. 
—  Le  bonnet  que  porte  cet  évéque,  n'est  point  celui  de  doc- 
teur en  théologie.  Le  prélat  est  vêtu  d'un  rochet  et  d'un 
camail,  au-dessous  duquel  on  remarque  sa  croix  pastorale. 
Xous  espérons  voir  supprimer  dans  la  prochaine  édition 
du  catalogue,  l'anecdote  relative  au  n"  266,  le  Sauveur  en 
croix,  peint  par  ^'an   Dyck  et   qui   ornait  avant   1794, 


—  278  — 

le  quartier  du  prieur  des  Augustins  d'Anvers.  M.  Van 
Grimbergen  a  donné  l'extrait  du  registre  de  ces  pères,  con- 
cernant le  paiement  du  grand  tableau  de  Van  Dyck,  qui 
se  voit  encore  aujourd'hui  dans  leur  ancienne  église  et  qui 
représente  S'-Aiigustin  en  extase  devant  les  attributs  divins. 
Eh  bien  !  nous  ne  craignons  pas  de  l'avancer,  parce  que 
nous  parlons  par  suite  d'une  expérience  née  de  plusieurs 
recherches,  si  des  difficultés  avaient  eu  lieu  entre  le  maître 
et  les  religieux,  et  si  elles  n'avaient  été  terminées  que  par 
le  don  du  n"  206,  le  registre  nous  l'aurait  dit.  Nous  reje- 
tons donc,  jusqu'à  preuve  contraire,  l'anecdote  mentionnée 
par  le  pitoyable  Mensaert  et  ses  successeurs.  iSous  désirons 
que  cette  historiette  fasse  place  au  récit  du  moyen  énergique 
qu'employa  feu  le  peintre  Pierre  Van  Regemorter,  pour 
nous  faire  restituer  en  18 la,  par  le  Musée  de  Rennes,  ce 
chef-d'œuvre  dont  Napoléon  avait  fait  cadeau  à  cette  an- 
cienne capitale  de  la  Bretagne  (i). 

Notons  en  passant,  qu'à  l'exception  du  n"  265,  tous  les 
tableaux  de  Van  Dyck,  que  possède  le  Musée,  ont  vu  la 
France  en  1794  et  n'en  sont  revenus  qu'en  181o. 

Le  tableau  de  nature  morte,  peint  par  Adrien  Van 
Utrecht  et  portant  le  n"  268,  a  été  acheté  à  iM"'''  veuve  Cor- 
neille-François Van  Lanschot,  dont  le  mari  a  rempli  les 
fonctions  de  secrétaire  honoraire  de  l'Académie  d'Anvers. 

Nous  sommes  charmés  de  pouvoir  confirmer,  sur  la  foi 
de  Papebrochius,  écrivain  en  général  si  exact,  la  date 
de  16o0,  indiquée  par  le  catalogue,  comme  celle  du  décès 
de  Jean  Van  Hoeck.  Ce  célèbre  élève  de  Rubens  est  mort 
à  Bruxelles  (2). 


(1)  Voir  Félix  Bogaerls,  Xolice  sur  Pierre-Jean  Van  Regemorter,  dans  le 
Messager  des  Sciences  et  des  Arts,  volume  de  1832-1833,  p.  224;  l'auteur  a 
écrit  erronément  Rouen,  au  lieu  de  Rennes.  —  Voir  surtout  V.  Van  Grim- 
bergen, Op.  rit.,  p.  310. 

(2)  Op.  cit.,  t.  V,  p.  42. 


—  279  — 

Le  n°27o,  peint  i)ar  ce  maitre,  et  qui  provient  de  l'église 
de  nos  Récollets,  représente,  d'après  le  catalogue,  S^-Antoine 
de  Padoue  en  adoration  devant  la  S^^-Vierge;  si  Ton  chan- 
geait la  dernière  partie  de  la  phrase,  de  cette  manière  : 
devant  l'Enfant  Jésus  que  lui  présente  la  S^'-Vierge,  les 
catholiques  instruits  n'auraient  rien  à  ohjecter  à  l'indication 
du  sujet  de  ce  tahleau. 

Le  savant  Jésuite  que  nous  ne  citions,  il  n'y  a  qu'un 
instant,  nous  fait  connaître  que  Jean  Van  Bockhorst,  dit 
langen  Jan,  naquit  à  Munster  en  A\'estphalie,  qu'il  fut  élève 
de  Jacques  Jordaens,  et  qu'il  peignit  beaucoup  dans  notre 
ville,  où  il  mourut  (i). 

Papehrochius  indique,  ainsi  que  le  catalogue,  Tannée!  603, 

comme  celle  de  la  naissance  de  Jean  Cossiers,  qu'il  dit  aussi 
avoir  été  élève  de  Corneille  De  Vos.  Il  rapporte  que  le 
prince-cardinal  tenait  ce  maître  en  singulière  estime  (2). 

Le  catalogue  se  trompe,  en  fixant  à  l'année  1678,  la  date 
du  décès  du  célèbre  peintre  Simon  De  Vos.  Cet  artiste  fut 
en  1676,  un  des  bienfaiteurs  de  la  Maison  des  Orphe- 
lins (A»ec/i(;'e«s  huys)  d'Anvers.  Son  portrait,  par  lui-même, 
chef-d'œuvre  que  n'aurait  pas  désavoué  notre  immortel  An- 
toine Van  Dyck,  ornait  autrefois  l'institution  dont  nous 
venons  de  parler.  Il  se  trouve  aujourd'hui  dans  la  Maison 
des  Orphelines  {muegden  huys),  et  porte  l'inscription  sui- 
vante qui  constate  Terreur  du  catalogue  : 

Simon  De  Vos  heeft  naer  de  konst 

Hem  zelfs  hier  uytgebeld 
En  tôt  dcn  armen  zyne  jonst 

Acn  iedcr  voorgeslell 
Mits  den  armen  erfgenaem  maekt 

In  de  helfl  van  zyn  goet 
'K  wcnsch  dal  daer  door  u  hcrt  geraeckt 

Ghy  ooek  het  selve  doet. 
Ob'  13. 8b.  1676,  aetaf.  73. 

(1)  Op.  cil.,  p.  2U. 

(2)  Ibid.,  p.  223. 


—  280  — 
On  lit  encore  sur  ce  portrait  les  vers  suivants  : 

Hy  lecfde  armelyk 
Cm  met  zyn  goel  te  maeekcn  ryek 

De  caemer  der  ariueii 
Bidl  Godt  syn  siel  wilt  ontfermen  (l). 

Il  résulte  de  ces  inscriptions,  que  Simon  De  Vos,  ayant 
vécu  pauvrement  pour  enrichir  les  indigents,  auxquels  il 
laissa  la  moitié  de  sa  fortune,  décéda  le  15  octobre  1676, 
à  l'âge  de  73  ans  (2). 

C'est  à  tort  que  le  catalogue  signale  le  n»  283,  peint  par 
Erasme  Quellyn,  le  Vieux,  comme  représentant  un  miracle 
de  S^-Bruno.  L'illustre  fondateur  de  l'ordre  des  Chartreux 
n'a  jamais  été  chargé  du  fardeau  de  l'épiscopat,  et  cepen- 
dant l'auteur  du  prodige  porte  la  mitre  d'évéque.  Aussi  ce 
Bienheureux  n'est-il  autre  que  S'-Hugues,  évéque  de  Lin- 
coln en  Angleterre,  dont  les  Chartreux  célèbrent  la  fête  le 
17  novembre.  Il  porte  l'habit  de  son  ordre  et  est  du  reste 
très-reconnaissable  au  cygne  qui  se  trouve  près  de  lui,  et 
que  le  catalogue  ne  mentionne  point.  Pierre  Dorlandus  nous 
apprend  que  notre  S'-Hugues  aimait  beaucoup  l'oiseau  dont 
nous  venons  de  parler  (0), 

Le  n°  283  provient  du  couvent  des  Chartreux  de  Lierre, 
ainsi  que  le  n°  284,  également  peint  par  Érasme  Quellyn, 
le  Vieux.  Le  nom  de  S'-Bruno,  qui  se  lit  dans  la  description 
de  ce  tableau,  doit  faire  place  àcelui  deS'-ïIuguesdeLincoln. 

Le  n"  285,  peint  i)ar  Théodore  Van  Thulden,  provient 

(!)  Dry-honderd-vyflig-jaerige  jubilé  der  berugte  instcUinge  van  den  dîenst 
der  aglhaerc  Hceren  Aelmoesseniercn  der  stad  Antwerpen,  gevierd  den  vyfden 
van  Winter-macnd  MDCCCVIII,  bl.  2j  en  2(3.  —  Antwerpen,  H. -P.  Van  der 
Iley,  in-4o.  —  Feu  le  révérend  et  très-érudit  .M.  François-Matthieu  Van 
Cannart  dTIamaie,  licencié  en  théologie  de  l'ancienne  Université  de  Louvain, 
ainsi  que  .M.  Antoine  Stips  ont  travaillé  à  cet  intéressant  ouvrage. 

(2)  Simon  De  Vos,  fils  d'Herman  et  d'Elisabeth  Van  Oppen,  naquit  le 
28  octobre  IG03. 

(3)  Cijgmim  habebal  in  delicijs.  —  Chronicon  Carthiisiensc,  auc/ore  Pclro  Dor- 
lando,  Dicslensi,  olim  Carlhusicc  Priore  doctissimo.  Coloniœ  Agrippinœ,  1608* 


—  rù[  — 

de  l'ancienne  abbaye  de  S'-Bernard  sur  TEscaiU,  transfor- 
mée en  prison  par  les  progressistes  français.  Le  person- 
nage qu'il  nous  montre  et  qui,  à  tort  ou  à  raison,  passait 
dans  les  Notices  de  1820  et  de  1829,  pour  représenter  un 
Bernardin  du  nom  de  Van  Thulden,  lient,  non  pas  un 
bonnet  de  docteur,  mais  simplement  celui  de  son  ordre.  Ce 
religieux  est  peint  en  habit  de  choeur. 

Nous  serait-il  permis,  puisque  nous  venons  de  parler  de 
I  abbaye  de  S'-Beruard,  de  demander  pour  quel  motif  on 
s'est  dispensé  de  replacer  au  3îusée,  un  tableau  de  Jean 
Breughel  de  velours,  tableau  que  la  Notice  de  [S'-JO  décrit 
ainsi  :  Vue  de  l'ancienne  abbaye  de  S^-Bernard  sur  l'Escaut. 
L'auteur  a  représenté  dans  ce  tableau  le  retour  des  religieux 
dans  l'abbaye  en  1587,  après  les  troubles,  et  les  réjouissan- 
ces qui  eurent  lieu  à  cette  occasion?  Lors  même  que  cette 
production  de  Jean  Breughel  serait  d'une  importance  mi- 
nime au  point  de  vue  de  l'art,  encore  faudrait-il  l'exposer 
comme  monument  historique.  Il  est  sans  doute  inutile  de 
dire  que  cette  œuvre  provient  du  monastère  de  S'-Bcrnard. 

Papebrochius  fixe,  comme  le  catalogue,  à  1G09,  la  date 
de  la  naissance  de  Pierre  Van  Lint  et  rapporte  qu'après 
avoir  été  pendant  sept  ans  peintre  du  cardinal-doyen  et 
évéque  d'Oslie,  pour  l'église  duquel  il  peignit  (rois  tableaux 
d'autel,  qu'admirèrent  les  Italiens,  notre  artiste  se  rendit 
en  Danemarck,  où  il  fut  très-bien  accueilli  par  le  roi  (i). 

Le  n"  288  qui  représente  le  portrait  de  l'éminent  person- 
nage dont  nous  avons  parlé,  a  été  donné  au  Musée  par  notre 
concitoyen,  le  colonel,  aujourd'hui  général  Bernard  Bottiers. 

Nous  n'avons  pu  vérifier  si  le  n°  293,  peint  par  II. -P. 
Franck  et  qui  provient  de  l'église  des  Récollets  d'Anvers, 
représente  bien  réellement,  comme  le  dit  le  catalogue,  une 
tentative  d'empoisonnement  sur  la  personne  de  S^-François 

(I)  O;,.  f,7,,  t.  V,  p.  22:i. 


—  282  — 

d'Assise.  La  présence  d'une  mitre  et  dune  crosse  épisco- 
pales  aux  pieds  du  Bieniieureux,  que  nous  montre  cette 
toile,  non  encore  exposée  en  ce  moment,  suffit  du  reste 
pour  nous  faire  rejeter  la  version  de  M.  De  Laet.  On 
sait  en  effet  que  Tliunible  S'-François,  loin  de  se  laisser 
imposer  le  lourd  fardeau  de  Tépiscopat,  recula  même  de- 
vant les  fonctions  bien  moins  redoutables  du  sacerdoce. 
Aussi  sou  bistorien,  S'-Bonaventure,  cardinal,  évèqued'Al- 
bano,  ne  fait-il  aucune  mention  du  miracle  que  retrace  le 
tableau  de  H. -P.  Franck. 

L'apparition  de  S^-Antoine  de  Padoue,  également  peinte 
par  H. -P.  Franck  (n°  29S),  ornait  autrefois  l'autel  de  ce 
Saint,  dans  l'église  de  nos  Récollels.  Au  bas  de  cette  com- 
position, on  remarque  l'àue  qui  fut  l'instrument  de  la  con- 
version de  l'bérétique  Bonvillo  (i).  —  Le  tableau  dont  nous 
nous  occupons,  servait  d'épitapbe  à  Alexandre  Vau  den 
Broeck,  aumônier  d'Anvers  en  1621,  et  à  son  frère  Jean, 
écbevin  et  trésorier  de  cette  ville,  comme  le  prouve  l'in- 
scription suivante  qui  se  lit  dans  la  partie  inférieure  ; 

D.  0.  M. 

ET 

SA.>"CTO  ANTONIO  A  PADVA, 

DD.    ALEXANDER  ET  lOANNES 

VAS   DES  BROEC&  FRATRES.    ILLE, 

VRBIS  ANTVERP.  SEKATOR  ET 

QVESTOR  :    HIC   ELEEMOSINARIVs, 

PIO   AFFECTV  PICTVRAM  HA.NC   P.   C. 

ANAO  MDCLII   (2). 

jVous  avons  été  étonné,  en  parcourant  la  notice  sur  David 
Tenicrs,  le  Jeune,  de  ne  pas  y  trouver  un  mot  des  lettres- 
patentes  que  ce  peintre  célèbre  obtint  en  1663,  avec  ses 

(1)  Cli.-J.  Van  den  Ncsl,  prêtre,  Souvenirs  d'Italie.  Anvers,  1849,  p.  285. 

(2)  La  Notice  de  1829,  non  contente  de  mentionner  ce  tableau  signé,  sous 
le  nom  de  Luc  Franclioys,  dont  elle  avait  modernisé  Tortliographe;  cette 
.Xotice,  disons-nous,  avait  élalé  au  grand  jour  une  étourderie  peu  commune, 
en  assignant  pour  sujet  à  celte  toile,  une  prétendue  Assomption  de  S'-Bona- 
vcntxtre .' .' .' 


—  2ti3   — 

collègues  de  S'-Luc,  du  roi  d'Espagne  Piiilippe  IV,  pour 
réreclion  d'une  Académie  anversoise,  semblable  à  celles  de 
Rome  et  de  Paris  (i).  Nous  verrons  plus  loin  que  les  doyens 
de  S'-Luc  apprécièrent  comme  un  véritable  bienfait,  l'obten- 
tion de  cet  octroi  de  S.  M.  catliolique,  et  qu'ils  témoignè- 
rent d'une  manière  durable  leur  reconnaissance  envers  le 
marquis  de  Caracène,  qui  les  avait  aidés  dans  cette  circon- 
stance, de  son  crédit  à  la  cour  d'Espagne. 

Le  catalogue  mentionne  comme  acheté  à  Gand  à  la  vente 
de  feu  M.  Schamp  d'Averscboot,  les  buveurs  flamands  de 
David  Teniers,  le  Jeune  (n"  297)  :  c'est  Schamp  d'Ave- 
schoot  qu'il  faut  lire.  —  Le  n"  297  a  été  acquis  au  prix 
de  1 4,600  francs  (2). 

Les  portraits  peints  par  Godefroid  Flinck  (n°  299),  pro- 
viennent du  cabinet  de  feu  M.  Jean-Adrien  Sneyers,  ancien 
secrétaire  de  l'Académie  d'Anvers. 

C'est  sans  doute  par  distraction  que  le  catalogue  ortho- 
graphie Gobau,  le  nom  du  célèbre  peintre  Antoine  Goubau. 
11  est  vrai  qu'à  en  croire  M.  De  Laet,  notre  artiste  écrivait 
lui-même  de  la  première  manière,  mais  ce  qui  nous  fait  dou- 
ter de  l'exactitude  de  cette  assertion,  c'est,  entre  autres, 
la  signature  A.  Goubau  qui  se  lit  en  toutes  lettres,  avec  la 
date  de  1680,  sur  le  tableau  représentant  la  place  Navona 
à  Rome  (n°  301).  Ce  tableau  provient  de  la  commanderie 
de  Pitsenbourg  de  Mali  nés  (5). 

Papebrochius  loue  autant  les  vertus  que  les  talents  de  ce 
maître  qui  fut  baptisé  à  S'-Georges  d'Anvers,  le  27  mai  1616 
et  mourut  célibataire  (4). 

Le  savant  Jésuite  que  nous  venons  de  nommer,  est  dac- 

(1)  J.  C.  E.  baron  Van  Eriborn,  Op.  cit.,  p.  31-55. 

(2)  Mcssur/er  des  Sciences  historiques  de  Belgique,  volume  de  184-0,  p.  52a. 

(3)  Voyez  la  signature  donl  nous  venons  de  parler  à  la  fin  du  catalogue, 
planche  B,  n»  8. 

(4)  Op.  cit.,  t.  V,  p.  228.  —  Antoine  Goubau  était  (ils  d  Antoine  cl  de 
Livine  Cornet. 


—  284  — 

cord  avec  le  catalogue,  pour  fixer  à  Tannée  1G18,  la  nais- 
sance du  peintre  de  fleurs,  Jean-Philippe  Van  Thielen,  qui 
quitta,  dit-il,  Malines,  pour  venir  apprendre  son  art  à  An- 
vers auprès  du  célèbre  frère  Daniel  Zegers,  ce  que  les 
supérieurs  avaient  souvent  refusé  à  d'autres  personnes  (i). 

La  (juirlande  de  fleurs,  exécutée  par  Van  Thielen  et  expo- 
sée sous  le  n°  502,  provient  de  l'abbaye  de  S'-Bernard  sur 
l'Escaut.  L'habile  restaurateur  du  Musée,  M.  Jean  Leemans, 
met  en  ce  moment  la  dernière  main  à  une  autre  guirlande 
de  fleurs  du  même  artiste,  qui  ornait  autrefois  le  monastère 
cité,  et  au  milieu  de  laquelle  se  trouve  représentée  la  Sainte 
Vierge,  tenant  l'Enfant  Jésus.  îl  n'est  pas  douteux  que  le 
n°  302  n'ait  été  également  étoffé  d'un  sujet  religieux,  avant 
que  feu  Matthieu  Van  Bréc  se  fut  avisé  d'y  substituer  le 
buste  en  bronze  de  V impératrice  Marie-Louise .  Il  est  à  croire 
que  l'œuvre  primitive  n'aura  pas  été  grattée  à  cette  occa- 
sion :  et  puisqu'il  y  a  moyen  de  s'en  assurer,  nous  expri- 
mons le  vœu  qu'on  nous  la  rende,  s'il  est  possible. 

Le  n°  503  représentant  V  Ascension  de  N.  S.,  peinte  par 
le  Père  Pennemaeckers,  ornait  la  chapelle  de  S'-Didace, 
dans  l'église  des  Récollets  d'Anvers,  à  l'ordre  desquels  ap- 
partenait l'artiste.  Le  manuscrit  auquel  il  nous  a  été  permis 
d'emprunter  ces  derniers  détails,  nous  a  fait  connaître  que 
cette  Ascension  servait  de  monument  funéraire  à  Juste  Ca- 
nis,  Gantois  de  naissance.  L'église  des  Piécollets  renfermait 
une  pierre  sépulcrale  de  cet  homme  de  bien,  qui  ne  borna 
point  ses  libéralités  à  ce  seul  temple. 

L'inscription  de  cette  dalle  tumulaire  était  ainsi  conçue: 

D.  G.  M. 

MEMOniE 

V\y  JUSTO   CASIS  GEBOREN  TE  CEND 

AELMOESSEMER   DESER   STADT  (2) 

(1)  Op.  rii.,  i.  V,  p.  220-221. 

(2)  Le  tablrau    des   aiimonirrs    d'Amers    mnitionno   Jiisie   Caiiis   ;i   l'an- 
née 10 13. 


—   28o  — 

DIE  STERFT  A"  1G64-  21  APRIf. 

ENDE  CATH.lllINA  DE   Il.VSE 

SYSE  EERSTE  UIYSVKOIWE 

DIE  STERFT  A»   1610  8  OCTOBER 

ENDE  BASILIA  PELGROS 

SYNE  TWEEDE   IIUYSVROIWE 

DIE  STERFT  A»   1641  il  NOVEMDER. 

Nous  croyons  pouvoir  conclure  de  cette  inscription,  que  le 
tableau  du  P.  Pennemaeckers  ne  saurait  être  de  beaucoup 
postérieur  à  Tannée  1664,  époque  du  décès  de  Juste  Canis. 

Le  manuscrit  que  nous  venons  de  citer,  rapporte  que 
dans  celle  même  cbapelle  de  S'-Didace,  se  trouvait  l'épi- 
taphe  du  peintre  Abrabam  Matlbysscns,  laquelle  était  ornée 
d'un  tableau  exécuté  par  cet  arlisle,  et  qui  représentait 
S^-Antoine  de  Padoiie,  recevant  l'Enfant  Jésus  des  mains 
de  la  S^^-Vierrje.  Celte  composition  tenta  en  1794  les  com- 
missaires de  la  rapace  Convention  nationale,  qui  la  firent 
transporter  à  Paris,  où  le  général  Pommereul  en  signale 
rexislence  en  Tan  VI  (i).  Ce  tableau  ne  nous  revint  point 
en  1813,  et  la  liste  des  objets  d'art  enlevés,  dressée  à  celte 
époque,  mentionne  celte  production  comme  n'étant  ren- 
seignée dans  aucun  inventaire. 

Quoiqu'il  en  soit,  nous  croyons  qu'on  nous  saura  gré  de 
reproduire  ici  les  quelques  lignes  qui  se  lisaient  sur  le  mo- 
nument de  IMallbyssens  : 

ABRAHAM   MATTUYSSENS 

SCHILDER  IS  SY^E^  LEVES 

WiS  VAN  DEN  DERDES  REGEL  DES  II.   VADERS  FRANCISCI 

STERFT  JO>GHMA>-  A»   1649  DES   4  SEPTEMBER  OIT   68  JAREN. 

B.  V.  D.   S. 

Il  résulte  de  ces  lignes,  que  notre  artiste  né  en  I08I, 
avait  embrassé  la  règle  du  tiers-ordre  de  S'-François,  et 
qu'il  mourut  célibataire  le  4  septembre  1649  (2). 

(1)  Extrait  de  l'art  de  voir  dans  les  bemtx-arts,  traduit  ilc  rilalicn  de  Milizia, 
par  le  général  Pommereul.  Paris,  an  VI.  —  Le  général  écrit  S'-Fra»rois,  au 
lieu  de  S^-Anloine  de  Padoue. 

(2)  On  sait  quo  les  personnes  aflîliées  au  tiers-ordre  de  S'-Franrois  d'Assise 


—  206   — 

L'église  de  Notre  Dame  possède  une  Mort  de  la  5'^- 
Vierge,  et  Tautel  de  rancienne  cliapelle  du  corps  des  Drsi- 
incrs  {lakenbereijders),  rue  de  TEnipereur,  une  Assomption, 
exécutées  par  ce  maître  (i). 

La  notice  consacrée  à  Théodore  Boeyermans  ue  sera  l'objet 
d'aucune  observation  de  notre  part  :  seulement  nous  dirons 
en  passant,  que  la  date  du  la  avril  1680,  indiquée  par 
M.  Félix  Bogaerls,  comme  étant  celle  du  décès  de  cet  artiste, 
trop  peu  apprécié  hors  de  notre  ville,  nous  avait  été  commu- 

peuvent  vivre  dans  le  monde  et  même  en  Tétat  de  mariage.  Ainsi  renonciation 
du  célibat  de  5Iatthyssens  n'est  pas  une  superfluité. 

(1)  Cet  autel  qui  est  orné  d"un  Sauveur  accompagné  de  deux  anges,  figures 
exécutées  par  le  sculpteur  Artus  Quellyn,  le  Vieux,  fut  vendu  le  '27  brumaire 
an  Vil  (17  novembre  1798)  à  certain  citoyen  Dringuen,  pour  la  somme  de 
dix  florins,  argent  courant  de  Brabant.  Le  marché  comprenait  en  outre  deux 
petits  tableaux  et  les  boiseries  à  côté  de  l'autel.  Ce  Sauveur  fut  payé  60  florins 
à  l'artiste;  on  en  compta  590  au  menuisier  Henri  Hendrick  {sic),  pour  la 
confection  de  l'autel.  C'est  ce  qui  résulte  des  annotations  suivantes  qui  nous 
ont  été  communiquées  d'après  un  registre  de  la  chapelle  :  «  22  Xber  1653. 
Artus  Quellin,  snijer  van  den  Christus  in  den  aulaer —  60  gis.  —  7  feb.  1654. 
Hendrick  Hendrick,  schrynicerker,  590  gis.,  voor  het  maken  van  den  autaer.  » 
Le  restant  du  mobilier  de  celle  chapelle,  qui  renferme  plusieurs  œuvres  d'art 
remarquables,  fut  adjugé  ledit  jour  pour  trente  florins,  cinq  sous.  Heureuse- 
ment il  n'en  fut  rien  enlevé  par  les  acquéreurs. 

Le  document  qui  nous  a  fourni  ces  détails,  a  été  copié  récemment  sur 
l'original,  signé  du  receveur  des  domaines  Lafeuiliez  et  de  J.-J.  Verbelen, 
officier  municipal.  Il  contient,  à  partir  du  18  et  jusqu'au  27  brumaire 
an  VII  (8-17  novembre  1798),  les  actes  du  pillage  sacrilège  de  la  Cathédrale, 
de  l'église  paroissiale  de  S'-Georges,  du  couvent  des  Sœurs  Noires,  de  la 
chapelle  des  Bateliers,  ainsi  que  la  vente  du  mobilier  de  celle  des  Drapiers. 
Le  trop  fameux  Directoire  Exécutif  retira  de  ces  diverses  opérations  une 
somme  totale  de  onze  mille  deux  cent  quarante-sept  florins,  sept  sous,  argent 
courant  de  Brabant,  soit  fr.  20,638-58,  c'est-ù-dire  moins  que  la  valeur  du 
maître  autel  de  la  Cathédrale,  par  exemple!!! 

Quelque  minime  que  soit  cette  somme,  elle  dépassa  encore  le  prix  d'esti- 
mation qui  ne  s'élevait  qu'à  fr.  16,482-30,  y  compris  celui  du  nombre  rela- 
tivement peu  considérable  d'œuvres  d'art  réservées  pour  l'école  centrale  du 
département.  En  vérité  ces  exploits  du  philosopliisme  rappellent  à  la  mémoire 
l'exclamation  échappée  au  peu  reeommandable  .Mirabeau,  lors  de  la  discussion 
du  décret  de  spoliation  des  biens  ecclésiastiques  :  «  Si  on  ne  peut  pas  les  ven- 
dre, qu'on  les  donne!  •>  —  >'olc  ajoutée  en  mai  1831. 


—  287  — 

iiiquée  par  une  personne  qui  l'avait  puisée  en  lieu  sûr  (i). 

Le  n°  504,  que  le  catalogue  intitule  l' Ambassadeur,  ainsi 
que  le  n°  507,  Anvers  mère  nourricière  des  peintres,  sont 
deux  cadeaux  faits  par  Boeyermans  en  1CG6,  à  la  Confrérie 
de  S'-Luc,  laquelle,  pour  en  témoigner  sa  reconnaissance, 
fit  don  à  l'artiste  d'une  coupe  d'argent  doré  et  d'une  pièce 
de  vers  (a).  —  La  figure  de  la  ville  d'Anvers  que  l'on  re- 
marque au  n°  507,  était  regardée  autrefois  comme  le  por- 
trait de  Marie  Ruthven,  la  belle  compagne  de  notre  immor- 
tel Antoine  ^'an  Dyck.  Après  l'avoir  comparée  avec  une 
gravure  exécutée  d'après  ce  maître,  par  Sclielte  à  Bolswert, 
et  représentant  la  fille  de  Patrice  Uuthven,  nous  croyons 
pouvoir  nous  ranger  à  l'ancienne  opinion. 

La  piscine  de  Bethsaïde  (n°  50o) ,  peinte  par  Boeyer- 
mans, provient  du  couvent  des  Sœurs  Noires  d'Anvers.  Ce 
tableau  contient  l'inscription  fautive  suivante  : 

D.  0.  M. 

JESV  CURISTO 

\ns.  FO>T 

RELIGIOS.E  EST 

MiTER 

HELEXA  FAY 

P.  C. 

1673 

Il  serait  à  désirer  que  les  personnes  dont  les  portraits 
ornent  le  beau  tableau  de  Boeyermans,  intitulé  par  31.  De 
Laet,  la  Visite  (n"  506),  pussent  être  connues,  et  puis- 
qu'elles passent  pour  les  membres  d'une  famille  qui  se 
distingua  par  ses  libéralités  envers  notre  Séminaire,  il  ne 
serait  pas  impossible  que  les  archives  de  l'Évéché  d'Anvers 
qui  sont  conservées,  au  moins  en  partie,  à  l'Archevêché  de 
Malines,  pussent  mettre  sur  la  voie  de  recherches  fruc- 
tueuses. —  Le  n°  506  provient  de  notre  ancien  Séminaire. 

(1)  Esquisse  d'une  histoire  des  aris  en  Belgique,  etc.  Anvers,  1841,  p.  51. 
—  Boeyermans  mourut  célibataire. 

(2)  J.  C.  E.  baron  Van  Ertborn,  Op.  cit.,  p.  37-38. 


—  288  — 

Si  lecélèijre  peintre  d'animaux,  Jean  Fyt,  est  réellement 
né  en  162o,  on  ne  peut  guère  admettre  avec  le  catalogue, 
que  cet  artiste  qui  n'avait,  dans  ce  cas,  que  quinze  ans  à 
l'époque  de  la  mort  de  P. -P.  Rubens,  ait  pu  être  appelé  par 
ce  grand  maître  à  l'aider  dans  ses  travaux. 

Le  n°  511,  peint  par  Fyt,  provient  de  la  commanderie 
de  Pitsenbourg  à  Matines;  il  représente  aujourd'hui  deux 
lévriers  dormant  au  pied  d'un  arbre,  près  de  quelques  per- 
drix et  d'un  lièvre  morts.  Les  Notices  de  1817,  n°  125,  et 
de  1820,  n"  174,  nous  apprennent  qu'à  ces  époques,  une 
Diane  fatiguée  de  la  chasse  et  endormie  à  V ombre  d'une 
touffe  d'arbres,  faisait  partie  de  cette  composition,  et  que 
cette  figure  avait  été  exécutée  par  le  peintre  bruxellois, 
\'ictor-Honoré  Janssens.  Un  homme  de  mérite,  mais  qui 
avait  la  malheureuse  habitude  de  traiter  fort  peu  respec- 
tueusement les  productions  de  nos  anciens  maîtres,  avait 
fait  disparaître  l'œuvre  de  Janssens,  lorsque  la  Notice 
de  1829  vit  le  jour  (i). 

Le  calaloiïue  orlhoïïraphie  mal  le  nom  de  feu  M.  Charles- 
Jean  Slier  d'Aerlselaer,  donateur  du  tableau  de  Fyt,  repré- 
sentant le  repas  de  l'aigle  (n°  512). 

Nous  ne  pouvons  fournir  aucun  autre  renseignement  sur 
François  Goubau,  dont  le  Musée  possède  un  tableau  et  dont 
31.  De  Laet  a  été  le  premier  à  parler,  si  ce  n'est  que 
l'église  de  S'-Jacques  est  ornée  d'une  belle  toile  de  ce  maî- 
tre, représentant  le  Sauveur  étendu  mort,  signée  et  datée 
de  1653,  ainsi  que  d'un  portrait  du  curé  François  Van  dcn 
Bossche,  premier  doyen  du  chapitre  de  cette  ancienne  Collé- 
giale; ce por^rf«7  également  signé,  porte  la  date  de  lGo7  (2). 

II  est  probable  du  reste  que  notre  artiste  est  le  même  que 
le  François  Goubau,  fils  de  Charles  et  d'Anne  Van  der 


(1)  Voyez  le  n"  183  de  ceUc  Nol'iee. 

(2)  Ces  dates  ont  été  vérifiées  sur  les  tableaux. 


--  289  — 

Poorten,  qui  fut  baptisé  dans  la  Cathédrale  d'Anvers,  le 
27  septembre  1G22.  Il  aurait  épousé  dans  ce  cas,  Anne- 
.Marie  Van  der  Beken. 

Le  n°  519,  peint  par  François  Goubau  et  qui  représente, 
d'après  le  catalogue,  un  abbé  et  un  frère  de  l'ordre  de 
S*-Norbert  en  adoration  devant  le  S^-Sacrement,  n'étant 
point  exposé,  il  nous  est  impossible  de  contrôler  l'exacti- 
tude de  l'indication  de  M.  De  Laet. 

La  date  de  1690  se  lit  sur  un  tableau  de  Marc-Antoine 
Garibaldo,  que  possède  une  église  de  Bruges.  Papebrochius 
mentionne  à  l'année  169o,  comme  nouvellement  peinte,  la 
Fuite  en  Egypte,  exécutée  par  ce  maître  (n°  320),  et  qui 
orna  jusqu'en  1 798 ,  l'autel  des  Charpentiers  dans  notre 
ancienne  Cathédrale  (i). 

Lapiscine de  Bethsaïde,  peinte  par  Jean-Érasme  Quellyn, 
le  Jeune  (n"*  525  et  524),  provient  de  l'église  de  l'abbaye 
de  S'-3Iichel.  Lorsque  cet  ancien  et  célèbre  monastère  eut 
été  supprimé  par  nos  arrogants  dominateurs,  ordre  fut 
donné  de  distraire  du  prétendu  mobilier  national  qui  se 
trouvait  à  S'-Michel,  les  objets  d'art  dignes  d'être  réservés 
pour  le  futur  Muséum  du  département  des  Deux-Nèthes. 
La  magnifique  composition  de  Jean-Érasme  Quellyn,  le 
Jeune,  fut  comprise  au  nombre  des  tableaux  classés  dans 
celte  catégorie  :  échappée  au  danger  d'être  mise  eu  vente, 
elle  en  courut  bientôt  un  autre. 

Les  individus  chargés  de  l'enlèvement  de  cette  belle  toile, 
s'étaient  imaginés  d'abord  qu'il  était  impossible  de  la  retirer 
intacte  de  la  place  qu'elle  occupait.  C'est  ce  que  donne  à 
connaître  une  lettre  du  citoyen  S. -P.  Dargoune,  commis- 
saire du  Directoire  Exécutif  près  la  municipalité  d'Anvers. 
Dans  cette  missive  qui  porte  la  date  du  24  prairial, 
an  V  (12  juin  1797),  et  qui  est  conservée  aux  archives  de 

(i)  Op.  cit.,  t.  V,  p.  3jl. 

21 


—  290   — 

notre  province,  le  susdit  citoyen  propose  de  diviser  le  ta- 
bleau en  plusieurs  parties  et  de  faire  servir  celles-ci  aux 
études  des  élèves  de  l'école  centrale.  Cet  acte  de  vandalisme 
ne  vint  point  heureusement  s'ajouter  à  tant  d'autres  dont 
nous  fûmes  redevables  aux  Voltairiens  français  et  au  petit 
nombre  de  Belges  abâtardis  qui  soutenaient  cette  tourbe 
iconoclaste. 

Le  tableau  de  Quellyn  dont  nous  venons  de  parler,  ser- 
vait d'épitaphe  à  Ambroise  Van  Eyck,  chanoine  régulier  de 
S'-Michel,  personne  (i)  et  curé  à  Vosselaer  et  Beirs,  ainsi 
qu'à  ses  parents,  Ambroise  et  Madelaine  Bernaerts. 

Nous  exprimons  le  vœu  que  la  partie  supérieure  (n"  524) 
de  la  composition  de  Quellyn  soit  réunie  à  la  partie  infé- 
rieure, la  toile  de  ce  maître  dùl-elle  être  descendue  au  vesti- 
bule du  Musée. 

Les  n°'  525,  526  et  527  ornaient  autrefois  la  nef  méri- 
dionale de  l'église  de  l'abbaye  de  S'-Michel,  Ils  sont  peints 
par  Jean-Érasme  Quellyn,  le  Jeune,  et  représentent  des 
scènes  du  martyre  que  l'infâme  Guillaume  De  la  Marck, 
comte  de  Lumey,  fît  souffrir  avec  ses  dignes  satellites,  les 
gueux  de  mer,  à  dix-neuf  victimes  que  l'Eglise  a  placées  sur 
ses  autels,  et  parmi  lesquelles  on  compte  deux  chanoines 
réguliers  de  l'ordre  de  S*-Norbert  et  onze  religieux  Fran- 
ciscains. Le  trop  fameux  Sanglier  des  Ardennes  se  souilla 
de  ce  crime  en  1372,  après  la  surprise  de  la  ville  de  Briel 
en  Hollande. 

Le  premier  de  ces  tableaux  a  pour  sujet  S'- Adrien  de 
Hilvarenbeeck,  curé  de  Munster  en  Hollande,  et  S'-Jacques 


(1)  Pcrsonatus  est  habere  prœeminentiam  in  Ecclesia  sine  jurisdiclione  nt 
Prœcenlor.  Rcbuff. ,  cap.  I  de  consuetud.  et  ibi  doct.  —  Le  pcrsonnal  est  une 
certaine  préihnininee  ou  prérogative  qu'un  bénifice  donne  dans  l'Eglise,  sans 
jurisdiclion,  c.  I,  de  consuclud.,  in  6».  —  Le  per sonnât  est  qttelque  chose  de 
7no{ns  que  Dignité,  c.  2,  (liKliim  de  clect.,  mais  quelque  chose  de  plus  que  le 
simple  office.  —  Durand  de  Maillanc,  Dictionnaire  de  droit  canonique  et  de  pra- 
tique bénéficiale,  vcrbis  Dignité,  Personnal.  Paris,  M.  DCC.  LXI,  2  vol.  in-i». 


—  291  — 

Lacopiiis,  tous  deux  chanoines  réguliers  de  Prémontré,  arrê- 
tés et  entraînés  en  prison  par  la  soldatesque  de  Luniey  (i). 

Le  n"  526  représente  le  jugement  de  ces  saints  religieux 
et  de  leurs  compagnons.  Celle  toile  est  ornée  des  armes 
d'un  al)l)é  et  de  celles  de  l'abbaye  de  S'-Michel  (2). 

Le  martyre  proprement  dit  est  le  sujet  du  n°  527  :  nous 
espérons  que  la  prochaine  édition  du  calalogue  contiendra 
à  cet  égard  quelques  détails  de  nature  à  faire  reconnaître, 
autant  que  possible,  les  diverses  victimes  de  la  barbarie  des 
gueux  (5).  —  L'individu  qui,  à  l'avant-plau  de  gauche,  est 
renversé  et  mordu  par  un  chien  enragé,  n'est  autre  que  le 
féroce  Lumey  lui-même  (4). 

Quoique  l'évèque  d'Anvers,  Gaspard  Nemius  (5),  ancien 
curé  de  Wervick  et  non  Werwick,  comme  l'écrit  le  cala- 
logue, ait  été  élevé  aux  honneurs  du  doctorat  en  théologie, 
le  bonnet  dont  est  coiffé  son  portrait,  exécuté  par  Jean- 
Erasme  Quellyn,  le  Jeune  (n"  528),  ce  bonnet,  disons-nous, 
n'est  pas  celui  de  docteur.  Le  prélat  est  représenté  vêtu  d'un 
rocbet  et  d'un  camail.  Ce  tableau  provient  de  notre  ancienne 
Cathédrale. 

Le  n"  550  indiqué  par  le  catalogue,  comme  peint  par 
Jean-Erasme  Quellyn,  le  Jeune,  et  que  nous  considérons 
comme  une  production  d'Érasme,  le  V  ieux,  ornait  autrefois 
le  réfectoire  des  Chartreux  de  Lierre.  Il  représente,  d'après 
M.  De  Laet,  S^-Bruno  acjenouillé  devant  le  Pape  dont  il 
reçoit  Vhabit  de  son  ordre.  Il  y  a  ici  une  erreur  évidente, 


(1)  Aubci'Ius  Mirœus,  Ordinis  Prœmonstralensis  chrotiicon.  CoIoniiE  Agrip- 
pinfe,  MDCXIII,  pp.  22i  et  seq. 

(2)  Le  catalogue  qualifie  à  tort  du  moine,  le  S>-Xorbcrlin  qui  répond  aux 
imputations  de  ses  ennemis. 

(3)  Voyez  à  ce  sujet,  Guillaume  Eslius,  docteur  en  théologie  et  cliancelier  de 
rUniversitc  de  Douay.  Historiu  Marlyruin  Gorcomknsium.  Duaci,   .MDCHI. 

(4)  J.-J.  De  Smet,  Histoire  de  la  Belgique.  Gand,  18ô2,  t.  Il,  [i.  ."i.'). 

{y>)  Le  véritable  nom  de  ce  prélat  était  Dubois.  (Le  Glay,  Cameracum  Chris- 
lianum.  Lille,  1849,  p.  71). 


—  292  — 

puisque  si  le  saint  fondateur  des  Chartreux  a  reçu  cet  habit 
des  mains  d'un  dignitaire  ecclésiastique,  c'a  été  de  celles 
de  S'-Hugues,  évéque  de  Grenoble  (i);  et  d'ailleurs  l'évêque 
que  l'artiste  nous  montre  assis  sur  un  trône,  est  mitre,  à  la 
vérité,  mais  sa  mitre  n'est  point  ornée  de  la  couronne,  signe 
distinctifdu  souverain  Pontificat  en  1084,  époque  de  l'éta- 
.blissement  de  la  Chartreuse  (2).  Sauf  ce  point,  nous  croyons 
pouvoir  adhérer  à  l'explication  du  catalogue. 

M.  De  Laet  nous  apprend  que  le  martyre  de  sainte 
Agathe (n^ù 0*2),  autre  production  de  Jean-Erasme  Quellyn, 
le  Jeune,  et  qui  ornait  ci-devant  l'église  des  Chartreux  de 
Lierre,  servait  de  monument  funèbre  à  demoiselle  Agathe 
Breethoeck,  morte  en  1684.  Ce  tableau  porte  l'inscription 
suivante  : 

DONO  d'''^  AGAT/E  (5)  BREETHOECK 

IN  HOC  SACELLO  SEPULT^  OBIIT 

gA  sept'"'»  1684 

Le  catalogue  rapporte  dans  la  notice  sur  Henri  Van  Min- 
derhout,  que  les  doyens  de  la  Confrérie  de  S'-Luc  d'Anvers 
chargèrent  le  9  septembre  1672,  l'artiste  dont  nous  parlons, 
de  peindre  un  tableau  pour  leur  corporation.  Nous  sommes 
étonné  que  M.  De  Laet,  d'ordinaire  si  exact  sous  ce  rap- 
port, n'ait  point  ajouté  que  le  n"  534,  représentant  wi  port 
du  Levant,  n'est  autre  chose  que  le  tableau  commandé  à 
Henri  Van  Minderhout.  Cette  toile  orna  jusqu'en  18M,  la 
grande  salle  de  l'Académie  établie  jusqu'à  cette  époque, 
au-dessus  des  galeries  de  la  Bourse. 

(1)  Voir  les  Acla  Sanclorum,  au  6  octobre.  —  Le  l'ail  de  la  prise  d'habit 
des  mains  de  S'-Hugues,  y  est  considéré  comme  au  moins  douteux. 

(2)  On  sait  que  le  pape  S'-Silvcslre,  élu  en  514,  introduisit  le  premier 
l'usage  de  celte  mitre  couronnée;  que  Boniface  VIII,  élu  en  1294,  y  ajouta 
une  seconde  couronne,  et  que  la  tiare  ou  triple  couronne  actuelle  fut  adoptée 
par  Urbain  V,  pape  en  1362.  —  Voir  la  Romanorum  Pontipcum  hrevis  noti- 
tin  etc.,  auclore  Guilielmo  Burio  DruxeUensi,  Eccl.  Mclrop.  MecliUn.  Canonico 
Zellariensi.  —  Augustœ  Vindel.,  MDCCXXXIV,  pp.  3Î),  36,  168  ot  179;  in-8». 

(3)  Sic. 


—  293  — 

Nous  croyons  qu'après  avoir  lu  les  observations  de  M.  De 
Laet,  relativement  à  une  prétendue  collaboration  du  peintre 
Keerings  avec  Abrabam  Genoels,  on  sera  d'accord  avec 
nous,  pour  demander  la  suppression  du  nom  du  premier  de 
ces  artistes,  comme  ayant  exécuté  en  partie  le  n°  336, 
Minerve  et  les  Muses.  Ce  tableau  figure  sous  le  n"  143  dans 
la  Notice  de  1820  :  il  y  porte  les  noms  de  Théodore  Boeyer- 
mans  et  d'Abraham  Genoels,  que  nous  avons  lus  également 
dans  un  manuscrit  relatif  à  l'Académie.  JNous  ne  croyons 
pas  du  reste  que  Boeyermans  ait  réellement  travaillé  à  cette 
toile. 

L'obligeance  d'un  membre  de  la  famille  Tassaert  nous 
met  à  même,  non  seulement  de  donner  des  renseignements 
sur  l'auteur  de  la  réunion  des  philosophes  (n"  338),  enlevée 
à  la  fin  du  siècle  dernier,  au  Palais  épiscopal  d'Anvers  (i), 
mais  aussi  sur  des  descendants  de  cet  ancien  doyen  de  la 
Corporation  de  S'-Luc.  Nous  communiquons  d'autant  plus 
volontiers  ces  notes,  qu'elles  se  rapportent  en  majeure  par- 
tie à  des  artistes. 

Jean-Pierre  Tassaert,  le  Vieux,  auteur  du  n°  358,  était 
fils  de  Pierre  et  de  Jeanne  Floquet.  Il  fut  baptisé  dans  la 
Cathédrale  d'Anvers  le  7  mars  1G51,  et  épousa  dans  la 
même  église  le  23  novembre  1G90,  Catherine  Lidts,  bap- 
tisée à  Notre-Dame  le  14  janvier  1662  (2).  La  dépouille 
mortelle  de  notre  artiste  fut  déposée  dans  le  même  temple 
en  1724;  celle  de  son  épouse  en  juillet  1734. 

De  ce  mariage  naquit  :  Jean-Pierre  Tassaert,  baptisé 
dans  la  Cathédrale,  le  18  février  1700.  Il  épousa  Claire- 
Marie  Brandts,  et  mourut  le  29  juillet  1758,  paroissien  de 
S'-Georges. 


(1)  Un  grand  nombre  des  tableaux  de  genre  qui  ornent  le  Musée,  provien- 
nent de  notre  résidence  épiscopale. 

(2)  Elle  était  fille  de  Guillaume  et  de  Marie  De  Vos. 


—  29V  — 

Il  eut  pour  fils  :  l"  Jean-Pierre  Tassaert,  baptisé  à 
S'-Georges,  le  19  août  1727.  Ce  célèbre  sculpteur  de  Fré- 
déric II,  roi  de  Prusse,  se  maria  à  Paris,  et  mourut  à  Ber- 
lin, le  21  janvier  1788.  2°  Philippe  Tassaert,  baptisé  à 
S'-Georges,  le  18  mars  1752.  Il  cultiva  la  peinture  et  se 
maria  en  Angleterre  avec  une  Irlandaise  :  on  ignore  l'épo- 
que de  son  décès.  Xe  serait-ce  pas  à  celui-ci,  que  revien- 
drait l'épithète  de  Tassaert  V Anglais,  que  la  Notice  de  1829 
a  donnée  pour  la  première  fois  à  son  aïeul?  Quoiqu'il  en 
soit,  Philippe  Tassaert  eut  un  fils  du  même  prénom,  qui 
fut  baptisé  à  S'-Georges  d'Anvers,  et  qui,  devenu  peintre, 
décéda  en  voyage,  sans  postérité.  Il  existe  encore  aujour- 
d'hui plusieurs  descendants  de  Jean-Pierre  Tassaert,  le 
Vieux. 

Le  portrait,  peint  par  Godefroid  Kneller  et  exposé 
sous  le  n"  559,  ornait  avant  1798,  la  chapelle  des  Pelle- 
tiers dans  la  Cathédrale  d'Anvers.  II  représente  le  très- 
révérend  François  De  Cocq,  chanoine  et  chantre  de  ladite 
Cathédrale. 

Le  n°  540,  la  S^^-Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  nous  parait 
un  tableau  de  la  fin  tout  au  moins  du  XVF  siècle.  Le  nom 
de  Jean  Van  Orley  qu'il  porte  aujourd'hui,  lui  a  été  donné 
en  1841  par  un  artiste  qui  a  le  défaut  d'être  un  peu  léger 
dans  les  indications  de  cette  espèce.  Aussi  espérons-nous 
que  la  prochaine  édition  du  catalogue  ne  reproduira  plus 
cette  erreur. 

M.  De  Laet  se  trompe,  en  fixant  l'année  1722,  comme 
étant  celle  de  la  mort  de  Godefroid  Macs;  ce  peintre  décéda 
le  50  mai  1700,  ainsi  que  le  prouve  son  inscription  sépul- 
crale, que  l'on  peut  lire  encore  aujourd'hui  dans  l'église  de 
S'-Jacques,  au  pourtour  méridional  du  chœur,  pourtour 
qui  n'est  pas  l'endroit  où  notre  artiste  est  enterré.  Voici 
cette  inscription  : 


—  !i9o  — 

j. 
i 

D.  0.  M. 

SEPULTURE 

VAN 

GODEFRIDUS   MAES 

VERSIAERDT   CONSTSCHILDER 

STIERF  DEK   50   MEY    1700 

E>°DE 

JOSINA  BAECKELANDT 

SY>E  Ul'YSVROUWE  SURF 

DEfi  22  JA>IARY    1709 

R.  I.  P. 


La  signature  G.  Maes  et  la  date  de  1682  se  lisent  sur 
V Assomption  de  N.-D.,  qui  orue  le  maître  autel  de  Téglise 
de  riiôpital  de  S'''-Élisabeth  de  Hongrie,  à  Anvers.  Lemar- 
ttjre  de  S^-Gcorges  (n°  343  du  Musée),  exécuté  par  Maes, 
provient  du  maître  autel  de  l'église  de  ce  nom,  démolie  du 
temps  des  Vandales  français. 

Il  nous  semble,  après  avoir  parcouru  les  dates  données 
par  M.  De  Laet,  dans  la  notice  sur  Pierre  Ykens,  que  l'au- 
teur du  n"  343  du  catalogue,  ne  peut  avoir  été  le  maitre 
d'André-Corneille  Lens,  d'autant  plus  que  le  Pierre  Ykens 
du  Musée  se  maria  le  14  juillet  1671,  dans  l'église  de 
S'-Jacques,  avec  Marie-Anne  Van  Bredael.  Jean  Ykens  et 
Pierre  Van  Bredael  furent  les  témoins  de  cette  union.  Il 
n'est  pas  improbable  que  l'un  et  l'autre  aient  été  les  pein- 
tres de  ces  noms  et  les  pères  respectifs  des  nouveaux 
conjoints, 

La  S^^-Catherine  disputant  avec  les  philosophes  (n"  345), 
exécutée  par  Pierre  Ykens,  ornait  avant  1798,  l'autel  des 
Fripiers-Ciieurs  publics,  dans  la  Catbédrale  d'Anvers.  Pape- 
brocbius  qui  l'y  vit,  la  mentionne  à  tort  comme  peinte  par 
Jean  Ykens,  mais  il  nous  apprend  à  Tannée  1695,  qu'à  cette 
époque,  c'était  un  tableau  récemment  acbevé  (i). 

Nous  concluons  de  ce  qui  précède,  que  la  qualification 

(1)  Op.  cil.,  t.  V,  p.  3iO. 


—  296  — 

de  Pierre  Ykens,  le  Vieux,  doit  èlre  rétablie  dans  la  pro- 
chaine édition  du  catalogue. 

Nous  ferons  observer  ici  en  passant,  que  la  Notice 
de  1820  signale  deux  autres  tableaux  de  Pierre  Ykens. 
L'un  portant  le  n°  161,  représentait,  d'après  cet  opuscule, 
la  communion  de  S^-Guillaume  :  nous  n'avons  jamais  vu 
cette  composition,  que  le  catalogue  manuscrit  de  l'an  IX 
indique  comme  provenant  de  l'abbaye  de  S'-Bernard  sur 
l'Escaut.  Le  deuxième  tableau  portait  le  n°  163;  il  avait 
pour  sujet  le  renvoi  d'Agar  et  d'Ismaël  par  Abraham,  et 
ornait  autrefois  la  grande  salle  des  réunions  de  la  Corpora- 
tion de  S'-Luc. 

Ces  œuvres  ne  sont  point  comprises  dans  le  catalogue 
actuel,  non  plus  que  le  n°  192  de  la  Notice  de  1820,  repré- 
sentant une  députation  du  Serment  de  l'escrime  complimen- 
tant un  abbé  de  S^-Michel.  Ce  tableau  était  indiqué  comme 
peint  par  Jean  Horemans,  le  Vieux. 

Il  n'est  pas  improbable,  comme  le  dit  le  catalogue,  que 
les  douze  portraits,  d'auteurs  inconnus,  exposés  sous  le 
n"  Soi,  représentent  des  doyens  de  l'une  ou  de  l'autre  cor- 
poration. Quoiqu'il  en  soit,  nous  croyons  que  des  recher- 
ches d'après  des  estampes,  amèneraient  peut-être,  au  moins 
partiellement,  la  reconnaissance  des  personnages  du  n"  351 . 

Le  Père  Luc  Wadding  raconte  en  ces  termes,  le  sujet  du 
n"  3o8,  œuvre  d'un  peintre  inconnu  et  qui  provient  sans 
nul  doute,  d'un  couvent  de  Récollets  :  «  Lorsque  S'-Bona- 
venture  (de  l'ordre  des  Frères  Mineurs,  évéque  d'Albano  et 
cardinal),  étudiait  avec  l'intérêt  le  plus  soutenu,  contem- 
plait et  annotait  la  vie  du  bienheureux  François  (d'Assise), 
le  glorieux  S'-Thomas  d'Aquin,  dont  les  mérites  étaient 
célèbres  à  cette  même  époque,  et  qui  était  attaché  à  Bona- 
venlure  par  les  liens  d'une  grande  charité,  S'-Thomas 
d'Aquin,  disons-nous,  se  présentant  à  sa  cellule,  regarda 
par  l'ouverture  de  la  porte,  et  aperçut   S'-Bonaventure 


—  297  — 

enlevé  en  extase  et  miraculeusement  soulevé  de  terie. 
S'-Thomas  se  retirant,  dit  à  ses  compagnons  :  «  Laissons 
un  saint  travailler  à  la  gloire  d'un  autre  saint  (i).  » 

La  mort  (VA  bel,  belle  toile  dun  inailre  inconnu  (n"  3G1), 
a  été  acquise  des  héritiers  du  défunt  secrétaire  de  l'Acadé- 
mie, M.  Jean-Adrien  Sneyers,  dont  elle  ornait  le  cabinet. 

Les  mots  suivants  se  lisent  au  bas  de  la  Descente  de  croix 
(n°  562),  peinte  par  le  Père  Thys,  Dominicain  : 

ReUgiosa  soror  Maria  Le  Bain  DD. 

Si  le  vieux  Herreyns  dont  le  Musée  possède  un  tableau, 
est  le  père  du  directeur  de  TAcadémie,  Guillaume-Jacques, 
il  serait  né  le  17  janvier  1717,  fut  l'époux  de  Catherine 
Praet  et  portait  les  prénoms  de  Jacques-François-Antoine. 
Il  peignit  en  1773-1774  le  plafond  du  petit  chœur  où  repose 
le  très-Saint  Sacrement,  dans  l'église  paroissiale,  et  aussi 
à  cette  époque,  collégiale  de  S'-Jacques,  à  Anvers.  Le  ta- 
bleau de  Herreyns,  le  Vieux,  qui  se  trouve  au  Musée  sous 
le  n"  363,  a  pour  sujet,  Dieu  le  Père  (2). 

Le  n"  366  fut  peint  par  Govaerts,  d'après  J.-B.  Des- 
camps (3),  à  l'occasion  de  la  paix  conclue  à  Utrecht 
en  1713,  paix  qui  fut  passer  la  Belgique  sous  la  domination 
de  Charles  VI,  empereur  d'Allemagne.  Ce  tableau  repré- 
sente, d'après  l'auteur  cité,  le  Temps  montrant  le  portrait 
de  ce  souverain,  soutenu  par  V Amour,  f  Union  et  la  Force; 
la  ville  d'Anvers  personnifiée  sous  la  figure  d'une  belle 


(1)  Wadding,  Annales  Minoriim.  —  Lugduni,  MDCXLVIII,  t.  VII,  p.  lOG; 
in-f». 

(2)  Nous  ignorons  la  provenance  de  cette  toile  :  il  en  est  de  même  de  toutes 
celles  que  nous  passons  en  revue  dans  celle  notice,  sans  rien  indiquer  à  cet 
égard,  à  Icxccption  des  tableaux  dont  lorigine  est  renseignée  dans  le  cata- 
logue actuel.  Si  nous  n'avions  éld  pressé  du  temps,  comme  le  dit  le  poète,  il 
nous  aurait  été  facile  de  donner  celle  de  la  plus  grande  partie  des  œuvres 
d'art  qui  se  trouvent  au  Musée. 

(3)  Voyage  pillorcs'jue  de  la  Flandre  et  du  Drabanl. 


—  298  — 

femme  et  S^-Georges,  patron  de  la  chevalerie  (i),  environné 
d'anges;  on  y  remarque  les  vices  terrassés  et  plusieurs  por- 
traits de  confrères  du  jeune  Serment  de  l'arbalète,  dont  cette 
composition  ornait  la  salie. 

Le  catalogue  orthographie  fautivement  le  nom  du  peintre 
Barthasar  Beschey.  C'est  ce  que  prouve  suffisamment  la 
signature  de  cet  artiste,  signature  que  l'on  peut  lire  à  la 
planche  C,  n°  6,  de  l'ouvrage  de  M.  De  Laet. 

JNous  espérons  que  dans  une  nouvelle  édition  de  ce  tra- 
vail, on  paiera  à  la  mémoire  de  Guillaume-Jacques  Herreyns, 
la  dette  de  la  reconnaissance  des  Anversois  pour  le  grand 
nombre  de  tableaux  et  la  quantité  assez  considérable  de 
sculptures  qu'il  parvint  à  faire  réserver  pour  l'école  cen- 
trale du  département  et  qu'il  sut  ainsi  soustraire  à  ce  que 
les  Vandales  de  la  fin  du  siècle  dernier  appelaient  la  vente 
du  mobilier  national,  et  peut-être  même  à  une  destruction 
complète. 

Le  n°  574  peint  par  Guillaume-Jacques  Herreyns,  pro- 
vient de  l'abbaye  de  Tongerloo.  Il  représente  le  portrait  du 
célèbre  Jésuite  Joseph  Ghesquière,  numismate  distingué, 
collaborateur  de  la  gigantesque  œuvre  d'érudition  des  Acta 
Sanctorum,  éditeur  des  Acta  Sanctorum  Belgii  selecta,  etc. 
Ghesquière  porte  l'habit  de  prêtre  séculier,  qu'il  dût  revêtir 
après  la  suppression  de  l'illustre  et  savante  compagnie  de 
Jésus. 

Ce  tableau  contient  l'inscription  suivante  : 

ASALECTA  BELGICA 

MARTE  SUO  INCHOATà, 

SED 

A>^'0    1788  KALENDIS  iVOVEMBniDCS 

IMQUITATE  TEMPORIS 

INTERRUPTA, 

CODEFRIDI   IIERM.\.>S 

T0>GERL0ENS1S   ADBATIS 

(I)  Et  du  jeune  Serment  de  rarbalète. 


—  299  — 

AUSPICIIS, 

DIM,   ADSPIRAMIBIS  Sl'PERIS, 

ULTIMUM 

l'NA  CUM   ISFniDO  TIIYSIO, 

EJL'SDEM  ABBATl.t:  ALIMNO, 

MA:<D>I  IMPOSAT, 

ILLUSTRARE  PERREXIT 

JOSEPIIUS  GUESQUIERUS. 


Dans  la  partie  supérieure  de  droite,  on  lit  ce  qui  suit 


iETATIS  63 

Ao  1793. 

G.    H*  P. 


Le  n"  373,  autre  production  de  Herreyns,  représente  le 
portrait  de  Jacques  De  Bue,  Jésuite  et  collaborateur  des 
ActaSanctorum.  Il  porte  également  l'habit  de  prêtre  sécu- 
lier et  provient,  comme  le  précédent,  de  l'abbaye  de  Ton- 
gerloo,  leur  dernière  résidence  religieuse,  après  la  suppres- 
sion de  leur  Compagnie  (i). 

L'inscription  suivante  se  lit  sur  ce  tableau  : 


ACTA  SANCTORUM 

A  SECULO  SESQUI   ALTERO  mCHOATA, 

AB  AKNO  1788 

FESTA  OMNICM   SA>XTORUM  LUCE 

SDPPRESSA, 

TVPORUM  LIBERTATI, 

GODEFRIDI   OERMAKS 

TONGERLOENSIS  ABBATIS 

CPM   INDUSTRIA, 

TUM  IN  DEUM  SANCTOSQUE 

PIETATE, 

A>SO    1789,    DIE  XI   MAJI 

POSTLIMINIO  REDDITA, 

PERSEQl'ENTIBCS 

EJUSDEM  ADBATI.E  ALl'MMS 

DYCEIO,   GOORIO,   STALSIO, 

SE  DUCEM  SOCIUMQUE  PR^BL'IT 

JACOBCS  BUEt'S  (sif). 


(I)  Voir  Gadiai'd,  Mémoire  historique  sur  les  Bollamlisfes  et  leurs  Ira- 
vaux,  etc.,  dans  le  Messager  des  Sciences  et  des  Arts  de  la  Belgique,  volume 
de  1833,  pp.  200  et  suiv. 


—  300  — 

Oïl  lit  les  mots  suivants,  dans  la  partie  supérieure  de 
droite  : 

/ETATIS  6G 

A»  1793. 

G.    IIERREIJItS  F.    (1). 

Le  n°  376,  également  peint  par  Herreyns,  représente  le 
portrait  du  révérend  Monsieur  Jean-Jacques  De  Brandt, 
d'Alost,  qui  en  1760,  fut  promu  à  Louvain,  le  dixième  de 
la  troisième  ligne  (2).  L'authenticité  de  ce  portrait  nous  a 
été  alïirmée,  entre  autres,  par  M.  Henri  Schaefels,  profes- 
seur à  notre  Académie,  qui  a  très-bien  connu  M.  De  Brandt. 

Simon  Denis  était  fils  d'un  officier  autrichien  :  il  naquit 
à  la  citadelle  d'Anvers  et  fut  surnommé  le  louche  (den 
schelen).  Ami  intime  de  Balthasar-Paul  Ommeganck,  il  en- 


(1)  11  résulte  des  inscriptions  transcrites  ci-dessus,  que  Ghesquière  est  né 
en  1750,  et  De  Bue  en  1727,  tandis  que  les  continuateurs  des  Acla  Sanclorum 
font  naître  le  premier  en  1751  et  le  second  en  1728.  11  y  a  évidemment  ici 
une  erreur  de  part  ou  d'autre  :  reste  à  savoir  où  elle  se  trouve.  Ayant  vérifié 
notre  texte,  nous  en  garantissons  l'exactitude. 

Puisque  nous  venons  de  citer  les  nouveaux  Bollandisfes,  nous  nous  per- 
mettrons de  signaler  à  ces  savants  religieux,  une  lacune  que  nous  avons 
découverte  dans  la  notice  consacrée  à  leur  prédécesseur,  le  père  Jean-Pierre 
Clé.  Il  est  bien  vrai,  comme  ils  le  rapportent,  que  cet  ancien  provincial  prêta 
le  fameux  serment  de  haine  à  la  royauté,  mais  nous  tenons  d'un  témoin  auri- 
culaire, à  l'abri  de  toute  suspicion,  que  le  P.  Clé  se  laissa  peu  après  con- 
vaincre d'erreur  par  le  Rév.  31.  Guill.  J.-B.  Van  Bombergcn,  pléban  du 
quartier  nord  de  la  Cathédrale  d'Anvers,  et  qu'il  rétracta  généreusement  entre 
ses  mains,  le  serment  qu'il  avait  émis  le  21  pluviôse  an  VI  (9  février  1798), 
avec  une  bonne  foi  difficile  à  concevoir,  mais  pourtant  réelle.  Les  nouveaux 
Bollandistcs  ne  disent  mot  de  cette  rétractation. 

(2)  11  avait  obtenu  deux  ans  auparavant,  le  H«  prix  en  rhétorique,  au 
collège  de  la  très-S^e-Trinité  à  Louvain  :  le  cours  comptait  104  étudiants. 
—  Voir  Mcmoria  posluma.  Xeniulum  in  annum  MDCCCXI.  —  Calulogus 
suorum  Lovanii,  discipulorum,  prœmia  udeptorum,  edidil  II.  C.  —  Lovanii, 
J.  Meyer,  p.  8-9. 

L'auteur  de  cet  opuscule  est  M.  Hubert  Collin,  diacre,  autrefois  chanoine 
d'Anloing,  régent  du  collège  ci-dessus  nommé.  Cet  excellent  pi'ofcsseur  naquit 
à  MarnelTe,  près  de  Iluy,  le  26  septembre  1739,  et  décéda  à  Louvain  le 
13  juillet  1811.  Les  amateurs  font  cas  de  ses  poésies  latines  qui  n'existent 
qu'en  manuscrit. 


gagea  à  diverses  reprises  eet  artiste  éminent,  vers  lequel 
l'attirait  une  grande  conformité  d'âge  et  d'études,  de  venir 
s'établir  en  Italie;  mais  ses  efforts  furent  inutiles,  car  notre 
célèbre  paysagiste  était  trop  attaché  à  sa  famille  et  au  sol 
natal,  pour  ne  pas  les  préférer  à  la  terre  étrangère,  cette 
terre  s'appelàt-elle  la  belle  Ausonie. 

Simon  Denis  fut  premier  peintre  du  roi  de  IVaples.  — 
M.  Clément  Ommeganck,  petit-fds  de  Balthasar-Paul,  et  à 
l'obligeance  duquel  nous  sommes  redevables  de  ces  détails, 
y  ajoute  que  la  direction  du  Musée  d'alors,  se  montra  fort 
peu  soucieuse  du  legs  des  tableaux  dont  cet  établissement  est 
redevable  à  Denis,  et  que  ce  ne  fut  qu'après  avoir  appris 
l'arrivée  prochaine  de  la  famille  de  ce  peintre  à  Anvers, 
qu'elle  se  hâta  de  les  exposer.  ISous  ajouterons  que  cette 
exposition  ne  doit  pas  avoir  été  de  longue  durée,  puisque 
c'est  M.  le  baron  Gustave  Wappers,  conservateur  actuel, 
qui  a  fait  placer  au  Musée,  il  y  a  peu  d'années,  les  trois 
compositions  (n""  577-579)  de  notre  concitoyen. 

M.  Clément  Ommeganck  dont  nous  venons  de  parler, 
a  bien  voulu  nous  mettre  à  même  de  rectifier  plusieurs 
inexactitudes  qui  se  sont  glissées  dans  la  notice  consacrée 
à  son  célèbre  aïeul  (i).  D'abord  il  n'est  nullement  vrai  que 
Balthasar-Paul  Ommeganck,  fils  de  Paul  et  de  Barbe  Lanen, 
même  à  l'apogée  de  sa  réputation,  ait  obtenu  rarement  plus 
de  2000  à  2o00  francs  de  ses  chefs-d'œuvre.  Les  notes  et 
lettres  conservées  par  la  famille  du  maître,  prouvent  que 
ce  prix  était  un  des  moindres  qu'il  obtenait  pour  des  ta- 
bleaux de  petite  dimension.  Il  a  reçu  4000,  5000  et  même 
COOO  francs  de  quelques-unes  de  ses  compositions;  de  sim- 
ples dessins  lui  ont  été  payés  1000  francs. 

(1)  Ces  inexactiludes,  ainsi  que  d'autres  que  nous  avons  relevées,  ont  été 
empruntées  k  l'ouvrage  de  J.  Immersccl  j""  intitulé  :  De  levens  en  werken  (ter 
hollandsclie  en  i^laemsche  kunsischilders ,  beeldhouwers ,  graveurs  en  bouw- 
mceslers. 


—  S02  — 

Ce  n'est  pas  eu  1814,  mais  eu  1815,  que  Ommegauck  se 
rendit  en  France  pour  y  recliercher  les  chefs-d'œuvre  de 
l'art,  que  les  spoliateurs  de  1794  avaient  confisqués  au 
profit  de  leur  nation  toujours  grande  et  toujours  juste.  Il 
n'est  pas  vrai  qu'épouvanté  par  de  prétendues  menaces,  au 
sujet  desquelles  sa  correspondance  de  1813,  que  nous  avons 
vue,  ne  renferme  pas  un  mot;  il  n'est  pas  vrai,  disons- nous, 
qu'épouvanté  par  de  semblables  menaces,  Ommeganck  ait 
quitté  la  France,  pour  laisser  à  ses  collègues,  Pierre  Van 
Regemorter,  Joseph-Denis  Odevaere,  Jean-J.  Van  Hal  et 
Charles-J.  Stier,  le  soin  de  s'acquitter  de  la  besogne  com- 
mune. Il  revint  au  contraire  à  Bruxelles  et  de  là  à  Anvers 
avec  nos  chefs-d'œuvre,  qu'il  n'abandonna  point  le  long  de 
la  route  qu'ils  parcoururent,  et  faillit  être  écrasé  dans  la 
première  de  ces  villes,  sous  la  chute  de  la  caisse  qui  ren- 
fermait V Assomption  de  N.-D.,  peinte  par  P. -P.  Rubens 
pour  notre  ancienne  Cathédrale. 

Un  tableau  d'Ommeganck  exposé  à  Paris,  quelque  temps 
après  le  retour  d'une  partie  des  œuvres  de  nos  grands  maî- 
tres, y  fut  effectivement  détérioré  d'un  coup  de  couteau, 
comme  le  dit  M.  De  Laet;  mais  sa  version  diffère  de  la 
nôtre,  en  ce  que  le  catalogue  attribue  cet  acte  de  vandalisme 
à  un  sentiment  de  vengeance  dont  l'artiste  serait  devenu 
victime,  à  cause  des  services  qu'il  avait  rendus  à  sa  patrie 
en  1813,  tandis  que  le  maître  lui-même  ne  vit  dans  ce  coup 
de  couteau,  que  l'effet  d'une  jalousie  de  peintres  français. 
Aussi  refusa-t-il  depuis  d'exposer  à  Paris,  quelles  que  fus- 
sent les  instances  qu'on  lui  fit  à  cet  égard. 

L'acquéreur  du  tableau  ainsi  maltraité,  avait  effectivement 
proposé  à  Ommeganck,  de  laisser  son  œuvre  dansJ'état  où 
elle  se  trouvait,  afin  de  perpétuer  le  souvenir  de  la  brutalité 
de  ses  ennemis;  mais  notre  concitoyen  ne  voulut  pas  con- 
sentir à  celte  demande,  et  il  restaura  lui-même  cette  pein- 
ture, qu'il  fit  dans  ce  but,  transporter  à  Anvers. 


—  SOB  — 

Ommeganck  épousa  le  26  juin  1780,  M"^  Pétronille- 
Isabelle-Jacqueliiie  Parriii,  et  non  Parent,  ainsi  que  ledit 
le  catalogue  (i).  De  ce  mariage  naquirent  deux  flis,  dont 
un  mort  en  bas-âge,  et  sept  filles. 

Ici  se  terminent  les  notes  que  M.  Clément  Ommeganck 
a  bien  voulu  mettre  à  noire  disposition.  Nous  allons  y 
ajouter  quelques  particularités  importantes  qui  paraissent 
n'avoir  pas  été  connues  de  M.  De  Lael;  nous  les  empruntons 
à  l'éloge  de  BaUhasar-Paul  Ommeganck,  prononcé  le  15  fé- 
vrier 1826,  par  le  secrétaire  de  notre  Académie  royale,  feu 
M.  Jean-Adrien  Sneyers,  dans  la  réunion  du  conseil  de  cette 
institution.  —  Après  avoir  énuméré  les  litres  honorifiques 
conférés  au  célèbre  paysagiste,  litres  parmi  lesquels  nous 
remarquons  celui  de  vice-président  de  notre  Société  royale 
pour  l'encouragement  des  beaux-arts,  M.  Sneyers  nous 
apprend  que  Ommeganck  fut  un  de  ceux  qui  fondèrent 
en  1788,  dans  notre  ville,  une  association  artistique  ayant 
pour  but,  entre  autres,  d'exciter  l'émulation  par  des  expo- 
sitions annuelles  de  productions  de  la  peinture,  de  la  sculp- 
ture, etc.;  de  produire  au  grand  jour  des  talents  ignorés, 
et  de  leur  procurer  l'occasion  de  se  faire  valoir  (a).  Cette 
société  servit  de  modèle  à  toutes  celles  du  même  genre  qui 
s'établirent  dans  d'autres  villes  du  pays,  et  elle  fut  le  ber- 
ceau de  la  Société  royale  pour  (' encouragement  des  Beaux- 
Arts,  dont  les  Anversois  ont  le  droit  d'être  fiers.  Ommeganck 
mit  successivement  son  activité  au  service  de  l'une  et  de 
l'autre  de  ces  institutions,  et  nous  ne  doutons  point  que  la 
prochaine  édition  du  catalogue  lui  paiera  un  juste  tribut 


(1)  Elle  élait  fille  de  Jean  et  de  Pélronillc  Sprangers,  naquit  le  I  i  novem- 
bre 1753  et  mourut  le  2G  novembre  1820. 

(2)  Cette  association  prit  le  nom  de  Sociclé  des  Arls.  Ommeganck  envoya 
quatre  de  ses  tableaux  à  l'exposition  qu'elle  ouvrit  du  1  au  1 1  septem- 
bre 1790,  dans  la  salle  du  Serment  de  l'escrime.  C'est  ce  que  nous  ajqirciid 
le  catalogue  de  ladite  année. 


—  SO-i  — 

d'éloges  pour  ce  que  l'arl  et  sa  ville  natale  lui  durent  de  ce 
chef. 

Une  autre  particularité  rapportée  par  M.  Sneyers,  fait 
trop  d'honneur  au  célèhre  maître,  pour  que  nous  la  passions 
sous  silence.  Au  mois  de  juillet  181o,  peu  de  jours  après 
la  mémorahie  hataille  de  Waterloo,  la  commission  de  la 
Société  pour  l'encouragement  des  heaux-arls  se  réunit. 
Ommeganck  est  présent  :  admirateur  enthousiaste  de  la 
gloire  de  notre  ancienne  école,  il  n'a  pas  oublié  qu'en  1794, 
de  farouches  dominateurs  sortis  du  sein  d'une  nation  dont 
les  gouvernements  successifs  ont,  depuis  des  siècles,  con- 
voité la  possession  de  nos  belles  provinces,  avaient  préludé 
à  une  ère  de  pillages,  en  dépouillant  nos  temples,  nos  ab- 
bayes, nos  couvents,  nos  hôtels-de-ville,  etc.,  d'une  partie 
des  chefs-d'œuvre  que  la  foi  de  nos  pères  et  leur  amour 
pour  l'embellissement  du  sol  natal  y  avaient  accumulés. 
L'homme  de  bien  (i),  le  patriote  retrace  la  douleur  encore 
vivante  qu'avait  causée  l'enlèvement  des  précieux  monu- 
ments du  génie  de  nos  vieux  maîtres;  il  insiste  sur  l'équité 
de  la  restitution  de  leurs  productions  immortelles,  ravies 
par  un  vainqueur  impitoyable;  cnlîn  il  démontre  la  nécessité 
de  leur  retour  au  milieu  de  nous,  pour  stimuler  les  études 
de  l'école  nationale. 

La  voix  animée  du  sexagénaire  ne  retentit  point  en 
vain  (2)  :  une  requête  au  roi  est  rédigée  séance  tenante, 
pour  demander  que  les  pages  illustres  de  nos  glorieux  ar- 
tistes reviennent  orner  notre  patrie,  et  cette  requête  porte 
la  chaude  empreinte  des  sentiments  que  Ommeganck  et 
quelques-uns  de  ses  collègues  ont  fait  partager  à  l'assemblée. 

Notre  célèbre  paysagiste  ne  pouvait  manquer  d'être  au 


{{)  Ommeganck  mérite  ce  tilrc,  aussi  bien  que  le  peintre  André-Corneille 
Lens  :  aucun  de  leurs  contemporains  ne  le  leur  contestera. 

(2)  Né  le  23  décembre  173;),  notre  artiste  allait  atteindre  cet  ftge. 


—  ?30S  — 

nombre  des  commissaires  chargés  de  la  recherche  de  nos 
chefs-d'œuvre,  enlevés  par  les  agents  de  laConvenlion  :  c'est 
à  l'occasion  des  services  qu'il  rendit  à  son  pays  en  1815, 
que  le  roi  Guillaume  I  lui  conféra  la  croix  de  chevalier  de 
l'ordre  du  Lion  Belgique  (i). 

Les  Auversois  sont  loin  d'avoir  oublié  que,  lors  du  retour 
de  la  plus  grande  partie  des  productions  de  l'art,  dont  la 
Belgique  avait  été  dépouillée  en  1794,  Balthasar-Paul  Om- 
meganck  et  ses  collègues  trouvèrent  sur  leur  route  une  ville 
où  l'on  se  permit  d'arrêter  les  chariots  sur  lesquels  se  trou- 
vaient des  œuvres  magistrales  ravies  à  des  établissements 
publics  d'Anvers,  de  Malines,  de  Gand,  de  Bruges,  de 
Liège,  etc.,  outre  quelques  tableaux  provenant  de  la  capitale 
du  Brabant  méridional.  Nos  concitoyens  se  rappellent  en- 
core que  l'on  tenta  de  confisquer  au  profit  de  Bruxelles,  les 
monuments  artistiques  dont  le  retour  était  impatiemment 
attendu,  et  qui  se  virent  lout-à-coup  destinés  à  former  un 
Musée  général,  à  la  possession  duquel  Bruxelles  avait,  au 
dire  de  quelques-uns  de  ses  habitants,  des  droits  incontes- 
tables. Anvers,  du  sein  de  laquelle  était  partie  la  demande 
de  restitution  à  charge  de  la  France,  s'indigna  de  ces  pré- 
tentions, sur  lesquelles  on  voulait  fonder  une  odieuse  con- 
fiscation. Une  députation  de  notre  ville,  prévenue  auprès 
du  roi,  par  un  rapport  du  gouverneur  de  la  province,  baron 
de  Keverberg  de  Kessel,  rapport  qui  constatait  Vinquiétude 
et  l'agitation,  auxquelles  Anvers  et  Malines  étaient  livrées 
par  suite  delà  démonstrationbruxelloise(2);  une  députation, 
disons-nous,  se  rendit  auprès  de  Guillaume  I  et  parvint  à 
faire  abandonner  d'aussi  iniques  projets.  M.  J.-B.  Smils, 
l'un  des  estimables  citoyens  envoyés  à  La  Haye,  transmit  à 

(J)  Jan-Adr.  Sneyers,  Lofrede  op  DaUhazar-Paulus  Onuneganck.   —  Ant- 
werpen,  H. -P.  Van  der  Iley,  bl.  1,2,  7,  12,  15  en  1//. 

(2)  Viclor  Van   Grimbergcn,   Histurische  levensbeschryving  van  P.P.   Ru- 
bens.  cnz.  —  Anhvcrpcn,  1840,  bl.  410. 

22 


—  S06    — 

celte  occasion,  au  maire  d'Anvers,  le  jugement  suivant, 
émané  de  la  bouche  du  roi  :  «  S.  M.  a  exprimé  sa  satisfac- 
tion sur  l'amour  des  arts  qui  anime  les  Anversois  et  saura 
apprécier  la  différence  qui  existe  entre  eux  et  les  habitants 
de  Bruxelles  pour  ce  qui  regarde  cet  objet  (i).  » 

Qu'on  nous  pardonne  la  digression  un  peu  longue  à  la- 
quelle nous  venons  de  nous  livrer  :  nous  allons  poursuivre 
notre  revue.  —  Le  paysage  montagneux  aiec  moutons,  peint 
par  Balthasar-Paul  Ommeganck  (n"  580  du  catalogue),  a 
été  acheté  par  le  Musée  en  1846,  non  à  la  vente  mortuaire 
de  yi""^  Baesten,  née  Ommeganck,  mais  à  celle  de  M.  Gabriel 
Baesten,  son  époux. 

M.  De  Laet  a  fautivement  orthographié  le  nom  du  célèbre 
peintre  de  fleurs,  Jean-François  Van  Dael,  dont  le  portrait 
exécuté  par  Robert  Lefèvre,  est  conservé  au  Musée  (n"  581). 

Nous  ne  nous  occuperions  point  du  tableau  de  Matthieu- 
Ignace  Van  Brée,  représentant  la  Mort  de  Rubens  (n"  58*2), 
si  nous  n'avions  souvent  entendu  louer  ce  célèbre  directeur 
de  l'Académie  d'Anvers,  des  efforts  auxquels  il  se  livrait 
pour  inculquer  à  ses  élèves  le  sentiment  de  l'exactitude 
historique.  C'est  à  ce  titre  que  nous  dirons  quelques  mots 
de  cette  œuvre  peu  importante  sous  le  rapport  artistique. 
Nous  ferons  observer  d'abord  que  la  présence  de  deux  no- 
taires à  la  scène  douloureuse  retracée  par  Van  Brée,  est 
une  double  erreur  :  en  effet  le  testament  de  notre  grand 
Rubens  fut  reçu  le  27  mai  1640,  trois  jours  avant  sa  mort, 
et  il  le  fut  par  le  notaire  Toussaint  Guyot,  exclusivement  (^i). 
On  objectera  peut-être  que  l'auteur  du  n°  582  n'a  pu  con- 
naître cette  circonstance,  ce  qui  nous  semble  difficilement 


(1)  Idem.  Op.  cil.,  p.  422.  —  Les  collègues  de  M.  Smits  étaient  MM.  Louis- 
Simon  Geelliand  et  François-Antoine  Vcrdussen.  ravi,  il  y  a  peu  de  mois, 
aux  arts  et  à  sa  famille. 

(2)  Victor  Van  Grimbergcn,  Op.  cit.,  p.  459.  —  Frédéric  Vcrachter,  Le 
tombeau  de  Ruben.t,  p.  4. 


—  â07   — 

admissible.  Quoiqu'il  en  soit,  Van  Brée  n'a  pu  ignorer 
qu'en  1640,  pas  plus  qu'aujourd'hui,  l'ecclésiastique  qui 
vient  assister  un  moribond,  ne  se  revêt  point  d'un  sur- 
plis et  ne  se  fait  point  précéder  d'un  porte-croix  et  de 
deux  acolytes;  que  si  les  Franciscains  avaient,  comme  les 
autres  ordres  mendiants,  l'habitude  d'assister  aux  funé- 
railles des  personnes  dont  les  familles  ou  les  héritiers  les 
en  priaient,  ils  ne  remplissaient  point  dans  la  paroisse  de 
S'-Jacques,  les  fonctions  de  porte-cierges.  Nous  ajouterons 
qu'il  est  au  moins  fort  douteux  que  les  Sœurs  hospitalières 
de  notre  ville  se  chargeassent  en  1640  de  soigner  les  ma- 
lades à  domicile;  aussi  la  présence  de  l'une  d'elles  sur  la 
toile  de  Van  Brée  est-elle  difficile  à  justifier. 

Deux  fautes  d'orthographe  se  sont  glissées  dans  la  des- 
cription de  la  Furie  espagnole  (n°  583),  peinte  par  M.  Fer- 
dinand De  Braekeleer,  dont  le  nom  même  a  été  mal  écrit  (i). 
11  faut  lire  Goswin  Van  Varick,  au  lieu  de  Van  Vareick; 
Jean  Van  de  Werve,  au  lieu  de  Van  der  Werve. 

L'infante  Isabelle-Claire-Eiigénie,  copie  du  portrait  peint 
par  Antoine  Van  Dyck  (n"  387),  est  représentée  revêtue  de 
l'habit  du  tiers-ordre  de  S'-François,  dans  lequel  elle  voulut 
être  enterrée  (2).  Cette  copie  provient  du  ci-devant  Palais 
épiscopal  d'Anvers. 

La  notice  consacrée  au  célèbre  sculpteur  Artus  Quellyn, 
le  Vieux,  renferme  une  erreur  que  nous  rectifierons,  après 
avoir  fait  connaître  quelques  particularités  dont  nous  som- 
mes redevables  à  l'obligeance  d'un  de  nos  concitoyens,  qui 

(1)  Le  catalogue  porte  De  Braeckelcer. 

(2)  Cette  pieuse  princesse,  après  avoir  accompli  son  année  d'épreuve,  fit 
profession  du  tiers-ordre,  pendant  loctavc  de  S'-François  en  IG22,  entre  les 
mains  du  père  André  de  Soto.  L'acte  de  profession  signé  de  la  main  de  notre 
souveraine,  était  conservé  autrefois  parmi  les  archives  du  couvent  des  Ré- 
collets de  Bruxelles,  où  se  trouvait  également  l'acte  dacceptation  dressé  par 
ledit  père  De  Soto.  —  A.  Sanderus,  Chorographia  sucra  Brabantiœ,  t.  III, 
p.  90.  Hagœ  Comitum,  MDCCXXXVH. 


308 


compte  rilluslre  mailre  au  nombre  des  alliés  de  sa  famille. 
Arlus  Quellyn,  fils  d'Érasme,  le  statuaire  (i),  et  d'Elisa- 
beth Van  Uden,  fut  baptisé  dans  notre  ancienne  Cathédrale, 
le  30  août  1G09;  il  épousa  à  S'-Jacqucs,  le  1  août  1640, 
Marguerite  Verdussen,  fille  de  Jean  et  de  Barbe  Van  Sau- 
wen,  baptisée  à  Notre-Dame  le  7  septembre  1615  (2).  Ils 


(I)  Nous  n'avions  jamais  rencontré  l'indication  d'une  œuvre  quelconque  du 
sculpteur  Erasme  Quellyn  :  un  de  nos  amis  vient  d"èlre  plus  heureux.  En 
parcourant  un  registre  de  la  Confrérie  du  doux  Nom  de  Jésus  {van  den  soeten 
Naem  Jésus),  érigée  en  1364  dans  l'église  des  Dominicains,  actuellement 
paroissiale  de  S'-Paul  à  Anvers,  il  y  a  lu  qu'en  1633,  Abraham  Malthyssens 
et  Bernard  Plucquet,  préfets  de  ladite  Confrérie,  avaient  été  désignes  en 
qualité  d'architecics  {houwmeesters)  de  stalles  qu'on  se  proposait  d'ériger 
dans  la  chapelle  de  cette  association  pieuse,  primitivement  composée  de  céli- 
bataires (jonr/limans).  Entre  autres  mentions  intéressantes,  notre  ami  a  trouvé 
à  l'année  1639,  le  paiement  d'une  somme  de  156  florins,  remise  à  Érasme 
Quellyn,  pour  compte  d'un  certain  Jean  De  Juploy;  en  16^1,  un  paiement 
de  320  florins  à  maître  Jean  de  S'-Nicolas,  sculpteur;  deux  autres,  l'un  de  30, 
l'autre  de  140  florins,  le  premier  à  maître  Charles  Van  de  Wouwere,  le 
second  au  fils  d'Érasme  Quellyn  (Artus  le  Vieux?).  En  164-1  et  en  1642,  ledit 
Van  de  Wouwere  reçut  en  outre  une  somme  totale  de  50  florins,  pour  con- 
fection de  divers  ornements  {(oofwerck)  et  de  colonnettes,  adaptés  aux  stalles 
dont  nous  nous  occupons;  et  à  la  même  époque,  il  fut  payé  à  la  veuve 
if  Erasme  Quellyn,  41  florins,  à  compte  de  ce  qu'il  avait  sculpté  pour  ces 
stalles,  qui  existent  encore  aujourd'hui  à  l'état  de  boiseries  sans  sièges. 
Elles  ont  été  en  partie  incorporées  à  l'église  avec  la  chapelle  qu'elles  ornent, 
en  1833,  et  régnent  le  long  du  mur  méridional  de  cette  chapelle;  une  autre 
partie  est  adossée  au  mur  opposé,  jjrès  du  remarquable  autel  du  S'-Rosaire, 
sculpté  par  Jean-Pierre  Van  Baursheit.  En  1631  il  avait  été  paye  à  N.  Ver- 
bruggen  (Pierre  le  Vieux?)  38  florins,  pour  l'achèvement  de  ces  stalles, 
et  30  à  N.  Quellyn  (Arlus  le  Vieux?),  pour  la  confection  de  deux  colonnettes 
qui  y  étaient  destinées. 

Ajoutons  qu'au-dessus  de  ces  belles  stalles,  à  droite,  du  côté  du  midi,  se 
trouve  une  verrière  exécutée  par  Jean  De  Labaer  en  1653,  aux  frais  de  la 
Confrérie  du  doux  Nom  de  Jésus,  et  représentant  VËnlrce  triomphale  du 
Sauveur  à  Jérusalem.  C'est  ce  qui  résulte  de  l'annotation  suivante  du  registre 
cité  :  Aen  den  zelvcn  {Jan  De  La  Baer),  voor  een  glaze  vensicr,  den  Iriomph 
van  Jérusalem,...  200  gis.  —  Note  ajoutée  en  février  1831. 

(2)  Érasme  Quellyn  cl  Jean  Verdussen,  respectivement  pères  d'Artus  et  de 
Marguerite,  assistèrent  comme  témoins  à  ce  mariage.  Marguerite  Verdussen 
était  sœur  de  ce  magnanime  père  Jérôme  Verdussen,  Récollct  du  couvent  de 


_  S09  — 

décédèrent  sans  postérité  :  aussi  est-ce  à  tort  que  M.  De 
Laet  a  fait  passer  Artus  Quellyn,  le  Jeune,  artiste  non 
moins  distingué  que  son  homonyme  Artus,  le  Vieux,  pour 
le  fils  de  celui-ci.  L'inscription  sépulcrale  suivante  qui  se 
lisait  dans  l'église  des  Récollets  d'Anvers,  fait  connaître  la 
date  exacte  du  décès  du  sculpteur  de  l'iiôtel-de-ville  d'Am- 
sterdam : 

SEPtLTURE 

VAN  JAN  VERDCSSEN  STEHFT 

E>DE  BARBARA  VAN   SAIWEN   SY>E    HUVSVROUWE 

STERFT    17   SEPTEMBER    1638  OUDT   68  JAREN 

ENDE  ARTUS  QUELLIMUS  CONSTIGH  BELTSNYDER 

ALS  TUYGHT  HET  VERMAERT  STADTIlfYS  VAN  AMSTERDAM   ETC. 

STERFT  23  AUGLSTl    1668  OIT  39  JAREN 

EHDE  JOlFFe  MARGARITA  VERDUSSEN  SYNE  WETTIGUE 

HOYSVRODWE  STERFT  12  FEBRUARY  1668  (1). 

Le  buste  en  marbre  du  marquis  de  Caracène,  exécuté  par 
Artus  Quellyn,  le  Vieux  (n«  588),  ornait  autrefois  la  grande 
salle  des  réunions  de  la  Corporation  de  S'-Luc.  L'inscrip- 
tion suivante  qu'il  serait  convenable  de  rétablir,  accom- 
pagnait cette  œuvre  d'art  : 

ILLino  ET  EX™"  D^° 
DO  LCDOVICO  DE    BENAVIDE 

CARILLO   ET  TOLEDO 

MARCIIIONI   CARACEN.-E  ETC. 

QIOD  ARIIS  PICTORLE  ACADEMIAM 

PUILIPFI   IIll 

REGIS  CATUOLICI 

MIMFICENTIA   STABILIRI   CURAVIT 

PICTORUM  DECANI 

IN   GRATAM   yETERNAMQlE 

MEMORIAM   UANC   STATL'AM 

POSUERUNT 

166i. 


Bruxelles,  lequel  avec  son  confrère  Daniel  Guyot,  tomba  en  1631  viclime  de 
son  dévouement  à  secourir  les  Bruxellois  atteints  d"unc  maladie  contagieuse. 
—  A.  Sanderus,  Chorograpbia  sucra  Brabaiitiœ,  t.  III,  p.  94. 

(I)  11  résulte  d'un  acte  de  partage,  passé  le  4  février  1670,  devant  le  no- 
taire  J.-B.    Colyns,    à   .\nvers,    que    Arlus    Quellyn,    le    Vieux,    était    frère 


—  310   — 

Nous  avoQS  fait  allusion  à  cette  inscription,  lors  de  nos 
remarques  sur  la  notice  de  David  Teniers,  le  Jeune. 

Nous  nous  abstiendrons  de  toute  observation  relative- 
ment à  la  notice  sur  Louis  Willemssens,  sculpteur  de  Guil- 
laume III,  roi  d'Angleterre,  à  ce  que  rapporte  M.  Joseph 
Van  Erlborn  (i).  Voici  Tépitaphe  de  ce  célèbre  statuaire 
qui  était  enterré  devant  l'autel  de  l'Immaculée  Conception 
de  N  -D.  et  de  S'-Anien,  dans  l'ancienne  église  paroissiale 
de  Saint-Georges  : 

JOA?INES  CORVERS  STERFT   15  JANCARll    1670 

A>>A  CLAES  SYNE  HCYSVROUWE 

STERFT    15  DECEMBER   1646 

llDOVICrS  WILLEMSSENS  STERFT    12  OCTOBER  1702 

A>>A  CORVERS  STNE   DUÏSVROIWE 

STERFT  8  JANCàRY  1691 

JOAXSA  MARIA  WILLEMSSEKS 

STERFT  21    APRIL    1709. 

On  lisait  autrefois  l'inscription  suivante,  qu'il  est  dési- 
rable de  voir  rétablir,  au-dessous  du  buste  en  marbre  du 
comte  de  Monterey,  gouverneur-général  des  Pays-Bas 
catholiques  (n"  589),  buste  donné  et  exécuté  par  Louis  Wil- 
lemssens, et  qui  ornait  également  la  grande  salle  des  réu- 
nions de  la  Corporation  de  S'- Luc  : 

/ETERN.E  MEMORI.E 

ILLJII    ET  EX»'    D»! 

D.   JOA>'>"IS  DOMIMCI 

DE  ZCSIGA  ET  FOSSECA 

COMITIS  DE  MONTEREY 

ET  FCEMES  ETC. 

BELG.  ET  BIRG.  GUBERXS 

SEDCLI  PRCDENTIS 

(lErasine,  le  peintre,  et  dlluberf.  Cornélie  Qiiellyii,  épouse  du  célèbre 
sculpteur  Pierre  Verbruggen,  le  Vieux,  était  leur  sœur.  C'est  ce  que  notre 
archiviste  communal,  M.  Frédéric  Verachter,  a  lu  dans  Tacte  cité.  M.  De 
Rcifîenbcrg  s'est  donc  mépris,  en  faisant  passer  Cornélie,  pour  la  nièce 
d'Arlus.  {MessaQcr  des  Sciences  hisloriques  de  Belgique,  volume  de  1840, 
p.  597). 

(1)  Dans  VÀnnuaire  du  déparlement  des  Deux-IS'èlkes.  Anvers,  1808. 


—  311  — 

INDEFESSI 

QUOD  ARTIS  PICTORI.E  ACiDEMIAM 

MLSIS  n   UOC  PAKNASSUM    BEDICTIS 

APOLLIMS  AC  APELLIS 

PROTECTOR 

OLIVIS  COSJfXCTAM  FOECODAVIT 

nA>C  STATUAM 

EJUSDEM  ACADEMIE  DIRECTORES 

DECAXI   DD,    CQ.    MDCLXXV. 


Les  doyens  de  S'-Luc  érigèrent  ce  buste,  en  reconnais- 
sance des  efforts,  inutiles  du  reste,  que  le  comte  de  Monte- 
rev  avait  mis  en  œuvre  pour  terminer  à  l'amiable  un  procès 
que  la  Corporation  soutenait  en  1670,  depuis  neuf  ans, 
contre  le  jeune  Serment  de  Tare,  auquel  s'étaient  joints  les 
cinq  autres  Serments  d'Anvers.  Ce  procès  avait  pour  objet 
la  violation  d'un  privilège  de  la  Confrérie,  en  ce  que  le 
jeune  Serment  de  l'arc  s'était  arrogé  le  droit  d'assumer 
parmi  ses  membres,  un  de  ceux  de  S'-Luc  (i). 

Nous  ne  ferons  point  d'observations  sur  la  notice  consa- 
crée à  Guillaume  Kerricx,  le  Vieux,  sculpteur  et  poëte  (2), 
quoique  nous  ayons  des  motifs  fondés  de  croire  que  la  date 
de  la  naissance  de  cet  excellent  artiste  est  inexactement 
rapportée.  Nous  croyons  devoir  donner  ici  son  inscription 
sépulcrale,  qui  se  lisait  autrefois  dans  l'église  des  Domini- 
cains, aujourd'hui  paroissiale  de  S'-Paul,  à  Anvers.  En 
voici  la  teneur  : 


MOnUMENTUM 

GCILIELHI  KERRICX  ET  BARBAR/E  OGIER 

COXJCGCM 

OBIIT  ILLE  20  JlMl    1719 

IlLA  VERO    18   MARTII    1720 

ET  POSTERCM  (5). 


(i)  J.  C.  E.  baron  Van  Ertborn,  Geschiedkundige  aentcekeningen  aengaendt 
de  Sie-Lucas  rjilde.  enz.,  bl.  30,  51,  38  en  59. 

(2)  Ibid.,  p.  42. 

(3)  Sic.    —    Le   poète   Guillaume  Ogicr,   père   de   Tépousc  de   Guillaume 


—  312  — 

Nous  bornerons  au  surplus  nos  remarques  au  buste  en 
marbre  du  gouverneur-général  Maximilien-Emmanuel  de 
Bavière  (n°  590),  exécuté  par  Kerricx,  et  qui  ornait  égale- 
ment la  grande  salle  de  S'-Luc.  M.  De  Laet  nous  apprend 
que  ce  portrait  fut  commandé  au  sculpteur,  avec  les  orne- 
ments nécessaires.\o\Q\  en  quoi  consistaient  ces  ornements  : 
auprès  du  buste,  ou  remarquait  des  génies  représentant  la 
Renommée,  la  Peinture,  la  Sculpture,  la  Poésie,  la  Force,  etc. 
La  Poésie  écrivait  ces  vers  : 

AuEtusla  In  Facie  Spirans 
Mars  Emicat  Artc. 

IXous  ignorons  si  ces  génies  qui  ont  dû  être  transportés  au 
local  actuel  du  Musée  en  1811  (i),  existent  encore,  auquel 
cas  il  conviendrait  de  les  replacer,  ainsi  que  l'inscription 
suivante  qui  se  trouvait  sur  le  piédestal  du  buste  : 

MAXIMILIANO   EMMAMELI 
S.    R.    IMPERU   ELECTORI 

DUCI  BOIORIM 

TACRI.VI   DEBELLATORI 

DEFENSORI  BELGARUM 

PRUDESTI  FORTI. 

Plus  bas  on  lisait  : 


Kerricx,    le  Vieux,  était  enterré   dans    l'église  de  l'abbaye  de  S'-Michel,    ù 
Anvers.  On  lisait  ce  qui  suit  sur  sa  dalle  lumulaire  : 

DIE  HIER  GEXOEGEN  VO.ND  I>  DRUCR 

BESIT  KAER  TYT  HET  IIOOGST  GELUCK 

LEVEN 

DER 

PATRIARCHEN  ES  PROPHETES 

OGIER  DIE  VOSD 

VUYT  SEVEN  SOND 

VERMAECK  ES  STRAF 

RIST  IS  DIT  GHAF 

STIERF 

20  FEBRIARY    1689. 


(1)  J.  C.  E.  baron  Van  Erlborn,  Op.  cil..,  p.  51. 


SIS 


SEKCNISSIMI  M;€CENATIS 

AUGUSTAM  MUXIFICENTIAM 

vETERSlTATI 

PINGUNT  SCULPl'M  CANUNT 

COSSECRANTQUE 

'PERENNI  HOC  GRATIDIDI.MS  MOMMENTO 

ACADEMICORUJl   PRIMORES 

AJiTVERPI^  MDCXCUII. 


Ce  buste  fut  érigé  par  les  doyens,  en  reconnaissance  de 
quatre  nouvelles  lettres  de  franchise  des  charges  publiques, 
que  Maximilien-Emmanuel  avait  accordées  à  la  Confrérie  de 
S'-Lucen  1695  (i). 

Le  buste  en  marbre,  sculpté  par  Jean-Pierre  Van  Baur- 
sheit  (u"  591),  provient  de  rhùtel-de-ville  d'Anvers.  Le 
personnage  qu'il  représente  et  que  nous  allons  faire  con- 
naître, est  décoré,  non  seulement  de  la  Toison  d'Or,  comme 
le  dit  le  catalogue,  mais  en  outre  de  l'ordre  du  Saint-Esprit. 
yVussi  est-ce  le  portrait  de  Philippe  de  France,  duc  d'Anjou, 
petit-fils  de  Louis  XIV,  devenu  en  1700,  époque  de  l'exé- 
cution de  ce  buste,  roi  des  Espagnes  et  des  Indes,  en  vertu 
du  testament  de  Charles  II  (2). 

Nous  avons  lu  aux  archives  de  la  province  d'Anvers,  il 
y  a  quelque  huit  ou  neuf  ans,  que  les  municipaux  de  cette 
ville  avaient  été  sur  le  point  de  vendre  ce  ci-devant  tyran, 
lors  de  la  tourmente  révolutionnaire.  Le  buste  trouva  grâce 
aux  yeux  du  commissaire  du  Directoire  exécutif  près  cette 
Municipalité,  le  citoyen  S. -P.  Dargonne,  qui  s'opposa  à 
l'aliénation  de  cette  œuvre  d'art  et  la  fît  transporter  à  l'école 
centrale. 

Comme  il  n'est  pas  improbable  qu'à  la  suite  de  recbei- 
ches  dans  les  archives  du  royaume,  on  puisse  parvenir  à 
découvrir  le  nom  de  l'auteur  du  monument  funèbre  cV Isa- 
belle de  Bourbon,  comtesse  de  Charolais,  femme  de  Charles 


(1)  Baron  Van  Erlborn,  Op.  cit..  p.  il. 

(2)  .l.-J.  De  Smet,  Histoire  de  la  Belgique,  t.  ir,  p.  109. 


~  si;  — 

le  Téméraire  (n"  399),  il  serait  à  désirer  que  lors  d'une 
nouvelle  édition  du  catalogue,  la  commission  eût  recours  à 
Tobligeance  de  notre  savant  archiviste-général,  IM.  Gacliard, 
pour  combler  celte  lacune. 

Nous  terminerons  par  une  observation  relative  à  la  chaise 
de  Rubens  (n°  400).  Celle  chaise  aurait,  d'après  M.  De  Laet, 
servi  au  grand  maître  dans  l'année  de  son  décanat  de 
S'-Luc,  1G51.  Si  le  fait  est  exact,  il  eût  pu,  ce  nous 
semble,  être  étayc  de  quelques  preuves,  d'autant  plus  que 
feu  M.  le  baron  Joseph  C.-E.  Van  Ertborn  nous  paraît 
avoir  assez  bien  démontré  que  Rubens  n'a  jamais  été  do)^en 
de  S'-Luc  (i). 

Nous  ne  prendrons  point  congé  du  lecteur,  sans  rendre 
un  nouvel  hommage  aux  patientes  recherches  de  M.  De  Laet 
et  aux  découvertes  importantes  qui  les  ont  couronnées. 
Quelques  efforts  encore,  et  la  prochaine  édition  du  catalogue 
ne  laissera  plus  rien  à  désirer. 

Nous  remercions  encore  une  fois  les  personnes  qui  ont 
bien  voulu  nous  procurer  une  partie  des  renseignements 
dont  nous  avons  fait  usage  dans  le  cours  de  ce  travail  (2). 

Anvers,  Octobre  1850. 

Thkodore  Van  Leruis. 


(1)  Op  cil.,  p.  23-27. 

(2)  Celle  notice  était  écrite  depuis  longtemps,  lorsque  M.  Pierre  Génaril, 
sous-bibliolhécaire  de  notre  ville,  nous  a  fourni  la  preuve  que  le  n»  59  du 
Musée,  peint  par  Jean  Gossaert,  dit  Jean  de  Maubeuge,  et  qui  représente  les 
saintes  femmes  pleurant  la  mort  du  Sauveur,  est  orné  des  armoiries  de  mes- 
sire  Adolphe  de  Bourgogne,  seigneur  de  Beveren,  de  La  Vere,  etc.,  chevalier 
delà  Toison  d'Or  et  amiral,  mort  le  7  décembre  lîJiO  et  enterré  dans  l'église 
de  Beveren  (Voyez  A.-J.-L.  Van  dcn  Bogaerdc,  Geschiedenis  van  het  land  van 
Waes,  nie  (leel,  bl.  121).  —  M.  Génard  a  vérifié  également  les  armoiries  qui 
ornent  le  n"  H-i-,  tableau  d'un  peintre  inconnu,  et  celte  vérification  lui  a 
démontré  que  le  personnage  reprcsenlé  auilil  numéro,  n'est  autre  que  le 
prince  d'Orange,  Guillaume  I. 


—  313  — 


Bapport 

SUR  L'ÉTAT  DES  MOMiMENTS  HISTORIQUES  ET  ARTISTIOIJES 

DE 

LÀ  VILL£  DE  GAf^D, 

RËUIGÉ   AU   NOM   DE  LA   COMJIISSIOIV  inSTITUÉE  POUR  LEUR   CONSERVATIO\, 

PAR 

PH.  KERVYN  DE  VOLKÂERSBEEE , 

Membre  de  ladite  Commission. 


AVANT-PROPOS. 

Aucun  pays,  si  loulefois  on  en  exceple  Tllalie,  ne  pos- 
sède plus  de  richesses  artistiques  que  la  Belgique;  c'est  là 
une  vérité  reconnue  par  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de 
l'élude  des  arts  chez  les  divers  peuples  de  l'Europe.  Son 
école  de  peinture,  sœur  ainée  de  celle  d'Italie,  exerça  dès 
le  X1V'=  siècle  une  injluence  prodigieuse  et  salutaire  sur 
les  autres  nations  qui  l'admiraient  et  qui  venaient  lui  de- 
mander de  les  initier  aux  merveilleux  secrets  de  ses  grands 
mai  très.  «  C'est  aux  frères  Van  Eyck,  dit  le  comte  de  La- 
borde  dans  son  remarquable  ouvrage,  intitulé  :  La  renais- 
sance des  arts  à  la  cour  de  France,  t.  I,  p.  9,  que  nous 
dûmes  de  sortir  entièrement  des  voies  conventionnelles. 
Guidés  par  ces  puissants  talents,  nous  adoptâmes  leur  prin- 
cipe, l'imitation  de  la  nature  et  leurs  moyens  matéi-icis  si 
habilement  perfectionnés,  la  peinture  à  l'huile.  Les  Flan- 


—  816  — 

dres  étaient  alors,  par  le  voisinage,  par  la  parenté  de  leurs 
souverains  et  les  nôtres,  tout  aussi  françaises  que  la  France, 
plus  françaises  que  la  Bretagne  et  la  Guienne.  Leur  indus- 
trie merveilleuse,  leurs  richesses  exubérantes,  le  luxe  de 
leurs  princes  et  les  malheurs  qui  bientôt  frappèrent  la 
France,  durent  rendre  plus  puissante  encore  cette  influence. 
D'ailleurs,  à  la  fin  du  XIV*  siècle,  où  trouver  d'autres  mo- 
dèles? ritalie  sommeillait  encore  au  milieu  des  trésors 
amoncelés  par  l'antiquité;  l'Espagne,  l'Allemagne  et  l'An- 
gleterre n'avaient  pas  un  artiste  de  valeur;  nous  suivîmes 
les  Flamands  dans  leur  résurrection  surprenante,  mais 
nous  les  suivîmes  en  faisant  quelques  réserves  qui  nous 
permirent  de  rester  Français  dans  nos  imitations.  » 

Ces  paroles  extraites  d'un  ouvrage  du  plus  haut  intérêt, 
dû  à  la  plume  d'un  savant  dont  l'autorité  en  matière  d'art 
n'est  contestée  par  personne,  prouvent  une  fois  de  plus, 
l'importance  de  notre  ancienne  école  de  peinture  et  les 
droits  de  nos  grands  peintres  à  la  reconnaissance  de  leur 
patrie.  Comment  la  postérité  si  souvent  oublieuse  des  bien- 
faits dont  elle  hérite,  s'acquiltera-t-elle  envers  ces  hommes 
dont  le  génie  l'a  dotée  de  tant  de  chefs-d'œuvre  divers?  est- 
ce  en  leur  élevant  des  statues  plus  au  moins  colossales  ou 
en  inscrivant  leurs  noms  sur  le  frontispice  d'un  monument 
que  la  moindre  commotion  politique  peut  abattre  sans  eu 
laisser  subsister  de  traces?  Non,  cette  manière  de  rendre 
hommage  au  génie  est  incomplète,  si  l'on  n'entoure  les 
œuvres  qu'il  a  créés,  du  respect  et  de  la  vénération  dont 
elles  sont  dignes. 

Combien  de  souvenirs  précieux  pour  l'histoire  et  les  arts 
n'avons-nous  pas  perdus  au  milieu  des  orages  politiques  qui 
ont  si  souvent  bouleversé  notre  pays,  lorsque  la  multitude 
abrutie  et  possédée  du  démon  de  la  destruction  se  ruait 
furieuse  sur  nos  monuments  les  plus  chers? 

Cependant  les  commotions  populaires  quelque  terribles 


—  817  — 

qu'elles  puissent  être,  ne  sont  pas  les  seuls  périls  que  les 
arts  aient  à  redouter.  Il  en  est  d'autres  d'autant  plus  sérieux 
qu'on  ne  les  aperçoit  que  lorsqu'ils  ont  déjà  produit  leurs 
désastreux  effets.  De  ce  nombre  est  l'Ignorance,  ennemie 
naturelle  des  arts  et  qui  devient  implacable  lorsque  la  Cupi- 
dité l'accompagne.  C'est  par  elle  que  noire  splendide  et 
riche  cathédrale  a  vu  mutiler  en  1817,  la  plus  belle  créa- 
tion des  frères  Van  Eyck,  V Adoration  de  Varjneau  sans 
tache,  dont  six  panneaux  ornent  aujourd'hui  la  galerie  du 
roi  de  Prusse;  et  c'est  encore  par  elle  qu'Anvers  s'est  vu 
enlever  le  célèbre  Chapeau  de  paille  de  Ilubens.  Pertes 
irréparables  que  la  Belgique  regrettera  éternellement! 

11  existe  encore  un  autre  danger  que  nous  ne  pouvons 
passer  sous  silence,  notre  ancienne  école  de  peinture  y  est 
parliculièicmenl  exposée  :  c'est  celui  de  tomber  entre  les 
mains  perfides  de  ces  prétendus  restaurateurs  qui  gâtent  ou 
détruisent  impitoyablement  tout  ce  qu'ils  louchent.  «  Cette 
espèce  de  nettoyeurs,  dit  Descamps,  s'étend  et  augmente 
tous  les  jours;  je  voudrais  que  les  magistrats  défendissent 
de  toucher,  sans  leur  permission,  aux  ouvrages  placés  en 
public,  et  qu'on  fut  certain  du  mérite  de  ceux  à  qui  on 
les  confie;  ce  serait  le  moyen  de  conserver  des  produc- 
tions qui  intéressent  ceux  qui  aiment  les  arts,  et  qui  ser- 
vent de  modèles  à  ceux  qui  les  étudient  (i).  » 

Ces  lignes  écrites  en  1769,  ne  sont  plus  rigoureusement 
applicables  à  notre  époque,  depuis  que  les  édifices  publics 
et  les  objets  d'art  qu'ils  renferment,  sont  soumis  à  la  sur- 
veillance d'une  commission  spéciale  chargée  d'en  constater 
l'état  de  conservation,  d'en  dresser  des  inventaires  et  d'in- 
diquer aux  autorités  compétentes,  les  restaurations  qu'ils 
auraient  à  subir. 

Cette  commission  créée  en  1818,  fut  légalement  établie 

fl)  J.  B.  Desciinips,  Yoijagc  jiittoresquc  de  la  Flandre  et  du  Brabuiil,  p.  XI, 


—  S18   — 
en  1823,  sous   la  dénomination  de  :  Commission   pour  la 

CONSERVATION  DES  MONUMENTS   ET   OBJETS  d'aRT   DE  LA   MLLE    DE 

Gand,  par  un  airèté  organique  des  États  provinciaux  de 
la  Flandre  orientale  du  14  juillet  et  revéîu  de  la  sanction 
royale  par  arrêté  de  S.  M.  Guillaume  I,  daté  de  La  Haye 
du  5  décembre  1823  (i). 

Nous  ne  relaterons  pas  tous  les  services  que  cette  insti- 
tution éminemment  utile  a  rendus,  il  suffit  pour  se  con- 
vaincre de  leur  importance  de  jeter  un  regard  sur  ses 
archives  qui  renferment  des  documents  non  moins  intéres- 
sants pour  les  artistes  que  pour  les  historiens  et  les  archéo- 
logues. Elle  possède  une  bibliothèque  qui  s'accroit  sen- 
siblement et  où  Ton  trouve  quelques  beaux  manuscrits. 
Ce  fut  en  1833  que  la  commission  entreprit  la  création 
d'un  Musée  historique.  Cette  heureuse  idée  obtint  l'appro- 
bation générale  et  voici  comment  un  recueil  scientifique  de 
Gand  (i)  rendit  compte  de  cette  résolution  :  «  Tandis  que 
la  commission  pour  la  conservation  des  monuments  s'oc- 
cupe activement  d'un  travail  important  sur  les  monuments 
historiques,  sur  l'origine  du  nom  des  rues  et  des  places 
publiques  de  l'ancienne  capitale  des  deux  Flandres;  tandis 
qu'elle  fait  rentrer  dans  les  dépôts  scientifiques  de  la  pro- 
vince ou  de  la  ville  les  manuscrits  ou  les  docunîents  qui  en 
ont  été  distraits  à  diverses  époques,  elle  a  formé,  sous  les 
auspices  et  la  protection  de  la  régence,  le  projet  d'ériger 
en  cette  ville  un  Musée  historique  belge.  A  peine  ce  projet 
a-t-il  été  connu,  qu'il  a  reçu  d'un  grand  nombre  de  ci- 
toyens, amis  de  leur  pays  et  des  arts,  des  encouragements 
et  des  dons  qui  surpassent  déjà  les  espérances  des  fonda- 
teurs de  cette  nouvelle  institution.  » 

On  le  voit,  la  commission  animée  d'un  zèle  aussi  noble 


(1)  Mémorial  ndiiiinislralif  de  la  Flandre  oricnlalc,  2<"  annco,  p.  108. 

(2)  Messager  des  Sciences,  1833,  p.  304-. 


—  319  — 

qirédairé,  répoiidail  clignement  au  but  qu'on  s'était  pro- 
posé en  la  créant,  mais  c'est  surtout  dans  les  inspections 
qui  lui  étaient  imposées  par  l'article  V  de  l'arrêté  orga- 
nique, qu'elle  était  appelée  à  rendre  de  signalés  services. 
Les  comptes-rendus  de  ces  espèces  de  revues  tantôt  géné- 
rales tantôt  partielles,  rédigés  avec  une  minutieuse  exac- 
titude, seront  toujours  utilement  consultés  par  les  savants 
et  les  artistes. 

Dans  sa  séance  du  16  mars  1851  (i),  la  commission 
résolut  de  faire  une  nouvelle  inspection  générale  de  tous 
les  édifices  et  objets  d'art  qui  sont  soumis  à  sa  surveillance  : 
six  de  ses  membres,  Messieurs  Van  der  Vin,  Félix  De  Vi- 
gne, Cbarles  Onghena,  Edmond  De  Busscher,  Polydore  Van 
der  Meerscli  et  kervyn  de  Volkaersbeke,  rapporteur,  furent 
délégués  pour  remplir  cette  tàcbe  que  les  nombreuses  riches- 
ses historiques  et  artistiques  que  Gand  possède,  rendaient 
à  la  fois  laborieuse,  difficile  et  délicate. 

Les  rapports  qui  dans  cette  circonstance  furent  adressés 
à  la  commission  et  à  l'autorité  communale,  étant  de  nature 
à  piquer  la  curiosité  par  les  faits  nouveaux  qu'ils  renfer- 
ment, nous  avons  cru  devoir  les  publier,  en  y  ajoutant 
cependant  quelques  détails  puisés  aux  meilleures  sources, 
mais  dont  le  narré  aurait  paru  superflu  dans  un  rapport 
officiel.  * 

Ces  sources  peuvent  être  divisées  en  deux  catégories  :  la 
première  comprend  les  auteurs  imprimés,  tels  que  Sande- 
rus,  le  chevalier  Diericx,  Descamps,  Mensaert,  Goesin- 
Verhaeghe,  Auguste  Voisin,  le  comte  de  Laborde,  Adolphe 
Siret  et  bien  d'autres  encore  dont  l'opinion  a  une  valeur 
réelle  et  reconnue;  tandis  que  la  seconde,  non  moins  im- 
portante, est  formée  de   docunicnls  manuscrits,   souvent 


(I)  La  conimissiou  Icnail  primilivcmeul  ses  séances  à  IT'nivei'siU',  mais 
depuis  peu  d'années  elle  s'est  fixée  à  rhôtcl-dc-villc,  dans  l'ancienne  Trcso- 
rcrir,  où  elle  a  réuni  ses  colieclions. 


—  §20  — 

olliciels,  puisés  dans  les  archives  publiques  ou  privées  et 
surtout  dans  celles  des  églises  paroissiales  où  nous  avons 
recueilli  des  renseignements  précieux  et  inconnus  sur  la 
plupart  des  œuvres  d'art  que  nos  vieux  monuments  religieux 
possèdent  et  même  sur  celles  qu'ils  ont  perdues. 

A  cette  deuxième  catégorie  appartiennent  entre  autres 
les  inventaires  dressés  à  diverses  époques  par  la  commis- 
sion des  monuments,  et  la  liste  des  tableaux  appartenant  à 
des  mains-mortes,  qui  se  trouvent  dans  la  ville  de  Gand, 
jurisdiction  du  Magistrat  de  la  ville,  fait  en  présence  de 
Messieurs  les  Échevins  de  la  Keure,  par  P.  L.  Spruyt, 
premier  professeur  de  l'Académie  de  peinture,  en  consé- 
quence du  décret  de  Sa  Majesté  du  5  septembre  1777.  Ce 
document,  extrait  des  archives  communales,  est  d'autant 
plus  curieux  qu'il  nous  fait  connaître  des  tableaux  que  la 
ville  ne  possède  plus  aujourd'hui;  aussi  le  publierons-nous 
en  entier  avec  la  correspondance  qui  s'y  rapporte,  comme 
pièce  justificative,  à  la  fin  de  l'ouvrage.  Citons  encore  au 
nombre  des  sources  les  plus  fécondes  que  nous  ayons  con- 
sultées, la  belle  collection  de  M""  P.-J,  Goelghebuer.  Formée 
de  longue  main,  avec  toute  la  persévérance  qui  caractérise 
l'homme  convaincu  de  l'utilité  de  son  entreprise,  cette  col- 
lection est  devenue  désormais  indispensable  à  tous  ceux 
qui  s'adonnent  à  l'étude  de  l'histoire  politique  et  artistique 
de  l'ancienne  capitale  de  la  Flandre. 

En  terminant  nous  dirons  que  nous  formons  les  vœux  les 
plus  ardents,  afin  que  la  commission  chai'gée  de  veiller  à  la 
conservation  de  nos  monuments ,  rencontre  auprès  des 
autorités  compétentes,  le  puissant  appui  dont  elle  a  besoin, 
pour  sauver  d'une  ruine  totale  les  vénérables  et  glorieux 
souvenirs  que  nous  devons  au  génie  de  nos  pères  ! 

Gand,  AoùtlSol. 


—  321 


I 


EGLISE    PAROISSIALE    DE    NOTRE-DAME    ET    LES    CASERNES    DE 

SAINT-PIERRE. 


Messieurs, 

Conforinénieiit  à  la  décision  que  vous  avez  prise  de  faire 
une  inspection  générale  des  monuments  et  autres  objets 
d'arts  qui  sont  soumis  à  votre  surveillance,  j'ai  l'honneur 
de  vous  faire  connaître  que  le  2o  mars  dernier,  vos  délé- 
gués se  sont  rendus  aux  casernes  du  génie  situées  sur  la 
plaine  de  S'-Pierre,  et  c'est  avec  regret  qu'ils  doivent  décla- 
rer que  les  peintures  allégoriques  qui  couvrent  le  plafond 
de  l'ancien  réfectoire  de  l'abbaye,  aujourd'hui  grande  salle 
d'armes,  dues  au  pinceau  de  \"an  Reysschoot,  sont  forte- 
ment endommagées  et  demandent  de  promptes  restaurations 
si  l'on  ne  veut  les  voir  disparaître  bientôt  entièrement. 

Le  plafond  de  la  bibliothèque  actuellement  convertie  en 
école  régimentaire,  est  une  magnifique  composition  allégo- 
rique peinte  par  Simons,  de  Bruxelles.  Ce  plafond  d'une 
conservation  satisfaisante,  exige  cependant  dans  quelques 
endroits  de  légères  réparations.  Il  serait  à  désirer  que  la 
cloison  qui  divise  cette  belle  salle  en  deux  parties,  fut 
enlevée;  elle  détruit  l'eflet  du  plafond  et  contribue  pour 
une  large  part  dans  les  dégrations  qu'il  a  subies. 

Les  bâtiments  en  style  ogival  qui  entourent  l'ancien  préau, 
demandent  de  sérieuses  restaurations.  Il  serait  déplorable 
de  voir  disparaître  ces  derniers  et  vénérables  débris  de  l'opu- 
lente abbaye  de  S'-Picrre,  comme  ont  disparu  tant  d'autres 
souvenirs  architecloniques,  faute  de  prendre  les  précautions 
que  leur  conservation  exigeait. 


—  S22  — 

Au-ilessiis  de  la  |)oi'te  d'entrée  du  corps  de  logis  du  sud 
de  la  grande  cour  des  casernes,  on  remarque  un  bas-relief 
sculpté  en  pierre,  représentant  la  résurrection  de  Lazare. 
Cette  sculpture  est  digne  d'être  conservée  et  devrait  être 
nettoyée. 

En  quittant  les  casernes,  nous  nous  sommes  rendus  à 
l'église  de  Notre  Dame,  où  nous  avons  été  reçus  par  mes- 
sieurs les  vicaires,  auxquels  un  extrait  du  procès-verbal  de 
votre  séance  du  16  mars  dernier  a  été  remis. 

Les  statues  qui  ornent  ce  magnifique  temple,  dues  au 
ciseau  de  Gilles  d'Anvers  et  de  Géry  Helderberg,  sont 
parfaitement  conservées;  mais  c'est  avec  un  sentiment  de 
profonde  douleur  que  nous  devons  constater  l'état  de 
délabrement  dans  lequel  se  trouve  un  des  monuments 
historiques  les  plus  précieux  que  renferme  notre  ville,  le 
tombeau  d'Isabelle  d'Autriche,  sœur  de  Charles-Quint 
et  femme  de  Christiern  II,  roi  de  Danemarck,  de  Suède 
et  de  Norwège,  morte  en  1526  au  château  abbatial  de 
Zwynaerde  et  inhumée  dans  l'oratoire  de  l'abbaye  de  S'- 
Pierre.  Cette  tombe  entièrement  en  marbre,  est  tellement 
délabrée  qu'il  reste  peu  d'espoir  d'en  conserver  encore 
longtemps  les  débris,  si  l'on  ne  s'empresse  de  prendre  les 
mesures  nécessaires  pour  les  préserver  d'une  destruction 
totale.  La  commission  pense  qu'il  conviendrait  de  recon- 
struire ce  mausolée  dans  usi  style  conforme  à  l'architecture 
de  l'église  et  digne  de  l'infortunée  princesse  dont  il  est 
destiné  à  perpétuer  la  mémoire  (i).  A  ce  sujet  nous  trou- 
vons dans  la  '2"  édition  de  V Histoire  de  l'abbaye  de  S^-Pierre, 
à  Gand,  par  M.  Edmond  De  Busscher,  un  passage  digne 
de  fixer  votre  attention;  le  voici  : 


(1)  Feu  M.  WiUcnis  a  donné  dans  le  Dclffispli  Muséum,  l.  II,  page  196,  une 
inlércssanle  noiice  biographique  sur  Isabelle  d'Aulriche,  accompagnée  de 
deux  gravures  de  son  tombeau,  d'après  une  copie  du  dessin  de  Arenl  Van 
Wyncndacle,  donl  Vorlginul  apparliriil  à  la  colleclion  de  M.  Goelghcbucr. 


—  32'a  -- 

«  Le  gouveriicmeiit  de  Daiiemarck  parait  avoir  conçu 
»  !a  pensée  généreuse  et  ré|)aralriec  de  relever  le  mausolée 
»  d'Isabelle  d'Autriche,  et  depuis  quelques  années  Thistoire 
»  de  Chrisliern  II  a  lixé  l'attention  des  écrivains  du  Nord. 
»  Dès  1844,  Cil.  Ferd.  Allen  a  publié  à  Copenhague  la 
»  première  partie  de  son  ouvrage  intitulé  :  De  rébus  Chris- 
»  liani  secundi,  Daniae,  Norwegiae  et  Sueciae  régis,  cx- 
»  sulis  comrnentalio.  —  Vers  la  même  époque,  le  savant 
»  professeur  danois  Kalkar  entreprit  un  voyage  scientifique; 
»  il  recherchait  des  manuscrits  de  théologie  et  recueillait 
»  tout  ce  qui  pouvait  offrir  de  l'intérêt  pour  le  Danemarck, 
')  la  Suède  et  la  Norwège.  H  était  chargé  aussi  par  le 
»  ministre  de  l'intérieur  de  Danemarck  de  lui  adresser  un 
»  rapport  sur  le  tombeau  de  la  reine  Isabelle,  à  Gand,  et 
»  de  lui  indiquer  la  somme  que  nécessiterait  la  construc- 
»  tion  d'un  nouveau  monument  funéraire,  digne  de  sa  haute 
»  destination. 

»  M.  Kalkar  vint  chez  M.  Serrure,  professeur  d'histoire 
»  à  l'Universté  de  Gand,  au  moment  où  celui-ci  allait  s'ab- 
»  senter.  M.  Serrure  le  présenta  à  feu  M.  Willems,  qui 
»  lui  fit  les  honneurs  de  la  ville.  ■ —  Le  professeur  Kalkar 
»  se  rendit  avec  M.  Willems  et  des  gens  de  l'art  à  l'ex- 
»  oratoire  de  S'-Pierre,  ils  procédèrent  à  la  vérification  des 
»  ossements  renfermés  dans  l'humble  tombe  actuelle  et 
»  procès-verbal  authentique  en  fut  dressé.  Le  délégué  danois 
»  consulta  ensuite  divers  artistes,  il  joignit  à  son  rapport 
»  le  devis  estimatif  d'un  mausolée  à  élever  dans  l'avant- 
»  nef  de  l'église  de  Notre-Dame  de  S'-Pierre,  au  fond  du 
»  croisillon  septentrional  et  en  face  de  la  chaire  de  vérité. 
»  Ce  mausolée  serait  à  peu  près  la  l'cproduction  de  l'au- 
»  cien,  d'après  le  dessin  qu'en  a  laissé  Arent  Van  Wynen- 
»  daele.  —  Sur  l'invitation  de  M.  Kalkar,  MM.  Serrure  et 
»  A\'illems,  philologue  distingué  qui  nous  fut  ravi  peu  de 
»  temps  après  (1846),  acceptèrent  la  mission  d'en  diriger 
»  les  travaux.  » 


—  8'24  — 

Nous  ignorons  si  le  gouvernement  danois  a  renoncé  au 
projet  (le  reconstruire  à  ses  frais  le  mausolée  d'Isabelle 
d'Autriche,  mais  nous  espérons,  Messieurs,  que  vous  vou- 
drez bien  employer  toute  votre  influence,  afln  que  cette 
malheureuse  reine  morte  en  exil  et  dont  les  cendres  ont 
été  tant  de  fois  troublées  au  milieu  des  tourmentes  révolu- 
tionnaires, obtienne  enfin  un  lieu  de  repos  digne  de  celle 
qui  fut  la  sœur  du  plus  grand  monarque  du  X\T  siècle. 

Quant  aux  belles  grilles  en  fer  doré  qui  ferment  le 
chœur,  elles  réclament  aussi  une  restauration,  plusieurs 
ornements  étant  brisés  (i). 

Passons  à  l'inspection  des  tableaux  que  nous  avons  nu- 
mérotés ainsi  : 

N°  1 .  La  Pèche  miraculeuse,  par  A\^n  Reysschoot. 

Ce  tableau  provient  de  l'abbaye  de  Baudeloo  (2). 

*  j\°  2  (5).  L'Adoration  des  Mages,  par  Nicolas  Roose. 
Ce  tableau  demande  une  restauration  très-importante. 

11  provient  de  l'église  des  Jésuites,  à  Ypres  (4). 

*  N"  5.  Le  Triomphe  de  la  Religion,  par  Vax  Thlldex. 
Copie  d'après  Rubens. 

*  N°  4..  Le  Triomphe  de  la  loi  nouvelle,  par  Van  Thulde.n. 
Copie  d'après  Rubens. 

Il  existe  de  ce  tableau  une  estampe  en  deux  feuilles  gra- 
vée par  N.  Lauwers. 

*  ÎV°  S.  S^-Liévin  exorcisant  une  femme,  par  Gérard 
Seghers. 

(1)  Ces  grilles  ont  été  faites  à  Cambrai.  Voir  Archives  de  la  commission  des 
monuments,  vol.  A,  p.  47. 

(2)  Voir  Archives  de  la  commission  des  monuments,  vol.  A,  p.  5o. 

(3)  Tous  les  tableaux  désignés  ilans  celle  partie  du  rapport  par  un  astéris- 
que, ont  été  déposés  par  lu  ville  a  l'église  paroissiale  de  N.  D.  à  S'-Pierre,  en 
vertu  d'un  arrêté  du  gouverneur  de  la  Flandre  orientale,  du  5  novembre  18IG. 

(4)  Voir  Archives  de  la  commission  des  monuments,  vol.  A,  p.  35. 


—  323  — 

Tableau  provenant  de  l'église  des  Jésuites,  à  Gand;  il 
faisait  i)artie  d'une  collection  de  seize  toiles,  représentant  les 
divers  miracles  de  l'apôtre  de  la  Flandre. 

*N"  6.  Le  Couronnement  d'épines,  par  Abraham  Janssens. 

N"?.  Jésus-Christ  et  la  Samaritaine,  par  Van  Reyssciioot. 

Ce  tableau  est  en  mauvais  état. 

N°  8.  S^-Pierre  sauvé  de  prison  par  un  ange,  par  Antoine 
Van  den  Heuvel. 

Copie  d'après  le  Dominiquain. 

N"  9.  S^-Pierre  et  S^-Antoine  prenant  leur  repas  dans 
une  grotte. 

Ce  tableau  provient  du  réfectoire  de  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre.  Il  est  en  très-mauvais  état. 

*i\<'  10.  S^-Christophe,  par  Tyssens. 

N°  11.  La  Vierge,  V Enfant  Jésus  et  S^~ Joseph,  entourés 
d'anges  au  milieu  d'un  paysage. 

Copie  d'après  Antoine  \nn  Dyck.  Il  existe  une  estampe 
de  ce  tableau,  gravée  par  Schelte  à  Bolsvsert,  et  connue 
sous  le  nom  de  :  la  Vierge  à  la  danse  des  anges. 

*N"  12.  Le  Christ  guérissant  un  aveugle-né,  par  Gérard 
Seghers;  par  Van  den  Heuvel,  selon  l'invent.  de  1777  (i). 

*  N"  13.  La  Vierge  et  l'Enfant  Jésus  distribuant  des 
chapelets  à  des  moines  de  l'ordre  de  S^-Benoil,  par  Antoine 
Van  den  Heuvel. 

N°  14.  Une  procession. 

Cette  composition  forme  deux  tableaux  divisés,  l'un  en 
trois  panneaux  et  l'autre  en  deux,  et  orne  de  même  que  le 
n"  13,  la  cbapclle  dédiée  à  la  Vierge  Marie  (2). 

(1)  Lorsque  nous  citons  Tinvcntairc  de  1777,  c'est  le  document  dont  il  est 
question  dans  I'Avam-Propos,  page  520. 

(2)  Le  rapport  que  MM.  Jean  Scliamp,  de  Vaernewyck  et  L.  Roolandl  adres- 
sèrent en  1824- à  la  commission  des  monuments,  donne  sur  cette  composition 
des  détails  lii^toriques  assez  curieux  pour  que  nous  les  reproduisions.  «  Ter 


—  326  — 

N"  15.  IJÊcuijer  de  Tolila,  roi  des  Goths,  reconnu  par 
S^-Benoit.  Magnifique  toile  de  Gaspard  De  Crayer,  qui 
devrai l  être  nettoyée. 

*  i\M6.  La  Résurrection  de  Lazare,  par  Gérard  Seghers; 
par  Van  dcn  iicuvel,  selon  l'inventaire  de  1777. 

Tableau  faisant  pendant  au  n°  12. 

*  N"  17.  S^-Adrien,  par  Tyssens. 
Tableau  faisant  pendant  au  n°  10. 

N"  18.  Incendie  de  la  tour  de  V église  de  Notre-Dame  à 
S^- Pierre  en  1753. 

Tableau  d'un  intérêt  bistorique  et  méritant  une  restau- 
ration (i). 

IV°  19.  Allégorie  représentant  la  prédestination  de  la 
Vierge,  par  Vax  Cleef. 

N°  20.   Le  prophète  Êlie  nourri  par  les   anges,    par 


»  régler  hand,  »  y  est-il  dit,  «  eene  sehilderye  in  Iwee  verdeell,  op  de  eersie  siet 
»  men  de  confraters  dragcnde  in  processie  liet  gezcyde  miraculeus  beeld  van 
»  G.  L.  Vrouwe;  maer  daer  was  een  verscliil  tusschen  den  pastor  en  de  con- 
»  fralers,  ofte  deze  processie  zoude  gepasseerd  hebben  in  de  Tykstraete,  om 
»  redens  dat  de  peste  aldaer  vêle  menschen  deed  stervcn;  men  liet  de  decisie 
»  aen  liel  jugement  van  den  bisscliop  en  den  heer  prelaet  van  S'-Pieter,  de 
»  weike  vcrklarendc  dat  deze  processie,  als  by  gewoonle  door  deze  siraet  zoude 
»  passeren,  is  door  deze  decisie  en  dienstwilligheid  de  pest  aenstonds  op- 
»geliouden;  dit  is  gebeurt  in  de  raaend  augusti  der  jaer  ICOi.  Op  de  Iweedc 
»  sehilderye  is  verbeeld  de  miraculeuse  genezing  van  de  bcgyne  van  Dooris- 
»  laere,  gebeurt  den  17  juny   KiOô;  door  de  intcrcessie  van   0.  L.  Vrouwe. 

»  Den  naem  van  dcn  schildcr  is  niel  bekcnd. 

»  Ter  slinker  zyde  eene  sehilderye  alwaer  verbeeld  zyn  dry  andere 
»  mirakclen  door  de  zclve  intercessie.  Deze  stukken  waeren  le  vooren  in 
»  G.  L.  V.  kerke.  »  — Voir  Arch.  de  la  comm.  des  monuments,  vol.  A,  p.  59. 

(1)  Pendant  la  nuit  du  50  décembre  1755,  le  feu  du  ciel  incendia  la  flèche 
de  la  tour  de  l'église  paroissiale  de  N.  D.  à  S'-Pierre;  mais  grâce  aux.  efforts 
des  habitants  du  quartier  qui  parvinrent  à  se  rendre  maîtres  des  flammes,  le 
rcsie  de  rédificc  et  les  objets  précieux  qu'il  rcnformiiit,  furent  sauvés.  C'est 
afin  de  conserver  le  souvenir  de  ce  sinislre  événement  qu'on  le  rej)roduisit  sur 
la  toile;  on  ignore  par  qui  il  est  peint.  La  plupart  des  figures  sont  des  por- 
Irails.  \o\v  Arch.  de  la  comm.  des  monuments,  vol.  A,  p.  42. 


—  327  — 

Jacques  Artois.  Sujet  gravé  par  Conrad  Lauwers  d'après 
Ilubens. 

Celte  toile  ornait  autrefois  le  réfectoire  de  Tabbaye  de 
S'-Pierre. 

N"  21.  Le  Christ  entre  les  deux  larrons,  d'après  Antoinr 
Van  Dyck. 

Sujet  dont  il  existe  une  gravure  par  Solicite  à  Bolswerf. 

*  N"  22.  Un  miracle  de  S^-Liévin,  par  Gérard  Seghers. 
Tableau  faisant  pendant  au  n"  o  et  provenant  de  la  même 

église. 

*  iX"  25.  Le  Christ  en  croix,  par  Van  Cleef. 
Tableau  qui  exige  une  restauration. 

*  N"  24.  S^-François  Xavier  discutant  en  présence  de 
V empereur  du  Japon. 

Magnifique  tableau  peint  en  1702  par  J.  E.  Qlellin. 
Cette  toile,  ainsi  que  les  n"*  2o  et  2G,  provient  de  l'église 
des  Jésuites,  à  Bruxelles;  elle  mérite  de  même  que  ces  deux 
numéros,  une  restauration  importante. 

*  N"  23.  -ta  Vérité  soutenue  par  le  Temps. 
Copie  d'après  Rubens,  par  J.  E.  Qlellin. 

*  j\''2C.  S^-François-Xavicr  prêchant  la  foi  aux  Indiens, 
par  iVrcoLAS  Roose  (i). 

]V°  27.  Jésus-Christ  guérissant  un  aveugle,  par  ^'an 
Revssciioot. 

Ce  tableau  provient  de  l'abbaye  de  Baudeloo. 

N"  28.  Les  actes  de  la  vie  de  S' -Pierre,  la  Cène  et  la 
Résurrection  de  Notre  Seigneur,  eu  onze  tableaux  peints  par 


(1)  D'après  une  note  insérée  dans  le  rapport  de  1824  {Archiv.  de  la  comm. 
des  monumenis,  vol.  A,  p.  4.3),  un  nbbé  de  S'-PieiTc  ayant  fait  en  1779  l'ac- 
quisition des  deux  tableaux  qui  figurent  ici  sous  les  n"*  24  et  26,  se  persuada 
que  S'-Franeois  Xavier  appartenait  à  l'ordre  des  Bénédictins.  C'est  sans  doute 
alin  de  faire  partager  son  avis  par  tout  le  monde,  qu'il  décora  ce  saint  du 
manteau  et  de  la  croix  des  moines  de  cet  ordre. 


—  323  — 

Van  Dosselaer,  figurent  au-dessus  des  cintres  du  chœur; 
quelques-uns  de  ces  tableaux  sont  fortement  endommagés. 
La  façade  de  cette  belle  église  devrait  être  complètement 
restaurée,  et  à  cette  occasion  la  commission  demande  que 
Ton  rétablisse  dans  le  fronton  les  armoiries  de  l'abbaye  de 
S'-Pierre,  qui  y  figuraient  avant  la  révolution  française,  et 
que  les  niches  de  cette  belle  façade,  restées  vides  jusqu'à 
présent,  reçoivent  enfin  les  statues  qui  leur  sont  destinées 
d'après  le  plan  primitif  (i). 


(î)  Celle  parlle  du  rapporl  a  é(é  lue  en  st'ancc  du  21  avril  1851, 


fiad    ifei\ci)\s'   Sttfv^trmt     /    en    'wafT    aj-   a,hei>roitn  aty  ie  m«u-te«$e 
ccGeniact"    ^Das 


'  jil'- U-H    .^'C  . 


—  §29  — 


II 

ÉGLISE    PAROISSIALE    DE    SAINT-SAUVEUR. 


Lorsque»  lo40,  Tempereiir  Charles-Quint,  voulant  à  la 
fois  défendre  et  contenir  la  puissante  cité  qui  l'avait  vu 
naître,  résolut  d'ériger  une  citadelle  sur  remplacement 
occupé  par  l'antique  abbaye  de  S'-Bavon,  l'église  paroissiale 
de  S'-Sauveur,  située  dans  l'enceinte  de  la  nouvelle  forte- 
resse, subit  le  sort  des  bâtiments  conventuels,  quoique  sa 
construction  commencée  vers  la  fin  du  XV«  siècle  ne  fut 
pas  encore  achevée. 

Charles  de  Croy,  évêque  de  Tournai,  se  rendit  alors  à 
Gand  pour  transférer  en  grande  pompe  les  vases  sacrés  et 
les  reliques  des  saints  de  cette  église  à  celle  de  l'hospice  de 
S'- Jacques  et  de  là  à  la  chapelle  de  la  S^*"- Vierge  aux  souf- 
frances de  Dieu,  appelée  aussi  Chapelle  de  l'Hôpital  des 
Aveugles,  qui  devint  l'église  paroissiale  de  S'-Sauveur  (i). 

(1)  Parmi  les  objels  que  les  marguilliers  de  l'ancienne  église  paroissiale  de 
S'-Sauveui-  emportèrent,  se  trouvait  la  pierre  tumulaire  de  Pierre  Ihieribloc, 
Doyen  des  corporations  de  Gand,  et  de  sa  femme  Marie  Mannins.  Ces  person- 
nages y  sont  représentés  coucliés.  Au-dessus  de  la  tctc  de  l'homme  llolte  une 
banderoUe  avec  cette  inscription  :  miserere  mei  deus;  sur  une  banderolle  sem- 
blable flotlant  au-dessus  de  la  tète  de  la  femme  on  lit  :  mater  dei  mémento  mei. 
Dans  la  bordure  on  voit  les  armoiries  de  Ilueribloc  qui  sont  :  de  sable  à  un 
busie  de  femme  de  carnalion,  citevelé  dur.    Et  eelte  épi(aphe  :  ^^^kï    lît'^it 

l§u^.n  ^mtihUt  Me  ^tef  SeEra  %nn  "U^nuxin^t  m  ®|iral  14S8 

ïî'k  $tarî  1428.  ÎÊTï  ïiî  gpdmaieBi.    M>-   P.-J.   Coctgliebuer    possède   le 
dessin  de  cette  pierre. 

24 


—  SâO  — 

En  loCO,  riminble  chapelle  disparut  pour  l'aire  place  à 
un  monument  plus  vaste  et  plus  conforme  à  sa  destina- 
lion  (i).  Cependant  on  voulut  conserver  uu  souvenir  de  la 
construction  primitive  quelque  modeste  qu'elle  fut,  et  on 
laissa  subsister  devant  la  façade,  du  côté  du  port  de  Gand, 
dit  le  chevalier  Diericx  dans  ses  Mémoires,  la  base  et  le 
fût  d'une  colonne  qui  avaient  appartenu  à  l'ancien  bâtiment, 
et  qui  y  restèrent  jusqu'en  1810,  époque  à  laquelle  on 
donna  au  frontispice  de  cette  église  la  forme  qu'il  a  main- 
tenant; forme,  il  faut  bien  en  convenir,  qui  n'est  nullement 
en  harmonie  avec  l'architecture  générale  de  rédifice. 

A  ce  sujet.  Messieurs,  qu'il  me  soit  permis  de  vous 
rappeler  un  acte  de  vandalisme  dont  malheureusement  on 
ne  rencontre  que  trop  d'exemples. 

En  1804,  un  membre  de  la  fabrique  de  l'église  de  Saint- 
Sauveur,  un  nommé  J.  Goewie,  trouvant  que  l'architecture 
intérieure  de  ce  monument  religieux  était  surannée,  entre- 
prit de  la  moderniser  et  de  la  rendre,  selon  lui,  beaucoup 
plus  élégante  en  masquant  les  piliers  gothiques  sous  l'enve- 
loppe carrée  et  disgracieuse  qu'ils  ont  conservée  jusqu'à  ce 
jour.  Le  zèle  de  ce  fabricien  alla  si  loin,  qu'il  s'engagea  à 
supporter  seul,  tous  les  frais  de  ce  prétendu  embellisse- 
ment, par  la  déclaration  suivante  insérée  dans  le  procès- 
verbal  de  la  séance  des  marguilliers,  du  3  février  1806. 

«  Ik  onderschreyen  licl  van  de  kerke  van  H.  Kerst,  verclaere  met  liet  onder- 
»  teekenen  dczer,  voor  myne  rekeningc  allcen  te  houden  aile  de  bekostingen 
»  toi  hier  toe  gedaen  aen  de  verbeteringe  van  de  selve  kerke.  Overzulkx  dat 


.  (1)  En  tête  de  ce  chapitre,  nous  donnons  le  dessin  de  cette  chapelle,  d'après 
un  MS.  de  Arent  Van  Wynendaele,  peintre  de  la  ville  (stede  sehilder),  mort 
à  Gand  le  IG  nov.  1592,  dont  il  est  fait  mention  dans  la  première  partie  de 
ce  raiiport.  Ce  MS.  nous  a  conservé  les  dessins  de  la  plupart  des  monumenis 
détruits  depuis  li>40.  La  seconde  vue  représente  l'église  de  S^-Sauveur  bâtie 
en  lu66  et  dont  la  façade  a  été  changée  en  1811.  Les  dessins  originaux  de 
celte  planche  appartiennent  à  la  colleclion  de  M""  P.  J.  Goeighebncr. 


—  SSl  — 

»  ik  myne  medeliltcn,  soo  wel  als  de  kerke  sehe,  vry  sprcke  van  aile  acii- 
»  spraekc  onlrcnl  de  sehe  hekostiiiLieii.  lu  teekcn  der  Macrlieyd  liebbe  ik  dese 
"  onderleekend  oui  te  vallideren  dacr  eiide  soo  bel  bcboorl.  » 

.<  Cent,  a  feb.  1806. 

»  J«.  GOEWIE.  » 

Celle  déclaralion  resla  sans  cfïel,  et  l'église  fut  obligée 
de  supporter  seule  les  frais  de  ces  ridicules  et  inutiles 
travaux. 

La  commission  pense  qu'il  serait  facile  d'enlever  le  plâ- 
trage qui  couvre  les  anciens  piliers,  et  j'ose  dire  sans 
crainte  de  me  tromper,  que  la  fabrique  actuelle  de  S'-Sau- 
veur  contribuerait  pour  une  large  part  dans  les  dépenses 
que  celte  restauration  nécessiterait,  si  la  ville,  le  gouver- 
nement ou  la  province,  daignaient  lui  accorder  un  subside. 

L'église  de  S'-Sauveur  ne  possède  que  peu  de  tableaux; 
savoir  : 

1°  La  Circoncision  de  Notre  Seigneur. 

2°  Le  Christ  entre  les  deux  larrons,  triptyque  de  la  fin 
du  XV'  siècle. 

5°  Le  Christ  en  croix,  par  Van  Cleef, 

Dans  la  même  cbapelle  on  remarque  dans  l'épaisseur  du 
mur,  un  monument  en  pierre,  représentant  la  Mise  an  tom- 
beau du  Christ;  il  porte  la  date  de  1607. 

4."  Le  Christ  descendu  de  la  croix,  par  Van  Hanselaer. 

5"  Divers  traits  de  la  vie  de  Jésus-Christ,  en  douze 
grands  tableaux,  qui  ornent  la  partie  supérieure  du  chœur 
et  de  la  grande  nef,  par  Nicolas  Roose. 

Quelques-unes  de  ces  toiles  sont  d'un  grand  mérite.  Elles 
demandent  d'imporlantes  restaurations,  ainsi  que  les  ca- 
dres dont  la  sculpture  est  d'un  goût  parfait. 

Çi°  La  Cène,  bon  tableau,  peint  en  1755,  ornant  l'autel 
de  la  cbapelle  du  S'-Sacremcnt. 

Le  tabernacle  mérite  de  fixer  l'attention.  Il  est  en  bois 
doré  et  sculpté  dans  le  goût  gracieux  du  WII'^  siècle. 

7"  La  Cène. 


—  3â2  — 

8"  Le  Christ  au  temple,  j)ar  Va.n  Hanselaer. 

9"  Le  Christ  descendu  de  la  croix,  d'après  Rubens. 

10°  Même  sujet  (cintré). 

11"  Zft  Fuite  en  Egypte,  par  Jean-Érasme  Qlellin,  beau 
tableau  peint  en  1666,  qui  orne  l'autel  de  la  chapelle  de 
S'- Joseph.  Au-dessus  de  la  boiserie  sculptée  qui  entoure 
cette  chapelle,  on  remarque  une  série  de  huit  tableaux, 
dont  sept  représentent  des  épisodes  de  la  vie  de  Jésus- 
Christ,  et  le  huitième  les  armoiries  de  V archiduc  Albert 
d'Autriche  soutenues  par  deux  anges.  Ces  tableaux  exci- 
tèrent vivement  la  curiosité  de  mes  collègues,  qui  me  priè- 
rent de  faire  des  recherches  dans  les  archives  de  l'église  de 
S^-Sauveur,  pour  y  découvrir  l'historique  de  celte  com- 
position (i). 

Grâce  à  l'obligeance  de  Monsieur  le  curé  De  Vos,  qui  a 
bien  voulu  me  communiquer  le  livre  de  la  confrérie  de 
S'-Joseph,  je  me  trouve  aujourd'hui  à  même  de  donner 
quelques  renseignements  curieux  sur  cette  célèbre  asso- 
ciation pieuse  fondée  en  1604,  par  les  archiducs  Albert 
et  Isabelle.  Cependant,  ce  livre  ne  nous  apprend  pas  à 
quel  événement  elle  doit  son  existence,  mais  il  est  permis 
de  supposer  que  les  archiducs  dont  la  piété  était  reconnue, 
témoignèrent  par  cette  fondation,  leur  reconnaissance  au 
Ciel,  pour  le  succès  que  le  marquis  Ambroise  de  Spinola 
venait  d'obtenir  à  Ostende.  En  effet,  la  reddition  de  cette 
place  surnommée  la  nouvelle  Troie,  qui  avait  résisté  pen- 
dant plus  de  trois  ans  avec  un  courage  héroïque  à  tous 
les  maux  d'un  horrible  siése,  était  sans  contredit,  l'événe- 
ment  le  plus  heureux  que  les  princes  espagnols  pouvaient 


(1)  Descamps  cl  Spruyt  disent  que  ces  tableaux  sont  de  Henri  Van  Baelen, 
tandis  que  Mensacrl  les  attribue  à  Jean  Van  Baelen.  Un  membre  de  la  com- 
mission, M.  Van  derVin,  pense  qu'ils  sont  rocuvrc  de  l'un  des  Franck. 


—  383  — 

désirer  et  pour  lequel  il  est  certain  qu'ils  adressèrent  à 
TEternel  de  ferventes  actions  de  grâces  (2). 

Les  personnages  les  plus  considérables  des  Pays-Bas, 
d'Espagne,  de  France,  d'Italie  et  d'Allemagne,  parmi  les- 
quels liguraieut  des  princes  de  sang  royal,  des  évèques, 
des  abbés,  des  chevaliers  de  la  Toison  d'Or  et  des  généraux 
dont  les  noms  glorieux  sont  acquis  à  l'histoire,  se  firent 
inscrire  dans  la  nouvelle  confrérie  et  leur  exemple  fut 
aussitôt  suivi  par  presque  toutes  les  communautés  reli- 
gieuses, abbayes,  monastères,  couvents  et  hospices  des 
Pays-Bas.  Le  temps,  loin  de  diminuer  la  renommée  dont 
jouissait  la  pieuse  association,  ne  fit  que  l'augmenter.  C'est 
ainsi  qu'après  la  bataille  de  Prague  livrée  le  8  novem- 
bre 1620,  l'empereur  Ferdinand  II  témoigna  sa  gratitude 
au  Ciel  en  se  faisant  inscrire  avec  tous  les  membres  de  sa 
famille  dans  la  confrérie  de  S'-Joseph  fondée  à  S'-Sauveur. 

Tous  les  ans,  lors  du  renouvellement  de  la  magistrature, 
la  confrérie  faisait  célébrer  une  messe  solennelle  à  laquelle 
assistaient  les  échevins  de  la  Keure  et  des  Parchons.  Cet 
usage  fut  établi  en  1615  par  Nicolas  de  iMontmorenci, 
comte  d'Estaires,  Georges  de  3Iontmorenci,  baron  de  Croi- 
silles,  Adrien  de  Noyelle,  seigneur  de  Croix,  et  Charles 


(2)  D'après  une  traduction  flamande  du  Mancel  de  la  confrérie  dc  glorieux 
PATRIARCHE  S.  JosEPH,  dcux  petits  volumcs  devenus  rares  aujourd'hui,  les 
archiducs  déférant  aux  pieuses  solh'citations  de  Madeleine  de  Trazegnies, 
fondcrcnl  la  confrérie  de  S'-Joscph  dans  l'église  que  cette  noble  recluse  avait 
choisie  pour  sa  retraite.  Lorsqu'en  1808  on  renouvela  le  pavé  de  la  chapelle 
de  S'-Joscph,  on  trouva  le  corps  de  cette  sainte  fille  enfermé  dans  un  cer- 
cueil de  plomh,  dans  une  tombe  recouverte  d'une  pierre  sépulcrale  sur  la- 
quelle était  gravée  cette  épitaphe  : 

riir  moratur  dicni  resurreclionis 

nob,  ac  rev.  soror  Magdal.  de 

Tresigniez  postquam  vixissel 

39  aiiuos  in  hic  suo  Salvalore 

S.  rcciusa,  aniniain  eidem  reddidit 

cxultans  3  maii  1C42  œt.  77. 
Rcquicscat  in  pace. 


—  n'i  — 

d'Ideghem,  seigneur  de  Wiese,  délégués  à  celte  époque  pour 
assister  au  renouvellemenl  du  magistrat. 

Tous  ces  renseignements  sont  consignés  avec  une  scru- 
puleuse exactitude,  dans  le  livre  de  la  confrérie  de  S'- 
Joseph;  magnifique  manuscrit,  in-folio,  sur  parchemin,  de 
2o7  feuillets  non  paginés  et  dorés  sur  tranche.  La  reliure 
de  ce  livre  dont  les  États  de  Flandre  firent  présent  à  l'illustre 
confrérie,  est  en  velours  rouge,  garnie  de  clous  et  d'orne- 
ments d'argent  rehaussés  de  pierreries.  Ces  ornements  for- 
ment en  quelque  sorte  un  réseau  d'arahesques,  autour  d'un 
médaillon  ovale  représentent  l'Enfant  Jésus  donnant  la  main 
à  la  Vierge  Marie  et  à  S'-Josepli.  Au-dessus  de  l'Enfant 
Jésus  on  voit  Dieu  le  Père  et  Dieu  le  S*-Esprit,  signifiant 
ensemble  la  S'^'-Trinité.  Ce  médaillon  également  eu  argent, 
est  ciselé  au  repoussé.  Aux  quatre  coins  sont  gravées  les 
armoiries  de  Gand,  de  Bruges,  d'Ypres  et  du  Franc.  Une 
ornementation  analogue  couvre  le  dos  entre  les  nervures, 
et  il  est  à  regretter  que  fermoirs  aient  disparu. 

C'est  par  ce  précieux  document  que  l'on  sait  :  que  les  huit 
tableaux  qui  décorent  la  chapelle  de  S'-Joseph  sont  dus  à 
la  générosité  des  archiducs;  qu'ils  ont  coulé  500  florins,  et 
que  la  reliure  du  manuscrit  dont  je  viens  de  parler  a  coûté 
aux  Étals  de  Flandre  la  somme  de  100  florins. 

Voici  le  titre  de  cet  intéressant  volume  : 

REGISTRE 

DE  LA  CO.MRARIE  DE  LA 

GLORIEUSE  VIERGE  MARL^  ET  DU 

BIENHEUREL'X  SAliNCT  JOSEPH 

SON   ESPOLX 

FONDÉE  EN  l'ÉGLISE  DE  S.  SAUVEUR 

A  GAND  PAR  LE  PAPE  CLEMENT 

vni,  A  l'instante  réquisition 

DE  NOZ  SER*"'^  PRINCES 
LES  ARCHIDUCQZ 


—  SBS  — 

ALBERTUS  ET  ELISABETH  CLARA 

EUGENIA 

Ai\NO    K)Oi. 

CE  LIVRE   AT  ESTÉ   DOWÉ  PAR  MESS" 

LES  ECCLESIASTICQUES  ET  QUATTRE 

MEMBRES  DE  FLANDRES. 

Une  confrérie  fondée  sous  de  tels  auspices  devait  possé- 
der des  richesses  artistiques  beaucoup  plus  considérables 
que  la  plupart  des  autres  institutions  du  même  j^enre,  qui 
ne  comptaient  pas  au  nombre  de  leurs  membres  tout  ce  que 
le  pays  et  l'étranger  avaient  de  plus  distingué.  En  effet,  le 
livre  de  la  confrérie  de  S'-Joseph  en  donne  l'inventaire, 
ainsi  que  les  noms  des  donateurs.  Ce  document  est  assez 
curieux  pour  mériter  qu'il  vous  soit  communiqué;  le  voici  : 

«  -Mémoire  des  Bienfaiseurs  à  la  Confrarie  de  S^-Joseph 
tant  par  Aulmosnes  que  aultrement. 

»Noz  serenissimcs  Princes  Albert  et  Isabella  Archidueqz  d'Austrice  ont 
»  pour  faire  la  Table  ilAutel  de  S'-Joseph  donné  la  somme  de  deux  cens 
»  cinquante  florins. 

»  Monsieur  Laraoral  Prince  de  Ligne  a  donné  pour  serrer  la  chapelle  de  la 
»  Confrarie  de  S'-Joscph  la  somme  de  cent  florins. 

»  Madame  la  Contesse  de  Herlyes,  Dame  de  Glaison  a  donné  une  Tapieccrj  c 
»  blanche  de  sept  pieches,  pour  tapisser  ladicte  chapelle  de  S'-Joseph . 

«Messire  Bauduin  de  Renssy  et  Messire  Jehan  Parmenlier  ont  donné  audict 
«Aultel  ung  beau  Calice  d'argent  dorré. 

"Certaine  dévote  Personne  a  donné  trois  Imaiges  qui  sont  dessus  la  table 
»d"Aultel  de  ladicle  chapelle,  à  scavoir  :  de  Nre  Dame,  de  S'-Joseph  et  de 
»  S'-Jean  évangéliste. 

»  Monsieur  et  Madame  de  Croisilles  ont  donné  ung  beau  reliquaire  d'argent 
»  pour  ladicte  chapelle. 

"Messire  Nicolas  de  Montniorancy,  Conte  d"Estaires,  etc.,  a  composé  et 
"dedie  à  l'usaige  et  consolation  des  personnes  ciirollées  en  ladicte  Confrarie 
»de  S»-Joscpb,  ung  livre  des  Exercices  Journalières  à  riionneurde  S'-Josepli. 


—  §36  — 

»  Messire  Jehan  de  Araada,  Chevalier  de  S'-Jacques,  etc.,  Gouverneur  du 
»  chasteau  de  Gand,  a  fondé  perpétuellement  une  messe  chantée,  à  célébrer  à 
«TAulIel  de  S'-Joseph  avecq  une  procession  solempnelle  à  Tlionneur  dudict 
»  S'-Joseph,  laquelle  messe  et  procession  se  célèbre  tous  les  ans  le  Dimenche 
»  avant  TAssention  de  Nostre  Seigneur  et  en  Icelle  procession  se  doibt  porter 
»  le  S'-Sacrement  et  les  imaiges  de  Jésus,  Maria,  Joseph. 

»  Mademoiselle  Joosine  Sanders,  vefne  de  M.  Jehan  Hebbereclit,  a  donné  à 
»  ladicte  chapelle  uug  drap  d'Aultel  de  lassement  blancq  avecq  des  estoilles  et 
»  les  passes  semblables. 

"Monsieur  Florens  Van  Eeehaute,  S''  d'Agriraont  et  Mad.  Adriana  Rym,  sa 
)i  compaigne,  ont  donné  ung  bassin  et  deux  .\mpulles  d'argent  avecq  des  bords 
»  dorez  au  mitan  desquels  sont  gravés  les  Imaiges  de  Jésus,  Maria,  Joseph. 

»  Leurs  Ser™«s  Altesses  ont  encoires  donné  à  la  Confrarie  pour  faire  ung 
»  Jésus  d'argent,  la  somme  de  cent  cinquante  florins. 

»  Les  Gentelz-Hommes  de  la  Chambre  de  Son  Altesse,  et  les  Dames  de  la 

»  Ser™«  Infante  ont  parensemble  donné  pour  faire  les  deux  Imaiges  d'argent 
»  de  la  Vierge  Marie  et  de  S'-Joseph,  dont  les  noms  ensuj'vent  : 

LES  C.WALLIERS. 

»  Don  Louys  de  Velasco . 

»  Le  Prince  de  Ligne. 

»  Don  Gaston  Spinola,  conte  de  Brouay. 

»  Messire  Charles  de  Lalaing,  conte  d'Hooehstrate. 

»  Le  conte  de  Furstemberghe. 

»  Le  baron  de  Zevemberghe. 

»  Le  conte  de  Solre. 

»  Don  Juan  Nino  de  Tavara. 

»  Le  conte  de  Santé  Croix. 

»  Le  Prince  Despinoy. 

»  Le  conte  de  Meghem. 

»  Seuor  Pallavicino. 

»  Le  conte  de  Pont  de  Vaulx,  marquis  de  Mornay. 

LES  DAMES. 

1)  Dona  Catalina  Livia. 

»  Dona  Maria  Capata  Manuel. 

>'  Mademoiselle  de  Pitthem. 

»  Mademoiselle  de  Balancon. 

»  Mademoiselle  de  S'f-.Udegonde. 

»  Mademoiselle  de  Willerval. 

»  Madame  la  contesse  de  Basquoy. 

»  Madame  la  contesse  de  la  Ferc. 

»  Mademoiselle  d'Aremberghe. 

»Dona  TcresQ  Capata. 


—  S37  — 

»  Madame  Louyse  de  Crueninglic,  Dame  de  Croisilles,  a  donné  ung  beau 
«Reliquaire  de  hois  d"Eljbciine  pour  y  enserrer  une  pieclie  du  Sej)ulclire  de 
»  S'-Joseph,  el  une  pieclie  de  la  maison  où  il  demeuroit  avecq  la  Vierge  avant 
»  qu'il  alloit  en  Egipte. 

»  Certaines  dévotes  Personnes  ont  donné  deux  Anipulles  d'argent  avec  les 
»  bords  dorez. 

«Madame  Catharina  Livia,  contesse  de  Furstemberghe,  a  donné  une  Lampe 
»  d'argent. 

«  Monsieur  Alexandre  Lorabaert,  prestre,  a  donné  une  couronne  de  cuyvre 
»  avecq  des  chandeliers. 

»  Mademoiselle  la  compaigne  du  capitaine  Hasser  a  donné  ung  Goublet 
»  d'argent  pour  donner  Tabluition  aux  communians. 

»  Leurs  Serves  A.  A.  ont  donné  la  somme  de  cinq  cents  florins,  pour  faire 
»huict  painctures  (1). 

«Les  quattre  Membres  de  Flandres  ont  donné  la  somme  de  cent  florins  à 
«  radvancement  dung  nouveau  Livre  de  la  Confrarie,  qui  sera  couvert  d'ar- 
gent (2). 

»  Le  Ducq  de  Nieubourg  a  donné  la  somme  de  cent  souverains  d'argent  pour 
»  faire 

»  Madame  Anne  de  Croy,  duchesse  d'Arschot,  a  donné  une  Lampe  de  por- 
»  cbeleyne  ornée  d'argent  dorré,  avecq  trois  cent  florins,  à  la  fondation  de 
»  l'huylle  pour  la  faire  brusler  le  loing  de  l'année. 

»  Mademoiselle  Joleuta  de  Trejegny  a  donné  une  croix  d'or. 

»  Certaine  dévote  Damoiselle  a  donné  la  somme  de  seize  florins,  pour  faire  « 

De  tous  ces  trésors,  la  confrérie  de  S'-Joseph  n'a  con- 
servé que  le  livre  qui  nous  les  a  fait  connaître,  les  tableaux 
qui  ornent  sa  chapelle  el  deux  reliquaires  en  argent.  Tout 
le  reste,  consistant  en  une  valeur  de  onze  cents  onces  d'ar- 
gent, a  été  enlevé  à  la  fin  du  siècle  dernier  par  ordre  de 
l'empereur  Joseph  II  qui,  dans  sa  manie  de  tout  réfor- 
mer, trouva  le  moyen  de  battre  monnaie  à  Vienne,  avec 
l'argenterie  des  églises  et  des  couvents  de  Belgique. 

(I)  Ce  sont  les  huit  tableaux  que  Ion  voit  encore  aujourd'hui  au-dessus  de 
la  boiserie  qui  entoure  la  chapelle  de  S'-Joseph. 

(■2)  C'est  livre  dont  il  a  été  question  plus  haut  et  qui  renferme  le  doeumenl 
reproduit  ici. 

25 


—  SS8   — 

Il  ne  me  reste  plus,  Messieurs,  qu'à  sigualer  à  voire 
attention,  la  chaire  de  vérité  représentant  Adam  et  Eve 
chassés  du  paradis  terrestre.  Cette  œuvre  en  bois  de  chêne 
du  sculpteur  gantois  Liévin  Mensch,  demande  une  légère 
restauration;  mais  il  est  probable  que  la  fabrique  de  l'église 
qui  a  restauré  avec  beaucoup  d'entente  et  de  goût  les  boise- 
ries de  la  sacristie,  entreprendra  également  la  restauration 
de  la  chaire  de  vérité  que  Ton  peut  considérer  avec  rai- 
son comme  un  des  beaux  monuments  artistiques  que  notre 
ville  possède  en  ce  genre  (i). 


(1)  Celle  partie  du  rapport  a  été  lue  on  séance  dii  1^  juin  IS^il. 


—  3g9  — 


)Pc  l'autorité  bes  t^ixcô  t>e  ôrabant 


SCR    LA 


VILLE  DE  MAESTRICHT. 


D'après  l'opinion  généralement  admise,  ce  fut  en  1204 
que  l'empereur  Philippe  II  donna  la  ville  de  Maestricht  et 
l'église  S'-Servais  en  fief  à  Henri  I,  duc  de  Brabant.  De 
cette  époque  donc  daterait  l'autorité  des  ducs  de  Brabant 
sur  la  ville  de  Maesirichf.  Cependant  le  même  Henri,  duc 
de  Lotharingie  et  de  Brabant,  invoque  déjà  ses  droits  souve- 
rains sur  la  ville  dans  un  privilège  qu'il  accorde  en  faveur 
de  l'église  S'-Servais  en  1205. 

Foppens,  dans  son  supplément  à  l'ouvrage  de  Mirseus, 
p.  224,  a  publié  ce  diplôme  auquel  il  donna  la  date  de 
1204,  tandis  que  dans  le  cartulaire  de  l'église  la  même 
pièce,  copiée  sur  l'original  par  un  notaire  du  chapitre  au 
XVII''  siècle,  est  datée  de  1205.  En  donnant  la  préférence 
à  ce  cartulaire  manuscrit,  dont  toutes  les  pièces  furent 
collalionnées  par  les  notaires  du  chapitre  aux  XVII''  et 
XMII*^^  siècles,  on  aurait  une  preuve  écrite  de  l'aulorilé  des 
ducs  de  Brabant  sur  Maeslricht,  antérieure  à  la  donation 
qu'on  regarde  généralement  comme  l'origine  du  pouvoir  de 
ces  princes  sur  cette  ville.  Une  erreur  de  copiste  semble  ici 
presque  impossible,  puisque  l'indication  de  l'année  est  faite 
dans  le  manuscrit  en  toutes  lettres,  anno  Dominice  incar- 
nalionis  millcsimo  ducentesinio  tertio,  indication  qui  prèle 
fort  peu  à  une  méprise  à  laquelle  des  chiffres  peuvent  don- 


—  340  — 

lier  lieu  plus  facilement.  Aussi  le  texte  du  diplôme  publié 
par  Foppens,  qu'il  indique  sur  la  marge,  comme  provenant 
ex  archkis  capituli,  et  qu'il  n'aura  probablement  pas  copié 
lui-même,  présente  tant  de  lacunes  et  d'inexactitudes  (que 
nous  soulignons  dans  le  nôtre),  qu'on  ne  sera  plus  surpris 
d'y  trouver  également  une  erreur  de  date  (i). 

(1)  Voici  le  privilège  d'après  le  manuscrit  de  Téglise  (a)  : 
Privilegium  Henriei  Ducis   Lotharingie,    super  cxcmplione    offîciaUum    et 
Minislrorum  Ecclesiae,  ab  omni  jure  forensi  et  civili. 

«  In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis,  Henricus  dux  Lotharingie,  prin- 
cipiim  instituta  majorumque  traditiones  sacris  apicibus  intitulari,  et  posteris 
transmilti,  prudentium  ofpciosa  [b)  decrevit  scduHtas  ,  ne  tractii  temporum 
suceessione  personarum  (c),  que  digiia  sunt  memoria  per  oblivionem  [d]  eva- 
nescanl,  ea  igitur  que  a  clementissimis  imperatoribus  et  munifica  regum 
liberalitate  ad  laudeni  et  honorem  Dei  ecclesiis  tradita  sunt  et  asscripta  (e), 
non  niinuere,  sed  augere,  non  retrahere,  sed  superogare  fideliler  intendimus, 
ùi  eo  qui  dives  in  omnes  meriti  nostri  premium  exspeclantes  [f). 

»  Noverint  ergo  tam  présentes  quam  futuri  quod  Heinricus  (g)  quintus  Ro- 
manoruni  impcrator,  inter  leges  plurimas  et  institutiones  Ecclesie  Beati  Ser- 
vatii  in  Trajecto  anliquissimo  tempore  traditas,  conscviptas,  et  sigillo  regio 
insignitas  {h),  hoc  demum  donationis,  sue  bcncficiuni  oflîcialibus  et  ministris 
ejusdem  ecclesie  (/)  eoram  imperii  prineipibus  conlulit  et  confirmavit,  u(  ipsi 
quidem  ab  omni  jure  forensi  et  civili  liberi  permanercnt  (A)  et  exempli,  et 
in  se  proclamantibus  conductu  domini  seu  magistri  sui  satisfaciant.  Nos  autem 
ut  omne  bonum  multiplicatum  et  in  medio  produelum  splendidius  elucescat, 
EX  coLLiTA  xoBis  EJUSDEM  Loci  poTESTATE  prememorutis  {[)  oflîcialibus  picnius 
et  expressius  indu'gemus,  ut  videlicet  pistores  Ecclesie  Beati  Servatii,  cam- 
panarii ,    cellerarii ,   Breseedarii,   Cervisiarii  (m) ,  claustrales   ministri ,    loci 

(a)   Les  omissions  dans  le.  diplôme  de  Foppens  et  la  dilTérence  de  son  texte  avec 
celui  de  notre  diplôme,  sont  indiquées  dans  les  notes  suivantes  : 
(6)  Dans  Foppens  :  officia, 
(c)  Temporis  apud  successores  personarum, 
((Z)  Oblivione. 

(e)  Adscripta. 

(f)  Foppens  supprime  toute  la  fin  de  cette  phrase. 

(g)  Dans  Foppens  Henricus^ 

{h)  Foppens  a  supprimé  ces  niols. 
(i)  Idem. 

(k)  Foppens  met  simplement  :  Permanercnt  exempli,  en  supprimant  liben  et  Vet 
devant  exempli. 

(/)  Dans  Foppens,  praenominatis . 

[m]  Dans  Foppens,  Bracsadani  cerevisiarum. 


—  8  il  — 

Sans  invoquer  la  date  du  privilège  ducal  de  notre  cartu- 
laire,  nous  ferons  remarquer  que  le  pouvoir  suprême  avait 
été  exercé  à  Maeslricht  par  les  ducs  de  Lorraine  déjà  long- 
temps avant  que  la  donation  en  fief  de  la  ville  et  de  l'église 
S'-Servais  leur  fut  faite  par  Tempercur  Phlippe  II,  parce 
qu'ils  étaient  les  vicaires  des  empereurs,  le  pays  faisant 
partie  de  l'empire  d'Allemagne  par  la  conquête  que  Louis 
de  Saxe  en  avait  faite  au  IX''  siècle,  prince  dont  les  des- 
cendants montèrent  sur  le  trône  de  la  Germanie.  Eu  deux 
endroits  du  texte,  le  duc  invoque  ses  droits  souverains 
sur  la  ville,  d'abord,  par  les  mots  ex  collatà  nohis  ejusdem 


inira  claustrum  vel  extra  in  oppido  vel  de  foris  iibiciinique  locorum  manentes 
in  oniui  emptione,  vel  cujuscumque  rei  vendilione  in  qaalibet  nego(iatioue 
ab  omni  esactione,  pelitione,  collecta  sive  tallia  ab  omni  quoque  jure  civili 
vel  forensi  usquequaque  liberi  permaneant,  ut  imperpetuum  absoluti. 

»  Ul  aulem  hec  noslra  donatio  Deo  ac  bcatissimo  patrono  Servatio  a  nobis 
cum  omni  devolione  exhibita  in  perpetuum  rata  et  inconvulsa  permaneat  pré- 
sentera inde  paginam  conscribi  et  authoritatis  nostre  sigillo  fecimus  insignii-i, 
statuentes  et  potestate  qia  fuxgimur  firmissime  precipieutes  ne  qua  magna 
bumilisve  persona,  dives  vel  pauper  ausu  temerario  liuic  nosire  inslilulioni  (ii) 
obviare  aliquatcnùs  altemplet,  quod  qui  feceril  imUgnulionem  noslram  cum 
ho)ioris  sui  periculo  et  rerum  suarum  dispendio  gravissimo  suslinebit,  IIujus 
rei  testes  sunt,  Henricus  Lovaniensis  prepositus,  Winricus  decanus,  Alewi?ius 
Heribertus,  Stcphnnus,  Eselbertus,  Gerardus,  Wiricus  cum  eeteris  canonicis 
ccclesie  Beali  Servatii,  Godefridus  de  Scoten,  Gerardus  de  Jalia,  Arnuldus,  et 
Gerardus  de  Diste,  Rubinus  de  Thems,  et  alii  quant  plures  (o),  datum  in 
pleno  capitulo  Trajecti,  anno  Dominice  incarnationis  [p)  millesimo  ducen- 
tcsimo  tertio  (q),  indictione  quinta,  quarto  idus  niartii  féliciter.  Amen  (r). 

»  Et  erat  prefecla  littera  sigillata  uno  sigillo  ex  alba  cera  dependente 
cum  duplici  cauda  pergamenea.  Presens  copia  collationala  per  me  Henricum 
Lenssens  notarium,  inventa  est  cum  suc  originali  de  verbo  ad  verbuni  con- 
cordare.  » 


(n)  Foppens  supprime  :  ausu  temei'ario,  en  mettant  :  Tenori  liujus  nostrae  coiisti- 
tutionis. 

(o)  Foi)pens  supprime  tout  ce  para{;raplie,  à  commencer  de  :  Quod  qui  feceril,  etc., 
jusqu'à  :  cl  alii  quam  plures. 

(p)  Foppens  a  suiiprimi;  ces  mots. 

(y)  Dans  Foppens  :  quarto. 

(r)  Foppens  a  supprimé  ces  mots. 


—  S42  — 

loci  potestale,  qui  sont  clairs  et  précis  pour  faire  entendre 
sa  puissance  sur  Maestricht,  et,  ensuite,  par,  et  potestate 
qua  fumjimiir,  qui  les  confirment. 

La  donation  de  la  ville  et  de  l'église  S'-Servais  paraît 
donc  n'avoir  été  en  1204  qu'une  confirmation  ou  sanction 
plus  expresse  par  l'empereur  d'une  ancienne  autorité  exer- 
cée à  Maestricht,  longtemps  avant,  par  les  ducs  de  Brabaut 
au  nom  de  leur  maître,  l'empereur,  dont  ils  la  tenaient. 
La  date  du  diplôme  manuscrit  qui  porte  l'année  li205,  in- 
diction 3,  le  4  mars,  au  lieu  de  l'indication  6  (en  suivant 
VArt  de  vérifier  les  dates),  nous  inspire  plus  de  confiance, 
malgré  l'erreur  de  l'indiction  —  si  celle-ci  n'est  pas  de 
l'époque  —  que  celle  donnée  par  Foppens.  Celui-ci  aura 
probablement  voulu  rectifier  le  millésime  d'après  la  dona- 
tion de  Philippe,  et  cela  avec  la  même  légèreté  à  laquelle  il 
faut  attribuer  les  nombreuses  inexactitudes  qui  se  trouvent 
dans  son  texte,  telles  que  des  phrases  entières  supprimées, 
l'orlographe  fautive  de  noms  des  témoins  qui  y  sont  men- 
tionnés, erreurs  que  nous  soulignons  dans  notre  publication, 
avec  des  notes  rectificatives  (i). 

(1)  Comme  le  eartulaire  donne  encore  un  privilège  en  faveur  du  clergé  de 
S'-Servais  sous  forme  de  lettre  adressée  à  l'écoutête  et  aux  échevins  de  Maes- 
tricht, qui  se  rapporte  évidemment  au  privilège  de  1203,  nous  en  faisons 
suivre  le  texte.  La  pièce  est  sans  date.  Le  duc  y  fait  des  reproches  à  la  régence 
de  la  ville  de  ce  quelle  enfreint  les  privilèges  accordés  par  Tcmpereur  Henri  V 
et  que  le  duc  a  confirmés,  et  lui  mande  et  ordonne  de  les  respecter.  Quoique 
ce  mandement  soit  sans  date,  on  peut  croire  qu'il  fut  expédié  parle  duc  Tannée 
même  où  il  donna  le  privilège  dont  il  fait  mention  ici.  Il  est  inédit  et  de  la 
teneur  suivante  : 

Privilegium  Henrici  ducis  Lotharingie  ({110  precipit  Scultcto  et  Scabinis  Traj'ec- 
tensibus  ïit  conservent  privilégia  sua  iUesa. 

a  H.  Dei  gratia  dux  Lotharingie,  dilectis  suis  inTrajecto  scabinis  et  omnibus 
burgensibus,  salutem  et  omne  bonum.  Gravera  et  frequenlem  querimoniam 
decani  et  canonicorum  Bcati  Servalii  deTrajecto  audivimus  super  eo  quod  pri- 
vilégia data  ipsis ,  ab  impcratoribus  et  a  nobis  cis  confirmata ,  sepius  infrin- 
gilis  per  hoc  quod  exactiones  ab  oflicialibus  suis  exigitis;  quia  vero  privilégia 
roruni  illesa  volumus  ipsis  conservarc,  per  omnia  vobis  mandamus  et  preci- 


—  34S  — 

La  lettre  impériale  de  Henri  V,  que  le  duc  Henri  rap- 
pelle et  confirme  dans  la  sienne,  fut  encore  renouvellée 
par  Richard,  roi  des  Romains,  à  Aix-la-Chapelle  eu  1268. 
Elle  fut  inspectée  et  trouvée  intacte  la  même  année  par 
OllioUj  doyen  des  églises  d'Aix-la-Chapelle  et  de  Maestricht. 
Le  cartulaire  donne  encore  ces  deux  pièces,  ainsi  qu'une 
troisième,  ou  vidimiis,  du  même  privilège  impérial,  par 
Martin Steenbergh,  doyen  de  l'église  S'^'-Gudule  à  Bruxelles, 
en  date  de  l'année  14-60.  Les  deux  premières,  celle  de  Ri- 
chard et  celle  du  doyen  Othon,  ne  parlent  que  du  privilège 
original  de  l'empereur  Henri  V,  et  la  troisième  (celle  du 
doyen  de  S"-Gudule)  rappelle  les  lettres  des  deux  empe- 
reurs, Henri  et  Richard,  donnant  à  la  lettre  originale  en- 
tièrement transcrite  dans  leur  confirmation,  la  date  de  mille- 
simo  centesimo  nono,  eu  toutes  lettres,  tandis  que  Foppens, 
p.  190  de  son  supplément,  date  ce  privilège  de  l'empereur 
Henri  V,  de  1 108,  et  y  omet  les  mots  :  Xisi  publicus  mer- 
cator  fuerit,  qui  terminent  la  phrase  :  Qui  in  qnotidiana  sua 
familia  et  in  convictu  suo  sit  aliquod  in  cioitate  peccaverit 
nullum  forense  judilium  sustinebit,  qui  se  trouvent  cepen- 
dant dans  les  deux  révisions  des  doyens  précités.  Cette 
exception  des  marchands  publics  du  privilège,  dont  jouis- 
saient les  ofliciaux  et  serviteurs  du  chapitre,  savoir,  de  ne 
pouvoir  être  jugés  pour  leurs  délits  que  par  la  justice  du 
prévôt  de  S'-Servais,  est  assez  remarquable  pour  ne  pas  la 
supprimer  dans  le  privilège.  Faut-il  attribuer  cette  lacune 


pinius  quatenus  de  cetero  nuUam  ab  oflicialibus  eorum  requiratis  vel  rcquiri 
sinatis  exactionem,  et  omnia  jura  ipsorum,  sicul  in  privilégie  eontinelur  quod 
ab  imperalore  pie  recordalionis  Ileiirioo  habcul,  et  sicut  a  nobis  ipsa  habeiit 
confirmata  eliain  sine  contradiclione  tciiealis.  Ita  quod  de  cetero  iiullam  iiidc 
audianms  querimoniam. 

»El  eral  predicta  lillera  sigillata  uno  sigillo  ex  alba  cera  dependcnic  ciim 
siinplici  cauda  parganienea,  quod  sigillum  de  parte  erat  fractum. 

»H.  Lensscns  notarius  collationavit  et  de  verbe  ad  verbum  concordare  in- 
veiiil.  »  U    I,. 


844 


à  la  censure  ou  au  peu  d'exactitude  du  publiciste?  On  peut 
encore  ici  croire  à  une  erreur,  comme  c'est  le  cas  dans  la 
publication  du  privilège  du  duc  Henri.  On  se  rappelle  en 
effet  le  soin  que  mettaient  les  corporations  religieuses  à 
garder  leurs  archives,  témoins  de  leur  puissance  et  de  leurs 
richesses.  On  sait  d'ailleurs  qu'elles  ont  toujours  rendu 
l'accès  de  ces  dépôts  difficile  à  ceux  qui  voulaient  les  con- 
sulter. Nous  ne  croyons  pas  être  les  premiers  à  signaler 
le  peu  d'exactitude  et  de  fidélité  que  Mirseus  et  sou  savant 
continuateur  ont  mis  dans  la  publication  de  la  précieuse 
collection  des  monuments  de  l'histoire  du  pays,  et  la 
seconde  lacune  et  erreur  de  date  du  diplôme  de  l'empereur 
Henri  V,  dans  l'ouvrage  de  Foppens  que  nous  venons  de 
signaler,  nous  fortifie  dans  l'opinion  que  nous  avons  sur 
l'inexactitude  de  la  date  donnée  par  Foppens  au  privilège 
du  duc  Henri  concernant  l'église  S'-Servais. 


Bruxelles,  décembre  1850. 


Alexandre  Schaepkens. 


—  345 


ÏDatc 

DE  LA  FÊTE  DE  S'-BURCHARD  (i). 


Parmi  les  fêtes  mobiles  de  saints  ou  comptait  celle  de  S*- 
Burcliard,  et  Ton  peut  affirmer  que  le  jour  auquel  on  avait 
coutume  de  la  célébrer  lorsqu'elle  était  encore  soumise  aux 
conditions  de  fcte  mobile,  est  une  des  questions  que  les 
écrivains  diplomatiques  ont  laissées  dans  le  doute;  le  célè- 
^  bre  ouvrage  des  Pères  Bénédictins  :  VÂtt  de  vérifier  les 
dates,  contient  à  la  section  :  catalogue  des  saints,  la  no- 
tice suivante  sur  cette  fête  : 

«  S'-Burkard  ou  Burcbard,  premier  évéque  de  Wurtz- 
bourg  en  742;  mort  vers  l'an  755;  sa  fête  le  14  octobre; 
autrefois  en  Allemagne,  le  jeudi  après  la  fête  de  S'-Denis.  » 

Tous  les  auteurs  qui  font  mention  de  cette  fête  ont  copié 
cet  article  :  or  le  calendrier  indique  cinq  fêtes  de  saints 
ayant  nom  Denis  :  elles  se  célèbrent  le  12  mars,  le  25  mai, 
le  5  octobre,  le  9  octobre  et  le  26  décembre;  puisque  nous 
sommes  à  même  de  prouver  que  ni  les  deux  premiers,  ni 
le  dernier  de  ces  cinq  jours  de  fête  ne  purent  jamais  ser- 
vir de  base  au  calcul  qui  établissait  le  jour  de  la  fête  de 
S'-Burcliard,  il  nous  reste  à  examiner  laquelle  des  deux 
fêtes  de  S'-Dcnis  qui  se  célèbrent  au  mois  d'octobre,  scr- 


(1) Extrait  d'un  inéinoirc,  en  italien,  sur  remploi  des  dates  ecclésiastiques 
comme  dates  diplomatiques,  présenté  à  l'Académie  de  VAlcueo  à  Venise,  par 
le  chevalier  de  Bonàr.  Traduelion  libre  par  l'auteur  du  mémoire. 


—  346  — 

vait  de  point  de  départ  à  ceux  qui  devaient  calculer  le  jour 
auquel  serait  fêté  S'-Burchard. 

S'il  se  fut  agi  de  quelque  contrée  de  la  France,  ou  d'un 
de  ces  pays  liniitroplies  qui  ont  toujours  subi  l'influence  de 
la  France,  la  question  serait  facile  à  résoudre,  car  il  n'y 
aurait  pas  de  doute  que  le  jeudi  après  la  fête  de  S^-Denis 
ne  fût  celui  que  précédait  la  fête  de  S'-Denis,  apôtre  des 
Gaules,  honoré  par  l'Église  le  9  octobre;  mais  puisqu'il 
s'agit  d'un  pays  étranger  à  la  France,  on  peut  raisonnable- 
ment douter  que  la  fête  de  S^-Denis  dont  il  est  question, 
fût  justement  celle  de  S'-Denis  de  France  et  non  pas  celle 
de  S'-Denis  l'Aréopagite,  qui  tombe  au  3  octobre;  il  sem- 
blerait même  que  de  ces  deux  saints  ce  fût  celui-ci  dont 
le  culte  devait  être  le  plus  généralement  répandu  parmi  les 
nations  de  la  chrétienté,  puisque  le  culte  voué  au  saint 
patron  du  royaume,  éveille  l'idée  d'une  vénération  plus 
fervente  en  France  qu'ailleurs. 

Cette  incertitude  rendrait  donc  doublement  intéressant 
l'examen  d'un  monument  dans  lequel  la  date:  le  jour  de 
S^-Burchard,  apparaîtrait  comme  date  diplomatique;  à 
moins  qu'il  ne  fût  prouvé  que  dans  les  lieux  et  à  l'époque 
où  l'acte  fut  dressé,  on  célébrât  déjà  la  fête  de  S'-Burchard 
le  14  octobre. 

Nous  espérons  arriver  à  la  solution  de  cette  question  à 
l'aide  de  quelques  textes  qui  se  rapportent  à  Thistoire  de 
la  Prusse  au  moyen-àge. 

Schulz,  auteur  de  VHistoria  Borussica,  était  secrétaire 
du  sénat  de  Dantzig,  au  XVI"  siècle,  et  il  écrivit  son  His- 
toria  Borussica  à  l'aide  de  documents  que  renfermaient 
les  archives  du  sénat  de  Dantzig  :  il  rapporte  textuelle- 
ment une  lettre  écrite  au  sénat  de  celle  ville  par  les  députés 
qui  avaient  accompagné  le  roi  Casimir  de  Pologne  dans 
une  de  ces  guerres  contre  les  chevaliers  de  l'ordre  teuto- 
nique;  cette  lettre  porte  la  date  :  «Au  camp  du  roi  devant 


—  S47   — 

Lessen,  le  mardi  après  la  fêle  de  S'-Burchard,  l'an  I4oo.  » 
Le  baron  de  Wal,  autenr  du  savant  ouvrage  ayant  pour 
titre  :  Histoire  de  l'ordre  Teutonique,  par  un  chevalier  de 
l'ordre  (1784),  fixe  la  date  de  celte  lettre  au  mardi  21  oc- 
tobre 1453,  parce  qu'il  suppose  qu'en  14oo  la  fête  de 
S'-Burcbard  se  célébrait  le  14  octobre  au  pays  de  Dantzig, 
pairie  de  ces  députés;  nous  pensons  que  ce  savant  fut 
porté  à  former  celte  opinion  par  des  inductions  tirées  des 
faits  que  nous  allons  exposer. 

Nous  savons  que  lorsque  la  célébration  d'une  fêle  était 
transportée  d'un  jour  à  un  autre,  celle  mesure  provenait 
de  ce  que  quelques  nations  avaient  déjà  introduit  l'usage 
de  célébrer  la  dite  fête  à  un  jour  autre  que  celui  qu'y  alfec- 
lait  la  coutume  générale,  et  que  lorsque  le  saint  Siège  ap- 
prouvait les  raisons  qui  avaient  motivé  ce  changement,  le 
pape  sanctionnait  ce  procédé  par  une  bulle  qui  enjoignait 
à  toutes  les  nations  de  la  chrétienté  de  se  conformer  à  cette 
innovation.  Ceci  nous  est  démontré  par  le  texte  de  la  bulle 
de  l'an  1337,  par  laquelle  Paul  IV  fixa  au  18  janvier  la 
célébralion  de  la  fêle  de  la  Chaire  de  S'-Pierre  à  Rome  que 
l'on  avait  eu  coutume  de  célébrer  le  22  février;  le  saint  Père 
y  dit  :  «  Plusieurs  nations  ayant  pris  l'habitude  de  célébrer 
la  dite  fêle  le  18  janvier  afin  de  mieux  la  distinguer  de  celle 
de  la  Chaire  de  S'-Pierre  à  Anlioche,  nous  approuvons  et 
ordonnons,  etc.  » 

L'habilude  chez  quelques  nations  de  célébrer  cette  fête 
le  18  janvier,  a  dû  précéder  de  près  d'un  siècle  la  bulle  qui 
l'autorisa,  car  une  date  erronée,  qu'ont  reproduite  tous  les 
historiens  polonais,  n'a  pu,  comme  il  a  été  prouvé,  devoir 
son  origine  qu'à  une  faute  de  calcul  du  chanoine  Dlugoss, 
fondé  sur  l'existence  de  cette  habitude  au  temps  où  ce 
prélat  écrivait  son  histoire  générale  de  Pologne  qu'il  mène 
jusqu'à  l'an  1480,  époque  de  sa  mort;  c'est  le  savant 
baron  de  Wal,  qui  quatre  siècles  plus  tard  débrouilla  la 


—  848  — 

confusion  jelée  parmi  les  dates  de  certains  événements  par 
cette  erreur  que  tous  les  écrivains  polonais  avaient  copiée 
les  uns  après  les  autres. 

Voici  comment  Dlugoss  rapporte  les  événements  dont  il 
s'agit  : 

La  Prusse  s'étant  révoltée  contre  le  Grand-maître  de  Tor- 
dre teutoniquc,  les  ligueurs  offrirent  la  souveraineté  de  ces 
pays  au  roi  Casimir  IV  de  Pologne;  ce  prince  l'ayant  accep- 
tée, fit  au  Grand-maître  une  déclaration  de  guerre  pour  pro- 
téger ses  nouveaux  sujets  contre  l'ordre;  cet  acte  porte  la 
date  Cracoviae,  ferià  sextâ,  die  sancti  Pelri  ad  Cathedram, 
anno  1454,  c'est-à-dire  vendredi  18  janvier  1454,  la  fête 
de  la  Chaire  de  S'-Picrre  à  Rome  (Extrait  de  Dlugoss). 

Voici  comment  de  Wal  relève  l'incorrection  de  la  valeur 
donnée  à  cette  date  : 

La  bulle  de  1537  ne  nomme  pas  les  Polonais  parmi  les 
nations  qui  avaient  l'habitude  de  célébrer  cette  fête  le  18  jan- 
vier; les  Prussiens  révoltés  renoncèrent  à  leurs  devoirs  de 
foi,  hommage  et  sujétion  envers  leur  souverain,  le  grand- 
maître  teutoniquc,  par  un  acte  solennel  dressé  à  Ihorn  et 
portant  la  date  :  dimanche  après  la  Purification,  l'an  1454, 
c'est-à-dire  le  4  février  1454,  cet  acte  ne  fait  aucune  men- 
tion du  fait  important,  qu'ils  s'étaient  rangés  sous  l'obéis- 
sance d'un  nouveau  souverain,  et  certainement  l'acte  par 
lequel  ils  renonçaient  à  l'état  de  sujets  du  Grand-maître  a 
dû  précéder  la  démarche  de  se  déclarer  sujets  du  roi  de 
Pologne;  le  grand-maître  teutoniquc  envoya  une  ambassade 
qui  assista  au  mariage  du  roi  Casimir  IV  ave(;  Elisabeth 
d'Autriche,  lequel  se  célébra  à  Cracovie  le  10  février  1454, 
démarche  que  le  Grand-maître  n'aurait  pas  faite  si  ce  roi 
lui  eût  déclaré  la  guerre  en  janvier  Dans  une  lettre  écrite 
par  les  ligueurs  au  sénat  de  Dantzig,  ceux-là  marquent 
qu'ils  étaient  arrivées  à  Cracovie,  le  lundi  18  février  1455. 
11  paraît  d'après  le  texte  de  cette  missive  qu'ils  s'atten- 


—  349  — 

daieiit  à  être  reçus  par  le  roi  dans  deux  ou  trois  jours; 
il  est  donc  évident  que  la  déclaration,  motivée  par  cette 
entrevue,  fut  datée  le  vendredi  22  février  1454,  jour  de  la 
fête  de  la  Chaire  de  S'-Pierre,  car  en  ce  temps  la  Pologne 
célébrait  au  22  février  la  Chaire  d'Antioche  et  la  Chaire  de 
Home  (Extrait  de  De  Wal). 

Nous  croyons  pouvoir  démontrer  avec  autant  de  certi- 
tude laquelle  des  cinq  fêles  de  S'-Denis  réglait  le  jour  de 
la  S'-Burchard  autrefois  en  Allemagne,  et  résoudre  aussi 
la  question  :  célébrait-on  à  Dantzig  cette  fête  de  S'-Bur- 
chard le  i4  octobre  en  145o? 

Scliutz  dit  que  les  députés  dont  il  copie  la  lettre  et  qui 
accompagnèrent  le  roi  de  Pologne  dans  la  guerre  contre  les 
chevaliers  en  1455,  se  rendirent  auprès  de  ce  prince  après 
les  conférences  du  roi  de  Pologne  et  de  Télecteur  de  Bran- 
debourg à  Bramberg  et  à  Neubourg  :  or  les  actes  de  la 
conférence  de  Bramberg  portent  la  date  de  14  septem- 
bre 1455;  les  pièces  de  la  conférence  de  Neubourg  sont 
datées  le  22  septembre  1455.  Dlugoss  dit  que  le  roi  de 
Pologne  se  mit  en  campagne  contre  l'Ordre  après  ces  con- 
férences avec  l'électeur;  on  voit  par  un  autre  texte  du 
même  auteur  que  le  roi  Casimir  retourna  dans  ses  états  au 
mois  de  novembre  1455,  «  après  avoir  perdu  beaucoup 
de  monde  au  siège  de  Lessen.  » 

Ces  données  nous  font  voir  que  ni  la  fête  de  S'-Denis, 
religieux  Bénédictin,  honoré  le  12  mars,  ni  celle  de  S'-Denis 
de  Milan,  qui  tombe  le  25  mai,  ni  celle  de  S'-Denis,  pape, 
célébrée  le  26  décembre,  n'ont  pu  avoir  aucun  rapjjort 
avec  la  fête  de  S'-Burchard;  pour  arriver  à  connaître  la- 
quelle des  deux  fêtes  de  S'-Denis,  du  mois  d'octobre,  servait 
de  base  au  calcul  d'après  lequel  les  députés  datèrent  leur 
lettre,  nous  suivrons  le  même  raisonnement  qu'a  employé 
le  savant  baron  de  Wal  pour  démontrer  que  la  date  de  cette 
lettre  n'était  appuyée  sur  aucun  calcul  ayant  rapport  avec 
la  fête  de  S'-Denis. 


—  3S0  — 

Schulz  marque  que  le  roi  Casimir,  accompagné  des 
députés  de  la  ville  de  Dantzig,  lesquels  ne  quittèrent  jamais 
ce  prince  pendant  cette  campagne,  que  le  roi  arriva  à  Ihorn 
le  vendredi  10  octobre  1455;  qu'il  employa  plusieurs  jours 
à  faire  passer  la  Vistule  à  son  armée  de  150,000  hommes, 
passage  qui  s'eflectua  à  l'aide  d'un  pont  de  bateaux  que  le 
roi  Casimir  avait  commandé  ad  hoc;  que  lorsque  toute 
l'armée  eut  passé  le  fleuve,  le  roi,  avec  les  députés  et  sa 
cour,  franchit  le  pont  et  suivant  la  route  qu'avait  prise  ses 
troupes,  il  rejoignit  l'armée  devant  Lessen,  ville  forte,  ap- 
partenant à  l'Ordre  tcutonique,  et  sise  au-delà  du  petit  fleuve 
de  Moera;  le  même  auteur  a  un  autre  texte  plus  détaillé: 

La  lettre  des  députés,  qui  se  trouve  reproduite  dans 
VHistoria  Borussica,  contient  la  relation,  adressée  au 
sénat  de  Dantzig,  de  ce  que  le  roi  Casimir  avait  efi'ectué 
depuis  que  les  députés  s'étaient  mis  à  la  suite  de  ce  prince; 
après  avoir  décrit  de  leur  côté  le  passage  de  la  Vistule  à 
Ihorn,  ils  marquent  que  le  roi  avait  investi  Lessen,  l'avait 
entourée  d'une  ligne  de  circonvallation,  formée  par  des 
gabions,  et  que  pour  faciliter  ses  communications,  ce  prince 
avait  fait  démolir  le  pont  de  bateaux  qui  lui  avait  servi  à 
Ihorn  et  avait  fait  descendre  la  Vistule  aux  embarcations 
jusqu'à  Gaudentz,  où  l'on  avait  déjà  commencé  la  construc- 
tion d'un  pont  avec  les  dites  embarcations;  cette  lettre  est 
datée  :  x\.u  camp  devant  Lessen,  mardi  après  la  fête  de  S'- 
BurchardU55. 

Or  pour  trouver  le  quantième  du  mois  où  tombait  ce 
mardi,  il  nous  faut  chercher  quel  jour  du  mois  d'octobre 
venait  la  fête  de  S'-Denis,  qui  réglait  celui  de  la  fête  de 
S'-Burchard. 

L'année  1455  ayant  la  lettre  dominicale  E,  la  fête  de 
S'-Denis  l'Aréopagite,  honoré  le  3  octobre,  tombait  le  pre- 
mier vendredi  de  ce  mois;  si  la  fête  de  S'-Burchard  se 
célébrait  le  jeudi  après,  cette  fête  venait,  l'an  1455,  le 


—  331   — 

deuxième  jeudi  de  ce  mois,  c'esl-à-dirc  le  9  octobre;  et  le 
mardi  suivant,  date  de  la  lettre  des  députés  d'après  ce  cal- 
cul, eût  été  le  deuxième  mardi  de  ce  mois,  c'est-à-dire  le 
14  octobre,  jour  auquel  le  passage  de  la  Vistule  à  Ihorn, 
commencé  le  vendredi  10  octobre,  dût  avoir  été  à  peine 
accompli,  jour  auquel  à  plus  forte  raison  n'auraient  pu 
être  arrivés  tous  les  événements  que  marque  la  lettre  des 
députés  comme  ayant  eu  lieu  entre  le  vendredi  10  octobre 
et  le  mardi  du  même  mois,  jour  auquel  ils  écrivirent  au 
sénat;  car  quelque  court  que  fut  l'espace  de  t^mps  indé- 
terminé qui  fut  employé  à  passer  la  Vistule,  et  que  Scbutz 
qualifie  de  plures  dies,  et  quelque  rapide  qu'ait  pu  être  la 
niarcbe  des  Polonais  de  Ihorn  à  Lessen,  dislance,  en  ligne 
droite  de  12  lieues  de  Pologne  (20  —  1  degré),  —  la  con- 
struction d'une  ligne  de  circonvallalion  formée  par  des  ga- 
bions, et  dont  parle  la  lettre  comme  d'un  ouvrage  acbevé, 
la  démolition  du  pont  à  Iliorn,  qui  naturellement  n'eut  lieu 
qu'après  le  passage  des  troupes  et  de  la  cour  du  roi,  l'arri- 
vée des  bateaux  à  Gaudentz,  distance,  en  ligne  droite,  par 
voie  de  terre,  de  15  lieues  de  Pologne,  et  la  construction 
du  pont  à  Gaudentz,  marquée  dans  la  lettre  des  députés 
comme  étant  déjà  commencée  au  jour  que  celle-ci  fut  écrite, 
tous  ces  faits  se  réunissent  pour  nous  indiquer  qu'il  faut 
chercber  dans  une  pbase  plus  avancée  du  mois  d'octobre 
la  fête  de  S'-Denis,  d'après  laquelle  les  députés  avaient 
calculé  la  fête  de  saint  Burcliard,  selon  la  coutume  de  l'Alle- 
magne à  cette  époque.  Nous  savons  bien  que  la  Prusse  n'est 
pas  l'Allemagne;  mais  la  Prusse  dont  il  s'agit,  était  sous  la 
souveraineté  du  Grand-maitre  teutonique,  prince  allemand; 
et,  comme  partie  des  domaines  de  l'Ordre  teutonique,  la 
Prusse  appartenait  à  lAllemagne,  et  au  commencement  de 
celte  révolte  les  députés  prussiens  s'élaient  rendus  à\'ienne, 
pour  exposer  leurs  raisons  à  l'Empereur  comme  leur  cbef 
suprême,  non  pas  comme  cbef  du  Grand-maitre.  La  Prusse 


—  §52  — 

suivait  donc  à  cette  époque  les  us  et  coutumes  de  l'AUe- 
magne;  la  manière  de  calculer  la  fêle  de  S'-Burcliard,  qui 
était  en  vigueur  en  Allemagne,  se  pratiquait  aussi  en  Prusse. 
Nous  voyons  que  Tautre  fête  de  S'-Denis,  célébrée  de  tout 
temps,  le  9  octobre,  tombait  l'année  1453,  le  deuxième 
jeudi  de  ce  mois;  la  fête  de  S'-Burcbard,  qui  se  célébrait 
le  jeudi  après  la  fête  de  S*-Denis,  tombait  le  troisième  jeudi 
de  ce  mois,  c'est-à-dire  le  16  octobre,  et  le  mardi  après  la 
fête  de  S^-Burchard,  jour  auquel  écrivaient  les  députés,  était 
le  troisième  mardi  de  ce  mois,  c'est-à-dire  le  21  octobre, 
date  qui  nous  offre  un  espace  de  onze  jours  depuis  l'arrivée 
du  roi  Casimir  à  Ihoni,  laps  de  temps  dans  lequel  tous  les 
événements  rapportés  dans  la  lettre  ont  pu  s'accomplir. 

Nous  avons  rencontré  la  même  date  que  le  baron  de  Wal, 
mais  ce  savant  prend  pour  point  de  départ  que  la  saint 
Burchard  se  célébrait  le  14.  octobre  au  pays  de  Dantzig,  en 
1435,  c'est  une  opinion  qu'il  nous  reste  à  examiner,  car 
nous  avons  de  bonnes  raisons  pour  penser  que  cela  n'était 
point  le  cas,  et  les  voici  :  l'année  1453,  le  21  octobre  étant 
un  mardi,  il  s'ensuit  que  le  14  de  ce  mois  était  aussi  un 
mardi;  si  ce  mardi  14  eût  été  la  fête  de  S'-Burchard,  en 
1433,  les  députés  qui  placèrent  à  leur  lettre  une  date  fondée 
sur  un  calcul  ayant  cette  fête  pour  base,  n'auraient  certes 
pas  négligé  d'écrire  tout  simplement  :  mardi  de  l'octave  de 
la  fête  de  S'-Burcbard  !  Nous  savons  bien  que  la  fête  de 
S'-Burcbard  n'étant  qu'une  feria  simplex,  n'a  pas  d'octave 
dans  le  calendrier  ecclésiastique;  mais  dans  le  cas  dont  il 
s'agit,  nul  doute  que  les  députés  ne  se  fussent  servis  de  ce 
terme.  Nous  croyons  donc  pouvoir  établir,  que  la  fête  de 
S'-Burcbard  se  célébrait  autrefois  en  Allemagne  le  jeudi 
après  la  fête  de  S'-Denis  de  France. 

Château  de  Waitzen  (Silésie),  1"  juin  1831. 

Le  Chevalier  de  Boxar. 


S53  — 


ïtoticc  l)t0tDrtquc 


SUR    VUE 


VERRIÈRE  A  L'ÉGLISE  DE  NOTRE-DAME  A  ÂE^VERS. 


Depuis  la  renaissance  des  belles-lettres  en  Belgique,  les 
études  historiques  scndjleut  avoir  eu  pour  but  principal  la 
recherche  de  l'origine  des  monuments  nationaux,  ^'ieux 
manuscrits,  parchemins,  actes,  chartes,  tout  ce  qui  pou- 
vait présenter  le  moindre  rapport  avec  notre  histoire,  a  été 
exploré  :  rien  n'a  échappé  à  l'investigation  de  nos  savants, 
qui  doués  d'une  patience  digne  des  moines  du  moyen-âge, 
passent  leur  vie  à  déchiffrer  ces  archives  mystérieuses, 
couvertes  de  la  poussière  de  plusieurs  siècles.  Grâce  à  leurs 
travaux  immenses,  à  leur  courage  infatigable,  la  Belgique 
sera  bientôt  à  même  de  percer  les  nuages  qui  semblent 
envelopper  les  monuments  dus  à  la  valeur,  à  l'opulence  ou 
à  la  piété  de  nos  pères. 

Les  monuments  que  nous  offre  la  peinture  sur  verre  ont 
surtout  été  l'objet  des  recherches  les  plus  assidues.  Consi- 
dérés sous  le  rapport  artistique  comme  une  de  nos  gloires 
nationales,  ils  justilîent  en  outre  par  leur  valeur  historique 
tout  l'intérêt  qu'ils  inspirent.  En  effet,  quelles  pages  inté- 
ressantes de  notre  histoire  ne  trouve-t-on  pas  représentées 
sur  ces  magnifiques  verrières,  dont  les  siècles  passés  ai- 
maient à  orner  nos  églises!  quels  hauts  faits,  quels  per- 
sonnages éminents  dont  les  noms  brillent  de  l'éclat  le  plus 

26 


—  zu  — 

pur  dans  les  fastes  de  notre  patrie?  11  sulïit  d'entrer  dans 
une  de  nos  églises  gothiques  pour  voir  dérouler  devant  soi 
tout  un  passé  glorieux,  et  être  entouré  des  portraits  des 
personnages  les  plus  illustres  de  notre  nation. 

Parmi  les  peintures  sur  verre  qui  ornent  Tancienne  ca- 
thédrale d'Anvers,  figure  en  première  ligne  une  verrière 
placée  dans  les  has-côtés  de  l'église,  au-dessus  de  la  sacristie 
de  la  chapelle  du  S'-Sacrement,  et  représentant  la  Cène. 
Ce  tahleau  qui  a  constamment  été  un  objet  d'admiration 
pour  les  connaisseurs,  a  plus  d'une  fois  aussi  excité  la  cu- 
riosité des  archéologues  :  le  donateur  y  est  peint  agenouillé, 
et  ce  personnage  que  le  temps  semblait  vouloir  couvrir  d'un 
voile  mystérieux,  avait  résisté  à  toutes  les  investigations 
faites  pour  le  reconnaître. 

Néanmoins  les  savants  qui  se  sont  occupés  de  cette  pein- 
ture, s'accordent  tous  en  ce  point,  qu'ils  y  trouvent  le  por- 
trait d'un  membre  de  la  famille  Nassau,  chevalier  de  la 
Toison-d'or.  Cet  accord  n'a  pas  de  quoi  surprendre,  quand 
on  sait  que  la  devise  Se  sera  moy  Nassau  (i)  se  trouve  en 
toutes  lettres  dans  la  partie  supérieure  du  tableau,  et  que 
le  personnage  ainsi  que  ses  armes  sont  décorés  de  la 
Toison.  Chose  étrange  et  regrettable,  le  seul  objet  dont  la 
reconnaissance  présentât  en  même  temps  une  difficulîé 
réelle  à  vaincre  et  une  découverte  historique  assez  impor- 
tante à  faire  :  le  prénom  du  donateur,  était  resté  jusqu'ici 
une  énigme. 

Feu  M""  N.  Cornelissen,  au  tome  VU  des  Annales  hel- 
giqacs,  s'occupant  de  cette  verrière,  croit  y  trouver  le 
portrait  tant  soit  peu  défiguré  du  prince  Guillaume  d'Oran- 
ge, dit  le  Taciturne;  voici  ce  qu'il  dit  à  ce  sujet  : 

a  Ce  tableau  représente  la  Cène  au  moment  même  où  le 

(I)  Celle  devise  fut  atloptéc  par  Engelbcrt  II,  eomte  de  Nassau,  et  portée 
par  les  membres  de  sa  faiDille  jusque  ce  que  eelle-ci  prit  pour  cri  de  guerre  : 
Je  maintiendrai,  devise  aciuclle  du  royaume  des  Pays-Bas. 


—  S55  — 

Sauveur  iiislilue  l'Eucharistie;  le  donataire  (?)  est  à  ge- 
noux, les  mains  jointes,  et  dans  Taction  d'adorer  le  mystère 
qui  semble  s'accomplir  sous  ses  yeux.  Ce  personnage  est 
Guillaume  P%  prince  d'Orange.  Les  armoiries  de  seize 
familles  (i)  auxquelles  cette  illustre  maison  avait  été  alliée, 
sont  des  deux  côtés  de  la  fenêtre;  les  armes  de  la  maison 
même  sont  au  milieu,  et  dans  un  fraginent  d'inscription,  le 
mot  Nassau  s'est  parfaitement  conservé;  mais  la  date  de  la 
construction  n'est  plus  indiquée. 

»  Cependant  comme  le  prince  et  l'écusson  sont  décorés 
du  collier  de  la  Toison-d'or,  on  peut  naturellement  inférer 
de  cette  circonstance  que  le  tableau  n'a  pas  été  peint 
avant  1355,  et  les  événements  subséquents  ne  permettent 
pas  de  croire  qu'il  ait  pu  l'être  après  1563;  or,  s'il  est  plus 
que  probable  d'après  j)lusieurs  indices,  que  déjà  avant  la 
première  époque  le  prince  penchait  pour  certains  dogmes 
de  la  réforme,  comment  expliquera-t-on  le  motif  qui  l'a  porté 
à  rendre  ostensiblement  un  hommage  public  aussi  solennel 
au  dogme  de  la  présence  réelle,  adopté  par  la  communion 
de  Rome,  et  rejeté  par  celle  de  Genève?  —  A  moins  qu'on 
ne  veuille  insinuer  que  l'idée  du  sujet  provient  exclusive- 
ment du  peintre  ou  des  marguilliers  qui  auront  diiigé  la 
construction  du  tableau. 

»  Le  travail  appartient  évidemment  à  cette  époque,  par 
la  forme  des  caractères  et  par  la  manière,  le  style  et  la  com- 
position. M.  Van  Brée,  pour  l'opinion  duquel  nous  avons 
en  général  une  grande  déférence,  a  examiné  avec  soin  le 
tableau,  qui  d'ailleurs  a  dû  avoir  été  lithographie  (2),  et  il 


(1)  Le  tableau  ne  porte  aujourd'hui  que  quatorze  blasons;  deux  ont  été 
été  remplacés  par  des  morceaux  de  verre  peint.  I'.  G. 

(2)  Nous  possédons  un  exemplaire  de  cette  litliographie  qui  est  loin  d'èlre 
exacte  :  sans  parler  du  prince  qui  y  porte  la  barbe,  quoique  le  personnage 
représenté  au  vitrail  n'en  ait  point,  le  dessinateur  y  a  placé  ù  gauelie  les 
Idasons  qui  se  trouvent  à  droite,  et  vice-versa. 


—  356  — 

semble  croire  que  le  portrait  du  donataire  (?)  est  celui  du 
lils  du  prince  d'Orange,  de  ce  comte  de  Buren  que  le  duc 
d'AIbe  avait  fait  enlever  de  Tunivcrsité  de  Louvain,  et 
conduire  en  Espagne;  mais  sur  quoi  le  savant  professeur 
fonde-t-il  cette  opinion?  Sur  ce  que  le  portrait  ne  res- 
semble guère  à  ceux  que  nous  avons  du  prince?  Mais  il 
faut  observer  que  ce  n'est  là  qu'une  copie  de  seconde  ou 
peut-être  de  troisième  main;  ce  que  nous  voudrions  cepen- 
dant bien  concéder,  c'est  que,  brisée  pendant  le  sac  de 
l'église  en  1566,  celte  tête  a  été  repeinte  ou  même  qu'une 
autre  y  a  été  substituée;  mais  toute  l'économie  de  la  com- 
position entière  indique  que  le  type  primitif  du  prince 
agenouillé  subsiste.  » 

Le  baron  de  Reiffenberg  dans  son  «  Mémoire  sur  la  pein- 
ture sur  verre  aux  Pays-Bas  »  (i),  s'occupe  aussi  du  tableau 
en  question,  et  après  avoir  rapporté  l'article  précédent  de 
M.  Cornelissen,  s'exprime  de  la  manière  suivante  : 

«  Il  a  écbappé  à  M.  Cornelissen  que  l'examen  des  quar- 
tiers du  donateur  doit  lever  toute  espèce  de  doute  sur  sa 
personne,  puisqu'ils  déterminent  son  père  et  sa  7nère.  Ne 
pouvant  vérifier  la  cbose  en  ce  moment,  je  me  contenterai 
d'observer  que  les  conjectures  ne  devaient  pas  nécessaire- 
ment s'arrêter  entre  Guillaume  I"  et  le  comte  de  Buren,  son 
lils;  ne  peut-on  pas  aussi  porter  sa  pensée  sur  Henri  de 
Nassau,  comte  de  Vianden,  baron  de  Breda  et  dcDiest,  etc., 
lequel  mourut  le  14  septembre  1558,  après  avoir  reçu  le 
collier  de  la  Toison-d'or,  au  cbapitre  tenu  à  l^ïiddelbourg 
en  1505?  On  voit  donc  en  dépit  de  l'aimable  ignorant  qui 
présidait  à  l'éducation  du  marquis  de  la  Janotière,  que  le 
blason  peut  être  bon  à  quelque  cbose,  et  qu'il  est  possible 
de  faire  tourner  au  profit  de  questions  intéressantes  tout  ce 
qu'il  va  chercher  dans  les  vieilles  sépultures.  » 

(I)  Nouveaux  Mémoires  ilc  rAcadémie  royale  de  Belgique,  t.  VU. 


-^  §57  — 

La  seule  lecture  des  arlicles  qui  précèdent,  l'ait  aperce- 
voir la  faiblesse  des  arguments  de  leurs  auteurs.  El  d'abord 
M.  Cornelissen  n'est-il  pas  obligé  de  reconnaître  le  peu  de 
ressemblance  qu'il  y  a  entre  le  prince  Guillaume  I"  et  le 
donateur  de  la  verrière?  Ne  se  trouve-t-il  pas  dans  la  né- 
cessité absolue  de  fixer  la  confection  du  vitrail  entre  les 
années  1555  et  15G3,  vu  qu'avant  la  première  époque  le 
prince  Guillaume  P"^  n'était  pas  chevalier  de  la  Toison-d'or, 
et  qu'après  la  seconde  les  événements  politiques  n'auraient 
certes  pas  permis  au  chef  des  protestants  de  faire  des  dons 
aux  églises  catholiques? 

En  vérité  nous  ne  concevons  pas  pourquoi  M.  Cornelissen 
persiste  tant  à  vouloir  reconnaître  le  Taciturne  dans  cette 
figure  agenouillée;  la  moindre  attention  faite  au  costume 
lui  aurait  prouvé  que  le  personnage  appartient  à  une  épo- 
que antérieure  à  celle  de  ce  prince. 

D'ailleurs  Guillaume  d'Orange  étant  fils  de  Guillaume  dit 
le  Vieil  et  de  Julienne  de  Stolberg,  les  quartiers  de  sa  mère 
auraient  nécessairement  dû  se  trouver  parmi  les  armoiries 
de  la  peinture,  et  cependant  aucun  blason  du  côté  maternel 
de  ce  prince  ne  s'y  trouve  représenté.  Cette  dernière  obser- 
vation seule  prouve  d'une  manière  irrécusable  l'erreur  de 
M.  Cornelissen. 

Partant,  la  supposition  faite  par  feu  IM.  Van  Brée  tombe 
d'elle-même  :  si  le  costume  du  personnage  agenouillé  est 
déjà  antérieur  à  l'époque  de  Guillaume,  il  le  sera  encore 
davantage  au  temps  du  fils  de  ce  prince.  Il  y  a  plus  :  le 
prince  Philippe  de  Buren  ne  devint  chevalier  de  la  Toison- 
d'or  que  sous  le  roi  Philippe  III,  et  on  se  trouverait  donc 
forcé  de  reculer  la  date  de  la  confection  de  la  verrière 
jusqu'au  règne  de  ce  monarque,  c'est-à-dire  à  un  temps  où 
la  famille  JXassau  n'exerçait  ))lus  le  moindre  pouvoii-  en 
Belgique. 

L'opinion  du  baron  de  Ileilfenbcrg  est  plus  soulenable  : 


—  358  — 

lleni'i  (le  Breda  était  marquis  d'Anvers  en  1504,  et  on 
pourrait  déduire  de  celle  circonstance  que  le  tableau  avait 
été  peint  entre  l'année  1503,  date  de  l'élévation  de  ce 
prince  à  la  dignité  de  chevalier  de  la  Toison-d'or,  et  l'an- 
née 1558,  époque  de  sa  mort.  Si  cependant,  on  suit  le 
conseil  mèFiie  du  baron  de  Reiffenberg,  et  que  Ton  con- 
fronte les  armoiries  de  la  peinture  avec  les  quartiers  du 
prince,  on  découvre  à  l'évidence  le  peu  de  fondement  de 
l'assertion  :  les  quartiers  maternels  du  comte  Henri  étaient 
liesse.  Saxe,  Catzenellcbogen,  Nassau  (i);  or  aucunes  ar- 
mes de  ces  nobles  maisons  ne  se  trouvent  sur  la  verrière. 

L'impossibilité  dans  laquelle  se  trouvaient  deux  savants 
archéologues  de  préciser  le  nom  du  donateur  du  vitrail 
de  la  Cathédrale,  n'était-elle  pas  de  nature  à  nous  faire 
désespérer  de  reconnaître  ce  personnage?  Heureusement 
qu'en  ouvrant  V Historiciim  indyti  ordinis  velleris  aurei 
de  Chillet,  nous  pûmes  nous  convaincre  que  des  membres 
de  la  famille  Nassau,  autres  que  Guillaume  I  et  Henri  de 
Breda,  avaient  reçu  le  collier  de  la  Toison-d'or.  Ces  ren- 
seignements nous  firent  reprendre  courage,  et  nous  por- 
tèrent à  faire  de  nouvelles  recherches.  Nos  efforts  ne  furent 
pas  perdus;  après  quelques  jours  de  travail  nous  fûmes  à 
même  de  percer  le  mystère. 

Parmi  les  chevaliers  de  l'ordre  de  la  Toison-d'or  reçus 
en  1551  au  chapitre  de  Tournay,  nous  trouvons  le  nom 
de  René  de  Nassau,  surnommé  de  Châlons,  et  le  premier 
de  sa  famille  qui  ait  porté  le  titre  de  prince  d'Orange.  Ce 
seigneur  fixa  d'abord  notre  attention,  et  nous  nous  empres- 
sâmes de  dresser  sa  généalogie.  L'examen  de  ses  quartiers 
nous  prouva  tout  de  suite  que  lui  non  plus,  n'était  pas  le 
donateur  du  tableau  qui  nous  occupe  :  les  armes  de  Claude 
de  Chàlons,  mère  de  René,  ne  se  trouvant  pas  sur  la 
peinture. 

(1)  Voyez  Spincrus,  De  nobil.,  p.  lii. 


—  8S9  — 

Un  seul  Nassau  restait  encore,  et  ce  seigneur  que  nous 
nous  étions  réservé  pour  le  dernier,  devait  enfin  finir  notre 
travail. 

Engelbert  II,  un  des  plus  illustres  membres  de  la  famille 
Nassau,  naquit  de  Jean  comte  de  Nassau  et  Vianden,  sei- 
gneur de  Grimberghe,  Breda,  S*-Vit,  Bedenbach  et  Dael- 
bourg,  stadhouder  du  Brabant;  et  de  Marie  comtesse  de 
Looz,  dame  de  Vucht,  Gangelt,  Herstal,  Steenvoort,  etc. 

Descendant  des  plus  ricbes  maisons  d'Allemagne  et  des 
Pays-Bas,  mais  désirant  fixer  sa  résidence  dans  ce  dernier 
pays,  Engelbert  de  Nassau,  en  conformité  du  testament  de 
son  père,  prit  en  partage  les  seigneuries  que  sa  famille 
possédait  dans  nos  provinces,  et  laissa  à  son  frère  les 
propriétés  d'Allemagne.  Peu  de  temps  après  (en  1490), 
il  échangea  les  terres  de  Gangelt,  Vucht  et  Mullem,  qu'il 
avait  héritées  de  sa  mère,  contre  les  seigneuries  de  Diest, 
Sichem  et  Daclhem  et  le  marquisat  d'Anvers,  dont  le 
comte  de  Juliers  était  depuis  quelque  temps  possesseur. 

A  ces  litres,  qu'il  tenait  de  sa  naissance,  Engelbert  en 
joignit  d'autres,  qu'il  mérita  par  ses  qualités  personnelles; 
en  1475,  il  fut  élu  chevalier  de  la  Toison-d'or,  et  les 
brillants  services  qu'il  ne  cessait  de  rendre  à  ses  souve- 
rains le  firent  élever  successivement,  aux  dignités  de  stad- 
houder du  Brabant,  du  Luxembourg,  de  burggrave  de 
Limbourg,  de  stadhouder  d'Artois  et  de  Hollande,  et  de 
gouverneur-général  des  Pays-Bas.  Quelques  années  avant 
cette  première  nomination  (en  1408),  Engelbert  avait  con- 
tracté mariage  avec  Limburge,  fille  de  Charles  marquis  de 
Bade,  et  s'était  allié  ainsi  à  une  des  plus  importantes  mai- 
sons princières  de  l'Allemagne. 

Après  la  mort  de  IMarie,  duchesse  de  Bourgogne,  le 
comte  Engelbert  eut  l'honneur  d'épouser  par  procura- 
tion en  secret  et  au  nom  de  son  souverain  Maximilieu 
d'Autriche,  la  duchesse  Anne  de  Bretagne;  il  vint  ensuite 


—  860  — 

à  la  cour  de  France  réclamer  Marguerite  trAutriche,  que 
Charles  VIII  avait  répudiée  pour  épouser  Anne,  et  signa 
en  1493,  le  traité  de  Senlis,  par  lequel  Maximilien  re- 
nonça au  litre  du  duc  de  Bretagne  pour  être  mis  en  pos- 
session du  reste  de  l'héritage  de  Bourgogne. 

La  fortune  ne  fut  pas  toujours  favorable  au  comte  de 
Nassau  :  ayant  suivi  le  duc  Charles  le  Téméraire  dans  sa 
malheureuse  expédition  contre  les  Suisses,  il  fut  pris  à  la 
bataille  de  Nancy,  où  périt  le  duc  ainsi  que  la  fleur  de  la 
noblesse  bourguignonne.  Le  prix  de  la  rançon  du  comte, 
qui  montait  à  une  somme  considérable,  fut  payé  en  grande 
partie  par  la  ville  de  Breda. 

A  la  bataille  de  Blangis,  livrée  le  5  août  1479,  Engel- 
bert  fut  pris  de  nouveau  et  emmené  à  Paris.  Le  prix  de  sa 
rançon  s'élévant  à  fr.  80,000,  fut  payé  celte  fois-ci  par  le 
comte  Jean  de  Nassau,  frère  du  prisonnier. 

Après  une  vie  des  plus  glorieuses,  après  s'être  signalé 
en  plusieurs  combats  et  particulièrement  en  celui  de  Quine- 
gaste,  qu'il  commanda  et  gagna  avec  le  comte  dcRomond, 
Engclbert  de  Nassau,  mourut  à  Bruxelles  le  51  mai  lo04 
sans  laisser  de  postérité  légitime  (i). 

Ses  restes  mortels  furent  transportés  à  Breda,  où  ils 
reposent  dans  le  magnifique  tombeau  que  le  comte  Henri 
de  Nassau,  neveu  et  héritier  d'Engelbert,  y  fit  élever  sur  les 
dessins  du  célèbre  Michel-Ange. 

La  mort  d'Engelbert  ravit  aux  arts  un  de  leurs  protec- 
teurs les  plus  éclairés.  Ce  prince  avait  fait  construire  le 
palais  Nassau  à  Bruxelles,  et  ce  fut  sous  son  gouvernement 
qu'on  acheva  la  tour  de  la  grande  église  de  Breda  (2). 


(1)  n  laissa  un  fils  naturel,  qu'il  avait  eu  de  Catherine  Van  lîaaflcn. 

(2)  Ce  dernier  fait  est  d'un  grand  inlérêt  historique  pour  notre  patrie  :  la 
légende  rapporte  que  rarcliitecle  qui  acheva  la  tour  de  la  grande  église  de 
Breda,  fui  le  même  que  celui  qui  couslruisit  la  ilèclie  de  la  calhédrale 
d'Anvers.  Celle  tr;uliliou  pourrait  bien  être  une  vérité.  En  effet,  quand  on 


—  §61  — 

Après  la  mort  crEiigelbert,  les  titres  et  les  propriétés  de 
ce  prince  passèrent  à  son  cousin  Henri  de  Nassau,  et  le 
fils  de  celui-ci,  René  de  Chàlons,  étant  également  mort 
sans  descendants,  ils  devinrent  la  propriété  de  Guillaume 
le  Taciturne,  et  ne  contribuèrent  pas  peu  à  l'élévation  de 
cette  maison  de  Nassau,  qui  devait  remplir  plus  tard  un 
des  rôles  les  plus  importants  de  l'histoire  nationale. 

La  confrontation  des  quartiers  héraldiques  d'Engelhert 
avec  les  armoiries  peintes  dans  le  tableau  de  la  cathédrale, 
nous  a  pleinement  convaincu  de  l'identité  du  personnage. 
En  effet  les  quartiers  d'Engelbert  étant  du  côté  paternel  : 
Nassau,  Vianden,  de  la  Marck,  Clèves,  Polanen,  de  Hor- 
nes,  Salm,  Valkenberg;  et  du  côté  maternel  :  lîeinsberg, 
Voorne,  Juliers,  Angleterre,  Solms,  de  Lippe,  Munzen- 
berg,  Falckenstein  (i),  et  les  blasons  de  la  verrière  repré- 
sentant les  mêmes  maisons,  le  moindre  doute  à  cet  égard 
n'est  plus  possible  (2). 

Si  nous  voulions  nous  rendre  compte  des  motifs  qui  ont 
engagé  le  comte  Engelbert  à  faire  don  de  ce  tableau  à  la 
cathédrale  d'Anvers,  nous  pourrions  faire  observer  qu'un 
prince  qui  acquiert  la  possession  d'une  nouvelle  terre, 
s'empresse  de  poser  quelque  acte,  quelque  monument 
capable  de  rappeler  cet  événement  aux  siècles  futurs. 

Dirigé  par  une  idée  semblable,  Alexandre  le  Grand  bâtit 

considère  que  le  comte  Engelbert  était  en  même  temps  seigneur  de  Brcda  et 
marquis  d'Anvers,  au  moment  où  l'on  construisit  ces  deux  monuments,  il  ne 
paraît  pas  impossible  qu'on  ait  chargé  de  rachèvemcnt  de  l'un  des  ouvrages, 
rarchitecte  qui  s'acquittait  si  bien  de  l'autre.  Une  seconde  considération 
semble  appuyer  cette  hypothèse  :  la  grande  ressemblance  qui  existe  entre 
la  tour  d'Anvers  et  celle  de  Breda  pourrait  faire  supposer  qu'une  même  main 
a  dirigé  les  travaux  des  deux  monuments. 

(1)  Voyez  la  généalogie  ci-jointe. 

(2)  Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  le  tableau  ne  porte  plus  que  quatorze 
blasons.  La  vérification  de  ces  armoiries  nous  a  coûté  d'autant  plus  de  peine, 
qu'ayant  été  enlevées  pendant  l'invasion  française,  elles  ont  été  replacées 
depuis  dans  un  ordre  contraire  ù  celui  qu'elles  devaient  tenir. 


—  â62  — 

Alexandrie,  Pompée  éleva  une  colonne  aux  bords  du  Nil, 
Trajan  érigea  sa  colonne  à  Rome;  cette  même  pensée  fit 
qu'en  d'antres  temps,  lorsque  d'autres  mœurs  régissaient 
l'Europe,  Rodolphe  de  Habsbourg  édifia  la  cathédrale  de 
Strasbourg;  que  Christophe  Colomb  planta  la  croix  sur  un 
monde,  sa  découverte  glorieuse;  et  qu'en  notre  siècle  Na- 
poléon dota  la  capitale  de  son  empire  d'une  colonne  Ven- 
dôme et  d'un  temple  de  la  Gloire.  Enfin,  grâce  à  cette  même 
pensée,  dans  des  régions  inférieures,  de  simples  princes 
érigèrent  de  moindres  monuments,  et  presque  tous  les  no- 
bles eurent  des  épitaphes  dans  leurs  terres  seigneuriales. 

Un  usage  si  antique,  si  répandu,  pour  ne  pas  dire  uni- 
versel, n'a-t-il  pas  aussi  été  cause  de  la  confection  de  la 
verrière  de  la  cathédrale? 

Engelbert  de  Nassau  acquit  de  nouvelles  terres,  de  nou- 
veaux titres,  il  était  le  premier  de  sa  famille  qui  portât  le 
titre  de  marquis  d'Anvers;  lui  aussi  avait  donc  intérêt  à 
ériger  quelque  monument  capable  de  rappeler  le  souvenir 
de  cet  événement,  et  de  prouver  à  ses  descendants  l'an- 
cienneté de  leurs  droits. 

Et  dans  ce  cas  en  quel  lieu  ce  monument  devait-il  être 
placé?  N'était-ce  pas  dans  la  ville  d'Anvers,  dans  la  capi- 
tale même  du  marquisat  nouvellement  acquis?  Et  de  quelle 
nature  devait-il  être?  Dans  ces  temps  de  croyance  pro- 
fonde, lorsque  la  moindre  action  revêtait  un  caractère  reli- 
gieux, n'était-ce  pas  dans  un  temple,  dans  l'église  princi- 
pale, où  constamment  sous  les  yeux  des  fidèles,  il  put  à  la 
fois  leur  rappeler  le  nom  de  leur  prince  et  leur  inspirer  des 
sentiments  de  respect  et  de  piété? 

D'ailleurs  nous  n'avons  pas  besoin  d'attribuer  exclusive- 
ment à  une  idée  d'ambition  la  création  de  cette  peinture; 
la  piété  reconnue  d'Engelbert  en  a  été  peut-être  le  plus 
grand  stimulant.  Une  chose  toutefois  que  nous  pouvons 
affirmer  avec  certitude,   c'est  que  l'administration  de  la 


_  363  — 

cathédrale  ne  flt  pas  élever  le  mouumeut  :  les  recherches 
faites  à  ce  sujet  par  M.  le  chevalier  Léon  de  Biirhure,  ({ui 
s'occupe  en  ce  moment  avec  une  infatigable  assiduité  de  la 
classification  des  archives  de  l'église  de  Notre  Dame,  garan- 
tissent l'exactitude  de  nos  paroles. 

La  découverte  du  nom  du  donateur  change  de  beaucoup 
la  valeur  de  cette  peinture.  D'artistique  qu'elle  était  exclu- 
sivement jusqu'ici,  elle  devient  historique,  et  comme  telle 
son  importance  n'est  pas  contestable.  C'est  non  seulement 
l'unique  épitaphe  qui  existe  à  Anvers  de  la  famille  Nassau- 
Dillenbourg,  c'est  peut-être  le  dernier  monument  artistique, 
qui  nous  rappelle  les  anciens  marquis  d'Anvers. 

Puisse  l'administration  de  l'église  de  Notre-Dame,  dont 
l'amour  pour  les  arts  est  depuis  longtemps  connu,  faire 
promptement  restaurer  le  vitrail  de  la  chapelle  du  S'-Sa- 
crement.  Puisse-t-el!e  conserver  aux  arts  et  aux  sciences 
un  monument  dont  l'intérêt  ne  fait  que  s'accroître  à  mesure 
que  nous  nous  éloignons  du  temps  de  sa  création  (i). 

P.  Génard. 


(I)  Nous  nous  serions  volonlicr»  occupes  dans  cède  notice  du  peintre  du 
tableau  objet  de  cet  article,  mais  nous  n'aurions  pu  émettre  qu'une  opinion 
hasardée;  toutefois  nous  croyons  qu'à  l'aide  de  nos  recherches,  il  ne  sera 
pas  dilllcilc  de  connaître  plus  tard  le  nom  de  l'auteur  de  ce  magnifique  vitrail. 


—  g6i 


©elel)rte  ^Hn^cicjen, 


IIERALSGEGEBEN  VON  MITGLIEDERN   DER    K.    BAYER.    ARADEMIE   DER 

WISSENSCHAFTEN. 

Munchen  71"  71,    3  mai  I80I. 


Il  est  peu  de  pays  en  Europe  dont  Thistoire  politique 
offre  autant  d'intéressants  épisodes  que  l'histoire  des  pro- 
vinces belles.  De  bonne  heure  les  Pavs-Bas  ont  tendu  au 
self-rjovernement  si  cher  au  XIX^  siècle,  et  cependant  si 
rarement  atteint,  gouvernement  que  les  provinces  septen- 
trionales possèdent  depuis  bientôt  500  ans  et  les  provinces 
méridionales  seulement  depuis  peu  d'années.  Cette  ten- 
dance est  un  trait  du  caractère  national  qui  se  révèle  au 
XIIP  et  au  XIV''  siècle,  surtout  dans  ces  riches  cités  où 
dominait  une  forme  à  peu  près  républicaine;  elle  fut  favo- 
risée par  les  destinées  du  pays  dont  les  souverains,  après 
Marie  de  Bourgogne,  furent  en  même  temps  de  puissants 
monarques  en  Espagne  ou  en  Allemagne,  quoique  d'autre 
part  les  libertés  populaires  souvent  menacées  par  eux  aient 
été  anéanties  en  Belgique  pendant  plus  de  200  ans.  L'es- 
prit d'indépendance  nationale  se  réveilla  néanmoins  tou- 
jours et  conduisit  enfin  au  but  désiré.  Une  telle  histoire  a 
dû  trouver  des  admirateurs;  on  comprend  donc  que  la 
Hollande  et  la  Belgique  aient  toujours  possédé  des  histo- 
riens de  renom  et  que  notamment  l'histoire  du  soulèvement 
des  Pays-Bas  contre  Philippe  II  ait  excité  l'enthousiasme 
de  notre  illustre  Schiller. 

Il  y  a  trente  ans,  les  études  historiques  en  Belgique  man- 
quaient tie  critique  et  ne  produisaient  pas  de  résultats  en 


—  365  — 

rapport  avec  riniporlance  du  sujet.  Dewez  dans  sa  volu- 
mineuse Histoire  çjénèrale  de  la  Bchjique,  ne  se  tint  pas  à 
une  liaulcur  convenable;  il  employa  cependant  ses  maté- 
riaux avec  conscience  et  une  certaine  imparlialilé  et  ne 
travailla  pas  au  profit  d'un  parti  politique,  comme  le  fit 
Tabbé  De  Smet  qui  le  suivit  d'assez  près  et  qui  en  1856 
encore,  dans  la  4*  édition  de  son  Histoire  de  laBeUjique,  se 
présente  comme  le  défenseur  de  l'orthodoxie  catholique 
dans  toute  sa  rigueur,  en  se  montrant  sous  un  autre  rap- 
port partisan  d'une  liberté  politique  modérée.  La  l'évolu- 
tion de  1830  imprima  une  vie  nouvelle  à  l'historiographie 
en  Belgique,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  développement 
politique  du  peuple  et  du  pays  (i),  l'auteur  de  ces  lignes 
a  lui-même  essayé  de  faire  d'après  les  sources  une  histoire 
des  institutions  de  l'ancienne  Flandre,  histoire  que  le  tra- 
ducteur français,  M.  Gheldolf,  a  fort  améliorée.  C'est  sur- 
tout vers  les  périodes  révolutionnaires  de  1566,  de  1790 
et  de  1830  que  les  écrivains  les  plus  distingués  du  pajs 
ont  tourné  les  regards;  et  ils  se  sont  acquis  une  renom- 
mée littéraire  durable,  les  uns  comme  M.  l'archiviste  Ga- 
chard,  par  la  publication  des  documents,  les  autres  comme 
MM.  \olhomb,  Gérard  et  de  Gerlache,  par  l'exposé  classi- 
que des  faits. 

Parmi  les  historiens  belges  de  ces  derniers  temps,  une 
place  importante  a  été  occupée  par  M.  Borgnet,  professeur 
d'histoire  à  l'Université  de  Liéce.  Son  infatigable  et  heu- 
reuse  activité  ne  peut  être  ignorée  en  Allemagne,  surtout 
de  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  des  États  de  l'Europe. 
Élève  et  docteur  en  droit  de  l'Lnivcrsité  de  Louvain  peu 
d'années  avant  1830,  puis  juge  au  tribunal  de  première 
instance  de  Namur,  et  depuis  1837  professeur  à  Liège, 
3L  Borgnet  s'est  fait  connaître  dès  1854  par  deux  petits 

(1)  V.  mon  exposé  do  riiUtoriograjiliif  belge  ilans  les  Gelihrlc  Anzeigen  de 
Munich,  année  1841,  n»  20  et  suivants. 


—  366  — 

volumes,  intitulés  :  Lettres  sur  la  révolution  braban- 
çonne (Bruxelles,  chez  Berthot),  et  qui  contiennent  un 
exposé  fort  intéressant  du  mouvement  excité  en  Belgique 
contre  Joseph  II.  Ces  lettres  puhliées  d'abord  en  feuilletons 
dans  le  Journal  de  Namur,  furent  réunies  par  l'auteur  et 
augmentées  de  manière  à  en  faire  un  tableau  complet  de 
cet  épisode  de  l'histoire  de  Belgique.  Dans  ce  petit  ouvrage 
l'auteur  montra  un  talent  décidé  d'historien,  surtout  en  ce 
qui  touche  l'exposé  des  faits,  et  si  la  profondeur  et  une 
complète  impartialité  y  manquent,  on  peut  néanmoins  y 
reconnaître  la  vocation  du  jeune  homme.  De  cet  essai  sor- 
tit, dix  ans  plus  tard,  un  ouvrage  capital  :  V Histoire  des 
Belges  à  la  fin  du  XVIII"  siècle;  histoire  qui  commence 
par  une  introduction  à  1700  et  se  termine  avec  l'incorpo- 
ration de  la  Belgique  dans  la  première  république  française. 
Ici  une  étude  approfondie  des  sources  s'unit  à  un  esprit 
exclusivement  historique  et  assure  à  ce  livre  une  valeur 
durable  :  comme  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique, 
M.  Borgnel  a  composé  en  outre  plusieurs  monographies 
qui  ne  sont  pas  toutes  connues  de  l'auteur  de  cette  notice; 
les  amis  de  l'histoire  du  moyen-àge  liront  avec  un  intérêt 
tout  particulier  dans  le  volume  XIII  (1845)  des  Mémoires 
de  l'Académie  royale  de  Bruxelles,  son  étude  sur  le  règne 
de  Charles  le  Simple;  il  y  prouve  combien  il  est  familiarisé 
avec  les  documents  du  X^  siècle,  et  combien  aussi  il  a  su 
proflter  de  ceux  qui  ont  été  publiés  dans  les  Monumenta 
Germaniae  historica,  par  notre  Pertz  et  ses  collaborateurs. 
A  la  classe  de  ces  monographies  appartient  le  travail  qui 
fait  l'objet  de  ce  compte-rendu  :  Philippe  II  et  la  Belgique, 
résumé  politique  de  l'histoire  de  la  révolution  belge  du 
X\T  siècle  (loo3-lo98),  imprimé  dans  le  volume  XXV  des 
Mémoires  mentionnés  plus  haut  (i). 

(1)  Un  article  critique  du  travail  de  M.  Borgne!  sur  cette  époque,  a  été  pu- 
blié par  M.  Kervyn  de  Volkaersbekc,  dans  le  tome  XXV,  année  18a0,  page  583 
du  Messager  des  Sciences  hisloriqtces.  {Xote  de  la  rédaction). 


—  S67  — 

Celte  esquisse  d'uue  époque  si  i*emarquablc  et  si  fré- 
quemment traitée  de  l'histoire  de  Belgique,  a  le  mérite 
particulier  de  contenir  un  exposé  qui  s'aj)puie  avec  une 
rigoureuse  attention  sur  des  documents  authentiques  et  qui 
expliquent  clairement  pourquoi  la  révolution  triompha  en 
Hollande  et  succomba  en  Belgique.  C'est  un  instructif  con- 
tingent fourni  à  l'histoire  des  révolutions,  dont  le  dévelop- 
pement naturel  tel  qu'il  s'effectue  sous  nos  yeux,  démontre 
que  sans  la  direction  d'une  main  éprouvée  et  sans  un  sen- 
timent inébranlable  de  nationalité,  elles  ne  produisent  que 
du  mal,  et  au  lieu  de  contribuer  à  assurer  la  liberté  popu- 
laire, elles  ne  font  que  la  comprimer  et  même  la  détruire. 
Dans  son  tableau,  l'auteur  nous  montre  la  nécessité  histo- 
rique de  la  lutte  suprême  entre  le  catholicisme  et  le  prin- 
cipe naissant  de  la  liberté  de  conscience;  il  nous  montre 
aussi  comment  les  représentants  de  ces  deux  principes, 
Philippe  II  et  Guillaume  le  Taciturne,  ne  firent  guères  que 
remplir  une  mission,  où  souvent  il  faut  laisser  sans  la  ré- 
soudre la  question  de  savoir  si  les  motifs  de  leur  conduite 
furent  ou  ne  furent  pas  toujours  purs;  au  contraire  on  se 
convainc  aisément  de  la  nécessité  d'attribuer  l'insuccès  des 
meilleurs  plans  soit  à  l'égoisme,  à  l'envie  et  à  l'absence  de 
caractère  des  chefs  du  mouvement,  soit  aux  préjugés  et  à  la 
fureur  désordonnée  des  partis  extrêmes  ou  de  la  populace 
excitée  par  eux.  Ce  qui  arriva  en  Belgique  entre  lo6G  et 
1598  s'est  fréquemment  reproduit  depuis  lors;  cependant 
les  mêmes  erreurs  ne  cessant  d'avoir  cours,  ne  devrait-on 
pas  en  conclure  que  dans  la  voie  du  progrès  politique, 
la  précipitation  ne  conduit  pas  ou  ne  conduit  au  but  que 
fort  rarement?  Mais  revenons  au  livre  en  question. 

Tout  cet  épisode  qui  commence  à  l'époque  où  Charles- 
Quint  en  looo,  abdique  en  faveur  de  son  fils  Philippe  la 
souveraineté  des  Pays-Bas,  et  s'arrête  à  celle  où  Philippe 
lui-même  les  céda  à  sa  fille  Isabelle  et  à  son  cousin  Albert 


(l'Autriche,  se  divise  en  plusieurs  périodes,  ou,  si  ron 
préfère,  le  drame  compreud  uue  suite  d'actes.  Les  viugt 
premières  aunées  sont  généralement  favorables  au  main- 
lien  de  l'unité  et  de  la  liberté  de  toutes  les  provinces;  les 
vingt-un  dernières  forment  une  période  de  transition  à  la 
division  des  provinces  du  Nord  et  du  Sud  et  à  la  perle 
de  la  liberté  politique  dans  celles-ci. 

M.  Borgnet  commence  par  un  exposé  rapide  de  la  situa- 
tion du  pays  à  l'époque  de  l'abdication  de  Charles-Quint 
et  pendant  les  premières  années  du  gouvernement  de  son 
fils.  Vers  15G0,  le  pays  se  trouvait  dans  un  état  de  grande 
excitation  et  ne  manquait  pas  de  causes  politiques  de 
mécontentement.  Il  y  en  avait  entre  autres  pour  la  noblesse 
belge,  qui  sous  l'administration  essentiellement  espagnole 
de  Philippe  occupa  une  position  défavorable,  tandis  qu'elle 
avait  été  puissante  sous  Charles-Quint  et  avait  exploité 
l'Espagne  elle-même.  Un  mécontentement  bien  plus  grand 
encore  existait  parmi  les  partisans  toujours  plus  nombreux 
de  la  Réforme,  qui  avait  pénétré  de  la  France  dans  les  pro- 
vinces wallonnes  et  de  rAllemagne  dans  les  provinces  fla- 
mandes et  était  parvenue  à  s'y  établir  solidement,  en  dépit 
des  nombreuses  victimes  qu'avait  faites  sous  Charles-Quint 
l'exécution  de  ses  édits  religieux  de  1550.  Le  mécontente- 
ment n'était  pas  moindre  dans  une  partie  du  clergé  dont 
la  position  était  sensiblement  changée,  depuis  que  Phi- 
lippe, de  concert  avec  le  pape,  avait  porté  de  4  à  17  le 
nombre  des  évcchés,  et  attribué  aux  nouveaux  une  partie 
des  revenus  des  plus  riches  abbayes.  Enfin  la  partie  sin- 
cèrement catholique  de  la  population  craignait  qu'on  ne 
donnât  la  forme  de  l'inquisition  espagnole  à  l'inquisition 
ecclésiastique,  telle  qu'elle  existait  depuis  longtemps  dans 
le  pays.  Les  principaux  adversaires  de  Philippe  (la  noblesse 
cl  les  protestants)  ne  manquèrent  pas  de  propager  et  de  con- 
firmer des  appréhensions  populaires,  qui  du  reste  n'étaient 


—  369  — 

pas  sans  fondement.  Les  amis  des  nouvelles  idées  plus  clair- 
voyants, étaient  convaincus  que  la  liberté  de  religion  ne 
triompherait  dans  les  Pays-Bas  que  par  un  combat  à  mort. 
Les  grands  dépeignirent  aussi  Philippe  comme  un  ennemi 
des  libertés  politiques  du  pays,  et  un  ennemi  décidé  à  y 
introduire  le  système  de  centralisation  et  d'absolutisme 
qui  existait  déjà  en  Espagne.  Si  en  réalité  Philippe  n'en 
avait  pas  encore  la  pensée,  du  moins  voulait- il  s'en  faire 
un  moyen  pour  maintenir  l'unité  et  la  pureté  de  l'ortho- 
doxie catholique  (i),  et  pour  arriver  à  ce  but  il  lui  fallait 
des  troupes  étrangères  et  l'argent  du  pays;  ici  ses  plans 
échouèrent  complètement.  Les  chefs  des  Mécontents  possé- 
daient des  ressources  suffisantes  pour  préparer  et  exécuter 
une  révolte  contre  lui.  L'habile  exécuteur  de  la  pensée  de 
Philippe  fut  au  commencement  le  cardinal  Granvelle,  et 
le  principal  organe  de  l'opposition,  comme  nous  dirions 
aujourd'hui,  fut  Guillaume  d'Orange;  entre  eux  se  trou- 
vait dans  une  position  insoutenable  la  gouvernante  Margue- 
rite de  Parme,  fille  naturelle  de  Charles-Quint. 

Les  ennemis  de  Guillaume  admettent  que,  dès  le  prin- 
cipe, c'est-à-dire  dès  1.^62,  il  forma  le  projet  de  dépouiller 
à  son  profit  Philippe  II  de  la  souveraineté  en  Belgique. 
M.  Borgnet  ne  cesse  de  le  défendre  contre  cette  imputa- 
tion (2).  Guillaume  ne  voulait  que  la  liberté  de  conscience 
et  le  rapport  des  édits  de  Charles-Quint;  Granvelle  tendait 
à  un  but  tout  opposé.  Il  fallait  donc  avant  tout  son  éloigne- 
mcnt,  et  il  eut  lieu  en  1564,  sur  les  instantes  prières  de 


(1)  Dans  les  papiers  du  cardinal  Granvelle  récemment  publiés  se  trouve 
exprimée  la  pensée  :  Faire  des  dix-sept  provinces  un  royaume  avec  Bruxelles 
pour  capitale,  donner  au  pays  une  législation  uniforme,  restreindre  les  privi- 
lèges des  villes,  construire  des  forteresses,  proclamer  ensuite  une  amnistie  et 
ne  livrer  an  bras  de  la  justice  que  les  chefs  des  Mécontents  (p.  9). 

(2)  Il  dit  encore  (p.  100)  que  même  plus  lard  Guillaume  n'eut  pas  celte 
tendance. 

27 


—  370  — 

Margdcrile.  La  mesure  cul  celle  conséquence  immédiaîe 
que  la  noblesse  s'empara  des  places  les  plus  lucralives,  el 
à  défaul  d'un  conlrûle  sérieux,  utilisa  à  son  profit  les  reve- 
nus publics.  On  réclama  alors  le  cbangemcut  des  édits  reli- 
gieux, mais  en  se  maintenant,  comme  on  dirait  aujourd'hui, 
sur  le  terrain  de  la  légalité,  au  moyen  de  pétitions  et  de 
députalions  envoyées  à  Philippe.  Tout  fut  vain.  En  octo- 
bre loGo,  il  ne  s'agissait  que  de  savoir  s'il  fallait  publier  la 
réponse  négative  de  Philippe.  La  majoj'ilé  du  Conseil  d'état 
l'aurait  voté  à  l'instigation  du  prince  d'Orange,  qui  aurait 
voulu  par  celte  publication  provoquer  la  révolte.  M.  Bor- 
gnet  admet  cette  version,  tandis  que  Xàn  Kampen  (Histoire 
des  Pays-Bas)  soutient  au  contraire  que  le  prince  n'assistail 
pas  à  la  séance  du  Conseil;  opinion  que  semblent  confirmer 
les  Archives  de  la  maison  d'Orange,  publiées  par  M.  Groen 
Van  Prinsîerer  (II,  294),  el  dont  l'auteur  lui-même  cite  des 
fragments  (51,  n"  2).  Marguerite  ordonna  la  publication,  et 
les  conséquences  prévues  ne  se  firent  pas  longtemps  atten- 
dre. D'abord  la  .\oblesse  se  confédéra  par  l'acte  bien  connu 
sous  le  nom  de  Confédération  des  Gueux,  qui  eut  Bredc- 
l'ode  pour  chef,  et  se  renforça  ensuite  par  l'accession  d'un 
grand  nombre  de  bourgeois;  plus  tard  vinrent  les  dévas- 
tations des  Iconoclastes. 

Cette  résolution  eut  donc  aussi  ses  deux  parties  :  les 
premiers  Confédérés  furent  les  hommes  de  Golha  de  cette 
époque,  tandis  qu'il  faut  comparer  les  Iconoclastes  aux 
démocrates  extrêmes  ou  émeuliers  {Krawallister)  de  nos 
jours.  Il  ne  parait  pas  qu'une  alliance  ait  eu  lieu  entre  ces 
deux  opinions,  et  si  des  Confédérés  eurent  une  connais- 
sance préalable  des  excès  des  Iconoclastes,  ils  ne  furent 
qu'en  petit  nombre.  Philippe  II  qui  dans  l'intervalle  avait 
fait  quelques  concessions,  en  les  déclarant  nulles  en  secret, 
décida  alors  d'envoyer  le  duc  d'Albe  dans  les  Pays-Bas. 
Le  premier  acte  du  grand  drame  se  termine  à  son  arrivée. 


—  §71   — 

Les  dévastations  des  Iconoclastes  éloignèrent  des  novateurs 
tous  les  callioliqucs,  et  le  prince  d'Orange  se  réfugia  en 
Allemaiine.  Le  commencement  de  Tannée  1567  fut  siiiiialé 
par  l'émigration  de  plus  de  100,000  des  habitants  les  plus 
riches  et  les  plus  actifs  de  la  Belgique.  Le  22  juin,  !c  duc 
d'Albe  entra  à  Bruxelles. 

Sa  conduite  en  Belgique  jusqu'au  moment  de  son  retour 
en  Espagne,  et  l'insuccès  de  ses  cruautés  inouïes,  sont  des 
faits  trop  connus  pour  avoir  besoin  d'être  rappelés  ici. 
M.  Borgnet  les  éelaircit  avec  l'exactitude  la  plus  conscien- 
cieuse (pag.  hh  à  65);  la  conclusion  finale  à  en  tirer,  c'est 
que  la  force  est  insuffisante  pour  dompter  des  peuples  à 
conviction  ferme;  que  les  gouvernements  eux-mêmes  doi- 
vent tôt  ou  tard  rentrer  dans  les  voies  de  la  légalité,  et 
que,  si  la  force  intérieure  d'un  pouvoir  a  été  brisée,  il 
suffit  souvent  d'un  événement  insignifiant  pour  occasioner 
une  révolution.  Cet  événement  fut  la  prise  de  la  Bricle  par 
les  Gueux  de  mer,  qui  ouvrit  un  refuge  assuré  à  la  liberté 
de  la  Hollande  et  des  autres  provinces  septentrionales  ses 
alliées.  L'entretien  d'une  nombreuse  soldatesque  avait  pour 
résultat  de  grands  besoins  financiers.  Les  Etats  ayant  réussi 
enfin  à  écarter  l'impôt  du  10'^  et  du  20''  denier  sur  le 
revenu,  le  5"  acte  commence  avec  la  dissolution  en  1575 
de  l'armée  espagnole,  livrée  à  la  mutinerie.  Philippe  II 
depuis  un  an  se  montrait  désireux  d'avoir  la  paix  (p.  G5), 
et  le  prince  d'Orange  gouvernait  la  Hollande  et  la  Zélande 
sous  le  titre  de  Stalhouder.  Quand  Kequesens  successeur 
modéré  du  duc  d'Albe,  mourut  à  Bruxelles,  les  États 
généraux  se  trouvèrent  en  position,  par  une  confédération 
avec  ces  deux  provinces,  de  rétablir  l'unité  de  l'état,  afin 
de  sauver  la  liberté  en  ouvrant  en  commun  de  nouvelles 
négociations  avec  Philippe;  mais  le  manque  d'unité  fit 
échouer  tout  et  conduisit  définitivement  à  la  séparation  des 
provinces  du  Midi  et  de  celles  du  \ord.  Dans  cette  période 


—  372  — 

la  politique  du  prince  d'Orange  commença  à  se  mieux 
dessiner;  l'auteur  la  présente  dans  son  vrai  jour,  briève- 
ment il  est  vrai,  mais  sans  omettre  néanmoins  aucune  entre- 
prise importante  (pag.  67  à  100).  Jusqu'au  dernier  moment 
le  prince  resta  fidèle  à  sa  première  pensée  :  réunir  les 
catholiques  et  les  protestants,  c'est-à-dire  le  pays  entier,  au 
moyen  de  la  liberté  religieuse  assurée  par  le  lien  fédératif. 
Mais  Philippe  une  fois  devenu  impossible,  qui  devait  être 
souverain?  C'était  là  une  question  insoluble. 

Les  États  généraux  s'étaient  dès  lo7G  emparés  du  gou- 
vernement, après  avoir  mutilé  le  Conseil  d'état  tel  que 
Philippe  l'avait  constitué.  Le  prince  d'Orange  jouissait  du 
plus  grand  crédit  sur  cette  assemblée,  La  Pacification  de 
Gand  devait  frayer  la  voie  à  une  réconciliation  avec  Phi- 
lippe; mais  la  tentative  d'un  accommodement  avec  le  frère 
naturel  de  Philippe,  don  Juan  d'Autriche,  échoua  par  la 
duplicité  de  ce  dernier.  Le  gouvernement  de  l'archiduc 
Mathias,  jeune  prince  de  dix-neuf  ans,  qui  fut  placé  sous  la 
tutelle  du  prince  d'Orange,  et  qui  avait  à  côté  de  lui  ou 
plutôt  au-dessus  de  lui  des  Étals  généraux  omnipotents  et 
un  Conseil  d'état  composé  d'amis  de  Guillaume,  ce  gouver- 
nement, disons-nous,  ne  se  maintint  pas.  Après  sa  victoire 
remportée  à  Gembloux  sur  l'armée  de  ses  ennemis,  don 
Juan  aurait  pu  reconquérir  toute  la  Belgique;  il  hésita,  et 
ce  plan  fut  après  sa  mort  inattendue,  en  1578,  poursuivi 
par  Alexandre  Farnèse,  fils  de  Marguerite  de  Parme.  Guil- 
laume et  le  protestantisme  avaient  dans  les  provinces  mé- 
ridionales, et  surtout  dans  les  provinces  wallonnes,  trop 
d'adversaires;  le  duc  d'Arschot,  de  la  maison  de  Croy, 
travailla  surtout  contre  le  premier,  et  les  États  généraux 
présentèrent  encore  la  souveraineté  à  des  princes  étrangers, 
au  duc  d'Anjou  entre  autres,  ce  frère  insignifiant  du  roi 
de  France,  Henri  IIL 

Guillaume  sut,  il  est  vrai,  faire  échouer  momentanément 


—  373  — 

loules  ces  tentatives;  il  n'obtint  cependant  pour  lui-même 
que  la  dignité  de  Ruwai-t  (Ruhcivart)  en  Brabant.  Le  ca- 
ractère intolérant  de  l'Union  proteslante  d'Utrecbt  (1578) 
acheva  la  rupture.  La  révolution  de  15G6  ne  resta  victo- 
rieuse que  dans  les  provinces  du  Nord;  la  Belgique  s'ache- 
mina vers  une  restauration  ménagée  par  le  traité  d'Arras, 
que  des  députés  de  la  noblesse  et  du  clergé  conclurent  en 
1579  avec  don  Juan,  et  qui  fut  accomplie  ensuite  par  les 
talents  militaires  d'Alexandre  Farnèse.  Il  fallait  acheter 
maint  personnage  politique. 

Guillaume  vit  alors  que  la  cause  nationale  ne  pouvait 
être  sauvée  qu'au  moyen  de  secours  étrangers,  et  il  con- 
seilla lui-même  le  choix  du  duc  d'Anjou  (1580);  mais  ce 
plan  échoua  encore.  L'élu  déplut  au  pays,  et  la  position 
qu'on  lui  avait  faite  lui  déplut  à  lui-même.  Quand  ensuite 
les  Etats  généraux  offrirent  la  couronne  à  Henri  III,  celui-ci 
la  refusa.  Guillaume  fut  proscrit  par  Philippe  et  tomba  en 
1585  sous  les  coups  de  Balth.  Gérard.  L'indépendance  de 
la  Hollande  était  assurée;  quant  à  la  Belgique,  le  récit  de 
sa  soumission  ne  présente  pas  un  bien  grand  intérêt.  Le 
règlement  de  ses  destinées  fut  réservé  à  la  diplomatie,  et 
toute  énergie  nationale  disparut.  En  1598,  quand  Albert 
et  Isabelle  prirent  possession  de  ces  provinces  qui  venaient 
de  leur  être  cédées,  les  représentants  du  pays,  par  un 
implacable  absolutisme,  ne  furent  pas  même  autorisés  à 
dire  un  dernier  mot  en  faveur  de  la  liberté  mourante. 

Ainsi  se  termina  ce  procès  politique  entre  un  peuple 
libre  et  son  souverain.  Quiconque  lira  l'exposé  qu'en  a  fait 
l'ingénieux  historien  félicitera  le  pays  qui  le  possède,  et 
l'époque  elle-même  d'avoir  été  traitée  comme  elle  l'a  été 
par  lui. 

L.  ^^^\Rl^Ko^'lG. 


37  i 


Uc5tC0 
D'AUCUITECTURE  CIVILE  PRIVÉE  DU  MOYEX-AGE 


A    GAND. 

(Xive     ET     XV«    siècles). 


Avec  celte  sagacité  qui  lui  est  propre  en  matière  d'his- 
toire de  l'Art,  M.  Schayes  nous  a  donné  en  peu  de  mots 
dans  son  dernier  ouvrage  (i)  quelques  idées  générales  bien 
claires,  bien  nettes  sur  le  caractère  véritable  de  notre  archi- 
tecture civile  privée  au  moyen-àge.  Dans  nos  villes,  même 
les  plus  riches,  les  plus  industrieuses,  comme  Gand,  Bru- 
ges, Liège,  Louvain,  Ypres,  la  bourgeoisie  et  les  artisans 
habitaient,  à  peu  d'exceptions  près,  de  misérables  demeu- 
res, construites  la  plupart  en  torchis  et  en  bois.  II  n'était 
réservé  qu'à  de  grandes  et  puissantes  familles,  à  d'opulents 
patriciens,  de  résider  dans  des  maisons  bâties  en  pierres  et 
en  briques  et  auxquelles,  pour  ce  motif  même,  nos  ayeux 
donnaient  le  nom  de  stcenen  (2).  Encore  ces  édifices,  quoi- 
que au-dehors  d'un  aspect  imposant  et  grandiose,  u'offraient- 
ils  le  plus  souvent,  à  l'intérieur,  qu'une  succession  de  salles 
grandes  et  nues,  de  réduits  repoussants  et  de  couloirs  som- 
bres, mal  commodes,  souvent  insalubres,  dont  on  voudrait 


(1)  Histoire  de  l' Architecture  en  Belgique,  lY,  80-90. 

(2)  En  Frise  slins. 


A  Van  rien  Evnfl<;  bel 


Cn.Onôhena  3c 
RESTES   D'ARCHirECTURE  CIVILE  PRIVEE  DES  XIV!  ET  XV!  SIECLES 

A  GAND  . 


_  373  — 

à  peine  aujoiircrimi  pour  corps-de-gardos.  Sous  le  rapport 
du  confort  et  des  aisances  de  la  vie,  nous  n'avons  donc  rien 
à  envier  à  ces  dispositions  architectoniques  des  maisons  de 
nos  ancêtres.  Rudes  et  grossiers  pour  eux-mêmes,  ceux-ci 
mettaient  surtout  leur  orgueil  dans  la  construction  de 
leurs  imposantes  cathédrales,  de  leurs  hospices  et  hôpitaux 
si  largement  dotés,  de  ces  hauts  beffrois  où  bourdonnait 
tour  à  tour  la  cloche  d'alarme  et  de  réjouissance,  de  leurs 
magnitiqucs  hôlels-de-villc  enfin,  tous  monuments  symbo- 
liques qui  témoignaient  à  la  fois  de  leur  attachement  à  la 
religion,  de  leur  sollicitude  pour  les  pauvres  et  les  mal- 
heureux, de  leur  respect  pour  les  libertés  communales, 
qui  faisaient  surtout  leur  grandeur. 

L'aspect  actuel  de  nos  villes  ne  saurait  au  reste  donner 
une  idée  de  celui  qui  leur  était  propre  autrefois.  En  effet 
la  plupart  des  habitations  étaient  composées  d'un  seul  étage, 
en  général  assez  médiocrement  élevé;  les  moindres  édifices 
un  peu  apparents,  tels  que  :  églises,  maisons  de  (jildes  et 
de  corporations,  hôtels  consulaires,  abbayes,  chapelles  de 
couvents,  bourses,  greniers  d'abondance,  salles  de  justices, 
devaient  facilement  dominer  les  autres  constructions  civi- 
les et  se  faire  remarquer  par  leurs  proportions  plus  vastes. 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'en  voyant  ces  édifices  relati- 
vement sX  considérables,  ces  tours  si  hautes  en  comparaison 
des  chétives  bâtisses  qu'elles  semblaient  écraser,  des  écri- 
vains même  très-judicieux,  comme  Louis  Guichardin,  se 
soient  longuement  extasiés  à  la  vue  de  nos  villes  toutes 
hérissées  de  pareilles  constructions. 

A  mesure  que  le  bien-être  matériel,  fruit  de  l'industrie, 
du  commerce  et  d'un  usage  mieux  tempéré  de  nos  fi'anchises 
communales,  se  développait  dans  nos  grandes  cités,  l'archi- 
tecture civile  privée  se  modifiait  aussi  profondément,  et  à 
la  place  de  misérables  habitations  de  bois  et  d'argile,  cou- 
vertes de  chaume  ou  de  paille,  source  de  tant  d'incendies 


—  S78  — 

dans  nos  cilés  au  nioyen-àge,  on  vit  les  constructions  en 
pierre  se  généraliser  pour  toutes  les  classes  de  la  société 
et  donner  ainsi  graduellement  aux  villes  l'aspect  extérieur 
plus  grandiose  qu'elles  ont  aujourd'hui. 

«  A  Gand,  à  Bruges,  à  Ypres,  les  steenen,  dit  Monsieur 
Schayes  (i),  étaient  bâtis  avec  tant  de  solidité  qu'ils  pou- 
vaient servir,  comme  les  palais  des  villes  libres  d'Italie, 
d'asile  et  de  lieux  de  défense  à  leurs  nobles  possesseurs 
pendant  les  émeutes  populaires  qui  bourdonnaient  dans  les 
rues.  »  Des  nombreuses  constructions  de  ce  genre  qui  exis- 
taient autrefois  à  Gand,  bien  peu  sont  restées  debout.  Un 
des  steenen  les  plus  curieux,  connu  sous  le  nom  de  Uuten- 
hove-steen,  était  situé  au  Marché  du  Vendredi.  11  ne  fut 
démoli  qu'en  1839.  M""  Ph.  Blommaert  en  a  donné  une 
bonne  description  dans  le  Messager  des  Sciences,  1839, 
p.  ISo.  Dans  la  rue  aux  Vaches  on  remarque  encore  une 
vaste  construction  carrée,  flanquée  de  grosses  tours  aux 
trois  quarts  engagées,  c'est  la  Grande  Amende,  type  resté 
assez  entier  de  cette  architecture  moitié  civile,  moitié  mili- 
taire, qui  hérissait  nos  anciennes  cités.  Du  Serbraem-steen, 
rue  Basse,  où  retentit  si  souvent  la  voix  impérieuse  de 
Ryhove,  pendant  les  Troubles  religieux  qui  désolèrent  la 
ville  de  Gand  au  XVI"  siècle,  on  ne  voit  plus  à  l'extérieur 
que  des  vestiges,  sans  caractère  architectural  particulier; 
aujourd'hui  on  a  taillé  dans  le  vaste  hôtel  du  fougeux  tri- 
bun, rival  d'Iïembyze,  une  dixaine  d'habitations  bour- 
geoises d'un  parfait  confort.  Enfln  nous  citerons  encore 
le  Gérard  Dievel-steen,  grand  et  sombre  bâtiment  carré, 
situé  sur  un  bras  de  l'Escaut,  au  quai  du  Reep,  et  qui 
doit  sans  doute  à  sa  position  au  bord  de  la  rivière 
d'être  resté  si  longtemps  respecté.  Cet  édifice  appartient 
au  XIV"  siècle. 

(1)  JJistoiic  de  l'Arcliikvture  en  lielf/ifjue,  p.  85. 


—  â77  — 

Mais  pendant  que  ces  vieux  témoins  d'un  autre  âge  dis- 
paraissent un  à  un,  lentement  et  sans  que  leur  chute  étonne, 
laissant  à  peine  des  traces  d'une  époque  à  la  fois  rude  et 
puissante  qui  déjà  est  loin  de  nous,  il  est  cependant  une 
partie  de  notre  ville  qui  conservera  longtemps  encore  sa 
physionomie  primitive  et  où  l'on  retrouvera  toujours  l'an- 
cien Gand,  tel  qu'il  existait  aux  temps  les  plus  reculés  du 
moyen-âge.  Nous  voulons  pai'lerdes  vastes  souterrains  qu'on 
remarque  dans  le  voisinage  des  rues  Ilaule-Porte,  Basse, 
Marché  au  Beurre,  Nederpolder,  S'-Jean,  etc.  Là  rien  n'a 
été  changé,  comme  nous  l'avons  dit  dernièrement  dans  un 
autre  recueil  (i);  caves  creusées  dans  le  sol,  souvent  profon- 
des et  tortueuses  comme  des  catacombes,  voûtes  hardies, 
soutenues  par  de  gros  piliers  à  frises  grossières,  murailles 
épaisses,  destinées  à  défier  les  ravages  de  l'humidité  et  du 
temps,  tout  nous  y  est  témoin  de  la  solidité  avec  laquelle 
nos  ancêtres  construisaient  les  édifices  de  quelque  impor- 
tance. Bien  rarement  ces  caves  ont  été  défoncées  et  alors 
même  que  les  maisons  auxquelles  elles  appartenaient, 
étaient  divisées,  réparées  et  dix  fois  reconstruites,  on  trou- 
vait leurs  fondements  trop  bien  établis  pour  songer  à  leur 
en  substituer  d'autres.  De  là  ces  traditions  de  passages 
souterrains,  de  cachots,  d'oubliettes,  qui  se  rattachent  aux 
édifices  privés  et  publics  de  plusieurs  de  nos  anciennes 
rues;  de  là  ces  vestiges  de  grandeur  que  l'on  remarque 
dans  un  nombre  considérable  d'habitations,  mêmes  de 
mince  apparence  extérieure.  Parmi  ces  souterrains  nous 
signalerons  particulièrement  ceux  qui  s'étendent  encore 
aujourd'hui  sous  l'antique  pâté  de  maisons  qui  occupe  le 
coin  des  rues  du  Uefuge  et  de  la  Ilaute-Porte,  vis-à-vis  du 
Sablon  (2). 

(1)  Annales  ilc  la  Société  royale  des  Beaux-Arts,  111,  328. 

(2)  Dans  une  ilc  ces  caves  a  été  trouvée  dernièrcmcnl  une  antique  lampe  en 
bronze  décrite  dans  les  Annales  citées,  III,  528-550. 


—  S78  — 

D'autres  restes  d'anciennes  constructions,  souvent  très- 
intéressants  pour  l'histoire  de  l'Art,  sont  encore  éparpillés 
dans  notre  ville;  mais  masqués  par  des  édifices  modernes 
ou  par  de  vieilles  murailles,  on  ne  connaît  pas  toujours  leur 
existence.  Lorsque  du  haut  de  la  tour  de  la  cathédrale  de 
S'-Bavon  ou  du  Beiïroi,  on  plonge  le  regard  dans  ce  capri- 
cieux labirynthe  de  bâtisses  de  toute  dimension,  de  tout 
âgCj  on  découvre  de  temps  en  temps,  dans  une  arrière- 
cour,  dans  le  coin  d'un  jardin  ou  au  milieu  de  maisons 
élevées  récemment,  des  débris  oubliés  d'une  architecture 
qui  n'oiïre  plus  aujourd'hui  qu'un  intérêt  de  curiosité,  mais 
que  le  propriétaire  n'a  pas  toujours,  qu'on  veuille  bien  le 
croire,  conservés  par  amour  pour  l'Art. 

La  planche  jointe  à  cet  article  reproduit  un  des  restes 
les  plus  remarquables  de  ce  genre.  Ces  jolies  constructions 
sont  cachées  aujourd'hui  d'un  côté  par  les  bâtiments  de 
l'hôtel  du  comte  de  Thiennes,  rue  Haute-Porte,  et  de  l'autre 
par  une  sombre  et  triste  maison,  qui  occupe  toute  la  partie 
droite  de  la  rue  du  Refuge  et  dont  les  fenêtres  bouchées,  la 
façade  mal-propre  et  l'état  de  délabrement  général  n'ont 
rien  qui  puisse  exciter  l'attention.  C'est  dans  la  cour  de 
cette  maison  que  s'élèvent  les  deux  tours  figurées  sur  le 
dessin  de  M.  Ongheua. 

Ni  Sanderus,  ni  Diericx,  ni  le  commentateur  de  Marcus 
Van  Vaernewyck,  ni  Voisin,  n'ont  pu  nous  apprendre  la 
destination  de  ces  constructions,  qui  n'appartiennent  com- 
plètement ni  à  l'architecture  religieuse,  ni  à  l'architecture 
civile  privée.  La  tradition  populaire,  cette  dernière  source 
de  la  vérité,  quand  toutes  les  autres  manquent,  nous 
apprend  que  c'était  là  le  Refuge  de  S'-Bavon,  c'est-à-dire 
l'endroit  où  les  religieux  de  cette  abbaye  cherchèrent  un 
asile  à  l'époque  des  Troubles  du  \^  !'■  siècle.  Mais  celte 
opinion  ne  peut  avoir  aucune  valeur,  d'abord  parce  que 
cette  abbaye  fut  sécularisée  et  supprimée  plus  de  vingt  ans 


—  379  — 

avant  les  désordres  des  Icoiioclasles,  ensuile  parce  que  ce 
monastère,  sur  remplacement  duquel  Charles-Quint  fit 
élever  la  citadelle  dont  nous  voyons  encore  des  parties, 
ayant  été  fondé  dans  la  ville  de  Gand  même,  ses  moines 
n'ont  jamais  eu  besoin  d'un  refurjc  dans  l'acceptation  propre 
que  l'on  donnait  communément  à  ce  mot. 

On  sait  que  de  temps  immémorial  la  plupart  des  puis- 
santes abbayes  du  plat  pays  avaient  dans  nos  grandes  cités 
des  espèces  de  pied-à-terre,  qui  s'appelaient  hostellerie  ou 
cantine,  en  flamand  herberr/e.  Là  prenaient  gite  les  reli- 
gieux des  deux  sexes  qui  étaient  obligés  de  se  rendre  en 
ville,  ou  bien  les  personnes  laïques  qu'ils  y  envoyaient 
pour  leurs  affaires.  Car  il  n'était  pas  facile  de  trouver 
alors,  même  au  sein  de  nos  industrieuses  cités,  un  loge- 
ment sur,  commode  et  surtout  décent  pour  des  personnes 
ecclésiastiques.  A  des  époques  de  troubles  et  de  guerres 
intestines,  d'épidémies,  de  calamités  publiques,  quand  l'in- 
cendie, la  peste  ou  le  pillage  menaçait  les  couvents  du  plat 
pays,  les  moines  allaient  chercher  un  asile  momentané 
dans  leur  hostellerie. 

Après  les  dévastations  des  églises  et  toutes  les  horreurs 
impies  qui  ensanglantèrent  l'année  loGO,  la  plupart  de  ces 
hostelleries  servirent,  comme  on  le  pense  bien,  de  Refuge 
aux  moines  chassés  partout  de  leurs  paisibles  retraites. 
Ceux-ci  voyant  leur  sécurité  menacée  pour  longtemps  en- 
core, finirent  souvent  par  y  établir  définitivement  leur 
résidence.  Nous  citerons  entre  autres  les  religieux  de  Bau- 
deloo,  au  pays  de  ^^'aes,  qui  vinrent  se  fixer  dans  Vhostel- 
lerie  déjà  fort  considérable,  qu'ils  possédaient  dès  le  milieu 
du  XW"  siècle  près  du  fossé  d'Olton  (i). 

Les  hostelleries  des  abbayes  de  Ninove  etd'Eename  étaient 


(I)  Aujoiinl'liiii  la   fiililiotlièquc  publique  et  rAthcnOc  royul.  Dicricx,  3fc- 
inoircs,  II,  197. 


—  380  — 

situées  près  de  Téglise  de  S'-Bavon.  Leurs  religieux  y  firent 
un  assez  long  séjour  à  l'époque  susmentionnée.  Les  cou- 
vents, connus  à  Gand  sous  le  nom  de  Waerschoot,  Oost- 
Eecloo,  Deynze,  etc.,  étaient  d'abord  établis  dans  les  loca- 
lités de  ce  nom  et  n'arrivèrent  en  ville  qu'après  156G. 

On  nous  dira  que  l'abbaye  de  S'-Bavon  par  sa  proxi- 
mité de  la  grande  cité  dont  elle  faisait  réellement  partie, 
n'avait  pas  besoin  de  semblables  pied-à-terre.  Mais  nous 
ferons  observer  que  située  sur  la  partie  du  territoire  du 
comté  de  Flandre  qui,  au  moyen-âge,  relevait  de  l'Empire 
d'Allemagne,  elle  devait  faire,  comme  nous  dirions  aujour- 
d'hui, élection  de  domicile  sur  la  territoire  en-deca  de  l'Es- 
caut, qui  relevait  du  roi  de  France  pour  passer  certains 
actes  qui,  à  cette  époque,  y  auraient  été  sans  valeur  sans 
cette  formalité.  Ensuite  ces  religieux  qui  étaient  riches  et 
puissants,  recevaient  à  chaque  instant  des  étrangers  de  dis- 
tinction (comme  l'attestent  les  chroniques  et  les  éphéméri- 
des  de  ce  monastère),  que  leur  règle  leur  défendait  déloger 
dans  l'enceinte  de  l'abbaye,  et  à  qui  il  convenait  cependant 
d'assurer  un  gite  honnête.  Un  incendie,  des  inondations, 
des  catastrophes  quelconques  pouvaient  les  forcer  à  s'exiler 
momentanément  de  leurs  bâtiments  conventuels.  Enfin  plus 
d'une  fois,  pendant  le  moyen-âge,  l'interdit  ou  l'excommu- 
nication frappait  tour  à  tour,  comme  on  le  sait,  l'Em- 
pire ou  le  royaume  de  France  et  par  conséquent  aussi  les 
grands  fiefs  qui  en  relevaient.  Dans  de  telles  conjonctures, 
lorsque  c'était  l'Empire  qui  était  sous  le  coup  de  l'ana- 
ihème  ecclésiastique,  l'abbaye  de  S*-Bavon  avait  un  intérêt 
réel  à  avoir  toujours,  dans  l'autre  partie  du  comté,  une 
retraite  où  elle  pouvait  continuer  à  se  livrer  aux  prati- 
ques du  culte  catholique  sans  enfreindre  la  discipline  de 
l'Eglise.  Ces  différents  motifs  suffisent  pour  établir  que  cet 
antique  monastèi'c  a  pu  posséder  une  hosUileric  ou  can- 
tine, au  centre  de  la  ville  de  (Jand  et  que,  par  assimilation, 


—  S8I  — 

on  a  donne  à  cette  construction  le  nom  de  Reftifje  (i). 

D'après  une  autre  tradition,  ces  restes  feraient  partie 
de  Tancien  Steen  des  Rym,  une  des  plus  riches  et  des  plus 
puissantes  familles  patriciennes  de  la  ville  de  Gand,  d'où 
sont  sortis  un  grand  nombre  d'hommes  recommandablcs 
par  leurs  talents  et  leur  science;  nous  citerons  entre  autres 
Charles  Rym,  seigneur  de  Bellem,  conseiller  de  Philippe  II 
et  son  ambassadeur  près  de  la  porte  Ottomane  (2).  Selon 
cette  tradition,  ce  Steen  occupait  tout  le  carré  formé  par 
l'hôtel  du  comte  de  Thiennes,  la  rue  du  Refuge  et  le  pro- 
longement de  la  rue  des  Rcgnesses  ou  Rynyasse,  dont  la 
dénomination  aurait  été  empruntée  au  nom  de  la  famille 
Rym.  Ce  qui  est  demeuré  debout  de  cet  édiflce  n'est  point 
cependant  de  nature  à  confirmer  cette  tradition.  Nous  allons 
entrer  dans  quelques  détails  à  cet  égard. 

Les  restes  dont  se  composent  les  constructions  qui  nous 
intéressent  ici,  paraissent  appartenir  à  deux  époques  d'ar- 
chitecture bien  distinctes.  La  petite  tour  ronde  à  laquelle 
est  adhérente  une  muraille  couronnée  d'une  espèce  de  cré- 
neaux ou  dentelure  peu  profonde,  est,  tout  comme  cette 
muraille,  bâtie  en  briques  rouges  et  divisée  en  quatre 
tronçons;  elle  était  autrefois  éclairée  par  de  petites  fenê- 
tres carrées.  Cette  partie  parait  appartenir  au  commence- 
ment du  XIV''  siècle,  et  offre  sous  ce  rapport  un  spécimen 
de  construction  civile  privée  fort  curieux.  La  grande  tour 
qui  se  termine  en  plate-forme  et  le  joli  édifice,  en  forme 
de  chevet  de  chapelle,  soutenu,  comme  on  le  voit  sur  le  des- 
sin, par  des  arcades  ogivales  ouvertes,  annonce  une  archi- 
tecture plus  récente,  probablement  de  la  fin  du  X^"'^  siècle. 
Plusieurs  édifices  bâtis  à  Gand  vers  1400  portent  le  même 

(1)  Nous  ne  savons  sur  quel  fondement  on  a  urétemlii  que  le  refuge  de 
S'-Bavon  occupait  au  contraire  le  côlé  opposé  de  la  rue  du  Refuge,  doijl  les 
consiruelions  atlcstent  aussi  une  haute  antiquité. 

(2)  Voyageurs  lidfjcs,  1,31. 


—    obi    — 

cachet,  entre  autres  les  deux  tours  du  Rabot  et  la  tourelle 
servant  de  corps-de-garde  à  la  porte  de  Bruxelles.  Ces  par- 
ties sont  bâties  en  grandes  pierres  blanches,  dites  de  Ben- 
theni,  de  la  même  espèce  que  celles  dont  a  construit  la 
cathédrale  de  S'-Bavon. 

Celle  tour  est  surmontée  d'une  sorte  de  campanille  octo- 
gone, qui  date  de  I06G,  si  nous  en  croyons  le  millésime 
sculpté  sur  la  boiserie  qui  tapisse  Tintérieur  de  ce  petit 
Belvédère.  Les  arcades,  figurées  à  droite  sur  la  gravure  ont 
été  bouchées;  mais  leurs  colonnes,  aujourd'hui  engagées 
dans  la  muraille,  annoncent  qu'elles  sont  contemporaines 
de  la  grande  tour  et  de  la  chapelle.  L'espèce  de  galerie 
ouverte  sous  la  chapelle  forme  un  lavacrum  ou  lavatormm, 
autour  d'un  puits  d'une  extrême  profondeur,  qu'on  y  voit 
encore  et  d'où  on  extrait  l'eau  au  moyen  d'un  bac  dont  la 
corde  glisse  sur  une  poulie.  Celte  intéressante  construction 
a  une  grande  analogie  avec  le  puits  de  S'-3,ïacaire  qui  existe 
à  la  plaine  du  Château  des  Espagnols  (ancienne  abbaye  de 
S'-Bavon).  La  clé  de  voûte  de  ce  lavacrum  représente  une 
figure  de  Christ,  très-bien  conservée.  A  droite  delà  grande 
tour,  on  entre  dans  une  belle  salle  de  24  pieds  de  longueur 
sur  50  de  largeur,  dont  le  plafond  en  bois  est  soutenu  par 
deux  grosses  poutres  en  chêne,  ornées  de  moulures,  et  dont 
les  quatre  aiguilles  qui  reposent  sur  le  mur,  sont  sculptées 
et  représentent  quatre  évêques,  parmi  lesquels  S'-Augustin 
et  S'-Ambroise;  ces  sculptures  exécutées  très-délicatement, 
ont  été  autrefois  enluminées.  Deux  caves,  à  voussnre  très- 
élevée  et  placées  l'une  au-dessous  de  l'auire,  sont  creusées 
sous  la  tour  et  semblent  faire  suite  à  une  série  d'autres 
souterrains.  On  y  arrive  par  un  large  escalier  tournant,  en 
pierres,  qui  monte  jusqu'au  sommet  de  la  plus  haute  tour 
et  conduit,  à  droite  et  à  gauche,  aux  nombreuses  cham- 
bres, petits  réduits  et  couloirs  qui  font  encore  aujourd'hui 
de  cet  édifice  un  ensemble  hybride,  projjre  à  nous  donner 
une  idée  assez  complète  de  l'habitation  de  nos  pères. 


—  §8B  — 

Dans  la  parlie  que  nous  regardons  comme  une  cliapelle 
ou  oratoire,  on  remarque  encore  aux  fenèlres  des  volels 
dont  la  boiserie  et  la  ferraille  annoncent  un  travail  du 
XV^  siècle.  La  même  ornemenlalion  se  montre  dans  d'au- 
tres endroits  de  celte  antique  habitation. 

En  examinant  une  partie  de  rintérieur  de  riiôtel  du 
comte  dcTIiiennes  qui  y  est  contigu,  nous  croyons  pouvoir 
tirer  la  conséquence  que  toutes  ces  constructions  étaient 
autrefois  homogènes  et  ne  formaient  qu'un  seul  édifice; 
nous  voulons  parler  des  arcades  ouvertes,  placées  sous  le 
porche  d'entrée  de  cet  hôtel  et  qui  sont  de  la  même  archi- 
tecture que  les  celles  représentées  sur  le  dessin.  Cette  cir- 
constance nous  fait  supposer  que  ces  arcades  formaient 
autrefois  une  parallélogramme  autour  d'une  cour  ou  préau, 
dans  un  des  coins  de  laquelle  on  voyait  les  tours  et  la  cha- 
pelle décrites  plus  haut;  c'était  là  au  reste  les  formes  archi- 
tectoniques  ordinaires  des  steenen  qu'on  trouvait  encore  à 
Gand,  Bruges  et  Vpres  au  commencement  du  XVP  siècle (i). 

En  résumé,  si  d'un  côté  les  emblèmes  religieux  que  nous 
remarquons  dans  ces  curieux  restes  d'architecture,  nous 
font  supposer  que  cette  bâtisse  a  été  construite  pour  des 
besoins  religieux,  nous  devons  avouer  d'autre  part  que  la 
disposition  de  certaines  parties  de  l'édifice  annonce  plutôt 
une  destination  civile. 

Quoiqu'il  en  soit,  hostellerie  de  S'-Bavon  ou  steen  de  la 
famille  Rym,  il  est  certain  que  cet  édifice,  sauf  les  parties 
reproduites  par  la  gravure,  fût  en  grande  partie  reconstruit 
vers  1366,  c'est-à-dire  plus  de  vingt  ans  après  la  séculari- 
sation de  l'abbaye  de  S'-Bavon,  transformée  en  chapitre 
cathédral  et  auquel  par  conséquent  il  ne  pouvait  plus  servir 
alors  d" hostellerie,  cantine,  refufje  ou  herberrje.  Les  façades 
de  cette  maison  qui  donnent  dans  les  rues  du  Refuge  et  des 

(1)  ScHAYES,  cilé,  IV,  p.  86,  note  1. 


—  S84  — 

Ilegnesses,  si  délabrées  qu'elles  soient,  portent  évidemment 
le  cachet  de  rarchiteclure  de  celte  époque. 

Comme  nous  n'avons  pas  d'éléments  suffisants  pour  nous 
prononcer  sur  la  véritable  destination  de  ces  constructions, 
nous  aimons  mieux  abandonner  la  solution  de  cette  ques- 
tion à  de  plus  sagaces  que  nous,  pensant  que  la  descrip- 
tion de  ces  restes  architectoniques  d'une  autre  époque  ne 
seront  pas  sans  intérêt  pour  l'histoire  de  l'architecture  en 
Belgique. 

Nous  terminerons  en  disant  que  la  vue  reproduite  ici  est 
prise  de  la  partie  de  la  cour  de  l'hôtel  dcThiennes,  à  la- 
quelle les  arcades,  figurées  sur  le  dessin,  font  face. 

Jules  de  Saint-Genois. 


—  386  — 


notice  l)i5tDrique 


SDR 


L'ANCIEN  CHÂTEAU  DE  BOURGOGNE, 

A  AUDENARDE. 


Une  observation  qui  ne  peut  écliapper  à  celui  qui  par- 
court avec  attention  les  pages  intéressantes  de  notre  his- 
toire nationale,  c'est  que  pendant  nombre  de  siècles,  le 
principe  de  centralisation  gouvernementale,  vers  lequel 
tendaient  la  plupart  des  nations  voisines,  ne  se  fît  jour 
ni  dans  les  mœurs,  ni  dans  les  institutions  de  notre  pays. 
Les  différents  peuples  qui  s'en  rendirent  successivement 
les  maitres,  y  déposèrent  tour  à  tour  leur  élément  étran- 
ger; puis,  dégagés  de  tout  contrôle,  livrés  à  eux-mêmes, 
nos  ancêtres  n'eurent  entre  eux  que  des  rapports  constam- 
ment hostries,  et  les  grands  centres  de  population  en  s'as- 
sociant  à  ces  querelles  intestines,  rendirent  longtemps  leur 
fusion  nationale  impossible  (i). 

L'avènement  des  Ducs  de  Bourgogne  au  trône  de  Flan- 
dre fut  une  époque  mémorable  pour  le  développement 
politique  de  notre  nation.  —  Philippe  le  Hardi,  premier 


(1)  Voir  à  ce  sujet  un  article  remarquable  de  M.  Borgnet,  inséré  dans  les 
BuUclins  de  l'Académie  royale  des  Sciences,  des  Lettres,  etc.,  de  Belgique, 
tome  XIV,  p.  ÎJ2i). 

28 


—  386  — 

chef  de  celte  maisoD,  osa  le  premier  introduire  parmi  nous 
un  système  de  centralisation  gouvernementale,  vaste  et 
difficile  projet,  qu'il  n'eut  pas  la  gloire  de  voir  se  réaliser 
de  son  vivant,  mais  dont  ses  successeurs  poursuivirent 
l'impulsion  avec  une  persévérante  activité.  La  trop  grande 
étendue  du  pouvoir  populaire,  source  de  toutes  ces  cala- 
mités déplorables,  auxquelles  nos  belles  provinces  avaient 
été  si  longtemps  en  proie,  éveilla  d'abord  toute  son  atten- 
tion. Mais  avant  que  de  songer  à  attaquer  le  mal  dans  sa 
racine,  il  fallait  en  imposer  militairement  à  cette  masse 
factieuse  des  grands  centres  de  population  de  la  Flandre 
et  du  IJainaut,  et  opposer  une  digue  insurmontable  à  leurs 
débordements  sans  cesse  renaissants.  C'est  dans  ce  but 
qu'il  fit  construire  un  vaste  réseau  de  chàleaux-forts  sur 
les  différents  fleuves  en  communication  avec  les  principaux 
foyers  d'insurrection,  à  Ypres,  à  Nieuport,  à  Courtrai,  à 
Bruges,  etc. 

Une  telle  résolution  était  d'ailleurs  la  conséquence  iné- 
vitable du  système  d'attaque  auquel  il  fallait  faire  face,  les 
fleuves  étant  jadis  les  voies  de  communication  les  plus 
commodes  et  que  suivaient  tout  naturellement  les  popula- 
tions dans  leurs  courses  dévastatrices. 

A  cette  époque,  la  ville  d'Audenarde,  eu  égard  à  son 
importance  stratégique,  ne  présentait  point  de  défense 
suflisante  à  sa  sûreté.  Les  ouvrages  d'art  dont  les  éche- 
vins  l'entourèrent  en  1290,  pour  s'opposer  aux  vues  am- 
bitieuses de  la  France,  n'avaient  pu  arrêter,  à  plusieurs 
reprises,  les  incursions  désastreuses  des  Gantois.  —  Un 
point  important  était  complètement  ouvert  :  c'était  l'extré- 
mité septentrionale  de  la  forteresse  où  l'Escaut  interrom- 
pant la  ceinture  des  ouvrages,  laissait  ses  abords  sans 
obstacles,  et  offrait  à  l'assiégeant  toutes  les  chances  d'une 
surprise  nocturne.  Celte  surprise  était  d'autant  plus  à  crain- 
dre que  les  Gantois,  malgré  leur  soumission  récente  (paix 


—  S87  — 

de  Tournai),  étaienl  loin  d'être  domptés.  D'un  coup-d'œil, 
Philippe  comprit  la  faute  du  magistrat,  et,  sans  perdre  de 
temps,  il  prit  des  mesures  pour  épargner  à  la  ville,  dans  le 
cas  d'une  nouvelle  rupture  de  la  part  des  bourgeois  de 
Gand,  le  retour  de  si  affreux  désastres. 

Dans  ce  but,  il  fit  élever  (en  premier  lieu,  croyons-nous), 
sur  la  rive  gauche  de  l'Escaut,  entre  l'angle  que  forme  ce 
fleuve  et  son  embranchement  qui  le  rejoint,  et  en  deçà  de 
l'enceinte  des  murs,  une  vaste  tour  carrée,  coupée  par  le 
haut  en  créneaux,  et  percée  dans  ses  flancs,  par  de  larges 
meurtrières.  Il  lui  donna  le  nom  de  Tour  de  Bourgogne. 
Cet  ouvrage  ne  servit  que  de  préliminaires  à  une  plus 
grande  entreprise.  Soit  que  le  duc  le  trouvât  insuffisant 
pour  le  rôle  auquel  il  le  destinait,  soit  qu'il  voulut  ména- 
ger à  la  ville,  dans  le  cas  d'une  prise,  un  dernier  et  vi- 
goureux retranchement,  il  construisit  sur  l'autre  rive,  le 
chàteau-fort  auquel  nous  allons  consacrer  quelques  faits 
purement  historiques  (i),  et  dont  les  vicissitudes  égalent 
les  destinées  diverses  que  la  ville  d'Audenarde  eut  à  par- 
courir. 

Cette  forteresse  fût  bâtie  en  158o  (2),  la  seconde  année 
de  l'avènement  de  Philippe  le  Hardi  au  trône  de  Flandre, 
et  reçut  successivement  diverses  dénominations,  dont  voici 
les  principales  : 

Château  de  Bourgogne,  du  nom  du  fondateur. 

Nouveau  Château,  par  opposition  au  château  construit 

(1)  Plusieurs  de  ces  faits,  inconnus  jusqu'ici,  nous  ont  été  fournis  par 
M.  Van  Lerbcrghc,  arcliivisle-bibliolhécaire  de  la  ville  d'Audenarde.  Nous 
lui  en  témoignons  ici  toute  notre  reconnaissance. 

(2)  Int  selve  jaer  (1585),  hecft  liertoghe  Philips  lAudenarde  doen  maekcn 
cen  castecl  te<;en  die  van  Client  ende  van  Ilenegauwc,  liet  zclve  casieel  lig- 
gende  op  de  sclielde  die  licelen  wy  hrl  nieuw  Castcel,  naer  den  slicliler  lieel, 
als  noch  vvn  van  den  torren,  den  bourgoynsclien  torre,  als  gestielil  van  lier- 
toghe Philips  van  Bourgoynden;  den  andercn  terre  licet  de  Perre. 

(Chronique  MS''',  f»  83). 


—  g88  — 

par  Baudouin  VI  de  Mous,  et  qui  avait  perdu  toute  l'im- 
portance de  sa  destination  primitive. 

Château  de  la  Ville,  pour  le  distinguer  du  château  des 
barons  de  Pamele. 

Château  Royal,  probablement  depuis  le  séjour  de  Charles- 
Quint  ou  de  Philippe  II. 

La  première  dénomination  prévalut  jusqu'au  remanie- 
ment général  de  rédilîce,  opéré  en  1617  pour  servir  de 
demeure  aux  gouverneurs  de  la  ville;  alors  il  fut  appelé 
Gouvernement. 

A  en  juger  par  les  traces  qui  nous  en  restent,  sa  forme 
primitive  était  un  carré  régulier  muni  de  fortes  murailles, 
faisant  face  à  la  tour  de  Bourgogne,  située  de  l'autre  côté 
du  fleuve  (i).  Dans  la  suite,  Philippe  le  Hardi,  ou  ses 
successeurs,  dans  le  but  d'y  fixer  de  temps  en  temps  leur 
domicile,  y  donnèrent  sans  doute  une  extension  plus  con- 
sidérable, eu  la  modelant  sur  la  forme  de  la  plupart  des 
châteaux-forts  du  moyen-âge.  Alors  le  carré  primitif,  dont 
les  murailles  colossales  existent  encore  en  leur  entier, 
servit  de  donjon,  et  était  précédé  d'un  corps  de  logis.  Une 
cour  ou  bayle  intérieur  était  ménagé  entre  les  deux  édifi- 
ces. Le  tout  présentait  une  enceinte  d'un  carré  oblong, 
flanquée  à  chaque  angle  d'une  tour  cylindrique  ayant  quatre 
mètres  de  diamètre.  Des  fossés  larges  et  profonds  en  dé- 
fendaient l'approche  de  trois  côtés;  l'Escaut  protégeait  le 
quatrième.  Une  galerie  crénelée  couronnait  l'édiûce,  et 
communiquait  avec  la  tour  de  Bourgogne  au  moyen  d'un 
pont  parfaitement  couvert  et  pour  ainsi   dire  suspendu 


(1)  Betaelt  Picter  de  Wenne  ende  zynen  ghescllen  Lem  vyfstere  van  dat 
zy  thijs  gebrokcn  hebben  dwecrs  dcr  schcldcn  tusschcn  dcn  nij'ciccn  casteele 

en  de  buurf/onsche  lorre 

(Comptes  de  la  ville,  année  1313). 

Ce  passage  trace  nettement  la  situation  de  la  tour  de  Bourgogne.  C'est 
donc  par  erreur  que  M.  Van  Cauwenberghe,  dans  ses  Lettres  sur  l'histoire 
d'Audenarde,  page  281,  la  suppose  placée  sur  un  des  angles  du  château. 


—  S89  — 

au-dessus  du  fleuve.  Celte  tour  était  couiine  un  ouvrage 
avancé,  une  espèce  de  tète-de-pont  devant  la  face  septen- 
trionale de  l'Escaut,  et  condamnait  rennemi  à  une  première 
attaque,  après  laquelle  il  était  obligé  de  faire  celle  du  châ- 
teau. De  cette  manière,  ces  deux  constructions  se  prêtaient 
une  mutuelle  assistance.  En  temps  de  trouble,  une  grosse 
poutre  était  mise  transversalement  sur  le  fleuve,  et  atta- 
chée, au  moyen  d'une  chaîne,  d'un  côté,  au  mur  du  châ- 
teau, et,  de  l'autre,  à  celui  de  la  tour  de  Bourgogne  (i). 
Cette  barrière  contribuait  puissamment  à  la  défense  de  ce 
côté,  en  même  temps  qu'elle  mettait  obstacle  aux  tentati- 
ves de  fraude  en  matière  d'octroi  (2). 

Le  commandant  du  château  et  de  la  tour  de  Bourgogne 
avait  le  titre  de  capitaine;  son  autorité  n'était  point  sou- 
mise à  la  juridiction  échevinale.  Il  la  tenait  directement 
du  souverain.  Avant  d'entrer  en  charge,  il  prêtait  serment 


(1)  Belaelt  Joos  Daelman,  vande  kelcne  ondcr  den  nieuwcn  castcele  en  dcn 
boom,  elc  dagen  up  ende  neder  te  laten,  slutcnc  ende  ontdoeue  zichten  dcn 
overlydcn  van  den  coninc  van  Castillieu,  van  XIII  ^^ekcn,  te  X  seii.  par 
weke VI  lib.  X  sch. 

(Comptes  de  la  ville,  année  1506). 

(2)  Un  passage  du  registre  aux  rentes  de  l'année  1337,  nous  apprend  qu'il 
existait  à  cette  époque  une  tourelle  sur  le  point  de  réunion  de  l'Escaut,  appelé 
bce,  avec  son  embranchement  principal.  —  Dans  la  suite,  il  n'en  est  plus 
fait  mention,  comme  il  arrive  pour  les  autres  tours  de  la  ville,  soit  pour  leur 
cntretion,  soit  pour  leur  bail.  —  Il  est  permis  de  croire  qu'elle  élail  la  même 
que  celle  désignée  dans  la  chronique  manuscrite  sous  le  nom  de  Perie,  et  qui 
a  donné  son  nom  ù  une  grande  partie  du  terrain  avoisinaut.  —  Construite 
probablement  dans  l'intérêt  de  la  défense  de  ce  point,  mais  trop  faible  et 
trop  isolée  à  cet  effet,  et  devenue  inutile  par  suite  de  la  construction  du  gros 
donjon  de  Bourgogne,  elle  aura  été  démoTic  peu  après.  —  Voici  le  passage  en 
question  :  Willem  Lanctal  nam  in  t'  jaer  LVIJ,  le  Sinte  Andries  daghc,  den 
torre  in  den  bec,  van  kcrsavonde  dar  nast  VI  jaer  lanc,  ende  alloes  morhten 
schepcnen  hem  dcn  pacht  onitvarven,  ende  oec  den  torre  orboren,  al  ivondi  dar 
in,  elc.  La  ruelle  adjacente  appelée  aujourd'hui  Pcrrcsiraelje,  était  autrefois 
connue  sous  le  nom  de  Decstraele.  Il  ne  peut  donc  être  question  ici  de  la  tour 
située  prés  de  la  porte  des  Prairies,  à  l'endroit  où  l'Escaut  et  la  branche  qui 
s'en  détache,  forment  également  un  angle. 


—  390  — 

entre  les  mains  du  gouverneur  et  capitaine-général  des 
Flandres.  Parmi  les  franchises  attachées  à  ce  poste,  nous 
mentionnerons  celle  qui  l'exemptait  des  droits  d'accises 
sur  la  bière  et  le  vin  consommés  au  château  (i). 

La  destination  toute  militaire  de  cette  forteresse  n'ex- 
cluait point  certains  embellissements,  et  la  magnificence 
qui  présidait  aux  palais  ducaux,  permet  de  croire  que, 
quand  le  besoin  appelait  nos  anciens  souverains  à  Aude- 
narde,  ils  y  trouvaient  un  séjour  aussi  splendide  que  bien 
assuré. 

Le  premier  fait  remarquable  qui  se  rattache  au  château, 
est  le  séjour  prolongé  qu'y  fît  Jean  sans  Peur,  successeur 
de  Philippe  le  Hardi.  Le  la  avril  UOo,  jour  de  son  inau- 
guration au  trône  de  Flandre,  le  nouveau  duc  reçut  à  Gand 
une  députalion  qui  lui  soumit  entre  autres  demandes,  celle 
de  fixer  sa  résidence  habituelle  en  deçà  de  la  Lys.  Le 
prince  répondit  à  la  requête  qu'il  consentait  à  tout,  et 
choisit  la  ville  d'Audenarde  pour  son  séjour  définitif.  C'était 
en  quelque  sorte  une  récompense  réservée  à  la  fidélité  que 
les  habitants  de  cette  ville  avaient  toujours  montrée  envers 
leur  souverain;  mais  en  réalité,  c'était  un  moyen  de  conju- 
rer le  danger  qu'il  encourait  en  séjournant  au  milieu  d'une 
population  turbulente. 


(1)  Item  betaelt  Jacop  Meeren  ende  zyne  ghesellen  als  onghelJers  van  den 
wyne  van  den  jaere  verleden,  van  zekere  quantiteit  van  amen  wyns  die  myn- 
heere  de  Capitaine  van  den  casteclc,  ons  gheduclite  hcere  te  Pamele,  voor  zyn 
slete  enJe  dispense  in  fsclve  casteel  gliedispenseert,  heft  van  den  baefmesse 

LXVIIJ,  totdenbaefmesse  LXIX XX  Z-. 

(Comptes  de  la  ville,  année  1469). 

Le  capitaine  recevait  en  outre  une  rénumération  annuelle  de  soixante  livres 
parisis,  pour  les  services  qu'il  rendait  à  la  ville,  en  prohibant  tout  débit  de 
boissons  au  château  : 

Item  betaelt  mynen  hcere  den  grave  van  Hoogstraten,  capitain  van  den 
casteele  deser  stede,  enz.,  van  dat  hy  geen  wyn  nochte  hier,  noch  cok  saete 
en  stcll int  voorschrevcne  casteel enandcrsins  in  danckbacricheden. . .  LX  L.par. 

(Id.  année  1545). 


—  891  — 

Le  duc  tint  promesse.  Peu  de  temps  après  son  inaugu- 
ration solennelle,  il  vint  à  Audenarde  prendre  possession 
du  Nouveau  Château,  en  présence  d'une  foule  nombreuse 
accourue  de  tous  côtes  pour  le  saluer  sur  son  passage.  Son 
épouse,  Marguerite  de  Bavière,  ne  larda  pas  à  Ty  suivre. 
Là  ne  se  bornèrent  pas  les  faveurs  dont  Jean  sans  Peur 
combla  les  habitants.  La  chambre  de  justice  et  le  conseil 
du  duc,  appelé  Grand  Conseil  de  Flandre,  furent  alors 
distraits  de  la  cour  des  comptes  à  Lille ,  et  transférés  à 
Audenarde.  La  plupart  des  chroniqueurs,  eu  mentionnant 
ce  fait,  ne  marquent  pas  Tendroit  où  la  cour  tint  son  siège. 
Mais  il  n'est  pas  permis  de  douter  que  ce  ne  fût  au  château 
de  Bourgogne.  C'était  à  celte  époque  la  plus  vaste  construc- 
tioQ  de  la  ville  et  la  mieux  appropriée  à  celte  destination. 
C'était  là  que  le  prince  avait  fixé  sa  résidence;  c'était  là 
qu'il  pouvait  traiter  commodément  les  intérêts  publics  et 
rendre  la  justice  avec  le  concours  de  tous  les  dignitaires 
attachés  à  son  service.  Quoiqu'il  en  soit,  cette  double  fa- 
veur eût  pour  la  ville  les  plus  heureux  effets.  Une  cour 
nombreuse,  montée  alors  sur  un  pied  vraiment  royal,  un 
concours  de  nobles  et  de  hauts  dignitaires,  et  par  un  heu- 
reux enchaînement  de  circonstances,  une  activité  indus- 
trielle dont  les  produits  naissants  commençaient  à  éveiller 
l'admiration  et  l'envie  des  nations  voisines,  tel  était  alors 
le  spëclacle  qu'offrait  la  ville  d' Audenarde. 

Malheureusement,  elle  ne  devait  pas  en  jouir  longtemps. 
Environ  deux  ans  après,  Jean  sans  Peur  fut  entouré  de 
tant  de  prévenances  et  accueilli  avec  un  tel  enthousiasme 
dans  la  capitale  des  Flandres,  que  le  prince  séduit,  résilia 
son  engagement  et  alla  y  rétablir  le  siège  de  ses  prédéces- 
seurs. 

Toutefois,  l'affection  particulière  qu'il  portait  à  la  ville 
d'Audenarde,  ne  put  lui  faire  oublier  entièrement  son  an- 
cien séjour.  On  trouvera  plus  loin,  dans  la  liste  de  nos  au- 


—  892  — 

cieus  souverains  qui  ont  séjourné  au  château,  les  diffé- 
rentes époques  auxquelles  il  revint  habiter  son  manoir 
féodal. 

Le  fils  de  Charles  VII,  depuis  Louis  XI,  en  révolte 
ouverte  avec  son  père,  vint,  quelque  temps  après,  y  cher- 
cher un  asile  (i).  Philippe  le  Bon,  troisième  duc  de  Bour- 
gogne, sans  approuver  les  projets  criminels  du  Dauphin, 
le  reçut  néanmoins  généreusement  dans  ses  états  et  pourvut 
même  à  son  enlretien. 

Le  20  février  14-60,  le  fils  rebelle  arriva  à  Audenarde. 
Il  y  fut  reçu  avec  les  honneurs  dus  à  un  prince  du  sang. 
Tous  les  corps  de  métiers  précédés  de  leurs  bannières,  le 
conduisirent  processionnellement  au  château^  où  il  séjourna 
pendant  plusieurs  semaines  (2). 

Une  chronique  contemporaine  rapporte  que  Charles  VII, 
piqué  de  cet  accueil  inespéré,  laissa  échapper  cette  saillie 
à  l'adresse  de  Philippe  le  Bon  :  «  Le  duc  de  Bourgogne 
nourrit  un  renard  qui  mangera  ses  poules.  »  On  sait  de 
quelle  manière  ces  paroles  prophétiques  se  réalisèrent  dans 
la  suite. 

En  1452,  pendant  le  siège  d' Audenarde  par  les  Gantois, 
l'énergique  défense  du  château,  commandé  par  le  vaillant 
capitaine  Simon  de  Lalaing,  seigneur  de  Montigny,  fut  le 
salut  de  la  ville.  Une  force  numérique  de  trente  mille  hom- 
mes, au  rapport  d'Olivier  de  la  Marche,  et  une  artillerie 
considérable,  pressaient  la  ville  de  tous  côtés.  Cinq  bom- 
bardes foudroyaient   sans  interruption    les   murailles  du 


(1)  Vîtes  et  monuments  d' Audenarde,  dessinés  et  lithographies  par  F.  Simo- 
neau,  accompagnés  d'une  description  historique,  par  Jules  Ketcle.  In-fol.  1839. 
Audenarde,  imprimerie  de  Bevcrnacge  frères.  M.  Ketele  est  le  premier  qui  ait 
appelé  ratlcntion  de  ses  compalriolcs  sur  le  palais  de  nos  anciens  souverains. 

(2)  A  une  époque  antérieure,  il  avait  également  séjourné  à  Audenarde;  mais 
il  nous  est  impossible  de  préciser  la  demeure  qu'il  occupa.  (Audenacrdsche 
Mengclingen,  uitgcgeven  door  L.  Van  Lerbcrghe,  11^  deci,  p.  470). 


—  393  — 

château  (i).  Ou  y  fit  si  bonne  contenance,  que  les  Gantois 
durent  lever  honteusement  le  siège. 

En  1484",  le  même  château  cédait  à  la  ruse.  Deux  écri- 
vains, Olivier  de  la  .Marche,  et  l'auteur  anonyme  d'une 
chronique  de  Flandre,  imprimée  à  Bruges,  rapportent  le 
fait  en  détail;  mais  leur  récit  diffère  totalement  de  celui 
de  la  chronique  locale,  à  laquelle  nous  nous  rallierons  de 
préférence. 

Marie,  duchesse  de  Bourgogne,  venait  de  mourir  d'une 
manière  funeste  à  Bruges,  laissant  en  bas  âge  deux  en- 
fants. 

La  régence  fut  vivement  disputée;  la  Flandre  se  refusa 
obstinément  à  reconnaître  ÎMaxi milieu.  Deux  ans  environ 
se  passèrent  en  contestations,  lorsque  Maximilien  prit  le 
parti  extrême  de  se  faire  reconnaître  par  la  force.  Après 
s'être  emparé  de  Termonde,  l'archiduc  se  concerta  pour  se 
rendre  maître  de  la  ville  d'Audenarde.  Il  eut  été  impoliti- 
que autant  qu'aventureux  de  tenter  cette  entreprise  par  les 
moyens  ordinaires  de  la  guerre.  Les  habitants  d'Audenarde 
en  général,  étaient  fortement  attachés  à  sa  cause,  mais  ils 
étaient  dominés  par  une  faction  gantoise.  Il  fallait  donc 
éviter  toute  effusion  de  sang  et  leur  épargner  le  désastre 
d'un  siège.  D'un  autre  côté,  Audenarde  était  devenue  une 
formidable  place  de  guerre;  en  s'arrêtant  donc  longtemps 
devant  ses  murs,  Maximilien  donnait  aux  Gantois  le  temps 
d  organiser  leurs  forces  et  d'accourir.  Il  recourut  à  un 
stratagème. 

Le  château  d'Audenarde  était  occupé  à  cette  époque  par 
une  garnison  nombreuse.  Deux  autorités  militaires  y  avaient 
leur  résidence  :  le  capitaine  Pierre  de  Mettenyc,  récem- 


(1)  Dcn  XV''"  april  (1452),  schotcn  die  van  Client  vyf  engiencn  op  licl  eas- 
leol,   uni  wekken  mynhcer  Siniocn  oock  dcdc  sehieten. 

(Chronique  MS'S  f»  106). 


—  B94  — 

ment  envoyé  par  le  grand  conseil  de  Gand,  et  Gaiilhier  Van 
Reclieni,  préposé  par  la  ville  d'Audenarde  comme  gouver- 
neur de  la  place.  Ce  dernier  avait,  à  ce  titre,  la  direction 
suprême  de  tous  les  moyens  de  défense  dont  la  ville  dispo- 
sait alors,  et  il  lui  était  facile  d'introduire  furtivement  un 
corps  de  troupes  étrangères  dans  Tenceinte  de   la  place. 

Maximilien,  averti  de  cet  état  de  choses,  saisit  le  mo- 
ment favorable  pour  tenter  son  entreprise.  Il  fit  parvenir 
secrètement  à  Van  Rechem  des  lettres  remplies  de  promes- 
ses séduisantes.  Le  gouverneur,  admis  récemment  dans  la 
bourgeoisie  d'Audenarde,  n'avait  pu  voir,  sans  en  être 
touché,  les  rudes  épreuves  auxquelles  était  soumise  une 
ville  fidèle,  par  la  cherté  des  subsistances ,  la  stagnation 
du  commerce  et  les  dures  impositions  d'une  faction  turbu- 
lente. C'est  assez  dire  que  Maximilien  le  trouva  entièrement 
prêt  à  le  seconder  dans  son  entreprise. 

Il  fut  convenu  que  l'Archiduc  se  présenterait  devant  le 
château,  la  veille  des  Rois. 

Le  moment  était  habilement  choisi.  Les  libations  qui 
accompagnent  ces  antiques  saturnales  et  relâchent,  d'ordi- 
naire, tous  les  liens  de  la  discipline,  oflraient  toutes  les 
chances  d'une  surprise  nocturne. 

Le  o  janvier  1485,  vers  minuit,  Maximilien  parut  de- 
vant Audenarde  avec  une  escorte  d'environ  deux  mille 
hommes.  Van  Rechem  se  trouva  à  son  poste.  L'archiduc 
prit  les  devants  sur  sa  troupe  et  suivit  le  capitaine,  qui  lui 
fit  traverser  la  tour  de  Bourgogne,  ainsi  que  le  pont  qui 
communique  de  cette  tour  avec  le  château.  Nul  bruit  ne  se 
faisait  entendre,  aucun  obstacle  ne  se  présentait  à  leur  ren- 
contre. Pourtant  une  crainte  obsédait  le  prince  :  Philippe 
de  Clèves  avait  reçu  l'ordre  de  se  tenir  en  vue  du  château 
et  de  l'entourer  dès  qu'il  y  serait  entré;  mais  ce  chef  ayant 
pris  une  autre  direction,  avait  perdu  les  traces  de  son 
maître  et  s'était  avancé  jusque  sous  la  porte  de  Tournay. 


—  895  — 

Maxiinilien  se  voyant  entouré  seulement  d'un  petit  nombre 
(les  siens,  se  crut  un  instant  trahi.  Mais  bientôt  rassuré,  il 
suivit  les  pas  de  Gauthier  et  parvint  à  Tintérieur  du  châ- 
teau. Arrivé  devant  la  chambre  du  capitaine  endormi,  le 
gouverneur  frappe  sur  la  porte  à  coups  redoublés,  eu 
criant  :  «  Maximilien  est  sous  les  murs  de  la  ville,  le  lais- 
»  sera-t-on  entrer?  »  —  «  Comment,  lui  répond  le  capitaine 
»  avec  surprise,  livrer  la  ville  à  Tarchiduc  sans  l'autorisa- 
»  tion  des  bourgeois?  non,  jamais!  »  A  ces  mots,  Maximi- 
lien, transporté  de  fureur,  pousse  la  porte  avec  une  telle 
violence,  qu'elle  cède  à  ses  efforts,  et  s'élancant  le  glaive  à 
la  main,  vers  le  lit  de  Mettenye,  menace  de  lui  ôter  la  vie, 
s'il  refuse  de  se  soumettre.  Tout-à-coup  Tépouse  du  mal- 
heureux capitaine  se  précipite  éplorée  aux  pieds  du  prince, 
et  d'une  voix  sanglottante  :  «  Grâce,  grâce,  seigneur,  lui  dit- 
elle,  épargnez  à  votre  bravoure  un  homme  déjà  vaincu.  » 
Maximilien  se  laissa  attendrir  :  «  Je  vous  fais  grâce,  dit-il 
au  capitaine,  mais  j'exige  que  vous  quittiez  à  l'instant 
même  une  ville  où  vous  servez  si  opiniâtrement  la  cause 
de  l'insurrection.  » 

Pendant  cette  scène,  la  poignée  de  troupes  qui  avait  suivi 
Maximilien  était  parvenue  dans  l'enceinte  du  château,  à  la 
faveur  des  plaisirs  bruyants  d'une  garnison  à  demi-ivre. 
Bientôt,  maîtres  de  l'artillerie ,  ils  font  pleuvoir  sur  la 
ville  une  masse  de  boulets  dans  la  direction  de  l'église  de 
Pamele.  L'épouvante  fut  au  comble  dans  les  rues.  On  de- 
manda une  trêve  de  quelques  heures.  Maximilien  contrarié 
par  l'absence  de  Philippe  de  Clèves,  l'accorda  facilement. 
Ce  délai  permit  aux  partisans  de  la  cause  gantoise  de  quitter 
la  ville.  Le  lendemain,  Philippe  de  Clèves  lit  son  entrée  dans 
Audenarde,  et  Maximilien  fut  acclamé  comme  souverain  par 
tous  les  habitants. 

Tel  est  le  récit  connu  de  la  surprise  du  château  et  de 
la  ville  d'Audcnarde.  Une  remarque  que  le  lecteur  pourra 


—  898  — 

faire,  c'est  que  ce  château  ne  céda  jamais  devant  la  force 
ouverte;  car  nous  n'envisageons  également  le  siège  qu'en 
firent  les  Gueux,  en  1572,  que  comme  une  surprise. 

A  peine  délivrés  de  la  faction  gantoise,  les  habitants 
furent  abandonnés  à  la  merci  d'une  garnison  étrangère, 
composée  en  grande  partie  d'Allemands.  Des  menaces,  des 
cruautés  de  toute  espèce,  une  insatiable  avidité  de  rapines 
signalèrent  les  premiers  jours  de  leur  arrivée  :  toute  disci- 
pline était  foulée  aux  pieds.  Il  fallait  un  acte  de  courage  de 
la  part  des  autorités,  pour  sauver  la  ville  de  ces  horreurs. 
Dans  une  querelle  survenue  entre  les  émeutiers  et  les  bour- 
geois, un  des  échevins  assena  un  coup  d'hallebarde  qui  attei- 
gnit un  des  premiers  et  le  renversa  privé  de  vie.  L'effroi 
terrassa  les  autres  meneurs.  On  se  saisit  des  principaux 
coupables  et  on  les  amena  au  château,  où  ils  subirent  le 
dernier  supplice  (i). 

C'est  ici  le  lieu  de  hasarder  un  mot  sur  cette  mystérieuse 
histoii'c,  que  plusieurs  écrivains  passèrent  prudemment 
sous  silence,  et  qui  eut  l'empereur  Charles-Quint  pour  héros 
et  le  château  de  Bourgogne  pour  théâtre. 

Au  commencement  de  novembre  de  l'année  1521,  une 
armée  nombreuse  investissait  la  ville  de  Tournai  sous  la 
conduite  du  sire  de  Lannoy,  grand  écuyer  de  Charles- 
Quint.  L'empereur  voulait  réunir  de  nouveau  ce  boulevard 
important  à  la  Flandre,  dans  la  crainte  que  François  F'', 
roi  de  France,  devenu  son  ennemi  acharné,  ne  tentât  de 
pousser  plus  avant  ses  conquêtes.  Une  pluie  continuelle 
ayant  fait  rétrograder  l'armée  française,  le  siège  fut  poussé 
avec  vigueur,  et  le  mercredi  4  décembre,  les  troupes  im- 
périales prirent  possession  de  la  ville. 

Pendant  toute  la  durée  des  opérations,  l'empereur  s'était 
tenu  à  Audenarde.  Il  y  avait  un  séjour  commode  et  assuré, 

(1)  Aiidenacrdschc  Mcngclingcn,  K'  ilccl,  p.  171. 


—  897  — 

cl  d'où  il  lui  était  facile  d'accourir  promptement  sur  le 
théâtre  des  opérations  au  moindre  signal.  A  cet  avantage, 
il  s'en  joignait  un  autre  :  l'Escaut  permettait  d'envoyer  au 
camp  impérial  des  munitions  abondantes  et  des  vivres  de 
toute  espèce. 

Il  y  arriva  le  5  novembre,  accompagné  de  son  frère  don 
Ferdinand,  de  Marie,  reine  de  Hongrie,  sa  sœur,  de  l'é- 
véque  de  Tournai,  du  chancelier  de  Tournai,  de  son  au- 
mônier (i),  de  son  grand  conseil  et  de  sou  conseil  privé, 
d'une  députation  des  quatre  membres  de  la  Flandre  et 
d'une  nombreuse  suite  de  personnages  de  distinction.  Il  fut 
conduit  processionnellement  depuis  la  porte,  appelée  Baer- 
poort,  jusqu'au  château  de  Bourgogne  que  commandait 
alors  Charles  de  Lalaing,  seigneur  d'Escornaix,  etc.,  en 
qualité  de  capitaine  et  de  gouverneur  de  la  ville.  L'empe- 
reur y  fixa  sa  résidence.  Or,  ce  fut  sans  doute  là,  qu'aban- 
donné tout-à-coup  à  l'inaction  et  à  la  simplicité  de  la  vie 
privée,  il  vit  pour  la  première  fois  la  jeune  Van  der 
Gheenst,  attachée  fort  probablement  à  cette  maison  en  qua- 
lité de  suivante  ou  de  fille  de  chambre.  Sa  rare  beauté, 
jointe  à  une  modestie  virginale  pleine  de  charmes,  capti- 
vèrent facilement  un  cœur  inexpéi-imenté  de  vingt-et-un 
ans.  L'année  suivante,  Jeanne  devint  mère.  Elle  mit  au 
monde  une  fille  qui  devint,  comme  on  sait,  sous  le  nom  de 
Marguerite  de  Parme,  gouvernante  des  Pays-Bas. 

Le  laconisme  de  la  chronique  locale  (2),  à  l'endroit  de 
cette  naissance,  le  mystère  dont  on  l'enveloppa,  et,  plus 
tard,  les  rapports  entièrement  contradictoires  des  courli- 


(1)  Pierre  Numocr,  qui  décéda  à  Audenarde  pendant  le  séjour  de  l'empereur 

(2)  La  chronique  locale  relate  ainsi  celte  naissance  : 

Inl  Jaer  XV^  XXII  ghclach  Junnekin  van  de  buslacrdc  dochlcr  van  Carolus 
de  vijfstc  t Audenarde,  hinnen  Pamele  op  het  Spey,  ende  wiert  daer  cliristen 
ghcmaeekt.  Dese  Iramvde  namaels  den  hcrtoghe  van  Parmcn  cndc  wiirl  Ré- 
gente van  den  Nederlanden  (F»  loi,  V). 


—  §98  -- 

sans,  empêchèrent  plusieurs  historiens  recommandables 
qui  ont  retracé  cette  partie  de  notre  histoire  nationale,  de 
donner  des  détails  authentiques  sur  l'origine  de  celte  illus- 
tre princesse. 

Deux  écrivains,  le  père  Strada  et  Grégoire  Leti,  moins 
scrupuleux  en  matière  de  vérité  histoiique,  et  peut-être 
désireux  de  disculper  Charles-Quint  d'avoir  aimé  une 
personne  appartenant  à  une  famille  roturière,  donnèrent 
une  origine  noble  à  la  mère  de  Marguerite,  et  bâtirent,  sur 
cette  mystérieuse  histoire,  tout  un  récit  fabuleux  que  la 
sévère  histoire  ne  peut  admettre  (i). 

Ce  problème  historique  attendait  donc  une  solution,  lors- 
que M.  Serrure  (2),  et  après  lui,  M.  Van  der  Meersch  (3), 
en  comparant  et  discutant  les  différents  faits  qui  s'y  ratta- 
chent, sont  parvenus  à  un  résultat  qui  a  rallié  les  suffrages 
de  tous  les  savants.  Leurs  travaux  ont  pour  principale  base, 
un  acte  destiné  à  servir  de  pièce  à  l'appui  d'une  supplique 
que  les  parents  devaient  adresser  à  la  duchesse  pour  en 
obtenir  quelques  secours.  En  ce  qui  concerne  notre  sujet, 
nous  croyons  donc  pouvoir  établir  avec  eux  : 

1°  Que  l'empereur  Charles-Quint  fit  la  connaissance  de 
Jeanne  Van  der  Ghcenst  pendant  son  séjour  à  Audenarde. 

2°  Que  ce  fut  au  château  des  ducs  de  Bourgogne  et  non 
celui  d'Escornaix. 

s"  Que  Marguerite  Van  der  Gheenst  loin  d'avoir  été  re- 
gardée comme  fille  adoptive  de  la  comtesse  d'Hoogstraeten, 
dont  la  différence  de  rang  l'excluait  incontestablement,  a 

(1)  Deux  épisodes  romantiques  ont  été  écrits  sur  le  même  sujet .-  ]"un,  rem- 
pli d'inexactitudes  d"un  bout  à  Tautre,  est  intitulé  :  A  la  belle  étoile,  par  Auguste 
Arnould,  auteur  de  Struensce;  l'autre,  entièrement  conforme  aux  mœurs  du 
temps,  jiorlc  pour  titre  :  Un  premier  amour  de  Charles  Quint,  par  31.  le  baron 
Jules  de  Saint-Genois. 

(2)  Messager  des  Sciences  cl  des  Arts,  année  1856,  page  417. 

(5)  Recherches  historiques  sur  l'origine  maternelle  de  .Mai-guerilc  de  Parme. 
Gand,  1842. 


—  399  — 

été,  selon  loule  vraisemblance,  attachée  au  service  de  la 
comtesse,  au  château  de  Bourgogne,  en  qualité  de  suivante 
ou  de  fille  de  chambre. 

Quatre  ans  plus  tard,  Charles,  comte  de  Lalaing,  baron 
d'Escornaix,  seigneur  de  Brakele  et  de  S'-Aubin,  près  de 
Douai,  terminait  ses  jours  au  château  de  Bourgogne  dont 
il  était  capitaine.  Successivement  conseiller  et  chambellan 
de  l'empereur  Maximilien,  de  Philippe  le  Beau  et  de  Tem- 
pereur  Charles-Quint,  et  chevalier  de  la  Toison  d'or,  il 
obtint,  en  1522,  l'érection  de  sa  baronnie  en  comté.  Son 
service  funèbre  fut  célébré  le  1"  août,  avec  pompe  dans 
l'église  de  S"'-Walburge.  Il  fut  enterré  à  S'-Aubin,  dans 
l'abbaye  des  Prés,  ordre  de  Citeaux.  Une  pierre  lumulairc 
placée  dans  le  chœur  de  l'église,  portait  l'inscription  sui- 
vante : 

Cy  fjist 
Mcssire  Charles,  premier  comte  de  Lalaing,  baron  d'Escornay,  seigneur  de 
Brade  et  de  S^-Aubin  en  Douay;  en  son  tems  conseiller  et  chambellan  de  1res 
haut  et  très  puissant  prince  Maximilien,  roy  des  Romains,  et  don  Philippe  de 
Castille,  et  de  l'empereur  Charles  V  du  nom;  chevalier  de  l'ordre  de  la  toison 
d'or,  gouverneur  et  capitaine  du  chasieau  et  ville  d'Audenardc,  fit  plusieurs 
voyages  tant  en  guerre  qu'en  paix,  et  eust  à  femme  Jacqueline  de  Luxembourg; 
curent  plusieurs  beaux  enfants  ensemble,  et  ayant  toute  sa  vie  vécu  calhoUcquC' 
ment,  vray  amateur  de  noblesse,  Irespassa  chevalier  sans  reproche  à  l'vage  ds 
59  ans,  au  dict  chasteau  d'Audenardc,  le  18  Juillet  1325. 

Son  épouse  Jacqueline  de  Bavière,  continua  de  séjourner 
le  reste  de  sa  vie  au  château.  La  famille  à  laquelle  elle 
appartenait  était  également  illustre.  Elle  était  fille  ainée 
de  Jacques  I"  de  Luxembourg,  seigneur  de  Fiennes,  de 
Sotteghem  et  d'Arc-Enghicn;  chevalier  de  la  Toison  d'or, 
gouverneur  de  Douai.  Sa  mère,  Marie  de  Berlaymont,  était 
noble  dame  de\'ille,  de  la  Hamayde,  de  Pommerœul,  d'IIau- 
lerange  et  de  Vasières.  Jacqueline  de  Luxembourg  expira 
au  château  en   1544  (i),  laissant  quatre  enfants  savoir  : 

(I)  Ilcni  bclaclt  voor  cen  uutvaert  by  sccpcnen  cnde  by  dcn  advyse  van  dcn 


—  400  — 

1»  Charles,  second  comle  de  Lalaing. 

2"  Philippe  de  Lalaing,  comte  d'IIoogslraelen,  seigneur 
de  Ville,  de  Doorzeele,  de  Leuzc,  etc.  Nommé  grand-hailli 
à  Audenarde,  il  se  contenta,  ainsi  que  son  père,  du  titre 
de  capitaine  du  château  d' Audenarde  et  de  Peteghem,  Dans 
la  suite,  il  fut  crée  chevalier  de  la  Toison  d'or,  gouverneur 
de  Gueldre  et  de  Zutphen,  etc.  Ce  fut  lui  qui  posa  en  1526, 
la  première  pierre  de  notre  magnifique  hôtel-de-ville;  ce  fut 
encore  lui,  qui  par  sa  ferme  contenance  au  château,  pendant 
les  trouhles  de  1 559,  prévint  les  horreurs  de  la  guerre  civile 
dans  notre  cité,  ainsi  qu'on  va  voir. 

3"  Anne  de  Lalaing,  d'abord  chanoinesse  à  Mous,  mariée 
ensuite  à  Evrard,  baron  de  PoUant,  seigneur  de  Culenbourg 
et  de  Witthem. 

4°  Marguerite  de  Lalaing,  mariée  à  Jean,  vicomte  de 
Montfort-sur-Yssel. 

L'année  1539  fut  une  époque  de  trouble  dans  les  princi- 
paux centres  de  population  de  la  Flandre,  et  Audenarde  en 
ressentit  plus  que  toute  autre  ville  le  funeste  contre-coup. 
Retraçons-en  brièvement  les  principales  phases  qui  se  ratta- 
chent à  notre  objet. 

Le  dernier  jour  de  la  kermesse  du  faubourg  de  Bevere 
avait  attiré  dans  cette  commune  un  concours  de  monde, 
composé  principalement  d'ouvriers  et  d'industriels.  Une 
agglomération  s'y  étant  formée,  plusieurs  cris  séditieux  se 
firent  entendre.  Vers  les  6  heures  du  soir,  une  troupe 
de  ces  agitateurs  entra  en  ville,  en  poussant  des  vociféra- 
tions horribles,  à  travers  lesquelles  on  distinguait  des  cris 


raede  gliedaen  docnc  binnen  der  procliic  kerekc  van  S'-Wouborghe  descr 
slcde,  in  lavencssc  van  der  ziclc  van  lioogh  edele  cndc  mogliende  vrauwc, 
vranvvc  Jacqueline  van  Luxemborch,  cnz.,  overleden  int  casieel  van  dcn  prin- 
clic  diîscr  slcde,  alwacr  zou  liaer  leefdaglien  ghercsideert  cnde  glicwoonl  liecft, 
brecderverclacrtin  een  quoyerkcninlioudcndc  parliculariteyt...  LIIJ  L.  VI  sch. 

(Comples  de  la  ville,  année  1544). 


401 


contre  l'arrivée  (run  corps  de  troupes  étrangères  du  côté 
de  llenaix.  Sur  la  grande  place,  le  cri  de  :  Aux  armes! 
partit  de  la  foule,  et  le  nombre  des  malveillants  grossit  de 
minute  en  minute.  Toutes  les  remontrances  de  la  part  des 
notables  de  la  ville  furent  vaines.  La  fermentation  devint 
si  grande,  le  tumulte  si  impétueux  qu'aucune  barrière  ne 
pût  en  arrêter  le  cours.  Après  s'être  portés  devant  la  de- 
meure du  pensionnaire  Auvaing,  qu'ils  font  prisonnier, 
puis  devant  celle  du  bourgmestre,  où  le  concours  des  no- 
tables fut  efficace,  plusieurs  émeutiers  enfoncent  les  portes 
de  la  halle,  enlèvent  toute  l'artillerie  et  la  rangent  sur  la 
place.  Entretemps  le  gros  des  séditieux  s'était  précipité  à 
la  lueur  d'une  infinité  de  torches  et  au  cri  :  feu!  feu!  vers 
le  château  pour  empêcher  l'adjonction  d'une  garnison  de 
ce  côté.  On  somme  le  capitaine  Philippe  de  Lalaing  de 
venir  au  marché,  donner  des  ordres  en  sa  qualité  de  capi- 
taine. Il  répond  avec  sang  froid  qu'il  est  hors  d'heure  et 
qu'il  avisera  pour  le  lendemain.  Peu  satisfaits  de  cette 
réponse  et  prévoyant  qu'il  serait  inébranlable  au  sujet  de 
l'entrée  du  château,  ils  lui  demandent  l'ouverture  de  la 
tour  de  Bourgogne  et  de  celle  appelée  Maleghys  (i),  pour 
être  à  même  d'observer,  disent-ils,  les  communications  du 
château  avec  la  campagne.  Mais  il  n'obtiennent  pas  plus  de 
satisfaction  sur  ce  point. 

Entretemps  la  grande  place  était  devenue  un  foyer  d'in- 
surrection. A  l'enlour  des  pièces  d'artillerie  enlevées,  sta- 
tionnait une  foule  délirante  et  déchaînée.  En  un  instant, 
cette  masse  s'ébranle  et  court  en  désordre  vers  le  château. 
Cette  fois,  elle  apporte  à  l'appui  de  ses  prétentions  cin(| 


(I)  Ccdc  tour,  silnée  à  droite  du  clu\tcau,  faisiiil  partie  des  rorlificalions  de 
la  ville.  Elle  fut  démolie  en  1577. 

«  Belaclt  Pieter  Wcbbcglieer,  Jacop  ende  Gillis  De  Rycke,  voor  lafbreken 

vnu  tien  lorre  fçenaenipt  Maelgliys LX  /,.  par.  » 

(Comptes  de  la  ville,  année  lo77). 

29 


—  402  — 

pièces  (l'artillerie.  Deux  de  ces  pièces  sont  placées  dans 
deux  tours  de  la  ville  contiguës  au  château;  les  trois  autres 
sont  braquées  sur  le  grand  pont  en  pierre,  les  bouches 
tournées  vers  cette  forteresse.  Les  séditieux  croyaient  sans 
doute,  par  cet  appareil  formidable,  ébranler  une  contenance 
qui  avait  résisté  aux  clameurs  et  aux  menaces.  Il  n'en  fut 
rien.  Toutes  les  précautions  étaient  prises,  et  le  capitaine 
de  Lalaing  vit  arriver  le  flot  populaire  avec  une  fermeté 
pleine  de  calme  qui  imposa  aux  séditieux. 

Il  était  onze  heures  du  soir.  Désespérés  de  rien  obtenir, 
la  foule  se  dissipa  lentement,  laissant  des  postes  armés 
autour  du  château  et  sur  le  pont,  et  le  reste  de  la  nuit 
s'écoula  paisiblement. 

Le  lendemain  7  octobre,  à  la  pointe  du  jour,  après  s'être 
réunie  au  marché,  la  masse  populaire  se  porte  de  rechef 
vers  la  forteresse  pour  y  renouveler  ses  prétentions.  Comme 
la  veille,  elle  proteste  de  ses  bonnes  intentions  et  conjure 
le  capitaine  de  se  rendre  au  marché,  en  lui  offrant,  en  gage 
de  sincérité,  plusieurs  étages.  Philippe  de  Lalaing,  appa- 
remment afin  de  traîner  les  choses  en  longueur,  demande 
qu'on  veuille  mettre  les  articles  par  écrit,  ce  qui  est  ac- 
cepté.  Dans  l'intervalle,  plusieurs  insurgés  renouvellent 
leurs  tentatives  sur  la  tour  de  Bourgogne  (i);  deux  pièces 
sont  traînées  sur  le  bord  du  fleuve;  mais  si  leurs  eflorts 


(1)  La  reine  informée  journellement  par  les  soins  de  Philippe  de  Lalaing, 
de  l'élal  des  choses  à  Audcnardc,  lui  écrivit,  le  li  octobre,  la  lettre  suivante, 
relative  à  la  réparation  du  château  et  de  la  tour  de  Bourgogne  :  «  Monsieur 
d'Escornaix,  si  vous  trouvez  qu'il  soit  bcsoing  et  nécessaire  de  faire  aucunes 
réparations  et  ouvraigcs  au  chasteau  d'Audenarde,  pour  la  garde  et  seurcté 
d'iceluy,  et  mêmes  à  la  grosse  tour  dite  de  Bourgoingne,  nous  vous  ordonnons 
que,  à  diligence,  y  faites  besognyer,  à  la  moindre  charge  et  plus  grand  prouflit 
de  l'Empereur,  mon  seigneur  et  frère,  que  possible  vous  sera,  selon  la  fyance 
que  Sa  Majesté  et  nous  en  avons  en  vous.  —  A  tant,  monsieur  d'Escornaix, 
Notre  Seigneur  vous  ait  en  sa  garde.  —  Escript  à  Bruxelles  le  XIIIJ'=  jour 
d'octobre  XY»  XXXIX.  » 

(Uelation  des  troubles  de  Gand  sous  Charles-Quint,  par  .M.  Gachard). 


—  403  — 

(.Icmeurcnt  infruclucux,  les  propos  séditieux  ne  cessent  pas. 

Les  choses  en  étaient  à  ce  point,  lorsqu'arriva  niessirc 
de  Gavre,  seigneur  de  Nokere.  Accueilli  comme  en  triom- 
phe, il  se  rend  au  château,  avec  quehiues  notables  de 
la  ville  pour  tâcher  de  vaincre  l'inflexible  obstination  du 
capitaine;  après  une  longue  discussion,  dans  laquelle  ils 
épuisent  tous  les  arguments  possibles,  De  Lalaing  consent 
à  envoyer  son  frère  au  marché;  mais  aussitôt  la  multitude 
s'écrie  :  «  Ce  n'est  pas  l'homme  que  nous  demandons,  »  et 
court  envahir  la  maison  de  la  Cueillette,  qui  est  détruite 
de  fond  en  comble.  La  forteresse  est  de  nouveau  cernée, 
et  la  foule  persiste,  à  grands  cris,  à  demander  l'occupation 
de  la  tour  de  Bourgogne,  ofTrant  au  capitaine  d'y  mettre 
dix  hommes  de  son  choix  et  attachés  à  l'empereur.  Enfin, 
obsédé  de  conseils  et  forcé  de  céder  à  la  nécessité,  De  La- 
laing sortit  du  château,  accompagné  seulement  de  son 
page;  il  laissa  le  commandement  de  la  garnison  à  son  frère. 
Le  peuple  le  suivit  en  foule  jusqu'à  l'hôtel-de-ville,  en 
disant  :  voilà  notre  capitaine!  Aussitôt  la  cloche  de  la  halle 
appelle  de  sa  voix  lugubre  les  différentes  corporations  dans 
leur  local  respectif.  Dès  cet  instant,  les  forces  des  meneurs 
sont  appuyées  par  celles  des  corps  de  métiers.  Dans  le  local 
de  la  corporation  de  S'-.Michel,  Jean  Van  den  Broucke 
sauta  sur  la  table,  et  harangua  ses  confrères,  en  disant 
qu'il  fallait  établir  une  ligne  de  circonvallation  autour  du 
château,  s'emparer  de  vive  force  de  la  tour  de  Bourgogne 
et  y  mettre  un  poste.  Ce  discours  fut  appuyé  par  Guillaume 
Van  den  Driessche,  mais  la  proposition  fut  rejetée  (i). 

Pendant  ce  temps,  la  multitude  amoncelée  autour  de 
De  Lalaing,  lui  renouvella  les  mêmes  demandes  et  l'engagea 
instamment  à  lui  dire  la  vérité  touchant  l'arrivée  prochaine 
d'une  garnison  étrangère. 

(I)  Audciiaci-ilschc  Mongi-liiigm,  I<"  dcol,  p.  50  cl  scq. 


—  404  — 

Alors,  plein  de  sang  froid,  Philippe  de  Lalaing  déclara 
solennellement  sur  sa  vie  et  son  honneur  qu'un  tel  bruit 
était  sans  fondement,  et  exhorta  le  peuple,  dans  les  termes 
les  plus  touchants,  à  s'apaiser.  Un  calme  profond  succéda 
à  ces  paroles,  et,  comme  le  soir  approchait,  la  foule  se  re- 
tira lentement  et  en  bon  ordre. 

Là  aboutirent  les  événements  relatifs  à  la  tentative  d'occu- 
pation du  château  et  de  la  tour  de  Bourgogne.  Ils  ne  furent 
que  le  prélude  des  maux  qui  fondirent  dans  la  suite  sur 
toute  la  ville,  et  dont  nous  épargnons  au  lecteur  les  affli- 
geants détails. 

S'il  nous  est  permis  d'apprécier,  en  passant,  le  caractère 
de  ce  soulèvement  populaire,  nous  dirons  qu'il  a  eu  pour 
principe  l'augmentation  des  impôts  et  la  stagnation  du 
commerce,  pour  prétexte,  l'arrivée  d'une  garnison,  et, 
pour  signal,  liniliative  de  la  ville  de  Gand.  Et  quant  à  la 
part  secrète  que  les  Gantois  y  ont  eue,  à  en  juger  par  la 
simultanéité  des  troubles,  il  est  naturel  de  croire  qu'ils  ont 
été  concertés.  Les  lettres  échangées  entre  les  meneurs  des 
deux  villes  et  la  présence  d'un  Gantois,  au  fort  du  tumulte, 
viennent  du  reste  confirmer  cette  opinion. 

Le  châtiment  ne  tarda  pas  de  suivre.  Le  bras  énergique 
de  l'empereur  s'appesantit  avec  vigueur  sur  les  principaux 
coupables.  .Jean  Van  den  Broucke  et  Guillaume  \'an  den 
Dricssche  qui  avaient  proposé  d'élever  une  ligne  de  circon- 
vallation  autour  du  château,  furent,  le  premier,  décapité, 
et,  le  second,  banni  (i). 

(1)«  Jehan  Van  den  Broucke  a,  le  dit  jour  (de  mai),  au  dit  Audenarde,  esté 
exécuté  par  l'espée,  suivant  l'ordonnance  et  sentence  de  sa  dite  Majesté. 

»  Guillaume  Van  den  Driessclie  a,  le  dit  V<^  jour  de  ma}',  au  dit  Audenarde, 
esté  mis  sur  ung  eschaffault,  et  fut  perchiez  sa  langue  et  banni  hors  les  pays 
de  sa  dite  Majesté,  et  tous  ses  biens  confisquiez  au  prouffyt  de  Sa  Majesté.  » 

(Relation  des  troubles  de  Gand  sous  Cliarles-QuinI,  par  M.  Gacliard.  Appen- 
dice, p.  503). 

Ghesien   tproecs   criminelic  glicinstruccrt  jeghens  Jan  Van  den  Broucke, 


—  40o  — 

Eli  déployant  une  sévénlô  si  rigide,  Ciiarles-Quinl  croyait 
extirper  à  tout  jamais  les  germes  de  la  révolte.  Nous  ne 
tarderons  pas  à  voir  combien  ses  espérances  furent  vaines. 

En  1548,  le  landgrave  de  Ilesse-Cassei,  comte  de  Cat- 
seneluljoge,  de  Dietz,  de  Zigenheym  et  de  Mdda,  était  re- 
tenu prisonnier  dans  le  chàleau-fort  d'Audenarde.  Voici 
les  circonstances  fatales  qui  amenèrent  l'infortune  de  cet 
illustre  captif. 

Charles-Quint,  dans  son  expédition  contre  les  princes 
luthériens,  venait  de  gagner  la  bataille  de  Muhlberg.  L'élec- 
teur de  Saxe,  un  des  principaux  chefs  de  la  confédération 
allemande,  y  fut  fait  prisonnier.  Il  ne  restait  plus  que  le 
landgrave  de  Hesse  qui  eut  pu  faire  quelque  résistance; 
mais  ce  prince  n'osant  point  lutter  avec  des  forces  inéga- 
les contre  un  adversaire  aussi  redoutable,  se  rendit  au 
camp  impérial  pour  y  faire  sa  soumission.  Là,  le  duc 
d'Albe  enfreignant  toutes  les  lois  de  la  guerre  et  de  l'huma- 
nité, commande  à  sa  garde  espagnole  d'entourer  le  land- 
grave et  de  l'emmener  en  lieu  de  sûreté.  Une  fois  maître 
des  deux  principaux  ressorts  de  la  ligue  protestante,  l'em- 
pereur retourna  en  Flandre,  traînant  à  sa  suite  les  deux 
malheureux  princes,  et  les  offrant  ainsi  en  spectacle  dans 
chaque  lieu  qu'il  traversait. 

Le  22  septembre,  le  landgrave  de  Hesse  arriva  à  Aude- 
nardc.  Il  était  escorté  de  cent  trente-sept  fantassins  et  de 
quarante  cavaliers  de  la  gendarmerie  espagnole,  tirés  du 
régiment  de  Lombardie,  et  commandés  par  le  capitaine  don 
Juan  de  Guevara  (t).  On  le  conduisit  immédiatement  au 

alias  incllcr  Hume,  belasl  van  dat  mcn  iiiiicmen,  cndc  bewaercn  zoudc  den 
torrc  van  Bourgognien;  dat  men  ccncn  graclil  niaken  zoudc  achler  tcastcel, 
oni  te  beletien  tgarnisocn  dat  daer  inné  niel  commcn  en  zoude,  etc. 

(Audcnaerdsche  Mengclingen,  I>'  deel,  p.  212). 
(I)  C'était  le  sort  de  la  ville  d'être  niolcslée  par  des  troupes  étrangères. 
—  La  garde  espagnole,  pendant  son  séjour  à  Audenardc,  y  commit  plusieurs 
actes  de  violence  qui  nécessitèrent  l'intervcnlion  de  l'alcade. 

(Comptes  de  la  ville,  année  lliiS). 


—  406  — 

château.  Pendant  son  séjour  dans  cette  forteresse,  deux  de 
ses  pages  âgés  de  12  ans,  et  élevés  dans  la  religion  luthé- 
rienne, reçurent  dans  l'église  de  Paniele  les  premiers  sacre- 
ments de  la  religion  catholique  (i). 

Vingt-et-un  mois  plus  tard,  l'infortuné  captif  fut  conduit 
à  la  citadelle  de  Malines,  où  il  fut  retenu  avec  son  autre 
compagnon  d'infortune,  Jean  Frédéric,  électeur  de  Saxe, 
jusqu'au  traité  de  Passau,  qui  accorda  la  liherté  de  religion 
aux  protestants  et  qui  fit  évanouir  les  espérances  que 
Charles-Quint  avait  conçues  de  rendre  l'autorité  impériale 
absolue  et  héréditaire  dans  sa  famille. 

(La  suite  à  la  prochaine  livraison). 

EdxMOnd  Van  der  Straeten. 


(I)  AutlcnacrJschc  Mcngcliugcn,  III^  dcel,  p.  8.  —  La  Vie  de  rcnincrcur 
Charles  V,  par  Lcli,  t.  III,  p.  289. 


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—  -107  — 


2ean  iJc  Oenloo, 

FONDEUR    DU   XVc    SIÈCLE. 


Les  fonts  de  l'église  de  Saint-Martin  à  Wyk-iMaestiiclit, 
qui  datent  des  premières  années  de  la  renaissance  de  l'art 
dans  ce  pays,  nous  conservent  le  nom  d'un  habile  artiste 
du  XV^  siècle,  qui  n'est  point  connu  jusqu'à  présent  ou 
qui  l'est  peu. 

Jean  de  Venloo  est  l'auteur  de  ce  beau  vase  en  style 
renaissance,  coulé  en  cuivre  jaune.  C'est  un  nom  d'artiste 
de  plus  à  inscrire  parmi  ceux  qu'on  a  découverts  depuis 
quelque  temps,  et  dont  l'existence  nous  est  révélée  par 
son  œuvre  seule,  car  les  anciens  biographes  n'ont  pas  fait 
mention  de  lui. 

Le  vase  de  Saiut-.Marlin  à  Wyk  porte  Tannée  1482 
et  prend  date,  par  conséquent,  quarante-six  ans  après  les 
fonls  en  cuivre  de  l'église  Notre-Dame  de  Hal,  dont  l'au- 
teur, Willau7ne  Le  Febvre,  fondeur  en  laiton  à  Tournay, 
fut  le  premier  signalé  par  le  Messager  des  Sciences  histo- 
riques de  Belgique,  en  1856  (i).  Le  contemporain  de  cet 
habile  fondeur  fut  donc  Jean  de  Venloo,  artiste  limbour- 
geois,  dont  nous  publions  l'œuvre  par  notre  dessin  repré- 
sentant les  fonts  de  Saint-Martin,  avec  leur  couvercle  qui 
fut  ajouté  au  bassin  plus  de  deux  siècles  après,  en  1717. 
Dans  cet  élégant  lavacrum  qui  révèle  le  beau  temps  de  la 

(1)  Vol.  I8ÔG,  p.  292 


—  408  — 

reiuiissancc  de  l'art,  et  qui  fut  sans  doute  un  des  premiers 
qu'on  exécuta  dans  ce  goût  dans  le  Limbourg,  le  style 
ogival  est  complètement  abandonné.  Sa  lige,  posant  sur 
un  pied  largement  profilé,  porte  la  coupe  ornée  de  mou- 
lures et  de  six  tètes,  avec  quelques  ornements  de  détail, 
tels  que  l'arcature  sur  le  bord  du  bassin,  la  découpure 
en  quatre  feuilles  du  pied,  formes  qui  rappellent  seules 
l'art  ogival,  entièrement  abandonné  pour  le  reste  dans  ce 
travail. 

Les  bénitiers  et  les  fonts  sont  généralement  ornés  de 
têtes.  Ces  têtes  rappellent  les  boucbes  par  lesquelles  l'eau 
s'écoulait  des  bassins  des  anciens  lavacra;  ainsi  les  fonts 
sont  une  réminiscence  de  l'eau  vivante  des  fontaines  et  des 
rivières  où  les  premiers  chrétiens  se  lavaient  avant  d'être 
bénits;  c'est  le  Jourdain  dans  lequel  saint  Jean  le  Précur- 
seur baptisait  le  Christ.  Au  Musée  royal  d'antiquités  de 
l'État  se  trouve  la  représentation  d'un  baptême,  sculpture 
exécutée  dans  un  rétable  de  l'époque  ogivale.  Les  fonts  y 
représentent  une  fontaine,  ornée  de  tètes  qui  vomissent 
l'eau  dans  un  second  bassin  entourant  le  pied  de  la  coupe 
principale.  Ces  tètes,  qu'on  retrouve  à  presque  tous  les 
anciens  fonts  et  auxquelles  elles  ne  servent  plus  que  comme 
ornement,  sont  différemment  représentées.  Leur  caractère 
varie  d'après  l'époque  où  le  meuble  fut  exécuté;  leurs 
coiffures  se  ressentent  du  temps  où  l'artiste  vivait.  Tantôt 
une  chevelure  abondante  s'échappe  en  boucles  sous  une 
sorte  de  diadème,  comme  sur  notre  planche  des  fonts  de 
Saint-Martin,  tantôt  elles  sont  coiffées  d'un  bonnet  ou  ca- 
puchon, comme  sur  le  bénitier  de  Bilsen,  où  elles  portent 
des  coiffures  variées  (sauf  les  mutilations  qu'elles  ont  su- 
bies), dans  le  goût  du  temps,  comme  aux  fonts  en  pierre 
du  Musée  royal  d'antiquités  de  l'Etat. 

Notre  planche  au  trait  des  fonts  de  Wyk-Maestricht 
donnera  une  idée  des  formes  de  ce  vase,  dont  la  coupe 


—  409  — 

avt'C  son  pied  est  seule  Tœuvre  de  Tliabile   fondeur  de 
Venloo  (i). 

Cette  coupe,  d'un  profil  gracieux  et  pur,  couverte  de 
belles  moulures,  est  en  harmonie  avec  sa  lige  et  son  pied, 
décorés  des  mêmes  ornements.  Son  bord  supérieur  est  dé- 
coré d'une  arcalure  en  forme  d'anse  de  panier  et  la  i)late- 
bandc  du  pied  est  découpée  en  trèfle  à  quatre  feuilles,  ce 
qui  donne  de  la  légèreté  à  cette  partie  de  la  fonte.  Sur  la 
partie  horizontale  sont  gravées  en  creux  des  arabesques  en 
feuillage,  mêlés  à  celte    inscription  en  caractères  gothiques: 

Joan       de  Venloo    me       fit     ranuée  du  Seigneur  14-82    (2). 

Nous  espérons  que  les  elTorts  constants  des  artistes  et 
des  archéologues  à  découvrir  et  à  signaler  les  monuments 
de  l'art  convaincront  les  conseils  de  fabrique  de  l'impor- 
tance des  anciens  meubles  d'église  dont  la  conservation  leur 
est  confiée,  et  qu'ainsi  une  foule  de  monuments  curieux 
nous  seront    conservés. 

Arn.  Schaepkens. 


(1)  Les  fonts  présentent,  avec  le  couvercle  et  la  croix,  une  hauteur  d'envi- 
ron l'n,90.  Le  couvercle  est  en  cuivre  battu. 

(2)  Jean  de  Venloo  fut  également  fondeur  de  cloches.  La  cloeiic  du  village 
(1  tsloo  dans  le  Limbourg  fut  coulée  par  lui  en  1480,  romme  Tindiquc  une 
inscrijilion  qu'on  lil  sur  celte  cloche. 


—  410  — 


(iUljromiîuc  bes  $cknce$  H  l)($  ^rts,  et  Dariétés. 


s«0«< 


Troisième  Congrès  littéraire  holla>do-belge.  —  Ce  troisième  congrès  s'est 
tenu  à  Bruxelles  les  50,  51  août  et  1"  septembre  dernier;  les  discussions  en 
ont  été  suivies  avec  la  même  assiduité,  avec  la  même  attention  qu'aux  deux 
congrès  précédents,  qui  eurent  lieu  à  Gand  en  1849  et  à  Amsterdam  en  1830. 
Parmi  les  nombreux  hommes  de  lettres  et  savants  hollandais  qui  y  ont  pris 
part,  nous  nous  plairons  à  citer  MM.  Des  Amorie  Van  der  Hoeven,  membre  de 
rinstilut  néerlandais;  le  célèbre  romancier  Van  Lennep,  Alberdingk-Thym, 
De  Yries,  Koenen,  Suringar,  Schleijer,  De  Jager,  Bogaers,  le  poète  couronné 
du  morceau  écrit  en  l'honneur  de  la  reine  des  Belges,  Ten  Kate,  Van  Lee, 
Ruysch.  Cette  intéressante  assemblée,  présidée  avec  beaucoup  de  dignité  et 
d'impartialité  par  M.  Nolet  de  Brauwere  van  Steeland,  s'est  occupée  d'un 
grand  nombre  de  sujets  littéraires  et  particulièrement  de  la  confection  d'un 
dictionnaire  général  pour  toutes  les  contrées  qui  parlent  la  langue  flamande 
ou  hollandaise.  La  session  du  troisième  congrès  a  été  close  le  lundi,  Je'  sep- 
tembre, par  la  nomination  d'uu  comité  permanent  chargé  de  l'organisation 
provisoire  des  congrès  suivants.  Celui  de  Tannée  prochaine  aura  lieu  à 
Utreclit.  Nous  ne  finirons  pas  sans  dire  combien  les  discussions  vraiment 
scientifiques  qui  ont  eu  lieu  pendant  ces  trois  jours,  ont  ofifert  de  l'intérêt 
pour  l'avenir  de  la  langue  et  de  la  littérature.  Nous  signalerons  particulière- 
ment un  long  rapport  de  M.  De  Vries  sur  la  rédaction  définitive  du  Diction- 
naire en  question,  rapport  dont  la  lecture  a  été  écoutée  pendant  quatre 
heures  avec  la  plus  religieuse  attention,  tant  ce  document  se  distinguait  par 
un  savoir  profond  et  un  judicieux  esprit  de  critique.  —  Des  trois  congrès 
littéraires  tenus  jusqu'ici,  c'est  celui  de  Bruxelles  où  la  question  linguistique 
a  fait  le  plus  de  progrès. 

QiEL  EST  le  vrai  NOM  DE  RoLAXD  De  Lattre?  —  C'cst  le  8  Septembre  1831 
que  S.  A.  R.  le  duc  de  Brabant  est  venu  poser  la  première  pierre  du  monu- 
ment, que  les  habitants  de  .Mons  ont  décidé  d'élever  à  leur  célèbre  concitoyen, 


—  411  — 

le  compositeur  Roland  De  Lattre  ou  De  Lassus,  chanté  avec  tant  iléloquencc 
et  de  verve  patriotique  par  un  autre  enfant  de  cette  ville,  l'énergique  poëte 
Adolphe  Mathieu.  C'est  toujours  avec  un  vif  sentiment  de  plaisir  et  d'orgueil 
national  que  nous  enregistrons  ces  soleniiilés  publiques,  réparatrices  d'un 
long  oubli  et  qui  prouvent  une  fois  de  plus  que  la  Belgique,  pour  être  indus- 
trielle et  agricole,  n'a  pas  abdiqué  le  sentiment  des  beaux-arts,  ni  renoncé 
au  culte  de  l'intelligence,  ni  perdu  le  souvenir  des  noms  glorieux  de  ses  fastes 
artistiques  et  littéraires.  A  l'occasion  de  celle  belle  cérémonie,  M.  Emile  Cachet 
a  publié  une  fine  et  spirituelle  lettre,  qui  contient  des  vérités  trop  réelles  pour 
que  nous  ne  nous  empressions  pas  de  la  reproduire  dans  notre  recueil  : 

Monsieur, 

Voici  une  étrange  aventure,  qui  prouve  une  fois  de  plus  que  les  grands  hom- 
mes ne  sont  pas  à  l'abri  de  la  mauvaise  fortune,  même  après  leur  mort,  quoi- 
que le  poëte  en  ait  dit.  La  justice  de  la  postérité?  Erreur!  —  L'espoir  de 
léguer  leur  nom  au  pays  qui  les  a  vus  naître?  Abus  et  déception  ! 

Les  Monlois  viennent  de  poser  la  première  pierre  du  monument  qu'ils  veu- 
lent élever  à  Roland  De  Lattre,  et  il  s'agit,  si  on  les  en  croit,  d'un  célèbre 
compositeur  qui  vivait  au  XYI^  siècle,  dont  le  génie  fut  admiré  du  monde 
entier,  et  qui  est  vulgairement  connu  sous  le  nom  d  Orlando  Lasso. 

î\'esl-on  pas  surpris  tout  d'abord  de  cette  singulière  idée  qu'on  a  eue  de 
donner  à  Orlando  Lasso  un  autre  nom  que  le  sien?  Si  le  maestro  l'avait  voulu, 
il  aurait  bien  pu  sans  doute  conserver  le  nom  de  De  Lattre,  et  s'il  ne  l'a  pas 
fait,  a-t-on  donc  le  droit  de  le  lui  donner?  Que  diriez-vous  de  gens  qui,  mé- 
connaissant le  nom  de  Voltaire,  s'acharneraient  à  vouloir  y  substituer  celui 
d'.lrouct.  Ceci  me  rappelle  encore  le  célèbre  Pielro  Candido,  dans  lequel  il 
faut  reconnaître  le  nom  du  Flamand  Pierre  De  Wit.  Et  sans  doute,  je  le  veux 
bien,  mais  laissez  au  moins  à  l'artiste  le  nom  sous  lequel  il  s'est  illustré. 

Je  le  répète,  établir  un  pareil  système,  c'est  vouloir  forcer  tout  le  monde  à 
apprendre  une  nouvelle  histoire,  et  jeter  sur  le  carreau  plus  d'un  grand  homme 
devenu  méconnaissable.  Ainsi,  par  exemple,  connaissez-vous  l'illustre  Schivar- 
zerd?  i\on,  assurément.  Et  pourtant  ce  Schwarzcrd,  c'est  le  fameux  réfor- 
mateur Mvlanchton,  que  vous  connaissez,  j'en  suis  sur,  et  qui  avait  jugé  bon 
de  traduire  en  grec  son  nom  allemand. 

Mais  il  y  a  mieux  pour  le  fait  qui  nous  occupe,  c'est  que  Roland  De  Lattre 
est  un  mythe;  Roland  De  Lattre  n'a  jamais  existé.  Ce  nom  n'est  pas  même  la 
traduction  de  celui  qu'on  veut  exprimer,  et  Orlando  Lasso  peut  à  bon  droit 
s'indigner  dans  sa  tombe  d'une  pareille  substitution. 

Voyons  d'abord  l'origine  de  ce  quiproquo. 

Henri  Dclmotte,  archiviste  de  Mons  et  littérateur  Irès-spirilucl,  voulut  un 


—  -il2  — 

jour,  dans  son  aflfeclion  pour  sa  ville  natale,  réveiller  le  souvenir  du  grand 
compositeur  du  XVI»;  siècle,  et  il  lui  consacra  une  curieuse  et  intéressante 
notice.  Or,  on  savait  qu"Orlando  Lasso  était  né  à  Mons  et  que  son  père  avait 
eu  des  démêles  avec  la  justice  pour  avoir  fabriqué  de  la  fausse  monnaie.  IVotre 
archiviste  s'évertua  donc  à  chercher  dans  les  registres  judiciaires  du  XY1«  siè- 
cle les  traces  de  la  condarauation  du  faux  monnayeur,  et,  en  effet,  il  rencontra 
vers  répoque  indiquée,  un  certain  De  Lattre  condamné  pour  cette  espèce  de 
crime.  Henri  Delmolte  n'en  demanda  pas  davantage,  et,  dès  lors,  il  fut  évident 
pour  que  le  célèbre  Orlando  Lasso  s'appelait,  en  wallon,  Roland  De  Lattre, 
et  qu"il  avait  tout  simplement  italianisé  son  nom. 

Voilù  donc  Roland  De  Lattre,  jusqu'alors  inconnu,  qui  fait  son  entrée  dans 
le  monde.  La  Belgique  raccucille  avec  sj'mpathie  comme  une  gloire  nationale; 
on  songe  à  lui  élever  une  statue,  ou  écrit  des  vers,  que  dis-je,  un  poëme 
en  son  honneur,  une  société  d'harmonie  se  fait  gloire  de  porter  son  nom  ; 
en  un  mot  il  va  briller  avec  tant  d'autres  étoiles  dans  le  ciel  artistique  des 
Belges. 

Eb  bien  !  ce  n'était  ni  plus  ni  moins  qu'un  grand  homme  débaptisé. 

Si  Henri  Delmotte  avait  agi  prudemment,  il  aurait  laissé  au  grand  compo- 
siteur son  nom  d'Orlando  Lasso,  et  s"il  tenait  à  connaître  le  véritable  nom 
wallon  de  son  héros,  il  n'avait  qu"à  chercher  avec  un  peu  plus  de  patience 
dans  les  registres  de  son  vieux  greffe,  il  aurait  trouvé  que  ce  nom  c'était 
Délassas.  11  y  eut  effectivement  un  condamné  de  ce  nom  vers  la  même  époque, 
demandez  plutôt  à  l'archivisfe. 

Delassus,  on  ne  peut  en  douter,  est  un  nom  du  pays,  qui  veut  dire  de  lu 
haut,  comme  Delavau  signifie  de  là  bas,  en  langage  rouchi  : 

Or  prions  Jhésus 
Qui  ou  ciel  Lassus 
Est,  où  il  se  délitte. 

Comprenez-vous  maintenant  que  ce  mot  Lassus  soit  devenu  en  italien  Lasso, 
rien  de  plus  simple.  De  Lattre,  au  contraire,  comment  l'aurait-on  changé? 
Serait-ce  en  Lalro  ou  Laddro?  La  belle  avance!  car  vous  comprenez  aussi 
pourquoi  notre  musicien  avait  tenu  à  changer  son  nom. 

El  aujourd'hui  où  en  sommes-nous?  Il  y  a  une  société  de  Roland  De  Lattre 
qui  subsiste  depuis  plusieurs  années,  et  dont  le  nom  n'a  aucun  sens;  il  y  a 
un  poëme  à  la  gloire  de  ce  même  Roland,  et  la  rime  aussi  bien  que  la  mesure 
veut  que  le  héros  s'y  appelle  De  Lattre;  entiu  il  y  a  une  médaille  et  il  va  y 
avoir  une  statue!  C'est  à  merveille.  Seulement  Roland  De  Lassus  ou  plutôt 
Orlando  Lasso  serait  bien  surpris  de  voir  tout  cela,  s'il  revenait  en  vie,  et  il 
aurait  le  droit  de  dire  :  «  Que  ne  m'a-t-on  laissé  le  nom  que  j'ai  rciuiu  si  glo- 


—   Ui  — 

rieux?  et  qu'avait-on  besoin  d'aller  chercher  dans  les  mémoires  du  bourreau 
le  nom  <run  misérable  pendu,  pour  le  glorifier  à  la  plarc  du  mien?  » 

Je  voudrais  bien  qu"on  pùf  empêcher  ce  vandalisme  d'un  nouveau  genre. 

Veuillez  agréer,  etc. 

Emile  Cachet. 

CONCOrRS  DRAMATIQrE   I>STITl"É   PAK    LA  SoCIÉTÉ  DES  GeNS  DE  LETTRES    BELGES.   — 

Considérant  que  la  littérature  dramatique  a  sur  l'esprit  des  peuples  une  im- 
portance que  tous  les  législateurs  se  sont  plu  à  reconnaître;  que  c'est  surtout 
au  théâtre  qu'il  est  donné  de  faire  revivre  les  grands  souvenirs  du  passé  et 
d'inspirer,  par  la  peinture  fidèle  des  mœurs  et  des  types  nationaux,  l'amour 
de  la  patrie; 

Le  comité-directeur  de  la  Socicté  des  Gens  de  Lettres  belges,  sur  la  proposi- 
tion d'un  de  ses  membres. 
Arrête  en  principe  : 

Art.  I^"".  Un  prix  consistant  en  une  médaille  de  cinq  cents  francs  ou  pareille 
somme  en  espèces  (au  choix  des  concurrents),  est  institué  par  la  Société  des 
Gens  des  Lettres  belges,  en  faveur  de  la  meilleure  œuvre  dramatique,  enlièrc- 
mcnt  inédite,  dont  le  manuscrit  sera  envoyé  au  comité,  avant  le  l<^r  mai  1852. 

Art.  m.  Les  genres  admis  sont  la  tragédie,  le  drame  et  la  comédie. 

Art.  III.  Le  choix  du  sujet  et  de  ses  limites  est  facultatif,  néanmoins  les 
pièces  tirées  de  l'histoire  nationale  ou  les  éludes  de  mœurs  sérieuses,  auront 
la  préférence  sur  les  sujets  purement  de  fantaisie. 

Art.  IV.  Le  comité  s'engage  à  faire  les  démarches  nécessaires  pour  la  repré- 
sen'.ation  de  l'œuvre  couronnée,  sur  la  scène  d'un  des  théâtres  royaux  de  la 
Belgique.  Cette  représentation  concordera  autant  que  possible,  avec  les  fêtes 
de  septembre,  ainsi  que  la  remise  solennelle  du  prix. 

Art.  V.  Le  jury  sera  composé  de  cinq  membres,  dont  trois  seront  désignés 
par  l'AminisIration  de  la  Société  des  Gens  de  Lettres  belges,-  un  quatrième  sera 
choisi  parmi  les  membres  du  comité  de  lecture  près  des  théâtres  royaux  de 
Bruxelles;  enfin  un  cinquième  sera  nommé  par  le  Gouvernement. 

Art.  VI.  Le  rapport  du  jury  sera  publié  et  distribué  aux  frais  du  comité. 

Am.  VII.  Les  concurrents  joindront  à  leur  envoi  un  billet  cacheté,  conte- 
nant leur  nom  et  leur  adresse.  La  devise  qu'ils  auront  placée  en  tète  de  leur 
œuvre,  sera  répétée  sur  l'enveloppe  de  ce  billet. 

AiiT.  \lll.  Les  manuscrits  des  œuvres  envoyées  au  concours,  resteront  la 
propriété  du  comité. 

Art.  IX.  Des  mesures  seront  prises  pour  empêcher  le  plagiat  ou  l'imitation 
servile. 


—  4U  — 

AiiT.  X.  L'œuvre  couronnée  sera  publiée  par  les  soins  du  comité.  Des  exem- 
plaires de  luxe  en  seront  envoyés  à  toutes  les  sociétés  littéraires  et  à  toutes  les 
bibliothèques  du  royaume. 

Ainsi  arrêté  sommairement  en  séance,  pour  être  développé  par  la  suite 
comme  de  besoin. 

Pour  le  comité, 
Par  ordre  :  Le  Président, 

Le  Secrétaire,  De  Pellaert. 

Louis  Sciioonen. 

Ancienne  pièce  d'artillerie  trouvée  a  Honflecr.  —  Il  a  été  parlé  plusieurs 
fois  dans  le  Messager  des  Sciences  du  grand  Canon  de  Gand.  On  peut  encore 
consulter  à  ce  sujet  Diericx,  Mémoires,  II,  lii;  P. -A.  Le?(z,  Nouvelles  Archives, 
II,  607;  Voisin,  Guide  de  Gand  Ci"  éd.),  p.  500;  F.  De  Vigne,  Sur  l'usage  des 
armes  à  feu.  —  Nous  pensons  qu'on  ne  lira  pas  sans  intérêt  l'article  suivant 
que  nous  extrayons  d'un  journal  français  :  Très-ancienne  pièce  d'artillerie 
trouvée  dans  les  sables  du  Nouveau-Bassin  d'Honfleur.  «  M.  le  directeur  du 
Musée  départemental  d'antiquités  de  Rouen  a  fait  depuis  peu  l'acquisition 
d'une  très-ancienne  pièce  d'artillerie,  trouvée,  il  y  a  deux  ou  trois  ans,  à  sept 
mètres  de  profondeur  au-dessous  du  niveau  des  vases,  dans  l'emplacement 
du  nouveau  bassin  d'Honfleur.  Cette  pièce,  si  l'on  en  juge  par  sa  construction 
extraordinaire  et  lout-à-fait  inusitée,  ne  saurait  remonter  moins  haut  que  le 
commencement  du  XVi^  siècle,  ou  même  que  la  fin  du  XIV".  Elle  est  du  genre 
de  celles  qu'on  appelait  bombardes,  et  qui  étaient  destinées  à  lancer  des  pierres 
et  toutes  sortes  de  projectiles.  Sa  fabrication,  qui  a  dû  présenter  de  nom- 
breuses difficultés,  mérite  une  courte  description.  Elle  est  entièrement  de  fer 
forgé  de  qualité  supérieure.  La  partie  intérieure  du  cylindre  creux  qu'elle 
forme  est  composée  de  huit  larges  bandes,  assemblées  parallèlement,  en  forme 
de  douves  de  tonneau,  et  maintenues  par  une  suite  de  manchons  tubulaires, 
au  nombre  de  dix,  qui  les  enveloppent  complètement. 

Cette  pièce  porte  un  mètre  quatre-vingt  huit  centimètres  de  longueur,  sur 
trente-sept  centimètres  de  diamètre  à  son  embouchure,  ce  qui  lui  donne  plus 
d'un  mètre  de  circonférence  :  son  diamètre  intérieur  est  de  vingt-cinq  centi- 
mètres; elle  pèse  quatre  cent  soixante-neuf  kilogrammes. 

11  n'y  a  rien  d'exagéré  à  prétendre  que  c'est  probablement  la  plus  ancienne 
pièce  d'artillerie  de  cette  construction  qui  soit  aujourd'hui  conservée  dans  les 
eolleclions  de  France.  La  Belgique  seule  peut  lui  opposer  un  monument  d'une 
époque  à-peu-près  contemporaine,  et  fabriquée  de  la  même  manière  :  nous 
voulons  parler  du  fameux  canon  appelé  la  Merveille  de  Gand,  fondu,  assure- 


—  413   — 

l-on,  sous  Philippe  d'Artcvelde,  dans  la  seconde  moitié  du  XIY<=  siècle,  et 
qu'on  admire  encore  aujourd'hui  dans  celle  dernière  ville,  près  de  la  place 
du  Vendredi.  » 

Le  Tombeau  de  l'architecte  Van  Overstraeten.  —  Le  cimetière  du  mont 
S'-Amand,  ù  Gand,  vient  de  s'enrichir  d'un  monument  que  les  amis  des  arts 
ne  contempleront  jamais  sans  éprouver  un  serrement  de  cœur  des  plus  péni- 
bles; parce  qu'ils  se  rappelleront  que  sous  cette  pierre  sépulcrale  repose 
Louis  Van  Overstraeten,  ce  jeune  artiste  plein  d'avenir  dont  l'existence  déjà 
marquée  par  tant  de  triomphes  a  été  brisée  tout-à-coup  et  au  moment  même 
où  de  nouvelles  palmes  raltendaient,  par  une  mort  terrible  dont  le  Messager 
des  Sciences  historiques  a  rendu  compte  (1).  Le  monument  est  adossé  conlre  le 
mur  de  la  chapelle  qui  couronne  la  montagne.  Entre  deux  pilastres  on  admire 
un  beau  bas-relief  dû  au  ciseau  de  notre  habile  sculpteur  Joseph  Geefs-RoelandI, 
beau-frère  du  défunt.  Ce  bas-relief  représente  un  ange  dans  l'attitude  de  la 
prière,  tenant  ses  mains  sur  un  médaillon  retraçant  l'image  du  malheureux 
artiste  que  le  choiera  enleva  à  la  patrie.  Ce  morceau  de  sculpture  parfailcment 
conçu  fait  honneur  à  M.  Geefs.  Voici  l'épilaphe  inscrite  sur  le  monument  : 

Icirepose  Henri-Désiré-Louis  Van  Overstraeten,  né  à  Louvain  le  17  mai  1818. 
décédé  à  Gand,  victime  du  choiera,  le  "^i:  juillet  184-9,  auteur  des  plans  de 
l'église  de  S'-^-Marie  à  Sehaerbeek,  18'45,  de  l'architectonographie  des  temples 
chrétiens,  en  iSiS,  etc.,  etc.,  lauréat  sur  63  concurrents  au  concours  d'archi- 
tecture pour  l'appropriation  des  bas-fonds  de  la  rwe  Royale  à  Bruxelles,  184-7. 
Au-dessus  du  socle  on  lit  :  Ce  souvenir  pieux  a  été  élevé  à  sa  mémoire  par 
son  épouse  Mathilde- Jeanne  Roelandt. 

NÉCROLOGIE.  —  La  Belgique  a  perdu  cette  année  l'un  de  ses  plus  illustres 
compositeurs,  Joseph  Mengal,  chevalier  de  l'ordre  de  Léopold,  membre  de 
l'Académie  royale  et  directeur  du  Conservatoire  de  Gand.  Né  en  cette  ville 
en  1784,  il  y  reçut  les  premières  leçons  de  musique  de  son  père  et  entra  plus 
tard  au  conservatoire  de  Paris,  où  il  remporta  successivement  le  1"  prix  de 
composition  et  le  l"  prix  de  cor. 

Mengal  fit  jouer  au  théâtre  Feydeau  avec  le  plus  grand  succès  une  Nuit  au 
Château  et  les  Infidèles,  opéras-comiques  en  un  acte,  qui  restèrent  l'un  et 
l'auU'e  pendant  plus  de  vingt  ans  au  répertoire. 

Revenu  à  Gand  en  1825,  il  y  fit  représenter  successivement  le  Vampire, 
opéra  en  trois  actes,  et  un  Jour  à  Vaueluse,  opéra-comique  en  un  acle. 

(1)  Voirie  volume  d.'  l'année  18Î9,  p.  3d9. 


—  ne  — 

Nommé  directeur  du  conservatoire  en  1833,  il  écrivit  pour  celte  institution 
nii  grand  nombre  de  morceaux  de  divers  genres,  qui  atteste  des  capacités  mu- 
sicales hors  ligne.  Il  y  forma  une  foule  d'élèves  distingués  et  au  nombre  des- 
quels il  faut  placer  en  première  ligne  le  jeune  Gevaert  qui  remporta  en  1847, 
à  l'âge  de  18  ans,  le  premier  prix  de  composition  musicale  institué  par  le 
gouvernement. 

Décoré  de  l'ordre  de  Léopold  en  1848  en  récompense  de  ses  services,  et 
nommé  membre  du  grand  jury,  il  continua  jusqu'à  ses  derniers  instants  à 
être  utile  à  l'art  dont  il  fut  un  des  principaux  ornements  dans  sa  patrie. 

Il  dédia  à  la  Société  des  Mélomanes  la  dernière  œuvre  sortie  de  sa  plume. 
C'est  le  grand  choeur  intitulé  VInvocation,  dont  la  première  exécution  a  eu 
lieu  le  7  juillet  dernier,  au  concours  de  chant  d'ensemble  ouvert  par  cette 
société.  Ce  morceau  d'une  composition  large  et  pleine  de  mélodie,  dénote  que 
notre  célèbre  compatriote  est  mort  dans  toute  Ténergie  de  son  talent. 

M.  Mcngal  a  beaucoup  produit  et  laisse  dans  des  genres  opposés,  dans  la 
musique  dramatique,  religieuse,  militaire  et  légère,  la  romance,  des  œuvres 
qui  lui  survivront,  surtout  son  Chevalier  errant,  qui  a  été  en  vogue  dans  toute 
l'Europe. 

Puissent  ces  détails  empruntés  aux  journaux  de  Gand  inspirer  à  une  plume 
habile  l'idée  d'écrire  une  biographie  détaillée  dans  laquelle  les  productions 
de  ce  compositeur  seraient  soumises  à  une  analyse  consciencieuse.  Ce  travail 
serait  d'une  grande  utilité  pour  l'art  musical  et  ferait  admirablement  ressortir 
les  beautés  dont  les  œuvres  de  Mcngal  fourmillent. 


VanDenBossche  Pinx 


Ch.  On^hena  Se. 


yyi^k<f  ^  //^/^^^^^^ 


—  417  — 


Hobert  €)dxas  bT)uc>bc0l)em. 


C'est  presque  toujours  dans  la  vie   [Tivce  que  repose 
le  secret  de  la  vie  publique. 

Db  LiMAnnsp,  Histoire  des  Girondins. 


Robert-Emmanuel-Adrien-Ghislain  Helias  d'Hlddegiiem, 
qui  consacra  sa  trop  courte  existence  au  service  de  sa 
patrie  et  de  la  cité  qui  l'avait  vu  naître  et  où  il  mourut 
le  31  janvier  1851,  était  issu  d'une  famille  qui  pendant 
des  siècles  a  fourni  des  magistrats  distingués  à  la  Flandre, 
et  dont  il  hérita  les  vertus  et  les  éminenles  qualités  indis- 
pensables aux  hautes  fonctions  judiciaires  qu'il  remplit 
pendant  les  dernières  années  de  sa  vie. 

En  1817  il  fut  appelé  au  siège  de  juge  du  tribunal  de 
première  instance  à  Audenarde,  pour  occuper  deux  ans  plus 
lard  les  mêmes  fondions  dans  la  capitale  de  la  Flandre. 

En  1850,  il  devint  Président  du  tribunal  de  l''  instance, 
et  lors  de  l'organisation  judiciaire  qui  eut  lieu  en  1852,  il 
arriva  à  la  Cour  d'appel  en  qualité  de  Président  de  cliambre. 

Ayant  embrassé  les  principes  de  la  révolution  de  1850, 
il  fut  envoyé  au  Congrès  national  pour  y  prendre  part  aux 
travaux  qui  devaient  donner  à  la  Belgique  une  constitution 
que  l'Europe  considère  aujourd'hui  comme  le  chef-d'œuvre 
des  lois  fondamentales,  (i)  Dans  cette  circonstance  encore, 


(1)  Pour  bien  se  rendre  compte  des  services  qu'IIclias  d'IIuddcglicm  rendit 
au  pays,  il  es!  nécessaire  de  consulter  les  Discussions  du  Conyris  nalionnl  de 
lu  BelfjiqHc  1830-1831,  mises  en  ordre  et  publiées  par  le  chevalier  Emile 
Iluyltens,  grelVier  de  la  Chambre  des  représciilanls;  o  volumes  gr.  in-S». 
Bruxelles,  1844-18ia. 

18S1.  -  30 


—  -UB  — 

la  haute  opinion  que  l'on  s'élait  formée  des  connaissances 
législatives  et  des  sentiments  patriotiques  de  Robert  Helias 
d'Huddeghem,  ne  fut  point  déçue.  «  Il  y  prit  comme  tou- 
»  jours,  dit  M.  Philippe  Van  de  Velde,  particulièrement  à 
»  cœur  les  intérêts  des  Flandres  et  principalement  ceux  de 
»  la  ville  de  Gand;  car  c'est  à  ses  démarches,  à  son  insis- 
»  tance,  à  sa  persévérance  surtout,  que  nous  sommes  en 
»  grande  partie  redevables  de  l'institution  de  la  Cour  d'ap- 
»  pel  des  deux  Flandres;  cet  acte  de  patriotisme  est  à  la 
»  connaissance  de  plusieurs  d'entre  nous,  et  personnelle- 
»  ment  nous  pouvons  l'attester  (i).  » 

Tant  de  services  rendus  à  la  patrie  méritaient  une  ré- 
compense qui  ne  se  fît  pas  attendre.  Par  arrêté  royal  du 
7  août  1845,  Robert  Helias  d'Huddeghem  qui  était  déjà 
décoré  de  la  Croix  de  fer,  fut  nommé  chevalier  de  l'ordre 
de  Léopold.  Pendant  plusieurs  années  il  siégea  à  la  Cham- 
bre de  représentants,  et  continua  à  occuper  jusqu'à  sa  mort 
la  dignité  de  Président  à  la  Cour  d'appel  des  deux  Flandres. 
Mais,  de  toutes  ces  dignités,  il  n'en  est  aucune  qui  le  flatta 
autant  et  dont  il  se  sentit  plus  fier  et  plus  heureux,  que  de 
celle  de  conseiller  communal  de  la  ville  de  Gand,  qui  lui 
fut  conférée  par  mandat  électif  du  23  août  1848.  Dans 
ses  moments  d'épanchcment  de  cœur,  il  disait  souvent  à 
ses  amis  :  que  cette  élection  était  la  seule  récompense  qu'il 
eut  jamais  ambitionnée,  parce  qu'il  la  devait  au  suffrage 
libre  et  spontané  de  ses  concitoyens,  et  qu'il  obtenait  ainsi 
de  leur  part,  l'approbation  la  plus  complète  de  sa  conduite 
judiciaire  (2). 

A  tous  ces  mérites,  Helias  d'Huddeghem  qui  avait  mon- 
tré d'heureuses  dispositions  pour  les  travaux  de  l'esprit, 
dispositions  qui  se  réalisèrent  bientôt  par  des  succès  aussi 


(1)  Discours  prononcé  par  le  Président  Ph.  Van  de  Velde,  sur  la  tombe 
Roliert  Helias  d'Huddeghem. 

(2)  Discours  du  Président  Van  de  Velde. 


—  419  — 

brillanls  que  soutenus  dans  ses  éludes,  à  tous  ces  méri- 
les,  dis-je,  il  joignait  encore  celui  d'écrivain  instruit  et 
judicieux, 

Nous  avons  de  lui  un  ouvrage  imprimé  à  Gand  en  1850, 
in-8%  chez  Xixn  Ryckegem-IIovaere,  traitant  de  radminis- 
iration  de  la  justice  aux  Pays-Bas,  sous  le  ministère  de 
Van  Maanen,  avec  une  analyse  des  principaux  procès  cri- 
minels politiques  et  des  autres  persécutions  depuis  1815, 
jusqu'au  25  août  1850;  et  une  autre  brochure  intitulée  : 
Précis  historique  des  institutions  judiciaires  de  la  Belgique 
depuis  les  temps  les  plus  recidés  jusc/u'à  ce  jour.  Bruxelles, 
H.  Tarlier,  1851,  in-8°. 

Dans  l'avant-propos  de  ce  dernier  écrit,  l'auteur  en  es- 
quissant à  grands  traits  les  qualités  qui  distinguent  le 
magistrat  éclairé,  probe  et  intègre,  s'est  à  son  insu  dépeint 
lui-même  dans  les  lignes  suivantes. 

«  Il  est  aussi  important  que  les  magistrats  de  l'ordre 
judiciaire  soient  entourés  de  toute  la  considération  que  ces 
hautes  fonctions  réclament;  ils  sont  tout  à  la  fois  les  dis- 
pensateurs de  la  Justice  et  les  interprètes  de  la  Loi;  placés 
à  la  tète  des  peuples  pour  protéger  l'innocence  et  pour 
punir  le  vice  :  il  est  donc  juste  de  ne  confier  l'adminis- 
tration de  la  Justice  qu'à  ces  personnages  distingués  par 
leur  savoir,  par  leur  probité,  et  par  leur  assiduité  au  tra- 
vail, qui  sont  prêts  à  sacrifier  au  bien  public  et  leurs  talents 
et  leurs  plaisirs,  et  presque  tous  les  moments  de  la  vie.  Il 
faut  de  ces  hommes  courageux  qui,  aux  prises  avec  l'homme 
puissant,  soutenu  de  ce  que  la  faveur  peut  avoir  de  plus 
redoutable,  ne  craignent  point,  en  sacrifiant  sans  balancer 
leurs  plus  justes  espérances,  de  devenir  avec  joie  les  vic- 
times illustres  de  la  droiture  et  de  la  probité;  qui  sourds 
aux  promesses  de  la  fortune,  se  renferment  glorieusement 
dans  le  sein  de  la  vertu  :  aucun  mélange  de  passions,  d'in- 
térêt, d'amour-propre  ne  pourrait  troubler  la  pureté  des 
fonctions  de  leur  ministère.  » 


—  420  — 

Tous  ceux  qui  out  connu  Robert  Helias  d'IIuddeghcm, 
le  reconnaîtront  à  cet  énergique  et  noble  langage. 

Ces  deux  écrits  ne  sont  pas  les  seuls  qull  ait  laissés. 
J'ai  sous  les  yeux  un  manuscrit  précieux  auquel  il  tra- 
vaillait depuis  longtemps  et  même  jusque  peu  de  jours 
avant  sa  mort,  avec  toute  l'ardeur  de  Técrivain  pénétré  de 
l'importance  de  son  sujet.  Dans  cet  ouvrage,  dont  le  Précis 
des  institutions  judiciaires  n'était  que  le  premier  jalon,  il 
trace  d'une  manière  aussi  consciencieuse  que  nette  l'his- 
toire de  la  Justice  dans  les  provinces  belges.  Voici  le  titre 
de  cette  œuvre  posthume  : 

Institutions  judiciaires  de  la  Belgique  depuis  les  temps 
les  plus  reculés  jusqu'à  7ios  jours. 

Il  suffit  pour  apprécier  ce  travail  que  l'auteur  n"a  pu 
achever,  de  jeter  un  coup-d'œil  sur  la  table  des  matières 
qui  y  sont  traitées;  la  voici  : 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Première  époque  de  rorganisation  judiciaire.  —  Assemblées  générales  ou 
comices. 

CHAPITRE    I. 
Anciens  Germains. 

SECTION    PRÉLIMIKAIRE. 

SECTION   n. 
Mœurs  des  Germains. 

SECTION    III. 

De  lélat  primitif  de  la  société  chez  les  Germains. 

CHAPITRE    II. 
Origine  et  premier  état  du  pouvoir  judiciaire  des  Germains. 

SECTION    1. 

Circonstances  particulières  qui  ont  eu  de  Tinflucnce  sur  les  institutions 
judiciaires  des  Germains. 

SECTION    II. 

Premier  état  de  l'organisation  judiciaire  des  Germains. 

SECONDE  PARTIE. 

Seconde  époque  des  institutions  judiciaires,  Des  plaids  ou  assemblées  dites  : 
Placila  minora. 


—  421  — 

CHAPITRE    UXIQIE. 

Coufédcralion  des  nations  germaniques  pour  obtenir  des  établissements 
nouveaux.  —  Agrandissement  de  leurs  états.  —  Organisation  nouvelle  de 
l'ordre  judiciaire. 

SECTIOX    I. 

La  réunion  des  petites  peuplades  forme  des  gouvernements  plus  étendus. 
—  Les  pouvoirs  se  divisent  et  la  circonscription  des  états  est  changée.  —  Les 
Francs  Germains  devenus  maîtres  de  la  Belgique  y  changent  la  division 
territoriale  et  civile  des  Romains. 

SECTION    II. 

Division  des  pouvoirs. 

SECTION    m. 

Des  comtes.  —  Leurs  attributs,  comment  ils  étaient  installés. 

SECTION    IV. 

Des  vicaires,  vicarii,  vice-comités,  deuxième  classe  des  officiers  judiciaires. 

SECTIOU  v. 

Des  centurions,  troisième  classe  des  officiers  judiciaires. 

SECTION    VI. 

Classes  d'habitants.  —  Les  hommes  libres  concourent  aux  jugements  des 
plaids. 

SECTION  VII. 

DifTérents  plaids  ou  placila. 

SECTION  VIII. 

Lieux  des  séances.  —  Composition  et  forme  des  plaids. 

SECTION    IX. 

Vestiges  de  la  procédure  devant  les  plaids. 

SECTION  X. 

Des  délibérés,  des  jugements  et  de  leur  exécution  dans  les  plaids. 

SECTION    XI. 

Des  lois  et  des  usages  qu'on  a  suivis  à  partir  du  YI^  siècle  au  X"  siècle. 

TROISIÈME  PARTIE. 

Troisième  époque  des  institutions  judiciaires.  —  Les  échevins,  scabini, 
escabini,  escapini,  judices. 

CHAPITRE    I. 

Institution  d'une  classe  d'hommes  libres  tenus  de  se  rendre  aux  plaids 
lorsqu'ils  étaient  convoqués. 

SECTION    I, 

Des  causes  qui  ont  obligé  les  souverains  à  prendre  des  mesures  en  faveur 
des  hommes  libres,  ou  arimans,  et  à  faire  cesser  les  vexations  à  leur  égard. 

SECTION    H. 

De  l'institution  des  échevins-jugcs. 


—  422  — 

SECTIOK    111. 

Des  assises  ou  rjouding  el  vicrschaere,  précédées  d\iiie  franche  vérité,  éla- 
blies  par  rcinpereur  Cliarlemagnc. 

SECTION    IV. 

De  la  procédure  civile  et  des  jugements  devant  les  échevins. 

SECTION  V. 

De  la  procédure  criminelle  et  du  droit  criminel  avant  le  régime  féodal. 

CH.\PITRE    II. 
Transition  au  régime  féodal. 

SECTION    I. 

De  l'état  de  la  société  à  la  première  introduction  des  bénéfices. 

SECTION    II. 

Des  bénéfices.  —  Avantages  des  vassaux. 

SECTION    III. 

Des  seigneurs.  —  Obligations  du  seigneur  et  des  fidèles  ou  féaux. 

SECTION    IV. 

Différence  entre  les  juridictions  libres  et  les  juridictions  propres  ou  terri- 
toriales. Les  premières  concernaient  les  hommes  libres,  les  autres  les  serfs, 
les  colons,  les  vassaux. 

QUATRIÈME  PARTIE. 

Quatrième  époque.  —  Des  institutions  judiciaires,  féodalité,  jugements  par 
pairs,  cours  et  tribunaux  des  seigneurs.  —  Haute  et  basse  justice.  —  Cours 
féodales. 

CHAPITRE    I. 

Fiefs  héréditaires.  —  Deuxième  période  féodale. 

SECTION    I. 

Comment  les  fiefs  s'établirent  en  France  et  en  Belgique. 

SECTION    II. 

De  la  survivance  des  honneurs  et  des  bénéfices,  fiefs  héréditaires,  feodum. 

SECTION    III. 

Origine  des  justices  héréditaires,  de  la  juridiction  disciplinaire.  Des  pro- 
priétaires des  villac. 

SECTION    IV. 

Division  des  justices  seigneuriales,  en  haute,  basse  et  moyenne  justice. 

SECTION  V. 

Jugements  par  les  pairs  des  parties  dans  les  justices  seigneuriales.  —  Les 
affaires  relatives  aux  voisinages  se  jugeant  pareillement  par  des  voisins. 

SECTION    VI. 

Organisation  des  cours  de  jiislire  des  seigneurs.  —  Observations  sur  les 
cours  féodales. 


—  423  — 

SECTION  VII. 

De  la  ]ii'ort''(luri'  civile  cl  criiuiiielle  ilaiis  les  Iribiuiaux  el  le»  cours  seigneu- 
riales el  féodales. 

SECTION  VIII. 

Des  plaintes  pour  tléni  de  justice,  ou  pour  faux  jugements.  —  Introduction 
des  appels  dans  la  pratique  judiciaire. 

CH.\PITRE    II. 
Féodalité  générale.  —  Troisième  période  féodale. 

SECTION    I. 

L'axiome  :   nulle  terre  sans  seigneur,  gouverne  presque  tous  les  pays  de 
l'Europe. 

SECTION    II. 

Des  lois  el  des  usages  qu'on  a  suivis  dans  les  tribunaux  et  les  cours  féodales 
depuis  le  dixième  jusf/u'au  Ircizii-me  siècle. 

II  est  à  regretter  que  Tauteur  n'ait  pas  eu  le  temps  de 
terminer  cet  intéressant  ouvrage  qui  jette  certainement  un 
grand  jour  sur  l'iiistoire  judiciaire  de  la  Belgique.  Le  plan 
en  est  heureusement  conçu;  les  sources  les  plus  respecta- 
bles, les  modernes  comme  les  anciennes,  y  sont  scrupuleu- 
sement citées,  et  partout  règne  ce  sage  esprit  de  critique, 
cachet  de  l'historien  sérieux.  Espérons  que  ces  utiles  tra- 
vaux ne  seront  pas  perdus  pour  la  science,  et  que  ce  ma- 
nuscrit complété  par  quelque  main  habile,  recevra  bientôt 
la  publicité  dont  il  est  digne. 

Robert  Helias  d'Huddcghem  était  fils  d'Emmanuel-Fran- 
çoi.s-Josep!i-AIoïse,  écuyer,  seigneur  de  Vlienderghem  qui, 
pendant  sa  longue  carrière,  occupa  sous  les  divers  gouver- 
nements qui  se  sont  succédés  depuis  la  fin  du  siècle  dernier 
jusqu'en  J8Ô8,  époque  de  sa  mort,  de  hautes  et  d'impoi- 
lanles  fonctions  administratives,  souvent  diÛiciles  à  remplir 
au  milieu  de  l'agitation  des  partis.  Mais  dans  ces  diverses 
positions,  cet  homme  de  bien  sut  toujours  se  concilier  l'es- 
time de  ses  concitoyens,  tout  en  restant  inébranlablement 
attaché  à  ses  coiiviclions  polilitiucs.  Il  avait  épousé  en  1790 
au  château  d'Ovghem,  Marie-Caroline-Gliishiine  comtesse 
(le  Lem,  issue  de  l'une  des  plus  illustres  familles  du  pays. 
Robert  Ilelias  d'Huddcghem,  fruit  de  celte  union  épousa  en 


—  424  — 

premières  noces,  le  M  mai  1855,  Ilélène-Marie-Gliislaiiie 
Kervyn,  dont  il  n'eut  point  de  postérité,  et  en  secondes 
noces,  le  26  juin  1843,  Angélique-Hyacinthe  Van  der 
Brugrjen,  qui  lui  donna  un  fils  (i). 

Le  Président  Ilelias  d'Iîuddegliem  laisse  une  belle  biblio- 
thèque et  un  grand  nombre  de  manuscrits  d'un  haut  intérêt 
pour  notre  histoire  nationale,  dont  plusieus  de  son  bisaïeul 
maternel,  le  vice -président  Fa/i  f/er  Vynckt,  l'illustre  auteur 
de  V Histoire  des  Troubles  du  Pays-Bas  sous  Philippe  II. 

Gand,  septembre  1851. 

K.  deV. 


Nous  faisons  suivre  ici  le  discours  prononcé  par  M.  le 
président  Ph.  Van  de  Velde  sur  la  tombe  de  Robert  Helias 


d'Huddeghem 


Messieurs  ! 


Une  circonstance  bien  douloureuse  nous  réunit  aujourd'hui  :  la  Cour  supé- 
rieure des  deux  Flandres  vient  de  perdre  l'un  des  chefs  distingués  qui  la  pré- 
sident; la  ville  de  Gand  se  voit  enlever  l'un  de  ses  magistrats  municipaux. 

La  mort  nous  a  ravi  Robert-Emmanuel  Helias  d"Huddegliem;  celte  perte, 
que  naguère  encore  rien  ne  devait  faire  augurer,  est  d'autant  plus  affligeante 
qu'elle  nous  prive  d'un  collègue  dans  toute  la  vigueur  de  l'âge,  qui  aurait  pu 
longtemps  encore  participer  ù  nos  travaux,  et  continuer  les  services  réels 
qu'il  a  rendus  à  sou  pays. 

Robert-Emmanuel  Ilelias  d'Huddeghem  appartenait  à  l'une  des  familles 
distinguées  de  Gand,  dont  plusieurs  membres  illustrèrent  le  barreau,  ainsi  que 
la  magistrature  des  Flandres. 

Brûlant  du  désir  de  marcher  sur  les  traces  de  ses  aïeux,  il  se  livra  de  bonne 

(1)  Dans  l'histoire  généalogique  et  héraldique  de  quelques  familles  de 
Flandre,  par  Kervyn  de  Volkacrsbeke,  on  trouve  celle  de  la  maison  Helias 
d'Huddeghem. 


—  425  — 

lieui-c  à  l'étude  dus  lois,  et  déjà  à  Tàge  de  2G  uns.  il  se  vil,  en  1817,  aiipelc 
à  un  siège  de  juge  au  tribunal  de  !''«  instance  d"Audenacrde;  il  s'y  fit  distin- 
guer par  son  zèle  et  son  activité  :  aussi  fut-il,  deux  ans  après,  nommé,  en  la 
même  qualité,  au  tribunal  du  clief-lieu  de  la  province.  Nous  l'y  avons  tous 
connu,  et  nous  savons  avec  quelle  droiture,  quelle  équité,  quelle  justice  et 
quel  esprit  de  conciliation,  il  s'acquittait  de  ces  importantes  fonctions. 

En  1830  il  fut  placé  à  la  tète  du  même  tribunal,  d'où  il  passa,  lors  de 
l'organisation  de  1832,  ù  la  Cour  d'appel,  comme  président  de  chambre.  Il  y 
continua  à  développer  toutes  les  qualités  qui  constituent  un  magistrat  par- 
fait, et,  après  avoir,  pendant  un  quart  de  siècle,  exercé  ces  fonctions  judi- 
ciaires avec  distinction,  il  fut,  à  la  satisfaction  générale,  décoré  de  l'ordre  de 
Léopold. 

Modeste  dans  sa  manière  de  vivre,  il  ne  reclierchait  pas  les  honneurs  : 
remplir  conscicnsieusement  les  obligations  que  lui  imposait  la  haute  dignité 
dont  il  était  revêtu,  c'était  là,  sa  seule  préoccupation,  son  seul  désir;  il  ne 
recherchait  autre  chose  que  l'amitié  de  ses  collègues,  l'assentiment  du 
barreau  et  la  bienveillance  de  ses  compatriotes  :  aussi  nous  a-t-il,  dans  ses 
épanchements,  plus  d'une  fois  répété  que  l'élection  récente,  qui  l'a  fait  entrer 
au  conseil  communal,  était  la  seule  récompense  qu'il  avait  jamais  ambition- 
née, parce  qu'il  la  devait  au  suffrage  libre  et  spontané  de  ses  concitoyens, 
et  qu'il  y  obtenait  de  leur  part,  l'approbation  la  plus  complète  de  sa  conduite 
judiciaire. 

En  1850  il  fut  appelé  au  Congrès  :  il  n'entre  pas  dans  nos  vues  de  vous 
énumérer  ici  les  actes  de  haute  politique  auxquels  il  concourut  directement  : 
il  me  suffira  de  dire  que,  dans  cette  position,  il  prit,  comme  toujours,  parti- 
culièrement à  cœur  les  intérêts  des  Flandres  et  principalement  ceux  de  la 
ville  de  Gand;  car  c'est  à  ses  démarches,  à  son  insistance,  à  sa  persévérance 
surtout,  que  nous  sommes,  en  grande  partie,  redevables  de  l'institution  de 
la  Cour  d'appel  des  deux  Flandres;  cet  acte  de  patriotisme  est  à  la  connais- 
sance de  plusieurs  d'entre  nous,  et  personnellement  nous  pouvons  l'attester. 

Vous  parlerai-je  de  sa  vie  privée  :  rempli  de  sentiments  religieux,  chari- 
table, toujours  disposé  à  rendre  service  à  ceux  auxquels  il  pouvait  être  utile, 
voilà.  Messieurs,  en  deux  mots  les  qualités  et  les  vertus  qui  se  trouvaient 
réunies  en  lui;  il  méritait  certes  de  jouir  d'un  parfait  bonheur  domestique, 
mais  la  Providence,  qui  a  voulu  l'éprouver,  en  avait  disposé  autrement  :  des 
pertes  bien  pénibles  sont  venues  successivement  l'affliger,  et,  de  tout  ce  qui 
lui  avait  été  si  cher,  il  n'avait  conservé  qu'un  fils  sur  lequel  devait  se  porter 
désormais  toute  sa  sollicitude. 

Tel  était.  Messieurs,  le  magistrat  que  nous  regrettons,  tel  était  Ihonime 
privé  que  vient  de  perdre  une  famille  éplorce. 


—  426  — 

Après  avoir  pendant  trente-trois  ans  rendu  k  chacun  une  justice  pater- 
nelle, mais  sévère  et  équitable,  il  attendait  avec  calme  et  confiance  Tarrèt 
définitif  de  celui  auquel  chacun  devra,  tôt  ou  tard,  rendre  compte  des  actions 
qu'il  aura  posées  sur  cette  terre  de  résignation. 

Pour  lui-même.  Messieurs,  il  ne  redoutait  aucunement  cet  instant  suprême  : 
mais  il  devait  abandonner  ici-bas  un  être  débile  et  faible,  dont  le  sort  futur 
a  dû  nécessairement  absorber  et  attrister  ses  derniers  moments. 

Etre  menacé  de  se  voir  enlever  la  douce  satisfaction  de  présider  à  l'éduca- 
tion d'un  enfant  chéri  qui  n"a  plus  de  mère,  se  voir  priver  de  l'espoir  de  le 
diriger  vers  la  carrière  dans  laquelle  lui-même,  ainsi  que  la  plupart  de  ses 
ancêtres,  ont  occupé  un  rang  supérieur,  est  une  idée  qui  a  dû  Taffliger,  et 
qui  était  de  nature  à  aggraver  les  germes  de  la  maladie  qui  vient  de  l'enlever. 
Dans  ces  moments  d'amère  réflexion,  il  n"aura  pu  chercher  de  consolation 
que  dans  la  certitude  de  trouver,  dans  sa  famille,  plusieurs  membres  qui 
sauront  consciencieusement  remplir  les  vues  qu'il  avait,  et  qui  entreprendront 
et  surveilleront  l'éducation  qu'il  destinait  à  son  fils. 

C'était  là,  collègue  tant  regretté,  la  préoccupation  de  vos  derniers  instants; 
mais  tranquilisez-vous  :  du  haut  du  ciel,  où  les  actes  de  votre  vie  publique 
et  privée  doivent  vous  faire  admettre  parmi  les  élus,  vous  verrez  revivre 
dans  ce  rejetton  toutes  les  vertus  héréditaires  qui  brillaient  chez  vous  et  dont 
vos  collègues  garderont  à  tout  jamais  le  souvenir. 

Adieu  !  après  avoir,  pendant  si  longtemps  sur  cette  terre,  rendu  d'une 
manière  aussi  digne  la  justice  à  vos  concitoyens,  avec  confiance  présentez- 
vous  là  haut,  à  votre  tour  la  justice  divine  vous  attend  et  vous  réserve  sa 
récompense. 


—  427  — 


notice  l)iôtorxquc 


SCR 


L'ANCIEN  CHATEAU  DE  BOURGOGNE, 

A  AUDENARDE  (1). 


D'autres  prisonniers  non  moins  illustres  subirent  une 
triste  captivité  dans  la  même  forteresse.  A  la  suite  de  la 
prise  de  Térouanne,  un  des  plus  forts  boulevards  de  la 
France,  dont  il  ne  reste  plus  aujourd'hui  que  le  souvenir, 
une  grande  partie  de  la  noblesse  française  qui  s'était  pré- 
cipitée au  secours  de  la  place,  tomba  entre  les  mains  des 
Espagnols.  Ce  furent  les  seuls  débris  qui  échappèrent  à  la 
fureur  de  l'armée  victorieuse,  et  que  les  Espagnols,  plus 
avides  d'or  qu'humains  et  cléments.,  consentirent  à  recevoir 
en  otages. 

Dix-huit  de  ces  gentilshommes  avec  leurs  gardes  et  leurs 
domestiques  furent  transférés  à  Audenarde  et  enfermés  dans 
le  château  de  la  manière  la  plus  étroite.  Un  état  de  dépenses 
dressé  le  11  septembre  loo6,  par  le  capitaine  Cortewille, 
et  communiqué  par  M.  Van  Lcrberghe,  nous  livre  exacte- 
ment leurs  noms.  Les  voici  : 

Charles,  seigneur  de  Culant,  lieutenant  de  la  compagnie 
du  duc  d'Etampes. 

Cherf,  capitaine. 

(1)  Suite  el  fin.  Voir  page  585. 


—   '.28  — 

Sébastien  ClKunbullain. 

De  Genly. 

Jacques  De  la  Roche. 

Jacques  de  Courcelies. 

Antoine  de  Mallortie. 

Antoine  De  la  lîaye. 

Jean  de  Vesin. 

Jean  de  Lefebure  (dit  Buisson). 

Nicolas  de  Gonnelieu. 

Le  Vivier. 

Balthasar  de  Vaulon. 

Jean  Mombre  (dit  Pirez). 

Adolphe  Desmarquetz. 

Philibert  Depuis  (dit  Warrou). 

De  Gargar. 

Lesmary,  capitaine. 

Ces  trois  derniers,  malgré  toutes  les  précautions,  parvin- 
rent à  s'évader  nuitamment  à  travers  la  tour  de  Bourgogne; 
mais  ils  furent  bientôt  surpris  par  un  lieutenant  de  la  forte- 
resse d'Atb,  dans  les  terres  de  la  seigneurie  de  Ligne  et 
réintégrés  dans  le  lieu  de  leur  captivité.  La  ville  d'Aude- 
narde  était  tenue  d'avancer  provisoirement  les  fonds  néces- 
saires, tant  pour  leur  entretien  que  pour  leur  traitement 
qui  s'élevait  à  cent  quatre-vingt  couronnes  d'or  par  mois. 
Ces  avances,  tirées  des  revenus  de  la  ville,  au  milieu  des 
circonstances  les  plus  critiques,  et  prolongées  pendant  plus 
de  trois  ans  consécutifs,  soumirent  notre  cité  à  de  pénibles 
sacrifices  (i). 

(1)  (De  slc(le) hecft  geslotcn  de  voornaoïnde  Francoisen  en  liaer  guarde 

le  gheven  traitement  van  gelde,  ter  maende  bedraegende  tôt  zcstien  gcvan- 
ghene,  zes  huerlicder  knacpcn,  en  XII  personnen  voor  hucrlieder  guarde,  tôt 
180  gaude  croonen,  te  vecrlig  stnyvers  stuc,  de  niacnd,  op  de  incomsien  dcr 
stede naer  dal  zy  bevonden  licbbcn  niet  gestaet  te  wczen  overmits  hucr- 
lieder groolc  laslen  Iselvc  furnisseinent  te  continueren,  zoo  hcbben  zy  voorts 
ghccontinucerd  by  verkooping  van  lyfrcnlen  tcn  laste  dezcr  slcde. 

(Comptes  de  la  ville). 


—  429  — 

En  I5S6,  les  captifs  recouvrèrent  successivement  leur 
liberté  moyennant  une  grosse  rançon.  Ils  firent  place  à  deux 
autres  gentilshommes  de  la  première  noblesse  de  France, 
le  connétabie  de  Montmorency  et  son  quatrième  fils.  Ce 
fut  à  la  suite  de  la  victoire  glorieuse  du  duc  d'Egmont  à 
S'-Qiientin,  victoire  qui  ravit  aux  Français  environ  quatre 
mille  hommes  et  plus  de  deux  cents  nobles,  qu'ils  furent 
emmenés  à  Audenarde  et  confiés  à  la  garde  du  capitaine  de 
la  forteresse.  Le  connétable  était  dangereusement  blessé  à 
Tépaule  gauche  d'un  coup  d'arquebuse.  Quand  Tillustre 
vainqueur  passa  à  Audenarde,  il  alla  visiter  les  infortunés 
captifs  et  les  fit  traiter  avec  tous  les  égards  dûs  à  leur  mal- 
heur et  à  leur  rang  (1.5o8). 

JVous  voici  arrivés  à  un  des  plus  intéressants  épisodes 
historiques  qui  aient  rapport  à  notre  sujet.  Nous  voulons 
parler  du  siège  du  château  de  Bourgogne  par  les  Gueux 
en  1572,  et  des  horreurs  qui  le  suivirent. 

La  ville  d'Audenarde,  malgré  une  enceinte  peu  étendue, 
avait  à  cette  époque  une  population  fort  industrieuse  et  une 
bourgeoisie  considérable,  qui  lui  donnaient  une  importance 
politique  qu'elle  a  perdue  depuis.  Une  lettre  de  Philippe 
de  Lalaing,  adressée  à  la  reine  gouvernante  (i),  nous  ap- 
prend que  douze  à  quatorze  mille  personnes  y  vivaient  du 
métier  de  tapisseur. 

Depuis  six  ans,  Audenarde  était  agitée  par  des  divisions 
et  des  troubles  incessants,  dont  l'origine  et  les  progrès  sont 
suffisamment  connus.  On  commençait  pourtant  à  espérer 
la  paix.  Malgré  les  odieuses  vexations  d'une  garnison  étran- 
gère, les  bourgeois  étaient  prêts  d'acheter  aux  plus  pénibles 
sacrifices,  un  repos  devenu  nécessaire.  Malheureusement, 
par  suite  de  ces  désordres,  de  noinbreux  ouvriers  étaient 
sans  travail,  et  le  découragement  gagnait  promptemcnt  tous 
les  habitants. 

(1)  Relation  des  (roubles  de  Gand  sous  Charles-Quint,  par  M.  Gachard. 


—  no  — 

Un  décret  intempeslif  du  duc  d'Albe,  venait  de  livrer 
au  dernier  supplice  plusieurs  fauteurs  de  troubles  et  d'en 
bannir  quelques  autres.  Au  nombre  de  ces  derniers,  se 
trouvait  un  jeune  homme  remuant  et  audacieux,  désigné 
depuis,  dans  l'histoire,  sous  le  nom  de  capitaine  Blommaert. 
Il  appartenait  à  une  des  plus  honnêtes  familles  bourgeoises 
de  la  ville.  Aigri  plutôt  que  soumis  à  la  suite  de  cet  arrêt,  il 
s'était  dévoué  corps  et  àme  aux  novateurs,  et  il  puisait  dans 
la  vengeance  le  courage  des  plus  audacieuses  tentatives. 
Devenu  habile  et  expérimenté  dans  l'art  de  la  guerre  sous 
les  drapeaux  du  prince  d'Orange,  il  avait  pris  Flessingue(i), 
et  cet  exploit  lui  avait  valu  le  titre  de  capitaine.  Il  avait 
reçu  dès  lors  une  mission  plus  importante  :  celle  d'appuyer 
les  mouvements  de  défense  que  faisait  Maurice  de  Nassau 
sur  toute  la  ligne  de  l'Escaut  et  de  s'emparer  de  sa  ville 
natale.  Un  stratagème  habilement  combiné  venait  de  lui  en 
ouvrir  les  portes.  A  la  tète  d'une  troupe  d'ouvriers,  de 
paysans,  d'aventuriers,  connus  sous  le  nom  de  Gueux, 
Blommaert  s'était  facilement  rendu  maître  des  autorités 
altérées  par  la  frayeur  et  mal  soutenues  par  une  garde 
bourgeoise  numériquement  faible  et  peu  disciplinée. 

Toutefois,  il  lui  restait  encore  un  pas  à  faire.  Le  château 
des  ducs  de  Bourgogne,  quoique  en  partie  délabré,  pouvait 
offrir  une  longue  résistance.  Ses  larges  fossés,  ses  hautes 
murailles  flanquées  de  tours,  sa  double  enceinte  protégeaient 
encore  efiicacement  l'assiégé  contre  toute  insulte.  Sa  posi- 
tion favorisait,  au  surplus,  l'entrée  clandestine  de  troupes 
royales.  Aussi,  bien  que  maîtres  de  l'artillerie,  les  rebelles 
ne  jugèrent  pas  prudent  de  s'aventurer  plus  avant  dans  la 
ville  et  d'exercer  leurs  brigandages,  avant  de  s'être  empa- 
rés de  cette  forteresse. 

A  l'approche  de  l'orage,  le  gouverneur  du  château,  le 

(1)  Audenacrdsche  Mengeliugcn,  Ile  Jccl,  p.  284. 


—  VA  — 

brave  et  vaillant  Cortewillc,  dont  le  nom  est  à  jamais  impé- 
rissable dans  riiistoire,  s'y  était  jeté  avec  une  poignée  de 
troupes,  décidé  à  s'y  défendre  jusqu'à  la  dernière  extré- 
mité. Aux  menaces,  aux  promesses,  aux  sommations,  il 
opposa  une  fermeté  inébranlable.  L'attaque  commença  à 
Tavant-porte  du  château  qui  tomba  bientôt  consumée  par 
les  flammes.  La  seconde  porte  ayant  été  enlevée  par  le 
même  moyen,  l'ennemi  pénétra  dans  l'enceinte;  là,  un 
feu  nourri  s'engage  et  se  soutient  de  part  et  d'autre  avec 
un  égal  acharnement.  Plusieurs  victimes  tombent  percées 
par  les  balles.  Cette  attaque  par  la  porte  principale  n'avait 
eu  pour  but  que  de  faire  tourner  les  forces  de  l'assiégé  de 
ce  côté.  Pendant  que  Cortewille  et  ses  compagnons  opposent 
une  héroïque  résistance,  une  troupe  de  rebelles  se  précipite 
vers  la  tour  de  Bourgogne,  en  incendie  la  porte,  et  s'y 
établit  sans  coup  férir.  Dès  lors  c'en  était  fait  du  sort  du 
château;  le  découragement  gagne  promptement  les  assié- 
gés, et  la  plus  grande  partie  de  ceux  qui  avaient  juré  de 
sacrifler  leur-vie  pour  leur  maître,  se  jettent  dans  le  fleuve 
et  se  sauvent  à  la  nage.  Cortewille  abandonné  de  presque 
tous  les  siens,  tandis  que  l'ennemi  redoublait  d'énergie,  ne 
se  déconcerte  pas.  Il  était  retranché  derrière  la  porte  d'en- 
trée de  l'ancien  donjon,  et  y  soutenait  presque  seul,  les 
efl"orts  impétueux  d'une  multitude  d'assaillants.  «  Rends- 
toi,  »  crie-t-on  de  toutes  parts  au  gouverneur.  «  A  qui  me 
rendrais-je?  »  répond  Cortewille.  «  Au  prince  d'Orange!  » 
«  Je  ne  me  livrerai  jamais  à  des  traîtres  qui  prennent  les 
»  armes  contre  Dieu  et  contre  le  roi.  Plutôt  mourir  que  de 
»  forfaire  à  mon  serment!  Telle  est  ma  résolution;  n'alten- 
»  dez  rien  de  moi  ;  j'aurai  assez  de  courage  pour  vous 
»  résister.  »  A  ces  paroles,  le  cri  de  :  Mort  au  traître! 
part  de  vingt  bouches  à  la  fois  et  est  suivi  d'une  grêle  de 
l)rojecliles.  La  porte  vole  en  éclats,  et  le  malheureux  gou- 
verneur, atteint  à  la  poitrine,  tombe  inanimé.  Alors  par  un 


—  432  — 

raflîiiemeot  de  cruauté  qui  sera  la  honte  éternelle  de  ceux 
qui  raccomplirenl,  et  la  gloire  de  celui  qui  en  fut  l'objet, 
les  barbares  se  jettent  à  Tenvi  sur  le  corps,  le  percent  d'outre 
en  outre,  et  le  précipitent,  après  l'avoir  dépouillé,  dans  le 
fleuve.  Cet  événement  eut  lieu  le  7  septembre  1372  (i). 

Maître  du  seul  retranchement  qui  eût  pu  le  contrarier 
dans  ses  projets,  Blommaert  s'y  installa  et  y  tint  le  siège 
de  son  conseil  de  Guerre,  Le  château  de  Pamele,  entouré 
d'une  f;)ible  enceinte,  tomba  également  entre  ses  mains.  Il 
y  enferma  les  autorités  civiles  et  ecclésiastiques,  au  nombre 
de  dix-sept. 

Trois  des  bourgeois  les  plus  notables  de  la  ville  furent 
enfermés  au  château  de  Bourgogne;  ce  furent  :  Pierre  De 
Moor,  Florent  Van  der  Donck  et  Pierre  ^'an  der  Beken. 

Dégagés  de  tout  obstacle,  les  Gueux  rompirent  le  frein 
qui  les  retenait.  L'église  de  S'^'-Walburge,  celle  de  Pamele, 
l'hôpital,  le  couvent  du  Val  aux  Vierges  et  les  autres  com- 
munautés religieuses  devinrent  la  proie  de  leurs  rapines. 
Les  ornements  les  plus  précieux  qu'ils  en  arrachèrent  furent 
transportés  par  ordre  du  capitaine  dans  le  château  de  Bour- 
gogne. 

Tout-à-coup,  au  milieu  de  ces  dévastations,  des  nou- 
velles peu  rassurantes  pour  les  rebelles,  circulèrent  de 
bouche  en  bouche  :  Malines  s'était  rendue  au  roi  d'Espagne 
et  une  armée  espagnole  s'approchait  à  grandes  journées  vers 
Audenarde.  Toute  la  nuit,  ils  discutèrent  sur  le  parti  qui 
leur  restait  à  prendre.  On  résolut  unanimement  de  cher- 
cher le  salut  dans  la  fuite  et  de  se  diriger  en  toute  hâte 
vers  l'un  ou  l'autre  port  de  mer.  Mais  avant  de  partir,  il 
fallait  se  débarasser  des  prisonniers.  Un  conseil  est  tenu 
au  château.  Divers  avis  y  sont  émis  sur  la  manière  dont 
on  les  ferait  périr.  Ou  convint  unanimement  de  les  préci- 
piter dans  le  fleuve,  au  milieu  du  silence  de  la  nuit. 

(I)  Audcnacrdschc  Mengclingcn,  I»  deci,  p.  3G6. 


—  4S3  — 

(i  Octobre)  Aussilôt  les  malheureuses  victimes  sont  em- 
menées au  nouveau  château,  où  on  leur  annonce  leur  arrêt 
de  mort.  Cet  arrêt  attendu  depuis  longtemps,  ne  trouble 
point  la  sérénité  de  leur  àme.  Leur  premier  mouvement  est 
de  se  jeter  à  genoux  et  de  jurer  de  mourir  pour  la  foi.  Il 
est  huit  heures  du  soir:  le  bourreau  se  saisit  de  la  pre- 
mière victime  :  c'était  Pierre  Van  den  IlenLle,  licencié  en 
théologie  et  curé  de  la  seconde  portion  de  S'MValhurge. 
Nul  soupir,  nulle  plainte,  nulle  larme,  ne  viennent  trahir 
en  lui  la  moindre  émotion.  Conduit  dans  le  lavoir,  il  y  est 
accablé  d'injures  et  de  blasphèmes.  On  le  dépouille  de  ses 
vêtements,  et,  conjme  le  dernier  des  criminels,  on  lui  lie 
ignominieusement  les  mains  et  les  pieds;  puis,  Tayant  traîné 
jusqu'à  la  fenêtre,  on  le  précipite  dans  le  fleuve.  Les  seules 
paroles  qui  s'échappent  de  la  bouche  de  la  victime  sont 
celles-ci  :  «  Seigneur,  que  votre  volonté  se  fasse;  je  remets 
mon  ame  entre  vos  mains,  » 

Ce  sacrifice  consommé,  les  cinq  autres  ecclésiastiques 
subirent  le  même  supplice  avec  la  plus  héroïque  résigna- 
tion. Ce  furent  : 

Paul  Van  Coye,  Personne  de  S"=-Walburge. 

Jacques  De  Deckere. 

Jean  Van  Braecle,  bachelier  en  théologie. 

Jean  Van  Opstael,  licencié  en  théologie  et  curé  de  Pa- 
mele,  et 

Jacques  la  Ilamayde  ou  d'Anvaing,  âgé  de  60  ans. 

Selon  un  écrit  du  temps,  ce  vieillard  infirnîc  et  débile 
aurait  flotté  d'une  manière  miraculeuse  sur  la  surface  de 
l'eau,  à  l'endroit  où  le  courant  du  fleuve  est  le  plus  rapide, 
et  aurait  été  sauvé  par  le  dévouement  de  quelques  paysans 
à  1576  pas  du  château.  Le  père  Robyn  njoute  qu'il  a  sur- 
vécu encore  quelques  années  à  ses  tortures,  et  qu'il  a  été 
enterré  conjointement  avec  les  autres  victimes,  dont  les 
restes  mortels  avaient  été  soigneusement  recueillis. 

5i 


—  AU  — 

Quoiqu'il  en  soit,  une  pierre  tuniulaire  placée  derrière 
le  maître  autel  de  l'église  de  S"'-Walburge,  perpétue  la  mé- 
moire de  leur  glorieux  martyre.  En  voici  l'inscription  : 

Sépulture  van  de  cerwecrdighe  heeren  meesler  Paulus  Van  Coye  persoon, 
meester  Pieter  Van  den  Enden  beede  lineentiaten;  ende  meester  Jan  Van 
Brade  bacelier  in  der  godtheyt,  pasioors  van  de  I"',  II«  ende  IV*"  portîe  dezer 
kercke,  meester  Jacob  De  Decker  presbyter,  welkc  eerweerdighe  heeren  zyn 
met  den  eerweerdighen  meester  Jan  Van  Upstalle,  pastoor  van  Pamele,  ende 
heer  Jacob  Van  Anvaing,  presbyter,  den  VU  seplcmbris  M  D  LXXII,  naer 
t  lislich  innemen  dezer  slede  van  de  heretycken  gbevanghen  ghenomen,  ende 
ghebonden  in  tcasteel  van  Pamele,  tôt  heurlieden  vertrecken,  ende  doen  in 
den  duysteren  avont  gheleydt  int  nieu  easteel,  aldaer  ontcleedt  tôt  op  lieur- 
lierder  hemde,  de  handen  op  den  rugghe,  de  beenen  boven  de  knien,  ende 
boven  de  knoessels  ghebonden;  ende  métier  lioofde  voren  door  de  venster 
van  den  was-huyse  gescholen  in  den  Schelde,  ende  alsoo  conslantelyck  om 
Christus  gheloove  ghestorven  in  den  Heere  behalven  H.  Anvaing  die  MDLXXVI 
stappen  vloeltende,  wonderlyck  vcrlost  is.  Anno  M  D  LXXII,  den  IV  oclober. 
franCIsCVs  sChaLda  MVndat  saCra  Corpoba  qVIîvqVe. 

La  fureur  sanguinaire  des  rebelles  était  loin  d'être  rassa- 
siée, mais  leur  rôle  touchait  à  son  terme.  Prêts  à  quitter 
le  château  de  Bourgogne  pour  aller  porter  leurs  cruautés 
dans  celui  de  Pamele  qui  renfermait  les  autorités  civiles, 
ils  allaient  se  saisir  de  Pierre  De  Moor,  de  Florent  Van 
der  Donck  et  de  Pierre  Van  der  Beken,  trois  bourgeois  no- 
tables de  la  ville,  épargnés  jusqu'alors  à  leur  rage.  Déjà 
un  coup  de  stylet  avait  atteint  l'un  d'eux,  et  l'avait  précipité 
du  haut  de  l'escalier,  quand  tout-à-coup,  aux  lamentations 
de  la  victime  expirante,  se  mêle  une  voix  formidable,  criant  : 
Sauvez-vous  ! 

Ce  fut  le  signal  de  la  délivrance  d'Audenarde;  les  Gueux 
au  milieu  du  plus  grand  désordre,  gagnèrent  en  toute  hâte 
les  portes  de  la  ville,  et  à  dix  heures  du  soir  ils  avaient 
tous  quitté  nos  murs.  Le  comte  de  Roeulx,  à  la  tête  d'un 
corps  de  troupes,  fit  incontinent  après  son  entrée  â  Aude- 


—  435  — 

narcle,  et  y  fut  reçu  avec  les  plus  grandes  dénionstralions 
de  joie. 

Telles  furent  les  principales  circonstances  qui  signalè- 
rent la  prise  du  château  de  Bourgogne.  On  connaît  le  sort 
des  rebelles,  et  en  particulier  celui  de  Blonimaert.  Peu 
d'annales  offrent  des  pages  aussi  lugubres;  et  notre  plume 
se  serait  refusée  à  en  retracer  les  affreux  détails,  si  la  vérité 
et  l'exactitude  n'étaient  le  premier  devoir  de  tout  écrivain 
consciencieux  (i). 

Ici  commence,  pour  le  château  de  Bourgogne,  une  lon- 
gue série  de  vicissitudes  qui  se  prolongent  jusqu'à  nos 
jours  (2). 

Malgré  les  fréquentes  réparations  qu'on  y  avait  faites 
en  1582,  1595  et  1596,  il  n'était  guère  plus  en  état  de 
soutenir  les  épreuves  formidables  du  canon,  sans  subir  une 
reconstruction  à-peu-près  totale.  Son  éloignement  du  centre 
des  habitations,  sa  position  en  face  de  vastes  campagnes, 
à  portée  de  canon  de  la  montagne  de  Kerselaer,  et  sur  un 
point  où  l'angle,  tracé  par  l'enceinte,  se  prononce  d'une 


(1)  Klagl-sehrift  van  Joan.  DésiJ.  Waclckens,  p.  II  et  seq.  —  Yetzweirlius, 
De  subdolà  ac  fiirlivà  Gucusiorum  in  civitatcm  Aldenardcnsem  irruptione, 
p.  10  et  seq.  —  Robijn,  Historié  van  den  ooi'si)i'ong,  voortgang  en  ondergang 
der  kelterye  binnen  en  entrent  Audenaerde,  p.  79  et  seq. 

(2)  Voici  ]es  noms  de  quelques  souverains  qui  ont  passé  la  nuit  au  cliàleau 
de  Bourgogne,  avant  sa  reconstruction.  Plusieurs  autres  souverains  qui  ont 
résidé  différentes  époques,  à  Audenarde,  auraient  pu  être  compris  dans  cette 
liste.  Mais  comme  l'endroit  de  leur  séjour  n"a  point  été  expressément  désigné, 
nous  avons  préféré,  pour  plus  d'exactitude,  les  omettre. 

Philippe  le  Hardi,  les  24  et  23  février;  les  13  et  23  avril  1398,  et  le 
10  octobre  1401. 

Jean  sans  Peur,  le  U  avril  1404;  en  1403,  pendant  2  ans;  le  15  sep- 
tembre, les  7,  8,  9,  10  et  11  novembre  1413;  le  8  mai  et  le  1"  octobre  1414. 

Charles  te  Téméraire,  le  6  août  1468. 

Marie  de  Bourgogne,  le  30  mai  1480. 

Maximilien,  le  50  août  1513,  pendant  8  jours. 

Charlcs-Quinl,  le  5  novembre  1521,  pendant  six  semaines. 

Philippe  II.  le  8  juillet  1:157. 


—  4âG  — 

nmuière  sensible,  l'exposait  à  des  attaques  plus  dangereuses 
que  les  autres  bâtiments.  Le  sommet  de  l'édifice  avait  été 
de  nouveau  labouré  par  les  boulets,  à  la  suite  du  siège  du 
duc  de  Parme,  en  1582,  et  sa  base  était  minée  par  les  eaux. 
Eu  outre,  depuis  les  progrès  de  l'artillerie  et  l'invention  de 
cette  ingénieuse  forme  d'ouvrages  défensifs  appelés  bastions, 
l'art  de  fortifier  les  places  avait  reçu  d'importantes  amélio- 
rations, que  le  génie  de  V^auban  porta  dans  la  suite  au  plus 
haut  point  de  sa  perfection.  Son  rôle  militaire  était  donc 
devenu  complètement  inutile.  On  en  fit  le  siège  des  gouver- 
neurs ou  baillis  d'Audenarde. 

Déjà  à  diverses  reprises,  les  archiducs  Albert  et  Isabelle 
avaient  émis  le  vœu  de  le  voir  approprié  à  cette  destination. 
La  ville  contente  de  se  décharger  du  soin  de  fournir  le 
logement  au  bailli,  accorda,  en  ICI  G,  au  sieur  Rolleghem, 
qui  exerçait  alors  ces  fonctions,  l'autorisation  de  vendre  la 
demeure  qu'il  occupait  sur  la  place  (i),  à  la  condition 
d'affecter  la  somme  qui  en  proviendrait  à  la  reconstruction 
du  château  de  Bourgogne  (2).  Elle  lui  accorda  en  outre 
2000  florins.  Le  7  janvier  1617,  arriva  l'acte  d'agréation 
de  la  part  des  archiducs.  Il  fut  bientôt  suivi  d'une  somme 
de  GOOO  florins;  la  chàtellenie  en  fournit  1200,  et  la  ville 
contribua  en  tout  pour  5000  fl.  A  l'aide  de  cette  somme, 
le  château  subit  une  transformation  presque  totale.  La 
façade  principale  fut  renouvelée  en  son  entier,  telle  à  peu 
près  qu'on  la  voit  aujourd'hui;  les  deux  façades  latérales 
reconstruites  en  grande  partie.  Le  sommet  de  l'édifice  fut 
couvert  d'une  toiture;  les  galeries  subsistèrent.  L'intérieur 
fut  divisé  en  douze  places,  dont  une  servit  de  chapelle.  La 
même  année  le  bailli  ou  gouverneur  prit  possession  de  sa 
nouvelle  demeure. 


(1)  Actuellemenl  la  l)ra.s.scrk'  de  M""'  veuve  VanJcrpiclc. 

(2)  Archives  de  la  ville  d'Audenarde. 


—  437  — 

Peudant  le  bonibarclcmeiit  crAudcnarde  en  1G84-,  (jui 
dura  cinquaiite-liuit  heures,  la  loilure  et  la  eharpenlc  furent 
coinplélemcnt  détruites  par  les  boulets.  Les  gouverneurs 
tinrent  alors  leur  résidence  dans  le  château  de  Paniele. 

Le  siège  de  1745  le  soumit  à  de  plus  rudes  épreuves 
encore.  Le  point  d'attaque  ayant  élé  dirigé  principalement 
sur  le  front  septentrional  de  la  place  qui  se  déployait  en 
vue  du  château,  une  artillerie  nombreuse  et  bien  combinée 
y  fit,  pendant  deux  jours,  de  si  grands  ravages,  qu'après 
la  reddition  de  la  ville,  sou  aspect  ne  ressemblait  plus  qu'à 
des  ruines.  La  même  année  ses  murailles  furent  relevées  et 
le  bâtiment  fut  mis  en  élat  de  servir  d'hôpital  à  la  garnison 
française  qui  occupa  depuis  nos  murs.  Les  travaux  furent 
entrepris  par  un  certain  Terling  pour  la  somme  de  4022  liv. 
19  sous  G  deniers,  monnaie  de  France.  Cette  destination 
ne  fut  qu'éphémère. 

En  1781,  le  conseil  aulique  ayant  décidé  la  démolition 
de  ce  qui  restait  des  fortih'cations  d'Audenarde,  Marie 
Christine  et  Albert  Casimir,  lieutenants-généraux  des  Pays- 
Bas,  firent  procéder  à  la  vente  des  terrains  et  bâtiments 
militaires  appartenant  à  l'état.  Le  gouvernement,  faisant 
partie  du  6*^  lot,  fut  acquis  par  P.  F.  Scepers,  qui  y  établit 
des  moulins  à  eau,  pour  la  mouture  des  farines  destinées 
au  commerce  d'exportation  vers  les  colonies  américaines. 
Joseph  II  lui  en  octroya  le  privilège  le  21  décembre  1782(0. 

Ce  privilège  accordé  par  le  souverain,  en  vue  de  procurer 


(1)  La  mcnie  année,  un  typographe  parisien,  nommé  Melinet,  y  transporta 
un  matériel  d"impi-imerie  considérable;  mais  il  est  inexact,  comme  on  Ta 
avancé,  que  le  livre  intitulé  :  De  la  parfaite  inleUif)ence  du  commerce,  y  a  vu 
le  jour.  —  Au  témoignage  irrécusable  île  M.  Bevernaege,  en  la  demeure  de 
qui  cet  ouvrage  a  été  imprimé,  nous  ajouterons  celui  d'un  prospectus,  au 
bas  duquel  figure  en  toutes  lettres  :  De  l'imprimerie  de  Dominique  Bevernaege, 
rue  Krekelput  à  Atidenarde.  Ce  qui  achève  de  nous  convaincre,  c'est  que  cer- 
lains  caractères  typographiques  qui  le  composent,  sont  identiques  ù  ceux  que 
porte  rcntèle  de  l'ouvrage 


—  488  — 

quelque  soulagement  à  la  classe  laborieuse  de  la  ville,  aiusi 
que  Scepers  en  avait  donné  l'assurance,  servirent  au  con- 
traire à  une  indigne  exploitation.  Par  suite  de  l'accapare- 
ment, le  prix  des  céréales  acquit  insensiblement  une  hausse 
extraordinaire;  en  moins  de  deux  ans,  il  monta  de  16  florins 
le  sac.  Un  malaise  dans  la  classe  ouvrière  devait  s'en  sui- 
vre, et  ce  malaise  devait  aboutir  à  des  désordres. 

Le  8  mars  1790,  quelques  bourgeois  déterminés,  affligés 
du  douloureux  spectacle  qu'offraient  tous  les  jours  à  leurs 
regards,  des  vieillards,  des  femmes,  des  enfants  affamés, 
parcourant  les  rues  et  laissant  éclater  un  sombre  désespoir, 
s'unissent  dans  le  faubourg  de  Bevere  et  y  conviennent  una- 
nimement, d'enlever  de  gré  ou  de  force,  un  bateau  chargé 
de  cent  sacs  de  froment,  pour  le  distribuer  aux  familles 
souffrantes.  Le  bateau  se  trouvait  à  quelques  pas  du  châ- 
teau, en  face  du  couvent  des  Religieuses  de  Sion.  Ils  s'y 
rendent  aussitôt  au  cri  de  :  Allons  chercher  notre  cuisson! 
De  rue  en  rue,  la  troupe  grossissait  insensiblement.  Au  mo- 
ment de  mettre  à  exécution  leur  complot,  le  bourgmestre 
se  présente  devant  eux;  il  les  conjure  paternellement  de 
ne  rien  tenter  par  violence  et  les  assure  en  même  temps 
qu'il  prendra  toutes  les  mesures  nécessaires,  pour  faire 
cesser  les  odieuses  spéculations  dont  le  peuple  est  victime. 
Ces  paroles  ramènent  le  calme.  Un  des  principaux  bour- 
geois de  la  ville  est  député  vers  le  château  pour  solliciter 
une  entrevue.  L'ouverture  de  la  porte  lui  est  refusée.  Le 
magistrat  lui-même  se  présente  revêtu  de  ses  insignes.  On 
lui  répond  insolemment  que  l'entrée  est  interdite  à  qui  que 
ce  soit.  Alors  la  foule  qui  entourait  l'édifice,  poussée  à  bout 
par  cette  grossière  insolence,  se  précipite  avec  une  impé- 
tuosité inouïe  vers  l'entrée  principale  de  l'établissement, 
force  la  porte,  brise  les  fenêtres  et  dévaste  tout  l'intérieur. 
Une  partie  du  mobilier  est  consumée  par  les  flammes;  une 
autre  est  jetée  dans  le  fleuve.  Le  mécanisme  intérieur  des 


—  439  — 

moulins,  soumis  à  raction  de  la  flainuie,  est  totalement 
anéanti.  De  tout  ce  que  le  bâtiment  renferme,  le  grain  seul 
reste  intact  et  est  distribué  aux  plus  nécessiteux.  Celte 
destruction  commencée  à  sept  heures  du  soir,  se  prolongea 
fort  avant  dans  la  matinée.  Vainement  les  différentes  auto- 
rités de  la  ville,  assemblées  en  comité,  usèrent-elles  de 
toute  leur  influence  pour  arrêter  la  destruction  du  mobi- 
lier. Leurs  efforts  réussirent  seulement  à  préserver  de  tout 
dommage  une  partie  du  bâtiment.  Aussitôt  que  la  multitude 
eût  assouvi  sa  vengeance,  un  corps  de  volontaires,  organisé 
à  la  hâte,  entoura  rétablissement  pour  en  empêcher  l'accès, 
et  tout  rentra  dans  le  calme  (i). 

Quelque  temps  après  ce  désastre,  le  propriétaire  y  éta- 
blit une  scierie  de  bois,  également  mue  par  les  eaux,  qu'il 
céda,  en  1803,  à  son  beau-fils,  .^r  Carpentier,  de  Bruxelles. 
En  1817,  le  tribunal  de  première  instance  y  flxa  son 
siège  jusqu'à  la  fin  de  l'année  1823.  Il  y  a  lieu  de  croire 
que  l'intérieur  du  bâtiment  fut  convenablement  distribué  et 
décoré  à  cet  effet,  car  un  journal  du  temps,  en  parlant  de 
sa  nouvelle  destination,  l'appelle  «  un  des  plus  beaux  pré- 
toires du  royaume.  » 

Le  1 9  avril  1 82.3,  le  château  de  Bourgogne,  compris  dans 
le  tracé  des  nouvelles  fortifications  que  le  génie  hollandais 
projetait  d'élever  du  côté  septentrional  de  la  place,  fut 
acquis  par  l'ancien  gouvernement,  avec  une  grande  pai'tie 
du  terrain  environnant,  pour  la  somme  de  44,000  florins 
des  Pays-Bas. 

Ce  projet  était  en  voie  d'exécution,  quand  la  révolution 
de  1830  vint  interrompre  les  travaux.  Le  nouveau  gouver- 
nement qui  surgit  alors,  ayant  abandonné  jusqu'à  nouvel 
ordre,  l'achèvement  de  la  place,  céda  cette  propriété  à  la 

(1)  Extrait  dune  relation  du  temps  imprimée  à  Audenarde,  sous  le  titre  de  r 
JHerkivccrdige  bcschryviiiff  van  dcn  vreedcn  en  groutozaemen  oploop  oflv  ver- 
nicliging  van  Itel  oud  vermaerd  slerk  Kaslcel,  genoemd  Itct  Gouvernement. 


—  .;'.o  — 

ville,  qui  y  établil  un  abattoir.  Réunie  de  nouveau  aux  do- 
maines de  TEtat  en  1840,  elle  fut  une  seconde  fois  convertie 
en  infirmerie  militaire,  destination  qu'elle  remplit  encore 
aujourd'hui. 

Quand  en  1846,  l'achèvement  des  fortifications  d'Aude- 
narde  fut  décidé  par  nos  chambres  législatives,  le  ministre 
de  la  guerre  reculant  sans  doute  devant  les  frais  considé- 
rables qu'eût  entraîné  la  continuation  du  projet  du  génie 
hollandais,  adopta  un  autre  tracé,  et  le  château  fut  encore 
laissé  intact. 

Par  suite  de  ses  différents  remaniements,  et  surtout  de- 
puis sa  reconstruction,  cette  ancienne  forteresse  n'offre  plus 
cet  air  vénérable,  cet  aspect  monumental  qui  commande 
l'attention,  A  peine  l'étranger  qui  visite  notre  ville,  y  jelte- 
l-il  un  coup-d'œil.  Pourtant,  avec  un  peu  d'attention,  on 
distingue  fort  bien,  à  travers  les  constructions  modernes, 
plusieurs  restes  de  sa  forme  primitive.  Aux  deux  angles  de 
la  face  droite,  des  débris  de  tours  percées  de  meurtrières; 
à  la  face  latérale  gauche,  donnant  sur  l'Escaut,  les  murailles 
colossales  de  l'ancien  donjon  qui  commandait  la  campagne 
et  dont  quelques-unes  ont  jusqu'à  5  mètres  d'épaisseur.  A 
l'intérieur,  de  profonds  souterrains,  l'ancienne  cour  et  l'en- 
trée du  donjon,  dont  la  voûte  est  bâtie  en  plein  cintre  (i). 

Au  moyen  de  légères  modifications,  l'ancienne  demeure 
des  ducs  de  Bourgogne  pourrait  encore,  au  besoin,  servir 
d'ouvrage  défensif,  et  soutenir,  avec  avantage,  une  partie 
de  son  ancien  rôle. 

Edmond  Van  der  Straeten. 


(I)  Une  partie  des  fondements  de  la  grosse  four  de  Bourgogne  subsiste 
eneore.  On  y  a  renconln-,  à  diverses  époques,  des  monnaies  de  Louis  de  Maie 
et  de  Piiilippc  le  Hardi  qui  figurent  dans  les  colleclions  de  nos  numismates. 


—  441  — 


ïlappcrt 

SUR  L'ÉTAT  DES   MONUMENTS  BISTORIOUES  ET  ARTISTIQUES 

DE 

LA  VILLE  DE  GÂND, 

BÉDIGÉ  ATJ  KOM   DE  L\  C03IMISSI0!V  INSTITUÉE   POUR  LEUR  COSSERVaTIOIÏ, 

PAR 

PH.  KERVYN  DE  VOLRÂERSBEKE , 

Membre  de  ladite  Commission. 

III 

ÉGLISE  PAROISSIALE  DE  SAINT-JACQUES. 


Quoique  nous  ne  puissions  fixer  exactement  la  date  à  la- 
quelle l'église  paroissiale  de  S'-Jacques  a  été  construite,  il 
est  certain  que  sa  fondation  remonte  aux  premières  années 
du  XII''  siècle.  «  Nous  ne  saurons  jamais,  dit  le  chevalier 
»  Diericx  dans  ses  Mémoires  sur  la  ville  de  Garni,  en  quel 
»  temps  fut  fondé  l'église  de  S'-Jacques,  et  si  Sandcrus 
»  rapporte  que  ce  fut  vers  l'an  HOO,  il  se  sert  de  l'expres- 
■»  sion  fertur  (on  dit)  :  ce  qui  indique  assez  clairement  que 
»  ses  recherches  pour  constater  l'époque  avaient  été  infruc- 
«  tueuses.  » 

Pour  nous  aussi  cette  date  est  restée  un  mystère,  mal- 

32 


—  442  — 

gré  les  eflorts  que  nous  avons  faits  pour  la  découvrir.  Mais 
les  siècles  ont  laissé  tant  de  traces  de  leur  passage  sur  les 
murs  noircis  de  cet  édifice,  qu'il  devient  possible  d'assigner 
à  sa  construction  une  date  approximative,  sans  doute  peu 
éloignée  de  la  date  authentique  que  les  principaux  chro- 
niqueurs fixent  à  Tannée  1120;  c'est-à-dire  à  l'époque 
de  la  reconstruction  de  la  plupart  des  édifices,  réduits  en 
cendres  par  le  terrible  incendie  qui  dévora  une  pailie  de 
la  ville. 

Quant  à  son  architecture,  nous  dirons  franchement  que 
nous  ne  partageons  pas  l'opinion  de  feu  M.  Voisin,  qui 
trouve  qu'elle  «  ne  présente  rien  de  remarquable.  »  Il  nous 
paraît  au  contraire  que  les  deux  tours  romanes,  qui  can- 
tonnent la  façade  principale  et  dont  le  savant  archéologue 
Schayes  a  donné  la  description  dans  son  Histoire  de  Varchi- 
lecture  en  Belgique,  peuvent  être  comptées  au  nombre  des 
monuments  les  plus  curieux  de  notre  ville;  mais  il  est  à 
regretter  que  les  changements  faits  en  1667  et  plus  tard, 
en  aient  détruit  l'harmonie  architecturale.  Cependant  il  se- 
rait facile  de  rétablir  cette  façade  dans  son  style  primitif. 
Les  dépenses  que  cette  restauration  nécessiterait,  seraient 
supportées  en  grande  partie,  nous  sommes  fondés  à  le 
croire,  par  les  habitants  de  la  paroisse  de  S'-Jacques,  si  le 
gouvernement,  la  province  ou  la  commune  consentaient  à 
allouer  pour  ces  importants  travaux  un  subside  raisonnable. 

Jetons  maintenant  un  regard  sur  les  nombreux  tableaux 
et  autres  objets  d'art  que  l'église  renferme.  Cet  examen 
nous  convaincra  que  toutes  les  descriptions  qu'on  en  a 
données,  sont  non-seulement  très-incomplètes  mais  encore 
très-inexactes. 

Si  nous  nous  trouvons  aujourd'hui  à  même  de  remplir 
la  lacune  laissée  par  nos  prédécesseurs,  nous  le  devons, 
hàtons-nous  de  le  dire,  à  l'obligeance  de  Monsieur  le  curé 
Ilobette,  qui  nous  a  ouvert  les  archives  de  l'église,  source 


—  443  — 

féconde  où  nous  avons  puisé  la  partie  la  plus  importante 
(le  nos  renseignements. 

En  entrant  par  le  grand  portail,  la  première  chapelle  qui 
s'offre  à  nos  regards  dans  la  nef  latérale  de  droite,  est  la 

CHAPELLE    DE    SAIXT-JOSEPH. 

Le  tableau  d'autel  représente  La  fuite  en  Êrjypte,  par 
Louis  Gcrbo.  Il  porte  celle  inscription  : 

A>xo  1810  Fam.  Dm.  Lcce  Maes  Gand.  mcrcat.    toxebat, 

FECIT    ET    INV.    LoUIS    GeRBO. 


CHAPELLE    DES    AMES    DU    PURGATOIRE. 

L'autel  est  orné  d'un  beau  tableau  de  Maes-Canini,  re- 
présentant le  vieux  Tobie  envoyant  son  fils  avec  Vange.  Il 
est  marqué  :  îMaes-Camm  p'.  Gand.  1829. 

Contre  le  mur  entre  les  fenêtres,  on  remarque  un  autre 
tableau  cintré,  représentant  les  âmes  du  purgatoire  déli- 
vrées par  les  anges,  par  Gaspard  De  Craeijer. 

Celte  toile  appartenait  autrefois  à  la  confrérie  de  la 
Sainte-Trinité.  L'extrait  suivant,  tiré  des  comptes  de  cette 
confrérie,  de  l'année  1670,  eti  fournit  la  preuve. 

Ilciii  belaelt  dcn  cerslcn  juny  aen  S""  Jaspar  de  Craeyer,  acht  pond  gr. 
voor  cen  schililcrye  rcprcscntcrendc  de  verlossinglie  door  de  Engels  van  de 
sielen    int  vaghevuer,   conforme  de    ordonnanlie  ende  quillansic,  VIII   lib. 

Cette  chapelle  anciennement  dédiée  à  St-Martin,  patron 
des  Wynschrocders  (avaleurs  de  vin),  confrérie  qui  fut  sup- 
primée après  la  révolution  française,  comme  le  furent  toutes 
les  autres  corporations,  qui  avaient  fait  quelques  siècles 
auparavant  la  force  et  la  richesse  de  la  puissante  capitale 
de  la  Flandre;  cette  chapelle,  disons-nous,  était  alors  fer- 
mée par  une  magnifique  barrière  en  chêne,  représentant 
l'histoire  de  la  fabrication  du  vin,  depuis  la  recolle  du  rai- 
sin jusqu'à  la  mise  du  liquide  en  futaille,  sculptée  en  relief 


—   444  — 

dans  cinq  médaillons  ovales,  réunis  à  de  gracieuses  colon- 
nettes  par  une  vigne  chargée  de  feuilles  et  de  fruits  artis- 
tement  fouillés  et  travaillés  à  jour.  Un  sixième  médaillon 
représentait  le  patron  de  la  confrérie  à  cheval,  jetant  son 
manteau  à  un  pauvre. 

Cette  belle  sculpture,  vendue  il  n'y  a  pas  trente  ans  à 
un  spéculateur  anglais,  en  même  temps  que  d'autres  objets 
précieux  que  nous  rappellerons  à  votre  souvenir,  a  été  rem- 
placée par  un  grillage  en  fer  battu,  uniforme  pour  toutes 
les  chapelles  qui  entourent  Téglise. 

CHAPELLE    DE    SAiNT-CORNEILLE. 

Le  tableau  d'autel  représente  S^-CorneiUe  bénissant  des 
enfants  malades,  peint  en  1815  par  /.  De  Loose. 

Sous  la  fenêtre  on  voit  une  composition  peinte  sur  trois 
panneaux,  représentant  la  prédication  et  le  martijre  de 
S^-Liévin.  Des  vues  prises  dans  l'ancienne  abbaye  de 
S'-Bavon,  sont  reproduites  dans  le  lointain. 

Le  martyre  de  S^-Corneille,  peint  sur  toile,  est  exposé 
en  face  de  l'autel. 

CHAPELLE    DE    LA    SAINTE-CROIX. 

Le  tableau  ovale  qui  orne  l'autel,  retrace  le  Christ  entre 
les  deux  larrons.  11  est  peint  sur  bois  par  Michel  Coxie, 
ainsi  que  les  deux  autres,  représentant  la  Naissance  de 
Jésus-Christ  et  sa  Réssurrection,  encadrés  dans  la  boiserie. 
«  Mais,  dit  Descamps,  en  parlant  de  ces  productions,  le 
»  calvaire  autrefois  carré  a  été  ajusté  d'une  forme  presque 
»  ronde  et  ensuite  lavé  et  presque  usé.  »  En  effet,  les  mau- 
vaises restaurations  que  ces  tableaux  ont  subies  à  diverses 
époques,  ne  permettent  plus  de  reconnaître  le  pinceau  du 
célèbre  Coxie. 

Dans  la  partie  de  la  boiserie  qui  couvre  le  mur  en  face 


—  445  — 

de  l'aulel,  ou  voit  encore  deux  tableaux;  Tan  représente 
h  prodige  du  serpent  d'airain  élevé  par  Moïse,  et  l'autre 
l'Invention  de  la  croix,  peints  sur  toile  par  De  Cleef.  Au- 
dessus  de  ceux-ci,  la  muraille  est  décorée  dans  foute  sa  lar- 
geur et  en  partie  dans  sa  hauteur  d'une  grisaille  sur  toile 
d'un  beau  faire,  servant  d'encadrement  à  un  tableau  mé- 
diocre de  petite  dimension,  représentant  la  Salutation  an- 
gélique.  Au  bas  de  la  grisaille,  exécutée  en  l'honneur  de  la 
famille  Luytens,  qui  dota  l'église  de  S^-Jacques  de  ses  plus 
beaux  ornements  en  marbre,  comme  nous  le  verrons  plus 
loin,  on  lit  une  inscription  flamande  donnant  le  crayon  gé- 
néalogique de  cette  famille  (i). 

Cinq  petits  anges  tenant  chacun  un  instrument  de  la 
passion  du  Sauveur,  décorent  la  corniche  de  la  boiserie. 
Admirablement  sculptés  en  bois  par  une  main  habile  mais 
inconnue,  il  est  vraiment  surprenant  que  la  fabrique  de 
l'église  ait  pu  les  soustraire  à  la  rapacité  des  spéculateurs 
étrangers. 

(I)  Voici  cette  inscription  : 

D.  0.  M. 

Ter   sal.   memorie 

van  Jaecques  Luytens   fs  Jaccques 

ende  Jenne  Alaerts  fa  Passcharis 

syne  huysvrouwe 

stierf  20   februari   1640  aut  82  jaercn 

syn  huysvrauwe  21  maerte   IGiô  aut  77  jaeren 

Hebben  verweckt  eenen  erfgheuame 

met   name  Jaecques  Luytens 

getrauwt  met  Lucie  van  Hauweghem  fa  Baudewins, 

is  gestorvcn  20  februari  1G36  aut   50  jaeren 

syn   huysvrouwe  24  april  1661    aut  52  jaeren. 

welck  geprocreert  hebben  3  kinderen 

te  wetcn 

Jaecques  stierf  20  augusty  1630  aut  19  jaeren 

Jan  Bap'. 

Piettr  i^n  octobcr   16G0  aut  27  jaeren 
Marie 

Jenne   17^"   mey    1653   dach  hacrder  gheboortc 
R.    1.   r.     Amen      1697 


—  446  — 

Eu  sortant  de  cette  chapelle  pour  se  rendre  à  celle  de 
S'^'-Barbe,  on  passe  devant  un  petit  monument  funèbre  in- 
crusté dans  la  muraille  et  élevé  à  la  mémoire  de  Jean  de 
Dixmude  et  de  sa  femme  Jacqueline  Dullaert  (i). 

CHAPELLE    DE    SAINTE-BARBE. 

La  confrérie  à  laquelle  cette  chapelle  est  réservée,  for- 
mait autrefois  avec  celle  de  la  S"^-Trinilé,  dite  :  de  la  Fon- 
taine, celle  de  S"=-Agnès,  dite  :  de  Boomlooze-mande,  et 
celle  de  Maria  feeren,  dont  nous  aurons  occasion  de  par- 
ler plus  loin ,  les  quatre  chambres  de  Rhétorique  de 
Gand.  La  première  avait  sa  chapelle  à  l'église  paroissiale 

(1)    Ce  monument  est  décoré  (3e  ces  huit  qualiers  : 
Dixmude.    Waeie.   vanden    Ilole.   Reypliins 
Dullaert.   Kcerberch.  de  Lespine.   de  Laval, 
et  porte  Tinscriplion  suivante  : 

Sépulture  vanden   Edelen  ende  weerden 
Heere  Joncheer  Jan  van  Dixmude  mer.    Joos 
zone,  Rudderc,  ende  van   vrauwe  Margriete 
vanden    Hole,   Schiltcnapc   licere  vanden  Balghe, 
Groot-Scîiactevveghe  etc.    melgaders  eerbare 
ende   discrète  Joncvrouwe  Jacquelyne    Dullaerts, 
dochter  van   Ghyselbrecht  ende   Marie   de  Lespine, 
voorseytz  Joncheer  Jans  lievc  gheselnede  die 
aehterlatende  heeren  Lievcn  Canonynck 
vander  cathédrale   kercke   van   Sente   Baefs 
binnen  deser   stede,    Thilips  Canonynck    van 
onser  vrauwe  te   Dcndermonde,  Joncheer 
Jan   ende   Joncvrauwc  Ouinline  ghetraut 
hebbende  M''   Bartliolomeus   de   Bisscop 
Jans  zone,   hucrlieder  ghetrauwe  kinderen 
hebbcn  doen   maken   dese   memorie  ende   zyn 
overlcden   dese  weerelt  Jonckeer  Jan  vander 
oude  van  LXX  Jaren   overleet,  dcn  XX"  sproclc 
XVcLlI,    ende   Joncvrouwe  Jaquelyne  vanden  oude 
van  LXIIII   Jaren  overleet  den,  XYII^t»  mey 
XVi'LXIIII   wiens  zielen 
ghenadich  zy  Godt 
Almacblicli. 


—  U7  — 

de  S'-Nicolas,  la  seconde  avait  la  sienne  à  l'église  de 
S'-Jean,  aujourd'hui  St-Bavon,  et  la  troisième  à  l'église  pa- 
roissiale de  S'-Jacques.  La  confrérie  de  S''-Barbe,  dont 
l'origine  remonte  aux  dernières  années  du  XV«  siècle,  avait 
sa  chapelle  à  l'église  de  Notre-Dame  à  S'-Pierre,  puis  elle 
vint  s'établir  à  S'-Jacques,  où  elle  réside  encore  aujour- 
d'hui (i). 

Le  rétable  de  l'autel,  entièrement  en  marbre  sculpté, 
qu'une  main  ignorante  a  badigeonné  à  l'huile,  renferme 
un  tableau  représentant  Sainte-Barbe  portée  sur  un  miage, 
le  calice  et  l'hostie  à  la  main;  au  bas  est  un  blessé  couché, 
invoquant  cette  Sainte  pour  obtenir  la  guérison  de  ses  bles- 
sures, par  Jean  De  Cleef.  Cette  œuvre  est  l'une  des  premiè- 
res de  ce  maître. 

Une  boiserie  en  chêne  d'un  beau  style,  ornée  de  deux 
médaillons,  dans  lesquels  le  baptême  et  le  martyre  de 
S"'-Barbe  sont  sculptés  en  bas-relief,  entoure  la  chapelle. 
Cette  boiserie  a  été  exécutée  en  174G,  aux  frais  de  la  con- 
frérie et  il  est  possible  qu'elle  est  l'œuvre  de  Jacques  Mar- 
tens,  qui  travaillait  à  cette  époque  pour  l'église  de  Saint- 
Jacques  (2).  Toutefois,  nous  n'affirmons  pas  que  le  con- 
fessionnal qui  porte  le  millésime  de  1712,  soit  de  la  même 
main,  quoique  les  statues  de  S^-Pierre,  de  la  Madelaine 
repentante,  de  VHmnilité  et  de  la  Pénitence,  qui  le  déco- 
rent, soient  dignes  d'un  artiste  distingué.  Ces  sculptures 
devraient  subir  la  même  restauration  que  le  rétable  de 
l'autel,  car  là  aussi  la  couleur  à  l'huile  a  étendu  ses  ra- 
vages. 

(1)  Plusieurs  savants  ont  écrits  sur  les  chambres  de  Rhétorique,  mais 
il  s'en  faut  que  tous  les  documents  aient  été  consultés.  Les  archives  com- 
nuinales  de  Gand  possèdent  un  gros  volume  in-folio,  dans  lequel  on  a 
réuni  toutes  les  pièces  qu'on  a  pu  trouver,  concernant  ces  associations 
littéraires.  Ce  volume  est  intitulé:  lUictorique-Kamcrs  in  Vlacndcrcn.  1^37 
ad   1819. 

(2)  Resohaic-Boeck.   I702-I7r)0. 


—  448  — 


CHAPELLE    DE    SAINT-AMBROISE. 


Le  tableau  d'autel  reprôgente  S^-Ambroise  7'éprimandant 
le  prince  Théodose,  Cette  belle  toile  qui  ne  porte  point  de 
signature,  est  due  au  magique  pinceau  de  Nicolas  Roose  (i). 

Le  second  tableau  qui  orne  celle  chapelle  est  la  vaste 
composition  du  Jugement  dernier,  par  le  même,  «  compo- 
»  sition  considérable,  dit  Descamps,  où  le  génie  de  l'auteur 
»  est  sans  bornes  (2).  »  Cette  belle  œuvre,  exécutée  en  mé- 
moire de  Pierre  van  der  Haegben  et  de  sa  femme  Fran- 
çoise de  ?»evt,  comme  l'atteste  l'inscription  placée  au  bas 
du  cadre  {3),  a  été  restaurée  en  1685,  par  Jean  De  Cleef, 
pour  la  modique  somme  de  trente-deux  escalins  (4).  Depuis 
celte  époque,  de  soi-disant  restaurateurs  n'ont  fait  qu'ajou- 
ter aux  dégradations  que  le  temps  et  le  soleil  ont  fait  subir 
à  cette  vaste  composition  (s). 

(1)  Voyez  :  Descamps,  .Mensaert,  Spruyt,  dans  l'invenlaire  de  1777,  et 
les  archives  de  la  Commission   des   monuments,  vol.   A,   p.    196. 

(2)  Vie  des  Peintres,  t.   I,  p.    289.    Paris,    17a3. 

(3)  D.   G.   M. 

ET     PYS     MASIEVS     D>\E     FRANCISC.E    DE    XETT   F*'    MCOLAI 

DILECT-E    CO.MVGIS    OCTAVO    CAL,    AVG,     1656,    PR.EREPT.E, 

POSVIT,    PETRVS    VAN    HAEGBEX    PETRI    FUS     QVI    SEPT, 

CAL,    9brIS    1640,    SECVIVS,    et   eod    exopposito 

MO>"VME>"TO    SEPVLTVS,    MEMORIAM    CHRISTI 

IVDICAXTIS    POSTERIS     RELIQVIT. 

REQVIESCAST    IS    PAGE 

16iO. 

(4)  Den  13  july  (1683)  betaelt  aen  Mr  Joannes  De  Clcef  voor  vermaecken 
ende  repareren  van  de  scliilderye  van  t'oordeel,  als  p.  billet,  ordounantie 
ende  quittantie,  —  XXXII  schellingen  gr. 

(3)  Il  y  a  quelques  années,  le  prédécesseur  du  curé  actuel  crut  devoir 
faire  subir  à  celte  toile,  des  changements  qui  devaient  avoir  pour  résultat 
de  détruire  en  grande  partie  l'effet  de  l'œuvre  de  Nicolas  Roose,  mais  l'ar- 
tiste qui  fut  chargé  de  cette  mutilation  eut  le  bon  esprit  de  ne  se  servir 
que  de  couleurs   à  la  colle,   faciles   à   faire  disparaître. 


—  449  — 


CHAPELLE  DE  NOTRE-DAME,  DITE  MAUL\  T  EEREN. 

Celle  chapelle  est  réservée  à  la  célèbre  confrérie  de  ce 
nom  que  l'on  complaît  autrefois,  de  même  que  celle  de 
S"^-Barbe  dont  nous  avons  déjà  parlé,  au  nombre  des  qua- 
tre chambres  de  Rhétorique  si  célèbres  dans  les  annales 
littéraires  et  dramatiques  de  la  Flandre.  Elle  fut  fondée 
en  1478,  quoique  ses  statuts  ne  reçurent  la  sanction  du 
Magistrat  de  Gand  qu'en  1484  (i). 

Les  archives  de  la  confrérie  de  Maria  feeren  sont  peu 
nombreuses,  mais  elles  renferment  des  renseignements  cu- 
rieux et  peut-être  inconnus  sur  la  constitution  et  les  usages 
de  cette  association  dramatique  qui  comptait  Thisloriogra- 
phe  Marcus  van  Vaernewyck  au  nombre  de  ses  poêles. 
Le  plus  ancien  livre  des  comptes  qu'elle  possède  encore, 
commencé  eu  1556,  nous  apprend  que  le  beau  tableau  de 
l'autel,  représentant  l'Assomption  de  la  Vierge,  dû  au  pin- 
ceau de  Jean  De  Chef,  n'a  coûté  que  trente-six  livres  de 
gros,  comme  l'atteste  l'extrait  suivant,  tiré  des  comptes 
de  1675  à  1679. 

Item  betaelt  aen  Joannes  De  Cleef 
over  een  nieu  schilderye,  Maria  ter  Eeren, 
ende  het  accomoderen  van  liet  oude 
stuck,  conforme  syne  quittancie  de 
somme  van  —  36  lib. 

Deux  paysages  oblongs  avec  figures,  représentant,  l'un  : 
la  Sainte  Vierge  délivrant  les  âmes  du  purgatoire,  l'autre  : 
l'Annonciation,  décorent  les  murs  au-dessus  du  revètemeut 
en  marbre  blanc  et  noir  qui  entoure  la  chapelle.  Ce  revê- 
tement et  le  banc  de  communion,  sont  l'œuvre  du  sculpteur 


(1)  Dans  un  intéressant  article  sur  les  quatre  chambre  de  Rhétorique 
de  Gand,  inséré  dans  le  Belgisch  Muséum,  t.  I,  p.  il7,  M"-  Ph.  Blommaert 
a  publié  les  statuts  de  Maria  t'cercn,  extraits  du  registre  de  cette  société, 
conservé   aux  archi\cs  de  réglisc  de  S'-Jacques. 


—  430  — 

gantois  Jacques  Marlens,  qui  vivait  vers  le  milieu  du  siècle 
dernier  (17o4),  Il  est  probable  qu'il  sculpta  également  les 
statuettes  du  Sauveur  et  de  la  3Ière  de  Dieu,  qui  se  trou- 
vent à  l'entrée  de  la  cbapelle. 

CHAPELLE    DE    SAINT-NICOLAS. 

Le  tableau  d'autel  représente  Saint-Nicolas  distribuant 
des  aumônes  en  bénissant  une  pauvre  vieille  femme,  par 
Le  Plat.  Il  est  marqué  :  G.-L.  Plat,  anno  1684. 

Une  belle  toile  par  Don  Antonio  van  den  Heuvel,  repré- 
sentant le  couronnement  d'épines,  décore  le  mur  à  côté  de 
l'autel.  Puis,  au-dessus  du  confessionnal  sculpté  dans  le 
meilleur  goût  et  portant  le  millésime  de  1G95,  on  voit  un 
paysage  avec  figures,  d'une  exécution  des  plus  médiocres. 

CHAPELLE    DE    SAINT-LIBOIRE. 

Le  tableau  d'autel  représente  les  apôtres  S^-Pierre  et 
S^'Paul  à  genoux,  en  extase  devant  Venfant  Jésus,  qui 
leur  apparaît  sur  le  globe  terrestre  soutenu  par  les  anges, 
par  De  Cleef. 

Le  confessionnal  sculpté  eu  chêne  et  décoré  des  statuettes 
de  S^-Pierre  et  de  la  Madelaine  repentante,  d'une  belle  exé- 
cution. 

CHAPELLE    DE    SAINTE-ANNE. 

Une  sainte  famille,  par  De  Cleef,  orne  l'autel.  Eu  face 
on  voit  les  Vendangeurs,  par  Nicolas  Roose;  très-belle 
composition  exécutée  pour  le  rétable  de  la  chapelle  des 
Wynschroeders,  dont  nous  avons  donné  la  description  plus 
haut.  Cette  magnifique  toile  exige  d'urgentes  restaurations. 

CPAPELLE    DE    SAINT-LIÉVIN. 

Le  tableau  d'autel  représente  le  martyre  du  patron  de  la 
chapelle,  par  De  Cleef. 


—  431  — 

Au-dessus  du  confessionnal  on  remarque  un  trypli(|tie 
digne  de  fixer  l'aUcntion.  Le  sujet  du  milieu,  peint  sur 
toile,  nous  oflVe  le  baptême  du  Christ,  sur  le  volet  de  droite 
Jean  de  Claerbout  et  ses  huit  fils  sont  représentés  à  genoux 
dans  le  costume  du  XV[I<=  siècle;  sa  femme,  Catherine  van 
Pilcke  et  sa  fille  unique  Catherine  de  Claerbout,  figurent 
sur  le  volet  de  gauche.  Les  revers  de  ces  deux  panneaux 
retracent  les  images  de  S^-Jean  Baptiste  et  de  S^^-Catherine. 
Au  bas  de  ce  tryptique,  on  lit  l'inscription  suivante  : 

Hier  voren  in   S-Licvens   capelle  licht 
begraven  den  eersamen  Jan  Clarbout  dane 
metgaders  ioncvroii  Catelyne  van   Pilcke 
syn  huysvrou  in   houwclicke   gliewcest  twee 
vyftich  jaeren,  iicbben  Isamen  gbehal  neglien 
kinderen,  Joos,  Jan,  Bauduin,   Adribaen, 
Antbonic,  Ghyselbrecbt,   Caiclinc,   Antlionie, 
Machiel. 

CHAPELLE    DE    SAI.ME-CATHERINE. 

Le  martyre  de  cette  Sainte,  peint  sur  toile  par  Robert 
Van  Ondenaerde,  orne  Tautel.  «  Ce  tableau  a  du  mérite,  dit 
»  Descamps;  mais,  ajoute-t-il,  les  têtes  n'ont  ni  noblesse  ni 
»  caractère.  » 

CHAPELLE    DE    LA    SALNTE-TRIMTÉ. 

Si  la  chapelle  que  nous  venons  de  quitter  n'offre  rien  de 
très-remarquable,  il  n'en  est  pas  de  même  de  celle  où  nous 
entrons. 

L'autel  construit  en  1669,  entièrement  en  marbre  blanc 
et  noir,  est  orné  d'une  fort  belle  toile  de  Gaspard  De 
Crayer,  représentant  la  rédemption  des  esclaves  chrétiens. 
Les  comptes  de  celle  confrérie,  fondée  en  164-2  par  l'évéque 
Antoine  Triest,  pour  le  rachat  des  esclaves  chrétiens,  nous 
apprennent  par  l'extrait  suivant,  que  celte  toile  a  coûté 
cent  livres  de  gros. 


—  432  — 

Item  betaelt  ilen  vyfdcn  jaiiuai-  XVl^  ncghen  en  sestich,  aen  S""  Jaspaer 
De  Craycr  hondcrt  en  thicn  pond  gr.  cnde  dal  over  dcn  scliildcrye  voir  den 
Autaer  van  de  H.  H.  Dryvuldichheyt,  conforme  de  ordonnantie  milschaders 
noch  twee  pont  acht  seh.  over  den  schilderye  staende  boven  de  voorkerck 
deure.   Samen  volghens  de  quitansie,   —   l'exil   lib.   VIII  scb.   gr. 

Autour  de  la  chapelle  règne  un  revêtement  en  marbre 
orné  de  pilastres,  dont  les  chapiteaux  sont  soutenus  par 
de  gracieuses  tètes  d'anges.  Au-dessus  de  ce  revêtement 
en  face  de  l'autel,  on  remarque  une  des  plus  vastes  com- 
positions de  Jean  De  Cleef,  les  Trinitaires  rachetant  les 
esclaves  chrétiens.  Dans  cet  œuvre,  l'élève  en  traitant  le 
même  sujet  que  son  maître  Gaspard  De  Crayer,  a  prouvé 
qu'il  était  digne  de  marcher  sur  les  traces  de  l'illustre 
peintre  qui  lui  confia  l'achèvement  de  ses  ouvrages  avant 
de  mourir.  Ce  tableau  que  Descamps  regarde  comme  le 
chef-d'œuvre  de  ce  maître,  est  le  seul  de  celte  église  qui 
porte  le  monogramme  de  Jean  De  Cleef  (I  D  C.  F*  1698). 
La  quittance  de  l'artiste  est  encore  conservée  dans  les  ar- 
chives de  la  confrérie,  la  voici  : 

Den  onderschreven  bekendl  ontfanghen  te  hebben  uyter  liandt  van  Myn 
Heer  Duyvelant,  de  somme  van  hondert  ponden  groote  permissie,  dat  over 
de  schilderye  dick  ghemaekt  ende  ghelevert  hebbe  staende  in  de  cappelle 
van   ald.  H.   Dryvuldicheyt,  representerende  de  verlossinge  van  de  christene 

slaevcn.   Actum  desen  9  july   1698. 

JoA\"NES  De  Cleef. 

CHAPELLE    DE    NOTRE-DAME    DE    LA    CO.NSOLATIO.N,    DITE  ONSE 

LIEVE  VROUWE    TEN    TROOST. 

L'autel  est  orné  d'une  toile  admirable,  représentant  la 
Mère  de  Dieu  intercédant  auprès  de  son  divin  fils  pour 
la  rjiiérison  des  infirmes,  par  Gaspard  De  Craycr.  Ce 
tableau  est  compté  au  nombre  des  meilleurs  de  ce  grand 
peintre. 


—  4oB  — 


CHOEUR. 


Si  Ton  excepte  la  ealliédrale,  Gand  ne  possède  aucune 
église  dont  le  chœur  puisse  être  comparé,  lanl  pour  la  ri- 
chesse que  pour  le  hon  goût  de  ses  ornements,  à  celui  de 
S'- Jacques,  hien  que  cette  partie  de  Téglise  ait  considéra- 
blement perdu,  depuis  que  les  magnifiques  stalles  qui  pro- 
longeaient le  chœur  actuel  jusqu'aux  piliers  de  la  tour,  ont 
été  vendues  à  un  spéculateur  anglais.  Ces  stalles  qui  exci- 
taient l'admiration  générale,  étaient  l'œuvre  de  deux  ar- 
tistes gantois,  Jacques  Coppens  et  Jean  Hebbelynck,  qui 
terminèrent  leurs  travaux  en  1719.  Antérieurement  à  cette 
époque,  le  chœur  de  S'-Jacques  était  orné  d'autres  stalles 
qui  eurent  sans  doute  à  soutTrir  des  excès  des  Iconoclastes 
pendant  les  troubles  du  XVI''  siècle,  car  les  comptes  de 
l'église  nous  apprennent,  qu'en  loG8  le  sculpteur  Bau- 
douin De  Vos  fut  chargé  de  les  restaurer. 

Le  maitre-autel  entièrement  en  marbre  blanc  et  noir, 
est  orné  d'un  très-beau  tableau,  représentant  le  Martijre 
de  S^-Jacques,  par  Jean  Bockhorst,  dit  —  Langen-Jan.  Celte 
toile  a  été  offerte  à  l'église  de  S'-Jacques,  par  Marie-Anne- 
Thérèse  d'Hane,  comme  l'attestent  les  armoiries  et  l'in- 
scription suivante  placées  au  bas  du  tableau  : 

DOXO     DEDIT     D.     J0A>.     DE     JoNGUE    ET    Dla     MarIA     VAN     DER 

Haguen   conilges   Ponebat  kob.    D'à  Maria-A>>a-Tueresa 
d'Haxe,   ex  filia  neptis. 

Si  nous  consultons  les  comptes  de  l'année  1601,  nous 
trouvons  qu'à  cette  époque  le  sculpteur  Jacques  Haustraete 
sculpta  quatre  anges  pour  les  colonnes  du  maitre-autel, 
ainsi  que  la  statue  du  patron  de  l'église  qui  le  surmonte. 

Dans  le  chœur  à  droite  de  l'autel,  on  remarque  le  ta- 
bernacle, haute  et  élégante  tourelle  d'architecture  grecque, 
dont  la  flèche  couronnée  d'un  pélican  dans  son  aire,  lou- 
che au  sommet  de  l'ogive  qui  joint  les  colonnes  de  l'édi- 


—  4o-i   — 

lice.  Les  marbres  les  plus  précieux  ont  été  employés  à  la 
conslruclion  de  ce  gracieux  monument.  Les  six  faces  visi- 
bles (lu  soubassement  destiné  aux  vases  sacrés,  sont  fer- 
mées par  des  portes  en  cuivre  travaillées  à  jour  en  arabes- 
ques, se  joignent  au  centre  à  un  médaillon  gravé  au  burin, 
représentant  pour  cbaque  porte  un  sujet  différent,  tiré  de 
l'ancien  et  du  nouveau  Testament,  savoir  :  le  Calvaire,  — 
le  sacrifice  d'Abraham,  —  le  grand-prêtre  Alchimelech 
présentant  les  pains  sanctifiés  à  David,  —  le  prodige  du 
serpent  d'airain,  —  la  manducation  de  V Agneau  pascal, 
d'après  l'ancienne  loi,  —  et  les  Juifs  nourris  de  la  tnanne 
céleste  dans  le  désert. 

Le  millésime  de  1593  gravé  sur  chacune  de  ces  portes, 
fait  supposer  qu'elles  appartiennent  à  une  époque  bien  an- 
térieure à  la  construction  du  tabernacle,  au-dessous  duquel 
nous  lisons  i'inscrintion  suivante  : 

nie    JACEXT    Ds  JOA>\ES    BApta    ET    Da 

.Maria  Lcytos,   oui  siarmore  uoc  ciiorum 

et  eucharistiam   decorarcm 

OBIIT    ILLE   lia  7bris   1704 

ILLA  2a  july   1703 

REQUIESCAXT     IN     FACE. 

Ce  tabernacle  peut  être  compté  parmi  les  plus  belles 
pièces  de  ce  genre  que  la  Belgique  possède;  mais  hélas  ! 
n'est-il  pas  déplorable  que  la  brosse  profanatrice  du  badi- 
geonneur  n'ait  pas  plus  respecté  la  tourelle  sacrée  que  les 
sculptures  et  l'autel  de  la  chapelle  de  S"=-Barbe?  Espérons 
que  la  fabrique  de  l'église,  mieux  inspirée,  ne  reculera  pas 
devant  de  légères  dépenses,  pour  rendre  à  ce  monument 
son  premier  éclat. 

Vers  la  fin  du  XVIP  siècle,  le  tabernacle  avait  sa  place 
sur  le  maitre-autcl  comme  dans  la  plupart  des  temples  ca- 
tholiques, et  à  ce  sujet  les  comptes  de  l'année  1G81   nous 


—  45S  — 

disent,  que  les  peintures  qui  couvraient  les  portes  étaient 
de  la  main  de  Jean  De  Cleef  (i). 

Pour  achever  Tinspection  du  sanctuaire,  il  ne  nous  reste 
plus  qu'à  jeter  un  coup-d'œil  sur  la  tombe  de  Guillaume 
de  Bronchorst  et  de  sa  femme  IMarie  de  Warluzel,  beau 
monument  funèbre  en  marbre  blanc,  où  les  défunts  sont 
représentes  couchés,  les  mains  jointes  et  les  pieds  appuyés 
sur  un  chien.  Ce  morceau  de  sculpture  qui  n'est  pas  sans 
mérite  a  été  exécuté  en  1693  par  Jean  Matlheys  (2), 

(1)  IG8I  —  Item  befaelt  aen  S""  Joannes  De  Cleef  de  somme  van  dry 
pondcn  twaelf  schellingen  groote  over  het  schildereu  van  de  twee  deurcn 
in  het  labernaeckel  van  den  hoogen  autaer  met  het  schilderen  van  de 
sielen  in  vaeghevier  dienende  in  den  vasten  inde  meditatie,  volgens  sjne 
quillanlie,  dus   —   III   lib.   XII   sch.   gr. 

(2)  1695  —  Item  betaelt  aen  Jan  Matlheys  beeldisnyder  over  het  mae- 
ken  van  een  niarbcle  tombe  in  den  choor,  volgens  het  accord  ende  quitln. 
—  lib.    183-6-8. 

La  tombe  de  Guillaume  de  Bronchorst  et  de  sa  femme  Marie  de  War- 
luzel  est  décorée  de  ces  huit  quartiers  : 

Broscdorst.  Warluzel. 

BoSHt'YSES-DIT-GuiNES  BOXNIERES-SOVATRE , 

Yliet.  Cortesbacu. 

SuYS.  Hallewin-Maldegiiem. 

et  de   répitaphe  suivante  : 

D.  0.  M. 

Gcilielmus  a  Broxcuorst  et  Maria  de  Warlcsel 

Ortus  atque  origims  aobilitate  scppares, 

iliustrissim^e  domcs  avita  decora, 

Vliet.e,  Bocchorsti,  Vooruouti  et  plcres  titclos, 

et  ?(omi>'a,   terras,   et   opes   posteris   reliqieruxt, 

ille,   au  :  sal  :  mdcxxxv.  ^t  :  lxvi.  xv  kal  :  feb  : 

ii.ec,   an  :  mdcxxxvi,   .£t  :  lx.   iix  kal  :  feb  ; 

Derrière  la   tombe,  dans  la  nef  latérale  on   lit  : 

ADESDl.M    VIATOR. 

GuiLiELMCS   A   Bronchorst    et   Maria    de  Wariizel 

IIIC    siti    Sl">T. 

ÏIIALAMI    DUM    VIVEREM    TU.MLLI,    DL'M    reviviscent, 

CONSORTES. 

ILLUSTRIA    NUPER    JiOMINA    SU.\C     CIXIS    TE    UMBRA. 

HUMANA    OMNIA    VANA    SUNT    ET    INAKIA 

iETERKA    SEQDERE. 


—   4o6  — 

Derrière  le  chœur  eu  face  de  la  chapelle  de  Maria 
feeren,  on  voit  un  grand  tableau  dont  la  partie  supérieure 
représente  le  mystère  de  V Eucharistie,  et  la  partie  infé- 
rieure un  sujet  de  l'ancien  Testament  :  le  grand-prêtre 
Alchimelech  donnant  les  pains  sanctifiés  à  David,  peint 
en  1752  par  Frans  Pilsen  (i).  Nous  aurons  occasion  de 
revenir  sur  ce  peintre,  lorsque  nous  parlerons  de  la  sa- 
cristie. 

Contre  les  piliers  de  la  tour,  dans  le  revêtement  en  mar- 
bre qui  les  couvre,  on  remarque  les  portraits  de  St-Pierre 
et  de  S^-Paul,  peints  sur  toile  par  Van  Hu/fel. 

La  chaire  de  vérité  d'un  style  à  la  fois  simple,  élégant 
et  sévère,  est  l'œuvre  du  célèbre  sculpteur  gantois  Charles 
Van  Poucke.  Sur  les  quatre  faces  on  admire/le  gracieux 
bas-reliefs  en  marbre,  représentant  :  i"  la  Naissance  de 
Jesus-Christ,  2°  la  Bénédiction  des  enfants,  0"  le  Christ  et 


(1)  Le  registre  des  résolutions  de  la  fabrique  de  l'église,  séance  du  5  jan- 
vier 1732  contient  f"  14  \°  -.  «  Ten  selven  daeghe  syn  voornoemde  heeren 
van  den  eedt  over  een  ghecommcn  ende  gheaccordeert  met  S""  Frans  Pilsen, 
schilder  binnen  dose  stadt  tôt  het  macken  ende  schilderen  een  groot  stuck 
ofte  schilderye  van  boven  representercnde  het  aider  H.  Sacrament  des  autacrs, 
ende  van  onder  eenighe  personagien  van  het  voornoemde  hoogweirdigh 
misterie,  ■«elcke  voornoemde  schilderye  sal  dienen  ende  ghestelt  worden 
in  een  groot  cieraet-werck  achter  den  hooghen  autacr  deser  kcrcke,  waer 
van  mentie  ghemaeckt  is  by  resolulie  van  den  S<=n  bcr  1731  hier  vooren 
fo  10  v"  en  11  recto,  dit  omme  ende  voor  de  somme  van  veerticli  ponden 
grooten  steerck  wisselghclt,  voor  welcke  voornoemde  somme  hy  sal  verobli- 
geert  syn  de  voornoemde  schilderye  te  maecken  ende  schilderen  inghevol- 
ghe  de  schitse  door  hem  hedent  aen  d'heeren  van  den  eedt  ghecxhibeert, 
emmers  ailes  buyten  critique  ende  reproche  mitsgaders  daer  toe  te  leveren 
den  noodighen  doeck  ende  voordere  toebehoorlen  al  het  ghone  alsoo  by 
hem  is  gheaccepteert  ten  wclckcn  effecte  hy  dese  heeft  onderleekent.  » 

—  Les  comptes  de  la  fabrique  de  l'église  de  S'-Jacques,  du  1er  mars  1731 
au  3  mars  1733,  contiennent  :  «  Betaelt  aen  Jacobus  .Martens  mcester  beell- 
houder  de  somme  van  zes-en-derligh  ponden  grooten  over  den  arbeyt  ende 
leveringhe  van  bout  tôt  het  becllhoudcne  werk  staendc  achter  den  hoogen 
autaer  deser  kerke  als  by  rekeninge,  specificalie,  ordonnancie,  —  5G  lib. 


—  457  — 

la  Samaritaine  et  4"  la  Salutation  angélique  (1).  Au-dessous 
de  la  chaire,  Tarlisle  a  placé  la  statue  en  marbre  de  Saint 
Jacques  expliquant  les  saintes  Écritures  au  peuple.  Quant 
à  la  rampe  de  Fescalier  figurant  une  vigne  artistement  tra- 
vaillée et  les  autres  sculptures  en  chêne,  nous  croyons 
qu'elles  ont  été  exécutées  d'après  les  dessins  et  sous  la  di- 
rection de  Charles  Van  Poucke,  par  Jacques  De  la  Geye, 
sculpteur  habile  mais  ardent  révolutionnaire,  que  les  Ja- 
cobins élevèrent,  lors  de  leur  invasion  en  Belgique,  à 
la  charge  de  commissaire  de  police  de  la  section  de  la 
Liberté. 

A  quelques  pas  de  la  chaire  de  vérité,  contre  l'un  des 
piliers  qui  soutiennent  la  tour,  s'élève  le  mausolée  d'un 
bienfaiteur  de  rhumanilé,  de  Jean  Palfyn,  le  célèbre  in- 
venteur du  forceps,  qu'une  femme  poëte  et  mère.  Maria 
Doolaeghe,  illustra  dans  ses  chants  (2).  Le  monument  dû 
au  ciseau  de  Charles  Van  Poucke,  représente  une  femme 
versant  des  pleurs  sur  la  tombe  de  Palfijn.  Cette  statue 
qui  inspire  une  véritable  douleur,  bien  drapée  et  parfaite- 
ment posée,  est  unedes  meilleures  productions  de  ce  maître. 
Le  cénotaphe  porte  l'inscription  suivante  : 


(1)  Le  registre  des  résolutions  de  la  fabrique  de  l'église,  du  2  mars  1787, 
fo  196  v",  contient  le  contrat  passé  par  devant  notaire  entre  les  marguilliers 
et  Charles  Van  Poucke.  11  y  est  stipulé  que  celui-ci  devait  exécuter  les  tra- 
vaux prescrits  pour  la  somme  de  4,000  florins  argent  de  change.  Selon 
cet  acte  le  2^  bas-relief  devait  représenter  Jésus-Christ  prêchant  au  lemple,- 
cl  le  3e,  Jésus  réprimandant  les  Juifs  qui  accusaient  icne  femme  d'adullire 

(2)  Les  six  premiers  vers  de  ce  poème  semblent  être  faits  exprès  pour 
le  mausolée  de  Palfyn,  les  voici  : 

'k  Ben    moedcr  :  't  zcgt  gcnoeg,   opdat  ik    voor   u    kniel"  — 
Den   warnien   loon   u    zing',  geofferd    door  de   zicl; 
Op   uw   cerwaerdig  graf,   Palfyn,  gcbloemle  strooije; 
Erkenteiyk   nedcrzink',  de   lianden  samenpiooije, 
En  't  dankgcbcd   u  slorlc,   u,  die  aen  't  zvvak   gesjaclit, 
Nacst   Gode  de   eerste,  hulp  in  doodsgevaren   bragt. 


—  453  — 

D.   0.   M. 

ET    IMMORTALI 

PALFIM    GESIO 

CUBA 

COLLECII    MEDICI    HlIfS    URBI5 

JERE    LT    MlMFICtMlA 

PLCRICM 

BOSARUM  ARTICM  REMCSERAIORDM 

ERECTUM  AN>0  1784. 

Le  premier  inop.ument  élevé  à  Paifyii  en  1783,  se  trouve 
en  face  de  celui-ci.  Ce  n'est  qu'un  simple  cippe  en  marbre 
noir,  au  milieu  duquel  sont  suspendus  en  trophée,  entre 
deux  rameaux  de  chêne,  les  forceps  et  les  autres  instru- 
ments de  chirurgie  inventés  par  cet  habile  praticien  (i). 

Avant  de  nous  rendre  à  la  Sacristie,  il  est  nécessaire 
que  nous  jetions  un  regard  sur  le  jubé.  L'architecture  eu 
est  gracieuse  et  parfaitement  en  harmonie  avec  celle  adop- 
tée dans  le  chœur  et  dans  les  cliapelles.  Ici  encore  nous 
découvrons  un  sculpteur  de  mérite,  Jean  Prendhome,  qui 
exécuta  en  1695,  les  deux  anges  qui  couronnent  le  buffet 
de  l'orgue  (2). 

(1)  A.  Voisin  a  écrit  une  intéressante  notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
Palfyn. 

(2)  Item  betaelt  aen  Jan  Prendhome,  M""  beeldtsnydcr  ovcr  het  maeken 
van  S'-Jacob  ende  twee  engelen  boven  t"doxhaeI,  als  per  billet,  ord.  ende 
quitt.,  lib.   5-3-4  [Comptes  de   l'église  de  l'année  1695). 

Le  jubé  nous  rappelle  que  nous  avons  cherché  vainement  dans  les  ar- 
chives de  l'église  de  S'-Jacques,  un  exemplaire  d'une  œuvre  musicale,  pu- 
bliée en  lG6a  par  J.  Van  der  Wielen,  maitre  de  musique  de  cette  église. 
Cet  ouvrage,  petit  in-4'',  d'une  rareté  extrême,  dont  M^  C.-P.  Serrure  pos- 
sède un  exemplaire  qu'il  a  bien  voulu  nous  communiquer,  est  intitulé  : 

CAMIONES  NATALITI.E  QDATUOR  ET  QUIXQCE  TAM  VOCIBUS  QCAM  I.'»STBUME:yTIS 
DECAMANDE.  Al'CTORE  J.  VA^DER  WIELEN  ECCLESI*  PAROCHIALIS  S.  lACOBI  GANDAVI 
MUSICO-PR/EFECTO. 

ANTVERPI.E  APtD  I1.£REDES  PETRI  PIIALESII  ,  TVPOGRAPHI  MtSICES,  AD  INSIGNE 
DAVIDIS  REGIS.    M.   DC.   LXV. 

La  vignette  du  titre  représente,  le  roi  David  dans  un  cercle,  sur  lequel 
on  lit  :   Laudate  domiml'm  in  psalterio   et  cytuara. 


—  439  — 

Sacristie. 

Vers  le  milieu  du  XVIP  siècle,  une  nouvelle  sacristie 
fut  ajoutée  à  raiiciennc,  et  les  comptes  de  1G65  nous  ap- 
prennent qu'un  certaiu  Jacques  Jfoens  peignit  un  tableau 
pour  la  cheminée. 

En  1751  cette  partie  de  Tédifice  fut  reconstruite  et 
agrandie,  et  Frans  Pilsen  fut  chargé  de  peindre  pour  la 
boiserie  de  la  cheminée  de  la  chambre  dite  :  de  boeleniers- 
kamer,  un  tableau  représentant  l'apôtre  de  VEspagne,  prê- 
chant VÊvangile  au  peuple.  Ce  tableau  bien  touché  et 
d'un  beau  coloris,  ressemble  si  peu  aux  œuvres  que  nous 
connaissons  de  cet  artiste,  qu'il  faut  pour  se  convaincre, 
qu'il  est  réellement  dû  au  pinceau  de  Pilsen,  plus  connu 
comme  graveur  que  comme  peintre,  le  témoignage  irrécu- 
sable des  comptes  de  l'église  de  S'-Jacques,  où  nous  trou- 
vons : 

Betacit  aen  Frans  Pilsen  de  somme  van  vyfligh  guldens  wisselgell,  ovcr 
het  sehilderen  van  het  schouwsluck  in  de  seliauwe  dei-  sacristye  deser  kerke, 
aïs  per  ordonnantie  en  quit.  comt  in  courant  gelt,  —  lib.  9-14-3  {Regislre 
des  Comptes  du   a  mars    1733   au  2  juillel    1783)   (I). 

Sur  la  cheminée  nous  avons  remarqué  deux  superbes 
reliquaires  en  ébène,  garnis  de  bas-reliefs  en  argent  re- 
poussé d'un  beau  travail,  représentant  des  sujets  tirés  des 
croisades.  Ces  reliquaires  appartiennent  à  la  confrérie  de 
la  S'^-Trinité. 

Disons  ici  un  mot  du  fameux  ciboire  que  Voisin  croyait 


(I)  Lorsque  Ion  jette  les  yeux  sur  Tensemble  des  travaux  de  menui- 
serie de  la  chambre,  dite  :  de  Boeleniers-kamer,  on  doit  reconnaître  que  le 
tableau  a  été  fait  exprès  pour  la  boiserie.  Opinion  que  les  comptes  ilu 
3  mars  1735  au  2  juillet  1733,  conlirment  par  i'cNlrail  suivant  :  ><  Belacit 
acn  l'icier  Verpoest  meester  schrynwercker  over  syn  billet  van  leveiliifflie 
der  twcc  archive  cassen  ende  boeserye  der  scliauwe  in  de  sacristye  deser 
kcrckc,   als  per  ordcie  en  quit.  —  lib.   3G-4-7.  » 


—  460  — 

d'or  massif,  parce  que  Marcus  van  Vaernewyck  l'avait  dit 
avant  lui.  Cette  belle  pièce  d'orfèvrerie,  du  poids  de 
53  marcs,  6  onces  et  2  esterlins,  n'était  pas  un  ciljoire 
d'or  massif,  mais  bien  un  ostensoir  en  vermeil,  garni  de 
pierres  précieuses  et  de  perles  fines,  dont  il  existe  encore 
un  dessin  du  X^T  siècle,  conservé  dans  la  collection  de 
M'P.-J.  Goetghebuer  et  que  nous  produisons  ici  en  gravure. 

L'exactitude  de  ce  dessin,  trouvé  dans  un  exemplaire 
in-4°  de  VHistorie  van  Belgis  du  poète  van  Vaernewyck, 
n'est  pas  seulement  prouvée  par  l'époque  à  laquelle  il  a 
été  exécuté,  mais  encore  par  un  ancien  inventaire  repo- 
sant aux  archives  de  l'église  de  S'-Jacques,  où  toutes  les 
parties  de  l'ostensoir  sont  spécifiées  (i).  Celte  admirable 
production,  due  sans  doute  à  l'un  de  nos  plus  célèbres  ci- 
seleurs flamands  du  XV'=  siècle,  a  disparu  il  y  a  long- 
temps, du  trésor  de  l'église. 

Cette  perle  n'est  pas  la  seule  que  les  arts  aient  à  déplo- 
rer. Comme  la  plupart  des  temples  chrétiens  aux  XYl^  et 
XVII''  siècles,  Téglise  paroissiale  de  S'-Jacques  possédait 
de  magnifiques  verrières,  peintes  par  Rombaut  Van  de 
Vekene,  le  célèbre  peintre  sur  verre,  qui  exécuta  quelques- 


(1)   Nous  extrayons  de  cet  inventaire  les  paragraphes  suivants  : 

Aider  eerst  een  christaelen  cruj-se  hanghende  an  de  remonstrance  glie- 
stoffeert   met   gaut  en    gheslimeert  ses   ponden  grooten. 

Item,  een  gauden  herfe  hanghende  an  de  zelve  remonstrance  weghende 
seven  inghelschens  glieslimeert  twee  guldens  den  inghelsche  sonder  fatsoen. 

Item,  een  gauden  cruysken  hanghende  als  voorcn  gheestimeert  op  twyn- 
tich  schellynghen  grooten. 

Item,  de  remonstrance  weghende  een  hondert  en  sevenensestich  oneen 
ghestimeert  met  het  vergulden  ende  fatsoen  twyntich  schellynghen  d'once. 

Item,  het  macnlje  van  de  voorse  remonstrance  weeglit  twee  oneen  een 
half  geestimeert  als   vooi-en. 

Item,  een  vergulden  croone  met  twee  hondert  ende  eencntwyntich  fyne 
peerlen  dienende  tôt  de  selve  remonstrance  weghende  Ihyen  onccn  met  de 
peerlen  geestimeert  twAntich  schellyngen  d'once  ende  de  peerlen  toi  drye 
stuyvers  het    sluck. 


Ch.  On^hena  «.^c. 


—  461  — 

uns  des  inagniliques  vitraux  qui  onieut  encore  l'église  de 
S'- Jacques,  à  Anvers  (i). 

Les  comptes  de  Tannée  1604  nous  apprennent,  que  cet 
artiste  fut  chargé  de  peindre  cinq  verrières,  représentant 
l'abbé  de  S*-Pierre  et  le  Castillan,  sujet  ((ue  nous  avons 
vainement  cherché  à  expliquer  (2).  Le  27  novembre  1603, 
Van  de  Vekene  passa  un  acte  avec  les  membres  de  la  fa- 
brique de  l'église,  par  lequel  il  s'engageait  à  peindre  six 
verrières,  rappelant  U histoire  de  V apôtre  de  VEsparjne, 
entièrement  semblables  à  celles  qu'il  avait  faites  peu  de 
temps  auparavant,  pour  l'église  de  S'-Jacques  à  An- 
vers (3). 

Puisque  nous  parlons  de  peinture,  il  convient  de  jeter 
un  regard  sur  les  tableaux  que  la  fabrique  de  l'église  a 
cru  devoir  mettre  au  rebut  et  parmi  lesquels  il  s'en  trouve 


(1)  Voyez   le  Dictionnaire  des  peintres,   par  Ad.    Siret. 

(2)  1604^  —  Belaeit  Rombaut  Van  de  Vekene  ghelaes  senvere  van  And- 
werpen  voor  de  ghelaes-veynsters  van  den  Al)t  van  S'-Pieters  ende  den 
Castiliaen,  mitsgaders  X  sch.  gp.  van  proniissieghelt,  tsaemen,  —  lib.  XXVI, 
X  sch.    gr. 

Betaelt  Mensius  de  Praet  voor  maeken  van  den  iserwerck  om  het  coper- 
werck  aen  te  vlechten  tôt  bescliermen  van  den  ghelaes  veynslers  tôt  vyf 
veynsters  ten  II  p.  tsuck  mits  by  daertoe  moeste  leveren  de  yseren  raemkens 
omme  de  veynsters  van  het  glas  mede  vast  te  maeken,  fsaemen  X  lib.  gr. 

Item,  betaelt  Pierre  De  Mettere  voor  zynen  liaerbeyt  van  het  vlechten 
van  den  coperdraet  van  voorseide  veynsters,  I  tôt  XX  sch.  gr.  ende  dan- 
der  tôt   XXV   sch.   gr.  stick,   bedragt  de   somme  van  VI   lib.  gr. 

Betaelt  Ghceraert  Van  Hasseck  voor  coperdraet  te  vlechten  van  vyf  veyns- 
ters ora  tmaeken  van  den  arnasschie  tôt  beschudden  van  de  ghelaes  veyns- 
lers, —   IX  lib.   XVIII  gr. 

(ô)  Voici  cette  acte  : 

Dezen  27  november  1603  zyn  pasloors  ende  keercmeesters  van  S'-Jacobs 
kcercke  in  Ghendt  ter  eendere  ende  Rombaut  Van  de  Vekene  ter  andere 
met  elcaudcrcn  veraccordecrl  van  tmaeken  van  zes  ghclaesveynsters  in  de 
zelve  keercke  in  der  maniercn  naervolghende  :  in  den  eersten  dat  hy  Rom- 
baut belooft  heeft  zoo  hy  doet  by  dczen,  dezelve  te  maeckene  mette  hislo- 
rye  van  S'-Jucops,  in  aider  vormen  ende  manicren,  zoo  die  zyn  slacndo  in 
S'-Jacobs  kcercke  binncn  AndMcrpcn,  mette  zclvc  coleurcn  die  danof  zullcn 


~  462  — 

qui  sont  bieu  certainement  dignes  d'un  meilleur  sort;  tels 
sont  : 

1°  Le  Baptême  du  Christ,  bonne  toile  qui  ornait  autre- 
fois l'autel  de  la  cbapelle  réservée  aux  fonts  baptismaux. 
Ce  tableau  peint  en  1681  et  attribué  à  Jean  De  Cleef,  a 
beaucoup  souffert;  cependant  il  mérite  l'importante  restau- 
ration dont  il  a  besoin,  pour  reprendre  la  place  qu'il  occu- 
pait jadis. 

•2°  La  Mort  de  S^^-Anne,  bon  tableau  en  très-mauvais  état. 

5°  La  Fuite  en  Egypte. 

4°  La  Vierge  Marie  apparaissant  à  S^-Jucques  au  milieu 
d'une  forêt. 

5"  S^-Jacqnes  combattant  les  infidèles. 

0°  S'-Jacques  expliquant  les  saintes  Écritures. 

Ces  quatre  derniers  tableaux  sont  des  paysages  avec 
figures,  qui  décoraient  autrefois  le  chœur  au-dessus  des 
anciennes  stalles. 

Il  est  fâcheux  que  jusqu'à  ce  jour,  on  n'ait  pas  encore 
songé  à  sauver  ces  tableaux,  qui  ne  sont  pas  sans  quelque 
mérite,  d'une  destruction  complète  et  inévitable  au  milieu 
des  débris  de  mobilier  de  toute  espèce,  qui  encombrent 
l'étroit  réduit  où  ils  sont  relégués. 


tien  monslcr  wezen  enJe  daer  toe  temployeren  tbeste  bourgoens  gheîas  enile 
lool,  endc  in  duppersie  roiidcn  zullcn  glicstcll  worden  de  wapcne  van  de 
gliene  die  ghevende,  al  twclcke  de  voornomde  Rombaut  belooft  te  doene 
in  aider  besler  vormen  cnde  maniercn  dat  doendelic  wort,  ende  die  alle- 
gader  te  stellcne  ende  rechtene,  al  ter  goeder  trauwen  ende  zonder  arghe- 
list  tcn  lancxsten  onthier  ende  alf  ougste  naestcommende,  dies  zullen  de 
j"seren  roedcn,  by  my  te  doen  maecken  betaeld  worden  by  der  keercke, 
daer  vooren  de  voornocmde  Rombaut  zal  hebben  dertliien  ponden  grooten 
Yoor  elcke  veynstere,  die  de  voornocmde  pasloor  ende  keercmccsters  bem 
daer  vooren  beloven  te  betalene  of  emmers  ben  te  bewyscnc  up  de  gbc- 
vers  van  dies,  verbindcndc  in  al  tgbcne  voorscreven  by  Rombaut  zynen 
persoon  endc  goedynglicn  présent  ende  toccommcndc ,  toorconden  elcx 
hanteecken. 

RoMBOIDT    Va>-     de    VeKEXE. 


_  463  — 

Pour  terminer  rinspeclion  de  Téglise  paroissiale  de  Saint- 
Jacques,  il  ne  nous  lesle  plus,  Messieurs,  qu'à  monter  à 
la  grande  tour  qui,  pendant  les  premières  années  du  siècle 
dernier,  résonnait  encore  des  joyeux  accords  d'un  carillon 
dont  il  n'existe  plus  de  vestiges  aujourd'hui. 

Quatre  cloches  de  différentes  dimensions  sont  suspen- 
dues à  la  charpente.  Les  deux  plus  anciennes  datent  de 
l'année  1G28.  A  cette  époque,  une  souscription  fut  ouverte 
parmi  les  habitants  de  la  paroisse,  pour  couvrir  les  dé- 
penses de  cinq  nouvelles  cloches,  dont  l'exécution  fut 
confiée  aux  fondeurs  lorrains  François  et  Nicolas  De- 
lespine  et  Nicolas  Chaboteau.  S'-.Jacques,  S'-Sauveur, 
S'^-Marie,  S'-Liévin  et  S'^-Barbe,  devinrent  les  patrons  des 
nouvelles  cloches,  auxquelles  ils  donnèrent  leurs  noms. 
Cent  ans  plus  lard,  le  gros  bourdon  Jacques,  s'étant  fêlé, 
on  le  fît  refondre,  puis  il  subit  une  dernière  transformation 
en  181.3.  La  cloche  Liéviti  ou  Barbe,  nous  ne  saurions 
dire  laquelle  des  deux,  ayant  été  vendue  à  l'église  de  Saint- 
Étienne,  périt  dans  le  terrible  incendie  qui  consuma  cette 
église  en  1858.  Ces  cloches  étaient  ornées  de  l'image  de 
leur  patron,  des  armoiries  de  la  ville  et  de  celles  du  pre- 
mier échevin  de  la  Keure,  Guillaume  de  Blasere,  sculptées 
par  Emjelbert  Van  Zijll  (t). 


(1)  Guillaume  de  Blasere,  seigneur  de  Vassenpoorle,  Castre  et  HeUcbus, 
capitaine  du  château  de  Gand,  élu  premier  échevin  du  collège  des  Parchons 
en  1G18,  premier  échevin  de  la  Keure  en  1622,  1028  et  1630,  nommé 
ensuite  Gouverneur  de  Courtrai,  devint  Grand-Bailli  d'Audenardc  en  1646. 
A  cette  occasion  la  ville  lui  offrit  une  somme  de  1200  livres  parasis  pour 
meubler  son  Iiotcl  (lot  acnkoop  van  tapylen.  Voyez  Audcnaerdsche  Afoigclin- 
gen,  I«  deel,  bl.  568).  Pendant  la  même  année  il  assista  en  qualité  de 
commissaire  royal  au  renouvellement  de  la  magistrature  en  Flandre.  Il 
mourut  à  .\udcnarde  en  16o6  sans  s'être  marié.  Guillaume  de  Blasere 
était  fils  de  Gérard  et  de  Florence  Le  Poyvre,  dame  de  Hellcbus,  et  petit- 
fils  de  Jacques,  conseiller  au  conseil  de  Flandre  et  de  Catherine  Bette;  il 
])ortail  :   d'urgent   au  chevron  de  guetdes,  accompagné  de  trois  trompes  de 


—  46-i  — 


Quant  aux  deux  autres  cloches,  Salualor  et  Marie,  elles 
subsistent  encore.  La  première  porte  celte  inscription  : 

Salvator  boven  al  gepresen 
is  my  den  naeme  ghegheven 
Vant  ghemeente  van   S.  Jacobs 
Hier  in  ghescreven 
Dm  met  Godt 
te  verzoenen  goet 
in  al  ons  tegenspoet. 
anno   1628. 

Au-dessus  de  cette  inscription,  qui  entoure  la  partie 
supérieure  de  la  cloche,  règne  un  cordon  d'environ  six 
centimètres  de  largeur,  représentant,  chose  digne  de  re- 
marque à  une  époque  où  ce  genre  d'ornementation  n'était 
plus  en  usage,  une  danse  macabre  de  quatre  personnages. 
La  mort  tenant  un  jeune  homme  par  la  main,  le  menace 
d'une  pique,  celui-ci  donne  l'autre  main  à  un  vieillard  au 
sourire  sardouique,  vêtu  en  magistrat,  qu'un  autre  sque- 
lette cherche  à  entraîner.  Ce  qui  veut  dire,  croyons-nous, 
que  la  mort  frappe  indistinctement  les  jeunes  et  les  vieux. 


■V).3tt. 


sable,  embouchées  et  virolées  d'or,  posées  en  pal.  Il  brisait  ses  armoirie 
d'un  tau  d'or  sur  le  chevron  de  Técu,  sans  doute  en  mémoire  de  son  aïeule 
Catherine  Bette,  dont  la  famille  portait  :  d'azur  à  trois  laux  ou  béquilles 
de  S^-A)iloine  d'or. 


—  463  — 

La  seconde  cloche,  Marie,  appartenant  à  la  même  épo- 
que, porte  à  la  partie  supérieure  l'inscription  suivante  : 

Maria  is  myncn  naem  op  dese  clocke  ghescreven 

van  tgliemccnle  van  S.  Jacobs  biniien   Ghendt  gheglievcn, 

van   de  loreynnooscn  ghegotcn   con  paer 

om  Godt   met  luyden  te  dancken  int  doncker  en  claeren,  anno   1G28. 

L'église  de  S'-Jacques  possédait  autrefois  des  revenus 
considérables,  dont  une  partie  consistant  en  biens-fonds  et 
en  rentes,  était  atîectée  au  soulagement  des  malheureux 
sous  la  dénomination  de  cotidiaenen  distributien  ou  mense 
du  S'-Esprit.  Nous  avons  trouvé  dans  les  archives  de 
l'église  une  charte  datée  du  4  mai  1565  qui  nous  apprend 
que  Bernard-Alven  de  Herzele,  seigneur  de  Rontglo  (Ron- 
sele),  dont  l'habitation  était  située  près  du  cimetière  de 
S'-Jacques,  fut  le  fondateur  de  cette  institution  philan- 
thropique. Ce  fait  explique  la  présence  des  armoiries  de 
cette  famille,  au  bas  du  sceau  de  l'église  de  S'-Jacques, 
sur  la  bordure  duquel  on  lit  :  s.  cotidianaru.  sa.  iacobi, 

GANDENSIS  (l). 


(i)   Celte  partie  du   rapport  a   été  lue  eu  séance  du    19  octobre  1831, 


—  466  — 


lïnc   anîDi'c   incbitc 

DE  MARTI>ETZ  PASQUALIS. 


A  3Î.  DE  SAi?>T-GENOis,  Rêcluctcur  du  xMessager  des  Sciences. 

Monsieur, 

Le  hasard,  auquel  on  doit  tant  d'heureuses  trouvailles, 
me  fit  dernièrement  tomber  sous  la  main,  parmi  d'anciens 
cahiers  de  cours  universitaires  auxquels  on  n'accorde  guère 
d'attention  s'ils  ne  se  recommandent  par  aucun  nom  célèbre, 
un  manuscrit  aux  apparences  modestes,  mais  dont  le  titre 
suflîsait  pour  exciter  vivement  ma  curiosité.  Je  le  transcris 
ici,  avec  les  erreurs  d'accents  qui  s'y  trouvent  : 

Traité 

sur  la  réintégration  des  Etres,  dans  leur  première  propriété, 

vertu  et  puissance  spirituelle  divine. 

Par  Doni  Murtinetz  Pasqualis. 

Venant  de  ]\P  de  S^-3Iartin. 

Puis,  à  la  première  page,  à  côté  du  titre  reproduit  avec 
cette  faute  :  traitté  pour  traité,  se  lisait  : 

Commencé  la  copie  le  19  juillet  et  fini  le  14  août  1818. 
F.  Gandard  colonel,  à  Veuey  en  Suisse. 

Ce  nom  de  Martinclz  Pasqualis  qui  offrait  à  ma  curiosité 
l'intérêt  de  l'inconnu,  celui  de  Saint-j\Iartin  qui  me  rappe- 
lait les  pensées  pleines  de  délicatesse  et  de  sentiment  que 


—  467  — 

j'avais  lues  Jans  un  livre  ouvert  sur  toutes  les  tables  (i), 
enfin  le  nom  de  ce  coin  de  la  Suisse  qui  fait  penser  aux 
pages  éloquentes  d'un  autre  philosophe,  c'était  plus  qu'il 
ne  fallait  pour  attirer  mon  attention  sur  le  livre  et  son 
auteur,  sur  le  mérite  de  l'ouvrage,  et  puis  sur  cette  ques- 
tion qu'on  se  pose  toujours  en  pareilles  circonstance  :  Cette 
œuvre  n'a-t-elle  jamais  vu  le  jour?  J'obtins  d'emporter  le 
manuscrit  pour  examiner  la  question  à  loisir,  et  je  vous 
communique  les  résultats  de  mes  recherches,  résultats  qui 
peuvent  présenter  quelque  intérêt  pour  ceux  qui,  comme 
moi,  s'intéressent  aux  moindres  détails  de  l'histoire  des 
lettres. 

Le  Traité  sur  la  réintégration  des  êtres  est  un  cahier  in-4.", 
de  149  pages,  d'une  écriture  serrée,  régulière  et  très-lisi- 
ble, pouvant  former,  d'après  mes  calculs  approximatifs,  la 
matière  d'environ  2o0  à  275  pages  du  Messarjer  des  Scien- 
ces. La  copie  est  correcte  et  paraît  très-fidèle,  jusque  dans 
certaines  fautes  qui  se  reproduisant  trop  fréquemment 
pour  qu'on  puisse  les  attribuer  à  l'inattention  du  copiste, 
semblent  plutôt  résulter  d'une  prononciation  vicieuse  de 
l'écrivain. 

Faisons  maintenant  connaissance  avec  l'auteur. 

Martinetz  Pasqualis,  que  les  biographes  désignent  comme 
le  fondateur  de  la  secte  des  Marti nistes,  est  appelé  par 
Saint-x>Iartin  «  son  premier  éducateur  »  et  semble,  si  l'on 
peut  juger  du  maitre  par  le  disciple,  avoir  appartenu  à 
cette  série  de  mystiques  parmi  lesquels  se  rangent  Bœhni 
que  Saint-Martin  a  traduit,  et  Swedenborg.  On  ne  cite  du 
reste  de  Pasqualis  aucune  œuvre  imprimée,  mais  M.  Gence 
nous  apprend,  dans  la  biographie  qu'il  nous  a  donnée  de 
lui  (a),  «  qu'un  traité  de  réintégration  contenant  ce  que 


(1)  Le  Magasin  Pittoresque,  treizième  annOe  (184u),  p.  550  el  557. 

(2)  Riorjruphk  universelle  de  Micliaiul,  art.  Marlinez  Pasqualis. 


—   468  — 

Marlinez  Pasqualis  (i)  avait  écrit  de  sa  doctrine  et  qu'il 
lisait  ou  dictait  à  ses  disciples,  est  resté  inédit,  »  paroles 
qui  ne  peuvent  s'appliquer  qu'à  l'œuvre  dont  nous  avons 
une  copie  sous  les  yeux. 

Le  Traité  sur  la  réintégration  n'est  donc  pas  complète- 
ment inconnu,  quoique  les  auteurs  n'aient  point  donné  de 
détails  précis  sur  les  doctrines  qu'y  enseignait  Pasqualis. 
Ils  se  sont  contentés  de  dire  que  \e  philosophe  inconnu(cesl 
le  nom  que  Saint-Martin  se  donnait  en  signant  ses  ouvra- 
ges) (2),  a  puisé  une  bonne  partie  de  sa  doctrine  dans  les 
écrits  de  son  maître  (0).  J'aurais  voulu  juger  de  la  vérité 
de  cette  assertion  par  la  comparaison  de  l'écrit  de  Martinetz 
avec  celui  des  ouvrages  du  disciple,  qui  par  la  nature  du 
sujet,  doit  s'en  rapprocher  le  plus,  et  qui  a  pour  titre  : 
De  Vesprit  des  choses,  ou  coup  cVceil  philosophique  sur  la 
nature  des  êtres  et  sur  l'objet  de  leur  existence,  ouvrage  dans 
lequel  lliomme  est  considéré  comme  étant  le  mot  de  toutes 
les  énigmes.  Je  n'ai  pu  trouver  cet  ouvrage.  Cependant,  par 
ce  que  j'ai  lu  des  autres  productions  du  philosophe  inconnu, 
j'ai  pu  voir  qu'il  y  avait  au  fond  des  écrits  du  disciple  et 
du  maître  ce  même  spiritualisme  mystique  enveloppé  d'une 
terminologie  étrange,  de  formules  et  de  chiffres  qui  le  ren- 
dent presque  insaisissable  à  une  première  lecture,  à  cette 
différence  près  entre  les  deux  auteurs,  que  Saint-Martin 
est  moins  obscur  dans  les  détails,  que  sa  pensée  est  moins 
vague  que  celle  de  son  maitre  et  son  style  plus  correct,  tan- 
dis que  la  pensée  de  Pasqualis  est  quelquefois  une  énigme 


(1)  M.  Geuce  et  tous  les  recueils  biographiques  écrivent  Marlinez,  tandis 
que  le  manuscrit  porte  Martinetz. 

(2)  Des  Erreurs  et  de  la  Vérité.  —  Le  Tableau  Naturel.  —  L'Homme  du 
désir,  etc. 

(3)  Voyez  l'art.  Saint-Martin  de  M,  Gence  dans  la  Biographie  universelle  de 
Michaud.  —  Quant  à  la  notice  biographique  que  le  même  auteur  a  publiée 
séparément  en  1824,  je  n'ai  pu  la  trouver. 


—  469  — 

et  que  son  style  décèle  fréquemnienl  railleur  qui  est  encore 
peu  familiarisé  avec  la  langue  qu'il  emploie. 

Au  reste,  je  ne  puis  mieux  faire  connaître  sa  manière 
d'écrire  qu'en  transcrivant  ici  deux  passages,  qui  donne- 
ront en  même  temps  une  idée  des  bases  de  sa  doctrine. 
Le  Traité  sur  la  réintégration  des  êtres  n'est  qu'une  expli- 
cation métaphysique  de  tous  les  grands  faits  de  la  Bible  : 
la  création,  la  première  faute,  Gain,  le  sacrifice  d'Abra- 
ham, le  déluge.  Moïse,  etc.  Partout  l'auteur  trouve  des 
révélations,  des  formules,  des  types,  des  symboles,  des 
prophéties.  Il  croit  saisir  la  loi  des  êtres  dans  les  grandes 
scènes  bibliques  et  voit  dans  l'Ancien  Testament  une  pre- 
mière révélation  de  la  nature  de  l'homme,  de  son  sort  ici- 
bas  et  de  sa  destinée  au-delà  de  cette  vie.  C'est  ainsi  que 
les  paroles  suivantes,  qu'il  place  dans  la  bouche  de  Noë 
au  sortir  de  l'arche,  sont  l'expression  de  sa  pensée  sur  le 
Déluge,  et  nous  pouvons  ajouter  sur  la  Création  de  tous  les 
élres  : 

«  Qu'il  fe  souviene  (1)  terre  et  vous  animaux  raisonables  et  irraisonables, 
que  le  terrible  fléau  dont  vous  êtes  les  témoins,  a  servi  de  punition  aux  cri- 
minels envers  le  Créateur,  et  en  même  temps  qu'il  vous  souviene  de  la  misé- 
ricorde et  de  la  bonté  divine  qui  vous  a  délivré  de  cet  horrible  châtiment;  les 
eaux  qui  se  sont  élevées  jusqu'aux  portes  du  firmament,  et  qui  ont  dérobé 
toute  la  nature  à  vos  yeux,  vous  représentent  le  néant  où  était  la  nature 
universelle  avant  que  le  Créateur  eut  conçu  dans  son  imagination  d'opérer 
la  création  tant  spirituelle  que  temporelle;  il  vous  fait  voir  clairement  que 
tout  être  temporel  vient  immédiatement  par  l'ordre  de  sa  pensée  et  de  sa 
volonté,  et  que  tout  être  spirituel  divin  vient  directement  de  son  émanation 
éternelle;  gardez-vous  de  confondre  la  création  avec  l'émanation;  la  création 
n'appartient  qu'à  la  matière  apparente,  qui  n'étant  provenue  de  rien  si  ce 
n'est  de  l'imagination  divine,  doit  rentrer  dans  le  néant,  mais  l'émanation 
appartient  aux  êtres  spirituels  qui  sont  réels  et  impérissables;  tous  les  esprits 
existeront  éternellement  dans  une  personalité  distincte  dans  le  cercle  de  la 
divinité.  L'éternel  est  appelé  Créateur,  non  seulement  pour  avoir  créé  l'uni- 

(1)  J'ai  conservé   l'ortographc  e(  les  fautes  de  l'original. 


—   -Î70  — 

vers,  mais  aussi  parce  qu'il  ne  cesse  et  ne  cessera  jamais  de  créer  des  vertus 
et  des  puissances  d'actions  spirituelles  en  faveur  des  êtres  qui  émanent 
de  lui.  » 

La  pensée  de  l'auleur  est  souvent  moins  claire,  ce  qui 
arrive  surtout  lorsqu'il  cherche  la  signification  des  faits 
dans  les  propriétés  des  nombres,  comme  dans  le  passage 
suivant  : 

Que  peut  représenter  la  dispersion  des  tribus  d'Israël  sous  Roboam  qui 
en  perdit  sept  cnlièremenl,  et  laissa  tomber  les  autres  en  esclavage,  sans 
que  jamais  le  lieu  de  retraite  des  premières  a  été  connu  ni  de  Roboam  ni 
des  hommes  des  cinq  tribus  tombées  en  esclavage!  Que  représente  un  pareil 
événement  sinon  la  véritable  allusion  du  mal  et  du  bien  provenus  de  deux 
sortes  d'esprits  bons  et  mauvais?  Voyez  si  ce  que  je  vous  ai  dit  à  ce  sujet  n'est 
point  clair,  puisque  le  nombre  deux  est  celui  de  confusion;  voyez  aussi  dans 
la  séparation  des  tribus  d'Israël  en  deux  parties,  si  le  nombre  septénaire  de 
ces  tribus  que  les  hommes  de  la  terre  ont  perdues  de  vue,  n'est  pas  le 
véritable  type  des  heureux  que  l'Éternel  retire  d'entre  les  profanes  et  les 
impurs 

Voyez  encore  si  celte  séparation  n'offrait  pas  le  véritable  tableau  de  la 
mort  naturelle  temporelle  par  la  séparation  de  l'ame  avec  le  corps;  les  12  tri- 
bus par  leur  intime  liaison  ne  formoient  qu'un  seul  corps,  mais  lorsque  toute 
unité  a  été  divisée  en  deux  parties  distinctes,  l'une  étant  en  privation,  l'autre 
est  tombée  dans  le  néant  spirit  jel,  et  dans  l'ignorance,  de  même  que  lorsque 
l'ame  est  unie  au  corps,  elle  forme  temporellement  une  unité  parfaite  avec 
lui,  mais  lorsqu'elle  se  sépare  de  son  corps,  elle  forme  alors  deux  divisions 
distinctes,  dont  l'une  en  répétition  du  nombre  majeur  septénaire  des  tribus, 
demeure,  si  elle  est  juste,  sous  la  protection  divine  et  sous  les  ailes  de  la 
Gloire  de  l'Éternel,  et  l'autre,  en  répétition  du  nombre  quinaire  des  tribus 
errantes,  reste  sur  la  terre  en  privation  de  toute  action  spirituelle  jusqu'à  sa 
parfaite  réintégration.  C'est  par  cette  observation  que  vous  pouvez  concevoir 
l'avènement  de  la  révolution  qui  surviendra  à  l'univers  entier,  lorsque  celui 
qui  le  vivifie  se  séparera  de  lui,  car  c'est  l'image  des  corps  particuliers;  cette 
matière  restera  errante  ou  dans  l'inaction  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  entièrement 
dissipée;  telle  est  la  loi  qui  donnera  fin  à  toutes  choses  temporelles. 

Les  deux  passages  que  nous  venons  de  transcrire,  mon- 
trent les  théories  de  Pasqualis  sur  l'origine  et  sur  la  fin  de 


—  .'.71   — 

toutes  choses.  Si  l'on  y  dépouille  sa  pensée  des  formes  bi- 
zarres dont  il  l'a  revêtue,  on  y  trouve  un  spiritualisme  qui 
parait  moins  étrange,  faisant  partie  d'un  ensemble  complet 
de  doctrine  philosophique  que  nous  laisserons  à  d'autres  le 
soin  de  juger,  mais  qui  à  nos  yeux  ne  manque  ni  d'origi- 
nalité, ni  de  profondeur. 

Le  Traité  sur  la  réintégration  des  êtres  finit  au  règne  de 
Saùl;  la  note  suivante  écrite  de  la  même  main  que  le  corps 
du  manuscrit  nous  apprend  que  l'œuvre  de  Pasqualis  est 
restée  incomplète  : 

L'auteur  n'a  pas  été  plus  loin  dans  ce  traité  qui  devait 
être  beaucoup  plus  long;  cest  surtout  à  la  venue  du  Christ 
qu'il  devait  être  le  plus  important,  selon  ce  c/u'il  a  dit  lui- 
même  à  ses  amis. 

Celte  note  doit  être  de  Saint-Martin  lui-même,  qui, 
comme  nous  l'avons  vu,  a  eu  en  sa  possession  le  manuscrit 
primitif  de  traité  de  la  réintégralion.  Le  disciple,  en  nous 
conservant  l'écrit  du  maitre,  nous  apprend  ce  que  l'œuvre 
eût  embrassé  s'il  avait  été  donné  à  l'auteur  de  la  pouvoir 
continuer.  Lui-même ,  marchant  sur  les  traces  de  Pas- 
qualis et  poussant  ses  études  dans  la  direction  que  «  son 
premier  éducateur  »  leur  avait  imprimée,  développa  ses 
idées  et  compléta  son  système,  au  point  que  nous  pouvons 
dire  que  sans  les  écrits  de  Saint-Martin  les  doctrines  de 
Pasqualis  et  jusqu'à  son  nom  seraient  aujourd'hui  complè- 
tement ignorés.  Singulière  ressemblance  entre  le  nom  le 
plus  obscur  de  la  philosophie  et  l'un  des  noms  les  plus  glo- 
rieux :  Socrate  aussi  ne  nous  est  connu  que  par  ce  que  ses 
disciples  nous  ont  transmis  de  lui,  et  l'on  parvient  à  peine 
à  distinguer  dans  leurs  écrits  ce  qui  n'appartient  qu'aux  dis- 
ciples, de  ce  qui  est  la  pensée  du  maître.  Dans  le  domaine 
de  la  philosophie  les  brevets  de  perfectionnement  ne  feraient 
pas  naitre  moins  de  difiicullés  qu'en  industrie.  Il  semble 


—   472  — 

que  ce  soit  une  loi  de  notre  nature  qu'à  ceux  qui  s'enga- 
gent dans  des  voies  que  nul  n'a  parcourues  avant  eux,  il  ne 
suffise  pas  de  l'activité  et  de  la  vie  d'un  homme  pour  par- 
venir à  ces  résultats  qui  font  le  succès  ou  la  condamnation 
de  leur  tentative 


Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  très- 
stinguée. 

Gand,  le  2o  septembre  1851. 

D. 


—  173  — 


rétenùari  bc  firabaut 


AU    MOYEN-AGE. 


Une  nation  a  beau  changer  de  culte,  de  gouvernement, 
de  lois,  il  survit  toujours  dans  ses  mœurs  quelque  vieille 
coutume ,  dont  l'annaliste  cherche  à  se  rendre  compte  dans 
ses  études. 

De  Vadder,  dans  son  Traité  de  f  origine  des  ducs  de  Bra- 
bant  (i),  cite  un  manuscrit  de  la  guerre  des  Stadingers, 
qui  prouve  que  la  charge  de  guidon  du  duché  de  Brabant 
était  héréditaire  dans  la  famille  qui  possédait  la  seigneurie 
d'Asche,  franchise  ou  bourg  voisin  de  Tabbaye  d'Afflighem 
dans  laquelle  l'étendard  ducal  était  gardé  en  temps  de  paix. 

Au  douzième  siècle,  s'il  faut  en  croire  Gilles  d'Orval, 
dans  son  histoire,  cet  étendard  (du  moins  celui  que  faisait 
porter  devant  lui  Godefroid-le-Barbu  à  la  bataille  de  Duras 
en  1129),  était  fait  de  panaches,  et  était  posé  sur  un  cha- 
riot traîné  par  quatre  bœufs  (2).  C'était  un  présent  de  la 
reine  d'Angleterre,  fille  du  duc,  qu'elle-même,  dit  l'histo- 
rien, avait  confectionné. 

Dans  les  temps  plus  rapprochés  de  nous,  le  drapeau  flot- 
tant aux  couleurs  et  au  lion  de  Brabant,  que  surmontait 

(1)  111-4".  Bruxelles,  M.DC.LXXII. 

(2)  Alexandcr  cpiscopus  {f.eodicnsis)  Lovaiiiensem  duccm  piignalurtis  ora- 
tionmn  munilus  chjpcis,  triduano  indivto  Jcjunio,  in  congrtnnu  impur,  immc- 
morabilem  sub  moenibus  Durachii  fugavit  et  protrivil  e.rcrrilinn  cciplu  dncis 
vexillo,  dicio  gallice  stakdart,  opère  plumario  a  rcf/ina  AntjUac  eo  iitisso, 
quud  fustu  superbiat  qiiadrigu  boum  ferebul. 

34 


—  47i  — 

fer  d'une  lance,  remplaça  les  panaches  de  Godcfroid.  Mais 
le  chariot  pour  le  service  du  guidon,  continua  d'être  fourni 
par  l'abhaye,  ainsi  que  le  prouvent  les  registres  de  la 
chambre  des  comptes  de  l'an  1440.  11  y  est  dit  que  la  censé 
de  Berchem,  appartenance  d'Afflighem,  devait  fournir  les 
deniers  propres  à  cet  effet,  obligation  qui,  plus  tard,  lors- 
que cette  censé  eut  été  ruinée,  fut  assignée  à  la  censé  d'Oidet, 
qui  relevait  de  la  même  abbaye.  La  chronique  du  couvent 
parle  de  la  même  obligation,  et  ajoute  que  le  maître  des 
chartons  du  duc  de  Brabant  recevait  soixante  couronnes 
de  France,  outre  les  dix  florins  que  devaient  payer  les  cen- 
sés d'Oidet  et  d'Hullincourt  (i). 

Afflighem  fut  fondé  vers  l'an  1085  par  six  pieux  cheva- 
liers, que  les  prédications  de  Véderic,  personnage  renommé 
par  sa  sainte  éloquence,  portèrent  à  cet  acte  de  religieux 
dévouement. 

La  petite  église  qu'ils  élevèrent  n'était  encore  entourée 
que  de  peu  de  cabanes,  lorsque  trois  ans  après,  Gérard  II, 
évèque  de  Cambray,  vint  en  faire  la  dédicace  aux  deux 
apôtres  S'-Pierre  et  S'-Paul.  Cependant  le  duc  Henri  III, 
avoué  du  pays  de  Brabant,  donna  en  1086  au  nouveau 
monastère  vingt-cinq  censés  de  ses  alleux  situés  en  la  ville 
d'Asche,  avec  la  dîme  de  l'église  primaire  du  lieu.  God- 
froid,  frère  du  comte,  participa  à  cette  libéralité  dont  ren- 
dirent témoignage  vingt-six  chevaliers  et  ecclésiastiques; 
parmi  les  premiers  figurait  un  Wautier  d'Asche.  Fulgence, 
que  l'on  dit  avoir  été  moine  de  S'-Pierre  au  mont  Blandin- 
lez-Gand,  fut  nommé  premier  abbé  d'Afflighem  (1087). 

Ce  monastère,  grâce  aux  dons  du  souverain,  et  aux  dona- 
tions que  lui  firent  les  familles  qui  se  succédèrent  dans  la 


(1)  Magisler  aurigarnm  ducis  Brabantiae,  dira  quod  solvilur  de  curribns, 
decem  florenos  rhencnscs,  quos  cnrtis  IluUincourlicu  et  OideUlca  solvebant, 
sexaginla  coronas  Francicas  rccipit.  Clironic.  Ailligliciii. 


—  475  — 

possession  de  la  seigneurie  d'Asclie,  ne  larda  pas  à  acquérir 
une  grande  importance.  Ses  abbés  obtinrent  le  premier 
rang  parmi  tous  ceux  du  Brabant,  et  les  ducs  se  firent  un 
honneur  de  s'en  reconnaître  les  légitimes  avoués  (i). 

Nous  ignorons  à  quelle  époque  l'étendard  ducal  lui  fut 
confié.  La  plus  ancienne  mention  qui  soit  faite  du  dépôt  de 
cette  enseigne  dans  l'abbaye  d'Alllighem,  date  de  la  guerre 
des  Stadingers,  et  par  conséquent  de  125-4,  époque  où  la 
dignité  de  guidon  héréditaire  fut,  à  ce  qu'il  paraît,  conférée 
à  Guillaume  de  Grimberge.  On  sait  que  cette  guerre  des 
Stadingers  fut  une  espèce  de  croisade  dirigée  contre  les 
habitants  de  Staden,  au  diocèse  de  Brème,  lesquels  s'étaient 
révoltés  contre  leur  évéque.  Le  pape  Grégoire  IX  lança 
contre  eux  les  foudres  de  l'Église.  A  sa  voix,  Florent,  comte 
de  Hollande,  Thierry  de  Clèves,  Guillaume  de  Juliers, 
Wautier,  avoué  de  Mali  nés,  Robert  de  Béthune  et  de  Ter- 
monde,  Guillaume  de  Locre,  son  frère,  et  une  foule  d'auti-es 
puissants  seigneurs,  du  nombre  desquels  fut  le  sire  de 
Grimberge,  se  rangèrent  sous  les  ordres  du  duc  Henri  H 
le  Magnanime,  qui,  avec  une  rare  prudence,  conduisit  à 
fin  cette  expédition,  et  gagna,  sous  les  murs  d'Oldensché 
une  bataille  fameuse,  dans  laquelle  se  distingua  surtout  le 
brave  chevalier  à  qui  l'étendard  ducal  avait  été  confié  (2). 
Guillaume  de  Grimberge  avait,  en  1225,  épousé  Elisabeth, 
dernière  héritière  de  l'ancienne  maison  d'Asche,  et  il  avait 
-reçu  d'elle  celte  terre  en  mariage.  Il  est  à  présumer  que 
l'abbaye  d'Afïlighem  ne  fut  pas  une  des  dernières  à  se  join- 
dre au  mouvement  belliqueux  que  le  nonagénaire  pontife 
de  Rome  provoqua  en  Belgique.  Le  prestige  religieux  atta- 
ché aux  drapeaux  était  alors  bien  grand,  et  le  rang  que 
l'abbaye  d'Afïlighem  avait  pris  en  Belgique,  donnait  à  la 


(1)  Charles  de  1297  el  1298. 

(2)  V.  DiVAEUS,  Rer.  Brahant. 


—  476  — 

garde  que  les  souverains  lui  avaient  confiée  de  leur  ban- 
nière, un  caractère  d'autant  plus  sacré  que  le  lieu  qui  la 
recelait,  était  plus  révéré.  Le  sire  Grimberge,  en  la  rece- 
vant de  Tabbé,  au  nom  du  duc,  dans  la  guerre  sainte,  où 
la  bannière  de  l'abbaye  se  mêla  à  celle  des  autres  princes  et 
seigneurs  et  que  guida  l'étendard  de  Brabant,  se  montra 
digne  à  la  journée  d'Oldensché  de  cette  réputation  de  bra- 
voure qu'il  s'était  faite  depuis  longtemps;  il  continua  depuis 
de  la  porter,  sa  vie  durante,  dans  toutes  les  circonstances, 
et  plus  lard  nous  trouvons  ses  successeurs  dans  la  seigneu- 
rie d'Ascbe  revêtus  de  la  charge  de  guidon,  un  des  quatre 
offices  palatins  héréditaires  de  Brabant  (i). 

Cette  coutume  qui  exista  au  moyen-àge  de  confier  aux 
lieux  saints  les  signes  de  ralliement  des  armées,  était  une 
réminiscence  de  ce  qui  se  faisait  à  ce  sujet  au  commencement 
du  Christianisme,  coutume  que  la  nouvelle  religion  avait 
sanctifiée  alors,  et  qui  datait  d'une  croyance  et  d'une  épo- 
que bien  reculée. 

L'antiquité  payenne  avait  attaché  aux  drapeaux  quelque 
chose  de  sacré,  sur  les  rives  du  Nil  comme  dans  les  mon- 
tagnes de  la  Suède,  sur  les  bords  du  Tibre  comme  dans  la 
Germanie.  Quand  Hérodote  nous  dit  (2)  que  les  enseignes 
des  Égyptiens  étaient  dues  à  leurs  défaites,  et  que  vaincus 
par  leurs  voisins,  à  cause  de  l'indiscipline  et  des  faux 
mouvements  de  leurs  armées,  ils  imaginèrent  de  placer  sur 
des  piques  devant  leurs  fronts  de  bataille  des  représentations 
d'animaux,  Hérodote  cite  une  origine  en  effet  très-proba- 
ble; mais  il  ne  mentionne  point  la  similitude  que  ces  figures 
d'animaux  avaient  avec  les  divinités  qui  devaient  présider 
aux  combats,  similitude  cependant,  qui,  avec  la  connais- 
sance que  nous  avons  du  culte  de  ce  peuple,  où  les  animaux 

(1)  Les  (rois  autres  claienl  les  oflîces  de  Sénéchal,  tic  Chanilullan  et  de 
Maréchal. 

(2)  BUjI.  Itisf.,  I,  2(i. 


—  477  — 

jouèrent  un   si  grand  rôle,  est  plus  que  probable  aussi. 

Il  en  fut  de  même  cliez  les  Germains,  qui,  d'après  un 
passage  de  Tacite  (»),  avant  d'entrer  en  campagne,  reti- 
raient des  enceintes  consacrées  aux  dieux,  les  figures  des 
bêtes  fauves  ou  les  bêtes  fauves  elles-mêmes  qui  devaient 
les  guider  à  la  victoire;  car  s'il  en  faut  croire  Metho- 
dius  (2),  les  Alains,  les  Bourguignons  et  les  Suèves,  qui 
s'allièrent  entre  eux  pour  entrer  sur  les  terres  romaines,  por- 
taient devant  leur  front  de  bataille  une  cage  dans  laquelle 
un  cbat  vivant  était  renfermé.  Les  peuples  du  Nord  en 
général,  d'après  ce  que  nous  apprennent  les  monuments 
de  la  mytbologie,  étaient  persuadés  que  par  la  force  des 
encbantements  et  des  évocations,  les  dieux  et  les  déesses 
apparaissaient  aux  bommes  sous  des  formes  d'animaux. 
Les  figures  des  bêtes  fauves,  comme  enseignes  militaires, 
n'étaient  donc  que  symboliques;  et  c'était  en  réalité  les 
génies  protecteurs  de  la  nation  que  les  Germains  opposaient 
à  leurs  ennemis,  pour  obtenir  la  victoire. 

Chez  les  Romains,  les  enseignes  ne  furent  pas  moins 
sacrées.  On  dit  qu'une  touffe  de  foin,  attachée  au  fer  d'une 
lance,  guida  d'abord  les  bandes  de  Romulus.  Mais,  lorsque 
le  culte  religieux  eut  été  institué,  de  symboliques  figures 
d'animaux,  telles  que  le  loup,  le  cheval,  le  sanglier,  le 
minotaure  et  l'aigle  qui  devint  le  signe  exclusif  des  légions, 
remplacèrent  cet  agreste  signe  de  ralliement, 

A  ces  figures  mythiques  qui  avaient  plus  ou  moins  rap- 
port à  l'origine  et  à  la  religion  des  Romains,  s'en  joigni- 
rent cependant  plus  tard  quelques  autres,  telles  que  l'élé- 
phant que  portait  la  cinquième  légion,  en  mémoire  de  la 
valeur  avec  laquelle  elle  combattit,  pendant  les  guerres 


(1)  //iA7.,L.  IV,  c.  12. 

(2)  V.  C  M.«Liis,  Commenlar.  Lusal.,  L.   Il,  c.  XI,  dans  Hoffmann,  licritm 
Lusttl.  scripll.,  t.  I,  p.  172. 


—  .478  — 

civiles,  les  éléphants  de  Scipion  (i);  le  lion,  signe  de  l'in- 
tî'épidité  de  la  légion  Félix,  instituée  par  Auguste  (2);  le 
bélier  qui,  sur  la  colonne  Trajane,  orne  aussi  une  enseigne 
légionnaire;  et  le  dragon,  qu'après  sa  victoire  sur  les  Daces, 
peuple  chez  lequel  celte  mystérieuse  figure  Jouait  le  prin- 
cipal rôle  comme  symbole  militaire,  Trajan  donna  à  une 
autre  légion,  et  qui  devint  par  la  suite  le  signe  de  rallie- 
ment de  la  cavalerie  légère.  Ammien  Marcelin  rapporte 
que  ce  dragon  était  en  cuivre  creux  et  que  le  vent,  en 
s'engouffrant  dans  son  intérieur,  lui  faisait  rendre  un  son 
retentissant. 

Au  milieu  des  nombreux  emblèmes,  qui  servirent  à  dis- 
tinguer les  cohortes,  images  d'empereurs,  tours,  murail- 
les, éperons  de  vaisseaux,  couronnes  de  chêne,  main  levée 
vers  le  ciel,  etc.,  tous  objets  qui  devaient  avoir  un  but 
significatif,  se  trouvaient  souvent  aussi  des  figures  d'ani- 
maux. 

Xénophon,  dans  sa  Cyropédie,  parle  de  l'aigle  d'or,  aux 
ailes  déployées,  qui,  chez  les  Perses,  était  placé  sur  une 
pique  devant  le  char  de  bataille  du  roi.  Chez  les  peuples 
germains  du  Nord,  où  le  culte  odinique  était  surtout  en 
honneur,  c'était  le  corbeau,  oiseau  consacré  au  soleil,  qui 
surmontait  le  drapeau. 

Chez  toutes  ces  nations,  le  principe  divin  attaché  aux 
étendards  fut  le  même. 

Le  Christianisme,  loin  d'affaiblir  ce  religieux  prestige, 
le  consacra  au  contraire,  lorsque  Constantin  eut  remplacé 
par  la  croix  l'aigle  de  Jupiter. 

Les  Germains,  qui  après  tant  de  luttes  indécises  sur 
le  Rhin  et  sur  le  Danube,  finirent  par  envahir  l'empire 
d'Occident,  et  par  former  de  ses  débris  des  états  indépen- 


(1)  V.  Appien,  Bell,  civ.,  2,  96,  édit.  Scliweigli,  II,  508. 

(2)  V.  Claudien,  I)c  Bello  gildanico,  421,  (T. 


—  479  — 

danls,  adoptèrent  tous  à  leur  tour  le  nouveau  culte.  En 
prenant  la  croix,  comme  uni(|ue  symbole  divin,  ils  n'atta- 
chèrent plus  aux  flgures  d'animaux  qui  continuèrent  d'orner 
leurs  enseignes,  les  mêmes  idées  mythiques  qu'ils  y  avaient 
attachées  dans  leurs  forêts  (car  les  dieux  dont  ces  figures 
avaient  élé  la  personniûcatiou,  n'existaient  plus);  mais  ils  les 
conservèient  comme  symboles  de  la  nation  et  comme  signes 
héraldiques.  Quand  Théodoric,  chez  les  Ostrogolhs,  fut 
élevé  sur  le  bouclier,  le  lion  qui  ornait  son  drapeau  reçut 
une  couronne  comme  symbole  de  la  royauté;  l'idée  reli- 
gieuse qui  y  avait  primitivement  été  rattachée  pendant  le 
temps  où  les  Goths  avaient  été  soumis  au  culte  odinique, 
avait  disparu. 

Les  chefs  et  les  pontifes,  chez  toutes  les  tribus  germa- 
niques devenues  chrétiennes,  chez  les  Lombards,  chez  les 
Goths,  chez  les  Francs,  chez  les  Saxons  en  Bretagne, 
s'efforcèrent  de  maintenir  l'ancien  prestige  des  ensei- 
gnes. La  politique  autant  que  la  religion  le  voulaient. 
Pour  le  conserver,  ils  déposèrent  ces  enseignes,  en  temps 
de  paix,  dans  les  églises,  sous  la  sauvegarde  du  saint 
dont  souvent  ces  drapeaux  prirent  le  nom,  comme,  avant 
la  migration  de  ces  peuples,  elles  avaient  été  placées 
dans  les  enceintes  sacrées,  sous  la  garde  des  dieux. 
Clovis,  arrivé  sur  la  Loire,  fit  vœu  d'orner  le  tombeau 
de  S'-Martin,  si  le  saint  lui  donnait  la  victoire.  Après 
la  fuite  de  ses  ennemis,  la  chappe  de  S'-Martin  devint 
elle-même  le  signe  de  ralliement  de  son  armée  (i).  Cet 
étendard  joua  par  la  suite  le  plus  grand  rôle.  Déposé  dans 
l'abbaye  de  même  nom  à  Tours,  il  n'en  sortait  que  dans 
les  circonstances  les  plus  orageuses.  Le  duc  d'Anjou,  au 
XI"  siècle,  le  fît  encore  porter  devant  lui  dans  ses  guerres 
contre  Philippe-Auguste  (2).  On  lui  attribuait  des  miracles; 

(1)  HoNonius,  Sermo  de  sanclo  Marlino.  —  M.  in  Gemma  aiiimae,  cap.  128. 

(2)  V.  le  nilu(de  sancti  Martini  cl  Yvdit  royal  de  1181. 


—  480  — 

et  lors  des  troubles  qui  surgirent  entre  Robert  et  les  fils 
d'Oton,  Tbibaut  et  Etienne,  ce  fut  autour  de  ce  drapeau 
que  se  déroula  le  long  drame  de  leurs  guerres  (i). 

L'étendard  de  S'-Maurice  ne  fut  pas  moins  célèbre.  C'est 
à  lui  que  la  tradition  rapportait  le  succès  des  armes  de 
Cbarlemagne  contre  les  Sarrasins.  Plus  tard  Hugues  Capet 
fit  présent  de  cette  enseigne  au  roi  Edelstan  d'Angle- 
terre (2). 

Un  autre  étendard  de  S^-Maurice  joua  aussi  un  très-grand 
rôle  dans  les  querelles  qui,  au  quatorzième  siècle,  surgi- 
rent entre  l'arcbevêque  Oton  de  Magdebourg  et  le  margrave 
de  Misnie  (5). 

L'oriflamme,  en  France,  ce  drapeau  aux  fleurs  de  lis 
d'or,  n'eut  pas  moins  de  renommée.  C'était  l'étendard  de 
S*-Denis,  que  la  tradition,  au  moyen-âge,  disait  avoir  été 
donné  par  Dieu  même  à  Clovis,  mais  qui,  cependant  ne 
fut  regardé  comme  le  palladium  du  royaume  que  sous  les 
rois  de  la  troisième  race,  et  lorsque  le  drapeau  de  S'-Martin 
ne  fut  plus  porté.  L'oriflamme,  suspendue  au-dessus  de  la 
cbàsse  de  S'-Denis,  ne  sortait  de  l'abbaye  que  lorsqu'un 
danger  menaçait  l'état.  Le  roi  lui-même,  avant  de  se  met- 
tre en  campagne,  allait  la  recevoir  des  mains  de  l'abbé,  et 
le  guidon  à  qui  il  la  confiait,  jurait  de  la  défendre  au  péril 
de  sa  vie,  et  de  la  rendre  au  couvent.  Guillaume  Martel, 
qui  périt  à  la  bataille  d'Azincourt,  est  peut-être  le  dernier 
chevalier  qui  porta  l'oriflamme.  Cependant  il  en  existait 
encore  une  autre  dans  l'abbaye  de  1594,  ainsi  que  le 
prouve  un  inventaire  de  l'abbaye  de  cette  année. 

Le  régime  féodal,  importé  dans  les  Gaules  par  les  Francs, 


(1)  Chronic.  S.  Martini.   —  Glober  Rudolphds,  Hisl.,  L.  V,  c.  2.  —  Hist. 
Franc,  ub  anno  900  ad  unn.  1285,  Scripll.,  p.  SG, 

(2)  Ingulf,  f/ist.  Monast.   Croijladensis,  dans  les  Hisl.  Angl.,  p.  178.  — 
WiLHELM  DE  WALMSBunc,  De  GesHs  Anff.,  L.  M,  c.  C. 

(3    Rerum  lirunsiv.  scriplt.,  I.  111,  p.  579, 


—  481   — 

en  Italie  par  les  Goths  et  les  Lombards,  eu  Espagne  par 
les  Suèves  et  les  Wisigoths,  et  qui,  sur  le  sol  germanique 
se  développa  surtout  après  que  l'Empire  fut  devenu  électif, 
tendit  à  multiplier  les  enseignes.  Non  seulement  chaque 
grand  vassal  de  la  couronne  eut  le  sien,  et  en  fut  investi, 
mais  encore  chaque  seigneur,  chaque  ville,  chaque  couvent 
eut  sa  bannière.  Leur  nombre  s'accrut  surtout  lorsqu'à  la 
voix  de  Rome  chrétienne,  toute  l'Europe  occidentale  prit 
le  glaive  pour  combattre  les  Infidèles  d'Orient.  Les  églises 
adoptèrent  pour  symbole  le  saint  auquel  elles  étaient  consa- 
crées; les  princes,  les  symboles  de  force  et  de  valeur  que 
représentaient  les  mêmes  animaux  qui,  chez  les  Germains 
leurs  ancêtres,  ou  chez  les  Romains,  avaient  été  consacrés 
aux  dieux  de  la  foudre  ou  des  combats. 

Déjà  lorsque  les  Goths,  et  ensuite  les  Lombards,  descen- 
dirent dans  la  péninsule  italique,  les  longues  guerres  qu'ils 
avaient  eues  à  soutenir  contre  les  Romains,  les  avaient 
en  partie  initiés  à  la  lactique  romaine.  Les  drapeaux, 
fanons  (fahncr)  que  portaient  les  premiers  ;  les  bannières 
{bancl,  banner)  que  portèrent  les  seconds,  mais  qui  les  uns 
et  les  autres  finirent  par  être  communs  à  tous  les  peuples 
d'origine  germanique,  reçurent  comme  nous  l'avons  vu  pour 
le  drapeau  de  Théodoric,  les  figures  d'animaux,  qui  d'abord 
avaient  servi  d'enseignes,  comme  symboles  héraldiques.  Le 
drapeau,  fcmon  (Gundfanon  (i),  pour  exprimer  l'étendard 
de  guerre,  celui  qui  surtout  appartenait  à  toute  la  nation), 
paraît  avoir  été  de  bonne  heure  en  usage  parmi  les  Goths, 
même  dans  les  forêts  de  la  Germanie  et  de  la  Dacie.  Le 


(1)  Des  deux  mots  gund,  guerre,  bataille,  et  fanon,  morceau  d'étoffe  flot- 
tant, drapeau.  Comparez  pour  les  diverses  acceptions  de  ce  mots  :  dans 
Ulpiiilas,  le  S^'  cliap.  de  S'-Marc,  v.  22.  —  Dans  la  loi  des  Allcmanes,  le 
lit.  59  (GO)  et  le  tit.  84-  (85).  —  Le  poëme  d'Olfrid,  III,  li,  204,  le  Glossaire 
de  .1.  G.  W'ACMTEn,  p.  412.  —  Schneller,  Baïrisches  Worlerburh.  l"-  PS 
p.  553,  etc.  etc. 


—  482  — 

band  ou  banner,  étendard  long  et  étroit  suspendu  à  un 
petit  bâton  transversal  qui  s'attachait  au  fer  d'une  lance, 
parait  au  contraire  avoir  été  imité  des  enseignes  légion- 
naires des  îloniains,  par  les  Lombards,  les  ^  andales  et  les 
Francs  (i).  Cependant  chez  les  Romains,  l'étoffe  de  ces  ban- 
nières était  carrée  et  de  petite  dimension,  le  plus  souvent 
pourpre,  bordé  d'or  (2),  quoique,  dans  quelques  circon- 
stances, cette  couleur  variât,  comme  celle  du  drapeau  azur 
qu'Auguste  donna  à  Agrippa,  en  mémoire  de  la  bataille 
navale  dans  laquelle  il  se  distingua  (3),  et  celui  à  deux 
nuances  qu'Aurélien  donna  à  Valérien  (4), 

L'étendard  de  guerre  ou  bannière  royale,  chez  les  Lom- 
bards, le  Gundfanon,  était  au  contraire  d'une  grande  di- 
mension. En  temps  de  paix,  il  était  suspendu  dans  le  dôme 
de  Pavie. 

Après  la  conquête  de  l'Italie  par  Charlemagne,  et  à  me- 
sure que,  sur  les  débris  de  son  empire,  se  formèrent  dans 
la  Péninsule  les  divers  états  indépendants  du  moyen-âge, 
]es  g inul fanons  se  multiplièrent.  Chaque  état,  chaque  abbé, 
chaque  évéque  finit  par  avoir  le  sien. 

En  France ,  le  pénon ,  qui  succéda  à  la  chappe  de 
S'-Martin,  n'était  que  l'étendard  royal,  le  gundfanon  de 
France  que  l'oriflamme  remplaça.  Ce  pénon  fut  au  XIl''  siè- 
cle planté  sur  un  échafaud,  au  haut  d'un  mat  qui  posait 
sur  un  chariot,  traîné  par  des  bœufs  couverts  de  housses 
de  velours,  sur  lesquelles  se  lisaient  des  devises  et  les  chif- 

(1)  Comparez  :  Procope,  Bell.  Vandal.,  22,  I,  418,  édit.  de  Bonn.  —  Paul 
Diacon,  L.  I,  c.  29,  dans  Muratori,  Scriplt.  rerum  ilal.,  t.  I,  P.  1,  p.  4-17.  — 
ScHiLTER,  Glossar.,  p.  76,  —  et  Ar^oldi,  au  mot  banner,  dans  YAHgemeine 
Encyclopédie  der  Wissenschaflen  und  Kiinsie,  7»,  P»  B.,  l^e  section;  et  Wach- 
TER,  même  ouvrage,  au  mot  Fahnen,  Al*  P». 

(2)  Ex  TTopcpùpstç  xal  XP'JTOv.  Cédreaus,  L,  1,  0.  V.  aussi  :  Capitoli>  ,  in 
Gordian.  81.  Amm.  Marcel,  15. 

(3)  SuÉT,,  Oclavian.,  22.  —  Dion  Cass.,  Ilisl.  .'il,  21. 
(4-)  Vopiscis,  in  Aurcl.,  15. 


—  -J83  — 

fies  du  |)ri!ice  régnant.  La  religion  renlourait  de  son 
auréole,  comme  chez  les  Germains  primitifs  à  l'égard  de 
leurs  enseignes.  Elle  y  allachait  quelque  chose  de  divin. 
Chaque  malin  un  prêtre  disait  la  messe  au  pied  de  celle 
machine,  qui  jour  et  nuit  était  confiée  à  la  garde  de  dix 
chevaliers.  C'est  d'Italie,  où  ces  sortes  d'étendards  avaient 
été  mis  en  usage,  vers  la  fin  du  W  siècle,  qu'il  vint  en 
France,  à  la  même  époque  où,  comme  nous  l'avons  vu  au 
commencement  de  ce  mémoire,  il  fut  aussi  introduit  en 
Brabant. 

Les  villes  d'Italie,  devenues  puissantes,  et  toujours  en 
guerre  avec  l'Empire,  avaient  mis  une  certaine  ostentation 
à  agrandir  outre  mesure  ces  colossales  bannières,  où  se 
montraient  peintes  leurs  armoiries,  ou  l'image  du  samt 
sous  la  protection  duquel  elles  s'étaient  placées.  Souvent 
même,  le  Christ  surmontait  le  bouton  qui  la  retenait.  Par 
une  politique  qui  rappelle  celle  que,  dans  les  temps  an- 
ciens, la  religion  avait  mis  en  usage  en  Germanie,  le  clergé 
cherchait  à  consacrer  par  un  prestige  divin  l'idée  religieuse 
qui  se  rattachait  à  elle.  Un  des  plus  célèbres  de  ces  chars 
fut  celui  que  faisait  rouler  devant  lui  l'archevêque  Héribert 
de  Milan,  et  dont  le  roi  des  Romains,  Frédéric,  tenta  en 
vain  de  s'emparer  dans  la  guerre  qu'il  fît  à  celle  ville 
en  1162  (i).  Plus  tard  en  1257,  il  tomba  au  pouvoir  de 
l'empereur  Frédéric  II,  qui  le  fit  porter  en  triomphe  à 
Rome  (2). 

Les  villes  épiscopales  ou  les  républiques  libres  du  Rhin 
eurent  aussi  de  telles  bannières,  et  l'on  voit  encore  dans  la 
Bibliothèque  de  Strasbourg  l'étendard  de  celle  ville,  qui  par 
sa  dimension  ne  pouvait  être  autrement  porté,  et  un  autre 
semblable,  mais  de  plus  petite  dimension,  qui  se  portait  à 

(1)  Selon  Mdratori.  —  Selon  Sismorde  de  Sismokdi  ,  Ilisl.  des  rép.  du 
moyen-âge,  en  1160. 

(2)  V.  Fnr.nEnrs,  Rer.  gcrmauir.  Scripll.,  t.  1,  p.  551. 


—  484  — 

bras  dans  les  occasions  moins  solennelles.  Sur  l'une  et 
l'autre,  la  Vierge  tenant  sur  ses  genoux  le  Christ  enfant, 
étend  les  bras  comme  j30ur  marquer  la  protection  qirelle 
accorde  à  la  cité.  C'était  dans  la  cathédrale  qu'au  moyen- 
âge  cette  bannière  était  suspendue  (i),  et  elle  n'en  sortait 
que  dans  les  dangers  les  plus  pressants.  L'étendard  de 
S'-Lambert,  à  Liège,  ne  fut  pas  moins  célèbre.  Comme  en 
France,  pour  l'oriflamme,  comme  en  Brabant,  pour  l'éten- 
dard du  duché,  le  chevalier  à  qui  elle  était  confiée,  après 
que  l'évèque  l'avait  bénie,  jurait  de  la  rendre  à  l'église  à 
la  fin  de  la  guerre.  Le  char  que  l'empereur  Oton  IV  con- 
duisit contre  Philippe-Auguste  à  la  bataille  de  Bouvines, 
en  1214,  portait  un  dragon  au  sommetdu  drapeau,  au-dessus 
de  l'aigle,  qui  avait  remplacé  S'-]Michel  comme  symbole 
héraldique  de  cette  bannière  (2).  Philippe  d'Alsace,  comte 
de  Flandre,  pendant  les  guerres  contre  la  France,  avait 
aussi  fait  placer  sur  un  chariot  élevé  sur  quatre  roues,  sa 
terrible  enseigne  sur  laquelle  était  peint  un  dragon,  qui, 
dit  l'historien,  jetait  du  feu  par  les  yeux,  par  les  oreilles 
et  par  la  bouche  (3). 

Par  ces  nombreux  exemples,  il  nous  est  prouvé  qu'au 
douzième  et  au  treizième  siècles,  les  chariots  destinés  à 
porter  l'étendard  national,  le  (jiindfanon,  étaient  en  usage 
dans  toute  l'Europe  occidentale.  Celui  qui,  comme  nous 
l'avons  vu,  figura  dans  la  première  moitié  du  douzième 
siècle,  à  la  bataille  de  Duras,  était  donc  conforme  aux 
mœurs  guerrières  de  l'époque;  —  c'était  sous  la  protection 
des  deux  apôtres  S'-Pierre  et  S*-Paul,  patron  de  l'abbaye 
d'Afflighem,  que  la  bannière  qui  le  surmontait  était  placée; 
coutume  qui,  d'après  ce  que  j'ai  rapporté  plus  haut,  montre 

(I)  Chronic.  de  Koeningshovcn,  ('dit.  de  Scliillcr,  p.  375. 
(2,  V.  Guii.LELMi  Bbitonis  Armorici Philipp.  II,  20-51,  dans  Bouqucl,  p.  257. 
(3)  OuDEGiiERST,  Annales  de  Flandres,  I,  AGI.  —  Meyer,  Ann.  Fland,  ad 
ann.  1186.  —  J.  de  Saint-Gekois,  les  Dragons  au  moyen-âge. 


—  485  — 

combien  à  travers  les  siècles,  malgré  les  changements  de 
culte,  Tancien  respect  germanique  pour  les  drapeaux  s'était 
conservée  intact. 

Cependant  le  pénon  brabançon  parait  avoir  déjà  été  d'un 
usage  moins  général  au  treizième  siècle.  Sous  Jean  I,  à  la 
bataille  de  A\  oeringen ,  où  Tarchevéque  de  Cologne  était 
assis  sur  un  char  en  forme  de  tour,  la  bannière  ducale, 
noire  et  ornée  du  lion  d'or  aux  griffes  et  à  la  langue  de 
gueules  (i),  était  simplement  portée  à  dos  de  cheval.  En 
l'absence  du  chevalier  d'Asche,  alors  très-malade  (2),  c'était 
le  chevalier  liasse  de  Grez  qui  la  tenait.  Sous  ce  chef- 
étendard  étaient  venues  se  ranger  vingt-trois  autres  ban- 
nières des  vassaux  et  alliés  du  duc,  entre  autres  celle  de 
Cologne.  Le  cheval  du  sire  de  Grez  ayant  été  renversé,  et  la 
bannière  étant  tombée  avec  lui,  elle  fut  relevée  par  le  sire 
d'Ouden,  qui  de  concert  avec  ^\'autier  de  la  Chapelle  con- 
tinua de  la  porter  à  cette  journée  mémorable  qui  annexa 
le  Limbourg  au  Brabant  et  donna  au  duc  le  beau  surnom 
de  Victorieux. 

A  la  bataille  de  Scheut,  que  le  comte  de  Flandre,  Louis 
de  Maie,  gagna  le  17  août  1556,  sur  le  duc  Wenceslas, 
second  époux  de  la  duchesse  Jeanne,  fille  de  Godfroid,  la 
bannière  ducale  était  portée  par  le  guidon  héréditaire  du 
duché,  Jean  d'Asche,  qui  au  milieu  de  la  plus  épouvantable 
mêlée,  fut  renversé  avec  elle.  Robert  qui  paraît  avoir  été 
frère  du  précédent,  la  portait  à  la  bataille  de  Baswilre,  où 
Wenceslas  fut  fait  prisonnier. 

Depuis  le  commencement  du  XII''  siècle  jusqu'en  14^21, 
la  charge  de  guidon  héréditaire  resta  dans  la  famille  de 
Grimberge,  qui  était  investie  de  la  seigneurie  d'Asche. 

Guillaume  avait  en  1413  été  nommé  Amman  de  Bruxel- 


(1)  V.  les  noies  de  Putanecs  dans  le  Praelium  voringanutn,  p.  2(i. 

(2)  Infirmalus  usque  ad  mortem,  Tiiqmas  de  Cantimpré,  L.  Il,  c.   (î,  p.  i)ô> 
nn8. 


—  486  — 

les  par  le  duc  Anloiue.  Dépossédé  quelque  temps  après  de 
celte  dignité  par  ceux  de  cette  ville,  il  y  avait  été  réintégré 
en  \i[7  par  le  duc  Jean  IV.  Mais  en  1418,  victime  d'une 
nouvelle  sédition,  il  fut  emprisonné,  et  fut  enfin  l'année 
suivante  dégradé  et  proscrit  avec  plusieurs  autres  seigneurs 
brabançons  (i).  Ses  biens  furent  confisqués,  et  la  seigneurie 
d'Asche  fut  donnée  à  Philippe  de  S'-Paul  et  de  Liguy,  frère 
du  duc  Jean  IV. 

Philippe  la  donna  à  son  tour,  en  1421,  en  fief  à  Pierre 
de  Pipenpoy,  qui  la  restitua  à  Jean  lïl  de  Grimberge,  le 
dernier  mâle  de  sa  race. 

La  fille  aînée  de  Jean,  mariée  à  Josse,  seicueur  d'Hier- 
ges,  n'eut  elle-même  qu'une  fille  qui  épousa  Guillaume  de 
A\\deux.  La  seigneurie  d'Asche  lui  échut  comme  fief,  et 
elle  la  laissa  à  sa  fille  Marguerite,  qui  la  porta  par  mariage 
dans  la  famille  de  Coutereau.  Par  cet  acte,  celle-ci  se 
trouva  investie  de  la  charge  de  guidon  de  Brabant,  atta- 
chée à  cette  seigneurie.  Guillaume  de  Coutereau,  créé 
premier  marquis  d'Asche  par  Philippe  IV",  roi  d'Espagne, 
par  lettres  données  le  7  décembre  1663,  exerça  encore 
cette  charge  en  1666,  et  lors  de  l'inauguration  de  Char- 
les II,  roi  d'Espagne,  il  porta  l'étendard  en  tète  des  sei- 
gneurs des  étals  de  Brabant. 

Les  secousses  politiques  du  XV*"  siècle  et  les  change- 
ments qu'amena  dans  les  mœurs  la  réforme  de  Luther;  les 
querelles  religieuses  et  sanglantes  qui  en  furent  la  suite, 
tendirent  à  ôler  aux  drapeaux  leur  ancien  prestige  religieux. 
—  On  continua,  il  est  vrai,  à  les  bénir;  dans  les  pays  catho- 
liques, et  chaque  peuple  implora  pour  les  siens  l'assistance 
du  Très-Haut.  Mais  la  croyance  que  la  Divinité  elle-même 
ou  que  les  saints  combattaient  avec  eux,  s'affaiblit  de  plus 
en  plus;  et  il  n'y  resta  plus  attaché  que  l'idée  d'honneur, 

(1)  Hist.  manusc.  de  Jacques  d'Esciiies. 


—  487  — 

mot  bien  froid  en  comparaison  de  celle  foi  vive  qui  animait 
les  anciens  peuples  germains  et  les  vainqueurs  de  Rome, 
et  qui  prêta  tant  de  poésie  au  moyen-àge.  Avec  la  cheva- 
lerie expirante  s'éteignit  donc  l'auréole  sacrée  des  éten- 
dards, et  comme  conséquence,  les  grandes  dignités,  confiées 
dans  l'Empire  et  dans  les  divers  duchés  qui  en  relevaient, 
aux  puissants  vassaux  dont  les  familles  en  avaient  été  inves- 
ties, perdirent  toute  leur  importance.  Quand  la  charge  de 
Gonfanonicr  ne  fut  plus  qu'un  titre  honorifique;  qu'au 
drapeau  qu'il  portait  ne  fut  plus  rattaché  l'idée  du  principe 
divin  et  du  salut  de  la  patrie;  quand  enfin  l'étendard  ne 
fut  plus  qu'un  symbole  extérieur  de  puissance,  qui  devait 
rappeler  la  présence  du  souverain,  tout  l'éclat  dont  celte 
dignité  avait  été  entourée  s'évanouit  à  jamais. 

M.  De  Ring. 


488  — 


HectifUaliong  et  ^ÎJbitiûns 

A  LA  NOTICE  ANALYTIQUE  ET  RAISONNÉE  DU  CATALOGUE  DU 
MUSÉE  d'aNVERS,  RÉDIGÉ  PAR  M.  JEAN-ALFRED  DE  LAET, 
PROFESSEUR  AGRÉGÉ  A  l'uNIYERSITÉ  DE  GAND ,  ET  PUBLIÉ 
PAR  LE  CONSEIL  d'aDMINISTRATION  DE  l'ACADÉMIE  ROYALE 
DES    BEAUX-ARTS. 


Nous  avons  dit  à  la  page  281  tle  ce  volume,  que  l'an- 
cienne abbaye  de  S'-Bernard  sur  l'Escaut  avait  été  trans- 
formée en  prison  par  les  progressistes  français.  Si  le  fait 
était  vrai,  ce  ne  serait  pas  l'unique  de  l'espèce,  mais  nous 
devons  avouer  que  nous  avons  erré  en  l'énonçant.  S'-Ber- 
nard  servit  sous  le  régime  français  d'bôpital  temporaire  et 
d'établissement  d'instruction  pour  les  marins.  Le  gouver- 
nement du  roi  Guillaume  I  lui  assigna  en  1819  sa  desti- 
nation actuelle  (i). 

Ailleurs  nous  avons  affirmé  que  le  triptyque  de  Quentin 
Massys  ayant  pour  sujet  X ensevelissement  de  N.  S.,  la  tète 
de  S^-Jean  Baptiste  présentée  à  Hérodiade,  et  S^-Jean 
V Èvangéliste  dans  V huile  bouillante,  n'a  pas  été  soustrait 
en  1794,  aux  recberches  des  commissaires  français,  qu'on 


(1)  Mémoire  à  l'appui  du  projet  de  loi  sur  les  prisoiis,  présenté  à  la  chambre 
des  représentants  de  Belgique,  dans  la  séance  du  5  décembre  18-44,  p.  cLXXin. 
Bruxelles,  ISia.  —  >'ous  croyons  que  le  rapport  de  iMédecins  auquel  nous 
empruntons  ces  détails,  est  exact  quant  à  ce  point,  ce  qui  n'est  pas  le  cas 
pour  certains  faits  antérieurs  qu'il  relate. 


—  489  — 

n'a  pas  même  tenté  de  l'y  soustraire,  et  qu'il  continua  jus- 
qu'en 1798,  d'orner  l'autel  de  la  chapelle  de  la  Circoncision 
dans  noire  Cathédrale. 

Nous  avons  invoqué  à  l'appui  de  ces  faits,  des  témoi- 
gnages contemporains.  Pour  prouver  que  l'on  peut  s'y  ar- 
rêter, nous  allons  extraire  de  l'acte  de  vente  du  mobilier 
de  la  Cathédrale  (i),  ce  qui  concerne  les  tableaux  et  l'autel 
en  question.  Nous  copions  littéralement,  «  98.  Un  aulel  en 
marbre,  chef-cfœtwre  en  architecture  (2),  appelle  la  cha- 
pelle de  la  Circoncision,  trois  tableaux  représentant  la 
passion,  avec  deux  portes  en  cuivre,  y  compris  le  marche- 
pied du  dit  autel,  également  en  marbre,  adjugés  pour  cent 
soixante-un  florins  au  C*^"  Bloom.  Estimation  600  francs. 
En  marge  du  lot,  pour  parler  le  langage  châtié  du  receveur 
des  domaines,  on  lit  ce  qui  suit  :  Les  5  beaux  tableaux 
réservés.  —  Reçu  f.  161.  —  Notre  assertion  est  donc 
prouvée  quant  au  dernier  point,  ce  qui  permet  de  s'en 
rapporter  avec  fondement  pour  les  deux  premiers,  aux 
contemporains  dont  nous  avons  invoqué  les  souvenirs  (5). 

Il  résulte  d'une  communication  verbale  dont  nous  som- 
mes redevable  à  31.  F. -II.  Mertens,  bibliothécaire  de  notre 
ville,  que  lorsque  des  jours  moins  mauvais  furent  arrivés, 
les  marguilliers  de  Notre-Dame  réclamèrent  leur  triptyque, 
et  que  cette  demande  fut  d'abord  accueillie  par  le  préfet 
du  département  des  Deux-Nèthes.  C'est  ce  qui  est  prouvé 
par  des  documents  oflîciels  reposant  aux  archives  de  la 


(1)  Nous  avons  cité  à  la  page  286,  ce  document  qui  commence  au  18  bru- 
maire an  VII  (8  novembre  1798). 

(2)  On  voit  que  tout  en  vouant  nos  œuvres  d"art  aux  hasards  des  enchères 
qui  en  pouvaient  amener  la  destruction,  ce  qui  ne  fut  que  trop  souvent  le 
cas,  les  agents  de  l'impiété  gouvernementale  étalaient  de  petites  prétentions 
à  la  connaissance  du  beau. 

(5)  A  la  page  162,  ligne  9,  une  erreur  lypograpliique  nous  fait  j)arler  d'une 
date  tumulaire  de  Quentin  Massys  :  c'est  dalle  lumuluirc  qu'il  faut  lire. 

3S 


—  499  — 

province  d'Anvers.  Plus    lard ,  sans  que   nous   sachions 
pour  quel  motif,  cette  décision  fut  rapportée  (i). 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  d'un  tableau  de  Ber- 
nard Van  Orley  et  de  deux  volets  d'Henri  Van  Balen,  que 
nous  avions  omis  lors  de  notre  première  revue. 


(1)  Voici  quelques  dates  importantes  de  Tliisfoire  de  la  Cathédrale  à  la  fin 
du  dernier  siècle  et  au  comaïencement  de  celui-ci  :  21  septembre  1797,  ces- 
sation du  service  divin,  ordre  aux  ecclésiastiques  de  déposer  Phabit  clérical. 
27  du  même  mois,  fermeture  de  l'église;  roflicicr  municipal  Uocliel,  Tun  des 
zélateurs  de  cette  œuvre  impie,  y  est  blessé  mortellenient  à  la  tète  d'un  coup 
de  marteau;  15  août  1798  et  jours  suivants,  Joseph  Vermeulen,  commissaire 
estimateur  du  mobilier  national  pour  l'arrondissement  d'Anvers,  et  J.-J.  Yer- 
belen,  officier  municipal,  se  transportent  à  la  ci-devant  église  paroissiale  dite 
la  Calhédralc,  à  l'effet  d' inventorier  et  d'estimer  tout  le  mobilier  qui  s'y  trouve, 
pour  la  vente  en  être  faite  par  les  préposes  des  domaines  nationaux.  Vermeu- 
len fait  assortir  ceux  des  dits  meubles  paraissant  devoir  être  réunis  et  vendus 
en  articles  séparés.  —  8  novembre  1798  et  jours  suivants.  A  rexceptiou  d'un 
nombre  assez  considérable  de  tableaux  et  de  quelques  chefs-d'œuvi'c  de  sculp- 
ture réservés  pour  l'école  centrale,  les  agents  d'une  nation  éti'angèrc  gouver- 
née par  l'impiété,  font  procéder  par  lots  ou  par  articles,  à  l'adjudication  au 
plus  offrant  et  dernier  enchérisseur,  des  autels,  tableaux,  statues,  épitaphcs, 
orgues,  jubés,  stalles,  etc.,  qui  ornent  la  Cathédrale.  Plusieurs  monuments 
de  sculpture,  parmi  lesquels  la  statue  de  S^-Eloi,  admirable  production  d'Artus 
Quellyn,  le  Jeune,  sont  détruits  sur  place.  Quelques-uns  des  acquéreurs 
d'autels  font  attacher  des  cables  à  leurs  colonnes,  pour  les  abattre  plus  aisé- 
ment; lorsque  ce  moyen  fait  défaut,  des  chevaux  viennent  en  aide  aux  icono- 
clastes. Pour  que  ces  animaux  puissent  circuler  sans  danger,  une  partie  du 
pavé  de  l'église  a  été  enlevée  {n°  213  de  l'acte  de  vente).  Addition  faite,  il  se 
trouve  que  les  divers  marchés  ont  produit  une  somme  totale  de  17,270  francs 
SI  centimes.  Au  retour  du  calme,  ceux  qui  ont  pris  part  à  Tœuvre  des  des- 
truction, sont  traités  par  les  gens  de  bien,  avec  l'horreur  et  le  mépris  qu'ils 
méritent.  —  Après  avoir  couru  de  sérieux  dangers  d'èlre  démolie,  la  Cathé- 
drale voit  se  lever  des  jours  plus  sereins.  —  15  février  1800,  Tadministration 
supérieure  décide  que  Notre-Dame  sera  rendue  au  culte.  —  19  avril  de  la  même 
année.  Les  clefs  du  temple  sont  remises  à  l'ancien  concierge  J.-P.  Yan  Dyck, 
qui  se  met  à  y  travailler  le  21  suivant.  Le  50  du  même  mois,  les  quatre  mar- 
guilliers  en  exercice  en  1797,  reprennent  leurs  fonctions  et  confirment  leur 
concierge  dans  son  emploi.  —  10  juillet  à  5  1/2  heures  de  l'après-midi.  Pose 
de  la  première  pierre  du  pavé  actuel.  —  10  septembre  1801.  Concordat  entre 
le  premier  consul  Napoléon  Donai)arte  et  S.  S.  le  pape  Pic  VII.  —  IG  mai  1802. 
Réouverture  de  l'église  devenue  simple  paroissiale,  au  culte  catholique. 

Dès  les  premiers  temps  de  l'administration  du  préfet  dlîcrhouville,  nommé 


—  491   — 

Le  11°  44  peint  par  Bernard  Van  Orley,  et  représentant 
VAdoraiion  des  Blarjes,  provient  elTeclivement,  comme  le 
dit  le  Catalogue,  du  monument  que  la  famille  Claris  pos- 
sédait dans  notre  ancienne  Cathédrale;  les  volets  de  cette 
œuvre  d'art  otTraient  les  portraits  et  les  armoiries  de  Louis 
Clarys,  ou  Claris,  ou  Clarisse,  et  de  Dame  Marie  Le  Bat- 
teur, sa  compagne.  Ces  battants  exécutés  par  un  artiste 
inconnu,  ont  été  transportés  à  l'école  centrale.  S'ils  existent 
encore,  comme  cela  est  possible,  on  fera  bien  de  les  placer 
au  Musée. 

L'inscription  du  monument  dont  nous  venons  de  parler, 
était  ainsi  conçue  : 

D.   0.   M. 

IlIC   EXPECTANT  RESl'RitECTlONEM  SUAM 

D.    LUDOVICUS  CLARYS 

ET 

D.  MARIA  LE  BATTra'R  CONJUGES 

OBIIT  ILLE   2G   MARTII    1594 

ILLA  VERO   H  JANCARII   1586 

REQUIESCANT 

IN  PACE 

On  voit  qu'il  n'est  nullement  question  dans  cette  épi- 
taphe  du  titre  de  comtes  de  Clermont  ou  plutôt  Clairmont, 
dont  parle  M.  De  Laet.  Don  Louis  Roger  Clarisse,  cheva- 
lier de  l'ordre  de  S'-Jacques  de  Spallia  (sic),  conseiller 
d'état  et  de  finances,  est  le  premier  qui  fut  revêtu  de  cette 


en  celle  qiKililé  le  j  mars  1800,  les  niarguilliers  de  N.-D.  réclamèrent  à 
diverses  époques,  et  souvent  avec  succès,  une  partie  des  œuvres  d'art  échap- 
pées ù  la  destruction  et  conservées  à  l'école  centrale.  Le  triptyque  de  Quentin 
Massys  se  trouvait  au  nombre  des  morceaux  redemandés  en  première  ligne. 
F. -H.  Merlens  en  K.-L.  Torfs.  Gcschicdcnis  van  Antwcrpcn,  VI"  dccl , 
4e  stuk,  bladz.  604-611.  —  Actes  originaux  manuscrits  d'estimation  et  de 
vente  du  mobilier  de  la  Cathédrale,  etc.  —  Récit  d'un  témoin  oculaire.  — 
J.-A.-F.  Pauwels.  DanU-  en  ecrgalm,  de  onhcvlehle  Macgd  en  Moeder  Godts 
Maria,  Iroostersse  dcr  hedrukte,  nopens  de  gewenschte  herstellinge  van  hacrcn 
lo/felijlicn  ecr-dienst,  in  de  Cathédrale  kerke  van  0.  A.  Vrouivc  lot  /Intwcr- 
pcn, loegezongen.  Antwcrpcn,  1802;  in-4»,  bl.  10  en  11,  nota  S. 


—  492  — 

qualité,  et  ce  en  vertu  de  lettres  patentes  octroyées  le 
19  février  1653,  par  le  roi  d'Espagne  Philippe  ÏV  (i). 
Les  concerts  d'Aurjes  (n"'  199  et  200)  peints  par  îîenri 
Van  Balen,  servaient  dans  notre  ancienne  Cathédrale,  de 
volets  au  monument  de  Philippe  Ileemssen  et  d'Anne  Van 
Eelen,  dont  les  patrons  ont  été  exécutés  en  grisaille  sur 
la  face  postérieure  de  ces  battants.  Le  tableau  du  milieu 
a  pour  sujet  la  S^""- Vierge,  V Enfant  Jésus  au-dessus  duquel 
planent  des  anges  portant  les  instruments  de  la  Passion,  et  le 
petit  S^- Jean-Baptiste.  Cette  production  de  Henri  Van  Balen 
a  été  rendue  à  Notre-Dame  :  raccourcie,  elle  orne  aujour- 
d'hui l'autel  de  la  petite  chapelle  des  fonts  baptismaux. 
L'inscription  suivante  accompagnait  autrefois  cette  com- 
position : 

GODT  TER  EERE  EN  GEDACHTENIS  VAX 

PHILIPS   HEEMSSEN   COOPMAN 

STERF    12  JULY   1634   OUDT   74   JAEP.    i  MAENDES 

EN 

ANNA  VAN  EELEN  SYNE  HOïSVROUWE 

STERF   23   MEERT    1022,    OUDT   68  JAER.   X   MAENDEN. 

BIDT  VOOR  DE  SIELEN. 

Voici  l'extrait  de  l'acte  de  vente  du  mobilier  de  la  Cathé- 
drale, qui  concerne  cette  épitaphe.  10.  Un  grand  tableau 
fermant,  représentant  la  Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  et  un 
autre  tableau  portant  inscriptioîi  de  différents  noms  d'une 
confrérie,  adjugés  pour  quinze  sols  au  C""  Cokselimberg . 

—  Estimation  8  francs    —  En  marge.  Le  tableau  réservé. 

—  Reçu  f.  »  15. 

Nous  terminerons  ces  additions  par  faire  mention  d'une 
statue  de  Jean-Pierre  Tassaert,  qui  était  conservée  au  Musée 
des  Petits-Augustins  de  Paris,  en  l'an  X,  et  qui  repré- 


(1)  Voyez  le  Supplément  aux  Trophées  de  Brabanl  de  Chr.  But/cens,  loin,  l, 
page  375.  —  Quant  à  Tordre  de  S'-Jacques  de  Spatha  ou  Spada,  on  peut 
consulter  la  J urisprudentia  heroica  de  Christyn,  à  l'article  des  ordres  mili- 
taires. 


—  493  — 

sentait  ï Amour  prêt  à  saisir  ses  traits.  Feu  M.  Alexandre 
Lenoir  fait  un  grand  éloge  de  cette  production  de  Tassaert, 
aux  prénoms  duquel  il  ajoute  celui  d'Antoine  (J.-P.-A.). 
Il  nous  apprend  aussi  que  notre  concitoyen  fut  élève  de 
Michel-Ange  Slodtz  (i),  et  qu'il  dût  le  développement  de 
ses  talents  à  ce  statuaire  qui  lui  conflait  rébauclie  de  ses 
propres  ouvrages.  Tassaert,  d'après  M.  Lenoir,  laissa  un 
fds,  graveur  distingué  (^2). 

Ces  pages  étaient  écrites,  lorsque  nous  avons  parcouru 
l'ouvrage  du  savant  comte  de  Laborde,  intitulé  :  La  renais- 
sance des  arts  à  la  cour  de  France.  L'auteur  nous  paraît 
y  avoir  très-bien  démontré  que  le  portrait  du  dauphin 
François  II  (n"  66),  que  le  catalogue  du  JMusée  attribue 
à  Jean  Holbein,  est  réellement  une  production  de  François 
Clouet,  dit  Janet  (5).  Ailleurs  il  indique  Jean  Foucquet 

(1)  On  sait  que  Sébastien,  le  premier  des  Slodtz  qui  vint  d'établir  à  Paris, 
avait  vu  le  jour  à  Anvers.  —  Quant  à  Tassaert,  nous  ignorons  ce  qui  a  pu  auto- 
riser M.  Lenoir  à  le  qualifier  de  sculpteur  français  né  à  Anvers,  à  moins  que 
ce  ne  soit  son  arrivée  en  France  dès  son  enfance,  assertion  que,  faute  de  ren- 
seignements positifs,  nous  n'admettons  ni  ne  rejetons.  Quoiqu'il  en  soit,  nous 
savons  que  ce  n'est  pas  d'hier  que  les  Français  tentent  d'accaparer  autant 
que  possible,  nos  hommes  célèbres  dans  tous  les  genres. 

(2)  Description  historique  et  chronologique  des  monuments  de  sculpture 
réunis  au  Musée  des  monuments  français,  par  Alexandre  Lenoir,  fondateur  et 
administrateur  de  ce  Musée.  Paris,  an  X,  p.  311,  n"  366. 

Les  amateurs  des  arts  et  des  études  historiques  savent  gré  à  feu  M.  Lenoir 
des  efforts  qu'il  a  déplojés,  plus  d'une  fois  même  au  péril  de  sa  vie,  pour 
sauver  de  la  destruction  les  statues,  tombeaux,  peintures  sur  verre,  etc.,  qui 
composèrent  jusqu'en  1816,  le  Musée  des  monuments  français.  Pourquoi 
faul-il,  hélas!  que  les  sentiments  de  limpiélé  la  plus  grossière  (celle  du  misé- 
rable Dupuis,  l'auteur  de  l'Origine  de  tous  les  cultes)  viennent  souvent  souiller 
les  pages  de  M  Lenoir?  Comment  cet  artiste,  après  avoir  vu  le  philosophisme 
à  l'œuvre,  n'a-(-il  pas  refusé  toute  approbation  à  cette  secte,  qui  ne  rougissant 
point  de  rendre  à  la  raison  le  culte  uniquement  dû  au  Très-Haut,  osa  brûler 
rencens  devant  de  viles  prostituées ,  images  trop  liilèles  des  intelligences 
dégradées  de  ses  sophistes  et  de  leurs  propensions  par  trop  naturelles? 

(3)  Op.  cit.,  p.  90-92. 


—  494  — 

comme  peintre  du  n°  lOG,  représentant,  d'après  M.  De 
Laet,  iine  Vierge  avec  VEnfant  Jésus,  entourée  d'anges 
bleus  et  rouges,  et  mentionnée  par  lui  sans  nom  de  maître. 
Il  ajoute  que  ce  tableau  renferme  bien  certainement  le 
portrait  de  la  fameuse  Agnès  Sorel,  et  que  feu  M.  Florent 
Van  Ertborn  l'acquit  à  Paris.  Notre  intention  du  reste 
n'est  pas  d'examiner  si  cette  œuvre  d'art  est  aussi  remar- 
quable, sous  le  rapport  de  la  peinture,  que  le  dit  M.  de 
Laborde,  mais  nous  devons  avouer  que  ses  plaintes  au 
sujet  de  la  place  qu'occupe  ce  panneau,  nous  paraissent 
un  peu  exagérées  (i). 

Anvers,  octobre  1831. 

Théodore  Van  Lerius. 


Encore  une  lïecilOcatioBs. 


Nous  avons  dit  à  la  page  167  de  ce  recueil,  que  le 
n°  153  du  Musée  représente  le  révérend  Guillaume  Luc 
Boxtell,  cbanoine  tbéologal  de  la  Catbédrale  d'Anvers, 
accompagné  de  S'-Luc.  Nous  avons  ajouté  que  ce  tableau 
portant  la  date  de  lôOi,  était  et  devait  rester  étranger 
à  François  Floris,  mort  en  1370.  Cette  dernière  preuve 
est  à  l'abri  de  toute  critique.  Ce  qui  Test  un  peu  moins, 
c'est  la  traduction  beaucoup  trop  libre  que  nous  nous 
sommes  permise  de  ces  mots  de  l'inscription  mentionnée 

(1)  Op.  cit.,  p.  168-169. 


—  493  — 

à  la  page  1G8  :  Guillidmus.  Lucas.  BoxlclL  L'emploi  d'un 
point  après  chacune  des  expressions  qui  composent  les 
deux  premières  lignes  de  cette  épitaphe  nous  a  induit  en 
erreur.  Si  l'on  n'avait  fait  usage  de  ce  signe  que  pour  les 
termes  mis  en  abrégé,  nous  aurions  lu  Boxtellamis,  au 
lieu  de  Boxtell,  mais  nous  eussions  probablement  dû  re- 
culer à  traduire  Lucas.  Quoiqu'il  en  soit,  grâce  à  l'obli- 
geance d'un  ami  qui  n'entendait  point  parler  de  notre  cha- 
noine pour  la  première  fois,  nous  pouvons  affirmer  que 
cet  ecclésiastique  avait  nom  Guillaume  Luyckx,  natif  de 
Boxtel,  au  Brabant  septentrional.  Le  Bienheureux  qui  se 
voit  derrière  lui ,  n'est  autre  par  conséquent  que  Saint 
Guillaume,  représenté  sans  aucun  signe  distinclif;  ce  qui 
explique  comment  M"^  J.-B.  Van  der  Straelen  a  pu  le 
considérer  comme  S'-Luc,  en  traduisant  littéralement  le 
Lucas  de  l'inscription. 

L'acte  de  vente  du  mobilier  de  la  Cathédrale  d'Anvers 
contient  mot  à  mot  ce  qui  suit,  au  sujet  de  ce  tableau  et 
des  autres  objets  d'art  que  renfermait  la  chapelle  de  S'-Luc: 
95.  Un  idem  (autel  en  bois)  avec  iin  soleil  au-dessus,  deux 
figures,  un  confessionnal,  un  épitaphe  en  bois,  la  balus- 
trade eu  marbre  sculpté,  cinq  figures  aussi  en  marbre, 
et  un  tableau,  adjugés  pour  vingt-cinq  flor  :  à  Adnet.  — 
Estimation  40  francs.  —  En  marge  se  trouve  ce  qui  suit  : 
2  tableaux  réservés.  —  Reçu  ^d  fl. 

Le  second  de  ces  tableaux  représente  S^-Luc  peignant 
la  S^^-Vierge  qui  tient  rEnfant  divin  :  cette  production  de 
Martin  De  Vos,  le  Vieux,  figure  au  Musée  sous  le  n"  15G. 

Cet  honnête  Adnet  qui  trouvait  moyen  de  se  procurer 
pour  2o  florins  argent  courant  de  Brabant,  un  autel  eu 
bois,  un  confessionnal,  un  encadrement  d'épitaphe  égale- 
ment en  bois,  une  balustrade  en  marbre  sculpté  et  sept 
statues,  dont  cinq  aussi  en  marbre;  cet  honnête  Adnet, 
disons-nous,  peut  être  signalé  à  bon  droit,  comme  le  plus 


—  496  — 

grand  acquéreur  du  mobilier  de  notre  Cathédrale,  où  vingt- 
cinq  marchés  différents  kii  furent  adjugés  à  lui  seul,  et 
quatre  autres  en  compagnie  de  gens  du  même  acabit. 

Parmi  les  marchés  de  la  première  catégorie,  nous  cite- 
rons comme  n'ayant  pas  été  le  moins  désavantageux,  celui 
des  tombeaux  en  marbre  sur  lesquels  étaient  couchées  les 
statues  en  pierre  des  évcques  d'Anvers,  François  Sonnius, 
Liévin  Torrentius,  Jean  Mirœus  et  Jean  Maklerus.  M.  Ad- 
net  acquit  ces  quatre  monuments  au  prix  de  6  florins  dix 
sous,  argent  courant  de  Brabanl  !  Celui  de  l'évéque  Marins 
Ambroise  Capello,  entièrement  exécuté  en  marbre,  y  com- 
pris la  figure  du  prélat  et  un  ange  qui  tient  ses  armoiries, 
fut  heureusement  réservé  pour  l'école  centrale  et  restitué 
depuis  à  Notre-Dame.  Quoique  ce  monument  passe  avec 
raison  pour  un  des  chefs-d'œuvre  d'ArtusQuellyn,  le  Jeune, 
et  que  la  sculpture  des  quatre  autres,  à  en  juger  d'après  les 
gravures  que  l'enferme  Le  Théâtre  sacré  du  Brabant,  n'ait 
pas  été  dénuée  de  mérite,  le  citoyen  Joseph  Vermeulen, 
commissaire-estimateur  du  prétendu  mobilier  national  pour 
l'arrondissement  d'Anvers,  n'en  avait  pas  moins  cru  pou- 
voir porter  à  quarante  francs,  la  valeur  totale  de  ces  cinq 
épitaphes. 

En  vérité,  le  cœur  se  soulève  de  dégoût  et  d'indignation, 
lorsqu'on  parcourt  les  pages  où  sont  consignées  adminis- 
Irativement  de  par  le  bras  droit  des  spoliateurs,  décoré  du 
nom  de  régie  des  domaines  nationaux,  les  actes  de  dépré- 
dation qui  dépouillèrent  à  jamais  notre  ancienne  Cathé- 
drale d'un  nombre  considérable  d'œuvres  artistiques  du 
plus  haut  mérite  et  de  tant  de  souvenirs  historiques  qui 
rappelaient  des  noms  illustres  dans  les  fastes  de  notre  pa- 
trie. Ce  fut  un  rude  coup  porté  à  nos  anciens  sculpteurs, 
dont  deux  surtout,  Guillaume  Paludanus  ou  Van  den 
Broeck  et  Jean  Colyns  de  Noie,  qu'il  ne  faut  point  confon- 
dre avec  son   frère  Robert,   ni  avec  André,  ne  comptent 


—  497 


plus  depuis,  à  notre  connaissance,  une  seule  production 
dans  notre  pays  (i). 

Anvers,  le  50  novembre  1851. 

Théodore  Van  Lerius. 


(1)  riiilippe  Baert  dans  ses  Mémoires  sur  la  sculplcurs  cl  archileclcs  des 
Pays-Bas,  publiés  par  feu  M.  le  baron  de  Reiftenberg  dans  les  tomes  XIV 
et  XV  des  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'Iiisloire,  dit  avoir  fait  de  vaines 
recherches  pour  découvrir  des  ouvrages  du  premier  de  ces  sculpteurs.  La 
Cathédrale  dWnvers  renfermait  cependant  le  monument  en  marbre  d'Antoine 
Bool  et  de  Marie  Van  Santvoort,  exécuté  par  ce  maître,  qui  fut  enterré 
ù  S'-Jacques,  et  non  à  Xotre-Dame,  ainsi  que  Técrit  Baert.  H  mourut,  non 
le  11,  mais  le  2  mars  1379,  comme  le  prouve  son  épitaphe  recueillie  par 
Fr.  Sweertius  dans  ses  Monumenta  scpulcralia.  —  Jean  Colyns  de  Noie  avait 
sculpté  avec  son  frère  Robert,  d'après  ce  que  rapporte  Sweertius,  huit  sta- 
tues en  pierre  de  prophètes ,  qui  ornaient  les  balustrades  de  la  chapelle 
de  la  S'«-Vierge ,  dans  la  Cathédrale.  Quatres  de  ces  flgures ,  y  compris 
Tune  de  ces  balustrades  et  les  piliers  en  cuivre  dont  elle  était  garnie,  furent 
adjugées  en  1798,  à  certain  Jacobs,  au  prix  de  188  florins  argent  courant 
de  Brabant.  Adnet  paya  de  187  florins  de  la  même  monnaie,  les  quatre 
autres,  la  deuxième  balustrade  et  ses  colonnes  en  cuivre. 

Baert  dont  nous  venons  tout  récemment  de  faire  la  connaissance,  ne  doit 
point  être  confondu  avec  .M.M.   jlensacrt.  Descamps  et  C<^  (*). 

(")  Nniis  apprenons  que  le  Catalogne  du  Musée  d'.4nvers,  tiré  en  1059  à 
3000  exemplaires,  est  sur  le  point  d'être  épuisé.  Aussi  sonje-t-on  déjà  à  en  faire 
une  seconde  édition,  dans  laipielle  il  semble  qu'on  se  propose  bien  de  faire  usajc 
des  excellents  renseignements  et  des  rcelificalions  publiés  par  M.  Va:<  I.ekius  dans 
le  lUessayer  des  Sciences  historiques  de  ICiJl.  Nous  faisons  des  vœux  pour  que 
celle  nouvelle  édition  soit  confiée  par  la  Commission,  aux  soins  intcllijents  de 
Mr  J.  A.  De  I.aet,  qui,  dans  la  l'"  édition  de  ce  catalogue,  a  montré  son  aptitude 
spéciale  h  ce  {jenre  de  travaux. 

(Note  de  la  Réilaction  du  Mcssiiycr  des  Sciences  historiques). 


—  498  — 


I.ît  CoiBfisissaac  de  1.&&. 


— -s3âa^'- 


Nous  pensons  qu'on  ne  lira  pas  sans  un  certain  intérêt 
les  notes  que  nous  avons  prises  clans  une  de  nos  excursions 
à  Loo,  aujourd'iuii  humble  commune  de  la  Flandre  occi- 
dentale, mais  dans  laquelle  on  ne  saurait  méconnaître  quel- 
ques vestiges  de  son  ancienne  splendeur. 

L'hôtel  de-ville  porte  la  date  de  15G6  :  on  y  conserve 
à  peine  quelques  débris  des  anciennes  chartes,  parmi  les- 
quelles nous  en  avons  distingué  quatre,  à  cause  de  l'intérêt 
historique  qu'elles  paraissent  de  nature  à  inspirer  ;  ce 
sont  : 

\°  Lettres  en  date  de  Furnes,  mil  trois  cens  trente  et 
deux,  par  lesquelles  Louis  de  Nevers,  comte  de  Flandre, 
pardonne  à  ceux  de  Loo  les  peines  qu'ils  peuvent  avoir  en- 
courues par  leur  rébellion.  Le  comte  ordonne  en  même 
temps  que  la  loi  établie  pour  la  ville  de  Furnes,  ait  égale- 
ment cours  en  celle  de  Loo.  (Cette  charte  originale  a  été 
«  publiée,  présent  monsieur  le  comte  dess.  dict  et  son  con- 
seil, le  premier  jour  de  may  l'an  1552,  »  avec  sceau  et 
contre-sceau  de  cire  verte,  pendant  en  las  de  soie  verte). 

2"  Lettres  en  date  de  Lille,  ran  de  grâce  mil  CCC.  qua- 
tre vins  et  quatre,  par  lesquelles  Philippe,  fils  du  roi  de 
France,  et  comte  de  Flandre,  ainsi  que  Marguerite  sa  femme, 
pardonnent  à  la  ville  de  Loo  tout  ce  qu'elle  avait  méfait 
contre  leur  autorité  dans  les  commotions  qui  ont  eu  lieu 
en  Flandre,  et  confirment  les   privilèges  de  ladite  ville. 


—  499   — 

(Original,  avec  débris  de  sceau  en  cire  verle,  pendant  en 
las  de  soie  verte). 

3°  Lettres  en  date  du  19  mars  1445,  par  lesquelles  Phi- 
lippe, comte  de  Flandre,  octroie  à  ceux  de  Loo  d'avoir 
«  esward  et  scel,  drapper  leurs  draps  de  toutes  laines  et 
faire  la  drapperie  comme  ci-devant.  » 

4°  Lettres  datées  de  Malines,  4  novembre  1530,  par  les- 
quelles Charles  V  accorde  à  la  ville  de  Loo  et  aux  paroisses 
de  Loo,  Alveringhem  et  Pollinchove  d'élever  «  uug  métier 
et  stil  de  sayetrie  de  telle  couleur  que  bon  leur  semblera,  » 
et  faire  telles  ordonnances  à  ce  sujet  qu'elles  trouveront 
convenables,  sauf  à  ce  qu'il  y  ait  toujours  une  différence 
entre  ces  sayeries  et  celles  d'ÎIontscote. 

Il  y  avait  deux  métiers  de  sayeltrie,  composés  chacun 
de  80  hommes. 

Nous  avons  vu  les  chartes  de  foires  franches  des  années 
1446  et  1450,  dont  parle  Sanderus  (Nundinas  dico  8  oc- 
tobris  inchoatas  et  liberlatem  trklui  anno  1646,  quatridiii 
anno  1450  consecutas). 

Les  chartes  de  l'abbaye  de  S'-Pierre,  fondée  en  1095,  et 
dont  le  seul  colombier  est  resté  debout,  ont  passé  aux  ar- 
chives de  l'évéché  de  Bruges  (i).  La  riche  bibliothèque  de 
cette  abbaye  de  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  S'-Augus- 
tin,  a  été  éparpillée  lors  de  sa  suppression  par  les  Fran- 
çais, les  moines  en  ayant  eux-mêmes  emporté  la  majeure 
partie. 

L'abbaye  a  laissé  quelques-unes  de  ses  riches  curiosités 
à  l'église  de  Loo,  qui,  sans  être  remarquable  par  son  archi- 
tecture, se  distingue  toutefois  par  son  étendue  et  ses  em- 
bellissements. Une  partie  du  chœur  est  construite  dans  le 
style  architectural  duXIV'=  siècle.  D'antiques  chasubles  d'un 

(i)  On  nous  a  dit  qu'un  de  nos  académiciens  les  a  utilisées  pour  démontrer 
que  deux  voies  romaines  avaient  existé  aux  environs  de  Loo,  dont  lune  par- 
tait de  la  Wcsl-porte  vers  Thérouannc. 


—  800  — 

travail  remarquable  el  brodées  d'or,  de  belles  boiseries,  et 
quelques  tombeaux  en  marbre  blanc,  qui  ouvrent  la  série 
des  épitaphes,  toutes  inscrites  sur  pareil  marbre,  toutes 
adossées  contre  les  murs  intérieurs  de  l'église  dans  son 
pourtour,  tel  est  l'béritage  que  l'église  de  Loo  a  conservé 
de  l'abbaye. 

La  première  de  ces  inscriptions  porte  :  Sepultura  rev. 

D.  JOANNIS  ReYNAERT  nUJL'S  LOCI  ABBATIS  QUI  OBHT  ANNO  1644, 

25  JAN.  Avec  armoiries  et  la  légende  :  corde  puro. 

On  lit  sur  la  seconde  :  llic  jacetR.  D.  Remigius  de  Zaman, 

PRIMUS  AERAS  A  GrEG.  15  PP.  MITRA  DONATUS,  QUI  POSTQUAM 
53  ANNIS  HUIC  ABBAT.  PREFUÎSSET  ET  SEX  OFF.  PAT.  PUB.  FUNC- 
TUS  E8SET    IIUNCQUE    LOCUM    RESTAURASSAT,    OBIIT    7  AUG.    1637 

AET.  suAE  66.  Avec  armoiries  et  la  devise  :  Semina  metes. 

Rien  n'est  plus  brillant  que  les  peintures  sur  verre  de 
trois  fenêtres.  Ces  œuvres  de  l'art  ont  été  conservées  in- 
tactes; elles  représentent  :  La  Naissance  du  Christ,  l'Enfant 
divin  présenté  à  S'-Siméon,  et  la  Madone  donnant  le  rosaire 
à  S'-Dominique. 

Le  maitre-autel  est  orné  d'un  magnifique  tableau,  dû  au 
pinceau  de  Jean  Boekborst,  dit  Lanrjen-Jan.  Il  représente 
la  scène  terrible  du  Calvaire,  le  Seigneur  en  croix  entre 
deux  larrons,  Marie,  S'-Jean,  la  Madeleine,  etc.  M.  Siret 
a  oublié  ce  chef-d'œuvre  dans  son  Dictionnaire  des  Peintres. 

Contre  un  des  piliers  de  ce  beau  temple,  on  voit  avec 
plaisir  l'hommage  rendu  par  un  peintre  de  Loo  au  lieu 
de  sa  naissance.  C'est  une  jolie  et  poétique  composition, 
représentant  les  sept  œuvres  de  Charité,  mais  qui  laisse 
quelque  peu  à  désirer  sous  le  rapport  de  la  correction  du 
dessin.  Sous  ce  tableau  de  cabinet,  le  peintre  a  écrit  :  Ge- 
jond  aen  deze  kerk  door  J.-A .  Senavc,  kunstschildcr  binnen 
Paris,  rjeb.  in  Loo  7  sept,  in  heljacr  1758. 

Wie  die  tvill  au  II   God  bchaagen, 
Mocl  don  arnivn  ondcrsihruagen. 


—  SOI  — 

S^-Charles-Boromée  offrant  des  secours  spirituels  à  des 
pestiférés,  est  une  bonne  copie  faite  par  Uecour,  de  Loo, 
d'après  une  toile  qui  orne  l'une  des  églises  de  Bruges. 
Comme  Senave,  Recour,  élève  de  l'Académie  de  Bruges,  a 
eu  l'idée  patriotique  d'offrir  au  temple  du  Seigneur  l'obole 
du  peintre,  en  lui  donnant  ce  tableau  plein  de  fraîcheur. 

Le  tableau  d'autel  retraçant  le  martyre  de  S'-Pierre,  est 
une  copie  du  chef-d'œuvre  créé  par  llubens  pour  l'orne- 
ment d'une  église  de  Cologne. 

Félix  Bocqué,  de  Furncs,  a  demandé  à  son  génie  quinze 
inspirations  sur  les  quinze  mystères  de  la  Vierge  :  toutes 
ne  sont  pas  heureuses.  Le  peintre  fait  bien  les  draperies. 

Les  stalles  du  chœur  ne  manquent  pas  d'élégance. 

Quant  aux  autres  édifices  empreints  d'un  caractère  reli- 
gieux, que  possède  la  commune  de  Loo,  nous  citerons  la 
Maison  des  vieilles  Femmes,  portant  le  millésime  de  1685, 
élevée  à  l'endroit  où  se  trouvait  primitivement  un  hôpital 
qui  datait  du  XI'=  siècle.  Nous  avons  également  visité  la  cha- 
pelle d'une  communauté  de  Sœurs  grises,  bâtie  en  15G0. 
Sous  les  auspices  de  la  commune,  ces  respectables  lilles 
se  sont  consacrées  à  l'instruction  des  jeunes  filles,  dont  le 
nombre  s'élève  à  120.  Une  autre  école  communale  pour 
les  garçons  ne  compte  qu'environ  70  élèves. 

Au  commencement  du  XVÎ''  siècle,  il  existait  à  Loo  trois 
sociétés  de  Rhétorique.  Quoique  protégée  par  le  curé,  la 
dernière  de  ces  associations  dramatiques,  donna  sa  dernière 
représentation  en  1827.  Aujourd'hui  le  théâtre  est  le  seul 
souvenir  qui  en  subsiste  encore. 

Nous  avons  vu  à  l'hôtel-de-ville  un  imprimé  sur  parche- 
min, établissant  qu'en  1726  cette  Rhétorique  fut  réunie 
à  deux  autres  sociétés  de  l'endroit.  L'en-téte  porte:  Statnten 
der  oude  cjeconfirmeerde  lijtelfjilde  van  Roeijen,  geseijt  Fon- 
teynisten,  Crwjsbroeders  Al  in  't  groen  (Société  de  l'arba- 
lète), met  die  van  Sinncn  Jonck  (Société  de  S'^^-Barbe,  à 
l'arquebuse),  geconfîrmeert  te  Brussel  d  juli  1726. 


—  ë02  — 

On  dirait  que  la  nature  toujours  jeune,  a  voulu  offrir 
aux  liabitanls  de  Loo  une  compensation  quelconque  pour  la 
grandeur  éclipsée  de  leur  ville.  A  l'endroit  même  où  sem- 
blent encore  veiller  à  la  conservation  de  la  cité  deux  vieilles 
tours,  qui  forment  la  West-porle,  s'élève  un  if  gigantesque 
au  tronc  noueux  et  brisé,  mais  vivace  dans  plusieurs  de  ses 
rejetons.  Enraciné  dans  le  mur  du  jardin  voisin,  il  s'étend 
au-dessus  d'une  eau  dormante,  et  appuie  ses  rameaux  vas- 
tes et  verdoyants  jusque  contre  les  murs  attenant  à  l'anliquc 
West-porte.  Le  peuple  qui,  chez  nous  comme  en  France, 
associe  le  grand  nom  de  César  à  tout  ce  qui  est  antique  et 
frappe  vivement  son  imagimation  qu'il  substitue  à  l'his- 
toire, le  peuple,  disons-nous,  raconte  que  c'est  à  cet  arbre 
célèbre  dans  toute  la  contrée,  que  cet  illustre  capitaine 
attacha  mainte  fois  son  coursier. 

L'ancienne  ville,  fortifiée  au  XIV'"  siècle,  avait  quatre 
portes,  mais  le  char  destructeur  de  la  guerre  a  passé  par  là. 

Les  fondements  du  château  du  comte  se  trouvent  à  l'en- 
droit dit  le  3[ont  terrible. 

Hàtons-nous  de  revenir  aux  œuvres  fécondes  de  la  na- 
ture; qu'il  nous  soit  encore  permis  de  parler  d'un  immense 
noyer,  autre  célébrité  dans  la  classe  des  arbustes  utiles. 
11  embellit  l'endroit  dit  Drobbelaer,  situé  à  une  demi-lieue 
de  la  commune  de  Loo.  Malheureusement,  nous  n'avons  pu 
nous  assurer  par  nous-mêmes  jusqu'à  quel  point  il  mérite 
de  prendre  place  parmi  les  aibres  qu'on  cite  en  Europe 
pour  leur  immense  développement.  Son  tronc  doit  avoir 
18  pieds  de  circonférence.  Comme  il  fournit  quelquefois 
environ  80,000  noix  à  l'heureux  fermier  qui  en  a  la  jouis- 
sance, le  produit  de  ce  noyer  a  suffi  en  certaines  années 
pour  payer  le  montaiU  de  son  fermage. 

Il  est  bien  déchu  l'antique  héritage  de  Guillaume,  comte 
de  Loo,  qui  vengea  la  mort  du  comte  de  Flandre,  Charles 
le  Bon  et  fut  digne  de  lui  succéder.  La  paroisse  de  Loo 


—  SOS  — 

compte  aujourdliui  à  peine  1700  habitants.  Toutefois, 
grâce  à  la  soliicitiide  de  son  magistrat,  un  meilleur  avenir 
semble  lui  sourire  :  depuis  environ  cinq  ans,  au-delà  de 
50,000  francs  ont  été  employés  pour  établir  de  nouvelles 
communications  aux  environs;  par  ce  moyen  des  chemins 
de  terre,  impraticables  pendant  quatre  mois  de  l'année,  ont 
été  métamorphosés  en  chemins  vicinaux  qui  vont  ouvrir 
une  nouvelle  ère  de  prospérité  pour  une  commune  encore 
si  importante  du  temps  où  l'auteur  de  la  Flanclria  illus- 
trata,  copiant  Grammaye,  lui  consacra  quelques  pages. 

Les  fils  illustres  de  Loo  que  cite  Sanderus,  ont  subi  le 
sort  de  leur  berceau  :  ils  sont  inconnus  aujourd'hui  à  la 
plupart  de  nos  compatriotes.  Le  savant  Jacobus  Nicolcms, 
dont  Joannes  Gruterus  édita  les  travaux  dans  l'appendice 
de  sa  Lampas  crilica,  méritait  un  meilleur  sort, 

YkS    DUYSE. 


504 


QUESTIONNAIRE 

HISTORIQUE,    BIOGRAPHIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIQUE. 


Chacun  de  nous,  si  ignorant  qu'il  soit,  sait  quelque 
chose  que  son  voisin  ne  sait  pas.  A  son  tour  celui-ci  con- 
naît souvent  ce  que  nous  ignorons  complètement,  et  ce  que 
nous  serions  bien  aises  d'apprendre.  Non  omnia  possunms 
omnes  est  un  de  ces  vieux  adages  populaires  dont  la  vérité 
est  toujours  neuve.  Il  y  aurait  cependant  un  moyeu  défaire 
un  peu  mentir  ce  respeclable  proverbe,  en  ce  qui  cou- 
cerne  les  faits  qui  sont  du  domaine  de  la  science.  Il  ne 
s'agirait  pour  cela  que  de  former  une  association  d'hom- 
mes instruits,  communicatifs  et  zélés,  s'occupant  à  peu 
près  des  mêmes  études  et  des  mêmes  recherches  et  s'obli- 
geant  à  se  communiquer  mutuellement  les  renseignements 
qui  intéresseraient  plus  particulièrement  chacun  d'eux. 
Une  abondante  moisson  de  détails  oubliés,  négligés  ou 
inconnus,  se  trouverait  bientôt  à  la  disposition  de  chaque 
membre  dune  pareille  association  et  le  mettrait  à  même 
de  compléter  sans  effort  et  sans  fatigue,  le  travail  spécial 
dont  il  s'occupe. 

Je  suppose  six  personnes  se  réunissant  ainsi  pour  éclair- 
cir  l'histoire  d'une  époque  donnée;  la  première  se  consa- 
crerait aux  faits  politiques,  la  seconde  à  la  biographie  des 
hommes  célèbres,  la  troisième  à  des  recherches  sur  l'état 
des  arts,  la  quatrième  aux  institutions  judiciaires,  la  cin- 
quième à  l'histoire  ecclésiastique,  la  sixième  à  la  numis- 


—  30S  — 

maliqiie.  Toutes  les  six  elles  se  niellent  à  l'œuvre,  et  tout 
en  explorant  les  matériaux  qui  concernent  la  partie  qu'elle 
a  particulièrement  choisie,  chacune  d'elles  consigne,  à  la 
hâte,  les  renseignements  qui  ont  de  l'importance  pour  les 
autres.  A  un  jour  donné,  on  fait  le  dépouillement  de  toutes 
les  notes  ainsi  recueillies,  et  il  se  trouve  que  nos  six  tra- 
vailleurs obtiennent  en  une  fois  tous  les  éléments  scientifi- 
ques que  chacun  d'eux  aurait  dû  rechercher  isolément  et  à 
grande  peine  dans  des  livres  et  des  documents  qu'il  aurait 
peut-être  négligés. 

En  attendant  qu'on  puisse  mettre  quelque  jour  chez  nous 
en  pratique  cette  utile  idée,  qui  suppléerait  à  de  longs  et 
pénibles  travaux,  la  Rédaction  du  Messager  des  Sciences 
veut  tenter  un  essai  qui  conduirait  au  même  but,  mais  par 
une  voie  détournée,  c'est-à-dire,  en  publiant  à  la  fin  de 
chaque  livraison  de  ce  recueil  un  questionnaire  historique, 
biographique  et  bibliographique,  aux  demandes  duquel 
nous  prions  instamment  toutes  les  personnes  instruites  et 
bienveillantes  de  vouloir  bien  répondre  {Affranchir). 

Les  Hollandais,  qui  font,  en  fait  de  science,  de  fort  bon- 
nes et  utiles  choses,  nous  ont  déjà  devancés  dans  cette 
entreprise,  en  publiant  un  recueil  périodique  sous  le  nom 
àQ,]Savorschcr  (T Investigateur).  Un  certain  nombre  de  per- 
sonnes, chargées  de  la  direction  de  cette  revue,  y  posent  une 
foule  de  questions  de  toute  espèce,  invitant  les  hommes  de 
tous  les  pays  à  leur  en  adresser  la  solution.  Ceux-ci  à  leur 
tour  sont  priés  de  faire  à  la  Rédaction  des  demandes  de 
renseignements  utiles  de  toute  nature,  et  il  s'échange 
ainsi  entre  ceux  qui  savent  et  ceux  qui  ne  savent  point,  une 
série  de  notices  historiques,  artistiques,  numismatiques, 
archéologiques ,  philologiques  et  autres  dont  tout  lecteur 
peut,  au  moins  une  fois  dans  sa  vie,  tirer  profit. 

Bien  que  nous  n'approuvions  point  toutes  les  Nîigœ 
qu'on  a  accueillies  dans  le  .Yoiorsc/K'>' jusqu'ici,  nous  avons 


—  506  — 

été  si  frappés  de  Tutilité  de  réchange  que  nous  signalions 
tout  à  riicure,  que  nous  avons  voulu  consacrer  dorénavant 
une  partie  de  notre  recueil  à  des  questions  du  même  genre  et 
aux  réponses  que  l'on  trouvera  bon  de  nous  y  faire.  Pourvu 
qu'elles  soient  sérieuses,  qu'elles  aient  un  caractère  scienti- 
fique et  qu'elles  rentrent  dans  le  cadre  de  nos  travaux  habi- 
tuels, nous  les  recevrons  toutes,  questions  et  demandes, 
avec  la  même  reconnaissance.  Nos  correspondants  qui  dési- 
reront conserver  l'anonyme,  peuvent  être  assurés  que  leur 
nom  ne  sera  point  publié. 


1.  Vliege  (PiERnE),  natif  de  GanJ.  —  Il  existe  un  beau  portrait  à  l'eau 
forte,  sans  nom  de  graveur,  de  ce  personnage,  qui  doit  avoir  été  de  son 
temps  un  célèbre  orateur,  si  nous  en  croyons  les  vers  suivants,  inscrits 
sous  ledit  portrait  : 

«  Hier  siet  ghy  uytglieheelt  dien  omit  en  wysen  man 
»  Die  eenen  Cicero  in  't  vlaemscli  besehaemen  kan; 
»  Wicns  wel  hegaefde  tongh  en  onghvmccn  vcrstandl 
»  Toi  eere,  prys  en  lof  streckt  van  syn  vaderlandt 
»  't  Welck  oock  ghetuyghen  sal  de  Amsleldamsche  stadt 
»  Die  van  hem  thooren  spreken  hceft  het  ghcluek  gehadt.  » 

Sous  le  portrait  on  lit  : 

Petrus   Vliege  ghcboren  van   Gendt. 

Au-dessus  :  ICk  VLIege  Doon  MHn  Verstant  (166i). 
On  désire  avoir  des  renseignements  sur  ce  pei'sonnage.  Quand  est-il  mort? 
Quelles  fonctions  a-t-il  occupées?  A-t-il  laissé  des  écrits? 

2.  Voyageurs  Belges.  —  Pirard  de  Laval,  né  ù  Stenibert  près  de  Ver- 
viers  vers  1370,  et  qui  résida  près  de  cinq  ans  aux  Iles  Maldives,  écrivit 
la  relation  de  son  voyage,  sous  le  titre  de  Discours  du  voyage  des  Fran- 
çais aux  Indes-Orientales.  Il  y  donna  à  la  France  l'idée  d'une  Compagnie 
des  Indes  :  celle-ci  le  nomma  son  premier  armateur.  Ce  voyage,  cité  avec 
éloge  par  Buffon  et  Raynal,  a  été  publié  à  Paris,  en  IGll,  en  1015  et 
en   167!);  existe-t-il  dans  quelque  bibliothèque  publique  ou  privée? 

G. 


—  S07  — 

3.  Diarlum  Algericnse.  —  Le  savant  historiographe  anvcrsois,  J.-B.  Gra- 

maye,  a  piil)lié  sur  les  côtes  barbaresqucs,  un  intéressant  ouvrage  sous  le 

titre  de  :  Afrlccu  itlusiratœ  libri  decem.  11  existe  ensuite  du  même  auteur  une 

deseription  de  son  voyage  à  Alger,  sous   le   titre  de  :  Diarium  Algcrknse, 

Athi,  1622,  in-S".  Quelqu'un  possèdc-t-il  ce  volume  devenu  si  rare  qu'il  ne 

se  trouve  dans  aucune  bibliothèque  publique  de   Belgique? 

G. 

4.  Foire  de  Watervliet.  —  La  commune  de  Watervliet,  en  Flandre,  avait 
autrefois  une  foire  célèbre.  Sait-on  à  quelle  époque  elle  fut  établie? 

0.  P. 

5.  Balfard.  —  Balgfard  ou  Balfard  était  au  moyen-âge  une  redevance 
seigneuriale,  dont  il  est  souvent  fait  mention  dans  les  documents  histo- 
riques de  la  Flandre.  En  quoi  consistait  cette  redevance,  et  quel  est  Fori- 

gine  de  son  nom? 

0. 

6.  Chanson  sur  le  sire  de  l'Isle-Admn.  —  Le  sire  de  l'Isle-Adam  fut,  comme 

on  sait,  un  des  principaux  assassins  de  Jean-sans-Peur  à  Montereau.  Van 

Meteben  raconte  que  ce  seigneur  fut,  quelques  années  après,  battu  par  les 

Brugeois  dans  une  rencontre  de  guerre  et  qu'à  cette  occasion  on  composa 

une  complainte  flamande  que  l'on  chantait  encore  à  Bruges  au  XVI^  siècle. 

Quelqu'un  connaît-il  celle  complainte? 

0. 

7.  De  quelle  époque  datent  chez  nous  les  églises  dédiées  à  l'apôtre  S'-Pierre. 

0. 

8.  Veuglaires.  —  On  sait  qu'au  siège  du  château  de  Poucke  en  1433, 
le  brave  chevalier  Jean  de  Lalaing  fut  tué  d'un  coup  de  vcuglaire.  Cette 
arme  qui  parait  avoir  eu  quelque  aflinité  avec  nos  canons  ou  fusils  de  rem- 
part, est  citée  dans  une  foule  de  relations  de  sièges  de  places  fortes  fla- 
mandes. Sait-on  l'origine  du  nom  de  Vcuglaire?  Était-ce  une  machine  à 
feu,  desservie  conséqucmraenl  par  la  poudre?  Ou  bien  n'était-ce  qu'une  sorte 

de  picrricr? 

K.  P. 


—   50«  — 


€l)r0nique  bfs  0nence9  et  îïes  2lrt$,  et  'Oaxxéih. 


Épitaphe  d'Éloi  Holcart.  —  Nous  avons  parcouru  un  manuscrit  d'an- 
ciennes épiiaplics  d'églises  de  Gand,  appartenant  aux  frères  Callion,  qui 
tous  deux  portent  un  amour  filial  à  tout  ce  qni  peut  intéresser  la  gloire 
de  l'ancienne  cité.  Nous  y  avons  lu  l'épitaplie  latine  de  Houcarl  ou  Hoeckaert, 
maître  es-arts  de  l'université  de  Paris,  décédé  à  Gand  vers  1540,  et  qui  a  mis 
en  vers  latins  quelques  vies  des  Saints,  telles  que  celles  de  S'-Liévin,  Bertaut  et 
S'^-Colette,  ainsi  que  les  Refcrcynen  d'Anne  Byns,  outre  qu'il  a  publié  quel- 
ques autres  ouvrages  dont  parle  Foppens  (I,  238).  Nous  ne  sachons  pas  que 
l'épitaphe  de  cet  homme  utile,  qui  tenait  une  école  à  Gand,  au  Zandberg,  ait 
jamais  été  imprimée.  Elle  nous  apprend  qu'il  trépassa  à  l'âge  de  46  ans. 

Malheureusement  l'ignorance  du  copiste,  assez  peu  clerc,  l'a  tellement 
défigurée  qu'elle  exige  des  corrections. 

Voici  comme  nous  proposerions  de  la  lire  : 

Consummavi  opus  hoc,   niihi  rjuod,   Pater  aime,   dedisli, 

Ut  fieret  per  me  docta  juventa  tua. 
Nunc  ad  te  venio,  dmn  sex  meu  compulat  actas 

Annos  atque  decem  lustra;  rude  opto  dari, 
Eligins  tuus  Houcarius  ;  per  secida  tecum 

Da  veniatn,  ob  nati  vulnera  quinque  lui. 
Tu,  qui  mors  mortis,  quae  inferna  claustra  momordil, 

Da  nohis  vitaj  dona  perrennis.  Amen. 
El,  pia  divorum  princeps,  put  mater  Jcsu, 

Scd  vitae,  Eligio  conciliato  Patrem. 

Au  lieu  de  fieret,  au  2"  vers,  le  MS.  porte  faceret;  au  lieu  de  tua,  il  donne 
sua;  le  -i"  a  rudem,  je  lis  rude;  le  Ce,  sui,  je  lis  tui;  le  7<'  commençait  par  : 
Da,  qui  mors  mortcm;  le  dernier  par  :  Sal  vivifici. 

Le  copiste  y  a  ajouté  une  noie  au  sujet  de  la  place  qu'occupait  cette 
épitaphe  dans  l'église  de  S'-Bavon  :  Priino  intrando  ad  dcxtram  sive  me- 
ridiem,  in  primo  sacello  septem  dolorum  B.  Virginis  (alias  de  Vontcapelle), 
sub  turri  in  parietc  seplentrionali  juxta  altarc  in  aerc  est  cpitaphium  ma- 
gislri  Eligii  Houcarii  ludimagistri,  in  Monte  Arenoso,  qui  obiit  4»  Novcmbris 
a»  Domini  iliii.  PR.  Van  Duyse. 


—  809  — 

TwiERnv  Merte>s.  —  Dans  les  Recherches  sur  cet  archi-typographe,  par 
De  Gand,  on  trouve  à  la  page  75,  la  descriplion  suivante  d'un  des  nom- 
breux ouvrages  de  cet  habile  imprimeur  alostois  :  Aurce  cpistole  Johannis 
Pici  Mirandule  viri  omnium  mortalium  doclissimi  cloqucnlissimique ,  etc., 
tandis  que  la  souscri]>tion  du  dernier  feuillet  porte,  d'après  l'exemplaire 
de  M.  Vergauwcn  :  Impressum  anm  Domini  M.  quingenlissimo  (sic)  nono. 
xxviii  Novembris    In-i». 

L'archiviste  Van  Duyse  possède  une  édition  postérieure  de  cet  ouvrage, 
sortie  des  mêmes  presses.  —  On  y  lit  au  dernier  feuillet  :  Anno  Domini 
M.  quingentesimo   secundo.   Oclavo  Kalcndas  Oclobris.  In-4o. 

Document  sur  le  Comte  d'Egmont,  —  On  sait  que  Philippe  II  écrivit  au 
comte  d'Egmont,  entre  autres,  les  lignes  suivantes  :  «  Ce  m'a  esté  plaisir 
d'avoir  entendu  par  vos  lettres,  que,  en  suyvant  ce  que  j'avais  mandé  à 
ma  sœur  de  faire  généralement  rcnouveller  les  sermens  que  vous  ayez  re- 
nouvelle les  vostres,  non  pour  besoing  que  je  tenois  qu'il  en  fut  pour  vostrc 
personne,  mais  pour  le  bon  exemple  que  vous  y  avez  donné  à  tous  aultres , 
que  j'espère  ils  ensuyvront.  Aussy  ne  me  ce  a  esté  moins  de  plaisir  d'enten- 
dre les  bons  devoirs  que  vous  faites  et  l'assistencc  que  vous  donnez  et  les 
offres  que  vous  aviez  faictes  à  madicte  sœur,  dont  je  vous  mereye,  etc.  » 
Quelle  hypocrisie  !!  !  quelle  duplicité!!!  ajoute  M.  Gachard,  en  rappelant 
textuellement  une  partie  de  cette  lettre,  inédite  jusqu'alors,  dans  ses  Docu- 
ments concernant  l'histoire  de  la  Belgique  (fivnxcWcs ,  1833,  p.  âiô). 

Or,  celte  missive  est  datée  du  2G  mars  15G7,  et  quelques  jours  plus 
lard  (13  avril),  le  duc  d'Albe  quittait  Madrid,  le  glaive  de  l'ange  extermi- 
nateur à  la  main. 

Des  historiens  de  l'époque  racontent  que  le  26  août  1566,  Alava,  ambassa- 
deur d'Espagne  à  Paris,  avait  écrit  à  Marguerite  pour  qu'elle  dissimulât, 
afin  de  ménager  le  triumvirat  des  Pays-Bas  qui  oflusquait  Philippe,  «  vu 
qu'il  sauroit  bien  s'assurer  d'eux  en  temps  et  lieu  et  les  punir  de  manière  à 
faire  tinter  les  oreilles  à  toute  la  chrétiennclé .  »  L'authenticité  de  cette  lettre, 
interceptée  par  les  intéressés  et  que  la  Gouvernante  argua  de  faux,  est  de- 
meurée douteuse.  Mais  un  fait  bien  sûr,  bien  authentique,  c'est  qu'au 
commencement  du  mois  de  juillet  de  la  même  année,  le  Roi  tint  pour 
agréable  le  don  que  la  Flandre  se  proposait  d'olTrir  au  comte  d'Egmont , 
comme  une  marcjue  de  gratitude  pour  le  courage  qu'il  avait  déployé  en 
différentes  circonstances  très-critiques.  Ceci  résulte  d'un  document  faisant 
partie  des  archives  de  la  ville  de  Gand,  et  conçu  en   ces  termes  .- 

«   Sur  la  remonsirancc   faicle  au  Roy  de  la  part   des  qualtrc   membres 

3G. 


—  510  — 

de  son  pays  de  Flandres,  comme  prenant  regard  à  raûeclion  que  le  Prince 
de  Gavres,  conte  d'Egmont,  gouverneur  du  dlct  pays,  portoit  et  avoil  tous- 
iours  porté  à  iceulx  et  les  peines,  travaulx  et  dangiers  qu'il^voit  passe 
pour  leur  deffence  et  luilion ,  ilz  avoienl  esté  meuz  d'accorder  au  dict 
Trince  de  Gavres  en  don  gratuit  la  somme  de  trente  mil  livres,  de  qua- 
rante gros,  monnoie  du  dict  pays  de  Flandres,  pour  une  fois,  soubz  le  bon 
plaisir  et  agréation  de  Sa  Majesté.  Sa  dicte  Majesté,  le  tenant  pour  agréa- 
ble, a  eonsenty  et  consent  que  le  dict  don  gratuit  sortisse  son  effect,  en 
la  manière  que  les  diets  quatre  membres  l'ont  advisé  et  ofl'ert,  sans  que 
ce  leur  puist  ou  pourra  tourner  à  préjudice  quelconque;  et  que  pour  tant 
myeulx  trouver  les  dicls  deniers,  ilz  se  puissent  ayder  par  telz  moyens 
que  par  l'adveu  de  leur  conuine  et  notables  ils  trouveront  myeulx  convenir. 

»  Faict  au  bois  de  Segovia,  le  vi  jour  de  juillet,  Tan  quinze  cens 
soixante  six. 

»  Ainsi  signé  par  Sa  Majesté  :  Piiles.  Cacheté  du  petit  cachet  d'icelle  sa 
Majesté.  Et  plus  bas  estoit  cscript  :  Par  ordonnance  de  Sa  Majesté,  signé 
par  le  secrétaire  Cortewille.  —  Collacionné  aux  lettres  originales  et 
trouvé  accorder  par  moi  :  signé,  M.  S.nouckaert.  » 

Une  année  ne  s'était  pas  encore  écoulée  depuis  que  le  roi  avait  signé 
cette  pièce,  et  déjà  son  juge-bourreau  répondait  à  Sabine  de  Bavière,  qui 
implorait  à  ses  genoux,  la  liberté  de  son  mari  :  Rassurez-vous,  Madame,  il 
sortira  demain  de  prison.   Il  en  sortit  effectivement. 

Et  ce  même  jour,  le  a  juin  1368,  roula  sur  l'échafaud  la  tète  de  ce  d'Eg- 
mont ,  qui  avait  frappé  de  terreur  et  mis  à  deux  doigts  de  sa  perle  la 
France,  de  ce  d'Egmont,  qui  fut  un  modèle  d"héroïsnie  chevaleresque;  mais 
qui,  avec  l'intention  d'éviter  la  guerre  civile,  n"cut  pas  l'énergie  nécessaire 
pour  comprimer  une  foule  tumultueuse,  parce  qu'il  n'avait  ni  le  cœur  dou- 
ble ni  la  main  de  fer  du  rival  de  sa  gloire  militaire. 

Pn.  Van  Divse. 

Le  GRAVEin  Wiener.  —  Le  Uoi  voulant  donner  à  M.  Léopold  Wiener  un 
témoignage  de  haute  satisfaction,  pour  la  médaille  de  feu  notre  Reine  que 
cet  habile  graveur  vient  d'exécuter,  lui  a  fait  adresser  avec  une  lettre  très- 
flatteuse,  une  superbe  bague  en  brillants,  ornée  de  son  chiffre. 

L'œuvre  importante  qui  a  valu  à  l'artiste  cette  marque  de  satisfaction  de 
S.  M.  contient  de  face  le  portrait  de  la  Reine,  très-largement  et  à  la  fois 
très-finement  modelé,  et  de  plus  d'une  ressemblance  frappante.  C'est  bien 
certainement  la  reproduction  la  plus  exacte  des  traits  de  Louise-Marie  d'Or- 
léans, reine  des  Belges,  dont  nous  avons  vu,  depuis  un  an,  tant  de  portraits 
gravés,  dessinés,  peints,  ciselés  et  sculptés.  Le  revers  est  d'un  dessin  très- 


—  su  — 

compliqué  et  très-heureusemcnl  conçu;  l'ange  protecteur  de  la  I{clj;i(iuc, 
agenouillé  au  centre,  étend  ses  bras  au-dessus  de  deux  médaillons,  et  plus 
haut,  la  Paix  et  la  Liberté  en  soutiennent  un  troisième;  dans  ces  trois  médail- 
lons sont,  très-ressemblants  aussi,  les  bustes  du  prince  royal,  du  comte  de 
Flandre  et  de  la  princesse  Cliarlolte.  Au  bas,  sur  un  ruban  qui  s'enroule 
avec  goût  dans  les  ornements  des  cartouches,  se  lit  la  divise  :  Patrice  spes 
altéra  crcsce.  Cette  composition,  agencée  avec  goiit  et  d"un  excellent  style 
numismatique,  est  ciselée  avec  beaucoup  d'art  et  de  finesse.  Tous  les  ama- 
teurs de  médailles,  toutes  les  personnes  qui  ont  conservé  le  souvenir  de  la 
reine  voudront  avoir  cette  belle  médaille,  une  des  plus  importantes,  sinon  la 
plus  importante,  qui  aient  été  faites  dans  notre  pays. 

Mesures  de  rigueur  prises  cotre  les  anciennes  Chambres  de  Rhétorique. 
—  Voici  une  nouvelle  preuve  des  mesures  que  le  gouvernement  espagnol 
crut  devoir  prendre  contre  l'esprit  hostile  qui  animait  nos  sociétés  de  rhé- 
torique à  l'époque  où  s'annonçait  déjà  de  loin  l'éruption  du  volcan  politico- 
religieux  dans  notre  pays. 

«  Très  chiers  et  bien  amez  : 

«  Les  Bailly,  Mayeur  et  Eschevins  de  la  ville  de  Renaix,  nous  ont  par 
leur  rcqueste  donné  à  entendre  que  suyvant  les  anchiennes  coustumes  de 
faire,  le  collège  iuré  de  la  Réthoricque  audict  Renailx  pour  décorer  la  feste 
de  leur  procession,  ils  avoient  institue  aulcuns  pris  pour  inciter  et  pro- 
voquer les  Réthoriciens  voisins  à  les  venir  gaigner,  nous  priant  leur  oc- 
troyer permission  généralement  pour  tous  venans  et  depuis  retraindant 
icelle  pour  quatre  -compaignies  d'Audenaerds  et  une  de  Courtray,  et  que 
leur  voulsissions  octroyer  et  pour  ceste  fois,  iceulx  de  la  Réthoricque  puis- 
sent faire  ladicte  assemblée,  et  achever  leurs  jeuz,  et  comme  au  temj)S  qui 
court,  nous  estimons  toutes  telles  assemblées,  principalement  sur  fondement 
de  jeuz  de  Réthoricque,  dangereuses  et  suspectes,  nous  n'avons  peu  accor^ 
der  ausdiclz  de  Renaix  leur  dicte  rcqueste  :  vous  en  ayant  bien  voulu  advcrtir, 
l)our  vous  requérir  et  de  par  sa  Majesté  ordonner,  si  vous  appercevez  que 
iceulx  de  Renaix  ou  aultres  voulsissent  se  advancher  de  faire  telles  assem- 
blées, que  vous  y  obviez  à  vostre  pouvoir,  sans  auleunement  les  admectre, 
puisqu'il  n'en  peult  venir  du  bien,  mais  plustost  scandale  et  inconvénient. 

»  A  tant,  très  chiers  et  bien  amez,  nostre  Seigneur  vous  ayt  en  sa  saincte 
garde. 

»  De  Bruxelles,   le  xxvij"  iour  de  May  XV^  soixante-quatre. 

»  Soubzeript  :  Margareta.  Et  tout  bas,  signé  :  V.\nder  Aa.  Et  sur  le  dos  cstoil 
escript  :  A  nos  très  chiers  et  bien  amez,  les  président  et  gens  du  Conseil 
du  Roy,  .Monseigneur,  en  Flandres.  » 


—  312  — 


Ce  document  est  transcrit  du  Registi'c  :  Placcaeten  ende  ordonnantien, 
bcginncndc  den  20  meye  1564  ende  eyndende  den  10  april  1370,  faisant  par- 
lie  de  la  collection  des  M  registres  du  dépôt  des  archives  de  la  ville  de 
Gand.  —  Nous  nous  bornons  à  ajouter  que  ni  Cops,  ni  La  Serna  Santander 
ne  font  aucune  mention  de  la  chambre  de  Rhétorique  de  Renaix. 

Pr.  y.  D. 


Hectiftfation. 


Nous  tenons  à  faire  amende  honorable  d'une  erreur  légère  qui  nous  est 
échappée  à  la  page  194.  In  cathedra  Sti-Peiri,  doit  se  traduire  par  :  le 
jour  de  la  fête  de  la  Chaire  de  S'-Pierre  ;  nous  maintenons  du  reste  nos 
allégalions,  confirmées  par  le  témoignage  du  savant  Iluliman,  1.  1.,  mais 
n'avons  plus  d'exemple  à  citer  pour  la  Belgique.  —  Nous  remercions  le 
Journal  historique  et  littéraire  de  nous  avoir  signalé  celte  inadvertance. 

V.  G. 

ERRATA. 
Année  1S50. 

Page  381,  ligne  18,  au  lieu  de  ercdi,  lisez  :  credi. 

381,  ligne  2  (note),  au  lieu  de  étranglé,  lisez  :  étranglée. 

532,  lignes  2  et  28,  au  lieu  de  Dulloz,  lisez  :  Dalloz. 

533,  ligne  16  et  27,  au  lieu  de  Hanegraaf,  lisez  :  Ilanegraeff. 

Année  1S51. 

Pag.  242,  ligne  14,  au  lieu  de  du  vers,  lisez  :  des  vers. 

244,  ligne  14,  au  lieu  de  les  résultats,  lisez  :  le  résultat. 
249,  vers  16,  au  lieu  de  Jonk,  lisez  :  Konk. 

249,  dernière  ligne  de  la  noie,  au  lieu  de  abstenus,  lisez  :  abstenus. 
230,  vers  13,  au  lieu  de  pompeu,  lisez  :  rompeu. 

250,  ligne  18,  reuardcreyc,  lisez  :  uuardereye. 

251,  ligne  2,  au  lieu  de  adone,  lisez  :  adonk. 

532,  ligne  dernière,  au  lieu  de  Waitzen,  lisez  :  Waasen-Wilden  (Styrle). 
407,  ligne  13,  au  lieu  de  quarante -six,  lisez  :  trente-six. 


SIS 


TABLE   DES   fôiATIÈRES. 


ANNÉE  1851. 


notices  et  IDisscvtationa, 

Reconslruclion  du  campanillc  du  Beffroi  de  Cand 1 

Essai  sur  les  relalions  commerciales  des  Belges  avec  le  nord  de  ritalic 
et   particulièrement   avec  les   Vénitiens ,    depuis    le  XII''   jusqu'au 

XVI«  siècle;   par  Alexandre  Pincliart 9 

David  Lindanus,  sa  famille,  ses  amis;  par  Léon  de  Burbure  ....       26 
Antiquités   cclto-germaniques,  gallo-romaines  et  gallo-franques,  trou- 
vées sur  le  territoire  de  Renaix  et  dans  les  communes  environnantes; 

par  E.  Joly •4a 

Félix  Bogacrls;  par  Pli.  Kervyn  de  Volkaersbcke  .......       39 

Les  Passe-temps  d'un  greffier  d'autrefois;  par  Jules  Borgnet ....       65 

Des  pierres  sphéroïdales  taillées  anciennement,  etc.;  par  Désiré Toilliez.       80 
Campagne  du  corps  d'exécution  dans  le  pays  de  Liège,  en  1790;  ti'a- 

duit  de  l'allemand  par  II.  Hclbig 93 

Notice  sur  le  baron  Arnoul  de  Ville;  par  Ch.  Piot 104 

Cheminée  de  Courtrai  (explications  complémentaires);  par  J.  de  Saint- 
Génois     109 

La  bibliothèque  de  Bossuet;  par  J.  Petit  de  Rosen 112 

Les  Ducs  de  Bourgogne,  études  sur  les  lettres,  les  arts  et  Tindustric 
pendant  le  XV»  siècle;  par  le  comte  de  Laborde,  membre  de  l'Insti- 
tut. Par  Kervyn  de  Lettenhove 115 

Un  mot  à  propos  des  Annales  de  l'imprimerie  elsevirienne,  par  Charles 

Pieters.  Par  P.  C.  Van  der  Mccrsch 150 

Demande  d'informations  touchant  les  chartes  accordées  à  la  ville  d'Am- 
sterdam par  les  comtes  de  Hollande,  de  la  maison  de  Ilainaut;  par 
P.  Sclicllcma 15a 


—  su  — 

Noticeanalytique  et  raisonnée  du  catalogue  du  Musée  d'Anvers,  rédigé 
par  M.  Jean-AlfreJ  De  Laet,  professeur  agrégé  à  l'Université  de 
Gand,  et  publié  par  le  Conseil  d'Administration  de  l'Académie  royale 

des  Beaux-Arts.  Par  Théodore  Van  Lerius.  I^e  partie 133 

Idem,  2e  partie 273 

Additions  et  rectifications  au  même  article 488 

Eludes  sur  le  commerce  de  la  Flandre  au  moyen-âge.  —  Les  Foires. 

—  Par  V.  Gaillard 193 

Emblèmes  municipaux  du  moyen-âge.  Par  Alexandre  Schaepkens.     .     221 
Récit  de  la  guerre  de  loiS,  par  Gérard  Le  Prince,  contemporain.  Par 

Alexandre  Pinchart 228 

Le  Pont  de  .Meuse  à  Maestricht,  ou  quelques  additions  aux  notes  pour 
une  future  biographie  de  Frère  Romain,  architecte.  Par  Ch.  de  Chê- 
nedollé 232 

Raoul  de  Créqui,  poème  inédit.  Par  M.  De  Ring 24-2 

Prix  quinquennal  d'histoire,  rapport 262 

Rapport  sur  l'état  des  monuments  historiques  et  artistiques  de  la  ville 
de  Gand,  rédigé  au  nom  de  la  commission  instituée  pour  leur  con- 
servation, par  Ph.  Kervyn  de  Volkaersbeke 31a 

Suite  au  même  rapport Ml 

De  lautorité   des   Ducs  de  Brabant  sur  la  ville  de  Maestricht.    Par 

-41exandre  Schaepkens 339 

Date  de  la  fête  de  S'-Burchard.  Par  le  chevalier  de  Bonàr     ....  543 
Notice  historique  sur  une  verrière  à  l'église  de  IN'otre-Dame  à  Anvers. 

Par  P.  Génard 533 

Gelehrte  Anzeiger,  herausgcgeben  von  milgliedern  dcr  K.  Bayer.  Aka- 

demie  der  wissenschaften.  Par  L.  Warnkonig 564 

Restes    d'architecture   civile  privée  du  moycn-àge,    à  Gand  (XlVe  et 

XVe  siècles).  Par  Jules  de  Saint-Génois 374 

Notice   historique  sur  l'ancien  château  de  Bourgogne,  à  Audenarde. 

Par  Edmond  Van  dcr  Straeten 583  et  427 

Jean  de  Venloo,  fondeur  du  XV«  siècle.  Par  Arn.  Schaepkens     .     .     .  407 

Robert  Relias  d'Huddeghem,  par  K.  de  V 417 

Une  œuvre  inédite  de  Martinetz  Pasqualis.  Par  D 466 

L'étendard  de  Brabant,  au  moyen-âge  ;  par  M^"  De  Ring.     ,     .     .     .  473 

La  commune  de  Loo,  par  Van  Duysc 498 

Questionnaire  historique,  biographique  et  bibliographique   ....  504 


—  515  — 


€l)r0nique  bca  $ciaxcc$  et  tf($  ^vla» 

Anciennes  Archives  d'Afllighcm 148 

Médaille  de  Ducangc 149 

Histoire  des  Béguines  belges 150 

ttelgica,  collection  de  1660  brochures Ib. 

Livre  de  lectures  historiques  belges Ib. 

Le  Moyen-âge  et  la  Renaissance 132 

Vente  de  la  Galerie  Van  Saccgheni,  à  Gand 269 

Découverte  d'une  pierre  tumulaire  de  deux  abbés  de  S'-Bavon,  à  Gand.  271 

Société  royale  des  Beaux-Arts,  à  Gand Ib. 

Médaille  à  la  mémoire  du  baron  de  Reiffenberg Ib. 

Tombeau  de  Godefroi  de  Bouillon  et  de  Baudouin  de  Constantinople.     .  76. 

Académie  royale  de  Belgique.  Programme  des  questions  à  résoudre  .  272 

Prix  quinquennaux Ib. 

Troisième  Congrès  littéraire  hollando-bclge 410 

Quel  est  le  vrai  nom  de  Roland  De  Lattre? Ib. 

Concours  dramatique  institué  parla  Société  des  Gens  de  lettres  belges.  413 

Ancienne  pièce  d'artillerie  trouvée  à  Ilonfleur 414 

Tombeau  de  l'architecte  Van  Overstraeten 415 

NÉCROLOGIE  :  Joseph  .Mengal Ib, 

Épilaphe  d'Éloi  Houcart 508 

Thierry  Martens 509 

Document  sur  le  comte  d'Egmont Ib. 

Le  graveur  Wiener  .     , jjlO 

Mesures  de  rigueur  prises  contre  les  anciennes  chambres  de  rhétorique  31 1 


'?; 


3^:: 


—  SS6  — 


CirPavei^'cs  et  LSiBiogB*np!ilcs». 

^.  Plan  du  nouveau  Campanille  du  Beffroi  de  Gand  (Ch.  Ongliena)  .  1 

2.  Antiquités  celto-gcrmaniques,  etc.,  pi.  XIV ,     .  4a 

3.  Fac-similé  d'une  chanson  notée  du  XV^  siècle 79 

A.  Buste  de  Philippe  V,   roi  d"Espagne 133 

5.  Sceaux  en  usage  aux  XI I^  et  XlVe  siècles 223 

6.  Sceaux  civils  et  ecclésiastiques  du  XIV«  siècle 224 

7.  Sceau  double.  XIN"  cl  XV^  siècles 226 

8.  Portrait  de  Joseph   Ghesquière 298 

Portrait  de  Jacques  De  Bue 209 

10.  Église  de  S'-Sauveur,  à  Gand  (Ch.  Oughena) o29 

11.  Armoiries  de  la  famille  de  Nassau 361 

12.  Ruines  d'architecture  privée  du  moycn-àgc  ù  Gand  (Ch.  Onghena).  574 

13.  Fonts  de  Tcglise  de  S'-Martin  à  Wyk-Macslricht  (1482)     ...  407 

14.  Portrait  de  Robert  Ilclias  d'IIuddcghcm  (Ch.  Onghena).     .     .     .  417 
16.  Ostensoir  en  vermeil  de  l'église   de  S'-Jacqucs,  à  Gaud  (Idem)  .  4G0 


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